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fACUl Tl Dl DROIT lT DlS SCllNClS POl/TQUfS
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l'OMn 1
TIIE8E POUR LE DOcroRAT D'ETAT EN
DROIT PUBLIC
Présentée par
LEKENE DONFACK Etienne Charles
JUil
Le Président: Mr le Professeur Jean ROHR
Suffragants : Mr le Professeur René CHIROUX, Doyen,
Mr EDMOND JOUVE, Chargé de Conférence à ,'Université de
Paris 1
Mr le Professeur Joseph OWONA, Directeur de l'!.R.I.C.
Octobre 1979

La Factulté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans cette thèse; ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.

UNIVERSITE DE CLERMONT 1
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Président de l'Université
M. L. JOYON
Vice-Présidents de l'Université
- Mme S. GUILLAUMONT
- M.R. CLUZEL
M.M. DEYRA
Secrétaire Général de l'Université:
M.J. ORTOLI
Doyen de la Faculté
: M.R CHIROUX
Secrétaire Générale de la Faculté
: Mme J. ESTORGES
Professeurs de la Faculté
: M.P. BENOIT
MA CASTALDO
M.Y. CHAPUT
M.Y. CHARTIER
M.P. FAVRE
Melle. Y. FLOUR
M.C. LEBEN
M.M. LOMOSSE
M.B. PACTEAU
M.J. PREVAULT
M.J. ROHR
Mme A. ROUHETIE
M.G. ROUHETrE
M.J. STOUFFLET

LISTE DES ABREVIATIONS
1
ACC
: Ali Cameroons Conference
AG
: Action Group
ALCAM : Assemblée Legislative ;du Camerou
ARCAM : Assemblée Représentative du Cameroun
ATCAM : Assemblée Térritoriale du Cameroun
BDC
: Bloc Démocratique du Cameroun
C.C.A.C ; Comité de Coordination des Affaires Camerounaises
C.C.P
: Cameroons Commoners Party
C.F.U
: Cameroon Federal Union
C.I.C.A.C: (INDECAM) Coordination des Independants Camerounais
C.I.P
: Cameroun Indigenes Party
C.N.F
: Cameroon National Federal
CF.N.C : Cameroon People's National Convention
C.P.P
:Comité Permanent des Pétitions
C.Y.L
: Cameroon Youth League
C.W.D.U : Cameroon Women Democratic Union
ESOCAM :Evolution Sociale Camerounaise
F.C.W.U : French Cameroon Welfare Union
F.N.C
: Front National Camerounais
J.D.C
: Jeunesse démocratique du Camerounais
K.F.P
: Kamerun Freedom Party
K.N.C
: Kamerun National Congress
K.N.D.P: Kamerun National Democratic Party
K.P.P
: Kamerun People's Party
K.U.N.C : Kamerun United National Congress
K.U.P
: Kamerun United Party
K.U.C.P: Kamerun United Commoners Party
MEDIAFRANCAM :Mediation Franco-Camerounaise
NEPU
: Northern Element Pogressive Union
N.K.D.P: Northern Cameroun Democratic Party
PRONORD : Ligue Progressiste des Intérèts Economiques et Sociaux des
Po~pulmations du Nord Cameroun
P.S.C
: Parti Socialiste Camerounais
RAMOCAM: Radicaux Modérés du Cameroun
RAPECA : Rassemblement du Peuple Camerounais
RENAICAM : Renaissance Camerounaise
UC
: Union Camerounaise
UDFEC; Union Démocratique des Femmes Camerounaises
UPC
: Union des Populations du Camerounais
USC
: Unions Socialiste Camerounaise
UNICAM : Unité Camerounaise
UMBC;
United Middle Belt Congress


Expénence du Fédéralisme CamerounlllS : les causes et les enslJfgIements d'un échec
1
Déclarer que l'expérience du fédéralisme camerOlmais a été lU1 échec c'est se placer
d'emblée sur le terrain de la polémique, tellement la question est sensible et divise nos
compatriotes, Le souci constant de la preuve, et l'effort de rigueur dans la démarche nous
aideront à assumer le choix de ce sujet.
De nos joW"S, les jugements portés sur le sort du fédéralisme en général sont à la
limite du contradictoire. Pour les uns, se souvenant de la prédiction centenaire de
Proudhon, nous vivons une ère de fédérahsme 1 . Max Beloff, partageant cette opinion,
"constatait la popularité énorme et inédite du fédéralisme à l'échelle de l'humanité" 2.
Les autres, tirant prétexte de l'abandon ou de la suspension de plusieurs tentatives
fédérales, ont déduit que le fédérahsme n'était pas une panacée, Parmi ces derniers,
Harold J. Laski dans son article intitulé 'The obsolescence of Federalism" 3, affirmait
que l'ère du fédérahsme était révolu 4
- De quand date le fédérahsme ? Les auteurs soutiennent qu'il n'est pas un
phénomène récent. Ses débuts se situeraient dans l'antiquité. Les Etrusques, les
Romains ont sans doute recouru à ce mode d'organisation. Daniel J. EIazar cité par
Gilles Lalande, écrit que certains systèmes politiques anciens comme l'Etat Hebreu de
l'Antiquité, présentaient toutes les caractéristiques essentielles d'un Etat fédératif. Dans
le même ordre d'idées, ce même auteur signale l'existence "de la quelque peu
légendaire confédération achéenne de la ligue achéenne (251-146) du monde grec,
qui lutta contre les Romains" 5.
Avec la confédération Hélvétique (1291) devenue fédération en 1848 et la
fédération des Etats-Unis de 1787, le phénomène fédéral prenait corps et se
modernisait.
- Comment définir le fédéralisme ? Gilles Lalande remarque - non sans
pertinence - le laxisme terminologique (source plausible de confusion), qui caractérise le
langage de ceux qui tentent de définir la notion de fédéralisme en lui attribuant des
définitions plus ou moins imprécises bien que toujours "imagées". On passe ainsi du
fédéralisme "institué", ou "savant", ou "'vTai" de Pierre Duclos, au fédéralisme "structurel"
RIŒER (WiDIam Hl - FécIéraIisrnlH>rigin-opération, significance cité par Gilles I.J\\I.ANDE in Powquoi le fédénollsme ?
Contribution d'un Québecois Il l'intelligence du fédéralisme Canadien. EssaI, CoOection Constants 29 HurtuIoiselHMH.
Montréal, 1972, p 23.
BeIoff (Max) 'The FedenIJ Solution in ils Application to Ewope Asill andAb1c:a", PoIiIIcaI Studies, Id. 1, 1953
3
,.
..
Luki (Harold J) - Cet artide qui date de 1939 .. été publié dans la Rewe : The New R.public.
4
Aron (Robertl et al : L'ère des fédérations, Plon, Paris 1958 242 p. ft s'agit d'un point de lAIe contraire Il celui de Luki,
5
EIazar (Daniel J) - "Federalism" - Intematlalai Encyclopedia of Social ScIences, p. 31.

Expétience du Fé<Hraïsme CamerounBlS " les causes er les enseignements d'un échec
2
et "social" d'Aaron Widavsky, au fédéralisme "centralisé" et "périphérique" de William
H. Ricker, au fédéralisme "dualiste" de Charles Durand, pour aboutir au fédéralisme
plus prosaïque, parce que "classique" de Thomas M. Fanck", Cette panoplie d'attributs
du
fédéralisme
demeure
incomplète.
On
pourrait
ajouter
le
fédéralisme
"amphictyonique" 6 de Dusan Didjanski, le fédéralisme "authentique" de la Commission
d'enquête sur les problèmes constitutionnels au Canada, le fédéralisme "coopératif" de
Maurice Lamontagne, le fédéralisme "interdépendant" du professeur R.L. Watts. le
fédéralisme
"fusionné" des professeurs Black et Cairn, le fédéralisme "rentable" de
Bourassa, 1er Ministre Québecois, le fédéralisme "décentralisé", le fédéralisme "souple",
"neo-fédéralisme", enfin du fédéralisme "sans le savoir" de Georges Scelle. Cette
énumération fastidieuse tend à faire du fédéralisme une "auberge espagnole" où chacun
apporte son menu. Ces qualificatifs tantôt partiels (assimilant fédéralisme à l'Etat
fédéral), tantôt engagés, ne nous satisfont pas. Aussi conviendrait-il, avant de poser le
problème à résoudre dans ce travail, d'examiner :
- d'abord le fédéralisme comme doctrine politique (Section 1)
- ensuite, la traduction institutionnelle du fédéralisme: l'Etat fédéral (Section 2)
- enfin, la question fédérale en Afrique (Section 3).
SEC110N 1: LE FEDERALISME COMME DOCTRINE POLmQUE
Nombreux sont les penseurs qui se sont préoccupés de la question fédérale. Eu
égard à l'orientation que nous voulons donner à notre étude, nous nous efforcerons de
présenter les idées de Proudhon, de ses disciples (§1) ainsi que celles de Marc
Alexandre (§2).
6
(N SIDJANSKI (Dusan), Fédénùisme amphietyonique - Eléments de synthèse et tendance internationale, F. Rouge et
Cie, SA Lausane 1956,97 p"
Pour Sidjanski. Je fédéralisme est amphilyonique, en ce sen. qu'i1 introduit "une coordination hiérarchisée et orgill1ise
entre Jes membres qui se trowent ainsi il l'oelMe commune par la ""'ie de la participation""

Expérience /lu Ffldéflllisme CllmeftllJn81S : les CIlUses et les IlfISIlfgtHIfTIlJnts d'un échec
3
Paragraphe 1: PierTe-Joseph Proudhon et le pluralisme 7
Démolisseur, anti-Jacobin, homme du refus, tous ces attributs pourraient
caractériser l'auteur de la formule lapidaire "la propriété c'est le vol". L'urùté de son
oeuvre reste une obseIVation existentieUe, une constatation sociologique: le pluralisme.
Proudhon remarque que "le monde moral, comme le monde physique repose sur une
pluralité éléments... c'est de la contradiction de ces éléments que résultent la vie et le
mouvement de l'urùvers s7 Tout obseJVateur constatera que le "monde", la "société", se
révèlent "pluraliste". Dès lors, pour Jean Bancal résumant "la pensée de Proudhon,
sous peine d'arbitraire et d'aliénation, de décomposition ou de sclérose, toute
construction économique, toute constitution politique, toute conception philosophique,
toute méthode pédagogique devra tenir compte de cette structure vivante et
différenciée" 9.
A l'obseIVation, les critiques formulées par Proudlion seront toujours dirigées
vers "les structures qui se constituent au mépris du pluralisme social". A témoin, la
critique de la propriété c'est le refus de l'atomisme individualiste ; la critique du
spiritualisme intégral est l'expression du refus d'un urùtarisme dogmatique.
Toutes ces protestations, assimilées à l'anarchie, et dominées par une VISion
totale - et non totalitaire - de la société, ont conduit Proudhon au fédéralisme intégral.
Retraçant, son itinéraire idéologique à un ami, n'écrit-il pas ceci :
7
Proudhon est né le 15 janvier1809 à Besançon. 0 mew1 à 56 ans le 19 janvier 1865. Après avoir fait beaucoup de
métiers, jeune boll\\Ôer, petit patron imprimeur, fondé de
pouvoir dans une petite entreprise de navigation fluviale,
;oumallst"""crivain, Proulhon mew1 dans la misère. Voici ce qu'il a écrit: '"je sais ce que c'est que la misère, fy ai \\/écu ; tout ce
que je sais, Je le dois au désespoir". EJfectivement. Proulhon savait beaucoup de choses. Après les prix d·exœllence. il devient
baumsier de l'Académie de Besançon en emportant le prix du concours général. nfaut préciser aussi qu'il a été député, prisonneir,
exilé. Voici ses oeuvres :
1 - Mémoire sur la propriété (1843) '"Qu'est-<:e que la propriété'" 1840
2 - Création de l'ordre dans l'humanité (1843)
3 .. Système des contradictions économiques (1851)
4 • PhlIosophie de la MIsère (1846)
5 -l'idée générale de la Révolution (1851)
6 - De la just1ce dans la Révolution et dans l'Eglise (1858)
7 - Du principe fédératif (1863)
8 - les contradictions politiques (1865)
9 ....... capacité politique des classes OOMières (1865)
8
Proudhon .. 0etM1!s cholslen, Textes présentès par Jean Bancal Gallimard, Paris, 1963 p. I l
9
Bancal (Jeanl. op cit P 3

Expérience du Fédéralisme CamerounBlS . les cause et les enSfllgnements d'un échec
4
"Si en 1840. j'ai débuté par l'anarchie, conclusion de ma critique de l'idée
gouvernementale, c'est que je devais finir par la fédération. base nécessaire du droit des
gens européens, et plus tard de l'organisation de tous les Etats" !o. Cet aveu se passe de
tout commentaire.
Après tant d'illustres penseurs qui se sont penchés sur le cas Proudhon,
comment peut-on présenter d'une manière personnelle cette pensée? Modestement.
notre fil conducteur sera le suivant :
- Pour une reconnaissance du pluralisme : la phase révolutionnaire.
- L'organisation du pluralisme: du principe fédératif.
A - POUR UNE RECONNAISSANCE DU PWHAUSME : LA PHASE
REVOLlITIONNAIRE.
Proudhon a développé le thème de la Révolution dans deux ouvrages:
- L'idée générale de la Révolution (1858) et De la Justice dans la Révolution et
dans l'Eglise.
Que signifie la révolution pour Proudhon ?
La révolution dont il est question ici. n'est pas comme le precise l'auteur
lui-même. celle historiquement définie par les évènements de 1789, 1848. Si elle reste
à faire. elle est toutefois inéluctable. Le mot d'ordre est donc; plus de gouvernement. à
la place. le contrat.
1) Au préalable, plus de gouvernement.
Dans le "Mémoire sur la propriété", perçait en filigrane la condamnation
du gouvernement. "La politique est la science de la liberté j le gouvernement de
l'homme par l'homme, sous quel nom qu'il se désigne, est oppression. La plus haute
perfection de la société se trouve dans l'union de l'ordre et de l'anarchie". L'auteur des
Confessions d'un révolutionnaire, animé de "son esprit de négation gouvernementale"
déclarait : "Le meilleur des gouvernements est celui qui parvient le lTÙeux à se rendre
mutile. Nous n'avons pas besom d'élus qui nous gouvernent j l'exploitation de l'homme
par l'homme a dit quelqu'un, c'est le vol. Et ! bien, le gouvernement de l'homme par
10
O1evalier (J.J) -'"Le fédéralisme de Proudhon et de ses disciples' in Le fédéralisme, l, PUF, Paris, 1956, p. 87 et ss.

Expérience au Fédérelisme CamerounaIS: les causes al les anS8lgflements d'un ~chec
5
l'homme, c'est la servitude". Or, étant donné que l'ordre et le gouvernement vont
ensemble, comment résoudre le dilemne de la nécessité d'un minimum de cohésion
dans ce pluralisme? Proudhon répond qu'il veut aussi l'ordre autant et plus que ceux
qui le troublent par leur prétendu gouvernement. Mais il le veut comme un effet de sa
volonté, une condition de son travil et une loi de la raison. L'ordre proudhonien est
donc conçu comme un effet de la raison de chacun et non comme une contrainte
venant de l'extérieur et qui impose de surcroît comme conditions préalables la servitude
et le sacrifice. Contre l'ordre gouvernemental (ordre militaire par exceUence), il
préconise un ordre qui, sans la force, ramène à l'unité la divergence des intérêts,
identifie le bien particulier et le bien général. Cet ordre serait une forme de transaction
où chaque individu "devient également et synonymement producteur et consommateur,
citoyen et prince, administrateur et administré ; où sa Uberté augmente toujours, sans
qu'il soit besoin d'en aliéner rien; où son bien-être s'accroît indéfiniment..." A la
question de savoir si ce schéma n'est pas utopique, Proudhon répond qu'il ne s'agit pas
d'un ordre poUtique , mais d'un ordre économique; c'est l'organisation des forces
économiques sous la loi suprême du contrat.
2) La substitution du contrat au gouvernement
Pour Proudhon, le contrat en question est une vraie convention
commutative entre individus, Ubrement débattue, individueUement consentie. Le contrat
s'oppose au gouvernement dont il est l'antidote.
Le principe contractuel est
radicalement opposé au principe d'autorité dans la mesure où la seule volonté du
contractant est sa loi, voire son gouvernement. En effet, Proudhon estime que le
principe contractuel, beaucoup mieux que le principe d'autorité, fonderait l'union des
producteurs, centraliserait leurs forces. Le régime des contrats substitué au régime des
lois constituerait le vrai gouvernement de l'homme et du citoyen, la vraie souveraineté
du peuple, de la République.
Cette dénonciation des acquis séculiers (critique de l'Etat, de l'autorité, du
gouvernement, du pouvoir sous toutes ses formes, sous tous ses masques) débouche sur
la raison d'être de la société - qui est selon Proudhon - l'établissement de la Justice
entre les hommes.
La justice régit tout, la cité et la famille, l'économie, le travail, les lettres et même
l'art. Elle est le fruit de cette faeuhé que possède l'homme, grâce à sa raison, de sentir
sa dignité dans la personne de son semblable comme dans sa propre personne.
La philosophie pluraliste est renforcée par l'aspect équilibré de la justice.
L'équilibre est en effet à la base de la réciprocité, de l'échange, de la commutation.
Pour Proudhon, 'Thomme n'est que par la société, laqueUe de son côté, ne se soutient
que par l'équilibre et l'harmonie des forces qui la composent" 11
11
Bancal (Jean) ; op cit p 227

Exi»Mnce <N Fédéralisme CsmerounlJlS : les CSUS41S et les ensBlgtletnents d'un échec
6
Après la Révolution, quel système instaurer alors?
D)- DlLPRINCIPE FEDERATIF COMME TECHNIQUE
1
D'ORGAMSATION DU PWRAUSME
1)- La fonnulation
1
Selon Proudhon, "le seul système politique qui puisse se concilier avec la
1
vraie révolution et réaliser l'égalité économique, est la fédération", Il estime que le
contrat est indispensable à la réalisation de la Justice. Pour ce faire. il faut un contrat
1
synallagmatique et commutatif. Or, le contrat, découvre Proudhon, peut être politique,
de même qu'il est commercial ou civil, domestique, "A condition, premièrement qu'il
soit synallagmatique ou commutatif, et, deuxièmement, qu'il soit renfermé quant à son
1
objet dans certaines limites i le contrat politique, cette convention qui lie le citoyen à
l'Etat, est valable en dignité et en moralité. Mais, la double condition n'est remplie que
1
si le citoyen en rentrant dans l'association étatique, a autant à recevoir de l'Etat qu'il lui
sacrifie", et qu'il conserve toute sa liberté, sa souveraineté et son initiative, "moins ce
qui est relatif à l'objet spécial pour lequel le contrat est formé et dont on demande la
1
garantie à l'Etat" 12. Ainsi réglé et compris, le contrat politique est ce que Proudhon
appelle une fédération, du latin foedus, c'est-à-dire pacte, traité convention, une ou
1
plusieurs communes, un ou plusieurs groupes de communes ou d'Etats, s'obligent
réciproquement, et également les uns les autres, "pour un ou plusieurs objets
1
particuliers, dont la charge incombe spécialement alors ou exclusivement aux délégués
de la fédération. Pour que la fédération ne redevienne pas une centralisation
monarchique, pour que le corps politique reste un Etat constitué dans la "plénitude de
1
ses autonomies", les attributions fédérales ne doivent jamais excéder en nombre et en
réalité celles des autorités communales ou provinciales, de même que celles-ci ne
1
peuvent excéder les prérogatives de l'homme et du citoyen.
Voici le mot récapitulatif de Proudhon: "Le contrat de fédération est un contrat
1
synallagmatique et commutatif, pour un ou plusieurs objets déterminés, mais dont la
condition essentielle est que les contractants se
réservent toujours une part de
1
souveraineté et d'action plus grande que celle qu'ils abandonnent." S'agissant plus
particulièrement de l'Etat, le nuptère est selon Proudhon de distribuer la nation en
1
provinces indépendantes, souveraines, ou qui du moins s'administrent elles-mêmes,
disposent par là d'une force, d'une initiative, d'une influence suffisantes et à les faire
1
1
12
Bancal (Jean) ; Ibid, P. 165
1
1

Il
Expérience dU F«Iér8lsme Cameroun_ : les causes et les enslHgnements cfun khec
7
1
garantir les unes par les autres. Déjà en matière économique, Proudhon consacrait le
garantisme. Pour lui, le garantisme est synonyme de mutualisme et de fédéralisme.
1
C'est encore le fédéralisme qui selon Proudhon, constitue la solution à l'existence d'une
constitution politique.
1
1
2)- Les disciples de Proudhon.
Le fédéralisme intégral de Proudhon qui a voulu être un contrat entre
1
différents tissus du corps social - essentiellement ph.uâliste - a influencé beaucoup de
penseurs. Ces derniers, parmi lesquels BakoUTÙne et Kropotkine ont surtout pensé à la
1
limitation de l'Etat. Non seulement l'Etat apparaît comme un artifice dont
il faut faire sauter les structures, mais encore il faudrait, toujours à la
quête du pluralisme, s'efforcer de prévenir le garantisme du pouvoir.
1
Pour les néo-fédéralistes, le fédéralisme contemporain se présente comme une foi en
l'homme, en sa présence à tous les niveaux sociaux 13.
Le fédéralisme
1
intégral apparaît comme un moyen de permettre un équilibre souple et constamment
mouvant entre les groupes qu'il s'agit de composer en les respectant et non de les
soumettre les uns aux autres ou d'écraser l'un après l'autre.
1
Le personnalisme (MoUTÙer-Dandieu) (13) apparail comme le dénominateur de
1
cette école dont l'objectif est de retrouver les racines de la personne réelle et de les
rationner dans les communautés formant les tissus vivants de la société. Il s'agit
1
principalement de la Commune, des groupements syndicaux et professionnels, du
régionalisme.
1
Indiscutablement, pour Proudhon et ses partisans, le pluralisme est inhérent au
concept de fédéralisme.
1
Dans sa dialectique du déchaînement, Mar Alexandre reprendra l'idée du
plWâlisme.
1
1
13
1
Nombreux sont les auteun animés par l'idée de pluralisme.
- Robert Aron et Alexandre Marc ; " #Mi principes du fédéralkme en 1948"
- Devis de Rougment : '1'Europe en Jeu 1948"
1
- Guy He,aud-Duclos-Brugmans pensent que le fédé,aUsme est une sohrtion d'ensemble : politique, éCalcmique, sociale
et c:ultureDe. Dans Ieun uislons, le pouIIOir poIitlquc doit @tJe dilué de l'extérieur. Selon la formule de Pte"" Duclos.
1
le fédéralisme est esoentieDement dépolitiflcatew.
1
1'--
_

Exp'rr.nce du F6déraisme C.merounBlS : les causas at les anslHQllaments d'un 9chec
8
PIIIICIIPIE 11- IlEDIIIBE MIIC ;lE FDERIlISME CIMME BEFUS lU
11... 14
Pour cet auteur, il est difficile d'éviter de considérer le fédéralisme comme une
doctrine. En effet, si le fédéralisme est devenu un "système" ouvert, il apparaît tout de
même comme un système doctrinal doté d'une vaste ambition et qui se targue même
d'occuper une position "englobante". Au delà de cette vision générale du fédéralisme,
deux moments de l'analyse de Marc Alexandre nous ont paru corroborer la thèse du
pluralisme. n s'agit des dangers du Monisme (A) et du dépassement du dualisme (B)
dans la quête de l'Etre.
A)- LES DANGERS DU MOMSME
Il est généralement écrit, que l'esprit du fédéralisme se caractérise par l'unité
dans la diversité. Marc Alexandre entend par Etre à la fois, la forme et le fond,
substance, mouvement, intériorisé et extériorisé, devenir et plénitude...
Est moniste pour lui, toute tentative d'expliquer "l'être par une de ses
composantes", voire de réduire le tout à l'une des parties. L'erreur moniste, c'est de
conférer à un de ces concepts - arraché à son contexte et élevé au rang de réalité
supérieure et fondamentale - une valeur exclusive, une prépondérance absolue. L'unité
du fédéralisme ne doit donc en aucun cas être confondue au monisme, puisque le
fédéralisme ne rapproche, ne "totalise", n'unifie qu'en respectant la complexité de l'être
"qui ne peut se laisser réduire". En conséquence, dans la pratique du fédéralisme
intégral, il faut s'orienter "provisoirement" vers un système dualiste.
B)- LE DEPASSEMENT DU DUAUSME
Après la condamnation du monisme, il était tentant de s'appuyer sur le
dualisme. Or la systématisation dualiste ou pluraliste est condamnée par sa nature
même, à s'égarer dans les impasses.
Pourquoi ce pessimisme ? MARC Alexandre répond que la "thèse dualiste
incline, soit vers le parallélisme, - du bien et du mal, du corps et de l'âme, de la pensée
et de l'étendue - qui ressemble comme un frère à la juxtaposition de deux monismes,
soit vers l'exclusion de l'une des deux composantes" au profit de l'autre ce qui, une fois,
14
MARC (AJexandre~ - DialectiQue du déchaînement fondements philosophiQues du
fédéralisme ,; in réalités du présent 2 - Cacolombe. Vienne 1961. P.62

Expérience du Féd(lrBsme CamerounlllS : les causes al les ensfll9"ements d'un échec
9
aboutit au monisme le plus radical. De même, la systématisation pluraliste peut
s'abandonner au faux prestige du morcellement, à la tentation du chaos.
Dans cette remise en question générale, "à quel saint se vouer 7". Pour l'auteur,
la diversité réelle n'est pas synonyme d'éparpillement et sa richesse ne s'impose pas
dans la dispersion. Au-delà, l'être est aussi intériorisation et rayonnement. Il en conclut
que dans l'être, l'unité et la multiplicité ne s'excluent pas, mais bien, se conditionnent;
ni l'une ni l'autre ne saurait être isolée et transformée en hypothèse sans trahir le réel.
Le fédéralisme entraîne l'un et le multiple dans une dialectique qui ne
se referme jamais sur elle-même, qui contrairement au système reste
constamment ouverte.
Fort de cette démarche de MARC Alexandre qui s'inscrit dans la lignée
pluraliste, nous avons pensé que sa conception du fédéralisme reposait sur le refus du
"UN".
Il s'agit d'un pluralisme orgaruse, non-anarchique. Si dans la doctrine, le
fédéralisme est dominé par Proudhon, initiateur du pluralisme social, encore faut-il
rechercher au-delà de la République fédérative (démocratique et sociale), un cadre
d'application au fédéralisme moderne.
SECTION Il : LA TRADUCTION INsmunONNB.LE DU
FEDERAUSME : LIErAY FEDERAL
Nous examinerons successivement l'élaboration de la théorie de l'Etat Fédéral (1) et
l'Etat fédéral stricto sensu (TI)
.........E1:l'DIII..nl••EIl TlEIIiE lE l'DIT FElEUL
Deux penseurs15 sont à la base de la réflexion sur l'Etat fédéral. II s'agit d'Hamilton qui
plaidait pour le dépassement de la conféidération (A) et de Georges Scelle qui a défini les
contours de l'Etat fédéral (B).
15
Dans l'Esprit des Lois, Montesquieu défini de manière assez satisfaisante la confédération: "celte fonne de
gouvernement est IUle convention par laquelle plusieurs corps de pohtiques consentent à devenir citoyens d'un Etat
plus grand qu'ils veulent fonner ; c'est IUle société de sociétés qui peut s'agrandir par de nouveaux associés qui s'y
sont mis". Montesquieu a aussi eu le mérite d'entrevoir ce qui permettra de passer de la confédération à l'Etat

Expénence du Fédéretsm8 CamerounaIS: les causes et les ens8lgnements d'un échec
10
A)- ALEXANDRE HALMlLION
C'est dans le Fédéraliste qu'Hamilton a, partant de la constatation unarrtrœ SUT
l'insuffisance et l'inefficacité de l'organisation fédérale adaptée en 1776-1777, proposé de
déterminer ce qu'il appelle "un bon gouvernement" animé par sa finalité qui est de protéger
une communauté américaine qui appelle un pouvoir qui lui sera propre. En prévention d'lD1
éventuel conflit entre les Etats de l'Union, et redoutant un affrontement Nord-Sud, Hamilton
rappelle qu'il est urgent d'assurer la sécurité intérieure de l'Union, sécurité que seul le pOlM:>ir
de l'Union pourra apporter. Ce praticien n'entend pas faire disparaJ1re les Etats, encore moins
nier les particularismes locaux qui ne pourront s'exprimer que grâce à leur intégration dans
l'Union. Dès lors, l'accent est beaucoup moins mis sur les diversités que sur la nécesSité de
l'Union à laquelle Hamilton croit fermement. L'Etat fédéral apparaît comme le rno;en
d'assurer le développement de la Nation; le pouvoir qui est une sorte d'''acoucher'' de la
société, doit être détenu par l'Union. Dès lors, c'est à bon droit qu'Hamilton contestait la
confédération, considérée comme nuisible aux Etats, car elle n'assure pas la garantie mutuelle
du gouvernement des Etats. De plus, toujours selon des Etats et non pas sur le consensus du
peuple américain qlÙ doit être la source pure et primitive de toute autorité légitime. En
conclusion, la caractéristique fondamentale de l'Etat fédéral est
l'immédiateté des rapports
entre les citoyens des Etats et le pouvoir commun. Dfaut faire porter l'autorité de l'Union sur
la personne des citoyens, les seuls éléments véritables du gouvernement.. Dans cette
occurrence, le fédéralisme va faire du peuple le régulateur des pouvoirs.
Tel est brièvement résumé le projet de fédéralisme défendu par Hamilton. A l'évidence,
il porte en germe l'idée de centralisation.
8)- GEORGES SÇEJ 1 F
Pour cet auteur, le fédéralisme est le domaine de l'Association16
;
il implique le
consentement libre et l'accord conventionnel des volontés. La Sociologie nous apprend que le
fédéralisme
concilie
deux
besoins,
en
apparence
contradictoires,
mais
en
réalité
complémentaires et également essentiels des groupements politiques. C'est, d'une part, le
besoin d'autonomie et de liberté dans la recherche de leurs fins propres (dans la gérance de
leurs solidarités particulières ethniques). C'est, d'autre part, le besoin tout aussi primordial
d'ordre et de sécurité de travail libre et productif dont la réalisation exige le contrôle, la
hiérarchie. De caractère spontané et lIDiversel, le fédéralisme, un principe d'ordre et de liberté,
est l'unique garantie contre l'asservissement (totalitarisme) et la destruction (désagrégationl.
fédéral à savoir "le droit pour la seule fédération de conclure des traités à 1'exchJsion de ses membres".
16
Scelle -Georges) ; Précis du droit des gens Principes et systématiQUe bbrairie du Recueil Sirey, Paris, 1934
(vol l, 312P et vol 21 549 pl)

Expéne/lce du Fédérwsme Camerou/l/lfS : les causes et les e/ls8Jgtlem8ll1s d'u/l échec
12
Si pour l'essentiel, l'organisation interne de l'Etat fédéral est l'application
fonnelle des lois dégagées par Georges Scelle, il faudrait ajouter à ces principes,
l'existence impérieuse d'un juge spécial chargé de préserver la nature de l'Etat.
Nous nous efforcerons de faire la part des choses entre l'Etat fédéral et les autres
fonnes d'Etats (A) j nous nous interrogerons aussi sur la finalité du recours à la fonnule
fédérale (B).
A)- lA DIFFERENCIATION DE L'ETAT FEDERAL DES AlITRES-
FORMES D'ETATS.
fi est classique de distinguer les fonnes anciennes d'Etats (Unions réelles et
unions personnelles) des fonnes actuelles (Etat fédéral. confédération. Etat Unitaire).
1- L'Union personneUe :
Elle se caractérise par l'existence d'une seule institution commune: le
Chef de l'Etat. Ce dernier n'agit pas comme Chef de l'Union (ce qui établirait ainsi un
rapport avec l'exécutif fédéral), mais comme chef de chacun des Etats. Le Recteur
Marcel Prélot qui précise que ces Etats conservent la plénitude de leur indépendance,
estime que ces pays peuvent s'échanger d'ambassadeurs17 . L'on peut citer le cas de
l'Etat libre du Congo et de la Belgique
2- L'Union réeUe :
Sujet de droit international, l'union réelle se caractérise par le fait de
l'existence de certains organes communs d'abord d'ordre diplomatique (l'armée, les
affaires étrangères) j ensuite et par voie de conséquence d'ordre administratif et
financier. Elle ressemble beaucoup plus à une confédération qu'à une fédération.
Exemple: l'Union Aubiche Hongrie en 1867.
3- La Confédération d'Etats.
Elle se définit comme un agrégat durable d'Etats dont les membres, ayant
des objectifs communs, généraux et même vitaux, comme la sécurité et la paix sont
tenus par des engagements permanents et possèdent des organes inter-étatiques
d'action et de représentation.
La comparaison entre la confédération et la fédération étant assez instructive, il
importe d'esquisser un schéma des deux fonnes d'Etats.
17
Prélat (MarceO ; Précis de Droit Constitutionnel. Dallez. Sed 1972

Expénence du Fédéralisme Camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
13
CONFEDERATION
FEDERATION
Acte constitutif de base
Un traité (acte de 0.1.)
1
Une charte
1
constitutionnelle 0.1.
!
Processus de prise de
Unanimité
Majorité
décision
Longévité
Dissolution admise droit de
Difficulté de la sécession
dénonciation
1
La vie (repose sur)
La politique
Le Droit
1nstitution
1- Assemblée de
Institutions propres à tout
plénipotentiaires (Dète)
Etat
Méthodes d'action
Diplomatiques
Constitutionnelles
L'on pourrait multiplier à l'infini la comparaison entre ces deux formes d'Etats. fi
conviendra toutefois de remarquer que les confédérations évo/ùent vers les fédérations et ces
dernières vers l'Etat Unitaire.
4- L'Etat Unitaire.
M. Georges Burdeau estime qu'il ne possède qu'un seul centre d'impulsion
politique et gouvernementale. Le pouvoir politique, dans la totalité de ses attributs et de ses
fonctions, y relève d'un titulaire unique qui est la personne juridique de l'Etat. C'est un Etat
simple:
- dans sa structure,
- dans son élément humain,
- dans ses limites territoriales18
Aussi
simple
qu'il
peut
apparaître,
il n'en demeure pas moins que
l'aménagement des rapports en son sein peut avoir des aspects fédéraux. fi en sera ainsi en
matière de décentralisation et de régionalisation.
a)- Fédéralisme et décentralisation.
Le professeur Burdeau écrit que c'est un sujet classique que de comparer la
situation juridique des collectivités décentralisées d'un Etat Unitaire à l'Etat membre d'un état
fédéral. Si dans les deux cas il y a participation à la formation des décisions conununes, lD'le
différence fondamentale demeure: l'Etat membre s'auto-organise ; il a sa propre constitution.
Par contre, la collectivité locale est régie par les lois de l'Etat dont eUe dépend. L'on peut aussi
signaler l'existence d'un pouvoir de coercition dans l'Etat membre.
18
Burdeau'!). - Droit Constitutionnel el Institutions politiques xvn édition, LGDJ Paris, 1975 P.5D

Expérience du Fédfrefsme Cameroun8fS . les causes et les enstHgllements d'un échec
14
h)- Fédéralisme et régionalisme.
Le problème s'est souvent posé de sa~ si entre la décentralisation
administrative et le fédéralisme il n'existerait pas une tierce solution qui serait la région
politique. L'Espagne, l'Italie, l'URSS et le Soudan ont expérimenté ces formules. Selon
Bernard Toured, l'idée de base du régionalisme est qu'il existe une dimension régionale des
problèmes et des intérêts 19. Toujours pour cet auteur, l'autonomie régionale est l'iIIustJation
de la politique marxiste des nationalités. L'isolement géographique des traditions Iinguis1:i:p!s
indépendantes, des particularités linguistiques ou religieuses sont à la base de la politique.
Toutefois, si le statut de la Région autonome est élaboré par cette dernière, il reste soumis à la
Constitution de l'Etat. Quelque soit le degré d'autonomie de la région, sa filiation avec le f
édéralisme reste lointaine dans la mesure où elle ne participe pas en tant qu'entité particulière
à la formation de la volonté des organes de la République.
A notre avis, il est difficile de voir dans la région un embryon d'Etat Régional, car,
1
dépourvue de constitution, elle apparaît tout au plus comme une autre variante de
décentralisation.
1
Après cette clarification des rapports de l'Etat fédéral et des autres formes d'Etats, on
admettra que l'Etat fédéral est un système politique dans lequel plusieurs Etats indépendants·
1
abandonnent chacun une part de leur souwraineté au profit d'une autorité supérieure. Mais
c'est la définition de M. Marcel Prélot qui nous rappelle à nouwau Proudhon et les intégristes ;
1
la voici: "La dénomination d'Etat fédéral s'applique à l'Etat où se rencontre une pluraliR
d'ordonnancements constitutionnels,
awc
un
ordonnancement majeur,
auxquels sont
subordonnés, mais aussi participants. les organes des ordonnancements mineurs".
1
Ceci étant, il est permis de s'interroger sur les raisons du choix de la formule fédércœ.
1
H)- lA FlNAUlE DE lA FORMUI.E FEDERAI F
1
La création d'un Etat fédéral (par agrégation ou par ségrégation) doit représenter ID!
espérance dans l'esprit de certains gouwrnants confrontés à des difficultés certaines. Compte
tenu de l'imbrication des situations, un problème de minorité etlmique se doublera d'lIIIe
1
question de minorité économique. On se risquera toutefois à circonscrire le fédéralisme dans
les quatre domaines suivants :
1
- Fédéralisme et Etats multicommunaùtaires : le problème des minorités ;
1
- Fédéralisme et impératif économique ;
19
1
Touret (8).- L'Aménagement constitutionnel des Etats de peuplement composite Centre de recherche sur
le bilinguisme, Presse de l'Université de Laval 1973, P.85
1
1

Ex,»lience ~ FédIraIsme CamerounBlS : les causes et les ens8lt}flements d'un khec
15
- Fédéralisme et politique ;
- Fédéralisme et Etats multicomrmmautaires : le problème des minorités.
La minorité peut être ethnique, linguistique, cuitureUe ou religieuse. Nombreux sont les
Etats qui renferment en leur sein une hétérogénéité de peuples. La forme unitaire d'Etat est
écartée parce que le cadre est trop rigide pour cette population composite.
Le fédéralisme répond en partie à cette préoccupation en URSS. La même
préoccupation est observée en Belgique. Le Fédéralisme permettra une coexistence pacifique
au sein des communautés jouissant d'une grande autonomie.
2- Fédéralisme et impératif économique.
L'une des protestations des Québécois contre le fédéralisme réside dans le
mwau de développement disparate de l'économie. Les préoccupations économiques seront
aussi soulevées au Cameroun. fi en est de même entre la WaUome, confrontée au problème
d'une industrie lourde vieille de 100 ans et une Aandre plus dynamique.
3- Fédéralisme et politique.
Le fédéralisme peut être à l'origine de la démocratie. Ce fut le but recherché en
Yougoslavie par la politique du communalisme qui repose sur la technique d'autogestion. Dans
l'attente désespérée du dépérissement de l'Etat, la Yougoslavie a tenté un retour aux sources
pour purifier le marxisme. C'est ainsi qu'en réaction contre le dogme du centralisme
démocratique de Moscou, Tito a mis sur pied une formule nouvelle qui devait aboutir à la
remise aux travailleurs du pouooir de s'autogérer.
Dans le cadre de la décolOlÙsation, le fédéralisme est caractérisé par une
certaine ambiguïté. Pour la puissance colonisatrice, il est question d'arrêter la désagrégation de
"Empire; pour les colonisés c'est une étape vers l'indépendance. C'est donc, selon le mot du
professeur Burdeau, un compromis entre une nostalgie et des espérances. N'est-ce pas là la
raison de l'échec de l'Umon Française et de la Communauté ?
Le fédéralisme peut être à l'origine de la formation des Etats (Etats-Unis).
S'agissant particulièrement de l'Allemagne Fédérale, c'est pour exorciser les démons de la
guerre, que le fédéralisme a été adopté. L'ombre du llême Reich a plané sur les rédacteurs de
la loi fondamentale.
4- Fédéralisme et Grands Ensembles.
Le fédéralisme va permettre la création de grands ensembles inter-Etatiques.
Tantôt, ils seront à dimension régionale, tantôt à dimension continentale. En Europe, en

Expérienr:e du FldérMsme CamerounlllS : les causes elles ense/~ementsd'un échec
16
regroupement ou souvent à caractère économique ; en Afrique, les grands ensembles sont
souvent des fonons politiques.
Conçu et organisé par Hamûton et surtout par Georges SceUe, l'Etat fédéral,
Etat d'Etats qui a la compétence de sa compétence, sert finalement à tout faire. L'Afrique
pouvait~Ue rester en marge du mouwment fédératif?
SEcnON III : lA QUES110N FEDERALE EN AFRIQUE.
En Afrique, le fédéralisme est lié à l'idée d'unité: unité kpays (regroupements des
différents peuples, ethnies, tribus etc), unité des pays (création de relations supra-nationales).
1
Dès lors, le fédéralisme apparaîtra aux yeux des gouwmants et de certains
1
politologues, non pas comme un phénomène statique, mais comme un processus dynamique.
Avant et après l'indépendance, la question fédérale a souwnt opposée nos leaders. Hier c'était
1
Houphoet Boigny et Senghor; à Addis-Abéba, la tendance fédérale de Nkrumah - aoocat des
Etats- Unis d'Afrique - a échoué devant les partisans d'une association panafricaine souple.
1
D'application rare, le fédéralisme africain semble condamné à n'être qu'une étape, un
processus comme le défend Doudou Thiam.
1
1
PARAGRAPHE UNIQUE: LE FEDERALISME AFRICAIN COMME UN PROCESSUS:
DOUDOU THIAM.
1
Dans la terminologie de Doudou THIAM, l'itinéraire du fédéralisme qui n'a pas
rencontré un terrain d'épanouissement en Afrique part du fédéralisme territorialou fédéralisme \\
1
étatique (A) au fédéralisme conventionnel au fédéralisme étatique (8)
1
A • lE fEDEBAUSME IERBJTOBIAL OU FEDERAUSME ETAlTJ1QUE.
1
Dans la terminologie de OOUOOU THIAM, le fédéralisme territorial serait le
fédéralisme antérieur à l'indépendance (1) ; alors que fédéralisme étatique aurait w Je jour awc
1
l'indépendance des états africains (1\\)
1
1
1

L'expélieUe8 du fédéralisme camerounais les causes et les enSeIgnements d'un échec
17
1) Le fédéralisme tel'ritorial
n s'agit d'un regroupement de territoires placés sous l'administration totale ou
partieUe des pays colonisateurs (Belgique-France-Grande-Bretagne). Les rapports juridiques au
sein de cette association sont essentieUement de nature administrative. Dans un prenùer
temps, à la centralisation administrative, participant d'un courant centripète très accusé, ne
correspondra pas à l'inverse, un embryon d'autonomie locale. fIltre les différentes coUectivités
ainsi regroupées sous la même obédience, n'existent que des liens organiques. L'auteur
considère ceux-ci "connne l'ébauche d'un timide fédéralisme, dont l'aspect perceptible est le
phénomène agrégatif, sous forme de regroupement",
Un secorxi temps sera marqué par le commencement de la décentralisation
administrative. Cette tendance se manifestera tant en Afrique Occidentale française qu'au
Nigéria (avec la Constitution "Richards") de 1946, La Constitution française de 1958 admettait
déjà que les territoires d'Outre-mer fussent dotés d'un statut particulier "tenant compte de leurs
intérêts propres, dans l'ensemble des intérêts de la République,,73 . C'est de là que naissent les
premières structures fédérales. Doudou Thiam remarque qu'un système de solidarité était
institué entre les différents territoires. C'est la fédération qui devait distribuer les subventions
prélevées sur les recettes des territoires plus pourvues aux parents pauvres. Le coup d'arrêt de
cette é\\K>lution (décentralisation) sera marqué par les indépendances libérant les forces que le
colonisateur maJ1risait. Dès lors, l'accession à la souveraineté internationale donnera naissance
à une autre forme de fédéralisme.
2) Le fédéralisme étatique
Dans quel cadre faut-il le situer? Faut-il démembrer et remembrer les Etats? La
remise en cause des frontières ne permettrait-eUe pas de bâtir les fédérations sur les grands
ensembles ethniques que la colonisation a disloqués ? QueUe serait la culture du nouvel Etat ?
Sur queUes bases organiser son économie ? Avec quel régime politique ? A cet essaim
d'interrogations, les réponses ont été nombreuses et variées. Le fédéralisme étatique n'a pas
résisté aux "forces de sape" en Afrique parce que l'Etat était une construction artificieUe au lieu
d'être l'émanation politique d'une \\K>lonté nationale. Doudou Thiam en conclut à la difficulté
de trouver des éléments d'équilibre dans un Etat Fédéral et préconise le recours au fédéralisme
conventionnel, qui peut lui aussi n'être qu'une phase transitoire sur le chemin de la
supranationalité.
B • DU FfDERAIISME CONVENDONNEJ AlI FEDERAIJSME ETATIQUE
Selon l'auteur, "parce qu'il n'y a pas une différence de nature, mais de degré entre
Etats fédéraux et organisations internationales - surtout que ces organisations régionales ne
sont pas une fin - mais un moyen souple, progressif de réaliser des ensembles étatiques, il était
donc nécessaire de chercher à travers les organes et les fonctions des organisations, ce qui
peut fa\\K>!iser le processus d'intégration et ce qui peut le gêner /4 . Ce faisant, Doudou 1hiam
va établir une typologie fonctionneUe des différentes organisations africaines.n distinguera les
continentales (en général politiques) et les régionales (souvent économiques).
Nombreux sont les penseurs qui, comme Doudou Thiam, assimilent les organisations
internationales à des fédérations. Nous ne partageons pas ce point de we. A notre avis, eUes
ne peuvent s'analyser que comme des confédérations. Selon la logique du "processus" défendu
par Doudou Thiam, les organisations internationales, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUAt
73 V. AlI. 74 de 1. Cœslilutiœ frlllçaile du 4/10/19sa
74 Le f~ afri<:aiD, .... ~ Il_ règles. Présence Africaine. Fnquila Il Etudes. Puis, 197% p. 163

L'expénence dU fédéraltsllle camerounaIs. les causes et les ensetgnements d'un échec
18
par exemple, devraient nous conduire à l'unité africaine. Il faut convenir que l'OUA qui est une
seconde ratification du traité de Berlin (intangibilité des frontières, souveraineté et égalité des
Etats) ne présente aUCW1 indice d'un futur Etat. A l'observation, au-delà de l'échec des
expériences fédérales étatiques (sur lesquelles nous reviendrons en détail en conclusion)
constaté par Doudou Thiam, la prétention des organisations régionales ou autres à apparailre
comme des formes potentielles de fédéralisme pouvant déboucher sur un super Etat n'a pas
encore connu de réalisation à la date d'aujourd'hui. C'est dans cet environnement de
dénuement, d'échec, que se situe ce que d'aucuns ont taxé d"'épiphénomène" : le fédéralisme
camerounais.
POSIDON DU PROBIEME
Pourquoi se sujet?
Le choix de ce sujet a été dicté par l'intérêt que nous portons à la doctrine du
fédéralisme qui est une certaine conception de l'homme, être multiple dans sa spécificité. En
société, le fédéralisme impose la tolérance envers autrui ; il Oe fédéralisme) est le refus de
l'absolutisme. De plus, témoin du déroulement de l'exéprience fédéraliste camerounaise, nous
aoons toujours été curieux de pénétrer les rapports de force établis entre les différents
protagonistes (pouwirs publics entre eux, anglophones/francophones) participant directement
ou indirectement au processus décisionnel. Cet intérêt nous a permis de nous rendre compte
de l'absence d'une étude exhaustive portant sur onze (11) ans d'histoire constitutionnelle et
politique de notre pays. En proposant un travail qui se veut complet Oe fédéralisme sera pris
sous divers plans : politique, juridique, historique, géographique, culturel), nous entendons
contribuer à combler un vide et restituer certaines vérités.
2) QueUe sera notre démarche ?
ElIe participera de la conception pluraliste de Proudhon (cf place faite aussi aux
groupements de base comme les syndicats...) et de
la théorie
juridique
de Doudou
Thiam : fédéralisme de Georges Scelle. Ce faisant, nous nous écarterons de la conception de
Doudou Thiam qui, estimant que le fédéralisme n'étant qu'un moyen de réalisation de l'Imité
nationale, porte en elle-même les germes de sa propre destruction. En effet, un fédéralisme
"processus" est condamné par essence à disparaître, alors que l'Etat Fédéral a \\.OCation à
durer. Implicitement, de l'ensemble du travail se dégagera l'idée selon laquelle le fédéralisme
est une autre forme de lutte pour le pouwir.
3) Quels seront les cadres de la réflexion ?
Dans un Titre 1 nous analyserons l'expérience. En Titre II, nous expliquerons
l'échec.

L'expérience du fédénllisme camerounaIS: les causes elles ensetgnements d'un échec
19
TITRE 1
ANALYSE DE L'EXPERIENCE
Nous constaterons l'échec du fédéralisme camerounais en nous situant à trois niwaux;
- Echec territorial: la tentatiw de reconstruction d'un grand ensemble
camerounais
- Echec institutionnel
- Echec culturel.

21
SECIlON 1: L'IDEE DE REUNIFICATION
SECIlON 0: ŒS CONSULTATIONS POPlJL.\\IRES POUR LA REUNIFICATION
SECIlON m: L'ENŒRINEMENf JURIDIQUE DES VOTAl1ONS POPUlAIRES
,
$ECI1ON 1: L1IDEE DE REUNlFlCADIft
Dans l'histoire des idées politiques de notre pays, le thème de l'unification est récent.
Sa fonnulation par les fonnations politiques remonte vers 1940. A l'évidence, la consistance
territoriale de l'Etat est la raison d'être du fédéralisme camerounais. Aussi conviendra-t-il de
présenter l'MIution géographique et historique du territoire ($1) avant d'examiner les
doctrines de la réunification stricto sensu ($2).
"mn'Ml :li CIIIIIII•• tInIIIrIll.: 1.c
.
Historiquement et brièvement, que s'est-il passé de la période de non-frontière
(antiquité) à celle d'Etat délimité? En réalité, l'histoire écrite du Cameroun à certain moment.
est surtout celle de sa région côtière, plus précisément celle du Golfe de Guinée.
Vers le Vè siècle avant Jésus-Christ. Néchao Il, roi égyptien de la XXVIè dynastie avait
organisé une circumnavigation qui fit le tour complet du continent en contournant l'Afrique
d'Est en Ouest,
Certains historiens n'excluent pas l'éventualité d'une escale de ces
embarcations dans la baie du Biafra.
Au VIè siècle. toujours avant notre ère, le carthaginois Harmon aurait longé la côte
"des contrées /ybiques situées au-delà des colonnes d'Hercule". c'est-ëHlire le littoral africain au-
delà du détroit de Gibraltar:s . Ce ooyage maritime se serait poursuivi jusqu'aux côtes de la
Guinée. Trouvant le Mont Cameroun en éruption, Hannon l'aurait surnommé le Char des
Dieux:6
Plus tard. vers 1470. le territoire qui représentait le Cameroun à l'époque. entrera
en relation avec les européens. en l'espéce les portugais. En effet, A1phonce V du Portugal
en\\Qya Fernào de Gomez explorer les côtes de Guinée. Vers 1472. aux premières semaines
de janvier. Fernào Do Pô. de l'équipage conduit par Cao. partit de Fonnose (i1e Fernando do
Po) pour le continent. il entra dans la rade du Wouri où il découvrit beaucoup de crevettes78 et
baptisa cette rivière du nom de "Rio dos Camaroes 79 C était la découverte du Cameroun,
En 1475, débutent les rivalités entre les monarchies portugaises et espagnoles sur les
côtes de Guinée. La suprématie espagnole sera marquée par le remplacement des portugais
sur les côtes de l'Afrique Occidentale. Dès lors, Rio dos Camaroes se transfonne en Rio dos
Camerones. Après les espagnols. d'autres puissances européennes fréquenteront les côtes de
l'Afrique. La transfonnation sémantique du vocable CamerolID témoigne des influences
successives des puissances maritimes ayant occupé en priorité l'estuaire du Wouri. Cest ainsi
que les anglais transfonneront Rio dos Camerones en Cameroons River. les allemands
kamerun et les français CamerolID, Par la suite, s'opérera une dissociation ; les concepts
s'affinaient. Le vocable Camaroes désignait uniquement l'estuaire du Wouri. Par contre. les
villes du peuple Douala étaient baptisées Cameroons Town.
:~ (juenlef (Eugen~)'-"l (j. From.::nt-tiul'''SS - l.uneroun- fogo m EnL'\\'c1opedie d~ l'A.frt4U4= Ii.mÇ3LS<. e:ditims de ITmoo. hançaLSe. Pans l'J~8
p.51
~., IA"S hl~onens n~ s'accordent pas sur 1.'\\.11è' l.'OOtoocture. D'auC\\Dl.s ne: J1't."Ilsef1t pas L!u H.mnoo Jlt t:1.e: aUSSI lom. D'autres pretendent qud
s'agissait
nm pas derup..m volcar:uque. mais d'ml quelcœque feu de brousse.
-g flouchaud (Jean). La côte du Cameroun dans j'H~oire et la caI1ographie. Des ongmes a l'.ulIleXlOO allemande 1884. ~Iemoires de j'lnstllUl
Français d'Afrique 1'00,",. Ca"re Cameroon. 1952 p. 42
-0 Rio Dos Caemaroes sigrnfie m'Jere des ecre\\'Jsses

Fig :1
,
BAIE
DE
BIAFRA
D APRES
LES
PORTU GAIS
.,
AU
X V" SIECLE
n
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Legendez:
++~LIMITE
FUTURE
DU
KAj,lERUN

L'expét tertee du lédérallSlJ1l! camerounaIS : les causes elles ensetgnements d'un échec
22
Indubitablement, la traite des noirs, le commerce de l'ébène noir, a été très florissant
dans l'estuaire du Wouri. En dépit de sa suppression en 1852, les appétits des allemands,
français et anglais sont toujours aiguisés. De ces rivalités, apparaîtra 80une lueur positM! pour
les indigènes: la création prochaine du "Kamerun". Aprés la présentation de la carte de la baie
du Biafra (figure Il, nous présenterons d'une part, la phase de croissance du territoire et,
d'autre part, sa phase de regression.
Sous-paragrapWL1 : La pha"-Jle la croissance ou "de la lQDDation à
l'apogée du territoire" (1884-1911)
La création du Cameroun est liée à l'idée de colonie. En effet, sous l'influence du
motMmlent piétiste et surtout de l'indépendance des colonies américaines, les nations
européennes doivent résoudre l'épineux problème de leur approvisionnement. TI est donc
urgent de remplacer la traite des esclaves par un commerce légal. Ce commerce devrait naître
8l
de l'introduction de la culture des plantes tro~icales en Afrique noire
Aussi, convenait-il
d'initier les africains à cette nouvelle agriculture 2 Voilà le point de départ de la colonisation.
Pour éviter toute anarchie, l'Allemagne qui avait réalisé son unité en 1870 et qui rêvait de la
création d'une grande Allemagne extra-européenne déèida de
discipliner l'entreprise
colonisatrice à Berlin. Les projets du Sénat de Brême 83 sont clairs. TI s'agit, pour commencer,
de créer une colonie d'exploitation au fond du Golfe de Guinée. C'est cette partie de
l'entreprise coloniale qui nous concerne. Dès lors, quatre étapes successives vont marquer la
création et l'élargissement du Cameroun par les allemands. TI s'agit:
- de l'instauration du protectorat allemand sur le "Cameroons Towns"
- du rattachement des principautés côtières au "Cameroons Towns"
- du Cameroun après la conférence de Berlin et
- du oùrage du "New Kamerun".
A • L'INSTAURATION DU PBOTEcrORAT Ail EMANO SUR lE
"CAMEBOONS TOWNS"
Deux personnages vont jouer un rôle décisif dans la politique coloniale allemande
auprès de Bismark. C'est d'abord Henri Kusseron, Conseiller de Législation aux Affaires
Etrangères qui fait valoir l'idée selon laquelle l'Allemagne pourrait créer des colonies et les
gouverner à peu de frais par le biais des compagnies à Charte. C'est ensuite Adolph
Woermann, Président de la Chambre de Commerce de Hambourg qui adressa le 30 avril
1884 un mémoire à Bismark. Ce docwnent contenait huit points essentiels dont le dernier
préconisait '1a création d'un territoire dans la baie du Biafra pour la fondation d'une colonie
commerciale". Conquis par ses deux interlocuteurs, Bismark envoya le 1er juillet 1884 le
Docteur Nachtigal, Consul impérial en Afrique signer des traités de protectorats avec les chefs
indigènes de la baie du Biafra.
C'est le samedi matin 12 juillet 1884. que l'envoyé du Reichstarg arrive à Douala à
bord de la Môwe. L'après-midi, après de brèves discussions préliminaires, il signa avec les rois
Bell et Akwa le traité germano-Douala 84 portant création du noyau de la colonie allemande du
80 Rio dos Camaro<:ll si!!J1ifie rivière des éaevi....
81 Kouam (Lucas); La d)namique historique des ficnlieres du cameroun 1884-1961. Tra..ail inèdil de la faculté des Leures de yaoundé 1978-
1979 p. 6
82 Gœct (L), Remœd (R) et AI. ; Le Mœde cœternporùI. Hatier. Paris (6) 1962 p. 638
83 Owœa (Adalbert); "La NaiDan"" du Cameroun. (1884-1914)" in Cahic:n d'Eludes africaDlea. Vol. Xlll n° 491
V. éplcma>l MaaoCI1d Cie, Paris 19T1 p. 17. Ces auleura _Iesrecommandaliœsdu S<nal de Bieneau 91611883
84 cfle>1e intégral du Traité en ame. .

L'expétlellC8 du fédéralisme CBlIlI!flIUnais : les causes et les enseognemenls d'un échec
23
Cameroun. La délimitation de ce territoire précisée dans le premier paragraphe du traité le
situe le long du fleuve Cameroun, entre les fleuves Bimbia au nord et Kwakwa au su::I, et
jusqu'au 4°10' ,degré de latitude nord. Dans un ouvrage8S consacré à l'Histoire du CamerolD1,
le savant père jésuite Mwng Engelbert s'attache à démontrer l'exiguïté de ce territoire qui, .....
se trouvant presque à cheval sur le 4° nord.... se ramène tout au plus au niveau de Bué<! et de
Bomono vers le nord. C'est dire que ni Souza, ni même Mbanga ne faisaient partie du
territoire, objet du traité Germano-douala 86. Mais si l'étendue de Douala est connue, les autres
dispositions du traité suscitent des réflexions quant à leur application. Les parties contractantes
ne sont pas l'Allemagne et le Cameroun, mais deux maisons de commerce Ga firme
Woermann et Johanes Vose dont le siège social se trouve à Hambourg) et les rois BeU et
Akwa. C'est pour cette raison qu'il faudra attendre la légalisation de cette acquisition
territoriale par Emil Schulze, Consul aUemand au Gabon, pour que l'Allemagne puisse jouir
des droits (concernant la souveraineté, la législation et l'administration du territoire)
abandonnés par les rois Douala. Le 13 juillet 1884, la maison Woermann céda ses droits au
gouvernement impérial. La "germanisation" du "Cameroons Towns" se matérialisa par la
montée des couleurs impériales sur le plateau Joss le 14 juillet 1884. A cette occasion
exceptionneUe, le Docteur Nachtigal prononça un discours en anglais et en aUemand. C'est
peut-être de cette époque que remonte la vocation camerounaise pour le bilinguisme.
L'éclatement du noyau allemand ne devait pas tarder, contriBuant ainsi à l'agrandissement du
Cameroun.
8 - lE BAlTACHEMEN{ DES PRINCIPAUTES CQTIERFS AU
CAMEROONS YOWNS
Progressivement, Nachtigal annexe les territoires s'étendant le long de la côte depuis le
Rio deI Rey jusqu'à Campo. Chronologiquement, l'ordre d'acquisition s'établit comme suit:
- Il juillet 1884 :signature d'un traité par les agents de la maison Woermarm et les
chefs africains de Birnbia ;
- 18 juillet 1884 : conclusion du traité de même nature sur le Petit Batanga
entre le King Japité et H. Dette Mering, agent de la maison Woermann ;
- 21 juillet 1884: - traité avec le King William de Bata
- le drapeau allemand est hissé à King Pass AIl Town; le protectorat aUemand
venait d'être établi sur la localité;
- 24 juillet 1884 : traité avec le King Grey à Plantation et le King Jack à Kribi ;
- 27 juillet 1884 : Nachtigal fait flotter le drapeau aUemand sur Bata et Kribi
pour placer le territoire sous la protection impériale ;
- Fm juillet : Nachtigal se rend à Campo pour des cérémonies analogues
- Début août: Bovito, Awouni et Bapouko acceptent le protectorat aUemand.
Hickory Town, actueUe Bonabéri, résistera quelques mois avant de venir agrandir
le lot des territoires soumis à la protection allemande ;
- 15 octobre 1884: avant l'ouverture de la conférence de Berlin, l'Allemagne notifie
aux autres puissances colonisatrices la liste de ses acquisitions sur les côtes de
Guinée.
Avec les accords successifs, les frontières du Cameroun aUemand s'élargissaienL le
territoire couvrait à peu près vingt cinq mille (25.000) km2. Le schéma de cette étape retracé
par le père Mwng appalâl1 sur la carte nO 2.
85 KOIW1I (Lucas) ; op cil p. g
86 M.mg (Engelbert) ; Histoire du Cameroun. Présence Africaine. Paris 1963 p. 291

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Fig: 2
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L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes elles ensetgnements d'un échec
C - LE CAMEROUN APRES lA CONFERENCE DE BEBIJN
(1.5 NOVEMBRE 1884·26 FEVRIER 1885)
La conférence de Berlin s'ouvre le 15 novembre 1884. Quatorze (14) pays sont
présents. fi s'agit de :
01. l'Allemagne
08. la Grande-Bretagne
02. l'Autriche-Hongrie
09. l'Italie
03. la Belgique
10. les Pays-Bas
04. le Danemark
11. le Portugal
05. l'Espagne
12. la Russie
06. les Etats-Unis
13. la Suède-Norvège
07. la France
14. la Turquie
La France est représentée par le baron de Courcel, Ambassadeur de France. La
doctrine de Jules Feny est connue : '1es colonies sont pour les pays riches, un placement de
capital des plus avantageux" ! Ce sont les débouchés". Otto de Bismarck représente
l'Allemagne; dans sa délégation, une présence remarquable', cene de Woennann. Dans son
épaix dossier, l'Allemagne dispose d'une carte d'Afrique "criblée de frontières mal définies".
Toujours est-il que l'on y remarque sur la pointe du Golfe de Guinée, le "Kamerun". Trois
points constituent l'ordre du jour :
- la neutralité des bassins du Congo et du Niger
- l'occupation des territoires africains
- la promotion de bien moral et matériel des indigènes.
De l'acte final de cette conférence qui constitue une véritable Charte de la colonisation,
il ressort entre autres conditions de la possession d'un pays, qu'il faut une prise de possession
fonnene nécessitant :
-la présence de l'occupant
- la lutte contre l'esclavage et la promotion du bien-être des indigènes
- la mise en valeur du pays.
Le père Mveng écrit que c'est au nom de ces principes et sous ces conditions que
l'Allemagne esquissera devant les autres Etats du congrès les frontières indécises de ce que l'on
appelait déjà le "Cameroun allemand".
Quelles sont donc ces limites du pays ?
D'Est en Ouest, du Nord au Sud, l'Allemagne tentera de compléter la fonnation de sa
colonie.
1. La frontière occidentale de l'Atlantique au Lac Tchad
Cette dernière résulte de trois traités conclus entre l'Allemagne et l'Angleterre.
a) Les accords anglo-gennaniques du 29 avril 1885
Les négociateurs de ces traités furent Lord Grandville et le Compte Herbert de
Bismark. La portion du territoire délimitée prend pied sur la côte atlantique et s'achève à un
point de la rive droite du Vieux Calabar, appelé "Rapids". C'est l'établissement de la \\igne

L'lllqléIlllllCe du lédénllisme ClIIlleIOUNÙlI: les causes elles enseignements d'un échec
25
"Atlantique-Rapids" 87. n faut préciser que cette frontièrè se situe entre 8°42' et 8°46',
Pourtant, cet accord ne satisfait pas l'Allemagne qui réclamait la Mission de Victoria, située
dans la baie d'Ambass, Le 7 mai, une note de Munter confinna que la Mission de Victoria 88
était définitivement cédée à l'Allemagne par les religieux de Victoria. Mais, "toujours vers
l'hinterland", pouvait se résumer la politique allemande.
b) L'accord anglo-germanique du 27 juillet au 2 août 1886 89
Cet accord est conclu entre Lord Rosebery et le Comte Hatzeiekl. Il prolongeait
la frontière occidentale du Cameroun vers le Lac Tchad. Monsieur CMiona Adalbert estime que
cette section commençait "au point terminal de la ligne primitive sur le vieux Calabar ou Cross
River en diagonale jusqu'à la rive droite de la Bénoué, à l'Est de Yola". La frontière Atlantique-
Rapids" venait de se prolonger jusqu'à Yola par le tronçon "Rapids-Yola". Pour l'essentiel, il
faut préciser que plusieurs missions de frontières vont sillonner cette région. EJIes apporteront
parfois des petites rectifications sur le parcours Yola-Mer.
c) Le protocole d'accord du 12 mars 1907
Cet acte fixe les frontières du Cameroun de la' rive droite de la Bénoué au Lac
Tchad. D'après ce tracé, le Mandara revenait au Cameroun et les émirats de Bomou
étaient partagés entre le Cameroun et le Nigéria. Désonnais, sa frontière occidentale
entre le Cameroun et le Nigéria était complètement ébauchée. Avant 1914, eUe sera
définitivement fixée.
2. Les frontières méridionales et orientales du Cameroun
Le début des négociations entre la France et l'Allemagne sur le Cameroun se
situe le 10 août 1884 lorsque le Docteur Nachtigal rend visite à Comut Gentille au Gabon.
a) Les frontières méridionales
i. Les frontières entre la Guinée Equatoriale et le Cameroun
La Convention franco-gennanique du 24 décembre 1885 signée par le Baron
de Courcel et le Comte Herbert de Bismark délimitait la frontière entre la Guinée Espagnole et
le Cameroun. Cette Convention consacrait les possession française et allemande de la "côte
occidentale française d'Afrique et en Océarùe". L'Allemagne renonçait à tous les territoires
acquis antérieurement au Sud du fleuve Campo90. La frontière entre la Guinée espagnole et le
Cameroun était clairement délimitée sur une ligne située au sud de Campo jusqu'à 15° de
longitude Est. A ce stade de l'évolution des frontières à peu près en 1890 (C), (figure 3), la
carte d'identité du Cameroun allemand est la suivante:
- superficie
300.000 km2
- population
500.000 habitants environ.
87 C. Weladji : "The Cameroon-Nigeri. Border (cu & dl", in Revue Abbi.. Revue cuhurelle comerounoise n' 31-32-33, février, Yaoundé, 1978
T.173
88 VIIII Slageren (Jean); Hioloire de l'Eglise en Afrique Ed. Cu: Yaoundé, 1969 P S9
89 Owœ. (Adalbert) op citp 31
90 M. Owooa Adalbert prél:iIe que l'Ailerna".. reoœçail • entreprendre dei ~ons politiques au Sud <fune ligle suiVllllladile riviérc, depuis
sai emboudllare juaqu'au point où elle rencœtraille mèlidien situé • 10' de lœgitude Est de Greenwidt. 7"40' de lœgjtude Est de Paria et •
partir de oe point. le parallèle prolongé jusqu'à sa reoccntre avec le méridien situé par 1S' de longitude Est de GreenW1cn, 12'40' de lœgitude
Est de Paris.

