UNIVERSITE DE ;'vl0NTPELLIER
FACULTE DE DROiT ET DES SCIENCES ECONOlVlIQUES
LES
ETA,'fS
D'A,FRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
A LA .L{ECHERCHE D'UN DROIT DE: SOCIETES
THESE
présentée et publiquement soutenue devant
l'Universiré de Montpellier
pour l'obtention du grade de
DOCTEUR D'ET;\\ T EN DROIT
par
Jean René COMEZ
AssiSlanl à l'Universilé de BRAlZA VILLE (CONGO)
Jury:
M.Jean CALAIS-ALLOY
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier
Président
M.J,DU BOrS DE GAUDUSSON
Professeur à la Faculté de Droit de Bordeaux
Assesseurs
M.N'lichel CABRILLAC
Professeur à la Faculté de Droit de lvlontpellier
M.Jean-Claude BOUSQUET
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier
Mme M,TCAL.c\\IS-AULOY
M.de Conf. ù la Faculté d;; Droit de Montpellier
~Il LI.. T 10"<0
A Michaël ...
2
Doss.lntern.F.LEFEVRE : Dossiers Inlernationau, Francis LEFEBVRE (AfLnoire fL
Afrique noire fLlncopl1one et Afr.centr. : i~frique centrale).
Dr.Soc. : Droit social
O.S. : Recueil Dalloz-Sirey
EJ.A. : Encyclop~die Juridique de l'Afrique (N.E.A.)
E.P. : Entreprise publique
Gaz.Pal. : Gazette du Palais (France)
G.I.E. : Groupement d'lnt~rêt Economique
l.R.P.P. : Impôt sur le revenu des personnes physiques
1.5. : Impàt sur les sociétés
J. : J uris prudence
J.CP. (G) : Jurisclasseur périodique, La semaine juridique (édition générale)
JCP. CCI.) : Jurisclasseur périodique. La semaine juridique (édition Commerce et Industrie)
J.CP. (N) : Jurisc!asseur périodique, LI semaine juridiLJue (édition Norarian.
J.Cl.Soc. : Jurisclasseur sociétés
J.D.l. : Journal du droit international (Clunet)
J.O. : Journal Officiel
J.O.R.f. : J.O de la République Française
J.O.R.S. : J.O. de la République du Sénégal
1.Soc. ou JOUIï1.soc. : Joumal des sociétés
L. : Loi
L. : Loi françJ.ise du 24 juillet 1966
L.G.DJ. : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence (Paris)
N.E.A. : NOU\\'elles Editions Africaines (Dakar)
Ordo : Ordonnance
P.D.G. : Présidem-Directeur Général
'~
1
PRINCIPALES ABREVIATIONS
AFDI : Annuaire Français de Droit International
AJDA : Actualité Juridique - Droit administratif
Ass.NaL : Assem blée Nationale (France)
BAMREL: Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d'Etudes Législatives
BIC: Bénéfices Industriels et Commerciaux
Casso : Cour de cassation
Cass.civ. : Cour de cassation, Chambre civile
Cass.com. : Cour de cassation, Chambre commerciale
Chrono : Chronique
Civ. : Tribunal de Grande Instance (France)
C.civ. : Code civil
c.com. : Code de commerce
CEAO : Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest
CEDEAO: Communauté Economique des Etats de l'Afrique Occidentale
CEEAC: Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale
CEE: Communauté Economique Européenne
COB: Commission des Opérations de Bourse (France)
COCC : Code des Obligations Civiles et Commerciales (Sénégal)
Comp. : Comparer
D : Recueil de jurisprudence Dalloz (France)
Déb. : Débats parlementaires
D.L. : Décret-loi
Doctr. : Docmne
3
PENANT: Revue de droit des pays d'Afrique
RASPJE: Revue Algérienne des Scienœs Politiques. juridiques et économiques
RDP : Revue de droit public (France)
RJPIC : Revue Juridique et Politique Indépendance et coopération
Rép.soc. : Répertoire Dalloz des Sociétés.
Req. : Chambre des requêtes (France)
Rev.jur.com. : Revue de Jurisprudence commerciale (France)
R.F.D.A. : Revue Française de Droit Administratif
R.I.D.C. : Revue Internationale de droit comparé
Rev.Sén.Dr. : Revue Sén~galaise de droit
Rev.soc. : Revue des Sociétés (France)
Rev.trim.dr.civ. : Revue trimestrielle de droit civil (France)
Rev.trim.dr.com. : Revue trimesrrielle de droit commercial (France)
R.T.D.E. : Revue trimesLrielle de droit européen
S. : Recueil de jurisprudence Sirey (France)
S.A. : Société anonyme
S.A.A. : Société anonyme Africaine Cà caractère supranational)
S.A.R.L. : Société à responsabilité limitée
S.C.S. : Société en commandite simple
S.N.e. : Société en nom collectif
Somm. ou Som. : Sommaire
Trib.civ. : Tribunal civil
Trib.com. : Tribunal de commerce
U.D.E.A.C. : Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale
V. : Voir
V.égaL : voir également
v o , Vis: Verbo, Verbis (mot, mots)
4
1 - LA FRANCOPHONIE; SA DEFINITION DANS L'OPTIQUE DE NOTRE
ETUDE
- 1 - Le ph~nomène de la francophonie est difficile J cerner du fait qu'il ne s'applique pas
i
un e~pace géographique homogènè. Cela se traduit no~ammen( par l'impossibiliré
d'établir une immuable corrélation entre les terriroires nationaux et l'usage de ]a langue
française. Deux exemples suffiront i illustrer nos affiIl11ations. D'abord, l'on observe que
l'usage de la langue française, qui n'e~t pas le moindre des critères d'allégeance à la
francophonie, est le fait "on seulement des anciens Territoires africains dits "rl' expïcs5ùm
ji-ùnçaise" - ou d'Outre-Mer - mais aussi des pays du Maghreb d'obédience islamique
(A 19érie, J'v'Iaroc, T un isie, ",),
L'on note, par ailleurs, que l'usage de la langue arabe dans les pays d'Afrique du
Nord n'a pas emrainé, loin s'en faut, le rejet de la langue française: il en est résulté la
consécration du bilinguisme (1).
Il semblerait à la lueur de ces deux exemples que la francophonie, parce qu'elk ne
s'inscrit ni dans un eSIJace géographil1ue ni dans un continuuIll linguistique bien déterIllli1é.
.....
' - '
l
' - '
soit rebelle i
toute tentative de systémJtisation. Il n'en est rien cependant, CJr la
francophonie, en dépit de ses diverses faœ[[es ou manifeStations, présente au mOins lin
cknoIllinateur commun : le facteur historique. Autrement dit, ~i elle donne lIeu ~i
d'insolubles comfoverses lorsqu'on l'aborde sous l'angle puremenr économIque ou
politique, la fr~ncophonie se laisse toutefois facilement appréhender pour peu qu'on la
ramène à des SilllOlions defail que l'on pourrait qualifier ci'historiques en prenant ce terl11e
dans SOIl sens le plus large. Le professeur TUBIANA propose d'observer J. cet égard troi:;
situatiors historiques différentes. (2)
(1) cr TUBIA.N.-\\, Dc !J francophonie en .-\\fnquè, in LE \\1015 EN AFRIQUE, n' 251-252; 1986: p.137-14:::'
spéci:Jkrnelll : 'L'usage de rarabe. iibremel1/ ChOISi pur les gouverncme/1lS comme langue nUlionuie. iJ\\'CI:
pour corollaire ie rejet du français considéré comme langu.e du colonisweur, langue "aliénante", n'a pus
pour résulWi llile disparition immédiille ei iOloic du j'-unç(l[s, Im1/ que la voiomé populaire Il' Cil pas
unanime: le réSid,m eSi lin bilinguisme pûrfilliemelli ilatlirel el légitime",
(2) Il convient de souligner que d'auues c!:Jssific:Jlions SOnl possibles: ,-\\insi, "dans le cadre de l'AUPELF
(Association des UnlVersilés Partlellemen[ ou cntièremclll de Langue Fr~lI1çaise), le monde francophone CI élé
organisé s'ous forme de trois cercles conccnuiques :
- La frJncophonle "X' uni.aitla Fr:Jnce ct les Etats africains ct mall!ache
- La (rJncophonie "B" grouperait ks ll1l:mcs Etats auxLjucls \\~eIHJraient s'ajouter les P~IY' du
~bghreb, le Lib~lrt, HJiti ct Jes Ewts de !'Jncicnnc Indochine.
- La francophoni-.', "C" comprendrail la Fr~'lncc, les ELats francophones en voie de Liéveloppc'Illcnl, la
suisse et le LuxC'mbourg,"
cr Christian PHiLIP, L'inslitutionnalisation de la francophonie, RDP Jan\\'-fcv
1984, pA 7-76, p,54 spécialeillent.
5
"Le premier cas. le plus sirnple, eSl celui des pays (fu' if convienl
d'appe/er de cullllre ti-alleaise. L'usage de la langue françOlse esT un
élément de ceue cu/rure. jèlçonnée par une longue tradition ."
Le second cas eSl celui des pays acquis à la francophonie" par
!' c'(pansion
française.
ou
pour
parler
plus
crûmenr
par
!o
colollisalion ....
Le troisième cas eSl ce lui des pays non francophones, donl les peuples
onl accés à la cuhure liniverselfe par ulle langue ([Lure Llue le
français."
Bien que la classificarion du Professeur TUBIANA soit satisfaisanre, nous nous
devons de privikgier, par souci de simplification (3) et de pragmatisme, le crit~re du
rattachernenr législatif lequel conduit à englober dans la sph~re de la francophoflle tOus les
pays dom les dispositifs législatifs du droit français cOllstiruent de près ou de loin
l'armature essentielle. De cette manière, nous regrouperons dans notre étude, d'une pan les
pays d'allégeance juridique, française et d'mnre pan ceux de mouvance belge.
Il nous faudra toutefois déroger ~l cette classification dans le chapitre con:--acré aux
emreprises publiques, plus précisement en ct qui concerne "f'elllï(:!prise socialiSTe".
Sur cette question précise, la démarche comparative parait ~tre la seule apte :1 Lure
ressortir l'origInalité d'une telle institution, ce d'autant qu'elle n'existe que sous f0ll11è
embryonnaire dans les Etats d'Afrique noire: cl 'obédience marxiste (Bénin, Congo, \\lali) et
qu'dle n'apparaît dans son expression la plus "complète" qu'en Algérie et à lvIacbgascar.
(3) en matière de ''simplification'' la francophunit: J élé c!éi'inie comme: "une communauté ~piriLUelk de
nations qui emploient le frml\\~ais, que celui-ci SUII la langue nmionaie, la languc officielle ou bien J;j langue
d'usage" Cf CHRI5TL'\\l'\\J PHILIP, op.cil., p.54. voir égalcment JL GOELA1'\\f, "L'Afrique d'expression
française et la francophonie", PENM'H, n' 723 J,mv-,\\1ars 1969, p.l à 32, pA à 9 notamment
6
II - LA RELATIVITE DES REFORMES REALISEES EN DROIT AFRICAIN
DES SOCIETES (4).
- J -
Soulignons d'emblée que les dispositions qui seront mentionnées relativement à Lin
Etat ou à L1ne législation n'auront qu'une valeur indicative, notre objectif étant de faire
apparaître la relativité des réformes entreprises en matière de droit des sociétés et non de
faire l'état de celui-ci (5).
a) Quant à leur contenu
- 3 -
Le minlérisme est le trait nlarquant du droit des sociétés aussi bien avant gu 'après
l'indépendance des pays africains. Redoutant en effet le désordre et le vide !égisiatif
qLl 'aurait
provoqué
une
abrogation
immédiate
du
droit
colonial
à
compter
de
l'indépendance, les différents Etats d' Afriq Lie francophone avaient proclamé le maintien
du droit antérieur. (6).
Cette
solution
a engendré
la
survivance
d'un
droit
commun
des
sociétés
commerciales presque entièrement calqué sur la législation française, la seule différence -
minime en réalité - étant que cenaines dispositions de la législation française ont fait
l'objet d'une abrogation. C'est ainsi qu'en ce qui concerne la loi du 4 mars 1943 ::pplicable
(4)
L'utilisation du lerme "droit africain" des sociétés, qui peut paraître inappropriée dans la mesure où
l'harmonisation des législations africaines n'est pas encore un faiL acquis, se justifie malgré tout par le fait
que les pays d' Afrique noire francophone tirent i' esscmiei de leur législation d'un moule commun: celui du
droit français, pnncipalement de la loi du 24 juillet 1967 relatives aux sociétés par actions et celle du 7 mars
1925 applicable JUX SARL; Cf PF G01\\iIDEC, "Les droits afriCains, évolution et sources", LGDJ 1968 p.8;
Cf Kéba iV!'BA'r'E, "L'unification du droit en Afrique", Rev.Sen. Dr. 1971 n'lO p.65-81, p.67 :"Cerlains
Africanistes discUlen/ encore sur le pain/ de savoir s'il y a "un droit africain" ou "des droits africains". Sans
entrer dans les déwil de celle discussion, je me bornerai àfaire observer, avec CONIDEC, qu'il va bien un
droil africain".
(5) lvŒSSON~IEK , "Droit des sociétés en ,-\\frique", Paris, 1978, p 783 ,LGDJ et N'EA, spéc.' L'analyse des
textes en viguèur" p 59-154; voir également MESSONNIER, "Les sources du droit des sociétés"
In
Encyclopédie Juridique de l'Afrique (EJA), 1982 tome
VII, NEA, p.lOl ets; "Analyse de la législation
africaine en maLii:re de droit des sociétés", RJPIC, n'3, juillet-aoÔI 1976, p 331-375; "Le droit des sociétés en
Côte d'Ivoire", PENANT, 1976, n'752, p 187-226 ct n'753, p. 351-372; voir par ailleurs de nombreuses
études in Congrès IDEF, AbidjJn, 5-10 sept 1977, RJPIC, n'l, janv-mars 1978, p 231 à 238; BALIMA, "Les
sociétés commerciales en Afrique de l'Ouest, Thèse Doctorat d'Etat, Droit, Université de Paris l, 1979, 3
volumes; Dossiers internJLionaux Francis Lefebvre, guide juridique et fisCJI, Afrique noire francophone, sept
1984, p 808 è'l .-\\Crique Centrale 1er juillet 1987, p 383; Equipe HSD, "Droit Commercial et des sociétés en
Afrique", EDICEF/AUPELF, 1989.
(6) BALIMA, ouvrage précité, vol.I,p.17.
7
dans ses dispositions communes aux S.A et S.C.A. et dans ses dispositions spéciales aux
S./\\., seuls les articles 10 et Il sont applicables.
Si l'on exclut les rares cas de modification des dispositions du droit coloniaL force
est de constater la prépondérance du droit français des sociétés avant comme après
l'indépendance des pays africains.
Une synopsis de l'évolution et de la teneur actuelle du droit africain des sociétés
permettra de mieux mesurer l'ampleur du mimétisme susmentionné.
Lors de l'indépendance, la plupart des Etats d'Afrique nOIre francophone étaient
régis notamment par les dispositions législatives citées ci-après.
Le code de commerce français était applicable en vertu d'une série de décrets (7).
Pour le droit des sociétés anonymes et en commandite par actions, la loi du 24
juillet 1867, cians sa rédaction d'origine, avait été rendue applicable à l'Afrique er a fait
l'objet de certaines modifications, pam1Î lesquelles on peut citer: les lois du 1er août 1893
et du 9 juillet 1902 sur les actions de pliorité et d'apport, la loi du 22 novem bre 1913 sur
les assem blées d'actionnaires, la loi dl: 31 mars 1927 sur les parts de fondateur.
Pour la SARL, la loi du 7 mars 1925 qui avait été déclarée applicable aux colonies
par son article 33, a été complétée par une série de décrets.
L'on peut mentionner par ailleurs la loi du 18 mars 1919 sur la création d'un
registre de commerce - modifiée par la suite -, la loi du 4 mars 1889 sur le régime de la
faillite - également modifiée en panie - ainsi que le décret--lvi du 8 août 1935 régissant
notamment
les
gérants
et
administrateurs
en
faillite,
la
responsabilité
pénale
des
administrateurs et le choix des comntissaires aux comptes, la faillite et la banqueroute.
Impressionnant de prime abord, surtout aL! plan formel, en raIson de sa diversité
apparente, l'arsenal de .dispositions législatives que nous venons d'évoquer succintement
est cependant loin de représenter un modèle d'originalité, puisqu'il s'applique encore pour
l'essentiel aux pays d'Afrique noire francophone. Ce qui revient à dire que le droit africain
des sociétés en vigueur est quasiment réductible à la législation héritée du droit français aL!
moment de l'indépendance !
(7) MEISSONNIER El A, op.cil. lame VII p.103 et s.
8
C'est du reste ce que constate Monsieur MErSSONNIER (8) lorsqu'il souligne le
contraste frappant emre l'activité réduite du législateur africain
dans le domaine
proprement dit du droit des sociétés et au contraire intense dans les autres domaines du
droit privé.
Faut-il donc s'en tenir à un bilan quasiment négatif de l'effort législatif en matière
de droit africain des sociétés?
A cette qcestion importante une réponse nuancée semble devoir être apportée, qui
mentionne à la fois la tendance générale à l'inertie et le dynamIsme naissam de quelques
rares pays africains.
C'est à la mise en évidence de cene double affirmation que nous allons nOlis
employer dans notre appréciation critique de la portée des réformes africaines.
b) Quant à leur pOI,tée
- 4 -
Les kgislations des pays d'Afrique noire francophone s'illustrent par leur tenciance
très marquée au mimétisme du droit franç~üs et ne peuvem donc être qualifiées de
"novatrices" ..-\\utrement dit, les réformes entreprises en droit africain des sociétés som de
faible portée.
11 en est ainsi de l'article 40 - modifié - de la loi du 24 juillet 1867 qui Vlse à
préciser l'étendue des pouvoirs reconnus aux administrateurs de société, de l'article 11 qui
fixe les condirions de rémunération des rnernbres du conseil d'administration et de l'article
12 qui traite de l'élection du président du conseil d'administration.
Qui plus est, l'ordonnance guinéenne de 1985, dans ses dispositions instituanr le
régime du président-directeur général, porte essentiellemem sur la composition et
la
désignation des membres du conseil d'administration.
Quam à l'ordonnance congolaise n° 62-26 du 16 octobre 1962, elle n'est que la
copie confomle de la loi française du 4 mars 1943 (9).
(8) MEISS00ij\\ 1ER, "Les sources du droit des sociélés", in El A, op. cir., p.l 01 ct s.
(9) Cf. MEISSONNIER, ouvrage précité, p.268; Voir également, du même auteur, "Les souces du droit des
sociétés" in EJA. op.cir., p.l 06
9
De même, au Gabon, la loi
n°
10-73 du 20 décembre
1973 relative ù la
responsabilité du président du conseil d'administration présente d'étranges similitudes
avec l'article 113 de la loi française du :2.:1- juillet 1966 ( 10).
Dans la plupart des Etats africains, le régime de l'administrateur délégué, tel qu'il
existait sous l'empire de la loi de 1867 est toujours en vigueur.
A l'exception du ~'fali, les législations africaines n'ont pas adopté I~ société
anonyme à directoire inspirée du droit allemand et que l'on retrouve en France dans le
cadre de la réforme instituée par la loi du 24 juillet 1966 (11).
Aucune réforme profonde n'a été apponée en matière de commissariat aux comptes
dont le régime est toujours régi, dans les Etats d'Afrique noire francophone par les articles
25,32 et 33 de la loi du 24 juillet 1867, modifiée par les décrets- lois du 8 août 1935 et du
31 août 1937 (12).
Au surplus, excepté au Sénégal,au Centrafrique, au Mali et au Gabon, aucune
réforme n'a été entreprise en Afrique en matière de procédures collectives applicables en
cas de cessation des paiements - liquidation des biens ou règlement judiciaire -, de sorte
que dans les Etats d'Afrique noire francophone, "le régirne desfaillires et banquerowes est
(10) Cf..tvlEISS0N'NIER, ouvrage précilé, n' 257, p.283
(lI) Cf. I\\1EISSOl'<'NIER "Les sources du droi l des sociélés", EJ A op. cil. p.1 02: cf.nOlammem anA 19 21 cf50
de la loi 86-13 .-\\~-Rj'vl du 2J mars 1986 portant Code de Commerce de la République du Mali.
(l2) A l'exception loulefois, du Burundi, de la CÔle-d'Ivoire, du Gabon, du Sénégal el du Z3lre. Des
réformes partiellès sonl inlervenues en CÔle-d'lvoire, au Gabon el en Guinée. Cf Côle-d'Ivoire, décrel n' 75
du 29 janvier J975; Gabon, loi n' 10-73 du 20 décembre J973 - article 9 alinéa 6 el article 3 -; Guinée, loi
n'66-22 du 1er seplembre 1962 - article 75 alinéa 9 el article 75 in fine -, Sur l'ensemble de la queslion,
MEISSONNIER. EJA, op, cil. p.143 el s. Il convicIll de souligner, loulefois, les efforts enlrepris dans le
cadre de l'Union Douanière el Economique de l'Afrique Centrale - UDEAC - Cf. dossiers inlernalionJux
Francis Lefebvre, Afrique noire francophone, op. cil. p.762, n' 8212 : "Dans le cadre de l'UDEAC
l'harmonisation des disposilions rehllives à la comptabililé des enlreprises repose loul d'abord sur l'adoption
du plan complable commun aux Elals de l'Union".
Ce plan compwble a élé adoplé par le conseil des chefs d'Etal le 27 novembre 1970 sur la base du
plan complable OCAM à l'origine duquel se trouvaiclllles travaux entrepris au sein de l'UDEAC.
L'élude d'une réglememation commune des professions comptables a par ailleurs conduil à l'adoption par le
conseil des chefs d'Elals :
- d'un SLalul des experts-compLables agréés - aCle n'4/70 UDEAC 133 du 27 novembre 1970 - qui
dispose nOlammenl que l'exercice de la profession complable el de com pLablc agréé eSl soumise il la décision
préalable du comilé de direclion de l'UDEAC après avis du minislre des finances de l'Etal inléresse.
- de dispositions relatives à l'exercice du commissarial aux comples el de l'expertise judiciaire en
comptabililé - aCle n"5/82 UDEAC 324 du J8 décembre J982.
10
dalls l'éral des dispodirions dll livre (roisièrlle dll code de commerce frallçais de 1854.
modifié par la foi du 4 mars 1889 - sur la liLlllidmion judiciaire -, la loi du 6 Se!JLCln/),.c
1892 el le décret-lui du8 aoûl 1935 ... u (13).
On le VOil, les modifications successives n 'onl pas visé la réforme des structures du
droi t africain (14).
C'est ainsi, par exemple, que le régime des valeurs mobilières ou le mode de
consti tu tion des sociétés ne son t pas ,. vulgari sés t· .l res tent l'apanage de q uelq ues rares
privilégiés.
Après ce bilan particulièremenl pessimiste, il convient de souligner, objectivilé
oblige, l'immense effort entrepris par ceI1ains pays qui se placent pour ainsi dire en aV~ll1t
garde du mouvement de réforme du droit africain.
D'abord, l'on ne saurait en effet passer sous silence l'ordonnance guinéenne du 15
mal 1985, la loi sénégalaise du 29 juillel 1985 et la loi malienne du 21 mars 1986,
lesquelles ont réalisé une véritable refonte du droit des sociétés des pays concernés (15 J.
(13) L'on peut cependant nOler certaines modific3tions.
- Excepté au Sénégal et au Gabon. la législauon reiati ve aux procédures de liquidation forcée -
faillite et liquidation judiciaire - relève du livre III du code de commerce français, tel qu'applicable dans les
Etats d'Afrique noire, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure au décret n' .5.5-583 du 20 mai 1955, ainsi que
l~ loi du 4 mars 1889 instituant le régime de la liquidJtion judiciaire et rendue applicable aux territOIres
dOutre-Mcr par le décret du 9 juillet 1890.
- Au Sénégal, un nouveau régime comporlJnt une procédure de liquidation des biens et de règlement
judiciaire a été institué par le COCC de 1976.
- De même, au Gabon, la loi n' 7-86 du -+ août 1986 a institué une procédure de règlemenl JudiCl3ire
et de liquidation des biens.
- Il faul souligner que le régime adopté par ces deux pays s'inspire étroitement du droit françaIs -
issu de la loi du 13 juillet 1967 el du décret du 22 décembre 1967-.
- En C:ntrafrique, dans le but de faciliter le redressement économ.j~fLlÇF~l!GlJancierdes entreprises en
difficulté. une ordonnance n' 82/403 du 6 seplembre 1982 omanise la ]Jr%E:~\\du[e.-de s'~spçÎl?ion provisoire des
poursuites et d'apurement collecti~ du passif. .
.
~
./';:-;,'" / / . ,
~~.~\\ .
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.
- Sur LOUS ces pOll1lS. Cl. dOSSiers l!1ternJlJOn3. ux. Francls:Lefob\\{ft..l1 Atnqu)no~rc lruncophonc ,
Op.CIl. p.646 el s., n' 65.50 et s., et "Afrique Centrale" p.71 et S., n' 324 el :,~.
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' r
(14) 0.'ŒlSSOr\\)JlER, "Les sources du droit des sociétés" in EJA \\op. cil. p.1:92.~~BA iVIBA YE,
"L 'expénence s~négalaise de la réforme du droit", in Revue intern.d.r. ,c~mparé_]"97?t/R!35-42,p.36 ct 37
<."
-"~~p.<.\\e;
nowmment
''''<_:~~~
(15) Cf.: - Ordonnance n' 119 PRG-85 du 17 mal 1985 portant règlemenLation des sociétés commcre iales,
J.O.R. Guinée, 15 mai 1985, p.162 et s.; v.également Arrêlé n'5745/i'vIC/CAB du 13 juin 1985 relatif à
l'application de l'ordonnance précitée;
- Loi n'85-40 du 29 juillet 1985 porwnt quatrième partie des Obligations civiles et commerciales
(les sociélés commerciales), JOR.SENEGAL, 21 décembre 1985, p.5.53 et s.; v.également Projet de Décrel
portant application de la loi précitée;
- Loi n '86-13 AJ'\\l-RM du 21 mars 1986 portant Code de Commerce en République du Mali.
11
Par ailleurs, l'exemple de la Côte d'Ivoire est particulièrement significatif de cette
volonté de progrès, puisque les modifications apportées dans la période
postérieure à
l'indépendance de ce pays concernent notamment:
-les opérations comportant appel public à l'épargne - décret du 17 janvier 1976,
- la restructuration des sociétés d'Etat et d'économie mixte ainsi que les sociétés
d'assurance,
- la création d'un marché financier - loi du 24 juillet 1974.
En définitive, l'analyse de l'évolution du droit africain des sociétés au cours de la
période postérieure à l'indépendance suscite deux types d'observation.
La première est que les réfonnes entreprises dans les Etats africains portent, pour la
plupart d'entre eux, sur des points de détail. Elles consistent généralement dans une remise
à jour de certaines parties de la législation héritée du droit français par voie d'abrogation
ou d'adjonction d'éléments de la loi française de 1867 (et les textes subséquents) (16) ou
encore, plus récemment et plus timidement, de la loi française du 24 juillet 1966 (17).
La seconde observation est qu'un certain nombre d'Etats africains se sont efforcés
de se démarquer de la tendance générale qui est de s'en tenir au droit commun des sociétés
commerciales - loi de 1867 et de 1925 principalement - en risquant une ouverture sur les
dispositions nouvelles de la loi française du 24 juillet 196~ (et les textes subséquents). Il
s'agit essentiellement, nous l'avons dit, du Gabon, de la Guinée, de la Côte-d'Ivoire, du
Sénégal et du Mali.
Or, sur ce point également, l'on peut noter que les réfonnes entreprises sont
d'inégale importance.
(16) Cf. MEISSONNIER "Le droit des sociétés en COle-d'Ivoire", PENANT, 1976 n0752 p.187-226.
(17) C'est notamment le cas du Gabon et du Niger - en matière d'administration et de direction des SA.
12
La molOS bonne nous paraIt etre celle du Gabon qui se borne à plaquer des
dispositions récentes du droit français sur son droit antérieur, et souvent d'ailleurs sans se
soucier de faire régner un certaine harmonie entre l'esprit et la lettre de la loi (18).
Le cas de la Côte-d'Ivoire est particulièrement intéressant du fait qu'il laisse
apparaitre l'extrême hardiesse du législateur de ce pays, lequel n'a pas hésité à sortir des
sentiers battus, à la différence de ses homologues africains. La Côte-d'Ivoire reste en effet
~e seul pays d'Afrique noire francophone - ce qui exclut le Nigéria - à s'être doté d'un
marr:hé financier.
A l'exception du Sénégal et du Mali qui ont procédé tOut récemment à la refonte de
leur droit (19), la Côte d'Ivoire prévoit l'institution d'un régime juridique viable en matière
de groupes de sociétés (20).
Elle a enfin mis sur pied un régime des sociétés coopératives largement inspiré des
réalités économiques et sociales du pays.
S'il est prématuré de donner un jugement sur les dispositions susmentionnées, l'on
peut raisonnablement penser qu'un droi t ivoirien satisfaisant verra le jour au terme des
"expérimentations" acruellement en cours.
Sans pour amant présenter la hardiesse de la législation ivoirienne, les exemples
guinéen, sénégalais et malien, précités, sont caractéristiques d'une grande volonté de
progrès, en ce sens que ces deux pays ont renoncé aux "habituelles" modifications de détail
pour entreprendre à la fois une véritable codification et une refonte du droit des sociétés
(21 ).
La seule critique majeure qui pourraa etre formulée à l'encontre de ces deux
"nouvelles" législations - plus au Sénégal et au Mali qu'à la Guinée - est qu'elle s'inspire
excessivement de la récente réforme française des sociétés. Nonobstant cette réserve, les
(18) voir notamment la loi n'10-73 du 20 décembre 1973, précitée.
(19) Journal Officiel de la République du Sénégal n'5096 du 21 décembre 1985, voir loi n' 85-40 du 29
juillet 1985 parlant quatrième partie du code des obligations civiles et commerciales, p.553 à 607; adde
décret d'application de la loi n'85-40 du 29 juillet 1985.
(20) NIEISSOi'.,Tj\\IER "Le droilàes sociétés en Côte-d'Ivoire", PENANT n'753, p.351-372
(21) Loi guinéenne n'66-22 du 1er septembre 1962; Loi n' 85-40 du 29 juillet 1985 - pour le Sénégal- JORS
du 21 décembre 1985; Loi malienne du 21 mars 1986.
13
réformes guinéenne, sénégalaise et ~alienne constituent un progrès indéniable par rapport
au droit an térieur.
Pour faire réellement avancer le droit en Afrique, l'une des solutions serait
d'anéantir les disparités législatives et d'entreprendre - à l'unisson - une politique
d'harmonisation afin de décupler les sources d'inspiration sans faire fi des valeurs
profondes du continent. (22)
III - APPROCHE METHODOLOGIQUE
- 5 - Une observation d'importance doit être faite relativement à la démarche utilisée dans
notre
ouvrage
: contrairement
aux
manuels
didactiques
et
traités
qui
procèdent
généralement à la revue des divers aspects du droit des sociétés (23), nous avons opté pour
une sélection des thèmes et nous nous limitons à l'étude des seules questions dont la prise
en compte peut contribuer véritablement à l'harmonisation des législations africaines.
Il convient de souligner qu'une telle démarche est facilitée par l'existence d'un
fonds législatif commun à tous les pays d'Afrique noire francophone,lequel est présenté et
analysé de manière exhaustive dans l'ouvrage de M. MEISSONNIER : "Le droit des
sociétés en Afrique". (24)
IV - PRESENTATION DU PLAN GENERAL DE L'OUVRAGE
- 6 -
S'agissant du plan de notre ouvrage, l'on peut dire q~ 'il s'est fait l'écho du mot
célèbre de M. FOYER: "Par le droit français mais au delà du droit français ". (25)
(22) DECOTIIGNIES, "La resistance du droit africain à la modernisation en matière d'obligations", in Rev.
Sénégalaise de Droit, 1971, p.59-73, v. spécialement p.69-73.; Réné DAVID, "La refonte du code civil dans
les Etats africains" op. cil. v . conclusion, p. 169-170;
Dynamique et Finalités des droits africains, "Economica", 1980, ouvrage collectif sous la direction
de Gérard CONAC.
(23) Cf. CHAt'vlPAUD, Le droit des affaires, QUè sais-je? PUF, 1981, p. 60-66 : L'auteur procède à une
appréciation fort intéréssante des deux principales méthodes d'approche du c!Joit des affaires en France:
- lès approches didactiques d'origine commercialiste, qui témoignent, à une exception près, d'un
"classisisme juridique absolu";
- les approches fondées sur les données pratiques de la mise en oeuvre du droit des affaires.
(24) MEISSOl'.!NIER, "Le droit des sociétés en Afrique", Op.CiL
(25) FOYER; "Les destinées du droit africain", PENANT, 1962, n° 690
14
En effet, la première partie témoigne du rattachement au droit français qui reste,
pour les pays qui en ont hérité, un atout essentiel. Les réflexions qui en constituent la trame
procèdent cependant du souci de soustraire les législations des pays africains d'un certain
immobilisme et d'introduire la nécessaire réacrualisation du droit africain. En cela, bien
qu'elles s'inspirent dans une large mesure du droit français, les propositions que nous
formulons n'en remplissent pas moins une fonction novatrice. Du reste, à cet égard, un
point mérite d'être souligné: c'est le constant plaidoyer que nous faisons en faveur de
l 'harmonisation des législation africaines.
La seconde partie de l'ouvrage marque une nette césure avec le droit positif
africain. Pour en apprécier correctement la portée, il faut considérer les institutions ou
techniques proposées mais aussi, et SUl10ut, la philosophie particulière qui les sous-tend.
Celle-ci repose en réalité sur un ancienne recommandation de grands sages et hommes
politiques africains panni lesquels
NKRUMAH apparaît comme la figure
la plus
marquante: l'Afrique doit s'unir.
Partant d'un constat simple, à savoir l'inefficience des "injonctions poliTiques" -
parfaitement fondées au demeurant - nous proposons leur traduction effective dans les
divers domaines où celles-ci peuvent s'appliquer. A cet égard, le droit des sociétés offre de
multiples possibilités, la plus importante étant sans conteste la "mise en service" d'un
instrument juridique susceptible d'aider à la réalisation des immenses ambitions des pays
d'Afrique noire francophone: une SA de droit africain - ou SAA -.
Parallèlement à ce vaste projet, nous préconisons la mise en oeuvre de mesures de
redressement des entreprises publiques africaines, et de mesures visant notamment,: à la
protection des entreprises africaines contre la main-mise étrangère, grâce au renforcement
du droit des groupes.
Au toral, la seconde partie, à l'inverse de la première, se veut porteuse d'une
dynamique nouvelle : elle a pour objet, comme nous l'avons souligné, de remédier à
certaines insuffisances du droit positif en prenant davantage en considération les vùitables
nécessités socio-économiques d~;s pays africains. En ce sens, elle traduit bien une certfine
spécificité. (26)
(26) Certains aspc.cts de la spécificité du droit africain, nc pouvant être rapportés du fait qu'ils sc ralLDchent
beaucoup plus au droit des affaires qu'au droit des sociétés stricto sensu - exploitation fami laie ou
individuelle par exemple -, devraient faire l'objet de recherches et de publications ultérieures. V. cependant
infra n'21-38.
15
En tant qu'il découle logiquement des idées maîtresses précédemment évoquées,
nous avons retenu le plan général suivant:
PREMIERE PARTIE:
L'HERITAGE DU DROIT FRANÇAIS COMME FONDEMENT D'UNE
RESTDUCTURATION DU DROIT AFRICAIN DES SO~IETES
DEUXIEME PARTIE:
LA PRISE EN COMPTE DES IiVIPERA TIFS DE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE, COMME FONDEMENT D'UNE DYNAMIQUE NOUVELLE DU
DROIT AFRICAIN DES SOCIETES
16
PREMIERE PARTIE
0 0 0
L'HERITAGE DU DROIT FRANCAIS
COMME FONDEMENT D'UNE
RESTRUCTURATION DU DROIT
AFRICAIN DES SOCIETES
0 0 0
17
- 7 -
Actuellement, nous l'avons vu, les disparités sont importantes en matière de droit
des sociétés (27). Cette situation est déplorable à plus d'un titre. L'éparpillement des
sources du droit, notamment, contraint le praticien à des recherches fastidieuses: examen
des divers codes, sélection panni les lois, décrets-lois, ordonnances ... Les nombreux
silences de la loi rendent, en effst, inévitable la référence à des sources supplétives. Et
muliipl~s demeurent les incertitudes et les hésitations ! Par ailleurs, et par voie de
conséquence, ces disparités législatives
constituent un
obstacle au developpement
hannonieux des rappons "commerciaux" entre Etats d'Afrique noire francophone.
La solution de cet imponant problème devrait consister, à notre sens, dans
l' harmonisation - ou le rapprochement
- des
législations et non
pas dans
leur
. uniformisation (28), celle-ci équivalant à la négation des spécificités (29) des pays
d'Afrique noire concernés.
L'objet essentiel de la première partie de notre ouvrage sera de proposer non pas
des modifications partielles, mais une rénovation plus profonde du droit africain des
sociétés, autrement dit la mise en oeuvre de réformes "d'adaptation" et de réformes "de
structure", selon l'expression de M.Kéba M'BAYE (30). En effet, comme l'a souligneS cet
éminent auteur, le premier type de réforme, de ponée réduite, consiste dans une sorte de
mise à jour du droit (31), tandis que le second vise à adapter le fond du droit aux réalités
socio-économiques d'un pays donné.
(27) Cf. supra, n' 3 et 4
(28) Cf. conclusion générale
(29) Cf. M'BAYE, "L'unification du droit en Afrique", op. cil. p.SO : En matière d'harmonisation, les projets
de lois ... gardent tout de même le caractère de "droit commun", et les Etats s'engagent simplement à les
introduire dans leurs législations internes respectives, avec la possibilité de les modifier en raison des
conditions et circonstances locales - c'est nous qui le soulignons - ; v. infra, conclusion générale, n° 290 et s.
(30) Cf. Kéba !'.rBAYE, L'expérience sénégalaise de la réforme du droit", Rev. Intern. Dr. Comp. 1970,
p.35-42.
(31) Mise à jour du droit: actualisation des termes, codification, inventaire des techniques juridiques aux fins
d'élimination de celles dont l'intérêt pratique s'est estompé au cours du temps, de réaménagement de celles
qui ont cours actuellement et d'introduction de nouvelles techniques rendues nécessaires par l'émergence de
besions nouveaux; Cf. Kéba M'BAYE, "L'expérience sénégalaise de la réfonne du droit", op. cil. p.36-39.
18
Il convient de souligner que cet effort de restructuration du droit africain des
sociétés portera sur les différentes phases de la vie des sociétés commerciales. Retenant par
conséquent un plan dit chronologique pour la première partie de notre ouvrage, nous nous
proposons d'aborder successivement: l'harmonisation des législations des pays d'Afrique
noire francophone en matière de constitution (Titre Premier) et de fonctionnement des
sociétés (Titre Second).
Soulignons que les conditions de dissolution, de liquidation et de partage des
sociétés seront exclues de notre étude du fait qu'en ce domaine, l'harmonisation des droits
africains ne pose pas de difficulté particulière. Aussi, sur ces questions, les législateurs des
pays d'Afrique noire francophone devraient-ils se référer à la loi sénégalaise (précitée) du
29 juillet 1985 dom les dispositions sont très appréciables (32).
(32) Cf.égalemenl Code de Commerce du Mali (précité).
19
TITRE PREMIER
0 0 0
L'HARMONISATION DES LEGISLATIONS
AFRICAINES
EN MATIERE DE CONSTITUTION DES SOCIETES
0 0 0
20
PLAN DU TITRE PREi,~IER
0 0 0
- 8 -
Le titre premier, relatif au régime harmonisé de la constitution des sociétés,
comprendra les divisions suivantes:
- La question préalable du choix des formes de sociétés (Chapitre premier)
- L'harmonisation des conditions de constitution communes à toutes les sociétés
(Chapitre second)
- L'harmonisation des conditions de constitution Particullèr~sà\\:2~i1~~p'es de
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sociétés (Ch~,pitre troisième)
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"mentSù9
CHAPITRE
PREMIER
0 0 0
LA QUESTION PREALABLE DU CHOIX
DES FORMES DE SOCIETES
0 0 0
22
- 9 -
Au cours d'un colloque consacré 3. la promotion de la petite et moyenne entrepnse,
M. Maixent N'CHO ANET avait proclamé, èn substance, que le droit africain des sociétés
offre à la fois trop et pas assez de structures aux investisseurs (33).
Cette réflexion, anodine en
apparence,
~sl lourde de signification; aussi la
retiendrons-nous comme idée-maîtresse de notre brève prospective des formes sociétaires
applicables en Afrique noire francophone.
Au plan méthodologique, nous retiendrons la démarche suivante:
- Exposé sommaire des struCtLE-eS sociétaires en droit positif africain (Section 0:
- Critique des solutions du droit positif africain en matière de stuctures sociét~ures
(Section II);
- Adoption des solutions nouvelles: le GIE et les sociétés à statut particulier (Section
III).
SECTION 1 - L'EXPOSE SOMMAIRE DES STRUCTURES SOCIET AIRES
EN DROIT POSITIF AFRICAIN
- 10 - L'analyse des formes de sociétés adoptées en Afrique fait apparaître d'emblée la
variété des possibilités qui s'offrent en la matière au juriste.
Héritière de l'essentiel de la législation française des SOCletes, l'Afrique nOIre
francophone a reconnu la validité de la quasi-totalité des sociétés de droit commun er bon
nombre de sociétés dites de type particulier.
(33) Maixent 'N'CHÜ .~'\\iET, "Le droit des sociétés eL la promotion de la prvlE en Côte-d'Ivoire, in RJPIC,
Paris, mars 1978, l. 32, 646 p., p.231-237.
23
Cependant, en pratique, certains types de sociétés se sont révélés bea~lcoup moins
commodes que d'autres. A l'occasion des constitutions de sociétés, notamment, l'usager
du droit des sociétés s'est souvent trouvé tn situation inconfortable. Contraint de ne choisir
qu'une seule fOIll1e dans le large éventail de structures sociétaires prévues par la législation
en vigueur, il a été amené à s'interroger sur la validité de l'adage: "ahondance de hiens ne
nuir pas", regreaant, en fait, qu'il n'y eùt pas pour chaque type de problème une solution
légale établie d'avance.
C'est cet emL ..rras de l'entrepreneur, proche du désarroi, que le st.~retaire générë.l
de l'Office National de Promotion de l'Entreprise Ivoirienne a su faire apparaître dans la
formule : "le droit prévoir au moins huir possibilités, de f' entreprise individuelle à
l'associarion" (34)
En fait, la complexité des règles juridiques est un prétexte souvent avancé pour
masquer la méconnaissance notoire du droit régulièrement observée dans les milieux
d'affaires africains. La complaisance d~s gouvernants, guidés par l'appât du gain, se
traduit parfois par l'aaribution des fonctions de dirigeants de société à des "hommes de
paille", monuments d'ignorance, et par l'éloignement corrélatif des rares cadres pouvant
justifier d'une authentique qualification llans le domaine du droit et de la gestion.
L'inadéquation du cadre jUlidique eXlstanr n'est pas, il convient d'y insister, la
seule responsable des échecs rencontrés, car la loi la plus parfaite ne saurait être de
quelque efficacité là où la dextérité du juriste fait défaut.
C'est bien ce qu'a compris M. N'CHü ANET qui affirme sans équivoque: "le
problème du droit ne se pose pas car les el1trepreneurs ne savel1t pas souvent ce que
recouvrent [Olltes "ces" formules; ifs ne savel1t pas non plus quels seraient, dans leur cas,
les avantages ou les inconvénients de telle ou relie stïuuure" ... (35) ... Pourrant les
bonnes volonrés ne manquent pas. C'est ainsi que certains Etats ont décidé de procéder à la
restructuration du droit des sociétés par l'élimination des formes de sociétés les moins
usitées.
(34) N'CHO :\\!'<ET, précilé, p.235
(35) Ibidem
24
PARAGRAPHE 1- LE SUCCES DES SOCIETES DE CAPITAUX ET LE
DISCREDIT DES SOCIETES DE PERSONNES
- ] 1 - Des considérations d'ordre fiscal et statistique ont présidé soit au maintiell. SOil au
rejet de cerraines formes sociétaires préalablemem reconnues en Afrique.
Sans entrer dans les détails, l'on peut constater que le maintien de certains types de
société n'a été que la consécration sur le plan juridique de données statistiques. La SA et la
SARL l.gement appréciées en France comme en Afrique p, if les nombreux avaIltages
qui leur som reconnus, ne feront pas l'objet d'une étude paniculière.
Nous nous bomerons à souligner que leur grand succès tlem au fail qu'elles
présentem des atouts considérés comme essentiels par le public: celui, notamment, de
servir de cadre jUlidique facilement adaptable i la dimension variable de ['activité
envisagée, et celui de permettre la constitution d'un capital important grflce à la
participation collective des actionnaires tout en offrant la garantie d'une responsabilité
individuel1e limitée au montant des appons.
En revélnche, le discrédit des sociélés commerciales de personnes a pOûr fOllCkmerH
la responsabliii:é solidaire et indéfinie des associés et le n13.nque de Sou9!esse de la
législation fiscale. Il est assez curieux de constater, à cel égard, que bon nombre de pays
africains prévoient une taxation de l'ordre de 30 % des bénéfices des SNC contre 3.5 o/c
pour les SA et SARL (cas du Burkina faso) (36).
Cette rigueur fiscale s'est traduite par l'adoption massive des SARL voire des S;\\
là où la constitution de petites sociétés de personnes eût largement suffi, tout cela :-:e
résumant dans le schéma suivant (37):
(36) En France. lès associés \\Cn nom som laxés au lilre de 1" 1!11pÔl sur le revenu des personnes pily:--iqucs
L:lndis que dans la SARL, l' Elal perçoit 50 % des bénéfices au litre de l' IS Cl perçoit cn OUlre l' impôl sur Je
revenu des personnes physiques lors de la disuibulion de~ dividendes - COZIAJ'\\I, Précis de lÏsca!ilé des
enueprises, Libuiries T\\Cchniques, 1988, p.258 à 267 nOLammCnL: Ivkmenro FLEFEBVRE, FISCAL ]988,
nOlammenl n'31 il et s., 3121 et s.
(37) Echantillons observés en Côte-d'Ivoire - source: Mai.\\cm N'CHO ANET op.cil.- qui lraduit à peu de
chose près une siluation commune à la majorilé des pays d'Afrique.
25
SARL
.:1-6.0 (,/'
ENTREPRISE INDIVIDUELLE
25,0 %
SA
24.0 0/,;
SOCIETES CIVILES
4,0 %
AUTRES
0,5 %
Arguant de leur insignifiance numùiLjue, plusieurs Erats ont procédé, nous l'avons
dit, à la suppression de droit ou de fait des sociétés commerciales de personnes: sociétés
en nom collectif;ociété en commandite, société en participation.
En procédal1l de cette manière, les législateurs africains guidés par le souci cl \\~tablir
u~:'llfaite cOITespondanœ entre le droit et le "consensus" populaire, ont, semble> t-iL
péché par excès de logique, ajoutant des élements de complexité à une situation déjà fort
compromise au départ.
Les transformations
les plus
importantes des
structures
sociétaires om été
principalement observées dans les pays à tenLiance socialiste et en Côte-d'hoii'e. L::ur
évocation n'est pas dépourvue d'intérêt.
La Guinée, par exemple, déclare ne reconnaître que six types de sociétés: la soclété
d'Etat, la société d'è~conomie mixte, la Si'\\RL la SA, la société coopérative. l:l SOCiété
civile.
PARAGRAPHE II - L'ABANDON JUSTIfIE DE LA SOCIETE EN
COMMANDITE
- 12 -
D'emblée,
une
constatation
s'impose
les
Etats
africains
se
montrent
paniculi2Tement favorables à la suppression de la société en commandite.
En France, le projet na 1003 devenu la loi du 24 juillet 1966 avait préconisé la
même solution. Bien que le Sénat et l'Assemblée l'aient finalement écartée, cette menaCè
de suppression nen est pas moins présente si l'on se réfère aux récentes données
statistiques (38).
(38) BASTIAJ'\\l. "La réforme du droit des sociétés commerciales", Jep 196ï, n'2121, n'45, "(11! 1er jOli vier
n'.exiswil en France sw' ?~8 196 sociélés que 188 cOlrllllandiles par aclions. voir égalcmenl RIPERr el
~6
Par ailleurs, fait très significatif, le Parlement Français s 'est efforcé cie L\\ciliteI" la
transfollm.tion des commandites en SA ou SARL (arL 262!oi du 24 juillet 19(6).
Il est permis de penser que les législateurs africains Ont été intluencés par le projct
français.
Toutefois, en r\\frique ·)Ù, à la différence de la France, la modification des te\\.tes ne
fait pas l'objet d'une procédure pa..rticu];~re:nent rigoureuse, l'on en est très vite arrivé ù un
abandon de fait et de droit des commandites ainsi que le démono'e l'examen de la
législation africaine des sociétés (39).
Deux facteurs ont principalement contribué à la désaffectation de la formule
commanditaire.
Il s'agit, en premier lieu, de son carJctère hybride qui est une véritable source ck
complexité en ce qu'elle rend la société en commandite tributaire à la fois du régime
juridique de la SNC et de la SA (40:).
Son rattachement à la SNC se traduit par l'exigence du consentement Lln~îi1ilne de
tous les associés en cas de cession des pans de commandite - ce qui entraîne une: ceruine
lenteur - et par la dissolution de la société en cas de mort, d'incapacité ou de faillite du
commandité. De ce point de vue, on peut dire que la société a encore quelque difficulté à
transcender ces ékmenrs d'intuitus personae et à devenir une personne morale à parr
entière.
L'intluence des dispositions ré2:issant les SA se rd1ète nettement dans le recours au
statut des membres du conseil de surveillance (41).
ROBLOT. il Il'exislait qlle /33 conllrlunditu en /97J ei J2/
Cil
/974": pour DUPICHOT Cl DU
PONTAVICE op. cil. p.ns. il n'cxiswil plus que 110 comlll~ll1dileS cn 1975.
(39) Cf. iVlEISSONNIER, ouvrage précité, n'-,+-5, p.lO-ll Cl n'95-96, p. 109-111; loi sénégalaisc clu 29 juillel
1985.
.
(40) OPPETIT Cl SA YAG. "Les SlfUCLllres juridiques de l'entreprise", Librairies Techniques. :';)76, ]).60:
RIPERT el RüBLOT, op.cil., Trailé élémcnLaire de droit commerciaL TI, 1986, LGDJ, n' 1611.
(41) Cf. art. 258 c\\è- la loi française du 24 juillet 1966; an. 5 de la loi du 24 JUillel 1867 encore en \\ Igue ur en
Afrique francophone.
2ï
Il importe, en second lieu, de se référer à une considération "jundico-historique".
En efkt, la société en commandite qui se justifiait pleinement en 1856, du fait qu'die
offrait la possibilité de développer l"entreprise par des apports extérieurs de capitaux, a
perdu de son importance et connaît un sélieux déclin depuis la création de la SARL dont le
régime s'adapte aussi bien aux petites entreprises qu'aux sociétés de grande dimension
En outre, la loi de 1867, en donnant toute libené de constitution aux S.A"
fit
disparaître le principal motif de la création des commandite5 (42).
Ln dépit de ces inconvénients, la société en commanè ..e regroupe encore quelque~
partisans, lesquels invoquent pour sa survie les deux types d'arguments suivants:
- la position de gérant statutaire - commandité - est beaucoup plus stable que
celle d'administrateur de SA.
- il est possible, dans une société en commandite, de faire appel public à
l'épargne tout en préserval:t la prépondérance de la famille dans la direction.
Certes, la substitution légale -et Jion statutaire- (43) de la règle de lil majorité.
caractéristique des sociétés par actions, au consentemeilt unanime des associés. dans le CJ.S
d'une cession de pans de comm:lndiiè, ou en cas de mon, de faillite ou d'incapacité du
commandité, contribuerait à renforcer la société en commandite.
Et peLlt-êrre faudrait-il VOIr dans les dispositions protectrices des droits des
actionnaires et dans les autres mesures visant à rapprocher la commandite des autres
sociétés par actions, une véritable "bouée de sauvetage" lancée par le législateur frallçais :t
une institution qui se meun.
Quoi qu'il en soit, et en admettant que de tels efforts ponent leurs fruits, la société
en commandite trouverait encore devant elle une rivale difficile ,l supplanter, la SARL, qui
a su s'imposer au fil du temps, grâce à la souplesse de ses structures, à un public acquis à
sa "cause" et sans cesse croissant!
(42) Cf. Ripen et RobloL op. CiL n' 1611 ; voir pour 1' ..'ürique, l'an. 21 al. 1er de la loi du 24 juillet 1867 qui
dispose: ",4 l'avenir, les sociélés anonymes pourrOlll se former sans l'UUlorisolion du gouvememclll".
(43) En France, le principe demeure que le consèntement unanime de tous les associés est exigé, mais
certains assouplissements statutaires sont autorisés, an.33 L.1966 et L.n'67 -599 du 12 juillet 1967 modi riant
l'arU3, cU.a.R.F. Déb.Ass.Na1.20 octobre 1979, p.8599.
28
La société en commandite nous paraît donc devoir être supprimée, conformément ~t
la volonté exprimée par les Etats d' AfriLJue francophone.
De
manière
générale,
le
succès
de
clpitaux
apparaît
nettement
dans
les
modifications législatives énoncées ci-après.
Le Mali a sacrifié la société en participation et la société en commandite sous
toutes ses fonnes et conservé les formes suivantes: la SNC, la SÀRL, la SA, la société d,~
caution mutueile de commerçants (an.15, ord.n'58 du 14 octobre 1975).
Toutes les sociétés commerci::.iles de droit commun ainsi
que
la société en
participation sont maintenues en R.P. CONGO. Mais il est à noter que la société en
commandite par actions est tombée en désuétude dans ce pays (44).
A Madagasclr, le législateur a fait "table rase" de la législation française des
sociétés pour ne consacrer qu'une seule forme: l'entreprise socialiste.
Le cas de la Côte d'Ivoire apparait comme une véritable exception car ce pays est
le seul à avoir inc1u dans sa législation les innovations apportées par les réfonnes
françaises de 1966 - reconnaissance du groupement d'intérêt économique, institution d'une
Bourse des Valeurs, organisation de la société coopérative sur le modèle français ... -
Fastidieuse mals, non pas inutile, cette brève présentation nous aura peIlllls
d'esquisser Uvolution générale des formes de sociétés dont l'un des traits essentiels se
résume dans la tendance généralisée à Llbandon des sociétés commerciales de personnes,
au bénéfice des sociétés de sapitaux.
Soulignons toutefois que si dans les Etats susmentionnés la suppression de cenains
types de socihés a été entérinée expressément par le législ2.teur, elle s'est faite dans
d'autres pays sous la forme d'un abandon de fait.
Après cette brève présentation, il convient de s'interroger à présent sur le biel1-
fondé des solutions adoptées par les législateurs africains.
(44) Guide Juridique de l'enLfcprise au Congo, Ed. EDIAFRlC, Paris, 1983, p. 82 et s.
29
SECTION II - LA CRITIQUE DES SOLUTIONS DU DROIT POSITIF
AFRICAIN EN MATIERE DE STRUCTURES SOCIETAIRES
- 13 - Notre étude critique s'articulera autour des arguments suivants:
- la mauvaise application des principes de la statistique et de la techniLjue
législative;
- la méconnaissance des avantages inhérents aux sociétés supprimées:
PARAGRAPHE 1 - LA MAUVAISE APPLICATION DES PRINCIPES DE LA
STATISTIQUE ET DE LA TECHNIQUE LEGISLATIVE
- 14 - Le Droil en tant que système répugne à se laisser disséquer de manière arbitraire. Il
est en cela semblable à cette chevelure mythique dont "aucun che),'eu ne saurait être coupé
sans que le père n'en fût infonné" (45).
Les législateurs africains doivent par conséquent veiller à ce que la transformation
d'un élément - ou d'une panie des textes - ne nuise à l'harmonie de la législation toLIte
entière.
Or, en s'empressant de supprimer les sociétés de personnes jugées inopportunes, ils
ont semblé oublier que l'une d'entre elles, la SNC, peut ~tre considérée comme une pi2:ce
maîtresse dans l'ensemble des fonnes de sociétés commerciales existantes en ce qu'die
joue le rôle de société de droit commun. C'esl la rai'~on pour laquelle, en Droit français, la
révélation aux tiers d'une société de fait emraîne ipso facro sa dégénérescence en SNC
(46).
Par la suppression de la SNC, un vide a été créé sans pour autant qu'une solution de
rechange n'ail été prévue. C'est du reste par un procédé de pure logique déductive que !vI.
BALIMA préconise le recours à la SARL comme succédané de la SNC supprimée (47).
(45) MATTIEL. Les Saintes Ecritures, Traduction du Nouveau Monde, 1974, 10-30 : également Traduction
Oecuménique de la Bible.
-
(46) TEMPLE ~èS sociétés de l'ail, préface de J. C.ll::lis-Auloy, LGDJ 1975. n. 277, 557 et 558 >10r.amIriéllt.
(4ï) BALIMA.op. cit.,n' 159-173
30
Et une difficulté pouvant en cacher une autre, nous abordons un pr0blème non
moins important: celui de la spécialité législative, que M. BALlMA (48) analyse de fJ.çon
magistrale et que nous nous bornerons à résumer.
Véritable "épée à double tranchant", ce principe qui pennet de faire l'économie
d'une lor~gu'~ procédure législative "d'extension", en rendant applicable outre-mer toute
disposition légale ou réglementaire intervenue dans l'ordre juridique français, laisse
cependant subsister un gland doute sur les modalités pratiques de sa mise en Oeuvre. Ainsi,
la doctrine reste divisée sur le point de savoir si l'extension réalisée par la simple
publication d'un
texte de droit francais
au Joumal Officiel d'un Etat africain est
pleinement valable ou s'il faut, au contraire, pour renforcer sa reconnalSSünce, lui
adjoindre d'autres mesures de publicité locale.
On le voit, le problème qui est déjà énorme m~me lorsque le législateur entreprend
d'adopter expressément une disposition législative étrangère ne revê t que plus d'ampleur
lorsque 1'homme de loi entérine les données de la pratique, comme dans le cas qui nous
préoccupe, S3.ns
notifier par un texte spécial l'abandon d'une disposition légale el
l'adoption de nouvelles structures sociétaires.
PARAGRAPHE II - LA MECONNAISSANCE DES AVANTAGES INHERE:\\TS
AUX SOCIETES SUPPRIMEES OU EN VOIE DE SUPPRESSION
- 15 -
L'argument tiré du faible recours il un type de société donné ne nous paraît pas
justifier la réaction extrême qu'est, à narre avis, sa suppression par le législateur.
Tout :lU plus devn~it-on voir dans cette désaffection du public, le SIgne d'une
inadaptation momentanée de la structure considérée, impliquant sa remise en question et
non point son J.bandon pur et simple.
Il ne viendrait pas à l'idée d'un phamlacien de retirer du commerce un produit peu
demandé par ~a clientèle sans s'être enquis au préalable de la cause de cet insuccès.
(48) BALIMA. op. cil. TI, p. 20-26 notammenl.
L'on ne peut donc que déplorer la réaction beaucoup trop hâtive du législateur
africain dans la mesure où l'effort de prospective le plus élémentaire eût permis. d'une
pan, de trouver des explications très simples à la crise des sociétés de personnes, à savoir
la mauvaise information et l'ignorance du public et, d'autre pan, de reconsidérer lesdistes
sociétés sous leur vrai jour, c'est-à-dire à la lumière des avantages qu'elles pf.uvent
apponer dans un contexte où l'indispensable promOlion des entreprises de petire et
moyenne dimension requiert le levier d'une structure juridique souple, simple et efficace.
A - LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF
- 16 -
Comme la société en commandite, mais certes dans une moindre mesure, la SNC
fait panie des formes sociétaires les plus contestées à l'heure actuelle.
La désaffection
manifestée
à
l'encontre de cette structure juridique a pour
fondement essentiel l'absence d'une "réelle" personnalité morale qui viendrait tempérer la
rigueur excessive du principe de la responsabilité solidaire et indéfinie si préjudiciabk aux
associés en nom.
La personnalité morale apparaît en d'fet comme un élément juridique ambigu
pouvant contribuer aussi bien au succès qu'à l'échec d'une fonne sociale. C'est ainsi que
sa présence dans les sociétés de moyenne ou grande envergure -SARL et SA- permet la
limitation de la responsabilité des associés tandis que son absence réduit considérablement
l'intérêt de la SNC et confère - paradoxalement - un attrait majeur à la société en
participation.
Comment ne pas accréditer, eu égard à ces considérations, une doctrine minoritaire
qui souligne le caractère fictif de la personnalité morale (49) ?
Un autre facteur, étroitement lié à la précarité de la personnalité morak, v:ent
encore accentuer la faiblesse de la SNe: il s'agit de la prééminence de [' intuitus persoflae.
Il en découle notamment (50) :
(49) GUYENOT, Fondemenl contracluel de la sociélé en participation in Petiles Affiches n' 93, 5 aoûl 1985,
p.9
(50) Yvonne L-\\lvlBERT-FAIVRE : l'entreprise cl ses formes juridiques, Rev. lrim. dr. corn. 1968, n' 4, p.
928 el s.
--------- _- --
..
--~
32
- que la responsabilité initiale des associés n'est pas anéantie, mème après
que la personne morale air repris les engagements souscrits pour le compte
de l'enu'eprise avant l'immatriculation au registre du commerce;
- le caractère incenam et fluctuant du patrimoine, aucun capital minimum
n'étant imposé pour la SNC, à l'opposé des sociétés conclues inlllilu
peCLlJllae :
- l'inrerdiction des SNC entre époux (51);
- la dissolution de plein droit de la SNC en cas de décès, de faillite,
d'incapacité d'un
associé
ou
d'interdiction
d'exercer
une
profession
commerciale.
Le législateur guinéen qui n'avait pas, semble-t-il, considéré ces faiblesses lorsqu'il
fit sonner le glas pour les SNC, a opéré sa sélection des formes de sociétés sur le
fondement de données statistiques du reste très incertaines.
L'on ne peut que déplorer ici l'absence de statistiques plus tïables. A cet égard, des
données chiffrées fournies par les greffes des tribUlli1UX de commerce seraielll plus
dérenninantes de la politique à suivre, dans la perspective d'une recherche des fonnes de
sociétés les plus appropriées aux besoins des pays africains.
Pourtant, cenains indices, comme par exemple le fait que la France, d'une part, et
les pays d'Afrique francophone d'autre part, se soient prononcés en faveur de la
suppressic:l de la société en commandite (52) pourraient présupposer du bien fond~ de la
solution africaine et servir, dans une certaine mesure, de palliatif à l'imprécision des
sondages africains. A moins que, ce qui est fort probable, les législateurs africains n'aient
agi, là aussi, par pur mimétisme!
Dans k cas précis de la France, il n'est pas supertlu de rappeler que les statistiques
des greffes des tribunaux de commerce révélaient dès 1950 un abandon symptomatique
des SNC au bénéfice des sociétés de capitaux.
(51) Noter toutefois que la loi française n' 85-1373 du 23 décembre 1985 a levé cette interdiction.
(52) La société cn commandite simple ou par actions a été supprimée en Guinée -loi du 1er septembre 1962,
art. 3 - ainsi qu'au Mali - art. 15 de l'Ordonnance du 14 octobre 1975 - ; cf NrEISSONNIER, Le Droit des
Sociétés en Afrique, LGD], 1978, p. 9-10.
33
La survie des SNC apparaît comme un vrai paradoxe. C'est ce que faisait déjà
ressortir, en 1967, l'éminent et regretté Professeur BASTIAN (53) dans uœ allusion au
risque introduit par l'attribution d'une plénitude de pouvoirs au gérant de la SNC :
"On a lieu de craindre quO un relsys[ème n'entraîne à plus ou moills
brève échéance {' abandon de la SNe,' si {' on peur s'étonner qu' elle
ait jusqu'à présent subsis[é malgré ses dangers, il est permis de
penser que ce risqlœ supplérnentaire lui portera un coup fatal".
Cette opinion très avisée et valable en son temps, (54) se rapportait unique;llent à
la France. C'est donc, à tort, que le législateur africain s'évertue à y trouver un motif de
suppression des SNC en Afrique.
Ceci étant, les raisons sont nombreuses, nous l'avons vu, qui justifieraient une telle
décision. Mais "[oUle médaille ayant son revers", il est tout aussi aisé de plaider en faveur
du maintien de l'impOrtant édifice qu'est la SNC, moyennant certaines réfections.
D'ailleurs,
et
l'argument
n'est
pas
dépourvu
d'intérêt,
de
récentes
études
statistiques font apparaître la recrudescence en France des sociétés de personnes.
Ceci nous permet de rappeler une vérité importante et souvent négligée à savoir: la
technique juridique la plus efficace s'avérerait inopérante si on
l'appliqu3.it, sans
adaptation préalable, en dehors du contexte d'origine pour lequel il a été conçu.
En effet, les formes sociétaires, neucres en soi, sont tributaires des impératifs
économiques qui
les amèneront à di'paraître et souvent à ressurgir, au gré de la
conjoncture, à l'instar du phénomène bien connu qu'est la mode vestimentaire.
C'est ainsi que les sociétés de personnes, qui étaient peu usitées à l'époque où );1
tendance aux gros investissements privilégiait la constitution des sociétés de capitaux,
connaissent une recrudescence dans le contexte actuel, particulièrement favorable aux
petites et moyennes entreprises.
(53) Daniel BASTIAN, La réforme des sociétés commerciales, JCP 1967, 2] 2], n° 202
(54) Des statistiques récentes font apparaltre en regain de faveur envers les sociétés de personnes - y compris
la SNC - Cf. RICHARD, La société en nom collectif à capital variable considérée comme une société de
moyens, JCP ] 974 c.I. 11288.
34
A l'argument numérique, s'ajoute une considération d'ordre juridique. Il s'agit de
l'extrême souplesse du régime de la SNC qui rend son fonctionnement particulièremem
léger et offre, notamment, les possibilités suivantes: minimum de formalisme pour les
décisions collectives, création facultative
de pans sociales, possibilité d'apports en
in~e,,~'5bsencequasi totale de sanctions pénales (55)
Bien mieux, la SNC pourrait connaître un regain de faveur étant donné qu'elle ne
saurait être
désormais considéré
comme
le
seul
type
de
société
à présenter lès
inconvénients liés à la prédominance de r inruirus persorzae
C'est l'opinion qu'a exprimé M. RICHARD alors qu'il évoquait la grande stabilité
des gérants de SNC :
" La responsabiliré solidaire et indéfinie des associés en nom /2' eiji-aie
plus guère à une époque où se créent, en nombre sans cesse croissoni.
des groupernents d'intérêt économique dOn[ les nombreut membres
supportent la rnême responsabilité.
Au demeurant. la limÏiorion de responsabilité des associés des sociétés
de capitaux est souvent un leurre, du rnoins pour les dirigeanls
sociaw:" (56)
Deux autres avanta2:es de la SNC méritent d'être soulignés:
~
,
~
- La SNC est l'objet à l'heure actuelle d'une attention certaine de la part des
groupes de sociétés, notamment, lorsqu'il s'agit de constituer une filiale commune (57,.
- En cas de constitution de filiales communes sous forme de société en nom
collectif, il est possible d'opter pour le statut fiscal de la transparence et de diminuer
subséquemment le regime imposable (58).
(55) RICHARD. op. cil.
(56) Cf. RICHARD, op. CiL Dans le même sens, DU PONTA VICE, DUPICHOT, DE JUGLART el
IPPOLITO qui estiment que, de nos jours, la limitation de la responsabilité des dirigeants sociaux dans les
SA ou les SARL familiales tend à devenir une règle de principe ineffective - nécéssité de cautionner la
société auprès des banques; sévérité accrue du droit des faillites
Voir à ce propos, Traité de droil
commercial, Ed. Monlchrétien, 2è vol., 2ème Partie, 1980, p. 701
(57) DU PONT.-\\VICE et DUPICHOT, op. ciL. p. 758 - Î61
(58) COllAN, Précis de fiscalité des enueprises, op. cil. n° 318.
35
Enfin, comme dernier argument, l'on pourrait invoquer le rôle de société de droit
commun (59) traditionnellement assigné à la SNe. Certes cette dernière considération ne
saurait à elle seule empêcher la suppression des SNC préconisée par certaines législations
africaines. Il serait d'ailleurs concevable, aL! plan théorique, d'attribuer ce rôle de société
de droit commun à la SARL - ou à un autre type de société - ainsi que l'a suggéré M.
BALIMA. Mais la mise en oeuvre de cette nouvelle qualification 'juridique susciterait bien
des difficultés (60), voire une véritable "acrolJarie juridique" tout à fait disproportionnée
au mal, pourtant bénin, qu'est censé représenter ]a SNe.
B - LA SOCIETE EN PARTICIPATION
- 17 -
Plus réduits en ce qui concerne la SNe. beaucoup plus importants - à y regarder de
plus près - dans le cas de la société en participation, les avantages offerts par ces deux
types de société sont loin d'être aussi négligeables que ne le laisseraient supposer des
statistiques contestables récemment réalisées en Afrique.
Il convient de souligner à ce propos que les conclusions auxquelles aboutissent les
législateurs africains sont fondées sur une prémisse erronée, c'est à dire sur les données du
syllogisme suivant : l'élaboration du droit repose sur la "vérité" des sondages: or, les
sondages font apparaître un déclin des sociétés commerciales de personnes; il faudrait, par
conséquent, procéder à la suppression des sociétés en panicipation.
Considérée dans
une optique de pur raisonnement logique, la décision des
législateurs africains paraît inattaquable. Pourtant, à la ïéflexion, elle se heurte à Llne
constatation d'évidence, tout aussi irréfutable, qLlÎ est la suivante: l'analyse statistique se
préoccupe uniquement de fournir des résultats à partir d'un échantillon donné (61). C'est
un élément certes non négligeable, mais tout à fait inapproprié à une prospective des
moyens d'amélioration d'un ordre juridique existant.
(59) DERRIDA, Société en nom collectif, in Rep. Sociétés n' 7. RIPERT ct ROBLOT, op. cil. l.1 n' 820 in
fine
(60) Il Yaurait lieu de reconsidérer la règle de solidarité de tous les co-débiteurs qui, en droiL commercial
objectif, a donné naissance au caractère de droit commun reconnu à la SNe. Cf. DU PONTA VICE, op. cil. p.
700.
.
(61) A. VESSEREAU, La statistique, coll. Que sais-je 7 PUF, 1964. v. p. 9 notamment: "Dès lors. il faUi
entendre par populalion {' ensemble des observations relevées su.r les différenles uniLés d'un groupe de
personnes. d' objels, ou même d'idées plus ou moins abstraites. le groupe éLanllui-même défini par certaines
condiLions limiLaLives".
36
L'on peut déduire de ce qui précède que le constat d'inefftcience tiré du nombre
réduit des sociétés en participation existantes est erroné et que seule une analyse juridique
plus approfondie peut donner une vision beaucoup plus juste des choses. Car, en fait, c'est
la méconnaissance de la "formule" de soci~té en participation qui est à l'origine de son
discrédit.
Du reste, la faiblesse numérique des sociétés en participation n'est pas déterminame
d'une rlésaffectation mais plutôt significative de la diffir'lité, inhérente à leur nature
juridique, qu'il y a à dénombrer les sociétés à caractère occulte.
La constatation faite en France par M. GUYENOT fait figure de symbole et revêt
dès lors une dimension beaucoup plus vaste puisqu'elle s'appliquerait tout aussi bien aux
sociétés en participation africaines:
" Bien qu'il soir difficile d'évaluer par des chiffres leur nombre, il y a
tour lieu de considérer qu' il est élevé et qu'elle joue (ladile sociélé)
un rôle imponaJ1t en affaires."
Rôle d'autant plus important, dirons-nous, que cette forme de société présente une
qualité inestimable pour "l' homme d'affaires" et même pour 1'homme politique africain
la discrétion ...
Comment serait-il donc possible, au regard de cette unique malS si importante
considération. d'envisager sa suppression en Afrique? -Non, l'impopularité appareille de
la société en participation résulte en fait du grand particularisme que lui confère sa nature
juridique. On lui pardonnera difficilement de pouvoir naître et exister sans le support d'un
élément considéré comme aussi indispensable à la vie des sociétés que l'air pour
l'existence humaine: la personnalité morale qui n'est pourtant qu'une fiction juridique
(62).
C'est ce qu'exprime admirablement l'auteur précité dans la formule suivante:
"Malgré ces avanrages, souvent mal perçus, l'accoutumance aux
formes
sociéraires
élaborées
est
si grande
que
la
société en
(62) GUYENOT, op. cil. p. 9 : "Conlrairemenl à une opinion accrédùée, la personnalilé morale n'esl pas
une nécessùé pour agir de conceTl sur la scène juridique el da/ls la vie économique".
37
panicipCliion déroUle et élOI/ile par SOIl absence de FmI/alisme et
rebute dans la croyallce de l'inco/lsistance de sa forme juridique,
institutionnalisée dans la lég islalio/l" (63).
Dès lors, le problème de la société en partlC1pation apparaît comme difficilement
dissociable de celui des sociétés de fait, rune et l'autre étant aptes 3. la vie juridique sans
recourir à l'habituel attribut de la personnalité morale.
La société en participatinn présente par ailleurs bien d'autres avantages que nous
n'évoquerons que succintement.
- Libérée du carcan de la personnalité 1110rJ.le, la société en participation, proche en
cela du groupement d'intérêt économique, présente une exceptionnelle adaptabilité aux
besoins les plus variés de la vie des affaires, avec, de surcroît, la possibilité d'échapper à
toute contrainte de temps, l'union des contractants pouvant être constituée en vue d'un
objet momentané ou durable; le tout, nous ravons vu, dans une extrême discrétion.
- La société en participation, de nature essentiellement conventionnelle, se révèle
beaucoup plus attractive que les sociétés fortement structurées par la législation dans la
mesure où les clauses du contrat, tenant lieu de loi aux parties, confèrent une plus grande
marge d'initiative dans la réalisation du pacle social.
- L'immatriculation n'étant pas requise, les engagements des assoCIes peuvent
prendre effet sans délai, dès lors qu'ils sont convenus du contrat de société.
De même, et corrélativement, aucun être moral n"intervient dans la vie sociale pour
s'opposer à la libre exécution par les participants de ces mêmes engagements. C'est ce qui
fait dire à ivl. GUYON que la plupart des obstacles juridiques au développement des
groupements d'intérêt économique n·existent pas avec la même intensité et la même
importance à l'égard des sociétés en participation (64).
(63) GUYEf\\:OT, op. cil. p. 7
(64) Y. GUYON, Re\\'. soc. 1978,25
38
- Le domaine d'application de la société en partici pation paraît ne pas a voir de
limite, ainsi qu'en témoigne la jurisprudence (65), puisqu'il embrasse aussI bien les
affaires les plus modestes que les opérations de très grande envergure.
C'est là un aspect qui ouvrirait bien des perspectives aux législateurs africains.
Les partisans de la suppression de la société en participation ont, à notre avis, sous-
estimé ses avantages, sans doute effrayés par l'un de ses traits distinctifs -l'absence de
personnalité- qui conduit bien des juristes à la considérer comme une curiosité juridique.
Si, nonobstant ce handicap, les législateurs africains daignaient pousser plus loin
leurs investigations, ils découvriraient tout un monde d'avantages que les autres structures
sociétaires ne sont pas à même d'offrir. Et c'est précisément dans cette "différence"
profonde que réside le principal aurait de la société en participation.
SECTION III· L'ADOPTION DE FORMULES NOUVELLES:
LE GIE ET LES SOCIETES A STATUT PARTICULIER
PARAGRAPHE 1· LE GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE
- 18 -
Le Groupement d'Intérêt Economique (GIE) qui n'a été créé que récemment en
France (66), n'apas été repris par les législations africaines, à l'exception du Sénégal
(67).
(65) Achats en commun de bilieLs de loterie, Douai, 7 déccmbre 1954, D. 1955, Somm. 1 ; "E;.,pioilo!ion de
fonds de commerce, de grandcs surfaces, dc ccnlralcs dc venlc, dc chaincs de magasins ou de grands hÔLCls,
de bureaux d'exporlQlion ou d'agences publicilaircs... ec mème des elllemcs induSlriclles Cl commcrciales,
des CO/HraIS de sOlls-lraiLance ... "; cf GUYENOT, op. cil. p. 8 ct9
(66) Les Groupements d'Intérêt Economique (GIE) ont été instiLUés en Fiancc par l'Ordonnance n' 67-821
du 23 septembre 1967. Ce texte a été complété par un Décret du 2 février 1968 fixant essentiellement les
mesures de publicité auxquelles les GIE sont aslIeirus. "Ce sont des groupements qui, tout en respectant
l'indépendance juridique ct économique des participants. leur permellent de metlIe en commun des moyens
de production et donc de développer leurs affaires plus efficacement et à meilleur compte que s'ils ~U1ient
demeurés isolés" ; cf CLARET, le GIE, manuel pratique, Ed. Lavoisier, 1984 ; GUYON et COQUEREAli,
le GIE, 2ème Ed. Paris 1973 ; CALAIS-AULOY "L'Ordonnance du 23 septembre 1967 sur les GIE", lians
les Ordonnances de septembre 1967 et le Droit commercial, Travaux de la Faculté de Droit de Montpellier,
Librairies Techniques, 1968, p. 35-46.
(67) Au Sénégal. ia loi n· 85-40 du 29 juillet 1985, op. cil., a consacré la reconnaissance du GIE, cf. Livre
sixième, articles 1473 à 1488 ; En Côte d'Ivoire, la Commission de réforme du Droit ivoirien des .sociétés
prévoit l'institution du Groupement d'Intérêt Commun (GIC) qui est en fait l'équivalent du GrE ; cf
tvlEISSONNIER, Le Droit des sociétés en Côte d'Ivoire, PENAN'T, 1976, n· 753, p. 351.
39
De nombreux avantages sont ~l mettre à son actif. Ne pouvant les passer tous en
revue, nous nous contenterons de relever, comme ['a fait le Professeur GUYON, que trois
mots les ré(ymant parfaitement: spécificité, efficacité et liberté (68).
La spécificité du GIE tient au fait qu'il constitue une forme de collaboration inter-
entreprises vraiment originale. Il se distingue en effet de l'association en ce qu'il jouit de la
pleine capacité juridique (69) et des fOffiles habituelles de collaboration parce qu'il est
doté de la personnalité morale.
L'efficacité du GIE résulte de ce que bénéficiant de tous les attributs de la personne
morale (dénomination, siège, patrimoine et nationalité), il est en situation de lutter, à armes
égales, contre ses concurrents personnes physiques ou morales (y compris les sociétés
commerciales).
Par ailleurs, du fait de la solidarité indéfinie et solidaire des membres, la solvabilité
de l'un d'entre eux peut suffir à garantir facilement l'obtention du crédit. S'agissanr de la
liberté, plusieurs éléments peuvent être évoqués : d'abord, le GIE consacre la liberté
contractuelle alors que le rôle de la liberté individuelle est très réduit d::ms les SA et les
SARL (70). Aussi suffit-il de complétèf le stalLlt légal - du GIE - au moyen de stipulations
contractuelles pour le rendre conforme à l'objectif visé par les membres.
En outre,. le GŒ n'est pas soumis comme :a plupart des sociétés commerciales au
principe de la commercialité à raison de leur seule forme; autrement dit, il peut y avoir un
caractère civil ou un caractère commercial, ce qui laisse aux membres une grande liberté
de choix. Soulignons, cependant, que la nature civile ou commerciale du groupemenr devra
être déduite, dans les pays d'Afrique noire francophone, de l'exercice ou du non exercice
habituel d'aCtes de commerce, le critère tiré de la qualité des membres ne produisanr pas
de conséquences conformes aux principes: la qualification doit dépendre en effet de ce
que font les p3.fties et non de ce qu'elles déclJrenr faire (71).
(68) Cf. GUYON, Droit des A rt'ai res, op. cil. p. 520 et s. COZIAN et VIANDIER, Droit des Sociétés, op,
cil. LlTEC, 1987, n' 1512 et 1513.
(69) L'on sait qu'à l'inverse les associations ne peuvent posséder ou acquérir d'autres immeubles que ceux
nécessaires au but qu'elles proposent (arl. 11, L. 1901) ; leur capacité est donc limitée.
(70) Soulignons Ljue la liberté individuelle joue un rôle important dans les sociétés civiles et les SNl-.
(71) Cf. GUYON, Droit des Affaires, op. cil. T.l, n' 115, p. 115.
40
Les arguments que nous venons d'évoquer, assez sommairement cenes, nous
paraissent justifier l'adoption de cette structure juridique particulière en Afrique noire
francophone. Précisons, toutefois, que les législateurs africains devront veiller à préserver
la spécificité du GIE en évitant tout risque de confusion avec la société. A cet effet, il
s'avère indispensable de limiter le rôle des GIE à l'accroissement de l'activité économique
et à la réalisation d'une économie. S'il devait rechercher ou partager des bénéfices (72), il
cesserait d'être un simple groupement pour devenir une société, et plus précisément une
société de moyens.
A cette précision près, le GrE nous semble pouvoir offrir une réponse satisfaisante
à l'interrogation angoissante pour les hommes d'affaires africains désireux de développer
certaines activités économiques en commun dans un cadre juridique plus approprié que
l'association (73) et moins contraignant que la société (74)
PARAGRAPHE II - LES SOCIETES A STATUT PARTICULIER
- 19 - Compte tenu de l'apparition incessante de nouveaux secteurs d'activité, les
législateurs africains devraient favoriser la création - en marge des sociétés du droit
commun - de sociétés spéciales - ou à statut particulier -.
(72) La vocation de GIE n'est pas de faire des bénéfices, mais d'éLIe au service des enLreprises qu'il réunit:
cfCOZIAJ'\\J et VIANDIER, op. cil. n° 1513, p. 385.
(73) Rappelons que le GIE est un insLIumem de collaboration entre cles emreprises préexisuulles, plus simple
que la société et plus efficace que l'associaLion - COZ1AN ct VIANDIER, op. cil. n° 1513, p. 385 - ; le GIE
se disLingue de !'assocmion nolammem par le fait que son objet doitLOujours avoir un caractère économique,
cf GUYON, op. cil., n° 534, p. 524-525.
(74) Cf. COZIA~ et VIAJ'\\JDIER, op. cil. n' 1543, p. 383 : à Litre de comparaison:
- la SA et la SARL som des SLructures lourdes et coûteuses;
- la SNC a l'inconvénient de conférer aux associés la qualilé de commerçant - commercialité de la société à
raison de la forme - ;
- la société civile de moyens qui, du reste, se rapproche be<lUcoup du GIE, apparaît corn me une forme
juridique intéressante, à condition toutefois d'assouplir son régime fiscaL lequel est généralement aligné sur
celui des sociétés commerciales. Ainsi, en France, clIc est imposée selon le régime des BIC - cf COllAN et
VIANDIER, op. cil n° 1543 -. Mais il convient de souligner qu'en France, c'est le régime fiscal des socit~tés
de personnes qui est applicable aux sociétés civiles - en général -. Les associés peuvent êLre assujettis à
l'impôt sur le revenu, sur la quote-part leur revenam dans les bénéfices, comme si la sociét~ n'existait pas. Il
est également prévu un régime fiscal de faveur, pour la taxation des profits de consLruction. Un régime
similaire - soupiGsse fiscale - s'applique en Afrique, ct nOLamment au Congo, aux sociétés civiies (surtout
celles du secteur immobilier). La société civile de moyens ne fait pas l'objet, à notrc connaissance, d'une
utilisation courante en Afriquc noire.
41
Les sociétés spéciales peuvent être regroupées en deux catégories (75) :
- les formes spéciales à raison de l'objet social;
- les formes spéciales à raison de l'application de principes économiques ou sociaux
particuliers.
Deux remarques doivent être faites relativement à l'apparition de nouvelles formes
sociales.
La première est que c'est au travers de la société anonyme, véritable technique
d'organisation de l'entreprise (76), que des structures sociétaires particuliè;-es sont
élaborées.
Véritables moules livrés à la dextérité du juriste, ces formes spéciales sont des
structures secondaires. En effet, comme le précise M. CHAMPAUD (77) :
"Elles viennent se greffer sur une structure principale - forme
fondamentale - , pour en modifier des traits caractéristiques par
addition, suppression, substitution ou tramjormation partielle de
l'existence ou
du
contenu
de
certaines
règles qui constitilent
l'ossature de la structure principale ainsi modifiée."
(75) Cf. CHAtvfPAUD, Le droil des affaires, Que sais-je?, op. CiL, p. 75-76.
"a) Dans la première catégorie les formes spéciales sont classées à raison de l'objet social: "Objel lié à la
conslTllction (sociétés de conSlrllClion, sociélés immobilières d'inveslissemenl o..) ou à rexercice de
professions libérales (sociétés d'Experts comptables et comptables agréés) .. objet règlementé Oil prOlégé
(sociétés d'Assurances, sociétés de Banque, sociétés de Pharmacie ...) : objet lié à la collecte et à la gestion
de l'épargne invesiie dans les entreprises (sociétés d'Investissement ou de Placement ... r
b) dans la seconde catégorie les formes spéciales sont classées à raison de !' application de principes
économiques ou sociaux paniculiers :
- principe de la coopération - coopératives ouvrières de production, coopérati'Jes agricoles. coopéralives de
consommation ... -
- principe d'organisation collective de l'agriculture : groupements agricoles d'exploitation en commun -
CAEe - , groupements fonciers agricoles - CFA - ...
- principe de panicipation des salariés à la gestion de l'entreprise : sociétés anonymes ci panicipation
ouvrière, sociétés coopératives o:.vrières ...
- principe mutualiste: sociétés de secours mutuel, sociétés de crédit mutuel, sociétés d'assurance tnUluelle o..
- principes d'économie planifiée, dirigée, collectivisée ou étatisée' : sociétés d'économie mixte, sociétés
nationalisées .. .'.
Précisons que l'énumération qui précède esl loin d 'êlre exhauslive
(76) Cf. PAILLUSEAU, "La société anonyme, technique d'organisation de l'entreprise", Paris, Sirey, 1967.
(77) Cf. CHAtvfPAUD, Le droit des affaires, Que sais-je ?, op. CiL p. 75.
'12
La seconde remarque est que les formes sociales nouvelles peuvent emprunter
également le moule de la société civile. C'est le cas, plus particulièrement. du secteur
immobilier (78) qui a donné naissance notamment aux sociétés civiles de construction-
ven te et aux sociétés civ i1es d'atm bu tion.
Mais
pour
que
ces
sociétés
civiles
restent
des
instruments
juridiquement
intéressants pour les pays d'Afrique noire francophone, ceux-ci ne devraient pas réitérer
l'erreur commise par le législateur français d'aligner leur régime sur celui des sociétés
commerciales. Une telle assimilation cond!lit inéluctablement à un satut juridique plus
complexe et parfois, comme dans le cas des sociétés de construction-vente, à un régime
fiscal défavorable (79).
N'est-ce d'ailkurs pas à juste titre que les sociétés civiles de placement immobilier
ont été qualifiées en France de monstres juridiques (80) ? Ce sont, en effet, de fausses
sociétés civiles et de fausses sociétés de personnes; elles fonctionnent comme de vraies
sociétés anonymes, font appel public à l'épargne et sont notamment soumises à une étroite
surveillance de la part de la COB (81).
(78) En ce qui concerne l' Mrique, Cr. MEISSONNIER, Droit des Sociétés, op. cil. n' 3, p.o·9 . L'Juleur
pr~cise que les sociétés civiles n' exislent que sous deux l'onnes:
- la sociélé di te "universelle", définie par ]' anicle 1836 C.Civ.
- la société dite" société
civile particulière" - articles 18..+1 eL s. C.Civ.- ... qui connaît un essor <Jans le
domaine immobilier - société civile de construclion, société civile immobilière ... - ; Pour la Guinée. Cr. loi
66-22 du 1er septembre 1962, article 3.
Au Congo, les sociétés civiles et notamment les sociétés civilès immobilières de gestion sont régies par ies
articles 1832 et s. du C. Civ.: Cf. aperçu du droit des affaires en République Populaire du Congo, Fiduciaire
Helios, Pointe Noire, mise à jour le 1er juillet 1980, 63 p .. p. 20: voir également GUIDE juriditjue de
l'entreprise au Congo, 1983, EDITM, 17 rue Thiers, 78110 Le Vesinet, France.
(79) Cf COZIAN et VIANDIER, op. cil. n° 1850, p.460 : En France, les sociétés civiles de construction-
vente sont imposées selon le régime des bénéfices industriels et commerciaux - art. 239 ter CG 1 et art. L 211-
\\ à L 211-4 du code de l'habitation et de la construction - .
Les autres sociétés civiles - d'attribution, de placement immobilier ... - bénéficient d'un régime plus souple-
Cf. COZIAl~ et VIAl~DIER op. cil. p. 461 - .
Soulignons à titre de comparaison, qu'au Congo les sociétés civiles et notamment les sociétés civiles
immobilières de gestion jouissent généralement de la transparence fiscale, c'est à dire que leurs bénéfices
sont appréhendés et imposés au niveau de chaque associé et au niveau de la SC!- société civile immobilière-
. Toutefois, si la SC! compte <Jes sociétés commerciales parmi ses membres, elle est elle-même traitée
fiscalement comme une société commerciale. Cf aperçu du droit des affaires de la République Populaire du
Congo, op. cil.
(80) De nombreux auteurs ont qualifié "d'hérésie juridique", de "monstruosité", de "sociétés commerciales
déguisées" ou encore de "sociétés civiles de capiUlux", les sociétés civiles faisant publiquement JppC! à
l'épargne.
(81) Cf. COZIAJ"i et VIANDfER, op. ciL. n° 1853 et 1854, p. 46\\.
43
En définitive, les sociétés à statut particulier constituent un immense réservoir de
possibilités pour les juristes africains. Ceux-ci devront en faire bon usage en élaborant des
structures sociétaires secondaires non pas par imitation du droit français, qui reflète les
préoccupations d'une civilisation de haute technologie, mais en fonction des besoins
perçus par l'univers socio-économique africain.
La vocation essentiellemnt communautaire des sociétés africaines devrait par
exemple se traduire par l'adoption de structures privilégiant la "solidarité" en matière de
contribution au r-apital et faisant intervenir la notion de responsahililé collecrive, le
patrimoine social étant perçu comme un "bien indivis" et non plus comme la simple
somme arithmétique des apports réalisés par différents individus.
Ce principe de base pourrait trouver des applications intéressantes dans les
domaines agricole, artisanal voire dans celui des petites et moyennes entreprises (82).
PARAGRAPHE
III
LA
CREATION
DE
FORMES
SOCIALES
PARTICULIEREMENT ADAPTEES AUX AFF AIRES AFRICAINES DE PETITE
OU ~IOYENNE ENVERGURE
- 20 - Dans les développements qui vont suivre, nous étudierons sommairement :
- la société "simple" (83), structure sociétaire à créer;
(82) Des initiaLives intéressantes et parfois lTès originales sont prises dans ce sens notamment d,ms le secteur
coopératif: Cf. N'GUYEN MAJ'\\fH TU, "Le droit coopératif en Côte-d'Ivoire. L'étape pré-coopérative"., in
Revue Ivoirienne de Droit, n'I-2, 1975 pA-24; voir également Francine GODIN, Benin 1972-1982 La
logique de l'Etat africain, l' Harmattan 1986, p.193- 197 notamment, où il est quesLion : des groupemen'ts
villageois -GY- , du groupement révolutionnaire à vocaLion coopérative - GRYC-, de la coopérative agricole
expérimentale de type socialiste - CAETS - ; Adde DAUBREY, "La banque nationale pour le développement
agricole et le financement du développement en milieu rural en Côte-d'Ivoire", in RJPIC, 1978. n'l, pA5ï-
469.
(83) Le terme "société simple", qui nous paraît tout à fait indiqué pour une structure appelée à répondre aux
besoins des Pè\\'IE africaines, a été employé notamment par iv!.TElvlPLE (Les sociétés de fait, op.cil., n '298,
321 et 558). Mais, à notre connaissance, la société dite simple n'a pas fait l'objet d'une étude exhaustive.
Soulignons, au surplus, que nous définissons son régime juridique dans une optique spécifiquement africaine.
L'on peut cependant donner un aperçu de la société simple, telle que la conçoit M.TEivIPLE.
Il nous a semblé que cet auteur assimilait les sociétés simples aux sociétés de fait conclues
ora/emenl (ouvr2.ge précité, n<298, p.178). En outre, a-t-il précisé: "le lenne de sociélé non illunalriculée
élan! peu commode, c'esl IOUI nl.1lurellemem que nous proposons de les dénommer "sociélés simples" par
analogie avec l'expression ulilisée dans cenains pays. Simple celle sociélé le sera, en effel, par son défaut de
personnaliLé morale el par la responsabiliLé personnelle de ses membres. Simple aussi en ce qu'elle
permetlra la
réunificalion des
sociélés
civiles
el
commerciales
de personnes
lrop longlemps
el
arlificielleme!ll séparées. Il reslera cependanl à organiser la "sociéLé simple", ce qu.e le législaleur français
44
- le problème de l'option entre l'entreprise individuelle à responsabilité limitée et la
société uni personnelle.
A - L'INSTITUTION DE LA SOCIETE SIMPLE
INTRODUCTION
- Raisons d'être de la société simple
- 21 -
A côté des structures connues, empruntées au droit français (SNe, SARL,
SA ... ), il serait souh<litable d'instituer un type de société susceptible de s'adapter aux
affaires de petite ou moyenne envergure, dans les pays d'Afrique noire francophone.
Cette société devrait d'abord répondre aux exigences suivantes:
- modicité du capital social;
- simplicité des conditions de constitution.
L'on peut noter au passage que la société en partlCIpation réunit les critères qui
viennent d'être évoqués. Comme nous l'avons souligné plus haut (supra n0 17), la société
en participa1.ion devrait se généraliser en A frique ;-Joire francophone car son extrême
souplesse la rend parfaitement compatible avec diverses formes d'activités commerciales.
Cependant, l'absence
de
personnalité
morale, qui
caractérise la société en
participation, pourrait. être ressentie comme un handicap, dans certains cas. D'où la
nécessité de rechercher, à titre complémentaire, une structure offrant les mêmes avantages
que la société en participation mais qui serait dotée de la personnalité morale (84).
Il convient de souligner, au surplus, que la suucture que nous proposons - à savoir
la société simple - devrait permettre de limiter la responsabilité des associés au montant de
leurs apports.
n'a pas encore fait et le droit français se trouvera dans une situation très proche des principales législations
étrangères modernes" (ouvrage précité, n'321, p.190).
(84) Ce qui constillJerait une différence fOildamentale avec la "société simple", telle qu'elle :1 été conçue, en
France, par r-.'I.TEMPLE (supra, note n'83).
~J 5
- Caractéristiques de la société simple
- JJ -
La société simple sera une société de type hybride, empruntant certains de :;es traits
à la société civile, d'autres à la SARL.
Sa filiation
avec
la société civile s'expliquen par l'intuitus persorne, qui
caractérise les sociétés de personnes: la société simple - à l'inverse de la SA, par exemple
- devra se constituer, en d'fet, entre membres d'unt même famille ou entre des persOllnes
se connaiss," 'lt bien.
Sur un point essentiel, la société simple se rapprochera de la SARL: les associés
d'une société simple, même ceux qui exercent les fonctions de gérant, ;~è seront
responsables des dettes de la société que dans la limite de l'évaluation donnée ù leurs
appons.
L'objectif recherché est de permettre aux personnes ayant des revenus moJr::stes de
bénéficier des avantages offerts par la structure sociétaire, sans engager dangereusement
leur patrimoine personnel.
Soulignons également que 18. :imitation de responsabilité devrait avoir pour effet de
développer l'esprit d'initiative qui fait cruellentent défaut en Afrique noire francophone,
notamment chez les jeunes.
Notons, au surplus, que la société simple devrait s'appliquer aux erlireprise:-. de
faible bénéfice et ne devJnr pas prendre une grande c:xtension. Aussi faudra-t-il fix.er il :'1 le
nombre maximal d'associés au-delà duquel la société simple devra être dissoute, si elle n'a
pas été transformée en SARL dans le délai d'un an.
Le nombre minimum d'associés étant fixé à 2 - la société unipersonnelk n'étant
pas reconnue en Afrique noire francophone -, la société simple apparaîtra, en conséLjuence,
comme
une
structure
intennédiaire,
un
maillon,
entre
l'entreprise
individuelle
à
responsabilité limitée, qui sera présentée plus loin (infra, n037), et la SARL de type
classique, régie par la loi du 7 mars 1925.
Précisons, enfin, que, pour la rendre encore plus attrayante, d'importants avantages
fiscaux et sociaux devraient être attachés à la société simple (85). En définitive, LI société
(85) En errel, la société simple, à l'instar de la S.-\\RL, devrail convenir:
46
simple s'apparenrera ~I une "petite SARL", avec cette différence, toutefois, que slIr t.:ert:IÎns
poil1ls, LJui seront mel1lionnés au fur et à mesure, elle empruntera se~ règles :1 LI société
civile (ou plus généralement aux société5 de personnes).
L'
ft
"Vl ,Danslesdéve!oppementsqui vontsuiv~-e~nousévoquerons succintemenrles règles
\\~ de constItutIon et de tonctIonnement de la societe Simple.
1°) Constitution de la société simple
a) Dispositions générales
Nature et acti\\'ités cie la société
- 23 -
Contrairement à la SARL qui est commerciale pour la forme, la nature de LI société
simple dépendra de l'activité de ses membres (86).
Les membres des sociétés simples n'aurol1l pas la qualité de commerçant,
Compte tenu de sa modeste dimension et de sa surface financière réduite la société
simple ne pourra exercer que certains types d'activités bien spécificlues : en principe, toute
activité industrielle commerciale, anisanale voire agricole.
Rappelons, à cet égard, que certaines activités font l'objet d'une règlemeil,iltioil et
nécessitenr des autOrisations administratives (87), tandis que d'autres ne peuvent être
exercées que sous cenaines formes juridiques particulières (88).
- aux "entreprises réalisant de faibles bénéfices ct dolll rien ne laisse espérer un développc'J11c'ntllans
]' avenir, alors que le chef d'entreprise est peu imposé à 1Ïm pôt sur le revenu, soit parce qu'il ne dispose pas
d'autres revenus personnels, soit en raison de ses charges de Camille:
- aux "affaires passibles du régime du Corl~lit avec les différents avanU1ges qui en résultent
(Cr:.lI1chise, déCale, obligations compU1bles simpliCiées ...). cLRc\\ue Fiduciaire, n'696, juin 1985. p,27-2R,
(86) Ainsi, une activité agricole pourrait bien être exercée sou,:; Corme de société simple; comp.Ln FrJilCC\\ a
été créée l'entreprise agricole à responsabilité limitée (E.A.R.L.), qui est une société civile à respul1sJbilité
limitée, cf.RIPERT par ROBLOT, op.cil. (1988), n'669, p.486,
(87) Notamment en matière de sanLé publique, de
vel1le de médic8l11cnts, de gérance (.l'Ollie ine,
cf.MEISSON~IER, ouvrage précité, p. 125-129,
(SS) Cas des sociétés de banques, des sociétés d'assurJnœs ou des sociétés distributrices dl' produits
pétroliers, pour lesquelles IJ Corme de SA est, en principe, requise, cLMEISSONNIER, ou vr:l:;l' précité,
p,125-129.
)
47
Généralement. I~l forme de société ~lI1onYr1le est exigée pour les allain:> de très
grande envergure, la socibé civile s'appliquant en revanche aux activités immobilières.
Il convient d'insister, par ailleurs. sur le fait que la transformation de la société
simple en SARL sera nécessaire dès que le nombre limite de 5 associés sera dépassé ou dès
lors LJue l'activité envisagée impliquera la mise en circulation de capitaux imponants.
- Désignation de la société
- 2~ - La société simple sera désignée par une dénomination sociale, à laquelle pourra ~tre
incorporé le nom d'un ou plusieurs associés, et qui devra ~[re précédée ou suivie
immédiatement des mots "Société simple à responsabilité limitée" ou des inili~I1es
"S.S.A.R.L." et de l'énonciation du capital social.
L'exclusion d'une raIson sociale est motivée par le souci d'éviter que Ies tiers
appeks à traiter avec des associés de la société simple dont le nom figure Jan:' la
dénomination sociale, croient à ton se trouver en présence d'associés inckliniment
responsables comme dans une société en nom collectif.
Les mentlons précitées, précédant ou SUlvanr immédiatement la dénomination
sociale, devront figurer sur tous les actes et documents émanant de la société et destinés
aux tiers, nmammem les lettres, factures, annonces et publications diverses.
En outre, les aCleS et documents concernant 1" acLÎvité de la société simpl~ lkvronr
indiquer le numéro d'immatriculation au registre du commerce. Exceptionnc:ikmenr,
seules les personnes physiques pounont faire parl;e de la société simple, à l'exclu:iion des
sociétés (et autres personnes morales).
b) Dispositions particulihes
- Conditions de fond
Nombre d'associés - capital social.
- 25 - Le nombre 111111ll1lUm des associés d'une société simple sera de 2, et le nombre
maximal de 5
48
Si la société venait à comprendre plus de cinq associés (89), elle devrait. dans le
délai d'un an, être transfomlée en SARL. Dans le cas contraire, die devra être dissuutc.
Le capital social d'une société simple devra être fixé au minimum à 100.000 F CFA
(90). Le montant nominal des parts sociaks sera fixé à 500 F.CFA (ou l'équivalent en
Guinée) (91). Les parts sociales devront être souscrites en totalité par les associés et
inrégralemenr libérées. La répartition des parts devra être mentionnée dans les statuts.
Apports
- 26 -
Les apports à une société simple poulTont êlre faits en espèces, en nature ou encore
en "industrie".
Les apports en industrie ne pourronr concourir à la formation du capital social mais
donneront lieu à l'attribution de pans ouvrant droit au partage des bénéfices et de l'actif
net, à charge de contribuer aux pertes (92).
La validation de l'apport en industrie - interdit dans les SARL (93) - nous paraît
être une solution JUSte, en ce qui concerne la société simple, puisqu'elle pennet de prendre
en compte l'apport èn travail qui est un ékmenr LJuasi indissociable de l'exploitation du
fonds de commerce, en Afrique noire francophone. L'apport en industrie ne sera donc
(89) Comparaison avec la SARL: "Il n' y a pas de nombre maximum d'associés sauf au Sénégal, l'n Guinée,
au ,\\'/ali et au Ni~er oû les SARL ne peuvelJ! comp/er plus de cinqllame associés, et, si cela devioll le cas,
doivem se transformer en SA dans les deux ans, sous peine de dissolution de plein droit", cLELju,pc HSO,
op.cil., p.I17.
(90) Ou J'équivalent de cc montant dans Ics pays d'AfriLlue noirc francophone utilisant une monnaie
diff6rente (c'eslle cas de la Guinée).
RaQ~ : en ce qui concerne la SARL le monl.'lnl du c~lpital social ne peUL être inféricur :1 250.000
F.CFA, sauf au Burkina-Faso (2 millions F.CFA), en GUllléc (8 millions Francs guinécns, ou 10 l11illion~ s'il
s'agit d'une S.-\\RL componanl des associés de nationalilé étrangère, au Mali (3,5 millions F.CFAj, :lU Niger
(2 millions F.CFA), au Sénégal (5 millions F.CFA).
(91) Comparaison avec 13 SARL. Le monl3nt nominal d'une pan (de SARL) ne peul être inréricur il 500
F.CFA, en Afrique noire francophone, sauf: au Burkina-Faso (10000 F.CFA), en Guinée (pas de minimum),
au Mali (2500 F.CFA), au Niger (5000 F.CFA), au Sénégal (5000 F.CFA.). Au Gabon, les Slalul~ Lioivcnl en
OUlrc comporter l'èngal!Cmcl1l des associés d'offrir ~raluilcmcnl à l'Etal JO % de leurs droils d3ns le capital
- -
-
social.
(92) CLDu PONTA VICE, OUPICHOT (el aUlres), op.cil., n'868-4, p.I097.
(93) Les législations des pays d'Afrique noire francophone interdisent d'effecluer des 3ppOrLS en industrie au
profit des SARL, cf.Equipe HSO, op.cil., p.117.
49
admis que dans lès cas Oll l'objer Je la soci~ré porre sur l'exploitarion d'un fonds de
commerce et où l'activité principale de l'apporteur esr liée à la réalisation de l'objet social.
Sans préjudice des règles du drair civil réputant non écrites lès clauses léonines
(94), la quote-parr de l'apporreL:I" en indusrrie cbns sa conrribution aux pertes sera
détel111inée par les statuts sans qu'elle puisse être supérieure à celle de l'associé qui a le
moins apporté (95).
- Conditions de forme
- 27 -
Comme pour toutes les sociétés, elles consisteront dans la rédaction d'un écrit et
dans l'accomplissement des fonnalités de publicité.
Rédaction d'un écrit
- 28 -
Des statuts devront être rédigés, qui comprennent notamment la forme de la société,
sa durée, sa dénomination, son siège et son objet, la déslgnation, la rémunération et la
révocation du gérant.
Ces statuts pourront être établis par acte sous seing privé. Cependant le recours à la
forme notariée pounait s'imposer dans n'ois cas:
- en cas d'appon d'un bien soumis à publicité: par exemple lorsque le bien apporté
est un immeuble (96).
- Lorsque la société se constituera entre une personne et un ou plusieurs de st:S
héritiers présomptifs (un père et ses enfants par exemple) (97).
(94) CCan.l 095, :.11.1 cr, COCC (Sénégal); art.1844-1. al.2 (h,mec).
(95) Cf.an.1095, al.2 COCC (Sénégal).
(96) CLNIEISS00l1'lIER, ouvrage précité, n'204, p.228 : En cas d'apports d'immeubles ou de droiL'i
immobiliers, la transcription doit êLre efrectuée à la Conservation roncière, qui exige en ,L\\rrique la
communication du duplicata du titre foncier et des actes constitutifs de la société (en particulier: cunvention
d'appon, procès-\\'crbaux d'assemblées ct rappon du commissaire aux appons).
(97) La rédaction des statuts par acte notarié permet au.\\ enLmts, associés <lUX mêmes conditions que le serait
un étranger, de ne pas cr:J.indre, en principe, une demande de rapport à la succession paternelle des avanL:lges
normaux retiré~ par eux de la constitution de la société.
50
- Si deux ~poux elHn~nt simultan~l11elll dans la société. En effet, à défaut d':lvoir été
réglés par un acte authentique, les avantages et libéralités résu\\tallt d'un contrat de société
poulTaient être assimilés ~l des donations déguisées, ce qui entraîner~it leur annulatioll.
Il convIent de souligner, par ailkurs, que la limitation de la responsaiJilité des
associés au montant de leurs 3.pports permet, dans le cas de la société simple, d'atténuer les
inconvénients liés à l:l panicip:ltion des deux conjoints à la vie sociale. En Afrique noire
francophone, les sociétés entre époux sont en principe interdites (98), dans Ull but de
protection du p3.trimo i ne familial, les législateurs voulant éviter que les ép()IIX soient tenus
indéfiniment et solidairement responsabks des dettes sociales.
Formalités de publicité
- 29 - Elles comprendront essentiellement:
- un dépôt au greffe du tribunal à compétence commerciale, de deux originaux (ou
deux expéditions) de l"acte constituüf de i:l société simple;
- une lI1sertlon dans un journal d'annonces légales et une seconde insertion au
Journal Officiel (lorsque celui-ci est publié);
- l'immatriculation au registre du commerce.
r) Fonctionnement de la société simple
- 30 - Notre étude ne pouvant être exhaustive, nous nous bOIllerons à évoquer les clllq
points suivants: la gérance, les pouvoirs des gérants, la cession des parts sociales, la
protection des créanciers sociaux, la dissolution de i:l société simple.
a) La gérance
- 31 -
L'intuitus personae et l'intensité de J'affectio societatis auront des incidences sur la
gestion de la société simple et se manifesteront norammenrpar les traits ci-après:
(98) Contra. En France, la loi du 10 juillet 1<)82 a consacré la reconnaissance des sociétés emre époux. même
si les époux n'emploiem que les biens de la communauté pour les apports à une société ou pour l'acquisition
de parts sociales.
51
- La gestion sera concelllrée entre les mains d'un ou plusieurs gérants. EI1 rblité.
elle pourra même reposer pali'ois sur cles associés investis des fonctions de gér:lllt ou
appar;:lissant comme les véritables maîtres de l'affaire, lesquels, en principe, prendront les
engagements au nom de la société ou donneront les cautionnements nécessaires.
b) Les pouvoirs des gé.-ants
- 32 -
Dans les rappons avec les tiers, le gérant sera investi des pouvoirs les plus étendus
pour agir en toute circonstance au nom de la s('(:iété. La société sera engagée par rous les
actes. qu'ils participent ou non de l'objet social.
Les limitations statutaires aux pouvoirs du gérant, valables dans les rappons elme
associés, seront inopposables aux tiers. Il n' en ira autrement que lorsque la société poulTa
prouver que le tiers savait que l'acte dépassait l'objet soci::l1 et qu'i! ne pouvait l'ignorer
compte tenu des circonstances.
c) La protection des créanciers sociaux
- 33 -
Ainsi que nous l'avons souligné précédemment, les associés d'une société sill1pk
contribueront au passif social dans la limite de leur contribution au capital. Autrement dit,
seuls les apportS faits ù la société constitueront le gage des créanciers.
Cette limitation de responsabilité repose sur une idée simple: compte tenu de la
faible envergure de la société simple (celle-ci étant plus modeste que la SARL de type
classique) et du fait que les activités poursuivies par les sociétés simples ne néct;-:siteront
pas d'apports ou de capitaux trè:; imponants, les risques encourus par les associés d'une
société simple ne pounaient être que réduits.
La limitation de responsabilité constltue. il faut k
souligner, une ill1ponaJ1tè
dérogation au principe de
la responsabilité
personnelle, indéfinie et solidaire, qui
caractérise les sociétés de personnes, dominées - comme c'est du reste le cas de Li société
simple -, par l'intuitus personae.
Pour être inhabituelle, une telle exception n'en est pas moms licite. Comme le
précisent en effet MM.ivŒSTRE et FLORES (99) :
(99) Cf.MESTRE et FLORES, Lamy Sociétés, 1986, n'589, p.228.
52
La persollnaliré juridique de chacun des associés éralll disTincTe
H •••
de celle de la sociéré, le principe esT, ici encore, l'indépendancc du
passif social. Les associés ne sonr pas Tenus de son règlemcnr à
l'égard des liers" (100).
Cenes, il existe des exceptions au principe de l'indépendance du passif social, mais
elles lie s'appliquent qu'à certains types de sociétés, pour lesquelles l'extension du passif
social se fait de plein droit: associés en nom collectif, commandités, associés d'une société
civile professionnelle et membres d'un GŒ sont ainsi indéfiniment et solidairement
responsables du passif social.
En revanche, l'obligation - indéfinie et solidaire - au passif social ne saurait
s'appliquer, en principe, à la SARL (101) ... et donc à la société simple, la seconde société
s'inspirant, en ce domaine, des règles applicables à la première.
Comme on le voit, l'obligation des associés au passif social s'applique ou non à tel
ou tel type de société; selon que l'engagement personnel des associés envers les créanciers
est compatible ou non avec la forme sociale retenue. Autrement exprimé, dans le cas des
engagements dits "légaux" (102), c'est (évidemment) la loi qui à travers le régime
juridique prévu pour une structure sociétaire donnée (ou un groupemen t), fixe l'étendue de
l'obligation des associés au passif.
Le problème dela protection des créanciers se pose cependant en d'autres termes
lorsque les associés ont soit souscrit des engagements personnels, soit donné des
cautionnements pour le corn pte de la société.
En effet, dans le cas des cautionnements, notamment, le caractère volontaire de
l'engagement empone - en principe - suppression de la limitation de responsabilité des
associés, y compris de ceux faisant partie d'une SARL de type classique.
D'ailleurs, en pratique, les banques, conSClentes du caractère illusoire d'une
garantie limitée au montant des apports, exigent des SARL, lorsqu'elles ont recours au
crédit, l'engagement personnel du (ou des) gérants et/ou des associés importants (SOLIS la
(100) Ibidem.
(101) CLNIESTRE et FLORES, Op.CiL, n'589-2, p.229.
(102) Ibidem.
53
fonne g~néralement d'une hypothèque ou - et - d'un cautionnement, accompagné de
l'obligation pour le géranr ou l'associé de laisser un important compte courant créditeur
dans la SARL).
Cet usage bancaire conduit donc à supprimer l'irresponsabilité personnelle des
associés et la SARL se trouve alors avoir deux catégories d'associés: les géranrs dont la
situation est comparable aux commandités, personnellemenr responsable des denes de la
société, et les associés non gérants, assimilables aux commanditaires, qui continuent à ne
répondre de leurs derres, qu'à concurrenc de leurs apports.
La pratique des cautionnemenrs constitue donc une sérieuse entorse au principe de
la limitation de responsabilité des associés de SARL.
Dans le cas de la société simple, la limitation de responsabilité des associés, qui est
un avantage indéniable - et qui, à l'instar de la SARL, entraî~un engagemenr public -
\\ constitue par ailleurs un sérieux inconvénient. C'est le revers de la médaille: "ce que rOll
gagne en sécurité, on le perd en crédit" (103).
En effet, les crbnciers ne pouvant, en principe, s 'arraquer aux biens personnels des
associés, les sociétés simples risquent de s'en trouver gênées dans leurs opérations de
financement (104).
Se
pose
alors,
comme pour la SARL de
type classique,
le
problème du
renforcemenr de la protection des créanciers. A cerre fin, le principe de la limitation à leur
mise de la responsabilité d'une société devrait comporter, en droit ou en fait, plusieurs
exceptions:
- 1ère exception. La souscnptlon d'une assurance pennettrait de compléter la
responsabilité des associés par une responsabilité collective (105).
- 2ème exception. Comme en matière de SARL, les associés devront être
responsables solidairement pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur donnée aux
apports en nature faits lors de la constitution de la société.
(103) Cf.Revue Fiduciaire, n'696, op.ciL., p.18.
(104) Cf.Revue Fiduciaire. n '696, op.ciL., p.18.
(105) En ce sens, COZLÂ,J~ ct VIANDIER, op.ciL., n' 1467, p.3ï3.
54
- 3ème exception. Comme pour la SARL, les créanciers pourront eXIger un
engagement personnel et inconditionnel d'un ou plusieurs associés solvables, généralement
investis des fonctions de gérant ou apparaissant comme les véritables maîtres de l'affaire.
- 4ème exception. Au cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens de la
t5
société simple?nt apparaître une insuffisance d'actif, ou en cas de faute de gestion, le
(ou les) gérant de droit ou de fait, et même lès associés le cas échéant, pourront être
condamr~s à supporter les dettes sociales. en tout ou partie, avpr; ou sans solidarité.
Ils pourront en outre être poursuivis pour abus de biens sociaux.
Toutefois, les personnes précitées pourront dégager leur responsabilité en faisant la
preuve qu'ils ont apporté à la gestion des affaires sociales toute l'activité et la diligence
nécessaires.
Théoriquement, il convient d'y insister, de telles sanctions ne devraient s'appliquer
que rarement dans la mesure où le caractère "modeste" des activités et objectifs poursuivis
par la société simple devrait exclure la prise de risques importants.
Il est important d'évoquer, surtout dans le cadre d'une étude théorique, toLlS les cas
dans lesquels on pourra déroger au principe de la limitation de responsabilité (des
associés).
Cependant, nous sommes presque certains qu'en raison de la taille et des activités
réduites de la société simple, la souscription d 'une assurance devrait suffir, dans la plupart
des cas, à compléter efficacement la ~arantie due aux créanciers.
d) Les cessions de parts sociales
- 34 -
En matière de parts sociales s'appliqueront les règles prévues pour les sociétés de
personnes. Les cessions de parts à des étrangers nécessiteront le consentement unanime de
tous les associés, ce qui constitue une différence avec la SARL (106).
(106) En effel,la cession de pans à des étrangers ne peUL sc Caire qu'avec l'accord des associés (de la SARL)
Sl<lluam à la majoril~ en nombre des associés el repréSentanl au moins les lfois quartS du capil<ll social (sauf
en Guinée où la scuk majorilé des deux liers du capital esl imposée).
55
Le refus d'agrément du cessionnaire ne doit pas avoir pour conséquence de rendre
le cédant prisonnier de ses parts. En pareil cas, le cédant sera donc en droit d'exiger le
rachat de ses parts par ses coassociés, les acquéreurs désignés, ou par la société elle-même.
En revanche, sauf dispositions contraires des statuts, les parts pourront être
librement cédées entre les associés, entre conjoints et entre ascendants et descendants.
e) La dissolution
- 35 -
La dissolution de la société simple résultera de l'une des causes suivantes:
- L'absence de régularisation à la suite de 1;] perte de la moitié du capital social, de
la réduction du capital social à un montant inférieur au minimum légaL ou du dép~\\ssement
de la limite de 5 associés.
- La faillite personnelle, l'incapacité ou encore le décès d'un associé (sauf
stipulation contraire des statuts).
En ce qUl concerne ces trois derni~res causes de dissclution, la société ~ii1lple se
distingue de la SARL laquelle est soumise à un régime proche de celui des sociétés de
capitaux (107).
'\\
Conclusion du paragraphe 3
- 36 - . La société simple, que l'on pourrait, de manière imagée, qualif:er "de SoeUI cadette
de la SARL" ou de "petite SARL" sera marquée par un caractère hybride.
D'une pan, en effet, la plupart des règles qui la gouverneront s'inspirent de la
SARL: par exemple, la limitation de responsabilité des associés ou la protectiOn des
créanciers.
(107) A l'inverse des sociétés de personnes, la faillite personnelle, lincapacité ou le décès d'un ~\\ssocié ne
provo4uent pas ::: dissolution de la SARL. V. en ce sens, !'vIEISSONNIER, ouvrage précité, p.6I.o+)
A titre d'exempk, la vic de la SARL n'est pas affectée par le décès de ses membres. Les héritiers de
l'associé décédé se partagent les parts dont celui-ci était titulaire, à moins que les associés survi\\'ants ne
rachètent lesdites parts en venu d'une clause statutaire d'exclusion ou d'agrément des héritiers.
56
D'autre part,
la société simple, essentiellement fondée
sur la confiance,
ne
comptera guère qu'un petit nombre d':lssociés, lesquels, en pnnClpe, se connaîtront
parfaitement et voudront donc demeurer entre eux. Cet intuitus personae apparaîtra
notamment dans les règles de m:ljorité, les conditions de cession des parts Ol! dans les
causes de dissolution.
Au fond c'est dans la combinaison du c:lractère intuitu personae et de la limitation
de la responsabilité des associés que résidera le principal attrait de la société simple.
Esr :rons qu~un tel avantage puisse susciter l\\~ngouer '~nt des créateurs de petites et
moyennes entreprises.
B - PERSPECTIVE D'AVENIR:
L'OPTION ENTRE L'ENTREPRISE INDIVIDUELLE ET LA SOCIETE
UNIPERSONNELLE A RESPONSABILITE LIMITEE
- 37 - Le
développement
des
petites
et
moyennes
entreprises
fait
panie
des
préoccupations actuelle des milieux d'affaires africains. Cependant, il est à souligner que
ce problème est souvent abordé sous l'angle de la gestion et du "management" Cl 0 8).
Pourtant, au plan stlictement juridique, une question importante reste il résoudre,
surtout depuis les récentes réfonnes françaises (109) : celle de l'option entre l'ei1treprise
individuelle à responsabilité limitée et la société unipersonnelle (110).
En France, le législateur a consacre la société unipersonnelle à responsabilité
(EURL) avec la loi du Il juillet 1985, au mépris de la conceplion traditionnc:lkment
pluraliste du contrat de société. Comme le soulignent MM.les professeurs COZIA\\ et
VlANDIER, ''l'EURL esr une société à respollsohiliré limitée ullljambisre : un seul associé
personne physique er morale. er ce dès la créarion de la sociéré" (111).
(108) "Le d~vcloppementdes petites entreprises en Afriquc", lvlarchés Tropicaux et Méditcrrané<:lh. 26 août
1977, p.2265-2266: "Le management a-t-il un avenir en Afrique ?", in Revue précitée, 21 décembre 19~.:j.,
p.3199-3200: ·'LJ. recherche des bons principes du management en Afriquc", Revue précitée, 2-1- Illai 19S5,
p.I273-lnS.
Cl 09) En matière juridiquc, les pays d'Afrique nc!rc francophone s'inspirent souvent des réformes rr~\\l1çJiscs
(supra n'2 ct s.).
(110) A notre connaissance, la société unipcrsonnclk 'l'exi:;tc, à j'heure aclUèlle, dans aucun pays d'Afrique
noire francophone; v.cn œ sens, Equipe HSD, ouvrage précité, Il'4-2, p,78.
(III) COZL-\\l'i el VIAl'\\iDIER, op.cil., nT3SI, p.349.
57
Dans ce pays, l'institution des sociétés à associé unique était devenue une nécessité
du fait que la non-reconnaissance du patrimoine d'affectation obligeait parfois les
commerçants à régler leurs dettes sur leur patrimoine personnel "ou à s'unir avec d'autres
personnes, lesquelles n'étaient des prête-noms, pour constituer une SARL ou une SA"
(112 ).
S'il est vrai que le souci de limiter la responsabilité des entrepreneurs individuels
aux seuls biens ou valeurs affectés à l'exploitation demeure en Afrique noire francophone,
l'allégeance juridique à la fr 1l1cophonie ayant entraîné la reconnaissance implicite de la
notion d'unité du patrimoine (113), la consécration de la société unipersonnelle à
responsabilité limitée ne nous paraît cependant pas devoir s'imposer.
Il serait plus simple de ne pas recourir à la notion de société el de privilégier le
patrimoine d'affectation (114), c'est-à-dire l'entreprise individuelle à responsabilité liitée.
Ainsi, le dispositif législatif et règlementaire applicable aux commerçants et entrepreneurs
individuels resterait sans changement (115). Seule différence notable, la séparati9n serai t
établie entre le patrimoine personnel et le patrimoine de l'entreprise; par voie de
conséquence la responsabilité de l'exploitant individuel cesserait d'être illimitée.
Notons, par ailleurs, que la reconnaissance du parrimoine d'affectalÏon permettrait
d'éviter de faire coexister, comme en droit français, des sociétés uni personnelles et
pluripersonnelles fondées les unes sur la notion d'institution, les autres sur la notion de
contrat (art.1832 C.civ.) (116).
(112) COZIA!"J et VIA!"JDŒR, Op.CiL, n' 1350, p.349; Adde l.P AILLUSSEAU, "Les fondements modernes
du d{oit des sociétés", J.c.P., éd.EnLreprise, 29 mars 1984, 14.193, n' 51 : Après avoir souligné l'existence
d'un grand nombre de sociétés unipersonnelles de fait, notamment par apport d'enLreprises individuelles ...
cet éminent auteur observe que "l'aménagement d'une forme juridique particulière pour ces enLreprises ou
l'adoption de la société unipersonnelle permetLrait de supprimer ces "hypocrisies juridiques".
(113) Sur le fonds de commerce par exemple, "la loi (française) du 17 mars 1909, applicable à la vente et au
nantissement, a été déclarée applicable aux Colonies en vertu de son article 38. Les conditions d'applicaLion
ont été déterminées par un décret d'administration publique: AO.F. la mars 1936, A.E.F. 19 mars 1935,
Cameroun 26 juillet 1932, Madagascar la novem bre 1927".
Sur les modifications ultérieures de la loi du 17 mars 1909, cUvIE1SSONNlER, Droit des sociétés
en Afrique, op.cil., n'67, p.74.
(114) Cf.Y.LAMBERT-FAIVRE, L'enLreprise et ses formes juridiques, Op.CiL, p.975; CHAMPAUD,
"L'enLreprise personnelle à responsabilité limitée", Rev.trim.dr.Com.1979, 579; du même auteur, "Le droit
des affaires", Que sais-je? Op.Cil, p.ïO.
(115) S'agissant notamment des conditions de créations des entreprises commerciales, induSLrielles ou
artisanales, cf.Equipe HSD, op.cil., p.43-55.
(116) V.sur ce point GUYON, Op.CiL, 0'96, p.92-93; RIPERT par ROBLOT, Op.CiL, T.1, 1988, n·669-671.
58
Conclusion
- 38 -
L'enrreprise individuelle est une smlcture adaptée aux petites affaires èt on lui
reproche souvent son inaptitude à favoriser - et à suivre - "une expansion (tant en volume
ou en dimension que dans l'espace)" (11/).
Une
telle
cnuque
manque
cependanr
de
pemnence
dans
la
mesure
olt
l'entrepreneur a toujours la faculté de recoulir, si l'<"xtension de ses affaires l'exige, aux
diverses structures (pluripersonnelles) prévues par k droit africain des sociétés.
L'entreprise
individuelle
à
responsabilité
limitée
(c 'est-à-dire
dot~e
d 'un
patrimoine d'affectation) apparaît en définitive comme une structure particuli2:rement
adapt~e aux pays d'Afrique noire francophone.
SECTION IV - LE REGIME DES SOCIETES DE FAIT OU CREEES DE FAIT
- 39 -
L'évoca~ion du régime applicable à ces sociétés s'avère indispensable dans la
mesure Ol! les législations des pays d'Afrique noire francophone n'en font pas mention.
Les règles mentionnées ci-après devraient servir de schéma directeur.
PARAGRAPHE 1 - LES SOCIETES DE FAIT
- 40 - La société de fait peut ètre définie comme une société ayant donné lieu :1 Uil acte de
soci~té mais qui a été annulée pour irrégularité de constitution (118).
Par dérogation
au droit commun,
l'on
admet que
la
société
a fonctionn~
valablement en fait et donc que la nullité ne rétroagit pas. Il en résulte notammenl LJue les
contrats conclus par b
société avant son annulation sont valables. Cette ab~ence de
rétroactivité produit des effets tant entre associés qu'à l'égard des tiers.
(l17) De JUGLART,
IPPOLITO,
Du
PONTA VICE el DUPICHOT, Traité de droit commercial,
éd.:vlontchrestien, 1980, Les sociétés, 2è vol., 1ère partie, n '333, p.lS ("Insuffisances juridiques fiscales el
sociale dc l'entreprise individuelle").
(l18) TENIPLE. ouvrage précité. RIPERT par ROBLOT, op.cil., 1938, T.l, [1'724, p.539 : "L'nflrcssiol1
sociéré de faii désigne la situaIion dans laquelle ulle société, voulLle par les participants. mais nulle en droi/.
afonctionné avant son annulalion" .
S9
Dans les rapports des associés de fait la société doit être liquidée conformél11èll[
aux dispositions des statuts et des règles légales sur la liquidation des sociétés dissoutes.
A l'é2:ard des tiers la. société irrégulière, liquidée comme société de fait après son
annulation, est traitée comme ayant existé dans la fonne qu'elle aurait eue si elle n'avait
pas été nulle (SNC, SARL...). La limitation de la responsabilité des associés n'est pas
opposable aux tiers qui n'en ont pas eu connaissance.
PARAGRAPHE II - LES SOCIETES CREEES DE FAIT
- 41 -
L'expression société créée de fait "désigne la situation dans laquelle deux ou
plusieurs personnes se sont componées en fait comme des associés, sans avoir exprimé la
volonté de former une société" (119).
Comme le souligne M.GUYON, les sociétés créées de fait sont génér:Hnces de
nombreuses diffïcultés (120). Et d'un point de vue pratique, ce n'est qu'une analyse a
pOSTeriori qui permet de découvrir le cas échéant les éléments spécifiques de la société.
Cela revient il dire que les associés ignorent le plus souvent qu'ils sont en société (121 J.
En cas de cnse, les ners qui veulent agu- contre chacun des associés doivent
apponer la preuve, par tous les moyens, de l'existence d'une société créée de fait.
(119) RIPERT par ROBLOT, ouvrage précité, T.I, 1988, n'725, p.541; Adde TEMPLE, op.cil.: RiVES, "Le
SOrt des sociétés de fait depuis la réfonne des sociétés commerciales, Rev.Trim.Dr.Com.I969. 407:
L\\GARDE, Encycl.Dalloz, Rép.Sociétés, Vis Sociétés de faiL: GUYENOT, Sociétés créées de f:lil. soel'2té)
de fait et sociétés en participation, D.S.l979, chron.155.
NB
: En Franc~, la loi du 4 janvier 1978 a déclaré applicables aux sociétés créées ùe l'ai 1 les
dispositions concernant les sociétés en participation (art. 1873. C.civ.). La frontière entre la société cn
participation et la société créée de fait risque d'être imprécise dans bien des cas, dès lors que la société en
participation peut exister désormais de façon eXlel1sibLe, sans être immatriculée, et peut être prouv.2c par tOUS
les moyens.
(120) GUYON, op.ciL., T.I, n' l·n, p.145.
(121) Les sociét~s crééèS de fait se rencontrent dans de nombreux domaines; notamment les groupcments
d'entreprises pour l'exécution de travaux publics.
En Afrique noire, l'on peut citer, plus particulièrement, les "activités" commerciales ou le..' roncIs de
commerce exploités par les membres d'une même famille (parents, enfants, entre conjoints, avec 1'assiswnce
des oncles, tantes, cousins ...), ou, parfois, avec la participation des amis.
60
En cas de difficulté interne, l'une des parties peut ~lVOlr intérêt à prouver l[u 'une
société existait, parfois depuis de nombreuses années. Le recours à la norion de société
créée de fait permet de réparrir entre rous le boni de liquidation.
En Afrique nOIre francophone la révélation (ou la dénonciation) d'une société
devrait entrainer sa "régularisation", autrement dit sa transformation en une société de droit
(122) - la société en nom collectif (123) ou la société civile selon qu'elle a un caractère
commercial ou civil -, à moins que les associés ne se prononcent pour la dissolution de la
société.
Il convient d'insister sur le fait que la société créée de fait devra faire l'objet d'une
dissolution et non pas d'une liquidation à proprement parler, puisqu'elle n'a pas la
personnalité morale et qu'il n'y a pas de patrimoine social à répartir; c'est donc un
"règlement de comptes" qui interviendra entre les associés,
Pour la même raison (absence de personnalité morale) la dissolution àe b société
créée de fait ne pourra donner lieu à publicité.
*
*
*
(l22) En Fr::m ce , comme l'avaient suggéré Mi'vI.CALAIS-AULOY el TEivTPLE, l'article 1873 C.civ. hisse
une situation de fait à la l1aUleur "des situalions de droi!, car la loi lCnd à définir de plus en plus les (OnlOuJS
el le régime des nuililés. Le ciroi! n'élimine pas le fail. il l' assimile" (cLH.TEivIPLE, "Les sociélés de fait".
préface de J.CALAIS-AULOY, LGDJ 1975): Adde FLORES et !vlESTRE, "Lamy Sociétés", 19X6, n'40ï3:
COZIAt'J et VIANDIER, op.ciL., n'53, p.16.
(I23) En France, l'article 1873 nouveau du C.civ. prévoit désormais l'application aux sociétés créées de "ait
des dispositions relatives concernant les sociétés en participauon. De cc fait. la preuve de la sociélé créée de
fait est moins intéressante que par le passé, car elle ne suffit plus à engager la responsabilité des associés il
l'égard des tiers.
En èffet, aux termes de l'article 1872 C.civ., chaque associé contr<lcte en son nom pCrSiJiHld ct est
seul engagé à l'égard des tiers. Pour poursuivre les (autres) associés, il faut démontrer soit que le participant
que l'on veut atteindre agissait en qualité d'associé au vu et au su des tiers (31.2) soit que ]''''n~,lgèrnènt il
l'égard du demandeur a toumé au profit du participum (al.3).
NB: Les participants répondent de lcurs obligaLions ... avec solidarité si la société eSl commcrciale,
sans solidarité si la société est civile.
~
6:1
CONCLUSION
DU CHAPITRE PREMIER
- 42 -
Trois brèves observations servIront de conclusion à la recherche des structures
juridiques utilisables dans les pays d'Afrique noire francophone.
La première est que les principales formes sociales qui entrent dans la catégorie des
sociétés de droit commun devront être
maintenues,
à l'exclusion toutefois de la
commandite sous toutes ses formes.
La seconde observation est que le recours à des formules nouvelles - comme le GIE
- et la création judicieuse de sociétés à statut particulier, telles que les sociétés civiles
malheureusement réductibles à l'heure actuelle à quelques professions libérales et au
domaine de 1: immobilier, devraient permettre aux législateurs africains de combler
efficacement le vide créé par l'apparition de nouveaux secteurs d'activité.
La troisième observation est que l'institution de la société simple et de l'entreprise
individuelle 3. responsabilité limitée devraient permettre de répondre efficacement aux
besoins exprimés par certains hommes d'affaires dans le secteur de la petite et moyenne
entreprise.
62
CHAPITRE SECOND
0 0 0
L'HARMONISATION DES CONDITIONS
DE CONSTITUTION COMMUNES
A TOUTES LES SOCIETES
0 0 0
63
GENERALITES: LES DONNEES DU PROBLEME
- 43 - Alors qu'en matière de choix des formes de sociétés nous avions soulign~ lè danger
d'une reprise par les législateurs africains des dispositions nouvelles de la loi française de
1966, la constitution des sociétés commerciales se révèle être un domaine particulièrement
Favorable à la conjonction des droits français et africa;ï.
Lors de l'accession des Etats d'Afrique à l'indépendance, l'on avait pu observer
une cenaine uniformité de la législation applicable aux sociétés commerciales. Il s'agissait
en effet, pour l'essentiel, des dispositions prévues par les lois de 1867 et de 1925
respectivement applicables aux sociétés par actions et aux SARL.
Ultérieurement, le recours non concerté des pays africains à la technique de
spécialité législative (124) allait entraîner une grande diversitication des législ:Jtions.
Depuis, ces divergences n'ont fait que s'accentuer, surtout avec l'avènement de la loi
française de 1966 (et les textes subséquents) (125) .
Partisans de l'unification des législations, nous pensons que la solution idblè
consisterait à recourir a~emarquables innovations de la loi française du 24 juillet 1966,
tout en sauvegardant, cenes en le remodelal1l, l'acquis antérieur.
Au point de vue de la méthodologie, il convient de préciser que nous excluons la
démarche dtscriptive qui nous obligerait à passer en revue les différentes formalités de
constitution des sociétés pour nous limiter à une vision synthétique des véritables obstacles
à l'unification, D'où il suit que nous préconisons le ralliement à "l'esprit" de la loi
française de 1966, comme support de ce vaste mouvement d'unification législative, et un
effort constant de simplification des formalités de constitution et du système des nulités.
Après l'étude des conditions de validité des contrats (Section I) , nous ,tborderons
les conditions de constitution proprement dit des sociétés (Section II),
(124) BALIl\\'IA, op. ciL. p.20-26; l\\!ŒISSONNIER, ouvrage précité, n' 53, p.59.
(125) Les législations gabonaise, sénégalaise et ivoirienne nowmmCnl se démarquent assez nelkl11enl des
autres pays africains en ce qu'elles font largement recours aux dispositions de la loi française de 1%6.
64
SECTION 1 - L'HARMONISATION DES CONDITIONS DE VALIDITE DES
CONTRATS.
- 44 - La disparité des systèmes législatifs est préjudiciable à la constiwuon d'une
communauté juridique africaine. Cerre disparité s'observe à chacune des phases de la
consitution des sociétés. Nous en ferons une brève évocation afin de mieu;; faire apparaître
la nécéssité d'une légi."':uion harmonisée.
L'unar.imité est loin d'être acquise sur la désignation des personnes habilitées à
inrervenir dans la constitution des sociétés. Or, nous le verrons, la procédure de
constirution de la société sera abrégée ou allongée suivanr la qualité des personnes
consultées.
Si la plupan des pays africains soumerrenr l'exercice de route activité com merciale
à une autorisation préalable, de grandes divergences subsistent quant à la ponée exacte de
cette formalité (126).
Du fait que l'octroi de l'autorisation étatique est subordonné à la révélation de
l'idenrité des responsables sociaux, ces derniers ou les associés arrendent généralement
d'être désignés pour déposer les statuts. C'est un véritable cercle vicieux. Et ks longs
delais
que
suppose
l'obtention
de
l'autorisation
d'exploitation
sont
évidemment
incompatibles à une "expédition" rapide des fonnalités de constitution.
Sorii égalèment à déplorer les fluctuations particulièrement sensibles, obsenées
d'une législation à l'autre, en ce qui concerne le montant du capital exigible (127).
(126) Cf.Equipe HSD, op.cil., p.44 : "'L'exislence d'un agrémenl préalable, délivré par la puiss{{nt:(' publique
(minis 1ère de Iwelle) cOI15lilue la reslriclion la plus immédiale. La possibililé du relrail d'agrémelli ell esi un
aWre aspecl"'. Cf.égaJemem, p.44-45, L'exposé des conditions d'exercice de ['activité commerciale (ou
industrielle) nans les pays suivants: Mauritanie, Sénégal. Guinée, Côte-d'Ivoire, Bénin, Togo, Burkina-F:'bo,
Mali, Niger, Cer.trafriquc, Tchad, Cameroun, Gabon, Congo.
(127) Cf.Equipe HSD, op.cil., p. 70-71, p.IIS, p.142, notamment.
6S
En l'absence d'un critère de référence commun aux différentes législations
africaines, une grande incertitude plane quant à la date d'acquisition de la personnalité
morale. L'on se réfère généralement à la date de réunion de l'assemblée constitutive (ou de
la seconde assemblée constitutive, le cas échéant) (128).
Dans un souci d'adaptation du droit aux impératifs de dévéloppement économique
des Etats africains, il conviendrait d'inclure la procédure peu usitée d'appel public à
l'épargne, en veillant toutefois à ce que cette innovation ne s'accompagne pas d'un
alourdissement des fOffi1alités de constitution
Entin, et il s'agit là d'une observation qui s'adresse à l'ensemble des pays africains,
le régime des sanctions applicables à la constirutiol1 des sociétés gagnerait à être simplifié.
PARAGRAPHE 1 - L'HARMONISATION DES CONDITIONS RELATIVES AU
CONTRAT DE SOCIETE
- 45 - Il n'existe quasiment pas d'obstacle à l'ham1ornisation en ce domaine du fait que les
Etats africains subordonnent la validité de tout contrat au respect de quatre conditions
traditionnellement exigées: consenrement, capacité, objet cause.
Nous nous bomerons donc à faire deux remarques se rapportant à la capacité et aux
sociétés enrre époux.
A - LE REG IME DE LA CAPACITE
- 46 - En fixant la majorité à 21 ans - et non plus à 18 ans - le législateur guinéen a élargi la
catégorie des personnes pouvant être frappées d'incapacité. Par ailleurs, en interdisant
l'accès à la profession commerciale aux personnes n'ayant pas atteint l'âge de 25 ans, le
législateur a brisé l'harmonie qui présidait en Afrique au régime de capacité. Il serait, par
conséquent, souhaitable, que le législateur guinéen consente à abaisser la majorité légale à
18 ans et s'en tienne à l'observation du régime des incapacités tel que prévu par le droit
commun (129)
(l28)Au Gabon, en Guinée, au Mali, au Niger èt au Sénégal, les sociétés n'acquièrent la personnalité morale
qu'à ia date de leur immatriculation au registre du commerce.
(129) Cette proposition semble s'imposer d'autant plus que les mesures prises par le législateur guinéen
visent simplement à réduire le nombre des commerçants. Cf. BALIMA, op. CiL, n'183-184, p.176. Sur le
régime des incapacités de droit commun (arL. 1110 c.civ.). Cf. Droit Civil, MAZEAUD, DE JUGLART et
CHABAS, t. II, vol. 1, n'161 et s.; Il convient de noter toutefois que les incapacités ont une portée variable.
66
B - LES SOCIETES ENTRE EPOUX
- 47 - L'étude détaillée de cette question déborderait le cadre de notre ouvrage. Nou nous
bornerons donc à préciser que les deux époux peuvent être associés, à la condition qu'ils
ne soient pas l'un et l'autre tenus indéfiniment et solidairement du passif de la société
(130).
PARAGRAPHE 11- L'HARMONISATION DES CONDITIONS RELATIVES AU
DROIT DES SOCIETES
- 48 - Les éléments de divergence relevés en ce domaine se rapportent essentiellement au
nombre des associés et au montant des apports. Certes, il ne s'agit là que de diff~rences
mineures, en règle générale, mais qui peuvent revêtir de l'ampleur dans certains cas, la.
vitalit~ de l'économie produisant une incidence sur les éléments requis pour la constitution
des sociétés: l'on peut citer à cet égard l'écart considérable entre le montant du capital
minimum exigible au Congo (35 millions) et au Sénégal (2 millions).
A - L'AFFECTIÜ SOCIETATIS
- 49 - Les législations africaines ont repris le principe de la pluralité d'associés en mallère
de constitution des sociétés. Ainsi, la présence de deux personnes au moins est n~cessaire
en cas de constitution de société. Ce minimum est fixé à sept (7) dans le cas de b S/\\.
Ici ~ncore, seul point - minime - de divergence, le législateur guinéen, qui fixe à 5
le minimum d'actionnaires en ce qui concerne la SA, devrait se rallier au nombre prévu par
les autres Etats africains (131).
En France, les lois du 14 décembre 1964, du 5 juillet 1974 et du 3 janvier 1968 ont induit une évolution de
certaines incapacités traditionnelles: impossibilité pour un mineur d'être associé en nom - S:\\C - mais
possibilité d'êIr<: admis comme associé actionnaires - SA -, associés commanditaires ou participant:' dans une
société en partiCipation.
(130) Ils ne peuvent donc pas être associés d'une SNC, commandités d'une société en comIl1;Jntlite. Aux
termes de l'art. 1844-10 du code civil, la violation de ces dispositions entraîne la nullité de la SOLiété entre
époux. Ceue disposition vise la protection du patrimoine des époux ct le respect du principe de
l'immutabililé dc:-; conventions matrimonalcs.
(131)Cf.art.21.0rd.119du 17 mai 1985.
67
Il n'est pas superflu de souligner la tendance qui se dessine en faveur de la
reconnaissance de la société unipersonnelle, et ce au mépris d'un principe fondamental du
droit français: "l'unité dupalrimoine" (132).
Au reste, la violation la plus flagrante de ce principe se manifaste par la
nationalisation des sociétés, la confiscation ou le rachat des actions , qui tendent à
susbtituer l'Etat -actionnaire unique- à la totalité des actionnaires (133).
Or, de telles pratiques, devenues courantes dans la plupart des Etats africains, sont
une sérieuse atteinte, du fait de la dimension particulière de l'Etat, à la règle de "l'égalité
des associés". C'est donc à juste titre que la doctrine confère un statut dérogatoire au droit
commun, aux sociétés à forte participation étatique (134).
On le voit, la société unipersonnelle, tout comme le privilège reconnu à l'Etat,
constituent de sérieuses entorses à "l'affectio socielatis". Mais le problème que pose la
réhabilitation d'une des conditions essentielles du contrat de société dépasse le cadre de la
constitution des sociétés.
