UNIVERSITE DE POITIERS
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES
LES PARLEMENTS DANS LES ETATS
D'AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE:
ESSAI SUR LE BURKINA FASO,
LA COTE-D'IVOIRE, LE SENEGAL ET LE TOGO
THESE DE DOCTORAT DE DROIT PUBLIC
présentée et soutenue par
Monsieur Moctar TALL
sous la direction de Monsieur le professeur J. P. DUPRAT
JURY
Président
M. J. P. DUPRAT
Suffragants
MM.

La Faculté de POITIERS n'entend donner aucune approbation ou
improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être
considérées comme Propres à leur auteur.

J'adresse, tout particulièrement, mes remerciements à monSIeur le
professeur J.P. DUPRAT pour avoir accepté, malgré ses multiples tâches
académiques, de diriger ce travail dans ses débuts et d'être resté à ma disposition
tout au long de sa préparation.
Mes remerciements s'adressent aussi à M. et Mme J.L. GOUSSEAU, à
leurs fils, pour leur témoigner ma reconnaissance et mes sincères amitiés ;
A
MM.
Pierre
LAGORCE,
député-maire
de
Langon,
G.K.
OUEDRAOGO, président de l'Assemblée nationale voltaïque, J. KI-ZERBO,
leader de l'UPV, L. BANDAOGO, président de l'Assemblée législative
voltaïque, pour les informations données.
Enfin, à MM. P. LEJET et R. KACI, à tous ceux qui ont contribué à la
mise en forme de ce travail.

* A tous les patriotes morts pour la liberté
de l'Afrique - mon FASO.
* A feu ma soeur,
TALL Néné Aïssata Maka Ayé,
* A mes parents, ami(es), camarades,
* A Muriel.

INTRODUCTION

-
1 -
"Chambre d'enregistrement" pour les uns, "tribune privilégiée" pour les
autres l, tels sont les jugements les plus partagés sur l'institution parlementaire
dans les Etats d'Afrique noire francophone, après un quart de siècle
d'indépendance. La contradiction qui ressort de ces propos constitue une sorte
d'invitation à étudier de près la réalité des parlements qui, par un singulier
paradoxe, n'ont guère retenu le meilleur de l'attention de la doctrine
"africaniste" ou "africaine"2. C'est à la tentation de combler une lacune que
nous cédons dans le cadre de cette thèse relative aux "Parlements dans les Etats
d'Afrique noire francophone".
Ainsi annoncée, une telle retlexion pose d'emblée une série de questions
gravitant autour de la place de l'institution réprésentative dans les systèmes
politiques multipartisans et monopartisans actuels.
Ces interrogations semblent se resumer dans le titre fort éloquent d'un des
écrits de M.A. Chandernagor: "Un parlement pourquoi faire? 3.
1
Pour concrétiser ces idées,
la référence aux acteurs de la
vie politique nous a semblé adéquate: M. L. Gbagbo, "Côte d'Ivoire
: Pour une alternative démocratique",
Paris Ed.
l'Harmattn 1983 ;
Conférence
de
presse
de
M.A.
Wade
à
Paris
en
1978
in
"les
institutions des Etats d'Afrque francophone et de
la République
Malgache",
Paris,
Ed.
Economica 1979,
page 131 à 134
;
également
l'article de M.J. KI Zerbo "ne tuons pas l'enfant", Observateur nO
1377 du jeudi 15 juin 1978.
2
Nous
avons
consulté,
le
fichier
des
"thèses"
de
la
Bibliothèque
Universitaire
de
Poitiers,
celui
de
Bordeaux
(C.E.A.N),
les revues "Lardan Ecole des Hautes Etudes en Science
Sociales,
centre
d'études
africaines.
Thèses
africanistes"
et
"A.F.I.R.D. : Association Française des Instituts de Recherches sur
le Développement; liste des thèses soutenues sur le Tiers-Monde",
mais notre recherche a été infructueuse.
3M.A. CHANDERNAGOR, "Un parlement pourquoi faire ?", Gallimard
1967,
PARIS.

- 2 -
En effet, prenant à témoin les données et renseignements ayant trait aux
assemblées réprésentatives des démocraties libérales occidentales l, il est
symptomatique de remarquer que si les parlements ont connu leur âge d'or et,
partant, remplissaient traditionnellement des tâches très variées se resumant non
exhaustivement aux fonctions de réprésentation, de délibération, de sélection et
de contrôle du gouvernement, en revanche, de nos jours, force est de constater
leur déclin évident qui se manifeste essentiellement par le recul sur le triple plan
de leurs pouvoirs financiers, de leurs pouvoirs législatifs et de leurs pouvoirs de
contrôle.
En Afrique, en général, et dans se partie subsahélienne d'expression
francophone, en particulier, le déclin semble plus accentué du fait de
l'environnement socio-politique existant 2.
Ce constat relatif est à l'abri de critiques objectives pour plusieurs raisons
d'une part, il convient de souligner que les assemblées parlementaires
africaines sont, pour la grande majorité des cas, des transplantations de modèles
de l'ancienne puissance tutélaire. Or, plusieurs études l'attestent 3, l'institution
réprésentative occidentale n'est plus la clé de voûte des régimes parlementaires
européens et l'alter ego de l'exécutif sinon le contrepoids à sa toute puissance
dans le régime présidentiel américain ; d'autre part, les attributions fort
rationnalisées de ce parlement transplanté seront davantage plus réduites encore
que ne l'étaient celles du modèle de référence à cause de l'existence d'une
infrastructure politique, économique, sociologique et culturelle particulière à ces
Etats de souveraineté politique recemment acquise.
1
Consulter
les
traités
et
ouvrages
classiques
de
Droit
constitutionnel.
Sans
être
exhaustif,
voir MM.
C.
DEBBASCH,
J.
BOURDON,
J.M.
POUTIER,
J.C.
RICCI,
"Droit
constitutionnel
et
institutions politiques",
Economica,
PARIS,
1983.
M.G.
BURDEAU,
"MANUEL
de
Droit
Constitutionnel
et
institutions
politiques",
PARIS,
L.G.D.J.,
1984,
20e ED.
i
MM.
A.
HAURION et J.
GICQUEL,
"Droit
constitutionnel
et
institutions
politiques",
ED.
MONCHRESTIEN,
PARIS,
1980.
2 Voir M.P.F.
Gonidec,
"Les systèmes politiques africains", 2e
ED.,
L.G.D.J.,
PARIS,
1978
i
M.P.M. ROY,
"Les systèmes politiques
du Tiers-Monde",
L.G.D.J.,
paris,
1977.
3
On peut consulter, outre les éléments de bibliographie déjà
occidental.

- 3 -
Des développements ci-dessus menés, on reste toujours perplexe sur
l'opportunité du parlement dans les systèmes politiques africains où l'exécutif est
le pouvoir tout court et, de ce fait, ne supporte pas de contre-pouvoirs.
Pourtant, sans porter préjudice à l'analyse envisagée ci-après, cette étude
est intéréssante à plusieurs égards.
En effet, ne remettant nullement en cause le caractère indispensable de
l'institution de
réprésentation dans
le système constitutionnel africain,
l'investigation permettra d'appréhender les aspects mimétiques et, à travers cette
approche, d'infirmer ou de confirmer l'idée relative à l'existence d'un modèle
africain d'assemblée parlementaire.
Cela dit, en raison de son objectif et de toutes les influences subies par
l'organe de réprésentation nationale africaine, une telle étude ne peut être menée
sans que soient précisées au départ certaines réalités historiques.
Ainsi, au risque d'affirmer des évidences, rappelons que les Etats
africains, Etats "mous" selon l'expression de Gunnar Myrdal, de souverainetté
récemment acquise, ont, par une réceptivité globale ou partielle 1,
transplanté le modèle de l'Etat classique occidental. Et c'est dans ce
cadre qu'ont été adoptées la théorie de la souveraineté nationale et
ses corollaires démocratie représentative et assemblée parlementaire élue au
suffrage universel direct 2. C'est pourquoi, il convient de décrire
brièvement la génèse et l'évolution des institutions représentatives
dans l'Etat français qui, en raison de notre géopolitique de référence
(1'Afrique noire francophone), constitue l'Etat occidental le plus
directement impliqué. Ce retour aux sources (au moins idéologiques) des
1
L'appréhension
de
la
diversité
et
de
la
complexité
des
systèmes juridiques Africains est abordée de façon judicieuse par
M.J. Vanderlinden, "les systèmes juridiques Africains", Que sais-je
?

2103,
Paris
P. U. F.
1983.
Egalement,
une
consultation
des
travaux du colloque de la Sorbonne "la vie du droit en Afrique"
dans
"Dynamiques
et
Finalités
des
Droits
Africains"
Paris,
Economica 1980,
est très intéressante.
2
L'article de Mme.
C.
Desouches nous
a
été d'un excellent
enseignement
"Les
Parlements Il
dans
"les
institutions
constitutionnelles des Etats d'Afrique Francophone et de République
Malgache Il Op. Cit. Page 95 â 138.

- 4 -
régimes africains actuels doit s'accompagner d'lll1e étude rétrospective qui nous
permettra de décrire les expériences africaines d'institutions représentatives de
l'Antiquité à nos jours, en observant - par un découpage apparemment arbitraire
mais logique - ces expériences avant et depuis les années 1960, c'est-à-dire,
depuis ce qui est convenu d'appeler indépendances africaines l . Ces
développements préliminaires nous permettront d'éprouver la difficulté de notre
recherche et la nécessité d'utiliser lll1e méthode adaptée.
1 -GENESE ET EYOLUTION DES INSTITUTIONS REPRESEN-
TATIVES EN FRANCE
Situer dans le temps et dans l'espace la première manifestation de la
représentation politique est chose difficile : alors que Montesquieu, se référant
aux peuplades germaniques de l'Europe centrale, affirme que le ''beau régime a
été trouvé dans les bois", le doyen Duguit estime au contraire qu'il a été élaboré
à Rome et
Cheick Anta Diop choisit, pour sa part, l'Egypte antique" 2. Fort
heureusement, notre propos n'est pas d'entrer dans cette controverse quelque peu
académique, mais de nous limiter, pour les raisons déjà évoquées, à la France en
envisageant successivement les différentes phases qu'a connues le système de
représentation dans ce pays.
A - Naissance de la représentation politique en France
TI est notable de souligner le caractère hasardeux de l'apparition du
système, fruit des nécessités du moment. Partant, au-delà des incertitudes sur
l'origine exacte des premières réunions, l'accord semble se réaliser autour de
l'initiative, prise par le roi Philippe le Bel en 1302, de convier les notables du
royaume pour l'assister dans le conflit qui l'oppose au pape Boniface XIII. De là,
on perçoit aisément le cadre monarchique des futures institutions sur lequel
quelques observations s'imposent.
t La notion d'indépendance en Afrique pose problème. On rattache et attribue les
difficultés de ce continent au caractère fictif (juridique) de cette souveraineté.
Voir M.R. Lemarchand, "Quelles indépendances 7", Revue Pouvoirs n025, page 131
et suivantes. Egalement, M.A. Nikiéma "Evolution du régime politique de la Haute
Volta depuis l'Indépendance", thèse de droit public, Poitiers, Février 1979.
2
Voir
professeur
A.
Esmein,
"Elément
de
droit
constitutionnel
Français
et
comparé", Paris, Librairie
de la société
de
recueil des
lois et arrêts.
1903
;
professeur P. Duguit, "Leçons de droit public général faites à la Faculté de Droit en
Egypte", Paris, Ed. de Broccard 1926 ; M.C.A. DIOP, "Etude comparée des systèmes
politiques et sociaux de l'Europe et de l'Afrique, de l'antiquité à la formation des
Etats modernes", Thèse de Doctorat en Lettres. Paris, 1959.

- 5 -
En effet, contrairement à' la structure anglaise (une monarchie
d'importation normande, hiérarchisée et très puissante)l, la monarchie française,
au moyen âge, était très faible face à une multitude de puissants seigneurs
féodaux. Cette spécificité est d'importance, car sans préjudicier à notre analyse
ultérieure, elle sera un frein à l'évolution normale des institutions
représentatives. li faut ajouter, au passif de cette monarchie, le mauvais
fonctionnement et l'irrégularité dans la convocation des états généraux. De ce
constat, procèdent plusieurs remarques, toutes relatives aux règles de
fonctionnement, aux structures de cet embryon de représentation.
D'abord, l'explication de la réunion des Etats généraux autour du roi peut
être saisie à travers le devoir d'aide que les vassaux du royaume lui devaient. TI
s'agissait, pour ces derniers, d'une obligation de fournir des subsides, des forces
armées et des conseils (dans la solution de certains problèmes) au suzerain, cette
obligation était dûment assortie de sanctions. Certes, en accord avec A. Esmein2,
il ne pouvait s'agir d'une véritable consultation nationale, mais l'intérêt de cette
représentation embryonnaire était d'autant plus remarquable qu'elle aurait pu
permettre aux représentants de réduire de façon progressive la toute-puissance
royale à la manière anglaise.
Ensuite, l'émergence d'obstacles pratiques à la réalisation de ce devoir
d'aide au monarque incita les ordres à trouver une formule adéquate de
délégation des pouvoirs. Au nombre des difficultés peuvent être mentionnés
l'état archaïque des infrastructures, l'insécurité des routes, le coût des personnes
concernées... Mais plusieurs pratiques étaient de vigueur selon les trois ordres.
Ainsi les abbayes utilisaient le principe de l'élection par la désignation de leurs
hiérarchies alors que la procuration était de coutume chez les prélats et barons.
Quant aux "bonnes villes", la désignation des représentants interviendrait à la
suite d'une délibération de l'échevinage.
1 Une approche a été faite par le professeur A. Esmein dans l'ouvrage précité et
aussi par le professeur J.P. Duprat, Conférence de Doctorat portant le thème spécial
"Le régime représentatif" en 1981 - 1982 à Poitiers.
2 Toute chose étant égale par ailleurs, l'analyse du professeur A. Esmein sur la
genèse de la représentation nationale en Grande-Bretagne in "Elément de Droit
constitutionnel français et comparé" op. cH. page 52 à 53, nous amène à cette
constatation. De
mé me, M.C. Soule in "La notion historique de représentation
politique" op. cit. n'annonce-t-il pas cela en décrivant les écueils du système sous
l'ancien régime ?

- 6 -
En présence d'une telle multitude de procédés de désignation, les états
généraux de Tours, en 1974, adoptèrent la pratique des communautés
religieuses. Consacrée dès lors comme principe, la gestion de la nature des
rapports entre les mandants et les mandataires se posait.
Abordant le sujet, M. J.P. Duprat note : «on pourrait comparer les Etats
généraux à une assemblée de caractère diplomatique, où les représentants des
états ont des compétences strictement définies.»l Le caractère pertinent d'une
telle observation n'est-il pas révélateur de la particularité du mandat liant le
député aux représentés ?
Contrairement à l'évolution anglaise marquée par une substitution
progressive (et ce dès le XVIlè siècle avec l'affaiblissement de la monarchie) au
mandat impératif du mandat représentatif2, les liens entre les élus et leurs
électeurs sous l'Ancien Régime étaient une réplique des rapports féodalo-
vassaliques existant à cette époque. Les mandants n'étaient chargés que d'aller
auprès du roi pour "ouïr et rapporter". De ce fait, ils devaient se référer, en
toutes circonstances, aux recommandations contenues dans les cahiers de
doléances pré-établies. Ainsi, dans le but d'enserrer cette obligation dans tout un
ensemble de règles juridiques absolues, l'acte de délégation des pouvoirs était
passé devant notaire pour authentification. Peut-on, de ces quelques traits
relatés, déduire la faiblesse des états généraux face à une monarchie absolue ?
L'analyse des réunions autour du roi révèle des situations tantôt d'équilibre
des forces, tantôt de victoire et d'échec de l'une ou l'autre partie. Ainsi, en 1560,
le souverain François II, conviant les états génémux à lll1e réunion dont l'objet
portait sur la réformation du royaume et l'examen de l'état des finances, va
s'éteindre. Cette disparition, aux yeux des élus, posait problème : dépourvus
d'instruction, ils étaient astreints à retourner dans leurs braillages. Mais par une
habilité judicieuse, la régente, entourée du Conseil, fit échec aux réticences des
représentants.
1 M.j.P. Duprat, cours de Droit constitutionnel, op. cit.
2 La particularité et l'identité des structures monarchiques et féodales françaises
et anglaises sont traitées par le professeur A. Esmein dans son ouvrage déjà cité de
la page sa et suivantes. Il ressort de l'analyse de M.C. SOULE, déjà évoquée, des
enseigne ments notables sur l'attitude des Etats généraux face à la monarchie
absolue française. On peut résumer ces comportements par deux traits: d'une part
les Etats généraux se montraient intransigeants face aux exigences royales mais,
d'autre part, du fait de leur inorganisation, ils se voyaient "sou mis" à la volonté du
monarque.

- 7 -
En revanche, c'est d'ailleurs l'originalité française, force est de reconnaître
qu'en dépit des oppositions souvent répétées des élus, le dernier mot revenait au
souverain, contrairement à l'exemple anglais. Donc, le système s'est révélé
inefficace à associer progressivement le peuple à "l'action royale". C'est ce
divorce, selon M.C. Soule, qui fut sanctionné en 1789. D'où l'intérêt d'aborder
cette période.
B - Le XIXè siècle ou l'âge classique des institutions re,présentatives
en France
Mfirmer péremptoirement que le XIXè siècle est "l'âge d'or" des
institutions représentatives dans ce pays, c'est lui reconnaître son caractère
novateur, en ce sens qu'il a, par la théorie de la souveraineté nationale, valorisé
le principe représentatif et, Par conséquent, achevé le processus de formation de
la rePrésentation politique engagée sans l'ancien régime.
En effet, après la révolution de 1789, les juristes de la période
révolutionnaire se séparent - par la constitution de 1791 - de la vieille notion de
souveraineté monarchique en optant pour un fondement libéral du pouvoir
politique avec la notion nouvelle de Nation. Ainsi est-il stipulé dans le texte
constitutionnel de cette époque, au titre 3 en son article 2 : "La Nation de qui
seule émane tous les pouvoirs ne peut plus les exercer que par délégation. La
Constitution française est représentative : les représentants sont le corps
législatif et le roi. "1
Ce choix prononcé par la notion de souveraineté nationale (donc de la
nation) impose quelques réflexions sur elle avant de poursuivre notre analyse.
Pour ce faire, nous évoquerons succinctement l'existence de différentes théories
relatives aux fondements du pouvoir.
TI y a eu tout d'abord la doctrine de l'Etat-Objet ou patrimonial, attribuant
la souveraineté au prince, puis celle de l'Etat-Nation dans laquelle la nation
détient le pouvoir souverain, enfin celle de l'Etat-Puissance qui a été élaborée
1 Voir M.M. Duverger, "Constitutions et Documents politiques", Paris, P.U.F. 1978,
page 13.

- 8-
par les Allemands. Au regard de cette dernière, la souveraineté n'appartient ni au
prince ni à la Nation, mais à l'Etat en tant que personne morale 1.
De ces énumérations, il ne fait aucun doute que les constituants, ayant tiré
les amères leçons de pratiques de l'ancien régime, n'avaient en vue que la
souveraineté nationale, avec la conception de la nation en tant que corps abstrait,
donc indivisible. D'où, il ressort une nette prépondérance de l'Assemblée
(organe collégial), pilier du nouveau système de représentation nationale.
Par l'approche historique ainsi faite, s'est dessiné le long et sinueux
cheminement des institutions représentatives, de l'ancien régime à l'après - 1789.
Mais la restriction de notre analyse à cette période serait subjective si on n'y
associait pas la crise afférente à ce système.
c -La crise du système représentatif
L'évolution dynamique de la société française, passant d'un système
capitaliste libéral à une économie "technicisée et informatisée", n'a pas manqué
de porter un coup appréciable à la logique originelle de ce système de
représentation qui, comme nous l'avons affIrmé antérieurement, excluait le
mandat impératif. Il découle de tout cela que l'interdiction est en passe de
devenir... la règle2.
Sans trop nous y appesantir, il semble établi, et plusieurs études l'attestent,
que les liens entre le député et sa circonscription d'une part, avec les groupes de
pression d'autre part et enfm avec le parti politique3, sont d'une telle évidence
que ceux-ci remettent en cause la logique évoquée antérieurement. n s'agit là
d'atteintes réelles au système toujours en vigueur dans les Etats de démocratie
occidentale en général et en France en particulier. C'est ce qui motive et justifie
1 L'exposé et la critique de ces théories de souveraineté ont été faits par le
professeur L. Duguit in "Leçons de Droit Général faites à la Faculté en Egypte" op.
cit. page 125 à 138. Voir, à cet égard, V.E. Orlando, "Du fondement juridique de la
Représentation politique", R.D.P. 1985.
2 A propos de la crise du régime représentatif nous avons consulté: M.D. Turpin,
"Critiques de la représentation", Revue Pouvoirs n07, 1978, page 7 à 16 ; M.P.
Vineret, "Les Partis Politiques, l'Etat et la Démocratie", Idem, page 17 à 24 ; M.H.
Weber, "Représentation et Révolution. Réponses à six questions", Idem, page 33 à
45 ; M.P. Ardant, "Les exclus", Idem, page 47 à 62.
3 Pour plus de précisions sur la nature et la fonction des groupes de pression en
France,
voir
M.R.G.
Schutartzenberg,
"Sociologie
Politique",
Paris,
Ed.
Montchrestien 1974, page 586 à 667 ; M.]. Meynaud, "Les groupes de Pression en
France", Paris, 1968.

- 9 -
les nombreuses solutions à ces déviations. L'inventaire et les observations sur
ces remèdes ne feront pas l'objet de notre étude1, mais il serait intéressant de
noter qu'au nombre de ces solutions, l'accent était mis sur les techniques de la
démocratie semi-directe : le référendum, le veto populaire, la décentralisation,
voire de nos jours les sondages d'opinions2.
A cette époque s'ajoute l'influence de pratique traditionnel en Afrique.
II - LES EXPERIENCES AFRICAINES D'INSfITlITIONS
REFRESENTATIVES
L'inventaire des traditions et des structures politiques en Afrique noire
pré-coloniale a eu pour mérite de montrer l'existence de différents types de
régimes, mais n'a pas manqué de soulever de nombreuses controverses : alors
qu'un premier groupe de chercheurs estiment que l'Afrique noire a connu trois
types de sociétés (des sociétés à structures politiques diffuses, sans chefferie et
peu organisées dans les régions forestières et côtières; des sociétés beaucoup
plus organisées, hiérarchisées et très étendues chez les Baoulés, Zoulous et
Bacongo ; des sociétés à structures féodales dans les savanes en pays mossi et
wolof par exemple), le second affrrme avec autorité, et c'est là l'originalité, que
tout le continent noir était couvert de monarchies constitutionnel1es3• Cependant,
sans trancher ce débat, nous pensons qu'au-delà de l'apparente diversité de ces
sociétés, les identités (d'organisation) l'emportent : deux exemples typiques - les
sociétés mossi et wolof (actuellement dans les républiques respectives de Haute-
Volta et du Sénégal) - nous permettront de l'illustrer.
1 Concernant les solutions envisagées plusieurs auteurs se sont exprimes dans la
Revue Pouvoirs déjà citée : M.F. Bloch-Lainé, "Les associations comme contre-
pouvoirs", page 107 à 113, M.H. Portelli, "Démocratie représentative, démocratie de
base et mouvement social", page 95 à 106.
2 Idem.
3 Les premiers ont une position nuancée. en somme l'A.B.C. de l'histoire enseignée
en Afrique: Voir rapport de la commission sur les "institutions politiques" de la
Rencontre Internationale de Bouaké sur le thème "Tradition et Modernisme", Paris
Ed. du Seuil 1965, page 217 et suivantes; M. Ki-Zerbo, "Histoire de l'Afrique Noire",
Paris, Librairie Hatier 1971 ; les seconds ont une position dogmatique mais très
cohérente : M. C.A. Diop ouvrage déjà cité, page 57 à 58. Pour une compréhension
de son argumentation voir également "Nations Nègres et Culture" Tome 1 et II,
"l'Unité
culturelle
de
l'Afrique
Noire",
respectivement,
Paris,
Ed.
Présence
Africaine 1979.

-
10 -
A - Vers un achèvement d'un système spécifique de
représentation politique
Evoquer le système de représentation dans l'Mrique noire précoloniale
revient à analyser les différents conseils et assemblées "populaires"
consultatives de ces sociétés traditionnelles l . Avant de nous y attacher, une
sommaire description des structures internes serait nécessaire.
a) Structures internes
La société traditionnelle africaine comportait des hommes libres et des
esclaves. Parmi les premiers (gor en wolof et talga en moré), il y a eu une
subdivision en personnes libres sans profession manuelle (autre que
l'agriculture, sacrée), les nobles en somme (Ger et Nakomsé) et ceux qui sont
artisans (Néno en wolof). Quant aux seconds (Djam ou Yamba), ils se
distinguaient en importance et en honneur selon leur dépendance. Ainsi le captif
du Roi se verra chef de l'infanterie du royaume (Djam-Bour et Samandé Naba),
ministre des fmances royales (Rassam Naha ou Bingo Naba chez les mossi), et
représentants des courtisans du roi (Diawerige M'Boul Galla en pays wolof). De
ces premières observations il ressort quelques traits de la réelle participation des
couches sociales africaines à la fonction politique2. (Les esclaves y participant,
une déduction peut se faire quant à celle des nobles).
b) La représentation politique dans les monarchies mossi et valaf
La simple référence à l'organisation politico-administrative des systèmes
politiques de l'Afrique antique (hameau, village, province) dicte notre choix
pour la délimitation de cette étude aux deux sortes d'institutions représentatives
ayant pour siège la capitale: le Conseil du roi et les Assemblées "PQpulaires"
consultatives3•
1 II faut entendre par l'expression "Sociétés Traditionnelles", l'Afrique noire avant
la colonisation tant arable que judéo-chrétienne.
2 Les des divisions dans le système de castes en Afrique précoloniale, la dévolution
du pouvoir et son exercice sont largement analysés par M. C.A. Diop dans sa thèse
précitée. De même, M.K.A. Dédo, "Autorités traditionnelles et pouvoir politique au
Togo", Mémoire de D.E.S.S. en science politique, Poitiers,
1976, donne quelques
traits de la question.
3 Traitant d'une Afrique déjà "islamisée", l'étude de M.T. Diallo, "les institutions
politiques, du Fouta Dyallon au XIXème siècle, Université de Dakar, I.F.A.N. 1972, est
d'un enseignement notable sur la représentation en Afrique Noire. Par ailleurs,
en sus du mémoire déjà évoqué de M.A.K. Dédo, abonde dans le méme sens, M.C.O.
Diawara, "Autorité traditionnelle et pouvoir politique en Haute Volta", Mémoire de
D.E.s.S. en Science Politique. Poitiers 1976.

- 11 -
LE CONSEIL DU ROI
On pourrait le défmir comme étant l'organe restreint de représentation des
couches sociales du royaume ayant des attributions importantes.
Sa composition
A la différence de l'Europe médiévale, auprès des rois de l'empire mossi et
du royaume wolof se trouvaient représentés et les hommes libres (noblesse et
artisanat) et les esclaves de toutes catégories. A ce trait singulier, il faut noter
que la gérontocratie, érigée en principe sacro-saint, avait pour corollaire la
représentation des "classes d'âge". Cest ce palliatif qui permettait à la Jeunesse
d'être associée, à côté du monarque, à la gestion des affaires politiques l . Un
argument de taille, confirmant le caractère représentatif de cet organe, se
trouvait dans le système des minorités étrangères au royaume ou à l'empire.
Ainsi ces derniers, soit par la protection ou l'alliance avec le monarque, étaient
d'office représentés dans ce conseil ou alors étaient censés l'être parce qu'étant
sous la "tutelle" de celui-cF. Mais qu'en est-il des attributions de cet organe?
Ses attributions
L'histoire des sociétés traditionnelles nous enseigne que la représentation
(dans un organe par exemple) est une chose et que la participation (à la gestion
des affaires politiques) en est une autre. Pour le cas des conseils africains, il
s'agit d'un cumul des deux parties évoquées. Pour s'en convaincre, il suffIrait
d'avoir présents à l'esprit les porte-feuilles ministériels qu'occupaient les
différentes couches de la population3•
Ainsi, politiquement, le conseil n'apportait pas seulement des "aides et
conseils" au roi, mais il était une copartie de la direction des affaires politiques,
dans la mesure où l'organe faisant fonction de collège de nomination de suzerain
n'était que son reflet. De même, la destitution du roi était faite par le même
1 Dans l'Afrique précoloniale, les étrangers, esclaves étaient dûment associés à la
vie politique. Voir M.C.A. Diop, c.a. Diawara. ouvrages cités.
2 Idem.
3 M.C.A. Diop. thèse précitée.

- 12 -
organe. A cet égard, et en accord avec certains auteurs1, on est en droit de parler
"d'un parallélisme des formes" dans l'Afrique antique.
En matière économique, sociale et culturelle, le conseil jouait un rôle très
important. On pourrait évoquer sa participation au respect des traditions,
coutumes (aspect religieux, cultureL.), à la fixation des impôts. De ces aspects
évoqués, n'est-il pas loisible d'attester de l'existence d'institutions agissant en
tant que "freins" et "contre-poids" à la toute-puissance royale2 ?
L'ASSEMBLEE "POPULAIRE" CONSULTATIVE
Appelée communément "arbre à palabre", cette institution se caractérise
par l'étendue de sa composition et l'étroitesse de son champ d'application. Il n'en
demeure pas moins qu'elle reste très importante dans la vie politique africaine,
peut-être parce que démocratique ? N'est-ce pas la raison profonde de sa
survivance actuelle ?
Sa composition
L'Assemblée populaire se compose des membres du conseil, auréolée de
la personne monarchique, des représentants des différentes composantes
administratives du royaume (hameau, village province)3 et de toute la
population du lieu des assises, donc de la capitale. Ce qu'il est intéressant de
savoir, c'est la mise en veilleuse du principe gérontocratique, au bénéfice de
l'expression libre et individuelle des sujets4• On ne pourrait évoquer, à cet égard,
la notion de souveraineté nationale, car il était plutôt question de celle divine;
mais toujours est-il que cette assemblée illustrait, plus que le conseil,
l'expression de la volonté communautaire.
1 L'expression est de M.K..A. Dedo dans son mémoire pour l'obtention du diplôme
supérieur de science politique, op. ciL, page 20.
2
Il ressort de l'analyse. des oeuvres de M.C.A, Diop, des travaux de Bouaké,
l'existence dans l'Afrique précoloniale de "freins" et "contre-poids", à l'autorité
royale.
Pour
le
premier,
il
est
question
non
seulement
des
organes
de
représentation mais aussi des constitutions (coutumes), l'ensemble inhibé d'une
dose mythique qui astreint au respect! les seconds (conférenciers) s'en tiennent
aux organes dotés de fonctions politiques importantes (destitution, désignation du
monarque) pour affirmer cette assertion,
3 Pour une connaissance plus large de l'organisation politico-administrative de
l'Afrique
précoloniale,
voir
M.C.
Anta
Diop,
"Etude
comparée
des
systèmes
politiques et sociaux de l'Europe et de l'Afrique de l'Antiquité à la For mation des
Etats modernes", op. cil., page 68 à 97.
4 Idem.

- 13 -
Son rôle
Pour aborder l'importance du rôle de cette institution, il est nécessaire de
se poser la question de savoir si elle était consultative ou souveraine.
Au regard des questions qui lui étaient soumises et à la procédure
d'adoption des décisions, force est de constater que l'assemblée jouissait plutôt
de fonctions consultatives que souveraines. En effet, il suffit, pour s'en
convaincre, de savoir que le roi, entouré de son conseil, tranchait toujours en
dernier ressort de tous les problèmes évoqués. Ainsi, concernant les problèmes
relatifs aux domaines politique, économique, social, culturel et religieux, portés
à la connaissance des sujets, seul leur vote "unanimitaire" était souhaitél . Cette
forme d'approbation courante était facilement requise du fait des multiples
tractations, influences des structures informelles et mythiques, telles les "classes
d'âge", les "sociétés secrètes"2.
TI résulte, de tout ce qui vient d'être analysé, que l'Mrique noire a connu,
bien avant la pénétration de l'islam, du christianisme et de la colonisation, des
systèmes de représentation politique. Cependant, cette originalité connaîtra une
parenthèse dès son contact avec le monde extérieur.
B - De l'éclipse à la naissance d'une vie politique moderne:
les Assemblées consultatives des territoires d'outre-mer
L'Mrique noire francophone connaîtra lU1 vide politique de sa conquête
aux années 1946. Cette période ne fera pas l'objet de notre propos. Cependant, le
trait fondamental à retenir, pour la compréhension de l'étude, c'est la destruction
des valeurs et symboles de l'Mrique. Mais, sous l'influence de plusieurs facteurs
conjugués3, la France, par la constitution du 27 octobre 1946, recréa une vie
1 Analysant la fonction des asse mblées populaires, dans l' Afr iq ue précoloniale,
MM.
A.K. Dédo et T. Diallo, dans les ouvrages
précités, arrivent à la
même
conclusion, en montrant le poids des structures telles les classes d'anciens.
2 Voir M. T. Diallo, ouvrage cité.
3 Plusieurs ouvrages aussi bien historiques que politiques nous renseignent à cet
égard. Relatif à la Haute-Volta, voir M.A. Nikiéma, thèse citée (surtout la partie
introductive). Pour la Guinée - l'exemple vaut pour l'ensemble des colonies -, voir
M.S. Camara, "De l'empire au Référendum Gaulliste de 1958", thèse de Doctorat
d'Histoire, Conakry 1973. On y dénombre dans ces études, aussi bien des facteurs
internes qu'externes explicatifs de l'aménagement de la vie politique dans les
Colonie s Fr ançaise s.

- 14 -
politique dans ses colonies. En effets, érigées par la circonstance en territoire
d'outre-mer, les ex-colonies se voyaient attribuer des assemblées administratives
consultatives. TI est stipulé à l'article 77 de la nouvelle constitution de l'union
ainsi créée que "dans chaque territoire est instituée une assemblée élue. Le
régime électoral, la composition et la compétence de cette assemblée sont
déterminés par la loi!. Le corps électoral divisé en deux collèges (indigènes et
colons), selon l'appartenance aux statuts de citoyens, se rémissait tous les cinq
ans pour élire des représentants au suffrage universel. En règle générale, le rôle
de ces assemblées était de gérer les finances et les intérêts locaux. Il leur était
interdit d'aborder toute question politique, mais en contrepartie, leurs élus
avaient accès à l'Assemblée de l'Union dont le siège était à Paris.
TI résulte de ces aspects, et en accord avec certains auteurs2, que cette
institution, élaborée dans l'esprit d'une union des colonies avec la Métropole,
n'était pas conforme aux traits de la décentralisation superbement expérimentée
dans les colonies de la Grande Bretagne. Pour s'en persuader, une lecture des
débats lors des deux assemblées constituantes serait suffisante3•
Telles étaient les grandes lignes de ces institutions jusqu'aux lendemains
des indépendances de 1960.
III - LES VICISSITUDES DES PARLEMENTS AFRICAINS DEPillS
LES INDEPENDANCES DE 1960
En l'espace de plus d'un quart de siècle de souveraineté nationale,
l'existence des parlements, en Afrique noire francophone, a été maintes fois
remise en cause, essentiellement par les militaires, lors de leur avènement sur la
scène politique. En effet, sur les 18 pays de la "Francophonie", seuls cinq
parlements ont connu un fonctionnement continu4• Ainsi, me observation de ces
différentes "péripéties", de ces "flux et reflux" de l'institution, au-delà de la
1 Les décrets de promulgation du texte susvisé sont insérés dans le Journal Officiel
de la République Française du 27 octobre 1946, page 9109 et suivantes et dans le
jurisclasseur de la France d'outre-mer du livre XI.
2
Les critiques
pertinentes des
auteurs
suivants sont
relatifs
au
caractère
centralisateur de la nouvelle institution d'une
part et sur la rapidité de sa
conception d'autre part : M.J.F, Gonidec, "Les assemblées locales des territoires
d'outre-mer", Paris, L.G.D.]. 1958 ; M.S. Camara, thèse citée.
3 Ce sont la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Cameroun, le Gabon et le Sénégal.
4 Idem.

- 15 -
quadrature posée au pouvoir africain, laisse percevoir une question de fonds, à
savoir la crise de la légitimité1• fi semble établi que certaines forces, (l'armée par
exemple) revendiquent lll1.e part de souveraineté. Mais cette contestation s'effrite
lorsqu'on sait que l'autorité militaire une fois "maîtresse" de la situation
politique recourt ouvertement à la légitimation de son pouvoir en recréant
l'institution autrefois supprimée par elle2•
L'ensemble de toutes ces observations annonce la complexité d'une étude
comparative des parlements dans ces pays. Cependant, ces obstacles pourraient
s'effacer ou se réduire par la recherche et l'utilisation d'une méthodologie
adéquate.
IV - CONSIDERATIONS METHOLOGIQUES
1. Si l'on débute ce propos par les difficultés liées à la documentation en
Mrique noire, il faut souligner qu'à la quasi-absence de sources écrites sur
certains sujets et à la subjectivité des sources orales s'ajoute le mythe du secret,
du confidentiel qui entoure ces dernières, fussent-elles insignifiantes.
2. A ce lot commlll1. d'obstacles se pose à nous le problème de l'adoption
d'lll1.e méthode d'interprétation et d'analyse efficaces de la réalité de l'institution
monocamérale instaurée en Mrique noire.
Celle-ci doit répondre à deux soucis fondamentaux : d'une part, elle doit
être en mesure de dépasser les problèmes d'ordre théorique tenant, le plus
souvent, à l'incapacité ou à l'impuissance de certaines formules ou de certains
concepts occidentaux à expliquer des phénomènes africains tels le tribalisme, les
partis ethniques (à échelle régionale) ou interethniques (à échelle nationale),
1 Nous avons été inspiré par l'article de M.F. M'Borne "Légitimité du pouvoir et
scène politique en Afrique noire contemporaine: les leçons du coup d'état du 12
avril 1980 au Libéria, Revue Française d'Etudes politiques Africaine".
Par ailleurs, l'ouvrage de M.A. Glélé, "Religion, Culture et Politique en Afrique
Noire", Paris, Ed. Economica 1981, traite en profondeur cette crise en montrant la
dichotomie entre le vécu quotidien et le souhaité des leaders africains (les modèles
institutionnels occidentaux).
2 Cette attitude est éminemment décrite par M. Lanciné Sylla "Flux et Reflux des
dictatures en Afrique Noire" in "Mort des dictatures 7". Pour une vision globale de
la situation politique en Afrique, voir la carte établie par M. D.G. Lavroff, "Les
partis politiques en Afrique Noire", Que Sais-je 7, Paris P.U.F. 1978, page 59.
Cependant, celle-ci mérite quelques ajouts: Haute-Volta (25 novembre 1980 ; 7
novembre 1983; 4 août 1983), Nigéria (31 décembre 1983), Guinée (3 avril 1984).

- 16 -
l'arithmétique politique à base tribale ... ; d'autre part, au-delà de la diversité des
systèmes politiques africains, elle doit parvenir à résoudre les problèmes d'ordre
pratique.
Dans ce cas, il s'agit de pouvoir mesurer la place du parlement dans 18
États d'Afrique qui ont, certes, en commun, l'usage de la langue française, mais
se différencient, également, par leurs réalités socio-politique et économique
respectives.
Cette diversité pose d'emblée le choix d'un échantillon suffisamment
représentatif.
A ce sujet, bien que subjectif et quelque peu arbitraire, l'option pour les
quatre pays constitués par la Côte-d'Ivoire, la Haute-Volta 7, le Sénégal et le
Togo correspond, néanmoins, à des critères relativement objectifs.
En effet, bien que le premier prône le monopartisme et, le second, le
multipartisme, la Côte-d'Ivoire et le Sénégal sont les rares témoins d'un système
constitutionnel exempt de rupture du fait des pronunciamientos militaires. De ce
fait, phénomène assez exceptionnel en Afrique, cette stabilité politique a le
mérite de faire bénéficier, à ces deux pays, une vie parlementaire de plus de
deux décennies.
A l'opposé de ces pays mais les complétant à plusieurs égards, il y a la
Haute-Volta et le Togo qui, à l'instar de la majeure partie des États
francophones, offrent des exemples de pays ayant connu une alternance de
régimes politiques (multipartistes ou/et monopartistes) constitutionnels et de
régimes politiques à -constitutionnels-.
7
Depuis le 4 août 1983,
l'ex-Haute Volta a pris le nom de
Burkina
Faso
(pays
de
l'homme
intègre).
Ses
habitants
ne
s'appellent plus des Voltaïques mais des Burkinabè
(l'appellation
comporte non seulement le pluriel mais également le singulier,
le
féminin et le masculin). Dans la thèse, nous continuerons à parler
de
l ' ex-Haute- Vol ta
dans
la
mesure

les
régimes
politiques
étudiés ne concernent pas l'actuelle Burkina-Faso.

- 17 -
A ce sujet, si les fréquentes ruptures de l'ordre constitutionnel dans ces
deux pays ne leur ont pas permis d'avoir une certaine tradition parlementaire,
en revanche, elles peuvent permettre de s'interroger sur l'adéquation des
modèles institutionnels empruntés à l'occident et, en particulier, se poser la
question du type de parlement à concevoir pour les États post-coloniaux
africains.
3. Une fois cet échantillon choisi, se posait alors la question de la
méthodologie. A ce sujet, au lieu d'adopter une démarche interprétative limités
soit à l'école marxiste ou enfin à celle purement juridique, il a été préféré une
méthode assez hybride mettant, toutefois, l'accent sur les données juridiques
(constitution, statut et règlements des Assemblées nationales, lois électorales
etc), l'histoire constitutionnelle et politique de ces États.
4. Loin d'épuiser le sujet, cette façon de procéder permettra, en revanche,
de le poser entièrement et de saisir son intérêt. Celui-ci est doublement
perceptible.
En effet, au-delà de l'extrême jeunesse des parlements dans ces quatre
pays, en particulier, et en Afrique en général, se perçoivent non seulement les
différentes tentatives de solutions apportées à la représentation des composantes
ethniques, mais également l'originalité fonctionnelle des parlements africains.
5. Enfin, pour mener à bien l'enquête en cours, nous allons rechercher,
tout d'abord, la part de mimétisme et de particularisme dans l'organisation du
parlement monocanéral (Première Partie). Pour ce faire, nous examinerons la
double nature, coutumière et moderne, du statut des parlementaires adoptés
(TITRE 1) et le mimétisme structurel de ces Assemblées nationales (TITRE II).
Ensuite, nous finirons par observer la défaillance des règles classiques de
fonctionnement et l'émergence d'un modèle africain original d'institution
parlementaire (Deuxième Partie). Dans cette perspective, après les propos sur
l'effacement du rôle des parlements dans l'adoption des règles régissant leurs
activités (TITRE 1), il sera question de la dépendance des fonctions
parlementaires à l'égard de l'exécutif (TITRE II). Pour finir, on va se pencher
sur la tendance à la création d'un nouveau modèle de parlement africain
fI'ITRE III).

- 18 -
PREMIERE PARTIE
MIMETISME lIT PARTICULARISME DANS
L'ORGANISATION DU PARLEMENT
MONOCAMERAL

- 19 -
L'organisation du parlement monocaméral africain est, semble-t-il,
tributaire de deux sources bien distinctes. D'origine occidentale et,
particulièrement, française, la première s'analyse comme l'ensemble du droit
applicable! à leurs assemblées parlementaires. Quant à la seconde, elle est
africaine, puisqu'il s'agit d'une prise en considération des réalités nationales,
c'est-à-dire la codification de certaines coutumes et pratiques ancestrales. A ce
sujet, pour reprendre la phrase de M. Pathé Diagne, il suffisait de "révolutionner
la tradition, c'est-à-dire d'innover par un surplus de libertés2" pour obtenir un
système d'organisation assez proche des réalités africaines.
Ce syncrétisme est perceptible à deux niveaux : non seulement dans le
statut des parlementaires (TITRE 1), mais également dans la structure des
organes législatifs (TITRE II) des quatre pays étudiés.
Ainsi, avant d'envisager l'étude, il paraît nécessaire de dire un mot sur le
mimétisme dont il est question tout au long du travail. Par exemple, on sait que
les régimes constitutionnels africains ont, par mimétisme, emprunté des
techniques de gouvernement et des concepts politico-juridiques à la Vè
République française. En réalité, dans le contexte politique africain, non
seulement ils sont inappliqués (et souvent inapplicables), mais ils ne revêtent
plus la même signification et la même portée traditionnelle.
1 Sur la question, voir MM. M. Prélot et Jean Boulouis, "Institutions Politiques et
Droit constitutionnel", Dalloz, 9ème édition, Paris, 1984, pages 736 à 739.
2 M. Pathé Diagne, "Quelle démocratie pour le Sénégal", Editions P.F.D., Sankoré,
Dakar, 1984, page 98.

- 20 -
TITRE 1
LE STATIrr DU PARLEMENTAIRE A LA CROISEE
DE LA COUfUME ET DE LA MODERNITE
La présente étude se propose de considérer les caractères essentiels du
statut du parlementaire des Etats choisis. Son intérêt se limitera à faire ressortir
la proportion respective de coutume et de modernité retenue lors de l'élaboration
du statut évoqué.
C'est pourquoi l'on soulignera, dans un sous-titre premier, les
particularités de la représentation dans les Etats africains et, dans un sous-titre
deuxième, l'influence de ces réalités socio-politiques sur le statut des
parlementaires.
SOUS-TITRE 1
LES PARTICULARITES DE LA REPRESENTATION
DANS LES ETATS AFRICAINS
Pour bien saisir ces particularités, il semble indispensable d'esquisser, tout
d'abord, une description des caractéristiques du support sociologique de ces pays
(CHAPrt'llEI).
L'esquisse ainsi réalisée, le problème consistera, ensuite, à se 'pencher sur
les solutions envisagées par les Etats concernés pour représenter les éléments
constitutifs de leur société politique (CHAPITlŒ ll)

- 21 -
CHAPITRE 1 - DES ÉTATS REPOSANT SUR LES "PROTO-NATIONS
En AFRIQUE noire, plus que partout ailleurs, le processus de colonis~tion
a abouti à la création d'une organisation socio-politique nouvelle, appelée Etat,
qui se manifeste comme une réalité historique certaine, mais se présente aussi
comme une fiction 1.
En effet, si l'on retient les trois concept paradigmatiques de M.J. Ziegler
dans la lecture du phénomène national, on est en mesure d'approcher la
caractéristique essentiel de l'État africain : l'absence de nation.
Pour plagier le Professeur A. Hauriou, alors que la nation (ou le fait
national) a été le fait de la rupture avec la société ancienne en Europe, en
Afrique, en revanche, cette conscience n'a eu de valeur" qu'en tant
qu'opposition formelle à la puissance coloniale" 2. Ainsi, l'extranéité de l'État,
son antériorité à la nation, soulignent l'existence de mosaïques de peuples et
d'ethnies, de surcroît jalouses de leurs particularités. La vie politique ne peut
alors qu'être affectée par cette diversité sociologique. A cela, s'ajoute le poids
des autorités religieuses et traditionnelles qui, loin d'être écartées par la
modernité républicaine de l'État, persistent dans leur rôle de représentants de la
société ancienne.
1
La
fiction
sociologique
symbolise
l ' hétérogénéité de
son
tissu
social.
Voir
à
cet
égard
"l'État
africain
comme
fiction
sociologique page
35
à
39,
in
"Essai
sur l'État
africain Post-
Colonial" de M.P.G. Tchivounda,
L.G.D.J.n,
1982,
Paris.
2
M. J.
Ziegler,
"Main base
sur
l'Afrique"
le
Seuil,
1978,
Paris,
page
35
à
38
;
M.A.
Hauriou,
Droit
constitutionnel
et
institutions politiques,
Paris Bd.
Montchrestien,
3ème Ed.
1966,
page 97.

- 22 -
Cela dit, l'examen de ces aspects portera d'abord sur les caractéristiques
de la pluralité ethnique (Section 1), puis sur la persistance de l'influence des
autorités religieuses et traditionnelles (Section II).
Auparavant, il serait plus indiqué, dans une section préliminaire, de
s'appesantir sur un trait de la société post-coloniale de ces pays. Il s'agit de la
fracture entre la ville et la campagne laquelle a été accentuée par le sous-
développement économique des Etats retenus.
Par cette césure, il y a une monopolisation du jeu politique par un
personnel politique réduit se trouvant dans les zones urbaines et une mise à
l'écart du peuple majoritaire de la campagne.

-23-
SECTION PRELIMINAIRE : La fracture entre le secteur rural et
le secteur moderne : ruraux et citadins
Sur ce point l'analyse de l'Etat africain révèle, à travers son sous-
développement, l'évolution divergente, voire bipolaire de son tissu social. A
l'opposé de la relative homogénéité de la composante humaine de l'Etat
industriel occident 1, il existe une cassure totale entre les habitants des villes et
ceux des campagnes dans le cadre juridique évoqué. Comportant des aspects
curturels, religieux, linguistiques, économiques, politiques ... ce fait est d'une
évidence si prononcée, qu'en accord avec M. J.M. Ela, on peut parler, à
l'échelle continentale, d'une "Afrique des villages" par opposition à une
"Afrique des villes" 2.
Aussi, au lieu d'analyser la quintessence du retard dans le développement,
il ne sera retenu que quelques traits structurels qui mettront en lumière l'impact
du phénomène sur la représentation politique dans les pays choisis.
1
La relativité usitée tient du fait qu'après 2 à 3 siècles
d'incubation et 3 siècles de formation du concept de l'Etat-Nation
en Europe occidentale, la résurgence des identités Corse, Occitane,
Bretonne, Basque, semble mettre en cause l'homogénéité de la nation
en France.
2
C'est
non
seulement
le
titre
mais
aussi
le
contenu
de
l'ouvrage de M.
J.M.
Ela,
"Afrique des villages",
Ed.
Karthala,
Paris, 1982.

- 24 -
Pour ce faire, en axant tout d'abord le propos sur les structures
économiques, ressortent la juxtaposition et la non-intégration de deux secteurs.
Tandis que le premier est modernisant et extraverti, essentiellement circonscrit
aux milieux urbains, le second, rural et intraverti (semi-autarcique), se situe dans
les campagnes. C'est par référence à une telle dichotomie que l'on évoque les
expressions caricaturales de centre et de périphérie. Et, pour mieux illustrer cet
état de fait, l'auteur cité écrit: "Si les ruraux travaillent, la ville dépense". Dans
le même sens, le sociologue J. Capron affirme: "En Afrique, la seule vraie
classe c'est la ville 1"1. Sur le plan sociologique, le prolongement de cette
coupure s'exprime par l'existence de deux sociétés humaines cohabitant sur le
même territoire mais dissemblables. En effet, alors que le modèle de vie
occidental s'ancre dans le milieu citadin, les ruraux se singularisent par la
perpétuelle référence aux normes de vie ancestrale. De ce fait, est alors
perceptible le caractère oppositionnel de ces entités humaines. Enfin, la dualité
de la structure politique constitue l'abcès pernicieux de la modernité de ces pays.
Malgré l'opposition d'institutions politiques libérales, il n'en demeure pas moins
que persistent, parallèlement, des structures politiques qui sont le legs de la
tradition (voir l'analyse sur la chefferie coutumière, par exemple).
En résumé, il se profile à l'intérieur de l'Etat africain deux sociétés
presque "closes" aux particularismes politiques, économiques, culturels très
marqués.
Peut-on déceler les conséquences sur le plan de la représentation politique
en particulier et sur la vie politique en général? Autrement dit, y a-t-il une
participation, égale ou non, des réprésentants de ces entités dans les institutions
des Etats choisis ?
1 M. Jean Capron, Monde Diplomatique de mars
1983, page 10. Enseignant la
sociologie en Haute-Volta pendant 22 ans, il dirige le laboratoire de la tradition
orale à
l'Université de Ouagadougou. qui édite une revue sous sa direction.

- 25 -
A - Une qpposition notoire entre les villes et les campagnes
Le phénomène. de l'écart grandissant entre ces entités sociologiques
s'affirme surtout par un type de statut conféré à la ville africaine et par les
conséquences qui lui sont liées. En effet, les zones urbaines, très limitées,
abritent la totalité des infrastructures politiques, économiques, sociales... de
l'Etat républicain. De même, par comparaison à la compagne, ces
agglomérations constituent non seulement le siège de l'élite "intellectuelle" et de
surcroît celle dirigeante, mais aussi de la fraction salariée de la population
active. Alors, le milieu urbain symbolise le moteur de la vie du pays, tandis que
le milieu rural s'identifie à un mode statique, tourné vers le passé ancestral. Dans
cette optique, après l'énoncé de données relatives à l'opposition ville/carnpagne
(§I), l'étude des conséquences en découlant (§2) en sera faite dans la perSPective
de la rePrésentation politique.
Paragraphe 1 - Enoncé de quelques données
Sans méconnaître l'importance de l'ensemble des indicateurs économiques
dans la comPréhension et l'explication de l'écart entre la ville et la campagne, il
est tout de même possible d'en saisir l'essentiel en s'appuyant sur l'étude des
différentes composantes respectives des catégories sociales.
a) Un milieu d'économie fermée, des habitants nourris de
sentiments distincts : la campagne
Pour ce faire, insistons sur les traits inhérents à la paysannerie : les
paysans représentent plus des 3/4 de la population active et globale des pays
africains. Selon les dernières estimations de 1977-1978, alors que la société
voltaïque était rurale à 91 % et que 83 % de ses 3,3 millions d'actifs vivaient
d'activités agricoles, le Togo suivait avec 83 % de ruraux et 680 000 agriculteurs
sur un total de 900 000 personnes actives. De même, la Côte d'Ivoire et le
Sénégal, pays essentiellement agricoles, avaient respectivement 75 % et 70 % de
population rural l .
1 Voir "Atlas jeune Afrique", op. cit., par pays ; Afrique Asie, "Le pays qui se
meurt" du 22 décembre au 4 janvier 1981, page 28 et suivantes.

- 26 -
La caractéristique majeure de la classe paysanne, hormis quelques
exceptions, est le revenu monétaire annuel par tête qui est le plus bas du pays,
oscillant entre 66 et 1 119,68 FF, soit moins que le pm brut annuel par habitant
du Togo de 2 720 FFI. C'est ainsi qu'en faisant les comptes uniquement pour ce
groupe social, on saisit aussi bien la prise de conscience de la paysannerie en
tant que classe sociale "écrasée", mais aussi son opposition à la ville, siège du
pouvoir et de la concentration de la masse monétaire aux mains d'une minorité.
Sur ce dernier point, il est bon de noter que 7 % de la population voltaïque
contrôle 40 % du revenu national alors que, au Cameroun, les privilégiés (2 %)
obtenaient un milliard de francs français par an et le paysannat (88 %) touchait
1,2 milliards 2• Cest par rapport à cela que les paysans considèrent l'homme de
la ville comme un "parasite dont le salaire n'est pas la contrepartie d'un service
rendu"3. Par ailleurs, sans minorer la réalité des liens de solidarité ethnique
imposant une aide financière des nantis de la ville aux démunis de la campagne,
l'opposition entraîne un repli sur soi de cette dernière. On pourrait rapprocher
cette situation du phénomène de "tribus rusticae" dont il a été fait mention
antérieuremento4 •
b) La ville, carrefour des salariés et de l'élite moderne
c
Si on ne s'intéresse qu'aux catégories sociales de la ville, force est de
constater leur rôle dynamique, à l'opposé de la campagne. Ne constituant que
7% en Haute-Volta, 15 % au Togo, 25 % au Sénégal et 30 % en Côte d'Ivoire, la
population urbaine demeure néanmoins le cerveau de la vie politique. Il
convient cependant de nuancer ces propos en distinguant parmi cette foule
urbanisée les nombreuses catégories sociales contenues en elle.
D'abord, si on ne prend en compte que les salariés, une typologie
s'impose. Représentant 1,2 % et 4,6 % de la population active en Haute-Volta et
au Togo, ils sont respectivement au nombre de 32 200 agents (soit 19 100 dans
le secteur public et 13100 dans le secteur privé) et 31054 agents (soit 18153
l A défaut d'études monographiques sur le revenu monétaire du secteur rural des
pays concernés, l'on retient les chiffres publiés par quelques esquisses : M.P.
Lippens, la Haute-Volta, op. cit., page 13 ;
M. J-P. Ela, l'Afrique des villages, op. cit., page 114 et suivantes. On peut sur cette
base établir des chiffres probants pour l'ensemble de la paysannerie africaine.
2 M. P.Hugon, Analyse du sous-développement de l'Afrique Noire, l'exemple du
Cameroun, P.U.F., Paris, 1968, page 233 in "l'Afrique des villages", op. cit. page 64.
3 M. P. Lippens, La Haute- Volta, op. cit., page 14.
4 M. L. Seilla, ouvrage cité, page 72.

- 27 -
dans le secteur public et 12901 dans le secteur privé l ). En fonction de leur statut
et de leur pouvoir d'achat, ils se divisent en quatre groupes. Au bas de l'échelle,
il y a les manoeuvres et ouvriers spécialisés, constituant 60 % des salariés au
Togo et 70,50 % en Haute-Volta. Rémunérés en fonction du S.M.I.G./horaire
estimé à 1,03 FF en 1975, ils ont un salaire évalué à 173,36 francs français par
mois. Ainsi, cette frange des agents pratique-t-elle en saison humide
l'agriculture, et de ce fait, quoique ayant un mode de vie différent de celui de la
campagne, elle se ressent plus citadine que villageoise. A l'étage suivant, se
situent les ouvriers qualifiés et employés avec un taux respectif pour les pays
susvisés de 23,60 % et 20 %. Ces derniers bénéficient d'un salaire mensuel
oscillant entre 400 et 800 FF. Moins nombreux, viennent les agents de maîtrise
représentant 12 % an Togo et 4,34 % en Haute-Volta, et touchant entre 800 et
1600 FF. Pour fmir, les hauts cadres (8 % et 1,55 %) perçoivent entre 1600 et
3000 Ff2
A cet lot des salariés, il faut ajouter les commerçants, artisans..., tous
inféodés à l'économie de marché, donc coupés de la tradition. Pour relativiser,
ces catégories évoquées, si elles ne saisissent pas parfaitement le mode de vie
occidental vécu en ville, elles ne le rejettent pas non plus. Elles tentent de
l'incruster dans les éléments de vie coutumiers. Ce qui fait qu'elles se réclament
"citadines", mais quelque peu différentes des élites "occidentalisées". En bref,
les zones urbaines se composent d'agrégats humains hétérogènes, mais
nourrissent des sentiments communs profonds. A cet égard, on peut préciser
leurs mentalités par l'expression adéquate de ''Tribus urbanae" de M. L. Scilla.
A partir de l'ensemble de ces données, on perçoit l'extrême différence
entre la ville et la campagne. Sur ce point, maints travaux3 sont révélateurs de
l'état d'esprit du paysannat. Se sentant coupés du pays légal, les ruraux tournent
le dos aux représentants de l'Etat républicain et façonnent leur vie quotidienne à
l'image des concepts et des structures traditionnels. Cette attitude a pour
conséquence politique l'exercice du pouvoir sans la majorité (ou avec une
1 Voir M. P. Lippens, ouvrage cité, page 15 ; M. Pouzet, la République du Togo, Ed.
Berger-Levrault, Paris, 1976, page 19 ; De même, les "Atlas jeune Afrique", déjà
évoqué.
2 A égalité de S.M.I.G., la grille des salaires au Togo et en Haute-Volta était le même.
Voir MM. Pouzet, la République du Togo, op. cit., page 19.
3 Voir les révélations
d'un sondage en Afrique sur la réussite
sociale
à la
campagne comme en ville, in jeune Afrique Economie n° 3S du lS mars 1984, page
36 et suivantes. Au sujet de l'état d'esprit du paysannat en Afrique, lire le Monde,
"Sahel, terre de soif et d'espoir", supplément au numéro 12187 du dimanche 1er au
lundi 2 avril 1984, page II.

- 28 -
majorité silencieuse), donc une démocratie sans le peuple, en tant que fraction
numérique la plus importante. Et, de plus, elle aboutit à un rétrécissement du
personnel politique.
Paragraphe 2 - Les conséquences: les rétrécissement du
personnel politique
A ce sujet, plusieurs études sont explicites. Ainsi, en s'intéressant à la
réalité du pouvoir politique au Cameroun, M.P.F. Ngayap estime à 950
personnes la classe dirigeante de ce pays d'environ sept millions d'habitants.
S'inspirant de ce travail de sociologie politique, M. J.F. Bayard évoque le même
effectif pour les Etats de la même importance démogmphique : Côte d'Ivoire,
Sénégal et Haute-Volta. Pour ce dernier pays, M.P. Lippens identifie l'opinion
publique et le personnel politique aux moyens et hauts cadres•. De ces analyses,
il ne fait nul doute que le personnel politique des Etats susvisés se résume à
l'élite bureaucratique et, par voie de conséquence,
se retrouve en ville. Sont
exclus alors, les ruraux, d'une part, et les commerçants, artisans, les petites
catégories sociales salariées habitant en ville, d'autre part.
a) La majorité du peuple exclue de la vie politique
Dans la thèse développementaliste, la participation aux activités
politiques, le caractère universel des lois, le recrutement aux postes publics, en
bref, les éléments mettant en évidence la tendant à l'égalité, déterminent la
modernité des systèmes politiques2• L'analyse de la vie politique des pays
choisis, sous ce sèul angle de vue, fait ressortir l'impuissance de leurs
institutions à associer tout le peuple à la vie démocratique.
Pour ce qui concerne l'aspect moderne, nul besoin de s'y appesantir dans
la mesure où tous ces Etats ont adopté, avec quelques nuances, le modèle
occidental. Mais force est de reconnaître, en revanche, que l'association à la
gestion du politique des 3/4 du peuple reste théorique. Si l'on observe de près le
phénomène du suffrage politique, il va sans dire que l'électorat rural et une
partie importante de la ville, du fait de l'analphabétisme et de l'absence de
formation politique, répondent fidèlement aux consignes de vote de la féodalité
• M. P. Lippens, ouvrage précité, page 15.
2 M. R.G. Schwartzenberg, Sociologue politique, Ed. Montchrestien, Paris, 1974,
page 226.

- 29 -
ou des responsables de structures sociales traditionnelles. Il s'agit, dans cette
opération, - d'ailleurs mécanique et désintéressée -, plus de la désignation d'lllle
élite originaire du village ou de l'ethnie de l'électeur que d'llll choix reposant
sur une pluralité de programmes politiques 1. De ce fait, l'éphémère période
électorale achevée, les composantes du pays réel abandonnent la conduite des
affaires politiques aux "professionnels" que sont les représentants des moyens et
hauts cadres2 •
Ainsi se pose le problème de l'importance et de la composition de
l'opinion politique dans ces pays. A cet effet, la césure ville/campagne et ses
implications entraînent la diminution du nombre de citoyens susceptibles de
porter un jugement critique sur le vécu politique et, par conséquent, de
sanctionner, ne serait-ce que verbalement, les autorités gouvernantes. Alors, en
dépit de l'auto-proclamation démocratique de ces pays, de l'affirmation par les
partis, uniques ou multiples, de leur volonté d'élever le niveau politique des
populations rurales et autres3, il reste établi que ces dernières ne font pas partie
intégrante de l'opinion publique. Dans le cas contraire, comment expliquer le
mutisme, l'indifférence ou encore l'enthousiasme des populations, au lendemain
des chutes de régimes réputés "populaires''''i ?
L'hypothèse de l'exclusion est plus vraisemblable dans la mesure où, par
ailleurs, à ces faits, s'ajoute la monopolisation de la vie politique par des
formations politiques sous la haute direction d'llll personnel politique fortement
incmsté dans l'appareil de l'Etat. Ces observations aiguisent la tentation de saisir
de façon précise la classe politique des pays étudiés.
1 Pour ce faire une idée de ces réalités concernant les pays concernés, on peut
utilement se reporter
aux indices
propres
à
la Haute-Volta; M. Ki-Zerbo ;
"Pourquoi l'UPV a dit non" déjà cité; du même auteur "ne tuons pas l'enfant", op.
cit. ;
M. Bado Laurent "Dieu sauve la Haute-Volta", Observateur n· 1344 du mercredi 26
avril 1978 et "quel régime politique pour la Haute- Volta" in Carrefour Africain
n786 du 8 juillet 1983.
2 Idem.
3 La reproduction des proclamations de ces aspects des programmes partisans
figure dans la thèse de M. K. Sandwidi, op. cit., page 141 et suivantes.
4 Le 3 avril 1984 les Guinéens "explosent" de joie à l'annonce de la fin du régime
monopartisan du défunt Président A. S. Touré, qui a gouverné le pays pendant 26
ans. Voir Guinée: Fin d'une dictature, Jeune Afrique n· 1215 du 24 avril au 7 mai
1984, page 13.

- 30-
b) Un personnel politique "Lilliputien"
Par une vision complémentaire de l'analyse précédente, on pourrait
réserver exclusivement aux: salariés (soit respectivement 1,2 % et 4,6 % de la
population voltaïque et togolaise) la notion d'opinion publique. Comme il a été
dit antérieurement, cette catégorie sociale, disposant de revenus stables et d'un
minimum de formation politique, est à même de porter des jugements de valeur
sur l'action politique 1• Cependant, pour être exact, il convient de réduire
l'effectif de ce groupe à sa portion la plus "avancée", c'est-à-dire, la plus apte à
non seulement opiner, mais, surtout, à infléchir le cours des grandes décisions
politiques. Ainsi, par soustraction, sur les 32200 et 32054 salariés en Haute-
Volta et au togo, seuls respectivement 8500 et 12000 personnes constituent
l'opinion publique2•
D'un autre côté, on pourrait, en accord avec M.P. Uppens3, établir un lien
identique entre l'opinion publique et la classe politique, en Haute-Volta
singulièrement, en Côte d'ivoire, au Togo et au Sénégal, en général. Cette
acception est d'autant plus plausible que les hauts (cadres) et les cadres moyens
constituent les piliers des partis politiques et aussi les animateurs des organes de
direction de ces pays. Seulement, à ce niveau, à la lumière des expériences des
trois décennies de souveraineté, il est établi que sur l'ensemble de cette classe,
une infime partie a représenté l'élite dirigeante de ces Etats. A l'instar des
travaux évoqués de M. P.F. Ngayap, il est possible d'avancer, pour l'élite de la
Côte d'Ivoire, le chiffre de 1162 personnes, soit un peu plus que l'estimation de
J.F. Bayard4 . Dans le même ordre de grandeur, confirmé par les propos
postérieurs, la composition de la classe dirigeante voltaïque, de l'indépendance à
l'avènement du régime du 4 août, se situe autour de moins d'un millier de
personnesS. De même, en dépit de la rénovation de l'armature institutionnelle au
1 Pour aboutir à) ces résultats nous nous sommes inspirés de l'étude de M. P.
Lippens sur la Haute-Volta, op. cit.
2 Idem.
3 Dans le même sens, voir M. P. Lippens, la République de Haute- Volta, Idem.
4 Voir M. P.]. Ngayap, "Cameroun, qui gouverne 7", l'Harmattan, Paris, 1983, page
14.
M.].F. Bayard, "Les revanches des Sociétés Africaines", Politique Africaine de
septembre 1983, Karthala, Paris, page 95 à 127.
5 L'avènement du régime du 4 août 1984 permet relativement de se faire une idée
de l'effectif du personnel politique des anciens régimes, dans la mesure où ces
derniers
sont
"dégagés"
de
la
scène
politiq ue
voltaïq ue,
pour
re prendre

- 31 -
Togo, résultant de la seconde intervention des militaires sur la scène politique au
détriment du modèle multipartisan dont l'aboutissement réside dans l'actuelle Ile
République, la somme du personnel politique au faite du pouvoir est équivalente
à celle de ses homologues du Sénégal ou de la Haute-Volta.
Cest à partir de ces données que se perçoit la perpétuelle présence des
mêmes hommes politiques dans les institutions politiques des Etats choisis.
B - Effets immédiats de cette opposition : des institutions politiques
investies de façon permanente par les mêmes hommes politiques
Dans presque tous les pays concernés, le renouvellement du mandat
parlementaire des mêmes politiques, de l'indépendance à nos jours, s'est produit,
ipso facto, quels que soient les changements de régimes intervenus. A cet égard,
certains auteurs ont cru voir dans les mutations socio-politiques en Haute-Volta
depuis le 4 août 1984 un conflit entre l'ancienne et la nouvelle génération ; la
première aurait écarté cette dernière l . Si l'on peut partiellement récuser
l'objectivité de ce point de vue, en revanche, il en découle une explication de la
monopolisation de la vie politique par le même personnel politique.
Ainsi en Côte d'Ivoire, en excluant les cas de décès et de nominations
décrétales à de hautes fonctions, on dénombre 78 députés en 1970, qui
appartinrent aux 85 élus de l'assemblée nationale de 1965. De plus, 67 mandats
ont été reconduits en 1975. Cependant, depuis juin 1890, une rupture s'opère
dans cette évolution. Conformément aux principes adoptés lors du 7e congrès du
POCI, les élections législatives doivent être libres, donc disputées. En ce sens,
650 candidats se présentaient pour 147 sièges. A l'issue du scrutin, le
renouvellement de la chambre des députés s'effectuera pour les 4/5, soit 140
nouveaux élus, dont l'élément le plus significatif est le remplacement du
président de l'institution depuis 20 ans, M.P. Yacé.
Mais, s'il y a bien eu ce précédent, il convient de ne point l'exagérer. Car
non seulement ces anciens députés restent influents dans les instances du parti
unique au pouvoir, mais aussi ils se reconvertissent dans d'autres fonctions,
l'expression usitée actuellement. A ce sujet, voir Carrefour Africain, hebdomadaire
d'information de Haute-Volta n° 812 du 6 janvier, page 18 et suivantes.
1 Voir l'analyse faite
par les "spécialistes" de la vie
politique africaine des
dirigeants du CSP, et par ricochet, certains leaders du CNR Afrique - Asie, 22
novembre 1982, page Il ; Afrique Asie 20 décembre 1982, page Il.

- }2 -
notamment au sein du conseil économique et social 1• Par ailleurs, en Haute-
Volta, autant sous les régimes militaires que civils (constitutionnels), le même
phénomène tient lieu de règle. Sur un plan rétrospectif, des 73 parlementaires de
l'assemblée législative de 1959, il Y a eu sept élus décédés, cinq aux droits
civiques retirés, 25 en retraite politique et enfm onze députés réélus jusqu'à nos
jours.
Ce qu'il convient de souligner, c'est le rôle dynamique de ces derniers tout
au long de la vie politique du pays. Sur ce point, il faut signaler qu'ils se
retrouvent plutôt dans les instances dirigeantes du parlement, que dans celles de
l'exécutif2. Ainsi en 1970, à l'assemblée nationale siégeront MM. Joseph
Ouédraogo (président), Karamoko Kollo, Domba Konaté, Issaka Sanon,
Amadou Tamboura, Bamina G. Nébié. Et, à l'exécutif il y avait MM. G. Kango
Ouédraogo (premier ministre), M. Kargougou, F. Bouda, J. Conombo, V.
Ouédraogo. Par ailleurs en 1977, les mêmes personnalités apparaissaient, avec
quelques permutations de fonctions politiques. Tandis que l'ancien premier
ministre devient président de l'assemblée nationale, le docteur J. Conombo
succède à ce dernier.
Ensuite, une analyse des institutions politiques de la période postérieure à
1966 permet d'ajouter à ce modeste nombre une inftme minorité venue des partis
politiques ultérieurement supprimés ou créés3. Cest ainsi qu'en comparant les
composantes des institutions parlementaires des Ile et Ille Républiques, 71,92 %
des 57 élus arrivent à obtenir le renouvellement de leur mandat, soit, en sus des
onze députés évoqués, une quarantaine de personnes.
Pour fmir, si en Haute-Volta et en Côte d'Ivoire on peut parler, à l'issue de
chaque scrutin, d'un retour assuré d'un "noyau" invariable d'hommes politiques
au sein des institutions républicaines, tel n'est pas le cas au Togo et au Sénégal.
Dans le premier pays évoqué, l'avènement du régime de fait du général
Eyadema en 1967, qui s'est constitutionnalisé en 1978, a mis fm aux activités de
1 Il est aisé de constater cela par la consultation minutieuse de l'ouvrage "les élites
ivoiriennes", Ediafic. La docu mentation Africaine, Paris, 1976, XV - 178 pages.
2 Une approche comparative des écrits suivants éclaire sur ces propos : M. K.
Sandwidi, thèse citée, page 453 à 459 ; Ediafic. La documentation africaine. Paris,
1959 - 1960 : M. F.D. Bassolet. "Evolution de la Haute-Volta", Imprimerie Nationale de
Ouagadougou, 194 pages. M. E. Bassono, "le Pari de Lamizana" ; Ed. Peuple libre,
Valence.
1979, 79
pages : Les deux principaux quotidiens d'information: "le
Carrefour Africain" et "l'Observateur".
3 Idem.

- 33-
l'ancienne classe politique. De ce fait, on assiste à un rajeunissement du
personnel, à l'instar de la pratique actuelle du régime voltaïque du 4 août
1984 \\.
Au sénégal, l'exception pourrait s'expliquer par le passage récent du
monopartisme au multipartisme opéré en 1974. Par la pratique d'élections
disputées et non plus prébiscitées, maintes notabilités ne furent pas reconduites
dans leur fonctions. C'est ainsi que sur les 80 députés de 1960, seuls cinq se
sont maintenus en 1983. Dans cette optique comparative, cette attitude de
l'électorat sénégalais, à partir de la démocratisation des élections législatives,
ressemble, à maints égards, à celle de son homologue ivoirien en juin 1980.
Cependant, s'il Y a eu renouvellement de la composition du parlement, il
convient, en revanche, de noter la conversion des "vaincus" à d'autres fonctions
dans les rouages de l'appareil de l'Etat. Finalement, il y a élargissement du
personnel politique avec une persistance du noyau originel du premier parti
politique du pays, à savoir l'Union progressiste sénégalaise 2.
A cette fracture de la société, s'ajoute sa constellation en multiples ethnies
qui, dans la plupart des cas, coexistent difficilement.
1 A la lumière des licenciements,
c'est -à-dire, des dégagements
de la fonction publique pratiqués depuis le 4 août 1984, force est
d'observer
le
rajeunissement
du
personnel
administratif
et
politique
de
la
Haute-Volta.
Par
exemple,
à
l'exception
du
ministère
du
commerce,
MM.
Boubakar,
ancien
candidat
à
la
députation du RDA sous la IIe République,
tous les autres membres
du
gouvernement
sont
issus
de
partis
jadis
clandestins
ou
dissidents.
2
Si l'on confronte la liste du personnel de l'Assemblée de
1960 à
celle de 1983,
c'est le constat auquel
on aboutit.
Voir
Ediafic. La documentation Africaine de 1960 et de juillet 1983.

- 34 -
Section 1 - Une mosaique d'ethnies jalouses de leurs particularismes
L'image schématique de la pluralité sociale de chaque Etat africain est
comparable à un habit d'arlequin dont les différentes couleurs seraient ses entités
ethniques. En effet, l'Etat en Afrique est pluriethnique. Cette diversité sociale ne
serait pas un épiphénomène si la mutation de ce continent n'avait pas été suivie
d'une transformation de la "normale solidarité" tribale en son contraire : la
pathologique. Drame politique dont l'existence est reconnue par tous, même si
son explication est sujette à controverses!. Les attitudes de ces entités méritent
réflexion (A) dans la mesure où elles se répercutent sur la vie politique de ces
pays en général, et sur les institutions représentatives en particulier (B).
A - Diversité de comportements ethniques
L'appréhension de certaines manières d'agir des ethnies dans la vie
politique ne saurait être objective que si ces dernières sont situées dans l'espace
(cadre territorial) et dans le temps (évolution historique)2. Les Etats étudiés
peuvent être classés en deux: groupes : d'une part, les cas voltaïque et sénégalais,
où le particularisme social est peu marqué ; d'autre part, les cas ivoirien et
togolais, où les groupes ethniques sont en opposition.
Paragraphe 1 - Des exemples de relative coexistence pacifique
entre ethnies : Haute-Voha et Sénégal
Contrairement à la situation générale en Afrique, nos deux exemples, de
par leurs caractéristiques sociales, ne souffrent pas des divisions tribales, mais
n'échappent pas aux velléités de sentiments régionaux et autonomistes.
1 Un faisceau d'explications a été fourni par M. W.O. Yagla, "l'Edification de la
Nation Togolaise", l'Harmattant, Paris,
1978 ; Voir toute la première partie de
l'ouvrage pour le cas Togolais. Beaucoup plus général, M. L.Scilla fait une étude
sociologique
dans
"Tribalisme et
parti
unique",
Presses
de la Fondation des
Sciences Politiques, Université d'Abidjan, 1977.
2 L'inspiration de cette affirmation découle de la lecture de l'analyse de Mme. C.
Coquery Vidriovitch, à propos des racines historiques du pouvoir : "chefferie" et
"Tribalisme", Pouvoirs n° 25. 1983. page 51 et suivantes. Il faut partir de l'Afrique
précoloniale et coloniale pour saisir le com porte ment ethniq ue conte mporain.

- 35 -
a) Les caractéristiques essentielles des sociétés voltaïque et
sénégalaise
La Haute-Volta (7 705 850 habitants) et le Sénégal (6 416 000 habitants),
en dépit du nombre élevé de leurs groupes ethniques (soixante et douze
respectivement! ), présentent le cas de la prédominance d'\\ll1e ethnie. C'est là le
premier trait comm\\ll1 : en Haute-Volta, ce sont les mossis, tandis qu'au Sénégal,
il s'agit des wolofs. De ce premier constat, on serait tenté d'émettre l'hypothèse
d'une asphyxie des minorités ethniques. Cependant, la réalité est tout autre.
En effet, composant la moitié de la population nationale, ces deux entités,
par leur répartition géographique sur presque toute l'étendue de leur territoire
respectif, représentent des moules dynamiques d'intégration2• On peut ajouter
que des langues majoritaires sont parlées par les 3/4 au moins de la population3•
TI est plausible de dire, en y apportant des réserves, que l'islam au Sénégal,
pratiqué à un taux de 90 %, est un des facteurs créateurs de ce "vouloir vivre
collectif'. En effet, la vision cosmogonique de l'univers (et de la communauté ou
Ulema) du "mouroudisme" et sa force d'attraction aux yeux des sénégalais
(surtout des ruraux) constituent de véritables repères et références de la
conscience sénégalaise4 •
En ce qui concerne le rôle des croyances religieuses, la Haute-Volta
présente une originalité: il y a dans ce pays trois religions d'inégale importance
(la religion traditionnelle, l'islam et le christianisme). la difficile localisation de
telle ou telle ethnie par rapport à sa confession manifeste justement cette grande
diversité. Mais, du fait de l'esprit de tolérance religieuse qui existe dans ce pays,
la particularité de cette situation a été un préalable à la coexistence des groupes
ethniques.
! Une monographie sur les données sociologiques, économiques et politiques est
présentée par les "Atlas jeune Afrique", Paris Ed. Jeune Afrique, 1981. De même il
est possible de consulter M. P. Lippens, "La Haute-Volta", Ed. Berger-Levrault,
Paris, 1972, page 10 et suivantes d'une part, M. J.F. Gonidec, "La République du
Sénégal", Ed. Berger-Levrault, Paris, 1968, page 9 et suivantes d'autre part.
2 Dans ces deux pays concernés, il se passe un processus de phagocytose des
minorités par les mossi et les wolof, à l'instar de la "russification" entreprise jadis
en Russie.
3 Idem.
4 La vertu unifiante de l'islam au Sénégal est explicite dans l'ouvrage de M. C.
Coulon, "Le Marabout et le Prince", Ed. A. Pedonne ; de même, M. P.F. Gonidec le
mentionne sommairement, op. cil., page 10.

- 36 -
Le second trait commun est l'extrême jeunesse de la population et sa
mobilité. Ainsi, 54 % de voltaïque ont moins de 20 ans tandis que 44 % de
sénégalais sont situés en deçà de la tranche d'âge de 15 ans. Ces statistiques ne
seraient révélatrices si la jeunesse n'était pas en contact avec le monde extérieur
et, par conséquent, avec des idées nouvelles 1. Ce dynamisme est favorisé par le
fait que les jeunes ont le sentiment d'appartenir davantage à telle ou telle ville
plutôt qu'à telle ou telle ethnie. Cela est lié au phénomène de l'urbanisme et de la
mobilité géographie de la population2• Au Sénégal, 115 de la population est
urbanisée tandis qu'en Haute-Volta la proportion est de 1115 environ3. Aussi,
l'influence de la croissance urbaine sur l'effritement du "pathologique"
nationalisme ethnique est appréciable. Ses nouvelles données de la vi~ n'étant
plus fonction des valeurs traditionneiles (solidarité clanique... ), mais plutôt des
luttes individuelles pour la fructualisation des capitaux, les sentiments et
comportements en fonction de l'ethnie s'amenuisent et se muent en des
sentiments régionaux<1. Cest ce qui explique que dans ces pays, du fait d'autres
facteurs concomitants (syndicats, cercles, clubs), il existe une certaine
opposition entre régions ou entre citadins et "gens de la brousse", plutôt qu'entre
ethnies géographiquement localisables5•
TI résulte, de toutes ces caractéristiques, l'existence d'un climat favorable à
ces sociétés. Mais, cette apparence ne pourrait cacher les poussées de
régionalismes qui, souvent exacerbées, prennent la forme de l'irrédentisme ou de
l'autonomie.
1 Cette mobilité concerne toutes les composantes ethniques, mais elle est plus
perceptible chez les mossis et wolof. Tandis que les premiers sont agriculteurs et
émigrent à l'intérieur de la Haute-Volta et à travers l'Afrique de l'Ouest (1 500 000
selon les estimations), les seconds s'adonnent au commerce et se rencontrent
autant sur l'étendue du sol sénégalais qu'à travers l'Afrique de l'Ouest. Lire M. R.
Dermiel, de la Savanne à la ville: essai sur la migration des mossis vers Abidjan et
sa région, Paris, Aubier, 1968.
2 Idem.
3 Voir note (3) page précédente.
<1
En désaccord sur la conclusion avec M. L. Scilla, qUi, evoque par cette nouvelle
phrase les germes du nationalisme ethnique camouflé sous sa forme d'autonomiste
et séparatiste, nous y voyons une opposition entre régions dont le brassage n'est
pas à négliger.
5 Idem.

- 37 -
b) Les manifestations des sentiments ethniques en Haute-
Yolta et au Sénégal
Dans ces Etats, il s'agit donc d'un tribalisme plus régional qu'ethnique.
L'inégalité de développement régional, la supercentralisation des structures
économiques et administratives dans les .zone~ urbaines ont eu pour effet de
faire naître, pour reprendre la formule de M. L Stilla, le tribus urbanae 1• Ainsi,
sur le plan des institutions partisanes, apparaissent des mouvements ou
formations politiques régionaux revendiquant leur autonomie. Au Sénégal, c'est
le mouvement autonomiste casamançais, tandis qué leurs homologues voltaïques
(plus éphémères) furent le mouvement autonomiste de l'Ouest et le Front de
défense des minorités. Il faut encore ajouter la survivance de quelques
sentiments ethniques, conservés par les minorités situées aux extrémités des
territoires, que l'inexistence d'infrastructures coupe de la communauté nationale.
Ces derniers sont de ce fait des partisans de l'irrédentisme.
TI ressort de cette analyse sommaire, au-delà des rapports apparemment
problématiques, une profonde acceptation du "vouloir vivre collectif" des
groupes ethniques de ces pays. Les exemples suivants comrrmeront ces réalités.
Paragraphe 2 - Des groupes ethniques antagoniques:
Côte d'Ivoire et Togo.
L'extrême diversité de ces peuples nous permettra d'apprécier, avec
justesse, les relations tissées.
a) Des difficultés de cohabitation
La Côte d'Ivoire (8 400 000 habitants) et le Togo (2 799 478 habitants)
présentent, pour le premier trait commun, une constellation d'ethnies (cinquante
environ) situées à des points précis de leur territoire nationa12. Dans ces deux
cas, le morcellement de leur population est frappant. Au Togo, seuls deux
groupes, les Kabyes et les Ewés, offrent une illusion d'importance, avec
respectivement 14 % et 21 % de la population. En Côte d'ivoire, malgré leur
dynamisme, les Baoulés (planteurs) ne sont pas pour autant les plus nombreux.
1 M. L. Scilla, op. cit. page 72.
2 Voir la carte ethnique de ces pays.

- 38 -
A cette diversité ethnique correspond la diversité linguistique. Ainsi,
contrairement aux exemples antérieurs, aucune langue ni ethnie n'a réussi à
s'imposer aux autres et, par conséquent, à la majorité de la population. C'est ce
qui explique la tendance des ethnies à se replier sur elles-mêmes.
Le second trait commun réside dans la persistance des solidarités
ethniques, nonobstant l'extrême jeunesse et l'urbanisation de leur population.
Ainsi, environ la moitié de leur population est en dessous de la barre des 15 ans
et un sixième des habitants vit en ville. Mais, au lieu d'être des facteurs de
rapprochement, ces réalités seraient plutôt l'occasion d'un raffermissement des
sentiments ethniques. On est, dès lors, porté à parler de cas pathologiquel .
La variété des croyances religieuses constitue le troisième trait commun.
Dans ces pays, où la religion traditionnelle est dominante (54 % et 70 %), son
influence n'a pas été déterminante dans le processus d'intégration nationale à
l'instar de l'islam au Sénégal.
A tous ces traits montrant les difficultés de cohabitation des ethnies de ces
pays, il convient de mentionner également le rôle des hommes politiques et de la
colonisation dans l'exacerbation des contradictions interethniques2 .
b) Les comportements ethniques en Côte d'Ivoire
et au Togo
irrédentisme, rébellion, autonomie, opposition entre ethnies, telles sont les
manifestations perpétuelles des groupes sociaux dans les Etats susvisés. Une
énumération exhaustive serait intéressante, mais n'aurait pas le mérite
d'expliquer les raisons de ces problèmes3. Pour ce faire, nous ne citerons que
quelques cas, en ne nous intéressant qu'à leurs mobiles tribaux.
1 Nous utiliserons cette expression par opposition à son contraire la normale, car
la réalité l'impose. A ce sujet, voir l'article de M. C.M. Toulabor, lexique de la
dérision politique au Togo, in politique Africaine du 3 septembre 1981, Karthala,
Paris, 1981, page 55 à 71.
2 Pour le premier point, l'analyse de M. Yagla in "d'Edification de la Nation
Togolaise", ouvrage cité, page 72 à 122, est éloquente. Voir aussi, M. L. Scilla. thèse
citée, page 43 à 96. Pour ce qui est de l'explication objective du phénomène tribal,
il faut le situer à travers trois périodes distinctes (Afrique précolonia1e et post-
coloniale) afin de le saisir. Voir m. L. Scilla, op. cit.
3 Voir note (3) de la page précédente.

- 39 -
En Côte d'ivoire, en 1963, un mouvement irrédentiste naquit au Sud-Est et
prit une telle proportion qu'il fut appelé "l'affaire du Sanwi". li était question,
pour les tenants de l'acte de sécession, de la création d'un Etat monarchique
composé exclusivement d'une tribu du groupe ethnique akan. Pour actualiser, on
peut citer les différentes oppositions ethniques de 1970 (le pouvoir s'en prend
aux Agnis et aux Bétés), de 1982 (dirigées cette fois-ci contre les Bétés)l. A
travers ces exemples, on voit tout à fait que les relations entre ethnies sont
conflictuelles. Pour mieux illustrer cet état de fait, il suffit de savoir que le parti
unique de cet Etat a pour cellule des ethnies. Ainsi, chaque groupe ethnique est
un noyau du Parti démocratique de Côte d'Ivoire.
Le Togo n'échappe pas à cette analyse, contrairement à plusieurs écrits2•
A partir de ces observations, on saisit aisément l'opposition entre les ethnies du
Nord et celles du Sud, maintenue par la première République (Ia composition du
gouvernement étant exclusivement réservée aux ethnies du Sud), subtilement
résolue par un système dit d'équilibre sous la IIè République et la IIIè
République3• On constate, par là, toutes les retombées de ces comportements sur
l'échiquier politique de ces pays.
B - Répercussions des données sociologiques sur la vie politique africaine:
esquisse d'explication foo.dée sur l'analyse de la technique du "dosage
ethnique" dans les Etats témoins de Haute-Volta et du Togo
L'esprit de l'analyse présente n'est plus de décrire les traits singuliers et les
comportements sociologiques des sociétés évoquées antérieurement, mais de se
prononcer
sur les conséquences de leurs particularismes dans la gestion des
Etats, avec deux témoins: la Haute-Volta et le Togo. Pour parvenir à cette fin,
l'étude de la technique du dosage ethnique, utilisée comme moyen de construire
la nation, à l'instar du parti unique et de l'Etat4, servira de révélateur.
1 Voir M. L. Gbago, ouvrage précité, page 7 et suivantes.
2 Il s'agit de "l'Edification de la Nation Togolaise' de M. Yagla ; de la Conférence de
M. F.N. Ouattara, "le système politique du Togo", E.N.A., Lomé, juillet 1982, 10 pages.
3 Pour concrétiser ces idées, voir M. Yag1a, ouvrage cité, page 134 et suivantes.
4 On pourrait utilement se référer aux systè mes politiques africains reposant sur
la théorie du Parti-Etat (Guinée, Zaïre, Togo... etc). A ce sujet, "La théorie du parti-
Etat dans les systèmes africains de parti unique", Mémoire de D.E.A. de Droit Public
de M. T ALL Moctar, Université de Poitiers, 1981-1982.

- 40-
Auparavant, il importe de procéder à une défmition de la notion et à lll1e
énonciation de quelques difficultés liées à l'établissement de tableaux explicatifs
du phénomène de l'antagonisme ethnique.
A cet effet, on pourrait défmir le "dosage ethnique" comme lll1e technique
politico-juridique visant à attribuer ou à octroyer lll1 siège ou une fonction dans
les institutions administratives ou politiques à des groupements ethniques au
prorata de leur nombre et de leur importance dans une société donnée. Ainsi,
parce que cette politique s'est généralisée, il nous a semblé que la méthode la
plus adéquate pour la compréhension de notre propos était l'élaboration de
tableaux. Cette entreprise ne fut pas sans difficultés. En effet, des écarts
importants existent entre les statistiques offertes par les diverses sources
concernant la répartition
ethnique des populations. Cependant, les tableaux
établis, à défaut d'être d'lll1e perfection absolue, sont proches de la réalitél .
Paragraphe 1- L'exemple de la Haute-Volta
L'analyse du tableau présent, confronté à la carte ethnique et au schéma
"généalogique" des partis politiques de la Haute-Volta, présente non seulement
lll1e "forêt de questions", mais aussi une "architecture de réponses"2. Pour notre
part, l'intérêt exclusif concerne les conséquences des particularismes sociaux sur
la vie politique.
a) L'analyse des données
On peut, à partir de ces données brutes, souligner deux points : d'lll1e part
le respect de la carte ethnique par les formations politiques, d'autre part, une
non-représentation des minorités situées aux extrémités territoriales. Cest là que
réside l'intérêt de l'étude.
1 Un exemple de gonflement des chiffres de son ethnie est offert par M. H.
Attignon et M. Yagla in "l'Edification de la Nation Togolaise", ouvrage cité, page 13
(au bas).
2
Les expressions sont du professeur Joseph Ki-Zerbo, "Pourquoi l'UPV a dit non",
Observateur n° 1401 du
jeudi 20 juillet 1978.

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- 42 -
al. Les candidats à la députation choisis en fonction de
l'importance de leur ethnie dans la société
En considérant le groupe mossi (48 % de la population), on est surpris de
constater sa sous-représentation (44,27 % en moyenne) sur les listes des cinq
partis présents à l'assemblée national~ de la lliè Républiquel . De l'ensemble de
ces formations politiques, seule l'UNI dépasse le seuil des 48 % avec un taux de
52,85 %, tandis que l'UDV-RPA, l'UNDD, l'UPV et le PRA ont respectivement
47,40 % ; 38,60 % ; 43,90 % et 38,60. Cette minorisation s'explique par
l'imbrication (don par la cohabitation) du groupe mossi avec d'autres, tel celui
des Gourounsi (5,3 % de la population) qui sont surreprésentés (7,76 %). Ce
dernier groupe est d'importance secondaire sur la liste de l'UNI 0,77 %) et est
amplifié par le PRA (12,28 %). A ces deux entités, s'ajoutent les Peuls (lo % de
la population) ayant une moyenne de représentation de 9,17 %. Il est possible de
relever, à l'exception de leur faible représentation sur la liste de l'UNI (3,77 %),
une homogénéité globale.
L'aspect singulier de ces listes réside dans la représentation respective du
4è et 5è groupe ethnique : les Mandés et les Bobos. En effet, d'importance
relativement égale (6,9 % et 6,7 %), les premiers bénéficient d'un taux moyen de
13,19 %, tandis que les seconds n'atteignent que 3,58 % environ. Le faible taux
de ce dernier explicable, à l'instar de la sous-représentation des mossis, par leur
apparente assimilation avec l'ethnie senoufo (5,5 % de la population). Celle-ci,
avec une moyenne de 4,25 % sur l'ensemble des listes établies, est sous-
représentée, hormis l'exception de la liste UPV (5,26 %). Ensuite, viennent les
Lobi-Dagari avec 5,98 %, alors qu'ils constituent 7 % de la population. Aussi,
les écarts entre les listes sont éloquents : alors que l'UNI ne lui accorde que 1,88
, toutes les autres formations politiques lui en attribuent environ 7,01 %. Pour
finir, les Bissas et les Gourmantchés (4,7 % et 4,5 % de la population)
représentent respectivement 5,71 et 6,04 % des candidats présentés par les partis
politiques.
1 Par ordre d'importance, il s'agit de l'Union Démocratique Voltaïque (section du
Rassemblement Africain), de l'Union nationale pour la Défense de la Démocratie,
de l'Union Progressiste Voltarque, du Parti du Regroupement Africain et de l'Union
des Indépendants.

- 43 -
Au regard de ces statistiques et en faisant l'économie des minorités non
représentées, quelles sont les constatations que s'imposent ? Avant de répondre à
cette question, il faut apporter quelques correctifs à ces chiffres.
a2. Rapprochement avec les résultats des élections
Lorsque nous parlons de corrections, nous voulons montrer les
répercussions des diversités de comportements ethniques à travers l'exacte
répartition de la représentation législative, à l'issue des élections de mai 1978?
Ainsi, le parlement monocaméral voltaïque de la IDè République se composait
de la façon suivante :
Législature: 1978 - 1980
% Députés
% Population
1.
Mossi
27 députés
47,36
48
2.
Peul
6 députés
10,52
10
3.
Lobi-dagari
4 députés
7,01
7
4.
Mandé
5 députés
8,77
6,9
5.
Bobo
4 députés
7,01
6,7
6.
Senoufo
3 députés
5,26
5,3
7.
Gourounsi
4 députés
7,01
4,7
8.
Bissa
1 député
1,80
4,5
9.
Gourmantché
3 députés
5,26
1,4
10.
Autres
TOTAUX
57 Députés
100,00
A la lumière de ces résultats, comparés aux chiffres antérieurs, on peut
retenir deux faits saillants :
Premièrement, à l'exception du cas n° 8 (Bissa), il y a une relative
proportionnalité dans la réparation des sièges entre les différentes entités
ethniques ; deuxièmement, l'écart entre les statistiques de la période
préélectorale et celle postélectorale est presque insignifiant. Avant d'aller plus
loin dans l'étude, ne peut-on pas voir à travers ces chiffres le reflet autant d'un
comportement électoral que d'un vouloir vivre collectif de ces groupements
ethniques?

- 44-
a) Observations
TI résulte de l'analyse précédente que les composantes de la société
voltaïque semblent n'être pas l'objet, sur la scène politique, de querelles tribales.
Comment alors expliquer plus objectivement, au-delà du mutisme des
statistiques, un tel état d'esprit ? Deux additifs aux facteurs intégrateurs (analyse
sur les caractéristiques de la société voltaïque) méritent lll1e interrogation.
Auparavant, une mise au point sur les manifestations du tribalisme lors
des consultations électorales est nécessaire. En effet, il n'est pas rare de
découvrir nombre de propos ethnicistes usités pour la collecte des suffrages
politiques dans ce pays. Par leurs influences (imIBCt) sur le peuple, les hommes
politiques les utilisent afm de rendre plus dynamique la solidarité de leur ethnie
dans le vote du "fils du pays"1. Aussi notre propos, loin d'être contradictoire, en
abordant les suppléments susvisés, confirmera le caractère peu marqué des
antagonismes ethniques en Haute-Volta.
On peut, tout d'abord, à l'aide du schéma généalogique des partis
politiques de ce pays établi par M.K. Sandwidi2, entrevoir un élément
d'explication de l'entente. En effet, à l'exception des formations politiques
clandestines, - PAl et PCRV -, la totalité des autres institutions sont issues de
l'Union voltaïque, créée en 1945. De cette façon, la classe politique de ce pays
de l'indépendance à nos jours, restreinte aux dirigeants de ces partis, sera la
seule catégorie sociale régulièrement sollicitée lors des élections, en droit
"disputées mais en pratique "plébicitaires", ainsi que la composante unique des
organes exécutif et législatif3.
Par conséquent, l'uniformité ou l'absence véritable de programme, loin
d'être une hérésie, n'est que la traduction de l'entente des hommes politiques
pour la conquête et l'exercice du pouvoir. On voit par là s'effriter le contenu des
1 C'est le langage tribaliste utilisé par les acteurs politiques fidèlement repris par
maints acteurs: voir M.S. Kourita, "Les partis politiques en Haute-Volta", thèse de
Droit Public, Poitiers, 1981, page 381.; Observateur n° 1363 des 26-27-28 mai 1978,
page 9.
2 M.K. Sandwidi, thèse citée, page 506.
3 Cette
conclusion
probante
est obtenue
si
l'on
effectue
une
investigation
comparative
de
la
liste
du
personnel
politique
contenu
dans
l'Ediafric,
la
Documentation Africaine, Paris, 1960-1983, et les thèses de MM. A. Nikiéma et K.
Sandwidi évoq uées.

- 45 -
thèmes tribalistes prononcés lors des élections : il était question, ponctuellement,
de recueillir un maximum de suffrages susceptibles de conférer au candidat une
position stratégique lors de l'attribution des portefeuilles politiques. e'est aussi
par cette arithmétique politique que l'on explique, nonobstant ces débordements,
le maintien de la relative coexistence entre les groupes ethniques. On pourrait
dire que le contrat politique entre les dirigeants influe de façon dynamique sur
les liens de solidarité interethniques de ce pays' .
fi est possible aussi, par le caractère national des principaux partis
voltaïques, d'esquisser une réponse à ce climat social. En plus de leur
composition, les forces politiques se caractérisent par leur implantation
nationale (supra-ethnique). Par conséquent, il est quasi impossible d'attribuer à
un parti une quelconque collaboration tribale. Aussi, par le mythe de
l'appartenance, collective ou individuelle, à une formation, on aboutit à la
création d'un cadre de désintégration des vieilles "solidarités tribales".
Au terme de ces observations, force est de constater, en dépit de l'absence
de nations (au sens objectif du terme) et de l'utilisation fréquente de thèmes
ethnicistes par les hommes politiques voltaïques, l'état d'entente entre groupes
sociologiques. L'analyse de l'exemple togolais attestera la véracité de ce constat.
Paragraphe 2 - L'expérience de la vie politique au Togo
De l'indépendance à nos jours, la vie politique de ce pays n'a cessé d'être
jalonnée d'oppositions fréquentes entre groupes ethniques. Sur le plan de la
pratique politique, ces manifestations s'ordonnent autour de la création de partis
ethniques, UPCN, eUT..., et de la formation des organes exécutifs, ou par un
dosage subtil, pluriethnique. Ainsi, il est aisé de comprendre l'apologie de la
technique dite de "l'arithmétique politique à base tribale" faite par les tenants du
pouvoir2. Cest en cela que réside l'intérêt particulier de l'étude.
, Si l'on se réfère au séparatisme (Biaffrais par exemple), à la partition de fait du
Tchad ... etc, reposant surtout sur la mésentente entre fractions tribales, et, que
l'on rapproche cela de la stabilHé entretenue en Haute- Volta, on est en mesure
d'aboutir à une telle affirmation.
2 Il est légitime de parler d'apologie de la pratique du dosage ethnique au Togo
lorsqu'on lit les écrits des défenseurs de la IIIè République. Voir cet aspect dans
"l'Edification de la Nation Togolaise" de M. Yagla, page 134 et suivantes. Il faut pour
l'accepter, s'intéresser aux tableaux sur la répartition des ministères en fonction
des ethnies et aux explications correspondantes (page 115 et 125).

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- 46 -
a) Analyse des données
L'observation méticuleuse du tableau laisse apparaître une répartition
laborieuse des sièges à l'assemblée nationale de la illè République du Togo, en
fonction non seulement de l'origine ethnique mais aussi régionale.
Au regard des statistiques susvisées, on s'aperçoit que le groupe
linguistique adja-ewé, situé au sud du pays, comprenant les sous-groupes ewé,
ouatchi, adja et mina, est majoritaire avec 40 % de la ·population. TI bénéficie de
31 députés, soit environ 47,69 % du chiffre total. Cette attribution est nettement
au profit de l'ethnie ewé avec 27 sièges contre deux respectivement aux minas et
ouatchi-adja. Arrivant en seconde positions, le kabyé-tem, regro.upant les Kabyé,
les Naoudemba, les Lamba et les Temba, se localise au Nord avec 29,60 % de la
population. Dans ce groupe, les Kabyé et les Temba prédominent (15,84 % et 5
% respectivement).
Cette communauté linguistique bénéficie de
24
parlementaires, soit 36,92 % du nombre de mandats. Le troisième groupe est
constitué par les Paragourma, habitant l'extrême nord, avec 18,60 % de la
population. Les Mobas et les Bassars forment leurs composantes majoritaires, et
pourtant se voient attribuer respectivement quatre députés et enfin un siège pour
les Tyakossis. Pour fmir, il y a des groupes du Centre dont les Akposso (4 %)
demeurent les plus importants. Ayant un député, le taux est de 1,54 %.
En résumé, les données sont les suivantes :
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Nord
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Centre
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Tout d'abord, quelques réflexions sur ces données sont nécessaires.

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- Comev1n (Robert), "Le ~", Parla, 2èI1e Ed, P.U.F. 1973
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- 48 -
Premièrement, sur le plan strict de l'égalité (en conformité avec la logique
du système), il résulte de ces chiffres un équilibre dans la répartition au regard
des statistiques ethniques, mais un déséquilibre en ne considérant que la
population régionale ;
Deuxièmement, on note, à égalité de taux entre les groupes kabyè et éwé,
une disproportion dans cette opération d'attribution (respectivement onze et
vingt-sept).
b) Observations
L'utilité d'un tel tableau, lorsqu'il est étudié à la lumière de l'évolution
historique de ce pays, est d'apporter un enseignement notable sur les
conséquences de la diversité de comportements ethniques dans la vie politique.
En prenant le risque d'ignorer la pratique politique de la Ire et de la ne
République 0960-1963 ; 1963-1967), caractérisées, pour la première, par un
rejet de la participation à la gestion publique des ethnies du Nord et, pour la
seconde, par une association relativement importante de ces dernières 1, nous
aurons en contrepartie, par l'analyse du régime constitutionnel actuel, une vision
pertinente du champ de confrontation des différentes entités sociales de ce pays.
En effet, il est aisé de constater, à travers ces données, au-delà du
morcellement de la population, un antagonisme entre ces ethnies. On est amené,
par le biais du découpage minutieux du territoire, des grands ensembles aux plus
petites unités administratives (régions, préfectures, cantons, villages....) reposant
sur des groupes ou sous-groupes ethniques, à constater, à l'encontre de certaines
thèses partisanes, l'inexistence de nation. En conséquence, la survie de l'Etat
togolais est menacée par des revendications singulières. Plusieurs ouvrages
indiquent bien ces types de comportements2.
1 Voir M. S. Suka Adabra, "Les autorités traditionnelles et le pouvoir politique
moderne au Togo", thèse de Doctorat d'Etat, Université de Paris I, mars, 1973, page
228 et suivantes. De même, M.K.A. Dedo, Mémoire cité, page 41 à 52.
2 Bien que très partisans, les écrits suivants dénotent partiellement les attitudes
des groupes ethniques du Togo: M.W.O. Yagla, op. cit., page 59 et suivantes; M.C.M.
Tou1abor, déjà évoqué, page 55 à 71.

- 49 -
On est tenté de croire que le critère essentiel d'attribution de l'exercice de
fonctions, tant administratives que politiques, est en rapport avec l'équilibre
entre les ethnies, qui sont de véritables "lobies", pour reprendre M. Veyra 1.
Par ailleurs, l'organisation du parti unique, le RPT, en principe le "creuset
national" , mais en réalité" la fédération interethnique" , reposant sur des cellules
territoriales tribales, ne favorise pas l'unité souhaitée : l'expérience du Sénégal
avec l'Union progressiste sénégalaise (UPS) aurait été, sur ce plan, un exemple
à suivre. Car, par des cellules régionales (supra-ethniques), le parti unique de
ce pays a réussi à créer un cadre de vie national à défaut d'une nation 2.
De ces succinctes observations, il s'avère possible de faire le constat qu'au
lieu de "l'édification de la Nation" au Togo, il est plutôt question de
morcellement de ce tissu sociologique qui, par ailleurs, est fortement encadré
par les autorités religieuses et traditionnelles.
1 M.
Vera, in travaux de la rencontre internationale de Bouaké
.
,
op. Clt., page 90.
2
Pour
une
connaissance
plus
large,
voir
M.L.
Scilla
"Trib';l.1isme et Parti unique en Afrique Noire",
op.
ci t ., page 170
et sUlvante.

- 50 -
Section II - La persistance de l'influence des autorités
religieuse et traditionnelles
Al' exception de la Mauritanie et des Comores, la totalité des dispositions
constitutionnelles des pays d'Afrique d'expression française consacre le principe
de la séparation de l'Etat et de l'église. Ces nouvelles républiques se déclarent
laïque et, de ce fait, cantonnent les religions dans l'exclusif domaine spirituel.
De même, reprenant à leur compte les enseignements de la révolution de 1789,
les nouvelles autorités civiles de ces Etats proscrivent le pouvoir traditionnel, en
transformation les chefferies en auxiliaire de l'Administration 1.
Pourtant, l'impact des religions sur la population africaine, population
"incurablement religieuse", selon M.M.A. Glélé 2, est un écueil à la
délimitation objective du temporel et du spirituel dans ces Etats. Le fait religieux
semble être consubstantiel à la vie politique africaine. Il suffit, pour s'en
convaincre, de réfléchir à la religiosité qui imprègne les institutions de ces
pays : partis laïcs mais spiritualistes ; appel à Dieu lors des prestations de
serment. ..3 • Par ailleurs, hormis le cas de la Guinée, les chefs coutumiers,
convertis à la modernité, demeurent les maîtres dans les institutions de ces pays
nouvellement constitués. Rémunérées et investies de fonctions diverses
(perception d'impôt, justice coutumière, etc), les autorités traditionnelles
récupèrent, en fait, leurs anciennes attributions : par la force des choses,
encadrant la majorité de la population, au surplus "analphabète", la chefferie
coutumière détient une parcelle inestimable du pouvoir d'Etat dans ce pays 4.
1
Voir à ce propos, M. Adabra "les autorités traditionnelles
et le pouvoir politique moderne au Togo". Thèse de Doctorat d'Etat,
Paris, 1973, page 96 et suivantes.
2
MM.
L. V.
Thomas
et
R.
Lunesu
avec
J. L.
Donneux,
"les
religions d'Afrique noire",
séries Fayard/Denoe,
1969,
page l'in
M.M.A.
Glélé
"Réligion,
culture et politique en Afrique noire",
Economica, paris,
1981, page 7.
3
Consulter M.M.A. Glélé,
idem page 43 à 58.
4
L'expression
analphabète
se
comprend
par
référence
à
la
méconnaissance de la langue officielle de ces états, c'est-à-dire,
le Français.

- 51 -
Il faut cependant distinguer et nuancer entre les influences exercées par ces
forces. L'action de la religion sur le domaine politique a un effet d'amplification
dans les pays où cette dernière s'identifie aux religions traditionnelles: c'est
l'exemple du Sénégal. A l'inverse, son influence s'amenuise en fonction d'autres
facteurs (enseignement, cercles, clubs, etc) : c'est le cas de la Haute-Volta.
Ailleurs, les autorités civiles coïncident avec les traditionnelles: c'est l'exemple
ivoirien. Enfin, au Togo, la chefferie coutumière est sous la dépendance du
pouvoir politique. De ces observations, il ressort les traits annonciateurs de
l'importance et de l'influence des forces susvisées sur la scène politique. C'est
ce qui va constituer notre centre d'intérêt, en nous limitant aux Etats précités.