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Fig: 3
LE
CAMEROUN
EN
1890
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100
200 KM
Légende:
FRON T1ERE
SELON
lACCORD
ANGLe-GERMANIQUE
DU
21
MARS
1885
1
• • • •
FRONTIERE
SELON ,LACCDRD
FRANCO-GERMANIQUE
DU
24
DECEMBRE
1885

L'expénence du féd6nlli&me ClImerounals : les causes elles enseignements d'un échec
26
ü. Les frontières du Cameroun: de la Guinée Equatoriale au
coofIuent de la Ngoko-Sangha
Le traité conclu par la France et l'Allemagne le 14 février 1894 est complété
par l'accord du 18 août 1908 qui est le résultat des missions franco-allemandes de délimitation
des frontières de 1902 à 1903 et de 1903 à 1906. En résumé, l'accord du 18 février 1906
délimite simultanément les frontières orientales et méridionales du CameroWl à partir d'Wl
point tangent à la frontière Est de la Guinée Equatoriale. La convention du 9 avril 1908
précisait les frontières entre le Congo et le CameroWl. Cette limite débute exactement au 9è
méridien de longitude Est de Paris soit à 11°20' Est de Greenwich. La frontière méridionale
du CameroWl était ainsi établie.
b) Les frontières orientales
Ds'agira essentiellement d'Wle ligne joignant la Ngoko à l'estuaire du Chari. A
partir du confluent Ngoko-Sangha, la frontière progresse en direction du nord. Flle remonte
jusqu'au confluent de la Ngoko et de la Nyone. Dfaut préc~r que toutes les îles, au sud d'Wl
point fixé à cinq (5) kilomètres sur la carte du protocole sont françaises et celles situées au
nord du même point jusqu'à l'embouchure de la Nyone sont allemandes. Par le protocole
d'accord franco-germanique du 9 avril 1908, le contour du périmètre des frontières du
CameroWl est enfin bouclé avec la délimitation des frontières orientales.
Les caractéristiques du Kamenm allemand d'avant 1911 sont approximativement les
suivantes :
- superficie
480.000 km2
- population
3.500.000 habitants.
S'agissant de ces chiffres, le doute est permis dans la mesure où selon d'autres sources,
la superficie du territoire aurait été pour les WlS de 478.000 km2 , pour les autres de 493.000
km2 • Quant à la population, les estimations la font varier entre 2.800.000 habitants et
3.500.000 habitants. Toujours est-il que c'est à peu près ce territoire que les nationalistes
camerounais, toutes tendances confondues, ont essayé de rationaliser par le biais de
l'unification - de la réunification - ou du fédéralisme. Si les allemands mettent vingt-quatre (24)
ans (1884 à 1908) pour constituer leur colonie, ils n'entendent pas se contenter de ce
territoire qui compte dix-neuf (19) circonscriptions administratives et dont la capitale est Buéa.
Du reste,\\Uici la carte de cette possession impériale avant 1911, cf figure 4.
D - LE MIRAGE DU NEU-KAMERUN : 4 AVBn. 1911
Le Neu-Kamenm a pour origine Wl incident survenu au Maroc. En réalité ce fut Wl
prétexte exploité par l'Allemagne: l'accord du 9 février 1909, plus connu sous le nom
d'accord d'A1gésiria, impose la reconnaissance du Maroc à toutes les puissances européennes.
La porte du sultanat est ouverte à tous les intérêts économiques. C'est en somme Wle certaine
internationalisation du territoire marocain. Or, en 1911, le Sultan Moulay-Hafid assiégé dans
Fez fit appel aux français qui prirent la ville et libérèrent le Sultan. Prétendant que
l'indépendance du Maroc était menacée, l'Allemagne protesta aussitôt et envoya Wl navire de
guerre devant Agadir. La véritable raison est que l'Allemagne \\Uu!ait réaliser sa "Mittel Africa".
Percevant la menace, la France opta pour Wle solution négociée comme jadis à Fachoda pour
Wl autre pays. C'est ainsi que les négociations qui s'ouvrirent entre les deux puissances
"coloniales" aboutirent à Wl échange de territoires au Maroc et au Camerotm (Bec de Canard)
et en Afrique Equatoriale Française (AEF). Le CameroWl s'agrandissait de 275.000 km2,
donnant ainsi naissance au Neu-Kamenm.

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LE
KAMERUN
AVANT
1911
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L'expéfience dU fédéralisme camerounais: les causes elles ensetgnements d'un échec
27
Un examen approfondi de relations franco-allemandes réwle W1 certain nombre de
choses. Pour laisser les mains libres à la France au Maroc, l'Allemagne réclamait W1 territoire à
prélever sur l'Oubangui et le Congo, notarmnent à l'Est et au Sud du CameroW1. Ces
territoires de l'ancienne AEF devaient - conformément aux exigences de l'Allemagne - amir
accès sur le fleuve Congo et sur l'Océan Atiantique.Comme on le sait, les conditions posées
par l'Allemagne furent exécutées.
La France céda donc à l'Allemagne W1e frange du territoire située au sud de la Guinée
Espagnole et du Kamerun allemand. Elle était prélevée sur le Congo français. L'acquisition de
cette portion de territoire satisfaisait l'Allemagne qui obtenait conjointement W1e autre fenêtre
sur l'Océan Atlantique et W1 accès sur le fleuve Congo. Dès lors, la Guinée devenait W1e
enclave dans le Neu-Kamerun.
Les acquisitions orientales de l'Allemagne sont délimitées comme suit : à partir du
Congo, la frontière remontait la Sangha jusqu'à son affluent, la Likonla aux herbes; elle
progressait en direction du Nol"d-€st
et remontait la rivière Mocaba, affluent de l'OubangUi,
atteignant Zinga-Pama-Goré (situé sur la rive droite du Logone oriental) - Logone occidental.
Evitant le "Bec de Canard" laissé à la France, la frontière longeait le Chari et passait par son
estuaire principal pour rejoindre W1 point d'intersection situé dans le Lac Tchad.
Pour sa part, la France obtint d'abord la liberté de manoeuvre au Maroc. Elle reçut
ensuite en AEF W1e frange de territoire située au Nord-est du CameroW1. Ce lambeau de terre
était amputé sur le CameroW1 de 1908. Evalué à six mille quatre cent cinquante (6.450)
squares milles, Uavait la forme d'W1 bec de canard tourné vers le nord. On le baptisa d'ailleurs
du nom de "Bec de Canard". Si chaCW1 des deux pays se satisfaisait de la transaction, le
CameroW1 en sortait presque doublé dans sa superficie qui couvrait désormais sept cent
cinquante mille (750.000) km2• Sa population s'était aussi accrue de près d'W1 mUlion d'âmes.
Aux dix-neuf (19) circonscriptions administratives existantes, s'ajoutèrent trois cercles: ceux de
Carnot, d'Ikelemba et M'bassi.
L'apogée territoriale était atteint. Pour le père Mveng, "le territoire venait d'atteindre le
point maximum de sa dilatation. nn'allait pas tarder à exploser et à restituer à l'AEF les débris
qui venaient de lui être arrachés".
Quelle est donc la physionomie du Neu-Kamerun ?
Le géographe allemand Max Moisel s'est attaché à en dresser W1e carte d'W1e très
haute précision (figure 5).
Sous--paragraphe 2 : La phase de regression : du dépècement à la
consécration de l'amputation territoriale (1916-1961)
Avec la première guerre mondiale, le glas a sonné pour la présence allemande au
CameroW1. Le déclin des possessions impériales sera inéluctable. C'est ainsi que "à peine né
en novembre 1911, le Grand CameroW1 devait être entamé dès le mois de septembre 1914
pour ètre finalement dépecé au mois de mars 1961. 91. En effet, le Grand CameroW1 sera
divisé en trois parties. Les territoires cédés par la France à l'ADemagne en 1911 furent
purement et simplement réintégrés à l'AEF dont Us avaient été détachés. L'Angleterre
s'attribuera W1e bande étroite à l'Ouest, W1 territoire de quatre vingt-dix mille (90.000) 1an2,
avec W1e population estimée à huit cent mille (800.000) habitants, le reste, le plus important
revint à la France.
91 Owooa (Adalbert); op cil p. 33

L'expélleuce du fédéralisme c:ameraunalS : les causes et les enseognements d'un échec
28
Trois moments d'inégale importance marquent le processus de rétrécissement de la
peau de chagrin allemande. "en réalité camerounaise, Ce sont:
- la perte des erritoires acquis de l'AEF
- le partage franco-britannique et
- le rattachement du Cameroun septentrional au Nigéria en 1961
A - lA PERTE DES TERRITOIRES ACQUIS DE L'AEBlQUE EQUATOBIALE
FRANCAISE PAR L'AllEMAGNE
Le 3 août 1916 92 , l'Allemagne, préoccupée par les conquètes territoriales en Afrique
et en Europe déclare simultanément la guerre à la France et à la Russie. Les forces années
allemandes occupèrent Bonga, Zinga et Bongo. En riposte, une armée mixte composée de
français,des britanniques et des belges envahirent le Cameroun, Les allemands évacuent le
Cameroun le 20 février 1916. Unilatéralement, la France reprend ses possessions d'AEf. Les
deux cent soixante quinze mille (275,000) km2 qui avaient agrandi le Kamerun de 1908
venaient de "s'évaporer". La France conservera toujours le Bec de Canard 93
B • LE PARTAGE FRANCD-BRITANNIQUE
Le 20 février 1916, le second Cameroun allemand avait vécu. Le 1er mars, le Sous-
secrétaire d'Etat britannique aux Colonies adressa un télégramme au Général Dobel1 intitulé:
'DEUMlTATlON DES ZONES FRANCAISES ET BRITANNIQUES AU CAMEROUN', C'est à
la suite de message qu'un accord fut signé à Londres le 4 mars 1916 définissant la zone
française et britannique du Cameroun occupé. Ce fut l'accord Bormar-Law du 4 mars 1916
qui consacrait un partage théorique puisque uniquement effectué sur carte. Les parts sont
connues. Le 16 mars 1916, les généraux français Aymerich et britannique DobeU ratifièrent le
traité du partage du Cameroun suivant les limites décrites dans l'accord Bonnar-Law. Le 1er
avril 1916, à minuit, la répartition du Cameroun entre les deux alliés entrait en vigueur. De
manière concornmitante, le régime de condominium s'achevait. Toutefois par la suite, des
rectifications de frontières auront lieu entre les deux colonies, Elles ne remettront pas
profondément en cause l'accord Bonnar-Law. Cependant, pour mémoire, nous citerons:
-les rectifications de frontières de 1916 à 1919
- les rectifications de frontières de 1919 à 1931.
Selon l'article 119 du traité de Versailles, 'TAllemagne renonce en faveur des
principales puissances et associés à tous ses droits et titres sur ces possessions d'outre-mer .94.
Devenant la "Gérante" de toutes les colonies perdues par l'Allemagne, la Société des Nations
(SDN) plaça le Cameroun sous mandat français et britannique. Mais, avant que le régime sous
tuteUe n'entre en vigueur, une déclaration Milner-Simon reprécisa les frontières entre les deux
Cameroun,
Le Conseil chargé des mandats approuva ces nouveUes frontières.
Ces
rectifications furent définitivement confirmées à la suite de l'accord Greame-Thomson-
Marcaang de 1931. Les deux mandats furent administrés jusqu'en 1960, A partir de cette
année, même un peu avant, une autre épreuve - territoriale - attendait les nationalistes,
~v..,g(Engelbert) et Beling-Nkoumba. Manuel d'hisloire du Cameroun p. 3J
93 La œlébrité du Bec de Canant est COIIl1ue : S, H_lfe .., parle danJ R""";I!JIeman.a oolœiaux. suppl_ au Bulletin du
Comité de l'Afrique Française. 10, 1938. pp 261-264
94 n s'agisaait du Cameroun. du Togo. du Tanganyika. du Sud Ouest AFricain. du Rwanda et du 8unmdi

SO
12 °
16°
20"
Fig: 5

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LE
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KAMERU N
DU
4 novembre 1911
j,
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[]]] LE BEC DE CA NARD" CEDE A L A-E·F· LE 4/11(1911
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. . . ..
DE
L·A·E:·F. LE
4( 111 1511
- -- "RON T'Œta ENT RE LE CAMEROUN ET L'A'E'F EN 1910
1
1"'i'-t
FRONTIERES
ENTRE. LE
CAMEROUN
ET
L
A'E'F
EN 1914.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les ensetgnements d'un échec
29
C • LE RAITACUEMENT DU CAMEROUN SEPTENTRIONAL AU NIGfRlA (1961)
Arrivé au dernier acte -\\-Uire au dénouement - de cette "tragédie territoriale" dont le
jour anniversaire a été érigé en journée de deuil national, nous rem.uyons à plus tard l'analyse
de cette étape récente et décisive de l'amputation territoriale.Toutefois, en conclusion de ce
paragraphe, nous conviendrons du fait que depuis 1911, l'accordéon qui avait été ouvert au
maximum s'est refermé progressivement jusqu'en 1961. Les pertes successives de territoire
ont été citées :
- 20 février 1916 ; perte des territoires acquis de l'AEF
- 4 mars 1916: accord de partage franco-britannique Bonnar-Law
- 1921 : déclaration Milner-Simon
- 25 juin 1940 : anmistie, .. Le Cameroun va-t-il redevenir allemand?
Créé et consolidé par les allemands, le Kamerun s'était émietté au contact des anglais
et des français. Pour les nationalistes et plus tard pour les autres, le but de l'unification serait
donc de reconstituer au moins un des « Kamerun allemand". Mais,on peut se demander, à
juste titre lequel ? Celui de 1908 ou celui de 1911 ?
La réponse est certaine aujourd'hui. Pour les nationalistes, il était question d'effacer la
frontière de 1916. Us n'entendaient dénoncer l'accord franco-britannique Bonnar-Law du
partage du Kamerun de 1908 plus le Bec de Canard. nnous souvient qu'avant cet accord, la
France avait réintégré lmilatéralement ses possessions d'Afrique Equatoriale Française. Dès
lors, le projet d'unification est déjà moins ambitieux que l'on pouvait le penser. Aussi, est-il
intéressant de chercher à connat1re quel était le projet des formations politiques pour le
Cameroun.
'Iralrall. 2: L••••cUlI•••• 11 rtllmCIU.I
11t.11.1••
''''''••''.'''1111'''1111'.''
Le thème de la réunification n'est pas isolé dans l'esprit des camerounais. Au
demeurant, il constitue avec l'indépendance, les deux pôles du nationalisme camerounais. De
plus, nos compatriotes ont partagé ce cri de libération qu'était "l'Afrique aux africains". Déjà,
au temps de l'esclavage, les habitants de la baie du Biafra étaient des résistants irréductibles.
Plus tard, pendant la colonisation, ne furent-ils pas les premiers à remettre en question, sur le
plan juridique, l'occupation des terres par des puissances étrangères95 ? Pour l'essentiel, la
prolifération des partis politiques s'inscrit dans le droit tu de l'affinnation de la persormalité
camerounaise et, à un degré supérieur, du nationalisme camerounais. En conséquence, à notre
avis, le désir de réunification qui animait les nationaux participait de la libération de l'Afrique
en général et du Cameroun en particulier par la négation des frontières, surtout celles de
1916. On observera d'une part la genèse et l'é\\-Qlution du mouvement de la réunification et,
d'autre part, nous étudierons deux approches de la réunification par deux partis politiques.
A· GENFSE ET EVOLUTION DU MQlNEMENT DE lA REUNIFICATION
DE PART ET D'AUIRE DU MUNGO 96
Une rermarque préliminaire - mais fondamentale - guidera nos investigations. Aucune
partie du pays ne peut se vanter d'a\\-Uir lancé ce mouvement. Tant au Cameroun britannique
qu'au Cameroun français, simultanément, le besoin de s'unir a été ressenti et s'est manifesté.
9S \\Villard (R) .Idm!œ : The Carnerooo tèderatiœ political inlepœ in a fragmanary society. PrmcetoYm University Press • P r m - .
New·Jeney, 1970 pp 1\\ 6 et sa
96 Daormaia. depuia 1972 MlIIISO es. deValU MoœSO

L'&lCpéIIl!tle8 du fédéralisme camerounaIS: les causes et les enseognements d'un échec
30
A Lagos au Nigéria, à l'image du Mouvement de la JetD'1esse Nigériane, quelques hauts
fonctiormaires d'origine camerOl.maise créèrent en 1930 la Ugue des Jeunes Camerounais.
Un groupe de jeunes camerOl.mais anglophones qui travaillaient à Lagos et à Enugu fco:ia un
autre mouvement : l'Union Fédérale du Cameroun. A l'observation, on remarquera ~ la
question territoriale préoccupait les deux formations. Mais initialement, leurs exigences (dairesl
portaient sur lD1e grande autonomie politique, au moins en ce qui concernait le Camermm
méridional. De temps à autre, les deux mouvements demandaient une harmonisation
administrative entre le Camerotm septentrional et le Cameroun méridional, mais, ils n'awient
jamais posé clairement le problème d'une organisation pan-camerounaise. Pendant ce temps,
la JelD1esse camerounaise, créée depuis 1933 au Cameroun français, mais fonctiormant dans
la clandestinité, s'interrogeait sur la possibilité d'unir les territoires par la création d'lD1
condominiwn franccrbritannique. L'objectif envisagé par les camerounais français était de se
mélanger à leurs frères anglophones habitués aux pratiques syndicales. Malheureusement,
cette idée s'envola avec l'accession d'Hitler au pouvoir en Allemagne. Le Mouvement de la
Jeunesse CamerolD1aise, noyauté par les français, se transforma en JelD1esse Française
CamerolD1aise (JEUCAFRA), hostile à l'Allemagne. Dès lors, l'idéal d'unification fut refroidi.
Mais pas pour longtemps. Des cendres de ce mouvement, par scission progressive, sortira en
1948, l'Union des Populations du Cameroun (UPCI, la première organisation poIiIique
véritablement nationale au CamerolD1 français. n faut pourtant déplorer l'absence des
représentations anglophones au sein de ce parti d'avant-garde.
Selon W. Johnson, "jaloux de leur pouvoir et soucieux de leur autonomie, les leaders
politiques des deux rives du MlD1go craignaient d'être noyés soit pour les uns dans les
institutions nigérianes, soit pour les autres dans l'union française". Toutefois, il se créa au
CamerolD1 britannique un mouvement qui se voulait fédéral et qui avait pour nom "Cameroons
National Federation (CNF)"97. Parmi ses membres, figuraient des francophones vivant en zone
britannique. C'est à cette organisation que revient le mérite d'avoir formulé le premier, par
écrit, le souhait de la réunification du Cameroun. Les résolutions du CNF
tournaient
spécialement sur les difficultés occasiormées par cette frontière au sein du même territoire. Le
CNF recommanda l'adoption immédiate de l'idée de réunification.
De plus en plus, on devait assister à l'avènement de mouvements (on peut même déjà
parler de partis) pan-camerounais. Leurs efforts inlassables porteront des fruits. Un des
facteurs qui ont stimulé et facilité la coopération et la coordination entre les leaders politiques
des deux territoires fut la présence au Cameroun méridional d'une forte communauté
d'émigrés francophones. Ceux-ci exerçaient des pressions sur leurs chefs dans le sens du
rapprochement entre anglophones et francophones. Ces derniers installés au Cameroun
britannique, comptèrent parmi leurs chefs R. Jabea Dibongue, patriote attachant ayant eu le
privilège de mener une carrière administrative tant au Cameroun britannique qu'au CanteIOlD1
français. Dès qu'il interrompit sa retraite à Douala pour se rendre à Buéa en 1947, Dibongue
se mit à collaborer avec le FCWU. Aussitôt qu'il prit la tête de cette organisation (FCWU),
Dibongue s'allia à Mbile pour organiser une conférence sur le thème de la rétmificatïon en
aoQt 1951 à Kwnba. L'UPC fut représentée à cette rencontre par Ernest Ouandié et Abel
Kingue. Toujours en quête d'tmification, de la conférence de Kwnba devait mu1re une autre
formation politique : le "Kamenm United National Congres (KUNC). Son premier Président
fut encore Dibongue et son Secrétaire Général Mbile. Les relations du KUNC et de l'UPC ont
eu des conséquences heureuses sur l'évolution du mouvement de la rétmification. Toutefois,
chose normale au demeurant, l'action du "KUNC",surtout celle de son comité exécutif,
n'échappait pas aux critiques.
91 La traduaiœ fronç:aiae dœncnil La Fédénd.iœ N3liœale des Cameroun

L'expétletlce du fédéralisme cameroul\\lllll : les causes et les enseignements d'un échec
32
frontière sera à tout jamais maintenue entre nos deux territoires. En 1961, le plébiscite du
mois de février donnera partiellement raison à l'UPc.
2. Par-delà les frontières, l'UPC allait tenter de mettre en application l'article premier
de ses statuts, c'est-à-dire "grouper et unir les habitants du territoire". C'est dans ce sens qu'il
faut interpréter la déclaration commlD1e faite par les représentants des deux mouvements
nationaux camerolD1ais O'UPC et le KUNC). C'était le vendredi 22 août 1952. La composition
des délégations était la suivante :
a) Pour le "Kamenm United National Congress"
MM
Dibongue Jabea
President of the Kamerun Urnted National Congress
Ayissi Lucas
Area President of the French (Cameroons Welfare
Union (Tdm)
Tante Coffie Frederic Area President of the Kamerun Urnted National
Congress (Bko)
b) Pour l'Union des Populations du Cameroun
MM
Um Nyobe Ruben
Secrétaire Général de l'UPC
Kingue Abel
Membre du Comité Directeur de l'UPC
Directeur Gérant de l'organe d'expression du Parti
(La Voix du Cameroun)
Les deux formations ont d'abord manifesté le voeu de créer, en dehors des
mouvements existants, un organisme de coordination qui aurait pour nom '1e Comité de
l'Unité Camerounaise", soit en anglais "Kamerun United National Committee". Explicitement,
s'agissant de l'unification, les deux mouvements ont précornsé les deux attitudes suivantes :
Les représentants des deux mouvements s'engagent à procéder à une éhxle
approfondie sur la question de l'unification et à présenter au futur congrès pan-camerolUlais
des propositions devant contribuer à l'élaboration d'une pétition commune sur la question de
l'unification, dont le texte sera remis à la mission d'enquête de l'Organisation des Nations
Urnes.
Les signataires de la présente déclaration estiment que pour l'efficacité de la défense
des revendications nationales du peuple camerounais, il est indispensable de faooriser la
coopération plus étroite entre les deux mouvements nationaux. Ds émettent le voeu de ooir se
réaliser dans le plus bref délai la création d'un Comité Exécutif de l'unité camerounaise dont le
principe a été admis au congrès tenu à Kumba du 14 au 17 septembre 1952.
Ce projet paJ}--(;affierounais commlD1autaire sera repris par l'UPC dans une tentative de
systématisation totale. Le Secrétaire Général de l'UPC exposera d'abord l'environnement de
l'unification (3) avant de répondre ensuite aux questions soulevées par l'unification (4).
Au congrès de Kumba, Um Nyobe traitera d'abord de la division arbitraire du
CamerolD1 avant d'aborder le problème camerolD1ais aux Nations-Unies.
a) La division arbitraire du Cameroun
Sous l'administration allemande, le Cameroun était un vaste pays s'étendant de la
frontière nigériane jusqu'à lD1e certaine profondeur de l'actuel Oubangui-Chari. A la suite de la
guerre de 1914-1918, la Société des Nations divisa le pays en deux parties. Une partie fut

L'expéllellc:e du fédénlüsme camerounais: les causes et les ensetgnements d'un échec
33
confiée sous fonne de pays sous-mandat à la France et l'autre à la Grande-Bretagne. Hs'agit là
d'lm acte des plus injustes et des plus arbitraires. Le Secrétaire Général continue : Le
Camerolm n'ayant déclaré la guerre à aUClm Etat, ne devait par conséquent être déclaré
vaincu de cette guerre. L'AlJemagne, pays vaincu, ne fut pas divisée. La divisan en deux: zones
est très préjudiciable à notre pays. Après la guerre de 1939, le problème des anciennes
possessions allemandes a été posé devant les Nations-Unies.
b) Les Nations-Unies et le problème camerounais
Pour Um Nyobe, les accords internationaux conclus au cours de la guerre et après la
guerre, constituaient autant de raisons d'espoir pour les peuples. La Charte des Nations-Unies
élaborée à San Francisco en 1945 créa lm régime international de tutelle appelé à remplacer
le régime des mandats. Le 13 décembre 1946 notre pays a été placé sous tutene de l'ONU.
La France et la Grande-Bretagne furent désignées comme "autorités chargées de
l'administration". Le progrès incontestable que représente le régime de tutene par rapport à
celui des mandats se trouve remis en cause par le jeu de la division du pays en deux zones, lme
zone dite française, l' autre dite anglaise. On se trouve ainsi devant le paradoxe d'lm régime
qui a pour but de famr1ser l'accession du pays à son autonomie et à son indépendance et qui,
en même temps maintient le pays sous l'administration dè deux nations qui ont créé lme
frontière artificiene et arbitraire à l'intérieur du pays, avec lme certaine rigueur administrative
qui fait obstacle à la libre circulation des habitants... Ces derniers sont en effet soumis à deux
polices: 1'lD1e frontalière dont l'application est parfois abusive et l'autre douanière qui reste
intégrale... Le risque qU'lm jour lm camerounais soit considéré comme étranger dans son
propre pays n'est pas à écarter. C'est pour exorciser lme tene éventualité que différentes
pétitions relatives à la question de l'lD1ification ont été remises à la mission du conseil de
tuteDe, en visite au Camerolm en 1949. Dans lme réponse mensongère, le représentant du
gouvernement français a déclaré que très peu de camerotmais étaient intéressés à cette
question d'unification. Le Comité Directeur de l'UPC a élevé lme protestation indignée contre
cette fausse assertion. Pour ce parti, les réclamations à l'ONU ne cesseront que lorsque
l'autorité administrante aura fait lme promesse fenne sur la question d'urùfication et sur la
fixation d'lm délai pour l'accession du pays à l'indépendance.
S'agissant du problème camerolmais aux Nations-Unies, Um Nyobe s'emporte contre
Douala Manga Ben et Louis Paul Aujoulat, tous deux députés qui n'ont pas su faire de la
réunification des deux territoires, lme condition préalable à la conclusion des accords de tutelle
sur le Camerolm. Leur représentativité étant douteuse dans le pays, Um Nyobe leur déniait la
qualité de mandataires du peuple camerounais. Toutefois, le Secrétaire Général de L'UPC
reste confiant en l'ONU dont la Charte de San Francisco, en instituant lm régime international
de tutelle, a \\UUlu mettre en pratique le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Qu'en est-il de l'unification stricto sensu?
4.Um Nyobe répond aux questions soulevées par l'unification. Voici les quatre
questions que s'est posé le leader de l'UPC
al L'unification est-elle possible?
bl L'unification est-ene contraire à l'intérêt des populations ?
cl L'UPe est-elle qualifjée pour poser le problème de l'unification?
dl Qui s'oppose à l'unification et pourquoi?
La réponse à la première question est affinnative. La division elle-même est artificielle
et ne repose sur al.lCl.Ule raison sérieuse. L'on peut supprimer la douane comme cela
commence à se faire et établir lme seule administration, établir lD1e Assemblée législative

L'expéiiilnce du ~ camerounaJ8 : les C8US8S et les ensetgnernenls d'un échec
camerounaise (est-ce ici la justification diffuse du futur monocaméralisme fédéral ?),étendre les
institutions élues à trawrs le pays et installer un conseil de gouwmement à composition mixte
awc une majorité de camerounais (cette dernière condition va à l'encontre de la thèse de
l'extrémisme racial qui a été exploité contre le mouvement), on peut, partant de là, fixer un
délai pour l'accession du Cameroun à l'indépendance. Ces mesures sont possibles et
réalisables. Seuls les colonialistes, dans leur logique basée sur l'exploitation coloniale et
l'oppression des peuples, jugent ce programme irréalisable.
A la question de savoir si l'unification est contraire à l'intérêt des populations
camerounaises, la réponse est négatiw. L'w1ification n'est nullement contraire à l'intérêt des
populations du Cameroun. A ceux qui disent que la suppression de la frontière équivaudrait à
une diminution des recettes budgétaires et occasionnerait la fraude commerciale par les
grosses maisons, Um Nyobé répond ; "Nous ne demandons pas la suppression de la frontière
pour maintenir deux administrations dans le pays. n faut supprimer la frontière, créer un
budget général du Cameroun qui bénéficierait des recettes douanières du Cameroun, qu'elles
soient perçues à Victoria ou à Kribi, à la frontière nigériane ou à la frontière gabonaise". Le
leader de l'UPC croit que l'unification permettrait au contraire l'augmentation des recettes
douanières, awc une participation plus effectiw des camerounais à la gestion des affaires de
leur pays ; la rentrée de ces recettes sera plus contrôlée au profit des nationaux. Selon Um
nyobe, dire que l'unification amènerait du retard à notre évolution reviendrait à dire que le
"soleil amènerait les ténèbres et la nuit la lumière".
L'UPC revendiquait également l'enseignement des deux langues, le français et l'anglais
(mais, selon quelles modalités ?). Tout démontrerait clairement selon Um Nyobe que
l'w1ification est au profit des populations du Cameroun.
S'agissant de savoir si l'UPC est qualifiée pour poser la question de l'unification, le
Secrétaire Général de l'Union des Populations du Cameroun répond également par
l'affirmatiw. ndéclare détenir en sa possession assez de preuws pour conclure que la masse
camerounaise reconnaIl l'UPC comme la seule organisation capable de défendre les intérêts
supérieurs du pays (même si Um Nyobe cite les consultations électorales à l'appui de cette
dernière thèse, qu'il nous soit permis de ne pas souscrire sans réserw à ce jugement notre
doute se base sur l'état artisanal de tout instrument d'estimation). Procès vain d'ailleurs que
celui que nous voulions intenter à l'UPC dans la mesure où le mouvement n'a pas la
prétention d'être la seule organisation devant conduire le pays wrs l'indépendance. L'UPC
s'estime également qualifiée pour poser le problème de l'unification car seule elle prend les
contacts utiles awc nos frères du Cameroun sous administration anglaise. C'est donc en
fonction de son expérience et non pas d'une quelconque volonté dictatoriale que \\'UPC s'est
trouvée à la tête de la lutte pour l'unification. Justement, à cette fin, l'UPC rédigera une
pétition populaire sur la question de l'unification à soumettre à la signature de l'ensemble de la
population camerounaise.
Enfin, qui s'oppose à l'unification? Et pour quelles raisons ? A l'évidence, avance Um
Nyobe, les colonialistes ne peuwnt admettre l'w1ification. L'hnpérialisme anglais exploite une
partie du Cameroun, l'hnpérialisme français l'autre. L'un et l'autre savent que l'unification
consisterait à un premier pas wrs l'indépendance et cela, ils n'en wulent pas. C'est donc pour
des raisons d'exploitation coloniale que les puissances dominantes s'opposent à l'unification. A
la recherche de faux prétextes, le Délégué du Gouvernement français a déclaré en 1950 que
seules les populations frontalières s'étaient intéressées à la question d'unification alors que tous
les camerounais dignes de ce nom réclamaient la réunification de leur pays. la France,
par personnes interposées, en parituculier les traîtres de l'ESOCAM, manifestera toujours son
hostilité à
l'unification.
la Grande-Bretagne n'agit pas autrement. Par sa politique
d'assimilation, elle cherche subtilement à intégrer la partie du territoire qu'eUe administre dans
son Commonwealth. C'est dans cet ordre d'idées que la Cameroun britannique dépend du

L'expérience du fédéralisme camerounaIS: les cauces et les enseignement d'un échec
15
Nigéria du point de vue administratif et législatif. L'explication de l'UPC est aussi claire que
son programme. Les responsabilités sont établies. S'il n'y a pas d'unification immédiate au
Cameroun, c'est à la France qu'il faut s'en prendre. Cette dernière pouvait-eUe supporter
indifféremment cet affront, cette insolence? Fort de l'expérience de Dien Bien Phu, l'UPC
sentira que le "géant colonial" n'a que des pieds d'argile. De la violence verbale à la violence
tout court, il n'y eut qu'un pas vite franchi.
L'Administration (Paris) exploitera les événements sanglants de mai 1955 pour régler
ses comptes à l'UPC. Par décret du 13 juillet 1955 proposé par M. P. Teitgen, l'UPC fut
dissoute sous le Haut-Commissaire de M. Roland Pré. Cette mesure, prise dans l'ignorance du
statut particulier du Cameroun qui était, selon l'article 60 de la Constitution du 27 octobre
1946, un territoire associé51 a entraîné l'UPC dans une clandestinité active. Contre toute
attente de la part du Haut-Commissaire, ce parti a bénéficié d'un label de martyr, toujours
plaint par la population. La popularité du mouvement n'a donc pas été entamée. Mais à partir
de 1955, c'est d'autres formations politiques qui s'exprimeront davantage sur le problème de
la réunification. Mais l'essentiel avait été fait - ou dit - par l'UPc. Dne faut pas oublier que dès
1954, le Cameroun méridional bénéficiait d'un statut d'autonomie, de quasi-fédéralisme dans
la Constitution nigériane de Lytteltone. Ici encore, les faits prouveront que les calculs de la
Grande-Bretagne ont échoué.
En accordant ce statut de faveur au Cameroun Occidental, la Grande-Bretagne pensait
briser les tendances à la réunification qui se développaient dans le pays. La puissance
administrante était soutenue par Endeley, fervent défenseur du rattachement au Nigéria.
Comme on le verra, c'est malheureusement (pour la Grande-Bretagne) Buéa qui choisira de se
rattacher à Yaowxlé où un parti réactionnaire tentait - tant bien que mal, surtout mal - de
reprerxire à son compte le programme de l'UPC en matière de réunification.
L1lNŒICATION DANS lE PROGRAMME DU BDC
Le Bloc Démocratique Camerounais52 est créé en 1951 par le Docteur Aujoulat, une
espèce de missionnaire civil, fondateur de l'Institution hospitalière "ad lucem". Homme
politique camerouno-français qui représentait les Noirs au Palais Bourbon et contre qui s'était
insurgé Um Nyobe. Avec un programme fort démagogique, il sera battu aux élections du 2
janvier 1956.Le programme de son parti - tel qu'il découle d'un manifeste publié en 1955
s'intitule : "L'heure du choix a sonné". S'agira-t-il d'un choix révolutionnaire? A la lecture des
titres, on est tenté de répondre par l'affirmative. Mais qu'en est-il en réalité? S'inspirant de la
formulation de l'UPC, le célèbre médecin pose clairement le problème de l'unification en trois
points apparemment précis.
1. L'unification est-eUe possible?
2. Cette unification est-elle souhaitable?
3. Comment la concevoir?
51 Le bureau de 1'Ul'C élu au 2è congrès du Mouvemmt" Esékales 28-JO/9/1952 étail ~ comme suil :
Président
Moumié FéUx
Yiee-,>résidents
Abel Kinguè
Ouandié Ernest
Scaétaire GàJéral
Um Nyobè
Tréaorier GàJéral
Kamsi
Art. 60 à 62 de la Comtitution de 1946 relatiiil à l'l'nion française
52 Zang Alangana : "Les partis politiques camerounais". in Recueil Penanl Dowine jwisprudence-Iegislalion d'Outre-Mer. Sin.-y. n" 684
déœmbre 1960 pp 695 et 58

L'expérience du fédéralisme cameroull8lS : les cauces et les enseignement d'un échec
36
1. L'unification est-elle possible?
Si l'on se refère aux accords de Melle, il nous est loisible de constater que la question
de l'unification ne peut juridiquement et valablement être posée à l'échelon local. Son
aboutissement est subordonné à la révision des accords de tutelle sur le Camero\\D1 dans les
conditions prévues par l'article 79 de la Charte des Nations-Unies. fis supposent à la fois une
prise de position et de la France, et de la Grande-Bretagne, la conclusion d'une entente entre
les deux nations Mrices et la présentation d'lm accord devant l'Organisation des Nations-
Unies. C'est donc à la fois dans le cadre de l'ONU et sur le plan d'une entente franco-
britanrùque que pour l'instant le problème pourrait être résolu. Aussi, certains obselVateurs
n'hésitent-ils pas à déclarer qu'il s'agit, en l'occurence d'un problème soulevé prématurément,
et en quelque sorte d'lm faux problème qui ne pourrait trouver sa solution réelle qu'avec la
transformation du régime de Melle et spécialement dans la perspective d'lme éoolution des
deux Camero\\D1 vers leur autonomie. Pour éviter lme situation qui ne profitera ni au
Camerolm, ni à ses Meurs, nous souhaitons, quant à nous, la rél.Dlification avant
l'indépendance, à moins cependant que les deux interviennent en mème temps et au profit des
deux zones à la fois.
Si l'on peut s'arrêter sur le point de saooir à quel moment devra intervenir
l'indépendance, il en est autrement ici. La ligne de démarcatioo n'a pas été conçue à partir
d'lme quelconque donnée rationnelle. Aucun impératif sérieux ne l'a motivé. En conséquence,
rien ne peut s'opposer à ce qU'lm pays qui a été entier il y a quarante (40) ans, ne puisse l'être
aujourd'hui même. La rél.Dlification est donc à revendiquer tout de suite. Le seul problème
valable est celui de saooir queUe sera la puissance tutrice du CameroWl \\D1e fois réunifié. A
cela, nous répondons qu'il appartiendra aux camerounais eux-mêmes de le détenniner.
Quant aux moyens pratiques à mettre en oeuvre pour obtenir cette réunification, ils
sont de deux ordres :
a) s'adresser directement aux puissances Mrices pour leur demander la révision des
accords de tutelle sur ce point
b) saisir l'Organisation Internationale à ce sujet par les moyens réglementaires que
préooient les accords de tutelle.
2. Cette unification est-elle souhaitable?
FJIe ne peut l'être que dans la mesure où elle nous apporte quelque avantage. Les
camero\\D1ais pensent oolontiers que ce problème de l'unification se situe au premier plan du
cadre de la procédure à suivre pour aboutir tôt ou tard au self-govemment,c'est-à-dire à
l'autonomie,
étape
sans
laquelle
le
Camero\\D1
ne
pourrait
valablement
contracter
d'engagement librement consenti. L'unification apparaJl donc à beaucoup nécessaire dans la
mesure où elle peut consolider la position future du Camero\\D1 vis-à-vis de l'Union française
ensuite.
L'unificatoin apparaît également nécessaire parce que morcellement arbitraire du
territoire cameTOlmais soulève une question ethnique qui ne peut être négligée. La frontière
d'entre les deux Carnero\\D1, toute natureIle qu'eUe soit (montagne ou cours d'eau) ne constitue
pas moins \\D1 sérieux handicap pour les populations bamiléké, bamO\\D1, bakouéri et soukou
qui se sont vues scinder en groupes d'administrés français et britanniques au détriment de leur
organisation tribale et ancestrale. Du reste, il faut constater que ce sont toujours les mêmes
tribus qui peuplent les deux rives d'lm fleuve ou les versants d'une montagne et qu'en définitiw
il n'y a guère au monde de frontières véritablement naturelles.

37
Du point de vue économique, l'unification rt!IIIbit à un Cameroun total ses riches
provinces de l'Ouest où croissent les bananiers, les héWas et tant d'autres cultures riches, bien
connues dans la région du Mungo. La partie sud du Cameroun anglais est-eDe autre chose que
la continuation de la région du Mungo ? Par aillews, les ports de Tiko et Victoria ajouteraient
à l'activité économique du territoire avec leur trafic bananier et leurs services de cabotage.
L'unification du Cameroun est également un facteur de sécurité que nous dewns
considérer à sa juste valeur. Car, d'une part, l'espace crée par défirùtion un plus grand
périmètre de sécurité, d'autre part, l'acquisition des deux versants de notre chaîne de
montagnes de l'Ouest nous rendrait les sonunets du Monl Cameroun, du Koupé et du Nlonako
qui sont des obsetVatoires précieux. Une autre raison, non moins importante, est que si nous
renoncions à cette jonction du Cameroun britannique et du Cameroun français, les nigérians
auront tôt fait de s'en emparer.
Enfin, nous de\\OllS revendiquer l'unification du Cameroun pour une question de
principe. Une terre morcelée à la suite d'une guerre a le droit de prétendre à sa réunification.
Après la guerre de 1911-1918, nous pensions qu'il n'existerait qu'une simple ligne de
démarcation entre les troupes anglaises venues de l'Ouest et les troupes françaises venues de
l'Est et du Sud. Nous n'avions jamais conçu que notre pays; délimité par les explorateurs
allemands soit définitivement scindé en deux sans au::une consultation des populations
intéressées.
3. Comment concevoir cette UIÛfication ?
Nous disons en définitive
que dans la mesure où l'unification des deux
Cameroun peut être envisagée dès maintenant et avant toute modification des statuts
respectifs de ces deux territoires sous tutelle, nous ~ l'unification du Camerotm dès
à présent et son placement sous tutelle unique. Aucun obstacle majeur ne s'oppose, nous
semble-t-ü à cette formule.
La diversité des dialectes et des tribus dont on parle si souvent quand on énonce les
questions africaines ne peut avoir d'importance que pour ceux qui veulent l'exploiter. Cette
diversité existant même au sein du Cameroun français n'a nullement empêché nos tutews de
nous administrer par une même formule depuis nos régUlS côtières jusqu'au nord du Chari.
Par ailleurs, la question des langues anglaise et française pariées de part et d'autre de la limite
entre les deux Cameroun ne peut guère nous inquiéter. B existe actuellement, aussi bien en
zone anglaise qu'en zone française des établissements secondaires qui enseignent les deux
langues. Si bien que le camerOlmais, sujet anglais, n'est guète embarrassé lorsqu'ü traverse la
frontière, et inversément. Qui plus est, certains sujets du Cameroun français vont faire leurs
études en zone anglaise et vice-versa. Quant aux méthodes d'administration anglaise et
française, eUes ne représentent pas un obstacle, même si eI1es ne sont pas exactement
identiques. D n'y a pour s'en ccnvaincre que de c:ons&ttea le rapprochement politique et
cuhurel qui se produit actuellement entre les deux métlopdes.
Enfin, le Cameroun français, quatre fois phJs gr.nI et trois fois plus peuplé que le
Cameroun britannique, qui ne saurait s'opposer à fmification de notre pays, doit
normalement absorber les éléments de culture britannique.
Cette analyse pénétrante trahit par moment les pléoccupations coloniales de 5(lIl
auteur: d'une part, dans le texte, M. Aujoulat pense qœ le problème de l'lD1ifieation ne saurait
trouver de solution au plan local, c'est-à-dire par les indigènes. Evidemment, c'est à la France,
à la Grande-Bretagne et à l'ONU de trouver des solutions.. 1 cherche également à sawir queJle
serait la puissance tutrice au cas où se réaliserait la ri>tn&ation. D'autre part, contrairement à

L'expérience du fédéralisme camerounaIS: les cauces elles enseignement d'un échec
38
Um Nyobe qui pensait que la réunification était Wl prélude à l'indépendance, Aujoulat rejette
['indépendance dans Wl avenir hypothétique. II lui préfère l'autonomie: "Ce nationalisme est
non seulement permis, mais il est sain. Dnous conduit non pas à souhaiter cette indépendance
trompeuse parce qu'elle risque d'être vide, mais Wle indépendance plus sûre: l'autonomie qui
est Wle situation politique précise, dans laquelle Wl pays a la possibilité de s'administrer lui-
même avec son parlement, avec son gouvernement, avec son administration, mais aussi avec
le maintien d'Wl lien et d'Wle association à des pays plus développés, plus riches qui puissent
continuer à lui venir en aide. C'est là ce que l'on appelle l'indépendance". Les nationalistes ne
pouvaient entendre ce son de cloche réactionnaire. La sanction ne se fera pas attendre:
Aujoulat perdra son mandat de député.
On signalera également pour mémoire, Wl minuscule mouvement du nom de Comité
pour la RéWlification du CameroWl (CORECA). Faute de renseignements à son propos, nous
n'en dirons rien.
Au bout de ce périple à la recherche de l'idée de réunification, nous avons d'abord
observi! le théâtre des opérations (Wl territoire qui s'est constitué et s'est défait
progressivement). Nous avons ensuite présenté les acteurs, leur rôle a été à la dimension de
leur degré de nationalisme. Justice aura été rendue à l'UPC qui a' voulu la réWlification et s'est
dormée les moyens de la réaliser ; parmi ceux-ci, l'association avec les formations du
CameroWl Occidental et la rigueur de son programme, l'analyse objective de la situation. Dès
lors, malgré sa dissolution et la création des partis "administratifs", l'idée de la réWlification
était lancée et faisait son "petit bonhomme de chemin". S'il ne fait pas de doute que l'UPC a
voulu réaliser l'unité territoriale, ce que l'on ne peut ~as avoir, c'est la forme que devait revêtir
cette entreprise vaguement appelée unité nationales Mais déjà, les Nations-Unies songeaient
à interroger les populations sur cet épineux problème qui les concernait au premier chef. En
effet, le droit de libre disposition,tel qu'il est consacré par la Charte, concerne les populations
qui, comme celles des territoires non autonomes, constituent des fractions au sein des Etats
existants, c'est-à·dire des "peuples" au sein habituel du termeS4 Tous les autonomistes et les
opposants à la réWlilication avec le CameroWl français peuvent se revendiquer de cette
tendance. A l'inverse, H. Kelsen a soutenu que le "principe de l'égalité de droit des peuples et
de leur droit à disposer d'eux-mêmes" concernait non les "peuples" mais les "Etats" et qu'il
équivalait au principe de 'Tégalité souveraine". Cette école mécormaît auxpeuples le droit de
faire sécession et d'accéder à l'indépendance. Les opposants à la colonisation, ont soutenu
cette dernière interprétation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. A notre avis, la
dernière interprétation semble la plus plausible d'autant plus que nous ne pensons pas que
l'ONU ait recherché à accentuer le morcellement des territoires exigus des Etats naissants.
Comme on le remarquera, l'Assemblée Générale des Nations-Unies assimilera "droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes à l'indépendance". C'est dans cet ordre d'idées qu'eUe
décidera par sa résolution du 5 décembre 1958 de reprendre sa troisième session, le 20
février, à la seule fin d'examiner la question de l'avenir des territoires sous-tutelle du CameroWl
sous administration française et du CameroWl sous administration du Royaume-Uni5S. En
février/mars 1959, en application de sa résolution précédente, s'ouvre à l'ONU Wle session
extraordinaire consacrée exclusivement au CameroWl.
S'agissant du
CameroWl sous
administration française, en dépit des positions soutenues par l'UPC, l'Assemblée Générale
adopta la résolution dite du 13 mars 1959 qui mettait fin à l'accord de tutelle du 13 décembre
1946. f]e préconisait l'accessiondu territoire à l'indépendance pour le 1er janvier 1960.A
l'inverse, ce ne fut qu'à la suite de deux plébiscites que la levée de la tutelle internationale
13 L'unité nlliœale """arait comme Ime tarte à la crème dana la mesure où toutes les formations politiques s'en réclamaient
14 Guilaudis (Jean.François) ; Le Droit des peuples à d i _ d'eux-mèmes, Presse Univenitaire. Grenoble 1976 p. 167
Il TelC1e de la ..esolutiœ tnitant de l'avenir des territoires sous tuteUe du Cameroun. cr iIIIIIexe

L'expénence du fédéralisme camerounais: les cauces et les enseignement d'un échec
devint effective en 1961 sur le Cameroun sous administration britannique. Elle consacrait
l'évolution divergente de la partie Nord et de la partie Sud de ce territoire. Pour plus de
précision, voici la présentatin du Cameroun sous administration britannique à la veûle des
plébiscites (cf figure 6).
SECTION II
LESCONSùLTATIONSPOPUUURESPOUR
lA REUNIFICATION
On s'efforcera de rechercher les raisons du recours aux plébiscites uniquement pour
cette partie du territoire ($1). Pour ce faire. nous analyserons successivement le plébiscite de
1959 ($2) et celui de 1961 ($3). Ce dernier a été de loin le plus important pour notre
démonstration, car ses résultats consacreront à tout jamais l'amputation du territoire
camerounais.
PIRAIUPHE 1: l'OPP8mllm D1I11E DOUILE CO.IlllnOIi :lES
RAlSOIIS DU IECaUa AU PlEIlSCm IIIIS LE SOL
CAMERIUII saus IDMIIIISTRAnIIIBIT_UlIE n
l'lnnlDE DES PAmS POunQIES IllllOPHllIES

Ces justifications, peu nombreuses, s'agissant du Cameroun septentrional (A) vont
réanimer les querelles entre les formations politiques du Cameroun méridional (B).
A - DES BAISIONS INSUFFJSANTES POURllN pl F81SCl'lE
SECTORIAUSE"
En fin d'année 1958, une mission de visite se rend au Cameroun. Elle remet à l'ONU
un rapport dans lequel la Mission estimait qu'ü fallait dissocier le sort du Cameroun
septentrional de celui du Cameroun méridional à cause des différences historiques et
sociologiques qui en faisaient des entités distinctes. Appelée à se prononcer sur la méthode de
consultation des populations qui devrait être adoptée pour décider de l'avenir du territoire
sous-Melle, la Mission exprima l'avis que les populations des deux régions devraient être
consultées séparément. C'est ici le début de la faille. Pourquoi une consultation séparée pour le
même territoire? Pis encore, la Mission soutint que les populations du Nord étaient favorables
à leur intégration définitive dans la Fédération du Nigéria. Cette affirmation sera contredite par
les électeurs lors du plébiscite de 1959.
B - 1ES DIVfBGENCES ENfBE IFS FORMATIONS POIIDOUES COMME
PRETEXtE A L'ORGANISATION D'UN pl FRISCl'IE AU CAMEROUN
MERIDIONAL

Pour cette partie du territoire, la Mission fit remarquer que les dernières élections du
24 janvier 1958 avaient abouti à une alternance au sein de l'Assemblée législative. Un regard
rétrospectif porté sur l'année 1957 nous révèle les idées des principaux partis sur l'avenir du
Cameroun sous administration britannique :

Fi g : 6
CAMEROUN
SOUS
ADMINISTRATlûN
BR/TANlQUE
A
LA
VEILLE
DES
PLE81 SCI TE S
Cameroun
Sept e ntri onal
PROVINCE
DU
BORNOU
1 N GALA
2 DIKWA
.i RAN N
4!:lALGE
5GUMSU
6 GUlUM8A
7 YAI3IRI' WOlOJE
8 BAMA
9 GWOZA
PROVINCE
DE
L'ADAMAOL;A
10
MAOAGALI
Il
CUBU NAWA
12
USA
13
MUBI
14
MAI HA
15
HO LMA
16
ZUMMO
17
BELEL
18
VERRE
19
CHAt-IBA
20
TOUNGO
21
GASHAKA
22
MAMBI LLA
PROVINCE
DE
LA
B ENOUE
<:>
23
NDORO
24
TI GON
25
KENTU
Cameroun
Méridional
DIVISIONS
26 NKAMBE
27 WUM
7.a 13AMENOA
29 MAMFE
30
KUMBA
31
VICTORIA
o
50
100
150
KILOMETRES
Limit.
d'
<\\;\\1
Lîmitc dt:
province
Lir'l'!Îtc
de division
Limil.
d. district

L'Ellq)éfience du fédéralisme camerounais: les cauces elles ensetgnement d'un échec
~o
- le Kamerun National Congress se déclare en faveur de l'autonomie
- le Kamerun People's Party s'est prononcé pour le statu quo, c'est-à-dire
l'association avec le Nigéria
- le Kamerun National Democratic Party souhaite une unification avec le Cameroun 56
Telles sont ces positions différentes ; le gouvernement est formé de la coalition du
KNC et du KPP (fndeley),tandis que le KNDP (Foncha) constitue l'opposition. Or, avec la
défection de Muna dans les rangs d'Endeley, la coalition gouvernementale va éclater.
Désormais, c'est Foncha qui formera le gouvernement. La Mission en conclut donc que la
faible majorité dont dispose le gouvernement (14 voix contre 12 à l'opposition) ne peut être
décisive en ce qui concerne l'avenir du Cameroun méridional. n faut donc, selon eUe, un sursis
pour dégager véritablement les options soit en faveur du rattachement avec le Nigéria, soit en
faveur de l'association avec le Cameroun, A cet effet, la Mission préconisa l'organisation
ultérieure d'un plébiscite pour trancher les questions fondamentales. Avec le recul nécessaire,
on peut se demander si les observations de cette Mission étaient toujours objectives. n est
permis d'en douter quand nous pensons qu'eUe a préconisé la tenue d'un plébiscite tout
simplement à cause d'un changement de majorité au Nigéria. Jouait-elle le temps ? Toujours
est-il que pour le Cameroun septentrional, conformément à ses (il s'agit de la Mission)
recommandations, le représentant du Royaume-Uni et le Ministre pour les affaires du Nord
Cameroun dans le gouvernement du Nigéria reconnurent l'intégration du Cameroun
septentrional dans le Nigéria.
Devant la quatrième Commission de l'Assemblée Générale Foncha, Premier Ministre,
proposa un plan qui fut aussitôt critiqué par Endeley, leader de l'opposition et partisan de
l'intégration du Cameroun Occidental dans le Nigéria. En susbstance, le programme du
Prenùer Ministre comportait trois points :
- séparation de Buéa du Nigéria avant l'accession de cette dernière à
l'indépendance en 1960
- maintien pendant une courte durée du régime de Melle sur le territoire
considéré comme une entité distincte
- examen de la possibilité d'une fédération avec le Cameroun sous adminis-
tration française.
Dans cette atmosphère, l'Assemblée Générale décida le 13 mars de la tenue de deux
plébiscites séparés dans les parties Nord et Sud du Cameroun sous administration britannique.
Ble demanda à Endeley et à Foncha d'établir les modalités de déroulement de cette
consultation. ns devaient trouver les questions à poser et fixer les qualifications requises pour
voter. A la conférence de Bamenda, aucun terrain d'entente n'est trouvé entre les deux
protagonistes. Toutefois, par une résolution du 16 octobre 1959, un compromis en quatre
points fut établi à New-York sur l'organisation d'un plébiscite entre Endeley et Foncha :
1. un plébiscite devait avoir lieu au plus tard en mars 1961
2. les questions à poser devaient laisser un choix très net entre une association
avec le Nigéria ou avec la République du Cameroun
3. la séparation administrative d'avec la Fédération du Nigéria aurait lieu au
plus tard le 1er octobre 1960
4. seules les personnes nées au Cameroun méridional ou celles dont les
parents étaient nés auraient le droit de voter lors du plébiscite.
Jusqu'à ce niveau du raisonnement, et plus tard aussi, c'est l'Assemblée Générale qui
dirige les territoires sous Melle. "Elle est maîtresse de leur sort, du moins en ce qui concerne
56 Fooàla eot aidé dom .. redleràt. de l'unificatioo par \\Dt parti marginal mais inIlu...... le O.K (On. Kamerun), branch. anglophoo. de fL'PC
qui al dirip pli' Ndoh Ntumazah.

l'expérience du fédéralisme camerounaJS : les cauces et les enseignement d'un échec
~I
les conditions de la levée de la tuteUe"S7; mais c'est l'ONU qui a seule qualité pour proooquer
une consultation, en contrôler le déroulement et en interpréter politiquement et juridiquement
les résultatsS8. Les phases des plébiscites de 1959 et 1961 sur le Cameroun britannique
s'inscrivent dans cette logique onusienne.
'Inlnlll 2: li Il.lIlac11l1l11959 sar Il san dl Ca.Braan
Sllllltrlalai
Pour superviser les opérations du plébiscite, l'Assemblée Générale constitua une équipe
dont la composition était la suivante :
MM
Abdoh (Iran), Commissaire au plébiscite
Pinochet (Chili), Scrutateur
Kwaw Min (Birmanie), Scrutateur.
A queUes questions devaient répondre les populations (A) ? Quels furent les résultats de
cette consultation (B) ?
A - 1ES QUESTIONS ET 1ES RER EXlONS SUSCITEFS
Les habitants du Cameroun septentrional devaient répondre aux deux questions
suivantes :
Première question : Désirez-vous que le Cameroun septentrional fasse partie de la région
Nord du Nigéria, lorsque la Fédération nigériane accèdera à J'indépendance?
Deuxième question : Préférez-vous que l'avenir du Cameroun septentrional soit décidé plus
tard ?
L'option
offerte
par
l'Assemblée
Générale
concernait
uniquement
le
statut
international du territoire, à savoir le maintien de la tutelle ou le rattachement avec le Nigéria.
nse posait alors la question de savoir "pourquoi la deuxième question ne pouvait-elle pas une
fois pour toutes poser en termes clairs le problème de l'Union du Cameroun septentrional
avec le Cameroun sous tutelle française puisqu'on venait de décider que ce dernier allait
devenir indépendant le 1er janvier 1960. Pour nous, la réponse à l'interrogation se déduisait a
contrario des conclusions de la Mission de visite de 1959 au Cameroun sous tutelle
britannique. En effet, la Mission recommandait la levée de la tutelle sans consultation et sur la
base
s9
d'une
union
et même d'une fusion
avec
le
Nigéria .
De l'esprit de cette
recommandation, le résultat des consultations ne faisait pas de doute: les populations devaient
infailliblement se prononcer pour leur rattachement au Nigéria. Dans cette optique, il était
donc inutile de poser une troisième question portant sur l'éventualité d'une union avec le
Cameroun sous administration française. Pourtant, les résultats des plébiscites en décideront
autrement.
B - 1ES RESULTATS DES CONSULTATIONS DE J 959
La votation se tint le 7 novembre 195960 Sur 113.859 votants, 70.546 se
prononcèrent en faveur de la deuxième question, tandis que 42.788 choisirent de faire partie
57 Merle (Moreel) ; Les plébiscilcs OfgOIIisés par les Natioos-Unies. in Annuaire tran.,.i. de Droit International 1961 p. 443
58 Merle (Moreel); op cil p. 441
59 Pla.iaciIc organise aupptic:aim de la Réoolutiœ IJ50 (XIll) AG IJf.I/1959, DocumaI1 AG. 195941 t. 11
60 Le rappcrt des résullatIa été établi par M Djalab Abdoh. Commissaire au plébiscite, DocumaI1 N4314 du 2/12/1959

L'mepéliellCll du fédéralisme cameroul18lS : les cauces et les ensetgnement d'un échec
de la région Nord du Nigéria. La majorité des habitants du Cameroun septentrional sous
administration britannique venait de surseoir à l'avenir de leur territoire. Suite à ces résuttats
défavorables au Nigéria, les réactions furent nombreuses. Parmi les plus amères, il faut
mentionner celles du Premier Mirùstre de cette région, le Sardonna de Sokoto qui attribua les
résultats à des "activités subversives des fonctionnaires britarmiques".
Pour sa part, prenant acte de cette volonté et de cette préférence sans équivoque,
l'Assemblée Générale des Nations-unies, dans sa résolution 1473 (XlV) du 12 décembre 1959
recommarxla :
- que l'autorité administrative, conformément à l'alinéa b de l'article 76 de la Omte
des Nations-Urnes et en consultation avec le Commissaire des Nations-Unies aux plébiscites,
orgarûse sous la surveiUance des Nations-Urnes, un nouveau plébiscite au CamerotD1
septentrional ;
- que les mesures voulues soient prises sans pouvoirs administratifs et qu'il existe une
démocratisation effective du système d'administration locale dans la partie septentrionale du
territoire sous Melle ;
- que l'autorité administrante prenne sans retard des mesures pour effectuer la
séparation administrative du Cameroun septentrional et du Nigéria et que cette séparation soit
achevée au 1er octobre 1960.
Les autorités du Cameroun français estimèrent que ce train de mesures permettrait à la
population de se prononcer dans des conditions acceptables et avec le maximum de liberté. 0
faut signaler que les résultats de ce premier plébiscite sont d'autant plus intéressants pour les
camerounais que la consistance territoriale du pays est maintenue.
Pln"I"1 3: li Ilt..IICnllll n.Nllr196111 1IIIInitre
1.llIIdl. tlntlDrilllll
En application de la décision de l'Assemblée Générale du 12 décembre 1959, les deux
questions auxquelles les populations devaient répondre lors du plébiscite de 1961 étaient les
suivantes :
Première question: Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la Fédération
nigériane indépendante ?
Deuxième question : Désirez-vous accéder à l'indépendance en vous unissant à la
République camerounaise indépendante ?
On s'efforcera d'apporter des lumières sur quelques questions relatives à la votatioo du
I l février avant de présenter la critique du déroulement des opérations par les autorités de la
République du Cameroun.
A - L'ENVIRONNEMENT DES PIFBISCTŒS 00 11 FEVRIER 1961
Nous aborderons en même temps l'organisation du plébiscite, la nature de cette
consultation et l'interprétation des résultats.
61 Les textes de base pour 1.. pl~ au Nord et lU Sud Cameroun ètAieut 1.. suivants :
- pour le Cameroun mèridiœal : RésoI.-iœ 13'2 (XIV) adoptée par l'Asaemblée Générale le 16/10/19'9
- pour le Cameroun oqèIlriœaJ : RésohbD 1473 (XIV)priJepar l'Asaemblée GéDéraJe le 1211211959

L'expénence du fédéralisme cameroull8lS : les cauces et les ensetgnement d'un échec
Si, cette fois, la fonnulation des questions est claire, l'union à l'Ouest avec le Nigéria,
l'union à l'Est avec la République Camerounaise, l'absence d'une tierce question en
l'occurence l'indépendance pure et simple - a été considérée comme regrettable dans le
rapport établi par M. Abdoh au sujet du Cameroun méridional.
"Au début de la préparation du plébiscite, des questions ont fréquemment été posées
aux observateurs et au personnel du plébiscite touchant l'absence d'une troisième option
pré\\KJyant l'indépendance pure et simple du territoire... nest certain qu'à ce moment-là une
partie considérable de la population aurait souhaité une option de cette nature,,62. Juge de
l'opporttmité des solutions proposées aux votants,
l'Assemblée Générale interviendra
également dans les modalités de la consultation. C'est ainsi qu'à la question de savoir s'U fallait
"considérer I~ territoire sous-tuteDe comme une entité et apprécier les résultats dans leur
ensemble ; ou bien diviser le territoire en plusieurs zones dont le sort individuel serait
déterminé par le jeu des majorités", l'attitude de l'Assemblée Générale a varié: les préférences
allant tantôt à l'une, tantôt à l'autre solution. Pour le Cameroun, deux consultations distinctes
ont été organisées le même jour, dans le Nord et dans le Sud. Les résultats du plébiscite
accuseront le coup de cette scission. Le territoire en sera meurtri. Voici le tableau chiffré des
résultats opposés dans le nord et dans le sud. Les habitants du Nord se prononcèrent pour
l'union avec le Nigéria. A l'inverse, ceux du Sud optèrent pour l'union avec la République du
Cameroun.
RESULTATS DU PlEBISCITE DU 11 FEVRIER 1961 63
(page suivante)
Le total général que nous venons de présenter dans ce tableau prouve, s'il en est
besoin, que si la solution unitaire avait prévalu dans le décompte des voix, il ne fait pas de
doute que l'ancien Cameroun sous administration britannique aurait rejoint dans sa totalité la
République du Cameroun par 331.230 contre 244.037, effaçant ainsi la frontière franco-
britannique de 191664. n n'en fut rien. La solution unitaire adoptée au Togo sous
administration britannique où certains ressortissants ont manifesté leur hostilité à l'union avec
la Côte de l'Or, n'a pas été appliquée au Cameroun. Avec ces résultats, le "rubicon" de la
division était franchi: la mutilation territoriale était définitive. Jamais, on ne retrouvera plus le
Cameroun de 1910. Le Kamerun venait à nouveau de perdre une superficie de 44.000 krn2
en une population de 687.100 habitants. Les protestations camerounaises n'y feront rien.
L'Assemblée Générale des Nations-Unies entérina les résultats des deux plébiscites par une
résolution en date du 21 avril 1961. En effet, en application de cette résolution, l'accord de
MeDe cessera d'être en vigueur le 1er juin 1961, au moment où ce pays s'unira au Nigéria en
tant que province séparée de la région nord du Nigéria. Pour le Cameroun méridional,
l'accord de tuteUe cessa le 1er octobre 1961, date de la Réunification d'avec le Cameroun
Oritental.
Présentation de la çarte du territoire perdu (figure 7bis)
B • L'IM!TUE CONTESTATION DES RESULTATS DU PI EBlSCITE PAR lA
BEPUBUQUE DU CAMEROUN : lA CRfDQUE DU DEBOI1IFMENT
DES 0PERAD0N5
De prime abord, nous interpréterons les protestations camerounaises comme avant-
dernière tentative pour préserver l'intégrité de son territoire. L'instauration d'une journée de
62 Merle (Marcel) ; op cit p, 432
63 Le ropporl deo résuIloII deo deux plébiJcites fut élabli par M Djalal ABdah. Comrrusaaue des Nal.iœa-lJnies. Document proVISOire Ti l "6 du
3/411961. LeubJeau a cU compléléparnow.
64 Annexe des résuIloII_ l'ao:ro_ _ des éled.eun ou CIII1Iero<OI &qlIaùiœal