De toute manière, le point de vue du théoricien du droit se trouve très vite évincé
par le pragmatisme et le caractère politique de telles décisions. Et l'on ne peut que
constater la généralisation croissante de ce type de mesures dans les Etats africains; ce qui
réduit dans une large mesure l'intérêt d'une approche théorique de l'unification du droit en
la matière.
(132) Noter la reconnaissance en France de la société unipersonnelle pour des raisons d'harmonisation des
législations, dans le cadre des
Communautés Européennes. Camp. en Allemagne et en Suisse, les
"einmangesellschaft" sont autorisées à avoir leur vie sociale. Cf. DE JUGLART et IPPOLITO, op. cil. p.257;
CALAIS-AULOY et MOUSSERON, Les biens de l'entreprise, 19ï2, Librairies Techniques, n° 160 et s.,
p.112-113; voir supra, n037-38.
(133) TAGAi"lD, Réforme juridique de la société d'économie mixte, 1969, p.9 et, plus particulièrement.
N'GUYEN QUOC VINH, Les entreprises publiques face au droit des sociétés commerciales, 1979, L.G.DJ.
(134) Ibid.; Adde Equipe HSD, op.cit., p.63-65 (sur les prises de participations de l'Etat dans les sociétés
publiques ou privées, en Afrique noire francophone).
68
B - LES APPORTS
- 50 -
De manière générale, l'on peut relever une certaine convergence des législations
afric:lÎnes en matière d';.lppons, si l'on excepte la reconnaissance par la Guinée de la
validité de l'apport en industrie (135)
Nonobstant ce constat, deux types d'observations pourraient être faites relativement
à la flexibilité du capital minimum exigible et au boule'/ersement du régime d_es apports
par l'interventionnisme étatique.
Sur le premier point, l'on ne peut que constater l'entière liberté du législateur, dans
les divers pays africains concernés, quant à la détermination du capital social minimum. Il
en résulte, naturellement, une disparité de montant que l'on pourrait tenter d'expliquer par
les différences d'option politique et par le niveau de développement économique variable
des Etats.
Dans la perspective d'une harmonisation des législations, il serait intéressant de
définir un taux de convertibilité qui assure une homogénéité du montant du capital social.
L 'on supprimerait ainsi les disparités imputables à la seule "nature" du pays considéré.
Mais une
telle entreprise supposerait la maîtrise de certains paramètres - d'ordre
économique notamment - difficilement envisa!.:eable dans l'immédiat (136).
(135) Cf.an.28-6', Ord.119. Eu égard à la diffïculté de les évaluer, "les apporL~ en indUSLrie ne COllcuurem
pas à la formation du capital social mais donnent lieu à l'aLlribution de parts ouvrant droit au partage des
bénéfices et de l'actif net, à charge de comribuc::r aux pertes". Cf. art.l4 de la loi française du 10 juillet 1982
qui a complété l'art. 1843-2 c. civ. applicable à toutes les sociétés. Voir dans le même sens, à propos des
législations africaines, BALIMA, op. cil. n' 176 à 181. Il résulte de ce qui précède que les apports en
indUSLric ne SOnt pas admis dans toutes les sociétés commerciales : dans une commandite. les
commanditaires ne peuvent faire de tels apports (arl. 23 al. 2 loi française de 1966). Celle interdiction est
également valable pour les SARL, avec toutefois, une dérogation sLrictement limitée, ef) cas d'exploitation de
fonds de commerce ou d'entreprise artisanale (art. 16 loi française n' 82-596 du 10 juillet 1982). Dans les
sociétés anonymes, les actions ne peuvent représenter (lès appons en induSLrie -Carl. 75 loi françaisè de 1966
précitée). Mais une société en participation peut recevoir de tels apports. Rappelons, cependant, qllC la part
de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté.
(136) ,'\\insi, le franc CfA est une monnaie SL.1blc, appréciée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone
franc. Ce qui est loin d'être le cas des monnaies des pays africains ayant opté pour une expérience monétaire
purement nationale.. La stabilité monétaire des pays de la zone franc a contribué, incontesfablement, à
favoriser le développement économique de ces pays, notamment en créant un climat propice à
l'investissement. Elle a, par ailleurs, clans une large mesure, permis d'éviter la "balkanisation monétairc" en
Afrique CentTak et en Afrique de l'Ouesl. Cf. Extrait d'une interview de M. Robert !vŒSSI :YIESST,
Directeur Général de la Société Camerounaise de Banque, in Jeune Aîrique Economie n"29130 décembre
1983; voir également A. ONDO OSSA et TSHIBUABUA LAPIQUONNE, "Fait-il réformer la zon" franc ,?",
in le "Mois en Afrique", n' 215-216, decembre 1984, p.59-71.
69
Au reste, toute prospective ne pourrait S avérer que très aléatoire en ce domaine
dans la mesure Ol! de nombreux Etats africains n'ont pas fixé de montant minimum du
capital exigible (137). L'examen du droit comparé révèle en effet qu'aucune réelle
cOlTélation n'a pu être établie entre la taille des sOCiétés et le capital social, souvent en
raison de l'imprécision des dispositions kgislatives. C'est donc à bon escient, pensons-
nous, que M. BALIMA (138) considère le montant mUllmum exigé comme une simple
caution, un fonds de garantie et non comme un véritable capital social.
NotH' seconde observation concerne l'interventionnisnw étatique qui est venu
bouleverser les règles du droit commun des sociétés commerciales - celle de la liberté de
consentement et de f' affectio societatis notamment - du fait de la participation oL1\\igatoire
des Etats au capital des sociétés étrangères et de l'africanisation des cadres (139).
lei également, il faut bien se rendre à l'évidence: l'envahissement croissant de
l'Etat amoindrit considérablement les chances à'harmonisation des législations en matière
d'apports. 11 faudrait donc un changement de politique de la part des dirigeants africains,
(137) Momam minimum du capilal social dans les Etats où celui-ci a été fixé:
1) Pour les S ..-\\.
Sénégal: 2.000.000 F
Guinée: 12.000.000 F (ou 15.000.000 F pour les SA étrangères)
Burkina·Faso: 10.000.000 F
Mali: 12.500.000 F (ou 50.000.000 F en cas d'appel public il l'épargne)
Niger: 10.000.000 F
Gabon: 5.000.000 F
Congo: 35.000.000 F.
Aucun minimum n'est requis dans les autres Etats (sinon sept fois au moins le montant nominal
minimum de l'action).
Le momant nominal minimum est de 5000 F sauf:
en l'vlauritanie : 1.000 UM
au Sénégal: 10.000 F
en Guinée: ] .000 F
au Niger: 10.000 F
2) Pour les SARL
Le montant du capital social ne peut PdS être inférieur il 250.000 F CFA sauf:
au Sénégal: 500.000 FCFA
en Guinée: 8.000.000 FG (ou 10.000.OOO.FG s'il s'agit d'une SARL comportant des ,hsociés de
nationalité étranghe):
au lvlali : 3.500.000 FCF A
au Niger: 2.000.000 FCFA
au Burkina-Faso: 2.000.000 F.CFA
Sur ces indications, cLEquipe HSD, op.cil., p.70-71 et p.118 notammenl.
(138) BALIMA op. cil.
(139) CLEquipe HSD, op.cil., pA3 et p.63-65 notammenl.
70
ce qui paraît peu probable dans le contexte actuel où les sociétés commerciales, véritables
sources de revenus, servent souverH de paJliatif au manque d'initiative des gouvernants.
En définitive, un effon de concenation est attendu des pays africains. Cerres les
divergences relevées ne ponent que :îm des points d'intérêt secondaire - tel le montant du
capital social: mais il n'en demeure pas moins que l'harmonisation des législations, en ce
domaine,
pourrait
favoriser
dans
une
large
mesure
la
réactivation
des
tlux
dïnvestissemerHs au sein de l'espace économique représerHé par les Etats d'Afrique
francophone et même au-delà,
SECTION II - L'HARMONISATION DES CONDITIONS DE CONSTITLTIOJ'.'
PROPREMENT DITE DES SOCIETES
- 51 -
Se démarquant nettement de la plupan des pays africains qui restent rtgls pour
l'essentiel par les lois de ] 867 et de ]925, la Guinée, le Sénégal, le Mali et le Niger OIH fait
oeuvre d'innovation en procédant à des transfonn::tLions profondes, voire à une \\ériwble
reforHe de leur droit des sociétés.
Cette initiative est particuli~rementsignificative de la désuétude du cadre juridique
hélité du droit français et vient con'oborer l'idée lrul~e resmlcturation du droit ~lfrJ(aiil des
sociétés, que nous voulons défendre avec acharnement
Au reste, une telle entreprise ne peut qu etre approuvée tant pour son extrême
opportunité que pour l'allègement des fomlalités cie constitution qu'elle devrait induire.
Nous nous efforcerons de mettre l'accent sur les innovations qUI nous par~llssent
souhaitables en l'état actuel du droit africain et procéderons, le cas échéant, à une
appréciation critique des réformes déjà entreprises.
Dans le droit fil du souhait émis par M. BALltvlA, nous traiterons de l'extension de
la constitution simplifiée des sociétés, procédure inspirée de la loi française de 1966 et qui
a fait l'objet d'une adaptation intéressante en Guinée, au Mali et au Niger. grâce,
notamment, au tapprochement du régime juridique de la SARL et de la SA.
Conférant une ponée plus large à cette entreprise de simplification, nous étudierons
les problèmes communs à tous les types de sociétés, puis nous ferons apparaitre les
71
modalités de constitution spécifiques à chaque type de société
société de personnes,
SARL, sociét~s de capitaux (SA plincipalement).
PARAGRAPHE 1 - POUR OU CONTRE LA CONSTITUTION NOTARIEE?
-52 -
Si le principe d'une simplification des formalités de constitution est de plus en plus
admis en Afrique (140) des hésitations subsistent quant à la portée qu'il conviendrait de
lui assigner. En effet, le choix n'est pa" aisé entre, d'une pan, un assouplissement extrême
qui enrraînerait quasiment la substitution du notaire aux fondateurs et, d'autre pan, un
simple allègement des tâches incombant à ces demiers, par la suppression de certaines
étapes de la procédure de constiturion jugées indispensables.
Les avantages offerts par la première formule sont loin d'être négligeables:
- garantie et crédibilité apportées par un homme de loi (141);
- rapidité
d'exécution
de
12.
procédure
qui
se
limiterait
pour
l'essentiel
à
l'enregistrement de l'acte de société et aux formalités de publicité;
- enfin, et surtout, la responsabilité des fondateurs se rrouverait dégagée du fait de
l'honorabilité, toujours présumée, du notaire, de même que serait en grande partie
résolu le problème du contrôle de la régularité de la constitution des sociétés.
AI' opposé, l' adopüon de la seconde formule constituerait un progrès par rapport
au système de la loi du 24 juillet 1867, encore applicable à la plupart des pays africains,
car elle aurait pour conséquence la suppression de la déclaration notariée de souscription et
de versement et de l'assemblée générale constitutive - en cas de souscription du capital
exclusivement en numéraire - (142).
(140) Notamment au Niger ou ['ordonnance du 19 juin 1980 a modifié la loi du 24 juillet 1867 en simplifiant
les formalités de consLitution lorsque le nombre d'actionnaires est inférieur à vingt - art. 25 nouveau, loi 24-
juillet 1867, modo par l'ordonnance du 19 juin 1980-.
(141) "Le choix de l'acte authentique consacrerait la défaillance des sanctions légales", cf. SINA Y, op. cil
n'25, p.255; BALIMA, op. cil.
.
(142) En Guinée, l'Ord.119 du
17 mai
1985 - articles
18-20 notamment - institue un système
particulièrement expéditif de la constitution de société. Il résulte de ce nouveau texte:
- que les SA sont consLituées soit par ::Jcte passé devant le notaire, soit par acte sou-seing prive:
- que le dépôt préalable du projet de statut au greffe est supprimé;
- que les bulletins de souscription, de même que la déclaration notariée de souscription et de
versement sont supprimées;
72
D'un point de vue strictement juridique, la délégation au notaire du pouvoir de
"constituer" la société se révèle être une formule à la fois judicieuse et efficace (143). Qui
plus.est, l'objectif conCLmemment visé par chacune des deu~; formules susmenrionnécs - à
savoir la protection des tiers - est beaucoup plus rapidement atteint par la première. qui
inclul nécessairemenl le contrôle de la régulari té de la constitution (144).
Comment expliquer, au regard de tous ces avantages, que la plupan des législations
aient 01"< pour la deuxième formule qui fait obligation de se l'lier à une série de f0ll11alités
: dépôt des statuts, enregislrement, publicité, déclaration de conformité, immatIiculation,
publication de la constitution définitive?
La réponse nous est fournie par l'observation des données de la pratique notariale
dans les pays africains. L'on note à ce sujet, que la profession de notaire n'a pas fait l'objet
d'un développement considérable. Il faudrait par conséquent attendre son "amélioration"
tant au point de vue quantitatif que qualiptif, pour espérer des transfomlations juridiques
Importal1les.
En l'état actuel des choses, il est presque certain que le respect des multipks détails
dont s· accoll1 pagne le CC:1 trôle de la régularüé de consri tu tion des sociétés ne m;,illj ueran
- que ['assemblée générale unique de souscription du capiLaI exclusivemenL en numéraire ,'\\L,al1\\
objel.
La sociéLé sera donc constituée l'xcI usivemcnt dès la signaLure des satuts, soit par aCLe,uus-scing
privé, soir par aCLC authentillue, et le versement du capital social resultera d'une aLlesLation par !:I banque
déposiLaire des fonds ou encore par le notaire.
Les législations en vigueur au Mali (ar1.378 et arUS5 à 389, C.Com.) ct au Niger (an.25 110U\\'cau,
Ord.J9 juin 1980) prévoient une procédure simplifiéè de constitution des SA comparable à celle :lpplicable
en Guinée.
Cctte procédure simplifiée permet de faire l'économie cie fom1alités prévues par Li proc0Liure
normale de constitution des SA en vigueur dans LOUS les pays Li' Afrique noire francophone, ('\\ccpLé en
Guinée, au 0.-lali <::t au Nigi?r: à savoir :
- le dépÔL préalable au greffe du projet de statuts;
- la déclaration notariée de souscription et de versement;
- la réunion de l'Assemblée constituti\\'C.
V.en ce sens, Equipe HSD, op.cil., p.76-n.
(143) V.en ce sens l'observ:llion lTès significative. de l'Equipe HSD (op.cil., p.75) : "Lcs fOlïlwlilés
préalables (agrément ou autorisation d'exercice) el pOStérieures (publicité légale) à la Constitutù,;j, varient
d'un Elal à l'aulre et revêtent plus ou moins de complexité, selon l'étendue du recours obiir,:uioirc ci un
notair.f, dans la procédure de constilUtion "(c'est nous qui soulignons).
(144) Cf.Equpe HSD, Op.CiL, p.78 : "Comme dans le cas de 10 procédure normale, la loi nigérienllc prévoit
en OUire quO un Ilotaire doit dresser un acte cons/(J/an/ la régularilé des opéra Lions de constitution. lequel
aCIe doil êlre déposé au greffe, préalablement il l'immatriculation de la société au registre du COI7lIlZerce".
73
pas de causer un engorgement des greffes (145), qui s'accomodent du reste fort mal de
l'expédition des affaires courantes. n ne faut pas oublier qu'en Afrique la plupart des
tribunaux se trouvent concentrés dans les grands centres urbains, la décentralisation tant
sou hai tée de l'appareil judic iaire se fai san t toujours attendre !
Au total, il ressort d'une confrontation minutieuse des deux types de réfOllne
préconisés, avantages et inconvénients confondus, qu'il serait préférable de recourir, dans
l'immédiat, au système de l'immatricubtion qui permet de palkr l'insuffisanCè de
personnel judiciaire par b dili?ence des fondateurs de sociétés et de corriger les vices de
constitution ou fraudes éventuelles de ces derniers grâce à l'obligation de soumettre aux
mesures de contrôle de la ré2:ularité de la constitution (146).
L'on peut déduire de ce qui précède que la généralisation de "constitution notaricSe"
des sociétés reste envisageable et qu'elle deviendra effective dès que les obstacles tenant à
la faiblesse des infrastructures humaine et matérielle auront disparu (147).
Soulignons en outre que le renforcement éventuel des pouvoirs du notaire ne saurait
surseoir à la compétence de certains organes spécialisés (148). Bien au cOIHraire, la
contribution de certains centres ou organismes agréés pounait constituer un t:xcel!ent
adjuvant à la pratique notariale. En ce sens, la récente institution, en France, de Centres de
Formalités des Emreprises - C.F.E. - apparait quasiment comme une "panacée". aussi bien
par la simplification des démarches administratives que par la solution qu'elle apporte à la
pé ourle de personnel judiciaire qualifié. Nous ne saurions trop insister sur l'inrérèt ct' une
te Ile initiati ve ~
(145) Soulignons qu'cn Afriquc noirc, le projct de SL:.HUlS doit êtrc déposé par le ou les fondateurs - ou par le
notairc lorsqu'il est ~tabli en 13 forme notariéc - au grclle du tribunal de lèrc instance j C()jllpéLl~!lœ
commerciale: Cr. Dossiers [nternmionaux Francis LEFEBVRE, Afrique noire francophone, n° 70l 1. p. ôp.')
(146) Le cOlllrôk judiciaire préventif de la constituLion des sociéLés présclllc un double intérêt: il remplit à la
fois une fonnion prévcntive des vices de constituLion et une fonction de purge des nullités des suciéLé~. CL
SINA Y "Le droit nouveau de la constitution dcs sociétés commerciales et d" Icurs modifications slcnutaircs".
Rev. Soc. 1966, p.246 ct s., spécialement n' 10 à 16, p.251-252.
(147) Notons qu'en Guinée nOlllmmelll où la sim pl jfication extrème de la constitution des sociétés a été
instituée, l'évaluation des appons est effectuée par un ou trois commissaires aux apports désignés par
l'assemblée générale constitutive ou à caractère consLitutif - an. 22, Ord.119 -, lesquels doivent être choisis
sur une liste d'expens établie par ordonnance du président cie ]a Cour d'Appel - art.23, Ord.119 -: cf.égal.
supra, note n'142.
(148) LAMY Sociétés: 1986, n' 372. "Passage obligatoire par les CeI1lres de Formalités des Entrcpri,>cs'.
7 11
PARAGRAPHE II - LE DEPOT DES FONDS
- 53 - Aux termes des réformes réalisées par cert~llns pays d'Afrique nOire, ks fonds
doivel1l faire l'objet d'un dépôt pour le compte de ]a société en formation.
Il s'agillà d'une innovation il1léressante et qui nous parait devoir être étendue aux
autres pays africains.
Cette mesure présente, en effet, plusieurs avanr:1ges (149), dont celui d'empêcher
la constitution de sociétés sans capital véritable.
La simple déclaration par les fondateurs, dans l'acte de société, que les conditions
relatives au capital ont été remplies ne saurait être suffisantes (art. 7 et 8, loi clu 7 mars
1925).
Le dépôt des fonds devra être effectué pour le compte de la société en formation,
dans leshuit jours de leur réception, par les personnes qui les ont reçus, chez un noraire ou
dans une banque (150).
Par ailleurs, et cOITéi:uivemenr, le retrait des fonds ainsi déposés ne pourra être
effectué par le n13.ndataire de la société que sur présentation du certificat du greffier.
attestant l'immatriculation de la société au Registre du Commerce (et des sociétés). Dans
J'attente, ils devront rester indisponibles (151).
PARAGRAPHE III - LA DECLAR\\TIüN DE CONFORMITE
- 5-+ - Instituée en France depuis 1966, consécutivement à une proposition de directive du
21 février 196-1- qui visait à l'harmonisation des législations des pays membres de la CEE,
la déclaration de confoflniEé n'a pas paniculi~rement retenu l'attention des législateurs
africains, sauf en ce qui concerne le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger et le Séné:;al.
(149) Cf. J urisd.lsseur sociétés rase. 72, n' 41
(150) Celle mèsure qui s'inspire visiblement du droit rrançai~ - an. 22 du décret de 1967 - a notamment élé
reprise par les législateurs guinéen, malien. nigénen ct sénégalais. Voir également Trib. Corr. ,-\\UXERRE,
24 fevrier 1965. Jep 1965, IL 14195.
(151) Sur l'indisponibilité des fonds, voir Paris. 30 novembre 1967, Gaz. Pal. 1977.1.314, note AP.S:
Rep.Notarial 19;8,435, note Defrénois.
75
Cerre attitude est d'autant plus paradoxale que les juristes africains avalent
sérieusement envisagé l'adoption du système de contrôle judiciaire (152), fomlalité
tendant, tout comme la déclaration de confomlité, au contrôle efficace de la constitution
des sociétés, mais qui suppose la mise en place d'une infrastructure humaine - voire
matérielle - beaucoup trop importante ... sans parler des longs délais que nécessite la mise
en oeuvre de la procédure de vérification.
Ces inconvénients ont du reste r1~terminé l'abandon par la France du système -
préconisé- du contrôle préventif au profit de celui, très différent, de la déclaration de
confomlité qui se résout en définitive en un auto-contrôle.
Le continent africain semble avoir marqué un recul en ce domaine, atnSl que
l'atteste le triple constat suivant:
- La plupart des pays s'en tiennent au système de 1867 -excluant tout contrôle-;
- Quelques rares pays ont opté pour la déclaration de conformité:
- Aucun pays n'a retenu le système du contrôle judiciaire qui naura existé en
défintive que le temps des pourparlers.
N'est-ce pourtant pas une système avantageux que celui de la déclaration de
conformité qui permet de prévenir les vices de constitution de la société risquant
d'entraîner sa nullité et d'assurer en quelque sone la purge de ces nullités en mettant les
tiers à l'abri de leurs conséquences?
La souplesse même du système a de quoi séduire, puisqu'il se situe à mi-chemin
entre le système extrèmement complexe des sanctions -loi de 1867- et celui du contrôle
judiciaire dont la maîtrise "matérielle" n'est pas aisée. En outre, ce qui est très appréciable
de nos jours surtout en matière commerciale, le formalisme en est réduit ici il sa plus
simple expression.
C' es t ce qui ressort de l'article 6 alinéa 1er de la loi française de 1966 qui résume
en ces tennes la procédure à suivre: "Au dépôt des statuts et de "l'avis" est jointe une
déclaration
affirmative
de
conformité,
en
double
exemplaire,
dans
laquelle
les
représentants de la société relatent toutes les opérations effectuées en vue de constituer
(152) BALIMA, Op.CiL
76
régulièrement la société, et par laquelle ils affirment, sous leur responsabilité, que cette
déclaration et cette constitution sont conformes à ]a loi et ~ux règlements".
Précisons que cette déclaration doit être établie par écrit et signée avant d'être
remise au greffe à l'appui de la demande d'immatriculation au registre du commerce.
Cette déclaration est également exigée en cas de modification des statuts et cela
même si cette modification n'entraîne pas d'inscription modificative au registre du
commerce (153).
Le greffier du tribunal de commerce -ou du tribunal d'instance avant compétence
.
~
-
commerciale-
doit
se
borner à constater,
sous
sa
responsabilité,
que
les
pièces
règlementaires exigées ont ete produites, que les énonciations qui s 'y trouvent sont
conformes aux pièces jusitficatives produites. Mais son rôle ne saurait aller jusqu'à juger si
la constitution de la société est normale.
Comme l'a précisé, en France, M. LE DOUAREC, "le véritable contrôle est laissé à
la diligence des intéressés et du Ministère Public".
M.?vl. TERRE, HEMARD, et ivlABILA T expriment une opll11On similaire, en
faisant observer, qu'il serait plus exact, à cet égard, de parler de "déclaration de régularité"
plutôt que de "déclaration de conformité" (154).
Outre l'attention qu'il pourrait accorder aux considérations qui précèden t, les
législateurs africains devraient prendre un soin particulier à l'identification des personnes
qui signeront ladite déclaration, pour prévenir toute difficulté.
En France, l'article 6 de la loi de 1966 dési2:ne les "fondateurs et les premiers
membres des organes de gestion, d'administration, de direction et de surveillance". Le
décret du 23 mars 1967 va même plus loin puisqu'il explicite les termes de la loi en tenant
compte des exigences spécifiques à chaque type de société (155).
(153) Contra: BASTIAl\\l, JCP.1967.I.2121, n' 157; HEMARD, TERRE el MABILAT op. ciLn' 201, p.ln.
(154) HEMARD, TERRE, et MABILAT, op. cit. n' 197
(155) Cf. HEMARD,TERRE, et MABILAT, op. cil. n'198 et 199; SNC (art. D7), SCS (art.D.7,D.17), SARL
(art.D.27 al.ler). SA faisanL publiquement appel à l'épargne (art.D.69 aLler, aI1.L.74 aLler), SA ne faisant
pas appel à l'épargne (art.D.25, al. 1er, art.L.119,aI.2), SC Actions (art.D.2Ü3).
77
Au reste. certaines dispositions du tate prc:cité ont pour but de mettre les
déclarants en face de leurs responsabilités, de les leur rendre sensibles et de les dissuader
de toute tentative de déclaration non exhaustive et non véridique (156).
Il n'en demeure pas moins qu 'une difficultc: pourrait naître de l'interprétation de
cenaines dispositions du
décret,
notamment celles qui requièrent l'apposition
des
signatures de toutes les personnes concernées par la déclaration de conformité (art.
D.7,D.17, D.119, D.203).
L'intérêt de la question apparaît surtout en cas d'éloignement des personnes visées
par les textes.
Contrairement à la thèse avancée par MM. HEMARD, TERRE, et MABILA T
(157), nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'une seule signature soit donnée par une
personne pour le compte des autres.
Hormis le cas de la SNC, l'on peut considérer comme parfaitement valable, en
venu de la théorie du mandat, la représentation des personnes ne pouvant se présenter
personnellement à la signature de 12. déclaration. Soutenir la thèse contraire, ce serait
consacrer un illogisme; car l'on ne saurait comprendre que, pour la seule et même
procédure de constitution, la délégation des pouvoirs aux mandacaires sociaux soit tantôt
admise -acte accomplis pour le compte de la société en formatiol1- et tantôt rejetée. Il en
résulterait une rupture de l'unité du régime de la constitution des sociétés.
Notons toutefois que la responsabilité de la signature doit être confiée aux
personnes les plus représentatives de la société, c'est-à-dire à l'un des administrateurs dans
le cas de la SA, au gérant dans le cas de la SARL En application de ce principe, il
conviendrait que le -ou les- mandataire de la SNC recueille expréssement une autorisation
d'agir en lieu et place des associés non présents au moment de la signature de la
déclaration de confOffilité.
(156) C'est le cas de l'art. 480 qui réprime le fait d'avoir "sciemment affirmé des faits matériellement faux
ou omis de relater la totalité des opérations effectuées pour la constitution de ladite société". Voir aussi
SINA Y, op. cil. n'68.
(157) Op. Cil n'200
78
En définitive, le problème de la délégation des signatures peut être facilement réglé
par le biais d'un consensus des signataires concernés, clairement exprimé et mentionné
dans le pacte social. L'acte fondamental étant la signature de la déclaration, peu importent
les modalités variables que pourra revêtir son accomplissement, l'essentiel étant ici de ne
pas faire prévaloir la forme sur le fond. C'est ce qui explique la position -divergente- de
certains auteurs français, et non des moindres (158) : "On pew imaginer égalemelll une
déclaration de conformité établie en awant d'exemplaires que de signataires afin d'éviter
de faire "tourner" la déclaration Ulzique,facteur de perte de temps voire de contretelllps".
Souhaitons que les législateurs africains fassent preuve de discernement en
manifestant de la rigueur quant à l'exigence de la signature proprement dite de la
déclaration et non point pour les questions accessoires qui entourent la formalité.
A vant de clore notre brève étude de la déclaration de confonnité, il convient de
faire observer que le Sénégal, le Gabon
et le Niger (159) font partie des rares pays
africains à avoir opté pour cette importa[1te formalité. C'est ainsi que l'anicle 1089 de la
loi sénégalaise n° 85-40 du 29 juillet 1985 et l'article 3 de la loi gabonaise n° 10-73 du 20
décembre 1973 disposent, notamment:
"qu'à peine d'irrecevabilité de la demande d'immatriculation de la
société au registre du commerce (et du crédit immobilier, dans le
cas du Sénégaf),
les fondareurs
et les premières personnes
chargées des fonctions
d'administration,
de
direcrion
et de
surveillance, sont tenus de déposer ail greffe -du Tribuilal régional
pour le Sénégal- une déclaration dans laquelle ils relatent towes
les opérations effeclllées en vue de constituer régulièremem ladite
société et par laquelle ils affirment que cette constitluion a été
réalisée en confonnité de la loi et des règlements".
Ce texte largement inspiré, il est vrai, de l'article 6 de la loi française du 24 juillet
1966, gagnerait à être entendu aux autres Etats africains, en raison du surcroît d'efficacité
qu'il peut apponer au système de contrôle de régularité de la constitution des sociétés.
(158) DE JUGL\\RT et IPPüLlTü, op. cit., n' 424-1, p. 436-437
(159) cLart.25 (nouveau), L.198ü.
79
PARAGRAPHE - IV - LA NAISSANCE ET LES EFFETS DE LA
PERSONNALITE MORALE
A - LA NAISSANCE DE LA PERSONNALITE MORALE
- 55 - Une grande incenitude subsiste, en l'érat actuel du droit africain, sur la date de
naissance de la personnalité morale (160).
Cette incertitude est née, à l'origiI''', de l'imprécision de la loi de 1867 elle-même
qui, pour faire coïncider la constitution définitive de la société et la naissance de la
personnalité morale, suggère implicitement de se référer soit au contrat de société (an.
1843 c. civ.) soit à l'acceptation de leurs fonctions par les premiers administrateurs ou les
commissaires aux comptes -pour les SA- (161).
Plus récemment, certaines législations
africaines
n'ont
fait qu'ajouter à 13
complexité du problème en faisant dépençtre indirectement l'acquisition de la personnaiité
morale de l'aulOrisation administrative préalable à la constitution des sociét:::s (162) ou
même de l'imm:.miculation au registre du commerce (163).
Or, aucun des critères précités n'apparaît comme pleinemem satisfaisanT.
La signature des statuts est une fornlalité purement interne (164) et qui ne saurait
être opposée aux tiers, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'elle n'est soumise ~l aucune
mesure de publicité légale. Au reste, sous le système amérieur à la loi française de 1<)66,
la doctrine a toujours dénié un caractère constitutif à la publicité des sociétés comrnèrciJ.les
qui ne s'analysait que comme une forn13lité de fonc:ionnement (165)
- - - - - - - - _ . _ - - -
(160) Cr. BAL!J'vIA, op. ciL. n' 217
(161) En ce sens L. G:-\\RAUD et B. BOULOC, nOle sous Req. 23 rév. 189] (arrèt n'46).
(162) Cr. BALJMA, op. ciL. n'212 et s. (L'etude de l'opportunité économique de la constitution des sociélés).
(163) Cf. notamment les cas du Gabon, de la Guinée, du l\\:Tali, du Niger ct du Sénégal.
(lM) Cf. THALLER et PERCEROU, Traité de droit commercial, Sc cd. n'315 et 501. Notons que IJ notion
de personnalité interne a été unanimement rejetée par la doctrine, du reste à juste litre, puisque lOU[ dcte non
publié est réputé inopposable aux tiers, le contrat étant cepemhmt valable entre les tiers et ne produisant ses
effets "'ql/ilHer partes"'.
(165) Cf. HANŒL ct LAGARDE, Droil commercial, T.I, 1954: n'430; ESC~RRA et RAULT. Les sociélés
commerciales, T.L n'44.
80
Pourtant,
l'accomplissement
des
formalités
de
publicité,
qUI
intervient
en
couronnement des opérations de constitution, est le seul critère qui eût pu, à notre sens,
fixer valablement le point de départ de la personnalité morale.
L'acceptation de leurs fonctions par les premiers administrateurs qui est un critère
cenes intéressant ne marque qu'une étape dans le processus de constitution des sociétés.
De surcroît, sa manifestation est destinée à l'information. L'argument qui aurait pu être tiré
de l'intérêt que peut présenter l' accept:ltion de leurs fonctions par les administrareurs -en
ce qu'elle vient sceller l'adoption du pacte social- voit sa portée diminuée par une
conception fermement établie et opposée à la personnalité interne des sociétés (166).
Quant à l'autorisation administrative, elle ne saurait s'analyser que comme une
condtion préalable au déclenchement des opérations de constitution, malgré l'appréciation
qu'en donnent
certains auteurs
en
se
fondant
sur
une
fonnulation
à
nQ[re
avis
malencontreuse des textes législatifs.
Son obtention traduit un "commencement d'exécution" alors que l'acquisition de la
personnalité morale suppose achevée la période constitutive.
C'est en considération des l!1convénients inhérenrs aux critères susmenrionnés que
nous préconisons, pour l'Afrique, le recours à l'immatriculation au registre du commerce -
et la publicité y afférente- comme fait générateur de la personnalité morale des sociétés
(art.5.L.1966).
Ce texte pose, en effet, "une règle utile, en ce qu'elfe détennine avec cerullide le
moment OÛ /11 personnalité juridique de la société est acquise" (167).
(166) Cr. THALLER ct PERCEROU, op. cil.
(167) Le législ3leur français -loi 1966- a mis fin à l'incertitude qui subsistait quant à la date d'acquisilion de
la personnalité morale par les sociélés en institutionnalisant le critère de l'immatriculation; Cf. Franœ :
déclaration de ~\\'1. FOYER, Garde des Sceaux, JO, déb. Ass. Nal. séance du 1er juin 1965, p.1681; voir aussi
les déclarations de M. MOLLE, JO déb. Sénat du 20 avril 1966, p.17l: en droit comparé, la personnalité
morale des sociétés par actions et des SARL date, en Allemagne, de l'immatriculation au registre du
commerce - AKT. G, paragraphe 41-1; Gmb HG, paragraphe 11-1- et en Italie, de l'immatriculalion au
registre des entreprises -c.civ. an. 2331, 2475 dern. al.-. Ne lit-on pas encore à propos du droit anglais des
SA que l'enregistrement d'une société au Registrar of Companics "crée la société en tant que personne
morale", A.TU~C, Le droit anglais des sociétés anonymes, 3è éd.1987, n'42, pA3 Le droiL anglais des
sociétés anonymes. On le voit, le choix du critère de l'immatriculation procède d'un souci d'harmonisation
du droit français aux divers droits européens.
81
Il est du reste significatif de constater que de nombreux Etats africains s'orientent
vers la consécration du critère de
l'immatriculation comme
point de dépaI1 de
hl
personnalité morale (168).
Mais
le
critère
de
l'immatriculation
n'est
pas
pour
autant
dépourvu
d'inconvénients. C'est ce que soulignait avec force le regretté Professeur BASTIAN.
L'on
peut
dénoncer,
en
premier lieu,
la
lenteur
inhérente
au
système
de
l'immatriculation dont l'accomplis~ementn'est soumis à aucun délai impératif.
En outre, les effets limitativement impartis par la loi de 1966 à cette formalité font
qu'elle est impuissante à conférer la qualité de commerçant à une personne physique alors
que, fait paradoxal, elle investit rapidement et facilement les sociétés civiles de tous les
attributs de la personne juridique.
Enfin, dire que les sociétés acquièrent la jouissance de la personnalité morale à
compter de leur immatricualation au regis tre du commerce, c'est dire qu'elles acquièrent à
ce moment cette personnalité elle-même et que celle-ci n'existait pas antérieurement.
même de façon purement interne.
Or, une doctrine fermement établie a toujours considéré que la jouissance d'un
droit est une question d'existence et non d'exercice de ce droit (169).
Autrement dit, la société est déjà constituée avant toute immatriculation. par
l'accomplissement des formalités constitutives au sens classique du terme, mais il s'agit
d'une société dépourvue de personnalité juridique (170).
En définitive, s'il introduit en élément d'appréciation commode de la personnalité
morale.
le
système de
l'immatriculation
ne
permet d'assurer qu'imparfaitement la
protection des intérêts des tiers et des "fondateurs" de sociétés.
(168) Rappelons que ce critère a été adopté par les législateurs des pays suivants: Gabon, Guinée, Mali,
Niger, Sénégal.
(169) HHvlARD, Précis élérnenLaire de cir. civ. 1928.11.n'85; MARTY el RA YNAUD, Dr. civil, 1.1956,
n'794.
(170) BASTIAN, op. cil. n'140
82
De ce fait, le dilemne entre une conception faisant découler la jouissaIlCè cie la
personnalité morale de l'accomplissement cles
fomlalités
constitutives préalables
a
l'immatriculation (loi 1867) et une conception dissociant la constitution de la société de
l'acquisition de la personnalité morale (loi 1966) se situe bien au-delà du simple débat
doctrinal et recèle les germes d'une solution ;:lU problème des actes accomplis pour le
compte d'une société en fonnation.
Pour trancher ce problème de manière très claire, nous nous fonderons sur la
néces,:té d'apporter une bonne protection aux tiers, notan"llent pour les actes passés :.lU
cours de la période de fondation de la société. Or, à cet égard, nonobstant les inconvénients
précédemment soulignés, le critère de la personnalité morale nous paraît être le plus apte à
favoriser 1'harmonisation des législations africaines.
Il Y aura donc lieu de considérer, sans réserve, que la société est définitivement
constituée dès l'approbation des statuts, mais qu'die n'est en mesure de jouer son rôle
qu'une fois dotée de la personnalité moréj,le, c'est à dire une fois immatriculée au registre
du commerce (1 71).
B - LES EFFETS DE LA PERSONNALITE MORALE
- 56 - Ayant retenu l'immatriculation au registre du commerce comme fait génér~iièur Je la
personn:.llité morale, il nous' reste à détenniner le sort des actes accomplis pour le compte
de la société en formation.
Pour Ci: faire, nous analyserons cumulativement les solutions établies par ks lots de
1867 et 1966.
Sous le régime de 1867, actuellement en vigueur dans la majorité des Erats
africains, c 'est la signature des statuts qui déclenche la reprise par la 5oc!~té des
engagements des fondateurs.
(171) Cf. GliYON, "Droit des affaires", Tome l, 4e ed. Economica, Série enseignement, 1986, 90:' p. n° 131.
p.I"5: voir égaJemel1l GERMAIN, "Naissance el mon des sociéLés commerciales", Etudes Roblol, Paris
1984, p.ll7: L-\\GARDE, "Propos de commercia!islc sur la personnalilé morale", Etudes JaurCreL, p.-+29:
DA VID, "La personnalité morale el ses limites", ililns Travaux el Recherches de l'Institut de droit comparé
de Paris, 1961, Rapp. gén. p.1.
83
Au plan pratique cette solution offre l'avantage de la rapidité, à l'opposé du
système de l'immatriculation qui suppose de longues périodes d'attente et qui subordonne
le démarrage effectif de la vie sociale à un élément externe: 1'inrervention du greffier.
Cette rapidité se trouve accentuée, d'une part par le fait qu'une seule réunion de
l'Assemblée Générale des actionnaires est requise en cas d'absence d'apports en nature,
d'autre pan par le fait que la personnalité morale est acquise à compter de la constitution
de la société et en l'absence même de toute publicité (art. 1843 C.Civ.).
En France, il était admis, avant 1966, qu'une société commerciale puisse acquérir
des droits ou souscrire des obligations pendant la période de formation à l'image de
l'enfant simplement conçu (172).
Après avoir longtemps prévalu, cette conception a fini par être abandonnée par le
législateur français (loi du 24 juillet 1966). très vite imité par un certain nombre d'Etats
africains (1 7 3).
L'une des raisons majeures de ce revirement réside dans le fondement conrractuel
de la personnalité morale -"rapidement" déduit de l'article 1843 du Code civil- qui a
conduit à conférer une trop grande portée à l'accord des associés (1 7 4).
Or, la validité d'une telle analyse ne pouvait plus être admise dès lors qu'il était
devenu manifeste qu'elle repose essentiellement sur la notion de personnalité interne
(175), quasi unanimement rejetée par la doctrine, et du reste àjuste titre, puisque tout acte
non publié est réputé inopposable aux tiers, le contrat de société étant cependant valable
entre les tiers et ne produisant ses dfets "qu'inter partes" (1 7 6).
(l72) LESCOT, Essai sur la période constitutive des personnes mOrJles de ciroit privé, Thèse, Dijon 1913.
SEBAG, La condition juridique des personnes physiques et des personnes morales avant leur naissance,
Thèse, Paris 1938. Cf. notes sous Corn. 3 avril 1973 Laly et autres c. Banque WOIlTlS et Cie et COol. 12
février 1974 Epoux Dupas et autres c. Soc. ABC et autres dans les Grands arrêts de la Jurisprudence
Commerciale, op. cil. p. 193 et s.
(173) Notamment le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger et le Sénégal.
(174) HEMARD, TERRE, MABILAT, Sociétés commerciales, op. cil. n0146. Cf. également COULOMBEL,
Le particularisme de la condition juridique des personnes morales de ciroit privé, Thèse, Nancy 1950 p.1 07.
(175) THALLER et PERCEROU, traité de droit commercial, 8e édition, n0315 et 501.
(176) Cf. WEILL et TERRE, Droit civil, Les obligations. Dalloz, 1975, p.130, n0120. "Le cirait moderne se
préoccupe de plus en plus de l'intérêt des Liers et du crédit: des fOIlTlalités sont exigées pour que les effets de
certains contrats soient opposables aux tiers 011 à certains tiers. C'est ainsi que le nombre de contratS,
concernant les immeubles, sont soumis à la publicité foncière, effectuée à la conservation des hypothèques,
84
C'est pour pallier cette ignorance, dans laquelle étaient laissés les tiers, d'une
importante formalité, la seule apte à les "assurer de contracter avec une société emrée
dans la vie juridique et à leur permettre de savoir quand expirera une société constituée
pour une durée déterminée" (177) que la loi française de 1966 est venue renverser le
fondement même de la responsabilité des fondateurs vis-à-vis des associés et des tiers.
Il résulte en effet de l'article 5 de cette loi que l'immatriculation des sociétés au
registre du commerce cesse d'être une simple mesure de publicité destinée à faire
connaître aux tiers l'existence d'une société et devIent l'acte qui confère à la société la
jouissance de la personnalité morale.
Le sort des actes passés pour le compte de la société en formation est réglé par
l'article 5 alinéa 2 qui dispose:
"Les personnes qui ont agi au nom d'une société en jormarion avalll
qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues
solidairement et indéjïnimem des acres ainsi accomplis, à moins qlle
la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée.
ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagemellls som alors
répurés avoir été souscrits dès l'origine par la société" (1 Î 8)
Si la solution préconisée par ce texte, et fondée sur la responsabilité de principe des
fondateurs, est claire, de nom breux points restent néammoins à éclaircir
Etant admis que la responsabilité des engagements incombe à ceux "qui ont
concouru à sa jormarion ... " , il conviendra de retenir une conception large, et non point
limitative, du nombre de personnes participant à la constitution de la société (179).
le législateur ayant progréssivement augmenté les catégories d'actes soumis à la publicité -décret du -+
janvier remplaçant la loi du 23 mars 1885-. Cf. également, "sur la renaissance du formalisme et l'exigence
d'un écrit, \\VEILL et TERRE, op. cil. p.134, note n' l, notamment sur le respect des formalités de publicité
imposées aux sociétés commerciales en vertu de l'arL 361. L. 24 juillet 1966.
(177) Note B.B: in Grands Arrêts de la Jurisprudence commerciale, sous arrêt n' 48 précité, p.193.
(178) Cf. Circulaire du 23 mars 1967 relative au registre du commerce; HOUIN et GORE, La réforme des
sociétés commerciales, D. 1967, chrono XVIII.
(179) * La formule de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 nou:> parait trop restrictive puisque le
législateur envisage le cas des "personnes qui ont agi au nom de la société en formation".
Ce qui est import,ant, c'est que le contrat soit conclu pour le compte de la société en formation,
parce qu'elle devra profiter de ses effets, et que le contractant des futurs associés le sache. Cf.
35
Sur le fondement juridique de la ratific1tion des engagements par la société. de
nombreuses théories se heurtent. Mais la conception dominante est que le "représentant" (k
la société a agi en venu d'un mandat apparent (180).
Cette interprétation est cependant source de
complexité, sunout lorsque le
mandataire commet des actes cenes utiles à la société mais outrepassant le domaine qui lui
avait été assigné.
D'où l'importance d'un acte écrit preC1Sallt la nature des actes pour lesquels les
personnes qui "CoIlCOUïell[ à la mise en IJlOUVemefll de la sociéré" (181) sont assurées de
bénéficier en temps voulu de toutes les garanties nécessaires.
On pourrait meme se borner à mentionner en annexes ou dans les statuts eux-
mêmes le mandat en venu duquel la société sera tenue par le biais de la rétroactivitÉ.
Cette solution, d'ailleurs conforme au droit fiscal dont elle a été adaptéè. pennet
d'éviter les doubles impositions en cas de mutation d'acte (182).
11 est vrai, cependant, que sur le strict plan du droit des sociétés, le T11:lI1:.JJ.taire
pourrait se prévaloir de l'enrichissement sans cause. Mais tout en étant juridiljUèl11ent
acceptable, cette solution ne saurait supplanter le pragmatisme et les garanties ljUl
LARROU~lET.note sous C. Casso Civ.3ç 1er Juillet 1971, D. 1972, p.438. Dans le même sen~, HE'v1.-\\RD,
op. cil.
* L'intcrprétation large rend donc critiquabks les dislinctions de plusieurs auteurs scion que le ou
les ruturs associ~s ont agi en leur nom ou bien au nom de la société. Cf. notamment, ESCARR,-\\ CI R,-\\ULT.
Traité lhéorique ct pratique de droit commercial, Les sociétés commerciales, l.2, n'536 et S.
(1 SO) MALINV.-\\UD, Les mécanIsmes juridiljues des rci:.JLions économiq ucs -droil des obligaliui l ,- 2c cd.
Librairies Techniques, n' 15, p.19 èt s.
Civ. 1ère 29 avril 1969,3 arrêLS : KP 1969, II, 15972, obs. R. LINDON; D.1970, 2.~ ct nOlC
CALAIS-AlTLOY - Corn. 29 avril 1970, 2 arrêts: KP 1971, IL 16694, obs. A. MA YER-JACK-LEAUTE,
Le mandat apparem dans ses rapports avec la théorie générale de j'apparence: Rev. trim. dr.ci\\'. 19"';7,288 -
CALAIS-AULOY, Essai sur la notion d'apparence en droit commercial, Bibliothèque de droil privé -sous la
direction de H. SOLUS-, Paris, LGDJ, 1959, n']29 3. ]87
(181) DE JUGL-\\RT, IPPOLITO et autres auteurs, op. cil. 2e vol, 1ère partie, n'394.
(182) Cf. note précédeme, n'394-1 : en France, "il est admis que les fondateurs som considérés,
rétroactivcment. comme ayant re!Jrésemé la société en formation, pour que le [ïsc ne puisse aJTirmc:r qu'une
mutalion est il1lerVenlle emre eux Cl la société concernant les biens qu'ils auront acquis pendant la période de
formation.
86
découlent de la simple mention des actes devant engager ultérieurement la responsabilité
de la société.
C'est en cas de refus de ratification des engagements par la société que la solution
précédemment évoquée révèlera toute son efficacité.
En effet, malgré la rigueur du princî pe de l'article S, al. :2 (L.1966), il pourrai t
advenir que la société refuse d'assumer la responsabilité des actes accomplis en son nom
pendant la période de formation.
Les conséquences d'un tel refus sont importantes pour les personnes qui ont agi au
nom de la société. Conformément aux dispositions du texte précité, elles seront tenues
indéfiniment et solidairement des actes accomplis et, par suite, la constitution de la société
ne saurait avoir lieu, en l'absence d'un transfert de propriété, les fondateurs restant
"propriétaires des biens acquis en vue du fonctionnement de la société, Wnt au plan du
droit commercial qu'au plan du droit fiscal" (183).
Il n'est pas superflu de rappeler qu'antérieurement -avant 1966- dans les SARL et
SA qui se constituent sans appel public à l'épargne, le refus de reprendre les engagements
contractés avant la signature des statuts empèc~ait la société de se constituer (184:).
Pour prévenir les graves conséquences d'une rétractation de la société, il y aura lieu
d'aménager des mécanismes de reprise portant sur les actes accomplis (185).
Bien mieux, les mandataires seraient bien inspirés en ne passant d'actes avec les
tiers que sous la condition suspensive de l'immatriculation de la société et de la reprise des
engagements (186).
On peut invoquer, à l'appui de cette théorie, le principe selon lequel on ne peut être
obligé sans son consentement (187).
(183) HEMARD, TERRE, MABILAT, op. cil. n' 174, p.155
(184) DAGOT, op. cil. n'31
(185) HEMARD, TERRE, MABILAT, n'lI3, p.154, n' 175 et s.
(186) DAGOT, op. cil. n'n et 32
(187) DEMOGUE, Traité des obligations en général, l.7, n'881, p.261.
87
C'est la raison pour laquelle la jurisprudence prend soin de souligner que la société
n'est pas obligée si elle ne ratifie pas l'engagement pris pour son compte avant sa
formation (188).
La législation
française de
1966 admet 12. même solution pour les sociétés
com merciales.
Satisfaisante au plan pratique, la reprise des engagements par la société ne repose
pas moms sur "n fondement juridique incertain, ainsi que l'attes'~nt les divergences
doctrinales.
Plusieurs arguments ont été en dfet invoqués pour tenter de justifier la rétroactivité
qui emporte substitution de la société aux personnes qui ont agi en son nom alors qu'elle
n'avait pas encore la personnalité morale.
Certains auteurs ont établi un li~n parfait entre le "mécanisme de reprise" et la
promesse de porte-fon. Mais il est évident qu'une telle assimilation ne peut être absolue,
notamment du fait de la substitution de la société à celui qui a agi en son nom (189).
Il a même été suggéré de distinguer entre l'existence même de 12. personnalité
morale et sa jouissance. Dans cette optique, la jouissance d'un droit étant une question
d'existence et non d'exercice de ce droit, la société en formation pourrait être considérée
comme jouissant de' la personnalité morale alors qu'elle n'exercerait pleinement qu'à
compter de son immatriculation.
Mais cette conception, très séduisante en apparence, a été rejettée au motif qu'elle
est contraire à l'interprétation la plus confonne de la terminologie juridique: "Jouir des
droits, c'est êrre sujet de droits, en être investi; exercer des droits, c'est les faire valoir. les
meure ell 11l011Vemenr ... L'incapaciré de jouissance équivaUT à la privaTion d'ul1 droir"
(190).
(188) Cf. Req. 20 mars 1935,5.1935.1.209, note ROUSSEAU.
(189) Civ. 16 k'.Tier 1971. Rev. Snc. 1971.381
(190) HEIvL-\\RD, Précis élémentaire de ciroit civil, 1928, IL n'85: MARTY et RA YNAUD, Droit civil, l,
1956, n'794.
88
L'on a également invoqué: la novation par changement de débiteur, la gestion
d'affaires, le mandat ... autant de théories (191) certes intéressantes, qui n'autorisent
toutefois qu'un
simple
rapprochement
et
non
point
une
complète
assimilalion
à
l'engagement rétroactif de la société.
Devant la difficulté, certains auteurs sont résignés à considérer la repnse des
engagements comme une institution sui generis.
Le mecamsme de repnse des e'lgagements souscrits au nom de la société nous
parait cependant devoir être rangé dans la catégorie des contrats pour autrui.
Il apparaît, au terme de cette brève analyse de la notion de personnalité morale,
qu'aucune des deux législations -antérieure ou postérieure à 1966- n'est à l'abri de
critiques et ne saurait donc apporter, sauf à y inclure certains aménagements, toule
l'efficacité recherchée dans l'ordre juridique africain.
Dans le système de 1867, qui pèche par défaut, la société est réputée constituée à
compter du simple accord des associés sur le pacte social. Il en découle une certaine
"mésestimation" des formalités de publicité, seules aptes à conférer aux tiers toutes les
garanties voulues.
Le système de 1966, qui procède d'un excès de formalisme, semble, au contraire,
privilégier outre mesure l'immarriculation au registre du commerce, sans toutefois marquer
une délimitation précise entre la société en formation et la société constituée, d'une part, et
entre la société immatriculée et la société définitivement constituée, d'autre pan (192).
Pour mettre un terme à cette imprécision, la jurisprudence française a consacré
"l'absence de coïncidence entre la constitution détïnitive de la société et la naissance de la
(191) Cf. HEMARD, TERRE et MABILAT, op. cil. T.I, n'167, p.149; BASTIAN, art. précité, p.30: HAivlEL
et LAGARDE op. cil. n'430, p.52ü; RODIERE, Précis de droit commercial, Les groupements commerciaux,
7e ed. 1971, n'141, p.141. En France, l'art. D 74 et 0 26 exigent que les engagements soient déterminés ct
que leurs modalités soient précisées par le mandat. Cependant NI. GUYON -note sous JCP 1972, n' 16981-
déplore que le futur gérant doive recevoir mandat s'il veut agir immédiatement au nom de la société: "La
désignation des futurs dirigeants repose sur la confiance des associés: on comprend mal pourquoi celle-ci
ne produit de conséquences qu'à dater de l'immalriculallon au registre du commerce et que, jusqu'à celle
dernière, une habilitation spéciale soit nécéssaire. Le dirigeant simplement désigné risque donc de 5upporter
seul les conséquences d'engagements 50UScrÙS au nom de la 50ciété
alors que la solution change dès
l'immatricuiation. C est peut-être donner trop d'imp0rlCtr!ce à celle-ci".
(192) HEMARD, TERRE, MABILAT, op. cil. 0'162-179, n'163-165 spéciale.ment.
89
personnalité morale", marquant ainsi une nette rupture avec le régime de 1867 qui liait
indissolublement l'apparition de la personnalité à la constitution -définitive- de la société.
A-t-on conjuré toutes les difficultés pour autant? Assurément non.
Car, à supposer résolu le problème de la détern1Ïnation de la date effective de
constitution de la société, grâce à la mise en oeuvre de la théorie de "l'absence de
coïncidence", il resterait à déplorer, c'est le moins que l'on puisse dire, l'attente
qu'impliqur la subordination du plein déploiement de l'activité s(v:iale à l'acquisition de la
personnalité morale: attente dont le délai était bèaucoup plus acceptable sous le régime de
1867 qui, en circonscrivant la procédure constitutive à la seule phase d'élaboration du
pacte social, affirnlait plus nettement son allégeance à l'une des exigences fondamentales
du droit commercial: la rapidité.
Devant la diftïculté de choisir entre deux systèmes législatifs entâchés l'un comme
l'autre d'imperfections, il nous aura fallu, recourir à une considération à la fois large, au
point d 'englober le domaine de la pure téchnique juridique, et impérieuse, au point de
transcender le cloisonnement des Etats africains: la perspective d'une harmonis:ltlon des
légisLHions.
En effet, le maintien d'une multiplicité de faits générateurs de la personnalité
mor:lle est diaméo'alement opposé à une vision unifiée du régime de la constitution des
sociétés. Il s'avère donc indispensable d'adopter en Afrique noire francophone le critère de
l'immatriculation au registre du commerce dont la précision est incontestable. Par ailleurs,
et du reste pour la même raison, nous préconisons la stipulation, en annexes ou lLlIls les
statuts mêmes, de clauses prévoyanr la reprise des engagements par la société sous la
condition suspensive de son immao'iculation au registre du commerce, aux fins de
renforcer la "sécurité" de la (ou des) personnes agissant pour le compte de la société en
formation.
PARAGRAPHE - V - LA SIMPLIFICATION DU REG IiVIE DE LA
CONSTITUTION DES SOCIETES
- 57 -
En ce qui concerne les aspects positifs, l'on peut dire que, de manière générale les
réformes guinéenne, malienne et nigérienne apportent à la fois simplicité et unité au
régime de la constitution des sociétés, grâce, notamment, au rapprochement qu'il réalise
entre la SA erla SARL (193),
(193) Cf. an. 74 JI. 3, L. 1966; HEi\\'IARD, TERRE, Cl [\\:lABILr\\ T. op. cil. n' 11. p.269.
90
La simplicité est roujours
appréciable, en effer, le dynamisme des affaires
s'accomodant mal de longs délais d'attente ou de procédure complexes.
Les
réformes
préciIées
consacrent,
dans
une
large
mesure,
la
"théorie
contractuelle", du fait que la constitution de la société se détennine par l'adoption du pacte
social, même si, nous l'avons vu, l'immatriculation est seule apte à conférer la pleine
jouissance de la personnalité morale.
Concrètement, ces réformes pourraient se
résumer dans
les
transformations
énumérées ci-après (illustrées par l'exemple guinéen).
- L'obligation de dépôt du projet de statuts au greffe du TribunaL avant la
souscription du capital social, est supprimée. Cette suppression est tout à fait justifiée, "car
on se demande qui aurair intérêt à aller le consulter, fondateurs et souscripteurs étant les
mêmes personnes" (194)
- La libération intégrale du capital social n'est pas obligatoire. "Les actions
correspondant à des apports en espèces doivent être libérées lors de la constitution de la
société jusqu'à concurrence d'une somme égale au capital social minimum"
(an. 20,
Ord.guinéenne n° 119).
- La déclaration de souscription et de versement a été maintenue : "Les fondateurs
doivelll déclarer expressément dans l'acte de société, le montant des apports en espèces
libérés" (an.20, al.3, Ord.119).
- La dernière innovation, aussI Importante que les précédentes, se rapporte i la
suppression des assemblées générales constitutives, le législateur se contentant d'exiger
que tous les actionnaires signent l'acte de société eux-mêmes ou par mandataires justifiam
d'un pouvoir spécial (art. 18, Ord.119).
(194) Notamment par ['interdiction de procéder à un appel public à l'épargne en venu à'une interàiction
légale -art. L. 4-2- DU PONTAVICE er DUPICHOT, op. cil. n'855-1, p.lü76; HEMARD, TERRE, ct
MABILAT. n'388, pAlü
91
Cette disposition, inspirée de la loi frJnçaise Je 1966, favorise la constitution rapide
de la société en permettant de procéder sans délai à la signature des statuts, sauf s'JI y J des
appons en nature; auquel cas, l'évaluation des appons s'impose (195).
En considération de la portée exceptionnelle du régime simplifié de la constitution
des SA, nous préconisons son extension à l'ensemble des
Etats d'Afrique noire
francophone, sous réserve des "aménagements" suivants:
- maintien de la constitution des sociétés par appel public à l'épargne;
- possibilité de retrait des fonds en cas de non constitution de la société dans un délai
de six mois. Le dépôt du projet de statuts au greffe n'étant pas requis lorsqu "il n'est
pas fait appel public à l'épargne, le délai de six mois partira du dépôt des fonds par le
souscripteur -(art. 83, L.1966 et art, 76, D.1967).
- déjouer la fraude qui consisterait, pour les fondateurs de SA ayant opté pour le
régime de la constitution simplifiée,- à faire procéder rapidement à une augmentation
de capital et à réunir des fonds imponants, par ce biais, et sans avoir eu à soumeme
aux formalités exigées en cas d'appel public à ['épargne.
Pour cela, toute augmentation de capital intervenant 1110ll1S de deux ;lih après
qu'une société ait été constituée suivant la procédure simplifiée, devra êrre soumise :\\ la
vérification de l'actif et du passif voire des avantages particulières consentis (an. 1x2, a1.2.
L.1966).
PARAGRAPHE VI - LES FORMALITES DE PUBLICITE
A - LE NOUVEAU ROLE DE LA PUBLICITE
- 58 - Dans le droit fil des propositions faites relativement au système de l'immatriculation
nous souhaiterions voir les pays africains se rallier au nouveau régime de la publicité. tel
que défini par la loi française de 1966.
(195) HEMARD, TERRE et MABILAT, op. cit. n'18, p.276; cf.en cc sell.S, les législations àu Gabon, du
Sénégal cldu ;Vlali (an.387 c.Com.malien).
92
L'on peut en effet dire de ce texte qu'il a réalisé un véritable bouleversement du
mode de constitution des sociétés, "puisque f' ensemble des aCles qui dans la légis/otion
antérieure suffisaient à créer la société est réduit à l'état de phase par loqllelle les
!ond(}[eurs doivelll passer pour obtenir f' acte crémeur final. eXlérieur à la société. ql!' es!
l'immatriculaîion" (196).
A la différence de la législation de 1867 où la signature des statuts était Ulément
prédominant, la publicité revêt une valeur juridique exceptionnelle en ce sens qu'elle
marque désoTI11ais la constitutir'l définitive de la société.
B -
LA RADIODIFFUSION COMME MOYEN DE PUBLICITE '?
,
59 - Bien que séduisante et très répandue en Afrique (197), l'idée d'une publicité par
voie radiophonique ne saurait être retenue pour deux raisons essenrielles.
En premier lieu, nous dirons que,~par essence, la publicité en matière juridique est
difficilement
concevable
sans
support
écrit:
celui-ci
pouvant
servir
p;lr
ailleurs
d'instrument de preuve (198).
N'oublions pas que, d'un point de vue pratique, hl publicité faite au BOCAC donne
la possibilité de prendre connaissance des documents publiés ou d'en obtenir copie:' le cas
échéant.
En second lieu, nous invoquerons un argument d'ordre "minémonénique". C est en
effet vouer une foi aveugle dans la mémoire humaine que de vouloir lui imposer de retenir
des données techniques par simple audition.
(196) SINAY, Rev. des socié.lés, Op.Cil. p.267
(197) BALI?vIA. op. Cil. n'224, p.ns : "Dans les pays de civilisalion orale. peUl-èlre faudrail-il envisuger
sérieuscmenl [' uLilisalionjudicicuse de [' infomzalion orale, même en malière de sociélé".
(198) Sur les divergences d'opinion en ce domaine, l'on peUL se référer à MM. HEMARD. TERRE el
MABILAT, op. cil. n' 132, qui, après avoir souligné les deux effels -ad validiLalem el ad prObi:Hionem- de
l'écril, fom le rappel suivalll : ... "D'aUires adopluienl ['opinion inverse, en invoquanl des condilions
hisLOriques el en ouservom que le défaUi d'écri! n'(IjoUie WlCLllle sanCiion à celles qui découlenl dll d4ult! de
pu!Jlicilé -inélucla!Jlemenl prOvoqué par ie défou' 1'écriL- ... La queslion avaiL été vivemenl disc{{/éc, sous
l'empire du ciroil on/àieur. Les uns eSllmaienl que [' exigence d'un écri! éLaiL imposée ad validiul/ClI1. de
sone qu'une sociélé non COnSlalée par écriL aurai! dû êlrc, en principe, considérée comme nulle pfillr défuul
deforme".
93
Au reste la mise en oeuvre d'une telle publicité "orale" suppose :lcquise la
disponibilité, d'une pan des stations de radiodiffusion, pour faire état de formalités de
constitution pouvant se rapponer à des milliers voire des centaines de milliers de sociétés,
et d'autre pan des "récepteurs"
les plus co.ncernés par l'information (en VUe": d'une
évenruelle opposition).
En revanche, le maintien d'une publicité des actes de sociétés aux Joumaux
Officiels des Etats africains, prôné par M. BALlMA, nous paraît être uneexcelknre idée
(i 99). Cette publicité présente en effet un double intérp, :
- la consultation par les citoyens de textes législatifs et règlementaires générakment
difficiles d'accès:
- l'infomlation des ressortissants étrangers qui SUlvent ou participent à la VIe des
affaires dans les divers Etats africains et qui pourront y trouver un suppon
d'information plus satisfaisant que I~s journaux locaux.
De toute manière l'institution d'un Journal Officiel des Etats de la Communauté
Economique Africaine centralisant les divers actes sociaux intervenus dans les Etars-
membres se révèlera indispensable en cas d'adoption des propositions d'unification du
droit africain des sociétés (200).
C - L'OBLIGATION DE RESPECT DES PRESCRIPTIONS RELATIVES
A L'IMMATRICULATIO:'-i AU REGISTRE DU COMMERCE
- 60 - une autre innovation non mOll1s importante consisterait dans l'instirution d'un
régime
d'inopposabilité
pour
les
manquements
aux
prescriptions
concernant
l' im matric ulation des sociétés.
Nous approuvons sur ce point l'observation judicieuse de M. BALl\\'IA qui,
déplorant que les Etats africains aient assigné au registre du commerce un rôle de
cermalisation des infollnations, préconise une meilleure information des tiers (201),
(199) BALE\\lA, op. cit. p.21S : "Si par conséquent d'autres journaux d'annonces légales peu,'cnl élre
relenues, il faudrait que ce soit sans préjudice de /' utilisation du Journal Officiei".
(200) L'on peut déplorer à ce propos que certains projeLs d'unification du droit des société~ -celui du
BAMREL notamment - n'aient pas prévu une telle ll1novation.
(201) Décret ivoirien n'62-5 du 3 janvier 1962 instituant un registre central du Commerce auprès de la Cour
d'Appel d'Abidjan.
94
laqueJle ne peut être effective que s'ils sont assurés de ne pas se voir opposer des actes non
immarriculés.
Cet objectif a pu être atteint par le législateur français grflce à la
réorganisation
du
registre
du
commerce
(202).
De
surcroît,
la
prescnptlon
de
l'inopposabilité inciterait les responsables sociaux à se plier davantage qu'ils ne le font
généralement aux formalités d'immatriculation (203).
Quoi qu'i! en soit, et c'est un argument non négligeable en faveur du rejet de la
conception "statutaire" de la constitution des sociétés, les dirigeants sociaux seront
contraints à plus de dilif"nce puisqu'ils devront faire procéder à l'immatricu~lation de la
société, ce tte fonnalité devenant l'élément générareur de la personne morale.
Les avantages du système de l'immatriculation l'emportent en effet sur les
inconvénients. Dans la perspective de l'hamlonisation des législations africaines, c 'est
donc l'immatriculation qui devrait êrre adoptée comme point de départ de la personnalité
morale. C'est à compter de l'accomplissement de cerre importante fonnalité que la société
peut mener une vie juridique nonnale et, notamment, agir par la voie de s~s représentants
légaux. De même, c'est l'immatriculation qui, dans les SARL et les sociétés par actions,
permet aux mandataires de retirer les fonds provenant des souscriptions en numéraire et
jusque là bloqués à un compte spécial.
Enfin, certains
amendements
gagneraient
à être
apponés au régime
de
la
constitution des sociétés:
- l'institution d'un délai de rigueur de six mois pour l'immatriculation;
- l'apposition de la mention "pour le compre de la sociélé" au lieu de "au nom de la
sociéré" aussi bien dans les statuts que dans les divers actes accomplis par les
"représentants" ou mandataires pendant la période de formation.
(202) Cf. JAUFFRET, La réforme du registre clu commerce, D. 1953, Chrono p.145; Le nouveJU registre du
commerce, Rev. [Tim. dr.com. 1969, p.395.
(203) BALI0.'lA, Op.CiL, n'236, p.223.
95
CHAPITRE TROISIEME
0 0 0
L'HARMONISATION DES CONDITIONS
DE CONSTITUTION
PARTICULIERES A CERTAINS TYPES
DE SOCIETES
0 0 0
96
Conformément à la délimitation fixée en introduction générale, les conditions de
constitution visées au présent chapitre s'appliqueront exclusivement aux S,A. (Section 1) et
aux S.A.R,L. (Section II).
SECTION 1 - LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX S.A.
- 61 -
La loi 1867 n'avait prévu que la procédure de constitution des S.A. faisant appel
pu blic à l'epargne,
Contre toute attente, pourrait-on dire, le
législateur guinéen
a supprimé la
procédure de constitution avec appel public à l'épargne, se démarquant, une fois de pius,
de la réglementation en vigueur dans les autre pays africains.
Cette solution nous paraît critiquable parce qu'elle ne tient pas compte de la
faiblesse des sources de financement en Afrique.
Confonnément à la démarche que nous avons adoptée, nous ne traiterons que des
questions nécessitant une prompte intervention du législateur, à savoir: la redéfinition de
l'appel public à l'épargne, le maintien des deux procédures de constitution des sociétés -
avec ou sans appel public à l'épargne- et l'intérêt de la procédure de constitution
simplifiée,
PARAGRAPHE 1 - LA REDEFINITION DE L'APPEL PUBLIC A L'EPARG;\\E
- 62 -
A défaut d'une définition juridique de l'épargne publique, la loi du 30 janvier 1907,
applicable aux Etats d'Afrique noire francophone, exige l'insertion au BALO, d'une notice
contenant un certain nombre de mentions indispensables, préalablement à toute mesure de
publicité concernant rémission, l'exposition, la mise en vente ou l'introduction sur le
marché d'actions, d'obligations ou de titres quelconques de sociétés françaises ou
étrangères offates au public, ainsi que le rappel de cette notice dans les affiches,
prospectus, ciculaires OL; :.nnonces dans les journaux.
97
D'autres mesures
visant un
objectif similaire, c'est-à-dire la protection de
l'épargne, sont venues modifier ce texte (204)
Malgré cet effort appréciable, une grande incertitude plane encore sur la notion
d'appel public à l'épargne, faute de définition légale (205).
Conscient de cette lacune, et sunout des difficultés d'interprétation que suscitait la
loi de 1907, le législateur français a apporté des éclaircissements. Il en résulte que seules
sont réputées, désonnais, faire tlubliquement appel à l'épargne, aux termes de l'artiCle T2
de la loi de 1966, les sociétés "dont les titres sont inscrits à la côte officielle d'une bourse
des valeurs, à dater de cette inscription, ou qui, pour le placement des tirres quels qu'ils
soient, ont recours, soir à des banques, établissements ou agents de change, soir à des
procédés de publicité quelconques".
L'anicle 57 du décret de 1967 précise par ailleurs que la publicité prescrite par les
lois et les règlements ne constitue pas, pai elle-même, un appel public à l'épargne.
L'intérèt de ce texte esr incontestable. Bien qu'ayant une large ponée, il dégage
nettement les deux critères caractéristiques de l'appel public. De ce fait, la confusion créée
sous la législation antérieure par l'imprécision de l'expression "épargne publique" est
levée. La loi de 1966 fait désormais état des sociétés qui font publiquement appel à
l'épargne -article L71, alinea 1er,et 72- ou de l'appel public à l'épargne (206).
(204) . Décret loi du 8 aout 1935 -aggravant les peines applicables en venu de l'article 405- applicable aux
personnes ayant fait appel public en vue de l'émission d'actions, d'obligations ou de Litres quelconques.
- Décret loi du 8 août 1935 -qui a modifié l'art. 33 de la loi sur les sociétés par actions du 24 juillet
1867- exige que, dans les sociétés par actions faisant appel à l'épargne publique, un au moins des
commissaires aux comptes soit choisi sur une liste établie par une commission spéciale.
- Décrel loi du 8 août 1935 instituant un droit préférentiel de souscription aux augmentations de
capital et loi du 25 février 1953 fixant les conditions d'exercice de ce droit; l'ensemble de ces dispositions
faisant l'objet d'une mention obligatoire au BALO.
- Obligation pour toute société de faire assumer le service des titres inscrits à la côte officielle d'une
bourse de valeurs par une ou plusieurs banques ou établissements financiers -art. 38 décret du 7 décembre
1955-
- Publication des informations -ordonnance du 4 février 1959-
- Informations des actionnaires et du public -décret du 29 novembre 1965-
- Possibilité de création des comptes courants d'actions -art. 4 du décret du 4 août 1949 sur le
régim e des valeurs mobilières-
(205) Cf.TiLre 1er, chap.IV, section II, parag.ler de la loi de 1966; article D 57.
(206) HEMARD, TERRE et MALIBAT, op.cit.,n'586,p555 : "autrefois. le décret-loi du 31 aôw 1937
concernait les sociétés fa isall1 appel à l'épargne pllblique"-L.1867, art.4, a1.13-; l'expression était inexacte,
car l'épargne dont il esl ici question, n'est pas l'épargne publique, mais normalement, l'épargne privée; ct, ce
qui est public, c'est le procédé utilisé à l'effet de l'attirer.
98
L'appel public vise désorn1ais deux situations précises: la référence à ]' inscription à
la cote officielle des bourses de valeurs et le placement des titres.
La nonon de "bourse de valeurs"
n'est pas mentionnée par ,les législations
africaines qui, du reste, ne donnent aucune définition de l'appel public, se contentant de la
formule imprécise de la loi de 1907. Cette lacune s'explique sans doute par l'absence
d'une commission des opérations de Bourse et par la quasi inexistence d'un système de
cotation officielle des titres (207).
Ces faiblesses des législations africaines ne font que souligner la nécessité d'une
restructuration du régime des valeurs mobilières, surtout dans la perspective d'une
réactivation de la politique communautaire et de l'économie des pays africains.
Au reste la réticence manifestée par ces derniers à l'égard d'une Bourse des
Valeurs, motif pris de la rareté de l'épargne ou de l'option politique choisie, nous semble
irréaliste parce qu'elle ne tient pas compte des énormes besoins de trésorerie et du refus -
ou de l'impuissance- des banques à y remédier.
Pour ne pas empleter sur nos dé-v'eloppements ultérieurs, nous nous bornerons à
souligner toute l'importance que devraient accorder les législateurs africains à la définition
de "l'appel public à l'épargne".
A cet égard, l'on ne peut que
féliciter le législateur français d'avoir conféré un
contenu large aux dispositions de l'article 72 de la loi de 1966.
Plusieurs hypothèses sont en effet englobées dans la formule extensive du texte
précité: la notion de titre est entendue au sens large -actions, obligations, bons de caisse .. ; -
et peu importe que l'appel n'ait été que partiel; peu importe également le moment oü est
réalisé l'épargne -à l'occasion d'une augmentation de capital, lors de la constitution, lors
de l'émission d'un emprunt obligataire ... -.
(207) A l'exception du Nigéria -pour les pays anglophones-, seule la Côte d'Ivoire a institué un marché
financier, supra n'4.
99
Cenes la conception extensive suscite parfois des difficultés d'interprétation en
matière législative, mais elle est, malgré tout, et de loin, préférable à l'énumération
limitative qui génère des situations encore plus complexes, telle l'inadaptation des textes à
des situations que n'avait pas prévu le légistateur.
Le décret du 17 janvier 1973 réglementant, en Côte d'ivoire, la publicité
complémentaire en cas de souscription publique constitue du reste une parfaite illustration
du danger des définitions restrictives.
Le texte ivoirien VIse expressément un seul type de publicité spéciale: celle
réalisable en cas d'offre d'actions au public. Cette publicité nécessite l'insenion au Joumal
Officiel d'une notice componant différentes énonciations: dénomination sociale, indication
de la législation sous le régime de laquelle fonctionne la société, siège social, durée de la
société, montant du capital taux de chaque catégorie d'actions et capital non libéré.
Par ailleurs, l'article 1er dudit décr~t énumère limitativement les cas d'appel public
à l'epargne: il s'agit des procédures d'appon en capital, d'augmentation ou de cession de
capital, d'émission d'emprunts obligataires.
Toute opération de souscnptlOn publique est soumIse à l'agrément préalable du
Ministère de l'Economie et des Finances, pris sous forme d'arrêté.
Aux termes de l'article 3, les opérations de souscnptlOn publique doivem être
effectuées soit par l'in termédiaire d' établissemen ts bancaires habilités à cet effer. soit par
l'intermédiaire de noraires.
En fait de critique, il faut d'abord louer le législateur ivoirien d'avoir su émerger de
la torpeur "ambiante" pour élaborer une règlementation en tous points supérieure à la loi de
1907 précitée dont s'accomodent, fon curieusement, les autres pays africains.
Le décret ivoirien apparaît comme un texte intéressant du fait qu'il répond, quant à
l'essentiel, aux exigences requises en matière d'appel public à l'épargne.
Toutefois, nous l'avons souligné, sa teneur actuelle, beaucoup trop restrictive, le
rend encore perfectible. De nombreux points sont passés sous silence.
100
C'est ainsi, par exemple, que l'incidence de la cotation officielle des titres sur la
procédure d'appel public à l'épargne n'est pas évoquée. Qu'advient-il lorsqu'il est fait
recours à des procédés quelconques, dérogatoires à la réglementation en 'ligueur et ayant
pour effet de réunir l'épargne (208)?
De manière générale l'on peut reprocher au décret ivoirien de n'avoir considéré que
la souscription volontaire, telle que fixée par le "législateur" à l'usage pourrait-on dire, de
l'honnête citoyen, à l'exclusion des situations fréquentes où l'on porte ·itteinte à la libené
du public.
Cette "naïveté" est d'autant plus critiquable que l'objectif primordial du législateur
est la protection du public. A moins que le législateur ivoirien n'ait entendu appliquer
cumulativement la loi de 1907 (et les textes subséquents) et le décret de 1973 !
Or, une grande incertitude demeure sur ce point (209).
Signalons également que
le
décret évoqué fait
état de
l'intervention
des
établissements bancaires. Sans plus!
La souscnptlon publique se distingue-t-elle du fait de solliciter le public pour
acquérir des titres de bourse, pour faire des dépôts de fonds ou titres dans les caisses ou
coffres de la société? (210)
Autant de questions qui restenr en suspens.
(208) Recours à la presse, à la radio, voire à la télévision, ou encore en cas d'exposition des titres au public
dans les bureaux de la société ou dans les vitrines d'un intermédiaire, diffusion de prospectus ou de
circulaires, notamment par voie postale. Cf.HEMARD, TERRE et MABILAT, op.cit.,n'592, p.558-559.
(209) Bien que le décret du 17 janvier 1973 ne comporte aucune disposition abrogeant en Côte d'Ivoire la loi
du 30 janvier 1907, il faut admeltre que celle-ci a été implicitement abrogée par le nouveau texte.
CLG.MEISSON"NIER, Mode de constitution des SA, in EJ.A., op.cil.,p.l23.
(210) Pour ESÏ\\'IEIN et SOLUS, il y a lieu d'assimiler les deux procédures de souscription publique ct
d'appel public à l'épargne. Cf. ESMEIN, les notions de souscription publique, d'offre au public et d'appel à
l'épargne publique en matière de sociétés, J.c.P. 1941,n'208; SOLUS, La réforme du droit des sociétés par
les décrets-lois de 1935 et 1937, n'240; note BASTIAN, sous arrêt 11 Février 1941, JCP 1944: "Sociétés à
responsabilité limitée.
101
Enfin, l'on peut observer, au plan du droit comparé, que la loi de 1966 mClHÎonne
également le recours à des banquiers, à des établissements financiers ou des agents de
change. Elle fait également apparaitre que l'accomplissement d'un quelconque procédé de
placement emporte présomption d'appel public à l'épargne (211).
Puissent ces brefs développemen ts ~lltirer l'attention des législateurs afïic:1Ïns sur
l'importance d'une large définition de l'appel public, sans laquelle le public ne peut
bénéficier d'une
protection réellement
efficace.
Ce
n'est pas
sans raison que
les
législations étrangèr~'i ont institué la présomption d'appel public à l'épargne s'appliquant à
tous procédés autres que ceux définis par la loi et les règlements (212).
PARAGRAPHE II - LE MAINTIEN OU LA SUPPRESSION DE L'APPEL PCBLIC
A L'EPARG;\\lE ?
- 63 -
Encore désignée sous l'expressi()n de constitution instantanée, la constitution
simplifiée est la procédure la plus courante en Afrique.
La principale caractéristique de ce mocle de constitution est que la souscriplion puis
la libération àu capital social sont organisées en "société fermée", à la diligence des
fondateurs et sans appel à des capitaux nécessaires.
Un formalisme beaucoup plus souple aurait normalement dû résulter du fait que
l'utilisation de ressources propres à la société exclut tout souci de protection des tiers. Or,
il n'en a rien été. Et suite à une lacune de la loi de 186ï, c'est la même procédure, longue
et complexe,
prévue
pour les
socié:és
à
constitution
successives,
qui
s'~lpplique
indifférement aux sociétés "ouvertes" ou "fermées".
(211) JUGLART, du PO~TAVICE et DUPICHOT, 2eme vol., 3cme éd.,n'582, p.3I, note 9'\\-bi~ lOUl
procédé de publicité autre que ceux rendus obligatoires par la loi et les règlèments, s'il a pour bUl le
placement des Liues cOlés ou non cotés, est de nature J raire considérer ia sociélé qui l'utilise comllle r~lI:-;ant
publiquement appel à l'cpargne; nOlamment l' intervelllion de personnes spécial isées en la malière. lcllcs que
les banques, établissemems financiers, agent de change; cLGrcnoble, 13 novem bre 1967, JCP 1969 Il 15x30
et la note; Rép.min. n'6999, JORF, déb.Ass.Nal. 17 septembre 1969,p.2290
(212) Voir l'annolation de MM du PONTA VICE ct DUPICHOT, op.èil., n'10, p.582 : "L'inlerpréilliini1 de la
nOlion d' appel public à l'épargne donnée par la C.O.B. eSI lorge.' selon elle, les disposùions de i' ande 72
de la loi ne sonl <fU' indicatives; d'autres élémenls peuvenl êlre pris en considérOlion. en panicll/icr le d,~gré
de dispersion des Iilres dans le public.' par npmp/e.' les soâélés donl les lùres fonl l' objel de 1/(:'{('.:-ia/ions
fréquenœs ail marché hors cole. Pour la crilique de cc crùère supplémenlaire. ne résulwnl pas dl' 10 I(li. (/
J.J.Daigre, noie Rev.50c. 1981. p.339 et s., et note. p.345-346, sous [rib.administratif Paris 5 (i\\·.,.il 1979.
affaire 50ciété Pierre el Cristol, 5.A.RL Gimif ct marc conlre ministre de réconomie".
lü2
Cerre" carence" est extrêment préjudiciable, cela va sans dire, à un certain nonlbre
de sociétés: notamment celles dont le capital social est très faible -telles les sociétés
familiales-, celles qui n'ont aucun int<:5rèt à faire appel aux souscriptions du public avant
d'avoir vérifié si J'activité projetée sera fructueuse ou non, et même aux ~ralldes
entreprises qui préfèrent recourir d'abord à cette sorte d'auto-financement, quine :, faire
appel par la suite à l'épargne lors d'une augmentation de capital (213).
C'est pour pallier ce type d'inconvénicts que le législateur français -loi de 1966- a
apponé une importante innovation en créant un régime simplifié à l'usage des sociétés à
création simultanée, c'est-à-dire ne faisant pas publiquement appel à l'épargne, tèlk la
S.A.R.L.
L'intérêt de cerre procédure n'a pas échappé à certains législateurs africains,
lesquels n'ont pas hésité à l'inclure dans leur réforme des sociétés commerciales (supra,
n° 57).
La procédure simplifiée conduit en effet à la suppression:
- du dépôt préalable du projet de statut ,lU greffe:
- des bulletins de souscription et de la ciéclaration notaliée de souscnplIon el de
versement;
- de l'assemblée générale constitutive ul1lque, en cas de souscnptlon dt: capital
exclusivement en numéraire.
La société est donc constituée dès la signature des statuts, soit par un acte sous
seing privé, soit par un acte aUL1-)entique, et k versemelH du capital social, ce ,C::ïsement
résultant d'une attestation délivrée par la banque dépositaire cies fonds ou par le notaire
(214).
(213) J.HEMARD, La constilution des SA ne f<JisJnl pas <JppC! public à l'épargne, in \\'iél~lngcs
CABRILLAC, p.269 el s.
(21'+) Cf. Doss.Imem. F. LEFEBVRE, Afr. noire fr., op. cil., n'70.+5, p. 687-688; lvIEISSONNIER. ouvrage
précilé n07045, p.687-688 el "Les sources du droil des sociélés", in E.J.A., op.ciL., p.I08 -pour la Guinée- èl
p.lll -pour le Niger-.
103
On le voit, la procédure simplifiée, précédemment évoquée, a l'avantage d'être
commode et rapide. Son extension aux autres pays d'Afrique noire francophone devrait
cependant se faire progressivement; dans l' im médiat, en effet, il paraît plus prudenl de s'en
tenir au système de la déclaration de conformité, lequel pennel d'assurer un meilleur
contrôle de la régularité des opérations de constitution des sociétés.
La loi guinéenne, appréciable en ce qUI concerne le régime simplifié de la
constituLÎon des S.A., présente cependant un inconvénient majeur en matière d'appel
pu blic à l' épargn~. Si, en effe t, l' ins ti tu tion de la procédure sim plifj'~e en Guinée (et au
Niger notamment) peut être perçj.le comme un progrès par rapport au droit antérieur. la
suppression, en Guinée, de l'appel public à l'épargne est, à notre sens, une mesure
regrettable, que le seul souci d'allègement des formalités cie constitution ne saurait
justifier. A preuve, le législateur nigérien, mieux avisé, limite l'application de la procédure
simplifiée aux S.A. comportant moins de vingt actionnaires~ L'on peut déplorcr que le
législateur guinéen ait mis un terme à la conception dualiste de la constitution des S.A., en
abrogeant implicitement les dispositions qui, sous l'empire de la loi antérieure, régissaient
l'appel public à l'épargne (215).
Un tel abandon a sans doute été dicté par le double souci d'éliminer une procédure
peu usitée et d'établir une meilleure confornlité du droit à l'option politique cludit pays
(216).
Mais ne voulant aucunement nous attarder outre mesure sur des considérations
extra-juridiques, nous nous bornerons à souligner, comme ra fait M. BALI\\IA avec
beaucoup d'à-propos, la profonde contradiction ct 'une conception qui se veut réfractaire à
l'éclosion du capitalisme mais qui reconnaît la nécessité de sociétés privées, qui exclut
l'appel public à l'épargne mais laisse subsister les souscriptions publiques (21 7).
('215) BAUi\\.·IA, op.cil., n'2·b, indique que "Le légis/(//eur guinéen a pris le conlrepied de /(1 Loi dit 7.:1
juil/CI lS67 cn Ile prévoyalll quc la conslilulion sallS appel puulic cl [' épargnc". M.BALIMA sc rdérait à la
loi guinéenne du 1cr septcmbre 1962. Sa critique reslC cependalll valable dans la mesure où l' ort!onnuncc
119 du 17 mai 1985n'a pas repris la procédure d'appel public à l'épargne.
(216) BALIMA. ibidem, "On pourrail en elfel penser qile la volonlé déc/orée d'éviler l' édosioll du
capi/alisme aurai! élé inCOlllfJulible avec [' acceplalion de [' appel public ci [' épargne",
(217) Il convient de nOlcr que ]' assimilâLion des deux notions -appel public à l'épargne ct sliuscription
publique- n'est point blâmable. Cr. ESMEIN, op. cil.
104
Il est vrai que la constitution sans appel public à J'épargne est beaucoup plus sil11ple
et pal1:lnt, plus largement utilisée d:lns l:l pratique. surtout par les sociétés de dil11ènsions
moyennes qui. à l'instar cie la SARL, n'exigent pas de gros capitaux.
En revanche, plus rarement certes, lorsque la concentratlon de capllau\\. est
nécessaire, sunout dans le dessein de rbliser des opérations économiques ek grande
envergure, la procédure d'appel public à l'épargne peut révéler toute son efficacit~
compte tenu des avantages respectifs des systèmes précédemment évoqués, il serait
souhaitable de prévoir. en Afrique francophone, la double possibilité de recourir ou non à
l'épargne publique, lors de la constitution des sociélés (218).
SECTION II - LES CONDITIONS DE CONSTITUTION PROPRES ALX SARL
(219)
- 6-1- - La simplification du régime de la constitution des sociétés précédemment préconisée
n 'enrraÎnera pas pour autant la suppression cie cenaines conditions essentielles de fonel. de
forme et de publicité (220), qu'il convient de rappeler brièvement.
(21 S) La procédure d'appd public à ]' épargne eSl prévue 1l11ldmmem dans lcs pays cilés ci-aprl::~ (outre la
Côte d'haire)
- Au Mali: le Code de commerce prévoit exprcs.\\éll1clu deux modes de constiLution de~ S ..-\\. : ~lVec
(arL.372-374) ou sans appd public à l'épargne (an.375-3i:l9).
- Au Gabon l'appel public à l'épargne est abordé lm plici tement, par le biais des augmcl1lCltion~ (Je
CJpiul, prévues par le Code des Participations institué par Jo loi du 31 décembre 1983 compL.':éc par le
décrctn'680/\\,lE\\ECOFIN/CP du 28 mai 1984.
- Au Sénégal, Llfl.1403 (COCC) rait mention des conditions de rémission et des formalités de
publicité en cas d'appel public à l'épargne. Celles-sont dérinies de manière plus complète aux clrllClès 48 Ct
49 du réccnt Projel de décre/ portant application de la loi sénégalaisc n'8S-..+0 du 29 juillet 1985 relative au\\:
sociélés commerciales.
(219) Sur les SA.RL, cLEquipc HSD, op.cil., p.llS : "Cesl (ancicnne loifronçaise du 7 mars 192.' qui régil
les SARL dans Ics ElalS éludiés sauf au Sénégal, cn Cuinéc. ail Mali el. implicilemenl, à Madagasulr.
Le Niger a, par (ordonnance 80- 15 du 19 juin 1980. apporlé quelques modifica/ions li la 101 du ï
mars 1925.
Le Sénégal Cl le ;\\Iali onl adoplé une nouvclle législwion proche de [' {lcl/œl/e législolionlrunçoise,
respcceivemcnl par leurs Code des Obligulions Ci vi/cs Cl Commcrcwles "COCC' (loi 85-40 d/l 29 /lUl/cl
1985j el Code dc Commcrcc du Mali (loi 86-13 du 21 mar:<; 19(6),
En Cuinée, {' ordonnance 119 du 7 mars 1925 a rcpris (essenliel de la législalion anlàlcilrt'. !..fui
découlail de la loi dc 1962 {abrogée implicilemen{j".
(220) En droit posilif africain les formalités dc consLitution des SARL comprenncnt essentiellemelll :
- un dépàl au grelle du tribunal à compétence commerciale, de deux originaux (ou deux <è.\\pédiuons)
de "Jcte conslitutif el de l'aete de désignation de la gérance (le cas échéant);
- une insenion dans un journal d'annonces légales ct une seconde insertion au Journal Oliiciel
(lorsque cclui-ci èSt publié);
- l'immatriculation au regislre du commerce:
. cnfin. 1:1 nrC!;lr;1linn d'e,j,tf'.nrf'. rie. LI ,n('if;'P' rI' 1=l1l1i"e. I-f'\\n nncir.n. n.119-12().
105
PARAGRAPHE 1- CONDITIONS DE FOND
- 65 - La simplification des fonnalités de constitution devrait se faire par le biais de
l'allègement de
la procédure
de
souscription
du capital
social.
Cela se
traduira
concrètement par le maintien d'une double interdiction:
- interdiction de souscription par voie d'appel public à l'épargne,
- interdiction d'émission de valeurs mobilières, à peme de nullité de l'émission
(221).
Rappelons que le capital social doit être entièrement souscrit lors de la constitution
de la société et, en outre, entièrement libéré, sans distinction entre les apports en nature et
les appons en numéraire.
Les fonds provenant de la souscri ption du capital social devront faire l'objet d· ur.
dépôt (Cf supra n'53).
L'évaluation des apports en nature aura lieu au vu du rapport des commissaires aux
appons désigné à l'unanimité des associés ou par décision de justice.
Comme on le voit, ces règles tendent à rapprocher la SARL de la SA.
PARAGRAPHE 2 - CONDITIONS DE FORME ET DE PUBLICITE
- 66 - Outre les mentions exigées de toutes les sociétés commerciales, il y aura lieu
d'indiquer les énonciations propres à la SARL:
- répanition des parts sociales ainsi que leur libération, le dépôt des fonds (222) et
l'évaluation de chaque apport en nature (223);
(221) CLnol1:1mment artA nouveau, a1.3, loi nigérienne de 1980; an.34l, C.Com. (Mali).
(222) En Guinée, au Mali et au Sénégal, les apports en numéraire doivent ~tre déposés dans un compte
bancaire bloqué jusqu'à la constitution définitive de la société. Celle obligation n'existe pas dans les autres
Etats d'Afrique noire, ce qui constitue une lacune.
(223) En Guinée, au Mali et au Sénégal, les apports en nature dOivent être évalués dans les status, au vu du
r~nf)()r1 .1nnex6. :~ Cf',';;; riprniep: t:\\t Pl~hli n~r lin rnrYlm;ç'C",;rn qllV '1nnnrfC' ~orA.r< (lin 1\\11 tr"j<:, rnmmi,,;)irf'.S èn
106
- indicarions des ment!ons devant apparaître dans l'avis qUI sera inséré dans le
joumal d'annonces légales (224):
- rappon du commissaire aux apports devant être annexé aux statuts, de même que, le
cas échéant, l'état des actes accomplis au nom de la société en formation (225).
L'acte constitutif de la SARL peut revêtirla fOime notariée ou sous-seing privé.
La forme notariée est obligatoire au Sénégale, au Cameroun et au Niger ainsi que
dans les :lutres Etats d'Afrique noire, lorsqu'il est fait apport de biens immobiliers il la
société.
Pour la signature des statuts subsistera la possibilité d'intervenir à l'acre constitutif
de la société, en personne ou par un mandataire justifiant d'un pouvoir spécial (226). La
loi n'impose pas, en effet, la réunion de tous les associés auxquels elle accorde la faculté
de signer les statuts à des moments différents, la société n'étant constituée que lorsque
toutes les signatures ont été réunies et qu'un avis a élé inséré dans un joumal c.i"annonces
légales (227).
Au Gabon. en Guinée, au Mali, au Niger et au Sénégal, la société n'J.cquiert 18
personnalité morale qu'à dater de son immatriculation au registre du commerce.
Cene importante formalité devrait êlre étendue aux autres pays d'Afriquè noire, aux
fins d'harmonisation des législations.
--------------------~----------------
-~--
Guinée) nommé. SOil à l' unanimilé des associés, soit par décision de jus lice à la demande de J'un d' eux:
cLEquipe H5D, Op.CiL, p.117.
(224) CLen France: an.285, décret 1967; anAÜ al.l, loi 1966; an.26 al.l el2, décrel 1967: arL37.loi 196().
(225) Au Sénégal, au Mali el au Gabon, les Sl3.lUlS doivent indiquer la décision relative à la repri.-;c, par la
sociélé, des cnga~ements lJui auraienl pu éLIe pris en son nom pendanlla période de sa constilulion cljuslJu'à
son immaLIiculaLion au regisLIe du commerce, par lOUle personne inlervenant dans le processus de
constilulion; cLEquipe H5D, Op.CiL, p.119.
(226) Ibid.
(227) HE MARD. TERRE el MABILAT, op.cil., n' 397, pAl7
107
Il devrait en être de même de la déclaration de régularité et de conrormilé
accompagnant la demande d'immatriculation au registre du commerce et prévue ~;ellleIl1ènt
au Gabon, au Mali et au Sénégal.
SECTION III - CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SOCIETES DE PERSO\\iNES
- 67 - Nous n'engloberons dans cette catégorie que les SCS et les SNC, à l'exclusion de la
SARL qui se situ~, en raison de son particularisme, a mi-chemin entre la société de
personnes et la société de capitaux.
Notre étude ne saurait être exhaustive, surtout dans la mesure où, s'agiss:mt des
sociétés de personnes, la loi limite ses exigences à deux formalités essentielles :
['établissement par écrit de l'acte de société et son dépôt au n'ibunal (228).
Il convient de souligner que les sociétés en nom collectif (SNC), lès sociétés en
commandite simple (SCS) et en commandite par actions (SCA) "tendenr â lOmher
cOl7lplèremel1t Jans l'oubli, en raison de leur extrême rareté, hien qu'elles PO/ilTllfr.:m,
parfois, constituer des solutions juridiques adaptées lliL'C impératifs des so/wiol1s qui
peuvent se présemer" (229).
Les réformes législatives récentes (Mali et Sénégal) consacrent en effet Llbandon
des sociétés en commandite (230). CependaIH, en Guinée, le législateur ne reconnaÎ, plus
que la société en commandite simple (à l'exclusion des commandites par actions) (231).
PARAGRAPHE 1 - LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SNe
- 68 - La constitution de la SNC présente LIlle certaine spécificité en raison de l"inruirus
personae lié à l'idée de responsabilité indéfinie et solidaire de tous les associés.
(228) Cf HEvIARO, TERRE et MABILAT, op.ciLn'253, p.23S, font observer, à propos de Llb,cncc de
dispositions spéc i1ïques à la constitution de la SNC duns lu loi française de 1966, qu' "il n' y a dons (ClIe
absence de lexte rien qlte de très normal puisque lu SNe conserve de manière presque parfaile .,()n Il.lfleCI
conlractuel, de telle sorte que {' application du dmi! commun des contruts su/Jil en ce qui la conccme".
(229) CLEquipe H50, op.cil., p.139.
(230) CLan. 1080, COCe.
(231) Art.5, Ord.119du 17mai 1985.
108
C'est ainsi que la nullité de la société pourra résulter d'un vICe du consentement;
que la capacité de faire le commerce à titre professionnel esr exigée, les associés ayant tous
la qualité de commerçant. Il en résulte notamment:
- que le mineur ne peut entrer dans une SNC, même si ce mineur est émancipé; il en
est de même de l'incapable majeur, en tutelle et en curatelle;
- que le mari et la femme ne peuvent pas faire partie ensemble d'une SNC (232);
- que les étrangers ne 'peuvent être associés s'ils ne possèdent pas la carte d'identité
de commerçant étranger.
Il convient de souligner, cependant, que des facilités devront être accordées aux
ressortissants des pays membres de la Communauté Economique africaine, dans l'optique
d'une harmonisation des législations (233).
Les appons peuvent être faits en nature, en espèces ou en industrie (234). Ils sont
immédiatement exigibles et productifs d'intérêts à partir du jour où l'apport doit être
réalisé (art. 1846 et 1847 c.civ. français).
Lorsque la société reçoit l'apport d'un
immeuble, un acte authentique sera
nécessaire, toure mutation d'immeuble étant, en effet, soumise à transcription (décret 4
janvier 1955).
Dans la perspective d'une harmonisation des législations, nous préconisons que la
même formalité, l'acte authentique, soit exigible, quelle que soit la nature de l'apport, dans
(232) Il en va différemmment dans les sociétés en commandite par exemple, puisque, si les deux époux ne
sauraient être l'un et l'autre associés commandités, il est permis à l'un d'être commandité, tandis que l'autre
est commanditaire.
(233) Infra, n.204 et s.
(234) Sur l'apport en industrie, V. 3rt.i843-3, in fine, c.civ. fran~ais. Cc ne serait que la systématisation et la
généralisation d 'une pratique déjà existante en matière d'invention : la substitution d'un droit régional au
traitement national des apports. Cf. MEISSONNIER, Droit des Entreprises, "Mode de constitution des SA"
EJA, Op.CiL p.l27: "Divers apports en nature nécessitent l'exécution de formalités particulières en vue de les
rendre opposables aux tiers:
- en matière d'apport immobilier, la transcription doit être effectuée à la Conservar.ion foncière;
- en matière de marque de commerce ou de fabrique enregistrée en France ou à ['OAPI, à Yaoundé:
le transfert des marques n'est opposable qu'après inscription au registre spécial tenu à l'institut de la
Propriété Industielle pour la France et à 1'OAPi, à Yaoundé, pour l'Afrique;
- en matière de navires: procédure d'immatriculation à la conservation maritime.
109
tous les pays d'Afrique nOire francophone et, mieux encore, qu'elle fasse l'objet d'ull
enregistrement auprès d'une organisation africaine habilitée, ce qui suppose résolue la
"crise" des institutions régionales.
Notons, par ailleurs, qu'en vertu de divers textes specIaux, il est interdit de
poursuivre certaines activités sous la fonne juridique d'une SNe.
Enfin, en ce qui concerne les conditions de forme et de publicité, les formalités à
remplir sont identiques à celles des
ses. Toutefois, seuls les commandités sont
mentionnés dans les avis publiés et, seuls, ils sont inscrits au Registre du commerce (et des
sociétés); les commanditaires n'y figurent pJS puisqu'ils ne sont pas commerçants (235).
PARAGRAPHE II - LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SOCIETES EN
COMiVIANDITE (236)
A - LES CONDITIONS DE fOND
- 69 - Les associés commandités Ont le statut des associés en 110m collectif. fls sont donc
commerçants er responsables solidairement des deLLes sociales.
Les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à concurrence
du montant de leur apport. Ils n'ont donc pas besoin d'avoir la capacité de faire le
commerce. Il en résulte que le mineur peut faire peu1ie d'une société en cornm~lilJite en
qualité de commanditaire. Deux époux peuvent former une société en commandiLe soit
entre eux, soit avec des tiers, à condition qu'ils ne soient pas l'un et l'autre commandité ....
Alors que le principe de l'incessibilité des parts sociales s'applique avec rigueur
aux SNe, l'on admet souvent que les associés -commanditaires ou commandité,,- cèclem
leurs par1s à des tiers étrangers à la société avec le consentement des autres COI1li,lallliilés
et commanditaires à la condition que le consentement des autres associés ait é[t obtenu,
conformément aux exigences de la loi.
(235) La seule différence l11:J.rquante, du point cie vue de la forme, enlre la SNC t:L la SCS, tient au 1~lll Ljue les
statuts de la seconde doivent contenir cerwines indicarions qui ne sont pas exigées dans les Sl~llllts cie la
première; Cf. HEMARD, TERRE et MABILAT, op. ciL. n'330, p.33!: n.332 el s. Il s'agit d'li1diCLltions
lend~;:t à faire apparaître clairement dans les statuts l<:l situation respective de commancJilés ct Jes
commanditaires.
(236) Rappelons cependant que nous préconison~ la suppression cie celle forme de société.
-
- _. ~
110
Dans les cas où les ceSSIOns sont autorisées, elles doivent être faites par écrit,
signifiées à la société et publiées au registre du commerce.
B - LES CONDlTIONS DE FORME
- 70 -
En ce qui concell1e le nombre d'exemplaires de l'acte de société, l'article 39 du
Code de commerce prescrit de se confonner à l'article 1325 du Code civil au~ termes
duquel les actes sous seing privés doivent être rédigés en autant d'Oliginaux qu'il y a de
panies ayant un intérêt distincr.
Les sociétés en commandite doivent remplir également les condirions J.uxyuelles
sont soumises les sociétés de personnes:
- dépôt des actes au greffe du tribunal;
- publication d'extraits dans un journal habilité à recevoir les annonces légale::;:
- immatriculation au registre du commerce.
I I I
CHAPITRE QL'ATRIEME
0 0 0
L'HARMONISATION ET LA SIMPLIFICATION
DU REGIME DES SANCTIONS
0 0 0
112
- 71 -
La législation héritée du droit français, et toujours en VIgueur dans les Etats
africains, apparaît encore comme particulièrement répressive du fait qu'elle compone un
impressionnant dispositif prévoyam ausi bien la sanction des irrégularités que la nullité des
sociétés.
La rigueur ainsi manifestée, à l'origine, dans le dessein de protéger la société s'est
avérée non seulement injuste et excessive mais même préjudiciable aux intérêts des
associés et des tiers.
D'une part, la multiplicité des causes de nullité et la difficulté de les évÎ[çr toures,
favorisait surtout le chantage et constituait ulle menace permanente pour les entreprises et
les personnes les plus honnêtes (237).
D'autre part, pour être sévère l'annulation de la société n'en demeure pas mOll1s
une mesure inefficace: l'on ne peut anéantir rétroactivemelH toute l'activité sociale èt ses
conséLjuences. D'où la théorie des sociétés de fait élaborée au XIXème siècle par la
jurisprudence et la doctrine pour réparer les dommages causés par les sociétés ayallt existé
et fonctionné en contravention ou en marge des dispositions légales (238),
Conscient de ces dangers, le législateur français avait dû intervenir à deux reprises:
par la loi du 1er août 1893 -modifiant celle de 1867- et par un décret-loi du 30 aoCH 1935.
B{en qu'ayant réduit considérablement le domaine d'application des nullités, ces
dispositions sont loin d'apporter toute la sécurité souhaitable dans l'ordre juridique cies
Etats d'Afrique francophone (qui les ont reprises). C'est ce que nous nous efforcerons de
souligner en nous appuyant sur l'exemple de la législation française de 1966 qui, par une
extension du domaine d'application de l'action en régularisation, est parvenue à restreindre
les cas de nullité pour violation des règles cie constitution,
(237) DALSACE et BERNARD, Manuel des sociétés anomymcs, Dalloz, 4ème édition, 1967, n9x. p. 7"+.
(238) Cf. Le classique Ct remarquable ouvrage de J.HEMARD, Théorie CL pratique des nullité~ de sociétés ct
de sociétés de faiL, 2ème édition, 1926; de JUGLART CL IPPOLITO, op. CiL, n'432-2, p,459; TEiviPLL op.
ciL
113
Une plus grande efficacité pourrail êrre obtenue, pensons-nous, si les IégisLltt.:urs
africains s'avisaient de limiter les cas de nullité tour en maintentant les sanctions civiles et
pénales traditionnellement instituées à l"èncontre des associés et des dirigeants sociaux.
Dans la perSpeCtlVè d'une
hannonisation des législations
en
Afriquè
noire
francophone, il serait opportun de limiter les cas de nullité ! La grande dispariré des
dispositions législatives rend en effet difficile leur connaissance aussi bien que leur
observation ngoureuse:
cela d'autant
que
le champ se trouve largement ouvert à
l'application des nullités virtuelles (239), en l'absènce dans les législations CI fricaines
(excepté au Mali et au Sénégal) (240) d'une mesure analoguè à celle de l'article :16() Je la
loi fr.a. nçaise du 24 juillet 1966 qui pose .Ie l'ri ne; pe que Inln-':'lJi'-é-"""-2""lJ1 ne ct' unCj4
disposition S?-Rresse-de..laJQi._Q~..Q~_~,~~~._Q.LÜJig}_:'2_~~1t
la nullité des c~.l!g:.ats.
L
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- - -
...._,.,,«_.~- .... - 'M ~_---
Cette mesure qui s'inspire d'un principe fondamental du droit pénal -''Pas de
nullité sans rexte"-, constitue l'une des armatures essentielles du nouveau Li isposi tif
instauré par la loi française à l'effet de réduire lès cas de nullité.
Sa ponée parait beaucoup trop évidente pour qu'il soir nécessaire de souligner la
stabilité dont elle pounait investir k
reglllle africain des sanctions applicables aux
constirutions dè sociétés.
Par ailleurs, il conviendrait de remédier à la lourdeur du sysrème en vigueur dans la
plu pan des p:.tys d'Aflique noire francophone, qui a amené Ull auteur, M. BALI~vlA, à
affimler -en subsrance- que la définirion du régime des sancrions applicabks aux
irrégularités dè constirution des sociétés posait un problème quasi insurmontable.
Pour ce faire ron devrait délaisser k système trop draconien de l'annulation pour la
procédure de régularisation qui répond mieux aux nécessités de la vie commerciak (241 J.
D'ailleurs, il faut le souligner, la souplesse liée à la "purge des nullités" doit être
compensée par l'aggravation de la responsabilité des dirigeants, notamment du fait de
1"inexactitude des indications rnentionn~es dans la à~claration de conformité.
(239) Cf. DALSACE CL BERNARD; J.HEi'vlARD, cie JUGLART el IPPOLITO -noLes précédenLe~. 11237 et
238
(240) Les articles 1113 (COCC) et 565 (C.Com.), respectivemenl applicables au Sénégal L'I au \\lali,
prévoient que "fa nuliilé d'une société Oll d' un actc modifiant lcs SIOUUS !JC peUl résulter u,/{c d'une
ITwdificalion expresse" de la loi.
(241) V.en cc sens. articles 1090. 1113, 1116 à 1118 (COCC): articles 56.5, 568, 570 et 571 (CCom .. \\IJliJ:
articles 34 eL 81 de 1'Orcl.119 (Guinée).
En conséquence, le plan du chapitre quatrième sera le suivant: Le régime des
nullités (Section 1), les responsabilités civiles et pénales relatives à la constitution des
sociétés (section II).
SECTION 1 - LE REGIME DES NULLITES
- 72 -
Le système du droit français, dont nous préconisons l'extension à l'ensemble des
Etats d'Afrique noire, est d'une étonnante simplicité: il se fonde en fait sur le contrôk
continu des fonnalités de constitution, le corollaire en étant la purge des nullités.
Mais, à la différence du système de la loi de 1867 qui repose essentielkment sur
l"application -a posteriori- de sanctions sévères, celui iilstauré par la loi de 1966 s'av2Te
préventif et particulièrement dissuasif: cru ne part la déclaration de conformité, ionnalité
oblig~ltoire, s'analyse en un auto-contrôle et engage la responsabilité des dirigeant" sociaux
en cas de mention inexacte; d'autre pan le non dépôt au greffe du tribunal (de COl11l11èTCè)
de la déclaration de conformité rend iITecevable la demande d "immatriculation au registre
du comnterce.
L'on comprend alors que les cas d'annulation soient devenus exceptionnd:-, èl que
la procédure de ré'.:':ularisation ait été
~
éri~ée en
~
rè~le.
~
PARAGRAPHE 1 - L'ANNULATION EXCEPTIONNELLE DES SOCIETES
- 73 -
Désormais, l'annulation des sociétés ne se justifie pleinement que dans un )èul cas:
lorsque l'objet social est illicite (242).
Notons que l'objet et la cause se confondent ici, ils expriment tous les deux le but
poursuivi par les associés.
Ils ne doivent pas être contraire aux bonnes moeurs (243).
(242) CLan.1115 C.O.c.c. (Sénégal).
(243) Cas dc la sociéLé deSLinée il fausser kjeu de la libre concurrence. Toulouse, 3 avril 1941. J.c.P. 1<)42.
lI, 1954; cas tic lasocléLé scproposanLdc vendrc tics remèdes sccn~Ls, Casso Civ. 13juillel 1927. S.192S. 1.
9, note H.Sol us: E\\ploiLaLion d'une maison close. Clss.ReL[. 24 mai 1913. D. 191 h. l. 264; Explllll~1Ill1l1 li .LIll
établissemenL de jeux sans aUlorisaLion, C.lss. ReL[. 16 ~loùL 1S64, S. 1S65. 1,23.
Il existe un second cas d'annulation des sociétés :il s'agit de l'inaccomplissement
des formalités de publicité, qui ne sanctionne que les S.N.e. et les sociétés en commandite
simple -article L.361-, à l'exclusion des sociétés par actions (244). De plus, à l'inverse de
l'illicéité de l'objet social, l'inaccomplissement des formalités de publicité peut être
couverre par la régularisation. Ce dernier cas d'annulation des sociétés ne revêt donc qu'un
caractère facultatif (245) .
PARAGRAPHE II· LES EFFETS DE L'ANNULATION
- 74-
Alors que lès nullités de droit commun rétroagissent, de telle manière que J' acte nul
est censé n'avoir jamais existé, les règles applicables aux sociétés, consacrant !cl théorie
des sociétés de fait, font produire à l'annulation les mêmes effets qu'une dissolution.
Le principal intérêt de cette solution est qu'elle préserve dans le passé la validité
des contrats conclus par la société avant son annulation et pour l'avenir la per:--oT1nalité
morale de la société pour les besoins de sa liquidation.
En venu de la consécration de l'absence de rétroactivité de la nullité, ni la société,
ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité ~l l'égard des tiers de bonne foi (246).
Par a contrario, les tiers ont une option (247) entre la nullité et la validité de la société.
(244) Pour une S.A., Corn. -+ mai 1981, Rev.Soc. 1982.2T7, note C. Philippe: cLart.566, aLler, c.Com.:vlali:
"Dans les sociétés en nom collcctif l' accomplissclIlcnl desfonrwlilés de pllblir:ilé est requis il peull' de nll/lilé
de la sociélé, de l'aele 011 dc la délibération sans que les ussociés Cl la sociélé pUlssenl se /i/evuloir, il
l'égard de liers, de celle callse de nullité".
(245) CLan.1117 (C.O.c.c.).
(246) CL art. 1844-16 c.civ. et arl. L.369
(247) CL cependant deux observations judiciwscs du prol'csscur GUYON: "L'exercice de ce drl,it cl' o/ilion
a lin cal'ilClère individuel. La société peUl donc COlllinller d'exister cl l'égard de <:enains créanc.ier.1 el èlre
r,:plllée dissoUle il l'égard d' alllres. fleureusel/lenl. ces divergences son! uSlOmpées par lu n"'{!e .Ie/on
laij/lC!le la sociécé, même réfiwée nu/le, conserve /a fiersorillulicc; morale [Jour lus hesoins de sa !itluidCllion.
CCpU/lciOnl, la nul/ilé résulialll de rincapacilé 011 cr IlIl vicu dll consenlemei/l Col opposable. même IIlIX lias.
par l'illcapable el ses représcnl(JJ1{S légau.x, ou par rassocié dom le consouel/lenl Cl été surpris Jillr areHr,
dol Oll violence -arl.IS-I4-16 c. civ. et ar!. L.369- . J:n ellei. le conSCnlement resle nùcsslIirc ci la
parlicipwion cl une sociélé. L'inlérèl des liers doil a/ors s' 4fill:er devalll ,:dui de la personne (.fil! uélé
englohéc dans la sociélé slins lu vouloir" Cr. GUYON, op. ciL.. p.161.
PARAGRAPHE
III
- LA
GENERALISATION
DE
LA
PROCEDURE
DE
REGULARISATION
A - LE DOMAINE DE L'ACTION EN REGULARISATION
- 75 -
A l'exception
des
deux cas
precItes
(248),
toute
atteinte
aux
fonnalités
constitutives prévues par la loi peut donner lieu à régularisation (249).
Rappelons que dans le système que nous préconisons, les irrégularités sont
nonnalement décelées lors de l'immatriculation de la société au registre du commerce. En
conséquence, ni la violation des règles de validité des contrats (vices du consentement,
incapacité, défaut d'un élément spécifique ... ), ni la violation des règles propres au contrat
de société (durée excessive, capital inférieur au minimun légal (250), absence de statuts
écrits) ne sauraient échapper à la procédure de régularisation.
Dans
le cadre de
la loi française
de
1966, l'annulation est une
solution
exceptionnellle et la multiplication de possibilités de régularisation a posteriori procède
des mesures définies ci-après.
D'abord, en vertu du principe de la légalité des peines, qui connaît un regaln
d'intérêt, les causes de nullité sont désormais strictement définies par la loi, alors qu'en
droit commun, la nullité d'un acte est la sanction nonnale de la méconnaissanœ de toute
règle substantielle (251).
En outre, la couverture de la nullité est facilitée dans touS les cas, hormis la seule
hypothèse d'illicéité de l'objet social, puisqu'il est reconnu à celui par qui la nullité risque
d'arriver la possibili té de régulariser ou d'agir en nullité (art. 1844-12 c. ci v.).
(248) Illicéité de l'objet social et inaccomplissement des formalités de publicité (annulation facultative), cf.
supra n'73.
(249) La procédure de régularisation s'appliquera au lieu ct place de la nullité dans les hypolhèses suivantes:
- en cas de clause statutaire léonine, celle-ci étant réputée non écrite -arl.I844-10 a1.2, c.civ.;
- en cas de
défaut d'immmriculalion
au
rcgiSlre du commerce, celte omission entrainanl
l'impossibilité pour la sociélé d'acquérir la personnalilé m~ralc; v.supra nOle n'241;
- en cas d'irrégularité de la déclaraLion de conformilé puiqu'un lei vice rend irrecevable la dern;.mde
d'immatricul:.llion au registre du commerce.
(250) Lorsque le nombre des actionnaires descend en dessous du seuil requis en cours de vie sociale, lout
intéressé peUL demander la dissolution si la silualion n'a pas été régularisée dans un délai d'un an, cL arl.
L.240; cf.arl.1l16 COCC (Sénégal); art.565, C.Com. (Mali).
(251) Arl.1844-1 0 c. civ. el arl. L.360 aller; u.rt. li 13, COCC (Sénégal) ct 565. C.Com. (Mu.li).
Enfin, l'action en nullité est éteinte lorsque: la cause de nullité a cessé d'exister le
jour où le tribunal statue surie fond en première instance (252) -art.1844-11 c.civ.-.
Deux illustrations permettront de mIeux apprécier la pOI1ée de la proc~dure de
régularisation.
- S' ag,issant -1 er cas- de la violation des rè g,les du contrat de société, tOll t iIl tére ssé
~
~
peut mettre en demeure l'associé incapable ou dont le consentement a ét~ vicié de
régulariser ou d'agir en nullité (253). Mieux, la société et les associés sont aUtorisés 3.
suggérer au tribunal "toure mesure susceptible de supprimer r intérêt du dellwllâeur et
noramment le rachar de ses droits sociarcc" (254).
En ce qui concerne l'inaccomplissement des formalités de publicité en matière de
constitution des S.N.C. ou des S.C.S.(255) -2ème cas-, deux procédés pem1ette:nt J'éviter
l'annulation:
- toute personne ayant un intérêt à la régularisation peut obliger la so(i~té d'y
procéder dans un délai de trente jours (256):
- à défaut de régularisation dans ce délai, tout intéressé pellt demander all P,ésident
du tribunal de commerce, statuant en référé, de désigner un mandawiïc chargé
d'accomplir la publicité.
B - LE REGIME DE L'ACTION EN REGULARISATION
- 76 - Renonçant à l'examen de l'intérêt et de la portée Lie cette procédure palll(uliàe.
nous ne ferons qu'évoquer l'action en régularisation dans ses grandes lignes.
(252) Des délais som même accordés d'office, Cl même" Illois après la dale de l'explolL Illlroduclif
d'instance, lorsLjuc le processus de régularisauoll a été entamé: cLan.567 CL 568, C.Com. UvLilil: Jrl.IIIX
COCC (Sénégal; an.34 clSl, Ord.119 (Guinée).
(253) ArL1844-12 al.1erc.civ., an. L.365, al. 1er: ,u'l.570, aUer (C.iV1Jlicll.Com.); arLll16, aLkr COCC
(Sénéga 1),
(254) Art. 1844- 12 al.2, c.civ., an. L.365. al.?; an.570. aL2 (C.l'vlalicn Corn.): an.116, a1.2, COCC ISl'llé~JI).
(255) ".4 cOnlrario" pour lInc S.A., Cam. 4 mai 10X l, Rev.Soc .. 1082, 277 nc)le C.Phillipc.
(256) r\\n. L.366 cl an. D.253; cLm.lll7. COCC (Sénégal): :lrl.571. aLler, C.l'vlalien Corn ..
118
Cette actIon peut 2tre exercée, nous l'avons vu, lorsque les statuts ne contiennent
pas toutes les énonciations exigées par la kgislation ou lorsqu'une formalité prescrite par
celle-ci pour la constitution de la société a été omise ou iITéguli~rement accomplie (257).
Il en est de même en cas de modification des statuts.
L'action en régubrisation se presclit par trois ans à compter de l'immatriculation
de la société (258). Elle pallie en q uelq ue sorte l'absence de con trôle judiciaire préalable
aux constitutions.
Il est à noter que dans les rares cas où la nullité de la société sera prononcée par
suite du défaut de publicité, les associés ne pourront se prévaloir de la nullité ~l l'encolltre
des tiers, puisque la nullité provient de leur fait (art.369, loi française de 19(6). En
revanche, les tiers de bonne foi, notamment les créanciers sociaux, ont une option: ils
peuvent se prévaloir de la nul1ité s'ils y ont intérêt, ou considérer la société comme valable
(259).
La nullité de la société n'affecte pas rétroacLIvement le contrat de société (260). Il
en résulte que 13. société est dissoute le jour où !J. nullité est prononcée: la liquidation et le
panage s'effecwent conformément aux statuts.
(257) Cr. an. 18':9 c.civ. français qui a repris les dispositions ùe l'art. 6 al. 2, 3 et .+ de la lOI du 2.1 juillet
1966.
(258) Certains aUtcurs en ont clédui t, à tort sem ble-t- i1. que l' dC tion en régu larisation ne peut é: IC 1IllCl1tée
qu·après l'immatriculation cie la société
cf. HEMARD, TERRE, MABILAT, op. cil. n' 21-L D'autres
pensent, au conlIJ.irè, que l'action doit pouvoir èlIC intentée avant ceLLe immatriculation, sinon cc scrait
interdire toute régularisation de l'écrit, puisque 1ïmmaLficuiaLion est subordonnée à la production cie l'clic-ci.
Il convient de préciser que Il' délai de lIois ans ne concerne que la prescription et non pas l'action en
régularisation qui. dIe, n'est soumise à aucune limitation temporelle. Cc. DE JLiGLART et IPPOLITO, op.
cil. n'444, pAn. CHARTIER, La société dans le code civil après la loi clu 4 janvier 1978, JCP.C1.II.12YI9,
n' 199.
NB : Le délai di' prescription de trois ans s' appl iLj ue au 0,,'lali (arl.573 , C.Com.) et au Sénégal "ln. J090,
COCCi.
(259) Les créanciC'rs sociaux optent généralement pour la poursuitc dc 1'acIJvité sociale; ce l{ui leur p<èfl1lCt
d'e:\\Crccr leur droit de gage sur le palIimoine social. Cr. ::: arrêts, Gaz.PaI.l958.2.112. Ils pril11<ènt les
créanciers personJ1èls des associés, qui ne peuvent \\'Cnir en concours avec eux.
(260) CALAIS-:\\\\.JLOY, Essai sur la notion d'apparencc en droit commercial, op. cil. n'129 8 IS7. Là
société est réput~c avoir fonctionné comme une véritable société de fait dans la mesure où elle aura c,isté
avec l'apparence d'une certaine régularité: Cr. également Répertoire de droit commercial 1972, V'
"';,pparencc" ct note sous Cass.Ass.Plén. 13 décembre 1962, D.1963.277. Dans le même sens, RIPERTet
ROB LOT, Les sociétés commerciales, in Traité élén1èntaire de droit commercial, vol. J. n'759; contra,
société putative. Théorie dégagée par la jurisprudence ct confirmée par les articles 368 et 369 de la loi du 24
juillet 1966: cf. JCP.N.] 969.11.16095 et la note
SECTION II - LES RESPONSABILITES CIVILE ET PENALE RELATIVES A LA
CONSTITUTION DES SOCIETES
- 77 - Le sysrème de la régularisation, qui réalise une atténuation considérable des cas de
nullité des sociétés, ne saurait supprimer les sanctions classiques liées à la responsabilité
civile et pénale des associés et dirigeants sociaux (261).
La rigueur vis-à-vis des fondateurs devient un corollaire de la suppression de la
nullité des sG-.:iétés (262). Mais cette rigueur sera malgré tOUL tempérée, malgré le
maintien des mêmes responsabilités dans le régime antérieur applicable aux Etats
d'Afrique francophone comme dans le nouveau régime tel que défini par la loi française de
1966, par "l'action préventive" de la déclaration de conformiré (supra n° 54). C'est en cette
exigence de la déclaration de conformité que réside l'originalité de la réforme française
(263).
PARAGRAPHE 1 - LA RESPONSABILITE CIVILE
- 78 - La menace d'une responsabilité est la sanction qUl assure de la manière la plus
efficace la régularité des constitutions.
Il est à souligner que l'action en responsabilité civile est indépendante de
l'annulation et qu'elle apparaît comme le complément de l'action en régularisation (264).
L'accroissement des responsabilités des fondateurs compense donc l'effacement des
nullités.
(261) La responsabililé de droil commun s'applique, conformémenl aux dispositions des articles 1382 cl
1383 c. civ. à Lous ccux qui onl pu commeltre des agissements fautifs ayanl porté préjudice. Une lellc. action
est indépendantè de la nullité de la sociélé el sa prescription eSl de trente ans -Civ. II juin 1929, Journ.Soc.,
1931.136-
(262) SINA Y, op. cil. n'114, p.293. DALSACE, op. cil. n'97-99, p.73-76.
(263) n eSl à nOter que la différence entre le ciroil africain -loi 1867, loi 1925 ellexles subséquenLS- elle droil
français des soc iélés -loi 1966- réside dans la philosophie nouvelle de ce dernier qui fera que la sanction
nullilé de la sociélé sera prononcée plus rarement en France qu'en Afrique lors même que les incriminations
s'avèreront identiques dans les deux législations. De fail, c' eSl la déclaration de conformité qui lempère
considérablemenlles cas de nullité des sociélés. C'esl dire lOul l'intérêl que devrail manifesler le législaleur
africain pour ceae instilution originale qui s'implifie dans une large mesure le régime de la constilution des
sociélés.
(264) Cf. GUYON. op. cil. p.16.
120
L'action en responsabilité s'appliql;e dans trois cas:
- lorsq ue la nullité a été prononcée (265);
- pour réparer le préjudice
causé par l'existence d'une irrégularité susceptible
d'entraîner l'annulation, même si la nullité a été couverte (266);
- pour obtenir réparation du dommage causé par le défaut d'une mention obligatoire
dans les statuts ainsi que par l'omission ou l'accomplissement irrégulier d'une
formalité prescrite par la loi et les règlements pour la constitution des sociétés (267).
PARAGRAPHE II - LA RESPONSABILITE PENALE
- 79 -
Les responsabilités pénales se rattachant à la constitution des sociétc:s
sont
multiples et résultent des délits prévus et réprimés par le Code pénal (268), soit <-il:: délits
détemlÎnés par la loi sur les sociétés.
S'agissant des délits spécifiques à la constitution des sociétés, il COIWlent de
souligner que l'article :.1-80 de la Loi française de 1966 fait de la déclaration de conformité
la base de la responsabilité pénale de ses signataires comme elle l'est de leur responsabilité
civile. L'ajustement des dispositions pénales au système de la loi est ainsi préservé (26 <1).
Les aU[I-es dispositions de la loi française de 1966 sont reprises essenrielkl11ent du
droit pénal antérieur. Tel est le cas des articles 423, 423-1, 432 et 433 qui sanctiClnnent la
~--_.._ - -
(265) O. art. 184.1-17 c. ci\\'. el an. L. 370, aU
(266) Il se peUL, èn effel, que le vice constilulif ail été à lui seul générateur d'un dommage: Cesl le' cas, pm
exemple, lorque la sociélé n'a pas pu conclure un marché parce que le co-contraClant n'a pas pu trailer avec
un sociélé de \\'alidité douLGuse.
(267) CL art. 1840, c. civ. el art.L.7.
(268) Il s'agit de l'escroquerie, an.40S c. pénal, el ùe l'abus de confiance, arl.406 el 408 c. pénell.
(269) Cf. DAL5ACE, op, cil., n' 120, p.295. Noler cependanl une réserve de M.GUYON sur l'application
d'une sanclion p~nale à l'affirrmtion, dans une déclaralion de conformilé, de failS inexacls :"Oll comprend
que l'affirmation des foits inexaCts soit considérée comJne une infraction, En revanche. il est disuf.wble de
réprimer pénalement lefait d·omellre. même sciemment. de refrJler la totalité des opérations de wnstitwion,
En effet. dans ce cas l'immatriculation au registre du commerce ne doit normalement pas ëlle obtenue.
Certes. les associés subissent un dommage de ce fait. mais la mise en jeu de la responsabilité Livile des
fondateurs aurait été suffisante". Cf. GUYON, op. cil., p.16 7.
121
constitution irrégulière des sociétés par actions et des S.A.R.L. et visent les infractions
suivantes:
- la déclaration mensongère de souscription et de versement;
- la simulation de souscription et de versement;
- la publication de faits faux pour attirer les souscripteurs;
- la surévaluation frauduleuse des apports en nature (270);
-la négociation de la promesse d'actions (271).
On
relèvera
dans
l'article
432
qUI
sanctionne
l'émission
d'actions
avant
l'immatriculation de la société, une autre marque du caractère constitutif que désormais la
loi française confère à cette formalité (272).
(270) Cf.Réformes législatives récentes: Guinée, articles 35 el82, Ord.119; Sénégal, arU499. COCC: Mali,
articles 645 et 646, C.Com.
(271) CLnotarnmem art.647, C.Com. (Mali).
(272) Cf.arl. P98 COCC (Sénégal) et ar1.644 , C.Com. (Mali).
122
CONCLUSION DU TITRE PREMIER
0 0 0
- 80 -
Le parfait agencement des dispositions de la nouvelle loi française et la logique de
ses solutions, fondée d'une part sur l'immatriculation au registre du commerce et d'autre
pan sur la régularisation des vices de constitution cles sociétés, lui confèrent une unité et
une efficacité qui lui faisaient défaut sous l'empire de la loi antérieure, encore applicable 3.
la plupal1 des pays d'Afrique I1cire francophone -3. l'exception de la Guinée, du \\Iali, du
Sénégal et du Gabon (dans une moindre mesure)- (273).
En effet, la réduction des cas de nullité qui permet la limitation des contestations,
des lourdeurs procédurales et favorise par conséquent le désengorgement cles tribunaux de
commerce, contribue dans une certaine mesure au dynamisme des affaires,
(273) Cf. notamment, L. n'85-40 du 29 juillet 1985 -4ème partie- op. cit.
- Aux termes de l'art. 1089 les fondateurs de la soci0té sonllcnus de déposer au grellc du tribunat
régional une déclaration de conformité à peine d'irrecevabilité de la demande d'immatriculation.
- L'art. 1090 consacre la procédure de régularisotion, I:.lquelle s'applique lorsque "Ic~ sliltuts ne
contiennent p3.5 LOU tes les énonciations exigécs par la loi ct les règ!cmcnLS ou si une formalité prcscri te par
ceux-ci pour la constitution de la société a été omise ou irrégulIèrement accomplie",
- L'arl. 1091, relatif à l'action en responsalJilité, vise à la réparation du préjudice causé, saiL par k
défaut d'une mention obligatoire dans les statuts, soit par l'omission ou l'accomplissement irrégulier cl' une
formalité prescrile pour la constitution de la société.
L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compLer de l'immatriculation de I:.l sOL iét0 ou cie
la publication de l'acte modifiant les staLULS.
Moins complète que la réforme sénégal:Jise -loi préciLéc-, la loi gabonaise n° 10-73 du lO ckœmbrc
1973, qui s'inspire essentiellement de la réforme française du 24 juiJlcL 1966, a prévu le (k~p(-)[ d'une
déclaration de confom1ité à peine d'irrecevabilité de la demande d'immatriculation ainsi que le recours à la
procédure de régularisation (arU notamment).
123
Le réalisme juridique dont s'empreint ainsi le nouveau régime (français) de la
constitution des sociétés devrait inciter les pays africains à une refonte de leur droit en ce
domaine, à l'instar des réfonnes guinéenne, malienne, sénégalaise et gabonaise. Hélas !
l'on ne peut que déplorer l'absence de concertation desdits pays, qui engendre la
prédominance des solutions de droit interne sur l'harmonisation des législations pourtant
devenue indispensable.
124
TITRE SECOND
0 0 0
L'HARlVIÜNISATION DES
LEGISLATIaNS AFRICAINES
EN MATIERE DE FONCTIONNEMENT
DES SOCIETES
0 0 0
125
- 81 -
Nous nous proposons d'étudier les règles de fonctionnement de la S.A. et de la
SARL, il l'exclusion lies sociétés de personnes et des autres fonnes de sociétés. compte
tenu, d'une pan, de la tendance, de plus en plus affirmée, à J'émergence des sociétés de
capitaux et, d'autre part, de l'alignement progressif du régime juridique des sociétés de
oersonnes sur celui des sociétés de capitaux.
Excluant égalemCIlt l'analyse déraillée de l'ensemble des questions relatives il la
vie des sociétés, nous procèderons à 1J synthèse des seuls points qui nous paraissent
présenter un intérêt majeur.
L'hannonisation des législations africaines en matière de fonctionnement des
sociétés consistera essentiellement dans:
- l'harmonisation du mode d'adrninistrJ.tion et de direction des sociétés (Chapitre
Premier)
- l"harmonisation du régime des tirre:-i émis par les sociétés commerciales (ChapiTre
Deuxième)
- l'institution de la participation des salariés en Afrique noire francophone (ChapitTè
Troisième).
- l'hannonisation du régime du çoIltrôle et de la responsabilité eI: Afrique nOire
francophone (Chapitre Quatrième)
126
CHAPI'rRE PREMIER
0 0 0
L'HARMONISATIüN DU NIÜDE
·D' ADMINISTRATIüN ET DE DIRECTION
DES SOCIETES
0 0 0
127
- 82 -
L'harmonisation du mode d'administration et de direction devra tenir compte des
spécificités inhérentes à la fonne juridique des sociétés concernées par notre éwck : la SA
d'une pan (Section 1) et la SARL, d'autre part (Section II).
SECTION 1 - LE CAS DE LA S.A.
- 83
- Les législations des pays d'Afrique nOIre francophone sont très divergentès en
mati~re d'administration et de gestion des sociétés puisque trois formules coexistent
actuellemen t.
- La société de type classique, régie par la loi de 1867 (et les textes subséquents!,
qui apparaît comme la stmcture de droit commun dans la mesure où elle s'applique à la
plupan des pays (an.22, L.1867): précisons que cette derni~re disposition prévoit la
direction de la SA soit par plusieurs administrateurs, soit par un administrateur unique:
la société anonyme régie selon cen~llnes des dispositons des lois franç~llses de
1940 et 1943. reprises par les législateurs congolais, gabonais, guinéen, ivoirien et
nigérièn, et dont la particularité réside dans la présence d'un président-direc[eui génàal
qui cumule en fait les fonctions d'administration et de direction:
- le système de direction des SA récemment adopté par le Sénégal et qui cUlllprend
d'une part les administrateurs délégués (dont la réunion constitue le conseil de gestion),
d'autre pan l'assemblée générale chargée de désigner lesdits administrateurs. I\\otons que
ce type d'organisation, inspiré du droit anglo-saxon, est comparable dans ses grandes
lignes à la fOllllule française du directoire et du conseil de surveillance. Soulignons par
ailleurs que le législateur sénégalais n'a pas supprimé la fomlU\\e classique réuniss<uH un
conseil d'administration et un directeur général, consacrant ainsi un système dualiste
d'administration des S.A.
- Le système d ·administration du ,\\;[ali, largement inspiré de la législation française
actuelle, qui offre le choix entre deux types de fonnule.
Dans la première fonnule, les administrateurs forment le conseil d'adminiStration et
la direction générale est obligatoirement confiée au président du conseil d'adminiqration.
128
Dans la seconde fonnule, il est désigné un directoire ou un directeur général
unique, sous le contrôle du conseil de surveillance. Il convient de préciser, toutefois, que la
formule du directoire s'impose obligatoirement aux SA faisant publiquement appel à
l'épargne.
La faculté d'option prévue par les législations malienne et sénégalaise
- ü la
différence des autres Etats d'Afrique noire - nous amène à nous prononcer soit pour
l'institution d'un régime d'administration dualiste - à l'instar du système français - SOlt
pour le m:lintien du système en VIgueur dans la plupart des pays d'Afrique nOlre
francophone.
A notre avis, le système dominant en droit positif qui confie la direction des SA
africaines à des administrateurs délégués (ou à l'administrateur unique) en vertu de
l'article 22 de la loi du 24 juillet 1867, ou encore au conseil d'administration et il son
président devrait être abandonné en faveur d'un régime dualiste regroupant d'une part le
système du conseil d'administration et d'amre part celui du directoire.
A la vérité, la solution consistant dans la consécration du seul système du
directoire, conçu pour pallier les inconvénients du régime du conseil d'administration.
serait la plus satisfaisante d'un poinl de vue Slricremenl lhéorique.
Malheureusement, comme c'est le cas en France, les africains ne sont pas prêts à
accepter un régime - en l'occurrence celui du directoire - fondé sur le partage du pouvoir.
le président du conseü d'administration ayant pour sa part à coeur d'apparaître aux yeux
des tiers comme un perso!'nage charismatique cumulant les pouvoirs de décision et de
représen tation de la société (274).
Le refus d'une geslion col!eclive est donc présenté comme étant le principal facteur
d'échec du système du directoire et du conseil de surveillance. En réalité, le culte voué au
système du conseil d'administration s'explique en Afrique noire francophone - comme en
France - par la volonté très marquée et bien compréhensible, des détenteurs du capital de
garder la mainmise sur la société. Curieusement, cette explication bien connue des
praticiens, est peu évoquée par la doctrine, qui préfère généralement s'en tenir à r 1lIle des
causes du "phénomène" : la force des habitudes, la longue pratique et "l'accoutumance" à
la SA de type classique. Or, comme l'a si bien souligné le professeur ROBLOT en ce qui
(274) En ce sens DALS.-\\CE (A et CI) Cl BERNARD (N). op.cil., n' 150, p.124.
129
concerne la France, le maintien par le législateur de la structure classique, malgré la
supériorité reconnue du régime nouveau, ~l la seule fin de respecter la force des habitudes,
ne constitue pas une justification suffisante (275).
Quoi qu'il en soit, une situation de fait est là, particulièrement accabbllre : elle
souligne l'arrachement des pays d'Afrique noire francophone, eux aussi, au système du
conseil d'administration dont les inconvénients sont avérés.
Conscients du poids d'un rel paradoxe et ne voulant prendre le risque d'imposer la
formule du directoire, qui serait largement désavouée dans la pratique, nous prenons, bien
malgré nous et au nom de l' effecriviré dLl droir, le parti de la prudence et de la patIence. et
préconisons l'institution d'un système législatif dualiste laissant une possibilité de choisir
entre la formule classique et la formule nouvelle du directoire.
Nous espérons ainsi éviter un changement brutal et "préparer les mentalil~s" à la
substitution progressive de la SA à directoire à la SA à conseil d'administration.
Toutefois l'on peut souligner d'ores et déjà que la fOJll1Ule du directoirè devrait
s'imposer dans
l'ordre
inrerne
aux
sociétés
de
grande
dimension
et dans
l'Oi"dre
international aux sociétés interétatjques. Dans la seconde optique, elle constllUera un
instrument juridique particulièrement adapté à la Société Anonyme Africaine (5'\\,-\\) dont
nous préconisons la création dans la seconde partie de notre ouvrage.
Pour la clarté de l"exposé, certaines précisions d'ordre méthodologique dOi\\èlH ~tre
apponées. ~ous nous emploierons d'abord à souligner les lacunes de la SA :1 conseil
d'administration et
à directeur unique. NOliS déduiroï,s ensu][e de ce COfh[at des
imperfections de la SA de type classique la nécessité de réorganiser des SA :1 conseil
d'administration et d'étendre la SA à directoire à l'ensemble des pays d'Afrique noire
francophone.
L'ensemble des idées précédemment émises se résume dans le plan suivanl .
- Les lacunes de la SA à conseil d'administration et de la SA à directeur unique
(Sous-Section I):
(275) Cf.RIPERT et ROB LOT, Op.CiL, T. l, n' 1258 : 'Lc iégislalcur Il' a pas osé imposer l'utfoplio/J dl/
régime nouveau, bicn qu'il le jugeâl supérieur. fi nc semble pus que cclle supériorilé suffise à vaincre dons
dcs délais raisollnables la force des habitudes .. ".
130
- L'harmonisation
des
législations
africaines
autour
du
régime
du
conseil
d'administration (Sous-Section II);
- L'harmonisation des législations africaines autour du régime du directoire (Sous-
Section III).
SOUS-SECTION
1
LES
LACUNES
DE
LA
SA
A
CONSEIL
D'ADMINISTRATION ET DE LA SA A DIRECTEUR UNIQUE
- 84 -les développements qui vont suivre, nous nous emploierons d'abord à souligner
certaines des faiblesses de la SA de type classique (Paragraphe I). Ensuite, nous ferons
brièvement état de la nécessité de supprimer la SA à directeur unique en Afrique noire
francophone (Paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 - L'IMPERFECTION
DES
DISPOSITIONS
DU DROIT
POSITIF
- 85 - Les lacunes de la SA de type classique peuvent être perçues globalemenr à travers
l'analyse des dispositions du droit positif africain CA). Elles peuvent être également
appréhendées, de manière plus "direcre", grâce à l'analyse des dispositions relatives à la
répartition des pouvoirs (E) et à l'omnipotence du président du conseil d'administration
(C).
A· L'INEGALE VALEUR DES LEGISLATIONS AFRICAINES
EN MATIERE D' ADMINISTRATION DES SA
- 86 - De manière générale, le régime juridique de l'administration de la SA est resté
inchangé depuis l'indépendance des pays africains, l'essentiel de la législation consistant
dans la loi du 24 juillet 1867, la loi du 16 novembre 1940 et certaines des dispositions de la
loi du 4 mars 1943 (276). Il en résulte, notamment, que le régime de l'administrateur-
délégué, prévu par l'article 22 de la loi de 1867, reste dominant.
Certains Etats ont cependant apporté des modifications intéressantes en matière
d'administration et de direction des SA. On peut les ranger en deux catégories: ceux qui
ont apporté des aménagements significatifs et ceux qui ont procédé à une véritable refonte
de leur droit des sociétés.
(276) Titre L Loi de 1943 et arLl 0 et Il du Titre II de la loi de 1943.
131
Dans la première catégorie on peut ranger essentiellement les pays ayant opté pour
le régime du président du conseil d'administration avec président-directeur général :
CONGO, COTE-D'IVOIRE, GUINEE, NIGER (277). Il convient de noter, cependant,
que le CAMEROUN et le GABON ont adopté inzplicitement ce régime (278).
La seconde catégorie comprend la GUINEE, LE MALI et le SEN"EGAL (279).
Enfin, il Y a lieu de mentionner les pays anCl<::nnemeTIt placés sous la tutelle de la
Belgique (BURUNDI, RWANDA, ZAIRE).
Les développements qui vont SUlvre seront consacrés à l'analyse cntlque des
différentes "catégories législatives" évoquées ci-dessus.
1) L'examen de l'article 22 de la loi de 1867 fait apparaître les lacunes inhérentes à
ce texte, notamment en ce qui concerne le statut des dirigeants de SA.
L'article 22 de la loi du 24 juillet 1867 ne prévoit en effet aucune limite d'âge des
administrateurs, aucune limitation quant au nombre de mandats d'administrateur et de
postes de président, aucun délai pour l'acquisition des actions de garantie (280).
De surcroît, la référence aux clauses statutaires se révèle indispensable sur de
nombreuses questions importantes, en raison du silence de la loi. C'est notamment le cas
en ce qui concerne les pouvoirs et le rôle du Président du conseil d'administration ou de
l'administrateur-délégué, le cumul de mandats d'administrateur.
(277) Ces quatre pays som respectivement régis par les textes suivams :
- Ordonnance 62-26 du 16 octobre 1962
- Loi 83-789 du 2 août 1983
- Ordonnance 119 du 17 mai 1985
- Ordonnance 80-14 du 19 juin 1980
(278) CLEquipG H5D, ouvrage précité, n' 4-3-1, p.87.
(279)Au MALI èt au SEl\\TEGAL s'appliquent respectivement la loi 86-13 du 2] mars 1986 et la loi 85-40 du
29 juillet 1985.
Bien que restée fidèle au système du président-directeur général prévu par la législation antérieure
(Loi du ]er septembre 1962), la Guinée a procédé - comme le Mali ct le Sénégal - à la refonte de son droit
des sociétés (Ordonnance 119 du 17 mai 1985).
(280) Cf.Equipe H5D, Op.CiL, p.88.
132
2) De nombreuses observations s'appliquent aux pays ayant opté pour le régime du
conseil d'administration (à l'exception du Mali et du Sénégal).
Au Congo, l'ordonnance [1°62-26 du
16 octobre
1962, relative aux
sociétés
anonymes, reprend les dispositions des lois françaises de 1940 et 1943. Il en résulte que le
président du Conseil d'administration est une personne physique, révocable, nommée
panni les membres du conseil (an.3), lequel compte trois membres au moins et douze au
plus (artA).