- 52 -
A - L'existence des forces religieuses
Dans un premier groupe de pays (Haute-Volta et Sénégal), la religion et
l'ensemble de ses dignitaires, organisés, structurés, constituent une force
politique évidente. Dans un second (Côte d'Ivoire et Togo), les forces religieuses
sont associées au pouvoir. De cette typologie, discutable en raison de
l'imbrication multiforme des facteurs religieux: et politiques, on retiendra
essentiellement la représentation des autorités religieuses dans les institutions
nationales.
Paragraphe 1 - La religion en tant que force politique évidente au
Sénégal et en Haute-Volta
Dans ces deux cas, la similitude dans l'action politique des forces
religieuses ne doit pas masquer les différences sm les moyens utilisés à cette fm.
Par conséquent, une étude séparée s'impose.
a) L'islam au Sénégal: un "groupe de pression"
Sur une population estimée à 6416000, 83 % des habitants se réclament de
la religion islamique (soit 5325288 adeptes). Les chrétiens et les animistes sont
minoritaires avec respectivement 28304 et 769920 adhérents (soit des taux: de
4,4 % et 12 % du chiffre total de la population). Minoritaires an regard de ces
chiffres, l'importance de ces forces est en plus amoindrie par l'existence de
puissants clergés musulmans. Avant d'aborder l'étude de l'influence de l'islam
sur la vie politique sénégalaise, il serait intéressant de s'arrêter sur les traits de
cette religion.
L'islam en Afrique de l'Ouest est d'abord maraboutique et confrérique.
Cela s'applique particulièrement au cas sénégalais. De l'arabe "Tariqa",
synonyme de voie ou chemin, on peut la définir comme la voie bâtie par le
"saint" fondateur dont l'emprunt permet l'élévation spirituelle des adeptes.
Adaptée à la cosmogonie africaine de l'existence, cette croyance devient
maraboutique. En somme, il s'agit du sentiment selon lequel le croyant ne pourra

- 53 -
vivre dans l'au-delà que s'il dépend totalement d'un homme désigné, dit-on, par
Allah : le MARABOUT.
Ainsi dit, il existe cinq principales voies islamiques au Sénégal: les Bou
Kounta ; les Mourides, les Layenes, les Niassènes et les Tidjanistes. A cela
s'ajoutent les réformistes constitués par des personnes issues des institutions
d'enseignement islamique : Union culturelle musulmane, Union nationale des
étudiants sénégalais en langue arabe l . Au-delà de cette diversité, le second trait
à noter réside dans l'organisation pyramidale de ces forces religieuses et dans
leur puissance financière. Par cet aspect se perçoit la cohésion de la
communauté musulmane, contrairement à la communauté animiste, face à un
pouvoir politique civil. Dans un souci de clarté, afin de ne pas rester dans
l'abstrait, l'analyse s'en tiendra aux mourides.
On peut souligner, d'abord, la correspondance effective entre les unités
administratives de l'Etat et les cellules composant la confrérie susvisée : chaque
échelon, du plus petit au plus grand (quartier, village, canton, préfecture et
région), a son répondant dans l'organisation structurelle des mourides (dahiras
de quartier, de cantons, fédérations dahiras... de Dakar, la capitale de l'Etat). Par
ailleurs, les représentants de l'autorité étatique ont à côté d'eux des "mandants"
du "kalife", l'autorité suprême de la confrérie. TI est aisé, à partir de ce
quadrillage religieux du Sénégal, de percevoir le rôle politique joué par la
religion.
M. Mamadou Lô écrivait fort justement : "dans un petit pays, comptant à
peine trois millions d'habitants, dont 1000000 d'électeurs, on mesure toute
l'importance politique que revêt le contrôle homogène de 400000 citoyens, plus
attentifs aux sermons du Marabout qu'aux discours politiques''2. On touche déjà
du doigt le problème, mais avant de s'y intéresser, un éclaircissement sur
l'inestimable richesse des marabouts peut être intéressant.
A ce sujet, M.V. Monteil, dans "Mouroudisme et Développement"3,
explique par une approche wébérienne non seulement les sources de la
1 M.F. Zucare11i, "Un parti politique Africain: l'Union progressiste sénégalaise" ;
L.G.D.j., Paris, 1970, page 319.
2
M.
Mamadou
Lô,
l'Union
progressiste sénégalaise
in "Forces
politiques en
Afrique Noire" ; P.U.F., Paris 1966, page 126.
3
M. V.
Monteil, "Mouroudisme et Développement", in Esquisses sénégalaises,
initiatives et études africaines, Dakar, IFAN, n° XXI, 1966, page 190.

- 54 -
puissance économique, mais aussi l'importance politique des mourides de ce
pays. Est établie, par cet enseignement, l'équivalence entre le rapport ''vocation-
métier" de l'ethique protestante et celui "travail-prière" des mourides : il n'est
pas étonnant, dès lors, de saisir l'expression utilisée par le fondateur de la
confrérie susvisée, A. Bamba (et ses héritiers), pour stimuler l'ardeur de ses
adeptes dans la production arachidière : "Le travail fait partie de la religion".
Celle-ci a son pendant dans l'ethnique protestante : ''Travaille ferme à ta
besogne. Travaillez donc à être riches pour Dieu non pour la charité et le péché".
Par conséquent, le résultat de la dévalorisation de la prière par rapport au travail
a été de conférer aux khalifes le pouvoir économique (à travers la production
principale du Sénégal). Insistons sur cet aspect en l'illustrant par l'exemple de
l'exploitation agricole de Touba-Bogo de C.F. M'Backé 1•
Constituée par 5500 hectares (dont 3000 d'arachide et 2000 de mil),
l'exploitation de ce "Serigne", bénéficiant de subventions et de facilités
fmancières auprès de l'Office de commercialisation agricole, est entièrement et
gratuitement mis en valeur par des ouvriers agricoles réduits pour la
circonstance en croyants (la contrepartie de cette gratuité réside dans l'espoir de
la vie de l'au-delà O.
En considérant l'importance de l'organisation centralisée et solide, d'une
part, l'assise fmancière et économique, d'autre part, des confréries, on est en
mesure d'appréhender leur poids dans le jeu politique. M.C. Coulon traduisait
fort justement cet état de choses2• En effet, multiformes et multidimentionnelles,
les interventions des religieux ne semblent pas constituer une quelconque
hérésie ou traduire l'impuissance des élites locales laïques !. Bien au contraire,
partis politiques et leaders nationaux, au demeurant, se complaisent dans une
telle situation.
D'abord, l'ascendance des confréries sur la vie politique se manifeste
clairement lors des diverses consultations électorales : présidentielles,
législatives, municipales. A l'occasion des scrutins, l'acquisition indispensable
(et le plus souvent suffisante) du consentement du khalife et de sa consigne de
vote est souhaitée par les fidèles et désirée par les candidats. On peut, à cet effet,
1 M.F. Zucarelli, "Un parti politique africain ; l'Union progressiste sénégalaise",
P.G.D.j., Paris, 1960, page 320.
2 M.C. Coulon, le Marabout et le Prince (Islam et Pouvoir au Sénégal), Ed. A. Pedone,
Paris 1981, page
103 à
136 (la relation de dépendance taalibé Marabout et
l'organisation maraboutique page 137 à 295) les marabouts et l'Etat.

- 55 -
citer l'exemple historique du référendum constitutionnel de 1958 et les
nombreux cas récents. Ainsi, en 1958, l'UPS, après le congrès de Cotonou,
devrait se prononcer pour le "non" aux propositions de création de la
communauté française, projet politique du général de Gaulle. Mais, face à
l'opposition des mourides, le "oui" l'emporta. Par ailleurs, les récentes élections
présidentielles confirmèrent le poids des autorités religieuses. Car, l'échec
prévisible des multiples candidats face au succès de "l'élu" des mourides était
certain 1.
Ensuite, l'observation de la prise des décisions fondamentales dans la
république laïque an Sénégal confrrme également leur poids. En tant que piliers
de la production arachidière et grands investisseurs dans le domaine foncier, les
chefs mourides et autres sont partenaires privilégiés de l'Etat dans la
détermination de la politique foncière et immobilière du pays.
li suffit, pour s'en convaincre, de se référer aux propos tenus par M.L.S.
Senghor dans la capitale dite du mouroudisme, d'une part, et aux mass-média
parallèles, lors de désapprobations de projets gouvernementaux par les khalifes,
d'autre part2 • Par ailleurs, il est intéressant de mentionner l'intervention des
musulmans lors de l'élaboration des projets de loi sociale.
Cette immixtion du religieux dans le temporel ne va pas sans résistance du
pouvoir civil. Ainsi, on peut évoquer le conflit entre ce dernier et les confréries
lors de la rédaction du code civil de 1972. Tablant sur la suprématie du Coran,
"Constitution suprême, qui a tout prévu...", selon eux, les musulmans dénieront
an parlement l'un de ses attributs traditionnels3. A la connaissance de ces faits,
on est tenté d'affirmer la faiblesse de l'Etat face à la religion.
Plusieurs éléments autorisent la dévalorisation d'une telle conclusion. En
effet, le pouvoir politique possède de nombreux moyens lui permettant
1 Ayant reçu l'appui des confréries musulmanes, qui, semblent avoir désapprouvé
la candidature du professeur C.A. Diop, M. Abdou Diouf, "Dauphin de M. Senghor"
ne pouvait qu'être élu.
2 Nous entendons pas Mass Média parallèles ce que l'on dénomme couramment en
Afrique par "Radio Trottoir", ou "Radio Kankan. La fiabilité des informations issues
de ces sources repose très souvent sur des faits fondés. Voir à ce sujet, M.M.
Debosle, Radio Kankan : Média parallèles, pouvoir d'analyser le fait accompli ?
Revue Française d'Etudes Politiques Africaines" n° 182 de février/mars 1981. page
95 et suivantes.
3 M. M.A. Glélé, "Religion, culture et politique en Afrique noire", op. cit., page 142
à 143.

- 56 -
d'infléchir la position des forces religieuses. On peut mentionner, comme
illustration, des pressions financières (aides, dons, subventions), l'utilisation du
discours civique et nationaliste l . Au surplus, l'analphabétisme des chefs
religieux 2 jouant à leur encontre, le gouvernement réussit à s'accommoder de
l'existence de ces derniers.
Eu égard à toutes ces considérations sur la place des forces religieuses
dans la vie politique au Sénégal, qu'en est-il en Hante-Volta ?
b) Deux forces politiques potentielles en Haute-Volta:
le christianisme et l'islam
La société voltaïque se singularise par un tripartisme religieux, marqué
par le dynamisme de la minoritaire religion chrétienne sur l'échiquier politique.
Si l'on considère l'importance numérique respective des différentes
communautés religieuses, cette réalité paraît curieuse : on note 60 % d'adeptes
(soit 2619989) et 6 % de chrétiens (soit 500881)3. Mais du fait de la conjugaison
de facteurs exogènes et endogènes, cette ascendance s~ la vie des institutions
républicaines de ce pays apparaît clairement. Il est bon de nuancer, en
mentionnant la timide et incohérente intervention des autorités musulmanes dans
le domaine évoqué. Quelques explications sur l'importance des autorités
chrétiennes dans la vie politique s'imposent.
Les éléments ayant contribué à hisser cette religion sur un piédestal, par
rapport aux autres croyances et contrairement à l'exemple sénégalais, sont
respectivement de deux ordres : d'abord, l'Administration coloniale a suscité et
soutenu le processus d'évangélisation des populations autochtones en alléguant
que la religion traditionnelle, n'était ni écrite ni révélées, et ne reposait que sur
l'irrationnel. De cette façon, à défaut d'institutions chrétiennes, les autorités
titulaires favorisaient ainsi l'essor de l'islam, au détriment des croyances
1 L'imbrication du
politique et du
religieux en Afrique
noire, aboutit à un
équilibre souvent très relatif de leur réciproque influence. Et il n'est pas aisé de
faire ressortir fidèlement cet état de fait (ouvrage MM. Glélé évoqué pour s'en
convaincre ).
2 Si l'on considère la langue officielle, le Français, ils sont analphabètes. Au cas
échéant, ils ne le sont point dans la mesure où ils savent lire et écrire l'arabe,
3 Les derniers chiffres relatifs aux communautés religieuses de 1970. Pour ce faire
nous avons apporté des corrections en nous appuyant sur les taux d'accroissement
de la population et les pourcentages de chaque confession religieuse.

- 57 -
spirituelles indigènes 1. Par ailleurs, l'école moderne, "nouvelle" pour reprendre
C.A. Kane2, étant la source du savoir et du pouvoir contemporains implantée
par le chargé catholique, elle sera le multiplicateur de la suprématie des
chrétiens vis-à-vis des autres croyants. On trouve, dans l'enseignement
secondaire: treize collèges d'enseignement général (CEG) ayant 65 classes et
2344 élèves et neuf collèges d'enseignement technique (CET) possédant 25
sections dont 53 classes de 740 élèves; dans l'enseignement primaire: 161
écoles avec 649 classes dont 29248 élèves3.
A cette action des forces chrétiennes dans le domaine éducatif se sont
associées, plus faiblement, les autorités musulmanes, par la rénovation de leur
ancien système d'enseignement, en "Medersa" et écoles franco-arabes. Les
exemples les plus frappants, à cet égard, sont perceptibles dans les centres
urbains4• En dépit de la difficulté d'apprécier quantitativement la fréquentation
de ces centres, il n'en demeure pas moins que, par comparaison avec l'animisme,
l'islam, par le biais de ces institutions, bénéficie d'un atout majeur dans la vie
politique nationale.
Le second élément expliquant cette situation réside dans la faiblesse
structurelle, aussi bien de l'islam que de la religion traditionnelle. Cette dernière
a pour caractéristique principale l'inorganisation. Contrairement au ''Yaudou'' du
Bénin, l'animisme voltaïque ne comporte ni clergé national, ni symposium ou
assemblée, supposés coordonner l'ensemble de ces activitésS. A cela s'ajoutent
l'absence de codification des rites religieux et le refus du modernisme de la part
des initiés et des ministres du culte.
Inversement, l'islam, doté de clergé et d'assemblées (bureau de la
communauté et l'Ulema par exemple), prédisposé à la modernité6 apparaît plus
cohérent. Aux termes de ces propos, avant d'aborder les manifestations
l Lire M. M.A. Glélé "Religion, colonisation, décolonisation" in ouvrage cité, page
65 et suivantes MFD Bassolet, op. cit., page 49 et suivantes.
2 M.C.A. Kane, "l'Aventure ambigue", Edition 10/18, Paris, 1975.
3 M. M.A. Glélé, "les influences de la religion sur la politique intérieure" in
ouvrage cité page 153 et suivantes.
4 Pour saisir le problème des Médersa et écoles coraniques, lire M. Taburso Kousé,
"Médersa et écoles coraniques: un contrôle s'impose" ; in Carrefour Africains, n°
810 du 23 décembre, page 31 et suivantes.
5 A ce sujet, voir M.M.A. Glélé, "de la religion traditionnelle" in ouvrage cité, page
19 et suivantes.
6 Par le biais de l'enseignement Franco-arabe, l'islam reçoit des élites, puisque
souvent intégristes, qui, sont les fers de lance de ce modernisme.

- 58 -
politiques de ces deux forces religieuses, une présentation sommaire de leurs
structures peut être intéressante.
Un regard attentif sur leur organisation fait ressortir quatre organes
principaux symbolisant les moyens d'intervention de l'islam et du christianisme
dans la vie politique voltaïque. Par ordre d'importance, il yale Haut-clergé et le
Bureau de la communauté musulmane, qui se situent au haut de l'échelle~ Ds
sont secondés par certains partis politiques spiritualistes ; ainsi, le Mouvement
de libération nationale du Pr J. Ki-Zerbo est la formation d'obédience
chrétienne. On ne peut dire, à propos de l'Union démocratique voltaïque, qu'elle
soit d'inspiration musulmane ou animiste, mais cette formation reçoit, lors des
élections et des crises nationales, le total soutien de la communauté
musulmane 1. Viennent en troisième position les organisations syndicales.
Cependant, à ce niveau une restriction de taille s'impose. Des cinq centrales
existantes, seule la Confédération africaine des travailleurs chrétiens
(transformée en Confédération nationale des travailleurs voltaïques en 1971) se
réclame d'une confession religieuse. Enfin, ces forces susvisées se perpétuent à
travers le pays par le canal de nombreuses formations confessionnelles. D s'agit,
pour la religion chrétienne, de la Jeunesse d'action
catholique (JAC), de la
Jeunesse étudiante catholique (JEC), de la jeunesse ouvrière catholique (JOE),
des Jeunes témoins du christ (ITC). On peut citer aussi les mouvements
parareligieux : les scouts, les coeurs vaillants, les ames vaillantes et autres2• Par
ailleurs, la religion musulmane est représentée par l'Union culturelle
musulmane.
En résumé, on peut mettre en relief la cohérence parfaite du système
chrétien, la relative structuration de l'islam d'un point de vue institutionnelle et
l'absence de coordination de l'animisme. li devient donc possible d'étudier le
poids respectif de ces religions dans la vie politique.
M.P. Lippens, se prononçant sur la question, relève la mentalité politique
de l'Eglise, en écrivant : "l'Eglise n'a jamais manifesté d'hostilité au
Gouvernement... [elle] s'est gardée de prendre publiquement position à son
1 Nombreuses sont les manifestations des actes de soutien des imams au pouvoir
politique. de façon restreinte, on peut observer des illustrations dans "les pays qui
se meurent", Afrique Asie du 22 décembre au 4 janviers 1981, page 28.
2
M.A.
Nikiéma,
"Evolution
du
régime
politique
de
la
Haute-Volta
depuis
l'indépendance". Thèse citée. page 105 et suivantes.

- 59 -
égard... [elle] n'a jamais condamné publiquement un parti" 1. Remise dans un
contexte historique postérieur à 19652, l'affmnation garde son autorité, mais au-
delà, elle est insuffisante.
En insistant sur le rôle joué par la Confédération afticaine des travailleurs
chrétiens, dirigée par le "protégé" de l'Eglise catholique, M. Joseph Ouédraogo,
ancien séminariste, lors des journées historiques de janvier 1966, on ne peut que
reconnaître un appui du Haut-Clergé à la chute du régime dictatorial de M.M.
Yaméogo. Ce soutien est d'autant plus évident que le remariage du chef de
l'exécutif, à l'époque, contesté par l'Eglise avait eu pour conséquence une sorte
"d'excommunion", donc un retrait du soutien politique des catholiques. Dans le
même sens, il importe de souligner que l'archevêché a été le refuge du leader
syndical déclaré "persona non grata" et poursuivi pour activités subversives3.
Par ailleurs, comment interpréter les sermons et homélies, tirés de la doctrine
chrétienne, judicieusement faits par le cardinal Paul Zoungrana, aussi bien dans
la cathédrale que lors des émissions de la Radio-Télévision voltaïque aux
lendemains des compétitions électorales ? Sans trop insister, on peut dire que les
traits essentiels demeurent le rejet des partis de gauche et le choix pour un
pouvoir "musclé". Ainsi, concrétisant son option, le clergé catholique, par la
voix de Mgr Zoungrana, évoquera en termes de "grâce de Dieu" le coup d'Etat
militaire du 25 novembre 1980 à l'intention de l'opinion nationale4 •
Aussi, en éclaircissant l'identité politique du "nouvel homme fort" de
l'époque, M. Saye Zerbo, sympathisant du parti spiritualiste de M. J. Ki-Zerho,
saisit-on de nouveau la phase de l'Eglise dans les faits politiques de ce pays.
Autre indice révélateur : l'attitude générale des autorités catholiques lors des
grands événements nationaux. En effet, d'une activité très critique et
oppositionnelle sous les régimes de libertés publiques, le comportement des
1 M.P. Lippens, la République de Haute-Volta, Institut d'Administration publique,
Ed. Berger-Levrault, Paris 1972, page 29.
2 Nous entendons par là, de l'indépendance à 1965, date marquant la rupture avec
l'Eglise.
3 Voir le dernier discours du Chef de l'Etat de la 1ère République et le titre "de
remariage" dans
"Evolution de
la Haute- Volta"
de
M.F.
Bassolet, 1mprimerie
Nationale, Ouagadougou, page 117 et 123. On peut utilement lire l'ouvrage en entier
pour une approche journalistiq ue (l'auteur est journaliste de for mation) de la
Haute-Volta de 1898 à 1966.
4 Au sujet de l'intervention de l'église par les homélies radiodiffusées et autres
moyens, voir marchés tropicaux n° 1310, page 3637, in thèse de M.V. Nikiéma déjà
citée, page 105 et suivantes ; "Appel et interview de Mgr. P. Zoungrana", in
observateur du jeudi 3 novembre 1977, Afrique Asie; "le pays qui se meurt" ; op.
cit. page 28.

- 60 -
autorités chrétiennes sous les régimes militaires se réduits à un mutisme total,
face aux atteintes graves aux libertés les plus élémentaires 1. Par exemple, on
peut évoquer la "neutralité autant de ces pontifes que des (hommes) politiques
du parti de M.I Ki-Zerbo sous la dictature militaire de 1980 à 1983 : il rry a eu
durant cette époque ni écrit, ni propos de leur part relatifs aux arrestations
arbitraires de syndicalistes, de citoyens dont le crime était d'être présumés
communistes, aux déportations dans les géoles du nord, à la suppression du droit
de grève... Mais, fait révélateur, les articles de ces forces réapparaissent dès la
chute de ce régime, non pour critiquer les abus passés, mais pour dénoncer
l'arbitraire et l'idéologie d'un pouvoir qui vient à peine de s'installer2 • Enfm, il
est important de noter la participation directe de ses représentants au parlement
du régime monopartisan instauré par le Général A. Lamizana (1974-1977)3.
On est en droit de dire que la neutralité de l'Eglise n'est qu'une façade qui
cache ses actions politiques. Peut-on aussi, par une analyse historique, déceler
les incursions de l'islam dans la vie politique de cet Etat ?
A la différence de sa très active homologue du Sénégal, l'impulsion de la
vie politique voltaïque par l'islam, insignifiante au départ, tend à se concrétiser
depuis 1966, date de l'avènement à la magistrature suprême d'El Hadj Lamizana
En effet, sous la 1re République, l'action des forces religieuses islamiques se
résumait an soutien du régime de M. Yaméogo. La présence et la prééminence
de ce dernier aux multiples fêtes religieuses (Tabaski et Ramadan), en dépit de
sa "chrétienté", traduisait de façon éclatante l'exacte nature des autorités : des
thaumaturges du régime. Par ailleurs, l'allégeance manifeste de l'Umma aux
dirigeants politiques de l'époque se saisit à travers les bénédictions fmales faites
à leur endroit. Outre ces égards, les mass média, les instruments du pouvoir,
amplifient cette dépendance par la retransmission et le reportage de l'intégralité
de ces manifestations. En contrepartie de cette docilité, les chefs musulmans
sont récompensés en nature (biens meubles et immeubles : voitures, villas...) et
en espèces (frais de transport pour le pèlerinage à la Mecque, fmancement des
1 Dès l'avènement du régime de M. Saye Zerbo, le Bureau National du Syndicat des
Enseignants Africains de Haute-Volta apportèrent leur soutien indéfectible, leq uel
se
péremsera
jusqu'à la chute
du
pouvoir.
A cet égard,
voir
Afrique-Asie,
"Poussière néocoloniale", n °320 du 24 avril au 7 mai 1984, page 20.
2 C'est la direction du Syndicat des Enseignants du primaire à obédience M.L.N ..
parti du professeur Ki-Zerbo qui, dès le lendemain du 4 août, débuta la critique.
3 On peut utilement consulter les ouvrages du thuriféraire du régime, de M.
Lamizana: M.E. Bassano, "Le pari de Lamizana", Ed. Peuple Libre, Valence, page 74
et suivantes.

- 61 -
Mosquées ... 1. En limitant notre propos à ces faits, on constate que, par
opposition à la religion chrétienne, la force musulmane dépend des autorités
civiles. Seulement, un facteur nouveau transformera cet état de fait : l'apparition
sur la scène politique du Président S. Lamizana et le soutien qu'il apporte à la
commilllauté musulmane.
Cherchant à affirmer la communauté musulmane, en tant que force rivale,
voire supérieure, au catholicisme2, le Congrès d'avril 1973 constatait le nombre
dérisoire de musulmans dans les organes politiques du pays (Gouvernement,
Assemblée nationale, services publics), et exigeait une plus grande participation
au prorata de leur effectif global. Dans ce sens, le renouvellement des conseils
religieux, - les anciennes personnalités ayant été jugées trop conservatrices et
très proches du pouvoir politique défunt -, est un trait saillant de ce renouveau
islamique.
Cependant, à l'exception du "centre religieux" de Ramatoulaye, le contrôle
des populations rurales par les chefs musulmans demeure embryonnaire. Par
conséquent, les projets de contre-sociétés et partis politiques musulmans
Présents dans certains Etats voisins3 ne trouvent pas une terre d'élection dans ce
pays. Pourtant, les autorités islamiques s'activent, selon les circonstances, à
apporter leur soutien et concours aux hommes politiques. On peut, à cet égard,
en plus des marques de soutien (témoignées) lors des cérémonies religieuses
(analyse antérieure), évoquer la médiation des khalifs durant les crises
nationales4 •
A ce stade de l'étude, l'existence de l'islam (surtout au Sénégal) et du
christianisme (en Haute-Volta), en tant que symbole de forces politiques
potentielles, est évidente. Une approche similaire ne sera pas confirmée en Côte
1 N'étant pas le plus souvent officielles, les aides de toute nature faite par le
pouvoir aux forces religieuses ne sont pas aisées à savoir. Vraisemblablement,
selon M. Zuccarelli la Mosquée de Touba a été subventionnée par M.L.S. Senghor.
2 C'est l'idée qui nous semble surgir à la lecture de la motion de la communauté
musulmane.
3 Avec la création de l'université islamique à la frontière entre la Haute-Volta et le
Niger, ce dernier est très islamisé, l'Islam voltaïque risque fort d'opter pour
l'intégrisme connu ailleurs. Pour saisir ces réalités, voir M. JL Triaud, "l'Islam et
l'Etat en République du Niger", Revue Française d'Etudes Politiques Africaine, n°
192-193 de décembre 1981 - janvier 1982 page 9 et suivantes et la suite de l'article
dans le n° 194-195 de janvier - février 1982 page 35 et suivantes.
4 Voir le discours radiodiffusé du chef de la Communauté musulmane l'Imman A.S.
Kiemtoré lors de la crise scolaire d'octobre à novembre.

- 62 -
d'Ivoire et au Togo, où ces religions, quoique importantes, paraissent associées
au pouvoir.
Paragraphe 2 - La religion, soutien du pouvoir politique en
Côte d'Ivoire et au Togo
Pays de croyance essentiellement animiste (64 % de la population), la
Côte d'Ivoire et le Togo se caractérisent respectivement par l'éparpillement sur
leur sol national de quelques "poches" ou "ilots" de religion chrétienne (12 % et
30 %) et de religion musulmane (24 % et 6 %). Alors qu'en Haute-Volta, malgré
sa faiblesse numérique compensée par de nombreux atouts, la religion
catholique marque des points importants sur le terrain politique, dans ces deux
Etats, elle s'identifie par son silence au pouvoir avec lequel elle est fortement
imbriquée. On ne saurait, à cet égard, ignorer la "mise sous tutelle" du
catholicisme par le pouvoir togolais. C'est le sens et la portée de la motion
relative aux sectes religieuses adoptée par le parti unique au pouvoir lors de son
second conseil national 1• Par ailleurs, l'émergence de nombreuses sectes
dérivées de la religion chrétienne en Côte d'Ivoire, au-delà de leur attirance vers
la religion traditionnelle africaine, participe négativement à l'affaiblissement du
catholicisme et à sa mise sous dépendance du pouvoir2•
Comme partout ailleurs, l'absence d'organe de coordination accentue
l'amoindrissement de la religion animiste majoritaire. Par conséquent,
nonobstant les fréquents recours des hommes politiques aux "fétiches" et aussi
la croyance des autochtones (surtout des ruraux) à ces pratiques séculaires,
l'animisme ne paraît pas être une force potentionelle riva1e du pouvoir politique
dans ces pays3. Cela est d'autant plus évident que l'idéologie du parti unique
s'oppose à toute forme d'organisation en dehors d'elle : rien sans le parti, tout
avec le parti, tout pour le parti.
Dans ces pays, la religion est investie d'une fonction de légitimation du
régime, dans la mesure où les élections "plébiscites" n'assurent pas une assise
populaire efficace au surpouvoir dont ont besoin les politiques. Une preuve: les
1 Voir deuxième conseil national du rassemblement du peuple togolais, du 8 au 9
mai 1978 à Lomé, Secrétariat administratif (Maison du RPT), page 57 et suivantes.
2 Pour saisir quelques aspects des religions dérivées du christianisme en Côte
d'Ivoire voir M.B. Holas ; le séparatisme religieux en Afrique noire: l'exemple de la
Côte d'Ivoire, P.U.F., Paris, 1965.
3 L'absence de Clergé accentue la soumission de l'animisme au pouvoir politique,
de surcroît monopartisan comme en Côte d'Ivoire et au Togo.

- 63 -
pèlerinages effectués à Sarakawa, lieu dit "saint" où le président Eyadéma aurait
survécu à un accident d'avion. De cette façon l'association des religions au
pouvoir est si évidente qu'il est difficile d'établir la distinction entre l'aspect
politique et religieux des fêtes nationales'.
En conclusion, les développements esquissés révèlent et justifient
l'ambiguïté du phénomène religieux de la partie frnncophone de l'Afrique noire :
l'Etat se proclame laïc et assure parallèlement le fait religieux par ses institutions
politiques. Peut-on faire le même constat en ce qui concerne le fait traditionnel
dans une Afrique républicaine ? Autrement dit, que représentent les forces de la
tradition dans les systèmes politiques envisagées où, semble-t-il, le pouvoir ne
se partage pas ?2.
B - La place des forces traditionnelles dans ces Etats
Il ne fait aucun doute que le modernisme républicain de ces pays
nouvellement émancipés n'a pas mis un terme à la volonté d'affIrmation des
autorités coutumières, ces "anciens cadres de commandement"3.
Perceptibles au niveau des compétitions électorales où les partis
politiques, "notion moderne de la vie politique", subissent leurs pressions4 , les
interventions multiformes des chefs traditionnels s'accentuent dans ces Etats, en
dépit des réglementations dont ils font l'objet.
En effet, la stratégie des autorités civiles à l'égard de ces derniers a
consisté, dans ces pays, à élaborer un éventail de règles juridiques consacrant
ces "encadreurs de la population rurale''5 au rôle d'agents de l'Administration : il
s'agit, dans ce cas de figure, d'une reprise du statut juridique de l'époque de la
, L'illustration au Togo est offerte par l'élévation des journées du 24 janvier et du 2
février en fête nationale: il s'agit d'un accident d'avion de Sarakawa et du retour
triomphal du Président de la République.
Pour une critique objective de ces faits, voir M.A.N. Bonin, "le Togo du Sergent en
Général", Lescaret éditeur, Paris, 1983, page 134 et suivantes.
2 Cette image reproduit la réalité actuelle du pouvoir africain mais ne traduit pas
l'essence des systèmes politiques de l'Afrique précoloniale. Sur ce point, il n'y a
pas continuité entre l'ancien et le nouveau pouvoir en Afrique.
3 Les expressions utilisées sont de M.S. Adaba, thèse précitée.
4 Idem.
5 Il s'agit là du rôle que se confèrent les chefs coutumiers du Togo. Voir M.K.A.
Dedo, "La chefferie traditionnelle au Togo", op. cit.. page 1.

- 64 -
colonisation française. Cependant, si l'on o~erve les cas des pays susvisés, la
réalité est d'une autre nature.
Au Sénégal et en Haute-Volta, anciens "sites" de monarchies africaines,
les marabouts et nabas demeurent de nos jours de véritables acteurs de la vie
politique. Par ailleurs, la Côte d'Ivoire présente le cas typique d'une imbrication
du modernisme et du traditionalisme: les leaders politiques sont pour la plupart
des chefs coutumiers. De même, le Syndicat agricole africain (SAA), embryon
du Parti démocratique de la Côte d'Ivoire, a été créé par des planteurs - chefs
coutumiers 1. Au Togo, après une période de pleine ascension (Ire et Ile
République), la chefferie traditionnelle, par le biais de son association illustre
l'exemple d'une force socio-politique "soutien" du
pouvoir de la Ile
République2 .
Avant d'entamer ce propos, il convient d'annoncer, dans le souci d'éviter
des redites, l'oubli volontaire du cas sénégalais, pour la simple raison que les
chefs traditionnels, par dédoublement fonctionnel (une originalité), sont aussi les
marabouts3.
Paragraphe 1- Des relations de collaboration entre les autorités
traditionnelles et les autorités politiques:
les exemples de la Haute-Volta et Togo
TI est symptomatique de constater, hormis quelques exceptions, une
similitude non seulement dans les comportements des élites politiques à l'égard
des chefs coutumiers, mais aussi dans l'évolution progressive de l'affirmation de
ces derniers dans la vie politique des deux Etats concernés.
A l'exception de l'historique "18 Brumaire" du Mogho Naba Kougri de la
Hante-Volta en 19584, l'institution coutumière, à partir d'un vide organisationnel
1 Voir à ce sujet la controverse entre M. 5amir Amin d'un côté et MM. Y.A. Faurie et
J.F. Médart de l'autre. La thèse du premier est reproduite dans "Jeune Afrique" du 4
février 1981, page 26 à 30. Pour les seconds, voir leur ouvrage collectif, "Etat et
Bourgeoisie et Côte d'Ivoire", Karthala. Paris, page 130 à 135.
2 La stratégie de l'état nouveau vis-à-vis de la chefferie coutumière a été décrite
par M. 55. Adabra, thèse citée, page 58 et suivantes.
3 Pour une analyse plus profonde, voir M.C. Coulon, "les Marabouts et le Prince",
ouvrage précité.
4 Pour une mise en lumière de l'évènement relaté, voir M.F.D. Bassolet, op. cil.,
page 78 et suivantes. M.C.O. Diawara, "Autorités traditionnelles et pouvoir politique
en Haute-Volta", op. cit. page 69 et suivantes.

- 65 -
(1960-1968), va se doter, dans ces pays, d'une association syndicale, fer de lance
de son intervention dans la vie politique. Par ailleurs, si les tenants des premiers
régimes voltaïque et togolais contrôlaient efficacement la structure cheffale, le
vide établi dans les années 1968, à l'issue des coups d'Etat militaires, incitera les
prétoriens à recourir au soutien des forces coutumières. Dès lors, incrustés
officiellement, ces dernières ne cesseront de peser de leur poids sur la balance
politique. Seulement, dans un souci de clarté et pour traduire les particularités de
ces forces socio-politiques, on peut envisager une approche séparée.
a) Les forces ooutumières dans la vie politique voltaïque
Dès la naissance de la vie politique moderne, en 1945, le Mogho Naha
Saga, leader de la chefferie coutumière se proclame lui-même l'exclusif
représentant des populations voltaïques. A ce effet, conseillée par Mgr J.
Thevenoud et soutenue par l'Administration coloniale, la féodalité présenta un
de ses ministres aux législatives. fi s'agissait du Baloum Naba, battu à l'issue du
scrutin. Aussitôt, afin d'avoir une "tutelle" sur ses sujets, dispersés par l'abolition
de la colonie de Haute-Volta en 1939, le chef de la féodalité entreprendra des
démarches auprès des autorités métropolitaines pour la reconstitution de son
pays : ce qui fut réalisé en 1947. Fidèle à sa logique, il s'associera à l'autorité de
tutelle pour créer le premier parti voltaïque afin de contrecarrer la pénétration et
l'influence grandissante du Rassemblement démocratique africain de M. F.H.
Boigny : ainsi naquit l'Union pour la défense des intérêts de la Haute-Volta
(UDlliV). Aussi, lorsque l'on sait que cette formation est à l'origine de toutes les
institutions partisanes de ce pays, par le fait du nomadisme politique des leaders
et du phénomène des scissions et créations de parti, on saisit dès lors
l'importance de la féodalité dans la vie politique.
Par ailleurs, plus tard, les autorités coutumières s'organiseront en
Association syndicale, en 1952, pour "établir, disaient-elles, des liens
d'alliance... de solidarité et pour défendre leurs intérêts matériels et moraux en
cas de difficultés quelconques..." 1 c'est par cette stratégie que les chefs
coutumiers seront vainqueurs des élections législatives du 27 juin 1948 et, par
conséquent, délégueront trois députés au Palais Boubon : ce furent Nazi Boni,
Mamadou Ouédraogo et Henri Guissou. De même, après avoir procédé à la
1 M. C.D. Diawara "Autorités traditionnelles" et pouvoir politique en Haute-Volta,
Mémoire pour l'obtention du diplôme d'études supérieures de science politique, op.
cité, page 65.

- 66 -
rénovation de la monarchie impériale mossi, le nouvel empereur "intellectue"l
esquissera ce que l'on qualifiera, à juste titre, de "18 Brumaire" voltaïque.
L'échec de cette épreuve de force, coïncidant avec l'indépendance, marquera le
début du ''bras de fer" entre la nouvelle classe politique et ces "anciens cadres de
commandement".
Durant toute la Ire République, caractérisée par un régime monopartisan
et personnalisé, l'autoritaire président Yaméogo cherchera à effacer tout
empreinte des forces féodales dans les institutions républicaines voltaïques.
Par un décret de 1962, il est porté atteinte aux assises fmancières et au
fondement de la chefferie traditionnelle. C'est ainsi qu'à compte de la
publication de ce texte, les titulaires, privés des indemnités allouées par l'Etat,
ne seront plus remplacés en cas de vacance (décès ou révocation)2. Sur ce point,
sans trop insister, on peut constater que la puissance publique s'est pourvue de
prérogatives exorbitantes lui permettant de "vassaliser" la féodalité. Mais, ce
durcissement à l'égard des représentants coutumiers s'atténuera trois années
après. En effet, en raison de la conception patrimoniale de l'Etat de M.
Yaméogo, une opposition formelle naîtra au sein même du parti unique au
pouvoir. De ce fait, pour remédier à son isolement politique, le leader national
se tournera vers ces "encadreurs ruraux". L'analyse de M. P. Lippens est
explicite à cet égard et se révèle indicative pour ce qui est de la prévisible chute
du régime de la Ire République en 1966.
L'avènement du Gouvernement de fait de M. Lamizana entraîne la
renaissance de la féodalité en Haute-Volta. Les autorités nouvelles abolissent le
décret de 1962 relatif à la chefferie coutumière, installent et consolident le statut
de cette dernière. Ainsi rehaussées, ces forces traditionnelles créeront un Conseil
supérieur des chefs coutumiers et manifesteront leur intention de participer à la
vie politique à l'issue de ces journées d'études des chefs en mai 19683. Dès lors,
le dynamisme de la féodalité s'apercevra autant dans les institutions que dans la
vie politique quotidienne.
Les conséquences de cette prééminence se traduisant de la façon suivante:
1 Voir mémoire de M. C.O. Diawara, déjà cité, page 69 et suivantes.
2 Il s'agit du décret 189 Pres-int du 8 juin 1962. Voir M. P.Lippens, "la République
de Haute-Volta", op. cit., page 27.
3 A cet égard consulter M. C.O. Diawara, op. cit., page 77 et suivantes.

- 67 -
Tout d'abord, au niveau des quatre principaux partis politiques, les chefs
coutumiers composent la majorité du bureau politique national sous la Ille
République.
UDV-RDA
- MM. - F. Bouda, chef de Manga, trésorier général du parti,
secrétaire général des chefs coutumiers;
- T. Douamba, Widi-Naba, commissaire aux comptes
du parti ;
- C. Tapsoba, Gounga-Naba, chargé des affaires
coutumières au sein du parti ;
- G. Kango Ouédraogo, prince du Yatenga, président
du parti ;
- J.J. Conombo, descendant-courtisan du chef de
Kombissiri, secrétaire général du parti ;
Mme - Z. Congo impératrice des mossis, secrétaire aux
affaires féminines.
UPV
MM. - A. Sanon, chef de canton de Bobo-Dioulasso ;
- A. Sanon, chef de Dioulasso-Ba ;
- E.H. Sori Cissé, chef du quartier de Kombougou ;
- M. Dao, chef de l'ethnie Ko (Volta noire)
UNDD
MM. - S. Kondombo, chef de Nanoro, 2e conseiller politique
adjoint au parti ;
- C. Zoungrana, chef de Koupèla, 4e conseiller
politique adjoint au parti ;
PRA
MM. - F. Héma, chef de Banfora, président d'honneur ;
- S. Kéré, chef de Bairé, président d'honneur ;
- M. Kafando, chef de Tougouri, président d'honneur ;
- P. Marlaro, chef de canton de Varga Tenga, président
d'honneur ;
- M. Sonaré, chef de Dorala, président d'honneur.
Sans conteste non plus, les institutions de la Ile et Ille Républiques
manifestent dans leur essence la grandissante emprise de la chefferie
traditionnelle. Tout en ne minimisant pas leur dynamisme au sein du Comité

- 68 -
constitutionnel consultatif de 1970 et 1977, notre propos est d'étudier l'exercice
effectif des fonctions exécutives et des mandats parlementaires pour les chefs
coutumiers. C'est ainsi que dans ''l'hémicycle'' des deux législatures précitées, en
sus des chefs dits de "seconde zone", neuf autorités traditionnelles y prenaient
place et occupaient les rôles de président, second vice-président et doyen d'âge.
De même, le Gouvernement de M.l. Conombo (appartenant à la chefferie
coutumière) comprenait deux ministres issus de l'institution coutumière 1•
En conclusion, si l'on veut appréhender le rôle actif de ces anciens cadres,
il faut y associer le phénomène de "l'intellectualisme" de ces derniers qui tend à
les intégrer dans les rouages de l'Etat de type occidental2 . TI s'agit là d'une
évolution que l'on retrouve dans la plupart des pays africains en général et au
Togo en particulier.
Dans ce cas, s'il est vrai que la chefferie au Togo ressemble, à plusieurs
égards, à son homologue voltaïque, il n'en demeure pas moins vrai que la
première semble moins active que la seconde. Est-on en droit de la considérer
comme une force politique ?
b) Les autorités traditionnelles au Togo: de l'autonomie
à l'intégration au parti unique
Saisir dans la globalité l'importance de la chefferie coutumière en tant que
"nouvelle force" politique, de nos jours intégrée au RPr, suppose que l'on se
réfère à son autonomie d'avant l'avènement du régime d'exception de M.
Eyadéma évoqué où, semble-t-il, les chefs étaient des "jouets entre les mains des
hommes politiques"3
En effet, il est vrai que l'émergence de la vie politique moderne, allant de
pair avec la naissance du nouveau cadre étatique élaboré par la constitution de
1946, a suscité au Togo 1D1 reveil des forces de la tradition.
1 M. M. Douamba Tenga et F. Bouda respectivement ministre de la santé et ministre
de la défense et des anciens combattants.
2 Déjà dès 1960, des innovations à la cour royale étaient introduites par le nouvel
Empereur, un ancien étudiant en France. A ce sujet, voir, M.C.O. Diawara, Mémoire
cité, page 68 et suivantes.
3 Il s'agit de la reproduction fidèle de la déclaration du représentant de la
chefferie coutumière au Togo, le chef Palango, in Togo Presse du 19 septembre
1970, page 4.

- 69 -
Très tôt, le regroupement de la féodalité en association, puis en formation
politique, se fera jour. Cest dans ce sens qu'est créée l'Union des chefs et des
populations du Nord (UPCN). Dans la partie septentrionale et centrale, les
forces traditionnelles se particularisent en militant de façon individuelle dans les
trois formations politiques dominantes : il s'agissait du Parti de la convention de
l'unité togolaise (CUT) de S. Olympio, du Mouvement populaire togolais (MPf)
du docteur P. OIYmpio et du Parti togolais du progrès (PTP) de N. Gnmitzki. Ce
qui est notoire dans ce cas, c'est la faiblesse des chefs coutumiers du Sud par
rapport à ceux du Nord. Contrairement à ces derniers, qui avaient la haute
direction sur l'UPCN - dont la création a été suscitée par les autOlités de tutelle
française - les chefs coutumiers du Sud voyaient leur autorité contrebalancée par
le charisme attaché à la forte personnalité des leaders S. Olympio et N.
Gnmitzki.
En outre, l'enjeu politique était éminemment plus clair au Sud qu'au Nord.
En effet, en sus du problème de "l'Eweland", les partis politiques mentionnés
rivalisent sur la problématique orientation politique et économique du futm Etat
souverain: c'est la partition du pays entre les "pro-Anglais" et les "pro-Français"
que l'on retrouvait respectivement dans le CUT et dans le PTPl. En résumé,
hormis le schéma structurel du Nord, les forces de la tradition au Togo se
présentent, à l'aube de la souveraineté nationale, indépendantes quoique
dispersées. Cest dans ce contexte de relative autonomie qu'elles évolueront tant
sous la Ire que sous la ne République.
Tout au long des deux régimes électifs au Togo, les leaders nationaux,
identiques à cet égard, adopteront une stratégie propre à inféoder les autorités
traditionnelles à leurs partis politiques respectifs. Cette époque, marquée par la
mise sous tutelle de ces dernières sera riche en moyens (juridiques, politiques,
économiques) utilisés à cette fin.
D'abord, une réglementation de l'institution fut élaborée. Abrogeant pour
ce faire l'ancien arrêté de décembre 1949, relativement favorable au statut des
chefs, le décret du 3 août 1959, en son article 7 désacralisera les fondements du
pouvoir coutumier2• Cest ainsi que par cet artifice juridique, non seulement la
chefferie devient élective, mais le pouvoir politique peut aussi révoquer à tout
1 Voir M. Prouzet, "La République du Togo", op. cit., page 24. M.S.S. Adabra, thèse
citée, page 1S8 et suivantes.
2 M. S.S. Adabra, op. ciL, page 260.

- 70 -
instant les princes régnants. On peut, à cet effet, citer la révocation de chefs de
"l'opposition" au régime tels MM. Adjallé, J. Dadzié d'Amoutivé, A. Fetché de
Gape, Jacob Kalépé, Thomas Fiaty...
Ensuite, dans la logique de cette stratégie et en conformité avec la
législation susvisée, la destitution d'autorités coutumières et la nomination
d'amis politiques à ces postes vacants étaient de règle. Cette opération de
récompense politique, qui débute en 1960, sur l'insistance du militant du CUT
du village de Badja, M. Michel Avoga, fera tâche d'huile à travers le pays.
Enfm, avec l'évolution du régime de S. Olympio vers le système monopartisan,
on assistera à un remplacement pur et simple des chefs traditionnels par les
présidents de section1. Dans une situation identique à celle de la Ire République
de Haute-Volta, la féodalité a été la cible privilégiée du régime Olympio (1960-
1963). Pour relativiser, on peut dire que les seuls rescapés furent les partisans du
parti unique au pouvoir. En toute bonne logique, l'avènement de la Ile
République (qui est un moment éphémère) ne peut prendre à son actif ces
anciennes pratiques. Mais, loin de réconcilier "les esprits et les coeurs"2, cette
dernière sera une réplique de la précédent ; c'est pour cette raison que l'époque
susvisée ne sera pas évoquée ; en revanche, l'attention sera portée sur la
singularité de la chefferie coutumière sous le régime actuel.
Dès l'instauration du régime, en 1967, la féodalité soucieuse de
concrétiser sa puissance potentielle, par le regroupement, se réunit en congrès
constitutif, en 1968, à Atakpamé, pour poser les bases d'une association. Fn ne
tenant compte que des objectifs réels que les chefs coutumiers s'assignent, il
ressort qu'il n'est plus d'actualité pour eux de se comparer en 'Jouets des régimes
politiques", ni de se complaire dans des pratiques sectaires3. On ne peut saisir
l'originalité et l'importance d'un tel regroupement national que par rapport à un
passé où l'absence de concertation était de règle. C'est dans cet ordre d'idées
qu'à l'issue du congrès évoqué, seront minutieusement élaborés les moyens
d'action, de même que la mise sur pied d'un bureau provisoire national de
l'institution coutumière. Celle-ci se dénommera l'Union nationale des chefs
1 Pour la question, voir thèse de M. S.S. Adaba, op. cit., page 228 et suivantes.
2 La fortune de cette première expression est si estimable qu'on la retrouve dans la
plupart des premières proclamations des autorités militaires mettant fin au régime
civil constitutionnel en Afrique noire.
3 C'est la profession de foi du chef Palango, in Togo Presse du 19 septembre 1970,
page 4.

- 71 -
traditionnels du Togo (UNCIT). Avant de poursuivre l'analyse, lllle parenthèse
sur deux traits frappants de la nouvelle organisation semble justifiée.
D'une part, l'adaptation aux structures de l'Etat moderne apparaît tant dans
le curriculum vitae des instigateurs que dans la composition du bureau national
de l'Union. fi est établi que les chefs intellectuels ont été non seulement les
créateurs, mais aussi le "cerveau électronique" de l'organisation. Cest le
phénomène de "l'intellectualisation" perceptible dans la chefferie africaine
actuelle.
D'autre part, l'application de la formule de l'équilibre ethnique transparaît
à la lecture aussi bien des discours et des textes du Congrès que des listes
énumérant les membres de chacun des organes de l'UNCIT.
La chefferie traditionnelle revalorisée au Togo se propose deux voies pour
participer à la vie politique : le Congrès annuel, à l'issue duquel des résolutions
sont prises et transmises au pouvoir politique, d'une part, et l'envoi de
délégations et messages au président de la République, d'autre part. On serait
tenté par la timidité et le pacifisme de ces moyens de conclure à l'effacement de
l'institution cheffale derrière le pouvoir personnel du général Eydéma.
Cependant, ce jugement, quoique partiellement fondé, mérite une nuance.
En effet, les anciens cadres de commandement, conscients de la faiblesse des
fondements du nouveau régime due au vide constitutionnel et politique (1967-
1979), multiplient leurs bons offices pour servir de solutions de rechange. De ce
fait, manifestant son soutien indéfectible au chef de l'Etat, la féodalité réclame la
création d'lllle chambre de réflexion où elle fera figure de "Conseil de sages" 1•
Par ailleurs, à défaut d'indemnités, le pouvoir politique contribuera à
cimenter l'assise économique de cette force, en lui permettant d'obtenir de
l'Office des produits agricoles du Togo (OPAT) des prêts remboursables à des
taux d'intérêt de 4 à 5 %.
Apparaît, dans cette phase d'évolution du régime, le dynamisme des forces
de la trad.ition qui, non seulement se posent comme les conseillers politiques du
1 A l'issue du 2e congrès annuel de la chefferie coutumière tenue à Aneho le 6
septembre 1969. leur porte parole fit cette revendication. Voir l'ensemble de ces
questions dans la thèse de M. 55 Adabra.

- 72 -
régime, mais en même temps s'activent à être des acteurs de la vie économique.
Mais, la constitutionna1isation du pouvoir an Togo marquera la perte d'influence
de la féodalité au bénéfice du RPr. Dès lors, l'action de l'UNCTT, "aile
marchante" du parti unique an pouvoir, se limitera au soutien sans faille du
"Père de la Nation togolaise"l.
En conclusion, si l'on se situe dans une perspective comparative, on
s'aperçoit que la chefferie, au Togo, ne représente nullement un poids décisif
dans la prise des décisions politiques et économiques fondamentales, comme au
Sénégal, du moins actuellement. De même, sa participation directe ou indirecte
à l'exercice du pouvoir politique, à l'instar de l'illustration voltaïque, est plus
symbolique que réelle. En revanche, bien qu'intégrée au RPr, l'impact de celle-
ci sur la population rurale permet d'opter pour le qualificatif de force sociale "en
sommeil".
Parallèlement à cette situation, la Côte d'Ivoire offre une particularité
dans ce pays, les forces de la tradition, plus dynamiques, animent la vie
politique.
Paragraphe 2 - La participation directe des forces coutumières
à l'exercice du pouvoir en Côte d'Ivoire
Sur ce point, il est indispensable de saisir la genèse de la formation de
l'Etat de Côte d'Ivoire et, partant, sa "substance et sa raison d'être" pour citer
MM. Y. A. Faurie et J.F. Médart, à savoir la "Bourgeoisie des planteurs",
s'identifiant à la classe dirigeante, laquelle est dominée par le charisme du chef
de canton, M. F.H. Boigny2. Dans cette perspective, apparaît clairement
l'ascension progressive de la chefferie coutumière en tant que force politique et
économique sous la dépendance française, puis comme actrice de la vie
politique, avec l'acquisition de la souveraineté.
Pour ce faire, il convient, an premier chef, de s'attarder sur le creuset de la
future classe dirigeante du pays, le Syndicat agricole africain. En dissidence
1 A la lumière des moyens d'action de la chefferie traditionnelle dans la vie
politique force est de conclure à sa soumission au pouvoir en place. Voir non
seulement la thèse de M. SS. Adabra et le mémoire de M.K.A. Dedo, mais aussi les
propos de son porte parole in Togo - Presse du 16 mai 1968.
2 Les expressions sont des auteurs cités, in "Etat et bourgeoisie en Côte d'Ivoire" op.
cité, page 125 et suivantes.

-73-
avec le Syndicat africain de Côte d'Ivoire, de grands planteurs indigènes
invitèrent, en septembre 1944, M. F.H. Boigny à créer me organisation similaire
exclusivement africaine. Cette initiative eut l'effet d'm ''boomerang'' dans le
milieu rural, d'autant plus que le SACI offrait les caractéristiques d'un cercle
clos. De ce fait, la ruée des chefs coutumiers et de certaines élites terriennes vers
le SM fit passer ses effectifs de 1600 à 20000 1. A ce stade du propos, avant de
cerner de près le rôle et la place de la chefferie dans la vie politique ivoirienne, à
travers le SM et son continuateur le PDCI, il s'avère nécessaire de se situer par
rapport à des controverses relatives à la composition de la classe des planteurs.
Abordant le sujet, M. Samir Amin met en évidence les droits sur la terre
dont bénéficiaient les autorités coutumières. TI estime donc que ces dernières
étaient les principales composantes de la bourgeoisie des planteurs. D'opinion
différente, MM. Y. A. Faurie et J.F. Médart apportent des nuances à cette
rigidité en affmnant : ''Même si, souvent, les chefs incités par l'administration
ont été les premiers planteurs, .... (même) s'il existe me certaine interpénétration
entre chefs et planteurs, il est exagéré de penser que les gros planteurs sont une
simple émanation de la chefferie"2.
Par rapport à ces deux thèses, qui semblent ne pas s'exclure totalement,
une position médiane apparaît plus viable. En effet, on peut, en accord partiel
avec M.S. Amin, identifier la bourgeoisie terrienne de ce pays à la chefferie
coutumière. Pour ce faire, il s'agit de ne point perdre de vue le double statut de
certains syndiqués ; de nombreuses élites étaient en même temps chefs de
canton; pour finir, parler plutôt, en se référant aux tenants de la thèse contraire,
d'une composante majoritaire féodale au lieu de l'exclusivité de cette dernière.
En somme, le SM était dominé par la chefferie.
Cela dit, la mutation de l'organisation susvisée en parti politique, en
1946, marquera l'apparition sur la scène politiques des autorités traditionnelles.
Celle-ci est d'autant plus significative que l'action dépassera le pur cadre
territorial, pour s'étendre dans presque toute l'Afrique noire d'expression
française, avec la création du RDA en 1946, au Congrès constitutif de Bamako.
Cest à l'issue de ce Congrès que le chef de canton Houphouet Boigny sera élu
président et Abidjan consacré comme le siège du nouveau parti fédéral.
1 MM. Y.A. Faurie et J.F. Médart, ouvrage cité page 126 et suivantes.
2 MM. Y.A. Faurier et J.F. Médart, idem, page 130 et suivantes.

- 74 -
Sur le plan national, les chefs coutumiers, ayant en mains de solides bases
économiques, contrôlant leurs "fiefs" sur lesquels reposaient (et reposent de nos
jours) les cellules du POCI, continuaient de tenir le devant de la scène. TI n'est
alors pas étonnant, une fois la souveraineté acquise, de les retrouver dans toutes
les instances politiques du pays. Mais, avant toute illustration, il apparaît notable
d'évoquer un trait original de la participation à l'exercice du pouvoir politique
par la chefferie en Côte d'Ivoire. En effet, une catégorisation des fonctions
politiques et une affectation selon le degré d'instruction du postulant y ont été
établies. En résumé, l'élite coutumière accède aux hautes responsabilités tandis
que la fraction "analphabète" occupe le reste.
Ainsi, concernant la première catégorie, on peut de façon limitative noter
que l'exécutif est dominé par le chef coutumier de Yamoussokro (la capitale du
pays), M. Houphouet Boigny. Par ailleurs, il cumule la présidence du syndicat
des chefs coutumiers et celle du PDCI depuis 19801• Ensuite, de sa création en
1980, l'Assemblée nationale a été présidée par le premier planteur, chef des
Alladians, M. P. Yacé. En dépit de l'éviction de ce dernier, longtemps considéré
comme le "dauphin" du chef de l'Etat, non seulement l'Assemblée est riche de
.~
représentants de la féodalité, mais son premier vice-président, M.G. Coulibaly,
n'est autre que le prince de Khorogo (département du Nord).
Au sujet de la seconde catégorie, force est d'y déceler, au niveau des
cellules (régionales et départementales), des fonctions de responsables du POCI,
surtout dans le nord et le sud du pays. A cet effet, il n'est pas rare de constater
leur ascendance locale mue par un dynamisme qui, en dépit de la réforme
électorale de 1980, leur permet d'accéder à l'Hémicycle parlementaire ivoirien.
On peut, entre antres, citer l'exemple du chef Hadj Karamoko Mamadou de
Mankono, élu sans interruption de 1965 à 1975. Par ailleurs, ces chefs
coutumiers animent non seulement les organismes de développement des
régions (le Groupement de la communauté villageoise par exemple), étant de
grands planteurs, mais y figurent en tant que gérants. L'illustration de ce cas est
offerte par le chef des Bétés, Augustin Batley2. Hormis ces exemples, l'essentiel
de la fonction cheffale se résume dans l'encadrement des populations rurales,
1 Voir le résumé des grandes décisions prises depuis le congrès du PDCI du 29
septembre au 1er octobre 1980, in "Le risque politique de la Côte d'Ivoire", Recueil
des textes et documents. Collection Loyde et Bell. Corpus constitutionnel 1980, CEAN,
page 23 et suivantes.
2 Fraternité-Matin, Quotidien national d'information de Côte d'Ivoire, mercredi 30
novembre 1983, page 1 et 8.

- 75 -
pour soutenir l'action globale du pouvoir politique en exercice. Comme
contrepartie, ces anciens cadres de commandement bénéficient aussi bien d'aides
financières que des multiples insignes et décorations du pays 1•
En conclusion de ce chapitre, la complexité des données sociologiques des
pays choisis ainsi analysées éclaire sur la difficulté d'élaborer un statut
parlementaire efficace. Avant d'aborder l'étude des influences de ces réalités
socio-politiques sur le statut évoqué, il convient de s'intéresser aux solutions
adoptées (CHAPrrIœ 2) par ces pays pour résoudre ces particularités.
1 Consulter Fraternité-Matin, jeudi 8 déce mbre 1981, page 1S, Fraternité-Matin,
vendredi 16 décembre 1983, page 1.

- 76 -
CHAPITRE II - LES SOLUfIONS ADOPTEES AFIN DE FAYORISER
L'INIEGRATION NATIONALE
Terre de rencontre des divers systèmes juridiques, l'Afrique noire
francophone occupe par ailleurs une place de choix quant à l'expérimentation
des remèdes à des disparités qui, à plusieurs égards, se révèlent de lourds
handicaps à son émancipation. De par l'étendue de la question, une démarche
visant à les sérier s'impose, afin de simplifier l'exposé des solutions.
Dans une perspective globale, d'abord, récusant l'aspect unitaire du cadre
étatique hérité de l'ancienne puissance colonisatrice, de nombreux projets de
sociétés recourent au fédéralisme pour permettre l'intégration des groupements
ethniques. Cest dans ce cadre que s'insèrent les enseignements de MM. G.P.
Tchivounda et Thierry Michalon contenus respectivement dans "Essai sur l'Etat
Mricain post-colonial" et "Quel Etat pour l'Afrique"l. Dans le même sens, tout
en récusant son pendant sociologique, certains observateurs suggèrent non
seulement l'option des auteurs cités, mais partagent la dynamique du parti-Etat
instauré par les politiques africains pour résoudre la difficile coexistence des
ethnies. A l'opposé de ces visions, acceptant globalement l'ordre social établi, se
situe l'opinion des partis et des hommes se rattachant à l'idéologie marxiste.
Dans cette doctrine, la pluralité sociologique, loin d'être reléguée à l'arrière plan,
trouve sa solution dans la perspective nouvelle de création d'un Etat prolétarien
ayant pour corollaire l'émergence d'un parti unique correspondant.
Abordant, ensuite, l'entreprise dans une perspective limitée, circonscrite à
l'acceptation de l'Etat hérité au lendemain des indépendances, des solutions
ponctuelles aux maux Précis et actuels ont vu le jour. TI s'agit de la voie adoptée
par la quasi-totalité des pays africains et, singulièrement, de celles des Etats
envisagées dans le cadre de l'étude susvisée.
En ce qui concerne l'aspect formel des institutions, nul doute que les
constitutions ont reproduit plus ou moins fidèlement le modèle occidental, en
"espérant (d') incliner les orientations dans le sens voulu, conforme au système
de valeurs du milieu ambiant"2. Ainsi, adoptant le concept de la structure du
schéma de l'institution parlementaire de l'Occident, on est obligé d'introduire
1 M. Thierry Michalon, "Quel Etat pour l'Afrique", Ed. l'Har mattan 1984, Paris.
2 M.G. Langrod, Genèse et conséquence du mimétisme administratif en Afrique,
RISA, Vol XXXIX, 1973, n° 2, page 119 à 131, page 123 in "Essai sur l'Etat Africain
post-colonial", op. cité, page 43.

- 77 -
dans le choix de sa composition sociale (les élus) le paramètre ethnique. Sur ce
point, l'analyse précédente révèle ce truisme vérifiable autant dans le système
monopartisan (Côte d'Ivoire, Togo) que dans le système multipartisan (Haute-
Volta, Sénégal). Dans ce but, le parti (unique ou dominant) se révèle un moyen
adéquat. Par ailleurs, ces Etats, s'inspirant des débats doctrinaux sur l'existence
d'une ou de deux chambres parlementaires, optent pour la première hypothèse,
parce qu'elle est conforme aux valeurs locales. Cela dit, au risque de paraître
bref, quelles réflexions peut-on faire (Section ll) à la lumière de l'inventaire
entreprise des solutions adoptées Par ces pays face à leurs disparités ? (SectionI).
Section 1 - L'institution monoca.mérale et la solution du problème
ethnique
Pour bâtir les institutions Parlementaires de la période post-coloniale, les
pays africains bénéficiaient de deux systèmes, l'Wl unicaméral et l'autre
bicaméral, qui avaient été expérimentés par des nations développées. A cela
s'ajoute le système inachevé émanant de l'époque précoloniale. Seulement pour
maintes raisons, ces nouvelles entités territoriales arguèrent surtout le mythe de
l'unité et adoptèrent le moncamérisme. Par ailleurs, quelle que soit leur option
sur la nature du régime - monoPartisan ou multipartisan - elles s'accordaient sur
la recherche de l'intégration des groupements ethniques, donc, pour ce faire, sur
la Prise en compte de l'aspect sociologique dans la composition de l'Assemblée
nationale ainsi créée. Ces deux points évoqués retiendront l'attention.
A - L'adoption de la chambre unique en assemblée nationale
Sur ce sujet, deux ordres d'arguments ont été avancés pour justifier un tel
choix. Avant de procéder à leur étude, il faut ajouter à cela l'habitude des
politiques de ces Etats, formés dans le cadre unique des Assemblées territoriales
des anciens territoires d'outre-mer.
Paragraphe 1- L'argument classique -la théorie de la
souveraineté nationale
L'ensemble des textes constitutionnels des Etats étudiés reprennent sans
restriction aucune la théorie selon laquelle le pouvoir souverain indivisible
appartient à la nation en tant que personne collective abstraite. Cette afftrmation
en soi n'est nullement originale, car, à l'exception de l'URSS et des démocraties

- 78 -
populaires, la théorie fait l'unanimité dans le reste du monde. Seulement, la
relative innovation de la part de ces pays réside dans la finalité de leur
raisonnement. En ce sens, s'inspirant de Siéyès, les constituants africains, des
"jusqu'au-boutistes", partent de l'idée selon laquelle si "la loi est la volonté du
peuple, un peuple ne peut pas avoir en même temps deux volontés différentes,
sur un même sujet...", et concluent à l'autonomie entre le bicaméralisme et la
souveraineté nationale. Fn se référant à l'histoire, on s'aperçoit que le rejet de
l'opportunité d'une seconde chambre, justifiée par ces artifices politico-
juridiques, a été par ailleurs renforcée par la référence aussi bien à l'expérience
de la révolution de 1789 qu'au modèle soviétique, de surcroît ,perceptible dans
l'élaboration du schéma du parti unique.
En conclusion, s'il n'est guère d'actualité d'évoquer le caractère fort
discutable du raisonnement susmentionné, il est possible, en revanche, de porter
au crédit de la thèse des arguments modernes.
Paragraphe 2 - Les arguments modernes
Les adeptes du monocamérisme s'appuient, tout d'abord, sur le thème
central de l'idéologie du parti-Etat, à savoir l'absence de classe pour étayer leur
position. Selon eux, dans l'hypothèse première de différenciation des modes de
recrutement des élus, la pratique aboutirait à diviser la société unanimitaire en
créant, de manière "factice", des représentants d'une caste privilégiée qui
exploiterait inévitablement ceux du peuple (paysans, pêcheurs et pasteurs pour
citer M. L.S. Senghor), Et, lorsque l'on opte pour le même mode de recrutement
dans l'hypothèse bicamérale, l'opération s'avère non seulement coûteuse, mais
illogique, car ces éventuels élus de deux chambres seront originaires d'une
nation tout entière "prolétaire", pour reprendre la formule de M. Pierre Moussai.
Ces partisans observent, ensuite, que la dualité des chambres multiplierait
les conflits entre elles, d'une part et, d'autre part, entre le parlement tout entier et
l'organe exécutif, lorsque l'on tient compte de la pluralité sociologique et des
conséquences correspondantes.
t Voir le cours polycopié de 2e année de droit à l'Ecole Supérieure d'Administration
et de Carrières Juridiques de Lomé sur le "mythe des nations prolétaires" professé
par
M.B.
Cherigny,
Année
universitaire
1978-1979.
Institut
de
droit
du
développement du Poitiers.

- 79 -
Convaincus de l'efficacité et de la dynamique de la loi comme moyen de
rattraper et de dépasser le retard économique, les tenants du monocamérisme
invoquent, ensuite, la lourdeur du travail législatif qu'entraîne le bicaméralisme.
Enfrn, l'argument de taille avancé tire sa logique de l'état de sous-
développement des pays africains. Au risque de transformer le parlement en
chambre d'enregistrement, la plupart des politiques de ces Etats nient non
seulement l'autonomie financière de l'institution en question, mais limitent
considérablement ses effectifs à cause de l'énormité de son coût par rapport au
budget national 1•
En résumé, il découle de ces faisceaux de jus~ifications de l'institution
monocamérale une idée constante, celle de l'unité, qui arbore les grands traits de
ce que l'on dénomme un "mythe". Dans une démarch~ comparative, cela se
rapproche des mythes créés autour du chef, du parti utiique, en bref, du pouvoir
en Afrique noire2• Cependant, dans les faits, en proclamant comme argument
l'unité nationale, ces pays assument le fait ethnique par leurs institutions.
B - La chambre unique au service d~ l'intégration nationale
En se penchant sur les retombées politiques de la pluralité de groupements
ethniques dans les Etats étudiés, l'analyse retenait des exemples explicites d'une
photographie fidèle de la réalité sociologique dans l'institution parlementaire.
Cette politique de l'arithmétique ethnique, pour intégrer les diversités sociales,
voulue (en Côte d'ivoire et au Togo) et voilée (en Haute-Volta et au Sénégal),
n'est pas un paradoxe par rapport à l'objectif recherché : la création de la Nation.
L'aboutissement conséquent est d'avoir, à partir du recrutement d'élus à la fois
de l'ethnie et de la Nation (§ 1), une loi émanant du peuple tout entier, donc la
formation d'un consensus (§2).
1 Si
l'on
prend
en
considération
les frais
de
fonctionnement
des
services
administratifs de l'Assemblée nationale et de la somme par élu de 60000 FF pour
l'achat de moyens de déplacement et que l'on se réfère au salaire mensuel de 5000
FF du député, on saisit le poids financier du Parlement.
2 Sur le mythe du chef en Afrique noire, voir M.M.A. Glélé, op. cit.. page 13 et
suivantes. De même voir la critique de M.N. Tutashinda "les mystifications de
"d'authenticité". la pensée n° 175 de juin 1974 page 68 à 81.

- 80-
Paragraphe 1 - Une double représentation : des ethnies
et du peuple
Le recours à la technique dite du dosage ethnique pour la constitution des
listes électorales et le recrutement des parlementaires a conféré à l'élu le "sacre"
de son groupe ethnique avant d'épauler la qualité de représentant de la nation.
On peut, en premier lieu, saisir l'incidence du phénomène dans le discours
des dirigeants des Etats choisis. M. K.D. Fologo, ministre ivoirien de
l'Information, qui justifie la nécessité du monopole dans la vie politique du
POCI, en alléguant l'analphabétisme, le tribalisme du peuple, n'autorise-t-il pas
M. P. Yacé à conclure au maintien des comités ethniques comme structures
internes du parti unique au pouvoirl . Lorsque l'on sait que ces dernières
coïncident avec l'aire géographique des groupes sociologiques et que les députés
sont élus sur lIDe liste unique, sur proposition de ces cellules, il ne fait aucun
doute que le recrutement s'opère d'abord sur la base ethnique avant de s'élever
au niveau national. Par ailleurs, s'il est opportun de noter que le chef de l'Etat,
chef du PDCI, M.F.H. Boigny, est maître dans la désignation des candidats à la
députation, il convient de rappeler, en accord avec M. Y. Laporte, son
acquiescement actif à la politique du dosage ethnique2•
Adoptant une solution semblable à celle de la Côte d'Ivoire, la Ille
République
du
Togo,
par
l'institutionnalisation
du
RPT
et
la
constitutionnaiisation de la personne de son président-fondateur, leader politique
fidèle à l'équilibre entre le Nord et le Sud, n'échappe pas à cette pratique3. Si
l'on retient comme repère le discours du 30 août 1969 et le préambule de la
constitution du 30 décembre 1979 (neuf points), les grandes lignes de la
nouvelle stratégie politique se dessinent : union nationale et réconciliation. Pour
y parvenir, il est indispensable "d'équilibrer" dans les institutions politiques et
administratives, la participation de toutes les composantes sociales (surtout
celles du Nord, semble-t-il, jadis écartées)4.
1 M.P. Yacé, rapport moral pour le secrétaire du PDCI, V congrès, Fraternité Hebdo.
Abidjan, 31 octobre 1970, n° 601, page 20.n M. F. Fologo, Fraternité Matin du 29
octobre 1969 in thèse de M. Yves Laporte, citée, page 90.
2 M.Y. Laporte, thèse, op. cité, page 65 et suivantes.
3 Pour une étude de la constitution de la Ille République au Togo, voir M. ]. Owana,
"La constitution de la IIIe République Togolaise, l'institutionnalisation du RPT",
Revue juridique et politique Indépendance et coopération; 1980, page 716 à 729.
4 Voir M.W.O. Yagla, "Edification de la nation togolaise", op. cité, page 78 à 113.

- 81 -
Ainsi, il est clairement établi, à l'instar de l'exemple ivoirien, que l'élu est
celui de l'ethnie avant d'appartenir à l'entité nationale. On perçoit l'identité de
point de vue, en Côte d'Ivoire et au Togo, sur la conception du parlementaire. Si
on les rapproche des exemples de Haute-Volta et du Sénégal, il n'y a pas
tellement de différences. Pour montrer cette similitude, l'investigation de la
période unipartisane de ces pays semble le premier moyen adéquat.
Si en Haute-Volta, il est pratiquement impossible de parler de parti
ethnique, tel ne semble pas être le cas au Sénégal jusqu'à une époque récente.
Dans son étude intitulée "tribalisme et parti unique", M.L. Scilla illustre fort
bien des cas de formations politiques ethniques, ou du moins, créées par des
groupements tribaux. Selon l'auteur
cité, alors que l'Union générale des
originaires de la Vallée du fleuve et l'Union des peuls.
regroupent
respectivement les Toucouleurs et les Peuls, l'irrédentisme casamançais se
cristalise dans les forces démocratiques casamançaises (mandingues, Diolas, et
apparentés). Si l'on fait abstraction de l'éphémère tentative de regroupement des
lebous, il ressort des travaux évoqués que chacune des entités sociales créait son
parti, ou se coalisait avec une autre (apparentée ou non) pour former une
fédération unique (le bloc démocratique sénégalais par exemple)2. Cest à la
lumière de ces réalités qu'il convient d'approcher le discours politique sous le
régime unipartisan au Sénégal (avec M. Senghor) et de la Haute-Volta (avec
M.M. Yaméogo).
Sans prétendre à l'exhaustivité, il est cependant possible d'établir un
résumé succinct de leurs idées, identiques en pratique, quoique le premier leader
cité revendique la voie sénégalaise du socialisme tandis que le second proclame
la libre entreprise. A les lire, tout comme leurs homologues, la recherche de
l'unité nationale devient comme l'objectif à atteindre. Cela n'est réalisable que
par le biais du moule du parti unique. Cette institution symbolisant la nation a
pour vocation de conduire la vie politique, donc, d'intervenir singulièrement
dans le choix des députés. Mais, puisque le parti unique repose sur des structures
ethniques, on voit alors clairement la conséquence logique de cette situation :
l'inévitable prise en compte du fait tribal. Il n'est pas impossible d'évoquer, à
l'instar des exemples de la Côte d'Ivoire et du Togo,
l'idée du député
représentant d'abord de son ethnie avant de l'être de la nation. Pour nuancer cette
• A ce sujet, voir M. L. ScUla, op. cit., page 171.
2 Idem.

- 82 -
comparaison, on pourrait dire que contrairement aux premiers Etats cités, où il y
a fidélité de la pratique au discours politique, en Haute-Volta et au Sénégal
l'arithmétique politique tribale ne se perçoit pas clairement à cause de la façade
démocratique de ces pays.
En second lieu, l'affirmation pourrait se justifier par l'observation de la
composition du parlement. En abordant ce sujet, ona vu que l'attribution des
mandats était fonction du pourcentage de chaque groupe social dans la société.
En tenant compte du phénomène nouveau de rapprochement entre l'élu et ses
mandataires, qui dans ces Etats, est accentué par l'existence de mésententes
sociales, on perçoit alors aisément la nature de la double appartenance du
député: celui-ci est d'abord mandaté par son ethnie avant de se sentir l'élu de la
nation. A cela, on pourrait retorquer en citant les exceptions de la Haute-Volta et
du Sénégal et en alléguant les indices relatifs à la formation d'une conscience
collective nationale. Certes, le vouloir vivre collectif est appréciable dans ces
Etats, mais n'est pas non plus négligeable l'existence des solidarités ethniques,
lesquelles ressurgissent lors des opérations électorales. De même, les élus sont
liés aux ethnies parce que le renouvellement de leurs mandats dépend d'elles.
En conclusion, tous ces pays cautionnent la pratique évoquée dans le
mesure où le résultant escompté est de parvenir à un consensus sur la loi adoptée
par l'institution parlementaires.
Paragraphe 2 - La recherche du consensus national autour
de la loi
A vrai dire, il s'agit autant du prolongement du
concept d'unanimité,
pratiquée dans l'Mrique précoloniale avec l'organe de représentation, dit "arbre
à palabres", que de la stratégie nouvelle de nivellement des multiples systèmes
juridiques des composantes sociologiques qui cherchent à former un consensus
autour de la loi. Dans tous les cas, l'objectif à atteindre, par le recours aux
calculs politiques à coloration ethnique dans la composition de l'Assemblée
nationale, est sous-entendu par l'obligation des députés d'accepter à l'unanimité
les textes de loi émanant de l'exécutif. Sur ce point, les propos de M.M.
Coulibaly étaient éloquents, lorsqu'il s'adressait à ses collègues du Parlement de
Côte d'Ivoire en ces termes "Je vous convie à voter sans débat... dans l'unanimité

- 83 -
de
vos
acclamations
patriotiques
habituelles" 1. Loin de concerner
particulièrement le cadre étatique cité, ces propos retrouvent toute leur vigueur,
en Haute-Volta, au Togo et au Sénégal. Car, à Y regarder de très près, la totalité
de ces pays semble rechercher la stabilité politique, donc institutionnelle, par la
redéfinition du rôle de l'institution et du député2•
TI se dégage, en filigrane, l'idée de faire accepter la loi adoptée par les
mosaïques de peuples et d'ethnies en question. Pour ce faire, le vecteur principal
usité demeure la représentation proportionnelle des groupements ethniques à
l'Assemblée nationale. Dans cette optique, le parlement est censé devenir le pôle
d'attraction de solidarités tribales éparses. Par l'émergence de ce nouveau centre
fédérateur, non seulement il y a une atténuation des effets négatifs des
mentalités traditionnelles, mais il naît surtout un consensus autour de
l'institution ainsi créée. Par cette construction, la logique aboutirait à favoriser
une participation prononcée des différentes composantes du tissu social au
travail législatif ; celle-ci s'opérant par leurs représentants qui, comme nous
l'avons dit, possèdent lm double statut.
En tout état de cause, à défaut d'lm possible pacte social, le consensus
obtenu autour du parlement équivaudrait à conférer force obligatoire à la loi
votée par les députés de ces Etats au regard des électeurs auxquels elle
s'applique. A ce sujet, il ne fait aucun doute que le phénomène est plus marqué
dans les systèmes monopartisans (Haute-Volta et Sénégal). En effet, plus que
partout, l'arithmétique ethnique dans les systèmes de parti unique a été le pilier
du consensus autour de l'Etat et surtout de la loi. A preuve, le mode de
recrutement des candidats à la députation et aux postes de responsabilités dans
les autres structures politiques et administratives. Bien que voilées, on retrouve
les grandes lignes de la démarche évoquée dans les démocraties pluralistes
voltaïque et sénégalaise3.
1 Voir M. L. Dubois, "Le reglme présidentiel dans les nouvelles constitutions des
Etats d'Afrique d'expression française", Penant, 1962, page 211.
2
Nous
venons
d'effleurer
un
des
éléments
constitutifs
des
fonctions
de
substitutions parle mentaires. Dans la seconde partie du travail, nous l'aborderons
plus en détails.
3 Voir les tableaux établis pour ce qui concerne la Haute-Volta. Consulter comme
référence pour le cas sénégalais, le tableau de l'origine ethnique des députés et
ministres, UPS en 1962, in "Tribalisme et Parti unique en Afrique noire", op. cité,
page 176.

- 84 -
Au terme de l'analyse, force est de constater l'ingéniosité des solutions
adoptées par les pays choisis pour répondre à leurs disParités succinctement, le
moule du système monocaméral, du parti unique ou dominant et l'utilisation de
l'équilibre ethnique sont les moyens adéquats pour parvenir au consensus
national autour de la loi et, de ce fait, à l'épanouissement de ces Etats "en
gestation", pour reprendre M.C. Coulon1. Cependant, la crise actuelle en
Mrique, perceptible avec la resurgence des antagonismes tribaux, ne dénote-t-
elle pas la faiblesse ou (et) l'inadaptation des solutions élaborées ? Alors,
quelques réflexions s'imposent concernant les solutions décrétées.
Section II - Critique des solutions adoptées
Les propos suivants de M. Bwendélélé fournissent la matière de la
réflexion à entreprendre
: "Comment veut-on que
des dispositions
constitutionnelles élaborées pour un pays très industrialisé, pour un peuple qui
jouit des conditions sociales meilleures, puissent être appliquées à un pays en
voie de développement"2. En établissant la corrélation entre le développement
socio-économique et la nature du régime politique, pour conclure à
l'inadaptation des institutions héritées par les Etats africains, l'auteur cité
n'innove en rien, car il se situe dans le droit chemin des tenants de la thèse
développementaliste 3 . Cependant, cette analyse, mettant en exergue la
dynamique fonctionnelle du pouvoir, autorise une première critique des
solutions considérées au regard de la logique constitutionnelle (B).
On ne peut nier l'évidence selon laquelle: "les meilleures (institutions), ne
peuvent être conçues, créées et maintenues... fonctionner ni durer qu'autant
qu'elles sont en harmonie avec les croyances communes et les moeurs"4. Et si,
de plus, on confronte cette vérité à la négation de l'autonomie des groupements
1 M.C. Coulon, "systèmes politiques et sociétés dans les Etats d'Afrique noire", RFSP
1972, page 1049 à 1073, page 1052, in "Essai sur l'Etat Africain post-colonial", op.
cité, page 19.
2 M. Bwendélélé cité par M. G.P. Tchivonda, essai cité, page 125.
3 M.G. Nzouankeu dans son étude pense, à l'encontre des tenants de la thèse
évoquée, que le multipartisme est un modèle praticable en Afrique noire. A cet
égard, de l'auteur cité "Les partis politiques sénégalais", éd. Clairafrique, Dakar,
1984.
4 M.A. Joussain, Misère et besoins du temps présent, in "L'Etat africain post-
colonial", op. ciL page 106.

- 85 -
ethniques en Afrique l , an nom de l'Etat-Nation, on est en mesure de s'interroger
sur la signification d'une telle solution (A).
A - Au regard des données sociologiques
En procédant à une étude comparative de la consécration constitutionnelle
et pratique de l'idée d'unité, on s'aperçoit que les pays étudiés ont une
conception négative de l'autonomie des groupes ethniques (§ O. Dans une
certaines mesure, c'est la matérialisation de cette approche qui produit l'absence
de consensus supra-ethnique. li se pose alors la question d'lme vision novatrice
du problème des nationalités (§2).
Paragraphe 1- Une conception négative de l'autonomie des
groupements ethniques
En posant pour axiome que l'acceptation de l'autonomie des diverses
composantes du tissu social est synonyme d'émiettement de l'Etat, les tenants de
l'intégration nationale ne pouvaient qu'adopter la théorie de l'Etat-Nation.
Selon ces derniers, d'abord, en reconnaissant la libre gestion des ethnies
dans le cadre unitaire de l'Etat, on aboutirait inéluctablement à la gestation
correspondante d'organisations socio-politiques et économiques propres. De ce
fait, les républiques d'inspiration jacobine ainsi créées se verraient démantelées2•
A ce risque, s'ajoutent les difficultés d'application de cette forme d'Etat, fédéré
ou décentralisé, qui peuvent être d'ordre culturel, linguistique et économique. A
preuve, les tenants de cette thèse invoquent les dizaines, voire centaines de
groupements ethniques qui renferment l'Etat africain post-colonial. Car pour
répondre à cette exigence, il faudrait lme soixantaine de langues en plus, de
milieux culturels ambiants...
Mais, à ne considérer que l'argumentation évoquée, il paraît possible d'y
apporter des critiques. Sur ce point, M. Thierry Michalon dans son ouvrage
1 Il faut souligner dans l'ex-Haute-Volta, aujourd'hui le Burkina Faso, les autorités
politiques semblent s'engager dans la voie de la décentralisation politique. Elles
ont créé 30 provinces sur les cendres de 10 anciens départements.
2 La lecture
de
l'ouvrage
de
M.
Yhierry
Michalon
est
d'un
enseignement
enrichissant. En l'introduisant M.G. Gonac disait "il s'agit d'un livre utile, mais
provocant, qui réussit la gageure de joindre à un lexique un réquisitoire et le
plaidoyer".

- 86 -
"Quel Etat pour l'Afrique ," 1 offre des réponses acceptables aux zones d'ombres
avancées par le courant de l'Etat unitaire.
Sans minimiser le fait tribal, il est possible, par apparentements, de
réduire le nombre élevé des groupements évoqués dans chacun de ces pays à
trois familles linguistiques. Cela est d'autant plus réalisable que loin de paraître
opposées, les structures socio-politiques de ces entités sociologiques reposent
sur le même substrat2•
Abordant, ensuite, l'aspect pratique du problème, les partisans de
l'intégration invoquent la complexité, voire l'impossibilité, de déterminer l'aire
géographique dans laquelle les ethnies devront s'épanouir. A titre d'illustration,
il est fait mention du découpage territorial de Berlin qui a balkanisé les
structures anciennes. Dans le même sens, s'inscrit l'enchevêtrement de
nombreuses organisations socio-politiques dans un même cadre étatique.
S'il est permis de reconnaître une part de vérité à cette thèse, on est aussi
autorisé à y apporter quelques correctifs. TI est certain que l'oeuvre de
délimitation en question ne pourra que comporter des difficultés. Mais à la
lumière de l'organisation territoriale de ces Etats, à base quelquefois ethnique,
on est porté à réfuter l'argument tirant source de l'impossibilité pratique3• De ce
fait, il faut expliquer cette réticence plutôt par un penchant pour l'hyper-
centralisation que par des obstacles majeurs.
En résumé, ces arguments masquent le mimétisme appauvrissant4 Vls-a-
vis de la notion d'Etat-Nation qui de nos jours semble remis en cause dans son
berceau européen. Ce constat rive le regard sur l'approche novatrice de la
question nationale.
1 Idem.
2 Voir
M. C.A. Diop, "l'unité culturelle de l'Afrique noire", Nations Nègres et
Cultures", op. cit.
3 Il s'agit tout simplement du penchant des acteurs politiques africains pour l'Etat
centralisateur. Sur ce point voir M.T. Michalon, op. cit., "l'Etat Nation en Afrique"
R.F.E.P.A., le mois en Afrique, n° 190-191, oct-nov. 1981, page 27 à 35 du professeur
Yves Person.
4 Idem.

- 87 -
Paragraphe 2 - La reconnaissance de la diversité ethnique
Dans son ouvrage "pauvreté richesse des peuples"., M.A. Tevodjré insiste
sur le fait que la reconnaissance des différences est non seulement la richesse de
chacun mais aussi le moteur de l'évolution et du progrès de l'ensemble. En
mettant en corrélation cette vérité avec la pluralité sociologique africaine, en
toute logique, on est porté reconsidérer la théorie de l'Etat-Nation et ses
implications et à choisir pour la libre gestion des ethnies dans les pays choisis.
Mais, préalable à l'étude, notons que cette solution ne serait possible et
envisageable qu'insérée dans un véritable projet de société2, d'une part, et dans
le cadre d'une décentralisation de l'Etat unitaire africain d'autre part3.
Cela dit, le minutieux découpage territorial correspondant à l'aire
géographique des ethnies doit être l'axe fondamental de l'entreprise envisagée.
Comme il a été dit sommairement, ce travail doit dépasser l'organisation (à base
strictement ethnique) pour être beaucoup plus précis, en tenant compte du
concept de famille linguistique (donc une échelle supra-ethnique). A titre
d'illustration, trois cadres juridiques pour la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta, le
Togo et le Sénégal, étant entendu que ces derniers renferment chacun un nombre
équivalent de groupes linguistiques. A cela, il convient d'ajouter la récusation de
la centralisation qui découle de la mystique entretenue autour de l'idée d'unité
nationale. Concrètement, une atténuation du caractère d'exclusif centre d'intérêt
détenu par la capitale s'impose. Cela, Par ailleurs, aura l'avantage de freiner le
flux des campagnes vers une seule ville et favorisera l'émergence d'autres zones
d'attraction, peut-être les chefs-lieux des aires géographiques ainsi créés. A la
réflexion, cette décentralisation politique permettrait l'évolution de la société
vers la Nation. Maintenant, PC?ursuivons la critique en abordant les distorsions
des solutions adoptées au regard de la logique politique et constitutionnelle.
1 M.A. Tevodjre,
"la
pauvreté, richesse
des
peuples", Editions Economie et
Hu manisme. Les éditions ouvrières, Paris, 1977.
2 Cette entreprise devra englober tous les aspects fondamentaux de la vie Etatique,
par conséquent, le politique, l'économique, le culturel. Par exemple, l'inspiration
du fédéralisme yougoslave pourra être profitable à la construction nationale.
3 En désaccord sur l'option fédéraliste de M. Thierry Michalon, nous estimons que
l'autonomie peut se réaliser dans un cadre Etatique unitaire.

- 88 -
B - Au regard de la logique politique et constitutionnelle
A la lumière de ce double point de vue, contrairement à l'affirmation
démocratique des régimes susvisés, on assiste, d'lme part, à un recours au
tribalisme pour gérer les affaires publiques et, d'autre part, à la marginalisation
du texte constitutionnel, étant entendu que celui-ci n'est que le moyen juridique
pour pérenniser le pouvoir.
Paragraphe 1 - La pérennisation du tribalisme comme
art politique
De l'indépendance à nos jours, il ne se passe de moment où la vie
politique de ces F1ats n'est secouée par les contradictions interethniques ; celles-
ci sont suscitées, pour la plupart, par les hommes politiques. Comme illustration,
on a déjà évoqué l'affaire de la Pana en Côte d'Ivoire l, les événements de la
Casamance au Sénégal2 et le procès dit des "mercenaires" an Togo3.
La connaissance de ces faits pousse à la réflexion quant à la nature réelle
de l'art politique africain. Auparavant, interrogeons-nous sur la réalité du projet
politique national africain.
Si l'on s'inspire des travaux de M. Nicolas4 , on est autorisé à apporter lme
réponse interdisant l'attribution de la qualité "nationale" aux projets sociétanx
africains. En effet, lorsqu'on sait que loin d'être une trace du passé, le fait
ethnique, par adaptation an milieu ambiant moderne, tend, par ses retombées
(népotisme, clientélisme, corruption...), à faire du jeu politique le privilège d'lm
groupe sociologique donné, on saisit le sens de la négation. Une hypothèse,
s'inscrivant en faux contre cela, voudmit que l'on tienne compte de la nature de
la classe politique an pouvoir pour répondre positivement à la question posée.
Bien qu'elle soit logique, cette thèse doit être écartée, car en observant l'écart
entre l'aspect politique africain et la référence souhaitée par ses acteurs, c'est-à-
1 Pour tout ce qui concerne ces faits, on peut utilement se référer à l'étude
antérieure sur les traits caractéristiques des sociétés politiques concernées. Au cas
échéant, on peut se reporter utilement à l'ouvrage précité de ML Scilla.
2 Idem.
3 Idem.
4
Voir
G.
Nicolas,
"crise
de
l'Etat
et
affirmation
ethnique
en
Afrique
contemporaine", R.F.S.P., 1972, page 1017 à 1048.

- 89 -
entre l'aspect politique africain et la référence souhaitée par ses acteurs, c'est-à-
dire le modèle occidental, on est obligé de dire que l'art politique dans ces Etats
est essentiellement ethniciste. Suite à ces propos, il conviendrait de porter une
attention particulière à la vie politique de ces pays.
On pourrait, tout d'abord, s'intéresser à la Côte d'Ivoire et au Togo, pays
de régime unipartisan. M. L. Scilla, en écrivant "systole et diastole du coeur
politique africain, tribalisme et parti unique semblent s'impliquer, l'un et
l'autre" l, résume l'échec de l'institution partisane dans l'édification de la nation
et le mécanisme du recours au tribalisme pour gouverner dans ces pays. En effet,
lorsqu'il n'est pas fait application de l'adage "diviser et opposer pour régner", il
est fait appel au soutien de l'ethnie du leader politique pour accaparer les
fonctions politiques aussi longtemps que possible. On peut, à cet égard, évoquer
les différentes "sanctions" infligées par le pouvoir politique ivoirien à l'encontre
des groupes Bétés et Agnis2• De même, on pourrait, avec quelques réserves,
mentionner les nombreuses "mises à l'index" de certains groupements ethniques
par le pouvoir togolais. Dans ce dernier cas, tout porte à croire que l'exercice du
pouvoir est à la dispositions des populations du Nord, comme semblent
l'affrrmer plusieurs écrits3. TI est plausible de donner crédit à cette explication si
l'on ne perd pas de vue l'axe souterrain de la politique d'équilibre Nord-Sud, que
prône le chef de l'Etat, à savoir l'avènement dans les rouages institutionnels du
''Togo en général"4.
Dans le même ordre d'idées, on peut, ensuite, envisager le sujet dans le
cadre des pays à régime multipartisan. A ce niveau, il faut signaler la différence
de degré qui existe dans la manifestation de ce phénomène tribal comme art
politique. Car il est couvert par le voile démocratique du système politique de
ces pays. Dans son étude "le suffrage politique en Hante-Volta", M. Da Dakor, à
la suite d'autres auteurs', évoquant la vassalisation de l'électorat rural par les
leaders politiques, illustre fort bien le recours à la solidarité ethnique pour la
conquête du pouvoir. S'il n'est guère besoin d'insister sur cela, il s'avère en
revanche d'intérêt de souligner la présence quasi permanente de discours
1 M. L. Scilla, op. cit., page 19.
2 M. L. Gbagbo, op. cit., page 7.
3 M. C. M. Toubabor, op. cit., page 56.
4 C'est le résumé de l'ouvrage de M. Andoch Nutepe Bonin "Le Togo du Sergent en
général", le Caret Editeur, 1983, Paris.
5 M. Da Dakor, "le suffrage politique et les mutations de la société africaine :
l'exemple de la Haute-Volta", mémoire de D.E.A. de Droit Public, Poitiers, 198111982,
pages 12 et suivantes; M.A. Nikiéma thèse cité; et M. K. Sandwidi, idem.

- 90-
électoraux tribalistes visant à susciter l'intérêt chez les groupes ethniques
concernés. A titre d'illustration, M.J. Ouédraogo invite en 1978 l'ethnie mossi à
voter pour M. Ouédraogo et contre le candidat M. ÙlmÏzana qui est ressortissant
d'un groupe minoritaire du pays. Par ailleurs, le Sénégal n'échappe pas
totalement à cette réalité, bien que sensiblement différent des autres.
Circonscrite pendant longtemps aux seules personnalités des partis ethniques
minoritaires, le phénomène tribal se ravive actuellement avec la naissance des
cercles informels à base ethnique depuis le choix pour le multipartisme illimité1•
Mais il serait hâtif de conclure au tribalisme comme art politique dans la
conquête du pouvoir au Sénégal. Car cela équivaudrait à obscurcir le processus
de formation nationale de ce pays2.
S'il est vrai que la situation d'ensemble dans ces pays varie en fonction de
la nature des régimes en place (système uni ou multipartisan), il n'en demeure
pas moins vrai que la pratique globale va dans le sens de l'utilisation du
tribalisme dans le jeu politique. A cela s'ajoute la marginalisation de la
constitution.
Paragraphe 2 - La marginalisation du texte constitutionnel
Au vocable euphémique et inadéquat de violation, il est préférable
d'utiliser celui de marginalisation du texte constitutionnel. Ce rejet s'explique
par l'absence de valeurs normatives réelles permettant de saisir ce qui est censé
être accepté ou non par la société politique globale, d'une part et, dans ce cas,
autorise les intéressés à se pourvoir éventuellement devant l'autorité
juridictionnelle (le Conseil constitutionnel en France ou la Cour suprême au
Etats-Unis par exemple) pour requérir une annulation du texte incriminé, d'autre
part.
Ainsi, par marginalisation on souligne l'aspect mimétique appauvrissant
vis-à-vis du modèle français. Sur ce point, le texte visé présente les
caractéristiques contraires souhaitées par M.G. Tchivounda : "elle n'est pas
"l'antihasard" du pouvoir politique, mieux, elle semble être l'artifice utilisé pour
"juridiciser" sa conception ethnique de la politique".
1 Voir à cet égard, M.Mj.M. Nzowankeu "les partis politiques sénégalais", Ed.
Clairafrique, Dakar, page 135.
2 Voir analyse précédente sur les traits de la société sénégalaise.

- 91 -
Pour saisir le fond et la pertinence de l'affirmation faite, un regard
minutieux sur le contenu de la constitution de la nIe République du Togo,
comparé au vécu politique, est éloquent. Abordant le sujet, M.J. Owona1 conclut
à juste titre sur la "constitutionnalisation " de la personnalisation ascendante
dupouvoir du général Eyadéma. Si le caractère néo-patrimonial de cet Etat ne
trompe guère, on peut de là, en tenant compte de l'équilibre Nord-Sud évoquer
(et de ses implications), être en mesure de parler le texte constitutionnel
légalisant la pratique tribale dans ce pays. Donc, sa marginalisation en ce qui
concerne le sens et la portée des dispositions relatives à l'unité nationale, à
l'égalité des droits et des devoirs...
Cette situation semble se retrouver en Côte d'Ivoire. Dans ce cas, en sus
de ce qui a été dit, il faut ajouter "l'irrespect" de certaines dispositions
constitutionnelles. A ce sujet, le projet de création d'un parti politique dénommé
PANA conforme à l'article 3 de la constitution est révélateur. Car la mise en
oeuvre de ce droit a eu pour réponse des autorités politiques le massacre de
l'ethnie du demandeur2 • A l'opposé, des exemples cités, se situent les
particularités voltaïques et sénégalaises.
Dans ces pays, on ne peut objectivement relever les cas de figures
rencontrés en Côte d'Ivoire et au Togo. Cependant, ce qui est perceptible c'est la
mise à l'écart du texte constitutionnel du jeu politique. A ce sujet, une
explication partielle de la chute de la me République en Haute Volta réside dans
l'impossibilité d'application des pouvoirs dévolus au chef de l'Etat par la
constitution3. Au Sénégal, l'illustration est fournie par la multiplication de
cercles et groupes politiques, dont certains ont une coloration ethnique, pourtant
interdite par la constitution4 •
1
M.J.Owona,
"La
constitution
de
la
Ille
République
Togolaise
l'Institutionnalisation du Rassemblement du Peuple Togolais", R.j.P.I.C.. 1980, 2,
PAGE 429.
2 Il s'agit de l'ethnie Bété. Pour une concrétisation de ce fait voir, ML Gbagbo,
"Côte d'Ivoire : Pour une alternative démocratique", op. cit., page 69 et suivantes.
De même, il est effleuré par le quotidien Fraternité-Matin, n° 920 du vendredi 22
décembre 1967.
3 Selon
une
approche
strictement juridique,
M.L. Yarga, "La fin
de la
Ille
République Voltaïque", R.F.E.P.A., Le mois en Afrique, n° 182-183, février et mars
1981, page 43 et 51, fait état de l'inapplication (et de son impossibilité) des pouvoirs
constitutionnels par le général Lamizana pour trouver une solution à la crise
sociale de 1980.
4 M.J.M. N'Zouankeu, ouvrage cité, page 135 ; voir également, M.P. Diagne, "Quelle
Démocratie pour le Sénégal", éditions P.F.D. Sankoré, Dakar 1984.

- 92 -
Pour conclure, en dépit de la nuance opérée en Haute-Volta et au Sénégal,
les solutions à ces disparités adoptées par les Etats se révèlent pour la plupart
incapables de réaliser l'objectif souhaité. Or, l'élaboration du statut de leurs
parlementaires (Sous-Titre II) a, semble-t-il amalgame les règles applicables
dans les démocraties parlementaires occidentales et orientales avec les réalités
africaines. La question que l'on peut se poser est la suivante : est-ce que ces
statuts offrent des garanties sérieuses aux élus nationaux ? La réponse à cette
interrogation suppose que l'on aborde le contenu de ces statuts.

- 93 ...
SOUS-TITRE II
L'INFLUENCE DES REALITES SOCIO-POLITIQUES
SUR LE STATUf DES PARLEMENTAIRES
A la veille de leur accession à la souveraineté nationale, les pays susvisés
avaient trois possibilités quant à l'élaboration du statut de leurs parlementaires.
Les dirigeants pouvaient, dans une première alternative, dynamiser les
vieilles structures africaines ; dans une seconde, reproduire fidèlement le modèle
de l'ex-puissance tutélaire; enfm, la troisième alternative consistait à réaliser la
synthèse des deux premières.
Selon M.P. Yacé 1, malgré leur attachement à la vieille tradition du
parlementarisme français, les dirigeants africains ont tout d'abord porté le regard
sur les techniques de gouvernement des régime stables des Etats-Unis,
d'U.R.S.S., de Grande-Bretagne et d'Allemagne fédérale. Ensuite, ils ont
considéré ceux inhérents aux pays à petite dimension comme la Tunisie. Ce n'est
qu'après ce travail préliminaire de droit comparé que les Etats du Conseil de
l'entente2 et ceux issus de la décolonisation française ont élaboré un modèle qui,
loin d'être "inédit ou original", amalgamait ces derniers tout en tenant compte
des réalités socio-politiques africaines.
Cette vision quelque peu discutable
est partiellement acceptée par de
nombreux auteurs africanistes tels MM. G. Conac, D. Lavroff, P.F. Gonidec,
M.P. Roy, L. Dubouis, Vanderlinden. Ce dernier, réfutant l'homogénéité des
règles juridiques appliquées en Afrique, s'exprime éloquemment par l'intitulé de
son ouvrage : "Les systèmes juridiques africains".
Cest sur la base de ces données multiples que le droit parlementaire de
ces Etats a été élaboré. A titre d'illustration, les techniques de recrutement
taillées à la mesure africaine (CHAPITRE 1), la codification minutieuse des
obligations et droits parlementaires et l'organisation de la fin de leur mandat
(CHAPITRE II). Enfin, le rôle de la Cour suprême en matière électorale
(CllAPI'TllE HI).
1 Exposé général du projet constitutionnel présenté par M.P. Yacé, Président de la
Commission Institutionnelle du Conseil de l'Entente, in Travaux de l'Assemblée
Nationale de Côte d'Ivoire, Côte d'Ivoire, 1ère session, 1960-1961.
2 Idem.

- 94 -
CHAPITRE 1 - DES TECHNIQUES DE RECRUTEMENT
TAILLEES A LA MESURE AFRICAINE
Dans ces quatre pays elles résultent de la constitution, des lois
électorales l, des statuts partisans et/ou du système de parti.
Min d'élire leurs représentants nationaux, la Côte d'Ivoire, le Togo et le
Sénégal ont opté pour le scrutin de liste nationale alors que la Haute-Volta a
expérimenté le scrutin de liste locale. Cependant, dans les deux premiers pays,
des réformes électorales ont été mises en place, respectivement en 1980 et
1985 2• Ces dernières ont suscité des avis contradictoires. Certains observateurs
estiment que l'on évolue vers un abandon du système de liste nationale.
D'autres, s'appuyant sur les données politiques actuelles, n'y voient qu'un
aménagement. C'est pourquoi, au-delà de ces réformes «avancées» par rapport
à la situation antérieure, on persiste à croire au maintien du scrutin de liste
(SectionI).
Par ailleurs, concernant la capacité et l'éligibilité (Section II), s'il y a
quelquefois des liens de parenté de ces règles avec celles inhérentes aux
modèles étrangers, il faut souligner l'aggravation des premières du fait des
spécificités africaines.
Enfin, dans ces pays, la domination du parti unique ou dominant sur les
institutions et sur la vie politique, accentue la sévérité d'exercice du suffrage
politique (Section III).
1 En annexe, on peut consulter les lois électorales de ces pays. S'agissant du Togo, on sait que
les élections législatives de 1979 ont eux lieu sans loi électorale. Mais, lors du renouvellement
du parlement intervenu en Mars 1985, une ordonnance relative à l'élection des députés a été
élaborée. A ce sujet, voir la Nouvelle Marche, quotidien d'information Togolaise du 16 Février
1985, à la page 1 et 6.
2 Idem.

- 95 -
Section 1 - Un choix unanime pour le scrutin de liste
La lecture de l'ouvrage collectif de MM. J.M. Cotteret, C. Emeri, P. La
lumière et l'introduction faite par le professeur M. Duverger1 renseigne sur le
caractère politique des différents modes de scrutin et leur utilisation à des fins
de conquête du pouvoir par les gouvernants.
Ces auteurs mettent également en évidence l'influence de ces scrutins sur
la nature du système politique, en autorisant le choix du personnel gouvernant
soit, par une procédure de relative liberté (dans les démocraties pluralistes),
soit par une procédure contraignante (dans les démocraties unanimitaires et
populaires).
Par cette distinction non exclusive, on touche du doigt l'objet précis de
l'étude, à savoir, le choix unanime du scrutin de liste dans les Etats considérés.
A ce titre, nul doute que ces derniers ont mis à profit les expériences
occidentales et orientales en la matière en les adaptant aux particularités
nationales.
Ainsi, en Côte d'Ivoire et au Togo, avant l'intervention des réformes
électorales respectives de septembre 19802 et de janvier 1985, les députés
étaient élus au scrutin de liste unique majoritaire à un tour, sans vote
préférentiel ni panachage. Mais, depuis ces dates, sont intervenus des
aménagements internes du système de la liste unique sur une circonscription
nationale. En effet, dans le premier pays cité, deux types de circonscription
électorale ont vu le jour : certaines comportent un seul siège qui est disputé au
scrutin uninominal majoritaire à deux tours ; d'autres en ont plusieurs. Dans
ces cas, le scrutin de liste majoritaire bloqué à deux tours est de vigueur. Dans
le second pays, on a découpé le territoire national en treize circonscriptions
électorales - chacune d'entre elles a plusieurs sièges et par conséquent,
plusieurs candidatures - le mode de scrutin adopté est le scrutin majoritaire à
un tour. En dépit de ces réformes, notons que le parti unique continue
d'investir les candidats à la députation et à exercer sa direction sur l'ensemble
des élections.
1 MM. lM. Cotteret, C. Emeri, P. Lalumière, «Lois électorales et inégalités de représentation
en France 1936 - 1960», Librairie A. Colin 1960, Paris page 5 et suivantes.
2 Loi n° 80 - 1039 du 1er Septembre 1980 portant modification de l'article 29 de la constitution,
lO.C.I., 1980, 1005.

- 96 -
Au Sénégal, après une longue expérimentation de la liste unique
majoritaire à un tour sans vote préférentiel ni panachage (durant le
monopartisme : 1961 - 1974), on a conservé la circonscription unique en
optant maintenant pour un scrutin mixte à forte dose de proportionnalité avec
une faible mesure de scrutin majoritaire à deux tours.
Enfin, en Haute-Volta, les politiques de la Ille République ont opté pour
un scrutin de liste locale à la proportionnelle.
Ainsi vu la diversité de ces modes de scrutin et la prédilection quasi
totale pour la liste, une analyse détaillée se révèle intéressante.
A - Le scrutin de liste nationale
On a souvent mis en relation l'établissement du scrutin au niveau
national et le système monopartisan. Sur le plan historique, cette assertion
garde toute sa pertinence : le Sénégal (1961 - 1974) et la Haute-Volta (1960 -
1966) en ont été de parfaites illustrations. Le Togo et la Côte d'Ivoire en sont
des témoins probants à l'heure actuelle. Cependant, des faits patents semblent
remettre en cause cette vision. A cet égard, l'utilisation de la liste nationale
dans le régime de pluralisme illimité du Sénégal atteste le mariage entre le
régime multipartisan et la liste nationale.
Cela posé, l'intérêt serait de rechercher les justifications de l'utilisation
de la technique de recrutement susvisé. c'est le but du présent propos à travers
l'approche successive du principe et du sens d'une part, des avantages et
inconvénients d'autre part, du scrutin en question dans les pays considérés.
Paragraphe 1 - Principe et sens
Selon la logique du scrutin de liste, les élections disputées (Sénégal) ou
non (Côte d'Ivoire et au Togo), se déroulent dans le cadre d'une
circonscription territoriale unique : les limites du territoire de l'Etat s'élevant
pour former une circonscription exclusive. A ce niveau, opérons une
distinction entre les pays à parti unique et ceux à parti dominant.

- 97 -
D'une part, au Togo, le RPT, parti unique de droit, monopolise le
suffrage politique. Par ce cadre unique d'expression politique, économique,
social... s'explique et s'impose l'existence de la liste unique, comme répondant
à la conception unanimitaire du «Togo nouveau» 1. En Côte d'Ivoire,
également, la fiction de l'article 7 de la constitution, relative au pluralisme ne
doit pas cacher la mainmise du PDCI, parti unique de fait, sur le suffrage
politique. Comme dans l'exemple précédent, la parfaite harmonie entre la liste
nationale et le parti unique dans le pays visé n'est pas douteuse.
Cette symbiose entre le parti et la circonscription unique semble être
remise en cause en Côte d'Ivoire depuis 1980 et, depuis 1985, au Togo.
En effet, en supprimant l'investiture parlementaire par le parti et en
créant plusieurs circonscriptions électorales, les réformes susvisées
restreignaient le droit de regard du PDCI et du RPT sur les élections
législatives. Par cette libéralisation du vote, on est tenté de poser la question
suivante: ne s'achemine-t-on pas vers un abandon de la liste nationale?
La réponse est négative car, outre le fait que les candidats sont tous
membres du parti unique2, il est fréquent de constater l'intervention de cette
formation dans certaines circonscriptions en faveur de certaines personnalités
politiques3. Donc, s'il existe des aménagements internes du scrutin susvisé, il
n'en demeure pas moins vrai que la liste partisane reste intacte.
D'autre part, il yale régime à partis multiples sénégalais. La distinction
ainsi opérée ne tient pas exclusivement à la nature du système politique de ce
pays, mais aussi à la pratique de la représentation proportionnelle. par la loi du
26 mai 1977 relative à la modification du code électoral, les législateurs
sénégalais n'ont en aucun lieu porté atteinte au principe de la liste nationale. Ce
qui a été modifié, c'est le mode de scrutin.
1 C'est l'expression courante usitée par le pouvoir togolais et reprise par les citoyens pour
parler du changement intervenu dans la vie politique depuis l'avènement du Général Eyadema
en 1967.
2 Voit M. O. F. Natchaba, «la Ille République: Bilan et Perspectives», document multigraphié,
Cellule d'Etudes et de Recherches Juridiques (C.E.R.J.), Université du Bénin, Lomé, Togo,
Avril 1985, pages 24 et suivantes et page 31. En principe, l'article cité paraîtra avant la fin de
l'année dans la Revue Juridique Indépendance et Coopération.
3 Idem.

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A l'ancienne formule majoritaire, on a ajouté une forte dose de
proportionnalité afin de tendre vers une relative répartition équitable des
sièges.
Théoriquement, les petites formations politiques devraient en
profiterl .
En résumé, on ne peut véritablement parler d'un abandon du système de
la liste unique dans les pays étudiés. En effet, en Côte d'Ivoire et au Togo, en
dépit des réformes électorales de 1980 et de 1985, la confection de la liste des
candidats aux législatives demeure sont le contrôle du parti unique. Dans le
même sens, en Haute-Volta et au Sénégal, chaque parti confectionne la liste des
candidats à présenter aux élections législatives.
Le maintien de la liste nationale étant évident dans ces pays, il serait
alors intéressant d'aborder sa raison d'être, c'est-à-dire son sens.
Sur ce point, est significatif le propos suivant du président M.
y AMEOGO : «A l'occasion des élections municipales, l'unité politique du pays
ne saurait être ébranlée par le fait de quelques mécontents que notre excès du
sens de la démocratie vient d'amnistier partiellement... Le seul parti national
qui légifère et gouverne en Haute-Volta, c'est le RDA. Tout le monde le sait.
Pourquoi donc vouloir donner à l'extérieur cette malheureuse et démagogique
impression qu'à l'intérieur nous sommes divisés... ?»2.
Si l'on s'abstient volontairement d'opiner sur la portée réelle de ce
discours, à savoir, la subordination organique des institutions politiques au
parti unique du défunt régime dictatorial de M. M. YAMEOGO, on perçoit en
revanche, clairement l'une des raisons d'être de la liste unique. Contraints à
créer une conscience nationale, aux mieux une nation, sur des données
sociologiques diverses et ambiguës, les Etats africains ont misé sur la technique
de la liste nationale dans le but d'amener les ethnies à choisir ensemble des élus
nationaux. Dans ce sens, l'institution parlementaire deviendrait, à l'instar du
parti unique, le creuset national où le brassage des différentes composantes du
tissu social se ferait. Dans le même ordre d'idées, il s'agirait d'opérer un
1 Sur les 14 partis sénégalais, ne sont représentés à l'assemblée nationale que le PS (110
sièges), le PDS (9 sièges) et le RND (1 siège). Une critique objective du système politique
sénégalais a été faite par des sénégalais lors d'une table ronde. A ce sujet, voir M.P. Diagne,
"Quelle Démocratie pour le Sénégal" op. cit.
2 M. P. Lippens, «La République de Haute-Volta», Institut International d'Administration
Publique, Editions Berger. Levrault, Paris, 1972, p. 19.