L'expérience du fédénllisme camerounaIS: les causes et les ensetgnements d'un échec
deuil national symbolise cette perte. Dans un livre Blanc 4
11
la République du Cameroun
définit sa position à la suite du plébiscite du Il février 1961 dans la partie septentrionale du
Cameroun sous administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
Véritable réquisitoire contre un système administratif britannique - qui a creusé un fossé entre
les deux grandes circonscriptions administratives -, ce document recense les irrégularités qui
ont marqué le déroulement des votations et qui devaient en conséquence occasionner leur
invalidation.
Quatre conditions ont, dès l'origine, pennis aux autorités camerotmaises d'émettre les
plus "expresses réserves" sur la valeur du plébiscite.
1. Irrégularités et absence de garanties dans la préparation du
plébiscite
a) Inscription des non-camerounais sur les listes électorales
Selon la République du Cameroun, la résolution des Nations-Unies du 12 décembre
1959 qui préconisait que '1e plébiscite eût lieu au suffrage universel des adultes, toutes les
personnes âgées de plus de 21 ans résidant au Cameroun septentrional" a été interprétée de
manière discriminatoire. En effet de nombreux nigérians, mus par la volonté de leur
gouvernement de s'emparer de cette région du territoire sous-tutelle, se firent inscrire sur les
listes électorales alors que les camerotmais authentiques en étaient écartés et leur
enregistrement refusé. Le gouvernement camerounais remarque que le critère de résidence
habitueUe aboutissait à faire grossir le chiffre des électeurs favorables au Nigéria, en permettant
l'inscription sur les listes électorales des immigrants de date récente et des résidents
temporaires.
En prenant comme exemple le cas de Mubi, on note qu'en octobre 1959 les électeurs
étaient au nombre de 22.685, en 1961, ils deviennent 42.221, soit une augmentation de
86%. Dans certains districts, cet accroissement atteindra 170%. L'argument nigérian de
l'extension du coUège électoral par l'inscription d'autres catégories de personnes qui n'étaient
pas électrices en 1959 - notamment les femmes - ne suffit pas à expliquer un tel écart de
participation. La thèse camerounaise nous paraît la plus plausible dans la mesure où,
jusqu'aujourd'hui (1979), il s'avère difficile de déterminer statistiquement le nombre exact des
nigérians et celui des camerounais dans la partie nord du pays. A cause de la mobilité des
populations, les contacts entre les groupes qui sont tous de la même ethnie sont très fréquents,
rendant difficile toute opération d'identification.
b) Distribution des cartes électorales par les agents de la force
publique nigériane
Dès lors, on pouvait douter de l'impartialité des opérations. Les vérifications d'identité
n'étaient pas absentes.
c) Climat psychologique défavorable à une saine consultation
Nous retiendrons pour l'essentiel deux causes :
- La non-séparation des administrations a maintenu en place les cadres nigérians et
les fonctionnaires
britanniques
qui
avaient
déjà
servi
dans
le
nord nigérian. En
particulier, le résident de Mubi qui se trouvait encore au Cabinet du Premier Ministre du Nord
114 n a été édité par le MiniIIre deo Affaires Elnngères et le Sea<tarilll d'Etat à \\'lnformat.lœ de la République du Camauua

L'expénence du fédéralisme camerounaIS: les cauces et les ensetgnemern d'un échec
en 1959, a été affecté à Mubi pour faire wter en faveur de l'intégration du Cameroun
septentrional dans le Nigéria.
- Les sympathisants pour le rattachement au Camerotm subissaient quotidiennement
brimades, arrestations arbitraires, mesures de représailles. C'est ainsi que:
- le 1er décembre 1960, trois cents (300) personnes fawrables à la réunification et
appartenant au
"Kamerun
Freedom
Party"
qui
revenaient
du
Congrès de
l'Union
Camerounaise à Maroua furent arrêtées ;
- le 24 janvier 1961, arrestations et emprisonnement à Mubi de quarante-trois (43)
personnes à cause de leur sympathie pour la République du Camerotm ;
- le 29 janvier 1961, même scénario pour 35 autres personnes ;
2. Irrégularités et absence de garanties pendant la campagne du
plébiscite
Bles furent manifestes dans le recours aux mesures discriminatoires contre les pro-
camerounais et les entraves à la circulation des personnes.
3. Irrégularités et absence des garanties dans le déroulement du
plébiscite
Ici les griefs furent nombreux.
- présidence des bureaux de wte par des nigérians ou des seuls pro-nigérians
-le secret de wte n'a pas été respecté
- absence de procès-verbaux des opérations de wte
- interventions constantes des pro-nigérians
- incidents et brimades
- la garde des urnes et leur fermeture n'offraient pas de garantie d'inviolabilité.
4. Irrégularités et absence de garanties dans le dépouillement
a) Transport et surveillance des urnes
Les urnes dont le transport avait été surveillé par la police nigériane furent laissées à la
seule garde du représentant de l'autorité administrante qui possédait tme permettant de les
ouvrir toutes.
b) Les dépouillements furent assurés par les épouses des fonctionnaires britanniques ou
anglais, acquis à la thèse de l'intégration à la Fédération du Nigéria. Les représentants des
partis ne pouvaient regarder que de loin les bulletins déposés sur les tables.
c) La proclamation des résultats achève selon les autorités camerounaises, de brouiller
les cartes. Les résultats ne furent pas donnés bureau par bureau comme dans toutes les
élections libres du monde, mais en bloc.
Cette analyse minutieuse des autorités de la République camerotmaise aboutit à une
seule issue - peut-être malheureusement tme impasse - la remise en cause du plébiscite:
"La seule solution acceptable pour éviter qu'tme monstrueuse inustice ne soit coIllJnise
et que de centaines de milliers de citoyens camerounais ne soient plongés dans un désespoir

L'expérience du lédéfaIisme ClIIllllIllUMS : les ClIUC8II et les ensetgneITleIlt d'un échec
aux conséquences imprévisibles est donc d'annuler le plébiscite des 11 et 12 février sur le
CameroWl septentrional parce qu'entaché de graves irrégularités, dépourvu de garanties
minima requises en la matière et, par conséquent, impropre à exprimer les ooeux profonds
des populations66 .
la conclusion de cette section sur les consultations électorales est évidente ; il faudra
désormais considérer le plébiscite comme une des techniques d'amputation du territoire
camerounais; d'autant plus que cette votation sera entérinée juridiquement. Désormais, void
le territoire de la future semi-fédération, c'est-à~ire, expUcitement, la République Fédérale du
Cameroun (cf figure 8).
SECfIONill:
L'ENTERINEMENf JURIDIQUE DES VafATIONS
POPULAIRES
Avant la dernière "salve67 juridique" de la Cour Inte~ationale de Justice (CLJ), la
République du CameroWl livrera une autre bataille politique ceDe-là aux Nations-Urnes pour
récuser les résultats des votations populations des 11 et 12 février 1961. Entre ces deux
contestations, Yaowxlé et Buéa, orphelins du CameroWl septentrional, chercheront ensemble
à qualifier juridiquement la nature de leur uruon.Trois considérations prouveront nos assertions
1· L'ECHEC DE lA REVENDICATION CAMEROONAISE A L'ONU
D· L'ACCEPTATION DU FAIT ACCOMPU : L'OUVER1lJRE DE lA
CONFERENCE CONSnnmONNEU.E DE FOUMBAN
m - L'ECHEC DE lA REQUETE CAMEROUNAISE A lA HAYE
PIIIIIIPIE 1:l'ECIEC lE Il.lIUllUnlll CIIIDII.E1 l'III
Dès qu'il eOt pris connaissance des résultats des plébiscites, M. Raymond Ntehepe,
Ambassadeur du Cameroun à Washington, demanda, dans un commuruqué adressé le 18
février au Secrétaire Général de l'ONU l'annulation du référendum sur le Cameroun
septentrional. Le 14 avril, le gouvernement de la République du CameroWl confirmera
66 li eol intéressant d'examiner les attiIudes de certaines perscrutalités à la suite des résultat.< du plébiscite sur le Cameroun septa>lrimal.
67 _ La Presoe du CamcnJI.II du 8/3/1961 relltc les insatisfa<ti<llU ct désa<1cords exprimes au Nigéria aprèIle plébil<:ite. Pour que la mise al
place des résuJLCa des plébiscites au Noni-Cameroun, qui a choisi de s'unir au Nigéria ne soit pas entravée. le gouvernemmt du Nord Nigéria,
par la bouche de son Premier MiDiàre. AIadji Ahmadou Bello. a donné 1.. prOçioions suivantes à la <llambrc locale : "Le plébiscite qui s'eol
déroulé dans des oonditi<llU d'~ ct de jlâiœ abaoI..... n'eol que l'expressim de l'idéal profmd des babilants du Cameroun Nord". li ne
faut pu oublier, ajouta le Premier Ministre, que le PrésidcIIl Midjo nourrit des ambitions Im'itorial... liWtoI4 qu'il a prouvé que certaines
régi<llU appartmant à la Rl!pIblique du Cameroun, faisaiGll autrefois partie de l'ancim empire Fril.....
- Endelcy, chef de l'q>pOOitiœ au Sud Cameroun ae déclare certain que les résuIIata du plébiscite ne peu_ oonduire qu'à un 0DDfJit 1lII1glD. li
reproche à la Onnde-llretal!Jle de n'avoir pas lcIIu ~ de la décision prise par 1.. Nati"",,"Uoies ct qui prévoyait la aéalion d'une
Constitution aulonome a _ le plébilcilc afin que soiaIl sauvegardés 1.. inIén!ls des minorilCs
- Le 16 f~ 1961, à l'Assemblée Natiœale. le Dodeur Bebey d<poaa une mŒ.im lcIIdant au rejet pur ct simple des résultat.< du référaldum
.... le CamcnJI.IIlqllallrional
- Toujoun eol-i1 qu'il n'eol pu jusqu'. l1Ioamo de la rue pour fustiger alIIIre 1.. résuIUta de cette vutation.
Le mot "salve" eol ~Ioyé ici au ..... d'une cIéchargl: simultmée d'annes à feu au onmbat. in Petit Larousoe Illustré. 1976. ubrairie Larousse.
P.921

RESULTATS DU PLEBISCITE DU 11 FEVRIER 1961 1 (figure 7).
DISTRICTS
ELECTEURS
VOTES
POURCENTAGE
VOTES
INSCRITS
FAVORABLES
FAVORABLES
FAVORABLES
AU NIGERIA
AU NIGERIA
AU CAMEROUN
Vietona
33998
11916
35
-
22 082
Kumba
60393
32733
54
+
27660
Cameroun Méridional Mamfé
44314
10050
22.6
-
34267
Bamenda
121816
13331
10
-
108485
Wum
35899
8784
24
-
27115
Nkambé
35939
21917
59,1
+
15022
TOTAL
97 741
233571
Dikwa Nord
33939
22 765
68.3
+
10562
Dikwa Centre
32900
28697
54.2
+
24203
1
Gwoza
20668
18 115
87.6
+
2.55
Aubunawa
30203
16904
56
+
13299
Cameroun
Septentrional
Mubi
35097
23798
67
+
Il 299
Chamba
34881
9704
28
-
25177
Gushaha
8 107
4999
61.6
+
3 108
Mambilla
20990
13523
64
+
7467
United Hins
7948
7791
98
+
157
TOTAL
146 296
97659
Hypothèse d'une
TOTAL
244 037
331230
consultation unique à
GENERAL
tout le Cameroun
Britannique
Le rapport des résultats des deux plébiscites fut établit par Monsieur DJALAL ABDOH • Commissaire des
Nations-UNies. Document provisoire 111556 du 3 Avril 1961. Le tableau a été complèté par nous.

Fig
7
REPARTITION
TERRITORIALE
DES
VOTES
FAVORAB LES
AU
NIGERIA (19&1)
~
"OINS
DE
50'/.
~
F=""""'1
50
A
80'/,
~
PLUS
DE
80'/.
~
LIMITE
D'ETAT
LiMiTE DES
DISTRIcTS
E LECTOR A U X
LIMIMLTE
CIIMEROUN
MERIDIONAL
ET
SEPTENTRIONAL
o
~====s=- - - .
o
50
100
150KI<t
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Fig:7~
TERRITOIRE
PERDU
EN
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CAMEROUN
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~

L'expénence du fédéralisme camerounaIs: les cauces et les enseignement d'un échec
~7
l'initiative de son plénipotentiaire en rendant public le fameux üI.-Te Blanc dont nous avons eu
l'occasion d'invoquer le contenu. M. Ntehepe adressera un télégramme à son gouvernement
pour préciser les qualités requises pour ètre pétitionnaires devant la Commission de tutelle de
l'Assemblée Générale des Nations-Unies.
En attendant la décision finale des Nations-Unies sur la validité de ce plébiscite - que M.
Abdoh présentait comme absolument régulier -, le gouvernement de l'Etat du Cameroun
tentera de sensibiliser certains pays à sa cause en expliquant sa position pour obtenir leur vote
favorable. A cette fin, deux Missions furent envoyées, la première en Amérique Latine et la
seconde en Afrique. Leur composition était la suivante :
Permière Mission:
MM
Moussa Yaya Vice-Président de l'Assemblée
Mayi Matip
Député du Nyong et Kelle
Ngando Black Fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères
Deuxième Mission:
MM
Bebey
Député du Wouri
Oyono Ferdinand
Haut fonctionnaire des Affaires Etrangères
Ce groupe se rendit au Ghana, Guinée, Mali et Maroc.
A la question de savoir si la thèse camerounaise avait des chances d'aboutir, le Docteur
Bebey avait répondu: "En droit, nous devrions l'emporter. Mais, il ne faut pas oublier que
l'ONU est une Assemblée à caractère politique et non une Cour de Justice, et ~u'en
conséquence, les considérations politiques seront seules déteminantes dans le vote final" 6 .
La constitution de la délégation camerounaise aux Nations-Unies était la suivante :
MM
Okala Charles,
Ministre des Affaires Etrangères
Kanga Victor,
garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Ce dernier est arrivé en renfort, parce que M. Okala était tombé malade.
Okala Joseph,
Ambassadeur du Cameroun à Monrovia
Ntehepe raymond,
Ambassadeur du Cameroun à Washington
Bindzi Benoît,
Ministre Plénipotentiaire.
A l'ouverture des débats le 14 avril 1961. après l'intervention de M. ükala Charles. M. KOSCZlUSko
Morizet. représentant permanent de la France. prit la parole pour demander l'annulation du plébiscite sur le
Nord Cameroun.
Dans une lettre adressée le 12 avril 1961 au Président de la Comission de tutelle, le
représentant de la Nigéria, Alhadji Muhammed iO\\4lQua le droit des peuples à décider
librement de leur avenir. Par mémoire du 15 avril présenté par Sir AndreIN Cohen,
représentant de la Grande-Bretagne, principale accusée, Londres réfutait les assertions
contenues dans le Uvre Blanc de la République du Cameroun. Le document britannique faisait
ressortir que l'Administration du CamerOlm Nord avait été décentralisée et séparée du Nigéria,
conformément aux recommandations de l'Assemblée Générale des Nations-Unies, et que
68 Interview aocordéeil'ACAP parle Doaeur Bebey E~idi.., date du 20 man 1961

1
1
Fig:!
1
REPU BLlQUE
FEDERALE
DU
CAMEROUN
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1
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GUINEE
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EQUATORIALE i
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1 CONGO
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1
.
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1
L'expénence du fédérejisme camerounaIS: les cauces et les ensetgnement d'un échec
48
1
l'augmentation de 70 % du nombre des électeurs inscrits par rapport à 1959 était due au
grand intérêt suscité par une telle consultation. D'autre part, ce document rejette comme
1
totalement fausse, j'affirmation faite par le Cameroun selon laquelle sept cents (700) agents de
police armés auraient été amenés de la Nigéria au Camerotm septentrional pour "persuader les
1
populations que si elles ne wtaient pas pour l'union avec le Nigéria, elles seraient passibles de
prison, de persécution, etc". La Grande-Bretagne soutint enfin que les scrutateurs n'étaient en
majorité ni nigérians ni pro-nigérians, mais bel et bien des camerounais, En conséquence, la
1
plainte du gouwmement camerounais n'étant pas fondé, il n'y avait pas de raison de remettre
en cause un choix librement exprimé par les populations du Cameroun septentrional.
1
Selon certains pays69 , après ces positions contradictoires, une descente sur les lieux
était indispensable pour guider la Commission. La séance tumultueuse de la Commission de
1
tutelle en date du 20 avril ne les suivra pas. Dès le 22 avril, la fin de la tutelle sera annoncée
pour l'ensemble du Cameroun, validant les consultations de février. Le Ministre ükala Ianœra
1
de la tribtme. des Nations-Unies cette phrase : '1 es anglais ont mangé nos frères à la sauce
Commonwealth". Le Ministre des Forces Armées parlera de la calamité nationale de l'ONU.
M. Daniel Kemajou, Président de l'Assemblée Nationale criera sa honte des résultats de
1
l'Assemblée Générale des Nations-Unies. Le 31 mai, le 1er juin furent déclarés jotUnées de
deuil national. Ces différents cris traduisaient la déception de David Uliputien devant Je Goliath
Onusien. Cette crise de confiance fut à nouwau ébranlée lorsque le "problème" se posa devant
1
la CU le 3 juin. Entre temps, le reste du Cameroun se cherchait.
1
'"'Iln.",2: l·'CClIIIIIII•••""HC'••••:•·
t•• Ia
,."in.c. CI.stltlUl••IIII.1 F
.
1
La Conférence stricto sensu (B) fut précédée d'tme série d'actes, de rencontres
préparatoires (A).
1
1
A - J ES MF.S1JBES PREPARATOIRES
1
Certaines de ces dernières furent propres au seul Cameroun "Occiclental" (1) ;
d'autres par contre, mirent en contact nos deux Etats (2).
1
1. La préparation de la Conférence de Foumban au Cameroun
Occidental
1
Deux facteurs ont marqué cet événement :
~ la trève Foncha-Endeley du Il mai
-la conférence bipartite KNDP/CPNC des 26-28 juin 1961
1
69 Ce projet était l'oeuvre des œlègatioos du Coogo. Côtc-<l'Ivoire. Dahomey. Gaben. Haute-Volta. Madagascar. Niger.
République
1
CœtralhcaiDe. Sénégal ct Tàlad. U.'agil-Ià du _
des POl" de l'Afrique Noire franOOl'bœe.
1

1
L·expéliet .... du fédéralisme camerouna,s: les cauces et les enseignement d'un échec
1
a) La trêve Foncha-Endeley du I l mai
1
A l'issue d'une réunion commune KNDP/CNPC qui s'est tenue à Buéa le 11
1
mai, MM Foncha et Endeley, respectiwment Premier Ministre et leader de l'opposition, ont
rendu publique une déclaration dont \\.Qici le contenu :
"Lors d'un congrès extraordinaire, tenu à Buéa le 11 mai 1961, les leaders du KNDP
1
et CPNC ont réaffirmé comme suit une résolution prise à New-York" :
1
"Nous, représentants d'opinions diverses, de retour de la XVè session de l'Assemblée
Générale des Nations Unies à propos des résultats du plébiscite qui eut lieu au Sud Cameroun
le 11 février 1961" ;
1
- "Ayant pris note de la décision de l'Assemblée Générale de conduire le Sud-
Cameroun à l'indépendance par une Fédération avec la République du Cameroun" ;
- "Et ayant réalisé en outre que le bonheur futur du peuple du Cameroun dépend de la
1
façon dont s'établira la coopération entre tous" ;
- "Nous nous plaçons donc au-dessus des nuances de l'opinion au Sud Cameroun pour
1
oublier le passé et oeuvrer ensemble à l'édification d'un Cameroun heureux et prospère".
Le Congrès décide également :
- "qu'il est souhaitable dans l'intérêt national d'observer dorénavant une trêve il
1
demande donc à tous les citoyens et à tous les organes d'expression publiques d'éviter tout
acte de pro\\OCation tels que chansons ou déclarations injurieuses qui ne pourraient que nuire à
1
l'unité, et en appelle à la coopération de tous pour accomplir dignement cette tâche" ;
- "que tous les partis politiques et les organismes intéressés doivent mettre à l'étude des
propositions détaillées en we de réaliser un projet de Constitution qui puisse être accepté par
1
tous" ;
- "que d'autres congrès devront se tenir pour fortifier ce grand dèsir de coopération et
1
d'unité nationale 67 ".
Signé: Hon. J. N Foncha
et
Hon. E. M. L. Endeley
1
Ce document eKpliquera la suite des événements jusqu'à la tenue de la
conférence. Une semblable entente à l'amiable eut été inconcevable au Cameroun Oriental. Le
1
"fair-play" britannique a eu raison des rivalités antérieures entre foncha et Endeley. Ce c<Xie de
bonne conduite n'emportait pas ipso facto identité de we des personnalités sur la forme future
1
de l'Etat.
1
1
1
67 llu1IetiD ACAP du 30 IS!1961 citanll'U1l<TŒ. orgllll" d'eJq>mllim de 1't).C
1
1
_

1
L'expénence du fédéralisme camerounaIs' les cauces et les enseIgnement d'un éChec
50
1
b) La conférence bipartite KNDP/CPNC des 26-28 juin1961 71
1
Oraganisée à l'initiative de Endeley et de Foncha qui avaient convenu de la
création d'une Commission constitutionnelle mixte, cette réunion révèlera une fois de plus la
1
dichotomie existant entre les positions des deux leaders dans les modalités de la réunification.
ba. La position du KNDP
1
Pour Foncha, seul le fédéralisme était capable d'amortir le terrible impact de
l'unification ; malheureusement, ajouta-t-il, il Qe fédéralisme) ne réussira qu'à minimiser
1
l'inévitable collision entre les cultures opposées des deux territoires. Dfaudrait donc à cet effet,
une forme de gouvernement qui maintienne les deux cultures dans les régions où on les trouve
présentement et qui les fonde au centre. Foncha en concluait que le centre ne devait jouir que
1
d'un nombre limité de compétences; tandis que les compétences des Etats devraient continuer
à être les mêmes. La forme de gouvernement adéquate dans le cas d'espèce est évidemment
un régime parlementaire, au double niveau fédéral et fédéré. Le KNDP préconisait également
1
une double nationalité.
1
Etait-ce

un
projet
de
fédéralisme
décentralisé
comme
le
pensaient
les
commentateurs. En réalité, le parti gouvernemental "naviguait vaguement", sans trancher la
souveraineté et le fédéralisme.
1
bb. La position du CPNC
1
D'entrée de jeu, le Dr Endeley opta pour un Etat camerounais unitaire, eu
égard à l'étendue géographique relativement faible du territoire. D rejeta l'idée d'une
citoyenneté pour chaque camerounais mais préconisa l'insertion dans la Constitution d'une
1
clause pré'.QYant l'éventualité d'une sécession légale du Cameroun méridional.
1
En définitive, l'unanimité ne régnait pas au Cameroun méridional sur la question du
fédéralisme. Si la nécessité d'une union s'était manifestée lors des plébiscites, les voies et
moyens pour y parvenir étaient opposés ; ce qui affaiblira les positions anglophones à
1
Foumban.
Entre temps les contacts se multipliaient entre les deux chefs de gouvernement.
1
2. Les contacts ponctuels entre Foncha et Ahidjo
Une série de rencontres s'effectuera tantôt à Buéa, tantôt à Yaoundé sous l'égide
1
des deux chefs de gouvernement. Chronologiquement, en voici les principaux moments:
- Dès les 8-9 mars : se réunissaient à huis-clos à Yaoundé trois délégations: ceUe de la
1
Grande-Bretagne, de la République du Cameroun et de Buéa. Le but de la réunion était de
pennettre au gouvernement de M. Foncha de jouir des attributs d'une réelle autonomie interne
72
1
71 Jacques Benjamin ; Les Camerounais Oocidartaux. La minorité dans un E10l Bicommunaulaire. Presse: L'nivenitaire de Mœtréa~ 19n p.
1
106. liS
'2 La ~<D desdèléglli<Dllètait 1. suivante:
Pour 1. 9nnde-!lretame :
1
1
_

L'expénence du fédéralisme camerounais: les cauces et les ensetgnement d'un échec
51
- 23-26 mai : Arrivée de Foncha à Yaoundé
Le but du wyage est la préparation de la réunification.
- 14 Juin: M. Ahidjo effectuait son premier séjour au Cameroun Occidental.
fi était accompagné de :
MM
Okala Charles
Betayene Jean, Secrétaire Général au même Ministère
Kuoh Christian Tobie, Secrétaire Général de la Présidence.
- 9 juillet: Le Premier Ministre Foncha se rend à Yaoundé à la tête d'une délégation de
six membres. Au conseil des ministres du 14 juillet, le Chef de l'Etat fera une relation sur le
\\.QYage de la délégation anglophone. fi dira à ses ministres que deux questions avaient été
abordées à l'occasion : le problème de la Constitution du Cameroun réunifié et l'attitude de la
délégation du Cameroun oriental à Foumban.
Le but des rencontres des deux leaders consistait à élaborer les institutions qui seront
celles du Cameroun futur. Déjà, à en croire certains chroniqueurs, quelques décisions furent
prises, notamment la mise en place d'une défense commune ; une diplomatie commune,
après, d'une économie commune qui fera quitter le Cameroun méridional de la zone sterling,
pour la faire entrer dans la zone franc. Dès lors, Foumban apparaissait comme le lieu de la
concrétisation de tous ces projets et surtout la ville où le Cameroun choisira son nouveau
destin, celui d'ETAT amputé.
B - lA CONFERENCE CONSnTUnONNEJ JE DE fOUMBAN 73
STRICTO SENSU
Les travaux de cette conférence se sont déroulés du 17 au 22 juillet 1961.
Nous présenterons d'une part les considérations générales afférentes (1) à cette réunion et,
d'autre part, la résolution finale (2) de la rencontre.
1. Considérations générales afférentes à la Conférence de foumban
Quels étaient les membres des délégations accompagnant nos deux leaders ?
MM
&ilwood • SOIIS-lIeaétaire d'Elat Adjoint au Minislére des Colooies
Faber
- Premier Secraaire au MinisIére des Affaires Etnmgères
Field
. Commisaaire au Cameroun méridional
~ • Ambassadeur du Royaume Uni au Cameroun
Pour le Cameroun Occidental
MM
FOIlœa
Jua
Pour Yaoundé
~
Ahidjo
Okala
'J Pourtoutelles quesr.ioos relatives ils Cœf""'œ de Foumbon. consulter les nO. 162 et l6S dé rACAP

L'expénence du fédéralISme camerounais: les cauces et les enseIgnement d'un échec
52
Pour le Cameroun Oriental
1.
Assale Charles, Premier Ministre
2.
OkaJa Charles, Ministre des Affaires Etrangères
3.
Njoya Arouna, Ministre d'Etat chargé de l'Intérieur
4.
Tetang Josué, Secrétaire d'Etat à l'Infonnation
5.
Kouh Tobie, Secrétaire Général de la Présidence
6.
Mvie Rostand, Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères a.i.
7.
Epo Manfred, Représentant du Ministère des Affaires Etrangères.
Pour le Cameroun Occidental
1.
Muna
2.
Dr Endeley, leader de l'opposition74
3.
Dr Fonlon Bernard, Secrétaire de Conférences
4.
Hon. A. N. Jua, Ministre des Affaires Sociales
5.
N. Angwa, Secrétaire particulier du Premier Mirustre
6.
B. G. Smith, Procureur Général
7.
L. D. Ntune, Chef de la Police.
Dans son discours d'ouverture de la Conférence, le Président Ahidjo fit une mise au
point très instructive pour la suite des débats : "Messieurs, Je principal objet de notre réunion
d'aujourd'hui est d'étudier ensemble les grandes lignes de notre future Constitution. Vous savez
que dès avant le référendwn et depuis, lors de nos entretiens avec M. Foncha, nous avions
choisi pour notre futur Etat le cadre fédéral. Pourquoi cette fonnule ? Parce que les disparitès
linguistiques, administratives et économiques ne nous pennettent pas d'envisager sérieusement
et raisonnablement un Etat unitaire centralisé; parce que, par contre, un système confédéral
trop lâche ne faooriserait pas le rapprochement et l'union que nous souhaitons. Les structures
fédérales sont donc les seules qui puissent convenir aux particularités de notre situation, car je
tiens à le souligner énergiquement ici, il ne s'agit pas pour nous de construire dans l'absolu un
Etat idéal coupé de ses racines, mais de préparer une Constitution75.
Pour le Préskient Ahidjo, il était question de fixer un cadre qui pennettrait aux pouooirs
publics de donner à la communauté nationale camerounaise une existence réelle, dominée par
une très fenne oolonté d'entente, de coopération. Un tel instrument de travail existait déjà. n
n'était plus que question de l'amender. La délégation du gouvernement camerounais avait
donc pris soin d'apporter à Fownban un projet de Constitution fédérale déjà élaboré et qui fut
soumis à l'examen bienveillant de la délégation du Cameroun Méridional.
Quel accueil la délégation du Cameroun Méridional réserva-t-eUe au
projet Est-camerounais ?
'4 Auai curieux que cela pusoc sembler, l'opposition était représenter à Foumban : Endeley lui-même devait déclarer: "il peul paraitre étrange
que j'<JR'OOiIioo du ClUlleRlUI1 Méridiooal soit présente à ce dialogue. Maia. noua avooa déQdé Ime fois pour touIca. Fonàla et mo~ de travailler
la main dans main, pour le bonheur du peuple et pour solidifier la réunificatim. Aussi. est"", uniquemerlt à ce titre que je suia membre de la
déléplioo du Cameroun Méridiooal et que J" suis là. C'est à ce litre que j'espère que noua arriveroos à une enlaIIc avec la Républiqlle du
Cameroun".
'5 BuJIclin ACAP du 18 juillet, p. 2

1
L'expénence du fédéralisme camerounaIs: les cauces et les ensetgnement d'un éChec
53
1
Nous pouvons avancer que Foncha crut dans un premier temps au jeu démocratique et
1
laissa en conséquence rejaillir l'ambiguïté qui avait caractérisé sa position à Barnenda. A titre
d'exemple, il reposa le problème de la double nationalité et réitéra sa demande d'une
autonomie en matière d'armée qui devait - selon lui - relever uniquement de la juridiction des
1
Etats membres.
Reprenant la parole, M. Ahidjo expliquera à la délégation du Cameroun Méridional
qu'il ne considérerait que les proposItions présentées sous forme de modification de la
Constitution de 1960 de la République du Cameroun. L'on n'ignore pas le caractère centralisé
du régime préconisé par le Président Ahidjo; ['autorité fédérale puissante y dominerait toute la
vie politique. De plus, le poids du Cameroun francophone devait s'y ressentir effectivement.
Victimes de l'effet de surprise, les anglophones plièrent l'échine et adoptèrent le
langage de la soumission76 . Cependant, en toute objectivité, il faut préciser que. sans
1
précipitation les anglophones épluchèrent soigneusement le texte camerounais. fis ont en
conséquence présenté de nombreux amendements. Certains' de leurs suggestions visaient
même à la modification du document initial. Toutes leurs remarques furent reliées et
1
transmises sous forme d'un long rapport à la délégation de la République du Cameroun.
Conscient de l'enjeu, la délégation du Cameroun Méridional estima qu'au moins trois semaines
1
auraient été nécessaires pour la mise au point de la Constitution devant régir la Fédération
camerounaise.
1
Ce n'est qu'une sourde lutte pour le pouvoir (malgré les apparences d'entente) qui
pourrait expliquer cette bienveillance conjointe du leader de l'opposition et de M. Foncha
envers les thèses de M. Ahidjo qui, à la fin de la conférence qui aura duré cinq jours et d'une
séance plénière d'une heure et trente minutes, tirera les résultats positifs à la grande
satisfaction de tout le monde.
2. Les résolutions finales de la Conférence de Foumban77
La séance plénière s'ouvre le vendredi 22 juillet à 16 heures. Après aooir écouté
successivement Foncha et Endeley, M. AHidjo prit la parole et s'exprima en ces termes :
"Messieurs, au terme de cette rencontre historique, je suis très heureux de pouvoir faire
le point des échanges de we auxquels nous avons procédé depuis quelques jours pour la
concrétisation des principes de notre future Constitution".
16 Voici CODlIIICDt .'exprimaJl FmdJa et Endeley.
Uabord fm<ba : Depuis trois jours. nous avens étudié la pooitim que votre Excellence nous a pres.mée. Nous y avMS cIécoon'ert
plusieun poillls d'entalle, et quelques poillls sur lesquels l'unanimité ne s'est pas faite ...tre nos délégations. Je veux assurer SM ExceUeaœ que
1.. ougge:s;ona que DOUS avma litiles Ion de """ disaJsaiom De sont pas parl'aites. DOUS expOriœJ que ces :lUggestions aeraient étudiées et
~ par votre ExceU...ce et votre délégotim. Les recommandations que nous avons fannulées proviennent de notre sentiment de frJdemité
...v.... la République du Cameroun.
fJlauile Dr Endeley : Ce demi., ~ 1.. suggestiŒlS de la délégotim de SM territoire à oelles d'un "jeune frère formulées à
l'endroit de SOlI frère aîné". Ce c:omplexe d'mfèriorité pounuivn la comllllmaulé angl"l'ilone tout au long de la fédération. voir bi... après.
'7 Bulletin ACAP du 22jui1J« 1961 p.4

L'expérience du ftdéfalisme camerounaJS : les cauces et les ensetgnement d'un échec
54
"Après a\\Qir exprimé notre \\Qlonté commune de nous réunir à nouveau, les instances
internationales ont décidé d'organiser un plébiscite au Cameroun Méridional pour vérifier si
nos aspirations étaient profondes".
"La question posée aux poplÙations de cette partie du territoire était" :
- » VouIez-\\Qus dewnir indépendants en \\Qus unissant à la République indépendante du
Cameroun ?»
• A cette question, la majorité du corps électoral a répondu nettement par
l'affirmative. »
• Dès lors, il revenait à la République du Cameroun, qui jouissait déjà de sa
souveraineté internationale et qui disposait de ses institutions, d'aménager sa propre
Constitution pour former un ensemble avec le territoire frère du Cameroun Méridional".
"Lors des précédents entretiens, nous a\\Qns convenu que cette réunification
s'effectuerait sur une base fédérale adaptée aux conditions particulières de nos deux territoires.
Nous al.Ons tenu nos promesses et a\\Qns soumis au \\Qte méditation un avant-projet qui
répondait au but que nous nous sommes tracé".
"Les suggestions que nous venons de recel.Oir du Premier Ministre Foncha, après
plusieurs séances de travail, qui \\Qus ont permis d'étudier notre avant-projet depuis \\Qtre
arrivée à Foumban, témoignent du plus grand intérêt et de l'attention particulière que \\Qus
avez portée à cette délicate question. Nous ne nous sommes pas mépris de ces heureuses
dispositions, et \\QUS adressons nos sincères félicitations".
"Nous sommes d'autant plus heureux de constater que dans les grandes lignes, nos
VUes sont identiques. II ne nous reste plus qu'à mettre sous la forme juridique appropriée les
observations retenues, travaû que nous nous proposons d'entreprendre dès notre retour à
Yaoundé et auquel participeront à la fin du mois Monsieur le Premier Ministre Foncha et ses
collaborateurs" .
"Les principaux amendements que \\QUS avez souhaités \\Qir apportés à cet avant-projet
peuvent être classés en deux catégories : il y en a qui concernent des questions de détaû sur
lesquelles je ne crois pas del.Oirs insister et d'autres sur des questions de fond".
"En ce qui concerne ces denüères, la délégation de la République du
Cameroun se raDie à la plupart de vos avis:
1) Elle est d'accord pour qu'un article de la Constitution indique notre adhésion à la
Charte des Nations-Unies et à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. EDe estime
cette référence largement suffisante ;
2) Pour éviter une certaine confusion qui pourrait résulter du \\OCable "INDM5IBŒ",
nous admettons sa suppression pure et simple, cependant une clause garantissant l'intégrité de
la fédération et excluant la sécession sera portée dans la Constitution ;

1
L'expénenCe dU féclénll'SITle camerouna,s: les cauces elles enseignement d'un échec
55
1
3) En ce qui concerne la nationalité, nous pensons que la République Fédérale ne peut
donner qu'une seule nationalité à ses ressortissants et que dans ces conditions, les
1
ressortissants des Etats fédérés sont citoyens de la République Fédérale, et possèdent la
nationalité camerounaise ;
1
4) Dans la pratique constitutionnelle, une loi fédérale règle les conditions d'exercice du
vote, l'organisation des élections et tout ce qui s'y rapporte. La délégation de Ja République du
1
Cameroun fait sienne la plupart des observations qui ont été fonnulées à ce sujet et se
propose, le moment venu, dans le cadre fédéral, d'en tenir le plus grand compte;
1
5) Le système bi-caméral dans une fédération est sans doute classique ; notre
délégation estime, cependant, qu'il y a lieu dans l'immédiat, d'alléger autant que possible notre
1
appareil parlementaire, ceci en fonction des ressources dont nous disposons, dans le souci
d'une plus grande efficacité;
1
6) La délégation de la République du Cameroun se' rallie à la proposition de la
délégation du Cameroun Méridional tendant à faire élire le Président de la République Fédérale
1
et le Vice-président au suffrage universel des adultes après la période transitoire. L'un et l'autre
ne devant pas être ressortissants d'un même Etat.
1
"Pour ce qui est de la période transitoire, 'nous sommes d'accord avec la délégation du
Cameroun Méridional" :
1
a - que Je Président de la République du Cameroun soit, durant son mandat
actuel, Président de la République Fédérale,
1
b • que le Prerrûer Ministre du Cameroun Méridional exerce les fonctions de
Vice-Président ;
7) L'exercice des compétences gouvernementales fédérales devant revenir à partir du
1
1er octobre au Président de la République, celui-d nommera des ministres fédéraux
ressortissants des deux Etats.
1
"La délégation de la République du Cameroun propose \\'élection par les Assemblées
Locales d'une Assemblée fédérale provisoire, Les membres de J'Assemblée Législative fédérale
définitive pourraient être élus au suffrage universel à partir d'avril 1963 comme vous le
1
proposez".
1
"La délégation de la République du Cameroun est d'accord pour que le Cameroun
Méridional conserve une Assemblée de chefs et ne voit pas d'inconvénient à ce que cette
précision soit portée dans le corps de la Constitution, Elle est également d'accord pour que le
1
nombre de députés à l'Assemblée Législative de ce territoire soit porté à trente-sept (37)".
1
"Notre délégation accepte l'amendement proposé au début de l'article 45 en ce qui
concerne la transmission des lois votées par le Parlement au Président de la République
Fédérale",

L'eJqlétietlCe du fédéfaJ*,- camerounaIS: les cauces et les ensetgnement d'un échec
56
'Tels sont, Messieurs, les points sur lesquels il m'a paru nécesaire d'apporter des
précisions, étant bien entendu que les questions de détail ainsi que je l'ai déjà dit, seront revues
au moment de la mise en forme définitive".
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire .• la valeur d'IUle Constitution ne se
mesure pas à la longueur de ses articles, mais à l'application raisonnée et
raisormable qui en est faite par des hommes animés d'un même esprit patriotique
et du même soud de bâtir une communauté nationale au sein de laqueUe les uns
et les autres s'efforcent d'oeuvrer pour le bien-être, la prospérité, la paix en
faisant abstraction de toute idée partisane".
"Notre législatif complétera par des lois ordinaires, des lacunes que l'expérience nous
aura démontrées".
"Messieurs, je déclare close la Conférence constitutionnelle de Foumban" (ACAP).
Après a\\.Qir exposé l'évènement de la Conférence de Foumban, deux idées nous
viennent à l'esprit :
1 - Les camerounais (de l'Est, de l'Ouest) venaient "d'intérioriser" leurs
nouvelles frontières: l'unification devant s'opérer en l'absence du Cameroun septentrional.
Voilà pour Je passé.
2 - Pour l'avenir donc... La conduite des travaux de la Conférence sous la
direction effective du Président Ahidjo préludait des futurs rapports au sein de la fédération
naissante.
Toutefois, ce n'est qu'après le verdict de la 'Haye (douloureuse cicatrice) que les
camerounais se convaincront définitivement qu'ils ont été vaincus et qu'il faut se résoudre au
fait accompli.

L'expénence du lédénIlisme cameroun8lll : les cauces et les ensetgnement d'un échec
57
'Inlnl"l 3: l'tclllc "III nllÎII CI.lr.I.llsl"III,1 II
1111 CI.sécnul. Ilr Il JasUcllltlrlIUI.I'.
"II'I. .IItIIII.". terrltlln CI.ln••lls
Nous aborderons l'affaire du CamerolUl septentrional (CamerolUl contre Royaume-Uni)
en présentant d'abord les faits (1), ensuite les solutions de la Cour (Il), et nous nous
interrogerons enfin sur la portée (Ill) de cet arrêt.
A • PRESENTATION SCHEMAllQUE DES FAITS
Le 2 décembre 1963, la Haute Cour de Justice rendait son arrêt dans l'Affaire du
CamerolUl Septentrional dont l'essentiel des éV\\!nements nous est familier. Toutefois,
méthodologiquement, replaçons les faits dans leur contexte immédiat.
Le 1er mai 1961, le CamerolUl a proposé au Royaume-Uni de conclure lUl
compromis à l'effet de saisir la Cour en we du règlement "d'un différend relatif à l'application
de l'accord de tutelle" ; le Royaume-Uni déclina cette offre.
Suite à ce refus, le 30 mai 1961, à la veille de l'expiration de la tuteDe sur le
Cameroun septentrional (en toute hâte...), la République Fédérale du CamerolUl a déposé une
requête devant la Cour b1temationale de Justice, demandant à celle-ci de se prononcer sur
l'inobservation par le Royaume-Uni de l'accord de tutelle du 13 décembre 1946 concernant le
Cameroun septentrional. Les principaux griefs allégués par notre pays avaient été exposés
dans le Uvre Blanc dont nous avons déjà mentionné l'existence. Selon les autorités
camerOlDlaises, les manquements du Royaume-Uni à l'accord de tutelle étaient à la base de la
"chaîne des conséquences (plébiscite et résolution 1608 XV) qui avaient abouti à ce que le
Cameroun septentrional fût séparé de la République Fédérale du Cameroun en dépit des
'B L'aff.ire Comero\\Ql sepl<ntrion.1 • r.it l'objet d'une .bondante littérature. Voici tme séledion inco~léte des princip.ux livres et articles
ret.tifS • 1. queotion :
a) "L'affaire Cameroun sepl<ntrion.'" dans 1. Jurisprudence de 1. Cour Internation.le de Jwtice de 1946 à 1971, in Nota et Etudes
doaunaItairea 1~!~!1972, nOs ]89Q..]891, p. 19
b) Aff.ire du Cameroun sepl<ntriœal (Cameroun contre Roy.wne-Uni) Exœptions prélimin...... Cour Intematiœ.le de Justice, Arrêt du 2
d6;:embre 1963, Rôle gillml n' 48
c) Aff.ire du Cameroun Septentriœ.1 (Cameroun oontn: Roy.wne-Uni),Mémoires PI.iduieri.. et Doaunents. Cour Intemationsle de Justice.
1963
d)
Aff.ire du Camerouo septmtrimal (Cameroun cœlre Rov.ume-Uni), Observations et cœclusions du gouvernement de la République
Fédérale du Cameroun, juin 196]
e) Thierry (Hubert); "L'affaire du Caemroun sepl<ntrionsl devant 1. Cour Intematiœ.le de Jwtice" in Annuaire français de Droit lnIematiœal,
196].p. ]58

1
L'eJCpéIietlce du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
58
1
affinités nationales qui militaient pour son rattachement à celui-ei"n
En droit, la requête
1
camerounaise était fondée sur l'article 19 de l'accord de tuteUe 78 .
Concrètement, qu'espérait obtenir le Cameroun de la Cour'? Selon le Conseil du
1
Cameroun, le Professeur Prosper Weil, notre pays se bornait seulement à inviter la Cour à
constater les violations de l'accord de tutelle commises par l'autorité admirnstrante lorsque cet
1
accord était encore en vigueur. Ainsi donc, se détournant de ses précédentes prétentions
développées devant l'Assemblée Générale des Nations-Urnes, le Cameroun ne demanda à la
Cour rn d'annuler le plébiscite, ni de remettre en cause la résolution 1608 (XV) et le
1
rattachement du Cameroun septentrional à la Nigéria.
A cette exigence insolite, la Cour a fourni une réponse à la mesure de l'étrangeté du
1
problème qu'elle devait résoudre. Elle a en effet estimé "par dix (10) voix contre cinq (5),
qu'elle ne pouvait statuer au fond sur la demande de la République Fédérale du Cameroun".
1
8 -lA SOLUllON DE lA COUR
1
Au sujet des différentes exceptions soulevées par le Royaume-Urn, "la Cour n'a pas
Ougé) nécessaire d'examiner chacune d'elles ni de déterminer si elles portent toutes sur la
1
compétence ou la recevabilité ou si elles sont fondées sur d'autres motifs (Rec. 1963, p. 27) ;
en conséquence, elle n'en a traité que deux (79.)
1
1- La première exception veut qu'il n'y ait aucun différend entre le Royaume-
Urn et le Cameroun et que s'il en ait, il ne pourrait s'agir que d'un différend entre le
Cameroun et l'Assemblée Générale des Nations-unies. La Cour ne partage pas ce point de we
1
; elle affirme que les positions opposées des parties concernant l'interprétation et l'application
des articles pertinents de l'accord de tutelle révèlent entre le Cameroun et le Royaume-Uni
1
l'existence d'un différend au sens admis par la jurisprudence des cours ancienne et actuelle.
2 - la deuxième exception préliminaire est fondée sur l'article 32 $2 du
règlement de la Cour aux termes duquel "une requête doit non seulement indiquer l'objet du
différend, mais conterùr autant que possible les dispositions établissant la compétence de la
Cour, l'indication précise de l'objet de la demande et un exposé des motifs de la requête".
Cette exception est également rejetée parce que, '1a Cour, exerçant une juridiction
internationale, n'est pas tenue d'attacher à des considérations de forme la même importance
qu'elles pourraient avoir dans le droit interne".
"lhi
.
orry (Hubert); "AIr""" du cameroun lq]laJIriœal" (Cameroun <XlIlIte Royawn..Uni). ExacptiOII préliminaire. Arrêt du 1 décc:mIlre 1963
in _ i r e français de Droit lnlemat.iœaL 1964 p. J 16
78 Voici la dédantim de oete1Qe: "TOUl différend, quel qu'il soit. qui vi<lldnit à .'élever <Il1re l'autorité dlMgée de l'Admini>lrltlm et ... autre
membre des Natiœs-Unies relativeman à l'interprèlatiœ ou à l'applicatim des ~lt.iœs du présatt accord, sera, ,'il ne peul être règlé par
n~ ou lUIre moym, soumiI à la Cour lntcmatiœalc: de ./wilioe. prévUe au dlapitre XIV de la Owte des Natiœs-Uni...
79 Pour tout le dével~ <pli va ...ivre, voir P.M EISE."IMANN & AI Petit manuel de la jurilprudc:noe d CU P. IJ 1-133

L'expét IellCll du lédérallSlll8 cameroull8lS . les cauces et les en5elQnement d'un échec
59
3 • Mais, tout en reconnaissant la régularité de la requête camerounaise - et
c'est ici l'originalité de l'arrêt - la Cour déclare que, même si une fois saisie, elle estime amir
compétence, elle n'est pas toujours contrainte d'exercer cette compétence. Une chose est la
saisine de la Cour, une autre, l'administration de la justice. La Cour n'exclut pas qu'il puisse
éwntuellement exister incompatibilité entre les désirs d'un ou des parties et le de\\Qir de la
Cour de conserwr son caractère judiciaire. Dès lors, il revient à la Cour de veiUer à l'intégrité
de sa fonction judiciaire qui est à la fois consultative et contentieuse.
Toute chose égale par ailleurs, la Cour, confirmant dans son verdict qu'elle était
juge de sa compétence, a estimé dans le cas d'espèce, "qu'eu égard aux circonstances
particulières à celles qui sont produites postérieurement au dépôt de la requête (expiratia\\ de
l'accord de tutelle), elle ne s'acquitterait pas des de\\Qirs qui sont les siens" en examinant
l'affaire plus avant.
C • lA pORTEE HFFI J F DE CET ARRET
Inutile dans son objet (1), cet arrêt était pourtant nécessaire à notre démonstration (2),
1. Inutilité de l'arrêt dans son objet à cause de la mauvaise formulation des
exigences camerounaises.
Le Cameroun a aUégué que, lorsque la violation de l'accord a été définitivement
consommée, l'Etat requérant ne peut plus demander à la Cour qu'une constatation, avec forœ
de chose jugée sur le fait que l'accord de tutelle n'a pas été respecté par la puissance
administrante. D nous souvient que dans le üvre Blanc camerounais, il était écrit que la non-
séparation de l'administration du Cameroun septentrional et la Nigéria a supprimé une
garantie essentielle d'impartialité et a définitivement vicié le plébiscite et que la seule réparation
d'''une monstrueuse injustice" serait d'annuler le plébiscite. fi n'est plus demandé à la Cour de
redresser l'injustice aUéguée comme ce fut le cas devant une Assemblée Générale qui - par sa
résolution 1608 (XV) - avait rejeté la demande camerounaise. Que le motif de cette résolution
ait été ou non politique,eDe a eu un effet juridique définitif (cest-à-dire l'extinction de l'accord
de tutelle) et ce point n'a pas été contesté. Etant donné que le demandeur a déclaré
expressément qu'il ne demandait à la Cour ni de réviser, ni d'infirmer la résolution de
l'Assemblée Générale, sa demande aquivaut à ce que la Cour apprécie certains faits et all'iw à
des conclusions s'écartant de celles qu'a énoncé l'Assemblée dans sa résolution 1608 (XV). Au
demeurant, puisque le demandeur n'a pas prié la Cour de réviser cette résolution, une décision
de la Cour établissant par exemple que l'autorité administrante aurait violé l'accord de tutelle,
ne fonderait pas un lien de cause à effet entre cette violation et le résultat du plébiscite. Au
surplus, l'extinction de l'accord de MeDe et l'union du Camerotm septentrional avec la Nigéria
qui en a suivi, n'ont pas été le fait du Royaume-Uni; elles ont plutôt résulté des mesures prises
par l'Assemblée Générale avec (certes) l'assentiment du Royaume-Uni. Même si la Cour
pouvait se prononcer au fond, elle n'en serait pas moins dans l'impossibilité de rendre un aJJêt
effectivement applicable. Le Royaume-Uni n'aurait ni le droit ni le p<l\\M>ir de prendre des
mesures propres à répondre au désir exprimé par le Camerourl. D'ailleurs, l'arrêt de la Cour
n'infirmerait pas les décisions de l'Assemblée Générale. Contrairement à l'article 59 du statut

L'mcpénenCe du fédénllisme camerounatS . les cauces et les ensetgnement d'un échec
60
de la Cour, untel arrêt ne serait obligatoire ni pour la Nigéria, ni pour un autre Etat, ni pour
un organe quelconque des Nations-Urnes. La Cour ne peut rendre des arrêts qu'à l'occasion de
cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un conflit
d'intérêts juridiques entre les parties. L'arrêt de la Cour doit amir des conséquences pratiques
affectant les droits ou obligations juridiques des parties.
A partir du 1er juin 1961, date à laquelle la tutelle a pris fin, aucun membre des
Nations-Urnes ne pouvait réclamer un droit sur le Cameroun septentrional, ni contre le
Royaume-Urn, rn contre la Nigéria qui n'était pas partie prenante à l'accord de tutelle. Plus
grave, par suite de la cessation de la tutelle, l'Assemblée Générale elle-même n'était plus
compétente.
Exarrunant également l'argument du Cameroun selon lequel l'article 19 de l'aœord
était destiné à créer une certaine forme de protection judiciaire dans l'intérêt particulier des
habitants du territoire et dans l'intérêt général, la Cour fera remarquer d'une part que le
territoire sous tutelle a cessé d'exister, que d'autre part, en décidant de la levée de la tutelle en
question, l'Assemblée Générale se préoccupait de l'intérêt général. Dès lors, ni la surveillance
admirùstrative par l'Assemblée Générale, ni l'examen par le Conseil de tutelle des pétitions
émanant des habitants du territoire ne peuvent s'effectuer. Dans ces conditions, la Cour rejette
la thèse du demandeur tirée de la protection de l'intérêt général.
Tout au long de la procédure, la République Fédérale du Cameroun a demandé à la
Cour de rendre un jugement déclaratoire constatant que le Royaume-Urn avait contrevenu à
l'accord en question. A l'k1ée du "témoignage vital pour le peuple camerounais" exigé par la
République Fédérale du Cameroun, une double interrogation se pose :
- S'agissait-il d'une espèce de réparation morale? d'un genre de "preatium doloris" ?
Toujours est-il que, méme si c'était le cas, le Cameroun était encore habileté après l'extinction
de la tutelle, d'intenter une action en réparation.
- Au cas où le Cameroun avait obtenu une décision famrable de la Cour, 011 peut
penser avec M.Thieny Hubert que le Cameroun aurait exploité la "prestigieuse décision" en
vue d'appuyer une action politique afin de remettre en question le statut du Cameroun
septentrional" .
Le Cour n'avait pas été dupe du jeu camerounais. Elle a observé que, si dans un
jugement déclaratoire, elle définit une règle
de
droit
international,
l'arrêt
qu'elle rend
demeure applicable dans l'averùr. Or, en l'espèce, il s'agit d'un différend relatif à
l'interprétation et à l'application d'un accord de tutelle qui a pris fin, il n'y a aucune possibilité
pour que cet accord fasse à l'averur l'objet d'un acte d'interprétation ou d'application
conforme au jugement rendu par la Cour.
N'ayant pas posé clairement sa revendication à la Cour, le Cameroun ne
pouvait s'attendre qu'à la solution de rejet que nous venons d'exarruner. Mais cet arrêt
présente toutefois une caractéristique positive.

L'expénence du fédéralisme camerounaJS : les cauces et les ensetgnement d'un échec
61
2. La valeur heuristique de cet arrêt
Cet arrêt n'aura finalement contribué qu'à consacrer définitivement- dans le
cadre de la justice internationale - la perte du territoire du Cameroun septentrional, C'est là
l'objet de notre démonstration, Au niveau de la Haute Cour, le processus de détachement de
cette portion du Cameroun est plus affiné, Tout est question d'imbroglio de procédures,
d'exégèse textuelle, en somme de concepts.
A notre avis, nul n'était besoin de porter l'affaire devant la Cour Internationale
de Justice, Une solution diplomatique aurait d'autant plus prévalu que la majorité de l'opinion
camerounaise ne s'est pas encore départie de l'idée selon laquelle la perte du Cameroun
septentrional ne serait que le résultat d'une entente secrète entre la France et la Grande-
Bretagne82
CONCLUSION PARTIELLE
Rien mieux qu'une carte ne saurait illustrer l'échec de la tentative de reconstruction
d'un grand ensemble camerounais. La représentation cartographique de l'émlution dynamique
des frontières du Cameroun de 1884 à 1972 établie par M, Kouam Lucas est riche
d'enseignements,
LE CAMEROUN : 1884-1972
(figure 9)
1) Cette carte réwle d'abord l'insuffisance de l'idée de fédéralisme dans la
mesure où, dans leurs revendications, les nationalistes ont ignoré certains territoires qui
faisaient partie intégrante du "Neu-Kamerun", en l'occurence les anciens territoires de l'Afrique
Equatoriale Française qui ont été annexés sans restitution du Bec de Canard.
Ensuite, l'échec du projet des nationalistes est mis en exergue par la perte du
Cameroun septentrional (44,000 km2) en 1961 tant et si bien que la République Fédérale qui
avait mcation à symboliser l'unité des populations n'a pas préservé l'intégrité territoriale du
pays,
R2 Eyinga (Abel) ; 1nIrodu<ti... à la politique camerounaise, Paris Anthropo. 1978 p. 275 et ..
Voici en quels tennes ce critique dénonce les alliances Franco-Royaume-Uni sur le Cameroun :
"La trlIdition d'une politique concertée de la France et du Royaume-Uni dans l'affaire camerounaise, ne c1atait pas de
1959. EDe remontait en réalité en 1914. Ensemble, ces deux puissances avaient décidé l'invasion du Karnerun dès l'owerlure des
hostilités en Europe en 1914,ensemble eDes ont entrepris l'expérience malheureuse et brève du conclominilD'n, défendu A la
Conférence de Venallles la thèse de l'intégration pure et simple des morceaux de Karnerun qu'elles s'étalent attribués dans ~
empires coloniaux respectifs. Ensemble, eDes ont élaboré des projets identiques d'accord, de mandat et de tuteDe entérinés sur leur
demande par la SocIété des Nations et l'Assemblée Générale des Natlons-Unies. Leur identité de we au Consed de tuteDe, sur
l'affaire du Cameroun, résuItllIt de la conférence annueBe qui les réunissait, ahematlwment A Paris ou A Londres et qui avait pour
objet la concertation de la politique coloniale anglo-française en Afrique Noire".
L'auteur en conclut que "tout s'est donc passé, A propos de la réuniflcatlon, ccrnme si en contrepartie de l'intégration du
Cameroun septentrional au Commonwealth, donc au Nigéria, ~ avait concédé AParis l'élargissement de la zone d'inlluence
française dans cette partie de l'AfrIque NoIre par l'absorption du Cameroun méridional par l'Elat néo-colonial du Cameroun
français Indépendant". Même sile cormnun des morteb ne pouvait pas aussi bien systématlser son lUllertume, les populations ont
toujours éprowt un légItmo sentiment de ftustratlon devant cette division qu'eDes asRnient Aun partage pur et simple.

L'ellpéllellce du 1édéraI_ camerouNIIS : les cauces elles enseognemenl d'un échec
62
2) Ce "déchirement", réalisé d'une part et par une procédure d'appatl!flce
démocratique,
a été
entériné,
d'autre
part
juridiquement
tant
sur le
plan
interne
qu'international83
3) A l'imparfaite création d'un Etat fédéral correspondra un fonctionnement
défectueux des institutions.
Toutefois, voici la représentation cartographique des fluctuations du territoire
du Cameroun de 1885 à 1979 (figure la).
83 cfEvolulioo des frootieres sur !'13!'hique

1,
Fig.9
!
1
LE
CAMEROUN
DE
, 88L, - 1972
1
UJ
1
(j)
1
1
-- 1
« "
(J-
i
z !
« !
Cl:
I.L.
1
Légende:
DU
CANAR D
PRIS
LE
16-3-191&
1~~1 LE' BEC
[==
:. r LES TERRITOIRES RATTACHES A L A·E·F LE 14-1-1916
LE
CAMEROUN
SEPTENTRIONAL
RATTACHE
AU
NIGERIA
1-6-1961
~ ~--- :1
LETAT
UNITAIRE
LE
20-5-1972
CITJ
1I0UAM
LUCAS

Fi g: 10
FLUCTUATION
DU
TERRI TOIRE
DU
CAMEROU N
(1885-1979)
SUPERFICIE C<n million<
d<
krJ-)
800
1
1
, "
1
"
, 1 1
l
"
I I I 1
l'
1
l'
"
1 1
1 [ , '
600
l
"
1 ! l ,
1 I I I
400
2 00
o
1885
1908
1911
1961
'~79
ANNEES

L'eJePénenœ du fédéralisme camerounais: les cauces et les enseignement d'un échec
63
CHAPITRE II
L'ECHEC INSTITUTIONNEL:
L'INFL"lŒNCE DE lA CENTRALISATION
SUR LE FONCTIONNEMENT DES
MECANISMES JlTRIDIQUES DU
FEDERALISME CAMEROUNAIS
Imal.lll'l n"smal Il 'l'IlEME
Déjà en 1962, selon le Dr Nkrumah, "pour améliorer effectivement et rapidement le
sérieux dommage fait à l'Afrique comme le résultat de l'impérialisme et du colonialisme, les
Etats africains en lX:lie d'émergence (émergent) avaient besoin d'Etats unitaires forts, capables
d'exercer une autorité centrale pour la mobilisation de l'effort national et à condition de la
reconstruction et du progrès,,84 . A son heure, cette réflexion venait alimenter le procès fait au
fédéralisme, responsable de la lourdeur des structures administratives et parlementaires
autonomes qui s'opposent aux tâches de plus en plus complexes de l'Etat dans une société
moderne. Le leader du c.P.P entendait ainsi protester dans son propre pays contre les
tendances fédéralistes - séparatistes de son rival, le Dr Koffi Busia.
Plus généralement répandue est cette remarque qui veut que les Etats fédéraux se
centralisent et que les Etats unitaires se décentralisent. Comme on le découvrira, c'est à la
faveur du succès de la tendance à l'unité que le fédéralisme camerounais devra de résisteT
pendant onze (11) ans au détriment des principes de base du fédéralisme qui sont l'autonomie
et la participation.
Le régime instauré par la révision constitutionnelle de 1961 constitue en soi une
synthèse originale : présidentiel au niveau fédéral succombant progressivement à l'irrésistible
poussée présidentialiste, il est parlementaire orléaniste aux échelons fédérés. Pour M.
84 Kwame NIuumIh : "L'Afrique doit s'unir. traduit de l'anglais par L Jospin. Coll. Etudes Œ Doaunans Payot. Paris 1964. p. 214 Cité par P.
F. GaUde<: dans l'Etat Africain p. 180

L'expérience du fédéralisme camerounais: les cauces el les ensetgnement d'un échec
Vergnaud, cette combinaison "d'une démocratie parlementaire et d'un régime présidentiel"
était de nature à favoriser l'harmonisation des activités et des pouvoirs dévolus aux organes
fédérés avec la nécessité inéluctable, par un Etat neuf et dynamique, d'appréhender les grands
problèmes économiques, de choisir entre les grandes options politiques par le moyen d'un
Exécutif unique, stable et partant efficace" 85 .Les préoccupations du constituant camerounais
que vient de résumer le Professeur Vergnaud déboucheront sur une centralisation permanente
des institutions de la genèse à l'abolition de l'expérience fédéraliste.
Deux
considérations
nous
permettrons
de
démontrer
l'échec
du
fédéralisme
camerounais à travers le fonctionnement défectueux de ses mécanismes juridiques :
Il I.E DEPERISSEMENT DU PRINCIPE D'AUTONOMIE DANS lES
RAPPORTS DE L'ETAT FEDERAL ET DES ETATS FEDERES
(5-chapitre 1)
DI I.E DESEQUUJBRE AU SEIN DES ORGANES FEDERAUX OU
L'ATIEINTE AU PRINCIPE DE PARTICIPATION PAR LA
CONCENfRATION DES POUVOIRS AU PROm DU CHEF DE
L'ETAT (S-chapitre 0)
Sous-cbapitre 1 : Le dépérissement du principe d'autonomie dans
les rapports de l'Etat Fédéral et les Etats fédérés
Pour le Professeur Burdeau, le principe d'autonomie "consiste en ce que les Etats
associés conservent l'autonomie gouvernementale". n ajoute que "pour toutes les questions
concernant leur organisation intérieure et la réglementation des matières laissées à leur
discrétion, les coUectivités associées dépendent d'un pouvoir qui leur est propre; eUes ont leur
législation, leur système juridictionnel et la puissance publique mise en oeuvre pour assurer
l'efficacité de leur ordre juridique intérieur, dépend exclusivement du pouvoir correspondant à
leur idée de droit particulier" B6 .
Cette approche théorique est vite démentie par les faits car la tendance générale paraît
être au déclin de l'autonomie des Etats-membres dans les fédérations. La Constitution
camerounaise a opté dès l'origine pour un déséquilibre au profit du Centre. Les amendements
successifs ont eu également pour objet de renforcer la tendance à la décentralisation.
Nous examinerons d'une part, la constitutionnalisation de la prépondérance de l'Etat
central (Section n; et d'autre part, l'accroissement de la sujétion des Etats-membres par des
mesures aux effets centralisateurs (Section m.
85
.
VOW'lud (Pierre); "La levée de la tutelle ct la rCuruticatilJll du CilIJ1eI'oun" . in Revue Juridique ct Politique. Indépendance ct coopéntilJll;
LGDJ.N"4~1964p.'71
86 BunIelou (Georges); "Traité de Scienoes PolitiquCll". l'Etat T.2 LGDJ. Pari.. 2 éd. p. 473

l'expénence du fédéralisme camerounais: les cauces et les enseignement d'un échec
65
SECTION 1: LA CONS1TTU11ONNALISA110N DE LA PREPONDERANCE
DE L-ETAT CENTRAL
En synthétisant la longue définition du Professeur Burdeau, nous admettrons
avec M, Touret Bernard que "le pouooir d'auto-organisation et les compétences propres sont
87
les éléments principaux de l'autonomie
. Voyons dans quelle mesure ni l'un ($1) ni l'autre
($2) de ses pouooirs n'a été exempt de transgressions dans son exercice.
'Irllrllllll: l'Inlliti 1.lIrolt Il'IIt'''I1IIII.IUI. dl' Ebts-IIIlllbrls
En théorie, quelle est l'étendue de ce droit d'auto-organisation qui a pour finalité la
sauvegarde de l'individualité de l'Etat-membre ? Les unités fédérées ont chacune leur
Constitution qui détermine une propre organisation politique. Elles peuvent la modifier sous
réserve du respect des dispositions de la Constitution fédérale. Charles Durand va plus loin
dans sa conception de l'autonomie : "comme élément nécessaire de l'autonomie. une
collectivité doit posséder ses organes propres, c'est-à-dire indépendants de ceux de la
Fédération, qui ne peuvent ni les nommer, ni les réooquer, ni les diriger en tant qu'ils exercent
des compétences comprises dans cette autonomie,,88 , S'agissant plus précisément du
Cameroun, la survivance au Cameroun méridional de l'Assemblée des chefs traditionnels est
un indice d'autonomie de l'Etat-membre. Au demeurant, la Constitution fédérale s'est portée
70
garante du maintien
de cette espèce de "Chambre des Lords", et lui a assuré ipso facto
90
l'exercice de certains pouooirs en matière législative
. Cette réserve, infime en réalité, ne fait
pas le poids devant une intrusion présidentielle toujours croissante dans le fonctionnement des
Etats fédérés. C'est ainsi que, initialement (A) et a posteriori (B), d'importants pouooirs seront
reconnus au Président de la République sur les Etats fédérés.
A - 1ES POUVOIRS INITIAUX DU PRESIDENT DE lA REPUBlJQUE SUR
1 ES ETATS FfDEBES
Le champ d'application des attributions présidentielles embrasse à la fois le
gouvernement de l'Etat-membre (1) et les pouooirs législatifs (2) des Etats-membres.
87 Toun:t (Bemani); op cil p. 1S8
88 Durand (OwIes): Confédération d'etats et Etat Fédéral Paris 19S5. p. 32 cite par B, Touret op cil p. IS8
'0 Durand (Olarles): Confé<lération d'etats et Etat Fédéral Paris 19S5. p. 32 cité par B. Touret op cil p. 1S8
Le lex1e est ainsi libeUé : "L'Assemblée des dlelS traWLioœels du Cameroun méridional est mainlcnue" Art. 38 al. 1
90 Le lex1e exa<1 est le suivant : "Toulefoi.. au Cameroun Occidental certains pouvoirs pourront être exercés en matiere législative par
l'Assemblée des dieu traWLiODDels". Art. 40 de la C<DSlilution du ler/9/1961

L'expét iet!Ce du l$lér8lisme camerounais. les cauces et les ensetgnemenl d'un éChec
66
1. L'action du Président sur le gouvernement de l'Etat-membre
Confonnément aux dispositions de l'article 39 alinéa 1 de la loi n[ 61-24 du 1er
septembre 1961 portant révision de la Constitution, il revient au Président de la République
fédérale de "désigner dans chaque Etat fédéré le Premier Ministre qui doit recemir l'investiture
de l'Assemblée législative de l'Etat fédéré à la majorité simple". Le rite de confiance-
parlementaire auquel sacrifie ainsi la Constitution, n'est pas d'application Wlifonne à Buéa et à
Yaoundé.
Au Cameroun Oriental, le phénomène de parti dominant, devenu par la force des
choses solitaire, vide le mte des députés de tout son contenu car l'approbation de la Chambre
est acquise à l'avance. Au Cameroun Méridional par contre, la majorité que détient le KNDP à
la Chambre n'est pas très importante; dès lors, en apparence, l'alternance n'étant pas exclue,
on peut considérer que les jeux n'étaient pas faits à l'avance. Mais conune dans les deux Etats-
membres le Président de la République prenait soin de consulter à l'avance les députés avant la
désignation du Premier Ministre, nous poumns conclure que la pratique de l'investiture était
en fait caduque dans la Fédération.
S'agissant des Secrétaires d'Etats membres du gouvernement, ils sont nommés par le
Président de la République sur proposition du Premier Ministre ayant reçu l'investiture. Le
Président de la République peut dans les mêmes conditions mettre fin à leurs fonctions (article
39 in fine). S'il est juridiquemenë2 difficile de déduire comme l'a écrit le Professeur Gonidec
que '1e Président peut rejeter totalement ou partiellement la liste que lui présente le Premier
Mirùstre93 il est plus malaisé de concemir un Secrétaire d'Etat surtout au Cameroun Oriental,
nommé et maintenu en poste contre le gré du Président de la République H.
De plus, "le Président de la République Fédérale est obligatoirement consulté par les
gouvernements des Etats fédérés lorsque ces gouvernements prennent des mesures
susceptibles d'amir des incidences sur la vie de la Fédération ,,94 . A cet effet, la Constitution
recommande au Chef de l'Etat de saisir pour avis la Commission fédérale de coordination
(article 7) qui est présidée par un Ministre fédéral et composée de personnalités en raison de
leur compétence par le Président de la République.
2. L'action du Chef de l'Etat sur le législatif fédéré
- D'abord le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée législative
en cas de désaccord persistant entre cette dernière et le gouvernement. C'est de sa propre
92 ~œ du Prof........ Gœidec panil davlDUge .'appuyer sur l'envirœnemem politique de 10 fédl!ntiœ que sur les virtuolitCs
CODBlilutiœmeUes beaucoup plus neutres dan> l'art. 39 in fine.
93 Gœidec (Pi.... fnncia) ; La République fédérale du Cameroun, in Encyclopédie Politique ct CODllitutiœneUe • DM. éd. Berger_
94 d'art 13 de la C<mIitutiœ.