Le nombre de mandats de président est limité à deux pour les sociétés congolaises
(art.6) et le nombre de mandats d'administrateur de sociétés congolaises est limité à huit.
Tour administrateur qUI atteint l'âge de soixante-dix ans ne peut détenir plus de
deux mandats.
Au Gabon, la loi n° 10-73 du 20 décembre 1973 a repris pour partie les dispositions
de la loi française du 24 juillet 1966. Il en resson notamment que le président du conseil
d'administration est investi des pouvoirs les plus larges pour agir en toute circonstance au
nom de la société (an.10), dans la limite de ]' objet social et des attributions réservées au
conseil d'administration et aux assemblées d'actionnaires.
La
loi
gabonaise
comporte
cependant
de
nombreuses
lacunes,
telles
les
imprécisions relatives à la qualité -personne physique ou morale- du président du conseil
d'administration (281), aux règles de quorum et de majorité des réunions du conseil et au
nombre minimal et maximal d'administrateurs.
Qui plus est, le législateur gabonais n'a pas prévu de conseil d'administration. Il
s'agit là, bien entendu, d'une simple inadvertance mais qui touche à l'invraisemblance,
l'inconcevable, lorsque l'on sait l'importance d'un tel organe (282).
(281) En France. une personne morale peut être nommée administrateur mais lors de sa nomination, elle est
tenue de désigner un représentant permanent soumis aux. mêmes conditions et obligations et encourant les
mêmes r('''~ons3bilités civile et pénale que s'il était administrateur en son nom propre.
(282) L'an.9 de la loi de 1973 qui traite des lieux de réunion rait incidemment mention du conseil
d'administration.
L'Ordonnance guinéenne n° 119 du
17 lllai 1985 apporte certaines precIsions
concernant la composition et le choix des membres du conseil (283), la durée du mandat
des adminisrrateurs, l'acquisition des actions de garantie et la désignation du président-
directeur général (art.4S et 46).
Il convient d'observer, toutefois, que le conseil d'administration a la faculté de faire
administrer la société par un président-directeur général (art.46, aL 1er) ou par un Comité
de direction (art.46, aLS).
Le Conseil est également habilité à fixer lui-même le lieu de ses réunions (art.46,
a1.6).
Aucune règle de quorum ou de majorité n'a cependant été prévue pour les
délibérations du Conseil.
Au Niger, l'Ordonnance n080-15 du 19 juin 1980, qui a modifié l'article 22 de la loi
de 1867 dispose:
"Les sociérés anonyrnes nigériennes Solll adminisrrées par un
conseil d' adminisrration composé de delCt membres au moins cr de
douze au plus, pris parmi les actionnaires cr désignés, comme en
Guinée, soir par l'assemblée consrirwive lors de la fondation ... soir
en cours de vie sociale par rassemblée générale ordinaire".
Le deuxième alinéa prévoit la possibilité de nommer soit un directeur, sou un
président-directeur général à la tête du cC'nseil d'administration.
En Côœ-d'Ivoire, le Président du conseil d'adrr{inistration assume obligatoirement
la direction générale de la société. A ce titre, il engage la société vis-à-vis des tiers qu'elles
que soient lès
limitations de
ses
pouvoirs
prévues
par les statuts ou le conseil
d'administrarion.
(283) L'article olS, aLler de la loi guinéenne de 1985 prévoir Ljue "les sociétés aMnymes sont administrées
par un conseil composé de 3 membres au minimu.m et 7 au maximum, pris parmi les actionnaires".
134
Le conseil d' adm inistration peu t nom mer un di recteur général (284), person ne
physique, chargée d'assister le président. La durée des fonctions du directeur général est
fixée par le conseiL
Le ou les directeurs généraux peuvent être choisis parmi les administrateurs cu en
dehors d'eux. Il n'est pas nécessaire qu'ils soient actionnaires. Le conseil d'administration
peut nommer cu révoquer le directeur général sans requérir l'avis du président.
Une même personne peut assumer simultanément plusieurs mandats de directeur
général, sans limitation.
Désonnais, le président du conseil, comme le directeur général, est touJours une
personne physique, ce qui n'était pas obligatoire sous la loi précédente.
3) Dans les Etats anciennement placés sous la tutelle de la Belgique (Burundi,
Rwanda Zaïre), le régime de l'administration des SA est très proche de celui des pays
africains qui n'ont pas opté pour la fonnule du président-directeur général (285). Les
législations de ces pays comportent, par conséquent, les lacunes inhérentes au système de
l'article 22 de ia loi de 1867 (supra, n086).
Une originalité mérite toutefois d'être relevée: le mandat conféré à plusieurs
personnes, administrateurs ou non, d'assumer la gestion journalière des affaires sociales.
4) Au Sénégal, deux types de structures coexistent (supra, n083) : d'une part la
formule classique réunissant un conseil d'administration et un directeur général et, d'autre
part, une formule nouvelle, inspirée du droit anglo-saxon, œgroupant L~~ conseil de gestion
et l'assemblée générale des actionnaires. Le législateur sénégalais a ainsi consacré, à
l'instar du législateur français, un système dualiste d'administration des SA.
Le législateur Malien a lui aussi institué un régime dualiste prévoyant le recours au
système classiqe du conseil d'administration Olt à la formule nouvelle du directoire.
(284) CLDos.lr.lem., F.LEFEBVRE. AfLnoirc franc., op.cil., n07140, p.696 : "Un seul direcreur général peut
être nommé dans les sociétés dont le capital est inférieur à 50 000 000 FCFA. Le nombre maximum des
directeurs généraLLl: est porté à deLLl: dans les sociétés donl le capilal est égal ou supérieur à ce monlant".
(285) rvIESSOl\\:-JIER, EJ .A., Op.CiL, p.133
135
Une réserve doit être émise à l'égard de la formule sénégalaise nouvelle qui confie
l'administration
de
la
SA
à
des
administrateurs
délégués
qui
ont,
chacun
et
individuellement, tous pouvoirs, et dont la réuniion fonne le Conseil de gestion, lequel est
assisté d'un secrétaire général (an.1283, COCC).
Ce système nouveau comporte en effet des risques d'éparpillement du pouvoir
puisque chacun des administrateurs délégués à la signature sociale est habilité à représenter
la société vis-à-vis des tiers en toutes circonstances.
De surcroît, l'on peut déplorer l'absence d'un organe capable de faire véritablement
contrepoids au pouvoir des administrateurs formant le conseil de gestion ou d'arbitrer
efficacement les litiges surgis au sein de ce conseil (286). Soulignons, à titre de
comparaison, que le conseil d'administration (classique), chargé de gérer la société, est
l'intennédiaire nécessaire entre l'assemblée, organe intennittent, et la direction qui assure
la permanence du pouvoir. Il n'est pas sans intérêt de relever que le législateur sénégalais
n'est sans doute pas resté insensible à·"la difficulté créée par l'absence d'un dirigeant
coordonnateur puisqu'il prévoit, par ailleurs (art. 1298, a1.2), que "les réuniolls sont
présidées par l'administrateur dom la délégation est la plus ancienne. sauf au conseil à
élire un présidem dont les administrateurs fixe nt la durée des fonctions" (287).
Au surplus, hormis pour les sociétés de très grande envergure, la pluralité de
mandataires sociaux n'est pas de nature à faciliter les rapports avec les tiers, généralement
accoutumés à l '''idée'' d'un représentant social unique.
Certes le législateur sénégalais a eu à coeur de tirer toutes les conséquences du
choix d'un système d'administration collégial, en confiant le pouvoir de représenter la
société - dans ses rapports avec les tiers à tous les membres du conseil de gestin. j'vIais à
notre avis, ce n'est pas déroger au principe "directorial" que de confier le pouvoir de
représentation au président de ce conseil; celui-ci étant alors réputé bénéficier d'une
délégation donnée par le conseil de gestion à l'effet d'accomplir certaines catégories
d'opérations (288).
(286) La menace d'une révocation ad nulum (par l'assemblée générale) ne nous parait pas suffisante.
(287) GUYON, op.cit, n'330, p.329.
(288) Sur la délégation donnée pJr le directoire, cLRIPERT par ROBLOT, op.cil., T.l, n' 1322, p.918-919.
136
Il aurait donc 111leUX valu opter pour la stnIcture du directoire (avec conseil de
surveillance) et consacrer ainsi un système identique à celui du Mali, lui-même inspiré du
droit français, qui offre le choix entre la formule du directoire
(avec conseil de
surveillance) et du conseil d'administration (avec un président).
CONCLUSION
- 87 - Les pays régis par l'article 22 de la loi du 24 juillet 1867 se trouvent confrontés à
de sérieuses difficultés, en l'absence de dispositions légales organisant de mànière précise:
la répartition des pouvoirs entre les divers organes de la SA, la durée du mandat des
administrateurs, le cumul des fonctions, la représentation des personnes morales ...
C'est en effet par VOle statutaire que sont censées être réglées les questions sur
lesquelles la loi demeure silencieuse (289). Malhe ureusemen t, les praticiens cons taten t, en
Afrique noire francophone, que les statuts des SA n'introduisent que très rarement les
aménagements nécessaires (290).
Il est à souligner, cependant, que les lacunes susmentionnées ont été comblées dans
cenains des pays ayant opté pour le système du conseil d'administration avec président-
directeur général: la Côte-d'Ivoire, le Gabon, le Mali et le Sénégal (291). E~ c'est là un
argument non négligeable en faveur de J'harmonisation des législations africaines autour
du régime du conseil d'administration notamment.
(289)
Cf.NŒISSON'NIER, ouvrage précité, n0251, p.277 : "Jl en résuiLe qu.·à l"exceplion du Gabon - el
récemmenl de la Côle-d'Ivoire (loi de 1983 el du Sénégal (loi de 1985) -, en 1" élal aCluel de la législalion
africaine ... lorsque les slaillis se prononcenl sur l'élendue des pouvoirs dévolus au conseil d'adminislralion,
les disposilions slalUlaires qu'ils cOnliennenl fonl la loi des panies el doivenl êlre appliquées par les juges
du fond".
Nola: l'ouvrage précité, paru en 1978, ne pouvait évidemment faire état de la très récente réforme
du Mali (loi de 1986).
(290) Equipe HSD, op.cil., p.88.
(291) A l'inverse, les législations guinéenne et nigérienne ne définissent pas avec précision !es pouvoirs
respectifs du président et du conseil d'administration (malgré les réformes récemment intervenues dans ces
pays).
137
il - L'IMPERFECTION DES DISPOSITIONS LEGISLATIVES
RELATIVES A LA REPARTITION DES POUVOIRS
- 88 - C'est l'incertitude qui prédomine en cette matière dans les pays régis par l'article
22 de la loi du 24 juillet 1867 (sans application des modifications apportées en France par
les lois du 16 novembre 1940 et du 4 mars 1943).
Dans ces pays, ce sont en effet les statuts qui règlent les questions relatives à
l'organisation et à la gestion des SA, notamment la définition des pouvoirs du conseil.
La "largesse" de la formule de l'anicle 22 précité se traduit donc par une absence
d'unité dans l'organisation de la gestion des sociétés (292).
Conscients de cet obstacle, cenains pays se sont efforcés de compléter le texte de
l'article 22 et de mieux organiser l'administration des SA en optant pour le régime du
conseil d'administration avec président-directeur général. Il s'agit, rappelons-le, des pays
suivants: le Congo, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, Je Mali, le Niger et le Sénégal.
En règle générale, les législations de ces pays fixent le nombre mll1lmUm er
maXImum des administrateurs composant le conseil (excepté au Gabon) et confèrent
généralemenr
les
pouvoirs
légaux
de direction
générale
au
président du
conseil
d'administration, en les définissant (293).
Sur Cè dernier point, les particularités relevées dans certaines législations doivent
être soulignées, même si elles ne démentent pas quant au fond l'allégeance au régime du
président-directeur général. Nous les énonçons ci-après.
(292) Cf.Doss. Inlern.F.LEFEBVRE, AfLnoire CL, op.cil., n'7060-71 00, p.690-693; Equipe H5D, op.cil.,
p.88 : "La loi ne prévoyant aUCune restriction particulière, ni sur le mandat, ni sur le cumul de fonctions, ni
sur la complllibilité avec
la position de salarié,
ni sur la représentation des sociétés nommées
administrateurs, les statuts n'en introduisent généralement aucune et, en pratique, on trouve le plus souvent,
dans les Etats concernés, les modes de gestion suivants .-
- administrateur unique, ou
- conseil d'administration avec W1 président-directeur général assisté, le cas échéant, de un ou
plusieurs directeurs généraux (adjoints) et/ou techniques, ou encore
- conseil d'administration avec président et un ou plusieurs administrateurs délégués chargés
d'assurer la direction générale, ou bien encore
- conseil d'administration avec président et comité de gestion ou de direction.
(293) Doss.Intem.F.LEFEBVRE, AfLnoire.fr., op.cil., p.693-699; Equipe H5D, op.cil., p.89-99.
138
Dans les pays précédemment énumérés, le président du conseil d'administration
assure obligatoirement la direction générale de la société, sauf au Niger ou la direction
générale peut être confiée à un autre administr<Jteur que le président et au Sénégal OÜ, dans
l'une des deux "structures" de la SA, c'est le directeur général qui représente la société vis-
à-vis des tiers (an.1248, COCC).
Au Gabon les pouvOIrs du conseil d'administration ne sont aucunement définis
(294).
Les législations guinéenne et nigérienne ne définissent pas davantage les pouvoirs
du président et du conseil d'administration (295).
Au congo, la même imprécision subsiste quant aux pouvoirs respectifs du président
et du conseil d'administration, l'article 5 de l'ordonnance n062-26 du 16 octobre 1962 se
bornant à mentionner que le président du conseil d'administration assure sous sa
responsabilité la direction générale de la société. Par ailleurs, aucune disposition ne prévoit
l'inopposabilité aux tiers des clauses limitant ces pouvoirs.
C
L'O:vINIPOTENCE
DU
PRESIDENT
DU
CONSEIL
D'ADMINISTRA1'10:'-01
- 89 - Les pouvoirs du président n'ayant jamais été déterminés avec précision par la loi, le
conseil
d'administration
continue
d'être
considéré
comme
l'organe
chargé
de
l'administration de la société. Mais cette vue est souvent bien théorique (296).
En réalité, le principe de collégialité, c'est-à-dire la réunion des administrateurs en
conseil, qui est certes prévu par les statuts n'est que rarement respecté en Afrique noire
francophone, le président du conseil d'administration se componant en véritable patron de
la société.
(294) Doss.Imern.F.LEFEB VRE, Afr.noirc.fr., op.cil., n_7J 55, p.697.
(295) Doss.Intem.F.LEFEBVRE, Afr.noire.fr., Op.CiL, n'7170 (pour la Guinée) et n'7195 (pour le Niger).
(296) BADIi\\TER, "Les pouvoirs du président-directeur général ct la Société anonyme de type classique
après la réforme du droit des sociétés commerciales", D.1969, chron.XXIV; cLégalement RIPERT et
RÜBLüT, Op.Cil., T.l, n'1290, p.895 et n'1296, p.901.
139
L'influence prépondérante du président, particulièrement visible dans la réalité
quotidienne des affaires est la conséquence inéluctable de l'effacement du conseil
d'administration (297).
Concrètement, c'est le président du conseil qui prend les décisions, fait jouer son
charisme ... Il est bien rare en effet, que le conseil joue le rôle d'organe d'opposition faisant
contrepoids au pouvoir du président, ainsi que l'y autorise la loi, soit parce que les
relations entre administrateurs prennent souvent l'allure de club d'amis où il importe de
ménager les susceptiblités, soit parce que le président règne sur la société à la manière d'un
monarque absolu, n'admettant que difficilement le débat et a fortiori la contestation,
surroutlorsqu'il est majoritaire (298).
Outre ces
éléments
de
pur
fait,
la
prépondérance
du
président,
qualifiée
d'omnipotence par de nombreux auteurs (299), résulte, rappelons-le, de la grande latitude
accordée aux rédacteurs des statuts. En effèt, la loi du 16 novembre 1940 (modifiée par le
Titre II de la loi du 4 mars 1943), relative au régime du président-directeur général, n'étant
pas applicable en Afrique, les statuts peuvent hbrement organiser la direction générale de
la société anonyme en Afrique noire francophone -sauf en Côte d'Ivoire, au Congo, au
Gabon, en
Guinée, au
Mali, au
Niger et au
Sénégal-
soit selon
la formule
de
l'administrateur délégué unique, soit selon la formule consacrant la nomination d'un
administrateur délégué (300) ou d'un président du conseil d'administration.
Notons que dans ce dernier cas, c'est bien le président du conseil d'administration
qui jouit de la plénitude des pouvoirs et assure la direction générale de la société (avec ou
sans l'aide d'administrateurs délégués), même si, au regard des statuts, lesdits pouvoirs lui
sont délégués par le conseil d'administration. Autrement dit, les stipulations starutaires
sont souvent contredites dans la pratique: la réalité du pouvoir appartient au mandataire, à
savoir le président du conseil et non pas au conseil.
La prééminence du président du conseil tient également au fait qu'il bénéficie
d'une stabilité telle qu'elle confine à l'inamovibilité. Ainsi l'on s'aperçoit, par exemple,
qu'en l'état actuel des choses, les réunions ordinaires de l'Assemblée Générale ne
(297) TUNC, "L'effacement des organes légaux de la société anonyme", D.1952, chrOll.XVII.
(298) DIDIER, . Les sociétés commerciales", Que sais-je 'J, PUF, Sème éd.1984, p.64-65.
(299) CLnoL3.mment BADINTER, op.cil.
(300) CLMEISSOt\\TNIER, "Droit des sociétés en Afrique", op.cil.. n'l33, p.263-264.
140
sauraient offrir l'opportunité d'une "interpellation" relative il la marche de la socihé, aussi
bien en raison de l'absentéisme des actionnaires, de leur faible pouvoir de décision -le
nombre de voix étant généralement proportionnel au nombre d'actions détenues- que de la
pratique des pouvoirs en blanc.
En outre, comme l'a judicieusement souligné M.BADINTER, la garantie offerte
par le principe de la révocabilité ad m{[um ne reflète pas tout à fait la réalité beaucoup plus
mouvante du monde des affaires. Il faut tenir compte, en effet, que "si le présidenr jouit
personnellemem Je la confiance des banquiers, des fournisseurs, des clients, sa révocation
ne se fera pas sans dommages" (301).
Par ailleurs, les limitations statutaires restrictives aux pouvoirs du président sont
loin d'être une barrière efficace à son omnipotence à cause de la difficulté sinon
l'impossibilité "de dégager avec certiwde le rapport causal entre tel acte et les pertes
subies par la société, qui peuvent résulter d' alltres faits". Ce problème de preuve est rendu
plus complexe par le fait que "les tribulî(un se montrent légirimement réticents à apprécier
la politique économique des organes de gestion de la société" (302).
PARAGRAPHE II - LA SUPPRESSION DE LA SA A DIRECTION UNIQUE
- 90 -
Il ressort de l'article 22 de la loi du 24 juillet 1867 qu'un administrateur-délégué,
désigné par les statuts ou par l'assemblée générale constitutive, peut diriger la SA, dans le
cas où les statuts n'adoptent pas la fonnule du conseil d'administration (303).
Actuellement le maintien de la SA à direction unique ne nous paraît pas opportun,
essentiellement en raison de l'inexistence - susmentionnée - du conseil d'administration. Il
serait donc préférable de recourir, dans ce cas, à la structure plus souple et tout aussi
efficace de la SARL, d'autant que, nous l'avons souligné, l'évolution du droit moderne
tend à consacrer l'alignement de la SARL sur le régime juridique de la SA. C'est ce qui
explique l'observation particulièrement éclairante faite par d'éminents juristes français
(304) :
(301) BADINTER, Op.CiL, p.190
(302) Cf.BAmNTER, op.cil., p.190; Com.lS avril
1961, D.1961.661; conlra, Paris 22 mal
1965,
D.1968.147, nOle CONTIN el Paris, 1S mars 1968, JCP.1969.II.1S814, nOle Nicole BERNA.~D.
(303) MEISSOl\\NIER, DroiL des sociétés en Afrique, n'233, p.264.
(304) Cf.noLammem RIPERT el ROBLOT, op.cil., T.I, n'912, p.656.
141
"Il est évident qlle la SA doit être choisie si les fondateurs om
besoin de recourir à l'épargne et d'émettre des titres néxociables.
il en est de rnême si le nombre des associés est supérier cl
CÎnquame. En revanche, la forme de la SARL s' impose si le capital
est inférieur à 250.000 F".
Il est intéressant de relever, à cet égard, que le législateur guinéen a supprimé la SA
à direction unique. Cette svlution, qui nous paraît tout à fait justifiée, devrait être étendue à
tous les autres pays d'Afrique noire francophone, dans le cadre de 1'hannonisation des
droits.
D'ailleurs, et c'est un élément très signific:1tif, certains pratiCiens font état d'un
abandon de fait du régime d'administration prévu par l'article 22 de la loi de 1867 :
"Ce régime, extrêmemem souple, est en principe encore en vigueur
au Cameroun et au Gabon, l'nais, en pratique, il n'y est plus
appliqué. En effez, au Cameroun, une disposition fiscale selon
laquelle la rémunération servie à l'administrateur unique n' est pas
déducrible du bénéfice impo.~·L!ble. a fait totalement abandonner ce
mode d'administration".
SOUS-SECTION II - L'HARMONISATION DES LEG ISLATIONS AFRICAINES
AUTOUR DU REGIME DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
- 91 -
Confonnément à la méthode que nous avons retenue, nous ne passerons pas en
revue toutes les conditions de fond et de forme qui président au statut juridique des
administrateurs. Seuls les points les moins bien réglementés, à norre sens, feront l'objet
d'une analyse.
Ainsi, panni les conditions de fond "positives" que doivent remplir les candidats
aux fonctions d'administrateur: nationalité, qualité de personne physique ou morale,
qualité d'àctionnaire, capacité (305), nous ne traiterons que des trois premières. De même,
lk,nous éliminerons des quatres conditions de fond "négatives" (durée du mandat, limite
d'âge, incompatibilités et cumuls), les incompatibilités prévues notamment par la loi du 30
(305) Prenant des décisions qui engagent sa responsabilité, l'administrateur doit être capable. Mais comme il
n'a pas la qualité de commerçant, la capacité de droit commun suffit: eLY.GUYON, ouvrage précité, T.L,
p.315.
142
août 1947 relative à l'assainissement des professions commerciales et généralement reprise
par la plupart des pays d'Afrique noire francophone (306).
S'agissant du statut des adminisu-ateurs, nous n'étudierons que leurs pouvoirs, les
cumuls de fonctions, la rémunération ainsi que les règles relatives à la tenue des réunions
et nous passerons sous silence les droits et devoirs (307) des administrateurs ainsi que la
cessation des fonctions d'administrateur (308).
En définitive, nous aborderons essentiellement les points suivants: d'une pan, la
nationalité, les actions de garantie, la durée des fonctions et l'âge des administrateurs, la
cooptation et, d'autre part, les pouvoirs des organes sociaux, le cumul des fonctions, la
rémunération
des
administrateurs,
ces
points
se
résumant dans
les
conditions de
désignation (Paragraphe I) et dans le statut proprement dit des administrateurs (Paragraphe
II).
PARAGRAPHE
1
LES
CONDITIONS
DE
DESIGNATION
DES
ADMINISTRA TEURS
A - LA NATIONALITE
- 92 -
A l'heure actuelle, la tendance est de plus en plus à "l'africanisation" des cadres,
c'est-à-dire à l'octroi de postes d'administrateurs aux ressortissants des pays où la société
exerce son activité (309).
'.
(306) Le mandat d'administrateur est incompatible avec l'exercice de la fonction publique ou de nombrcuses
professions. L'on craint en effet que l'intéressé ne puisse remplir correctement les deux fonctions à la fois. Il
existe cependant d'assez nombreuscs exceptions: notamment en ce qui concerne les avocats, les conscils
juridiques et les notaircs. Sur l'ensemble de la question, cf.lvlEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique,
Op.Cil, n0264, p.289-290.
(307) Les administratcurs jouissent d'un droit d'information et d'un pouvoir d'investigation directs et
absolus sur toutes les affaires sociales; cf.Y.GUYON, ouvrage précité, T.I, p.322.
(308) Les administratcurs sont révocables "ad nutum" et peuvent démissionner.
(309) Equipe HSD, ouvrage précité, p.54 : "D'autre part, le processus d'africanisation de l'économie
considéré comme un objectif plus ou moins prioritaire selon les pays, impose d'être en présence de structures
autonomes et entièrement soumises au droit national".
143
Une telle pratique, qui se justifie parfaitement en ce qui concerne certains types
d'activités présentant un intérêt économique particulier (310), pourrait engendrer de
sérieuses difficultés si elle était étendue aux entreprises à caractère multinational.
Notons que c'est par ricochet qu'il est porté atteinte il la libre direction des sociétés
par les étrangers, ceux-ci se voyant refuser certains avantages réservés aux personnes
physiques ou morales jouissant de la nationalité du pays africain d'accueil.
A cette fin, certains pays comrrl~ le BURKINA-FASO, la GUINEE, le NIGER et le
SENEGAL ont pris soin de définir la notion de nationalité (311), tandis que d'autres
comme le BENIN, le GABON, le MALI, la MA URITANIE, mais aussi (et encore) le
BURKINA-FASO ont adopté des textes permettant il l'Etat de décider unilatéralement, à
son profit ou à celui des nationaux, des prises de participation (312) dans le Clpital des
sociétés privées.
(310) C'est le cas des opérations de banque (Loi du 13 juin 1941).
(311) Au Sénégal, la notion de "n3.tionaJité sénégalaise" se définit en fonction des critères du siège social et
du contrôle (arL1165 COCC).
En Guinée, l'article 10 de J'Ordonnance 119 du 17 mai 1985 privilégie le critère àu contrôle
simultané du capital social et de la direclion, pour attribuer à la société les avantages attachés à la nationalité
guméenne.
Au Ni>!:er, est considérée comme étrangère toute société dont le capital n'est pas détenu par des
nationaux à hauteur de SI % au moins, et dont le dirigeam, disposant de la signature sociale, n' est pas de
nationalité négérienne, ainsi que toute société ayant un géram nigérien qui exploite pour le compte d'un
étranger (Décret 87 -036 du 12 mars 1987).
Au BURKINA-FASO, une société est considérée comme étrangère lorsque:
- s'agissant d'une SA, la majorité de son capital est détenue par des étrangers et que son directeur
général et les quatre-cinquièmes de ses adm inistratcurs sont étrangers;
- s'agissant d'une autre forme, son gérant n'est pas burkinabé (Ord.81-26 du 26 août 1981).
(312) Au Gabon, il est prévu l' aLtribution de 10 % du capital social à l'Etat, lors de ]a constitution de la
société et une participation correspondant au moins à la minorité de blocage (34 %) avec une priorité en
faveur des gabonais salariés de la société, cLCode des Panicipations/Loi n'8-83 du 31 décembre 1983
mod.Loi 24-84 ponant Loi de finance.
- Au BURKINA-FASO, le minimum de participation des nationaux ne peut être inférieur à 51 %
dans les secteurs considérés comme vitaux ou prioritaires; dans les autres secteurs, le niveau de panicipation
ne peut être inférieur à 3S % (Ord.n '75-0:\\9 du 30 oct.197S).
- En ~IAURITANIE, le montant de la panicipation du gouvernement ou de la cession par le
gouvernement de ses panicipations aux nationaux est fixé pour chaque cas par décret.
- Au 1'vl;\\U, le niveau de participation de l'Etat ou des nallonaux est de 20 %.
- Au BENrN, selon le Code des invcstissemenLs, dans sa loi du 20 mai 1982, l'Etat se réserve le
droit de prendre une participation dans le capital social de toute société admise au bénéfice d'un régime
privilégié, dont le taux est laissé à sa discrétion.
144
Mieux vaudrait, à norre aVIS, suppnmer toute discrimination et instituer le libre
accès aux fonctions d'administrateur, dans la perspecti ve d'une unification du droi t
africain des sociétés (313). Toutefois, pour éviter qu'une telle suggestion ne demeure
lettre morte, il conviendrait de proposer une soJurion de compromis en posant le principe
de la liberté d'accès aux fonctions d'administrateur et en prévoyant la possibilité pour les
législateurs nationaux d'y apporter des restrictions tirées du caractère exceptionnel de
l'activité considérée.
B - LES R.~PRESENT ANTS DES PERSONNES MORALES
OU DES ORGANES SOCIAUX
1") L'obligation d'être une personne physique
- 93 - Les législations africaines prévoient la possibilité de nommer une personne morale
comme administrateur (314) mais elles n'édictent pas toujours l'obligation de désigner un
représentant permanent de ladite personne morale, ce qui constitue une lacune.
Aux fins d'harmonisation des législations des pays d'Afrique noire francophone, il
conviendrait d'instituer l'obligation de faire représenter les administrateurs, personnes
moraJcs, par des personnes physiques. Cette dernière solution, adoptée par le Gabon et la
Côte d'Ivoire, devrait être étendue à l'ensemble des pays d'AfTique noire francophone
(315). Par ailleurs, le représentant permanent devra être soumis aux mêmes conditions et
(313) Au Congo, l'ordonnance du 16 OClObre 1962 prévoil l'accès des nalionaux el des étrangers aux
fonctions d'administrateur.
(314) CLnor.amment, les législalions ivoirienne, gabonaise, guinéenne, nigérienne et sénégalaise (an.1251,
COCC); comp.en France, rien ne s'oppose à ce que des personnes mornles soient nommées administrntrices
et membres du conseil de surveillance (arl. L.9\\ ct 135; art.D.78 et D.I02).
C'est le cas notamment du Cnmeroun et du Niger. En effet, le régime issu de la loi de 1867 prévoit
que les personnes morales peuvent être administrateurs et qu'elles ne sont pas tenues de désigner un
représentant pennanent au conseil d'administralion, cLDoss.Intern.F.LEFEBVRE, Afr.n.fr., op.cil., n'7064,
p.69 1.
(315) Cf.MEISSONNIER, EJ.A, op.cil., p.106; contra : en Guinée, une personne morale ne peut être
nommée administrateur, cLDosJntern., F.LEFEBVRE, Afr.noirc franc., op.cil., n'7165, p.698; v.également
OPPETIT, Le représentant permanent d'une personne morale administrateur d'une société anonyme, JCP (G)
1969.1.2227 cr (Cl) 1969.II.15795.
Dans les EtalS cités ci-après les dirigeants sociaux doivent être obligatoirement des personnes
physiques: CONGO, COTE-D'IVOIRE, GUINEE, MALI, SENEGAL.
145
obligations et encourtr les
mêmes
responsabilités
civile
et
pénale
que
s'il
était
administrateur ou membre du conseil de surveillance (316) en son nom propre (317).
2°) L'aménagement des dispositions applicables aux représentants désignés par le
conseil d'administration
- 94 - L'on se doit de dénoncer le laconisme des dispositions qui régissent en Afrique le
statut du représentant de la personne morale et de souligner la nécessité de prévoir cenains
aménagements, tout spécialemen en ce qui concerne les conditions de désignation e: 'es
conditions d'exercice du mandat de représentan t.
A notre aVIS, la désignation du mandataire devrait être faite par le conseil
d'administration, faute de quoi le pouvoir de délégation imparti au président-directeur
général serait assimilable à un pouvoir "personnel" ne découlant pas de la personnalité
morale.
Il en serait ainsi a foniori des "missions", mandats ou "sous-délégations" confiés à
certains membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Tout au plus la
validité de tels actes devrait-elle se limiter aux seuls cas où ils ne présentent pas un
caractère de généralité et ne ponent que sur certaines tâches particulières de représentation.
C'est du reste en ce sens que se justifient dans la législation en vigueur dans les
Etats africains (législation antérieure à la loi française de 1966) les pouvoirs spéciaux
donnés par le président-directeur général à certains directeurs techniques, lesquels n'ont
jamais été sérieusement discutés puisqu'ils ne constituent en défini rive qu'une app] ication
des règles ordinaires du mandat.
Le représentant permanent de la société devra être soumis à l'obligation de dépôt
des actions de garantie au même titre qu'un administrateur ordinaire (318).
(316) CeLLe précision s'impose dans la mesure où nous préconisons l'adoption en Afrique noire francophone
de la SA à directoire, cLinfra n° 104 et s.
(317) V.en ce sens les législations de la Côte-d '1 voire (DOSS.Imem.F.LEfEBVRE, .-\\fLn.fL, op.ciL, n'7140. p.695), du
Gabon, du Sénégal (an.12S1, COCC) et du Mali; rappelons que la responsabilité des administrateurs est
régie notamment par l'an.44 de la Loi de 1867, dans les autres pays d' Afriljue noire francophone.
(318) Cf.infra n'96 et 97; comp.en France, CHARTIER, "La gestion et le contrôle des sociétés anonymes
dans la jurisprudence", Librairies Techniques 1978, pA ; "Reprise à l' arl.L.13ü pour les membres du conseil
de surveillance -à l'exception de ceux du directoire-, une telle obligation est héritée de la loi du 24 juillet
1867 (arl.22), et présente une particularité, propre au type traditionnel de la société anonyme" (HEl'vIARD,
TERRE ET i'vIABILAT. op.ciL. T.1. n'SOn
•.•.",--
146
Nous préconisons que lui soient applicables -cumulativement- le principe de la
responsabilité solidaire et celui de la responsabilité personnelle (319). Il est bien entendu
que le représentant pennanent ne pourra répondre que des dommages imputables à ses
fautes. Il appartiendra par conséquent aux tiers d'apporter la preuve des faits susceptibles
d'engager sa responsabilité.
C - LA DETENTION DES ACTIONS DE GARANTIE
1°) Etat du Droit positif
- 95 - Récemment, et dans le cadre de la refonte de leur droit, le Sénégal et le Mali ont
repris l'obligation pour les adm ini strateurs et au tres dirigean ts sociaux d'affecter un certain
nombre d'actions à la garantie de leur gestion.
Cependant, dans la plupart des pays d'Afrique nOlre francophone, les actlons de
garantie font l'objet de l'article 26 de la loi du 24 juillet 1867, ou à une disposition
analogue (320), lequel dispose:
"Les administrateurs doi,,'ent être propriétaires d'un
nombre
d'acrions déterminé par les statuts.
Ces aerions sont affectées en lOtalité à la garantie de wus les acres
de gestion, même de ceux. qui seraient exclusivement personnels.
Elles
sont
nominatives.
inaliénables,
frappées
d'un
timbre
indiquant l'inaliénabilùé et déposées dans la caisse sociale".
Deux remarques s'imposent à la lecture de cet article.
Celte exigence est critiquée (BASTIAt"!, La réforme du ciroit des sOCIetes commerciales,
JCP.1968.I.2183, n'437; HOUIN et GORE, D.1967, chron.p,121 et s., n'38; GOURLAY, Le conseil
d'administration de la société anonyme, Paris 1971, n' 171).
'"
(319) CLarL1285, COCC; cL.HEMARD, TERRE et MABILAT, Op.CiL T.L, n'805 : Le représentant
permanent encourt les mêmes responsabilités civile et pénale que s'il était administrateur en son nom propre
(arLL.91, aLler); cLinfra, n' 183 et s.; Adde Equipe HSD, Op.CiL, p.89 : "Les administrateurs ne sont
responsables que de l'exécution de leur mandat et ils ne contractent. sauf cas paniculier ou infractions.
aucune obligation personnelle ou solidiaire, à propos des engagements de la société"; v.en cc sens, arL47,
al.2, Ord.1985 (Guinée).
(320) CLanA5, a1.2, Ord.guinéenne de 1985.
147
D'abord, les actions de garantie ne peuvent revètir que la fomle nominative alors
qu'en France, l'article 95 de la loi de 1966 prévoit aussi la forme au porteur.
Ensuite, contrairement à la législation française (art.L.95, aI.3), l'article 26 ne fait
pas obligation aux administrateurs d'acquérir les actions de g;rrantie dans un délai précis (3
mois) à l'expiration duquel l'administrateur qui n'est pas devenu propriétaire du nombre
d'actions requis, ou qui a cessé d'en être propriétaire en cours de mandat, est réputé
démissionnaire.
2°) Les modifications proposées en matière d'actions
de garantie
- 96 - L'on peut déduire de l'article 26 précité de la loi de 1867 que les actions de garanties
revêtent un caractère purement symbolique, eu égard à leur nombre généralement très
faible (321) et au fait qu'elles permenent simplement à l'administration d'acquérir la
qualité d'actionnaire (322).
D'aucuns pensent qu'une telle modicité paraît raisonnable, car il serait choquant
d'écarter du conseil (d'administration ou de surveillance) des personnes qualifiées, pour la
seule raison qu'elles ne détiennent pas un nom bre suffisant d'actions (323) et que, par
ailleurs, il serait antidémocratique de remettre l'administration de la société aux gros
actionnaires.
Mais une telle conception est loin d'être satisfaisante puisqu'elle ne tient pas
suffisamment compte de la sécurité des tiers. En effet, l'on ne doit pas perdre de vue que
les actions de garantie doivent être "affectées en roralité à la garantie de rous les actes de
gestion, même de ceu.x qui seraient exclusivement personnels" (an.26, a1.2, Loi 1867).
Or, pour qu'un tel objectif soit atteint, les administrateurs devraient avoir un intérêt
plus important dans la société, ainsi que l'a souligné le Professeur ROBLOT (324).
(321) Comp.France, an.L.165.
(322) Cf.GUYON, op.cil., n'318, p.313
(323) Ibid.
(324) Comp.France, an.L.95, aU; RIPERT el ROBLO~, op.cil., T.I, n'1267; v.cependant, HEMARD,
TERRE el
MABILAT, T.I,
0'810 et S.;
BAST1AN,
Réforme
du
droil des
sociétés anonymes,
JCP.l968.I.2183, n'437. Relever égalememles crniques de GUYON, note sous Com.6 mai 1974, HOUIN el
GORE, 0.1967. chron .. 0.121 et 5.. n'33 .... fondéc~ sur le motif ct' une nan Clue les faules des adminislfaleurs
148
Réfutant, malheureusement, une t.elle eXigence, des auteurs estiment qu'il serait
sévère d'exiger des administrateurs la possession d'une fraction importante du capital
sociaL
Pour sortir d'un tel dilemne, c'est-à-dire, pour arriver à concilier l'exigence d'un
nombre raisonnable d'actions de garantie et l'octroi d'une plus grande protection aux tiers,
des '50lutions simples et efficaces pourraient être envisagées.
Ainsi, conformément
aux
proposltlüns
du
Professeur
RüBLOT,
que
nous
approuvons et dont nous souhaitons l'adoption dans les pays d'Afrique noire francophone:
"Il n'y aurait qu'à exiger un nombre minimum d'acriolls de
l'ensemble
du
conseil
de
surveillance
er
non
de
chaque
adminisrrareur (325). Il serair égalemenr possible d'exiger que
chaque adminisrrareur consacre une parrie de sa rémunérarion à
l'achard'acrions" (326).
Nous proposons que ces deux mesures soient complétées par la souscription d'une
assurance de responsabilité. Cette dernière solution avait été préconisée par le Doyen
SAVATIER, à partir d'un constat bien simple: la multiplication et l'aggravation des
risques liés à l'industrialisation croissante du monde (327).
placent le patrimoine social dans une position critique et, par voie de conséquence, diminuent la valeur des
actions et que, d'autre part, la garantie esL habituellement sans aucun rapport avec le dommage que peut
causer une mauvaise gesLion.
(325) CLRIPERT et ROBLOT, op.cil., T.I, n'1370, p.955; nOLons que ceLLe disposition s'applique aussi bien
au conseil d'administration.
(326) Cf.RIPERT eL ROBLOT, op.cil., T. l, n' 1267; contrairemenL aux actions des administrateurs, celles
déLenues par les membres du conseil de surveillance permeLLenL seulement d'établir qu'ils ponent un intérêt
suffisant aux affaires sociales, RIPERT et ROBLOT, op.ciL., n'1325.
(327) CLSAVATIER, "Théorie des obligations: vision juridique eL économique", Précis Dalloz. 3è éd.l974,
n'2lS eL s.; Contra: COZIAN ct VIANDIER, op.cil., n'S47, p.239 : "Les actions en garantie offrent une
couverture microscopique. D'où deux voies de réforme: poser un minimum légal en relation avec le total du
bilan ou supprimer purement l'exigence. Cependant, la première voie présente l'inconvénient de réserver
l'accès au conseil aux gros actionnaires, d'où la tentation d'une abrogation au moins partielle de l'art.L.95
(en France), seule la qualité d'actionnaire de l'administration continuant à être exigée"; cLégalemenL
GUYON, op.cil., T.I, n'3lS : "Dans la pratique, le nombre des actions de garantie est généralement très
faible, voire symbolique. Celle modicité parait raisonnable car il serait socialement choqwmi d'écarter du
conseil d'administration des personnes qualifiées, pour la seule raison qu'elles ne détiennent pas un nombre
suffLSant d'actions".
149
Pour cet auteur, bien que les entreprises soient, en général, plus solvables que les
individus humains ayant commis une faute, il reste qu'elles ne sont pas toujours à la taille
des dommages pouvant résulter de certains risques. D'où la nécessité, pour les personnes
physiques ou morales responsables, de s'assurer contre leur responsabilité (328). En effet,
par le contrat d'assurance, l'assuré transfère à l'assureur la charge d'un risque, contre le
simple engagement de lui verser des primes déterminées en argent (329). L'intérêt d'une
telle assurance est grand pour les victimes de dommages. Elles y gagnent un répondant
s :ide, car l'assureur est de taille (330).
Rappelons qu'en Afrique nOIre francophone, l'article 26 de la loi de 1867 ne
détennine pas le nombre d'actions dont les administrateurs doivent être propriétaires. Dans
l'état actuel du droit, il s'agit là d'une lacune dans la mesure où elle laisse courir le risque
que
les
administrateurs,
profitant
de
la
grande
souplesse
des
clauses
statutaires,
n'acquièrent qu'un nombre très réduit d'actions de garantie. En revanche, dans l'optique
de la réfonne que nous venons de mentionner, la détennination du nombre d'actions à
détenir par les admnistrateurs incomberait aux sociétés d'assurances puisque le conseil
d'administration se trouverait dans l'obligation de posséder une portion du capital social
correspondant
au
montant
des
plimes
indispensable
à
l'octroi
d'une
couverture
substantielle aux victimes des fautes de gestion.
Il convient de souligner, enfin, que l'efficacité des dispositions précédentes ne
pourrait être assurée qu'à la condition que route atteinte à l'obligation d'acquisition ou à
l'inaliénabilité des actions en garantie fasse l'objet de sanctions (331).
En conséquence, aucun délai n'ayant été fixé en Afrique noire francophone pour
l'acquisition des actions de garantie, il serait souhaitable d'adopter une disposition
analogue à celle de l'article 195, a1.3 qui, en droit français, accorde un délai de trois mois à
l'administrateur qui n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou qui a cessé de
l'être, pour lui
permettre de régulariser
sa situation, faute de quoi, il est réputé
dém ission naire.
(328) SAVATIER, Théorie des obligations, op.çil., n'219, p.279
(329) SA VATIER, op.cil., n'220, p.279
(330)
S.-\\ VATIER, op.cil., n.220, p.280
(331) Sur l'absence de sanction en Afrique noire, cLDos. Intern. F.LEFEBVRE, AfLnoire [L, op.cil., n'7066,
p.691; MEISSONNIER, ouvrage préciLé, n'243.
150
En outre, à des fins de dissuasion, il conviendrait de prévoir expressément que III
violation de l'inaliénabilité des actions de garantie et de l'obligation de les rendre
nominatives ou de les déposer constitue une irrégubrité (332) que les commissaires aux
comptes devront relever dans leur rapport.
Il est intéressant de noter que certains pays dont le Sénégal ont récemment prévu
l'application d'une sanction en cas de non-détention des actions de garantie (333)
D - DUREE DES FONCTIONS, LE MANDAT ET L'AGE DES
ADMINISTRATEURS...
10 Composition du conseil, durée des fonctions, âge
)
- 97 - Dans la perspective de l'hannonisation du statut des administrateurs, il conviendra
de préciser égalem~nt la durée des fonctions d'administrateur, la composition du conseil et
l'âge des administrateurs.
Les propositions qui suivent pourront servir de base de réflexion, d'autant qu'elles
s'analysent en un réaménagement des dispositions de la loi de 1867, en vigueur dans la
plupart des pays d'Afrique noire francophone.
Comme par le passé, la durée des fonctions d'administrateur ne devrait pas excéder
six ans en cas de nomination par l'assemblée générale et trois ans en cas de 'nomination_
dans les statuts (334). Cela sous-entend qu'il demeure possible d'aménager le mécanisme
de nomination sous forme de renouvellement paniel des membres du conseil (335).
(332) NOlons que la jurisprudence française ne paraÎl pas vouloir allacher la même imporl3nce à ces deux
formalilés : l' administraleur qui n' eSl pas propriétaire des aClions eSl sanctionné par la démission d'office, ce
qui n'esl pas le cas lorsque lcs actions n'onl pas été déposées ou rendues nominalives (an.L.95, al.3).
(333) an.1255, aU, COCC : "Si au jour de sa nominalion, un adminislraleur n'esl pas propriélaire du
nombre d'aelions requis, ou si, en cours de mandai, il cesse d'en êlre propriéwire, il esl répUlé
démissionnaire d'office s'il n'a pas régularisé sa si/ua/ion dans le délai de Irois mois"; cLégalement an.1285
COCC.
(334) Ccttesol ution prévue par l' an.25, a1.2 et 3, L.1867 à été reten œ par plusieurs Elats : Guinée (ord. 119
du 17 mai 1985), CÔle-d'Ivoire (Loi 83-789 du '2 août 1962), Niger (Ord.80-14 du 19 juin 1980), Congo
(Ord.62-26 du 16 oCl.1962), Sénégal (C.0.c.c.), Mali (C.Com).
(335) Le mécanisme de renouvellement paniel des membres du conseil, qui n'esl pas réglementé dans les
pays régis par l'an.22 de la loi de 1867, fait l'objel de dispositions parLiculières dans les pays ayant oplé pour
le régime du président-direcleur général: Congo, Niger, Guinée, Côle-d'Ivoire, Mali et Sénégal (an.125û
âI.ler COCC). En règle générale le conseil peuL procéder à des nominations et cooptations provisoires mais
151
Il conviendrait de prévoir, dans les dispositions légales, la nullité de toute
nomination irrégulière ou de tout mandat indûment prolongé au-delà de six ans -à
clistinguer de la possibilité de réélection des administrateurs (art.25, a1.2, L.1867)-, car bon
nombre de législations africaines omettent souvent de mentionner cette sanction (336).
En ce qui concerne la composition du conseil d'administration l'on pourrait fixer,
conformément aux dispositions de la plupart des législations africaines, à 3 et 12 le nombre
minimal et maxima: le ses membres (337).
Les statuts pourront donc détem,iner librement le nombre des administrateurs à
l'intérieur de ces limites.
Pour combler une lacune des législations africaines, qui ne fixent pas le nombre
requis d'administrateurs après une opération de fusion (338), l'on pourrait, par exemple,
proposer le nombre minimal de 12 administrateurs jusqu'à concurrence du nombre total
des administrateurs en fonction depuis plus de six mois dans les sociétés fusionnées, mais
sans franchir la limite supérieure de 24 membres (339).
De surcroît, et sauf en cas de nouvelle fusion, il ne pouml être procédé à aucune
nomination de nouveaux administrateurs, ni au remplacement des administrateurs décédés,
révoqués ou démissionnaires tant que le nombre des administrateurs n'aura pas été réduit à
douze.
la réunion d'une assemblée générale ordinaire cst nécessaire pour ratifier lesditcs nominations, ou quand
l'effectif est tombé au dessous du minimum légal.
CLHE?vlARD, TERRE et MABILAT, op.cil., T.L, n'868, p.746; cL Sénégal, art. 1250, al.1cr
(COCC).
(336) Ainsi, l'artA 1 ne prévoit expressément que la violation des articles 22, 23, 24 et 15 de la loi de 1867.
(337) CLart.ll, L.16 novembre 1940, repris par la législation congolaise; soul ignons que le nombre de 3 à 12
administrateurs a été retenu par la plupart des législateurs d'Afrique noire francophone : Côte d'Ivoire,
Gabon, Niger, Sénégal. .. ; contra, Guinée: 1'ord.119 du 17 mai 1985 prévoit un conseil d'administration
composé de trois membres au moins et de sept au plus (anA5, al. 1er); Au Niger, le conseil doit être composé
de deux à douze membres.
Il convient de préciser, toutefois, qu'aucun nombre minimal ou maximal d'administrateurs n'est
prévu par l'article 22 de la loi de [867 (cLMEISSONNIER, EJA, op.cit., p.131).
(338) MEISSOi';""NIER, El A, op.cil., p.131 ct Droit des sociétés en Afrique, op.cit.n '20, p.271.
(339) CLen ce sens, Sénégal (an.1249, al.ler COCC); comp.France, art.L.89.
152
Si le
nombre des
administrateurs devient
inférieur au
mlIllmum
légal,
les
administrateurs restants devront convoquer l'assemblée générale ordinaire en vue de
compléter l'effectif du conseil. En revanche, en cas de dépassement du maximum légal de
12 administrateurs, la nomination irrégulière sera entachée de nullité.
S'agissant de l'âge, aucune limite supérieure n'a été prévue en Afrique, sans doute
en raison de la difficulté d'établir une corrélation
immuable entre l'âge atteint et
l'altération des facultés physiques et mentales chez l'être humain (340).
Mais, malgré l'impossibilité de fixer une limite d'âge applicable à tous les
indi vidus,
l'on
ne
saurait
faire
abstraction
des
données
(statistiques,
médicales,
sociologiques ... ) qui font apparaître un affaiblissement du "commun des mortels" à partir
de 70 ans.
En conséquence, il paraît souhaitable de s'orienter, dans la perspective d'une
hannonisation des législations africaines, vers une solution voisine de celle du droit
français qui fait obligation de mentionner dans les statuts une limite d'âge applicable soit à
l'ensemble des administrateurs, soit à un pourcentage d'entre eux (341).
En rejetant le principe de l'exclusion automatique, irrémédiablement rattaché au
dépassement d'un âge donné, l'on éviterait de sanctionner des personnes cerres "âgées"
mais dont les facultés demeurent intactes et l'on aurait la possibilité de faire procéder au
remplacement de celles dont l'efficacité est devenue incertaine.
r) La cooptation
- 98 - S'agissant de la cooptation, ce système devrait s'appliquer lorsque le nombre des
administrateurs devient inférieur au minimum statutaire (et non pas au minimum légal).
(340) C'est ainsi que les personnes qui ont su conserver leur vitalité SOnL en mesure de remplir leurs tâches
professionnelles sans accuser de troubles généralement imputables au dépassement d'un âge réputé critique:
cf.HEMARD, TERRE et MABILAT, op.ciL., n'879-895.
Cependant, au Mali, une limite d'âge doit être prévue par les statuts (à défaut celle limite est de 65
ans).
Il n'a pas été prévu de limite d'âge au ConQo; toutefois, le nombre de mandats dont peut être
titulaire un même administrateur varie - huit ou deux - selon que l'administrateur a moins ou plus de 70 ans
(Ord.du 16 oct. 1962).
(341) Cf.en France, an.L.90-1, aLler et L.129-1, aLler; HEMARD, TERRE et MABILAT, op.ciL.. T.L,
n'891.
153
L'avantage de ce procédé est qu'il peIl11et de maintenir l'activité de la société en
dépit de la vacance par décès ou par démission d'un ou plusieurs sièges d'administrateurs.
Il s'ensuit que le conseil d'administration pouml, entre deux assemblées générales,
procéder à des nominations à titre provisoire.
Le procédé de la cooptation ne saurait s'appliquer toutefois lorsque le nombre des
admnistrateurs est devenu inft:rieur au minimum légal. En pareil cas, les administrateurs
restants doivent convoquer d'urgence l'assemblée générale ordinaire en vue de compléter
l'effectif du conseil.
Par ailleurs, si le conseil néglige de procéder aux nominations reqUlses ou de
convoquer l'assemblée, tout intéressé peut demander en justice la désignation d'un
mandataire
chargé
de
convoquer
l'assemblée
générale,
à
l'effet de
procéder aux
nominations ou de ratifier les nominations prévues.
L'on pourrait même envisager de recourir ici, à la procédure du référé (342) et
même à la nom ination d'administrateurs judiciaires à titre provisoire (343).
PARAGRAPHE II - LE STATUT PROPREIVIENT DIT DES ADMINISTRATEURS
A - LES POUVOIRS DES ORGANES DE DIRECTION
- 99 -
Pour mettre fin à l'imprécision - précédemment soulignée (supra n'86) - des
législations tant dans les pays d'Afrique noire francophone soumis à l'article 22 de la loi
de 1867 que dans ceux ayant opté pour le système du conseil d'administration avec
président-directeur général (ou directeur général), il suffirait de se wllier à la solution
préconisée par M.MEISSONNIER que nous approuvons pleinement et reproduisons ci-
après:
(342) PIQUERY, "Le jùge des référés el la convocation de ('assemblée générale, à la demande d'un
actionnaire",
Rev.Soc.1929,
p.145;
VIGNES,
"Les
pouvoirs
du juge
des
référés
commerciaux",
Rev.lrim.dr.com.1950, p.375 el s.; JUGLART, IPPOLITO. du PONTA VICE el OUPICHOT. op.cil., T.n.,
pA02, n'710-3 et 710-4.
(343) En France, il est prévu la désignation d'un mandataire ad hoc (an.L.94, al.5 el 0.81) ou d'un
adminisLIateur provisoire nommé en référé. V.LAPP, "La nomination judiciaire des administrateurs de
sociétés", Rev.trim.dr.com.1952, p.769 el s.
154
"En définirive, la question de l' opposabiliré Q[L,( riers des clauses
limiwtives des pouvoirs du conseil et du présidenr-directeur
général pour le Congo, le Gabon et la Guinée, de l'administrareur-
délégué pour les aUTres ETals d'Afrique (hormis les trois précirés)
(344), n'a pas été réglée d'une manière sari4aisanle par la
législarion africaine: c'est sous cet angle qu'il sera nécessaire que
les
Etats
concernés apporrent
des
modificarions
au
régime
actuellement en vigueur, de manière Il assurer la sécurité des riers.
Il suffirait, à cet éga. l
de reprendre la formule adoptée par le
législateur français dam les articles 98 et JJ3 (de la loi de J966 r,
L'article 98 de la loi française du 24 juillet 1966 dispose en effet:
"Le conseil d'administration est invesri des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. flles
exerce dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux
expressément attribués par la loi arC( assemblées d'actionnaires"
(345).
Par conséquent, le conseil a une comp~tence générale pour la gestion de la société.
C'est donc lui qui définit les objectifs et les grandes orientations de la société. Il peut
décider la conclusion de tous les actes qui ne lui sont pas spécialement interdits.
Bien que très importants, les pouvoirs du conseil d'administraLion pourraient être
encore renforcés: ainsi le conseil d'administration devrait être habilité à contrôler "a
posteriori" l'action du président (346). Un tel contrôle - complètant les décisions et
rapports annuels de l'assemblée générale et des commissaires aux comptes - pourrait avoir
(344) Notons que le Niger, qui a pourLant opté réœmmenl pour le régime du conseil d'adminisLraLion
(Ord.80-15 du 19 juin 1980), n'a pas réglé expressément celle quesLion.
CeLLe critique s'applique également à la Guinée, qui 3 pounant réalisé récemment la réforme de son
droit des sociétés (Ord.119 du 17 mai 1985).
En revanche, au GABON et en COTE-D'IVOIRE, ks limitations des pouvoirs que la loi attribue au
président du conseil d'administration sont inopposables aux tiers; cependant, les pouvoirs du conseil
d'administration ne sont pas définis au Gabon alors que la législation ivoirienne les prévoit et déclare
inopposable aux tiers toute restriction aux pouvoirs du conseil. Cf.Doss.lntern.F.LEFEB VRE, AfLnoire
fLop.cil., p.694-697.
(345) NB : Pour le Professeur ROBLOT (op.ciL., T.I, 1988, n01293, p.899) l'expression de l'arL.L.98, aUe,
"n'est pas heureuse: le conseil décide, mais n'agi! pas: le pal/voire de représelller la société à l'égard des
liers apparrienl {lU président seul".
(346) Ce souhait:l été émis en France par le professeur GUYON (op.ciL., n'350, p.349).
155
un effet salutaire dans la mesure OL! le président est souvent enclin à outrepasser les
pouvoirs qui lui sont impanis par la loi ou les statuts.
Par ailleurs, l'article L.113 prévoi t que:
"Sous réserve des pouvoirs expressément attribués par la loi aux
assemblées d'actionnaires ainsi qu'au conseil d'administration, et
dans
la
limite
de
l'objet
social,
le
président
du
conseil
d'administration assume, S01."
sa responsabilité, la direction
générale de la société".
Les pouvoirs conférés au président du conseil d'administration sont très importanrs
(347). Heureusement, certains actes, jugés spécialement dangereux, sont soumis à
autorisation: il s'agit des cautions, avals et garanties, réglementés par l'article L.98, alinéa
4.
B - LES CUMULS DE FONCTION
- 100 - En ce qui concerne le cumul d'un contrat de travail avec un poste d'administrateur,
la solution dégagée par la jurisprudence nous paraît tout à fait satisfaisante, à savoir qu'un
salarié peut conserver son contrat de travail s'il est nommé administrateur d'une société
africaine, dans la mesure où le contrat de travail est antérieur à la nomination en qualité
d'administrateur et où ce contrat correspond à des fonctions réelles et non fictives (348).
L'on ne peut que déplorer, comme a semblé le faire M.MEISSONNIER, que les
dispositions de l'article 2, alinéa 2 de la loi du 16 novembre 1940, n'aient pas été étendues
aux pays africains.
(347) NB. Pour le professeur GUYON (op.cil., n'343, p.342), la formule de l'arl.L.113, identique à celle de
l'arl.L.98, consacre l'omnipotence du président et "renforce l'effacemem du conseil".
(348) Cf.NlEISSON~IER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., n'245, p.274. Notons que "le contrat de
travail doit être licite et réel et ne doit pas avoir pour objet de tourner le principe de révocabilité ad nutum",
cf.MEISSONl'iIER, op.cil., p.301; LYON-CAEN Ct RENAULT, Traité de droit commercial, 5è éd., 1892,
T.III, n'837.
En France, le cumul est subordonné à deux conditions bien particulières:
- le contrat de lTavail doit être antérieur de deux ans au moins à la nomination de l'administrateur;
- le nombre des administrateurs liés à la société par un contrat de travail ne doit pas dépasser Je tiers
des administrateurs en fonction.
Sur la jurisprudence, cf.arrêt KARCHER du 12 décembre 1892 (Req.12 décembre 1892, D.P.1893,
l, 164); Civ.9 janvier 1928, 1, 158: Req.23 juillet 1930, S.193], l, 28; Req.13 juin 1936, D.1938, 1, 93, note
CORDONNIER.
156
Ce [ex.te dispose en effet:
"qu'aucun mernbre du conseil d'adminiSlrarion aUlre que le
présùienl,
l'adminislrareur
recevanl
une
délégarion
el
l'adminiSlraleur choisi cOlnme direcleur général ne peUl êlre
investi des foncrions de direcrion dans la sociélé".
Le problème s'était posé de savoir si l'interdiction \\ .sée par ce tex.te pouvait
s'appliquer au cumul des fonctions de directeur général et de directeur technique.
Après main [es hésitations, ce cumul a été admis de manière explicite et absolument
formelle par l'arrê[ du 5 juin 1959 :
".. .A défaUl de fraude, la loi du 16 novembre 1940, modifiée par
celle du 4 rnars 1943, ne compone aucune prohibirion d'Ull cumul
entre les fonctions d'adminiSlrareur, directeur général adjoinl
mandaraire d'une sociéré anonyme el celles de direcleur ieclznique
ou. commercial lié à la sociélé par WI conrrat de louage de service"
(349).
Depuis, et dans le silence des textes (350), les auteurs ont généralement considéré
que les règks antérieurement établies par la jurisprudence continuaient à s'appliquer
(351).
L'on doit donc admettre, en Afrique noire francophone, qu'un adminis[rateur peu[
être bénéficiaire
d'un contrat de
travail,
à condition que celui-ci ait été conclu
(349) Bull.civ.IV, n'690, p.552.; V.sur la question, RIPERT par ROBLOT, op.cil., T.1, 1988, n'12ï8, p.883.
(350) La loi de 1867 applicable aux pays d'Afrique francophone tout comme la loi française du 24 juillet
1966 sont muett-:s sur ce cumul; V.en ce sens, Equipe HSO, ouvrage précité, p.90 : "Dans les Etats visés à la
présente sous-seCliol1 ct, à la différence de ce que nous verrons plus loin (Ilotammenl pour le Sénégal), le
cumul des fonctions d'administrateur ou de président-directeur général avec un comrat de travail n'est pas
réglementé".
(351) HEMARD. TERRE et MABILAT, op.cil., T.I, n'994; de JUGLART, IPPOLITO, du PONTA VICE et
DUPICHOT, op.cil., T.II, 2è éd.n'726; CHARTIER, op.cit., p.M; BARDOUL, "Le cumul du mandat
d'administrateur et d'un contrat de directeur technique ou d'un mItre emploi salarié dans la société
anonyme", D.1964, Chron., p.265.
157
antérieurement à la nomination de l'administrateur et qu'il con'esponde à un emploi réel et
non fictif (352).
En revanche, la condition posée par l'article 93, alinéa 2 de la loi française du 24
juillet 1966 -"le nombre des administrateurs ne pew dépasser le liers des administrateurs
en fonction"- ne nous paraît pas devoir être étendu aux pays d'Afrique francophone;
d'abord, parce qu'elle peut "faire obstacle à l'intégration des salariés au conseil, alors que
celle-ci semble souhaitable" (353), ensuite, parce que son application est de nature à
susciter un
certi .. l
nombre
de
difficultés,
notamment
dans
le cJcul
du
nombre
d'administrateurs entrant dans la composition du conseil d'administration (354).
Il convient de souligner, toutefois, que la révocation du mandat du président
ou du directeur général ne met pas fin, en cas de cumul avec des fonctions de direction
technique, au contrat de rravail (355).
En ouue, un tel cumul, assimilablè à une convention passée entre la société et l'un
de ses adminisuateurs, devra faire l'objet de la procédure de l'article 40 de la loi de 1867 :
le contrat de travail devra donc être au préalable autorisée par le conseil d'administration
avec avis aux commissaires aux comptes de la société (356), s'il est postérieur à la
nomination aux fonctions d'administrateur.
Notons, au surplus, que la sanction du contrat de travail fictif serait sa nullité et
n'affecterait pas la validité du mandat d'administrateur (357).
Enfin, une incompatibilité doit être soulignée : les membres du conseil de
surveillance ne peuvent jamais être salariés, quand bien même le contrat de travail serail
antérieur à leur nomination.
(352) MEISSO\\'NIER, Droit des sociétés en Afrique, op.ciL., p.290-29 1: Equipe HSD, op.ciL., p.90.
(353) GUYON. op.ciL., p.319; soulignons que la condition posée par r art.L.93 a été reprise par les
législations Mali~nne (arL.394, in fine, C.Com.) et Sénégalaise (art.l253 a1.2, COCC).
(354) HEMARD. TERRE et MABILAT, op.ciL., n'S44.
(355) Rev .lrim.dr.com.1962, 276, obs.HOUIN; cL Sénégal, art.l277, al.3 (COCC).
(356)Cass.Soc.9 mars 1961, JCP.196l.II.l2163.
(357) GUYON. Op.CiL, p.318; Soc.7 juin 1974, Rev;soc.1975, 91, note CHARTIER.
158
C - LA REMUNERATION DES ADMINISTRATEURS
-
101
- A
l'instar des
conventions passées
avec
la
société, la rémunération des
administrateurs mérite une réglementation spéciale qui pernlette d'éviter les abus.
Or, il est difficle d'établir une étroite cOlTélation entre la rétribution due et la
foncrion exercée.
Aussi, le dispositif .lpplicable en ce domaine, devrait-il se borner à déknniner le
mécanisme de fixarion des rémunérations et non pas le montant exact des versements il
allouer aux administrateurs, car ce dernier procédé pourrait conduire il des injustices.
Par exemple, un administrateur qui n'a pas participé à toutes les séances de
l'assemblée générale pourrait se voir allouer le montant annuel des jetons de présence. A
l'inverse, on pourrait léser l'administrateur qui n'a pas assisté à toutes les séances parce
qu'occupé il faire des démarches pour le compte de la société (358).
Il serait plus juste de totaliser les présences aux séances. L'allocation globale,
divisée par ce nombre, donnerait le montant du jeton. A l'opposé, l'on pourrait faire
abstraction
des
présences,
en
divisant
le
total
de
l'allocation
par
le
nombre
. d'administrateurs (et en comptant le cas échéant pour deux le président); on obtiendrait
ainsi le montant annuel qui est délivré à chaque administrateur (359).
Une troisième possibilité consisterait à combiner les deux procédés en divisant
l'allocation globale en deux : une fraction distribuée sans tenir com pte des présences, le
solde constituant des jetons de présence effective.
Il serait souhaitable qu'en Afrique, le choix entre ces trois procédés incombe à
l'assemblée générale des actionnaires. De même, la détermination de la rémunération
annuelle fixe devrait être faite par cet organe. En effet, le système prédominant dans les
pays régis par l'aricle 22 de la loi de 1867, qui octroie au conseilla possibilité de répartir
les jetons entre ses membres et permet aux administrateurs intéressés de prendre part au
vote est loin d'offrir toutes les garanties voulues.
(358) DAL5ACE, op.cil., p.13ü
(359) C'est le système que l'on préfere généralemenl.
159
Du reste, au tenne dèS réformes récement réalisées dans certains pays d'Afrique
~--.
noire francophone, c'est à l'assemblée générale q~ê revient le pouvoir de fixer le montant
global des jetons de présence (360).
S'agissant des rém unérations exceptionnelles (361), il conviendrait qu'elles soient
soumises, en Afrique, au visa préalable des commissaires aux comptes.
De surcroît, étant donné qu'il serait illusoire de prétendre limiter impérativement le
montant de telles rémunérations, il y aura lieu de perfectionner l'info"nation des
actionnaires. L'on pourrait donc envisager -confonnément à une suggestion faite par M.le
Professeur GUYON pour la France- l'institution "d' lln état nominai qui fasse apparaitre
pour chaque aâminÎStrmeur les jetons de présence, les rérnllnérations exceptionnelles, le
cas échéant le salaire versé au titre d' LUI contrat de travail, les frais remboursés et, enfin,
les avantages ell nature et les sommes versées à des titres divers" (362).
L'on ne saurait trop insister sur la nécessité, pour les pays d'Afrique noire
francophone, de recourir au procédé sus-indiqué car il faut bien reconnaître que ni les
dispositions de l'anicle 22 de la loi de 1867, applicable à la plupart des pays africains et
pennettant d'allouer librement aux administrateurs des rémunérations permanentes ou non,
ni l'extrême souplesse de l'article 45 a\\.6 de l'ordonnance guinéenne du 17 mai 1985, qui
ne comporte aucune disposition en matière de tantièmes et de jetons de présence (le
montant de la rémunération étant détenniné par les statuts), ne sont de nature à préserver
les
actionnaires
d'une
surévaluation
par
le
conseil
des
sommes
allouées
aux
administrateurs surtout sous le couvert de "missions particulières" (363). Il n'est pas
(360) Cf.en ce sens, les législations des pays ayant opté pour le régime du conseil d'administration avec
président-directeur général de manière expresse (Congo, Côte d'Ivoire. Guinée, Niger) ou implicite;
(Cameroun, Gabon); adde les réformes plus récentes du Sénégal (al1.1270, COCC) et du Mali
(361) A titre d'information, nous soulignerons que les tantièmes ne sont pas prévus au ~Vhlli; les
administrateurs ne Peuvent donc percevoir que des jetons de présence ou des rémunérations exceptionnelles
(arl442-444, C.Com.); dans les autres pays, non soumis à l'article 22 de la loi de 1867, les tantièmes sont
limités à 10 % du bénéfice distribué (5 % au Séné~al, en vel1u de l'art. Il II , COCC) avec dotation dc la
réserve légale, déduction du premier dividence (s'i! en est prévu un, ou de 5 % du monLant libéré ct non
remboursé du capital social, dans le cas contraire) et des sommes repol1ées à nouveau (Sénégal, arL.IIIl
COCC).
.
Notons également l'imprécision de la législation guinéenne : sans utiliser le terme "jClOns de
présence" la loi précise que ''ies administrateuTS peuvent recevoir une rémunération dont le monlant est fixé
par les statuts".
(362) GUYON, Droit des arraires, op.cil., T.I, p.355.
(363) L'on peut citer parmi les rémunérations indirectes: le remboursement de l'rais fictirs, les avantages en
nal.ure c()nsist~nt t".n 1',,"iliç~linn ~, fi'rp npn.:nnnrd np...:' h;p,nc- d,,, 1-_, çnri~';tP
1":") rpn'lInpnH inn ;i ~In t:-,lIX excessif
160
superflu de sou 1igner LJ ue de telles
pratiques nu isen t aux actionnai res puisqu'elles
diminuent la rentabilité des actions, mais aussi à l'économie tour enrière puisqu'elles
diminuent les bénéfices imposables.
0- LE REGIME DES CONVENTIONS CONCLUES ENTRE LA SOCIETE ET
LES ADMINISTRATEURS
- 102 - L'anicle 40 de la loi du 24 juiller 1867, dans sa rédaction iniriale, a éré abrogé et
remplacé par une nouvelle rédacuon. L'article 40 était, en effer, à l'origine, rédigé comme
SUl[ :
"If est interdit aiU administrateurs de prendre ou de C0l1sen1er un
illlérêt direct ou indirect dans une entreprise ou dans un marché
fait avec la société ou pour SOIl compte, à moins qu'ils n' y soient
autorisés par l'assemhlée générale.
If est chaque aimée rendu à l'assemhlée générale un compte
spécial de l'exécution des marchés Oll elllreprises par elle aworisés
aux tennes da paragraphe précédent".
S'étanr aperçu que ce texre ne pouvair suffire à assurer un bon conrrôle de
l'assemblée sur les acres passés par les adminisrrareurs en leur nom ou au nom de la
société, les législateurs africains l'ont modifié en apportanr beaucoup plus de précision sur
la narure des opérations interdires.
Aux rennes de la nouvelle rédaction de l'article 40 :
- L'interdicrion ne vise plus seulemenr les enrreprises ou les marchés, mais roures les
conventions, sauf celles qui ponent sur les opérations de la société avec ses clients.
- L'autorisation du conseil d'administration doit être obrenue antérieurement à la
signature de la convention.
des avances en comple courant consenlies par l'administraleur à la sociélé ou les loyers el redevances trop
élevés pour les biens loués à celle-j.
NOLOns également la remarque pertinente de M.GUYON, Op.Cil, p.325 : "Ces rémunéralions peuvenl
être généralrices d' abus car d'exceplionnelles elles risquem de devenir régulières el se lransformer en
prébendes que des adminislTOleurs peu scrupuleux s' aur/bueraienl sans raison valable ".
161
- Les commissaires doivent présenter à j'assemblée générale un rapport spécial sur
les conventions autorisées par le conseil, et l'assemblée statue sur ce rapport.
- Différentes opérations sont formellement interdites et, à cet égard, aucune
autorisation du conseil ne saurait intervenir: il s'agit des emprunts Ou des découverts
en compte courant consentis à un administrateur autre qu'une personne morale, ainsi
que toutes cautions ou avals conférés au profit d'un administrateur personne
physique, à moins que la société n'exploite un commerce de banque.
La nouvelle rédaction de l'article 40 de la loi de 1867 mérite naturellement
quelques commentaires.
L'on peut relever d'emblée qu'elle se rapproche davantage de la loi française de
1966. Cela ne peut être qu'approuvé dans la mesure où la version originale comportait
d'importantes lacunes.
Mais si, d'un point de vue global, le nouveau texte réalise un meilleur contrôle des
conventions
intéressant
les
administrateurs,
il
n 'en
demeure
pas
moins
que
des
imprécisions subsistent.
Aussi conviendrait-il -en vue d'une efficacité plus grande et dans l'optique d'une
réforme du droit africain- d'ajouter au texte de l'article 40 nouveau les mentions que nous
énumérons ci-après.
S'agissant d'une
convention
devant
être soumIse
à autorisation
préalable,
l'administrateur intéressé en informera le conseil d'administration dès qu'il en aura
connaissance et ne pourra prendre part au vote.
Les législateurs africains devront donc améliorer l'information des actionnaires
relativement aux conventions soumises à autorisation. Ainsi, le rapport spécial établi par
les commissaires aux comptes (364) devra mentionner : les conventions soumises à
l'approbation de l'assemblée, le nom des dirigeants intéressés, la nature et l'objet desdites
(364) Le président du conseil d'administration donne 2vis aux commissaires aux comptes de LOutes les
conventions autorisées dans le délai d'un mois suivant leur conclusion et soumet ceJles-ci à l'approbation de
l'assemblée générale.
Lorsqu'il s'agit de l'exécution de conventions se poursuivant sur plusieurs exercices, les
commissaires en sont informés dans le mois de la clôture de "exercice.
162
conventions, les modalités essentielles de ces conventions, surtout en ce qui concerne les
prix et les tarifs pratiqués.
Une convention non autorisée préalablement pourra être annulée si elle a eu des
conséquences dommageables pour la société. En outre, les conventions approuvées ou
désapprouvées par l'assemblée produiront leurs effets à l'égard des tiers, sauf si elles sont
annulées pour fraude. Celles qu'elle désapprouve pourront, même en l'absence de fraude,
être mises
à la
charge de
l'administrateur ou
du
directeur
général
intéressé et,
éventuellement, des autres membres du conseil d'administration.
Les conventions irrégulièrement conclues ou approuvées seront frappées de nullité.
La nullité est cependant relative (365). Elle peut donc être couverte par un vote de
l'assemblée générale intervenant sur le rapport spécial des commissaires aux comptes.
La procédure d'autorisation préalable du conseil d'administration devrait également
s'appliquer lorsque les dirigeants d'une société ont un intérêt direct ou indirect dans lIne ou
plusieurs sociétés, lorsque les deux sociétés ont des dirigeants communs ou lorsque les
dirigeants traitent avec une autre société par personne interposée.
Il es! intéressant de noter, à ce propos, qu'en France, les articles 101 et 143 de la loi
de 1966 "penneuent de préserver l'équilibre et la loyauté dans les contrats" par le biais de
la présomption d'interposition.
E - LE REAMENAGEMENT DES DISPOSITIONS RELATIVES A LA TENUE
DES REUNIONS
- 103 - Rappelons que la tenue des assemblées générales fait panie des devoirs du conseil
d'administration. En l'absence de dispositions légales, ce sont les statuts qui fixent
actuellement les règles relatives aux convocations en Afrique noire francophone.
(365) Pour M.DAL5ACE, la procédure de couverture permet "d' éliminer une difficulté non résolue ni en
doctrine ni en jurisprudence concernant le caraClère absolu ou relatif de la nullité des convelllions
irrégulièremel1l conclues ou approuvées"; Pour M.GUYON, op.cil., pAlS, la nullité est relative et ne peUl
être couverte que par un vote de l'assemblée des actionnaires intervenant sur le rapport spéciale du
commissaire aux comptes. C'est, du reste, la solution retcnue par Ic législaleur français (art.L. 105, al.3).
163
Il est à noter que seule la législation gabonaise fait état du lieu de réunion (366)
(du conseil d'administration). L'on peut déplorer, toutefois, l'imprécision de ce texte qui
se borne à souligner que:
"Toutes les réunions doivent se tenir au Gabon et que, par ailleurs,
pour toute réunion ayant fieu hors du Gabon -sur autorisation
préalable du ministre chargé du CO/?1merce-, le conseil doit se tenir
dans les locaux de f' ambassade de f' Etat où la réunion a été fixée
ou en tout autre lieu désigné par f' anwassadeur".
Compte tenu de l'intérêt des précédentes dispositions, il conviendrait de prévoir
leur extension aux autres Etats africains en prenant soin de mentionner expressément que
les réunions du conseil ont lieu au siège social. Cette solution paraît être la plus logique et
la plus commode (367).
C'est au président-directeur général qu'il incombe de convoquer le conseil. Le tiers
au moins des administrateurs pourrait cependant y procéder en indiquant l'ordre du jour de
la séance si la dernière réunion remonte à plus de deux mois.
L'on notera qu'il est indispens(lble de convoquer touS les membres pour la
régularité des délibérations. L'absence d'un seul administrateur qui n'aurait pas été
convoqué suffit à entraîner la nul1ité de 1a délibération (368).
Confonnément à une pratique courante, l'on procèdera aux convocations par lettres
recommandées (369).
Devront être incluses parmi les personnes à convoquer, d'une pan les délégués du
comité d'entreprise (370) Oorsqu'i1 en existe un), lesquels assistent avec voix consultative
(366) An.9, L.lO décembre 1973.
(367) DALSACE, "Manuel des sociétés anonymes", Dalloz, 1967, n'146, p.118. Il eSl à nOler que la loi
guinéenne de 1962 accorde loule latilude au conseil de fixer lui-même le lieu des réunions.
(368) En ce sens, RrPERT el ROBLOT, op.cil., n'1295; HOUIN, Rev.rrim.dr.com.1972, p.116 et 1973,
p.569; BASTIA...'\\i, J.CI.Slés, Fasc.131, HEMARD, TERRE el MABILAT, op.cil., T.I, n'921.
(369) En France, les statuts peuvent prévoir la convocation par lellre simple (Colmar, 6jl.!in 1975, D.1975,
somm.118), 'ou même verbale. En raison des difficullés de preuve que cela pourrail susciler, nous
préconisons le maintien de la seule leltre recommandée dans les pays africains.
(370) En.ce sens, BASTIAJ"l, La communication aux comilés d'entreprise de renseignements d'ordre
r;" ..... T'U.;n,..
T Ç'A"
l()I1Q
: ' / 0 .
,,'TC", r TV
T .....
_.=.1,.."
~I~,..
~.,...~:.~ ..
~l' ••_,_,, __ :,__
...l ........ r-
1.........
ro ........ ;ÂI,.; ..................... "", .. rTlco<'
164
à toutes les séances du conseil d'administration, d'autre pan, les COl11mlss:.ures aux
comptes pour la réunion du conseil d'administration qui arrête les comptes.
L'indication de l'ordre du jour n'est pas obligatoire (371). L'on peut prévoir de
déterminer statutairement la fréquence des réunions.
En ce qui concerne le quorum nécessaire, il est généralement admis que le conseil
d'administration ne délibère valablement que si la moitié au moins des membres ~·ont
présents (372).
Pour ce qui est de la majonte nécessaire à la prise de décisions, c'est la même
proportion, à savoir la moitié des membres présents, qui devrait s'appliquer pour le conseil
d'administration (373).
En cas de partage, la voix du président devrait être prépondérante. Cette faculté ne
doit cependant pas dégénérer en abus de droit (374). Pour prévenir un tel risque, il serait
prudent d'exclure les administrateurs de tout vote portant sur des mesures les iméressant
personnellement (375) et d'interdire les conventions de VOle à l'intérieur du conseil
d'administration.
Dr.soc.1948, 8i: arrêt du 24 octobre 1960, D.1961, 9i, note DALSACE; JCP.1961.11.11972, note BASTIAJ~,
contra CHARTIER, op.cil., p.llO, définit une orientation nouvelle dans le cadre de la nouvelle loi française
du 24 juillet 1966. En Afrique, l'institution du comité d'entreprise n'est pas très répandue (v.infra n'I09 et
note 450). Toutefois, il convient de souligner, dans les pays à tendance "socialiste", l'existence d'organes de
représentation des travailleurs à caractère syndical et entièrcment contrôlés par le "Parti" (infra n'238 et s.).
(371) Trib.com.:\\antes, 8' juillet 1900, J.Soc.1901, 416: Trib.Com.St Etienne, 1er mars 1904, J.Soc.1904,
233.
(372) Pour justifier le choix de cette majorité simple, l'on peut souligner, comme le fait M.DALSACE, que
l'exigence d'une majorité plus fOrle risque d'offrir de sérieux inconvénicnts pratiques en bloquant
l'administration de la société; v.notamment en ce sens, arL.4, Loi ivoirienne du 2 août 1983; en France, le
quorum est du Ljuant au capital social pour une première convocation; sur deuxième convocation, aucun
quorum n'est exigé: au Sénégal, arl.1262, aUer (COCC); au Mali (art.40l, C.Com).
(373) Le conseil ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents.
(374) Les tribunaux peuvent être amenés à annuler pour abus de droit une délibération du conseil,
Cass.com.19 janvier 1959.1I.! 0966, note BASTIAN.
(375) Contr:l, Grenoble 12 juillet 1899, D.P.190 1.2.262; Rennes 5 mars 1908, Journ.Soc., 1909, p,447.
165
Il n'est pas sans intérêt de souligner que les règles récemment adoptées dans
certains pays d'Afrique noire francophone relativement aux délibérations du conseil
d'administration, som confonnes à celles définies ci-dessus (376).
SOUS-SECTION III - L'HARMONISATION DU DROIT POSITIF AFRICAIN
AUTOUR DU REGIME DU DIRECTOIRE
- 104 - Pour les raIsons évoquées plus haut (supra, n085) la SA à directoire, dont la
structure est essentiellement fondé~ sur l'idée d'une meilleure répartition GéS pouvoirs
entre les organes de direction et de contràle, devrait être adoptée par l'ensembk des pays
d'Afrique noire francophone.
L'idéal serait même, nous l'avons souligné, que cette structure nouvelle se
substitue progressivement à la SA à conseil d'administration.
Mais, actuellement, les Etats a' Afrique nOire, insuffisamment préparés à la
consécration de la seule société à directoire, ont préféré, du moins pour deux d'enrre eux,
le Sénégal et le Mali, adopter un système dualiste regroupant à la fois la SA de type
classique et de type nouveau. Il faut souligner, cependant, que la SA à directoire n'a été
prévue que par un seul pays d'Afrique noire: le Mali.
Deux atouts majeurs justifient, à notre aVIS, la généralisation du système du
directoire en Afrique noire francophone: le meilleur équilibre des pouvoirs entre les divers
organes et la possibilité d'une meilleure intégration des actionnaires (et salariés) à la
gestion sociale.
Ces deux idées force seront abordées à travers le plan suivant:
- Les fondements de l'option en faveur de la SA à directoire (Paragraphe 1)
- Les conséquences de l'option en faveur de la SA à directoire (Paragraphe II).
(376) En Côte d'Ivoire (anA, L.83-789 du 2 août 1983), au Sénégal (art.I262, COCC) et au Mali (ar1.40I,
C.Com.), le conseil d'administration (ou le conseil de gestion, au Sénégal) délibère si le quorum de moitié
est atteint et à la majorité des membres ou représentés (sauf majorité plus élevée prévue par les statuts. La
voix du président est prépondérante en cas de partage.
166
PARAGRAPHE 1 - LES FONDEMENTS DE L'OPTION EN FAVEUR DE LA SA A
DIRECTOIRE
- 105 - La nouvelle orgafllsation de la société anoyme, instituée par les articles 118 et
suivants de la loi français du 24 juillet 1966, présente un grand intérêt. Elle repose. en effet
sur une distinction plus précise entre la fonction de gestion et la fonction de surveillance et
s'articule autour de deux organes: l'un, qui est le directoire (à structure collégiale) ou un
directeur général unique (377), selon les cas, réunit les pouvoirs d'administration et de
direction tandis que l'autre, le conseil de surveillance, nommé par les actionnaires et
éventuellement, pour partie, par les salariés, contrôle la gestion et les comptes. En outre,
l'amélioration de l'information favorise une meilleure surveillance de la gestion par les
actionnaires et, inversement, elle incite les dirigeants sociaux, désormais tenus de rendre
compte de la situation de la société, à une gestion plus scrupuleuse (infra n° 106).
La distinction entre la surveillance et la direction permet donc de préserver
l'équilibre des pouvoirs.
L'assemblée générale nomme et révoque les commissaires aux comptes, les
membres du conseil de surveillance, se prononce sur la gestion et les comptes sociaux,
répanit les bénéfices, modifie les statuts.
Le directoire gère la société, tandis que le conseil de surveillance contrôle la
gestion (sans empièter sur les amibutions des commissaires aux comptes).
En
effet,
le
conseil
de
surveillance
est
essentiellement
chargé,
avec
les
commissaires aux comptes, de contrôler la gestion de la société par le directoire. A ce titre,
c'est lui qui délivre à ce dernier les autorisations nécessaires à l'exercice des actes les plus
importants.
Comme on le voit, la séparation des pouvoirs procède de l'exacte répartition des
compétences entre les différents rouages de la SA et essentiellement de l'indépendance de
l'assemblée des actionnaires par rapport au conseil de surveillance et au directoire.
(377) Au f."lali. le directoire est composé dc cinq membres au plus avec faculté de désigner un dircctcur
général unique si la société a un capital social inférieur à 50.000.00 F (an.420, C.Com.).
Rappelons cependant que nous sommes favorables à la suppression de la SA à direction unique
(supra, n '90).
167
Les acnonnalfes élisent un conseil de surveillance, lequel élit les membres du
directoire. En outre, c'est l'assemblée générale qui nomme les commissaires aux comptes,
chargés d'assister le conseil de surveillance dans l'examen des comptes présentés par la
direction.
Le directoire est investi en revanche des pouvoirs de représentation de la société.
L'on doit également relever que l'indépendance du directoire par rapport au conseil de
surveillance est assuré p'ar le fait que se~ members ne peuvent être révoqués que pour motif
grave, sous contrôle ~ciaire.
Ainsi, le directoire possède tous les pouvoirs pour agir au nom de la société, er le
rôle du conseil de surveillance consiste à contrôler le directoire.
PARAGRAPHE II - LES CONSEQUENCES DE L'ADOPTION DE LA SA A
DIRECTOIRE
- 106 - L'existence dans la SA à directoire, de deux types d'organes, le directoire et le
conseil de surveillance, n'est pas sans influencer l'organisation et la définition des
pouvoirs.
Par ailleurs, cette structure nouvelle assure un meilleur équilibre des pouvoirs et
accroît le rôle des actionnaires grâce,
notamment, au renforcement de
leur droil
d'informarioll. Car si celui-ci est prévu par les dispositions applicables à la SA dotée d'un
conseil d'administration, c'est bien la structure du directoire qui constitue le meilleur
"champ d'expression" pour les actionnaires.
A - L'ORGANISATION ET LA DEFINITION DES POUVOIRS
DANS LA SA A DIRECTOIRE
- 107 - Nous nous bornerons à un examen sommaIfe de la SA à directoire, en mettant
l'accent sur les traits spécifiques, dans la mesure où la plupart des règles qui présidenr à
son organisation et à son fonctionnement sont calquées sur la SA de type classique, déjà
étudiée au paragraphe précédent.
Il sera question ici des règles qu'il serait souhaitable d'appliquer aux SA à
directoire dans les pays d'Afrique noire francophone. Notre étude sera brève et nous
mettrons essentiellement l'accent sur les traits spécifiques de cette structure sociétaire
168
nouvelle, dans la mesure où bon nombre ck principes ùevant présiuèf ft son organisation et
à son fonctionnement seront calqués sur la SA de type classique, étudiée précédemment.
1°) L'OI-ganisation du directoire et du conseil de surveillance
a) Le directoire
- 108 - Il devrait se composer de deux à cinq membres (378). Les membres du directoire
seront désignés par le conseil de surveillance qui désignera également le président du
directoire, choisi parmi ses membres (379).
Le directoire devrait être nommé pour une durée de 3 à 5 ans; c'est une durée plus
courte que celle du mandat d'administrateur (380). D'autres points de comparaison avec
le statut des administrateurs et des
présidents ou directeurs généraux peuvent être
soulignés:
- seules les personnes physiques poulTont accéder au directoire;
- la qualité d'actionnaire ne sera pas exigée des mem bres du directoire, à la
différence des administrateurs (381):
-la condition d'âge sera celle prévue pour les présidents-directeurs généraux (382);
(378) En France, la loi fixe le nombre minimum ct maximum de membres du directoire, laissant aux Sl<Jtuts
et au conseil de surveillance le soin de préciser la composition du directoire (an.D.96).
(379) Au Mali, le directoire est composé de cinq membres au plus avec faculté de désigner un directeur
général unique si la société a un capital social inférieur à 50.000.000 F (arl.420, C.Com., inspiré de
l'an.L.119). Rappelons que nous sommes favorables à la suppression de la SA à direction unique.
(380) Au Mali, la durée des fonctions des membres du directoire est de quatre ans (an.424, C.Com.).
(381) Il n'y a, à notre avis, aucune raison valable d'interdire l'exigence de la qualité d'actionnaire aux
membres du directoire; v.cependant sur celle question, GUYON, op.cil., T.I, n"352, p.352; RI PERT par
ROBLOT, op.cil., T.I, n"1313, p.913.
(382) Le Mali a repris la solution du droit français (an.L.120-1 nouveau) : une limite d'âge doit donc être
prévue par les statuts: à défaut celle limite est de 70 ans (artA22, C.Com.).
La détermination d'une limite d'âge ne nous paraît pas devoir être généralisée en Afrique noire
francophone (cf.supra, n"99).
169
- nul ne pourra appaI1enir simultanément à plus de deux directoires (383):
- il sera rigoureusement interdit aux membres du conseil de surveillance de faire
partie du directoire;
- les membres du directOire pourront également être salariés à la seule condition qu'il
s'agisse d'un emploi effectif distinct de la fonction directoriale;
- la révocation sera prononcée par f' a'\\'embLée généraLe de la société sur proposition
du conseil de surveillance; il y a là une dissyméuie avec la procédure de nomination,
justifiée par le souci de sauvegarder l'indépendance du directoire par rapport au
conseil de surveillance (384).
Une révocation intervenue sans juste motif ouvrira droit à dommages-intérêts.
- L'acte de nomination du directOire fixera le mode et le montant de la rémunération
de chacun des membres du directoire (385).
b) Le conseil de surveillance
- 109 - Le statut juridique des membres du conseil de surveillance est semblabk, en
principe, à celui des administrateurs dans la SA du type classique. Cependant, comme nous
l'avons souligné, la structure du directOire se prête davantage à la représentation des
salariés à côté des membres nommés par les actionnaires.
- Composition
- 110 - Le conseil de surveillance devrait se composer de trOis à douze membres, s2.uf
dérogation en cas de fusion. Ceux-ci devront être nommés, soit par les statuts, soit par
l'assemblée constitutive, soit encore, pendant la vie sociale, par l'assemblée générale des
(383) Le cumul de plus de deux mandats de membre du directoire ou de directeur général unique est interdit,
pour des sociétés ayant leur siège au Mali. Même dans cette limite étroite, le cumul doit être autorisé par le
conseil de surveillance (art.429, C.Com.).
(384) Comp., en ce sens, arL.423, C.Com. (Mali).
(385) En ce sens, arL.425, C.Com. (Mali).
170
actionaires, pour une durée qui ne pourra excéder six ans (trois ans en cas de nomination
par voie statutaire) (386).
- Actions de garantie
- III - Les membres du conseil de surveillance devraient être propriétaires d'un nombre
d'actions affectés, selon notre avis, à la garantie des actes de leurs fonctions. C'est donc
cette conception que nous souhaiterions voir s'étendre en Afrique noire francophone, bien
qu'elle diverge de l'interprétation du droit français selon laquelle les élctions exigées des
membres du conseil de surveillance sont simplement destinées à établir qu'ils portent un
intérêt suffisant aux affaires sociales (387). Notons que la thèse française se justifie
parfaitement dans la mesure où les membres du conseil de surveillance n'encourent, en
principe, aucune responsabilité du fait de la gestion par le directoire (388).
Malgré les apparences, l'exigence des actions de garantie n'est pas dépourvue
d'intérêt. Elle pourrait, au contraire, aider à la réparation des fautes commises par les
membres du conseil de surveillance (389), tout au mans dans les cas suivants:
- en cas de fautes personnelles commises
---
dans l'exécution de leur mission (390);
- en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution de leur pouvoir de contrôle de la
gestion de la société par le dierctoire, ou encore en cas d'immixtion dans la gestion
sociale;
- en cas d'autorisation d'actes de gestion préjudiciables à la société;
- en cas de non révélation à l'assemblée générale de délits commis par le directoire,
dont ils auraient eu connaissance.
(386) CLMali, anA36, C.Com.
(387) CLRIPERT par ROB LOT, op.cil., T.I, n' 1325, p.920.
(388) CLGUYON, Op.CiL, T.I, n'355, p.355.
(389) v.RIPERT par ROBLOT, Op.CiL, n'1330, p.922.
(390) CLarlL.250.
171
L'on voit donc, qu'à l'instar de l'épée de Damoclès, le risque de voir engager leur
responsabilité dans les cas précités pourrait inciter les membres du conseil à une meilleure
diligence, dans la conduite des affaires.
Dans le système préconisé pour i'Afrique noire francophone, la mise en cause de la
responsabilité des membres du conseil de surveillance - y compris du fait de la gestion par
le directoire, et dans des cas bien spécifiques il est vrai - justifierait l'exigence, en
contrepartie, des actior.s de garantie (391).
Par exception, la cooptation sera possible, dans les mêmes termes que pour le
conseil d'administration.
Le conseil
de
surveillance
pourra
donc
procéder à des
nominations provisoires de nouveaux membres sous réserve de ratification par l'assemblée
générale ordinaire,
laquelle
sera
seule
compétente
pour compléter
le
conseil
de
surveillance lorsque le nombre de ses membres sera devenu inférieur à trois (392).
Le président et le vice-président du conseil de surveillance, élus pa11111 ses
membres, devront obligatoirement être des personnes physiques (ne représentant pas une
personne morale) (393).
Les membres du conseil de surveillance seront rééligibles et révocables à tout
moment par J'assemblée générale ordinaire.
En Afrique noire francophone, les personnes physiques devraient être autorisées à
cumuler jusqu'à huit mandats de membre du conseil de surveillance (sauf stipulation
contraire des statuts) (394).
Le conseil de surveillance ne pourra délibérer valablement que si la majorité de ses
membres est présente. Les décisions seront prises à la majorité des membres présents et en
cas de partage, la voix du président sera prépondérante, sauf disposition contraire des
statuts.
(391) C'est la conception qui a semble-t-il été retenue par je législateur Malien (cLart.462, C.Com.).
(392) Cf.an.439, C.Com. (Mali).
(393) En ce sens, art.440, C.Com. (Mali).
(394) (Au Mali), le cumul de plus de cinq mandats de membres du conseil de surveillance de sociétés
maliennes est interdit aux personnes physiques (art.438 C.Com.).
172
Dans les sociétés comportant un comité d'entreprise, deux
~I cinq délégués
assisteront obligatoirement aux séances du conseil de surveillance avec voix consultative.
Dans le même ordre d'idées, devra être prévue, en Afrique notre francophone, la
faculté d'introduire dans les statuts des disposilions permettant aux représentants du
personnel salarié de siéger avec voix délibérative au sein du conseil de surveillance.
Soulignons que cette représent::ltion des salariés, qui est envisageable dans la SA à Conseil
d'administration (395), s'adapte particulièrement ;1 la vocation collégiale de la SA à
directoire et conseil de surveillance.
La qualité de membre du conseil de surveillance est incompatible avec celle de
membre du directoire et de commissaire aux comptes dans la même société.
Enfin, s'agissant de la rémunération, la législation malienne (396), s'inspirant du
droit français (397), impose à l'assemblée générale d'allouer uniquement des jetons de
présence ou des rémunérations exceptionnelles (pour missions ou mandats spéciaux) aux
membres du conseil de surveillance. Il faut en déduire que ces derniers ne sauraient être
salariés de la société. Cette iIiterdiction, fondée sur le souci d'éviter "qu'un organe chargé
de surveiller le directoire soit en même temps subordonné à celui-ci dans j'exécution d'un
contrat de travail" (398) et qui est donc tout à fait justifiée lorsqu'elle s'applique ail cumul
de la qualité de membre du conseil de surveillance avec une fonction salariée, devrait
souffrir une exception, dans le cas où les membres du conseil recevraient un salaire en
exécution d'un contrat de travail (399). Comme le souligne en effet le profesesur
GUYON, "il serail souhailable que des salariés, désignés par leurs pairs. puissenr siéger
au conseil de surveillance" (400).
(395) Cf.RIPERT par ROBLOT, Op.CiL, T.I, n' 1289, p.R94.
(396) an.442-444, C.Com.
(397) an.L.142.
(398) RIPERT par ROBLOT, Op.CiL, T.l, n'1328, p.92 1.
(399) La dérogation dont bénéficient les adm inistrateurs, en France, en venu de l'arLL.l 07, serait donc
transposable aux membres du conseil de surveillance, cf.RIPERT par ROBLOT, Op.CiL, T.I, n'1328, p.922:
"L'arL107, qui a pour objet de définir limitativement lès différents types de rémunérations que peuvent
encaisser les administrateurs, réserve l'hYPOlhèse d3ns laquelle un administrateur recevrait un salaire en
exécuLion d'un contrat de travail. L'an.142, qui applique Je même principe aux rémunéralions des membres
du conseil de surveillance, ne comporte pas la même réserve.
(400) GUYON, op.cil., T.I, n'355, p.356.
173
De ce qui précède, nous déduisons qu'il conviendrait d'octroyer un statut de salarié
aux membres du conseil de surveillance dans les pays d'Afrique noire francophone.
Les membres du conseil
de surveillance sont responsables
de
leurs
fautes
personnelles, mais ils n'encourent, en principe, aucune responsabilité en raison des actes
de la gestion et de leur résultat (401).
2°) Les attributions du directoire et du conseil de surveillance
a) Les attributions du directoire
- 112 - Le directoire devra être investi d'un certain nombre d'attributions précises
convocation de l'assemblée générale: établissements de comptes mais aussi de rapports
trimestriels et de rapports spéciaux sur un certain nombre d'opérations.
Il possèdera par ailleurs
les pouvoirs
les plus étendus
pour agir en toute
circonstance au nom de la société. Dans les rapports avec les tiers, la société sera engagée
même par les actes du directoire ne relevant pas de l'objet social. Toutefois, les avals,
cautions et garanties ne pourront être donnés par le directoire que sur autorisation du
conseil de surveillance.
Au contraire, dans l'ordre interne, le directoire ne devra agir que dans les limites de
l'objet social et respecter les limitations de pouvoirs que lui imposent les statuts. Ces
limitations de pouvoirs seront inopposables aux tiers, sauf lorsque ceux-ci en auront cu
connaIssance.
b) Les attributions du conseil de surveillance
- 113 - Le conseil de surveillance aura pour misSion principale d'exercer le contrôle
permanent de la gestion de la société par le directoire (402). Il assurera ce contrôle de
deux manières: d'une part, en opérant les vérifications qu'il juge opportunes et, d'autre
part, en recevant du directoire un rapport trimestriel (403).
(401) CLan.S47, C.Com. (Mali).
(402) Art.430, C.Com. (Mali)
(403) Art.430, a\\.6 à 9, C.Com. (Mali).
174
Le contrôle ainsi opéré est un contrôle d'opportunité et de régularité.
A ce pouvoir de surveillance s'ajouteront d'autres attributions. Le conseil de
surveillance devrait être en effet compétent pour :
- nommer les membres du
directoire, désigner son
présidcnt et proposer a
l'assemblée la révocation des membres en cas de faute ou d'empêchement (404);
- présenter à l'assemblée ordinaire annuelle un r~rJport contenant ses observations sur
le rapport du directoire et les comptes de l'exercice qu'il vient de vérifier (405),
- convoquer l'assemblée générale (406);
- autoriser les conventlons intervenucs entre la société et l'un de ses dirigeants
(407);
- autoriser les cautions, avals et garanties donnés par le directoire (408);
- décider le déplacement du siège social, sous réserve d'une ratification
par
l'assemblée générale (409).
B - LE REGIME DES CONVENTIONS DANS LESQUELLES LES MEi\\'IBRES DU
DIRECTOIRE OU DU CONSEIL DE SURVEILLANCE SONT INTERESSES
- 114 - Toute convention intervenant entre une société et l'un des membres du directoire
ou du conseil de surveillance de cette société, devra être soumise à l'autorisation préalable
du conseil de surveillance (410) . Il devrait en être de même des conventions auxquelles
(404) Cf.arl.421 et423 notamment, C.Com. (Mali).
(405) Arl.430, a1.9, C.Com. (Mali).
(406) Art.457, C.Com. (Mali).
(407) Arl.445, C.Com. (Mali).
(408) Art.430, aU, C.Com. (Mali).
(409) Arl.427, C.Com. (Mali).
(410) Art.445 aLler, C.Com. (Mali), toutes les dispositions visées dans le présent paragraphe concernent Je
('rvip. m~ lipn ri" ('("lm mprpp
175
un des membres Çsr indirectemenr intéressé ou dans ksquçlles il traite avec };1 société par
personne interposée (411).
Seront également soumIses à autorisation préalable les conventions IIltervenant
entre une société et une entreprise, si l'un des membres du directoire ou du conseil de
surveillance de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant,
administrateur, directeur ou membre du directoire ou du conseil de surveillance de
l'entreprise (412).
Les dispositions ci-dessus ne seront pas applicables aux conventions portant sur des
opérations courantes Ç[ conclues à des conditions normales.
Le membre du directoire ou du conseil de surveillance intéressé par une de ces
conventions sera tenu d'en
informer le conseil de surveillance dès qu'il en aura
connaissance (413). S'il siège au conseil de surveillance, il ne pourra pas prendre part au
vote sur l'autorisation sollicitée (414)."
Le président du conseil de surveillance donnera avis aux commissaires aux comptes
de toutes les conventions autorisées dans le délai d'un mois à compter de leur conclusion
et, s'il s'agit de continuation de conventions autorisées au cours d'exercices antérieurs,
dans un délai d'un mois à compter de la clôture de l'exercice, et il soumettra celles-ci à
l'approbation de l' assem blée générale ( 4 15).
Les commissaires aux comptes présenteront sur ces conventions un rapport spécial
à l'assemblée qui statue sur ce rapport (416). L'intéressé ne pourra pas prendre pan au
vote et ses actions ne seront pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la
majorité (417).
(411) AIl.445, :.11.2, C.Com.
(412) Art.445 , aU, C.Com.: L.143 France.
(413) Art.446, al.l er, C.Com.
(414) An.446, :.11.2, C.Com.
(415) Art.446, aU, C.Com.
(416) Art.446, alA, C.Com.
(417) Arl.446, a1.5, C.Corn.
176
Les conventions approuvées ou désapprouvées devront produire leur effet à l'égard
des tiers, sauf en cas d'annulation pour fraude; au cas où elles seraient désapprouvées et
même en l'absence de fraude, l'intéressé et éventuellement tous les membres du directoire
pourraient être amenés à supporter les conséquences dommageables en résultant (418).
Sans préjudice de la responsabilité de l' iméressé, les conventions conclues sans
autorisation préalable du conseil d~ surveillance, pourront êU'e annulées au cas où elles
auraient eu des cL.lséquences dommageables pour la société (419).
L'action en nullité se prescrira par trois ans à compter de la date de la convention.
Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de prescription sera
reporté au jour où elle a été révélée (420).
La nullité pourra être couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur
le rapport spécial des commissaires aux comptes exposant les circonstances en raison
desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie, l'intéressé ne pouvant pas prendre
part au vote (421).
A peine de 'lullité du contrat, il sera interdit aux membres du directoire et du
conseil de surveillance, autres que les personnes morales, de contracter, sous quelques
forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un
découvert, un compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par
elle leurs engagements envers les tiers (422).
Toutefois, si la société exploite un établissement bancaire ou financier, cette
interdiction ne s'appliquera pas aux opérations courantes de commerce conclues à des
conditions normales (423).
(41S) ArtA47, 3Ll el2, C.Com.
(419) Ar1.44S, aLler, C.Com.
(420) Ar1.44S, a1.2, C.Com.
(421) Ar1.44S, 31.3, C.Com.
(422) Ar1.449, aLler, C.Com.
(423) Ar1.449, 31.2, C.Com.
177
La même
interdiction s'appliquera
aux représentants
des
personnes morales
membres du conseil de surveillance, ainsi qu'aux conjoints, ascendants et descendants de
toutes ces personnes, comme à toute personne interposée (424).
Le régime des conventions, ci-dessus exposé, et largement inspiré de la réforme
malienne des sociétés (le Mali étant le seul pays d'Afrique noire ayant opté pour le
système du directoire), devrait être repris par les aucres Etats africains en vue de
l'harmonisation de leurs droits.
C - LE RE:"iFORCEMENT DU DROIT D'INFORMATION DES ACTIONNAIRES
- 115 - En théorie, l'assemblée générale est l'organe supeneur de la société. Mais, en
réalité, le pouvoir effectif est détenu par les organes de gestion et d'exécution de la société
anonyme (425').
Il s'ensuit que le rééquilibrage des organes de la SA passe par le renforcement du
rôle des actionnaires et, donc, par l'amélioration du droit d'information.
Pour conférer le maximum d'efficacité au droit d'information des actionnaires; il
conviendrait de prévoir tout spécialement l'obligmion de faire établir à leur intention un
état récapitularif des opérations importantes passées par la société.
Outre la communication qui leur est faite lors de l'assemblée annuelle, il serait
souhaitable d'affecter une partie des bénétices de la société aux frais que nécessite
l'expédition par voie postale des rapports adressés "régulièrement" aux actionnaires. Ceci
per.-nettrait d'atténuer dans une large mesure les inconvénients inhérents il l'absentéisme
des actionnaires, de favoriser davantage (426) le vote par procuration et même d'instituer
le vote par correspondance dans les pa ys d' Afriq ue noire francophone (427).
Mais la réalisation d'un tel objectif suppose l'existence d'un nombre réduit
d'actions au porteur. Or, devant la difficulté pratlque d'imposer l'acquisition de titres
(424) Art.449, 3.\\.3 et 4, C.Com.
(425) Cf.GUYON, op.ciL, T.l, n'289-290, p.276-277.
(426) Cf.décrel-ioi du 31 aoûl 1937 ayant complété l'anA de la loi du 13 novembre 1933, relatif au libre
exercice du droit de VOle en Afrique noire francophone; cLégalement MEISSONNIER, n'334 et S., p.345 et s.
(427) Comp. en France la loi du 3 janvier 1983 a institué le vote par correspondance.
nominatifs -qu'il faut encourager dans la mesure du possible-, il serait souhaitable de faire
appel à un représentant des actionnaires qui serait chargé d'une mission exclusive
d'information.
fl importera de. distinguer cette fonction des attributions du conseil d'entreprise.
L'un des maux actuels de l'Afrique réside en effet dans l'incursion excessive de la
politique et d'''une certaine fonne de syndicalisme" dans lè domaine économique et social,
ce qui conduit, entre autres inconvénients, à la baisse du rendement des entreprises.
Par ailleurs,
l'accès à l'assemblée générale devra être libre pour tous
lès
actionnaires en Afrique noire francophone. L'adoption d'une telle disposition, fondée sur
la nécessité de mieux faire apparaître le caractère démocratique de la SA et de faire
participer davantage les actionnaires à la vie de la société, emportera suppression des
mesures actuelles, qui subordonnent l'admission aux assemblées ordinaires à la détention
d'un nombre minimal d'actions (42 8J.
N'oublions pas que les assem blées "souffrem généraLemem pLus d'ahseméisme que
de pLéthore" (429).
Toutes restrictions conventionnelles ou statutaires au droit de participarion des
actionnaires ou toute attitude des dirigeants visant à faire obstacle à l'exercice de ce droit
devraient être déclarées nulles.
Cependant, compte tenu de la difficulté -qui peut surglf- de réunir tous les
actionnaires dans une même salle de réunion, il y aura lieu de m~lÏntenir la possibilité de
recourir à la procédure consi:'tan~ pour les petits actionnaires à se grouper et à s~ faire
représenter par l'un de ux (430).
(428) Cf.ivŒISSONNŒR, "Droit des sOCietes en Afrique", op.cil., n'336 et S., p.347 et S., relatifs aux
limiLal..i,
s conventionnelks du droit d' adrn ission et de vote des acLionn~l ~s.
Sur le droit de vote, en Afrique noire francophone, cLEquipe HSD, ouvrage précité, p.84 : "Le droit
de vote suppose le droit d'accès ci l'assemblée générale et la possibilité de .(y faire éventuellement
représenter".
Ce droit est reconnu par toutes les législations africaines, qui prévoient cependant (sauf en Guinée)
que les statuts peuvent exiger la détention d'un nombre minimum d'actions pour participer aux assemhlées
ordinaires, sans que le nombre ne puisse ètre supérieur ~ 20 (selon la loi de 1~67) ou il 10 (au Séné ua! ,
art.1318 COCe: et au Mali, artA46, C.Com.).
(429) En ce sens, GUYON, op.cil., T.I, p.276-277; COZIAN et VIANDIER, op.cil., n'IOS3, p.n8:
DUPICHOT, du PONTA VICE et autres auteurs, op.cil., T.Il, n '761, p.747.
(430) Comp.Fr;lnce, ;lrLL.165. Soulignons que celle possibilité est prévue en Afrique noire fr;lncophone par
('arlA de b loi du 1er août 1893, qui a complété l'art.27 de la loi de 1867. Cependant, ''l'orcfOflnwlcc
guinéenne du 17 mai 1985 ne prévoit aucune disposition concernant le groupement cf' actionnaires, en raison
179
Parmi les autres mesures destinées à améliorer l'information des actionnaires, il
faut citer:
- les informations jointes à la lettre de convocation (dans le délai de qUll1ze JOurs
précédant la réunion de l'assemblée);
- les informations envoyées aux actionnaires qui en font la demande;
- les infornlations commùniquées aux actionnaires qui se rendent au siège social;
- le droit de poser des questions écrites;
-la communication de documents sociaux (431).
Relativement à cette dernière formalité, il y a lieu de souligner que la législation
applicable aux
pays d'Afrique
noire
francophone
en
matière
de convocation aux
assemblées générales n'a pas prévu l'obligation de joindre des documents à toute formule
de vote par 'procuration. Par conséquent, les formules de pouvoir devraient comporter,
notamment, outre l'ordre du jour, la date et l'heure de l'assemblée et le lieu de réunion,
dufai/ qu'aucune disposi/ion de ce lexie ne permet de limi/er le droi/ d' accès QlU assemblées générales", cf.
Equipe HSD, op.cil., p.84. Le groupement des Jctions est au Sénégal prévu par l' arl. 1319 (COCC) et au i'vlali
par l'arl.460 (C.Com.).
Alors qu'il est possible à un actionnaire, si les sWtuts le permettent, de se faire représemer par un
non actionnaire, le S~néuaj (art.l315, COCC) ct le Mali (art.460, C.Com.) imposent la représenwtion
obligatoire par un autre actionnaire (ou par le conjoinL un ascendant, ou un descencbnt au Mali).
(431) Cf. aI1.L.168 et D.l38; cLégalement GUYON, Op.CiL, T.I, n'295, p.284 et 285. Rappelons qu'en
Afrique noire francophone, le droit de communication des actionnaires antérieurement à la tenue de
l'assemblée générale ordinaire est régi par l'arL35, L.1867, modifié par le décret-loi du 3 octobre 1935.
Au Sénégal, le droit de communication avant l'assemblée est prévu par l'aI1.l322 (COCC). Cet
article vise toutes sortes de documents, à l'instar de la législation française (états financiers, liste des
administrateurs, rapports du conseil d'administration, du conseil de gestion ou des commissaires aux
comptes, texte des résolutions proposées, rnontar.t global des rémunérations versées au personnel...;
malheureusement, le texte précité ne fait pas mention de la situation de la société, ce qui est fort regreltable.
Les législations Malienne, Gabonaise et Sénéualaise (arl.1450 ct 1451 COCC) prévoient également
la communication de la pluparl de ces documents ainsi que celle de divers wbleaux relatifs notamment aux
participations détenues et aux résultats des derniers exercices.
Au Gabon, la loi 8-86 du 4 août 1986 organise de manière complète j'information des actionnaires
(et des tiers) dans le cadre de la prévention des di fficultés ddns les sociétés ct de Id procédure d'alerte.
:, .....
1.80
tous documents concemant les c:lfactéristiques de la société en cause (432), le texte des
projets de résolution présentés par le directoire.
A ces mesures visant au renforcement du droit d'information des actionnaires, qui
méritent d'être
étendues
à l'ensemble des
pays
d'Afrique
noire
francophone,
il
conviendrait
d'adjoindre,
nous
l'avons
mentionné,
la
possibilité
de
voter
par
correspondance.
De même, il y aurait lieu de réglementer de manière stricte le vote par procuration.
Ces deux procédés -vote par mandataire et vote par correspondance- présentent, en
effet, un grand intérêt. Le premier permet d'éviter l'exclusion des petits actionnaires de
l'assemblée grâce à la procédure de représentation. Le second, institué en France par la loi
du 3 janvier 1983, permet d'améliorer la participation des actionnaires à la vie de la
société.
Il faut cependant souligner que ces procédés, destinés à préserver le droit de vote
des actionnaires absents, se traduisent inéluctablement par le développement de la pratique
dite des pouvoirs en blanc, laquelle permet aux dirigeanrs de la société de recueillir les
ma!1dats qui leur sont renvoyés sans indication de nom du mandataire et sans instruction de
vote particuliàe. Si la validité d'une telle pratique n'est pas douteuse (433), il resœ que le
consentement de l'actionnaire doit être parfaitement éclairé (434).
A cet effet, la
procuration par laquelle un actionnaire entend se faire représenter à une assemblée, tout
comme Je formulaire de vote par correspondance devront s'accompagner de documents
susceptibles de Je guiger dans sa décision (435).
(432) Un exposé sommaire de la situation dc la société pendJ.llt l'exercice écoulé, c'est-à-dire un résumé du
rappon du directoire (nous avons également opté pour la SA à dircctoire), et un wbleJ.u comparatif des
résultats obtcnus au cours des 5 derniers exerciccs.
(433) CLCOZL-\\l'i et VIANDIER, op.ciL., n' 1064, p.29ü.
(434) Cf.RIPERT et ROB LOT, op.ciL., T.1, n'1207 et s., p.834 et s.
(435) CLsupra note n'431. Parmi ces documents figurcntles rappons devant être présentés aux actionnaires.
fi s'agit:
- du rappon annuel du conseil d'administrmion, du conseil dc surveillance, du conseil de gestion
(Sénégal), du directoire, du directeur général ou de l'administrateur unique, scIon le cas, sur la marche de la
société pendant l'exercice écoulé. NB : Au Gabon (L.8-86 du 4 août 1986) et au Sénégal (an. ]450 et ]45],
COCC) ce rapport doit contenir certaines énonciations particulières:
- du rapport de l'expen de minorité éventuellemcnt nommé à l'initiative de certains actionnaires
(Sénégal, an.] 362 COCC; Mali, an.523, C.Com);
- du rappon général du commissaire aux comptes (sur les comptes et les états financiers de
l'exercice écouJ.S) et de ses rappons spéciaux: sur les convcntions règlcmcntées, en cas d'augmentation de
........ _; .... 1 _ .... _
~ __ :
. . : __
J'_
."
181
Ces documents concernent, notamment :
- l'ordre du jour de J' as sem blée;
- le texte des projets de résolution présentés par le conseil d'administration ou le
directoire ou, le cas échéant, les actionnaires (436):
- un exposé sommaire de la situation de la société pendant l'exercice écoulé ....
A cela doit s ajouter la possibilité pour l'actionnaire de demander à la société
l'envoi de documents plus complets qui doivent être tenus à la disposition des actionnaires
avant la réunion de l'assemblée et une formule de demande d'envoi de ces documents.
La violation des règles légales ou réglementaires relatives à J'information des
actionnaires devrait être sanctionnée par la nullité de l'assemblée et par la mise en jeu de la
responsabilité civile et pénale des dirigeants.
En ce domaine, le représentant des actionnaires pourrait jouer un rôle important
celui de veiller à la tenue régulière des assemblées.
A cela pourrait s'ajouter la saisine du tribunal de commerce ou d'un organe chargé
de contrôler la gestion des entreprises et de faire respecter la réglementation en vigueur.
Mais il convient de souligner que la création d'un tel orgamsme ne suffit pas.
Encore faudrait-il le doter d'une entière autOnomie vis-à-vis des pouvoirs exécutif et
lé gis larif.
En OUlIe, il est prévu, au Gabon, un rapport spécial au cas où la continuité de l'exploitation est
compromise (L.8-86 du 4 août 1986); au Sénél!al et au Mali (notamment art. 1352, 1373, 1460, cacc; art.
) un rapport spécial sur cerUlines opérations (réduction de capital, fusion, scission,. transormation de la
société...);
- du rapport du commissaire aux apports en cas d'apports en nature ou d'avantages particuliers à
consentir.
(436) NB : Le renforcement du droit d'information des actionnaires présente une importance telle qu'il
devmiL s'appliquer aussi bien dans les SA à conseil d'administration que dans celles dotées d'un directoire et
d'un conseil de surveillance (cf note précédente).
182
CONCLUSION DE LA SECTION 1
- 116 - Ainsi que nous l'avons souligné plus haut, un long usage de la SA à conseil
d'administration a engendré un effet d'accoutumance et un réel engouement pour cette
structure. Il serait vain d'essayer d'imposer dans ces conditions la (seule) SA à directoire,
bien qu'elle présente de nombreux avantages.
Dans l'immédiat, c'est donc le régime dualiste offrant la possibilité de choisir entre
la SA à directoire et la SA à conseil d'administration, qui devrait être retenu.
Cette dernière solution qui, rappelons-le, a été adoptée par le législateur malien,
mériterait d'être étendue à l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone.
SECTION II - LE CAS DE LA S.A.R.L.
INTRODUCTION
1°) Etat du droit positif
- 117 - La plupart des pays d'Afrique noire francophone sont régis par la loi du 7 mars
1925 à l'exception:
- du Mali et du Sénégal où les dispositions adoptées dans le cadre des récentes
réformes législatives (437) s' ins pirent de la lég islation française actue Ile;
- de la Gui:lée (438) et du Niger (439) où des aménagements ont été apponés à la
législation antérieure (Loi de 1925) en matière de gérance des SARL.
Les
caractéristiques
inhérentes
à chacune des
législations
précitées
seront
soulignées au fur et à mesure de nos développements.
(437) Cf.Code de Commerce du Mali (Loi du 21 mars 1986); Code des Obligations Civiles el Commerciales
(Loi du 29 juillet 1985).
(438) Cf.Ord.119 du 17 mai 1985 (Guinée). Ord.n'80-15 du 19 juin 1980 (Niger) modifiant la loi du 7 mars
1925.
(439) Ord.n'80-15 du 19 juin 1980 (Niger) modifiant la loi du 7 mars 1925.
183
a) La nomination des gérants
- 118 - Les SARL sont régies par un ou plusieurs mandataires. Contrairement à ce qui est
aCLUellem.ent prévu en France, au Mali (art.348, C.Com.) et au Sénégal (art.I203, COCC)
où les gérants de SARL doivent obligatoirement être des personnes physiques, la gérance
peut être assurée par une personne morale en Afrique noire francophone.
Les gérants sont choisis par les associés, parmi eux ou en dehors d'eux. Ils sont
nommés dans les statuts ou par un acte postérieur (440) et pour un temps limité ou illimité
(441 ).
La nomination d'un gérant statutaire en cours de vie sociale requiert la majorité des
associ~représentant les trois quarts du capital social, sauf disposition contraire des
statuts prévoyant une majorité plus forte (442).
La nomination d'un gérant non statutaire (443) requiert une décision des associés
prise à la majorité de droit commun (444).
Il est à noter que les gérants peuvent démissionner librement. Toutefois, si leur
démission entraîne un préjudice pour la société, il peut leur en être demandé réparation,
conformément aux dispositions statutaires.
(440) TOUlclOis. au Niger, lorsque les gérants som nommés pour une durée liilée, leur renouvellemenl ou leur
remplacemcmdoil èLre décidé par les associés, à la majorilé des deux tiers du capital social (3n.24 nouve3U,
aU, modifiant la Loi du 7 mars 1925).
(441) Au ivrali, ''les géranls sonl nommés par les associés. dans les statulS ou par un aele postérieur, à la
majorité requise pour les décisions ordinaires" (un ou plusieurs associés représentant plus de ia moitié des
parts sociales); cLan.348 C.Com.
(442) NB: La majorité de droit commun s'applique au Mali, au géf:Jm stalutaire (an.348 C.Com.). Ponent en
effet le nom de gérants statutaires les gérams désignés dans l' acle de société et ceux dom les noms n'y om
élé inscrits qu'au cours de la vie sociale; cf.R1PERT par ROBLOT, Op.CiL n'959, p.683.
Soulignons, par ailleurs, que le géram peut êLre révoqué par une décision des associés représentant
plus de la moi lié du capital social (majorilé simple), loute clause conLraire étam réputée non écrile. 11 n'est
donc pas possibile de supprimer ce droil des associés, ni même d'exiger une majorité plus élevée: cf.RIPERT
par ROBLOT, op.cil., n'969, p.684. Doivenl êLre approuvées, par conséquent, sur ce poim, les récentes
modifications législalives : an.84, Ord.l] 9 (Guinée); an.1206, COCC (Sénégal); a[[.353 C.Com. (lvlali). V.
en ce sens, Equipe HSD, op.cil.. n'5-3-2, p.l27.
(443) Ibid.
(444) Ibid.
184
b) Les pouvoirs des gérants
- 119 - Les géranrs sont investis des pouvoirs les plus étendus pour aglf en tOUles
circonstances au nom de la société et toute clause statutaire limitant leurs pouvoirs est
inopposable aux tiers (445).
Toutefois, il convienr de le souligner, la loi du 7 mars 1925 ne precise pas,
contrairement à la loi française du 24 juillet 1966 et aux lois malienne et sénégalaise
(446), que "la société est engagée méllie si les actes accomplis par le gérant n' el1lrent pas
dans l'objet social cl moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet
objet ou quO il ne pouvoir!' ignorer compre tenu des circonsrances".
De plus, excepté au Mali (447) et au Sénégal (448), aucune disposition n'oblige le
gérant à obtenir l'approbation des associés pour les conventions conclues par lui avec la
société. De même, il ne lui est pas interdit d'emprunter auprès de la société, sous quelque
forme que ce soit, ou de se faire cautionner par elle. Les associés bénéficient aussi de
l'absence de telles dispositions légales (449).
c) Les décisions et les assemblées des associés
- 120 - Les décisions des associés peuvent ne pas être prises en assemblées quand le
nombre de ceux-ci est inférieur à vingt. Chaque associé reçoit alors le texte des résolutions
ou décisions à prendre et émet son vote par écrit.
Toute décision, prise en assemblée ou par consultation écrite, doit avoir été adoptée
par des associés représentant au moins la moitié du capital. Si cerre majorité n'est pas
atteinte lors d'une première consultation, les associés sont convoqués une seconde fois, par
lettre recommandée et les décisions sont prises à la majorité des vares émis, quelle que soit
la portion du capital qu'ils représentent, sauf stipulation contraire des sratuts renforçant ces
condirions.
(445) Art.24. U92S.
(446) CLart.348 C.Com. el an.1207 COCc.
(447) Art.349 el 350 C.Com.
(448) Art.l226-1227 COCc.
(449) Cf.Doss.Intcrn., Afr. noire fr.. Fr.LEFEBVRE, op.cil.. p.no
185
Lorsque le nombre des associés est supeneur à V111 gr. la tenue d'une assemblée
générale annuelle est obligatoire, à l'époque fixée par les statuts. La convocation d'une
assemblée est effectuée par le ou les gérants ou, à défaut, par le conseil de surveillance ou,
à défaut, par lès associés représentant plus de la moitié du capital social.
L'assemblée annuelle est compétente pour approuver les comptes du gérant, lui
donner quitus et statuer sur l'affectation des résultats. Elle nomme et révoque le gérant
ainsi que les membres du conseil de surveillance s'il en existe.
Les modifications statutaires ne peuvent être effectuées qu'à la majorité en nombre
des associés représentant les trois quarts du capital social (~m.3 l, L.1925). Toutefois, dans
aucun cas, la majorité ne peut obliger un des associés à augmenter sa part sociaie (art.31,
L.1925).
Le changement de nationalité de la société et l'augmentation des engagements des
associés requièrent l'unanimité.
En cas de pertes égales aux trois quarts du capital, le gérant est tenu de consulter les
associés sur la continuation ou la dissolLllion de la société. Cette décision doit être prise
aux conditions requises pour les modifications statutaires.
Il convient de préciser que la loi de 1925 n'a pas prévu de règles spéciiïques ni de
définition des décisions à caractère ordinaire et des décisions à caractère extraordinaire
(450).
L'on doit nOter, par ailleurs, qu'aucune procédure légale de vérification de la valeur
des apports en nature n'existe. Les associés répondent solidairement vis-à-vis des tiers de
cette valeur et j'action en responsabilité se prescrit par dix ans (451).
Enfin, en cas d 'apport en numéraire (consécutif à une augmentation du capital), il
n'est pas prévu de droit préférentiel de souscription dans les dispositions légales, malS ce
droit peut être organisé dans les statuts.
(450) Cf.Doss.Imern.AfLnoirc fL, précité, 0'7390, p.711
(451) Ibidem, p.ï12
186
Les dispositions précédentes s'appliquent à l'ensemble des pays d'Afrique nülre
francophone. Cependant, les législations de la Guinée et du Niger présentent certaines
panicularités.
Au Niger, conformément à l'ordonnance n080-15 du 19 juin 1980, qui a modifié
l'article 24 de la loi de 1925, le ou les premiers gérants doivent obligatoirement être
nommés dans les statuts.
En Guinée, les décisions doivent toujours être pri::,vs en assemblée quel que soit le
nombre des associés et il doit être tenu chaque année au moins une assemblée générale
a~yue à l'époque fixée par les statuts. Toujours dans ce pays, l'évaluation des apports en
nature donne lieu à la désignation d'un à trois commissaires aux apports par une première
assemblée extraordinaire puis à la réunion d'une seconde assemblée extraordinaire en vue
de statuer sur l'opération d'apport.
Mais l'écrit doit être compris dans un sens large. Constitue, par conséquent, un écrit
suffisant, un procès-verbal d'assemblée générale dans lequel tous les associés ont accepté
une cession de parts (452). De la même manière -et l'on consacrerait ainsi l'extension à la
SARL de règles réservées en principe à la SA- les statuts pourront ainsi organiser une
cession par inscription portée sur le registre de" transferts de la société. Il est à noter qu'en
France, ce procédé peut être utilisé en matière de cession de parts sociales de la société
civile. Comme ra souligné, à ce propos, le Professeur GUYON, "ce procédé (dïnscripfion
sur le registre des tran::,fens de la société) est la transposition à des parts de nature civile
d'un procédé utilisé pour la transmission des titres nominatifs. donc de valeurs mobilières
de nature commerciale" (453).
2") Idée générale - Annonce du plan
- 121 - On assiste, à l'heure actuelle, en France, à un rapprochement de la SA et de la
SARL (454).
(452) Cf.Cas~.com.7 février 1972, D.1972, 500101.159.
(453) Cf.GUY00J, op.cil., p.232.
(454) Yvonne LAMBERT-FAIVRE, "L'emreprise el ses formes juridiques", op.cit. p.933 et s.; R1PERT et
ROBLOT, op.cil., n'907 et 912 notamment.
187
Cette tendance à l'unifïcation des règles applicables aux sociétés commerciales ne
peut qu'être encouragée puisqu'elle peut contribuer à simplifier le droit des sociétés et ~lle
rendre plus accessible aux non spécialistes.
Malheureusement, la distinction du régime juridique de la SA et de la SARL, qui
tien t pourtant de l' arbi traire, prévau t encore en Afrique francophone.
Cela est d'autant plus regrettable, constate M.MEISSONNIER, qu"'il n'ya aucun
mari! pour rr,rer différemmenr le géranr d'une SARL cr les admil.;rrareurs d'une SA qui
se rrouvellr placés dans la même siruarion" (455).
Compte tenu de ses nombreux avantages, le principe du rapprochement de la SA et
de la SARL nous ::!:uidera dans la recherche d'un ré::!:ime harmonisé de J'administration et
~
~
de la gestion des SARL en Afrique.
Mais l'unification des législations suppose l'examen préalable des questions
SUlvantes : les conventions passées entre le gérant et la société (Paragraphe 1), les droits
collectifs des associés et l'information des actionnaires, ces deux derniers points se
résumant dans la limitation des pouvoirs du gérant (Paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 - LES CONVENTIONS PASSEES ENTRE LE GERA~T ET LA
SOCIETE
- 122 - Conformément au
principe qui
vient d'être évoqué, et dans l'optique d'un
réaménagement des législations africaines, les conventions intervenues directement ou par
personne interposée, entre ICI. société et l'un de ses gérants ou associés, devront être
soumises au contrôle des associés (456).
Il devrait en être de même des conventions passées par une société dont lin associé
indéfiniment responsable (associé d'une société en nom collectif, d'une société civile),
gérant,
administrateur,
directeur général,
membre du
directoire ou
du conseil de
surveillance, est en même temps gérant ou associé de la SARL (457).
(455) 1vIEISSONNIER, ouvrage cité, p.605, n'] 3.
(456) Excepté au Sénégal (ar1.1226 el ]227 COCC) el au Mali (arl.349 el 350, C.Com.), les législations des
pays d'Afrique noire francophone ne prévoient aucune inlerdicLion ou règlemenlalion en ce qui concerne les
convenùons que le gérant pourrail conclure, direclemenl ou indireclement, avec la sociélé qu'il gère; v.en ce
sens, Doss.Intcr. F.LEFEBVRE, op.cil., n'7380, p.71O.
(457) An.L.5Ü. al.3.
188
Dans le même ordre d'idées, et comme en matière de société anonvme il devrait
,
'
être interdit aux gérants ou associés de contracTer, sous quelque forme que ce soit, des
emprunts auprès de la société, d'obtenir d'elle un découvert en compte courant ou
autrement, ainsi que de se faire cautionner ou avaliser par elle au titre Je
leurs
engagements avec les tiers (458).
L'inobservation de ces interdictions serait sanctionnée par la nullité du contrat
(459).
Sur un point, cependant, le principe de l'extension aux SARL de la législation
applicable aux SA devrait subir une restriction: il s'agit du contrôle effectué sur les
conventions conclues entre la SARL et son gérant.
Le système instauré par la loi française de 1966, en cerre matière, n'exige pas une
autorisation préalable, mais il prévoit un contrôle a postériori par la collectivité des
associés, sur rappon spécial du gérant et, s'il en existe un, du commissaire aux. comptes
(460).
Or, comme le souligne très justement le Professeur GUYON, le rapprochement de
la SA et de la SARL n'est pas rationne! -sur ce point précis- dans la mesure où il ne tient
pas compte des différences de structures juridiques qui séparent les deux formes de
sociétés : en effet, cenains organes de la SA -tels le conseil de surveillance ou le
commissaire aux comptes- n'existent pas toujours dans la SARL (461).
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . - - -
(458) Ibidem. CLégalement Equipe HSD, op.cil., n'533, p.128.
(459) cLan.3S0 C.Com.Mali et an. 1227 , COCc.
(460) lv1EISSO~Î\\iIER, ouvrage cité, p.605.
(461) GUYON, "Droit des ùffaires", Op.CiL, n'487. p.479. Il convient de préciser qu'en Afrique noire
francophone les organes de contrôle des SARL sont prévus à titre facultatif, ou obligatoire, selon les cas.
Ainsi, le conseil de surveillance est obligatoire dans les SARL comportant plus de vingt associés, en
ce ql.i.i concerne les pays soumis à la loi de 1925 (an.32). En Guinée, le plafond et de dix associés (art.90,
ord.1 19).
Par ailleurs, le Mali et le Sénégal ont prévu des dispositions relatives à la nomination des
commissaires aux comptes. Cc!le-ci est facultative dans ces pays excepté lorsque le capital social est
supérieur à 5 000000 FCFA, au Sénégal (an.1211. COCC oU an.36 du décret d'application) ou lorsque le
capital égal ou excède 12.500.000 FCfA au Mali (an.362, al.2, C.Com.).
189
Il s'ensuit que la réglementation applicable aux conventions passées entre la SARL
et son gérant devrait varier en fonction de la nature des organes que comporte la société.
- S'il n'y a pas de commissaires aux comptes et si le gérant n'est pas associé, il
serait souhaitable, dans la perspective d'une réforme du droit africain des sociétés, que les
conventions soient soumises à l'approbation préalable de l' as sem blée.
En outrE, devrait être frappée de nullité toute convention non autorisée qui aurait eu
des conséquences dommageables pour la sociéLe.
- Lorsque la SARL comporte tous les organes, l'adoption des règles prévues pour la
SA paraît souhaitable dans la mesure où les risques d'abus sont beaucoup plus limités.
Autrement dit, c'est la procédure de contrôle a posteriori qui s'applique (462).
Après la conclusion de la convention, l'assemblée des associés statue sur le rapport
spécial du commissaire aux comptes, s'il en existe un, ou à défaut, sur le rappon établi par
le gérant lui-même (463).
La collectivité des associés approuve ou désapprouve ces conventions, l'associé ou
le gérant ne pouvant prendre pan au vote, ses pans étant déduites pour le calcul du quorum
etde IJ. majorité (464).
Comme en matière de SA, ce rapport devrait contenir un certaIn nombre de
précisions: le nom des intéressés, la nature et j'objet des conventions, leurs modalités
essentielles, notamment l'indication des prix pratiqués, les délais de paiement accordés, les
sûretés conférées...
PARAGRAPHE II - LA NECESSAIRE LIMITATION DE L'OMNIPOTENCE DU
GERANT
- 123 - Bien que le gérant de la SARL soit investi, des pouvoirs de représentation les plus
larges, il conviendra -comme pour le président du conseil d'administration de la SA-
d'apporter certaines limitations à son omnipotence.
(462) Cf.arLL.5ü, al.2
(463) Paris 3 juillet 1976, Rev.soc.1977, 465, note D.SCHMIDT
(464) Arl.L.5ü, al.1er; an.I226, aI.ler, COCC ct art.349, C.Com.Mali.
190
Ce résultat pourra être atteint par la limitaEion des pouvoirs du gérant (A), le
renforcement des attributions de la collectivité des associés (B) et l'amélioration de leur
information (C).
A - LA LIMITATION DES POUVOIRS DU GERANT
- 124 - Deux hypothèses peuvent être envisagées.
D'une part, les statuts pourraient prévoir de ne confier au gérant que les pouvoirs
d'administration quotidienne de la société.
D'autre pan, les statuts pourraient organiser une gérance collective ou collégiale de
la société. Concrètement, cela se traduit soit par l'obligation pour le conseil de gérance de
prendre ses décisions à l'unanimité ou à la majorité, soit par une répartition des
compétences entre pl usieurs gérants (465).
Dans les deux cas, le gérant est tenu de se plier aux limitations contractuelles, sous
peine d'engager sa responsabilité civile en cas de dommage causé à ra société. Au reste, le
non-respect des conventions statutaires constitue un juste motif de révocation.
Lorsque des limitations statutaires sont prévues à l'omnipotence du gérant, celles-ci
n'auront d'effet que dans les rappons du gérant avec la société et non pas à l'égard des
tiers (466).
Mais s'il est vrai que la société en tant que personne morale répond des
engagements pris par son gérant en cas de dépassement de l'objet social il n'en demeure
pas moins que ce dernier sera tenu de réparer tout dommage qu'i! aurait causé il la société
en violant les clauses statutaires (4 67).
Pour une protection optimale, et sunout pour prévenir d'éventuels litiges, les tiers,
malgré la protection inconditionnelle que leur accorde la loi, seront avisés de vérifier que
celui avec qui ils contractent est bien mentionné au registre du commerce en qualité de
(465) Par exemple, un gérant chargé de la lechnique, l'aulre de la panie commerciale, le Lroisième de
l'administration générale eL du personnel, V· GUYON. "DroiL des a[[aires", op.cÎL.p,486.
(466) An.348 C.Com. Mali el arl.l2ü7, COCC; ar1.84. Ord.119.
(467) Com.lO mars 1976, JCP.1977 .II.18566, nOle CHARTIER.
191
représentant légal de la SARL. Ils seront alors assurés d'une part que celui-ci a été
valablement désigné, d'autre part, que ce représentant engage la société, même si les
statuts restreignent ses pouvoirs (468).
II convient de souligner, toutefois, que la responsabilité de la société ne saurait être
engagée s'il est avéré que le tiers contractant savait que le gérant agissait en dehors de
l'objet social.
B - LE RENFORCEMENT DES ATTRIBUTIONS DE LA COLLECTIVITE
DES ASSOCIES
- 125 - L'idée d'une limitation de l'omnipotence du gérant de la SARL est largement
admise en Afrique. Cependant, on note encore certaines divergences afférentes aux règles
de quorum et de majorité et principalement imputables à la démarcation du droit guinéen
par rappon il la iégislation commune aux autres pays africains, dans les matières qui
nécessitent une décision collective des associés: modification des satuts, transfert du siège
social, transformation de la société, cession des pans sociales, approbation annuelle des
comptes.
L'on peut déduire de ce qui précède, que la mise en oeuvre d'une gestion collégiale
de la SARL ne peut procéder que d'un "consensus législatif' des pays africains, fondé sur
l'élimination des clivages ci-dessus évoqués.
Ainsi, en matière d'approbation annuelle des comptes, il y aurait lieu de se référer
non seulement à l'article 87 de l'ordonnance guinéenne nOl19 qui rend obligatoire la
réunion de l'assemblée (469), mais également au second alinéa de l'article 26 (loi àe
1925) qui précise que la tenue de l 'assem blée n'est pas indispensable lorsque le nombre
(468) Une précaution similaire a été préconisée en ce qui concerne les sociétés anonymes, cf.BADlNTER,
op.ciL
(469) L'an.87 de l'ord.119 a pour équivalent l'article 26, al.ler de la loi du 1er mars 1925 applicable à
l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone ct l'an.29 (cie la même loi) qui rend obligatoire la tenue
d'une assemblée générale dans les SARL qui compte plus de vingt associés.
De manière générale la Lenue d'assemblées générales est assez exceptionnelles dans les pays régis
par la loi du 7 mars 1925, le vote par correspondance ou "1'acte de décision collective" (signé par tous les
associés) étant fréquemment utilisés; cLEquipe HSD, Op.CiL, p.132.
Au Sénégal ct au Mali, l'assemblée peut être remplacée par llne consultation écrite des associés, si
les SlaLuLS le permeLLent; la tenue d'une assemblée reSLe cependant obligatoire:
- pour l'approbation annuelle des compLes;
- lorsque la réunion a été demandée par un ou plusieurs associés représenlant au moins SOiL à la fois
le quart du nombre des associés et le quart du capital, soit seulement la moitié du capital (an.12l6, COCC cL
arL355, C.Com. Mali).
192
des associés est inférieur à vingt. Cette solution, il importe de le souligner, n'emporte pas
suppression du principe de collégialité; simplement, elle pennet d'adapter celui-ci aux
dimensions de la société.
En cas de perte des trois quarts du capital, l'on note une convergence entre la
législation guinéenne et celle des autres pays d'Afrique noire, sauf en ce qui concerne le
délai à partir duquel la dissolution de la société doit être prononcée.
Dans l'optique d'une hannonisation des législations africaines, il serait souhaitable
d'instituer, comme en Guinée, un délai pendant lequel l'assemblée des associés serait
consultée sur le point de savoir s'il y a lieu de poursuivre l'activité de la société ou de
prononcer sa dissolution (470).
Cette décision devrait être prise aux conditions requises pour les modifications
statutaires, c'est-à-dire à la majorité en nombre des associés représentant les trois quans du
capi tal social (471).
En outre, le délai d'un mois prévu par la loi guinéenne (472) nous paraissant bref,
nous suggérons que lui soit substitué celui de trois mois, étant entendu que celui-ci devra
prendre effet du jour où l'assemblée générale a constaté que l'actif net est inférieur au
quart du capital.
Enfin, outre le dispositif en vigueur dans la plupart des pays d'Afrique noire qui
nous paraît satisfaisant, (473) il conviendrait d' opter, comn~e en France, pour la procédure
de régularisation préalable au décjilnchement de la phase de dissolution de la société.
Toutèfois, à la différence du droit français, la procédure de régularisation,
lorsqu'elle aura été décidée par l'assemblée des associés, devra intervenir dans le bref délai
(470) An.93, Ord.119.
(471) V. en ce sens, Sénégal (arl.1229 COCC) et Mali (an.358 C.Com.): contra, Guinée où les modifications
statutaires requiàenr une majorité des deux Liers du capi tai social (an.89, Ordo 119).
(472) CLan.93. Ord.119 ct an.20, Arrêté n'5745/MC/CAB du 13 juin 1985.
(473) MEISSONNIER, "Droit des sociétés en Arrique" , op.cil., p.611.
193
d'un mois au-delà duquel il n'y aurait pas d'autre solution que de procéder à la dis~olution
de la société (474).
Il s'a~it là d'une mesure de saLlve~arde de la société et de l'intérêt des tiers.
~
~
En cas de transformation d'une SARL en une autre forme de société, l'unanimité
des associés devrait être requise en Afrique (y compris en Guinée), confonnément à la
solution généralement admise lorsque la SARL est transformée en nom collectif (475). En
cas de changement de nation<.tJité, il conviendrait d'exiger également l'unanimité ('-± 76).
C - L'AMELIORATION DE L'INFORMATION DES ASSOCIES
- 126 - Diverses mesures pourraient être prises par les législateurs africains qui améliorent
l'infonnation des associés tout en favorisant le rapprochement de la SA et de la SARL.
Ainsi, comme pour les SA, il serait souhaitable de recourir plus largement à la
procédure de consultation par correspondance, d'autant que l'article 26 de la loi de 1925
précise que la tenue de l'assemblée n'est pas indispensable si le nombre des associés est
inférieur à vingt.
En
outre,
le
gérant
devrait communiquer
aux
associés
certall1S
documents
concernant l'exercice écoulé, quinze jours avant la date de l'assemblée générale annuelk.
Il s'agit de j'inventaire, du compte d'exploitation générale, du compte des pertes et profits,
du rapport du gérant sur l'exercice écoulé, du texte des résolutions proposées et, enfin, du
rapport du commissaire aux comptes, s'il en existe un (477).
Ces documents devraient naturellement être tenus, dans ce même délai, au siège
social, à la disposition des associés, qui peuvent en prendre connaissance.
(474) Possibilité pour LOUL intéressé de demander cn jusLice la dissol uLion en cas de passiviLé des géranL5,
publicité de la décision, accomplissement des formaliLés de publiciLé au cas où la dissoluLion esL écarLée eL au
cas où elle eSL prononcée: cf.MEISSONNIER, "DroiL des sociéLés", p.6l O.
(475) ACLuellement, la majorité des deux Liers du capital esL requise en Guinée eL des Lrois quarLS dans les
autres pays d'Afrique.
(476)
".
CLen ce sens, Equipe HSD, op.cil., p.134.