- 99 -
changement qualificatif de la nature du mandat électif et, pour cela, par fidélité
à la théorie démocratique pure, d'ôter toutes les pesanteurs exogènes
(structures ethniques par exemple) et endogènes (comportements tribaux...),
sur l'élu, afin de lui conférer un mandat national tout court. Concrètement, il
s'agit de situer l'élu au-dessus des intérêts subjectifs, un peu à l'image du statut
conféré au chef de l'Etat sous le régime français de 1958 1•
C'est dans cette optique qu'il convient de percevoir en grande partie le
sens de la pratique de la liste nationale dans ces pays. On peut résumer cela en
quelques mots : «la quête de l'Etat-Nation». Cependant, il serait peu exact de
ne s'en tenir qu'à cette seule explication puisque tout choix porté sur une
technique de recrutement a des mobiles politiques. D'où l'intérêt d'aborder les
avantages et les inconvénients respectifs des scrutins pratiqués dans ces pays.
Paragraphe 2 - Avantages et inconvénients
Il s'avère difficile de parvenir à l'étude objective qui mettrait d'un côté
les aspects positifs, de l'autre les aspects négatifs de tel ou tel mode de scrutin
utilisé en Mrique noire en général et dans les Etats étudiés en particulier.
Cette approche menée à l'aide de concepts et de paramètres occidentaux
dont la performance ne fait nul doute sont peu fiables dès lors qu'ils sont
utilisés pour apprécier la réalité des systèmes politiques africains2•
Par conséquent, toute esquisse ne tenant pas compte des données
susvisées aboutirait beaucoup plus sur des résultats approximatifs, voire
théoriques, que sur des faits exacts3.
La remarque ainsi faite, on s'intéressera dans un premier temps aux
effets des scrutins sur les systèmes à parti unique. Notons que de nombreux
auteurs dont MM. J.M. Cotteret et C. Emeri4 confèrent au scrutin majoritaire
1 Sur le statut du Président de la République en France, voir MM. C. Debasch, 1. Bourdon,
J.M. Pontier, J.C. Ricci, «Droit Constitutionnel et Institutions Politiques», Economica, Paris,
1933, page 528 à 606.
2 Voir M.J.F. Médart, «La spécificité des systèmes africains, op cit. ; Egalement M.P.F.
Gonidec, «Les systèmes politiques africains», 2ème Edition, L. G. D.J., Paris, 1978 ; M.
Maurice Pierre Roy, «Les régimes politiques du Tiers-Monde; L.G.D.J., 1977, Paris.
3 Idem.
4 M. M. J. M. Cotteret et C. Emeri, «Les systèmes électoraux», Que sais-je? n° 1382, PUF
1978, 126 pages.

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les aspects positifs suivants qu'il engendre
la simplicité et la stabilité
gouvernementale.
Concernant le premier point, il est aisé de saisir sa pertinence, en Côte
d'Ivoire et au Togo, lorsqu'on sait que le corps électoral de ces pays est en
grande majorité analphabète et civiquement peu préparé à la pratique de telles
opérations. C'est pour pallier cette insuffisance que des modèles particuliers de
votation ont été mis au point.
A titre d'illustration, les symboles et sigles des partis politiques utilisés
lors des élections : l'éléphant symbolise le PDCI-RDA et l'UDV -RDA
respectivement en Côte d'Ivoire et en Haute-Volta. Au Togo, si l'on ne s'est
pas inspiré de cette solution de facilité, en revanche, chaque électeur se
présente aux urnes avec lll1 seul bulletin de vote établi par le RPT 1•
En dehors de cela, puisque y sont interdits le vote préférentiel et le
panachage, les électeurs déchargés de ces formalités n'ont qu'une seule
opération à faire : porter leur voix sur la liste du parti unique. Sur ce point,
les réformes électorales ivoirienne et togolaise n'ont pas compliqué les
formules anciennes. S'il y a pluralité de candidature, cela n'empêche pas les
candidats de se réclamer tous de «l'éléphant », c'est-à-dire du PDCI ou du
RPT. Ainsi, au moment des élections, les électeurs ne votent qu'en fonction de
critères subjectifs : origine ethnique, charisme des candidats.
L'évocation de l'interdiction de panacher ou de faire un vote préférentiel
met en évidence l'aspect négatif de ce type de scrutin, à savoir la restriction de
la liberté de choix de l'électeur. Sur ce point, s'il est vrai que l'électorat
ivoirien et togolais est civiquement peu préparé et analphabète, on ne peut en
revanche accréditer les conséquences que l'on tire de ce constat.
Loin de prétendre à la simplification du vote, ce refus s'explique par la
volonté des dirigeants d'imposer aux électeurs les responsables du parti unique
aux postes à pourvoir.
1 On peut utilement consulter le Mémoire précité de M. Da Dakor, page 49 à 50. De même, la
consultation de la thèse de M. S. Kourita est éloquente.

- 101 -
Dans le même sens, il convient de souligner la faible probabilité selon
laquelle le scrutin majoritaire favoriserait l'intégration nationale 1• En effet,
compte tenu de sa longue expérimentation dans ces pays et considérant la
fragilité actuelle de ces régimes du fait de la renaissance d'antagonismes
ethniques, on ne peut qu'établir un constat d'échec. A preuve, les élections
législatives ivoiriennes CI 980) et togolaises CI 985) où on a constaté de
nombreux affrontements entre ethnies2 •
Dans un second temps, l'exemple sénégalais a le double intérêt de
confirmer à posteriori l'analyse antérieure, d'une part, et d'autoriser une
analyse particulière quant à la technique de la liste nationale, d'autre part.
Insistons, tout d'abord sur les effets positifs de l'une des composantes du
scrutin mixte utilisé au cours des récentes élections législatives sénégalaises, à
savoir la représentation proportionnelle.
Dans cette perspective, à la lumière d'un des défenseurs de la
proportionnelle le professeur Duguit et de l'ouvrage collectif précité, il a été
prouvé que ce scrutin favorisait l'équité du partage des sièges à pourvoir.
Cependant, on ne peut retrouver cette qualité dans la répartition des 120
sièges parlementaires entre les partis politiques sénégalais lors des législatives
de 1983. A l'issue du scrutin, le PS, parti gouvernemental, s'octroie 111 sièges
(avec 56,20% des suffrages exprimés), le PDS obtient 8 sièges (avec 13,97%
des suffrages exprimés) et le RND un siège (2,71 % des suffrages exprimés)3.
Si l'on compare ce score du PS, ce «grand chelem», à la poussée dans
l'opinion publique de l'opposition réunie circonstanciellement en «plate forme
d'unité d'action», le 22 décembre 1982, d'autre part, et la crise de confiance au
sein du parti du président A. Diouf d'autre part, force est de conclure, en
accord avec la déclaration des huit formations de l'opposition, à la «fraude
1 Voir la communication de M. Yves Raghavon sur <<l'illusion de l'arithmétique politique» lors
d'une étude de l'UNESCO en 1973, in «Les systèmes politiques africains» de M. P. F.
Gonidec, op. cit., page 145.
2 Fraternité-Matin du 30 décembre 1980, page 1 ; Fraternité-Matin du 31 décembre 1980 au 1er
Février 1981, page 8 ; Fraternité-Matin des 3 et 4 Février 1981 ; Lire aussi, la présence des
conflits ethniques dans l'éventuelle succession du Président dans «l'article 11 de la constitution
de 1960» par M. Togba Zogbélémon in Penant 93, Juillet 1983, page 153 à 175.
3 Voir M. J. M. N'Zouenkeu, op cit, Annexe II.

-
102 -
électorale» et par voie de conséquence à l'iniquité et à l'injustice dans la
répartition des sièges l .
Par ailleurs, on évoque comme second point positif le caractère
programmatique des partis et le contenu idéologique de l'élection. Dans une
optique comparative, il est plausible de dire que la qualité susvisée est
nettement plus marquée au Sénégal qu'en Côte d'Ivoire et au Togo. cependant,
l'analphabétisme et la dépendance à l'égard des forces traditionnelles de
l'électorat sénégalais infirment cette opinion.
Enfin, l'honnêteté du scrutin proportionnel se présente comme le
troisième point positif. A cet égard, on peut le retrouver au Sénégal puisque la
suprématie du PS à l'issue de chaque renouvellement du personnel politique lui
permet de gouverner sans l'aide des autres formations. De ce fait, il est à l'abri
des marchandages dus aux désistements et aux retraits de candidatures lors des
seconds tours, propres au scrutin majoritaire à deux tours.
Quant aux effets négatifs, il faut craindre le rôle multiplicateur de ce
scrutin sur le rapprochement de l'élu de ses électeurs. Déjà courant du fait de
l'utilisation de l'arithmétique politique à base ethnique, la proportionnelle
risquerait de favoriser énormément les candidats proches de leurs «fiefs». Cet
effet négatif dans les «quasi-nations», pour reprendre M.L.S. Senghor, permet
de faire la transition avec le second, à savoir, le risque d'accentuer l'aspect
conflictuel de ces sociétés multiethniques.
En conclusion, si le succès évident de ces différentes techniques réside
dans le renouvellement du mandat parlementaire de l'élite gouvernante de ces
pays, en revanche, son échec quant à l'association du peuple tout entier à la vie
démocratique n'est guère discutable.
Vrai en Côte d'Ivoire, au Togo et, aussi, dans le régime pluraliste du
Sénégal, on peut en dire autant du multipartisme voltaïque bien que dans ce cas
on ait préféré la liste locale à la liste nationale.
1 Voir M. M.J. N'Zouenkeu Idem, page 126 et suivantes. Dénonçant les pratiques
frauduleuses du P.S. lors des élections, le PDS décide de boycotter les prochaines élections
municipales du 25 Novembre 1984. Son Secrétaire Général, Me A. Wade donne les raisons de
ce boycottage: «Nous laissons tous les sièges au PS» in Jeune Afrique n° 1243 du 31 Octobre
1984, page 36 et suivantes.

-
103 -
B - Le scrutin de liste locale
Par l'ordonnance de janvier 1978 portant organisation des élections
législatives, les autorités politiques voltaïques rompent avec la tradition de la
circonscription unique, en expérimentant le choix des 57 nouveaux députés du
parlement de la Ille République par le scrutin de liste locale à la
proportionnelle.
Comme dans les cas précédents, on peut s'interroger sur le principe et le
sens, d'une part, et les avantages et inconvénients, d'autre part, de la technique
de recrutement susvisée.
Paragraphe 1 - Principe et sens
Selon le texte de loi cité, la circonscription électorale s'inscrit dans les
limites territoriales du département, ce qui correspond, à la lumière de
l'organisation administrative du pays, à dix unités l .
Si l'on s'interroge sur le sens de ce choix, il revient en écho la recherche
de l'unité nationale à travers la représentation départementale des entités
sociales.
La question que l'on pourrait se poser est de savoir pourquoi une prise
en compte du département et non de l'arrondissement ou du territoire national
tout court, comme cela se pratiquait sous les 1re et IIè Républiques.
Ce qui est sûr, c'est que l'expérience des élections nationales prouve que
les composantes multiethniques de chaque
département se sont touj ours
exprimées majoritairement pour un leader d'une formation politique2•
1 On peut se référer au tableau établi par M. K. Sandwidi dans sa thèse citée à la page 370 pour
connaître non seulement ces départements mais également les suffrages obtenus par chaque
parti et le nombre de sièges correspondant dans ces circonscriptions.
2 Voir également le Mémoire et la thèse déjà cités de MM. Dakor et S. Kourita.

- 104 -
Donc, au-delà de l'objectif premier du scrutin de liste locale, à savoir la
quête de l'unité nationale, n'est-on pas en mesure d'expliquer l'option ainsi
faite par un calcul politique visant à assurer l'élection de ces leaders locaux ?
Cela est d'autant plus vrai qu'à chaque renouvellement de mandat
parlementaire, ces derniers sont, d'office, élus 1. D'où l'intérêt d'aborder
l'étude des avantages et inconvénients de la liste locale à la proportionnelle.
1 Voir l'analyse sur les retombées socio-politiques dans la vie politique voltaïque.

-
'105 -
Paragraphe 2 - Les avantages et inconvénients
Si l'on ne considère que la fidèle reproduction au parlement des diverses
entités ethniques, on pourrait certainement croire que cette «équité» est le fait
de la proportionnelle utilisée dans ce pays.
Cependant, il serait plus exact de corriger ce pseudo-constat au regard
des données politiques voltaïques qui faussent littéralement les effets positifs de
ce mode de scrutin en matière de répartition des sièges.
Pour l'essentiel, il s'agit de la «vassalisation»de l'électorat, civiquement
peu préparé et, de surcroît, analphabète.
A vrai dire, la justice du scrutin de liste locale à la proportionnelle
s'apprécie par l'équité dans la répartition des mandats parlementaires entre des
«professionnels politiques» qui vivent plus «de la politique que pour la
politique», pour reprendre la formule de Max Weber l .
Ce trait fondamental permet de faire la transition avec le second aspect
négatif, à savoir l'absence d'honnêteté de ce scrutin. Pour s'en convaincre, il
suffit de savoir que les listes confectionnées par les leaders partisans ne
reflètent pas forcément les réalités locales. Ces derniers s'adonnent à des
marchandages à l'issue desquels la liste du parti est autoritairement établie. Les
électeurs, ne pouvant ni préférer tel candidat à tel autre, ni pratiquer le
panachage, sont ainsi tenus de donner leurs voix aux candidats investis par le
parti.
A ce niveau, il est à noter le penchant des politiques pour le modèle
ploutocratique au détriment de la compétence et surtout de la volonté des
électeurs. Aussi, choisira-t-on volontiers une autorité religieuse ou
traditionnelle à la place d'un ressortissant de la couche sociale économiquement
modeste (paysan, artisan, pêcheur... ).
A ce trait s'ajoute un autre : l'affermissement des liens entre l'élu et les
électeurs. Comme au Sénégal, l'électorat voltaïque est plus apte à élire le
candidat de son ethnie que celui d'une autre nationalité. En cela, l'opération
1 Max Weber, Le Savant etle Politique. Union Générale d'Editions, Paris, 1963.

- 106 -
électorale perd de son essence politique et par la même occasion les partis
politiques rivalisent plus sur les discours à consonance ethniciste et régionaliste
que sur des discours à contenu idéologique.
A la réflexion, la technique de recrutement du personnel parlementaire
en Haute-Volta prend plus l'aspect d'un «scrutin d'hommes» que l'aspect d'un
«scrutin d'idées»l.
Au terme de l'étude, l'essentiel à noter semble l'existence de techniques
de sélection conceptuellement satisfaisantes, mais dont la mise en œuvre
demeure irréalisable.
L'échec de ces dernières tient surtout à la «qualité» intrinsèque des
dirigeants africains beaucoup plus préoccupés à pérenniser leur pouvoir qu'à
favoriser <<l'alternance démocratique»2.
C'est dans cet ordre d'idées qu'il convient d'apprécier les conditions
exigées pour le vote des citoyens dans les pays considérés.
Section II - Des règles d'exclusion : Capacité électorale et
éligibilité
Après avoir affirmé le caractère universel direct, égal et secret du
suffrage politique, la constitution des pays étudiés abandonne la réglementation
détaillée de l'élection des députés aux lois électorales.
Excepté le Togo qui n'en possédait pas3, ces dernières édictent les
conditions d'exercice du droit de vote et celles relatives à l'éligibilité. A la
lumière des enseignements de droit parlementaire du professeur J.P. Duprat,
de M. Jean Bourdon et d'autres auteurs4, on ne peut parler d'originalité des
règles africaines en matière de capacité et d'éligibilité.
1 La formule est de MM. Cotteret et L. Eméri dans «Les systèmes électoraux», op cit.,
page 75.
2 C'est le souhait et le titre de l'ouvrage précité de M. L. Gbagbo.
3 Voir la nouvelle loi électorale totoglaise de 1985 en Annexe.
4 Voir M. J.P. Duprat, «Cours de Droit Constitutionnel spécial», Maîtrise de Droit, faculté de
droit de Poitiers, 1984-1985 ; Egalement M. J. Bourdon, «Les Assemblées parlementaires sous
la V République», N.E.D. n° 4463-4464, La Documentation Française: MM. L. Débbach,
J.M. Pontier, J.c. Ricci, op cit., page 639 et suivantes.

-
107 -
Cependant la particularité des données sociologiques, la domination des
institutions politiques par un leader fortement appuyé par un parti unique ou
dominant dans ces pays ne manquent pas de détourner le contenu libéral de
leur législation.
Ainsi, n'est-il pas exagéré de parler de règles d'exclusion en lieu et place
des règles d'association.
A - Les conditions d'exercice du droit de vote
Tout citoyen
n'est pas présumé électeur. Pour avoir cette capacité
juridique, encore faut-il que ce dernier remplisse des conditions générales et
particulières. Bien que variant d'un pays à un autre, ces dernières sont d'une
rigidité pratique du fait des réalités nationales.
Paragraphe 1 - Les conditions générales
Elles se résument pour l'essentiel à l'âge, à la nationalité, à la jouissance
de la capacité juridique, à la dignité morale, à l'inscription sur des listes
électorales. A ces prescriptions d'ordre légal, s'ajoute la discrimination
sexuelle qui limite la participation des femmes au suffrage politique.
a) La majorité électorale
Excepté la Haute-Volta où la majorité civile est fixée à vingt ans., dans
les trois autres pays, elle est de vingt et un ans2•
L'exigence de cette limite d'âge, au demeurant très élevée par rapport
aux vieilles nations occidentales (par exemple 18 ans en France) où la
population est sur la voie du vieillissement, se révèle paradoxale et
discriminatrice au regard de la pyramide des âges de ces pays.
• Voir le Tableau établi par les professeurs V. Herman et F. Mendel in «Les Parlements dans le
monde» page 34 à 41 ; Egalement, Mme C. Desouches, «Les assemblées», chapitre II, Tome
l, Volume 1, page 59, Encyclopédie juridique de l'Afrique, N.E. D. Abidjan -llakar - Lomé
1982; En Haute-Volta, voir l'article 33 al. 2 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978; En
Côte d'Ivoire, voir l'article 11 de la loi du 1er septembre; Au Sénégal, voir l'article L premier
du Code Electoral du 30 avril 1982.
2 Idem.

- 108 -
Pour éviter l'abstraction, considérons l'exemple sénégalais: plus de 44%
de sa population (6 416 000 habitants) a moins de vingt ans. De ce fait, à
défaut de statistiques relatives à la tranche d'âge de 20 à 21 ans, on peut
néanmoins observer les aspects négatifs de la fixation de la majorité à 21 ans
dans ce pays, en particulier, et dans les autres pays, en général.
A dire vrai, cette limitation ne constitue pas une «première» puisque le
problème du vote des jeunes s'est posé avec la même acuité dans les régimes de
démocraties pluralistes comme la France.
En effet, par crainte de se voir priver d'un électorat très jeune attiré par
les idées de gauche, les dirigeants libéraux africains préfèrent les marginaliser.
C'est également par nationalisme et, surtout, par protection de l'ordre
constitutionnel que l'on exige du citoyen la nationalité et une certaine fidélité
au régime politique pour être électeur.
b) La nationalité
En règle générale, est électeur tout possédant la nationalitél . A ce niveau
s'opère une distinction entre le Togo, d'une part, et les autres pays, d'autre
part.
Dans la seconde catégorie, si la nationalité s'obtient selon les critères
courants tenant à la naissance, à la filiation, au mariage, au nombre d'années
effectué dans le pays ... , au Togo, en revanche, à ces formalités s'ajoutent
d'autres d'ordre purement politique.
Pour s'en convaincre, laissons parler M. Ayité Mivedor, membre du
bureau politique du RPT : «... est Togolais celui qui a les deux pieds dedans et
qui soutient le régime salvateur du général d'armée G. Eyadém~l»2.
1 En Côte d'Ivoire, voir l'article Il de la loi du 1er septembre; en Haute-Volta, voir l'article 33
al. 1 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 ; au Sénégal, voir l'article L premier du
code électoral.
2 La reproduction de l'exposé de M. A. G. Mivedor lors du 3ème conseil national a été faite par
l'organe de presse gouvernemental, Togo dialogue du 6 au 9 novembre 1978, Nouvel1e
Editions Africaines, Dakar, 1979.

- 109 -
En termes concrets, il est question, à l'image du bannissement que l'on
rencontre en URSS et dans les démocraties populaires, de l'exclusion de
certaines familles ayant exercé directement ou indirectement le pouvoir
politique sous les régimes antérieurs: De Souza, Olympio... et leurs lignées.
La distinction ainsi faite, soulignons que contrairement aux trois autres
pays, la Côte d'Ivoire a autorisé les étrangers vivant sur son territoire à
participer à côté des nationaux à la désignation de ses députés en 1980.
Cela est d'autant plus intéressant que les habitants de ce pays sont
constitués d'au moins 2/5 de non-Ivoiriens dont des Voltaïques pour la
majorité, à côté de Béninois, de Sénégalais, de Togolais, de Guinéens...
En évoquant l'installation des étrangers en Côte d'Ivoire, c'est la
question du vote des naturalisés qui est ici posée l . Sur ce point, s'ils ne peuvent
être éligibles qu'après l'expiration d'un délai de cinq à quinze ans à compter de
la date de promulgation du décret de naturalisation2, en revanche, rien ne fait
obstacle à leur qualité d'électeur dès lors qu'ils remplissent les autres
conditions exigées. Rien que par les deux conditions générales évoquées, on
peut estimer le nombre assez élevé de personnes exclues du corps électoral.
Complétons le tableau en abordant l'étude relative à la jouissance de la capacité
juridique et de la dignité morale.
c) La capacité juridique et la dignité morale
Selon les lois électorales susvisées3, ne peut être inscrit sur les listes
électorales la catégorie suivante de citoyens :
- les individus condamnés pour crime,
- les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement d'au moins 3
mois pour vol, escroquerie, abus de confiance, soustraction commise par les
dépositaires des deniers publics, ou attentats aux mœurs,
1 En Haute-Volta, voir l'article 33 al. 1 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978, au
Sénégal, voir l'article L2 du code électoral et l'article 16 du Code de la Nationalité.
2 Idem.
3 En Côte d'Ivoire, voir les articles 12 et 13 de la loi du 1er septembre 1980, en Haute-Volta,
voir l'article 34 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978, au Sénégal, voir l'article L3 du
code électoral.

-
~10 -
- ceux qui sont en état de contumace,
- les faillis réhabilités,
- les interdits.
L'autorité de la chose jugée aidant et la mission salvatrice des tribunaux
en matière de répression contre les crimes, délits sont des éléments qui ne
permettent pas de critiquer ces restrictions au droit de vote. En revanche, des
problèmes se posent quant à l'interdiction du droit de vote des aliénés.
La question est de savoir qui est aliéné puisque la détermination de la
déficience mentale laisse à désirer dans ces pays démunis de spécialistes en la
matière. En outre, contrairement à l'isolement de ces derniers dans des
«asiles» en occident, dans ces pays la majorité des malades mentaux vivent dans
leurs familles l .
De ce fait, le risque est grand de voir refuser l'inscription sur les listes
électorales d'un citoyen modestement habillé et d'accepter un aliéné
chichement revêtu.
d) L'inscription sur les listes électorales
Excepté le Togo, tous les pays demandent aux citoyens de s'inscrire dans
une circonscription bien déterminée 2• Mais, en pratique, cette fonnalité a été
sévèrement réglementée.
En plus de cela, on réclame à l'électeur de s'acquitter de ses
contributions aussi bien en Haute-Volta qu'au Sénégal3•
1 Seule une infime partie de ces derniers sont internés dans des centres de soin.
2 En Côte d'Ivoire voir l'article 53 de la loi du 1er septembre 1980, en Haute-Volta, voir
l'article 58 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978, au Sénégal, voir l'article LlO du
code électoral.
3 Au Sénégal, voir l'article LlO al. 2 du code électoral. En Haute-Volta, c'est la coutume qui
s'est substituée au droit puisqu'aucune prescription légale n'astreint les électeurs à produire le
récépissé du service des impôts.

-
111 -
Quand on sait que ces lourdes charges fmancières sont en partie à la base
de l'exode du paysannat vers la Côte d'Ivoire et les autres pays nantis par la
nature, on saisit non seulement le caractère arbitraire de ces prélèvements,
mais aussi le rétrécissement du collège électoral que cela entraîne et accentue.
L'étude des quatre éléments constitutifs des conditions générales de
l'exercice du droit de vote ainsi achevée, avant d'aborder les conditions
particulières, il serait intéressant d'envisager une esquisse sur les problèmes
posés par le vote des femmes dans ces pays.
e) L'exclusion des femmes du suffrage politique
En théorie, certaines dispositions constitutionnelles reprises par les lois
électorales prescrivent l'égalité entre les sexes en matière de droit de vote.
Mais en pratique, force est de constater que le statut politique de la femme
dans ces Etats post-coloniaux demeure féodal.
A ce niveau, il convient de distinguer les rurales et les citadines.
Concernant les premières, c'est-à-dire les plus nombreuses, on ne peut
parler de droit politique puisque soumises à leurs époux et reléguées aux
difficiles travaux champêtres et familiaux, elles ne sont nullement consultées
dans la prise des décisions engageant la vie de la collectivité. De plus,
lorsqu'elles le sont, durant les législatives, elles sont tenues de voter dans le
sens de leurs maris l .
Bien que relativement discutable, cette subordination de la femme ne
relève pas entièr~ment de la société traditionnelle, mais elle a été
«institutionnalisée» d'abord par la culture arabe puis maintenue de la
colonisation à nos jours2•
Pour ce qui est de la seconde catégorie, selon l'importance du revenu
mensuel de la femme, on constate une évolution positive de son statut. A titre
d'illustration, une employée de l'Administration et une commerçante sont des
privilégiées par rapport à une «ménagère». De ce fait, les premières
1 Voir Mme A. Thiam, «La Parole aux Négresses», Ed. Denoël, Gonthier, Paris, 1978, sur le
statut précolonial de la femme, voir M. C. A. Diop, «L'unité culturelle de l'Afrique», Présence
Africaine, 2éme Edition, Paris, 1982.
2 Voir Mme A. Thiam déjà cité.

-
112 -
exerceront effectivement et avec une certaine liberté leur droit de vote alors
que la seconde, à l'instar de ses consœurs des villages, sera exclue du vote ou,
le cas échéant, le manifestera sous la tutelle de son mari.
Enfin, pour se faire une idée de la place de la femme dans les régimes
susvisés, il suffit de consulter la liste des députés à l'Assemblée nationale 1, ou
celles des autres institutions politiques et administratives 2.
Paragraphe 2 - Les conditions particulières
Dans le souci de permettre aux nationaux vivant hors du territoire
national d'exercer leur vote, les lois électorales ivoirienne, voltaïque et
sénégalaise aménagent des conditions particulières visant à atteindre cet
objectif.
Sur ce point, tout national remplissant les conditions générales fixées par
les textes peut se rendre au consulat ou à l'ambassade de son lieu de résidence
pour exercer son suffrage politique.
Cependant, la réalité serait déformée si l'on n'émettait pas plusieurs
réserves à propos de cette réglementation.
Tout d'abord, ce qui est important à noter, c'est le caractère
«anarchique» de ces exodes. En effet, s'il existe des accords en matière d'envoi
de main-d'œuvre entre certains pays continentaux (Haute-Volta) et d'autres
pays du sud nantis par la nature (Côte d'Ivoire, Ghana, Gabon), notons que ces
derniers ne sont nullement respectés.
De ce fait, aucun fichier aussi bien des services de la main-d'œuvre et de
l'immigration que de l'ambassade ou du consulat ne peut exactement donner le
nombre de travailleurs nationaux employés dans les plantations du sud.
Par ailleurs, si ces derniers se retrouvent organisés dans des structures
ethniques, régionales ou nationales, en revanche, ils ne dépendent nullement
d'aucune parti politique national.
1 Se reporter à la Hème partie du travail où l'on aborde succinctement la participation des
femmes - députés dans certains parlements africains.
2 Idem.

- 113 -
,
\\.
En d'autres termes, c'est dire que ces citoyens vivant à l'étranger ne
participent pas à la désignation des responsables de leur pays respectifs.
Non seulement les gouvernants et les services consulaires et
diplomatiques n'œuvrent pas dans ce sens, mais il faut dire également que ces
«immigrés» méconnaissent ces possibilités.
A la limite, ceux qui votent sont certainement les fonctionnaires et
«intellectuels» vivant en dehors des limites territoriales de leur Etat d'origine.
Pour conclure, soulignons que l'on a coutume d'attribuer au régime
démocratique la réelle participation du peuple dans son ensemble à la gestion
des affaires publiques. Or, les propos précédents ont révélé le rétrécissement
du collège électoral de ces pays où n'existent pourtant pas un suffrage
censitaire. On verra que ce rétrécissement sera plus marqué en ce qui concerne
les éligibles.
B - L'éligibilité
dans ces pays, pour être éligible, tout citoyen doit pouvoir justifier de sa
qualité d'électeur, c'est-à-dire, remplir les conditions ci-dessus évoquées d'une
part et, avoir 23 - 25 ans au moins et satisfaire certaines obligations prescrites
par les lois électorales nationales, d'autre parti.
A ce niveau, les étrangers ne peuvent être éligibles, mais les naturalisés
le sont à partir d'un délai de cinq à dix ans à compter de la date de
promulgation du décret de nationalisation2• En règle générale, deux catégories
d'obligations portent atteintes à la capacité juridique d'être élu : d'une part,
l'inéligibilité et, d'autre part, l'incompatibilité.
La première est soit absolue ou relative et empêche le citoyen électeur
d'être élu. La seconde impose à l'intéressé le choix entre sa fonction et le
mandat parlementaire désiré.
1 En Côte d'ivoire, voir de l'article 14 à 35 de la loi du 1er septembre 1980, en Haute-Volta,
voir de l'article 7 à 25 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 ; au Sénégal, voir de
l'article L.126 à L.142 du code électoral; au Togo, article 4 et suivants de l'ordonnance du 15
février 1985.
2 Idem.

- 114 -
Avant d'aborder l'étude présente, il serait intéressant de souligner que le
caractère apparemment libéral de ces règles du fait de leur parenté occidentale
ne doit pas l'emporter sur leur arrière-fond draconien.
Pour s'en convaincre, leur approche doit se faire à la lumière du système
politique qui les utilise, donc sur la base des données socio-politiques
différentes de celles du milieu originel.
Paragraphe 1 : Les inéligibilités
S'inspirant de la législation française en cette matière, les Etats africains
établissent deux catégories d'inéligibilité considérant soit les condamnations des
individus soit les fonctions administratives exercées par les citoyens.
a) Les inéligibilités absolues
Excepté la Côte d'ivoire1, la loi distingue deux types de condamnation2 :
ainsi, lorsque les tribunaux condamnent définitivement un individu, celui-ci ne
peut s'inscrire sur les listes électorales, donc il ne peut ni être électeur ni être
éligible. Mais, lorsque la condamnation est temporaire, les individus ne sont
inéligibles que durant une période double de celle «durant laquelle ils ne
peuvent être inscrits sur la liste électorale»3.
Cette précision ainsi donnée, tombent sous le coup de l'inéligibilité
absolue les cas suivants :
- les individus privés par décision judiciaire de leurs droits d'éligibilité,
en application des lois en vigueur;
- les individus condamnés pour fraude électoral ;
- les débiteurs admis au bénéfice de la liquidation judiciaire, à partir du
jugement d'ouverture de la liquidation et pendant un délai de deux ans.
1 Dans ce pays, la loi ne retient qu'une forme de condamnation judiciaire.
Voirl'article 16 de la loi du 1er septembre 1980.
2 En Haute-Volta, voir l'article 9 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 ; au Sénégal.
voir l'article LO 130 du code électoral.
3 Idem.

-
115 -
\\,
Si l'on ajoute à ces cas les personnes condamnés pour les délits d'opinion
dont quelques-unes seulement sont recensées par Amnistie Intemational l , il est
clair que ne sont pas exclusivement inéligibles les détenus de droit commun,
mais le sont également tous les citoyens se plaçant en dehors de la légalité
partisane.
En dehors de ces cas, une catégorie d'inéligibilités d'une autre dimension
est prescrite. celles-ci sont relatives et ne concernent que des citoyens exerçant
certaines fonctions.
b) Les inéligibilités relatives
Limitée dans le temps et dans l'espace, cette perte momentanée de la
capacité juridique d'être élu ne concerne que des fonctionnaires qui, de par
leur pouvoir, peuvent influer ou orienter les scrutins.
Ainsi ne peuvent être éligibles2 :
- les hauts responsables de l'Administration territoriale;
- les directeurs généraux et directeurs de l'Administration centrale;
- les hauts fonctionnaires de l'Administration financière;
- les inspecteurs;
- les fonctionnaires de la Sûreté nationale;
- les magistrats et militaires.
Enfin, soulignons que les fonctionnaires internationaux sont également
frappés par cette inéligibilité relative. ces derniers ne peuvent être éligibles
1 Voir par exemple, Amnesty International, «la totrture, instument de pouvoir, fléau à
combattre», Paris, seuil, 1984.
2 Voir l'arit1ce 17 de la loi du 1er septembre, en Côte d'Ivoire; l'article 98 de l'ordonnance n°
78-006 du 24 janvier. en Haute-Volta; l'article LO 131 du code électoral au Sénégal.

-
116 -
qu'à condition de démissionner de leurs fonctions deux mois au moins avant la
date des élections1•
Avant d'aborder les incompatibilités, notons que si par inadvertance ou
autres, l'inscription de ces personnes a eu lieu et que leur élection est acquise,
leur mandat ne peut être validé.
Paragraphe 2 - Les incompatibilités
Abordant la question, M. Michel Cedara et bien d'autres auteurs 2
montrent la différence qui existe entre l'incompatibilité et l'inéligibilité. Alors
que la seconde empêche le citoyen d'être élu, la première impose au candidat
un choix clair et précis entre le mandat national d'une part, et d'autres activités
d'autre part.
Au-delà de ces différences, c'est la protection de l'indépendance de
l'activité parlementaire dont il est question.
Sur ce plan, les lois électorales nationales sont formelles et énumèrent
trois catégories distinctes d'activités incompatibles avec le mandat des députés.
a) L'incompatibilité entre le mandat parlementaire
d'une part, et les fonctions publiques non
électives et les fonctions privées, d'autre part.
Sont incompatibles avec le mandat de député:
- la qualité de fonctionnaire, de magistrats de l'ordre judiciaire,
d'employés de collectivités publiques, de personnels des Administrations,
services et établissements publics;
1 Voir l'article 9c de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 en haute-Volta.
2 MM Cedera, «les incompatibilités parlementaires en France et à l'étranger». N.E.D. n° 4106 -
4106. la documentation française, Paris, 1974 ; M Dimitri Georges Lavroff- «la V è
République», Dalloz, 9ème édition, Paris, pages 350 à 360 ; MM L Debbasch, J Bourdon, J M
Poutier, J C Ricci, op cit, pages 685 à 696.

- 117 -
- les employés élus du secteur privé.
Pour exercer la fonction de représentation, les premiers doivent se
mettre en position de détachement, les seconds en état de suspension de leur
contrat de travail 1•
Dans le même esprit, le représentant national ne peut cumulativement
exercer sa fonction qui lui est confiée soit par ooe organisation internationale
ou par un Etat étranger, soit par le Gouvernement2•
Concernant les deux premiers cas, il cesse immédiatement d'appartenir à
l'Assemblée nationale dès lors que son consentement est donné. Mais, s'il
s'agit de missions «étrangères» agréées par le Conseil des ministres, l'organe
législatif doit donner son approbation. Dans cette optique, son mandat est
simplement suspendu durant la durée de la mission qui peut aller de six à
vingt-quatre mois au maximum. A son expiration, le parlementaire reprend
son siège qu'il avait momentanément «perdu»3.
Pour ce qui est du dernier cas, puisqu'il s'agit d'une nomination
gouvernementale, le député ne perd pas son siège, mais son mandat est
seulement suspendu pendant sa mission.
b) Les incompatibilités avec certaines fonctions
publiques électives
Aussi bien dans les régimes de séparation rigide des pouvoirs
(présidentialisme ivoirien, sénégalais et togolais) que dans le régime de
séparation souple (parlementaire rationalisé voltaïque), l'exercice du mandat
parlementaire est incompatible avec les fonctions de membres du
Gouvernement4 •
l Voir l'article 26 de la loi du 1er septembre 1980, en Côte d'Ivoire; l'article 3 al 2 de
l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978, en Haute-Volta; au sénégal, l'incompatibilité
relève d'une pratique datant de 1978.
2 Idem
3 Voir l'article 26 de la loi du 1er septembre 1980, en Côte d'Ivoire; l'article 3 al. 2 de
l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 en Haute-Volta; au Sénégal, l'incompatibilité relève
d'une pratique datant de 1978.
4 Voir l'article 26 de la loi du 1er septembre 1980, en Côte d'Ivoire; l'article LO 133 du code
électoral, au Sénégal.

- 118 -
Il en est de même avec la fonction de président du Conseil économique et
social au Sénégal et de celle de conseiller économique et social en Côte
d'Ivoire.
c) Les incompatibilités avec certaines fonctions
dans les entreprises et établissements publics
N'entrent pas dans cette catégorie les fonctions exercées par les
parlementaires, comme membres des conseils d'administration d'entreprises ou
d'établissement publics en vertu des textes relatifs à l'organisation de ces
secteurs.
En dehors de ces dernières, ne sont pas compatibles avec le mandat de
député : les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil
d'administration, d'administrateur délégué, de directeur général ou adjoint et
gérant des types de sociétés suivantes :
1. Celles ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement
appel à l'épargne publique et au crédit.
2. Celles dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de
travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte de l'Etat,
d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale,
ou dont plus de la moitié du capital social est constitué par des participations de
sociétés ou entreprises ayant les mêmes activités'.
Cela dit, ce qui paraît intéressant à souligner, c'est la permanence de ces
incompatibilités. Ainsi, si le député choisit son mandat au détriment de son
activité traditionnelle, il ne peut durant la législature accepter l'une quelconque
de ces activités incompatibles.
Dans le même esprit, l'interdiction a été élargie à certains actes que
peuvent faire les députés :
, En Côte d'Ivoire, voir les articles 29,30 et 31 de la loi du 1er septembre 1980 ; en Haute-
Volta, les articles 18, 19, et 20 de l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier 1978 ; au Sénégal, les
articles LO 137 et 138 du code électoral.

-
119 -
Est interdit à tout parlementaire de faire ou de laisser figurer son nom,
suivi de l'indication de sa qualité, dans toute publicité relative à une entreprise
financière, industrielle ou commerciale. De même, il est interdit à tout avocat
investi du mandat de député de plaider ou de consulter contre l'Etat, les
collectivités et établissements publics dans les affaires commerciales et civiles l .
Rien que par ces propos, on s'aperçoit que l'exercice du mandat
parlementaire est soumis à un grand nombre de règles qui contribuent à
rendre cette fonction sélective.
Mais, cette sélection a une contrepartie non moins importante : en effet,
une fois élu, le député bénéfice de droits protecteurs de son mandat et n'est
tenu seulement que par une obligation morale, c'est-à-dire assurer de façon
permanente sa mission.
Avant d'aborder ces aspects, il convient de s'appesantir sur un trait
particulier de l'exercice du suffrage politique dans ces régimes politiques: la
prépondérance du label partisan.
Section III - La prépondérance du label partisan
Dans les quatre pays étudiés, sur l'ensemble des conditions d'éligibilité
formulées expressément ou tacitement, seule l'absence exclusive du label
partisan est suffisante pour interdire l'investiture du candidat à la députation
et, le plus souvent, l'exercice du droit de vote par le citoyen.
Cette obligation, symbole de sa prépondérance par rapport aux autres
formalités tient de façon non exclusive soit au système de partis, soit à la
législation nationale (constitution, statut des partis politiques), soit enfin à une
sorte de convention tacite passée entre les formations politiques au détriment
d'autres listes ou de candidatures individuelles.
C'est ainsi que, dans les régimes monopartisans, en premier lieu, la
subordination organique des institutions politiques au parti unique, sa
domination de la vie politique sont autant d'éléments qui attestent que nul ne
peut être éligible sans être préalablement un membre inconditionnel du PDCI
1 En Côte d'Ivoire, l'article 33 de la loi du 1er septembre 1980; En Haute-Volta, l'article 23 de
l'ordonnance n° 78-006 du 24 janvier; au Sénégal, les articles LO 140 et 141 du code électoral.

- 120 -
en Côte d'Ivoire et du RPr au Togo 1. Et si, en droit, il est difficile d'affirmer
que tout citoyen de ces pays ne peut être électeur que s'il est militant du parti
unique, en fait, on peut envisager cette hypothèse dans la mesure où le RPT et
PDCI sont les exclusives formations politiques dans lesquelles s'organisent la
vie politique, économique, sociale... du pays.
En second lieu, ne s'éloignent pas tellement de ces monocraties les
régimes à partis multiples de Haute-Volta et du Sénégal. Dans le premier pays,
ni les statuts partisans, ni la loi électorale encore moins la constitution ne
prescrivent l'obligation pour un citoyen d'être membre d'un parti politique
afin de bénéficier de la capacité juridique d'être élu ou d'être électeur.
Cependant, plusieurs éléments incitent à affirmer que l'éventualité d'une
candidature isolée s'avérerait impossible. De façon plus précise, on pourrait
énumérer le coût exorbitant des campagnes électorales auquel s'ajoute le
phénomène du clientélisme électoral et de la constitution de «fiefs» partisans2•
En résumé, il semble possible de dire qu'il s'est constitué un accord «secret»
entre les différentes formations politiques contre le droit de tout citoyen à
conquérir librement et individuellement un mandat électif. On pourrait, certes,
faire un rapprochement avec les démocraties occidentales où les candidatures
individuelles sont rares. Mais, là aussi, il convient de rectifier le tir puisque
dans ces pays, il existe au moins des expériences sanctionnées par des succès
alors qu'en Haute-Volta il n'y a même pas eu de tentatives. Dans le second
pays, face au mutisme de la constitution et de la loi électorale, les statuts et
règlements intérieurs des partis politiques sénégalais font mention de
l'obligation de tout candidat à la députation d'être inscrit par eux3.
En dehors de cette prescription, il convient de reprendre l'analyse faite à
propos de l'accord entre les formations politiques voltaïques pour l'appliquer
également au contexte sénégalais.
Cela dit, il est donc question d'aborder ici l'importance du cachet
partisan à la fois dans les pays à régime de parti unique (Côte d'Ivoire et
Togo) et dans les pays à régime de partis multiples (Haute-Volta et Sénégal).
l Sur la question. voir M. O. F. Natchaba, op cit, page 24 et suivantes.
2 Voir M. Da Dakor. mémoire cité, page Il et suivantes.
3 Voir l'article 1 du règlement intérieur du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de Me A.
Wade.

-
~21 -
A - La mainmise partisane sur les régimes présidentiels à parti
unique de Côte d'Ivoire et du Togo
Dans ces pays, le quasi-monopole des activités politiques tenu par le parti
unique n'étant plus douteux, il ne reste plus qu'à décrire : premièrement, la
procédure d'élaboration de la liste des députés (§ 1) ; deuxièmement, l'adoption
de la liste (§ 2) et troisièmement l'élection plébiscite de la liste (§ 3).
Paragraphe 1 : L'établissement de la liste
En Côte d'Ivoire et au Togo, nul ne peut figurer sur la liste des
candidats à la députation sans avoir rempli certains critères bien déterminés.
par ailleurs, notons que le processus de sélection a évolué de l'indépendance à
nos jours. Traditionnellement, l'établissement de la liste s'effectuait
entièrement par l'organe directeur du parti, dénommé bureau politique, lequel
est placé sous la présidence du chef de l'Etat. Mais depuis les réformes
électorales ivoirienne et togolaise survenues respectivement en 1980 et 1985,
les populations consultées semblent être associées à cette opération.
a) Les critères de sélection
Comme le soulignait M. P. Yacé 1, quatre critères essentiels déterminent
le choix d'un député :
.Tout d'abord, son origine ethnique. Dans cette optique, il est dit que le
parlement devra être le «trombinoscope» de la composante sociologique de
l'Etat pluriethnique. Pour ce faire, l'appartenance à un groupement doit tenir
lieu de référence suprême dans la constitution des listes électorales.
C'est ainsi qu'au Togo, la liste unique des parlementaires, soutenue et
présentée par le RPT, en 1979, épousait relativement la réalité de son tissu
social. De même, c'est ce que laisse percevoir la composition de l'actuelle
législature, après l'expérimentation des élections législatives avec des
candidatures «libres»2.
1 Voir M. P. Y. Laporte. «Le fonctionnement des Institutions constitutionnelles en Côte
d'Ivoire: Essai de description dans le domaine du développement économique» Thèse de Droit
Public, Université de Bordeaux 1, 10 décembre 1976, page 162.
2 Voir la liste des députés de l'actuelle législature togolaise en Annexe.

-
122 -
En Côte d'Ivoire également, il est incontestable que non seulement
l'élaboration de la liste. unique, mais aussi la composition de l'Assemblée
nationale en 1983 obéissait au même critère.
Ensuite, il faut noter la pondération régionale. A ce niveau, l'essentiel a
retenir réside dans la perte substantielle du contenu de la notion de mandat
national. En effet, proclamée par la constitution de ces deux pays, cette
fonction se transmue sur le plan pratique pour revêtir la forme d'une
représentation régionale. Dans la plupart des cas, la transformation susvisée
résulte soit des textes nationaux, soit de la logique inhérente au système
monopartisan.
En Côte d'Ivoire et au Togo, le recours à la pondération régionale est
d'une transparence que l'on découvre à travers le discours politique et, dans
une certaine mesure, la composition des gouvernements et parlements l .
- Pour suivre, s'ajoute le critère lié au degré d'engagement politique: le
militantisme.
Critère indispensable, sinon exclusif, pour le choix des candidats à la
députation, le militantisme trouve ses racines dans la forte personnification et
personnalisation des régimes politiques ivoirien et togolais.
Il se définit, dans ses grandes lignes, comme l'allégeance du militant à la
personne du président-fondateur du parti, de surcroît, père de la nation. Il est
demandé au militant de se dévouer inlassablement à la répartition des tâches
tant horizontales que verticales, émanant des instances dirigeantes de son parti.
Toutefois, s'il est vrai que ce critère a connu une richesse exceptionnelle
lors de l'installation de ces monocraties, en revanche, il semble que l'on assiste
de nos jours à sa dépréciation du fait que ces régimes se sentent relativement
stables.
C'est pourquoi, sans abandonner totalement ce critère tenant au degré
d'engagement politique, ces régimes tentent de le concilier avec le critère de
compétences techniques du postulant.
1 Etude à entreprendre en seconde partie de notre thèse.

-
123 -
Ainsi à la lumière de la conférence du 6 avril 1973 tenue par M. P.
Yacé, il s'avère possible de constater l'évolution du rôle parlementaire et de
reconnaître l'importance grandissante du critère de compétence dans le choix
des candidats à la députation.
A cet effet, il semble que l'extrême technicité progressive des textes de
lois, l'émergence de nouvelles fonctions de substitutions parlementaires 1
incitent plus les politiques à requérir en priorité les connaissances techniques
au détriment du militantisme.
A ce titre, la répartition par catégories socio-professionnelles de
l'assemblée nationale de Côte d'Ivoire est une brillante illustration :
23 enseignants
19 représentants des professeurs médicales
15 membres de l'administration générale
3 membres de l'autorité judiciaire
13 ingénieurs ou techniciens
5 représentants de la Régie des chemins de fer Abidjan-Niger(R.A.N.)
4 syndicalistes
4 membres du secteur privé
12 planteurs
1 diplomate
1 commissaire prieur2•
On pourrait retrouver une composition plus ou moins semblable dans le
parlement ivoirien de 19803. De ce fait, au lieu de multiplier les exemples, il
serait plus intéressant de saisir les causes probantes de l'évolution ainsi
amorcée.
D'une part, il Y a la complexité des tâches étatiques due à l'accroissement
des travaux (économiques, politiques, sociaux ... etc.) à accomplir. D'autre
part, il Y a une mutation croissante du personnel politique ivoirien. cela résulte
1 Idem.
2 Voir M. Y. Laporte, op cit, page 162; Fraternité Matin du 9 novembre 1970 ; s'agissant de la
Haute-Volta, du Sénégal et du Togo, se reporter à l'analyse sur la technicité du parlement
africain dans la seconde partie du travail.
3 Voir Ediafric : la documentation africaine, Paris, 1983.

- 124 -
du conflit des anciens contre les nouveaux: planteurs contre «affairistes» ou, en
termes concrets, entre la «bourgeoisie des planteurs» et la «classe des
affairistes» dont le chef de file est l'actuel président du Parlement, M. H. K.
Bédié.
Dans le même ordre d'idées, au Togo, moins qu'en Côte d'ivoire, il y a
une prise en compte considérable du critère de compétence. On constate à la
lumière de la liste des députés de la 1ère législature togolaise l'importance du
nombre d'élus possédant des diplômes de l'enseignement secondaire ou
supérieur. Sous la IIè
législature
(1985
-
1990), ce phénomène
«d'intellectualisation» de l'assemblée est plus accentué. Selon M. o. F.
Natchaba1, le député togolais le moins nanti en diplôme a la maîtrise.
En conclusion, si l'importance des critères n'est guère discutable dans le
choix des députés ivoiriens et togolais, voyons maintenant si l'omniprésence du
chef de l'Etat dans les dernières «retouches» de la liste à soumettre au vote
plébiscitaire est telle que l'on a coutume à le dire.
b) Le processus de sélection
A ce niveau, la question posée est de connaître le degré de participation
effective des populations consultées à l'élaboration de la liste de leurs
mandants.
En d'autres termes, s'agit-il de l'œuvre des citoyens de ces démocraties
unanimitaires ou de parti unique ?
En principe, la logique du système uni partisan exclut d'office la
première alternative. Cependant, la dynamique du pouvoir incite à nuancer
cette assertion et à voir de plus près la réalité.
Ainsi, en Côte d'Ivoire, depuis 1975, les électeurs sont associés à la
phase de sélection des candidats à la députation. L'opération se déroule en deux
temps : d'abord, au niveau de chaque cellule du PDCI, l'opération de
désignation est faite par l'instance dirigeante sur proposition des militants. Le
comité directeur de la cellule veille à l'élection de trois postulants (dont une
femme). Ensuite, il est procédé à l'élaboration d'un procès verbal relatif au
1 Nous avons eu un entretien avec M.O. F. Natchaba en juillet et août de l'année 1985.

)
-
126 -
résultat de la réunion, lequel est expédié au secrétaire général du parti.
L'expédition du document cité marque le dessaisissement du reste de
l'opération (notamment l'adoption de la liste) par les populations intéressées.
Au Togo, depuis la réforme électorale de 1985, l'ancienne méthode de
sélection a été abandonnée. De ce fait, sans l'aval ni le concours du RPT, tout
citoyen éligible peut théoriquement s'inscrire sur la liste des candidats à la
députation. Cest dire que, dans cette démarche togolaise vers une «ouverture
démocratique à petits pas»l, le parti unique ne devra intervenir que pour
coordonner et centraliser les demandes d'inscription. mais, en réalité, à l'instar
du PDCI mais de manière plus voilée, le RPr continue d'exercer un certain
contrôle sur la sélection des futurs représentants nationaux. Par exemple,
l'intervention du parti dans certaines circonscriptions où le choix de candidats
est délicat2 •
En conclusion, tant que certaines limites3 persisteront, la sélection des
candidats à la députation restera du ressort des organes dirigeants du parti
unique, en Côte d'Ivoire et au Togo.
Paragraphe 2 - L'adoption de la liste
En théorie, l'opération visée est exécutée par le parti unique. Mais, selon
toute vraisemblance, la confection définitive de la liste relève de la toute
puissance du Président de la République secondé par le bureau politique.
Ainsi, en Côte d'Ivoire, le Chef de l'Etat se réserve le droit de nommer
environ 114 du nombre de postulants4 • En outre, il bénéficie de la possibilité
d'opérer les modifications estimées nécessaires sur la liste présentée par le
bureau politique. A ce sujet, il a été dit que cette large liberté d'action du chef
partisan, M. F. H. Boigny, résulte de l'initiative libre et volontaire des
instances du PDCI de se dessaisir du soin de résoudre les difficultés inhérentes
1 M. o. F. Natchaba, op cit, page 31 et suivantes.
2 Idem.
3 Notamment l'existence du parti unique (ou parti inique pour reprendre l'expression d'un des
leaders historiques de l'Algérie, M. Ait Ahmed). Au sujet des limites à la démocratisation du
régime togolais, voir M. O. F. Natchaba, op, cit, page 35 et suivantes.
4 Depuis les réformes électorales de 1980, on ne peut affirmer avec certitude que le Président F.
H. Boigny exerce toujours ce droit de nomination.

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à l'opération au profit du président 1. De même au Togo, l'absence de preuves
n'empêche pas de penser que les dernières retouches de la liste sont faites par
le leader national, M. G. Eyadéma.
En conclusion, on constate que de l'établissement de la liste à son
adoption, le chef de l'Etat est sollicité dans ces deux pays à «monarchie
républicaine plébiscitaire»2 pour citer l'expression de M. Jacques Cadart. C'est
à partir de cette donnée qu'il convient d'analyser les votes émis sur la liste
unique par les populations consultées.
Paragraphe 3 - Le vote - plébiscitaire de la liste
Les contours de cette opération ne peuvent être saisis qu'à travers la
nature à la fois monopartisane et plébiscitaire de ces monocraties.
Tout d'abord, si l'on se penche sur le premier point, on voit qu'en Côte
d'Ivoire, tout comme au Togo, l'élection n'est pas «disputée» ou «contestée»
comme dans les démocraties occidentales. On pourrait, sans s'y attarder,
trouver l'explication et la justification de cet état de fait dans la philosophie
politique et les fondements pratiques du système politique africain.
Ensuite, si l'on observe de près le second point, il ne fait nul doute que
l'enjeu politique susvisé porte sur l'approbation sans contrepartie par les
citoyens de l'action politique du «guide». A cet égard, la réflexion de M. P. F.
Gonidec illustre très justement le sens du vote en Côte d'Ivoire, et par
extension, au Togo : «En définitive, dans la démocratie représentative
ivoirienne, le prestige d'un homme transforme radicalement la théorie
classique... les élections ne font que manifester la confiance du peuple pour un
homme»3.
A la lumière des points ci-dessus évoqués, on constate que le vote pour la
liste dans ces pays consiste à apporter le soutien massif et unanime des
1 Voir la préeminence du président ivoirien sur les organes constitutionnels dans la thèse
précitée de M. P. Y. Laporte, page 53 et suivantes.
2 Cette expression de M. J. Cadart, qualifiant le régime français de 1958 a été reprise dans
l'ouvrage collectif déjà cité de MM. e. Debbasch, J. Bourdon, JM. Poutier, Je. Ricci,
page 480.
3 M. P. F. Gonidec «les principes fondamentaux du régime politique de la Côte d'Ivoire»,
Recueil Pénant, Ediéna, Paris, 1961, page 691.

- 127 -
populations consultées, d'une part aux partis uniques au pouvoir, le PDCI et le
RPr et, d'autre part, aux leaders nationaux, MM. F.H. Boigny et G. Eyadema.
C'est en ce sens que s'expliquent et s'interprètent, en grande partie, les
résultats des législatives mentionnant des taux de participation et de succès de
«99,98%»1.
L'aspect plébiscitaire de ces élections n'étant plus à démontrer, il serait
intéressant d'insister sur l'étude du cachet partisan dans les régimes
multipartisans de Haute-Volta et du Sénégal.
B - La mainmise partisane dans les régimes à parti dominant
de Haute-Yolta et du Sénégal
A ce stade de l'étude, il est question d'évoquer l'emprise des institutions
partisanes sur les activités politiques dans les régimes favorables aux libertés
publiques que constituent ces deux exemples. Pour cela, la démarche tend à
s'intéresser à leur rôle dans l'élaboration de la liste des députés (§ 1), puis lors
de son adoption définitive (§2) et, enfin, lors de son vote par les électeurs (§3).
Paragraphe 1 - L'élaboration de la liste
Elle revient exclusivement aux instances supérieures de chaque parti. Ces
dernières sont limitées dans la confection de la liste par l'obligation de se
conformer à certains critères fondamentaux.
a) Les critères de sélection
Par une approche comparative, il est remarquable de constater
qu'existent en Haute-Volta, tout comme au Sénégal, quoique voilés, les quatre
critères essentiels sur lesquels reposent le choix des députés en Côte d'Ivoire et
au Togo.
1 Sur le vote unanime, voir M. P. F. Gonidec «les systèmes politiques africains, op cit, page
184 à 194.

-
128 -
- Insistons, tout d'abord, sur la pondération régionale.
En Haute-Volta, la composition du parlement de 1978 confirme le
regroupement départemental des 57 nouveaux élus. Ainsi, on pouvait
énumérer ce qui suit :
Département du centre :
dix députés
Département du centre-ouest :
huit députés
Département du centre-nord :
six députés
Département du centre-est :
quatre députés
Département de l'est :
quatre députés
DéPartement des Hauts Bassins :
six députés
Département du Nord:
cinq députés
Département du Sahel :
quatre députés
Département du sud-ouest :
quatre députés
Département de la Volta Noire :
quatre députés 1•
Dans le même esprit, cette répartition par département des députés se
retrouve au Sénégal. Cependant au lieu de multiplier les exemples, il vaut
mieux se pencher sur l'explication d'un tel critère.
En rappel, abordant l'organisation structurelle de certains partis
politiques africains 2, M. L. Scilla relevait deux traits importants: d'une part,
ils sont pluriethniques et, d'autre part, ils reposent sur des cellules ethniques
faisant corps avec l'organisation administrative du pays.
Or, si un village ou un arrondissement peut être habité que d'un clan ou
d'une ethnie, en revanche, tel n'est pas forcément le cas du département où il y
a souvent plusieurs ethnies. Alors se pose la question de la représentation de
ces entités sociologiques.
En règle générale, formant une même famille linguistique, ces groupes
ethniques acceptent bien volontiers d'être représentés par un leader de leur
département. A son tour, ce dernier s'entoure d'un état-major composé des
ressortissants des autres ethnies. Cette équipe politique départemental ainsi
1 Tableau établi par M. K Sandwidi, thèse citée, page 370.
2 On peut lire utilement l'ouvrage déjà mentionné de M. L Scilla.

-
129 -
formée est généralement investie par les partis politiques comme étant les
«porte parole» des populations locales. Donc, elle figure d'emblée sur la liste
des candidats à la députation.
Ces arithmétiques politiques au niveau départemental ne sont en fait
qu'un aspect du critère que l'on va aborder ensuite tenant à l'origine ethnique
du postulant. Dans ces pays, le fait ethnique est largement assumé par les
institutions tant politiques que partisanes. Pour se convaincre de cet état de
choses, il suffit de se référer, soit aux traits structurels ethniques de certaines
formations politiques, soit à la constitution de «fiefs» électoraux à base tribale
dans ces paysl.
Pour suivre, le militantisme se révèle être le troisième critère
déterminant dans la sélection des députés. Quelque soit l'exemple considéré, il
est possible de dire que cet aspect ne semble pas aussi important que le laisse
percevoir l'aspect compétitif des élections2 •
Toutefois, même si le degré d'engagement politique semble être la règle
d'or exigée par les partis politiques voltaïques et sénégalais, force est de
reconnaître la perte de sa pertinence et son remplacement par les connaissances
techniques du député.
Ce dernier critère se constate à travers l'importance grandissante des
titulaires de diplômes d'enseignement secondaire et supérieur dans l'institution
monocamérale de ces pays. Ainsi, en Haute-Volta et au Sénégal, on a pu
remarquer qu'après la prépondérance des élus aux statuts d'instituteurs et de
commis durant les premières années des indépendances, on s'achemine, de nos
jours, vers la suprématie d'élus provenant des universités occidentales ou
africaines3.
Cela dit, après l'évocation des critères sous-tendant le choix des députés,
on est tenté d'étudier la phase de sélection.
1 On peut utilement consulter les ouvrages respectifs de MM. L. Scilla, A. Nikiema et
Sandwidi Kourita.
2 On peut utilement lire «le rôle des partis politiques dans l'élaboration et la diffusion du Droit
en Afrique» de M. J. FaU, op cit, page 426.
3 Sans porter préjudice à l'objet de la seconde partie de la thèse, à la lumière de la liste des
députés de ces pays, on peut affirmer une telle évolution dans les parlements voltaïques,
sénégalais, et togolais à l'instar du remplacement de la «classe des planteurs» par celle des
«affairistes» en Côte d'Ivoire.

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b) Phase de sélection
La nature pluraliste des sociétés considérées amène l'observateur à
conclure à la participation effective des populations intéressées à la sélection de
leurs futurs représentants. cependant, une approche avertie de la réalité
politique, en Haute-Volta et au Sénégal, infrrme cette première approche.
En effet, contrairement à la relative consultation des populations en Côte
d'Ivoire, on assiste dans ces pays à une opération de camouflage, laquelle
consiste à ignorer la volonté des électeurs et à faire établir entièrement la liste
des députés par les organes de direction des partis politiques. Mais, pour être
exact, il convient d'apporter quelques observations rectificatives à cette
assertion.
Ainsi, on ne peut affirmer, d'une part, la totale mainmise du parti sur la
confection des listes, si l'on n'apporte pas les limites prescrites par la prise en
compte des critères évoqués antérieurement. D'autre part, il est d'importance
de souligner que lorsqu'on emploie le terme «parti» en parlant de
l'établissement de la liste, il est plus question d'un comité restreint composé des
seules personnalités influentes que de toutes les instances dirigeantes réunies en
congrès pour l'occasion.
Pour conclure, on pourrait tenter de faire un rapprochement de ces
procédés d'établissement des listes avec les procédés oligarchiques que l'on
rencontre souvent dans certaines démocraties occidentales.
Apparemment vraie, la comparaison mérite cependant d'être nuancée.
En effet, la différence tient essentiellement au contexte socio-politique libéral
et à la concurrence réelle entre les partis politiques de l'occident alors que dans
les régimes multipartisans considérés la formation politique du chef de
l'exécutif domine largement l'Etat.

-
131 -
Paragraphe 2 - L'adoption de la liste
En Haute-Volta et au Sénégal, la confection de la liste une fois réalisée,
son adoption intégrale par les militants est d'office obtenue.
L'explication de la subordination des structures partisanes à leurs
dirigeants et cette extrême apathie ou timidité des adhérents résultent de la
nature très disciplinée des formations politiques de ces pays.
En effet, quelque soit le pays choisi et le parti politique visé, on retrouve
une organisation pyramidale de type communiste et une application déformée
du centralisme démocratique dans les institutions partisans voltaïques et
sénégalaises 1• Ainsi, en ne retenant du principe évoqué que son aspect
«centralisateur», on peut dire que l'équipe dirigeante des partis politiques
impose la liste des candidats à la députation à leur «base» composée de
militants disciplinés et plus fidèles à leurs leaders qu'aux idéaux partisans.
En conclusion, si le degré de participation du peuple à la confection et à
l'adoption de la liste peut permettre d'apprécier la valeur d'un système
politique, alors il n'est pas exagéré de douter de la nature démocratique des
régimes multipartisans de Haute-Volta et du Sénégal.
Paragraphe 3 - Le vote «populaire» sur la liste
Dans une Afrique sujette à la tradition d'élections-plébiscites, la Haute-
Volta et le Sénégal n'ont pas manqué d'étonner plus d'un observateur par la
nature relativement libre et disputée des élections.
Dans cet esprit, analysant les compétitions électorales de 1978 en
Haute_Volta et cela en relation avec ses données socio-économiques, le
professeur B. Chérigny évoque le «luxe de la démocratie»2.
Eu égard aux critiques relatives à ce particularisme, l'imperfection des
opérations susvisées n'est guère discutable. Cependant, par comparaison avec
1 Qu'ils se réfèrent ou non au courant marxiste, les partis voltaïques et sénégalais ont calqué
l'organisation structurelle du parti communiste français. Il faut savoir que les plus anciens de
ces partis, notamment le RDA était apprenté au PCF.
2 M. B Chérigny, Pouvoirs n° 9, P. U.F., Paris, page 163 et suivantes.

- 132 -
les expériences monarchiques ivoiriennes et togolaise dans ce domaine, ces
régimes de libertés publiques présentent l'avantage de se rapprocher du modèle
de la démocratie - liberté.
En dépit de cette apparence, les éléments inhérents à ces sociétés
politiques permettent de les éloigner des systèmes pluralistes occidentaux et,
par conséquent, de désapprécier le contenu des consultations susvisées.
Ainsi, la présence de nombreuses candidatures soutenues Par autant de
partis politiques lors des législatives n'est pas synonyme, comme en occident,
de l'importance de ces scrutins. Car les influences multiples déjà évoquées qui
pèsent sur l'électorat contribuent à restreindre la liberté de vote. Les
populations ainsi consultées peuvent croire qu'elles sont souveraines en cette
matière, en réalité, elles émettent leur vote sous la surveillance des partis
politiques nationaux.
Avant de s'intéresser aux droits et obligations des députés, quelques
observations sur les techniques de recrutement considérées s'imposent.
Tout au long du propos, du fait de leur paternité occidentale, on a
dénommé des ressemblances entre les techniques de désignation pratiquées dans
ces Etats et celles utilisées dans les démocraties pluralistes d'Europe.
Pour marquer la différence entre ces dernières, il faut partir de
l'originalité africaine. Sur ce point, l'ouvrage de M. J. Buchmann 1 est d'un
apport capital.
Posant d'emblée que le schéma institutionnel africain n'est la photocopie
d'aucun autre pays, l'auteur cité affirme qu'il a été «conçu pour répondre aux
besoins particuliers» du pays et «pour exprimer les réalités de la situation
constitutionnelle»2.
Ce sont réalités socio-politiques très complexes qui ont incité les
constituants africains à opter pour un présidentialisme négro-africain à
exécutif hyper fort, régime dans lequel le chef de l'Etat exerce un «pouvoir
personnel tempéré par la palabre»3.
l«La tendance au présendentialisme dans les nouvelles constitutions négro-africaines», par M.
1. Buchmann in civilisation, 1962, n° 01 page 65 et suivantes.
2 Idem.
3 Mme Brigitte Marquet. «Côte d'Ivoire: pouvoir présidentiel, palabre et démocratie», Afrique
contemporaine. n° 114, mars avril 1981 , page 16 et suivantes; page 19 et suivantes.

- 133 -
C'est également ce qui explique le caractère apparemment libéral mais
réellement sélectif des techniques de désignation du personnel politique. Car il
s'agit de «filtrer» le plus possible les citoyens susceptibles de gouverner et de
ne laisser émerger que ceux qui partagent fondamentalement l'ordre partisan
ou constitutionnel en place.

CHAPITRE II - UNE CONDIFICATION...MINUTIEUSE DES
DROITS ET DES OBLIGATIONS DES
PARLEMENTAIRES
Si, dans les pays choisis, l'option pour le mandat représentatif au
détriment du mandat impémtif qui est prévu entre autres à l'égard du parti ou
de son leader prive l'électorat de la faculté de démettre leurs élus, en revanche,
les textes nationaux «effritent» cette immunité en contraignant les députés à
l'observation stricte de certaines obligations.
En contrepartie à ces obligations, les parlementaires jouissent de tout un
éventail de droits.
Cette codification des obligations et droits (Section I) sous-entend, par
ailleurs, les formes d'extinction du mandat des députés (Section II).
Section 1 - Les droits et obligations des parlementaires
S'inspirant du droit parlementaire français, la constitution et le
règlement intérieur des Etats étudiés ont édicté un assez grand nombre de
règles protégeant le mandat parlementaire.
Ainsi, dès la validation de son mandat par l'Assemblée nationale!, le
député est protégé contre les actions judiciaires que le gouvernement ou les
particuliers pourraient intenter contre lui. Il s'agit de deux immunités appelées
respectivement l'irresponsabilité et l'inviolabilité parlementaires.
Dans le même ordre d'idées, parce que s'inscrivent dans la liste des
droits reconnus aux élus, on peut citer l'indemnité parlementaire qui a pour
but «d'empêcher que nul ne soit écarté de l'enceinte législative par des
considérations pécuniaires»2•
Mais à côté de ces droits, des obligations sont imposées au parlementaire.
Etant généralement d'ordre moral, ces dernières n'en demeurent pas moins
1 Article 30 de la constitution ivoirienne; article 37 de la constitution voltaïque; article 6 du
règlement intérieur de l'Assemblée Nationale Sénégalaise.
2 M. J. Bourdon, op. cit, page 22.

- 135 -
importantes, d'autant plus qu'elles peuvent entraîner la déchéance
parlementaire.
A - Les droits parlementaires
A ce sujet, le but recherché est de scruter de près, d'une part, les
principes de l'irresponsabilité et de l'inviolabilité et, d'autre part, la question
des indemnités du député.
Paragraphe 1 - Les immunités
Sur la question, la rédaction est à peu près identique dans les quatre
constitutions susvisées : «aucun député ne peut être poursuivi, recherché,
arrêté détenu ou jugé, à l'occasion des opinions ou votes émis par lui, dans
l'exercice de ses fonctions»l.
a) L'irresponsabilité
L'intérêt de cette immunité est appréciable dès lors qu'on sait qu'elle
couvre non seulement les discours mais également les votes émis par le député.
En outre, ayant un caractère d'ordre public, donc visant l'intérêt du bon
fonctionnement de l'organe législatif et non l'intérêt particulier de l'élu, ce
dernier ne peut y renoncer et se voit perpétuellement à l'abri des poursuites ou
actions judiciaires que le gouvernement ou des particuliers pourraient intenter
contre lui.
Mais, l'étendue de cette immunité ne concerne pas les délits ou voies de
fait commis par un parlementaire sur son collègue. Ne sont pas également
couverts les discours lors des réunions publiques, la manifestation sur la voie
publique et les écrits parus dans la presse.
En dehors de ces limitations d'ordre légal, il en existe d'autres qui
semblent prescrites par la protection de l'ordre politique de ces pays.
1 Article 36 de la Constitution ivoirienne; article 46 de la Constitution voltaïque; article 50 de la
Constitution sénégalaise; article 25 de la Constitution totoglaise.

- 136 -
En effet, dans les monocraties de Côte d'Ivoire et du Togo, une
commission «ad hoc» peut vite être constituée pour demander la levée de
l'irresponsabilité d'un député ayant critiqué de manière «grave» l'action
politique du «guide» ou du «père» de la nation.
Cela peut paraître d'autant plus évident que le parti du Chef de l'Etat est
le «censeur» des droits et des devoirs des citoyens et, surtout, des députés dont
l'investiture a été obtenue grâce à la personne du leader partisan.
L'écart entre le principe et la réalité de l'irresponsabilité parlementaire
ayant été réalisé, il est d'intérêt de considérer maintenant l'inviolabilité.
b) L"inviolabilité
Les actes de la fonction parlementaire étant protégés par le principe de
l'irresponsabilité, cette seconde immunité vise à mettre à l'abri l'élu des
poursuites ou détentions essentiellement en matière correctiomielle et
criminelle1•
A ce sujet, deux hypothèses sont à envisager :
D'une part, pendant la durée des sessions, l'atteinte à l'inviolabilité ne
peut s'opérer qu'avec l'autorisation de l'Assemblée, sauf le cas de flagrant
délit2• D'autre part, en dehors de ces sessions, l'approbation du bureau de
l'organe législatif est nécessaire, sauf le cas de flagrant délit, de poursuites
autorisées ou de condamnation définitive3•
En dehors de ces hypothèses, notons que la poursuite ou la détention
d'un parlementaire est suspendue dès lors que l'institution monocamérale le
requiert4 •
Avant d'aborder le problème des indemnités parlementaires, notons que
cette garantie immunitaire ne couvre pas les actions en poursuite
1Article 37 de la Constitution ivoirienne. article 47 de la Constitution voltaïque; article 50 de la
Constitution sénégalaise; article 25 de la Constitution togolaise.
2 Idem.
3 Idem.
4 Exception de la Haute-Volta. Voir le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution.

- 137 -
contraventionnelle ou civile 1• Et dans l'hypothèse ou l'Assemblée nationale ou
son bureau vote favorablement, le député perd d'office son immunité
parlementaire et devient comme tout citoyen «normal» inculpé d'une faute qui
devra être jugée par les tribunaux compétents.
Paragraphe 2 - Les indemnités parlementaires
L'octroi d'un traitement aux députés en Occident répond à trois raisons
essentielles. D'une part, démocratiser l'action politique en permettant surtout
aux citoyens à faibles revenus la possibilité de se lancer dans l'action politique.
D'autre part, compenser la perte des revenus de certains députés dont les
fonctions précédentes tombent sous le coup des incompatibilités. Enfin,
garantir l'indépendance du mandat parlementaire contre la corruption.
Ces justifications amènent l'observateur des faits africains à être
sceptique et à souscrire timidement à la première raison évoquée puis à rejeter
la seconde. Car, à la lumière de l'analyse sur l'origine sociale des élus2, on
constate aisément que la couche sociale la plus riche se confond avec les
bénéficiaires de ces indemnités.
Avant de se pencher sur le thème, notons qu'à l'opposé des trois autres
pays, le Togo affirme la gratitude de la fonction parlementaire3.
a) L'indemnité parlementaire en Côte d'Ivoire, en
Haute-Volta et au Sénégal
Dans ces trois Etats, le Parlement monocaméral est souverain dans
l'examen et le vote de la loi portant indemnités parlementaires. Bien que
d'appellations différentes, ces dernières sont composées de deux parties: une
indemnité principale et une indemnité de fonction.
Ainsi, tandis que la première constitue un salaire mensuel calculé par
référence à l'indice maximum de la hiérarchie des cadres de la fonction
1 Les dispositions ne mentionnent que les poursuites cirrectionnelles et criminelles. Sont donc
possibles les poursuites contraventionnelles et civiles.
2 Voir l'analyse relative aux reto.mbées sociop-politiques sur la vie politique de ces Etats.
3 Article 24 de la Constitution togolaise.

- 138 -
publique, la seconde s'identifie aux frais de sessions, de déplacement, de
logement et à certains types de remboursement.
A titre d'illustration, en plus des exonérations d'impôts sur le revenu, le
député voltaïque perçoit mensuellement comme salaire la somme de deux mille
francs français. Il a, en outre, une indemnité journalière de cent francs
français pendant la durée des sessions. A cela, s'ajoutent les frais de transports
mensuels de mille francs français et les sommes provenant de son droit au
régime des allocations familiales. Pour fmir, notons que du fait de sa fonction,
le Président du parlement perçoit, en sus de cela, la somme de trois mille
francs français 1•
Dans le même sens, mais en évitant de multiplier les exemples, on
pourrait souligner l'importance du revenu alloué aux députés ivoiriens et
sénégalais. Ce qu'il faut ajouter, c'est que le président du Parlement
monocaméral sénégalais a les mêmes frais de représentation que ceux alloués
au Chef de l'Etat membres du bureau, les Présidents des groupes et des
commissions parlementaires et enfin le rapporteur de la commission des
finances et des affaires économiques, quant à eux, bénéficient également
d'indemnités de représentation fixées par référence aux frais similaires que
perçoivent les ministres et secrétaires d'Etat2•
Toutefois, bien que s'établisse une disparité dans le traitement des élus
des trois pays considérés en fonction du niveau de développement économique
de chacun d'eux, on est loin de la gratuité de la fonction parlementaire
pratiquée au Togo.
h) La gratuité de la fonction parlementaire
au Togo
A l'instar du Bénin et du Congo3, pays se réclamant du marxisme-
léninisme, le Togo a opté pour la gratuité de la fonction parlementaire.
1 Voir «Deux urgences à l'Assemblées», Observateur n° 1400 du 18 juillet 1978.
2 Sur la rémunération des parlementaires ivoiriens et sénégalais, les facilités et services à leur
disposition, voir l'ouvrage collectif des professeurs V. Herman et F. Mendel, op. cit., page
210 à 219; 220 à 231. Voir également l'article 85 du règlement intérieur de l'Assemblée
Nationale sénégalaise.
3 Article 6 de la loi fondamentale béninoise: article 43 de la comtitution congolaise.

- 139 -
Toutefois, au lieu d'opiner sur le bien fondé ou non d'une telle
conception, si l'on considère la réalité, force est de constater que l'élu togolais
ne semble pas aussi dépourvu financièrement que ses homologues de Côte
d'Ivoire, de Haute-Volta et du Sénégal.
En effet, en premier lieu, l'énumération restrictive des incompatibilités
permet au député dans ce cas de continuer à exercer sa fonction lucrative et
par conséquent, à percevoir des revenus mensuels qui sont interdits dans les
trois autres pays. En second lieu, la gratuité n'exclut pas l'octroi aux députés
d'indemnités secondaires relatives aux frais de transport et de sessions •.
La seule observation que l'on peut ainsi faire, c'est la présence de
discrimination financière entre les élus togolais, contrairement à l'égalité de
traitement des députés des trois pays voisins. Car, s'ils perçoivent les mêmes
indemnités dites secondaires, on ne saurait par exemple parler d'une
quelconque égalité entre le revenu final d'un maître-assistant à l'Université et
d'un enseignant de l'école primaire.
Ainsi dit, en dépit des avantages financiers et politiques assez variables
qui affectent le statut de ces parlementaires, s'il est vrai par ailleurs que ces
derniers sont loin de bénéficier des nombreux droits de leurs homologues
français 2 , il n'en demeurent pas moins que les députés africains se présentent
comme des citoyens «spéciaux».
Ils le sont, en effet, tant qu'ils demeurent «fidèles» au parti qui les a
investi et qu'ils respectent les obligations prescrites à l'exercice du mandat
représentati f.
B - Les obligations des députés
Les obligations du parlementaire se limitent à l'assiduité aux séances
publiques et aux travaux des commissions.
• On peut l'affirmer à l'isntar de l'ancienne pratique de la Ile République voltaïque (1970 -
1974).
2 Sur la question, voir M. J. Bourdon, op. cit., page 35.

-
140 -
D'ores et déjà, soulignons que la rigidité de ces obligations est assortie
d'une souplesse tenant à un éventail «d'excuses légitimes» que le député peut
évoquer pour s'absenter.
Paragraphe 1 : L'obligation du parlementaire d'assumer
pleinement sa fonction de
représentation nationale
Cette obligation est prescrite par la constitution et le règlement intérieur
des Etat considérés.
Si le texte des Assemblées nationales choisies n'a pas cru bon de
reprendre la disposition du règlement intérieur français visant à retenir une
partie de l'indemnité de fonction de tout parlementaire ayant manqué à un
certain nombre de scrutin publics pendant une session l, il est cependant établi
qu'il annonce d'autres types de sanctions.
Ainsi par exemple, en Côte d'Ivoire et au Sénégal, tout commissaire qui,
au cours de son mandat, manque aux séances de deux sessions ordinaires, sans
excuse valable acceptée par l'organe législatif, est aussitôt déclaré
démissionnaire par celle-ci2.
Enfin, c'est dans l'optique d'astreindre les députés à exercer sans
discontinuité leur fonction que la constitution a revêtu le vote en assemblée
d'un caractère personnel.
Avant d'aborder les assouplissement des obligations sus-étudiées,
soulignons qu'en dépit de la réglementation aggravée de ces conditions de
votation, une seule délégation de vote est néanmoins admise3•
1 Idem.
2 Article 14 alinéa 4 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale ivoirienne; article 26 du
règlement intérieur de l'Assemblée nationale sénégalaise; en Haute-Volta, les articles 5 et 37 du
règlement intérieur de l'Assemblée nationale ne prévoient pas de sanction mais elles imposent la
présence des commissaires aux réunions.
3 Idem.

Paragraphe 2 : Les assouplissements à l'obligation du
parlementaire d'assumer en
permanence sa fonction représentative
Il aurait été utopique voire irréaliste de la part des constituants africains
d'exiger de l'élu qu'il soit en tout temps physiquement présent aux travaux
parlementaires. Car de nombreuses circonstances exceptionnelles et légitimes
pourraient le contraindre à ne pas respecter cette obligation.
C'est pourquoi les textes nationaux énumèrent de façon limitative les
«excuses» pour lesquelles le député peut s'absenter du parlement monocaméral
et, par voie de conséquence, déléguer son droit de vote à un de ses collègues.
Pour l'essentiel, il s'agit de missions temporaires confiées par le
gouvernement, un autre Etat ou une organisation Etrangère l, de la maladie ou
d'un événement familial heureux ou malheureux l'empêchant momentanément,
d'un cas de force majeure dûment constat~ par le bureau de l'Assemblée...
Ce n'est que dans ces cas que l'excuse est accordée du parlementaire
absent des travaux de même que la délégation de son vote. Mais celle-ci doit
répondre aux formalités suivantes:
La délégation de vote doit être écrite et signée par l'intéressé ou son
délégué. Elle doit porter le nom du député appelé à agir aux lieux et places du
déléguant ainsi que la durée de l'empêchement. Enfin, elle doit être adressée au
président de l'assemblée avant la date d'ouverture de la session2•
Rien que par ces données révélatrices de la forte réglementation de ces
absences, on saisit les difficultés que peuvent rencontrer les députés pour
s'absenter «légitimement» des travaux parlementaires. Cependant, n'eut été le
caractère fort critiquable de certaines formes d'extinction du mandat
parlementaire (Section II), si l'on pesait d'un côté les droits et de l'autre les
obligations des députés, la balance pencherait inévitablement au profit des
avantages de cette fonction.
1Voir article 18 du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale.
2 Idem.

-
142 -
Section II - La fin du mandat des parlementaires
Coïncidant avec la législature, le mandat parlementaire prend fm lors du
décès du mandant, du renouvellement quinquennal de l'Assemblée nationale ou
de sa dissolution dans le parlementarisme rationalisé de Haute-volta.
Hormis ces formes courantes, il existe deux causes, l'une classique et
l'autre spécial, entraînant la suppression du mandat de député.
A - Les causes classiques de cessation du mandat de député
Si l'on observe indifféremment les règles nationales, constitution ou
règlement intérieur de l'Assemblée nationale, on peut citer comme clauses
classique la démission et l'exclusion de l'élu national.
Paragraphe 1 - La démission
En règle générale, le mandat impératif n'étant pas admis, ni les organes
partisans ou politiques, ni les électeurs ne peuvent en droit demander la
démission volontaire ou forcée de l'élu.
Détenant son mandat représentatif de la nation en tant que corps abstrait,
le député ne peut démissionner que sous sa propre initiative.
A ce niveau, trois hypothèses sont à distinguer :
- d'une part, pour des convenances personnelles', le député peut
librement se retirer de la scène parlementaire, donc se démettre de son
mandat;
- d'autre part, pour n'avoir pas observé certaines règles édictées par la
Constitution, le règlement intérieur ou la loi électorale2, il peut être considéré
comme «démissionnaire» ;
, Article 8 alinéa 2 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale voltaïque; article 6 du
règlement intérieur de l'Assemblée nationale sénégalaise.
2 Par exemple, est déchu de son mandat tout député dont l'élection se trouve dans l'un des cas
d'inéligibilités. Est également déclaré démissionnaire tout député dont l'élection se trouve dans

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- enfin, plus «voilée», sa démission volontaire en droit mais «forcée» en
fait peut intervenir sur la pression du parti. Sur ce point, si cette hypothèse est
peu probable dans les régimes multipartisans, en revanche, il est certain que si
le parti unique ivoirien ou togolais demandait à un de ses «militants» à
l'Assemblée nationale de démissionner, ce dernier s'exécutera volontairement.
Cela dit, si les deux premières formes de démission sont «acceptables»
selon le strict point de vue de la liberté et des normes juridiques choisies, en
revanche, on ne peut en dire autant de la dernière.
Mise en œuvre pour des mobiles d'ordre politique, cette démission
«forcée» est non seulement arbitraire mais elle pose également problème
puisqu'elle se rapproche de l'exclusion du député.
Paragraphe 2 - L'exclusion
Cette forme de suppression du mandat parlementaire intervient de façon
autoritaire dès lors que le mandant transgresse les interdictions et obligations
qui lui sont imposées par le règlement intérieur de l'Assemblée ou les lois
électorales nationales.
A titre d'illustration, tout commissaire ayant nécessairement manqué à
trois séances de sa commission sans excuse valable est automatiquement déchu
de son mandat1•
Variant selon les pays, de telles sanctions frappent également les députés
qui se distingueront par une absence chronique aux travaux parlementaires
sans raison «légitime»2.
l'un des cas d'incompatibilités, sauf si ce mandant régularise sa situation. A ce sujet, voir
l'analyse antérieure sur les conditions d'exercice du suffrage politique.
1 Article 14 alinéa 4 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale ivoirienne; article 26 du
règlement intérieur de l'Assemblée nationale sénégalaise; article 20 alinéa 3 du règlement
intérieur de l'Assemblée nationale togolaise; en Haute-Volta, on peut envisager cette sanction
contre un député «récidiviste» puisque le règlement intérieur de l'Assemblée nationale impose
non seulement leur présence aux réunions mais il aménage également leur absence (article 37).
2 Article 86 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale sénégalaise; article 20 alinéa 3 du
règlement intérieur de l'Assemblée nationale togolaise.

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A ces causes prescrites formellement, s'ajoute une forme particulière
liée au système de parti.
B - Une cause particulière : l'exclusion du député par
son parti politique
De prime abord, il est étonnant de voir le retrait de confiance du parti à
l'élu comme une cause suffisante de son exclusion du Parlement. Cela s'accepte
d'autant plus difficilement qu'aucun texte de loi des pays intéressés ne le
mentionne expressément ou tacitement, à l'image de la législation du
,
Cameroun~ du Gabon et du Zaïre 1•
Mieux, la Constitution occupant la première place dans l'ordonnance
juridique interne de ces pays pose d'emblée le principe de la souveraineté
nationale et, par conséquent, interdit le mandat impératif.
Donc, d'un strict point de vue juridique, est caduque toute disposition du
règlement intérieur d'un parti visant à entourer le mandat de ses élus du
caractère impératif2. Egalement, n'est pas légale l'hypothèse selon laquelle le
député est exclu du Parlement monocaméral dès lors que le parti unique
l'exclut comme militant.
Pourtant, en dépit de l'interdiction du mandat impératif par 1a
Constitution, il semble que la pratique politique tente «subtilement» faire
admettre et d'autoriser l'exclusion de tout député déchu par son parti.
Paragraphe 1 - Le principe
Afin de mieux saisir la valeur du principe, il convient d'adopter une
méthode d'approche qui repose sur la nature des systèmes politiques susvisés.
Ce qui équivaut à une analyse théorique du sujet visé tout d'abord en Côte
d'Ivoire et au Togo puis après en Haute-Volta et au Sénégal.
1 Article 20 alinéa 3 de la loi électorale camerounaise; article 30 alinéa 1er de la loi électorale
gabonaise; article 59 de la loi électorale zaïroise.
2 La constitution de ces pays établit une hiérarchie des normes juridiques identiques à celle
contenue dans la constitution française de 1958. Aussi, a-t-on de haut en bas, les lois
organiques, les traités et accords internationaux, les lois ordinaires, les ordonnances, les
règlements administratifs, les normes hors hiérarchie (les règlements des Assemblées et les
décisions). Sur la question, voir MM. C. Debbash, J. Bourdon, JM. Gonthier, Je. Ricci, op.
cit., page 437 et suivantes.

- 145 -
a) En Côte d'ivoire et au Togo
En premier lieu, sous l'angle purement juridique, la constitution
togolaise pose de façon «ambiguë» la question. En effet, interdisant le mandat
impératif, elle confère, en même temps, au RPr la suprématie sur les organes
étatiques et les citoyensl .
Aussi, si le mandat du député ne peut lui être retiré par l'électorat et le
gouvernement, en revanche, on ne peut en dire autant du parti unique. Etant le
promoteur des droits et devoirs des togolais, il est clair que si ce dernier
excluait un député de ses organes, ce dernier se verrait indiscutablement déchu
de son mandat nationa12.
En Côte d'Ivoire, une même analyse pourrait être faite puisque en réalité
le PDCI est l'unique formation politique qui domine les activités politiques,
économiques et culturelles du pays.
En second lieu,' sous l'angle pratique, on pourrait relever la valorisation
du principe avec le fait de l'investiture du parti à la députation et à raison de
l'existence de la technique de la liste unique des députés dans ces monocraties.
En effet, quelque soit le pays considéré, la présence de ces éléments lie le
parlementaire au sort de son parti. C'est cette destinée commune, établie entre
ces deux partenaires, qui explique et justifie en pratique l'exclusion du député
désinvesti par sa formation politique.
Pour conclure, si la pertinence du principe susvisé n'est guère
contestable du fait de la substitution aux règles de droit de la «vérité» du parti
unique en Côte d'Ivoire et au Togo, alors se pose le problème de sa réalité
dans les pays à régime de pluripartisme.
b) En Haute-Volta et au Sénégal
Dans ces cadres territoriaux, le principe tire essentiellement son
fondement des compétitions électorales monopolisées par les partis politiques
1A ce sujet, lire l'article cité de M. J. Owona.
2 Idem.

- 146 -
reconnus. L'expression vivante de ce monopole se traduit par l'obligation
préalable de tout candidat à la députation d'être investi par une formation
politique nationale'.
En outre, cette suprématie est aggravée par l'option prononcée de ces
régimes pour la technique de la liste nationale. Cette dernière a pour
conséquence d'enrayer toute éventuelle chance de succès d'un éligible
indépendant2•
Pour ces faits, ne sont élus à l'issue des législatives que les membres des
institutions partisanes implantées dans ces pays. Aussi, est-il possible d'ajouter
à l'image du député militant, en Côte d'Ivoire et au Togo, celle du député
militant accrédité par son parti au Parlement, en Haute-Volta et au Sénégal.
C'est sur la base de ces données que certains partis politiques n'hésitent
pas à prescrire dans leur règlement intérieur l'exclusion de l'Assemblée
nationale de tout député n'ayant plus leur investiture3• Sans le mentionner
expressément, d'autres, en revanche, approuvent une telle sanction.
Toutefois, la question est de savoir s'il y a déjà eu des antécédents en la
matière.
Paragraphe 2 - Les antécédents et leur portée
A ce sujet, deux pays fournissent des illustrations: le Sénégal et la
Haute-Volta.
Dans le premier État cité, quatre députés entrèrent en dissidence avec
leur formation politique, le PDS, durant l'avant-dernière législature (I978 -
1983). Ces dissidents posaient deux problèmes de fond bien que d'inégale
importance.
, Comme il a été vu, il s'agit plus d'un accord entre partis, donc d'une pratique que d'une règle
au sens juridique.
2 Il s'agit du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Me A. Wade.
3 Idem.

- 147 -
Premièrement, quel serait leur statut à l'Assemblée nationale puisque la
constitution imposait limitativement l'existence de quatre partis politiques
correspondant à autant de courants idéologiques ?
Deuxièmement, conformément à son règlement intérieur non conforme
à la constitution, le PDS était-il en droit d'exiger le retrait de leur mandat
parlementaire?
Concernant la première question, si ces députés ne pouvaient non
seulement pas créer de groupe parlementaire parce que peu nombreux, ils ne
pouvaient en aucun cas créer également une force politique concurrente des
quatre reconnus constitutionnellement.
Pour ce qui est de la seconde question, le PDS ne pouvait qu'être
légitimement débouté de sa demande puisque non seulement la constitution
interdit le mandat impératif mais le texte sur lequel le parti se basait pour
argumenter
avait
une portée limitée.
Car, ne figurant pas dans
l'ordonnancement juridique interne, le règlement intérieur ne s'applique qu'au
sein des structures partisanes.
C'est par rapport à ces données que les quatre députés en dissidence avec
le PDS ont continué d'exercer leur fonction de représentation nationale à côté
de leurs homologues du parti majoritaire, le PS, qui n'y voyait que des
avantages sur le plan de l'équilibre à l'Assemblée nationale.
Dans le second Etat visé, une illustration semblable fut donnée par la
dissidence de certains élus avec le parti majoritaire, le RDA.
Les raisons profondes de ces dissidences devant être abordées., il
convient de souligner que ces derniers ont préféré s'associer au parti du
professeur Ki Zerbo pour créer une formation politique dénommée «Front
progressiste voltaïque».
A la lumière de ces antécédents, on s'aperçoit que nulle part n'a été
consacré la théorie du mandat impératif réclamée par les forces politiques et
qui se révèle incompatible avec les règles constitutionnelles.
• Voir à la page 147 et suivantes.

- 148 -
Le respect de cette disposition constitutionnelle n'est pas forcément
attribuable au légalisme des acteurs politiques voltaïques et sénégalais. Cela est
d'autant plus plausible que ces derniers méconnaissent souvent les principes de
la loi fondamentale ou alors les interprètent à leur profit.
C'est dire que les dissidents ont achevé normalement leur mandat
représentatif soit parce qu'ils servaient les intérêts de la majorité au pouvoir
(Sénégal) soit parce qu'ils ne contribuaient pas à l'affaiblissement de la
majorité gouvernementale (Haute-Volta). Dans ce dernier cas, l'opposition
bénéficiait d'un si grand soutien dans l'opinion publique que le parti
majoritaire ne pouvait «politiquement» demander l'exclusion de ses députés en
dissidence du parlement monocaméral.
Toutefois, même si la majorité voltaïque ou l'opposition sénégalaise
réclament la déchéance parlementaire de leurs dissidents et portent l'affaire
devant la Cour Suprême, la question reste toute entière.
Car compte tenu de la relative subordination de cette haute juridiction au
pouvoir politique, il n'est pas évident que celle-ci déboute le parti majoritaire
de sa requête.? Le cas échéant, le gouvernement peut faire échec à l'autorité de
la chose jugée.
L'évocation de ces attitudes complaisantes de l'autorité juridictionnelle
permet de faire la transition avec le chapitre suivant relatif au rôle de cette
dernière dans le contentieux électoral.

- 149 -
CHAPITRE III : LES FRAUDES ELECTORALES ET LE
CONTENTIEUX ELECTORAL
L'objet de ce chapitre est double : sur un plan théorique, en premier
lieu, il consiste à aborder succinctement les attributions dévolues à la Cour
suprême en matière électoral dans les pays considérés; en second lieu, sur un
plan pratique, il s'agira d'étudier un cas d'espèce qui aura pour intérêt de
montrer l'efficacité ou non du rôle de l'instance susvisée dans le contentieux
électoral.
Section 1 - Le rôle de la Cour Suprême dans le contentieux
électoral
Indépendante du pouvoir exécutif et législatif, l'autorité judiciaire est
«coiffée» par une haute juridiction appelée «Cour Suprême»l.
D'inspiration française, cette dernière est dotée de quatre chambres : la
chambre constitutionnelle, la chambre judiciaire, la chambre administrative et
la chambre des comptes. Par ailleurs, elle se compose d'un président, de quatre
présidents de chambres et de conseillers.
En outre, l'institution a des compétences qui s'attachent à quatre
domaines précis : d'une part, l'arbitrage des problèmes liés à la délimitation du
domaine respectif de la loi et du règlement ; d'autre part, le contrôle de la
conformité des lois, des traités internationaux, du règlement intérieur de
l'Assemblée nationale à la Constitution; enfin, des attributions consultatives au
profit des gouvernants, mais, également, concernant le contentieux électoral2•
1 Voir les articles 57 et 59 de la constitution ivoirienne (Titre III), articles 89, 91, 99 de la
constitution voltaïque (Titre IV), articles 44 et 47 de la constitution togolaise (Titre IX), article
80 de la constitution sénégalaise (Titre VII).
2 Consulter la loi du 2 juin 1961 déterminant la composition de la Cour Suprême en Côte
d'Ivoire (art. 22, 23, 29) dans le J.O. RCI du 13 juin 1961
Loi n° 12/63/AN de 1963 portant organisation de la Cour Suprême de haute-Volta in
<<l'évolution politique de la Haute-Volta de l'indépendance ànos jours» de M. P. Kiemdé, thèse
de droit, Université de Clermont-Ferrand, 13 Octobre 1976, art. 82,25,27.29,31, et 37 de la
constitution sénégalaise et l'ordonnance n° 60/17 du 3 septembre 1980 portant loi organique de
la Cour Suprême, modifiée par la loi organique 5/81 et complétée par l'article 49 de la
constitution actuelle.

-
150 -
Ainsi, comme l'atteste cette énumération) en dépit de la troisième
position occupée par le pouvoir judiciaire dans le dispositif constitutionnel, il
semble que la Cour Suprême tienne une place de choix dans les Etats
intéressés. Cependant, pour citer la réflexion de M. Jéol, «il ne suffit pas
d'organiser la justice; encore faut-il préciser sa place dans l'état et définir ses
rapports avec les instances politiques suprêmes» t •
Or, en Côte d'Ivoire et au Togo) l'osmose entre le parti unique et
l'organe juridictionnel est presque parfait. Cette imbrication est si évidente
qu'il ne serait pas exagéré d'écarter l'indépendance de la justice dans ces pays
et parler plutôt d'autorité juridictionnelle au service du parti2.
En Haute-Volta et au Sénégal, si l'on n'est pas en présence d'une réelle
osmose entre l'ordre juridictionnel et le pouvoir politique) en revanche) la
subordination du premier au second est si prononcée que l'on assiste à la perte
de l'autonomie du pouvoir judiciaire par rapport à l'exécutif et au législatif qui
est affrrmée par le texte constitutionnel.
C'est à la lumière de ces relations qu'il sera procédé à l'analyse de
l'instance juridictionnelle suprême dans les quatre pays considérés.
A - Une juridiction de consultation en Côte d'Ivoire
et au Togo
Quelque soit le pays dans lequel on se trouve, la compétence territoriale
générale de la section constitutionnelle de la Cour Suprême en matière
électorale est affirmée. A cet égard, qu'il s'agisse des contestations portant sur
l'éligibilité ou sur l'opération elle-même, la saisine de la Haute juridiction est
de droit reconnue aux intéressés.
Cependant, ne peut-on pas douter l'efficacité fonctionnelle de la
juridiction si l'on considère la nomination de ses membres par le parti unique ?
1 M. Jéol, «La réforme de la justice en Afrique Noire, Paris, 1963, p. 138: la citation a été
reprise par M. S. Sy, «Recherche sur l'exercice du pouvoir politique en Afrique Noire (Côte
d'Ivoire, Guinée, Mali)>> Ed. A. Pedone, Paris, 1965, p. 113.
2 Sur la subordination du pouvoir judiciaire au Sénégal, voir M. P. Diagne «Quelle démocratie
pour le Sénégal», op cit., p. 108 et suivantes.

-
151 -
En tout état de cause, cet élément, auquel s'en ajoutent d'autres
(notamment la difficulté de saisine), incitent à évoquer les termes de
juridiction de consultation en Côte d'Ivoire et au Togo.
Paragraphe 1 - L'osmose entre l'organe juridictionnel
et le parti unique
Ce phénomène d'interpénétration est perceptible par l'évidente
représentation du parti à la Cour Suprême et par la conception du service
public de la justice qu'elle est appelée à assumer.
a) Une conception particulière du troisième
pouvoir: le service public de la justice
On aurait une vision déformée de la réalité si l'on s'en tenait à la règle
constitutionnelle selon laquelle l'ordre judiciaire est totalement indépendant de
l'exécutif, du législatif ou du parti unique dans ces deux monocraties.
En effet, si l'organisation structurelle de ces juridictions, les textes de loi
utilisés pour dire le droit et rendre la justice sont d'inspiration française, en
revanche, il convient de dire que la conception du troisième pouvoir dans ces
pays s'éloigne de ce que l'on rencontre dans le modèle de référence. A ce titre,
M. P. F. Gonidec et le Président A. S. Touré l apportent des éclaircissements.
Selon ces enseignements, la séparation des pouvoirs, en général, et
l'indépendance de l'autorité judiciaire, en particulier, ne sont acceptables que si
la suprématie du parti unique sur l'Etat est garantie.
En d'autres termes, l'ordre juridictionnel ne peut s'abriter derrière une
quelconque «émancipation» pour méconnaître les intérêts supérieurs des
instances partisanes, donc rendre la justice en toute liberté.
Les limites à l'exercice de la fonction judiciaire ainsi imposées par
l'institution partisane justifient la conception particulière que les systèmes
monopartisans attribuent au troisième pouvoir. Aussi, quelque soit le cadre
territorial visé, la justice est certes rendue au nom du peuple, mais cette entité
1 A. S. Touré, «Expérience Guinéenne et Unité Africaine», Présence Africaine, 1961, p. 517 à
518 ; M. P. F. Gonidec, «Les systèmes politiques africains», op. cit., p. 236 à 243.

-
152 -
sociologique faisant corps avec le parti, lequel s'identifie au leader
«charismatique» national, il n'est pas étonnant de voir au bout du compte une
nature bien singulière des arrêts rendus par les organes de juridictions : des
décisions judiciaires s'inscrivant dans la voie tracée par la force partisane. A ce
niveau, il convient de distinguer deux hypothèses :
S'il s'agit, par exemple, d'une affaire de droit commun, il est clair
qu'aucune interférence du parti ne troublera le cours normal de la justice
rendue par le tribunal compétent. Mais, lorsqu'il sera question d'un litige
électoral, l'intervention des instances partisanes ne se fera pas attendre d'autant
plus que le monopole du parti sur les suffrages politiques semble être en cause.
La relative véracité de ces hypothèses s'accepte dès lors que la
désignation des membres du pouvoir judiciaire par le parti est établie.
b) La désignation de ses membres par
le parti unique
Illustration concrète de la dépendance de l'autorité judiciaire, la
nomination des organes de la cour suprême est à la merci du leader du parti
unique, chef de l'exécutif, en Côte d'Ivoire et au Togo.
Dans ces pays, les magistrats et le président de la juridiction suprême
sont choisis par le premier responsable du parti. Cependant, ce pouvoir
discrétionnaire est, en principe, tempéré par l'obligation qui est faite au
président de la République de consulter préalablement le conseil supérieur de
la magistrature. C'est dire, en termes clairs, l'exigence pour tout postulant
d'être titulaire d'un diplôme de l'école nationale de la magistrature de Paris'.
S'il est vrai que ceci peut s'analyser en termes de limite ou de frein à la
«toute puissance» de l'exécutif et, partant, de garantie donnée à la fonction de
magistrat dans ces pays, il est également vrai qu'en pratique l'inefficacité de
cette procédure est certaine.
, Le conseil suspérieur de la magistrature (art. 59 de la constitution ; articles 91 à 94 de la
constitution voltaïque, article 80 de la constitution sénégalaise, articles 46 et 48 de la
constitution togolaise) et le syndicat de la magistrature dans les deux pays multipartisans veille
au respect de l'ordre des magistrats.

( .. 153 -
Aussi, la perception de cette réalité nécessite-t-elle de saisir la coloration
politique et le mode de cessation particulier des fonctions dévolues aux juges
de la chambre constitutionnelle, étant entendu que cette dernière est l'organe
censé résoudre les litiges en matière électorale.
Tout d'abord, insistons sur sa composition. A ce titre, en sont membres
de droit, le président et les vice-présidents de la Cour suprême et, enfin, les
quatre présidents des chambres. Ces personnalités sont désignées par le chef du
parti. A ceux-ci, s'ajoutent quatre membres recrutés pour moitié par le leader
national et pour l'autre moitié par le président de l'Assemblée nationale. Pour
clore la liste, il est fait mention des anciens présidents de la République en Côte
d'ivoire l .
A la lumière de l'origine politique de ces magistrats, on ne peut
qu'aborder dans le sens d'une domination de l'organe par les militants du
parti2. Cela autorise à être sceptique sur le bien fondé des décisions rendues en
matières électorale, car le fait partisan tant à annihiler la voie de l'objectivité.
Si l'on s'interroge, ensuite, sur le mode de cessation particulier des
fonctions des membres de cet organe, on appréhende clairement son caractère
politique et, par conséquent, sa timidité à l'égard du parti.
En effet, même en l'absence d'une codification expresse, la suprématie
partisane sur la juridiction se traduit par l'éviction de tout magistrat déchu par
le parti. Comme illustration, en Côte d'Ivoire, M. E. Boka a été contraint de
céder son mandat de président de la cour suprême et de sa section
constitutionnelle à M. A. Boni, pour avoir participé, semble-t-il, au complot de
19633.
Ainsi décrite, l'imperfection de l'organe juridictionnel pourrait être la
cause de son inactivité en matière électorale.
1 Si la loi précitée du 2 juin 1961 prévoit cette mention, il faut dire qu'en pratique il n'y a pas eu
jusqu'à présent de précédent.
2 Dans son article <<l'indépendance de la justice: fiction ou réalité (au Sénégal)>>, le citoyen,
revue trimestrielle d'information et d'éducation civique, n° 8 de juillet-aoüt 1984, Dakar, le juge
A. Ndiaye révèle les difficultés pour le pouvoir judiciaire d'être indépendant dans le système
multipartisan africain.
3 M. L. Gb agb 0 , ouvrage cité, p. 25 à 52, p. 7 ; voir également M. S. M. Sy, op cit. page 115.

Paragraphe 2 - Une inactivité en matière électorale
Dans sa plaidoirie pour une alternance démocratique en Côte d'Ivoire,
M. L. GBAGBO qualifie la Cour suprême de «chambre muette»l.
Pour compléter cette critique, du reste valable pour le Togo, il faut
ajouter que non seulement elle n'a pas l'usage de la parole2, mais que cette
dernière est aussi inactive en matière électorale du fait de l'absence de
précédent et de la nature insignifiante de la procédure de saisine.
Pour ne retenir, en premier lieu, que la procédure de saisine, il est dit
que tout électeur a le droit de contester l'élection d'un candidat dans ces pays.
En Côte d'Ivoire, le requérant a un délai de quarante huit heures pour saisir la
juridiction compétente3.
Ainsi, même si la requête est recevable, le fait demeure, qu'il s'agit de la
contestation du mandat parlementaire d'un député choisi par les instances
dirigeantes du parti unique. Alors, se pose aux magistrats la délicate question
de savoir si les autorités politiques ont méconnu les règles d'inéligibilité ou si
les électeurs de l'unique circonscription électorale ont vicié des consultations
en causé.
Dans tous les cas, cette action en justice pourrait s'analyser comme une
mise en cause, ne serait-ce qu'indirecte, du parti et de son leader dans ces pays
où n'existe pas véritablement le concept d'état de droit.
1 Idem.
2 M. E. Boka, ancien président de la cour suprême, dans «la cour suprême de la République de
Côte d'Ivoire», Penant, 1961, p. 631 et suivantes, ne semble pas partager cet avis.
3 Voir les articles 18, 19,21,22,23,24 de la loi électorale de Côte d'Ivoire.
4 Si l'hypothèse peut être envisageable en Côte d'Ivoire, en revanche, au Togo elle restera
toujours théorique. Car si l'on observe le Titre IX de sa constitution (surtout l'article 45 relatif à
la proposition du président de la cour suprême par le comité central du RPT), on peut affirmer
qu'il n'y aura pas de recevabilité pour un tel recours. Au cas échéant, la requête sera rejetée
pour moyens insuffisants.

- 155 -
Pour conclure, posons comme hypothèse l'annulation de l'élection
contestée. Même dans ce cas, l'exécution de la décision est dépendante de la
volonté des autorités politiques l .
En second lieu, l'absence de précédent en matière de contestations
électorales, surtout dans ces pays à population civiquement peu préparée,
confIrme l'analyse précédente et atteste l'inactivité de la cour suprême dans ce
domaine. Cette dernière n'a alors comme rôle que la proclamation des résultats
et le contrôle de la régularité des opérations du scrutin présidentiel2•
A la lumière de ces considérations, l'infériorité de la Cour suprême par
rapport à l'exécutif dans les régimes monopartisans n'est point contestable.
C'est cette relégation au second plan dans le dispositif de l'Etat qui lui impose
un rôle effacé dans le contentieux électoral. Alors, comment se présente
l'institution jumelle dans les démocraties pluralistes de Haute-Volta et du
Sénégal ?
B - Une juridiction relativement autonome, au rôle actif dans le
contentieux électoral en Haute-Volta et au Sénégal
Sous certaines réserves, il n'est pas abusif d'emprunter l'expression de
M. J.M. Nzouankeu relative au pluralisme sénégalais et, de ce fait, de parler de
«l'exemplarité et de la spécificité» de la juridiction suprême dans les Etats
considérés3•
Contrairement au statut biaisé de l'organe juridictionnel dans les régimes
monopartisans, ce dernier est auréolé d'une indépendance appréciable garantie
par les textes nationaux et relativement cimentée par le pluripartisme4 .
1 Si l'absence de recours aux autorités politiques permet d'affirmer le caractère obligatoire des
arrêts des tribunaux, l'absence d'astreintes et la dépendance du pouvoir judiciaire à l'égard de
l'exécutif permet en revanche de douter de l'obligation pour les gouvernements de s'exécuter.
2 C'est le constat auquel on aboutit si l'on fait la part des choses entre les attributions théoriques
et les attributions réelle (pratiques) de la cour suprême exclusivement en Côte d'Ivoire. Car, au
Togo, il y a un mutisme total sur la question.
3 M. lM. Nzouankeu, ouvrage cité, p. 131.
4 Théoriquement, le pluripartisme tempère le monopole des fonctions de nomination des
membres du pouvoir judiciaire par le chef de l'exécutif, leader du parti majoritaire.

- 156 -
De plus, les multiples interventions de la Cour suprême de ces pays dans
le contentieux électoral attestent de la relative qualité du rôle qui lui est
dévolu.
Cependant, même s'il s'agit là d'une «nouvelle dimension» de la Cour
suprême en Afrique noire, force est de constater que l'intervention des
autorités voltaïques et sénégalaises dans la désignation de ses membres et dans
son fonctionnement diminue considérablement son autonomie et son rôle dans
le contentieux électoral.
Paragraphe 1 - Une compétence certaine en matière
électorale
En Haute-Volta et, depuis la révision constitutionnelle d'avril 1981, au
Sénégal également, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a pour
rôle juridictionnel de statuer sur la régularité des opérations tenant à l'élection
présidentielle et à l'éligibilité des candidats à la députation 1•
a) L'emprise de la Cour suprême sur les élections
présidentielles
Dans ce cas, sa compétence s'analyse en deux phases qui, non exclusives,
englobent la totalité de l'opération électorale.
En premier lieu, la juridiction suprême a pour mission de veiller non
seulement à ce que l'élection visée ne soit pas entachée des vices proscrits par
la législation nationale mais doit également proclamer les résultats du scrutin
après avoir recensé et centralisé les votes.
En second lieu, il lui appartient de se prononcer sur les requêtes tendant
à l'annulation de l'élection d'un candidat aux présidentielles,
laquelle est
incriminée d'irrégularités.
Afin d'éviter l'abstraction, et pour mesurer la qualité relative du rôle
joué par la Cour suprême dans le cas susvisé, il est intéressant de revenir
l Voir les article 13 et 35 de la constitution voltaïque et la loi n° 10/63/AN du 10 mai 1963,
l'article 49 de la constitution (après la révision d'avril 1981) sénégalaise et l'ordonnance n°
60/17 du 3 septembre 1960, complétée par la loi organique 5/81, portant loi organique de la
cour suprême.