L'expénence du fédénllisme camerounaIS : les cauœs et les ensetgnement d'un échec
67
initiative ou sur proposition du Premier
Ministre de l'Etat fédéré que le Président fédéral
95
exerce ce d
it
ro .
- nest ensuite habilité - et cela conformément à l'article 14 de la Constitution fédérale
et à l'esprit du fédéralisme - à saisir la Cour Fédérale de Justice lorsqu'il estime qu'une loi d'un
Etat fédéré est prise en violation des dispositions de la Constitution ou d'une loi fédérale. Ce
contrôle de la constitutionnalité sera repris en détail plus loin.
-nest enfin autorisé - tradition oblige - à promulguer les lois votées par les parlements
fédérés. Le délai qui lui est imparti est de quinze (15) jours après transmission. Mais ce qui
n'est pas orthodoxe par rapport à la logique du fédéralisme, c'est que le Président peut mettre
à profit ce temps pour demander une seconde lecture96 . Ce qui aboutit en fait à un contrôle
d'opportunité sur les lois votées par les législateurs fédérés. A ce propos, un auteur fait la
remarque suivante : "Ainsi les matières mêmes qui sont laissées dans le domaine de
compétence des Etats membres se trouvent finalement sujettes à un contrôle politique exercé
par l'exécutif fédéral, ce qui renforce incontestablement le caractère centralisateur du système
. 97
camerounatS
..
Avec l'amendement constitutionnel de 1969, le "rubicon" sera franchi. Le chef de
l'Etat s'affranchira complètement des contraintes inhérentes à tout régime parlementaire
authentique. Désormais, texte et réalité seront en harmonie.
B • J ES POINOIRS SUBSEQUENTS DU CHEF DE L'ETAT SUR LES
ETATS FEDERES : elNClDENCE DE lA REVISION CONSllTIl:
nONNElI E RFAUSEE PAR lA lOf Nn 69/Lf1141DU 1.0 NOVEMBRE 1969
Cette révision constitutionnelle constitue un tournant dans le régime politique
camerounais et sur la forme fédérale de l'Etat. Elle modifie beaucoup d'articles de la loi
fondamentale.
Nous n'en retiendrons que deux ; les articles 39 et 44 qui traitent
respectivement de la suppression de l'investiture, de la responsabilité gouvernementale et les
dissolution de la Chambre.
1. La suppresion de l'investiture
L'article 39 qui traitait des rapports entre le Président fédéral et des Premeirs
Ministres est devenu :
"Le Président de la République nomme le Premier Ministre de chaque Etat fédéré.
- n nomme les Secrétaires d'Etat, membres du gouvernement, sur proposition du
Premier Ministre.
95 cf art. 44 de 1. Constitution de 1961
96 V. Art. 74 de 1. C~on française du 4i 10119~8
9' Levrault. Paris 1969 p. 3~.

L'expérience du fédéralisme camerounaIS: les cauces elles enseignement d'un échec
68
- II peut dans les mêmes conditions, mettre fin à leur fonction".
A la remarque, l'article 39 (nouveau) est donc dépouillé de son attirail parlementaire
qui grevait la marge de manoeuvre du Chef de l'Etat dès lors qu'il est mis fin à la pratique de
l'investiture du Premier Ministre par le Parlement fédéré. En conséquence, l'article 11 de la loi
nO 61/LO/1 du 1er novembre 1961 portant organisation des pou\\,Qirs publics dans l'Etat
fédéré du Cameroun Oriental est réduit à ceci: "le Premier Ministre, nommé par le Président
de la République,
fait une déclaration devant l'Assemblée législative. Cette déclaration ne
donne lieu à aUClID débat" .
Une fois nommé, le Premier Ministre propose à la nomination du Président de la
République, ses Secrétaires d'Etat".
2. Le Réaménagement de la responsabilitagouvernementale et le
droit de dissolution
Faisant peau neuve, l'article 44 de la Constitution traite à la fois du problème
de la responsabilité du gouvernement et du droit de dissolution de la Chambre.
- Dans le premier cas, l'originalité de la nouvelle disposition constitutionnelle
semble être l'instauration - implicite au moins - à côté de la responsabilité coutumière (refus de
confiance à la majorité absolue ou motion de censure adoptée à la majorité des membres
composant la Chambre) des deux hypothèses de démission automatique qui sont :
- en cas de renouvellement de l'Assemblée législative
- après les élections présidentielles (on note ici combien le sort du
gouvernement fédéré dépend de la Présidence fédérale).
- Dans le deuxième cas, l'article aménage un nouveau régime de dissolution des
Assemblées fédérales. En application de l'article 44 (ancien), la dissolution pouvait résulter de
la démission du gouvernement ; apparaissant ainsi comme une issue fatale. Elle pouvait être
également la conséquence d'un désaccord permanent entre le gouvernement et l'Assemblée
législative ; auquel cas, le Président fédéral, de sa propre initiative ou sur proposition du
Premier Ministre, serait habilité à dissoudre la Chambre. Désormais, toutes les autres
conditions \\.Unt tomber en désuétude. le Président de la République sera seul juge de
l'opportunité d'une dissolution. le texte en question est ainsi libellé: "Si les circonstances
l'exigent, le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée législative". N'est-ce pas là
la reconnaissance d'un droit de dissolution discrétionnaire des Assemblées législatives au profit
du Président de la République ? On peut déduire de toutes ces restrictions que les Etats fédérés
camerounais n'étaient plus totalement libres, ni dans la création de leurs institutions, ni dans le
fonctiormement de celles-ci.
En effet, comme nous nous sommes attachés à la démontrer, c'est la
Constitution fédérale qui a institué - sinon organisé - les institutions fondamentales de chaclID
des Etats. Le titre IX de la loi constitutionnelle d'octobre 1961 intitulé - "DES ETATS
FEDERES" consacre cette immixtion. Cette rubrique ne comporte pas moins de neuf articles
relatifs à l'Exécutif et au législatif dans les Etats-membres. A titre d'exemple, c'est la

L'expénenCe du fédéralisme camerounaIS : les cauces el les ensetgnemenl d'un échec
69
Constitution fédérale qui a fixé la nature et le nombre des Chambres, le nombre des députés,
la durée de leur marxiat, l'organisation du bureau des Assemblées, la procédure législative,
enfin, la responsabilité politique des gouvernements devant les Assemblées.
L'impossibilité de s'auto-organiser pour les Etats-membres est par ailleurs
renforcée par la fédéralisation du régime électoral des Assemblées au sein de l'Etat fédéral.
C'est par une loi fédérale que seront fixées les conditions d'élection des membres de
l'Assemblée Nationale fédérale ainsi que ceux des Parlements fédérés 98 . Logiquement, une
technique propre de libre choix des gouvernants devait constituer le préalable à l'auto-
organisation. nn'en fut rien. Qu'en a-t-il été de la répartition des compétences?
Plnlnlili 2: Il rillnml.l.t,llltIlre dIS CO••t'IICII IItr8
III DIb It..tris It 11111rt..tnl
En théorie, comment se pose le problème de la répartition des compétences entre les
deux groupes de poumirs publics superposés ? Quelle en est la solution doctrinale ?
$1. La position théorique du problème de la répartition des pouvoirs
Pour M. Burdeau, 'la répartition des compétences entre l'Etat central et les collectivités
particulières est un problème capital dans la mesure où le fédéralisme est conçu comme un
procédé d'organisation politique permettant aux collectivités particulières, incluses dans une,
plus vaste, de conserver la gestion des affaires qui leur sont proposées99 " . Michel Mouskhely
quant à lui,
estime que
la répartition
des poumirs ne soulève rationnellement aucun
obstacle insurmontable d'autant plus qu'elle devrait s'effectuer selon les commarxiements du
principe de subsidiarité qui peut s'énoncer ainsi: "aux associés tous les poumirs qu'ils peuvent
exercer eux-mêmes, à l'association exclusivement ceux qui dépassent les forces individuelles de
ses membres et dont l'exercice exige le concours de tous.. 100 . Oe Professeur Burdeau souligne
enfin que le degré d'indépendance des collectivités secondaires se mesurera à l'étendue du
domaine où leur détermination est libre.)
$2. La solution doctrinale : les techniques de répartition des
compétences
Inscrit dans la loi fondamentale, le partage des compétences s'opère selon deux
principales modalités :
98 NOUI ciIerolIs ici un exemple de loi fédéralisant le àloix des gouvernants: loi n° 61/LF/l du 24/3/1964 fL'OIDlles ccnditiOll5 d'élection des
membres de l'Assemblée Nationale fédérale in ./ORC 1964 p. 17 suppl.
99 Bunleau (Goerges) op cit p. '13
100 Mowl<hely (Mic:bel) ; Stroaures Fédérales. Presses d'Europe, Réalités du Présent, Paris. 1964 p. 20
COIIJIIl<II1le fédéraliste, dans son N" 4' e>q>lique+ille partage de la souveraineté entre l'union et les Etats partiroliers " ? Les pouvoirs que la
Comlilulion délègue au gouvernement fédéral dit-il sont définis, et en petil nombn:.Ceux qui restent à la disposition des Etats particuliers sont
au CQ1Ilaire indéfinis, et en grand nombn:. Les premiers ,'exerœm principalement dans les objets exlérieun.tels que la pail<. la guerre. les
négociations. le COIIIIIIefœ. Les pouvoin que les Etats partladien se réservent. ,'étatdent à tOUI les objets qui suiv_ le ooun ordinaire des
affaires. ~ la vie. la liberté et la prq>riété de l'EUt". in Document d'Etudes. Droit ComIilulionnel et 1nstituli0ll5 Politiques 0" 1. Les
lnItiIutiona des Elatl-Unis p. 19

L'expérience du fédéra~sme camerounais: les cauces elles ensetgnement d'un échec
70
- compétence de principe et compétence d'attribution
- compétence exclusiw et compétence mixte
Dans les deux cas, il est question de déterminer le titulaire de la compétence de
principe. Si ce sont les Etats-membres, la Constitution fédérale énwnérera les matières
attribuées au pouooir central. Celles non citées relèwront de la compétence des pouooirs
publics des Etats fédérés. Inwrsément, il est tout à fait concevable que la Constitution
reconnaisse au pouwir central la compétence de principe et énwnère par wie de
conséquence les pouooirs des Etats-membres. De même, la Constitution fédérale peut octroyer
des domaines de compétences exclusiws et des compétences mixtes à l'Etat central et aux
Etats-membres ; ces dernières seront soumises à la conwitise réciproque du gouvernement
fédéral et des gouvernements fédérés: la solution camerounaise a le mérite (?) d'apparaitre
comme une synthèse "possible" des deux types de répartition que nous wnons d'inwquer. Si
la compétence de principe se préswne a contrario en fawur des Etats--membres, la
compétence d'attribution dont bénéficie le gouvernement fédéral ne saurait être interprétée
limitatiwment. Bien au contraire, tant quantitatiwment que qualitatiwment, les compétences
fédérales sont nombreuses et importantes (A). Qui plus est, le pouooir central est encore
protégé d'une exploitation extensiw des matières "provisoirement mixte" de l'article 6 (B) par
les Etats fédérés.
A - L'EXTENSION n • IMITEE DE lA COMPEŒNCE
D'ATIBIBUDON DU POuvom CENTRAL
La Constitution de 1961 consacre son titre II à la compétence des autorités
fédérales. Avant de nous interroger sur les dispositions constitutionnelles (2), nous IiltTerons ici
le contenu brut des articles les plus importants (1).
1. Le contenu des articles 5 et 6
a) Article 5 : Relèwnt de la compétence des autorités fédérales :
- la nationalité
- la condition des étrangers ;
- les règles concernant les conflits de loi ;
- la défense nationale ;
- les affaires étrangères ;
- la sClreté intérieure et extérieure de l'Etat fédéral ;
- l'émigration et l'immigration;
-le plan de déwloppement, l'orientation de l'économie; crédit, les
relations économiques extérieures (notamment les accords commerciaux);
-le régime monétaire, l'établissement du budget fédéral et la détermination
des impôts et recettes de toute nature destinés à faire face aux dépenses
fédérales;
- l'enseignement supérieur et la recherche scientifique;

L'expénence du fédéralisme camerounaIS: les cauces et les enseignement d'un échec
71
- l'information et la radio;
- l'assistance technique et financière extérieure;
- les postes et télécomrmmications;
- l'aéronautique et météorologie, les mines et la recherche géologique, la
couverture géographique du territoire;
- le statut de la fonction publique fédérale et des magistrats;
- l'organisation et fonctionnement de la Cour fédérale de justice;
- les limites territoriales des Etats fédérés;
- l'organisation des services correspondant à ces matières.
b) Article 6 : Relèvent des autorités fédérales
- le régime des libertés publiques
- le statut des personnes et des biens
- le régime des obligations et contrats en matière civile et commerciale
- l'organisation judiciaire comprenant les règles de procédure et de
compétence devant les juridictions (exception faite des tribunaux coutumiers du Cameroun
Occidental, sauf en ce qui concerne l'appel des décisions de ces tribunaux)
- le droit pénal
- les transports d'intérêt fédéral (voies terrestres, ferroviaires, fluviales,
maritimes et aériennes et les ports
- l'administration pénitentiaire
- la législation domaniale
- la législation du travail
- la santé publique
- l'enseignement secondaire et technique
- l'organisation adminsitrative
- les poids et mesures.
2. Les commentaires suscités par ces deux articles
Nous savons simple clause de style peut-être que l'Etat membre détient tous les
pouvoirs qui n'ont pas été formellement attribués à l'Etat fédéral. A la lecture des deux
articles précédents, on peut se demander en queUes matières légiférera encore l'Etat fédéré
qui, selon les propres termes de l'article 38, "peut se donner les institutions de son choix". Si
toutes les deux dispositions traitent des compétences des autorités fédérales, le constituant a
établi une hiérarchie entre les articles 5 et 6 en faveur du premier dans la mesure où il est
précisé que 'les compétences énwnérées à l'article 5 sont exercées de plein droit par les
autorités fédérales dès leur mise en place" (article 48). Ce qui exclut a priori toute intrusion
concurrente de la loi fédérée en ces matières, en dépit du fait que certains analystes n'ont
voulu voir en eUes que des compétences très élémentaires relevant des impératifs de la
souveraineté nationale 101 .
101 Vt:rgllawi (Pierre op cil p. 568

L'expétiellce du fédéralisme camerounatS . les cauces et les ensetgnemenl d'un échec
72
Autre remarque - et celle-ci est symptomatique des Etats fédéraux - la poütique
étrangère est du ressort exclusif du pouooir central. Vis-à-vis des autres Etats, que ce soit en
matière de diplomaties traditionnelles, de relations économiques extérieures, de défense
nationale, d'assistance technique et financière, l'Etat fédéral s'est toujours présenté conune un
Etat unitaire. En conséquence, seul le Chef de l'Etat a quaüté pour contracter les engagements
internationaux 71, tant dans les matières dévolues au pouvoir fédéral qu'à celles - résiduelles -
appartenant aux Etats fédérés non souverains sur le plan international. Se prononçant dans le
même sens, le Professeur Gonidec reconnaît que "la compétence ainsi conférée au Chef de
l'Etat est de nature à restreindre l'autonomie des Etats fédérés, d'autant plus qu'une
convention internationale, devenue obügatoire et exécutoire, a une valeur supérieure au droit
des Etats fédérés72 . Une autre réaüté de cette répartition des pouooirs consiste dans le fait que
la défense nationale a été fédéralisée malgré les voeux exprimés par Foncha d'entretenir une
armée propre au Cameroun Occidental. Désormais, les armées sont fondues en une armée
(article 12). Enfin, l'économie relève elle aussi des autorités fédérales et nous analyserons plus
loin en détail l'incidence centralisatrice des mesures adoptées en la matière.
A l'évidence, l'existence de compétences mixtes décrites dans l'article 6 de la
Constitution n'altère nullement l'importance des pouvoirs reconnus à l'autorité fédérale.
8 - lA PREEMINENCE DES AUTORITES FEDERAI ES DANti'EXERClCE..
DES COMPElENCES "PROVISOIREMENT MIXTES"
1. Le principe de la mixité provisoire des compétences
En admettant que les matières mixtes sont ceDes qui sont soumises conjointement
à la compétence des Etats fédéraux et à celles des organes des Etats-membres, on conviendra
que c'est en toute connaissance de cause que le constituant a - à tout le moins provisoirement
- opté pour un pareil système de répartition pour "certaines" compétences. D s'agit en
l'occurence de celles de l'article 6 qui, bien que fédéralisées, peuvent encore être exercées par
les autorités des Etats-membres. Les dispositions précises de ce texte sont les suivantes : "En
ce qui concerne les compétences énumérées au précédent article, les autorités des Etats
fédérés pourront continuer à légiférer et à diriger les services administratifs correspondants
jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale ou le Président de la Répubüque Fédérale, chacun en ce
qui le concerne, ait décidé d'exercer les compétences qui lui sont reconnues". Si tel est le
principe énoncé, les garde-fous sont nombreux qui témoignent de la préoccupation
permanente du constituant à contenir les autorités fédérées dans des limites raisonnables.
2. La désuétude des compétences mixtes comme facteur contributif
à la prééminence de l'Etat central
Les articles 6 et 7 de la Constitution rerxlent essentiellement précaire la faculté
qu'ont les autorités fédérées à légiférer. Le texte de l'article 7 est très expücite quand il aborde
71 Le texIe ... ainsi e.rt : "Le Présidc:ol de la Rq,ublique Dègocie 1... aoconls et 1... traités"
'2 GaUde<: (P. Francia) ; op cil p. 36

L'expéllellce du fédéralisme camefOUnais : les cauces et les ensetgnement d'un échec
73
les matières où les autorités des Etats-membres sont admises temporairement à intervenir. De
plus, l'Assemblée Nationale et le Président de la République Fédérale décident souverainement
non seulement du moment mais aussi des matières 102 dans lesquelles elles vont exercer les
compétences qui leur sont reconnues". Ce qui implique en conséquence l'obligation pour les
Etats-membres de se dessaisir automatiquement desdites matières. Plus aliénante encore est la
condition imposée à l'Etat-membre qui se propose d'intervenir dans les matières relevant de la
compétence fédérale de ne légiférer en ces matières qu'aprés consultation de la commission
fédérale de coordination. Si le texte est muet sur la sanction de cette consultation, on peut
penser - en conformité avec l'esprit général de cette Constitution - que la commission peut
dénier à un Etat-membre le droit d'intervenir dans une matière fédérale donnée. Au
demeurant, la composition de cette institution ne la prédispose pas à l'impartialité. Car,
présidée par un ministre fédéral, elle est par ailleurs composée de personnalités désignées en
raison de leur compétence par le Président de la République Fédérale. fi y a tout lieu de
supposer que ces "experts" privilégieront les intérêts de la Fédération par rapport à ceux des
Etats fédérés.
Le principe des compétences mixtes assorties de conditions restrictives qu'inaugurait
l'article 6 augurait d'un mauvais présage pour la Fédération dans la mesure où l'application
stricte de cette disposition constitutionnelle aurait mis fin au fédéralisme et précipité
l'avènement de l'Etat unitaire. En effet, si d'aventure les autorités fédérales s'étaient
accaparées toutes les compétences énumérées à l'article 6, les Etats fédérés seraient devenus
de simples circonscriptions administratives,
La constitutionnalisation de la prééminence de l'Etat central sera complétée par un
train de mesures légales et administratives, plus attentatoires les unes que les autres à
l'autonomie des Etats-membres.
SECTION Il:
L1ACCROISSEMENT DE lA SUJEllON DES ETATS-MEMBRES PAR DES
ltCHNIQUES AUX EFFETS CENTRALISAmJRS
A travers deux techniques - l'une permanente et l'autre temporaire - les Etats-membres
ont été progressivement assujetis au pouvoir central. Nous examinerons d'me part, la fonction
centralisatrice du principe d'unité ($1) et d'autre part, la dose de centralisation contenue dans
la législation d'exception ($2).
102 Voici le leXIe : ·Sel... le cas, les .utorites e><eallJves ou législatives des Etats lëden;s ~ d'être ~ en loutes ces matières
lonque les .utorites fédérales s'en seront saisies".

L'expéueuce du rédénlllSlTlll camet'OUI18lS : les cauces et les enseognement d'un échec
74
'Inlnl.al: l'1.lIeIUal". Irllclla"'II" lé.lntllr "a la
nlb'lllSlUH 1".11111ntIn
La garantie constitutionneUe de l'unité de la fédération est affirmée dans l'article 8 qui
demande au Chef de l'Etat "d'assurer l'unité de la Fédération". De plus, des dispositions de
l'article 47, il ressort que "toute proposition de révision de la Constitution portant atteinte à
l'unité et à l'intégrité de la Fédération est irrecevable". Voilà donc bannie par le constituant,
toute velléité de sécession. Pour ce faire enfin, l'organisation administrative (article 6) de la
Fédération relève des attributions des autorités fédérales.
A l'examen, l'administration territoriale - beaucoup plus influencée par la fonnule
française - était en principe centralisée et assortie d'une dose de déconcentration.
L'administration locale était partiellement décentralisée. La déconcentration s'appréhendait
théoriquement comme une condition de réalisation de la centralisation, nous nous attacherons
d'une part, à démontrer l'influence de cette dernière sur l'autonomie des Etats-membres (A) et
d'autre part, nous tenterons de cerner les incertitudes de la décentralisation des collectivités
locales dans nos deux Etats fédérés (B).
A - L'INH.UENCE DE lA CENTBAUSATION ADMlNISlBAllVE SUR
L'AlITQNOMIE DES ETATS-MEMBBES
De manière générale, en attribuant le monopole de la puissance publique à
des organes centraux et en fondant la totalité de l'ordre juridique sur leur \\-donté, la
centralisation administrative ne laisse que peu de place aux Etats fédérés. Au Cameroun, la
séparation "de l'appareil administratif fédéral de celui des Etats membres" n'ayant pas eu lieu,
il s'est instauré un dédoublement fonctionnel au niveau des organes administratifs locaux. Cet
obstacle a été vite surmonté par un décret présidentiel dont la valeur uniformatrice n'échappait
à persorme (1). L'application de ce texte au Cameroun Occidental renforcera la dépendance de
cet Etat (plutôt de cette région...) 00.
1 - lA FONCDON DE "MVEJI EMENT" DU DECRET No 61/OF/15
DU 20 OCTOBRE 1961
Ce décret du Président de la République publié dans le journal officiel de l'Etat
fédéral fixe l'organisation territoriale de la République Fédérale. fi uniformise - en les
rattachant au polM:lir central - les unités administratives (a), le statut des autorités
administratives (b) et leurs attributions (c).
a) L'uniformisatioo des unités administratives
Six régions constituent l'échelon supérieur de l'administration territoriale
fédérale. La délimitation territoriale et la dénomination de ces circonscriptions est fixée par

L'expétll!llCe du fédéralieme camertlUl18IS : les cauces et les ensetgnement d'un échec
75
décret. Dès ce niveau, le CamerolU1 Occidental, Etat-membre à part entière, est assimilé sans
dérogation à lU1e de nos six régions, Ce ravalement d'lU1 Etat au rang d'lU1e "quelconque"
unité administrative fut certainement préjudiciable à l'autonooùe de ce dernier. Le décret
pré\\.uyait également que les régions pouvaient être divisées en départements, arrondissements
et districts. La démultiplication des régions administratives a donné naissance à trente-neuf
(39) départements et à lU1 nombre considérable d'unités administratives intermédiaires et
inférieures. L'article 21 du décret apporte une précision importante; en effet, il est énoncé
que 'les circonscriptions adnùnistratives existant au Cameroun Oriental (départements,
arrondissements, districts) et au Cameroun Occidental (divisions) deviennent circonscriptions
administratives de la République
Fédérale et conservent
leur dénomination et leur
délinùtation". En recevant en héritage toutes ces circonscriptions qui n'étaient que des "pièces
de structures étatiques" 103 , les traits unitaires pointaient déjà du fédéralisme camerounais.
b) L'wüformisation du statut des autorités administratives
L'unité du pou\\oQir administratif est assurée dans 'la fédération par la soumission
hiérarchique des différents chefs des unités territoriales au Chef de l'Etat. De plus, c'est le
Président de la République qui nomme discrétionnairement par décret les inspecteurs
fédéraux d'administration qui représentent le gouvernement fédéral dans leur circonscription.
S'agissant des préfets, sous-préfets et chefs de districts, ils ne sont nommés par le Président
qu'après consultation du Premier Ministre de l'Etat fédéré 104 . Cette condition ne les soustrait
pas à la vigilance du Chef de l'Etat car, malgré le privilège du dédoublement fonctionnel dont
ils bénéficient (représentants de l'Etat central et d'un des Etats fédérés), ils dépendent de
l'autorité fédérale pour tout ce qui concerne l'exercice des compétences fédérales.
En tant que représentants de l'autorité fédérale, ces administrateurs sont placés
sous la responsabilité directe des inspecteurs fédéraux de l'administration. Même quand elles
représentent les autorités de l'Etat fédéré, ces responsables qui n'ont pas à rece\\oQir des
instructions de ces dernières, ont l'obligation d'informer les inspecteurs fédéraux de leur
activité105 . Le texte pré\\oQit également une disposition à \\oQCation plus centralisatrice. En effet,
les inspecteurs fédéraux de l'administration peuvent être éventuellement chargés dans le
département des fonctions de préfet. Au cas où une situation semblable se produirait, un tel
cumul ouvrirait la porte à d'inévitables ingérences dans l'Etat fédéré car il est établi que le
dédoublement fonctionnel profite surtout à l'autorité supérieure.
Enfin, on remarquera sans beaucoup de surprise l'établissement d\\me
équivalence que le Président de la République a \\oQulu opérer entre les autorités administratives
des deux. Etats fédérés. C'est ainsi qu'aux. termes de l'article 17 du décret pré-cité, au
"CamerolU1 Occidental, les Senior district officers" prennent le titre et exercent les attributions
de préfets. Les "districts officers et les "assistants officers" prennent le titre et exercent les
103 Boekel (Alain); L'adminislratiœ camerouna;"', in Encyclopédie adminisltative. publiée par 11IAP. Ed. Berger.Levnult, Paris 1971, p. 22
104 Cdle cœtraiote a été .....due nuUe avant la l<Ure à partir de 1966. date de l'avénemcm du parti unique. Elle est devaRIe caduque avec la
réforme oonstiIuticnneUe de 1969 qui di!pcnsait le Chef de l'Etat du respea: de la procédure parlementaire de déail'Patiœ du Premier MinUtR>.
Désonnais. celui-ci choisi disaitioma~par l'aUlre ne poutrll qu'entériner sal choix d'aulol'tléa administratives.
lOS Il faut préciaa' que ce lIOIIt les ioape<1eun fédéraul< de l'adminialral.iœ qui n _ toua les fœc1imnairea fèdénux al senice dana la région.
Une teUe allributillll n'est pu une moindre prérogative quand œ ..it qu'une "",uva;'" noutiœ peut changer le ooun d'une canière

L'expérience du fédéralisme camerounBlS : les cauces elles enseignement d'un échec
76
fonctions de sous-préfets ou d'adjoints préfectoraux, suivant qu'ils sont ou non mal placés à la
tête d'un arrondissement". Cette préoccupation de réajustement administratif par le Président
de la République dissimule mal sa peur de ooir une structure échapper à son contrôle.
c) L'uniformisation des attributions des autorités administratives
S'agissant des inspecteurs fédéraux de l'admirùstration qui ne sont que les
représentants du gouvernement fédéral dans leur circonscription, leur mission et les moyens de
la réaliser sont précisés.
Ils sont chargés :
- de représenter le gouvernement fédéral dans tous les actes de la vie civile et
en justice
- de veiller à l'exécution des lois et règlements fédéraux
- de maintenir l'ordre en application des lois et règlements en vigueur
- de contrôler et coordonner l'activité des services extérieurs.
Au surplus, ils disposent de moyens d'action de nature humains et juridiques.
Les moyens d'action humains sont essentiellement constitués des forces de police et
gendarmerie de la Fédération dans le cadre des règlements fixant les modalités d'emploi de ces
forces. Les moyens juridiques sont constitués du pouooir réglementaire qui s'exerce sous forme
d'arrêtés régionaux, des pouooirs qui pourraient leur être attribués par les lois et règlements
fédéraux, de tous pouooirs qui pourraient leur être délégués par le gouvernement fédéral.
Quant aux préfets, ils disposent du pouooir réglementaire dans les matières de leurs
compétences. Us l'exercent sous forme d'arrêtés préfectoraux. Us disposent des forces
fédérales de police et de gendarmerie. Us coordonnent l'activité des chefs de service fédéraux
départementaux et disposent à leur égard du pouooir de notation.
Deux enseignements peuvent être tirés de ce décret. C'est d'abord son univers ultra-
centralisé qui éloigne de l'Etat fédéral, Etat d'Etats dont une des règles est l'auto-organisation
et qui fait penser au désormais universel binôme jacobin de la République "Une et indivisible".
Ce n'est qu'en inooquant ce principe que l'on peut s'expliquer l'absence totale de la spécificité
de l'administration ouest-camerounaise.
Ensuite,
considération
complémentaire de
la
première, toute la vie administrative de chaque province converge vers le gouverneur ; lequel
est délégué du Président de la République. Le Cameroun Occidental n'échappant pas à cette
structure centralisée, l'imminence d'un conflit entre le Vice-Président de la Fédération - de
surcroît Premier Ministre - et l'inspecteur fédéral, était prévisible.
2. Les effets d'application du décret de 1961 au Cameroun
Occidental
Jacques Benjamin a mis en relief le rôle centralisateur de la présence d'un
inspecteur fédéral à Buéa. Aussi, conviendra-t-il d'exposer ses conclusions que nous
partageons.

L'elCpéueuce du lédénIlisme camerounaIS: les cauces et les ensetgnement d'un échec
77
Dès 1961, était nommé à Buéa M. Ngoh Jean Claude, un francophone qui était préfet
de Yaoundé. Comme ses pairs, M. Ngoh était autorisé à émettre des règles et à les faire
appliquer. fi en découlait une double problématique dans les rapports de ce dernier avec, d'une
part, les fonctionnaires ouest-camerounais et d'autre part, le Premier Ministre de l'Etat
anglophone.
a) L'atteinte à l'autonomie d'action du gouvernement du
Cameroun Occidental
Du jour au lendemain - écrivait Jacques Benjamin - les fonctionnaires
ouest-camerounais se trouvèrent dans une position fort embarrassante parce qu'ils devaient
consacrer de plus en plus de leur temps aux affaires fédérales, et, parce que servant deux
maitres, ils étaient intégrés dans deux chaînes hiérarchiques de commandement. Dans ses
fonctions de coordinateur des activités du gouvernement fédéral et comme offider de liaison
entre les fonctionnaires (fédéraux) du Cameroun Occidental et les différents ministères,
l'inspecteur fédéral dirigeait l'activité de ses collaborateurs et recevait copie de leur
correspondance. Qui plus est, dans lignorance des modalités constantes de la répartition
constitutionnelle des compétences, les fonctionnaires ouest-camerounais avaient tendance à
faire parvenir tous leurs mémoires directement aux autorités fédérales, mème ceux relevant de
la compétence des autorités fédérées.
b) Le conflit Foncha/Ngoh 105
Dès 1962, M. Foncha,Premier Ministre ordonna à tous les fonctionnaires de
Buéa - même à ceux qui étaient devenus des agents du gouvernement fédéral - "de s'abstenir
de communiquer de quelque façon que ce soit avec les hauts fonctionnaires des ministères
fédéraux" 106. Le Vice-Président fédéral - qui se réclamait d'un rang supérieur à l'inspecteur
fédéral exigeait que dorénavant tout passe par son bureau. Selon M. Ngoh, la légalité de la
mesure du Premier Ministre Foncha n'était pas évidente. L'inspecteur fédéral faisait le
raisonnement suivant : "Le Vice-Président Fédéral était le plus haut personnage fédéral au
Cameroun Occidental uniquement lorsqu'il résidait à Buéa pour affaires fédérales; or, le
bureau de M. Foncha à Buéa ne s'occupait que des affaires ouest-camerounaises, de sorte qu'il
n'avait pas modifié son comportement. M. Ngoh aurait donc -obstinément - poursuivi ses
activités de nature quasi politique au mépris de ses attributions administratives en se déclarant
ouvertement le représentant direct du Président de la République au Cameroun Occidental. n
réaffirmait que les fonctionnaires de l'Etat étaient responsables devant lui. Pour M. Foncha,
malgré la fédération, il existait encore un gouvernement ouest-camerounais que M. Ngoh
s'efforçait de méconnaîlre.
Le Président de la République n'a intervenu que mollement dans ce conflit pour
donner raison au Vice-Président Foncha. Mais en réalité, ce dernier a-t-il eu gain de cause ?
Nous ne le pensons pas. Si le Chef de l'Etat demanda à M. Ngoh de ne pas ''brusquer les
105 li est CIl soi déja dloquant d'opposer 1DI Premier Ministre qui est en même temps Vi~idcut d'un Etal il 1DI administrateur fut.il (comme
dma le cali d'eopèce) impedeur fédéral d'adminislration
106 Jac:queo Benjamin op cil p. 66

L'eJqlérienœ du fédéralisme camerounais: les cauces et les enseignement d'un échec
78
choses", c'est qu'il pensait que M. Foncha choisirait d'être Vice-Président fédéral (habitant
Yaoundé) et non pas Premier Ministre à Buéa, Muna, qui partageait les tendances
centralisatrices de M, Ahidjo, devenu Premier Ministre à Buéa, acceptera rapidement cette
supériorité de l'Inspecteur fédéral en se considérant comme un "des deux intermédiaires" entre
le Président et le peuple 107 .
Lorsque M. Foncha regagna Yaoundé en 1965. il était clair que lui, autorité
politique - conjointement représentant de tout le peuple camerounais avec M, Ahidjo,
représentant d'un Etat et représentant du parti majoritaire (KNDP) - avait perdu la partie dans
ce conflit qui l'opposait à M. Ngoh, autorité initialement administrative et représentant du
Président Fédéral.
Si l'unité de l'administration territoriale a porté atteinte à l'autonomie du
Cameroun Occidental, qu'en a-t-il été de la décentralisation?
B - L'INCIDENCE DE lA DENATIlBATION DE lA DECENrRAUSATION
SUR L'AUTONOMIE DU CAMEROUN OCCIDENfAL108
Comment le constituant fédéral a-t-il conçu et appliqUé la théorie des corps
intermédiaires - tant combattue par la Révolution - ou le principe des relais de puissance ? A
l'origine tout semble opposer la décentralisation territoriale effectuée à Buéa à celle ayant
cours à Yaoundé. Cette différenciation apparaissant comme un indice de respect de la
spécificité des structures de base de l'Etat-membre, faisait encore penser à la logique
fédéraliste.
C'est ainsi que l'organisation des collectivités décentralisées est une des
compétences des autorités fédérées puisque le Président de la République, seul compétent en
la matière 109 , s'est abstenu d'interférer directement dans la réglementation des collectivités
territoriales décentralisées. Au Cameroun Occidental, eUes constituent une forme de
gouvernement local (self-government) de la collectivité couturrùère suivant ses propres lois et
par les autorités dont eUe s'est dotée bien avant la colonisation.
De ce côté du Mungo, le gouvernement est divisé en trois échelons:
- le gouvernement fédéral
-le gouvernement de l'Etat fédéral
-le gouvernement local.
101 POW' le Pr Burdeau (op cil p. 366) "à l'idée de déoentraIisatioo. il y a aussi une rec<lIIJIaiasanœ de la liberté de l'or~ qui en bénéficie;
liberté qui .'anaIyIe juridiquement dans la faculté dont il jouit de se dooaer à soi-même les normes qui les régissent", Il faut préciser que la
déc<nlralisatiœ n'est pourtant pas l'autœomie locale dans la mesure où la coUe<1ivité locale n'a aucune des prérogatives d'indépaldanœ qui sœt
atl.aàtéea i la poueuiœ <fun pouvoir~. En cœaèquenœ. dans nOIre dérnonstratiœ. la déœntralisatiœ s'appn:bendera surtout comme un
frein i l'alJto.org;misaliœ due aux normes de portée générale adoptées pour l'ensemble des communes de la fèdèntiœ,
108 L'organisatiœ adminiàrative n'est pas une malière réservée au domaine de la loi par l'article 24, Elle est prévue à l'article 6 de la
Cœstitutiœ fédérale,
109 Mborga (Emile); "La déoentraIisatiœ territoriale au Cameroun" in Annales de la Faculté de Droit et des Sci...œs Economiques. L'nivenitt
fédérale du Cameroun n' 3 Yaoundé 1972. p, 19

L'elI;lérience du fédénllisme camerDU/llIIS : les cauees et les eIlsetgnemenl d'un échec
79
Ce dernier baptisé • local cOlmcil, " était composé d'un conseil élu et d'un groupe de
fonctiOTU1aires. Ses pouvoirs étaient très étendus : santé publique,construction d'édifices
publics, éducation primaire, routes et pistes, droit coutumier, émission de permis et créances.
oest donc remarquable que le gouwrnement de l'Etat fédéré de Buéa ne pouvait se passer du
concours de • local council. (colleetMtés locales). Jacques Benjamin souligne d'ailleurs le fait
que "non seulement ce sont ces councils qui imposaient leurs propres taxes, mais juqu'à ces
derniers mois, c'étaient également eux qui recueillaient les impôts, en versant par la suite une
partie au gouvernement de Buéa.
Ce schéma n'était pas à l'abri de la centralisation dans la mesure où en vertu du décret
sur l'adaptation des textes législatifs, c'est le Premier Ministre nommé par le Président de la
Fédération qui, aux termes des articles 3, 4 et 10 de l'ordonnance sur l'administration locale
ouest-camerounaise a compétence pour:
- décider quels seront les objets qui rentreront dans les "affaires locales" de
cette collectivité territoriale, et modifier cette compétence;
- annuler, suspendre ou modifier toute création d'administration locale etc.
De plus, il est reconnu au Premier Ministre qui exerce ces différentes attributions au
moyen des avis publiés au journal officiel (Gazette) le droit de déléguer, "par acte
discrétiOTU1aire et essentiellement révocable", certains des pouvoirs qui lui sont conférés par
l'ordonnance sur l'administration locale aux autorités suivantes :
- au Secrétaire d'Etat à l'administration locale
- au Secrétaire Permanent au Secrétariat d'Etat à l'administration locale
- à un fonctionnaire dudit ministère.
Le mouvement de déclin de l'autonomie des "local council" va se précipiter avec
l'accession au pouvoir de M. Muna, fervent défenseur de la centralisation. Animé d'un souci
"d'harmonisation du système du gouvernement compunal", le nouveau Premier Ministre va
dissoudre les council. Dans l'attente des élections, leurs secrétaires exécutifs et leurs trésoriers
furent désormais nommés et mutés par le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur. Leurs attributions
furent aussi entamées. C'est ainsi que les soumissions ouvertes pour les projets coûtant plus de
350.000 francs devinrent publiques et octroyées dorénavant par contrat. En voulant exercer
un contrôle sur les fonds qu'il accordait aux council, le gouverneur s'en empara.
Désonnais, c'est Buéa qui nommait leurs présidents (chairman) ; ces derniers
nommaient eux-mêmes leur council après approbation du Secrétariat d'Etat à l'Intérieur. La
dimension politique de l'obsession de M. Muna à l'harmonisation se devine aisément; il est
question d'éliminer les partisans du KNDP pour placer ceux du CUe. En somme, c'était le
• spoilt system " qui renaissait sous une autre forme.
Progressivement, la hiérarchisation des autorités locales - qui partait de la • Native
Authority. (sur la base du viDage traditionnel) pour aboutir aux fédérations par affinités
ethniques (au niveau des régions) - a disparu, marquant ainsi un recul certain de la

L'expélielll:e du fédéraliSme camerounaIS: les cauces et les enSetgllement d'un échec
80
décentralisation en faveur de la déconcentration. Avec cette intervention du Premier Ministre,
les autorités comrnlmales ne sont plus tout-à-fait autonomes au Cameroun Occidental.
Au demeurant, sur l'ensemble de la fédération, le processus de désignation des
conseillers municipaux et des maires accuse de l'influence du pouvoir central. En effet, "si la
majorité des membres est désormais élus, certains conseillers sont nommés par le pouvoir
central, certains autres sont membres de droit Oes chefs traditionnels en général). Plus grave
encore est la substitution de la prétendue élection à la pratique de l'investiture dans le cadre du
parti unique. Depuis 1966, les institutions locales sont soumises à leur tour aux assauts du
monolithisme. C'est au parti que revient l'honneur de sélectionner les citoyens devant animer
les structures locales de l'administration décentralisée. Le choix est donc désormais politique.
L'administré ne choisit plus son meilleur gestionnaire, mais se soumet à un conseil municipal
et à son maire en qui le parti a accordé sa confiance. Loin d'être l'émanation - démocratique-
du peuple, les autorités municipales sont devenues les représentants du parti et de son chef. Le
monopole de la représentation politique nationale déteignant sur la vie administrative locale, la
compétence des élus s'est effacée derrière leur ferveur au militantisme. L'on remarque souvent
que le maire est soit président d'une sous-section ou d'une section du parti, soit député à
l'Assemblée. Parfois membre du comité central.
Mais l'atteinte la plus grave à l'autonomie communale - tant au Cameroun Occidental
qu'au Cameroun Oriental- est sans doute la création au niveau de la fédération de l'institution
de l'administration-maire. II s'agit en l'occurence d'un sous-préfet qui exerce cumwativement
les fonctions de représentant du Chef de l'Etat dans son arrondissement et celles de maire de
la localité dans laquelle est sise la ville ; une fois de plus, le dédoublement fonctionnel se fit au
détriment de la mairie 110.
Au principal, nous pensons que la décentralisation a été dénaturée à cause d'un facteur
propre au Cameroun Occidental, l'influence du Premier Ministre et d'une série de raisons
s'étendant sur toute la fédération (investiture à la place du vote dans une ambiance
monolithique ; désignation des administrateurs-maires). Ici également, la technique de la
déconcentration a supplanté celle de la décentralisation.
Si l'application du principe d'unité a contribué à la convergence vers le pouvoir central,
la législation d'exception renforcera davantage la tendance centripète du régime.
'Irtlnl.1 2 : l'llJJl1III6.1"1 Crt.l, Ilctllr "1 clntnll.ltIl.
En dépit de multiples résistances, la théorie des pouvoirs de crise a acquis droit de cité
dans la jurisprudence constitutionnelle et administrative.
De manière générale, les réticences à la légalité de crise dont font fi de la forme de
l'Etat, unitaire ou fédéral, et de la nature du régime politique, parlementaire ou présidentiel.
0
11
Lon de la lIC8im .,.,temenaairc ordinaire de juin 1978, ua dc!puIé .'éleva oaaIre l'institutiOll de ('admiDilInliOll-maire. D fit valoir qu'...
définitiye ce cI<mier. D'" ni maire, ni """""l""èfet. En effet. la coofusiOll a1lre autorilé hiérudlique el COIIIrôle de tuleUe "opère au bénéfice de

L'expérienCe du fédénllisme camerounaIS: les cauces et les enseIgnement d'un échec
81
Aux Etats-Unis d'Amérique, Etat fédéral et présidentiel. en temps de guerre, le
Président reçoit des pouvoirs dictatoriaux, au sens romain du terme 111 . En période de
nécessité Emergency112 , dans les "circonstances graves", il usera des "Constitutional Powers"
(pouvoirs constitutionnels) en vertu desquels 'le Chef de l'Exécutif obtient mission générale de
préserver les Etats-Unis" 113 .
En Inde, République fédérale et parlementaire, la déclaration de l'Etat d'urgence par
Madame Indira Ghandi - après que la Cour Suprême ait décidé l'invalidation de son élection au
Parlement le 12 avril 1957, aura en partie contribué à l'échec du Parti au Congrès aux
éledoins législatives de mars 1971 114 .
Suite à ces quelques considérations introductives, nous démontrerons que la coercition
qui a été une des causes potentielles de la centralisation pendant la fédération (B) repose sur
des prédispositions autant contraignantes tirées du passé de la République Fédérale (A).
A - lA DUAlJlE DES PREDISPOSITIONS COER€D1VES ET LEUR
INFJ UENCE SUR lA FORMATION D'UN DROIT DE CRISE
CENTBAJJSE DANS lA FEDERATION
Nos investigations se porteront dans le droit de puissances de tutelle (France et
Grande-Bretagne) (1) et dans le Constitutional Law de la Nigéria (2).
1. La législation d'exception dans le droit des puissances coloniales
Toute chose égale par ailleurs, il conviendra de s'interroger d'abord (brièvement) sur
le droit français (a) avant d'aborder (plus longuement) le cas anglais (b).
a) L'article 16 de la Constitution française
Qu'en a-t-il été du "constituant colonial" 115 , de qui le droit public camerounais
oriental tient sa source d'inspiration?
1J1 Hauriou (André), Gicquel (Jean). Gelard (Patrice); Droit Corutitutionnel et Institutions Politiques. 6è éd MœtdJrestien. Paris 197' p. 493
112 Bwdeau (Goerges) ; Droit Corutitutiœel et lnslitutions Politiques. 16è éd Paris LGDJ, 1974 p. 26'
ll3 An. 2, Sedion III dA= la Corutitutiœ dA=s Etats-Unis d'Amérique du 17/9/1787. C'~ ""'licitement que la théorie des cin:on!UDoes
exceptionnelles trouve sa plaœ dans le droit public américain. Le fait de veiller il l'e><écution fidèle dA=s lois n'oàroit pas explicitement dA=s
prérogatives présidentielles cormne celles qui se dé!!l'gent de l'art. 16 de la Corutitution française de 19'8.
JJ' V. dans la presse intA:mationale, swtoul dans le Mœde du mois de man 1977, les COIIIIIICUlaires relalifil il la cbule du Premier Ministre
indien. une dA=s premières mesures prises par le nouveau gouvernement dirigé par M Morarji Dosai a cœsisIé à abroger ce déa'et litigieux.
J 15 Aprèa une II<lCepliœ des lnatituIions de la Vè République, la !!l'ucbe continue cependant à stigJDBtiser l'artide 16
• Déjà Ion des débm du 12/9/1961 à l'Assemblée Nationale, André Otandernagor faisait les deux observations suivantes qui lui paraissaient
esaentieUes _l'article 16 : la première, ces/. que l'Etat qu'il s'agit en effet de défendre est d'am- plus vulnérllble et par cœsequent,d'am- plus
faible qu'il ne repose que _
un seul homme, la llClClllIIde que nous ne saurions admettre que cet homme.
si 8J3IId fut-il <Il mémc ~ qu'il défend la République contre les faà.ieux, fasse payer aux Républicains le prix de son cœooun en dauIturanl
la République.
- En 1972, en vue de démocntiser les insliIuI.ions. le programme commun de la lll'ucbe préconisait l'abrogation de l'article 16 qui per1!Il:t au
Président de la République de .'am>ger ''tous les pouvoin"
- Il est à sil'Pai'" que nombreulea sœtles propositions _dant à la révision de l'article 16 quand elles ne sœt pas aussi radicales que celles de la
g;wcbe.

L'expérience du fédéralisme camerounais. les cauces et les enS8lQnement d'un échec
82
La wrsion actuelle de l'article 16 de la Constitution de 1958 se situe au
confluent de diwrses conceptions d'une "légalité particulière et d'une jurisprudence dont le
déwloppement débute awc l'arrêt du CE du 28 juin 1918 116,
Même si l'article 16 a mauvaise presse pour la gauche française, il n'est pas
une création ex nihilo ; encore moins un phénomène sui generis.
Les précédents sont nombreux dans l'histoire constitutionnelle française et
étrangère qui témoignent de la concession des pouvoirs exhorbitants à certains organes de
l'Etat en cas de crise graw. Nous en voulons pour preuw cet inwntaire de textes établis par le
Professeur Hamon:
- article 92 de la Constitution du 22 primaire an vm
- article 14 de la Charte du 4 juin 1814
- loi du 15 février 1872
- acte constitutionnel no 2 du I l juillet 1940 (article 1 alinéa 2)
- article 48 de la Constitution allemande du I l août 1919.
mm, dans le discours de Bayeux du 16 juin 1946, le Général de Gaulle
communiquera sa conception particulière du rôle assigné au Chef de l'Etat en cas de péril
national : "A lui, s'il devait arriver que la patrie fut en péril, le devoir d'être garant de
l'indépendance nationale et des traités conclus par la France".
Monsieur ÜVJona Joseph résume ainsi le processus d'incorporation d'une
"dictature constitutionnelle" dans le droit du futur Etat du Cameroun français: 'bref en 1922,
1946, 1959, le constituant tant international que colonial, a prévu sans réticences, des
mécanismes constitutionnels de crise: mesures d'organisation et de défense" propres à assurer
l'ordre intérieur et la défense du territoire, de l'accord de tutelle de 1946, "mesures utiles pour
la sauwgarde de l'ordre" du statut de 1957 et Etat d'exception de l'article du statut du 30
décembre 1958" 117.
b) Les emergency powers dans le Constitutional Law de la
Grande-Bretagne
Depuis l'époque féodale, le principe de l'octroi (voire de la reconnaissance) des
"pouvoirs particuliers" au souwrain, en certaines circonstances est établi. Mais une évolution
inexorable de la pratique du régime britannique transfèrera "ces compétences spéciales" au
Parlement.
116 CE 2&16/1918. Heyriea, Rce. 651 GAJA p. 191
117 OwClDA (.fosqlh) ; L'inIliIutiœna1ia de la léglliIé d'exœptiao dam le droit public camerounais. RJPIC. nO 1 janv....... 1975

L.~>qXric:nce du féderalisme camerounais: les causes et les mselgnerncnts d' lU1 échec
83
hl Les pouvoirs exceptionnels, prérogatives royales
D'entrée de jeu, nous ferons remarquer que la pratique n'infirmera pas la
doctrine.
i. La signification doctrinale
Selon la doctrine dominante dans la Constitution à l'époque de Blackstone,
nous entendrons par prérogative, les droits et capacités "que le commun reconnaît comme
inhérents à la seule personne du Roi, sans commune mesure avec les droits reconnu... aux
citoyens 120 Keir et Lanson distinguent deux cas de prérogatives royales:
- d'abord une certaine prééminence de droit dont jouit le roi en sa qualité de seigneur
féodal et qui lui confère certains avantages en cas de litige. Par exemple le fait pour le
monarque de ne pas être défendeur devant une juridiction 121
- ensuite, eu égard à l'influence des "Stuarts" et toujours dans le même sens, une
doctrine se développera selon laquelle le "Roi" ne peut mal faire, car ses pouvoirs étendus ne
peuvent lui servir qu'à faire ce qui est juste. Explicitement, il èst reconnu au roi un pOU\\lOÎr
illimité dans la conduite de la politique étrangère, et surtout le droit de faire la guerre et de
négocier la paix.
Comme nous le constatons, la notion de prérogatives royales est sources de confusion
entres deux aspects différents de notre droit positif actuel. Elle ressemble beaucoup plus à la
théorie des pouvoirs discrétionnaires dévolus à certaines autorités administratives qu'au
concept de circonstances exceptionnelles: objet de notre propos.
ü. La formulation jurisprudentielle
Par contre, déduction faite, c'est dans la jurisprudence que nous trouverons une
formulation des pouvoirs exceptionnels reconnus au monarque en cas de péril grave ; R.V.
Hamden (the case of sihif-money 1637 a st. 825). Quels étaient les faits de cet arrêt?
En 1634, Charles 1 se propose de constituer une flotte pour la protection des
ambarcations anglaises. Se détournant de la procédure parlementaire, il imposa aux WIes
portuaires d'armer les navires et de bien les équiper. Pour ce faire, il chargera les
administrateurs municipaux de la collecte des sommes. Par la suite, cette mesure fut étendue à
tout le royawne.
Se fondant sur le principe selon lequel le droit de propriété est garanti et protégé par
Ia loi, un citoyen de sa majesté, en l'occurence, Sir Hampden refusa de verser sa contribution
en objectant que le roi avait outrepassé ses attributions car tout prélèvement pécuniaire ressort
de la compétence du parlement. C'est à l'occasion de la désobéissance du citoyen Hampden
que les juges ont été amenés à se prononcer sur la légalité de l'acte royal.
120 D. L Keir F. H. Lansœ ; Cas in Cooutitutiœal Law Fith ediLiœ Oxford al the Claratdcn Press. 1967 p. 73 et 88
121 D.L.K and f.H.L LanSCll Op CR. 74

L'expèrimoe du fèdérafume camerounais : 1.. causes et 1.. emeil!l1emenls d' un edlec
84
La réponse des juges que nous reproduisons ici, tout en apparaissant comme une
justification a priori de l'édit royal, n'en constitue pas moins l'ébauche d'une téhorie des
pouooirs de crise en droit anglais.
"A notre avis122 , dès lors qu'il est question des biens et de la sécurité du royaume, dès
lors que le royaume entier est en danger, ootre majesté peut, par ordonnance, sous le grand
sceau d'Angleterre, commander à tous les sujets, de ravitailler à leurs frais, tel nombre de
navires en hommes, minutions et vivres, et pour la durée que ootre majesté estimera
appropriée, pour la défense et la sauwgarde du royaume. De plus, à bon droit, ootre majesté
peut en exiger l'exécution par ooie de contrainte en cas de désobéissance. Enfin, du danger,
du moment et de la marûère de le préwnir et au besoin de le conjurer 123.
Cet arrêt n'est pas un cas isolé. Appelés à se prononcer dans des situations semblables,
les juges ont eu en général, une attitude conséquente l24 L'éoolution de cette jurisprudence ne
se fera pas attendre. Mais, c'est surtout au début du 20è siècle qu'est formellement reconnu
par le Parlement le droit pour l'Exécutif d'utiliser des pouooirs spéciaux lorsqu'il y a péril en la
demeure.
b2 : Emergency Powers Act. 1920. 295H oct. (IOxll GEO.5.CH55)
et le
transfert des pouvoirs exceptionnels au Parlement
S'il est admis qu'en cas de péril graw, les principes constitutionnels usuels soient
sacrifiés sur l'autel de la "Sécurité", la vigilante surwillance du Parlement, demeure
impératiwment requise. Ce contrôle parlementaire traduit la différence qui existe entre
l'ordonnance de 1920 et les vieilles prétentions de la couronne à légiférer en cas de nécessité,
au mépris total du Parlement.
La rédaction du texte est d'ailleurs assez éloquente sur le rôle déoolu aux Chambres.
"Que soit promulgué par sa "Majesté Royale", sur les conseils, awc le consentement et sous
l'autorité des Lords spirituels et temporaires ,
et
par
les
députés
à
la
Chambre
des
Communes, tous réunis en Assemblée plénière dans ce Parlement, ce qui suit" 125 Les termes
- conseils-consentement-autorité - emportent conviction sur la prépondérance parlementaire
en la matière. De plus, la solennité qui entoure cette mesure n'est pas une moindre preuve.
L'état d'urgence est proclamé par ordonnance. En principe, il ne peut être maintenu en
vigueur que pendant un mois, période en pratique renouvelable par une nouwlIe ordonnance.
A ce moment, communication doit être faite au Parlement. Si ce dernier ne siège pas, le roi
122C'est 1.. juges qui .'exprimmlainsi
123Suile du cas ~ p. 81
124 V. égalemenl: (1) The case of King'. prerogative in Salpetre (1607). 12 CO Rep. 12
12' The case ofBunnah on. C' lld. v. Lord Advocale (196') AC 75 "...The Waging ofwar SliU wilhin the definitiOll of prerogative"

L'expérienœ du fédéralisme cameroun"': les ""uses et les ense'l!/lernents d'un e"'ec
85
dispose de cinq jours pour le convoquer, Pour sauver l'essentiel de la vie nationale, la pratique
des décrets-lois devient courante.
Depuis 1920, en période de guerre comme de paix, à plusieurs reprises, il a été fait
application de la théorie des pou\\Qirs de crise. Le cas le plus récent néanmoins reste "The
Emergency Act 1964" qui accordait au gouvernement de sa majesté, de manière permanente,
le droit d'utiliser les troupes dans l'agriculture ou dans tout travail d'intérêt national.
Cependant, pour éviter l'arbitraire dans l'application de cette théorie, en plus des garanties
coutumières assurées par "l'Habeas Corpus" 126, trois actes réparateurs des irrégularités ont été
pris. Ds'agit de :
- Indernnity Act de 1920
- Act relating to iIIegal charges
- The war charges validity act 1925.
TeUes sont rapidement examinées la conception et la pratique anglaise de la légalité de
crise dont s'est inspirée la Nigéria qui renfermait en son sein le Cameroun Britannique 127
2. Les pouvoirs de crise dans le constitutionnaIisme nigérian
La Constitution nigériane de 1954, base de l'Etat fédéral, a fait une place
honorable à ce qu'il est convenu de considérer comme les "pou\\Qirs propres" de la Fédération
; ceux-ci sont en majorité, des matières imparties au législateur fédéral. Ces pou\\Qirs sont
nombreux et notre propos ne consiste pas à les étudier en détail. A titre d'exemple, faisons
état dans le domaine fédéral des pou\\Qirs reconnus au Parlement de légiférer, par substitution,
pendant une durée de six mois, dans un Etat nouvellement créé (article 74), aux lieu et place
des autorités locales. De même, comme dans tous les Etats fédéraux, le gouvernement fédéral
peut accorder des subventions aux Etats-membres. Est-il besoin de rappeler qu'en matière de
fédéralisme coopératif, surtout dans le sens vertical, la politique de subvention accroît
simultanément les pOlMlirs de l'autorité centrale et la dépendance de la périphérie.
La Constitution nigériane, en son article 70, traite des pou\\Qirs exceptionnels.
Nous examinerons le contenu (a) et les effets de la mise en application (h) de cette disposition.
a) Le contenu de l'article 70
Quelle définition donne-t-on aux circonstances exceptionnelles dans cette loi
fondamentale? Elle découle de l'imbrication des conditions de fond et de forme, difficilement
126 Emergmcy Pawen Aa, 1920 (0<1. 29) in DoLK. et F.H. Lansœ. op cit p. 221 el s
127 Est-~ enoore besoin de préciser que si dans le cadre de la Constitution de LiUeltoo (oàobre 19~4). le Cameroun sqùn\\rional demeure
inIéfTé dans la régiœ du Nord. partageaul alors le sort et les optJons politiques de œUe dernière. le Cameroun Méridiœal béoéfià.... à
l'inverse. d'un !lalUl régiœal """,",. analogue à celui des trois régions de la Fédératiœ du Nigéria. Cette réforme aboutit à l'odIvi d'un !lalUl
quasi fédéral au Cameroun Méridiœal,

86
isolables les unes des autres; c'est ainsi qu'aux tennes de l'article 70, en son alinéa 3, la
période d'urgence ou d'exception siginifie ;
- Toute période pendant laqueUe la fédération est en guerre
- Quand est en vigueur une résolution prise par chaque membre du Parlement, adoptée
par au moins 2/3 des ootes de tous les membres de la Chambre déclarant que les institutions
démocratiques de la Nigéria sont menacées de subversion. Explicitement, pendant la période
d'urgence ou d'exception, le Parlement peut à tout moment, légiférer dans les matières ne
relevant pas normalement de son domaine.
- Quand est également en vigueur, une résolution de chaque membre du Parlement
déclarant qu'il y a situation exceptionneUe.
Ces mesures dont l'opportunité n'est pas contestée, et qui visent au maintien et
à la préservation de la paix, l'ordre, et le bon fonctionnement des pouooirs publics, s'étendent
soit sur tout le territoire, soit uniquement sur une partie de ce dernier.
L'état d'urgence reste en vigueur, un an renouvelable pour la même durée ou
pour une période plus courte.
b) Les effets de la mise en application de l'article 70
L'exemple de l'Emergency powers (General Regulations de 1962)
Pendant la crise de 1962, le gouvernement fédéral désigna un administrateur
pour la région Ouest du pays (1) ; mesure qui engendra comme conséquence l'atteinte à
l'autorité dudit territoire (2).
bl La désignation d'un administrateur délégué
Dans l'accomplissement de sa mission de direction du gouvernement local, ce
consul des temps modernes disposait d'immenses pouooirs. Pour ce faire, il pouvait prendre
toute mesure nécessaire, tant sur les actes que sur les personnes. fi le fit en demeurant l'unique
législateur (i) et le censeur des autorités locales (ü).
i. L'exclusivité de la création de la règle de droit par le dictateur
légal
Un acte émanant de l'administrateur aura la même valeur et emportera les
mêmes effets qu'une loi adoptée par l'Assemblée Régionale. De plus, l'autorité de susbstitution
sera fondée à changer l'ordonnancement juridique de la région troublée. Enfin, il pourra par
exempe modifier un texte en vigueur ou en suspendre l'application.
ü. Censure sur les actes des autorités locales
En ce moment-là, l'administrateur enjoignit aux autorités politiques et
administratives qui étaient :
- le Gouverneur de la Région
- le Premier Ministre et les Ministres

87
-le Président de l'Assemblée et les Députés
- le Chef de la Police locale ; de n'exercer leurs fonctions que confonnément à ses
directives. Qui plus est, les officiers en service dans la région et les membres des tribunaux
locaux, sous peine de suspension pour désobéissance durent se soumettre à leur tour à l'édit
du dictateur légal.
Cette mise au pas «
légales »
des autorités ne préludait-elle pas à la violation du
respect dû à l'Etat-membre dans un Etat fédéral ?
b2 La constitutionnalisation de l'atteinte à l'autonomie de la Région
Après cette longue énumération des autorités neutralisées en application de
l'article 70, nous en déduirons que la nature fédérale de la Constitution est entamée.
Le domaine de la loi fédérale s'accroissant sans cesse, la répartition initiale des compétences
est frappée de caducité pendant toute la période de crise. En conclusion, toute loi régionale
contraire à la nonne fédérale sera nulle; c'est une période d'inactivité pour les parlementaires.
C'est à travers le personnage de l'administrateur, représentant du Président de la
Fédération que se manifeste l'accroissement des pou\\Qirs de l'Exécutif. Dès lors, il existe un
risque de conflit entre l'autorité régionale et fédérale. Par anticipation, les constituants
(fanners) ont tranché en faveur de l'autorité fédérale (article 1 alinéa 19). La garantie
d'autonomie de l'Etat-membre s'amenuise d'autant plus que, le refus suprême de l'ordre
fédéral, c'est-à-dire une sécession, est à écarter d'office.
En effet, lors des travaux
préparatoires de la Constitution en 1954, certains état-majors politiques avaient suggéré
d'inclure dans le texte constitutionnel du futur Etat fédéral, un droit de sécession pour les Etats-
membres. L'acceptation d'une telle clause - genne potentiel d'un retrait - aurait abouti à plus
ou moins longue échéance, à l'éclatement de la Fédération; alors que l'objectif escompté était
l'indestructibilité du lien fédéral. En conséquence, pour exorciser une telle éventualité, le
constituant originaire a imposé aux autorités locales l'obligation du respect et de conformité
aux décisions du gouvernement fédéral (tout cela dans l'ignorance du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes).
Fort heureusement, ces mesures draconiennes inhérentes à l'application des pOlMlirs
exceptionnels au Nigéria, constituent une exception en la matière. Car en France comme en
Grande-Bretagne, a été constitutionnalisé un train de mesures conservatoires (dans le fond et
dans la fonne) pour protéger les citoyens. Tels nous sont apparus les polMlirs exceptionnels
dans le passé de la République Fédérale du Cameroun.
1. Passé lointain et métropolitain, c'était le cas de :
- la Grande-Bretagne qui, confonnément à sa tradition de respect de la
personne et des libertés individuelles, reconnaît compétence au Parlement,
réputé plus
soucieux en la matière (ce qui est certain, lorsqu'on se souvient de l'hxIemnity Act) ;
- la France dont les conditions de fonne d'application de l'article 16 assurent
un minimum de protection aux citoyens et aux autres pou\\Qirs publics.