(477) CLarlL.S6, a1.2; cLEquipe HSD, op.cil., p.122
194
En élargissant le droit d'information des associés, prévu à J'article 30 de la loi de
1925, on pourrait même obtenir que tout associé puisse prendre communication des
documents ci-dessus énumérés à toute époque de l'année.
Rappelons que l'information prévue à l'article 30 précité, se limite actuellement, en
Afrique, à la consultation des documents suivants: le bilan, l'inventaire et le rapport du
conseil de surveillance, s'il en existe un.
Il conviendrait, par ailleurs, de rendre obligatoire la réunion de 1 ttssemblée
ordinaire annuelle dans les six mois suivant la clôture de chaque exercice.
Enfin, le rapport de gérance devrait comporter un ceram nombre d'indications
complémentaires, destinées à mieux éclairer les associés sur le fonctionnement de la
société (478).
(478) Supra, n'I 15, dispositions prévues pour la SA el appl icables dans une large mcsurc aux SARL.
195
CHAPITRE SECOND
0 0 0
L'HARMONISATION DU REGIME
DES TITRES EMIS
PAR LES SOCIETES COMMERCIALES
0 0 0
196
- 127 - Les législateurs guinéen, malien et sénégalais ont le grande mérite d'avoir réalisé
une véritable codification du droit des sociétés, c'est-à-dire la réunion dans un seul
ouvrage, des règles applicables aux sociétés commerciales (Supra, n'4).
Cette restructuration fonnelle a rendu la consultation et la connaissance des droits
sénégalais et guinéen extrêmement aisées, à la différence de la législation commune aux
autres Etats qui nécessite la constante référence à une multitude de textes, pmfois sur un
seul point du droit des sociétés. Tel est le cas, notamment, en ce qui concerne les valeurs
mobilières (479).
Or, la prolifération des textes réduit considérablement l'efficacité de la loi (480).
C'est dire toute l'imponance qu'il conviendra d'acorder à l'unification des législations
africaines.
L'essentiel de notre analyse portera sur le réaménagement du régime des cessions
de tirres et des clauses d'agrément aussi bien dans la SA (Section 1) que dans ]a SARL
-
~
(Section II).
Soulignons, par ailleurs, que l'accent sera mis tout au long de cette étude, sur
l'opportunité d'un rapprochement de ces deux formes de sociétés.
(479) Aperçu de la législation aopiicabJe en matière de valeurs mobilières: Loi du 15 juin 1872 rdative aux
titres aux porteurs; Loi du 9 juillet 1902 (mod.L.13 novembre 1903) complétant l'article 34, C.Com., relative
aux actions de priorité et d'apport. Loi du 30 janvier 1907 relative à \\' émission, à la mise en vente des titres
de sociétés et à la pùblicité des émissions publiques. Loi du 20 mars 1910; art.28 du décret n'49-1105 du 4
août 1949; décret du 28 avril 1953. Décret n'56-789 du 2 août 1956 rendant applicables les dispositions de
l'arUer de la loi du 25 février 1953 et celles du décret du 3 septembre 1953 sur l'émission d'obligations
convertibles en actions; décret n'56-1134 du 13 novembre 1956 autorisant et réglementant la cré3tion
d'actions de priorité dans les sociétés qui concourent à l'exécution des plans de développement des territoires
d'outre-mer.
NB : Nous n'avons pas fait état de toutes lcs modifications intervenues depuis l'indépendance, ni des
distinctions qu'il ya lieu de faire chaque fois du fail que les lextes visés ne sonl pas toujours promulgués aux
mêmes dates ni étendus de manière·uniforme à l'ensemble des pays d'Afrique (et d'outre-mer).
Pour un compte rendu plus complet, cUvŒISSONNIER, Droil des sociétés en Afrique, op.cil., p.496-498.
(480) CLla remarquable conclusion générale de l'ouvrage de M.le Professeur GUYON, Droil des affaires,
Op.Cil, n'938-939, p.906 : "Car ainsi que le constate Montesquieu, les lois inutiles affaiblissent celles qui
sont nécessaires. A la limite le droit risque de devenir un obstacle alors qu'il devrait être un stimulant.
Il faUi donc
d'urgence abroger les règles qui ne sont pas nécessaires. Un
immense effort de
déréglementation s'impose. sinon rexcès de droit aboutira à Wl état de non droit".
197
SECTION 1 - LE CAS DE LA S.A.
PARAGRAPHE J - L'HARMONISATION DES REGLES COMMUNES AUX
ACTIONS ET OBLIGATIONS
A - LA VALEUR NOMINALE DES TITRES
- 128 - En ce qui conceme la valeur nominale des actiuns, l'article 4 du décret n053-380 du
28 avril 1953 dispose que les sociétés en commandite par actions et les sociétés anonymes
ne peuvent diviser leur capital social en actions ou coupures d'action de moins de 5000
FCFA. Cette dernière valeur a également été retenue au Mali (481)
Toutefois, des dispositions législatives récentes ont consacré l'adoption de valeurs
nominales variables dans les pays d'Afrique noire francophone. C'est ainsi que la valeur
minimale obligaroire des actions est de 1000 sylis en Guinée (482) et de 10.000 F CFA au
Niger(483).
En marière d'obligations, la valeur nominale minimale a éré fixée à 5.000 F CFA en
venu de l'article la du décret précité.
Dans la perspective d'une harmonisation des législations africaines, il seran
souhaitable de fixer à 5.000 F CFA la valeur nominale minimale des actions et des
obligations, ce montant offrant l'avantage d'êrre accessible à la plupart des citoyens
africains, toutes économies confondues.
Compte tenu de la faiblesse des revenus, il serait à craindre, en effet, qu'un taux
plus important -10.000 F CFA, par exemple- ne soit considéré comme prohibitif, ce qui
serait contraire à la philosophie même de l'offre : drainer l'épargne publique (ou
populaire) (484).
(481) art.968, C.Com.
(482) art.37, Ord.119 du 17 mai 1985.
(483) art.23 de l'Ordonnance n'80-15 du 19 juin 1980.
(484) Le taux applicable au Congo, conformément au décret du 28 avril 1953, devrait être retenu. Il est de
5.000 F CFA pour les SA (soit l'équivalent de 10.000 anciens francs français), cf. "Guide juridique de
l'entreprise au Congo", op.cil., p.95.
Notons également, que le montant nominal minimal de 250 F CFA a été retenu dans cc pays;
cf."Guiric illririiolle rit'. l' (~nlr('.nriç(' ;<., rnnO'n" nn (';1
n 1')(1
198
Quoi qu'il en soit, le problème de la détermination de la valeur nominale minimale
des titres, comme celui du montant du capital social, déborde le strict cadre du droit des
sociétés, du fait, notamment, qu'il fait intervenir des paramètres économiques difficiles à
maîtriser.
Aussi serait-il souhaitable, en GiS de divergence totale, et préalablement à toute
tentative d'harmonisation, de requérir l'avis d'une commission interdisciplinaire composée
de juriste~, d'économistes, voire de comptables.
B - LA FORME DES TITRES
- 129 - Bien qu'il s'agisse d'une question secondaire, le problème ne se pose pas moins du
choix entre la formule des titres nominatifs et au porteur. D'autant que, dans certains pays
africains, comme le Mali, les actions des SA peuvent être établies sous l'une ou l'autre
forme (485).
De fait,
hormis pour les sociétés cotées en
bourse, où elles facilitent les
négociations, les actions au porteur n'offrent pas d'intérêt. C'est donc la forme nominative
(486) qui devrait être imposée dans les pays d'Afrique noire francophone pour les actions
non cotées en Bourse, autrement dit, pour l'immense majorité des sociétés (487).
Soulignons cependant, que la valeur souvent reLenue eSL de 10.000 F CFA. Ainsi, les ans. 112 eL 98
du ProjeL de loi harmonisée du BAi\\·IREL ont fixé à 10.000 F CFA le monLant de la valeur nominale
minimale, tant pour les actions que pour les obligations.
Le Niger et le Sénégal ont retenu les taux respectifs de 10.000 F ct de 5.000 F CFA pour l'action et
la part sociale, cL arL.1391 et art.1183 COCC, art.6, al.2 et arL23 (Ord.80-1 5 du 19 juin 1980).
Un fail esl certain : les taux proposés correspondent SOil à 5.000 F, SOil à 10.000 F en cc qui
concerne le franc CFA. Celle indication, particulièrement significative devrait guider la réflexion des
législateurs africains; cLEquipe HSD, Op.CiL, p.70- ï1 et 118.
En définitive, il convient de faire observer que le succès d'une offre publique d'achat de titres ne
réside pas tant dans le coût élevé de ceux-ci que dans la manière dont l'opéraLion est présentée au public ainsi
que dans les chances de réussite de l'investissement envisagé, ce qui suppose le déploiement de grandes
qualités de gestion et d'organisation ... et beaucoup de sérieux.
V. à titre de comparaisxon, la valeur relativement modique des actions (eu égard au niveau de vie,
paramètre trop souvent négligé par les africains), lors de la privatisation de certaines entreprises publiques.
Prix de l'offre publique de vente (OPV) : 310 Francs pour Saint-Gobain, 405 Francs pour Paribas, cLDidier
PENE, "La privaLisation en France, AlDA mai 1987, p.298. GUYON, L'évaluation des valeurs mobilières à
l'occasion des opérations de privatisation", mars-avril 1987, p.174.
(485) CLnotamment artA58, al.2 el3 et art.926, C.Com.
(486) CLlvŒ1SS0i\\fNlER, Droit des sociétés cn Afrique, op.ciLn' 1ï3, p.193.
(487) En effet, la Côte-d'Ivoire est le seul pays d'Afrique noire francophone ayant créé une Bourse des
valeurs, cLLoi i\\'oirienne, n'74-353 du 24 juillet 1974.
199
L'intérêt de la fonne nominative est de "sauvegarder la sociéré contre une
aliénarion rapide des titres et qui ne laisserait pas de traces" (488) et, donc, de service de
moyen de preuve (489).
Cette solution n'est d'ailleurs pas nouvelle puisque son application résulte de
l'adoption des dispositions de l'article 36 du code de commerce, toujours en vigueur dans
les pays d'Afrique noire francophone. L'harmonisation des législations aura cependant
pour effet d'en consacrer la reconnaissance dans l'ensemble des pays précités,
Rappelons qu'aux tennes de l'article 36 (C.com), la propriété des actions
nominatives est établie par une inscription sur le registre de la société. La cession s'opère
donc par une déclaration de transfert inscrite sur le registre et signée de celui qui fait le
transfert ou encore d'un fondé de puovoir.., En outre, les actions en numéraire doivent être
mises sous la forme nominative jusqu'à leur entière libération (490).
C - LE CHOIX DE L'ORGANE COMPETENT POUR STATUER EN
MATIERE D'AGREMENT
- 130 - En ce qui concerne l'org::me compétent pour statuer sur l'agrément, le choix est
assez libre. Le droit d'agrément peut donc revenir au Conseil d'administration, au
directoire, au conseil de surveillance ou à l'assemblée générale.
La plupart des auteurs considèrent que le droit d'agrément incombe soit au conseil
d'administration, soit à l'assemblée générale (491). A notre avis, le renforcement du rôle
des actionnaires peut insuffler une dynamique nouvelle au droit africain des sociétés. En
conséquence, dans le cadre d'une réforme de ce droit, c'est à l'assemblée générale, en tant
qu'organe fondamental de la société, qu'il appartiendrait de statuer sur la procédure
d'agrément. Compte tenu cependant de la difficulté de réunir régulièrement cet organe,
dont la composition est, par essence, variable, il conviendra de lui adjoindre le directoire
(488) CLGUYON, op.ciL, n'732, p.710
(489) Compte tenu de la nécessité de conserver la trace des aliénations, les titres appartenant à des incapables
doivent être nominatifs ou déposés à un compte bancaire spécial, cLGUYON, Op.CiLp.710
(490) Cf.NIEISSONNIER, EJ.A., op.cil., p.150.
(491) Cf.RIPERT et ROB LOT, op.cil. n)1253 et s.; COZIAN ct VIAJ"iDIER, op.cil., n']038, p.284;
GUYON, op.cil.. p.718: de JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, op.cil., vol.lI, n'618, p.I73; FLORES et
lv'ŒSTRE, Lamy Sociétés, op.cil., n'3809.
200
(ou le conseil d'administration) (492). Soulignons, à titre de comparaison, que cette
solution est conforme à celle retenue en 1979 par le Tribunal de commerce de Paris:
"Les SlQtuts peuvent prévoir que l'agrément donné par le Conseil
d'administration doit êrre rarifié par la prochaine assemblée
générale; une celle stipulation ne combe pas en désuétude. En
pareil cas ... l'auwrisarion du conseil est donnée sous condition
suspensive; à défaur de ratification, les cessions sont nulles, ce qui
peut avoir pour effet de remeure en cause la validiré de plusieurs
décisions d'assemblées générales, mais le Tribunal peut fixer Ull
délai (arcL.363)
pour perme ure
de
couvrir les nomhreuses
nullités" (493).
L'association de l'assemblée générale et de l'organe qui en est l'émanation n'est
cenes pas la formule la plus simple mais elle devrait contribuer à sortir les actionnaires de
leur "traditionnel" isolement et à les intégrer davantage à la vie de la société (494).
Le renforcement du rôle des actionnaires qui, du reste, s'adapte parfaitement au
choix de la société à directoire, paniciperait ainsi du la!"ge effort de restructuration de b
SA dans les pays d'Afrique noire francophone.
Signalons encore, toujours à titre de comparaison, que dans la SARL, lorsque la
société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun
des associés par acte extrajudiciaire ou par letrre recommandée avec accusé de réception.
Cette obligation
peut paraître lourde si
les associés
sont nombreux,
mais
il est
indispensable que tous soient informés pour exercer éventuellement leur faculté de
substitution (495).
(492) Rappelons que nous sommes favorables à l'institution d'une possibilité de recours au système du
conseil d'adminisrration ou à celui du direcLOire (régime dualiste); cLsupra, n083).
(493) Tnb.com.Paris, 5 novembre 1979, in "Lamy sociétés", op.cil., n °3809, p.1 581.
(494) Au Mali. 3U Sénégal, les lois de 1985 et 1986 mentionnent simplement que Je droit d'agrément
incombe à la société; cf. 3n.957, C.Com. et arL.l394 COCc.
(495) CLRIPERT et ROBLOT, op.cil., p.677; cLnotammcnl an.1193, COCC (Sénégal) et an.344 C.Com.
(Mali).
201
Dans les SNC, la cession des litres est impossible parce qu'elle modifie le contrat
constitutif. Il n 'y a plus ici, le même respect du contrat (496).
D . LE REAMENAGEMENT DES CLAUSES D'AGREMENT ET DE
PREEMPTION
1°) La substitution d'un régime légal aux clauses statutaires
- 131 - En l'absence, dans les pays l..lfricains, de dispositions légales relatives aux clause:,>
d'agrément et de préemption, les praticiens ont mis au point une clause habituellement
insérée dans les statuts, aux termes de laquelle l'actionnaire cédant signifie à la société
l'offre de céder ses actions à un tiers ou à un autre actionnaire et précise les conditions de
cette offre. Le conseil d'administration est tenu de statuer dans un délai de 2 ou 3 mois.
Trois situations peuvent être envisagées:
- si le conseil d'administration agrée la cession, le cessionnaire devient actionnaire:
- si aucune décision n'est prise, la clause prévoir que l'agrément est réputé acquis;
- si le conseil refuse d'agréer la cession, une procédure particulière est définie par les
statuts qui s'apparenre à une clause de préemption, l'objectif fondamenral étant
d'éviter que le cédanr ne soit prisonnier de ses titres (497).
Ce dispositif statutaire nécessite quelques observations. La première, et sans doute
la plus importante, est que seule la loi ~ourrait conférer aux tiers et aux actionnaires toutes
les garanties souhaitables en matière de cession des titres.
Au reste, nous l'avons souligné, la pratique instaurée dans les pays africains accuse
des lacunes, spécialement en cas de refus d'agrémenr par le conseil d'administration.
Aussi des aménagemenrs se révèlent-ils nécessaires dans la perspecuve d'une
hannonisation des législations africaines en ce domaine.
(496) Cf.RIPERT et ROB LOT, Op.CiL, n0954, p.679.
(497) MEISSON"NIER, Droit des sociétés en Afrique, Op.CiL p.529.
202
P3r exemple, en ce qUI concemè l'organe habilité à statuer sur la cession, c èst
arbitrairement,
pensons-nous,
que
le
droit
d'agrément
est
conféré
au
conseil
d'administration plutôt qu'à l'assemblée générale. Cette désignation ne tient pas compte de
l'hypothèse où la société opte pour une autre forme d'organisation (société à directoire par
exemple).
Il serait donc plus exact de dire qu'en principe, le droit d'agrément peut être exercé
indifféremment par le conseil d'administration, le directoire ou l'assemblée générale
(498).
Mais, compte tenu du caractère démocratique de la SA, c'est l'assemblée générale,
statuant aux conditions de quorum habituelles, qui devrait connaître de la cession.
Par ailleurs, un contenu large devrait être attribué aux clauses d'agrément pour
pemlettre à la loi -dans l'optique d'une réfolllle- d'englober les hypothèses les plus
diverses.
Ainsi, les clauses d'agrément devraient avoir vocation à s'appliquer aussi bien aux
cessions entre actionnaires qu'à celles destinées à des tiers.
En somme, le réaménagement des clauses d'agrément pourrait se faire selon les
modalités évoquées ci-après.
D'abord. c'est une nécessité tecbnique, les titres devraient être nominatifs car
l'inscription constitue le seul moyen de connaître et de contrôler les transfens. En outre, la
clause d'agrément devrait s'accompagner d'un engagement de prée~ption, faute de quoi
l'actionnaire pourrait se trouver prison nier de ses ti tres (499).
Enfïn, la clause d'agrément devraient faire l'objet d'une publicité légale. Il ne
saurait en être autI:ement d'un acte destiné à protéger les tiers (500). Des précisions
complémentaires doivent être apponées en ce qui concerne les cessions entre actionnaires.
(498) GUYON, Op.CiL, T.I, p.718.
(499) Cf.GUYON. Op.CiL. T.J, p.718
(500) A rapprocher de l'hypothèse légale en matière de vente immobilière; cf.arLI J92, COCC (Sénég31) et
arL.33Ü, C.Com. (Mali).
203
2°) L'application des clauses d'agr-ément aux cessions entre actionnaires.
- 132 - Contrairement à l'opinion de MM.VIANDIER et COZIAN, qui considèrent
gu' elles sont insusceptibles d'agrément (501), nous préconisons la soumission des
cessions entre actionnaires à l'appréciation de la société, par le biais de l'organe compétent
(l'assemblée générale).
Le seul intérêt de cette disposition, qui n'est pas négligeable pour autant, c'est de
protéger la société d'une prise de contrôle (par une société concurrente) "oprSrée par un
acrionnaire qui rachèrerait libremem les litres disséminés entre de nombreLLY: perils
porteurs" (502).
Il convient de souligner, cependant, que la défense de la société pourrait également
se réaliser au moyen d'une clause de préemption, qui obligerait le cédant à proposer ses
actions directement aux autres actionnaires avant toute négociation.
D'où l'intérêt d'associer, souvent, en pratique, les clauses d'agrément el de
préemption. Valables en principe, ces clauses ne doivent cependant pas mettre obstack aux
renversements de majorité provoqués par les cessions entre actionnaires (.5 03). De même,
ces clauses sont nulles dès qu'elles risquenr de rendre l'actionnaire prisonnier de ses titres.
La demande d'agrément entraîne soit l'approbation soit le rejet du projet de
cession; ces deux hypothèses ne donnent lieu à aucune difficulté particulière.
En revanche, une situation délicate peut naître si aucune décision n'est prise par
l'organe compétent. Dans ce cas, la règle fondamentale est que l'actionnaire ne doit pas
rester prisonnier de ses titres. Aussi la société doit proposer soit de racheter elle-même les
(SOI) Cf.COZIA"i et YTANDIER, Op.CiL, n'1036
(502) Cf.GlJYON, Op.CiL, p.720; v.également p.717 : "Dans ceriaines sociétés spécialement réglementées,
les cessions sont obligatoirement soumises à l'agrément de l'assemblée générale afin d'éviter rintrusion
d'indésirables qui pereurberaielJl la marche de la société (L.l er aOûl 1986, areA, sur les sociétés de presse el
artL,218 sur les sociétés de commissaires aux comptes)".
(503) TGIDijon. 8 mars 1977, Rev.soc.1977, 279, note Randoux; v.également, J.BARDOUL, Les clauses
d'agrément et les cessions d'actions entre actionnaires, D.1973, 137; Com.lO mars 1976, D.1977, 455 note
BOUSQUET.
Tl est à noter que cette position, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, en France, a été
critiquée par \\-l.GUYON qui considère que les cessions entre actionnaires pourraient favoriser la prise de
contrôle de la société par un tiers qui rechèterait librement les titres disséminés entre de nombreux petits
porteurs.
204
actions et de diminuer d'autant son capital, soit de les faire acheter par un actionnaire ou
par un tiers. Rappelons que, par le biais de la préemprion, la cession devrait être proposée
en priorité aux actionnaires.
En cas de litige portant sur le prix de ceSSIOn, il conviendra de fairt: procéder à
l'évaluation de la valeur des actions par voie d'expenise (504).
Pour éviter que le cédant ne reste trop longtemps dans l'ex.pectative, l'on devra
considérer que le défaut de réponse de la "ociété dans le délai de trois mois à compter de la
notification de la demande d'agrément vaut acceptation.
Pour permettre aux tiers d'apprécier correctement l'opération de ceSSIOn, il
conviendra de respecter certaines conditions.
Ainsi, en cas de cession directe, l' actionaire qui se propose de céder ses titres devra
notifier à la société, par acte extrajudic5aire ou par lettre recommandée avec avis de
réception, une demande indiquant les nom, prénoms et adresse du cessionnaire, k nombre
des actions dont la cession est envisagée, le prix offert (505).
3°) Le transfert de titres nominatifs
a) La cession de valeurs non cotées
- 133 - En .-\\frique noire francophone le transfen s'effectue par tradirion pour les actions
au poneur et au moyen de simples bordereaux de transfen en ce qui concerne les actions
nomir.:Hives (506). L'article 36 (C.com.) dispose en effet:
(504) L'expen doit être désigné amiablemcnt par les parties (art.l843-4 C.civ.). Mais, compte tenu du fait
que la pratique de l'expertise n'est pas courante, en Afrique, il y aura lieu de saisir le Tribunal SLatuanL en la
fonne des réf~rés, sans aucun recours possible (art.1843 C.civ.).
On pourrait également envisager -et ce serait une innov<ltion- de faire intervenir un agent désigné et
mandaté par le Centre de Contràle de Gestion des cntreprises dont la création (ou la généralisation). nous
l'avons dit, s'avère indispensable.
NB : Les récentes réformes (Mali, Sénégal) ont cependant prévu la désignation d'un expert;
cLan. 1097, COCC ètan.975, C.Com.
(SOS) Camp. : France, arl.L.27S; Mali, art.975, C.Com.; Sénégal, art.1394 COCC.
(S06) CLDoss.lntern., F.Lefebvre, AfLnoire fL, op.ciLn'7033, p.684. DAL5ACE, op.cil., 1959, n'33, p.26.
205
"La propriété des actiolls (nomillatives) peU[ être établie par llne
inscription sur les registres de la société. Dans ce cas. la cessioll
s'opère par ulle déclaration de trall~fen inscrite sur le registre er
signée de ceilli (fui fait le tramfert ou d' unfondé de pouvoir",
Les législations des pays d'Afrique notre francophone accusent cependant des
lacunes en matière de tenue du registre des titres nominatifs et de signature des certificats
nominatifs, les dispositions des décrets (françJis) du 10 novembre 1949 et du 7 d~cembre
1955 notamment (507), n'ayant pas été déclarées ar'1licables à ces pays. L'adoption de
ces textes permettrait donc de combler les lacunes précitées.
En France, les opérations de tran~fert des titres nominJtifs ont été simplifiées,
rappelons-le, par le décret n° 1595 du 7 décembre 1955. Elles sont réalisées par la signalllre
d'un bordereau de transfert par le cédant et sa transcription sur un registre des transferts
(508) obligaroirement tenu par la société et portant les indications permettant d'établir
l'identité du tirulaire ainsi que celles relatives JU nombre et à la catégorie de ses titres. Les
mêmes formalités sont requises de la pan GU cessionnaire s'il s'agit d'actions non libérées,
du fJit de la responsabilité de ce dernier dans Je versemem des sommes non encore
appelées (509).
La société pourra exiger que l'actionnaire fasse certifier sa signature, formalit~ qui
peut être accomplie par un agent de change, un notaire, par le maire ou par le cOl11miss;me
de police du domicile de l'actionnaire (510).
Il convient d'insister sur le fait qu'à défaut des formaliLés précitées, le transfert cles
titres nominatifs ne saurait être oppcsable ni à la société, ni aux tiers (511).
(507) Pour un éLJl complel clcs clispositions 10gislalives applicables aux lransferts cie Lirres en Afrique nuire,
cf.rvlEISSONî'iIER, ouvrage précité, n' 516, p.497 -498. Nota : Au Sénégal, les modalilés de t('nue des
regislres nominatifs sonl fixées par le clécrel cI'applicalion de la loi clu 29 juillel 1985 (arL,1389 COCC): pour
la France, cf.anD.204.
(50S) cf.DALS ..l"CE, op.cil., 1959, n'33, p.26,
(509) Ibid.
(5 ra) Cependant, la certification ne peut être exigée si la signature peuL être apposée au guichel de la sociélé
el en présence de son représenlJ.nt ou, pour les sociélés cOlées en bourse, si l'opération a lieu au guichel
cI'une banque dont la sociélé s'esl assurée le concours, cCDALSACE, op.cil., 1959, n'33, p.27.
(511) Req.n décembres 1943, Journ.soc. 1949, 255, note George. La cession esl "res inter alios oc!a" pour la
sociélé émeurice, cf.Cass.req.3 mars 1886, D.P.1887.1.32; Juris-C1asseur des sociélés, fasc.112-8, 1975,
DEMOGUE, "Opérations juridiques sur valeurs mobilières".
206
La procédure de transfert des titres ci-dessus décrite - prévue seulement au Mali et
au Sénégal (512) devrait servir de fondement à l'harmonisation des législations en Afrique
noire francophone et se substituer à tout autre mode de transmission (513), notamment ~t
celle réalisée par les voies civiles, c'est-à-dire soit par acte sous seing privé et signifié à la
société ou par acte notarié avec acceptation, dans l'acte, du représentant qualifié de la
société.
S'agissant des modalités de tenue du registre des transferts (rie titres nominatifs), il
y aura lieu de consacrer légalement la solution scuvent utilisée en pratique par les pays
africains (514), laquelle s'inspire des dispositions de l'article 204 du décret français du 23
mars 1967. Rappelons qu'aux termes dudit article:
"Les registres de titres nominatifs émis par une société sont établis
par ceue société ou par une personne qu'elle habilite à cet effet.
Ils
peuvent
être
constitués
par
la
réunion,
dans
l'ordre
chronologique de leur érablissement, de feuillets utilisés sur une
seule face. Chacun de ces feuillets doit être réservé à un litulaire
de titres à raison de .'la propriété ou à plusieurs titlllaires à raison
de leur copropriété, de leur nue-propriété ou de leur usufruit sur
lesdits titres.
Ce n' eSl qu'après inscription du transfert au registre de la sociélé émettrice que la transmission ct:.!
titre est opposable à la société ct aux liers, cLfl'lERCADAL et JA1"J"IN. Mémenlo pratique Francis Lefebvre,
Sociélés commèfcialcs, 1981, n'2516; MM.de JUGLART. IPPOLITO, DUPICHOT el du PONTAVICE,
Traité de droit commercial, 3è éd., T.Il, op.cil., n'610.
le Sénégal vient d'opter pour ce mode de transmission, cf.art.l388 du Code des obligations civiles
el commerciales qui dispose: "Le titre est transmis, à l'égard des tiers et de la personne morale émettrice,
par un transfere sur les registres que la société tient à cet effet".
La CÔlè-d'Ivoire a adopté une disposition similaire, inspirée de l'article 36 du Code de commerce.
En ce qui concerne les modalités pratiques de tenue de ces registres, cLde JUGLART et autres au leurs,
Op.Cil, T.II, n'6iO. Sur la lenue de "feuillets" ou de fichiers, cf.arI.D.204 et 205.
(512) Cf.Mali, all.928 C.Com.; Sénégal, art.1388, COCC el projet de décrel d'application, an.165 el 166.
(513) C'est d'ailleurs le seul mode de transmission possible pour les actions d'apport pendant les deux ans
qui suivent leur attribution "sauf le cas de fusion et sallf le cas où elles sont QlIribuées à des sociétés ayant
plus de deux ans d'existence sous forme de sociétés par actions dans lesquelles les apports éwiellC
représentés par des titres négociables" (loi du 16 novembre 1903 et décret du 7 décembre 1954, rendus
applicables en ,l,.frique noire francophone respectivement par le décrel du 20 mars 1910 et par le décrel du 13
novembre 1956j: cf.DALSACE, Op.CiL, 1959, n'33, p.26; Doss.lntern.F.Lefebvre, Afr.noire fr., op.cil.,
n'7033, p.684.
(514) CLMEISSONNIER, ouvrage précilé, n'522 et 523, p.500; pour le Mali et le Sénégal, cLnote 512.
207
En outre, il peUl être fenil des fichiers contenant, par ordre
alphabétique. les noms et adresses des [iwlaires de titres. ainsi que
l'indication du nombre, de la catégorie et, le cas échéant, des
numéros des titres de chaque titulaire. Les mentions de ces fichers
ne peuvent faire preuve comre celles contenues dans les registres".
Soulignons, par ailleurs, que le registre des transferts devra comporter les mentions
prévues par l'article D .205 et reprises par le lé gislateur sénégalais (515).
S'agissant des signatures, chaque certificat nominatif devra en revêtir deux : l'une
du président ou de toute personne statutairement habilitée (cette signature pouvant être
manuscrite, imprimée ou apposée au moyen d'une griffe), l'autre, obligatoirement
manuscrite, du fondé de pouvoirs ou de toute personœ déléguée (par le conseil).
b) La cession de valeurs cotées
- 134 - Lorsque -cette situation étant peu courante en Afrique (516)- la cession des actions
cotées en bourse justifie l'intervention d'un agent de change, il sera procédé à un transfen
d'ordre à la requête de l'agent de change acheteur au nom de son client, s'accompagnant
de la réception du prix de la cession par un deuxième agent de change (vendeur).
Au plan juridique, il importe que l'opération soit matérialisée dans les ;egistres de
la société; les droits du titulaire d'un titre nominatif sont en effet établis par une inscription
sur les registres de la personne morale émettrice.
(515) L'art.166 du décret d'application de la loi du 29 juillet 1985, qui a repris CXaLement les termes de
l'an.D.20S, dispose: "Les registres visés à l'article précédent contiennent les indications relatives aux.
opérations de transfert et de conversion des titres, et notamment:
1) La date de l'opération.
2) Les nom, prénoms et domicile de l'ancien et du nouveau litulaire des titres en cas de tramiert:
3) Les nom, prénoms et domicile du titulaire des titres, en cas de conversion de (ilres au porteur en litres
nominal ifs:
4) La valeur nominale et le nombre des titres transférés ou convertis:
5) Le cas échéanl, si la société a émis des actions de différentes catégories et s'il n'est tenu qu'un seul
registre des actions nominalives, la catégorie et les caractéristiques des actions transférées ou convenies:
6) Un numéro d'ordre affecté à l' opéraiion.
En cas de transfert, le nom de l'ancien titulaire des titres peut être remplacé par un numéro d'ordre
permeuant de retrouver ce nom dans les registres.
(516) Hormis le Nigéria pour les pays anglophones, seule la Côte-ct'1 voire a institué une Bourse des valeurs.
Dans la plupart des pays africains, la cession devrait donc se faire directement par l'intermédiaire d'un agent
de change ou du notaire.
208
La transmission de la propriété des titres s 'opère, dans les rapports entre les parties,
par le seul effet de la convention de cession, le transfert ayant pour effet de rendre celte
transmission opposable aux liers (517).
Compte tenu des risques encourus par j'acquéreur d'actions nOmm<1tlves. il
conviendra de "prévoir le séqueslre des fonds correspondanl à la cession des uClions
jusqu'à l'inscriplion définirive sur les regislres de la sociélé émeltrice du iwuveml
lilulaire" (518).
Précisons qu'en matière de négociation (519) des valeurs mobilières cotées (520),
l'on devra recourir le plus souvent au système du transfert direct (ou réel) des titres, lèquel
n'implique pas obligatoirement l'intervention d'un agent de change, les cessions se faisant
directement entre personnes physiques.
Le recours à un agent de change s'imposera, en revanche, comme c'est le cas en
Côte-d'Ivoire (521), en cas de cession de valeurs cotées, entre deux personnes morales ou
entre une personne morale et une personne physique, les marchés de bourse présentant en
pareille occunence, plus de garantie (522).
(517) Rapprocher de la vcme immobilière qui est pmiaite dès \\a rcnCOl1lre des volomés des parLies, mais qui
ne devient opposablc aux tiers qu'après publication au fichier hypothécaire.
(51S) CLMonique GUILBERTEAU, note sous C.Cass. (ch.com). 27 mai 1981, Sté Ne,areo Hloding
EstablishmenL c. Sté Zalabema ct autres, Rev.soc,I982, p.93-95.
(519) CLde JUGLART, IPPOLITO ct aulres Zlulcurs, Traité de droit commercial vo1.2 : Les sociétés, op.cit..
n'6071, p.89 : "On dit que les aC/ions, les obligations et les parts de fondateur sonl des titrç-,~Jlé,-';Qrj(l/2ÙL~,
car ils se trWIsmellent sans qu'il y ait lieu d' observcr les fomuLiités de la cession de créance âi< droit ci vil:
ce qui va présenter un double avantage".
(520) Ceci concerne plus particulièrement la Côtc-d'Ivoire qui a créé un marché financier (Loi n'74-353 du
24 juillet 197:+).
(521) La loi ivoirienne n'78-896 du 25 oClobre 1978 prévoit qu'cn cc qui concerne les sociétés à p,1I1lcipalion
financière publique, les actions doivent revêtir la forme nominative ou être déposées sous dOSSier nominatif
chez un agent de change ou une banque, si elles sont au porleur.
Il convient de rappeler, cependanl, qu'en ce qui concerne la pl uparl Jes pays d'Afrique noire francophone,
les souscriptions se font bien souvent par l'intermédiaire de banques ou d'organismes financiers assimilés Cl
raremùent sur un marché boursier.
(522) CLauteurs et ouvrages cités ci-dessus, n'610, p.l02: "On dit qu'il y a iransfere direcc ou réel lorsque le
titre n'est pas négocié en bourse: il s'agit de cessions direCles entre personnes physiques el il paraÎt inutile
d'avoir recours à un agent de change. En revanche, lorsqu'il s'agit de cessions de \\;aleurs cotées. entre deux
personnes morales (sociétés) ou entre une personne physique et unc personnc morale (cessions qui peuvent
revêtir une valeur considérable), les marchés de bourse présenten/ plus de garantie: il cst alors
indispensaUIe d'avoir recours à un agent de change: encore cela n' cst-il pas nécessaire quand la assion est
réalisée entre deux sociétés dont f' une possède 20 ?c du WpilOl de l' aulre ".
209
Il convient de souligner que l'ensemble des dispositions susmentionnées ont été
prévues par le législateur malien (523).
E - LE REGIME DES OPERATIONS APPLICABLES AUX AUGMENTATIONS
DE CAPITAL
1°) Le droit préférentiel de souscription
- 135 - En tout état de cause, le droit préférentiel ne saurait être supprimé dans les pays
d'Afrique noire francophone. Il a en effet, une fonction égalitaire (524). Ce droit pemlet
de maintenir l'équilibre entre les anciens actionnaires, du moment que ceux-ci entendent
souscrire à l'augmentation de capital. Dans cette hypothèse, l'actionnaire peut, s'il le
désire
(525),
souscnre
à
titre
irréductible
le
nombre
d'actions
auquel
il
a
mathématiquement droit (526). Ainsi, dans le cas d'une société dont le capital est
augmenté de 10%, soit une action nouvelle pour 10 anciennes, le titulaire de 20 actions
anciennes a le droit de souscrire à titre préférentiel 2 actions nouvelles. Sa souscription ne
peut être réduite. 11 est donc assuré que, s'il accepte de souscrire, sa participation au capital
restera proportionnellement la même avant et après l'augmentation.
L'on comprend donc que les législations africaines aient posé le principe du droit
préférentiel de souscription, pour en préserver la fonction égalitaire (527), toute clause
contraire à ce principe étant réputée non écrite et cette sanction civile étant complétée
d'une sanction pénale à l'encontre des dirigeants sociaux qui auront, notamment, commis
toute violation frauduleuse en vue de priver les actionnaires ou certains d'entre eux d'une
part de leurs droits dans le patrimoine de la société (528).
(523) CLAn.952 à 966 C.Com.; spéc. an.952 à 957 (C.Com.).
(524) CLCOZIA:--J et VIAJ~DIER, op.cil. n' 11S5 et S" p.318-319.
(525) Le droit de souscription n'est qu'une possibilité offerte à l'actionnaire et non pas une obligation;
obliger les actionnaires à souscrire reviendrait, en effet, à augmenter leurs engagements.
(526) Le droit de souscription joue proportionnellement au montant des actions possédées par chaque
actionnaire (art. 1er, décret-loi du 8 août 1935).
(527) CLan.5, LA mars 1943
(52S) CLart.9, 10 et Il du décret-loi du 8 août 1935, pour les pays d'Afrique noire francophone (excepté le
Mali et le Sénégal); dispositions correspondantes en France. au Mali et au Sénégal :
- principe du droit préférentiel de souscription (arl.L.lS3); anAS5, ai.2, C.Com.; art. 1334. a1.2,
COCC; art.43 Ord.1l9 (Guinée)
- sanction pénale (art.LA50); art.662, C.Com.; arL1515 COCc.
,.-""h~""'.·""'-=""-
m'%SollSolll'llI
....
...··""'?e'f'"'·'W""'W"""_""'-...
· ------------------~~
210
Mais, comme l'ont souligné les Professeurs COZIAN et VIANDIER, "le doglne dll
droit préférentiel de souscriptiO/l reçoit toutefois exception" (529). La loi prévoit la
possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire de décider la suppression du droit
préférentiel de souscription. La suppression, pouvant être motivée par des difficultés de
l'entreprise ... (société en pertes dont l'actif net est inférieur au capital, par exemple ... ), peUL
être faite au profit de tiers ou même de œrtains actionnaires (530).
Notons. !Jar ailleurs, qu'en dépit de l'intérêt que présente k droit irréductible de
souscription, l'actionnaire peut l'exercer ou non. Les droits que n'exerce pas l'actionnaire,
par suite de renonciation, de négligence ou pour tout autre motif, sont reponés sur les
autres actionnaires, à concurrence du nombre d'actions dont ces derniers sont propriétaires.
Ils constituent la souscription à titre réductible, par différence avec la souscription à titre
irréductible qui procède de l'emploi du droil préférentiel de souscription. C'est ce qui
ressort de l'article 4 du décret-loi du 8 août 1935 applicable aux pays d'Afrique noire
francophone (hormis la Guinée, le Mali et le Sénégal) (531).
Deux
remarques,
contradictoires
en
apparence
seukment,
se
dégagent
des
observations précédentes:
- Le droit préférentiel de souscription est un droit utile:
- La renonciation des actionnaires anciens à leurs droits est grave.
L'une des questions qui se pose, notamment dans l'optique d'une harl11onisarion
des législations africaines, est de savoir si ce droit doit être rnainte;1U ou non.
(529) CLCOZL-\\.t',' et VIANDIER, op.cil., n'11S7, p.319
(530) CLanA, D-L.8 août 1935; sur les motifs de suppression du droit préférentiel de souscription. au
Sénégal, cLan. 126 du projet de décret d'application (de b loi du 29 juillet 1985); pour le IVlali. cLan,489.
C.Com.
(531) CLanA, D-L.S août 1935 : "Si certains aClionnaires n' onl pas souscril les auions pour lesquelles les
disposilions ci-dessus leur donnaiem droil de préférence, les aClions ainsi rendues disponiules seroi1l
allribuées aux aClionnaires qui auronl souscrit un nomUre d'aclions supérieur à celui qu'ils pouvuienl
souscrire à Iilre préfére/7/iel, proporlionnellemenl ci leur pari dans le capilU! el dans la lùnile de leurs
demandes".
V. en ce sens: anA3, Ord.119 (Guinée), an.1335, COCC (Sénégal): art.486, C.Com. (rvlali).
211
Notre opinion, bien que nuancée, n'en est pas moins fem1e et logique. A narre avis
le principe du droit préférentiel de souscription doit être maintenu, puisque ce droit perniet
de dédommager les anciens actionnaires par rapport aux droits que sont susceptibles
d' acq uérir les nouveaux et qu'il joue proponionnellement au montant des actions
possédées par chaque actionnaire.
Toutefois, la perfection n'étant pas de ce monde, les Clfconstances de la vie des
affaires rendront parfois nécessaire voire indispensable la suppression du droit préfàentiel
de souscription:
"La suppression esl opporulI!e
lorsc/lle
la
société,
étanl en
difficu/lê, son sauvecage commande l' incen"enrion d' lm tiers. lequel
apponera son concours en participanr cl {augmentation de capical
qui lui sera réservée".
Cerre observation des professeurs COZIAN et VIAi\\TDIER (532) donne la juste
mesure du problème en même temps qu'elle en induit la solution. En soi, le droit
préférentiel de souscription est un "instrument" neutre, ni bon ni mauvais, qu'il faur savoir
adapter aux différentes circonstances de la vie sociale. A titre d'analogie, le bon marin doit
adapter la conduite de son navire aux humeurs du temps.
Vainement a-t-on proposé la suppression du droit prdérentiel de souscription
(533). Si la renonciation des actionnaires anciens à leurs droits est grave, elle esr parfois
nécessaire lorsque la société se trouve en situation difficile et qu'il s'agit, pour la rentlouer,
de faire appel il des concours extérieurs. A ce propos, les cas de renonciation melHionnés
par certains auteurs français sont d'une extrême pertinence :
"Un groupe financier serail décidé à apponer de l'argenr frais,
mais n'acceprera pas d'être primé par les anciens actionnaires.
D'autres cas peuvent justifier la suppression du ciroit préférentiel,
par exemple tels créanciers accepcenc de convenir leur créance en
accions Oll cel apporteur en nature mec comme condilioll cl Son
apporr qu'une augmentation du capital en numéraire Oii lieu en
(532) CLCOZIAN et VIAJ'JDIER, op.cil., n' 1187, p.319.
(533) CLLEBLOND, Sur une ten1.3live de suppression du droit préférenliel de souscription des aclionI1~lircs
aux augmentations de capit:.lI en numéraire. Gai'.. PaI.16 octobre 1971,2, doctrine p.490: v.également sur les
diverses critiques formulées à l'encontre du droit de souscription, COURET, Le droit prékrcnlicl de
souscription de l'actionnaire, Thèse Droit Toulouse, 1978, n' 102 ct S. ct Petites Affiches, juin 1979, pA.
--+A'ZR
212
même temps et lui soit réservée. PQlfois, la suppression du droit
préjérenrie! est liée à la réofis(){ion de certaines opérations. ainsi
rémission
d' o!Jligatio/ls
convertibles
rend
indispensable
la
renonciation uilficipéc des aCfionnaires il lellr droit de SOllscrire
par préférellœ Li
rollgmenrotion du cLljJital rÉSllltanr de la
conversion des o!Jligariolls (oreL) 95, a!.2)" (534).
En définitive, c'est sur le fonckmelll du
principe
du
droit
préférentiel de
souscription que devrait s' ornaniser l'effort d 'harmonisation des législations africai "es. Par
ailleurs, la décision de supprimer le droit préférel1liel de souscription, ne pouvant ~tre prise
à la kgère, devrJ.it cOlllinuèr d'ob~ir ù des conditions très strictes: la délibération de
l'assembl~e générak extr~lordinaire,organe seul habilité à statua en la matière, ne pourrJ.it
donc être prise, à peine de nullité, qu'après lI;1 double rapport: l'un du directoire, l'autre
des commissaires aux comptes (535).
Soulignons, en outre, que ces deux r:lpports devont êO'e tenus à la disposition des
actionnai res 15 jours au moi ns avan t la réu niol1 de l' asse:nblée gé nérale appelée ü statuer
sur la suppression du droit de souscription (art.6, O-L du 8 août 1(35).
L'importar.ce des mesures qui précèdent n'a d'ailleurs pJ.s échappé aux législateurs
malien et sénégalais, lesquels n'ont pas manqué d'enserrer la suppression du droit
préférentiel de souscription dans d·~troite:.; limites. ainsi qu'en témoigne le libellé de
l'article -1-88 (C.COI1l.) ct de l'article 1337 du COCC :
"L'assernblée générale qui décide r augmentation ducap/zal peut
supprimer le droit préférenriel de souscription. Elle srallle à cet
effet et à peine de nullité de la délibérarion, sur le rapport du
conseil d'adminislrCuion ou de gestion, selon le cas, et SLlr celui des
commissaires aIL': comptes. Les indications que doivem conœnir
ces rapporrs som déterminés par décret.
Les atlriburaires évemuels des actions l10llvelles ne peuvent, à
peine de nullité de la délibération, prendre parr au Vote supprimant
en leur faveur le droir préférentiel de souscription".
(534) De JUGLART, IPOLLITO Cl autres '.lUleurs, op.cil., 2è Vol., n'809, p.~79-880.
(535) Sur la compélence de l'assemblée générale extraordinaire, cLartAS1, C.Com. (Mali) CL arl. 1331,
COCC (Sénégal).
213
2°) La délégation de pouvoir en cas d'augmentation de capital
- 136 - L'intérêt praLique d'une telle délégation est, d'une part, d'éviter les frais de réunion
d'une assemblée
générale
extraordimire
et,
d'autre
part,
de
décider
rapidement
l'augmentation de capital (536).
Pour autant, cette délégation n'est pas exempte de dangers. Les administrateurs
pourraient en tirer prétexte pour réaliser l'augmentation dans des conditions qui nuiraient
aux actionnaires (537).
Soulignons, en outre, que l'augmentation de capital doit, en principe, être décidée
par l'assemblée générale extraordinaire, voire à l'unanimité des actionna,ires dans la
mesure où elle augment leurs engagements (538).
Cest donc à juste titre que la loi française de 1966 confie le pouvoir de décider
l'augmentation du capital social à l' assêmblée générale extraordinaire exclusivement et
interdit formellement toute délégation au conseil d'administration ou au directoire et
déclare nulle la clause statutaire qui donnerait à l'avance ce pouvoir au conseil ou au
directeur (arLL.180, al. 1er et 4).
Si, pour des raIsons de commodité, précédemment évoquées, le pouvoir de
délégation a été maintenu, sa validité demeure subordonnée à la condition que l'assemblée
générale extraordinaire ait décidé l'augmentation au préalable, de sone que l'organe social
délégué (conseil d'administration ou directoire) devient un simple exécutant chargé de
(536) Les conditions de forme de l'augmentation de cJpital sont les mêmes que celles applicables en cas de
constitution:
- réunion d'une première assemblée générale extraordinaire qui décide J'augmentation après avis du
conseil d'administration ou du directoire (Conseil de Gestion pour le Sénégal) et des commissaires aux
comptes;
- constal2tion des soucriptions et des versemems donnant lieu à l'établissement d'un certificaL du
dépositaire
- deuxième assemblée constatant la réalisation de J'augmentation de capital et modification des
statuts.
Il convient de rappeler qu'en Afrique noire francophone (excepté en Guinée, au Mali et au Sénégal),
les augmentations de capital sont régies par le décret-loi du 30 octobre 1935 ct le décret du 3 septembre
1936.
(537) A propos de l'utilisation dc la délégation de pouvoir pour réaliser J'augmcntation dc capital dans des
conditions qui nuiraiem aux actionnaires (Paris, 16 février 1933, S.1933.2.178).
!l a été également jugé qu'une émission irrégulière engageait la responsabilité dcs administrateurs (Paris 3
novembre 1933, 5.1934.2.30).
(538) Spécialcment en cas d' augmemation par incorporation de réserves.
214
réaliser l'augmentation de capital, d'en fixer les modalités, d'en constater la réalisation et
de procéder à la modification corrélative des statuts, sans qu'il soit nécessaire de réunir
une assemblée de ratification.
Bien que son étendue soi t variable (539), la délégation ne devrait pas permettre au
conseil d' administration (ou au directoire) de décider les conditions essentielles de
l'opération (540), ni d'outrepasser les pouvoirs qui lui ont été conférés par l'assemblée
(541).
Les développements qui précèdent font apparaître la nécessité de généraliser, en
Afrique noire francophone, le principe selon lequel l' assem blée générale extraordinaire est
seule habilitée à décider l'augmentation de capital (542) et d'enserrer l'exception que
constitue la délégation de pouvoir à l'un des organes sociaux dans les strictes limites qui
viennent d'être défmies (543).
L'ensemble de ces règles sera utilement complété par une mesure récemment
instituée par le législateur ivoirien qui déclare illicite toute délégation, contërée pour une
augmentation de capital, comportant dérogation au droit préférentiel de souscription
(544).
(539) De JUGLART, IPPOLITO, du PONTA VICE et DUPICHOT, op.cit., T.II, n'800-1, p.868.
(540) L'assemblée ne pourrait pas laisser à l'organe désigné le soin de décider si le capital sera augmenté par
émission d'actions de numéraire ou par incorporation de réserves, cLl\\ILERCADAL et JANIN, op.cil., 1980,
n'2027.
(541) Il a été jugé, dans le cas où la société réclame à un souscripteur une prime d'émission alors que
l'assemblée avait fixé les conditions d'émission au pair, que le souscripteur devrait être considéré comme le
prêteur des fonds versés en sus de la valeur nominale (Com.28 mars 1960, Bull.civ.II, n'385, p.351; Pau 22
mars 1957, Rev.soc.1957, 163).
(542) Il Y a lieu de se référer, sur ce point, à l'art.l337 du Code sénégalais des obligations civiles et
commerciales: contra, en ce qui concerne la législation commune à la plupart des pays africains, l'art.5 du
décret du 8 août 1935 attribue le pouvoir de faire dérogation au droit préférentiel de souscription à
l'assemblée générale, délibérant aux conditions de quorum et de majorité prévues par l'art.31 de la loi du 24
juillet 1867.
(543) L'art.; de la loi du 4 mars 1943, applicable aux pays d'Afrique noire francophone, a supprimé la
pratique courante qui consistait à déléguer dans les s'tatuts les pouvoirs au conseil d'administration, sans
autorisation pré:l1able de l'assemblée générale, de procéder à une augmentation de capital.
Par ailleurs, les législations sénégalaise (art.1331, al.3, COCC) et malienne (art.481, a1.3, C.Com.)
mentionnent très nettement que "l'assemblée générale peut déléguer au conseil d'administration (ou de
gestion) ou au directoire les pouvoirs nécessaires à l'effet de réaliser l'augmentation de capital... ".
(544) Décret ivoirien n'73-76 du 17 janvier 1973 portant réglementation des SA faisant appel public à
l'épargne.
215
3°) Les formalités de publicité consécutives à l'augmentation de capital
- 137 - Le décret du 3 septembre 1936 exige une insertion légale dans le Journal Officiel
du territoire dans lequel est situé le siège social.
Ainsi que le souligne M.MEISSONNIER "cette obligation est particulièrement
gênante en Afrique en raison des délais souvent importants que nécessite une insertion au
J.O. alors, SLlrtollt que la périodicité de celui-ci n'est pas assurée d'une manière
constante" (545).
Nonobstant cet inconvénient irréfutable, la publicité au Journal Officiel devra être
maintenue en raison du regain d'intérêt dont elle devrait faire l'objet, surtout dans la
perspective d'une harmonisation des législations.
Toutefois, pour atténuer la difficulté inhérente aux longs délais de parution, il est
possible de substituer au système actuel une publicité réalisable en deux étapes selon le
schéma décrit ci-après.
Dans un premier temps, la délibération de l'assemblée générale extraordinaire
autorisant l'augmentation de capital devra être déposée au greffe du tribunal (546).
Lorsque l'augmentation de capital sera effectivement décidée, d'autres formalités
de publicité seront nécessaires pour que les actionnaires puissent exercer leur droit
préférentiel de souscription. Deux cas devront être distingués:
. Pour les sociétés ne faisant pas publiquement appel à l'épargne, il y aura lieu de
publier un avis dans un journal d'annonces légales et d'adresser une lettre recommandée
aux titulaires d'actions nominatives .
. Pour les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, outre la publicité dans un
journal d'annonces légales, une notice d'information devra être transmise au Centre de
Contrôle de Gestion des sociétés.
(545) ivIEISSO~~IER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., p.:388.
(546) Il s'agit d'une publicité préalable, car l'augmentation de capital n'interviendra peut être jamais,
GUYON, op.ciL. p.431.
216
Une fois l'augmentation de capital définitivement réalisée, la modification des
statuts qui en résulte nécessitera les modifications suivantes: enregistrement, insenion
dans un journal d'annonces légales, dépôt au greffe et déclaration de confonnité comme en
matière de constitution des sociétés, envoi d'un avis au Centre de Contrôle de Gestion des
Sociétés et inscription modificative au registre du commerce.
Cette dernière fomlalité est particulihement imponante car ce sont ces deux
institutions qui se chargeront de faire insérer l'augmentation de capital au Journal Officiel
du territoire dans lequel se situe le siège social.
L'intérêt de ce procédé réside, nous venons de le voir, dans l'intervention du greffe
et d'organismes officiellement reconnus, au stade final de l'opüation d'augmentltiol1 de
capital. De ce fait, la parution irrégulière au Journal Officiel cesse d'être un handicap
puisque, au plan de la preuve, lesdits organismes peuvent attester la date de la réalisation
définitive del'augmentation, qui fait courir le délai d'un mois durant lequel doivent être
accomplies les dernières formalités.
Une remarque pourrait être faite à propos de la discrimjnation instituée par le décret
du 8 août 1935, entre les opérations dispensées ou soumises à la publicité au Journal
Officiel.
C'est certainement pour éviter des frais que le texte precIte suppnme l'avis aux
actionnaires, qui doit paraître
au Journal
Officiel du territoire ainsi que la lettre
recommandée avec accusé de réception qui doit être adressée à chacun d'eux, 10rsLJue la
dérogation au droit préférentiel de souscription est décidée par l'assemblée générale.
Cette suppression se fonde sur l'idée que, d'une part, les actionnaires sont tenus
informés grâce à l'assemblée générale et que, d'autre part, ils ne sont pas concernés par la
dérogation au droit préférentiel, qui profite aux souscripteurs non actionnaires.
Par un raIsonnement a contrario -pour le mOll1s cuneux-, il est décidé que les
formalités de publicité SOnt maintenues lorsque le droit de souscription est maintenu par
l'assemblée générale au profit des actionnaires.
A notre avis, la subordination de la publicité à la qualité des bénéficiaires du droit
préférentiel -actionnaires ou souscripteurs extérieurs à la société- est erronée dans 1:,-
mesure où la publicité de l'opération d'augmentation de capital vise à informer également
les créanciers et les tiers sur la marche de la société. C'est ce qui justifierait du reste que,
217
parallèlement à l'insertion au Journal Officiel, une notice soit adressée au Cèntre dè
Contrôle de Gestion des Sociétés;
Notons également que l'envoi de la lettre recommandée ne sera pas inutile, compte
tenu de l'absentéisme dèS actionnaires.
En tout état de cause, l'intérêt des tiers et des actionnaires ne saurait être lésé, dans
la seule fin de faire réaliser des "économies" à la société.
PARAGRAPHE
II
- L'HARMONISATION
DU REGIME JURIDIQUE
DES
üBLIGATIüNS
- 138 - L'unification du droit africain des sociétés ne devrait pas susciter de difficulté
particulière en raison de la quasi-inexistence de disparités législatives en ce domaine.
Les obligations sont réglementées'au Sénégal par les articles 1400 à 1441 (COCC),
au Mali par les articles 984 à 1042 (C.Com.) et dans les autres pays d'Afrique noire par le
décret-loi du 30 octobre 1935 essentiellement.
L'on pèm relever, cependant, qu'en Guinée, l'Ordonnance 119 du 17 mai 1985 ne
fait aucune allusion aux obligations.
Mériteraient d'être adoptées, dans l'optique d'une réforme du droit africain des
sociétés, les dispositions suivantes, instituées récemment par les législateurs malien et
sénégalais (547):
- L'émission d'obligations n'est permise qu'aux sociétés par actions ayant deux
années d'exercice
et qui ont établi deux
bilans régulièrement approuvés
par les
actionnaires (548).
(547) an.1401 C.O.c.c.; cLan.985, C.Com. (Mali).
(548) Cf.an.1401, aU, COCC et an.985, aU cr C.Com. (Mali).
Il comiem de préciser, toutefois, que l'article 2 du décru-loi du 30 octobre 1935, applicable à
certains pays d' .-\\frique noire, précise que l'émission d 'obligaLions est imerdite aux sociétés qui n'ont pas
encore établi le bilan de leur premier exercice.
Celle condition est également prévue par les an.2 et 3, LA mars 1943. V.sur ces points,
NIEISSONNIER, ouvrage précité, n'583, p.547-548.
218
Des èXceptions sont toutefois prévues en faveur de l'Etat et des collectivités
publiques (549):
- L'émission d'obligations est interdire aux sociétés dont le capital n'est pas
intégralement libéré (550).
- L'émission d'obligations dont le remboursement est garanti par une société de
capitalisation est interdite (551).
Soulignons, en outre, toujours
dans la perspective de
l'harmonisation des
législations africaines, que l'émission d'obligations doi t être décidée par l'assemblée
générale ordinaire d'une SA -sous réserve de délégation de pouvoirs soit au conseil
d'administration (ou Conseil de gestion pour le Sénégal) soit au directoire, au conseil de
surveillance ou par les gérants (de sociétés en commandite) selon le cas (552).
En matière d'obligations convertibles en actions, seule l'assemblée générale
extraordinaire devrait être compétente.
(549) Les conditions posées par l'art.l401
(Code sénégalais) ne sont pas applicables à l'émission
d'obligations qui bénélïcient soit de la garantie de l'Etat ou de collectivités publiques, soit de la garantie des
sociétés remplissant les conditions prévues à l'Jlinéa 1er de l'arL1401; v.en ce sens, art.2, décret-loi du 17B
juin 1938 (applicable en Afrique noire).
(550) Art.l401, al.3, C.0.c.c. et arl985, C.Com. (Mali); v.également arL2, décret-loi du 30 octobre 1935 et
les anicles 2 et J, Loi du 4 mars 1943.
(551) Art.140 1, a1.4, C.O.C.c.
(552) A propos des organes compétents en matière d'émission d'obligations, cLan.1402 (COCC); à
rapprocher, MEISSON~IER, EJA, Op.CiL, p.152: cLégalement, du même auteur, ouvrage précité, n'582,
p.546.
NB. Cependant, c'est à tort, pensons-nous, que M.MEISS01'<'NIER a mentionné que "Dans le silence dcs
statuts, l'émission d'obligations devra être décidée: J ') par iOus Ics associés, s'il 5' ar:it d'une société en
nom collectif (c'est qui nous soulignons) ou en commandite simple ... ", cUvlEISSONNlER, Droit des sociétés
en Afrique, n'582, p.546. Comme le précisent bon nombre d'auteurs, cLnotamment de JUGLART,
IPPOLITO ... , Op.ciL, n'650, p.299-3Oü : "L'émission d'obligations ... n'est permise qu' ma sociétés par
actions. Les paniculiers ou les sociétés à responsabilité ne peuvent pas émettre d' ohligations négociahles,
mais seulement des "hons de caisse". Il en est de même des sociétés d'investissement qui sont cependant des
sociétés anonymes".
Du reste, en France, la loi punit d'une amende les gérants de sociétés aUlres que les sociétés par actions et
tous particuliers qui émettraient des obligations négociables, cLarLL.469.
Il est intéressant Je relever que le législateur sénégalais (art.140 1 et 1402 C.0.c.c.) a pris soin de permettre
l'émission d'obligations aux seules "sociétés par actions ayant deux années d'exercice et qui ont étahli deux
hilans régulièrement approuvés par les actionnaires" (arL140 1, aI.1).
219
Au total, pour ce qui est des obligations, le problème réside non pas dans l'absence
de mesures efficaces, mais plutôt d,ms le caractère disparate des dispositions législatives
ou réglementaires applicables en Afrique noire: en effet, outre le décret-loi du 30 octobre
1935 qui constitue le texte de base s'appliquent, notamment, le décret-loi du 17 juin 1938,
les décrets des 3 septembre 1953 et 20 mai 1955 (553).
La restructuration formelle de la matière, telle qu'elle a été réalisée au Mali
(art.984, C.Com.) et au Sénégal (art.1400 s., CaCC) serait très souhaitable puisqu'elle
faciliterait la consultat.)n et la connaissance de la loi.
PARAGRAPHE III - L'HARMONISATION DU
REGIME
DES PARTS DE
FONDATEUR
- 139 - Les parts de fondateurs sont règlementées par les lois du 23 janvier 1929 et du 4
mars 1929 applicables à la plupart des pays d'Afrique noire, et par l'article 44 de
l'ordonnance 119 (en ce qui concerne la Guinée).
Elles n'ont pas été prévues par le Code de commerce du Mali (L.1986). Et. trè;;
récemment, Lmicle 1527 du Code sénégalais des Obligations Ci viles et Commerciales en
a interdit l'émission.
Ce texte précise, en effet, que les fondateurs et les dirigeants qui auront, à dater de
l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 1985, émis pour le compte d'une société
anonyme, des parts de fondateur, seront punis d'un emprisonnement de deux mois à six
mois et d'une amende de 100.000 F à 2.000.000 F ou de l'une de ces deux peines
seulement.
En instituant une telle prohibition, manifestement inspirée du droit français, la
législation sénégalaise s'est brutalement désolidarisée de celle des autres pays d'Afrique
où l'émission de parts de fondateur ou parts bénéficiaires demeure autorisée.
De ce fait, nous nous trouvons confrontés à un sérieux dilemne : celui de devoir
opter soit pour le maintien soit pour la suppression de cette catégorie particulière de titres,
dans la perspective d'une unification du droi t africain.
(553) Cf.MEISSONNIER, ouvrage précité, n0579, p.544-545.
220
La solution la plus simple et certainement la plus commode, serait de se rallier au
courant législatif dominant, majoritaire; ce qui conduirait à l'alignement du Sénégal sur le
régime juridique applicable aux autres pays d'Afrique, y compris la Guinée qui a pourtant
procédé, récemment, à la refonte de son droit des sociétés.
Mais l'harmonisation des législations est une opération beaucoup trop importante
pour que l'on s'en tienne à une considération purement numérique.
C'est donc l'appréciation des avantages et des inconvénients des parts de fondateur
qui devrait être déterminante de notre choix.
De fait, l'attribution de parts de fondateur a toujours suscité des difficultés. Du
temps où elles n'étaient pas réglementées par la loi de 1867, on avait pu observer qu'elles
donnaient lieu à des abus. Bien souvent, en effet, les souscripteurs ne prêtaient pas
attention aux droits que les fondateurs se réservaient sur une partie des bénéfices sociaux.
De plus, les fondateurs prenaient la precaution de faire attribuer aux parts un droit sur
l'actif de liquidation constitué par les bénéfices mis en réserve.
C'est pour mettre fin aux conflits d'intérêt qui divisaient les actionnaires ordinaires
et les porteurs de parts que le législateur est intervenu à plusieurs reprises.
D'abord, la loi du 1er août 1893 a imposé aux bénéficiaires d'actions d'apport
l'interdiction de négocier ces actions pendant un délai de deux ans à compter de leur
attribution (L.24 juillet 1867, art.3, al.S, mod.L.ler août 1893).
Ensuite, la loi du 31 mars 1927 a interdit la négociation pendant de:.:x ans, des parts
de fondateur accordées en rémunération d'apports en nature, complétant de ce fait les
dispositions de l'article 3 de la loi du 24 juillet 1867.
Deux ans après, la loi du 23 janvier 1929 est venue compléter de manière plus
complète le régime des parts de fondateur dans les sociétés par actions, en instituant la
masse des porteurs de parts, en déterminant les droits des porteurs et leur participation à la
vie de la société et en organisant la suppression et la transformation des parts de fondateur.
221
Malgré les dlorts déployés pour prévenir ou réprimer cenall1S abus -comme la
distribution d'une
part des
bénéfices au détriment des
actionnaires ordinaires-,
la
réglementation actudle des parts de fondateurs, au demeurant remarquable, n'est pas à
l'abri de critiques (554).
La première objection touche à l'esprit même des parts bénéficiaires. Quelle e:st la
cause juridique du droit accordé aux fondateurs sans contrepanie ? Est-il permis de créer
des titres négociables donnant droit à dé" bénéfices et qui ne soient pas des actions ?
(555).
La seconde objection est que la création de parts de fondateurs est nuisible au
développement et à la gestion des sociétés, car elle contribue à maintenir un contlit
d'intérêts entre les porteurs de pans et les autres actionnaires (556).
L'objection la plus importante, celle qui, pour nous, est détenninante de leur
suppression, tient dans la double difficulté d'évaluer COITectement les droits des porteurs et
de déterminer chaque fois avec exactitude l'opportunité d'une distribution de bénéfices au
seul profit des fondateurs.
Il convient d'ajouter à tout l'da. que la faiblesse actuelle des moyens de l'Olllrôle,
dans le continent africain, ne peut que susciter des tentations et conduire à des abus ...
La suppreSSiOn de ces titres aurait pour conséquence de rétablir l'égo.lilé des
actionnaires et de simplifier en partie les dispositions du droit africain: deux atouts non
négligeables!
(554) JCP.1973.II.17748 et D.1974,89
(555) RIPERT el ROBLOT, op;cil., n'1383, p.948
(556) Cf.RIPERT et ROB LOT : "'Plus lc capilal social CSI augmcnlé. plus les bénéfices sonl élevés. les
aCiionnaires SUpporlenl mal de faire les frais d'alt6l1lenlaliofl1 de capilal qui profitenl aux porleurs de paris.
En revanche. les porleurs de paris IOlèrenl mal que les aCliollllaircs. collslituanl des réserves, dilllinucili la
dislribuliOIl des bénéficcs pour augmenler lc capilal social"', n'] 3§9, p.948.
222
Mais il est à craindre que pour des considérations "d'orgueil national", fléau qui
sévit particulièrement en Afrique (557), la nécessi té pour certai ns pays de faire abstraction
ou de consentir à la modification de leur législation au profit de l'oeuvre de réunification
du droit continental ne soit perçu comme une abdication de souveraineté (Infra n'291 et s.).
Or, ne faut-il
pas rappeler sans cesse le danger des réformes législatives
unilatérales, isolées?
Si, dans certains cas, rares enérité, elles amènent des innovations sur certains
points (558), bien souvent, elies se révèlent infructueuses voire négatives, comme c'est le
cas de la réforme guinéenne -tout au moins en ce qui concerne les parts de fondateur-
jugée, par certains auteurs, comme étant une "régression" par rapport au système antérieur
(559), du fait de son caractère laconique et du fait qu'aucun régime de protection réelle
des actionnaires, tel qu'il résulte de la loi du 29 janvier 1929, n'a été impérativement
précisé dans l'Ordonnance 119 du 17 mai 1985 (560).
En définitive, la suppression des parts de fondateur paraît souhaitable. Er, s'il fallait
qu'elles fussent maintenues, pour quelque raison ... il y aurait lieu de prévoir cenaines
précautions, ainsi que le souligne un auteur avisé:
"Toutefois, sur le plan prarique et en vue d'éviter des difficultés,
nous
conseillons
-lorsque
les
parts
sont créées
lors
de
la
constitution de la société ou lors d'une augmentation de capital
par apports en narure- de faire vérifier les avantages particuliers
en même temps que les apports en nature et, dans les autres cas, de
demander au commissaire au.x: comptes d'établir un rapport
(557) Parmi les manifestations d'orgueil national, l'on peut citer à titre d'exemple, les dégâts matériels,
meurtres, rupture de relations diplomatiques entre Etats africains, expulsions d'africains par d'autres
africains et autres actes condamnables ... consécutifs à un match de football, cf.Edem KODJO, "Et demain
l'Afrique", Stock, réédition 1986, p.131
notammcnt, qui fait état des "conditions d'inséCllriLé que
connaissent les Africains étrangers dans les autres pays africains" et des inconvénients qui en résultcnt, au
plan de la coopération et des échanges.
(558) CLnotamment, Loi Sénégalaise, n'66-70 du 13 juillet 1966 porLant code des obligations. Deuxième
panie - contrats spéciaux, J.O. Rép.Sénégal, numéro spécial du 29 août 1966.
(559) N'eût-il pas mieux valu, d2.ns ces conditions, reprendre les dispositions du ciroit antérieur?
(560) CLan.44. alA (Ord.119).
· 223
spécial sur l'avantage pouvant résulter de l'allri!Jwion des parts"
(561).
SECTION II - LE CAS DE LA SARL
Droit positif
- 140 - Dans les pays d'Afrique noire francophon
(excepté la Guinée) les parts ne peuvent
être cédées que conformément aux articles 2] à 33 de la loi du 7 mars 1925 (acte sous
seing privé ou notarié et consentement de la majorité des associés représentant au moins
les trois quarts du capital social). Précisons que cette mesure s'applique également au Mali
(562) et au Sénégal (563).
En Guinée, l'article 72 de l'Ordonnance 119 exige une majorité des deux tiers du
capital social, au lieu de la double majorité (majorité des associés et trois quarts du capital)
exigée par l'article 22 de la loi du 7 mars 1925.
Aux termes de l'article 22 de la loi de 1925, la cession des parts n'est soumise au
consentement des associés que dans la mesure où elle est effectuée en faveur de tiers non
associés.
La cession entre associés est donc entièrement libre, sauf disposition contraire des
statuts.
Lorsque la cession des parts sociales est effectuée au profit de tiers érrangers à la
société, elle exige le consentement de la majorité des associés, représentant au moins les
trois quarts du capital social, c'est-à-dire la majorité prévue en cas de modification des
status (art.22, renvoyant à l'art.31 de la loi de 1925).
, /
En principe les associés ne bénéficient pas, comme les actionnaires dans les SA,
d'un droit préférentiel de souscription. Mais les statuts peuvent comporter une telle clause
réservant les parts nouvelles aux anciens associés (art.40, L.1925).
(561) MEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil. p.578
(562) An.344 , CCom.
(563) Art.1193, COCc.
224
Les clauses d'agrément et de préemption en cas de cession entre associés sont
licites, dans la mesure où l'associé ne reste pas prisonnier de ses titres en cas de refus
d'agrément.
S'agissant des formes de la cession, le Sénégal, le Cameroun et le Niger imposent
la forme notariée (564).
Dans les autres pays d'Afrique nOlre francophone, y compris la Guinée, les
cessions de parts sociales peuvent être constatées par acte notarié ou par acte sous seing
privé. Cependant, en Guinée, le gérant (de la société) doit intervenir à cet acte, pour que la
cession soit opposable à la société (565).
Les cessions ne sont donc opposables à la société ou aux tiers qu'après signification
à la société ou acceptation par elle dans l'acte notarié (566).
PARAGRAPHE 1 - L'OPPOSABILITE A LA SOCIETE DES CESSIONS DE
PARTS CIVILES
- 141 - Dans la quasi-totalité des pays d' Afrique noire francophone, les cessions ne sont
opposables à la société que si elles lui ont été signifiées ou si elle les a acceptées dans un
acte notarié (567), conformément aux dispositions de l'article 1690 C.civ ..
En Guinée, la cession n'est pas opposable si le gérant n'est pas intervenu dans
l'acte ou si la cession ne lui a pas été signifiée par acte d'huissier (568).
A notre avis, cette solution du droit positif africain, plutôt "lourde", devrait être
abandonnée et
l'harmonisation
des
lé!lislations africaines devrait procéder de
la
(564) Cf.CMvŒROUN, I.n'61-20 du 27 juin 1961; NIGER, arL2, L.19 juin 1980 modifiant l'art.23, L.7 mars
1925; SENEGAL, L.n'66-66 du 4 juillet, 1966 qui a modifié l'art.23 de la loi du 7 mars 1925; et plus
récemment, an. 1192 (COCC).
(565) art.73 , al.l, Ord.119.
(566) Soulignons qu'au SENEGAL, la cession des parts sociales doit être constatée par acte authentique
(arU17S, al.! er). Elle n'est opposable aux tiers qu'après publicité au registre du commerce et du crédit
mobilier (arLI178, a1.2, COCC).
(567) Crart.23, al.2, L.1925
(568) Crart.73, a\\.2, Ord.119
225
simplification des conditions de validité des cessIOns de parts sociales : à cet effet,
l'opposabilité à la société et aux tiers desdites cessions devrait découler de leur simple
transfert sur les registres de la société. La formule que nous préconisons offre deux
avantages. Le premier est que l'exigence des fOffi1alités de l'article 1690 C.civ. serait
écartée, la cession se trouvant réalisée dès lors que l'acceptation du nouveau cessionnaire
par la société pourrait être établie (569).
Le second avantage est que la solution nouvelle favoriserait le rapprochement de la
SARL et 'ie la SA -par l'utilisation "commune" (à ces deu:' sociétés) du registre des
transferts-, sans pour autant enfreindre l'interdiction légale de représenter les parts sociales
par des titres négociables, nominatifs, à ordre ou au porteur (art.21, L.192S) et
l'interdiction pour la SARL d'émettre des valeurs mobilières quelconques (artA, L.192S).
Mentionnons, cependant, à toutes fins utiles, que dans le cadre des mesures
destinées à pallier les nombreux inconvénients de la SARL et notamment celui de la
complexité du régime des parts sociales, le Professeur GUYON a proposé, en France, de
"remplacer la signification par huissier des cessions de parts par le dépôt d.' un original d.e
l'acre de cession au siège social" (570).
PARAGRAPHE II - L'EXTENSION AUX SARL DES CLAUSES D'AGREMENT
ET DE PREEMPTION
- 142 - En Afrique nOIre francophone, les cessions de parts sociales sont libres entre
associés et soumises à autorisation lorsqu'elles son t effectuées à des tiers. Conformément à
l'optique générale du droit positif africain, MM.AN"DRIEUX, FRILET et LECAT font
observer que "les clauses d'agrément et de préemprion présentent peu d'inférét d'autant
qu'un associé ne peut obliger ses co-associés à racheter ses parts, smif clause contraire
des statuts" (571).
(569) En ce sens, RIPERT et ROBLOT, op.cil., n'772, p.576; Aix, 4 avril 1948, JCP.1948.2.4513, note
BASTIAN. Notons cependant, que cette dernière solution, proposée en France, sous l'empire de la loi de
1925, a été rejetée par la Cour de cassation, laquelle maintient l'exigence d'une signification faite à la
société.
Soulignons, par ailleurs, que l'article 1865 C.civ. introduit en France une simplification dans le régime des
sociétés civiles en décidant que la cession des parts sociales est rendue opposable à la société dans la forme
prévue à l'an. 1690 C.civ. ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les re~istres de la société (c'est nous
qui soulignons).
(570) CLGUYON, op.cil., n'Sn, p.506
(571) CLA.J'\\TDRLEUX, FRILET et LECAT, Doss.Intern., F.Lefebvre, Afr.noire franc.op.ciL, n'7352, p.708.
226
A notre avis, cette position, parfaitel11ent fondée au regard, notamment, de l'illzuirus
persollae qui gouverne le régime juridique de la SARL devrait être modifiée de manière à
favoriser le rapprochement de la SARL et de la SA. Ainsi, les solutions précédemment
dégagées en ce qui concerne cette del11ière forme de société s'appliqueraient aux cessions
de parts sociales, ce qui conduirJit, en d'autres teIl11eS, à la reconnaissance légale et ~
l'extension aux SARL des clauses d'agrémenr et de
préemption
traditionnelkmenr
réservées aux sociétés par actions.
Soulignons que la validité d'une telle fomlule a été admise par M.MEISSONNfER,
dans les teffiles suivants:
"Une clause illSliliWlll un droil de préemprion conféranr à rous les
associés ou à cenaills d" ellire ew: le droil de se poner acquéreur
des parrs sociales donl la cession eSl projelée au profil d" /Ill liers.
serail valable" (572).
En effet, le droit de préemption n'enfreint pas les dispositions -d'ordre public- de
l'article 22 (renvoyant à l'artick 31 de la loi de 1925) qui exige le consentement de la
majorité des associés représentant les trois quarts du capital social. Fort de ce qu'une: panie
de la doctrine admet la validité des clall~;es renforçam les exigences légales, l'auteur
précité conclut que l'unanimité des associ0s peut être requise en cas de cession à des tiers
(573), s'opposant ainsi à l'opinion du Professeur GUYON (574) selon laquelk "les
nal/ilS ne pellvel1lni renforcer ni amoindrir la double exigence (en nombre d'associés er
en parrs sociales) de l'article L.60, al.2 qlli a modifié. en France, l'anicle 22 de la loi de
1925". Pour notre part, nous approuvons la position de M.GUYON.
S'agissant du rapprochement, précédemment évoqué, du régime de la SA et de la
SARL en matière de cession de droits sociaux, nous préconisons une solution pouvant
"concilier le fail que la SARL a un caracrère fermé, c' eSl-à-dire quO on ne peUl imposer un
indésirable ClIO: associés el le droi! pour un associé de céder son lifre, donc de ne pas être
prisonnier de la sociélé" (575). La mise en oeuvre de cette solution se traduira
concrètement par deux conséquences.
-
(572) CLMEISSONNIER, ouvrage précité, n'68l, p.646
(573) CLMEtSSONNIER, ouvrage précité, n'681, p.646
(574) Cf.GUYON, ouvrage précité, T.l, n'503, p.493
(575) Ibid.
"'S'
227
D'abord, en cas de cession entre associés, il conviendra de s'en tenir, comme pour
la SA, au principe de la libre cession (576), lequel exclut l'agrément des associés lorsque
la cession est faite à un autre associé, au conjoint, à un ascendant ou à un descendant du
cédant (art.21 à 23, Loi de 1925) (577).
Aucune difficulté ne se pose dans ce cas.
En second lieu, en cas de cession à des tiers, la cession ne s'opère pas librement,
ainsi que nous l'avons souligné, une double majorité en nombre des associés et en capital
devant être requise. Devraient donc être maintenues les dispositions de l'article 31 de la loi
de 1925 qui imposent la moitié des associés et les trois quarts du capital (578) -et non pas
la simple majorité des deux tiers du capital social instituée par le législateur guinéen- dans
la mesure où cette décision pourrait avoir des incidences sur le patrimoine social.
Il convient de préciser qu'aucune' difficulté ne se pose lorsque le cessionnaire est
agréé par la société (579) et peut devenir associé. Par contre, si l'agrément des associés
n'est pas donné, il faudra veiller à ce que le cédant ne soit pas prisonnier de ses titres.
Aussi l'associé cédant devra-t-il proposer à ses co-associés soit d'acquérir eux-mêmes les
pans ou de les faire acquérir par un tiers qui a leur agréme:1t, soit de diminuer le capital et
de faire racheter les pans par la société elle-même, à un prix fixé par un expen (580).
(576) A l'instar des autres pays d'Afrique noire francophone, le SENEGAL a consacré le principe de la libre
cession entre associés, cCarL 1195, COCe.
(577) CCan.343, e.Com. (Mali) et an. 1194, COCC (Sénégal).
(578) Cf.en ce sens, an. 1193, al.l (COCC)
(579) Précisons que si la société ne se prononce p<lS dans le délai de trois mois qui lui est imparti, son silence
vaut consentement; en ce sens, arLl193, alA (COCC) et art.344 , e.Com. (Mali).
(580) Comp.en France, \\' analyse de cette solution (introduite par la loi française de 1966), par MM.de
JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, ouvrage collectif précité, 2ème vol., n'870-3, p.1099 : "Ji y a là une
innovation de la loi de 1966. En effet, la loi du ï mars 1925 exigait aussi une décision collective d'agrément
aux mêmes rnnditions de majorité; mais en cas de refus d'agrément, elle n'offrait aucune issue, si bien qu'on
disait alors que les SARL étaient pour les minoritaires une sorte de "souricière"... ". Notons que la solution
du rachat des parts, s'accompagnant d'une réduction du C<lpital, a été adoptée par le Mali et le Sénégal;
cf.art.344 et 345, e.Com. et art. 1193, COCe.
228
Cette dernière possibilité revêt une grande importance, car elle permet de remédier
à une situation d'impasse résultant des dispositions de la loi elle-même: en effet, si la loi
"fonctionne" parfaitement dans le cas où le cédant a trouvé un cessionnaire (dont
l'admission dans la société est contestée par les co-associés), elle ne prévoit pas
suffisamment de mesures de protection en faveur de l'associé minoritaire qui se trouverait
prisonnier de ses titres pour des raisons de pur fait, à savoir l'impossibilité de trouver un
acquéreur (581).
L'une des solutions les plus s::cdsfaisanres serait l'aménagement d'Ull droit de retrait
sur autorisation judiciaire, comme dans les sociétés civiles. Il s'avère cependant, qu' en
France notamment,
Cène solution
a l'inconvénient d'imposer de
lourds sacrifices
pécuniaires aux associés majoritaires (582). Malheureusemen t, il i1' existe pas, à notre
connaissance, de disposition fiscale précise en matière de réduction du capital social dans
les pays d'Afrique noire francophone (583). Dans le silence des législations fiscales, il
conviendra donc de maintenir la procédure susmentionnée du rachat des parts de l'associé
cédant par la société elle-même, à un prix fixé par expen et d'envisager, à cout terme,
~
l'institution du droit de retrait dans les pays d' Afrique noire francophone.
(581) CLde JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs. ouvrage collectif précité, 2ème VoL, n'870-3, p.1099 :
.... .A vrai dire. les pans de minoritaires sont malaisées à céder car, en pratique, la SARL ne fait guàe de
bénéfice rjiscal L
encore moins de bénéfice dislri/J/ié Il Aussi vien, rinnovation (considérable en théorie)
intervenue en 1966 achoppe-t-elle sur le caractère peu allractif pour le tiers (acquéreur potentiei) de parts
de minorité! lei, l'aspect "sociélé de capitaux" rempone : l'associé définitivement écarté du contrôle (ou de
la minorité de blocage) ne pèse guère au sein de la SARL"; v.également dans le même sens, GUYON,
ouvrage précité, T.I, n'5ü3, pA94.
(582) Cf.RIPERT et ROBLOT, ouvrage précité. T.I, n'952, p.678 : "La société peUl également décider, dans
le même délai. de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de l'associé cédant, et de
raclzeter ces parts dans les conditions de rart. 1843-4 C.civ. Celle opération es! subordonnée au
consentement formel de {' associé cédant, parce que le rachat de ses parts, accompagné d'une réduCliol1 du
capital. l'oblige cl supponer une lourde imposition" (an.ll2, c.G.1. français).
(583) CUvŒISSONNIER, ouvrage précité, n0787, p.750.
229
CH~L\\PITRE TRüISIEME
0 0 0
L'INSTITUTION
DELA
PARTICIPATION DES SAL~L\\RIES
EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
0 0 0
230
- 143 - Comme le souligne le Professeur GUYON, l'intégration des salariés à la vie sociale
devrait s'organiser autour de
Dois principaux axes : participation à l'infoffilation,
participation à la gestion, panicipation financière (584).
A l'inverse du droit français, la partlclpation des salariés aux bénéfices des
entreprises ne fait pas l'objet d'une réglemente 'ion dans les pays d'Afrique noire
francophone. Cette importante lacune devrait être rapidement comblée. Pour ce faire, les
législateurs africains pourraient s'inspirer du droit français, en prenant cependant soin
d'opérer une discrimination judicieuse entre les diverses formules offertes par ce dernier.
L'étude de la partlclpation procèdera de la démarche suivante
après aVOlr
brièvement abordé la participation à l'info!l1lation (Section 1) et à la gestion (Section II),
nous examinerons plus longuement la participation aux bénéfices (Section III), les deux
premières fOffiles de participation ayant été prévues -certes de manière embryonnaire- en
Afrique noire francophone, spécialement dans les sociétés du secteur public (infra n0228 el
s.).
SECTION
1
LA
PARTICIPATION
A
L'INFORMATION
(DROIT
A
L'INFORMATION)
- 144 - La question du droit à l'information ayant été examinée sous l'angle du
renforcement du rôle des actionnaires de la SA, nous nous contenterons de compléter nos
précédents développements (supra na 115) par quelques brèves remarques se rapportant
plus directement aux salariés de la société.
Nous insisterons donc particulièrement sur la nécessité d'une bonne infonnation
des salariés par le biais de l'organe chargé de les représenter. Il conviendra de noter qu'en
Afrique, le devoir d'information est généralèment dévolu aux délégués du personnel ou au
comité d'entreprise (585).
(584)
Cf.GUYON, Op.CiL, T.I, n'394, p.393: v.infra n.109-III
(585) CLBOHUON, Les institutions professionnelles, EJ.A., Tome 8, p.119 et S., spécialemént p.12ü : Le
personnel de l'entreprise bénéficie selon les pays, d'une ou plusieurs des institutions suivantes: délégués du
personnel, comilé d'entreprise, oeuvres sociales d'emreprise, v.également J.CI.GAUTRON, "Les organes de
direction dans les entreprises publiques", dans EJ.A., p.279 : "... Dans les el1lreprises publiques africaines,
si on ne trouve pas de véritables comités d'el1lreprise, on trouve des organismes comparables dans leur rôle
et leur composition. C est le cas notamment au Congo où il existe dans chaque entreprise un comité
231
Il importe, en effet, que le personnel bénéficie du même droit d'infom1J.tion et de
communication que les actionnaires, car la bonne marche de la société "inléresse souve!!!
davamage les salariés (qui en rirem r esscmiel de leur revenu) que les acrionnaires (qui
vivem raremenl des dividendes dislribués par une seule sociélé)" (586).
Malheureusement, l'information des délégués du personnel est souvent négligée par
les dirigeants d'entreprise. Ces derniers tiennent souver,t des réunions infoffi1elles, hors la
présence des délégués où les vrais problèmes sont débattus, la séance officielle se bornant
à entériner très rapidement les décisions déjà prises (587).
Par ailleurs, la situation des délégués du personnel est d'autant plus défavorable
qu Ils
participent
aux
séances
du
conseil
d'administration
avec
voix
simplement
consultative; au surplus, la non-convocation des délégués n'est pas une cause de nullité des
délibérations du conseil.
Cenes, des mesures sévères pourraient être prises pour pallier la négligence dont
les délégués du personnel sont l'objet; il est à redouter, cependant, qu'elles ne conduisent;l
des situations conflictuelles, opposant dirigeants et délégués, et pouvant paralyser le
fonctionnement de la société. En conséqüence. une certaine modération s'impose. Il reste
malgré tout que deux types de mesures devraient permettre sinon d'améliorer la sitLIation,
du moins d'empêcher qu'elle ne se dégrade davantage. Il s'agit de :
révolUliol1naire qui dirige les activités poliliques, mililaires, sociales el culturelles dans l'entrepnse. Ces/
aussi le cas à Madagascar où les travailleurs disposent d'organes qui leur sont propres et dont émanent les
repréSenlafllS salariés {lU Conseil ... Il existe également au lvlali des organismes qui tiennent du c(Jmilé
d' en/reprise, ce sont les comités de gestion dont le role consiste à associer les travailleurs il la :;cstion de
l'entreprise ... ".
Noter cependant la conclusion, très signiricati ve, de l'auteur : "Même dans des ELats COIll/ne
Madagascar oû les entreprises sont qualifiées de "socialisles" le role des représentants du persol/nelne va
pas jusqu'à inciure un pou.voir de décision en matière économiqu.e. La participation des personnels à la
gestion des entreprises publiqu.es risque donc de rester purement symbolique". Pour une vision plus large de
la qUèstion, cLKIRSH (;'\\'1), Le droit du travail africain, Paris TPOl'vI, LI, 1975. L2 1976 (notammenl p.2:,S et
5.).
Dans une étude récente, consacrée au Burkina-Faso, ~l.SAWADOGO a apporté la précision
suivante: "Au Burkina, il n'y a pas de comité d'entreprise et les informations et suggestions que peut
recevoir le délégué du personnel SOl1t des plus limitées". Soulignons que cel auteur a fait référence au Code
du travail et à l'arrêté n'S57-TFP-DTMO du 9 septembre 1970 relatif aux délégués du personnel. Cf.Filiga
Michel SA\\VADOGO, "La participation des travailleurs dans les entreprises publiques Burkinabé",
obs.PENANT, n'788-789,juillet-décembre 1985, p.199-219, v.spéc.p.2ü4 et la note n'25.
(586) Cf.GUYON, Op.CiL, T.l, n'395, p.393-394
(587)
Cf.GUYON, op.cil., n'395, p.394.
232
- l'annulation des délibérations du conseil pour non-convocation des délégués du
personnel;
- l'application du délit d'entrave aux dirigeants ayant porté atteinte au droit
d'information des délégués du personnel.
SECTION II· LA PARTICIPATION A LA GESTION
- 145 - Dans les pays d'Afrique noire francophone, la participation des salariés n'est pas
systématiquement organisée, tout au moins à titre collectif, dans les sociétés de droit privé.
En effet, dans le secteur privé, il existe seulement la possibilité de cumuler, à titre
individuel, un contrat de travail et un mandat social, à condition qu'il y ait vraiment dualité
de fonctions (supra n070).
En revanche, les salariés jouent un rôle important dans les sociétés du secteur
public (588).
Ainsi que nous l'avons souligné en matière de droit d'information (supra n0144), la
faible représentation des salariés parmi les organes de direction de la société est une
situation regrettable mais difficile à pallier, et ce pour deux raisons:
. D'abord, la SA, en tant que société de capitaux ne réserve, en principe, l'accès aux
hauts postes de direction qu'aux plus gros actionnaires, les salariés n'étant que de simples
(588) Cf.GAUTRON (J .Cl.), Les organes de direction dans les entreprises publiques dans EJ .A.T. VII, p.261
et S.; v.spécialement p.278-279 : "La participation du personnel à la gestion des entreprises publiques" :
"Pourtant, en Afrique, la participation du personnel aux conseils d'administration n'est pas organisée de
façon systématique: on peut même dire qu'elle est rarement prévue ... Ainsi nulle place n'est prévue pour les
représentants du personnel de façon statutaire (c'est le cas, par exemple, en Côte d' [voire cr au Sénégal).
C'est le cas du BEN[N où le conseil d'administration des sociétés d'Etat fait place à cinq représentants du
personnel sur un maximum de quatorze administrateurs (ordonnance du 16 décembre 1974. art.7 de
l'annexe)". Notons, en outre, que dans ce pays, le comité de direction doit comprendre notamment deux
représentants du syndicat et deux représentants du comité de défense de la révolution (CDR); cLSéminaire
sur le travailleur et son organisation syndicale (du 15 au 20 mai 1978- et, spécialement, J'exposé consacré au
"Rôle et attributions du comité de direction en République Populaire du Bénin". D'après M.GAUTRON,
Op.Cil, p.278 : 'Le cas du Congo est particulièrement intéressant dans la mesure où cette participation est
l'application du principe des "{rois-co" qui régit les entreprises d'Etat, les entreprises mixtes et les services
publics. Ces principes de cogestion (prévus par l'ordonnance du 18 mai 1973) sont le prindpe de
codétermination. de codécision et de coresponsabilité permettant d'associer de façon systématique les
travailleurs à la marche des entreprises. Le cas de Madagascar est très typique à cet ér,ard... Notons, enfin,
que le Mali (ordonnance du Il avnl 1969. art.8) , le Togo (décret du 20 décembre 1974, ar1.34) et le Zaïre
(loi du 6 janvier 1978, arel7) font participer de façon variable mais réelle les travailleurs au conseil
d'administration des entreprises publiques".
Sur la participation du personnel aux emreprises publiques burkinabé, cf.SAWADOGO (F.M.),
op.cil., p.20S.
233
prestataires liés à la société par un contrat de travail et se trouvant réduits à fournir leurs
services en échange d'une rémunération. En vertu d'un lien de subordination!
. Ensuite, la participation se heurte à l'opposition des dirigeants et actionnaires,
lesquels entendent demeurer les maîtres et craignent que des revendications démagogiques
ne conduisent à la ruine de la société.
Certes, des mesures gouvernementales pourraient imposer la participation des
salariés au conseil de surveillallce. Mais il n'est pas certain que de telles solutions :loient
réalistes (589).
D'ailleurs, jusqu'à présent, les tentatives d'intégration des salfu--iés à la direction de
la société anonyme, se sont avérées inefficaces, aussi bien dans les sociétés du secteur
privé (plus rarement) que dans celles du secteur public (infra, n0284 et s.).
SECTION III - LA PARTICIPATION FINANCIERE
PARAGRAPHE
1 - L'ABSENCE
PARADOXALE
D'UNE
POLITIQUE DE
PARTICIPATION FINANCIERE EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
- 146 - A notre connaissance, aucune des législations des
pays d'Afrique nOIre
francophone n'a prévu des mesures visant à favoriser la participation des salariés aux
bénéflCes de l'entreprise (590).
(589) C'est, du reste, l'une des raisons pour lesquelles, en France, la participation n'est prévue qu'à titre
facultatif; cr loi française du 2 juillet 1986, art.3.
(590) CLSAW ADOGO, op.cil., p.205 : "En ce qui concerne le droit commun des sociétés, il est rare qu'une
de ces formes de participations (dont la participation en capital) soit instituée notamment en Afrique".
L'absence d'une politique de participation des salariés aux bénéfices des sociétés commerciales est
générale en Afrique noire francophone; sur le cas du BENIN, cLnotamment, A;Iv1ENOUKON, "La
participation des travailleurs et des syndicats à la gestion de l'entreprise", Séminaire National sur le
"Travailleur dans l'économie nationale, INFOSEC du 2 au 14 juin 1980, p.l.
Soulignons, cependant, qu'en dépit de cette absence de réglementation, la participation peut être
pratiquée dans certaines entreprises et professions; cLen sens, TRINE (A), "Un exemple de la participation,
en Afrique, du personnel employés-ouvriers aux bénéfices de l'entreprise", chronique sociale, PEN Al'\\iT,
oct. nov .déc. 1970, p.539-540.
Doit êrrc également mentionnée l'analyse
intéressante faite
par M.MOUZITA en matière
d'accession des travailleurs (congolais) aux fruits de l'expansion de l'entreprise; cLMOUZITA (G),
"Mécanismes d'association des travailleurs à la marche de l'entreprise en droit congolais (secteur public et
privé)", Thèse Droit, Université de Paris II, 1972.
Certaines dispositions récentes méritent cependant d'i",rre soulignées:
- l'institution d'un véritable droit de préférence au profil des nationaux, en Côte-d'Ivoire et au
Gabon, en cas d'émission publique d'actions... ;
- prises de participations de l'Etat dans le capital de sociétés privées, prévues au Bénin, au Burkina-
Faso et au Bénin. en faveur de l'Etat 011 des natinn;'\\l\\x'
234
Cet état de fait est d'autant plus surprenant et déplorable que certains de ces pays
ont fait voeu de confier la propriété et la gestion de l'entreprise au peuple (infra n0283 s).
L'on peut voir dans cette carence du droit afIicain, la preuve flagrante de son
immobilisme et la difficulté pour les législateurs de se départir du cadre législatif hérité du
droit français, au cours de la période coloniale (Loi du 24 juillet 1867 et les textes
subséquents).
Le paradoxe est plus que troublant
: n'est-ce pas dans le domaine de la
participation, plus que dans tout autre, que les législateurs auraient pu mieux prévaloir le
principe de solidarité, sous-jacent à l'idéal communautaire, et qui constitue l'une des
valeurs fondamentales du continent africain?
Or, sur ce point précis, l'exemple, qui du reste n'a pas été suivi, a été donné par la
France (591), pays d'économie libérale, où l'individualisme est censé prédominer...
La passivité des législateurs africains se traduit donc par la situation suivante :
- Les salariés ne partlClpent pa~ à la gestion des sociétés commerciales de droit
commun (592) et perçoivent une rémunération indépendante des bénéfices qu'elles
réalisent. Ce sont des créanciers sociaux unis à l'entreprise par un contr3.t de travail:
- Les salariés, qui vivent quotidiennement au sein de la société et en retirent leurs
moyens d'existence, demeurent pour elle des tiers alors que l'actionnaire y exerce
(au moins théoriquement) le pouvoir souverain (593).
- participaLion graLuiLe de l'EtaL ou des naLionaux dans le capiLal - lors de la constitution de [ouLe SA
ou SARL ou en cas d' augmenLation de capital (Loi gabonaise 8-83 du 31
décembre 1983 modo L.24-84 du
29 décembre 1984 portant Code des Participations) eL Lout récemment par l'Ordonnance n° 15-87 du 2S juillet
1987 et le décret n° 1044-PR-l'vlFDP du 27 juillet 1987.
V.sur touS ces poinL'>, Equipe H5D, Op.CiL, p.63-6S.
(591) CLPréambule de la ConstiLuLion française du 27 octobre 1946, Loujours en vigueur (puisqu'il a valeur
de droit positif) qui proclame que "'IOUI Ira vaille ur panicipe à la gestion des entreprises".
(592) CLGUYON, ouvrage précité, T.l, n0392, p.390
(593) Ibidem, p.391
235
Il s'avère, par conséquent, indispensable, à notre aVIS, de jeter les bases d'une
"politique" de participation dans les pays d'Afrique noire francophone. A cel égard, il
existe des fomlules variées, simples ou complexes. D'où la nécessité d'une parfaite
discrimination.
En règle générale, l'intéressement ou l'association des travailleurs à l'entreprise,
dans sa conception la plus large -c'est-à-dire toutes formules ou modalités confondues-
vise trois objectifs:
- la participation collective du personnel aux bénéfices;
- la participation au capital;
- la panicipation à l'accroissement de la productivité (volume de la production ou
du chiffre d'affaires).
Il n'est pas inutile de preClser que la particIpation financière, quelle que soit la
formule qui la sous-tend, présente des avantages notamment sous fonne d'incitations
fiscales concernant à la fois l'entreprise et les salariés.
Globalement, les sommes portées à la réserve de partlClpation sont exonérées de
l'l.S. ou de l'I.R.P.P.; elles ne sont pas soumises au versement forfaitaire sur les salaires et
ne sont pas prises en considération pour l'application de 13. législation du travail.
Il convient de souligner, en outre, qu'au plan méthodologique, l'étude de la
panicipation dans cette partie réservée aux titres émis par les sociétés, trouve en grande
panie sa justification dans le fait que la participation des salariés aux fruits de l'expansion
des entreprises peut se réaliser sous fomle d'options de souscription ou d'achat d'actions
(594).
(594) Cf.nolammem de JUGLART. IPPOLITO et autres auteurs, ouvrage collecü[ précité, vol.lI (1ère
panic), nA 18-7 et S., p.350-355.
236
PARAGRAPHE II - LA MISE EN OEUVRE DE LA PARTICIPATION EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
A - LE PRINCIPE DE LA PARTICIPATION FINANCIERE
- 147 - Le principe de la participation est simple: il s'agit d'intéresser les travailleurs à
l'enrichissement des entreprises en consti tuant à leur profit une réserve spéciale de
participation.
En France, le calcul de la participation se fait selon la formule mathématique
SUlvante:
p:::::
(B - SC)
x
s
2
100
VA
Voici la traduction des symboles:
P : participation due aux salariés
B : bénéfice fiscal (et non comptable)
C
:
capitaux
propres
(capital,
réserves,
report
à
nouveau
et
provIsions
réglemen tées):
S : masse salariale;
V A: valeur ajoutée (frais de personnel, impôts, frais financiers, amortissements.
provisions, résultat courant avant impôt).
Comme le montre la formule précitée, la rémunération des capitaux propres est
prioritaire; en conséquence, les salariés ne bénéficieront d'une participation que dans la
mesure où le résultat dépasse S% des capitaux.
Le bénéfice diminué des cinq pour cent revenant aux capitaux propres est multiplié
par le coefficient de modulation (rapport entre les salaires annuels et la valeur ajoutée de
l'entreprise) (595).
(595) CLCOZIAN et VIAJ'lDIER : ''La part des salaires dans la valeur ajoutée varie selon les iypes
d'entreprises: elle est forte dans les entreprises de main d'oeuvre, faible dans les entreprises très
mécanisées: c'est pour tenir compte de ces différences que le bénéfice diminué de la rémunération des
capilaux propres est affeclé du coefficient de modulOiion salaires/valeur ajoutée", Op.CiL, n'396, p.I21,
237
Le dernier résultat obtenu est divisé en deux, une moitié étant réservée à
l'entreprise et l'autre moitié étant attribuée aux salariés.
La réserve de participation, calculée à la clÔ(Llre de chaque exercice, est affectée à
un compte spécial figurant au passif du bilan : "Réserve spéciale de parricipation des
rravailleurs" (5 9 6).
B - LE CHOIX D'UNE FORMULE ADEQUATE
- 148 - A notre aVIS, les fonnules prévoyant la participation des salariés au capital de
l'entreprise sont les moins adaptées, du moins dans la conjoncture actuelle, à la situarion
des pays d'Afrique noire francophone. Il s'agit, principalement, de la participation par:
- souscription ou acquisition de titres:
- commission ou achats d'actions en bourse réservés aux salariés;
- distribution gratuite et exceptionnelle d'actions en faveur des salariés.
A l'inverse, les fonnes de partIcIpation procédant de l'affectation des sommes
réservées aux salariés à des "fonds" ou organismes de placement nous paraissent tout à fait
indiquées (597), tant pour leur efficacité que pour leur grande simplicité. De surcroît, elles
ont l'avantage de ne pas susciter de conflits d'intérêts entre les dirigeants (ou les gros
actionnaires) de l'entreprise et les salariés.
Ainsi, confonnément à la double observation qui précède, la recherche des
modalités de mise en oeuvre de la participation obéira à la partition suivante:
- rejet dela fonnule de l'actionnariat des salariés
- adoption de la fonnule du "placement" de la réserve spéciale.
(596) Selon les professeurs COZIAN et VIA.t~DIER "La terminologie légale est assez fallacieuse, puisqll 'il
s'agit non d'une réserve au sens strict, mais d'une dette envers ses salariés", Op.CiL, n0396,n p.121; dans le
même sens, GUYON, op.CiL, n0398, p.396; de JUGLART el IPPOLITO, Op.CiL, VoU, p.346.
(597) Cf.de JUGlART, IPPOLITO et autres auteurs, op.cil., Vol.II (lère partie), n0418-3 et 418-4, p.3.e;.6-
347.
238
1") Le rejet de la formule de l'actionnariat des salariés
a) Les options de souscription ou d'achats d'actions.
- 149 - Bien que très intéressantes, comme formes de participation au capital, ces formules,
nous l'avons souligné, ne nous paraissent pas adaptées au contexte économique des pays
d'Afrique noire francophone, du fait, principalement, de la difficul té d' Y contrôler la
circulation des titres.
L'on peut en effet craindre, surtout en raison de la quasi-inexistence d'insritutions
de contrôle des opérations liées à l'émission de valeurs mobilières, que la multiplication
des offres de souscription ou d'achat d'actions dans les entreprises ne crée une insécurité,
voire des abus de la pan des dirigeants sociaux.
Il faut noter, en outre, que l'un des inconvénients de la fonnule d'option de
souscription ou d'achat d'actions réside dans le fait que la levée de l'option résulte d'une
décision individuelle (et non collective des salariés) et qu'elle n'intervient en principe que
si le cours de l'action a mon té dans le délai accordé au salarié pour accepter la promesse de
vente.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de la promesse de vente d'actions s'analyse en une
augmentation de capital, avec deux différences, toutefois:
- Par dérogation au droit commun, l'augmentation s'accompagne d'une renonciation
des actionnaires à leur droit de souscription préférentiel sans que les bénéficiaires en
soient définitivement connus (598);
- L'augmentation de capital ne se réalise pas en une fois, mais au fur et à mesure de
la levée des options par les salariés, ce qui constitue une atteinte au principe de la
fixité du capital social (599).
Enfin, un autre inconvénient, d'ordre technique, doit être souligné: le système
d'options de souscription ou d'achat d'actions ne présente un intérêt qu'à la condition que
(598) CLnolammenL GUYON, ouvrage précité, Tl, n'400, p.397-398.
(599) Ibid.
239
les plus-values réalisées à l'occasion des cessIOns de valeurs mobilières ne soient pas
imposées. Ce qui n'est pas toujours le cas (600).
En guise de conclusion partielle, il n'est pas sans intérêt de faire observer qu'en
France, les deux systèmes préconisés en vue de l'accession des salariés au capital de
l'entreprise -celui des options de souscription ou d'achats d'actions (loi n°70-1322, 31
décembre 1970- et celui de l'émission de l'achat en bourse d'actions réservées aux salariês
(loi n073-1196, 27 déc.~mbre 1973) n'ont rencontré que peu de succès (601).
b) La distribution gratuite et exceptionnelle d'actions en faveur des salariés
- ISO - Pour les raisons énoncées ci-dessus et, principalement, l'organisation insuffisante
du "système financier", cette fonne de participation ne saurait être retenue. Il faut, en effet
souligner d'une pan, que la distribution gratuite d'actions aux salariés est destinée
essentiellement aux sociétés cotées en bourse et que, d'autre pan, et par voie de
conséquence, elle est fon peu pratiquée (602).
Un autre danger, inhérent à la procédure de distribution gratuite d'actions, est à
signaler: il s'agit des éventuels conflits d'intérêt pouvant opposer les dirigeants et les
anciens actionnaires aux salariés, la distribution (comme l'émission d'actions), ayant pour
résultat de transfonner les salariés en actionnaires.
(600) Ibid.
(601) Cf.de JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, ouvrage collecLif précité, Vol.II, (2ème Panic), n'823,
p.932-933.
(602) Comme l'indiquent MM.FLORES et wŒSTRE, "LAMY Société", 1986, n'1236, l'attribution d'actions
n'a concerné que 0,68 % des sommes distribuées par les sociétés, en France; cf.Rapport de la COB (France)
sur 1981, p.207.
240
CONCLUSION
0 0 0
- 151 - Les trois formes de partICIpation au capital -options de souscription d'actions,
émisssion d'actions réservées aux salariés et distribution gratuite d'actions- auxquelles ne
vont pas nos préférences, pour les raisons précitées, pourraient cependant être pratiquées
en Afrique noire francophone -mais ce serait, précisons-le, un pis-aller- à la condition que
soit assurée la sécurité des fonds affectés à la réserve, lesquelles ne devront, en aucun cas,
êrre détournés de leur véritable destination, à savoir la participation des salariés à la vie de
la société!
A cette fin, il y aura tout lieu lieu de renforcer les mesures de contrôle en prévoyant
expressément l'intervention du conseil de surveillance, des commissaires aux comptes et
paralllèlement, d'un (ou plusieurs) organismes chargés de veiller à la régularité des
opérations relatives aux valeurs mobilières (603).
ZO) L'adoption de la formule du "placement" des fonds affectés à la réserve
spéciale (604).
- 152 - Pour les raisons précédemment évoquées, il serait plus sage de recourir, tout au
moins dans un premier temps, à des formules simples (605), telle l'affectation de la
réserve de participation:
(603) Cf.infra n'154-182
(604)
Il s'agit là d'une procédure iméressamc dans la mesure où les textes législatifs peuvent être
aménagés de [elle sorte que les actifs recueillis puissent comprendre les valeurs mobilières ou des
dispositions courantes placées à court terme ou à vue auprès d'un ou plusieurs dépositaires.
Il convient de rappeler, à cel égard, qu'en France, l'art.39-4 de la loi n079-594 de la loi du 13 juillet 1979 et
l'article 8, L.n'84-578 du 9 juillet 1984 prévoient que les actifs compris dans un fonds commun doivent être
constitués à concurrence de 50% ou plus des valeurs mobil ières ... ou des bons de caisse négociables émis
dans des conditions fixées par décret. CLLamy sociétés, op. cil., n °1238.
(60S) CLsur les modalités d'emploi de la réserve, FLORES ct MESTRE, "Lamy Sociétés", op.cil., n'1236;
cLégalement arLL.442-5 du Code du travail (France).
241
- à un fonds spécial consacré à des investissements, sous la forme de comptes
courants portant intérêts à un taux annuel;
- à des organismes de placement étrangers à l'entreprise (606);
- à des comptes ouverts à chaque bénéficiaire en application d'un plan d'épargne
d'entreprise. Les plans d'épargne don t l'objet est, par définition, de créer un système
d'épargne collectif au sein de l'entreprise, peuvent être alimentés soit par les sommes
revenant
aux
salariés
au
titre
de
la
participation,
soit
par
les
verse men ts
complémentaires de l'entreprise appelés "abondements".
Les modalités de l'intéressement des salariés seront à préciser dans les accords de
participation pouvant être conclus ou bien dans le cadre d'une convention collective, ou
bien entre le chef d'entreprise et les représentants syndicaux.
La participation est également applicable aux entreprises du secteur public aInSI
qu'aux sociétés coopératives de production.
Il est à noter que, dans son expression la plus "achevée", la parùcipation se traduit
par la transmission de l'entreprise aux salariés. Cette formule, particulièrement intéressante
et donc l'extension aux pays d'Afrique noire francophone est envisageable, a été instituée
en France par la loi n084-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative
économique.
Le mécanisme prévu par cette loi conSIste en la création, par les membres du
personnel de l'entr;:;prise (mandataires sociaux compris) y exerçant un emploi salarié,
d'une société nouvelle, "mère ou holding" qui procèdera au rachat d'une fraction du capital
de cette société afin d'assurer sa continuité. Ce système est inspiré de la pratique anglo-
saxonne du leverage management bru)' Out ou L.M.B.O. (607).
En cas de constitution d'un fonds de placement, en Afrique noire francophone, il y
aura lieu d'instituer un conseil de surveillance, lequel est, en principe, composé de
représentants des salariés mais peut comprendre, à conculTence de la moitié au plus de ses
(606) Il s' agil, notamment, des SICA V, des banques, éLabl issemenls financiers, sociétés d'assurance sur la
vie et de capitalisation, établissements spécialisés dans la gestion de portefeuille.
(607) CLFLORES et ivlESTRE, "Lamy Sociétés", op.cil., n'1282 (transmission de l'entreprise aux salariés).
242
membres, des représentants de l'en treprise ou des entreprises parties à l'accord (608). La
désignation d'un commissaire aux comptes devra également être rendue obligatoire (609).
Le conseil de surveillance devra se réunir chaque année pour l'examen du l'apport
sur les opérations du fonds et sur les résultJts obtenus pendant l'exercice.
Ce rappoI1 devra être présenté au conseil de surveillance dans les trois mois de la
clôture de l'exercice et être remis par l'entreprise à chacun de ses salariés.
La violation de ces prescriptions devra donner lieu à des sanctlons pénales.
(608) CLan.33, L.n'79-594 du 13 juillel1979 (France).
(609) Cf.an.38, Loi de 1979 précitée.
243
CONCLUSION DU CHAPITRE TROISIEME
0 0 0
- 153 - On le voit, "la matière de la partil.-'ipation des salariés aux/ruits de l'expansion des
entreprises est vaste et il ne saurait être question d'épuiser tous les problèmes qu'elle
soulève dans le cadre du présent ouvrage" (610).
Nous espérons simplement que les principes généraux exposés dans nos précédents
développements auront fourni les éléments indispensables à l'élaboration ct' un régime de
la participation des salariés dans les pays d'Afrique noire francophone.
(610) Cf.FLORES et MESTRE, Lamy Sociétés, op.ciL, n'1235.
- - - - - - ----
244
CHAPITRE QUATRIEME
0 0 0
L'HARMONISATION DU REGIME DU CONTROLE
ET DE LA RESPONSABILITE EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
0 0 0
245
- 154 - Malgré d'importants apports des législateurs d'Afrique nOlre francophone,
notamment en matière de commissariat aux comptes et de sanctions applicables aux
dirigeants sociaux, il s'avère indispensable de procéder, à l'instar des législateurs malien et
sénégalais, au réaménagement du système de controle des sociétés, d'une part (Section 1)
et, d'aurre part, du régime de la responsabilité (Section II).
SECTION 1 - LE REAMENAGEMENT DU SYSTEME DE CONTROLE DES
SOCIETES EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
PARAGRAPHE 1 . LE CONTROLE DES SOCIETES PAR LES COMMISSAIRES
AUX COMPTES
- 155 - Avant d'étudier en détailles réfolmes qu'il conviendrait d'apporter dans les pays
d'Afrique noire francophone, en matière de commissariat, nous dresserons sommairement
l'état du Droit positif.
Le Commissariat aux comptes - Droit positif
- 156 - L'essentiel des dispositions applicables aux commissaires aux comptes, en Afrique
noire francophone, réside dans la loi du 24 juillet 1867 (611), modifiée notamment par le
décret-loi du 8 août 1935 (612), qui demeure le texte de base.
(n l 1) CLMEISSONNIER, Le commissariat des sociétés africaines, EJ.A., op.cil., p.143.
(612) Le décret-loi du 8 août 1935 a été déclaré applicable aux pays africains par le décret du 3 septembre
1936, complété par l'article 2 du décret du 18 septembre 1954.
246
Le Mali et le Sénégal sOnt les seuls Etats d'Afrique n01re francophone à avoir
entrepris une véritable réfom1e du commissariat aux comptes (613), les modifications
apportées par les autres pays, depuis l'indépendance, n'étant que partielles (Côte-d'Ivoire,
Gabon) ou sans réelle portée (Guinée). C'est donc autour des textes malien et sénégalais
que s'articulera notre étude visant à la mise en évidence d'un régime harmonisé du
commissariat aux comptes (en Afrique noire francophone).
Cette étude sera précédée d'un exposé sommarre du Droit positif qUI rendra
compte:
- des dispositions communes à la plupart des pays d'Afrique noire francophone;
- des innovations partielles ou, encore, des dispositions spécifiques à certains pays de
tradition juridique française d'une part et de ceux anciennement administrés par la
Belgique, d'autre part.
a)
Les dispositions communes à
la
plupart des
pays d'Afrique noire
francophone
- 157 - De manière générale, l'on peut considérer que les principaux textes légaux qui
régissent les commissaires aux comptes sont les anicles 32, 33, 34, 35, 43 et 44 de la loi du
24 juillet 1867, les décrets-loi des 8 août 1935 et 31 août 1937 et l'article 10 de l'acte dit
loi du 4 mars 1943 moditïant l'article 40 de la loi de 1867.
Les conditions de nomination et les cas d'incompatibilité sont prévus par l' artick
33 (L.1867, mod.D-L.du 8 août 1935 (614).
(613) Cf.SénégaJ (Loi du 29 juillet 1985): les articles 1355 à 1371 s'appliquent aux SA et les articles 1111 à
1214 (CaCC) aux SARL. En ce qui concerne les infractions applicables aux commissaires aux comptes,
j'an.1496 prévolt l'extension aux SARL des infractions prévues pour les SA aux articles 1519 à 1522
(CacC). De m~me, l'article 1482 étend aux GIE les mesures de contrôle de la gestion et des comptes
prévues pour la SA.
Soulignons, en outre, qu'au Sénégal, un décret récent (décret 88-1003 du 22 jui\\\\et 1988) a fixé \\es
diligences minimales que doit accomplir tout commissaire aux comptes dans l'exercice de sa mission.
Au Mali, les commissaires sont régis par les arL.515 à 532 C.Com. dans le cas des SA et les arts;362
à 364 C.Com. en cc qui concerne les SARL.
En Guinée, les arL.50 à 53 (Ord.119) s'appliquent aux commissaires aux comples dans les SA.
(614) Cf.Doss.Intern.F.LEFEB VRE, Afr.noire franc., n07300, p.706 et l'vlEISSONNIER, Droit des sociétés
en Afrique, op.ciLn.192 in fme, p.2I8; ne peuvent être choisis comme commissaires:
-les parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement ou le conjoint des administrateurs ou
tip<:' ':lnnr\\rfP' Ir,-
247
La durée du lllJ.ndat des commissaires aux comptes est prévue par les articles 25 et
32 (L.1867).
La publicité de IJ. nomination des commissaires est organisée par les arricks 55,56
et par l'article 63 de la loi de 1867 (mod. D.L.3ü octobre 1935).
La rémunération des commissaires n'est assujettie à aucune réglementation légale,
sauf en Côte-d'Ivoire, au Mali et au Sénégal) (615).
Les attributions des commissaires aux comptes sont organisées selon les modalités
ci-après.
S'agissant des attributions normales (ou fonctions permanentes), l'article 32, aUer
de la loi de 1867 (616), précise que les commissaires aux comptes ont pour mandat de
vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les valeurs de la société, de contrôler la
régulari té et la si ncéri té des inventaires et des
bilans, ainsi que l' exacti tude des
- les personnes recevam, sous une forme quelconque, à raison de fonctions autres que celles de
commissaire, un salair~ ou une rémunération des adminisuJtcurs, ou de la société ou de toute entreprise
possédam le dixième du capIl.a1 de la société, ou dom 1<.1 société poss0de aumoins le dixième du capital:
- les personnes il qui l'exercice de la fonction de gérant ou d'administrateur est interdite ou qui sont
déchues du ciroit d'exercer celle fonction:
- le conjoint des personnes ci-dessus visées.
Si l'une des causes d'incompatibilité ci-dessus indiquées survient au cours du mandat, l'intéressé
doit cesser immédiatement ses fonctions et doit en informèr le conseil d'adl1linisuaLion au plus tard quinze
jours après la survenance de celle incompatibilité.
S'agissant de la nomination des commissaires aux comptes, certaines particularités doivent ,sue
relevées en Côte-d'Ivoire, en Guinée et dans les pays membres de l'UDEAC, cLdoss.Intern., F.LEFEBVRE,
Afr.noire franc., Op.CiL, n.7300, p.706;
"En Côte d'Ivoire, il exiSle une procédure d'agrémenl des commissaires aux comptes auprès de la
Cour d'appel d'Abidjan mais le choix d'un commissaire parmi ceux-ci n' esl obligatoire que pour les sociélés
à participalion financière publique el celles donl les litres sonl colés à la Bourse d'Abidjan.
En Guinée, le ou les commissaires sonl selon la loi Icmjours nommés pour Irois ans même lors de la
conslitution de la sociélé. Jls 50111 obligatoiremenl de l1i7iiOn<1/ilé guinéenne el choisis sur une lisle lelme par
la Cour d'appel de la République de Guinée (art5(), Ord.l 19j.
Dans les pays membres de /' UDEAC, les fonctions de commissaire au.x comples ne IXI/venl êlre
exercées que par une personne physique ou morale domiciliée dans un Etal membre el agréée, en wnl
qu'expert compwble ou société d'expertise comptable, par un acle du comité de direction de l'UDEAC".
(615) Cf.décret n'75-51 du 29 janvier 1975 pour la Côte-d'Ivoire; arLl368 (CaCC) pour le Sénégal; ar1.364
et 529 C.Com. pour le Mali.
En règk générale "les commissaires aux compte:; perçoivent èes honoraires annuels dont le monLant
est fixé par l'assemblée générale L}ui les nomme scion les usagès, le barêl11<.è ou les modalités de calcul, en
vigueur dans chacun des pays", cf.Equipe HSD, Op.CiL, [J.l 0].
(616) Cet article a été modifé par l'arL14 du D.L.13 novembre 1956.
248
informations données
sur les
comptes de
la société dans
le
rapport du
Conseil
d'administration.
Selon l'article 34, a1.2 de la loi de 1867, l'inventaire, le bilan et le comple de profits
et pertes doivent être mis à la disposition des commissaires quarante jours avant la date de
l'assemblée générale ordinaire.
Rappelons que, dans le cas où le bilan ou le compte de profits et pertes subiraient,
dans leur forme et dans leur évaluation, des modifications pal rappon à l'année précédente,
les commissaires doivent en exposer les motifs dans leur rapport, conformément il l'anicle
35 de la loi du 24 juillet 1867 (mod. D.L.30 octobre 1935).
Quant aux fonctions officielles, elles consistent à faire un rapport spécial à
l'assemblée ordinaire sur les conventions visées par l'article 40, de la loi de 1867 et
autorisées par le Conseil, à faire un rapport à l'assemblée extraordinaire lorsqu'il est
proposé de supprimer le droit préférentiel'de souscription ((617) en cas d'augmentation de
capital et d'émettre des obligations convertibles ell actions (618), il convoquer l'assemblée
en cas d'urgence (ar1.32, L.1867) et à signaler, le cas échéant, les irrégularités et
inexactitutdes qu'ils auraient relevées (an.34, a1.3, ·L.1867, moc!. D.L.8 août 1935). enfin à
révéler au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissanœ et ce
sous peine de sanctiolls pénales (arr.34, a1.5, moc!. D.L.S aOllt 1935).
L'absence d 'un des rapports des commissaires aux comptes en cas de renonciation
au droit préférentiel de souscription entraîne la nullité de l'assemblée ainsi que des
sanctions pénales à la charges des commissaires (d des administrateurs) (619).
(61 ï) En cas de renonciation au droit préférenucl cie souscription, le décrel-ioi du 8 aOÛI 1935. dont les
dispositions ont été étendues en Afrique par le décret du 3 septembre 1936, précise que les commissaires aux
comptes doivent indiquer, dans un rappoI1 spécial à l'assembl..Se (générale extraordinaire), si les bases de
calcul indiquées par le conseil d'administration dans le rapport prévu J l'article 6, leur paraissent exactes Cl
sincères:
cf.MEISSONNIER,
Droit
des
sociétés
en
Afrique,
op;cil.,
n'386,
p.388
CL
Doss.
Inrern.Fr.LEFEBVRE, Afrique noire francophone, n'ï267, p.703.
(618) L'autorisation d'émettre des obligations convertibles en actions relève de la compétence de
l'assemblée générale extraordinaire, en application ùe la loi du 25 février 1953 (déclarée appl icablc aux
territoires d'outrc-mer par décret du 2 août 1956) ct du règlement d'administration publique du 3 septembre
1953 (déclarée applicable aux territoires d'outre-mer par décret n'57-789 du 12 août 1956 et promulgué: le
14 août 1956 en AOF, Je 21 août 1956 en AEF, le 7 septcmbre 1956 au Cameroun et le 21 août 1956 au
Togo); cLNlEISSONNlER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., n.397, p.349.
(619) Cf.ar1.34, a1.4, L.1867 (mod. D.L.8 août 1935).
219
b) Les innovations apportées dans les pays anciennement administrés par la
France
- 158 - En Côte-d'Ivoire, le décret n075-51 du 29 janvier 1975 a détenniné le tarif des
honoraires des commissaires aux comptes ivoiriens inscrits à la Cour d'appel, à l'exclusion
des autres commissaires.
Au Gabon, la loi n010-73 du 20 décembre 1973, complétant la loi n07-72 du 5 juin
1972, a étendu la responsabilité pénale des commissaires aux comptes des S.A., dans le cas
panicuIier
où
ceUX-ci
participent
régulièrement
à aes
délibérations
d'assemblées
d'actionnaires qui ne se tiendraient pas en territoire gabonais (ainsi que l'exige l'article 9
de la loi).
En outre, l'article 9 (Loi de 1973), déclare nulles les délibérations des assemblées
·d'actionnaires des SA gabonaises, de quelque nature gu' elles soient, prises à défaut de
rapport des commissaires aux comptes, régulièrement désignés, ou sur le rapport du
commissaire nommé ou demeuré en fonction dans des condi tions irrégulières (620).
Enfin, l'article 3 de la loi n010-73 du 20 décembre 1973 fait obligation aux
commissaires aux comptes de signer la déclaration de régularité et de confonnité, i peine
d'irrecevabilité de la demande d'immatriculation de la société au registre du commerce.
(620) Pour M.MEISSONNIER, ElA, op.cit. p.143 et Droit des sociétés en Afrique, Op.cil, n'782, p.744-
745, l'article 9, a1.6, de la loi du 20 décembre 1973 paraît avoir transposé maladroitement les dispositions de
l'art.222 de la loi française du 24 juillet 1966. Ce dernier texte mentionne, en effet, la formule "à défaut de
rapport des commissaires aLL'(: comptes", adoplée par le kgislateur gabonais.
Cependant, comme le faiL remarquer M.iVIEISSONNIER avec force pertinence: "Le texte gabonais
reprend donc pour l'essentiel les dispositions de la loi française du 24 juillet 1966 en ce qui concerne la
déc/aration de régularité et de conformité. Mais le législateur gabonais, démarquant le texte français, a
mentionné par erreur les organes de surveillance qui avaiem été prévus par la loi du 24 juillet 1966 pour les
sociétés à directoire (il s'agissait des membres du conseil de surveillancej, de telle sorte que, par suite de
celle confusion, on doit entendre désormais, par Drgalle de surveillance, les commissaires aux comptes de la
société", cLDroit des sociétés en Afrique, n'206, p.232.
250
En Guinée, l'Ordonmnce 119 du 17 mai 1985 n'a fait que reprendre l'essentiel des
dispositions de la loi du 24 juillet 1867 (621), applicable à la plupart des pays d'Afrique
noire francophone.
Il faut souligner cependant que l'ordonnance precitee mentlonne, d'une pan.
l'obligation de choisir les commissaires aux comptes sur une liste dressée chaque année
par la Cour d'appel
de Guinée,
(art.50,
a1.9), d'autre
part l'obligation pour les
commissaires aux comptes de reverser leurs honoraires au budget de l'Etat, lorsqu'ils SOnt
fonctionnaires (art.50, in fine).
Mais l'innovation la plus importante est contenue dans l'article 50, a1.9, qui précise
que les commissaires aux comptes doivent ~tre de nationalité guinéenne, sauf dérogation
spéciale. Sur ce point, la législation guinéenne se démarque nettement de celle des autres
pays d'Afrique noire francophone où une telle exigence n'est pas requise, le commissariat
aux comptes étant ouvert aux étrangers et aux nationaux.
Le texte de l'article 50 ne fournit malheureusement aucune indication sur j'autorité
compétente pour accorder une telle dérogation.
Dans les Etats membres de l'UDEAC, le commissariar aux comptes a fait j'objet
d'une réglementation récente résultant d'un texte d'abord adopté au Cameroun (622) puis
étendu aux autres Etats (Centrafrique, Congo, Gabon). En vertu de ce texte, les fonctions
de commissaires aux comptes ne peuvent ~tre exercées que par une personne physique ou
morale domiciliée dans un Etat membre de l'UDEAC et agréée, en tant qu'expert
comptable Ou société d'expertise comptable, par un acte du comité de direction de
l'UDEAC,
(621) La version guinéenne (Ordonnance 119) est cependant une pâle copie de la loi du 24 juillet 1867, dans
la mesure où elle compone de nombreuses omissions.
Ainsi, l'Ordonnance guinéenne ne fait pas mention des commissaires suppléants, ni d'un droit de
suite de ceux-ci en cas d'empêchement du ou des commissaires aux comptes titulaires à l'inverse de l'art.32,
al.4, L.1867 (mod. D.L. 8 août 1935).
En outre, elle ne prévoit pas la possibilité de recourir, en cas de difficulté, au président du tribunal
de commerce pour fixer le monlant de la rémunération des commissaires aux comptes choisis sur la liste de
la cour d'appel (art.33 , L.1867, modo D.L.31 août 1867).
(622) Cameroun, Acte n'5-82-324 du 18 décembre 1982.
251
c) Le commissal'iat aux comptes dans les pays anciennement administrés par
la Belgique
- 159 - Au Burundi et au Rwanda, il n'existe aucune disposition légale en matière de
sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL): la nomination, la mission et les
attributions des commissaires aux comptes sont librement organisées par les statuts.
Au Zaïre (comme dans les pays précités) il n'existe aucune disposition légale en
matière de commissariat aux comptes, ::;auf dans les sociétés privées à responsabilité
limitée (art.72 à 76 du décret du 23 juin 1960). Ainsi, par exemple, les sociétés privées à
responsabilité limitée (SPRL) dont le siège social est au Zaïre doivent désigner un ou
plusieurs commissaires associés ou non, si le nombre d'associés est supérieur à cinq (~t.71
du décret du 13 juin 1960 applicable seulement au Zaïre).
Cette disposition se distingue nettement de celles applicables aux pays d'Afrique
nOlre francophone où il n'existe aucune obligation de nommer un commissaire aux
comptes dans les SARL. Rappelons, à cet égard, que le contrôle de la gérance par un
conseil de surveillance n'est obligatoire que dans les SARL qui comptent plus de vingt
associés (dix en Guinée) (623).
Aux termes de l'article 72 du décret de 1960, les commissaires sont nommés soit
dans les statuts, soit par l'assemblée générale, pour un temps limité ou pour une durée
indéterminée (624).
Par ailleurs, l'article 74 du décret du 23 juin 1960 précise que les commissaires aux
comptes sonr révocables à tout moment par l'::ssemblée générale. Notons que ce décret ne
fait aucune allusion aux conditions de la révocation, contrairement au décret-loi du 31 août
1937 et à une jurisprudence bien dans le sens de l'irrévocabilité, sauf pour justes motifs
(625).
(623) CLDoss.Internationaux, F.LEFEB VRE, Afr.noire fr., op.ciL., n'7400, p.712.
(624) Comp.cn Afrique noire \\cs commissaires sont nommés par l'assemblée constitulive pour un an (arl.25,
L.1867); en cours de vie sociale, l'assemblée générale peul désigner un ou plusieurs commissaires pour trois
ans (an.32, al. 1er, Loi de 1867).
(625) Cr.DAL5ACE, Manuel des 5A, op.cil., 1959, n'166, p.174; v.également, an.1363, COCC (Au
Sénégal) qui dispose que les commissaires aux comples ne peuvent êlre relevés de leurs fonclions par
l'assemblée générale qu'en cas defaUie ou d'empêchemenl.
5 'agissant de la jurisprudence, cLMEI550NNlER, Droil des sociélés en Afrique, op.cil., n'375, p.378;
v.également Paris 26 juin 1943, D.1945.l51, nOle RIPERT, 5.1944.2,69; DECUGI5, La révocation ad nulum
des commissaires aux comptes, Journ.50c.1944.1.
252
A - L'INSCRIPTION OBLIGATOIRE A L'ORDRE DES EXPERTS-
COMPTABLES
- 160 - Aux termes de la législation applicable aux Etats d'Afrique noire francophone, il
n'y pas d'obligation, dans ces Etats, de choisir les commissaires des sociétés sur une liste
dressée par la Cour d'appel dans le ressort de laquel1e est située le siège social, sauf en ce
qui concerne les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne (626).
Ces mesures, trop souples, SOnt loin de répondre pleinement aux eXigences
d' honorabili té et de compétence requises de la profession de commissaire aux comptes
(627).
A l'inverse, le législateur sénégalais, SOUCieux de renforcer la compétence,
l'indépendance et le pre~e des commissaires aux comptes, et s'inspirant du décret
français du 12 août 1969, subordonne désomlais l'exercice des fonctions de commissaire
(d'une société ayant son siège social au Sénégal) à l'acquisition de la qualité de "membre
de l'ordre des Experts et Evaluateurs agréés du Sénégal et inscrits au Tableau de l'Ordre
dans la section des commissaires aux comptes" (628).
De même, au Mali, les commissaires aux comptes de SARL (art.363) et de SA
(art.S 15 C.Com.) doivent être choisis sur la liste des commissaires aux comptes agréés.
S'agissant des SA les fonctions de commissaires aux comptes doivent être exercées par des
personnes physiques ou des sociétés constituées entre elles sous forme de sociétés civiles
professionnelles. Aucune forme particulière n'est cependant imposée aux sociétés inscrites
au Tableau de l'Ordre des experts-comptables agréés ou comptables agréé" qui exercent
les fonctions de commissaires aux comptes (arLS1S, C.Com.).
Dans la même optique, doit être mentionnée l'adoption par les Etats membres de
l'UDEAC, de l'Acte UDEAC nOS-82-324 du 18 décembre 1982 en vertu duquel les
fonctions de commissaire aux comptes ne peuvent être exercées que par une personne
(626) Arl.33 1.1867, mod.D-L.8 août 1935; cLMEISSONNfER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., n'159,
p.185; DALSACE, Manuel des SA, op.cil.,1959, n'66. p.57.
(627) Comp.Evolution historique du commissariat aux comptes en France, GUYON, op.cil., T.I, n'359.
p.361-362; COZIAJ"l et VIANDIER, Op.CiL, n'1093 cl 1094, p.299; de JUGLART, IPPOLITO el autres
auteurs, op.cit., VoUI, n'752, p.636-637 et n'752-2 bis, p.64 J ~t s.
(628) CLart.1355 (COCC) pour l'application de ceLLe mesure aux SA et l'art.1212 (COCC) pour son
application aux SARL.
253
physique ou morale domiciliée dans un Etat membre de l'UDEAC et agréée, en t~!nt
qu'expen comptable ou société d'expenise comptable, par un acte du comité de direction
de l'UDEAC.
Ces deux textes présentent un grand intérêt en matière de nomination des
commissaires aux comptes: le premier, celui du Sénégal, constitue un modèle de référence
dans le cadre du droit interne tandis que le second (UDEAC), de portée plus vaste, a
vocation à s'appliquer dans un contexte régional. De ce fait, ils devraient être repris par les
pa)'
d'Afrique noire francophone,
en vue de l'élah __ ation d'un droit des sociétés
harmonisé.
Soulignons que l'instauration d'une certaine "discipline" est indispensable à la
revalorisation des fonctions de commissaire aux comptes. Conformément à cette exigence
de rigueur, la non désignation des commissaires aux comptes, tout comme la violation des
incompatibilités, est punie au Sénégal d'un emprisonnement de 2 mois à 6 mois et d'une
amende de 100.000 F à 2.000.000 Francs ou de l'une de ces deux peines seulement
(art.1519 et 1520 COCC) (629).
Il faudrait cependant aller plus loin en matière de sévérité: par la création de
chambre régior..ales et nationales de discipline en Afrique noire francophone l'on
garantirait le régime disciplinaire applicable aux commissaires aux comptes (630).
B - LES DEVOIRS DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
10 La convocation des assemblées générales par les commissaires aux comptes
)
- 161 - En Afrique nOlfe francophone, les commIssaIres aux comptes ont le droit de
convoquer l'assemblée générale mais uniquement en cas d'urgence (631).
Cette dernière formulation n'est pas heureuse, dans la mesure où la notion
d'urgence est difficile à cerner. Comme l'a fait remarquer M.DALSACE :
(629) Rappelons que ces sanctions s'appliquent aux SA ct SARL
(630) CLde JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, op.ciL., Vol.U, n'752-2 bis, p.642-643.
(631)
Cf.MEISSONNlER, Droit des sociétés en Afrique, op;ciL.,
n'301, p.331.
254
"En fait, il Y a toujours urgence si l'assemblée n'est pas convoquée
alors qu'elle devra il l'être" (632).
La loi guinéenne de 1985 (an.57) reconnaît aux commissaires aux compees le droit
de convoquer les assemblées générales. La rédaction de l'article 57, aLler (Ord.119) est
malheureusement très laconique (633). Par ailleurs, les lois sénégalaise (art.1312, COCC)
et malienne (art.450 C.Com.) qui ont récemment accordé aux commissaires aux comptes le
droit de convoquer l'assemblée générale - en cas de carence du conseil d'administration
(ou de gestion) ou du directoire normalement habilité à le faire, er qualité d'organe de
gestion - n'ont cependant pas précisé les conditions d'exercice de ce droit. Elles
gagneraient donc à être complétées, sur ce pomt, par certaines dispositions du droit
français.
Il conVIent de préciser qu'en France, le droit de convocation de l'assemblée
générale a été reconnu aux commissaires aux comptes (634), mais celui-ci ne peut
l'exercer "qu'après avoir vainement requis sa convocation (celle de l'assemblée des
actionnaires) du directoire ou du conseil d'administration, selon le cas, par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception" (635).
La disposition qui précède mériterait d'être étendue à l'ensemble des pays
d'Afrique noire francophone, y compris le Sénégal, dans l'optique de l'harmonisation des
législations. En effet, il est à souligner que le législateur sénégalais octroie le pouvoir de
convocation
aux
commissaires
aux
comptes,
mais
celui-ci
s'applique
au conseil
d'administration ou de gestion et uniquement dans le cadre du devoir d'alerte (636).
2°) Le devoir d"alerte
- 162 - Instituée par la loi française du 1er mars 1984, le devoir d'alerte a été récemment
inséré par le législateur sénégalais dans la loi du 29 juillet 1985 (art. 1366 in tïne) et par le
législateur gabonais (art.8, LA août 1986).
(632) CLDALSACE, Manuel des SA, Op.CiL, 4è éd., 1967, n'21O, p.207
(633) ArloS7 (Ord.119) : "Les assemblées peuvelH être convoquées par le cof/seil d'adminiscralion, les
commissaires aux comples, les acrionnaires représentant le quart du capitai social".
(634) Cf.arLL.158 (France)
(635) Cf.art.D.194 (France)
(636) L'arL.l366 in fine (COCC) est une reproduction de ['an.230-1 (loi française du 1er mars 1984).
255
La procédure d'alerte pourrait se résumer comme suit:
"Dès qu'ils ont connaIssance de difficultés graves, de quelque
nature que ce soit, suscepribles de porter atteinte à l'existence de
la société, les comrnissaires aux comptes doivent en faire mention
dans un rapport écrit spécial qu'ils présentent lors de la prochaine
réunion du conseil d'administration ou de gestion dont ils peuvent,
au besoin, provoquer la convocation".
Comme on le voit, l'alerte favorise "la détection des difficultés des entreprises afin
que dès les premiers signes defaiblesse, une défense immunitaire soit activée" (637).
En raison de son intérêt (638), la procédure d'alerte devrait être reprise par les
autres pays d'Afrique noire francophone (639) avec, cependant, de légères modifications
tenant à la nature des personnes habilitées à la déclancher. A cet égard, il est regrettable
que le législateur sénégalais ait confié le droit d'alerte aux commissaires aux comptes
exclusivement (640). A notre avis, un autre organe de la société mériterait d'en bénéficier
: il s'agit du comité d'entreprise (ou, à défaut, des délégués du personnel).
En France la loi du 1er mars 1984 a donné aux représentants des salariés le droit de
déclencher la procédure d'alerte "afin d'éviter si possible une disparition de l'entreprise
qui emrafnerait des licenciements" (641).
(637) CLCOZIAJ."J et VIANDIER, Op.CiL, n'492, p.143.
(638) V.cep.GUYON, Op.CiL, T.I, Op.Cil, n'38S-I, p.38S; pour cet auteur, l'on peul s'interroger sur
l'efficacité de ceue procédure d'alerte: "Les dirigeants connaissent généralement aussi bien sinon mieux que
le commissaire les menaces qui pèsent sur la société 1 l'intervention du commissaire servirait cout au plus à
les sensibiliser davantage à ces difficultés. De plus. au cas où le commissaire ne déclancherait pas l'alerte
en lemps Ulile, les créanciers impayés et, le cas échéant, les actionnaires, pourraienl intenter contre lui une
action en responsabilité.
(639) De création récente (loi française du 1er mars 1984), la procédure d'alerte ne fait nalurellement pas
parue des mesures prévues par les lois de 1867 et de 1925 (ellextes subséquents), en vigueur dans les pays
d'Afrique noire francophone. Il semble que celte procédure n'ait pas été prévue par le législateur malien
(L.1986). Sans doute s'agit-il d'un oubli 1
La procédure d'alerte esl prévue au Gabon (art.8 et9, L.8-86 du 4 août 1986).
(640) Crart 1366, in fine (COCC).
(641) CLGUYON, op.cil. T.II, n'lOS5, p.63
256
Cette innovation, que nous
approuvons pleinement, devrait être reprise par
l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone (y compris le Sénégal). Cependant, pour
éviter un empiètement des représentants du personnel sur les attributions du COITUllissaire
aux comptes en matière d'exercice du devoir d'alerte, la clef de répartition suivame devrait
être adoptée: le comité d'entreprise devrait limiter ses interventions aux seules difficultés
qui, sans menacer à court tefile la survie de l'entreprise, nécessitent des mesures de
restructuration et des licencements (642), alors que le commissaire aurait compétence
pour agir dès qu'il aura détecté, dans l'exercice de sa mission, des faits de nature à
compromettre la continuité de la société; ce qui implique un "rayon d'action" plus large.
Il n'est pas sans intérêt de préciser le mécanisme de la procédure d'alerte, qui
n'apparaît pas dans la loi sénégalaise. Ladite procédure se déroule en trois temps. Le
commissaire commence par alerter le président du conseil d'administration ou les
membres du directoire. Ces dirigeants doivent répondre dans le mois. A défaut de réponse
ou si celle-ci n'est pas satisfaisante, le commissaire aux comptes invite le président ou le
directoire à faire délibérer le conseil d'administration sur les faits relevés. Enfin, si la
situation ne se redresse pas, le commissaire établit un rapport spécial qu'il présente soit à
la plus prochaine assemblée soit à une assemblée générale, soit à une assemblée spéciale
convoquée par lui à cet effet.
C - LA PROTECTION DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
r) Institution de l'assurance obligatoire des commissaires aux comptes
- 163 - Il y a une tendance assez répandue en Afrique nOIre francophone (comme en
France) à rendre les commissaires aux comptes responsables de toutes les irrégularités
commises dans les sociétés qu'ils contrôlent. Une telle sévérité témoigne malheureusement
d'une mauvaise appréciation des moyens et des possibilités de contrôle dont disposent les
commissaires (643). Comme l'ont souligné certaines études en France "le commissaire
aux comptes reste limité dans ses moyens matériels quels qu'en soient l'ampleur, au
regard du nombre des faits dont il a à garantir la régularité et la sincérité de
l'enregistrement" (644).
(642) CLGUYON, Op.CiL, T.n, n'1056, p.63
(643) CLDALSACE, op.ciL., n.1959, p.176.
(644) Comme le précisent, en outre ces auteurs "le commissaire aux comptes n'est pas un détective. et il n'a
pas à se méfier, a priori, de la société si aucun indice ne lui permet d'adopter pareille allitude ou n'éveille
sa méfiance", cLGuide des commissaires aux comptes, Etude juridique, n'VI, déc. 1977, p.29, Paragraphe 26.
257
En tout état de cause, le commissaire aux comptes doit être considéré comme
débiteur d'une obligation de moyens. Sa responsabilité ne saurait donc être retenue qu'à
condition qu'il soit démontré qu'il n'a pas rempli cette obligation de moyens. Cela
implique de démontrer non seulement la faute du commissaire mais aussi l'existence d'une
relation de cause à effet entre la faure et le dommage (645), conformément aux règles du
droit commun.
Compte tenu de la lourdeu. de la responsabilité inhérente à leurs fonctions, il seLit
souhaitable d'instituer en Afrique noire francophone (y compris au Sénégal et au Mali),
l'obligation pour les commerçants d'être couverts par une assurance (646).
2°) Le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes
- 164 - Ce délit repris par le législateur sénégalais (art.1522, COCC) et malien (art.671,
C.Com.), qui a reproduit les dispositions de l'article 458 de la loi française du 24 juillet
1966, devrait être étendu à l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone.