- 157 -
succinctement sur un cas de rejet : la requête en annulation du 13 mars 1978 de
M. A. Wade~ au nom du post.
Les faits sont les suivants:
A l'issue du scrutin présidentiel de février 1978, le secrétaire général du
POS demande à la Cour suprême l'annulation de l'élection à la magistrature
suprême de M. L. S. Senghor, pour les six irrégularités suivantes:
- violation de l'article 2 de la constitution relative au vote libre et secret,
- inscription multiple de certains électeurs,
- partialité des media,
- intervention d'actes de propagande électorale au-delà du délai
légal de la campagne,
- violation de l'article L 44 codé électoral;
- absence des observations du POS sur le procès-verbal du fait du PS.
Après examen des arguments évoqués par le demandeur, la Haute
juridiction réunie en section rejette la requête aux motifs que les moyens ne
sont pas fondés2•
Cela dit, en accord avec le pouvoir de M. A. Wade, on peut critiquer
cette décision au vu des nombreuses déformations subies par les opérations
électorales en Afrique noire du fait des partis politiques, en grande partie, et
de l'incompréhension des populations concernées, dans une proportion plus
réduire3•
Toutefois, elle constitue un précédent introuvable dans les reglmes
monopoartisans et révèle l'action, même «timide», de l'institution dans ce
domaine. Cela est aussi remarquable lors des litiges nés des élections
législatives.
1 M. J. M. Nzouankeu, op cit., p. 66 et suivantes.
2 Cette affirmation tire son fondement sur l'utilisation à bon escient que font les leaders
partisans de l'analphabétisme des popualtions consultées lors des scrutins politiques. dans «les
partis politiques», Paris, A. Colin 1964, p. 312, M. M. Duverger soulignait fort justement:
«Le pluralisme des partis, appliqué à des pays à structure sociale archaïque et à masses
populaires incultes, maintient et consolide le pouvoir des aristocraties traditionnelles, c'est-à-
dire empêche l'établissement d'une véritable démocratie».
3 Idem.

- 158 -
b) Son emprise sur les élections législatives
Tout comme dans le cas précédent, la Cour suprême bénéficie de
nombreuses attributions sur le déroulement des élections législatives. Celles-ci
tiennent au déroulement matériel de l'opération (recensement et centralisation
des votes, proclamation des résultats) et à la solution des litiges découlant de la
compétition électorale susvisée.
Pour ne retenir que le dernier point mentionné, les réclamations peuvent
porter autant sur l'irrégularité des listes présentées par les partis politiques (le
refus d'inscription d'un candidat par exemple), que sur l'élection d'un député
entaché d'irrégularité.
A titre d'illustration, on pourrait insister sur deux arrêts de la chambre
constitutionnelle de la cour suprême de Haute-Volta.
Tout d'abord, la requête en annulation de la liste PRA pour refus
d'inscription!. En date des 8 et 13 mars 1978, MM. Traoré S. Laty , Traoré
Alphonse, Traoré T. Barthélémy et E. H. Cessouma introduisent auprès du
secrétaire général de la Cour suprême une requête tendant à l'annulation de la
liste PRA aux législatives sur laquelle ils ne figurent pas.
Les demandeurs incriminent la dite liste et le bureau politique du parti
concerné pour non observation des dispositions de la législation nationale et,
notamment, celles de l'ordonnance du 24 janvier 19782 •
Après l'examen des pièces versées au dossier des requérants, les juges
rejettent pour irrévocabilité la demande des trois premiers demandeurs pour
défaut de qualité. En effet, l'ordonnance susvisée exige de tout demandeur
qu'il figure sur la liste 'des déclarations de candidatures déposée au ministère
de l'intérieur. Cependant, sur la requête du Sieur E. H. Cessouma remplissant
! Il s'agit de l'arrêt n
2 du 13 avril 1978 enregistré sous le titre «Mfaire Traoré Seydou Laty et
0
autre cl Ouédraogo Laousséni.
2 En son article 29 il est stipulé: «en cas de refus d'enregistrement d'une déclaration, ou en cas
de contestation, les candidats peuvent se pourvoir devant la cour suprême». En son article 27 il
est dit que le «défaut de signature de la déclaration par tous les candidats, une procuration
dûment certifiée par l'autorité adminsitrative, devra être produite pour les candidats n'ayant pas
signé personnellement la déclaration, cette procuration doit donner pouvoir au signataire effectif
de la déclaration».

- î59 -
la qualité, la chambre constitutionnelle s'est prononcée sur le fond et a annulé
la liste attaquée.
Ensuite, il s'agit de deux arrêts : le premier relatif à l'annulation de la
liste PRA sur laquelle figure le nom du candidat Traoré Zoumana et, le
second, relatif à l'annulation du mandat parlementaire de ce dernier, lequel
avait été validé par l'Assemblée nationale.
L'essentiel ici ne réside pas dans les faits de l'espèce, ni dans les moyens
évoqués par les demandeurs, encore moins dans l'annulation survenue à l'issue
du jugement. En effet, si l'on sait que M. Traoré Zoumana figurait sur la liste
incriminée par la requête précédente, on comprendra l'économie d'une telle
entreprise.
Mais, ce qui est intéressant, c'est le refus d'exécution de la décision
judiciaire par les autorités politiques, notamment le Ministère de l'Intérieur
pour des raisons de force majeure, disait-il 1 !
Aussi, au risque d'empiéter sur le développement suivant, peut-on
constater, déjà, les limites à la compétence de la Cour suprême dans le
contentieux électoral. S'il est vrai que la valeur de l'arrêt ne se mesure que par
son caractère exécutoire, on peut alors s'interroger sur l'effectivité du rôle
joué par la chambre constitutionnelle en matière électorale dans ces Etats.
Nul doute que les juges connaissent des litiges électoraux; encore faut-il
que les autorités politiques n'interviennent pas dans le fonctionnement des
organes de juridictions pour orienter le cours de la justice selon leurs
convenances.
Paragraphe 2 - Les interférences de l'exécutif:
présence de quelques déboires
Circonscrit surtout à la Haute-Volta, parce que peu probable au
Sénéga12, l'objet du propos est de faire ressortir quelques immixtions de
1 Il est question de la lettre n° 02l32/IS/DGIIDAP du 4 juillet 1978.
2 A l'étape actuelle de nos recherches, aucune source ne nous permet de faire état d'une
quelconque atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire au Sénégal. Cependant, l'absence de
source à cet effet n'équivaut pas à l'inexistence de déboires. car, à la lumière de l'article précité

-
160 -
l'exécutif dans l'indépendance du pouvoir judiciaire, singulièrement de la haute
juridiction. Ces atteintes sont relatives à la désignation partisane du personnel
dirigeant de la Cour suprême. Elles sont d'autant plus importantes que par leur
subtilité, elles déprécient la valeur de l'organe juridictionnel et le rapprochent
quelque peu de ses homologues des pays à parti unique.
Ainsi, au mépris des textes de lois, le pouvoir exécutif de la Ire
République voltaique avait nommé à la tête de la juridiction suprême un
instituteur, M. Domba Konaté 1• Sous la IIIè République, s'il n'y a pas eu
violation de la législation nationale, il n'en demeure pas moins que l'éviction
de M. Traoré Charles Sériba et la nomination correspondante du député de la
majorité M. Emile Sawadogo à la présidence de la cour suprême sont la
traduction éloquente du «spoil system» pratiqué par le RDA2•
Cela dit, comme va le montrer l'analyse suivante, cette pénétration du
parti dans l'organe juridictionnel aura des effets négatifs sur le contenu et la
force exécutoire des arrêts rendus en matière électorale.
Section II - Etude d'un cas d'irrégularité manifesté ayant
permis l'élection du député de la majorité, M.
Traoré Zoumana : «l'affaire de la liste des
Hauts-Bassins))
Après l'étude du rôle de la Cour suprême en matière électorale, il nous
faut faire l'analyse du contenu exact de sa mission. Bien que limitée à la Haute-
Volta, son champ d'application pourrait s'étendre à tous les Etats
multipartisans d'Afrique et, notamment au Sénégal, ceci par le fait du parti
dominant.
L'entreprise vise à montrer non seulement les limites invisibles fixées à
la juridiction suprême par le pouvoir politique dans le cours normal de la
de M. A. N'Diagne, substitut du Procureur, on peut douter de la réelle indépendance de la
justice au Sénégal.
1 Il était secrétaire général adjoint du RDA; Il fut tout d'abord président de la cour de sécurité de
l'Etat. Sous la IIIè République, il occupait les fonctions de Ministre de l'éducation nationale.
2 C'est sur la base du mot d'ordre «confiance d'abord, efficacité ensuite» lancé par le premier
ministre de l'époque, M. 1. Conombo, que le PDV - RDA allait «épurer» l'Administration. Voir
la dénonciation de cette pratique par l'opposition en meeting commun in observateur n° 1549 du
lundi 26 février 1979.

-
161 -
justice, mais à souligner également a posteriori les conséquences politiques et
institutionnelles engendrées par son verdict d'annulation.
A- Des origines de l'irrégularité à l'arrêt d'annulation
de la cour suprême
De la contestation à l'annulation de la liste des Hauts-bassins, deux années
environ se sont écoulées (I3 avril 1978 - 17 janvier 1980). Durant cette
période, les acteurs de la vie politique voltaïque utiliseront à bon escient cette
pomme de discorde. Ces différentes questions feront l'objet des développement
ci-dessus.
Paragraphe 1 - L'irrégularité et son utilisation politique
Bien avant le début des élections législatives du 30 avril 1978,
l'annulation de la liste du PRA, survenue le 13 avril 1978, était connue par
toutes les formations politiques du pays. On est amené, alors, à s'interroger sur
le mutisme de l'opposition et de la majorité sur cette violation manifeste de la
législation nationale.
a) Une irrégularité connue et mise «en veilleuse»
par les partis politiques
A ce sujet, aucune formation politique ne peut prétendre méconnaître
non seulement les faits! mais surtout la décision de la Cour suprême ayant trait
à la requête en annulation de la liste des Hauts-Bassins soutenue par le PRA.
Le caractère catégorique de· cette affirmation repose sur deux preuves à
savoir l'importance de la circonscription électorale concernée et la notification
du jugement rendu à tous les intéressés2.
Tout d'abord, voyons le second point évoqué. Si l'on se réfère à la date
du prononcé de l'arrêt Sieurs Traoré S. Laty et autres, l'antériorité de celui-ci
! En évoquant à la page 145 l'affaire de la liste des Hauts-Bassins, on a successivement
souligné les faits et les moyens invoqués par les demandeurs en annulation.
2 11 ressort de l'entretien que nous avons eu avec le Président de l'Assemblée nationale, M. G.
Kango Ouédraogo, que seules les formations de l'opposition étaient informées sur la dite affaire
des hauts-Bassins. Selon lui, les leaders de l'opposition taisaient l'irrégularité à des fins de
stratégie politique ultérieure!

-
162 -
(. ./
\\
par rapport au commencement des législations n'est point discutables. Et,
lorsqu'on sait que la décision a été dûment notifiée aux instances supérieures
des formations concurrentielles, force est d'écarter l'hypothèse du secret
entourant l'annulation susvisée1•
Ensuite, même en admettant que certains partis politiques n'avaient pu
être informés du fait de la campagne électorale et de ses contraintes2 ,
l'importance de la circonscription électorale dans la conquête des suffrages
était telle que l'on ne peut accepter cet argument.
Enfin, il ressort des correspondances et des pétitions émanant de s
formations politiques de l'opposition que ces dernières s'intéressaient à
«l'affaire du député Zoumana Traoré» et la connaissaient parfaitement3•
C'est pourquoi il conviendrait d'aborder les raisons profondes du
mutisme général de ces partis devant l'irrégularité et lors de la validation du
mandat parlementaire entaché de vices par l'Assemblée nationale.
b) L'utilisation politique de l'irrégularité
Comme l'attestera la suite du propos, si l'élection du député Zoumana
Traoré a été ultérieurement un des accrocs de la démocratie voltaïque et le
«cheval de bataille» de l'opposition contre la majorité, il n'en demeure pas
moins vrai qu'avant les résultats du scrutin relatif à l'élection du président de
l'Assemblée, toutes les formations politiques tiraient profit de l'irrégularité
manifestement établie.
Ainsi, il est vraisemblable que le refus d'évocation du prononcé de
l'arrêt du 13 avril 1978 et la validation parlementaire du mandat de M.
Zoumana Traoré par l'UNDD, l'UPV et le front de refus du RDA, tiennent à
1 En toute objectivité, si l'opposition connaissait l'existence de la dite affaite, il faut dire que la
majorité non plus ne l'ignorait pas. En désaccord avec M. G. K. Ouédraogo, l'importance
électorale de la circonscription susvisée (3è en ordre d'importance avec 6 sièges) et l'attribut de
capitale économique conférée à son chef-lieu Bobo-Dioulasso d'une part, le rapprochement du
PRA avec le RDA d'autre part, permettent d'affirmer que la majorité politique connaissait bien
le verdict de la cour suprême.
2 C'est le raisonnement tenu par M. G. K. Ouédraogo. (Les longs séjours en province ne
permettaient pas de savoir ce qui se passait exactement dans la capitale).
3 Voir Lettre des députés Joseph Ki Zerbo (UPV), Herman Yameogo (UNDD) et Joseph
Ouédraogo (Front de refus) au ministre de l'intérieur et de la sécurité le 16 juin 1978 et le 17
juin 1978 au Président de la république après l'arrêt n° 2 du 13 avri11978.

-
163 -
un pacte secret entre l'opposition, par le biais de M. Joseph Ouédraogo, et le
député cité. Aux termes de cet accord, l'élu contesté devait apporter sa voix à
la candidature de ce dernier à la présidence de l'Assemblée nationale1• Cette
contrepartie était d'autant plus importante et indispensable que l'issue du
scrutin s'annonçait incertaine du fait de l'exigence de la majorité absolue pour
octroyer le siège disputé dans une assemblée dont la répartition était la
suivante2 :
-RDA
22 sièges
-PRA
6 sièges
- UNI
1 siège
- UNDD
12 sièges
- UPV
9 sièges
- Front de refus RDA
7 sièges
Quant à la majorité, constituée par le RDA et l'UNI, la mise en veilleuse
de l'irrégularité venait du profit qu'elle tirait de la voix du député Zoumana
qui, en dépit de son appartenance ancienne au parti du professeur J. Ki Zerbo,
le MLN3, demeurait un fidèle sympathisant du leader du RDA, M. G. Kango
Ouédraogo.
Ainsi, pour ne retenir que ces points, on peut affirmer que non
seulement les instances dirigeantes des formations politiques connaissaient
l'existence de l'Affaire dire de «la liste des Hauts-Bassins» ; mais que mieux
encore, ces dernières l'utilisèrent lors de la conquête du siège de la présidence
du Parlement. mais, l'inexécution du pacte secret, par M. Zoumana, ayant
entraîné l'échec du leader de l'opposition au scrutin mentionné, allait
précipiter le cours des choses. Car, en signe de protestation contre l'élection de
M. G. K. Ouédraogo, pour violation de l'article 12 du règlement intérieur de
l'Assemblée nationale4, les trois autres institutions partisanes concurrentielles
refusèrent de siéger à côté de leurs homologues. Et, par la même occasion, le
conflit se transforme en une remise en cause de la validation faite du mandat
1 L'existence de ce pacte secret a été confirmé par M. G. K. Ouédraogo.
2 Pour saisir ce tableau, il faut se dire qu'avant la scission le RDA avait 29 sièges (dont les sept
du front de refus).
3 Ancien leader syndical, M. traoré Zoumana illustre fort bien le phénomène du nomandisme
politique en Afrique Noire en général et en haute-Volta en particulier. Du MLN, il adhère au
PRA, puis finir dans le PDV-RDA.
4 L'alinéa 4 de l'article susvisé stipule l'obligation pour le candidat d'obtenir aux deux premiers
tours la majorité absolue. Au troisième tour, seule la majorité relative suffit.

- 164 -
parlementaire du député susvisé et en recours devant la cour suprême pour
statuer, à nouveau, sur l'irrégularité de la liste des Hauts-Bassins.
Paragraphe 2 - L'arrêt du 17 janvier 1980 et ses
retombées sur la Cour suprême
En son audience du 17 janvier 1980, la chambre constitutionnelle eut à
se prononcer sur la requête introduite par MM. Joseph Ki Zerbo, Herman
Yaméogo et Joseph Ouédraogo, lesquels agissaient respectivement au nom de
l'UPV, de l'UNDD et du front de refus RDA. Ce recours visait à annuler
l'élection de M. Traoré Zoumana à l'Assemblée nationale et la validation de
son mandat d'élu accordée par le pouvoir législatif.
Si la décision d'annulation était prévisible l, en revanche, on ne
s'attendait nullement à l'obstruction de son exécution et à l'éviction du
président de l'organe de la juridiction par le parti politique au pouvoir.
Mais, avec le recul du temps, cet état de choses est facilement explicable.
C'est pourquoi on abordera, en premier lieu, la décision elle-même et, puis,
ses retombées sur la Cour suprême.
a) La décision
Une fois admise la recevabilité de la requête des trois députés, les juges
avaient à se pencher d'abord sur la demande en interprétation de l'arrêt du 13
avril 1978, laquelle était formulée par le représentant du Gouvernement,
Maître Boissier Palun de la cour de Paris, et ensuite, sur les moyens évoqués
par les demandeurs.
Sur le premier point, la défense arguait de la lettre du ministre de
l'intérieur du 4 juillet 1978 tenant à l'inexécution de l'arrêt du 13 avril 1978
pour obtenir gain de cause. A ce titre, l'autorité ministérielle écrivait : «le
gouvernement porte à la connaissance de la Haute cour que les mesures prises
l'ont été pour des raisons de force majeure. En effet, à six jours du scrutin, le
retrait de la dite liste aurait provoqué de graves incidents»2. Mais, la
1 Car, la cour suprême avait eu à se prononcer sur l'irrégularité de la liste incriminée dans son
arrêt n° 2 du 13 avril 1978. Par ailleurs, la crise politique de l'époque, parachevée par la
désertion de l'assemblée par l'opposition, était un indicateur de l'imminence du verdict.
2 Lettre précitée du ministre de l'intérieur et de la sécurité.

- 165 -
juridiction ne retiendra pas ce moyen,. dans la mesure où les trois traits,
l'imprévisibilité, l'extériorité et l'irresistibilité, considérés pour attribuer à un
événement le caractère de la force majeure n'étaient pas réunis.
Sur le second point, constatant l'élection de M. Traoré Zoumana sur la
liste PRA des Hauts-Bassins qui avait été annulée par l'arrêt du 13 avril 1978,
la chambre constitutionnelle se prononça pour l'annulation du mandat
parlementaire irrégulièrement détenu par ce dernier.
b) Les retombées
Elles ont trait à l'obstruction volontaire faite à la notification du
prononcé de l'arrêt aux parties intéressées et aux mesures de «représailles»
prises à l'encontre du président de la Cour suprême, M. Charles Sériba
Traoré, par la majorité politique au pouvoir à la suite de l'annulation du
mandat parlementaire susvisé.
Déjà, dans la lettre du 22 février 1980 du président de la Haute
juridiction, en réponse à celle du chef de l'Etat, en date du 18 février 1980, il
ressort clairement un «contretemps» volontairement créé par le conseiller
rapporteur dans le but de bloquer l'affaire dite Traoré Zoumana1• L'attitude
du membre de la juridiction ne doit pas être isolée de la stratégie globale du
pouvoir politique tendant à mettre en échec la mission de juge du contentieux
électoral reconnue à la cour suprême.
Hormis cela, on pourrait y voir une manœuvre tactique de la part de la
majorité selon laquelle il conviendrait de retarder le plus possible l'exécution
de la décision afin de s'assurer ponctuellement de la voix du mandat irrégulier
lors des premiers scrutins. cela est d'autant plus probable que le parlement
devrait élire non seulement son bureau mais également le Premier Ministre
conformément à la constitution2 et, ... adopter les premières réformes
contenues dans le programme du RDA.
Ensuite, alimentés par l'opposition, les remous politiques engendrés par
ce blocage incitèrent le pouvoir politique à accepter le verdict prononcé de la
1 Lettre confidentielle n° 12/CS/Pres.
2 Voir respectivement l'article 11 du règlement itnérieur du Parlement et l'article 50 de la
constitution.

- 166 -
chambre constitutionnelle. mais, cette acceptation eut pour contrepartie
l'éviction de M. Charles Sériba Traoré, président de la Cour suprême, accusé
d'être un sympathisant des formations de l'opposition et la nomination
correspondante de M. Emile Sawadogo, membre du RDA.
Enfin, à la lumière de l'étude suivante, on remarquera que la majorité
fera réélire le député Zoumana Traoré dans les Hauts-Bassins, comme par défi
à la décision de la Haute juridiction. Aussi, si cet acte renseigne quelque peu
sur les retombées politiques de l'arrêt cité dans la vie politique voltaïque,
d'autres faits illustreront avec éloquence cet état de choses.
B - Les conséquences politiques de l'arrêt
Lorsqu'on
s'interroge sur les causes de la discontinuité du
fonctionnement des institutions de la IIIè République et que l'on exclut
volontairement du champ de la réflexion les effets de la crise économique sur
la structure de l'Etat voltaïque, l'on perçoit l'immense contribution de l'arrêt
étudié.
C'est en ce sens que l'on se penchera successivement sur la paralysie de
l'Assemblée nationale et sur la dénaturation du jeu démocratique de ce pays.
Paragraphe 1 - La paralysie de l'Assemblée nationale
Dès les premières heures de la législature, l'institution parlementaire
avait été confrontée à de multiples difficultés qui laissaient prévoir sa paralysie
imminente. Au nombre de celles-ci, il y avait l'élection du bureau et du
président de l'Assemblée selon un mode de scrutin rendu d'application
difficile, du fait de l'écart insignifiant entre les sièges détenus par la majorité
et l'opposition, s'ajoutait l'existence latente de l'invalidation du mandat de l'élu
du PRA.
C'est à la suite de l'insolubilité de ces problèmes que naquirent la
désertion du parlement par les forces de l'opposition et la continuité du
parlement assurée par les seuls élus de la majorité.

- 167 -
a) Le refus des partis de l'opposition de siéger
A ce sujet, si l'on s'en tient aux deux vices, l'un de procédure et l'autre
de fond, imputable à l'élection du président de la nouvelle assemblée, l'accord
sur la cause fondamentale de ce refus ne peut se faire que sur ces irrégularités.
En effet, conformément à son règlement intérieur l , le Parlement ne peut
élire son président qu'à la majorité absolue au premier et second tour de
scrutin. Au troisième, la simple majorité est exigée. Or, à l'issue du premier
tour, tandis que le candidat du RDA obtenait 29 voix, son concurrent
bénéficiait des 28 voix restantes. Au regard de ces résultats, le président de
séance, doyen d'âge selon le texte cité, prononça l'élection de M. G. Kango
Ouédraogo.
Au-delà de la polémique suscitée autour de l'attitude partisane de M.
François Bouda, président de séance, apparaissaient les deux vices cités.
Si l'on considère, tout d'abord, la majorité absolue de l'Assemblée
nationale composée de 57 députés, laquelle a été fixée à 3D voix2, on saisit le
vice de fond qui entache l'opération électorale.
Il s'ensuit alors, en second lieu, le vice de procédure qui s'analyse par la
limitation du scrutin à un seul tour.
Cependant, comme il a été vu précédemment, cette cause était sous
entendue par le sens du vote du député de la liste incriminée. La cause réelle
du refus de siéger, à dire vrai, découle de l'inexécution du pacte secret qui a
entraîné l'échec de la candidature de M. J. Ouédraogo à la présidence du
parlement. Cette désertion, contre toute attente, n'a nullement empêché la
poursuite des travaux parlementaires par la majorité.
1 Article 12 alinéa 4.
2 A propos du litige sur la question de la majorité absolue de 57 sièges ayant opposé la majorité
(qui l'estimait à 29 sièges) et l'opposition (30 sièges), la cour suprême a tranché pour le
dernier. Voir l'observateur n° 13 78, du 16 - 17 juin 1978. Egalement, lire «après Prélat une
nouvelle révélation... » du député K. Sanaga, observateur n° 1383 du lundi 26 juin 1978.

- 168 -
b) La continuité des travaux de l'assemblée
assurée par les seuls élus de la majorité
Contrairement à toute prévision, l'absence physique des élus des trois
partis de l'opposition, soit au total 28 parlementaires, n'a nullement affecté
l'ordre du jour de la séance postérieure à l'élection litigieuse du président de
l'Assemblée.
En effet, sous la diligence de M. G. K. Ouédraogo, la majorité
parlementaire s'est empressée d'élire tous les autres membres du bureau, ainsi
que les présidents des commissions, soit au total 14 fonctions.
Aussi, qu'il s'agisse «d'une sorte de dédain» pour la moitié de la
représentation nationale ou d'un monopole de la souveraineté nationale, cette
attitude révèle l'offensive menée par le parti majoritaire contre les institutions
démocratiques.
Paragraphe 2 - La dénaturation du jeu démocratique
par la majorité
A ce sujet, il sera question de la politique de séduction et de récupération
des élus de l'opposition et de l'opération visant la réélection du député
Zoumana.
a) Séduction et récupération de quatre élus du
FPY par le RDA
Une fois terminé le litige relatif à l'élection du président, la majorité
forte de cette victoire s'attellera à chercher les voies et moyens lui assurant un
poids décisif lors des scrutins au parlement.
A ce titre, elle mettra au point une politique de séduction, consistant à
donner des avantages en biens mobiliers ou immobiliers aux élus de
l'opposition qui, en contrepartie, devront démissionner de leurs partis pour la
rejoindre.

- 169 -
En réalité, l'objectif susvisé était surtout circonscrit aux députés du
Front de refus - RDA . Car nul doute que la discipline et la relative richesse
des autres formations politiques ne favorisent pas la récupération de leurs élus.
Ainsi, dans le courant de l'année 1980, le parti majoritaire réussit à
persuader quatre des sept députés militants du parti de M. J. Ouédraogo de
réintégrer «la grande famille du RDA». De ce fait, la nouvelle répartition au
parlement était la suivante :
- Parti Démocratique Voltaïque - Rassemblement Démocratique
Africain
= 33 sièges
- Front Progressiste Voltaïque
= 12 sièges
- Union pour la Défense de la Démocratie = 12 sièges.
b) La réélection du député Traoré Zoumana
Suite à l'exécution du prononcé de l'arrêt de la Cour suprême évoqué
précédemment, des élections partielles furent organisées le 18 juin 1980. Seuls
deux partis s'affrontaient: l'UDV-RDA et le FPV. L'UNDD, quant à elle,
contestait le principe même de cette élection partielle. Selon cette formation
politique, l'irrégularité de la liste des Hauts-Bassins, dûment établie par la
chambre constitutionnelle, la suppression du mandat parlementaire incriminée
ainsi obtenue, le siège revenait d'office à son candidat, lequel était en seconde
position.
La Haute juridiction ne s'étant pas «aventurée» cette voie, l'élection
partielle organisée a vu la réélection de M. Traoré Zoumana, cette fois-ci
soutenu par le parti majoritaire.
Aux termes de ce titre premier, deux observations peuvent être faites:
d'une part, qu'il s'agisse des démocraties-unanimité (Côte d'Ivoire et Togo) ou
des démocraties-liberté (Haute-Volta et Sénégal), il faut dire que ces Etats
n'ont pas reproduit fidèlement le statut des parlementaires de leur modèle de
référence. A ce niveau, s'il y a mimétisme, il y a surtout prise en compte des
réalités socio-politiques africains. C'est dans cette double optique que ces
régimes ont élaboré la structure organique de leur parlemente (Titre II) ;
d'autre part, il faut souligner l'impuissance de ces statuts, placés à la croisée de
la coutume et de la modernité, à apporter une solution au problème de la
représentation politique dans ces pays.

... 170 -
TITRE II
UNE STRUCTURE ORGANIQUE MIMETIQUE
Dérivée de l'Assemblée nationale française, l'organisation des
institutions monocamérales étudiées repose sur trois organes qu'il convient de
distinguer :
D'une part, on a les organes politiques énumérés par le règlement
intérieur. Par ordre d'importance et décroissant, il yale bureau, la conférence
des présidents et, enîm, le ou les groupes et les commissions parlementaires.
Selon le même texte cité, chacun de ces organes politiques collégiaux a
une mission précise en complément de l'autre dans la bonne exécution des
travaux parlementaires.
Mais, en réalité, bien que variant de degré, l'ascendance de l'organe
présidentiel non seulement sur l'institution monocamérale mais également sur
ses organes de travail paraît évidente.
Attestée par l'organigramme de l'Assemblée que l'on a établit, èette
domination est, par ailleurs, perceptible dès que l'on examine de très près le
bénéfice que cette autorité politique tire de son statut constitutionnel et
partisan. A cet égard, on pourrait comparer les relations qui existent entre le
président de l'assemblée et les membres des autres organes politiques cités avec
celles qui existent entre un supérieur hiérarchique et ses auxiliaires.
D'autre part, dans le cadre de la gestion des fonds qui lui sont alloués, le
parlement a été doté de trois organes financiers adéquats. Selon le règlement et
l'organigramme îmancier établi2, il y a au sommet, l'ordonnateur-président de
l'Assemblée nationale, puis, les administrateurs de crédits-Questeurs et enfin,
le Comptable public faisant office de trésorier de l'institution parlementaire.
Là encore, on retrouve la suprématie de l'autorité présidentielle sur ces
t Se reporter à la page 170 et 220 de la thèse. A l'exception du Togo, cxes organigrammes
propres à la structure organique de l'assemblée nationale voltaïque reflèrent celle du parelement
ivoirien et sénégalais.
2 Idem.

- 171 -
organes financiers d'autant plus que c'est sous sa responsabilité que les deux
autres agents et les services financiers exécutent le budget du législatif.
Enfrn, il Y a les organes administratifs et législatifs qu'il faut dissocier
surtout des premiers cités qui sont politiques. Pour commencer, il convient de
savoir que le président est le chef des services administratifs de l'Assemblée. A
ce titre, il nomme un directeur qui est sous la responsabilité du secrétariat
général du parlement, lequel exerce cette compétence sous la diligence de
l'organe présidentiel. Les services législatifs, quant à eux, sont dépendants du
questeur et, par voie de conséquence, du président de l'institution
monomcamérale.
En ne retenant que ces données, on est alors en droit de dire que le
président est l'organe fondamental de la représentation nationale.
C'est pour mettre en évidence cette idée que l'on abordera, dans un sous-
titre premier, le président en tant qu'autorité constitutionnelle valorisée et,
dans un sous-titre II, les organes politiques secondaires du parlement
monomcaméral africain.
SOUS-TITRE II
LE PRESIDENT AUTORITE
ll
CONSTITUTIONNELLE VALORISEE
Se référer exclusivement au texte constitutionnel pour abonder dans le
sens de l'importance revêtue par la fonction présidentielle ci-dessus évoquée,
ne paraît pas suffisant.
Certes, l'autorité du président est consacrée par un éventail de lois qui
fait de cette personnalité la pièce maîtresse de l'organe législatif des pays
considérés (Chapitre I) ; Mais, il n'en demeure pas moins vrai que son statut
partisan (Chapitre II) accentue pratiquement la place prééminente prévue par
les textes.

- 172 -
CHAPITRE 1 - LA PREEMINENCE CONSACREE PAR LES
TEXTES
La place privilégiée du président dans les quatre
systèmes
constitutionnels choisis est aménagée par la constitution et le règlement
intérieur qui lui concèdent un statut renforcé (Section O.
Cette suprématie sur les autres organes est, par ailleurs, aggravée par ses
attributions fmancières (Section II).
C'est l'ensemble de ces pouvoirs politiques et financiers que l'on se
propose d'aborder successivement.
Section 1 - Le statut renforcé du président
La position particulièrement dominante de l'organe présidentiel, par
rapport aux autres, repose sur le choix des politiciens africains de fait du
«primus inter pares» de la représentation nationale la seconde figure de l'Etat,
après le chef de l'exécutif, voire son collaborateur et mieux son éventuel
successeur.
Aussi, constate-t-on, en dépit des variations selon le modèle choisi, que
la constitution, le règlement intérieur, administratif et financier de l'assemblée
nationale octroient à la personnalité susvisée des fonctions «cheffales»
identiques à celles détenues par l'organe exécutif dans les régimes
présidentialistes négro-africains '.
C'est au regard de ce statut spécial que sa désignation dans ces pays revêt
une signification particulière et que ses attributions relatives au fonctionnement
harmonieux de l'institution unicamérale sont importantes.
A - La désignation du président
A ce niveau, s'opère une distinction entre le groupe de pays où l'élection
est plébiscitaire et le groupe de pays où sa nature «contestée» est affirmée.
, Voir le pouvoir exécutif dans «les régimes politiques du tiers-monde», L.G.D.J. 1977.

- 173 -
Paragraphe 1 - Dans les systèmes monopartisans
Dans cette catégorie, regroupant la Côte d'Ivoire et le Togo, il y a
identité de vue et de pratique en ce qui concerne le mode de scrutin utilisé
pour la désignation du président de l'Assemblée et les règles relatives à la fin
de son mandat.
Cependant, le premier pays cité se singularise, depuis 1980, en marquant
une rupture avec la coutume ancienne, - actuellement valable dans le second
pays -, qui consistait à présenter le candidat du parti unique à la magistrature
suprême du parlement.
a) Une identité quant au mode de scrutin et aux
règles relatives à la fin du mandat
Si l'on observe, tout d'abord, le mode de scrutin utilisé, il ressort un
accord évident entre les différentes législations. En effet, en Côte d'Ivoire tout
comme au Togo, ne peut être proclamé président du parlement, à l'issue du
scrutin secret, que le candidat qui aura recueilli la majorité absolue des
suffrages exprimés soit au premier tour, soit au second tour. Dans le cas
contraire, seule la majorité relative est exigée au troisième tour1•
Allant plus loin, la législation togolaise prévoit un quatrième tour pour
départager éventuellement les candidats, mais en octroyant le siège conteste au
postulant le plus âgé2• Loin d'opiner sur l'inutilité d'une telle prévision, - car
son économie au regard de la réalité monopartisane aurait été réalisable -, il
est plutôt tentant de projeter le regard sur la raison probable de cette extrême
réglementation de l'opération électorale.
Pour ce faire, la réponse est à chercher dans la stratégie globale
d'édification de l'Etat-Nation sur le tissu sociologique multiethnique des Etats
susvisés. En effet, les tenants de l'élaboration de la nation à partir des organes
constitutionnels de l'Etat attendent du parlement de susciter et de déplacer
vers lui les solidarités ethniques et régionales diffusées et éparpillées. Par ce
1 Voir règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne: articles 4,5, 6, 7 relatifs au
bureau; au Togo, article 3, al. 2.
2 Voir article 3 al. 2 du règlement intérieur.

- 174 -
fait, le président de l'institution doit être à la croisée, sinon la résultante, des
facteurs géographiques et sociologiques de ces Etats.
C'est pourquoi par les règles ainsi formulées, il est demandé aux élus de
ratifier, à l'issue au moins des trois tours de scrutin, la désignation à la tête de
l'Assemblée de celui d'entre eux qui est susceptible de remplir ces conditions.
Suite à l'analyse relative au mode de scrutin, l'observation de la fin du
mandat du président permet de constater une certaine homogénéité dans la
réglementation , traduisant, par ailleurs, sa position dans l'agencement du
pouvoir politique de ces Etats.
En règle générale, hormis le décès et l'expiration du mandat à l'issue du
terme de la législature, la cessation peut survenir lors de la déchéance partisane
subie par le titulaire. Là encore, le Togo s'écarte de la Côte d'Ivoire, en
offrant la possibilité aux députés de censurer leur président, donc de le
démettre de son mandat. Pour cela, une majorité de deux tiers est exigéel .
L'imprévision ou l'omission volontaire d'une telle faculté dans les textes
ivoiriens peut résulter du statut spécial que l'on attribue au personnage susvisé.
Cette assertion n'implique pas la dépréciation de la fonction de président de
l'Assemblée dans le «pouvoir total» du Togo, pour reprendre la formule de M.
G. P. Tchivounda. Car comment expliquer alors sa présence dans le bureau
politique, instance suprême, du RPT ?
Enfin, on peut appréhender la position dominante de l'autorité
présidentielle en s'intéressant particulièrement à la désignation et au vote de
cette personnalité politique.
b) Une différence dans le choix du président mais
un statut privilégié non affecté
Contrairement à la coutume ancienne reposant sur l'unicité de
candidature, la pluralité des candidats à la présidence du parlement a été
expérimentée en 1980 en Côte d'Ivoire.
1 Article 29 de la constitution togolaise.

- 175 -
Aussi, dans le premier pays cité, à l'issue du scrutin qui opposera M. P.
Yacé à M. H. K. Bédié, ce dernier l'emporta à la surprise de plus d'un
observateur averti.
L'innovation ainsi introduite en matière de désignation de l'autorité
présidentielle au détriment de l'investiture partisane dans ces pays peut être
interprétée comme une tendance à la dépréciation du statut privilégié de cette
fonction. Or, à la lumière des données explicatives de ces réformes
démocratiques, il n'en est rien.
En Côte d'Ivoire, tout d'abord, les écrits de politologues permettent de
dire que la pluralité des candidatures a été choisie comme solution à la lutte au
sein du PDCI de deux fractions rivales, c'est-à-dire, les «anciens» ou la
«bourgeoisie des planteurs» et les «nouveaux» ou la «classe des affairistes»l.
La poussée de ces derniers depuis 1970 sur la scène politique nationale et sur
l'échiquier partisan a motivé l'ouverture démocratique de 1980.
Au Togo, ensuite, soulignons que l'élection du président de l'assemblée
est plébiscitaire. En effet, bien que furent autorisées les candidatures multiples
et libres depuis 1985, il faut dire que les députés du parti unique se concertent
toujours pour ne désigner qu'un seul candidat. Il en fut ainsi pour le candidat
sortant M. A. Apedoh (sous la 1ère législature 1979 - 1985) et, également,
pour son successeur le professeur K. M. Vovor (sous l'actuelle législature
1985 - 1990).
Ainsi, si ces réformes constituent des innovations, en revanche, elles
n'affectent nullement le statut constitutionnel du président qui, de surcroît,
demeure le délégué du parti à l'assemblée nationale, donc investi de pouvoirs
partisans.
En conclusion, dans ces pays, son statut est à l'image de la place qu'il
occupe au sein de l'instance supérieure de l'institution monopartisane au
pouvOIr.
l Les expressions sont de MM. Y. Fauré et G. F. Médart, ouvrage précité. Lire aussi leur point
de vues sur la lutte pour le pouvoir en Côte d'Ivoire.

- 176 -
Paragraphe 2 - Dans les systèmes multipartisans
Mieux que dans les Etats précédemment cités, en Haute-Volta et au
Sénégal, la désignation du président de l'Assemblée nationale prend la forme
d'une opération électorale à dimension nationale (présidentielles et législatives)
qui dépasse les seules limites du palais de l'organe de représentation nationale.
a) Mode de scrutin et fin du mandat du président
Dans ces régimes à option pluraliste, dès l'installation du bureau d'âge au
début de la législature, il est procédé à la désignation du président de
l'Assemblée. Pour y parvenir, le règlement intérieur de ladite institution
organise trois tours de scrutin qui, du reste, sont secrets. Aussi, pour être élu,
est-il exigé l'obtention d'une majorité absolue des suffrages soit au premier
tour, soit au second. Si, au terme de ces opérations, aucun candidat n'est élu, la
majorité simple au troisième tour suffit pour être investi de la fonction élective
disputée1•
Aussi, si ces dispositions réglementaires ne constituent nullement une
originalité, - notons que ces dernières sont reprises par les législations
ivoiriennes et togolaises -, on assiste, dans ces pays, à une relative application
des règles établies2• A cet égard, la dynamique du scrutin s'analyse par
l'existence d'une réelle compétition entre divers candidats appartenant aux
formations politiques représentées au parlement monocaméral.
Cependant, ce dynamisme n'a pas le mérite de cacher la finalité du
scrutin susvisé, à savoir la quête du consensus national autour de la personne
du président de l'Assemblée nationale. Sur ce point, un rapprochement avec la
Côte d'Ivoire et le Togo peut être établi, bien que la démarche suivie par ces
derniers ne soit pas celle de la Haute-Volta et du Sénégal.
La formule du scrutin majoritaire à trois tours vise à faire de l'élu non
seulement l'émanation de l'organe représentation mais, surtout, de tout le
corps électif voire du corps social.
1 Voir de l'article 10 à 15 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque; de l'article
7 à 15 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.
2 Idem.

- 177 -
Cela dit, si l'on se penche maintenant sur les modes de cessation de la
fonction susvisée, force est de constater un souci des législations nationales
visant à éviter l'instabilité du mandat de la personnalité présidentielle.
En effet, en dehors des mentions classiques (décès, expiration normale
de la législature...), la Haute-Volta se singularise du Sénégal en offrant à ses
députés la faculté de censurer leur président.
Cette possibilité a été subordonnée à un arsenal de conditions juridiques
à remplir si bien qu'il est pratiquement impossible de l'appliquer. A ce titre, le
succès de cette «motion constructive» nécessite, tout d'abord, une demande
écrite des V5 des élus et, ensuite, le vote à la majorité des V3 des membres du
parlement monocaméral 1•
Pour conclure, voyons quelle est la portée de la déchéance partisane sur
la fonction du président de l'organe de représentation.
En Haute-Volta, même exclu de son parti, le président a la possibilité de
poursuivre son mandat à condition que l'opposition le veuille bien.
En effet, la majorité ne peut démettre ce dernier que si elle requiert un
nombre de suffrage égal à 38 alors qu'elle n'a que 33 sièges à l'Assemblée (sur
un total de 57 sièges).
Au Sénégal, en revanche, le parti majoritaire a démis le président H.
Thiam, le second leader partisan après M. A. Diouf, en déposant à l'Assemblée
une proposition de loi visant à réduire le mandat présidentiel de cinq à un an.
A ce sujet, il semble que cette initiative souhaitée par le chef de l'exécutif visait
à affaiblir voire écarter cette seconde personnalité politique rivale de M. A.
Diouf.
b) Choix des candidats et élection du président de
l'Assemblée
Fidèle à la tradition parlementaire occidentale, la législation de ces pays
reconnaît l'éligibilité de jure de tout député. En théorie acceptable, cette
1Voir l'article 39 de la Constitution de la IIIè République voltaïque.

- 178 -
possibilité est en pratique mise en échec par le jeu monopolistique des partis
politiques sur l'investiture des candidats.
En fait, ne peut être élu que le candidat présenté et soutenu par une
formation politique représentée à l'Assemblée nationale.
En dehors de cette limitation inhérente au système de parti, le choix des
postulants est tributaire de l'importance de ces derniers non seulement dans le
parti mais aussi dans l'opinion nationale.
C'est pourquoi, les institutions partisanes s'accordent, en règle générale,
pour ne présenter que les personnalités politiques occupant la seconde position
dans le dispositif protocolaire de leur instance suprême.
Par exemple, le PDV-RDA soutenait en 1978 la candidature de M. G.
Kango Ouédraogo, ultérieurement nommé président du parti, à la présidence
de l'Assemblée nationale de la IIIè République voltaïque. A ce même scrutin,
l'opposition s'accordait autour de la personne de M. Joseph Ouédraogo, ancien
secrétaire général du PDV-RDA et chef de file du Front de refus du RDA.
Au Sénégal, le PS, par la candidature de M. H. Thiam, allait affronter
Me A. Wade, du PDS, lors du scrutin de 1983.
Ainsi, mettant en compétition les secondes figures politiques de ces pays,
l'enjeu de ces opérations dépassait les limites de l'Assemblée nationale pour
atteindre celles des villes et, relativement, des campagnes.
Pour finir avec le sujet, il convient de noter qu'à côté de l'entreprise de
désignation des candidats à la fonction présidentielle s'ajoute la nature disputée
de ces élections, laquelle confirme l'importance du mandat.
A ce titre, si au Sénégal l'écrasante représentation du PS au parlement
réduit le vote du candidat gouvernemental à une opération de ratification, en
Haute-Volta, en revanche, le faible écart de voix entre la majorité et
l'opposition a transformé l'élection de M. G. K. Ouédraogo en une épreuve de
«bras de fer» entre les forces politiques de ce pays. Le conflit, s'étendant de
l'assemblée au pays tout entier, a eu pour résultat immédiat la paralysie de
l'organe de représentation.

- 179 -
B - Les attributions du président de l'Assemblée nationale
Dans ce pays, à côté de l'autorité certaine sur l'organisation et le
déroulement des travaux, le président exerce un deuxième type de pouvoir,
c'est-à-dire, le maintien de la sécurité du parlement.
Paragraphe 1 - Son autorité sur l'organisation et le
déroulement des activités de
l'institution parlementaire
Cette ascendance de droit se traduit concrètement par le poids décisif du
président sur les autres organes de l'Assemblée et par son rôle déterminant
lors des séances et dans la direction des débats.
Ainsi en Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et au Sénégal, non seulement
désigné comme chef de l'Administration de l'organe législatif' le président
dirige également les réunions du bureau de la conférence des présidents. De
plus, il préside les séances plénières et assure aussi la bonne tenue des débats.
Enfin, il possède la faculté d'assister à toutes les délibérations des commissions
sans cependant pouvoir participer aux votes2•
De ces quatre pays, seule la législation du Togo affiche un mutisme total
sur les attributions énumérées3.
Bien qu'on ne trouve pas trace de ces pouvoirs dans le règlement
intérieur de son parlement, au risque de commettre des erreurs, on peut
reconnaître au président de cette institution nombre des attributions de ses
homologues des trois autres pays.
Cette tentation repose, tout d'abord, sur l'essence même de toute
institution politique dotée d'un organe de direction, collégial ou individuel,
possédant des attributions relatives à son organisation. Or, dans ce cas précis,
1 Voir les articles 4, 5, 6, 7 et 14 alinéa 6 du règlement intérieur de l'assemblée nationale
ivoirienne; les articles 18 (et 2 du règlement administratif), 36 alinéa 3 du règlement intérieur de
l'assemblée nationale voltaïque ; les articles 17 et 22 alinéa 3 de l'assemblée nationale
sénégalaise.
2 Idem.
3 Voir le contenu lapidaire des articles 2 à 7 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.

- 180 -
l'assemblée est dominée par un membre du bureau politique du RPT, M. K. M.
Vovor.
L'évocation du système monopartisan permet, ensuite, de continuer dans
ce sens, car l'absence de codification expresse de ces pouvoirs n'entache
nullement l'exercice de fait de ces derniers pour le délégué du parti à la
fonction présidentielle analysée.
Si, à ce stade de l'étude, on a constaté une particularité tenant à
l'omission de cette première catégorie de pouvoirs du président de l'Assemblée
au Togo, en revanche, tel ne sera pas le cas en ce qui concerne la seconde
catégorie, ) savoir, les attributions relatives à la sûreté intérieure et extérieure
du parlement de ces quatre pays.
Paragraphe 2 - Le président, gardien de la sûreté
intérieur et extérieure de l'assemblée
nationale
Comme dans les pays démocratiques occidentaux, le maintien de l'ordre
à l'intérieur et à l'extérieur des assemblées considérées est dévolu au président
de l'institution qui se voit conférer par le règlement intérieur des pouvoirs de
police l .
Ainsi, chargé d'assurer la sûreté intérieure et extérieure du législatif,
l'autorité susvisée a sous ses ordres un peloton militaire dirigé par un officier
supérieur de l'Armée, précisément, un commandant2•
Là, s'opère une distinction tenant à la circonscription de la zone d'action
des pouvoirs de police du président : l'hémicycle et l'enceinte de l'Assemblée
nationale.
A l'hémicycle, il s'agit, pour ce dernier, de faire observer et respecter
rigoureusement les dispositions du règlement intérieur voté par les députés.
1 Voir respectivement les articles 4,5, 6, 7 du règlement intérieur de l'assemblée nationale
ivoirienne; les articles 20 et 21 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque; les
articles 45, 46, 47 et 48 du règlement intérieur de l'assemblée national sénégalaise; les articles
36 à 42 du règlement de l'assemblée nationale togolaise.
2 Idem.

-
181 -
Pour ce faite, en premier lieu, l'organe présidentiel peut prononcer à
l'encontre du député fautif l'une des sanctions disciplinaires suivantes:
- le rappel à l'ordre,
- le rappel à l'ordre avec inscription au procès verbal,
- la censure,
- la censure avec exclusion temporaire l .
S'il s'avère impossible d'obvier à la paralysie momentanée du parlement
due à la persistance de troubles causés par un ou plusieurs élus, en second lieu,
il peut suspendre ou lever la séance.
Enfin, si ces moyens se révèlent inadéquats ou insuffisants, il a la faculté
de faire intervenir les forces de l'ordre qui sont, du reste, placées sous ses
ordres.
A l'exception des sanctions disciplinaires, les autres moyens peuvent être
utilisés à l'encontre du public lorsque les troubles proviennent de la tribune
réservée aux invités.
Ainsi énumérées et avant de poursuivre l'analyse, soulignons que dans
l'exercice de ces pouvoirs en matière de police intérieure, le président de
l'Assemblée utilise indifféremment cet éventail de moyens, selon les cas
d'espèce.
Dans un domaine autre que celui analysé, c'est-à-dire, le maintien de
l'ordre à l'extérieur de l'hémicycle, le président se voit reconnaître l'utilisation
des forces militaires qui sont sous ses ordres.
Loin de s'y arrêter, il suffit de s'en tenir à l'essentiel et pour cela,
signaler que cette fois-ci, sa compétence outrepasse l'exclusive chambre
parlementaire pour s'analyser comme une garantie contre les troubles nés dans
l'enceinte du parlement.
1 Voir les articles 68 à 75 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque; les articles
49 à 51 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise; les articles 37 à 41 du
règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise.

- 132 -
Section II - Une suprématie du président confirmée par
son statut financier
Comme pour parfaire sa domination sur les autres organes du
parlement, le président a été pourvu d'un éventail d'attribution fmancières qui
lui confèrent l'appellation d'autorité attirée dans ce domaine.
Cette suprématie résulte de sa qualité de chef des services financiers et
de principal agent de confection du budget de l'institution parlementaire. A
cela, s'ajoute sa seconde qualité, à savoir, qu'il est l'autorité principale chargée
de l'exécution des fonds alloués au fonctionnement de l'organe de
représentation nationale.
Aussi, cette étude se propose-t-elle d'approcher tour à tour les deux
qualités susvisées.
A - Chef des services financiers et autorité chargée de
l'élaboration du budget de l'assemblée nationale
L'évocation de ce rôle du président suppose que soit résolue la question
de savoir si l'autonomie financière est reconnue ou non à l'institution
parlementaire de ces pays. Car il serait quelque peu faux d'évoquer de telle
fonctions pour un président dont l'Assemblée serait entièrement soumise au
ministre des finances.
D'emblée, se dégage un premier groupe de pays proclamant l'autonomie
financière du parlement. Il s'agit de la Côte d'Ivoire, de la Haute-Volta et du
SénégaP. Le second groupe, illustré par le seul Togo, s'incruste dans la
tendance actuelle de nombreux régimes africains qui récusent ce principe2.
1 Voir utilement l'ouvrage des professeurs V. German et H. Mendel, op cït.. p. 256 à 269 ;
également l'article 40 de la cosntitution voltaïque et l'article 16 alinéa 2 du règlement intérieur de
l'assemblée nationale sénégalaise.
2 Ni la constitution ni le règlement intérieur ne font mention de l'autonomie ou non du
parlement. On est en droit de penser que ce mutisme traduit l'absence d'autonomie de
l'assemblée nationale togolaise.

- 183 -
Les raisons de cette attitude sont le grief trop souvent avancé de la
lourdeur du budget national qui se voit grever par l'insertion des dépenses
afférentes au fonctionnement du parlement.
A cet égard, nul doute que ce dernier constitue un «budgétivore», mais
la critique serait fondée, si elle n'avait pas des motivations antiparlementaires
et, surtout, si elle n'était pas un moyen pour atteindre la subordination à
l'exécutif de cet organe.
C'est dans ce sens qu'il convient de saisir la gratuité de la fonction
parlementaire et l'absence d'autonomie financière de l'Assemblée nationale
togolaise.
Le préalable ainsi résolu, l'étude s'attache successivement à la
domination du président sur les structures financières existantes et à son rôle
dans l'élaboration du document budgétaire du parlement dans le premier
groupe de pays cités.

- 184 -
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Paragraphe 1 - Le président, chef des services financiers
Dans le cadre de la gestion des fonds qui lui sont alloués, l'assemblée
nationale dispose de trois principales structures :
- un ordonnateur (le président de l'Assemblée)
- des administrateurs de crédits (les questeurs)
- un comptable public (le trésorier de l'Assemblée nationale).
C'est autour de ces trois personnalités que se greffent les services
fmanciers chargés de les aider dans leurs attributions respectives.
a) Les relations entre le président et ses deux
collaborateurs
Bien que complémentaires, les rapports de subordination qui existent
entre l'autorité présidentielles, d'une part, et ses collaborateurs, c'est-à-dire,
les questeurs et le comptable public, d'autre part, découlent de l'ensemble des
textes parlementaires en général et du règlement financier en particulier. Ces
derniers sont d'ailleurs très perceptibles dès lors que l'on examine
l'organigramme financier de l'Assemblée nationale 1.
Ce schéma place au sommet
le président qui, selon le règlement
financier, est le chef des services financiers et, de surcroît l'ordonnateur du
budget de l'organe législatif. Viennent immédiatement après cette autorité les
administrateurs de crédits, fonctions qui sont d'office attribuées aux questeurs.
Enfin, au bas de la hiérarchie, il yale trésorier qui est directement nommé
par l'organe présidentiel. Le caractère discrétionnaire de cette nomination est
cependant tempéré par l'obligation pour le postulant de réunir certaines
conditions relatives à la qualité de comptable public.
Déjà, rien qu'à considérer ces données, il ne se discute guère la
prédominance du président sur les autres membres des services financiers.
maintenant, insistons sur la question en abordant la mise en jeu de la
responsabilité de ces derniers.
1 Cet organigramme est à la page 170.

- 186 -
Sur ce point, deux hypothèses sont à prévoir selon qu'il s'agit de l'un ou
de l'autre collaborateur.
Si les malversations financières sont imputables à la gestion du·
comptable, le président qui l'a nommé jouit de la faculté de poursuites
judiciaires au nom de l'assemblée. Le trésorier devra alors répondre devant les
juridictions compétentes du grief établi contre lui dans la garde et la gestion
des fonds qu'il avait l'obligation de conserver. En revanche, si ces fautes de
gestion incombent aux administrateurs de crédits, il y a lors une double
responsabilité de ces derniers. la première est pécuniaire et doit être connue
par les tribunaux tandis que la seconde est politique et est du ressort non
seulement de l'institution parlementaire mais également du parti
d'appartenance de ces questeurs.
En conclusions, le président a non seulement le pouvoir de nomination
du comptable public - une influence hiérarchique et politique sur les questeurs
- mais il est également le «maillon» indispensable dans l'exécution de
l'opération des dépenses.
b) La place du président dans le déroulement de
l'opération de dépenses
Identique à l'imbrication des éléments constitutifs d'un système donné,
l'opération de dépenses se décompose en quatre phases interdépendantes et
complémentaires où, si l'une vient à manquer, cela provoque l'annulation des
trois autres. Il s'agit successivement de l'engagement, de la liquidation, de
l'ordonnancement et du paiement1•
Concernant l'engagement, on peut le définir sur le plan juridique comme
l'acte par lequel l'assemblée créé ou constate -à son encontre une obligation de
laquelle résultera une charge. Sur le plan comptable, ils 'agit de l'affectation
d'une partie des crédits budgétaires à la réalisation d'une dépense donnée qui
résulte de l'engagement juridique. Ce qu'il faut souligner c'est que cette phase
est entièrement du ressort du questeur (administrateur de crédits) qui a pour
1 Sur ces notions, voir M. R. Muzellec, Notions essentielles, Finances publiques, concours
adminsitratifs, catégorie A, G.P.A.G. - I.R.A., Sirey, 4ème Edition, Paris 1984 ; M.M. Paul,
«Les Finances de l'Etat, budget, comptabilité», Economica, Paris, 1984.

mission d'établir le bon d'engagement, lequel doit être visé par le président
(ordonnateur du budget).
La seconde phase ou liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la
dette que l'assemblée doit et de calculer le montant de la dépense à effectuer.
celle-ci est du ressort du comptable mais sous la surveillance du questeur
(administrateur du crédit).
A ce niveau, il faut dire que le trésorier peut accepter ou refuser de
procéder à la liquidation selon que les pièces justificatives de l'existence de
créances à l'encontre de l'assemblée sont suffisantes ou non. En cas de refus,
l'ordonnateur doit automatiquement être consulté, en cas d'acceptation, il est
procédé à l'ordonnancement.
Etant de la compétence exclusive de l'ordonnateur, l'ordonnancement
constitue un acte administratif qui donne conformément aux résultats positifs
de la liquidation, l'ordre au trésorier de payer les créances de l'institution
parlementaire.
Le comptable public ayant ainsi reçu ce titre de paiement revêtu de la
signature du président doit en principe s'incliner et procéder au paiement.
Cependant, ce dernier peut s'opposer à toute opération de dépenses
lorsqu'après vérification des pièces comptables il estime qu'il y a des
irrégularités grossières. A ce moment, il suspend le paiement et informe son
supérieur hiérarchique, l'ordonnateur - président de l'assemblée. Par
réquisition, ce dernier peut l'obliger à effectuer le paiement. S'il s'exécute, sa
responsabilité est écartée alors que dans les autres cas il est présumé
responsable de toutes éventuelles malversations financières.
En se servant de l'organigramme financier pour mettre en évidence le
rôle et la place de chacun de ses acteurs, par métaphore, on peut dire que
l'ordonnateur président est pour ce système financier, ce que le vent est pour
le feu.
Cela est d'autant plus vrai que, de par sa position dans le dispositif de
l'opération de dépense, l'ordonnateur peut paralyser non seulement

- 188 -
l'engagement (refus d'apposer son visa) mais également la liquidation et le
paiement (en refusant de procéder à l'ordonnancement).
Enfin, à ce lot d'attributions vient se joindre son rôle dynamique dans la
préparation du budget de l'Assemblée nationale.
Paragraphe 2 - Un budget dont l'avant-projet est de
source présidentielle
Dans tous ces pays, le président prépare l'avant-projet de budget du
parlement qui sera soumis, en dernier ressort, à l'approbation des élus.
A ce titre, il est aidé par un état-major de technocrates des finances
détachés des ministères et nommés auprès de lui dans les services administratifs
de l'institution monocamérale.
En particulier, l'œuvre d'établissement est assurée par le bureau du
budget et des dépenses engagées. Cette cellule administrative est une mini-
structure de l'un des quatre principaux services au parlement, à savoir, la
direction générale des services administratifs. L'essentiel à retenir de cet
organigramme est la haute autorité exercée par l'organe présidentiel sur les
membres de ces structures financières par le biais de son pouvoir de
nomination et de révocation.
Ainsi, si l'opposition, en particulier, et la totalité des députés, en général,
ont le droit d'accepter ou de rejeter la proposition budgétaire,
le
fonctionnement de l'organe parlementaire et la réalité politique permettant, en
revanche, de constater le vote final des grandes lignes voire de l'ensemble
même du texte budgétaire originel 1•
S'il ressort de ce qui vient d'être vu, la primauté présidentielle sur les
structures financières et son rôle d'artisan principal du budget, l'étude suivante
visera à montrer son rôle dans l'exécution du document budgétaire.
1 Même si l'on écarte le fait partisan. il faut signaler que les députés n'ont pratiquement pas
d'outils nécessaires pour proposer un contre-projet beaucoup plus perfectionné. Voir l'ouvrage
des professeurs V. Herman et F. Mendel, tableaux sur les moyens d'information du parlement
ivoirien et sénégalais, pages 479 à 483 ; p. 486 à 490.

- 189 -
B - Le président, acteur principal de l'exécution du budget
Partout où l'autonomie fmancière n'est pas un vain mot, où il existe de
véritables structures de gestion des fonds alloués au parlement, c'est-à-dire,
dans les trois pays cités, le président est le clef de voûte sur laquelle repose
l'exécution de l'acte budgétaire.
Contrairement à la Côte d'Ivoire et au Sénégal où le président de
l'Assemblée est irresponsable, en Haute-Volta, en revanche, la responsabilité
de l'autorité présidentielle est prescrite comme une limite à l'exercice de la
fonction d'ordonnancement que cette dernière possède.
Paragraphe 1 - L'exécution du budget de l'Assemblée
nationale
Dans une étude précédente, on a vu comment s'exécute le budget de
l'Assemblée nationale à partir de la description des quatre phases constituées
par l'engagement, la liquidation, l'ordonnancement et le paiement.
Cette fois-ci, il s'agit d'aborder succinctement la valeur réelle de
l'ordonnancement après avoir détaillé les matières que recouvre cet acte à la
fois juridique et comptable.
a) L'objet de l'ordonnancement
Selon le règlement financier, l'ordonnateur-président a le droit de
regard sur toutes les opérations de dépenses. Aussi, examine-t-illes projets de
contrat, de commande et de décision, les demandes supplémentaires de crédits
pour des opérations précises, les propositions budgétaires, etc l .
En outre, en homme de terrain, il doit vérifier l'application de toutes les
dispositions fmancières résultant des lois et règlements. De même, il veille non
seulement à apurer les dettes à l'encontre de l'institution, mais il doit
également parvenir à circonscrire l'évolution de la courbe de consommation
des crédits alloués à un seul correspondant aux limites tolérables du budget2•
1Voir sl'artic1e 6 du règlement financier de l'assemblée nationale va ltaïque.
2 Idem.

-
190 -
C'est pourquoi, comme il a été dit précédemment, l'organe présidentiel
constitue la pièce maîtresse indispensable au fonctionnement normal de
l'organisation administrative et financière de l'assemblée, en général, et de
l'exécution de son budget, en particulier.
Pour faire exécuter ce budget, il est aidé par des services financiers qui
sont sous sa responsabilité et par la collaboration étroite de deux catégories
distinctes d'agents financiers: les administrateurs de crédits (les questeurs) et
le comptable public (le trésorier de l'Assemblée).
Il est vrai que ces derniers constituent des éléments nécessaires à la
bonne marche du dispositif financier et à l'efficacité de la mission ainsi confiée
au président. Mais, leur subordination hiérarchique oulet politique à l'égard de
l'autorité présidentielle déprécie relativement leurs attributions respectives :
auxiliaires de l'ordonnateur-président, ils l'aident à l'exécution du budget de
l'assemblée nationale.
Cependant, il n'est pas suffisant que le président dispose d'un droit de
regard et de suite sur l'exécution du budget du parlement. Encore faut-il que
ces attribution se renforcent dans les faits par la force de l'ordonnancement.
b) La valeur de l'ordonnancement
A ce sujet, la question est de savoir si cet acte à la fois juridique et
comptable a une valeur absolue, autrement dit, l'ordonnancement a-t-il une
force exécutoire ?
De par sa défmition, on ne peut discuter le caractère exécutoire de cet
acte puisqu'il s'agit d'une injonction émanant d'un supérieur (l'ordonnateur)
vers son subordonné (le trésorier).
Par ailleurs, on a vu que, ce dernier pouvait refuser le paiement même
de dépenses préalablement engagées et liquidées, en informant toutefois
l'ordonnateur-président.
Mais, son refus pouvait se «transformer» en acceptation dès lors que son
supérieur hiérarchique l'y obligeait en recourant à la réquisition.

-
191 -
Par ces faits, on est tenté de dire que l'ordonnancement a non seulement
une force exécutoire mais il a également un caractère absolu.
Cependant, la particularité du secteur financier impose une VISIon
correspondante des relations entre les exécutants et les décideurs financiers.
C'est pourquoi, le règlement financier limite le champ d'action de
l'ordonnancement et, par le ricochet, son caractère exécutoire.
A ce sujet, deux cas sont à distinguer: d'une part, s'il y a insuffisance de
disponibilité et, d'autre part, s'il y a absence de service fait, l'ordonnateur ne
peut passer outre les observations du trésorier relatives à son inexécution1.
Donc, non seulement il ne peut y avoir d'ordonnancement mais il ne peut
également y avoir de réquisition.
En dehors de cela, de tous les trois pays considérés, seule la Haute-Volta
a prévu des «freins» à l'action du président-ordonnateur de son Assemblée en
matière d'exécution du budget, en prescrivant la mise en cause de sa
responsabilité.
Paragraphe 2 - La responsabilité du président de
l'Assemblée nationale
En contrepartie de son autorité sur la vie administrative et fmancière de
l'Assemblée nationale, le président peut être amené à se justifier devant les élus
de sa gestion fmancière.
A ce titre, l'initiative est à la diligence des mandants qui ont besoin
d'éclaircissement sur certains aspects irréguliers contenus dans les opérations
de dépenses du parlement. A défaut de pièces justificatives convaincantes, ces
demandeurs engagent le mécanisme de la responsabilité pour faute lourde de
gestion de l'ordonnateur-président2•
Cette procédure est cependant assortie de formalités qui la rendent
inapplicable.
1 Voir l'article 41 de la constitution voltaïque.
2Voir l'article 41 de la constitution voltaïque.

- 192 -
Sans s'y attarder, il s'agit de l'effectivité de la faute lourde de gestion
imputable à l'ordonnateur et de la réunion obligatoire d'un quota de signatures
d'élus intéressés (soit '))5 des membres de l'Assemblée).
Une fois ces formalités remplies, le vote de censure doit suivre et être
approuvé par une majorité de 3/5 des membres de l'Assemblée nationale pour
permettre la déchéance.
Pour finir, même en l'absence de précédent qui infirmerait ou
confirmerait le propos suivant, on peut douter de la pertinence du principe de
la responsabilité sus analysée. Car, il faut noter qu'il s'agit là d'un acte visant à
condamner politiquement non seulement le leader du groupe parlementaire
majoritaire mais surtout le président de l'Assemblée nationale, auréolé de son
statut partisan. Peut-être, est-ce pour ces raisons que ni la Côte d'Ivoire ni le
Sénégal n'ont prévu cette procédure.

- 193 -
CHAPITRE II - UN PRESIDENT RENFORCE PAR SON
STATUT PARTISAN
La place du président dans l'organe constitutionnel de l'Etat post-
colonial africain doit se mesurer à partir de sa fonction au sein du parti,
unique ou dominant, au pouvoir.
Cela dit, si l'on dépasse l'analyse formelle esquissée précédemment (
chapitre I) pour s'attacher à la réalité partisane, force est de constater
qu'autant dans le système monopartisan (Section I) que dans le système
multipartisan (Section II), sa prééminence est fonction de sa place dans
l'institution partisane.
Section 1 - La place du président de l'Assemblée nationale
dans un système monopartisan
A considérer véritablement les grandes lignes contenues dans le «portrait
du chef de l'Etat» du professeur G. Conac 1, il est difficile d'entrevoir, dans
l'agencement du pouvoir africain, une place, fut-elle réduite, dévolue au
président du parlement en tant que personnalité politique concurrente ou
rivale, même à une place secondaire, de ce leader historique.
Résultat de la combinaison du double facteur de la personnification et de
la personnalisation du pouvoir2, cet état de fait est accentué par le moule
intégrateur du parti unique visant à identifier la nation et son support juridique
au chef. A ce titre, on parle indistinctement de la Côte d'Ivoire de M.
Houphouet Boigny, du Togo du Général Eyadema3.
Et pourtant, si l'on s'interroge sur le dynamisme d'autres acteurs dans le
personnel politique de ces pays, tant pour la lutte d'émancipation nationale que
dans le fonctionnement interne des institutions républicaines, force est de
nuancer quelque peu les propos antérieurs.
1 M. C. Conac, «Portrait du chef de l'Etat», Revue pouvoirs n° 25, PUF. 1983, Paris, p. 121
et suivantes.
2 M. 1. F. Médart, «La spécificité des pouvoirs africains», Revue Pouvoirs nO 25, PUF 1983,
Paris, p. 131 et suivantes.
3 Idem.

- 194 -
Alors, comme le rappelle M. J. F. Médart l, si le caractère néo-
patrimonial du pouvoir africain est indiscutable, - à cet égard, l'exécutif c'est
le pouvoir tout court -, en revanche, il ressort de sa dynamique interne
l'émergence d'un leader national secondaire en la personne du président de
l'institution monocamérale.
Aussi, bien que différent d'un pays à l'autre, le but de l'étude est de
recherche ce statut à travers la double qualité de successeur éventuel et de
second leader national de la personne susvisée.
A - Le président de l'Assemblée, deuxième leader du pays
En règle générale, liée plus à une situation de fait que de droit, cette
consécration naît de la nature des liens tissés avec le chef de l'Etat, d'une part,
et de la fonction qu'il occupe au sein du parti unique au pouvoir, d'autre part.
Paragraphe 1 - Un statut politique découlant de sa
fonction partisane
Quel que soit le pays cité, le président du parlement occupe un rang très
important dans les structures supérieures de l'organisation monopartisane.
En Côte d'Ivoire, particulièrement, pour saisir l'importance du
phénomène et son évolution, il faut procéder à un découpage allant de
l'indépendance à 1980 et de cette date à nos jours.
Ainsi, avant 1980, non seulement le président du parlement, M. P. Yacé,
était membre à part entière du bureau politique, organe suprême du PDCI
mais (il) détenait aussi la fonction de secrétaire général du parti. Cette fonction
se révélait éminemment importante dans la mesure où il n'existait point de
fonction de président de l'institution.
Le statut susmentionné, consacré par la constitution qui faisait de son
postulant le successeur éventuel du chef de l'Etat2, trouvait ses racines dans le
1 M.J.P. Medard, Idem.
2 Avant la révision constitutionnelle de décembre 1980 qui a créé une vice-présidence, la
vacance était organisée par l'article 11 de la constitution ivoirienne. Voir, M. Togba
Zogbélemon, <d'article 11 de la constitution de 1960», op cit. , p. 153 à 175.

- 195
-
rôle joué par M. P. Yacé en tant que membre de la classe politique ayant
conduit le pays à la souveraineté nationale.
C'est à la lumière de ces brèves considérations que l'opinion nationale et
l'internationale s'accordait pour conférer l'attribut journalistique du <<numéro
deux» du régime politique ivoirien au président du parlement en question.
Seulement, à partir de 1980, la suppression du poste de secrétaire
général du Parti et la création correspondante d'un poste de président confié au
leader national M. F. H. Boigny sont autant d'éléments qui ont contribué à
évoquer l'idée de la «mort» de la direction politique bicéphale du pays.
Cependant, si tel était le cas, l'inoccupation voulue de la fonction de
vice-président de la République, prévue pour la succession du chef de l'Etat en
cas de vacance, souligne l'autorité de second leader de l'actuelle législature, M.
H. K. Bédié.
Au Togo, on pourrait vraisemblablement discuter le titre de seconde
personnalité politique du président de l'Assemblée nationale.
A cet égard, le premier argument utilisé pour critiquer l'analyse
générale pourrait être la non-appartenance de ces derniers à l'Armée. Ensuite,
on pourrait invoquer la suprême domination de la vie politique togolaise par le
général G. Eyadema, excluant par là l'émergence de toute personnalité
concurrente.
Il y a cependant dans cette vue des choses une part d'exagération. En
effet, la riche expérience politique 1 et le charisme de l'ancien président, M. A.
Apedoh inciteraient tout observateur à le considérer comme la personnalité
ascendante après le chef de l'Etat. Si l'on ne peut en dire autant de son
1 De son prénom chrétien Georges, M. A. Apedoh, originaire du sur (Anecho), a occupé
successivement les fonctions suivantes: Directeur de cabinet du Haut Commissaire de la
république Française à Lomé, il devient conseiller du gouvernement territorial à l'éducation, à la
jeunesse et aux sports dès 1955. En 1956, il occupe le portefeuille minsitériel des Finances
dans le premier gouvernement de Gruntzki ; Ex-administrateur de la france d'Outre-Mer, il est
détaché à la CEE en 1959, enfin membre influant de l'Union Démocratique des Popualtions
togolaises (UDPT) , il sera ministre des affaires étrangères de 1963 à 1967 après l'alliance de
son parti avec la formation politique du Nord, l'Union des Chefs et des Popualtions du Nord
du Togo (UCPNT).

- 196 -
successeur, M. Kéké 1, force est de reconnaître que le président de l'assemblée
domine l'ensemble de la classe politique togolaise, excepté le chef de l'Etat.
Paragraphe 2 - Un statut tributaire des liens du
président de l'Assemblée avec le chef
de l'Etat
a) Les manifestations de ces relations
Au lieu de s'intéresser à l'aspect affectif des relations susvisées - car une
telle entreprise se révèlent difficile à réaliser -, on pourrait s'arrêter sur les
faits révélateurs de leur parfaite entente, en ceci que le président de
l'Assemblée se substitue au Chef de l'Etat dans l'exercice de nombreuses
attributions propres à la fonction exécutive.
Ainsi, particulièrement en Côte d'Ivoire, le président du parlement est
toujours apparu comme le véritable détenteur du pouvoir exécutif dans ce
régime à direction monosépale.
Cependant, pour être exact et loin d'affirmer cette perception, il est de
bon ton de dire que M. P. Yacé a joué de tout temps ce rôle, à double facette,
de concepteur des décisions politiques prises par le PDCI sous la férule de M.
H. Boigny et de «parapluie» des éventuelles retombées négatives de ces
dernières.
En effet, comme secrétaire général du parti unique, c'est lui qui dirigea
les différentes instances partisanes chargées de l'élaboration et de l'exécution
des grandes orientations politiques nationales. De mêmes, la fidélité de longue
date au leader national lui vaut de collaborer à l'adoption de mesures
ponctuelles, du ressort au domaine de l'exécutif, qu'il assume ce faisant, en tant
que «porte-parole» de la nation.
Cela dit, si au Togo, on ne peut observer un dynamisme du président de
l'Assemblée comparable à celui de son homologue ivoirien, il serait peu juste
de conclure à l'infériorité de son statut sur l'échiquier politique national.
1 Professeur agrégé de Médecine, M. K. M. Kéké est membre du bureau politique du RPT.

- 197 -
Certes, il Y a effacement de cette personnalité derrière celle du chef de
l'Etat, M. G. Eyadema, mais cela doit s'entendre en termes de généralité, à
savoir, une identification de toute la classe politique au leader du parti unique.
Or, si l'on cherche à savoir le pourquoi du choix de M. A. Apedoh ou de
M. Kéké, on peut l'expliquer par la sympathie dont ils jouissent auprès du
président de la république.
Déjà, par ces lignes, on entrevoit les fluctuations de la côte d'importance
ou de «popularité» du président de l'Assemblée en fonction de l'état de ses
liens avec le chef de l'Etat. d'ailleurs, comme l'étude suivante le confirmera,
plus l'entente persiste, plus le président de l'institution représentative conserve
son statut de second leader du pays.
b) Les conséquences du désaccord entre les deux
hommes politiques sur le statut du
président de l'Assemblée nationale
A l'euphémique qualification juridique de «clef de voûte» des institutions
politiques, M. G. Conac ajoute celle, relevant de la Science politique, de
«maître d'œuvre ou d'architecte», à propos du chef d'Etat africain 1. Ce
dernier représente, alors, le pouvoir tout court. C'est dire que le retrait de sa
confiance à toute autorité politique qui vaudrait d'office à la déchéance
politique ou à la relégation dans l'oubli de cette dernière.
Pour éviter l'abstraction, l'illustration de cet état de choses sera donnée
par la Côte d'Ivoire et notamment, par la baisse de la «te» du président de
l'Assemblée nationale, M. p. Yacé depuis 1980. Au préalable, insistons,
succinctement sur ce qui pourrait être appelé le «désaccord» entre le chef de
l'Etat et ce dernier.
Pour ce faire, on peut souligner l'existence de dissensions profondes
entre les deux ailes principales du PDCI, celle des planteurs, dirigée par M.
Yacé et celles des affairistes, dont le chef est M. H. K. Bédié. Et c'est
l'ascendance de cette dernière qui a incité le président de la république à
trancher pour l'alternance interne.
1 M. G. Conac, «portrait d'un chef d'Etat africain", op cit. page 121.

Si cette explication est la plus probante, il ne faut sans doute pas
minimiser la seconde hypothèse. Il fallait satisfaire dans l'immédiat les
ambitions politiques de la nouvelle tendance, en favorisant son accession à la
présidence de l'assemblée nationale et, vraisemblablement réserver la vice-
présidence de la république au chef de file des planteurs.
Quelque soit le mobile réel de la détérioration des liens entre les deux
personnalités, MM. H. Boigny et P. Yacé, il faut surtout retenir la diminution
de l'auréole politique de ce dernier au profit de son successeur, le nouveau
président de l'Assemblée nationale.
Cela dit, si la brièveté de son mandat et le fait de ne pas détenir de
fonction de secrétaire général du PDCI, comme ce fut le cas de son
prédécesseur, ne permettent pas de mesurer son statut réel dans le pays, en
revanche, les mutations politiques actuelles, favorables à la nouvelle
génération, incitent à le considérer comme le futur second de M. H. Boigny,
chef de l'Etat ivoirien1•
B - Le président de l'Assemblée nationale, dauphin
du Chef de l'Etat?
Dans certains pays, la constitution fait du président de l'Assemblée
nationale l'autorité chargée de l'intérim ou d'assurer la succession du chef de
l'Etat en cas de vacance. Ces dispositions légalisent, pour la plupart, un
«delphinat» reposant essentiellement sur le statut ou les qualités individuelles
du candidat2•
Exception à cette coutume, la loi fondamentale d'autres pays investit le
bureau politique du parti unique du soin de régler la vacance ainsi constatée3.
1 Nous le pensons en nous inspirant des travaux de MM. Y. Fauré et J. F. Médant déjà
évoqués.
2 Article 17 de la constitution voltaïque. Avant la révision constitutionnelle d'avril 1983, il
s'agissait de l'article 35 alinéa 2. Voir M. Sérigue Diop, «La nouvelle constitution du Sénégal»,
op cit. p. 5 et suivantes.
3 Article 13 de la constitution togolaise.

- aoo -
b) L'hypothétique solution à la succession
apportée depuis 1980
Après les réformes décidées au 6e Congrès en 1975, le 7e Congrès du
~J,Io- ~
PDCI, en 1980, tranche avec le «déjà», en ceci qu'il modifiera les données de
la vie politique ivoirienne.
Tout d'abord, en supprimant le poste de secrétaire général et en créant
celui de président, ces assises marquent la déchéance de M. P. Yacé et la
reprise en main de l'institution partisane par son fondateur, le chef de l'Etat,
M. F. H. Boigny.
Ensuite, l'innovation la plus importante que l'on peut constater est la
suppression du delphinat jusque là assuré par le président de l'assemblée M. P.
Yacé, au profit du vice-président, fonction qui demeure vacante.
L'évocation de cette vacance volontaire du fait de M. H. Boigny permet
de s'interroger sur la question dans la mesure où elle reste toute entièrel .
Au risque de simplifier le cours futur de l'évolution politique, il n'est
pas exclu de prévoir l'hypothèse d'une modification ultérieure de la
constitution pour renouer avec l'automaticité ancienne de la succession par le
président du parlement. Au cas échéant, puisque le renouvellement du mandat
présidentiel et parlementaire coïncide avec la nomination du vice-président, il
ne serait pas étonnant de voir désigner l'actuel président de l'assemblée comme
successeur du Chef de l'Etat. Ceci est d'autant plus probable que cette
modification répondrait à la réalité socio-politique actuelle marquée par la
suprématie de la classe des «affairistes».
Ces hypothèses n'étant que futuristes 2 , mettons maintenant l'accent sur
l'absence de succession automatique au Togo.
1 Sur la succession du Président F. H. Boigny, voir Afrique-Asie n° 347 du 6 au 19 mai 1985,
p. 10 et suivantes.
2 Idem.

- 201 _.
Paragraphe 2 - L'absence de succession automatique du
chef de l'Etat par le président de
l'Assemblée nationale : le cas du Togo
En fait d'exception, il s'agit, en réalité, d'un trait commun à la plupart
des régimes de parti unique 1•
Ainsi, en cas de vacance du pouvoir, la constitution togolaise délègue à
l'instance supérieure du RPr, le bureau politique, l'exercice de la fonction
présidentielle et le pouvoir de proposer un candidat au poste vacant2 •
Certes, cette disposition exclut d'office, l'automaticité de la succession au
profit d'une autorité politique précise. Mais, elle l'interdit pas que le choix de
l'organe collégial soit porté, par exemple, sur la personne du président de
l'assemblée nationale qui, du reste, est un de ses membres.
Ceci posé, à ce niveau de l'analyse, on peut qu'entreprendre une esquisse
théorique sur les chances éventuelles de la succession du chef de l'Etat par ce
dernier.
Pour ce faire, il peut être fait mention de son statut partisan et de sa
fonction présidentielle, lesquels présentent des atouts majeurs par rapport aux
autres membres de l'instance supérieur du parti pour croire à l'éventuelle
succession présidentielle par le leader du parlement.
cependant, l'hypothèse ne concernant que l'avenir, insistons sur le
présent pour souligner l'importance, certes, de sa position politique mais pour
bien marquer l'impossibilité de droit d'une succession d'office au président.
1 Dernier régime monopartisan à confier la succession automatique du chef de l'Etat au
président de l'assemblée nationale, la Côte d'Ivoire supprime la disposition constitutionnelle
l'autorisant depuis 1981.
2 Voir l'article 13 de la constitution togolaise.

- 202 -
Section II - La place du président de l'Assemblée
nationale dans un système multipartisan
Cà parti dominant>'
Si l'on se situe dans une perspective comparative, le président du
parlement apparaît clairement comme une autorité politique beaucoup plus
importante dans un système multipartisan à parti dominant que dans un
système monopartisan.
Ces cas de figure se vérifient par la nature réelle des rapports partisans
entretenus par les deux principales personnalités politiques nationales. Ces
relations se caractérisent hiérarchiquement soit par une subordination du chef
de l'exécutif au président de l'institution monocamérale (Haute-Volta), soit par
une relative infériorité de ce dernier à l'égard du premier (Sénégal).
Tous comptes faits, cet état de choses résulte de la dynamique pluraliste
des sociétés données qui, sécrétant une «myriade» de leaders locaux très
influents, exorcisent relativement le culte d'un seul homme et, de ce fait,
équilibrent leurs influences respectives tout en engendrant des situations à bien
des égards ambiguës 1.
A - Son importance dans le parti dominant
Respectivement président du PDV - RDA et secrétaire politique national
du PS, en Haute-Volta et au Sénégal, le président du parlement exerce une
autorité estimable sur ces deux formations politiques, dominantes, étant
données les nombreuses attributions qui leurs sont conférées.
Paragraphe 1 - Son rôle
Rappeler succinctement la place du bureau politique dans le schéma
organisationnel du PDV - RDA et du PS, parti dominant voltaïques et
sénégalais, constitue une voie à partir de laquelle est saisissable l'objet de ce
propos.
1 Comme on le verra, il s'agit de la primauté politique du Président du parlement voltaïque sur
le chef de l'exécutif dans le régime semi-présidentiel de la lIé République.

- 203 -
Pour ce faire, comme dans la plupart des cas, il faut noter que
l'ensemble des formations politiques africaines a reproduit fidèlement le
modèle adopté par le parti communiste français. A cet égard, loin d'échapper à
la règle, l'organigramme des exemples choisis laisse percevoir, de bas en haut,
des cellules de base, le congrès national, le conseil et, enfin, le bureau politique
subdivisé en secrétariat et en présidence l .
C'est à la lumière de l'instance suprême ainsi évoquée qu'il faut situer le
rôle joué par le président de l'Assemblée non seulement dans le parti
majoritaire au pouvoir mais aussi dans la vie politique nationale.
Cela dit, en Haute-Volta particulièrement, un fait historique insolite,
tenant au phénomène des scissions et regroupements des partis politiques, a
bouleversé l'ordre des choses et a attribué la plus haute fonction partisane au
président de l'assemblée nationale, M. G. Kango Ouédraogo. En effet, depuis
la «phagocytose» des formation~ politiques minoritaires, le PRA et l'UNI, par
le RDA, laquelle a donné naissance au PDV - RDA, le leader précédemment
cité, naguère commissaire politique, se voit désigné président de la nouvelle
formation 2.
Ainsi, loin de porter préjudice à l'étude suivante, on saisit l'importance
de la personnalité lorsqu'on voit sa qualité de leader national l'emporter sur
celle de chef de l'exécutif3.
Si, par conséquent, autant dans le parti que sur la scène politique de ce
pays, l'élévation de la fonction présidentielle
est facilement acceptée, en
revanche, au Sénégal, une telle perspective paraît douteuse.
Au sein du parti sénégalais, le PS, bien que tous deux soient membres du
bureau politique, le chef de l'Etat et le président de l'Assemblée occupent
respectivement les fonctions de secrétaire général et de secrétaire politique
national.
1 Pour ce qui est des grandes formations voltaïques et sénégalaises, voir respectivement les
travaux précités de MM. S. Kourita et de F. Zuccarelli. Concernant le PDCI, on peut consulter
la thèse citée de M. M. S. Sy, p. 141 et suivantes.
2 Voir Thèse sprécitée de M. S. Kourita.
3 Voir M. L. Yarga, «La fin de la IIIè République Voltaïque», op cil. p. 43 à 51.

- 2O't -
Or l'ordre d'importance des fonctions partisanes établi par le statut du
parti place la première autorité avant la seconde. c'est dire, en termes clairs,
que le président de l'assemblée du Sénégal est l'adjoint politique du chef de
l'exécutif.
Par ces données, mesurons la pertinence de ces rôles en fonction des
attributions conférées à l'organe présidentiel dans le cadre du parti dominant
voltaïque et sénégalais.
Paragraphe 2 - Les attributions
Avant toute étude, il faut dire quelques mots sur le principe de
l'exécution collégiale des attributions du bureau politique. A vrai dire, hormis
la présidence, le secrétariat et la fonction de trésorier, toutes les autres
fonctions partisanes sont plus figuratives que déterminantes 1•
Cela dit, dans les limites imposées à l'objet, l'essentiel à retenir porte sur
les nombreuses attributions du président de l'Assemblée aussi bien en Haute-
Volta qu'au Sénégal.
Ainsi, dans le premier Etat, en qualité de président du parti, ses
compétences tiennent en ceci qu'il coordonne l'action intégrale du bureau
politique et du parti qui, réflexion faite, sont sous sa férule. Aussi, saisi de tous
les problèmes inhérents à la vie partisane, peut-il librement avoir recours au
concours du secrétaire général qui l'assiste et du bureau politique en séance ou
les résoudre d'office. Enfin, et c'est là l'intérêt, il fait exécuter les décisions du
parti2•
Au Sénégal, son rôle de secrétaire politique fait de lui le collaborateur
direct du secrétaire général qui n'est autre que le chef de l'exécutif. Pour
l'essentiel, ses attributions se résument à l'exécution des missions que lui
confient son supérieur hiérarchique etc. dans l'organe suprême du parti.
cela, s'ajoutent ses compétences propres qui se traduisent par le contrôle qu'il
effectue sur les commissaires politiques.
1 Par exemple, les présidents d'honneur, secrétaires aux relations avec la jeunesse... etc.).
2 Pour plus de détail sur les partis politiques voltaïques, consulter la thèse précitée de M. K.
Sandwidi.

- 205 -
A ce stade de l'analyse, est-il encore besoin de s'attarder sur
l'importance du rang occupé par le président de l'assemblée dans les partis
dominants, lequel est conforté par des attributions correspondantes ? Dans tous
les cas, l'étude à venir confirmer à posteriori cet état de choses à partir de la
nature réelle des relations entretenues par ces deux autorités politiques.
B - Les relations entre le président de l'Assemblée
et le chef de l'Etat
Les grandes traits marquant ces relations sont :
L'effacement du chef de l'exécutif derrière le président de l'Assemblée,
en Haute-Volta, et la collaboration harmonieuse de ces deux autorités, au
Sénégal.
Paragraphe 1 - Un président détenteur de fait du
pouvoir d'Etat en Haute-Volta
D'emblée, il faut souligner l'origine de cette particularité s'expliquant
par ce que l'on a appelé précédemment un «fait historique insolite».
Hasard ou accident de l'histoire, toujours est-il que par la création du
PDV - RDA, son nouveau président se place en tête de toutes les personnalités
politiques du pays. De même, si l'on sait que M. Sangoulé Lamizana, dernier
militant à adhérer à ce parti l , doit son investiture à la magistrature suprême au
soutien de la formation politique susvisée, on peut saisir à travers les limites à
l'exercice de sa fonction, la pertinence des propos tenus. A ce titre, un
observateur de la vie politique nationale parlait à propos de l'élu du peuple
d'un «prisonnier» des partis de la majorité2•
Si par le verdict populaire, le simple militant du PDV - RDA, M. S.
Lamizana, passait pour le président de la IIIè République, il serait plus exact
d'attribuer l'exercice effectif du pouvoir au chef de la Formation politique
susvisée, M. G. Kango Ouédraogo, qui n'est autre que le président de
l'Assemblée nationale.
1(1 )On pourra utilement consulter <<la fin de la IIIè République Voltaïque» de M. L. Yarga, op
cit. p. 43 à 5t.
2 Idem.

- 206 -
En outre, l'assertion retrouve sa valeur lorsqu'on s'interroge sur
l'impuissance du chef de l'exécutif à user de ses vastes prérogatives de
président du régime présidentialiste voltaïque pour résoudre la crise politique
créée par ses partisans 1•
Ensuite, si l'on accorde du crédit au pacte secret conclu par MM. G.
Kango et S. Lamizana selon lequel ce dernier une fois investi démissionnerait
au profit du premier, il n'est pas aisé de contester la suprématie du président
de l'assemblée nationale sur la vie politique sous la IIIè République, à fortiori,
l'allégeance du chef de l'Etat vis-à-vis de cette autorité constitutionnelle2•
En conclusion, on peut mentionner les limites à la suprématie du
président sur la scène politique que constitue l'existence des forces politiques
de l'opposition dirigées par des leaders qui, dans nombre de cas, sont de
véritables chefs de «fiefs électoraux» : C'est le cas de M. J. K. Zerbo dans la
volta noire, MM. Macaire Ouédraogo et Joseph Ouédraogo dans le centre, M.
Herman Yaméogo dans le centre-ouest3.
A cela, s'ajoute de façon plus dynamique l'action oppositionnelle des
syndicats qui, de l'indépendance à nos jours, ont constitué le moteur de
l'histoire politique du pays4.
Paragraphe 2 - Un président, codétenteur du pouvoir
partisan et collaborateur du chef de
l'exécutif au Sénégal
A la différence de son homologue voltaïque, le président du parlement
sénégalais se prête à la double image d'une autorité politique se limitant à
collaborer avec le chef de l'exécutif mais, également, d'un alter ego de ce
dernier dans la conduite des affaires politiques du pays.
1 On pourrait utilement consulter «la fin de la IIIè République Voltaïque de M. L. Yarga, op
cit. , p. 43 à 51
2 Idem.
3 Pour considérer ces idées, on peut utilement consulter les tableaux récapitulatifs des résultats
électoraux obtenus par chaque parti et dans chaque département in «Les partis politiques de la
Haute-Volta» thèse précitée de M. S. Kourita, p. 369 et 370.
4 Voir les thèses évoquées de MM. A. Nikiéma et S. Kourita, soutenues à Poitiers.

- 207 -
Pour rendre clair l'affirmation, en premier lieu, on pourrait tabler sur
la signification cachée de sa qualité de second personnage dans le parti
dominant, le PS.
Comme dans la plupart des pays, l'angoisse de la succession des chefs
d'Etats dits historiques»l a abouti à la prévision, dans le texte constitutionnel
et, pour le cas présent, à l'intérieur du parti, du delphinat.
Ainsi, de la période de M. Senghor à celle de son successeur, M. A.
Diouf, le secrétariat politique passe pour être le dernier tremplin indispensable
à l'accession à la magistrature suprême de l'Etat2•
Déjà, lorsque le parti dominant portait le sigle d'UPS, le secrétaire
général de l'époque, MM. Dia, était non seulement le second du pays mais était
supposé succéder au président de l'institution partisane, chef de l'Etat M. L. S.
Senghor3.
Ensuite, sans discontinuité dans la pratique, ce dernier allait être
remplacé à la tête du parti et de l'Etat par l'actuel président, M.A. Diouf. C'est
dans la même logique, que le président du parlement, M. Habib Thiam,
détenait le second rang aussi bien dans le parti que dans la vie politique
sénégalaise.
Et, s'il est vrai que sa démission'" du parti et du parlement semble
modifier quelque peu cette coutume, reste tout de même comme fait
significatif, le rôle dévolu à l'actuel président du parlement, M. Daouda Sow.
En effet, naguère troisième dirigeant, le remplaçant de M. H. Thiam
devient la seconde personnalité du PS après M. A. Diouf et, en tout état de
cause, son successeur potentielS.
1 M. Sérigne Diop, «La nouvelle constitution du Sénégal», Le citoyen n° 8 de juillet - aoüt.
2 Vérifié lors de la succession de M.L.S. senghor, on peut attester de sa véracité à une échelle
plus petite mais non moins importante: la présidence de l'assemblée. Dès l'éviction de M. A.
Thiam, Secrétaire politique du aprti et président de l'assemblée, son successeur, M. Daouda
Sow, devient le second leader politique et occupe toutes les fonctions correspondantes.
3 On peut utilement lire M. F. Zuccarelli «un parti politique Africain: l'Union Progressiste
sénégalaise (UPS)>>, déjà cité.
4 Voir «qui a tombé Habib Thiam ?» Jeune Afrique n° 1216 du 25 avril 1984.
S De président du groupe parlementaire de la majorité à l'assemblée nationale, M. Daouda Sow
devient président du parlement et second du parti socialiste sénégalais.

- 208 -
Par ce bref historique, la codétention du pouvoir partisan par le
président de l'assemblée se fait jour. Cependant, il faut souligner une légère
domination du leader historique sur son dauphin du fait de son charisme et des
pouvoirs exorbitants que lui confère la loi suprême 1•
En second lieu, l'observation de l'exercice effectif du pouvoir montre, à
côté du chef de l'exécutif, le rôle considérable de collaboration du président de
l'assemblée nationale.
A ce titre, il assume de concert avec le chef de l'Etat la responsabilité,
devant les électeurs, de l'exécution du programme politique du parti
majoritaire au pouvoir.
C'est pourquoi sa consultation quotidienne en tant que second décideur
n'est en fait que le corollaire du cumul de responsabilité évoqué.
Cela a été beaucoup plus transparent au moment où Habib Thiam était
président de l'institution alors que M. A. Diouf exerçait les fonctions de chef
de l'exécutif.
En effet, la conduite des affaires politiques par ce tendem ne se discuter
guère si l'on considérait les relations amicales depuis l'adolescence des deux
leaders, le tout vivifié par leur (commune) appartenance à la même promotion
universitaire2 •
Aux termes de ce propos, si pendant longtemps, le second dirigeant du
parti dominant, pour le cas le président de l'assemblée, a été conçu comme une
autorité politique relativement égale à celle du chef de l'exécutif au Sénégal,
l'évolution politique de ces dernières années, marquée par un renforcement
évident des pouvoirs présidentiels, tend à dévaloriser la fonction
susmentionnée3.
1 Voir M. Séigne Diop «La nouvelle constitution du sénégal» op cit. p. 5 et suivantes.
2 Pour tout ce qui cocnerne la biographie de ces hommes politiques et l'organisation de l'UPS,
de nos jours, le PS voir M. F. Zuccarelli, «Un parti politique africain: l'Union Progressiste
Sénégalaise (UPS)>>, L. G. D.J., Paris 1970.
3 Voir M. Sérigne Diop «La nouvelle constitution du Sénégal», op cit. p. 5 et suivantes.

- 20>' -
Aussi, bien que M. Daouda Sow, l'actuel président de l'institution,
semble être la seconde autorité du pays, on peut s'attendre à la minorisation de
cette fonction dans un avenir prochain.
En dépit de ces constats, le président demeure la clef de voûte de
l'institution monocamérale puisqu'il domine aussi bien les organes d'action
(bureau, conférence des présidents, services administratifs et financiers) que
les organes politiques (commissions, groupes) de cette dernière.

-
210 -
SOUS-TITRE II
LES AUXILIAIRES DU PRESIDENT DE
L'ASSEMBLEE NATIONALE
Comme le rappelle l'étude précédente, le président est l'élément
fondamental de l'institution parlementaire des Etats étudiés.
Or, selon le règlement intérieur de ces quatre assemblées nationales,
d'autres organes aux attributions formelles précises et importantes contribuent
également à la bonne marche des travaux parlementaires.
Au nombre de ceux-là, notons la conférence des présidents (CHAPI1.1t.H 1),
les commissions et le ou les groupes parlementaires (CHAPI1.1t.H II), le bureau et
le secrétariat (CIlAPI1.1t.H III), et, enfm, l'assemblée plénière (CHAPI1.1t.H IV).
Si chacun de ces organes de travail parlementaire se caractérise par un
dynamisme palpable, en revanche, leur subordination tant organique que
politique à l'autorité présidentielle ne permet pas de les considérer comme des
pièces maîtresses de l'assemblée nationale, encore moins des éléments
concurrentiels ou rivaux du président.
Ainsi, c'est en tant qu'auxiliaires de ce dernier que l'étude présente
essaiem de les aborder successivement.

- 211 -
CHAPITRE 1 - UN ORGANE COLLEGIAL AUX ATTRIBUfIONS-
RELATIVEMENT NOMBREUSES: LA CONFERENCE
DES PRESIDENTS
Si, la collégialité de la conférence des présidents traduit la variété tant de
sa composition que de la désignation de ses membres (Section 1), il faut
souligner que dans tous les quatre pays étudiés, elle bénéficie de nombreuses
attributions dont dépend la bonne marche du parlement (Section TI).
A vrai dire, commis d'office pour fixer l'ordre du jour de l'assemblée
nationale, la CP remplit cette mission sous la direction du président et suivant
l'orientation du gouvernement!.
Section 1 - Composition et désignation de la conférence des présidents
Notons, d'entrée de jeu, une différence formelle selon que l'on se situe
dans un système monopartisan ou pluripartisan.
A ce titre, en Côte d'ivoire et au Togo, l'organe collégial frappe par le
nombre réduit de ses composantes. Cela s'explique par l'absence pratique de
groupes parlementaires, dont la présence est pou.rtant mentionnée dans bien des
cas2• Et si, par le scrutin majoritaire, l'élection semble être la voie démocratique
pour la désignation des titulaires à ces fonctions, l'observation de l'immixtion
partisane dans le processus électoral éclaire la nature plutôt "cooptée" que
"libre" des postes à pourvoir.
A une échelle différente, en Haute-Volta et, surtout, au Sénégal, la
conférence des présidents présente un modèle d'institution pléthorique. Ce trait
caractéristique résulte de l'image microscopique des sensibilités politiques
nationales soutenant non seulement la composition mais aussi la désignation par
la voie du scrutin proportionnel des membres de l'organe étudié.
! Cet aspect est envisagé dans la seconde partie de la thèse.
2 En Côte d'ivoire, l'article 9 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.

- 212 -
A - Dans les Etats monopartisans
Quelque soit le pays étudié, hormis l'importance numérique de l'organe
ivoirien par rapport à celui du Togo, la similitude s'établit dès que l'on considère
la technique électorale en vigueur.
Paragraphe 1 - Composition
En Côte-d'Ivoire, outre les quatre preffileres autorités politiques du
parlement, c'est-à-dire, le président et les trois vice-présidents, l'organe collégial
réunit les présidents des trois commissions permanentes prévues par le
règlement intérieur de la dite institution ; soit au total, un chiffre de sept
membres.
Au Togo, malgré un nombre plus élevé, la composition reste
naturellement identique. Ici, la différence numérique tient au choix préférentiel
pour sept au lieu de trois commissions parlementaires. Et, tous comptes faits, on
aboutit à une conférence des présidents de dix membres.
La composition des deux organes collégiaux ainsi établie, l'interrogation
pourrait se faire sur la cause de l'omission du président du groupe parlementaire
au Togoi et de l'absence de trace de ses homologues en Côte d'ivoire2 , parmi les
membres attitrés des organes susvisés.
Dans le premier pays, il faut d'emblée souligner que le pluralisme
politique n'est ni accepté, ni toléré, encore moins reconnu par une fiction
juridique des textes nationaux3. Suivant cette logique, on n'est guère surpris du
rejet de la pluralité des groupes parlementaires à l'assemblée nationale.
Cependant, la surprise reste entière lorsqu'on porte la réflexion sur ce qui paraît
la situation normale, à savoir, la présence du groupe parlementaire du RPr et,
par voie de conséquence, de son président en tant qu'autorité politique de
l'organe collégial étudié.
1 Ni la
constitution
ni
le
règlement intérieur
ne
fait
mention
au
groupe
parle mentaire.
2 Idem.
3 En
Côte
d'Ivoire,
si
l'on
reconnait volontiers
l'existence
de
groupes
parlementaires, il faut noter que ses présidents (ou le président du groupe
parlementaire de l'unique formation politique au pouvoir) ne figurent pas sur la
liste de la conférence des présidents.

- 213 -
Pour ne pas porter préjudice à l'étude suivante 1, on pourrait, en quelques
mots, dire de cet état de choses que les tenants du régime ont par économie aboli
cet organe pour inadéquation avec la situation monopartisane nouvelle.
Dans le second pays, une fiction juridique contenue dans la constitution
maintient la pluralité de groupes politiques. Dans le même ordre d'idées, le
règlement intérieur du parlement poursuit en faisant état de la reconnaissance
des groupes parlementaires.
Ceci dit, abstraction faite de la réalité monopartisane, on est alors en droit
de s'intérroger non seulement sur l'écart existant entre les textes et les faits mais
aussi sur l'irrespect des données politiques présentes. Sur ce dernier point, il
s'agit simplement de la méconnaissance du groupe parlementaire du PDCI.
Tout comme dans la plupart des monocraties africaines à option
parlementaire dérivée du modèle français, les distorsions présentes en Côte
d'Ivoire y sont vivaces. En conclusion, on pourrait souligner que les autorités
politiques de ce pays ont tourné le dos à l'économie juridique faite par leurs
homologues togolais.
Paragr8J>he 2 - Désignation
A ce sujet, il est sage d'opérer une distinction entre un premier groupe,
constitué par les membres du bureau de l'Assemblée nationale (président et les
trois vice-présidents), d'une part et un second groupe, composé par les
présidents des commissions parlementaires, d'autre part.
Cette distinction tient au souci d'éviter des redites sur le mode de
désignation des membres de la première catégorie, déjà évoquée, qui ne sont que
la composante de l'organe directeur du parlement2•
Pour ce qui est du deuxième groupe, notons que le règlement intérieur
stipule les règles de désignation suivantes.
1 Voir page 205.
2 Pour ce faire, consulter l'analyse relative à l'élection du président de l'Assemblée
nationale.

- 214 -
En Côte d'Ivoire tout connne au Togo, les présidents des commissions
parlementaires doivent être élus au scrutin secret, majoritaire à trois tours. Dans
le cas togolais, si à l'issue de ces prescriptions, nul ne peut être désigné, le
bénéfice de l'âge intervient pour départager les candidats.
Avant de passer à l'objet suivant, notons là encore, tout comme dans la
pratique du suffrage politique de ces régimes monopartisans, la main-mise du
parti unique sur ces opérations.
Cest dire que les conditions concrètes de désignation à ces fonctions sont
subordonnées à l'acceptation préalable de la candidature du postulant par le
parti.
B - Dans les Etats muhipartisans
Contrairement aux Etats à parti unique étudiés en Haute-Volta et au
Sénégal, la conférence des présidents est plus étoffée ; la représentation
proportionnelle utilisée pour la désignation de ses membres fait de l'organe
collégial l'image réduite des opinions politiques représentées au parlement
Paragraphe 1 - Composition
Tout comme dans le premier groupe de pays considérés, dans ces cadres
étatiques, l'organe collégial est composé d'abord du président et des vice-
présidents de l'Assemblée nationale.
Déjà, à ce niveau, s'inscrit une différence de taille à souligner non
seulement entre ces deux types de modèles politiques mais également à
l'intérieur même des régimes multipartisans choisis.
En effet, alors qu'en Côte d'Ivoire et au Togo, la composition de l'organe
directeur du parlement comporte trois vice-présidents, elle est de neuf titulaires
au Sénégal et de quatre en Haute-Voltai.
1 Il faut souligner que ces neuf postes sont tous pourvus par les personnalités
influentes du parti majoritaire, le PS : MM. Assane Seck (professeur) ; Mamba
Guirassy (professeur) ; G. Badara MBengue (chef de bureau) : Falliou Kane
(conseiller des affaires étrangères) ; Madia Diop (comptable) ; Abdoul Aziz Ndao
(secrétaire d'administration) ; Mamoun Ousmane Ba (administrateur CÏvil) ; André
Guil1abert (avocat) ; Mme Fatou mata Ka (institutrice),

- 215 -
Ensuite, si l'on s'attache sur l'appartenance de droit des présidents de
commissions permanentes, là aussi, quelques remarques symboliques peuvent
être faites.
A cet effet, au lieu de suivre l'expérience d'un des modèles de références
habituelles, à savoir la France, dans la limitation du nombre de commissions
parlementaires sous la Vè République, le Sénégal fait cavalier en élevant ce
chiffre à douze 1•
A l'opposé des trois autres pays, figurent non pas trois présidents mais
douze sur la liste des membres de l'organe collégial.
Enfin, dans une démarche comparative, on voit que l'innovation tient
essentiellement à l'incorporation des présidents des groupes parlementaires dans
la conférence des présidents des régimes voltaïque et sénégalais.
Par fidélité à leur option pluraliste, ces pays, tout en reconnaissant le droit
d'exister à l'opposition au sein du Parlement2, octroient un siège à tout président
de groupe parlementaire légalement constitué dans l'organe collégial.
Ainsi, alors qu'en Haute-Volta trois personnalités se voyaient conférer
cette qualité, parce qu'existaient à l'époque trois formations politiques à
l'assemblée de la Ille République3, au Sénégal, il n'y a que deux groupes
parlementaires, le PS et le PDS, et un non-inscrit, le PLP de Me Babacar
Niane4.
En définitive, si l'on fait le décompte de cet ensemble, on a une
conférence des présidents faite de vingt quatre personnalités, au Sénégal, et de
dix, en Haute-Volta.
1 Chapitre sept du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.
2 Paradoxalement, en Haute-Volta et au Sénégal aucun statut n'est conféré à
l'opposition.
Pour
le
cas
du
Sénégal,
consulter
la
revue
d'information
et
d'éducation civique, le Citoyen n· 8, déjà cité, page; voir aussi "Le statut des partis
politiques et groupes politiques" in "Les parlements dans le Monde", op. cil., p. 41 S
à 423.
3 Il s'agit des Leaders des partis suivants: l'UNDD, le FPV et rUDV -RDA.
4 Suite au refus de siéger de l'élu du RND, M.C. Anta Diop, son suppléant entra en
dissidence et créa le PLP qu'il représente à l'assemblée nationale.

- 216 -
Cela dit, insistons maintenant sur leur mode de désignation dans ces
régimes de libertés publiques.
Paragaphe 2 - Désignation
Dans ces régimes pluralistes, deux modes de scrutin sont utilisés pour la
désignation des membres de la conférence des présidents : il s'agit du scrutin
majoritaire et de la représentation proportionnelle.
Comme il a été vu dans les régimes monopartisans, le premier mode de
scrutin susvisé est employé, en Haute-Volta et au Sénégal, pour choisir les
membres de l'organe directeur du Parlement.
Or, si l'on sait que le président et les vice-présidents de l'institution
monocamérale sont d'office inclus dans la liste de l'organe collégial, l'intérêt de
l'étude détaillée de la technique électorale ne fait nul doute.
A cet effet, quelque soit le pays visé, le président de l'Assemblée nationale
est élu au scrutin secret à la tribune. Le règlement intérieur stipule deux
premiers tours à la majorité absolue des suffrages exprimés et enfm, à défaut, un
troisième tour nécessitant seulement une majorité relative 1•
Pour ce qui est de l'élection des vice-présidents, il faut souligner
l'utilisation de la technique de la liste, sans panachage, ni vote préférentiel, ni
liste incomplète. A ce niveau, s'il est fait mention de la formalité obligatoire des
trois tours, le règlement intérieur prévoit un scrutin uninominal à un tour pour
départager les candidats dans l'hypothèse d'une égalité de voix à l'issue du
dernier tour.
Le second mode de scrutin cité, la représentation proportionnelle sert à
désigner les membres du bureau des commissions parlementaires, dont le
président, qui est d'office membre de l'organe collégial étudié.
Quelque soit le pays, ce qui paraît être leur point commun, c'est
l'inexistence effective de l'opposition au sein de l'organe collégial étudié. Pour
nuancer cet état de choses, on pourrait souligner une relative prise en compte
des forces d'opposition par l'entremise des groupes parlementaires au sein de la
1 Voir l'analyse sur la désignation du président de l'Assemblée nationale.

-
217 -
conférence des présidents en Haute-Volta et au Sénégal. Tandis que dans le
premier pays on a deux groupes, celui de l'UNDD et celui du FPV, dans le
second pays, on a qu'un seul groupe constitué par le parti de Me A. Wade, le
PDS.
Cela dit, scrutons les attributions et l'organisation des travaux de l'organe
collégial susvisé.
Section TI - Les attributions et l'organisation des travaux de la
conférence des présidents
Dans la double perspective présente, l'objet envisagé revèlera,
premièrement, l'une des principales attributions de la conférence des présidents,
à savoir la fIXation de l'ordre du jourl et, deuxièmement, l'organisation de ses
travaux à travers la réunion de ses membres et les délibérations tenues en séance
restreinte.
Globalement, si le processus d'affaiblissement des parlements a eu pour
effet de restreindre le rôle dynamique de l'organe collégial en cette matière, il
serait cependant notable de souligner l'importance de celui-ci dans l'allégement
du travail parlementaire.
A - Les attributions
les textes nationaux n'ont pas trahi l'historique de la CP, puisqu'ils lui
reconnaissent la mission essentielle d'établir l'ordre du jour de l'assemblée
nationale.
Cependant, la réalité que recouvre cette attribution mérite une attention
particulière dans la mesure où l'organe collégial ne semble pas souveraine en
cette matière.
Paragraphe 1 - Leur étendue
Pour commencer, il convient de savoir que l'ordre du jour est divisé en
trois parties d'inégale importance. Par ordre décroissant, on a les matières à
1 Nous ne faisons qu'effleurer la question. Pour plus de détaiL se reporter à la 2e
partie de la thèse.

- 218 -
discussion fIXées prioritairement par le Gouvernement, le complément à ces
dernières, recense et propose par la CP et, enfm, les questions orales et écrites 1•
Suite à ce préalable, notons que la CP doit d'abord examiner l'ordre
d'avancement des travaux de l'assemblé nationale et, ensuite, faire des
propositions concernant le règlement de l'ordre du jour en complément aux
matières imposées en Priorité par le pouvoir exécutif2.
Une fois achevée cette phase préliminaire, la proposition d'ordre du jour
établi par la CP doit être sanctionné en séance plénière par les parlementaires.
A ce niveau, le rôle de l'organe collégial susvisé est double. D'une part, en
séance plénière, s'il y a lieu à des explications de vote, ne peuvent intervenir que
les présidents des commissions parlementaires3 ; d'autre part, la CP peut décider
d'organiser la discussion avant le vote des députés. Aussi, se réunit-elle pour
répartir le temps de parole à accorder aux intervenants et à fIXer l'heure limite du
vote"i.
En défmitive, à partir de ces lignes, on peut s'accorder sur l'idée selon
laquelle l'organe collégial est omniprésent à chaque étape de la fixation de
l'ordre du jour. Cependant, certaines limites tendent à le circonscrire dans un
rôle beaucoup plus complémentaire qu'actif.
Paragraphe 2 - Les limites
Elles sont de deux ordres : d'me part, il s'agit de celles fIXées par la
constitution et le règlement intérieur et, d'autre part, celles imposées par le parti
politique au pouvoir (unique ou dominant).
Dans ces quatre pays, comme le stipule la législation nationale, le sacro-
saint principe veut que l'ordre du jour retienne, d'abord et dans l'ordre, la
1 Article 82 de la constitution voltaïque; article 40 de la constitution togolaise;
article 73 de la constitution sénégalaise; en Côte d'Ivoire, il n'est pas fait mention à
cette priorité.
2 Idem.
3 A l'exception du Togo, on peut consulter les articles cités relatifs à l'inscription à
l'ordre du jour.
"i Idem.