L'cxpériCllœ du fédénlisme cameroun... : les causes et les CIlSeI@/Iementsd'unedlec
88
2. Passé plus récent, illustré par la situation nigériane, transposable au
Cameroun britannique, territoire conjointement administré par la Grande-
Bretagne
3. La solution camerounaise de 1961 sera beaucoup plus proche de la conception
française. Proximité qui n'en est qu'une caricature, car les garde-fous fonnels seront
méconnus; dès lors, le rapprochement entre les pratiques camerounaise et nigériane sera plus
net.
A l'occasion, nous remarquons à l'examen des pouvoirs exceptionnels dans la
Fédération, la prééminence du droit camerounais oriental sur le droit camerounais occidental
en dépit de la dualité d'inspiration. Ce qui participe de l'allure générale de thèse du
déséquilibre. nfaut ajouter par ailleurs - et c'est l'idée essentielle - que l'application de cette
législation de crise portera atteinte à l'autonomie des Etats-membres (comme c'était le cas au
Nigéria).
B· lA COERCITION, SOURCE DE-CENfBAUSATION PENDANT lA
fEDEBATION
Si la coercition est un des attributs essentiels du pouvoir, la quête de l'ordre public -
qui s'appréhende au sens large comme absence de troubles - est une des préoccupations
constantes des gouvernants. Pour ce faire, le constituant camerounais a pris soin d'insérer
dans notre loi fondamentale des mesures à la limite draconiennes pour le maitien de l'ordre. la
fonne fédérale de l'Etat Camerounais de 1961 n'arrêtera pas l'excursion présidentielle dans
toutes les parties du territoire en période de crise.
nconviendra donc ici d'anaIyser les dispositions constitutionnelles stricto sensu (1) et
d'examiner l'ordonnance relative à l'état d'urgence (2).
1. L'influence des dispositions constitutionnelles rigoureuses
Ces dernières s'inscriraient sans modification notable dans la législation d'un
Etat unitaire (a), ignorant ainsi la fonne fédérale de l'Etat (h).
a) La filiation de l'article 15 avec la Constitution d'un Etat wûtaire
En cette matière, le Chef de l'Etat est revêtu d'une double compétence: seul il
décide si l'article 15 jouera ou non et quelles mesures seront prises en application de ce texte.
Pour le cas d'espèce, ce large pol.M>ir paraît illimité dans la mesure où si l'on note une
certaine concurrence dans les conditions d'entrée en vigueur de l'article 15, ses conditions
d'exercice sont dominées par le personnage du Chef de l'Etat.
al. Les conditions d'entrée en vigueur de l'article 15

L.expérienœ du fédéralisme camerolU1ais : les causes et les O'lselW1emO'lts d· un ~d1ec
89
Concurrence certes, mais c'est au Chef de l'Etat que revient le privilège de
déclencher les mécanisme préws par l'article 15. Tant dans le fond que dans la forme, les
différentes conditions ne présentent aucune caractéristique respectueuse de la spécificité
fédérale de l'Etat.
all. L'identité des conditions de fond
Elles sont au nombre de deux :
- Dfaut que les "circonstances l'exigent".
Le
caractère
vague
de
cette
disposition
renforce
le
pouvoir
discrétionnaire dont dispose le Président de la République en matière d'état d'urgence.
- D faut qu'un péril grave menace l'intégrité du territoire, la vie,
l'indépendance ou les institutions de la nation.
Cette énumération est-eUe limitative ? Nous ne le pensons pas dès lors
que la mission du Chef de l'Etat se situe dans le cadre général de l'article 15. C'est ainsi que le
danger d'une sécession serait écarté par l'exploitation des virtualités de cet article.
Si l'article 16 a été institué dans la Constitution française pour juguler
l'hypothèse d'une guerre internationale, le constituant camerounais s'est servi de sa législation
d'exception pour asseoir un régime politique encore chancelant. Dans ces conditions de fond,
rien ne reflète spécifiquement la forme fédérale de l'Etat, d'autant plusqu'à des nuances près,
ces mêmes conditions se retrouvent dans les constitutions française de 1958, tunisienne du 8
avril 1976, impériale de 1976 et gabonaise l28.
a12. La quasi-similitude des conditions de fonne
Les rédacteurs de l'article 15 ont semblé opérer une distinction au sein des
pouvoirs exceptionnels en général. A cet effet, ils ont rattaché les conditions de forme non pas
à l'état d'urgence, mais plutôt à l'état d'exception. D y en a trois, une facultative, deux
obligatoires.
D'abord, avant de décider de l'application de l'article 15, le Président de la
République peut consulter les Premiers Ministres des Etats fédérés. D reste bien entendu que
cette consuhation ne lie pas le Chef de l'Etat. De plus,le Président doit informer la nation par
lZ&Voici d'ailleun des extraits de ces différents lexies :
Art. 16 de la eœdjtutim francaise ... Lonque les institutioos de la République. l'indépendance de la Natim. l'intégrité de soo territoire ou
l'exécutim de ... a1gagetDaltS intematimaux sont menacés d'lme lIWlière grave et immédiate et que le fml%Ïonnement régulier des pouvoirs
publics amtibltiOlDlels est ~ le Président de la République prend les lI1CS1JnS exigées par les <:ir<:on!Unoes...
Art. 46 de la loi 9l!l!ti!uliOIDIelle tonisi"",e n° 76137 du &J4J1976 ...fn cas de péril imminent menaçant les institutims de la République. 1.
séaIrité et "indépaldance du pa~ et entravant le fml%Ïonnement régulier des pouvoirs publics, le Président peut prendre les mesures
exœptiOlDleiles Déœaaaires exigées par les <:ir<:on!Unoes...
Art. la de la Cmdihdjm de 1'El!J)ire Celltrafricain de 1976... Lo"'IUe les institutioos de 1~. l'indépendance ou les iotéI<ts supéri...." de la
nation, l'~ du territoire lOIIl rneoaois d'une manim grave et immin<Dte et que le fml%ÏOIItIemaIt régulier des pouvoirs publics est
interroIq>u. I~ prend les mesures exigées par les <:ir<:on!Unces.
Art. 19 de la eœ!di!Jdiœ l!I!bonaiae...l.onque les instiIulions de la Républiuqe. l'indépendance ou les interds supéri...... de la Nation. l'intéP
de .... ~ ou l'eUcutiœ de seo a1gagaDalts IOIIllD<llacès dme manière grave et imminalle et le fonl%ÏOIItIemaIt régulier des pouvoirs
publics CIl iIJIaToqJu, le Prèaidenl de la République JlI1'IId les mesures exigées par 1.. cirtœ.ùDoea...

L'expèri,,"oc du fédéralisme camerounais: les causes ales m5e'!'I'ements d"un èdtec
90
voie de message. Dans le contexte camerounais, la valeur de cette publicité reste discutable et
son application l'est beaucoup plus. Enfin, l'Assemblée Nationale fédérale doit se réunir de
plein droit pendant la durée de l'état d'exception. Ici également, l'unité du pouvoir se réalise
aux mains du Chef de l'Etat et la nature fédérale de l'Etat n'est pas explicitement consacrée.
Les conditions d'exercice de l'article 15 vont dans le même sens.
82. Les conditions d'exercice de l'article 15
En reconnaissant au Président de la République le droit de "prendre toutes les
mesures qu'il juge nécessaires", la Constitution confère au Chef de l'Etat une vaste
compétence. C'est ainsi qu'il se substituera légalement au gouvernement et au parlement. Qui
plus est, la Constitution reste muette sur les conditions d'exercice de l'article 15 ; c'est à bon
droit que l'on peut craindre que le pouvoir du Président ne soit arbitraire. En effet, la limitation
matérielle "quant à but" 129 qui figure dans la Constitution française est simplement ignoré ici.
A la finalité sans équiwque d'exercice de l'article 16, répond le silence complice de l'article 15
de la Constitution camerounaise.
b. L'article 15 : un texte enfreignant la loi de participation
Aux termes de l'alinéa 1 de l'article 15, le Président de la République a la
faculté, '1orsque les circonstances l'exigent, de proclamer par décret l'état d'urgence qui lui
confère les pouvoirs spéciaux dans les conditions fixées par la loi fédérale". La consultation des
autorités fédérées n'est pas exigée. Même si les problèmes de défense nationale, de sûreté
intérieure et extérieure de l'Etat ressortirent de la compétence fédérale (article 5), ne pouvait-
on pas s'attendre à ce que les autorités des Etats-membres participassent à l'élaboration d'tme
décision aux effets aussi contraignants pour les Etats ?
Le principe de participation et l'idée de pluralité sont aussi battus en brèche
par la loi n° 69/lF/14 du 10 novembre 1969 qui abroge certaines dispositions de l'article
15. Désormais, l'obligation pour l'Assemblée Nationale fédérale de se réunir de plein droit
pendant la durée de l'Etat d'exception n'est plus prescrite. Dès lors, disparaissait le contrôle
que le parlement fédéral pouvait effectuer non seulement sur la légalité des mesures
exceptionnelles, mais aussi sur leur opportunité. D'ailleurs, compte tenu de l'ambiance
monolithique dans laqueDe baignait la Chambre, il n'était même pas besoin de supprimer
expressément l'intervention de l'Assemblée en ces circonstances; par la force des choses, le
contrôle parlementaire serait tout seul tombé en désuétude. De plus, en l'absence d'tm
contrôle de la légalité de la Cour Suprême "vérifiant si le but des mesures présidentieDes est
bien le rétablissement le plus rapide de l'ordre, voire de la Constitution", l'éventualité de tout
contrôle organique s'estompait. Seul demeurait en lice, le Président de la République, tenant
fermement la barre. D faut enfin préciser que le sentiment de participation qui se dégage du
fait que les deux Premiers Ministres peuvent être consultés avant la proclamation par décret de
l'état d'exception est affaibli par son essence facultative laissée à la souveraine discrétion du
129 Ce lexle de l'article 16 est le suiwnt : "Ces mesura doiv<ltt ètre inspirées par la volcoté d'assura- aUX pouvoirs publics amtJtutiCllllels. dans
les moindra délais les moyena d'.~1ir leur missico'

L"o"""""""" du fédéralJsme cameroun... ; les causes et les c:nseI!!Jlema". d"lD) ed1ec
91
Président de la République. Cette entorse à la légalité édictée par l'article 15 se renforce dans
les ordonnances sur l'état d'urgence.
2. La légaHsation indirecte de l'atteinte à l'autonomie des Etats·
membres par l'ordonnance n° 5 du 4 octobre 1961 "portant loi
organique sur l'état d'urgence" 130
Le texte précise que l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du
territoire de la République pour une période qui ne peut excéder six mois soit en cas
d'événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité nationale;
- soit en cas de troubles répétés portant atteinte à l'ordre public ou à la sûreté de l'Etat
- soit en cas d'agression étrangère. Si, comme nous l'a'vUns souligné, c'est le Chef de
l'Etat qui dispose en ces temps de crise du pou'vUir discrétionnaire que justifie le danger couru
par la Nation, certaines autorités administratives - toutes soumises hiérarchiquement au
poU'vUir fédéral- sont habilitées à prendre des mesures consécutives à la proclamation de l'état
d'urgence. n s'agit en l'occurence du Ministre fédéral de l''administration territoriale, des
inspecteurs fédéraux d'administration et des préfets.
Par arrêté immédiatement exécutoire, le Ministre fédéral de l'administration
territoriale peut :
1. ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de
boissons et lieux de réunions de toutes natures
2. organiser le contrôle de la presse et des publications de toute nature, ainsi
que celui des émissions radiophoniques et des représentations théâtrales ou
artistiques ;
3. dissoudre toutes asociations ou groupement de fait qui provoqueraient des
manifestations armées ou présenteraient, par leur forme et leur organisation
militaire et paramilitaire, le caractère de groupe de combat ou
de milices
privées, ou auraient pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire
national, à l'unité nationale ou à la forme république de l'Etat;
4. prononcer l'assignation à résidence de tous individus résidant dans la zone
soumise à l'état d'urgence et qui s'avéreraient dangereux pour la sécurité
publique;
5. autoriser les réquisitions des personnes et des biens dans les formes
légaleslJl
6. ordonner soit de sa propre initiative, soit à la demande des autorités c
hargées de l'administration des circonscriptions soumises à l'état d'urgence, que
les individus jugés dangereux soient gardés à vue pour une durée de deux mois
renouvelables.
130 Dès 1960, lD) lexie aemblable était en Vlgueur, Il .'agit de l'ordonnance présidentielle n' 252 du 7 mai 1960· portant loi organique _
l'étal
d'urgence", En 1972, l'ordonnance sera réa(SUalisée pour talir ~ des mutations constittulionnelles. Désormais.. 'appliquera l'ordcnnanoe n'
72/13 du 26 août lm relative à l'état d'urgence.
131 V" loin' 68iLF/4 du 4/6/1968 portant organiutiœ du régime des ~itiœs.

L.expèric:nœ du fédéralisme CIIIIIOI'OWIais : les ""..... et les ""'""8JIements d' un ed1ec
92
Les pOlMJirs des autorités administratives sont aussi nombreux. C'est aInSI
qu'aux termes de l'ordonnance, la proclamation de J'état d'urgence donne à ces dernières
(gouverneurs ou préfets), pour les parties du territoire désignés par décret les pouwirs ci-aprés
émnnérés par J'article 4 de l'ordonnance:
1) soumettre la circulation des personnes et des biens à des mesures
restrictives (couvre-feu, laissez-passer, fouille des véhicules etc) ;
2) ordonner la remise des armes, munitions, effets militaires, poste radio;
3) interdire toutes réunions et publications de nature à entreterur le désordre ;
4) éloigner les repris de justice et les individus qui n'ont pas de résidence ha-
bituelle dans la circonscription ;
5) instituer des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes
est réglementé, ceci afin d'éviter les infiltrations rebelles;
6) interdire le séjour dans toute ou partie de la circonscription administrative à
tout individu cherchant à entraver, de quelque maniè~e que ce soit, l'action
des pouwirs publics ;
7) requérir les autorités militaires de participer en permanence au maintien de
l'ordre dans les formes légales ;
8) autoriser, par tout officer de police judiciaire, civil ou militaire, des
perquisitions à domicile, de jour et de nuit ;
9) ordonner la garde à we dans tous les locaux y compris dans un quartie spécial des
établissements pénitentiaires, pendant une durée d'une semaine au maximum, des
individus jugés dangereux pour la sécurité publique. nfaut signaler que les infractions
aux arrêtés des gouverneurs et préfets pris en application de cette ordonnance sont
punissables de l'emprisonnement de deux à cinq ans. De plus, dans les parties du
territoire où l'état d'urgence a été proclamé, la compétence de la juridiction militaire
est applicable selon les règles de l'ordonnance portant organisation de la justice
militaire 132.
Toutefois, pour éviter les riSQues d'arbitraire, une commission consultative dite
commission de vérification a été mise sur pied. Aprés information, la commission a le droit
d'exprimer un avis motivé sur toute décision d'assignation à résidence ou de garde à we
supérieure à une semaine. En fait, il ne s'agit que d'un avis et le texte précise d'ailleurs que
l'autorité compétente statuera à nouveau et pourra passer outre l'avis de la commission. Dans
cette dernière hypothèse, plus aucune garantie ne protège le citoyen. Au-delà des cas
individuels, l'autonomie des Etats-membres est fortement compromises par l'extension abusive
des mesures de sécurité sur tout le territoire. C'est ainsi qu'aux termes de l'article 7, '1orsque
l'état d'urgence a été déclaré sur une partie du territoire, les préfets des autres circonscriptions
132 Nombreux sœt les jugemmts rendus par les juridictiOlU militaires pour atteinte à la sûrdé intàieure de l'Elat. fabri_ et doéteaticn
iUégale d'"",- lUOCiatiODl à malfaileun. incendies vol<llÛires. pillage. Le jugem<nt nO 104 du 7/10/1968 rendu par le tribunal miliUire de
Douala dans une atraire qui opposait le MinUtère public aU sieur Ndjanga Soneh Adolphe alias Stack.Boy lémoi8JIe des préocwpations du
pouvoir (des juges) dans un de ses attaIdus :"Allendu que Ndjanga Soneh Adolphe est prévc:nu de ooospiration c:n vue de la sécession. de la
guerre c:n ",Ue. de la révolution et de ClClmtitution d'une bande armée"

L'expéneuœ du fédéralisme camerouna.. : 1.. causes ct 1.. cn5e'!!J1crnents d'un <chee
93
du territoire disposeront de plein droit, des pouwirs aux alinéas 10, 2°, 3°, 7° de l'article 4 de
la présente ordonnance", Ce qui signifie en d'autres tennes que si dans le département le plus
reculé du Cameroun Oriental par exemple à la frontière du Gabon, des circonstances précises
motivent la proclamation de l'état d'urgence, la décision du préfet de Buéa de disposer de
pleins pouvoirs sera légalement fondée.
L'ordonnance poursuit :
Seront en outre applicables à l'ensemble du territoire, les dispositions suivantes:
-les alinéas 6° et 9° de l'article 4 dans les conditions prévues à l'alinéa du
présent article
- le paragraphe 1er et les alinéas 4è et 6è de l'article 5°
- l'article 6.
L'on peut se demander avec M. Owona Joseph "s'il n'eUt pas été plus logique de
circonscrire cette extension des pouwirs des préfets aux circonscriptions géographiquement
contiguës à la partie sownise à l'état d'urgence" 133.
L'ordonnance sur l'état d'urgence est riche d'enseignements. Elle montre d'abord que
le Cameroun occidental, qui n'est qu'une circonscription à la tête de laquelle se trouve un
inspecteur fédéral francophone, n'est qu'une circonscription comme une autre, puisque nulle
part on ne lui fait un statut particulier. il ne faut d'ailleurs pas oublier que certains opposants
au régime de M. Ahidjo s'étaient réfugiés dans cette partie du territoire. Ensuite, nous notons
une certaine relation entre l'atteinte aux libertés individuelles et l'atteinte à l'autonomie des
Etats-membres, En effet, les garanties individuelles avec possibilité d'indemnisation que nous
awns remarquées en Grande-Bretagne pendant l'application de la législation de crise sont
absentes au Cameroun. En réalité, la démarche fédérale se veut "totale", intégrale, Enfin,
l'ordonnance aura été une anne efficace de centralisation dans le temps (renouvellement
continu au moins trente-çinq fois en onze ans) et dans l'espace (sur toute la fédération) aux
mains de l'autorité centrale 134. La Fédération a pratiquement vécu en situation de crise
pendant toute
son existence, puisque ce n'estqu'au congrès de Douala en 1975 que l'état
d'urgence a été officiellement levé sur la plupart des circonscriptions administratives.
13JGonidec (P, Francis) ; 1.. S)'ÙIDCS politiques africains. Partie, les réalités de POUVOIrs Paris LOD} 1974 p, 57.
AlI demeurant. voici une citatioo du professeur Gonidec qui corrobore nolre point de vue. "En fait, le Cameroun vit depuis 1959. plus de trente-
cinq lois. ordonnances ct déaàs ont prorogé, tous les quatre OU si. mois. l'état d'e.œptioo (e><lrait d'Afiicasia du 26 octobre 1970). Finalemeo1,
la lutte centre 1.. rebell...'assimilant sans difficulté à la lutte centre un parti politique, 1'UPe, n'a-t-œ pas assisté à un détournement de but eu
applicatioo de la législatioo en matière d'éùl <furgenœ ?
134 Cooaèlement. voici le libellé d'un des multiples dé<:rcts prorogeant l'état d'urgenœ sur une des parties du leIritoire camerounais :
Déa<t n' 671DF/139 du 6 avril 1967 pllllogeaot l'éùl <furgenœ dans une partie du Cameroun Occideotal (.IORFC 1967 P 561 J.
Le Présideo1 de la République Fédérale décrite :
Mide premier: - a) L'éUl d'urgenœ proclamé dans une portioo du territoire du Cameroun Occidental par déact n' 62IDF/125 du 17/4/1962
lIUIVÙé est. pour ~ du 12/41 1967 prorogé pour une nouvelle période de si. mois dans les portions des départemarts de Bameoda.
Owofood, Mamfé, Kumba. Ndian Vidoria.
b) Les limites des localilés ci-dessus énumérées sont œil.. prévues par le déactn' 66IDF/13J du 17/J/1966.
Article 2 : • 0_1.. départemarts visés • l'article précédent. l'inspedeur fédéral d'adminislration ct 1.. préfets SOlt habilités. prendre par anité
immédialemenle_ire les mesures énumérées à l'article 4 de l'ordonnance nO 61/0FI5 du 4110/1961
Article J : Le présent déact sera enregistré ct publié selon la procédure d'urgeuœ ... français ct eu anglais. au journal officiel de la République
Fédérale du Cameroun
Vn autew'éait ceci: L'ordonnanœ n' 5 du 4110/1961, qui a force de loi ~ des restri<1ions ... matière de Iibertèa individuelles, matière
qui relève du domaine de la loi fédérale, conformément à l'article 24 de la Constilution. La ooosèqueuœ de l'éUl d'urgeuœ ct de \\'éUl
d'exœptJOD, eu lDIlière régtem<Dlaire . . l'aWWU adminisIrative peul intervaur légJIemeol dans œ domaine réservé • la loi.

L'exp<ric:nœ du tëdénlisme cameroun'" : les causes et les alse1!!Jlement5 d'lm édlec
94
Cette mutation au sein d'un Etat de droit préludait-elle à la mutation plus importante
de la forme de l'Etat en 1972 ? L'on est d'autant plus fondé à se poser cette question que les
différentes procédures d'urgence fédérale en période de crise permettent (habitueUementl non
seulement de porter atteinte à l'équilibre général de la répartition des pouwirs mais encore de
substituer une structure unitaire à la structure fédérale et, ou au moins temporairement 1l5,
Dès lors, force est de constater que le déséquilibre entre l'Etat fédéral et les Etats-
membres sera complété par un déséquilibre entre les autorités fédérale au profit du Président
de la République,
SOUS· CHAPITRE II
LE DESEQUILIBRE AU SEIN DES ORGANES FEDERAUX OU
L'AlTEINTE AU PRINCIPE DE PARTICIPATION PAR LA
CONCENfRATION DES POlNOIRS AU PROFIT DU CHEF DE
L'ETAT
En son article 4, la loi constitutionneUe de 1961 posait que l'autorité fédérale devait
être exercée par :
- le Président de la République
-l'Assemblée Nationale Fédérale.
Ces deux autorités chargées de diriger l'Etat devaient également tenir leur pouwir du
peuple - propriétaire exclusif de la souveraineté nationale 136 par wie d'élections au suffrage
universel direct ou indirect, Au demeurant, il était fermement précisé qu'aucune fraction du
peuple ni aucun individu ne pouvait s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale. Tout
ceci laisse supposer que le constituant avait à coeur d'instaurer au niveau de la Fédération, un
régime d'équilibre des pouwirs, principalement un régime présidentiel 137
13 5 Roy (Mauriœ-Pierre) ; Les régimes politiques du Tien-mxlde. LODJ. Paris 1977 p. 56
Cet auteur di3lmgue deux hypothèsea "d'ingérence fédérale" al période de crUe qui aboutWent toutea les deux • la swp<nsion de l'autallomio
des Etats-rnembres.
Il l'agit d'abord de la proclamation de l'état d'urgenœ pcndaot laqueUe les Etats fédérés oonservc:nt leurs organes coastilutiOlll1els, qui se wiaIt
privés. provisoirement, de leun attributions au profit des autorrtés fédéral... ou parfois même les conservent panUèlomeot (Binnanie, Inde)
Il est question ensuite, de 1'intervc:nli0ll fédérale, tedmiquo plus radicale ponnctlant lU gouvomemmt fédéral de .....,..,dre 1.. pouvoirs
~ locaux et des 1.. ~ par des a8JCIIU fédl!raux
ee pouvoir d'intcrvc:nli0ll poul are déloumé de SOIl objet et utilisé comme imIrwnaIt de cœtralisati.... voire de diàalure. L'auteur ajoule "qu'OIl
ost amve en Atgaaine. à coosicléror l'intervcntiOll fédérale danl 1.. affaires des provinces autœomc:s comme lm véritable imllumaIt
d'opprossiOll du pouvoir cc:nlral.
IJ6 Art. lai, 1 "La IOUvorainetélUllimale appartied au peuple qui l'exerœ..,''
137 Le Présidc:nl Ahidjo oanfirme d'aiJIoun le dloix naliœal pour le régime présidc:ntiel quaod il dit : "La thèse n" 10 de l'UNe dispooo """
l'Etat ClUIW:IOUII.Bia est .... R.!publique preridc:ntielle",

L'elCpèrimœ du fédéralisme cameroun... : 1.. causes et 1.. <meIl'Jlemans d'un <dle<:
95
Malheureusement, ce souci d'équité entre les principaux organes de l'Etat fédéral est
resté lettre morte dans la mesure où, ni dans la suite du texte constitutionnel, ni dans la
pratique de ce dernier, ne sont apparus les traits essentiels du régime présidentiel classique qui,
tout en assurant au maximum l'indépendance des pouwirs, réalise leur séparation la plus
complète. C'est ainsi qu'on ne retrouvera pas - comme le prévoit la doctrine - ni indépendance
organique, ni indépendance fonctionnelle assurées avec une grande rigueur. Nous assisterons
plutôt - selon les mots de M. Gicquel après les révisions constitutionnelles successives, "à un
modèle du genre en matière de régime présklentialiste autoritaire qui est caractérisé pour
l'essentiel par la dénaturation du système américain: le Chef de l'Etat est exalté, le Parlement
est subordonné et les libertés comprimées 138 . Toujours dans le même sens, mais sous un
angle polénùque, M. Eyinga Abel, traitant de la "Fédération néo-coloniale de 1961 à 1972",
conclut à la domestication, voire à la vassalisation des pouwir exécutif, législatif et judiciaire
dans ce régime constitutionnel caractérisé par sa tendance à la monocratie 139
Toute concentration des pouwirs étant par nature limitative des pouvoirs des autres
organes, dans un Etat unitaire, on conviendra a priori que le rapport des forces établi entre les
institutions fédérales - composées des représentants des différents Etats fédérés - est rompu au
profit de l'organe central. Dès lors, nous avancerons que la monocratie présklentielle a
restreint le droit de participation de l'Etat fédéré anglophone par ses représentants interposés
au sein des pouvoirs publics fédéraux. Le fédéralisme aussi conçu philosophiquement comme
coopération, dialogue, concertation, a été encore absent ici. Ds'est établi une relation certaine
entre la nature du régime et la forme de l'Etat. C'est ainsi que plus s'accentuait le processus de
présklentialisation, plus s'amenuisait l'autonomie des Etats-membres, leur substituant le statut
d'Etat à celui d'une "vulgaire" région. Trois idées nous permettront de mesurer l'incidence de
la stature du Chef de l'Etat sur les institutions fédérales.
Premièrement: L'autonomie du Chef de l'Etat au sein des
institutions fédérales
Deuxiêmement : Les restrictions à la fonction de participation de
l'Assemblée Nationale Fédérale
Troisièmement: La difficulté d'exercice de la fonction arbitrale par
l'autorité judiciaire
138 GCIQUEL (J) : Droit CœIliIuI.iŒlllel et lnstitutiooa Politiques. 6è éd. Ed. Maotdtn:!li.... Paris 1975. p. 692
139 Eyillga (Abel); op cil p. 270 et ..

L"xpérience du fedéralisme camerounais: les causes elles ensei!'1'ements d'un edl<e
96
SEC110N 1 : LIAUTONOMIE DU CHEF DE LIErAT AU SEIN DES
IN5mUnONS FEDERALES
Selon M. Richard Moulin, "contrairement au régime présidentiel classique, dans
les régimes présidentialistes, les mécanismes juridiques doivent viser à établir la prédominance
du Président 140. L'autonomie du Président, déjà assuré comme Chef de l'Exécutif en régime
présidentiel est renforcée par deux séries de facteurs :
Paragraphe 1 : Le statut privilégié du Président de la République
Paragraphe 2 : Le rôle prééminent du Président
Paragraphe 1 : Le statut privilégié du Président de la République Fédérale
Deux faits expliquent la situation particulière qui est celle du Président de la République
Fédérale : il s'agit de l'origine de son pouooir (Al et de l'organisation de l'Exécutif
présidentialiste (BI
A • "'ACCROISSEMENT DE 1:AlITQNOMlE STATIIfAIBE DU
PRESIDENT DE lA FEDERATION PAR lA SOURCE DE SON
POlNOIR
En application de l'article 51 des "dispositions transitoires et spéciales" de la
Constitution fédérale, le Président de la République du Cameroun est devenu jusqu'à la fin du
mandat qu'il exerçait 141, Président de la République Fédérale. Ce texte accordait au Chef de
l'Etat fédéral, me promotion d'autant plus importante que dans la Constitution 142 de son Etat
d'origine, le Chef de l'Etat n'était que l'élu d'un collège restreint comprenant:
-les membres de l'Assemblée Nationale
- les membres des conseils généraux des provinces
- les délégués des assemblées municipales élus au sein de ces assemblées dans les
conditions fixées par une loi organique.
NolIS remarquerons donc que pendant la phase d'instauration des institutions fédérales,
sous l'influence des vestiges parlementaires, le Président n'est pas encore l'élu de la nation
entière. Aussi conviendra-t-il de se pencher d'abord sur la désignation du Chef de l'Etat (1)
awnt d'exploser un des principaux effets de cette élection présidentielle au suffrage universel
(D) qui permet au Chef de l'Exécutif d'échapper à l'Assemblée Nationale Fédérale.
140 MouliD (R) L< Présidentialisme el la clas&ficaliœ des régimes politiques: Paris. LGDJ. Bibli~éque ecmtiluIiooaelle el de Science
Politique. 1978. pp 51 els.
141 S.lœ l'article 51. '"Le Présidan de la République du Cameroun <Sl jusqu'à la fm de sœ mandat actuel Président de la République
Fédénle". L'article 52 habillait le Premier Mini>tre du Cameroun Occidental du manteau de Vice-Présidan de la Rèpublique Fe.knle pour la
durée du maodlt du Premier Président de la République Fédérale.
142 cfut. 12 de la CœsIitutiœ do la République du Cameroun du 41311960

L'elCpèrienœ du fédéralisme camerounais: les causes ct les <We1l'Pemmts d'un edlec
97
1. L'organisation de l'élection présidentieUe
Pour Michel Prouzet, "dans un régime où l'accent est mis sur le renforcement du
pouvoir, le Chef de l'Etat doit être l'élu du peuple" 143. Le constituant camerounais de 1961 l'a
compris qui a fait du suffrage universel direct le moyen du choix "permettant d'instituer entre
le Président et la population un lien direct de confiance". C'est ainsi qu'aux termes de l'article
9, le Président de la République Fédérale et le Vice-Président sont élus au suffrage universel
direct et secret. fi faut préciser que le mode d'élection étant un scrutin uninominal majoritaire à
un tour, le Président élu à la majorité des suffrages exprimés (article 10). Toujours
conformément à cette disposition, le Président de la Fédération, élu pour cinq ans est
indéfiniment rééligible. Le Président camerounais n'a même pas les préoccupations d'avenir
politique de son homologue américain qui ne peut en principe - être locataire de la Maison
Blanche - que pendant huit (8) ans au plus. En conséquence, le poumir exercé sans
discontinuité accentue la prépondérance du Chef de l'Etat s.ur ses "suivants immédiats", à
commencer par les deux anciens vice-présidents de la fédération (Foncha et Muna). De plus,
en consacrant implictement l'unité de candidature, l'ordonnance 62-0F-33 du 31 mars 1962
144 assurait définitivement la perpétueOe réélection du Chef de l'Etat actueL En effet, l'article 4
de ce texte prévoyait que "toute liste de candidature à la Présidence et à la Vice-présidence
devait, pour être recevable, être présentée et investie par un ou plusieurs partis ayant une
existence légale". Cela revenait - selon Abel Eyinga - à confier à M. Ahidjo la désignation du
Chef de l'Etat, c'est-à-dire sa propre désignation 145. Tout en lui conférant une légitimité
démocratique, l'élection au suffrage universel a établi - selon le mot de M. Gonidec - un
contact entre le Président élu et le peuple. Dans son discours du 18 mars 1965, M. Ahidjo a
abondé dans le même sens quand il dit que les présidentielles de la même année - premières
du genre - "constituaient un engagement réciproque, c'est-à-dire un engagement du peuple
camerounais vis-à-vis de son Président et de celui-d vis-à-vis de son peuple"146. Qui plus est, si
un tiers (Vice-président de la Fédération ou, hypothèse plus rare, le Président de l'Assemblée
Nationale Fédérale) venait à assurer provisoirement la magistrature suprême, il se trouverait en
situation liée et sa marge de manoeuvre bien mince puisque l'ordonnance de 1962 en son
article 64 ne lui rec<mnall seulement que le droit d'expédier les affaires courantes avec les seuls
ministres en exercice ; ce qui signifie en clair que le Président intérimaire ne peut amir une
politique propre. fi ne peut non plus remanier le gouvernement. Dans ces conditions
restrictives, l'unité du poumir reste assurée à l'ombre du Président empêché. On remarquera
que le mandat à durée illimitée confiée au Chef de l'Etat renforce sa position par le fait qu'il se
trouve désormais en situation d'impunité effective vis-à-vis des autres organes fédéraux et du
peuple, son mandant.
143 Prouzct (Mi<:hel) ; Le Cameroun. Coll CommaI1 ils sont gouvernés. LGDJ. Paris 1970 p. 154
144 Elle était relative aux règles de VllCllDoes ct d'éle<1ioo à la Présidence ct à la Vi""1'fèsiclœce de la République Fédérale ... applialioo dei
articles 9 ct 10 de la CoostiIutioo.
145 Eyinga (Abel); Mandal d'arrêt pour cause d'éle<1ions : de la DémoaalJe au Cameroun. 1970-1978 ct l'Harmattan. Paris. 1978. p. 81
I46Cité par Gooidee (P. Francis) ; in République Fédérale du Cameroun p. 42

L'expérience du fédéralisme camerouna1! : kas causes et les alselgJ1emenu d'un êchec
98
2. L'irresponsabilité présidentieUe
S'agissant du problème de la responsabilité du Président de la République, on n'est
pas à un paradoxe près. D'aucuns pourraient avancer que, eu égard à l'immensité des tâches
du Président fédéral, force était de lui reconnaître une certaine immunité. Pour d'autres - et
nous sommes de ces derniers - compte tenu de l'emprise du Chef de l'Etat sur le processus
décisionnel au sein de la Fédération, le Président devait être responsable au sens
ethimologique de ce mot, qui signifie répondre d'un acte, de quelque chose, ... Le constituant
fédéral ne s'est prononcé expressément que pour un cas de responsabilité des autorités
exécutives. Et encore, pour le reste nous nous sommes efforcés à rechercher des indices de
"culpabilisation" du Chef de l'Etat.
Trois idées caractérisent la situation du Chef de l'Etat:
- irresponsabilité politique de principe due à la nature de notre régime politique
- responsabilité factice devant l'opinion publique
- responsabilité politique de principe due à la nature de notre régime présidentialiste
- responsabilité désuète devant la Haute Cour fédérale de Justice
a) Irresponsabilité politique de principe due à la nature de notre
régime présidentialiste
L'isolement des pOlM>irs est un fait en regnne présidentiel. S'il y a
empiètement des pouooirs en régime présidentialiste, il ne peut s'agir que des intrusions sans
contre partie de l'Exécutif dans le domaine du législatif. En conséquence, ici le Président de la
République ne répond pas de ses actes devant les députés. En effet, s'il peut à sa demande
être entendu par l'Assemblée, ou lui adresser des messages, ces communications ne peuwnt
donner lieu à aucun débat en sa présence puisqu'il ne s'agit pas ici d'un "débat de politique
générale" comme en régime parlementaire. Même si les ministres et les ministres-adjoints de la
Fédération ont accès à l'Assemblée et peuvent participer aux débats, ces derniers ne sont pas
sanctionnés par un oote dont l'issue pourrait indirectement affecter le prestige du Chef de
l'Etat. En effet, les deux procédures de responsabilité politique en régime parlementaire -
question de confiance et motion de censure - visent seulement les ministres et non le Chef de
l'Etat. Ainsi, à l'abri de toute inquiétude d'origine parlementaire, le Président de la République
monte toujours en "première ligne", n'affrontant que l'opinion publique 147.
b) La responsabilité factice du Président Fédéral devant l'opinion
publique
Pour Burdeau, l'opinion publique exprime
la manière de juger et de sentir qui,
compte tenu des indifférents, tend à rallier la majorité des membres d'une collectivité
147 Qu'... nOUl fuoe ~œ de _
l'e""!FIe dèvel<JR>èe autour de 1. n<Jli... d'opini... publique. Analysant 1.. forces poliliquea. Ibdeou
cmaoae une oe<1ion entière à l'Opini... Publique in Traité de Scienœs Politiques T. J.lA O)namique Politique. LGDJ. Paris, Z éd. pp 103 à lU

L'expenœœ du fédéralisme camerounais: les C3W1eS ct les enset~emc:nts d'un echee
99
nationale. Dans une démocratie libérale. l'opinion publique se devait d'influencer le
fonctionnement des institutions, jouant par le biais des mass media, tantôt un rôle inhibiteur,
tantôt formulant des exigences, contribuant ainsi à
l'instauration d'un gouvernement
d'opinion.
Force est de constater que pendant la fédération, durant l'exercice des différents
mandats présidentiels et à leurs échéances respectives, le Président de la République n'a jamais
été inquiété par l'opinion publique. Comment pouvait-il l'être, compte tenu de ce qu'un
critique a qualifié de "gouvernementalisation de l'opinion". Déjà, le préambule de la
Constitution de 1960 qui préwyait "la liberté d'expression, la liberté de presse, la liberté de
rétmion et la liberté d'association, la liberté syndicale et le droit de grève ... " n'est pas repris
dans la loi constitutionnelle de 1961. Sans aller jusqu'à interpréter cette absence comme une
oolonté manifeste de soumettre ces matières à la souveraine appréciation du poU\\K>ir, il faut
admette que ces matières - non existantes - ne peuvent désormais bénéficier de la garantie
constitutionnelle.
Les journaux. et les journalistes non-orthodoxes ayant été pour les uns interdits, saisis et
pour les autres arrêtés et détenus arbitrairement ooire expulsés, il ne restait en place que les
organes d'information plongés dans un conformisme lénifiant, toujours prêts à encenser les
actes du Chef de l'Etat, l'opinion publique ne pouvant censurer le Chef de l'Etat, ce dernier
était désormais irresponsable devant elle. Le mutisme de la presse anglophone et surtout sa
situation périphérique par rapport à la capitale fédérale, participèrent "objectivement" de
l'irresponsabilité du Président fédéral devant l'opinion publique anglophone.
Qui plus est, alors que dans une démocratie à élection compétitive, les échéances
électorales sont des tests redoutés d'approbation ou d'improbation de l'action des gouvernants
pendant un mandat tirant à sa fin, en régime monopartisan, la signification du oote est
différente. Il s'agirait, eu égard à la fatalité de l'heureuse issue du suffrage pour l'unique
candidat, d'un acte de foi, d'une manifestation d'attachement indéfectible de l'électeur à la
personne du "Monarque républicain" et à travers elle, aux. institutions qu'il incarne 148. Elu en
1965 et en 1970 avec plus de 97% des suffrages exprimés, M. Nudjo pouvait se prévaloir de
l'aval de la quasi-unanimité du corps électoral. L'interprétation d'une telle performance est
assez embarrassante et conduit souvent à des prises de position diamétralement opposées.
Loin de dénier toute valeur à cette ootation populaire, nous pensons que le corps électoral ne
peut être un baromètre de popularité dans un régime monopartisan. En conséquence, dans
ces systèmes, le Chef de l'Etat ne pouvant être responsable devant l'électeur, pouvait-il l'être -
à un degré plus élevé - devant les représentants du peuple ?
c) Responsabilité désuète du Président Fédéral devant la Haute
Cour de Justice
Loin de la responsabilité politique qui ne revêt pas le caractère d'une pénalité,
mais qui consiste seulement en la perte du poU\\K>ir, la Constitution fédérale de 1961 a prévu -
148 Ce Lmgagc CIl ~ aux disooun officiels

L'expenenoe du tëdéra1isme caIIleI'OWllU : les causes et les enseigJlCD1enu d'un édlcc
100
comme dans les régimes présidentiels classiques - un cas de responsabilité du Chef de l'Etat et
du Vice-président et des collaborateurs du Président, dont le fait générateur serait la haute
trahison. La mission unique de juger des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par
les hauts dignitaires de l'Exécutif en cas de haute trahison et en cas de complot contre la sûreté
de l'Etat (pour les autres), a été confiée à la Haute Cour fédérale de Justice créée par l'article
36 de la loi 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle. La jurisprudence
de cette Cour étant inexistante, parce qu'elle ne s'est jamais réunie, on ne constatera une fois
de plus que l'irresponsabilité du Président de la République.
Toutefois, par élégance intellectuelle, on peut spéculer sur l'issue d'une éventuelle
poursuite devant "cette juridiction spéciale". D'abord, la composition 149 hétéroclite de la Cour
ne prélude pas d'un jugement équitable, \\Uire objectif. En effet, cette dernière est composée
de députés et de magistrats de la Cour fédérale de Justice. Or, quand on sait que ces "juges"
sont redevables envers le Chef de l'Etat de leurs mandats (pour les uns), et de leurs carrières
(pour les autres), force est de penser que le Président de la République sera toujours
blanchi"150. Ensuite, et à peu près pour des raisons identiques d'allégeance, on n'imagine pas
le Président de l'Assemblée saisissant la Haute Cour de Justice pour se prononcer sur
l'accusation du Président de la République. Toujours dans cet environnement monolithique, le
Président de l'Assemblée n'aura aucun remords parce qu'il est impensable que la majorité de
l'Assemblée \\Ute au scrutin secret contre le Président de la République. Au demeurant, rien
n'est plus aléatoire que la compétence unique de la Cour, à sa\\Uir la haute trahison. Ce motif
politique pourrait justifier toutes les exactions dans un régime multipartisan ou dans un régime
militaire avenir... En général, la responsabilité pénale du Président devant la Haute Cour de
Justice est désuète dans la logique politique africaine. En effet, si dans le continent noir le
peuple est habitué à l'alternance par coup d'Etat, psychologiquement, il n'est pas préparè à
considérer son chef traditionnel ou charismatique comme simple justiciable.
Pratiquement, des analyses précédentes, il ressort que la situation de M. Ahidjo était
semblable à celle du monarque anglais "qui ne peut mal faire". Or, comme il est évident que le
Président fédéral n'était pas seulement une espèce de gouverneur général du Canada - un
inaugurateur de chrysanthèmes - on ne peut qu'apprécier le concours de l'imptmité effective
dont il jouissait dans le renforcement de son statut - tant dans l'Etat que dans ses rapports avec
les autres membres de l'Exécutif.
B • lA SlBUCJJJBE DE L'EXECUIIF PBfSlDENDAlJSlE
RENFORCE lA POSfDON DU PRfSIDENT FEDERAL
Pour le Professeur Vedel, en régime présidentiel, '1e Président n'est pas le Chef de
l'Exécutif, il est l'Exécutif'. Certains constituants diront que le Chef de l'Etat a, soit le
monopole, soit l'exclusivité de la fonction exécutive 151. M. Moulin pour sa part estime que
149 L'orgoniution de œlle Cour a été prècisèc par l'ordœnmoe 61/DF/1 g du 27/12/1961
150 La ~on de œlle Cour De préscIItc aucune speaiicite fédérale. Tous les juges titulaires et suppleants peuvent èlre ressortissaals du
même Etat fédéré, le lexie De l'iaterdisaat pas.
151 L'article 36 de la Constitution aéDégJlaisc du 3/3/1963 """"Il que le Présidart e>l "le détaJteur du pouvoir exéwtil"

L'e>q>èri..,œ du fèdénlisme camerounais: les causes elles "",",I~em"""dWl échec
LOI
toutes ces fonnules tendent à prouver que "la concentration de l'autorité exécutive au profit du
Chef de l'Etat est si forte que la notion de hiérarchisation ne peut plus rendre compte d\\me
domination si compJète m . Pour des raisons évidentes, le régime présidentiaJiste a empnmté
intégralement cette voie; L'Etat fédérale à régime présidentiaJiste est celui au sein duquel
cohabitent des principes contradictoires : il s'agit de l'idée de pluralité (inhérente au
fédéralisme). C'est aux dépens du fédéraJisme que s'est réalisée au Camerotm cette
cohabitation ou l'Exécutif fédéral s'est toujours identifié au seul Président de la République. En
conséquence, sont exclus le bicéphaJisme (1) et le partage des pouvoirs (Il).
1 - LE MONOCEPHAUSME DU POUVOIR COMME ELEMENT DE
RENFORCEMENf DE lA POSmON DU CHEf DE L'ETAT
Si le principe du bicéphaJisme a été d'office écarté comme dans tout régime
présidentiel, il faut toutefois reconnaître que le constituant a rés'eM à plusieurs reprises un sort
commun au Président et à son second. L'article 8 de la loi constitutionnelle de 1961 établit
sans équivoque que le pouvoir exécutif n'est pas partagé entre deux autorités". Le Président de
la République Fédérale du Cameroun est Chef de l'Etat fédéral et Chef du Gouvernement.
D - L'INEXISTENCE CONSnrunONNEllE DU GOUVERNEMENf
COMME FACTEUR DE RENFORCEMENf DE lA PREEMINENCE
DU PRESIDENT FIDERAL
Le gouvernement, pièce-maîtresse de l'échiquier politique en regune
parlementaire, n'a pas d'existence propre dans le régime présidentiaJiste camerounais de
1961. La Constitution a consacré l'effacement du gouvernement au profit du Président de la
République. Le tenne gouvernement a été remplacé par celui d'Exécutif fédéral. La
Constitution ne mentiorme pas les rapports gouvernement- législatif,
mais
traite
de
l'Exécutif et du législatif fédéral (fitre V). De plus, si la Constitution fédérale ne consacre
auCtm titre à l'Exécutif, elle réserve son Ttitre mau Président de la République Fédérale. Une
minutieuse analyse de contenu nous révèle que le tenne "gouvernement" a été utilisé 21 fois
dans la Constitution réparties ainsi qu'il suit:
- 13 fois pour les gouvernements des Etats fédérés «es régimes sont
parlementaires)
- 8 fois pour le gouvernement fédéral
Par contre, le mot "Président" revient 39 fois dans le même texte.
QueUe autre preuve faut-il apporter à la suprématie présidentielle sur le reste de son
équipe ?
1'2 Moulin (Richard) ; op cil p. 54

L'expèrimce du fOderalisme camerounais: les causes elles "'lSel~ememsd 'W1 echc'C
102
fi nous semble que ces chiffres se suffisent à eux-mêmes, D'ailleurs le Président de la
République fait beaucoup plus confiance au cordon de technocrates qui l'entourent, guident
ses choix et qui sont les doublures des membres du gouvernement La logique présidentiaJiste
n'a rencontré aucun obstacle à surmonter pour atteindre son plein épanouissement Au niveau
du statut du Chef de l'Etat, le fédéralisme a été sacrifié sur l'autel de l'unité du potM:lir
étatique. fi faut d'ailleurs ajouter que la participation des anglophones au gouvernement Oe plus
souvent à des postes secondaires) n'a pas freiné la percée du Chef de l'Etat. Au regard de ses
attributions (tant exécutives que législatives),il apparaît encore comme le meneur du jeu
institutionnel.
'Inln.lI. 2:Il ......II.n.c. III ril.1I1 ....sllI.......nl c_lIlllc.
d.lllllc, i.II.IItIII'II.ccl•• lls.lIlIlsl.slIbIII••s ••II.nl.s
Si le fait d'être irresponsable devant l'Assemblée Nationale fédérale (qui ne
peut le censurer politiquement), devant le peuple et devant' la Haute Cour de Justice, a
renforcé le statut de Président de la République, à l'inverse, être responsable en assumant les
actes qu'il pose - en l'absence de tout contreseing - a contribué à l'extension de l'autorité du
Chef de l'Etat Parodiant un commentateur de la Constitution chilienne de 1833, nous dirons
que la loi suprême de la fédération camerounaise a doté le Président de la République d'une
teUe masse d'attributions qu'eIJe en faisait un véritable monarque avec une dénomination
démocratique. C'est ainsi qu'il monopolise la fonction exécutive (A) et détermine la fonction
législative (8).
A - LE ROLE PREEMINENT DU PRESIDENT DANS L'EXERCICE
DE LA fONCTION EXECUTIVE
Concentrant entre ses mains la totalité des attributions confiées en régime
parlementaire au Chef de l'Etat et au Chef du gouvernement, le Président est le Chef
incontesté de l'exécutif. Gouvernant sans partage, il agit à sa discrétion et n'est pas tenu de
suivre les conseils prodigués par toute autre personne. Plus en détail, on s'efforcera de
regrouper spécialement les potM:lirs du Président au double plan interne (1) et externe (D).
1- LES AITRIBUllONS DU PRESIDENT FEDERAL SUR LE PLAN
INTERNE
Après une présentation rapide des attributions cérémonielles et traditionnelles (a),
nous nous attarderons sur le pouooir de nomination (h) détenu par le Chef de l'Etat
a) Les attributions cérémonieUes et traditionneUes
S'agissant des premières, le Président représente l'Etat fédéral dans tous les
actes de la vie publique (article 12 alinéa 1). C'est à lui que revient l'honneur de conférer les
décorations de la République Fédérale. Au nombre des secondes, figurent d'une part le droit

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes elles enselgJIem01l5. d'lUt ~d1ce
103
de grâce que le Président exerce après avis du Conseil fédéral de la magistrature et, d'autre
part, les fonctions essentiellement militaires. En effet, le Président qui doit assurer l'unité de la
fédération est le Chef des Forces Armées. A ce titre, il veille à la sécurité intérieure et
extérieure de la République. La Constitution lui reconnait également le droit de créer,
d'organiser et diriger tous les services administratifs nécessaires à l'accomplissement de sa
mission. Une fois de plus, le constituant légitime l'intrusion du Président fédéral dans
l'organisation des Etats fédérés en lui permettant "s'il le juge préférable", de placer sous son
autorité après conswtation des chefs de gouvernement des Etats fédérés, les services de ces
Etats qui exercent les compétences relevant des autorités fédérales aux termes des articles 5 et
6. Au cas où les rênes de l'Etat seraient dures à tenir, la Constitution laisse au Président la
facwté de déléguer par décret certaines de ses attributions au Vice-président de la .République
fédérale. Si le Président de la République consentait à se dessaisir de quelques infimes pülM>irs
en faveur de son second, il serait illusoire de penser qu'il a oowu faire une place spéciale à
cette "doublure encombrante" par principe. Toutefois, l'une des vertus du Chef de l'Etat tient
au fait qu'il est le dispensateur de toute promotion dans le pays.
b) Le pouvoir de nomination dévolu au Président
Des dispositions de la Constitution, il ressort que le Chef de l'Etat nomme aux
emplois fédéraux civils et militaires (article 12). L'article Il précise également que "le Président
de la République Fédérale nomme les ministres et ministres-adjoints qu'il choisit panni les
ressortissants de chaclD1 des Etats fédérés. Us sont responsables devant lui.
U met fin à
leurs fonctions". Que faut-il penser de cette attribution?
D'abord nous ferons remarquer - et c'est très important - qu'en cette matière, la lettre
de la Constitution est conforme à la fois au principe de séparation rigide des pouooirs
du régime prèsidentiel et à l'esprit "monocratique" qui domine les institutions fédérales. Le
Président est libre de nommer et de réooquer les ministres qui ne sont responsables que devant
lui.
L'autonomie
présidentielle est d'autant
plus totale que l'exigence d'acceptation
parlementaire n'est prévue nulle part. Mais le Chef de l'Etat est obligé - c'est la sewe limitation
à son pou'vOir - de tenir compte de la nature fédérale de l'Etat en choisissant ses collaborateurs
qui doivent provenir de chacun des Etats fédérés. Cette réserve est au demeurant bien mince
car, au CamerolD1 Occidental, le Président nommera soit un homme de sa convenance, soit
qu'il sélectionnera des représentants des tendances opposées. Une telle opération renforcera
encore sa position sur le milieu anglophone. Ce n'est qu'ainsi que nous pouoons interpréter la
présence conjointe des partisans de Foncha-Muna-Endeley dans le gouvernement fédéral.
Enfin, l'effet principal de la nomination sur les "heureux récipiendaires" des postes est
d'assurer au Président de la République leur allégeance inconditionnelle. Conséquence logique
puisqu'aux dires de certains critiques, '1es nominations qui échappent à tout contrôle politique
et autre, procèdent exclusivement des appréciations subjectives et discrétionnaires de M.
Ahidjo m. Les attributions diplomatiques du Président renforcent aussi sa prééminence sur les
autres pouooirs.
1~3EyiDga (Abel). op cil p. 294

L '<xpérialCC du féderalisme cam<rolDlalS : les causes <:lIes alS'''''I",malts d'\\Dl <dl""
104
D - LES ATIHlBunONS PRESIDENTIEl J ES EN MAllEHE DE
RElATIONS EXTERIEURES
Le principe général selon lequel l'Etat fédéré n'est pas représenté sur le plan
international a été respecté au Cameroun. A cet effet, les affaires étrangères rentrent dans les
compétences des autorités fédérales (article 5). Aux Etats-Unis d'Amérique, les pères
fondateurs confièrent au "Président le pouvoir de conclure des traités pourvu que ces traités
soient acceptés par deux tiers des sénateurs présents" (article 2 Section 2). Cette interférence
de l'Exécutif et du Législatif a-t-elle influencé le constituant national ?
Aux termes de l'article 12 de la Constitution de 1961, le Président accrédite les
ambassadeurs et les
envoyés
extraordinaires auprès des
puissances étrangères.
Les
ambassadeurs des pays étrangers sont accrédités auprès de lui. De plus, il négocie les accords
et les traités. Toutefois, les traités qui concernent le domaine relevant de la loi fédérale défini
par l'article 24 sont soumis avant ratification à l'approbation en forme législative de
l'Assemblée fédérale. Une analyse complète de l'article 12 - tant dans son contenu (a) que
dans sa forme (h) - prouvera à nouveau que c'est le Chef de l'Etat qui décide, confirmant une
fois de plus sa suprématie sur les autres organes.
a) Le renforcement de la position du Chef de l'Etat découlant du
contenu de l'article 12
Le principe général de représentation de l'Etat fédéral qui échoit au Président
de la République est réaffirmé en matière diplomatique. La structure de l'Exécutif démontre
que le râle du Chef de l'Etat n'est pas protocolaire. En effet, aucune autre autorité exécutive
ne rivalise avec lui sur le plan international. En l'absence d'un Premier Ministre fédéral, le Vice-
président de la République, obligatoirement originaire du Cameroun Occidental, n'a pas servi
d'interlocuteur entre la fédération et les pays anglophones. Les visites de courtoisie rendues
par certains ambassadeurs à Foncha et plus tard à Muna avaient vocation essentiellement
protocolaire.
L'article 12 attribue également au Président de la République le pouvoir de négociation
qui est le préalable de tout engagement international. Cela veut dire que lui est confiée la
direction effective de l'action diplomatique 154. En Afrique, la pratique camerounaise n'est pas
sui generis. M. Ibou Diatte fait par exemple remarquer qu'au Sénégal "en instituant un Exécutif
monocéphaie, la totalité des pouvoirs de négocier a été confiée au Chef de l'Etat »155. En
généralisant, cet auteur écrit : "Par conséquent, dans le système constitutionnel africain, la
concentration du pouvoir de négocier dans les mains du Chef de l'Etat s'explique beaucoup
moins par la structure de l'Exécutif contrairement à ce que l'on a pu penser, que par la volonté
des constituants africains de faire de l'organe suprême le détenteur de l'essentiel de l'autorité
étatique. Cela lui donne non seulement la haute direction sur les négociations internationales,
154 Debre (Miàlel) ; Le pouvoir politique, CoU. Poim de dc!part. ct Dcbrc (1can·L) ; Seglien., Paria 1977 p. 40
l'5 Diatle(Ibou); LesCooItiIutiOllSafricaines ct le Droit Jntcmatiooal in Annales africain..A Pcdon..Paria 1971 p. 4]

L·expéri...œ du fCclénllimle camerounaiS: 1.. causes et 1.....set@l1emetlts d' un edlec
105
mais lui pennet aussi le cas échéant d'y participer personne\\Iemen~11 pratique qui a cours
au sein des organisations internationales africaines confinne ~~~ent. Cependant, le
principe de l'exclusivité de la n~ociation que détient le Président de la République est tempéré
dès lors que les traités ê""oncernant le domaine relevant de la loi fédérale est défini par l'article
24. Avec cette disposition, notre Constitution accuse de l'influence de la Constitution française
de 1958, principalement en son article 53 (2) qui subordonne la ratification des traités
modifiant l'ordre juridique interne à l'approbation du Parlement157.
Presqu'incidemment, se déduit ainsi le rôle diplomatique de l'Assemblée. Exerçant
l'autorité fédérale avec le Président de la République, les affaires étrangères relevant de la
compétence fédérale, il était tout à fait logique que l'Assemblée Nationale participât d'une
manière ou d'une autre à la diplomatie. Mais cette intervention est par nature limitée (au seul
domaine de la loi). Qui plus est, dans ce secteur précis, le Parlement n'a pas les coudées
franches. Ibou Diatte suggère une explication qui peut être aussi valable au Cameroun que
partout ailleurs en Afrique noire. Cet auteur pense que 'le refus de l'autorisation de ratifier ou
d'approuver n'est pas à redouter de la part d'un Parlement dominé par le parti unique, lui-
même dominé par le Chef de l'Etat en même temps chef du parti, ce qui est le cas dans les
Etats africains, en général »158. Sans limitation effective, l'article 12 fait du Chef de l'Etat le
représentant, le négociateur en titre de la fédération en dépit de la participation négligeable
d'une Assemblée Nationale qui n'approuve pas - comme le Sénat des Etats-Unis - la
nomination de certains ambassadeurs. L'interprétation de la rédaction de l'article 12 est
encore fawrable au Président de la République.
b) Le concours de l'interprétation de l'article 12 à l'affirmation de
la prépondérance présidentielle
Notre attention portera sur une phrase de l'alinéa 1 de l'article 12 qui est ainsi
libellé : "Le Président de la République négocie les accords et les traités". Notre débat
s'instaura autour de la remarquable absence de la signature dans ce texte. Le droit
international conventionnel a préw trois phases dans la conclusion d'un traité. En premier
lieu, la négociation 159. En second lieu, la signature. A ce niveau, le texte établi "ne varietur" est
sownis aux autorités internes pour ratification. En troisième lieu, la ratification qui est
l'expression du consentement au traité par les parties contractantes. Comme nous le voyons,
ce sont uniquement la première et la dernière hypothèses qui sont préwes dans notre
Constitution. Etant donné que le Président de la République participe personnellement à ces
deux phases, faut-il en déduire que ce sont les plus importantes? De plus, sachant qu'au
niveau de la signature, les parties doiwnt s'abstenir de tout acte pouvant vicier la valeur de
.§).n. 5] st 1 de la Cœstitutiœ française "Les traités de psix. 1.. traités de oommeroe. 1.. traités ou aca>nls relatifS à l'orgmisatiœ
inlanatiœale, œux qui ...gapl.. ÜDanœs de l'Etat. œux qui modifient les dispositiœs de nalW'e légialalive. œux qui sœl relatilS • l'étol des
pcnœnea. œux qui ~ cesaion, édlange ou adjœ~œde territoire. ne peuvent être ratifiés ou 8jlpI'<lUvés qu.... vertu d'une loi".
157 M. Moulin (Ridwd) ; Dana sem OU\\Tllge déjà cité raworte que ClIITé de Malberg. éludiant la ratificatiœ dana la C<mIituliœ de 1873. en
lXlIIduait que pour les traités aboutiaaant. la aéatiœ de règles de droit exoédent le pouvoir du Président. celle-ci suppose l'autorisat.iœ préalable
de l'organe législatifin "Cœtribuliœ à la théorie générale de 1'EIat" T. 1 p. 5]7
158 1bou (Di.ne); op citp. 42
159 La Dégo<:iItiœ a pour objet la réaliaaliœ d'un aooord de volonté préparatoire poItant sur les dispositiOllll qui D'œt pas lIIl canlÛre inmédiat.
maio qui . . . deoIinéeo • reœwir \\Ill CIlI>I<IIIaDeDt défiDilif des parties.

L'expérience du fédéralisme camerouna.. : les causes elles enSCIl!Jlemcms dun edlec
106
l'engagement, conscient par ailleurs du fait que les parties peuvent déclarer que le traité aura
obUgatoirement effet dès sa signature, on peut se demander pourquoi la Constitution n'a-t-elle
pas attribué cette prérogative au Chef de l'Etat ? Cette interrogation pertinente se fonde sur
l'esprit général d'une Constitution qui accumule des pouooirs aux mains du Président de la
RépubUque. Nous pensons que le constituant qui a octroyé au Chef de l'Etat le droit de
négocier, lui assure tacitement celui de signer, A notre avis, on ne saurait raisonnablement
accuser les auteurs de la Constitution d'inadvertance puisque les Constitutions de 1960 et
1972 ignorent aussi la phase de la signature dans la conclusion des accords internationaux.
Toutes les autres Constitutions africaines de l'époque - à l'exception de la tchadienne de 1962
qui pose dans son article 69 que "le pouooir de signer appartient au Chef de l'Etat" - sont
silencieuses sur les titulaires du droit de signer en matière de traité. L'opinion d'Ibou Diane à
laquelle nous souscrioons, tranche le problème de l'absence de signature dans nos
Constitutions. ns'exprime ainsi : "Mais si l'on considère que la signature n'est que la phase
terminale des négociations, on admettra qu'en attribuant le pouooir de négocier au Chef de
l'Etat, ces Constitutions l'habilitent à signer"160 En conclusion, on retiendra que sauf
délégation expresse, aucune autre autorité exécutive ne pouvait se substituer au Chef de l'Etat
pour signer. Dominant la diplomatie et les activités exécutives sur le plan interne, le Chef de
l'Etat animera aussi les fonctions législatives dans la fédération.
B - lA DIRECTION DE lA fONCTION NORMATIVE PAR LE PRESIDENT
DE lA REPUBUQUE
C'est à la lumière des rèlges fixant la répartition des compétences législatives,
réglementaires et les délégations du pouooir législatif que l'on peut constater que l'autorité
normative de droit commun n'est plus le Parlement, mais de loin le Chef de l'Etat à la tête de
l'Exécutif. En effet, la réoolution apportée par la Constitution de 1958 a consisté dans la
limitation du domaine de la loi. La compétence législative du Parlement n'est plus une
compétence de droit commun, mais une compétence d'attribution 161. nn'est plus besoin de
démontrer la paternité de cette Constitution sur nos différentes lois fondamentales. Sans
remettre totalement en cause la fonction législative de l'Assemblée Nationale Fédérale, le
constituant national s'est attaché à la réduire, d'une part en transférant une partie du
processus d'élaboration des règles de droit à l'Exécutif, d'autre part en permettant au Président
de faire échec à la oolonté des parlementaires dans l'exercice de leur compétence. Trois
considérations participent de la mailrise de la fonction normative par le Président de la
République.
C'est d'abord le partage de l'initiative concurrente en matière de loi
C'est ensuite l'énumération limitative des matières relevant du domaine
I60Diaua (Ibou): op ciL p. 42
161 L'évolutiœ OOIlIliIutiormeUe en la matière est oonnue, Avanl 19~8, la traditiœ consti1utioonelle li'auçaiJe (doolla nâtre) confie le vlie cie la
loi aux :lelJla Aacmbléa parlementaires élues.AiJui par e~le, l'article 13 de la constitution de 1946 dispcoait : "L'Assemblée NaIiœIaIe
vole :lelJ1e la loi" ; ce qui n'excluait d'ailleun pas la participotiœ de l'Exécutif - par l'intennédiaire de son dlef - à l'exm:ice de la lOnaioa
législative. Depuia 19~8. de nouveaux rBflPOIU se son ètablia entre le règlement el la loi qui ne peul plua se définir duseul ueptt orpùque.
Désonnais. \\Dl donWne a été réservé • la loi parlementaire (art. 34), le gouvemenla1l di3posenI pour sa port d'un domaine propre (art. 37).