Le texte sénégalais punit "d'un emprisonnemellt d'un an à cinq ans er d'une
amende de 500.000 Francs à cinq millions de France ou de l'une de ces de~D:: peines
seulement. les dirigeallts ou roure personne au service de la sociéré qui aurollt, sciemmenr,
mis obsracle QiL\\. vérificarions ou colltrôles des commissaires aux compres ou qui leur
auronr refusé la communicarion sur place de roures les pièces uri/es à l'exercice de leur
mission er norammellt de rours conrrars, livres, documenrs comprables er regisrres de
procès -verba~C(".
Toutefois, en vue d'un meilleur accomplissement de leur miSSIon de contrôle, il
conviendrait de conférer aux commissaires aux comptes le pouvoir d'exercer leurs
(645) Cf. de JUGLART, lPPOLlTO et autres auteurs, op.cil., vol.II, n0756-2, p.662; GUYON, op.cil., n0390,
p.388 : c'est la solution la plus couramment admise par la doctrine et la jurisprudence (v. notamment Rennes
27 mai 1975, Rev.Soc.1976, 119, note GUYON); noter, cep. la réserve du professeur GUYON: si le
commissaire aux comptes, comme beaucoup de professionnels contracte habituellement et sans aucun doute
une obligation de moyens, il n'en reste pas moins que "certaines missions ne laissent place à presque aucun
aléa et paraissent donc donner naissance à une obligation de résultat", cf.GUYON, Droit des affaires,
op.cil., T.l, n0388 et 389.
(646) Cf.en France: arl.84, décret du 12 août 1969; il est à noter, en outre, que pratiquement, les
commissaires aux comptes sont garantis par une assurance de groupe souscrite par la Compagnie nationale el
les compagnies régionales, cLBulletin du Conseil National des Commissaires aux Comptes (COCC),
notamment n06, p.193 et 0'26, p.165.
258
investigations, au près des tiers (647), cette ex pression devan t s'en tendre aussi bien des
personnes externes à la société ayant accompli pour elle (la société) certaines opérations
o·
q~e de celles susceptibles de fournir des infomlations ou documents utiles à l'exerce de la
mission du commissaire (648). Dans ce dernier cas, le commissaire aux comptes sera tenu
de requérir du président du tribunal de COIllmerce, statuant en référé, l'autorisation
d'ordonner la communication des informations ou documents détenus par lesdits tiers
(649).
A notre avis, cet élargissement des jJJuvoirs d'investigation des commissaires aux
comptes pourrait présenter une grande utilité en Afrique noire francophone, y compris au
Sénégal et au Mali, dans la mesure où les articles 1522 (COCC) et 671 (C.Com.)
s'appliquent aux entraves à vérification provenant exclusivement des dirigeants ou
employés de la société conrrôlée et où les tiers visés par les articles 1365, alA (COCC) el
526, alA et 5 (C.Com.) doivent s'entendre uniquement de ceux qui ont accompli des
opérations pour le compte de la société.
Notons, par ailleurs, que l'article 1365 (COCC) prévoit que le secret
professionnel ne peut être opposé aux commissaires aux comptes, sauf par les auxiliaires
de la justice. Cette disposition devrait être étendue aux autres pays d'Afrique noire
francophone.
PARAGRAPHE II - LE CONTROLE EXERCE PAR L'ASSEMBLEE GENERALE
* Etat sommaire du droit positif (650)
Cas des S.A.
- 165 - Bien qu'il relève principalement de la compétence des comrrùssaires aux comptes,
le contrôle de la SA est effectué, dans une moindre mesure, par l'assemblée générale
ordinaire (651).
(647) Les pouvoirs d'investigation des commissaires aux comptes auprès des tiers sont prévus au Sénégal par
l'alinéa 4 de l'arl.1365 (COCC), lequel n'est qu'une reproduction de ['an.L.229 (France). Pour le Mali,
cf.arL526, 31.4 el S, C.Com.
(64S) Comp.en France, "La loi n' a pas prévu de sanctions spéciales propres à vaincre la résistallce du tiers
qui. malgré la décisioll de justice. refuserait de se prêter aux vérifications du commissaire. Une astreinte
parait possible (L5 juil/et 1972. art.JO. C.civ)", cf.GUYON, ouvrage précité, T.I, p.373.
(649) Il Y a en effet risque d'atteinte aux droits de l'individu.
(6S0) Cf.éga1emenr supra (n'lIS en matière de SA, n'l22, 123 et 126 en matière de SARL).
(6S1) Cf.Arl.35. L.1S67 (mod.D-L.S août 1935 et D-L.31 août 1937: en Guinée, cf.arl.Sü (Ord.119).
259
Celle-ci a en effet pour mission de statuer sur le bilan et les comptes el d'affecter
les résultats
de
l'exercice
qui
lui
est soumis,
de
nommer,
le
cas
échéant,
les
administrateurs, de fixer si besoin est, les jetons de présence, de nommer les commissaires
aux comptes et de fixer leur rémunération, de statuer sur les conventions autorisées par le
conseil d'administration dans les cas prévus par l'article 40 de la loi de 1967 (652).
Il conVIent de me ntionner, par ailleurs, le ciroi t de consultation des actionnaires
(653). Aux tennes de l'article 3S de la loi de 1867, ceux-ci ont la possibilité de prendre
connaissance au siège de la société, quinze jours avant la date de l'assemblée, des
documents qui doivent être produits lors de la dire assemblée: il s'agir, notamment. de
l'inventaire du bilan, du compte de penes et profits, du rapport du conseil d'administration,
des rapports du commissaire aux comptes, de la liste des actionnaires nominatifs, du texte
des résolutions proposées au vote des assemblées générales.
* Cas des SARL
- 166 - Rappelons qu'il n'existe, en Afrique nOIre francophone, aucune obligation de
nommer un commissaire aux comptes dans les SARL (supra n0159).
Le contrôle de la gérance peut être exercé par un conseil de surveillance, lequel
n'est obligaroire que dans les SARL qui comptent plus de vingr associés (l0 en guinée)
(654). Dans ce cas, le conseil de surveillance est composé de trois membres au moins pris
panni les associés: ceux-ci vérifient les comptes et font un rapport chaque année il
l'assemblée générale (art.32, a1.3, L.1925) (655).
NB : "Les actionnaires n' Onl légalemenl pas le pouvoir de convoquer l'assemblée el, ce, quelle quc soi!
l'importance de leur par/icipalion. TOUiefois, les stalUls peuveru donner ce droi! aux aClionnaires délenanl
une certaine prop0r/ion du capi/al social en leur permellanl d'exiger du conseil d'adminislralion la
convocalion d'unc assemblée générale dOI7/ ils fixenl l'ordre du jour", cf.Dossiers intern.F.LEFEB VRE,
Afr.noire fr., n'n51, p.699.
(652) ArL.4Ü, al"+, L.186ï (mod.L.4 mars 1943); Guinée, cLarL.50 et 53 (Ord.119).
(653) En Guinée, outre le droit de consultation organisé selon les modalités de l'art.35 de la loi de l86ï, les
actionnaires peuvent à touLe époque de l'année, prendre connaissance ou requérir copie au siège social, par
eux-mêmes ou par mandataire, de tous les documents qui ont été soumis aux assemblées générales durant les
trois dernières années et des procès-verbaux de ces assemblées (arL.58, Ord.119).
NB: Une disposition similaire existe en droit sénégalais, cf.an.1323 (COCC), relatif aux SA.
(654) Cf.arL.32, L. ï mars 1925; arL.9ü (Ord.119).
(655) Les pouvoirs du conseil de surveillance sont déterminés par 1'arUO, aLler et 2, L.1867 (relatifs à la
société en commandite par actions), auquel renvoie 1'arL.32, aU, L.1925. En Guinée, cf.arL.9ü, a1.2
(Ord.ll9).
260
L'assemblée annuelle (656) est compétente pour approuver les comptes du gérant,
lui donner quitus et statuer sur l'affectation des résultats (657). Elle nomme et révoque le
gérant ainsi que les membres du conseil de surveillance s'il en existe.
La convocation d'une assemblée est effectuée par le ou les gérants, ou à défaut. par
le conseil de surveillance, ou, à défaut par les associés représentant plus de la moitié du
capital social.
S'agissant du droit de communication, l'article 30 (L.192S) prévoit que tout associé
peut, par lui ou par un fondé de pouvoir, prendre au siège social communication de
l'inventaire, du bilan et du rapport du conseil de surveilbnce, constitué conformément à
l'article 32. Toutefois, lorsque le nombre des associés est supérieur à vingt, le droit de
communication est réduit dans le temps et ne peut s'exercer que pendant les quinze jours
qui précèdent l'assemblée générale (art.30, al.2). Cette limitation est critiquable en ce
qu'elle porte atteinte au droit d' infomlati,on des associés.
Le refus de comunication des documents visés par l'anicle 30 met en cause la
responsabilité du gérant et peut constituer une cause légitime de révocation. Toutefois. il
n'existe pas, comme en matière de sociétés par actions, de sanction pénale. Celle-ci devrai!
par conséquent être étendue aux SARL, aux fins de rapprochement de la SA et de la SARL
(658).
* Annonce du plan
- 167 - L'on peut considérer en définitive qu'il existe une véritable unité des législations en
Afrique noire francophone, d'autant que les réformes entreprises en Guinée ont repris en
substance les dispositions du droit positif précitées, issues des lois de 1867 et 1925 et qui
Ont valeur de droit commun.
(656) Cf.an.26 : "Les décisions des associés sont prises en assemblées. Toutefois, la tenue d'une assemb:t.e
n'est pas nécessaire quand le nombre des associés n'est pas supérieur à vingt. Dans ce cas, cha~ue associé
recevra le texte des résolutions ou décisions cl prendre experssément formulées et émettra son vote par
écrit".
(657) Il est à noter que les décisions des associés ne sont valablement prises qu'adoptées par des associés
représentant plus de la moitié du capital social, cLarl.27. L.1925. En cc sens, art. 87 , Ord.119 (Guinée).
(658) Cf.MEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., p.643.
261
Des modific;ltions restent cepenelant à faire. Certaines d'entre elles devraient poner
sur l'extension des pouvoirs des associés ou des actionnaires, lesquels seraient ainsi à
même de convoquer l'assemblée génùak (k CtS échéant), de faire procéder J. la
révocation des commissaires üux con~ptes ou à la désigliation d' un expert de gestiol~.
La loi sénégalaise de 1985, ponant réfol111e des sociétés commerciales, a Intégré
tous ces points et s'est démarquée dans ces matières, du dispositif législatif applicable aux
autres pays d'Afrique noire francophone. Cependant, le texte sénégalais qui S lllspire
essentiellement de la loi française du 24 juillet 1966, mériterait de subir quelques
aménagements avant de pouvoir être étendu à j'ensemble des pays d'Afrique noire
francophone.
D'où la nécessité d'une étude cl1tlque de certaines des dispositions de la loi
sénégalaise précitée.
"
Par ailleurs, d'autres modifications relatives à l'amélioration du droit d'infonnalion
des associés d'une part et à la tenue annuelle des comptes sociaux et de J'assemblée
génér~l1e ordinaire d'autre part, devraient être apponées non plus à la loi sénég:llai:se de
1985 mais aux lois de 1867 et de 1925.
Les considérations qui précèdent justifient en définitive l'adoption du plan suivant :
- Les modifications découlant exclusivement des lois sénégalaise de 1985 et
malienne de 1986 (A).
- Les modifications découlant des lois de l 8C7, de 1925 (B) et des iois sél:~galaise
de 1985 et malienne de 1986.
262
A - LES MODIFICATIONS DECOULANT DES LOIS SENEGALAISE DE 1985 ET
MALIENNE DE 1986
1°) La destitution (ou révocation) des commissaires aux comptes
- 168 - La révocation des commissaires aux comptes n'est pas clairement définie par la loi
du 24 juillet 1867. C'est la jurisprudence qui a fait prévaloir, en Afrique noire
franco;>hone, la thèse de l'irrévocabilité, sauf pour juste motifs (659).
Au sénégal et au Mali, les anicles 1363 (COCC) et 524 (C.Com.), relatifs à la
destitution
des
comI111SSa1feS
aux
comptes,
consacrent
légalement
la
solution
jurisprudentielle susmen tionnée :
"En cas defaure ou d'empêchemem, les commissaires.:lux compres
peuvent être relevés de leurs fanerions par l'assemblée générale"
(660).
Ces textes devraient être repris par les Etats d'Afrique noire francophone, aux fins
d'harmonisation des législations, avec une modification toutefois en ce qui concerne
l'organe habilité à intenter l'action en révoc;ltion des commissaires aux comptes.
Ainsi, outre l'assemblée générale -comme le prévoient les textes malien et
sénégalais-, l'action en révocation devr<lÎt pouvoir être exercée par un ou plusieurs
actionnaires représent3.nt au moins le dixième du capital social, le directoire, le Ministère
public et par le Comité d'entreprise (ou les délégués du personnel).
Deux raisons justifient, à notre a vis, une telle extension (661). D'abord, ainsi que
le souligne le Professeur GUYON, les fonctions de commissaire n'intéressent pas
seulement les actionnaires (ou associés) (662). Ensuite, il ne faut pas négliger les
(659) Cf.!vIEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., n'375, p.378; auparavant, c'est à dire avant
les décrets-lois de 1935 et 1937, on admettait par application des règles du mandat, que les commissaires aux
comptes étaient révocables ad nutum, cf.DAL5ACE, i\\lanucl des SA, op.cil., 1959, n'166, p.174.
(660) Cf.an.227, Loi française du 24 juillet 1966
(661) Cette extension a été réalisée en France (Loi de 1984). Auparavant, sous l'empire de la loi française de
1966, dont s'inspire le législateur sénégalais, la révocation n'était prononcée que par l'assemblée genérale.
(662)
CLCUYON, op.cil., T.1, n'375, p.376
263
difficultés techniques ou pratiques inhérentes à la réunion de l'assemblée générale, surtout
dans les sociétés de grande dimension (663).
Il convient de souligner que la Tévocatioll proprement dite doit être prononcée par
le Tribunal de commerce statuant en la f0l111e des référés, c'est-à-dire selon une procédure
simple et rapide.
Le recours au président du tribunal de commerce (autorité extérieure à la société) et
le rejet de la révocabilité ad nutum sont dp"linés à garantir l'indépendance des
commissaires aux comptes.
ZO) La convocation des commissaires aux comptes par les actionnaires
- 169 - En raison des imperfections de la loi dans les pays d'Afrique noire francophone, il
n'y a aucune obligation à convoquer les commissaires aux comptes des sociétés africaines
"à la réunion du conseil d'administrati?n arrêtant les comptes sociaux, pas plus qu'aux
assemblées générales ordinaires ou extraordinaires" (664).
Les législateurs sénégalais et malien viennent de remédier à cette lacune en
instituant la convocation obligatoire des commissaires aux comptes non seulement "à la
réunion du conseil d'administration ou de gesrion. selon le cas, qui arrête les compres de
l'exercice écoulé", mais également, "à cowes les assemblées d'actionnaires" (arL 1367
COCC et art.528, C.Com.).
Cette disposition devrait être reprise par tous les pays d'Afrique noire francophone,
en vue de 1'élaboration d'un droit des sociétés héUll1onisé.
(663) Cf.COZI.-\\l'l et VIANDIER, op.cil., n' 1000, p.27S (notamment): 'Dans l'imagerie d'Epignal qui fail
vivre les SA sous le régime de la démocratie universeife, les citoyens actionnaires constituent le peuple
souverain de celle organisation sociale. La vérité est lOute diffërente"
"S'il est des cas oÛ r actionnaire, parce qu'il délient une pari importante du capital socia( et donc des droits
de vote, participe au gouvernement de la société par asscmbléc interposée ..... il en est d'autres oÛ "ie
pouvoir est exercé sans partage par les dirigeants, lesquels en s'appuyant sur une part relativement faible du
capital de la société, sont en mesure de conduire la société aussi aisément que lefuait, dans son entreprise,
un entrepreneur individuel" (c'est nous qui soulignons): v.également, dans la même optique, de JUGLART,
IPPOLITO et autres auteurs, Les sociétés, voLU, Op.CiL, n'754, p.646 : "Les commissaires aux comptes"
peuvent être relevés de leurs fonctions par l'assemblée générale en cas de faute ou d'empêchement". "Il ne
sont donc révocables ad nUlum. ce qui les aurait mis cl la merci des dirigeants de la sociétti oui ont presque
lOuiours la maiorilé dans les assemhlées" (c'est nous Ljui soulignons).
(664) CUvlEISSONNIER, Le commissariat des sociétés africaines, EJ.A.op.ciL, p.145.
264
Notons, par ailleurs, que le droit de convoquer les commissaires devrait revenir non
seulement aux dirigeants de la société, comme le précise J'article 1519 de la loi sénégalaise
(et l'article 668, C.Com. Mali) mais également à l'assemblée générale, aux actionnaires
minoritaires (représentant au moins k dixitnle du capital social) et au comité d'entreprise
(ou aux délégués du personnel).
3°) La convocation de l'assemblée générale par les actionnaires (ou associés)
- no -En Afrique noire francophone, et dans le cadre des lois de 1867 et 1925 (et textes
subséquents), aucun actionnaire (ou associé) même représentant un certain pourcentage de
capital social, n'a qualité pour requérir la convocation des assemblées générales. Ce mocle
de convocation peut cependant être organisé par les statuts (665).
Récemment, les législateurs
guinéen,
malien
et sénégalais ont apporté des
modifications en ce domaine. Ainsi, au Sénégal, l'article 1312 applicables aux SA, et les
artieles 12160.1.2 et 1217 (COCC) relatifs aux SARL, ont levé la difficulté qui se posait
aux actionnaires et associés. En effet, s'agissant des SA. l'assemblée peut être convoquée
notamment (666) :
"Par un mandalaire désigné en jllsrice à la demande soir de tOl{[
iméressé en cas d'urgence, soit d'un ou plusieurs actionnaires
réunissam au moins le dixihne du capital social" (an)] J2, al.2
(20;"(667).
L'article 1312 précise, en outre, en son quatrième alinéa, que le droit reconnu aux
acticlIlIlaires de convoquer l'assemblée générale s'applique également aux assemblées
spéciales (668).
(665) CUvIEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, p.331 : Tout actionnaire peut cependant convoquer
l'assemblée générale par commissaire aux comptes interposé, celui-ci faisant alors usage du droit qu'il
détient... en cas d'urgence, en venu de l'article 32, L.1867: v.également DALSACE, Manuel des SA. op.cil.,
1959, n'89, p.79.
(666) L'assemblée générale peU[ également être convoquée par les commissaires aux comptes et par les
liquidateurs (arl 1312-1' et 3').
(667 ) Cet article est la reproduction de l'article 158-2 de la loi française du 24 juiliet 1966; l 'arL.!:3! 2 coee
a sa réplique dans l'article 457, C.Com.Mali.
(668) CLFrance. art.L.158, al.4
265
De même, s'agissant des SARL, "Un ou plusieurs associés repréSenlalU au moins
soir à la fois le quart du nombre des associés et le quarr du capiral, soit seulement ia
moitié du capital", peuvent demander au gérant de réunir j'assemblée (an.1216, aI.2-(2°) et
art. 1217, COCC) (669).
En outre, tout associé peut demander en justice la désignation d'un mandataire
chargé de convoquer l'assemblée et de fixer son ordre du jour (art.ll17, COCC) (670).
L'ensemble des dispositions qui
précèdent devraient être étendues aux pays
d'Afrique noire francophone, dans la perspective de l'harmonisation des législations
(671).
4°) La récusation judiciaire
- 171 - La récusation judiciaire, qui n'a pas été prévue en Afrique noire francophone, par
les lois de 1825 et 1925 (et textes subsélJ.uents) a été récemment instituée au Sénégal par
l'article 1361 (COCC), et au Mali par l'article 522 (C.Com.).
Ces textes disposent, en effet:
"Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du
capital social peuven:
en justice,
récuser
un
ou plusieurs
commissaires désignés par f' assemblée générale et demander la
décision
d' W1
ou
plusieurs
commissc.;ires
mu:
compres
qUi
exerceront leurs fonctions en leur fieu et place.
(669) Cet article est la reproduction de l'arLL.57 (France); l'al1.355, C.Com. (Mali) compone des
dispositions identiques à celles de l'al1.1216, COCc.
NB : En Guinée, la réunion de (ou des) l'assemblée générale pourra être demandée dans le cas de l:1
SA par des actionnaires représentant le quart du capital social (art.57, Ord.119), ou par des associés
représentant plus du qual1 de ce capital, dans le cas de la SARL (art.88, Ord.119).
(670) Cr.France. arl.D.38. al.3
(671) A noter. cependant, pour la France, l'avis nuancé de M.GUYON, ouvrage précité, T.l, p.447 ;
L'expérience semble montrer que le dmit de provoquer la convocation n'est pas un moyen de protéger les
minoritaires car si ceux-ci sont véritablement minoritaires, la réunion d' ,me assemblée ne servira à rien. Le
droit de convocation est au contraire le moyen pour les nouveaux majoritaires, c'est-è.-dire pour ceux qui
viennent de prendre le contrôle de la société, de r.oncrétiser leur pouvoir en révoquant les dirigeants".
266
S'il esr fair droit cl la demande, les commissaires arC( comores uinsi
désignés ne pourront être révoqués avant l'expiration normale de
leurs foncrions, que par décision de juslice" (672).
Compte tenu de l'intérêt (673) que présente la récusation, ie texte précédt;;:1t. Ljui
est la reproduction de l'article 226 de la loi française de 1966, devrait ~tre adopté par
l'ensemble
des
pays
d'Afrique
noire
francophone
aVèc,
toutefois,
une
indication
complémentaire concernant les personnes habllitées à exercer l'action en récusation. En
effet,
celle-ci
devrait,
à 10tre avis, être ouverte non seulement aux ac Jnna!res
minoritaires mais aussi au Ministère public et au Comité d'entreprise (ou aux délégués du
personnel), car, comme le souligne le Professeur GUYON "le commissaire aLLl compres
n' inréresse pas que les minoritaires" (674).
L'action en récusation qui est de la compétence du président du tribunal de
commerce, statuant en la fOffile des référés, devra être intentée dans un délai de trente
jours, à compter de la désignation contestée.
Il convient de préciser que la récusation doit être fondée sur un juste motif, propre J.
mettre en
doute la
compétence, l'honorabilité.
l'impartialité ou
l'indépendance de
l'intéressé.
5°) La désignation d'un expert
- 172 - Comme la récusation judiciaire, la désignation d'un expert chargé d'enquêter sur
une ou plusieurs opérations de gestion, n'a pas été prévue par les lois de 1867 et de 1925.
Le recours à un expert de gestion a été introduit au Sénégal par l'artick 1362
(COCC) qui dispose:
"Un ou plusieurs actionnaires représenralU au moins le dixième du
capital social peuvenr demander en justice la désignarion d'un
( 672)
C(F rance, arL.L.225 el an. D.188
(673) CLGUYON, Droil des affaires, T.I, olJ.ciL., [;'376, p.376 : "La récusalion permet d'écurler un
commissaire suspecl de manquer de compélence (malgré son inscription sur la lisle professionnelle) ou
SUr/OUI d'impanialilé el d'indépendance à l'égard des aClionnaires majorilOù es el des dirigeanls·'.
(674) CLGUYON, op.ciL., T.1, n'376, p.376
267
expert chargé de présenter un rapport sur une Oll plusieurs
opéralions de gestion (al.! er).
Le rapport est adressé au demandeur, ainsi que, selon le cas, ail
conseil d'administration ou au conseil de gestion (675). Ce
rapport doit.
en outre.
être annexé
à
celui établi par les
COmmlSSQlreS QIn comptes en vue de la prochaine assemblée
générale et recevoir la même publicité (al.3)".
Soulignons que l'expertise (' , gestion a été également prévue au Mali par l'anicl
523 (C.Com), dont les termes sont identiques à ceux de l'article 1362 (COCC) précité.
Al' instar de l'action en récusation, la désignation d'un expert de gestion est de la
compétence du président du tribunal de commerce, statuant en référé et après avoir
entendu le président du directoire.
L'anicle 1362 (COCC) "permet a.lLl: minoritaires, qui soupçonnent la société d'être
mal gérée. d'obtenir des informations précises, grâce à l'intelV'ention d'un expat
compétent et indépendant" (676).
Compte tenu de son intérêt (677). la procédure de désignation d'un expert àe
gestion devrait être étendue à l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone et, comme
en matière de récusation judiciaire, la faculté de solliciter la nomination d'un expert èe
gestion devrait être accordée non seulement aux actionnaires représentant au mOInS le
dixième du capital social (678) (comme le prévoient les lég1s1ations malienne el
(675) Ce qui correspond quasiment êU conseil d'administration ou au directoire
(676) Cf.GlJYON, op.ciL., T.l, p.444
(677) V.cep.! 'a\\'is opposé de M.GUYON : "Les résultais produils par l'experiise sonl asse: décevanls,
L'experl préseme un rapporl qui esl communiqué à la prochaine assemblée générale. Mais celle-ci. dominée
par les majori/aires, n'en lirera vraisemblablemenl aucune conséquence.
Il aurai! fallu aller plus loin en faisan! du rappori de l'experi le préalable d'une mesure de
suspension des dirigeal1ls aIl d' une annulalion des aCles faU/ifs ou abus~fs ou bien encore d'un rachal forcé
des aClions du minorilaire par les majorilaires à la demande du premier. ACluellemenl le seul il1lérêl de
l'experiise el de pennellre la preuve d'une faUle ae ge.Hion. L' experiise n'esl donc que le préaluble d'une
aclion en responsabililé ou. en annulalion", cLGUYON, T.I, op.ciL., p,446; dans 12. même optique,
v.COZIAJ"J et VIAJ"JDIER, op.ciL.. n' /112.
(678) V.cep. la remarque pertinente de M.GUYON, (op.ciL., T.l, p.445) : "La demande fI'esl receFllble que si
les aClionnaires représenlenl au moins 10% du capi!al, ce qui esl lLne proportion imporlanlC pour des
minoritaires, surlOU/ lorsque la sociélé fai! publiquemenl appel à l'épargne".
268
sénégalaise) malS également au Ministrère public el au comité d'entreprise (ou aux
délégués du personnel).
B - LES MODIFICATIONS APPLICABLES AUX LOIS DE 1867 ET 1925
1°) L'institution dans les SARL d'organes et de moyens de contrôle comparables à
ceux de la SA
- 173 - L'absence d'organes de contrôle en I_:rique est fondée sur la présomption que le
nombre réduit des associés (dans les SARL de moins de 20 associés) est de nalLlre à
faciliter l'exercice par ces derniers de leur droit de regard direct sur le fonctionnement de
la société.
Pour lvl.BALIMA (679), "ceue suppression méconnair le fait que bon nombre de
gens sont incapables d' interpréter correctement les comples de leur société".
L'auteur en conclut que l'abandon de la discrimination établie entre les SARL
ayant plus de vingt associés et SARL celles qui comptent moins de vingt associés serait
souhaitable car elle favoriserait la participation d'un organe spécial de contrôle, quelle que
soit l'importance numérique de la société.
Il est à noter qu'en Guinée, l'article 90 de l'ordonnance 119 a réduit à dix le
nombre d'associés au-delà duquel la création d'un organe de surveillance est rendue
nécessaire. Ce conseil est nommé dans l'acte de société: il est soumis à la réélection (lUX
époques déterminées par les statuts et doit être composé de trois membres au moins, pris
parmi les associés.
Mais l'efficacité du contrôle réside dans l'indépendance et la compétence des
personnes qui l'effectuent et non point dans la seule création d'organes.
Lors donc, s'il est avéré que les associés sont rarement en possesslOn des
connaissances requises (680) pour assurer correctement la vérification de la gestion
socoale, le mieux ne seraihil pas de faire appel à des commissaires aux comptes
expérimentés?
(679) BALEvlA, op.cit., p.359
(680) En France, le conseil de surveillance des SARL a été supprimé par la loi dë: 1966, leur efficacité ayant
été jugée douteuse. En cc sens, RIPERT et ROBLOT, op.cit., n'979.
269
Certes, en Afrique, subsisterait le problème de la faiblesse numenque des
commissaires. Pour y faire face, Il serait opportun de créer des centres de gestion habilités
par les pouvoirs publics à remplir une activité de conseil pour tous les problèmes relatifs à
la vie des sociétés.
A-t-on jamais contesté l'utilité des inspecteurs d'impôts? De même l'oPP'Jrtunité de
tpls centres n'est pas à démontrer. Précisons, cependa"', qu'ils joueraient à la fois un rôle
d'assainissement et de sanction.
D'abord, ils interviendraient à titre préventif, lors de la constitution, pour le choix
des structures juridiques. Par ailleurs, ils veilleraient au bon accomplissement des diverses
formalités en cours de vie sociale et même à la dissolution de la société. Enfin, ils se
chargeraient d'informer les intéressés eux-mêmes et les tribunaux de tous manquements
graves aux dispositions légales.
Pour garantir la mise en application des mesures qui précèdent, la désign:1tion du
commissaire aux comptes ou de l'agent de contrôle (désigné par le centre de gestion) sera
rendue obligatoire et devra apparaître dans les statuts de la société, sous peine de sanctions
pénales.
La désignation pourra être faite dans les statuts ou lors de la première assemblée
générale comme c'est le cas dans la société en commandite par actions (68l).
La décision des associés, relativement à la nomination dedits organes, devrait être
prise aux conditions de majorité des délibérations ordinaires.
Pour
prévenir
toute
négligence
éventuelle
des
responsables
SOCIaux,
particulièrement en cours de vie sociale, l'on pourra prévoir la 'possibilité pour les associés,
même s'ils ne représentent qu'une faible portion du capital social, de saisir le centre de
contrôle de gestion ou directement le tribunal, à l'effet de faire procéder à la nominaton
dedits "contrôleurs".
(681) En Fr2Ilce, la loi de 1966 ne prévoit pas la désignation dans les statuts; ef.art.L.79, L.88 et L.223
270
Cette disposition qui reJoInt, du moms dans l'esprit, l'institution de l'expert de
minorité, se révèle d'autant plus intéressante qu'elle peut prévenir des abus (de la part des
dirigeants) et qu'elle participe du rapprochement de la SA et de la SARL
l") L'alignement du droit d'information des associés sur celui des actionnaires
- 174 -
Diverses mesures devraient ~tre· prises à l'effet d'assurer plus efficacement
l'information des associés (682) sur la marche de la société.
Il s'agit, principalement, des mesures garantissant l'établissement des comptes. leur
communication aux. associés (ou actionnaires) et l'obligation de convoquer en temps voulu
l'assemblée appelée à statuer sur les comptes.
L'adoption de ces dispositions est d'autant plus souhaitable que l'infom1ation se
résume, en l'état actuel du droit africain, aux. fomlalités prévues par l'article 19 de la loi de
1925 (modifiée par l'article 5 du décret-loi du 30 octobre 1935). Il s'agit:
- de la possibilité reconnue à toute personne, de prendre communication ou de se
faire délivrer des pièces déposées au greffe du tribunal de commerce ou de celles
transmises par le greffier à l'Office national de la Propriété Industriel par applic.ltion
de l'article 10 de la loi du 18 mars 1919 relative à l'immatriculation au registre du
commerce (aI.l er):
- de la possibilité pour tout associé d'exiger qu'il lui soit délivré au siège de la
société une copie certifiée des statuts mis 8. jour moyennant le paiement d'une
somme qui ne pourra excéder 5 francs (al.:?).
Des sanctions pénales devraient réprimer la non observation des dispositions
susmentionnées.
Il convient de souligner, cependant, que l'article 30 de la loi de 1925 dispose que:
(682) Comme pour les SA, les gérants doivent soumellre à l'assemblée: leur rapport sur les opérations de
l'exercice, l'in\\'cntaire, le compte d'exploitation générale, le comptè de pertes et profits, !e bilan.
Par ailkurs, ces documents -à l'exception de l'inventaire- devront être communiqués aux associés
lS jours avant 1'3Ssemblée (droit de communication préalable), de même que les résolutions proposées et, le
cas échéant, le ou les rapports des commissaires aux com ptes.
271
"TOlU associé peLa, par lui ou par Ul/ fondé de pouvoir. prendre ait
siège social communication de l'inventaire, du bilan ef dit rOIJ/Jort
du cOl/seil de surveillance constirué conformément à l' orride 32
(aU er) er que dans les sociétés de plus de vingt Inembrcs. celle
communication ne sera permise que pendant les quin:e jours qui
précèderont celle assemb/ée généra/e".
Cette rédaction de l'article 30 nous paraît défectueuse pour plusieurs raisons.
D'abord, il fait état d'un rapport du conseil de surveill3.nce alors que, nous l'avons
vu, la création d'un tel organe est facultative dans la SARL. à la différence de la société en
commandite ou de la SA à directoire (683).
En outre, la liste des documents requis nous paraît incomplète puisque r.'y figurent
pas le compte de penes et profits ainsi que le compte d'exploitation agricole (684).
Enfin, le droit de communication est singulièrement limité aussi bien dans le temps
"... dans les 15 jours précédant l'assemblée générale" qu'en ce qui concerne le nombre ues
associés, car une restriction est apportée à l'égard "des sociétés de plus de vingr melllbïes".
Même le souci de préserver les secrets de la société ne suffit pas à justifier de teiks
réserves, d'autant que la communication a lieu au siège social, ce qui exclut a pri<ii'i et en
tout cas dans le libellé de l'article30 de la loi de 1925, la possibilité de prendre copie des
documents.
Pour toutes ces raIsons, il serait préférable que les pays africains s';:lspirent du
texte, plus complet, de lJ loi française du 24 juillet 1966 (a11.426 et 427).
En conclusion, et compte t'cnu des lacunes relevées dans les dispositions des
anicles 19, 30 et 32 précités, il conviendrait de privilégier l'article 35 de la loi de 186ï tel
qu'il a été modifié par le décret-loi du 30 octobre 1935, lequel réalise une bonne synthèse
du droit de communication.
(683) Cf.GUYO~, op.cil., T.l, n'511
(684) Celui-ci n'a été inséré qu'ultérieurment par !'ar1.9 du Code de commerce modifié par le décret du 22
septembre 1953 àJns la liste des documents pouvant être consultés ou communiqués à tout moment, au sil:ge
social.
2ï2
C'est donc ce texte -rendu applicable aux SA et SARL- qui dev:ail servir de
support à l'hannonisation des législations africaines en cette matière (685).
3°) Les comptes sociaux et l'assemblée annuelle
- 175 - L'inefficience du contrôle, liée à la périodicité défectueuse des ré:.mions de
l'assemblée, qu'il s'agisse dl la SA ou de la SARL, doit être soulignée.
En effet, en France, la loi prévoit la réunion au moins une fois par an de
l'assemblée générale ordinaire et exige que les comptes de l'exercice écoulé soient
approuvés dans les six mois de la clôture, le tout à peine de sanction pénale (art.L.157 et
L.57).
Par contre, en Afrique noire francophone, excepté au Mali et au Sénégal, "le délai
impani pour l'approbarion des comptes sociaux ne peut résulrer que d'une disposirion
stalllraire, laquelle, même si elle est transgressée. n'enrraÎne aucune sanction ni pénale ni
civile" (686).
(685) En ce qui concerne le ciroit de communication des actionnaires, v.!'vŒISSONl\\fIER, Droit des sociélés
en Afrique, op:ciL., p.3S7-359. Le principe du droit de communication préalablement à la tenue de
l'assemblée générale ordinaire est fondé sur j'article 35 de la loi de 1867, tel qu'il a été modifé, Décret-loi du
30 octobre 1935.
L'inventaire. le bilan eL le compte de penes et profits ct, généralement, tous documents qui, d'après la loi,
doivent être communiqués à l'asemblée, doivent être tenus à la disposition des actionnaires au siège social
quinze jours au moins avant la date de l'assemblée Cart.3S, al.2 modi.Décret-loi 30 octobre 1935).
Tout actionnaire peut prendre communication de la liste des actionnaires quinze jours avant la réUilicn de
l'assemblée (art.3S, al.3 in fine).
Le droit de communication s'applique non seulement à J'assemblée annuelle mais égaiement à loutes les
assemblées
(cf.DALSACE,
Les
délais
légaux
de
tenue
des
assemblées
générales
des
S.A.,
Re v.trim.dr.com.1953.7).
Le droit de communication du rapport du conseil d'administralion et de ceux des commissionnaires (rapport
général et rapport spécial sur les opérations de l'artAO, L.1867) n'est pas expressément prévu par \\' arL.35 ,
mais résulte des documents qui doivent être communiljués à l'assemblée aux termes de l'alinéa 2
(cf.i'vIEISSONr..-1ER, op.ciL., p.358).
Aux termes de l·art.35, a1.5, toute violation des dispositions des al. 1,2, 3 et 4 dudit article est sanctionnée par
une amende.
Le refus de communication peut être sanctionné par une amende. La sanction ùe nullité ne peut intervcnir
que si l'actionmire n'a pu, en dépit de tout, avoir la possibilité de prendrc communication des documents
prévus à l'article 35.
(686) Cf.!'vŒlSS0NNIER, Droit des soclctes. en Afrique, op.ciL., n'315, p.338. En Guinée, l'arL.58 de
l'Ordo 119 n'impose pas de. délai particulier pour la \\Cnue d'une assemblée générale annuelle (appelée à
statuer notamment sur les comptes sociaux).
Au Mali (arL.456, C.Com.) et au Sénégal (art.I 311 COCC) l'assemblée ordinaire annuelle doit se
tenir dans les six mois de la clôture de l'exercice, à moins qu'une prolongation dc délai il' ait été accordée par
décision de justice.
273
Notons, cependant, qUè l'artick 27 de la loi de 1867, èn vigœur dans la plupart des
pays d'Afrique noire francophone, prévoit la tenue, chaqUè année, d'une assembkè
générale au moins (687). L'adverbe "au moins" revêt une grande importance car il
souligne l'insuffisanœ d'une seule assemblée annuelle en Ill~me temps qu'il laisse toutè
latitude d'en augmenter le nombre. Cenes, pour des raisons de commodité -frais
occasionnés, difficulté de réunir tous lès actionnaires ou associés surtout dans les grandes
sociétés- il est bien souvent difficile de multiplier les assembkès générales. Mais même
dans le cas, bien courant en réalité, où il n'est tenu qu'une seule assemblée annuelle, il SL.J
indispensable d'organisa la vérification des comptes dans le délai maximal de six mois
suivant la clôture de l'èxacice social. L'importance d'une telle mesure n'a d'ailleurs pas
échappé à certains législateurs africains ainsi que k prouve son adoption "totak" au Mali
et au Sénégal (688), "partielle" en Côte-d'Ivoire (689). Il ne resterait donc qu'à la
généraliser
aux
fins
d 'harmonisation
des
législations
des
pays
d'Afrique
norre
francophone.
Dans la même optique, la publicité relative aux comptes sociaux (690) devrait être
efkctuée dans k mois qui suit l'assemblée générak ordinairè (691).
(687) Pour la Guinée, cLLoi de 1962, arL.33 (pour les S...\\RL) Cl an.S4 (pour b SA). Par ailleurs. !"Jr!.8{j· J'
el r prévoil la lenue des compLes annuels il la clolure de chaque exercice (..;ans indicaLion de déial J1]c\\ximal
précis ni ùe sanClion applicable en cas de lrans~rcssion dç l'obligJLion élablie par l'article précilé).
(688) Au Sénégal, 1·an.1174 rclmi!" aux SNC dispose que '"les étals financiers établis par les gÙ<illiS SOli:
soumis à l'approbUlion de l'assemblée des ussociés dans le délai de six nzois li compler de la ",:Ôiure de
l'exercice ".
Par ailleurs, les anicles 1225 el 1311, applicables respeclivemem aux SARL el SA, mcnllonnènL
l' obligaLion de soumeLLIe les compLes sociaux à l' approbaLion de l'assemblée générale ordinaire dDns un délai
de six mois.
Ces anic1es prévoienL, en oULre, la possibililé d'une prolongation de cc délai par décision de justice.
(689) En COLe-d'Ivoire, la règle de l'approbaLion ùans un délai de six mois œ fail l'objel que d'une
application "parlielle", en ce sens qu'elle ne concerne pas LOUles les sociétés commerciales (SA. SARL,
SNe ..) comme au Sénégal. La loi n'74-263 du 24 juillel 1974, porwnl création d'un marché lïnancier.
prévoil, en effel, la "public({[ion dans un journal d'annonces légales à grande diffusion de CÔlc-d'lvoire,
IOUS les 'ans, des camples sociaux. ainsi que tous les six. mois du chiffre d' affaires comparé à (t'llti de ia
période correspondanl de l'année précédellle": celle forrnaliLé n'esl cependan: imposée qu'JU\\ sociéLés
faisanL publiquement appel à ['épargne.
(690) CeLle publicilé consisle dans le dépÔL du bilan, du compLe de perles el profiLS, eL du comple
d'exploilation générale de l'exercice écoulé au Grefk du tribunal de COmfî1ercc.
(691) Cf.arL.D.293 (France). II conviem de souligner que l'obligation de publicalion des complc~ sociaux
n'exisle pas en Afrique noire francophone, sauf pour \\cs publicalions périodiques en CôLe-d' Ivoire (Loi n'7-1--
263 du 24 juilleL 1974 ponanL création d'un n1Jrché financier).
!'''M!W''tJï''''~Z! -,
-= ,
274.
SECTION II - LE REAMENAGEMENT DU REGIME DE LA RESPONSABILITE
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
PARAGRAPHE
1
-
LA
RESPOï'iSABILITE
DES
COMMISSAIRES
AUX
COMPTES
A - ET AT SOMMAIRE DU DROIT POSITIF
1°) En Afrique noire francophone (hormis le Mali et le Sénégal)
a) Cas des S.A.
- 176 - La responsabilité des commissaires aux comptes peut être civile ou pénale.
S'agissant de la responsabilité civile, le commissaire est un mandataire de la
société, et la loi du 24 juillet 1867 a spéc'ifié dans son article 43 que l'étendue et les effets
de la responsabili té des commissaires envers la société sont déterminés d' après les règles
générales du mandat.
De manière générale, les COlTImlSSJlfeS aux comptes som responsables, tant à
l'égard de la société que des tiers, des conséquences des fautes et négligences par eux
commises dans leurs fonctions (art.44).
Au point de vue pénal, les réfomles de 1935 et 1937 (Lois des 8 et 31 août) om créé
des incriminations nouvelles. Tombent sous le coup de la loi, notamment :
- la violation en connaissance de cause des interdictions générales d'exercer les
fonctions de commissaire;
- la violation des interdictions d'accepter ou de conserver ces fonctions dans les cas
d'incompatibilité prévus à l'anicle33 de la loi du 24 juillet 1867 (modifiée par les
décrets-loi des 8 août 1935 et 30 juillet 1937);
-l'acceptation des fonctions d'administrateur dans les cas prévus audit anic1e;
- la non-dénonciation 2..:2 procureur de la République de faits délictueux dom ils ont
connaissance;
275
- le fait de donner ou de confirmer, SClemmen[, des informations mensongères au
bilan et aux comptes;
- le fait de donner sciemment des indications inexactes sur le taux d'émission des
actions dans le rappon spécial prévu en cas de suppression du droit préférentiel de
souscnptlon:
- la violation du secret professionnel.
b) Cas des SARL
- 177 - En Afrique noire francophone, le contràle des SARL (692) est assuré non pas pal
des commissaires aux comptes, mais, comme le prévoit l'article 32 de la loi du 7 mars
1925, par un conseil de surveillance composé de trois associés au moins el ce, uniqL!ement
dans les SARL comptant plus de vingt associés (dix associés en Guinée).
Soulignons que seuls le Mali et le Sénégal ont institué récemment la désignation
obligatoire d'un commissaire aux comptes dans les SARL dont le capital social est
supérieur à 5.000.000 F FCFA (693) ou 12.500.000 FCFA (694).
ZO) Au Mali et au Sénégal
a) Cas des SA
- 178 - Les dispositions applicables aux commissaires aux comptes des SA sont prévues
par les anicles 1355 à 1371 (CaCC), et au N'lali par les articles 515 à 532 (C.Com.). Ces
dispositions visent essentiellement :
- le statut des commissaires aux comptes: désignation, durée du mandat, récusation,
honoraires, destitution ... ;
- leurs attributions: mission de contràle, infonnation du conseil d'administration ou
de gestion, devoir de dénonciation ... :
(692) MEISSON"NIER, ouvragc préc;té,n' 17, p.6! 0; v.ég:.tlcmcnt doss.Intcrn.F.LEFEB VRE, Afr.noirc fr..
Op.Cil, n'7400, p.712.
(693) Cf.arLl211, COCC et 36 du décret d'application.
(694) Cfart.362, C.Com.
276
- leur responsabilité.
Soulignons, par ailleurs, que !a responsabilité civile des commissaires aux comptes
fait l'objet des articles 1370 (COCC) et 531 (CCom.), dont les dispositions se rapprochent
sensiblement de celles prévues par l'article 44 de la loi de 1867.
Notons, enfin, que les infractions se rapportant aux commissaires aux comptes sont
prévues aux anicles 1519 à 1522 (COCC) et 6b6 à 671 (CCom.) et que les articles 1482
(COCC) et 731 (CCom.) étendent aux GrE les mesures de contrôle de la gesrion et des
comptes prévues pour la S.A.
b) Cas des SARL
- 179 - Les dispositions applicables aux commissaires aux comptes, dans les SARL, sont
prévues par les articles 1211 à 1215 et' par l'aI1icle 1226 (COCC), et au Mali par les
aI1icles 349 et 362 à 364 (CCom.), les dispositions visent essentiellement: les conditions
de nomination des commissaires aux comptes (et sanctions des conditions de nomination),
les conditions d'exercice des fonctions, les conséquences de la cession de fonction et les
conventions entre la société et l'un de ses gérants ou associés.
En ce qui concerne les infractions applicables aux commissaires aux comptes, les
anicles 1496 (COCC) et 642 (CCom.) prévoient l'extension aux SARL des infractions
prévues pour les S.A.
B - LES MODIFICATIONS DECOULANT DES LOIS DE 1867, DE 1925 ET DES
LOIS SENEGALAISE ET MALIENNE
10 Responsabilité civile des commissaires aux comptes
)
- 180 - Le législateur sénégalais n'a pas repris, à juste titre, pensons-nous, les dispositions
de l'article 43 de la loi de 1867 aux termes desquelles :
"L'étendue et les effets de la responsabilité des commissaires
envers la société S'Dnt déterminées d'après les règles générales du
mandat" (695).
277
Il Y a, sembk-t-il, une contradiction entre les articles 43 et 44 de la loi du 14 juillet
1867 car si les commissaires aux comptes sont régis par les règles générales du mandat. ils
ne sauraient èue responsables qu'envers ieur mandant, c' est-il-dire envers la société. Et
dans la mesure où ils ne sont pas commerçants, leur responsabilité envers les tiers serait
donc soumise aux règles du droit commun et ne devrait être poursuivie que devant le
tribunal civil (696).
Pour les raisons susmentionnées, il serait souhaitable que les pays d'Afrique noire
francophone procèdent, comme le Sénégal, il l'élimination des dispositions de l'anicle 43
de la loi du24 juillet 1867.
2") Problème de la sanction applicable en cas de non convocation des commissaires
aux comptes.
- 181 - Au Sénégal, l'article
1519 (COCC) prévoit que la non-convocatIon des
commissaires aux comptes est punie "d'un emprisonnemenr de dem: à six mois er d'une
amende de 100.000 Francs à 2.000.000 Francs ou de !' une de ces deu.x: peines seu!emenr".
A notre avis, il s'agit là d'une "adaptation" malencontreuse des dispositions du droit
français (697), la sanction retenue étant disproportionnée il la faute des dirigeants et ce
d'autant qu'elle est censée s'appliquer même aux réunions moins importantes que celles
qui arrêtent les comptes annuels, autrement dit, aux assemblées ordinaires (698). Au i\\Iali,
les temles de l'article 668 C. Com. sont comparab les à ceux de ]' article 1519 COCC (699).
(696) Cf.en ce sens, DALSACE, Manuel des SA, op.cil., 1959, n'] 67, p.175-176.
(697) L 'art.l519 (COCC) n'est que la reproduction servile de ]' an.L.4SS
(698) CLGUYON, op.cil., T.I, n'364, p.367 : 'Les irrégularilés de désignalion ou encore l'omission de
nommer un commissaire aux comples onl pour conséquence principale la nullité des délibéra lions de
[' assemblée générale (anL222 J. Bien que la loi ne le dise pas expressémenl, celle nullilé s'applique
seulemenl aux délibéraliotls qui supposent un rapport préalable du commissaire aux comptes, c· esl-à-dire
essentiel/emenl les délibérQlions qui ont un objel compwble ou financier"; cLégalement GUYON, Op.CiL,
T.l, n0366, p.368 : "La convocalion des commissaires aux camplcs aux réunions du conseil d'ad,ninistralion
ou du. direclOire qui arrêtenl les comples de l'exercice écoulé (arl.L.23J) esl obligalOire alors que la
convocaliun aux aUires réuniollS de ees organes esl foelillalive" (c'cst nous qui soulignons).
(699) Les seules différences résident en fait dans la durée de l'emprisonnement (six mois à deux ans) et dans
le montant de J'amende (100.000 à 2,5 millions de francs) ... , cLart.668 C.Com. (Mali).
278
L'infraction visée par l'article 1519 (COCC) ou par l'article 668 C.Com., devrait
simplement engager la responsabilité civile (700) des dirigeants concernés. Par ailleurs, il
convient de le souligner, l'annulation des décisions prises en l'absence des commissaires
aux comptes,
prévue par l'article 34 a1.4,
L.1867 (702), constitue une sanction
suffisamment efficace. A cet égard, il n'est pas sans intérêt de relever que l'anick 1358
(COCC) déclare nulles les délibérations prises à défaut de désignation régulière de
commissaires aux comptes ou sur le rapport de commissaires nommés ou demeurés en
fonction, contrairement aux dispositions des articles 1355 et 1356. Le même article (1358
COCC) précise même que l'action en nullité es, éteinte si lesdites délibérations sont
expressément confirmées par une assemblée générale sur le rapport de commissaires
régulièrement désignés (703).
On te voit, les articles 1519 et 1358 (COCC) accusent une nette contradiction: le
premier étant particulièrement sévère, le second beaucoup plus souple et ce malgré le fait
que les deux textes visent apparemment la même faute (ou presque) à savoir la non-
convocation des commissaires aux assemblées ou leur "désignation" irrégulière. Or, dans
ces deux cas, l'annulation des délibérations paraît être la solution la plus adéquate, la
sanction correspondant parfaitement à l'infraction commise par les dirigeants sociaux
(704 ).
En réalité, comme le soulignent, en France, les Professeurs FLORES et MESTRE
"les dispos irions répressives (de l'article LA55) doivent être inrerprétées restricrivement"
(705). Ainsi, les sanctions extrêmement sévères de l'article 1519 (COCC) -reproduisant
l'article L.455- ne sauraient se justifier que dans un seul cas : non pas à défaut de
convocation ou de "désignation" du (ou des) commissaire déjà en fonction, mais en cas
(00) CLde JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, Op.CiL, T.Il, p.65S, note (3) : "Le défaU! de convocalion
ou la convocation irrég:~lière du commissaire aux comples à la réunion du conseil d'adminislration qui
arrêle les comples de l'exercice n' esl pas sanClionnée pénalement. Il s'agit d'une faute susceptible
d'engager la responsabilité civile des adminislrweurs: le commissaire doit mentionner l'irrégularité
commise dans son rapport à l'assemblée générale", cLR.M.Il mai 1976, J.O. déb.Sén., pp.989. "La
délibération du conseil d'adminiSlrmion ou du direclOire demeure en principe valable", c[GUYON ct
COQL'EREAU, n' 100.
(702) CLart.34 alA, L.1867 (mod. D-L.8 août 1935) : "La délibéralion de l'assemblée contenanl approbation
du bilan el des comples esl nulle si elle n' apas été précédée du ou des rapports des commissaires, conformes
aux dispositions ci-dessus".
(703) CLdans le même sens, art.519, C.Com.Mali, qui est le pendant de l'art. 1358 COCe.
(704) CLnotes n'700-703 .
(70S) CLFLORES et NIESTRE, Lamy sociétés, op.cil.. n'1050 et 105 l, pA52-453.
279
d'inobservation de l'obligation de désigner un cornmissaire aux comptes "dans Line société
qui atteint les seuils fixés pour la sownission au cO/ltrôle légal des comptes" (706). En
toute logique, la non-désignation (ou nomination) du commissaire aux comptes (auprès
d'une société) est plus lourde de conséquences et panant plus répréhensible que leur non-
convocation aux réunions. C'est donc dans l'assimilation des termes convocation et
désignation (des commissaires aux comptes) (707) que
réside l'éq uivoque : aussi
conviendrait-il de veilla, en Afrique noire francophone et particulièrement au Sénégal, J.
l'utilisation judicieuse des vocables convocation et désignation, celui-ci devant s'etHendre
uniquement de l'affectation d'un comnllssaire à une société commerciale. Cette précision
tenninologique (708) permettrait de supprimer les contradictions relevées aux articles
1519 et 1538 (COCC), 519 et 668 (C.Com.).
CONCLUSION
- 182 - Deux brèves suggestions clôtureront notre étude relative à la réforme du
commissariat aux comptes dans les pays d'Afrique noire francophone.
D'abord, il faudrait veiller à améliorer les relations entre les commissaires et les
dirigeants (709). Bien souvent, en effet, la liaison se fait mal, de telle sone que les
suggestions du commissaire n'ont pas toujours des suites suffisantes (710).
(706) Ibiàem, n'1050, p.452
(707) A preuve, l'article 1519 (COCC) a pour libellé : "Non désignation ou non convocalion des
corrunissaires aux comptes". Comme on le constate ici, la conjonction ou induit ncLLemenL la synonymie
(c'est du reste son rôle).
(708) L'expression "nomination des comrnissaires aux comptes", lâIgemcnt lJtilisée en France, sous l'empire
de la loi de 1867 (en vigueur dans la plupart des pays d'Afrique noire francophone), préte moins à
équivoque; cf.notamment, DAL5ACE, op.ciL., 1959, n'] 54 et s., p.162 et s.
(709) Cf. (France), GUYON, op.ciL., T.l, Op.CiL p.380 : "Le commissaire doit notamment trouver le juste
milieu, entre une méfiance systématique à l'égard des dirigeants et llne confiance aveugle en celu-cl'.
(710) CLGUYON, T.l, op.ciL., p.390
280
En vue d'une meilleure concertation, l'on préconise, en France, la création de
comités d'audit, qui se réuniraient périodiquement afin d'examiner en commun le
fonctionnement du contrôle (710
bis).
Les
législateurs des pays d'Afrique
noire
francophone devraient s'inspirer de cette idée vraiment intéressa:1te.
En second lieu, il conviendrait de favoriser le regroupement des commissaires en
sociétés professionnelles, ce qui leur permetn'ait de faire face à des tâches plus
importantes, tel le contrôle de très grandes sociétés ou de celles qui exercent des activi tés
internationales (711). Une telle organisation devrait s'imposer cans la mesure où le
dynamisme économique des pays d'Afrique noire francophone est lié notamment à la
création, à court ou moyen tenne, de sociétés commerciales de dimension communautaire
( '
f
ln.ra n°""0"
.:.. .) et 5.),
PARAGRAPHE II - LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS SOCIAUX
A - NECESSAIRE EXAMEN DU DROIT POSITIF
1°) Dispositions communes à la plupart des pays d'Afrique noire francophone
a) Responsabilité civile
- Fondement de la responsabilité civile
- 183 - L'article 1382 (Cciv.) a posé le principe général de la responsabilité civile cn vertu
duquel tout actionnaire ou tiers qui a subi un préjudice particulier, par la faute d'un
administrateur, peut en demander réparation.
En outre, le fondement de la responsabilité civile spéciale aux administrateurs
réside dans l'article 44 de la loi du 24 juillet qui dispose:
"Les administrateurs sont responsables, conformément aLc( règles
du droit commun, individuellemenr ou solidairement selon le cas,
envers la société Oil envers les tiers, soit des infractions aLC(
dispositions de la présente loi, soit des faures qu'ils auraient
(710 bis) CCRappofl COB (France), 1984, p.55
(711) En ce sens, GUYON, Op.CiL, T.l, n0391, p.389
281
commises dans leur gestion. notammenr en disrribuatz[ ou en
laissanr distribuer sans opposition des dividendes ficrifs".
- Exercice de Faction en responsabilité
- Cas des S.A.
- 184 - Deux types d'actions sont prévus par la loi: l'action individuelle et l'action sociale.
L'action individuelle permet soit aux actionnaires, soit aux créanciers de la société,
de demander la réparation du préjudice qu' ils ont personnellement subi du fait des
agissements fautifs des administrateurs.
L'action sociale vise, au contraire, la répar2.tion du préjudice causé à la société par
la faute des administrateurs. L'exercice de cette action appartient, en principe, aux
représentants légaux. Mais ces derniers risquent de mettre souvent une mauvaise volonté à
exercer cette action sociale puisqu'elle tend à établir leur propre responsabilité ou celle de
leurs prédécesseurs. Cette éventualité a heureusement été prévue par le législateur, leque~
reconnaît aux actionnaires représentant le vingtième au moins du capital social, le droit
d'exercer l'action sociale à la place des dirigeants défaillants (art. 17, L.1867) (712). On
parle alors d' action sociale exercée "w singuli" (713).
Le quitus conféré par l'assemblée générale ne saurait mettr;:.- obstacle à l'exercice
de l'action individuelle ou sociale. Par ailleurs, toute clause des statuts ayant pour effet de
subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à J'autorisation de
l'assemblée générale ou qui compone par avance une renonciation à l'exercice de ladite
action, est nulle et réputée non écrite (714).
Le délai nom1al de prescription de l'action en responsabilité est de trois ans à
compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque
le fait est qualifié crime, il se prescrit par dix ans (715).
(712)Complélé par l'arlA du décrel-Ioi du 31 aoûll93ï
(713) V.cep.les criliques relalives à l'aClion sociale exercée "UI singuli", GUYON, ouvrage précilé. T.I,
n'462, p,460.
(714) CLal.4 de l'anicle 17 de la loi du 24 juillel 1861, mod.par le décrel-loi du 31 août 1937
(715) CLnotammenL an.US3, COCC (Sénégal), el ar1.74, a1.4, loi guinéenne de 1962: DALSACE, ouvrage
précité, 1967, n'289, p.294; MEISSONNIER, ouvrJ.ge précilé, n'68ü, p.644.
282
- Cas des SARL
- 185 - L'action e:1 responsabilité civile dirigée conae les gérants est exercée soit par les
associés au nom de la société (716), soit par les tiers intéressés, soit par un autre gérant
que celui mis en cause, soit par un liquidateur ou un syndic.
Cependant, les dispositions de la loi française èu 24 juillet 1966 relatives à
l'exercice de l'action sociale par un associé et à l'ineffïcacité des clauses limitant
l'exercice de l'action en responsabilité n'ont pas été reprises en Afrique noire francophone,
excepté en Guinée (artA8, Ord.119), au Mali (art.35!, c.com.), et au Sénégal (art.1209
COCC). Il s'agit là de lacunes graves, dont les conséquences ont été parfaitement
soulignées par M.MEISSONNIER :
"Les SlatUlS peuvent prévoir que les associés ne pourront agir
colUre le gérant ell responsabiliré quO après avoir avisé leurs
coassociés ou avoir obrenir rQurorisarion de ces derniers. De telles
clauses seraient nulles et non écrires en matière de SA (an] 7.
L.1867, modD-L.3 1 août 1937), mais ces dispositions n' OIU pas été
étendues en matière de SARL" (717).
L'action en responsabilité contre les membres du conseil de surveillance se prescrit
par trente ans, à moins que la faute soit qualifiée crime ou délit, duquel cas s'applique la
prescription particulière en cette matière (dix ou trois ans).
b) Responsabilité pénale
- Cas de la S.A.
- 186 - Outre les délits de droit commun (718), des délits speciaux ont été prévus à
l'encontre des administrateurs et dirigeants sociaux, notamment par l'articlelS (L.186ï),
(716) MEISSON'NIER, ouvrage précilé, n'698, p.657
(717) Ibid.
(718) Abus de confiance el escroquerie nolammcm.
283
complété par les décrets-loi des 8 août 1935 et 31 août 1937 apPlicables en Afriql1e noire
francophone. Il s'agi t, princi palemen t (719) de :
- la distribution de dividendes fictifs (art. 1S, L.1867);
-la présentation ou la publication de bilan inexact (an.lS, L.1867, mod.D-L.8 août
1935);
- l'usage des biens et du crédit de la société dans un but personnel (art. 15-6° , L.1867,
mod.D-L.8 août 1935);
-l'usage des pouvoirs ou des voix dans un but personnel (arr.IS-T, L.1867, mod.D-
L.8 août 1935).
Notons, en outre, que l'aggravation de la responsabilité des dirigeants est prévue en
cas de faillite de la société (infra n0194) ..
- Cas de \\a SARL
- 187 - Les gérants de SARL ayant commis les fautes énumérées 3. l'article 15 (L.J86Î),
précédemment évoqué, sont passibles de sanctions pénales en vertu des articles 38 et 39 de
la loi du 7 mars 1925.
En outre, le décret du 8 août 1935 frappe des peines prévues par l'article 402 du
Code pénal, tous les mandataires sociaux et, en particulier, les gérants des SARL ayant
commis certaines fautes ér,:.lmérées aux articles 2 et 4 du décret-loi sans toutefois exiger
que les gérants soient commerçants ni qu'ils aient été mis en faillite. Le délit est constitué
dès que la mauvaise foi est établie.
(719) Cf.DALSACE, ouvrage précité, 1959, n'237-243, p.247 et 5.; NIEISSONNIER, Droit des sociétés cn
Afrique, Op.CiL, n'270, p.296-297, notamment: HA1'vŒL, Le droit pénal des sociétés anonymes, Dalloz 1955.
284
2°) Dispositions spécifiques à certains pays d'Afrique noire francophüne
a) Interdictions et déchéances-faillites
- 188 - Au Congo, l'ordonnance de 1962 reprend les dispositions de la loi française du 16
novembre 1940 relatives à la responsabilité du président-directeur général en cas de
faillite:
- application des déchéances attachées à L 'oi sur la faillite;
- responsabilité de tout ou partie des dettes sociales en cas d'insuffisance d'actif.
Cette responsabilité est mise en jeu par le tribunal à la demande du syndic ou du
liquidateur judiciaire.
Pour s'exonérer de cette responsabilité le président et les administrateurs impliqués
doivent faire la preuve qu'ils ont apporté à la gestion des affaires sociales toute l'activité et
la diligence d'un mandataire salarié.
Précisons que la loi française du 16 novembre 1940 n'a pas été déclarée applicable
en Afrique r10ire francophone (sauf au Congo) (720). Les interdictions et déchéances du)
droit d'administrer une SA s'appliquem cependam aux administrateurs, dans les pays
d'Afrique noire francophone, en vertu des articles 6 à 9 du Décret-loi du 8 août 1935.
Notons, par ailleurs, qu'aux termes du décret-loi du 8 août 1935 (modificant
l'article 437 C.Com.), la faillite d'une société peut être étendue à toute personne qui, sous
le couvert de la société masquant ses agissements, a fait dans son intérêt personnel un acte
de commerce ou disposé des biens sociaux comme des siens propres. Cette disposition
s'applique aux S.A. et SARL (721).
(720) CfJvŒISSONNIER, Droit des sociétés en Afriljue, op.cil., p.L90.
(721) CLDoss.Intem., F.LEFEBVRE, AfLnoire fLop.cil., n'6559, p.65 1.
285
b) Action en comblement du passif
- 189 - Au Congo, au S~négal, au Mali et en Guinée, le tribunal peut mettre à la charge de
cenains ou de tous les dirigeants sociaux, de droit ou de fait, tout ou partie des dettes
sociales lorsque la procédure fait apparaître une insuffisance d'actif (722).
Cette responsabilité peut cependant être écanée si les dirigeants ou administrateurs
en cause prouvent qu'ils ont apporté toute diligence dans la gestion de la société.
Dans les autres Etats d'Afrique noire francophone la possibilité de mettre à la
charge des dirigeants tout ou partie des dettes sociales en cas d'insuffisance d'actif n'existe
pas à l'égard des dirigeants de sociétés anonymes (723).
Par contre, il convient de le rappeler, en matière de SARL, le décret du 9 août 1953
modifiant l'anicle 25 de la loi de 1925 permet de mettre à la charge des gérants et d~
cenains associés une panie du passif social en cas de faillite provoquée par leur faute.
Ledit décret s'inspire en fai t de la loi française du 16 novembre 1940 qui avait édicté des
mesures sévères à l'encontre du président-directeur général et des administrateurs.
c) Autre spécificité: le régime du président-directeur général
- 190 - Cinq pays d'Afrique noire francophone ont opt~ pour le régime du président-
directeur génàal : la Côte-d'Ivoire, par la loi n'83-789 du :2 août 1983, le Congo: par
l'ordonnance n016 octobre 1962, le Gabon par la loi n010-73 du 20 décembre 1973}
la
Guinée par l'Ordonnance du 17 mai 1985 et le Niger par l'Ordonnance 80-14 du 19 juin
1980.
Au Congo, l'ordonnance précitée reprend les dispositions des lois des 16 novembre
1940 et 4 mars 1943: concernant l'administration et la direction générale des sociétés
anonymes. En vertu de l'article 5 de ladite ordonnance,
le président du conseil
d'administration assume, sous sa responsabilité, la direction générale de la société. Cette
dernière disposition trouve son équivalent, au GJ.bon, dJ.ns l'article 10 de la loi de 1973 et,
en Côte-d'Ivoire, dans la loi de 1983 préci rée li ui déclare le président-directeur général
(722) CLan.7, ord.16 octobre 1962 (Congo); an.121O el ]384, COCC (Sénégal); an.266 el 545, C.Com.
(Mali); art.36, Ord.l19 (Guinée).
(723) CLDoss.Intcrn., F.LEFEBVRE, Afr.noire fr., op.cil., n'6559, p.652
286
"coujours responsable pénalemenc ec civilemenc des violacions des prescripcions fégales ec
réglemencaires commises au nom de la sociécé" (724).
Par contre, en Guinée, il est i déplorer que le législateur n'ait pas indiqué de
manière expresse que le président assume, sous sa responsabilité, la direction générale de
la société (725).
ct) Les réformes guinéenne, malienne et sénégalaise
- 191 - Au point de vue de la forme, les législations guinéenne, malienne et sénégalaise se
démarquent désom1ais des pays d'Afrique noire francophone, du fait que ces deux pays ont
procédé à la réforme de leur droit des sociétés. Mais en réalité, pour ce qui est de leur
contenu, les législations précitées reprennent en subscance les dispositions applicables à la
plupart des pays d'Afrique noire francophone. Ainsi en est-il, pour la Guinée, notamment,
de l'article 47 (Ord.119) qui pose le principe de la responsabilité civile et organise l'action
sociale et l'action individuelle, de l'article 48 qui répute nulle et non écrite toute clause des
statuts visant à faire échec à l'action en responsabilité. Il est à noter, en outre, que les
sanctions pénales et les délais de prescription sont ceux prévus par les lois de 1867 et L925
(726).
Enfin, l'article 83 (Ord.119)
prévoit l'extension aux gérants de SARL des
conséquences de la faillite. Notons que cet article qui a repris les dispositions du décret-loi
du 8 août 1935 -applicable aux aUITes pays d'Afrique noire francophone à l'exception du
Sénégal et des pays d'allégeance juridique belge- permet l'extension de la faillite à toute
personne qui, sous le couvert de la société masquant ses agissements, aura dans son imérêt
personnel fait un acte de commerce et disposé des biens sociaux comme des siens propres.
Une disposition spécifique doit cependant être relevée en
matière de SA,
relativement à la prescription:
"Toute action en respollsahilicé tendant à la réparation d' 1lI1
préjudice subi par la société, fondée sur des faits relevés à
(724) Cf.Doss.lnlem., F.LEFEBYRE, Afr.noire fr. op.cil., n'7140, p.695.
(725) CLMEISSONNlER, Droil des sociélés en Afrique, op.ciL., n'279, p.3ü7
(726) Les sanctions pénales prévues par l'art.39 de la loi de 1962 sont identiques à celles visées par l'aiinéa 3
de l'article 38 de la loi de 1925 el par les alinéas 4,5 el 6 du même article 38 lels qu'ils om élé ajoulés au
lexte initial.
287
f' assemblée générale des actionnaires [Jar le rapport du cOllSeil (lU
des commissaires, doit. à peine de forclusion, être inlenlée dans le
délai d'un an à compler de la dare de f' assemblée générale à
laquelle ces rapports sont soumis".
Par ailleurs, en matière de SARL, deux panicularités sont à relever. D'abord,
l'article 85 de l'ordonnance 119 ne reprend pas les dispositions de l'article 25 de la loi du
7 mars 1925 qui pose le principe de la responsabilité civile (conformément au droit
('jmmun) mais il précise que les gérants ne peuven" être responsables au-delà de leurs
appons respectifs (727).
En outre, l'article 85 (Ord.119) ne compone pas les dispositions du second
paragraphe de l'article 25 ajoutées par le décret du 9 août 1953 au texte initial de l'anicle
25, concernant la mise à la charge de la gérance, par le syndic en cas d'insuffisance d'actif,
d'une panie des derres sociales en cas de faillite ou de liquidation judiciaire de la SARL.
Au Sénégal, ainsi que nous l'avons souligné, la loi de 1985 ponant réfomle des
sociétés commèrciales reprend en substance les dispositions de la loi de 1867 et 1925. Il
est à préciser, cependant, que la loi sénégalaise s'inspire plus largement des dispositions de
la loi française du 24 juillet 1966, à la différence du texte guinéen.
(727) CLMEISSONNIER (ouvrage précité, n070.1, p.660), sur une anaiyse faite sous l'empire Ge la loi
antérieure (1962), mais qui reste transposable à l'Ord.119 du 17 mai 1985.
288
Le texte sénégalais est donc plus complet (728) que celui de l'ordonnance
guinéenne de 1985. Il réalise en effet l'cllignement du régime de la responsabilité (civile er
pénale) des SARL sur celui de la SA et prévoit, de surcroît, pour ces deux types de
sociétés, l'application de la faillite et de l'action en comblement àu passif.
Enfin, sur l'ensemble des points précités, le Code malien du commerce comporte
des dispositions identiques à celles de la loi sénégalaise de 1985 (729).
e) Cas des Etats anciennement administrés p'- r la Belgique
- 192 - Comme le souligne M.MEISSONNIER, les caractéristiques de la Société Privée à
Responsabilité Limitée (SPRL) sont "dans leurs lignes fondamentales, semblables à la
SARL des treize Etats d'Afrique noire relevant de l'ancien droic français" (730).
(728) C'est ce ljui ressort de l'évocation sommaire des dispositions de la loi sénégalaise en matière de
responsabilité civile et pénale:
- Responsabilité civile:
a) SARL: cf.arL1209 qui prévoit la responsabilité civile des gérants et l'an.1210 qui prévoit les interdictions
et déchéances ainsi que l'action en comblement du passif.
b) SA : cf.an.1330 relatif à la responsabilité civile; an.1381 relatif à l'exercice de l'action sociale, j'article
1383 relatif à la prescription et 1384 relatif aux interdictions et déchéances et à l'action en comblement du
passif.
- Responsabilité pénale:
a) SA : cf.arL.1502 relatif à l'abus des biens et du crédit de la SA; arL.1232 relatif aux conséquences
du réglementjudiciaire ou de la liquidation des biens de la SA.
b) SARL: cf.art.1491 qui prévoit les sanctions pénales applicables aux SARL (et aux GIE '?).
Notons. cependam, que les dispositions relatives aux SARL figurent dans la rubrique consacrée aux
GIE. Il s'agit en réalité d'une erreur de numéroLation des articles puisque le livre sixième consacré allx GIE
comprend les articles 1473 à 1488 et que le livre septième comprend les articles 1439 à 1552 (cf.Exposé des
motifs, JORS, p.554).
Par conséquent, les dispositions de l'article 1491 s'appliquent bien aux SARL, l'exposé des motifs
précisant du reste que le livre septième regroupe "IoUles les dispositions pénales venanl sanctionner tous les
manquemenls aux obligations énoncées par les six premiers livres à la charge notamment, des fondaleurs.
des administralcurs el des commissaires aux comtpes".
Une seconde erreur doit être rectifiée: contrairement à ce que mentionne l'exposé des motifs
(p.554), le livre septième ne regroupe pas les articles 1489 à 1562, mais les articles 1489 à 1552 et ce
d'autant plu que les articles 1553 à 1561 sont consacrés aux dispositions abrogatives et aux mesures
lfansiwires.
Au tOUll, il convient de le souligner, le code sénégalais des obligations, dont le contenu est très
riche, accuse des lacunes, du moins à notre avis, cn ce ql!i concerne le plan, c'est-à-dire, la distribution des
diverses matières et surtout des sanctions pénales.
(729) V.notamment:
- sur la responsabilité civi1e, an.266, 361, 541 à 547 (C.Com.)
- sur la responsabilité pénale, les arL.635 à 643 relatifs aux SA..R.L et les arl.649 à 651 (C.Com.)
relatifs aux SA.
(730) Cf.MEISSONN1ER, E.J .A. op.cil., p.158
289
B - MODIFICATIONS SOUHAITABLES: L'AGGRA VATION DE LA
RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS SOCIAUX
Introduction (rappel du Droit positif)
- 193 - En Afrique nOIre francophone, les interdictions et déchéances sont régies de
manière globale, et à quelques exceptions près (731), par le décret-loi du 8 août 1935.
D' une p~ L, ce texte prévoit, au titre de la déchéance, une m, jure de sauvegarde
complémentaire et facultative (732) frappant les administrateurs d'une société anonyme
mise en faillite.
D'autre pan, et dans la même optique, le décret-loi du 8 août 1935 (modifiant
l'article 437 anc. c.com.) précise qu'en cas de faillite d'une société, la faillite peut être
déclarée commune à toute personne qui, sous le couvert de cette société masquant ses
agissements, a fait dans son intérêt personnel un acte de commerce et disposé des biens
sociaux comme des siens propres.
Il convient de préciser que cette dernière disposition qui concerne aussi bien les
associés que le gérant d'ème SARL (733), s'applique plus généralement aux dirigeants et
membres de [Out type de société commerciale (734).
A notre aVIS, les dispositions du décret-loi du 8 août 1935, qui constituent
l'armature essentielle du droit positif en matière de déchéances et d'interdictior.s, dans les
pays d'Afrique noire francophone, devraient être complétées par des mesures pouvant
aggraver les effets attachés à la faillite personnelle.
(731) Au Congo, c'est en vertu de l'arL7 de l'Ord.16 octobre 1962 que le Président du conseil
d'adminiSlrJtion est soumis à la faillite.
(732) Cette déchéance est facultative en ce qu'elle doit être prononcée par k tribunal. Elle n'est donc pas
acquise de plein droit comme les interdictions et déchéances sanctionnant \\cs délits de droit commun (vol,
abus de contïance, escroquerie ou banqueroute, extorsion de fonds, émission de mauvaise foi de chèque sans
provision, atteinte au crédit de l'Etat, recel; cLMEiSSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, op.ciL., n'265,
p.291.
(733) CLMEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, Op.CiL, p.700
(734) Cf.!vŒISSONNIER (note précédente); Adde, Doss.Intern. Francis LEFEBVRE, Afr.noire fr. op.CiL,
n·6559, p.651.
INNeF
290
1°) Aggravation des effets attachés à la faillite personnelle
a) Interdictions, déchéances et autres sanctions
- 194 - Comme nous l'avons vu, l'interdiction de diriger ou de gérer toute société est la
principale sanction qui frappe les dirigeants (735) ou les "mandataires sociaux" coupables
de cenaines fautes de gestion" (736).
En conséquence, 'es mesures mentionnées ci-après, qui visent à l'aggwation des
sanctions pouvant accompagner la faillite personnelle devraient être adoptées par les pays
d'Afrique noire francophone, dans la perspective d'une réforme du droit des sociétés.
En cas de faures lourdes de gestion, outre la faillite personnelle (737), les
dirigeants pourront être privés du droit de vote dans les assemblées de la société ou encore
être obligés de céder leurs actions ou même de les vendre au profit de la société (738).
De surcroît, ils pourront faire l'objet de deux types d'incapacités: la privation des
droits politiques et l'exclusion des fonctions publiques, administratives ou judiciaires
(739).
Il convient de preClser que les incapacités précitées devront être des sanctions
facultatives: le tribunal pourra donc se borner dans les cas justiciables de la faillite
personnelle à prononcer une mesure plus douce, à savoir l'interdiction d'administrer et de
gérer toute société commerciale. Il pouml même "cantonner l'interdiction à cerraines
entreprises, par exemple celles dans lesquelles le dirigeant à des intérêts" (740).
(735) CLDécret-loi du 8 août 1935 modifiant l'art.435 anc. c.com. (arl.JO et s.).
(736) CLart.2 à 5 du Décret-loi du 8 août 1935, relatifs à la banqueroute.
(737) CLan. JO, décret-loi du 8 août 1935
(738) CLart.193, Loi française du 25 juillet 1985
(739) CLart.186, Loi française du 25 juillet 1985 qui a modifié l' art.11 0 de la loi française du 13 juillet 1967.
Soulignons que la privation des droits politiques devruit se traduire par la déchéance de l'électorat.
notamment en vue des élections des députés, et par l'interdiction d'exercer une fonction pub! ique élective.
Par ailleurs, s'agissant de l'exclusion des fonctions publiques, le failli non réhabilité ne pourra exercer les
fonctions suivantes : officier ministériel, aVOC3i, témoin instrumentaire dans un act!?- notarié. Il devra, cn
outre, être privé de distinctions honorifiques. Sur l'ensemble de ces déchéances, cLRIPERT et ROBLOT,
op.ciL, VoI.II, n'3312 ct 3313, p.J033.
(740) CLCOZIAN et VIANDIER, op.cil., n'523, p.152
291
Soulignons qu'un seul pays d'Afrique nOlre francophone, le Mali, a adoplé les
sanctions énumérées (741).
b) Durée des peines liées à la faillite
- 195 - De manière générale, les déchéances du droit de diriger et de gérer une société
commerciale sont prévues en Afrique noire francophon~ par le décret-loi du 8 août 1935 et
assorties de sanctions pénales (7 ' 2).
Malheureusement, aucune disposition légale ne permet de limiter dans le temps
l'application de ces mesures; ce qui met les magistrats dans une posi tion délicate.
Comme en France, les juges consulaires d'Afrique
noire, effrayés par les
conséquences redoutables d'une telle condamnation, sont enclins à ne prononcer aUCllne
sanction contre des dirigeants pounan~ coupables de fautes ou de graves négligences
(743). C'est là une situation déplorable, que devraient pallier rapidement les législateurs
africains.
Dans la perspective de l'hamlonisation des droits africains, il s'avère donc
indispensable de garantir l'applicabilité des déchéances précitées en les circonscrivant dans
un intervalle de temps précis: en France, ]a loi de 1985 prévoit "un temps fixé par le
tribunal, qui ne peut être inférieur à cinq ans". Cette disposition devrait être reprise par les
législateurs des pays d'Afrique noire francophone (743 bi s).
Par ail1eurs, excepté au Mali (744), des mesures de réhabilitation devraient
permettre, le cas échéant (745), de relever les condamnés des déchéances el interdiction
précédemment évoquées.
(741) Cfan.275 ct, plus largement, arl. 275 à 281 (C.Com.).
(742)CfNŒISSONNIER, op.cil., n'270, p.296-297
(743) CLde JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, Les sociétés, Vol.II, op.cil., p.519, note n'S.
(743 bis) cf.an.186, L.25 juillet 1985
(744) CLan.282 à 293 (C.Com.).
(745) CLDeux cas de réhabilitation en France: Jugement de clôture pour extinction du passif (an.195, al.3,
L.1985); contribution suffïsante au p3Ssif (arl.195, al.4, L.1985).
292
2°) Actualisation des cas d'extension aux dirigeants de la r: faillite sociale"
- 196 - L'action en extension (746) aux dirigeants de la procédure collective diligentée
contre la société peut intervenir si les responsables sociaux condamnés à contribuer au
passif ne s'acquitœnt pas des dettes mises à leur charge.
Notons que cette solution peut paraître anti-juridique dans la mesure où les
dirigeants sociaux ne sont pas des commerçants.
a) Domaine actuel de l'action en extension
- 197 - Selon l'article 446 ancIen (C.col11.modifié par le décret-loi du 8 août 1935), la
faillite peut être étendue (747) aux diri8:eants de fait ou de droit lorsque ceux-ci ont
disposé des capitaux de la société comme des leurs et agi dans leur intérêt personnel SOllS
le couvert de la société (748).
Cette disposition s'applique aux dirigeants et membres de tOut type de société
commerciale. Notons au passage l'intérêt de cette mesure qui n'établit pas de distinction
entre la S.A. et la S.A.R.L. notamment (749).
Par ailleurs, au Sénégal et au Congo, au Mali et en Guinée, la procédure de
règlement judiciaire ou de liquidation des biens peut être étendue de plein droit à un
dirigeant social à la charge duquel a été mis tout ou partie du passif lorsqu'il ne s'acquitte
pas de cette dette.
(746) La sanction qui frappe les dirigeants sociaux dans le cJdre d'une procédure collective est désignée sous
des vocables variés: certains auteurs font état de l'action en extension (c f.COZ Lc\\.i\\' et VIAr\\iDIER. op.cil..
p.150) tandis que d'autres font allusion à la déclaration des dirigeants en redressement judiciaire (cf.RIPERT
et ROBLOT, Op.CiL, T.II, n'3294, p.1023).
Notons que la formule "action en extension" a l'avantage d'être plus générale et d'embr3sser les cas
les plus divers.
(747) C'est nous qui soulignons
(748) CLDoss.Intem. Francis LEFEBVRE, Afr.noirc fr. n'6559, p.651; M.MEISSONNIER fait état de
l'application du décret du 8 août 1935 dans ces deux cas, cf.Droit des sociétés en Afrique, op.cil., p.658.
(749) Le rapprochement de ces deux types de sociétés est l'un des objectifs que nous visons dans le cadre de
l'harmonisation des législations en Afrique noire francophone.
- - - - - - - - - - - - - - -
293
La mise à la charge du président, des administrateurs ou des gérants, des dettes
sociales, est détenninée par le Tribunal (750). Cette responsabilité peut être écanée si les
dirigeants concernés prouvent qu'ils ont apporté toute diligence dans la gestion de la
société (751).
En définitive, l'examen du droit positif africain permet de conclure rapidement à
l'imperfection des textes relatifs à l'action en extension.
Ainsi, pour être en mesure d'atteindre d\\.. "nouvelles situations", les législateurs
africains se doivent de compléter le dispositif actuel par d'autres hypothèses d'utilisation
abusive de la personne morale par les dirigeants (752). A cet égard, l'article 182 de la loi
française de 1985 -ayant modifié l'anicle 101 de la loi de 1967 qui lui-même avait été
institué dans le dessein de remédier aux lacunes de l'article 446 (C.com.), encore en
vigueur dans les pays d'Afrique noire francophone-, constitue un exemple intéressant
(753).
b) Mesures d'actualisation de l'action en extension
- 198 - Dans l' optique de l'harmonisation des législations, en Afrique noire francophone, il
conviendrait de se réf~rer non pas à la loi française du 13 juillet 1967 (art. 101) mais à celle
du 25 janvier 1985 (art.182) qui a procédé à \\' actualisarion des faiLs pouvant fonder une
"action en extension".
Ainsi, outre les cas prévus par l'article 446 (C.com.) (754), l'extension de la
procédure collective pourra être prononcée contre les dirigeants qui auront:
(750) CLDoss.Intem. Francis LEFEBVRE, Afr.noire Cr., op.cil., p.652; v.également MEISSONNIER, Droit
des sociétés en Afrique, op.ciL., n0699, p.65S
(751) CLnote précédente et supra n0189.
(752) Cf.RIPERT et ROBLOT, op.ciL., T.Il, n'3294 et 3295, p.1024.
(753) Cf.note précédente
(754) L'art.446 ancien c.com. (mod.décret-Ioi du 8 août 1935), sancLionne les dirigeants qui auront disçosé
des biens sociaux comme s'ils leur étaient propres et accompli des actes de commerc~ dans un intérêt
personnel sous le couvert de la société.
294
- fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de
celle-ci il des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou
entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement (755);
- poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale;
- tenu une con-,ptabilité fictive, ou fait disparaître des documents comptables de la
personne morale, ou se seront abstem,.) de tenir une comptabilité conforme aux
règles légales;
- détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif, ou frauduleusement augmenté le
passif de la personne morale.
L'action en extension, comme l'action en comblement, se prescrit par trois ans.
Soulignons, cependant, que le législateur malien a prévu les cas susmentionnés
d'extension (du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens d'une personne morale)
(756).
3°) Mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants en cas d'insuffisance d'actif
- 199 - L'article 7 de l'ordonnance congolaise n062-26 du 16 octobre 1962, inspiré de
l'article 4 de l'acte dit loi (française) du 16 novembre 1940 (757) et qui a été repris en
(755) Cette formule correspond exactement à la définition dë l'abus de biens sociaux donnée par l'arl.14-6'
de la loi de 1867 modifiée par le décret-loi du 8 août 1935. Il s'agit, en réalité. d'une extension de l'artA08
du Code pénal, car peuvent être ainsi punis non seulement les actes de détournement ou de dissipation, mais
tout usage fait de mauvaise foi des biens ou du crédit social, cLDALSACE, Manuel des sociétés anonymes,
Op.CiL, n'240, P.251.
(756) CLart.268, 276, 277 (C.Cùm.).
NB: Le législateur sénégalais, s'inspirant de la législation antérieure à la loi française du 25 janvier
1982 (art.182), n'a prévu essentiellement que l'abus des biens et du crédit des SARL (art.1491, COCC) et
des SA (art.l502, COCC).
(757) La loi du 16 novembre 1940 n'a pas été déclaréc applicable aux pays d'Afrique noire francophone.
Il est à noter, par ailleurs, que le texte de l'art. 7 de l' ordo congolaise du 16 octobre 1962 ne présente
quasiment pas de différence avec celui de l'artA de la loi de 1940 : d'une part, le terme "liquidation
judiciaire" a été substitué
à "règlement judiciaire", d'autre
part, l'art. 7 précité a
supprimé les
"administrateurs membres du comité" (parmi les mcmbres pouvant supporter les dettes sociales).
295
substance et parfois littéralement par certains pays d'Afrique noire frar:cophone en matière
de SA (758), dispose:
"Si la faillite ou la liquidation judiciaire de la sociélé fair
apparaÎtre une insuffisance d'aclif, le tribunal de commerce peUl, cl
la demande du syndic ou du liquidateur judiciaire, décider que les
dettes
sociales
serollt supportées jusqu'à
concurrence d'un
montant qu'il délerminera soit par le président, soit par les autres
administrateurs ou encore par œrtains d'entre eux, avec ou sans
solidarité.
Pour dégager leur responsabilité les administrateurs impliqués
doivent faire la preuve qu'ils ont D.pporté à la gestion des affaires
sociales toule l' activilé el la diligence d'un mandataire salarié".
Il y a lieu de noter qu'il faut entendre par insuftïsance d'actif, le cas fréquent où les
biens sont inférieurs aux dettes et non celui où la clôture de la faillite est prononcée pour
insuffisance d'actif (759).
La responsabilité des administrateurs peut d'ailleurs être mIse en cause et la
condamnation prononcée dès qu'il apparaît que l'insuffisance d'actif sera indiscutable.
Comme on le voit, dans le système en VIgueur dans les pays d'Afrique nOire
francophone c'est une "présomption de faute de gestion el même une présomption de
responsabilité" (760) qui frappe le président, les administrateurs et les gérants, lesquels ne
sont exonérés de cette responsabilité que s'ils prouvent "qu'ils onl apporté à la geslion des
affaires sociales loute l'activité et la diligence nécessaire", c'est-à-dire celles d'un
mandataire salarié.
(758) Al' exception de la Guinée, du mali et du Sénégal, supra, n' 191
(759) En ce sens, Trib.civ.Thonon, 8 juillet 1955, D.1956.227, note J.Percerou; en matière de SARL, v.Douai
1er décembre 1955, D.1956.223, note F.Goré; cLégalement Ippolito, de Jug\\art ct autres auteurs, op.cil., T.lI,
p.513: "En ce qui concerne la notion d'insuffisance d'actif, les tribwwux déclarent que, si la situation aclive
et passive d'Une société n'a un caractère définitif qu'à la clôture des comptes el si des variations peuvent
intervenir soit dans l'actif, soit dans le passif, il suffit qu'il y ait entre les deux postes une différence telle que
l'existence d'une insuffisance d'actif soit indiscutable pour que l'action en combiement du passif puisse être
intentée sans plus a/lendre", en ce sens, Com.9 mars 1976, Quol.jur.29 septembre 1976, p.9.
(760) CLde JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, Les sociétés, op.cil., T.II, p.514
296
Pour M.Dalsace, il y a, da.ns ces responsabilités exorbitanr~s du droit commun
(761) et découlant de l'article 4 de l'acte dit loi du 16 novembre 1940 (dont se sont
inspirées les législations africaines), un renversement inadmissible de la charge de la
preuve (762).
C'est précisément en raison du risque sérieux que ces responsabilités laissent planer
sur les administrateurs et gérants que le législateur français a récemment opté pour la
suppression de la présomption de faute.
L'article 180 de la loi française de 1985 a en effet introduit une modification
importante en ce qui concerne la mise en oeuvre de l'action en comblement. Celle-ci se
trouve désormais subordonnée à une double exigence: la preuve d'une faute de gestion el
la démonstration d'une causalité entre ce comportement fautif et l'insuffisance d'actif.
Il Y a, sur ces deux points, Llne nette rupture a.vec le droit antérieur (art.99, L.13
juillet 1967), lequel instituait une présomption de faute et de causalité. La loi française de
1985 consacre donc un retour au droit commun de la responsabilité.
Dans l'optique de l'harmonisation des législations des pays d'Afrique nOIre
francophone, il serait souhaitable de se référer au système de la pr~somption de faute et de
causalité, lequel, en laissant peser un risque sérieux sur les administrateurs et gérants dans
l'exercice de leurs fonctions, peut les inciter à plus de diligence.
Le maintien en Afrique noire francophone d'un système aussi sévère se justifie par
deux types d'arguments. D'abord, les administrateurs ou gérants, bien que présumés
responsables, ont ~J. faculté d'établir leur innocence en prouvant "qu'ils ont apporté à la
gestion des affaires sociales toUle l'activité et la diligence nécessaire".
(761) Outre l'action en comblement du passif prévue notamment par l'art.4 de la loi française du 16
novembre 1940 ct par l'arl.7 de l'ord.congolaise du 1 octobre 1962, qui constitue le texte de référence pour
les pays d'Afrique noire francophone, s'applique la déchéance ailachée par la loi, en France comme en
Afrique, à la faillite; cLen Afrique, arts. 13 et 15, notamment, L.24 juillet 1867, complétée par les décrets-lois
du 8 août 1935 ct 21 août 1937; pour le Congo, cLarl. 7, ord.1962, précitée. En France ces sanctions ont été
reprises successivement par les lois du 13 juillet 1967 et du 25 janvier 1985 (an.185 et art.186 notamment).
(762) CLDALSACE, Manuel des sociétés anonymes, Paris, Librairie Dalloz 1959, 3è éd.p.279.
297
En outre, il appartient aux tribunaux (763) de juger, dans des conditions délicates,
l'activité et la diligence des administrateurs ou gérants; il n'y a donc pas de condamnation
automatique.
4°) Responsabilité (iscaJe
- 200 - Il conviendra d'instituer, en Afrique noire francophone, la "responsabilité fiscale"
(764) des personnes exerçant en ciroit ou en fait, directement ou indirectement, la direction
effective de sociétes commerciales et coupables de manoeuvres frauduleuses ou de
l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales.
Autrement dit, ces personnes pourTont être rendues solidairement responsables du
paiement des impositions et des pénalités infligées à la société.
Soulignons que cette responsabilité applicable aux administrateurs de S.A. devra
être étendue aux gérants de SARL.
(763) Cf.de JUGLART, IPPOLITO et autres auteurs, Les sociétés, vol.II, op.cil., p.SIS; v.également, même
ouvrage, p.SI2-513, note n'3; les arguments avancés par le Garde des sceaux français en faveur du maintien
de l'al1.99 de la loi du 13 juillet 1967, in Compte rendu de l'assemblée générale de la conférence générale
des tribunaux de commerce de novembre 1978, rapport général concluant au maintien de la présomption de
faute de l'article 99 (L. I3 juillet 1967) :"Les tribunaux ne se contentent pas, pour retenir la re:;ponsabilité
des dirgieants, de COnstater que la preuve d'un comportement diligent n'a pas été rapportée; ils recherchent
et établissent des faUles effectivement commises qui sont la cause de la cessation des paiement de la
personne morale...... Surtout le ministre faiL valoir que "lorsque le dirigeant est reconnu responsable sur le
fondement de cet article, il n' est pas tenu, comme dans les autres actions en responsabilité, à la réparation
intégrale du préjudice subi mais à contribuer au remboursement des dettes sociales dans la mesure fixée par
le tribunal.. ,",
v.également, sur le fait que le juge apprécie '2n équité et en opportunité qui il doit condamner au titre
de l'article 99 ct pour quel montant, un arrêt rendu par la Cour d'Aix en Provence, le 26 mai 1981,
Rev.jur.com.1981, n'28I, p.334, note de Mme CHERCHOULY-SICAR.
(764) Cf.IPPOLITO, de JUGLART el autres auteurs, oo,cil., 2è vol., n'729-8, p.S2ü : "Il ne s'agit pas de
prétendre qu'à côté de la responsabilité civile et de la r~sponsabililé pénale, il y aurait une autre variété de
responsabilité; l'expression est en réalité utilisée pour caractériser l'obligation des dirigeants sociaux à
l'égard du fisc",
298
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
0 0 0
- 201 - L'examen des tentatives de rénovation des droits africains montre qu'en fait de
réforme, l'on se borne bien souvent à reprendre des pans entiers d'édifices juridiques
étrangers. L'exemple de la réfonne sénégalaise de !985 (ou de la réforme malienne <;le
1986) illustre du reste paliaitement cette regrettable tendance.
Conscients de ce problème, nous nous sommes efforcés de réaliser dans la mesure
du possible, une synthèse harmonieuse entre les dispositions législatives africaines héritées
de la période coloniale et les innovations les plus récentes du droit français. SunouL nous
avons veillé à passer en revue les questions les plus importantes pour dégager chaque fois
les solutions nous paraissant les plus équitables tant au regard de l'efficacité des
techniques examinées que de la "personnalité" des pays africains concernés. Ainsi, à titre
d'exemple, il nous aura fallu proposer, selon les thèmes abordés, tantôt le ralliement de la
plupan des pays d'Afrique noire francophone aux dispositions retenues par le législateur
sénégalais, tantôt la solution inverse. Mieux. dans certains cas, il nous aura fallu tenir
compte non
seulement des différences entre
l'ensemble des pays d'Afrique nOlre
francophone d'une part et le Sénégal et la Guinée d'autre pan -ces deux pays ayant
299
procédé à la réforme de leur clroi! des sociétés-, mais aussi de la spécificité de certains
Etats faisant pourtant partie d'un espace juridique considéré comme homogène du fait de
l'utilisation d'un fonds législatif commun (Lois de 1867 et
1925). Pam1i ces cas
particuliers, l'on peut citer la Côte-d'h·oire, seul pays à avoir institué un marché financier
ou encore le Congo. seul pays ayant repris les dispositions des lois françaises ou 16
novembre 1940 et du 4 mars 1943, ces deux exemples n'étant pas exhaustifs.
Cinq idées-force devraient sous-tendre, à notre avis, l'effort de restructuration des
législations en Afriql' ' noire francophone:
a) Une meilleure information des actionnaires et associés aInSI qu'une meilleure
défense de leurs droits.
La mise en oeuvre de ces mesures aboutirait, notamment, au renforcement du rôle
du comité d'entreprise ou des délégués du personnel et surtout à l'institution de la
participation des salariés aux bénéfices des sociétés. Notons que l'application sérieuse de
ces mesures modifierait notablement l'image et même la "philosophie" du droit africain
des sociétés.
b) La généralisation de la possibilité d'option entre le système du conseil
d'administration et le système du directoire en matière d'administration des société:;;
anonymes: en attendant, nous l'avons souligné, que les mentalités soient préparées à
accepter l' insti tu tion nalisation de la seule SA à directoire.
c) La création de centres agréés de gestion et de contrôle. Ceux-ci aideraient
considérablement le public et même les hommes d'affaires dans l'accomplissement des
formalités de création et dans la gestion des sociétés.
Il pourrait en résulter une
amélioration sensible de la situation des entreprises en général.
Soulignons, de surcroît, qu'une telle réalisation répondrait grandement aux besoins
actuels des pays africains, confron tés de manière cruciale à la pénurie de cadres
compétents et à l'absence de structures juridiques et administratives efficacement
organisées.
d) L' adoption de structures juridiques spécialement adaptées aux besoins des
petites et moyennes entreprises africaines.
300
e) La mIse à jour et la codification des droits africains. Le principal intérêt de
l'hannonisation
des
législations
réside
sans
conteste
dans
l'homogénéité
qui
en
découlerait. Actuellement la consultation des législations n'est point aisée, en raison
principalement de leur extrême disparité : l'examen approfondi de certaines questions
nécessite en effet la référence à un grand nombre de textes et dispositions modificatives.
Soucieux de pallier cet inconvénient majeur, nous nous sommes efforcés, dans la première
partie de cet ouvrage, de proposer les solutions que nous avons jugées les plus aptes à
faciliter l' harmonisation des législations et, panant, la codification des droits dans les pays
d'Afrique noire francophone.
En définitive, la restructuration 'formelle" des législations, grâce à la suppression
des
disparités
inutiles
et
des
nombreux
renvois,
n'est
pas
à
sous-estimer.
Le
réaménagement des droits africains entraînerait-il cette seule conséquence, qu'il aurait
rempli en grande partie son rôle.
301
DEUXIEME PARTIE
0 0 0
LA PRISE EN COMPTE D·ES IMPERATIFS
SOCIO-ECONOMIQUES,
COMME FONDEMENT D'UNE DYNAlVIIQUE
NOUVELLE DU DROIT AFRICAIN
0 0 0
302
IDEE GENERALE - PLAN
0 0 0
- 202 - A l'inverse de la première partie qui consistait, essentiellement, dans une "mise à
jour" des dispositions des droits africains héritées des lois françaises du 24 juillet 1867 et
du 7 mars 1925 notamment, la seconde partie de notre ouvrage a pour ambition de
promouvoir une certaine dynamique économique des pays africains. Plus que jamais, en
effet, le Droit se doit de contribuer aux objectifs de développement économique et social
des pays d'Afrique noire francophone et, plus généralement, des pays du Tiers-Monde. A
cette fin, nous préconisons l'abandon des solutions construites ex nihilo et le recours à un
ensemble de mesures ponctuelles, inspirées par l'observation des lacunes des systèmes
juridiques africains eu.:t-mêmes. Et, dans cette optique particuliàe, trois orientations nous
semblent présenter un intérêt primordial. Il s'agit:
- de l'in'stiturion de la Société Anonyme Africaine à vocation supranationale (Titre
Premier);
- du réaménagement du droit applicable aux groupes de sociétés et aux opérations de
concentration (Titre Deuxième);
- de l'assainissement de l'entreprise publique (Titre Troisième).
303
TITRE PRElVIIER
0 0 0
- - - -
L'INSTITUTION
DELA
SOCIETE ANONYME AFRICAINE (S.A.A)
1
0 0 0
304
INTRODUCTION
ù
0
0
r) La distinction de la SA supranationale et de la SA de "droit commun"
- 203 - Avant d'éwdier le régime juridiyue de la société supranationale dont nous
préconisons l'adoption en Afrique noire francophone, il convient de bien la situer par
rapport à la SA de "droit local" (celle dont 13 nJtionJlité est détemlinée notamment par le
lieu de sa création et de son implantation).
Ces deux formes de sociétés ne sont pas incompatibles. Les sociétés de droit local,
numériquement plus importantes en tant que sociétés de "droit commun", se constitueront
selon le régime harmonisé défini dans la première partie de notre ouvrage. De surcroît, les
SA de droit commun seront, comme à l'accoutumée, le fait de particuliers ou de personllès
morales de droit privé essentiellement. Enfin, elles relèveront exclusivement de la
compétence du tribunal de commerce et auront pour objet la poursuite d'intérêts privés.
En revanche, la société supranationale sera, par essence, une société commune à
plusieurs pays, membres d'une (ou de plusieurs) comrnunalllé régionale africuine. Ll
supranationalité conduit à annhihiler les effets habituellement attachés à l'installation
d'une société dans un pays donné (théorie du siège social). En conséquence, quelque soit
le pays d'implantation du
siège social, la Société Anonyme Africaine (SAA) demeurera
une société de droit africain. Par ailleurs, la constitution de la SAA nécessitera la
concertation préalable de deux Etats au moins de la Communauté régionale, l'opportunité
économique d'une telle création étant un facteur essentiel. Une comparaison peut être faite
ici avec l'agrément de certaines autorités gouvernementales qui, seul, donne droit au
bénéfice du régime privilégié, dans le cadre des cocles d'investissements.
305
Loin de se limiter aux fornlalités requises par le tribunal de commerce (cas des
sociétés de droit commun), la création de la SAA nécessitera l'accord préalable de la (ou
des) communauté régionale africaine concernée.
La principale différence entre le régime de la société de "droit local" et celui prévu
par lesdits codes réside dans le fait que la SAA se créè en principe à l'initiative de deux
Etats au moins. Ce caractère international de la société est essentiel. Il représente le but
visé par les Etats, la forme sociale adoptée, la SA en l'occurrence, n'étant que le moyen,
"l'instrument" de cette concertation. A cet égaru, il est permis de considérer que d'autres
formes juridiques -le GIE- (765) ou l'établissement public international (766), par
exemple pourraient servir de moule à la concrétisation des objectifs interétatiques.
Sans entrer dans les détails, nous justifierons l'abandon des autres formes
juridiques possibles par "les avantages du recours à la formule sociétaire" (selon
l'expression de M.BALlMA) (767).
Enfin, pour bien marquer la différence èntre la SA de "droit local" et la SA
supranationale, nous préciserons que cette dernière ne sera utilisée somme toute qu'assez
rarement, en fonction des opportunités offertes, et principalement lorsque la réalisation
d'objectifs économiques de grande envergure rendra nécessaire la coopération de plusieurs
pays (768). Dans les autres cas, le recours au régime de la société anonyme de "droit
(765) CLGUYON, op.cil., T.I, n.222, p.222 et 223, sur la publication par la Commission de la CEE d'un
réglement instaurant des groupements européens d'intérêt économique (GEIE).
(766) Les entreprises communes revêtent soient la forme d'un aablissement public international à caractère
commercial, soit cclle d'une société, cLH.T.ADAM, Les établissements publics internationaux, LGDJ, Paris
1957; cLégalement, BALIMA, op.cil., n.587, p.565.
(767) CLBAUjvIA, op.cil., p.563 et s. (spécialement p.566). Ces avantages pourraient se résumer comme
suit:
- souplesse de la formule sociétaire qui permet de faire appel à des capitaux publics et privés, tandis que la
formule de l'établissement public serait incom patible avec la présence de capitaux privés.
- le recours à la formule sociétaire offre également aux tiers une organisation qu'ils connaissent bien, les
rapports de l'entreprise commune avec le monde extérieur s'en trouveront facilités.
(768) La RAi'\\! (Régie des Chemins de Fer Abidjan-Niger) est un exemple de réalisation dépassant les
capacités d'un seul Etat et ayant nécessité la constitution d'une entreprise commune; cf.BALIMA, ap.cil.,
p.563.
Soulignons également que les entreprises communes jouent un grand role dans les intégrations économiques
régionales; cf.Cours Académie de Droit international 19ï1 (Colloque spécial sur les aspects juridiques de
l'intégration économique).
306
commun" (régime hamlonisé) pourra répondre aux besoins des particuliers ou des sociétés
poursuivant des intérêts privés. Le statut communautaire ou de droit commun dépendra du
statut public ou privé des parties et de l'envergure de l'activité envisagée.
Cependant,
dans
certains
cas
bien
spécifiques,
la
réalisation
de
projets
communautaires pourra nécessiter l'appel à des socIetes privées, autrement dit la création
de sociétés d'économie mixte. En pareille occurrence, le fait que la SAA ne se constitue
pas uniquement entre "personnes publiques" (Etats) n'emportera pas suppression du
caractère communautaire de la société. Ici, comme nous l'avons souligné, c'est la finalité
recherchée qui déterminera l'attribution
du statut de "droit commun" ou de droit
supranational à la SA.
L'exception au principe de la constitution des SAA par des Etats exclusivement a
pour avantage de préserver la possibilité de faire appel à des capitaux, à la technologie ou
au savoir-faire de pays tiers. En outre, elle permet, de façon réaliste, de prévenir des
"représailles", toujours possibles, de la part de ces derniers.
En définitive, l'on peut déduire des considérations précédentes que la SA de droit
local (ou de droit commun) et la SAA ne sont pas antinomiques, mais complémentaires:
les premières seront d'utilisation courante tandis que les secondes n'interviendront que
pour pennerrre la réaiisation d'enjeux économiques impor1anrs (769).
(769) Cf.CATHAL\\ et GLEICHMAJ'\\1N, "Le slalUl des sociélés unonymes européennes selon la proposition
de la Commission des Communaulés Européennes", Rev .soc.1972, p.S- 72.
Ces auteurs ont parfaitement déterminé les champs d'application respectifs de la Société Européenne (SE) ct
de la société anonyme soumise aux réglcmenwtions nationales: v.Les conditions d'accès, pJ 1 et 32, n'38 :
"N'imporle qui ne peUl fonder une SE. Le S!aIUl s'esl, cl ce sujel rangé cl l'opinion des partisans de l'ucces
limité. Car il y eUl, el il y aura peul-êlre encore, un débal sérieux sur la liberté d'accès à lafonne SE.. Deux
conceplions s' affrontaienl : d'un côté les partisans d'une S.E. lype de sociélé ouvert à IOules les enlreprises
dans les mêmes conditiolls que les cypes nalionaux, de l'alllre les partisans d'un accès limité, la S.E. devanl
être réservée à la réalisalion d'objectifs de caractère communautaire. La première conceplion a élé celle du
gouvernemem français el plus généralemen/ des milieux d'affaires français. Ceux-ci, on le rappelle,
souhailaiem la créalion d'une forme jllridù.jllC uniforme qui préSenl1ÎI essenliellemenl l'avantage de placer le
plus grand nombre des en/reprises opéram dans la Communau.lé, muis au-delà des fromières nationales,
sous l'empire d'rme loi commune. Il convenait donc dans celle perspeclive d'encourager le choix par les
opérateurs économiques de la forme S.E. el certainemenl pas de fixer des conditions reslricrives ci l'accès.
Les lenanls de la seconde conceplion parlaienl de l'idée que l'on ne pouvait offrir aux enlreprises un libre
choix; de la forme en!re sociéré nationale el sociélé européenne sans paner un coup mortei aux
réglememalions ilUlionales. Cw de deux choses r une. Ou le Statut S.E. se révèle moins cOlltraignunl !.Jue le
droil national Ci il réalise alors un délOurnemenl de ce droit, ou, pour assurer le respecl des droits
nalionaux, il Cil reprend les dispositions impéralivcs el il deviem (ziors une super-réglemenwtloll,
monSlrueuse, donl aucune entreprise ne voudra. La solution de ce dilemme, selon les partisans de l'accès
limité, consisle alors cl réserver le Stalut aux seules sociérés !.Jui peuvenl j/lSIifier, selon des critères objeclifs,
qu'elles 0/1/ des raisons économiques valables de choisir la forme européenne".
307
2°) Les raisons d'être de la SAA
- 204 - Pour préserver les chances de succès d'une telle entreprise, l'implantation de la
Société Anonyme Africaine (SAA) doit se faire dans un cadre économiquement et
géographiquement adéquat. L'institution dune Communauté à caractère "commercial"
entre les pays d'Afrique noire francophone -qui s'avère indispensable- a pour principaux
fondements:
- la volonté d'harmoOlsation en vue d'une meilleure rentabilité, garantie par une
gestion et un contrôle conununs des entreprises de "statut africain";
- l'élimination de certains abus vOIre d'une forme de concurrence entre les Etats
membres, préjudiciable à l'essor économique de la communauté;
- la
sauvegarde des
entreprises
qui
présentent
un
intérêt
majeur
pour
le
développement des pays de la communauté.
L'institution d'une
organisation communautall"e,
principalement axée
sur la
promotion du droit des sociétés -et du droit commercial international, plus généralement-
peut être considérée comme éLant le prolongement du mouvement amorcé dès les années
60 par la promulgation de Codes d'investissements conçus pour répondre aux objectifs
économiques communs à plusieurs pays africains (770).
En effet, si l'appel aux capitaux se fait dans le cadre des codes d"investissements, le
relai, c'est-à-dire la réalisation concrète des objectifs visés, peut être assuré par le biais de
la société supranationale: la Société Anonyme Africaine (S.A.A.).
Il est à souligner que les avantages du rattachement au statut de la société de droit
communautaire sont loin d'être négligeables. Ils concernent principalement:
- le recours à un régime juridique harmonisé, qui est une source d'efficacité du fait
qu'il permet de limi ter considérablemen t les confl its de lois;
(770)
Cf.Dossicrs
imernaLionaux
Francis LEFEVRE, op.cil.,
Volume consacré à l'AfriLjue
noire
francophone. scpL.1984,
p.55-73, p.773-7S0 el Vol ume consacré à l'Afrique Cenlrale, p.361- 386:
JULLIARD, Les convemions bilatérales d'invcsLissemcnl conclues par la France, J.D.I., 1975, p.275-325,
HABERLI, 'Les inveslissemerusélrangers en Afrique. avec des éllldes sur de cas sur l'Algérie elle Ghana",
Préface de Roy PREISWERK, Paris LGDJ, Dakar, Abidjan, NEA, 1979, p.33!.
308
- le régime fiscal plus favorable accordé en compensation de la soumiSSion du
contrôle de la gestion à des organes de la Communauté des Etats d'Afrique noire
francophone;
- (et) divers avantages... liés à l'existence d'un marché commun: possibilité de
débouchés pour les produits et services émanant de la SAA, facilités en matière
d'investissements, de transfert de capitaux ...
Pour satisfaire pleinement aux ambitions de la SAA, que nous venons d'évoquer de
manière succinte, un principe fondamental devrait présider aux rapports des pays membres
de la Communauté: la primauré du droit commLtnauraire sur les droits nationaux. Ce
dernier aspect devrait se traduire par la mise en oeuvre d'une organisation "spécifique"
comprenant notamment:
- l'adoption d'instruments juridiques appropriés: Traité et/ou Convention devant être
ratifié par les Etats membres;
- la création d'un cadre insritutionnel adéquat: cré:ltion d'un "Parlement /\\l'ricain",
sorte de super Assemblée normalement saisie des projets de direcrives ou de
réglement et d'une Cour de Justice Afric2.ine, sonte de Cour Suprême compétente en
matière de sociétés et de règlement des contlits.
La mise en place d'une SAA, sans l'aménagement préalable du cadre institutionnel
adéquat, ne pourrait qu'être vouée à l'échec. De toute évidence, la concertation se révèle
indispensable si l'on veut éviter de buter sur les divergences inhérentes aux objectifs
politiques et économiques propres à chacun des Etats inclus dails la sphère d'activité de la
société supranationale. La nécessité d'une intégration n'est donc plus à démontrer de nos
jours: elle tient à l'efficacité plus grande que confère économiquement le regroupement
des Etats.
En dépit de lacunes certaines, les organisations inrerafricaines actuelles offrenr un
cadre juridique suffisant à l'implantation de sociétés anonymes supranationales.
L'échec des tentatives d'intégration en Afrique ayant à notre avis pour principale
cause la suprématie des organes "politiques" (infra n"20.5), nous nous emploierons à
revaloriser
le
rôle
des
Instances
techniques
(Comités
d'experts,
commissions
spécialisées... ), en escomptant d'un tel rééquilibrage une revitalisation des organisations
interafricaines.
309
Les observations qui précèdent nous am.ènent tout naturellement à évoquer
successivement:
- L'aménagement du cadre institutionnel, indispensable à l'implantation de la SAA
(Chapitre 1)
- L'aménagement du régime juridique de la SAA (Chap~tre II).
310
CHAPITRE PREMIER
0 0 0
'. - . -
L'AMENAGEMENT DU CADRE INSTITUTIONNEL
DE LA S.A.A.
o
0
0
- 205 - Malgré leurs défaillances, les organisations régionales et sous-régionales existantes,
présentent l'avantage d'être largement connues aussi bien des étrangers que des africains
eux-mêmes. Il ne faut pas oublier que de façon générale, leur implantation s'est faite sur la
base d'un passé historique commun et d'un élément géographique non négligeable, à
savoir la contiguité des Etats (771).
De fait, il paraît à la fois plus facile et plus logique de pallier les inconvénients du
système existant plutat que de rebâtir ex nihilo un cadre juridique entièrement neuf,
d'autant que, nous le savons, 13. présence d'instances politiques s'évère malgré tout
indispensable aussi bien pour la crédibilité desdites organisations que pour faciliter leur
bon fonctionnement. En effet, l'on ne saurait en pratique se passer de l'avis des
gouvernants des Etats concernés en matière d'investissements, d'échanges commerciaux
(transferts de devises ... ), de politique fiscale, douanière ou de réglement des différends.
C'est ce qui explique du reste la place privilégiée de la conférence des Chefs d'Etat et du
Conseil des Ministres au sein des Organisations régionale africaines (772).
(771) Cf.A.I\\'IARCHALL, Intégration terriLOria1e, Que saIs-Je ?, PUF 1965. L'auteur présentc comme
essentielle la réunion dc deux conditions:
- les condiLions structurelles: économies concurrentes et économies complémentaires (p.59):
- les conditions spatiales et temporalles (p.68 et s.).
On peut lire sur l'importance de la contiguité territoriale :
- "C'est que les échanges sont plus nombreux entre nations voisines qu'entre nations éloignées"
(p.69);
- "La contiguité territoriale, en bref, permet la continuité des contacts, des relations personneiles e:
des relations ,de voisinage. Or, une telle continuité est précieuse quand on s'engage dans une oeuvre
commune" (p.7l);
Sur J'aspect historique de l'intégration, cf.p.123 : "Mais il nefaUl pas se dissimuler que la "machine
à intégrer" les na/ions mise en roule par J.MONNET et R.SCHUMAN est d'un fonctionnement délicat et
qu'elle ne peUl digérer que des éléments déjà broyés et pétris dans le mortier de /' histoire. C'est ce qui
explique les échecs, les demi-succès ainsi que la lenteur du processHs d'intégration même dans [es
conditions les pl us favorables".
CLégalement GLELE (Maurice Ahanhanzo), Introduction à J'Organisation de l'Unité africaine et
aux organisations régionaics, Paris LGDJ 1986, 57~ p., p.52 spécialcment : "En fail, les organisations
régionales ou sous-régionales africaines s'établissent sur la base des affinités hislOrico-cullUrelles
(anglophones ,jranc()phones, husophones) , de l'environnement géographique ou J' intérêts commUIlS, ou hien
elles se fondeni sur une volonté politique".
Pour \\\\lODIE, "Les instÎlUlions imernationales régionales en ....frique occidentale et Centrale",
LDGJ 1970, cf.p.94, "Les difficultés de l'Union des Etats d'Afriqu.e Centrale (UEAC) ont été accemuées par
{' absence de lien terrilOria.1 entre la RCA ,le Tchad et la République démocratique du Congo".
(772) CLWODIE, Op.CiL, p.91 : à propos de l'UEAC, l'auteur observe que "le Conseil des ministres composé
des ministres des Affaires étrangères paraÎt peu préparé à assumer les fonctions économiques qui lui sont
dévolues"; v.égaJemcl1l GLELE, op.cil.: MARCHAL, Op.CiL, p.87 : "donc, dans {' édification d'une
communauté supranationale intégrée, les EtalS }wtionaux ont un rôle éminent à jouer. sans doute pour
312
Malheureusement, nous l'avons souligné, cette prééminence des organes politiques
s'exerce trop souvent au détriment des organes techniques, c'est-à-dire, les plus aptes, en
réalité, à faciliter l'exécution des objectifs visés par lesdites organisations.
Ce dernier aspect explique d'ailleurs pour une large part la crise des organisations
interafricaines voire universelles (ONU ... ) (773).
L'on peut faire observer, au surplus, et c'est là un inconvénient majeur, que
l'unanimité est loin d'être acquise au sein du Conseil des Ministres, les représentants des
Etats étant souvent enclins à privilégier les intérêts nationaux (774).
SECTION 1 - LE NECESSAIRE MAINTIEN DU CADRE EXISTANT
- 206 - D'emblée, il convient de préciser que nous n'entendons procéder ni à une étude
exhaustive ni même au bilan de l'intég'ration territoriale en Afrique noire francophone
(775).
longtemps encore. Ils doivent, autant que possible, susciter des contacts fréquents entre les ministres
compétents et envisager le jour où les décisions les plus importantes seront prises en commun".
on) Cf.SEVOYIC, "La crise de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA)", Revue de Politique
internationale, 20 octobre 1982; WODIE, op.cil., p.61-65 sur les problèmes relatifs à la succession àe
rOCAM à l'UAM-UAMCE, p.91-95 sur les difficultés de l'UEAC: p.78-87, sur la contestation dc
l'UDEAé:; PAMBOU TCHIYOUNDA, Prospective des intégrations réglnoales du Tiers-Monde, JD1 1984,
n'2, avril-juin, p.20-29; v.spécialement les brefs commentaires de l'autcur sous les titres particulièrement
révélateurs: "[intégration rêvée. l'intégration manquée, l'intégration en crise, l'intégration en marche".
(774) Cf.MARCHAL, op.cil., p.90-91 : "Or ceux-ci (Les ElQts) ne sont-ils pas, avant tolli. les représentants
des intérêts purement nationaux? Et n'est-ce pas un leurre que de compter sur eux pour entreprendre une
tâche d'intégration territoriale ? En breve, les institutions communautaires ne risquent-elles pas d'être
submergées par les égoïsmes, les particularismes ou les intérêts à courte vue ?";
En ce sens PAMBOU TCHIVOUNDA, "Prospective des intégrations régionales du Tiers-Monde",
Op.CiL, p.281, la redoutable imerrogation (c'est nous qui soulignons): "Les Etats du Tiers-Monde voudront-
ils et pourront-ils concilier souveraineté et intégration ?".
(775) Celte question a fait l'objet de nombreuses études: cf.notamment DECRAENE, Le panafricanisme,
Que sais-je? PUF, 5è éd.1976; WODIE, op.cil.; GONIDEC et CHARVIN, Les relations internationales,
éd.Momchrestien, Paris 1981; GLELE, Op.CiL; GONIDEC; Amadou TOG'RE, "Structures économiques et
intégration africaine: les principaux freins et blocages à l'intégration de la CEAO", Le Mois en Afrigue,
n'215-216, déc.janv.1984, p.72 et s.; Kamadini Sylvestre OVALI, "Coopération économico-financière au
niveau deia CEDEAO", Le Mois en Afrigue, n'229-230, févr.mars 1985, p.1 04-117; et (du même auteur), La
CEAO: un aperçu, Revue précitée, avril-mai 1985, p.55-67.
313 _/\\
Notre propos se limitera à la nllSe en exergue des seuls éléments institutionnels
susceptibles d'apporter le maximum d'efficacité et de sécurité à l'implantation de la
Société Anonyme Africaine (S.A.A.).
A cet égard, un meilleur rééquilibrage des pouvoirs et des organes au sem des
organisations internationales d'une part et la reconnaissance du rôle dévolu aux diverses
instances ou institutions spécialisées d'autre part, s'avèrent indispensables.
Or, l'examen chronologique des différentes Chartes fait apparaître progressivement
une meilleure restructuration des organisations internationales africaines.
En effet, longtemps limitées à la classique trilogie: Conférence des Chefs d'Etat,
Conseil des Ministres, Secrétariat Général, les organisations interafricaines se sont
progressivement dotées d'organes de plus en plus techniques.
C'est ainsi que la CEDEAO (776) et la CEEAC (777), restructurées en fonction
des expériences antérieures, offrent un
cadre juridique beaucoup
mieux adapté à
(776) La Communauté Economique des Etats de J'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O) a été instituée à Lagos
(Nigéria), par le Traité du 28 mai 1975 (cLGLELE, op.cil., p.236 et s.). La CEDEAO -ECOWAS en anglais-
"transcende les clivages historico-culturels hérités de la colonisation et rassemble tOus les Etats de l'Afrique
de l'Ouest (au nombre de 16), de la Mauritanie au Nigéria inclus anglophones,francophones et lusophones
(soit 150 millions de collSommateurs)", cLGLELE, op.cil., p.52-53.
- Liste des EtalS membres de la CEDEAO : Côte d'Ivoire, Dahomey (BENIN), Gambie, Ghana,
Guinée, Guinée Bissau, Haule Volta (Burkina Faso), Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal,
Sierra Léone, Togo.
- Institulions de la CEDEAO (art A du Trailé) :
a) La conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement
b) Le Conseil des Ministres
c) Le secrétariat exécutif
d) Le Tribunal de la communauté
e) Lès commissions techniques et spécialisées ou organes établis ou prévus par le Traité; cLGLELE,
op.cil., p.238-239.
(777) La Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) a été instituée à Libreville
(Gabon) par le Traité du 18 oclobre 1983. Beaucoup plus ambitieuse que les communautés économiques qui
l'ont précédée, la CEEAC, qui vise l'intégration économique s'accorde douze ans pour devenir clTecrive;
cf.GLELE, op.cil., p_53.
- Liste des EtaLS membres de la CEEAC : Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon,
Guinée Equatori:J.1e, Rwanda, Sao Tome-et-Principe, Tchad, Zaïre_
- InSlitutions de la CEEAC (arl. 7 du Traité) :
a) La conférence des Chefs d'Etat et de gouvernemenl,
b) Le conseil des ministres,
c) La Cour de Justice,
d) Le secrétariat général,
e) La commission consultative
f) Tout Comité ou organe technique spécialisé créé ou prévu par le Traité.
314 ..
l'intégration économique. Il n'est que d'observer la diversité de leurs organes pour s'en
convaincre. La CEEAC comporte en effet les organes suivants: la Conférence des chefs
d'Etat et de Gouvernement, le Conseil des Ministres, la Cour de Justice, le Secrétariat
Général, la Commission Consultative et tout Comité ou Organe technique spécialisé créé
ou prévu par le Traité.
Notons, par ailleurs, que la CEAC prévoit la nomination d'un Collège de
Commissaires aux comptes par la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement et sur
proposition du Conseil des Ministres (art.9-g du Traité).
Les décisions et directives ont force obligatoire à l'égard des Etats membres et des
institutions de la Communauté (art. 11, 2° et 3°). Il en est de même des règlements du
Conseil (art.15). Il est créé, rappelons-le, une Cour de Justice de la Communauté (art.16).
Il est prévu de maintenir tindépendance du personnel de la communauté à l'égard
de toute influence des Etats membres et de toute instance internationale extérieure,
l'objectif étant de faire prévaloir l'intérêt communautaire sur les intérêts nationaux
(art.22).
L'article 26 prévoit l'institution de comités techniques spécialisés.
Soulignons que ces différents organes ont leur équivalent dans la CEDEAO qui est
le pendant de la CEEAC (778).
SECTION II - LA NECESSAIRE RESTRUCTURATION DU CADRE EXISTANT
- 207 - Malgré les progrès indéniables réalisés par la CEDEAO et la CEEAC dans la voie
de l'intégration (régionale), des amendements restent à apporter.
Il conviendrait principalement de mettre fin au déséquilibre des institutions au sein
desdites communautés, car la suprématie des instances gouvernementales est encore très
marquée.
(778) ) La r:hane de la CEDEAO, Communauté Economique des Etats d'Afrique Occidentale (CEDEAOJ
prévoit notamment la nomination de commissaires aux comptes (arUO), la création d'un Tribunal de la
Communauté (art.ll) ou de commissions techniques et spécialisées (arL9, cf.Trailé instituant la CEDEAO,
Lagos, Nigéria, 28 mai 1975.
315.
Au reste, nous l'avons vu, l'article 22 du Traité de la CEEAC mentionne
l'obligation d'impartialité du personnel mais reste muet sur les devoirs et obligations
(779) des gouvernants (Conférence et Conseil).
En bref, et pour reprendre une di.stinction émise par M.Charles V ALLEE (780), les
institutions de direction demeurent privilégiées en l'absence d'institutions de contrôle.
Pour remédier à cet état de fait, les dispositions suivantes pourraient être prises. A
côté de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement actuelle (formée de
représentants des Etats), il conviendrait d'instituer un autre organe de direction, équivalent
de la Commission des Communautés Européennes, composé de membres désignés par les
gouvernements mais ne dépendant d'aucun d'eux (781). Indépendance, action collégiale,
répartition des tâches entre les commissaires, tels devraient être les principes directeurs de
l'action de la Commission (782). Sans un pouvoir (de la commission) capable d'arrêter le
pouvoir de la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement -selon la formule de
Montesquieu- il serait vain d'espérer une attitude d'impartialité ou une réelle indépendance
des organes de direction (783).
(779) C'est nous qui soulignons
(780) Selon Charles WALLEE, "L'ensemble insrillüionnel communautaire... comprend des organes
fondamentaux. que les trailés appellent "institution ". On peut les examiner en distinguant d'une part Les
institutions de direction et, d'aUire par'l, les i'Ulililiions de contrôle", eLLe droit des Communautés
européennes, Que sais-je, 1983, PUF, p.2L
De manière plus générale, pour un examen plus approfondi des institutions de la Communauté
européenne, cLl'ouvrage magistral de GA VALDA ct PARLEAN1, Droit communautaire des affaires, préface
du doyen Riccardo MONACO, Litec 1988, p.l03-190, notJmmenL
(781) CLVALLEE, op.ciL, p.22
(782) CLV ALLEE, Op.CiL, p.24
(783) CLV ALLEE, op.ciL, p.24 : "". Ainsi, en 19?ï3, le mil1ls1refrançais de l'Agriculture avait cru pouvoir
reprocher cl M.C/zeysson, membre français de la Commission, de n'avoir pas suffisamment défendu les
ilJlérêlS français au sein de celle-ci. Le Présidenl de la commission, à f' époque iv!.Ortofi, a rappelé â celle
occasion que les membres de la commission ne sonl pas chargés de défendre les il1lùêts de leurs Elats
respectifs mais ceux de la Commu.nauté dans son ensemNe".
Comme le précise par ailleurs, le Olèrne JUleUr, op.cil., p.24 : "La commission ne peut êlre
considérée colrune u.n organe au.x:iliaire du Conseil" (c'est nous qui soulignons); v.également J.GERivfAIN,
Les institutions de la Communauté Economique Européenne, in POUVOIRS, 1977, n'2, Le Parlement
Européen (numéro spécial), p.119-133.
316
Notons, par ailleurs, que la Commission trouve un regain de force du fait que les
"commissaires" sont choisis en raison de leur compétence générale. Ainsi, la viabilité du
système procède du respect d'une équation fort simple: indépendance + compétence =
efficacité.
Pour accroître la représentativité des institutions de contrôle, bien faible à l'heure
actuelle, au sein des communautés, il suffirait de renforcer les pouvoirs de l'Assemblée
chargée de défendre les besoins des di vers Etats et de mettre en place des structures visant
une meilleure surveillance.
La réalisation
de ce
second objectif suppose
l'aménagement
de structures
spécifiques chargées de veiller à la fois au budget de la communauté et au contrôle direct
des sociétés. En ce sens, l'institution d'une Cour des comptes investie d'une large mission
de contrôle et comportant des commissaires aux comptes nous paraît préférable à la
nomination d'un collège de commissaires aux comptes. Le contrôle interne incomberait
toujours au contrôleur financier de chaque institution mais celui-ci serait lui-même
contrôlé par les instances suprêmes de la Cour des Comptes.
Nous ne nous attarderons pas sur le rôle de la Cour de Justice en tant qu'orgwe de
contrôle puisque cet aspect est prévu
par les Traités instituant les Communautés
Africaines.
Nous
soulignerons,
cependant,
la
nécessité
d'articuler
parfaitement
sa
composition et son organisation, de manière à garantir son efficacité (784).
Il ressort des observations qui précèdent que seules des organisations parfaitement
structurées pourraient fournir à la SA Africaine l'assise institutionnelle indispensable à son
bon fonctionnement.
D'ailleurs, fait particulièrement intéressant, les Traités instituant la CEDEAO et la
CEEAC comportent des dispositions
pouvant favoriser
l'implantation de structures
sociétaires interafricaines.
Il s'agit notamment de l'article 39 du Traité de la CEDEAü qui réglemente les
mouvements des capitaux et les questions relatives aux capitaux de manière pragmatique et
(784) CLV ALLEE, op.cil., p.36-46.
317
tout à fait conforme aux eXIgences d'un droit communautaire africain des sociétés ou
encore des anicles 4S et 46 du Traité de la CEEAC qui, dans un esprit identique, traitent de
la Coopération interafricaine en matière d'industrie (785).
En définitive, les observations récemment formulées par le Professeur Etienne
CEREXHE (786),
relativement au
rapprochement du
droit
des
sociétés dans
la
Communauté Economique Européenne, pourraient servir de conclusion à notre brève étude
prospective du cadre institu~ionnel propice à l'intégration africaine:
"Or, on s'accorde généralement à dire, dans les milieux les plus
divers,
que
le
développement
du
Marché
Commun
serait
grandement facilité si les milieu...:\\. intéressés du commerce, de
l'industrie et de la finance se voyaient mettre à leur dispos ilion un
type
uniforme
de
société,
ou
une
forme
communautaire
(785) CLnOlamment an.45-2-b-c-d: arl.46. Comple tenu de leur intérêt exceptionnel nous reproduisons ci-
après les articles précités dans leur intégralité.
Article 45 : "1. En vue de réaliser l'intégration de leurs économies. les Etats membres conviennent
d' harmoniser leurs politiques d'industrialisation dan.s la sous-région.
2. A cet effet, ils s'engagent à .-
a) communiquer leurs plans de développement et les programmes d'exécution de ces plans au secrétariat
général, en vue de l'élaboration des programmes-cadres de développement harmonieux de la sous-région;
b) échanger des informations relatives à /Out projet industriel à implanter dans la sous-région;
c) .le communiqI<er les expériences acquises en matière d'industrie:
d) échanger des experts et des informations sur la recherche industrielle, commerciale et technologique".
Article 46 : "1. Afin d'assurer un développement industriel rationnel et harmonieux, les Etats membres
conviennent:
a) d' harmoniser les mesures incitatives au développement industriel en établissant graduellement un
environnement industriel homogène dans la sous-région, notamment par l'élaboration d'un code commun
d' investissemenl:
b) de promouvoir la création de grandes unités industrielles à caractère communautaire et d'un Centre de
développement industriel:
c) de faire une répartition des projets communautaires de façon équilibrée et harmonieuse entre touS les
Etats membres:
d) de ne pas autoriser des industries nationales qui seraient concurrentes d'industries communautaires
répondant de manière satisfaisante à la demande des Etats membres de la Corrununauté;
e) de créer des centres sous-régionaux de formation et de perfectionnement à tous les niveaux de
qualification en vue de satisfaire leurs besoins cn personnel dans les domaines industriel. commercial et
technologique.
.
2. Aux fins du présem chapitre, les Etars membres conviennent de coopérer conformément au Protocole X
annexé au préscm Traité".
(786) CLCEREXHE, Problématique de l'entreprise ct de l'harmonisation du droit des sociétés, p.35-S0, ct
spécialemem pA9-S9. in R1PIC, janvier-mars 1978, Ediena, 646 pages; dans la mê~e optique, v.Equipe
H50, op.cil., (Conclusion générale), p.173-174.
318
d'entreprise, permettant la création de grandes entreprises cl
caractère
international,
les
concentrations
internationales
d'entreprises existantes et r expansion des sociétés dans tout le
Marché Commun par la voie de succursales ou de filiales".
Autrement dit, l'entreprise interafricaine apparaît de nos jours comme la plus haute
expression et la meilleure concrétisation de l'idéal communautaire (787).
(787) Doit être mentionné, à cet ~gard, le Code des sociétés multinationa1cs (acte n"3/75 UDEAC 88 du 3
décembre 1975'} rendu applicable aux socjét~s d'~lUdes de projets industriels par acte UDEAC du 21
décembre 1977.
La société multinationale visée par le Code précité a nOl<1mment pour objet "de permettre la
réalisation des projets d' intérêt régional", "d'accroire les échanges inter-Etats" el de "renforcer le pouvoir
de négociation \\."Ïs-à-vis des détenteurs de capitaux: et de la technologie provenant de [' extérieur de rUnion
en vue d' obtenir les plus favorables aux besoins du développement économique" (arL.ler, Code des
multinationales),
Les sociétés "multinationales" peuvent être créées soit par des" investisseurs nationaux" (arL.6, 7, 9
et 10), soit par des investisseurs nationaux et étrangers (art.6),
Aux termes du Code des multinationales, sont désignés comme:
- "Investisseurs nationaux : les Etats membres, les établissements publics et autres personnes
morales de tous ies Elats membres de l' UDEAC. pourvu que la participaiion nationale au capital social soit
, supérieure à 50 Ge, avec droit de vote ainsi que les personnes physiques nationales de tous les Etats membres
. de rUDEAC:
'
- "ln veslisseurs étrangers: les personnes physiques et morales de nalionalité étrangère. ainsi que
les sociétés dans lesquelles la participation nalianale au capital social est inférieure à 50 %".
NB: le sigle "UDEAC" désigne l'Union Douanière et Economique cie l'Afrique Centrale.
Sur
le
Code des
sociétés
multinationales
(UDEAC),
cLDoSS.intern.F.LEFEB VRE,
op.ciL.,
(Afr.n.fr.), n'8220, p.763-764; v.égal. "Les Organismes régionaux en Afrique", Etudes et Documents, par le
Ministère Français des Relations Extérieures (Service des Etudes ct des Questions Internationales), octobre
1981, n"45, Tome II, annexes, p.187-195.
319
CHAPITRE SECOND
,
0
0
0
L'AMENAGEMENT DU REGIME JURIDIQUE
DE LA S.A.A.
0 0 0
320
- 208 - L'on ne saurait prétendre à l'exhaustivité aussi bien en raison du cadre limité de
notre ouvrage que de la multitude des problèmes juridiques liés à l'implantation de la
Société Anonyme Africaine (S.A.A).
Aussi, notre étude se bornant aux aspects purement communautaires de la question
(788), portera+elle sur les conditions d'accès au régime juridique de la SAA (Section 1)
et sur les règles applicables à la constitution (Section II) et à la vie (Section III) de la
S.A.A.
SECTION 1 - LES CONDITIONS GENERALES D'ADMISSION AU REGIME DE
LASAA
PARAGRAPHE 1 - LES FORMES SOCIALES
- 209 - S'agissant du choix des fom1es juridiques à assigner à la société communautaire
africaine, nous soulignerons le fait que certaines fonnules, pourtant non dépourvues
d'intérêt comme la SARL oule GIE ... , ne sauraient être retenues dans l'immédiat.
A titre de première expérience, il vaudrait mieux faire montre de prudence voire de
réalisme et s'en tenir à la forme la plus accessible pour l'heure: la société anonyme. Cette
dernière répond en effet parfaitement aux objectifs visés par le regroupement des Etats:
faciliter les opérations de concentration et d'intégration économique.
La constitution d'une société communautaire africaine devrait permettre de réaliser
à court
ou
moyen
tenne
la
réunion de
capitaux
et
d'infrastructures juridiques
indispensables à la concrétisation des programmes industriels et commerciaux définis par
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement (supra n0204).
De ce fait, il convient de le préciser, l'accès au statut de la S.A.A devrait revétir un
caractère paniculièrement sélectif, voire discriminatoire, l'agrément nedevant être accordé
(788) Rappelons que le régime harmonisé el plus général de ·'droit commun" a fait l'objet de la première
parùe de notrc ouvrage.
· .321
-sauf en ce qui concerne le régime exceptionnel (supra n0203)- qu'aux seules sociétés
relevant des Etats de la communauté (critère géographique), ayant adopté la fOffile de
société anonyme (789), et dont l'extrême compétitivité les rend à même de libérer
automatiquement l'intégralité du capital social (constitution instantanée).
Ce système de filtrage des sociétés justiciables du statut communautaire n'est
cependant pas sans inconveOlents, le plus grave étant sans aucun doute le risque de
"représailles" de la part des pays tiers (ou de leurs entreprises) (790). Un tel danger n'étant
pas à négliger, l'Acte instituant la société anonyme africaine devrait prévoir, à titre
exceptionnel (comme nous l'avons souligné) et aux fins d'une meilleure coopération
internationale, la possibilité d'associer par le biais de prises de participation et même de
création de
filiales communes, des
partenaires issus d'un
(ou de plusieurs) Etat
n'appartenant pas à la Communauté africaine concernée, c'est-à-dire situé en dehors d'un
espace régional donné (en ce qUl concerne l'Afrique noire francophone) ou encore du
continent africain lui-même.
Il est à noter que ce procéder/d'extension à des pays tiers d'un régime juridique
principalement réservé à des Etat~embres d'une Organisation ou d'une Communauté
Internationale n'est
pas nouveau
: ainsi,
par exemple, dans le cadre des Codes
d'Investissements africains, le régime des "Conventions d'Etablissement" permet aux
investisseurs étrangers de participer par la voie de sociétés d'économie mixte aux
programmes de développement des pays africains (791).
(789) Le Code des sociétés multinationales (UDEAC) a également retenu, en principe, la SA comme forme
juridique (art. 16. JI. 1er).
D'autres formes juridiques peuvent cependant ètre admises à titre exceptionnel (an. 16, al.2).
(790) CLV ASSEUR, Quelle société européenne ?, D.1972, chronique XXIX, p.169-176 spécialement, p.l73
: ".. .En effet. le droit national des sociétés ne limite pas la création de sociétés par des étrangers. De plus.
une tendance trop restrictive à l'égard des entreprises des pays tiers risquerait de susciter des [flJJ.és(Ji!1gJ
de la part de ces pays et il faudrait bien convenir que ces représailles ne seraient pas entièrement
injustifiées..... ; v.également
VASSEUR, Pour
une société de type européen, p.903-921 , Mélanges
SAVATIER; "Le droit des sociétés dans la Communauté Européenne, Les Petites Affiches". 26 juin 1985,
n'76, p.29-32.
Il convient également de rappeler à titre de comparaison que, dès 1966, en France, le ProCesseur
Sanders était l'a\\'orable à l'accès des Etats étrangers à la CEE au statut de Société Européenne; dans le même
sens, Code des sociétés multinationa1cs (UDEAC), op.cil., supra, note 787.
(791) CLBALI\\fA, op.cil., p.563-568. Cet auteur préconise la création d'entrèprises communes sous la
forme d'Etablissements publics internationaux el selon la formule sociétaire (qu'il privilégie du reste).
A titre d'illustration, il fait apparaître que la plupart des "entreprises" commerciales internationales
en Afrique de l'Ouest sont constituées sous forme de société anonyme (SA) ou d'économie mixte); c'est Je
cas par exemple:
- des Sociétés des Ciments d'Onigbolo (Si,:;ge Cotonou);
- de la Société des ciments de l'Afrique de l'Ouest (Siège Lomé);
322
S'agissant de l'exclusion des sociétés de faible ou moyenne envergure, elle peut se
justifier par le fait que la création d'un trop grand nombre d'entreprises, qui serait
inévitable si l'adoption de la société anonyme n'était pas imposée, soulèverait de sérieux
problèmes, notamment en ce qui concerne leur contrôle, on pourrait dire leur "suivi", et la
tenue du registre africain du commerce et des sociétés (792).
Observons que la nécessité de réunir des capitaux importants fera resurgir le délicat
problème de l'appel public à l'épargne (793). Confom1ément à l'opinion que nous avons
précédemment émise,nous sommes favorables à l'institution d'un régime dualiste en
matiére de constitution des SA, lequel autorise le recours ou non à l'épargne publique.
Toutefois, il ne fait aucun doute que l'on fera plus souvent appel au système de
constitution instantanée réservé aux sociétés dites fermées. Cela, d'abord, parce que les
structures nécessaires au drainage des capitaux publics sont très peu développées en
Afrique. Or s'il est vrai que leur extenLion est inéluctable, tout comme l'évolution du droit
des sociétés ou le processus de développenlent économique, il est permis de douter, au
nom du réalisme le plus élémentaire, qu'un tel résultat puisse être obtenu, surtout avec une
efficacité optimum, à brève échéance (794).
- de la Sociélé Air Afrique (Siège Abidjan):
- de la Sociélé Banque Africaine de Développemenl (BAD), (Siège Abidjan);
- de la société Africaine de transpom routiers (Siège Bamako), cLBALIMA, op.cit. tableau p.568.
Voir également ADAM, Les établissements publics internationaux, LGDJ Paris 1957; GOURRIER.
La nOlion d'entreprise commune, R.T.D.E.1966, p.383 el s.
(792) CLVASSEUR, Quelle société européenne? op.cit., p.169 notamment.
Le développement de l'épargne suppose l'amélioration de l'épargne destinée au public, la création
d'un ou plusieurs organismes dotés de larges pouvoirs de décision et de contrôle mais aussi la collaboration
des sociétés intéressées et des banques qui interviennent dans les émissions à l'exemple de la Commission
Bancaire Belge.
.
En tout état de cause, la création d'une commission africaine destinée à assurer à la fois le contrôle
périodique à l'occasion des opérations effectuées sur le marché financier (à créer) et le contrôle permanent
sur ('informalion fournie par les sociétés s'avère indispensable.
La mise sur pied de struclures financières el bancaires adéquales est une oeuvre de lOllgue haleine.
Mais la maîtrise des sources cl des moyens de fill,mcement est une des conditions essentielles à la réussite du
vaSle programme communaulaire africain (que nous préconisons). Ce serait donc une grave erreur que de
céder au découragement :
(793) Ibid.
(794) Compte tenu de l'absence notammenl d'une Bourse des valeurs en Afrique noire francophone (excepté
en Côte-d' 1voire).
Reslerait à recourir aux Banques Centrales des EtalS membres des différentes Unions regionales ou
aux banques de developpemem; l'on est cependam en droit de s'interroger sur l'efficacité d'un tel procédé.
A l'inverse, pour une comparaison avec le droit européen des affaires, cL BOUCOURECHLIEV,
pour une SARL européenne, étude du CREDA, préface de M.VASSEUR, PUF, 1973,259 p.; v.p.95: "Si,
rI/1H' /'ô,nt "'~"1,,1 ri., ,1 ... ,-.,;, ,l,J," ,-.,,1_..-.,- C,...,.,.. .~......... ,,_l,.~~.,...
,~,,... .J:._.,"' .... :.;~''', • ....... 1.... : ........ r" ,.~.",.;r' ... ;...... V' /'1" nll r"ll/Irpn"pnf
323
Un second élément rend improblable le recours massif à l'épargne publique: il
s'agit du rang privilégié que l'Etat (795) (ou le secteur public) est appelé à tenir en tant
qu'actionnaire de la société communautaire Africaine. Au reste l'exemple de la société
d'économie mixte "Air Afrique", qui associe un nombre important d'Etats, illustre
parfaitement la précédente affinnation (796). Or la solvabilité présumée de l'Etat rend
caduc tout procédé d'appel public de fonds.