- 219 -
discussion des projets du gouvernement et ensuite, les propositions de lois
expressément acceptées après étude en conseil des ministres 1•
A ce sujet, seule la Haute-Volta semble avoir adouci cette limitation en
conférant à l'institution Parlementaire un "droit d'auto-saisine, pour reprendre
l'expression de Mme C. .Desouches2•
L'innovation découle du jeu combiné des dispositions constitutionnelles
de 1977. Selon l'article 83, si après un délai de trois mois, une proposition de loi
soumise au gouvernement n'est pas retournées à l'assemblée nationale, cette
dernière est autorisée à délibérer de plein droit sur le texte susvisé3.
Si l'assemblée nationale adopte cette proposition de loi, l'article 21 lui
permet de faire échec à un éventuel refus de promtÙgation présidentiel4• Le texte
ainsi adopté contient lui-même sa force exécutoire malgré les réticences
gouvernementales.
En dehors de ces limites légales, il en est d'autres, beaucoup moins
évidentes qui ont trait à la volonté du parti, unique ou dominant, de faire traduire
par l'assemblée nationale son programme politique en nonnes juridiques.
Ces contingences, extra-légales dans ce cas, se perçoivent à travers la
sureprésentation du parti unique au sein de la CP.
Ainsi, alors qu'en Côte d'Ivoire et au Togo, toutes les fonctions
parlementaires sont exercées par les délégués du FOCI ou du RPr, en Haute-
Volta et au Sénégal, il est établi que seules les fonctions d'importance
secondaire sont attribuées aux membres de l'oppositionS.
1 L'article 61 de la constitution voltaïque fait mention expresse à cette obligation.
2 Mme C. Desouches, "Les parlements" in "Les institutions constitutionnelles des
Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache", op. cit., page 117.
3 Article 83 : "Toute proposition de loi soumise au gouvernement, si elle n'est pas
retournée à l'assemblée nationale dans un délai de trois mois, est délibérée de plein
droit
à
l'expiration
de
ce
délai
par
l'assemblée
nationale.
Dans
ce
cas,
le
gouvernement ne peut se prévaloir des dispositions des articles 82, 86 et 87 ; article
21 relatif à la promulgation présidentielle.
4 Idem.
5 Comme il a été vu précédemment, l'opposition ayant deserté l'assemblée
nationale en Haute-Volta,
la
majorité
a occupé les fonctions
importantes du
parlement et a laissé le "reste" à cette dernière; au Sénégal, la
forte présence du
PS, 111 sièges sur 120, atteste cette assertion.

- 220 -
A partir de ce tableau succinctement brossé, la restriction de fond portant
sur les attributions de la CP, en matière de fixation de l'ordre du jour, est
évidente du fait de la nature des systèmes politiques choisis. Aussi, est-il
évidente du fait de la nature des systèmes politiques choisis. Aussi, est-il
d'intérêt, de faire des observations sur l'organisation de leurs travaux.
B - L'organisation des travaux
Comme toute structure politique ou non, la CP est dotée d'un cadre
d'organisation adéquat à la réussite de la mission qui lui est confiée.
Dans cette optique, le règlement intérieur de l'Assemblée nationale des
pays considérés fait état de nombreuses données relatives aux modalités de
délibérations de l'organe collégial d'une part ainsi qu'à la structure formelle au
sein de laquelle sont prises les décisions, d'autre part.
Paragraphe 1 - Réunion de la oonférence des présidents
On pourrait partir de cette vérité selon laquelle le parlement ne peut se
réunir et délibérer que lorsque les matières à discussion ont été préalablement
défmies par la CP.
Au-delà de l'importance de l'organe, quant au fonctionnement harmonieux
de l'institution monocamérale, se pose, concrètement, la question de
l'aménagement de la réunion.
Avant de s'attaquer à l'essentiel, soulignons les formalités obligatoires à
remplir pour l'accomplissement de ce droit. A ce sujet, il y a un accord de fond
entre toutes les législations selon lequel le gouvernement doit être avisé du jour
et de l'heure de la conférence par le président de l'assemblée nationale l .
cela dit, dans tous les pays considérés, c'est autour du président du
parlement que se réunissent les autres membres de la conférence. Aussi, n'est-il
1 Pour la fixation de l'ordre du jour, voir l'article 26 du règlement intérieur de
l'assemblée nationale ivoirienne ; les articles 52 à 55 du règlement intérieur de
l'assemblée national voltaïque; l'article 53 du règlement intérieur de l'assemblée
nationale sénégalaise ; l'article 6 du règlement intérieur de l'assemblée nationale
togolaise.

- 221 -
pas SUperflu d'affrrmer son ascendance sur ses homologues par l'autorité qu'il
tire de son statut constitutionnelle et partisan'.
Cest pourquoi le règlement intérieur lui octroi lUl pouvoir discrétionnaire
en matière de fIXation du jour et de l'heure de rélUlion.
Pour conclure, il faut noter qu'il est proscrit à l'encontre de l'organe
collégial cité, de se rélUlir en dehors de l'enceinte du parlement. Pour ce faire,
quelque soit le pays choisi, lUle salle spécialement aménagée lui est réservée.
Paragraphe 2 - Les délibérations
RélUlie à huis clos pour élaborer la proposition d'ordre du jour à soumettre
à l'approbation souveraine du parlement, la CP sanctionne ses travaux par lUl
vote majoritaire de ses membres.
Cette sanction diffère en degré et non en nature, selon que l'on vise
l'aspect pluraliste ou non des régimes politiques considérés.
Ainsi, en haute-Volta et au Sénégal, malgré la fore représentation de la
majorité partisane au sein de l'organe collégial, la présence symbolique de
l'opposition permet au moins d'accorder un peu de crédit à l'objet du scrutin.
Mais, en Côte d'Ivoire et au Togo, en revanche, l'absence de forces
oppositionnelles et la quête de l'unanimité lors de toute opération électorale
ôtent toute valeur positive au vote de la CP.
Dans cet ordre d'idées, l'essentiel à dire, à propos des délibérations de la
CP, réside dans sa timidité face à l'emprise croissante du pouvoir exécutif sur la
totalité de l'ordre du jour.
Après ce bref examen des délibérations de CP, on verra par l'analyse
suivante le rôle relativement important des commissions parlementaires par
rapport au(x) groupe(s) parlementaires(s) dm1s les Etats considérés.
, Voir le statut du président de l'assemblée nationale dans les Etats considérés.

- 222 -
CHAPITRE II - LE OU LES GROUPES Er LES COMMISSIONS...
PARLEMENTAIRES
Après la conférence des présidents t les deux organes politiques
mentionnés par les règlements intérieurs sont le(s) groupe(s) et les commissions
parlementaires.
Si, l'existence du premier organe cité est controversé dans les régimes
monopartisans ivoirien et togolais ou si son activité est peu importante dans les
régimes multipartisans voltaïque et sénégalais (Section 1), en revanche, le
second organe exerce, quant à lui, un rôle technique éminent dans le travail
parlementaire (Section fi).
Section 1 - Us) &ToupeCs) parlementaires
Aujourd~ui clos, le débat autour de la défmition de la notion de groupe
parlementaire a été enrichissant. Mettant l'accent sur les éléments de sa
constitution (par exemple, la liste des membres, leur signature et adhésion à la
déclaration commune)t donc sur la dimension procédurale, M.M. Prélot et plus
tard, le professeur Waline aboutissent à la conclusion suivant laquelle le groupe
est l'organe politique de l'assemblée nationale rassemblant les élus ayant signé
une déclaration politique commune. Sur la critique de cette défmition, le
professeur Duprat1 souligne que seule elle paraît insuffisante et ne correspond
pas également à l'évolution actuelle du droit parlementaire.
Ce qui est intéressant à observer c'est le fait que ces débats n'ont pas laissé
indifférents les artisans de l'organisation politique des assemblées considérées.
En effet, à l'exception du Togo, tous les trois autres pays semblent s'être
inspirés pour défmir et reconnaître, ne serait-ce que formellement, l'existence de
groupe parlementaire au pluriel.
Ainsi t selon la constitution ivoirienne, voltaïque et sénégalaise2, les partis
et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment
1 M.j.P. Dupart, Cours de Droit Constitutionnel spécial, Maîtrise de Droit, Université
de Poitiers, 19984-1985.
2 Article 7 de la constitution et article 27 du règlement intérieur de l'assemblée
nationale en Haute-Volta ; article 3 de la constitution et articles
18 et 19 du
règlement intérieur de l'assemblée nationale au Sénégal.

- 223 -
et exercent leur activité librement sous la condition de respecter les principes de
la souveraineté nationale de la démocratie et les lois de la République.
Si, ils obtiennent des sièges à l'assemblée nationale, ces forces politiques
peuvent y être présentes sous forme de groupes politiques constitués par des
parlementaires partageant les mêmes options politiques.
Cest dire que les députés peuvent s'organiser en groupes parlementaires
selon leurs affmités à condition que ces regroupements ne visent la défense
d'intérêts particuliers ou ne présentent un caractère racial, ethnique.
Pour fmir, alors que dans ces deux derniers régimes multipartisans le droit
s'accorde avec le fait, c'est-à-dire que, conformément aux textes, l'assemblée
nationale renferme une pluralité de groupes, en Côte d'Ivoire, en revanche, le
pluralisme politique est formel. Et, en fait de groupe, il n'y a que celui constitué
par le collège unique du PDCI. Sur ce point, la ressemblance avec le Togo est
parfaite.
En dehors de cette double distinction de nature, l'essentiel à noter demeure
l'identité de rôle joué par l'organe de travail susmentionné dans les Etats
considérés.
A - Les groupes parlementaires dans les systèmes multjpartisans
de Haute-Volta et du Sénégal
A ce sujet, il s'agit d'aborder, d'une part, la composition et le nombre des
groupes parlementaires et, d'autre part, leur rôle au sein de l'institution
monocamérale de Haute-Volta et du Sénégal.
Paragraphe 1 - Composition et nombre
Au début de chaque législature, après l'élection du bureau de l'assemblée
nationale, il est procédé à la constitution des groupes parlementaires.
En Haute-Volta et au Sénégal, le règlement intérieur éclaire sur les règles
applicables à cette opération. Pour l'essentiel, ils sont formés après la remise au
président du parlement des listes où figurent les qualités suffisantes afférentes à
leurs membres (nom, prénom...) et à leur organisation (président, vice-

- 224 -
président.. etc). Cette liste doit, en outre, être accompagnée de la déclaration,
rendue publique, signée par les intéressés, qui tient lieu de programme politique
d'actionl .
Suite à cela aucun groupe n'est administrativement constitué s'il ne remplit
les conditions de nombre requises par le texte constitutionnel et repris, en outre,
par le règlement intérieur.
En Haute-Volta, l'auto-limitation constitutionnelle des partis politiques à
trois reconnaît à chacune des formations la possibilité de créer un groupe
parlementaire si elle réunit, au moins, sept membres2 • Moins élevée que sous la
ne République qui exigeait dix membres, cette codification a, certes, l'avantage
de favoriser les apparentements, mais à l'inconvénient d'amplifier le poids du
parti majoritaire au pouvoir.
Si l'on retient son score électoral initial, soit vingt neuf députés, auquel
s'ajoute les quatre derniers associés, on saisit aisément cet état de choses.
Au Sénégal, le règlement intérieur est beaucoup plus catégorique et
semble ne pas suivre l'ouverture démocratique entreprise par le Président A.
Diouf. Sur ce point, en réponse à l'option pluripartiste évoquée, on était en droit
d'attendre une diminution du nombre exigé (quinze) pour la constitution d'un
groupe parlementaire. Ce changement serait d'autant plus louable que sous le
régime précédent, seul le PS, parti majoritaire, pouvait véritablement former
des groupes parlementaires.
Cela dit, s'il est vrai que par ces exigences, quelque peu severes,
l'institution monocamérale se révèle peu pourvue en groupes parlementaires3, il
faut noter que cela n'altère nullement l'importance du rôle joué par les organes
de travail "administrativement" reconnus.
1 Article 27 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque article 20 et
21 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.
2 Article 27 al. 2 du règlement de l'assemblée nationale voltaïque.
3 Selon l'article 18 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, un groupe ne
peut être reconnu comme administrativement constitué que s'il réunit au moins,
un dixième des membres, composant l'Assemblée nationale: soit 12 personnes. Or.
le PDS n'a que huit députés.

- 225 -
Paragraphe 2 - Leur rôle au sein du parlement
Aborder le rôle du groupe parlementaire, à l'assemblée nationale, revient à
s'intéresser, dans une perspective limitée, à la fonction essentielle que lui confie
son parti d'origine pour exécuter ses options politiques.
Dans cet ordre d'idées, quelque soit la formation politique choisie,
majoritaire ou minoritaire, la diversité des rôles de son groupe parlementaire est
patente.
En premier lieu, formellement, ce rôle s'analyse en termes de respect de la
discipline partisane, des principes directeurs acceptés par l'ensemble des
membres du parti. Ainsi, peut-on dire que c'est au sein du groupe parlementaire
que se discutent et se résolvent les différends, les oppositions afm de trouver une
ligne de conduite commune à adopter au parlement1•
L'évocation de cette attitude conduit à toucher du doigt, en second lieu, le
rôle de fond du groupe. En effet, l'exigence de la cohésion vise à amener les
députés à s'attacher aux options défendues par le parti. Sur ce point, si l'on
interprète les propos de M.G. Kango Ouédraogo2 , le succès du principe
"unitaire" était si parfait que l'on assistait à un débat de "sords" entre fractions
politiques sous la Ille République.
Hormis ces fonctions principales, notons pour conclure, son rôle dans la
désignation des membres des commissions permanentes.
B - La question de l'existence du groupe parlementaire dans
les régimes monopartisans (Côte-d'Ivoire et Togo)
Résoudre
la question
de
la présence
effective
de
groupe(s)
parlementaire(s) dans les deux régimes considérés, relève à quelques égards,
d'une gageure.
1 Cette assertion a été confirmée par M.G. Kango Ouédraogo.
2 Il est question de notre entretien à propos du parlement en Haute-Volta.

- 226 -
D'abord, d'un point de vue strictement formel, on écarte d'emblée son
existence au Togol. En Côte d'Ivoire, par ailleurs, en parfaite rupture avec le
système monopartisan, non seulement la constitution prône le multipartisme
mais le règlement intérieur consacre également cette pluralité en autorisant la
réunion des députés en plusieurs groupes à l'assemblée nationale2•
Ensuite, si on retient le point de vue pratique, on est amené à douter de la
pertinence du contenu des textes de la Côte d'Ivoire et, partant, à reconnaître
l'existence d'un seul groupe parlementaire au sein de l'institution monocamérale
de ces deux pays.
Ainsi, afm de parvenir à l'objet de l'étude, à savoir, faire le point sur le
rôle de relais du parti unique que joue le groupe parlementaire, opter-t-on pour
le point de vue pratique.
Paragraphe 1- Une logique monopartisan : la récusation de la
pluralité et la consécration d'un seul groupe
parlementaire
L'un des aspects fondamentaux des systèmes politiques africains, en
général, ivoirien et togolais, en particulier, c'est le rejet catégorique de la
pluralité des opinions, parce qu'elle est étrangère à la société unanimitaire du
continent3 . Cette récusation se projette sur l'ensemble des organes
constitutionnels.
Ceci dit, on peut estimer que le mutisme de la législation togolaise sur la
question n'équivaut nullement à la suppression, ni de droit ni de fait, de l'organe
parlementaire étudié. La même conclusion pourrait être faite pour ce qui est de
la conférence des élus du POCI en Côte d'Ivoire.
1 Ni la constitution ni le règlement intérieur ne fait mention à l'existence de
grou pe parle mentaire au Togo.
2 Voir article 7 de la constitution et l'article 9 du
règlement intérieur de
l'asse mblée nationale en Côte d'Ivoire.
3 La spécificité des pouvoirs africains a été analysée par MM. J.F. Médart, P.F.
Gonidec et P.M. Roy dans les ouvrages cités précédemment.

- 227 -
Parauaphe 2 - Rôle du groupe an parlemeot : le relais du parti
institutionnalisé
Constituant un relais de la formation politique au pouvoir, le groupe à
l'assemblée nationale a pour fonction d'harmoniser les vues sur les questions à
discuter avant l'examen en commission parlementaire. En outre, il est le cadre
approprié où se résolvent les différends entre l'assemblée et le gouvernement. Ce
dernier point est d'autant plus important que l'initiative des lois des
parlementaires est beaucoup plus théorique que ne laissent percevoir les textes.
Hormis cette remarque, notons que le climat de relative liberté qui entoure
cet organe favorise la réalisation des fonctions évoquées.
L'analyse relative au groupe parlementaire aInSI achevée, portons
l'attention sur les commissions permanentes!.
Section II - Les commissions parlementaires permanentes
L'organisation en commission des parlements considérés est intégralement
calquée sur le modèle français.
Globalement s'opèrent à ce niveau deux distinctions dont la seconde
exclut du propos présent sera abordée lors de l'étude relative aux moyens de
contrôle des assemblées sur le gouvemement2•
ceci dit, on distingue, d'une part, les commISSIons permanentes à
compétence générale et les commissions spéciales à compétence limitée. D'autre
part, il y a les commissions d'enquête et de contrôle.
1 Pour concrétiser ces idées, consulter les données quantitatives sur la législation
faites dans "Les parlements dans le Monde", op. cit. page 570 à 573 ; Egalement voir
thèse de M.P.Y. La porte, op. cit. page 53 et suivante.
Pour finir,
notons que le
président de l'assemblée nationale voltaïque nous
expliquait l'absence de propositions de loi (surtout de l'opposition) par le désir de
son parti de faire adopter prioritairement les propositions de loi de son parti, voir
également M.a.F. Natchaba, op. cil.. page 4 et suivantes.
2 Se reporter à la seconde partie de l'étude entreprise.

-
228 -
Si les commissions permanentes sont précisées et reconnues par la loi
fondamentale des quatre pays l, c'est le règlement intérieur de leur institution
parlementaire qui intervient pour aménager leurs travaux.
Aussi, insisterons-nous, tout d'abord, sur la composition et la désignation
et, ensuite, sur les attributions de ces instances dans les régimes multipartisans
(Haute-Volta et Sénégal) et dans les régimes monopartisans (Côte d'Ivoire et
Togo).
A - Dans les s,ystèmes multjpartisans
En Haute-Volta et au Sénégal, l'utilisation du scrutin proportionnel pour la
désignation
des membres des commissions permanentes exprime, certes, la
volonté des politiques de faire de l'instance un creuset pluripartisan, mais
surtout, de lui conférer un rôle technique et politique très limité. Cela résulte
aussi bien de l'affaiblissement du pouvoir des assemblées face à l'exécutif que de
la timidité des élus nationaux.
Paragraphe 1- Leur composition et leur désignation
Au début de chaque législature, le parlement procède à la constitution de
trois commissions, en Haute-Volta, et de onze, au Sénégal.
Dans le premier pays, ce sont la commission des affaires générales et
institutionnelles, la commission des affaires fmancières et économiques et la
commission des affaires sociales et culturelles2• Dans le second pays, il s'agit
des commissions du Plan, de l'Industrie, et de la Coopération ; des Finances et
des Mfaires Economiques; des Travaux Publics; des Transports, des Mines et
du Tourisme; du Développement Rural; de la Législation, de la Justice, de
l'Administration Générale et du Règlement Intérieur; des Mfaires Etrangères ;
de la Défense ; du Travail, de la Fonction Publique et de l'Emploi ; de
l'Education et de la Culture; de l'Information, des Télécommunications, de la
Jeunesse et des Sports ; de la Santé et des Mfaires Sociales3.
1 Article 40 de la constitution ivoirienne ; article 71 de la constitution voltaïque
article 22 de la constitution togolaise; article 51 de la constitution sénégalaise.
2 Article 35 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque.
3 Article 20 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.

- 229 -
Après l'énumération des commissions permanentes, les textes nationaux
font état de l'observation obligatoire des règles pour leur constitution.
Ainsi, alors qu'en Haute-Volta, chaque commission ne doit pas excéder
dix neuf personnes, au Sénégal, le nombre est porté à vingt cinq1•
En outre, si la liberté d'inscription à n'importe quelle commission est
laissée à tout député, celui-ci ne peut, cependant, figurer dans plus d'une, en
Haute-Volta, et dans plus de trois, au SénégaJ2.
En dehors de ces aspects purement
réglementaires, notons que la
répartition en commission est réalisée au moyen de la proportionnelle. A ce
niveau, deux types d'opérations électorales sont à distinguer. D'une part, sur la
base de la liste des candidats proposés par chaque part, l'assemblée nationale
doit pourvoir aux postes vacants; d'autre part, après ce scrutin, il est procédé au
sein de chacune des commissions à l'élection d'un bureau constitué du président,
du ou des vice-président et d'un secrétariat3.
Paragraphe 2 - De leurs attributions
Saisies de tous projets ou propositions de loi s'inscrivant dans le domaine
de leur compétence par le président de l'assemblée nationale, les commissions
doivent produire un rapport relatif à leurs délibérations.
Sur ce point, en Haute-Volta tout comme au Sénégal, si la consultation
d'autres commissions est permis, il faut cependant noter l'observation de la règle
selon
laquelle le rapport
sur le fond n'est
l'oeuvre que de la commission
saisie4 • Comme préalable à l'étude de leur double rôle, soulignons les règles
liées à l'organisation de leurs travaux.
Bien que maitresses de leurs travaux, ces dernières ne sont autorisées à se
réunir qu'en dehors des séances parlementaires et pendant la durée des sessionsS.
A cela, s'ajoute l'obligation de satisfaire à un quorum pour valider les décisions
1Idem.
2 Idem.
3 Voir en Haute- Volta les articles 35 à 55 du règlement intérieur; au Sénégal, voir
les articles 23 à 33 du règlement intérieur.
4 Idem.
5 Consulter les mêmes articles ci-dessus énumérés.

- 230 -
adoptées. Dans les deux pays choisis, au-delà de la diversité des modes de
votation prescrits, prime la règle de la majorité absolue des suffrages expimés 1•
Ensuite, scrutons la réalité du rôle technique et politique des commissions
dans ces régimes de libertés publiques.
Sur le premier aspect évoqué, si l'on occulte momentanément le tableau
concernant l'origine professionnelle des députés voltaïques et sénégalais2, à la
lumière des attributions textuelles et politiques conférées à ces derniers, force
est d'abonder dans le sens de l'orientation plus technique que politique du rôle
attendu des parlementaires considérés.
En effet, en ce qui concerne le travail parlementaire, il faut souligner que
c'est aux députés réunis en commission que revient "en seconde main" la tâche
de perfectionner le texte de loi gouvernemental. Celle-ci réside essentiellement
dans les amendements introduits en fonction des connaissances professionnelles
et politiques des députés. Si le gouvernement peut, dans certains cas, demander
au parlement la prise en considération du texte initial, cette initiative n'altère en
rien le rôle technique des commissions. Car, si la requête de l'exécutif aboutit,
en contrepartie, les commissaires peuvent en séance plénière y apporter des
amendements.
Pour ce qui est du second aspect, au-delà des failles de représentation en
Hante-Volta et au Sénégal, la prise en considération de l'imparfaite composition
multipartisane de ces commissions explique en partie le dynamisme politique de
ces dernières.
Cela tient à la place privilégiée occupée par l'instance à l'assemblée
nationale dans la collaboration avec le pouvoir exécutif.
Théoriquement, c'est au sein des commissions que se réalisent les
échanges, d'une part, entre l'opposition et la majorité, d'autre part, entre
l'exécutif et l'opposition et, enfin, entre les parlementaires et le gouvernement.
Cette possibilité est offerte par la combinaison du droit à l'information qui
permet d'inviter les dirigeants à s'expliquer sur la politique entreprise. Par cela,
1 Idem.
2 Se reporter à la seconde partie de notre travail.

- 231 -
les commissaires de la majorité et surtout de l'opposition matérialisent leur droit
de contrôle.
En pratique, il convient cependant de nuancer ce rôle politique des
commissions du fait de l'inclination de la majorité absolue de leurs membres
devant les décisions émanant du gouvernement qu'ils soutiennent et dont dépend
leur investiture. Cette docilité se retrouve plus accentuée en Côte d'ivoire et au
Togo, deux régimes monocratiques dans lesquelles les députés ont surtout un
rôle technique.
B - Dans les s,ystèmes monopartisans
Dans le parlement monocaméral de Côte d'Ivoire et du Togo, l'absence de
groupe parlementaire au pluriel semble conférer d'office l'exclusivité du travail
parlementaire aux commissions parlementaires existantes.
Cependant, la nature monocratique des régimes visés exclut de la qualité
du travail de ces organes sa substance "politique".
Aussi, après avoir évoqué la composition et la désignation des
commissions permanentes, sera-t-on amené à découvrir la technicité du rôle de
ces dernières.
Paragraphe 1 - Leur composition et désignation
Au début de chaque législature, en Côte d'Ivoire, et chaque année en début
de session, au Togo, l'Assemblée nationale se réunit pour mettre sur pied trois
commissions permanentes, dans le premier pays 1 et sept autres, dans le second
pays2.
Le même texte interdit l'appartenance cumulative d'un député à plusieurs
commissions. A ce sujet, s'il y a liberté de choix au profit du parlementaire, il
faut noter que, à l'exception du président de l'assemblée, l'élu togolais ne peut
1 Article la du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne; article 8
du règlement intérieur de l'asse mblée nationale togolais.
2 Idem.

- 232 -
s'inscrire dans plus de deux commissions alors que son homologue ivoirien est
contraint à une seule inscription1•
Pour ce qui est de la désignation, soulignons qu'elle diffère de la pratique
multipartisane évoquée précédemment. Dans ces pays, après l'émission de leur
choix par les députés, la liste des candidats est en dernier ressort établie par
l'organe directeur de l'institution
monopartisane qui, en séance plénière, la
soumet à l'approbation des élus.
Ceci dit, au lieu d'insister sur les contenus de cette première opération
électorale qui s'analyse en terme de ratification intégrale de la liste proposée par
le parti unique, abordons l'objet de la seconde. Cette dernière tient à la
désignation du bureau de chaque commission par ses membres.
A ce niveau, même si des critiques peuvent être faites sur la fmalité du
scrutin, parce que seul le parti fait le jeu politique, notons néanmoins
l'observation des formalités liées à l'utilisation du scrutin majoritaire à trois
tours2•
Ces différentes règles laissent percevoir que ces commissions ne peuvent
détenir que des compétences techniques.
Paragraphe 2 - Des attributions techniques évidentes
L'essentiel du travail des commissions parlementaires réside dans la
parution d'un rapport, au terme de leurs délibérations, sur les projet et les
propositions de lois qui leur sont remis par le bureau de l'assemblée nationale.
Au sujet de l'organisation effective de leurs travaux, on ne peut signaler
d'innovations majeures par rapport à celle des régimes à partis multiples.
En effet, en Côte d'Ivoire et au Togo, le règlement intérieur reprend la
règle selon laquelle le rapport sur le fond d'une question ne peut être confié qu'à
une seule commission. Si, à ce niveau, les autres commissions peuvent donner
leurs avis, en participant aux travaux, elles ne bénéficient alors que de voix
1 Article Il. 1 et 4 du règlement intérieur de l'assemblée nationale de Côte d'Ivoire;
article 9 alinéa 2 du règlement intérieur de l'assemblée nationale du Togo.
2 Article 12 du règlement intérieur de l'asse mblée nationale de Côte d'Ivoire article
9 alinéa 2 du règlement intérieur de l'assemblée nationale du Togo.

- 233 -
consultatives 1. Fnsuite, pour ce qui est du quorum, la présence plus de la moitié
des commissaires est exigée pour la réunion des commissions et, pour finir, la
validité des décisions prises doit être sanctionnée par un vote à la majorité
absolue des suffrages exprimés2.
Pour en venir à l'objet précis du propos, il faut dire que s'il y a accord sur
un point, tant en Côte d'Ivoire qu'au Togo, c'est bien sur le rôle exclusivement
technique dévolu aux commissions parlementaires.
Cette assertion se vérifie si l'on prend en considération non seulement
l'essence même de la base de recrutement des députés, à savoir leurs
connaissances et expériences professionnelles, mais aussi l'un des fondements
de la monocratie africaine, c'est-à-dire, le rejet de la critique des décisions
gouvernementales.
Ainsi, s'il est plausible d'écarter la qualité politique du rôle des
commissions parlementaires, relais du parti, on ne peut alors qu'abonder dans le
sens de la technicité de leurs attributions.
A ce titre, bien que l'exemple togolais ne soit pas inintéressant, la Côte
d'Ivoire fournit une illustration plus enrichissante.
Conformément à son règlement intérieur, un projet de loi ne peut être
examiné en séance plénière que s'il a été étudié puis accepté par la commission
SaISIe.
L'exigence serait banale si à cela ne s'ajoutait pas la mention selon
laquelle la dite commission compétente assumait, par la même occasion, la
paternité de ce texte de loi. Par cela, le projet de loi gouvernemental devient une
proposition de loi dès qu'il est déposé sur le bureau et saisi par la Commission3.
1 Article
13 alinéa 4 et 5 du règlement intérieur de l'assemblée nationale
ivoirienne ; l'article Il du règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise
accorde cette possibilité de façon individuelle à chaque député intéressé par la
question.
2 Article 16 du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne; article 17
du règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise.
3 Article 40 de la constitution ivoirienne.

- 234 -
Au-delà du particularisme ainsi évoqué, se profile la reconnaissance tacite
mais réelle de la compétence technique des députés dans la juridicisation des
projets politiques gouvernementaux qui leur sont soumis.
Avant de porter la réflexion sur les deux derniers organes politiques du
parlement, c'est-à-dire, le bureau et le secrétariat, on pourrait fmir l'étude en
soulignant que la délimitation du rôle susvisé des commissions s'inscrit dans la
perspective globale des dirigeants africains de créer des institutions
parlementaires aux attributions plus techniques que politiques •.
• C'est dans cet ordre d'idées que nous envisageons, dans notre seconde partie, une
étude relative à la naissance d'un modèle original de parlement en Afrique noire
d'expression française.

- 235 -
CHAPITRE III: LE BUREAU Er LE SECRETARIAT OU LES
AUXILIAIRES DU PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE
Ce qui paraît essentiel à noter, c'est l'influence directe qu'exerce le
président sur le bureau et le secrétariat de l'institution nx>nocamérale alors que
son autorité sur les autres organes est indirecte.
Dans le cadre de cette étude, il s'agit d'examiner, tour à tour, le rôle
dévolu à ces deux organes en mettant en évidence l'ascendance que l'autorité
présidentielle a sur eux.
Section 1. Le bureau des Assemblées nationales
Selon le règlement des assemblées considérées, le bureau a tous pouvoirs
non seulement pour présider aux délibérations de l'organe législatif mais pour
organiser et diriger également l'ensemble des services dont il est doté.
Attesté par l'ouvrage collectif intitulé "les parlements dans le monde" des
professeurs V. Herman et F. Mendel, le caractère collégial de ces pouvoirs est
contredit dans les faits par le rôle prépondérant du président.
Cest pourquoi étant donné sa composition, l'étude abondera dans le sens
de la collégialité du bureau. Mais, en abordant, ensuite, l'organisation des
travaux, elle fera montre de la suprématie du président sur cet organe directeur.

- 236 -
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- 237 -
A - Une composition variable et rôle du bureau
Dans les quatre pays considérés, si le bureau de l'assemblée nationale
recouvre les mêmes fonctions, on est cependant très loin de l'uniformité dans la
composition.
Paragraphe 1- Composition et désignation
Si l'on s'intéresse en premier lieu à la composition des pays cités, la Côte
d'Ivoire vient d'abord, par l'ordre d'importance de son personnel, qui est même
pléthorique, estimé à dix huit membres. TI s'agit du président, de cinq vice-
présidents, de deux questeurs et de dix secrétaires 1. Derrière elle, viennent la
Haute-Volta et le Sénégal avec respectivement douze et quatorze membres. S'ils
ont en commun un président et deux questeurs, tandis que dans le premier pays,
on trouve quatre vice-présidents et cinq secrétaires, en revanche, dans le second,
les chiffres sont respectivement de neuf et deux2 Enfin, vient le Togo, avec· un
personnel réduit à cinq membres. Ces derniers sont : le président, deux vice-
présidents, le questeur et le rapporteur faisant l'office du secrétaire3.
A la lumière de la composition variable de ces bureaux, la question qui se
pose est la suivante : pourquoi ce chiffre élevé du bureau en Côte d'Ivoire et au .
Sénégal ?
C'est tout simplement parce que le parti, unique ou dominant, tient à
"récompenser" ses dirigeants les plus influents, donc offrir à ces derniers des
fonctions électives ne serait-ce qu'honorifiques.
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer la liste des membres des
instances dirigeantes partisanes avec la liste des membres du bureau de
l'assemblée ou du gouvernement.
1 Article 4: du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne;
Article Il du règlement intérieur de l'assemblée nationale Voltaïque;
Article 12 du règle ment intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise
Article 2 du règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise;
2 Idem.
3 Idem.

- 238 -
Pour ce qui est de la désignation de ces différents membres (l'étude de
l'élection du président ayant été abordée dans le sous-titre 1), il faut dire que ces
derniers sont élus, pour chaque fonction, au scrutin de liste majoritaire à trois
tours, sans panachage ni vote préférentiel.
En Haute-Volta, tous ces scrutins sont secrets et ont lieu à la majorité
absolue aux deux premiers tours. Au troisième tour, la majorité relative suffit.
En cas d'égalité au troisième tour, il est procédé au scrutin uninominal à \\ll1 tour
pour départager les candidats.
Dans les trois autres pays, au premier tour, la majorité absolue des
suffrages exprimés est exigée, au second tour, la majorité relative est suffisante,
au troisième tour, le bénéfice de l'âge l'emporte.
Par la distinction ainsi réalisée dans les textes entre l'élection du président
et celle de ses auxiliaires, on ne peut, certes, entrevoir le rôle joué par chac\\ll1
d'eux au sein du bureau dans la direction des travaux parlementaires, mais on
peut y percevoir la suprématie du premier sur le second.
Paragraphe 2- Son rôle
Comme dans les parlements des démocraties occidentales, le bureau est
doté de tous pouvoirs pour organiser et diriger les délibérations et pour assurer
la direction des services de l'Assemblée nationale dans les pays choisis.
Affirmé par le règlement intérieur des institutions monocamérales
susvisées, ce rôle, aussi collégial soit-il, doit être compris, d'une part, comme la
somme arithmétique des fonctions dévolues à chaque membre et, d'autre part,
comme étant sous la responsabilité de l'autorité constitutionnelle du président
Or, on a déjà évoqué les attributions de l'organe présidentiel l et, l'étude
suivante se propose de retenir les fonctions dévolues au secrétariat de
l'Assemblée nationale2 • il reste alors à ne parler que de l'apport des vice-
présidents et des questeurs pour avoir \\ll1e idée globale des pouvoirs du bureau.
1 Voir page 179 et suivantes.
2 Voir page 251 et suivantes.

- 239 -
D'emblée, on peut réduire l'analyse aux questeurs d'autant plus que les
vice-présidents n'ont pour rôle que de suppléer le Président en cas de vacance.
Ainsi, dans les pays cités, ces derniers sont chargés de la gestion
administrative et financière de l'institution parlementaire l , théoriquement sous
contrôle du bureau. En réalité, ils exercent leurs fonctions sous l'autorité du
président du parlement investi du rôle d'ordonnateur et de chef des services
administratifs et législatifs2•
A partir de ces données, on est en mesure de brosser le tableau général des
pouvoirs de l'organe directeur de ces assemblées en y associant ceux
délibérement omis. cela effectué, on ne peut que saisir pleinement non
seulement le rôle joué par le bureau au sein du parlement mais aussi
l'ascendance exercée par le Président. Le poids de cette autorité politique s'avère
perceptible, par ailleurs, sur l'organisation des travaux en cours.
B - Organisation des travaux de bureau
le bureau travaille collégialement pour diriger les séances. En dehors de
celles-ci, il délibère sur les matières à soumettre aux Prochaines séances.
Toutefois, ses délibémtions, tenues à huis-clos, doivent être mentionnées
dans un procès verbal. Elles aboutissent, dans la plupart des cas, à des
propositions qui sont soumises à l'approbation souvemine des députés réunis en
assemblée plénière.
Paragraphe 1 - Réunion
Le bureau est toujours convoqué et dirigé par le président de l'assemblée
nationale. Cette convocation peut être faite soit à l'approche des séances
ordinaires de l'assemblée; soit lorsqu'une séance extraordinaire est Prévue; soit,
enfm, entre deux sessions pour organiser les travaux parlementaires.
Même à défaut de Prescriptions formelles, les membres du bureau sont
tenus d'être présents à ces réunions d'autant plus qu'ils appartiennent à l'organe
politique essentiel du parlement qui Prépare et dirige les travaux parlementaires.
1 Voir page 179 et suivantes.
2 Idem.

Cest pourquoi, afin d'éviter le fonctionnement à éclipses de l'institution
monocamérale, tous les Etats étudiés ont prévu la suppléance des fonctions de
questeur, de secrétaire par leurs adjoints, d'une part et, celles de président par de
nombreux vice-présidents 1.
Sur ce point, seul le Togo se singularise en ne prévoyant dans son
règlement intérieur qu'un seul secrétaire appelé rapporteur2
Paragraphe 2 - Délibérations
Le bureau est appelé à délibérer sur tous les aspects s'inscrivant dans le
cadre de ses pouvoirs prévus par le règlement intérieur. Cest dire, concrètement,
que son domaine d'intervention va du maintien de la police intérieure et
extérieure de l'assemblée nationale à l'émission de sanctions disciplinaires en
passant par la question des immunités parlementaires pour fmir sur la discussion
des projets et propositions de loi.
Si tel semble être limitativement ce sur quoi s'articulent les délibérations
de l'organe directeur susvisé, on peut alors se pencher sur la manière dont il
délibère.
Pour l'essentiel, la réunion à huis clos des membres directeurs de
l'assemblée aboutit à la rédaction d'un procès-verbal dans lequel figure le
résumé succinct des propositions relatives aux questions débattues.
Ce qu'il faut savoir c'est que ces propositions n'auront de valeur que si
elles sont adoptées, a posteriori, par l'assemblée nationale. Ce qui revient à dire
que ce ne sont que de simples propositions.
Cependant, eu égard à la forte influence du président du bureau sur
l'organe représentatif et à la docilité des parlementaires, force est de constater
que ces derniers approuvent généralement ces propositions ainsi faites.
1 Voir la composition du bureau des quatre assemblées nationales considérées à la
page 221.
2 Idem.

- 241 -
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\\,
En conclusion, l'étude présente vient, dans ses grandes lignes, confirmer
l'idée selon laquelle l'organe directeur est constitué d'une autorité suprême, son
président et, d'auxiliaires notamment les vice-présidents, les questeurs et les
secrétaires. Non seulement le président est, en fait, le détenteur du pouvoir
collégial formellement reconnu au bureau du fait des dispositions textuelles,
mais il le demeure aussi par son statut partisan. L'analyse ainsi effectuée semble
applicable à l'étude du secrétariat des assemblées nationales considérées.
Section II - Le secrétariat des assemblées nationales
Après avoir évoqué, tour à tour, la composition et la désignation du
secrétariatl, ce propos a pour but principal de définir la place qu'occupe le
responsable immédiat des services législatifs de l'assemblée nationale2 à savoir,
le secrétaire général, dans les quatre assemblées concernées.
En gros, il s'agit, dans un premier temps, de mesurer son ascendance sur
les services législatifs considérés et, dans un deuxième temps, de porter
l'attention sur son rôle politique au sein de l'assemblée nationale.
A - La primauté du secrétaire général dans les services législatifs
Elle est instituée par le règlement administratif des parlements choisis qui
lui octroie un statut particulier et des attributions correspondantes à ce statut3•
Paragraphe 1 - Le statut du secrétaire général
Excepté le Togo, dès l'installation du bureau de l'assemblée nationale des
trois autres pays, il procède à la nomination d'un secrétaire général et de son
adjoint parmi les secrétaires.
D'un strict point de vue formel, l'opération se déroule en deux phases
distinctes mais complémentaires. En premier lieu, à partir de la liste des
secrétaires, le bureau s'accorde autour de la candidature de deux personnes pour
faire office respectivement de secrétaire général et de secrétaire général adjoint.
1 Voir la page 221 et suivantes.
2 On peut utilement se reporter à l'organigramme établi qui figure à la page 220.
3 Voir l'article 4 du règlement administratif de l'assemblée nationale voltaïque.

- 242 -
En second lieu, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le président de
l'assemblée entérime ce choix et nomme ces candidats1•
Cependant, au-delà de ce formalisme juridique, il convient de se
questionner sur la réalité que recouvre le statut du secrétaire général.
D'une part, si l'on table sur son obédience politique, on s'aperçoit qu'il
appartient aux instances dirigeantes du parti unique ou dominant de ces pays.
En effet, dans ces parlements, on sait que le bureau est monocolore et qu'il
est dominé par son président qui se présente tantôt comme l'alter ego du chef de
l'exécutif tantôt comme le second leader national.
A partir de ces données on saisit aisément les rapports de subordination
politique qui existent entre le président et le secrétaire général mais aussi
l'autorité du premier dans la désignation du second.
D'autre part, à la lumière des règles de dévolution des pouvoirs contenus
dans le texte cité, nul ooute que le secrétaire général constitue un élément décisif
dans le travail parlementaire.
Cependant, il est limité dans ses attributions par la tutelle hiérarchique et
politique qu'exerce sur lui le président de l'assemblée nationale.
Aussi pour une étude détaillée serait-il bon de s'intéresser à l'autorité du
secrétaire général sur les services législatifs parlementaires.
Paragraphe 2 - La responsabilité du secrétaire général sur les
services législatifs
On peut regrouper en deux grandes catégories les services de l'assemblée
nationale. Il y a les services administratifs et financiers qui sont placés sous la
diligence du questeur et de son adjoint et les services législatifs qui sont sous la
responsabilité du secrétaire général2•
1 Article 4 et suivantes du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne
; article 16 alinéa 2 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise,
2 Voir l'organigramme à la page 220.

- 243 -
Par services législatifs, il faut entendre l'ensemble des cellules
administratives concernées par le travail parlementaire, le contrôle et l'activité
législative.
Pour l'essentiel, l'organigramme de l'assemblée nationale laisse percevoir
trois grands modules 1•
D'une part, il yale service de la séance et des procès-verbaux, d'autre
part, le service des commissions et, enfm, le service des études et de la
documentation, de la bibliothèque et des archives. Chacun de ces services est
subdivisé en plusieurs divisions2•
Ainsi ces modules appartiennent à la direction des services législatifs
confiée à un directeur nommé par le président. Mais, c'est le secrétaire général
qui doit s'assurer de la bonne marche de ces services afm de rendre compte à son
supérieur hiérarchique et politique, c'est-à-dire, l'organe présidentiel de
l'Assemblée nationale.
Ayant succinctement décrit les services législatifs qui sont sous la
dépendance du secrétaire général, abordons maintenant l'étude concrète de ses
attributions.
B - Les attributions du secrétaire général
Le secrétaire général est doté d'attributions formelles qu'il convient de
saisir selon deux cadres temporels précis: d'une part, en dehors des séances et,
d'autre part, pendant les séances.
Paragraphe 1 - En dehors des séances
En dehors des séances parlementaires, le secrétaire général a une triple
mission qui correspond aux attributions exercées par les trois principaux
services législatifs cités plus haut.
En collaboration avec le service de la séance, il doit organiser l'ouverture
des sessions, enregistrer les dépôts de projets ou de proposition de lois. A ce
1 Voir l'organigramme à la page 220.
2 Idem.

propos, il reçoit les amendements, avis, rapports, inscriptions de parole,
demande de scrutins. En outre, il s'occupe de l'établissement de l'impression et
de la publication des textes adoptés et de leur transmission au pouvoir exécutif.
Ensuite, par le biais du service des commissions, il surveille l'état des
travaux des commissions et porte les propositions de ces dernières à la
conférence des présidents.
Enfin, il supervise toutes les opémtions administratives exécutées par le
service des études et de la documentation de la bibliothèque et des archives.
Avant d'aborder ses attributions pendant les séances, notons que pour réussir
cette triple mission le secrétaire général a sous sa dépendance des unités
administratives particulières: le secrétariat particulier, le bureau du courrier et le
centre de documentation 1•
Paragraphe 2 - Pendant les séances
Pendant les séances, le secrétaire général assiste le président de
l'assemblée nationale dans la direction des travaux parlementaires.
A ce titre, il exerce le secrétariat des séances en notifiant par écrit et avec
précision les interventions des députés et toutes les délibérations issues de
l'assemblée plénière. TI inscrit, par exemple, lors des débats, les parlementaires
voulant intervenir sur une question donnée.
En outre, il contrôle les appels nominatifs et constate, par ailleurs, les
votes émis.
Suite à cette pretnlere catégorie d'attributions de nature relativement
passive, vient une seconde, certes voilée, mais beaucoup plus active.
Pour la percevoir, encore faut-il se persuader, tout d'abord, de la semi-
gageure que constitue la présidence, collégiale en principe, mais individuelle en
réalité, d'un forum aussi important que le parlement spécifiquement dans les
états nouvellement indépendants. Ensuite, si l'on tient compte de la commune
appartenance du président et du secrétaire généml, en particulier, ainsi que de
1 Voir l'organigramme à la page 220.

- 245 -
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,
tout le bureau, en général, à l'instance suprême du parti an pouvoir, alors on
saisit les grands traits de ces attributions.
Pour l'essentiel, elles constituent un soutien effectif du secrétaire général
apporté an président pour résoudre les problèmes qui leur sont posés à la tribune
lors des séances.
Donc, avant de s'intéresser au dernier organe politique prévu par le
règlement intérieur de l'assemblée nationale, une conclusion s'impose.
Si la discrétion de la collaboration susvisée ne permet pas de saisir les
contours réels de ces secondes attributions, il convient néanmoins de leur
accorder une importance d'autant plus que le secrétaire général a une
connaissance assez poussée des questions parlementaires.

- 246 -
CHAPITRE N - LES SEANCES PLENIERES
La réunion des députés en un collège unique, constitue enfin le dernier
organe de travail parlementaire prévu par le règlement intérieur des quatre
assemblées nationales étudiées.
Pour saisir les traits organisationnels de l'assemblée plénière (Section fi),
il convient tout d'abord de se pencher sur la question liée à la délimitation du
cadre temporel des sessions parlementaires (Section 1).
Section 1 - La délimitation du cadre temporel
Au système de permanence des assemblées l, les Etats africains, par
mimétisme mais également par souci de limiter l'influence parlementaire, ont
préféré celui des sessions parlementaires constitutionnellement délimitées.
Cest pourquoi, dans les pays considérés, on trouve prescrit tout d'abord
un groupe de deux sessions dites ordinaires. Elles constituent la garantie de
l'indépendance du parlement vis-à-vis du pouvoir exécutif. Ce dernier, quelque
soit sa prééminence dans les systèmes politiques visés, ne peut interdire la tenue
de ces réunions.
Puis, viennent les sessions qualifiées d'extraordinaires. Dans ce cas, deux
types sont à distinguer : en période normale, l'assemblée nationale est autorisée
à siéger conformément à l'exécution de règles établies. En période
exceptionnelle, en revanche, elle se réunit de plein droit, sauf au Togo.
A - Les sessions ordinaires
Après leur reconnaissance par la constitution et le règlement intérieur, les
textes susvisés aménagent des dispositions liées à l'ouverture et à la clôture du
remier cadre temporel, à savoir, les sessions ordinaires.
1
Il
importe
de
procéder
à
une
analyse
comparative
des
dispositions
constitutionnelles relatives aux sessions ordinaires d'une part du Togo (article 27)
et d'autre part de la Côte d'Ivoire (article 31), de la Haute-Volta (article 37) et du
Sénégal (article S2). On constate l'absence de l'expression "de plein droit" dans la
formulation textuelle du Togo.

- 247 -
Paragraphe 1- Aménagement de l'ouverture de session
ordinaire
En règle générale, la foi fondamentale et/ou le règlement intérieur
habilite(nt) exclusivement le président de l'assemblée nationale à convoquer les
députés pour l'ouverture des deux sessions ordinaires prévues mais sa
compétence est généralement liée.
Excepté le mutisme des textes du Togol, les trois autres pays se
reconnaissent dans cette prescription2•
C'est ainsi qu'en Côte d'Ivoire, la constitution fixe d'autorité la date
d'ouverture de la première session au dernier mercredi du mois d'avril et la
deuxième au premier mercredi du mois d'octobre.
Proche de cela, la Haute-Volta reprend la même prescription, à la
différence que sa première session se tient au mois de novembre au lieu
d'octobre comme en Côte d'Ivoire.
Le Togo, pour sa part, décide d'ouvrir sa première session le premier
mardi d'avril et sa seconde session le premier mardi d'octobre.
Enfin, loin de ces trois exemples observés, le Sénégal fait cavalier seul en
accordant ml minimum de garantie, donc des mesures conservatoires à son
parlement en lui permettant de fIXer la date d'ouverture des deux sessions. A ce
sujet, notons cependant que la constitution lie l'institution parlementaire puisque
celle-ci est tenue de se rémlir au cours de la première quinzaine du mois d'avril
pour sa première session et au cours du dernier trimestre pour la seconde
sessIOn.
Ainsi vu, si de tous ces pays, seule la législation du Sénégal se révèle
souple quant à la fIXation de la date d'ouverture des sessions, en revanche, il
semble que l'ensemble des dispositions légales de ces derniers convergent sur la
question de la clôture de ces rémlions.
1 Idem.
2 Idem.

- 248 -
Paragraphe 2 - La clôture des sessions Œdinaires
Dans les pays choisis, la clôture des sessions ordinaires n'est pas tributaire
de l'épuisement de leur ordre du jour. Elle intervient, en effet, aux termes de
l'échéance fixée par la loi fondamentale. C'est dire donc que le travail
parlementaire est évalué en mois. Pour ce faire, il s'est opéré une limitation
d'autorité d'un seuil maximal au-delà duquel l'assèmblée n'est plus en droit de se
,
.
reunrr.
Chacune d'entre elles ne doit excéder deux mois, alors qu'en Haute-Volta
la session est fiXée à quarante cinq jours et qu'au Togo la clôture intervient au
bout de trois mois 1•
Ainsi, bien que l'on soit loin du modèle zaïrois, où la constitution fixe
pour la clôture une date précise2 l'on ne saurait perdre de vue la contrainte
exercée par ces délais. Cette observation soulève une discussion sur les effets
que peuvent avoir les mesures sur la qualité du travail parlementaire en gênéral
et des lois en particulier, dans ces états de tradition non parlementaire.
loin de répondre parfaitement à cette réflexion, en accord avec Mme C.
Desouches3, on pourrait dire que l'inflation des sessions extraordinaires au
Sénégal traduit non seulement l'insuffisance du temps dévolu à ces réunions,
mais aussi explique l'imperfection du travail parlementaire accompli.
B - Les sessions extraordinaires
Comme dans le cas précédent, la tenue des deux types de sessions
extraordinaires est réglée par la constitution et par le règlement intérieur.
1 Voir les articles précités.
2 L'article 79 de la constitution zaïroise fixe les dates de clôtures des sessions
ordinaires et extraordinaires respectivement les premiers lundi de jui11et et de
janvier.
3 Voir Mme C. Desouches, "les parlements", op. cit., page 108.

- 249 -
Paragraphe 1 - En période normale
Pour que les députés des quatre pays considérés puissent se réunir en
session extraordinaire, il est exigé expressément un ordre du jour déterminé 1•
En plus de cette contrainte, la plupart des textes exigent, d'autre part, que
la demande de réunion émane soit de la majorité des parlementaires, soit du
Chef de l'Etat.
Cest spécifiquement ce qui ressort des dispositions constitutionnelles de
la Côte d'Ivoire, de la Haute-Volta et du Sénégal2•
Sur ce point le Togo se singularise en conférant cette compétence an seul
Chef de l'Etat3.
En dehors de ce lot de formalités, une mention relative à la durée de la
session est stipulée par les textes des quatre états cités. Avec plus de réalisme
peut être, le Togo, au contraire rattache la clôture de la réunion extmordinaire à
l'épuisement de l'ordre du jour4.
La Haute-Volta et le Sénégal, quant à eux, optent pour une durée limitée à
quinze jours5.
Cependant, cette identité ne doit pas effacer la singularité voltaïque qui
fait que, si avant l'expiration du délai prescrit, l'ordre du jour était épuisé, la
clôture des travaux de la séance extraordinaire devrait être d'office proclamée6.
En conclusion, soulignons que si, en Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et an
Sénégal, la convocation et l'ouverture de la session extraordinaire en période
1 Article 32 de la constitution ivoirienne; article 38 de la constitution voltaïque
article 28 de la constitution togolaise; article 52 de la constitution sénégalaise.
2 Il s'agit des mêmes dispositions ci-dessus évoquées
3 Article 28 de la constitution togolaise.
4 Article 28 alinéa 2 de la constitution togolaise.
S Article 38 de la constitution voltaïque et article 52 de la constitution sénégalaise.
6 Article 38 de la constitution voltaïque.

- 250 -
\\,
normale sont l'oeuvre du président de l'assemblée nationale t au Togo, en
revanche, ces deux actes sont du ressort du Chef de l'Etat2•
Paragraphe 2 - En période exceptionnelle
Comme préalable à ce propos, notons que les pays concernés ont tous
essayé de reproduire fidèlement dans leur texte constitutionnel l'article 16 de la
constitution de la Vè République française3.
En réalité, nulle part on ne retrouve parfaitement l'esprit et le fond de cet
article. Au contraire, il semble établi que ces lois fondamentales se sont
accrochés aux circonstances particulières africaines pour accroître la "dictature
constitutionnelle" du Chef de l'Etat au détriment des assemblées nationales.
C'est pourquoi, particulièrement au Togo, la constitution omet
volontairement la réunion de plein droit du parlement en période exceptionnelle.
Ainsi, à la lumière de cette remarque, d'emblée est exclu de l'étude le cas
togolais.
Cela dit, pour ne considérer que les trois autres pays, il est prévu de façon
ambigüe, le droit pour les députés de se réunir, aussitôt que des circonstances
particulièrement graves sont décrétées ou lorsque l'état de siège est proclamé par
le Président de la République4 •
Pour ne pas porter préjudice à l'étude ayant trait à la dépossession du
parlement en période exceptionnelle5 , on se contentera de succinctes
observations sur la question.
t Articles précités.
2 Article 28 de la constitution togolaise.
3 Sur l'exercice des pouvoirs exceptionnels en France, voir MM e. Debbasch, J.
Bourdon, ].M. Pontier, ].e. Dicci, op. cit., pages 588 à 595 ; article 19 de la
constitution ivoirienne; article 30 de la constitution voltaïque de 1977 (articles 20
et 35 respectifs de la Ire et Ile Républiques) ; article 47 de la constitution
sénégalaise; article 19 de la constitution togolaise.
4 Idem.
5 Se reporter à la deuxième partie de la thèse.

- 251 -
Pour l'essentiel, l'assemblée se réunit dès que son président est informé
par le chef de l'exécutif de l'application de la mesure constitutionnelle et la
.session prend fm dès lors que fmit la période exceptionnelle.
A ce stade du propos, la délimitation du cadre temporel ayant été décrite,
insistons maintenant sur l'organisation des travaux en séance plénière.
Section II - L'organisation des séances plénières
Elle tient essentiellement à la manière dont les députés, en séance
plénière, parviennent à lllle élucidation méthodique des questions qui leur sont
SOUlDlses.
Cela revient à s'intéresser à la nature et à l'intérêt des séances plénières.
A - Les séances plénières
Si celles-ci constituent le dernier organe de travail du parlement, elles
demeurent, également, l'instance où la dernière phase de la procédure législative
se déroule.
Paragraphe 1 - Leur nature
En règle générale, les séances plénières sont publiques. A cet effet, le
public est autorisé à y assister mais contraint de se tenir à découvert et en silence
dans les tribunes où des sièges leur sont affectés t. Au cas échéant, l'autorité
compétente de police intérieure et extérieure se charge d'infliger les sanctions
prescrites par le règlement intérieur2•
Outre le caractère public des réunions, le compte rendu intégral des
discussions doit figurer dans le journal des débats parlementaires3• Le caractère
public des séances peut être suspendu lorsqu'à cet effet une demande expresse
en est faite.
t Voir les articles précités relatifs aux pouvoirs de police intérieurs et extérieurs
du bureau des assemblées considérées.
2 Idem.
3 Article 34 de la constitution ivoirienne ; article 42 de la constitution voltaïque
article 30 de la constitution togolaise; article 55 de la constitution sénégalaise.

- 252 -
Hormis l'imprévision contenue dans la constitution togolaise, qui confère
ce pouvoir au président de l'assemblée et de la républiquel , dans les trois autres
pays, l'initiative doit venir soit du chef du gouvernement, soit d'un tiers des
députés dont l'appel nominatif a été fait2•
Dans ce second cas, l'assemblée nationale se réunit à huis-clos et le public
n'est pas autorisé à assister aux délibérations3• Si le motif ayant nécessité la
réunion en "comité secret" des députés prenait fm, le caractère public des
séances est de nouveau de mise. Seulement, la publication des débats tenus à ce
moment dépend de la décision de l'assemblée4 •
Il convient en second lieu, de se pencher brièvement sur le déroulement
du travail parlementaire dans cette instance. Cette perspective révèlera les
normes organisationnelles de cet organe.
Paragraphe 2 - Schéma §YDthétique du travail parlementaire
en séance plénière
Si l'on écarte d'emblée la soumission du procès-verbal de la séance
précédente par le bureau à l'approbation du parlement, on peut circonscrire le
travail parlementaire en trois étapes successives.
En premier lieu, après la présentation par le bureau de la proposition
d'ordre du jour élaboré par la conférence des présidents, la séance plénière ouvre
ses travaux par une discussion pour son adoption défmitive. L'organisation de
cette phase est dominée par la conférence des présidents qui répartit le temps de
parole à accorder aux orateurs intéressés. le règlement de ces "objets sur
lesquels portera la discussion..."5 de cette séance ainsi réalisée, le travail
parlementaire en assemblée plénière se poursuit. En second lieu, pour la
discussion et le vote des projets et propositions de loi présentés par les
commissions permanentes saisies au fond.
1 Article 30 de la constitution togolaise.
2 Article 34 alinéa 2 de la constitution ivomenne ; article 42 de la constitution
voltaïque; article 55 de la constitution sénégalaise.
3 Voir article 56 alinéa 5 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.
4 Définition de l'ordre du jour par le Doyen L. Duguit, en "Etudes sur le parlement
de la Vè République" de Mme E. Guichard-Ayoub, MM L. Roig et J. Grangé, P.U.F.,
Par is.
5 En seconde partie, le travail abordera plus précisément ces aspects évoqués.

- 253 -
Loin
d'aborder
exhaustivement la question l, il faut souligner
succinctement que la matière est largement organisée par les textes des pays
considérés2• Aussi au-delà des effets des "cribles" et ''boutoirs'' sur la phase
législative, on peut noter que les députés bénéficient, néanmoins, de possibilités
d'amendement ou de rejet des propositions de loi qu'ils estiment imparfaits3. Sur
ce plan, si les explications des rapporteurs des commissions saisies n'effacent
nullement leurs réticences, en revanche, certaines techniques de mtionalisation
parlementaires permettent au gouvernement d'amener l'assemblée à adopter les
textes incriminés.
L'évocation de ces techniques fait place en dernier lieu au vote en séance
plénière. Aussi, au lieu de s'appesantir sur ce sujet, est-il d'intérêt d'aborder les
modes de votation utilisés pour parvenir à l'adoption définitive des travaux
parlementaires.
B - Les modes de votation
A ce niveau, il s'agit d'aborder la question du quorum à réunir pour la
validité des votes et les différents scrutins utilisés à cet égard dans les
institutions monocamérales choisies.
Paragraphe 1 - Quorum à réunir
Dans les quatre pays considérés, la présence effective de la majorité
absolue des députés dans l'enceinte parlementaire est exigée pour la validité des
votes4• A cet effet, l'organe directeur de l'institution est mandaté, si besoin est,
pour constater le quorum ainsi exigé5. Cependant, à défaut du quorum demandé,
la levée de la séance est d'office entreprise par le président du parlement pour
une durée variable selon les pays6.
1 On peut se contenter de souligner les dispositions du règlement intérieur et de la
constitution évoquées précédemment.
2 En seconde partie, le travail abordera plus précisément ces aspects évoqués.
3 Article 30 du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne; article 78
du règle ment intérieur de l'assemblée nationale voltaïque ; article 54 de la
constitution sénégalaise.
4 Idem.
5 Voir les articles cités.
6 Idem.

- 254 -
fi faut souligner, par ailleurs, le prononcé de la validité du vote dès la
reprise, quelque soit le nombre de présents l .
Hormis certains cas,2 le vote peut être déclaré valable même si faute de
quorum, avant l'ouverture du scrutin, ou bien le bureau n'a pas été invité à
constater les présences, ou bien l'ayant fait, celui-ci estime que l'assemblée est
en nombre pour voter3•
Considérons pour suivre, les scrutins utilisés lors des votes à l'assemblée
nationale de ces quatre pays.
Paragraphe 2 - Les scrutins utilisés
De la foule de scrutins possibles utilisés dans les institutions
monocamérales susvisées, on ne peut retenir que les trois formes prédominantes.
En effet, sur les matières qui lui sont soumises, l'assemblée procède à leur vote,
d'Wle part, au scrutin public ou secret, d'autre part, par assis et debout et, enfm, à
mains levées4.
Par la suite, on peut réaliser la graduation de ces scrutins par ordre
d'importance si l'on tient compte de leur fréquence d'utilisation.
Ainsi au sommet du tableau, vient le vote à mains levées qui s'avère très
prisé dans ces parlements par sa simplicité. Puis, le vote par assis et debout, pour
pallier le doute que revêt le plus souvent le mode précédemment cité. Enfm, en
dernier lieu, trouve-t-on le vote par scrutin, public ou secret. A ce sujet, notons
que l'exigence de ce mode est faite par la constitution où le règlement intérieur
des assemblées nationalesS. Toutefois quelque soit le scrutin utilisé, après le
prononcé de la clôture de l'opération susvisée par le président de l'assemblée, les
secrétaires procèdent au dépouillement des suffrages exprimés. I.e résultat de
ces derniers sera proclamé par l'organe présidentiel6•
1 Idem.
2 En règle générale, il s'agit du vote de la loi qui exige une majorité absolue et de
l'investit ure du
pre mier
ministre dans le s régimes
se mi - par le ment aire s (I Ile
République voltaïque et le Sénégal avant la réforme constitutionnel de 1981).
3 Article 78 alinéa 3 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque.
4 On peut utilement consulter les modes de votation insérés dans les différents
règlements intérieurs. Par exemple, voir article 53 en Côte d'Ivoire, articles 78 à 90
en haute-Volta, article 35 au Togo.
5 Idem.
6 Idem.

- 255 -
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au terme de l'analyse précédente, force est de constater que l'organisation
du "parlement de l'Etat - Parti unique ou majoritaire"1 africain a une nature
syncrétique2• L'alliance des règles applicables aux assemblées parlementaires
occidentales avec les besoins particuliers de ces pays a pour but de subordonner
le parlement monocaméral à l'exécutif. La question se pose alors de savoir
comme se réalise cette subordination. Cest l'objet que se propose d'aborder la
seconde partie de ce travail.
1 C'est l'expression utilisée par M. Pathé Diagne durant la "table ronde" ayant pour
thème "QueUe démocratie pour Je Sénégal 7", op. dt., page 107.
2 Sur, le mimétisme et les particularismes d_u projet constitutionnel du Conseil de
l'Entente, voir l'exposé du président de la commission constitutionnelle, M. P. Yacé,
op. cit., page 3.

- 256 -
DEUXIEME PARTIE
DE L'INEFFICACITE DRS REGLES DE
FONCTIONNEMENT DES PARLEMENTS A
L'EMERGENCE D'UN MODELE
AFRICAIN ORIGINAL

- 257 -
Dans son ouvrage l , M. Jean Claude Masc1et établit la corrélation entre
l'impossibilité des parlementaires français à assumer leurs pouvoirs
constitutionnels avec l'émergence de nouvelles fonctions de substitution2•
Cette vue des choses n'est pas démentie par la doctrine. Par exemple,
M. G. Burdeau3 a montré que le parlement n'a plus la liberté quant au
contenu et quant à l'établissement des cadres (normatif et temporel) régissant
ses activités. M. C. Debbasch et le Professeur M. Prelot4, quant à eux,
reconnaissent les restrictions de contrôle et d'élaboration de la loi. N'est-ce
pas l'ampleur de ces atteintes aux droits traditionnels des assemblées qui ont
incité le Professeur A. Hauriou à souligner que : "la décadence du parlement
diminue tous les parlementaires"5.
Si l'analyse de M. J. C. Masclet peut paraître excessive, en revanche,
elle se vérifie pleinement dans les régimes politiques africains.
En effet, à la différence des systèmes politiques occidentaux,
"l'abdication"6 du parlement africain devant ses attributions constitutionnelles
est plus prononcée du fait de la conjugaison de deux causes. D'une part, celles
tenant à la conjoncture à la fois politique et institutionnelle; d'autre part,
celles relatives au caractère néo-patrimonial de l'Etat.
La combinaison de ces facteurs a pour conséquence la subordination des
fonctions parlementaires à l'exécution (TITIlE II) et l'effacement du rôle des
parlements dans l'adoption du cadre régissant leurs activités (TITIlE 1). Et,
comme par résignation, l'assemblée nationale (et ses membres) s'oriente vers
d'autres fonctions. Est-ce là l'émergence d'un modèle africain original
(TITIlE III).
lM.]. Masclet, "Le rôle du député et ses attaches institutionne11es sous la Vè
République", Paris L.G.D.]., 1979.
2 M. J. Masc1et, op. cit, page 189 à 227.
3 M. G. Burdeau, Manuel de Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, L.G.D.J.
1984, 20ème Edition, page 572 et suivantes.
4 MM. C. Debbasch, J. Bourdon, 1. M. Poutier, J. C. Ricci, Droit constitutionnel et
institutions politiques, Paris, Economica, 1983, page 639 et suivantes; MM.
M. Pre10t et Jean Bou1ouis, Institutions politiques et droit constitutionnels, Paris, Dalloz,
1984, neuvième Edition page 735 et suivantes.
5 Citation reprise par M.J. MASCLET, op. cit, page 1.
6 M. J. Masc1et, op. cit, page 317.

- 258 -
TITRE 1
L'EFFACEMENT DU ROLE DES PARLEMENTS
DANS L'ADOPTION DU CADRE REGISSANT
LEURS ACTIVITES
Selon le Professeur Marcel Prelot et Monsieur J. Bourdon l, si les
activités du parlement sont évidemment régies par la constitution2 , elles sont
en réalité assujetties "à un ensemble plus étendu de règles d'origine et de
nature différentes qui forment ce qu'il est convenu d'appeler le droit
parlementaires"3. L'ensemble de ces règles englobe, outre les dispositions
constitutionnelles formelles, des lois organiques ou ordinaires relatives aux
assemblées, des dispositions prises par ces dernières sous forme d'actes
parlementaires et, enfin, d'un certain nombre de coutumes, d'usages et de
précédents4 •
A la lumière d'écrits de ces auteurs, comme de bien d'autres ouvrages5,
avant 1958, les assemblées françaises participaient souverainement à
l'élaboration du droit qui leur était applicable, sans intrusion de la
constitution, ni influence de l'exécutif, du moins dans les périodes de
démocratie.
Mais, depuis 1958, le principe de la souveraineté du parlement français
sur son cadre normatif et temporel a été relativement écarté. A ce sujet,
notons que le constat est également valable pour les autres démocratie
occidentales.
1MM. Marcel Prelot et Jean Boulouis, op. cit, page 735 et suivantes; M. J. Bourdon, "Les
assemblées parlementaires sous la Vè république", Notes et études
documentaires, n° 4463-4464, La documentation française, Paris, 17 Avril 1978, page 69 et
suivantes.
2Sur les caractères généraux de la constitution de 4 Octobre 1958, voir MM. C. Debbasch, 1.
Bourdon, J. M. Poutier, J. C. Ricci, op. cit, page 435 et suivantes.
3 MM. Marcel Prelot et Jean Boulouis, op. cit, page 735 et suivantes.
4 MM. Marcel Prelot et Jean Boulouis, op. cit, page 735 et suivantes.
5 Voirl'ouvrage collectif de Mme E. Guichard-Ayoub, MM. C. Roig et Jean Grance, "Etudes
sur le Parlement de la Vè République", P. U.F., Paris 1965, respectivement les pages 46 à
164 et 167 à 287; Dans le même sens Voir M. A.
Chandernagor, "un parlement pourquoi faire" ?, Gallimard, Paris, 1967, 192 pages.

- 259 -
Or, ce qui est intéressant à savoir, c'est que toute modification,
innovation ou démarche institutionnelle ou constitutionnelle française a des
répercussions certains dans les Etats d'Afrique noire francophone.
M. G. Conac. apporte une contribution notable sur le mimétisme des
systèmes africains
à l'égard du modèle de 1958. Selon lui, la
"programmation", de l'extérieur des techniques de gouvernement et des
modalités de la vie parlementaires française tient essentiellement à la
formation des leaders africains assumée dans le système juridique français et à
l'association de techniciens français à l'élaboration des institutions2 •
Cependant, l'échec et l'inadaptation de ces modèles étrangers a vite
suggéré aux dirigeants considérés la nécessité d'adaptation de ces derniers aux
réalités africaines.
En dépit de cette évolution cédant le pas au syncrétisme institutionnel et
constitutionnel, les droits traditionnels du parlement africain sur son
règlement intérieur et son ordre du jour restent subordolVlés à la volonté de
l'exécutif africain.
C'est pourquoi on ne peut saisir l'effacement du rôle des parlements
africains dans l'adoption des règles régissant leur activités que si l'on accepte
l'influence de l'esprit "nouveau" du régime de 1958 sur les constituants
considérés.
C'est d'autant plus vrai qu'il y avait une coïncidence presque parfaite
entre l'installation de la Vè république et l'accession "au standing
international" pour reprendre M. G. Conac de ces Etats3.
En définitive, afin d'éviter l'abstrait et mesurer donc le degré
d'effacement du rôle susvisé de ces assemblées nationales, l'étude s'orientera
vers deux directions : elle envisagera le rôle de l'institution monocamérale,
tout d'abord, dans l'adoption de son cadre normatif, ensuite, dans
l'élaboration de son cadre temporel.
t Sous la direction de M. G. Conac, consulter "Les institutions constitutionnelles des Etats
d'Mrique et de Madagascar, op. cit, page 1 à 68; Egalement lire "La tendance au
présidentialisme dans les nouvelles constitutions Négro-africaines", par J. Buchmann in
civilisation, 1961, n' l, page 65 et suivantes.
2 M. Pierre Lagorce, Député-Maire de Langon, nous a affirmé avoir participé avec M. Foyer à
la rédaction de la constitution de la République de Côte d'Ivoire, donc à celle des autres pays
du Conseil de l'entente.
3 M. G. Conac, Ouvrage cité, page 1 et suivantes.

- 260 -
CHAPITRE 1 - UN CADRE NORMATIF "OCTROYE" LE
REGLEMENT INTERIEUR
Sur la liste des travaux, traitant de la manière dont l'assemblée nationale
française a été relativement dépossédée de sa souveraineté sur son règlement
intérieur doit figurer le mémoire de M. C. Roig 1.
Abordant la question, ce dernier révèle "l'esprit nouveau" du régime
naissant au nom duquel l'intervention des politiques dans l'élaboration du
règlement intérieur s'avérait "juridiquement possible et politiquement
nécessaire".
Et, si arguant du fait que certaines règles relevant normalement du
règlement intérieur doivent figurer dans la constitution, au sens matériel du
terme, M. M. Debré parvint ainsi à officialiser la compétence du
gouvernement en cette matière. A partir de cette intrusion, il était possible de
dire que l'organe législatif venait de perdre une de ses attributions les plus
fondamentales2, d'autant que le conseil constitutionnels pouvait contrôler le
contenu du règlement des assemblées parlementaires.
Or, si l'on sait que certains futurs leaders des Etats africains occupaient
des responsabilités politiques soit au sein du comité rédactionnel, soit au sein
du gouvernement, soit au sein du parti gaulliste de l'époque3, on peut aisément
établir une parenté entre l'origine extérieure du règlement intérieur en France
et dans les futurs Etats indépendants.
Cependant, il convient de faire apparaître la différence qualitative entre
la manière dont le texte réglementaire a été élaboré en France, d'une part, et
dans les Etats considérés, d'autre part.
1 On peut retrouver ce mémoire dans l'ouvrage collectif précité de la page 167. Voir
également, "la constitution et les débats sur les règlements des assemblées parlementaires" de
M. Bedio, RDP, 1959, pages 566 et suivantes, on peut consulter utilement la déclaration du
27 Aoüt 1958 devant l'Assemblée nationale de M. M. Debré, R.F.S.P., 1959, n° 1, pages 9 et
suivantes.
2 Par exemple, M. F. H. Boigny fut ministre d'Etat du gouvernement du Général De Gaulle
alors que M. A. Ahidjo, l'ancien président camerounais étaitgau11iste.
3 Par exemple, M. F. H. Boigny fut ministre d'Etat du gouvernement du Général De Gaulle
alors que M. A. Ahidjo, l'ancien président camerounais étaitgau11iste.

- 261 -
M. P. F. Gonidec recommande d'ailleurs cette démarche lorsqu'il
affirme que les textes de loi africains sont comme du ''bois mort". De ce fait,
il faut entreprendre l'étude des institutions à la lumière des "conditions
particulières de la vie politique" de ces paysl.
Relativement contredit par M. G. Conac2, selon lequel les textes
constitutionnels sont dynamiques et exercent une influence certaine sur le
pouvoir africain, il n'empêche que ses propos constitueront les instruments
qui permettront de tendre vers la réalité en ce qui concerne l'origine du
règlement intérieur des quatre Etats considérés.
Section 1 - L "élaboration gouvernementale du rèldement
intérieur des Assemblées nationales
(Côte d"Ivoire. Haute-Volta et Togo)
A la lumière des travaux précités de M. C. Roig, il est possible de dire
que la postériorité à l'installation de l'organe législatif national par rapport à
celle de l'exécutif a facilité l'élaboration du règlement intérieur par des
organes étranges à l'assemblée nationale.
On peut, certes, critiquer cette relation, pour des motifs historiques, en
vertu desquels le qualificatif d'institutions pleinement souveraines ne convient
pas au conseil de la république ni à l'assemblée législative de la période de
tutelle française.
Si cela est vrai, en partie, du fait de la tutelle exercée sur ces institutions
par le pouvoir central métropolitain, il faut aussi dire que cette dépendance
contribue à expliquer la perte de souveraineté totale de l'organe de
représentation locale sur son règlement intérieur. Sur ce point, notons une
parfaite ressemblance entre le texte élaboré par les parlementaires
métropolitains et celui de leurs homologues des territoires d'outre-mer3.
1 M. P. F. Gonidec, "Les principes fondamentaux du régime politique de la Côte d'Ivoire",
Recueil Penant, Ediéna, Paris 1961, page 680.
2 M. G. Conac, op. cit, pages 1 à 68.
3 Il est question de la ressemblance parfaite entre le texte intérieur de l'Assemblée nationale
française, d'une part et, le règlement intérieur de l'Assemblée législative de ces territoires
d'Outre-Mer.

- 262 -
Cela permet également d'expliquer l'origine extérieure de ce règlement
dans les assemblées nationales de ces pays aussitôt l'indépendance acquise.
A ce niveau, il faut distinguer deux cas : en Côte d'Ivoire et en Haute-
Volta, d'une part, un parti politique, le RDA a conduit les pays à la
souveraineté nationalel .
Anciens représentants à l'assemblée métropolitaine et conseillers
territoriaux, ces dirigeants politiques appartenaient à la même formation
politique.
Cette commune appartenance explique la timidité des assemblées
nationales futures face à l'élaboration gouvernementale de leur règlement
intérieur.
Au Togo, d'autre part, en 1979, il s'agissait après plus d'une décennie
de régime de fait soutenu par un parti unique créé par le Chef des forces
armées nationales de constitutionnaliser ce pouvoir militaire.
Là aussi, la subordination à l'institution monopartisane de la
représentation nationale va l'amener à accepter l'origine extérieure de son
règlement.
Bien que revêtu du formalisme constitutionnel occidental, il faut dire
que dans ces trois Etats, on est loin de l'esprit et de la lettre des dispositions
selon lesquelles l'assemblée nationale établit son règlement intérieur.
A - Les origines externes du règlement intérieur
A ce niveau, on peut retenir une différence qualitative de taille entre,
d'une part, le Togo et d'autre part, la Côte d'Ivoire 2• Si l'on considère le
critère de l'association, même infime, de parlementaires au comité
rédactionnel.
1 Contrairement à la Côte d'Ivoire, en Haute-Volta, certains petits partis ont contribué
"timidement" à la lutte d'émancipation politique. Il s'agit par exemple du Parti du
Regroupement Africain (P.R.A.) de l'écrivain Nazi Boni.
2 En Haute-Volta, de l'indépendance à nos jours, il ya eu trois règlements intérieurs. Pour
l'instant, il est question du premier qui a régi l'assemblée nationale de 1960 à 1966.

- 263 -
Paragraphe 1 - Une comité rédactionnel mate en
Côte d"Ivoire et en Haute-Volta
D'emblée, il faut dire que l'identité, quant à l'élaboration du règlement
intérieur des assemblées de ces deux pays, tient surtout à la volonté des
dirigeants ivoirienne et voltaïques de réaliser, à long termes, une union dans
le cadre du Conseil de l'Entente par le biais de la similitude de leurs
institutions politiques 1•
C'est pour cette raison qu'avant la transformation de l'assemblée
législative en assemblée nationale, les dirigeants politique - par ailleurs
représentants de leurs populations respectives au Palais Bourbon - vont
associer quelques uns des leurs aux experts français pour confectionner le
futur règlement intérieur de leur organe législatif2.
Par cette acte de dépossession, quoique des parlementaires figuraient
dans le comité rédactionnel, on est loin des règles traditionnelles conférant au
parlement la maîtrise de son règlement intérieur. Comme il a été dit, si
l'antériorité du régime par rapport à l'organe législatif a influencé et
déterminé l'abandon de l'autonomie invoquée, il n'est pas non plus faux
d'attribuer cela au monopole déjà existant du parti unique sur la vie politique.
Cette hypothèse peut s'accepter si l'on tient compte du délai
relativement bref entre l'octroi des indépendances et la proclamation de la
souveraineté exigée pour adhérer à l'organisation des Nations-Unies3. Dans
cette optique, les dirigeants ont écarté le parlement non seulement de
1 M. P. F. Gonidec aborde la question dans l'article précité à la page 679, sur le Conseil de
l'Entente, lire le texte de M. G. Tixier dans la même revue Penant de 1960 et les observations
de M. P. Decraene dans la Revue française de Science politique, 1960, page 861.
2 A l'issue de notre entretien avec MM. Pierre Lagorce, député-Maire de Langon et Laurent
Bandaogo, Président de l'assemblée législative voltaïque, nous avons eu confirmation de
l'extériorité de la constitution et du règlement intérieur de l'assemblée nationale des pays du
Conseil de l'Entente (Côte-d'Ivoire; Dahomey; Haute-Volta; Niger). A titre d'exemple MM.
Poyer et P. Lagorce participèrent à ces travaux de rédaction qui ont eu lieu à Paris.
3 En Afrique noire francophone, la Guinée-Conakry exprime parfaitement cette idée. La
constitution a été élaborée et rédigée vraisemblablement entre le 28 septembre 1958 (date du
"Non" massif au référendum du Général De Gaulle portant sur la communauté française, et le
2 octobre 1958 (date de la proclamation de l'indépendance et la l'adhésion de la République à
l'O.N.V.). C'est ce qui explique, en partie, la transposition fidèle du texte constitutionnel
français dans ce pays.

- 264 -
l'élaboration de la constitution 1 mais également de celle du règlement
intérieur. Il s'agit là d'une "mise en veilleuse momentanée", peut-être par
économie, dans la mesure où l'institution monocamérale future, composée des
seuls élus du parti unique, allait approuver les mesures prises par l'exécutif.
Si l'on retient les circonstances propres à l'époque des indépendances
pour atténuer quelque peu la mise à l'écart du parlement lors de l'élaboration
de son règlement intérieur en Côte d'Ivoire et en Haute-Volta, tel ne peut être
le cas pour le Togo.
Paragraphe 2 - L"élaboration du règlement intérieur
par l"exécutif sous la troisième
République togolaise
Là, il convient de noter une originalité: si l'assembl,ée nationale possède
un règlement intérieur, on ne peut retrouver dans aucun texte une mention le
concernant, a fortiori une indication sur l'autonomie politique ou fmancière
de l'organe représentatif en cette matière.
Plus grave que dans les deux cas précédents, au Togo, il semble que non
seulement aucun député n'a participé à la confection du règlement intérieur,
mais aussi que le parlement n'a même pas été informé de son contenu.
Cela est d'autant plus vraisemblable que les constituants togolais ne
cessent d'étonner par leur manque de conformité à l'égard des pratiques
démocratiques courantes - A titre d'illustration, rappelons le cumul du
référendum constitutionnel avec l'élection plébiscitaire du Président Eyadéma
et les législatives en un vote unique en 1979. Notons que ces opérations se sont
déroulées en l'absence de toute loi électorale2 !
Si l'on s'interroge sur la source réelle du règlement intérieur, on ne
peut que la rechercher soit du côté du parti unique au pouvoir, le R.P.T., soit
du côté de l'exécutif3.
1 Au Sénégal, Me Boubacar Guéye prétend avoir rédigé seul toutes les constitutions
sénégalaises, sauf celle de 1963. Sur cette information, voir M. Pathé Diagne, op. cit, page
65 et suivantes.
2 En 1985, pour le renouvellement de l'assemblée nationale, une loi électorale a été prévue.
On peut l'examiner en Annexe.
3 En 1985, pour le renouvellement de l'assemblée nationale, une loi électorale a été prévue.

- 265 -
Selon toute logique, il ne peut s'agir que de l'oeuvre d'une techno-
structure du pouvoir exécutif. Car, si le parti avait participé à cette rédaction,
le parlement aurait été informé dans la mesure où les députées sont les
membres les plus influents de l'organisation politique au pouvoir. Le secret
ayant entouré le travail de rédaction autorise donc d'exclure cette hypothèse t.
L'analyse ainsi achevée infirme les proclamations contenues dans les
. constitutions ivoirienne et voltaïques et révèle la source gouvernementale des
règlements intérieurs des trois parlements étudiés. Voyons à présent l'attitude
des députés à l'égard de ces atteintes graves aux pouvoirs des assemblées
nationales.
B - L'attitude des Assemblées nationales lors de l'adoption
du règlement intérieur
Selon leur comportement à l'égard du règlement intérieur établi par
l'exécutif, on peut distinguer deux attitudes adoptées par les assemblées
nationales considérées.
La première, la timide, émanant de l'organe législatif ivoirien et
voltaïque, a consisté à l'acceptation pure et simple d'un règlement provisoire à
la confection duquel il a contribué.
La seconde, faite de passivité, vient de la représentation nationale
togolaise qui a, pour sa part, appliqué un texte à l'élaboration duquel elle fut
totalement écartée.
Paragraphe 1 - Une attitude timide
On peut se demander, logiquement, si l'intervention du parlement pour
l'adoption de son règlement intérieur était véritablement utile, dans la mesure
où les circonstances invoquées pour abandonner son autonomie politique
persistaient encore ?
On peut l'examiner en Annexe.
t Selon des sources concerdantes, il semblerait que l'ancien directeur de cabinet du Général
Eyadéma, M. Ouattara F. Natchaba, ne soit pas étranger à la rédaction du règlement intérieur
de l'assemblée nationale.

- 266 -
Le bien fondé de l'opération pourrait, par ailleurs, se révéler peu
évident si l'on sait que le texte susvisé émanait en dernier ressort du parti
unique et que, par son omniprésence au parlement, ce dernier ne pouvait
qu'apporter ses "... acclamations patriotiques habituelles" à la volonté du
leader monopartisan1•
Si, par économie, on aurait pu éviter ce formalisme, il faut souligner
que le but recherché par les dirigeants ivoiriens et voltaïques était de
"légitimer" cette atteinte à l'une des règles de la démocratie occidentale.
Ainsi, soumis à la discipline partisane, préférant défendre davantage
l'intérêt supérieur du parti et de son leader que de tenir compte d'une des
prérogatives du parlement, les élus vont timidement approuver comme
définitif le règlement intérieur élaboré par l'exécutif2.
Pour finir avec ce propos, précisons que cette timidité s'expliquait aussi
parla jeunesse de nombres d'élus plus enthousiasmes par la confiance
populaire dont ils viennent de recevoir la marque que par des préoccupations
juridiques tenant à la conformité ou non des actes de l'exécutif à la
constitution.
Paragraphe 2 - Une attitude passive
L'analyse objective du comportement des députés togolais, confrontée à
l'élaboration et à l'adoption du règlement intérieur, amène l'observateur à
poser la question figurant comme titre de l'ouvrage de M. A. Chandernagor:
"Un Parlement pour quoi faire" ?
Il est vrai que, partout dans le monde, aussi bien dans les vieilles
démocraties occidentales que dans les nouvelles républiques issues de la
décolonisation, on assiste à un recul des régimes parlementaires au profit des
régimes favorables à l'exécutif.
1 Sur la relation intime entre le volte et le leader dans les régimes présidentiels africains, voir
Mlle Brigitte Marquet, "Côte d'Ivoire: pouvoir présidentiel, palabre et démocratie", Afrique
contemporaine, n· 114 mars-avril, 1981, page 16 et suivantes: pages 19 et suivantes;
également lire les déclarations du Président Yacé cité, par "Fraternité", quotidien
gouvernemental, du 21 octobre 1960 ; consulter enfin" Le régime présidentiel dans les
nouvelles constitutions des Etats africains d'expression française" de M. L. Dubouis, Recueil
Penant, Ediéma, Paris, 1962, page 218 à 248.
2 M. M. Debré, "La nouvelle constitution", R. J. S. P., 1959, pages 8 et suivantes.

- 267 -
En accord avec M. M. Debré l, si les régimes d'assemblée présentent
plus d'inconvénients que d'avantages, il convient d'en dire autant du régime
présidentialiste, tel qu'il est au Togo2, surtout pour ce qui concerne la
subordination totale du parlement à la volonté de l'exécutif.
Non seulement les parlementaires n'ont nullement été associés à la
confection du règlement intérieur, ce qui fut le cas au moins en Côte d'Ivoire
et en Haute-Volta, mais il n'y eut vraisemblablement pas de vote pour son
adoption.
Aussi, loin de s'appesantir sur cette donnée, eu égard au contenu
"insignifiant" et à l'aspect "squelettique", du texte3, il est nécessite de dire
quelques mots sur l'attitude passive des députés face à cet état des choses.
Contrairement aux deux Etats précédents, on ne saurait invoquer
l'urgence du moment qui impose une rédaction à la "sauvette" du texte pour
expliquer ce type de comportement, puisque le régime existait depuis douze
années avant le processus de constitutionnalisation.
Par ailleurs, l'attitude serait plus compréhensible s'il était prouvé que
certains députés avaient contribué, dans le cadre d'une structure partisane, à la
conception du règlement susvisé. Or, tel ne fut pas le cas.
Force est alors d'expliquer ce comportement par l'allégeance totale des
députés à la personne du "père du Togo nouveau" sans lequel ces derniers
n'auraient pas été investis de la confiance populaire.
Une forte probabilité milite dans le sens de cette assertion. Car, à la
réflexion, dans ces types de régimes personnalisés, le but inavoué des pouvoirs
n'est pas de bien structurer les organes constitutionnels de l'Etat, mais de
1M. M. Debré, "La nouvelle constitution", R. J. S. P., 1959, pages 8 et suivantes.
2 Sur la subordination du parlement monocaméral sénégalais, voir le débat autour du thème
"Quelle Démocratie pour le Sénégal", M. P. Diagne, op. cit.
3 C'est par comparaison avec les règlements intérieurs des assemblées nationales ivoirienne,
voltaïque et sénégalaise que nous caractérisons de la sorte le règlement intérieur du parlement
togolais. En dehors de cela, il suffit de porter l'attention tant sur la forme que sur le fond de ce
texte pour arriver à cette conclusion.

- 268 -
signifier à l'opinion internationale qu'ils adhèrent aux idéaux démocratique 1•
Ce qui est certain, en conclusion, c'est que les élus togolais et, dans une
certaine mesure, leurs homologues ivoirienne et voltaïques attestent, par leur
attitude, le qualificatif parfait de "caisse de résonance" que l'on confère aux
parlements démentie en Haute-Volta (IIè et IIIè République)2 et au Sénégal.
Dans ces cas, le règlement intérieur émane du parti dominant ou unique au
pouvOIr.
Section II - L "élaboration oartisane du rèRlement
intérieur des Assemblées nationales de
Haute-Volta et du Sénégal
Cette source partisane tient essentiellement au fait que, dans ces deux
pays, l'esprit et le fond des institutions politiques nouvelles sont largement
voire totalement tributaire du parti qui a conduit le pays à la souveraineté
nationale (Sénégal)3 ou au retour "à une vie constitutionnelle normale" (Haute
Volta)4.
Par ailleurs, la suprématie du parti au parlement et la postériorité de ce
dernier au dominant, il va s'en dire que l'opération de rédaction du texte par
les organes partisans et son adoption ultérieure ne posent nullement problème.
A - Le règlement intérieur, oeuvre d'un parti politique
L'évolution politique respective de ces pays permet de dire que s'il y a
similitude quant à l'origine partisans du règlement intérieur, elle offre
également la possibilité de constater qu'il existe aussi ·une différence sensible
dans l'explication de cet état de choses.
1 Pour plus de détail, se reporter au débat sur le constitutionalisme africain avec la Thèse de M.
Vignon.
2 Sous la 1ère République monopartisane (1960-1966), le règlement intérieur de l'assemblée
nationale était d'origine gouvernementale. Avec le règne du multipartisme, aussi bien sous la
IIè République (1970-1974) que sous la IIlè République (1978-1980), le règlement intérieur
avait une origine partisane du fait de la domination de l'assemblée nationale par le RDA
3 Au Sénégal, après le règle du parti unique de M. Senghor, l'UPS de 1960 à 1974, on
assiste avec le multipartisme à la suprématie de ce parti devenu P S à l'assemblée nationale.
4 Sous la Ire République monopartisane (1960-1966), le règlement intérieur de l'assemblée
nationale était d'origine gouvernementale. Avec le règne du multipartisme, aussi bien sous la
IIè République (1970-1974) que sous la IIlè République (1978-1980), le règlement intérieur
avait une origine partisane du fait de la domination de l'assemblée nationale par le RDA.

- 269 -
Paragraphe 1 - L"eIemple voltaïque (IIè et IIIè
KépubliQ ues
Sans revenir sur l'analyse précédente, notons sommairement que la
source gouvernementale du règlement intérieur de l'Assemblée nationale de la
1ère République voltaïques a été établie.
Si l'on délaisse la période couvrant le reglme militaire, marqué par
l'absence de parlement (l966-1970) et si l'on s'intéresse à la IIè République,
une originalité tenant au déplacement de la source du règlement intérieur est à
noter.
En effet, preCIsons que l'alternance reglmes militaires et régimes
constitutionnels civils n'a nullement empêché le retour au sein des institutions
politiques nouvelles de l'ancienne majorité du pays, le RDA.
La victoire de cette force politique est d'une importance capitale, car
son ''hibernath>n'', durant l'ère des prétoriens, n'a pas entaché ses conceptions
anti-parlementaires précédentes.
Aussi, appuyée par une forte majorité parlementaire, elle s'empressera
de constituer une commission parlementaire monocolore pour élaborer le
règlement provisoire du parlement.
Plus soucieuse de continuité que d'innovation voire de changement,
conformément au multipartisme en vigueur, cette structure tablera sur
l'ancien texte établi par l'exécutif de la Ire République. Cependant, il faut dire
qu'elle y a apporté quelques modifications, au nombre desquelles figure la
reconnaissance effective des groupes parlementaires 1.
Par une curieuse répétition historique, suite à l'abolition de ce régime
constitutionnel par les militaires qui exerceront durant trois années le
pouvoir 2, l'avènement de la IIlè République verra s'accomplir le même
"scénario".
1 En théorie, l'expression groupes parlementaires, au pluriel, existait sous la Ire République
caractérisée par un monopartisme de fait. Sous la lIé et la IIIé Républiques, les groupes ont été
reconnus, tant en théorie qu'en pratique.
2 De 1974 à 1977, le régime de fait du Général S. Lamizana essaya de se constitutionnaliser.
De ce fait, il faut créer une assemblée nationale nommée proche d'un comité économique et
social. A ce sujet, se reporter à l'étude envisagée plus loin sur la composition de cet organe
législatif. En annexe, on pourra utilement consulter son règlement intérieur.

- 270 -
Aussitôt pourvu de la majorité parlementaire, le RDA, par le biais de
sens représentants à l'Assemblée nationale, confectionnera le règlement
intérieur de cette dernière, véritable réplique du texte précédent, selon
l'opposition 1•
Toutefois, si l'on se situe sous la IIè République, il faut dire que
l'autonomie du parlement en matière d'élaboration de son règlement intérieur
a connu une signification bien particulière.
Car, comme on l'a vu, le parti dominant à l'assemblée s'est substitué à
la totalité des élus nationaux. L'opposition, même minoritaire, ainsi écartée,
on peut s'interroger valablement sur la valeur réelle du texte partisan susvisé
puisque celle-ci ne pourra nullement influencer le vote définitif qui
interviendra en séance plénière.
Paragraphe 2 - L"eIemole sénégalais
Deux périodes distinctes, mais non-exclusives, sont à prendre en
considération pour la compréhension de l'objet visé. Celles-ci sont
circonscrites, pour la première, à la Fédération du Mali jusqu'à son
éclatement2 et, pour la deuxième, de l'Etat sénégalais unitaire à parti unique à
l'Etat unitaire multipartisan.
Ce qu'il faut retenir de cette brève expenence fédérative, c'est la
coexistence de deux partis politiques, l'U.P.S. au Sénégal et l'U.S. au Soudan,
qui, par ailleurs, avaient conduit les deux Etats respectifs à l'émancipation
nationale.
C'est à partir de cette "légitimité" que s'explique la main-mise des
organes partisans, au détriment du parlement, sur le processus d'élaboration
1 la force de l'argumentation de l'opposition est évidente, si l'on prend soin de comparer le
règlement intérieur de l'Assemblée nationale de la IIè et de la IIIè Républiques.
2 La Fédération du Mali regroupant le Sénégal et le Soudan ex-français (actuelle République du
Mali), éclata le 20 Août 1960, à la suite des incidents entre les Présidents L. S. Senghor et
Modibo Keïta.

- 171 -
du règlement intérieur. L'opposition écartée, par phagocytose ou par
suppression, selon l'utilisation cumulative ou non des moyens juridiques et
politiques, dans ces deux Etats fédérés, les formations politiques citées se
conféraient les attributs politiques de l'Etat fédéral en gestation.
Pour finir avec cette période, il faut dire que la mise entre parenthèses
de l'autonomie politique du parlement, en cette matière, trouvait un écho
favorable puisque, dans tous les cas, celui-ci ne pouvait qu'accepter du fait du
monopole de ces partis sur les fonctions parlementaires.
L'éclatement de la Fédération ne sera pas synonyme de recouvrement
de la compétence perdue par l'assemblée nationale de l'Etat unitaire du
Sénégal. Au monopole des deux partis fédéraux s'est substituée la domination
de l'unique formation politique, l'UPS.l. On peut néanmoins préciser les
modifications du règlement intérieur par l'organe législatif, survenues du fait
de l'abandon de la structure fédérale.
Pour suivre, c'est à peu près cette même constance qui sera maintenue
lors de "l'ouverture" tripartisane du régime monopartisan de M. L. S.
Senghor en 1974 et lors de la reconnaissance d'un pluralisme illimité par
l'actuel Président, M. A. Diouf.
Pour être exact, il faut signaler la relative novation intervenue depuis
l'amorce du processus de "démocratisan". En effet, par rapport à l'ère de
l'UPS, le parlement s'est vu confier la maîtrise de son règlement s'est vu
confier la maîtrise de son règlement intérieur. Cette attribution perdrait de sa
substance s'il n'existait pas à l'intérieur de l'hémicycle des forces politiques
opposées à la majorité parlementaire. A partir de cette réalité vivante, on
avait momentanément cru à l'abandon de l'ancienne coutume d'expropriation
de l'institution au profit d'un parti politique. Mais, la représentation
"lilliputienne" de l'opposition au parlement, son absence dans la commission
chargée du règlement intérieur, explique parfaitement la nature partisane du
texte susvisé.
En, que l'on se situe sous le tripartisme instauré par M. L. S. Senghor
ou sous le multipartisme illimité de son successeur, M. A. Diouf, force est de
reconnaître l'origine socialiste du règlement intérieur de l'assemblée nationale
du Sénégal.
1 Sur la question. voir M. F. Zuccarreli, "Un parti politique africain: l'Union Progressiste
sénégalaise (UPS)", L. G. D. J., Paris, 1970.

- 272 -
Pour relativiser ce propos, eu égard au crédit relatif conféré au régime
de libertés publiques dans ce pays1, il serait réaliste d'imaginer une influence
exercée par les partis de l'opposition sur les travaux des commissaires
mandatés par la majorité pour l'élaboration du texte provisoire susvisé. Mais,
à ce niveau, le doute persiste si l'on tient compte tu contenu du système
politique sénégalais, par exemple, l'absence de statut de l'opposition voire de
sa marginalisatiQn du jeu démocratique2•
Pour finir, notons que la crédibilité de l'origine partisans du texte se
révélera plus probante, si l'on prend en considération la soumission dont les
parlementaires font preuve au moment des votes.
B - Un vote majoritaire aCQ uis sur le règlement intérieur
d"insDiration partisane
Avant d'aborder le vote majoritaire sur le règlement intérieur, il
convient de s'interroger sur le peu d'intérêt que celui-ci suscite au niveau des
parlementaires.
Paragraphe 1 - La faible importance pratique du
règlement intérieur
En droit, l'affirmation ne peut être exacte. Pour l'attester, il suffit de ne
pas perdre de vue le volume et la nature des matières traitées3 sont d'une
contribution notable.
Selon ces derniers, le règlement intérieur ne doit pas seulement être
perçu comme la loi intérieure des Assemblées. C'est-à-dire, "un recueil de
prescriptions destinées à faire procéder avec méthode une réunion ou se
rencontrent et se heurtent beaucoup d'aspirations contradictoires"4. Mais, il
faut le percevoir comme 'un instrument redoutable aux mains des partis ; il a
1Sur la controverse autour de la nature du régime sénégalais, comparer les deux ouvrages
suivantes. M. 1. M. Nzouanlœy, "Les partis politiques sénégalais", Ed. Clairafrique, Dakar,
1984 ; M. Pathé Diagne, "Quelle démocratie pour le Sénégal", op. cit.
2 Sur l'absence de statut de l'opposition au Sénégal, voir M. Foussénou Sissoko, "Pour un
statut de l'opposition", le citoyen, op. cit, page 31 et suivantes.
3 On peut utilement ces textes intérieurs en Annexe.
4 M. Eugène Pierre, op. cit, page 490 ; citation reprise par M. G. Sedia, op. cit, page 864.

- 273 -
souvent plus d'influence que la constitution elle-même sur la marche des
affaires publiques"'.
Dans le même sens, le Professeur M. Prelot2 indique, tout d'abord,
l'influence du règlement intérieur sur l'orientation du pouvoir, puis, sa place
privilégiée en tant que "source des règles d'organisation du travail
parlementaires".
Si l'on abandonne cette argumentation purement formelle et que l'on
table sur celle tenant à la réalité politique, il faut dire que le corps législatif,
ou du moins, sa fraction minoritaire ne focalise nullement son intérêt sur la
question.
Sur les réalités de ce désintérêt, rappelons de nouveau, l'absence de
débats importants lors de son adoption, contrairement à l'inflation verbale que
l'on constate lors des séances relatives à la question du traitement des députés,
par exemple .
Pour finir, signalons que le désintérêt de fait pour le règlement
intérieur voile son importance en droit, puisque les dirigeants politiques, par
l'entremise du parti majoritaire à l'assemblée affaiblissent les pouvoirs de
cette dernière en le faisant adopter.
Paragraphe 2 - Le vote majoritaire du règlement
intérieur
A la lumière de l'analyse précédente, on peut facilement déduire les
résultats du scrutin engagé pour l'adoption du règlement intérieur soumis au
parlement.
Eu égard à l'infime représentation de l'opposition à l'assemblée
nationale et à son accord sur le texte proposé et compte tenu de l'origine
majoritaire du texte proposé, ainsi que de la discipline partisane existant au
niveau des deux forces en présence la proposition recueillera plus que la
majorité absolue des voix qui est exigée.
'M. Eugène Pierre, op. cit, page 490 ; citation reprise par M. G. 8eriia, op. cit, page 864.
2MM. M. Prelot et Jean 8oulouis, op; cit, page 736.

- 274 -
Face à ce score, on ne peut manquer de s'interroger sur le sens du vote
ainsi réalisé, surtout, dans des Etats où la contestation semble autorisée.
Succinctement, tout comme dans les régimes monopartisans, la
dépendance
du
mandat
parlementaires
à
l'égard
du
parti
et,
vraisemblablement, de son leader national, fausse l'application des règles
classiques de la démocratie représentative dont ces pays multipartisans se sont
dotés.
C'est à partir de cette vérité qu'il faut interpréter et justifier le sens et
la portée des scrutins qui y sont utilisés. C'est également cette suprématie du
chef de l'exécutif au détriment du parlement qui explique, par ailleurs, la
main-mise gouvernementale sur l'ordre du jour de l'organe législatif dans ces
régimes présidentialistes.

- 275 -
CHAPITRE II - UN ORDRE DU JOUR DES ASSEMBLEES
NATIONALES LARGEMENT DEPENDANT DU
POUVOIR EXECUTIF
Tirant les enseignements de l'évolution parlementaires de la France, le
pouvoir exécutif dans les régimes africains favorables à un exécutif fort n'a
retenu que le système de fixation de l'ordre du jour des assemblées tel qu'il a
été établi en 19581•
A ce égard, si la constitution, le règlement intérieur et la coutume
accordent certaines prérogatives en la matière à l'organe législatif, il n'en
demeure pas moins que l'on est très loin de la pratique souveraine de la IIIè et
IVè République française2•
L'abandon de la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées dans ces
régimes a si bien été consommé qu'un analyse minutieuse de son objet s'avère
intéressante.
Pour y parvenir, l'étude s'attachera à deux aspects complémentaires:
l'un aura pour but de mesurer les compétences respectives du parlement et de
l'exécutif dans la fixation de l'ordre du jour; l'autre visera à montrer le rôle
réel de la conférence des présidents en cette matière.
Section 1 - Les compétences respectives du parlement et
de l"eIécutif en matière de fiIation de
l"ordre du jour
Cette investigation doit reposer essentiellement sur les données
juridiques et politiques qui ont présidé à la conceptualisation et à l'installation
des systèmes politiques étudiés.
Sur le premier point, notons que l'article 48 de la constitution de 1958
repris par les textes correspondants de ces pays, autorise le gouvernement à
1 Sur la question, voir MM. C. Debbasch, J. Bourdon, 1. M. Poutier, 1. C. Ricci, op. cit,
page 707 et suivantes; MM. M. Prelot et Jean Boulouis, op. cit, page 797 et suivantes.
2 Sur la question, voir MM. C. Debbasch, J. Bourdon, J. M. Poutier, J. C. Ricci, op. cit,
page 707 et suivantes; MM. M. Prelot et Jean Boulouis, op. cit, page 797 et suivantes.

- 276 -
imposer sa priorité dans le travail de l'organe législatif et, de même, à refuser
l'inscription de discussions à l'ordre du jourl . En outre, rationalisant le
travail parlementaire, ces constitutions confèrent au gouvernement
l'équivalent d'un contrôle des activités législatives. A ce titre, soulignons les
techniques de rationalisation contenues' dans les articles relatifs à la
détermination du domaine de la loi et du règlement, au régime des sessions et
au vote "bloqué"2. A partir de cet inventaire, on saisit globalement le
déséquilibre évident au bénéfice de l'exécutif en matière de fixation de l'ordre
du jour.
Sur le second point, c'est au nom de la "conduite des affaires publiques
de l'Etat", dans laquelle est insérée la "législation"3, que l'exécutif justifie
politiquement la dépossession en cette matière du parlement. Comme il sera
vu, non seulement les questions orales seront à sa merci, mais l'ordre du jour
complémentaires dépendra également de sa disponibilité.
A - Un déséquilibre évident au bénéfice de l'exécutif
Si l'on ne perd pas de vue les deux données susmentionnées auxquelles
on ajoute l'allégeance totale ou majoritaire des députés au gouvernement, le
déséquilibre évoqué peut s'analyser en terme de "monopole de fait" de ce
dernier sur l'ordre du jour.
Paragraphe 1 - La priorité du gouvernement dans la
fiIation de "ordre du jour
Selon sa première acceptation, le principe est suffisamment éloquent: la
direction de la législation appartient à l'exécutif. Si la loi demeure "une
1 Voir respectivement l'article 32 de la constitution de la Côte d'Ivoire; l'article 82 de la
constitution de Haute-Volta; l'article 40 de la constitution du Togo et l'article 73 de la
constitution du Sénégal.
2 Dans notre analyse sur l'initiative législative, nous abordons la délimitation du domaine de la
loi et du règlement et également les techniques de rationalisation en matière législative.
3 Sur l'approche susvisée, les enseignements de M. M. Debre (dans son exposé devant
l'assemblée générale du Conseil d'Etat, le 27 Aoüt 1958 et, également, à l'assemblée
nationale, le 26 Mai 1959) et de L. H. Grange (dans sont mémoire de science politique in
ouvrage collectif précité dirigé par M. M. Prelot) ont été déterminants. Sur la conduite de la
politique par le chef de l'Etat, voir article 21 de la constitution ivoirienne; article 12 et 23 de la
constitution voltaïque, articles Il et 20 de la constitution togolaise; article 33 de la constitution
sénégalaise.

- 277 -
délibération de l'assemblée nationale régulièrement promulguée"l, elle doit
procéder de la voie tracée par le gouvernement.
Précisons que, pour tempérer l'autorité gouvernementale en cette
matière, certains Etats ont offert des garanties au parlement, en imposant des
obligations à l'exécutif.
Ainsi, par exemple, le pouvoir voltaïque ne peut repousser indéfmiment
les propositions de lois qui lui sont soumises2•
Mais, à vrai dire, la portée pratique de la priorité gouvernementale
efface d'emblée les garanties visées.
En effet, par le principe, l'exécutif impose au parlement l'ordre des
textes à discuter. C'est-à-dire qu'il va choisir, tout d'abord, ses projets de lois
et, vraisemblablement, les propositions de lois émanant des représentants de la
majorité ou du parti unique à l'assemblée nationale.
En outre, cette priorité s'est fortifiée par le pouvoir reconnu à
l'exécutif non seulement de déterminer les dates de la discussion, mais de
modifier également, à sa convenance, l'ordre du jour adopté.
Pour cela, l'étendue de l'initiative gouvernementale dans la fixation de
l'ordre du jour est partiellement perceptible. Pour l'appréhender globalement,
insistons maintenant sur la seconde acception du principe prioritaire.
Auparavant, une observation sur Jes fondements de ce pouvoir
gouvernemental s'impose.
D'emblée, notons qu'aucun texte de nature infra ou supra-légale ne fait
cas de la possibilité, pour l'exécutif, de s'opposer à l'inscription d'un texte à
l'ordre du jour. Si la lettre de la constitution de ces pays est muette sur la
question, il faut alors s'intéresser à son esprit. A ce niveau, deux points de vue
s'opposent.
1 nous empruntons cette définition à l'article 61 de la constitution voltaïque de 1977.
2 Qualifiés d'auto-saisine par Mme C. Desouches (in "Les Parlements", op. cit, page 117),
cette mesure conservatoire dont bénéficie le parlement monocaméral voltaïque a été analysée
précédemmenr..

- 278 -
D'abord, l'interprétation lato sensu n'exclut pas cette faculté
d'empêcher. Au nom de la règle selon laquelle "tout ce qui n'est pas interdit
est permis"l, on peut reconnaître au gouvernement ce pouvoir, dans la mesure
où il lui est conféré le complément de cette compétence originelle, à savoir, le
droit d'inscription prioritaire.
Ensuite, l'interprétation stricto sensu n'autoriserait pas ce droit qui, au
nom de la séparation des pouvoirs, enlève l'autonomie politique au parlement.
On peut, à cet effet, opposer à la précédente règle celle au nom de laquelle
''Tout ce qui est prévu doit être appliqué"2.
Toutefois, il faut dire que la nature présidentialiste des régimes choisis
a déterminé le choix pour le premier point de vue.
Cela posé, cette seconde acceptation du principe prioritaire est utilisée
comme moyen, par le gouvernement, destiné à écarter des débats
parlementaires les matières dont il ne souhaite pas l'adoption. Par ailleurs, si
l'on associe à cela les pouvoirs tirés des articles relatifs à la rationalisation de
la procédure budgétaire et législative, l'on perçoit également le rôle que peut
avoir l'exécutif dans le déroulement des travaux parlementaires.
Notons, pour finir, que le monopole de fait de cette autorité politique
sur l'ordre du jour serait que partiellement décrit si l'on n'achève pas
l'analyse en soulignant le contrôle qu'elle exerce sur le travail législatif.
Paragraphe 1 - Le contrôle du travail législatif
Dar 1"eIécutif
Il ne s'agit pas là d'une contrôle que lui assigne expressément ou
tacitement la constitution, à l'image de celui que le parlement exerce sur
l'action gouvernementale.
Il tient au contenu de certaines dispositions qui, tout en rationalisant le
travail parlementaire, octroie à l'exécutif une arme efficace visant à confiner
le parlement dans la voie tracée par ce dernier.
1 Propos tenus par M. De Broglie, in "Etudes sur le Parlement de la Vè République", op.
cité, page 54.
2 Propos tenus par M. Habib Deloncle, idem.