L'o"Pènc:nœ du fédéralisme camerouna.. : les causes et les cnseil!Jlements d'<m échec
\\07
de la loi
C'est enfin l'importance de la législation réglementaire.
1. Le Chef de l'Etat partage l'initiative des lois
Aux termes de l'article 23, 'Tinitiative des lois appartiennent concurremment au
Président de la République Fédérale et aux députés à l'Assemblée Fédérale". Ce droit qui
n'existe pas fonnellement dans la Constitution des Etats-Unis a été systématisé dans la plupart
des régimes présidentialistes africains. Quels privilèges le Président de la République en tire-t-il
? D'une part, les projets ont priorité sur les propositons. L'ordre du jour comporte par
priorité, et dans l'ordre que le gouvernement a fixé, les discussions des projets de la loi ou des
propositions de loi qu'il a acceptés. Il faut ajouter qu'en séance plénière, le texte examiné est
celui déposé par le Président de la République lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi par la
commission avant son examen, le gouvernement se réserve une dernière possibilité de la faire
purifier de tous ses aspects indésirables par ses représentants (et tout le monde le représente)
au sein de la commission. D'autre part, en cédant à l'Assemblée et en participant aux débats,
les ministres et ministres-adjoints de la Fédération (article 28) pourront sur-le-çhamp attaquer
les amendements et en déposer d'autres. Us seront les avocats du projet présidentiel. Cette
analyse qui tend à privilégier les projets de loi est dépourvu d'intérêt pratique dans ce contexte
où il n'a pas existé des propositions de loi. Plus intéressant est le corsetage de la législation
parlementaire.
2. Les avantages pour le Chef de l'Etat de la restriction apportée à la
législation parlementaire
Avant la formulation d'un quelconque jugement (h), on livrera in extenso le
contenu (a) de l'article 24 relatif à la loi fédérale.
a) Quel est le contenu de l'article 24 ?
Le domaine de la loi porte sur six chapitres.
1. Les garanties et obligations fondamentales du citoyen
- sauvegarde de la liberté individuelle
- régime des libertés publiques
- législation du travail et syndicale
- de\\Qirs et obligations du citoyen en fonction des impératifs de la
défense nationale
2. Le staM des personnes et des biens
- nationalité et statut personnel
- régime de la propriété mobilière et immobilière
- régime des obligations civiles et commerciales

L\\:xpélifllœ du fédëralisme camerounaIS: les causes et ks enset~emaltsd"un crnec
108
3. Organisation politique, administratiw et judiciaire concernant:
- le régime électoral de l'Assemblée Fédérale
- les règles générales d'organisation de la défense nationale
- la détermination des crimes et délits et l'instruction des peines de
toute nature, la procédure pénale, la procédure civile, les voies
d'exécution l'amnistie et la création de nouwaux cas de juridiction.
4.
Les questions financières et patrimoniales suivantes:
- régime d'émission de la monnaie
- budget fédéral
- création assiette, taux des taxes et impôts fédéraux de toute nature
- législation domaniale
5. Les objectifs de l'action èconomique et sociale dans le cadre des lois de
programme
6. le régime de l'enseignement
b) Quel jugement peut-on porter sur cet article ?
Juriquement, la loi féréaJe est doublement limitée. D'abord quant à son objet.
L'Assemblée nationale ne peut légiférer que sur un certain nombre de matières limitatiwment
énumérées. Ensuite, le Parlement fédéral est aussi limité quant à son degré d'interwntion, car
la loi n'est autorisée qu'à poser des règles et des principes généraux. nfaut cependant préciser
que si ce domaine législatif est limité, il est en principe exclusif, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de
compétence concurrente du législateur et de l'autorité réglementaire pour les matières prévues
à l'article 24. Cette réserw ne résistera pas longtemps à la pratique des délégations
législatiws.
Une appréciation d'ensemble de la législation réglementaire nous permettra de
mieux appréhender son étendue.
3. L'importance de législation réglementaire
Dans la Constitution de l'Etat du Cameroun de 1960, c'est le Premier Ministre qui
exerçait le pouvoir réglementaire classique (article 21). Le constituant fédéral, tout en
chargeant le Président de l'exécution des lois fédérales et éwntueDement de ceDes prises dans
les Etats fédérés en application de l'article 6, a transféré à ce dernier l'exercice du pouvoir
réglementaire général (article 12) qui permet d'organiser et de faire fonctionner les services
publics.
Par contre, le pouvoir réglementaire qui assure la prééminence du Chef de
l'Etat sur le processus législatif est tout autre et se présente sous deux formes : d'lUle part il
peut s'agir d'un pouvoir réglementaire autonome (a) ; d'autre part, il peut être question d'un
pouvoir réglementaire délégué (h).

L .expérÎmoe du fédéralisme cameromtais : les causes et les enseignements d·\\D1 edJ.ec
109
a) Le pouvoir réglementaire autonome du Président de la
RépubUque
Ce pouvoir propre de réglementation, indépendant de toute délégation
législative a été renforcé et élargi sous l'influence de la Constitution française de 1958 qui
édictait dans son article 37 que "les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont
un caractère réglementaire". Curieusement, cette précision qui figurait dans la Constitution
de 1960 (article 24 alinéa 1), est ignorée dans la loi 162. constitutionnelle de 1961. Dans ce
cas, on peut se demander sur quelle base juridique positive se fonde le qualificatif d'autonome
attribué au nouveau poumir réglementaire du Président de la République. Notre point de vue
qui
s'aligne sur celui de la majorité des auteurs est qu'en dehors des matières réservées à
l'Assemblée Nationale et qui sont limitativement énumérées, toutes les autres doivent être
réglementées par voie de décrets, c'est-à-dire, plus généralement par les actes du Chef de
l'Etat 163. Dès lors nous pouvons avancer que la compétence résiduelle, voire de principe
appartient au Président de la République qui devient ainsi le léQislateur ordinaire. fi peut aussi
se poser le problème de la valeur juridique des décretpe pris par le Président de la République
en application de son pouvoir réglementaire autonome et implicite Oe domaine de la loi étant
seul précisé). D'office, il faut écarter l'interprétation qui tendrait à les assimiler aux lois, car
comme tous les actes administratifs ils seront susceptibles de recours pour excès de pouvoir
164. Mais qu'à cela ne tienne, l'infériorité juridique de principe des réglements autonomes par
rapport aux lois n'est qu'apparente puisque dans la pratique, non seulement la jurisprudence
du juge administratif contre les actes du Chef de l'Etat n'est pas abondante, mais encore, le
Président de la République a la possibilité de protéger le domaine du règlement contre les
éventuels empiètements du pouvoir législatif. En outre, le Président de la République détient le
droit de saisine exclusive de la Cour Fédérale de Justice pour inconstitutionnalité. Sur ces
dernières explications, on ne peut plus douter que le pouvoir réglementaire autonome ait
concouru à la suprématie présidentielle en matière législative ; la pratique de la législation
déléguée va dans le même sens.
b) Le pouvoir réglementaire délégué du Président de la RépubUque
Alors qu'en France, dès 1958, les ordonnances figurent dans la Constitution
(article 38), il faudra attendre huit (8) ans pour que cette pratique soit constitutionnalisé au
Camerounl65.
fi faut néanmoins signaler que dans le cadre des "dispositions transitoires et
162 Maurice Roy dans son li_ précité se prmonce dans le même sens CIl page 123.
4
164 L'opinion du Profesaeur 01apua (recueil Dalloz 1960, cilronique p. 125-126) sur l'am!Ié S).uücat géneral des ing,éniew'S omseiIs du 29 juill
1959 rendu par le Conseil d'Elat précise ccci : "Lois ct déaols auton<JllleS m\\ du""" leur domaine ct dia""" leur rang : ils sont ,.q.és ct
inégaux. Aussi, c'est • bon droit que le Conseil d'Etat a admis la reoevobilité du reoours pour ex",," de pouvoir omtre les déaols 00IIIIDe les
autres. Db lors, ils sont soumis comme tous les ades des "div..... al4<l<ilél admini3tratives", au respec1 des prioapes géneraux du droit ct ....
t:iéra1emcnl, detoules les règlesjwUprudentielles (...) La pratique française du Cameroun.
65 D.... \\Dle élude omsaaée au Parlemmt anglais. Monica Olarlol fait renwquer que la distin<1ion entre pouvoir règl..-aire
gouvememcnlal ct pouvoir légisIa&if pariemcnlJlire n'existe pas CIl Gnnde-Brdagne : le principe est que seul le Pariemmt peut élabcnr des
règles générales ct ~elles. Celle souveniDcté reoannue au Parlemmt entraine pour lui la poosibililé de déléguer certains de ses
pouvoin. DqJuis 1920. \\Dl véritable pouvoir règl..-aire aUloDome .'eJœrœ ainsi par les moyma des ordanIImoes CIl omseiI privé (onien
inc:ounci1), mail celle elCI.cnsion est parfois expressèmcnlautorisée par la loi. Celle pratique se npprodle de oeIIes que oœmd la Fmc:e cIqlUis le

L'expCri..,œ du lëd<nlisme camerounais: les Cluses elles enseill'lements d'un édJec
110
spéciales" préwes à l'article 50, sur habilitation constitutionnelle, le Président de la Répubtique
était autorisé à prendre sous fonne d'ordonnances ayant force de loi, à titre exceptionnel,
pendant une durée de six mois à compter du 1er octobre 1961, les textes lég&atifs
nécessaires à la mise en place des instutions et, jusqu'à cette mise en place, au fonctionnement
des pouwirs publics et à la vie de l'Etat fédéral". Initialement enfennée dans un délai de six
mois, la procédure de délégation législative fut utilisée à diverses reprises - sans fondement
juridique explicitement établi - notamment pour réaliser la réfonne de la comptabilité publique
et pour réviser le régime des prix 166. L'article 20 de la loi des finances fédérale pour l'exercice
1966/1967 ne peut s'interpréter que comme une délégation législative, En effet, aux termes
de ce texte, 'le gouvernement de la République du Cameroun est autorisé pour compter de la
date de promulgation de la présente loi, à approter à la législation financière en vigueur, et
notamment à l'ordonnance nO 62/0F/4 du 7 février 1962, les aménagements apparaissant
nécessaires en raison de l'emploi des moyens électroniques par les diverses administrations
financières fédérales et pour parvenir à une gestion plus rigoureuse des finances publiques. Les
décrets présidentiels quifixent en tant que de besoin les modalités d'intervention des
aménagements devront être fournis à l'Assemblée Nationale au cours de la première session
suivant leur date de prise d'effet 167. La réfonne du régime des prix fut également réalisée
confonnément à la technique des délégations législatives par décret en date du 18 décembre
1968, Mais, c'est à la suite de la révision constitutionnelle du 10 novembre 1969 qu'a été
définitivement consacrée la pratique des ordonnances, En effet, confonnément à l'article 24
bis de notre Constitution, "pour toutes les matières énumérées à l'article 24, l'Assemblée
Nationale fédérale peut autoriser le Président de la République, pendant un délai limité et sur
des objets déterminés à prendre des ordonnances ayant force de loi". De nombreuses
conditions sont attachées à cette habilitation expresse de l'Assemblée Nationale:
1. nécessité d'une autorisation donnée par l'Assemblée Nationale Fédérale;
2. précision des matières concernées
3. dépôt subséquent d'un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée Nationale
fédérale à fin de ratification.
Le recours aux ordonnances a été fréquent pendant la fédération. Pourtant, tirant
prétexte du fait que le constituant a opté pour une habilitation législative - nécessitant
l'adhésion au moins tacite du Parlement fédéral - et non pas pour une habilitation
constitutiormelle - qui eut davantage renforcé la prééminence du Président en le libérant de
toute autorisation expresse de l'Assemblée fédérale - certains analystes scrupuleux ont dénié
aux différentes ordonnances leur fonction présidentialiste. Si juridiquement leur réticence est
fondée, il n'en demeure pas moins vrai que ce serait faire epu de cas de la configuration
politique de notre Parlement fédéraldont le monolithisme institué en 1966 constitue un mOl)e11
de pression efficace sur les parlementaires qui s'opposeraient à ce que le Président prenne des
ordonnances.
sdéaels-Ioia.les loiJ..œdrea el <n/in les onlormanoos de la C<mt1tul.ion de 1958. Dans quelle mesure le oonstituant fèclénl a~-il aussi p<me à la
pntique pnlique anglaiae .., la matière 1
166 Mbarga (Emile) ; Evolution du Cameroun .., 1972 : le référendum du 10 mai 1972 et la formation de la Rôpublique Unie du C.........• in
Revue Juridique et Politique Indpélldanœ el Coopération n' 3 juillet-septembre 1973, LODJ. Paris 363-394
167 JORFC n' 2 (""",lémaIIaire) du lert7/1966p. 58

L'e>q>éri<lloo du fédéralisme camerounais: les causes et les <Il""l'I'cmenls d'un édlec
III
A notre sens, la conjugaison des éléments juridiques (autorisation en fonne législatm et
ratification) et des facteurs politiques (apathie de la chambre) lèvent l'équivoque sur la valeur
des ordonnances comme complément indispensable de l'abondante législation présidentieUe.
Le rôle prééminent du Président de la République aura pour conséquence d'inférioriser les
autres organes, en particulier l'Assemblée Nationale fédérale.
SECTION Il: LES RESTRICTIONS APPORTEES A LA FONCTION DE
PAR11CIPAnON DE L1ASSEMBLEE NAnONALE FEDERALE
Morts ou moribonds? nn'est pas d'auteur qui ne prononce avec un cachet
personnel l'oraison funèbre des Parlements. Pour E. de Laveleye, c'était la chute définitive du
règne des Parlements (1891). Pour Charles Benoist, à peu près à la même époque, en 1895,
l'échéance de la faillite du parlementarisme s'approchait. James Bryce remarquait au début du
siècle (1921) que la démocratie accusait des signes de déclin car "la valeur et l'autorité morale
des législateurs élus étaient en décadence dans presque tous les pays", Quant à Joseph
Barthelemy qui analysait la crise de la démocratie contemporaine, il n'existe plus personne -
comme nos pères qui ont fait des réoolutions pour aooir la démocratie représentatm - qui
verserait son sang pour demander des chambres, des députés, des énateurs (1928). Enfin, en
1967, André Chandernagor estimait que la crise de l'institution parlementaire se trouve dans
l'inadaptation profonde du mode de fonctionnement des Parlements aux réalités politiques,
économiques et sociales de cette seconde moitié du XXè siècle 168,Ce pessimisme généralisé
ne touche pas seulement les démocraties pluralistes. La situation des Parlements africains n'est
guère plus brillante, Epithètes et attributs abondent pour qualifier nos Assemblées de chambres
d'enregistrement, d'applaudissement etc. Les Parlements fédéraux, investis d'une mission
spéciale - délégués du peuple et représentants des peuples - et à ce titre auréolés d'un prestige
certain, pouvaient-ils davantage résister au raz-de-marée des déclins et se poser ainsi en
exception? A notre avis - à des nuances près - la réponse est négative; car s'il est vrai que la
structure des Assemblées Fédérales les prédispose à plus d'autonomie, il ne faut pas oublier
qu'ils sont aussi en butte à des limitations juridiques et à des phénomènes sociologiques
comme la personnalisation du pouooir dont jouissent les leaders de l'Exécutif contemporain.
Confinée dans un domaine de la loi réductible à tempéramment par le Président de la
République, l'Assemblée Nationale Fédérale s'est avérée comme une institution faible pour un
Etat unitaire et affaiblie - surtout - pour un Etat fédéral. Ce faisant, sa participation à la
fonction publique apparaissait plus que discutable à cause de son organisation ($1) et de son
rôle ($2).
168 ~ le n' 174 janv.tëv, 1976 des Cahiers français. _l'article oonsaaé au déclin des Parlem<IIla p, 7

1
L' ollpén...ce du fedénlisme camerounaIS: les atU5e!l et les "'5e'!!Jlem'7IlS d'un .mec
112
1
'Inlrnb.l: 'I......bl.,'•••nl•••1•••'.1. '1'I1111IUn .llClllbl'
1
Discutable est la présentation du Parlement Fédéral dans sa structure monocamérale
(A) et dans son existence précaire (8),
1
A - UNE STRUCTURE MONOCAMEBAI E PUF.RJDICIABLE A
1
1.'INSnnmoN FEDERAI E
Pour mieux saisir les nuances de la solution camerounaise (2), force est de
1
présenter l'approche génréale de la problématique de la seconde chambre en régime fédéral
(I),
1
1. La position doctrinale du problème de la deuxième chambre en
régime fédéral
1
Si dans un Etat unitaire, débattre sur les vices et les vertus du bicaméralisme
1
fait songer aux métaphysiciens s'affrontant sur le sexe des anges, dans une fédération cette
interrogation semble plus concrète, plus fondée. C'est dans le cadre de la loi de participation
que se pose le problème du bicaméralisme, D'une manière générale, la deuxième chambre a
1
une vertu modératrice en ce qu'elle a essentiellement pour objet de corriger les excès éventuels
de la loi du nombre qu'incarne l'Assemblée - à base populaire - élu au suffrage universel direct.
1
Le bicaméralisme fédéral "assure au sein de la chambre fédérale une représentation en
principe égale de chaque Etat-membre" 169, Son rôle modérateur est plus important car il tend
à compenser les excès de la loi du nombre en protégeant les collectivité étatiques les moins
1
peuplées. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la nécessité d'une deuxième chambre dans \\ID
Etat fédéral. Si les uns ne conçoivent pas le fédéralisme sans bicaméralisme, les autres -
certainement ceux qui ont influencé les constituants camerounais à Foumban - estiment qu'une
1
telle pratique n'est pas indispensable.
1
2. L'option camerounaise pour le monocaméraUsme fédéral
1
Nous envisagerons successivement les raisons apparentes de ce choix (a), les
techniques de rattrapage organisées dans la Constitution (h) et nous apprécierons de manière
critique ces mesures (c).
1
a) Pourquoi le monocaméraUsme fédéral ?
1
La première raison paraît aller de soi. Selon certains auteurs, s'agissant d'une
fédération à deux au sein de laquelle le bicaméralisme fédéral
risque d'alourdir le
1
fonctionnement d'institutions déjà complexes et de grever lourdement par ailleurs les finances
d'un Etat encore sous-développé, il était préférable d'adopter une seule chambre,quitte à
1
169 Pa<1et (pierre). "Droit Comliluti.....1et \\mliluli_ Poliliques". 3è éd pp 32·33

L'expenm"" du fédéraliBme camerounais: les causes et les mSC1!111emet1\\.'l d' lU1 edlec
113
l'aménager. La deuxième raison réside dans le fait que "la République du Cameroun à laqueUe
est ~u se joindre le Cameroun Méridional au moment de la Réunification, et qui connaissait
depuis longtemps la tradition monocaméraliste", a pesé en faveur de l'adoption d'une seule
chambre. Tous ces deux arguments sont spéciaux parce que, d'une part, la raison financière
ne résistera pas à une analyse rigoureuse (cf infra) et parce que d'autre part, la tradition
bicamérale anglophone pouvait bien être transposée au niveau fédéral. N'est-ce pas un aveu
d'embarras pour le constituant que d'avoir organisé le compromis des articles 18 et 47 de la
Constitution ?
b) La règle des majorités appropriées pour pallier à l'absence
d'une deuxième chambre
Si la Constitution pose en son article 17 que '1es lois fédérales sont adoptées à
la majorité simple des députés", elle ajoute dans les dispositions de l'article 18 - et c'est un
signe indiscutable de participation - qu'avant leurl70 promulgation 171, les textes peu~t fairel
'objet d'une seconde lecture par le Président de la République 'Fédérale de sa propre initiative
ou sur la demande de l'un des Premiers Ministres des Etats fédérés ; dans cette hypothèse, la
loi fédérale n'est adoptée que si la majorité simple réunie en sa faveur comporte la majorité
des voix des députés de chacun des Etats fédérés. Autrement dit, pour qu'une loi fédérale fut
adoptée, il fallait absolwnent qu'au moins la moitié des dix députés anglophones se prononçât
favorablement pour le projet. hnplicitement cinq députés sur cinquante (50) pouvaient
paralyser le vote de la loi, constituant ainsi une minorité de blocage. De mème, si
conformément à l'article 47 alinéa 4, '1a révision de la Constitution fédérale doit être votée à
la majorité simple des membres composant l'Assemblée Nationale Fédérale, il faut toutefois
que cette majorité comporte obligatoirement la majorité des représentants à l'Assemblée
fédérale de chacun des Etats fédérés. TeUes sont les différentes mesures compensatrices
envisagées. Que faut-il en penser?
c) L'appréciation critique de l'absence de bicaméralisme
En mettant en place une Assemblée Nationale Fédérale composée de députés
élus ausuffrage universel direct et secret dans chaque Etat fédéré proportionnellement au
chiffre de sa population (article 16), le constituant a consacré l'inégalité de représentation à
l'intérieur de la chambre fédérale unique. La représentation au sein de cette Assemblée
avantage considérablement le Camerou Oriental (un député pour 80.000 habitants, soit
quarante représentants pour le Cameroun
Oriental
et
dix
pour
le
Cameroun
Occidental)172. D ressort de la pratique camerounaise que l'égalité de représentation n'est
pas une nécessité du fédéralisme. Nous nous inscri\\Uns en faux contre cette vision car nous
estimons que la participation effective de l'Etat-membre à l'élaboration de la règle de droit
170 D s'agit des lois
171 CoofOfllll!tn<ù • l'article 31 de la CauUuticn. r!e>t le PrèsidaJl de la République Fédérale qui promuJ!!JIC les lois adopées par l'AsscmbIée
Nationale Fédérale dans lm délai de quinze jours. si une dcmaode de secmde lecture ne lui e>t pu adresIéc.
l'Tl Verpud(PiClft~~c;itp. 566

1
L'expén..,oe du fedéralisme camerounais: les causes et les ense.I'Pemalts d'un échec
114
1
valable "erga orImes", passe par l'existence d'une seconde chambre, S'agissant du fédéral9ne,
notre conviction est que le principe majoritaire - sous peine d'apparaJ1re comme tyrannique -
1
doit être amendé en fonction de la composition qualitative des entités, dépassant ainsi son
assise essentiellement quantitative. fi aurait donc fallu dans le cadre de la société pluraliste
qu'incarnait l'Etat fédéral camerounais, revaloriser la composante anglophone (numériquement
1
faible) souvent sacrifiée en application du principe majoritaire (toujours fal.Urable aux
francophones). D'ailleurs, la logique unanîmitaire du parti unique achèvera de vider de son
1
contenu la pratique de la double majorité instaurée par les articles 18 et 47 de la Constitution.
Cette assertion est d'autant plus vraie que la première Assemblée Fédérale était composée
uniquement des membres de l'UC et de ceux du KNDP, déjà sociétaires d'un groupe
1
parlementaire d'union. Ainsi, faisant liste commune avec l'UC, les dix députés du KNDP ne
constituaient plus une alternative, mais une force d'appoint au parti du Président. L'organe
1
législatif fédéral pouvait s'assimiler à l'Assemblée Nationale de l'Etat du Cameroun de la
Constitution du 4 mars 1960. C'est à dessein que le constituant a adopté cette formule. A ce
sujet l.Uicî ce qu'en pense Maurde Roy : "L'adoption du monocaméralisme - dans un
1
fédéralisme à deux comme le Cameroun - peut s'expliquer paria hantise - amplement fondée-
des dirigeants politiques d'assurer l'unité nationale et dont d'éviter tout ce qui pourrait
1
cristalliser les particularismes". Ce Parlement à chambre unique à majorité francophone n'était
plus une tribune de discussions mais un cénacle à l'existence plutôt précaire 173 .
1
B - L'EXlSJENCE PRECAIRE DU PARI EMENf FBlERAI. COMME
SOURCE DE SON AFFAIBJ ISSEMENf
1
Nombreuses sont les mesures d'intimidation qui pèsent sur les députés fédéraux
considérés individuellement (1) et pris collectivement comme membres de l'Assemblée
1
Nationale fédérale (2).
1
1. L'hypothèque sur la liberté des députés à la chambre fédérale
Le choix des députés de l'UNC à l'Assemblée Nationale Fédérale est
1
étroitement
soumis
au
contrôle
du
Comité
central
qui
investit
les
canclidats.
Constitutiormellement élus pour cinq ans, nos parlementaires ne sont pas sûrs de mener à
1
terme leur mandat national. Par mimétisme, le règlement intérieur de l'Assemblée Nationale
fédérale prél.Uit que 'les députés peuvent s'organiser en groupes par affinités politiques".
A l'Assemblée, il n'y a qu'un groupe qui représente l'UNC, le seul parti. Ce groupe est dirigé
1
par M, Bouba Bello, orginaire de la même ethnie que le Président de la République. Si
d'aventure un député oubliait le pacte tacite qui le lie au parti et se lançait dans des
1
interventions non orthodixes par rapport à la tradition d'acceptation résignée qui prévaut en
ces lieux, le représentant du groupe se chargerait de Je ramener à l'ordre. De pb,
conformément à l'article 71 relatif à la discipline à l'Assemblée Fédérale, une échelle de
1
173 Au sujet du mooOClllDèralisme. Jean Mastiaa èait que le mooolitlWme. c'esl·à-<lire (lIIlité délibèRe du oeotre et.loi... politique) et le
1
mooocamérisme (lIIle _le Assemblée) paraisJent volŒllien cousiner. voire ,'appeler, Il y a tout lieu de JllUUger œue nmwque. swtDoa qu'..
parodiant le ........ aUlcUr. 00 peul avanoer que le renforcement prograsif de la lendanoe au ptsidoaIialiome unaoimiUire de la fédénIioa
pr<ùil à l'unidimmaiooalité.
1
1

115
santions a été établie. La plus importante est la censure avec exclusion temporaire. On
remarque donc qu'en auctm moment le député ne devrait légalement être inquiété par la perte
de son mandat avant terme. Or, aux termes d'tme loi électorale 174 appropriée. lm
parlementaire peut être déchu de son mandat en cas d'exclusion prononcée par les instances
d'tm parti, en réalité celles de l'UNe. Cette menace qui paralyse le député pour en faire tm
militant inconditionnel compense-t-elle son élection acquise d'office par sa simple inscription
sur la liste nationale? Une fois de plus, l'allégeance au Père de la Nation s'affirmera sans
nuances. A ce propos, Gicquel écrit que "l'emprise du Président sur les députés. au moyen du
parti, ne relève point de la spéculation intectuelle. Entre eux, existent des relations
hiérarchisées de chef à subordonnés, de tuteur à exécutants et de censeur à pénitents 175.
Plus tard, tm ministre sera spécialement chargé des relations avec les Assemblées : ce
qui permettra encore au Président de renforcer son contrôle sur les députés.
2. Les menaces qui pèsent sur l'Assemblée Nationale Fédérale
Aux termes de l'article 12 alinéa 5 du règlement de l'Assemblée Nationale Fédérale,
les membres du bureau du Parlement Fédéral sont élus pour tm an et sont rééligibles 176. Ce
qui signifie en clair que le Président de l'Assemblée Nationale, second personnage de l'Etat ne
bénéficier pas de la continuité du pou\\K>ir qui est celle du Chef de l'Etat. A cinq reprises au
cours de la même législature, il doit solliciter le \\K>te fé\\K>rable de ses pairs. Logiquement, en sa
qualité de chef du parti, le Président de la République a les moyens de remplacer le bureau de
l'Assemblée Nationale chaque année. S'il n'a pas encore usé de cette prérogative, c'est que
l'Assemblée ne l'a jamais inquiété; de plus, le Président de l'Assemblée Fédérale ne se posant
pas en rival, ne porte aucunément ombrage au Chef de l'Etat. Mais, constitutionnellement,
aux termes de l'article 16 alinéa b faisant suite à la révision consitutionnelle de 1969,
'1'Assemblée Nationale Fédérale peut, sur l'initiative du Président de la République, décider par
tme loi de proroger ou d'abréger son mandat". L'interprétation la plausible de cette disposition
semble être la reconnaissance d'un
droit
de
dissolution octroyé au Président de la
République. La dimension présidentialiste du régime se confirme d'autant plus qu'aucun
régime présidentiel ne pré\\K>it une telle clause. Chambre unique - faussement tempérée par
l'exigence d'une double majorité - alors que nous sommes dans tm Etat fédéral, et maintenue
en activité par le bon \\K>uloir d'tm Président qui peut la dissoudre ouseulement décharger
certains députés de leurs mandats, telle apparaît le Parlement fédéral au sein des P0U\\K>Îrs
publics fédéraux. ainsi mal organisé, pouvait-il bine fonctionner ?
174 Art. 20 de la loi eleàonle du 27/6/1972
175 Hauriou (A). Gicquel (.Ieon) cl Gelanl (PiItri",,): op cil p. 700
176 L'art. 20 de la Constitutim de 1961 precisait que "Cbaque annee. à l'ouveftwe de sa prenuere session. 1'A.semblee elit son PresidcD! <1_
bureou".

L'elCpài...ce'" fédénlisme eamerouaais : les causes et les e:nse'I!I",nlell\\S d'un ed1ec
116
'.nlrun 2: l•••nlclg.UI. discatlill. du 'arl•••• 16116'11 i 1.
I••cU••••lm•••
Logiquement, par leur présence au Parlement fédéral, les anglophones entraient dans
le jeu des institutions. L'importance du rôle qui leur était dé\\,Qlu pouvait témoigner de leur
participation au travail parlementaire. Cette association n'avait d'ailleurs pas atténué les effets
de la crise que traversait l'institution parlementaire dans son ensemble. En effet, de
représentativité discutable à cause de leur origine contestable, imposés et non pas issus du
suffrage universel, les députés fédéraux ont été astreints aux limitations inhérentes au
parlementarisme rationalisé (Al. Ils ont également été victimes de la concurrence des
techniques de démocratie directe utilisées opportunément par le Président de la République
Fédérale (B) pour en appeler directement au peuple.
A - PARI EMENTARl5ME RATIONAUSE ET ENTORSE A lA UBBE
PARTICIPATION
Pour Claude Leclercq, le parlementarisme est dit "rationalisé" quand la Constitution
a organisé un certain nombre de procédures visant à empêcher ou en tout cas, à limiter
l'instabilité gouvernementale, ce qui assure à l'Exécutif une certaine prééminence SlD' le
Parlement177. Les idées novatrices en matière de parlementarisme que Michel Debré a
développées dans son discours du 27 aoOt 1958 devant l'Assemblée du Conseil d'Etat (et qui
ont influencé le constituant camerounais) portent sur - le régime de session - le domaine de la
loi - la procédure législative - le mécanisme de fonctionnement des Assemblées.
A différentes occasions, nous a\\,Qns plus ou moins abordé ces problèmes. Plus
concrètement, efforçons-nous de les présenter:
1. La restriction apportée à la participation des députés à l'organisation du travail
parlementaire
2. La restriction apportée à la fonction budgétaire du Parlement
3. La restriction apportée à la fonction de contrôle de l'Assemblée Fédérale
4, La restriction apportée à la participation des députés à l'organisation du
travail parlementaire.
De prime abord, il faut préciser qu'à la différence de la Constitution française qui
restreint expressément la participation des députés à l'organisation du travail législatif, le
177 Leclen:k (C!.) 1nsliIulions Politiques et Droit ConstiIutiOlUlel. Librairie Tedlnique. Paris 1978 p, 2J4 I>ans leur ou"""l!l" critique ioIiDdé
1nsIiIW0I1II et Pouvoir ... France poblié aux Ed. sociales en 197'. Francine et AneR Demidlel·MaroeI Piquemal éa'i'IaII que le
pariemallarisme ratimalisé "CXII1SÎIIe à prévoir. dans un regime parlementaire des mé<:oaismea de oontrainte juridique (des "gacIFa"
constitutiOlUlels) afin d'obtatir 1. stabilité gouvernementale alors que n'existe pas 1. base: politique ~Ue de celle stabilité; une lDlljldé
parlementaire ",lide",

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
117
1. Les projets de loi portant sur l'organisation des pou\\,Oirs publics ou sur la
révision de la Constitution ;
2. Les projets de loi tendant à la ratification des accords ou des traités
internationaux présentant par leurs conséquences une importance
particulière ;
3. De certains projets de réfonne portant sur le statut des personnes et des
biens etc,
Sans anticiper sur l'inévitable débat qui se posera à la fin de ce travail sur la confonnité
constitutionnelle de la mise au rebut de l'expérience fédérale par \\'oie de référendum, nous
ferons remarquer un certain nombre d'anomalies résultant de cette loi. D'abord aux tennes de
l'article 2 de la Constitution de 1961, la souveraineté nationale n'appartient pas au Président
de la République. Ensuite désormais, le Président de la République peut s'adresser directement
au peuple par dessus la tête des députés fédéraux. Cette pratique est d'autant plus grave que -
comme nous l'a\\,0n5 déjà signalé - les députés, dans cette chambre unique, ne représentent
pas seulement les populations mais aussi les Etats. Enfin, conséquence logique et confonne au
parlementarisme rationalisé, le recours au référendum pour tout "projet de réfonne" relevant
du domaine de la loi est encore une aliénation potentielle du domaine de la loi. Cette
Assemblée Nationale - d'organisation sui generis par rapport à l'idée de fédéralisme - était
pourtant dotée de toutes sortes de commissions180 . Son fonctionnement ne fit pourtant pas
180 Le Parlement fédéral comportait en son sein quatre commissions permanente•. Un anglophone était à la tête d'une d'entre
eUes, Voici d'aiDeurs les bureaux des commissions générales de la dernière Assemblée Fédérale (1971) ,
LOIS CONSlTlUllONNEI.ŒS
FINANCES
Président
Moussa Yaya El Hadj
Président
Malouna Raymond
Vice-Président
Obie Victor
Vice-Président
Bengyela Tata D,
Secrétaires
NJl Simon
Secrétaires
Aboubakar W.
Ahanda Ayissi
MmeChiDaP.
MEMBRES
Biyo'o OIinga
MEMBRES :
RAPPORT GENERAL
Bouba BeDa
Bassama Jacques
Djafarou Nana
Blyo'o OIinga
Kemayou Happi L.
Bouba BeDa
Mme Keutcha J.
Djafarou Nana
Kuete Mekong
MbeDey Gbapol F.
MayiMatip
MomoGrègoire
MbeDey Gbapol F.
Moussa Yaya El Hadj
NdeIey Stephen
Mukcng Benedict
Ndounokon Alphonse
Ngang Bile Samuel
Ngang Bile Samuel
NjoylI Arouna
Nono Jean
Obie Victor
Talba Malla Oumate
Pokossy Doumbe
Talba Mala Oumate
AFFAIRES ETIlANŒRES
AFFAIRES SOCIALES ET CUl.1lJBEII ES
PrésIdent
Fouda André
Présklent
Mukcng Benedict
VIce-Président
Nsakwa Peter
Vice-Président
Guelme Garba
Sec:rétalres
EbongaJame T.
SecrétaIres
Pokossy Downbe
Mme Keutcha J.
DipIté Joseph
EIamoMoses
MEMBRES
Bassama Jacques
MEMBRES
Abdoulall" Alun.
Fenkarn 0uistIan
Babale Oumarou

L'expen...œ du fédéralisme camerounais: les causes et les ...sel~emenùd'\\D1 ed1ec
118
3. Les restrictions apportées à la fonction de contrôle de
l'Assemblée Nationale Fédérale
Si
l'Assemblée
Nationale
Fédérale
peut
s'informer
sur
l'action
du
Gouvernement en posant des questions orales ou écrites et en constituant des commissions
d'enquête178, le gouvernement se borne à lui fournir explications et renseignements; d'ailleurs,
sous réserve des impératifs de la défense nationale et de la sécurité de l'Etat. Le mutisme de la
Constitution sur un droit de sanction susceptible de menacer l'existence même de l'Exécutif
montre combien l'idée de contrôle exercée par un Parlement qui fait bloc derrière le Président
de la RépubUque est dérisoire. En outre, aucune responsabilité politique du gouvernement ne
pouvant être engagée à cause des reminiscences présidentielles du régime, l'organisation d'un
contrôle du Parlement sur les actes de l'Exécutif paraissait bien prétentieuse (cl, responsabilité
du président supra). Censeur inefficace à cause des mécanismes juridiques et du fait
unanimitaire, l'Assemblée Nationale Fédérale fut également dépouillée de son monopole de la
représentation nationale,
.
B - REFERENDUM ET "COUBT-CIRCUITAGE" DE L'ASSfMBI FE
NATIONAlE FEDERAlE
Signalé san sprécision spéciale dans la Constitution de 1961 en son article 2, le
référendwn constitue une technique alternative d'exercice de souveraineté nationale qui
appartient au peuple camerounais. Su le même pied d'égalité,sont placés les députés à
l'Assemblée Nationale, jouissant du même privilège. La loi n° 69-Lf-15 du 10 novembre 196
fixera les conditions et la préocédure de référendwn prévues par l'article 2 précité. L'apJX>rt
de cette loi - et c'est ce qui est intéressant pour notre démonstration -, c'est qu'elle détermine
l'autorité compétente (a) pour organiser le référendum et délimite son domaine d'intervention
(h).
a) L'autorité compétente
C'est au Président de la République Fédérale que la loi attribue cette
compétence. Ce dernier, après consultation du Président de l'Assemblée Nationale et des
Premier Ministres (indice de participation), peut soumettre au référendum tout projet de loi ou
de réforme.
b) Le domaine d'intervention
nest question de tout problème qui, bien que relevant du domaine de la loi fédérale
dans le cadre des compétences fixées par les articles 5 et 6 de la Constitution, serait
susceptible d'aroir des répercussions profondes sur l'avenir du pays et des institutions. SeJon
les termes de la loi, il s'agit expUcitement de trois points:
178 Art. 30. CODàilutiœ de 1961

L'ellpéri..."" du fédéralisme camerouna.. : les causes et les "'''''l!Jlernents d'un echee
117
constituant camerounais a théoriquement reconnu ce pouooir aux parlementaires fédéraux.
QueUes sont les deux faces de cette liberté (a) contrôlée (h) ?
a) L'affirmation du principe d'autonomie d'organisation
Aux termes de l'article 20, '1'Assemblée Nationale Fédérale fixe elle-même les
modalités de son règlement intérieur". L'ordre du jour de l'Assemblée est fixé par la
conférence des présidents qui comprend les présidents des groupes, les présidents des
commissions et les membres du bureau de l'Assemblée Nationale fédérale (article 29), Cette
liberté d'organisation qui préludait à une participation effectiw était en réalité bien surwiUée.
b) Les entraves à la participation
La première réserw concerne la présence des présidents des groupes à la
"conférence des présidents". Est-il besoin de rappeler qu'il n'y a qu'un seul groupe, le groupe
UNC, donc, un seul président. La deuxième limitation tient au fait qu'un ministre ou un
ministre-adjoint de la fédération doit participer aux travaux de cette conférence. Quel que soit
son Etat d'origine, ce représentant de l'Exécutif nep eut défendre que les options
gouwrnementales, L'interaction entre les deux lois de base du fédéralisme est manifeste à ce
niveau: la restriction de la liberté d'autonomie influence la pratique de la participation. La
fonction budgétaire et financière du Parlement s'est-elle exercée librement?
2. Les restrictions apportées à la fonction budgétaire et 6nancière
du Parlement fédéral
La Constitution habilite le Président de la République - au cas où le budget
n'aurait pas été adopté avant la fin de l'année budgétaire en cours - à reconduire par douzième
le budget précédent jusqu'à l'adoption du nouveau budget. Cette mesure a eu un double effet.
D'une part elle a restreint le domaine de la loi en matière financière et d'autre part, eUe a
imposé à la fois un rythme de travail à l'Assemblée et une certaine discipline de oote aux
députés. De plus, aux termes de l'article 29 alinéa 2, "les propositions de loi ou amendements
qui auraient pour effet, s'ils étaient adoptés, soit une diminution des ressources publiques, soit
une aggravation des charges publiques sans réduction à due concurrence d'autres dépenses ou
création de recettes nouvelles d'égale importance sont irrecevables".
En considérant la question de l'initiative financière sous l'angle de l'équilibre budgétaire,
le constituant fédéral a restreint - si non rejeté - le droit d'amendement, Or quand on sait que
pour le parlementaire, la participation aux fonctions législative et budgétaire se situe au niveau
de l'amendement bien plus qu'au niveau de la proposition d'ensemble, on devine combien les
parlementaires ont été écartés - si non dépossédés - de leurs fonctions traditionnelles. nleur
restait toutefois la possiblité de contrôler l'action du gouvernement.

Expérience du Fédéralisme Carnel'Olnllis : les causes et les ellSelQl1emen15 d'un échec
118
merveille. La présence de dix députés anglophones en son sein ne lui a pas permis de
constituer un contre - poids au pou\\,Oir présidentiel. Dès lors, se pose la question de sa\\,Oir si
l'autorité judiciaire - gardienne de la légalité - pouvait mieux contrôler les agissements de
J'Exécutif.
SEml.111 :IIllIRelllE l'DEIelCE lE Il FI.enl.IIIITIIIIE'1I l'lITllIIE
"C"'IE
M. Duverger écrit que 'les tribunaux ont pour premier but de régler les
contestations juridiques entre particuliers (tribunaux civils, commerciaux etc) et de réprimer les
infractions aux lois pénales (tribunaux répressifs). Mais les tribunaux ont aussi un autre but qui
touche plus directement à l'exercice du poU\\,Oir politique : ils contrôlent que les gouvernants
agissent dans les limites du droit, c'est-à-dire en appliquant le principe de légalité 181 . Déjà,
commentant la Constitution des Etats-Unis, Hamilton notait la faiblesse du pou\\,Oir judiciaire.
Ne disait-il pas que 'le judiciaire. par la nature de ses fonctions, sera toujours le moins
redoutable pour les droits politiques de la Constitution, parce qu'il sera le moins en état de les
contrarier ou de les violer,,182 . Par ce jugement, l'éminent père fondateur souscrivait aux
propos de MontesqlÙeu selon lequel "des trois plÙssances dont nous avons parlés, celle de
juger est en quelque sorte nulle ,,183 . Cette faiblesse congénitale de l'organe judiciaire s'est
renforcée dans une Afrique où J'on continue aussi à proclamer la nécessité de l'indépendance
des tribunaux. En 1962 au Mali, le Président Modibo Keita dédarait : "Les juges de la
République du Mali ne doivent pas être conduits, au nom de l'indépendance du pOlMlir
judiciaire et de la séparation des pOlMlirs, à perdre de vue qu'ils sont d'abord et avant tout des
militants de l'Union Soudanaise... Pour tous les militants de l'U.S., le pouvoir judiciaire conune
institution sociale de l'Etat et organe suprême par sa nature même, doit nécessairement être
Gueime Galba
Mme ChiIIa Pr H.
KOIItchou Thomas
Hecheket Hamadou
Mailki Adjia
Kontchou Thomas
Ndcunokon Alphonse
Mayi Matip
Ngaundji Ambroise
Mbang Etoh
Ngo'o Mebe Jean
Mbassi Prosper
suite Note 177
Nlnga Songo
Meke Emgw David
NIl Sbnon
Mchamadou Ousma
Ouangso Albert
Nono Jean
Souop Foko Christ
Nsakwa Peter
Takunchung
Tchaltouang
Tchaltouang Bouba
D faut préciser que l'Assemblée pouvait aussi constituer des cornrnissklm spéciales pour un objet déterminé. Ces
dernlères pouvaient à leur tour se subdiviser en SOIJS-<:ommissions.
181 I>werger (Maurice) ; institutions PoIItlques et droit conslitutlormel 1 Les grands systèmes politiques, CoD. Thémis PUF, 1973
p. 175
182 Alexandre Harnilton, James Madison et John Jay... lA! fédéraliste, CoD. Nouveaux Horizons, Ed. Internationa1es, 1963
183 Montesquieu, Esprit des lois, Vol. 1p. 186 publiés (Uvre XI, chap. VI, G.J)

Expérience du Fédéralisme Cameroun.... , les causes et les enselQllements d'un échec
119
au service du régime qui l'a créé,,184 . Cette déclaration pleine de contradictions montre à quel
point la justice est politisée dans le continent noir,
Dans l'Etat fédéral, la présence de l'organe juridictionnel est plus qu'impérieuse. Le
juge sanctionnera la suprématie de la Constitution, règlera les conflits de compétence,
contrôlera le fédéralisme. Qu'en fut-il au Cameroun ?
Autorité judiciaire ou pouvoir judiciaire? L'option en elle-mème était déjà révélatrice.
Le constituant fédéral semble avoir manifesté des préférences. na choisi le concept d'autorité
moins "prestigieux" pour qualifier la troisième puissance dont parlait Montesquieu, Les
réflexions de Michel Prouzet vont dans le sens de nos observations quand il écrit que 'les
constituants ont voulu marquer implicitement leur volonté de réserver dans le vocabulaire
courant le terme plus noble de pouvoir au seul pouvoir exécutif" 185 C'est essentiellement la
186
Cour Fédérale de Justice qui incarne l'autorité judiciaire au niveau de la fédération
.
Avant d'étudier la Cour fédérlae de Justice ($2) on s'efforcera de présenter rapidement
l'atteinte à l'autonomie juridictionnelle du Cameroun Occidental ($1).
Plnlnl.ll : l'lUllltl tl'IIII.I.'1 J.rldlcUI••1111 dllllmirelln
IcclllllUl
Jacques Benjamin rapporte que M. Foncha aurait demandé lors des discussions de
1961 qu'une clause protectrice du système judiciaire de son territoire fut inscrite dans la
Constitution. Apparemment, ce I.OeU n'a pas été exaucé puisque la réglementation judiciaire a
été fédéralisée (article 5). Mais, quoique entamé avec la fédération, il a existé un sytème
judiciaire ouest-camerounais (A) propre. La tentative d'unification du droit applicable dans la
fédération s'est opérée aux dépens des anglophones (E).
A - 1fS UMITES DE L'AUTONOMIE D'ORGANISATION
JUDICIAIRE OUEST-CAMEROUNAIS
1. Les indices de l'autonomie
C'est une disposition de la Constitution précisant que 'la justice est rendue sur
le territoire de l'Etat fédéral au nom du peuple camerounais par les juridictions compétentes de
chaque Etat fédéré qui pose le principe du maintien des structures antérieures., C'est ainsi
qu'au Cameroun Occidental, fut maintenue la dualité de juridictions locales (natives courts) et
d'autre part les juridictions de "Common Law". Les premières qui appliquent les règles
coutumières dans tous différends opposant les "natives", sont constituées par les "alkali courts"
184 v, BuDetIn de la cornmlsslon Internationale des juristes, juillet 1963, cité par P. F Gonidec in les "Systèmes politiques africains,
2é partie, Les réalltés du Pouvoir, LGDJ Paris 1974 p. 05
185 Prouzel (MlcheQ op cil p. 211
186 Dfaut aussi signaler la création en 1962 par ordonnance nO 02/0F du 7/2/ d'une Cour Fédérale des Comptes

Expérience du Fédéralisme Cameru<Jll4is : les causes elles enseignements d'un échec
120
et les customary courts", Les • alka1i courtS» sont compétentes pour juger de tous les litiges où
les musuhnans sont intéressés. fi en existe trois: Kumba, Ndop et Nkarnbe. L'appel de ces
décisions est porté devant les "District Officers" de Nso Bamenda et Nkarnbe. Les • Customary
courts» (environ 74 connaissent des litiges intéressant les personnes non musulmanes
SOl.D1Ùses au droit et coutumes locales. Elles sont classées en première et seconde classes. Les
autres, c'est-à-dire les juridictions de "Common Law" ou les juridictions de type anglais se
répartissent en "magistrate courts", en une "High court" et en une "Court of Apeal". Créée,
par l'ordonnance fédérale du 16 octobre 1961, "la Court of AppeaJ" parfait l'autonomie du
système judiciaire du Cameroun Occidental et remplace dans le cadre de l'Etat fédéré de
l'Ouest-Cameroun "la Court of Appeal" de Lagos devant laquelle étaient portés avant la
réunification les appels des décisions rendues par la "High Court" 187. Cette juridiction a à sa
tête un "Chief Justice" qui ne se contente pas d'être le Président de la " Court of Appeal.,
mais d'être aussi le chef du service judiciaire: Judicial department. Mais après la réunification,
cette liberté sera partiellement restreinte par l'intrusion de l'Etat central dans l'organisation
judiciaire de Buéa.
2. Le contrôle progressif de l'appareil judiciaire anglophone par le
gouvernement fédéral
Cette opération de main mise s'est déroulée en deux phases. D'abord l'Attorney
General qui siégeait au Conseil Exécutif du Cameroun Occidental et qui était responsable de
l'application de la loi dans cet Etat fut désormais payé par des fonds fédéraux, puisque le droit
188
relève de la compétence fédérale
. Ensuite, avec la loi nO 66/LF/3 du 10 juin 1966 créant
une Cour Suprême du Cameroun Occidental et fixant les attributions de l'Attorney General l89,
un grand pas a été franchi. Désormais, l'Attorney General est remplacé par le Procureur
Général près la Cour Suprême du Cameroun Occidental. Ce dernier hérite des attributions de
toute nature conférées à l'Attorney General Adjoint par les textes législatifs antérieurs. Un
magistrat qui devient plus tard conseiller juridique du Gouvernement de Buéa pour remplir
auprès de celui-d les anciennes attributions d'officier public qu'exerçait l'Attorney General.
L'article 3 établit explicitement les pouooirs du Procureur Général :
- il a qualité, quand il estime opportun, sous le contrôle et la direction du Ministre
(fédéral) de la justice et conformément aux dispositions en vigueur, pour ... ouvrir ...
reprendre ou continuer les poursuites pénales devant les juridictions répressives, autres que
militaires, siégeant au Cameroun Occidental ;
- interrompre à tout moment avant le prononcé du jugement toute poursuite pénale.
Le texte précise que les polM:>irs conférés au procureur général sont exercés par lui-même ou
ses substituts agissant conformément à ses instructions. Même si dans les faits c'est \\.Dl
187 Martlcou-Riou (Anne) ; L'organisation ~ire du Cameroun
188 Cette phase a été slgnaiée par Ja<XlUes Benjamln en page 31 de son livre plusieurs fois cité.
189 Loi nO 661U'/3 du 10/6/1966 moditIant l'ordonnance nO 61/0Fj9 du 16/10/1961 créant une Cour Supnlml! ...
Cameroun 0ccIden1aI et fixant les attributions de '-Attorney General" rTRfC, p. 60, supplémentaire).

[:,nenence du Federahsme CamerOWlalS
les causes et les enselQnements ri lUl cchcc
121
dnglopnone qui a occupé Je poste de procureur genéral. il nen demeure pas moms 'TaI que ia
dimensIon centripète de ce fonctionnaIre ne tarde pas à se revéler. En effet. une loi fédérale
du mois de juin 1966 devait préciser que 'Ie Procureur Générai pres la Cour Supreme du
Cameroun Occidental peut faire appel soit sur un point de droit soit sur une question de fait.
due en matière répressive par toutes lesiuridictions militaires dans un délai de trente 130liours.
L'organisation judiciaire du Cameroun Occidental a été entamée par le pouvOIr central: la
rendance a l'unicité du droit positif de la fédération se fit à nouveau am dépens cie Buéa.
B - lA TENTATIVE D'l1MB.CAIION DU DROIT APPUCABLE
DANS lAFEDERATIQN AUX DEPENS DES ANGLOPHONES
Le juge camerounaIs (fédéré ou fédérai) était confronte à une muitiplicité de droits
applicables. Pour trancher un litige, il devait tante>t s'appuyer sur le leg juridique hérité du
législateur colonial. tantôt consulter la coutume, Et ce ne fut pas tout. Au niveau du droit écrit.
!l devait encore distinguer, droit privé. ciroit administratif. common iaw. Si cette concurrence
ie S\\istémes légaux n'est pas spécifique a notre pays: ici elle revet un cùchet pùrtlculier d
..use cie la nature fédérale de l'Etat. En erier. toute option qUI tendrait il pnviJégier un svsteme
iuridique donné risquerait d'apparaitre comme élément de domination d'tm groupe sur l'autre.
Conscient de cette dispanté légale et des difficultés susceptIbles den resulter il longue
8chéance, le Président de la République créa par décret l'c'o(187) deux commissions de
réfonnes judiciaires : en une matière pénale et l'autre en matière civile. Nous prendrons
l'exemple de la première dite "commission fédérale de la législation pénale" qui était chargée
rie préparer deux avant-projets, l'un d'un code pénal unique camerounais, l'autre d'un code de
procédure pénale, pour montrer la suprématie des francophones dans l'élaboration des régles
de droit valables sur l'ensemble de la fédération.
Dès le projet d'élaboration d'une \\'eritable synthèse ries rleux s\\'stémeslundiques, je'
Cameroun Occidental apparaissait, faute de codification récente de son droit à l'instar des
francophones qui connaissaient fort bien le contenu de leur code, comme Je parent pauvre de
cette entreprise. Jacques Benjamin souligne à ce propos que "le changement de statut
politique ne s'est pas accompagné en 1961 d'une codification des lois en vigueur sur son
0
territoire, ces lois étant tirées de trop de sources différentes .1 1
De plus, lors des discussions au sein des deux commissions non seulement certaines lois
nigérianes et certaines parties de la Common Law britannique applicables au Cameroun
Occidental en
1961 étaient désuètes à cause de la répartition
constitutionnelle des
compétences, mais encore - plus grave - personne des conseûlers anglophones n'était en
mesure de sortir exactement les parties désuètes de celles ayant encore force de loi. En effet.
les contacts fréquents n'avaient pas été entretenus entre les conseillers juridiques du Cameroun
Occidental et ceux. du gouvernement fédéral. S'agissant du contenu même du Code pénal
'(lO
•.
Décret présidentiel du 29/2/1969
" ) 1
.. , Bemamm (Jacques, , op clt p. 35

Experience du Federalisme CamerOWlalS
les causes et les enselQTl.cments a Wl cchec
122
camerounaIs, la volonte de compromIs qUI et presIde aux dISCUSSions Il est pas neqligeaole
méme si les résultats ont été bien maIgres. L'appol1 des anglophones se localIse dans troiS
domaines méconnus du Cameroun Orientai dlnSplratlon francaIse, Il s'aqlt en ïoccurence de
l'engagement préventif (article 46), de la conspiratIon crendue il tous les cnmes et délits
(articles 9 et 95) et de la motI\\/ation obligatoIre des CIrconstances anenuantes ial1icles 90 à
92), Le code pénal ne compol1e pas moins de trois cenr SOlxanre ciix (3701 al11cies,
Les anglophones ont aussi tente dlnfléchlr la procedure penale, :-)elon eux. ies luges (lU
Cameroun Oriental donnent l'impression que l'accuse est coupable et qu'Ils lui demandent une
preuve de son innocence, alors qu'au Cameroun Occidental. le iuge est un arbitre, Li!
commission a donc retenu que le rôle du iuge est de iuger et non d'accuser, il faut souligner
'lue les camerounais occidentaux, à la différence de leurs ministres tcdérau:, qui recusalent
toute crainte prématurée, étaient pessimistes sur les resultats de leur contribution a la creation
d'un droit et d'une procédure pénale fédérale. Le cas du droit pénal n'est pas Isolé. D'autres
branches du droit illustrent parfaitement la suprématie cies francophones dans cene tusion du
droit. Cest ainsi que le droit administratif '111térieuremenr lIlconnu au L:lmeroun Üccldenral
';era étendu à toute la fédération. Pour ciore ('(,[Te 'ieCllon, ,'::ammons IZl 'iiluatron r:mlcuiJére
de la Cour fédérale de Justice,
'anlnille 2 : la CI" fédénle dl JasUee
"Gardien, interprète. contrôleur. il' pouvoir judiciaire fèdéral fait office de contre-poids
aux deux autres pouvoirs pour empècher d'abuser de leur autorité, de violer la légalité ou les
droits de la minorité" 19~ Le constituant camerounais n'a pas entériné ce commentaire <il' l'vI.
Kapsi sur la Cour Suprême des Etats-Unis puisquII cl préféré confier la garde de id
Constitution au Président de la République (cf supra article 8) A-t-Il cherché plutôt à minimiser
les risques (en réalité mythiques) d'un gouvernement des juges en confiant au Président de ia
République la garantie de l'indépendance <ie l'autoritè iudiciaire et le droit de nomination des
magistrats (article 32) ? Créée dans le cadre de la loi constitutionne11e, orgnaisée par
l'ordonnance du 4 octobre 1961 modifiée par la loi du 19 novembre 1965 sur le contentieux
administratif, la Cour fédérale de Justice apparaissait comme une juridiction "sui generis". Elle
s'apparentait d'une part aux juridictions de droit commun (cas où le droit fédéral est en causel
et aux juridictions d'exception (par la définition énumérative de la compétence retenue
d'ordinaire pour les tribunaux d'attribution). D'autre part, en renfermant en son sein (surtout
en matière administrative) deux degrés de juridiction. la Cour fédérale de Justice adoptait ipso
facto le système anglo-saxon, La pluralité des droits applicables par le juge fédéral participait
enfin du caractère exceptionnel de cette juridiction, Nous avons souligné plus haut le lent effort
d'harmonisation des deux droits (et surtout le sens dans lequel s'est effectué ce travaIl)193
192 Kapsi lAndré) : La vie politique aux Etats-Unis. Paris 1970, cite par Claude Leclercq Ul institutions Politiques et Droit
Constitutionnel, op cIl p. 178
193 Sur l'organisation iud.iciaire du CameroWl. rvtme Marticou-Rtou preCise que la d.1ftîcuhe concernant le droIt applicable ~sr
surtout sensibie pour le contentieux acimJnistratif car pour les autres chefs de competence de la Cour. les problèmes etant
essentiellement nouveaux. les soh.rtions retenues ne semblent pi'.lS se heurter à des ddficultes parncul.ières

Expérience du Fédérali5me Ûlmerounilis : les causes et les enseignements d'un edlec
123
Examinons maintenant la composition (A) et le fonctionnement (B) de la Cour fédérale de
Justice 194 ,
A • lA COMPOSITION DE lA COUR RER.ElE LE SOUCI DE
PARTICIPATION EN MAllERE AlITBE OUE CONS1TIlfIlONNEJ 1E
Quels étaient ces autres chefs de compétence de la Cour ?
Il s'agissait :
- des conflits de compétence entre les juridictions les pius éleWes des Etats
fédérés
- de l'interprétation du droit fédéral
- du contentieux administratif 195
- des conflits entre les Etats fédérés entre eux ou entre la République fédérale
et les Etats fédérés 196
.
Quels étaient les membres de cette Cour ?
La Cour fédérale de Justice était composée d'un premiec président, de quatre juges
fédéraux, d'lm procureur général, d'un awcat général et d'un greffier en chef. Quelques
précisions sont nécessaires. Le premier président de la Cour Suprême du Cameroun Oriental
était de droit premier président de la Cour Fédéral de Justice. Le "01ief Justice" du Camerotm
1
Occidental était de droit juge fédéral ; il était de droit le suppléant du premier président en cas
d'absence ou d'empêchement. De plus, deux juges fédéraux titulaires furent panni les
magistrats du siège de la Cour Suprême du Cameroun Oriental et le quatrième juge parmi
1
ceux du siège de la Cour Suprême du Cameroun Occidental. Trois juges fédéraux suppléants
étaient nommés parmi les magistrats de siège en service au Cameroun Oriental et trois parmi
1
ceux en service au Cameroun Occidental". Le procureur général près la Cour Suprême était
de droit procureur général de la Cour fédérale de Justice et le procureur général du Cameroun
1
Occidental, awcat général. Enfin, il faut souligner que le greffier était nommé par le PrésKlent
de la République.
1
Comme on peut le remarquer, la Cour fédérale de Justice a été l'institution fédérale la
plus pénétrée par les anglophones. Cette "occidentalisation" (Cameroun Occidental) a été
1
1
194 CFJ - Cour Fédérale de Justice,
195 En application de la loi 6511.F/22 du 19/11/1965, la Cour Fédérale de Justice a_ reçu canpétenœ pour cannalIre de
1
l'ensemble du contentieux administratif (à l'encontre de la République Fédérale, dos Etals 1MiRs, des c "Ililés et dos
établissement:! publics).
1
196 En cette matiére, la Cour Fédérale statue en 1er et dernier ressort. Les insatanees oont introduiIa au nom du PrésidmI de la
République, JI l'ElaI fédéral est inléressé ou au nan des Premien MinIsbes des EDds fédhts.
1
l

Expérience du Fédéralisme Camerounais : les causes et les enseignements d·... èd>ec
124
tempérée en matière constitutionnelle par la pillsenœ envahissante du Président de la
République.
B - UN fQNCDONNEMENf DOMINE PAR I.E PRESIDENT DE lA
REPIJBJ JOUE EN MAl]ERE CONS1DlII10NNFI] E
les attributions de contrôle de la constitutionnalité de la Cour fédérale de Justice
découlent des articles 14 et 29 de la Constitution du 1er septembre 1961. En effet, aux
termes de l'article 14, "le Président de la République fédérale saisit la Cour fédérale de Justice
lorsqu'il estime qU'Wle loi fédérale est contraire à la ptéiente Constitution ou qu'une loi de l'un
des Etats fédérés est prise en violation des dispositions de la Constitution ou d'une loi
fédérale". De même, selon les stipulations de l'article 29 alinéa 3, "en cas de doute ou de litige
sur la recevabilité d'un texte, le Président de l'Assemblée ou le Président de la République
Fédérale saisit la Cour Fédérale de Justice qui décide de la recevabilité". Ces différents
domaines du contrôle de la constitutionnalité tendent tous à privilégier le personnage central
du mécanisme: le Président de la République. C'est lui qtù "est habilité à déclencher la
procédure (1) ; c'est lui qui compose la juridiction (II) ; c'est enfin le Chef de l'Etat qtù en profite
pour contrôler le Parlement (II).
1 - LE )JRFSIDEN[ DE lA JJEPUBlJOIJE DEJ1ENf LE MONOPOLE
DESAISINE DE lA COUR PAR VOIE D'ACJ10N
C'est à l'occasion d'un arrêt nO 4 du 28 octobre 1970 dans l'Affaire de la
Société des Grands Travaux de l'Est, Agence de Yaourdé contre Etat Fédéral du Cameroun
que la Cour Fédérale de Justice a eu à se prononcer sur la \\-Oie de contrôle de
constitutionnalité instaurée par le constituant. C'est par \\-Oie d'exception que cette juridiction a
été saisie de ce cas vraiment isolé.
De quoi s'agissait-il dans cette espèce ? 197
La Société des Grands Travaux de l'Est contestait son imposition fondée sur
des dispositions légales contraires à la Constitution et en conséquence, susceptibles
d'annulation. L'Assemblée plénière de la Cour fédérale de Justice, en rejetant le recours de la
SGTE a posé le principe suivant :
"Aucun contrôle de la constitutionnalité des lois par \\-Oie d'exception n'est prévu par le
droit camerounais. Le contrôle de la constitutionnalité des lois par \\-Oie d'action directe est seul
197 n '
d
....-L~
• agissait en espéce
'un recours Inuuœm par la SocIété des Gnals Tra\\lllux de l'Est, désilJlée sous le sIg\\e SGIE en
onnulaUon partielle de l'arUde 2696 en rôle de l'exercice 1965/1966, impOb sur les revenus 1965, mis en rea>oMl!IDent le
20/6/1966 pour un montant de 10.577.985 fnmcs. La nequérante~ ... œttlI mpœtIba a\\lllil éIi Ida mlllclidlan da
textes légaux et .péctalement de l'arUde 43 œr (ancien) du Code Généllal da hpOts ; qœ le la loi du JO/6/1966parœ qu'de
donne un effet rétroactif aux dlsposillans nouwJles de l'article 43 ter, a \\IÏDIi le pmdpe fondam""ta1 da la ~ da
lois Inscrit dans le préarnbule de la Constitution du 4/3/1960 ; que l'in'l'DOilion par de attaquée, fondée sur da clisp _n IN
légales contralnls à la Constitution est lIIégaIe et encourt de ce fait l'IUIIlIliooIIon.

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les ca...... et le. enseignements d'Wl échec
125
prévu par la Constitution du 1er septembre 1961 qui confère au Président de la République
Fédérale le poIMJir de saisir, sous certaines conditions, la Cour fédérale de Justice, lorsqu'il
estime qu'une loi de l'un des Etats fédérés est prise en violation des dispositions de la
Constitution ou d'une loi fédérale", Ce principe qui ne souffre d'aucune exception aboutit à
l'exclusion des citoyens de la procédure de contrôle de la constitutionnalité, C'est sans doute
pour éviter une "actio popularis" - qui risquerait d'occasionner incertitude et instabilité dans la
vie de la fédération que le constituant a réduit le nombre de personnes habilitées à faire usage
de ce procédé très énergique, Ce système octroie à nouveau au Président le droit de vouloir
pour les citoyens,
D - lA FIXATION DE lA COMPOSITION DE lA COUR FEDERAI F
DE JUSTICE OU SA POUTISATIOKMANŒESlE
Lorsque la CFJ statuait en matière constitutionnelle, la possibilité était
reconnue au Chef de l'Etat de compléter les membres permanents par cinq personnalités
désignées pour un an en raison de leur compétence ou de lèur expérience, Trois de ces
personnalités sont choisies parmi les ressortissants du Cameroun Occidental198
Que faut-il
penser de l'entrée des "éléments exogènes dans cette enceinte" ? Michel Prouzet répond à la
question: "C'est ainsi qu'on a tout lieu de penser que les personnalités nouvelles nommées
auprès de la Haute juridiction seront forcément des alliées politiques du Président. Dans cette
occurence, la présence, en nombre égal, de magistrats professionnels n'est guère en mesure
de faire vraiment le contre-poids à la politisation de l'organe chargé du contrôle de la
constitutionnalité" 199,
m-CONIBOLE DE lA CONSTITUllONNAlJ1E DES LOIS ET
CONIBOLE DFS PARI EMENfS
C'est ici l'occasion de poser le problème de la portée du contrôle de la
constitutionnalité des lois. npermet principalement au Président de la République de surveiller
le parlement fédéral Oa loi fédérale devant se conformer à la norme constitutionnelle) et de
contrôler les Assemblées fédérales Oes lois votées par les Assemblées législatives devant
respecter les lois fédérales)200 , Comme le Conseil constitutionnel en France, la Cour fédérale
de Justice se devait de surveiller les empiètements du législatif sur le domaine du règlement.
Une fois de plus, c'est encore un faux débat que nous venons de mener car le mécanisme
198 afaut mentionner que les membres du gouvernement fédéral et gouvernement fédéré, le. députés à l'Assemblée Législative
fédérale, les représmtllllts aux Assemblées L.égislatives, les membres des cabinets, les fonctionnaire. d'autorité et les officiers en
actlvllé ne pewent être désignés.
199 Proozet (MlcheQ ; op dt, p. 213
200 Est-il besoin de préciser que le Président de la République doit saisir la Cour avant la promulgation du texte législatif violant
soit la Constitution, soit la loi fédérale. A cet effet, il dispose de quinze (15) jour.; pour agir aprés la transmission du texte.
P..... ce délai, aucun recours n'est possible. AIns~ Wle loi promulguée dont on s'apercevrait par la suite qu'eUe serait contraire à la
Constitution, ne pourrait plus être annulée.

fJtpérialœ œ. FédénIisme cc
: les causes et les .........lIel115 d'un échec
126
prévu par les arhc\\es précités (article 14 et 29 alinéa 3) est resté lettre morte pour n'alAJir
jamais fonctiormé. Tout en admettant le principe d'une certaine autonomie d'organisation à
cause de la complexité du système judiciaire anglophone, le polMJir central s'est infiltré dans
cet appareil en remplaçant fAttorney General par le procureur général. La suprématie du
Cameromt Oriental s'est elLOIe manifestée dans l'élaboration de la règle de droit applicable
"erga omnes". Bien qu'étant J'exemple même de la participation, la CFJ ne souffrît pas moins
de l'omniprésence du PcésideŒ de la République.
CONCLUSION PARTIELLE
A l'analyse, deux signes distinctifs ont caractérisé le dépérissement du pnnclpe
d'autonomie: la magnificienœ de l'Etat central et son corrolaire, l'insignifiance des Etats-
membres. L'altératioo du principe de participation a accusé le coup d'un présidentialisme
autoritaire au sein duquel le Président de la République, inwsti de la confiance populaire,
règne sans partage sur l'ExécuIif et par le parti unique à la vertu simplificatrice, étend son
autorité sur une A.ssembIée Nationale d'existence précaire dont il est le seul comptable de la
durée. La paralysie d'un contrôle délAJlu à ce "tiers indifférent" qu'est le juge fédéral, renforce
à nouveau l'autorité du Olef de l'Etat qui a choisi de s'appuyer sur ses collaborateurs -
technocrates sans assise populaire - au détriment des autres poulAJirs publics fédéraux. En
cette occurence, la centralisation aura eu raison du fédéralisme car plus que jamais, alors que
le polMlir se dévait d'être 0lN!rt à cause du pluralisme qu'impose l'Etre fédéral, il s'est clos
sous J'oppression de la teJ_a::e unîtariste. Enserrés collectivement dans l'étau institutionnel, le
plus difficile pour les anglophones n'était-il pas de rester eux-mêmes? C'est à cette question
que nous nous proposons de répondre en examinant le problème culturel dans le fédéralisme
camerounais.