En définitive, la constitution des SAA devrait être le fait de sociétés dites fem1ées,
seules capables en raison de leur grande capacité d'autofinancement, de participer sans
délai au programme communautaire africain de développement industriel et commercial.
Les autres sociétés, beaucoup moins loties financièrement, seront tenues d'attendre,
pour bénéficia du statut de société communautaire africaine, que les circuits favorables au
drainage de capitaux importants se soient constitués dans les différentes Unions régionales
africaines.
PARAGRAPHE II - SOCIETE DE DROIT COMMUNAUTAIRE OU SOCIETE DE
DROIT NATIONAL
- 210 - Le choix de l'une ou l'autre de ces fonnules doit être dicté par l'intention qui
préside au regroupement des Etats au sein d'une institution communautaire.
Or la lecture des Traités relatifs aux Organisations régionnales africaines fait
clairement apparaitre, nous l'avons vu, la nécessité de promouvoir non pas des complexes
industrids à l'échelon d'un pays membre, mais plutôt de vastes programmes et projets
industriels (supra n0174) (ou commerciaux) destinés à courir les besoins des Etats membres
(797).
d'actions dans ie public font partie intégrante du droit des sociétés, il n'en est pas de même des conditions
d'admission en bourse, qui reste la voie majeure ct rrivilè fiiée de l'appel ullblic à l'épargne",
(795)
Cf. !'-lARCHAL,op.cit.,p.88: "Les Etats nationaux peuvent agir efficacement aussi en vue de
l'unification des diverses politiques économiques ... par l'entremise de leursecteur public qui présente, dans
chaque économie IlCitionale, une importance qui est loin d'être négligeoble."
... "Or, ce secteur public peUl, d'abord, contribuer par lui-même et en dehors de lDlIle action de l' [!Cll, à la
politique d'inlé!jT!Jtion. Les premieresformes de coopéra lion inlernationu.le émanaienl du secteur p/iblic."
(796) TARDY-JOUBERT,Ll société AIR AFRIQUE,thèsc, droit, BORDEAUX, 1968; WODlE, op.cil., p.
194-202; RODIERE,
La constitution
de sociétes
multinationales
de
transports
aériens,
Mélanges
SECRETAN, 1964, p,264-273.
324
S'il est permis de tirer de cette communauté de vue une présomption en faveur
d'une société de droit communautaire, l'hypothèse d'un recours à la société de droit
national
n'est
cependant
pas
à
exclure,
comme
nous
allons
le
voir,
pUIsque
l'incompatibilité de cette dernière fonnule avec le statut d'entreprise internationale n'est
qu' apparen te.
En règle générale, la nationalité d'une société se détermine en fonction de certains
critères de rattachement: le siège social, le lieu d'enregistrement des statuts ou le contrôle.
Ce dernier critère se rapporte à l"allégeance politique tandis que les deux premiers
fondent l'allégeance juridiq ue (798).
En application de ces principes de base, le statut de droit national devrait être
octroyé à la SAA soit en raison du siège, du lien statutaire ou de l'appartenance de la
majorité de ses actionnaires à l'un des Etat -membres. Mais il se trouve qu'au regard de la
nature essentiellement communautaire de la SAA, le rejet des critères classiques de
rattachement se révèle être le seul moyen (efficace) d'éviter l'émergence des droits
nationaux. En conséquence, le souci de faire triompher le plus complètement possible le
droit communautaire devrait se traduire d'une part par l'abandon de la formule consistant à
traiter la société anonyme africaine"comme une société nationale d'un pays donné à qui
aurait été reconnue la nationalité du pays où son siège -par hypothèse unique- aurait été
fixe" (799) et, d'autre part, par l'adoption d'un statut conférant à ladite société un
caractère supranational et lui permettant -les deux choses se trouvant liées- d'avoir
plusieurs sièges sociaux (800).
(798) CLNIBO't'ET, Existe-t-il vraiment une nationalité des sociétés? RGDIP, 1927, pA27; soulignons que
l'intervention des sociétés étrangères dans les pays d'Outre-Mer est souvent perçue par ces derniers comme
une aLLeinte à leur indépendance économique et politique. A ce propos, le Professeur LUCHAfRE opérait une
distinction entre l'allégeance juridique et l'allégeance politique de la société, cf.LUCHAIRE, La société
étrangère dans lès pays sous-développés, Etudes de droit comparé et de droit international public, LGDJ,
Paris 1960.
(799) Cf.V ASS EUR, Quelle société européenne? op.ciL., p.] 7].
(800) VASSEl~R, ibidem, note p.60; La société AIR AFRIQUE illustre parfaitement la théorie de la
supranationalité. En effet, la société commune de transports aériens a sa source dans le traité signé le 28 mars
1961 entre onze Etats africains. Conformément à l'article 4 du Traité, la société, constituée sous forme d'une
SA au capital de cinq cent millions de f,:,'1cS regroupe deux types de partenaires: d'une part les Etats
membres africains détenant 66% du capital et, d'autre part, la société privée AIR FRAi"1CE dont le siège
social ét2it à Paris et qui détient 34 % du capital social.
En ce qui concerne la nationalité, la Société AIR Ar~IQUE ne possède pas que la nationalité de
l'C,,,,. ri,..., ";~ __ "" ..... t...:::_~r:~:_
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325
Le recours au pluricéphalisme (société ayant plusieurs sièges) n'est pas un procédé
nouveau (801). En Afrique, cette solution a été utilisée par la société multinationale AIR
AFRIQUE, qui a fait ses preuves.
Bien que très divergentes dans leur nature juridique, la supranationalité et le rejet
de la nationalité (802) -c'est-à-dire de la loi du pays d'accueil, préconisé par une doctrine
des plus autorisées- conduisent à un résultat identique, puisque chacun de ces concepts
repose sur l'anéantissement des effets traditionnellement reconnus par le droit international
à l'enregistrement des statuts ou à l'implantation du siège social dans un pays donné.
La spécificÎlé de la théorie de la supranationalité est qu'elle tire son fondement de
la volonté des Etats membres de soustraire la société anonyme africaine de l'emprise des
droits nationaux.
Il s'agit là d'une application interessante au domaine du droit international du
principe de l'autonomie de la volonté et de la consécration du principe bien connu "Pacta
l'Etat de siège afin g].le l'application du droit national, à titre subsidiaire, ne prenne l'allure d'une
domiciliation législative (c'est nous qui soulignons).
(80 1) CLnote précédente.
(802) NIBOYET est le premier auteur à avoir porté les plus rudes attaques à la notion de nationalité,
cLNIBOYET, Existe-t-il vraiment une nationalité des sociétés') Op.CiL
Il est également à l'origine de la distinction entre l'allégeance juridique de la société, qui permet de
déterminer la loi applicable au statut juridique de la société, et son allégeance politique, qui permet de
déterminer les droits dont die peut jouir.
Reprenant cette distinction, Y.LOUSSOUARN affirmait qu' "il existe un double lien d'allégeance
qui unit la société à rEtat et qu'il est impossible de recourir il cette double 'allégeance de la qualification de
nationalité'':, cLY.LOUSSOUARN, Les conflits de lois en matière de société, Préface de Roger HOUIN,
Thèse Droit; Rennes 1949, Sirey Paris 1949, p.96.
Pour ~vLBATTIFOL, si l'on peut parler d'une nationalité des sociétés, c'est à condition de la
distinguer nettement de celle des individus: ''l'idcntité dcs tcrmes Cl {' inconvénient de voiler la distinction,
mais l'avantage de rappeler l'analogie", cLH.BATTIFOL, Traité élémentaire de droit international privé,
p.229.
Pour t-Ame BASTID et M.LUCHAIRE, la dissociation des allégeances politique et juridique est
préférable au recours à la notion de nationalité, cf.S.BASTID et F.LUCHAIRE, La condition juridique
internationale des sociétés constituées par des étrangcrs, dans "La personnalité morale et ses 1imites", Etudes
de droit companS ct de droit international public, Travaux et recherches de l'Université de Paris, LXVIII,
p.161, LGDj, Paris 1960.
.
Enfin, [....IM.LOUIS-LUCAS et AUBERT, partisans de la méthode analytique, estiment que divers
éléments entrent àans la condition globale des sociétés qui doivent ètre considérés séparément ct de manière
distincte. CLLOUIS-LUCAS, Remarques relatives à la détermination de la nationalité des sociétés,
JCP.1953.I.lI04; AUBERT, Le statut international des SA, ivlémoire de l'Université de Neuchatel, Tome 28,
p.181-182, Ed.Dclachaux et Niestlé, Neuchatel, 1960.
La nationalité apparaît en définitive comme une notion fluctuante, pouvant varier au gré des divers
éléments qui entrent dans sa détermination.
326
SUn! Servanda". fi en résulte que la société pourra jouir de la personnalité morale
internationale et de toutes les conséquences qui en découlent (privilèges et immunités
opposables aux Etats). La personnalité morale de la société internationale lui est attribuée
directement par la Convention ou le Traité qui la crée ou prévoit sa création, sans qu'il soit
nécessaire d'accomplir une formalité particulière conforme au droit de l'Etat d'accueil (ou
du siège) (803).
Bien que très séduisante en théorie, la mise en oeuvre de la "supranationalité" n'est
pas aisée. Ainsi 1'011 est contraint, en pratique, de recourir aux droits nalionaux quels que
soient l'attention et le soin que l'on ail accordé à la rédaction du statut de la société
anonyme de droit communautaire (8 a4). Bien souvent, et à titre préventif, une large place
est toujours faite au Droit subsidiaire, lequel n'est applicable que dans le cas où la source
principale de droit -le statut de la société anonyme africaine en l'occurrence- ne contient
pas de règle se rapponant à une situation de fait donnée (805).
Pour couper court aux difficultés' juridiques suscitées par la coexistence au sein de
l'Etat d'accueil d'un Droit subsidiaire et d'un Droit à vocation supranationale, il a été
admis, en Europe, que le statut de la société de caractère supranational est un droit
"personnel" et non un droi t d'application territoriale (8 a6). Il en' résulte une neutrali té de
la localisation du siège social. De ce fait, la société peut être soumise, pour les matières qui
ne sont pas régies par le statut au droit applicable, dans chaque cas, aux sociétés nationales,
sans préjudice de son caractère supranational.
Cette solution depuis longtemps applicable aux sociétés internationales et aux
établissements publics internationaux devra être maintenue en ce qui concerne la société
anonyme africaine (807).
(803) Cf.TARDY -JOUBERT, Op.CiL, p.65-66.
(804) CLBATTIFOL, Aspects philosophiques du droit international privé, Paris Dalloz 1956, p.98-99 (n044)
spécialement: 'Quel que soù le soin avec lequel ce lexie aura élé rédigé. l'imaginalion qu'on aura déployée
pour essayer de !OUI prévoir, il esl assuré que des difficullés se préSClJlerOnl dOIJl la solulion ne se Irouvcnl
pas dans la Chanc (d' une sociélé inlernationalcj"
(805) CLMémor,mdulll de la Commission de la Communauté Européenne sur la création d'une société
commerciale européenne, pAü9-433, R.T.D.E. n'}, janvier-avril 1966.
(806) Cf.BOUCOlJRECHLIEV, Op.CiL, pAO
(807) Exemple du Scandinavion Airlines System (SAS), de la Société EUROCHII'vlIC cLP.STROHL,
Problèmes. juridiques soulevés par la constituLion et le fonctionnement de la Société EUROCHIlVUC, p.569-
591, AFDI 1961; cf.également RODIERE, La constitution de sociétés multinationales de transports aériens,
Op.CiL, p.270 el 5.; ADAM, op.ciL., p.93.
327
- 211 - Ainsi, gr;}ce ~l la rcconn;llssance dc son caractère supranational, fond~e sur le
proc~dé nouvcau de LI "neutralisation" (lès critères de rattachement inhùents au droit
inlcrnational cbssique, la Sociét~ anonyme afriC:line, dOlée de la personnalité morale
intern~llionak, clone des Il11l11unités, privil~'ges ct autres anributs y afférents, PCUI être
assurée d'exercer son aellvité en toute sécurité, sans crainte de voir la jouissance de ses
droits supran~\\lionaux troublée du fait de son implantation sur k territoire cle l'un cles Etats
membres ck la communauté ni même par le recours ù ~itre subsidiaire aux droits nationaux.
SECTI()~ Il - LES REGLES APPLICABLES A LA CONSTITUTION DE LA SA,\\
- ~.12 - li SCr~\\ll vain de tenter d'épUiser un si vaste sujet dans le caclre du préseJ1l ouvrage.
Aussi nous l'Ol1lentèrons-nOl!S d'indiquer ici, les idées mairresses qui devront présider au
régime: de Ll l'onstiwtion et du fonctionnement (le: la S,\\A,
- =.].~ - LI c'bllon (le LI sociélé COll1ll1UiUUl;lI1è ~Iflï'~'~llne de\\Tlit obéir, dails lès grandes
lignes, ~l\\.lX règles du droit commun (supra 1ère panic), Toutefois, il paraît indispensablc de
tenir compte de cenalns traits spécifiques liés à sa vocation supranationale.
PARAGRAPHE l - CREA l'ION DE LA SAA SELON LA PROCEDURE DE DROIT
COM!\\IUl\\: : LA CONTRIBUTION EGALITAIRE DES ET.-\\TS AU CAPITAL
- 214 - Comme nous l'avons souli~I1\\~,
~
la constillliion de la 5."'. de statut africain devrait
obéir ,\\lIX rc'c:ks
.
~
comlllunes il toutes les SOC~élés et sc: dérouler par conséuucnt en trois
principaks é:::;pes : la rédaction Ct préserllation cies St~l!UlS. la \\àification des formalités de
constitution c'~ 1ïl11r,latriculation de la société.
i\\U
«lck de 1:1 IJrcmière t'lape, j'on procèckra apres la présemiltlon cie j',lCle
cOnstilUllf I.e: des anne::esl, il 1:1 désigrution des organes d'acimlnistration et de direction.
Viendrollt è:huite 1'Jcioption cles stalLlh pour l' Assc'!llbléc' GénérJle el la libér:llion
inlégrak du ,':lpit:t! social. RJppelons, sur ce (krnièr pOlllt, 1ïmportance d'une COillrlbution
égalitaire
cc's
Etats,
cclle-cl
n'étant
pas
absolument
incompatible
,)\\('c
celUlns
arrangements il
prévoir dans
les StatulS
ou Li Convention, telle
la
possibilité de
328
participation au capital par voie de compensation des créances respectives, ceci dans le cas
où la SAA n'est créée que par des Etats membres de la communauté, à l'exclusion des
personnes physiques. De même, bien que la libération intégrale soit la règle, la faculté d'y
déroger devrait être prévue pour les rares cas où l'objet visé par la société à créer implique
le déblocage de sommes très importantes (dont la hauteur devra être précisée dans le Traité
institutif ou la Convention).
Il Y aura également lieu de procéder à la publication des statuts au Journal Officiel
de la Communauté Africaine, en faisant bien apparaître la mention "Société de statut
africain".
La deuxième étape consistera essentiellement en un double contrôle de la
constitution des sociétés (notarié puis judiciaire), eu égard à la vocation internationale de
l'enrreprise, le premier contrôle étant préventif et obligatoire.
La vérification des formalités de constitution s'effectuera grâce aux statuts eux-
mêmes, au bilan d'ouverture de la SAA et au rapport de vérification des commissaires aux
apports et aux comptes.
Doit être soulignée ici la possibilité de renvoi des statuts au siège de la société avec
avis pour rectificatif ou régularisation.
Enfin, et c'est la troisième étape, en cas de conformité des mentions, la société sera
immatriculée au re~istre du commerce. Il s'a~it d'une double immatriculation: au siège de
~
~
~
la Communauté des Etats d'Afrique noire francophone et au Tribunal du lieu dLi siège
social (avis au registr~ du commerce des Etats concernés).
L'on appliquera la procédure de purge (ou de régularisation) aux irrégularités
pouvant entacher la constitution de la société. Et, conformément à un principe désonnais
bien ancré, l'immatriculation de la SAA en traînera l' acq uisition de la personnali té morale.
Il paraît indispensable de faire, à ce point de notre exposé, deux brèves
observations en rapport avec le rôle que doit remplir la Cou~ Africaine des Sociétés en tarit
que juridiction de contrôle habilitée à régler toutes les questions touchant à l'activité
commerciale -donc à la vie des sociétés- dans le ressort de la Communauté Africaine.
329
D'abord, la composition exacte de la Cour, la désignation de ses membres et leur
statut... devront être établis dans l'Acte constitutif, après concertation des pays membres de
la Communauté.
Par ailleurs, il faudra veiller, compte tenu de la vocation communautaire de la SAA,
à préserver: d'une part l'indépendance du Personnel de la Cour (magistrats, juges et autres
spécialistes... ) en lui conférant de larges pouvoirs, un statut et des avantages propres à le
mettre à l'abri de l'influence des Etats membres; d'autre part, la représentation égalitaire
du Personnel des Etats membres. Précisons que ne seront admis à la Cour Africaine que les
ressortissants des pays de la Comunauté (à l'exclusion des pays tiers).
PARAGRAPHE II - CREATION DE LA SAA SELON DES TECHNIQUES
P ARTICUL IERES
A - PRESCRIPTIONS LIEES AU CARACTERE SUPRANATIONAL DE LA
SAA
- 215
- En
raison
de
sa profonde originalité et de
sa vocation essentiellement
internationale, l'intervention des commissaires aux comptes et des commissaires aux
apports sera nécessaire pour assurer la protection des intérêts des apporteurs (ou des
sociétés) relevant des différents Etats membres.
Rappelons que l'opération de constitution doit concerner deux pays au moins, ce
qui, outre les problèmes de droit international précédemment abordés, pose des problèmes
d'évaluation des apports.
Notons, de surcroît, que la libération intégrale et instantanée du capital social serait
souhaitable car elle permet d'accélérer et de simplifier la procédure de constitution.
En principe, l'opération de constitution devrait se dérouler sans trop de difficulté, à
condition, toutefois, que la participation des diverses parties au c3.pital social soit
égalitaire. Mais un tel cas de figure ne saurait être érigé en règle: bien souvent, les
contributions respectives seront d'inégale valeur; de plus, la variété des circonstances qui
motiveront la création d'une SAA se traduira par le recours à des techniques juridiques
également variées: fusion, scission, voire création de holding.
Pour éviter de fréquentes modifications de la Convention ou du Traité instituant la
SAA, il conviendra de prévoir la possibilité de recourir à toutes les techniques de
330
concentration prévues par le droit des sociétés (8 a8). Et parmi celles-ci, la préférence
devrait être accordée, en Afrique noire, à la fusion uno acru, laquelle permet aux sociétés
... ~ ~
de transférer leur siège d'lin Etat à un autre tout en maintenant leur personnalité juridique.
Ce système a l'avantage d'éviter la procédure longue et complexe qui consiste à liquider
d'abord les sociétés qui fusionnent avant de procéder à la création d'une nouvelle société.
Il repose en effet sur la généralisation du principe de la succession universelle, c'est-à-dire
de la transmission des éléments actifs et passifs de la société absorbante ou nouvellement
constituée, sans liquidation préalable.
Il faut souligner, par ailleurs, que le fait que les sociétés fusionnantes aient la même
forme juridique est lin facteur de simplification de la procédure de constitution de la SAA
(809).
Lorsque la création de la société anonyme africaine ne se fera pas ex nihilo,
autrement dit au cas où des sociétés de droit communautaire voudront fusionner avec des
sociétés de droit national (810) - ce qui, soulignons-le, devrait être exceptionnel, la
primauté devant être accordée aux accords entre Etats- il y aura lieu d'accorder des
garanties (811) aux actionnaires minoritaires et aux créanciers de ciroi t national absorbés
par la société de "statut africain".
L'on peut cependant présumer à nouveau que c'est par voie de fusion, procédé le
plus courant (en dehors de la création ab initia d'une société entièrement nouvelle) que se
constitueront les SAA.
(808) CLMEISSONNIER, Droit des sociétés en Afrique, op.cil., p,443-448; et EJ.A., p.141-142, en cc qui
concerne les techniques de concentration en droit positif "africain"; s'agissant du Sénégal, cLCode des
Obligations Civiles el Commerciales, op.cil.; v.égalemel1l HOUIN et GORE, La réforme des sociétés
commerciales, Op.CiL, n'142.
(809) L'on pourra envisager ullérieurement l'exlension de ces opér:llions à d'autres formes sociales. Mais
rien ne sert de courir...
(810) CLGLEICHMANN cl CATHALA, op.cil., n'70, p.49 : "La sociélé qui peul naÎlre d'une fusion peUl
égalemenl parliciper. au cours de son exislence, à des opéralions de fusion. Le SLaILtl (de la sociélé
européenne) prend en charge la réglementation de ces opéralions cl la condilio.'?
lOulefois, quO elles
conduisenl soil au mainlien de la Sociéré Européenne (S.E.) sOù à la collslilution d'une nouvelle S.E.
L'opération de fusion dans laquelle une S.E. serail absorbée par une sociélé de droil national el
disparaÎlraÎl ne relève que du droil nalional".
(811) Transfert de l'ensemble de l'actif Cl du passif des sociélés de droil nalional sans liquidaLIon préulable
de l'assemblée des actionnaires sur le traité de fusion, sur le bilan de fusion, sur la publicilé. Sur l'ensemble
"-:/':,
'.,1
des garanties. cf. Les développements relatifs aux groupes de sociélés.! ;,., /,., . c.:'; ,.'.~.: ;i..-~ ..'J.
331
En règle générale, la constitution de la société conm1erciale communautaire devra
procéder de l'élimination dans chaque Etat membre de toutes les différences de traitement
entre sociétés nationales et étrangères quant à l'exercice d'activités économiques (812).
Le Traité institutif (ou la Convention) devra en effet rendre possible le rapprochement de
toutes les dispositions législatives, administratives et réglementaires dont les différences
seraient préjudiciables à la création et au fonctionnement de l 'U nion.
Ledit texte devra égalemellt prévoir les solutions que les pays de la future
communauté entendent appliquer aux conflits de loi (813).
B - MESURES APPLICABLES EN CAS DE RECOURS AUX TECHNIQUES DE
CONCENTRATION DES CAPIT AUX
1°) Dispositions générales
a) Création par voie de fusion
- 216 - Une érude du Professeur LOUSSOUARN a fait apparaître que le principal obstacle
aux fusions internationales des sociétés réside dans le fait que dans la plupart des Etats
membres (d'une Communauté Economique), le droit interne des fusions est incomplet,
embryonnaire ou inexistant (814).
Or, l'on peut observer aujourd'hui encore, que l'observation de cet éminent auteur
se vérifie en Afrique noire francophone où seuls le Sénégal, et - dans une moindre mesure -
la Côte-d'Ivoire et le Mali (815) ont élaboré ou esquissé une réglementation acceptable
des opérations de groupe dont les fusions font partie intégrante.
(812) GOLDrvL-\\i\\fN ct LYON-CAEN, Droit Commercial Européen, Précis Dalloz 4è éd.1983, 1081 p.;
v.nouunment n'22, p.33 et S., les avantages garalHis aux Etats membres par l'an.nO du Traité de la CEE ct
Titre 1er, p.312-371, les règles relatives au libre accès aux marchés communs: article précité, pAlO-411.
(813) Cf. Mémorandum de la CEE, Op.CiL, pA10-4J 1 ct pA19 notamment; GLEICHlvL\\l'\\jN et CATHALA,
"
op.cil., p.19-25.
(814) Y.LOUSSOUARN, Droit international du commerce ct Marché commun, Rev.trim.dr.com.I974,
p.359-384 (p.359 spécialement).
(815) Cf.notammcm J.MARTIN, La notion de fusion, Rev.trim.dr.com. 1978, p.270 à 305; LOUSSOUARN,
Droit international du commerce et du Marché Commun, op.cil.
332 ..
Pourtant, la fusion obéit en principe.à un schéma très simple pouvant se résumer
dans les deux phases suivantes: d'abord, la rédaction du projet de fusion, ensuite son
adoption par vote de l'assemblée générale. Mais le fait que les sociétés commerciales
africaines soient, par ailleurs, appelées à se développer dans un contexte communautaire
impose d'organiser
la distribution
des compétences et des
tâches
entre le droit
communautaire (à créer) et la Lex societatis, autrement dit entre les règles "matérielles" et
les règles "de conflit", selon la tern1inologie utilisée par le Professeur LOUSSOUARN
(816).
De plus, notre étude des fusions de sociétés doit nécessairement tenir compte de la
répartition des pays africains en différentes zones géographiques; cela nous am~ne à faire
brièvement état dès fusions:
- à l'intérieur de mêmes zones ou marchés régionaux;
- entre pays de zones régionales différentes.
- 217 - A l'intérieur d'une même zone régionale, les sociétés constituées dans un Etat
membre devront être reconnues par les législations des autres Etats membres.
Une procédure devra être adoptée, qui permette aux sociétés de transférer leur siège
d'un Etat membre dans un autre sans changer pour autant leur personnalité juridique.
Par ailleurs, une entreprise qui conserve son siège dans un Etat membre devra
pouvoir, sans se heurter à des difficultés relevant du droit des sociétés, du droit financier et
du droit fiscal, constituer dans un autre Etat membre, soit des fili~les, soit sous fom1e de
succursales ou d'agences, des établissements stables qui ne soient pas érigés en personnes
juridiques autonomes (81 7).
- 218 - En ce qui concerne les fusions entre pays de zones différentes, il conviendra de
favoriser les concentraüons d'entreprises et notamment la création de filiales communes.
De la même manière, l'on facilitera l'acql..lisition par les sociétés d'un Etat membre d'un
ensemble régional donné, de panicipations dans lès sociétés d' auties Etats relevant ct 'lin
ensemble régional voire d' lin ordre juridique différent.
(816) CLLOUSSOUARN, Droil international du Commerce el du Marché Commun, op.cil., p.366.
(817) Mémorandum de la Commission de la CEE ... , op.cil., p.41S-417.
,crY' -r- vU -..,,_ .-. -
~:f l
33J
b) Création de filiale commune
- 219 - La constitution de filiales sera facilitée par l'harmonisation des législations en
matière de droit des sociétés -ou la reconnaissance à l'intérieur d'une zone régionale de
sociétés extérieures à la Communauté voire non africaines- d'autant que les personnes
physiques ou morales étrangères pourront participer -exceptionnellement- à des sociétés
nationales.
Les discriminations éventuelles à l'égard des ressortissants ou des sociétés des
autres pays membres ou encore des Etats d'une autre Communauté régionale africaine
devront donc être éliminées.
S'agissant du droit tinancier, il conviendra d'assurer : la libre circulation des
capitaux,
la
suppression
des
restrictions
dans
les
réglementations
des
changes,
l'élimination des dispositions discriminatoires des Etats membres en matière d'émission de
titres "étrangers", d'admission à la Bourse et dans les portefeuilles des investisseurs
institutionnels.
Des garanties devront être également prévues pour pallier les problèmes qui se
posent dans un Etat membre autre que celui du siège de l'entreprise: émission publique
d'emprunts, placement de titres auprès de certaines institutions et ouverture de crédits
bancaires.
En matière fiscale des conventions devront être passées entre Etats membres à
l'effet d'éviter les inconvénients de la double imposition internationale des bénéfices
distribués '( 818).
2°) Dispositions particulières
- 220 - Il s'agit des prescriptions devant être observées en cas de fusion, de scission ou de
création de holding (819).
(818) CLsupra n'204 el infra n'224.
(819) Soulignons loulefois que ce procédé qui ne coïncide pas tout à fait avec la recherche par ics EtalS
africains d'un développemenl économique conccrlé, devrail relever d'une utilisalion exceptionnelle.
334
En cas de fusion ou de SCISSIon de sociétés (déjà existantes par définition), la
société nouvelle peut être constituée sans autres apports que ceux effectués par les sociétés
fusionnantes ou par la (ou les) société scindée.
Les actionnaires des sociétés fusionnantes ou de la société scindée peuvent se
réunir de plein droit en assemblée générale constitutive (820); mais, dans la seconde
hypothèse (scission), à l'inverse de la première, il semblerait qu'une entorse doive être
faite au principe du droit commun qui exclut la vérification des apports en nature au motif
que les biens apportés par la société scindée sont réputés indivis entre les actionnaires.
Ainsi, compte tenu du caractère international de la SAA, la vérification des apports devra
être effectuée, surtout si les sociétés scindées ont leurs sièges respectifs dans deux pays
différents de la communauté.
En cas de fusion, certaines modalités, outre la production de l'acte constitutif et de
ses annexes, devront être observées ou précisées (821) :
- les termes du rapport d'échange des actions des sociétés fondatrices contre des
actions de la SAA;
- la justification de la fixation du rapport d'échange approuvée par les commissaires-
vérificateurs;
- les modalités d'émission des actions de la SAA;
- les indications relatives à la manière dont les droits des créanciers sont garantis:
- les propositions relatives au respect des droits aux bénéfices des tiers non
actionnaires;
(820) Cf.notamment, GLEICHMANN et CATHALA, op.cil., n'71, p.50: "Ces fusions exigent une décision
de l'assemblée générale de chaque SE. (Société Européenne) intéressée, prise dans les conditions de
majorité et de quorumfuées pour les modifications de statut".
.
(821) Cf.Projet de Loi du BAl'vIREL, in thèse BALIMA, Op.CiL, annexes, p.103-176 : Le traité de fusion doit
contenir un ceriain nombre d'indications : motifs, buts et conditions de l'opération, date d'arrêt des
comptes, désignation et évaluation de l'actif et dupassif transmis. rapport d'échange des droits sociaux,
montant prévu de la prime de fusion ou de scission; les méthodes d'évaluation utilisées et le motif du choix
du rapport d'échange doivent aussi être exposés dans le projet ou dans une déc!arationannexée (art.153-155
notamment).
335
- les bilans et les comptes de pertes et protïts des trois derniers exercices de chacune
des sociétés fondatrices devront être produits.
SECTION III - LES REGLES APPLICABLES A LA VIE DE LA SAA
- 221 - En ce qui concerne le fonctionnement de la SAA, les règles applicables seront
essentiellement celles du droit commun des sociétés commerciales.
Il serait grandement souhaitable que le Traité constitutif (ou la Convention le
complétant) prévoit le recours à un régime "standard", par le biais d'une loi uniforme par
exemple (822), applicable aux aspects les plus importants de la vie de la SAA, tels:
- le régime financier: le capital, les actions, les obligations, les comptes, le régime
fiscal ... ;
- les aspects sociaux: création d'un Comité "africain" d'entreprise ... ;
- les
transformations juridiques : modification des statuts, fusions, SCISSions,
variations du capital social, dissolution, liquidation, faillite de la SAA ...
- 222 - S'agissant de la structure de la SAA, la fomlule du Conseil de surveillance et du
directoire nous paraît être la mieux adaptée. Comme en droit commun, les autorisations
seront obligatoirement requises du Conseil de surveillance pour certaines activités (ou
contrats). Par ailleurs, l'assemblée générale exercera son contrôle sur la base de rapports
réguliers et ct· infomlations ponctuelles.
- 223 - Il Y aura lieu de procéder à l'harmonisation des règles comptable~ (823). Qui
mieux est, les pays membres pourraient exiger la présentation d'un bilan et de comptes
consolidés de pertes et profits et d'exploitation générale, spécialement dans le cas -qui doit
(822) Mémorandum de la CEE Sur la création d'une société commerciale européenne, op;cit., pAil et pA3]-
433.
(823) Il devrait s'agir en réalité d'une actualisation, car l'harmonisûtion des règles comptables est acquise
dans les principales Unions régionales, cL Dossiers intcrnationaux Francis LEFEBVRE, Afrique Cenlraie,
op.cit., n'9-11, p.24-26 : L' harmonisation comptable repose sur "l'adoption d'un plan comptable commun
aux Etats de l'Union. Soulignons que le plan comptable OCAM a été déclaré applicable dans tous les ElaL~
membres de l'UDEAC.
336
rester exceptionnel- où la constitution de la SAA aura procédé de participations prises par
une société (d'un pays membre) dans une société relevant d'un (ou plusieurs) autre pays de
la Communauté ou de l'acquisition de plus de la moitié du capital d'une telle société
(824).
- 224 - Dans le même ordre d'idées, l'harmonisation et l'assouplissement du régime fiscal
devraient empêcher qu'une taxation rigoureuse ne vienne grever trop lourdement les
bénéfices réalisés par les sociétés anonymes de Stë.tut communautaire.
Naturellement, l'octroi de ce demier type d'avantage ne devrait pas porter préjudice
aux pays africains dont on sait qu'ils tirent l'essentiel de leurs revenus de redevances
fiscales. D'où l'intérêt d'une concertation des Etats membres de la Communauté (825).
L'on peut d'ailleurs voir dans cet aspect fondé sur la notion "d'intérêt général"
(bien compris) des Etats membres, un argument de taille contre le "développement" d'une
politique d'intégration
régionale,
dans
k
domaine
des
sociétés
ou du
commerce
international, en dehors du cadre défini par la société anonyme supranationale.
- 225 - Pour renforcer le contrôle de la société supranationale, le Tribunal corn pétent à
raison du siège de la SAA pourra désigner un ou plusieurs commissaires spéciaux.
Bien que les assemblées générales ordinaire et extraordinaire soient habilitées à
statuer sur toutes les questions touchant à la vie de la société, comme, par exemple, la
modification ou la disparition de fonne juridique "SAA il conviendra de prévoiT en outre,
la possibilité pour le Tribunal susmentionné d'intervenir pour prendre des mesures graves:
suspension dans leurs fonctions d'un ou de plusieurs membres des organes de la soc~été
(Conseil de surveillance ou directoire), révocation, nomination à titre provisoire: de
nouveaux membres, modification des dispositions prises dans les statuts ou contrats
paniculiers.
(824) En cas de prise de participations, le rapport des dirigeants devra rendre compte de l'acùvité des filiales
par branche d'activité et faire ressortir les résultats obtenus; à ce rapport sera annexé un tableau faisant
apparaître la situation des filiales Ct des participations.
(825) Rappelons que l'harmonisation des législations fiscales et douanières au sein des Unions économiques
africaines est un acquis, cc qui représente un atout considérable: cLDoss. Intern. Francis LEFEBVRE, op.cil.;
cf.Dossier "Afrique noire francophone", n'550-600. les Codes des ir.vestissements, n'500-503 et les
Organisaùons inter-gouvernementales à caractère économiLjue : la CEAO (p.738-749), la CEDEAO (p. i50-
759), l'UDEAC (p.759-764); v.également Dossier "Afrique Centrale", n'2200-2222, n'2400 ct s. notamment.
Il ne resterait donc qu'à renforcer ces accords ct, surtout, à envisager kur extension ct leur adaptation aux
relaùons entre EtaLS d'Afrique Centrale ct d'Afrique Occidentale.
337
- 226 - Un organe spécial, la Cour de Justice Africaine, installlé dans un des pays de la
Communauté et il l'abri de l'influence des Etats membres, sera chargé des problèmes
relatifs à la compétence judiciaire, à l'exécution des jugements et au réglement des
conflits.
- 227 - L'examen de l'ensemble des solutions applicables aux divers types de conflits de
lois dépasserait l'objet et le cadre de notre ouvrage. Aussi nous bornerons-nous à une
solution générale, à une position de principe.
Confonnément à l'idée de ratrachement communautaire qui doit présider au destin
de la SAA, les droits nationaux ne devront pas primer le droit communautaire. C'est donc
à celui-ci, autrement dit au Statut des sociétés anonymes de droit africain qu'il conviendra
de se référer en cas de litige. La distinction aablie par MM.GLEICHMAN et CATHALA
entre le droit principal (communautaire) et le droit subsidiaire s'applique parfaitement ici
(826). L'on aura recours
au droit principal pour toutes les questions relatives à
l'interprétation du statut ou touchant au droit des sociétés anonymes: règles comptables,
représentation des travailleurs, relations des groupes de sociétés entre eux et avec des tiers.
Le recours au droit subsidiaire, c'est-à-dire au droit national des pays membres de la
Communauté, ne s'imposera que pour lès questions classiques df': droit international privé,
autrement dit, celles n'ayant pas été prévues par les statuts (827).
(826) GLEICHlvlAN et CATHALA, op.cit., n'26-29, p.24-25.
(827) Notons que, même cn pareille hypothèse, les difficultés se trouveront allégées du fait de l'allégeance
des pays d'Afrique noire francophone à un fonds législzllif commun: celui du droit français.
En outre, comme le soulignent MM.GLEICH1vlAN et CATHALA, "si l'on ne peut, en conséquence,
proposer un critère applicable à tOLUes les situations. 0/1 peut en revanche recommander de ne jamais cerdre
de vue ce qu'a élé la volonté du léRislateur communautaire en édictant le Statut: régir les SE. (Sociétés
Européennes) par des règles aUlonomes et uniformes"; cLn'28, p.25.
NB : C'est nous qui soulignons.
338-
CONCLUSION DU TITRE PREMIER
0 0 0
- 228 - En dâinitive, la consécration offlcielle de la SAA paraît être un moyen à la fois
efficace et concret d'apporter aux économies africaines tout le dynamisme dont elles ont
besoin.
Si le vieux projet de panafricanisme tant prôné dès l'aube des indépendances par
les premiers leaders africains -don t la sagesse est loin d'être égalée par leurs successeurs
(828)- n'a pas encore connu un début de réalisation, c'est sans doute parce que ces
derniers préfàent, et de loin, le "confort" du discours, des slogans politiques et des
mirifiques déclarations d'intention à la résolution effective des problèmes qui assaillent les
pays dont ils ont pour mission d'assurer l'essor et le plein épanouissement.
Le succès de la société supranationale de droit africain dépendra en grande partie,
du choix des fomlUles qui sous-tendront sa mise en oeuvre. A cet égard, la constiwtion de
sociétés interétatiques ou d'économie mixte et la création de filiales communes (avec la
panicipation des Etats) semblent être, du moins pour le débur, les solutions les plus
accessibles.
(828) Cf.oOlammem KW3mé N'KRUMAH,
Africa
must
unite,
l'Afrique doit s'unir, PayOl 1964;
Ph.DECRAENE. Le panafricanisme, op.cil.
339
Il serait hasardeux de généraliser dans l'immédiat la constitution des SAA, pour de
multiples raisons parmi lesquelles on peut citer la difficulté de superviser et de contrôler
les grands flux monétaires, la circulation des titres, surtout en l'absence d'une Commission
Pennanente des groupes de sociétés (829).
Par ailleurs, la SAA est largement tributaire de l'aptitude des Etats concernés à
persévérer dans la recherche et la réalisation d'objectifs économiques communs (830). Or,
n~l ne peut prévoir, surtout à moyen et long tenne, les réactions des "gouvernants"
africains, lu politique ayant ses raisons et des desseins parfoIs inconciliables avec la
"logique" du droit des sociétés et même de l'intérêt général. C'est cet élément d'incertitude
qui laisse planer un grand point d'interrogation sur l'avenir de la S.A.A. !
(829) MEISSONNIER, in PENANT, n"753, op.cil., p.372
(830) CLCHAl\\{PAUD, Les mélhodes de groupemenl des Socletes, Rev.trim.dr.com.1967, p.lO04-1041
particulièrement le paragraphe: "'Souveraineté nationale et groupes de sociétés"'.
340
TITRE SECOND
0 0 0
LE RENFORCEMENT DU DROIT DES GROUPES
EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
0 0 0
341
)
INTRODUCTION
~
------/
0 0 0
- 229 - De manière générale, les législations des pays d'Afrique nOlre francophone
accusent d'importantes lacunes, tant en ce qui concerne les groupes de sociétés que les
opérations de concentration.
S'agissant, par exemple, des groupements de sociétés, seul le Sénégal a réalisé un
effort appréciable en consacrant certaines dispositions de la loi de 1985 au GIE et aux
groupes de sociétés. Le GIE a également été reconnu au Burkina-Faso (831). Ailleurs, les
autres pays ci' Afrique noire Ont essentiellement recours aux dispositions de la loi de 1867
relatives aux fusions (et opérations assimilées), excepté au Mali et au Sénégal (832).
Au regard d'un tel bilan, il s'avère indispensable de procéder à une mise à jour du
droit positif dans chacun des deux domaines précités (833).
Les développements qui vont suivre s'articuleront donc autour de deux idées
principales:
- Le réaménagement du droit des groupes (Chapitre Premier)
- Le réaménagement du régime des fusions de sociétés (Chapitre Deuxième)
(831) Au Burkina-Faso, le GIE a été institué par la ZATU 86-9 du 29 janvier 1986.
(832) CLart. 722 à 741 C.Com. (Mali).
(833) CLMali, art.578 à 600 (C.Com.) applicables aux fusions el aux scissions des SA et SARL: ct Sénégal,
art.l454 à 1472. COCc.
342
CHAPITRE PREMIER
0 0 0
LE REAMENA.GEMENT
DU DROIT DES GROUPES
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
0 0 0
343
ETAT DU DROIT POSITIF EN MATIERE DE GROUPE - PLAN
a) Une législation réductible au texte sénégalais (et Malien)
- 230 - Il ne serait pas excessif de qualifier d'embryonnaire le droit africain des groupes.
L'on peut observer, en effet, qu'en dehors du projet ivoirien de création du Groupement
d'Intérêt Commun (GIC) (834), le Sénégal, le Mali et le Burkina-Faso sont les seuls pays
d'Afrique noire francophone à avoir' règlementé les groupes de sociétés (835), le
législateur malien n'ayant pour sa pan consacré que trois aI1icies (art.561 à 564, C.Com.)
aux filiales de participation.
b) La portée du texte sénégalais
- 231 - L'on ne peut manquer d'adresser des éloges mérités au législateur sénégalais dont
l'intervention en matière de groupe de sociétés a permis d'instituer une législation
cohérente là où n'existait qu'un amas de textes disparates.
Ceci étant, et nonobstant la maîtrise juridique dont or.: fait preuve les rédacteurs, le
texte sénégalais est loin d'être irréprochable. La principale critique qui pourrait lui être
adressée concerne son champ d'application: le texte s'est limité en effet à l'énoncé des
(834) Cf.MEISSONNIER, Le clroit des sociétés en Côte d'Ivoire, PENAi"1T, op.CiL, 1976, n'753, p.35!. Le
Groupem'em d'Intérêt Commun (GIC), prévu par la Commission de réforme du clroit ivoirien des sociélés,
présente des caractéristiques s~nsiblement analogues à celle du GIE institué par l'ordonnance française n'67-
821 du 23 septembre 1967. Précisons qu'il ne s'agit là que d'un projet; cLégalememl\\1EISSO!\\TNIER, EJA,
op.cil., p.112-115.
(835) CLLoi n'85-40 du 29 juillet 1985 ponant quatnème partie du Code des Obligations Civiles ct
Commerciales (Les sociétés commerciales) : le livre cinqui2:me (art.1442-1472) traite des relations entre
sociétés et contient des dispositions nouvelles relatives au contrat de groupe passé temporairement entre
plusieurs sociétés, aux filiales et participations et à la fusion et la scission des sociétés; le livre sixième
(ar1.1473-1488) est consacré au Groupement d'Intérêt Economique (GIE).
344
règles relatives au projet de groupe (rédaction, homologation, exécution), à une simple
définition de la notion de filiale et de participation (art.1442 à 1453 COCC) (835 bis).
L'on peut également déplorer qu'une rubrique spéciale n'ait pas été consacrée "aux
infractions relatives aux filiales. alLt participations et groupes de sociétés", car, en l'état
actuel du Code sénégalais, les dispositions pénales figurent de manière éparse sous les
chapitres relatifs aux différents types de sociétés et au Groupement d'Intérêt Economique,
ce qui, d'une part, rend malaisée la consultation des textes et, d'autre part, oblige à une
interprétation extensive de certaines dispositions (836).
Le contenu "restrictif' de la réglementation des groupes a pour inconvénient de
laisser dans l'ombre des questions importantes, notamment celles relatives à la détection
des groupes, à leur contrôle et aux groupements internationaux de sociétés (837).
En revanche, doit être mentionné tout particulièrement le "contrat de groupe",
lequel constitue l'originalité du droit sénégalais des groupes.
(835 bis) Dans lè même ordre d'idées, les art.561 à 564, C.Com. (Mali), se bornent à mentionner:
- la définition de la notion de filiale et de participation;
- la nécessité d'une autorisation du Ministre des Finances et du Commerce, en cas de prise de
participation dans une société malienne par une société étrangère et vice versa;
- quelquès mesures visant à empêcher ou à sanctionner l'auto-contrôle.
(836) En effet:
- seuls les associés ou actionnaires autres que ceux de la société dominante peuvent participer au
vote relatif à l'adoption du projet de groupe (arL1445 , al.4', COCC);
- dans lè délai d'un mois suivant le dépôt de la requête de la société dominante, tout associé peut
faire opposition à 1'homologation du contrat de groupe pour vice de forme ou insuffisance des garanties
accordées aux aS.sociés des soeiétés autres que la société dominante (arl.1446, a1.2, COCC);
- il est reconnu à tous les actionnaires intéressés la faculté de mettre en cause la responsabilité civile
ou pénale des dirigeants de la société dominante et de leur propre société faisant partie du groupe (art. 144 7,
al.2, COCC);
- les dettes de la société membre du groupe donnent lieu aux garanties que les créanciers pourraient
obtenir de la soclété dominante selon le droit commun (art.1448, al.1er, COCC).
Cf.à titre de comparaison, le projet de loi du BAîvIREL dont le dernier titre (TITRE IX) est consJcré
exclusivement aux dispositions pénales, cLannexes de la th~se de BALlMA, op.cil., p.167-176, qui regroupe
les articles 187 il 199.
(837) Les rapporLs entre société mère et filiale sont à peine évoqués et uniquement en cas d'implantation de
filiale au Sénégal (arL1450 C.civ. et COol.).
Aucune allusion n'est faite au droit appl icable aux obligations des filiales étrangères; l'article 1451
fait simplement obligation au conseil d'administration de toute société ayant des filiales ou des
participations, d'annexer au bilan de la société un tableau, dont le modèle est fixé par décret, en vue de faire
apparaître la situation desdites filiales et participations.
345
Le contrat de groupe est en effet établi sous forme de projet par les organes de
direction de la société qui prend l'initiative de la constitution du groupe de sociétés et qui
est considérée comme la société dominante (an. 1444, COCC).
Une fois adopté, ce contrat doit être homologué (art.1446 COCC) avant d'être
exécuté (an.1447, COCC), le cas éc héan t.
Il convient de souligner, au surplus, le souci du législateur sénégalais d'associer les
l..:présentants des sociétés dominées aux différentes étapes des procédures visant au
regroupement des sociétés (838).
Ayant fait apparaître les qualités et les lacunes du texte sénégalais, il convient
d'envi:;ager des mesures susceptibles de contribuer au renforcement du droit des groupes
en Afrique noire francophone y compris au Sénégal.
Rappelons que les fusions ou opérations assimilées, en tant que techniques de
concentration, feront r objet d'une étude distincte (Infra, n.241 et s.).
A notre avis, le principal effon de renforcement du droit des groupes doit procéder
d'une meilleure prise en considération du rôle international des groupements et donc du
souci de corriger une certaine propension des législateurs cl' Afriq lie noire à ne considérter
la question (des groupements) que sous l'angle du droit interne (839). Nous consacrerons
par conséquent nos prochains développements à la redéfinition (de manière large) de la
norion de groupe (Section 1) et à la protecLion des erltreprises africaines contre les société::;
étrangères (Section II).
(838)
- Seuls les associés ou actionnaires autres que ceux de la société dominante peuvent participer ::lU
vote- relatif il 1'adoption du projet de groüpe (art. 1445 , alA, COCC):
- i\\ est recorlnu il Lous les actionnaires inLércssés la faculté de InClue Cri cause la responsabilité civil"
ou pénale dcs dirigeanLs de la société dominante ct de leur propre société faisant partie du groupe (arL1447,
a1.2, CaCe).
(839) V.ccp.sur la Côte-d'h'oin~, MEISSONNIER, Le droit des sociétés en Côte-d'Ivoire, PENANT, 1976,
n·753, p.351-372.
346
SECTION 1 - LES CRITERES DE RECONNAISSANCE DU GROUPE ET
L'ECONOl\\UE GENERALE DU DROIT DES GROUPES
- 232 - C'est dans la difficulté de les définir et donc de les identifier que réside le danger
que représentent potentiellement les groupes. Bien que la notion de groupe soit une notion
de pur fait et, par conséquent, difficile à cerner, on peut en donner la définition suivante,
tout en sachant que celle-ci est imparfaite et approximative: le groupe est un ensemble de
sociétés juridiquement indépendantes les unes des autres mais en fait soumises à une unité
de décision économique. Ainsi, la notion de groupe de sociétés a davantage une
signification ~conomique que juridique. ComIne le souligne le Professeur GUYON "Les
groupes sOn! e.tistence avant d'être essence. ce qui ne facilite pas leur étude" (840).
Faute de critères immuables l'on se borne à identifier le groupe par le biais du lien
de dépendance et de l'unité de direction (841). De surcroît, la prospective des liaisons de
capital a pennis de mettre en évidence deux définitions légales: celle de la filiale et celle
de la participation.
Les législations africaines, s'inspirant de la loi française de 1966 disposent, en
effet:
"Est réputée filiale toute société dont la moitié au moins du capital
appartient à une autre société. Lorsque la quote-part du capital
détenue par la société-mère est comprise entre 10% et 50 o/e. il y a
participation" (842).
Ceci ;-:ous amène à souligner certains risques inhérents aux prises de participation et
aux cessions.
(840) CLGUYON, op.cil., p.566
(841) CfME1SS0NNIER, Le droit des sociétés en Côte-d'Ivoire, dans PENAt'-JT, 1976, n'753, p.351- 372,
spécialement, p.363-364; v.également Hélène BON, Rapport sur la' notion de groupe, p.661-681, parmi les
rapports réunis sous le titre, "L'Expert comptable judiciaire face aux problèmes posés par les groupes de
sociétés", in Rcv.Soc.198ü, p.661-713; CHAl'vTPAUD, Recherche des critères d'appartenance il un groupe,
p.27-36, Travaux du S0rnin:.1ire de Rennes, in Le Droit des groupes de so~iélés, Centre de droit des affaires
de Rennes, 1971, Librairies Techniques, 1972.
(842) CLEn France, art.L.354 et L.355; au Sénégal, art.l449 (COCC), v.également ME1SS0NNIER, Le droit
des sociétés en Côte-d'Ivoire, PENANT 1976, n'753.
347
- En premier lieu, une partIcIpation même minoritaire en capital peut néanmoins
permettre une domination de la société dont les titres sont possédés.
Aussi convient-il, en pratique, de rechercher au-delà des apparences, si le titulaire
de la participation minoritaire en capital ne dispose pas du pouvoir de déterminer en fait
les décisions de l'assemblée générale ou de détemliner celles-ci en application d'accords
conclus avec les autres associés (843).
- En second lieu, les participations, même minoritaires, n'excluent pas le risque de
participations croisées. En conséquence, les pays africains devraient procéder à une
réglementation du phénomène d'auto-contrôle.
Mais, étant donné que l'auto-contrôle est malaisé à découvrir, d'une part en raison
de la structure complexe des groupes et, d'autre part, en cas d'implantation du siège social
à l'étranger, les dispositions législati~es à prendre dans les pays d'Afrique noire
francophone ne pourront revêtir qu'une ponée générale: dies ne pourront consister que
dans l'interdiction de principe des participations réciproques, à peine de sanctions pénales
autrement dit dans l'impossibilité pour toute société dont une fraction supérieure à 10 % du
capital est détenue par une autre société de posséder des actions de la société dominante
(844).
- En troisième lieu, les législateurs africains devraient se montrer vigilants à l'égard
des cessions de contrôle. La nature juridique ces dernières est en effet mal détemlinée
r - - - - - - - - - - ·
(845). De plus, les cessions risquent de compromettre les intérêts des actionaires
(843) CLen France arl.357 -1 (Loi 3 janvier 1985) et 344-1, L.12 juillet 1985.
(844) Sur les participations réciproques, en Afrique noire, cLan.564 C.Com. (Mali) et articles 1452 et 1453
COCC (Sénégal). Soulignons que les dispositions de la loi sénégalaise sont plus complètes que celles de la
loi malienne, en matière de filiales et participations.
Sur la réglementation de l'auto-contrôle en droit français, cLMESTRE et FLORES, La réglementation de
l'auto-contrôle, Rev.soc.1985.775.
Les participations réciproques portant sur les titres des sociétés par actions sont, en principe,
interdites, à peine de sanctions pénales (arLL,482).
Il y a participations réciproques lorsque deux sociétés possèdent mutuellement une fraction de Jeur
': capital et participation circulaire lorsque la société A contrôle:la société B, qui contrôle la société C qui, à
son tour, contrôle: la société A.
Dès qu'une S.A. détient une fraction supérieure à 10% du capital d'une autre société, cette seconde
personne morale ne peut plus posséder aucune action émise par la première (arl.L.358).
A défaut d'accord pour la régularisation, celle qui détient la fraction la plus faible du capital de
l'autre doit aliéner son investissement dans le délai d'un an (arl.L.359 Cl D.249); jusqu'à œlle aliénation, \\es
actions sont privées du droit de vote (arLL.358, aU).
(845) CLGUYON, Op.CiL, p.577
348
minoritaires de la société rachetée, lesquels se trouvent rattachés dès lors à une filiale et
non plus à une société indépendante.
Les ceSSlOns de contrôle sont palfois défavorables aux salariés: elles peuvent
également être contraires à l'intérêt général en favorisant une concentration excessive.
Les ceSSlOns de contrôle présentent des dangers encore plus grands lorsque
l'acquéreur est une société étrangère. L'on ne peut donc que souligner les dangers d'une
offre publique d'achat ou d'échange surtout en l'absence d'une Commission Africaine des
opérations de Bourse.
En vue de la protection des créanciers et actionnaires minoritaires, les législations
africaines pourraient s'inspirer de certaines disposirions du droit allemand, lesquelles ont
d'ailleurs été reprises en France dans la proposi tion Cousté (846).
Il s'agit d'abord de l'infonnation des actionnaires avant la cession (indicaüon de
l'identité des acquéreurs el du prix de l'acquisition).
11 s'agit ensuite, une fois la ceSSlOn réalisée, de l'option que tout contrat
d'affiliation devrait offrir aux associés externes, entre:
- soit l'échange des actions de la société affiliée contre des titres émis par la société
dominante:
- soit un droit de retrait, c'est-à-dire une indemnité en numéraire correspondant à la
1
valeur totale des actions détenues par les minoritaires. Il devrait s'exercer dans un
délai assez bref après l'affiliation:
- soit une indemnité compensatrice annuelle versée aux minoritaires qui conservent
les titres de la société affiliée (847).
(846) CLMEISSONNIER, article précité, PENANT 1976, n'753, notamment, p.366 et S.; v.également
PAILLUSSEAU, Faut-il en France un droit des groLI[Jes de sociétés') (à propos de la proposition de loi
Cousté), JCP. 1971.I, n '2401 bis. Sur la loi Cous té, cLégalement BOULLAY, Projet de réglementation cn
cirait français, in Séminaire de Rennes, Droit des grou[Jes de sociétés, o[J.cil., p.I27-199 et REY, PrGlection
des associés et créanciers des grou[Jes de sociétés en droit positif français, Séminaire précité, p.169·]76
notamment.
(847) Sur la Loi allemande du 6 septembre 1965 (AKTIENGESETZ), cLGUYENOT, Peùtes Affiches, 22
;,,;.....
lOf:' .
349
Il s'agit enfin, en ce qui concerne les groupes de droit, du pacte de domination qui
s'apparente à l'acte constitutif d'une société et qui doit être pubiié.
Il n'est pas sans intérêt de rappeler à cet égard qu'en droit allemand, la protection
des créanciers est garantie par la constitution de réserves légales, la limitation légale des
transferts de bénéfices, la prise en charge des dettes de la société dominée par la société
dominante, la constitution de sûretés au profit des créanciers.
Le principe de l'indépendance de la personnalité des sociétés de groupe, quasi
unanimement admis, devrait faire l'objet de cenaines restrictions dans les pays d'Afrique
noire francophone.
Appliquée à la lettre, l'autonomie juridique des sociétés de groupe se traduirait en
effet par une moindre protection des créanciers et des tiers: la société-mère ne serait pas
tenue d'exécuter les obligations contractées par sa filiale, ou réciproquement (848). C'est
pour éviter de tels inconvénients que nous préconisons que les sociétés de groupe soient
appréhendées non pas isolément mais en tant qu'entité économique unique, chaque fois
que la protection des créanciers ou des tiers l'exige. Au reste, l'institution de la
présomption de groupe devrait faciliter la mise en évidence du lien de dépendance entre la
société-mère et la filiale.
Ainsi, au risque de poner atteinte au principe de l'autonomie de la volonté des
fondateurs, on devrait s'acheminer en Afrique noire vers une conception différente : la
reconnaissance de la personnalité morale du groupe, conforme à l'intérêt collectif et
;
1
prônée, il y a quelques années, par la doctrine civiliste et commercialiste (849).
- Le groupe est l'ensemble de sociétés obéissant à une direction unique. C'est le konzern de subordination.
Mais il y a aussi le konzern de coordination groupant les entreprises sous une même direction, mais sans
dépendance entre elles.
Le groupe de subordination peut être soit un groupe de fait, soit un b'ToUpe de droit;
- Le pacte de domination, qui s'apparente à l'acte constitutif d'une société, doit être publié. Il
compone souvent un pacle de transfert de bénéfices de la sociélé dominée à la société dominante. Ccci
constitue ''l' organshaft" qui bénéficie ct 'avalllages CiscauA. V.également, EApérience allemande el proposition
de société anonyme européenne, Séminaire de Rennes (précité), les anicles (respectifs) de SINA Y, p.37-48
et DABIN, p.107-126.
(848) ComA janvier 1982, Rev.soc.1983.95, note JJ.BURST; 24 mai 1982, Rev.soc.1933.361, note
BEGUIN.
(849) COULOMBEL, Le particularisme de la condition juridique des personnes morales de droit privé, Paris
1949; DESPAX, L'entreprise elle droit, Pari,s 1956; H.ROUSSEAU, note sous Cass.req.20 novembre 1912,
S.l926,1,30S; v.également Projet SAJ"JDERS (an.223), instituant la responsabilité solidaire de la société
350
SECTION II - LA PROTECTION DES ENTREPRISES NATIONALES CONTRE
LES PRISES DE CONTROLE PAR DES SOCIETES (MULTINATIONALES)
ETRANGERES
- 233 - La prise de contrôle d'uTl~ entreprise nationale est de nature à porter préjudice tant
aux économies nationales ou régionales qu'aux intérêts privés, notamment ceux des
créanciers actionnaires salariés.
Les principales mesures de protection des intérêts privés ayant été précédemment
évoquées, nous n'envisagerons ici que les moyens de prévention contre les prises de
contrôle par les sociétés étrangères.
Soulignons au passage que le terme étranger doit être pris dans son sens le plus
large de manière à englober à la fois les sociétés multinationales et tous les procédés
juridiques ayant pour effet de placer' une
(ou plusieurs) entreprise sous contrôle
d'entreprises relevant d'une nationalité ou d'un ordre juridique externe à l'Etat de la (ou
des) société dominée.
Selon une conception extensive, le critère d'extranéité sera tiré tout simplement de
l'origine extérieure du capital
(intégral ou
partiel), des
dirigeants ou
encore de
l'implantation du siège social hors du pays d'accueil.
Ainsi définie, l' extranéi té apparaît comme un critère de fait ne répondant pas aux
éléments légaux de rattachement des sociétés.
Cette opposition du fait et du droit, de la théorie juridique et de la réalité, pose du
reste des problèmes quasi insolubles. C'est ainsi que, à titre d'illustration, les critères du
contrôle et du lieu d'enregistrement n'ont plus qu'une valeur théorique depuis que bon
nombre de pays africains ont décrété que toute société ayant son siège en Afrique était ipso
facto soumise au droit du pays d'accueil (850).
(850) Plusieurs pays africains font obligation aux sociétés étrangères d'avoir leur siège social dans le pays
d'accueil (africain) : BENIN (ordonnance n'73-1 1 du 7 ['é,vrier 1973). CAl'vŒROUN (Loi n'76-9 clu 8 juiIJet
1976); au CONGO "ToUle en/reprise induSlrielie el commerciale inslallée au Congo doil. sans dérogalion
possible. y posséder son siège social" (arl.3l bis du Code Général des Impôts résultant de la loi cle finances
pour 1975 ct modifié par la loi de finances pour 1982); GABON (loi n'10-73 du 20 décembre 1973);
BURKINA-FASO (arr.7 de l'ordonnance n'81-26 du 26 août 1981 qui dispose: "Le siège des sociélés
exerçanl exclusivcmenl leur aClivilé au Burkina-Faso doil êlre obligaloirement fixé dans ce pays": MALI
(;lrt.J. 171 rn"r, lOQ",
q"F'fŒ __ ·"·'WW
351
Cette grave contradiction se retrouve dans le cas des sociétés multinationales qui
présentent un caractère hybride: elles sont étrangères du fait de la provenance extérieure
de leurs capitaux mais en même temps société de droit local du fait de leur installation
dans un pays d'accueil africain (en vertu de l'application du critère du siège par le pays
d'accueil (851).
Ne serait-il pas plus simple de voir dans ces sociétés, des sociétés étrangères -au
regard des critères du droit international- auxquelles s'appliqueraient des contraintes
fiscales, juridiques et économiques tenant ü la souveraineté et aux prérogatives de l'Etat
d'accueil?
En bref, il résulte de ce qui précède que l'application d'une telle "politique de
contrôle" par les Etats d'accueil africains constitue une première parade contre l'emprise
des sociétés étrangères. Mais cette mesure est insuffisante et la meilleure protection
consiste dans l'assimilation de toute prise de contrôle à un investissement direct (852),
l'intérêt d'un tel procédé étant de soumettre les opérations financières des sociétés
étrangères (y compris naturellement les participations) à l'autorisation préalable des
autorités de
l'Etat d'accueil
(Ministère
des
Finances et/ou
du
Commerce et
de
l'Economie).
En MAURITANIE, l'allégeance au droit local est nellemcnt affirmée: aucune disposition ne fait
obligation aux sociétés exerçant leurs activités en Mauritanie d'y avoir leur siège social. Toulefois,
lorsqu'une entreprise étrangère envisage d'exercer son activité dans un des secteurs visés par le code des
investissements, elle doit, notamment, pouf être agréée en lant qu' enlreprise prioritaire, avoir une société;
une représentation ou une filiale de droit mauritanien (Ordonnance n'79-046 du 15 mars 1979).
Il convient de souligner, par ailleurs, que le recours au droil du pays (africain) d'accueil est induit
par l'institution de ]a prise de participation de l'Etal dans les sociétés de c3piwux laquelle entraîne de plein
droil, dans certaines législations africaines, la présence d'un représentalll de l'Etal au sein du Conseil
d'adminislration desdisles sociélés, cLnotammenl l'vlEISSONNŒR, Les sources du droit des sociétés, in
ElA, op.cit., p.107-] 12, qui cite notamment les Elals suivants: GABON, GUINEE, HAUTE-VOLTA (actuel
BURKINA-FASO) , MALI, NIGER; adde, sur l'obligation de fixer le siège social dans le lerritoire national
(et les dérogations), Equipe HSD, Op.CiL, p.54-56.
(851)
GOLDMAN, L'enlreprise multinationale face au droit, ouvrage collectif, collaboration de'~
LAZARUS, LEBEN, LYON-CAEN, VERDIER, GOLDMAN et FRANCESCAKIS, Librairies Techniques,
1977, v.notammcnt n'189 et s., n'217; CHAMPAUD, Les mélhodes de groupement des sociétés, op.ciL.:
v.nolamment p.l 025-1 026, le paragraphe "les groupCI11CnLS Cl la souverainelé nationale".
(852) "Les moyens utilisés pour réaliser l'investissement direct 50111 indifférents: peu import<: qU11 y ait
achat d'actions. prêt, contrat de licence,
garantie ou cautionnement, pO(.(rvu quO il y ait controle",
cLSCHMIDT, La protection des entreprises nalionales contre les prises de contrôle par des sociétés
multinationales élrangères, Rev.soc.197 5, p.573-603, p.576 notamment.
352
Deux
observations
s'imposent
relativement
aux
"relations
financières"
susmentionnées:
-
D'abord,
il
conviendra
de
donner
un
contenu
très
large
à
la
notion
d'investissement direct de manière qu'il puisse englober toute opération visant au contrôle
des sociétés nationales du pays d'accueil.
- En outre, les personnalités et orgamsmes habilités à délivrer les autorisations
"d'investir" devront .oe garder de toute attitude laxiste ou exagérément cùmplaisante, en
faisant passer l'intérêt national après leur propre cupidité.
Sur ce point, vraiment digne d'attention, l'on pourrait préconiser que l'examen des
demandes de création de sociétés tant étrangères que nationales relève d'une commission
paritaire composée des représentants des ministères concernés et des hauts fonctionnaires
de la Cour des Comptes.
Mais c'est là une question qui déborde le simple cadre du droit des sociétés et qui
s'adresse avant tout à l'honnêteté et au civisme des africains!
Soulignons, pour clore cette étude, que les mesures de protection susmentionnées
ne devraient pas
s'appliquer aux
Etats membres d'Unions
Régionales
(douanière,
économique ... ), l'objectif poursuivi par ceux-ci étant l'intégration des Etats d'Afrique
Centrale et
Occidentale, autrement dit,
la constitution d'un
vaste
espace africain
économiquement protégé (853).
Outre ces mesures relevant de la réglementation lies relations financières des pays
d'Afrique nou-e avec l'extérieur, il serait souhaitable de mettre en place une Commission
africaine des opérations des Bourse et/ou un Syndicat des agents de change (supra n° 134),
comme en Côte d'Ivoire, lesquels auraient la possibilité de recevoir les dossiers relatifs aux
créations de société par des étrangers (personnes physiques ou morales), de les transmettre
après avis aux ministères concernés et de siéger avec voix consultative aux délibérations
relatives aux autorisations d'exercer une activité commerciale.
(853) Au sein d'une Union douanière économique, les EtaLS s'accordent en principe des garanties
réciproques: reconnaissance mutuelJe de la personnalité des soci6tés et des personnes morales, dispenSè de
carte de commerçant éLfanger, libené d'ét<lblissement et libcné de trans[en de fonds ... : cL Les Codes des
investissements :lfricains, in Doss.intem.F.LEFEBVRE, Guide Juridique et Fiscal, Tome l, septembre 1984,
dossier "Afrique noire francophone" et Tome 2, dossier "Afrique Centrale", 1987; JDI 1975, p.275-325;
HABERLI, Les investissements étrangers en Afrique : avec des études de cas sur]' Algérie et le Ghana,
Préface de Roy PRE1SWERK, Paris, LGDJ, Dakar, Abidjan, Nouvelles Editions Africaines (NEA), 1979.
353
Il convient de préciser que la "structure" que nous préconisons, appelée à
fonctionner de manière permanente, ne devrait comprendre qu'un nombre limité de
représentants
des
professions
susvisées
(avec
possibilité
de
révocation
et
de
renouvellement de certains de ses membres en cas de faute grave). Elle devrait permettre,
par son rôle complémentaire et grâce au respect de la "collégialité", de contrebalancer ou
tout au moins d'atténuer le pouvoir prédominant des ministres compétents en matière
d'investisse.ment.
Enfin, pour compléter l'ensemble des précédentes dispositions fondées, d'une part,
sur le choix des
critères de rattachement et privilégiant, d'autre part, la notion
d'investissement, des mesures pratiques et très précises devront être prises en matière de
protection des actionnaires et créanciers, en matière de droit social, de sanctions pénales
applicables aux dirigeants de groupe et de droit fiscal.
PARAGRAPHE
1
LA
PROTECTION
DES
CREANCIERS
ET
DES
ACTIONNAIRES
- 234 - En cas de cessation des paiements, le principe à retenir est que le refus de
reconnaître l'autonomie patrimoniale par ïapport à la société-mère (et inversement) permet
d'accroître les garanties de paiement des créanciers.
L'action des créanciers contre une ou plusieurs sociétés du groupe peut avoir en
effet pour fondement la théorie de l'apparence (854). Il a été admis en jurisprudence que
des sociétés ne forment qu'un seul être moral lorsqu'elles ont "même siège social, même
personnel, même comprabiliré, même caisse, même mt~éro de téléphone" (855).
L'application de certains textes pourra accroître la protection des créanciers de la
société faillie. C'est le cas des actions en comblement du passif et en extension de faillite
(856).
(854) Cf.CALAIS-AULOY, ouvrage précité et, du même auteur; Protection des associés et créanciers des
g;oupes de sociétés en ciroit positif français, séminaire de Rennes, bp;cil., p.145-154.
(855) CU3 mai 1929,5.1929.1.289 et 19 juin 1929. S.1930.I.l76; cependant, dans un sens plus restrictif,
certains arrêts ont décidé que la notion d'apparence éwit insuffisante et qu'il fallait lui adjoindre une autre
notion, celle du contrôle (de la filiale par la société-mère), afin que l'action des créanciers fût recevable,
cLCour ct 'appel de Paris, 23 juillet 1936, S .1937 .11.4.
(856) Cf.en France, art.L.99, L.I0l (abrogée par la loi de 1985). L'article L.99 s'applique tant aux dirigeants
de droitllu'aux dirigeanrs dl'. Llit (''''.nf'.nd:lnl. lnr~{II1f'. 1"lCr;nn f'sl diriap(' ('nnlrr lf'.~ diri(W;lnl.~ ne fail. il v
354
D'une manière générale, l'extension de faillite est rendue possible grâce à la mise
en évidence d'indices établissant le lien de dépendance et l'existence d'une communauté
d'intérêt entre les sociétés du groupe (857).
La protection des actionnaires minoritaires hors groupe devrait procéder de la
possibilité pour eux de requérir l'inscription des projets de résolution à l'ordre du jour des
assemblées et, pour ceux détenant au moins 10% du capital, de faire procéder il une
expertise ponant sur une ou plusi"ùrs opérations de gestion.
PARAGRAPHE II - LA PROTECTION DES SALARIES
- 235 - Ne pouvant nous appesantir sur cette question, nous soulignerons essentiellement la
nécessité de prévoir des mesures destinées à préserver l'intérêt des salariés du groupe. Il
s'agit d'abord:
- de l'option de souscription d'actions en faveur du personnel salarié des filiales de la
société ou inversement, du personnel salarié d'une société mère sur les actions
offertes par ses filiales (858);
- du calcul de la participation des salariés d'un groupe sur les résultats du groupe
indépendamment de ceux des sociétés auxquelles le personnel est affecté.
aura lieu de rapporter \\a preuve qu'il s'agit d'un dirigeant de fait. Dans une intéressante étude, cLD.1975,
Chron.pAl, le Professeur RIVES-LAi"1GES a montré combien cette preuve était complexe à établir.
(857) Les indices sont naturellement très nombreux. L'existence de critères généralement retenus par la
jurisprudence -identité des dirigeants de siège social, de numéro de téléphone- est déduite de ce que:
- la société-mère délient la totalité des actions de la société lÏliale;
- les décisions principales sont prises par les décisions du groupe ct s'imposent à la filiale;
- le groupe se fait rembourser par ses filiales des "frais de groupe" dont il est bier. difficile
d'apprécier s'ils sont la contrevaleur exacte dc.s services rendus.
(858) CLFrance, arLL.2ü8-4
355
Par ajlleurs, l'existence d'un lien de dépendance (859) entre les sociétés du groupe
devrait avoir pour effet de préserver les avantages suivants:
- pennettre à un salarié de poursuivre, comme lOut créancier, le recouvrement de son
salaire contre une autre société du groupe;
- dans le cas de mutation d'un salarié d'une société à une autre, de le fajre bénéficier
des avantages cumulés des deux emplois successifs, notamment en ce qui concerne
l'ancienneté;
- faciliter la désignation d'un délégué syndical et la constitution d'un comité
d'entreprise.
Il n'est pas superflu de rappeler, à titre comparatif et pour corroborer nos
précédentes propositions, qu'en France, un rapport a fait apparaître la tendance de la
jurisprudence à accueillir systématiquement l'action des créanciers et des salariés,
autrement dit, à ne pas reconnaître au groupe, sauf rares exceptions, le droit de se prévaloir
de la personnalité morale indépendante de ses filiales. Or, fait intéressant, une tendance
similaire semble prédominer en Afrique noire francophone.
Cela étant, il n'en demeure pas molOS qu'un certain souci d'équilibre -entre les
intérêts des nationaux (du pays d'accueil) et ceux des investisseurs étrangers- devrait
présider au réaménagement du droit africain des groupes. De ce fajt, la méfiance
systématiquemem manifestée à l'égard des groupes devrait faire place à une posltlon
beaucoup plus neutre des tribunaux. Parallèlement à la protection des créanciers et des
salariés, il faudrait accorder ouvertement aux groupes une certaine "protection sous la
forme d'une loi précisant ses droits et obligations, même si ces dernières devraient être
étendues" (860).
(859) CLYvan SAADA, Rapport présenté sous le titre général "L'expert compt3ble judiciaire et les groupes
de sociétés", Rev.soc.1980, Op.CiL, v.spécialement p.678-680; "On peUl citer également un arrêl (inédit)
rendu le 3 novembre 1977 par la Cour d'appel de Paris qui reproche nOlammenl aux premiers juges d'avoir
refusé de reconnaitre à une sociélé mère française la qualité d'employeur. nOlammenl à l'égard du
personnel des filiales africaines.
Les magislrals d'appel relèvent en effet que si les sociétés africaines constituenl en apparence des
entités juridiques indépendantes, l'ensemble de la gestion du groupe est~en réalité assuré par la sociélé mère
avec les plus larges puovoirs sur tous les plans. technique, juridiqu.e, commercial. comptable el financier".
Comme le souligne le rapporteur, "ce n'est donc plus l'apparence qui est retenue ici pOlir juslifier la
décision, mais la tolale dépendance économique des filiales à l'égard de la sor:iélé mère ".
(860) CLSAA.DA., arl.précilé, p.680 : "Il serait en effet souhaitable que les groupes sachent à quoi s'en tenir.
Si ron veut par exemple que les sociétés mères répondent des delles de leurs filiales, il vaudrai! mieux que
cela soit dit dans une loi, piu/ôl que de laisser les groupes traduits devant les tribunaux et ajoU/er ainsi à la
355
Pour conclure brièvement sur la protection des créanciers, actionnaires et salariés,
nous soulignerons aussi, comme l'auteur d'un important rapport l'a fait en France, la
nécessité de recourir à l'expertise comptable chaque fois que les magistrats ne trouveront
pas dans les dossiers des parties suffisamment d'éléments de fait pour asseoir leur
décision.
En tout état de cause, l'action complémentaire des tribunaux et des experts
comptables est un aspect que les juristes africains ne devront pas négliger dans la
recherche des moyens de protection des intérêts nationaux contre la domination de groupes
étrangers (861).
PARAGRAPHE III . LA PROTECTION DES SOCIETES DE GROUPE PAR DES
MESURES D'ORDRE PENAL
- 236 - L'application dans les pays d'Afr·ique noire francophone de sanctions pénales en
matière de groupe de sociétés devrait permeme de renforcer la "prorection des intérêts que
compromettrait une trop grande indépendance des groupes de sociétés" (862).
n n'est pas de notre propos de procéder à une étude exhaustive des infractions
applicables aux filiales et participations. Nous mentionnerons cependant les types
ct' infractions les plus courants, qui mériteraient d'être retenues dans les législations des
pays d'Afrique noire au titre de la prévemion contre l'action des groupes étrangers. Il
s'agit :
- des infractions relatives à l'infœ-~nation des actionnaires (863);
- - - - - - - - - - - - - - - - - - -
suspicion le plus SOlivenl injuslifiée que le public conçoù à leur égard"; v.dans le même sens, CALAIS-
AULOY, Séminaire de Rennes, op;cil., p.146 : "fi serail donc désaslreux de faire peser ÇlJ2rion: une
suspicion sur lOus/es groupes de sociétés et de les entourer d' lUl carcan de règles si conlraignanles que leur
existence se trouverait remise en question".
(861) Cf.SAADA, op.cil., p.680 : "Il pourra ainsi êlre demandé à l'expeTl judiciaire de fournir au tribunal
ou à la Cour tous les éléments complémentaires d' appréciation, relatifs à l'apparence externe des groupes...
à leur structure in/erne ... et même à tOUle autre circonstance pouvant servir de fondemem à l'action des
créanciers ou salariés... "; cLen ce sens, arLI482 (COCC) relatif \\lu contrôle de la gestion ct des comptes du
GIE.
(862) Cf.Rappon de M.André GAILLARD, "L'expert comptable judici<.Jire face aux probli;mcs posés par les
groupes de société", op.cit., p.682 et s.
\\\\
(863) Il s'agit plus exactement des sanctions du défaut d'information qui frappent les dirigeants sciemment
défaillants et les commissaires aux comptes chargés du contrôle des associés dans le cas où la société
--_ • • '-,,~ rln,- f;l;"Ir'~: r:ï.art.1492 (COCC); v. également DUPONT-DELESTRAINT, op.cil., p.277 à 285.
357
- des infractions relatives aux participations réciproques (864);
- de l'abus des biens et du crédit sociaux et de l'abus de pouvoirs, caractérisé par le
fait que les mandataires sociaux agissent à des fins personnelles pour favoriser une
autre société ou entreprise dans
laquelles
ils sont intéressés directement ou
indirectement (865);
- des infractions visant les positions dominantes et les ententes il]" ;ites;
- des infractions relatives aux irrégularités commises à l'occasion de la constitution
d'un groupe ayant une réalité économique (majoration frauduleuse des apports,
usage de moyens frauduleux à l'occasion d'une offre publique d'achat. .. ) ou aux
irrégularirés relatives à la création ou à l'extension artificielle d'un groupe dépourvu
de véritable objet économique (866).
PARAGRAPHE IV - LA PROTECTION DES SOCIETES EN MATIERE FISCALE
- 237 - L'essentiel du budget des pays d'Afrique noire francophone provient des recettes
fiscales. Or, le développement de l' activiré internationale des groupes est de nature à
compromettre la mission de contrôle des adnùnistrations fiscales. Sans se rallier à
l'attitude extrême qui consiste à voir dans les groupes de sociétés des irréductibles
fraudeurs du fisc, force est d'admettre la profonde divergence des intérêts poursuivis par
les administrations fiscales
et
par les sociétés internationales les
uns recherchant
( l'imposition maximum, les autres le maximum de profit.
Pour faire apparaître l'intérêt qu'il convient'd'accorder d'un point de vue fiscal, au
phénomène des groupements internationaux, nous examinerons successivement : les
risques inhérents à l'implantation des groupes et la parade ou riposte fiscale des pays
africains.
(864) Cf.:lrt. J 538 (COCC) : "Seront punis d' une amende de 100.000 francs à 1.500.000 Francs, les
administrateurs ou les géraills de sociétés qui, sciemment, auront commis des infractions (lUx. dispositions
des anieles 1452 et 1453 concernant les parricipations réciproques ".
\\
(865) Cf.an.1491 (COCC) relativement au CIE etl'arl.1502 (COCC) applicable à la SA.
\\
(866) Cf.GAILLARD, op.cil., p.686
358
A - L'ETENDUE DES RISQUES ENCOURUS PAR LES PA YS AFRICAINS
- 238 - Il est impossible de procéder, dans le cadre limité de norre étude, à la revue de tous
les moyens et subterfuges dont peuvent user les sociétés ou entreprises afflliées à un
groupe pour réduire le revenu imposable (867).
Nous nous attacherons, essentiellement, au transfert indirect de bénéfices, en nous
bornant aux relations bilatérales "filiale africaine et société mère étrangère", étant entendu
que la réalité des affaires offre des schémas plus complexes : cas où la société mère
contrôle plusieurs sociétés ou encore l'hypothèse de relation entre une filiale et un
ensemble d'entreprises par le biais de panicipations, ou en venu d'accords contractuels
(licence d'exploitation ... ).
De fait, les risques les plus importants résultent en général de ce que les filiales ou
"antennes" de sociétés étrangères sont installées en Afrique, puisque dans le cas de
sociétés-mère implantées en Afrique l~ présomption de contrôle du groupe par les
dirigeants africains permet d'atténuer les risques de fraude. Cette dernière hypothèse sera
de toute manière écartée dans la mesure où notre étude vise avant tout la protection des
entreprises africaines contre une emprise excessive des groupes étrangers.
Ainsi que nous l'avons souligné, l'un des risques les plus courants réside dans le
transfert indirect des bénéfices qui se traduit par une diminution du bénéfice imposable de
la société (868).
Le transfert in,direct des bénéfices s'effectue par le biais de procédés, les plus variés:
- facturation à une valeur autre que la valeur normale (sur ou sous-facturation). Par
exemple, à l'occasion de la livraison d'un produit (ou d'une prestation de service) la
Société A, filiale d'une Société B, peut sous-facturer ou sur-facturer. Il en résulte une
perte de matière imposable pour les administrations fiscales des Etats où sont
implantées les Sociétés A et B;
(867) Cf.GOLDMAN, L'entreprise multinationale face au droit, op.cil., nowmment p.239-255 .
.\\ (868)CLCOZIAN, Lafiscalité desentreprises, LibrairiesTechniques,Paris 1988-1989, 12èéd. :cetauteura
1
qualifié cette distribution indirecte de "distribrüion camouflée" dans la mesure où elle n'obéit pas aux règles
\\
comptables de la distribution des bénéfices.
359
- création de sociétés "intermédiaires" ou sociétés de base aux fins de recueillir les
redevances, brevets ou licences d'exploitation des autres sociétés du groupe, à la
faveur de l'installation de la société holding dans un pays où les revenus tirés de la
propriété industrielle sont faiblement taxés. Ce "montage juridique" permet à la
société holding d'obtenir d'importants avantages fiscaux (869);
- le transfert de revenus peut se faire par le biais d'un contrat d'assistance liant les
sociétés d'un même groupe. Soulignons que les administrations fiscales se montrent
largement complaisames envers ce procédé en raison de sa très grande discrétion,
laquelle met les gouvernants "à l'abri des critiques qui pourraient leur être faites de
laisser s'appauvrir le pays par le capital étranger" (870);
- la pratique des prix de transfert permet également de contourner cenall1es
législations douanières ou fiscales (871) .
.,..
- Le groupe peut aussi aVOIr ll1teret à gonfler les bénéfices d'une filiale étrangère
(installée en Côte d'Ivoire par exemple) en dévalorisant ceux réalisés dans le pays
africains où la société mère à son siège social (Congo par exemple). L'inverse peut
être vrai, le fisc de la Côte d'Ivoire craignant que les prix pratiqués par la société
congolaise aient pour effet de réduire le bénéfice imputable à la filiale ivoirienne.
Notons enfin que l'implantation des groupes étrangers ne se fait pas au hasard
(872); elle se fonde essentiellement sur la recherche des pays où les taux d'imposition sont
les moins élevés, ce qui permet de réaliser un profit optimum.
A cet égard, les disparités législatives seront autant que possible à éviter dans les
pays d'Afrique noire francophone. L'harmonisation des législations fiscales, déjà réalisée
en panie (873), mais qui doit être renforcée en ce qui concerne tout particulièrement
(869)
COllAN, Op.CiL, n' 1064, p.3ï2 et S., n' 1057-1064, p.369-372.
(870) GOLDMAi\\i, LYON-CAEN (et autres auteurs), ouvrage précilé, p.246.
(871) GOLDMAt'i, LYON-CAEN (ct aulres aUleurs), ouvrage précité, p.247-24,9.
(872)
Cf.C;ntre Français du Commerce Extérieur (CFCE), Comment gérer le risque politique lié à vos
opérations internationales? Collection l'Exportateur, décembre 1981, nOLam meIH p.17-23. 35-45, 119-125.
(873) CLDoss.Intem.F.LEFEBVRE, AfLnoire l'L, op.ciL., v.spéci:.llemcnt p.733-764 où il est question des
unions douanières réalisées au sein de la Communaulé Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO), de la
Communaulé Economiquc des Elals de l'Afrique de 1'0uesl (CEDEAO) et de l'Union Douanièrc et
Economique des ELalS d'Afrique Centrale (UDEAC).
360
l'imposition des groupes de sociétés et l'instauration d'un système plus efficace d'échange
d'informations devrait permettre de mieux lutrer contre l'évasion fiscale.
Il est aisé de comprendre à la lueur de cette énumération non exhaustive des cas de
fraude à quel point la complexité des groupes peut entraver la tâche du fisc. Et ce d'autant
que la mise en évidence des transferts indirects n'est pas facile, dans la mesure où
l'administration doit apporter une double preuve:
- celle de l'existence de liens de 0~pendance entre la filiale et la société mère située à
l'étranger;
- celle que la société mère a consenti à la société affiliée (implantée en Afrique) un
avantage commercial ou financier: vente à prix préférentiel, avance sans intérêt,
redevance d'un taux excessif... (874).
En définitive, l'efficacité du contrôle fiscal est subordonnée à la mise en oeuvre
...
d'infrastructures matérielles et humaines (quantitativement et qualitativement) tellement
importantes que l'on est en droit de se demander si les pays d'Afrique noire francophone
seront en mesure de les acquérir à court ou moyen tenne (875).
B - LES PARADES POSSIBLES OU LA RIPOSTE FISCALE DES PA YS
AFRICAINS
- 239 - Face à la complexité des groupes de sociétés, les Etats d'Afrique noire francophone
auront tout intérêt à unir leurs efforts.
La parade la plus facilement applicable est d'ordre législatif :. signature de
conventions bilatérales' et multilatérales- de double imposition, adoption de l'établissement
stable comme critère de localisation des activités, recours au principe de la territorialité de
l'impôt. Celui-ci permet en effet, entre maints autres avantages, de traiter chaque
établissement comme une entreprise indépendante et de pallier ainsi les difficultés cie
ventilation des bénéfices du groupe, grâce à la tenue d'une comptabilité séparée (876).
(874) COZIA!'\\!, op.cil., p.321, p.366, n' 1047
(875) CLBON, SAADA. GAILLARD, FOURCADE Cl THORIN, "L'expert comptable judiciaire face aux
problèmes posés par les groupes de sociélés", op.cil.
(876) CLCOZIAt'J, Op.CiL, p.364-366
361
L'action concertée
du
fisc
et
de
la
douane
permet également
de
limiter
considérablement la tendance des groupes à minorer leurs prix de tïansfert (877).
Il convient de souligner, par ailleurs, que la partICIpation d'intérêts locaux
(africains), publics ou privés, dans le capital des filiales d'entreprises étrangères est un
excellent moyen de remédier à la pratique des transferts indirects de bénéfices.
Toujours en ce qui concerne la lutte contre les transferts irréguliers de bénéfices, les
Etats d' Afri r' 'le noire francophone devraient reten ir, comme en ch)it français, le principe
du renversement de la charge de la preuve (878). Cela revient à affecter d'une
présomption de transfert de bénéfices les versements effectués sur un compte tenu dans
une banque située dans un "paradis fiscal".
A défaut de preuve contraire, le montant de ces dépenses est réintégré dans les
résultats imposables. De surcroît, compte tenu du fait que la "reconstitution de la structure
financière d'lin groupe nécessite de patIents recoupements qui sont malaisés à rnener et
qui ne sont pas toujours significatifs", il serait souhaitable que les pays d'Afrique noire
optent, à l'instar des législations néerlandaise et suisse, pour un principe général
prescrivant que seules les dépenses nécessaires à la production de revenus peuvent se
déduire dans le calcul du bénéfice imposable, tandis que les autres dépenses, ou bien ne
sont pas déductibles ou bien sont considérées comme des distributions de dividendes
(879).
Il est intéressant de noter que l'usage de ce dernier procédé permet de àéjouer
également la fraude qui consiste à transférer des bénéfices sous le couvert de contrats
(880).
(sn) CLGOLD!vIAN, LYON-CAEN (et autres aUleurs), ouvrage précité, p.248 : "La minoralion du prix de
transfert des biens corporels par une réduction des prix exigibles au titre de la douane et une augmelllatioll
corrélative des bénéfices de la société importatrice".
( 878)
CLan.57, CG] Français aux termes duquel l' admnistraLion est dispensée d'apporter la preuve d'un
lien de dépendance et d'un avantage anormal: v.également COZlAN, op.cil., p.365-366, n'1047.
(879) Cf.GOLD'vlAN, LYON-CAEN (et autres auteurs), ouvrage précité, p.258.
(S80) Il peut S'UgiI de contralS d':1ssistancc; les statuts d'une filiale africaine de société étrangère peuvent
aussi prévoir par exemple ct' utiliser un brevet ou une marque apparlenant il la sociélé mère, moyennant une
redevance très improtante masquant en l'ail un transfen de bénéfices.
Notons, en outre, que les contrats peuvent être annulés pour cause d'iJlicéité lorsqu'il est avéré
qu'ils om pour objet de contourner la législation économique ou fiscale.
362
Enfin, même si un tel objectif paraît des plus difficiles à réaliser, nous nous devons
de souligner que l'harmonisation du régime fiscal des groupes doit permettre d'améliorer
la coopération non seulement des pays d'Afrique (entre eux) mais également avec les pays
étrangers à ce continent (881).
Analysant
le
régime
fiscal
des
sociétés
mères
et
filiales
IVOIrIennes,
M.MEISSONNlER, faisait observer que "le Marché financier ne pourra se développer
d'une manière importante que si des conditions favorables existent sur le plan fiscal au
profit des sociétés mères et filiales de nationalité ivoirienne". Or, l'on note à l'heure
actuelle, une nette dualité entre les régimes africain et étranger -ivoirien et français
notamment (882).
Malheureusement, il n'est pas aisé de trouver une solution satisfaisante à ce
problème, compte tenu de la présence derrière les principaux acteurs -c'est-à-dire la
société-mère et les sociétés affiliées, liées en principe par l'obligation de solidarité du
groupe- des pays d'implantation des diverses sociétés du groupe, animés, comme il se doit,
par des
intérêts -nationaux-
fondamentalement différents
de
ceux des
entreprises
étrangères.
En conclusion,
nous soulignerons toute l'efficacité qui
pourrait résulter àu
renforcement du devoir d'information des sociétés tant à l'égard des tiers que des
administrations fiscales.
Les sociétés devront, en effet, mentionner leurs prises de participation, rendre
compte dans leur rapport annuel, de l'activité de leurs filiales et annexer à leur bilan lin
tableau comportant des; renseignements en vue de faire apparaître la sirua(ion de leurs
filiales et participations~883).
(881) CLMEISSONNIER, PENANT, 1976, n'5753, p.357 el 358.
(882) CLMEISSONNIER, Le àroil des sociélés en CÔle d'Ivoire, PENAt'\\fT, n'753, 1976, p.351-372,
spécialemenl p.357 el 358 :
- "Les revenus des filiales sont imposés cize: la société mère â concurrence de 50% de leur mOlllant
net (contre 5% du mOntant brut en France).
- Le régime fiscal français, dit "des sociétés mères et filiales" est applicable lorsqu'une société
soumise à r impôt sur les sociétés détient au moins 10% du capital d'une autre société égalem,ent soumise à
l' 1.5.
Au contraire, en Côte d'Ivoire. le pourcentage de participatirlll esi fixé à 20% du capital de la
filiale.
Il resson de celle dualité de régime que le revenu global de l'actionnaire ivoirien est injërieur à
celui de l'actionnaire français".
(883) CL "L'expert comptable judiciaire... el les groupes de sociélés", op;ciL.
363
En outre, une grande liberté d'investigation devrait être octroyée aux commissaires
aux comptes en vue d'un meilleur contrôle des sociétés mères et des filiales.
Mais il est certain qu'en dépit de leur grande envergure, toutes les mesures
précitées -et celles qu'il resterait à prendre- se révèleront toujours nécessaires mais jamais
suffisantes en raison de la trop grande difficulté de détecter les groupes et de contrôler leur
activité.
Mais une réglementation partiellement efficace n'est-elle pas toujours préférable à
une réglementation quasi inexistante (voire totalement inefficace) ?
CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
0 0 0
- 240 - Le droit positif africain ne tient pas suffisamment compte du phénomène des
groupes de sociétés (884). Fondé essentiellement sur le droit français antérieur à la
réforme du 24 juillet! 966, il est destiné, en outre, à s'appliquer quasi exclusivement aux
ordres juridiques nationaux ou internes.
Or, la réalisation des vastes objectifs économiques prévus par les plans de
développement
n'est
guère
possible
désormais
sans
la
concentration
de
capitaux
(884) Pour une comparaison intéressante des législations française ct africaine, cf.Bernard SIivIEON, Les
fusions ct scissions de sociétés, Collection La vic de l'entreprise, éd.Dunod économie, p.2-3 : "Pendant
longtemps, le droit des sociétés a été dépourvu de tolite véritable réglementation des fusions et des scission,
de sociétés. En effet, ni le Code de commerce, ni la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés par aCiions ne
contenaient à f' origine de dispositions relatives à de telles opérations: ultérieurement quelques dispositions
éparses furent introduites dans la loi de 1867 par des textes pariiculiers sans pour autant constituer une
réglementalion d'ensemble de la matière.
Devant celle situatipn, les praticiens avaient été obligés d'organiser sur la base, des principes
généraux. du droit des contrats et du droit des sociétés le régime juridique applicable aux fusions et aux
scissions de sociétés. Il a fallu atlendre f' importante réforme opérée par la loi 66-537 du 24 juillet 7966 qui
constitue désormais avec ses textes d'application en partiCl/lier avec la décret 67-236 du 23 mars 7967, un
véritable "code" des sociétés pour que notre droit soit doré d'une réglementation d'ensemble des Ji/sions et
des scissions de sociétés.
La mLltière fait f' objet des articles 377 à 389 de la loi (Titre !, CIzapitre V, section 4) et des anicles
254 à 265 de son Décret d'application (Titre Il, CIzapi Ire IV).
364
importants et sans la multiplication des échanges économiques tant à l'intérieur du
continent africain qu'au delà de celui-ci (885).
Ce mouvement d'accélération du processus de développement doit se traduire à
brève échéance par une meilleure prise en compte du phénomène des groupes de sociétés.
Au reste, quelques Etats africains, sans doute conscients de son importance et faisant
oeuvre de précurseurs ont procédé, pour certains, à l'institution d'un Marché financier et
d'une Bourse des Valeurs (Côte d'Ivoire) et pour d'autres, à l'éla6oration d'un droit des
groupes (ProjFt de Loi du "BAMREL" et réfonne sénégalaise).
Compte tenu des qualités inhérentes à chacun des deux textes précités mais aussi
pour éviter toute rupture dans l'effort de construction du droit africain des sociétés, il nous
a paru indispensable d'en prendre acte et d'en faire le poi nt de départ de notre propre
réflexion, avec, toutefois, en arrière-pensée, l'idée d'une réglementation dépassant le
cadres nationaux, autrement dit, d"une réglementation africaine de groupes. Sur ce dernier
point, nous partageons le voeu récemment émis par un éminent spécialiste du droit africain
.,.
des sociétés:
En second lieu,
les
Etats africains pourraient créer un
organisme
supranarional.
par
exemple
une
Commission
permanente
du
droit
des
groupes,
ainsi
qu'une juridicriol!
internationale chargée de contrôler les groupes et de stawer sur
les conflits qui se préserueraiem" (886).
Mais rien ne sert de courir. .. : compte tenu de l'importance de la question, il parait
nécessaire de procéder, d'abord, au renforcement des législations internes en matière de
groupes de sociétés (887), en nous efforçant comme nous l'avons fait et selon l'optique du
(885) Une doctrine majoriLaire considère la multiplication de tels échanges, notamment entre les nations du
globe les moins favorisées comme la résultante d'un Nouvel Ordre Economique International. Sur celle
notion
très' largement développée,
v.notamment,
BEDJ AOUI,
Pour
un
nouvel
ordre
économique
international, Paris, Unesco, 1979,296 p.; BENCHIKH, Droit international du sous-développement, Nouvel
ordre dans la dépendance, Paris, Berger-Levrault, 1983, 331 p.; BEi\\fNOUNA, Droit international du
développement, Paris 1983, Berger-Levrault, 322 p.; BETTATI, Le nouvel ordre économ,ique international,
Que sais-je? PUF p.595-629, 123 p.; CARREAU, Le nouvel ordre. économique, J.D.I, juillet-septembre
1977, p.595-629: CASTANEDA, La Charte des droits et devoirs économiques des Etats, Annuaire Français
de Droit intemational, AFDI, Paris CNRS, 1974, p.31-56: VIRALLY, La Charte des droits et devolfs
économiques des Etats, MDI, 1974, p.57-78.
(886) CLMEISSONNIER, Droit des Sociétés en Côte d'Ivoire, PENANT, n'753 ,p.3ï2.
(887) Ibidem
365
Professeur CALAIS-AULOY "... Non pas tellement de favoriser la naissance et la vie des
groupes -on n' a pas besoin de lui (du droit) pour cela- mais plutôt de poser des conditions,
de mettre des bornes, de prévoir des contrôles, d'infliger des sanctions" (888).
Mieux vaudrait donc attendre, avant de légiférer de façon définitive à l'échelle du
continent africain, que l'on ait tiré les leçons que devrait fournir l'observation de la vie des
groupes de sociétés, notarnr'nent au regard des dispositions récentes de la loi sénégalaise
et/ou la prise en compte des propositions émises çà et là par un courant doctrinal africain
(889) minori'- ire et naissant mais non pas totalement absent.
(888) CALAIS-..l.ULOY, Protection des associés et créanciers des groupes de sociétés en droit positif
français, Sémin:Jire de Rennes, op.cil., p.145.
(889) CLnolammem BALIMA, op.cit, MEISSONNlER, op.cil. et de nom breux auteurs, surtout en ce qui
concerne les entreprises publiques en Afrique (infra 2ème Panie, n'247 et 5.).
366
CHAPITRE SECOND
0 0 0
LE REA.MENAGElVIENT DU DROIT DES FUSIONS
(ET OPERATIONS ASSIMILEES)
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
0 0 0
367
- 241 - A l'inverse du droit des groupes de sociétés, les fusions et opérations assimilées ont
fait
l'objet
d'une
réglementation
relativement
plus
importante
en
Afrique
noire
francophone. Il con vien t de rappeler, en effet, que la loi de 1867 applicable à la plupart de
ces pays (hormis la Guinée, le Mali et le Sénégal) y consacre certaines de ses dispositions
(art.3, 4 et 31 notamment).
Par ailleurs, la loi malienne de 1986, la loi sénégalaise de 1985 et le projet de loi du
BAMREL -lequel à notre connaissance, n'a malheureusement pas reçu de consécration
officielle- ont apporté des améliorations notables au texte de la loi du 24 juillet 1867.
L'harmonisation des législations des pays d'Afrique noire francophone en matière
de fusion (et opérations assimilées) devrait procéder de la prise en compte de l'acquis que
représente la loi de 1867, mais aussi des améliorations apportées par les textes les plus
récents. Ces deux idées se trouvent résumées dans le plan suivant:
- La loi de 1867, comme fondement du régime harmonisé des fusions en Afrique
noire francophone (Section 1).
- Les textes législatifs du Mali, du Sénégal et du BAMREL, comme compléments
indispensables de la loi de 1867 (Section II).
SECTION 1 - LA
LOI
DE
1867,
COMME
FONDEMENT
DU
REGIME
HARMONISE DES FUSIONS EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
- 242 - Dans la plupart des pays d'Afrique noire francophone, les opérations de fusion,
scission et d'apport partiel d'actif sont essentiellement régies par les articles 3, 4 et 31 de
la loi du 24 juillet 1867 (890), laquelle constitue le dispositif de base du droit positif.
(890) CUvIEISSOt\\TNIER, ouvrage précité, n'45 l, p.445 : "'IL est communément admis que l'anicle 4 de la loi
du 24 juillel 1867 s'applique en matière de fusion, de scission ou d'apport partiel d'actif et que la procédure
qu'il édicte doit se réaliser au sein de la société absorbante ou de la société nouvelle".
368
La loi précitée a cependant fait l'objet de modifications dans la période antérieure à
l'accession à l'indépendance des pays africains concemés par la présente étude. Ainsi,
l'article 3, alinéa 6 de la loi de 1867 a été modifié par le décret du 7 décembre 1954,
déclaré applicable en Afrique noire francophone par le décret du 13 novembre 1956.
Aux termes de ce texte, l'interdiction temporaire de négocier les actions d'apport
ne s'applique pas aux actions d'appon attribuées à une société par actions ayant, lors de la
fusion ou de l'apport, plus de deux ans d'existence sous cette forme. Ces dispositions,
limitées à l'r,rigine au seul cas de fusion, ont été étendues par ]p décret du 7 décembre
1954 aux opérations d'apport partiel d'actif.
Soulignons, par ailleurs, que, confomlément aux dispositions du décret-loi du 30
octobre 1935 et de la loi du 23 janvier 1929, la dissolution d'une société en vue d'une
fusion doit être soumise à] 'assemblée générale des porteurs de parts si la société absorbée
a émis des titres de cette nature (891) et que l'assemblée des obligataires doit être
convoquée pour approuver la fusion de la société avec une autre société (892).
Les modalités essentielles que prévoit la loi de 1867, relativement au déroulement
des opérations de fusion, peuvent être rappelées brièvement.
Pour [Outes ces opérations (fusions et opérations assimilées), les dirigeants des
sociétés cOllcemées doivent procéder à une étude des conditions financières et à
l'élaboration du projet de fusion (ou de scission ... ). A ce stade de la procédure, la difficulté
principale réside dans l'appréciation et la déteffilination de l'actif des sociétés fusionnantes
ou scindées. D'où l'intérêt de convoquer les commissaires aux apports, lesquels doivent
présenter un rappon aux fins d'éclairer les actionnaires sur les modali tés de la fusion.
Une fois la convention de fusion établie et signéè, le conseil d'administration de
chacune des sociétés apporte uses convoque l'assemblée générale extraordinaire des
actionnaires, celle-ci ayant pour objet d'approuver la convention de fusion èt de conférer
tous pouvoirs au Conseil d'administration en vue d'en poursuivre l'exécution.
(891) CLart.1 O. Loi du 23 janvier 1929 sur les pans de fondaleur (e1ée laré applicable aUX Colonies en venu
du décrel du 25 février 1931), modifïé par le décrel du 18 seplembre 195'-t étcndam les disposiLions des arl.5
et 10 de la loi du 25 février 1953.
(892) CLan.lO. décret-loi du 30 octobre 1935 relatif à la protection des obligataires (applicable aux Colonies
par décret du 13 janvier 1938, art.35).
369
Comme nous l'avons précédemment indiqué, la décision de l'assemblée générale
extraordinaire doit être ratifiée, le cas échéant, par les assemblées spéciales d'actionnaires
lorsqu'il existe des catégories d'actions différentes, par l'assemblée générale des porteurs
de parts bénéficiaires ou encore par l'assemblée des obligataires.
S'agissant de la publicité, diverses formalités doivent être accomplies en cas de
fusion par voie de constitution d'une société nouvelle ou par voie d'absorption d'une ou
plusieurs sociétés par une autre société préexistante. Il s'agit, notamment (893), du dépôt
au greffe (111 tribunal de commerce du lieu du siège social r<~ chacune des sociétés
concernées:
- de deux copies certifiées conformes du procès-verbal de la délibération de
l'assemblée générale extraordinaire ayant décidé la fusion et du procès-verbal de la
délibération de l'assemblée généïale constitutive de la société nouvelle (ou de la
société absorbante) cons tatant la réalisation défin iti ve de la fusion;
- de deux copies certifiées conformes du rapport du ou des commissaires aux apports
et de deux expéditions ou originaux de la convention de fusion.
Soulignons, par ailleurs, que la dissolution de chacune des sociétés apponeuses (ou
des sociétés absorbées), la constitution d'une société nouvelle (ou l'augmentation du
capital de la société absorbante) doivent être publiées dans un journal d'annonces lég,d,;~).
Aux dispositions précédentes, issues de la loi de 1367 et des textes subséquents, il
convient d'ajouter les modifications apportées depuis l'indépendance (années (0) par k
Gabon, la Guinée, le Mali, le Sénégal et le "BAMREL". Précisons, cependant, à titre
méthodologique, que les législations du Sénégal et du BAiVIREL feront l'objet du prochain
paragraphe.
Au Gabon, r article 4 de la loi du 24 juillet 1867 a été remplacé par cenaines
dispositions de
la loi
n' 13-69 du
31
décembre
1969.
Malheureusement,
en
fait
d'innovation, l'article 4 de la loi gabonaise précitée a pour seul effet de limiter
l'intervention des commissaires aux apports effectués pendant la période de constitution de
(893) Il existe d'3Ulres formalités de publiciré ad3ptées aux modalités de l'opération de fusion ct:l 13 nature
des apports (cCvIEISSONNTER, ouvrage précité, n'488 et s., pA75 et 476). S'agissant par cxcmplc des
apports immobiiicrs, cPvLE1SSONNlER, ouvrage précité, n'488, p.475-477.
Notons, par ailleurs, qu'en matière de SA les formalités cie publicité prévues par les am.55 ct s. dc
la loi du 24 juillet 1867 cloivcnt être accomplies en cas de création d'unc société nouvelle.
370
la société (894). Cette situation déplorable résulte d'une "erreur de rédaction ou d'un
oubli", le texte de loi gabonais disposant en substance que la désignation par décision de
justice d'un ou plusieurs commissaires aux apports ne peut intervenir qu'à la demande des
fondateurs ou de l'un d'entre eux.
Comme le souligne M.MEISSONNIER, le législateur gabonais se doit de "réparer
au plus tôt la lacune incontestable qui résulte de la loi du 31 décembre 1969, en précisant
que le mode de désignation des commissaires aiL\\: apports s'applique aussi bien en cas de
création de société qu'en cours de vie 5·."ciale et, en particulier, en matière de fusion, de
scission et d'apport partiel d'actif' (895).
En Guinée, la récente Ordonnance 119 du 17 mai 1985 n'a pas apporté de solution
originale et ne s'est pas démarquée de la loi de 1867. L'Ordonnance guinéenne a en effet
repris dans l'alinéa 5 de l'article 40, les dispositions de l'article 3, alinéa 6, de la loi de
1867, relatives à la négociabi li té des actions d'apport.
Une particularité peut être mentionnée. L' article 59-2, de l'Ordonnance guinéenne
exige le quorum des trois quarts du capital social -et non pas des deux tiers comme dans la
plupart des pays d'Afrique noire francophone (896)- en matière d'assemblée générale
extraordinaire.
En revanche, aucune définition n'est donnée par l'Ordonnance 119, de la fusion et
des opérations
assimilées.
De
même,
et
c'est
la
seule différence
fondamentale,
l'Ordonnance guinéenne de 1985, n'a pas prévu en matière de fusion, de scission ou
d'apport partiel d'actif, ou même d'apport pur el simple, la limitation à dix -exigée par
l'article 27 de la loi de 1867- du nombre de' voix dont chaque actionnd.ire peut être
titulaire au maximum et n'a pas exclu pour le calcul du quorum et de la majorité, les voix
appartenant à l'apponeur en cause, et ceci dans le vote de la résolution consacrée à l'apport
dudit actionnaire.
(894) Cf.MEISSONNIER, ouvrage précité, n' 194, p.?17 el n'451 , p,444-445.
(895) CLMEISSONNIER, ouvrage précité, n '451, p.444-.l~5. NOLa : "L'ar/ide.:l de la loi du 24 juille/ 7&57,
abrogé par r article 7er de la loi gabonaise du 37 décembre 1969, avaiI une rédaction plus générale c/
n'opéerail (WCu/le disline/ion en/re les appons ejfcuués lors de la eons/ilUlion d'uen SA ou en cours de vie
sociale" (cf.\\-1EISSONNIER, OllvT:.lge précité, n'451, p.445).
(896)
CLarL31, in fine, L.I867
371
En ré~ùité, c'est exclusivement l'alinéa 5 de l'article 40, précité, qui fait état de la
fusion ou de l'apport partiel d'actif (897).
CONCLUSION
- 243 - De manière générale, les développements précédents font apparaître très nettement
que les innovations apportées par les législateurs gabonais et guinéen n'ont pas de réelle
portée. C'est donc la loi de 1867 (et les textes subséquents) dont nous venons d'exposer
rapidement les grandes lignes (898), qui doit demeurer le dispositif législatif de base. La
loi de 1867 n'est cependant pas dépourvue de lacunes; d'où la nécessité de la compléter en
recourant aux mesures complémentaires prévues par les textes législatifs du BAMREL et
du Sénégal.
SECTION II . LES TEXTES LEGISLATIFS DU SENEGAL ET DU BAMREL,
COMME COMPLEMENTS INDISPENSABLES DE LA LOI DE 1867
- 244 - En Afrique noire francophone, le droit positif n'est pas réductible à la loi du 24
juillet 1867 (et les textes subséquents). En effet, comme nous l'avons précédemment
souligné, la loi sénégalaise de 1985, en ses articles 1454 à 1472, la loi malienne de 1986
(897) Il s'agit là d'une critique formulée par M.MElSSONNIER sous l'empire de la loi guinéenne antérieure
(L.1962), mais Ljui reste encore valable, l'Ord.1 19 n'ayanl apponé aucune innovation en matière de fusion,
l'anAO, al.5 ayam élé simplemenl subslitué à l'an.64, al.5 (L.1962); cf.MEISSONNlER, ouvrage précité.
n'452, p.44ï.
(898) Pour une information plus complèle, cLMEISSON"NlER, ouvrage précilé, p.443-491.
372
(art.578 à 600, C.Com.) et le projet de loi du BAMREL (899), en ses articles 151 à 170,
ont réalisé une véritable refonte du droit des fusions de sociétés.
Outre les qualités qui les caractérisent quant au fond, les textes précités ont procédé
à la codification de la matière, ce qui est très appréciable, 1'hétérogénéité des législations
étant l'un des obstacles à vaincre -d'urgence- dans les pays d'Afrique noire francophone.
S'il est vrai que les texte:> de loi du Mali, du Sénégal et du BAMREL sont d'une
grande valet
juridique, le second nous paraît être cependant de neilleure facture, ainsi
que nous le verrons par la suite.
Les dispositions législatives du BAMREL, du Mali et du SENEGAL -destinées à
compléter la loi de 1867- comprendront: d'une part des dispositions "complémentaires"
d'ordre général (Paragraphe 1) et, d'autre part, des dispositions spécifiques à l'amélioration
de l'information (Paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 . LES
DISPOSITIONS
COMPLEMENTAIRES
D'ORDRE
GENERAL
- 245 - Sur plusieurs points, les textes du Mali, du Sénégal et du BAMREL remédient aux
lacunes de la loi de 1867.
Ainsi. l'article 585 (C.Com.), l'anicle 1460 (COCC) et l'anicle 154 (Bamrel)
prévoient l'iiltè[vention d'un (ou plusieurs) commissaire aux comptes en cas de fusion, de
scission ou d'apport partiel d'actif. Rappelons que la loi de 1867 ne compone aucune
disposition de cette nature.
(899) Bien que n'ayant pas reçu de consécration officielle, pour des raisons non précisées..., le texte du projet
de loi du BA~iREL, dont \\a conception est po:'itérieure à la loi de 1867, revêl un caraclère d'actualilé et a
pour nous valeur de droil positiL
Nota: Le projel de loi du BAMREL figure notamment dans la lhèse de M.BALIMA, op.cil.,
annexes, p. 1 ct s.. spécialement p.155-161 en ce qui concerne les rusions.
- Bien qu'il ail élé élaboré sous l'égide de j'OCAM (Organisation Commune Africaine el
Mauricienne), le projet du BAMREL (Bureau Africain et i\\.'lauricien de Recherches et d'Etudes Législalives)
peuL s'appliquer à d'aulres Etats non membres de rOCAM en vertu de l'article 22 de la Consitution
conslilulive du BAlVIREL (Convention du 9 seplembre 1977), cf.BALEvlA, op.cil., p.549.
Soulignons que les Etats suivants ne sont plus membres de !'OCAM : Cameroun, Congo, Gabon,
Madagascar, 0.buritanie. Tchad, Zaïre. Précisons, en OUlre, que !'OC'\\!V! comprenait en 1980 les Etats
suivants: Benin. Côte-d'Ivoire, Haute-Valla, Maurice, Niger, Républiquc CC!l trafrie<iÎ ne, Ruranda, Sénégal,
Togo; cLGLELE-AHANHA1'\\iZO, "Introduction à l'Organisation de l'Ul1Ité Africaine el aux organisalions
régionales afric:.lines", pr<5facc de M.Abdou DIOUF, LGDJ 1986, p.52, nOlammenl. CLégalement Chane de
l'Organisation Commune Africaine el Malgache (OCAM), Tananarive, 27 juin 1966 et Kinshasa, 28 janvier
1969, en annexe de l' Ouvraf!.e précité, p.54ü à 544.
373
De même, le droit d'opposition qui doit être normalement accordé aux créanciers
des sociétés participant aux opérations de fusion, pour leur pemlettre de sauvegarder leurs
droits, n'est pas prévu par la loi de 1867. En revanche, les articles 590 (C.Com.) et 1464
(COCC) font état de la procédure d'opposition et du remboursement par la société
absorbante des créanciers non obligataires de la société absorbée, le remboursement des
obligataires de la société absorbée étalll prévu aux articles 589 (C.Com.) et 1463 (COCC).
Le tex to du BAMREL comporte des dispositions de même r1.ture, les articles 155,
a1.2, 158 et 159 reconnaissant aux obligataires de la société absorbante et de la société
absorbée ainsi qu'aux créanciers non obligataires de la société absorbée et de la société
absorbante, dont la créance est antérieure à la publication du projet de fusion, le droit
d'exiger, dans les trente jours de cette publication, la constitution de cette sûreté.
Aux temles de l'alinéa 2 de l'article 158 (BAMREL), la société est dispensée de
constituer une sûreté si la dette, même non échue, est remboursée soit avant la décision du
tribunal, soit au plus tard, dans le mois de cette décision.
En outre, pour faciliter l'exercice du droit d'opposition, l'article 156, alinéa 2
(BAMREL), prévoit la possibilité pour tout intéressé de prendre connaissance et copie
intégrale ou partielle du projet de fusion et des annexes déposées au greffe du tribunal clu
lieu du siège social des sociétés absorbantes et absorbée ainsi qu'au siège social des
sociétés (900).
Par ailleurs, les législations des pays d'Afrique noire francophone ne fixent pas le
délai nécessaire à l'accomplissement des formalités de publicité relatives aux opérations de
fusion. A l'inverse, le projet de loi du BAMREL prévoit en son article 155, que:
"/'avis du pro.iel de fusion esr publié WI mois au moins ava!H la
dare pour laquelle esr convoquée /'assemblée générale, au Journal
Officiel er dans les jounWlL'C d' annonces légales. Le même délai de
rrenre jours doir êrre observé en ce qui concerne le dépôr du
conrrar de fusion, passé par acre norarié, pour inscriprion au
regisrre du cornmerce du rribunal du siège social ... " (901).
(900) Les légi~I~llions malienne (ar1.582, C.Com.) et sénégalaise (art. 1457, COCC) font essentiellement éwt
du dépôt du proJct de contrat au greffe du licu du siège des sociétés absorbantes et absorbées.
(901) Au Sénégal, l'art.l457 (COCC) renvoie au décret d'application de la loi de 1985, en ce qui concerne
les formalités de publicité.
374
Au Mali et au Sénégal, les articles 598 (C.Com.) et 147:2 (COCC) prévoient des
mesures relatives aux fusions de SARL. Les dispositions de cet article sont importantes
dans la mesure où elles remédient à l'une des lacunes du projet de loi du BAMREL, lequel
est exclusivement consacré aux sociétés anonymes.
En revanche, la loi sénégalaise -tout comme cellè de 1867, mais à l'inverse de la loi
malienne (art.S81, C.Com.)- n'énumère pas les mentions essentielles que doit comporter le
projet dt' fusion (902). Or, l'importance du droit d'informati 0 11 est telle qu'il nous parait
utile de lui consacrer une étude particulière.
PARAGRAPHE II - LES DISPOSITIONS COMPLEMENTAIRES, SPECIFIQUES
A L' AMELIORATION DE L'INFORMATION EN MATIERE DE FUSION
- 246 - Dans la perspective d'un renforcement des kgislations des pays d'Afrique noire
francophone en matière de fusion de sociétés, il paraît nécessaire de partir de ce qui existe
déjà, c'est-à-dire des législations malienne et sénégalaise et du projet de loi du BAMREL
(bien que ce dernier n'ait reçu de consécration officielle).
L'amélioration de l'information apparaît comme une mesure importante car les
fusions ont des conséquences sociales non négligeables. Elles mettent souvent en cause
l'emploi des cadres supérieurs et en général du personnel (903).
Par ailleurs, les créanciers sont eux aussi affectés par les fusions. Il s'agir non
seulement des créanciers généraux, mais aussi des personnes liées à l'entreprise par une
relation contractuelle ayant un certain caractère de durée et d' intui tus personae. Or, pour
poursuivre la relation contractuelle, ces dernières ont intérêt à être informées car la fusion
peut bouleverser les prestations exigées par le contrat.
La fusion qui est une des techniques de concentration peut aboutir, en l'absence de
contrôle rigoureux, à l'abus de position dominante. C'est ce qui justifierait la création en
(902) CLMEISSONNlER, ouvrage préciLé, n '458, pASO.
(903) CLBERLlOZ, L'information en mmière de fusions, p.262-301 in L'informmion en droil privé, Travaux
de la conférence d'agrégaLion, sous la direcLion de Y.LOUSSOUARN el P.LAGARDE, Bibliolhèquc de
DroiL Privé, LGDJ, 1978.
375
Afrique, d'Organismes de contrôle des opérations boursières et de concentration (904),
surtout dans la perspective d'une han11onis:ltion des législations et du renforcement de
l'intégr:ltion régionale par le biais de la Société Africaine de caractère supranation:ll (supra
°ÎO""
n ~ jet s )
..
L'examen des dispositions que le projet du BAMREL et les lois malienne et
sénégalaise consacrent aux fusions de sociétés suscite une observation majeure: les lois
malienne et sénégalaise présentent un caractère beaucoup plus "général" que le projet du
BAMREL, lequel révèle une plus grande précision tr--hnique sur les points essentiels.
Le premier effort de réaménagement du texte sénégalais, pourtant remarquable par
ailleurs, devrait porter sur la prise en compte à titre complémentaire des différentes
techniques de concentration. Il semblerait en effet, au regard du Code Sénégalais, qu'une
place importante ait été faite au contrat de groupe ou aux fusions et scissions et ce, au
détriment de notions voisines telles que la cession de contrôle, les apports partiels d'actif ....,
(905).
Malgré cette critique générale, les textes de loi du ('vIali, du Sénégal et du BAMREL
ne manquent pas d'intérêt, bien que le dernier nous semble préférable au premier tout au
moins en ce qui concerne la fusion.
C'est ainsi que le "droit à une information préalable à la décision de fusion" est
assuré de manière plus complète (906). Il est notamment fait état de la possibilité pour
tout intéressé de prendre connaissance ou même copie intégrale du projet de fusion et de
ses annexes déposées :lU greffe du tribunal du lieu du siège social des sociétés absorbantes
ou absorbées (art. 156, Bamrel).
(904) En Franœ, la COB (Commission des Opérations cie Bourse), si elle ne peuL contrôler "équiLé de
['opération de fusion, surveille l'information qui est donnée, cr.rJpporL COB, 1971, p.229, rJppoa COB
1973, p.222: v.également P.BEZARD el P.CHAPUT, La COB el la protection des actionnaires minoritaires
dans les groupes de soc iélés, Rev .50c.1982, p.481-507.
(905) Cf.BERLlOZ, op.cil., p.264 : "Sur le plan économique différentes techniques de concentration SO/il
analogues â la jÎuion. La fusion est analogue à la cession de contrôle, elle a d'ailleurs été q;wlifiée d~
"conuôle par absorption ".... Apports partiels d' (lctif. JÎuions absorptions, fusions scissions, cesssions
d'actions. conslitulions de filiales communes Cil particulier par apports partiels d'actif sont des procédés
économiquemelll voisins qui peuvent être Luilisés o{tcrMuivemelll ou cumulaiivemem dans les opéraLi{ll1s de
concentration": Nota: Ces diverses opérJtions sont certes prévues par la loi sénégalaise, mais de manière
synthéti4ue et peu détaillée, cLarl.1454 à 1471 (COCe).
(906) Cf.an.15), 156 et 161 du projel de loi du BAMREL.
376
S'agissant des informations que doit contenir le projèt de fusion, lesquelles ne sont
pas prévUès par la loi sénégalaise (907), le texte du BAMREL, comme celui du Mali
(art.581, C.Com.), fait notamment référence à la désignation et à l'évaluation de l'actif et
du passif, aux prévisions de rransmission de l'actif et du passif, au rapport d'échange des
droits sociaux, lequel revêt un caractère définitif et non simplement indicatif car il
constitue l'une des modalités essentielles de l'opération (908). Rappelons, par ailleurs,
que conformément aux dispositions de la loi de 1867, lorsque l'actif de la société absorbée
comprend des biens immobiliers, le contrat de fusion doit être dressé en la forme
authentique (909) etcontpnir certaines énonciations (910). Soulignons égalemp.nt que les
deux modes de publicité exigibles en la matière ont été prévus par la loi sénégalaise et le
(907) Les articles 155, 156 et 153 (plus particulièremcnt) énumèrent de manière exhaustive les rubriques
devant être mentionnées par le projet de fusion.
Au Sénégal, l'ar1.l457 (COCC) renvoie au décret d'application cie la loi de 1985. Or l'articlc204 du
projet de décret dispose: 'Le projet de contrat de groupe prévu. pur l'article 1444, alinéa 1 de la loi 85-4IJ
sur les sociétés cOllllllerciales est inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans le
département dl( siège social de chacune des sociétés membre du groupe~ (c'est nous qui soulignons le mot
département, pour le moins curieux dans Je cas du Sénégal !).
V.également nOle 908.
(908) Les indications clev;:lI1t Figurer dans le projet de fusion ou de scission, que n 'avait pas prévues la loi :-15-
40 du 29 juillet 1985 sur les sociétés commerciales, sont mentionnées dans le récent projet de décret
d'application (3n.21 0) dc la loi précitée.
Elles se rapprochent sensiblement des mentions visées à j·an.581, C.Com. (Mali) ct sont. en tout
cas. moins complètes que celles de l'art.153 (BAivIREL.!.
CLan.153 c) ct an.154 (BAMREL); Adde BERUOZ, Op.CiL, p.27ü. 11 est important de souligner
que ces mentions qui lïgurelll dans la loi française de 1966 (an.254, al.3), n'ont pas été prévues par la loi de
1867, applicable dans!J plupart des pays d'Afrique noire francophone.
(909) Le rtcoUfs à la forme notariée est prévu par les articles 153 ct 160 (BAMREL). Au Sénégal, l'article
1461 (COCC) qui renvoie à 1'3rt. 1344 accorde une importance particulière à la vérificaLion des apports en
nature. De même, les artic1cs 1466, 1459 et 146], soumeuent, le cas échéalll, "la fusion ou l'absorption" à la
ratification d'assemblées spéciales prévues par l' art.131 O.
Il est à souligner que cenaines législaLions africaines consacrent le recours à l';:lCte aUlhelllique en
matière de fusion: cLLoi n'61-20 du 27 juin 1961 (Col,ivIEROUN). Mais cc sont les assemblées dites à
caractère constitutif (ou les assemblées spéciales) qui SlJ.LUcnt généralement en matière d'apport en nature ou
de fusion; cUvlEISSONN 1ER, El A, Op.CiL, p.135 ct 139 notamment; il est également prévu la désignation de
commissaires aux apports: cLLoi n' 13-69 du 31 décembre 1969, abrogeantl'artA de la loi du 24 juillet 1867
(GABON), an.n, Ord.119 du 17 mai 1985, (GUINEE), Adde wlEISSONNŒR, Droit des sociétés en
Afrique, op.. cit.. pA44-447 notamment ct El A Droit des sociétés en Afrique, op.cil.. p.141 notamment.
La solution sénégalaise, conforme al! droit positif arricain, doit être approuvée.
(910) Ces énonciatiOlls sont rclati ves il 1ïdenti fication des sociétés participant 8. l'opération ct il celle de:)
biens immobiliers compris dans l'appon.
En cas d'apport de londs de commerce, le projet de fusion doit cOlllcnir lcs énollciation:) relatives ~lü
réglemem du prix de veille du fonds, au chiffre d'affaire et au bénéfice des trois dernières années
d'exploitation.
377
projet de loi du BAMREL : il s'agit, tout d'abord, du dépôt au greffe, ensuite, des
insertions dans les journaux d'annonces légales (911).
Outre les informations précitées, que doit contenir le projet de fusion, les
législateurs des pays d'Afrique noire francophone devraient y faire figure;- d'autres
mentions; par exemple, les conditions auxquelles les obligataires de la société absorbée qui
n'auraient pas demandé le remboursement de leurs obligations peuvent conserver leur
qualité dans la société nouvelle (912),
Le projet du BAMREL a également prévu l'obligation d'établir les statuts de la
société à constituer en même temps que le projet de fusion, obligation qui résulte de ce que
les clauses statutaires font partie des conditions de la fusion (913).
La publicité du projet de fusion porte à la connaissance des créanciers et de tous les
intéressés l'existence du projet de fusion et leur donne certains des renseignements
essentiels. Elle pemlet également aux créanciers sociaux et non oblig;:ltaires des sociétés
concernées d'exercer les droits d'opposition qui leur sont contiés (914).
Compte tenu de leur intérêt pratique, les mesures de publicité (du projet) devront
apparaître comme l'une des principales armatures du droit des fusions en Afrique noire
francophone.
Par ailleurs, en vue de renforcer la protection des créanciers, il conviendrait d'~
compléter cenaines des dispositions applicables aux pays d'Afrique noire francophone -
excepté le Nbli et k Sénégal -, par des mesures prévoyant pour les créanciers obligataires,
(911) CLart.f55 (BAMREL); au Sénégal, l'ar1.1457 prévoit une publicité doritles modalités sont fixées par
décret; v.en ce sens, arl.211 du projet de décret d'application de la loi sénégalaise de 1985. S'agissant du
Mali, cLar1.582, 589 et 594, C.Com.
(912) A cet égard, les textes malien et sénégalais mentionnent que "tout obligataire qui n' a pas demandé le
remboursemenl dans le délai fixé par décret conserve sa qualité dans la société absorbante aux conditions
fixées par le COlltrat de fusion " (ar1.589, C.Com. ct 1463, aU CaCC).
Moins précis sur celle question, le projet de loi du BAiVIREL se borne à mentioner en ses articles
158 el 159 nOlamment, la possibilité d'exiger la constitution d'une sûreté à moins que la dette ne soit
remboursée avant la décision du lIibunal.
(913) An.153 (BAMREL); an.1462 ct 1467, cacc (SENEGAL); arl.593, C.Com. (MALI).
(914) Cfan. art. 1457, art. 1464, a1.1, art. 1465, COCC (Sénégal); art.S9ü et 596, C.COIll.
(Mali). Il s'agit là d'une mesure importante, à'autant que la loi de 1867 applicable aux
pays d'Afrique noire francophone, à la différence de la loi française du 24 juillet 1966 "ne
prévoit aucune procédure d'opposition, cfMEISSONNLER, Droit des sociétés en Afrique,
op.cit., pAS 1.
378
l'exigibilité de la créance en cas de non constitution de la sûreté exigée par le juge, la
possibilité de suspension de prise d'effet de la fusion et le rejet de remboursement si le
créancier dispose déjà de sûretés suffisan tes (915).
Dans la même perspective,
il conviendrait, en cas de SCISSIon, de rétablir
l'obligation de solidarité des sociétés bénéficiaires de la scission à l'égard de la (ou des)
société scindée. C'est à tort, pensons-nous, que les articles 596 et 1470 des lois malienne
et sénégalaise accordent aux sociétés bénéficiaires de la scission le droit de ne répondre
:-'1Je de "la partie du passif de la société scindée r';se à la charge respective et sailS
solidarité entre elles" (916).
Enfin, il est à préciser que l'ensemble des dispositions précédentes ne vise que les
sociétés anonymes. Par conséquent, les législateurs des pays d'Afrique noire francophone
devront veiller à les étendre et à les adapter le cas échéant, à d'autres types de société
(917), ainsi que l'ont fait les législateurs malien et sénégalais (art,598, C.Com.et 1472,
COCC).
(915) Cf.mt.l463 et 1464 (COCC), art.589 et 594 (C.Com.).
(916) Il vaudrélil mieux ériger en principe l'obligation de solidarité. étant entendu que cela n'exclurail pas la
possibilité pour les organes des sociétés concernées de dégager leur responsabilité en apponant \\cs preuves
néccSSél ires.
CL3fL.I63 (BAr.·fREL) : "La fusion en/raÎne de plein droi! la transmission universelle. rant entre la
société absorbée et la société absorbante qu'à régard des tiers, de rensemble du patrimoine actif el passif
de la société absorbée à la sociélé absorbante ".
\\lég., art.l64 (BAl'v1REL) : "Les orgalles chargés de la direclioll de clll1cune des sociétés sont,
solidairenlcnt responsables envers leur société des infractions il/CC disposi!ions du présent litre. de IOule'
décision prise li rencontre de {' intérét de lellr société ou de lOUfe erreur manifeste. Vil membre Ile pelll être
déchargé de sa responsabilité qu' en démontrom qu' (JuCilne faille ne lui est il/lpuwble".
(917) CLen cc sens, MEISSONNIER, ouvrage précité, n'450, ]1.452-453. sur les adaptations concernant
l'organe habilité à décider la scission ou la fusion, selon que la société absorbée ou scindée est une société en
commandite par actions, une SARL, une société en nom collectif ou cn commandite simple.
379
TITRE TRüISIEME
0 0 0
LA NECESSAIRE RESTRUCTURATION
DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE
EN AFRIQUE N,OIRE FRANCOPHONE
0 0 0
380
INTRODUCTION
0 0 0
- 247 - Dans sa configuration actuelle, l'entreprise publique, en Afrique noire francophone,
ne dispose pas des éléments nécessaires à une gestion saine, efficace et conforme à
l'attente des gouvernants.
Bien que multiples, les maux qui la minent ont pour dénominateur commun,
l'absence d'autonomie, liée à l'interventionnisme des pouvoirs publics (918), laquelle se
traduit par une gestion rigide, les organes de l'entreprise n'ayallt aucun pouvoir de décision
et devant se borner à appliquer les directives des instances suprêmes.
L'asservissement de l'entreprise publique est d'autant plus complet que l'Etat
renforce généralement sa prééminence par la multiplication des contrôles et qu'il argue de
ses prérogatives de puissance publique pour éluder sa responsabilité (ou celle de ses
représentants) ou pour faire échec à toute action visant à mettre en cause ses éventuelles
erreurs de gestion.
Compte tenu de l'étendue de la question, les solutions proposées ne saunuem eLTe
exhaustives. Nous nous bornerons en conséquence à l'examen de quelques idéès
directrices que nous avons regroupées autour de deux thèmes majeurs: l'aménagement de:)
pouvoirs et l'allègement des contrôles au sein de l'entreprise publique.
(918) CLMay i'v1.SHIRLEY, "La gestion des entreprises publiques
l'expérience des pays en \\oic de
développement", RFDA, n'32, oct-déc.1984, p.M3 et s. V.notamment p.644 : 'Leur autonomie cs/ souvcnL
compromise par des ingérences gouvernemenlales dans leurs décisions opéraLionneffes. Les dirigeants ne
peuvent être Lenus responsables des résultaLs, ou ne pas avoir d'incitation cl de bons résultats eL lu façon de
sélectionner, de former eL de rémunérer le persollnel de gestion pelll ne pas être appropriée pour une
enLreprise cl caraClère commercial. Au surplus, if eSL rare qlle les Cil/reprises publiques non viables soiem
liquidées".
A contrario, el de manière logique, l'auteur préconise, entre 3uires, les solutions suiv,;ntcs :
". établir des objeClif~ clairs eL réalisables liés à des criLères de performances,
- assurer le comrale LOlli en réduisalll LOllies ingérences excessives,
- rendre les dirigeafl/s responsables des résulwts obtenus,
- déJinir les moyens pour inciter les dirigeaills el développer un personne! di-' ges/ion ayullL ies
qualificaLiolJs appropriées". V.également les remarquables anicies de Jacques de CHAL ENDAR, "L' Erill Cl
les entreprises publiques dans les pays en développement", p,S9S-61O, RFDA n'32, ct du Professeur Jean Du
Bois de Gaudusson "L'Etat ct les entreprises pub! iqucs en Afrique noire", Revue précitée, p.611-622.
381
Notre premier souci sera d'attirer l'attention sur l'extrême confusion qui entoure la
notion d'entreprise publique.
Il est à noter que chaque rubrique sera précédée d'un état sommaire du droit positif.
Par ailleurs, la question de la représentation du personnel, malgré tout l'intérêt
qu'elle présente au plan théorique et pratique, ne sera pas abordée autrement que par le
biais de l'appréciation critique des problématiques quelque peu nouvelles soukvées par
l'entreprice dite
socialiste et
par les
privatisations. Cettt"
simplification volontaire
s'explique par le fait que la représentation du personnel obéit dans ses grandes lignes aux
principes du droit français.
Du reste, dans la même optique, nos développements relatifs aux perspectives.
d'avenir de l'entreprise publique n'ont nullement pour objet de régler de façon définitive le
régime juridique de "techniques" récentes -entreprise socialiste ou privatisation-, lesquelles
n'ont d'ailleurs pas fait l'objet d'un usage généralisé et constant dans les pays qu'englobe
notre étude.
Notre ambition est beaucoup plus modeste: en dénonçant les écueils éventuels,
nous espérons avenir les juristes africains du danger des solutions hâtives. A notre sens, la
mise à jour de règles efficaces destinées à régir ces domaines nouveaux àoit procéder de
l'élimination de tous les facteurs "négatifs".
Notre réflexion portera, d'uOè part, sur les mesures applicables à l'entreprise
publique de type classique (Chapitre I) et, d'autre pan, sur les mesures applicables aux
mutations de l'entreprise publique (Chapitre lI).
A - ESSAI DE DEFINITION DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE (E.P.)
- 248 - Tel que déterminé par les statuts législatifs ou réglementaires dont se sont dotés la
plupan des pays d'Afrique noire francophone, le régime de l'entreprise publique présente
un caractère incomplet. C'est ainsi, par exemple, que l'on note de façon quasi générale
l'absence d'une véritable définition de l'entreprise publique (919).
(919) A l'exception notable du BENIN, cLan.\\ er Loi n'88-005 du 26 avril 1988 : "Les eJJlreprisf.s publiques
constituent les instruments d' illlerventio!1 de [' Etat en vue de [' exécution, dans [' intérêt général, d'opérations
de nature industrielle et/ou commerciale".
V.égal., an.3, Ordonnance n'86-001 du 10 janvier 1986, ponam régime général des ElablisscmcnLS
publics, Sociétés d'Etal et Sociélés d'économie mixlc, J.O. Rép.du NIGER, 14 janvier 1986, p.\\.
382
Pour ne pas déborder le cadre de notre ouvmge et pour couper court aux savantes
controverses dont cette question est l'objet, nous l'analyserons d'un point de vue
essentiellement pragmatique: ce qui nous conduira d'une part à l'ébauche d'une définition
"juridique" de l'entreprise, d'autre part à une conception dite "énumérative", fondée sur la
classitication des entreprises publiques.
r) Définition juridique de l'EP
- 249 - La définition de l'entreprise publique pemlet -en pratique- de distinguer les sociétés
de droit privé et de droit public et de marquer les nécessaires différences, à l'intérieur du
droit public, entre les différentes formes qu'empruntent les sociétés à participation
publique.
Malheureusement, il n'est pas aisé de définir l'entreprise publique, car, comme le
souligne le Professeur DURUPTY :
"Il n'existe pas une, mais plusieurs définirions de l'entreprise
publique. Il serait plus exact de dire sur ce point que (on eSl en
présence de plusieurs éléments de définition" (920).
Devant la difficulté de réduire tous ces éléments à un critère unique (921), la
solution la plus sage doit être, à notre sens, de revêtir l'entreprise publique d'un contenu
large et d'articuler sa définition autour de trois caractéristiques essentielles:
- le c:uactère d'entreprise, dont le fondement est la personnalité morale et qui fait de
l'entreprise une entité juridique et économique;
- l'activité de production et de distribution de biens ou de services;
(920) CLM.DURUPTY, "Les entreprises publiques" (2 tomes), T.I, Rôle économique et cadre juridique,
Thémis, PUF, 1ère éd.1986, p.) 83; DELION, La notion d'entreprise publ ique en France, AJDA, 20 avril
1979; Jean Du BOIS de GAUDUSSON, "Identification des entreprises publiques, in EJA, Op.CiL, T.7, p.202-
204.
(921) CLDURUPTY, ouvrage précité: "Ces trois approches (de caractère légal ou reglemenuure, de
caractère jurisprudentiel et de caractère plus économiquej. qui ne sont pas limitatives, tendent à rappeler
que pour l'essenLiel, les entreprises publiques ont un rôle spécifique au plun de la production économique,
qu'el/es se situent dans un domaine dont la mouvance juridique combine des éléments de droit public et de
droit privé, qu'enfin el/es demeurent sous le contrôle de la puissunce publique. Tous ces éléments sont
caractérisés par leur fort degré de diversification et par la multiplicité des cas de figures. On comprend dans
ces conditions que la recherche du critère unique rencontre de tel/es difficultés".
- la dépendance juridique et économique à l'égard des pouvoirs publics, le pouvoir
prépondérant de l'Etat se caractérisant par l'exercice de conrrôles "de tutelle", la
détention de la majorité du capilal social ou du pouvoir de décision dans les
assemblées générales.
Bien qu'elle accuse quelques imprécisions (922) d'un point de vue strictement
juridique, celle définition a le mérite de meme en exergue un aspect essentiel de
l'entreprise pur1ique africaine: sa fonction économique.
Il apparaît, en effet, qu'en Afrique -et globalement dans les pays en développement
plus qu'ailleurs-, les enrreprises publiques SOnt utilisées par l'Etat au service de sa
politique générale; cette mission expressément mentionnée dans les plans nationaux de
développement est également prévue par les textes constitutifs et le plus souvent par les
différentes catégories d'entreprises publiques (923).
L'on ne peut donc qu'apprécier une telle conception dont l'efficacité et l'originalité
résident dans l'abandon d'une attitude de "juridicisme", bien ancrée chez les juristes
africains, au profit d'une vision plus réaliste du droit, fondée sur la prise en compte des
données socio-économiques.
Au surplus, il convient de souligner que celte définition "large" de l'entreprise
publique offre entre autres avantages, celui d'amoindrir l'important problème de la n:uure
des filiales d'entreprise publique (924).
Devrait être retenue, à notre aV1:::, l'opinion selon laquelle le caractère public de
l'enrreprise résulte de la participation directe ou indirecte de l'Etat, ce qui consacreralr la
(922) J.Du Bois de GAUDUSSON, "Idenlific:u..ion des entreprises publiques", op;cil., p.204. C'esl ainsi que
celle définition, crès générale, ne permel pas de distingucr facilemenl les EPIe des administrations déguisées
dont la complexilé peuL être accrue lorsqu'on se trouve en présence d'établissements mixles "chargés pour
une part d'une mission de police économique ou professionnelle pour l'autre d'une gestion proprement
commerciale" cLBJEANNEAU, "Droil des services publics el des entrepriscs nationales", Dalloz 1984,
p.44. V.également, M.DURUPTY, "Les entreprises publiques", T.I., PUF, 1986, p.185. Pour cel aUlcur, "Une
: définition normative trop stricte n'est guère (plus) satisfaisante ... Elle aboutit notamment de manière très
, discutable à retirer la qualité d'en/reprise publique aux sociétis d'économie mlxLe dOnl l'Etat a la maÎtrise
en raison de la détention d'une majorité de capital, nwis dont il n'est pas l'actionnaire principal".
(923) J.Du Bois dc GAUDUSSON, Idemification des entrcprises publiques, op.cil., p.2ü4.
(924) J.Du Bois dc GAUDUSSON, L'identification des entreprises publiques, Op.CiL, p.203; DELION,
article précité.
384
reconnaissance en tant qu'entreprise publique, des organismes (tïliales, entreprises mères)
sur lesquels les pouvoirs publics conservenr un pouvoir prépondérant (925).
L'opinion contraire, bien que majoritaire et fondée sur une application logique des
règles du droit commercial, soulève le difficile problème de la hauteur des participations
publiques au capital social et dénie le caractère d'entreprise publique aux "sociétés dont le
capital est partagé entre des particuliers et des établissements publics ou sociétés
d'économie mixte ainsi que celles dont le capital n'est souscrit que pour une parr
minoritaire par une personne publique [l'rriroriale, même si cette pan. ajoutée à ceUe
d'autres
entreprises publiques
(établissemenrs
publics,
sociétés d'économie
rllixte)
représente la majorité de ce capital" (926).
De plus, elle ne tient pas compte de l'évolution récente du droit des groupes (927).
Il eSt vrai que la définition preCHee, nonobstant sa parfaite contexture théorique,
n'emporte pas roujours -en tous temps et en tOUS Jieux- j'adhésion des aurorités législatives
et réglèmentaires souvent "contraintes" d'adapter les concepts juridiques aux besoins de
leur politique et des idéologies qui s'y rattachent (928). De ce fait, la coloration politique
ainsi imposée à la notion d'enrreplise publique confère à celle-ci une acception différenr.e
de son contenu initial. Dans ce cas, la règle de c1roit succombe à l'atteinte -dérogaroire-
portée par les autorités législatives ou réglementaires. Or, l'exception ou la conséquence ne
doivent pas être prises pour l'essentiel: l'essentiel c'est, en effet, la définition juridique de
l'entreprise publique, la pratique des pouvoirs publics n'en étant en définitive que la
contrefaçon.
(925) Sur la difficulté (en France) "amérieure" à la loi de 1982, de déterminer lé:. seuil des participatiofis
publiques en deça duquel il est question de filiales ct non d'entreprises publiques, cf.JEANNEAU, op.cil.,
p.44. ,V.également L.RAPP, Les filiales des entreprises publiques, Bibliothèque de droit privé, préface de
P.DEVOLVE, Paris, LGDJ 1983.
(926) Cf.DELION, op.cil.; GUYON, Droit des affaires, op.cil.
(927) Ibidem.
(928) L'utilisation des concepts désigr.am les di verses formes juridiques de l'entreprise publique vane
parfois en fonction de l'option politique des pays d'Afrique noire fmncophone; cLen ce sens, J.Du Bois de
GAUDUSSON, Les formes juridiques des EP, in ElA, T.VII, p.2ü6.
A Litre de comparaison, v.en France, les transformations juridiques des concepts relatifs à
l'entreprise publique avant et après 1982; cf.notamment, DURUPTY, ouvrage précité, T.I.
385
Sans une telle discriminarion entre le principal et l'accessoire, entre la définition
juridique de l'entreprise publique et la pratique dérogatoire des pouvoirs publics, il y aurait
lieu de craindre que la seconde conception n' écli psât b première.