- 279 -
Aussi, loin d'être exhaustif1, le propos s'en tiendra à une évocation
succincte de ce pouvoir.
Soulignons, tout d'abord, la procédure du vote bloqué qui permet au
gouvernement de faire adopter en "bloc" l'intégralité du texte soumis2•
Ensuite, par le jeu de la responsabilité, il ôte toute possibilité de discussion sur
le texte soumis à l'assemblée, en invitant cette dernière à censurer 0 u
approuver sa politique et, pa la même occasion, le projet de loi déposé3.
Pour suivre, par la détermination du domaine de la loi et du règlement,
illimite les compétences parlementaires en matière législative puisque la
constitution énumère de façon restrictive le domaine de la loi4 • Enfm, par la
détermination dans le temps des sessions, l'exécutif contrôle parfaitement
l'ordre de succession des activités du parlementS.
Le déséquilibre au bénéfice de l'exécutif en matière de fixation d'ordre
du jour ainsi établi, abordons maintenant les conséquences qui en découlent, à
savoir, la dépossession du parlement.
B - Un parlement dépossédé de son ordre du jour
par l'exécutif
En reconnaissant les prérogatives du parlement sur deux des trois
parties de l'ordre du jour, à savoir, les questions orales et le complément à la
priorité gouvernementale, on a coutume d'y voir une contrepartie aux
1Nous abordons dans les propos suivants l'initiative législative dans ces pays.
2 Article 83 de la constitution voltaïque; article 38 al. 2 de la constitution togolaise; en Côte
d'Ivoire, formellement il n'existe pas la procédure du vote bloqué. En revanche M. Yves
Laporte, dans sa thèse fort appuyée d'exemples et de propos de leaders politiques importants
témoigne de la présence de moyens gouvernementaux permettant le vote intégral et sans débat
des projets de loi.
3 Article 78 de la constitution voltaïque. Sur l'adoption du régime présidentiel sénégalais
depuis 1983, voir M. S. Diop, "La nouvelle constitution du Sénégal", op. cit, page 5 et
suivantes; sur le présidentialisme négro-africain, voir M. P. Yacé, exposé général du projet
constitutionnel, in Travaux de l'assemblée nationale de Côte d'Ivoire, Côte d'Ivoire, 1re
session, page 3.
4 Concernant le contexte ivoirien, voir M. A. Boni, ancien Ministre de Justice, "Le domaine
de la loi et du règlement dans la constitution de la Côté d'Ivoire", Recueil Penant, Ediéna.
Paris, 1961, page 709 à 712.
S Sur la question, se reporter à l'analyse précédente sur la délimitation du cadre temporel des
assemblées nationales étudiées.

- 280 -
pouvoirs exorbitants de l'exécutif en cette matière.
Relativement vraie dans les vieilles démocraties occidentales 1, cette
vision ne peut qu'être fausse dans les régimes présidentialistes considérés,
quelque soit le degré de monolithisme de ces derniers2•
Car, si l'on prend en considération le rôle de "tribune de l'opposition"
que l'on accorde au parlement d'une part et si, d'autre part, on considère que
les questions orales avec ou sans débat sont des moyens
privilégiés
d'informations et de contrôle de l'action gouvernementale, quel sens alors
revêt ce droit dans les systèmes monopartisans et dans les systèmes
multipartisans à parti dominant ?
De même, que dire de la maîtrise de l'organe législatif sur le
complément de son ordre du jour ? Là aussi, il faut, pour répondre à
l'interrogation, saisir l'impact du parti unique ou dominant sur la fonction de
législation reconnue constitutionnellement au parlement.
C'est en répondant à ces questions que l'on assaiera de saisir la portée
réelle de ces droits et, par voie de conséquence, la véracité de l'affirmation de
la dépossession du parlement en matière de fixation de son ordre du jour.
Paragraphe 1 - Des Questions orales à la merci du
gouvernement
Apparemment, il semble difficile de critiquer le souci d'équité dont a
fait preuve le constituant africain dans la rédaction de ce qu'il est convenu
d'appeler l'article 48 des constitution africaines étudiées.
En effet, s'il a accordé des droits au gouvernement en matière de
fixation de l'ordre du jour, notamment la priorité législative, il en a accordé
également au parlement. Celui-ci s'est vu conférer la priorité en matière de
questions orales qui se déroulent une séance par semaine3.
lA ce sujet, on peut consulter l'ouvrage des spécialistes français en Droit public déjà cités.
2 En opposition avec notre analyse, M. P. Yacé affirme l'autonomie du parlement ivoirien en
matière de l'ordre du jour. A cet égard, consulter "La Côte d'Ivoire et son parlement", M. P.
Yacé, Bulletin interparlementaire, 53, n' l, Paris 1973, page 30.
3 Article 73, 74, 75 de la constitution voltaïque; article 40 al. 2 et 3 de la constitution
togolaise; article 74 de la constitution sénégalaise; si en Côte d'Ivoire, la constitution est

- 28:1 -
Mais, si l'on scrute de près la portée de ce droit, on ne peut que douter
de son efficacité l . En réalité, dans ces pays à "pouvoir clos"2 où le mythe du
secret, du confidentiel n'est pas vain mot, ce mécanisme est tributaire de la
convenance personnelle des dirigeants monopartisans ou du parti dominant.
Indiscutable en Côte d'ivoire et au Togo où, en outre, responsables de
l'exécutif et du législatif sont tous membres du bureau politique ou du comité
central du parti unique, l'affirmation garde également sa pertinence en Haute
Volta et au Sénégal, pays à partis multiples.
Cela est d'autant plus fondé que, dans ces derniers, réputés pour leur
"démocratie multipartisane", l'opposition minoritaire à l'assemblée nationale
est écartée du jeu politique et ne jouit même pas d'un statut politique3.
En outre, l'inefficacité du mécanisme, voire l'inexistence de questions
orales d'intérêt évident, peuvent se percevoir quant on sait que l'exercice de
ce droit entre dans les compétences de la conférences présidents.
Or, comme il a été précédemment4, cet organe parlementaire n'est
nullement la reproduction de la carte politique des assemblées dans les
régimes voltaïques et Sénégalais. A la suite de constat, on est en droit de
s'inquiéter du "sort" réservé aux questions émanant des députés de
l'opposition.
Enfin, dans l'hypothèse difficile ou la question figure à l'ordre du jour,
encore faut-il que le ministre intéressé soit disposé à répondre, ne serait-ce
que par sa présence à l'assemblée nationale. Ce qui ne semble pas être le
principe, puisque rien ne l'y oblige.
muette sur la question, en revanche. le règlement intérieur les aménage. On peut se reporter à
l'article cité du président Yacé pour saisir la fonction des questions écrites et orales dans le
contrôle de l'action gouvernementale des élus ivoiriens.
1 Au Togo. par exemple. durant les cinq années de législature. seuls cinq ministres ont été
entendus! voir l'article de M. O. F. Natchaba. "La IIIè République togolaise: Bilan et
perspectives", cellule d'Etudes et de Recherches juridiques' (C.E.R.J.). Université du Bénin.
E.S.A.C.J.. Lomé, Avril 1985. page 14.
2 L'expression est de M. G. Burdeau.
3 Voir dans la première partie de notre étude, la composition et la désignation de la conférence
des présidents.
4 Voir dans la pr~mière partie de notre étude, la composition et la désignation de la conférence
des présidents.

- 282 -
Si, au terme du propos, la priorité théoriquement reconnue aux députés
laisse à désirer, l'analyse suivante relative à la maîtrise de l'ordre du jour
complémentaire par l'assemblée nationale ne permet pas de modifier le
jugement.
Paragraphe 2 - Un ordre du jour complémentaire
largement tributaire de l"eIécutif
Auparavant,
précisons
le contenu réel
de
l'ordre
du jour
complémentaire. Comme il a été vu, le programme par lequel l'assemblée
nationale doit couvrir l'ensemble de ses créances comporte trois volets
principaux, selon les mêmes principes que ceux contenus dans la constitution
de 19581•
La partie prioritaire est laissée aux projets gouvernementaux. Ensuite,
la partie concernant les questions orales, revient aux parlementaires enfin, le
"reste" est accordé à l'organe législatif.
A la lumière de cette division et des enseignements de certains auteurs2,
la dernière partie peut regrouper non seulement les affaires intérieures à
l'assemblée nationale (élection du bureau, problèmes liés à l'immunité
parlementaire,
nomination de personnalités à des fonctions extra-
parlementaires... etc), mais également les propositions de lois et les projets de
lois délaissés par le gouvernement, mais que les députés souhaitent
reprendre 3.
Par l'étendue de son champ d'application, l'importance de l'ordre du
jour complémentaire n'est point discutable. On peut alors reconnaître cette
attribution comme une contre-partie aux droits de l'exécutif en matière de
priorité législative.
1 Sur cette question, consulter les ouvrages et articles précédemment cités de MM. C.
Debbasch. M. Prelat G. Burdeau , D.G. Lavroff. Voir également MM. A. Hauriou et Jean
Gicquel, "Droit constitutionnel et institutions politiques". Editions Montchrestien, Paris, 1980,
page 1112 et suivantes.
2 Sur cette question, consulter les ouvrages et articles précédemment cités de MM. C.
Debbasch. M. Prelat, G. Burdeau, D-G. Lavroff. Voir également MM. A. Hauriou et Jean
Gicquel, "Droit constitutionnel et institutions politiques". Editions Montchrestien, Paris, 1980,
page 1112 et suivantes.
'
3 Ici, il s'agit d'une approche théorique. Car, en pratique, il n'y a pas de proposition de loi.
voir l'article de M. O. F. Natchaba déjà cité et ses observations qui ne nous satisfont pas
sur l'inexistence de lois émanant des députés.

- 283 -
Or, si l'on n1esure cette contrepartie à la lumière de la réalité politique
de ces pays, on s'aperçoit là aussi que sa portée est étroitement liée au ''bon
vouloir" des gouvernements. Pour le percevoir, il suffit d'analyser chaque
élément constitutif de l'ordre du jour complémentaires afin de montrer son
dégréé d'indépendance ou non à l'égard de l'exécutif.
Concernant les projets ou propositions de lois, si théoriquement
l'initiative législative appartient aussi bien à l'exécutif qu'au parlement, en
réalité, elle est sous surveillance et voire même exclusivement par le premier
organe.
Rien que par cette absence pratique de mise en oeuvre de l'initiative
parlementaire, on saisit déjà le contenu limité de cet ordre du jour.
Soustraction faite, il reste les questions intérieures du parlement.
A ce propos, si l'on écarte les scrutins relatifs au bureau et aux
commissions qui ne se déroulent que périodiquement, il ne restera plus que les
questions moins importantes. Ces dernières tiennent essentiellement aux
nominations à des fonctions extra-parlementaires, à la constitution de
commissions d'enquêtes et, plus rarement, aux levées des immunités
parlementaires 1. Hormis ces dernières dans les pays de libertés publiques, le
peu d'importance des questions susvisées tien au fait que les députés
s'accordent généralement à choisir des personnalités qui bénéficient de
l'investiture du parti unique ou dominant au pouvoir.
A la suite de ces propos, si même par exagération il n'est pas juste de
nier l'existence réelle d'un ordre du jour complémentaire dans ces pays, il
n'empêche qu'il est entièrement sous la surveillance de l'exécutif.
Pour relativiser la dépossession du parlement ainsi analysée, ne peut-on
pas voir dans le rôle réel joué par la conférence des présidents en cette
matière un contre-poids au monopole de fait de l'exécutif?
1 Au Sénégal, en Août 1985, plusieurs citoyens dont deux députés du P.O.S. (Me Abdoulaye
Wade, chef de file de l'opposition et, Boubacar SalI) furent arrêtés et jugés pour avoir participé
à une manifestation interdite par le pouvoir contre l'Apartheid. Au delà des raisons motivant
ces sanctions, soulignons que les élus furent détenus et jugés sans que l'Assemblée nationale
n'agisse ou ne réagisse: A ce sujet, voir "Procès Wade, Bathily et autres" par M. Badara
Diouf, in Soleil quotidien gouvernemental d'information, Dakar, Jeudi 29 Août 1985,page 11.

- 284 -
Section II - Le rôle réel de la conférence des présidents
dans la fiIation de IOordre du jour
La présente étude se veut un complément de la précédente, puisqu'elle
visera à montrer le fonctionnement réel du système de fixation de l'ordre du
jour.
Son but est de montrer la mamere dont le parlement exerce les
compétences qui lui sont reconnues en la matière, essentiellement par
l'intermédiaire d'un de ses organes de travail : la conférence des présidents.
Grâce à l'étendue et aux limites du champ d'application des droits de
cette institution, ou pourra alors mesurer le degré de dépendance de l'organe
législatif à l'égard de l'exécutif.
Auparavant, signalons qu'enfin d'éviter des redites, aucune mention ne
sera faite quant à la composition de la conférence des présidents et à la
désignation de ses membres.
A - L'exclusion de la conférence des présidents de la fixation
de l'essentiel de l'ordre du jour
Cette exclusion n'est pas aussi absolue qu'elle le semble puisqu'il ne faut
pas oublier que la conférence des présidents regroupe les membres influents
du parti unique ou dominant. Par ce statut, l'organe de travail parlementaire
susvisé ne se prive pas de peser de son poids
sur les décisions
gouvernementales en ce domaine.
Paragraphe 1 - Le domaine de l"eIclusion
Au risque d'affirmer une évidence, parler du domaine de l'exclusion
suppose que l'on définisse le domaine attribué à cet organe.
Or, l'analyse précédente à ce sujet l'a montré, l'exécutif exerce un
monopole de fait sur la fixation de l'ordre du jour. Donc, on ne peut
légitimement voir dans ces attributions qu'une fonction de secrétariat que l'on
a voulu assigner à la conférence des présidents.

- 285 -
Cette vocation se vérifie à plusieurs égards : non seulement l'ordre du
jour prioritaire ne peut être modifié par l'assemblée, ni par l'organe susvisé,
mais aucun vote ne peut être également admis pour son adoption. Par ailleurs,
pour ce qui est de l'ordre du jour complémentaire, on a vu qu'il était
largement tributaire du gouvernement. C'est dire que si des propositions de
lois ou des projets de lois "abandonnés" par l'exécutif intéressaient
l'assemblée, il faudrait un accord préalable du premier organe pour que cette
dernière puisse manifester son intention. Dans ce cas précis, que fait la
conférence des présidents si ce n'est inscrire de manière passive ces textes à
l'ordre du jour complémentaire.
D'emblée, on découvre le domaine propre à l'organe de travail
parlementaire à partir de l'exclusion de l'essentiel du contenu de l'ordre du
jour : les questions orales.
Auparavant, signalons quelques faits révélateurs de la participation de la
conférence des présidents à la conception des parties de l'ordre du jour
qualifiées d'essentielles.
Paragraphe 2 - Les assouplissements à cette
eIclusion
Si, en théorie, l'exclusion de la conférence des présidents de l'essentiel
de l'ordre du jour semble indiscutable, en revanche, elle l'est moins en
pratique.
Sur ce point, on tomberait dans la caricature, voire dans l'inexactitude,
si on persistait à croire que l'exécutif impose entièrement à cet organe et à
l'assemblée nationale qui accepteraient sans condition les projets et
propositions de lois prioritaires. De même, qu'il déterminerait le contenu de
l'ordre du jour complémentaire ou, dans le pire des cas, en interdirait
l'existence. Les choses sont moins simples qu'elles ne le paraissent.
En effet, du fait de sa composition monocolore, la conférence des
présidents entretient des rapports de collaboration étroite avec l'exécutif.
Ainsi, avant toute élabomtion de l'ordre du jour, l'organe est consulté sur les

- 286 -
textes dont le gouvernement souhaite l'adoption. Par ailleurs, si l'on accorde
du crédit aux propos du président du parlement voltaïque, M. G. K.
Ouédraogo 1, il ne fait nul doute que la consultation est de coutume, puisque
les députés sont les rédacteurs originels des textes législatifs gouvernementaux
qui sont soumis à leur approbation.
Vrai dans ce régime multipartisan, elle ne peut théoriquement que l'être
également dans les régimes monopartisans où le parlement monocolore est
constitué des membres des instances supérieures du parti unique.
En outre, cela peut se concevoir quand on sait que, dans ces quatre
pays, est institués une fonction ministérielle chargée des relations avec le
parlement.
Enfin, si l'on ne perd pas de vue le statut partisan des titulaires des
mandats parlementaires, en général, et des membres des organes de travail
parlementaire, en particulier, on peut abonder dails le même sens, en
acceptant l'idée d'une collaboration de la conférence des présidents à la
fixation de l'ordre du jour du parlement. Même si l'argument n'est pas
tellement décisif, c'est-à-dire si, en fait, cet organe n'est pas effectivement
associée à cette élaboration, notons que son silence sur cette éventuelle
exclusion résulte de sa dépendance à l'égard du parti unique ou dominant dont
il accepte les interventions.
B - La liberté de la conférence des présidents en matière
de questions orales
On avait affirmé dans un propos précédent la dépendance totale des
questions orales à l'égard de l'exécutif. Actuellement, il s'agit de reconnaître,
en dépit de l'affirmation, une part d'autonomie dont bénéficie la conférence
des présidents en cette matière. Mais, notons, une fois encore, les limites
imposées à l'exercice de ces compétences.
1 Dans le cadre de nos recherches, nous avons eu des entretiens avec M. G. Kango
Ouédraogo, Président de l'assemblée nationale voltaïque et du RDA.

- 287 -
Paragraphe 1 - Le contenu de la comPétence
Absence dans la législation nationale de certains paysl et affirmée par
les règlements intérieurs d'autres pays2, la compétence de la conférence des
présidents en matière de questions orales est toutefois la règle générale dans
tous ces Etats, peut-être du fait de la tradition française.
En ce domaine, il faut dire que l'organe parlementaire n'est dépendant
d'aucune structure gouvernementale ou parlementaire, quant à la préparation
et à l'adoption des questions.
Cependant, ce JX>uvoir discrétionnaire de la conférence des présidents
ne signifie pas autoritarisme de sa part, puisqu'elle peut accepter d'inclure une
question formulée par un parlementaire, mais qui ne figurait pas sur la liste
retenue. A cela s'ajoutent, en théorie, dans les régimes multipartisans certaines
voies larvées de désapprobation de la liste des questions par les députés :
celles-ci consistent, lors du vote de l'ordre du jour complémentaire, à
exprimer ce qui les oppose à la liste susvisée.
Mieux, notons que les limites étroites sont fixée à l'exercice de cette
souveraineté.
Paragraphe 2 - Les limites à la libre détermination
des questions orales
Hormis celles tenant aux convenances gouvernementales, il faut
souligner la limite la plus importante relative au respect de "l'ordre établi"3.
A ce niveau, il faut distinguer selon que l'on se place dans les régimes
monopartisans ou multipartisans.
Dans le premier cas, il serait même théoriquement imJX>ssible pour la
conférence des présidents d'inscrire à l'ordre du jour une question qu'elle
estime contraire aux intérêts des gouvernements mais qui concernerait, par
lParticulièrement au Togo.
2 En Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et au Sénégal.
3 Par cette expression, nous visons l'ordre constitutionnel, le monopole du parti unique ou
dominant sur la vie politique.

- 288 -
exemple, certaines malversations financières 1 ou des dépenses de prestige.
Dans le second cas, théoriquement possible, l'inscription ne pourra
pratiquement pas aboutir. A titre d'illustration, il faut mentionner le report
constant des questions de l'opposition voltaïque, lors de la crise socio-politique
de 19802•
Finalement, la compétence de la conférence des présidents ne peut
s'entendre que par référence à la stricte observation des intérêts supérieurs du
parti unique ou dominant, donc de l'exécutif.
L'évocation de la permanence de cette organe tout au long de l'étude
dans l'adoption des codes régissant les activités des assemblées considérées
incite à conclure sur la vraie source du pouvoir en Afrique noire.
Certains, plus par utopie que par réalisme, la confère au peuple, selon
eux, l'impossibilité d'appliquer le trigone "Peuple-Assemblée-ExécutiP'3
confère autorité et crédit au binôme "Peuple-ExécutiP'. Et, cela est d'autant
plus démocratique que les citoyens font corps avec le détenteur de la
souveraineté nationale, c'est-à-dire, le leader national. D'autres, plus avertis,
la situent au niveau du chef de l'exécutif, puisque en Afrique, l'exécutif c'est
le pouvoir tout court.
Il ressort de ces positions l'accord autour de la primauté de l'exécutif
sur les autres organes constitutionnels. C'est à partir de cette réalité que l'on
abordera l'analyse des fonctions dévolues au parlement dans sa mission
traditionnelle.
1 Sur les détournements et autres malversations financières émanant des" hommes" du pouvoir
politique sénégalais, voir le bimensuel sénégalais "Promotion", N" 27 du 7 Août 1985 ; lire
également promotion, bimensuel n" 26 du 27 Juillet 1985, page 6 à 9.
2 Déjà évoquée, cette crise, d'environ 55 jours a favorisé l'avènement de la dictature militaire
du Colonel Saye Zerbo.
3 Ces formules sont de M. P. F. Gonidec, "Les principes fondamentaux du régime de la
Côte d'Ivoire", op. cit, page 691 ; sur le pouvoir personnel en Afrique noire francophone. voir
également M. P. F. Gonidec. "Les systèmes politiques africains". L. G. D. 1., Paris, 1978.

- 289 -
TITRE II
DES FONCTIONS PARLEMENTAIRES
DEPENDANT DE L'EXECUTIF
Nombreux sont les écrits de députés 1 et de spécialistes en droit
parlementaires occidenta12 qui ont contribué à montrer la dépréciation des
fonctions parlementaires classiques, du fait notamment de la poussée des idées
antiparlementaires, voire parlementaires, pour reprendre le mot de M.
Viansson-Ponte3.
L'avancée de ces idées sera défavorable au maintien des droits
traditionnels du parlement dans la mesure où l'on constate leurs retombées,
autant dans les institutions parlementaires occidentales de l'après seconde
guerre mondiale et, dans la constitution française de 1958, que dans les
régimes dits de démocratie populaire, en Europe orientale.
Les Etats d'Afrique nouvellement indépendants n'échapperont pas à ce
mouvement. En effet, qu'ils se disent présidentialistes ou parlementaires, ces
pays utiliseront indistinctement les techniques de rationalisation du
parlementarisme expérimentées dans les démocratie anciennes.
Aussi, n'est-il pas étonnant de constater que la IIIè République
voltaïque4, définie comme un régime parlementaire du style anglo-saxon par
M. OwonaS, soit un mélange de certaines règles du modèle français de 1958 et
1 M.M. A. Chandernagor et Pathé Diagne. ouvrages cités.
2 MM. C. Debbasch J. Bourdon. 1. M. Pontier. J. C. Ricci; MM. M. Prelot
et J. Boulouis ; M. G. Burdeau; M. D. G. Lavroff; M. Jean Bourdon. ouvrage cité; M.J.P.
Duprat. cours de droit parlementaire en Maîtrise de Droit à la Faculté de Poitiers, 1984-1985 ;
M.J. Masc1et. ouvrage cité.
3 Propos de M. Viansson Ponte repris par M. A. Chandernagor, déjà cité.
4 M. J. Owona. "la constitution de la IIIè République voltaïque du 21 Octobre 1977 ; retour
au parlementarisme rationalité et au multipartisme limité", Recueil Penant. Ediéna. Paris.
juillet-Aoüt-Septembre 1979, page 309 à 328.
5 M. 1. Owona. "la constitution de la IIIè République voltaïque du 21 Octobre 1977 ; retour
au parlementarisme rationalité et au multipartisme limité", Recueil Penant, Ediéna, Paris.
Juillet-Aoüt-Septembre 1979. page 309 à 328.

- 290 -
d'autres inspirées du parlementarisme allemand. De même, les reglmes
présidentialistes ivoirien, sénégalais et togolais n'ont pas hésité à reproduire
des techniques institutionnelles françaises américaines et tunisiennesl .
Cependant, au delà de la réception globale ou partielle des Etats, ce
parait évident à souligner avant d'entamer l'étude de leurs fonctions c'est la
déviation ou la marginalisation2 des techniques ainsi adoptées.
On peut dire que la subordination des fonctions parlementaires à
l'exécutif a été réalisée suivant la logique suivante.
D'une part, les textes attribuent des fonctions quasi-identiques à celles
que l'on rencontre dans les démocraties occidentales. Pour l'essentiel, le
parlement détient le pouvoir législatif qu'il partage avec l'exécutif et celui de
contrôler l'action politique de ce dernier.
D'autre part, les constituants ont pourvu ces pouvoirs traditionnels
d'une efficacité minimale. C'est là que réside la force des "cribles" et des
"boutoirs" contenus dans les constitutions et dans les textes réglementaires
nationaux 3. A cela, s'ajoutent les limites prescrites par le parti unique, de
droit ou de fait, en Côte d'Ivoire et au Togo, et le parti dominant, en Haute
Volta et au Sénégal4 •
Finalement, contrairement aux prescriptions des démocraties
occidentales relatives aux rapports parlement-exécutif, l'Assemblée nationale
accomplit ses fonctions sous la surveillance de l'exécutif.
1 Voir M. L. Dubouis, "Le régime présidentiel dans les nouvelles constitutions des Etats
africains d'expression française". op. cit, page 218 et suivantes.
2 Sur la question, voir M. G. Conac, "Les institutions constitutionnelles des Etats d'Mrique
noire et de Madagascar", op; cit, page 1 à 68.
3 Sur la controverse autour de la nature du régime sénégalais, voir le colloque tenu à Dakar sur
le thème "Quelle démocratie pour le Sénégal", op. cit. Sur les limites à la "démocratisation" du
régime togolais, voir l'article de M. O. F. Natchaba, op. cit, page 14 et suivantes.
4 Idem.

- 291 -
SOUS-TITRE 1
L'EXERCICE EFFECTIF DES FONCTIONS
TRADITIONNELLES DU PARLEMENT
Pour plagier de nouveau M. Jeol, l'important n'est pas d'accorder de
nombreuses attributions à l'assemblée nationale, encore faut-il qu'elle puisse
les exercer, sinon intégralement, du moins le plus grand nombre possible.
Or, tel ne semble pas le cas pour ce qui est des pouvoirs concernant le
contrôle de l'action gouvernementale (CHAPITR.E
II), ni en matière
d'initiative législative (CHAPITRE 1).
En effet, les "ressorts cachés" des systèmes africains considérés,
notamment la forte emprise du chef de l'exécutif sur l'assemblée nationale par
le biais de son parti unique ou dominant, fortement "discipliné", faussent
entièrement les règles de dévolution établies par les textes constitutionnels.
Aussi, quelque soit la nature, multiple ou unique, du régime partisan, ce
dernier ne peut véritablement renseigner quant à l'organe politique exerçant
réellement ces fonctions.

- 292 -
CHAPITRE 1 - UNE FONCTION LEGISLATIVE YIDEE DE SON
CONTENU
Ne contredisant pas formellement les démocraties occidentales, les Etats
considérés semblent reconnaître que l'action législative constitue une des deux
attributions essentielles du parlement.
Ce n'est qu'en pratique que le mimétisme vis-à-vis des modèles
européens s'oriente vers une conception toute particulière visant à vider la
fonction législative de son contenu l .
Ainsi,
s'acheminera-t-on
vers une compétence exclusive du
gouvernement en matière d'initiative législative, pourtant reconnu également à
l'assemblée nationale (Section I)2. Il faut dire que le succès des projets de lois
au détriment des propositions3 est assuré par l'emprise gouvernementale sur
l'examen des lois par l'assemblée nationale (Section II). Enfin, la main-mise
de l'exécutif sur le vote de l'organe législatif par l'intermédiaire de sa
majorité parlementaire (Section III) et le droit de promulgation (Section IV)
dont il bénéfice lui permettent d'assurer l'adoption et la parution d'une loi qui
a sa faveur.
Avant de s'attarder sur les différentes étapes de cette procédure,
soulignons les limites constitutionnelles prescrites à l'assemblée nationale dans
l'exercice de sa fonction législative: la fixation d'un domaine de la loi4•
1 En France, on peut se reporter aux analyses des grands constitutionnalistes cités.
2 Pour ne prendre que l'exemple togolais, valable dans les autres pays, sur les 76 lois
examinées par l'assemblée nationale durant la dernière législature, on n'a dénombré aucune
proposition de loi. A ce sujet, voir l'article précité de M. O. F. Natachaba, à la page 4. En
désaccord avec cet auteur, nous pensons que l'absence de propositions de loi ne peut
s'expliquer par la timidité ou une quelconque attitude des députés. Mais, plutôt, par des
obstacles à la fois constitutionnel et partisan.
3 Pour ne prendre que l'exemple togolais, valable dans les autres pays, sur les 76 lois
examinées par l'assemblée nationale durant la dernière législature, on n'a dénombré aucune
proposition de loi. A ce sujet, voir l'article précité de M. O. F. Natchaba, à la page 4. En
désaccord avec cet auteur, nous pensons que l'absence de propositions de loi ne peut
s'expliquer par la timidité ou une quelconque attitude des députés. Mais, plutôt, par des
obstacles à la fois constitutionnel et partisan.
4 Article 41 de la constitution ivoirienne: article 61 à 70 de la constitution voltaïque; article 32
de la constitution togolaise; article 56 de la comtitution sénégalaise; sur la fonction législative
et la détermination actuelle du domaine de la loi, voir MM. C. Debbasch, J. Bourdon, J. M.
Pontier, J. C. Ricci, op. cit, page 697 et suivantes.

- 293 -
Sur ce point, s'inspirant entièrement de l'article 34 de la constitution
française, les constituants considérés ont, tout en élargissant le domaine
réglementaire, diminué cela de la loi.
Aussi, ayant limitativement énuméré les matières sur lesquelles le
parlement peut légiférer, les constitutions étudiées affirment que "les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
Il s'agit là, d'une disposition visant à contenir l'action législative du
parlement dans un univers bien déterminé et, partant, à prémunir l'exécutif
d'une éventuelle intrusion parlementaire dans son domaine.
Section 1 - L'initiative législative
Avec quelques nuances, Mme C. Desouches, M. P. F. Gonidec, L.
Dubouis, O. F. Natchaba, P. Diagne 1 sont unanimes à reconnaître l'origine
exclusivement gouvernementale des lois adoptées par les assemblées d'Afrique
noire d'expression française.
En accord avec eux, sur ce point, il serait par ailleurs intéressant de
déterminer la nature exacte de la structure (partisane ou technocratique) qui a
été habilitée par l'exécutif à élaborer l'avant-projet de loi.
A - L'impossibilité d'élaborer et de faire aboutir des
1
propositions de lois
Les Etats étudiés ont interprété en leur faveur les propos de M. M.
Debré 2 souhaiter dans le régime de 1958. Selon cet acteur politique,
l'initiative législative suppose un dialogue entre le gouvernement et sa
majorité.
1 Les références bibliographiques de ces études ont été déjà mentionnées.
2 M. M. Debré, in Déclaration du 27 Aoüt 1958 devant l'assemblée nationale op. cit page 9 et
suivantes. Du même auteur, "La nouvelle constitution", op; cit, page 7 et suivantes; M. Berlia,
op. cit, page 566 et suivantes, sur la maîtrise de la législation par le chef de l'exécutif ivoirien,
voir M. E. Kei Boguinard. "Cours de Finances publiques 19n-1973", Tome l, E.N.A.
Abidjan page 74 et suivantes: on retrouve des extraits dans la thèse précitée de M. Yves
Laporte à la page 187.

- 294 -
Par cela, les dirigeants des régimes multipartisans ne retiendront du
dialogue envisagé que l'exclusion des propositions de lois émanant de
l'opposition 1. Au nom de la rapidité d'adoption et, surtout, de l'efficacité des
textes de loi, la majorité parlementaire devra également se priver de son
initiative pour permettre à l'exécutif de faire voter des lois s'inscrivant dans
son programme électoral.
L'opposition n'existant pas dans les régimes monopartisans, la
signification revêtue par le dialogue est simple. L'assemblée étant formée par
le collège des députés du parti unique, sont rôle s'analyse en terme de soutien
des projets gouvernementaux.
S'il Y a à partir de ces faits une relative i~entité de pratique, n'empêche
que l'étude détaillée de ces aspects s'avère intéressante de par la différence de
nature des systèmes considérés.
Paragraphe 1 - Dans les systèmes monooactisans
Auparavant, parce que peu fondé, écartons d'office l'argument
faussement usité pour priver le député de son droit d'initiative législative :
l'absence de données objectives et de moyens matériels et techniques
permettant au parlement d'élaborer des textes de lois2•
Le préalable ainsi posé, le problème reste tout de même entier puisque,
si l'on s'interroge sur la question, une foule de données explicatives se
présentent.
En bref, on sait que, dans les régimes multipartisans, la quête de la
stabilité gouvernementale a amené l'exécutif, soutenu par sa majorité
parlementaire, à imposer ses projets de loi à la minorité et, dans la plupart des
cas, à empêcher celle-ci de proposer des lois. Si cette pratique peut dévier
vers le "césarisme" ou le coup de force militaire, dans les régimes de libertés
publiques, en Afrique noire ou d'ailleurs, précisons qu'elle correspond à
l'esprit sinon à la lettre de la démocratie représentative.
1 Cela nous a été certifié par M. G. Kango Ouédraogo durant l'entretien que nous avons eu
avec lui.
2 Dans le sous-titre II de la seconde partie de cette thèse, on s'apercevra que les députés
africains sont recruté sur la base de leurs connaissances "intellectuelles".

- 295 -
Or, dans les régimes monopartisans, il semble possible d'affrrmer que
la stabilité gouvernementale n'est nullement menacée de l'intérieur, par
aucune force ou institution politique, sauf peut-être l'armée, car le peuple est
exclu du jeu politique1•
Sans s'y appesantir, l'association des forces militaires au pouvoir, le
monopole du parti unique
sur les organes constitutionnels, la tentative
inachevée d'embrigader les populations dans les structures horizontales et
verticales du parti, sont autant de facteurs symbolisant les "Etats à
commandement"2 de Côte d'Ivoire et du Togo.
Mais si l'expérience de la monocratie africaine révèle la fm du système
dès la disparition de son leader3, on saisit alors la signification profonde de
l'exclusivité de l'intervention de l'exécutif dans la fonction législative. Il s'agit
pour ces gouvernants, persuadés des vertus diverses des règles normatives, de
comble le retard économique de leur société et, surtout, d'intégrer dans un
Etat nouveau leurs multiples ethnies. Ces observations attribuent office la
qualité de planificateur à l'Etat. Or, la planification, bien que souple dans ces
régimes4, couvre néanmoins de vastes domaines. Par cette étendue, s'explique
la volonté de l'Etat de tout codifier et légiférer. Et, quand on ne perd pas de
vue l'harmonie entre l'institution susvisée et la personne qui l'incarne, c'est-à-
dire, le chef de l'Etat5, on peut aisément comprendre l'exclusivité dans la
législation dont il est question.
En résumé, les propositions de loi n'existent pas en Côte d'Ivoire, ni au
Togo6, l'exécutif propose les traits essentiels du projet de loi du parti unique
au parlement qui, après examen, l'adopte.
1 Sur l'exclusion du peuple dans le leu "démocratique" au sein des systèmes africains, voir M.
P. F. Gonidec, les systèmes politiques africains, L. G. D. 1.? Tomes 1 et II, Paris, 1978.
2 Nous empruntons l'expression à un spécialiste des régimes totalitaires, le Professeur
Raymond Aron.
3 On peut illustrer cela par deux exemples significatifs; d'une part le rejet populaire du régime
dictatorial du Président Macias Nguema de la Guinée Equatoriale dès l'assassinat de ce
dernier et, d'autre part, l'abandon de l'empire dès la chute de l'Empereur paranoïaque de
centrafrique, M. J. Bedel Bokassa.
4 Nous abordons dans les propos suivants l'élaboration et l'adoption du plan de
développement économique et social par les assemblées nationales concernées.
5 Voir l'ouvrage déjà cité de M. 1. F. Médart et Y. Faurie sur la Côte d'Ivoire où la théorie de
l'Etat néo-patrimonial est développé.
6 Dans les limites de notre recherche, on peut englober également la Haute Volta et le
Sénégal.

- 296 -
Paragraphe 2 - Dans les systèmes multipartisans
Nulle part mieux qu'en Haute Volta et au Sénégal la règle selon laquelle
en démocratie représentative l'opposition doit s'incliner devant la majorité n'a
été si excessivement interprétée.
En rappel, notons sa sous-représentation et, en règle générale, son
absence dans les institutions politiques et les structures parallèles de l'Etat
proclamé démocratique.
Si cette situation n'est pas l'apanage de ces paysl, la conception africaine
de la démocratie à l'inconvénient de transformer l'initiative législative
partielle en initiatives exclusive de l'exécutif.
Bien que perceptible dans les faits, par l'évolution du statut politique de
l'exécutif qui s'affirme progressivement par rapport au parlement, il faut
souligner que ce monopole législatif de l'exécutif a été textuellement consacré
au Sénégal par l'abandon du régime parlementaire au profit du régime
présidentialiste, avec un chef d'Etat "maître absolu", de l'exécutif depuis la
révision constitutionnelle de 19832• A défaut de consécration constitutionnelle
en Haute Volta, notons que les faits tiennent lieu de valeur de référence dans
ce cas.
Par ces données, auxquelles on ajoute l'observation de certains auteurs3
et les dires du président de l'assemblée nationale voltaïque4, on ne peut
qu'entrevoir de façon incertaine la possibilité pour l'opposition de proposer
des lois.
S'il ne fait nul doute que celle-ci manifeste sporadiquement son droit5,
il n'en demeure pas moins vrai que ces propositions restent au stade de
1 Sur les limites de l'initiative des députés français, voir particulièrement l'ouvrage cité de M.
1. Masc1et.
2 M. Serigne Diop. "La nouvelle constitution du Sénégal", op. cit, page 12; lire également
M. P. Diagne, "Quelle Démocratie pour le Sénégal" déjà cité.
3 Il s'agit des spécialistes précédemment cités des systèmes multipartisans occidentaux.
4 Nous avons eu des entretiens avec le Président Gérard K. Ouédraogo.
5 Voir le cours professé aux étudiants en Maîtrise de droit de Poitiers par M. J. P. Duprat. en
1984-1985.

- 297 -
l'information du bureau de l'assemblée 1.
C'est vrai dans la mesure où l'examen suppose que les organes de
travail parlementaire, composés de la majorité politique, se saisissent de ces
textes. Encore faut-il préalablement que ces derniers figurent à l'ordre du
jour qui, l'étude précédente l'a montré, est largement tributaire de l'exécutif.
C'est également vrai quand on sait les nombreux projets de loi du parti
majoritaire au pouvoir qui sont connus, semble-t-il, par les élus de la
majorité, lesquels attendent de les adopter.
En termes clairs, l'exécution du contrat politique conclu entre
l'électorat et le parti vainqueur aux élections législatives ou présidentielles
semble constituer la justification de la directive exclusive de l'exécutif sur la
législation.
De là découle vraisemblablement l'abstraction des propositions de loi
des parlementaires de la majorité et, surtout, de la minorité qui ne doit pas
nuire au succès de la politique gouvernementale.
Pour finir, dans un souci de modération, on pourrait apporter quelques
nuances aux propos relatifs à l'impossibilité d'élaborer et de faire aboutir des
propositions de loi dans ces régimes à partis multiples.
En effet, des correctifs peuvent se faire sur le sort résume a une
éventuelle proposition de loi d'un député de la majorité. A ce niveau, deux cas
sont à prévoir selon que l'intention est le fait personnel de ce dernier ou que
sa démarche est parrainée par le parti dominant.
Dans le premier cas, le texte peut être retenu si son objet s'inscrit dans
le cadre du programme gouvernemental. Dans le cas contraire, il ne le sera
pas, sauf si son apport électoraliste peut profiter au parti dominant.
Dans le second cas, ayant l'assentiment du parti, il sera adopté de façon
opportune.
1 Voir le cours professé aux étudiants en Maîtrise de droit de Poitiers par M. 1. P. Duprat, en
1984-1985.

- 298 _.
Toutefois, cette initiative parlementaire n'aboutira en dernier ressort
que si la priorité gouvernementale est respectée. C'est dire qu'il faut un
aménagement rationnel du travail parlementaire, afin de prévoir dans l'ordre
du jour du parlement, réservant la priorité aux projets gouvernementaux, une
place à cette proposition de loi.
A dire vrai, la réalité incite plutôt à conclure à une possibilité plus
théorique que réelle. D'où l'intérêt d'aborder l'origine gouvernementale des
lois dans les quatre pays étudiés.
B - L'origine exclusivement gouvernementale des lois
De l'analyse précédente, il découle que l'origine parlementaire des lois
ne peut être retenue. Si les lois émanent essentiellement de l'exécutif, est-on en
mesure cependant de nier toute participation du parlement à leur élaboration ?
L'appartenance du chef de l'exécutif au parti unique ou dominant,
l'association d'organes extérieurs à ces deux organes, notamment 1a
technostructure, sont autant d'éléments qui rendent plus complexe le problème
de l'origine exacte des projets de lois dans les quatre pays considérés.
Face à cette connexion, voire interpénétration, entre organes
constitutionnels et structures parallèles, il conviendrait de résoudre le
problème de la direction de la législation par l'exécutif puis après de
s'intéresser à celui relatif à l'élaboration des lois dans ces pays.
Paragraphe 1 - La source eIacte de ces lois
Si dans ces régimes présidentialistes, le texte provisoire de loi émane de
l'exécutif, sa source reste à déterminer dans la mesure où l'organe susvisé est,
quelque fois, bicéphale.
Déterminer des deux autorités politiques celle qui exerce l'effectivité de
la fonction exécutive est important pour la suite du propos, puisque l'exemple
voltaïque a le mérite de présenter un chef d'Etat "politiquement" indépendant
et un chef de gouvernement fortement épaulé par le parti dominant.
De ce fait, si on écarte les trois autres pays où l'exécutif monocéphale

- 299 -
est de surcroît assuré du soutien total ou de la majorité des trois quarts du
parti unique ou dominantl, se pose la question d'un véritable détenteur de
l'initiative législative dans ce pays. A ce niveau, il faut distinguer selon que
l'on se place sous la IIè ou sous la IIIè République.
Sous la IIè République, précisons qu'afin de parer à toute remise en
cause du nouveau cadre constitutionnel, les constituants de 1970 avaient
organisé un exécutif bicéphale qui attribuait de droit la Présidence de la
République à la "personnalité militaire la plus ancienne dans le grade le plus
élevé". De même, le gouvernement devait être composé d'un tiers de
militaires2•
Si, par cette insertion "légale" des forces armées, le régime susvisé
révèle le problème que ces dernières posent et leur importance dans la vie
politique nationale, peut-on alors leur conférer une parcelle de souveraineté
en matière de législation.
Nul doute que leur influence est certaine, mais affirmer leur
participation directe serait méconnaître le rôle dominateur du parti vainqueur
aux élections législatives de 1970, le RDA.
Les traits respectifs des forces en présence, Armée et RDA, ne doivent
pas non plus voiler l'apparente "neutralité" politique de la première dans le
jeu politique, car quatre années plus tard elle se servira des mésententes des
civils pour investir la totalité du pouvoir.
Après trois années de régime militaire, succède la IIIè République, à eu
près analogue à la précédente. Non seulement la fonction de chef de l'Etat est
détenue par le Chef des forces armées nationales, mais les plus importantes
fonctions ministérielles (Finances, Travaux publics) sont confiées à des
militaires3. La seule différence entre ces deux régimes réside dans la source
1 Sur la subordination des députés dans les systèmes monopartisans. Voir M. A. Tagro, "De
la subordination organique de l'assemblée nationale au parti avant 1980 et les réformes
électorales de Novembre 1980", in "Recherche sur les contrôles de l'administration en Afrique:
le cas de la Côte d'Ivoire" , thèse d'Etat en Droit, Poitiers, 1982. Tome 1. page 257 et
suivantes.
2 Sur la question, voir le titre XV de la constitution de 1970 relatif aux dispositions
transitoires notamment l'article 108.
3 Comparer la liste des membres du gouvernement du régime d'exception du Gl Lamizana
dénommé "Renouveau national" (1974-1977) avec celle du régime constitutionnel de la IIIè

- 300-
non légale des fonctions occupées par les représentants de l'institution
militaire sous cette république. Car, loin d'être stipulée par la constitution,
cette fois-ci l'élection postérieurement entachée de vices du Général Lamizana
à la magistrature suprême a confirmé ces derniers dans les ministères qu'ils
détenaient déjà.
Ainsi, le même scénario se répète
le président est militaire et le
premier ministre est civil.
Toutefois, notons que l'adhésion de M. S. Lamizana au parti
majoritaire, le PDV-RDA, va modifier la nature du pouvoir exécutif
voltaïque puisque ce bicéphalisme sera moins ambigu. C'est dire que les
projets de loi présentés par le chef du gouvernement sont acceptés par le chef
de l'Etat puisque ce dernier est membre du parti dominant.
La particularité voltaïque ainsi décrite, étant entendu que les trois autres
pays ne posent pas de problème, à ceux de l'existence d'un exécutif
monocéphale, il conviendrait de s'intéresser à l'élaboration de ces lois.
Paragraphe 2 - Leur élaboration technocratique
Selon les participants au pouvoir africain l, les projets de loi déposés par
l'exécutif sur le bureau du président de l'assemblée nationale sont entièrement
rédigés par le parti unique ou dominant.
Même si l'on accorde du crédit à ces dires, le problème reste à
résoudre, puisqu'il faut encore se prononcer sur la nature de la structure
partisane qui a élaboré ces textes.
Si l'organisation pyramidale des partis de masses de ces pays révèle de
nombreuses structures ayant la faculté de réussir cette tâche, en revanche, le
République voltaïque (1977-1980). Pour ce faire, voir d'une part "République de Haute-Volta:
le renouveau voltaïque". Imprimerie Nationale, Ouagadougou, 63 pages et d'autre part,
l'observateur, n' 1388, 1391, 1404, du mois de Juillet 1978. En dehors de cela, on peut
utilement lire les observations sur l'évolution politique et constitutionnelle de ce pays, Thèse
déjà citée de M. A. Nikiéma.
1 En dehors des témoignages des hommes politiques rencontrés dans une séance de travaux
dirigés du 7 au 12 Février 1983, à la Faculté de Droit de Côte d'Ivoire, le Professeur M.
Wodié établit un tableau comparatif de l'activité législative et réglementaire en 1978 et 1979,
qui affirme le rôle législatif du parti. En effet sur 1645 textes adoptés, on a 39 lois, 1601
décrets et cinq ordonnances.

- 301 -
peu de formation politique, l'analphabétisme des militants et la complexité de
la loi sont autant d'éléments s'inscrivant en faux contre l'affirmation citée plus
haut.
En réalité, la nature sectaire de ces formations politiques, patronnées
par des "barons", inciterait plutôt à attribuer la confection des projets de loi à
l'élite dirigeante partisane qui, de surcroît, occupe les fonctions exécutives et
parlementaires.
Là encore, le doute subsiste quand on ne perd pas de vue la place
croissante et le rôle dynamique que s'octroient les "nouveaux directeurs",
pour reprendre la formule de M. A.
Chandernagor 1, à savoir, les
technocrates.
Nonobstant leur nombre dans ces pays à faible scolarisation toute chose
étant égale par ailleurs, notons qu'à l'instar des démocraties occidentales ces
derniers sont entrain de médiatiser le pouvoir dans les ré g i me s
présidentialistes.
C'est vrai au niveau de l'exécutif qui est entouré de nombreux
spécialistes en divers domaines, lesquels participent à la prise des décisions,
même de seconde importance.
C'est également vrai au sien du parlement qui renferme des députés
réputés pour leurs connaissances techniques et que l'on tend à confirmer dans
le domaine exclusivement technique2•
On peut également vérifier cela à l'échelon du parti puisque beaucoup
de fonctions, tendent à concilier les capacités techniques et politiques des
postulants3.
Bien que peu perceptible, la montée de la technocratie n'est pas à
négliger. Discrète, elle est à l'origine de la plupart des lois présentées par le
pouvoir exécutif.
1 M. A. Chandernagor, ouvrage cité.
2 Voir les critères de sélection des députés dans la première partie de la thèse. On peut
également se reporter à la thèse précitée de M. A. Tagro, pages 257 et suivantes.
3 Voir les critères de sélection des députés dans la première partie de la thèse. On peut
également se reporter à la thèse précitée de M. A. Tagro, pages 257 et suivantes.

- 302 -
Et, si ces conseils s'engagent nullement les autorités politiques de ces
Etats, pur la plupart peu instruites., la relative clarté des projets de loi permet
de dire qu'ils sont d'élaboration technocratique.
Pour finir, l'étendue et la complexité des attributions de l'Etat post-
colonial, découlant de ses innombrables tâches ne sont-elles pas révélatrices de
la difficulté d'élaborer des lois, non seulement répondant à ces données mais
traduisant également l'intérêt général des citoyens?
C'est pourquoi l'idée selon laquelle le projet de loi est d'origine
partisans se révèle théorique, bien que séduisante. Il est alors plus
vraisemblable de retenir son émanation technocratique, bien qu'il faille
reconnaître l'influence minimale des gouvernants.
Si l'initiative législative est exclusivement gouvernementale, les projets
de lois sont donc entièrement élaborée par les structures techniques d'un ou de
plusieurs départements ministériels.
A dire vrai, un secteur ministériel est plus concerné par le projet et
c'est lui qui est le véritable initiateur. Cette primauté n'exclut pas l'apport des
autres ministères, d'autant plus que la loi est plurisectorielle.
Lorsque l'esquisse de ce projet est réalisée, le ministre compétent le
présente en conseil des ministres pour délibération et acceptation. Une fois le
texte adopté par l'instance dirigeante, la direction des services législatifs du
secrétariat général du gouvernement se charge de le transmettre à l'assemblée
nationale2•
C'est dès cet instant que débute officiellement l'examen du projet
gouvernemental par les organes de travail parlementaires.
1 Si l'on ne retient que les premières personnalités politiques de ces quatre pays, à l'exception
de MM. F. H. Boigny et de A. Diouf, respectivement Médecin "africain" et Administrateur
civil, notons que les Présidents G. Eyadéma et A. S. Lamizana ont arrêté leur scolarité au
cours moyen élémentaire pour s'engager dans les forces armées coloniales. C'est de là qu'ils
sortirent respectivement Sergent et Capitaine pour ensuite revêtir très rapidement les grades de
Généraux.
2 La dimension technocratique est également très présente dans les démocraties occidentales.

- 303 -
Section II -L'examen des projets et des propositions de lois l
Cette phase législative très complexe fait intervenir successivement la
commission permanente saisie du fond, toute autre commission voulant
donner son avis. C'est soit à l'intérieur ou à l'extérieur de ces dernières que le
ou le (s) groupe (s) parlementaire (s) tente (nt) d'influencer les travaux
législatifs. Après l'examen en commission, le texte est soumis en séance
publique à l'assemblée nationale, pour discussion. A ce niveau, l'exécutif, par
entremise de ses membres et de sa majorité, oriente les débats soit par des
moyens juridiques, soit par des moyens partisans. Dans les régimes
multipartisans, le groupe parlementaire de l'opposition essaie également de
faire passer ses amendements sur le projet de loi.
Toutefois, la suprématie de l'exécutif dans ces reglmes, fortement
rehaussée par la docilité des parlementaires, accentue la mainmise
gouvernementale sur l'examen des projets de lois.
Auparavant, abordons la procédure du dépôt des textes de loi.
A - Le dépôt des projets et des propositions de lois
S'il existe une réelle similitude des règles régissant la matière tant en
France que dans ces pays2, il faut dire que, dans les derniers cas, une pratique
coutumière a pris le pas sur le formalisme juridique visant à ne permettre que
les dépôts de projets de loi.
Paragraphe 1 - Le dépôt des propositions de lois
Selon les textes régissant la matière3, les propositions de lois peuvent
1 Si, toutefois, dans notre analyse, nous abordons l'examen des propositions de lois, c'est
selon une vision plus théorique que pratique. Car, en réalité, il est rare de les voir aboutir.
2 Sur le strict plan formel, comparer l'initiative législative aménagée par le constitution et le
règlement intérieur des assemblées nationales d'une part, en France et, d'autre part, dans les
quatre pays susvisés.
3 Concernant les dispositions constitutionnelles en la matière, voir successivement la section
II de la constitution Ivoirienne relative à l'élaboration des lois; le titre VI de la constitution
voltaïque; le titre 7 de la constitution togolaise et, enfin, le titre V de la constitution
sénégalaise. Pour ce qui est du règlement intérieur, voir successivement, articles 23 et
suivantes en Côte d'Ivoire; articles 91 et suivantes en Haute Volta; article 52 au Sénégal.

- 304 -
être déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale, soit individuellement,
soit au nom d'un parti politique représenté pour la circonstance par son
groupe parlementaire.
A ces conditions libérales de dépôt, s'en ajoutent deux autres de forme
et de fond.
Les premiers tiennent aux formalités que doivent revêtir le texte
proposé : mention de ou des noms des auteurs, la signature d'un ou de
plusieurs d'entre eux, la forme rédigée, dactylographiée du texte etc... 1•
Les secondes frappent d'irrecevable toute proposition non conforme au
domaine de la loi et du règlement, d'une part et, entraînant une diminution de
ressources sans compensation ou une aggravation des charges2, d'autre part.
Rien que par ces données, on ne peut parler véritablement de conditions
draconiennes régissant le dépôt des propositions de loi. Mais, si l'on tient
compte, d'une part, de la priorité gouvernementale en matière d'ordre du jour
à laquelle on ajoute, d'autre part, la subordination organique du parlement et
de ses organes de travail au parti du chef de l'exécutif, on saisit clairement les
propos relatifs à l'échec des propositions de loi.
C'est dire que le "contreseing" du parti dominant ou unique est
absolument nécessaire pour que ces procédures de dépôt puissent être
entamées.
S'il faut relativer ces propos et reconnaître que, dans les régimes à parti
dominant de Haute Volta et du Sénégal, les textes émanant de l'opposition
peuvent franchir les deux obstacles cités plus haut (conditions libérales de
fond et de forme), en revanche, ils buteront certainement sur les obstacles que
représentent la priorité gouvernementale et le désaveu de sa majorité
parlementaire.
1 Concernant les dispositions constitutionnelles en la matière, voir successivement la section
II de la constitution Ivoirienne relative à l'élaboration des lois; le titre VI de la constitution
voltaïque; le titre 7 de la constitution togolaise et, enfin, le titre V de la constitution
sénégalaise. Pour ce qui est du règlement intérieur, voir successivement, articles 23 et
suivantes en Côte d'Ivoire; articles 91 et suivantes en Haute Volta; article 52 au Sénégal.
2 Article 47 de la constitution Ivoirienne; article 84 de la constitution Voltaïque; article 36 de
la constitution Togolaise; article 71 al. 2 de la constitution Sénégalaise.

- 305 -
Ce sont donc ces réalités politiques qui limitent le dépôt des textes à
l'initiative quasi exclusive du gouvernement.
Paragraphe 2 - Le dépôt des projets de lois
Par comparaison avec l'objet précédent, on en peut parler de
réglementation rigide du dépôt des projets de lois. Cette souplesse doit
certainement reposer sur la reconnaissance de la primauté constitutionnelle de
l'exécutif en matière législative.
Si l'on sait que l'autorité de l'exécutif sur la législation
est
constitutionnalisée par sa priorité en matière de fixation de l'ordre du jour, on
saisit alors pourquoi les règlements intérieurs des assemblées nationales se
sont contentés de ne faire valoir que les conditions de forme au dépôt des
textes de lois.
Au nombre de ces dernières, il y a l'obligation faite à tout projet d'être
imprimé, présenté sous forme d'articles et assorti d'annexes expliquant les
motifs qui le sous-tend.
Hormis ces cas, on peut occulter le rejet d'un texte par l'opposition ou
la majorité par le déclenchement de certaines procédures.
En effet, il peut y avoir des notions tendant à soumettre la loi au
référendum ou, par exemple, le dépôt d'une notion de censure l ou de
questions préalable2•
Cependant, l'exécutif est doté de tels moyens politiques et juridiques
que, en réalité, ces obstacles sont très aisément franchis.
Une fois le texte déposé sur le bureau de l'assemblée nationale, s'opère,
tout d'abord, le processus d'information des députés, par le Président de
1 A propos des rapports entre l'assemblée nationale et l'exécutif en Haute Volta; article 19 de
la constitution ivoirienne du 3 Novembre 1960, modifié le 11 janvier 1963, articles 75 et 75 de
la constitution sénégalaise, modifiés le Vendredi 29 Mars 1983.
2 Sur les questions préalables et notions préjudicielles, voir articles 40 et 41 du règlement
intérieur en Côte d'Ivoire; articles 95 et suivants en Haute-Volta, article 26 au Togo; article 66
et 66 bis au Sénégal.

- 306 -
l'institution, puis après, il est ventilé à travers le parlement. Dès cet instant,
débute le travail parlementaire.
B - La saisie du projet de loi par les organes de travail
parlementaire
Si la commission parlementaire saisie au fond accomplit l'essentiel du
travail législatif, il ne faut pas sous-estimer le poids évident des autres
commissions auquel s'ajoute celui du ou des groupes politiques de l'assemblée
nationale.
Paragraphe 1 - L'examen du projet de loi par les
commissions permanentes
Tout projet de loi est automatiquement confié à une commission
permanente compétente en la matière par le président de l'assemblée
nationale. En côte d'Ivoire, on va même jusqu'à conférer sa paternité à la
commission saisie au fond i .
Cette dernière doit examiner le détail du texte et produire au terme de
ses délibérations un rapport qui sera présenté en séance publique.
Dès cet instant, marquons un arrêt pour signaler que cette compétence
rationalle matérielle rencontre certaines limites.
En effet, non seulement les membres des autres commissions peuvent
participer aux séances de la commission saisie au fond mais, lorsqu'une
commission le veut, elle peut également demander au président de l'assemblée
la possibilité de se saisir du texte pour donner son avis.
Ainsi, si l'autorisation est accordée, le rapporteur de cette commission
peut participer ensuite aux séances de la commission saisie au fond. A ce
moment, il n'a qu'une voix consultative.
Cependant, soulignons d'emblée qu'il ne s'agit pas d'une dépossession de
i Voir article 48 de la constitution ivoirienne et la conférence sur la question faite par le
Président Yacé au Théâtre de la cité semaine juridique 6 avril 1973. Imprimerie Nationale
1
1
1
1
Abidjan. Dans cette intervention, on pourra aussi lire l'opinion, contraire à la nôtre, sur
l'efficacité du travail législatif des organes parlementaires ivoiriens.

- 307 ..
302
la commission saisie au fond, car sa compétence va au delà des séances qu'elle
tient, puisque elle conduit le texte jusqu'en séance publique.
Avant d'en arriver là, elle doit procéder à des amendements,
modifications, rejets ou adoption des dispositions contenues dans le projet
gouvernemental. Pour faciliter sa mission elle a le concours des initiateurs de
la loi proposée et les avis des députés intéressés par le texte.
En principe, c'est à la suite de ces opérations sanctionnées par un vote
majoritaire que le rapporteur rédige, au nom de la commission, le rapport qui
sera présenté en séance publique.
Auparavant, évoquons le rôle joué par le ou les groupes parlementaires
dans l'examen de ce projet de loi.
Paragraphe 2 - Le travail législatif du ou des groupes
parlementaires
Il se réalise à l'intérieur ou à l'extérieur des commissions saisies, soit au
fond, soit pour avis. Avant tout, notons que leur dynamique varie en fonction
de leur existence multiple ou unique 1•
Dans les régimes à parti unique de Côte d'Ivoire et du Togo, on ne peut
à proprement parler d'un travail législatif "autonome" du groupe2•
Cela tient à la difficulté d'établir des compartiments étanches entre les
fonctions parlementaires et partisans, d'une part, des membres des
commissions permanentes et des membres du collège unique des députés à
l'assemblée nationale, d'autre part.
Toutes ces personnalités du fait de leur subordination au parti
contribuent au succès du texte de loi gouvernemental. S'il y a véritablement
une fonction législative du groupe parlementaire, peut-être s'agirait-il de celle
1 Sur l'existence réelle du groupe parlementaires dans les régimes monopartisans ivoirien et
togolais, on peut se reporter à notre analyse sur l'organisation structurelle des parlements
considérés.
2 Sur l'existence réelle du groupe parlementaires dans les régimes monopartisans ivoirien et
togolais, on peut se reporter à notre analyse sur l'organisation structurelle des parlements
considérés.

-
)08 -
qui consiste à rassembler les éventuelles oppositions parlementaires autour de
ce texte. Tout au contraire, dans les régimes à parti multiples, il est possible
d'envisager une telle fonction.
Tout d'abord, au sein des commissions générales, les groupes de la
majorité et de l'opposition essaieront d'influencer le travail clans le sens de la
politique menée par leurs partis politiques respectifs.
Ensuite, à l'extérieur de ces commissions, l'opposition, minoritaire dans
ces dernières, poursuivra ses objectifs à l'assemblée nationale jusqu'à ce
qu'elle puisse obtenir certains compromis de la part de la majorité
parlementaire. Cette dernière aura aussi pour mission de dialoguer avec le
groupe politique de l'opposition afin d'arriver à un consensus.
S'il est prudent de reconnaître à ces organes parlementaires dans les
régimes multipartisans un minimum de contribution à l'examen de la loi, il
convient de les replacer dans leur juste pôle ; ils demeurent des relais des
forces politiques représentées au parlement. Pour ne considérer que le parti
unique ou dominant, notons la main-mise du chef de l'exécutif sur eux.
A certains égards, cette subordination explique la docilité de ces
derniers lors de la discussion et du vote du texte examiné par la commission
saisie au fond.
c - La discussion du projet de loi en séance publique
La discussion en séance publique débute par l'audition du gouvernement
puis, après, intervient la présentation du rapport de la commission saisie au
fond et, éventuellement, celui de la commission saisie pour avis 1• A l'issue de
ce préalable, on procède à la discussion générale puis, enfin, à la discussion
des articles...
Pour mieux salSlf la réalité de cette phase législative, il serait
intéressant de décrire la procédure normale puis, après, de révéler le poids
décisif de l'exécutif dans l'orientation des débats.
l On retrouve les mêmes dispositions que dans le règlement intérieur de l'assemblée nationale
française. On peut consulter ce document à la suite de l'article cité de M. G. Bedia de la
page 915 et suivantes.

- 309 -
Paragraphe 1 - Le déroulement des débats
Après la présentation du texte de loi, s'engage automatiquement la
discussion générale.
Dores et déjà, soulignons la forte réglementation de cette procédure,
destinées à éviter le désordre. S'inspirant du droit parlementaire français,
l'assemblée nationale de ces pays confie cette mission à la conférence des
présidents. C'est elle qui fixe la durée globale des débats et répartit également
le temps de parole entre les différents groupes parlementaires et à chaque
député inscrit dans les régimes multipartisans (Haute Volta et Sénégal) et, dans
les régimes monopartisans (Côte d'Ivoire et Togo).
Ayant le droit d'amendement limité au domaine exclusif de la loi,
chaque député peut se prononcer sur l'ensemble du texte gouvernemental. A
cet effet, hormis les cas d'irrecevabilité, il peut s'opposer à tel ou tel article,
émettre des réserves ou faire des propositions.
A ce stade de la phase législative, les élus peuvent demander des
compléments d'information soit au gouvernement, soit à la commission saisie
pour avis et, surtout, à la commission saisie au fond. D'ailleurs, l'intervention
de cette dernière est fort intéressante puisqu'elle peut préconiser le rejet ou
l'adoption d'une proposition d'amendement.
Souveraine, l'assemblée statue sur cette demande et décide s'il y a lieu
de poursuivre ou non.
C'est également l'organe législatif qui, après épuisement de la liste des
orateurs, décide de clôturer la discussion générale sur le texte afin de passer à
celle des articles.
Le passage à la discussion par article pose problème. A ce niveau
apparaît une particularité qui tient au phénomène de la paternité de tout projet
de loi reconnue aux députés ivoiriens. En principe, la discussion par article
porte sur le texte présenté par le gouvernement (Haute Volta, Togo et
Sénégal) et non sur celui examiné par la commission compétente (Côte
d'Ivoire).

- 310 -
En dehors de cette particularité, soulignons que la discussion susvisée ne
peut avoir lieu que si le gouvernement le permet. C'est dire que ce dernier
peut faire obstacle en demandant le vote bloqué ou en engageant sa
responsabilité (Haute Volta).
Si ces cas ne sont pas retenus, alors l'assemblée passe à l'examen de
chacun des articles du projet de loi. Il est procédé à leur mise en discussion de
chaque amendement déposé sur le bureau de l'assemblée. A ce niveau, les
commissions peuvent intervenir également et la procédure ne prend fin que si
tous les articles ont été examinés.
Après chaque discussion d'article, il est procédé à un vote pour
l'approuver ou le désapprouver. C'est le vote qui sanctionne le passage d'un
article à un autre. Cette opération diffère du vote sur l'ensemble du texte 1•
Dans la mesure où ces aspects seront évoquées ultérieurement, portons
le regard sur l'orientation des débats parlementaires par l'exécutif.
Paragraphe 2 - Des discussions conditionnées par le
poids moral et les prérogatives
constitutionnelles du chef de l'exécutif
Dans ces pays, la constitution a accentué l'autorité morale du chef de
l'exécutif sur les membres de l'assemblée en le dotant de prérogatives dans
l'orientation des débats parlementaires.
En premier lieu, par la technique du message adressé aux députés 2•
Cette personnalité indique l'intérêt qu'elle porte, en tant que "père de la
nation", au texte soumis à leur approbation. S'il ne s'agit pas là d'une
innovation, puisque cette pratique se retrouve dans nombres de régimes
1 Sur la discussion article par article puis sur l'ensemble du texte, voir les articles 40 et
suivants du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne; les articles 100 et suivant
en Haute Volta; les articles 19 et suivants au Togo: les articles 66 et suivants au Sénéga1.
Toutes ces règles reprennent des dispositions des règlements des assemblées parlementaires
françaises.
2 Article 26 de la constitution ivoirienne; article 20 de la constitution voltaïque; article 68 de
la constitution du Sénégal.

- 311 -
occidentaux l, soulignons en revanche que la forte personnalisation du pouvoir
africain contribue à faire de cette indication des voeux présidentiels une
obligation de voter favorablement le texte soumis.
Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler la dépendance de
l'investiture et du mandat parlementaire envers la personne du chef du parti
unique ou dominant.
En second lieu, il y a la
technique
des
communications
gouvernementales à l'organe législatif2. Tout comme la précédente, elle paraît
inopérante, à priori, mais très percutante en réalité. Car, il convient de savoir
que la constitution permet au chef de l'exécutif lui-même de se présenter à
l'assemblée ou d'y déléguer un de ses collaborateurs. Si l'on sait que l'exécutif
a la faculté de subordonner sa communication à un débat ou non, on saisit la
pertinence de cette technique dans l'orientation des débats.
En troisième lieu, l'exécutif peut obtenir la réunion à huis clos du
parlement, s'il en fait la demande3.
Enfin, si à ces moyens constitutionnels on ajoute le poids du parti
unique ou dominant, accentuant la docilité des députés, il ne fait nul doute que
l'autorité gouvernementale oriente les débats dans la direction qui lui est
favorable.
C'est vraisemblablement ce qui explique le manque d'attrait des
discussions en séance publique, état de choses constaté véritablement par les
députés ivoiriens4 •
C'est également ce poids de l'exécutif sur la vie interne des assemblées
nationales
qui explique le vote unanimitaire
des
textes de
loi
gouvernementaux.
1 Article 18 de la constitution de 1958 et article 2 section 3 de la constitution des Etats-Unis de
1787. Voir respectivement Documents (Droit constitutionnel et Institutions politiques sous la
Direction de M.G. Burdeau). La Documentation Française. Paris 1976, n· 104 page 5 d'une
part et, à la même revue, n° 101 à la page 10.
2 Article 26 de la constitution ivoirienne; article 20 de la constitution voltaïque; article 68 de
la constitution du Sénégal.
3 Article 34 de la constitution ivoirienne; article 42 de la constitution voltaïque; article 30 al.
2 de la constitution Togolaise; article 55 de la constitution Sénégalaise.
4 Voir M. Ph. Yacé, "Rapport moral" in 5 congrès du P D CI, 29-30-31 octobre 1970,
Edition spéciale de Fraternité - Hebdo. Maison du Congrès, Treichville, Abidjan, pages 81 et
suivantes.

- 312 -
Section III - Le vote du projet de loi
S'inspirant du droit parlementaire français, les Etats considérés ont
élaboré deux procédures distinctes de vote : la première est une série de
procédure abrégées au bénéfice de l'exécutif, portant exception à la seconde,
dite procédure normale.
A - Des procédures abrégées autorisant le vote rapide du
projet de loi gouvernementale
Il s'agit de vote sans débat ou avec débat restreint auxquels s'ajoute le
vote bloqué à la demande de l'exécutif;
Paragraphe 1 - Le vote sans débats et le vote avec débat
Reprenant l'article 103 du règlement intérieur de l'assemblée nationale
française, le règlement intérieur des parlements monocaméraux considérés
permettent le vote sans débat d'un projet ou d'une proposition de loi 1.
Pour ce faire, il suffit que la commission saisie ou le gouvernement en
fasse la demande expresse au président de l'assemblée.
Cependant, cette prérogative est assortie de certaines règles garantissant
les droits des parlementaires. En effet, outre les formalités de délai et de
distribution exigées pour l'inscription du projet ou de la proposition de loi
ainsi soumise à un vote sans débat, il est permis à l'élu de s'y opposer. Celui-ci
doit motiver son refus par écrit avant l'ouverture de la séance à la discussion
du texte incriminé. A ce niveau, deux cas sont à distinguer.
D'une part, lorsqu'il s'agit d'un texte figurant à l'ordre du jour
prioritaire, il est examiné soit avec ou sans débat, si le gouvernement ne le
retire pas de la priorité et en propose, par exemple, un débat restreint.
D'autre part, lorsqu'il porte sur un texte inscrit à l'ordre du j 0 u r
1Articles 108 et suivants du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque: article 22
du règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise; en Côte d'Ivoire et au Sénégal, seul
le parlement peut décider de ne pas passer à la discussion des articles du projet de loi. A cet
égard, voir l'article 42 du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne et l'article 69
du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.

- 313 -
complémentaire, il est purement et simplement retiré de l'ordre du jour. De
même que le texte retiré de l'ordre du jour prioritaire par le gouvernement,
dans ce cas, le texte est renvoyé à la commission intéressée. Cette dernière
invite l'auteur de l'opposition afin de l'entendre et de déposer à l'issue de
l'entretien un rapport supplémentaire. Le refus successif de déférer à deux
invitations de ce dernier autorise la commission à inscrire l'affaire à l'ordre
du jour avec un débat restreint.
L'évocation du pouvoir de la commission d'autoriser le débat restreint
permet la transition avec cette seconde procédure abrégée du vote.
Là aussi la parenté des dispositions des parlements choisis avec celles
des articles 106 al. 1 et 2 et 107 al. 1 et 3 du règlement de l'assemblée
nationale française est éloquente1•
A ce sujet, notons que seuls le gouvernement et la commission saisie
peuvent demander le vote avec débat restreint. Et, lorsque le parlement décide
de l'adopter, les personnes habilités à intervenir sur le projet de loi sont
limitativement le Gouvernement, le président et le rapporteur de la
commission saisie. En Haute Volta et au Sénégal, pays à partir multiples, le
représentant de chaque groupe parlementaire peut théoriquement se voir
accorder cinq minutes d'intervention avant le vote sur l'ensemble du texte.
Paragraphe 2 - Le vote bloqué
A mi-chemin entre le vote sans débat et le vote avec débat restreint, le
vote bloqué est l'une des techniques les plus aptes à escamoter les droits
traditionnels des parlements, aussi bien dans la procédure législative que
financière2•
En effet, par une seule demande formulée à l'assemblée nationale, le
gouvernement peut inviter cette dernière à se prononcer par le seul vote sur
tout ou partie du texte en discussion en n'acceptant que les amendements qu'il
a retenus.
1Articles 108 et suivant du règlement intérieur voltaïque; article 42 du règlement intérieur
ivoirien; article 69 du règlement intérieur sénégalais.
2 Article 83 de la constitution voltaïque. article 38 al. 2 de la constitution togolaise.

- 314 -
Si cette prérogative a le mérite de raccourcir des débats contradictoires
trop souvent prolongés, pour répondre à l'un des critères fondamentaux
d'efficacité de la loi qui est la rapidité, il faut notre que son application réduit
à coup sûr la qualité du texte discuté.
Car, selon le dispositif constitutionnel susvisé, seuls les amendements
acceptés, parce que souhaités, par l'exécutif sont inclus dans le vote.
Avant de procéder à l'étude sur la procédure normale de vote,
concluons le propos sur quelques observations relatives à ces procédures
abrégées.
Ce qui vient immédiatement à l'esprit c'est le pourquoi de toutes ces
techniques alors que l'essence de ces systèmes africains, la personnalisation et
la personnification de nombre de ces pouvoirs, seules suffisent à obtenir des
votes unanimitaires et, le plus souvent, sans véritable débat, sur les textes
émanant du leader partisan. L'économie d'une telle inflation juridique n'a pas
été retenus pour pallier éventuellement les failles du parti dans la protection
des pouvoirs de ces Etats "mous".
Cela est d'autant plus vrai que contrairement à l'apparence trop souvent
retenue, les constitutions et autres textes de loi africains contribuent de façon
dynamique à la protection du pouvoir rétabli 1•
B - Une procédure normale rehaussant relativement
l'organe législatif
Il faut dire qu'au lieu d'être la plus usitée, cette procédure n'est
véritablement appliquée que lorsqu'aucune difficulté d'adoption ne caractérise
le texte gouvernemental.
Elle comporte un vote par article pour aboutir au vote sur l'ensemble
du texte proposé.
1 Sur la question, lire utilement "l'évolution constitutionnelle des Etats francophones" de M.
G. Conac, op. cit, page 1 et suivantes.

- 315 -
Paragraphe 1 - Le vote par article
Pour saisir les contours de ce vote par étapes successives, il convient de
rappeler quelques données.
D'une part, il vient clore l'audition éventuelle du représentant
gouvernemental et du rapporteur de la commission saisie ; d'autre part, il
n'est autorisé que si l'article ne tombe pas dans le champ des obstacles
précités, tenant à l'exception d'irrecevabilité 1 et à la question préalable2•
Après cela, chaque article, assorti des amendements acceptés, est mis
aux voix. Selon un mode de votation déterminé, l'assemblée nationale
procédera ainsi à l'adoption ou au rejet de chaque article du projet de loi.
Si, en apparence, la marge de manoeuvre du parlement semble grande,
elle est limitée, dans la réalité, par le contrôle opéré par le ou les partis
représentés à l'assemblée nationale sur leurs membres.
Quelque soit donc le régime politique dans lequel on se situe,
multipartisan ou monpartisan, le parti unique ou dominant rappellera au
député la consigne de vote à adopter.
Il faut dire que la majorité des suffrages est aisée à obtenir d'autant plus
que le texte, en général, a été suffisamment étudié par la commission saisie.
L'aspect technique seule dimension où la discussion est permise, ayant été
largement débattu, les députés accordent couramment leurs voix.
Cependant, si cela paraît le principe dans les régimes iVOlflens et
togolais, il conviendrait de relativiser la pratique dans les régimes voltaïques
et sénégalais.
1Articles 46 et 47 de la constitution ivoirienne: articles 84 et 85 de la constitution voltaïque;
34 et 36 de la constitution togolaise; article 71 al. 2 et 72 de la constitution sénégalaise.
2 Article 40 du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne;
article 95 du règlement intérieur de l'assemblée nationale voltaïque;
article 26 du règlement intérieur de l'assemblée nationale togolaise ;
article 67 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.

- 316 -
Dans ces derniers, n'ayant pas été suffisamment écouté en commission,
parce que faiblement représentée, l'opposition se révèle très bruyante lors du
vote par article afin de monnayer son acceptation par la prise en compte
minimale de quelques uns de ses amendements.
Soulignons qu'il s'agit d'oppositions mineures n'atteignant nullement les
grandes lignes du texte puisque, si tel pourrait être le cas, l'exécutif aurait
opté pour les procédures abrégées de vote. Aussi, afin d'obtenir le vote
unanimitaire, le gouvernement s'arrange pour satisfaire ces amendements
émanant de l'opposition.
Paragraphe 2 - Le vote sur l'ensemble du texte
Ce vote n'intervient qu'à la fin du précédent, c'est-à-dire lorsque
l'assemblée a adopté, un par un, tous les articles du texte de loi.
En règle générale, le règlement intérieur des assemblées nationales
considérées laisse à la discrétion de leur président la faculté d'autoriser des
explications de vote de cinq minutes, avant l'adoption du projet de loi 1.
L'intervention du texte est, ensuite, soumis à l'assemblée par son
président pour adoption.
A ce sujet, tout comme à l'occasion de tout scrutin, autant dans les
monocraties de Côte d'Ivoire que dans les régimes de libertés publiques de
Haute Volta et du Sénégal, ce qu'il faut retenir c'est l'assimilation du texte à
adopter à son auteur.
Outre ce fait, présent à l'esprit des votants, le poids du parti unique ou
dominant, certes, extérieur à l'assemblée, mais, valablement représentée au
sein de cette institution par son groupe parlementaire, incite les députés à
adopter le texte gouvernemental.
L'étude ainsi achevée à révélé les
nombreuses
possibilités
gouvernementales en matière de vote des projets et propositions de lois. Avec
1Article 49 du règlement intérieur ivoirien; articles 112 et 106 al. 6 et 7 du règlement
intérieur voltaïque; article 31 du règlement intérieur togolais; article 71 al. 4 du règlement
intérieur sénégalais.

- 317 -
le propos suivant relatif à la promulgation présidentielle des textes
parlementaires, on verra que la prééminence de l'exécutif dans les systèmes
choisis est telle qu'il peut ne pas promulguer sans sanction les lois
régulièrement délibérées.
Section IV - La promulgation de la loi par l'exécutif
Prérogative classique au régime parlementaire 1, la promulgation de la
loi par le chef de l'exécutif est consacrée par les quatre constitutions
considérées. Seule celle de la Haute Volta limite cette attribution en
l'attribuant, sous certaines conditions, à l'assemblée nationale.
A - Une promulgation à la disposition du chef exécutif
Cette prérogative d'origine constitutionnelles est doublée d'une autre,
non moins importante, qui permet, au président de la République, de faire
reculer la promulgation d'une loi par une seconde lecture demandée à
l'assemblée nationale.
A ce niveau, il faut appréhender cette faculté selon que l'organe
législatif peut refuser ou non de lire à nouveau le texte légitimes en se
prononçant à un majorité déterminée.
Paragraphe 1 - La consécration constitutionnelle
Identiques à tout point de vue, les constitutions choisies habilitent
l'autorité exécutive à promulguer les textes régulièrement adoptés par
l'organe législatif2.
En effet, aussitôt la loi transmise par le président de cette institution à
l'exécutif, ce dernier a un délai de quinze jours francs pour procéder à la
promulgation. Ce délai est réduit à huit jours en Haute Volta et à cinq jours
dans les trois autres pays lorsqu'il y a urgence.
1Sur la question, outre les manuels de Droit constitutionnel déjà cités, voir particulièrement
le cours également de M. 1. P. Duprat; voir également M. Edouard Sauvignon, "La
promulgation des lois", R.D.P., 4-6,1981, page 989 et suivantes.
2 Article 13 alinéa 2 de la constitution Ivoirienne, articles 21 et 22 de la constitution voltaïque;
article 14 de la constitution togolaise; article 61 de la constitution sénégalaise.

- ';18 -
Cependant, l'automaticité de cette obligation n'est pas exigée par les lois
fondamentales concernées. A ce sujet, l'exécutif bénéfice d'un "veto"
suspenses à l'application de la promulgation d'une loi qui n'a pas son
assentiment. Il peut demander une seconde délibération du texte à l'assemblée
qui ne peut la lui refuser 1•
Cet obstacle à la promulgation est alors assorti de conditions variant
selon les pays, mais qui tempèrent les excès éventuels de son utilisation, donc,
protègent relativement le parlement.
Pour l'essentiel, lorsqu'une seconde délibération est eXlgee, les
assemblées nationales ivoirienne, sénégalaise et voltaïque peuvent reprendre
intégralement le texte litigieux, donc, imposer sa promulgation au président
de la République. Il suffit pour ce faire qu'elles recueillent respectivement des
majorités de 2/3, 3/5 et une majorité simple en faveur de son adoption.
A ces conditions, la Haute Volta se particularise en soulignant "... A
défaut de promulgation dans le délai requis, la loi entre automatiquement en
vigueur après constatation de la Cour suprême"2.
Ainsi, excepté le mutisme togolais, le veto suspensif semble avoir été
règlementé dans les trois autres Etats. Nul doute que formellement cette
limitation est positive. Mais que vaut-elle, en réalité, lorsque les institutions
politiques, juridictionnelles et l'opinion publique sont incapables d'astreindre
le chef de l'Etat à promulguer un texte de loi régulièrement adopté par le
parlement?
Paragraphe 2 - Une prérogative assortie d'une sanction
Avant de s'intéresser à l'objet présent, soulignons, préalablement, les
faits qui motivent cet intitulé.
A l'issue d'un travail parlementaires qui n'a été marqué d'aucune
réticence, objection ni opposition gouvernementale ou parlementaire,
l'assemblée nationale ivoirienne adopta le 20 mars 1963 une loi portant Code
1Article 13 al. 2 et 3 de la constitution ivoirienne; article 21 de la constitution voltaïque;
article 62 de la constitution sénégalaise.
2 Article 21 al. 5 de la constitution voltaïque.

- 319 -
Domanial et Foncier l .
Contre toute attente, le chef de l'exécutif, chef de l'unique formation
partisans, le P.D.C.I., M.F.. BOIGNY refusa de promulguer la loi, sans pour
autant motiver son refus2•
Bien qu'insolite, cet acte révèle mieux que tout autre illustration autant
l'immensité des pouvoirs législatifs du président3, que la soumission des
organes constitutionnels à l'autorité. Ce fait peut être envisageable aussi bien
au Sénégal qu'en Haute Volta, deux régimes possédant des "garde-fous"
constitutionnels et pratiques à l'exercice abusif des pouvoirs tant de l'exécutif
que du législatif.
Il suffit d'évoquer l'impossibilité d'exercice du droit de promulgation
présidentielle intervenue sous la IIè République Voltaïque, par le blocage
systématique des institutions politiques, du fait des deux leaders du parti
majoritaire au pouvoir, MM. G. K. Ouédraogo et J. Ouédraogo4•
Si, par le mobile, cet exemple diffère de celui de la Côte d'Ivoire, il
n'en demeure pas moins qu'il constitue une illustration fort intéressante.
En effet, reposant sur des dissensions politiques survenues au sein du
parti dominant, le RDA, le désaccord entre le président de l'assemblée
nationale et le premier ministre de l'époque va non seulement entraîner une
paralysie totale des deux organes constitutionnels, mais entraînera également
la désuétude du droit de promulgation présidentielle.
L'organe
législatif refusait
d'examiner
tout
projet
de loi
gouvernemental et, inversement, le gouvernement était décidé à faire échec à
1 Les faits susvisés sont rapportés par M. Yves Laporte, citée, page 54 et 167.
2 Les faits susvisés sont rapportés par M. Yves Laporte, thèse citée, pages 54 et 167.
3 En dehors des ouvrages classiques de droit, la cours du professeurs J. P. Duprat mentions
fort justement que le pouvoir présidentiel de promulgation n'équivaut pas à lui comérer une
compétence en matière législative. Ce droit ne sanctions nullement le texte, puisque
l'Assemblée nationale a tous pouvoirs pour en faire une loi. Mais que dire alors d'un projet de
loi adopté par le parlement, mais qui reste caduc du fait de l'absence de Promulgation
présidentielle, surtout dans ces monocraties ? En réalité, le Chef de l'Etat peut tout faire en
matière législative.
4 En évoquant le statut du président de l'assemblée dans le multipartisme voltaïque, ces faits
ont été abordés.

- 320-
toute proposition de loi. D'où une inertie des pouvoirs conférés au chef de
l'Etat.
Par ces données fort complexes, si la prudence incite à abandonner une
généralisation trop souvent hâtive, il n'en demeure pas moins que l'exemple
ivoirien pose la question de la portée de cette prérogative présidentielle
exorbitante, en Patrice. Cela est d'autant plus grave que le détenteur de ce
droit n'est ni politiquement responsable dans les quatre pays ni pénalement en
Côte d'Ivoire et au Togol. Si sa responsabilité pénale est prévue dans les deux
autres Etats, il semble qu'elle soit pratiquement inapplicable ; de plus, elle
connaît mal à ce manquement.
Ces Etats, caractérisés par la personne de leurs dirigeants respectifs
(par exemple le Togo du Général Eyadéma, la Côte d'Ivoire du "sage" H.
Boigny, la Haute Volta du Général Lamizana)2, ne peuvent connaître de mise
en accusation de ces derniers, leurs créateurs.
Cette immunité est si bien protégée que la pertinence d'un règlement
aggravée de l'obligation pour le chef de l'Etat de promulguer une loi
régulièrement adoptée pourrait se révéler douteuse.
Le problème resterait entier tant que les institutions adoptées ne seraient
pas respectées par leurs bénéficiaires immédiats, c'est-à-dire, les gouvernants.
Il ne s'agit dono pas là seulement de l'inadaptation de ces dernières mais,
surtout, de la qualité des politiques susvisés 3.
C'est peut être ce trait qui a retenu l'attention des
constituants
voltaïques, en fixant des limites à la prérogative de l'exécutif dans la
promulgation des lois.
1 La responsabilité pour haute trahison du Président ivoirien a été prévue par la constitution
de 1960 en son article 63 mais elle a été abandonnée pour ne concerner que les autres membres
du gouvernement lors de la révision constitutionnelle du 11 Janvier 1963. Au Togo, tandis que
l'article 50 de la constitution institue la haute Cour et renvoie à une loi organique le soin de
prévoir sa composition et ses attributions, l'article 51, quant à lui, stipule de façon laconique
que "la Haute Cour de justice connaît les cas de Haute trahison".
2 Sur la personnification de l'Etat africain etle culte de leur chef, voir l'ouvrage déjà cité de
M. M. A. Glélé. Dans une optique théorique mais applicable aux systèmes politiques africains,
voir "La classification des formes gouvernementales" par le Professeur G. Burdeau, in "Les
régimes politiques", traité de science politique, Tome IV, L. G. D. J., Paris, 1952, page 365
et suivantes.
3 En accord avec M. M. Y. Larba, déjà cité, la qualité médiocre de la majorité des gouvernants
influe négativement sur le fonctionnement des institutions républicaines adoptées.

- 321 -
B - Une restriction à la prérogative gouvernementale rehaussant
relativement l'Assemblée nationale
C'est par rapport à une perspective comparative globale qu'il convient
d'offrir une place de choix à l'exemple voltaïque en matière de restriction à la
prérogative constitutionnelle de promulgation des lois par le chef de
l'exécutif.
Rompant avec ce qu'il est convenu d'appeler le "déjà vu"
constitutionnel, la loi suprême de 1977 confère aux députés le droit de
promulgation lorsque le président de la République ne se manifeste pas, dans
certains cas.
Excepté cette particularité, la limite à cette prérogative présidentielle
peut émaner du fait partisan dans tous ces pays.
Paragraphe 1 - La promulgation attribuée aux
parlementaires
Absente dans les deux précédents textes constitutionnels, cette
reconnaissance de la promulgation des lois par les députés s'inscrit dans la
volonté des constituants de 1977 de censurer les excès émanant tant de
l'exécutif que du législatif qui, par deux fois, ont provoqué l'avènement des
militaires au pouvoir 1.
Ce "fétichisme de la loi", bien qu'impuissant à maintenir l'ordre
constitutionnel mimétique 2, a au moins formellement l'intérêt de concevoir
deux pôles ayant l'initiative de la promulgation des lois.
Si, l'attribution au premier, c'est-à-dire à l'exécutif, n'est point
surprenante parce que de tradition conférer ce pouvoir au deuxième organe
constitutionnel constitue une originalité de taille.
1 Voire le paragraphe XI du préambule de la constitution voltaïque et l'article cité du Prof. J.
Owona, page 309 et suivantes.
2 Abordant l'étude de la nouvelle constitution voltaïque, M.J. Owona utilise cette expression
pour qualifier l'attitude "excessivement" formaliste des constituants de la Ille République de
Haute Volta.

- 322 -
En effet, selon l'article 21 de la constitution, à défaut de promulgation à
l'issue du délai requis, le texte de loi adopté par l'assemblée nationale entre
automatiquement en vigueur après constatation de la cour suprême.
Ainsi, aucun acte du chef de l'exécutif n'étant exigé pour la validité du
texte régulièrement adopté, il est possible d'accorder du crédit à cette
disposition. Le seul obstacle à l'accomplissement de cette prérogative
parlementaire pourrait provenir d'une éventuelle coalition de l'exécutif et de
la cour suprême contre l'organe législatif.
Bien qu'organiquement liée au pouvoir exécutif, la relative impartialité
de la cour suprême 1 n'autorise pas l'affirmation absolue d'une telle
éventualité.
Aussi, par rapport aux autres pays choisis, est-on en mesure d'apprécier
relativement la restriction du droit de promulgation du chef de l'exécutif
voltaïque.
A cette particularité, s'ajoute dans tous ces Etats le poids du parti
unique ou dominant en tant que limite à cette prérogative présidentielle.
Paragraphe 2 - Une limite émanant du parti unique ou
dominant
En plus du bénéfice de la promulgation du texte de loi gouvernemental,
les députés voltaïques sous la Ille République peuvent obtenir la promulgation
présidentielle d'un projet de loi par l'intermédiaire en ce sens du parti
dominant.
A la différence des élus iVOIrIenS et togolais, les parlementaires
sénégalais bénéficient également de cette arme.
L'exception considérée tient pour une large partie de la domination
exclusive de la seule formation politique de ces monocraties par un leader
1 Formellement, l'article 99 de la constitution voltaïque stipule que les décisions de la cour
suprême, des cours d'appel et des tribunaux ne peuvent en aucune manière être modifiées, ni
par l'assemblée nationale, ni par le gouvernement. Cependant, l'autorité de la chose jugée n'est
aussi intangible que l'affirme cette disposition constitutionnelle. A ce titre, voir notre étude
antérieure relative aux "ingérences" de l'exécutif dans le cour normal de la justice.

- 323 -
incontesté, le chef de l'Etat, MM. F.H. Boigny et G. Eyadéma, respectivement
en Côte d'Ivoire et au Togo.
C'est dire, en d'autres termes, que les députés considérés ne peuvent
inviter le parti du leader ''historiquement'' consacré à faire fléchir la position
de ce dernier.
En ne considérant donc que les deux reglmes multipartisans, la
structure particulièrement souple de leurs partis, l'existence en leur sein d'une
kyrielle de leaders partisans peuvent favoriser une issue favorable au litige
opposant l'assemblée et l'exécutif, en cas de refus de ce dernier de
promulguer une loi régulièrement adoptée.
On rappelle que les fonctions étatiques (chef de l'exécutif et membres
du gouvernement, des commissions permanentes etc... ) sont généralement
attribuées en fonction de l'importance des rôles de leurs postulants au sein du
parti dominant.
En outre, on peut même écarter l'hypothèse d'un refus de
promulgation, puisque la loi adoptée est d'inspiration partisane.
Enfin, comment un chef d'Etat peut-il ne pas s'exécuter, alors que la loi
a été examinée sous le contrôle de ses représentants à l'assemblée nationale et
sous la surveillance de ses collaborateurs au gouvernement ?
Toutefois, sans surestimer ni sous-estimer l'étendue des pouvoirs
présidentiels, il faut reconnaître que sa prééminence dans les systèmes
politiques africains contribue seule à fausser les règles constitutionnelle
établies et, partant, à autoriser certains excès.
C'est également son autorité sur les organes constitutionnels qui
dénature les attributions parlementaires en matière de contrôle de l'action
gouvernementale.

- 324-
CHAPITRE II - UN CONTRÔLE TECHNIQUE SOUPLE ET
POLITIQUE FORMEL
Selon la stricte tradition parlementaire l, les Assemblées occidentales ont
plusieurs moyens pour s'informer et contrôler la politique entreprise par le
gouvernement.
En principe, les parlementaires africains auraient dû bénéficier, ne
serait-ce que partiellement, de ces moyens puisqu'en droit la constitution et
leur règlement intérieur les leur reconnaissent.
Particulièrement en Haute Volta et au Sénégal, avant la réforme
constitutionnelle de 1983, l'option pour un parlementaire rationalisé, fait d'un
mélange de techniques de gouvernement anglo-saxon, allemand et français,
attribuait aux députés des prérogatives semblables.
En Côte d'Ivoire, au Sénégal et au Togo, nonobstant la présence du
droit de dissolution dans ce dernier, leur option présidentialiste confère
également nombre de moyens que l'on rencontre dans les régimes
parlementaires ou présidentiels d'occident.
Cependant, la pratique révèle une différence certaine par rapport à ce
qui est de coutume dans les régimes occidentaux.
En accord sur ce point avec M.C. Desouches2, il convient de distinguer
en fonction des pays selon que le contrôle est "politique" ou "technique".
Difficile à admettre, il n'en demeure pas moins que cette distinction
répond, par ailleurs, à la volonté des dirigeants politiques considérés de créer
un parlement plus technique que politique3.
1 En dehors des ouvrages classiques et cours de Droit constitutionnel et parlementaire que
nous avons cités, voir M. Jean Bourdon, op. cit., pages 147 et suivantes; Egalement M.J.
Desandre, "Les commissions parlementaires d'enquête et de contrôle en Droit français",
N.E.D. N" 4262-4264, la Documentation française, Paris 1976.
2 Mme C. Desouches, op. cit, pages 119 et 120.
3 Voir le titre III de la 2è partie de la thèse.

- }25 -
Section 1 - Le contrôle dans les États à parti unique
Se penchant sur la question, deux personnalités importantes du régime
ivoirien, M.P. Yacé et A. Boni ne manquent pas d'étonner en soulignant les
nombreux moyens dont dispose l'assemblée nationale pour contrôler l'action
de l'exécutif du système présidentiel susvisé1•
Selon eux, du fait de ses pouvoirs législatifs et financiers, l'organe
législatif a une emprise réelle sur la politique menée par l'exécutif.
S'il est incontestable que les constitutions des régimes présidentiels
accordent de nombreuses possibilités de contrôle à leur assemblées, il est
également fondé que l'existence "d'un parti unique, l'homogénéité de
l'assemblée qui en résulte, la confiance totale des députés au chef de l'État
etc....", faussent totalement la mise en application de ces techniques2 •
En s'inspirant de ce fait auquel s'ajoute le droit de dissolution au
bénéfice de l'exécutif togolais, force est de déprécier le
contrôle
parlementaire dans ces régimes monopartisans.
A - Le contrôle politique
Théoriquement, c'est par l'examen et le vote de lois ordinaires et des
lois de fmance que l'assemblée nationale de Côte d'Ivoire et du Togo tente de
contrôler la politique de l'exécutif.
Telle n'est cependant pas la réalité puisque le monopole de la vie
politique nationale par le partie unique
transfère
cette
fonction
constitutionnelle à l'institution monopartisane.
1 Voir M.P. Yacé : "La Côte d'Ivoire et son Parlement", "Conférence du 6 avril 1973 au
Théâtre de la cité", "Exposé général du projet constitutionnel".
2 Voir l'analyse d'une de ces monocrates, le régime ivoirien que l'auteur rapproche du
kénalisme in "Les principes fondamentaux du régime politique de la Côte d'Ivoire", M.P. F.
Gonidec, op. cit, page 679 et suivantes.

- 326 -
Paragraphe 1 - Des moyens d'information et
d'explication plutôt que de sanction
Même dénué de sanction, le contrôle exercé par l'organe législatif sur le
bien fondé de la politique conduite par l'exécutif ivoirien et togolais peut
s'avérer perspicace.
En effet, selon les constitutions respectives de ces Etats, l'assemblée
nationale vote la loi et le budget national 1. Or, ces attributions législatives et
financières ne sont autres que de redoutables moyens d'action sur la politique
gouvernementale.
On sait de coutume que gouverner c'est dépenser et légiférer. Ainsi, en
examinant les textes d'ordre financier ou législatif du gouvernement,
l'institution parlementaire peut saisir l'occasion pour apprécier valablement
son action politique. En les adoptant partiellement ou intégralement, le cas
échéant, en les rejetant, elle fait état de son point de vue, tout en se posant
comme un partenaire à ne pas négliger.
Mais, encore faut-il que l'assemblée utilise véritablement ces moyens
constitutionnellement reconnus. Tel ne semble pas le cas, puisque l'intitulé du
développement n'est que la reprise de la qualification adoptée par M. P.
YACE du contrôle parlementaire en Côte d'Ivoire et, vraisemblablement, au
Togo 2.
Avant de s'intéresser à la réalité du contrôle parlementaire dans ces
pays, expliquons sommairement les raisons de cette option pour des "échanges
de vues sans sanction" entre les deux organes.
Elles tiennent essentiellement au monopole législatif du parti unique et,
surtout, à son refus de voir écarter pour des mobiles politiques ses
propositions dans un cadre autre que partisan, à savoir, le parlement. C'est
pourquoi ces moyens ont été remplacés, en pratique, par d'autres moins
1 Articles 28 et 50 de la constitution ivoirienne; articles 33 et 66 de la constitution voltaïque;
articles 23 et 32 en son dernier alinéa de la constitution togolaise ; articles 56 et 57 de la
constitution sénégalaise.
2 M.P. Yacé, "La Côte d'Ivoire et son Parlement", op. cit, page 30.

- 327 -
inopérants, dont l'efficacité est établie dans leur cadre originel, le régime
présidentiel américain ; les interpellations des membres du gouvernement.
A cet égard, si ces derniers ne sont pas politiquement responsables
devant l'assemblée, puisqu'ils ne le sont que devant l'autorité présidentielle, ils
sont tenus cependant de fournir toutes les explications demandées par l'organe
législatif 1.
C'est exclusivement par ces moyens que ce dernier peut suivre et
comprendre, mais non contrôler la politique sectorielle, puis, générale du
gouvernement. Or, l'efficacité de ces moyens reste à prouver car, encore faut-
il que ces autorités convoquées daignent déférer personnellement à ces
interpellations. Et, ainsi, elles n'utilisent pas de formules vagues et imprécises
peut informer les parlementaires.
Démunis de sanctions vis-à-vis des gouvernements et contraints à ne pas
utiliser les moyens constitutionnels pour contrôler l'action gouvernementale,
les députés s'empressent alors d'exercer leur rôle par le recours du parti
unique mais, soulignons-le, exclusivement en son sein.
Paragraphe 2 - Le transfert du contrôle politique du
parlement au parti unique
Ce transfert au profit du parti n'est pas surprenant pour la simple
raison que les Etats ivoirien et togolais sont coiffés, de droit ou de fait, par
cette institution. A titre d'illustration, notons les compétences du R P T dans la
dissolution de l'assemblée nationale, lors des litiges nés de l'irrecevabilité des
proportions de loi et des pouvoirs exceptionnels du chef de l'Etat etc...
Valable en fait dans le régime ivoirien, cet état de choses contribue à
renforcer l'opinion des parlementaires selon laquelle mieux vaut se référer au
parti qu'aux organes constitutionnels dans la recherche de toute information
en solution d'un problème politique, économique, social etc...
1 Sur la responsabilité des membres du gouvernement devant le Président de la République,
voir l'article 20 de la constitution togolaise et l'article 12 de la constitution ivoirienne. En ce qui
concerne les explications que ces derniers sont tenus de fournir à l'assemblée nationale, voir
les articles 22 et 40 al. 2 et 3 de la constitution togolaise; également, l'article 40 de la
constitution ivoirienne.

- }28 -
A défaut de contrôler l'action de l'exécutif au parlement ces derniers
pourront le réaliser de façon "constructive"" par l'intermédiaire du parti et à
l'intérieur de ses structures, puisqu'étant membres à part entière, ils côtoient
directement les gouvernants.
Donc, si ce transfert du contrôle politique vers le parti n'est pas
textuellement consacré, il reste pratiquement tel dans la mesure où les
obstacles à son exécution au niveau du parlement émanent essentiellement de
l'assemblée.
Reste alors à se prononcer sur son effectivité au sein du parti unique. A
ce niveau, se pose la question de savoir si l'institution susvisée est ou non
démocratique.
Vraisemblablement, sa structure pyramidale jointe à la dévotion totale
des pouvoirs à la personne de son leader nationale, de surcroît chef de
l'exécutif, son autant d'éléments qui permettent de nier la vie démocratique du
P D Clet du R P T.
Loin d'exagérer, le contrôle politique des députés-militants se résument
en une "mascarade" d'interrogations des ministres sur les grandes lignes de
l'action de l'exécutif qui, en retour, rappelle à ces derniers leur allégeance à la
doctrine du pouvoir. Cette obstruction du contrôle politique débouche sur une
stratégie visant à accepter que le contrôle technique.
B - Le contrôle technique
Après avoir rendu quasiment inapplicable et supprimé dans certains cas
les moyens spécifiques de contrôle parlementaire (questions orales ou écrites,
interpellations, d'une part et responsabilité gouvernementale, d'autre part à,
ces constituants ivoiriens et togolais attribuent sans réticence des pouvoirs de
contrôle dit technique à l'assemblée nationale sur la politique menée par le
chef de l'exécutif.
Cette attitude paraît surprenante puisque
soucieux
d'écarter
l'appréciation politique de l'action gouvernementale du champ de contrôle, les
constituants n'ont pas pour le moins résolu la question. En effet, il est difficile
de distinguer de ce contrôle souhaité la part technique de la dimension

- 329 -
politique qu'il compose.
Cependant, il n'en est rien dans la mesure où le fait monopartisan vient
pallier cette lacune ou omission volontaire.
Paragraphe 1 - Le rôle des commissions parlementaires
dans le contrôle technique
En Côte d'Ivoire et au Togo, il faut faire la part des choses selon qu'il
s'agit d'une commission spéciale J, donc d'enquête, ou d'une commission
permanente, donc générale, habilitée pour une affaire bien déterminée.
Dans le premier cas, seulement en vigueur au Togo, l'assemblée
nationale crée, en son sein, une commission spéciale chargée d'enquêter sur
des faits présumés imputables à l'administration ou au Gouvernement2• A
cela, s'ajoute la possibilité, pour l'organe législatif tout entier, d'enquêter sur
la gestion d'un département ministériel déterminé afin d'établir, à l'issue de
l'enquête, un rapport au président de l'institution3. Ce rapport devra être
transmis au chef de l'Etat pour éventuellement prendre des mesures adéquates
pouvant entraîner le licenciement des fonctionnaires incriminés ou une
déchéance ministérielle.
Dans le second cas, valable en Côte d'Ivoire, il s'agit d'investir une des
trois commissions permanentes de l'assemblée de la mission d'enquête sur la
gestion ou le comportement d'un secteur ministériel ou d'une administration4 •
Dans les deux cas, des conditions sine qua non sont exigées pour leur
mise en application. Pour l'essentiel, ces commissions doivent enquêter sur un
objet précis et leurs travaux ne doivent excéder trois à quatre mois. Enfin,
pour faciliter leur tâche, toute personne convoquée pour les besoins de
l'investigation doit y répondre, tant physiquement que matériellement.
L'évocation susvisée des conditions régissant ces enquêtes permet la
1 Au Togo, le règlement intérieur parle de commissions d'enquêtes et non de commissions
spéciales.
2 Article 9 dernier alinéa du règlement intérieur du Togo.
3 Article 40 dernier alinéa de la constitution togolaise.
4 Article 21 du règlement intérieur de l'assemblée nationale ivoirienne.

- 330 -
transition avec l'étude de l'efficacité de ces contrôles de cette mission.
Même si l'on écarte d'office la responsabilité du chef de l'Etat, le
problème reste entier, puisque toute mise en cause de la gestion d'un ministère
peut s'avérer une atteinte à la politique sectorielle menée par le leader
partisan. A titre d'illustration, insistons sur ce point.
Il est établi que le crise économique très accentuée dans ces Etats qui
entraîne des difficultés de gestion pour certaines sociétés publiques ou para-
publiques de prestige est, pour une bonne part, le résultat des politiques de
prestige entreprises depuis fort longtemps.
Partant de ce constat, dans l'hypothèse où une commission est habilitée à
enquêter sur ces secteurs il ne serait pas étonnant de ne voir figurer dans son
rapport rmal aucunes des causes réelles de ces maux.
Loin de remettre en cause la politique économique ainsi entreprise, elle
s'attardera certainement sur les petites malversations découvertes, imputables,
à tort ou à raison, au personnel non dirigeant.
Aussi, compte tenu des implications que peuvent entraîner ces
investigations, n'est-il pas alors étonnant d'attribuer au parti un contrôle
technique de la politique gouvernementale.
Paragraphe 2 - La place du parti dans le contrôle
technique
Certains auteurs, comme M. G. Conac!, ont à juste titre remarqué que,
s'il est vrai que le constitutionnalisme africain connaît de nombreuses
déviations par rapport au schéma classique occidental, ce qui justifie d'ailleurs
son dynamisme, il reste établi que les constitutions continuent d'exercer une
influence certaine sur les pouvoirs établis.
Ce constat permet de s'interroger sur le caractère légal ou coutumier du
contrôle technique partisan sur l'action politique du leader monopartisan.
! M. G. Conac, "Les institutions constitutionnelles des Etats d'Mrique noire et de
Madagascar", op. cit, pages 1 et suivantes.

1/
ï(
- 331 -
Soulignons qu'il est possible de réfuter l'idée selon laquelle les parties
politiques concernés, le PDCI et le RPT, bénéficient constitutionnellement de
cette attribution puisque, nulle part, elle n'est mentionnée expressément.
Pourtant, la première place qu'occupe le parti unique togolais, par
rapport à l'exécutif, au législatif et au judiciaire dans la constitution, et les
pouvoirs exorbitants qui ne découlent, d'une part, le monopole correspondant
de fait du parti unique ivoirien, d'autre part,
réduisent à néant
l'argumentation précédente.
Partant, grâce à la loi fondamentale et à la coutume qui tend à suppléer
cette dernière, le parti unique tend à se substituer progressivement à
l'assemblée nationale dans l'exercice des missions d'enquête pouvant se révéler
complexes.
En effet, si l'enquête demandée est susceptible d'incriminer nombres de
personnalités partisans, le recours au parti est vivement soutenu et obtenu,
pour permettre ainsi une solution "efficace" et moins scandaleuse de l'affaire.
Donc, il s'agit d'une substitution forcée ou "à l'amiable" du parti aux
commissions.
On peut, vraisemblablement, affirmer que ce dernier ne s'en prive pas,
puisque les exemples abondent de malversations financières, de gestions
défectueuse et d'organisations imparfaites des services ministériels et
administratif or on est loin de dénombrer un nombre correspondant voire
même légèrement inférieur d'enquêtes parlementaires.
Deux cas de figure sont donc à prévoir : soit, la création
de
commissions spéciales (Togo) et l'habilitation d'une commission permanente
pour enquêter sur ces faits (Côte d'Ivoire), lesquelles butent sur des obstacles
majeurs; soit, le parti unique se voit conférer ces missions.
En conclusion quelque soit le cas choisi, la du parti ne peut être écartée.
L'existence d'un parti dominant, à la place d'une formation unique, en Haute
Volta et au Sénégal, peut-elle permettre d'identifier le contrôle dans ces Etats
à celui que l'on vient de décrire ?

- 332 -
Section II - Le contrôle dans les Etats à partis multiples
Pays couramment admis dans la catégorie des régimes associant le
parlementarisme anglais au système présidentiel américain l, le Sénégal vient
de se démarquer de la Haute Volta, depuis la révision constitutionnelle de
1983, en optant pour le présidentialisme avec un exécutif renforcé2•
Cette différence n'empêche pas d'associer ces deux reglmes
multipartisans dans l'étude relative au contrôle parlementaire sur l'action de
l'exécutif du fait de la domination du parti majoritaire.
A - Un contrôle politique séduisant mais inapplicable
Quelque soit le pays considéré, le parlement bénéficie de moyen
importants pour contrôler politiquement l'exécutif. Mais, la mise en
application de ces derniers rencontre de sérieux obstacles.
Paragraphe 1 - Le contrôle politique dans le régime
parlementaire de Haute-Yolta3
S'inspirant surtout du modèle britannique et, partiellement, du régime
français de 1958, les constituants voltaïques ont doté le parlement de deux
types de moyens complémentaires. Ils sont traditionnels ou spécifiques.
Dans le premier cas, par l'information grâce aux questions orales,
écrites et aux interpellations, l'assemblée nationale tente de contrôler la
politique de l'exécutif.
Dans le second cas, par la mise en jeu de la responsabilité
gouvernementale, l'organe législatif peut désapprouver ou approuver l'action
politique du gouvernement.
1 Voir M. L. Dubouis, op. cit, page 218 et suivantes; M. J. Owona, op. cit, page 305 et
suivantes; M. M. Prelat, "Les nouvelles constitutions de l'Afrique", Afrique-Documents,
1960, page 13 et suivantes.
2 M. S. Diop, "La nouvelle constitution du Sénégal", op. cit., page 5 et suivantes; voir
également M. P. Diagne, déjà cité.
3 Sur le retour au parlementarisme rationalisé au multipartisme limité en 1978, avec la lIIè
République, voir l'article précité du Professeur 1. Owona, page 309 et suivantes.