Expérience du Fédéralisme Camenxmais , les causes et les enseignements d\\m cchec
127
CHAPITRE III
L'ECHEC DE LA POLmQUE CULTIJRELLE AU
SEIN DE LA FEDERATION: l'IMPOSSIBLE
AUTONOMIE DE LA MINORITE ANGLOPHONE
Imilleni. ET 'ISn11. ID 'IIIIIME
Les sociétés plurielles de "peuplement composite,,201 posent à la conscience htunaine
l'équation de la cohabitation. Les gouvernants, centralisateurs par tempérament, ont toujours
recherché les techniques réductrices des différents facteurs de l'hétérogénéité. parmi lesquels la
culture. A la superposition des organes constitutionnels - autre caractéristique du fédéralisme
étatique - correspond une infinité de cultures ; à tout le moins autant qu'il y a des Etats
membres. Dans l'Etat fédéral - société formée de communautés ou de groupes régionalisés à
forte composante languistique ou ethnique -, les considérations culturelles revêtent une
importance particulière. Elles sont la source de contestations permanentes, voire des conflits
divers et portent en elles-mêmes (ces considérations) les germes destructeurs de certaines
fédérations existantes et même certains Etats unitaires. Pour s'en convaincre, deux cas parmi
202
tant d'autres méritent d'être mentionnés
.
En guise d'explication à la crise du fédéralisme canadien, Jean Prévost avance la thèse
selon laquelle '1es canadiens français n'entendent pas être noyés dans le nouvel ensemble et
203
obtenir le respect de leurs droits linguistiques et culturels
» .
Si la Belgique, Communauté unitaire poly-€thnique
regroupe en son sein quatre
grandes régions linguistiques,204 la "question belge demeure cependant de trouver un modus
201 Touret (Bernard) ; ln L'Aménagement ConstituliOlUleJ des Etats de peuplement composite, publié par le Centre International
de Recherches sur le billngulsme. Les Presses de l'Univer>ité de Laval, Québec, 1973 p. 1
202 V. également le cas indien où le facteur Iiguistique a été retenu par la délimitation des unités fédérales, cité par B. Touret en
147
203 PréYost !Jean) ; in La crise du fédéralisme canadien, COU. Dossier> Thémis, PUF 1972 p. 8
204 Ludo (Van W.) ; Fédéralisme, utopie ou possiblité, LGDJ, Paris 1971 223 p 7 L'auteur cite en page 115 les quatre régions
linguistiques de BaIgique qui sont ,
- la RégIon de langue néerlandaise
5.500.000 habitants
- la RégIon delangue française
3.100.000
- la RégIon de langue aI1emande
60.000
-la RégIon biIlngue de BnlXeOes
1.000.000

Expérience du Fédéralisme Camerounais : les couses et les enseignements d'W1 échec
128
vivendi entre les flamands et les wallons. Faut-il continuer avec la structure unitaire sous
réserve d'aménagement ou doit-on opter pour un système fédéral? Si oui, fédéralisme à
combien? Voilà le dilenune. S'il est devenu un lieu commun de parler de la diversité culturelle
de l'Afrique, il est aussi généralement admis que le Cameroun constitue le microcosme du
continent noir. Comme une ombre agissante, les problèmes culturels \\.Unt suivre le fédéralisme
camerounais tout au long de son existence. Les prises de position à la conférence de Foumban
sont déjà révélatrices à ce sujet. Le leader du Cameroun Méridional, le Premier Ministre John
Ngu Foncha n'estimait-il pas qu'il fallait "trouver une solution adéquate aux problèmes que
posent les divergences culturelles et autres" ? Le Président Ahidjo, tout en reconnaissant le
bien-fondé de cette thèse, à sa\\.Uir l'existence des disparités linguistiques, privilégiait plutôt les
aspects économiques du futur Etat Fédéral205 .
Après un rapide examen du fait minoritaire sous un angle culturel (U. nous nous
interrogerons sur le bilinguisme camerounais (m, paramètre plus approprié pour les besoins de
notre démonstration. Ce faisant, nous partagerons ainsi les propos de B, Touret selon lesquels
la langue est un instnunent de communication sociale qui assure ta compréhension mutuelle et
véhicule une culture206 . A l'intérieur de ce sous-ensemble que constitue la langue, nous
exclurons également les nombreux dialectes propres à chaque tribu camerounaise qui n'ont
pas eu d'incidence directe sur la culture fédérale. A l'analyse finalement, notre étude portera
essentiellement sur l'usage du français et de l'anglais, langues étrangères, véhicule d'tme
culture d'importation.
205 ACAPdu 18/7/1961
206 Touret (Bernard) op cil p, 6

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'tm échec
129
SECTION 1:
UN ECHEVEAU CULnlREL DIFFICILE A DEMELER: LE FAIT MINORITAIRE 2U1
Selon une des idées de Carl J. Friedrich reprise par Doudou Tham dans son
"Fédéralisme africain", le fédéralisme n'est qu'un processus. Certains intellectuels camerounais,
regroupés au sein du cercle culturel camerounais en France avant l'indépendance, l'ont bien
compris qui souhaitaient comme forme du futur Etat une fédération fondamentalement
provisoire, transitoire et dont le dynamisme puisse "nous acheminer le plus tôt possible vers un
Etat urùtaire208 . Pendant l'''intermède fédéral", ce voeu se réalisera par un processus
d'unification irréversible au cours duquel l'unification culturelle s'opérera par l'alignement de la
minorité sur la majorité, et pendant lequel la 'langue anglaise et les coutumes d'inspiration
britannique ne joueront qu'un rôle accessoire" 209. Dès lors, la situation d'infériorité de la
minorité anglophone ne se démontre plus. Elle est un fait objectif, observable, résultant d'une
somme d'inégalités historiques et naturelles. En plus des différences physiques - population et
superficie -, la situation d'infériorité du Cameroun Occidental s'èst établie "ne varietur" dans
l'acte juridique fondamental constitutif du futur Etat fédéral. En effet, ce n'est pas en
partenaires égaux - jouissant d'un même statut juridique - que les deux pays vont sceller leur
sort. A ce propos, laissons parler le Docteur Fanion Bernard, membre de la délégation du
Cameroun Méridional à la conférence de Fownban : "La Fédération vit le jour grâce à l'union
de deux Etats, l'un Oa République du Cameroun) déjà doté d'une soU\\Rraineté, l'autre Oe
Cameroun méridional) jouissant à peine de son autonomie interne. fi ne pouvait y avoir pour
cela de marchandage entre eux comme entre égaux, et à la table de conférence, le CameT'OlID
207 Tout au long de ce chapitre, nous invoquerons SOUYent M. Fonlon Bernard. Aussi, convient-d de le presenter dès maintenanL
Nsokika Fordon Bernard, né le 19/11/1924 Il Nsaw au Cameroun Occidental est le fils aîné de M. Fordon Joseph et Mme Naah
Agathe de Kumbo.
Après ses études primaires dans la ville natale Il l'Ecole catholique Saint-Antoine Il Kom, d pounlSit ses è'tudes secondaires au
"Quist de Klng College" Il Onitsha (Nigéria). A 1afin de sa scolarité dans ce coOège, d enseigna au CoOège Saint-Joseph, Sa....,
Bueé avant de contlnuer ses études au séminaire nigérian de Bigard Memorial Il Enugu, où Uétudia philosophie et théologie.
D se rend ensuite en Europe où U è1udie successiwment Il l'Université Nationale d'Irlande, Il la Sorbonne, Paris, France et Il
l'Université d'Oxford, Angleterre. D est titulaire du Doctorat en philosophie de l'Université Nationale d'Irlande et du diplôme de
pédagogie de l'Université d'Oxford.
Dest membre fondateur et directeur de la Rewe cultureOe camerounaise "ABBIA".
Secrétaire de la conférence constitutionneDe de foumban en 1961, d deviendra chargé de mission Il la Présidence de la République
Fédérale. D sera député Il l'Assemblée Nationale Fédérale, aux élections législatives du 26/4/1964 sur la liste du "K1U1Il!nKl
National Democracy Party". Peu de temps aprè5,c 'est le début d'une carrière ministérieDe qui le conduira successivement du
portefeuJOe de Minlstre-adjoint des Affaires Etnmgéres Il celui de MJnistre des Transports, des Postes et Télécommunications. 1
occupera enftn les fonctions de Ministre de la Santé Publique et de Ja PréVOYilllce sociale.
D se retire de la vie politique avec l'avènement de la République Unie en 1972. Ce qui est logique par ailleurs. Depuis lors, ~ se
consacre Ill'enselgnement de la littérature Il l'Université Fédérale du Cameroun rebaptisée 'Université de Yaoundé".
DiIIlS cette longue biographie, nous aurons rel'MJtlUé plus d'un fait. D'abord une certaine mOUVlUlce, lIOire une cer1iltne
lraNhumance dans la quête du sallOir , Cameroun-NigérIa - Carneroun-Nigéria-Jrlande..Angietene-France. Ensuite, titulaire du
doctorat en philosophie, d aura donc mérité la plus haute distinction des Universités anglaises. Enfin, le passage par la Sorborme
présume déjA de sa connaissance du français qu'U parle couramment , d est pourtiIIlt trilingue puisqu'd cannait également
l'aJlemand.
208 ln Effort camerounais 14/3/1961,cité par Franck M. Stark in Federalisrn in Cameroon , the shadow and reality p. 430
209 Jacques (Benjamin) ; op cil Préface de Jeilll Meynaud, p. IX

Expérlalce du Fédéralisme Camerounais , les causes et les enseÇ1ements d'un .chec
130
Méridional ne pouvait parler avec autorité, cette dignité dont jouir aujourd'hui même le
minuscule Zanzibar" ZlO.
Ainsi politiquement, le 'West Carneroon" est entré dans la Fédération à titre de
partenaire inégal Zl1. A notre avis, la réflexion de cet obselVclteur privilégié ne souffre d'auam
discussion possible: nous en \\,Qulons pour preuve le fait que la Constitution Fédérale de 1961
ou ce que nous considérons comme tel ZlZn 'est autre chose que la Constitution de l'Etat du
Cameroun révisée pour les besoins de la cause. En d'autres termes, les délégations des deux
pays n'ont pas eu à discuter sur deux projets de Constitution. La délégation du Cameroun
Occidental s'est borné à amender le seul texte existant, à sa\\,Qir la Constitution de l'Etat du
Cameroun en 1960. Subséquemment et implicitement d'une part, l'équilibre culturel ($1) était
à tout jamais rompu pour le futur. D'autre part, pour une série de causes, se profilait à
l'horizon le spectre de l'assimilation de la culture anglophone ($2).
Paragraphe 1 : L'inégale participation culturelle
Une fois de plus, en admettant comme l'écrit Georges Burdeau que '1e principe de
participation s'analyse en ce que les collectivités associées collaborent à la formation des
z13
décisions prises par les autorités fédérales
, force est de déplorer la faillite manifeste de cette
règle cardinale en la matière dans le fédéralisme camerounais. Son échec a été souvent
marqué par la faiblesse naturelle de la minorité anglophone dans la plupart des aspects de la
vie de la Fédération. D'ailleurs, pour le Docteur FonIon, "il serait naîf de s'en plaindre. Et
pourtant, un homme en tant que tel ne perd pas ses droits à cause de la petitesse de sa taiDe
ou de sa débilité"Z14 . Telle est la raison pour laquelle divers leaders anglophones avaient au
préalable pris position en faveur de l'autonomie et de l'égalité culturelle au cas où se réaliserait
la réunification (A). Malheureusement la résistance des faits consacrera plutôt la primauté de la
culture latine (8).
A - A lA RECHERCHE D'UN EQUDJBBE Clll.J1JBEI : LE SOUHAIT
D'UNE CERTAINE EGAlJTE
Dans l'exercice de leur fonction programmatique, les différents partis politiques de
l'ex-Cameroun britannique faisaient grand cas de la question culturelle.
1. La question culturelle à la conférence de Bamenda
Z10 Fonlon (Beman:!) ; ConstnlinI ou détruire? Artlcle publié dans la Re...,. bilingue ABBIA nu 5 mars 1964 p. 37
Zl1 Fonlon (Beman:!) ; "Constulre ou détruire ? Ibid
ZlZ D.'agit en réalité de la lot nO 61·24 du ler/9/1961 portant réwion constitutionneDe et tendant à adapter la Constituticn
aetueDe aux nécessité du Cameroun unifié. Certains propos d'hommes politiques justifiant cette technique corroborent notre
propos.
Z13 Burdeau (Georges); Tratté de Sciences Politiques, T. 2LGDJ, 1967 p. 471
Z14 Fonlon (Bernard) ; op ctt p. 43

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
131
Ble avait déjà été évoquée en partir à la conférence préparatoire de Manfé
rétmissant les représentants des partis politiques ouest-camerounais, en l'occurence, il s'agissait
"de mettre en évidence la culture politique propre du Cameroun anglophone"Z15 . A l'occasion
de cette rétmion, le KNDP, fort de sa majorité, exprima clairement sa position en matière
cultureUe par la bouche de son leader, le PreTIÙer Ministre John Ngu Foncha : "Dans notre
désir de reconstruire l'Etat du Camerotm, nous ne devons pas oublier l'existence de ces
cultures, c'est pourquoi nous avons proposé une forme de gouvernement qui maintiendra les
216
deux cultures dans les régions où on les trouve présentement et qui les fondra au centre
.
Dans l'esprit des dirigeants du KNDP, seule une démocratie parlementaire comme
forme de gouvernement était viable. Car selon eux, eUe était seule susceptible de garantir
l'autonomie de la culture de la TIÙnorité anglophone et préserver l'identité culturelle des
camerotmais d'Outre-Motmgo, Ces derniers ne disaient-ils pas que : 'Texistence de deux
cultures pourrait. ..être protégée par une démocratie parlementaire. à la fois au niveau central
du gouvernement et à celui des Etats fédérés ..217 . Sans sacrifier à la politique fiction et surtout
au raisonnement par analogie, nous pouvons nous interroger sur ce qui se serait produit si le
schéma préconisé par les dirigeants du KNDP (à savoir l'adoption d'un véritable régime
parlementaire doté d'un Chef de l'Etat "inaugurateur de chrysanthèmes") avait été adopté. En
permettant une bonne représentation démocratique des populations des Etats fédérés, ce
gouvernement aurait assuré une juste représentation des deux cultures au niveau de
l'Assemblée Nationale et partant au niveau du pouvoir fédéral dans sa globalité.
2. La question cultureDe à la conférence bilatérale de Foumban
Lors des discussions sur l'avenir des deux cultures au sein de la future fédération,
apparurent des divergences entre les deux parties. D'entrée de jeu, se dessina dans l'esprit de
M. Ahidjo l'image de l'unité nationale, "leitmotiv" au nom duquel sera par la suite neutralisée la
culture anglosaxone au sein de la fédération.
Selon le leader de l'UC , pour atteindre l'unité nationale, il fallait, "à partir de plusieurs
218
partis, phénomènes naturels, créer un Etat qui les transcende
. "II fallait donc éviter
d'encourager de quelque façon que ce soit les particularismes,,219 Dès lors, l'on comprend
aisément pourquoi il insistait pour que l'éducation fît partie des compétences fédérales.
Position absolument contraire à ceUe de son interlocuteur Foncha qui, pour sa part,
"préconisait tm contrôle complet de l'éducation par les Etats fédérés, à l'exception peut~
215 Ja<:qUeS Benjamin,cl cIt p. 107
216 ibid, p. 108
217 WiIIaJtI R. Johnson, The CMneroon federation poIitIcaI integration in a fragmentary society princeton. Princeton UniveIsiIy
P..... 1970, pp 148-149, cité par Jacques Benjamin. cl op cit p. 107
218 Ewope-Franee-Outre-mer, nO 436, mai 1966 p. 39, cité par JaCX\\Ul!S Benjamin, op ci! p. 115
219 ibidem

Expérience du Fédéralisme Camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
132
d'lme Université Fédérale, tant dans son financement que dans sa direction"no, Devant cette
détermination de la partie anglophone, l'unification des deux systèmes d'éducation - comme la
réalisation de l'Etat unitaire - dut se faire par étapes. C'est pourquoi la "Constitution fédérale
du 1er septembre 1961 consacra - à tout le moins formellement - le caractère bilingue de la
fédération dans son article 1er alinéa 3è : "Les langues officielles de la République Fédérale du
Camerolm sont le français et l'anglais". La simplicité - voire la platitude de ce texte ne soulève
pas de commentaire particulier. Seul lm "mauvais esprit" pourrait déceler une quelcon~
hiérarchie entre les deux langues, du seul fait que le français est placé avant l'anglais. Nous
pensons que les deux mots sont interchangeables, Est-<:e donc là lm indice d'égalité culturelle
(à tout le moins linguistique) entre les deux composantes de l'Etat fédéral ?
Pour le Docteur Fonlon, cela ne fait pas de doute et on devrait répondre par
l'affirmative. Car, dit-il, "les deux Etats de cette fédération, en tant que membre de cette
dernière, sont sur le même pied d'égalité; bien plus, dans le premier article de la Constitution,
il est stipulé sans adjectif qualificatif, que l'anglais et le français sont des langues officielles", Et il
poursuit: "en effet s'il était question de décider de la primauté de ces deux cultures, il serait
absolument faux de se limiter au cadre du Camerolm ; il faudrait résoudre cette question en
s'assurant de l'intensité de leur force, de leur influence respective en Afrique et dans le monde"
221
Mais, à la pratique, se révèlera la faiblesse de la culture britannique au sein de la
Fédération assurant alors l'hégémonie de la culture française.
8 - lE TEMOIGNAGE DES FAITS : lA PRIMAUlE DE lA CULTIJBE
fRANCAISE
Avec le recul nécessaire, nous poumns avancer que la politique fédérale en matière
d'éducation visait à privilégier et à promoumir la culture française, et à travers eUe, la
langue française, fi en découlait Ime inégalité manifeste qui venait démentir dans les faits la
pseudo-politique d'égalité culturelle prétendOment menée par le poumir fédéral. La caducité
de la fameuse disposition constitutionnelle (article 1 alinéa 3) établissant l'égalité linguistique
était consommée. Jacques Benjamin explique ainsi le processus de prise en main du système
éducatif anglophone: "le premier acte posé fut la nomination d'un fonctionnaire fédéral pour
superviser l'enseignement secondaire et technique ouest-<:amerounais, qui un jour, passerait à
la compétence fédérale... Très tôt, ce délégué culturel, une camerouno-occidental, fit appel à
d'autres fonctiormaires fédéraux, originaires du Camerolm Oriental; ceux-ci s'occupèrent ncn
seulement de l'enseignement secondaire et technique mais aussi,faute d'lm nombre suffisant de
fonctiormaires de l'Etat ouest-<:amerounais "temporairement" de l'enseignement primaire et de
la formation des enseignants de ce niveau d'éducation,,222 , Ainsi, s'instaurait au Cameroun
Occidental
même,
un
mécanisme
de
désarticulation,
d'affaiblissement,
de
paralysie,
d'étouffement progressif de la culture anglaise au sein de la Fédération. Conscient du fait que
220 Jacques BenjamJn ; ibidem, p, 115, avec une note de l'auteur dont la teneur est la suivante: "0 n'est pa scertain que le
Premier Mlnistn! ait, 6 l'époque daJrement compris toute l'Importance de ce contrôle poor j'allenir de l'Etat fédéré".
221 Fonion (Bemanf), "Construlre ou détruire" ? Abbla, cl op cit p. 43. Peut-on faire remarquer que Dr Fonion parie d'abord de
l'anglais. Ps;d\\%giquement, d ne se rend pas compte qu'U opère un choix.
222 Jacques BenjamJn, d op cil p. 118

Expérience du Fédéralisme Camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
133
la langue et la culture d'une entité font partie de sa spécificité, de son domaine propre, Dr
Fonlon lança un cri d'alarme (1) contre l'offensive culturelle française (2) au Cameroun
Occidental.
1. La mise en garde du Dr Fonlon
Conscient de cette inégalité de fait marquée par l'influence française prédominante
pourtant "terriblement consolidée (au Cameroun Oriental) par les camerounais eux-mêmes":!23
, le Docteur Fonlon lança presqu'un cri d'alarme en "appelant à une politique positive, un
effort constant, une vigilance continuelle ,,224 de l'Etat fédéral. Mais plus qu'au pouvoir
fédéral, c'est à ses compatriotes d'Outre-Mungo qu'il fut péremptoire. "Il est aussi nécessaire
(dit-il) que les camerounais de l'Ouest deviennent davantage conscients des inégalités naturelles
qu'ils subissent dans cette fédération et compensent par leur qualité la faiblesse de leur
nombre,,225 . D'un pessimisme allant jusqu'à l'invitation à l'agitation, Docteur Fonlon osait
s'exprimer ainsi : "Il n'y a pas d'avenir pour leur personnalité (celle des camerounais
occidentaux s'entend) dans cette Fédération s'ils ne sont pas senSibilisés au problème, s'ils ne
sont pas prêts à fournir le meilleur d'eux-mêmes ,,226 . Cependant, même si "les leaders ouest-
camerounais prirent conscience (...) que, du fait de leur désavantage numérique au sein de la
Fédération, ils n'obtiendraient l'égalité culturelle que par le renforcement de la langue
anglaise" 227, cette prise de conscience était insuffisante pour contenir l'avance marquante et
agressive de la culture et de la langue françaises favorisées et soutenues par la présence et par
l'aide culturelle de la France au Cameroun -. On
sait combien
l'impérialisme
français en
228
matière
culturelle
et économique est d'un type exclusif et jaloux
. AttitlK:le logique en soi,
puisque tributaire de la philosophie coloniale de la France. En effet, à la différence de la
Grande-Bretagne qui pratique l'''Indirect Rule", la première opère plutôt par assimilation
(politico-économico-çulturelle) au mépris des réalités locales de la contrée à "civiliser".
2. L'offensive cuitureUe française
Dans le domaine de l'éducation, la France n'a pas lésiné sur les moyens. Son
aide financière au Cameroun est allée sans cesse croissante. Mieux que personne, Jacques
Benjamin résume ainsi la situation dans une longue citation. "Durant la période 1959-1968, la
France a consacré quatre vingt dix millions (90.000) de francs français aux investissements
dans les domaines de l'éducation et de la culture camerounaise,selon les chiffres officiels
français: soixante sept millions huit cent mille (67.800.000) pour les équipements scolaires et
universitaires, et vingt deux millions cinq cent mille (22.500.000) pour la formation culturelle
223 Fonlon <Bernard) ; "Cons1ruire ou détruire ? ci op cil p. 38
224 ibidem p. 44
225 Fon/on <Bernard) : 0 peil p. 45
226 Benjamin \\Jacques) : op cil p. 134
227 Fonlon <Bernard) ; op cil p. 49
228 Fon1on <Bernard) op cil p. 49

Expérience du Fedéralisme CameroUrllllS , les causes et les ense>gnements d 'tut échec
134
et l'action technique", le déwloppement des moyens d'infonnation non compris. En 1969, les
investissements français dans ces domaines ont atteint quinze millions (15.000.000) de francs,
ce qui est l'équivalent de cinquante pour cent (50%) du budget du Ministère de l'Education
Nationale du Cameroun pour l'année 1968-1969. Cinq cent quatre vingt six (586) bourses
ont été accordées à des camerounais et cinquante six (56) professeurs français enseignent à
l'Université Fédérale du Cameroun (et trois cent quatre vingt deux (382) dans l'enseignement
secondaire) (226). Pour nous, à l'évidence, ce long passage valait la peine d'être cité en totalité
pour au moins deux raisons :
D'abord, Uillustre assez bien la puissance d'implantation, voire le degré de pénétration
de la France en matière d'éducation au Cameroun.
Ensuite, conséquence logique, il explique l'irritation de la France en cas d'écarts de
conduite dans la politique camerounaise d'éducation pour ne pas dire dans la politique
camerOlmaise tout court. Et, effectivement, fait remarquer l'auteur, "les français sont irrités
lorsque les journaux camerounais indiquent en première page, photo à l'appui, que
l'Ambassade des Etats-unis à Yaoundé vient d'offrir deux cents (200) manuels scolaires au
Cameroun. Non sans raison, Us Oes français) soulignent que le Cameroun prend trop pour
acquise l'aide française dans ce domaine (226). La patrie de Voltaire ne souffre pas qu'un
autre pays (anglosaxon de surcroît) empiète sur le domaine de sa compétence, viole pour ainsi
dire sa "chasse gardée". Dès lors, il ressort de tout ce qui précède que l'''intellectuel du
Cameroun Oriental dans les mains duquel se trouve 9/10è de la responsabilité culturelle de la
Fédération est virtuellement un français229 » .
En conséquence, 'le pouvoir d'inaugurer une politique, de façonner le cours des
événements en matière politique, économique, sociale et culturelle reste en fait entièrement
230
entre les mains des camerounais orientaux
»

Ainsi, a-t-on glissé lentement, mais
inexorablement vers la neutralisation de toute trace anglaise dans la Fédération.
'Inlnl" 2: li tlndincl il l'allllnUol dl la clnDrllllllsuonnllllr Il
cIlIBn Ildnl :l'mllntl il l'Illlnl..11 clllUnlll
Etudiant le problème des minorités en Suisse, M. Rohr Jean émit l'idée selon laquelle
'l'accord sur la place laissée aux diverses cultures est plus affaire de bonne volonté que de
définition juridique)l 231. Cette assertion peut être reprise au Cameroun où les leaders ouest-
camerounais, conscients de leur désavantage mnnérique au sein de la Fédération, ont
recherché l'égalité culturelle par le renforcement de la langue anglaise (en dépit de la clause
d'égalité constitutionnelle de l'article 1er entre l'anglais et le français). "L'égalité culturelle était
maintenant définie comme le 'but ultime" à atteindre, et la langue anglaise devint à partir des
229 Benjamin lJacques) ; op ctt p. 133
230 Benjamin (JalX/Ue5) ; op ctt p. 133
231 Rohr (Jean) ; La Suisse contemporaine, Col. UZ, Armand Colin, Paris, 1972, p. 87

Expérience du Fedenùisme Camerounais, les causes et le. enseJgllements d'un échec
135
années 1964-1965 le symbole de leur culture distincte", Sentiment légitime et attitude
d'autant plus justifiable que la réalisation de l'égalité linguistique devrait être particulièrement
aisée dans le cas du Cameroun, Car, n'étant "ni français, ni anglais, notre politique vis-à-vis de
ces deux langues doit être franchement utilitaire.. ; il faut seulement, poursuit le Docteur
Fonlon, les considérer comme des outils qu'il faut apprendre à manier avec une suprême
maîtrise". Mais dans un constat dés abus, Docteur Fonlon ..fait état de certains dangers naturels
qui menacent notre intégrité culturelle. "De plus, là où deux cultures doiwnt coexister dans un
même Etat, menace toujours le danger de l'impatience et de l'arrogance du groupe
prédominant. "Pourquoi cette minorité insiste-t-elle sur le respect de ses valeurs alors que tout
serait si facile pour tout le monde si la culture dominante était adoptée par tous" ? La tyrannie
du groupe majoritaire - car c'est de ça qu'il s'agit ici - ne sera pas absente de la formule
camerounaise du fédéralisme.
Pour une traductrice,
"au Cameroun le problème de
compréhension entre les personnes se pose avec une acuité plus grande" que dans d'autres
pays qui utilisent plusieurs langues. Dès lors, se remarquera un complexe de supériorité de la
majorité francophone (B), appuyé par un expansionnisme français qui tendait à étouffer la
culture anglosaxonne au sein de la Fédération (A).
A • lA POUTIQUE CID.l1JBEI J E IMPEBIAUSTE UEJ.A FRANCE
La faiblesse de la langue française dans le monde, consécutive à la montée de la
langue anglaise Oangue la plus utilisée de nos jours) a mené la France à réviser sa politique
culturelle à l'extérieur: défense, voire consolidation de sa langue là où elle est déjà installée;
conquête d'autres espaces culturels pour la langue de Voltaire. La création de diverses
associations culturelles et politiques regroupant les pays sacrés par la France autour de la
métropole répond alors à ce soud32
Dans le cas précis du Cameroun, la France entendait remplir le vide culturel créé par le
retrait de la Grande-Bretagne quasiment absente de notre pays depuis l'option de la partie
méridionale pour la réunification. Ce choix des camerounais occidentaux signifiait ipso facto,
leur retrait du Commonwealth. Dans cette vaste entreprise d'implantation de sa culture au
Cameroun Occidental, la France payera le prix qu'il fallait.
C'est ainsi que furent
gracieusement octroyés deux cent mille (200.000) manuels scolaires en 1969, cent vingt six
mille (126.000) livres de prix et brochures d'éducation de base, cent dix mille (110.000) livres
offerts aux bibliothèques, vingt (20) postes radio offerts aux écoles primaires du Cameroun
Occidental dans le cadre du programme 'le français à la radio". De plus, le centre culturel
français ouvert à Buéa en mars 1968 compte une bibliothèque de trois mille cinq cents
(3.500) volumes, dont deux mille sept cent (2.700) en langue française. Bref, tout était mis en
oeuvre pour frapper le jeune camerounais de l'Ouest, le "conditionner", lui faire miroiter un
lD1ivers culturel français brillant, en somme créer à ce niveau de socialisation le besoin... culturel
latin dans son jeune esprit.
D'ailleurs, l'attitude de la France ne passa pas inaperçu à Buéa où l'on soulignait
discrètement qu'elle "s'intéressait peu à la minorité anglophone" ; son objectif étant
232 Jacques (Benjomin) ; op dt p, 134 , Les choses ont évoIuè depuis 10....

Expérience du Fédéralisme Camel'OlA'lais , les causes et les enselgl1ements cl'lOl échec
136
lU'Ùquement de "faire cormaitre la langue et la civilisation française" (their only concem wrth
proliferating theiT language). C'est ce qui explique d'abord l'emoGi systématique (et parfois sans
même en aviser le directeur) de professeurs de français dans chaque école secondaire du
Cameroun Occidental ;ensuite la présence au cameroun de sept cents (700) agents de
l'assistance technique française affectés à l'enseignement; enfin le contrôle de programmes
camerounais. A partir du Minsitère de l'Education lui-même, précipitation et absence de
coordination semblent être, selon les anglophones les caractéristiques de cette politique
française à Buéa. Dans ce contexte, "on conçoit mal l'idée de la nomination d'un camerounais
occidental comme Ministre de l'Education ou comme Vice-chancelier de l'Université".
Mais l'influence française dans le domaine culturel prolonge ses racines plus loin "dans
la formation qu'elle a dormée aux camerounais orientaux, ministres et hauts fonctionnaires du
Ministère de l'Education qui ne trouvent pas de qualités au système ouest-camerounais qu'ils
qualifient wlontiers de cinquante ans de retard", Au demeurant, ce comportement des
camerounais de Yaoundé participe des liens franco-camerounais conçus par les deux
partenaires comme des "relations privilégiées", et qui poussent· certains observateurs à dire
"que le régime actuel camerounais, de même que ceux du Sénégal, de la Côte-<!'!wire et de
Madagascar 233 ne pourraient être renversés sans qu'une intervention militaire française ne
s'en suive /34.
En conclusion..."Il semble donc que cette très importante aide française au Cameroun
contribue de façon indirecte à consolider la présence de la langue et de la civilisation française
(dans le pays), et au contraire de leur influence au Canada, à défawriser les efforts de la
minorité233
B • lE COMPI EXE DE SUPERJOWTE DE lA MAdORllE FRANCOPHONE
Fort de leur supériorité numérique, des postes stratégiques qu'ils occupaient dans la
fédération mais aussi du soutien acquis de la France, les ressortissants est-camerounais
arboraient un langage d'orgueilleur pour ne pas dire de vaniteux. En effet, nombreux sont
ceux qui pensent que '1a Fédération n'a profité qu'aux anglophones" ; propos quelque peu
insolite quand on pense aux efforts déployés par les uns et les autres pour se retrouver. Ceci
nous conduit à penser, comme l'écrit le Docteur Fonlon, '1es vipères qui campent dans la
broussaille aux abords de la maison sont moins dangereuses pour la santé de l'homme que les
bacilles qui nagent dans son sang", Ainsi, plus que l'impérialisme français Oes vipères), ce sont
les camerounais eux-mêmes Oes bacilles) qui sont les premiers responsables de l'asphyxie de la
cuhure d'influence anglaise dans la Fédération. Le Docteur Fonlon l'avait bien remarqué qui
233 D s'agit de Madagascar SOUS le réglme de Philibert Tsiranana
234 Cr Griot, "Roundabout" West AIrica, nO 2543, 26/2/1966 p. 237
233 Jacques (Benjamin), cf op cil p. 137 Dfaut préciser que cette présence et cette aide française étaient toutefois indispensables.

Expérience du Fédéralisme Camerounai> : les causes et les enselgIlements d'un échec
137
déclarait que "les dangers qui menacent notre intégration culturelle proviendront de l'intérieur
et non de l'étranger" ; car poursuit-il, "aucune force extérieure quelle que brutale soit-elle, ne
peut nous vaincre si nous avons une claire connaissance de notre objectif, si nous sommes
convaincus de son urgence et bien déterminés à l'atteindre".
Né à la conférence constitutionnelle de Foumban (I) ce complexe s'est développé pendant la
période fédérale (D).
1. Les symptômes d'un complexe de supériorité à la genèse de la
fédération
Très tôt, la tendance à l'absorption de la minorité ouest-camerounaise se manifesta
au niveau des hommes politiques. Durant les discussions constitutionnelles de 1960-1961, les
camerounais occidentaux insistèrent pour que soient préservées les "deux nations", tandis que
le programme est-camerounais préconisait une forme d'Etat tenant beaucoup plus de l'Etat
Unitaire que de l'Etat fédéral. De manière concomitante, les hauts fonctionnaires de la capitale
disaient à qui voulait l'entendre que le "gouvernement de yaoundé a fait du fédéralisme une
forme transitoire de régime qui permettrait '1'assimilation" g'raduelle des structures ouest-
camerounaises dans celle du Cameroun Oriental". D'ailleurs, sur ce point, M.Ahidjo était très
clair. Ne déclarait-il pas notamment: "Après le vote des camerounais occidentaux en faveur de
la réunification et non de la fédération après la réalisation de la réunification, nous avons
librement pensé qu'il était nécessaire de créer une fédération entre les deux Etats et de la doter
d'institutions fédérales. Mais cela ne nous permet pas d'en déduire l'existence de deux nations
camerounaises dîstinctes".Ces propos du Président Ahidjo sont riches d'enseignements si l'on
se souvient que le CamerounOccidentai ne représentait simplement qu'une des six régions
administratives au sein de la fédération. Outre les prises de position de certains personnages
politiques et leurs comportements, certaines pratiques dénotent bel et bien de cette tendance à
la sous-estimation de l'acquis anglais. tout cela sans discrimination de domaine.
2. Le complexe de supériorité pendant la période fédérale
a) Les multiples manifestations
En trois ans de réunification, remarquait avec une pointe de dépit le Directeur de la
Revue ABBIA, grâce aux articles 5 et 6 de la Constitution Fédérale, plusieurs pratiques et
institutions sont venues de l'Est à l'Ouest. Au Cameroun Occidental, on conduit sa voiture
maintenant à droite (avec un volant toujours placé à gauche) ; le franc a remplacé la livre
comme monnaie courante; l'armée scolaire a été alignée sur celle de l'Est et un sytème
métrique scientifique a remplacé les mesures britanniques peu maniables234 . Mais en vain ai-je
234 Jacques (Benjamin), cf op ctl p. 137 nfaut préciser que cette présence et cette aide française étaient toutefois indispensables.
cf décret no 62/DF/351 du 21/911962 portant extension à l'Etat Fédéré du Cameroun Occidental de la législation de l'Etat
fédéré du Camercut OrIentai sur le système d'unltè3 de mesures in JORFC 1962, p. 1096

Expérience du Fédéralisme CamerounaIS, les causes et les enselqnements d\\m échec
138
cherché une seule institution ramenée de l'Ouest à l'Est" (235). De même que dans nos
rapports culturels avec la métropole, au flux ne suit pas le reflux, rien ne montant du Sud au
Nord, ici également toute proportion gardée, l'Est Oe Cameroun Oriental) investissait
(culturellement) à l'Ouest (Cameroun Occidental).telles semblent être les relations entre deux
cultures d'inégale importance.
b) ... génératrices d'une crainte fondée
Cette peur est bien sûr ressentie par Docteur Fonlon, chantre de cette inexistante
égalité culturelle. "Ainsi par la force des circonstances, on combat l'influence anglosaxonne
dans la République Fédérale. Et il est clair que si nous laissons les choses au hasard et que si la
\\X:llonté et le choix positif de nos dirigeants n'interviennent pas, il y a peu d'espoir que
235
quelques coutumes et institutions britanniques survivent dans notre système culturel à venir
.
Après a\\X:lir demandé à ses compatriotes d'Outre-Mungo de "rester eux-mêmes au sein
de cette Fédération", Docteur Fonlon invitera les camerounà.is orientaux à la modestie.
« Conscient de sa force, un vainqueur ne doit pourtant pas en abuser". A moins que les leaders
et les inteDectuels du Cameroun Oriental de qui relève l'initiative culturelle soient prêts à
partager cette autorité avec leurs frères d'Outre-Mungo, (qu)'à moins qu'ils soient prêts à faire
l'effort gigantesque nécessaire pour se libérer de la camisole de force des préjugés français
(qu)'à moins qu'ils fassent preuve de probité intellectuelle pour admettre l'existence dans Je
236
système anglo-saxon d'élements salutaires
à ce pays, il y a peu de chance que survive
l'influenc anglaise, pas plus du reste que les valeurs africaines dans la République Fédérale du
Cameroun".237 . Ce malaise diffus des anglophones se prédsera en face de la politique
linguistique qui prévalait dans la Fédération.
smnol Il: l1mOnABLE BIUlGUISME
Cheval d'une bataille perdue à tout jamais, le bilinguisme aura été - et demeure
d'ailleurs - la cause d'une frustration omniprésente de la part des anglophones. Partageant les
prémices de Michel Prouzet, nous avancerons "qu'un pays bilingue est celui au sein duquel,
deux langues sont parlées et comprises, au moins par l'élite de cet Etat, sur toute ['étendue du
territoire et où la population (ou à la rigueur l'élite) est capable d'assimiler et de vivre dans le
même temps deux cultures différentes" (238).
Dès lors, nous pOU\\X:lns conclure à
l'inapplicabilité du bilinguisme au Cameroun à cause au moins du trilinguisme (français-anglais
235 Dans le décret nO 40 du 12/10/1962 qui fixe les attributions du Délégué culturel (représentant persormel du Minsitre dt
l'Education Nationale) pour le Cameroun Occidental, D est stipulé ce qui suit dans '·artIcle 2 : "'0 est investi pour le compte ...
MInistre de l'Education Nationale, d'une mission permanente et générale dïnfolTIllltion, de coordination et pour l'établissement dB
plan de scolarisation du secondaire et du technique, relatifs 4 l'ensemble du Cameroun Occidental"'. 0 faut souligner que ce Miœm!
ètaIt francophone
236 Fonlon (Bernard) ; Construire ou détruire, cl op cil p. 33 et s.
237 .
Ibidem p. 37 et s

Expérience du Fédénllisme Camerounais : les causes el les enseignemmts d'\\IIl échec
139
et des dialectes ethniques, cf supra 238 et à cause surtout du déséquilibre éfabIi "ne varietur"
entre le français et l'anglais, Et pourtant, les autorités à leur corps défendant - et c'est tout en
leur honneur - ont recherché les solutions adéquates pour renverser "ce butoir linguistique"
placé au firmament du fédéralisme camerounais. A lD1 train de mesures plus ou moins
appropriées (1) suivra la création d'lD1e institution ad hoc (8).
1- .1 elleUT lE 1IS'ISn1111'lIS Il MIIIS "IIIES
L'égalité cultureUe dont nous a\\,Qns signalé l'existence dans la Constitution (cf article
1) se traduit concrètement pas la rédaction en français et en anglais de toutes les publications
officieUes ; "à commencer bien entendu par le journal officiel"239 La radio émet les OOtM!nes
dans les deux langues (et cela, en plus des émissions en langues vernaculairesl. C'est dès leur
jelD1e âge, comme le souhaitait le Docteur Fonlon ainsi que le Président AhKijo240 , que les
camerolD1ais sont invités à la pratique de l'anglais et du français. Dans lD1e certaine mesure, les
prétentions de l'Université de Yaotmdé au bilinguisme sont fondées (cf tableau chiffré assorti
de commentaires). D'lD1e part, les cours sont dispensés dans la làngue de chaque enseignant (à
sa\\,Qir française ou anglaise). D'autre part, chaque étudiant est sensé composer dans la langue
de son choix. De plus, lD1 cours de formation bilingue a été institué dans les trois facultés.
Intention louable, même si ce cours est programmé de 20 à 22 heures, moment où en général
seul le veilleur de uit reste au campus. La consécration de ce bilinguisme demeure toutefois, la
création d'un diplôme "sui generis" : la licence bilingue délivrée par la faculté des lettres. En
complément de cet arsenal de mesures éparses, les autorités créèrent le Centre Fédéral
Linguistique et Culturel.
Il - L'lNSllTIJDON AD HOC : LE CRC
D'initiative sincère, sa création (a) soulèvera quelques objections (b).
a) La création du CRC
Un décret présidentiel nO 108 en date du 31 mars 1962 crée à yaoundé lD1 Centre
Fédéral Linguistique et Culturel placé sous l'autorité du Ministre de l'Education Nationale. Des
dispositions de ce décret, il ressort que cette institution comprend deux départements :
- le département culturel et
- le département linguistique.
238 Prouzel (Michel) ; op cil p. 61 L'idée du trillnguisme ou de trois cultures est dI!ueIoppée dans \\Ill lIUIDIi:Io de la Rewe Abbla
par Fl1IIIcis Mbassi Manga sous le tltre de "Cameroœ : A rnarrlage of thn!e cultun!s
239 Prouzel (MicheQ ; ibidem
240 Pour Ahmadou Ahidjo, "U faut, aucontraire, que dès récole primaire, tous les enfants apprennent a s'exprimer couramment
dans les deux langues". ExtraIt Dtscoun du ler/l0/1964 a Buéa.

btpérienco du Fedéralismo CameroImais : les causes ot 10. on...gnements d'un echoc
140
Ce Centre a pour mission la coordination des programmes et des activités des
organismes culturels et linguistiques qui existent ou seront créées dans diverses parties du
territoire de la République Fédérale du Cameroun. Mais ce sont surtout "les activités du
département linguistique qui ont été développées en rapport avec l'existence de deux langues
officielles: J'anglais et le français. De plus, le Centre Fédéral dispense l'enseignement du
français aux camerounais anglophones se trouvant à Yaoundé et l'enseignement de l'anglais
aux ressortissants francophones (fonctionnaires et étudiants) de l'Université Fédérale du
Cameroun principalement241 . Dans le même ordre d'idées, on notera une éoolution
remarquable de la position de M. Ahidjo par rapport à la conférence de Foumban. En effet,
dès 1964, il se déclarera officiellement en faveur de la culture. Laissons parler le Président:
"Concernant la culture, nous deoons en effet nous garder de tout nationalisme étroit et
mal compris, et écarter tout complexe en nous imprégnant du saooir des autres pays. Lorsque
nous considérons la culture et la langue anglaises, la culture et la langue françaises, nous
deoons les considérer non comme la propriété et tel ou tel peuple, mais bien comme un acquis
de la civilisation de l'universel à laquelle nous participons" (2421. N'ajoute-t-il pas ceci :"C'est
d'ailleurs pour cela que nous sommes attachés au bilinguisme, car nous estimons que c'est
notre intérêt de développer dans notre pays ces deux langues de portée universelle et que c'est
au surplus un moyen pour nous d'approfondir cette culture nouvelle que j'éooquais tout à
l'heure et qui dans notre esprit peut faire de notre pays le catalyseur de l'unité africaine" 242 .
Cette citation se passe de tout commentaire et nous sorrunes loin des préoccupations
essentiellement économiques du début de la Fédération. Qui plus est, cette pensée va dans le
sens de la rumeur publique selon laquelle tout a été mis en oeuvre pour assurer l'égalité
culturelle en dépit de la "petitesse" du Cameroun Occidental contre qui aurait joué une
politique basée sur la proportionnalité. Néanmoins, cette description idyllique comporte des
zones d'ombre. Plus grave, il y a lieu de penser que le développement qui précède n'est que
l'arbre qui cache la forêt.
b) Les éventuelles critiques
1. C'est encore le Docteur Fonlon qui part en guerre contre la conception unilatérale
du CFCL. "En règle pratique, quand il s'agit de créer une institution, d'adopter un usage de
grande portée culturelle, le Cameroun Occidental doit aooir une chance égale, "réeDe et
efficace" d'apporter sa contribution". Cette réserve est d'autant plus fondée qu'elle met en
exergue un conflit latent entre l'esprit de concertation - de participation qui caractérise l'Etat
Fédéral et la tendance à la confrontation - ooire à l'isolement du processus décisionnel dans un
régime présidentialiste par l'autorité suprême. En substance, pour Docteur Fonlon, il aurait
fallu donner aux anglophones une chance égale de participation effective au développement
culturel de ce pays.
"41
-
hl Rewe ABBIA no 1 féllt'ler 1963 p. 115
242 Extralt DIscours du 10r/10/1964 ~ Buéa

Ex""ri4!nce du Fédérabsme CamerouniUS • les causes et les enselQl1ements d'un échec
141
2. De plus, n'aurait-il pas été souhaitable que les activités du CR...C s'étendissent au-
delà des seules capitales des Etats (Buéa-Yaoundé) ? En somme, il fallait éviter les erreurs
fatales qui consistent à tout concentrer dans les capitales. Les autorités devaient "déconcentrer"
la culture en faisant des inspections fédérales des pôles d'équilibre culturel, en quelque sorte
des antennes du CR...C
3. S'il est permis de poser comme Jacques Benjamin, la question de savoir "comment
a été conçu au Cameroun l'usage et la protection de la langue officielle de la minorité",
l'objectivité et les faits dénient cette mission au CR...c. Car il ne faut pas ignorer que la survie
de l'idée de bilinguisme ne tient qu'à une législation d'une exceptionnelle séwrité. Nous
constatons
l'inexistence
dans
la
Constitution,
dans
les
décrets,
en
somme
dans
l'ordonnancement juridique de l'Etat Fédéral camerounais, d'une disposition semblable à la
"Loi lOI" approuwe par l'Assemblée Nationale du Québec dont on peut en donner
succintement l'économie.
Le français devenait la seule langue officielle de la province. il s'agissait en l'occurence
de donner la prééminence au français ; à faire en sorte que la langue anglaise au Québec,
"tout en gardant sa place actuelle et ses chances ne soit plus un puissant facteur d'assimilation
linguistique qui ne cesse d'éroder les positions de la langue populaire Oe français) à l'intérieur
même du Québec". Cette mesure était transposable au Cameroun. li aurait suffi de remplacer
le "français" par l'anglais et le Cameroun Occidental par le Québec. Même si aucune érosion
ethnique ne guette le groupe anglophone, ne court aucun risque de génocide, l'élite de cette
province est toutefois saisie par une angoisse collective alimentée par l'obsession de
l'aliénation n'est-<:e pas là le fil conducteur de la pensée du Docteur Bernard Fonlon ($1) au
regard d'un bilinguisme évanescent dans l'administration et l'information ($2) et surtout dans
l'enseignement ($3).
'Inlnlll11 :li blllllals.1 CI.cI.II :.Inalnl Foall.
S'il est un camerounais dont la fidélité à une idée - dans le cas d'espèce, au bilinguisme
- mérite d'être nommé; Bernard Fonlon est bien celui-là. Et c'est à juste titre que nous le
considérons comme le chantre du bilinguisme; d'ailleurs, il l'est à plus d'un titre. A l'abri de
tout complexe, il est directeur de la Revue Abbia, seule publication bilingue de dimension
nationale, La systématisation de ses analyses en matière culturelle est W1ique.
Membre
"insolite", à l'esprit indépendant du Cabinet Fédéral, il n'en continue pas moins à défendre ses
idées en assumant à l'occasion les différentes retombées. Selon Franck Stark, lorsque Bernard
Fonlon perdit son portefeuille ministériel, le bilinguisme au nom duquel il avait livré bataille
pendant la fédération, était certes encore une des préoccupations du gouvernement, mais

Expértence du Fédéllllisme Camerounais: les causes et les enseJg11ernents d'W1 échec
142
désonnais un souci symbolique:43 , Nous tenterons de pénétrer sa pensée (A) à travers son
anne de combat qu'était la Rewe Abbia (B),
A- SA PENSEE
D'après Docteur Fonlon, le bilinguisme était le moyen d'éviter l'ensevelissement des
valeurs et des cu1tures du Cameroun Occidental; mais il naJ1 aussi d'un sincère cosmopolitisme
intellectuel. Pour l'auteur, il fallait créer au Cameroun les conditions d'un biculturalisme intégré
(1) et d'un bilinguisme précoce (ll).
1. Pour un biculturalisme intégré
Le Docteur Fonlon précise qu'il s'agit d'un biculturalisme intégré et non pas
d'une culture unifiée. Le choix de l'adjectif "intégré" est conscient parce que plein de
signification. L'unité par le biais de l'intégration est - de manière générale - un consensus de
toutes les parties composantes; c'est l'unité de la diversité, c'est aussi l'unité dans la diversité.
Si un corps est constitué de différents éléments, son unité doit signifier en conséquence
que chacune des composantes occupe telle place, remplit telle fonction qui lui est dé\\Qlue dans
tout le système. En un mot, les éléments se complètent, sont en hannonie...etc.
Dialectiquement, l'intégration doit être entendu ici au sens "d'unité des contraires". Au-
delà d'une contradiction stérile, l'intégration suppose acceptation de la complémentarité et
rejet de l'absorption. Car "avant l'intégration, chaque composante mène une existence propre;
elle est une entité distincte. Leur intégration accouche d'un nouvel "Etat" qui n'existait pas
avant". Docteur Fonlon poursuit : 'Intégrer signifier donc mettre les parties ensemble en we
de constituer un tout dont les membres agissent de concert, en hannonie, en parfaite santé,
vigoureuse et pure..." Integration therefore means completeness, the absence of deficiency..."
Telles semblent être les grandes lignes de la conception biculturelle du fédéralisme camerounais
par Docteur Fonlon.
2 ... Et un bilinguisme authentique et surtout précoce...
La réalisation d'un bilinguisme effectif au Cameroun suppose la mise sur pied d'un
"système d'éducation bilingue" mettant l'accent sur un nécessaire bilinguisme précoce". mon
point de we (dit le Docteur Fonlon) que je répèterai irùassablement est que l'anglais et le
français doivent être enseignés ensemble dès le commencement de l'école primaire" d'autant
plus que '1'école primaire restera dans les décades à venir la seule école accessible à la vaste
majorité des camerounais". Ces enseignements doivent être intensifiés dans l'école secondaire
de manière à ce qu'en entrant à l'Université, l'étudiant puisse être à même de suivre les cours
243 Franck Slllrk : "Fedo!raIisrn in Cameroon : the shadow and the reality" in RellUe canadienne des élides africaines Vol. X nO 3
1976 423-442 p. 439

Expérience du Fédéralisme CamerounaiS, le. causes et le. ens<!Jgnements d'un échec
143
indifféremment en anglais et en français, Ce n'est qu'à ce prix que nous gagnerons le pari de
faire du Cameroun l'exemple d'un Etat writablement bilingue; c'est-à-dire dans lequel les
citoyens manient avec suprême méU1rise les deux langues officielles, Car en réalité, '1'objectif
que nous de'vUnS viser doit plutôt être un bilinguisme individuel grâce auquel chaque enfant qui
suit le cycle de notre système d'éducation sera capable de parler l'anglais et le français",
PromolM)ir au Cameroun un bilinguisme de type canadien ou belge que bien qu'étant des
Etats bilingues "depuis assez longtemps, tous les canadiens ne parlent pas l'anglais et le
français; tous les belges ne parlent pas le français et le flanunand", serait faire preuve d'une
"méconnaissance des avantages qui s'offrent à nous et d'un manque regrettable d'idéal", En
effet, l'atmosphère camerounaise est idéale pour un tel bilinguisme, "Dans les principaux pays
bilingues: Canada, Belgique, Afrique du Sud, il y a des facteurs qui militent non seulement
contre l'assimilation des deux langues par chacun des citoyens, mais aussi contre le bilinguisme
harmonieux lui-même. Parmi ces facteurs, peut se trouver le fait qu'une de ces langues n'est
pas une langue whiculaire à l'échelon continental ou mondial. C'est le cas du néerlandais avec
ses variantes, le flanunand et l'africaans... La même chose se constate chez les français du
nouveau Monde ; car les cinq millions de canadiens français séparés de leur patrie culturelle
par l'atlantique sont assaillis par un océan culturel anglo-saxon de deux cent millions
(200.000.000) d'hommes. Ainsi un canadien anglophone n'a pas de stimulant pour
apprendre le français, sauf pour sa culture personnelle ou pour des voyages en Europe ou en
Afrique francophone. A l'évidence, le bilinguisme camerounais est d'une autre dimension. Le
français et l'anglais sont d'une telle importance en Afrique et dans le monde que "ce seul fait
suffit pour qu'on désire apprendre à tout prix ces deux langues. De plus, comme nous l'avons
déjà signalé, aucune des deux langues officielles du Cameroun n'est la nôtre pour pouvoir
justifier un quelconque engagement passionnel d'un camerounais vis-à-vis de l'une d'entre
elles. Ce qui fait dire à l'auteur que "notre bilinguisme a donc le grand avantage que nous
sommes en mesure de l'aborder avec objectivité et détachement". Ainsi donc, aux yeux de
Docteur Fanion, le Cameroun est la terre d'élection du bilinguisme. D'un optimisme non
dissimulé ne conclut-il pas en ces termes: "ll n'y a aucun pays à ma connaissance dont
l'augures en faveur du bilinguisme se présentent aussi favorablement qu'au Cameroun. Si nous
réalisons ces avantages et nous efforçons de les renforcer, si nous nous mettons à l'oeuvre
avec détenJÙnation, énergie et méthode, il se peut un jour, malgré le niveau inférieur de notre
bilinguisme, que nous donnions aux Belges et aux canadiens l'exemple d'une nation de
citoyens bilingues et fraternellement unis".
ArriW à la fin de cette présentation, nous ne prétendons pas avoir parfaitement
compris Docteur Fanion - ou plus exactement avoir été fidèle à ses convictions. Modestement
nous nous sommes efforcés à travers ses articles de pénétrer cette pensée dont la IlÙse en
application n'a pas eu lieu. L'hymne au bilinguisme s'est joué avec des fausses notes en dépit
du clavier approprié qu'était la Rewe ABBIA.
B - L'ARME DU COMBAT: "ABBIA"
Dans son numéro 376 du 10 février 1963 "j'Effort Camerounais" annonce en ces
termes la grande premier d'une consoeur "Abbia, la première revue culturelle bilingue

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes elles enseignements d'W1 échec
144
d'Afrique vient de naitre au Cameroun", La cérémonie de présentation suivra le 20
février au Centre Culturel Français (. .. évidemment...l. Sans entrer dans le détail. la Revue était
animée par une double équipe :
1. Un comité de direction comprenant :
outre -le Directeur, Docteur FonIon... anglophone
- un gérant, Mohamadou Eldrige... francophone
- deux rédacteurs en chef :
• Maïmo Andre\\V
anglophone
• Towa Marden
francophone
A ce staff, s'ajoutaient dix membres.
2. Un comité de rédaction, responsable des articles.
Des discours qui ont été prononcés à cette occasion se dégagent deux idées
essentiellement: d'abord les objectifs poursuivis par la Revue. ensuite et surtout se précise
l'option fondamentalement bilingue de cette publication.
a) les principaux objectifs d'Abbia
Systamétisé par Marden Towa, l'objectif est triple: Recherche-Création-Education.
Abbia voudrait (d'abord) "stimuler la recherche en offrant à nos chercheurs la possibilité d'être
facilement publiés et assez largement lus". Abbia souhaiterait (ensuite) "dépasser le simple
inventaire de notre culture et promolM>ir un véritable effort de création tant dans le domaine
théorique que celui de l'art". Abbia chercherait (finalement) à offrir une nourriture spirituelle à
notre jeunesse peut-être plus sous-alimentée culturellement que physiologiquement ; à
encourager le bilinguisme et en général l'intégration des deux partie de notre fédération. Une
unité profonde se dégage de ces objectifs et peut se réswner dans cette phrase du philosophe
Marcien Towa : "Le but fondamental d'Abbia est alors d'acquérir par la recherche et le
création, et de faire acquérir, par l'éducation, une conscience explicite et une connaissance
systématique de ce qui n'est plus qu'états simplement vécus et pressentiments confus et
incohérents, c'est-à-dire de notre culture devenue comportement plus ou moins inconscient244.
Pour M. Eteki Mbownoua, Ministre de l'Education Nationale... "La tâche essentielle d'Abbia
sera de tirer une substance originale de cette "zone d'acculturation hétérogène entre deux
cultures, la culture importée servant de vecteur au progrès technique, et la culture originelle
restant quasi stationnaire dans le meilleur cas". Qu'en est-il de l'autre idée essentielle?
b) le caractère bilingue d'Abbia
Procédant statistiquement, M. Mbassi Manga constate que (originairement) au
Cameroun, la région orientale avec ses trois millions et demi (3.500.000) d'habitants utilise
comme lange officielle le français et la région occidentale, l'anglais comme langue officielle
pour ses huit cent mille (800.000) habitants. Se penchant sur l'Afrique, il se rend compte qu'il
244 Martien Towa in Abbia, Rewe Culturelle Camerounais nO 1 de février 1963, p. 6

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'Wl échec
145
y a vingt-deux (22) pays francophones (avec une population de soixante dix millions
(70.000.000) d'habitants) et vingt-trois (23) pays anglophones (regroupant cent cinquante
millions (150.000.000) d'habitants). Or, avec l'avènement d'une fédération bilingue, la
personnalité camerounaise se veut unique dans ce vaste ensemble ; d'autant plus que la
tendance à associer l'Etat fédéré du Cameroun Occidental à la langue anglaise et le Cameroun
Oriental à la langue française doit disparaître. En cas de réussite, pourquoi l'exemple
camerounais ne ferait-il pas tâche d'huile sur le continent? D'autre part, le bilinguisme nous
éviterait un long et difficile effort de traduction.Dès ce moment. le Cameroun n'aura plus
qu'un
seul effort à faire, créer l'économie, la science, le droit, la philosophie...et. camerounais dans
les deux langues.
Abbia s'est donc wulu dans l'histoire le lieu de fermentation de la culture et du
bilinguisme camerounais. Mission au demeurant fort louable que celle que s'est assignée cette
revue d'élites - inaccessible au camerounais moyen - ; malheureusement, beaucoup de
concitoyens (avec nous) restent fort sceptiques sur les résultats atteints. Car si le public parle
d'une importante "affaire" du bilinguisme, il s'empresse d'ajouter: "En toute objectivité, l'échec
de cette entreprise au niveau des Etats fédérés était manifeste. Et de fait, onze (11) ans après
la réunification, le bilinguisme est loin d'awir atteint le fin fond de l'Est et de l'Ouest du pays"
245 . Ce constat désabusé signifie-t-i1 qu'implicitement la capitale fédérale serait bilingue (à
l'exemple de BruxeIlesl ? A notre avis la réponse est négative. Le bilinguisme ne peut pas awir
atteint le fond du pays parce qu'il n'est pas sorti de Yaoundé. Il n'y est d'ailleurs pas entré: il
est tout simplement introuvable. A travers l'étude de certains secteurs névralgiques comme
l'Administration, l'Information, l'Enseignement, nous nous efforcerons de démontrer que
malgré l'existence d'une wlonté de bilinguisme (246), celui-ci n'est pas sur la bonne wie 246
comme l'a prétendu à tort M. Zachée Mongo 500, Ministre de l'Education Nationale lors de sa
conférence de presse du 21 décembre 1972.
'Irllnllll!: li proll16mlllaii dllllllnUllSlAI dilS
rU.IIIIUldlllt dlll nlll..lllan
A -lA PRIMAUTE DE L'UND,JNGUISME DANS L'ADMINISTRATION
Du bilinguisme institutionnel, une tendance irréversible s'est amorcée vers un double
unilinguisme fonctionnel et territoral dans l'Administration. En effet, le bilinguisme conçu pour
être le dépassement du français à l'Est et de l'anglais à l'Ouest a déçu. A Buéa comme à
Yaoundé, malgré la présence de fonctionnaires fédéraux francophones et anglophones
affectés dans les Administrations, deux langues de travail n'étaient pas effectivement en usage'
245 ln l'Effort Camerouruois, nO 848 du 10 au 17/1/1973 p. 8
246 La paternité de ce langage revient au MInistre: M, Mveng Ay;, Vice-ooyen de la Faculté des Lettres déclarera en 1976, lors
d'une table ronde que le bilinguisme doit Intégrer les masses " il ne faudrait pas répandre le français et l'anglais uniQuement dans
les établissements pl'irrlaires, ",condaires et à l'lnunensité. il faut aussi qu'il aiDe jusqu'aux paysans et cormnerçants du Cameroun".