2°) Conception" énumérative" Ol! classification des EP
a) Le nécessaire recours à une classification simple des EP
- 250 - L'examen
des
textes
relatifs ;lUX enrreplises publiques
en Afrique
nOire
francophone fair apparaître deux tendances très nettes, à savoir le recours soir ~l une
conception extensive (929) soir, au contraire, à une conception restrictive de l'entreprise
publique.
Dans un cas l'on se borne à mentionner l'interventionnisme de l'Etat, 'O:l 1111551011
d'intérêt général et le caractère très large des opéraüons indusu'ielles ou commncwles
qu'il est appelé à réaliser. Dans J'autre, l'on procède par exclusion, en éliminam cerraines
formes juridiques du domaine de l'entreprise publique (930).
(929) Ces! le cas notamment du Rwanda er. du Zalrc (L.6 janvier 1978). En droit Zaïrois, les EP conStiLUClil
une "CQtégorie juridique extensive et imprécise puisqu'elle recouvre tOUI établissement créé ri l'iniIiutiH: des
persollnes morales de droit public ou des pouvoirs publics en vue de remplir ulle tâche d'intérêt ::;énérol 0/1
pour l'exploitation d'un service, quel que soit le secleur d' oClLvité de l'élablisscment administrm{f. sa r:lll 1,
cuilurel, scicntifique. industriel ou commercial", cLDu Bois de G.~.üDUSSON, ElA, Op.CiL, p.269.
De même, le droit rwandais compone une catégorie juridiL\\ue spécifique, les établis:icmC:1ls publ ics
(cf.décret·Loi n'34-178 du 30ocLObre 1978).
Adde, sur la conception extensive, arL.2, Loi Béninoise n'88-005 du 26 avril 1988: "Les eli!rcprises
publiqucs se répartissent selon leur .'lia11<1 juridiquc cn : offices, sociétés d' E lat, sociétés d'économie nÜX1(:".
(930) Cf. en ce sens, Du Bois de GAUDUSSON, Les formes juridiques àes entreprises publiques in E.J ..~"
Op.CiL, p.20S-206. AI' inverse de la classification iripanite retenue par plusieurs pays africains ct L\\ ui
regroupe les éwblissemenls pub! ics, les sociétés d'EuH et ci 'économ ie mixte, ia classification {/uo!isle ne
s'applique qu' "ô la société d'écônomie mixte et aux entrcprise.< publiques cntièrement contrôlées par l'E[(lt
et les aUires collectivités publiques. L'unification de celle C(Jlégorie s'effectue tantôt par l'il1léf!r(llion dèS
sociétés d'f[Qt dans la catégorie des éwhlissemems pubiics (Côtc d'/voire, de 1970 a. 198n, Mall/iwnie en
1977-, tantôt par la création d'une catégorie originc.le de forme sociéwire regroupant /Ous les orgLinislïies
publics aU/onomes iJ1lervenant dans le domaine économique ... " (cf.Congo, Guinée, Mali), Le légis Jateur
za:irois se doit donc d'intervenir rapidement et de conSlIuire une délïnition plus complète et plus cohérente de
l'enlIeprise publique, t'Jola: Sur l'ensemble de la question, cf. Du Bois de GAUDUSSON, Identification des
EP et spécialement, l'étude relative à l'existence de statuts ~énàaux des EP, p.201; v.également ZAmE, la
loi du 6 janvier 1978, ne faisant pas mention des sociétés d'économie mixte. En réalité, l'imprécision de celle
loi lui donne un caractère hybrique sinon "bawrd". Cerwines de ses dispositions relevant d'une èonccption
extensive, d'autres d'une conception restrictive (cLen ce sens, Du Bois de GAUDUSSON, Identik~dtil)n des
EP, ElA, op.cil., p.201.
Récemment, au Sénégal, la loi n·87-19 du 3 août :987 relative à l'organisation et au contrôle des
entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours
financier de la puissance publique, a modifié les dispositions antérieures (Loi n'77-89 du 10 août 1977) et
apponé des innovations, notamment en cc qui concerne le champ d'applicmion de la loi et la définition du
secteur parapublic (arUer ct 2).
386
L'en peuL donc obsèrver, en d'autrès tèrIneS, el sans pour autant proc~:..kr ù un
examen exhaustif des fonnes juridiquès existantes, que certains Etats préfèreI1l recourir à
un système dualiste -que nous pour:ions qualil~er de conception ~troiLe- regroupal1l les
sociét~s d'Etat et les sociétés d'économie mixte, tandis qUè d'autres ressembknL dans un
même moule juridique, rous ies organismes publ ics autonomes inrervenaI1l dans le
domaine économie, les sociétés d'Etat et
les sociétés d'économie
mIxte, sous ]a
dénomination de sociétés à participation financières pubLc;uè.
Assurémènt,
cette
dernière
concepoon
(extensive)
nè
saurait obtenir nOtre
assentiment, non plus que la première, par trop restrictive. C'est à une conception
inremlédiaire qu'il faudrait recourir pour tenir compte J. la fois du "cadre" de nOtre SUjèt d
de la place de choix qu'occupe en Afrique noire l'Et:.iblissement Public Industriel et
Commercial (EPIC) (931). La solution intermédiaire consistèrait dans l'admission parmi
les entreprises publiques des Sociétés ô'Etat et d'économiè mixte el dans le "filtrage" de~;
services, Etablissements ou organismes publics,
Sans un tel "filtrage" destiné à contreb;}lancer les excès de la conc~ption extensive
de l'entreprise publique, l'on serait amené, par exemple, à prendre en considération tous
les établissements à caractère administratif, techniquè, :·;ciemifique.. qui exercent L1ne
activité industrielk ou commerciale, le critère cie l'EPIC. tiré de la nature industrielle ou
commerciale de l'activité exercée n'étant pas assez "sélectif" (932).
En effeL "Le texte introduit la notion générique d'entreprise du seCleur parapublic qui recoü\\'fC tout
à la fois, les établissements publics à caractère inùusLricl ct commerciaL les sociétés nationales ct les so'_'iétés
d'économie mixte à panicipati"on majoritaire de l'Etal.
Ainsi, p3r rappon 3U texte précédent seuls sont exclus du chJmp d'application de lJ nou\\cik ici les
établissements publics à caractère adminisLratif, pour ia raison que ces ùerniers sont, en cc qui conc('rr,,~ kur
organisation et kur fonctionnement, beaucoup plus proches des services ac1miniSLratifs non personn:iii<,é,; (·IUL~
des autres entreprises du secteur parapublic dont le mode cl' exploitation se rapproche du seC!CUf pri'.'<:
(cLExposé des motifs),
(931) Cf. Du Bois de GAUDUSSON, Les Îormes juridi4ues des EP, op.cil., p.107 : "... Les pouvoirs pIJ'iics
n'ont pas IÙlljOUrs tranché dans le même sens les débOiS juridiques dont font l' objer les divers aspe:!s dl<
régime des établissements publics industriels el commerciaux. Les divergences sonl parfois sensibles, lIluis
les différents SiOll1l5 s'accordel1l sur ce qui [ai! l'essence de ces orvlIlisllles et sur ce qui les distirl'-!i<Lde,':
élablissemel1lS publics adminiSLrcilifs" (c'est nous qui soulignons),
(932) CLDLiRUPTY, Les entreprises publiques, T.l, op~cil., p,192: s'agissant de l'Afrique noire
francophone, il y a lieu de souligner la tendance, nettement mar4uée, 2 écarter les services publics non
personnalisés de la catégorie des entreprises publi4ues, cf. Du Bois ck GAUDLJSSON, Les formes juridiques
des EP, op.cit., p,108.
Sou] ignons, par ailleurs, qu'aux fins d'éviter des confusions éventuelles, certaines législiltions
africaines (art.3, Loi sénégalaise du 10 août 1977 et arl.3, Loi n'87 -19 du 3 août 1987), ne rl'conna issel1l
comme établissements industriels ct comerciaux que ceux "dO/l1 l'activité. le mode de gestion et les rapports
avec lesliers son/ analogues à ceux des sociétés privées comparables".
387
Pour pallier ce dernier inconvénient, les gouvernements SOnt amenés, en pratique, à
établir régulièrement une liste ou "Nomenclature" des établissements ou organismes
pouvant bénéficier du statut d'enrreprise publique (933). Et c'est, du reste, dans cene
obligation d'examiner cas par cas la situation des "Organismes" publics que réside
l'inconvénient majeur de la conception dite "énumérative" (934).
Ceci étant, l'intérèt de la "nomencJalUre" susmentionnée ou d'une "définition" de
l'Etablissement nu des organismes en cause, selon des critères soigneusement sélectionnés
par les autorités législatives ou réglementaires, a été perçu aussi bien par la doctrine que
par les kgislareurs. Ainsi, en France, M.DURUPTY précise:
"Si l'on peut... en déduire (de lu narure ind.ustrielle et commerciale
de l'activiré exercée) que lOltte entreprise puhlique exerce ce lype
d'activité, il n' en résufre pos, a contrario. que rour érablissemcnr
exerçant ce rype d'aciiviré est une t:!nrreprise publique" (935).
Au Congo, Nl.CAPIAUX souligne que les deux notions d'établissement public et
d'enrreprise publique se recoupent rrès largement mais ne se recouvrent pas intégralemem
(936).
(933) CLDlTRUPTY, ouvrage précité, T.I, p.188
(934) CLDURUPTY, ouvrage précité, T.I, p.188: sur l'applicaLion de la conception dite énumérative e-f<
Afrique noire francophone, cL Du Bois de GAUDUSSON, Les formes juridiques des EP, op.cil.. p.107 : "La
publication de SiOtutS générau.x en Afrique .le pr0l10nçalil sur les critères de la distinction élG!J!isseme!il
public administratif-établissemenl public industriel el commercial et l' obligation qui esl faite IJUX autorités
compétentes pOlir instituer ces organismes de .le prononcer dans re cadre sur la nature de l' étabiissemclli
me!tentfin à ces difficultés"; cLégalement du même autcur (même référence), p.20S : "Au Sénégal, le ri,\\I-!11e
de voir surgir ces difficultés est écarté dans la mesure où c'esl la loi, seille compétente pour créer {!II
établissement pllblic, qui en détermine ie caractère; en Mauritanie, c'est au décret de création de
. l' établissemenl qu'il revient de préciser la catégorie dans laquelle il entre".
. Nota : L'étude précitée est antérieure aux récentes réformes d~ statut des entreprises publiques en Afrique
noire francophone.
(935) CLDURl'PTY, ouvrage précité, T.I, p, 192
(936) CLCAPIAUX, Le droit des entreprises publiqucs, in Le Droit public congolais, ouvrage collectif, sous
la direction de J.M,BRETON, Préface de G.CONAC, Economica, ] 987, p.257.
388
Au plan législatif, 13 plupart des pays d'Afrique noire francophone ont recours à la
conception que nous avons qualifiée "d'intermédiaire" (ni étroite ni extensive) (937). Au
Congo, par exemple, l'entreprise publique revêt généralement trois formes juridiques:
-l'Etablissement public à caractère industriel et COlllmercial (c'est le procédé le plus
courant) (938):
- la société unipersonnelle d'Etat;
- la société d'économie mixte.
L'exemple du Burundi, également intc:ressa,lL révèle que j'on rerrouve d~lns ce
pays, en matière de création d'entreprises publiques, les mêmes fomles juridiques yu'au
Congo (939).
- 251 - En définitive, la définition que nous proposons de l'entreprise publique repose en
panie -tOut au moins dans la conception énurnùative" et pour ce qui est de l'EPIC- sur la
reconnaissance de la liste des établissements ou organismes pouvant être cOllsiu.~r,~s
comme entreprises publiques. Or, une cenaine m'gligence des crifères de c!assificarjoil des
entreprises publiques est parfois observée en Afrique noire franl:ophone. C'c;S[ b un"
question imponanre èt qui mérite d'érre évoqllf.e à présent. NOlIS le ferons en flOUS
inspirant de l'exemple de la législation burundaise,
b) La négligence des classifications des EP - Ses dangers
- 252 - Rappeions qu'en matière de classification des entreprises publiques, le sysrè11le
adopté par le Burundi
(940) a l'avantage d'être très clair. Les entreprises pliblil{UèS
burundaises se répartissent en effet en trois catégories : les établissements publics à
caractère industriel et commercial; les société~i de droit public dans lesquelles rEt~Jt ou
d'autres personnes morales de droit public s'associent à des personnes privées sans que la
(937) V.cep.supra, nOles 929 Cl s.
(938) CLCAPIAUX, ouvrage précilé, p.257.
(939) CLDécrel-loi n°1/31 du 10 octobre 1978; cLégalement, J .C1,GAUTRON, Les enlreprises publ iqucs,
introduction, in El A, T. VII, p.181; Adde arLler à 5, Loi 87 -19 du 3 aoûl 1987 (Sénégal).
(940) Le choix de "exemple àu Burundi ne cloii pas ·'surpn:nclre". Bien que faisane partie des pa)'; de
mouvance juridique belge, le Burundi eSl bien Ull Elal cl' AJrique noire; de p' us, il se rattache il r ur.i vers de la
francophonie en raison des crilères définis dans l'introduction générale,
389
participation de ces derniers ne puisse dépasser 49 % du capital social; enfin, les sociétés
d'économie mixte de droit privé dans lesquelles les collectivités publiques d~tiennent au
moins le quart du capital social sans toutefois que cette participation n'excède la limite de
49%(941).
II convient de souligner que le régime juridique de la société d'économie mixte au
Burundi est en principe celui applicable aux sociétés de droit commun, ce qui tendrait à la
distinguer, tour au moins dans les textes, de celui prévu par les autres législations
africaines qui consacrent presque systématiquement l'alignement de la société d'économie
mixte sur les sociétés de droit public sans considération du montant de la participation
publique, ce qui constirue une dérogation manifeste aux règles de droit commercial (942).
II convIent de dénoncer ici, comme nous l'avons, du reste fait en ma1ière de
définition des sociétés du
secteur public, une certaine négligence des cmeres de
classification des èntreprises publiques africaines, signalée par le Professeur Jean DU
BOIS DE GAUDUSSON, qui se traduit notamment par le fait que "les autorités
législarives ou
réglementaires n' hésitel1l pas à ocrroyer à des
organismes
dorés
d'auriburions de nalLtre administrarive et non économique des SWlLas résen'és (lUX
enrreprises industrielles et commerciales de l' Dar et à prévoir à leur inremion des règles
slnspiranr du droit privé" et, qu'inversement, "des organismes publics de producrion
industrielle et commerciale peuvenr être assimilés à des adnlinistrarions publiques eT
receVOir par
exemple
le
Stalut d'établissement
public administratif ou
de
régie
administrative" (943).
Compte tenu des changements de régime juridique inhérents aux erreurs de
classification, il serait bon de prévoir l'annulation des qualifications indû men t opérées pJr
les autorités susmentionnées, sauf à prévoir une autorisation ou une procédr.:re spéciale
d'habilitation qui relèverait du reSS011 exclusif d'une juridiCtion compétente : Cour
Suprême, Conseil Constitutionnel ou autre Corps spécialisé regroupant des juriste;
autonomes et hautement qualifiés.
(941) ...Qui sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie financière et qui tiennent
l'intégralité de leur paLrimoine de l'Etat, d'une commune ou d'un groupe de comunes, cLDu Bois de
GAUDUSSON, Op.CiL, p.269-270.
(942) La ponée d'une telle distinction enLre société d'économie mixte de droit privé (Burundi) ct de droit
public (auLres pays d'Afrique noire francophone) est quelque peu atténuée par le fait que le représentant de
l'Etat, surtout lorsqu'il se trouve en situation de représentant uniqt.:e, peut bénéficier d'un droit de vote plural
en rapport avec la proportion du capi tal qu'il représente (art.74 du décret-Loi n' 1/31 du la octobre: ':'78).
(943) J.Du Bois de GAUDUSSON, L'identiftGltion des EP, op.cil., p.203.
'SE
390
En dernière analyse, l'intérèt de la classification proposée (ou de toute autre ... ) est
fonction de l'aptitude du corps social (gouvernants inclus) à s'y conformer.
L'avantage d'une définirion Ol! d'une nonnalisation des concepts
-rel celui
d'entreprise publique- c'eST qu'elle devient détemlinante des règles applicables ou des
juridictions compérenres, une fois que son adoption a été unanimement acceptée.
En ce sens l'inobservation volontaire ou non des di"linctions ou classifications
juridiques retenues et consignées dans les textes est une importante source d'instabilité
insritu tionnelle.
En d'autres termes, l'élaboration de nonnes rend difficile leur utilisation à des fins
autres ou contraires à celles prévues par les textes. El ]a déformation des concepts, qui
apparaît bien sOllvent comme llne "nécessité" pour les gouvernants, doit s'analyser en une
servitude imposée au Droit par le pouvoir poiitique (944).
C'est contre de tels empiètements que devraient réagir les institutions de sauvegade
-tels le Conseil Constitutionnel- dont le "musela~e" est malheureusement prononcé en
Afrique noire francophone!
CONCLUSION
- 253 - Sans constituer à proprement parler une définition de l'entreprise publique, la
classification que nous avons proposée a l'avantage d'être pratique et de faciliter tout au
moins "l'identification des entreprises publiques" (945) èn Afrique noire francophone. En
outre, elle évite les dangers d'une conception extensive de l'entreprise publique, tout en
tenant compte de l'intérÊt que bon nombre de législateurs africains portent à la fonne
juridique de l'établissement public industriel ou commercial (946). A cet égard, le
(944) DABIN, Droilel politique, Mélanges Sav3Licr, 1965, p.183-218; spéci3lcmcnl, p.217: "Cependant, le
droit n'est quO une partie, un département de la politique. Pour arriver à ses fins, même dans le domaine du
réglemenl des rapports entre les hommes, qu'est le domaine propre du droit, la politique dispose d'autres
moyens ou instruments que celui du droit positif· ... p.ilS : "... Il résulte à L'évidence que droit et poLitique
SOnl en Liaison et que celle Liaison est une Liaison de dépendance du droit vis-à-vis de La politique".
( 945)
C'est l'expression utilisée par le Professeur J.DU Bois de GA UDUSSON, Idemificalion dcs EP, in
EJ.A., T.Vll, Op.CiL, p.201-204.
(946) Sous les réserves que nous avons précédemment formulécs, cLsupra, n'250.
391
témoignage du Professeur du Bois de GA UDUSSON est particulièrement significatif
(947) :
"C'est donc une solurion inverse (de la solurionfrançaise) (948)
qu'one adoptée les draies africains qui cous consacrem la notion
d'établissement public ou industriel ou commercial; en définissanr
les différences catégories d'érablissenzenes publics et en précisane
les principales règles applicables, ils leur donnent Une significarion
juridique qui leur fait défaur en France. Cet effore législarij de
clarijicarion et de con.ceprualisation comribuera à revivifier Ilne
notion de droit administratif souvent considérée en crise".
B - IDENTIFICATION DES PROBLEMES DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE
- PLAN DU CHAPITRE
'------_._.-.-_..•-._--_
-
- 254 - Les maux dont souffre l'entreprise publique en Afrique noire francophone ont pour
dénominateur commun l'interventionnisnle excessif de l'Etat, lequel sc traduit notamment
par l'affaiblissement des organes délibérants, l'absence d'autonomie des organes exécutifs
vis-à-vis des autorités de tutelle et l'absence d'un véritable régime de la responsabilité
dans le secteur public.
Il convient de souligner que ce bilan négatif est valable aussi bien en ce qui
concerne les sociétés publiques stricto sensu (sociétés lllzipersonnelles d'Etat ou sociérés
nationalisées... ) que les sociétés d'économie mixte. L'assimilation de ces deux formes
juridiques -quant à leur gestion- résulte des textes de lois eux-mêmes ou de certaines
"pratiques" des pouvoirs publics. Quelques exemples suffiront à le démontrer.
En Afrique noire francophone, le Conseil d'administration, organe de direction des
"sociétés publiques ou semi-publiques" (949) procède directement de l'Etat (ou des
persones publiques associées) dans le cas des sociétés à capital public, à la fois de l'Etat et
(947) CLdu Bois de GAUDUSSON, Les formes juridiques des EP, in E.J.A., T.VIl, op.cil., p.2ü7.
(948) En France. certains auleurs considèrent minime la distinction établissemenl public administratif-
établissement public industriel ou commercial (J.M.AUBY Cl R.DUCOS-ADER, Instilulions administratives,
Dalloz, 1978, p.66; cLDEBBACH, nolC Dalloz 1965. p.827 et s.); d'autres proposent même de supprimer la
notion d'établissement public industriel el commercial (J.CHEV ALLIER, La place de l'établissement public
en droil administratif français, Annales de la Faculté de Droit d'AMIENS, 1972, n·3 et Les transformalions
du statut d'établissement public, J.C.P.1971.I:2496).
(949) CfJ.CI.GALiTRON, Les organes de direction dans les E.P., in E.J.A. T.VII, Op.CiL, p.262.
392
des personnes privées associées dans le cas des sociétés d'économie mixte (950). Ainsi,
en théorie, une distinction "organique" est établie entre ces deux fOffiles "d'entreprises
publiques". Mais la réalité est tout autre, les textes organiques ou les statuts de chaque
société accordant aux pouvoirs publics, dans le cas des sociétés d'économie mixte, un
nombre de si~ges supérieur au montant de leur participation financi~re (951). Cette
dérogation aux règles du droit commun des sociétés a pour conséquence d'attribuer aux
représentants de l'Etat un pouvoir de décision quasi équivalent dans certains cas, à celui
qu'ils détiennent dans les sociétés d'Etat.
Une autre illustration en rapport avec l'exemple précédent permettra de mieux
constater l'assimilation, dans les faits, des sociétés d'Etat et d'économie mixte.
De façon classique, les sociétés d'économie mixte sont soumises à la législation des
sociétés commerciales et les conseils d'administration des sociétés d'économie mixte,
dotés d'une autonomie de gestion plus grande que dans les sociétés d'Etat, peuvent
bénéficier en théorie de nombreuses attributions (952). Mais, en réalité, comme le
souligne un éminent auteur, "ces attributions SOllt dans la pratique, plus limitées que Ile
l'indiquent les textes pertinents" (953) et cela notamment pour les raisons suivantes:
- les conseils sont amenés à déléguer la majeure panie de leurs attributions, soit il un
comité de direction (954), soit au directeur ou au président-directeur général de la
société:
(950) Ibid.
(951) CfJ.Cl.GAUTRON, Les organes de direction dans les EP, op.ciL., p.262.
(952) Conclusion des contrats et marchés, établissement des programmes d'activité, souscription des
emprunts, prévision des receLLes et dépenses ...
(953) CfJ.Cl.G.-\\UTRON, Les organes de direction dans les E.P., op.ciL., p.262.
(954)
Soulignons, à cet égard, que le terme comité de direction désigne tantôt un organe substitué à un
organe délibéram (cas du comité de direction de la société d'Etat, au Congo), tantôt un organe de liaison
entre les organes délibérants et les organes exécutifs, ou encore un organe jouant l'un et l'autre de ces rôles:
cf. l.Cl.GAUTRON, article précité, ElA, p.266-277.
Comme exemple d'empiètement sur les aLLributions de l'assemblée générale des actionaires, dans
les sociétés d'é.conomie mixte, au Congo, on peut citer le fait que les nominations des administrateurs
représentant l'Etat ne sont pas soumises à ladite assemblée générale et que des dispositions exceptionnelles
préservent les intérêts de la collectivité publique dans la distribution du pouvoir au sein de la société
d'économie mixte; cLCAPIAUX, "Les organes de gestion de l'entreprise publique", d'lns l'ouvrage collectif
précité, p.277.
393
- les sociétés d'économie mixte sont soumises à des contrôles particuliers qui ont
pour effet de renforcer la position des administrateurs représentant l'Etat (955).
Cette situation, commune à plusieurs pays africains, s'observe notamment au
Congo, ainsi que le prouve l'analyse de M.CAPIAUX (956) :
"Les intérêls de ia colleclivité publique dans la dislribution du
pouvoir au sein de la société d'éconOinie mixte sont garantis par
un cerrain nombre de dispositions : d'abord, le présidel1l du
conseil d'adminislrarion el le direcleur général (s'il en eSl nommé
un) doivenr êlre agréés par le Conseil des Minislres: ensuite, si le
conseil d'adminislrarion eSl "invesli des pouvoirs les plus étendus
pour agir au nom de la société", il doit lenir comple de fa présence
évenrelle d'un commissaire du gouvernemenl dolé de pouvoirs
imporranls, puisque les décisions il1léressant le personnel doivenl
être approuvées par lui,
el qu'il peUl, dans
les condirions
délerminées par !' arricfe 18 de la loi du 24 décembre 1963.
suspendre provisoiremel1l les décisions du conseil d'adminislrmion
ou de l'assemblée générale".
Au total, l'intervention accrue des représentants de l'Etat et des autorités de tutelle
a fini par atténuer dans une large mesure l'intérêt attaché à la distinction théorique des
sociétés d'économie mixte et des sociétés d'Etat. Autrement dit, la composition différente
(957) des organes de la société d'économie mixte et de la société d'Etat demeure sans
incidence réelle sur la gestion de ces deux types de sociétés.
(955) Il faut souligner, en effet, que le commissaire du gouvernement dispose générdlemenr d'un pouvoir
étendu d'investigation et du véra suspensif (art. 18 de l'Ordonnance Congolaise du 24 décembre 1963).
Au Sénégal, en vertu de l'an.44 du projet de loi n' 14/87, "les sociétés d'économie rnixle de droit
sénégalais dans lesquelles la participation publique directe ou indirecte est inférieure à 50 % du capital
social, peuvent êlre sownises par décret individuel aux contrôles prévus par les articles 29 à 3ï. 110Iamment
lorsque l'intérêt stratégique de l'activité. l'importance économique de la société. ou le momant de la
participation le justifient".
(956) Cf.CAPIAUX, étude précitée, p.277
(957) Les sociétés d'économie mixte comprennent habituellement un conseil d'administration un président
et un directeur général, le rôle de 1'assemblée génér~.lle des actionnaires étant relativement imponant.
En revanche, dans les sociétés d'Etat, les représentants de l'EUH se substituent à ladite assemblée
générale; cf.J.Cl.GAUTRON, développements relalifs à l'absence d'assemblées d'actionnaires dans les
sociétés d'EUH ou à capiUll public in "Les organes de direction dans les E.P.", op.ciL, p.264.
- Cas de la Côte d'Ivoire: Le décrel du 11 mars 1973 transférait ies pouvoirs de l'assemblée
générale des actionnaires, pour les sociétés d'Etat, aux ministres constitués en comité intenninistériel de
tutelle. La loi du 18 seplembre 1980 a instiLUé un conseil de surveillance composé de ministres intéressés, du
ministre des Finances et, s'il y alieu, de représentants des personnes morales de droit public actionnaires.
394
La constatation selon laquelle le régime des sociétés d'économie mixte est
assimilable dans ses grandes lignes à celui des sociétés d'Etat mérite d'être soulignée, car
elle présidera à l'ensemble des prochains développements consacrés à l'entreprise
publique.
Après cette observation d'ordre méthodologique, dont le principal intérêt était de
dénoncer l'interventioi1l1isme excessif de l'Etat, comme source des difficultés des sociétés
à capital 'lublic, il convient d'annoncer et de justifier le plan ~énéral du Titre troisième,
relatif à la restructuration de l'entreprise publique en Afrique noire francophone.
Il Y a plusieurs manières d'aborder l'étude des entreprises publiques (E.P.). Nous
opterons pour une optique très large embrassant non seulement le réaménagement du statut
général (ou de "droit commun" de l'E.P.) mais aussi deux fonnes particulières liées aux
mutations de l'E.P. : d'une part l'entreprise dite socialiste (prétendûment gérée par le
Peuple), d'autre part l'entreprise privatis~e (958).
Cette démarche pourrait encourir deux types de clitiques.
- La première consisterait à déplorer la trop grande étendue de notre champ
d'investigation en arguant de l'adage bien connu "Qui trop embrasse mal étreint".
- La seconde, plus pertinente, consisterait à remettre en cause l'utilité et l'efficacité
du réaménagement du statut des E.P. A cet égard, le professeur Jean DU BOIS DE
GAUDUSSON, jugeant peu crédible la simple réorganisation du statut des EP,
préconise le recours à une solution plus radicale: la privatisation.
Certes, les critiques précitées sont largement fondées. Il n'en reste pas moins que
l'approche très générale que nous avons choisie présente certains avantages.
- Cas du Congo: L'organe délibérant dans l'Entreprise d'Etal, organisée selon la formule de l'EPIC,
esl représenté par le Comilé de Direction, dans les entreprises d'Etal ordinaires el par le conseil
d'administration, dans les entreprises piloles.
Le comilé de direction ne comprend pas des aClionnaires, mais il fail une "large place à
l'intervention du Parti et des Organisations de masse", conformément à l'option socialisle du régime;
cf.CAPIAUX, op.cil., p.272-273.
(958) CLà cel égard l'expression très significative ulilisée par le professeur ROB LOT : "Le retour des
entreprises nationalisées au secteur privé" (RIPERT par ROB LOT, op.cil., T.I, n'1707).
395
Elle permet notamment grâce à l'analyse critique du cadre institutionnel de J'EP,
une meilleure interrogation sur la valeur des systèmes législatifs et règlement~ires en
vigueur. Bien souvent, en Afrique, les réformes se succèdent, un texte en chassant un autre,
sans que les problèmes substantiels, les points d'achoppement, n'aient été examinés en
profondeur. C'est le phénomène bien connu de l' anificialité juridique (959).
Par ailleurs, le recours à la privatisation, si large soit-il, ne saurait entraîner la
disparition des E.P. Or, si l'entreprise publique doii subsister, autant lui faire bénéficier
d'un régime juridique viable. Au reste, la plupart des spécialistes s'accordent à reconnaître
que le redressement de l'EP procède
toujours - avec ou
sans privatisation
- de
l'amélioration de son cadre juridique: aménagement adéquat des pouvoirs, allègement des
contrôles ...
Nous pouvons déduire des deux arguments précédents que le réaménagement du
cadre juridique de l'entreprise publique apparaît comme une nécessité aussi bien pour la
survie des entreprises restant entièrement rattachées au secteur public que pour les
entreprises du secteur public devant être transférées partiellement ou totalement au secteur
privé.
L'ensemble des
facteurs
susmentionnés
nous amene à structurer notre titre
troisième de la manière suivante:
- Les mesures de redressement applicables à l'entreprise publique de type classique
(Chapitre Premier).
- Les formes de gestion nouvelles consécutives à la crise de l'entreprise publique - ou
les mutations de l'entreprise publique (Chapitre Second).
(959) La règle de droit ne doit pas demeurer une simple création de l'esprit, mais s'appliquer à des situations
concrètes, sous peine de sombrer dans l'artificialité; cf. \\VEILL et TERRE, Droit civil, 4è éd., 1979, n° 13,
p.16.
396
CHA P l '1' R E PRE MIE R
0 0 0
LES MESURES DE REDRESSEMENT
APPLICABLES A L'ENTREPRISE PUBLIQUE
DE "TYPE CLASSIQUE"
0 0 0
397
- 255 - Quatre types de mesures pourraient contribuer, à notre sens, au redressement de
l'entreprise publique en Afrique noire francophone. Il s'agit :
- de la restructuration des organes délibérants et exécutifs dans les E.P. (Section 1):
- de l'affaiblissement de la tutelle de l'Etat (Section II)
- du renforcement du contrôle des E.P. (Section III)
- du renforcement du régime de la responsabilité (Section IV).
SECTION 1 . LA RESTRUCTURATION DES ORGANES DELIBERANTS ET
EXECUTIFS DANS LES E.P.
PARAGRAPHE 1 - LE DIAGNOSTIC: L'AFFAIBLISSEMENT DES ORGANES ...
DE L'E.P.
A - LES ORGANES DELIBERANTS
1°) Affaiblissement lié au déclin de l'assemblée générale
- 256 - Dans la pratique actuelle, fondée sur l'écrasement des organes délibérants par les
organes exécutifs, eux-mêmes soumis à la suprématie des autorités de tutelle, l'efficacité
de l'assemblée générale est devenue tout à fait illusoire (960).
C'est à juste titre que M.J.BREDIN avait émis l'opinion reproduite ci-après,
relativement aux sociétés d'éonomie mixte:
"L'assemblée générale des sociétés d'économie mixte ne se justifie
que par le souci de respecter les apparences du droit commun des
sociétés" (961).
(960) BREDIN. L'CnLfeprise publique et semi-publique, 8ibliothèque de Droit privé, préface de H.SOLUS,
LGDJ, 1957, p.223.
(961) Ibidem
398
En effet, l'assemblée générale a cessé en fJ.it d'~lJ'e une assemblée délibérante et
souveraine: "c'esl une assemblée aurorisée par l'Etal, réglemenlée par l'Elal el qlli n' a de
pouvoir que dans la mesure oû l'Elaz actionnaire lui en donne" (962).
Son rôle actuel ne correspond plus à celui prévu par le schéma initial: en droit
commun les organes délibérants constituent les organes souverains de la société par
lesquels s'exprime b volonté commune des associés, les autres organes (exécutifs) n'étant
que les mandataires des associés et étant le plus souvent révocables au gré de ces derniers
(963).
L'amoindrissement du rôle de l'assemblée générale est la conséquence logique de
la pratique consistant à attribuer à. l'Etat une représentation supérieure à ce qu'autorise le
montant de sa participation financière.
Il en découle que l'assemblée générale se trouve reléguée au rang de simple
institution de façade, privée de l'essentiel de ses prérogatives traditionnelles. Le pouvoir de
désigner et, au besoin, de destituer le conseil d'administration lui échappe, en effet,
presque complètement puisque Le gouvernement se réserve la nomination de la plupart des
administrateurs. De même sa compétence en matière de modification des statuts se voit
également limitée sur bien des points par le jeu des dispositions institutives de nature
législative ou réglementaire (964), l'Etat entendant éviter qu'une réduction ou une
augmentation de sa participation ne se fasse par le biais de modifications statutaires.
2°) Déclin lié à la représentation supérieure de l'Etat
- 257 - Si l'on s'en tient aux deux formes jUlidiques les plus couramment utilisées en
Afrique, l'on constate que la présence ou l'absence d 'assem blées générales d'actionnaires
est souvent liée à l'adoption de la société d'économie mixte ou, au contraire, de la société
d'Etat (ou à capital public) (965).
(962) DUPICHOT, du PONTAVICE (ouvrage colleclif précité), n'76ü, p.745
(963) JEANNEAU, Op.CiL, p.525
(964) JEAi'\\TNEAU, Op.CiL p.525; BREDIN, Op.CiL, n'256, p.222.
(965)
Les sOCl~tés nationales, dont \\a création est autorisée par la loi et les statutS approuvés fJar décret. ne
comportent pas d'assemblées générales d'actionnaires
V.en ce sens: loi du 3 août 1987 (Sénégal); an.52, al.3, L.26 avril 1988 (Bénin).
399
En règle générale, l'absence d'assemblée générale dans les sociétés d'Etat conduit à
transférer à des organes étatiques cenaines compétences. C'est ainsi que les modifications
du capital et les participations
financières
nécessitent
une
proposition du conseil
d'administration et le vote soit d'une loi, soit d'un décret, en fonction des pays (966).
Elle se traduit, en outre, par une modification de la composltlon du conseil
d'administration, lequel compone ~ssentiellementdes représentants de l'Etat (967).
L'on observe, en revanche, que les assemblées d'actionnaires ont été maintenues
dans les sociétés d'économie mixte africaines. Leur rôle reste cependant très limité en
raison de la prééminence de l'Etat ou de ses représentants.
A l'inverse des règles du droit commun des sociétés commerciales, l'intervention
de l'Etat ou de ses représentants n'est pas proportionnelle à la part du capital social, ce qui
anéantit
quasiment
les
conséquences
juridiques
traditionnellement
rattachées
à la
distinction des sociétés à participation publique majoritaire et à participation publique
minori taire.
Nonobstant sa
faible
contribution
au
capital,
l'Etat,
faisant
usage
de
ses
prérogatives de puissance publique, parvient toujours à s'assurer le contrôle de l'entreprise
publique, soit en raison de l'existence d'une pluralité de participations privées, soit du fait
que certaines décisions ou nominations sont soumises à approbation ou agrément des
organes é tatiques (968).
Pour illustrer ce dernier point, l'on peut citer, par exemple, le fait qu'au Niger,
toute décision des organes de la société d'économie mixte ayant pour effet de réduire ou de
modifier la participation de l'Etat ou des Collectivités telTitoriales doive être prise par
(966) Vote d'un décret <lU Bénin (an.l0, 14 ct 15, L.26 avril 1988), en Côte-d'Ivoire, au SénégJI (:lrt.6, Loi
du 3 août 1987). Vote d'une loi au Gabon, cLarL31, L.n' 11/82 du 24 janvier 1983 (J .0., Rep.Gabonaise kr
et 15 février 1983).
(967) CLBENI;\\, anA3, aLler, L.26 avril ] 988 ; en Côte d' 1voire la loi du 18 septembre 1980 prévoit pour
les sociétés d'EUll, le transfert au Conseil de surveillance -composé des ministres intéressés, du ministre des
Finances et, s'il ya lieu, de représentants des personnes morales de droit public actionnaires- des pouvoirs de
l'assemblée générale.
(968) GAUTRON, Les organes de direction dans les entreprises publiques, EJ .A., p.261 -271, p.264
particulièrement.
400
décret du chef de l'Etat ou par décision des organes délibérants des Collectivités
territoriales (969).
De manière générale, les textes africains réservent une place régalienne aux
représentants de l'Etat tant en ce qui concerne ia composition que le fonctionnement des
assem blées générales (97 0).
Il convient de souligner, au surplus, que
la subordination hiérarchique des
représentants de l'Etat eux-mêmes se trouve accentuée par le fait que les statuts ou les
décisions de
l'assemblée
générale,
notamment celles
qui
viseraient à modifier le
pourcentage des votes de l'Etat et des personnes publiques, ne peuvent être modifiées que
par loi ou décret, c'est-à-dire par des textes identiques à ceux qui ont autorisé leur
adoption. En conséquence, le respect du principe du parallélisme des formes constitue un
frein supplémentaire, et non des moindres, à la libre expression du (ou des) partenaire de
l'Etat dans les sociétés d'économie mixte.
- 258 - Cette brève analyse des pouvoirs des organes délibérants fait apparaître une nette
prédominance de l'Etat sur les personnes de droit privé et sur les organes délibérants de
l'entreprise publique. En d'autre termes, la faiblesse des organes délibérants constitue l'un
des principaux handicaps de l'entreprise publique africaine.
B - LES ORGANES EXECUTIFS
l") L'imperfection des organes exécutifs (en droit positif africain)
- 2:::;9 - Deux caractétistiques doivent être relevées en ce qui concerne les organes exécutifs
des entreprises publiques africaines.
Primo, la structure des organes exécutifs est relativement diversifiée; elle vane
selon les Etats et selon les formes juridiques des entreprises publiques, de un à ,rois:
(969) Cf.an.32. OrdonnJnce Nigérienne n'86-001 du 10 janvier 191-)6.
CLégal .. an.6, aU. Loi sénégalaise du 3 août 1987: "ToUle cession d'actiolls ayant pour effez de
faire perdre ci l'Etat sa parlicipalion majoritaire direcle ou indirecte dans le capila! (socialj d'ulle sociélé
doit êlre aUlOrisée par décrel après avis du Comité cOllsu!wlif du secteur parapublic ".
(970) Au Congo, [es convocations de l'assemblée générJle et tes projets de modification des di,positions
sUHutaires sont du ressort du commissaire du gouvernement (décret ponant statuts types de., sociétés
d'économie mixte), cf.Ord.n' 43-64 ou 12 février] 964.
V.égal., anA à 9 notamment, de l'Ord.86-002 du 10 janvier 1986 (NIGER) déterminant!J tutelle ct
le contrôle des EtJblisscmcms publics, Sociélés d'Etal el Sociétés d'Economie mixte.
401
président du conseil d'administration, directeur (ou directeur général), comité de direction
(ou conseil de direction, ou directoire).
Secundo, la tendance dominante est toujours à la concentration des pouvoirs entre
les mains des organes exécutifs, spécialement des organes dirigeants directement nommés
par l'Etat (971).
- Le président du conseil d'administration
- 260 - Celui-ci est généralement nommé par décret sur proposition du Premier Ministre
(Sénégal), du (ou des) ministre chargé de la tutelle (Mauritanie, Burkina Faso).
Dans cenains pays, la présidence èst même assurée par l'un des ministres ou par le
ministre de tutelle (ou son délégué) (972).
Réagissant contre cette pratique qui conduit à une véritable confiscation du pouvoir
de direction par l'Etat (ou ses représentants), le Sénégal avait adopté en 1977 une loi
interdisant l'exercice de la présidence du Conseil d'administration, directement par le
ministre de tutelle ou même indirectement par l'intermédiaire des fonctionnaires ou agents
chargés d'exercer la tu te Ile sur l'établissement (973). Il sem blerait cependan t qlie la Loi
du 3 août 198ï ait reconsacré en partie (974) la pratique antérieure.
Les
attributions
du
président
du
conseil
d'administration
se
rapportent
principalement à la convocation du conseil et à la présidence des séances.
(971)
Sur ces de.ux points, cLGAUTRON, EJ.A., p.265
(972)
COTE-D'IVOIRE, ivlALI (an.9, ord.n'23 du 11 avril 1969), mod.décret 148 du 22 nov.1971.
(973) An.9, loi sénégalaise n'77-89 du 10 août 1977; Au Gabon, la présidence du conseil d'administration
des sociétés à participation financière publi4ue est désormais incompatible avec l'exercice de fonctiuns
gouvernementales lorsque la LUtelie technique ou financière de œs organismes relève du Département c\\ont le
Ministre ou le Se.crétaire d'Etat en cause a la charge (anA l, L.l ]182 du 24 janvier] 983).
(974) CLart.l3, Loi du 3 août 1987 : "Sur proposition du Président de la République. le conseil
d'administration élit en son sein son Présidence, cc dernier peUl être choisi parmi les fonctionf1aires ou
agents du MiniSière chargé d'exercer la tutelle technique de r entreprise".
NB : Aucun ministre (y compris le ministre de tutelle) ne saurait assurer désormais la président du
conseil d'administration.
Soulignons que la loi sénégalaise n'77-89 du la août 1977 a été modifiée par la loi 87-19 du 3 août
1987 applicable aux entreprises du secteur parapublic.
402
Toutefois, le président peut bénéficier, par délégation, de certains pouvoirs du
conseil. Il peut également participer dans cert2.ins cas au comité ou conseil de direction.
Une tendance mérite d'être signalée dans les sociétés à participation publique: il
s'agit de la séparation de la présidence du conseil d'administration et de la direction
générale (975).
Au contraire, dans les sociétés d'économie mixte ces deux fonctions sont tantôt
séparées, tantôt confondues.
- La direction générale
- 261 - Elle est confiée à un présidènt-directeur général, à un directeur (ou directeur
généra!), ou à un directoire.
Le directeur d'un établissement public est nommé par décret, généralement sur
proposition du ministre chargé de la tutdle technique ou des ministres membres de la
commission consultative de gestion.
Les conditions de cessation de ses fonctions cOITespondent à celles prévues en droit
commun (non renouvellement du mandat, décès, démission, limite d'âge, dissolution de
l'entreprise).
L'on peut donc observer que, "conformément au droit et à la jurisprudence
d'origine française la fonction de directeur fair partie des emplois dont l'auribwion est
laissée à la discrérion du gouvernement" (976).
Toutefois, lorsque le directeur n'a pas la qualité de fonctionnaire, les conditions
d'emploi et de rémunération sont fixées par décision du conseil d'administration èt
approuvées par l'autorité de tutelle.
Les attributions du directeur sollt nom breuses et concernent principakment :
l'administration et la gestion
du
personnel,
l'exécution des
décisions
du
conseil
( 975)
CLGAUTRON, Op.CiL, p.265. Côte-d'Ivoire, Loi n'80-1071 du 13 septembre 1980; Mali, arL.13 et
14, Ord.69-23 du Il avril 1969; Bénin, art.22 et S., L.26 avril 1988, Sénégal, arLI4 et 15, Loi du 3 août 1987.
(976) GAUTRON, op.cil., p.266
403
d'administration et, plus largement, l'exercice de la direction technique et administrative
de l'entreprise et sa représentation dans tous les actes de la vie civile.
Il convient de souligner qu'en ce qui concerne les sociétés d'économie mixte, la
direction
est
parfois
séparée,
parfois
confondue
avec
la
présidence
du
conseil
d'administration.
Les modalités du statut et des attributions du directeur sont dans leur cas très
variables (97 .), d'où la nécessité de se repoI1er au statut général u .. aux statuts types des
sociétés d'économie mixte, du moins pour ceux des pays qui ont prévu leur adoption.
~ Le conseil (ou comité de direction)
- 262 - Selon l'observation fait~ par NUe Professeur Jean DU Bois de Gaudusson, le terme
de "conseil" ou "comité de direction" dési~ne tantôt un üfg:ane substitué à un
~
~
or~ane
~
délibérant, tantôt un organe de liaison entre les organes délibérants et les organes exécutifs,
ou encore un organe jouant l'un et l'autre de ces rôles.
Dans certains Etats, le Comtté de direction exerce une partie des attributions du
con~eil d'administration dont il est une émanation (Sénégal) (978).
Dans d'autres Etats -c'est le cas du Congo-, le comité de direction est défini comme
l'organe supérieur de l'entreprise d'Etat. Il est chargé de la politique générale de
l'entreprise et du contrôle de son exécution par la direction. Il en découle que la direction
est responsable devant le comité qui est lui-même responsable devant les autorités de
tutelle.
Ce cas de figure peu répandu et qui relève "d'une logique discutable" (979) rejoint
l'organisation et la structure de l'entreprise dite socialiste (980).
(977) GAUTRO"",, ibidem: "'Ces allribUlions varient selon que la société a été créée par llne loi ou WI décret
ou qu'elle a été créée librement; selon les énonciations prévues par les statuts: l'imporlUnce de la
parcicipacion de [' E!at ou des collectivités publiques... ".
(978) Cf. art. 14, Loi du 3 août 1987.
(979) GAUTRON, op.cit., p.267; cLégalement CAPIAUX, in Droit public Congolais, Economic3 1987,
préface de G.CONAC, p.272-274.
(980) Cf.LégislaLions algérienne, congolaise (Charte de l'entreprise d'Etat) et Malgache (infra n'283 et s.).
40'4
- 263 - Conclusion - Malgré la diversité des structures de l'entreprise publique, une chose
demeure certaine : l'organe exécutif se trouve sous la dépendance des organismes de
tutelle. Or, cet état de fait est incompatible avec une réelle autonomie de l'entreprise et ne
peut que compromettre le libre choix des décisions tant à l'Assemblée générale qu'au
Conseil d'administration.
2°) L'absence d'autonomie des dirigeants sociaux (comme fondement d'une
problématique).
- 264 - Au-delà des divergences d'option politique et de la variabilité de ses structures
organiques, l'entreprise publique africaine reste partout soumise à une très grande emprise
de l'Etat.
L'examen
de
leur
statut
est
d'ailleurs
révélateur
de
la
dépendance
des
administrateurs et des dirigeants sociaux à l'égard des pouvoirs publics. Ainsi. par
exemple, le président du conseil d'administration -comme les autres dirigeants- (981) est
nommé par décret sur proposition du Premier ministre ou du ministre chargé cie la [utelle
(982).
Dans certams pays, nous l'avons souligné, la présidence du conseil est même
assurée par l'un des ministres ou par le ministre de tutelle ou son délégué. Dans le même
ordre d'idées, l'on peut rappeler que l'attlibution de la fonction de directeur est presque
toujours laissée à la discrétion du gouvernement (983) et que les conditions d'emploi et de
rémunération sont fixées par décision du conseil d'administration et approuvées par
l'autorité de tutelle, lorsque le directeur n'a pas la qualité de fonctionnaire.
La dépendance des organes exécutifs apparaît eJ1core plus nettement dans les textes
lorsque la gestion de l'entreprise es~ confiée à un conseil ou comité de direction. Dans ce
cas, en effet, les organes de l'entreprise (comité de direction notamment) sont responsables
devant les autorités cie tutelle.
( 981)
Président-directeur général, Direcleur ou directeur général.
(982) Au Mali, le Ministre de tutelle intervient dans la nominalion du direcleur général (an.14), du directeur-
adjoint (art.l6), des direcleurs des unilés intégrées de production' (an. 17, de J'ordonnance de 1969): d.pour
le Sénégal, an.IS, Loi du J août 1987: pour le Bénin, an.J6, L.26 avril 1988; Gabon, an.20, L.24 janvier
1983.
(983) GAUTRON, op.ciL., p.266.
405
Dans la plupart des pays africains, "la reconnaissance mer autorités de twelle de
pouvoirs d'approbation, d'annulation ou de substitution des décisions du ressort de
l'organe délibéraJ1l" rend fictive l'autonomie de gestion, souvent affinnée par les textes
constitutifs et les statuts des entreprises du secteur public (984).
Le rattachement à l'Etat est parfois exprimé sans la moindre ambiguïté. Ainsi, au
Zaïre, l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 précise que:
"Les mc'bres du conseil d'administration, du comité de ge: 'ion,
ceux à qui ils délèguent ou subdélèguent des pouvoirs. les
commissaires aLtI: comptes. sont des mandataires pu.blics" (985).
Les dangers d'une tutelle excessIve des pouvoirs publics ont été parfaitement
soulignés par M.PELTIER (986). Deux caractéristiques majeures peuvent être évoquées
ICI. :
- Il s'agit d'abord du fait que les interventions des autorités de tutelle dans la gestion des
entreprises publiques :'réduisent, dans certains cas, très forremeJ1l la marge de libené des
dirigeants de ces dernières dans le choix des politiques opérationnelles" (987).
L'interventionnisme de l'autorité de tutelle est d'autant plus redoutable qu'il porte,
dans ses formes les plus fréquentes, sur la fixation des tarifs et des prix, l'organisation des
modes de
commercialisation, la politique d'approvisionnement, la mobilisation des
ressources à long terme ...
D'une manière génùale, l'Etat en tant que garant de l'intérêt général impose aux
entreprises publiques des contraintes parfois contraires à leurs objectifs de rentabilité
(988).
(984) Sénégal, cf.Loi du 3 aoûl 1987 (nolamlllènt an.n. 14, 15); Gabon, cf.an.2 et S., Loi \\ 1/R2 du 24
janvier 1983 portant organisation de la lulelk de l'Etal. Niger, an.l à 9 de 1'Ordo n'86-002 du 10 janvier
1986 organisanl la lurelle de l'Etal.
(985)
Cette formule amène à s'interroger sur ce qu'il reste de l'indépcncb.nce des commissaires aux
comples, indispensable à l'exercice d'un contrôle sain Cl efficace des comples de l'entreprise publiljue.
(986) G.PELTIER, L'aulonomie de gestion el ses 1imiles, EJ .A. p.3ü9-318.
(987) PELTIER, op.cil., p.310
(988) PELTIER, op.cil., p.3l0 el s. Dénonçanl les inconvénienLS d'un lei intervenlionnisme, l'auleur cite
plusieurs exemples: cas de la SODERIZ (ivoirienne) dissoute en 1977 à la suite d'une grave crise financière:
406
Un récent colloque a d'ailleurs fait apparaître que l'échec des entreprises publiques
africaines résulte essentiellement de la restriction par l'Etat de leur autonomie financière et
de gestion (989).
Le second danger de l'intervention des autorités de tutelle réside dans la situation
de dépendance où elle place les organes délibérants et dans la confusion des fonctions de
gestion et de contrôle qui en découle (990).
Ce cumul de fonctions doit être d'autant plus souligné qu'il correspond à une
pratique courante dans les pays d'Afrique noire (991). Il contredit nettement l'idée,
partout affimlée, que le conseil d'administration est le centre de décision de l'entreprise
publique.
- 265 - Conclusion - Le constat qui se dégage des précédents développements est que la
tutelle excessive des pouvoirs publics limite l'autonomie des organes délibérants et
exécutifs et, partant, celle de l'entreprise publique africaine tout entière.
Dans la perspective d'un redressement, il paraît indispensable de doter le secteur
public africain d'une certaine "liberté d'action" en révisant notamment le statut des
administrateurs, les conditions de vote aux assemblées générales, les modalités de contrôle
et d'exercice de la tutelle de l'Etat; autant de mesures qui pourraient se ramener à deux
idées principales : l'amoindrissement de la représen tation s upérie ure de l'Etat et le
renforcement de l'autonomie de l'entreprise publique.
difficultés de l'organisation commune BENIN-NIGER des Chemins de fer et des uansports (OCBN); CJS de
la société Togolaise du Coton (SOTOCO) et de l'Office des productions agricoles du Togo (OPAT).
(989) Colloque (bilingue) International et Interdisciplinaire, Entreprises publiques et développement,
Université Nationale du BENIN, 24-28 février 1986.
(990) PELTIER, op.cil. : "Ces interventions sont facilitées par l'imprécision dans la nature des missions et
dans le cJwix des objectifsJixés aux entreprises publiques".
(991) PELTIER, op.cil., p.313. A titre d'illustration, l'auteur cite le cas de l'Office des Postes et
Télécommunications de la République de Côte-d'Ivoire (OPT) et de la République du BENIN (OPTB) ainsi
que celui de la Société Nationale d'Energie du Congo (SNE).
407
PARAGRAPHE II - UN REMEDE POSSIBLE
LE REEQUILIBRAGE DES
ORGANES DELIllERANTS ET EXECUTIFS
- 266 - Dans la pratique actuelle des pays africains l'on nore une nette prépondérance de
l'Etat. Or, il faut le souligner, une relie prépondérance, qui peut constituer un atour de
premier ordre lorsque les décisions prises sont conformes aux intérêts de l'entreprise,
s'avère préjudiciable lorsque, comme c'est souvent le cas, elle conduit à pnver les
"partenaires" publics ou privés de l'Etar -selon qu'il s'agit d'une société d'Etat ou
d'économie rnixte- du pouvoir de décision ou de contrôle.
Nous évoquerons ce problème en abordanr successivement le cas des sociérés
publiques et des sociérés d'économie mixte, sous les titres suivants:
- L'institution d'une représentation équitable des organes dans les entreprises
publiques (A);
- Le réaménagement du droit de vote dans les sociétés d'économie mixte (B).
A - L'INSTITUTION D'UNE REPRESENTATION EQUITABLE DES ORGANES
DANS LES ENTREPRISES PUBLIQUES
- 267 - En Afrique nOtre francophone, l'organisation des sociétés à capiral strictemenr
public obéit à des modalités diverses. Trois schémas peuvent cependant être retenus.
Dans le premier cas, le conseil d'administration - ou l'organe qui en tient lieu - ne
comprend en règle générale que des représentants d~ l'Etat qui sont des fonctionnaires
représentant lès différents départements illinisrériels (992) auxquels peuvent s'ajouter, le
(992) Cf.arL32, L.26 avril 1988 (Bénin) : "Le Comilé de direcllon est lin organe consultatif obiigato!re. Il CSi
composé comme .\\uit :
- Président: Directeur général
- Vice-Président: Directeur Général Adjoint
- Membre~ : - les directeurs techniques de la société
- 1 représellwnt du Syndicat
- 1 représentani du Comité de Défense de la Révolution".
_ _ _,--,N~o~La : [1 arrive, en Afrique noire francophone, que plusieurs personnes morales de droit public
participent au capital des sociétés publiques: v.en ce sens, l'arL2, Loi n'80-107l du 13 septembre 1980
porLant définition ct organisation des sociétés d'Etat: "La SOriélé d'Eial (l son capilal entièrement conSlilué
soi! par une paTiicipaiion unique d'une ou plusieurs personnes morales de droil public ivoirienlles, soil par
ulle parlicipatioll de personnes morales de droil public ivoiriennes el élrangères", SoulIgnons, cependant,
que la formule de: 1'aniclc 2 (précité) a l'inconvénicnL de ne pas distinguer l'entreprise d'Etat de l'entreprise
"publique" et l';èntreprise d'Etat de la société d'économie mixte,
408.
cas échéant, les représentants des autres actionnaires publics (collectivités publiques). Le
personnel n'y est qu'exceptionnellement représenté (993). En outre, à l'inverse du schéma
français, il n'existe pas de représentation des usagers ou des consommateurs (994).
Le second cas, quelque peu isolé, est celui de la Côte-d'Ivoire, ce pays ayaïH opté
pour le système du conseil d'administration et du conseil de surveillance (995). Le conseil
d'administration est désigné par décret sur proposition des personnes morales actionnaires.
Le conseil de surveillance se compose du ou des ministres chargés du ou des dépanements
donr relèv"" l'activité de la société, du ministre des Finances a.l1lsi qu'évenruellement des
représenrants de personnes morales de droit public actionnaires et de personnes choisies en
raison de leurs compétences particulières (996).
Enfin, à l'inverse des deux précédents cas de figure, certains pays d'obédience
socialiste -Bénin, Congo, Mali, notamment- assurent en dehors de la représentation
proprement dite de l'Etat (ou des collectivités publiques), celle des "intérêts" (997) -el
donc du personnel (998)- celle des "organisations de masse" (999) :lU sein du conseil
(993) Cf.J.Du BOIS de GAUDUSSON, Les formes juridiques des E.P. in E.J.A. op.cil., p.21:1-.
(994) Thid; Notons cependant, que la récente Loi Béninoise du 26 avril 1988 prévoilla présence au conseil
d'adminislralion d'un représenlanl des usagers proposé par le ministre de lUlelle (an.35).
(995) CLJ.CI.GAUTRON, Les organes de direction dans les E.P., in E.J.A. op.cil., p.262
(996)
CLL.n '8()..1 071 du 13 sep lem bre 1980 porlant définition el organisation des sociélés d'Etal, J.O.
Rép.Côle d'Ivoire, 30 octobre 1980.
Ce schéma particulier se rapproche cependanl des struClures organiques de l'E.P. zairoise, laquelle
compone un conseil d'administration el un comilé de geslion comparable au conseil de surveillance dans la
mesure ou ledit comité "veine à l'exécution des décisions du conseil d'administration el assure, dans la limile
des pouvoirs qui lui ont élé délégués par ce dernier, la gestion des affaires courantes de l'entreprise" (an.lS.
Loi zairoise compone un organe supplémentaire: le collège des commissaires aux comples (arl.5, L.1978);
cLégalement an.9 (Loi précitée du 13 septembre 1980).
(997) CfAde LAUBADERE el P.DELVOLVE. Droit public économique, Précis Dalloz 4è éd., 1983, n'] 72-
2 notamment. p.236-238: ROBIN, Essai sur la représentalion des intérêts dans l'organisalion des entreprises
publiques, R.D.P.1957, p.830.
(998) CrJ.CI.GAUTRON, arlicle précilé in E.J.A. p.262 : "Les représentaJJls du personnel, lorsque celle
représenl!llion est prévue (Bénin, Congo, ivlali) , évoquent quelque peu, avec les représenll1nts des
organismes intéressés, le principe de la représentation des intérêts... ". V.en ce sens, ar1.35, L.26 avril 1988
(Bénin), an.3, décret n'148/PG-RM du 2'2 novembre 1971 (Mali).
(999) Au Congo, par exemple, l'arl.120 de la Chane des ~ntrcprises d'Etal, applicable aux enlreprises pilotes
et regroupées, prévoit la présence notamment de deux rcprésent3nts du Parti e~ du Syndical au conseil
d'adminislration tandis que l'an.24 de la Chane des entreprises d'Elal (Loi n'13-81 du 14 mars 1981)
dispose que le comité de direction comprend notamment des représentants de l'UJSC (Union de la Jeunesse
Socialiste Congolaise), de l'ù'RFC (Union Révolutionnaire des Femmes Congolaises), de l'UNEAC (Union
Nationale des Ecrivains, Anisles el Artisans Congolais), de l'ANP (Assemblée Nalionale Popubire) ... ;
CLCAPIAUX. OO.CiL. 0.272-27'.
409
d'administration (ou du comité de direction) (1000). Cette particularité procède de ["idée
selon laquelle l'entreprise nationale appartient non pas à l'Etat mais à la nation (10 a1).
Bien que
s'appliquant
à des
systèmes
idéologiques
différents,
ces
modes
"d'organisation" du conseil d'administration présentent le même inconvénient: celui de ne
pas être suffisamment efficace... surtout en comparaison des organes exécutifs. En effet,
dans le cas de l'entreprise ne comportant que les représentants de l'Etat (et les autres
actionnaires publics le cas échéant), tout comme dans celui, très particulier, des pays
privilégiant
la
panicipation
des
"organisal.Jns
de
masse",
l'on
note
une
nette
prédominance des
représentants "directs" de l'Etat (représentants des ministres ou
directeurs) (1002). Ainsi au Congo, le directeur général d'une entreprise pilote est à la
fois président du conseil d'administration et président de chacun des organes de la Trilogie
Déterminante (1003). De surcroît, toujours à titre d'exemple, le décret (congolais) du 14
mars 1974 abrogeant celui du 18 mai 1973 a mis fin aux velléités autogestionnaires du
comité de direction, en le rendant responsable devant le conseil des ministres (1004).
Au Bénin, le comité de Défense de la Révolution est une organisation démocratique de Illasse
relevant du Parti.
(1000) Au Congo, une distinction est marquée entre le conseil d'administration et le comité de direction. bien
que ces deux organes aient une
fonction
délibérative : le comité de direction
désigne
l'org;Jne
d'administration dans la société d'Etat ordinaire, alors que le terme "conseil d'administration" est réservé
aux entreprises pilotes d'Etat, cf.CAPIAUX, op.cil., p.272.
(1001 )Cf.de LAUBADERE et DELVOL VE, op.cil., n' 583, p. 715 et n' 540, p.678 : "En France, "ô f' occasion
des nationalisaiions a élé mantfeslé le désir d'auribuer les enlreprises non pas à f' Etal, mais à la Nmion
("nationalisalion sans étalisation") el, pour ce faire, de les dOler d'organes d'adminislralion conslitués de
représentanls des différel1les composantes de la NOiion ", cr.également, mêmes références, n' 544, p.6R2.
(002) Doit être approuvée, par conséquent, la loi sénégalaise interdisant l'exercice de la présidence du
conseil d'administration, directement par le ministre de LUtelie ou même indirectement par ['intermédiaire
des fonctionnaires ou agents chargés d'exercer la tutelle sur ·1 'établissement (ou l'entreprise) public (an.9,
a1.5, L.1O août 1977). Précisons que le conseil d'administration délient la réalité du pouvoir nu sein de
l'entreprise nationale sénégalaise (arLlO, L.1977): arl.13, L.3 août 1987.
NB : Ln loi de 1977 a été modifiée par la loi 87-19 du 3 août 1987 applicable aux entreprises du
secteur parapublic.
(1003) La Trilogie Déterminante désigne les trois organes suivants: le Comité Permanent de la Production ct
du Contrôle de la Production; la Commission d'Avancement et de Sécurité sociale; le Tribunal des
Camarades.
Nota: Dans l'entreprise d'Etat ordinaire, si Je premier de ces organes est présidé par le directeur
général, le second l'est par le syndicat et le troisième par le Parti. Au contraire, il faut le souligner, dans une
entreprise pilote Je directeur général préside tous les organes de la Trilogie Déterminante; cLCAPIAUX,
Op.cil, p.275.
( 1004)
Cf.CAPIAUX, op.ciL., p.276
410
De manière générale et confon11t~ment au constat fait au Congo, le rôle du conseil
d'administration (ou du comité de direction) se borne bien souvent, dans les pays
d'Afrique noire francophone, à "donner son approbarion à des mesures ou documenrs le
plus souvenr préparés par l' exécLUlf de l'enlreprise" (1005).
Il conVIent de souligner, au surplus, que dans les conseils d'administration, en
Afrique noire francophone, les représentants "directs" de l'Etat se trouvent généralement
privilégiés du fait que les autres actionnaires et personnes publics (ou les représentants des
"organisations de masse", dans le cas des pays "socialistes") n'ont pas pouvoir de décision
et ne disposent bien souvent que d'une voix simplement consultative (1006). Du reste, le
fait que les statuts leur confèrent parfois des pouvoirs plus importants (voix délibérative ou
même une contribution égalitaire au vote) ne change "fondamentalement"
rien aux
données du problème puisque, nous l'avons vu, l'exécutif peut toujours s'arroger les
moyens d'exercer sa suprématie sur l'organe délibérant (1007).
Cet asservissement de l'organe délibérant est contestable, parce que contraire à
l'idée cardinale selon laquelle "l'enrreprise narionale apparrienl non pas à l'Elal mais à la
Nation" (1008).
La distinction de ces deux entités juridiques n'est d'ailleurs pas sans intérêt. Si,
dans l'une de ses acceptions, l'Etat désigne, au sein des Pouvoirs Publics, l'élément
central, par opposition aux collectivités publiques locales, départements, communes,
établissements publics, la Nation s'entend d'un "groupemenl humain dans lequel les
(1005) Cf.CAPIAUX, op.cil., p.273
(1006)
CLC APlAUX, op.cil., p.272
(1007)
CfJ.Cl.GAliTRON, article précité, in EJ.A., p.262 : "Les conseils sonl amenés en général cl
déléguer la IIlQjeure parlie de leurs allribwions soit à un comilé de direction, sail à son présidenl, sail au
direcleur ou au présidenl-direcleur général de la sociélé"; CLFrancinc GODIN, BENIN 1972- 1982. La
logique de l'Etat africain, op.ciL, p.109 : "Le conseil d'adminiSlralion qui esl inslilué à la lête de [' Clllreprise
par [' ordonnance n 74-75 du 16 décembre 1974 régissam les rapporls ell/re [' Elal el les sociélés d'Elal el
celles dans lesquelles [' Elal a une prise de parlicipalion, esl un organe "à fonclion de direclion polilique".
De plus, le minislère de lU/elle duquel dépendenl les sociélés d'Elat peUL exercer un véLO suspensif, i.e qu'iI
peul demander qu'il soil sursis à [' applicalion des décisions prises en conseil d'adminiSlralion. D'aU/re pari,
il a élé créé en ] 974 Ull Conseil Supérieur de coordinalion rallaché direclemenl au Cabinel du Présidenl, qui
a une compétence presque illimitée sur les enlreprises publiques ct mixles·'.
NB: La loi n'88-005 du 26 avril 1988 a abrogé j'Ord.n'74-75 du 16 déc.1974.
(1008) Cf.de LAUBADERE et DJ:.LVOLVE, Op.CiL, n'583, p.n5 : "Le problème de la composition des
organes d'adminiSlration ou de surveillance des enlreprises nalionales est lié à la nOlion même d'entreprise
nationale, conçue comme appartenant à la Nation el non pas à l'Etat".
411
individus se sentent unis par des liens à la fois matériels et spirituels et se conçoivent
comme différents des individus qui composent les autres groupements nationaux" (1009).
La question
qui surgit
alors est
la suivante
: laquelle des deux entités
susmentionnées -à savoir l'Etat et la N ation- devrait être la mieux représentée au conseil
d'administration de l'entreprise publique? La réponse à cette question n'est pas simple; il
semblerait cependant logique d'opter pour la Nation (1010), conformément aux principes
constitutionnels de bon nombre d'Etats (1011). Or, la référence à l'idée de Nation (ou de
"t'euple" dans certains pays africains, comme le Congo), soulève le problème de sa
représentation concrète (1012) : faudrait-il, comme au Congo ou au Bénin adjoindre aux
représentants directs de l'Etat (représentants des ministres ou directeurs) un nombre
pléthorique de représentants du Peuple ou de la Nation (1013) ? Non! semble-t-il car
l'expérience a montré qu'une telle pratique conduit le plus souvent à la confusion des
pouvoirs (1014). Par conséquent, malgré le particularisme du régime de l'entreprise
(l009)
CLHAURIOU
et
SFEZ,
Institutions
politiques
et
Droit
constitutionnel,
Précis
Domal.
Ed.Montchrestien, 1972, p.30-31.
(lOlO) Cf.art.ler, L.l3 septembre 1980 portant définition et organisation des SOCietes d'Etat en Côte
d'Ivoire: "Dans le but de promouvoir certaines activités industrielles et commerciales permettant de soutenir
et accélérer le développement économique et social de la Nation, il peut être créé des entreprises qui
prennentlaforme de sociétés dénommées sociétés d'Etat".
(l011) Cf.Constitution du 8 juillet 1979 (R.P.CONGO), Titre lI! relatif à "L'ordre économique et social",
arL30 et 32: "En République Populaire du Congo, les principaux moyens de production sont la propriété du
peuple. L'Etat, au nom du peuple règlemente en tant que de besoin la jouissance collective ou individuelle de
ces moyens de production... ".
(1012) Noter les controverses suscitées par les notions d'Etat et de Nation. Pour M.CAPIAUX, op.cir., p.255:
"Le lerme publique implique ridée d'appartenance à la collectivité publique. Le débat théorique (/?lais non
sans implication juridique, notamment sur la délicate question de la propriété des biens dont dispose
l'entreprise) relatif à l'appartenance réelle de r entreprise publique - à la nation (ce que suggère
l'expression souvent usitée d'entreprise nationale), ou à l'Etat qui la personnifie - apparaît secondaire par
rapport au choix fondamental entre publicisation et privatisation d'une activité.
Le pouvoir des
représentants de la collectivité sur et dans l'entreprise publique trouve précisément son fondament dans
celle réalité de l'appropriation publique. Il en est en même temps la manifestation la plus éclatante"; Pour de
LAUBADERE et DELVOL VE, op.cir., n'544, p.682 : "En ce qui concerne la propriété, la nationalisation se
définit négativement par la suppression de la propriété privée de l'entreprise. Positivement, il est plw'
difficile de déterminer qui devient le propriétaire de celle-ci, puisque la philosophie des nationalisations a
été de procéder à un traw,fert non pas à l'Etat, ma'ü à la Nation -celle-ci s'entendant d'une entité diSlinue
de l'Etat et ne devant pas êlre représentée dans les organes d'administration par l'Etat seulement.
Toujours est-il que l'Etat est un élément essentiel de l'entreprise nationalisée, à lafois parce aue la
Nation n'a de réalité juridique qu.' à travers lui et que, d' /lne manière ou. d'une autre, il a la maftrise de
l'entreprise" (c'est nous qui soulignons).
(1013) Cf.supra note n'999 (Cas du Bénin et du Congo)
(1014) Cf.CAPIAUX, op.ciL., p.276 : "En fait, le système ainsi mis en place par les textes de 1973-1974
(celui de la Trilogie Déterminante) a semble-I-il mal fonctionné: dans cer,ains cas, les organes précités
"'.('1""
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;/~. ,n nu rnl'lf"cinn /10(" nt1rJlln;r, nlJ rn/p,\\" entre les
412 ..
publique -par rapport aux sociétés de droit commun (1015)- certains aspects, dont la
compétence du personnel et la rigueur dans la gestion, s'avèrent indispensables à
l'équilibre de l'entreprise.
C'est donc à la fois vers un meilleur équilibrage et une meilleure séparation des
organes délibérants et exécutifs qu'il faudrait tendre, tout aussi bien dans le cas des pays à
tendance "libérale" et dont le conseil d'administration regroupe essentiellement l'Etat et
des personnes publiques que dans celui des pays à vocation socialiste où prime le souci
d'une représentation des organisations de masse.
Ici encore, (1016), la formule du directoire et du conseil de surveillance, reprise
par certains pays africains dont la Côte-d'Ivoire (1017), nous paraît la mieux adaptée,
puisqu'elle permet d'intégrer l'évolution, soulignée par M.CAPIAUX (1018), du système
de pouvoir en faveur du "pôle technocratique" dans l'entreprise d'Etat, sans pour autant
conduire à l'exclusion ni même à l'effacement des organes délibérants, lesquels se
trouvent au contraire investis d'une mission de contrôle, dans ce nouveau cas de figure.
Bien que peu prisée, la fOffi1Ule du directoire (1019) présente de sérieux avantages
(1020). Son adoption en Afrique noire francophone en traînerait le résultat suivant : au
directoire, composé de cinq membres au pl us, reviendrait le pou voir d' adrninis trer
l'entreprise, tandis qu'un conseil de surveillance comprenant trois à douze personnes serait
responsables du parti ou du syndicat (dont les mèmes membres se retrouvaient dans les organes de la
Trilogie. en contradiction avec la circulaire précitée), et la direction de L'entreprise".
(1015) CU.du BOIS de GAUDUSSON, article précité, in E.J.A., p.20S. Parmi les éléments de ce
particularisme, l'auteur cite notamment l'absence d'assemblée générale des actionnaires, et le fait que la
geslion soit confiée à un conseil d'administration (ne comprenant que des représentants de l'Etat). Pour sa
part, le Professeur J.Cl.GAUTRON, Op.CiL, E.J.A., p.261 souligne que la représentation des intérêL'i-
représentation du personnel dans certains Etats (Bénin, Congo, Mali)- "est une dérogation supplémentaire au
droit commu.n des sociétés".
(1016) CLsupra n'lOS et s.
(1017) Notons qu'en Côte d'Ivoire, le directoire est remplacé pm le conseil d'administrmion (Loi du ]3
septembre 1980 précitée).
(1018) CAPIALJX, Op.CiL, p.277
(1019) En france, elle est prévue par les articles L.118 à L.ISO de la loi du 24 juillet 1966 et par le~ arts.5 ct
7 de la Loi du 25 juillet 1983.
En Afrique, celle formule a été adoptée, dans le secteur public, par le législateur ivoirien
notamment.
(1020) CfJEA1'\\:'NEAU, ouvrage précité, p.531; Lamy Sociétés, op.cit., n '3290.
413·
chargé de contrôler sa gestion (1021). Avec la formule du directoire, souligne le
Professeur JEANNEAU, en France, "la distribuâon des rôles s'opère plus clairement que
dans les rapports assez ambigüs entre le conseil d'administration ancienne manière et Son
président à double face. L'équipe dirigeante y gagne incontestablement une grande liberté
d'action, mais l'organe délibérant acquiert de son côté plus d'indépendance dans
l'appréciation des résultats d'une gestion cl laquelle il ne participe pas" (1022).
Ainsi, en Afrique nOlre francophone, le directoire des entreprises publiques se
composerait de représentants de l'Etat et de personnes choisies pour leur compétence en
matière de gestion et d'administration des sociétés. En vue d'un meilleur "partage du
pouvoir de direction" (1023), il serait souhaitable que ces personnes bénéficient d'une
réelle autonomie par rapport à l'autorité de tutelle et ne soient pas choisies au sein de celle-
ci.
Le conseil de surveillance, auquel incomberait essentiellement la miSSIOn de
contrôler (1024) l'entreprise publique; devra comprendre outre les commissaires aux
comptes et les représentants des Centres nationaux de Gestion et de Contrôle des
entreprises le cas échéant (1025), les
représentants des salariés (1026), et les
représentants du syndicat dans les pays à vocation socialiste.
Notons, par ailleurs, que certains Etats socialistes prévoient, nous l'avons-vu, la
participation des organisations dites "de masse". Sans préjuger du bien-fondé d'une telle
partIClpation,
nous
nous
bornerons
à
faire
observer
que
la
présence
desdites
"organisations" ne peut s'avérer utile et efficace qu'à la condition que leurs représentants
(1021)
Cf.LAMY Sociétés, op.eiL, n'3290
(022) Cf.JEANl'ŒAU, Op.CiL, n'320, p.530.
(1023) Cf.AUTù"l, op.ciL p.327 el s., développemel1lS sous le titre "Un pouvoir davantBge partagé".
(024) Cf.AUTrN, op.ciL, p.334 el S., développements sous le tilre "Un pouvoir mieux contrôlé".
(1025) La création de tels organes est vivemenl souhaitée (supra n.30,38,102,238,247). Ils existent cependant
dans certains pays dont le CONGO, sous la dénomination de Centre National de Gestion (CENAGES).
Toutefois, il est à déplorer qu'un rôle de second plan soit généralement impani à ces ccnlres de gestion.
Ainsi, au Congo, le CENAGES, organe technique, pourlanL réputé efficace, ne dispose que d'une voix
consultBtive au conseil d'administration des enlreprises publiques.
(1026) Paradoxalement, les pays d'Afrique noire francophone ne prévoient pas systématiquement la
représentation des salariés; cLcontra dans le cas de l'Algérie, AUTIN, op.cil., p.306 et s.: "Dans l'Algérie qui
construit le socialisme, les lravailleurs sont à la fois les artisans et les hénéficiaires de la révolution" (Charte
de l'Organisalion socialiste des entreprises, p.l347).
414
disposent
d'un
solide
"bagage juridico-économique"
-en
plus
des
"connaissances
idéologiques"-, ce qui est loin d'être le cas actuellement!
B - LE REAMENAGEMENT DU DROIT DE VOTE DANS LES SOCIETES
D'ECONOMIE MIXTE
- 268 - Les actions à vote plural constituent une dérogation au principe de l'égalité des
actionnaires en ce sens qu'elles conduisent à conférer à une action plus de voix qu'une
autre action de même valeur nominale (1027).
C'est ce qui explique qu'en droit commun des sociétés, les dérogations au principe
"une action une voix" soient l'objet de limitations: en effet, outre l'octroi du droit de vote
double, l'on n'admet que l'émission d'actions sans droit de vote et, dans certains cas, la
privation du droit de vote (1028).
Mais les atteintes au principe de l'égalité des actionnaires sont beaucoup plus
graves dans le cas des sociétés d'économie mixte, puisque les dispositions qui les régissent
vont jusqu'à prévoir l'attribution à l'Etat (ou à ses représentants) de la majorité des sièges
au conseil d'administration non seulement lorsque sa participation est majoritaire malS
encore, et paradoxalement, lorsque sa contribution au capital social est minoritaire.
Au Bénin, la loi du 26 avril 1988 dispose en son article 43 :
"Dans une société d'économie mixte où l'Etat est actionnaire
minoritaire mais à laquelle il décide conformément à l'article 12
de
conférer
le
Statut
d' Entreprise
Publique,
les
Statuts
détermineront la répartirion des postes et des fonctions
du
(1027) L'on admet néanmoins ce type d'actions lorsqu'elles sont utilisées avec modération, à titre de prime
donnée aux actionnaires fidèles ou pour retarder ou compliquer la prise de contrôle de la société par un
groupe étranger, cLGUYON, Op.CiL, p.3Ûl.
En ce sens, le droit de vote double a été repris par la quasi totalité des législations africaines, dès
lors qu'elles sont inscrites sous la forme nominative depuis deux ans au moins au nom du même titulaire,
cf.MEISSONNNIER, Droit des sociétés en Afrique, Op.CiL, n' 178, p.] 97.
(1028) C'est le cas des titres émis par les sociétés déjà dominées par une majorité. Les minoritaires se
sachant privés en fait de toute influence sur la gestion, peuvent préférer abandonner un droit de vote
finalement assez symbolique contre un dividende plus élevé et prioritaire, cLGUYON, op.CiL, p.299;
BÜULARüN, Au-delà de l'action prioritaire sans droit de vote", JCP.1979, éd.C.L, 13047; JAUFFRET-
SPINOSI, Les actions à dividende prioritaire sans ciroit de vote, Rev.soc. ]979,25. C'est le cas également des
actions non libérées des versements exigibles ou encore des actions non regroupées.
415
Président du Conseil d'administration, de la Direction Générale
entre l'Etat et les actionnaires privés.
Dans le cas contraire, il joue son rôle de simple actionnaire et la
répartition des postes et jonctions se jera selon le droit commun".
Il est important de souligner que ce procédé, visant à confier la majorité des voix il
l'Etat, n'est pas spécifique au Bénin; il se retrouve en fait dans bon nombre de pays
d'Afrique noire (1029).
Son principal inconvénient est de déroger à la relation, qui est toujours respectée en
droit commun des sociétés, entre la participation au capital et le nombre de voix à
l'assemblée générale et de conduire à une représentation forcée de l'Etat.
Il conviendrait, par conséquent, de mettre fin il cette pratique visant à awibuer à
l'Etat (ou il ses représentants) un nombre de voix supérieur à celui que lui confère sa
participation réelle au capital social; il en'résulterait un meilleur équilibre des pouvoirs au
sein de l' assem blée générale et, partant, une meilleure gestion de l'entreprise.
(1029) Cf. en ce sens, art.36, Ord.86-00 1 du 10 .ianvier 1986 (N iger) : "L'Etat et les Collectivités territoriales
actionnaires des 50ciéfés d'économie mixte disposellt au Conseil d'administration d'un nombre de sièges au
moins proportionnel à leur participation au capital de lu société concernée. Dans tous les cas le nombre ne
peut être infériew à deux" (c'est nous qui soulignons).
-ap. . . . .
416
CONCLUSION
0 0 0
- 269 - La représentation inégalitaire des diverses personnes morales de droit public au
sein du conseil d'administration conduit à renforcer la prééminence des organes exécutifs
et à cantonner le conseil dans un rôle simplement consultatif. Or, en partant de l'idée que
l'entreprise publique doit être conçue comme appal1enant à la Nation et non pas ü l'Etat
(1030), il serait souhaitable de s'orienter, en Afrique noire francophone, vers une
représentation équitable des divers membres du conseil d'administration des entreprises
publiques~ l'on confierait ainsi aux agents de l'Etat: la moitié des sièges dans un conseil
bipal1ite, le tiers dans un conseil tripartite et le quart pour un conseil quadripartite, les
sièges restants devant être répartis de manière égale entre les autres personnes morales de
droit public (1031).
Notons que, sans s'y confondre, la répartition que nous préconisons se rapproche
dans une large mesure de la conception -intéressante mais difficilement applicable
(1032)- de certains auteurs, dont de LAUBADERE et DEL VOLVE, qui estiment que
"rhéoriquernenr la représenrarion des organes de direcrions des enrreprises publiques
devrair êrre absolumenr homogène car l' inrérér général en esr un" (1033).
(1030) Cf.de LAUBADERE et DEL VOLVE, Op.CiL, nOS83, p.7lS.
( 1031)
En France, il convient de noter l'effort entreprise en ce sens, tOUl au moins en cc qui concerne
cenaines entrepnscs, cfLarny Sociélés, Op.CiL, n04135-4142, spéc.Tablcau, n04140.
(1032) Cfde LAUBADERE el DEL VOL VE, op.ciL, n0583, p.71 5 cl 716 : "Des trois représentations (celles
de /' Etat, des intérêts el des personnalités compétentes), celle de /' Etat semble être la plus claire dans
signification et la plus facile à aménager. Et pourtant. elle n' est déjà pas elle-même exelnpte de certaines
équivoques........ Par ailleurs "l'EloI, s'il représente l'intérêl général, doit servir d'arbitre entre les autres
intérêts. Mais on peUl se demander si ce rôle d'arbitre ne suppose pas une position extérieure par rapport
aux. intérêts à arbi/rer ......
(103.3) Ibid.
417
S'agissant de la société d'économie mixte, le non-empiètement de l'Etat sur les
intérêts des partenaires privés est indispensable à une saine gestion (1034). Ce principe
revêt une grande importance. Il suffit, pour s'en convaincre, de méditer le cas du Congo -
transposable à d'autres
pays d'Afrique
noire francophone-
où
seules
les sociétés
d'économie mixte ont échappé à la "faillite" quasi totale des entreprises du secteur public
(1035).
Au total, le choix jrdicieux des organes délibérants et exécutifs et le rééquilibrage
des pouvoirs au sein des conseils d' admil1lstration pourraient renforcer la cohésion des
organes de l'entreprise publique et conduire à une meilleure gestion de celle-ci.
SECTION II - L'AFFAIBLISSEMENT DE LA TUTELLE DE L'ETAT
- 270 - Parmi bien d'autres inconvénients, le système de la tutelle peut se traduire par la
présence excessive de l'Etat: dans bien des cas, en effet, l'effectif de ses représentants est
important puisqu'il peut atteindre la moitié du conseil (supra, n0256 et s.).
De plus, lesdits représentants sont choisis en fonction de leur fidélité politique, le
critère de la c:;ompétence ne venant qu'au second plan. Air..si :
"Grâce à ce syscème, le gouvernemenC dispose dans les conseils
d'adminiscracion
d' lin
bloc
d'adminiscraceufs
qui
lui
sonc
inconditionnellement favorables ec sensibles à ses sollicicacions.
Les
adminiscraceurs
représentanc
l' Dac
ne
sone
libres
ec
indépendants que de nzanière chéorique : ayanc le sraCllr de
fonctionnaires, la plupart reçoivent des ordres des n2Ïniscïes qui
peuvenr à COllC momenc les révoquer" (1036).
(1034) CLGALL-\\.rS-HAMONNO, Exposé de symhèse du Colloquc Imcrnalional Cl Interdiscipiinaire précIlé
(28 février 1986), Institut Orléanais de Finanœ (Uni vcrsité ct 'Orléans).
(1035) CLCAPIAUX, Op.CiL, p.27ü : ... "Le signe le plllS évident de la situation ainsi déplorée réside dalls le
défiât chronique que connaissent la plu.part des elllreprises d'Elat Congolaises (il importe IOluefois
d'affiner [' analyse: le déficit est surtoUi le fait des entreprises d'Etat, au sein de ï ensembie des entreprises
publiques, encore que certaines d'entre elles, [,ARC par exemple fassent exception: ies résultats obtenus par
les sociélés d' économie mixte paraissent plus sati:,jaisarus".
(1036)
CHEVALLIER, Les transformations du statut d'établissement public, JCP 1972, n'2496,
spécialcment n'23 el s.
~--------------------------
418
Or, nen n~ justifie un tel monolithisme politique qUI conduit à une véritable
paralysie de la gestion (1037).
Pour remédier à ce grave danger il s'avère nécessaire de procéder, de nombreux
pays africains l'ont compris, à un assouplissement de la tutelle et, plus particulièrement, à
la fixation de contrats de programme et de plan (1038).
Le moule conventionnel offre pour les entreprises publiques le grand intérêt
d'enserrer les contrOles des pouvoirs publics dans les limites juridiques aeterminées et de
leur garantir une sphère précise d'indépendance. Rassurée sur l'accomplissement des fins,
l'autorité de tutelle peut se montrer plus souple sur les moyens.
Concrètement, les contrats de plan comme de programme "privent parriellernent
d'objet les contrôles a priori puisque les principales décisions qu'aura à prendre
l'entreprise sont déterminées pour les quatre ou cinq années à ve l1ir" (1039).
Dans cette perspective, l'approbation de l'autorité de tutelle devient simpiement
formelle: ne concernant plus l'opportunité d'une décision et de son montant. elk permet
de contrôler l'~xécution du contrat (1040).
(1037) Comp.en France, M.CI-ŒV ALLIER, (op.cit.) en matière de services publics fait remarquer que la
prééminence de l'Etat est née de la déformation du schéma classique du droit français selon lelJucl : d'une
parl, un droit de regard esl reconriu aux autorités adminislratives pour organiser les services publics ct,
d'auITe part, l'autorité supérieure est habil itée à exercer un pouvoir général d' OrienlJ:llion des pouvoirs
publics et un cOOlrôlc a posteriori par la lechnique juridique de la LUtellc.
(1038) Sur les contrats-plans au Sénégal, V.les commentaires de J.MAILLOUX dans le chapitre "Les
contrôles externes", EJ.A., op.cit., p.319-328, particulièrement p.327-328: v.égal., sur les COOlrats de
programme : arL.~O, L.26 avril 1988 (Bénin); :.lfl.6, Il et 12, L.11/82 du 24 jan vier 1983 (Gabon); an. 11 à 1.1
notammeOl, Ord.86-002 du 10 janvier 1986 (Niger).
NOLer égalemenL. en Afrique, l'existence du "contrôle concomitaOl" (ou contrôle a priori <lllégé) :
c'est une forme de contrôle plus global et plus intimcmentlié au processus de Liécision ct, partant, pCrmCLl<lOl
d'assouplir la rigidité de la règle du visa préalable, cLPELTIER, op.cit., p.318. Sur son application en Côte-
d'Ivoire (arl. 13 , L.n'80-1070 du 13 septembre 1980), au Sénégal (Loi n'77 du 10 août 1977 ct an.33, aLler,
Loi du 3 août 1987). Celle dernière disposition vient de consacrer la suppression du contrôle a priori.
Et pour la Fr:.lnce, cLnoLamment DORMOY ct ivlARCHIARO. Les nouvelles orielltations du
contrôle de l'Et~ll sur les eOlreprises publiques, Mélanges PEQUIGNOT, 1<,)84, p.203-218.
(1039) VOISSET, L'expérience des COntrClS de programme dans les eOlreprises publiques, Droit social, n06,
juin 1974, p.265.
(1040) CADIC, Le contr<ll de proh"'Tamme, Essai de raLÎonnalisation de la gestion des entreprises publiLjues,
AlDA, 20 décembre 1979, p.23.
S'agissaOl de l'Afrique, la contracLUalisation des rapports de l'Etal ct des entreprises publiques est
préseOlée par M.Jean DU BOIS DE GAUDUSSON comme une solution valable à l'empièLement de l'EtaL
sur l'autonomie du secteur public, cL Les rapports de l'Elat ct cles entreprises publiques, EJ.A. op.cit.,
n.:rn-""" nn,,,mn1Pn.
419
L'assouplissement de la tutelle de l'Etat devrait procéder d'un schéma très simple:
à l'aménagement d'une séparation des pouvoirs (visant à confier la réalité du pouvoir de
gestion et de direction au conseil d'administration) (1041) s'ajouterait un allègement
sensible des contrôles a priori; en contrepanie l'Etat pourra renforcer les contrôles a
pos teriori.
On le voit, ce n'est donc pas tant la complexité des moyens juridiques que le refus
par l'Etat d'un partage de son pouvoir prépondérant qui fait obstacle à l'institution de
l'autonomie de l'entreprise publique africaine.
SECTION III - LE RENFORCEMENT DU CONTROLE DES E.P.
PARAGRAPHE
1 - LE
DIAGNOSTIC
L ïNEFFlCIENCE
DU
SYSTEME
ACTUEL
- 271 - En l'état actuel du droit africain, l'on ne peut espérer une grande efficacité du
système de contrôle des entreprises publiques.
La faiblesse de celui-ci tient d'abord dans la discordance entre les organes choisis
et les missions à accomplir, autrement dit entre les buts visés et les moyens disponibles.
Commentant les conditions d'application des contrats de plan en Arrique, l'auteur aflïrme (p.334) :
"Une telle codi(ication des rapports de r Etat et des entreprises publiques pourrait s'accompagner d'une
révision des slauas des administrateurs, de munière à engager leurs responsabilités sous la réalisation du
programme: elle suppose aussi une réelle intégration des entreprises publiques dans la plani/ication. qui
reste à faire dans la plupart des Etats africains. Celle solution présente enfin ( avantage de permcllre [/11
meilleur exercice des controles, notamment a posteriori. de rEtat sur les el1lreprises puiJIiques".
(1041) Rappel: En Afrique "(Celle) prépondérance du conseil d'administration est souvent largemel1l
contestée par les faits. En dépit de leurs allrilJlllions institutionnelles, les organes délibérants jouent
fréquemment un rôle modeste, voire effacé, dans la définition des politiques d'intervention, dans le suivi des
opéralions et dans le contrôle des résultats. Celle faiblesse s'explique ci la fcis par la composition des
conseils et par II.' Slatut des administrateurs", cLPELTIER, arL.précit~. p.312.
S'agisSJnt de la revalorisation du conse i1 d' adm in istralion (nowmment), l'on peut rappeler
également l'idée. très importante de la reconnaissancc légale de l'association des personnels à t'élaboration
des contrats de plan. (En France, an.nl, Loi de démocratisation du secteur public); cLVOISSET, Un essai
de renouvellement des relations entre l'Etat et les entreprises publiques
les contrats de plan, Mélanges
PEQUIGNOT, p.717-736; v.p.733, la précision suivante: "les contrats de plan ne sont pas exhaustifs. Jls
n'épuiselll pas les relations entre l' Etat et les entreprises alors même qu'ils sont souples el peuvent être
révisés très rapidemelll. Jls ne peuvent, en effet, couvrir lOutes les activités des entreprises... ".
420
En outre, les conrrôles externe et inrerne s'avèrenr inopéranrs : le premier parce
qu'il n'intervient qu'a posteriori, lorsque l'irréparable a été commis, le second du fait que
les organes chargés de
l'exercer ne
bénéficienr pas de
la
libené d'action et de
l'indépendance nécessaires.
En effet, comme l'a souligné un aureur, l'exercice du contrôle permanenr et
concomiuanr... auprès des cenrres de décision ... "implique pour ceux qui en som chargés
un haut degré de connaissance dans le domaine de la gestion des entreprises et une force
de caraclère suffisal1le pour faire preuve de fermelé sans dégrader les rapporls avec rElal
el l'enlreprise dOIll ils Olll la responsabililé" (1042). Or l'observation des faits révèle, en
Afrique noire francophone, soir une indépendance excessive soit une subordination des
contrôleurs, l'un et l'autre de ces aspects étanr naturellement déplorables.
Dans le premier cas, les commissaires du gouvernement, ou les agenrs délégués de
l'aurorité de tutelle, ne disposenr que de peu de temps en réalité à consacrer à la'
surveillance des entreprises. De plus, ils
sont
investis
bien
souvent de
fonctions
administratives et assurent le conrrôle de manière cumulative, ce qui a pour inconvénient
de les mettre à l'abri d'une interpellation du conseil d'administration (ou du direclOire,
notammem en ce qui concerne la Côte-d'Ivoire) et de l'assemblée générale (1043).
Dans le second cas, les contrôleurs d'Eta[ (1044) se trouvent pratiquement :ioumis
à l'aurorité d'un contrôleur financier, organe unique de contrôle pennanenr des sociétés
nationales et des sociétés d'économie mixte (1045).
A ces deux principaux facteurs d'ineffectivité des contrôles, s'ajoute un troisième
aspect en apparence secondaire mais dont le poids e:it loin d'être négligeable: il s'agit de
1
la faiblesse des infrastructures humaines et matérielles.
(1042) H.CH.-'I.SSERY, Les alLributions du conseil de surveillance, Rev.Lrim.dr.com.1976, p.316.913
(1043) V.en ce sens, arl.33, a1.3 el4, Loi du 3 août 1987 (Sénégal).
(1044)
'La dislillclion du commissaire dll gouvcrnemenl el du conlrôlcur d' EWI repose sur Icfai! qllc le
premier représenle de manière permanenle auprès de r elllreprise le miniSlre de lU/elle "ICclllliquc" IOndis
que le second joue un rôle analogue au profil du miniSlre chargé de l'Economie el des Finances",
cLPELTlER. op.cil., p.316.
(1045) lis peuvenl, de surcroîl, provoquer la convocation du conseil d'adminisLration et en arrêler l'ordre du
jour (Niger, Rwanda, Burkina-Faso) ou disposer d'un droil de VélO Cl suspendre l'application d'une décision
par l'assemblée générale ou par le conseil d'adminislration (Cameroun, Rwanda, Burkina-Faso).
Sur la mission du contrôleur financier, au Sénégal, cf.an.34 à 38 (Loi du 3 aoûl 1987): pour le
Gabon (cf.an.36, L.I 1/82 du 24 jan vier 1983).
421
Or il ne fait aucun doute qu'un contrôle efficace nécessite l'intervention de cadres
rompus aux techniques de gestion et de comptabilité.
Malheureusement,
en
Afrique,
le
rendement
des
contrôleurs
d'Etat
est
considérablement atténué du fait "qu'ils ne constituent pas à proprement parler un corps
de contrôle, impliquant une cerraine indépendance hiérarchique, et que leur recrlllemel1l
est assez hétérogène (administrateurs civils, inspecteur des impôts ou du Trésor ou, enfin,
contractuels ayant une formation de comptable)" (1046).
Ainsi, en dépit des efforts réalisés en vue de l'installation de structures permanentes
de contrôle, l'on déplore encore l'absence dans les pays africains de fonctionnaires
réunissant les qualités et capacItes requises pour exercer le contrôle des entreprises
publiques de manière satisfaisante (1047).
Pourtant, ce problème ne paraît pas insurmontable, des solutions viables pouvant
être trouvées dans la création de centres interafricains de s:estion (1048).
(1046) CLH.CHASSER Y, Op.CiL, p.464 : "Les contrôleurs des comptes ont en effet une mission non pas
exclusivement nwis esselJ/ieliement compLable et la garalllie des services que l'on auend d'eux se trouve
dans une grande qualification d'autant plus nécessaire que la comptabilité devient de jour en jour un art
plus difficile. exigeant des lechniciens de plus en plus confirmés. La gestion, de son côté, demande un très
large éventail de connaissances commerciales, industrielles. financières ou administratives, appdl1lll une
spécialisation poussée".
(1047) L'échec du système de contrôle actuel a conduit, dans certains pays, à une réorganisation des organes
de contrôle :
- Côte-d'Ivoire: suppression des commissaires du gouvernement en 1975 (décret n'75-148 et n'75-
149 du Il mars 1975) et réorganisation de la tutelle des sociétés d'Etat et des sociétés d'économie mixte (Loi
n'80-1071 du 13 septembre 1980).
- BENIN: la loi du 26 avril 1988 a réorganisé les modalités de contrôle des activités du secteur
para-public.
les entreprises publiques et seOli-publiques sont soumises au contrôle du rvlinistre de tuelle (art.55,
aU er), la Chambre des comptes et l'Inspection Générai<; d'Etat pouvant recevoir mission ponctuelle
d'exercer un contrôle particulier (arl.55, in fine).
Par ailleurs, l'intervention des commissaires aux comptes est prévue par la loi (an.58).
(1048) FRAJ'\\'JOU, La coopération avec les organismes privés, in EJ.A.p.351-354; et plus largl:ment,
KIRILOFF, La coopération multilatérale: le rôle du Bureau International du Travail, EJ.A., op.cil., p.339-
343 et PLATEAU, La coopération bilatérale: la coopération publique française, EJ.A. op.cil., p.345-350.
422
PARAGRAPHE
Il
- UN
REM EDE
EVENTUEL
L' ATTENUATION
DES
PREROGATIVES ETATIQUES
- 272 - La mise en oeuvre d'un système de contrôle satisfaisant est une véritable gageure et
l'examen du droi t com paré souligne du res te très nettemen t l'ample ur de la tâche (1049).
Il est à cet égard significatif de noter que les analyses doctrinales se rapportant au
secteur public africain se bornent généralement à une "description très formelle de ce qui
est et ne prétendent pas formuler de "recettes" toutes faires pour ce qui devrait être"
(1050).
Toutefois, la réserve sagement exprimée dans la précédente citation, loin de
traduire l'impossibilité absolue d'aboutir à de bonnes solutions (théoriques), tient compte
du mépris que manifestent les Etats à l'égard de tout système de contrôle qui procèderait
d'un affaiblissement de leur emprise sur les entreprises publiques, notamment par
l'admission en leur sein ct' organes indésirables.
Le problème du contrôle de l'entreprise publique est donc d'une extrême
complexité puisqu'il fait intervenir des considérations qui débordent sinon le droit, tout au
moins le cadre précis du ciroit privé (1051).
Loin de nous la prétention d'apporter un remède miracle ! A partir des causes
profondes de la mauvaise gestion du secteur public africain, nous nous bornerons à
indiquer des fondements d'un assainissement de la politique de contrôle des entreprises
publiques, lesquels consistent, à notre avis, dans le réaménagement du contrôle a priori et
dans la redistribution des tâches entre les organes de contrôle.
Il est important, toutefois, de rappeler qu'en dehors de ces mesures médiates,
l'amélioration du contrôle pourrait résulter indirectement des dispositions précédemment
évoquées, visant au redressement de l'entreprise elle-même.
(1049)
Sur Je contrôle de l'entreprise publique en droit comparé, v.LESCUYER, Le contrôle de l'Ewt
sur les entreprises nationalisées, BiblioÙ1èque de Droit Public. PréCacc de J.RiVERO, LGDJ 1962, p.59-79
spécialement.
(1050) J.M.BRETON, Les contrôles budgétaires ct financiers en droit congolais, op.cil., p.384.
(1051)
LESCUYER, op.cil., L'inefficacité du contrôle de clroit privé, in ouvrage précité, p.56.
423
A titre d'exemple, la démultiplication des organes apparaît comme une mesure de
simplification du contrôle.
A - LE REAMENAGEMENT DU CONTROLE A PRIORI
- 273 - Le contrôle "ne saurait effacer une mauvaise gestion, car une honne gesTioll eST
préférahle au
meilleur
des
cOlltrôles, fût-il
assorû
de
sanctions rigoureuses
eT
rigoureusement appliquées".
Cette remarquable formule de M.LESCUYER (1052) présente un double intérêt.
D'abord, elle souligne le caractère secondaire de la sanction. En outre, elle exalte
indirectement les venus du contrôle a priOli, dont l'usage adéquat peut favoriser une bonne
gestion des entreprises publiques.
Or, faute de lui avoir conféré toute la souplesse voulue, le contrôle a priori reste
une procédure lourde dans les pays d'At'rique noire francophone. En l'Etat actuel du droit
africain, l'application aux établissements publics (et au secteur public) de règles de
contrôle a priori peut créer une dualité de comp6tence entre l'ordonnateur (organisme de
tutelle) et le contrôleur, sunout, comme c'est souvent le cas, "lorsque la définition des
missions eT des ohjeCllfs opérationnels de l'établissemenT n'esT pas suffisammenr précise et
peUl donner lieu à des inTerprétations différentes, du moins sur les priorités des actions cl
entreprendre et dans le domaine de la gestion courante des moyens" (1053).
Ainsi, au Congo, la dualité de "l'objet du contrôle" fait des contrôleurs à la fois des
censeurs et des conseillers techniques; il en résulte une cenaine ambivalence "entre
conTrôle a priori eT participation rnédiare au processus de décision" (1054).
De plus, à n'y prendre garde, l'intervention de l'Etat dans la gestion par agent
interposé (commissaire du gouvernement, contrôleur. .. ) peur aboutir à vider purement et
simplement la notion de contrôle de son sens: en pareil cas "il ne s'agit plus alors d'un
partage du pouvoir de décision, puisque la puissance puhlique agit seule. Il ne s'agiT
même pas d'une application du système hiérarchique" Cl 055).
( 1052)
LESCUYER, op.cil., p.314
(1053) PELTIER, op.cil., p.317
(1054) BRETON, Les contrôles budgét.aires... , op.cil., p.368; sur la "lourdeur" et "]' inefficacité" du système
de contrôle, au Congo, cLégalement CAP1AUX, OP,CiL, p.281-2R3.
42.4
Mais même si l'on s'en tient aux situations où le partage du pouvoir de décision a
réellement
lieu,
le
contrôle
a
priori
n'en
demeure
pas
moms
une
procédure
"administrativement" lourde et, de surcroît, nuisible à l'autonomie, gage du dynamisme de .
l'entreprise.
Par ailleurs, la multiplicité des organes de contrôle (1056) (a priori) peut favoriser
les doubles emplois et les chevauchements de compétence (1057).
Comme l'a fait remarquer le Professeur J.D.BRED IN, "les trois inslitwions
(Commissaires du gouvernement, administrateurs et contrôleurs d'Etat) servent un même
but; et dans beaucoup de cas, elles ont des attribwions idenliques et il n'y aurait aucun
inconvénient à les confondre" (1058).
Et c'est du reste pour résoudre les problèmes créés par la dualité de compétence
en tre l'ordonnateur et le contrôleur que' certains pays africains ont prévu des procédures
d'arbitrage au niveau de la tutelle (1059).
Mais la meilleure solution ne serait-elle pas de tenter d'unifier des institutions SI
disparates (précédemment évoquées) en procédant à une répartition précise des fonctions
entre les organes chargés du contrôle interne de l'entreprise publique?
(l056) BRETON, op.cil., p.384
(l057) CLaction concurrente des commissaires du gouvernement, contrôle d'Etat, commissaires aux
comptes, administrateurs ...
NB : Au Congo, cependant, pour une mission identique, le contrôleur des dépenses engagées, une
nuance a été introduite en fonction du domaine où s'exerce le contrôle: le contrôle du domaine administratif
revient au contrôleur financier tandis que les contrôleurs d'EUH se chargent exclusivement du contrôle des
entreprises publiques, cLBRETON, op.cil., p.369, notamment.
(1058)
J.D.BREDIN,op.cil.
(059) Ainsi, en Côte-d'Ivoire, en cas de rdus définitif de visa, l'ordonnateur peut soumettre le projet
d'engagement en l'état, accompagné des pièces justificatives et de l'avis motivé du contrôle budgétaire, sous
couvcr't du ministre des Finances qui se prononce en dernier ressort (MU8 du décret n'81 du 18 février 1981
portant régime financier et comptable des établissements publics nationaux).
Il en est de m~me au Congo: "Le contrôle des engagemenls esl concrélisé par {' apposilion d' un
visa préalable, dOIJ/ le reJi./s ève/Huel doil êlre dûment molivé. Si c'esl le cas, il apparliem au direcleur de
{' entreprise ou de [' organisme c~nlrôlé d'en saisir le minislre de tU/elle qui, s'il désapprouve le refus, peut
donner injonCiion (également mOlivée) au contrôleur d'apposer son visa. Ce dernier doil alors en aviser le
minislre des Finances qui en informe lui-même le Conseil des minislres", cLBRETON, Les contrôles
budgétaires... , op.cil., p.368.
---------------------------
'm.nO""'W3 -~
425
B - LA REDISTRIBUTION DES TACHES ENTRE LES ORGANES DE
CONTROLE
- 274 - D'emblée une remarque d'importance s'impose: la suprématie de l'Etat dans les
entreprises publiques a considérabkment amenuisé le rôle que la loi avait entendu faire
jouer à l'Assemblée générale et aux commissaires aux comptes, organes sur lesquels
repose véritablement le contrôle en droit commun des sociétés commerciales.
En
droit
commun,
en
effet,
l'assemblée
générale
nomme
et
révoque
les
administrateurs, ce qui lui donne le droit de surveiller leur action: elle doit se prononcer
sur leur gestion au vu du rappoI1 rédigé par les commissaires aux comptes. Elle peut alors
leur accorder le quitus pour l'exercice écoulé, ou, au contraire, les démettre de leurs
fonctions en cas de faute.
Les commissaires aux comptes pour leur part, exercent une activité essentiellement
comptable. Ils dépendent complètement de l'Organe délibérant, l'assemblée généraie, et
comme mandataires de la société, leurs fautes engagent leur patrimoine personnel. De plus,
pour éviter
toute
collusion
avec
les
contrôlés,
les
administrateurs,
des
mesures
d'incompatibilité et de déchéance ont été prévues par la loi (1060).
Bien que l'efficacité du système de contrôle prévu par le droit commun des sociétés
commerciales ne soit" pas contesté, il demeure qu'il s'avère inapplicable dans son
intégralité aux entreprises publiques, empreintes d'un certain particularisme.
Les obstacles à la transposition des règles du droit privé aux sociétés du secteur
public sont de deux ordres.
ri s'agit, d'abord, de la condition des administrateurs. L'on observe, en effet, que
les organes de contrôle de la S.A. ne peuvent fonctionner réellement en l'absence des
actionnaires privés. Ainsi, l'assemblée générale, s'il ya un "actionnaire" unique, n'est plus
qu'une réunion de quelques fonctionnaires, qui ignorent souvent les affaires de la société.
Or, attribuer Je rôle de l'assemblée générale au parlement est une solution peu intéressante
en pratique (compétence technique, temps disponible ... ) (1061).
( 1060)
Nowmmcnt, décrel loi de 1937 inlerdisanl aux commissaires de devcnir administraleurs dans un
délai de cinq années à compler de la cessalion de leurs fonClions de contrôleurs; v,également supra, note
n'306'el nOle n'614.
426
De plus, bien souvent, l'administrateur de l'entreprise publique (ou nationalisée)
n'est guère comparable à l'administrateur de la société anonyme. Celui-là n'est pas
actionnaire comme celui-ci.
Un autre facteur d'inadéquation du système de contrôle de droit privé réside dans la
dévalorisation de la fonction de commissaire aux comptes dans les sociétés publiques.
La multiplicité des organes de contrôle (supra, n02472) rend leur intervention quasi
superfétatoire: le seul vrai contrôle est celui de l'Etat et, comme le souligne le Professeur
BREDIN, "en principe l' Erat ne commet pas d'irrégularités et, s'il en commettait, ce serait
le fait du prince. Il n'appaniendrait pas aw: commissaires aux comptes de le dénoncer"
(1062),
Faut-il en inférer l'exclusion pure et simple des commissaires aux comptes? Nous
ne le pensons pas. Car s'il est vrai que le conseil d'administration n'est plus respons,~ble
devant aucune assem blée générale et que les comm issaires aux corn ptes n'agissent pour
préserver aucun actionnaire, si, par conséquent, "les commissaires aux comptes ont enfait
perdu leur rôle d'organe essentiel chargé dans les SA de contrôler la régularité du bilan
dans l'intérêt des actionnaires" (1063), il reste que leur compétence technique fait d'eux
des organes essentiels, même à titre secondaire, à une bonne analyse des comptes de
l'entreprise publique. C'est ce qui explique et justifie leur maintien dans la plupart des
législations africaines (1064).
Toutefois, pour éviter tout empiètement sur les attributions des autres organes de
contrôle, il conviendrait de circonscrire le rôle des commissaires dans le strict cadre d'une
mission de contrôle technique, à l'inverse des contrôleurs d'Etat qui se chargeraient
exclusivement du "contrôle politique".
(1062) BREDIN, op.cil., p.24S
(1063)
BREDIN, op.cil., p.247
(1064) Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de faire observer qu'en France, la réforme du croit des so~iélés s'est
traduire par un important accroissement des fonctions de commissaires aux comptes, cf. du PONTAVICE
(E.du), Le commissariat aux comptes dans les lois des 24 juillet 1966 et 4 janvier 1967 sur les sociétés
commerciales, Eludes otTenes à H.CABRILLAC, 1968, p.37S-404
.427
En
d'autres
termes,
les
commissaires
aux
comptes
se
cantonneraient
à
l'appréciation des comptes et la certification, ce qui revient essentiellement à vérifier
l'exactitude et la sincérité des infonnations données dans le rapport dressé par les
administrateurs et à certifier la régularité des comptes, c'est-à-dire leur conformité à la
règle de droit et notamment aux règles comptables, voire au plan comptable général
lorsque l'application de celui-ci est obligatoire (1065).
Les contrôleurs d'Etat (ou agents assimilés) exerceraient If: contrôle d'opportunité
et le controle de la gestion, tout en vérifiant l'accomplissement par l'entreprise des
objectifs à elle assignés par l'organisme de tutelle, l'ensemble de ces attributions se
résumant dans ce que nous avons qualifié de contrôle politique.
C . LE RENFORCEMENT DU CONTROLE A POSTERIORI
1°) Les difficultés
- ns - Ainsi ·que nous l'avons souligné, l'allègement du contrôle a pnon devrait être
compensé par le renforcement du contrôle a posteriori.
La différence entre les deux types de contrôle apparaît nettement dans la
tenninologie afférente aux entreprises publiques, les tennes internes et externes pouvant se
substituer aux qualificatifs" a priori" et "a pos teriori".
Le conrrôle a posteriori présente deux particularités:
- il est effectué par des organes extérieurs (à l'entreprise);
- il intervient non pas en amont, au stade de la prise de décision, mais en aval et
généralement en fin d'exercice.
Si la répartition des organes de contrôle est relativement aisée, la plupart des Etats
d'Afrique noire francophone ayant opté pour des structures inspirées du droit français et
réductibles au
tryptique -contrôle administratif, juridictionnel et parlementaire-, la
compétence àu personnel appelé à exercer ces contrôles n'est pas sans susciter de sérieux
problèmes (supra nOnO).
( 1065)
NB: Ce contrôle essentiellement organisé par la loi de 186ï, differe sensiblement de celui
institué en France par !a loi de 1966, cLarticle précité, p.379 notamment.
428
Globalement, l'on peut affirmer que la réorganisation du contrôle a posteriori dans
lesdits pays suppose, d'une part, la recherche d'une certaine homogénéité des institutions
er, d'autre part, une formation plus efficace des contrôleurs, ces deux aspects étant du reste
liés.
Sur le premier point, il est à observer, en effet, que certains pays africains ont
introduit des éléments de démarcation par rapport au système français précédemment
évoqué et en vigueur au Sénégal et au Congo notamment.
Ainsi, par exemple, le Zaïre Impose la présence des commissaires aux comptes
auprès des entreprises publiques.
Malheureusement, les aménagements apportés n'ont pas engendré l'amélioration
escomptée, de telle sorte que, comme en matière de contrôle a priori. le problème du
chevauchement de compétence et de l'eff1cacÎlé des différents organes reste à résoudre.
J:;:Q effet, ainsi que le souligne M.MAILLüUX, l'on peut s'interroger sur le rôle du
commissaire aux comptes dans une structure sociale où il n'existe pcs d' assem blée
générale (cas de l'enrreprise d'Etat) à laquelle il rendrait ses comptes (1066).
En outre, l'institution du commissaire aux comptes se trouve concurrencée par les
autres organes spécialement affectés au contrôle des entreprises publiques: contrôleurs
d'Etat, corps d'inspection, institutions à caractère judictionnel. Certains auœurs en ont
déduit que le commissaire aux comptes est une institution peu adaptée et quelque peu
antinaturelle dans une entreprise r'Jblique (1067) et qu'elle faisait double emploi avec les
autres organes de contrôle (externe) (1068).
(1066) MAILLOUX, Les contrôles externes, E.J.A.. p.32I.
N.B. : La présence des commissaires aux comptes se justilïe davantage dans les socIetes mixtes ou il
participation publique et plus particulièrement cians le C3S des sociétés à parùcipation étrangère. A cc titre, en
Côte-d'Ivoire, un dispositif intéressant a été prévu pour ce dernier type de sociétés : un ou deux
commissaires sont désignés auprès de chaque entreprise par le Comité interministériel de tutelle sur la
proposition du ministre de l'Economie des Finances.
(1067)
MAILLOUX, op.cil., p.321
(1068) BRETON. Les contrôles budgétaires.... op.cil.
~........--~----------------------
429
L'on peut se demander, à cet égard, si la Commission (Sénégalaise) de Vérification
des Comptes et de Contrôle des Entreprises Publiques (CVCCEP) ou le Centre Permanent
de la Comptabilité du Zaïre ne jouent pas un rôle similaire à celui des commissaires aux
comptes.
En
fait,
le
problème
du
chevauchement des organes
et des
compétences,
précédemment évoqué, dépasse le cadre du commissariat aux comptes et s'étend à
l'ensemble des institutions de contrôle. A ce propos, une étude assez récente a fait
apparaître au Congo, la multiplication inutile des organes de contrôle (1069),
Autre inconvénient, les contrôleurs d'Etat, compétents en matière de contrôle
externe sont, en outre, habilités à exercer un contrôle a priori sur les dépenses engagées; de
surcroît,
ils
donnent
un
aViS
sur
les
comptes
prévisionnels
d'exploitation
et
d'investissement et en suivent l'exécution, contrôlent le recouvrement des recettes de
l'entreprise et sont de façon générale les conseillers du ministre de tutelle et des entreprises
concernées (1070). Il est permis de s'inten'oger sur l'efficacité d'un tel cumul des deux
formes de contrôle dont il faut noter au passage qu'il prive l'entreprise de son autonomie
de gestion. La surcharge des organes de contrôle n'est-elle pas nuisible à la qualité de leurs
prestations? (1071).
Soulignons, enfin, qu'en plus du chevauchement des compétences, l'on note
parfois, en Afrique noire francophone, l'absence pure et sim pie de l'organe juridictionnel
(1072) ou l'imprécision de leurs attributions (1073).
( 1069)
BRETON, Les conLrôles budgétaires.... op.cil., p.361
(1070) BRETON, ibidem, p.368; MAILLOUX, op.cil., p.322 : "Ils jouent dans une certaine mesure le rôle
de commissaires aux comptes notamment en Côte-d'Ivoire pour les é{(lblissemenls publics qui n'ell SOllt pas
dotés".
(1071) En effeL les contrôleurs d'Etat assistenL en outre à toutes les réunions des conseils d'administration et
comités de direction ou de gestion, avec voix délibérative, cLBRETON, article précité, p.368.
(1072)
M.-\\ILLOUX, Op.CiL, p.324; DU Bois de GAUDUSSON, L'Etat ellcs entreprises publiques en
Afrique noire, RFDA, n'32, oct-déc.1984, p.611-622, v.p.617 : 'Bien des chambres des comptes connaissent
une situation précaire ct n'ont parfois d'exis,ence que théorique " ainsi en est-il de la Chambre des comptes
de la Cour Suprême de la République démocratique de iYladagascar depuis J985; en Côte-d.'lvoire, la
Chambre des comptes de la Cour Suprême s'est trouvée sans effectif de 1975 à 1978 et a dû cesser dans
l'indifférence générale, lOute activité".
(1073) Ainsi, au Congo, le champ de compétence de la Cour des Comptes n'ayant pas été défini, le dispositif
de conLrôle juridictionnel s'avère incomplet, cLBRETON, Le contenLieux budgétaire et financier, in Droit
public Congolais, Op.CiL, p.632 : "A ce jour, (mai 1987), l'organisation de la Cour des Comptes n'a encore
fait l'objet d'aucune disposition spécifique et aucun membre (Ilommé ou élu) n'y a encore été affecté. Elle
n'est donc jusqu'alors pas entrée en fonctions, et ces dernièrès sont demeurées en suspens, la Cour Supréme
n'\\)I'lYlf
n"~rI,, -ro"''''' ,.. ...... " ..... ~;;'n .... ,..n rI/.,~.· 1,.. rI .......,,~.-.; .. ,... ,.."" .... _:.-'~ .. .-~·f
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w-~
430
Sur le second point d'achoppement, inhérent à la formation des cadres, nous nous
bornerons à mentionner que la faiblesse des résultats enregistrés en matière de contrôle (a
posteriori) des entreprises publiques provient d'une part àu mode de désignation des
"comptables" du secteur public et, d'autre part, de leur statut (état de dépendance par
rapport aux institutions gouvernementales,
surtout en
ce qui concerne le contrôle
parlemen taire).
Il cunvient de rappeler, à cet égard, que les contrôleurs Sùnt généralement choisis
parmi les fonctionnaires, lesquels ne disposent pas toujours de la spécialisation requise
(1074). C'est ce qui rend nécessaire le recours à des cabi!1ets d'audits privés, voire
étrangers (1075).
Quant aux Assemblées parlementaires, leurs moyens se trouvent limités:
- leur information s'appuie essenti'ellement sur les rapports des hautes juridictions
financières et sur les réponses apportées aux questions posées aux ministères de
tutelle ... (1076)
- le contrôle politique est parfois exercé par des commissions désignées par le Chef
de l'Etat (1077).
ZO) Les solutions possibles
- 275 - Les solutions possibles de cette crise du contrôle externe des entreprises publiques
se dégagent tout naturellement de l'appréciation critique qui vient d'être faite.
(1074) Pour k Zaire, cLMAILLOUX, op.ciL., p.321.
(1075) Noter cependant les effons enlIeprîs au Sénégal : on fait de plus en plus appel à des agents
contractuels spécialisés dans la comptabilité, d.MAILLOUX, op.cil., p.324.
(1076) MAILLOUX, op.ciL., p.325; pour le Congo, cLBRETON, Les entreprises publiques et la refonte de la
réglementation des marchés publics en droit congolais, P,ENANT, n'780, avr-juiI1.1983, p. 176-] 99; p. ]85
spéc.; cLBRETON, Le contrôle parlementaire de, la gestion financière, in Droit public congolais, op.cil.,
p.63l-632.
(1077) MAILLOUX, op;ciL., p.324. En France, cLRAPP, ouvrage précité, p.493 s., lcs développements
consacrés à T information du Parlement sur les filiales d'entreprises publiques".
431
L'amélioration du contrôle a posteriori s'avère d'autant plus nécessaire et urgente
que le contrôle a priori doit voir son importance s'amenuiser dans une large mesure, et
cevue d'une gestion plus souple de l'entreprise publique en Afrique noire francophone.
---------
Cette amélioration devrait procéder, à notre avis, de deux mesures essentielles
l'autonomie des organes de contrôle (et la répanition précise des tâches) et l'application
effective des sanctions éventuelles à leur encontre.
Dans cette optique, l'exercice du contrôle devrait être confié à un orgamsme
extérieur à I"enrreprise, doté d'une réelle autonomie vis-à-vis des pouvoirs exécutif et
parlementaire. La forn1ule consistant à créer des Centres nationaux de gestion et de
contrôle paraît être la plus indiquée à condition, toutefois, que les contrôleurs bénéficient
d'une solide formation et d'un statut (rémunération, incompatibilités ... ) qui les préservent
des "atteintes" de l'Etat et de ses démembrements.
De la même manière, le contrôfe Parlementaire ne peut aVOir de sens que s'il
s'exerce à l'abri de toute immixtion des gouvernants et du Chef de l'Etat notamment; d'olt
la nécessité de constituer au sein de l'Assemblée Nationale un corps d'élite, composé de
députés réellement préparés aux missions de contrôle.
L'idée de la création de commiSSIons sur le fondement de la "qualification
professionnelle" des députés devrait s'imposer et s'étendre à tous les domaines où une
grande spécialisation est req uise (1078).
S'agissant de la répamtlon des tâches, le commissaire du gouvernement devrait
avoir pour mission d'assurer la li2.ison entre l'organisme de tutelle et l'entreprise (et vice
versa).
Compte tenu du haut I1lveau de compétence et de la disponibilité que requiert
l'exercice d'une gestion et d'un contrôle sérieux, il serait plus sage de procéder à une
délégation des fonctions dévolues aux commissaires du gouvernement à des Agents
(agissant individuellement ou de manière collégiale) en veillant, car c'est une condition
esseritielle, à ce que leur indépendance par rapport aux autres organes de gestion de
contrôle ou de décision, soit nettement marquée. Autrement dit, il est impératif que le
(1078) A l'image des tribunaux judiciaires où la réparti Lion des affaires se fait cn fonction de la spécialisation
des magistrats.
432
commissaire du gouvernement cesse d'être un représentant omniprésent de l'Etal et que
son mandat soit effectué de façon permanente et effective au sein de l'entreprise publique.
Plus que jama.is doit être mis fin à l'~parpillement des tutelles. C'est du reste pour y
remédier que certains pays d'Afrique noire francophone ont soit supprimé puremenl et
simplement la fonction de commissaire du gouvernement (Côte-d'Ivoire) soit, c'est le cas
de la plupart d'entre eux, opté pour son remplacement par un comité interministêrièl (ou
par un corps assimilé).
Le fait pour les représentants de l'Etat de siéger en permanence au sem de
l'entreprise a un effet dissuasif non négligeable. Il rend, en outre, le contr6k plus
acceptable par les contrôlés (administrateurs).
Il est bien entendu que la mission essentielle desdits représentants doit être de
veiller à la conformité de l'activité de l'entreprise aux objectifs du plan et de superviser
l'activité des administrateurs, sans que' cette supervision ne dégénère en une véritable
immixtion dans les activités de ces derniers.
En cas de désaccord entre le Conseil d'administration et le représentant du
gouvernement, c'est celui-ci qui tranchera, sauf à requérir. en cas de nécessit~, l'avis de
l'organe de tutelle.
Pour sa part, le président du conseil d'administration ou le directeur général
assurera principalement une mission de représentation de l'entreprise auprès des tiers et
des différents services ou administrations.
Si les larges pouvoirs du commissaire du gouvèJ"nement sont maintenus, c'esl pour
qu'il puisse en user à bon escient, c'est-à-dire, lorsqu'un désaccord grave ou des fautes de
gestion et autres circonstances similaires le justifient. A titre d'exemple, le commissaire du
gouvernement, en tant que garant des intérêts de l'Etat, sera habilité à déckncha une
enquête
ou
une
procédure disciplinaire
imposée
par
une
gestion
manifes~el11ent
défectueuse. En contrepartie, il convient de le rappeler, le commissaire du gouvernement
(ou tout autre représentant de l'Etat) devrait pouvoir répondre de ses propres fautes ck
gestion.
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433
Pour prévenir tout risque de confiscation du pouvoir par le conseil d'administration,
les administrateurs étant avant tout les garants de la politique de l'Etat, le (ou les)
contrôleur tïnancier (ou d'Etat) devra exercer, nous l'avons dit, un contrôle pemlanent
mais discret sur l'acti'/ité des admir.isrrateurs, notamment par voie de rapports adressés au
commissaire du gouvernement sous le couvert de ses délégués.
A cette fin, il conviendra de maintenir la possibilité pour ceux qui exercent le
contrôle politique, d'assister aux assemblées. Toutefois, et la précision est d'imponance,
seul le délégué du commissaire du gouvernement (lorsqu'il participe de façon permanente
à la vie de l'entreprise) sera fondé -à l'exclusion des contrôleurs pourtant admis aux
délibérations du conseil d'administration- à suspendre une décision, à requérir l'avis du
Ministre de tutelle pour les décisions importantes ou en cas de désaccord avec le conseil.
Notons, enfin, que pour garantir l'effectivité de cet ensemble de mesures destinées
à maintenir l'équilibre entre la libené d,' action des administrateurs et leur contrôle par
l'autorité publique, l'accent devra être mis sur le renforcement des sanctions applicables
aux responsables politiques ou sociaux.
Seul un système réellement répressif pourrait revaloriser le contrôle a postenon
dont l'incidence reste actuellement très limitée en Afrique noire francophone.
En ce sens, il conviendrait d'étendre la compétence rationae personae de la Cour
des Comptes de manière que celle-ci puisse exercer son contrôle sur l'activité àes
parlementaires et rendre applicable à ces derniers les sanctions éventuellement édictées par
la Cour de Discipline Budgétaire (ou autre juridiction ou organe assimilé).
434
SECTION IV - LE RENFORCEMENT DU REGIME DE LA RESPONSABILITE
IDEE GENERALE:
LE STATUT IMMUNITAIRE DES DIRIGEANTS,
COMME FONDEi\\IENT D'UNE PROBLEMATIQUE
- 277 - A notre avis, l'essentiel du problème de la responsabilité des dirigeants d'entreprise
publiques réside dans la confiscation des pouvoirs de gestion, d'administration et de
contrôle entre les mains des représentants de l'Etat, qui réduit à néant -ou presque- la
notion de sanction. Il en découle que, d'une manière ou d'une autre, sinon en théorie du
moins dans la pratique, l'on se heurte à j'immunité de l'Etat et de ses représentants.
L'Etat, en Afrique norre francophone, redoute, plus que tout, l'instauration (hrn
mode d'organisation proche de la souplesse de gestion, susceptible d'engendrer une
certaine autonomie de gestion (notamment par la séparation des pouvoirs de décision et de
délibération), autrement dit d'affaiblir sa prééminence.
En schématisant quelque peu, l'on peut considérer que la problématique de la
responsabilité des dirigeants d'entreprises publiques tient à deux. ordres de difficultés, l'un
étant juridique, l'autre politique.
S'agissant du premier point, l'on note, d'un point de vue théorique, que les notions
d'Etat et d'intérêt général sont prédominantes et que les mécanismes complexes du droit
public (droit administratif particulièrement) priment ceux, beaucoup mieux adaptés, du
droit privé.
En effet, le fait que les administrateurs soient assimilés à des mandataires de ! 'Etat
rend particulièrement difficile la mise en cause de leur responsabilité. Dans la plupart des
cas, les statuts des entreprises publiques (1079) reconnaissent au ministre (compétent) le
(1079) CLSultul') types des entreprises d'Etat (BENIN); arL.9 et 14, L.13 septembre 1980 (Ccite-d'Ivoire); au
ZAIRE les membres du conseil d'administration sont nommés par Je président de la République (arL.7 et 9,
L.6 janvier 1978).
435
pouvoir de nommer et de révoquer les administrateurs. Lorsque l'on saÏ[ le rôle assigné à la
notion de hiérarchie, l'on entrevoit les conséquences d'une éventuelle opposition de
l'administrateur (mandataire) à son mandant (la 8 0).
De toute manière, l'action sociale se réduit presque à une hypothèse d'école dans la
mesure où l'autonomie et la collégialité du conseil d'administration (ou de surveillance)
restent à acquérir (1081).
A fortiori l'exercice de l'action individuelle requiert une exceptionnelle audace.
Quel administrateur oserait mettre en cause la gestion de l'entreprise publique (1082) ?
En outre, réussirait-on à intenter une telle action que l'on se heurterait au mur dressé par la
personnalité morale de l'entreprise, qui absorbe et protège les dirigeants.
D'un
point
de
vue
pratique,
il
faut
dénoncer
les
lacunes
législatives
et
jurisprudentielles. Les exemples sont rares, d'une réelle volonté d'adapter les textes ou les
décisions au caractère public de l'entreprise. Dans la plupart des pays d'Afrique noire
francophone, il est souvent fait référence à des textes visiblement empruntés au droit
commun des sociétés et qui n'abordent la responsabilité des dirigeants que de manière très
allusive.
Or s'il est vrai que l'entreprise publique se rapproche en certains points des sociétés
de droit commun, il n'en reste pas moins qu'elle s'en distingue à plus d'un titre (1083).
A ces deux principales difficultés, d'ordre strictement juridique, s'ajoute, nous
l'avons annoncé, un obstacle lié aux prérogatives attachées à la "personnalité" des organes
de tutelle et de gestion,
lesquelles
se
traduisent
par
une nette
préférence de
la
responsabilité politique à la responsabilité civile ou pénale des administrateurs, par une
nette subordination des dirigeants aux organismes de tutelle, et par le recours en certains
(1080) CLLESCUYER, La responsabilité civile des dirigeants d'entreprises publiques, R.D.P.1974, p.975-
990, p.984.
(1081) CLinfra n'281.
( 1082)
BREDIN, op;cit., p.233 : '"L'Etat utilise ...les vices de la S.A . .' l'affaiblissement progressif de
l'assemblée générale au profit du conseil d'administration el s;mollt de son président".
(1083) HOUIN, "La gesLion des entreprises publiques el les méthodes de droit commercial" in La distinction
du droit privé ei du droit public et l'entreprise publique, Archives de Philosphie du Droit, 1952, p.79-107.
436
cas à la révocation ... et encore ... quand la révocation ne prépare pas à une promotion. Le
recours aux sanctions est plutôt rare en Afrique, l'Etat préférant gratifier les auteurs de
fautes de gestion voire de malversations, de cenaines "mutations" (1084).
En définitive, il se dégage des précédentes observations le consrat sUivant: si la
responsabilité de l'Etat se justifie pleinement au plan théOlique -celui-ci devant répondre
en effet en tant que mandant des agissements de ses représentants (ou préposés)- sa mise
en oeuvre s'avère particulièrement difficile, et ce même lorsque (rarement) les textes le
prévoient expressément (1085).
L'usage par l'Etat de ses prérogatives de puissance publique conduit à une véritable
impasse, au point que cenains auteurs se sont demandés si la responsabilité civile n'est pas
une illusion dès lors que l'Etat est administrateur.
Nous ne nous appesantirons pas sur cette question, dans son aspect doctrinal, er
nous nous efforcerons de montrer qu'en dépit des sérieux obstacles susmentionnés, la mise
en cause de la responsabilité de l'Etat est possible, surtout si l'on se réfère à la notion de
faute.
Par ailleurs, il conviendrait, pour confé,er une assise plus solide au système de la
responsabilité dans les pays d'Afrique noire francophone, de reconsidérer le statut des
administrateurs ainsi que le problème des sanctions, faute de quoi les espoirs de
changement resteraient illusoires.
PARAGRAPHE 1 - LE REAMENAGEMENT DU STATUT DES DIRIGEANTS
- 278 - L'alignement du statut des administrateurs sur le régime du droit privé nous paraît
être une condition indispensable à la mise en cause de la responsabilité des dirigeanrs
d'entreprises du secteur public.
(1084) Comp.France, commentaires du Professeur LESCUYER, an.précité, p.990; Pour le Congo, cL'sur
l'inefficacité des sanctions politiques, MüUZITA, Op.CiL, p.331-334.
(l085) CLLESCUYER,
R.D.P.1974,
p.985
:
"Le
principe même
d'une
responsabililé civile des
administrateurs. par exemple, est contestable, dans la mesure où la responsabilité implique la détention d'un
certain pouvoir de décision et d'une liberté de gestion, deux éliments fondamentaux don! ne peuvent
disposer les administrateurs du fail de la réduction des pouvoirs du conseil d'administration et de la
multiplication des contrôles étatiques.
437
Le
système
actuel
(en
Afrique
nOIre
francophone)
accuse
une
sérieuse
contradiction: il favorise la multiplication des conrrôles en même temps qu'il maintient
l'impunité des administrateurs. C'est ce qu'a exprimé le Professeur LESCUYER en ces
termes: "En voulant éviter la faute on a multiplié les contrôles, mais en multipliant ceux-ci
on a certainement empêcher la sanction, et on a permis la faure" (la 8 6).
Pour remédier à cet état de fait, les Pouvoirs publics africains devraient accorder
une autonomie de gestion à l'entreprise et manifester une réelle volonté d'assainir la
gestion de celle-ci. En effet, l'on ne saurait attendre de changement profond tant que les
gouvernants feront passer leurs intérêts personnels avant ceux de la Nation, par le maintien
en fonction d'administrateurs acquis à leur "cause". De façon concrète il faudra procéder
expressément et par voie légale au réaménagement du statut des administrateurs.
S'agissant, par exemple, de la désignation des administrateurs et des autres
dirigeants de l'entreprise publique, il serait souhaitable qu'elle intervienne à l'intiative de
l'assemblée générale (réhabilitée dans tous ses droi ts) et du conseil d' administrarion (ou de
surveillance), comme c'est le cas en droit commun.
Malheureusement, il Y a fort à parier que cette proposition ne restera qu'un voeu
pieux dans la mesure où l'Etat, soucieux de garder la mainmise sur l'administration de
l'entreprise publique (ou semi-publique) entendra toujours conserver le pouvoir de
nomination des dirigeants (la 87).
L'on observe, en effet, bien souvent, que ne sont nommés de préférence aux postes
de direction que des hommes politiques: ministres en fonction, anciens ministres ou hauts
fonctionnaires
cumulant
une
ou
plusieurs
activités
"publiques"
avec
la
tâche
d'administrateur. Il s'agit donc, comme on le voit, de nominations de complaisance, sans
égard au critère de la compétence et souvent destinées à récompenser d'anciens services et
conduisant de toute manière à perpétuer "le cercle d'amis".
Il convient, par ailleurs, de souligner que le poids de la tâche d 'administrateur suffit
à justifier l'interdiction du cumul de fonctions importantes. De ce fait, il serait souhaitable
de conférer un caractère de permanence à la charge d'administrateur d'entreprise publique
(la 8 6)
LESCUYER, article précité, p.986
(1087) BREDIN, ouvrage précité, p.20S et s.
438
ou tout au moins de garantir son service effectif (en cas de cumul); une telle limitation
pouvant apporter plus de stabilité, voire un cenain assainissement du secteur public
économique.
Parallèlement à ceUe mesure, il conviendrait de precIser dans les textes la
rémunération devant être atmbuée aux dirigeants des sociétés précitées, la gratuité des
services comme la distribution de revenus excessifs étant à éviter.
Juger les précédentes mesures à leur 2 'parente simplicité serait une erreur, car c'est
l'appât du gain et non la volonté de servir la Nation qui détermine souvent l'admission aux
fonctions de dirigeant d'entreprises publiques.
La durée du mandat des dirigeants (et des administrateurs) devra être précisée dans
les statuts types sans pouvoir excéder six ans. Le renouvellement sera toutefois possible,
sauf en cas de gestion déficitaire sanctionnée, comme il se doit, par le refus du quitus.
Précisons q Uè cette dis posi tion s' appliq uera de manière individuelle ou col1ecti 'le selon
que la gestion est assurée par un seul membre (le président ou le directeur général) ou de
manière coll~giale. En réalité, la faute individuelle dans l'exercice du mandat social par le
membre du conseil paraît cependant difficile à imaginer du fait de la gestion (souvel~t)
collégiale et de la multiplicité des contrôles.
En dernière analyse, bien que la détemlination des conditions de nomination, de
rémunération, de dUTée du mandat d'administrateur ne soit pas dénuée d'intérêt, l'élément
primordial devra être la mise en évidence du régime de la responsabilité et de la révocation
des dirigeants.
Ces derniers devront répondre à la fois de leurs fautes de gestion et de tout exercice
déficitaire. De plus, ce point est fondamental, aucun organe (de tutelle, délibérant,
exécutif...), interne ou externe, ne devrait empêcher la mise en cause de leur responsabilité.
Ce dispositif apparaît comme la contrepartie de l'autonomie de gestion que l'Etat
devra accorder à ses représentants, car l'on ne peut parler de responsabilité que là Ol! il
existe la liberté de décision.
439
- 279 - Ainsi, pour qu'elles deviennent réellement opérantes, les mesures applicables aux
dirigeants d'entreprises publiques (ou semi-publiques) devront nécessairement prévoir la
mise en évidence des causes de responsabilité ainsi que la mise en cause de la
responsabilité des administrateurs.
A la faveur du réaménagement de leur statut, les fonctionnaires dirigeants et agents
publics de toute catégorie se verraient interpelleï pour leurs fautes de gestion. L'égalité de
tous devant la loi nous paraît être un facteur essentiel d'assainissement des sociétés du
secteur public en Afrique noire francophone.
Soulignons que les proposItIons qui précèdent (et celles qui vont suivre) ne
devraient pas être reléguées, en raison de leur sévérité, au rang de pure hypothèse d'école,
puisque certaines législations africaines, paniculièrement celle du Congo, font montre
d'une rigueur exem plaire en matière de sanction (1088).
PARAGRAPHE II - LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DES
DIRIGEANTS
- 280 - De manière générale, les pays africains n'ont pas prévu de véritable régime de la
responsabilité des dirigeants de sociétés publiques. Les statuts se boment bien souvent à
une énumération des pouvoirs dévolus aux organes de direction et de tutelle, et
mentionnent parfois l'obligation pour les représentants de l'Etat au sein de l'entreprise de
rendre compte au gouvernement (1089).
Quelques exceptions méritent cependant d'être signalées: il s'agit notamment du
cas de Madagascar, du Congo et du Zaïre. La Charte Malgache de l'entreprise d'Etat
prévoit expressément la responsabilité individuelle et collective des membres du Conseil
d'Orientation devant le Conseil Suprême (art.12) et la responsabilité du Comité de gestion
devant le Conseil d'Orientation (art.26).
(1088) BRETON, Les cOnLrôles budgétaires et financiers en droit congolais, op.ciL., v.également du même
auteur, les développements sous le paragr::lphe "Les sanctions" in Droit public congolais, op.ciL., p.62S-630.
V .Au S~négal, les sanctions applic::lbles au Conseil d '::ldministrmion (an.ll, Loi du .3 août 19~7) et
au directeur directeur (an.15, Loi du .3 ::loût 1987);::lu Bénin, les infractions prévues par la loi du 26 avril
1988 :
- les infr::lclions relatives à la direction et à l'::ldministration des entreprises publiques Cl .,;eml-
publiques (an.60 à 63):
- les infractions relatives au contrôle des entreprises publiques et semi-publiques (an.64 à 66)
(1089) Cf.::lU BENIN, 3rt 55, Loi du 26 avril 1988; SENEGAL, arL.9, Loi du.3 ::l(lût llJin; MALI, ;)rL12,
décret du 22 novembre 1971 modiLOrd.69-23 du 11 avril 1969.
.
440
Au Congo, l' anicle 17 de la Charte de l'entreprise d'Etat dispose:
"Le directeur général est responsable devant
le Comité
de
Direction; le Comité de Direction est responsable devant l'autorité
de tutelle qui, elle, est responsable deva/ll le Conseil d'Etat".
L'anicle 7 de l'ordonnance n078-002 du 6 janvier 1978 portant dispositions
générales applicables aux entreprises publiques mentionne, en son alinéa 2, que:
"Les administrateurs peuvent (toutefois) être relevés de leurs
fonctions par le Président de la République pour faure constatée
dans leur gestion".
Le réaménagement du régime de la responsabilité devrait procéder d'un alignement
sur les règles applicables aux dirigeants des sociétés commerciales. L'avantage d'une telle
solution c'est qu'elle permet de passer de l'incertitude voire de l'injustice qui caractérise la
"responsabilité politique" à la grande clarté et la précision des règles du droit commun,
ayant résisté à l'épreuve du temps.
Cenes l'application des règles du droit pnve aux entreprises du secteur public
s'avère malaisée aussi bien en raison de l'orientation paniculière de l'entreprise publique
que de la prédominance en son sein de l'Etat, organe souverain, investi de prérogatives
exorbitantes du droit commun. Mais pour con tourner l'obstacle de taille dressé par la
présence de la puissance publique, il n'existe pas d'autre moyen, à notre connaissance, que
l'établissement par voie légale de règles prévoyant de manière non équivoque: la mise en
cause de la responsabilité des dirigeants (1090), par la levée de l'immunité politique qui
leur échoit en tant que mandataires publics, l'institution de cenaines sanctions et
l'applicabilité aux
entreprises
publiques
des
voies
d'exécution
et
des
procédures
collecti ves.
A
LA
MISE
EN
EVIDENCE
DE
LA
RESPONSABILITE
DES
DIRIGEANTS
- 281 - Les dirigeants devront êITe reponsables à la fois envers la société et envers les tiers,
individuellement et
solidairement,
selon
les cas,
s'ils
se
sont rendu
auteurs
SOit
(1090) En ce sens, an.60 à 66, L.26 avril 1988 (BENIN).
441
d'infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés du
secteur public, soit de violation des statuts, soit de fautes commises dans leur gestion.
De plus, en cas d'application de procédures collectives à l'entreprise publique, les
administrateurs seront passibles de sanctions pécuniaires et personnelies si les conditions
en sont remplies : comblement du passif, extension de règlement judiciaire, faillite
personnelle et interdiction de gérer, diriger ou contrôler une société.
On le voit, et c'est une innovation qui mérite d'être soulignée, l'application du
principe de l'alignement de l'entreprise publique sur certaines règles de droit privé doit
aboutir à l'extension de sanctions prévues en matière de procédures collectives (y compris
la faillite) aux dirigeants comme aux sociétés du secteur public elles-mêmes.
Par son caractère répressif, cette solution nous paraît être la seule apte à limiter les
abus fréquemment constatés dans la gestion des entreprises du secteur public.
Serait-il raisonnable, en effet, d'attendre sérieux et diligence d'adminisu'ateurs
conscients que la protection de l'Etat leur est acquise et que leurs fautes, même les plus
graves, ne peuvent donner lieu qu'à des sanctions de type disciplinaire, c'est-à-dire
essentiellement à la révocation et l'affectation à d'autres fonctions qui, par ai lieurs, ne
constituent bien souvent, nous l'avons précisé, que des promotions déguisées.
La difficulté soulevée par la nature spécifique de l'entreprise publique, en tant que
démembrement de l'Etat, a été nettement tranchée en France par ur: auteur qui a souligné
"qu'il serait inconcevable que des pans enliers de r économie soient gérés par des
dirigeants civilemem irresponsables" (1091). L'auteur précité a complété cet argument
d'ordre économique par trois arguments de droit:
- l'application du droi t des sociétés commerçiales n'est pas pour sa plus grande part
écanée... par les statuts spéciaux respectifs des dirigeants d'entreprises du secteur
public:
- on a reconnu à ces dirigeants, à peu de chose près, les mêmes pouvoirs que leurs
homologues du secteur privé;
(1091) DUBOIS, La responsabilité civile des dirigeanLs des sociétés anonymes du secteur public,
Rev.soc.1986-1. p.4ï-79, p.:'!l.