- 333 -
a) Le pouvoir de contrôle parlementaire et le
droit à l'information
t
Minant le texte français de 19~8, la constitution voltaïque reprend la
pratique des questions •.
Après l'abandon du détail de ces procédures au règlement intérieur2,
elle distingue cependant les questions orales des questions écrites.
Avec débat et, le plus souvent, sans débat3, les questions orales rédigées
sommairement doivent porter sur la politique générale du gouvernement et
être adressées au premier ministre, par l'intermédiaire du président de
l'assemblée nationale. L'autorité politique considérée ou son délégué doit être
informée avant la tenue de la séance au cours de laquelle elles seront
débattues.
Dans des conditions identiques aux premières, les questions écrites sont
formellement réglementaires par le texte intérieur de l'assemblée4 •
Dans les deux cas, la réponse doit intervenir dans le délai maximum
d'un mois au terme duquel elle doit être publiée au journal des débats.
parlementairess.
En dehors de ces moyens, les constituants voltaïques ont repris le
système des interpellations des membres du gouvernement au profit des
députés6•
A cet égard, ces derniers sont en mesure d'inviter toute personnalité
gouvernementale à s'expliquer sur une partie de la politique de l'exécutif sans
• Articles 73 et 74 de la constitution Voltaïque.
2 Voir les articles 136 et 141 du règlement intérieur de l'assemblé nationale.
3 Articles 138 et 140 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.
4 Voir article 141 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.
S Même si sa consultation n'est pas facile à obtenir, le journal des débats parlementaires
existe dans les bibliothèques des assemblées nationales considérées. Voir article 141 et al. 2 du
règlement intérieur.
6 Article 155 du règlement intérieur.

que cela ne puisse aboutir à une sanction1•
L'évocation de la portée réduite des interpellations permet de
s'interroger sur celle également des questions orales et écrites. Le doute sur la
pertinence de ces dernières ne peut que persister quand on considère les deux
éléments suivants :
D'un point de vue formel, il faut dire que le règl~ment intérieur de
l'assemblée d'inspiration partisane est truffé d'obstacles au succès de ces
questions. Il suffit de se référer à la quasi-dépendance de ces moyens au gré
de la conférence des présidents et du chef de l'institution parlementaire2•
D'un point de vue politique, il faut souligner que le gouvernement peut
ne pas s'exécuter puisqu'il est assuré de la docilité de sa majorité politique à
l'assemblée.
Ce sont ces données objectives qui expliquent, par ailleurs,
l'inapplication de la mise en cause de la responsabilité gouvernementale.
b) Un mécanisme spécifique de contrôle
parlementaire de l'action gouvernemental
la responsabilité politique du gouvernement
devant l'assemblée nationale.
D'entrée de jeu, notons qu'à vouloir rationaliser méthodiquement le
régime parlementaire voltaïque, les constituants sont parvenus à rendre
inapplicable la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement
devant l'assemblée nationale.
Attribuant selon la tradition parlementaire à l'exécutif et au législatif
respectivement le droit de dissolution à l'un et la motion de censure à l'autre,
les constituants ont entouré ces prérogatives de règles qui se révèlent être des
garanties de stabilisation du gouvernement3•
1Article 155 règlement intérieur.
2 On peut utilement se reporter à l'étude de la composition et de la désignation des membres
de la conférence des présidents. Ou encore consulter sa compétence réelle dans la fixation de
l'ordre du jour.
3 Voir respectivement les articles 76, 77, 78; 79 et 80 de la constitution voltaïque. A propos
de ces mécanismes de stabilisation du régime parlementaire de ce pays, en accord avec le

- 335 -
Ainsi, il est prévu que l'Assemblée ne peut censurer la politique du
gouvernement et, par conséquent, entraîner se démission collective qu'à la
condition de remplir les conditions suivantes:
Dans le cas d'une motion de censure, il faut qu'elle émane d'un
tiers au moins des membres de l'organe législatif qui,
nécessairement, doit la signer. S'ajoute à cela, l'obligation d'un
vote à la majorité des deux tiers, soit trente sept des cinquante
sept députés composant l'assemblée, pour son succès. Enfin,
lorsqu'il y a rejet, les instigateurs ne peuvent déposer à nouveau
une motion avant l'expiration d'un délai d'un an.
S'agissant de la question de confiance, son dépôt ne peut
intervenir qu'à la suite d'une délibération du conseil des ministres
sous la présidence du chef de l'Etat. Elle porte sur le programme
ou sur une déclaration de politique générale. Là aussi, à
l'exigence d'un délai de quarante-huit heures laissé au parlement,
s'ajoute celle de la majorité absolue des députés pour refuser la
confiance demandée par le gouvernement.
Par ces données, non seulement le parlement se voit limiter dans
l'exercice de ses moyens spécifiques de contrôle, mais il est également tenu de
réfléchir aux conséquences de ses actes dans la mesure où l'exécutif peut le
dissoudre et porter le litige devant le peuple.
En ne perdant pas de vue l'impact du chef de l'exécutif sur les
populations consultées, le caractère tributaire des mandats parlementaires à
l'égard de ce dernier, on saisit alors avec éclat le déséquilibre de la
rationalisation des pouvoirs établis par les constituants que l'on ait
précédemment souligné.
A cet égard, force est de constater que la reproduction dans le système
constitutionnel voltaïque des techniques allemandes de censure et de
démission, toutes deux "constructives", a permis aux deux organes
Professeur 1. Owona, on peut parler d'une "Voltaïsation" des techniques allemandes (surtout
l'article 67 de la loi fondamentale de 1949 e la R.F.A.) de dissolution et de censure
"constructive" .

- 336 -
constitutionnels de ne point utiliser leurs attribution respectives durant la
brève existence de la IIIè République.
Car, s'il y a eu une tentative du côté de l'opposition pour censurer la
politique gouvernementale du fait de la crise sociale survenue à la moitié de la
législature, il faut dire qu'elle a vite été repoussée par la majorité
parlementaire qui soutenait sans faille l'exécutif.
Ces données ainsi relatées mettent en évidence l'ingéniosité des
techniques spécifiques d'action parlementaire sur la politique menée par
l'exécutif, mais, souligne, surtout, leurs faiblesses· dans un pays où le parti
vainqueur aux élections marginalise les règles constitutionnelles qui sont à la
base même de son élection1•
Paragraphe 2 - Le contrôle politique dans le régime
présidentiel sénégalais
Notons qu'à la différence du régime "présidentiel" togolais, l'abandon
de la mise en fin de la responsabilité politique du gouvernement par
l'assemblée s'est faite simultanément avec celui du droit de dissolution dont
disposait l'exécutif.
Bien qu'amputant l'institution d'un de ses moyens les plus redoutés de
contrôle de l'action gouvernementale, ce fait constitutionnel a le mérite de
prouver au parlement une durée allant jusqu'au terme de son mandat et, par
conséquent, d'exercer sans crainte du pouvoir, ce qui reste de sa fonction de
contrôle.
A cet égard, l'article 74 de la constitution lui permet de s'informer et,
donc, d'influer sur l'action gouvernementale.
En effet, par le système des questions orales ou écrites, tout député peut
éviter un responsable ministériel à s'expliquer sur sa politique.
Bien qu'elles ne soient assorties d'aucun vote, il semblerait que leur
1 Abordant l'étude de la cours suprême voltaïque, nous avons laissé paraître le fait du parti
mojoritaire dans le blocage des institutions politiques de la République.

- 337 -
332
impact sur la politique gouvernementale, d'une part et, sur ses décideurs,
notamment les ministres et secrétaires d'Etat, d'autre part, est significatif.
A titre d'illustration, la loi sur l'enrichissement illiclte, la dissolution de
1'0 N C A D, la diminution du train de vie de l'Etat sont le résultat de
l'efficacité de ces
question 1.
Mais, certains traits inhérents au régime politique sénégalais poussent à
relativiser les propos précédents relatifs à la pertinence du contrôle
parlementaire par l'entremise des questions.
En effet, tout comme en Haute Volta, dans ce pays existe un parti
politique largement majoritaire à l'assemblée nationale (111 députés sur les
120 la composant).
C'est en termes clairs, affirmer que la fonction de contrôle ne pourra
s'exercer valablement que par les députés de la majorité dans les limites
imposées par les membres de l'exécutif solidement implantés dans les instances
dirigeantes du parti dominant.
Outre cela, si l'on ajoute à la docilité des parlementaires à l'égard de
l'exécutif les moyens innombrables dont ce dernier bénéficie pour faire
obstacle aux questions pertinentes 2, on saisit alors la perte de substance de ce
type de contrôle.
D'où l'intérêt de relativiser et de dire que, malgré la différence par
rapport à la Côte d'Ivoire et au Togo, avec l'ouverture pluripartisane et le
poids quelque peu significatif de l'opinion publique au Sénégal, le contrôle
politique effectué sur les questions au gouvernement comporte peu d'effet.
Cela dit, tout comme en Haute Volta, signalons que les constituants
1 Avec des réserves, nous citons le contenu de l'article du député PDS M. Serigne Diop, "La
nouvelle constitution du Sénégal", op. cit, page 8. Lire la aitique de ces mesures faite par le
leader du PAl M.M. Diop, J.A. n'1154 du 16 février 1983 page 36.
2 Lire le statut actuel du chef de l'Etat dans la "nouvelle constitution du Sénégal", article de
M.S. Diop, op. cit, pages 5 et suivantes. A cela, il faut ajouter qu'après avoir écarté les
proches "compagnons" de M.L.S. Senghor, notamment MM. Habib Thiam et Moustapha
Niasse, respectivement Président de l'assemblée nationale et Ministre des affaires étrangères,
M.A. DIOP exerce sa domination sur le parti majoritaire sénégalais. le P.S.

Î
-
- 338 -
sénégalais ont attribué à l'assemblée nationale une fonction de contrôle
technique de la politique menée par l'exécutif.
B - Un contrôle technique relativement important
C'est l'article 75 de la constitution voltaïque comme de la constitution
sénégalaise qui autorise l'assemblée nationale à créer, en son sem, des
commissions d'enquêtes.
Dans les deux Etats, le règlement intérieur se charge pour sa part
d'établir les règles inhérentes à ces organes de travail parlementaire.
S'il est vrai qu'aucun de ces textes ne proscrit la politique de la mission
de contrôle des commissions susvisées, la portée réduite de celle-ci résulte du
parti dominant qui, naturellement, protège ses militants et confine ces
dernières à une mission purement technique.
Paragraphe 1 - Le rôle des commissions d'enquêtes
Il est symptomatique de remarquer que les textes de création de ces
commissions d'enquêtes leur assignent des missions de contrôle de l'action
gouvernementale qui impliquent la dimension politique.
C'est vraisemblable, ce qui ressort du règlement intérieur voltaïque et
de l'article 75 de la constitution sénégalaise interprété par M. Serigne DIOP!.
Au regard de ces données, l'assemblée nationale peut, lorsqu'elle le
désire, créer une commission spéciale chargée d'enquêter, durant un délai
déterminé, sur un objet précis allant de l'activité d'un ministère à celle d'une
simple administration.
Particulièrement au Sénégal, une mission parlementaire désignée par
l'institution monocamérale peut investir un secteur bien déterminé de la vie
économique ou sociale du pays, afin de suivre de près la politique
gouvernementale menée à ce niveau. Outre cela, elle peut s'informer sur l'état
des relations socio-économiques qui y existent et proposer à l'issue de sa
! Voir M.S. Diop, op. cit, page 8 ; articles 142 à 145 du règlement intérieur de l'assemblée
nationale voltaïque; article 34 du règlement intérieur de l'assemblée nationale sénégalaise.

- 339 -
mission, des "voeux" au pouvoir exécutif.
Si l'on ajoute à ces pouvoirs d'investigation, le droit reconnu aux
parlementaires "d'auditionner" tout citoyen susceptible de leur fournir des
pièces indispensables à leur rapport, on peut se laisser séduire par le caractère
apparemment politique de ces contrôles.
Cependant, il n'en est rien, car bien que maîtres de la portée des
résultats de leur enquête, la question est de savoir si les parlementaires seront
en mesure de mettre en cause des dirigeants dont la gestion est véritablement
critiquable ?
Mieux, le cas échéant, bénéficient-ils de moyens de pression sur un
éventuel refus du chef "absolu" 1 de l'exécutif de démettre un de ses
collaborateurs incriminés ?
La réponse à cette série d'interrogations permettra de lever le voile sur
la vraie nature de ce contrôle.
Paragraphe 2 - La portée des conclusions des
commissions d'enquêtes
Apparemment, un ministre, un secrétaire d'Etat ou un haut responsable
d'une société d'une entreprise nationale mis en cause par les enquêteurs se
verrait difficilement maintenu à sa fonction par le chef de l'exécutif.
Encore faut-il que ce dernier soit amené à prendre une telle mesure à
l'encontre de ses collaborateurs immédiats non seulement dans le parti mais
également dans les instances étatiques.
Bien que souhaitable, l'acte présidentiel supposerait préalablement que
les membres des commissions parlementaires l'avouent publiquement des
personnalités politiques qui, dans le parti dominant, sont leurs supérieurs
hiérarchiques.
S'il y a eu, dans bien des cas, des déchéances de leaders partisans de
1 C'est la qualité donnée par M. S. Diop au Président A. Diouf du Sénégal. Nous la reprenons
et la généralisons à tous les chefs d'Etat africains, sans exception.

- 340 -
seconde importance, à l'instigation d'un organe partisan ou étatique, notons
que l'on est loin de la proposition des commissions d'enquêtes et, dans ces cas,
il s'agirait d'une initiative présidentielle soutenue par le parti dominant.
Les deux illustrations les plus importantes sont offertes par les
déchéances de MM. Habib Thiam et Moustapha Niasse, respectivement
président de l'Assemblée nationale et ministre des affaires étrangères du
Sénégal.
Si la seconde peut être "acceptable"1, la première relève d'un conflit
d'autorité opposant les deux éminentes personnalités du PS le parti
majoritaire, MM. A. Diouf et H. Thiam.
C'est pour affirmer son autorité sur le parti dominant d'une part et sur
l'ensemble de la vie politique sénégalaise, d'autre part, que le Président Diouf
demanda au parlement, qui s'empressera d'agir, de réduire le seul mandat de
son président à un an2•
Ces propos révèlent donc un limogeage politique et non pour faute de
gestion des dirigeants, au Sénégal. Or, de nombreux rapports, tant de la presse
nationale qu'internationale, attestent les malversations financières et les
gestions défectueuses des services publics et des sociétés d'Etat de ces pays.
A défaut d'enquêtes aboutissant à des sanctions à l'encontre des
responsables véritables de cet état de chose, force est de nier le poids décisif
des commissions d'enquêtes sur l'action politique de ces gouvernants.
C'est dire que le contrôle entrepris est purement technique, consistant à
constater l'incohérence des mécanismes de fonctionnement, la pléthore en
personnel de ces secteurs et, éventuellement, à relater quelques détournements
1 Il semblerait que M. Moustapha Niasse, ancien Ministre des Mfaires Etrangères, numéro
trois du régime pour utiliser la formule journalistique, aurait été expulsé du parti et démis de
ses fonctions par M.A. Diouf parce que celui-ci aurait porté la main sur le Ministre Djibo Ka au
cours d'une réunion du Parti sous la présidence du Chef de l'Etat. Lire à cet égard, "A. Diouf
devant la presse étrangère au Sénégal", Mrique - Nouvelle, n° 1849 du 12 au 18 décembre
1984, page 12 ; De même, "Niasse s'en va" Mrique Nouvelle n° 1814 du 17 au 23 novembre
1984, page 6.
2 En dehors des sources citées précédemment à ce propos, voir respectivement - "Abdou Diouf
prend le Pouvoir", J.A. n° 1162 du 13 Avril 1983, pages 22 et suivantes; - "Diouf explique
ses décisions", J.A. nOl163 du 20 avril 1983, pages 30 et suivantes; - "A quoi sert un Premier
Ministre", lA. n° 1167 du 18 mai 1983, pages 34 et suivantes.

de fonds imputables aux petits employés !
En gros, c'est un contrôle de gestion détourné de son objectif qui, par
conséquent, protège les dirigeants du parti dominant.
Rien que par ces faits, il paraît évident que l'exécutif échappe à tout
contrôle parlementaire tant technique que politique.
"Chambre d'enregistrement" ou "caisse de résonance", comme
l'affIrment de nombreux observateurs avertis de la vie politique africaine, le
parlement accepte passivement non seulement la prééminence de l'exécutif en
matière législative mais il cède le pas à ce dernier dans la confection du
document budgétaire et dans la conduite de l'action diplomatiquel .
C'est sur ces deux exemples de dépossession des assemblées que
l'attention sera portée, s'agissant des matières présentant une plus grande
sensibilité à la prééminence du chef de l'exécutif.
1 Une situation comparable existe dans les textes parlementaires européens à régime
majoritaire. S'agissant particulièrement de la France, consulter les manuels de droit
constitutionnel déjà cité.

- 342 -
SOUS-TITRE II
LA DEPOSSESSION DES ASSEMBLES DANS
LES DOMAINES ·SENSIBLES·
Il est fréquent que les textes constitutionnels et réglementaires, après
avoir reconnu la compétence parlementaire en telle ou telle matière,
assortissant cette dernière d'exceptions voire de limites pour finalement
déposséder l'institution et la subordonner à l'exécutif.
Sur ce point, la participation du parti unique ou dominant, formation
politique sous la coupe du "maître absolu" du gouvernement, est pour le
moins décisive.
Ainsi en est-il sur le plan budgétaire et diplomatique, où, l'institution
parlementaire, légalement compétente pour connaître ces domaines, délègue
par la force des choses ses pouvoirs à l'exécutif (CHAPITR.E 1). C'est
également le cas lors de la remise en cause du cadre constitutionnel
(CHAPITR.E II).
Toutefois, pour éviter de tomber dans la caricature, il faut relativiser
cet état de choses selon les pays en ne perdant pas de vue le caractère peu
prononcé de la dépossession du parlement voltaïque et sénégalais 1, par
rapport au parlement ivoirien et togolais, du fait de sa composition
sensiblement diversifiée.
1 S'agissant de ces pays, nous occultons volontairement la période du monopartisme (1960 à
1974 au Sénégal ; 1960 à 1966 en Haute Volta) et la période où les militaires exerçaient le
pouvoir politique (particulièrement en Haute-Volta: de 1966 à 1970 et de 1974 à 1977).

- 343 -
CHAPITJŒl-l1NE PARTICIPATION LIMITEE DANS LES
DOMAINES BUDGETAIRES ET DIPLOMATIQUES
1
A la lumière des travaux déjà évoqués l, s'il y a véritablement eu des
tentatives de transposition du modèle occidental et, particulièrement, français,
dans les pays considérés, il fant rectifier en soulignant la marginalisation, an pire
des cas, la dénaturation de ces derniers, au contact des réalités africaines.
Sur le plan budgétaire, tout d'abord, si par sa complexité, son ampleur et
sa diversité (taxes, impôts revenus et produits de toutes sortes, dettes politiques,
dépenses de personnel, de matériel, subventions, prêts etc ...)2, la loi de finances
constitue un moyen d'intervention théoriquement efficace du parlement sur
l'exécutif, en occident, elle ne l'est que peu dans les pays considérés.
Sur le plan diplomatique, également, l'influence des assemblées sur la
politique étrangère n'est nullement comparable à celle que l'on rencontre dans
les modèles étrangers de référence 3.
Pour une série de raisons inhérentes à leurs pratiques politiques, très
éloignées des textes constitutionnels, cette première catégorie de dépossession
parlementaire mérite une attention particilière.
Section 1 - Une activité reduite dans la confection de la loi de finance
Avant d'aborder cette étude, il paraît indispensable d'énnoncer brièvement
les règles de présentation de la loi de finance. Suivant de très près les
expériences occidentales,
les Etats africains reprennent les quatre règles
budgétaires suivantes.
Tout d'abord, la règle de l'unité budgétaire. Dans cette optique, l'ensemble
des dépenses et des recettes doit figurer dans un document unique. Selon le
1 M.M. j. Bourdon, A. Chadernagor, C. Debbasch etc...
2 Sur ces questions, voir M. Raymond MuzeUec, Notions essentieUes, Finances
publiques, concours administratifs, catégorie A, GPAG-IRA, Surey, 4ème Edition,
Paris, 1984 ; M. M. Paul, "Les finances de l'Etat, budget comptabilité", Economica,
Paris, 1981 ; M.M. Trotabas et Cotteret, "Droit budgétaire et comptablité publique,
Précis Dalloz, Paris, 1978 ; voir M. Pierre Lalumière, "Les Finances publiques", A.
Colin, Paris 1978.
3 Sur le recul duprlement français en matière budgétaire, outre les auteurs cités
précédemment, voir les techniques de rationalisation dans laprocédure budgétaire
abordées par MM. C. Debbasch, M. Prelot, G. Burdeau déjà cités.

- 344 -
doyen G. Jeze 1, cette présentation du budget a l'intérêt pratique suivant. D'une
part, obtenir le total des dépenses et des recettes en effectuant deux additions et,
d'autre part, savoir si le budget est en équilibre, en excédant ou en déficit, par
lllle soustraction.
Née dans l'Etat libéral et ayant pour but politique l'efficacité du parlement
sur le gouvernement, cette règle connaît actuellement des infléchissements. Par
l'émergence de budgets annexes, de comptes spéciaux du trésor, des taxes
parafiscales et, depuis 1960, par les techniques de budgétisation et de
débudgétisation2, l'unité budgétaire tend à s'assouplir et, avec elle, les pouvoirs
parlementaires3.
Ensuite, la règle de l'universalité budgétaire qui consiste à fondre en lllle
seule masse les ressources fiscales et autres produits, et à imputer l'ensemble des
dépenses publiques sur cette masse de recettes4. Complétant la précédente, cette
règle comporte deux aspects fondamentaux, la règle duproduit brut et la non-
affectation d'une recette à lllle dépense5. Tout comme l'unité budgétaire, de
nombreuses exceptions et infractions portent atteintes à larègle de l'lllliversalité
budgétaire6•
Enfin, la règle de l'annualité et celle de la spécialité7 • Tandis que la
première s'intéresse à la période dans laquelle doit s'exécuter le budget, la
seconde envisage la manière dont les dépenses publiques de ce document
doivent être examinées par les parlementaires. C'est-à-dire, non pas par grandes
masses, mais de façon détaillée. L'autorisation parlementaire portant donc sur
des unités relativement réduites de crédits.
Suite à cette présentation des règles budgétaires, la question que l'on
pourrait se poser est la suivante : qu'est-ce qu'lll1e loi de finances?
1 L'exposé du doyen jeze a été repris par M.P. Lalumière dans son ouvrage cité, à la
page 56.
2 Voir M.P. Lalumière. op. cil., pages 56 à 69.
3 Idem.
4 Idem. page 68 et suivantes.
5 Idem.
6 Idem.
7 Voir M.P. Lalumière, op. cil., pages 73 à 83.

- 345 -
..... ;'.
Mimant l'ordonnance française de 1959, les Etats africains définissent les
lois de fmances de la façon suivante : "Les lois de fmances déterminent la
nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte
tenu d'un équilibre économique et fmancier qu'elle définissent. Ont le carctère
de lois de fmances :
- la loi de finances de l'année et les lois de fInances rectificatives ;
- la loi de règlement"•.
Si, de par son contenu, la paternité française de cette disposition ne se
discute guère, il faut dire que telle semble approximativement la même chose
pour ce qui est de la procédure d'élaboration et de vôte des lois de fmances
adoptée par ces Etats.
Il
suffit pour
s'en
convaincre
de
comparer
les
dispositions
constitutionnelles et réglementaires, d'une part de la France et, d'autre part, de
ces quatre pays.
Cependant, pour être exact, autant en droit et en fait, on y dénombre des
différences de formulation, d'interprétation et de pratique de part et d'autre.
A titre d'illustration, contrairement au système français, il est fait
obligation aux députés africains de "voter en équilibre"2 le budget. De même,
mais particulièrement au Togo, aucunemention expresse n'est faite à la tenue
d'une séance extraordinaire du parlement pour ratifier un budget établi par voie
d'ordonnance3.
• Voir, la loi organique du 31 décembre 1959 portant loi de finances en Côte
d'Ivoire, in Journal officiel de 1960 ; Ordonnance n· 63-01 du 15 mai 1963 portant
loi organique relative aux lois de finances du Sénégal (modifiée en novembre
1974) in "Finances Publiques du Sénégal" de M.C. Fournier, Editions A. Pedone,
Paris 1975, pages 69 et suivantes.
2 Article 51
al. 2 de la constitution ivoirienne ; article 66 de la constitution
voltaïque ; au Togo et au Sénégal, aucune mention n'est fait à la notion libérale
d'équilibre budgétaire. Cependant. selon M.C. Fournier, le budget sénégalais "reste
en équilibre apparent, mais il l'est grâce à des subterfuges de trésorerie. Ceux-ci
permettront de masquer un déséquilibre budgétaire" (page 203).
3 Lire l'article 39 et 40 de la constitution togolaise.

- 346 -
En dehors de cela, si Is assemblées françaises doivent ratifier les lois de
fmances rectificatives et apprécier les lois de règlement, ces prescriptions ne
semblent nullement pertinentes dans les Etats africains 1•
Enfin, à ces exemples relatifs aux particularismes africains, ajoutons le
poids du parti unique ou dominant dans l'élargissement du fossé entre l'activité
financière du parlement français et celle des assemblées étudiées.
A - L'élaboration gouvernementale des lois de finances
A ce niveau, il faut distinguer trois cas correspondant aux trois lois de
finances de ces Etats.
Même si l'élaboration du budget de l'année semble de loin la plus
importante, il faut dire que les deux autres documents fmanciers demeurent
intéressants, surtout par leur contenu.
Paragraphe 1 - La loi de f"mances de Pannée
On appelle loi de finances de l'année ou budget, le document financier qui
prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des
charges de l'Etat.
Excepté le Sénégal où l'année civile ne coïncide pas avec l'année
budgétaire Oer juillet)2, les trois autres pays retiennent la pratique française et
imposent la date du 1er janvier3.
1
Cela dit, notons que la procédure d'élaboration du budget ne diffère pas,
au fond, de ce quel'on constate en France. En effet, c'est sous la direction du
premier ministre (Haute-Volta) ou du chef de l'Etat (Côte d'Ivoire, Togo et
Sénégal), que le ministre des finances établit l'avant-projet qui sera adopté en
1 S'agissant particulièrement du Togo, M.O.F. Natchaba nous a affirmé que les lois
de règlement n'étaient pas connus du parlement togolais et que pour obtenir un
certain
crédit
des
bailleurs
de
fonds
occidentaux.
le
pouvoir
politique
"s'arrangeait" souvent pour enpublier quelques unes ! Concernant la pratique
dans les autres pays, voir notre analyse suivante.
2 Article 57 de la constitution sénégalaise.
3 Article 31 de la constitution ivoirienne ; article 37 de la constitution voltaïque
article 27 de la constitution togolaise.

conseil des ministres. D'ores et déjà, il faut souligner les deux grandes étapes
marquant cette élaboration1•
Tout d'abord, il y a la phase dite d'évaluation des dépenses. Elle débute
dès que le précédent budget a été adopté. Le ministre des fmances aidé de l'un
de ses nombreux services, la direction de la prévision, essaie d'élaborer Wle
esquisse budgétaire2•
l'ébauche réalisée, il adresse une circulaire à tous les autres ministères
pour leur demander de faire des propositions de dépenses qui, en principe, ne
doivent pas excéder un plafond3•
Ces derniers fixent en détail leurs dépenses en matériel, personnel,
entretien... Ils doivent s'exécuter en distinguant pour chaque cas les services
vôtés et les demandes d'autorisations nouvelles.
Toutes ces opérations des ministères dépensiers doivent parvenir au
ministère des finances qui procède à la centralisation, afm d'établir la partie
"charges" du budget national. Si, à ce niveau, la compétence du ministre des
fmances semble très large, il faut souligner qu'il tient compte des propositions
faites par ses collègues du gouvernement.
Après cette phase première suit celle de détermination des ressources. Elle
est entièrement exécutée par le ministère des fmances4•
Cette primauté par rapport aux autres départements s'explique par le fait
qu'il est doté de services adéquats et spécialisés susceptibles de maîtriser la
complexité du document budgétaire.
A titre d'illustrations, citons entre autres les directions des impôts, des
domaines, des douanes, des fmances extérieures etc...
1 Si la procédure actuelle en France est de trois phases, dans les quatre pays
considérés, elle se subdivise en deux phases.
2 Sur la pratique au Sénégal mais valable dans les trois autres Etats, voir l'ouvrage
cité de M. Charles Fournier.
3 Idem.
4 Suivant de près le modèle français, le ministère des finances se présente comme
l'autorité financière traditionnelle du gouvernement. Pour plus de détail, voir M.P.
Lalumière, op. cit., page 42 et suivantes.

- 348 -
Ainsi, par la foule de données émanant d'elles, le ministre des fmances
évalue les ressources disponibles de l'Etat.
A la suite de ces deux phases, il établit définitivement le projet de loi de
fmances de l'année qu'il transmet an chef de l'exécutif pour adoption en conseil
des ministres. Cest à quelques nuances près, dans ces formes que la loi de
fmances rectificative est élaborée 1•
Paragraphe 2 - La loi de finances rectificative
Par l'impossibilité de prévoir avec exactitude les recettes et les charges de
l'Etat, d'une part, l'apparition de calamités naturelles, des circonstances
d'urgence ou de nécessité impérieuse, d'antre part, il est permis au gouvernement
de procéder à des rectifications du budget en cours d'exécution.
Loin de s'attarder sur l'élaboration de cette loi de finances rectificative,
puisqu'elle incombe au responsable du ministère des finances, il serait
intéressant d'évoquer succinctement les limites imposées à l'utilisation de ces
lois.
Pour l'essentiel, si l'exécutif peut rectifier le budget en cours d'exécution,
en contrepartie, l'assemblée doit en être obligatoirement saisie pour ratification.
Paragraphe 3 - La loi de règlement
A l'exception du mutisme sur la question du texte constitutionnel togolais
et sénégalais2, l'assemblée nationale est habilitée dans les deux autres pays à
régler les comptes de l'Bat dès lors que l'exécution du budget est opérée3.
Cette habilitation suppose au préalable que le gouvernement, en fin
d'année budgétaire, établisse le projet de loi de règlement.
TI doit justifier de l'ensemble des opérations de dépenses et de recettes,
donc les modifications introduites par rapport au budget initial.
1 Sur la loi de finances en Côte d'Ivoire, consulter la thèse citée de M.A. ragro ;
page 248 et suivantes.
2 La constitution de ces Etats respectifs, n'en fait pas état.
3 Article 52 de la constitution ivoirienne; article 67 de la constitution voltaïque.

)
- 349 -
En principe, le ministère des fmances, sous l'autorité de l'exécutif, doit
effectuer cette opération, en l'appuyant d'annexes expliquant l'origine des
dépassements de crédits.
L'initiative financière de l'exécutif ne se discute guère, puisqu'aucune
proposition parlementaire n'est permise. Cela s'inscrit tout à fait dans le cadre de
la répartition des pouvoirs fmanciers entre l'exécutif et le législatif. Fn effet, ce
schéma classique des "quatre temps alternés". confie au premier organe le soin
d'élaborer et d'exécuter la loi de finances et, an second organe, celui de la voter
et de la contrôler.
Peut-on alors, dire que l'assemblée exerce souverainement les
compétences qui lui sont dévolues ?
B - La discussion des lois de rmances et l'adoption par
l'assemblée nationale
Pour mesurer les pouvoirs du parlement en ces matières, il serait
intéressant de procéder à une étude successive de l'action du législatif sur les
trois composantes des lois de fmances. Celle-ci devra s'inspirer du contenu des
textes constitutionnels et réglementaires permettant l'exercice de ces pouvoirs,
mais elle devra également prendre en considération les influences partisanes
dans le travail parlementaire considéré.
Paragraphe 1 - La discussion et le vote du budget
Sous cet intitulé sera abordé successivement le dépôt, l'examen en
commission, la discussion en séance publique et le vôte de la loi de fmances de
l'année.
a) Le dqxit de la loi de rmances
Dans ces pays, la constitution fixe un délai de dépôt du document
budgétaire sur le bureau de l'assemblée nationale.
• Voir thèse de M.A. Targo. op. cit., page 246.

- 350 -
Celà s'opère au plus tard le jour de l'ouverture de la deuxième session
ordinaire en Côte d'Ivoire, en haute-Volta et au Togo, c'est-à-dire,
respectivement le 1er mercredi du mois d'octobre 1•
Au Sénégal, le gouvernement est tenu de le déposer, au plus tard, le jour
de l'ouverture de la Première session ordinaire, donc dans la première quinzaine
du mois d'avril2 •
Exceptée la constitution ivoirienne, imposant la clôture de sa session le
dernier vendredi du mois de décembre3, celle du Togo et du Sénégal fIxe la
durée à deux mois alors que la constitution voltaïque l'abrège en imposant 45
jours4 •
Mais, s'il est fait obligation à l'exécution de déposer à une date précise,
certaines circonstances autorisent à faire exception. 11 s'agit des cas de force
majeure. A ce niveau, excepté le Sénégal, aucun des pays étudiés ne rehausse les
droits du parlement en autorisant la tenue d'une session extraordinaire pour
achever le travail budgétaire.
Toutefois, avant que ne s'opère la distribution du texte budgétaire aux
parlementaires, donc l'information sur sa teneur, il doit être soumis aux
commissions permanentes.
b) La saisine de la commission des rmances
S'intéressant à l'examen des lois de fInances par les commissions, M.J.
BourdonS réservait une place de choix à la commission des fmances qu'il
qualifIait de "cheville ouvrière de l'ensemble de l'examen et de la présentation
des rapports". TI ne manquait pas non plus de rappeler l'importance du rôle joué
par son président et son rapporteur général qui, soulignons-le, Présente avant ou
après le ministre de l'économie et des fmances le budget de l'EtaL
1 Article 51 de la constitution ivoirienne ; article 66 de la constitution voltaïque
article 27 de la constitution togolaise.
2 Article 57 de la constitution sénégalaise.
3 Article 31 al.3 de la constitution ivoirienne.
4 Article 52 de la constitution sénégalaise; article 66 de la constitution voltaïque.
S M.]. Bourdon. op. cit.. page 116 ; voir également M.P. Lalumière. op. cit.. page 38
et suivantes.

- 351 -
Si ces précisions concernent un aspect des pouvoirs budgétaires du
parlement français, elles méritent d'être memtionnées car les Etats considérés se
sont inspirés de cette pratique.
En effet, dans ces pays, une place de choix est faite à la commission des
fmances. Car, dès la soumission du Projet de budget aux commissions, elle se
voit aussitôt habilitée à l'examiner afin de l'approfondir. S'il est permis aux
autres organes de s'associer à ce travail, il faut dire que c'est à son rapporteur et
à son président que revient la tâche de produire un rapport final à l'issue des
délibérations.
Pour y parvenir, la commission dispose des annexes explicatives et peut
utilement convier les responsables politiques et financiers à venir éclaircir les
zones d'ombres.
Le rapport n'est défmitivement Présenté à l'assemblée nationale que s'il
rassemble la majorité des suffrages exprimés.
Avant d'aborder l'étude suivante relative à la discussion en séance
publique, marquons un arrêt pour souligner les limites fixées aux fonctions de
ces commissions1•
D'une part, elle n'a nullement la possibilité de modifier ou d'amender
leprojet gouvernemental2• Elle peut inclure dans son rapport des observations
négatives qu'elle porte à l'apPréciation souveraine de l'assemblée nationale.
D'autre part, elle doit associer les autres commissions dansles parties du
budget qui les concernent
A ces deux limites d'ordre juridique, il faut y associer celles d'ordre
politique, à savoir, le fait partisan. A ce niveau, au lieu de s'y appesantir, il suffit
de savoir que le parti unique ou dominant influence énormément les travaux de
la commission des finances puisque les membres de cette dernière sont des
subalternes du chef de l'exécutif3.
1 Elles sont à la fois d'ordre partisan et constitutionnel. Sur ces questions, voir la
com position et la désignation des organes de travail
parle mentaire dans la
première partie de notre thèse.
2 Idem.
3 Idem.

- 352 -
c -La discussion en séance publique du budget
lLouverture de la discussion débute avec la lecture du rapport de la
commission compétente l, l'audition du gouvernement, des représentants des
groupes parlementaires, en Hante-VOlta et au Sénégal et, de certains orateurs
inscrits, en Côte d'Ivoire et an Togo.
TI faut y ajouter les ministres des autres départements intéressés par le
budget et, également, les spécialistes en matières financière et économique
sollicités par les ministres.
Cela dit, au lieu de s'attarder sur le détail du déroulement de cette
opération2 , il semble plus intéressant d'aborder les traits essentiels de la
procédure de discussion.
a) L'exercice du droit d'amendement des députés
La reconnaissance constitutionnelle de ce droit accorde aux députés des
prérogatives importantes : ils peuvent émettre des amendements susceptibles de
modifier le texte gouvernemental.
Mais, à dire vrai, il s'agit d'un droit très règlementé et, de surcroit, rendu
inapplicable par le fait partisan.
Tout d'abord, les textes limitent sa portée en soulignant l'irrecevabilité de
tout amendement visant à entraîner une diminution des ressources et une
aggravation des charges sans contrepartie. A cette condition, s'en ajoutent
d'antres imposant la conformité des amendements avec le texte fmancier susvisé
et l'obligation pour ces derniers de répondre à certaines règles de forme
(motivation, communication, impression et distribution).
1 Il s'agit de la commlSSlOn des affaires économiques et financières en Côte
d'Ivoire; la commission des affaires financière et économique en Haute-Volta; la
commission des finances et du budget; la commission des finances et des affaires
économiques au Sénégal.
2 Les étapes essentielles du vote de la loi de finances ne diffèrent pas de celles de la
loi ordinaire.

- 353 -
Si l'on ne perd pas de vue la subordination organique du législatif au parti
unique ou dominant, on ne peut que conclure à l'abandon ou au peu d'utilisation
de ces droits par les élus de ces pays.
Aussi, comme pour parfaire le désaisissement des députés sur le texte
fmancier, la constitution vient limiter la durée dela discussion.
b) La limitation de la discussion
Au nom du principe de l'annualité budgétaire, on sait que toute loi de
fmances s'étale sur une anné civile. Donc, dès le 1er janvier, le budget doit être
exécutoire.
Le parlement habilité à voter la loi des finances, ne doit pas méconnaître
ce principe. Cest pourquoi la constitution a prévu le désaisissemmt de l'organe
législatif dès lors que les faits démontrent que le vote du texte fmancier
n'interviendm pas avant la date prévue pour son exécution. Tout comme dans la
constitution française de 1958, il s'agit de techniques de rationalisation du
parlementarismel .
A ce sujet, deux cas sont à prévoir. D'une part, si la discussion va au-delà
de 45 à 40 jours, respectivement en Haute-Volta et au Togo, de 60 jours au
Sénégal et 70 jours en Côte-d'Ivoire, le chef de l'Etat promulgue le budget par
ordonnance2• D'autre part, s'il y a urgence ou si le texte fmancier n'a pu être
déposé à l'Assemblée "en temps utile"3, l'exécutif fait procéder à la perception
des impôts et à la reconduction des "services votés" (Togo et Sénégal) d'une
part, et à la reprise du budget précédent par douzième provisoire (Côte d'Ivoire
et Hante-Volta), d'autre part.
Cela dit, la question est de savoir quel rôle joue l'assemblée.
1 Voir à cet égard les manuels et ouvrages classiques de droit constitutionnel déjà
cités.
2 Art. 51 de la constitution ivoirienne; art. 66 de la constitution voltaïque; art. 39
de la constitution togolaise; art. 57 de la constitution sénégalaise.
3 Idem.

- 354 -
1 - L'hJPothèse d'un dépassement de la durée maxcimale fixée par les
constitutions respectives
Si l'assemblée nationale ne parvient pas à voter le budget aux dates fIxées
ci-dessus, le président Pallie
cette défaillance en promulguant le projet
gouvernemental l .
A ce niveau, il est libre d'accepter ou de refuser les amendements adoptés
Par les députés. TI semblerait que le gouvernement ne Prenne en compte que les
amendements antérieurement acceptés par lui. Par ces données, si l'on ne peut
valablement critiquer cette Prérogative présidentielle, du fait qu'elle n'intervient
que pour "sanctionner" l'incapacité des députés à se prononcer rapidement, mais
effIcacement, sur le budget, il ne peut en être autant pour le second cas.
2 - Les hJPothèses de retard dans le dépôt et de l'ur gence
Dans la première situation, l'exécutif n'a pu déposer le projet de loi en
"temps utile". Il s'agit là d'une faute n'émanant pas de l'organe législatif, mais
qui va le pénaliser.
En effet, ce déôt tardif va soit l'amener à presser le pas afm d'achever la
discussion et le vote du budget en temps normal, soit l'empêcher d'examiner, de
façon méthodique le texte, donc de l'adopter, faute de temps.
Dans ce dernier cas de figure, les solutions varient selon les pays
concernés. Au Togo, on procède à la perception des impôts et à l'ouverture des
crédits nécessaires au fonctionnement des services publics2• En Côte d'Ivoire et
en Haute-Volta, en revanche, on reconduit le budget précédent Par douzième
provisoire3 . Seul le Sénégal Prévoit une session extraordinaire de plein droit à la
suite de la session ordinaire4 • cependant, au cas où le budget ne pourra être voté
1 A cet égard, on peut faire des rapprochements avec l'ordonnance française de
1959. Voirl'ouvrage cité de M.P. Lalumière.
2 Art. 39 al.2 de la constitution togolaise.
3 Art. 51 dernier alinéa de la constitution ivoirienne, art. 66 dernier alinéa de la
constitution voltaïque.
4 Art. 57 al. 4 de la constitution sénégalaise.

- 355 -
avant le 1er juillet (date d'ouverture de l'année fmancière), le président de la
République reconduit les services votés 1•
En principe, quel que soit le cas susvisé, le parlement devra se rélUlir en
session extraordinaire pour adopter le budget déjà mis partiellement en exercice
par l'ordonnance Présidentielle.
Dans la seconde situation, le gouvernement peut invoquer l'urgence et
raccourcir le délai de vote du budget. Il s'agit de la particuliarité voltaïque
ramenant de 45 à 30 jours le délai d'adoption2 •
L'étude de ces limitations ainsi achevée, il convient d'aborder le vote du
budget par les assemblées considérées. Auparavant, il faut reconnaître que si
l'exécutif peut négativement user de ses prérogatives pour exercer son autorité
sur la discussion du texte fmancier, en revanche, il est tenu de faire ratifier par
l'organe législatif ses ordonnances portant loi de fmances du pays.
A l'exception du Togo, les trois autres pays3 en font mention et deux
d'entre eux (Côte d'Ivoire et Haute-Volta) imposent lUl délai de 15 jours après la
promulgation. Mais là aussi, la docilité des parlementaires incitent à ne point
accorder de crédit à cette prérogative de l'institution parlementaire, d'autant plus
qu'elle accorde très facilement son assentiment à l'acte du chef partisan.
c) Le vote du budget
Abordant la question dans son ouvrage relatif aux "finances publiques du
Sénégal", M. Charles Fournier Précisait clairement le fond du débart. Selon lui,
"le problème est de savoir jusqu'à quel degré de spécialisation va descendre le
parlement dans son autorisation budgétaire".
Pour les antres Etats, la réponse est vite donnée par l'ordonnance portant
lois de finances : il s'agit de la reprise de la règle de la spécialité par chapitre
1 Sur ce point, un rapprochement peut être fait avec l'art. 44 de l'ordonnance
française de 1959. Il Y a toujours vote du parlement.
2 Art. 81 de la constitution voltaïque.
3 Art. 51 de la constitution ivoirienne, art. 66 de la constitution voltaïque; art. 57
de la constitution sénégalaise.
4 M.C. Fournier, op. cit., page 237.

- 356 -
budgétaire. En réalité, comme le souligne M.O.F. Natchabal , les députés
examinent le doucment fmancier, paragraphe par paragraphe.
Pour ce faire, le vote est différent selon qu'il s'agit des ressources ou des
charges.
1 - Le vote des ressources
Si l'on accorde du crédit aux propos de M.O.F. Natchaba2, le vote des
parlementaires sur le budget général de l'Etat porte non pas seulement sur
chaque chapitre budgétaire mais se réalise également sur chaque paragraphe du
texte susvisé. Pour ce qui concerne les comptes spéciaux du Trésor, ils
procèdent par catégorie de compte : comptes d'affectation spéciale, de
commerce, de réglement avec l'Etranger, etc...
2 - Le vote des dépenses
A ce niveau une distinction s'établit selon la nature même de ces
dépenses. S'il est question des '''services votés", les élus ne peuvent que les
approuver par un vote unique. En revanche, ils votent, chapitre par chapitre, et,
paragraphe par paragraphe, s'il s'agit d'autorisations nouvelles.
Cela dit, avant de considérer la discussion et le vote des deux autres lois
de fmances, soulignons que même si l'on rencontre des mesures très souyent
respectueuses des droits des députés en matière financière, on ne peut
néanmoins s'arrêter à ce constat et, de ce fait, occulter le poids décisif de
l'exécutif de ces pays dans les pouvoirs fmanciers du parlement monocaméral.
Son autorité est si pesante qu'elle oriente également la discussion et le vote de la
loi de fmances rectificative et de la loi de réglement par l'assemblée nationale.
Paragraphe 2 - La discussion et le vote de la loi de finance
rectificative et de la loi de règlement
Pour parler comme M. Jeol, il ne suffit pas d'intégrer le vote de la loi de
finances rectificative dans les attributions fmancières du parlement et de lui
conférer, en outre, le réglement des comptes lorsque les dernières opérations de
1 Voir l'article cité de M.O.F. Natchaba.
2 Idem.

- 357 -
dépenses et de recettes ont été exécutées
encore faut-il que l'institution
monocamérale puisse librement travailler.
A cet égard, la thèse de M.A. Tagro Gbohazaud, intitulée "Recherches
sur les contrôles de l'Administration en Mrique : le cas de la Côte
d'Ivoire"1 est très enrichissante.
Abordant, tout d'abord, la question de la loi de finances rectificative2,
l'auteur souligne les moyens de contrôle politique et technique de l'action
gouvernementale que possèdent les parlementaires ivoiriens. Nul doute qu'en
examinant le poste fmancier, les députés puissent suivre l'utilisation des crédits
par les différents services dépensiers.
En outre, contrôleurs de l'exécution du budget, conformément au schéma
classique de la répartition des pouvoirs fmanciers outre l'exécutif et le législatif,
les élus connaissent par ce moyen la politique menée par le chef de l'Etat.
Loin de s'appesantir sur cet aspect, on peut simplement douter de la
pertinence d'un tel contrôle du fait de la docilité des députés vis à vis du chef
monopartisan3.
Si l'on scrute ensuite la disposition constitutionnelle conférant à
l'assemblée le soin de régler les comptes de l'Etat, la réalité politique ne permet
pas de lui octroyer un minimum de crédit. Sur ce point, l'auteur précité est d'un
très grand secours.
En effet, il est établi que, depuis 1962, la loi de réglement a été perdue "de
vue par le gouvernement" ivoirien4• Interpelé, par l'assemblée nationale, en
1977, son président, de surcroît secrétaire général du PDCI, M. P. Yacé
réconforme les députés en leur permettant pour chaque année deux lois de
règlements : l'une relative aux dépenses de fonctionnement l'antre aux dépenses
d'investissementsS .
1 M.A. Tgro, op. cité, p. 248 et suivantes.
2 Idem.
3 Voir "Du déclin des prérogatives de contrôle de l'assemblée nationale: le boulet
du parti unique", in Thèse de M. Tagro, op. cit. p. 257 et suivantes.
4 M.A. Tagro, op. cit. p. 249 et suivantes.
5 Idem.

- 358 -
Cependant, ces promesses allaient vite être oubliées puisque le
gouvernement n'était nullement disposé à exposer les irrégularités fmancières
contenues dans l'exécution du budget de l'Etat devant l'Assemblé nationale 1. On
serait tenté de circonscrire ces faits exclusivement au régime ivoirien. Mais ce
serait alors camoùfler une réalité présente dans les trois autres pays. Tout
d'abord, évoquons la particularité togolaise, tenant au refus de conférer à
l'assemblée nationale la mission de régler les comptes de l'Etat2• Ensuite, même
si en Haute-Volta et au Sénégal, l'Assemblée est maîtresse de la discussion et du
vote de la loi de fmances rectificative et de la loi de règlement, il faut dire qu'il
s'agit là d'attributions manquant de la substance que l'on rencontre dans les
modèles occidentaux imités.
Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler la suprématie de l'exécutif sur le
législatif tant du fait de ses prérogatives constitutionnelles que de son parti
dominant. Cette domination est de surcroît facilitée par l'absence, dans ces
"Etats de droit" d'une opinion publique véritablement préparée à un
comportement critique.
En conclusion, il faut savoir que la dépression du parlement ne concerne
pas seulement le vote des lois de finances mais qu'elle touche également le
contrôle de ces dernières.
A la lumière des ouvrages de M.M.C. Fournier et de A. Tagro Gbohazaud,
il est possible d'affirmer que si l'assemblée est habilitée à procéder à cette
mission, il n'en demeure pas moins que la présence de pôles de contrôle
parallèle la "courcicuite" complètement
A cepropos, distinguons selon que les organes de contrôle sont
constitutionnels ou partisans.
Dans le premier cas, le président de la République est entouré de
nombreux services comprenant des inspecteurs du trésor, des impôts, du budget
1 Idem.
2 On ne retrouve d ans
aucun docu ment une
mention
de cet te compétence
parle mentaire. Selon M.O.F. Natchaba. si l'on peut consulter souvent dans le
journal officiel togolais des lois de régIe ment publiés générale ment en bloc et
demanière discrète, ces dernières n'ont nullement été connues de l'assemblée
nationale. Cette opération vise à satisfaire l'opinion publique (surtout le milieu
financier) afin d'obtenir son soutien financier à la réalis ation de lapolitiq ue
nationale.

- 359 -
(l'inspection d'Etat rattché à la Présidence par exemple) lui permettant de
contrôler l'exécution du budget de l'Etat.
Dans le second cas, il yale contrôle partisan opéré par certaines
structures informelles du parti unique : conseil ou séminaire des cadres
fmanciers et autres du POCI ou du RPr.
C'est par la combinaison de ces moyens juridiques et politiques que
l'exécutif s'affranchit de la surveillance parlementaire sur son projet de loi tout
comme sur son action diplomatique.
Section II - Les pouvoirs diplomatiques de rAssemblée nationale
Dans un article intitulé: "La vie parlementaire ivoirienne"', le secrétaire
général de l'assemblée nationale de Côte d'Ivoire, M. Samuel Kouamé, notait
quele "rôle des députés n'est pas limité au domaine strictement prlementaire''2.
Sur ce point, à l'instar des fonctions diplomatiques du parlement français,
soulignées par M. Jean Bourdon3, l'auteur cité évoque les influences de cette
institution tant sur le plan national que sur le plan international.
Cependant l'objet de ce propos ne concerne pas ces fonctions4, mais les
attributions des assemblées africaines choisies en matière depolitique étrangère
conduite par le chef de l'exécutif. Mimant le système constitutionnel américain,
tunisien et françaisS, les F1ats considérés établissent une répartition des pouvoirs
diplomatiques entre le chef de l'Etat et le parlement.
Au premier est réservé la mission de conclure des traités de paix de
commerce, d'alliance. Au second, la tâche d'autoriser ces actes présidentiels et
de les ratifier afm de les replacer dans l'ordonnancement juridique interne. Mais
ce qui fait la distinction de ces techniques constitutionnelles avec leurs modèles
1 M. Samuel Kouamé, "La vie parlementaire ivoirienne" Recueil Penant, Ediéna,
Paris 1961, p. 711.
2 Idem.
3 M.]. Bourdon, op. cit., pages 42 et suivantes.
4 Dans le titre l II de cette Ile partie, on abordera ces fonctions en étudiant les
fonctions de substitution des parle ments africains.
5 M. L. Dubouis, op. cité, pages 218 et suivantes.

- 360 -
des références 1, c'est l'influence du parti unique ou dominant sur elles. Certes, il
y a un côté synchrétique de ces méthodes de gouvernement, mais le poids du
parti sur le système politique aidant, il faut dire qu'on est loin des théories
classiques des régimes de référence.
Ainsi, en accord avec M.L Dubouis2, rectifions le tir en reconnaissant
quela facilité de réunion d'une majorité de parlementaires, par le leader national,
pour la ratification de sa politique extérieure fausse les règles de réparition de
ces pouvoirs ccmstitutionnels.
Cest donc à la lumière de ces "réalités particulières de la vie politique de
ces Etats"3, que le propos visera à montrer l'autorité du chef de l'Etat en matière
diplomatiqu\\:
A - Un domaine très réglementé mais considéré comme
relevant du Chef de l'Etat
L'autonomie organique du ministère des relations extérieures dans les
pays cités ne signifie nullement une conduite de la politique étrangère de l'Etat
par le responsable de ce département.
COmme dans bien des régimes occidentaux, les relations internationales
semblent relever des compétences du chef del'éxécutif.
Si telle est la réalité dans les pays choisis, il faut reconnaître, en revanche,
que les constitutions africaines ont limitativement énuméré la liste des traités à
conclure avec les Etats étrangers et ont également attribué le contrôle de ces
opérations à la cour suprême.
Cependant, bien que fortement réglementé, la conduite de la politique
extérieure cède au poids du chef de l'Etat, de surcroît, leader incontesté du parti
unique ou dominant du pouvoir.
1 Voir
M. Yves Cotte rel, "Note sur le contrôle duparlement sur la politique
étrangère
de
la
France.
Importance
du
rôle
des
commissions
des
affaires
étrangères" RDP, juillet-août, 1983, p. 965 et suivantes.
2 M.L. Dubouis, op. cït., page 230.
3 M.P.F. Gonidec, "Les principes fondamentaux du régime politique de la Côte
d'Ivoire", op. cit., page 680.

- 362 -
L'acceptation unanimitaire de leur dépossession par les députés et leur
ratification postérieure, seront d'autant plus évidentes que la guerre est présentée
comme un "acte patriotique" et, surtout, constitue un facteur demobilisation
autour du pouvoir politique trop souvent en déclin'.
Concernant les autorisations préalable des assemblées avant la
négociation, la ratification ou l'approbation des traités internationaux par le chef
de l'exécutif, il ne faut pas interprêter cette restriction de façon rigoureuse. Car,
en règle générale, le leader prtisan recueille très aisément la majorité simple
exigée pour effectuer sa politique extérieure.
Paragraphe 2 - Un domaine présidentiel relativement rontrôlé
par la Cour suprême
D'emblée, soulignons qu'il ne s'agit pas d'un contrôle d'office de la cour
suprême, ni d'une auto-saisine de la haute juridiction. L'intervention de cette
dernière n'a lieu que lorsque se pose une question d'incompatibilité d'une clause
de l'engagement international avec le dispositif constitutionnel de ces Etats2 •
Dans ce cas, la saisine de la Cour suprême est de droit reconnue soit au
chef de l'exécutif, soit au président del'assemblée nationale3. Si la juridiction
suprême conclut que le traité ou l'accord est contraire à l'une des dispositions de
la constitution deux solutions sont à envisager:
- d'une part, l'exécutif peut demander la révision de la constitution pour
permettre l'autorisation parlementaire nécessaire à la négociation du traité
litigieux ou pour permettre la ratification d'un accord déjà conclu ;
- d'autre part, le traité gouvernemental se révèle caduc et ne peut ni faire
l'objet d'une demande de négociation parlementaire ni être ratifié par l'organe
législatif.
, La défense de la patrie est un devoir sacré de tous les citoyens. Sur ce point voir
le paragraphe X du préambule de la constitution voltaïque et l'article 8 du
préambule de la constitution togolaise.
2 Art. SS de la constitution ivoirienne, art. l07 de la constitution voltaïque; art. 78
de la constitution sénégalaise.
3 En Côte d'Ivoire (art. SS de la constitution) et en Haute-Volta (art. 107 de la
constitution).

TI est vrai que le gouvernement peut passer outre les décisions des
tribunaux locaux et, par conséquent, enfreindre certaines dispositions
constitutionnelles, mais il est de bon ton de reconnaître qu'aucun de ces régimes
n'a expérimenté un tel précédent. D'ailleurs, au lieu de se placer en dehors dela
légalité constitutionnelle, l'exécutif peut obtenir très aisément l'accord de
l'Assemblée nationale sur sa politique extérieure.
B - Une intervention timorée de l'Assemblée dans la conduite
de la politique extérieure du chef de l'exécutif
En accord avec Mme C. Desouches t, notons que pour appréhender la
portée réelle de ces pouvoirs parlementaires, il ne faut point se baser sur les
données des textes constitutionnels régissant la matière, puisqu'ils sont
d'inspiration occidentale, mais s'intéresser de près à ce que M.P.f. Gonidec
désigne come "la particularité de la vie politique" de ces Etats.
Donc, il faut confronter le formalisme constitutionnel de ces "Etats de
droit" au contexte du parti unique ou dominant, répondant aux directives du chef
de l'exécutif.
Paragraphe 1 - La. politique extérieure de l'Etat rendue
caduque sans l'autorisation de l'Assemblée
nationale
Privilégiant l'autorité présidentielle en matière de négociation, de
ratification et d'approbation des traités internationaux, la constitution des Etats
considérés ne reconnaît d'effet à ces actes juridiques que s'ils ont reçu soit une
autorisation parlementaire, pour leur conclusion, soit une ratification ultérieure
de cette même institution.
Rien que par ces pouvoirs constitutionnels similaires à ceux contenus dans
les lois suprêmes des démocraties occidentales, on ne peut nier le rôle exorbiant
que joue l'assemblée de ces pays.
t A la page 126 de son ouvrage précité, Mme C. Desouches invite l'observateur de la
vie politique africaine à s'intéresser aux "ressorts chachés des systèmes politiques
considérés. Sur le contenu de
ces concepts, voir
Mme C. Savonnet-Guyot, le
"dedand" et le "dehors", le "haut" et le "bas", Réflexion sur les sites d'observation
du "politique africain". RFSP Numéro IV, d'août 1981, pages 799 et suivantes.

- 364 -
Ces pouvoirs diplomatiques de l'organe législatif sont considémbles si l'on
se mppelle la limitation du domaine de l'activité internationale de l'exécutif et,
partant, sa subordination à l'accord du parlement
En effet, non seulement la négociation de certains engagements
internationaux doit être soumis à l'approbation préalable de l'assemblée
nationale, mais la validité et l'insertion d'autres traités dansl'ordonnancement
juridique interne ne peuvent se réaliser qu'après leur mtification Parletœntaire.
Mais, la subordination organique de l'assemblée à l'exécutif (Côte d'Ivoire
et Togo) et la docilité des députés de la majorité aux directives du parti
vainqueur au pouvoir (Haute-Volta et Sénégal) contribuent à rendre théorique
les pouvoirs diplomatiques de l'organe législatif de ces pays.
Paragraphe 2 - Une politique extérieure appuyée par
l'Assemblée nationale
En évoquant l'enjeu des élections africaines et, particulièrement, du vote à
l'assemblée nationale, ce qu'il faut retenir c'est la confusion entre le sujet à
consulter et l'auteur de la consultation. Cest cette interpénétration qui fausse la
théorie objective des scmtins en Mrique noire et, par la même occasion, réduit à
néant les pouvoirs de contrôle des parlements en matière de politique étrangère.
Outre les moyens constitutionnels d'orientation des débats parlementaires
et sur le vote des textes dont disposent l'exécutifl , ce dernier ne manquera
surtout pas de brandir son autorité partisane et "charismatique" pour imposer
aux députés sa politique extérieure. Nul doute que l'organe législatif est
constitutionnellement souverain dans l'approbation de l'action diplomatique du
chef de l'Etat. C'est d'autant plus vrai que, dans les régimes présidentiels
ivoirien, togolais et sénégalais, l'assemblée nationale peut bloquer l'action du
président, à l'instar du congrès dans le régime américain.
En Haute-Volta, également, la représentation nationale peut refuser
d'accorder la majorité simple exigée pour la ratification des engagements
internationaux négociés et conclus par l'exécutif.
1 Voir l'analyse de la page 24 du Titre II.

- 365 -
Mais ce serait fairepreuve d'un 'Juridisme bien éloigné de la réalité" 1 que
de comparer les possibilités des députés africains avec celles des parlementaires
occidentaux en cette matière. Car, à l'opposé des modèles imités, les parlements
étudiés renferment un parti unique ou dominant qui répond favorablement aux
directives de vote de son chef, à savoir, le Président de la République.
Cest à partir de ces données quel'on saisit, par ailleurs, la dimension de la
dépossession des assemblées considérées lors de la remise en cause du cadre
constitutionnel.
1 M.M. Prouzet, "les procédures de reV1SlOn constitutionnelle", in "Les institutions
constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache"
op. cit., page 286.

- 366 -
CHAPITRE II - LE ROLE DES PARLEMENTS AFRICAINS FACE A lA
REMISE EN CAUSE DU CADRE CONSTITUTIONNEL
Le rôle des parlements en matière de révision constitutionnelle, d'une part
et, durant l'exercice des pouvoirs exceptionnels du chef de l'exécutif en période
de crise, d'autre part, diffère d'un pays à un autre.
Concernant la mise en oeuvre des pouvoirs exceptionnels susvisés, selon
que les constitutions accordent ou non des mesures protectrices à l'Assemblée
nationale, on peut distinguer deux catégories de pays.
En Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et au Sénégal, dans un premier temps, le
chef de l'Etat consulte obligatoirement les présidents de l'organe législatifs de la
Cour suprême et adresse un message à la nation. Durant la période
exceptionnelle, l'assemblée se réunit de plein droit et ne peut être dissoute dans
le régime parlementaire voltaïque. Au Sénégal en particulier, toutes les mesures
législatives prises par le chef de l'Etat peuvent être amendées et doivent être
ratifiées par le législatif. Outre cela, la cour suprême doit vérifier la
constitutionnalité de ces mesures présidentiellesl .
Au Togo, dans un second emps, seule la consultation du bureau politique
du RPr et le message de la nation sont demandés au chef de l'Etat. Aucune
mention n'est pas ailleurs fite au parlement et au "sort" réservé aux mesures
législatives prises durant cette période d'exception2•
S'agissant ensuite de la révision constitutionnelle, pour reprendre M.M.
Prouzet3, les Etats africains ont fait lapreuve de la richesse des techniques de
révision constitutionnelle. Multiples et adaptées au contexte politique africain,
ces procédures de révision rigides, en théorie très souples en pratique et
relèvent, en règle générale, de la première autorité de l'Etat qui est fortement
entourée d'une équipe gouvernante et d'un parti politique unique ou dominant.
Dans tous les cas, formellement compétent, le parlement monocaméral de
ces pays est pratiquement dépossédé en matière de révision constitutionnelle et
lors de l'exercice des pouvoirs exceptionnels par le chef de l'exécutif.
1 Art. 47 de la constitution au Sénégal.
2 Art. 19 de la constitution au Togo.
3 M.M. Prouzet. op. cit., page 281.

- 367 -
En règle générale l'organe législatif court-circuité n'a pour mission que
d'entériner les directives émanant du "garant de la continuité de l'Etat et de la
constitution"l, à savoir, le président de la république.
Section 1 - Des assemblées nationales pratiquement court-circuitées
en matière de revision constitutionnelle
Cette étude ne pourrait prétendre à l'objectivité si, au préalable, on
n'éclaire pas le problème du constitutionnalisme africain et de l'utilisation
fréquente de techniques considérées par la doctrine comme étant une "fraude à
la constitution"2.
Sur le premier point, M.G. Conac est d'un enseignement fort enrichissant.
Dans son article intitulé "L'évolution
constitutionnelle
des
Etats
fr ancophones"3 l'auteur cité met à nu l'idée trop souvent répandue, selon
laquelle, la loi fondamentale est un "bois mort"4 dans les Etats issus du
démembrement de l'empire colonial français. L'intérêt du travail évoqué ne
réside pas seulement dans la relation établie entre l'extériorité de la constitution
de ces pays (texte entièrement rédigé par des "exeprts en constitution"S français
associés à certains juristes africains de formation universitaire occidentale) et
son inadaptation progressivement constatée au contact des réalités locales. Mais,
surtout, l'auteur souligne l'int1uence du dynamisme de la vie politique sur les
lois fondamentales.
L'évocation de ce trait permet de faire la transition avec la pensée de M.
Michel Prouzet relative au trésor fabuleux que constituent les techniques en
matière de révision constitutionnelle africaine.
En effet, l'évolution politique mouvementée de ces pays etleur domination
par une personnalité politique ne permettent pas d'accorder de crédit à la rigidité
proclamée des constitutions étudiées. Ainsi, contrairement au "classicisme
1 Art. 8 de la constitution ivoirienne, art. 12 de la constitution voltaïque,
art. 16 de
la constitution togolaise, art. 36 de la constitution sénégalaise.
2 Idem.
3 Comparer l'analyse des deux professeurs cités : M.G. Conac, op. cH., page 1 et
suivantes et M.P.F. Gonidec, op. cH., pages 679 à 702.
4 Idem
5 M.G. Conac, op. cit. page 9.

- 368 -
constitutionnel", tous ces Etats stables (Côte d'Ivoire et Sénégal par exemple) ou
instables (Haute-Volta) ont substitué à la rigidité initiale une souplesse pratique
en matière de révision constitutionnelle.
Si ces modifications correspondent à l'évolution dynamique de la vie
politique africaine, il faut dire, en revanche, qu'elles couvrent des changements
profonds de l'édifice constitutionnel d'où la qualification adéquate de "fraude à
la constitution".
Celà dit, abordons dans le détail la dépossession des assemblées
considérées en cette matière.
A - L'exclusion de fait du parlement monocaméral par une procédure de
révision rigide, d'une part, et complexe et solennelle, d'autre part
Les textes constitutionnels considérés posent, d'emblée, l'immuabilité de
certaines dispositions (l'intégrité du territoire ou/et la forme républicaine du
gouvernement, par exemple, selon une tradition héritée de la France).
Ceci posé, ils confèrent l'initiative dela révision constitutionnelle à
l'exécutif et au législatif, en subordonnant cette compétence à un recours
obligatoire aux directives du comité central du parti unique au Togo et à une
consultation obligatoire du peuple par voie référendaire dans les quatre pays.
En dehors de ces mentions, il est dit que la révision ne peut s'opérer que
par une collaboration expresse des organes constitutionnels (exécutif et
législatif) et partisans (comité central du RPT). Rien que par ces données, si les
assemblées considérées ne bénéficient pas des pouvoirs souverains du parlement
mauricien en matière de révision constitutionnelle elles sont, en revanche, dans
une situation bien meilleure que celle de leur homologue zaïrois, où le chef de
l'Etat est le maître absolu dans ce domainel .
1 Selon l'art. 78 de la constitution zaïroise du 15 août 1974, la révision est opérée
par l'entente entre le Président du parti, le. bureau politique et le consul législatif.
Donc, la procédure est à la merci du chef du parti-Etat, M. Mobutu.

- 369 -
Paragraphe 1- L'exclusion de certaines matières du champ de
la révision constitutionnelle
Si l'Assemblée nationale et l'exécutif sont habilités à reVlser la
constitution, en revanche, ils ne peuvent toucher à certaines dispositions, à
moins de "réviser la règle interdiant la révision", pour reprendre M.M. Prouzet1•
A ce niveau, trois cas sont à distinguer: en Haute-Volta, tout d'abord, un
nationalisme poussé, contraire à l'unité africaine, pourtant affrrmée dans la
constitution de 19602, semble avoir incité les constituants à interdire toute
révision portant sur l'intégrité du territoire et la forme républicaine du
gouvernement 3 . cela est d'autant plus probable que nulle part dans la
constitution de 1977 ne figure des dispositions relatives aux accords ou traités
d'association.
En Côte d'Ivoire et au Sénégal, ensuite, l'interdiction ne frappe que la
forme républicaine du gouvernement, mais l'intérêt réside dans la mention faite
d'une éventuelle unité africaine4 •
Enfin, vient le Togo avec un texte constitutionnel contenant deux
dispositions contraires : la première interdit toute révision portant sur la forme
républicaine du gouvernement et l'intégrité territoriale. La seconde intervient
pour réglementer toute cession ou adjonction du te1hlOire nationalS.
La délimitation du champ d'application de la révision ainsi réalisée, il
serait intéressant de s'interroger pour savoir, si, toutefois, ces restrictions
affectent sérieusement les pouvoirs de l'assemblée en matière de révision.
Loin d'être un débat accadémique ou utopique, on peut valablement
s'interroger sur le bien fondé du maintien de l'intangibilité des frontières héritées
1 M.M. Prouzet, op. dt., pa. 282. Sur la révision constitutionne11e en France, voir
l'ouvrage co11ectif de M.C. Debbach, op. cit., page SOS et suivantes.
2 Art. 69 et 70 de la constitution du 9 novembre 1960.
3 Art. 110 de la constitution voltaïque de 1977.
4 Sur la révision, voir l'article 73 de la constitution iVOirienne et l'art. 89 de la
constitution sénégalaise. Sur l'association avec d'autres Etats, voir les art. 69 et 70
de la constitution ivoirienne et l'article 77 de la constitution sénégalaise.
S Comparer l'article 53 et l'article 42 de la constitution togolaise.

- 370 -
de la colonisation1 , surtout dèslors que
l'on sait que les gouvernements
Européens, réunis à Berlin en 1885 pour se partager le continent, n'ont guère
tenu compte des réalités sociologiques, culturelles, politiques et économiques
des populations colonisées.
Si l'on sait les retombées actuelles de ce pacte colonial2 , on est en droit de
critiquer l'interdiction susvisée, d'autant que beaucoup d'africains3 et la doctrine
constitutionnelle considère comme de nul effet ce type de restriction.
Concernant la forme républicaine du gouvernement, à moins que la notion
de République puisse rimer avec monocratie (Côte d'Ivoire, Togo... etc.), on ne
peut qu'émettre des réserves sur cette interdiction.
Finalement, s'il est admis que ces restrictions sont valables autant pour le
législatif que pour l'exécutif malgré des réserves de la doctrine, on ne peut, à
vrai dire, y voir une limitation de ce dernier puisque son pouvoir est à l'abri de
toute menace.
C'est pourquoi, en ajoutant cette observation à la solennité et à la
complexité de la procédure de révision, on saisira la dépossession en cette
matière de l'assemblée au profit de l'exécutif.
Paragraphe 2 - L'aff8J.ulissement du parlement monocaméral
dû au caractère rigide de la procédure de révision
Si l'on table, tout d'abord, sur la solennité de cette procédure, on saisim
que non seulement le législatif est concurrencé dans la révision constitutionnelle
par d'autres organes constitutionnels ou partisans, mais qu'aussi son initiative est
strictement encadrée.
Sur ce dernier point, la situation diffère d'un pays à un autre en fonction
du degré de rationalisation. Ainsi, en Haute-Volta, l'initiative des députés doit
préalablement être sanctionnée par un vote à la majorité des trois quart de
1 Sur ces questions, on peut lire utilement M. Edem Kodjo, ancien secrétaire de
l'OUA "... Et demain l'Afrique" Editions Stock, Paris, 1985.
2 Idem.
3 Pour ne citer qu'un de ses panafricains, lire M.C. Anta Diop, "Les Fondements
économiques et
culturels
d'un Etat fédéral
d'Afrique noire",
Paris,
Présence
africaine, 1960, Edition revue et corrigée en 1974.

.'
- 371 -
l'assemblée sur le principe même de la révision 1. En Côte d'Ivoire, la
proposition ne peut être prise en considération que si elle recueille les trois
quarts des suffrages exprimés à l'assemblée nationale2. Au Togo, il est demandé
un avis favorable du comité central du RPf3. A la différence de ces pays, le
Sénégal est plus souple et ne fait mention de ces formalités préliminaires4•
Concernant les organes concurrentiels, le cas togolais est de loin le plus
exemplaire. En effet, si l'assemblée partage l'initiative susvisée avec l'exécutif, il
est dit que le comité central du parti unique doit non seulement donner son avis,
mais que cette instance partisane peut également émettre des amendements à la
proposition5. Outre cela, le vote ne peut être défmitif que si l'organe partisan cité
accorde son avis conforme6.
En dehors de cette particularité, tous les quatre pays considérés font du
peuple le corps organique concurrentiel du parlement. A ce niveau, si l'on
nepeut parler d'une concurrence anormale du législatif par les citoyens conviés à
se proncer par voie référendaire, on peut en arriver là, si l'on sait que l'exécutif
est le détenteur de la mise en oeuvre de cette procédure7•
Abordant la question, MM. Prouzets affIrmait le caractère obligatoire du
référendum dans cespays. Cependant, sur le plan strictement constitutionnel,
l'exercice de ce droit n'est pas marqué d'm caractère absolu voire obligatoire.
En effet, en Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et au Togo, la représentation
nationale peut affirmer sa compétence exclusive et, par voie de conséquence,
annuler le processus référendaire, à condition qu'elle approuve la proposition de
révision par le biais d'me forte majorité de suffrages exprimés. TI s'agit des
majorités respectives des 4/5 et 2/3.
1 Art. 110 de la constitution voltaïque.
2 Art. 72 de la constitution ivoirienne.
3 Art. 52 al. 2 de la constitution togolaise.
4 Art. 89 de la constitution sénégalaise.
5 Art. 52 al. 2 et 3 de la constitution togolaise.
6 Idem.
7 Art. 72 al. 2 de la constitution ivoirienne; art. 110 de la constitution voltaïque;
art. 52 dernier alinéa de la constitution togolaise; art. 89 al. 3 de la constitution
sénégalaise.
8 M.M. Prouzet, op. cit., page 283.

- 372 -
Cela dit, on peut dire que ces assemblées bénéficient de mesures
conservatoires alors qu'au Sénégal seul leprésident peut empêcher le recours au
référendum. Dans ce cas, les députés doivent approuver la proposition à la
majorité des 3/5.
Outre les difficultés rencontrées dans l'exercice de la révision du fait de
son caractère solennel, si l'on s'interroge ensuite sur la complexité de cette
procédure, on ne peut que percevoir les grandes lignes dela dépossession
parlementaire en cette matière.
En effet, pour effectuer toute reVlSlon constitutionnelle, les Etats
considérés imposent une collaboration étroite entre différents organes.
A la classique association Exécutif-législatif, le Togo se particularise en y
ajoutant la participation du RPr par l'intermédiaire de son comité central. Cette
particularité n'en serait pas une si l'on prend à témoin la pratique en vigueur dans
les constitutions congolaise, malgache et zaïroise1•
L'antériorité de ces régimes par rapport à celui du Togo et la cntamination
constitutionnelle aidant2, il ne fait aucun doute que les constituants togolais ont
voulu subordonner toute modification de l'ordre constitutionnel "nouveau" au
RPT qui constitue, à côté de son fondateur, la clef de voûte des institutions
étatiques.
Toutefois, au-delà de cette particularité, il convient de dire que dans ces
pays, la réunion est pratiquement l'oeuvre de l'exécutif.
B - En pratique, la révision constitutionnelle est opérée par l'exécutif et
sanctionnée par le parlement mOlloca.méral
Arguant de la domination de la vie politique africaine par un autorité
suprême, aidée d'une équipe dirigeante et d'un parti politique entièrement
"discipliné", M.M. Prouzet affIrmait que: "En matière consitutionnel1e, vouloir
c'est pourvoir"3.
1 Sur ce point, voir l'article de MM. Prouzet, op. cit., pages 281 et suivantes.
2 Sur le mimétisme inter-africain, voir M.G. Conac, "l'Evolution constitutionnelle
des Etats francophones" op. cité, pages 15 et suivantes.
3 M.M. Prouzet, op. cit., page 286.

- 375 -
Pour ne point trahir sa pensée, l'auteur excluait de sa généralisation le
Sénégal, du fait de son multipartisme. Sur cette base, on pourrait également en
faire autant concernant le régime multipartisan voltaïque 1•
A dire vrai, la domination des institutions politiques et administratives de
ces régimes par un parti majoritaire sous la direction de son leader qui, de
surcroît, est le chef de l'Etat, n'autorise pas de les distinguer qualitativement des
régimes monopartisans dans le domaine bien déterminé de la révision
constitutionnelle.
En effet, si la Haute-Volta ne présente pas d'intérêt en la matière par
manque de précédent, en revanche, il n'en est pas de même pour le Sénégal car,
de l'indépendance à nos jours, les huit révisions ayant modifié profondément
l'ordre institutionnel de 1961 sont le fait du Président Senghor et de son
successeur, M.A. Diouf.
C'est compte tenu de ces réalités que l'on affirme que la reVlSlon
constitutionnelle est le fait d'un homme pour n'être, en dernier ressort, que celui
de l'assemblée nationale, appelée à entérimer la modification initiale.
Paragraphe 1 - La révision, oeuvre du chef de l'Etat
De nombreux écrits ont contribué à révéler que le pouvoir, en Afrique
noire d'expression française, non seulement ne se partageait pas, mais qu'il
résidait dans l'exécutif.
Bien qu'il soit nécessaire de ne point retenir l'explication selon laquelle la
monocratie africaine trouve ses racines dans le passé ancestral des cultures
respectives2, il est possible d'illustrer cette personnalisation du pouvoir par des
sources aussi bien occidentales qu'africaines3.
1 Sur le plan formel, la Haute-Volta et le Sénégal appartiennent à la catégorie des
régimes de démocratie pluraliste de l'Afrique noire d'expression française.
2 Sur la relation entre la
monocratie
totalitaire
africaine
avec les
racines
ancestrales des peuples africains, voir M.L. Dubouis, op. cit., page 219. En désaccord
avec cette opinion, on peut utilement se reporter à la bibliographie sommaire
d'auteurs, tant africains qu'européens, sur le pouvoir africain que nous avons
présenté dans l'introduction.
3 Idem.

- 374 -
Cest donc à partir de ce monopole du fait politique par le chef de l'Etat et
son soutien partisan que s'explique la dépossession du parlement enmatière de
révision. A titre d'illustration, des exemples provenant de la Côte d'Ivoire et du
Sénégal sont à apporter.
Dans le premier pays, si la paternité présidentielle de la loi du Il février
1963, supprimant la responsabilité pénale du chef de l'Etatl , n'est pas évidente,
tel nepeut être le cas concernant la révision de l'article Il relative à la
succession2•
Pour s'en convaincre, l'examen de la vie politique du pays, depuis le 3e
congrès du PDCI est nécessire. D'abord, il faut savoir qu'avant cette date
l'ancien secrétaire du parti, de surcroît, président de l'Assemblée, M.P. Yacé,
passait pour être le dauphin de M.F.H. Boigny.
Cependant, il semblerait que la mésentente grandissante entre les deux
leaders eût pour conséquence lal suppression du poste de secrétaire général du
parti, que M.P. Yacé détenait, au profit de la création d'une présidence confiée
exclusivement à M.F.H. Boigny.
La déchéance de cette personnalité allait s'accentuer par la suppression de
la succession automatique du président par le président de l'Assemblée, fonction
détenue précédemment par M.P. Yacé.
Cette éviction ne sera juridiquement réalisée que par la révision
constitutionnelle de 1975 prévoyant une succession du chef de l'Etat par le vice-
président qui, jusqu'à nos jours, reste à élire.
Dans le second pays, il faut partir de la révision constitutionnelle dite
"senghorienne" ayant, tout d'abord, instauré un multipartisme limité à trois puis
à quatre courants idéologiques et, ensuite, créé lll1 poste de premier ministre.
Comme l'attestera la suite du propos, ne se discute guère le rôle central
joué par M.L.S. Senghor dans ces révisions, puisque le 6 février 1976 une
révision constitutionnelle confèrera la succession présidentielle à son proche
1 Loi n° 63-1
du
Il
janvier 1963 portant modification de l'article 64 de la
constitution, au journal officiel du 14 janvier 1963, page 29.
2 Sur ce point, voir "la révision constitutionnelle du 26 novembre 1980" par A.
Tagro, Thèse précitée, pages 537 et suivantes.

- 375 -
collaborateur, le premier ministre, M.A. Diouf, devenu chef de l'Etat, après la
démission de M.L. Senghor. Le successeur
ne manquera pas de laisser sa
marque sur l'ordre constitutionnel existant
Parmi les plus importantes, évoquons celle du 27 février 1983 qui
transforme le régime semi-parlementaire sénégalais en un régime présidentiel
dans lequel le président Diouf devient le "maître absolu" de l'exécutif, pour
reprendre l'expression de M. Serigne Diop.
Par ces données, s'il est vrai que le texte constitutionnel initial reste en
vigueur en Côte d'Ivoire et au Sénégal, il faut en revanche reconnaître que par
les procédés dits de "fraude à la constitution", l'exécutif de ces pays aménage
selon ses objectifs la réglementation de la vie politique.
Mais, cette initiative n'est pas exclusivement du ressort de l'exécutif
puisque l'assemblée nationale est invitée à la légitimer en l'approuvant.
Paragraphe 2 - L'assujetissement de rAssemblée lors de
l'approbation de la révision
Sur un plan strictement formel, les parlement monocaméraux choisis sont
habilités à examiner et à voter le projet gouvernemental visant à modifier
certaines dispositions de la loi suprême.
Mais, étant donné la particularité de ces régimes tenant à la soumission du
législatif aux directives émanant du leader du parti unique ou dominant, il en
découle une portée réduite de ces pouvoirs.
A l'instar de l'examen et du vote du projet de loi ordinaire ou spécifiquel ,
dans ce cas précis, les députés s'empressent généralement d'approuver
favorablement le texte selon la directive de l'exécutif.
Bien que trop insuffisants, les moyens formels de ces députés sont de loin
"acceptables" par comparaison avec ceux de leurs homolgues zaïrois. Car,
comme par économie juridique et par réalisme politique, ces derniers sont
1 On peut se reporter à cette analyse pour saisir la subordination de l'organe
législatif à l'exécutif.

- 376 -
purement écartés de l'examen et du vote du projet partisan de révision
constitutionnelle.
A dire vrai, an Zaïre et dans ces pays, la fmalité est la même puisque la
révision de l'ordre constitutionnel entre dans une des attributions du chef de
l'Etat.
Cette suprématie présidentielle sur l'Etat en temps normal est d'autant plus
inquiétante que l'on est amené à s'interroger sur ce qu'elle sera en période
exceptionnelle : état d'urgence, état de siège, déclaration de guerre, et, enfm,
blocage des institutions républicaines du fait de troubles graves.
Section II - L'assemblée nationale pendant les périodes
excq»tionnelles
Compte tenu de l'extrême fragilité des Etats pluriethniques africains, Etats
"mous" selon G.Myrdal, menacés tant de l'intérieur que de l'extérieur, on aurait
cru que les constituants écarteraient d'office les techniques occidentales visant à
règlementer les pouvoirs respectifs de l'exécutif et du législatif durant les
circonstances exceptionnelles.
Dans cet ordre d'idées, l'Assemblée nationale mise en veilleuse
nomentanément pour l'intérêt supérieur de la nation, le chef de l'Etat, érigé en
"dictateur" constitutionnel, prendrait les mesures nécessaires au retour à la
stabilité institutionnelle antérieure.
Or, à l'exception du Togo, nulle part ces données sociologiques et
politiques ne semblent avoir été prises en compte '.
En effet, si durant les circonstances exceptionnelles l'assemblée nationale
togolaise n'intervient nullement, en revanche, dans les trois autres pays, elle
bénéficie de mesures conservatoires particulières s'expliquant par la relative
analogie de l'article 16 de la constitution française avec les articles 19, 30 et 47
des constitutions respectices de Côte d'Ivoire, de Haute-Volta et du Sénégal.
Ainsi, grâce à cette quasi-ressemblance, il ne fait nul doute que, sur un Jan
strictement juridique, la contre partie des pouvoirs exceptionnels du chef de
1 Article 19 de la constitution du Togo.

- 377 -
l'Etat est la reconnaissance de certains droits au parlement monocarnéral de ces
trois pays.
Mais, la question quel'on doit se poser est relative à la portée réelle des
pouvoirs de ces organes législatifs. Sur ce point, les propos de M. A. Boni sont
enrichissants parce que fort étonnants1•
Selon cette personnalité du régime iVOirIen, les constituants doivent
permettre au chef de l'Etat d'agir, le moment venu, sans être géné par aucun
obstacle "fallacieusement" juridique.
Par cela, on peut se demander s'il s'agit d'une critique faite des
dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles similaires prévues à
l'article 16 ou si l'auteur préconise un assouplissement pratique de cette
disposition, le moment venu.
Dans tous les cas, la présence d'un parti unique (Côte d'Ivoir~) et d'uri
parti dominant (Haute-Volta et Sénégal) fausse totalement l'esprit même de ces
réglementations.
A - Les mesures conservatoires favorables au parlement monocaméral
avant et durant la période exœ.ptionnnelle
Hormis le Togo, où le parlement n'intervient pas2, dans les trois autres
pays non seulement l'organe législatif doit être consulté, mais il est autorisé à se
réunir de plein droit.
Paragraphe 1- La consultation obligatoire de l'Assemblée
nationale
Auparavant, notons que d'un pays à un autre il y a des formalités
préliminaires que le chef de l'Etat doit accomplir.
Ainsi, alors qu'en Côte d'Ivoire et au Sénégal, le message à la nation est
formellement exigé, en Haute-Volta, en revanche, les constituants imposent que
la mesure émane des délibérations du conseil des ministres. Ensuite, le président
1 Ces propos sont repris par M. L. Dubouis, art. cité, page 241.
2 Art. 19 de la constitution togolaise.

- 378 -
dela Cour suprême doit être informé et, innovation en la matière, aucune
intervention de forces armées étrangères ne peut être demandée pour ramener
l'ordre constitutionnel ''troublé'' 1•
En dehors de ces prescriptions, la consultation du président de l'assemblée
nationale est obligatoire dans ces trois pays2. Cette consultation peut, certes,
paraître formelle, mais, si l'on ne perd pas de vue le statut partisan et
constitutionnel du "consulté", on peut alors accorder du crédit à cette formalité.
Aussi, non seulement, par son président, le législatif est informé, mais il
est autorisé à se réunir de plein droit, dès la mise en application des pouvoirs
exceptionnels du chef de l'Etat.
Paragraphe 2 - La. réunion d'office de l'Assemblée nationale
Deux hypothèses sont à envisager : d'une part, la période comprise entre
deux sessions ordinaires et, d'autre part, celle où l'assemblée est réunie en
session ordinaire ou extraordinaire.
Dans le premier cas, le législatif est de plein droit autorisé à tenir une
session extraordinaire. Dans lesecond cas, même dans les régimes
parlementaires (Haute-Volta), aucune dissolution ne peut se faire.
De ce point
de vue théorique, il est clair que la réunion d'office et
l'assurance de la continuité des sessions parlementaires susvisées constituent des
mesures positives qui vont permettre aux députés d'examiner, sans contrainte,
l'action de l'exécutif visant à conjurer les atteintes au fonctionnement régulier
des institutions.
Cela est d'autant plus important que l'assemblée ne cesse de bénéficier de
ces pouvoirs que si l'exécutif perd également son statut momentané de
"dictateur" constitutionnel.
1 Voir les articles
19, 30 et
47
de la constitution ivoirienne, voltaïque et
sénégalaise.
2 Idem.

- 379 -
En d'autres termes, lorsque disparaissent les motifs qui ont déterminé
l'instauration de cette exception finissent consécutivement les compétences
respectives de l'exécutif et du législatif.
Cela dit, la question que l'on peut se poser maintenant c'est celle de la
portée réelle des pouvoirs du parlement monocaméral face à un exécutif très
puissant.
B - La portée réelle des pouvoirs parlementaires en période
exceptionnelle
En temps de crise, consulter l'organe de direction du parlement, faire
participer l'institution, en l'invitant à se réunir de plein droit, sont des critères
permettant de juger la qualité d'un système politique et, partant, la place
qu'occupe le législatif dans les institutions politiques nationales.
Sur ce point, la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta et le Sénégal se distinguent
formellement du Togo, qui écarte l'assemblé nationale pendant la durée de la
période exceptionnelle.
Mais, il ne suffit pas d'accorder simplement ces pouvoirs, encore fant-il
que l'organe de réprésentation puisse examiner et ratifier les actes pris par
l'exécutif qui, en temps normal, entraient dans le domaine de la loi.
Cest à partir de cette donnée que l'on saisira la portée réelle des pouvoirs
des trois parlements étudiés.
Paragraphe 1 - L'exercice du contrôle parlementaire sur les
pouvoirs exceptionnels du chef de l'exécutif
Tout comme le permet la constitution française de 1958 1, l'examen des
trois lois fondamentales révèle qu'en période de crise, le chef de l'Etat se
"substitue provisoirement an législateur et au gouvernement et exerce des
pouvoirs législatifs et réglementaires qui, en période normale, ne lui
appartiennent pas"2. En contrepartie, après et, très souvent, pendant3 la période
1 Sur l'exercice des pouvoirs exceptionnels en France, voir l'ouvrage collectif de
M.C. Debbrasch, op. cil. p. 588 et suivantes.
2 La citation est tirrée de l'ouvrage précité à la même page.

- 380 -
exceptionnelle, l'assemblée nationale de ces Etats africains est invité à examiner
et approuver ces mesures présidentielles, sous peine de caducité.
D'ores et déjà, soulignons que ces dispositions, favorables à l'organe de
réprésentation nationale, varient en nombre et en importance selon que l'on va
d'un pays à un autre.
Ainsi, par ordre d'importance, non seulement l'assemblée sénégalaise peut
amender les actes législatifs présidentiels mais elle doit également sous peine
de caducité être saisie pour ratification dans les quinze jours de leur
promulgation1• En Côte d'Ivoire et en Haute-Volta, en revanche, même à défaut
d'une prescription expresse comme dans le cas sénégalais, la constitution impose
la ratification parlementaire de toute mesure législative entrant dans le domaine
de la loi2• Cest dire que, si les actes réglementaires du président durant la
période exceptionnelle peuvent être normaux, tel n'est pas le cas des autres
matières d'ordre législatif.
Par ces données, il est certain que, d'un strict point de vue formel, les
assemblées détiennent des moyens de contrôle de l'exécutif en période de crise.
En droit, à l'instar de l'examen et du vote des lois, les députés peuvent amender,
refuser ou approuver les projets deloi gouvernementaux 3. La question est de
savoir si compte tenu de la situation anormale qui prévaut, ces derniers
s'appesantissent effectivement sur ces mesures prises par l'exécutif qui, selon la
constitution, "sont exigées pour la circonstance".
Paragraphe 2 - Un contrôle parlementaire potentiellement
inefficace
On pourrait évoquer l'absence de précédent en la matière, pour nier ou
qualifier d'excessive, l'idée selon laquelle en période exceptionnelle le contrôle
parlementaire est "muselé"4.
3 Valable dans certains Etats africains, cela n'est pas prévu dans l'art. 16 de la
constitution française de 1958.
1 Art. 47 de la constitution sénégalaise.
2 Art. 45 de la constitution ivoirienne; art. 69 de la constitution voltaïque,
3 En pratique, la docilité des
parlementaires les incitera à accepter les lois
élaborées par l'exécutif.
4 Idem.

- 381 -
S'il est difficile d'affrrmer cela, on ne peut non plus le contredire. On a vue
précédemment que, lors de l'examen de la discussion et du vote des lois
ordinaires et budgétaires, la représentation nationale était fortement influencée
et orientée par l'exécutif qui détenait d'exorbitants moyens constitutionnels et
partisans.
Si cette docilité en temps normal ne se discute guère, que dire alors de la
réalité des pouvoirs parlementaires en temps de crise ?
Bien que par ces données, on peut théoriquement s'attendre à voir les
députés amplifier leur subordination à l'égard des directives de leur chef : le
président de la République.
Cette subordination permet, en outre, d'affirmer que, durant la période
exceptionnelle, les parlementaires mettent volontairement en sommeil les
moyens de contrôle de l'action gouvernementale dont ils disposent.
En récapitulant, on s'aperçoit donc que la subalternisation 1 du parlement
de "l'Etat-Parti unique ou dominant"2 n'est que la conséquence de la soumission
de l'Etat et des institutions politiques africaines au chef de l'Etat3. Ainsi, soumis
aux directives du leader partisans, les députés abdiquent devant leurs missions
traditionnelles et s'adonnent à de nombreuses fonctions de substitutiton4 • C'est
de cette évolution de l'assemblée nationale des pays chQisis vers un modèle
original dont il convient actuellement d'étudier.
1 M.j.C. Masc1et, op. cit., pages 261 à 280.
2 M. Pathé Diagne, "Du législatif et de l'assemblée nationale d'enregistrement" op.
cité, page 107.
3 Sur les déboires de la voie "démocratique" sénégalaise, voir M. Pathé Diagne, op.
cil., Promotion, bimensuel d'information sénégalaise; nOs 26 et 27, du 27 juillet et
du 7 août 1985 ; Le "Soleil", Quotidien d'information gouvernemental du Sénégal,
"Procès Wade, Bathily et autres" jeudi 29 août 1985, p. 11.
4 M.j.C. Masc1et, op. cil., page 261 à 280.

- 382 -
TITRE III
VERS LA NAISSANCE D'UN NOUVEAU
MODELE DU PARLEMENT 7
L'esquisse précédente a montré l'absence de souveraineté du parlement de
"l'Etat-Parti unique ou dominant"l africain, pour reprendre l'expression de M.P.
Diagne.
En effet, on a vu que l'institution parlementaire est dépendante de
l'exécutif quant à l'adoption des cadres régissant leurs activités mais également
quant à l'application de ses fonctions constitutionnellement reconnues.
Cependant, come le souligne M.O.F. Natchaba2, cette restriction politique
n'exclut pas une participation des députés à la mise en forme juridique et
technique des lois gouvernementales (Sous-Titre 1)3.
En outre, l'impuissance des députés à exercer leurs attributions
constitutionnelles les incitent à s'intéresser à des multiples fonctions de
substitution (Sous-Titre II).
A la lumière de ces faits, n'est-on pas en mesure de parler de la naissance
d'un nouveau modèle de parlement africain 14. La réponse à cette question sera
apportée au seuil de l'étude présente.
1 M. Pathé Diagne, op. cil., page 107.
2 M.a.F. Natchaba, op. cil., page 4 et suivantes.
3 Idem.
4 Sans affirmer l'évolution du parlement français vers un type nouveau, M.j.C.
Masc1et dans son ouvrage cité évoque l'abdication des parlementaires devant leurs
attributions constitutionnelles et leur dévouement dans l'accomplissement de
"fonction envahissante et multiforme" (page 189 et suivantes).

- )8} -
SOUS-TITRE 1
DES ASSEMBLEES NATIONALES AUX
ATTRIBUfIONS TECHNIQUES SOUHAITEES ET
AUX COMPETENCES POLITIQUES RESTREINTES
TI faut partir de l'idée selon laquelle les systèmes politiques africains sont
à la recherche d'une technocratie législative (CHAPrrR.E 1), Pour restreindre les
compétences politiques du parlement et parvenir à cette fm, outre les moyens
déjà cités., ils combinent le discours anti-parlementaire avec le recrutement
élitiste du personnel politique parlementaire (CHAPITR.E II),
• Nous avons déjà évoqué ces moyens qui sont à la fois d'ordre constitutionnel et
partisan.

- 384 -
CHAPITRE 1 -DU DISCOURS POLITIQUE ANTIPARLEMENTAIRE
A LA SELECTION PROFESSIONNELLE
DES DEPUTES
En réalité, outre le discrédit porté à l'institution parlementaire, ce discours
antiparlementaire et ses applications concrètes (Section I) créditent le
recrutement à base professionnelle des députés (Section II).
Section 1 - Le discours antiparlementaire et ses applications
L'antiparlementarisme est un phénomène très ancien en France. On sait
que de nombreux courants comme le bonapartisme, le boulangisme, le
gaullisme, et le poujadisme ont connu le succès partiellement en raison de leur
hostilité à l'égard des partis politiques et des Assemblées parlementaires1• Or, si
l'on tient compte des liens de dépendance, puis de relations privilégiées, qui ont
existé et existent de nos jours entre la France et les Etats-post coloniaux
considérés, une question de fond se pose: y-at-il eu des influences des courants
français précités sur le discours des dirigeants africains ? Le cas échéant, les
structures ancestrales de ces pays ont-elles secrétes, elles-mêmes, les
fondements de l'antiparlementarisme africain ?
En tout état de cause, né avec l'Etat nouvellement indépendant, le discours
antiparlementaire africain est le fruit de ces deux sources.
A - Les fondements du discours antiparlementaire africain
TI est bâti, d'une part, sur la récupération, puis la déformation, de certaines
idées force du bonapartisme2 ainsi que du gaullisme et, d'autre part, sur
l'exploitation ingénieuse de "l'amertume des illusions perdues"3 des gouvernés
du fait de l'échec du parlementarisme de type classique et du modèle
administratif du gouvernement des colonies.
1 Pour une ViSiOn d'ensemble sur la Droit française, voir M.R. Remond "La Droite
en France" de la Ire restauration à la Ve République Aubier, Editions Montaigne,
Paris 1963. Du même auteur, "les Droites en France", Aubier, Collection historique,
Editions
Montaigne, Paris,
1983. Sur
le
Bonapartisme, voir
M.F.
Bluche, "Le
Bonapartisme" P.U.F., Que Sais-je? Paris, 1964.
2 Idem.
3 Voir l'introduction de l'ouvrage de M.A. Chandernagor.

- 305 -
Paragraphe 1 - La. récupération et la déformation du
bonapartisme et du gaullisme par les
dirigeants africains
Les plus importantes allocutions nationales des leaders africains sont
émaillées de thèmes centraux que l'on rencontre dans le bonapartisme et,
surtout, dans le gaullisme : la grandeur de la nation, l'unité nationale, la justice
sociale, l'indépendance économique, politique, etc... I .
Cette similitude serait hasardeuse et ne mériterait pas une attention
particulière si, au fond, ces différents discours n'engendraient pas les mêmes
sentiments d'hostilité à l'égard des institutions parlementaires et partisanes.
Cependant, avant de poursuivre lepropos, faisons me pause pour effectuer
quelques nuances. En effet, le même mot, utilisé par diverses personnalités, peut
ne pas avoir la même signification ou application, aussi bien dans le temps que
dans l'espace. Ainsi dit, il serait bon de retenir le contexte socio-politique et
économique de l'Empire, puis de la Ve République française, pour ne point
assimiler les idées forces de Napoléon Bonaparte avec celles du GI de Gaulle. A
ce titre, soulignons que si l'Empereur utilisait alternativement le ''bâton et la
modération"2 pour gouverner, en revanche, l'artisan de la Ve République se
contentait, quant à lui, de recourir aux moyens constitutionnellement reconnus.
De la même façon, on ne doit assimiler l'idée de l'une quelconque de ces
personnalités avec celle des dirigeants des Etats multiethniques sous-développés
considérés.
Cest pourquoi il paraît plus exact de dire que ces derniers n'ont en fait
retenu du bonapartisme et du gaullisme que ce qui leur était nécessaire, à savoir,
les sentiments de discrédit véhiculés à l'encontre des formations politiques et des
assemblées parlementaires.
1 Pour être concret, onpeut se référer aux allocutions du chef de l'Etat voltaîque.
M.A.S. Lamizana, dans "Renouveau National", Imprimerie de Ouagadougou, Haute-
Volta 1974. Voir également. le message à la nation du chef de l'Etat togolais du 12
janvier 1985. Quotidien national d'information "La nouvelle marche" du Dimanche
13 janvier 1985. Enfin, on peut se reporter au cours de Sciences Sociales de M.O.F.
Natchaba aux étudiants en première année de Droit de l'Université du Bénin. Cet
enseignant compare les idées-forces du général de Gaulle avec celles du Président
Eyadéma.
2 Voir le que sais-je de M.F. Bluche déjà cité.

- 387 -
rupture survint dès 1963 avec l'intervention des forces armées. TI ne s'agissait à
l'époque que de sa suspension. En 1967, les militaires agissent de nouveau pour
le supprimer définitivement et opter pour le régime présidentialiste à parti
unique. Au Sénégal, M.L.S. Senghor supprime dans un premier temps le
multipartisme pour ne reconnaître que le règne de son parti, l'UPS. Dans un
second temp, à partir de 1974, il expérimente de nouveau le multipartisme.
Enfm, en Haute-Volta, on assiste à une alternance de régimes constitutionnels
civils et de régimes militaires.
La somme de ces expériences politiques permet de faire un constat A
l'exception du Sénégal, l'échec de la transplantation du régime parlementaire
occidental dans les Etats africains est évident. A ce titre, les raisons avancées
sont multiples et variées. L'intérêt est de retenir les explications données par le
personnel politique civil et militaire.
AInsi, à travers les discours, on est en droit de dire que ces leaders tablent
sur une sorte de théorie pseudo-scientifique pour faire admettre leur
antiparlementarisme par les populations. Partant d'un constat d'échec du régime
parlementaire du type classique, ils aboutissent à la conclusion suivant laquelle
la démocratie occidentale suppose une certaine mâturité politique de l'Etat qui
prétend l'appliquer. Or, à la différence de l'occieent, l'Mrique n'a pas de tradition
en ce domaine. Mieux, le pluripartisme est contraire aux structures politiques
ancestrales de ce continent. De ce fait, appliquer intégralement les techniques de
gouvernement des vieilles démocraties occidentales conduirait à un triple échec:
non seulement sur le plan économique et politique, mais également sur le plan
sociologique.
A dire vrai, aussi inexact dans le fond et dans la forme et aussi
tendancieux que soit ce discours, il faut lui reconnaître un impact limité sur les
populations. Car, la fortune tient surtout au fait que les citoyens sont, en grande
majorité, non seulement civiquement et politiquement peu préparés, mais
également exclus volontairement du jeu politique par l'éternelle classe dirigeante
de ces pays.
De ce fait, la majorité des citoyens acquis contre leur gré à ces idées, il
devient aisé de les appliquer.

~.Q C;
-
;JÜU
-
B - Les applications de l'antiparlementarisme
Même si le résultat demeure le même, les voies et moyens utilisés pour
parvenir à l'application du discours antiparlementaire se différencient selon la
nature civile ou militaire des régimes politiques considérés.
Paragraphe 1 - Dans les régimes militaires
En Haute-Volta et au Togo, chaque paralysie des institutions
républicaines~ engendrant le fonctionnement "à éclipses" de l'Etat, a été une
occasion pour les militaires d'intervenir promptement dans la vie politique
nationale. Si par cet acte, on ne peut dire que les prétoriens sont foncièrement
hostiles au régime parlementaire de type classique l, force est cependant de
constater qu'ils le deviennent par la suite puisqu'une fois investis du pouvoir
d~Etat, ces derniers semblent renvoyer aux calendes grecques l'éventualité dUn
retour à "une vie constitutionnelle normale''2.
Ces observations faites,
notons que l'application concrète de
l'antiparlementarisme de ces militaires est la même aussi bien dans l'un et l'autre
de ces pays.
Tout d'abord~ il est procédé à la dissolution des partis politiques et de
l'Assemblée nationale. Ensuite, pour le salut de la Nation et de l'Etat, de
nouvelles institutions politiques unificatrices devront être créées.
Cest dans cet ordre d'idées et suivant cette approche novatrice que l'on
fera naître~ des cendres des anciennes formations politiques, un cadre
unificateur, un parti de rassemblement qui aura pour nom: Mouvement National
pour le Renouveau (MNR)~ en Haute-Volta, et Rassemblement du Peuple
Togolais (RPr), au Togo. Cest également dans cette optique que l'on instaurera
une assemblée nationale constituée de députés nommés par décret présidentiel
1 En Haute-VOlta et au Togo, les militaires, à deux reprises ont confisqué le pouvoir
puis l'ont remis aux civils après avoir préparé "soigneusement" ce retour à une
"vie constitutionnelle normale" ; cependant, depuis 1967 au Togo et 1980 en Haute-
Volta, ces derniers ne semblent plus vouloir réintégrer les "casernes". Sur le détail
de ces attitudes, voir M.S. Scilla, "Flux et reflux des dictatures civiles et militaires
en Afrique noire" op. ciL
2 Idem.

- 339 -
du chef de l'Etat voltaïque 1 et entièrement choisis et investis par le parti unique
du chef de l'Etat togolais.
En conclusion, s'il y a m bilan à dresser, il est clair que ces expériences
sont synonymes ou du rupture (l'exemple du Togo) avec le régime parlementaire
classique ou de parenthèse momentanée (l'exemple de la Hante-Volta). Donc les
militaires apparaissent hostiles à la démocratie parlementaire occidentale.
Paragraphe 2 - Dans les régimes civils
A la lumière des récentes réformes politiques adoptées pour "libéraliser"
le régime monocratique ivoirien, des anciennes et nouvelles mutations politiques
intervenues depuis l'ère du monopartisme sénégalis, il semblerait que se dessine
progressivement me évolution vers la démocratie parlementaire représentative2•
Donc, en dépit de l'affmnation selon laquelle le fait politique africain est
rebelle à toute conceptualisation ou classification3, si Ion accorde néanmoins du
crédit à ce constat, l'on reconnait alors que les dirigeants de ces pays étaient
momentanément ou foncièrement opposés à ce type de régime.
En tous cas, la traduction de cette hostilité allait se manifester doublement
: tout d'abord, s'opposant fermeement à la pluralité partisane, les dirigeants vont
"inviter" les différentes formations politiques de l'époque à l'union, c'est-à-dire,
à intégrer simplement le parti gouvernemental. Cette politique fut couronnée de
succès d'autant plus que les moyens utilisés pour y parvenir étaient plus
qu'efficaces: le plus souvent, la force et, rarement la corruption, la séduction et
l'intimidation4 • C'est à ce prix que l'on parvint à instaurer le régime présidentiel
ivoirien et sénégalais avec la domination respective du PDCI et de l'UPS.
Cependant, s'il est vrait que la suprématie actuelle du PS (nouvelle
dénomination de l'UPS) sur la vie politique s'explique en partie par ces données
1 Voir M.E. Bassono, "Le pari de Lamizana", op. cit.
2
M.
Dominique
Gauthiez-Rieucau,
"La
démocratie
au
Sénégal",
Afrique-
Contemporaine, la Docu mentation Française. n· 133 de janvier-février-mars 1985,
pages 12 à 32.
3 M. L. Scylla, "Flux et Reflux des dictatures civiles et militaires en Afrique noire",
op. cité, page.218.
4 Sur ces méthodes, voir M.A. Mahiou, "L'avènement du Parti unique en Afrique
noire", Thèse
de
Doctorat
d'Etat en Droit Public,
Nancy,
1967
; concernant
particulièrement le Sénégal, voir
M.F. Zuccarelli, "Un
parti politique africain
l'union progressiste sénégalaise" op. cit.

- 390 -
historiques, en revanche, à la différence de la Côte d'Ivoire, on ne peut
véritablement parler d'une hostilité quelconque des dirigeants à l'égard des
partis.
Certes, des vestiges de ces sentiments ont existé sous le multipartisme
limité envisagé par M.L.S. Senghor. Car cette technique, semble-t-il, visait à
écarter d'office le seul parti capable à l'époque de concurrencer le PS, c'est-à-
dire, la formation du professeur C.A. Diop. Mais, de nos jours, l'ère du
multipartisme illimité adapté par M.A. Diouf ne permet pas de confmner cette
opinion l .
Ensuite, la question des partis ainsi résolue par les dirigeants, le rôle et la
place du parlement monocaméral dans ce système politique allaient subir des
modifications.
En effet, dans ces deux pays, l'institution, autrefois composée de députés
d'opinions aussi différentes qu'il y avait de partis2, n'allait maintenant être
constitutuée que des seules représentants de la formation politique
gouvemementale3• L'objectif recherché par une telle composition monocolore
était double : d'une part, transformer les députés en agents d'intégration
nationale de développement économique... D'autre part, faire assumer aux
députés un travail parlementaire responsable, "désintéressé", c'est-à-dire, où il
n'y a de prise en considération que des aspects techniques des projets de lois.
Au regard de ces objectifs, la question qui se pose est de savoir si ces
missions sont effectivement et efficacement accomplies. Avant de se prononcer
sur cette question, il convient de s'attarder préalablement sur ce recrutement
professionnel des parlementaires.
1 Sur la nature du régime multipartisan Sénégal, voir l'ouvrage cité de M. Pathé
Diagne.
2 Période allant de la loi-cadre de
1957 à
1962 (soit deux années après les
indépendances).
3 En Haute- Volta, il s'agit de la période allant de 1962 à 1966. Au Sénégal. il s'agit de
la période allant de 1962 à 1974. Sur le détail de ces problèmes voir respectivement:
- M.A. Nikiema, thèse citée,
- l'ouvrage cité de M.P.f. Gonidec sur le Sénégal.

- 391 -
Section II - Un recrutement à base professionnelle
Dans un article publié à "Jeune Afrique", intitulé "Qui sont les Députés"l ,
Melle Sophie Bessis s'interrogeait sur la composition culturelle et soci-
professionnelle de l'actuelle assemblée nationale sénégalaise. Réaliser une
investigation semblable en l'élargissant aux trois autres pays ne serait pas d'un
apport nouveau, d'autant plus que les conclusions risqueraient d'être les mêmes.
Cependant, dans une optique un peu élargie, on tiendra compte de l'exemple
offert par le régime monopartisan voltaïque du Général A.S. Lamizana Ce
choix est doublement significatif: d'une part, à l'opposé du régime multipn1isan
sénégalais, il est question d'une moncratie que l'on retrouve également en Côte-
d'Ivoire et au Togo ; d'autre part, il s'agit d'une institution parlementaire dont les
membres ont été décrétalement nommés par le chef de l'Etat, de surcroît, leader
monopartisan. Dans ce cas précis, à l'exception du Sénégal où les élections
législatives sont relativement "disputées"2, si les députés ne sont pas nommés
par l'exécutif, dans le monopartisme ivoirien et togolais, en revanche, leur
désignation reste entièrement à la merci du parti unique au pouvoir.
D'autres questions, non moins importantes surgissent. Par exemple, y-a-t-
il une voie royale permettant l'accession à la fonction parlementaire ? Eu égard à
la cesure profonde entre l'élite moderne habitant les villes et l'élite traditionnelle
vivant dans les villages, la question est de savoir si les représentants nationaux
viennent du pays légal oulet du pays réel ?
Certes, ces interrogations posent avec acuité le problème des difficultés de
recrutement des parlementaires dans l'Etat post colonial "sous-développé"
d'Afrique noire. Mais les dirigents semblent les avoir occultées en ne retenant
comme critère de sélection que la formation des candidats par l'école moderne.
Cela dit, avant d'aborder l'étude, quelques observations s'imposent.
D'une part le choix s'inscrit dans la logique profonde de ces systèmes,
c'est-à-dire, exclure du jeu politique le pays réel "rural et illettré" auquel se joint
1 Melle Sophie Bessis, "Qui sont les députés 7" Jeune Afrique, n° 1171, juin 1983
pages 36 et 37.
2 Sur les truquages aux élections sénégalaises. voir le Canard Enchaîné du 16 mars
1983 ; Jeune Afrique du 30 mars 1983 ; le Matin du 10 mars 1983 ; Afrique-Nouvelle,
n· 1758 de mars 1983.

- 392 -
le monde des artisans, ouvriers et manoeuvres et articuler la représentation
exclusivement sur le pays légal, constitué de fonctionnaires, d'hommes d'affaires
et de membres des professions libérales.
D'autre part, ces mécanismes que sous-tend un courant élitiste exprimant
un choix destiné à élever le niveau technique du travail parlementaire.
A - L'exemple de l'assemblée nationale du Sénégal à Pissue
des législatives de 1983
Représentation socio-professionnelle du parlement sénégalis n'est pas à
l'image des professions majoritairement exercées par les nationaux. En ordre de
grandeur, ces notables ne représentent approximtivement que 15 % de
l'ensemble des activités professionnelles du pays tout entier.
Paragraphe 1- Composition socio professionnelle du parlement
sénégalais
Sur la base du tableau, on découvre une suprématie des fonctionnaires,
avec 104 députés sur les 120, soit un pourcentage d'environ 87 %. Dans cette
catégorie, viennent en tête les cadres supérieurs avec 50 personnes (dont 45 du
PS : 4 du PDS et 1 du RND) puis les cadres moyens, au nombre de 39 (dont 37
du PS et 2 du PDS) et, enfrn, les agents d'exécution avec 15 "membres des
professions libérales, cinq avocats (4 du PS et un du PDS) et deux experts-
comptables (tous du PS), soit au total sept personnes. Suite à ces derniers, quatre
personnes proviennent du secteur privé. Il s'agit d'un libraire (PS) d'un homme
d'affaires (PS), d'un commerçant (PS) et d'un transporteur (PS). Enfrn, au bas de
l'échelle, il y a trois syndicalises (PS) et deux ménagères (PS)l.
L'origine professionnelle de ces députés ainsi établie, il convient
maintenant de saisir la relation existant entre ces professions représentées et les
activités professionnelles dans le pays.
1 Par ménagère, il faut entendre la femme au foyer.