442
- il n'y a pas d'incompatibilité entre l'appartenance au secteur public et l'éventualité
de fautes de gestions (1092).
Dans la même optique, le Professeur DELVOLVE affirme que la mise en cause de
la responsabilité des dirigeants de sociétés publiques se justifie par la notion de faute
(1093). Il est à noter que, s'agissant d'une entreprise publique, la faute consistera le plus
souvent dans la constatation d'une insuffisance d'actif ou d'un déficit de l'exercice.
Ayant fait admettre l'existence de la responsabiliLè des dirigeants, il nous reste à
examiner la mise en oeuvre de celle-ci.
B - LES CONDITIONS
DE DECLENCHE;'v'lENT DE L'ACTION
EN
RESPONSABILITE
- 282 - C'est au voile de la personnalité morale de l'entreprise publique que de nombreux
représentants sociaux doivent leur impunité, ce qui rend nécessaire la mise en oeuvre d'une
responsabilité individuelle ou, le cas échéant, le cumul d'une responsabilité civile de la
personne morale et de son représentant.
Le déclenchement de l'action en responsabiliré pose de sérieuses difficultés.
En effet, l'action ut singuli est inconcevable sauf dans les sociétés d'économie
mixte, du fait que le rapport de force est nettement favorable à l'Etat, l'actionnaire étant
limité statutairement à un rôle de mandataire (qui n'est ni ne représente les actionnaires).
Ce schéma est, à peu de choses près, transposable aux organes sociaux dans la
mesure où l'assemblée générale est, nous l'avons vu, quasi inexistante. En outre, l'action
sociale a peu de chance d'être exercée par les dirigeants de la société contre eux-mêmes
(1094).
(1092) DUBOIS. arLicle préciLé, n'3, p.SO et n'29, p.68.
(1093) Contra HOUIN, Op.CiL, p.79-107 ; le Professeur BREDIN (ouvrage précité, p.200) affirmc que la
responsabiliLé civile des adminisLrateurs eSL une illusion.
NOLer, cependant, qu'en France, l'a[[.244, L.24 juillet 1966 rend "les administrateurs responsables
individuel/emem ou solidairement selon le cas, ... des fOUles commises dans leur gestion". Rappelons, cnfin,
qu'au Congo, i'vI.MOUZITA (op.ciL., p.331-334) a Ùtit éLat des sanctions politiques.
(1094) LESCUYER, article précité, p.982.
443
\\
Seule reste possible l'action des organes qUI représentent au sem de l'entreprise
publique les intérêts distincts de ceux de l'Etat (salariés, représentants de la Nation ... )
(1095). Mais leur action
reste limitée
par leur
faible
représentativité au conseil
d'administration et la confiscation du pouvoir par les organes de direction.
Il ressort de ce qui précède la nécessité d'établir une réelle autonomie de gestion et
une séparation des pouvoirs, de sorte que les administrateurs puissent faire réellement
contrepoids il l'action menée par les organismes de direction et de tutelle.
Par ailleurs, il y aura lieu de tirer parti de la composition pluripartite des conseils
d'administration d'entreprises
publiques. En
Afriq ue noire francophone,
les
statuts
d'entreprises publiques
font intervenir de nombreuses commissions (représentants des
travailleurs, du Parti, de la Nation ... ) (1096) il côté des administrateurs et des dirigeants.
Outre la revendication de leurs intérêts propres, il paraît concevable de leur conférer le
pouvoir de mettre en cause la responsabilité des dirigeants, dans la mesure où lIne
mauvaise gestion sociale leur est toujours préj udic iable (1097).
La mise en application de cette dernière solution se trouverait du reste facilitée par
le fait que la participation des représentants des commissions aux délibérations du conseil,
droit reconnu dans la plupart des pays précités, offre l'avantage de les tenir constamment
informés de la marche de la société et donc des interventions éventuelles.
Il n'est pas superflu de rappeler également tout l'intérêt d'un droit de vote égalitaire
qui obligerait les dirigeants,
notamment
le président du directoire ou du
conseil
d'administrarion à plus de diligence :
"Le conseil d' adminisrrarion sraruanr à la :najori!é simple, si ceue
majoriré esr consrimée ... , elle pourrai! décider d'inrenrer Ilne
acrion en jusrice pour meure en jeu la responsabiliré personnelle
pour Jaure
de
gesrion
du
présidenr (acruel
ou passé)
cr
(1095) Sur l'exercice de l'action ut singuli et ut universi, cLDUBOIS, La responsabilité civile des dirigeanL'i
de sociétés anonymes du secteur public, Rev.soc.1986, p.47-79, n'32-38, p.69- 74.
(1096) Supra n.265 et 266
(1097) En droit commun l'action ut singuli peut être exercée par les actionnaires représenlllnt au moins le
vingtième du c3pilal social.
444
éventuellement
des
adminis trateurs
ou
repréSentallls
d'actionnaires" (1098).
Monsieur DUBOIS s'est même demandé s'il ne serait pas opportun de reconnaître
ce droit aux administrateurs minoritaires non actionnaires en tant qu'ils sor.t des organes
de la société. Justifiée en théorie, cette solution a l'inconvénient d'obliger à la démission
les administrateurs qui ne veulent pas s'associer à l'acte fautif; or un tel désengagement
implique beaucoup de coura-Se (1099).
Il convient de souligner, enfin, la faible portée de l'action des tiers et des créanciers
sociaux. Ceux-ci n'ont du reste aucun intérêt ~l agir tant qu ïlleur est intégralement el dans
les délais payé ce qui leur est dû. Il en découle que l'action des créanciers ne trouvera à
s'exercer valablement que dans le cadre d'une procédure de réglemenl judiciaire (1100).
En conséquence, si la faule des administrateurs est prouvée, ainsi que le lien de causalité, il
y aura lieu de les condamner à supporter tout ou panie de l'insuffisance d'actif. Cette
mesure, inspirée du droit français, viendrait compléter utilement le dispositif législatif en
vigueur dans les pays d'Afrique noire francophone (supra n° 164).
Devra é~alement être introduite la distinction entre la contribution au p,~ssif el
l'extension de la procédure de réglement judiciaire, notions souvent considérées à ton
comme identiques; en fait, la seconde procédure n'est applicâble qu'en cas d'inexécution
par le dirigeant condamné de son obligation de paiement (1101).
Pour couronner cet ensemble de dispositions,
il
ne
resterait qu'à consacrer
légalement dans l'ensemble des pays d'Afrique noire francophone J'exercice des voies
d'exécution du droit commun contre les entreprises publiques (1102).
(1098) CLDuBOIS, op.cil., p.71
(1099) DUBOIS. op.cil., n'35, p.71; LESCUYER. arl.prée., p.1982: Pour 1vI.BREDIN (op.cil., p.2UI). la
responsabilité solidaire des administr~lleurs est difficile il imaginer: "La responsahili/é des adminisiro[('urs
devraÎl normalement peser sur rensemble des administrateurs, les !Jnl/.s et les mauvais. Mais comment en
présence d'une mesure condamnable proposée au conseil d' cuiministration, les "bons" auraielll-ils pu
manifester leur désapprobation? Par une simple protestatLOn .? Ce seroù trop aisé et d'ailleurs inelfico(C.
Par une démission qui laisserai/le champ libre aux Lllllres .?".
(1100) Celle mesure a été réeemmenL reprise par le légi\\lateur sénég~llais dans le c3dre de la réforme du droit
des procédures collectives (C.O.c.c.).
(1101) CLan. 100, L.1967 (France).
(1102)
CLDELVOL VE, L'applicabilité de l' aetion en cOlllblemenL de passif aux personnes publiques,
R.F.D.A. 1985, n' 1, note sous arrêt, Trib.des conll its. ::: juillet 1984.
445
Il est à noter, toutefois, à ce propos, que la détermination de la juridiction
compétente en matière de responsabilité des sociétés du secteur public n'est point aisée.
Certes l'action en comblement du passif et autres. procédures collectives rel~vent en
principe de la compétence des tribunaux judiciaires (1103). Mais cette solution doit-elle
être maintenue lorsqu'un organisme mis en faillite apparaît comme ayant été dirigé, en
droit ou en fait, par une personne publique?
Compte tenu de sa délicatesse, cette qUL.,tion appelle une réponse nuancée. Le
principe est que la responsabilité des dirigeants doit s'apprécier selon les règles de la
responsabilité administrative et par les jlllidictions administratives, en raison du rôle joué
par les pouvoirs pu blics (1104).
Ce principe subit cependant des atténuations chaque fois qu'il appar:lÎt que
l'entreprise publique a eu recours à des procédés de droit privé (1105).
Malheureusement, la distinction entre l'utilisation de procédés de droit public et cie
droit privé n'est pas toujours aisée.
Ainsi, par exemple, s'agissant cie l'action en
comblement cie passif, le Professeur DEL VOL VE propose l'interventionnisme cie ciirection
et l'interventionnisme cie gestion comme élément de distinction du caractère privé ou
public du rôle joué par les pouvoirs publics à l'égard d'une entreprise (1106).
(1103) DEL VOL VE, L'exercice de voies d'exécution comre les dirigeèlms d'entreprises publiques, R.F.D.A.,
n'l, 1985, p.85-S8, ob:>. sous arrêt Cour d'appel de Paris (Iè ch.A), II Juillet 1984; cLégaJcmem an. 1er,
L.16 juillet 1980 (France); s'agissam du régime juridique de l'emreprise publique au Congo, M.C.:"PIAUX
(op.cil., p.284-28':+) fait éult du recours au droit commun Lam en cc qui concerne la compétence des tribunaux
que la responsabilité des entreprises d'Etal.
(1104) DELVOLVE, op.cil., p.84
(1105) DELVOLVE, op.cil., p.81-85; arrêt Cour Suprême de la Côte d'Ivoire, 31 mai 1967, PENANT,
juillet-septem bre 1969, p.3 73-3 74 : "Les recours mellwJI en cause ulle rersenne de droil public ou rlcvunl
êlre résolus en applicalion des règles du droiL ac/minislralif, relèvelll de la compélence des juriâiCiions
civiles ou pénales. à rexclusion de ceux relelianl c/e la campélCnce exclusive de la chambre adminislnJlive de
la Cour Suprême".
Comp. : Au Congo, selon l'arrêt rendu le 20 mai 19ï7, dans l'affaire Kayouloud, il n'existe plus
qu' "un seu.l ordre de juridiclions campélenles poltr exercer la compélence juridiClionneUe de rEf(ll en
appliquanl, selon la na/Ure des liliges qui relévenl de leu.r compélCnce, lan/ôl un droil spécial. le droil
adminislralif, lanU)1 le droil commun privé.. ". v.également commentaires, p.551-553 in Droit public
congolais, op.cil.
(1106) DELVOLVE, op.cil., p.81-85
446
Pour pallier ces problèmes de distinction, il serait préférable de s'orienter en
Afrique noire francophone, vers un critère rationae materiae : en adoptant le principe de
l'application du droit privé aux matières relatives à la responsabilité des dirigeants, aux
procédures collectives et voies d'exécution, sans égard à la nature -privée ou publique- des
entreprises impliquées, l'on parviendrait à centraliser tous les litiges dans le ressort des
tri bunaux judiciaires.
447
CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
0 0 0
- 283 - L'entreprise publique se situe, en ce qui concerne son régime juridique, à la lisière
de deux disciplines: le droit public et le droit privé. Il en résulte que l'équilibre de
l'entreprise publique doit procéder d'un habile dosage des règles et institutions empruntées
à chacune de ces branches du droit, comme l'a si bien souligné le doyen HOUIN (1107).
~
-
Ainsi, l'impact du dr~it privé devrait se traduire notamment par la constitution d'un
capital qui serve de gage aux créanciers, sous peine de ne pas avoir de crédit, par l'octroi à
la direction d'une large indépendance afin d'assurer son efficacité, ou encore par
l'extension aux entreprises publiques du droit des contrats et des obligations, l'expérience
ayant prouvé que celui-ci n'est plus nécessairement lié 3. l'économie privée et capitaliste
qui lui a donné naissance (l108).
(1107) HOUIN, op.cil.
(1108) HOUIN, op.cil.
448
D'un autre côté, il conviendrait de tirer parti des avantages inhérents au Clf3ctère
public (1109) de l'entreprise: marchés publics, recours au régime de la domanialité
publique, expropriation, facilités en matière de recouvrement des créances, fixation des
pnx...
Il est à noter, au surplus, que les législateurs africains devront faire preuve d'une
grande discrimination et de sagesse, en adaptant les solutions générales que nous avons
dégagées dans le présent chapitre, à la situation spécifique de chaque entreprise publique
voire dl.. chaque secteur d'activité. Compte tenu de sa granL..-: particularité et des enjeux
qu'elle représente, l'entreprise publique ne peut s'accomoder trop longtemps d'un cadre
juridique figé,
et se prête beaucoup moins que
les sociétés de droit commun à
l' harmonisation législative,
hormis en
ce qui concerne la structure d'ensemble de
l'entreprise (organisation du pouvoir..., par exemple).
Pour tout ce qui touche, en effet, à la gestion, domaine qui implique des choix
stratégiques constants, il appartiendra aux dirigeants sociaux d'effectuer les réajustements
nécessaires. Ce dernier aspect fait ressortir nettement tout l'intérêt des contrats de plan ou
de programme, lesquels par leur grande souplesse et leur adaptabilité aux orientations
politiques (ou plans de développement) constituent des institutions particulièrement
appréciables.
- 283 bis- Par souci d'objectivité - et de neutralité - nous nous devons de mentionner la
conception tout à fait différente préconisée par le professeur Jean DU BOIS DE
GAUDUSSON pour sortir le secteur public africain de la grave crise qu'il traverse
actuellement (1110).
Pour cet auteur, la méthode consistant à redéfinir un statut ou un cadre juridique
adapté aux entreprises publiques ne saurait être efficace (1111). Il faudrait aller plus loin,
(1109) HOUIN, op.cil.; v.également, pour l'Afrique noire, Mustapha SOURANG, Le régime des activités
des entreprises publiques, EJ.A., op.cil., p.293-299.
(1110) CfJean DU BOIS DE GAUDUSSON, "Crise de l'Etat intervenLÎonniste ct libéralisation de
l'économie en Afrique", in RJ .p.I.e, n' 1, janvier 1984, p.l.
(1111) Jean DU BOIS DE GAUDUSSON, "Le statut des entreprises publiques est-il un frein à leur efficacité
économique ?", Travaux et Documents n'16, Centre d'Etude d'Afrique Noire, 1987, p.S, notamment: ..... des
exemples caraciéristiques en sont donnés par les projets de réforme du statut des dirigeants et des
personnels des entreprises publiques, etc. L'actualité permanente d'un certain nombre de programr::::s et
d'agendas de réjormes ne fait-elle pas doUler à la longue de leur parfaite pertinence et deleur totale
adéquation? .. ".
449
compte tenu de la gravité de la Cflse, et procéder à la privatisation des entreprises
publiques (1112).
La proposition du professeur Jean DU BOIS DE GAUDUSSON suscite deux
observations majeures.
Primo, l'on ne saurait nier l'efficacité de la privatisation, surtout en tant que moyen
de générer des apports de capitaux nouveaux voire des excédents de trésorerie (1113).
J'ailleurs, les Etats d'Afrique noire francophone, lvutes options confondues, procèdent
actuellement à la privatisation - de fait ou de droit - des entreprises publiques (1114).
Secundo, ce recours nécessaire à la privatisation ne supprime en rien l'intérêt d'une
refonte du statut des entreprises publiques africaines.
D'abord parce que la privatisation, pour être rentable doit être pratiquée dans un
cadre juridique sain (1115). Ensuite parce que les privatisations ne sauraient s'appliquer à
toutes les entreprises publiques et à tous les secteurs d'activité. Pour préserver leur santé et
leur équilibre, les entreprises non privatisées (ou non privatisables) auront donc besoin de
statuts juridiques adéquats.
Par conséquent, il n' exis te pas d' incompati bili té entre le recours à la pri vatisation et
l'élaboration de statuts généraux adaptés aux entreprises publiques africaines.
(1112) Jean DU BOIS DE GAUDUSSON, "Le SLalut des entreprises publiques est-il un frein à leur efficacité
économique ')", op.cil., p.39 : ... " Dans ces condi/ions. la solU/ion consis/e pour beaucoup à rechercher les
moyens de neu/faliser i' influence éla/ique sur i' en/reprise publique par i' élablissemen/ de conlrepoids; e/
comp/e lenu des caractéristiques socio-poliliques des pays concernés, ceux-ci ne peuvent se trouver que du
côté du secteur privé".
(1113) Sur la rentabilité financi~re des privatisations. cf.Michel DVRUPTY "Les privatisations en France",
La Documentation Française, n' 4857, 1988, p.33-34, notammenl.
L'auteur a dressé un bilan positif des privatisations dans plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne. Il
a souligné égakmem les incidences bénéfiques des privatisations réJ.lisées en France: celles-ci ont pennis de
rééquilibrer les comptes grâce à l'apport de fonds nouveaux.
(1114) Les privatisations sont pratiquées nOLamment dans les pays suivants
BENIN, CAiVŒROUN,
CONGO, COTE-D'IVOIRE, GABON, MALI, SENEGAL.
(lIIS) Cf.Chrislian RIETSCH, "Un secteur para-public en Ré-publique Centrafricaine: un cas exemplaire",
Colloque de l'liniversité du Bénin, op.cil., p.2S : "Les mesures de redressemen/ national onl été en panie
effecLUées à COn/re-coeur, en laissant les s/ruc/ures qui avaienl conduit à la déliquescence du seCleur para-
public en place".
... "Or, la privalisalion de nombreuses en/reprises, si elie déchargera parlieliemenl i' Ela!, n'aura de
résulla/s posilifs que si la ges/ion es! améliorée e/ si i' en vironnemen/ économique es/ modifié".
450
La question du recours (ou non) à la privatisation rekve d'un choix "politico-
économique" et doit être laissée à la discrétion des gouvernants (1116).
Le réaménagement des statuts - fixant le cadre juridique dans lequel s'exerceront
les activités des entreprises publiques - revèt en revanche un caractère prioritaire. C'est
vraiment le minimum que l'on puisse faire pour assurer une certaine stabilité à l'entreprise
publique.
• vant, pendant et après les privatisations, le problL.e de l'efficacité des statuts
garde une grande importance. C'est ce qui expliquerait les récentes réformes des
entreprises publiques dans bon nombre de pays d'Afrique noire francophone (111 7).
(1116) Jean DL BOIS DE GAUDUSSON, "Le SLatut des cnlIeprises publiques est-il un frein ... ,?", op.cil.,
p.5-6: "Quoi qU11 en soit. et quelles que soient leur effectivité et leur possibilité d'application. les mesures
proposées et les mécanismes el règles adoplées par les SUIlll!S sont révélateurs des doctrines el SITalégies
gouvernementalès en matière d'entreprises publiques... ".
(1117) Sur les SLatuts des entreprises publiques, v.notammenl : BENIN, Loii n'88-00S du 26 avril 1988;
BURKINA-FASO, Ordonnances n.84-56, 84-57, 84-S8 du lS aoûl 1984 el décreLS n.84-3ü4 el 34-305 du 15
aoûl 1984; CEi"TRAFRIOUE, Ordonnance n'8S-018 du 26 juin 1985; GABON, Lois 11-82 cl 12-82 du 24
janvier l)l~3; NIGER, Ordonnances n'86-01 cl 86-02 du 10 janvier 1986 cl décrels n.86-120, 121, 122, 123
du Il seplembre 1986: TOGO, Lois Organiques n.82-S Cl 82-6 du 16 juin 1982 el décrel n'82-177 du 30 juin
1982.
CHAPITRE SECOND
0 0 0
LA CRISE DE L'ENTREPRISE PUBLIQlTE
ET LE RECOURS SUBSEQUENT
A DES FORMES DIFFERENTES DE GESTION
0 0 0
452
- 284 - La crise croissante du secteur public a suscité deux types de réaction de la pan des
législateurs et gouvernants des pays d'Afrique noire francophone: il s'agit d'une part de la
représentation massive des travailleurs qui, dans sa forme la plus caractéristique a donné
naissance à l'entreprise dite socialiste (1118) et, d'autre part, de la recherche sans
équivoque du profit, qui a provoqué l'extension du processus de privatisation.
Naturellement, et bien qu'un tel constat ne soit pas exempt d'exceptions, il resson
en règle générale une nette corrélation entre l'idéologie dominante dans les pays d'Afrique
noire francophone et le choix de l'une ou l'autre des formules susmentionnées;
N'ayant pas qualité pour juger de la supériorité idéologique de l'une ou l'autre
option, nous nous bornerons à souligner leurs caractéristiques respectives et panant les
principes susceptibles d'améliorer leur mise en application.
Nous évoq'uerons d'une part la difficulté d'éviter la mainmise de l'Etat, dans le cas
de l'entreprise socialiste (Section 1), et, d'autre pan, la complexité du processus de
privatisation (Section II).
SECTION 1 - L'ENTREPRISE SOCIALISTE
- 285 - Si l'on s'en tient à une interprétation restrictive de ce concept, fondé sur sa
consécration expresse (ou littérale) dans des textes de loi, l'on dira que l'entreprise
socialiste n'existe qu'à Madagascar et en Algérie.
En réalité, l'examen plus attentif des Chartes et statuts d'entreprises publiques en
Afrique
noire
francophone,
notamment
au
regard
de
l'intégration
croissante
des
travailleurs
au
processus
de
production,
tendrai t
à mon trer
que
l' implan tation
géographique de l'entreprise socialiste dépasse le cadre des deux pays précités.
(1118) Cf.Chane des entreprises socialisles à Madagascar (Ordonnance 78-006 du 1er mai 1978, complélée
par de nombreux leXles, donll'Ordonnance 79-008 du 7 avril 1979, l'Ordonnance 79-011 du 23 avril :1979 el
le décret 79-120 du 12 mai 1979; v.égal.Chartc de l'entreprise socialiste algérienne du 16 nov.1971; corn. :
régime juridique proche de l'entreprise socialiste, cf.Chane des entreprises d'Etat, du 14 mars 1981 et "\\cs
développements relatifs à l'entreprise publique au Congo dans Droil Public Congolais, Ouvrage collectif par
BRETON, MABOUNDA et autres auteurs... , Economica 1987, p.261-262 notamment; Adde, Statut général
des entreprises d'Etat (BENIN, ord.du 16 décembre 1974).
AUTIN, Le droit économique algérien Thèse droit Montpellier 1976; BOUSOUMAH, L'entreprise
socialiste en Algérie, Paris, Economica 1982.
453
C'est du reste ce que fair ressonir le professeur DU BOrS DE GAUDUSSON, de
manière nuancée, il est vrai:
"L'expérience malgache. d'inspirarion socialisre (1119). esr en
nelle ruplLlre avec celle des QLures pays francophones. Elle peUl
êrre rapprochée, à cerrains égards. des réformes inrervenues en
Guinée er au Congo" (plus récemment au Bénin) (1120)
PARAGRAPHE
1
DEFINITION
ET
OBJECTIFS
DE
L'ENTREPRISE
SOCIALISTE
- 286 - Bien que des nuances apparaissent dans les textes, en fonction des pays considérés,
le concept d'entreprise socialiste regroupe des caractéristiques constantes ayant été mises
en évidence par le législateur malgache notammen t (1121).
En dfet, aux termes de l'article 2 de la Charte malgache (1122), l'entreprise
socialiste se définit comme:
"Une unue economique, propriété de la Narion, agissalZl dans
l'inrérêr du peuple rravailleur er dans les acrivirés dérerminanr le
développemenr du pays ou revêranr un caracrère srrarégique dans
le processus de consolidarion de l'indépendance narionale er
l'édificarion du socialisme.
L'enrreprise socialisre esr un insrrwnenr d'améliorarioi1 de la
condirion 'des rravailleurs pour la fomzarion quO elle dispense. la
garanrie de l'emploi qu'elle procure, le bien-êrre qll' elle répartir"
(1123).
(1119) DU BOIS DE GAUDUSSON, EJ.A., op.cil.. p.267, Le cas paniculier des cnLrcprises socialistcs
malgaches (c'est nous qui soulignons).
(1120) C'est nous qui ajoUlons cc pays, eu égard aux modifications législaLives récentes.
(1121)
RAHAROLANTO-RATIARAY,
L'entreprise
socialiste
à
Madagascar.
R.I.D.C.
(Revue
lnternationak de Droit Comparé), 1984, n'3. p.541-587.
(1122) CLDU BOIS de GAUDUSSON, CONSTANTIN, COULON, DU BOIS
DE GAUDUSSON,
GAUTRON. ZUBEA, Les entreprises publiques en Afriquc noire, MALI, SENEGAL, MADAGASCAR,
C.E.A.N. Tome l, 1976, PEDON~ plus paniculièrement le chapitrc consacré à J'entreprise socialiste
Malgache, p.239 notamment.
(1123) Ibid.
454
En d'autres termes,
l'entreprise socialiste apparaît comme un instrument de
transformation des rapports sociaux:
"L'objet de la Charte n'est pas seulement de donner dynamisme et
efficacité aux entreprises publiques et d'instaurer une nouvelle
technique de gestion; il est aussi de créer un système social plus
conforme à l'orientation idéologique du régime" (1124).
Bien mieux, l'objectif de la réfomle malgache est non seulement la restructuration,
malS l'élimination pure et simple du secteur public économique et la substitution de la
Charte de l'entreprise socialiste malgache au droi t commun des sociétés (1125).
C'est ce qui explique du reste que le domaine d'application de la Chane s'étende à
l'ensemble du secteur public économique et que n'en soient exclus que les "coopératives
socialistes", les établissements publics administratifs et les administrations rraditionnelles
n'ayant pas d'objet économique.
S'agissant à proprement parler des techniques de droit applicables à l'enrreprise
socialiste, à ~vladagascar ou ailleurs, le but visé est de permettre la gestion de l'ensemble
de l'économie nationale selon les méthodes socialistes et de "tramformer les anciens
rapports capitaliSTeS et féodaux de production en rapports socialiSTeS" (1126), ce qui
revient, en d'autres termes, à instaurer de nouvelles relations de travail et à organiser la
participation des travaille urs à la direction et à la gestion de l'en treprise.
L'ambition de l'entreprise socialiste, c'est de substituer le principe du centralisme
démocratique aux structures d'administration et de gestion héritées du droit français.
L'intégration des principes socialistes à la gestion de l'entreprise doit se traduire par le
rransfen de la propriété de l'entreprise au peuple et à la Nation (1127).
(1124) DU BOIS de GAUDUSSON, ouvrage précité, p.237
(I 125) RAHAROLANTO-RATIARA Y, op.cil., p.546-S47
(1126) RAHAROLAi\\lTO-RATIARA Y, op.cil., p.S87
(I127) Notons que ces principes ont été repris par ccrl:.lines législations africaines (MALI, BENIN
notamment); cf.PrésentaLion du statut général des entreprises nationales en République du lvIJJi (Ord. n'69-
23/ Cl\\1LN du Il avril 1969 porlant statut général des entreprises nationales).
Dans ce schéma, tout à fait nouveau , l'on consacre dans les textes la néntion
~
de la
traditionnelle relation enrre le droit de direction et la participation au capital. Certes
l'entreprise socialiste respecte le principe de hiérarchisation, mais celui-ci est conçu de
manière différente (que dans les sociétés de droit commun) : les organes de direction, le
comité de gestion (ou de direction) et même le conseil d'orientation ne sont que des
émanations des
assemblées des
travailleurs;
c'est
donc
dans
l'omniprésence
des
travailleurs (à tous les niveaux de l'organigramme de l'entreprise) que réside la spécificité
de l'entreprise socialiste (1128).
PARAGRAPHE II - APPRECIATIüN CRITIQUE
- 287 - Intéressante dans son fondement idéologique -il s'agit d'instaurer un système
économique d'obédience marxiste- (1129) l'organisation de l'entreprise socialiste ne s'est
malheureusement
pas
suffisamment
démarquée
du
droit
commun
des
sociétés
commerciales auquel il se résume dans ses grandes lignes, ainsi qu'en témoigne l'examen
de son régime juridique (conditions de constitution, de fonctionnement et de dissolution)
(1130).
Plus grave encore, de nombreuses questions sont laissées en suspens et parfois l'on
relève de sérieuses contradictions, la plus importante étant la rémanence de la suprém:uie
de l'Etat, lequel impose en réalité sa volonté aux travailleurs. Et c'est bien là que réside le
noeud gordien: assurer le transfert réel du pouvoir de gestion implique nécessairement
l'octroi d'une réelle autonomie aux travailleurs et un éveil du sens des responsabilités et de
l'intérêt national tel que soit éliminé tout risque de confiscatioll (ou d'abus) du pouvoir par
une "élite" représentant la puissance publique. Or la difficulté de réunir ces deux
conditions, même dar.:; les pays qui bénd'icient d'une longue pratique du droit. laisse
planer un certain scepticisme sur le pragmatisme des mesures qui consacrent la philosophie
de l'entreprise socialiste (1131).
(1 ]28) AUTIN, op.cit.: RAMAROLANTO-RATIARA Y, op.cil.
(1129) RAMAROLA1\\lTO-RATIARA Y, op.cil., p.587
(1130) RAMAROLANTO-RATIARAY, article précité
(1131) A tr;Jvers d'intéress;JnLes el savantes critiques, le Professeur M.MIAILLE ;J f~Jit app;Jraitre que le
prétendu contrôle de l'enLIeprise "socialisle" par les tr;Jvaillcurs ne dépasse pDS le stade de simples velléilés.
Deux argumenl<; fondent le poinl de vue de cct auteur:
- Primo, ''l' enlreprise capitaliste serait marquée par la figure d' fille double séparation.' séparalion
"interne" cl l'enlreprise entre les moyens de {JrodUClion el les Iravailleurs, el "exlerne" enlre les enlreprises.
se constituant ainsi comme aU/anl d'unilés indépendantes, agents d' un marché où se réalisent /Oilles les
relations d'offre et de demande", cUvIlALLE, Con tribu lion à une .énexion théorique sur l'entreprise
456
La panicipation des travailleurs à la gestion de l'entreprise, loin d'être l'apanage
des Etats à vocation socialiste -même s'il faut reconnaître qu'elle y est prônée avec
beaucoup
plus
d'acharnement- est
une
préoccupation
commune à
la
plupart
des
législateurs modernes. Rares sont, cependant, les pays qui peuvent se targuer de l'avoir
organisée de façon réellement satisfaisante, c'est-à-dire en dépassant le stade d'une
intégration sociale minoritaire ou symbolique et en conférant aux travailleurs les pouvoirs
de gestion pleine et entière de l'entreprise.
L'on ne peut nier que certaines réalisations sont à porter au crédit de l'entreprise
socialiste : il s'agit principalement de la prise en compte systématique des oeuvres
sociales, de la gestion du personnel, de l'association des travailleurs à cenaines décisions.
Malheureusement, de tels avantages sont mentionnés dans les statuts d'entreprise publique
de la plupart des pays d'Afrique noire francophone (1132). Qui plus est, ils correspondent
aux traditionnelles attributions du comité d'entreprise. A cet égard, la critique formulée p:lr
MM.MICHEL et BOUGUERRA s'avère'particulièrement pertinente:
"...(Résumons) : on accorde aux travailleurs le droit à certaines
informations -qu'ils n' arriveront pas, en général, à mairriser- sur
lesquelles on leur demandera un avis, on leur confie, de même, la
gestion des oeuvres sociales et on les associe à l'élaboration du
réglement intérieur... . Rien de bien nouveau en somme, par
rapport à la législation française antérieure (dans son application
en Algérie) qui attribuait à un comité d'entreprise élu, dans le
domaine
économique.
"un
rôle
consultatif'
(arrA,
Loi
du
221211945, mod.Loi du !SI61!966) el, dans le domaine social, un
rôle de collaboralion puisqu' il "coopère avec la Direction à
socialiste algérienne, RASJPE 1972, également, même rcvuc, 1974, "Réncxions sur unc contribution ...
Réponse à quelqucs remarques".
- Secundo, l'entreprise socialiste est dirigée et contrôlée par les dirigeants de ce propriétaire
collectif quO esl ['Etat: les pouvoirs déterminannts sont reconnus au conseil de direction. à l'auLOrité de
lutelle el au directeur général (an.59, 80 ct 61 de la "Charte", notamment), cLMIALLE, "... Réponse à
quelques remarques"; v.également ivIICHEL et BOUGUERRA, op.cil., p.184, 186 et 187, notamment. Pour
ces auteurs ..... à LOUS les niveaux la Charte et l'Ordonnance (algérienne) n· apportent aucun changement
significatif à la condition ouvrière... ".
(1132) BENIN, CONGO, MALI, TOGO, ZAIRE. Dans les èntreprises publiques africaines, si on ne trouve
pas de véritables comités d'entreprise, on trouve des organismes comparables dans leur rôle et leur
composition. Ainsi, par exemple, au Congo, il existe dans chaque entreprise un comité révolutionnaire qui
dirige les activités politiques, sociales ct culturelles de l'entreprise.
457
f' amélioration des conditions du travail et de vie du personnel,
ainsi que des règlements qui s'y rapportent" (art.2, aU, ord.du
22/2/1945); en plus de la gestion des oeuvres sociales. bien
entendu" (1133).
On remarque, en réalité, que \\es
Etats possédant l'équivalent d'un comité
d'entreprise sont ceux où la vocation socialiste est la plus marquée mais aussi que leur rôle
en matière de gestion reste réduit.
Même dans des Etats comme Madagascar où les entreprises sont qualifiées de
"socialistes", le rôle des représentants du personnel ne va pas juqu'à inclure un pouvoir de
décision en matière de gestion économique.
La panicipation des personnels à la gestion des entreprises publiques risque donc
de rester purement symboliq ue (1134).
Dans le même ordre d'idées, il y a lieu d'affinner au regard de la pratique, que le
désengagement de l'Etat, c' es-à-dire sa non-ingérence dans le secteur public économique -
lequel constitue le principe de base de l'entreprise socialiste- n'est pas respecté (1135).
Grâce à l'exercice d'un pouvoir hiérarchisé, la délégation n'étant qu'apparente et les
différents organes jouant le rôle de simples mandataires, la suprématie de l'Etat sur
l'entreprise socialiste reste ce naine.
Comme en Algérie, la Chane malgache de l'entreprise socialiste prévoit de
conférer d'importants droits aux travailleurs dont "le droit imprescriptible au travail et à la
sécurité de l'emploi" voire )de confier la gestion et la direction de l'entreprise aux
travailleurs. En fait, le rôle de ces derniers se borne à être infornlés et consultés pour avis
(1133) H.MICHEL Cl K.BOUGUERRA, Transferts de modèles Cl dévC!oppcmem. Les entreprises publiques
en Algérie, in Rapports de dépendances, CRESi\\'1, 1976, p.18D spécialemenl. Dans le même sens,
Ph.GEORGES, op.cil., p.279 : "Même dans les EtaiS comme Madagascar oû les enireprises sonl qualifiées
de "socialisles" , le rôle des représenlanls du personnel ne va pas jusqu' à ine/ure un pouvoir de décision en
malière de geslion économique. La parlicipalion des personnels à la geslion des enlreprises puhliques risque
donc de resler puremenl symbolique ".
(1134) Ph.GEORGES, op.cil., p.279
(1135) Du BOIS de GAUDUSSON, Les entreprises publiques en Afrique noire, ouvrage précilc, p.245 el
264.
458
par le comité de gestion (1136). Les travailleurs, quelle que soit leur fonction au sein de
l'entreprise, doivent se conformer aux ordres du directeur dans le cadre des directives qui
lui sont données par le comité de gestion de l'entreprise.
Ces brèves constatations qui limitent considérablement les prétentions de transfert
aux travailleurs du pouvoir de direction, ont amené le Professeur de GAUDUSSON à
conclure, àjuste titre, que:
"Si l'enlreprise socialisle donne aux lravailleurs la possibiliré de
s'exprimer el de paniciper à la geslion, elle n'en fair en aucune
manière les geslionnaires" (1137).
Or, la panicipation limitée des travailleurs au processus de décision n'est-elle pas le
sIgne de la persistance d'une gestion étatique que les promoteurs de la Charte (de
l'entreprise socialiste) ont voulu précisément éviter?
En dépit de son apparente solidité, l'entreprise socialiste n'est pas sans rappeler le
colosse aux pieds d'argile. Si les mécanismes de répartition des divers organes relèvent, en
apparence, d'une implacable logique, l'édifice juridique qui en est la résultante dépend
presque entièrement de l'aptitude des pouvoirs publics à s'abstenir de toute immixtion
dans la gestion du secteur public économique.
En réalité, il est pennis de douter de la passivité de l'Etat, ne serait-ce que parce
qu'il est le garant du développement économique et qu'il lui faut ne serait-ce qu'à ce titre
(1138) procéder à une constante vérification de la conformité des réalisations des
entreprises aux objectifs définis par les plans nationaux de développement.
- 288 - Conel usion - En définitive, pour que l'entreprise socialiste soit conforme dans la
pratique au modèle voulu par les texteS, il faudra veiller à reconsidérer d'une pan les
modalités de transfert de la totalité du pouvoir d'administration et de gestion aux
(1136) DU BOIS de GAUDUSSON, ouvrage précité, p.260.
(1137) DU BOIS de GAUDUSSON, ouvrage précilé, p.264; NUAILLE, articles précilés.
(l 138) DU BOIS de GAUDUSSON, ouvrage précilé, p.246
459
travailleurs, d'autre part, la notion de propriété, car dans la si tuation actuelle l'entreprise
socialiste bien qu'étant déclarée propriété du Peuple ou de la Nation reste soumise au
système classique de participation au capital.
Qu'il nous soit pem1is de rappeler que l'objet des précédentes critiques n'est pas de
jeter le discrédit sur l'entreprise socialiste -nous nous sommes engagés à ne point prendre
parti sur les questions à forte connotation idéologique- mais plutôt de souligner les
difficultés qu'implique sa mise en oeuvre effective.
SECTION II - LA PRIV ATISATION DES KP.
PARAGRAPHE 1 - JUSTIFICATION ET ROLE DE LA PRIVATISATION
- 289 - L'on peut affirmer, d'emblée, que la question de la privatisation déborde
actuellement le cadre du simple clivage idéologique capitalisme/socialisme. C'est ainsi que
le Congo et Madagascar, par exemple, prévoient désom1ais le recours accru au secteur
privé qu'ils avaient pourtant condamné et voué à la disparition (1139).
A une simple confiance de principe au secteur public, tend à se substituer la
recherche de bénéfices ou tout au moins d'un éq uilib,e financier et désormais la réalisation
de profits est un objectif nettement affirmé par les statuts d'entreprises publiques en
Afrique noire francophone (1140).
Pour confirmer, au plan doctrinal, l'importance de cet impératif (économique)
nouveau, de nombreux auteurs ont récemment conclu à la nécessité de distinguer entre
l'entreprise publique de "service public et l'entreprise publique concurrentielle" et,
parallèlement, entre le caractère de "monopole naturel" ou non des entreprises de service
public, cette distinction devant servir de base à un statut juridique différencié (1141).
(1139) DU BOIS de GAUDUSSON, RFDA n'32, op.cil., p.621; Joana RAVALOSON, "Madagascar: le
socialisme aux calendes grecljues", Le Mois en Afrique, n'215-216, déc.-janv. 1984, p.136-144; AyiLé-Fily
d'AUvIEIDA, La privaLisation des entreprises publiques au sud du Sahara, Le Mois en Afrique, n'245-246,
juin-juill. 1986 (1 ère panic) eL n '247 -248, AoÛL-SepL.1986 (2ème panic).
(1140) CLMALI, arLA, ord.n '23 CvILN fixanL le staLuL général des entreprises naLionales, prévoiL que celles-
ci doivent être "gérées suivant les principes de la rentabilité économique oufinanrière".
(1141) GALLAIS-HAMONNO, Exposé de synthèse sur le colloque préciLé, 28 février 1986, p.13-14.
460
Pour le Professeur GALLAIS-HAMONNO, la "rénovation doctrinale" de la nOlion
d'entreprise publique doit procéder d'une idée simple:
"Le compte d'exploitation. pour les entreprises de service public.
doit tendre vers f' équilibre, pour les entreprises concurrentielles,
doit générer un surplus" (1142).
Outre le rôle récemment assigné à l'entreprise publique, l'on note qu'une tendance
nouvelle se dessine en faveur du renforcement de la privatisation dans les pays d'Afrique
noire francophone.
Celui-ci provient de la désétatisaùon croissante des entreprises
publiques, qui pourrait, par effet d'entraînement, contribuer à la réhabilitation et au
redéploiement du secteur privé.
Quoi qu'il
en
soit,
l'observation
de
la pratique permet
d'affirmer que
la
privatisation répond en Afrique à deux préoccupation essentielles: l'une étant liée à une
stratégie de redressement, l'autre à des ditlicultés d~rerie.
S'agissant du premier aspect, l'on note que si la privatisation peut être l'objet d'un
choix délibéré comme en France (1143), elle prend souvent en Afrique la forme d'une
intervention externe et forcée, assez proche des procédures de recouvrement inhérentes aux
procédures collectives applicables aux sociétés déclarées en cessation des paiements,
particulièrement en raison de l'appartenance des pays africains au système monétaire
international. Dans cette optique, la privatisation s'apparente à une mesure de sauvetage et
assume une fonction "thérapeutique".
C'est ce qui ressort netteme::t du constat fait lors d'un récent colloque:
"C'est aujourd' hui (fa privatisation) la doctrine de la Banque
Mondiale, et contraints et forcés par la faillite du secteur public,
des mesures de privacisation ou bien ont eu fieu. -comme en
République Cencrafricaine- ou bien sont en cours, comme ail Togo,
pour une dizaine d'entreprises.
De même, c'est la doctrine
officielle du Nigéria depuis 1981 ".
(1142) GALLAIS-HAMONNO, ibid.
(I 143) Cl au Nigéria (pays anglophone)
461
Concernant le second aspect, il apparaît, même si la privatisation des entreprises
publiques s'explique principalement par trois facteurs (financier, juridique et politique)
(1144), que l'élément pécuniaire est prédominant en Afrique. En effet, le transfert au
secteur privé d'un grand nombre d'entreprises publiques a le triple intérêt:
- de réduire les dépenses publiques grâce à l'allègement des subventions d'équilibre;
- de générer des ressources complémentaires grâce, notamment, à la participation
d'intérêts privés, à la cession d'éléments d'actif ou à la vente de titres détenus par les
entreprises concernées;
- de réaliser de substantielles économies, en organisant la gestion d'un service public
ou d'une entrepIise publique par une personne privée (1145).
Malgré
leur
intérêt
indéniable,
la
privatisation,
large
dans
ses
modalités
d'application, ne saurait se réduire, loin s'en faut, aux deux aspects précités. Ainsi, en
Afrique, d'autres méthodes sont appliquées ou proposées dans le cadre d'une stratégie de
redressement des entreprises publiques; il s'agit notamment de la suppression pure et
simple de celles-ci, de la mise en concurrence ou du contrat de gérance.
La première solution, la dissolution, s'applique particulièrement dans le cas de
"sociétés improductives en permanence déficitaires ou sans objet... créées pour des raisons
échappant à toute logique économique ou politique" (1146).
La mIse en concurrence a été jugée "très séduisante puisqu'elle cOllrt-cirCllÎte
l'absence de bourgeoisie locale, conserve l'aspect "public" psychologiquemenr imporram
et résow en méme temps tous les problèmes administratifs de contrôle" (1147).
Quant au contrat de gérance, il a la particularité de dissocier la propriété de la
gestion. De ce fait, il apparaît comme un cadre juridique permettant de remédier aux
(1144) RAPP, Techniques de privatisation des cnLrepriscs publiques, Libr.Techniques 1986, p.1O s.
(1145) ibidem.
(1146) DU BOIS de GAUDUSSON, RFDA n'32, op.cil., p.62ü. L'auteur mentionne, à titre d'exemple: "la
dissolution de onze sociétés d'Etat en Côte-a' {voire lors de la réforme de 1980, de six entreprises d'Ewt au
Togo en 1982, quinze sociétés au Bénin en 1982.
(1147) GALLAIS-HAMOl\\TNO, op,ciL., p.IS
462
nominations de complaisance: qu'il s'agisse de cadres locaux ou de cadres intervenant au
titre de l'assistance technique étrangère, c'est le critère de la compétence qui dictera le
choix des gérants.
En définitive,
et ce
point mérite d'être à
nouveau
souligné,
les procédés
susmentionnés n'expriment qu'une tendance que l'on pourrait qualifier de majoritaire, sans
plus: en matière de privatisation, les formules applicables sont multiples et doivent tenir
compte de l'environ:1ement "socio-politico-économique" de l'entreprise. C'est en ce sens
que le Professeur Gallais-Hamonno a précisé, dans le cadre d'un colloque franco-africain,
que d'autres méthodes restaient à expérimenter (1148). Dans la même optique, une
remarquable étude du Professeur RAPP fait nettement apparaître la variété des techniques
de privatisation (1149).
PARAGRAPHE II - OBSTACLES A LA PRATIQUE DES PRIVATISATIONS
7
290 - La réussite de la privatisation 'des entreprises suppose la maîtrise d'un cenall1
nombre d'obstacles (ou facteurs), et cette tâche n'est pas aussi aisée qu'elle pourrait le
paraître.
En effet, bien qu'elle ait été présentée par la Banque Mondiale comme la panacée
universelle (1150) pour les pays en voie de développement, la privatisation n'est pas sans
présenter des inconvénients. Le premier handicap réside dans la situation des enrrepreneurs
africains. En raison de l'absence, souvent observée dans certains pays comme la Tanzanie,
d'une bourgeoisie locale, la privatisation pourrait avoir pour conséq uence l'abandon de la
majorité des entreprises aux mains d'investisseurs étrangers.
(1148) GALLAIS-HAMONNO, op.cil., p.191009
(1149) RAPP, ouvrage précité.: v.notamment Chap.!, 1V, Pri vatisation des entreprises publiques et gestion
privée (p.36 et 5.), Chap.!l, Privatisation des filiales et mise en location-gérance ou procédés assimilés (p.61
et s.), Chap.lII, Privatisation du secteur et concession ou contrats assimilés (p.87 et s.).
V.égakment GUYON,
L'évaluation des
valeurs mobilières à l'occasion des opé.rations de
privatisation, RFDA, Mars- avril 1987, p.170-175; RAPP, Les lois de privatisation èt la "respiration" du
secteur public, RFDA mars-avril 1987, p.153-169.
DIDIER PENE, La privatisation en France, AlDA, mai 1987, p.291-3Ü2: RAPP, Le secteur public
français entre nationalisations et privatisations, AlDA mai 1987, p.303-340; RA YNAUD-CONTAMINE,
L'application du droit commun aux privatisations, AlDA, mai 1987, p.309-313. Sur l'Afrique, cLAyité-Fily
d'ALMEIDA, Les entreprises publiques en Afrique au Sud du Sahara, op.cil.
(1150) GALLAIS-HAMONNO, op.cil., p.18
463
Le second obstacle, et non des moindres, réside dans le caractère extrêmement
technique
du
processus
de
privatisation.
A
ce
propos,
comme
l'indique
M.de
CHALENDAR, le concept général de privatisation peut recourir à des pratiques très
différentes (1151):
- le rapprochement des méthodes de gestion d'une entreprise publique de celles
d'une entreprise privée;
- la privatisation de la réglementation comptable ou financière, juridique ou sociale
applicables aux entreprises publiques:
- le transfert de la gestion de l'entreprise publique à un groupe privé;
- la cession de l'entreprise publique à des actionnaires privés (1152);
- la création d'une société d'économie mixte (joint-venture);
- le regroupement des entreprises publiques dans un holding dont le capital resterait
entièrement détenu par l'Etat mais dont les filiales seraient privatisées.
A cela s'ajoutent d'autres éléments, tels:
- le recours à un ensemble de mesures parallèles visant à l'amélioration de la
rentabilité (politique des prix, amélioration des produits et services offens ... );
- le mallltlen d'une politique constante de contrôle et de réajustement de la
privatisation, pour s'assurer de sa conformité aux objectifs visés (1153).
On le voit, la mise en oeuvre de ces conceptions vllliées de la privatisation s'avère
techniquemenr difficile. Or, le fait que les formations universitaires données dans
beaucoup de pays en développement ne préparent pas directement aux fonctions de chef
d'entreprise (1154) n'est pas pour simplifier les choses. Pour combler cette lacune, il
(1151) De CHALENDAR, op.cit., p.596-598 spécialement.
(1152) De CHALENDAR, op.cil., p.596-598 spécialement.
(1153) RAPP, Techniques de privatisation des E.P., op.cit., p.I08
(1154) La privatisation par voie de cession partielle ou totale du capiLaI social à des actionnaires privés a été
'.lnnlinllJ5p·;') ' ............. 'n h.,;, ,.... ....... ";.~,,,< .. ~ ......:_,...: .... ""~ .... ~
1('\\0'"1
.... ,....~._.~_ '1".:~,.~ .. 1 .1,.,.. n .. _""' ....... · rlr> C"........ ,
rln cn1\\..j.\\~~'T
464
paraît indispensable pour l' heure de recourir à des techniciens étrangers (1155). Mais lIne
telle solution -purement palliative- ne saurait être définitive; aussi, les gouvenrements
africains devront-ils réunir leurs efforts en vue de la constitution d'un réservoir de cadres
"locaux" fonnés à la gestion des entreprises (1156).
Outre les facteurs précités, le succès de la privatisation suppose l'existence d'un
environnement économique et administratif favorable -notamment moins contraignant
(1157). C'est donc àjuste titre que le Professeur RAPP a mis l'accent sur:
"-le
consensus
des
pouvoirs
publics.
des
gouvernanls,
des
dirigeams
salariés
des
enu-eprises
ou
des
sen'ices
publics
concernés .. voire de l'opinion publique;.
l'exiscence
d'un
comexre
instiwtionnel
et
réglememaire
favorable, ce qui sous-enrend la non-immixtion de l' ftac dans la
gestion ou dans' la répartition des bénéfices de l'entreprise
privacisée" (1158).
Malheureusement, les expériences en cours, en matière de privatisation, ne laissent
enu-evoir, paradoxalement, que des "perspectives limitées" (1159) en Afrique noire,
compte tenu de certaines résistances d'ordre sociologique, politique et économique liées à
la difficulté pour les pouvoirs publics de rompre avec une longue tradition bureaucratique
qui somme toute leur pennet d'asseoir leur autorité sur le corps social, et à la difficulté
pour celui-ci de se départir d'une mentalité d'assisté ii1culquée par de nombreuses ani1ées
de parternalisme étatique.
La réussite de la privatisation s'analyse en définitive, en un équilibre entre initiative
publique et ii1itiative privée, compétence technique et volonté politique, qui paraît
difficilement réalisable à l 'heure actuelle dans les pays d'Afrique noire francophone.
et Ivoiroutils (en Côte-d'Ivoire), il Togouroute en 1982, à la Société Nouvelle des Conserveries du Sénégal,
cf.DU BOIS DE GAUDUSSON, RFDA, n'32, op.ciL., p.62Ü.
(1155) De CHALENDAR, op.ciL., p.596.
(1156) De CHALENDAR, op.ciL., p.596-5'18
(1157) GALLAIS-HAMONNO, op.ciL., p.18
(1158) RAPP, ouvrage précité, (LITEC), p.lOS
465
C'est ce qui justifierait, à notre avis, du moins dans un premier temps, le recours, à
titre complémentaire, à des techniciens étrangers beaucoup plus rompus à la pratique de la
privatisation, laquelle s'avère particulièrement délicate autant dans sa mise en oeuvre que
dans ses conséquences éventuelles.
466
CONCLUSION DU TITRE TROISIEME
0 0 0
- 291 - Si la gestion publique et/ou populaire par le biais d'une partici pation massi ve des
travailleurs (entreprise socialiste) et le libre recours à la participation privée (privatisation)
dans la gestion des entreprises publiques se situent idéologiquement aux antipodes l'un de
l'autre, il demeure qu'un lien subsiste entre eux, tout au moins en ce qui concerne les
solutions de redressement de l'entreprise publique; et ce dénominateur commun n'est autre
que le relâchement de l'étau étatique que nous avons si fortement préconisé tout au long de
ce chapitre.
Certes cette idée en tant que telle n'a rien de "révolutionnaire" : elle se ramène, en
fait, à l'utilisation des principales règles qui gouvernent le droit commun des sociétés
commerciales. Mais c'est, précisément, l'acceptation par les pouvoirs publics d'une "large"
intrusion du droit privé dans la chasse gardée du secteur public économique qui
constituerait une innovation de tout premier ordre!
467
CONCLUSION GENERALE
0 0 0
468
-292 - Nous nous sommes efforcés de montrer tout au long du présent ouvrage, que la
rénovation du droit africain des sociétés est chose possible. P. partir du schéma général
précédemment défini -à savoir l'actualisation des dispositions héritées du droit français
d'une part et la dynamique nouvelle fondée sur la prise en compte des nouvelles données
socio-économiques d'autre
part-
les juristes des pays d'Afrique
noire francophone
pourraient en effet procéder à l'élaboration puis à la signature et à la ratification d'une loi-
modèle.
Mais ''légiférer'' dans un cadre multiléral n 'est pas chose aisée! L'essentiel de notre
conclusion consistera dans la mise en évidence des problèmes qui surgissent non pas au
stade de l'élaboration des textes mais plutôt à celui de leur mise en application.
Pour corroborer
notre analyse,
nous
nous
réfèrerons à
l'effort de mIse en
application du projet de loi harmonisée du BA MREL (1160). Deux points retiendront
notre attention: d'une part la difficulté d'obtenir un consensus en matière d'unification des
législations et, d'autre part, la lenteur de la procédure d'adoption et de ratification des
textes législatifs par les Etats membres des organisations régionales africaines.
- 293 - La méfiance naturelle des Etats rend difficile l' obten tion d'un consensus en matière
d'harmonisation des législations. Bien souvent en effet chacun des Etats membres d'une
-
, .
"Conférence Diplomatique" s'ingénie à faire prévaloir son Droit (national), considérant
"lOIll écan par rappon aLec règles de ce droir comme LlIl sacrifice, qu'il convienr de limirer
amanr que possible el de ne faire en wU[ étal de cause que s' il compone quelqLle
contrepartie" (161).
(1160) Confom1émem à ]'arL5 de la Convention du 9 septembre 1977 ponant création du BAMREL, Les
projets de lois ou de codes préparés par le BA:>"IREL ne som introduits dans les législations internes des Ewts
membres qu'au terme d'une procédure préalable d'adoption par plusieurs instances successives: Conseil des
Ministres de la Justice, Conférence des Chefs d'Etat de l'QCAivl et Chefs d'Etat des autres pays membres du
BAîvlREL, cf.BALIivIA, op.ciL., n'57ü, p.548-549.
(1161) R.DA VID, Le droit du commerce international, Ect.Economica, 1987, n'58, p.62.
469
Cette réticence se traduit bien souvent par la formulation de réserves, lesquelles
peuvent, dans certains cas, limiter considérablement la portée des textes adoptés.
Point n'est besoin de développements exhaustifs pour souligner le danger d'une
telle attitude. La seule voie raisonnable -qui du reste permet de préserver à la fois les
avantages économiques, sociologiques et politiques- consiste dans le rapprochement des
Etats et dans l'unification des législations. Il appaniendra donc aux gouvernants africains
d'en apprécier toute la valeur ou au contraire d'assumer toutes les conséquences
qu'implique la stérile perpétuation des nauonalismes juridiques. Et c'est là une lourde
responsabilité, face aux "gouvernés" .. , et à l'Hiswire !
- 294 - Le second obstacle à la mise en oeuvre d'une législation harmonisée réside dans la
lenteur (1162) de la procédure d'adoption et de ratification des textes législatifs par lès
Etats membres des organisations régionales africaines. A cet égard, M.BALIMA souligne
que l'introduction dans les droits des EtalS membres, des codes ou lois préparés par le
BAMREL est d'abord soumise à une' procédure préalable d'adoption par plusieurs
instances successives: Conseil des Ministres de la Justice, Conférence des Chefs d'Etat de
l'OCAM et Chefs d'Etats des autres pays membres du BAMREL (1163).
- 295 - Dans le même ordre d'idée, le Professeur R.DA VID constate, dans un ouvrage
récent, qu'il arrive souvent que les Convemions ou lois déjà signées, soient "mises au
frigidaire" ... demeurent lettre morte, ne soient pas ratifiées ou ne le soient qu'avec
beaucoup de retard (1164). En outre, fait observer cet éminent auteur:
"Lorsqu'une loi uniforme a été établie ou qu'une conveillion
internationale a été adoptée, ceux qui ont pris part à rélaboration
de ces documeills considèrent trop souvent que le travail est
achevé. N'appartient-il pas au gouvernement, au Parlement. de
faire le nécessaire, maintenant, pour que la loi entre en vigueur?"
(1165).
(1162) CLBALIivlA, Op.CiL, n'569, p.548; cLsupra nOlC 1160.
(1163) ibid.
(1164) R.DAVID, op.cil., n'62, p.65-66 : "Con veUl, dails les divers pays, savoir ce que les miliew;;
intéressés pensenl du document que l'on se propose de promulguer; les Minislères el Parlemenls,
surchargés, donnenl la priorilé cl d'aUires lravau.x. Cinq OIlS el plus sont un délai normal pour recueillir les
ralificalions ou adhésions nécessaires à l'enlrée en vigueur d' L1ne cOllvelllion".
(1165) R.DA VlD, op.cil., n'62, p.65
470
- 296 - Une solution intéressante a été suggérée pour remédier à la lenteur de la procédure
d'adoption et de ratification des textes: elle consisterait à faire spécifier dans chaque
convention (loi uniforme ou autre texte) le délai au terme duquel elle serait considérée
comme entrée en vigueur dans les Etats n'ayant pas fait connaître leur opposition. Il est
intéressant de noter que cette proposition a été faite par M.BALIMA relativement au projet
de loi du BAMREL (1166).
Plusieurs arguments permettent d'accréditer une telle solution. D'abord, le fait que
la non-ratification des conventions par les Etats concernés ne tient nullement à des
critiques qu'ils croiraient devoir faire à ces conventions mais tout simplement à la lourdeur
de leur bureaucratie (1167). Ensuite, le fait qu'une telle solution, beaucoup moins
acceptable par les Etats pns isolément, convient parfaitement à "cerrains types de
conventions établies par des insrÎlwions inrenzarionales spécialisées ou au sein de
Communaurés d'Etats régionales" , telles la CEEAC ou la CEDEAü dont le cadre devrait
répondre parfaitement à l'implantation de la société supranationale africaine. Notons, au
surplus, qu'il
n'existe pas
de
barrière
linguistique entre
les
Etats
membres des
Communautés régionales
précitées,
en
raison
de
leur commune
allégeance
à
la
"francophonie" (1168). C'est là un avantage appréciable qui supprime le problème qui,
parfois, se pose de la traduction dans la langue nationale des règles qui, dans la Convention
ont été fOffilulées dans une ou plusieurs langues étrangères (1169).
(1166) Après avoir déploré l'imprécision de l'alinéa 3 de l'article 5 (de la convention du BAi\\1REL), lequel
ne compone pas de délai impératif d'introduction de la loi ou du code dans le droit interne et se borne à
mentionner que "les haws signataires s'emploieront à introduire dans les législations internes... "
(cf.BALIMA, op.cil., p.549), M.BALIMA propose que les modifications précédant la promulgation des
textes définitifs se fassent assez rapidement dans les pays où existent déjà des commissions de réforme du
droit des sociétés et des instances de réflexion, et clans un délai relativement plus long dans les pays nc
disposant pas des structures précitées (cf.BALIMA, op.cil., p.550).
(1167) R.DA VIO, op.cil., n'63, p.66
(1168) Cf.supra n'l
(1169) Cf. BAL I:'vlA , op.cil., n'572, p.552 : "Le passé colonial commun des aCLUels Elats membres du
BAMREL, la réglementation à peu près identique cl laquelle ils ont été soumis jusqu' cl leur accession cl
l'indépendance, devraient contribuer à apaiser nos craintes quant aux risques de divergence dans
/' interprétation nationale de la loi harmonisée"; v.également, sur la question de la langue, R.DA VIO, op.cil.,
n'65, p.68.
471
- 297 - Une difficulté subsistera toutefois: celle de l'adaptation de la loi ham10nisée (ou
unifonne) au contexte des différents Etats membres de la Communauté régionale. Pour la
résoudre, il suffira de reconnaître auxdits pays la latitude d'apporter les adaptations
nécessaires, sans toutefois que celles-ci ne conduisent à modifier notablement le contenu
de la convention et encore moins, comme c'est le cas de certaines réserves, à refuser,
même partiellement, l'application de la convention (1170). Comme le suggère le
Professeur R.DA VID, certaines précautions pourraient diminuer un tel risque : "la loi
d'introduction" pourrait être rédigée en commun entre plusieurs Etats, ou elle pourrait être
soumise, avant d'être promulguée, à l'approbation d'une auwrité internationale qualifiée
(1171).
- 298 - Dans le même sens, M.BALIMA observe que:
"L'adoption préalable du projet de loi par le Conseil des /vIinistres
des Etats membres et les Chefs d'Etats des Pays qui participent au
BAMREL devraii limiter les modifications ultérieures du texte
adopté dans les cadres nationtlLLx" (11 7 2).
- 299 - Il existe un dernier obstacle à l'unification des droits nationaux: la loi une fois
intégrée dans
les diffùents
droits
nationaux,
est
exposée
à des
interprétations
jurisprudentielles nationales, avec des risques possibles de divergence. En effet, le
BANIREL (par exemple), n'a pas reçu le pouvoir d'interpréter les textes qu'il élabore
(1173). Cependant, comme le souligne M.BALIMA, le risque de divergence devrait être
atténué, dans le cas du BAMREL, en raison du passé colonial commun des Etats membres
de cette organisation (exception faite de l'Ile Maurice et de la République du Rwanda).
(IlïO) M.BALEvIA mell'accenl sur le risque de modificalion des lexles adoplés par les ElalS membres sous
prélexle de les adapler aux circonSlances locales: "De quel/es condiLions et de quel/es circonstances locales
peut-il 5' agir ;' Les termes employés SOIll suffisamment vagues pour qu'on puisse redouter que. pour les
besoins de l'adaptation aux. circonstances locales. les Etats membres ne transforment un texte unique alf
départ en un véritable "habit d'arlequin".
"Alors à quoi aura servi la recherche en commun d'un même texte pour régir la société anonyme
dans les différen/s Etats membres du BA.MREL ?"
(1171) R.DA YlD, Op.CiL, n'68, p.73
(I ]72) CLBALIMA, Op.CiL, n'571, p.551
(Ilï3) CLBALI\\-IA, Op.Cil, n'572, p.55l : "L'article 6 de sa convention constitutive (du BAJ'v/REL) se
contente de déclarer que "la date d'entrée en viRueur dans chaque Etat des codes et lois illlervenus dans les
conditions fixées à [' alinéa 3 de [' article 5 doiL êlre notifiée par les autorités comoétellles dans chaque Etat
au Directeur du BAMREL".
1!l"'!!Il!tB!IiIWiilli'2"DSW
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472
Notons que cette dernière observation est, à norre aVIS, valable pour les Etats
membres des autres Communautés régionales (CEEAC et CEDEAO, notamment), unis
eux aussi par un passé historique commun.
- 300 - Pour terminer, il conviendra de s'interroger sur la nature juridique du texte qui
régira la société supranationale africaine (SAA).
S'agissant du BAMREL, M.BALIMA affirme d'abord, sans hésitation, qu'il n'est
pas question de loi-modèle lnais plutôt de loi uniforme. En dépit de la bonne volvllté sous-
jacente à une telle opinion, il nous paraît à la fois plus logique et plus prudent, pour une
expérience nouvelle, et compte tenu des obstacles précités, de rechercher l'harmonisation
des législations et donc le recours à une loi-modèle. Il conviendra de rappeler, à cet égard,
que la recherche de l' harmonisation -plutôt que l'uniformisation des législations- ne saurait
être un prétexte à la prolifération des réserves, à moins que celles-ci ne portent simplement
sur des questions accessoires (1174).
L'intérêt de l'harmonisation est incontestable. D'ailleurs, dans le même ouvrage
(précité), M.BALIMA, poussant plus loin sa réflexion, s'accorde à reconnaître que
"1' harmonisarion esl parfois présemée comme la lechnique adéquale pour organiser la
renconlre de plusieurs syslèrnes juridiques différenls...
et
que
"celle formule
de
rapprochemenl des législarions [rouvera davanrage à s'appliquer lorsque, comme il esl
souhairable, le BAMREL accueillera en son sein les pays anglophones d'Afrique 1"
(1175).
- 301 - Au regard de l'ensemble des considérations précédentes, il est permis de conclure
sur une note d'optimisme. Un homme averti en vaut deux, dit la sagesse populaire (11 76).
Et, de fait, nous nous sommes essentiellement assigné pour objectif de prévenir les
législateurs africains des nombreux écueils dont est jalonné le chemin de la rénovation du
droit... tout comme celui de l'enfer est pavé de bonnes intentions.
(1174) BALn·t-'\\, op.cil., p.551
(1175) BALI~'1.-'\\, op.cil., n'576, p.556-557
(1176) CLProverbes congolais (Iari Cl viii).
- nkulU zoba ka ba fuanda ka yo nkumbu zolc ka (traduction Iiuéralc : on ne vole pas deux fois la
besace d'un idiOl);
- boka ka La ka nkumbu zole ka (le serpenl ne mord pas deuxfois; autrcmcnL diL on ne se laisse pas
mordre deux fois par le serpent).
- wosuku u ke i nLu maLu mu kermdi (lOut être humain qui a une tête doit aussi avoir des oreilles,
autremcnt dit, "à bon enlcndeur salut".
473
- 302 - L'un des enseignements utiles du manichéisme, présenté, en un certain sens, en
termes de "loi des contraires" par les philosophes grecs (1177) et de loi de la dualité par
certaines philosophies "modernes" (11 78), est que la connaissance du "Bien" procède de
la compréhension du "Mal", l'un et l'autre participant d'une même "réalité". Par analogie,
nous dirons que l'élaboration des dispositions législatives est d'autant plus facilitée que les
hommes de loi sont éclairés sur les nombreux aspects des questions à traiter. Mais au-delà
de leur intérêt doctrinal, certains "avertissements" ou écueils, notamment ceux relatifs à la
mise
en
oeuvre
efL -.:ti ve
d'un
droit
des
sociétés
harmonisé
ou
L.' une
société
supranationale. devraient pemlettre aux deux parties concernées, à savoir les hommes de
loi et les gouvernants, de mieux résoudre les "problèmes législatifs" souvent perçus comme
inexrricables du fait de la méconnaissance de leurs composantes.
En dernière
analyse, la
rénovation du
droit africain
des sociétés et,
plus
généralement, de l'univers juridique africain, suppose la réunion de deux facteurs
essentiels: la volonté et la lumière. La volonté, celle qui pemlet d'oeuvrer résolument au
bonheur des nations. La lumière (de l'inspiration), sans laquelle la volonté seule, mal
dirigée, dégénère en obstination, en dispersion d'énergie, voire en égoïsme ou en cruauté.
Ne fait-on pas parfois allusion à la "volonté éclairée" de tel ou tel dirigeant? Puisse
donc la signiflcation profonde de cette expression être mieux perçue par tous ceux qui, en
Afrique noire francophone, sont appelés de que/que manière à "légiférer" !
*
*
*
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· Les sociétés de fait, Préface de J.CALAIS-AULOY, Bibliothèque de droit privé,
LGDJ, Paris 1975
- V ALLEE (Ch.)
· Le droit des communautés européennes, Que sais-je; ?, n02067, PUF 1983
B - OUVRAGES DE BASE ET ARTICLES
1 - OUVRAGES DE BASE
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· Pour une SARL Européenne, Préface de M.VASSEUR, PUF, 1973
- BREDlN (lD.)
· L'entreprise publique et semi-publique, Préface de H.SOLUS, Bibliothèque de droit
privé, LGDJ, 1957
- CHARTIER (Y)
· La gestion et le contrôle des sociétés anonymes dans la jurisprudence, sous la direction
de M.ROTONDI et R.RODŒRE, Librairies Techniques, 1978
483
- CONTIN (R)
· Le contrôle de la gestion des sociétés anonymes, Préface de R.PERCERÜU, avant-
propos de CHAMPAUD, Librairies Techniques, 1975
- COZIAN (M.) et VIAi'<'DIER (A.)
· Droit des sociétés, LlTEC 1987
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· Manuel des sociétés anonymes régies par la loi du 24 juillet 1966 et le décret du 23
mars 1967 (mise à jour au 15 février 1968), Dalloz 1968
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· Traité de droit commercial, 2~ volume, Les sociétés commerciales, 1ère et 2ème
partie, 3~ éd., Ed.Monrchrestien, 1982
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· Droit public économique, Précis Dalloz, 4è éd.1983
- DELION (A.G.),
· Les entreprises publiques, 2 Tomes, PUF, 1ère éd., 1986
- DURUPTY Cv!.),
· Les emreprises publiques, T.l., PUF, 1986
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- GA VALDA (c.) et PARLEANI (G.),
· Droit communautaire des affaires, Préface du doyen Riccardo MONACO, L1TEC
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- GOLDMAi\\ Œ.) et LYON-CAEN (A.),
· Droit commercial européen, Précis Dalloz, 4è éd., 1983
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· Droit des affaires, TI, Collection Droit des affaires et de l'entreprise, Série
enseignement, Ecollomica, 1986
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· Traité de droit commercial, Tl., Dalloz 1980
- HEMARD, TERRE et MABILAT,
· Sociétés commerciales, Dalloz, TI, 1972
- HOU IN (R.) et BOULOC (B.),
· Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, TI, 2è éd., Ed.Sirey 1976
- JEANNEAU (B.),
· Droit des services publics et des entreprises nationales, Dalloz 1984
- LESCUYER (G.),
· Le contrôle de l'Etat sur les entreprises nationalisées, Préface de J.RIVERO,
Bibliothèque de droit public, LGDJ 1962
- NGUYEN QUOC VINH,
· Les entreprises publiques face au droit des sociétés commercüiles, LGDJ 1979
- RAPP (L),
· Les filiales des entreprises publiques, Préface de P.DEVOL VE, Bibliothèque de droit
public, Paris, LGDJ 1983.
· Tec hniques de privatisation des entreprises publiq ues, Librairie~ Techniques 1986.
- RIPERT (G.) et ROBLOT (R.),
· Traité élémentaire de droit commercial, TI, 12è éd. (addendum au 1er octobre 1988),
LGDJ 1988
2 - ARTICLES DE REVUES, ETUDES, NOTES ET COMMENTAIRES
DE JURISPRUDENCE
- BADINTER (R.),
· Les pouvoirs du président-directeur général et la société anonyme de type classique
après la réfom1e du droit des sociétés commerciales, D.1969, Chrono p.185
485
- BARDOUL (J.),
· Les clauses d'agrément et les cessions d'actions entre actionnaires, D.1973.137; Adde
Le cumul du mandat d'adrrlinistrateur et d'un contrat de directeur technique ou d'un
autre emploi salarié dans la société anonyme, 0.1964, Chron., p.265
- BASTIAN (D.),
· La réforme du droit des sociétés commerciales, JCP 1968.1, 2183
- BEGUIN (J.),
· Note sous Cass.com.24 mai 1982, Rev.soc., 1983.361
- BERLIOZ (G.),
· L'information en matière de fusions, in l'Information en droit privé, Travaux de la
conférence d'agrégation, sous la direction de Y.LOUSSOUARN et LAGARDE,
Bibliothèque de droit privé, LGDJ, 1978
- BEZARD (P.) et CHAPUT (P.),
· La COB et la protection des actionnaires minoritaires dans les groupes de sociétés,
Rev.Soc.1982, p.481-507
- BON (H),
· Rapport sur la notion de groupe, Rev.Soc.1980, P.661-681
- BON (R), SAADA (Y), GAILLARD (A.), FOURCADE (J.) et THORIN (F),
· L'expert-comptable judiciaire face aux problèmes posés par les groupes de sociétés,
Rev .Soc.1980, p.661-670
- BOULARON (M.),
· Au-delà de l'action prioritaire sans droit de vote, JCP 1979, éd.C.L, 13047
- BOULLA y (A.),
· Projet de réglementation en droit français in Séminaire de Rennes "Droit des groupes
de sociétés", Centre de droit des affaires de Rennes, 1971, p.127-129
- BOUSQUET (J.CI.),
· Note sous com.lO mars 1976, 0.1977,455
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- BURST (J.1.),
· Note sous cass.com.4 janvier 1982, Rev.soc.1983.95
- CADIC (J.Y.),
· Le contrat de programme. Essai de rationna1isation de la gestion des entreprises
publiques, AlDA, 20 décembre 1979, p.23 et s.
- CALAIS-AULOY (J.),
· Protection r1~s associés et créanciers des groupes de sociétés en r1roit positif français,
Séminaire de Rennes "Droit des groupes de sociétés", Librairies Techniques, 1972,
p.145-154; Adde note sous Aix, 18 juin 1975, Rev.jurispr.com., 1976,95
- CATHALA (T.) et GLEICHMANN (K.),
· Le statut des sociétés anonymes européennes selon la proposition de la commission
des communautés européennes, Rev .soc.1972, p.8-72
- CHAMPAUD (Cl.),
· Les méthodes de groupement des sociétés, Rev.trim.dr.com.1967, p.1004; Adde
Recherche des critères d'appanenance à un groupe, in Droit des groupes de sociétés,
Travaux du Séminaire de Renes, Centre de droit des affaires de Rennes, Librairies
Techniques, 1972, p.27-36
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· Les attributions du conseil de surveillance, Rev. trim.dr.com. 1976, p.316 s.
- CHEVALLŒR (J.),
· Les transformations du statut d'établissement public, lCP 1972,1,2496
- DABIN (L.),
· Expérience allemande et proposition de dosicété anonyme européenne. Séminaire de
Rennes, Droit des groupes de sociétés, Librairies Techniques, 1972, p.107-126
- DAGOT (M.),
· La reprise par une société des engagements souscrits pour son compte avant son
immatriculation au registre du commerce, lCP 1969, I, 227Î;
· Un texte contestable: l'anicle 5 de la loi du 24 juillet 1966, D.S.1974, Chron.240-246.
- DALSACE (A.),
· Les délais légaux de tenue des assemblées générales des S.A .. Rev.trim.dr.com.1953.7
y:--
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· La notion d'entreprise publique en France, AIDA, 20 avril 1979, p.3-19
- DEL VOLVE (P.),
· L'applicabilité de l'action en comblement de passif aux personnes publiques, Ilote sous
arrêt Tribunal des conflits, 2 juillet 1984, in RFDA, 1985, nOl, p.81-85
· L'exercice de voies d'exécution contre les dirigeants d'entreprises publiques, obs.sous
0
arrêt C.d'appel de Paris (1ère Ch.A), Il juillet 1984, RFDA, n 1, 1985, p.8R
- DIDIER PENE,
· La privatisation en France, AlDA, mai 1987, p.291-302
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· Les nouvelles orientations du contrôle de l'Etat sur les entreprises publiques, \\IIélanges
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· La responsabilité civile des dirigeants des sociétés anonymes du secteur public,
Rev.soc.1986, pA7 -79
- ESMEIN (P.),
· Les notions de souscription publique, d'offre au public et d'appel à l'épargne publique
en matière de sociétés, lCP 1941, n0208
- FLORES (G.) et MESTRE (J.),
· La réglementation de l'auto-contrôle, Rev.soc.1985.775
- GAILLARD CA.),
· L'expert-comptable judiciaire face aux problèmes posés par les groupes de sociétés,
Rev.soc. 1980, p.661-670; Adde RapPo!1 sur la notion de groupe pour étendre les liens
de la prévention, Rev.soc., p.682-695
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· Les institutions de la Communauté Economique Européenne, in POUVOIRS, 1977,
n02, Le Parlement Européen (numéro spécial), p.119-133
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- GORE (G.),
· Le contrôle de la constitution des sociétés commerciales et leurs modifications
statutaires, Rev.soc.1966.246
- GOURRIER (J.),
· La notion d'entreprise commune, RTDE, 1966, p.383 s.
- GUYON (Y.),
· L'évaluation des valeurs mobilières à l'occasion des opérations de privatisation,
RFDA, mars-avril 1987, p.170-175
- HEMARD (J.),
· La constitution des sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l'épargne,
Mélanges CABRJLLAC, Ed.Techniques, 1968, p.269 et s.
- HOUIN (R.),
· La gestion des entreprises publiques et les méthodes de droit commercial in La
distinction du droit privé et du droit public et l'entreprise publique, Archives de
Philosophie du Droit, 1952, p.79-107
- HOUIN (R.) et GORE (F.),
· La réforme des sociétés commerciales, D.1967, Chron.123
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· Les actions à dividence prioritaire sans droit de vote, Rev.soc.1979.25
- LAMBERT-FAIVRE (Y),
· L'entreprise et ses formes juridiques, Rev.trim.dr.com.1968, p.907-975
- LOUSSOUARN (Y.),
· Droit international du commerce et Marché Commun, Rev.trim.dr.com., 1974, p.359-
384
- MARTIN (G.1.),
. La notion de fusion, Rev.trim.dr.com.1978, p.278-305
- NŒMORANDUM DE LA COMMISSION DE L':' COMMUNAUTE EUROPENNE sur la
création d'une société commerciale européenne, RTDE, n° l, janvier-avril 1966, p.409-433
489
- NGUYEN XUAN CHANH,
· La nullité des sociétés commerciales dans la loi du 24 juillet 1966, 0.1968, chron.28
- OPPETIT (R),
· Le représentant permanent d'une personne morale administrateur, JCP 1969.1.2227
- PAILLUSSEAU (1.),
· Faut-il en France un droit des groupes de sociétés (à propos de la proposition de loi
Cousté), JCP.19-' 1 .1.2401 bis.
- RAPP (L.),
· Les lois de privatisation et la "respiration" du secteur public, RFDA, mars-avril 1987,
p.153-l69
- RAYNAUD-CONTAMINE (M.),
· L'application du droit commun aux privatisations, AIDA, mai 1987, p.309-313
- REY (L.),
· Protection des associés et créanciers des groupes de sociétés en droit positif français,
Séminaire de Rennes Droit des groupes de sociétés, Centre du droit des affaires de
Rennes, 1971, p.169-l76
- SAADA (Y.),
· L'expen-comptable judiciaire et les groupes de sociétés, Rev.soc.1980, p.661-670;
Adde Rapport sur la notion de groupe utilisée comme fondement de la responsabilité
civile d'une société dans les engagements d'une autre société, Rev.soc.1980, p.671-681
- SCHMIDT (O.),
· La protection des entreprises nationales contre les prises de contrôle par des sociétés
multinationales étrangères, Rev.soc. 1975, p.573-603
- SINAY (R.),
· La société anonyme de type nouveau et le projet de loi français sur les sociétés
commerciales, Gaz.Pai. 1er mars 1966, p.SO-61
· Expérience allemande et proposition de société anonyme européenne, Séminaire de
Rennes, Droit des groupes de sûciétés, Librairies Techniques 1972, p.37-48
490
- STROHL (P.),
· Problèmes juridiques soulevés par la constitution et le fonctionnement de la Société
EUROCHIMIC, AFDI, 1961, p.569-591
- TUNC (A.),
· L'effacement des organes légaux de la société anonyme, 0.1952, chron.17
- VASSEUR (M.),
· Quelle société européenne? 0.1972, chrono p.169-176
· Pour une société de type européen, Mélanges Savatier, 1965, p.9ü3-921
· Le droit des sociétés dans la communauté européenne, Les Petites Affiches, 26 juin
1985, n07?, p.29-32
- VOISSET (M),
· L'expérience des contrats de programme dans les entreprises publiques, Droit social,
n06, juin 1974, p.265; Adde Un essai de renouvellement des relations entre l'Etat et les
enterprises publiques: les contrats dè plan, Mélanges PEQUIGNOT, p.717-736
\\
\\
491
LISTE DES PRINCIPAUX TEXTES CITES
o 0
0
1 - TEXTES RELATIFS AU DROIT COMMUN DES SOCIETES EN AFRIQUE
NOIRE FRANCOPHONE
- Sur le régime des faillites et banqueroutes: Livre troisième du Code de commerce français
de 1854, Mod. LA mars 1889 (sur la liquidation judiciaire), la loi du 6 septembre 1892 et le
décrer-loi du 8 août 1935.
- Loi du 24 juillet 1867, sur les sociétés par actions
- En matière de commissariat aux comptes: L.24 juillet 1867 (art.25, 32 et 33), modo par les
décrets-lois du 8 août 1935 et 31 août 1937
- Loi du 9 juillet 1902 (complérant l'article 34, c.com., ainsi que l'article 3 de la loi du 24
juillet 1867
- Loi du 30 janvier 1907 concernant l'émission et la mise en vente des titres de sociétés.
- Loi du 18 mars 1919 relative à la création d'un registre du commerce (mod.D.L.30 octobre
1935).
- Loi du 7 mars 1925 tendant à instituer les sociétés à responsabilité limitée.
- Loi du 23 janvier 1929 sur les parts de fondateur émises par les sociétés, modo art. 11, LA
mars 1943 et L.25 février 1953.
- Loi du 13 novembre 1933 réglementant le droit de vote dans les assemblées d'actionnaires
des sociétés par actions.
- Décret du 8 août 1935 créant au profit des actionnaires un droit préférentiel de souscription
aux augmentations de capital.
- Décrer-Ioi du 30 octobre 1935 re!:Hive 8 1;:1 nrnrecrion ries ohliQ"ataires.
492
- Loi du 16 novembre 1940 sur le régime du président-directeur général, mod.L.4 mars 1943
(Titre 1er, et art. 10 et 11 du Titre II).
- Acte dit Loi du 16 novembre 1940 relatif aux sociétés anonymes.
- Acte dit Loi du 4 mars 1943 relatif aux sociétés par actions.
- Loi du 30 août 1947 relative à l'assainissement des professions commerciales.
- Loi du 3 février 1953 et Décret du 3 septembre 1953 concernant l'émission d'obligations
convertibles en actions.
- Loi n053-l48 du 25 février 1953
relative à diverses dispositions d'ordre financier
intéressan t l'épargne.
- Décret Zaïrois du 23 juin 1960 organisant le régime des sociétés commerciales.
- Ordonnance Congolaise n062-26:::Ju 16 octobre 1·962 instituant le régime du Président-
directeur général.
- Lois Gabonaises n013-69 du 31 décembre 1969 et 10-73 du 20 décembre 1973, portant
modification de la loi du 24 juillet 1867 et complètant la loi 7-72 du 5 juin 1972 relative à
l'exercice de la profession de commerçant.
- Décret Ivoirien du 17 janvier 1973 réglementant les opérations comportant appel public à
l'épargne.
- Loi ivoirienne du 24 juillet 1974 ponant création d'un marché financier.
- Traité du 28 mai 1975 instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (C.E.D.E.A.O).
- Loi Sénégalaise du 12 juin 1976 instituant la liquidation des biens et le Règlement
judiciaire.
- Décret Sénégalais n°73-781 du 23 juillet 1976 relatif au réglement judiciaire, à la liquidation
des biens et à la faillite personnelle, J.O.R.Sénégétl, 28 août 1976, p.1313.
493
- Loi Nigérienne n080-15 du 19 juin 1980 (modifiant l'art.22, L.24 juillet 1867 sur les S.A. et
la loi du 7 mars 1925 sur les SARL).
- Acte U.D.E.A.C.
n05-82-324 du
18 décembre 1982 réglementant les
fonctions de
Commissaire aux comptes dans les Etats membres de l'U.D.E.A.C.
- Loi Ivoirienne n083-789 du 2 août 1983 instituant le système du conseil d'administration et
du président-directeur général.
- Loi Gabonaise n08/83 du 31 décembre 1983 ponant Code des Participations ( complétée par le
Décret n0680 MINECOFIN du 28 mai 1984) et modifiée par l'Ordonnance 15/87 du 25 juillet
1987 et le décret n01044/pR/NIFDP du 27 juillet 1987.
- Ordonnance Guinéenne n° 119/PRG du 17 mai 1985 ponant règlementation des sociétés
commerciales.
- Ordonnance Nigérienne n080-15 du 19 juin 1985 modifiant la Loi du 24 juillet 1867 sur les
SA et la loi du 7 mars 1925 instituant les SARL.
- Loi Sénégalaise n085-40 du 29 juillet 1985 portant quatrième partie du Code des Obligations
Civiles et Commerciales, les sociétés commerciales, J.O. Rép.Sénégal, 21 décembre 1985.
P.553.
- Zatu n086-13 du 21 mars 1986 ponant institution àu GIE au Burkina-Faso.
- Loi n086-13 du 21 mars 1986 portant Code de Commerce du Mali.
- Décret Sénégalais n0881003 du 22 juillet 1988 relatif aux diligences du commissaire aux
comptes.
II - TEXTES RELATIFS AUX ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE NOIRE
FRANCOPHONE (par pays, dans l'ordre alphabétique)
- BENIN
- Ordonnance du Il janvier 1979 modifiant les statuts types des Sociétés d'Etat.
- Loi n°88-005 du 26 a vIii 1988 relative à la création, à l'organisation et au
fonctionnement des entreprises publiques et semi-publiques.
494
- BURKINA-F ASa (ex.HAUTE VOLT A)
- Ordonnances n084-56 du 15 août 1984 portant statut général des sociétés d'Etat;
n08!J.-57 du 15 août 1984 portant statut général des sociétés d'économie mixte; n084-58 du 15
août 1984 ponant règlementation générale des établissements publics de l'Etat (JOBF du 23
août 1944).
- Décret n° 8L1 -304 du 15 aoùt 1984 portant statut général des établi~"ements publics de
l'Etat à caractère industriel et commercial; n084-305 du 15 août 1984 ponant statut général
des établissements publics à caractère administratif (JOBF du 23 août 1984).
- BURUNDI
- Décret-loi nOl-30 du 10 octobre 1978 portant cadre organique des établissements
publics burundais (BOB, n012-78, p.487):
- Décret-loi n° 1-31 du même jour régissant les sociétés de droit public et les sociétés
d'économie mixte de droit privé (BOB, n012-78, p.495).
- CENTRAFRIQUE
- Ordonnance n085-018 du 26 juin 1985 fixant le régime des sociétés à participation
financière publique (modifiée par l'ordonnance n085-023 du 16 août 1985).
-CONGO
- Ordonnance n07-72 du 1er janvier 1972 portant statut général des entreprises d'Etat
(JO RPC, 15 février 1972, p.72) modifiée par l'ordonnance n025-73 du 10 juillet 1973 (JO
RPC, 10 juillet 1973.
- Ordonnance n012-73 du 18 mai 1973 ponant instauration de la Trilogie déterminante
dans les entreprises d'Etat, entreprises mixtes et services publics (JO RPC, 1er juin 1973,
p.27S); complétée par le décret d'application n073-l66 du 18 mai 1973, lequel a été modifié
dans cenaines de ses dispositions par le décret n074-111 du 14 mars 1974.
- Loi n013-8l du 14 mars 1981 instituant la Charte des entreprises d'Etat (JO RPC, 1er
mai 1981, p.456).
q.lIIl"Et...!f!mli.. .·'rt·=m·"pW15W!1'teFii'''.. Hf'iatii''V!
T'W'
495
- Décret n054-83 du 6 juillet 1983 instituant l'entreprise pilote d'Etat et complétant la
loi n013-81 du 14 mars 1981 (instituant la Charte des entreprises d'Etat).
- COTE-D'IVOIRE
- Loi n°80-1070 du 13 septembre 1980 fixant les règles générales rebtives aux
établissements publics nationaux et ponant création des catégories d'établissements publics
(JO Rép. Côte-d 'Ivoire, 23 octobre 1980, p.1090).
- Loi n080-1071 du 13 septembre 1980 portant définition et organisation des sociétés
d'Etat (JO RCr, 30 octobre 1980, p.1126) abrogeant la loi du 5 novembre 1970 et du 22 mars
1962 (JO RCr, 1962, p.378).
- Loi n085-575 du 29 juillet 1985 relative à la Direction Générale des sociétés à
participation publique.
-GABON
- Loi n"11-82 du 24 janvier 1983 ponant régime juridique des établissements publics
des sociétés d'Etat, des sociétés d'économie mixte et des sociétés à panicipation financière
publique; Loi n° 12-82 du 24 janvier 1983 ponant urganisation de la tutelle de l'Etat (J.O. des
1er et 15 février 1983).
- GUINEE
- Décrets n0263 du 25 juillet 1974 et n036 du 15 janvier 1983 relatifs aux sociétés
d'économie mixte.
- MALI
- Ordonnance n023 C.M.L.N., fixant le statut général des Entreprises nationales (J.O.
MALI, du 15 avril 1969, p.259) abrogeant la loi n067-1O du 18 juillet 1967 (JO 15 août 1967)
et la loi n063-23 du 26 janvier 1963 (JO, iO février 1963).
- Ordonnance n079-9 du 19 janvier 1979 ponant principes fondamentaux de la
création, de l'organisation, de la gestion et du contrôle des services publics.
mV.Rrii?S
496
- MAURITANIE
- Ordonnance n084-038 du 25 février 1984 fixant le régime des établissements publics,
des sociétés d'économie mixte et des personnes morales privées bénéficiant du concours
financier de l'Etat (JORIM du 29 février 1984).
- NIGER
- Ordonnances n086-0 1 et 86-02 du 10 janvier 1986 portant reglme général et
détemlinant la tutelle et le contrôle des établissements publics, sociétés d'Etat et sociétés
d'économie mixte (JORN du 14 janvier 1986).
- Décrets n086-120, 121, 122, 123 du Il septembre 1986 portant approbation des
statuts des établissements publics à caractère administratif, des établissements publics à
caractère industriel et commercial, des sociétés d'Etat ou sociétés à capital public, des
sociétés d'economie mixte (JORN, n09 et 10 du 13 octobre 1986).
- RWANDA
- Décret-loi n039-75 du 7 novembre 1975 sur les établissements publics (JO, n023 du
1er décembre 1975, p.749).
- SENEGAL
- Loi n077 -89 du 10 août 1977 relative aux établissements publics, aux sociétés
nationales, aux sociétés d'économie mixte et aux personnes morales de droit privé bénéficiant
du concours financier de la personne publique (JO, Rép.Sénégal, 12 septembre 1977, n04586,
p.1177), abrogeant la loi du 12 juin 1972 (JO, 24 juin 1972, p.1 035) et celle du 12 mai 1966
(JO 28 mai 1966, p.571).
- Loi n'87-19 du 3 août 1987 relative au seceur parapublic.
-TOGO
- Lois organiques n082-5 du 16 juin 1982 relative aux sociétés d'économie mixte et
n082-6 du 16 juin 1982 relative aux sociétés d'Etat et aux établissements publics (JO du 17
juin 1982).
496
- MAURITANIE
- Ordonnance n084-038 du 25 février 1984 fixant le régime des établissements publics,
des sociétés d'économie mixte et des personnes morales privées bénéficiant du concours
financier de l'Etat (JORIM du 29 février 1984).
- NIGER
- Ordonnances n086-0 1 et 86-02 du
lO janvier 1986 portant régime général et
détem1inant la tutelle et le contrôle des établissements publics, sociétés d'Etat et sociétés
d'économie mixte (JORN du 14 janvier 1986).
- Décrets n086-120, 121, 122, 123 du Il septembre 1986 portant approbation des
statuts des établissements publics à caractère administratif, des établissements publics à
caractère industriel et commercial, des sociétés d'Etat ou sociétés à capital public, des
sociétés d'économie mixte (JORN, n09 et lO du 13 octobre 1986).
- RWANDA
- Décret-loi n039-75 du 7 novembre 1975 sur les établissements publics (JO, n023 du
1er décembre 1975, p.749).
- SENEGAL
- Loi n077-89 du lO août 1977 relative aux établissements publics, aux sociétés
nationales, aux sociétés d'économie mixte et aux personnes morales de droit privé bénéficiant
du concours financier de la personne publique (JO, Rép.Sénégal, 12 septembre 1977, n04586,
p.ll77), abrogeant la loi du 12 juin 1972 (JO, 24 juin 1972, p.1 035) et celle du 12 mai 1966
(JO 28 mai 1966, p.571).
- Loi n'87-19 du 3 août 1987 relative au sec~eur parapublic.
-TOGO
- Lois organiques n082-5 du 16 juin 1982 relative aux sociétés d'économie mixte et
n082-6 du 16 juin 1982 relative aux sociétés d'Etat et aux établissements publics (JO du 17
juin 1982).
497
- Décret n082-177 du 30 juin 1982 portant application des lois organiques relatives aux
sociétés d'Etat et aux sociétés d'économie mixte (JO. du 29 septembre 1982).
- ZAIRE
- Loi n078-002 du 6 janvier 1978 ponant dispositions générales applicables aux
entreprises publiques (JO, n04 du 15 février 1978, p.9).
III - TEXTES SPECIFIQUES AU DROIT FRANCAIS DES SOCIETES
- Décret-loi n° 1105 du 4 aoCa 1949 relatif aux valeurs mobilières (modifié par le décret
du 22 août 1977 et complété par le décret n0175 du 18 février 1982); Décret du 10 novembre
1949 relatif aux valeurs mobilières.
- Décret n055-1595 du 7 décembre 1955 relatif au régime des titres nominatifs.
- Loi n066-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, complétée par le
décret du 23 mars 1967.
- Loi n°70-1322 du 31 décembre 1970 relative aux options de souscription ou d'achats
d'actions.
- Loi n073-1196 du 21 décembre 1973 relative à l'émission et à l'achat en bourse
d'actions réservées aux salariés.
- Loi du 3 janvier 1983 relative au vote par correspondance (complétée par le décret
du 14 mars 1986).
- Loi n084-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique
(transmission de l'entreprise aux salariés).
- Loi du 1er mars 1984 "relative à la prévention des difficultés et le réglement amiable
des difficultés des difficultés des entreprises" complétée par son décret d'application du 1er
mars 1985.
Ri
&W5
'111
498
- Loi du 25 janvier 1985 "relative au redressement et la liquidation judiciaires des
entreprises" complétée principalement par le décret d'application du 27 décembre 1985, lui-
même modifié par le décret du 21 avril 1988.
- Loi du 25 janvier 1985 "relative aux administrateurs judiciaires, mandataires-
liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprises" complétée par son décret d'application du
27 décembre 1985.
'VD"lWfflP"
*iiMfJlili'.'T"
499
INDEX ALPHA.BETIQUE
DES MOTS CLES ET CONCEPTS
0 0 0
(Les numéros renvoient aux paragraphes)
seo
A
Actions
cotées, 134
Cession d'-, 130,13.1,132
Distribution gratuite d'-, 150,151
Forme des - 129
Options de souscription ou d'achats, 149,151
Transfert des-, 133,134
Valeur nominale des-, 128
Actions de garantie, 95,96
Administrateurs et -, 95,96
Membres du conseil de surveillance, I, 1
Représenwnt permanent et-, 94
Actionnaires
Con vocation de l'assemb léc par les-, 170
Convocation des commissaires par les-, 169
Droit de consultation des -, 165
Droit d'information, Ils
Election du conseil de survei IlJnce, 110 et s.
Intégration des-, Ils
Récusation judiciaire par \\cs-, 171
Représentant des-, 115
ReprésenwnL des petits-, 115
Vote des-, 115
Action en comblement du passif
- contre les dirigeants sociaux,
189 et s.
- et groupes de sociétés, 234
mise en oeuvre de 1'-,199
prescription de l' -, 198
Action sociale
exercice de 1'-,184,185
prescription de 1'-, 184
Administration de la SA, 110 et s.
Administrateurs
- et actions de garantie, 95,96
âge des-, 97
assurance des-, 96
conventions conclues par les-, 102
coopwLion, 98
cumuls de fonctions d'-, 99
- d'entreprises publiques, 278
durée des fonctions, 97
Nationalité, 92
Personne morale, 93
Personne physique, 93
Représentant de la SA, 93,94
Rémunération des-, 101
Responsabi:;L~ des- (v.responsabilité)
Agent de change, 133
501
Apparence, 234
Appel public à ['épargne, 4,44,57,61,62,63,137,138
Apports, 50,57
commissaires aux-,120,'242
SARL, 63,66,120
SNC,68
Assemblée générale, 56,57
Absentéïsme, 115,137
Accès à 1'-, 115
Agrément de 1'-,130,131
- de la SAA, 222
- des porteurs de parts, 241
- extraordinaire, 136,138,241
- des SARL, 120
Contrôle de "-, 120
Convocmion de 1'-,131,135
Assemblées spéciales, 242
Associés, 118
Assemblées des-, 120,122
Contrôle des-, 122
Décisions des-, 120
Droit de communiC::llion des-, 120,126,13 1,139,166,174
Engagement des-, 120,122
Information des-, 120,126,174
Nombre des-, 118,120
Unanimité des-, 120,125
Assurance
- des administrateurs, 96
- des commissaires aux comptes, 163
Augmentation de capital
Assemblée générale et-, 135,136
Délégation de pouvoir en cas d'-, 136
Droit préférentiel de souscription, 135
- et Promesse de vente d'actions, 149
Publicité de 1'-,137
B
Bourse des valeurs, 4,62,99,211,240
(v.aussi Commission Africaine des opérations
de bourse), 232,233
c
Capital social, 44,49,50,65
Augmentation de-, 135,137
Pertes des trois quarts du-, 115,120,125
502
Centre de formalités et/ou de gestion des sociétés
- (interafricains), 271
Créat.ion de, 52,173,275
Intervention duo, 137
Cession des titres, 140,142
Cession de parts sociales, 34,140
Convention de-, 134
opposabilité des-, 141,142
Procédure d'agrément, 130,131
Cession de contrôle, 232
:::lauses d'agrément et de préemption, 131,132,140,142
Comité d'entreprise, 144
- de la SAA 221
- Participation aux assemblées, 84
Commissaires aux comptes
Assurance des-, 163
- des SA, 165,168 et s.,I73 et s.
- des SARL, 179
- membres de l'Ordre des experts comptabl~s, 160
- et l'entreprise publique, 273,274
Convocation aux assemblées des-, 84,169
- de la SAA, 225
Désignation des-, 173,179
Devoirs des-, 127,161,162
Entrave à "exercice des fonctions de-, 164
Intervention des-, 122,151,157
Non convocation des-, 181
Protection des-, 163
Rapport des-, 117,122,157
Récusation des-, 171
Regroupement des-, 182
Responsabilité des-, 176,178,180
Révocation des-, 168
Sanction des-, 157,159
Situation des- (dans certains pays africains), 158,159
Statut des-, 122,143,156,157,178
Commissaires du gouvernement, 277
Interventions des-, 253,271,273,275
Rôle des-, 271 ,275
Commission :Uricaine des opérations de
Bourse, 232,233
Commission Permanente du droit des groupes, 240
Communauté africaine
Commission de la-, 207
Cour des comptes de 1a-, 207
Cour de Justice de la-, 206,207,214
Institutions de contrôle de la-, 207
Organes politiques de la-, 205,206
503
Comptes
approbation des-, 125
Contrôle des-, 165,175
- de la SAA, 223
- du gérant, 120
Cour des-, 276
Conseil d'administration ou de surveillance
Actes du-, 116
Agrément du-, 130
Autorisation du-, 117
Composition du-, 103
Convocation, 107
Nombre des administrateurs, 105
Pouvoirsdu-, 116
Représentant du-, 116
Réunions et délibérations, 107
Conseil de surveillance
Autorisation du-, 117
Contrôle du-, 151,152
- de la SAA, 222
Participation au-, 145
Rôledu-, 113,114
Constitution des sociétés, 51 et s.
Affectio societaus, 49
Allègement des formalités de-, 51,57,63,67,71
Appel (ou non) à l'épargne et-, 61,62,63
Autorisation préalable à la-, 44,45
Capacité et-, ~6
Capital social et-, 44,49,57,65
Cas des SA, 61
Cas des SAA, 215,219,220
Cas des SARL, 64 et s.
Cas des sociétés de personnes, 67
Cas des sociétés en comm:mdite, 69
Cas des SNC, 68
Constitution défi ni ti ve, 56
Contrôle de la-, 52,54
Déclaration de conformiLé et-, 54,63,72,77,137
DépÔl (et retrait) des fonds, 53,57,60
Formalités de-, 52,57,64 et s.,66
Intervention du notaire et-, 52,57
Mandataires et-, 54
Nullité des-, 71 et s.,72,73,74,75,76
-(et) Responsabilités, 56,78,79
Sanction des-, 71 à 80
Statuts et-, 55,56
Contrôle
Agents de-, 173,274
Commissaires aux comples, 113
Conseil de surveillance, 113
- de l'assemblée des associés, 122
- des SA, 157,161 à 164,165,168 el s., 173
- de la SAA, 225
- des SARL, 166,173,174,177
504
- de l'entreprise publique, 271 à 276
- des rémunérations des administrateurs, 106
- des sociétés, 154 et s.
Conventions et actes
Approbation des associés, 119
- entre la société et \\es administrateurs, 117
- entre la SARL ct les gérants, 122
Nullité des-, 117,122
- passés par les gérants, 119,122
D
Déclaration de conform ité (v.constitution des sociétés)
Délégués du Personnel (v.Personnel)
Directeur de la SA, 111, 114(v .égal.Société anonyme)
Directoire, 113,114
- de la SAA, 222
Agrément du-, 130
Droit
- National ou comm unautaire, 210,211,227
- Principal ou subsidiaire, 227
Droit africain, 2,3,4
Evolution du-, 2 et s.
Harmonisation du-, 4,5,7
RéactualisaLion du-, 6,7
Réforme souhaitable du-, 167
Rénovauon du-, 292
E
Emission d'obligations, 138
Emprunts
- auprès des SA, 117
- auprès des SARL, 119,122
- obligataires, 62
Entreprise publique (ou E.r.), 6,247et s.
Absence d'autonomie de 1'-, 264
Classification des E.P., 250à 253
Crise de 1'-, 284 et s.
Comité de direction de 1'-,254,259,262
Conseil d'administration de 1'-, 254,257,259,260,267
Conseil (ou comité) de direction de 1'-,259,262
Conseil de surveillance de 1'-, 267
Contrôle de 1'-,271 et s.
Définiuon de 1'-, 248,249
Direction générale de 1'-, 261
Directoire de 1'-, 267
505
Dirigeants de 1'-,259 et S., 264
Identilïcation de ['-, 253
Organes délibérants des E.P., 256,257,258,267,269
Organes de contrôle de 1'-,271 et s.,274 et s.
Organes exécutifs de 1'-, 259 et s.,267,269
Participation de l'ELat au capital de 1'-,254,256,257
Président du conseil d'administration de 1'-, 260
Privatisations des E.P., 254,589 et s.
Régime de la responsabiliLé dans \\'-,277 et s.
Représentation de l'Etat dans les E.P., 257,267,269
Représentation des organes dans les E.P., 267,269
Responsabilité des dirigeams de 1'-,277 à 280
Sanctions dans les EP, 278,279,280
Statut des administrateurs d'-, 2. i et s.
Entreprise socialiste, 284,285
Appréciation critil.lue de 1'-, 287
Chane de 1'-, 286
Comité d'entreprise de 1'-, 287
Définition de l'., 286
Participation des LIavailleurs à 1'-,287
Expert de gestion
(Désignation d'un -, 172).
F
Faillite (et banqueroute), 3,4,188.193,194,199
Durée des peines liées à la-, 194
Extension de la -,191,193,196,197
Filiales
Bénéfices des-, 235
Définition des-, 232
- et sociétés-mères, 232
Infractions relatives aux-, 231
Régime fiscal des-, 239
Fondateurs, 52,56,57
Responsabilité des-, 34,52,56
Formes juridiques, 10 et s., 20
Choix des-, 10,209,210
GIE, 18
SA,12
SAA,209
SARL 14
Sociétés à statut particulier, 18,19
Société civile, 19
Sociétés de capitaux, Il et s., 12
Société de droit communautaire, 210
Société de droit national, 210
Sociétés de fait et créées de i·aj t; 39 et s.
Sociétés de personnes, Il et S., 12,14,15,17
Sociétés en commandite, 3,12,13
Sociétés en nom collectif, 12,14,16
....
506
Sociétés en participation, 12,17
Sociétés par actions, 12
Société simple, 20 et s.
Société (ou entrcprise ?) unipersonnellc, 37 et s.
Francophonie, 1
Fusion
Conditions financières de la-, 241,246
Création de la SAA par voie de-, 215,216,218,220
- de sociétés, 231,241, 244
- de SARL, 2456
- et droit d'opposition, 245
- et protection des créanciers, 24v
Information en matière de-, 246
Nombrc d'administrateurs en cas de-, 68
Projet de-, 241,245
Publicité de la-, 241,245
G
Gérants, 118 et s.
Actes des-, 119,122
Comptes des-, 120
Extension de la faillite aux-, 192,194
(v.responsabi lité)
Nomination des-, 118
Pouvoirs des, 119,122,124
Rapportdes-, 122,126
Responsabilité des-, 124,166,183
(v .égal.responsabil ité)
Responsabilité fiscale des-, 200
Gestion
Centre de-, 173
Expert de-, 1n
-de la SARL, 125
Groupes
Actionnaires minoritaires et-, 234
Commission permanente du droit des-, 240
Contrat de groupe, 229, 230
Contrôle des-, 239
Définition des-, 232
Droit des-, 6,229 et s., 240
GIE, 18,230
- de fait, el de droit, 232
Infractions relatives aux-, 231
- et fiscalité, 237 el s., 239
et sanctions pénales, 236 el s.
Personnalité des sociétés de-, 232
Salariés des-, 235
Sociétés de-, 232
SOï
H
Harmonisation des législations
- et administration des SA, 73,78,93,102,107
- et consLiLUtion des sociétés, 48 et s., 61 et s.
- et constitution, fonctionnement et
dissolution des sociétés, 201
- et SLatut des administrateurs, 97 et s.,102
- et Litres sociaux, 128 et s., 138
1
Immatriculation au R.L., 5355,56,60,68,72,80,137
- de la SAA, 214
Irrecevabilité de 1'-, 72
Incompatibilité. 194
Information
- des acLionnaires, 115,117,137
- des associés, 126,166,174
- des salariés, 143,144,145
In fractions
(relatives aux filiales et parLicipations), 236
Insuffisance d'actif
(Responsabilité en cas d' -), 199
Interdictions et déchéances, 188,193,194
- visant les administrations, 188
- visant les PDG, 188
Investissements
(-directs),233
In vestisseurs
(nationJ.ux et étrangers), 236
J
Journal Officiel
- de la Communauté AfricJ.ine, 59,214
Publicité au-, 14,62,137
L
Liquidation des biens ou règlement judiciaire, 196
M
Mandat (et mandataires sociaux), 53,54,56
508
Multinationales, 233
N
Nationalité
Changement de-, 125
- des adminislraleurs, 92
- des commissaires aux comples en Guinée, 158
- des sociétés, 210
- étrangère (des sociélés), 233
Nullité des sociétés
(v.constiwtion)
o
Obligations (v.Tilres sociaux)
Emission d'-, 138
Régime des-, 138
Organes
- de la SA, 86 à 90
- de surveillance, SARL, 173
- de lUlelle, 277
- politiques (communautaires), 205,206
Organisations (internationales), 204
CEDEAü, 206,207,277 ,296,299
CEEA,I77,178,206,207,277,280,296;299
Conférence des Chefs d'EtaLS el de
gouvernemem, 206
Conseil des ministres, 206,294,298
Cour de Justice, 206
- imerafricaines, 204,205
- régionales el sous régionales, 205,206
Secrétarial Général des-, 206
p
Participation(s), 143 el s.
- africaines el filiales élrangères, 239
- à la gestion, 143
- à l'information, 144
- au capital social (généralilés), 146-147
- croisées, 232
- des salariés, 146 à 153
- des salariés au capilal, 148, ]49, 150
- el infractions pénales, 236
- financière, 146 à 153
Formes de-, 146,147
- minoritaires, 232
Noùon de-, 232
prises de-, 218,231
Réserve spéciale de-, 152
509
Parts de fondateur
Emission de-, 139
Suppression de-, 139
Parts sociales (v.cession de litres)
Cession des-, 120,140
Formalilés de cession des-, 141
Rachal des-, 142
Personnalité morale, 56
- de l'entreprise publique, 282
- de la SA, 56
- de la SAl>....... , 124
- de la SNC, 16
- el sociélé en participation, 17
- du GIE, 18
N:.lissance de la-, 44,55,60
Personnalilé interne, 55,56
Personnel tdélégués du), 144,171,172
Pouvoirs
AdminiSlrateurs (SA), 99
Conseil d'administration, 86
Conseil de surveillance, 113,114
Gérants, 119,124
Directoire, 108,112, 114
MandaLaire(s) du conseil, 94
Président du conseil, 89,90
Séparation des pouvoirs (S A), 104 et s.
Préemption (droit de), 142
(v.clauses d'agrément et de-)
Prescription
- de l'action en comblement du passif, 198
- de l'action en extension (de la faillite), 198
- de l'aClion en responsabilité, 184,185
Président-directeur général, 4,86 à 89
Responsabilité du-, 190
Président du conseil
(Révocation du-), 89
Prises de contrôle, 233 et s
Privatisation (des E.P.), 289
Justification et rôle de la-, 289
Obstacles à 1a-, 290
Protection
- des ac tionnaires m inori Laires, 205, 234
- des créanciers en cas de fusion, 246
- des entreprises nalionales, 233 et s., 239
- des salariés des groupes, 235
- des tiers, 55,56,116,124,133
510
- des tiers des créanciers, 76,137,232,233,246
Publicité, 58
(v.égaI.Constitutïon des sociétés)
- de l'augmentation du capital, 137,
SA, 55,56,58,59,60
SARL, 66
Société en commandite, 70
SNC,68
Inaccomplissement de la-, 56,73
Souscription publique, 62
R
Rapport
- Des commissaires aux comptes, 122
- des gérants, 122,126
Registre
- du commerce,53,55,56,60,68,72,80,124
- du commerce (de la Communautt), 214
Règlement judiciaire ou liquidation des biens, 160 et s.
Régularisation (procédure de), 71,75,76,77,79,125
Représentants sociaux
Actes des-, 99
Responsabilité des-, 124
Réserve spéciale de participation, 152
Responsabilité
Action en-, 184,185
Assurance de-, 96
- civile, 77 ,78,183 et s.
- de l'Etat, 277
- des associés (SNC), 16
- des commissaires aux comptes, 176 et s.
- des gérants de SARL, 119,124
- des dirigeants sociaux, 183 et s., 278 et s.
- du PDG, 188,190
- et entreprise publique, 278 et s.
- fiscale, 200
- pénale, 186, 278
Preuve en matière de-, 199
- du représentant permanent, 94
Révocation
- du gérant, 120
- du président du conseil, 112
s
Salariés
Actionnariat des-, 149
511
- et groupes de sociétés, 235
Information des-, 144
Intégration des-, 113,143 à 145
Participation des-,
143 à 153
Protection des-, 235
. Représentation des-, 152
Sanctions
(v .égal.Consti tution, Responsabil ité)
Action en comblement du passif, 189
Cession (ou vente) forcée des titres, 194
Exclusion des fonctions publiques, administratives
ou judiciaires, 195
Faillite, Janqueroute, 3,4,188
Interdictions et déchéances, 188,194
Privation de droits politiques, 194
Privation du droit de vote, 194
Scission (v.égal.Fusion)
Conditions financières de la-, 241
Projet de-, 241
Publicité de la-, 241
- de sociétés, 241 et s., 244
Siège social
- de la SAA, 210, 217
- des sociétés, 233
Société anonyme (SA), 3 et s.
- à directoire, 113,114
administrateurs délégués, 113
Constitution des-, 61
Contrôle de la-, 122,126 à no, 133 et s., 138 et s., 157,161 à 165, 168 et s., 173 ct s.
- de type classique, 113
Directeur de-, III
- à direction unique, 113
Président du conseil, 111,112
Rapprochement de la SARL et de la-, 51,57,63,113,
121,122,141,142,174,246
Répartition des pouvoirs, III
Responsabilité civile, 183,185
Responsabilité pénale, 187
Structures de la-, 109 et s.
Société Anonyme Africaine (SAA), 6,203
Cadre institutionnel de la-, 205,206
Capital social de la-, 209,214,215
Caractéristique de la-, 203
Commissaires aux comptes de la-, 225
Comptes de la-, 223
Conditions d'accès au statut de la-, 209
Conflits de lois relatifs à la-, 215
Conflits relatifs à la-, 226,227
Constitution de la-, 209,212,213,215
Contrôle de la-, 225
Droit applicable à la -, 210,227
Nature juridique de 1a-, 300
Organes de 1a-, 222
512
Personnalité morale de la-, 210,211,214
Raisons d'être de la-, 204,228
Régime fiscal de la-, 224
Régime juridique de la-, 208
Règles de fonctionnement de 1a-, 221
Siège de la-, 210,217
Statut de la-, 210,227
Statuts de la-, 214
Supranationalité de la-, 203,210,211
Techniques de création de la-, 190,191,215,219,220
Traité institutif de la-, 215,221
Transfert du siège social de la-, 217
Société à Responsabilité Lim .. ~e (SARL), 14, 118 et s.
Cession des titres (v.ce mot)
Constitution des-, 64 et s., 66
Gestion (collégiale) de la-, 125
Modifications statutaires, 120
Nationalité, 120
Rapprochement de la SA et de la-, 51,57,63,113
121,122,141,107,142,174,246
Responsabilité civile, 183,186
Responsabililé pénale, 188
Transformation de la-, 120,125
Sociétés d'économie mixte, 249,252,254
Assemblée générale des-, 256,257
Direction générale des-, 261
Droit de vote dans les-, 268
Equilibre des pouvoirs dans les-, 269
Présiden~ du conseil dans les-, 260
Organes des-, 254
Régime des-, 254
Sociétés de fait, 14,17,39,40,41
Révélation de la-, 14
- et société en participation, 17
Société en formation, 55
Actes accomplis pour la-, 56
Sociétés d'Etat (v.Entreprise publique)
Régime des-, 254
Représentation de l'Etal dans les-, '257
Sociétés étrangères, 233
Opérations financières des-,
Société Privée à Responsabilité Lim itée
(SPRL),159,192
Statuts, 33
Approbation des-, 55,56
Dépôt des-, 52,57
Signature des-, 54,56,58
513
T
Textes législat'ïrs
Consensus el-, 292 el s.
Procédure d'élaboration et d'adoption des-, 292 et s.
Titres sociaux, 92
Cessions des-, 130,134
Fonne des-, 129
Procédure d'agrément, 130,131,142
Transfert des-, 133
Valeur nominale, 128
Tute:
Inconvénients de la tutelle étatique, 264,267 ct s., 270
Organes de-, 257,260,264,271
u
Unanimité
- des actionnaires, 136
- des associés, 120,125,141
v
Valeurs mobilières, 127
Contrôledes-,151
Négociation des-, 134
-cotées, 134
Vote
- des actionnaires, 115
- des associélés, 122
- par correspondance, 115
- par procuration, 115
514
TABLE DES MATIERES
0 0 0
(Les numéros renvoient aux pages)
INTRODUCTION GENERALE
l - LA FRANCOPHONIE: SA DEFINITION DANS L'OPTIQUE DE
NOTRE ETUDE
4
II - LA RELATIVITE DES REFORMES REALISEES EN DROIT
AFRICAIN DES SOCIETES
6
a) Quant à leur contenu
6
b) Quant à leur portée
8
III - APPROCHE METHODOLOGIQUE
13
IV - PRESENTATION DU PLAN GENERAL DE L'OUVRAGE
13
PREMIERE PARTIE
L'HERIT AGE DU DROIT FRANCAIS COMME FONDEMENT D'UNE
RESTRUCTURATION DU DROIT AFRICAIN DES SOCIETES
16
TITRE PREMIER·
L'HARMONISATION DES LEGISLATIONS AFRICAINES EN MATIERE
DE CONSTITUTION DES SOCIETES
19
CHAPITRE PRE\\HER·
LA QUESTION PREALABLE DU CHOIX DES FORMES DE
SOCIETES
21
SECTION 1 -
L'EXPOSE SOMMAIRE DES STRUCTURES SOCIETAIRES EN
DROIT POSITIF AFRICAIN
PARAGRAPHE 1 -
LE SUCCES DES SOCIETES DE CAPITAUX ET LE
DISCREDIT DES SOCIETES DE PERSONNES
24
PARAGRAPHE 11-
L'ABANDON JUSTIFIE DE LA SOCIETE EN
COMMANDITE
25
SECTION II·
LA CRITIQUE DES SOLUTIONS DU DROIT POSITIF AFRICAIN
EN MATIERE DE STRUCTURES SOCIETAIRES
29
PARAGRAPHE 1 -
LA MAUVAISE APPLICA TION DES PRINCIPES DE
LA STATISTIQUE ET DELA TECHNIQUE
LEGISLATIVE
29
515
PARAGRAPHE 11-
LA MECONNAISSANCE DES AVANTAGES INHERENTS
AUX SOCIETES SUPPRIMEES OU EN VOIE DE
SUPPRESSION
30
A - LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF
31
B - LA SOCIETE EN PARTICIPATION
35
SECTION 111-
L'ADOPTION DE FORMULES NOUVELLES: LE GIE ET LES
SOCIETES A ST ATUT PARTICULIER
38
PARAGRAPHE 1-
LE GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE
38
PARAGRAPHE 11-
LES SOC~TES A STATUT PARTICULIER
40
PARAGRAPHE III -
LA CREATION DE FORMES SOCL\\LES PARTICULIEREMENT
ADAPTEES AUX AFFAIRES AFRICAINES DE PETITE OU
MOYENE ENVERGURE
43
A - L'INSTITUTION DE LA SOCIETE SIMPLE
44
INTRODUCTION
44
- Raisons d'être de la soci,été simple
44
- Caractéristiques de la société simple
45
1°) Constitution de la société simple
46
a) Dispositions générales
46
b) Dispositions particulières
47
2°) Fonctionnement de la société simple
50
a) La gérance
50
b) Les pouvoirs des gérants
51
c) La prolCction des créanciers sociaux
51
d) Les cessions de pans sociales
54
e) La dissoluLion
55
B·
PERSPECTIVE D'A VENIR: L'OPTION ENTRE L'ENTREPRISE INDIVIDUELLE
ET LA SOCIETE UNIPERSONNELLE A RESPONSABILITE LIMITEE
56
SECTION IV - LE REGfME DES SOCIETES DE FAIT OU CREEES DE FAIT
58
PARAGRAPHE 1 - LES SOCIETES DE FAIT
58
PARAGRAPHE II - LES SOCIETES CREEES DE FAIT
59
CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
61
CHAPITRE SECOND -
L'HARMONISATION DES CONDITIONS DE CONSTITUTION
COMMUNES A TOUTES LES SOCIETES
62
GENERALITES: LES DONNEES DU PROBLEME
63
SECTION 1 -
L'HARMONISA TlON DES CONDITIONS DE VALIDITE
DES CONTRATS
64
516
PARAGRAPHE 1-
L'HARMONISA TlON DES CONDITIONS RELATlYES
AU CONTRA T DE SOCIETE
65
A - LE REGIME DE LA CAPACITE
65
B - LES SOCIETES ENTRE EPO UX
66
PARAGRAPHE 11-
L'HARMONISA TION DES CONDITIONS RELATIVES
AU DROIT DES SOCIETES
66
A - L'AFFECTIO SOClETATIS
66
B - LES APPORTS
68
SECTION II -
L'HARMONISATION DES CONDITIONS DE CONSTITUTION
PROPREMENT DITE DES SOCIETES
70
PARAGRAPHE 1 - POUR OU CONTRE LA CONSTITUTION NOTARIEE?
71
PARAGRAPHE II - LE DEPOT DES FONDS
74
PARAGRAPHE 111- LA DECLARA TION DE CONFORMITE
74
PARAGRAPHE IV - LA NAISSANCE ET LES EFFETS DE LA PERSONNALITE
MORALE
79
A - LA NAISSANCE DE LA PERSONNALITE MORALE
79
B - LES EFFETS DE LA PERSONNALITE MORALE
82
PARAGRAPHE V -
LA SIMPLIFICATION DU REGIME DE LA CONSTITUTION
DES SOCIETES
89
PARAGRAPHE VI - LES FORMALITES DE PUBLICITE
91
A - LE NOUVEAU ROLE DE LA PUBLICITE
91
B - LA RADIODIFFUSION COMME MOYEN DE PUBLICITE?
92
C - L'OBLIGATION DE RESPECT DES PRESCRIPTIONS RELATIVES A
L'IMMATRICULATION AU REGISTRE DU COMwŒRCE
93
CHAPITRE TROISIEME -
L'HARMONISA TION DE CONSTITUTION PARTICULIERES
A CERTAINS TYPES DE SOCIETES
95
SECTION 1 - LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX S.A.
96
PARAGRAPHE 1 -
LA REDEFINITION DE L'APPEL PUBLIC A
L'EPARGNE
96
PARAGRAPHE 11-
LE MAINTIEN OU LA SUPPRESSION DE L'APPEL
PUBLIC A L'EPARGNE?
101
SECTION II - LES CONDITIONS DE CONSTITUTION PROPRES AUX SARL
104
PARAGRAPHE 1 - CONDITIONS DE FOND
105
PARAGRAPHE II - CONDITIONS DE FORME ET DE PUBLICITE
105
517
SECTION III - CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SOCIETES DE PERSONNES
107
PARAGRAPHE 1 - LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SNC
107
PARAGRAPHE II-
LES CONDITIONS SPECIFIQUES AUX SOCIETES
EN COMMANDITE
109
A - LES CONDITIONS DE FOND
109
B - LES CONDITIONS DE FORrvœ
110
CHAPITRE QUATRIEME - L'HARMONISATION ETLA SIMPLIFICATION DU REGIME
DES SANCTIONS
III
SECTION 1 - LE REGIME DES NULLITES
114
PARAGRAPHE 1 - L'ANNULATION EXCEPTIONNELLE DES SOCIETES
114
PARAGRAPHE II - LES EFFETS DE L'ANNULA TION
Ils
PARAGRAPHE III - LA GENERALISATION DE LA PROCEDURE DE
REGULARISA TION
116
A - LE DOMAINE DE VACTION EN REGULARISATION
116
B - LE REGIME DE L'ACTION EN REGULARISATION
117
SECTION II - LES RESPONSABILITES CIVILE ET PENALE RELATIVES
A LA CONSTITUTION DES SOCIETES
119
PARAGRAPHE 1 - LA RESPONSAIHLITE CIVILE
119
PARAGRAPHE II - LA RESPONSAIHLITE PENALE
120
CONCLUSION DU TITRE PREMIER
122
TITRE SECOND -
L'HARMONISATION DES LEGISLATIONS AFRICAINES EN MATlERE
DE FONCTIONNEMENT DES SOCIETES
124
CHAPITRE PRE1VlIER -
L'HARMONISATION DU MODE D'ADMINISTRATION ET DE
DIRECTION DES SOCIETES
126
SECTION 1 - LE CAS DE LA S.A.
127
SOUS-SECTION 1 -
LES LACUNES DE LA SA A CONSEIL D'ADMINISTRATION ET DE LA
SA A DIRECTEUR UNIQUE
130
PARAGRAPHE 1-
L'IMPERFECTION DES DISPOSITIONS DU DROIT
POSITIF
130
A -
L'INEGALE VALEUR DES LEGISLATIONS AFRICAINES EN MATIERE
D'ADMINISTRATION DES SA
130
B -
L'IMPERFECTION DES DISPOSITIONS LEGISLATIVES RELATIVES A
LA REPARTITION DES POUVOIRS
137
C -
L'OMNIPOTENCE DU PRESIDENT DU CONSEIL
D'ADMINISTRATION
138
518
PARAGRAPHE II-
LA SUPPRESSION DE LA SA A DIRECTION
UNIQUE
140
SOUS-SECTION II - L'HARMONISATION DES LEGISLATIONS AFRICAINES AUTOUR
DU REGIME DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
141
PARAGRAPHE 1· LES CONDITIONS DE DESIGNA TION DES
ADMINISTRATEUR
142
A - LA NATIONALITE
142
B - LES REPRESENTANTS DES PERSONNES MORALES
OU DES ORGANES SOCIAUX
144
1°) L'obligation d'être une personne physique
144
2°) L'aménagement des dispositions applicables aux représenwms désignés
par le conseil d'administration
1.15
C - LA DETENTION DES ACTIONS DE GARANTIE
146
1°) Elat du Droit positif
146
2°) Les modifications proposées en matière d'actions de garantie
147
D - DUREE DES FONCTIONS, LE MANDAT ET L'AGE DES
ADMINISTRATEURS
150
1°) Composition du conseil, durée des [onctions, âge
150
2°) La cooptation
152
PARAGRAPHE 11-
LE STATUT PROPREMENT DIT DES
ADMINISTRATEURS
153
A - LES POUVOIRS DES ORGANES DE DIRECTION
153
B - LES CUMULS DE FONCTION
155
C - LA RE rvruNER ATION DES ADMINISTRATEURS
158
D - LE REGIJ\\lIE DES CONVENtIONS CONCLUES ENTRE LA
SOCIETE ET LES ADMINISTRATEURS
160
E - LE REAJvIENAGEMENT DES DISPOSITIONS RELATIVE
A LA TENUE DES REUNIONS
162
SOUS-SECTION III . L'HARMONISATION DU DROIT POSITIF AFRICAIN
AUTOUR DU REGIME DU DIRECTOIRE
165
PARAGRAPHE 1 -
LES FONDEMENTS DE L'OPTION EN FAVEUR
DE LA SA A DIRECTOIRE
166
PARAGRAPHE 11-
LES CONSEQUENCES DE L'ADOPTION
DE LA SA A DIRECTOIRE
167
A-
L'ORGANISATION ET LA DEFINITION DES POUVOIRS DANS
DANS LA SA A DIRECTOIRE
167
519
1°) L'organisation du directoire et du conseil de surveillance
168
a) Le directoire
168
b) Le conseil de surveillance
169
2°) Les attributions du directoire et du conseil de surveillance
173
a) Les attributions du directoire
173
b) Les attributions du conseil de surveillance
173
B -
LE REGIME DES CONVENTIONS DANS LESQUELLES LES MEMBRES
DU DIRECTOIRE OU DU CONSEIL DE SURVEILLANCE
SONT INTERESSES
174
C -
LE RENFORCEMENT DU DROIT D'INFORMAl'ION
DES ACTIONNAIRES
177
SECTION II - LE CAS DE LA S.A.R.L.
182
1°) Etat du droit positif
182
a) La nomination des gérants
183
b) Les pouvoirs des gérants
184
c) Les décisions et les assembiées des associés
184
2°) Idée générale - annonce du plan
186
PARAGRAPHE 1-
LES CONVENTIONS PASSEES ENTRE LE GERANT
ET LA SOCIETE
187
PARAGRAPHE II .
LA NECESSAIRE LIMITATION DE L'OMNIPOTENCE
DU GERANT
189
A - LA LIMIT ATION DES POUVOIRS DU GERANT
190
B - LE RENFORCEiVlENT DES ATTRIBUTIONS DE LA COLLECTIVITE
DES ASSOCIES
191
C - L'AiVlELIORATION DE L'INFORMATION DES ASSOCIES
193
CHAPITRE SECOND·
L'HARMONISATION DU REGIME DES TITRES EMIS PAR
LES SOCIETES COMMERCL>\\LES
195
SECTION 1 - LE CAS DE LA S.A.
197
PARAGRAPHE 1·
L'HARMONISATION DES REGLES COMMUNES
AUX ACTIONS ET OI3LIGA TIONS
197
A - LA VALEUR NOMINALE DES TITRES
197
B - LA FORl\\'lE DES TITRES
197
C - LE CHOIX DE L'ORGANE COMPETENT POUR STATUER EN
MATIERE D'AGREj"lENT
199
D - LE REAMENAGEMENT DES CLAUSES D'AGREMENT ET DE
PREEMPTION
201
201
520
2°) L'applicaLÎon des clauses d'agrément aux cessions entre
acLionnaires
203
3°) Le transfert de titres nominatifs
204
a) La cession de valeurs non cotées
204
b) La cession de valeurs cotées
207
E - LE REGIME DES OPERATIONS APPLICABLES AUX AUGMENTATIONS
DE CAPITAL
209
I O ) Le droit préférentiel de souscription
209
2°) La délégation de pouvoir en cas d'augmentation de capital
213
3°) Les formalités de publicité consécutives à l'augmentation de
capital
215
PARAGRAPHE 11-
L'HARMONISATION DU REGIME JURIDIQUE
DES OBLIGATIONS
217
PARAGRAPHE III -
L'HARMONISATION DU REGIME DES PARTS
DE FONDATEURS
219
SECTION II . LE CAS DE LA S.A.R.L.
223
Droit positif
PARAGRAPHE 1·
L'OPPOSABILITE A LA SOCIETE DES CESSIONS
DE PARTS CIVILES
224
PARAGRAPHE II·
L'EXTENSION AUX SARL DES CLAUSES
D'AGREMENT ET DE PREEMPTION
225
CHAPITRE TROISIEME·
L'INSTITUTION DE LA PARTICIPATION DES SALARIES
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
229
SECTION I·
LA PARTICIPATION A L'INFORMATION
(DROIT A L'INFORMATION)
230
SECTION II - LA PARTICIPATION A LA GESTION
232
SECTION III· LA PARTICIPATION FINANCIERE
PARAGRAPHE 1 -
L'ABSENCE PARADOXALE D'UNE POLITIQUE
DE PARTICIPA TION FINANClERE EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
233
PARAGRAPHE II-
LA MISE EN OEUVRE DE LA PARTICIPATION
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
236
A - LE PRINCIPE DE LA PARTICIPATION FINANCIERE
236
B - LE CHOIX D'UNE FORM ULE ADEQUATE
237
1°) Le rejet de la formule de l'actionnariat des salariés
238
521
b) La distribution gratuite ct exceptionnelles d'actions
en faveur des salariés
239
2°) L'adoption de la formule du "placemenl" des fonds affectés à la
réserve spéciale
240
CONCLUSION DU CHAPITRE TROISIEME
243
CHAPITRE QUATRIEME-
L'HARMONISA TION DU REGIME DU CONTROLE ET DE
LA RESPONSABILITE EN AFRIQUE NOIRE
FRANCOPHONE
244
SECTION 1 -
LE REAMENAGEMENT DU SYSTEME DE CONTROLE DES
SOCIETE" EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
245
PARAGRAPHE 1-
LE CONTROLE DES SOCIETES PAR LES COMMISSAIRES
AUX COMPTES
M5
Le commissariat aux comptes - Droit positif
1.45
a) Les dispositions communes à la plupart des pays d'Afrique
noire francophone
246
b) Les innovations apportées dans les pays anciennement
administrés par la France
249
c) Le commissariat aux comptes dans les pays anciennement
administrés par la Belgique
251
A-
L'INSCRIPTION OBLIGATOIRE A L'ORDRE DES E,,",<PERTS-
COMPTABLES
252
B - LES DEVOIRS DES COMMISSAIRES AUX CONIPTES
253
1°) La convocation des assemblées générales par les commissaires aux
comptes
253
2°) Le devoir d'alerte
254
C - LA PROTECTION DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
256
1°) Institution de l'assurance obligatoire des commissaires aux
comptes
256
2°) Le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux
comptes
257
PARAGRAPHE 11-
LE CONTROLE EXERCE PAR L'ASSEMIlLEE
GENERALE
258
Etat sommaire du Droit positif
258
Annonce du Plan
260
A-
LES MODIFICATIONS DECOULANT DE LA LOI SENEGALAISE
DE 1985
262
1°) La destitution (ou révocation) des commissaires aux comptes
262
522
2°) La convocalion des commissaires aux comptes par les acLionnaires
263
3°) La convocalion de l'assemblée générale par les aClionnaires
(ou associés)
264
4°) La récusaLion judiciaire
265
5°) La désignalion d'un expen
266
B - LES MODIFICATIONS APPLICABLES AUX LOIS DE 1867 ET 1925
268
1°) L'inslituLion dans les SARL d'organes el de moyens de cOnLrôle
comparables à ceux de la S.A.
268
2°) L'alignemem du droil d'information des associés sur celui ries
actionnaires
270
3°) Les comples sociaux el l'assemblée annuelle
272
SECTION II· LE REAMENAGEMENT DU REGIME DE LA RESPONSABILITE
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
274
PARAGRAPHE 1-
LA RESPONSABILITE DES COMMISSAIRES AUX
COMPTES
274
A - ETAT SOMMAIRE DU DROIT POSITIF
274
1°) En Afrique noire francophone (hormis le Mali elle Sénégal)
274
a) Cas des S.A.
274
b) C9.S des SARL
275
2°) Au Mali el au Sénégal
275
a) Cas des S.A.
275
b) Cas des SARL
276
B - LES MODIFICATIONS DECOULANT DES LOIS DE 1867, DE 1925 ET
DES LOIS SENEGALAISE ET MALIENNE
276
1°) Responsabilité civile des commissaires aux comples
2,6
2°) Problème de la sanction applicable en cas de non convocaLion des
commissaires aux comptes
277
Conclusion
279
PARAGRAPHE II - LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS SOCl<\\.UX
280
A - NECESSAIRE EXAMEN DU DROIT POSITIF
280
1°) Dispositions communes à la plupan des pays d'Afrique noire
francophone
280
a) Responsabilité civile
280
b) Responsabililé pénale
282
2°) Dispositions spécifiques à cerLains pays d'Afrique noire
~~nrnnhnn~
284
·523
a) Interdictions et déchéances-faillites
284
b) Action en comblement du passif
285
c) Autre spécificité: le régime du président-directeur général
285
d) Les réformes guinéenne et sénégalaise
286
e) Cas des Etats anciennement administrés par la Belgique
288
B - MODIFICATIONS SOUHAITABLES: L'AGGRAVATION DE LA
RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS SOCIAUX
289
Introduction (Rappel du Droit positif)
289
1°) Aggravation des effets attachés à la faillite personnelle
290
a) Interdictions, déchéances et autres sanctions
290
b) Durée des peines liées à la faillite
291
2°) Actualisation des cas d'extension aux dirigeants de la
"faillite sociale"
292
a) Domaine actuel de l'action en extension
292
b) Mesures d'actualisation de l'action en extension
293
3°) Mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants en cas d'insuffisance
d'actif
294
4°) Responsabilité fiscale
297
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
298
524
DEUXIEME PARTIE:
LA PRISE EN COMPTE DES IMPERATIFS SOCIO-ECONOMIQUES,
COMME FONDEMENT D'UNE DYNAMIQUE NOUVELLE
DU DROIT AFRICAIN
301
IDEE GENERALE - PLAN
302
TITRE PREMIER - L'INSTITUTION DE LA SOCIETE ANONYME AFRICAINE (SAA)
303
INTRODUCTION
304
1°) La distinction de la S.A supranationale et de la S.A
de "droil commun"
304
2°) Les raisons d'être de la S.A.A.
307
CHAPITRE PREMIER-
L'AMENAGEMENT DU CADRE INSTITUTIONNEL
DE LA S.A.A.
310
SECTION 1 - LE NECESSAIRE MAINTIEN DU CADRE EXISTANT
31'2
SECTION II· LA NECESSAIRE RESTRUCTURATION DU CADRE
EXISTANT
314
CHAPITRE SECOND - L'AMENAGEMENT DU REGIME DE LA S.A.A.
319
SECTION 1 -
LES CONDITIONS GENERALES D'ADMISSION AU REGIME
DELA S.A.A
320
PARAGRAPHE 1 - LES FORMES SOCIALES
320
PARAGRAPHE 11-
SOCIETE DE DROIT COMMUNAUTAIRE OU
SOCIETE DE DROIT NATIONAL
323
SECTION II -
LES REGLES APPLICABLES A LA CONSTITUTION
DE LA S.A.A
327
PARAGRAPHE 1-
CREATION DE LA S.A.A. SELON LA PROCEDURE DE
DROIT COMMUN: LA CONTRIBUTION EGALITAIRE
DES ETATS AU CAPITAL
327
PARAGRAPHE 11-
CREATION DE LA S.A.A. SELON DES TECHNIQUES
PARTICULIERES
329
A - PRESCRIPTIONS LIEES AU CARACTERE SUPRANATIONAL
DE LA S.A.A.
329
B - lVlESURES APPLICABLES EN CAS DE RECOURS AUX TECHNIQUES
DE CONCENTRATION DE CAPITAUX
331
1°) Dispositions générales
331
~)~)1
a) Création par voie de fusion
'"lT"l
525
2°) Dispositions particulières
333
SECTION III - LES REGLES APPLICABLES A LA VIE DE LA S_-\\.A.
335 .
CONCLUSION DU TITRE PREMIER
338
TITRESECOND-
LE RENFORCEMENT DU DROIT DES GROUPES EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
340
INTRODUCTION
341
CHAPITRE PREMIER -
LE REAMENAGEMENT DU DROIT DES GROUPES
EN . FRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
342
ETAT DU DROIT POSITIF EN MATIERE DE GROUPE - PLAN
343
a) Une législation réductible au textc sénégalais (et Malicn)
343
b) La parlée du textc sénégalais
343
SECTION 1 -
LES CRITERES DE RECONNAISSANCE DU GROUPE ET
L'ECONOMIE GENERALE DU DROIT DES GROUPES
346
SECTION II -
LA PROTECTION DES ENTREPRISES NATIONALES CONTRE LES
PRISES DE CONTROLE PAR DES SOCIETES (MUL TINATIONALES)
ETRANGERES
350
PARAGRAPHE 1 -
LA PROTECTION DES CREANCIERS ET DES
ACTIONNAIRES
353
PARAGRAPHE II·
LA PROTECTION DES SALARIES
354
PARAGRAPHE III .
LA PROTECTION DES SOCIETES DE GROUPE PAR
DES MESURES D'ORDRE PENAL
356
PARAGRAPHE IV·
LA PROTECTION DES SOCIETES EN MATIERE
FISCALE
357
A - L'ETENDUE DES RISQUES ENCOURUS PAR LES PAYS AFRICA~NS
358
B - LES PARADES POSSIBLES OU LA RIPOSTE FISCALE DES PAYS
AFRICAINS
360
CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
363
CHAPITRE SECOND -
LE REAMENAGEMENT DU DROIT DES FUSIONS
(ET OPERATIONS ASSIMILEES) EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
366
SECTION 1·
LA LOI DE 1867, COMME FONDEMENT DU REGIME HARi\\·10NISE
DES FUSIONS EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
367
SECTION II - LES TEXTES LEGISLATIFS DU SENEGAL ET DU BAl\\1REL, COMiVlE
COMPLEMENTS INDISPENSABLES DE LA LOI DE 1867
371
PARAGRAPHE 1-
LES DISPOSITIONS COMPLEMENTAIRES D'ORDRE
GENERAL
3ï2
526
PARAGRAPHE 11-
LES DISPOSITIONS COMPLEMENTAIRES, SPECIFIQUES
A L'AMELIORATION DE L'INFORMATION EN MATIERE
DE FUSION
374
TITRE TROISIEME - LA NECESSAIRE RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE
PUBLIQUE EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
379
INTRODUCTION
380
A - ESSAI DE DEFINITION DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE (E.P.)
381
1°) Définition juridique de lEP.
382
2°) Conception "ém: .érative" ou classification des E.P.
385
a) Le nécessaire recours à une classification simple des EP
385
b) La négligence des classifications des EP - Ses dang~rs
388
B - IDENTIFICATION DES PROBLEIvIES DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE
391
CHAPITRE PREMIER -
LES MESURES DE REDRESSEMENT APPLICABLES A
L'ENTREPRISE PUBLIQUE DE "TYPE CLASSIQUE"
396
SECTION 1 -
LA RESTRUCTURATION DES ORGANES DELIBERANTS ET
EXECUTIFS DANS LE·S E.P.
397
PARAGRAPHE 1-
LE DIAGNOSTIC: L'AFFAIBLISSEMENT DES
ORGANES DE L'E.P.
397
A - LES ORGAI\\TES DELIBERANTS
397
1°) Affaiblissemcmlié au déclin de l'assemblée générale
397
2°) Déclin lié à la représentation supérieure de l'Etat
398
B - LES ORGANES EXECUTIFS
400
1°) L'imperfection des organes exécutifs (en droit positif africain)
400
2°) L'absence d'autonomie des dirigeants sociaux (comme fondement
d'une problématique")
404
PARAGRAPHE II· UN REMEDE EVENTUEL: LE REEQUILIBRAGE DES
ORGANES DELIBERANTS ET EXECUTIFS
407
A - L'INSTITUTION D'UNE REPRESENTATION EQUITABLE DES ORGANES
DANS LES ENTREPRISES PUBLIQUES
407
B - LE REAMENAGEMENT DU DROIT DE VOTE DANS LES SOCIETES
D'ECONOMIE MIXTE
414
CONCLUSION SECTION 1
416
SECTION II - L'AFFAIBLISSEMENT DE LA TUTELLE DE L'ETAT
417
SECTION III - LE RENFORCEMENT DU CONTROLE DES E.P.
419
PARAGRAPHE 1 -
LE DIAGNOSTIC: L'INEFFICIENCE DU SYSTEME
.1 1 ()
PARAGRAPHE 11-
UN REM EDE EVENTUEL: L'ATTENUATION DES
PREROGATIVES ETATIQUES
422
A - LE REAMENAGEMENT DU CONTROLE A PRIORI
423
B - LA REDISTRIBUTION DES TACHES ENTRE LES ORGANES DE
fi
CONTROLE
425
427
.,
C - LE RENFORCEMENT DU CONTROLE A POSTERIORI
,
1°) Les difficultés
427
2°) Les solutions possibles
430
SECTION IV - LE RENFORCEMENT DU REGIME DE LA RESPONSAnILITE
434
PARAGRAPHE 1 -
LE REAMENAGEMENT DU STATUT DES
DIRIGEANTS
436
PARAGRAPHE II .
LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSAnILITE
DES DIRIGEANTS
439
A - LA MISE EN EVIDENCE DE LA RESPONSABILITE DES
DIRIGEANTS
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B . LES CONDITIONS DE DECLENCHEMENT DE L'AG~i([:I.ON .EN
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RESPONSABILITE
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CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
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CHAPITRE SECOND - LA CRISE DE L'ENTREPRISE PUI3LIQUE ET LE RECOU~S.'é'~N~~S&-.0.UENT
A DES FORMES DIFFERENTES DE GESTION
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451
SECTION 1 - L'ENTREPRISE SOCIALISTE
452
PARAGRAPHE 1 -
DEFINITION ET OBJECTIFS DE L'ENTREPRISE
SOCIALISTE
453
PARAGRAPHE II .
APPRECIATION CRITIQUE
455
SECTION II . LA PRIVA TISATION DES E.P.
459
PARAGRAPHE 1 . JUSTIFICA TION ET ROLE DE LA PRIVATISATION
459
PARAGRAPHE II· OBSTACLES A LA PRA TIQUE DES PRIVATISATIONS
462
CONCLUSION DU TITRE TROISIEME
466
CONCLUSION GENERALE
467
BIBLIOGRAPHIE
474
LISTE DES PRINCIPAUX TEXTES CITES
491
INDEX ALPHABETIQUE DES MOTS CLES ET CONCEPTS
499
TABLE DES MATIERES
514