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- 394 -
Paragraphe 2 - La relation entre les professions représentées et
les activités professionnelles dans le pays
Alors que l'agriculture et l'élevage occupent plus de 80 % de la population
active et que la pêche et les industries qui s'y rattachent constituent, après
l'rachide mais avant les phosphates, le second secteur économique du Sénégal, il
est apparemment surpenant de constater qu'aucun de ces derniers n'est présent à
l'Assemblée nationale.
A la différence du secteur primaire susvisé, le secteur secondaire très
embryonnaire, soit 8 % environ de la population active, n'est représenté que par
un ouvrier qui, en réalité, provient d'un des services de l'Etat : les travaux
publics.
Ensuite, le secteur tertiaire qui ne constitue que 12 % de la population
active occupe 117 des 120 mandats parlementaires, deux des 35 étant les deux
femmes sans emplois dénommées "ménagères". Bien qu'illétrées et n'ayant pas
de revenus mensuels stables, à l'instar des fonctionnaires, elles ne peuvent
cependant être considérées comme des représentants du monde rural (Hommes
et Femmes inclus). Car, responsables d'associations féminines et habitant
essentiellement dans les zones urbaines l, ces femmes sont loin d'être l'image de
leurs consoeurs des zones rurales.
En conclusion, hormis ces deux exceptions, on peut dire que dans ce pays
ne peut réellement être parlementaire que le citoyen formé à l'école "nouvelle"
ou converti au style de vie occidentale, donc justifiant d'un minimum de
revenus. Vraie dans les régimes à élections "disputées" comme au Sénégm, cette
assertion l'est également dans les régimes monocratiques où, à défaut d'élection,
on procède à une nomination des députés, comme en Haute-Volta, de 1974 à
1977.
1 Théoriquement, les
Associations ou Unions Nationales Féminines africaines
regroupent aussi bien les femmes des villes que des campagnes. Pratiquement
elles ne connaissent que l'adhésion des femmes résidant dans certaines zones
urbaines.

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- 397 -
représentants du secteur moderne de l'économie. Enfm, figurent 1iIln syndicaliste
et trois véritables députés du monde-agro-pastoral, sur les neUf qui lui sont
attn"bués.
De ce tableau, à l'exception des deux cultivateurs et de l'éleveur qui
apfm11ennent au pays "réel" soit 95 0/. de la population active, trous les autres
parlementaires Proviennent du pays "légal".
Cela dit, il s'agit maintenant de saisir cette représentation inégalitaire à
travers la relation entre les couches professionnelles représentées et les activités
professionnelles du pays tout entier.
Paragraphe 2 - Relation entre les couches professionnelles
représentées par rapport aux professions
existantes
On a trop souvent coutume de répéter que l'économie voltaïque est
essentiellement agro-pastorale l . Pourtant, cette réalité ne semble pas évidente
pour les artisans de lapolitique nationale, d'autant plus que les représentants de
ce secteur à l'Assemblée nationale sont en nombre infime. En effet, occupant 95
% de la population active, l'agriculture et l'elevage n'ont droit qw'à 0,04 % du
corps législatif.
Une autre réalité, certes moins probante sur le plan nwmérique (3 %
em·iron de la population active contre 8 % au Sénégal), mais relativement
importante sur le plan des fournitures en biens et en revenus mornétaires2~ est le
secteur secondaire. A ce ni veau, à l'opposé du Sénégal, aucun mandat
représentatif ne lui a été accordé.
Enfin, les seules ou les vraies réalités comptant pour ces politiques
semblent le secteur des services3, l'institution militaire et le monde des affaires.
A eux trois, ils totalisent soixante et un des soixante quatre députés.
L'étude ainsi achevée penne! d'infirmer certaines opinioms faussernrnt
répandues selon lesquelles la subordination du législatif à l'exécurtif tiendnrit au
1
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1 Toutes ces données se rctro:.J'·-ent dans les "Allas Jeune Afrique" cléjà d ..é~ <et qui
sont établis. ;Jays par ;:>ays
2 Id.em.
3 Id-em.

- 398 -
fait que la représentation nationale ne regroupe que des citoyens "analphabètes"
appartenant à la vieille génération. Ces derniers, étant marqués par l'esprit de
sagesse de l'Mrique ancestrale, sont de ce fait enclins à la modération politique,
donc disposés à collaborer avec le pouvoir cheffaI qu'incarne le père de la
Nation; or, comme l'atteste l'esquisse Précédente, les représentants nationaux ne
se recrutent que dans les rangs de l'élite moderne, civile ou militaire. S'il faut
donc expliquer la soumission de parlement à l'exécutif, il convient de ne point
perdre de vue non seulement les causes tenant à la conjoncture politique et
institutionnelle mais également l'identité culturelle politique et économique des
membres de ces organes constitutionnels. Avant d'aborder l'étude relative à la
recherche d'une technocratie législative, soulignons sans entrer dans le détail
que le CCNR semble très proche d'un conseil l ou d'un comité économique et
sociaI.
1 Pour une idée des Conseils économiques et sociaux africains, voir M. Claude
Horrut,
"Les
Conseils
économiques
et
sociaux"
in
"Les
Institutions
constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République Malgache",
op. cit., page 139 et suivantes.

- 399 -
CHAPITRE II - LA RECHERCHE D'UNE TECHNOCRATIE
LEGISLATIVE
Tout an long des travaux précédents, on a mesuré le peu d'effectivité des
pouvoirs constitutionnels traditionnellement dévolus aux assemblées nationales
considérées. A ce titre, on a constaté que tout se passait comme si l'on voulait 1
réduire leurs compétences à la mise en forme juridique des projets de lois.
Se voulant plus concrète, l'étude présente part, d'abord, de l'examen de
textes de lois et, ensuite, de l'élaboration et de l'adoption du plan de
développement économique et social par ces parlements pour préciser s'il y a ou
non une réelle contribution des élus à l'amélioration de ces projets
gouvernementaux.
Section 1 - Exemples de projets de lois améliorés par le travail
parlementaire
A ce niveau, sur les sept textes de lois que l'on a pu obtenir2 , trois
serviront d'échantillons pour cepropos. D'origine voltaïque, les deux premiers
portent respectivement sur la modification du tarif des douanes et du code des
impôts, l'un comme l'autre, visent à adopter plusieurs baisses de taux. Le
troisième, quant à lui, est d'origine sénégalaise et porte sur la révision de la
constitution.
A la lumière de ce champ d'investigation réduit mais que l'on aurait voulu
large3 , deux arguments de taille pourraient être utilisés pour avancer
l'insuffisance du contenu de l'objet que l'on envisage de montrer.
D'une part, il aurait été bon de multiplier les exemples de textes de lois de
ces quatre pays pour s'assurer de la réalité que l'on veut décrire.
1 Particulièrement sur la notion de constitution "voulue", voir l'ouvrage collectif
cité de M.C. Debbasch, op. cit., p. 435 et suivantes.
2 Ces textes seront reproduits en annexe.
3 Excepté les services administratifs de l'Assemblée nationale voltaïque, nous
avons
connu
de
nombreux
obstacles
dans
l'obtention
de
documents
par lementaires.

- 400 -
D'autre part, les deux catégories de textes de lois choisies paraissent
difficilement comparables. En effet, force est de constater qu'un projet de
révision dela constitution est plus soigné qu'un projet de loi ordinaire.
Cependant, aussi vraies que soient ces observations, on ne peut nier l'idée
selon laquelle les députés ne participent qu'à la mise en forme juridique des
textes gouvernementaux.
C'est cette réalité que l'on sera amener à démontrer à partir des
échantillons que l'on a retenu.
A - L'analyse du travail parlementaire
Par cet intitulé, nous n'avons pas l'intention de présenter la procédure
d'élaboration de la loi1, mais, plutôt, de saisir à travers deux des organes de
travail de l'assemblée nationale de ces Etats la manière dont s'opère
l'arnéliomtion susvisée.
Paragraphe 1 - Au sein de la commj~ioncompétente élargie
aux membres des autres commissions
parlementaires
La lecture attentive des rapports présentés par les députés Sié Sory et
Abdoulaye Niang, au nom des commissions saisies au fond des projets de loi de
la Haute-Volta et du SénégaJ2, laisse percevoir un fait majeur. Aucun désaccord
politique ne semble affecter les relations entre, d'une part, les commissaires et,
d'autre part, le gouvernement. Sur ce point, sont très révélateurs la lettre
émanant du service de la législation et des liaisons avec le parlement
monocarnéral voltaïque3 et le discours élogieux du rapporteur à l'endroit du chef
de l'Etat sénégalais4 •
Cette attitude unanimitaire des députés est fort surprenante d'un double
point de vue. D'une part, en toute objectivité, on sait qu'aucun projet de loi, fût-il
élaboré par des spécialistes en la matière, n'est à l'abri de l'imperfection.
1 Cette étude a déjà été réalisée.
2 En annexe, il est possible de consulter ces documents.
3 En annexe, il est possible de consulter ces documents.
4 Idem.

-
ll-01 -
D'autre part, dans ces conumsslOns, siègent à côté de la majorité des
députés de l'opposition qui n'ont pas forcément les mêmes opinions que leurs
collègues. Cest dire, de façon concrète, que dans cet organe de travail on ne
peut ou on ne doit émettre d'avis contraire aux positions de l'exécutif.
Ainsi, sans droit de critique, la participation des commissaires semble se
résumer à cette question: comment parvenir à formaliser les projets politiques
souhaités par le gouvernement? La réponse à cette interrogation suppose
quel'on décompose la démarche vraisemblablement adoptée au sein de ces
commissions.
En Haute-Volta, tout comme au Sénégal, l'étude des textes en
commissions débute par de multiples questions que posent les commissaires au
représentant du pouvoir exécutif. Dans le premier pays, par exemple, concernant
la modification de la fiscalité extérieure, les députés cherchaient à saisir les
critères ayant déterminé "la liste des articles au profit desquels il est demandé
une baisse de la fiscalité" 1. En principe, dans des pays pratiquant quelque peu le
régime parlementaire, ces interrogations auraient servi de moyens de contrôle et
d'inflexion de cette politique sectorielle de l'exécutif. A ce titre, l'opposition et
quelques représentants probablement de la majorité n'hésiteraient pas à porter la
critique sur les difficultés prévisibles d'application de certaines dispositions de
texte2 qui, par ailleurs, entraînait des charges supplémentaires pour les citoyens
à faible revenu3 , tout en octroyant des avantages importants à la couche
minoritaire d'hommes d'affaires4 • Mais, dans le régime multipartisan voltaïque,
ces questions n'avaient réellement pour but que de mieux appréhender les
intentions profondes du gouvernement5.
1 Voir, en annexe, le rapport présenté par le député Sié Sori au nom de la
commission des affaires financières et économiques.
2 En particulier, la taxe relative aux casques pour motocyclistes. Car, si l'on sait
que la Haute-Volta est le troisième pays au Monde (après la Hollande et la Chine, où
il yale plus d'engins à "deux roues" et l'un des vingt-cinq pays les plus pauvres,
on saisit alors la difficulté d'application de ces mesures. D'ailleurs, même de nos
jours, le port du casque est laissé à la discrétion du motocycliste.
3 Idem.
4 Entre autres, on peut citer la taxe susvisée qui allait octroyer des revenus à
certains hommes d'affaires et, également, l'abaissement ou l'exception d'impôts sur
les catalogues et imprimés publicitaires.
5 C'est ce que semble affirmer tacitement le rapporteur voltaïque de la com mission
des affaires financières et économiques.

- 402 -
Dans le second pays également, à une nuance près, on retrouve
pratiquement la même démarche. Tout se passe comme si la finalité était de se
ranger derrière les opinions du chef de l'Etat 1•
Une fois cette procédure des questions achevée, le rapporteur se charge de
rédiger entièrement un rapport récapitulatif de ces délibérations. En réalité
s'appuyant surIe contenu de la lettre gouvernementale présentant les projets de
loi concernés, ce dernier s'attèle à la mise en fore juridique. Cest ce rapport
accepté par les autres commissaires qui sera soumis à l'Assemblée nationale
réunie en séance plénière.
Paragraphe 2 - En séance plénière
A ce niveau, la question qui se pose est de savoir s'il y a une participation
effective des députés à l'amélioration du caractère juridique du texte
gouvernemental précédemment examiné par la commission compétente.
Dans l'hypothède où l'assemblé réunie en séance plénière décide de
retenir, non pas le projet initial, mais le texte de la commission susvisée, on peut
répondre positivement.
Cependant, cette participation n'est pas synonyme d'une possibilité de
remise en cause de l'essence même de ce projet, d'autant que les parlementaires
n'ont qu'une liberté de manoeuvre très réduite2.
En conclusion, de la commission à la séance publique, l'examen des textes
gouvernementaux se présente comme une opération strictement juridique. La
question est maintenant de savoir si cette manière de procéder aboutit au résultat
escompté. A ce titre, deux questions se posent: y-a-t-il des traits commWlS entre
le projet de loi et la loi votée ? Cette dernière comporte-t-elle des spécificités ?
1 C'est la prise de position sans "nuances de M.A. Niang, au nom de la commission
de la législation, de la justice, de l'administration et du règle ment intérieur.
2 Voir notre analyse sur l'examen et l'adaptation des projets de loi dans les
parlements susvisés.

- [/-03 -
B - Le texte définitif
Selon que l'on se réfère au contenu (fond) ou au contenant (forme), on
découvre, d'une part, des traits communs entre les projets de lois et les lois
votées et, d'autre part, des aspects spécifiques à ces dernières.
Paragraphe 1 - Les traits communs entre les projets de lois
considérés et les lois votées
En comparant les textes initiaux avec les textes définitifs, deux
observations peuvent être faites.
Sur le fond, tout d'abord, on retrouve à quelques nuances près les mêmes
appréciations politiques faites par le gouvernement aussi bien dans le rapport de
la commission saisie du fond de l'affaire que dans le texte défmitivement adopté
par l'Assemblée nationale.
Cependant, aussi parfait que soit cette communauté d'esprit, il faut dire
qu'elle est beaucoup plus prononcée au Sénégal qu'en Haute-Volta A dire vrai,
cette nuance tient essentiellement à la clarté des intentions politiques du
gouvernement sénégalais explicitement mentionnées dans la lettre de
présentation, plutôt qu'à d'autres facteurs •.
Sur la forme, ensuite, on ne retiendra que l'illustration offerte par le
Sénégal dans la mesure où, concernant l'exemple de la Haute-Volta, on ne
découvre aucune ressemblance d'ordre formel entre le texte original et le texte
défmitif.
AInsi dit, si l'on s'ent tient à l'exemple considéré, a priori, on constate la
même présentation formelle (article par article) entre le projet initial du
gouvernement et le texte examiné par la commission saisie, et définitivement
adopté. Cependant, au riSQue de porter préjudice à l'étude suivante, il convient
de ne point voiler ce que recouvre cette similitude. En effet, au Sénégal tout
comme en Haute-Volta, les dispositions des textes gouvernementaux sont
• Au Sénégal, la commlSSlOn a pratiquement approprié le contenu de la lettre de
présentation gouvernementale du projet. Et, l'assemblée nationale a suivi les
conclusions de l'organe de travail susvisé.

- 404 -
rédigés sous Wle forme littéraire, le plus souvent, de manière imprécise pouvant
prêter à confusion. C'est aux députés alors de les rendre plus précises, donc les
leur donner une forme juridiquement acceptable. Par cette empreinte des
parlementaires, il ne fait nul doute que le texte de loi défmitif s'écartera
relativement de son original, donc, comportera des spécificités.
Paragraphe 2 - Les spécificit~
En règle générale, les spécificités des textes défmitifs adoptés par les deux
assemblées nationales considérées résident dans leur meilleure formulation
juridique.
Ainsi, par exemple, en Haute-Volta du projet initial à la loi définitivement
votée, on ne peut qu'apprécier positivement, non seulement le volume, mais
également la qualité du travail accomplis par les parlementaires.
En effet, ces derniers n'ont pas eu la tâche facile, d'autant plus que le
gouvernement, par la lettre de présentation de ses projets, ne s'est contentée que
d'énumérer briévement, et ce, dans une expression littéraire très simple, ce qu'il
attendait des députés.
Or, une simple observation des textes adoptés, permet de constater que ce
sont les députés voltaïques qui sont intervenus tant sur la forme (présentation
articulée) que sur le fond des lois.
Au Sénégal, en revanche, rien que par la forme et le fond, on sait que le
projet gouvernemental présente déjà l'allure d'Wl texte de loi presque achevé.
Cependant, à ce niveau également, les spécificités de texte défmitif tournent
autour de la forme. En effet, les députés ont substitué au style littéraire
gouvernemental un langage juridique clair et précis.
De cette étude, résulte la confirmation de l'idée selon laquelle le parlement
monocaméral africain n'exerce pas la fonction de censeur des gouvernements
mais se replie derrière Wle mission secondaire : la mise en forme juridique et
technique des projets de loi. Cette même idée se retrouve lors de la sanction du
plan de développement économique et social.

- 4D5 -
Section fi - Les Assemblées nationales et le plan de développement
économique et social
TI ne sera pas question ici de la forme la plus ancienne du plan, c'est-à-
dire, tel qu'élaboré en URSS et qui est impératif, mais du plan indicatif en
vigueur dans les pays occidentaux et africains se réclamant du libéralisme
économique.
La question que l'on peut se poser immédiatement est celle de savoir ce
que recouvre le plan ? Cette interrogation en suscite d'antres, notamment quelles
sont ses fonctions et comment est-il élaboré et adopté 1 ?
De façon courante, on estime que le plan est un modèle de croissance qui
se présente sous la double forme suivante. D'une part, on a en résumé l'ensemble
des objectifs économiques définis et hiérarchisés que l'on doit atteindre dans un
délai variable2 et, d'autre part, les moyens fmanciers, techniques, matériels et
humains nécessaires à leur réalisation3.
Cette présentation du plan ne serait pas complète si l'on ne s'intéressait pas
à sa double fonction. En premier lieu, il s'agit de prévoir, c'est-à-dire, avec le
libre jeu économique, régulariser le cours des différentes activités économiques.
En second lieu, complément de la première fonction, il est question d'orienter,
par conséquent, agir promptement tantôt sur certaines surabondances ou
insuffisances de telle ou telle production sectorielle afin d'homogénéiser le tissu
économique.
Rien que par ces données, ne se discute guère le caractère à la fois
complexe et difficile de son élaboration, puis de son adoption4 • Les difficultés à
1 Nous n'aborderons pas le contrôle parlementaire sur l'exécution du plan. Pour
plus de détail sur l'exécution, l'élaboration et l'adoption du plan de développement
économique et social, voir M. Bernard Cazes, "La planifiction en France et le IVe
Plan", Les Editions de l'Epargne, Paris, 1962.
2 Le délai est de cinq ans au Togo et au Sénégal. En ce qui concerne le contenu de
ces plans, voir, "Le Plan quinquennal 1981-1985 du Togo" et les "orientations du
VIe Plan (1981-1985) du Sénégal, Marchés Tropicaux et Méditérranéens. vendredi
24 avril 1981, 37e année.
3 Idem.
4 On peut le constater en lisant le contenu de ces plans. En ce qui concerne le
Sénégal, voir "Réunion à Paris des Bailleurs de fonds" Marchés tropicaux et
Méditerranéens, vendredi 30 oct. 1981, 37e année, n° 1877.

-
It 06 -
chacune de ses étapes se multiplient dès lors qu'on sait que la réussite de ces
plans est conditionnée par l'accord express des bailleurs de fonds étrangersl .
c'est dire que la participation des assemblées nationales ne se mesurera
qu'en fonction de l'ensemble de ces données.
Auparavant, soulignons qu'il n'est pas facile d'évoquer l'association des
députés à l'élaboration, puis à l'adoption du plan dans cespays. En effet, si de
l'indépendance à nos jours, chacun de ces Etats a connu plusieurs plans ou
projets de plans, en revanche, peu de ces derniers ont été réellement concrétisés
ou s'ils l'ont été, l'institution parlementaire était supprimée. A ce titre, il faut dire
que tantôt des vissicitudes politiques2, Coups d'Etat militaire par exemple, ont
freiné sinon supprimé l'exécution de ces projets, tantôt l'absence de fmancement
extérieur a simplement conduit à leur inapplication. A titre d'illustration, sur les
cinq plans ou projets de plans qu'a connu la Haute-Volta, on sait que le
quatrième (1977-1981) n'ajamais été exécuté et quele second (1967-1971) a été
marqué par un retard dans son application. De même, alors que le premier
(1961-1964) n'a eu que deux années d'exécution, le troisième, quant à lui, ne fut
pas non plus concluant3.
A partir de ces faits, à l'exception de la Côte d'Ivoire et du Sénégal, on
constate que l'institution parlementaire n'a pas été associée à l'élaboration, ni
même à l'adoption, du plan gouvernemental de développement économique et
social.
Mais, à ce propos, puisque l'hypothèse retenue c'est la participation des
parlementaires à cette opération à la fois "économique, technique et politique"4.
Cest à la lumière de ces expériences que l'on essaiera de montrer la nature
véritable de la participation de ces députésS.
1 Idem.
2 A cet effet, voir Carrefoir Africain, Hebdomadaire d'information, 19 avril 1985,
n° 879, page 25 et suivante.
3 Idem.
4 Voir M.B. Cazes, "Comment le Ve plan a-t-il été élaboré" op. ciL, page 59 et
suivantes.
5 Au Burkina Faso (ex Haute-Volta), s'opposant au schéma classique, les dirigeants
demandent au peuple d'élaborer lui-même son plan quinquennal. A ce sujet, voir
la philosophie de ce nouveau plan dans l'hebdomadaire Carrefour Africain déjà
cité du 19 avril 1985.

-
il-07 -
A - L'élaboration du plan de développement économique et social
Au préalable, il faut dire que l'esprit du plan dans ces pays, n'est pas
comme le soulignait M. Jean Monnet, à savoir, "le concert de toutes les forces
économiques et sociales de la Nation"l. Car au Sénégal et au Togo, comme
partout ailleurs en Afrique, il n'existe pas d'organisations réunissant
lesprofessions et activités économiques majoritaires du pays, c'est-à-dire, le
monde rural pastoral et artisanal.
Ne sont représentés que les travailleurs du secteur privé et public de
l'économie nationale, dans le premier pays, ces derniers le sont au sein d'une
centrale syndicale unique, la Confédération Syndicale des Travailleurs du Togo
(CNTI), affiliée au parti unique au pouvoir, le RPr. Dans le second pays, ils
adhèrent à de grandes centrales syndicales dont la plus importante est
d'obédience socialiste, donc proche du PS2. Ensuite, plus qu'en France3, le plan
se présente comme celui du parti unique ou dominant au pouvoir. Cest à ce titre,
par exemple, qu'avant son officialisation, le IVe plan quinquennal sénégalais a
été préalablement discuté par les militants socialistes réunis en conseil national4 •
De ces données, il se dégage l'image d'un plan dont l'élaboration
n'implique que les délégués du parti et les euls membres des secteurs modernes
de l'économie nationale. Toutefois, avant de s'intéresser à la participation réelle
des députés, un fait de taille mérite d'être cité.
En effet, contrairement à la pratique en vigueur dans les vieilles
démocraties occidentaleS, il faut d'emblée dire que l'élaboration de ce plan ne
concerne pas sa totalité. Elle est partielle puisque la partie provoyant les moyens
indispensables à l'exécution des objectifs économiques visés est entièrement
confiée au gouvernement. En règle générale, c'est le projet de plan, lui même,
1 Citation reprise par M. B. Cazes, op. cit. page 62.
2 Par exemple, la Confédération Nationale des Travailleurs Sénégalais (CNTS) est
d'obédience socialiste, son secrétaire général, M. Madia Diop est député du PS.
3 C'est M. Louis Alexandrenne, Ministre du Plan et de la Coopération qui présenta
le plan au Conseil National du Parti Socialiste sénégalais du 28 mars 1981. Pour s'en
convaincre, voir Marchés Tropicaux et Méditerranéens déjà cité du 24 avril 1981.
4 Idem.
S En France, par exemple, on sait que le
parlement doit
se
prononcer non
seulement sur le premier projet de loi relatif aux objectifs du plan mais également
sur le second projet fixant les moyens à leur réalisation.

- 408 -
qui donne tous les pouvoirs à l'exécutif pour réunir les fonds nécessaires à sa
réalisation 1. L'aspect financier ainsi résolu2, on s'aperçoit que la mission
d'élaboration n'est plus que d'ordre technique. C'est à ce niveau qu'intervient le
parlement non pas en tant qu'institution directement engagée, mais par
l'intermédiaire de certains de ses membres qui se trouvent au sein des différents
organes d'élaboration.
Tout d'abord, cette participation individuelle donne lieu à consultation.
Dans ces pays, au niveau régional ou départemental existe une direction du plan.
Subordonnée hiérarchiquement à la direction nationale du plan qui relève de
l'autorité directe du ministère du plan. Cette cellule administrative déconcentrée
doit déterminer les objectifs locaux de développement. Elle n'agit pas
unilatéralement ou de façon arbitraire, mais de concert avec les représentants
des forces économiques, politiques et sociales présentes. Or, dans ces unités
administratives, plus que toute autre personnalité 3, les députés se présentent
comme les autorités attitrées pour agir au nom de leurs mandants.
Ainsi, c'est à partir de la concertation entre ces derniers que les projets de
développement économique et social de la Région ou du département seront
retenus. Réunis dans un rapport, ces derniers seront transmis à la direction
nationale du plan qui centralisera toutes ces données afm d'établir un avant-
projet de plan cohérent et national.
Ensuite, lors de l'élaboration définitive du plan, on sait qu'une fois l'avant-
projet établi, il est adressé au ministre du plan. Aidée vraisemblablement par des
technocrates qui l'entourent, cette autorité politique arrête les grandes lignes du
projet gouvernemental. Avant son adoption définitive, il est soumis au parti
unique ou dominant ; c'est dans ce cadre partisan, semble-t-il, que les députés
apportent leur contribution à la rédaction défmitive du projet de plan. L'avis de
1 Applicable à presque tous les Etats africains, le parlement togolais autorise le
gouvernement à contracter des prêts nécessaires à la réalisation de son IVe plan
quinquennal. Voir à ce sujet, l'hebdomadaire Marchés Tropicaux précités du 24
avril 1981.
2 Idem.
3 En abordant dans la première partie les liens entre les élus et leurs électeurs, on
a révélé l'importance que les députés occupaient dans leurs circonscriptions.
Certains étaient comme de véritables leaders locaux.

- 40) -
ces derniers est souhaité et retenu dans la mesure où, de par leur connaissances
techniques 1, ils se présentent comme des spécialistes en la matière.
Enfin, c'est à l'issue de ces travaux: que l'exécutif adopte en conseil des
ministres le projet de loi de plan susvisé, lequel sera déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale pour adoption.
B - L'adoption
Devant l'organe de représentation nationale, le projet de plan sera, tout
d'abord, examiné par la commission compétente2 élargie aux membres des
autres commissions, puis, ensuite, par tous les députés réunis en séance plénière.
A chacune de ces étapes, deux types de problèmes se posent aux
parlementaires.
Dans le premier cas, le plan comportant des objectifs à la fois financiers,
économiques et sociaux, les élus devront nécessairement inventorier et évaluer
ces différents points afm de procéder finalement à des choix. Et, si en tout état
de cause, cette tâche est relativement aisée pour eux, encore faudrait-il que ces
derniers jouissent d'une certaine liberté de manoeuvre. Or, à vrai dire, la
cohérence du plan gouvernemental ne permettrait pas de modifications qui
entraineraient un déséquilibre insupportable. Par conséquent, ayant apporté leur
contribution technique à son élaboration, et ce, par des critiques souhaitées et
acceptées, les députés ne devront se contenter que de proposer des retouches
mineures. Ces dernières peuvent ou non être acceptées par le pouvoir politique.
Si elles le sont, une lettre rectificative du gouvernement adressée à l'assemblée.
nationale les assument entièrement.
Dans le second cas, on sait que le plan n'est en fait qu'un résumé, à court
ou long terme, des orientations en matière de développement économique et
social du gouvernement. En pratique, c'est par tranches annuelles qu'il se réalise
à partir des crédits que le parlement est amené à voter lors de l'examen de la loi
des fmances de l'année.
1 Pour concrétiser ces idées, on peut se référer à la carte professionnelle des
parlements monocaméraux voltaïque et sénégalais.
2 Au Togo, il s'agit de la commission des affaires économiques et de la production;
au Sénégal, il s'agit de la commission du plan, de l'industrie et de la coopération.

- 411 -
sous -TITRE II
L'EMERGENCE DES NOUVELLES FONCTIONS
L'idée sous-tendant la restriction sinon la suppression des pouvoirs
politiques du parlement monocaméral africain se révèle être la substitution à
ces compétences ce nouvelles fonctions qui devraient être la panacée des
multiples problèmes d'ordre politique, économique et sociologique des Etats
post-coloniaux.
Au nombre de ces fonctions, l'Assemblée nationale est invitée, tout
d'abord, à jouer un rôle médiatique (CHAPITRE 1). Ce qui signifie pour ses
membres d'être non seulement des agents de développement et d'information,
mais également des agents d'intégration nationale. Ensuite, par sa fonction
d'intégration au système international (CHAPITRE II), elle doit représenter
le pouvoir exécutif et le légitimer sur la scène internationale. Enfin, par sa
fonction pratique, elle doit assurer une sorte de service pédagogique. C'est-à-
dire, initier les nouveaux députés aux affaires politiques.
Cependant, bien qu'il ne soit pas facile de quantifier ou de mesurer
l'effectivité de ces fonctions que l'institution parlementaire doit remplir, on
essaiera néanmoins d'établir succinctement un bilan critique.

- J.~12 -
CHAPITRE 1 - LE ROLE MEDIATIQUE DES PARLEMENTAIRES
De l'avis même des dirigeants africains., le rôle médiatique des
parlements est «d'informer pour éduquer, sensibiliser pour animer et
mobiliser les gouvernés»2 autour des mots d'ordre gouvernementaux que sont
le décollage économique et l'intégration nationale.
Pour ce faire, les députés sont invités à se convertir en agents du
développement économique (Section I) et de l'intégration nationale (SectionII).
En tout état de cause, s'il est vrai qu'une telle conversion s'est plus ou
moins concrétisée, en revanche, on ne peut en dire autant des résultats
escomptés. Sur ce point, il est possible de dire que les populations semblent
avoir été peu enthousiastes d'autant que les problèmes évoqués sont toujours
d'actualité.
Section 1 - Des parlements à la fois agents d'information et de
développement économique
A vrai dire, ces deux fonctions demeurent étroitement liées, dans la
mesure où on ne peut concevoir une participation à des objectifs de
développement sans en connaître les grandes lignes. Ce qui revient à dire qu'il
faut, au préalable, que les cadres (députés) soient suffisamment informés par
l'exécutif afin qu'à leur tour ils informent les encadrés (gouvernés).
A- Des porte-parole et des informateurs du parti
unique ou dominant
S'il est vrai que ce rôle n'est pas expressément réglementé, comme à
Madagascar ou au Zaire3, en revanche, son importance dans les pays étudiés4
• Voir le discours de M. M. DME, Président du C.C.N.R., au sein de ladite assemblée du jeudi
11 juillet 1974 et son intervention à ce propos dans carlour Africain n° 578-579.
2 Nous reprenons cette phrase de l'entretien entre les journalistes et le Premier Vice-Président
de l'Assemblée nationale voltaïque dénommée C.C.N.R., M. Sékou Tall, du 14 aoüt 1974.
3 Voir, Mme C. Desouches, op cit. page 127.
4 En Côte d'Ivoire, par exemple. en novembre 1975, les députés et les membres du
gouvernement ont sillonné le pays pour informer les populations sur les directives du VIè
congrès du PDCI - RDA.

- 413 -
ne doit nullement être sous-estimée, dans la mesure où les élus nationaux sont
pratiquement tenus d'apporter le message gouvernemental aux populations.
Paragraphe 1 - Une tâche d'information des
objectifs gouvernementaux
Dans ces pays, ne semble pas être un vain mot l'idée selon laquelle
l'information n'est porteuse de fruits que si son contenu n'est pas étranger au
messager.
Cette idée appliquée aux députés revient à dire que ceux-là devront
parfaire leurs connaissances, donc s'informer sur les options gouvernementales
en matière économique, fmancière, politique, culturelle et sociale.
Ces données ne seront connues par les élus que lors de leur examen et
discussion non seulement à l'intérieur des commissions parlementaires et
séances plénières mais également au sein des instances partisans.
Une fois convaincus et fortement imprégnés de ces objectifs
gouvernementaux, il s'agira pour les députés de les transmettre efficacement
aux habitants du pays réel.
A cet égard, mandatés officiellement auprès de ces derniers, ils les
réunissent pour procéder à l'explication, à la vulgarisation puis à l'animation
des directives de l'exécutif.
Cela dit, s'il est vrai que l'information va surtout du «haut» vers le
«bas», ceci dans le but de «conscientiser» et de galvaniser les forces vives de la
nation pour la réalisation des grands travaux, il est également vrai que celle-ci
suit le sens inverse. Dans ce cas précis, les parlementaires se chargent de
rapporter les doléances des populations aux gouvernements.

- 414 -
Paragraphe II - Des parlements, relais entre les
gouvernés et les gouvernants
On a souvent coutume de dire que les députés exercent un rôle
«d'intercesseur» 1 entre les gouvernants et les gouvernés. S'affirmant comme
tel, ils doivent observer, vivre et comprendre les réalités quotidiennes, locales,
afm de les porter à la connaissance de l'exécutif.
Théoriquement, c'est par ce truchement que l'organe politique susvisé se
renseigne sur les doléances et aspirations profondes des populations et, partant,
procède à l'élaboration de son plan de société ou à des aménagements de ce
dernier.
Outre ce rôle, sur le plan local, les élus exercent également la fonction
«d'assistante sociale»2. Sur ce point, plus actifs qu'ailleurs, ils ne se contentent
pas d'écouter, d'observer et de rapporter, mais doivent résoudre certains
problèmes locaux qui se posent à eux. Cependant, aussi importante que soit
cette initiative personnelle, il faut dire qu'elle doit être conforme à l'éthique,
voire même à l'esprit de la philosophie politique de ces régimes.
Concrètement, il s'agit d'un type de déconcentration des centres de décision
politique, ce qui signifie que la tutelle partisane continue de s'exercer sur les
élus. Ces derniers devront alors nécessairement rendre des comptes au pouvoir
politique suprême.
En conclusion, on peut affirmer que les députés constituent de puissants
moyens d'information au service du parti unique ou dominant. Non seulement
le leader partisan les utilise pour connaître les aspirations des populations et,
surtout, pour vulgariser ses idées, mais il se sert d'eux également pour
mobiliser les habitants du pays réel dans la réalisation de sa politique de
développement économique.
1 Les expressions sont de M. E. Blamont, «Le député», la Documentation française illustrée,
Paris 1972, n° 276; voir également M. J. Masc1et, op cit., page 189 à 227.
2 Idem.

-415. -
B - Des agents du développement
Assumer cette fonction revêt pour les députés deux significations. C'est
«animer les structures mises en place pour favoriser le développement
économique et social des entités locales» l et donner le bon exemple, c'est-à-
dire, participer de manière catalysatrice aux tâches économiques.
Paragraphe 1 - Une tâche d'encadrement économique
Sans être pour la majorité des cas des spécialistes en matière de
développement économique2, les députés sont néanmoins tenus de se comporter
comme tels.
A vrai dire, cette conversion revêt des aspects beaucoup plus théoriques
(politiques) que pratiques (professionnelles). En effet, informés des options
gouvernementales et censés avoir une autorité charismatique locale, les
parlementaires sont invités à se rendre dans les communautés villageoises,
rurales ou pastorales, afin d'y animer les aspects de la politique de
développement gouvernemental qui intéressent ces dernières.
En règle générale, l'animation susvisée consiste à développer le goût de
l'effort, à susciter le sursaut de ces populations pour l'accomplissement des
tâches économiques et sociales fixées par les gouvernants.
Outre ce travail d'animation,
les
députés
doivent
participer
physiquement à l'édification économique nationale.
Paragraphe II - Une participation catalysatrice aux
tâches économiques et sociales
A ce niveau, compte tenu de la dimension de ces tâches, il ne sera
question que du domaine agricole. Sur ce point, il convient de distinguer deux
types d'expériences, l'une concernant la Côte d'Ivoire et l'autre la Haute-Volta,
le Togo et le Sénégal.
l Voir Mme C. Desouches, op dt., page 127.
2 Pour s'en convaincre voir la formation professionnelle des députés figurant dans les deux
tableaux établis.

- 416 -
Dans le premier pays cité, cette participation souhaitée s'est traduite dans
les faits par sa réglementation. En effet, tout député ivoirien est invité à
consacrer une partie de son temps et de ses activités au travail agricole 1• Nul
doute quë cette décision vise à «réhabiliter» l'agriculture et ses professionnels,
donc à mobiliser l'énergie des paysans en faveur de la
politique
gouvernementale d'exploitation de produits d'exportation, telle café, le cacao,
la banane... cela est d'autant plus évident que ces derniers constituent une part
non négligeable des ressources financières de l'Etat. Mais, il faut dire que le
but sous-tendant cette décision, c'est la consolidation et la pérennisation de la
suprématie de la «bourgeoisie des planteurs» sur la «classe de affairistes>>2.
Dans les trois autres pays, la participation parlementaire susvisée est
surtout symbolique. En effet, même si certains d'entre eux, possèdent des
terres 3, il faut dire que ces acquisitions ne sont ni réglementées ni décidées par
l'exécutif. Contrairement à l'expérience ivoirienne, les députés des trois autres
pays se contentent de témoigner leur soutien par leur présence lors des travaux
champêtres ou durant les cérémonies religieuses qui se rapportent à ces
derniers.
Cela dit, quelle qu'en, soit la forme, directe ou semi-directe,
l'intervention des parlementaires auprès des gouvernés se perçoit comme une
incitation de ces derniers à mettre en œuvre la politique de développement du
gouvernement.
Or, de nos jours, les faits attestent que le décollage économique ne s'est
pas produit dans les Etats concernés. Cela amène l'observateur à constater que
la double mission, tant attendue des députés, n'a pas été couronnée de succès.
Dans ce même ordre d'idées, au risque de porter préjudice à l'étude suivante,
on pourrait parler d'échec de la fonction d'intégration nationale des élus, dans
la mesure où ne sont pas absentes, dans certains de ces pays, des formes
«larvées» d'oppositions ethniques4 • cependant, afin de mieux saisir cet état de
1 Sans entrer dans le détail, Mme C. Desouches l'évoque dans son ouvrage précité à la page
127. Mais, pour une analyse politico-économique de cette décision, on peut utilement lire
l'ouvrage de MM. Faurie et Médart.
2 Idem.
3 C'est le cas parmi tant d'autres du député - chef de canton de Tenkodogo en Haute-Volta.
4 On peut se reporter à l'étude antérieurement faite sur les données sociologiques de ces
différents Etats et la critique relative aux solutions adoptées pour résoudre leurs disparités
nationales.

- 417 -
choses, il est intéressant d'aborder préalablement le contenu de cette mission
nouvelle.
Section II - Des parlementaires agents d'intégration
nationale
De l'indépendance à nos jours, les dirigeants africains se sont servis à la
fois du parti et du discours nationaliste pour favoriser et créer la nation au
sens occidental du terme.
Outre ces moyens, ils ont également eu recours à l'Etat et à ses organesl
pour exercer la fonction d'intégration nationale.
Dans cette optique, reflétant les réalités sociologiques nationales 2,
l'Assemblée nationale doit permettre la fusion des multiples ethnies en une
nation «intégrée».
A - Une intégration par leur représentation au sein
des assemblées nationales
A ce sujet, on pourrait parler d'une volonté d'intégration nationale par
le sommet. Les moyens mis en œuvre pour cet objectif sont double : d'une
part, faire de la représentation le synonyme du respect de l'autre et, d'autre'
part, en faire également le facteur de solidarité collective.
Paragraphe 1 - Une représentation, favorable à la
coexistence des ethnies
Comme on l'a déjà montré3, le problème de la nation reste complexe
dans l'Etat post-colonial africain. Aussi, convient-il également de reconnaître
1 On peut se reporter à l'étude antérieurement faite sur les données sociologiques de ces
différents Etats et la critique relative aux solutions adoptées pour résoudre leurs disparités
nationales.
2 Voir l'étude relative aux données sociologiques de ces pays dans la première partie de notre
travail.
3 On peut se reporter à l'étude antérieurement faite sur les données sociologiques de ces
différents Etats et la critique relative aux solutions adopées pour résoudre leurs disparités
nationales

l'absence de «l'intensité des liens de solidarité, de fait ou de droit, unissant...»1
les différences ethnies qui le composent.
Ainsi, c'est pour créer ce «vouloir vivre collectif», qu'est demandée la
transformation de l'assemblée nationale en un lieu où chaque ethnie soit l'égale
de l'autre, et ce, conformément à certaines dispositions constitutionnelles
interdisant la ségrégation ou la discrimination raciale, ethnique, régionale ou
sexuelle.
Formellement, toutes les composantes sociologiques étant représentées, il
est évident qu'au parlement elles seront amenées à se rencontrer, à mieux se
connaître et, probablement, à reconnaître sinon faire une certaine «éloge de la
différence»2.
Concrètement, comme l'est chaque élément d'un système donné, tout
député sera indispensable à l'autre pour permettre l'exécution du travail
parlementaire à accomplir. c'est-à-dire, le respect d'autrui devrait se
manifester «spontanément», sinon obligatoirement. dans tous les cas, par cette
communauté de sort, on espère transformer la représentation en un véritable
facteur de solidarité collective.
Paragraphe II - La représentation, facteur de
solidarité collective
Théoriquement, comme on peut le constater, la transformation de la
représentation en facteur de solidarité collective ne serait effective que si la
mutation précédente se réalisait. C'est-à-dire, que chaque député devienne, en
droit et en devoir, l'égal de ses autres collègues3•
Ainsi posé, ayant à exercer ensemble les pouvoirs en matière financière,
économique et politique4 , les élus devront se sentir proches et solidaires dans
la recherche de solutions non pas ethniques ou régionales mais nationales.
1 Voir M. Roland Nane, «L'Etat», Librairie Larousse, Paris, 1976, page 7.
2 Nous empruntons l'expression au titre d'un des ouvrages d'un des généticiens M. Jacquart.
3 Comme nous l'avons vu tout au long des propos précédents, cette vision théorique voire
idéaliste ne correspond pas à la réalité des choses.
4 Idem.

- 419 -
Dans cette optique, ne
serait-ce que symboliques, des liens
d'interdépendance se créeront entre les représentants. C'est à partir de cette
entente au sommet entre représentants qui, une fois connue des représentés,
facilitera et provoquera l'union de ces derniers.
B - Une fonction d'intégration au regard des représentés
Quand on sait que, même dans son berceau original, l'Assemblée
nationale demeure une réalité peu ou mal connue1 alors se pose la question de
sa signification dans les pays africains qui, en réalité, n'en ont héritée que très
tardivement.
Dans ces Etats, l'institution parlementaire est non seulement mal connue
des citadins, mais elle est également perçue par les ruraux qu'à travers leurs
représentants.
C'est à partir de ces derniers que chaque groupe social est amené à
constater son importance dans la collectivité nationale. Et, ainsi représenté, il
affirme son appartenance à celle-ci.
Paragraphe 1 - Une représentation, symbole de
l'importance du groupe social
Dans ces pays, que la manifestation de l'ethnicisme soit voilée ou
ouverte2, on a tendance à mesurer l'importance de chaque groupe social en
fonction du nombre de ses représentants à l'Assemblée nationale.
Cette attitude négative longtemps utilisée par les hommes politiques a
finalement «séduit» une couche importante des populations3. Aussi, n'est-il pas
rare de voir ces dernières critiques leur sous-représentation ou bien la
déchéance d'un de leurs ressortissants de telle ou telle fonction.
1 C'est le constat fait par M. A. Candernagor en introduisant son ouvrage précité sur le
Parlement.
2(2,2) Dans notre étude relative aux données sociologiques, on a vue que la manifestation
tribale était voilée, en Haute-Volta et au Sénégal, et ovuerte, en Côte d'ivoire et au Togo. Et,
que celle-ci était très exploitée par une partie ou la totalité de la classe politique.
3

- 420-
L'éclat de ces manifestations a le double intérêt de montrer l'enjeu et la
nature réelle des élections législatives et, surtout, la signification que revêt le
mandat parlementaire aux yeux des gouvernés.
En tout cas, s'il est pratiquement difficile à ces derniers de ce faire une
idée exacte du parlement monocaméral, en revanche, il semble plausible de
dire que la solidarité dont ils témoignent à 'l'égard de leurs mandataires leur
permet de mesurer leur importance dans la communauté. En principe, par
cette représentation, ils s'identifient à la collectivité nationale.
Paragraphe II - Une représentation, symbole de
l'appartenance à l'entité nationale
S'il est vrai que chaque ethnie mesure son importance en fonction du
nombre de sièges qu'elle occupe à l'assemblée nationale, on est en droit de se
demander ce que pensent et ressentent les groupes sociaux non-représentés ou
sous-représentés. dans l'un ou l'autre cas, non seulement peut naître une sorte
de frustration, mais également ces gouvernés risquent de se sentir exclus de
l'entité nationale.
Bien que cette hypothèse soit quelque peu excessive, il n'empêche qu'elle
permet de toucher du doigt le fond du problème.
C'est-à-dire, la
représentation en tant que symbole de l'appartenance à la nation. En effet, il
n'est pas étonnant de constater que, par rapport à certaines ethnies «coupées»
des réalités nationales., d'autres exerçant depuis fort longtemps des pouvoirs
aussi bien dans les institutions politiques qu'administratives se sentent plus
concernées par les affaires publiques nationales que les premières.
Toutefois, si cet état de choses d'un pays à un autre et éclaire également
d'un jour nouveau la césure2 entre ethnies, en revanche, il permet de saisir la
manière dont se crée le sentiment d'appartenance à la collectivité nationale.
Cependant, à dire vrai, ce «vouloir vivre collectif» est insuffisant dans la
mesure où il semble ne pas impliquer les entités sociales habitant les extrémités
du territoire national.
• Par exemple, en Haute-Volta, habitant les régions nordinques très reculées du centre,
certaines populations comme les 8ellas, Touaregs, se comptent par unité dans les institutions
politiques et adminsitratives nationales. N'est-ce pas cet état de fait qui incite les dirigeants à
cosntruire la ligne du chemin de fer Ouagadougou - Goro Gorom ?
2 La première césure, nous l'avons vu, est relative à l'opposition citadins-ruraux.

- 421 -
Cette observation permet de faire la transition en concluant sur le
résultat de la mission d'intégration nationale conférée aux députés.
Pour ce faire, il faut partir de l'idée selon laquelle aucun de ces pays
n'est de nos jours à l'abri des manifestations ethniques. Plus prononcés en Côte
d'Ivoire et au Togo qu'en Haute-Volta et au Sénégal l , ces faits prouvent que la
fonction susvisée des parlementaires est loin d'être accomplie. En réalité, ce
sont ces derniers mêmes qui les activent dans un souci électoralistes. Et,
lorsqu'il existe une cohabitation pacifique entre les entités nationales, comme
par exemple en Haute-Volta et au Sénégal, cela résulte d'autres facteurs 2 et ne
peut être attribué au rôle des élus nationaux.
En tout état de cause, il est possible d'affirmer que cette fonction
d'intégration, en particulier, et ce rôle médiatique, en général, des députés
n'ont pas suscités d'intérêt chez les gouvernés. Ces derniers n'étant pas
directement concernés quant à la réalisation de la fonction symbolique, la
question se pose de savoir si cette dernière a au moins été couronnée de succès?
Auparavant, soulignons que par fonction symbolique des assemblées, on
a présent à l'esprit trois fonctions distinctes. d'une part, la fonction de
légitimation du système politique visé tant au niveau national qu'international.
Enfin, la fonction pratique, à savoir, l'Assemblée nationale comme lieu
d'apprentissage de la vie politique (CHAPITRE III).
Ayant été succinctement abordée3, la première de ces trois ne sera pas
envisagée dans ce propos. En revanche, en abordant la seconde, on parlera
indirectement de celle-ci dans la mesure où en représentant le pouvoir
politique à l'extérieur, l'organe de représentation ne fait que le légitimer.
1 Se reporter à l'étude relative aux données sociologiques de ces différents Etats.
2 Idem.
3 Voir dans l'introduction de notre travail, «Les viscissitudes des Parlements depuis les
indépendances de 1960».

- 421 -
CHAPITRE II - UNE FONCTION D'INTEGRATION AU
SYSTEME INTERNATIONAL
Le nombre de déplacements des parlementaires est élevé pour participer
aux travaux d'associations inter parlementaires (Section I) ou d'organismes et
de commissions inter-étatiques (Section II). dans ce cas, ils font partie des
délégations nationales mandatées par le pouvoir, pour agir en son nom.
Ainsi, au regard de la vocation de ces organisations et de la nature
officielle de ces missions, on peut dire avec certitude que les députés ne
s'acharneront qu'à faire valoir à l'étranger les idées et la philosophie politiques
de leurs leaders nationaux et, partant, à ne présenter leurs systèmes politiques
que sous des aspects positifs.
En bref, ces émissaires nationaux se servent de ces tribunes privilégiées
pour rendre légitime aux yeux de la communauté internationale et, par
ricochet, devant l'opinion nationale, les tendances des «pouvoirs clos»
d'Afrique.
Section 1 - La représentation du pouvoir politique au
sein des associations inter-parlementaires
Cette représentation se manifeste tantôt dans un cadre strictement
réservé aux délégations parlementaires africaines, tantôt dans un cadre élargi,
englobant donc les représentants de tous les pays se réclamant du régime
narlementaires occidental.
A - Au niveau inter-africain
L'initiative de rapprocher les régimes parlementaires africains par la
concertation afin de favoriser et créer leur consolidation est née,. en février
~ 976, dans la capitale de l'Etat ivoirien. Cette idée du pouvoir monopartisan de
la Côte d'Ivoire allait vite déboucher sur la création d'une union des
parlements africains intéressés. Sur seize au départI, parmi lesquels figuraient
1 Il s'agit de la Côte d'Ivoire. du Cameroun. de l'Egypte. du Gabon. de la Gambie. du Libéria.
de l'Ile Maurice. de la Mauritanie. du Sénégal. de la Siera Léone. de la Tunisie. du Zaïre. de
l'Algérie. du Maroc. et du Soudan. A ce sujet. voir M. C. Desouches. op cit.. page 129 et
suivantes.

- 422 -
le pays hôte et le Sénégal, cette nouvelle organisation s'élargira à d'autres
Etats, dont la Haute-Volta et le Togo!.
Selon ses statuts, l'union susvisée se proposait de réaliser cinq buts
fondamentaux qui sont les suivants :
- Favoriser la création, puis l'essor de l'institution parlementaire en
l'adaptant aux <<valeurs» intrinsèques de l'Afrique.
- Promouvoir et renforcer la liberté, la justice et le fonctionnement de la
démocratie représentative.
- Permettre et multiplier les contacts, d'une part, entre élus africains et,
d'autre part, entre ces derniers et leurs homologues des autres démocraties
représentatives.
- Créer progressivement un système juridique «authentiquement»
africai.p2.
\\
- Oeuvrer à la réalisation des objectifs de paix, de coexistence pacifique,
de coopération inter-africaine, de non-alignement, de regroupement
continental... etc., inscrits dans la charte de l'O.U.A.
Cela dit, à la lumière de ces buts, on s'aperçoit qu'ils ne sont ni
originaux, ni inédits. En témoignent limitativement, le contenu des textes
constitutionnels, notamment leur préambule, le programme de certains partis
politiques3 et, enfm, les discours quotidiens des dirigeants africains.
Or, chacun des buts que s'assigne l'Union n'a connue un début
d'exécution, exceptées les fréquentes réunions de ses membres. Autrement dit,
si au cours de ces conférences, les députés discutent effectivement des
! A la création de l'union, ces deux Etats n'avaient pas de parlement. Pour que leur adhésion se
réalise, il a fallu attendre 1978 en Haute-Volta et 1979 au Togo.
2 Sur les difficultés d'élaborer un système juridique propre à l'Afrique, l'ouvrage déjà cité de
M. 1. Vanderlinden.
3(3, 2, 3) Sur ces associations inter-parlementaires, voir Mme C. Desouches, op cité, page 128
et suivantes.

- 42.3 -
problèmes tant internationaux africains que nationaux, il faut dire qu'ils le font
selon une orientation qui ne s'écarte pas de vues du gouvernement. En effet,
membres du parti unique ou dominant au pouvoir, ils doivent, par ces
discussions et ces contacts, réussir à présenter les pouvoirs politiques dont ils
émanent comme légitimes, populaires et démocratiques.
C'est dans cette optique également que ces émissions nationaux
participent aux travaux des organisations parlementaires inter-continentales.
B - Au niveau international
Du fait de leur adhésion à l'Union inter-parlementaire et à 'l'Association
internationale des parlementaires de langue française l , les Assemblées
nationales africaines considérées envoient périodiquement quelques uns de
leurs membres pour y discuter des actions communes à entreprendre.
D'emblée, il faut dire, à quelques variantes près, qu'il y a une certaine
identité quant aux buts que s'assigne chacune de ces deux organisations et,
d'autre part, entre ces dernières et l'union des parlements africains.
En effet, hormis l'orientation culturelle française que véhicule l'AITLF2
et «l'africanité» de certains buts visés par l'union des parlements africains3, ces
trois organisations affirment leur volonté de constituer non seulement à la
promotion de l'institution parlementaire, mais, également, à la recherche
pacifique de solutions aux problèmes d'ordre international de ce monde.
Nul doute que, durant ces réunions internationales, se tissent des liens
entre élus africains et occidentaux. Par ces amitiés et, surtout les échanges de
points de vues qui en découlent, les seconds vont certainement tenter de
persuader les premiers de la libéralisation ou de la lente mais progressive
démocratisation de leurs régimes respectifs. Ainsi, l'objectif visé serait
d'amener la communauté internationale à leur octroyer un label de légitimité,
dans bien des cas, nécessaire à leur survie.
1 Idem.
2 Idem.
3 Idem.

- 424 -
Outre ces missions, les parlementaires également à l'activité
internationale de leurs Etats respectifs en tant que membres à part entière de
délégation nationales.
Section II - La participation du parlement à des
missions à l'étranger
Initiés à la vie politique nationale 1 et réputés comme d'excellents
négociateurs, les députés sont le plus souvent recrutés par le gouvernement
pour l'accomplissement d'une partie de sa politique étrangère. A ce titre, il
convient de souligner que ces activités internationales des parlementaires sont
pratiquement aménagés par le règlement intérieur de leurs assemblées
nationales respectives.
A - Au niveau d'organismes internationaux
Il s'agit là de la participation de certains parlementaires aux sessions de
l'assemblée générale de l'ONU ou de l'OUA.
En règle générale, s'il est vrai que chaque délégation nationale est
conduite et dirigée par le ministre des relations extérieures, il n'en demeure
pas moins vrai que le président de la commission des affaires étrangères de
l'assemblée y occupe et joue un rôle non négligeable.
En effet, tout comme ses collègues du parlement, il est non seulement
intéressé par les questions qui seront débattues, mais il demeure également
solidaire de la politique internationale de son gouvernement.
A ce titre, sans entrer dans le détail, on peut dire que la contribution de
ces derniers sera de fournir les données et informations nécessaires au chef de
la délégation nationale, le ministre des relations extérieures, afin de lui
permettre d'accomplir la mission que lui a confiée le chef de l'exécutif.
Cela, dit, soulignons qu'à côté de cette forme d'activité parlementaire en
matière de relations internationales, en existe une autre. Celle-ci s'opère par la
réception ou l'envoi de délégation parlementaires dans un pays donné.
1 A ce sujet, voir l'analyse ultérieure relative à la fonction pédagogique des assemblées
nationales.

- 425 -
B - Au niveau bilatéral
Dans bien des cas, les parlements d'Etats distincts contribuent à
l'affermissement des liens de coopération entre leurs dirigeants respectifs.
En effet, à l'initiative du bureau ou des commissions, chaque assemblée
nationale a la possibilité de convier les représentants nationaux d'un Etat tiers à
se rendre auprès d'elle pour effectuer une visite «d'amnistié et de travail». En
général, à la fin de leur séjour, ces derniers ne manquent pas également
d'inviter leurs hôtes à accomplir les mêmes formalités.
Dans tous les cas, ces rencontres permettent, aux uns et aux autres, à
travers des séances communes de travail ou de visites effectuées dans le pays,
d'échanger les vues sur différentes questions 1. En outre, elles favorisent
l'entente entre ces députés. Aussi, espère-t-on que «l'amitié» entre ces derniers
se répercutera sur leurs dirigeants et populations respectifs.
Toutefois, si on peut affirmer que ces visites inter parlementaires
semblent des facteurs de rapprochement entre les différentes nations
représentées, en revanche, on ne peut en dire autant de leur impact sur les
dirigeants politiques respectifs. En effet, par les
recommandations,
sanctionnant la fin de ces rencontres, les élus saisissent l'occasion d'apprécier
favorablement l'action politique de leurs leaders nationaux et, partant, les
invitent à des relations cordiales.
En conclusion, à défaut de légitimer valablement le pouvoir politique
aux yeux des gouvernés 2, le parlement africain contribue énormément à le
faire accepter comme tel par la communauté internationale. Outre, cela, de par
la participation de ses membres, d'une part, aux missions tant sur le plan
extérieur qu'intérieur et, d'autre part, aux travaux qu'exécutent ses propres
organes, le législateur remplit une fonction pédagogique.
1 Cet aspect a succinctement été abordé par M. Yves Cotterel dans son article déjà cité, page
978.
2 Sur la légitimité du pouvoir africain, voir l'article cité de M. F. M'Bome, «Légitimité du
pouvoir et scène politique en Afrique Noire contemporaine : Les leçons du coup d' Etat du 12
avril 1980 au Libéria» ; pour plus de détail, voir également l'ouvrage déjà cité de M. M. A.
Glele.

- 426 -
CHAPITRE III - UNE FONCTION PRATIQUE: L'ASSEMBLEE
COMME LIEU D'APPRENTISSAGE DE LA VIE
POLITIQUE
Une observation préliminaire s'impose: hormis quelques exceptions~ les
dirigeants africains actuels ou passés ont fait «leurs premières armes d'hommes
politiques» 1 au parlement métropolitain, à l'assemblée législative oulet à
l'organe parlementaire créé en même temps que le nouvel Etat (Section II).
N'est-il pas alors possible de dire que l'institution parlementaire a été et
continue d'être le lieu «privilégié» d~initiation aux affaires publiques et~
partant~ de formation politique? (Section 1).
C'est la réponse à cette question que se propose d'apporter la présente
étude.
Section 1 - Lieu «privilégie» de formation politique
Certes, dans ces pays, il existe d'autres centres et moyens de formation
politique. Mais~ ce par la place qu'elle occupe dans les systèmes considérées,
l'étendue et la nature des affaires qui lui sont soumises et qu'elle traite,
l'assemblée nationale se présente comme un lieu privilégié d'initiation
politique.
A - Un centre d'initiation aux affaires publiques
On ne peut vraisemblablement dire que c'est à l'Assemblée nationale que
l'initiation aux affaires publiques des députés commence dans la mesure où, la
majorité d~entre eux, exerçait avant leur élection des professions dans les
administrations publiques ou privées de leurs Etats respectifs2•
Néanmoins~ il convient de reconnaître que c'est au sein de cette
institution qu'une minorité de ces derniers s'initiera tandis que la majorité
approfondira ses connaissances.
1 Mme C. Desouches, op cit., page 130.
2 Pour s'en convaincre, se reporter aux tableaux récapitulant les professions des députés
voltaïques et sénégalais.

- 42'1 -
Ainsi, par exemple, comme le souligne M. E. Blamontl, dans le cas de la
France, les nouveaux députés, qu'ils soient rapporteurs ou simples
commissaires dans les commissions, se «familiariseront» avec le travail de
leurs formations personnelles.
Par ailleurs, par les contacts qu'ils établissement avec les représentants
politiques et administratifs en commission ou en séance plénière, ils acquièrent
des informations et des données autrefois confidentielles qui leur permettront
d'apprécier les affaires publiques selon une vision toute nouvelle.
En plus de toutes ces connaissances acquises à l'assemblée nationale, cette
institution permet également aux députés de compléter leur formation
politique.
B - Un centre de formation politique
On ne peut dire que ce soit au parlement que les députés de ces quatre
pays s'initient à la politique, comme l'on tente de former politiquement
certains militants dans l'école du parti2 ou dans les fondations du leader
monopartisan3. En revanche, l'institution parlementaire permet à ces nouveaux
représentants, déjà actifs avant leur élection, d'acquérir un savoir faire
technique.
En Haute-Volta et au Sénégal, par exemple, bien qu'imparfaite, la nature
contradictoire des débats permet aux nouveaux députés de s'exercer sur le plan
oratoire et de faire l'acquisition de techniques de persuasion et de mobilisation
indispensable à des fonctions futures d'homme politique. En effet, rarement
confrontés sur la scène nationale4, les membres de l'opposition et de la
majorité profitent de cette tribune pour échanger leurs idées respectives. De
ces interventions, ils se forment
mutuellement
et
s'aguerrissent
indiscutablement sur le plan politique.
1 Voir M. E. Blamont, déjà cité.
2 Au Togo, par exemple, il existe une école du parti ayant pour objectif la formation
idéologique des citoyens.
3 En Côte d'Ivoire et au Togo, on a respectivement la Fondation Houphouet Boigny et la
Fondation Eyadema.
4 Il est rare de voir se confronter les représentants des forces politiques à la radio ou à la Télé.
En revanche, ce qui est fréquent, ce sont les conférences ou les meetings de leaders politiques.

- 428 -
A l'opposé de ces pays, même si les débats parlementaires
sont
généralement monolithiques, en Côte d'Ivoire et au Togo, il faut néanmoins
leur reconnaître une contribution à la formation des députés.
Cette fonction pédagogique des différentes assemblées ne peut guère se
discuter dans la mesure où c'est dans chacune de ces institutions que le parti
unique ou dominant recrute le personnel appelé à occuper les fonctions les plus
importantes dans les institutions politiques et administratives nationales.
Section II - Une étape du cursus politique
Privilégiée dans l'Etat africain sous tutelle française l , la fonction
parlementaire continue de l'être actuellement dans la mesure où, dans l'Etat
nouvellement indépendant, elle constitue la «voie royale» permettant
l'accession à d'importantes fonctions.
Cependant, l'évolution politique de certains pays considérés semble
remettre en cause un tel processus.
A - De l'exercice du mandat parlementaire à l'occupation de
fonctions politiques plus importantes
Cela paraît indiscutable si l'on recherche les premières fonctions
exercées par les dirigeants actuels ou passés de ces Etats. En effet, aux
lendemains des indépendances, la plupart des membres du gouvernement, des
représentations diplomatiques avaient exercé des mandats parlementaires dans
les trois organes législatifs de l'époque : le parlement métropolitain, les
assemblées territoriales et l'assemblée législative. En témoignent les
«parcours» politiques des leaders nationaux suivants : MM. F. Houphouet
Boigny et P. Yacé de Côte d'Ivoire; M. G. K. Ouédraogo, Y. J. Conombo et
M. Yaméogo de Haute-Volta; M.L.S. Senghor et Mamadou Dia du Sénégal,
M. A. Apedoh du Tog02.
1 De la loi cadre aux lendemains des indépendances, les plus importantes fonctions politiques
de ces Etats étaient la fonction parlementaire et celle de conseiller territorial.
2 Voir la liste du personnel politique africain fournie par EDIAFRIC, La documentation
Française, 1960 - 1983.

- 429 -
A la lumière de ces faits, on pourrait dire que si ces derniers ont été
recrutés au parlement afin d'assumer les responsabilités suprêmes de l'Etat
nouvellement indépendant, cela était obligatoire. Parce que, d'une part, le
personnel politique de l'époque était réduit et, d'autre part, que ces
personnalités dirigeaient les institutions partisanes de ces pays.
Si ces arguments sont à considérer, on constate que même avec
l'élargissement de la classe politique, survenu après les indépendances,
l'Assemblée nationale continue d'être le centre de recrutement par excellence
des citoyens à occuper les fonctions les plus importantes du pays. A ce titre,
sans être exclusif, citons quelques exemples : MM. M. Niasse et A. Thiam,
respectivement anciens ministres des affaires étrangères et premier ministre,
puis président de l'assemblée national du Sénégal : MM. M. Kargougou, Palé
Weité Issa, respe,ctivement anciens ministre des affaires étrangères et de
l'équipement rural.
En conclusion, à l'exception de la Haute-Volta et du Togo, il semble
possible d'affirmer que l'exercice du mandat parlementaire en Côte d'Ivoire et
au Sénégal constitue la «voie royale» permettant l'accession à des fonctions
notables.
B - Les exceptions
En intervenant sur la scène politique voltaïque et togolaise, les militaires
suppriment le parlement et, de ce fait, portent un coup d'arrêt à l'emploi
traditionnel de ses membres aux différentes fonctions tant administratives que
politiques.
En effet, comme pour finir à jamais avec cette pratique, les nouveaux
dirigeants procèdent à un renouvellement de la classe politique ancienne. Pour
ce faire, ils se tournent vers la technocratie civile et militaire!.
! Il serait intéressant de consulter la composition des différents gouvernements de M. G.
Eyadema (1967 - 1978) in «L'Edification de la nation togolaise» de M. W. O. Yagla. op cit ..
concernant la Haute-Volta, la thèse déjà citée de M. N. Aimé nous donne les listes
gouvernementales constituées sous les régimes de fait.

- 430 -
Cependant, il n'est pas rare de rencontrer parmi cette dernière certaines
personnalités ayant déjà appartenu aux parlements passés 1. En général, il s'agit
de députés déchus autrefois par le pouvoir politique antérieur.
En conclusion, à l'interrogation posée par l'intitulé du titre III, deux
éléments permettent de répondre affirmativement :
- d'une part, il y a un abandon systématique de la fonction législative et
de contrôle des parlementaires entre les mains de l'exécutif;
- d'autre part, outre le déclin du parlement qu'elle entraîne, cette
abdication des députés les orientent vers un intérêt particulier pour
l'amélioration juridique et technique des lois gouvernementales d'une part et,
l'exécution des fonctions de substitution.
1 Au Togo, c'est le cas du président de l'assemblée, M. A. Apedoh.

CONCLUSION
GENERALE

- 432 -
Au terme de cette étude, il nous semble opportun d'exprimer notre point
de vue sur la controverse soulignée dans notre introduction autour de la nature
exacte de l'institution monocamérale 1. Dans une optique comparative2, force
est de reconnaître que, dans les démocraties représentatives choisies,
l'Assemblée nationale est comme «une coque vide, dépourvue d'efficacité et
d'influence»3.
Ce constat plutôt sévère auquel on a abouti est sans ambiguïté dès lors
que l'analyse relative au parlement tient compte des réalités sous-tendant son
organisation et son fonctionnement.
Rappelons ici simplement que l'organisation de la structure de la
représentation nationale dérive du droit applicable aux Assemblées
parlementaires occidentales, les constituants africains n'ayant fait que l'adapter
au contexte spécifique continental4• Or, de par sa nature, si celui-ci n'est pas
très favorable aux libertésS, les sources étrangères, bien que libérales,
s'efforcent de limiter la souveraineté des parlements au profit de l'exécutif6.
L'utilisation combinée et ingénieuse de ces deux données aboutira à
l'encadrement de l'institution monocamérale par le parti unique ou dominant
et, de ce fait, à sa subordination à l'autorité suprême du chef de l'Etat. pour
s'en convaincre, il suffit d'examiner, tout d'abord, la structure du parlement.
A ce niveau, on s'aperçoit que c'est son président, de surcroît,
personnalité influente du parti unique ou dominant, qui détient la quasi-totalité
du pouvoir parlementaire. Du fait de son statut à la fois constitutionnel et
partisan, cette autorité domine largement l'assemblée nationale, les autres
organes de travail parlementaire n'étant que ses auxiliaires. Par ailleurs,
l'examen du statut des députés permet de l'affirmer et de considérer ceux-là
1 Certains parlaient de «chambre d'enregistrement», d'autres de «tribune privilégiée».
2 Avec les parlements des démocraties représentatives occident3.les.
3 M. de Broglie, séance du 21 janvier 1959, J.O. débats parlementaires, Assemblée nationale,
page 138; la citation est reprise par M. G. Berlia, op cit., page 914.
4 Sur ce point, on peut consulter M. G. Conac, «La vie du droit en Afrique», in «Dynamiques
et finalités des droits africains» op cit. , page V et suivantes.
5 Sur la nature des sociétés traditioJUlellements africaines et des sources actuelles des régimes
politiques africains, outre la bibliographie citée en introduction, voir M. Edern Kodjo, op cit.,
page 153 et suivantes.
6 A ce sujet, on peut consulter les manuels de droit constitutioJUlel déjà cités.

- 433 -
comme des «obligés» 1 du chef de l'exécutif. Nous en avons pour preuves, les
techniques particulières de recrutement des élus nationaux et la faible
protection de leur mandat représentatif2, la partialité du pouvoir judiciaire du
fait de sa dépendance gouvernementale devant les fraudes et irrégularités
électorales. Tous ces faits tendent à montrer que si le peuple détient en
principe le pouvoir souverain, en définitive, seul le chef de l'exécutif l'exerce
dans toute sa plénitude.
Consacrant la suprématie du Président de la République sur l'institution
monocamérale, cette organisation détermine son fonctionnement.
Ainsi, constate-t-on, par exemple, que les représentants nationaux
n'assument leurs attributions en matière de législation et de contrôle de l'action
gouvernementale que sous la surveillance de l'élu de «la nation toute entière» :
le chef de l'exécutif. Fort prononcée dans ces «pouvoirs clos» d'Afrique, cette
subordination a été savamment créée et renforcée, pour une bonne part, par la
perte totale de liberté de l'organe de représentation dans l'adoption du cadre
normatif et temporel régissant ses activités. De ce fait, ne pouvant
souverainement exercer les pouvoirs qui leur sont reconnus par les textes
nationaux, les mandataires se contentent alors d'exécuter une multitude de
fonction de substitution: intercesseur, avocat et assistant social des collectivités
publiques représentées, ambassadeur et chargé de mission du pouvoir politique
non seulement auprès des populations représentées mais aussi auprès d'Etats et
d'Organisations à l'étranger... etc.
Devant cette «subalternisation»3 du parlement monocaméral africain, de
nombreux juristes et spécialistes sont intervenus pour formuler des thèses ou
propositions4•
1 MM. André Hauriou et Jean GiCXluel, op cit., page 252.
2 Au Sénégal, pays présenté comme l'un des rares 7berceau» où les libertés fondamentales sont
respectées, deux députés de surcroît, personnalités influentes de l'opposition, furent arrêtés
pour avoir participé à une marche contre l'appartheid. Voir le Soleil, quotidien d'information du
Sénégal, du jeudi 29 aoÜt 1985, page 11 et suivantes.
3 M. J. C. Marsc1et, op cit., page 261.
4 Il s'agit des auteurs suivants :
- M. Pathe Diagne, op cit., page 110 et suivantes
- L'ouvrage déjà cité de M. T. Michalon «Quel Etat pour l'Afrique»
- L'ouvrage de M. G. Tchivounda déjà mentionné «Essai sur l'Etat post-colonial
africain»
- M. C. A. Diop, «Les fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral
d'Afrique
Noire», déjà cité.

- L~34 -
Ces idées soutenues par ces auteurs, nous ne retiendrons qu'une
proposition 1 dont la concrétisation pourrait aboutir à une sorte de renaissance
du parlement et, surtout, à une participation effective du peuple au pouvoir.
Pour ce faire, il est envisagé la substitution, à l'Etat unitaire centralisé,
d'un nouvel Etat multi-ethnique fortement décentralisé. les nouvelles entités
infra- étatiques ainsi créées2 devront correspondre aux réalités sociologiques
nationales et bénéficier d'une large autonomie : politique, économique
culturelle... etc.3. C'est à l'intérieur de cet Etat «démembré» que devraient
être envisagés la répartition et l'exercice des pouvoirs souverains du peuple.
Au niveau provincial et local, tout d'abord, devraient être créées des
structures politiques correspondantes: des assemblées et des gouvernements
provinciaux et locaux4 •
A propos des rapports entre ces organes, soulignons que les
gouvernements, relégués au simple rang de «commis», seraient non seulement
nommés par les assemblées mais pourraient également être démis par elles
grâce à l'utilisation de certaines techniques parlementaires : motion de censure,
motion de confiance... etc. Pour éviter l'avènement de régimes d'Assemblées
dans ces entités infra-étatiques, il faudra, d'une part, que le mandat soit
impératif et, d'autre part, que les populations soient régulièrement consultées
par des techniques de démocratie semi-directe pour trancher les éventuelles
crises qui surviendraient entre les organes politiques exerçant, par
commission, la souveraineté populaire.
S'agissant des compétences de ces organes, il s'agirait pour les
gouvernements provinciaux et locaux d'exécuter les projets de développement
économique, social et culturel voulus et définis par les populations
correspondantes mais mis en forme et planifiés par des conseils économiques et
sociaux locaux. Dans cette optique, outre le contrôle de
l'action
gouvernementale, le rôle de ces élus consistera également en l'examen de
1 Il ne sera pas question dans notre propos des idées ayant trait à l'érection de l'ensemble de ces
Etats en fédération ou de la transformation de chacun de ces pays en Etat fédéral.
2 Province, département, circonscription... etc.
3 Sur le détail de ces questions, voir l'ouvrage cité de M. T. Michalon.
4 M. Pathe Diagne op cité page
1
1
114 et suivantes.

- 435 -
projets ou de propositions de lois conformément à leurs attributions prévues
par une loi organique.
Au niveau central, - ensuite, il conviendrait de distinguer le pouvoir
législatif national et le pouvoir exécutif bicéphale 1•
Constitué d'une seule chambre2, l'organe législatif national devrait être
composé égalitairement de députés provenant des assemblées provinciales et
locales, d'une part et, de représentants désignés à l'échelle nationale par voie
d'élections libres. Pour ces derniers, comme on l'a déjà souligné pour les
premiers, le mandat serait impératif.
S'agissant de ses attributions, elles toucheraient toutes les matières
d'intérêt national : défense ; diplomatie ; développement économique, social,
culturel, ... etc. ; justice; transport; monnaie ... etc. En outre, les élus seraient
chargés:
- d'examiner et de contrôler le programme et l'action politique du
gouvernement.
- de contrôler l'exécution du plan national de développement
économique, social et culturel proposé par les populations et mis en forme
technique par le conseil économique et social.
Pour que les représentants de la nation puissent accomplir pleinement
leurs fonctions, outre l'utilisation effective des techniques parlementaires
classiques, il sera indispensable que le gouvernement dépende limitativement
d'eux. Ainsi, le cabinet ne pourra être nommé que par l'assemblée nationale
mais sur proposition du premier ministre. Dépourvu de l'arme de la
dissolution, le gouvernement sera en outre responsable devant les députés et
pourra être censuré par eux. Toutefois, afin d'éviter que la souveraineté
populaire ne se réduise à une souveraineté parlementaire, une nationalisation
de ces techniques de gouvernement s'imposera. C'est à ce niveau que
s'exercerait le pouvoir du chef de l'Etat. Auparavant, évoquons son mode
d'élection.
1 A ce sujet, voir M. Pathe Diagne, op cit., page 114 et suivantes.
2 On peut se reporter à la première partie de notre thèse pour voir les arguments militant en
faveur du monocaméralisme en Afrique Noire;

- 436 -
Dans l'optique d'une désacralisation et d'une dépersonnalisation du
pouvoir exécutif africain, il sera nécessaire que son postulant ne tire plus sa
légitimité du suffrage universel direct. De ce fait, pour qu'il «règne sans
gouverner», il devrait être élu par un collège électoral restreint, composé de
grands électeurs que sont les députés nationaux, provinciaux et locaux, d'une
part et des maires, d'autre part.
S'agissant de ces attributions, soulignons, tout d'abord, l'arbitrage qu'il
sera appelé à assumer en cas de paralysie des institutions, du fait de l'assemblée
nationale et du gouvernement. A ce titre, le droit de dissolution devrait, lui
être confié. Toutefois, l'exercice de ce droit devra être subordonné à
l'existence d'une crise grave et à la saisine de l'autorité présidentielle soit par
le gouvernement, soit par l'assemblée nationale. Dans tous les cas, il pourra ou
inviter le peuple à trancher par voie de référendum et appliquer le verdict
populaire ou alors procéder d'autorité à la dissolution de l'institution
parlementaire.
Hormis cet arbitrage, le président de la République devrait être le chef
de l'administration, des services publics, des forces armées, des forces de
police, et de la sécurité. A ce titre, il nommerait à toutes les fonctions sur
proposition du gouvernement. De même, c'est lui qui promulguerait les lois,
signerait les traites et accords internationaux, accréditerait les ambassadeurs et
déclarerait la guerre.
En définitive, au-delà des solutions préconisées par les auteurs cités
précédemment et de nos observations en cette matière, une interrogation
essentielle s'impose : à quoi peut servir et ressembler une expérimentation de
réformes même démocratiques tant que les Etats bénéficiaires n'accordent une
attention aux libertés fondamentales et ne disposent que d'une souveraineté
f · t'
IC Ive 1 ...
1 Sur la nature des indépendances africaines, voir M. R. Lemarchand,«Quelles indépendances»
op cit., page 131 et suivantes.

- 437 -
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v - COURS, CONFERENCES, COLLOQUES, RENCONTRES,
DISCOURS INTERIEURS
Discours du G. LAMIZANA
«Le renouveau voltaïque», imprimerie nationale, Ouagadougou, 63
pages.
Discours du G. EYADEMA
A l'occasion de la fête nationale du 13 janvier 1985, la nouvelle marche,
quotidien d'information togolaise, 16 fév. 1985, pages 1 et 16.
Discours de M. Michel DEME,
Président du C C N R, Carrefour Africain, n° 578-79.
Discours radiodiffusé de M. S. TALL,
Premier vice-président du C C N R, Carrefour Africain, n° 578-79.
COLLOQUE
* «Dynamique et fmalités des droits africains» Paris économisa, 1980.
* M. Pathé DIAGNE
«Quelle démocratie pour le Sénégal» Ed. P.f.D., Sankoré, Dakar, 1984.
Conférence de M. O.F. NATCHABA
«Le système politique du Togo», E.N.A., Lomé, Togo, Juillet, 1982,
10 pages.
Conférence de M. P. y ACE
Au théâtre de la cité, semaine juridique, 6 avril 1973, imprimerie
nationale Abidjan.
Conférence de presse
M.A. Wade
«Nous laissons tous les sièges au PS», J.A. n° 1243 du 31-10-1984,
page 36 et suivantes.

..
- 1.1-57 -
'
COURS
* M.E. KEI B<XJUINARD, «Cours de finances publiques 1972-
1973», Tome l, E.N.A. Abidjan.
* à la Faculté de droit de Côte d'Ivoire du Professeur F. Wodié.
* M. OUATTARA F. NATCHABA, cours de sciences sociales,
première année de droit, Université du Bénin, 1977-1978, Lomé, Togo.
* M. Le Professeur J.P. DUPART, Conférence de doctorat portant sur
le thème spécial «Le régime représentatif» Poitiers, 1981-1982.
* M.J.P. DUPART, «Cours de droit constitutionnel spécial»
Maîtrise de droit, faculté de droit de Poitiers, 1984-1985.
* M.B. CHERIGNY, «La mythe des nations prolétaires», Année
Universitaire 1978-1979, Lomé, Togo, Université du Bénin; voir
également à l'institut du droit du développement.
Rencontre internationale de Bouaké sur le thème «Tradition et
modernisme», Paris Ed. du Seuil, 1965.
Interview du président J .B. OUEDRA<XJO, réalisé par M. Mohamed
MAIGA, «A l'encontre de notre peuple», Afrique-Asie du
20 déc. 1982, p. Il.
VI - DOCUMENTS
1 -
Constitution de Haute-Volta
Constitution du Sénégal
Constitution du Togo
Constitution de la Côte d'Ivoire.
2 - Règlement intérieur, administratif et financier de la Haute-Volta
- Règlement intérieur, administratif et financier du Togo
- Règlement intérieur, administratif et financier du Sénégal

- 458 -
3 - Décision du congrès du PDCI du 29 septembre au 1er octobre
1980,in «le
règne politique de la Côte d'Ivoire», Recueil des textes et documents.
Collection Leyde et Bull. - Corpus
constitutionnel 1980, C.E.A.N.
4 - Rapport moral du secrétaire général du parti, M. p. YACE, au Vè
congrès, Fraternité helxlomadaire, Abidjan, 31 oct. 1970, n° 601, p. 20.
5 - M. P. YACE, Président de la commission institutionnelle du conseil de
l'entente, in travaux de l'assemblée nationale de Côte d'ivoire,
1ère session, 1960 - 1961.
6 - M.A.G. MIVEDOR, 3è conseil national, Togo-Dialogue
du 6 au 9 nov. 1978.
7 - Documents (Droit constitutionnel et institutions politiques sous la Direction
de G. BURDEAU, La documentation française, Paris, 1976,
n° 104 et n° 101.
8 - M. DUVERGER, «Constitutions et documents politiques», Paris,
P.U.F., 1978.
9 - Etudes monographiques réalisées par les <<Atlas Jeune Afrique»,
Paris, Ed. J.A., 1981, (Togo, Côte d'ivoire, Sénégal, Haute-Volta).
10 - «Les élites ivoiriennes» Ediafric, La documentation française,
Paris, 1976, XV - 178 pages.
VII - REYUES ET JOURNAUX
Journaux
* J.A. hebdomadaire
<<Atlas jeune Afrique», Paris, Ed. J.A., 1981.
* Afrique-Asie, hebdomadaire.
* Afrique Nouvelle - helxlomadaire
* Le monde quotidien (France)

- L~59 -
* Soleil, quotidien (Sénégal)
* Carrefour Africain, hebdomadaire (Haute-Volta)
* L'observateur, quotidien (Haute-Volta)
* La Nouvelle Marche, quotidien (Togo)
* Togo-Dialogue, Mensuel (Togo)
* Fraternité-Matin, quotidien (Côte d'ivoire)
* Fraternité hebdo, hebdomadaire (Côte d'ivoire)
* Le Canard enchaîné, quotidien (France)
* Le Matin, quotidien (France).
Revues
- Ediafric, La documentation française
- .N.E.D., La documentation française
- R.D.P.
- Recueil Penant.
- R.F.E.P.A.
- Revue juridique Ind. et coop.
- Marchés tropicaux et méditerranéens
- Revue pouvoirs
- Politique africaine?
- Revue française de science politique
- Le citoyen, revue trimestrielle d'information et d'éducation
civique sénégalaise
- Monde en développement
- Afrique - documents
- Afrique - contemporaine
- Civilisations
- Esquisses sénégalaises, initiatives et études africaines I.F.A.N.

TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.................................................................................... 1
1 - GENESE: ET EVOurnON DES INSTITUTIONS IŒPR.ESEN-
TATIVES :EN" FR.AM::E
~ ..... ..................
4
A - Naissance de la représentation politique en France....
4
B - Le 1ge siècle ou l'âge classique des institutions
représentatives en France.......................................................
7
C - La crise du système représentatif...............................................

II - LES EXPERmNCES AFR.ICAINES D"INSTmmONS
R.EPR.ESHNfATIVES.. .. ... .. ... .. ... .. ... .. ........ .. ... .. ... ..... .. ... ..... .. .. ... ... .. ... .
9
A - Vers un achèvement d'un système spécifique de
,
t fi·
l·ti·
represen a on po 1 que... .. ......... ....... ............. ..... .. ......... ..... 10
a) Structures internes..
10
b) La représentation politique dans les monarchies
Mossi et Valaf..............................................................
10
- I.e Conseil du Roi......................................................
11
- L'Assemblée "populaire consultative"....
12
B - De l'éclipse à la naissance d'une vie politique moderne:
les assemblées consultatives des territoires d'Outre Mer....... 13
III - LES VICISSITUDES DES PAR.LEMENTS AFR.ICAINS
DEPmS LES INDEP:EN"DANCES DE I9QL.......................................
14,
IV - CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES.......................................
15

PREMIERE PARTIE: MIMETISME ET PARTICULARISME
DANS L'ORGANISATION DU PARLEMENT
M0 NOCAMERAL
.
18
TIT'lŒ 1 - LE STATlIT DU P AIlLHMENTAIIœ A LA ar..OISEE
DE LA OOlTflJllE :ET' DE LA UOD:E:RNrrE..
.
20
Sous-Titre 1 - Les particulariatés de la représentation dans
les éta.ts africai.ns
.
~o
Chapitre 1 - Des Etats reposant sur les "proto-nations"..................
21
SeCtion 1 - Une mosaïque d'ethnies jalouses de leurs
particularisme.........
22
A - Diversité des comportements ethniques......
22
§1 - Des exemples de relative coexistence
pacifique entre ethnie : Haute-Volta
et Sénégal...
22
§2 - Des groupes ethniques antagoniques :
Côte d'Ivoire et Togo
.
B - Répercussions des données sociologiques sur
la vie politique africaine esquisse d'explication
fondée sur l'analyse de la technique du "dosage
ethnique" dans les Etats-témois de Haute-Volta
et du Togo
.
§1 - L'exemple de la Haute-Volta
.
§2 - L'expérience de la vie politique au Togo .
Section II - La fracture entre le secteur rural et le secteur
moderne: ruraux et citadins................................
2,3
A - Une opposition notoire entre les villes et
les campagnes...........
25
§1 - Enoncé de quelques données...
25.
§2 - Les conséquences : le rétrécissement
du personnel politique.
28
B - Effets immédiats de cette opposition :
des institutions politiques investies de façon
pennanente par les mêmes hommes politiques......
31
Section III - La persistance de l'influence des autorités
religieuses et traditionnelles......
50
A - L'existence des forces religieuses...
52

§1 - La religion en tant que force politique
évident au Sénégal et en Haute-Volta......
52
§2 - La religion, soutien du pouvoir politique
en Côte d'Ivoire et au Togo.......................
62
B - La place des forces traditionnelles dans ces états.
6}'
§1 - Des relations de collaborations entre les
autorités traditionnelles et les autorités
politiques : les exemples de la Haute-
Volta et Togo..............................................
64-
§2 - La participation directe des forces
coutumières à l'exercice du pouvoir
en Côte d'Ivoire....
72
Chapitre II - Les solutions adoptées afin de favoriser
l'intégration nationale.....
76
Section 1 - L'Institution monocamérale et la solution
du problème ethnique.......
77
A - L'adoption de la chambre unique en
assemblée nationale.
77,
§1 - L'argument classique - La théorie de la
souveraineté nationale................................
7Z
§2 - Les arguments modernes.....
7~
B - La chambre unique au service de l'intégration
na.tionale.....
"19
§1 - Une double représentation : des ethnies
et du peuple..
80
§2 - La recherche des consensus national
autour de la loL..........
82
Section II - Critique des solutions adoptées...
84
A - Au regard des données sociologiques..
85
§1 - Une conception négative de l'autonomie
des groupements ethniques.......................
85
§2 - La reconnaissance de la diversité
ethnique...................
87
B - Au regard de la logique politique et
constitutionnelle
88
§1 - La pérénisation du tribalisme comme
art politique..
88, '

§2 - La marginalisation du texte
. .
1
constltutionne
.
90
Sous-Titre II - L'influence des réalités socio-politiques sur le statut
des {>8l"1ementaires
.
Chapitre 1 - Des techniques de recrutement taillées à
la Illesure africaine
.
94
Section 1 - Un choix unanime pour le scrutin de liste
.
95
A - Le scrutin de liste nationale
.
96
§1 - Principe et sens
.
96
§2 - Avantages et inconvénients
.
99·
B - Le scrutin de liste locale
.
103
§1 - Principe et sens
.
103
§2 - Les avantages et inconvénients,
,.." ..
105
Section II - Des règles d'exclusion : capacités électorale
et 'li
e
'b'l'
gl
,
lIte
.
106 .
A - Les conditions d'exercice du droit de vote
..
107 \\
§1 - Les conditions du droit de vote
..
107
§2 - Les conditions particulières
..
112
B
L, 'l' 'b'l' ,
-
e 19l lIte
.
113
§1
Le . , 'l'b'l' ,
-
s megl 1 lIte
..
114
§2 - Les incompatibilités
..
116
Section III - La prédominance du label partisan
..
11.9 .
A - La main mise partisane sur les régimes
présidentiels a parti unique de Côte d'Ivoire
et du Togo
.
121
§1 - L'établissement de la liste
..
121
§2 - L'adoption de la liste
..
125
§3 - Le vote - plébiscitaire de la liste
..
126 .
B - La main mise partisane dans les régimes
a parti dominant de Haute-Volta et de Sénégal.
127
§1 - L'élaboration de la liste
..
127
§2 - L'adoption de la liste
.
131
§3 - Le vote "populaire" sur la liste
.
131

Chapitre II - Une codification minutieuse des droits et des
obligations des parlementaires
.
134
Section 1 - Les droits et obligations des parlementaires .
134
A - Les droits parlementaires
.
135
§1 - Les immooités
.
135
§2 - Les indemnités parlementaires
.
137
B - Les obligations des députés
.
139.
§1 - L'obligation du parlementaire
d'assumer pleinement sa fonction de
,
.
. na!
representatïon natio
e
.
140
§2 - Les assouplissements à l'obligation du
parlementaire d'assumer en permanence
~.
,
tat'
sa Jonction represen
Ive
.
Section II - la fm du mandat des parlementaires
.
A - Les causes classiques de cessation du mandat
de député
.
§1 - la démission
.
§2 - L'exclusion
..
B - Une cause particulière : l'exclusion du député
par son parti politique
.
144'
§1 - Le principe
.
144
§2 - Les antécédents et leur portée
.
146
Chapitre ID - Les fraudes électorales et le contentieux électoral.
Section 1 - Le rôle de la cour suprême dans le
contentieux électoral
.
A - Une juridiction de consultation en Côte d'Ivoire
et au Togo
.
§1 - L'Osmose entre l'organe juridictionnel
. .
et 1e parti Ulllque
.
§2 - Une inactivité en matière électorale
.
B - Une juridiction relativement autonome,
au rôle actif dans le contentieux électoral en
Haute-Volta et au Sénégal
.
13.5
§1 - Une compétence certaine en matière
électorale
.
156
§2 - Les interférences de l'exécutif: présence
de quelques déboires
.
1.59-

Section n - Etude dim cas d'irrégularité manifeste ayant
permis l'élection du député de la majorité,
M. Traoré Zoumana : "L'affaire de la liste
des Ha.uts-Bassins"
.
160
A - Des origines de l'irrégularité à l'arrêt
d'annulation de cour suprême
.
161
§1 - L'irrégularité et son utilisation politique..
161
§2 - L'arrêt du 17 janvier 1980 et ses
retombées sur la cour suprême
.
164
B - Les conséquences politiques de l'arrêt
.
166
§1 - La paralysie de l'Assemblée nationale
.
166
§2 - La dénaturation du jeu démocratique
. . .
par 1a maJonte
.
168
TlTR.E fi - UNE STRlJCTUR.E ORGANIQUE MIMETIQUE
.
170
Sous-Titre 1 - Le président, autorité constitutionnelle valorisée
.
171 .
Chapitre 1 - La prééminence consacrée par les textes
..
172 .
Section 1 - Le statut renforcé du président..
.
172
A - La désignation du président..
.
172
§1 - Dans les systèmes monopartisans
..
173
§2 - Dans les systèmes multipartisans
..
176 ..,
B - Les attributions du président de l'assemblée
nationale
.
179
§1 - Son autorité sur l'organisation et le
déroulement des activités de l'institution
parIe:D'lentaire
.
179
§2 - Le président, gardien de la sûreté
intérieure et extérieure de l'assemblée
nationale
.
180
Section II - Une suprématie du président confirmée
par son statut financier
..
A - Chef des services financiers et autorité chargée
de l'élaboration du budget de l'assemblée
nationale
..
§1 - Le président, chef des services fmanciers.
§2 - Un budget dont l'avant-projet est de
source présidentielle
.
188

B - Le président, acteur principal de l'exécution
du budget
18°.,'
0
§1 - L'exécution du budget de l'assemblée
nationale..................................
189
§2 - La responsabilité du président de
l'Assemblée nationale.............................
191,
Chapitre II - Un président renforcé par son statut partisan...........
193
Section 1 - La place du II'ésident de l'assemblée nationale
dans un
t
sys ,eme
art'
IllOnop
Isan
.
193
A - Le président de l'assemblée, deuxième
leader du pays
194:
§1 - Un statut politique découlant de sa
fonction partisane...
194
§2 - Un statut tributaire des liens du président
de l'assemblée avec le chef de l'Etat........
196
B - Le président de l'assemblée nationale,
dauphin du chef de l'Etat ?...............................
198
§1 - En Côte d'Ivoire, conférée automati-
quement au président de l'assemblée,
la succession du chef de l'Etat évolue
vers la vice-présidence de la République..
199
§2 - L'absence de succession automatique
du chef de l'Etat par le président de
l'assemblée nationale: le cas du Togo......
~01
Section II - La place du président de l'assemblée nationale
dans un système multipartisan
(à parti dominant).............................................
202
A - Son importance dans le parti dominant................
202
§1 - Son rôle.....
202
§2 - Les attlibutions.........................................
204
B - Les relations entre le président de l'assemblée
et le chef de l'Etat.............................................
205
§1 - Un président détenteur de fait du
pouvoir d'Etat en Haute-Volta..............
205
§2 - Un président, co-détenteur du pouvoir
partisan et collaborateur du chef de
l'exécutif au Sénégal.....
206

Sous-Titre TI - Les auxiliaires du président de l'assemblée nationale
.
210
Chapitre 1 - Un organe collégial aux attributions relativement
nombreuses : la conférence des présidents
.
Section 1 - Composition et désignation de la conférence
des presidents
.
~11
A - Dans les Etats monopartisans
.
212
§1 - Composition
.
212
§2 - IJésignation
.
213
B - Dans les Etats multipartisans
.
214
§1 - Composition
.
214
§2 - IJésignation
.
216-
Section TI - Les attributions et l'organisation des travaux
de la conférence des présidents
.
2.17
A - Les attributions
.
217
§1 - Leur étendue
.
217
§2 - Les linrites
.
218
B - L'organisation des travaux
.
~20'
§1 - Réunion de la conférence des présidents.
220
§2 - Les délibérations
.
221
Chapitre TI - Le ou les groupes et les commissions
parlementaires
.
222
Section 1 - Le(s) groupe(s) parlementaire(s)
.
222
A - Les groupes parlementaires dans les systèmes
multipartisans de Haute-Volta et du Sénégal
.
§1 - Composition et nombre
.
§2 - Leur rôle an sein du parlement.
.
B - La question de l'existence du groupe
parlementaire dans les regimes monopartisans
(Côte d'Ivoire et Togo)
.
22.5
§1 - Une logique monopartisan : la recusation
de la pluralité et la consécration d'un
seul groupe parlementaire
.
226
§2 - Rôle du groupe an parlement: le relais
d
. . . t· nnal· t
u parti mstitu lOIS e
.
227
Section TI - Les commissions parlementaires permanentes..
W_

A - Dans les systèmes mu1tipartisans
.
228
§1 - Leur composition et leur désignation
.
228-
§2 - De leurs attributions
..
229
B - Dans les systèmes monopartisans
..
23l
§1 - Leur composition et désignation
.
231.:
§2 - Des attributions techniques évidences
.
232
Chapitre ID - Le bureau et le secrétariat ou les auxilaires
du président de l'assemblée
.
Section 1 - Le bureau des assemblées nationales
.
235
A - Une composition variable et rôle du bureau
..
~37
§1 - Composition et désignation
.
237
§2 - Son rôle
..
238.
B - Organisation des travaux de bureau
.
239
§1 - Réllllion
.
239·
§2 - J)élibérations
..
240
Section II - Le secrétariat des Assemblées nationales
..
a,41'
A - La primauté du secrétaire général dans
les services législatifs
..
§1 - Le statut du secrétaire général
.
§2 - La responsabilité du secrétaire général
sur les services législatifs
..
242
B - Les attributions du secrétaire général
.
243
§1 - En dehors des séances
..
~4.p
§2 - Pendant les séances
..
a4~,
Chapitre N - Les séances plénières
.
246
Section 1 - La délimitation du cadre temporeL
.
246
A - Les sessions ordinaires
.
246'
§1 - Aménagement de l'ouverture de session
ordmaIfe
.
247·
§2 - La clôture des sessions ordinaires
.
248
B - Les sessions extraordinaires
..
248
§1 - En période normale
.
249
§2 - En période exceptionnelle
..
250
Section TI - L'organisation des séances plénières
.
251
A
Le
,
l' "
-
s seances p emeres
..
251
§1 - Leur nature
.
251

§2 - Schéma synthétique du travail
parlementaire en séance plénière...............
252
B - I.es mooes de votation..........................................
253
§1 - Quorum à réunir.. ............... ...............
2.53 _
§2 - I.es scrutins utilisés...........................
22lt ,
ConclusiOll de la :Première Partie..........................................................
255
DEUXIEME PARTIE: DE L'INEFFICACITE DES
REGLES DE FONCfIONNEMENT DES PARLEMENTS
A L'EMERGENCE D'UN MODELE AFRICAIN
ORIGINAL....
256_
TITR.E 1 - L"EFFACEMENT DU IOLE DES PAIlLEMENTS
DANS L"ADOPTION DU CADRE IlEGI~ LEUllS
ACTIVITES....
..
..
25s=.
Chapitre 1 - Un cadre normatif "octroy" : le règlement intérieur....
260
Section 1 - L'élaboration gouvernementale du règlement
intérieur des assemblées nationales..
261
A - I.es origines externes du règlement intérieur.
262
§1 - Un comité rédactionnel mixte en
Côte d'Ivoire et en Haute-Volta..............
263
§2 - L'élaboration du règlement intérieur
par l'exécutif sous la troisième république
togolaise....................
264
B - L'attitude des assemblées nationales lors de
l'adoption du règlement intérieur.......
265 ~
§1 - Une attitude timide...
265
§2 - Une attitude passive
266~
Section II - L'élaboration partisane du règlement intérieur
des assemblées nationales de Haute-Volta
et du Sénégal......
268
A - I.e règlement intérieur, oeuvre d'lUl parti politique. 268
§1 - L'exemple voltaïque
(Ile et Ille Répbuliques)............................... 269·
§2 - L'exemple sénégalais................................... 2'1.0·

B - Un vote majoritaire acquis sur le règlement
. t' .
d"
. at'
nari-;
ln eneur
tnSprr ion f'U' usane
.
272.
§1 - La faible importance pratique du
'1
t . t' .
reg emen fi erleur
.
272.
§2 - Le vote majoritaire du règlement intérieur.
273
Chapitre TI - Un ordre du jour des assemblées nationales
largement dépendant du pouvoir exécutif..
.
2.75
Section 1 - les compétences respectives du parlement et
de l'exécutif en matière de fiXation de l'ordre
du jour
.
275
A - Un déséquilibre évident au bénéfice de l'exécutif.
2]6~
§1 - La priorité du gouvernement dans la
fiXation de l'ordre du jour
.
§2 - Le contrôle du travail législatif par
l'exécutif.
.
B - Un parlement dépossédé de son ordre
du jour par l'exécutif..
.
279
§1 - Des questions orales à la merci
du gouvernement.
.
280
§2 - Un ordre du jour complémentaire
largement tributaire de l'exécutif
.
Section II - Le rôle réel de la conférence des présidents
dans la fixation de l'ordre du jour
.
A - L'exclusion de la conférence des présidents de
la fiXation de l'essentiel de l'ordre du jour
..
284
§1 - Le domaine de l'exclusion
.
ïm4
§2 - Les assouplissement à cette exclusion
.
285
B - La liberté de la conférence des présidents en
matière des questions orales
.
286
§1 - Le contenu de la compétence
~ . 287
§2 - Les limites à la libre détermination des
questions orales
..

TITIlE n - DES FONCTIONS PAR.LEMENTAIR.ES DEPENDANT
DE L·EXECI1fIF.....................................................................
_289
Sous-Titre 1 - L'exercice-effectif des fonctions traditionnelles
du parlement.
291
Chapitre 1 - Une fonction législative vidée de son contenu....
292
Section 1 - L'initiative législative....
29}
A - L'impossibilité d'élaborer et de faire aboutir
des propositions de lois...
293
§1 - Dans les systèmes monopartisans...............
~94
§2 - Dans les systèmes multipartisans.
296
B - L'origine exclusivement gouvernementale des lois.
_298
§1 - La source exacte de ces lois....
_2J§
§2 - Leur élabomtion technocratique..................
,'00
Section il - L'examen des projets et des propositions de lois.
'303
A - Le dépôt des projets et des propositions de lois..
303
§1 - Le dépôt des propositions de lois......
303
§2 - Le dépôt des projets de lois.
3.05
B - La saisie du projet de loi par les organes
de travail parlementaire..
,06
§1 - L'examen du projet de lois par les
commissions permanentes........................
30b
§2 - Le tmvail législatif du ou des groupes
parlementaires...................................
}07
C - La disparition du projet de loi en séance publique.
308
§1 - Le déroulement des débats......
303
§2 - Des discussions conditionnées par le
poids moral et les prérogatives constitu-
tionnelles du chef de l'exécutif....................
~10~
Section ID - Le vote du projet de loL....................................
}12
A - Des procédures abrégées autorisant le vote
rapide du projet de loi gouvernementale................
}12
';;1;.12
§1 - Le vote sans débat et le vote avec débat....
J
§2 - Le vote bloqué............................................
313=
B - Une procédure normale rehaussant relativement
l'organe législatif
.
~14
§1 - Le vote par article...
315
§2 - Le vote sur l'ensemble du texte..................
316

Section IV - La promulgation de la loi par l'exécutif..
.
317.
A - Une promulgation à la disposition du chef
exécutif
.
§1 - La consécration constitutionnelle
.
§2 - Une prérogative assortie d'une sanction
.
B - Une restriction à la prérogative gouvernementale
rehaussant relativement l'assemblée nationale
.
321
§1 - La promulgation attribuée aux
parlementaires
.
321
§2 - Une limite émanant du parti unique
du dominant
.
322
Chapitre TI - Un "contrôle" technique souple et politique formel...
324
Section 1 - Le contrôle dans les états à parti unique
.
325
A - Le contrôle politique
.
325
§1 - Des moyens d'information et d'expli-
cation plutôt que de sanction
.
§2 - Le transfert du contrôle politique du
parlement au parti unique
.
327
B - Le contrôle technique
.
328
§1 - Le rôle des commissions parlementaires
dans le contrôle technique
.
329
§2 - La place du parti dans le contrôle
technique
.
33°
Section TI - Le contrôle dans les états à partis multiples
.
332
A - Un contrôle politique séduisant mais
inapplicable
.
332
§1 - Le contrôle "politique" dans le régime
parlementaire de Haute-Volta
.
332
§2 - Le contrôle "politique" dans le régime
'·d
t· l
' , al .
preSI en le seneg ms
.
B - Un contrôle "technique" relativement important.
§1 - Le rôle des commissions d'enquête
.
§2 - La portée des conclusions des
. .
d ' A t
C0Illll11SSI0nS
enque es
.
339'

Sous-Titre II - La dépossession des assemblées dans les domaines
"
'bl"
sensl es
.
Chapitre 1 - Une participation limitée dans les domaines
budgétaires et diplomatiques
.
Section 1 - Une activité réduite dans la confection
de la loi de fInance
.
A - L'élaboration gouvernementale des lois
de fmances
.
346
§1 - La loi de finances de l'année
.
346
§2 - La loi de fmances rectificative
.
.348
§3 - La loi de règlement.
.
348
B - La discussion des lois de fInances et l'adoption
par l'assemblée nationale
.
§1 - La discussion et le vote du budget
.
C - La discussion en séance publique du budget..
.
1 - L'hypothèse d'un dépassement de
la durée maximale fIXée par les
constitutions rescpectives
.
354
2 - Les hypothèses de retard dans le
dépôt et de l'urgence
.
354
§2 - La disetlSsion et le vote de la loi de
fmance rectificative et de la loi de
règlelllent.
.
356
Section II - Les pouvoirs diplomatiques de l'assemblée
nationale
.
359.
A - Un domaine très réglemnté mais considéré
comme relevant du chef de l'Etat
.
§1 - Un domaine limitativement énuméré
.
§2 - Un domaine présidentiel relativement
contrôlé par la Cour Surpême
.
B - Une intervention timorée de l'assemblée dans
la conduite de la politique extérieure du chef
de l'exécutif
.
§1 - La politique extérieure de l'Etat rendue
caduque sans l'autorisation de l'assemblée
nationale
.
§2 - Une politique extérieure appuyée par
l'assemblée nationale
.

Chapitre II - Le rôle des parlements africains face à la remise
en cause du cadre constitutionneL
.
Section 1 - Des assemblées nationales pratiquement "court-
circuitées en matière de révision constitutionnelle..
A - L'exclusion de fait du parlement monocaméral
par une procédure de révision rigide, d'une part,
et complexe et solennelle, d'antre part
.
368
§1 - L'exclusion de certaines matières du
champ de la révision constitutionnelle
.
§2 - L'affaiblissement du parlement monoca-
méral dû au caractère rigide de la
, ..
pmcédure de revlslon
.
B - En pratique, la révision constitutionnelle est
opérée par l'exécutif et sanctionnée par le
parlement monocaméral
.
37f
§1 - La révision, oeuvre du chef de l'Etat
.
57}.
§2 - L'assujetissement de l'assemblée lors de
l,
bat·
d l ' · ·
appro
Ion
e a revlslon
.
Section II - L'assemblée nationale pendant les périodes
exceptionnelles
.
376
A - Les mesures conservatoires favorables au
parlement monocaméral avant et durant la
période exceptionnelle
.
377
§1 - La consultation obligatoire de l'assemblée
nationale
.
377
§2 - La réunion d'office de l'assemblée nationale. 378
B - La portée réelle des pouvoirs parlementaires
en période exceptionnelle
. 37~
§1 - L'exercice du contrôle parlementaire
sur les pouvoirs exceptionnels du chef de
l,
'
·f
executi
. 379
§2 - Un contrat parlementaire potentiellement
inefficace
. :;80

TITRE m - VERS LA ~ D"UN NOUVEAU MODELE
DE P.ARLEMENr....
' 382
Sous-Titre 1 - Des assemblées nationales aux attributions techniques
souhaitées et aux compétences politiques restreintes... ... ....
38}
Chapitre 1 - Du discours politique antiparlementaire à la sélection
professionnelle des députés....
384
Section 1 - Le discours antiparlementaire et ses applications.
384
A - Les fondements du discours antiparlementaire
afncaJn..........
384
§1 - La récupération et la déformation du
bonapartisme et du Gaulisme par les
dirigeants africains
.
§2 - L'échec du régime parlementaire de type
classique et son exploitation dans le

l·t·
lSCOurs po 1 lque af··
ncron
.
3&6
B - Les applications de l'antiparlementarisme
.
388
§1 - Dans les régimes militaires
.
38B
§2 - Dans les régimes civils
.
389
Section II - Un recrutement à base professionnelle
.
391
A - L'exemple de l'assemblée national du Sénégal
à l'issue des législatives de 1983............
592
§1 - Composition socio-professionnelle
du parlement sénégalais....
39l
§2 - La relation entre les professions représentées
et les activités professionnelles dans le pays. 39j
B - L'exemple d'une assemblée nommée : le conseil
consultatif national pour le renouveau (CCNR),
sous le régime de fait du général A.S. Lamizana.... }96
§1 - La base du recrutement................................. 396
§2 - Relation entre les couches professionnelles
représentées par rapport aux professions
existantes.......................................
. 397
Chapitre fi - La recherche d'une technocratie législative................... 399.
Section 1 - Exemples de projets de lois améliorés par
le travail parlememntaire....
399
A - L'analyse du travail parlementaire..........................
~oo

§1 - Au sein de la commission compétente
élargie aux membres des autres
commissions parlementaires.......................
400~
§2 - En séances plénière.....................................
L+02
B - I.e texte défmitif.....................................................
40} _
§1 - Les traits communs entre les projets de
lois considérés et les lois votées......
4P3_
§2 - I.es spécificités...
404
Section II - I.es assemblées nationales et le plan de
développement économique et social...
405
A - L'élaboration du plan de développement
économique et social..........................................
407 ;
B - L'adoption.......
409.
Sous-Titre II - L'émergence des nouvelles fonctions.......................
411-
Chapitre 1 - I.e rôle médiative des parlementaires...
412-
Section 1 - Des parlementaires à la fois agents d'information
et de développement économique....................... 412-
A - Des porte-paroles et des informateurs du parti
.
unIque ou d '
t
olDlnan.
.. .. .....
..
.. ...
..
42'
1 :
§1 - Une tâche d'information des objectifs
gouvernementaux
413:
§2 - Des parlementaires, relais entre les
gouvernés et les gouvernants
414;
B - Des agents de développements...
415
§1 - Une tâche d'encadrement économique
415
§2 - Une participation catalysatrice aux tâches
économiques et sociales......
415
Section II - Des parlementaires agents d'intégration
nationale
417-
A - Une intégration par leur représentation au
~.
sein des assemblées nationales
417
§1 - Une représentation, favorable à la
coexistence des ethnies. .......... .......... ..... ... 417
§2 - La représentation, facteur de solidarité
collective.............
418,
B - Une fonction d'intégration au regard des
représentés
419 .
t
1
l

§1 - Une représentation, symbole de
l'irnportm\\ce du groupe social...................
419
§2 - Une représentation, symbole de l'appar-
tenance à l'entité nationale... ........ ......... ....
420
Chapitre II - Une fonction d'intégration an système international....
421
Section 1 - La représentation du pouvoir politique an
sein des associations inter-parlementaires
421
A - Au niveau inter-africain..
421
B - Au niveau international...
423
Section II - La participation du parlement à des missions
à l'étranger...........................................................
424
A - Au niveau d'organismes internationaux........ ..........
'424
B - Au niveau bilatéral..................................................
1+25
Chapitre ID - Une fonction pratique : l'assemblée comme lieu
d'apprentissage de la vie politique...
426
Section 1 - Lieu privilégié de formation politique.....
426
A - Un centre d'initiation aux affaires publiques..........
426
B - Un centre de formation politique..
427
Section II - Une étape du cursus politique.......
428
A - De l'exercice du mandat parlementaire à
l'occupation de fonctions politiques plus
IJnl><>rtan.tes.... .. ..... .... ......................... .... ............. .
428
B - ~s exceptions
429
I l • • I l • • • • • • • • • I l • • • • • • • • I l ' • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
CONCLUSION GENERALE....
431
REFERENCES BIBUOGRAPIDQUES..................
437
1 - Traités manuels............................................................................
438
TI - Ouvrages.....................................................................................
439
ID - Thèses - Mémoires.......
444
N - Articles......................................................................................
,447
V - Cours, conférences, colloques, rencontres, discours intérieurs..
456
VI - I::>c::>cuments.
457
I l • • • I l • • • • • I l • • • I l • • • I l • • • I l • • • I l • • • • • I l • • • • • • I l • • • I l • • • I l • • • l ' ' I l I l • • • I l • • • I l
VII - Revues et journaux.................
45~