Expérience du Fédéralisme CamerounaIS' les causes et les ense'!Jllements d'un échec
146
de façon simultanée. En somme, on était dans la situation de fait de "langue régionale" comme
en Belgique. Qui plus est, si en dépit de quelques heurts, l'anglicisation se maintenait à Buéa,
la francisation se renforçait sans ménagement aucun pour le statut fédéral de yaoW1dé. Dans le
même ordre d'idées, les francophones se sentaient beaucoup plus à l'aise dans les services du
Cameroun Occidental; ce qui n'était pas le cas pour les anglophones au Cameroun Oriental,
victimes d'un indélébile complexe de minorité.
Au demeurant et objectivement,
des contingences et des
paramètres divers
concouraient à la création d'une impossible symétrie entre les deux communautés.
1. Le développement d'un unilingmsme fonctionnel
fi est superfétatoire de s'appesantir sur l'aspect "parlé" du bilinguisme dans
l'Administration fédérale, car la capacité des fonctionnaires fédéraux à s'exprimer (pas
forcément avec ma.J1rise) dans les deux langues officielles de la fédération était quasi nulle.
Aucune mesure particulière n'était envisagée pour la formation' d'un corps de fonctionnaires
bilingues. De même l'absence d'incitation au bilinguisme était évidente, car il n'existe pas à
notre connaissance des postes de responsabilité réservés à des fonctionnaires présentant des
qualifications précises en anglais. Toutefois, notre opinion qui ne fait pas l'unanimité est
contredite par les affirmations d'un journaliste qui écrit que "le gouvernement tient de plus en
plus compte du bilinguisme dans le choix des hauts responsables de l'Adnùnistration247 >>
.Cette information qui ne se vérifie pas statistiquement parlant est qualitativement erronée car
si c'était le cas, les pouvoirs de nomination reconnus au Président de la République Fédérale
(article 12 alinéa 9 de la Constitution de 1961), compétence en outre discrétionnaire, s'en
trouveraient réduits. Mais plus grave encore était la question des textes et formulaires
administratifs bilingues. En effet, "In bureaucracy, govemment circulars and directives were not
a1ways translater into English, and if translated were months late appearing248 » . Et comme
pour marquer la prééminence de la langue de Voltaire, les autorités compétentes stipulaient
explicitement au bas de certains textes (administratifs, législatifs et autres) la mention suivante :
'la version française faisant foi". A contrario, peut-on penser, 'Tanglais n'est utilisé que par
complaisance; il n'y a que le français qui vaille". De cette situation, des conséquences néfastes
en découlaient pour les anglophones. D'une part, l'entrée de tout camerounais à l'Ecole
Nationale d'Administration (ENAM) s'opérant par voie de concours, un anglophone ne pouvait
s'y présenter spontanément. fi devait passer par un cycle spécial d'entrée réservé aux
ressortissants des régions sous-scolarisées ; comme si parler anglais au lieu du français était
une tare249 • En réalité ce paternalisme ravalait la langue de Shakerspeare au rang d'un
quelconque dialecte tribal. Le concours spécial qui sanctionnait ce cycle préparatoire participait
247 ''le bilinguisme, un échec", ln l'Effort Camerounais, semaine du 10 au 17/1/1973
248 Cameroon Tribune, octobre 10, 1974 cité par Franck 5taJk, cf op cil p, 439
249 ''L'lnstitutionnallsatlon'' de la francisation de. anglophones postulant aux futun emplois de la fooctlon publkjue fédérale étal!
juridiquement consacrée par deux texte ,
- Décret nLJ 631DF-251 du 26/7/1963 créant à l'Ecole Cameroun d'Adminlstration une année préparatoire réservée aux
resoortlssanl3 du Cameroun OccIdental (JORFC 1963 p. 741)
- Arrtté nO 16 du 8/8/1963 puis en application du décret présidentiel précédent ln JORFC, 1963, p. 90

Expérience du Fédéralisme Cal1'K!rolD1ais , les causes et les enseignements d'tIn "chec
147
encore d"une technique d'infériorisation introduite dans le processus de recrutement. D'autre
part, les jeunes ressortissants ouest-camerounais désireux de présenter des concours directs au
niveau fédéral étaient handicapés par l'impossibilité de s'informer dans une langue qu'ils ne
comprenaient guère. Leurs aînés, les quelques rares fonctionnaires fédéraux anglophones
rencontraient des
problèmes
de
collaboration
dans
les
services
avec leurs collègues
francophones majoritaires. En résumé, dans les Administrations, les anglophones étaient avec
les francophones, mais pas avec leurs (with them but not of them). Au niveau de la capitale
fédérale, ces rapports ont subi un effet de multiplication certain.
2. L'unilinguisme territorial de la capitale fédérale
A la différence de beaucoup de capitales fédérales perméables à la pluralité,
Yaoundé apparaitra toujours,dans les faits, comme un bastion de résistance à l'idée du
bilinguisme. et c'est ici plus que partout ailleurs, que le malaise d'être anglophone se faisait le
plus sentir. Jacques Benjamin, chercheur canadien émet deux hypothèses - qui, confrontées au
réel- prouvent les vicissitudes du bilinguisme dans la capitale fédérale.
D'abord, le statut réel de la minorité linguistique dans un Etat officiellement bilingue est
révélé entre autres, par les facilités que la capitale fédérale lui accorde 250 . Idée déjà défendue à
la conférence des Premiers Mirùstres en 1968 en ces termes : "La capitale fédérale" doit
refléter totalement les valeurs linguistiques et culturelles des deux communautés afin
d'encourager en chacune d'elles un sentiment d'attachement à sa capitale" 251 . Ensuite: "De
même, les fonctionnaires fédéraux et leurs familles fédérales doivent se sentir "chez eux" dans
la capitale, peu importe qu'ils soient membres de la communauté majoritaire ou de la minorité
linguistique252 .
Au Cameroun, les faits devaient constituer un cinglant démenti à ces prerruces.
L'auteur ne dit-il pas que: "Yaoundé se veut d'abord et avant tout le Cameroun Oriental. La
plupart des gens interrogées utilisent le concept de "bilinguisme géographique" pour expliquer
que l'anglais est la langue officielle Outre-Mungo, et certainement pas de la capitale de l'Etat
fédéré francophone. Ce n'est pas là faire un sens aigu de compromis (250). Cette citation
suscite deux remarques :
- d'abord les francophones semblent faire fi de la distinction qui existe entre une langue
nationale et une langue officielle. fis ignorent tout simplement les stipulations constitutionnelles
citées plus haut (article 1).
- ensuite, le dédoublement fonctionnel de yaoundé (à la fois capitale fédérale et capitale
de l'Etat fédéré oriental) prédisposait aux rapports difficiles entre communautés. Nous
constatons là que le potM>ir central n'a pas pris de mesures nécessaires pour empêcher l'un
des gouvernements des Etats fédérés de dominer la capitale fédérale. De plus, il est difficile
250
. .
JaQlUCS Benjamin, cl op cil p. 125
251
.
Ibidem in the Ottawa Journal, ler/1/1968, p. 1
252 Ibidem in the OttaWIJ Journal, ler/1/1968, p. 1

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'lm échec
148
pour un Cameroun Occidental de travailler dans sa langue à Yaoundé, Malgré la présence
d'officiers supérieurs anglophones sortis de l'annéé nigériane, l'année est ouvertement
unilingue comme au Canada, L'utilisation par le Président de la République de l'expression
cf op cIt p. 125 français (bilingual in french). Jacques Benjamin remarque une complicité - certes
tacite - du Président de la République qui ne s'est jamais prononcé ouvertement sur le risque
d'aliénation de l'élite ouest-camerounaise, car s'il cherche à promouvoir le bilinguisme chez les
camerounais orientaux, c'est toujours en tennes "de deux langues de portée universelle 253
Toujours pour marquer la suprématie du français sur l'anglais dans la fédération, un traducteur
fait la remarque suivante: "On peut remarquer que les fonctions d'un interprète sont plus
lourdes dans la langue la moins employée: dans le cas du Cameroun, la tâche d'un interprète
sera plus lourde du français vers l'anglais que de l'anglais vers le français, étant donné la
proportion des langues utilisées à l'Assemblée Nationale Fédérale. Comment caractériser le
bilinguisme dans l'Administration Fédérale à Yaoundé?
Parodiant M, Coulon254 , nous avancerons que le bilinguisme de la capitale fédérale
n'était par un bilinguisme de concession mais plutôt de compromis, Car, dans ce contexte de
francisation croissante, l'intérêt de la connaissance de l'anglais par les francophones était
faible, alors que l'intérêt de la connaissance du français pour les anglophones était fort (n'est-
ce pas là la tendance à l'assimilation tant décriée ?).Faisant contre mauvaise fortune bon gré,
les bilingues de la fédération sont plus nombreux panni les anglophones, C'est là un atout
(certes mineur) pour la fonction publique internationale,
L'infonnation n'échappera pas à cette tendance à la minorisation 255 .
B • INFORMATION ET BWNGUlSME : QUEL COUPLE ?
En posant comme préalable que le savoir est source de pouvoir, il faut reconnaître
que l'information est devenue un facteur de puissance, Des analystes n'hésitent pas à traiter la
presse (au sens large) de quatrième pouvoir, de contre-pouvoir. Mais, le rôle de la presse subit
une gradation selon qu'elle s'exerce dans un pays industrialisé ou dans un pays du Tiers-
monde,
Pour Hubert Beuve-Méry, la presse doit. .. "assurer une infonnation à la fois exacte,
complète et rapide, Elle doit porter un jugement sur les hommes et les événements en faisant
une place à des options diverses, voire opposées pour aider le lecteur à fonner son propre
jugement. Elle doit aussi fournir des éléments de culture et de distraction au public, Enfin, but
ultime, la presse libre existe à bon escient pour dénoncer les abus du pouvoir256 , Modibo S.
Keita trouve pour sa part que le journaliste africain est confronté à un dilemme : doit-il être
"un soldat du développement" ou un "griot" ?
253 cf Jacques Benjamin, ibid, notes et réf. nO 15 p. 203 L'auteur ne ferait pas cette reJllllJqUe sa conn_la thèse de Franck
Stark sur la récupération des Iéltes anglophones par le Président Ahidjo.
254 M. Coulon, L'autonomie culturelle en Belgique, 1962 p. 10 cité par Bernard Touret en p. 45
255 Loi sur la presse. Lot nO 66111'/18 du 2111211966 sur la presse JORFC 1967 p. 21 supplément
256 Extrait d'lm artide publié clans 1e]ouma1 Jeune Afrtque du 218/1978 nO 917, p. 57 sous le titre, "n faut a""ir la peau du
RhInocéros pour résister alll< crocodiles".

Expérience du Fédérüslne CamerounlUS , les causes et les enseignements d'un échec
149
En
Afrique
plus
qu'ailleurs,
le
journaliste
doit
dépasser
l'information
informative et accéder à une information éducative, 11 doit former la population, lui incluquer
une mentalité de développement et lui ouvrir l'esprit à l'ère technologiqueC57 ,
Aux deux réflexions pécédentes, ne convient-il pas d'ajouter qu'un fonctionnement normal de
la presse devrait constituer un facteur de cohésion, Dans un Etat pl uri-ethnique , parlant
plusieurs langues, une presse accessible à la majorité peut contribuer à forger la conscience
nationale. Dans le cadre du Cameroun, pays bilingue, la mission de la presse devrait être plus
exhaltante dès lors qu'elle fait la part des choses entre le minimum de cohésion indispensable
et le risque d'assimilation de la minorité.
Pôle d'équilibre.. .facteur d'union... , comment caractériser la presse du Cameroun
pendant la période fédérale? Rien de tout cela en réalité, C'est une vraie gageure que de
rechercher les traces du bilinguisme dans les mass-media au Cameroun entre 1961-1972. Que
ce soit dans la presse écrite, à la radio, au cinéma, dans les publications, un flirt superficiel
règnera entre les concepts de bilinguisme et d'information258 . tâche donc ardue pour celui que
se penche sur le problème. Des données que nous avons recueillies, il ressort deux
constatations toutes significatives de la thèse que nous défendons, C'est d'abord un
déséquilibre en faveur des francophones (U entraînant ensuite ipso facto une certaine
régionalisation des mass-media ; phénomène qui contribuait à tenir les anglophones à l'écart
des problèmes nationaux (ll).
1 - LE DESEQUDJBBE EN FAVEUR DES FRANCOPHONES AU SEIN DE lA
FEDERATION
Pour comprendre la situation actuelle de la presse, il n'est pas superflu de faire une
remarque rétrospective, Entre 1955-1960, la presse camerounaise connaît une grande vitalité,
Une soixantaine de quotidiens et périodiques paraissent dans le pays, N'est-ce pas un
paradoxe que l'âge d'or de la presse nationale, voire africaine se situe pendant la période
coloniale? Un journaliste, abordant dans le même sens, fera à dessein la remarque suivante :
"L'une des ironies embarrassantes de la décolonisation, c'est que l'information africaine a
aujourd'hui moins de liberté d'expression et de critique, qu'elle n'en avait sous l'administration
coloniale" . En réalité, ce paradoxe n'est qu'apparent si l'on tient compte du nombre de partis
politiques qui existent pendant cette période, 11 est logique qu'un système multipartisan soit
doté de plusieurs organes d'expression. Exception faite de la radio, elle-même affectée
qualitativement dans ses programmes, on constatera pendant la fédération une extrême
257 Article de Modibo S, Keita in Antennes nO 4 - 4è trimestre 1976, in Rewe canadienne des communications, 'I.e joumaIiste
a/rIcain, soldat du développement ou simple griot", p, 37.
La mlsslon "d'éducation", déwIue au journaliste africain devient d'autant plus aléatoire qu'il la tient de l'Etat son employeur, Or tout
en ayant le souci de l'éducation, l'Etat a en même temps celui de se maintenir au pouvoir, cela peut évidemment l'enlnllher trop
Iain, Aucun" surprise donc, si par craint" des dirig<!ants, I"s journalistes "s'auta<ensurent à iongu<mr d'artides", N'est-U pas plus
confortable cl<! se m<!ltre au service du roi, chantant ses louange, dans une attitude d'obséquiosité extrême" >
258 Pder élabora, in "Afrlca', Besieg<!d Press", Atlas World Press Review, Col, 1, mai 1974 p, 56,

Expérience du Fédél'lllisme Carneroomais : les causes et les enseignements d'un échec
ISO
pauvreté des mass-média. La situation des anglophones est encore déplorable dans cette
indigence généralisée.
a) Bilinguisme et presse écrite
L'inventaire ci-dessous des principaux journaux est la meiUeure preuve que nous
pourrions fournir pour étayer notre analyse.
Tableau récapitulatif des principaux journaux parus pendant la fédération
JUBES EN FRANCAIS
DENOMINATION
DEBUT PARunON
ANPARunON
1. Douala cette semaine
1953
1963
2. Courrier sportif du Bénin
1955
1975
3. La Presse du Cameroun
1955
1974
4. La Voix des Jeunes
1955
1967
5. Le Bamiléké
1955
1961
6. l'EHort Camerounais
1955
1974
1
7. Nouve1les du Mungo
8. Le Serviteur
9. L'Essor des Jeunes
TImES EN ANGlAIS
DENOMINATIONS
DEBUT PARunON
ANPARunON
1. Cameroon ChronicJe
2. Cameroon Tones
3. Cameroon Outlook
JOURNAUX BIUNGUES
1
DENOMINATIONS
DEBUT PARunON
ANPARunON
pose en 1967 reprise plus
1. ADBIA
1963
tard
2. BUUETIN ACAP
1960
1
Sur les quatorze titres de journaux d'une certaine importance:
- 9 étaient de langue française
- 3 étaient de langue anglaise
- 3 seulement étaient bilingues (encore qu'il faille faire une place à ABBIA).

Expérience du Fédéralisme CamerounaIS' les causes et les enseignements d'un echec
151
al. La presse frcmcophone
Quantitatiwment la plus importante, elle ne disposait que d'un seul quotidien: "La
Presse du Cameroun". Dans sa présentation,
ce journal ressemble aux publications
"importées". Dans son équipe rédactionnelle,figurent quelques journalistes qualifiés. C'est un
journal sans coloration politique, retranché derrière une neutralité complice. N'est-ce pas là
l'explication de sa survie après l'indépendance ? Pour contourner les problèmes que pourrait
provoquer l'engagement politique, notre quotidien ouvrira une tribune libre aux lecteurs
désireux de s'exprimer sur les questions nationales. Est-il besoin de rappeler qu'en dehors de la
relation des fêtes, anniversaires de la réunification, ce journal ne souleva jamais, n'invoqua
jamais le fédéralisme, encore moins le bilinguisme.
La seule presse non complaisante avec le pouvoir était confessionnelle. Souvent traitée
de "réactionnaire" avant l'indépendance, elle sera la seule à porter un regard critique sur la
société. Les deux publications les plus représentatives sont tenues par des prétres catholiques.
D s'agit en l'occurrence de l'Essor des Jeunes de Monseigneur Albert Dongmo et de l'Effort
Camerounais"
du
révérend
Père
Fertin.
Ces
journaux
vont
disparaitre
progressivement.Censure par-ci, journalliwé avec des blancs par-là, finiront par avoir raison
des prometteurs. Ce sera le début de la désaffection des camerounais pour la lecture. Mais il
faut attendre 1974 pour que l'Effort Camerounais, déjà très modéré dans ses propos et
diminué financièrement cesse de paraître. Dès lors, il ne restera plus en lice que "]'Unité",
organe d'expression de l'UC-UNC, publié en anglais et en français et qui ne peut être
soupçonné d'"objectivité".
b2. La presse anglophone
Qualitatiwment la meilleure, elle était représentée pendant la période fédérale
par trois journaux paraissant régulièrement au Cameroun Occidental (cf tableau). Ds se
démarquaient nettement des journaux francophones par leur non conformisme, voire une
certaine audace. Ds ont tous un plus grand souci d'analyse. les lecteurs apprécient
particulièrement le franc-parler, le style coloré, satirique et alerte du Cameroon Times. Mais,
même ici, les problèmes locaux prédominent, une fois de plus le problème du bilinguisme ne
se pose pas. Chose qui renforce notre idée d'une régionalisation implicite de la culture, plus
particulièrement de l'information.
b) Bilinguisme et infonnation orale
Compte tenu du caractère instantané de l'information orale, les préférences du
public vont beaucoup plus à la radio qu'aux journaux. Dès lors, eu égad à l'importance de cette
audience vraiment nationale, un grand souci d'équilibre entre les deux langues était
souhaitable. Mais,force est de constater qu'il n'en a rien été. Pendant toute la période fédérale,
la grille de la radio n'avait pratiquement pas changé. Dès 14h 30 minutes d'antenne sur le
poste national, 2h 30 minutes seulement étaient consacrées aux érrùssions en langue anglaise.

Expérience du Fédéralisme Camerounais, les causes et les enseignements d'tm échec
152
De surcroît, ces émissions étaient placées aux mauvaises heures d'écoute ;
particulièrement pour les anglophones travaillant au Cameroun Oriental. Pour ètre rapidement
au courant des problèmes nationaux, ils devaient être bilingues. Une légère émlution va
s'opérer dans les sens du moment de l'information. Après chaque journal en langue française,
un "petit condensé" des principales nouvelles est présenté en langue anglaise. Mais ce "n'est
qu'un" condensé. En somme, dans ce contexte, la radio, "arme absolue du poumir" avait
encore épousé la cause de la centralisation.
c) Bilinguisme et cinéma
La plupart des films projetés dans les salles du Cameroun Occidental l'étaient en
français. Evidemment, il faut exclure toute hypothèse de réciprocité.
d) Bilinguisme et édition
Yaoundé abrite en la maison "CU" un centre d'édition régional étendant ses
activités sur plusieurs pays de l'Afrique Centrale. fi faut remarquer cependant que les
anglophones se tournaient mlontiers vers le Nigeria. D'ailleurs, de manière quasi-officielle,
cette maison refusait tout manuscrit écrit en anglais. Ce déséquilibre conduira à une certaine
seetorialisation de l'information.
D - lA REGlONAIJSA1l0N DES MASS-MEDIA AUX DEPENS DE lA
MINORITE ANGLOPHONE
Pendant toute la période fédérale, le pays ne disposait pas d'un seul organe de
presse d'envergure nationale qui aurait pu servir de tribune d'échanges culturels aux
camerounais des deux rives du Mungo260 235. fi a donc manqué cet élément seul capable de
donner aux compatriotes la conscience d'appartenir au même Etat, traitant leurs problèmes
globalement et exprimant leurs opirùons et leurs préoccupations communes. Les journaux
étaient régionaux Oocalisés dans une ville précise), tout au plus, ne concernaient-ils qu'un seul
Etat de la fédération. La situation était davantage préjudiciable pour les anglophones puisque
les centres de décision, parfois sources d'information, étaient non seulement excentrés par
rapport à Buéa, mais encore tenus par les francophones. Dans ce contexte, les nouvelles
gouvernementales ne parvenaient que tardivement aux anglophones.
Cette suprématie francophone a produit un effet pervers négatif pour la fédération
camerounaise mais positif pour le Nigeria, notre puissant misin. Car beaucoup de journaux
nigérians sont quotidiennement distribués au Cameroun Occidental. De même, sont nombreux
les camerounais de Buéa qui, après les nouvelles de la BBC préfèrent capter les radios
nigérianes. A l'évidence, les conséquences d'un tel état de choses sont dangereuses, car
260 Exception faite de l'ABBIA, journal de la classe supérieure

Expérience du Fédéralisme CMnerounais : les causes et les enselQJlements d'un échec
153
porteuses d'un genne de conflit futur. La preuve n'est plus à faire que ces populations sont
psychologiquement et sentimentalement tournées vers le Nigeria. Sous-estimer l'importance
de cette attache sentimentale serait ignorer la situation des québécois au Canada.
Des considérations précédentes sur le bilinguisme et l'infonnation, une conclusion
décevante s'impose : nulle trace effective de bilinguisme dans les mass-média qui ont
simplement ignoré la fonne fédérale de l'Etat. Cette étude unidimensionnelle parce que
monographique n'est que le reflet d'une certaine presse. Car il aurait été très intéressant de
nous attarder sur l'interprétation de la réalité anglophone dans la presse francophone - et
partant - nous aurions pu appréhender la perception de la minorité anglophone par les
organes de presse francophone. Cela aurait été peine perdue car pratiquement nous n'amns
trouvé aucune analyse de presse en rapport avec notre sujet. Et nous ne nous souvenons pas
d'un éditorial à la radio, consacré à cette épineuse question. Cette absence est significative et
ne souffre pas d'interprétation hasardeuse. Pour les journalistes, la réunification tant souhaitée
avait eu lieu et avait même réussi selon les voix autorisées. N'était-ce pas l'essentiel? A partir
de ce moment, pourquoi donc s'embarrasser de détail, comme le bilinguisme? Travaillant dans
leur langue (française ou anglaise, cl régionalisation), rien n'avait changé avec la fédération; il
ne servait plus à rien de s'embarrasser de querelles byzantines261
Mais ceci également le
bilinguisme a échoué, ne fallait-il pas remonter au système éducatif pour s'interroger plus
fondamentalement ?
'Inlnl"l 3:l'ée"le dIIlUIIIII.IIIIIII'lallllll.11t
Comme pris dans un cyclone, le système éducatif dont on espérait le point de départ
d'une nouwlle
société
pouvait-il échapper au
mouvement
centralisateur inhérent à
1'expérience fédérale camerounaise ?
La socialisation politique, entendue au sens d'un processus d'induction à la politique, et
spécialement à la culture politique dominante, pouvait-elle unifonnément se transmettre à la
jeunesse camerounaise en âge de scolarisation ? Pour ce qui est des trois niveaux de
l'enseignement dans la fédération, la réponse est évidemment négative. Et, nous estimons
qu'un enseignement n'est pas bilingue par le seul fait qu'à côté des cours dispensés pour la
plupart en français, est placé en deuxième langue l'anglais (au demeurant langue officielle) au
même titre que l'allemand et l'espagno]236. A travers un cas isolé, mais non moins significatif
(B), se confinnera le peu de profondeur de la politique du bilinguisme (Al dans la République
Fédérale.
261 s'a est vrai que la non-autonomie des mass-média est évidente, si l'on peut se poser après Keita S. Modibo, la question cie
savoir ce que l'on est en droit d'attendre d'une presse absente, fuselée, baiDonnée ; ou si l'on veut savoit ce que peut proŒlire un
journaliste chantre du régime, bénéficiaire de prébendes pour le prix de son silence. 0 est non moins vrai que le jownaliste alticU\\,
camerounais (pourquoi pas ?) a tendance à s'abriter denlére le paravent d'un environnement répressif et d'une loi sur la presse
autrement pÀJS répressive pour échapper aux risques inhérents à tout métier.
262 Cormne on devine, il s'agit spécifiquement du cas camerounais

Experience du FOdéralisme Camerounais, les causes elles enseignements d'un ochec
154
A - lA SUPERFJCIAIJIE DE lA POUTIQUE DU BUJNGUISME
Thème adulé, voire leitmotiv des discours, le bilinguisme sera malheureusement:
1. inexistant dans le "primaire"
2. embryonnaire dans le "secondaire"
3. insuffisant dans le "supérieur".
1.... Son inexistence dans l'enseignement primaire
Et pourtant, à ce stade, l'enjeu vite perçu était de taille. N'est-ce pas à l'école
primaire que l'enfant devait intérioriser les réflexes de bilinguisme ? De réalisation incertaine
(h), le bilinguisme à l'école primaire aura encore été un des voeux du Docteur Fonlon (a).
a) Un voeu pieux...
L'école en général doit être choisie comme centre de diffusion d'une culture
bilingue pour tous les camerounais des Etats fédérés. Elle est le seul moule d'où peuvent sortir
des camerounais formés sur les mesures d'un véritable bilinguisme national. Dès lors, compte
tenu de l'importance revêtue par le bilinguisme dans notre vie nationale, n'est-il pas nécessaire
d'en assurer le succès le plus tôt possible? En d'autres termes, 'l'enseignement du français et
de l'anglais devrait commencer le premier jour où l'enfant aura pris sa place sur les bancs de
l'école primaire263 . Si pédagogiquement le bilinguisme est mieux inculqué à l'enfant dès ce
moment, socialement, l'école primaire restera son meilleur lieu de vulgarisation. Car, pour que
"notre bilinguisme ne constitue pas le privilège du petit nombre de ceux qui auront la chance
d'aller au collège264 , il devra être entrepris de bonne heure (264)
b)... de réalisation incertaine
A notre connaissance, les écoles primaires bilingues furent rares pendant la
fédération. C'est ainsi que jusqu'en 1972, année d'achèvement de l'expérience fédérale, il est
difficile de se servir des statistiques pour prouver l'existence du bilinguisme à l'école primaire.
Tout au plus, observe-t-on à Buéa et à Yaoundé, une école primaire bilingue. Ces deux écoles
perpétuaient l'unilinguisme (au lieu de favoriser le bilinguisme) par la préservation de
l'éducation originelle des enfants des fonctionnaires fédéraux affectés dans l'une ou l'autre
capitale. n n'y a en réalité qu'une différence de degré entre ces écoles dites bilingues et
certaines institutions privées réservées au fils de diplomates en poste à Yaoundé.
263 FonJon (Bernard) ; "A case for early bilinguism", art!cIe publié dans Abbla nU 4 décembre 1963 p. 71 - traduit en français sous
le titre : "Pour un bilinguisme de bonne heure", Abbia ne 7 vers 1964 p, 24
264 Ibidem

Expérience du FédéraJlsme Camerounais, les causes et les enseignements d'lU1 échec
155
Quatre ans plus tard, pour l'année 1976-1977, sur les quatre mil cinq cent
quatre vingt quatre (4,584) écoles primaires (publiques et priwes) de la République Unie du
Cameroun, quinze (15) seulement sont dotées d'un statut particulier, Au demeurant, les wici :
1- CAMEROUN ORIENTAL: ECOLES ANGLOPHONES
A - PROVINCE DU CENTRE-SUD
Ville de Yaoundé: 03 écoles publiques
8 . PROVINCE DU UTIOBAL
Ville de Douala: 03 écoles (1 publique, 1 confessionnelle protestante,
1 laïque)
C - PROVINCE DE L'OUEST
Ville de Bafoussam : 01 école publique
D - PROVINCE DU NORD
Aucune école anglophone
E - PROVINCE DE L'EST
Aucune école anglophone
D - CAMEROUN OCCIDENTAL: ECOLES FRANCOPHONES
A - PROVINCE DU NORD-OUESI
Bamenda : 02 écoles publiques
8 - PROVINCE DU SUD-OlJE5I
- Mamfé
01 école
- Tombel
01 école
- Tiko
01 école
- Buéa
01 école
- Victoria
01 école
- Ekondotiti
01 école
S'agissant de cette expérience, pour au moins deux raisons, au risque d'être
taxé de prophète de malheur, nous augurons d'un échec, tout au plus d'un succès mitigé.
D'abord, en l'absence d'un corps de formateurs bilingues appropriés de niveau
moyen, quel résultat faut-il atterxlre de ces francophones qui enseignent leur langue à Buéa et
de ces anglophones qui dispensent des cours d'anglais à Yaoundé? Cette interrogation est
d'autant plus fondée que transmettre, communiquer, c'est d'abord connaître, wire maîtriser.

Expèrtmce du Fédéralisme Camerounais : les causes et les enseJgIlements d'un échec
156
Ensuite, critique plus grave, ces écoles se localisant dans "certaines grandes villes", l'objectif de
banalisation escompté ne sera jamais atteint puisqu'aux contradictions des modes de vie tant
décriées entre la ville et la campagne dans les pays sous-développés, s'ajoutera un clivage
culturel, créateur de classes.
2. Son état embryonnaire dans l'enseignement secondaire
Jeu de coefficients défavorables à l'anglais (a) et insuffisance d'établissements
secondaires bilingues (h) en titre, telle peut être schématisée la situation du bilinguisme dans
l'enseignement de "niveau n",
a) L9inconvénient des coefficients... 265
Prévoyant sans doute l'allergie qu'éprouveraient les francophones à l'étude de
l'anglais, le bilinguisme a été rendu obligatoire dans l'enseignement secondaire dès la classe de
6è, Seulement, il faut encore le préciser ici, l'anglais est enseigné au Cameroun Oriental
comme "deuxième langue" par rapport au français qui tient Iièu de "première langue". Au
surplus, les élèves des séries Al, A2, A3, et A5 du second cycle du secondaire peuvent choisir
respectivement l'espagnol et l'allemand pour deuxième langue à la place de l'anglais qui
devient alors matière facultative ou d'oral, Implicitement, le pouvoir n'avait établi aucune
hiérarchie entre l'anglais et les autres langues étrangères.
Dans les séries littéraires, l'anglais a coefficient "3" à côté du français doté du
coefficient "5". En revanche, dans les séries scientifiques, l'anglais a coefficient "3" ; plus tard,
naura coefficient "1" en classe de terminale tandis que le coefficient du français s'élèvera à "2".
Cette énumération de coefficients quelque peu fastidieuse témoigne, s'il en est besoin, du
déséquilibre permanent entretenu entre le français et l'anglais dans les établissements
unilingues.
b) L9insuffisance des étabHssements secondaires bilingues
Même si la création de quelques lycées bilingues n'est pas un gage pour l'expansion
d'une culture bilingue, encore faut-il que ces établissements existent en nombre raisonnable et
dépassent le cadre strict des capitales des deux Etats fédérés. Durant longtemps, la fédération
ne disposait que d'un lycée bilingue à Buéa et d'un collège bilingue d'application à l'Ecole
Normale Supérieure à Yaoundé. Ce n'est que plus tard que s'ouvrira un lycée véritablement
bilingue dans la capitale fédérale. Avec sept mUtions et demi (7.500.000) d'habitants, notre
pays qui se veut une fédération unique en son genre en Afrique - parce que point de rencontre
des cultures anglophone et francophone - n'avait en tout et pour tout que deux lycées
bilingues; le rapport entre les deux chiffres se passe de tout commentaire, Au constat de
l'ineffectivité du bilinguisme au "Collège", les craintes manifestées par le Docteur Fonl<m de
265 Nous n'allOnS priS en considération que le problème de l'anglais au Cameroun Oriental. Une analyse plus complète aurd
enlllsagè la place du français dans les progrlIlIIIl1eS scolaires au Cameroun Occldental

Expértence du Fédéralisme Camerounais: les cause. et les enseignements d'un échec
157
\\iUÏr le bilinguisme dewnir la chasse gardée d'une minorité s'estompait.
Et ce n'est pas un
moindre paradoxe que d'aboutir à l'égalitarisme culturel souhaité à la base, mais sans le
bilinguisme. Etait-ee là un prélude au sort réservé au bilinguisme à l'Université ?
3. Son influence dans l'enseignement supérieur
Sous
un
vocable
symboliquement
significatif.
"l'Université
Fédérale
du
Cameroun" incarne l'enseignement supérieur dans notre pays. Le caractère bilingue de cette
institution devrait aIler de soi. "Mais encore faut-il définir le bilinguisme et s'efforcer d'appliquer
cette définition dès le début" 266 . Pour le Docteur Fonlon, "une Université bilingue est une
Uruversité dans laquelle un étudiant peut suivre des cours dans chacune des langues à son
,
267
gre...
.
a) Un bilinguisme contestable à l'UlÜversité
Dès sa création, Docteur Fonlon fit une mise en' garde... "en ce qui concerne
l'Université bilingue du Cameroun, on peut être sûr qu'elle sera purement et simplement une
Université française si les autorités camerounaises ne prennent pas bien en main cette
.tuti
.. 268
insti
on
.
Six ans après cette prophétie, et comme pour corroborer ce point de vue, l'une
des plus hautes personnalités de l'Université Fédérale, en la personne de son Vice-ehancelier
d'alors, "SiNJ it is a regional university for francophone Central Africa. Although increasing
numbers of anglophone students and staff were planned ; this territorial concept, and financial
control of university by France kept the University in a French cultural milieu" 269 .
Pour le Président Nudjo, dès sa genèse, l'Université tiendra "compte des
conditions spécifiques du Cameroun et notamment du dualisme culturel de la fédération et de
270
sa conséquence, le bilinguisrne
. Nous sommes en 1962. M. Ahidjo va préciser sa pensée:
"L'accord de coopération avec la République française en matière d'enseignement supérieur
(1960) fournissait à l'Université camerounaise instruments, programmes et professeurs"271 ;
alors que l'accord culturel signé avec la Grande-Bretagne le 21 août 1963 ouvrait la \\.Oie à
l'enseignement de l'anglais à l'Université ("et nulle part ailleurs quoL ..). Cet accord autorisait
le British Council à désigner uniquement le titulaire de la Chaire d'anglais à l'Université
Fédérale 272 .Entre l'enseignement - uniquement de l'anglais - et la confection des
programmes et la fourniture des instruments et des professeurs, la disproportion est grande.
266 Fonlon (Bernard) ; "Pour un billngulsrne de bonne heure" op cit p. 41
267 Ibidem
268 Fonlon (Bemard); "Construire 00 détJuire ? op ci! p. 49
269 Franck Star!<, op ci! p. 439
270 Ahmadou Ahidjo, Contrtbution à la construction fédérale pp 100 à 101 cité par J. Benjamin cl ci! p. 127
271 Ibidem p. 27
272 V. la""",,, Europe-France-outre-Mer, mai 1966 p. 77

U N l,V ERS l T E
FEDERALE
DUC AME ROU N
PERSONNEL ENSEIGNANT PAR NATIONALITE ET ?AR DISCIPLINE
de 1964-1965 à 1969-1970.
1964
DISCIPLINES
1965
1966
1967
1968
1969
f
1965
1966
1967
1968
1969
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Droit et Sciences Economiques
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Lettres et Sciences Humair.es
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Sciences
1
1
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E. N. S.
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1
-
-
1
1
-
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-
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-
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P.
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-
3
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
3
Attachés de Lab p
1
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
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-
1
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TOTAL GENERAL
89
83
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1
1
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6
1
1
1
1
1
1
200

Expérience du Fédéralisme CamerounaIS: les causes et les enselgllements d'\\D1 échec
158
Au niveau du "peuple étudiant", un fossé s'est également creusé, selon que l'on
est anglophone ou francophone", Le nouvel étudiant anglophone est d'abord con'vOqué à
l'Université à un stage de six semaines en septembre et octobre : chaque matin, durant quatre
heures consécutlws, par les méthodes audiovisuelles, il perfectionnera son français273 Cela
s'explique quand on sait qu'au début, les programmes d'enseignement à l'Université ne
tenaient pas compte de la situation des anglophones, de leur langue et de leur culture
particulières. Ainsi, "un décret de juin 1962 fixant le régime des études à la Faculté de Droit et
des Sciences Economiques ne mentionne (, ..) pas une seule fois le sort réservé aux
anglophones et à la Common Law" 274 . li fallut des protestations véhémentes et soutenues de
la part des camerounais occidentaux pour que l'Université commençât à reconnaître la
situation particulière de l'identité ouest-camerounaise et de son droit275 , Les inconvénients de
cet état de choses étaient nombreux.
b)... aux conséquences imprévisibles sur l'attitude des jeunes anglophones
Devant le handicap que constituait l'aménagement des programmes à l'Université du
Camerotm, la presque totalité des élèves anglophones en fin de cycle secondaire préféraient
demander soit tme bourse INTERAF (attribuée par les Etats-Unis "aux étudiants qui veulent
étudier dans une Université africaine") soit une bourse AFGRA (offerte également par les
américains aux étudiants ayant déjà obtenu un premier diplôme universitaire) et surtout une
bourse ASPAU (african scholarship Programme of American University; organisme non-
gouvernemental qui choisit lui-même ses boursiers et leur donne la chance d'aller étudier aux
Etats-Unis). Parfois, les jetmes anglophones allaient à leurs propres frais au Nigeria, éternel
pôle d'attraction où ils pouvaient étudier sans interruption en anglais plutôt que de s'inscrire à
l'Université Fédérale. En somme, les étudiants anglophones n'allaient à Yaoundé qu'en
désespoir de cause, ayant épuisé toutes leurs ressources pour sortir du pays. Sans anticipation
sur le tableau (8) que nous présenterons par la suite, il faut d'ores et déjà savoir que sur mil
neuf cents (1.900) étudiants à l'Université Fédérale en 1967, seulement cent (100) étaient des
camerotmais occidentaux. Le témoignage des chiffres est encore plus accablant ; aussi
n'hésiterons-nous pas à y recourir pour étayer la démonstration de l'échec du bilinguisme à
l'Université.
B - .:U 1USlBATION CHIFFREE DE L'ECHEC DU BDJNGUISME A
L'UMVERSITE
En réalité, la solution du problème du bilinguisme à l'Université tient - j'espère ne pas
pécher par trop de simplicité - à deux éléments essentiels :
- d'abord le nombre le plus grand possible de personnel enseignant représentant les
deux langues,
273 Jacques Benjamin cf. kit p. 128
274 Ibidem
275 Jacques (Benjamin) : op kit p. 128

",._-
UNIVER'iITE FEDERALE DU CAMEROUN
ANNEE UNIVERSITAIRE 1971-19
REPARTITION DES ENSEIGNANTS PAR NATIONALITE
- - - - - - -
- -
BUDGET
TITRES SECON
NATIONALITE
TOTAL
'--
--
LA HIERACHIEDE
L'UFC
1 CAM
1 FRAN 1 BRJT 1 MALG
1
US
IND
LIBAN CANA
ALL BELG VOU NEER EGYP
-
AIDE
PROFESSEURS ADJ
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3
0
0
0
0
0
0
0
0
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EXTERIEURE
ASSISTANTS
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0
0
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0
0
0
0
0
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AMERICAINE
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-
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TOTAL
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4
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0
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4
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PEACE CORPSJ_ ASSISTANTS
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2
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0
0
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2
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IINESCO
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1
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0
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0
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- - - - -
-
.,
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1
-
VOLONTAIRES
PTA
o
o
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o
0
0
0
0
0
0
0
0
1
DU PROGRES
- - _ ..•
TOTAL
Dlreckur
o
o
o
o
0
0
0
0
0
0
0
0
1
Directeur Etudes
o
o
o
o
0
0
0
0
0
0
0
0\\
1
Professeurs
14
16
o
o
o
0
1
2
0
0
1
\\
0
35
Prof Adj
10
6
o
o
3
0
0
1
0
0
0
0
0
24
Chargés d'Ens
55
38
4
o
o
1
0
2
0
2
0
0
0
102
AssIstants
33
39
7
3
0
0
0
2
1
0
0
0
85
PTA
o
10
o
o
o
0
0
0
0
00
0
0
0
10
Anaché de Loo
o
o
o
o
0
0
0
0
0
0
0
0
1
-
-
TOTAL
113
II
6
1
1
_ _ _ _ _ L....._.____.•. _ _ _ _ 5
2
_ . _ L . - -_ _
' _ 5
_ _
1
1
1

UNIVERSITE FEDERALE DU CAMEROUN
STATISTIQUES RECAPITULATIVES DES
ANNEE UNIVERSITAIRE 1971-1972
ETUDIANTS PAR NATIONALITE
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HauteV
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1
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0
9
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1
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3
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9
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UNIVERSITE DE YAOUNDE
STATISTIQUES RECAPITlJLATIVESDES ETUDIANTS PAR NATIONALITE
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ETABLISSEMENTS Cam Franco Cam Anglo
Allemagne
Angleterre
BurundI
Canada
Congo
Dahomey
France
Gabon
Ghana
Guin
Equato Guinée
Fac Droit
1774
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1
0
5
1
1
12
0
0
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Fac Lettres
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0
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2
4
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0
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Fac Sciences
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UNIVERSITE FEDERALE DU CAMEROUN
UNIVERSITAIRE 1970-1971 ANNEE
REPARTITION DU PERSONNEL ENSEIGNANT PAR NATIONALE
BUDGET
TITRE SELON
NATIONALITE
LA HlERACHIE
DE L'U.F.C
CAM
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0
0
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Professeurs
12
19
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0
1
1
0
1
1
0
1
1
1
38
Prof.Adj
5
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1
0
1
0
1
0
3
0
1
0
0
0
15
Chargés d'Ens
42
27
9
0
0
0
0
0
2
0
0
0
0
0
80
Assistants
29
30
0
1
0
0
1
1
0
0
0
0
0
0
62
P.T.A
0
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0
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0
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0
0
0
0
0
0
3
Attacch. de Labo
1
0
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0
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0
0
0
0
0
0
0
0
1
Total Gen
89
83
10
1
1
1
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1
6
1
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1
1
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200

"
UNIVERSITE DE YAOUNDE
ANNEE UNIVERSITAIRE 1973-1974'
RECAPITULATION GENERAL
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GAR90NS
FILLES
TOTAL
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- - - - - - -
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EnJDIANTS-FRANCOPHONES
4278
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4823
CAMEROUNAIS-ANGLOPHONES
4~6
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490
-NON PRECISES
9
0
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-
TOTAL DES EnJDIANTS
4723
599
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EnJDIANTS ETRANGERS
167
44
211
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- - - - . -
TOTAL GENERAL
4890
643
5 533
- - - - - - ~ - _ . _ - ~- - - -
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Après 1972, le gaf entre les deux communauté (anglophones et francophones) s'est maintenu

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Expérience œJ Fédéralisme <Amerounais ; le. causes et le. enseignements d'un échec
159
- ensuite la I.Ulonté, la conscience des étudiants de devenir « bilingues".
C'est en ces termes que le Présklent Ahidjo s'adressait au Docteur Fonlon lors d'une audience
personnelle. Au contact du vécu, des tableaux statistiques, nous jugerons du bien-fondé de la
pensée du Chef de l'Etat. Les statistiques que nous servirons dans les pages suivantes ont été
réalisées grâce aux documents fournis par le bureau des statistiques de la Chancellerie de
l'Université et par l'Ambassade de France au Cameroun. Après la présentation brute des
chiffres, il conviendra d'en examiner la portée, eu égard à notre démonstration.
Quels commentaires suscitent ces tableaux ?
La Rétmitication l.Uit le jour le 1er octobre 1961 et s'éteint le 20 mai 1972. Notre
propos devrait donc tenir compte de ce gap. L'Université niu1 en 1962. Les informations
chiffrées sur la période 1962 à 1964 étant inaccessibles, notre analyse ne débute qu'en 1964.
De plus, logiquement, l'étude devrait prendre fin en 1972 ; I.Ulontiers, nous avons débordé ce
cadre. Ce faisant, notre dessein consiste à prouver que, même après la période fédérale, le
bilinguisme qui était conçu pour son propre dépassement, voire pour sa pérennité, n'emporte
pas encore conviction. Autre précision non négligeable, il faut mentionner l'unilinguisme du
personnel administratif de l'Université qui ne parle que français (tant à la Chancellerie qu'au
sein des facuItés). Ce qui ne représente pas un moindre handicap pour les anglophones. Toute
proportion gardée, compte tenu de la différence des popwations des deux rives du Mungo,
examinons le déséquilibre dans le corps enseignant (A) et parmi les étudiants (B).
A ·lA pREE MlNENCE DES fRANCOPHONFS DANS LE CORPS
ENSEIGNANf
Le corps enseignant d'une Université est par vocation cosmopolite. C'est d'ailleurs
un des indices du caractère "universel" de l'institution. Au Cameroun, nous distinguerons les
expatriés et les nationaux. Au sein de ces deux groupes, la prépondérance de la cWture
francophone est évidente.
1. La domination numérique française au sein des expatriés
Le contingent des professeurs étrangers se décompose en français, anglais,
américains, aDemands, canadiens, belges. n faut leur adjoindre les experts travaillant pour
certaines organisations internationales (exemple: la FAO et l'UNESCO) qui sont en général
originaires des puissances occidentales. Pendant toute la période fédérale - 1964-1972 - la
domination de la France s'observera:
1. par discipline (1964-1971) et
2. par grade (1971...)

Expérience du FédéTaIisrne Camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
160
a) La suprématie française par discipline - 1964-1971
Par exemple, sur les quatorze (14) enseignants de droit que compte la Faculté à
ses débuts en 1964, douze (12) sont de nationalité française, deux. (2) seulement sont d'autres
pays étrangers. Le "Droit" n'a pas le privilège de ce monopole français. Le rapport est encore
plus significatif, s'agissant des Sciences. Tous les dix (la) professeurs étrangers de cette Faculté
sont français. Le gap ne se rétrécit que très lentement au fur et à mesure de la croissance de
l'Université Fédérale. Les rapports sont les suivants:
.. "'~ ,,1964-1966
1966-1966
1966-1967
1967-1968
19CiS-1969
1969-19'70
19'7IH9'71
Français
24
30
44
50
56
61
83
Autres
11
16
16
17
16
17
27
é1rangers
Total
des
35
46
60
67
72
78
110
étrangers
La suprématie française par grade
La hiérarchie dans la branche est établie de la manière suivante :
- Professeurs
- Professeurs-Adjoints
- Chargés d'enseignement
- Assistants
Si cette classification a pris effet depuis 1962, ce n'est qu'à partir de 1970-1971
qu'elle s'appréhende aisément dans les sources de la Chancellerie. Une fois de plus, on notera
la prédominance française au sein des expatriés à tous les niveaux.. Dès lors, nous pouvons
établir la nomenclature suivante :
Professeurs
19
03
22
Professeurs Adjoints
03
06
09
Chargés de Cours
27
11
38
Assistants
30
03
33
A l'évidence, le "procès que les statistiques intentent" au bilinguisme est perdu pour ce
dernier. En effet, on \\Qit que la quasi-totalité des enseignants étrangers à l'Université sont
originaires des pays francophones (France, Belgique et Canada en partie). La conséquence est
que les cours sont dispensés presque exclusivement en français au grand dam des
anglophones. Il est également remarquable que "ces chiffres sont en accord avec nos analyses
et accréditent la thèse défendue par le Vice-chancelier, selon laquelle 'l'Université Fédérale
n'était rien d'autre qu'une Université française".

Expérience du F«iéralisme Camel'CUlais : les causes et les enseignements d'lm échec
161
2. La domination numérique des camerounais orientaux
(francophones) parmi les nationaux
Suite aux accords de coopération franco-camerounais du 21 février 1974, le corps
professoral qui était jusqu'alors dominé par les étrangers, comportera désormais beaucoup de
camerounais. Le rapport numérique restera toujours fa\\Klrable aux francophones. On aura:
- 146 francophones contre 36 anglophones
- 165
"
" 6 4
"
- 184
"
" 6 5
"
- 226
"
" 7 3
"
L'étude de la population estudiantine révèle également un déséquilibre défa\\Klrable aux
anglophones.
B - lA PREEMINENCE DES FRANCOPHONES PARMI J ES
mmlANTS
Elle se marque dans le nombre (important) des étudiants francophones et surtout
dans l'enseignement - en priorité - du droit français en Faculté de Droit et des Sciences
Economiques. Une étude sur le terrain étayera encore nos propos.
a) Supériorité numérique des francophones
Les étudiants camerounais orientaux sont plus nombreux que leurs frères les
occidents dans toutes les écoles. En certaines années, aucun de ces derniers n'était inscrit dans
certaines écoles. C'est le cas de l'Ecole Fédérale Supérieure d'Agriculture en 1971-1972. En
effet, sur une promotion de quarante-huit étudiants, on ne comptait aucun anglophone. Même
quand les camerounais occidentaux sont inscrits, les rapports entre leur nombre et celui des
francophones est très faible et ne peut justifier par la différence entre les populations des deux
Etats. C'est ainsi que sur une population de trois millions deux cent mille (3.200.000) pour le
Cameroun OrientaI correspondaient mil quatre cent dix. (1.410) étudiants en faculté de Droit
(1971-1972). A l'époque, le Cameroun Occidental, fort de ses huit cent mille (800.000)
habitants, n'avait que trente-trois (33) étudiants inscrits dans cet établissement. Enfin, deux
chiffres méritent d'être mentionnés :
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490
7.191
5.872
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Nous a\\Klns fait état des différentes bourses dont étaient bénéficiaires les étudiants
anglophones. Cela suffit-il pour expliquer leur nombre réduit à l'Université de leur pays ? Ne
répugnent-ils pas aussi aux programmes confectionnés sur mesure pour les francophones ?

Expérience du Fédérallsme Camerounais, les causes et les enseignements d'lm echec
162
b) La situation privilégiée des étudiants francophones.
L'examen des cours et leurs coefficients prouvent une fois de plus les limites de la
politique du bilinguisme à l'Université. Voici l'exemple de la 2è année de licence de Droit.
Dans les autres Facultés, la situation n'est pas meilleure.
MATIERES
COEFFICIENT
ECRIT
ECRIT
ORAL
1. Droit français des Obligations
4
2
2. Droit administratif général
4
4
3. Economie générale
4
2
4. Law of Facts and Law of Contracts
4
2
ORAL
5. Droit pénal général
2
6. Economie internationale
2
7. Sociologie politique ou
1
8. Mathématiques Eco. et Statistiques
1
9. Formation au bilinguisme
2
A la lecture de ce tableau, il est clair que l'accession (admissibilité + admission) de
l'étudiant anglophone en 3è année n'est pas acquise d'office avec son seul "Law of Facts and
Law of Contracts" (qui ne constituent qu'l/4 de récrit). Comme on le voit, à côté du
programme "français", puisque c'est bien le cas à l'exception du Law of Facts and Law of
Contracts), a été institué un cours spécial de formation au bilinguisme. nse veut la conscience
de la politique gouvernementale d'incitation des jeunes camerounais à l'étude des deux
langues. Cette matière obligatoire qui consiste à dispenser par semaine deux heures d'anglais
aux francophones,
et deux heures de
français
aux
anglophones a-t-eUe
permis le
perfectionnement des deux langues ?
Nous avons tenté de juger de l'effectivité du bilinguisme en menant une enquête sur le
campus universitaire.
C - mAnCHE DE SONDAGE SUR I.E TERRAIN
nfaut préciser qu'il ne s'agit pas d'un sondage minutieusement organisé car il aurait
été difficile, faute de moyens disponibles d'établir un échantillon vraiment représentatif des
étudiants (orientaux et occidentaux). On excusera donc l'approche artisanale qui a été utilisée
ici, consistant à interroger les étudiants de deux groupes de travaux dirigés
l'un anglophone,
l'autre francophone.

Expérience du Fédéralisme Camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
163
1. Le questionnaire était le suivant
- Avez-vous au préalable étudié l'anglais ou le français avant d'entrer à
l'Université ?
- Combien de cours avez-vous eu en anglais et en français ?
- Ressentez-vous des difficultés ?
a) à prendre des cours en anglais ou en français ?
b) à conserver indistinctement en anglais et en français ?
c) à comprendre indifférerrunent le français et l'anglais ?
- Depuis votre inscription à l'Université, votre niveau d'anglais ou de français s'est-il
amélioré?
- Enfin, trouvez-vous qu'il vous soit nécessaire d'être bilingue?
2 .... Les réponses, celles-ci :
Les réponses sont à la fois révélatrices et paradoxales, Corrune de concert, tous
les étudiants anglophones corrune francophones, interrogés trouvent que le bilinguisme est
nécessaire pour des raisons d'ordre professionnel, pour des contacts et pour une ouverture
internationale. Cependant, la très grande majorité (surtout des étudiants francophones) trouve
qu'après avoir suivi pendant sept (7) ans des cours d'anglais et de français dans le secondaire,
leur niveau a considérablement baissé depuis qu'ils sont arrivés à l'Université. Par contre, les
étudiants anglophones estiment qu'ils ont réussi à parler français et cela sans complexe. A
quels facteurs attribuer ce phénomène quelque peut paradoxal ?
1. Au déséquilibre du nombre des cours
• Une fois encore le cas de la Faculté de Droit est révélateur:
- en 1ère armée de licence, un seul enseignement sur 6 est dispensé en
anglais; le FamiIy Law;
- en 2è armée, 2 enseignements sur 7 ; Law of facts and Law of Contracts ;
- en 3è armée de Droit Public, aucun cours n'est dispensé en anglais; aucun cours
également en Droit Privé francophone. Mais {et c'est là la plus grave atteinte à l'identité de la
langue anglaise au sein de la Faculté),quatre matières seulement sur les dix enseignées en 3è
armée de Droit Privé Anglophone sont dispensées en anglais, les six autres étant des matières
de Droit français, sont enseignées en français.
An'en point douter, un tel déséquilibre contribue à créer un "bilinguisme à sens
unique". dans la mesure où seule la majorité des étudiants anglophones estiment que leur
niveau de français s'est amélioré depuis leur inscription à l'Université. En effet, obligé de suivre
les nombreux. cours en anglais, l'étudiant d'origine anglophone devient par la force des choses
bilingue.

Expérience du Fédéralisme Camerounais: les tauses et les enseignements d'un échec
164
2. Au caractère nominal de la formation bilingue
Nous avons mentionné l'objectif de "perfectionnement" des deux langues officielles
escompté par les dirigeants et souhaité par les étudiants. Qu'en a-t-il été? Rien d'autre qu'une
mascarade, presque un slogan poUtique sans contenu réel, mais grâce auquel les "autorités"
peuvent se dormer bonne conscience quant au caractère bilingue de l'Université. Car comment
peut-on expUquer autrement le fait qu'au cours de l'année académique
1977-1978,
l'enseignement de cette discipline n'a débuté qu'à trois semaines de la fin de l'année
universitaire ? De plus, 1979, la formation bilingue a été simplement ignorée aux
interrogations. De réalité dans sa conception, le bilinguisme est devenu un mythe dans sa
réalisation. Du reste, les rares étudiants, toutes catégories confondues, qui estiment que leur
niveau s'est améUoré dans les deux langues, n'en attribuent pas le mérite à la formation
bilingue, mais curieusement aux divers contacts entre étudiants. Enfin, bien qu'ils en ressentent
la nécessité, bon nombre d'étudiants francophones et anglophones considèrent le bilinguisme
comme un obstacle à la poursuite normale de leurs études. Réaction au demeurant
imprévisible n'est-ee pas ? Tels sont les résultats auxquels nous a'vGns abouti par cette
investigation artisanale sur le bilinguisme à l'Université.
CONCLUSION PARTIELLE
"Le bilinguisme sera ce que les camerounais en feront. Selon que nous aurons accepté
ou refusé une intégration culturelle, le résultat sera pour nous, l'enrichissement ou la pénurie,
l'harmonie ou le chaos, la paix ou la guerre culturelle" 276 . « La civilisation de demain, se plaît
à dire le Président Senghor, sera une civilisation métisse" ; soit, mais le métissage ne suppose-
t-il pas le dualisme? Dès lors, nous dirons avec Roland Colin que "le métissage des cultures est
inévitable; mais il ne doit pas se traduire par des phénomènes de pure captation. L'é'vGlution
restera saine dans la mesure où un courant créateur original pourra subsister à travers l'alliance
du flot premier et des affluences et dans la mesure où ce courant restera en cohérence avec
les valeurs initiales des sources 277 . Le bilinguisme camerounais était loin de ces schémas
idéaux.
Tout au long de ce chapitre, nous nous sommes efforcés à prouver que la poUtique
culturelle fédérale avait échoué. Deux raisons supplémentaires, expUcatives de cet échec
peuvent être inooquées.
276 Fanion (Beman:l) ; Construire ou détruire ? op cit p. 56
277 Cité par WI\\Ilam Eleki Mboumoua, Mlnsitre de l'Education Nationale de la République Fedéraie du Cameroun dans son article
lnlllulé Abbla vient à son heure ln Rewe AbbIa, 1963, p. 7 nO 1

Expérience du Fédénilisme Camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
165
1. Le bilinguisme se devait d'être un fait individuel et non pas un slogan publicitaire
vo~ant les misères de l'inégalité linguistique du français et de l'anglais.
2. De plus, les prometteurs du bilinguisme auront également échoué dans leur tentatnle
d'établir des corrélations entre le développement et le bilinguisme. En effet, dans le cadre de sa
semaine culturelle, la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines organisa une table ronde 278
dont le thème était: "Bilinguisme et Développement en Afrique".
Conviant l'assistance à participer à un débat qui se voulait "constructif', le Docteur
Mbassi Manga, Doyen de ladite Faculté se posait la question de savoir si : "Le bilinguisme était
une ascèse, un ouill de développement, ou alors un obstacle" ?
Les réponses découlant des différentes interventions vont de la reconnaissance
(implicite) du b~inguisme au Cameroun, en passant par le refus du terme bilinguisme279 (pour
aboutir à la négation d'un éventuel lien entre le bilinguisme et le développement. Le
Professeur SOlmdjock, qui défend cette dernière thèse esmne que poser le problème
"bilinguisme et développement en Afrique", revient à dire qu'au fur et à mesure qu'on sera
bilingue, on sera développé. Sa conclusion est sans équivoque: "n n'y a aucun rapport entre le
bilinguisme et le développement".
Si de l'avis du journaliste qui a rendu compte des discussions de cette table-ronde la
question a été mal posée, il n'en demeure pas moins vrai qu'à cette occasion - peut-être
incidemment -la preuve a encore été administrée que le bilinguisme n'est pas une panacée: ni
au plan culturel, ni au plan économique. Peut-être parce que si le bilinguisme avait été effectif,
l'autonomie de la minorité aurait été préservée.
CONCLUSION DU TITRE 1
L'analyse de l'expérience du fédéralisme camerounais nous a convaincu de sa faillite.
Le territoire est resté amputé à tout jamais. Les lois de Georges Scelle (autonomie,
participation) ont été bafouées. Tout au plus, a-t-on constaté une certaine superposition des
ordres constitutionnels. Le bilinguisme, facteur de fierté nationale en Afrique, a été sacrifié,
victime des assauts de la francophonie.
Nous tenterons dans le TITRE nde comprendre ce bilan objectivement négatif.
278 cf cornpte-nmdu dans Cameroon Tribune (no 565) du mardi 11/5/1976 par M. L. Boyomo AssaIa
279 Pour M. Towa MArcien, "Dans l81e Afrique où II y a plus de deux mille 12.000) langues, la "bIZllm!rie" du tenne "bilinguisme'
l'.
est rernlIJqUAbie. Cela correspond, 18'I11OCl1bu1aire colcnlal qui ne considère comme langue que .... Iangues européennes plII'
Intellectuelle cons1itue 181 frein au délleloppement dans l81e pays où cette élite ne représente qu'un minorité.

UMlV[R~IT[ D[ CL[RMOtJT 1
fA(!Ul n f)~ f)ROIT ~T f)~ g(!/~1J(!~ POl/TQUfS
Ill~XI)I~RII~Nf~l~ I)IJ I?I~I)I~RAIJIS)II~
CAMI~Rf)IJNAIS : IJ~S f~AIJSI~S I~rl'
IJI~S I~NSI~If~NI~HI~NrrS D'UN l~f~DI~f~
1'OMI~ Il
THE8E POUR LE DOcroRAT D'ETAT EN
DROIT PUBLIC
Présentée par
LEKENE DONFACK Etienne Charles
JUU
Le Président: Mr le Professeur Jean ROHR
Suffragants : Mr le Professeur René CHIROUX, Doyen,
Mr EDMOND JOUVE, Chargé de Conférence à l'Université de
Paris 1
Mr le Professeur Joseph OWONA, Directeur de l'I.R.I.C.
Octobre 1979
.. ,
~
...
! .

L"expérience du fédéralisme camerounais .. les causes et les enseignements d'un échec
TITRE II
1
L'EXPUCATION DE L'RCHEC
1
Ici,
D s'agira essentiellement de voir l'incidence de la dynamique unitaire sur la
1
nature fédérale de l'Etat. Nous avons envisagé le rôle joué par les partis politiques (chapitre n
ainsi que celui des Syndicats (chapitre m. Pour sa part, l'Economie sera tantôt cause de
fédéralisation, tantôt effet de l'échec de l'expérience (chapitre IlI).
1

1
167
1
1
1
1
1
CHAPITRE 1
1
DYNAMIQUE UNITAIRE ET
FEDERALISME: LES EFFETS
1
CENTRALISATEURS DES FORCES
1
PARTISANES SUR LE FEDERALISME
CAMEROUNAIS
1
1
ImODuellON n POSmoN DU PROBUME
1
Les fonnations politiques ont souvent inscrit dans leurs programmes la question de la
fonne d'Etat. Pour comprendre la situation du Cameroun - où le parti se veut créateur d'unité
nationale - il n'est pas inintéressant, à titre de référence, d'examiner retrospectivement
1
certains cas historiques 280 et l'attitude des partis politiques dans certains Etats fédéraux (2).
1
1
1- Girondins et Mentagnards :la querelle de la forme de l'Etat français.
1
En 1791, pendant la révolution française, les Girondins, assimilés volontiers aux
fédéralistes, s'opposaient à la prédominance politique de Paris. Les Montagnards, unitaristes
rendront ces "Brissotins" responsables des échecs militaires de 1793 et les combattront au
1
nom de la préservation de l'intégrité territoriale contre le Fédéralisme.
1
280 Archives parlementaires. 12 juillet 1793 1ère série, article 8. Tome 68. p.622. Cité par Joseph
1
OWONA in la Notion d'intégrité territoriale dans la vie politique et le Droit Constitutionnel français
depuis 1789, Thèse pour le Doctorat d'Etat en Droit, 13 novembre 1972, p. 64 et ss.
1
1

1
1
168
Dans cette lutte, les moyens politiques utilisés par les Montagnards étaient d'une double
1
nature: d'abord, le recours aux structures de base du parti montagnard; ensuite la maîtrise
des moyens d'information et de culture.
1
a) Les structures de base du parti montagnard au service de la politique de
sauvegarde de l'intégrité de la République.

1
Le parti unique de fait que constituent les Montagnards, tente non seulement d'isoler
les séparatistes de Lyon, mais pire encore, de mater ceux de Marseille.
1
Le 12 juillet 1793, dans le décret relatif aux mesures à prendre contre Lyon en révolte,
"La Convention Nationale invite tous les bons citoyens du département du Rhône et Loire à se
1
réunir à la force armée et à concourir avec elle et les représentants du peuple à la défense de
la liberté, de l'égalité et au maintien de l'unité et de l'indivisibilité de la République,,281(1).
Le 12 décembre 1793, cette même instance invite "les sociétés populaires de la République et
1
les bons citoyens qui les fréquentent à réunir leurs efforts et leurs surveillances à celles des
représentants du peuple pour écraser Marseille en révolte.
b) Moyens d'information et culture au service de la lutte contre le
édéralisme.
Dans la logique montagnarde, les dialectes locaux symbolisent l'esprit factieux,
séparatiste et fédéraliste. A titre d'exemple, le parler maternel du bas breton est considéré
comme la langue de la "superstition et du fédéralisme". Dès lors, il faut instaurer la suprématie
du Français, en faire la langue nationale dans tous les rapports de la vie publique.
Les Jacobins utilisent pour leur politique d'unité et d'indivisibilité de la République, un
Bulletin des Lois, organe officiel d'information qui sera selon les mots de Mr OWONA Joseph
(1) "un instrument redoutable de la lutte de la Montagne contre la Gironde fédéraliste".
Toujours, selon cet auteur, ce Bulletin, organe idéologique de la Convention jouera un triple
rôle. C'est d'abord une Tribune à l'opinion favorable à la politique d'unité de la Montagne.
C'est ensuite un instrument de récupération des fédéralistes à l'idée d'indivisibilité de la
République (car faisant écho des rétractations des fédéralistes ralliés). C'est enfin un instrument
de propagande politique Montagnarde contre le Fédéralisme, car à chaque occasion sera
réaffirmé le caractère uni et indivisible de la République contre les Fédéralistes.
A travers le célèbre binôme - une et indivisible - se profile en filigrane une certaine
conception (centralisatrice) de l'Etat qui tentera, voire obsèdera le gouvernant camerounais,
leader d'un parti simplement majoritaire, ensuite dominant, enfin unifié ou unique selon les
tempéraments.
2 - Partis politiques et forme d'Etat dans la pratique decertains pays
fédéraux.
Le trait distinctif ou plus précisément le dénominateur commun des trois pays que nous
aborderons est que les partis politiques y apparaissent comme agents d'unité.
28J OWONA (Joseph). op. dt., p.53·55

1
1
169
1
a) Démocrates et Républicains face au fédéralisme :
1
Les Etats-Unis.
- A la fin du XVIIe siècle, l'opposition entre les Fédéralistes (Washington, Hamilton, le
1 Gouverneur Morris) qui sont les ancêtres des Républicains et les antifédéralistes (Jafferson) qui
plutard seront les Démocrates, est manifeste sur la nature du lien juridique qui doit régir les
rapports des Etats de l'Union. Paradoxalement, le fédéralisme a pour finalité la diminution des
1 pouvoirs des Etats 282.
La guerre de sécession est incontestablement la traduction armée des antagonistes
1 idéologiques des partis dans leur conception de forme d'Etat et la consécration du caractère
indestructible du pacte fédéral.
1
- Dépassant l'approche stricte d'un bipartisme à l'anglaise, certains obseIVateurs
soucieux de faire ressortir l'extrême importance de la base locale du système partisan
1 américain, avancent qu'il serait plus commode de parler de "50 Partis républicains et de 50
1
1
Partis démocrates, quasi-indépendants les uns des autres"(2).
1
1
- Pourtant, les considérations électorales et le phénomène plus récent de la
personnalisation du
pouvoir donneront aux
partis
une
envergure nationale et les
j
transformeront en instruments d'unité nationale. Le Professeur BURDfAU se prononce dans
1 le même sens quand il dit que "... C'est le résultat d'une stratégie déterminée des
1
considérations électorales et qui obligeait à
t
j
1
1
1
"
1
imaginer des compromis, à conclure des ententes, à engager des marchandages qui finalement
1
ont créé, entre toutes les régions de l'Union des secteurs d'entente plus larges que les motifs
de discussion,,283. Ce faisant, l'effort des partis de se constituer une majorité nationale aura
triomphé des forces combien puissantes, de désunion. En conclusion, Démocrates et
1
Républicains dont les attitudes peuvent être interchangeables dans certains domaines
considèrent la forme fédérale de l'Union comme acquise et insusceptible de modification.
1
b) Les partis fédéraux et le Parti québécois face au problème du fédéralisme.
Depuis un certain temps, s'est instauré au niveau de l'intelligentsia et de la classe
1
politique de l'Amérique de l'Atlantique Nord un débat sur le fédéralisme canadien. Le noeud
gardien de la question demeure toutefois la situation particulière (et non privilégiée) de la
province du Québec dont l'élité récuse "tout simplement" le système fédéral et lui préfère à
1
282 et (2) HAURIOU (André) ) Droit Constitutionnel et GICQUEL (Jean) ) Institutions Politiques,
GElARD (Patrice)) 6e édition, ed.Montchrestien, Paris, 1975, p.470
283 BURDEAU (Georges), Traité de Science Politique, t.3. La Dynamique politique, 2e éd. LGDJ, p. 354.

1
1
170
1 tenne l'indépendance. Le Parti Québécois dirigé par René Levesque, catalyseur des
oppositions à la centralisation trop passionnel1e d'Ottawa, a privilégié dans son programme de
1970 la souveraineté du Québec, à la fois comme but et moyen. En revanche, ni le Parti
1 Ubéral, ni le Parti Conservateur, principales fonnations à la Chambre des Communes ne
pourraient cautionner les prétentions dissidentes du Québec. Jean-Pierre Prévost fait à ce sujet
l'observation suivante: "Les deux grands partis sont en effet logés à la même enseigne, aucun
1
d
1
f
d
,
li
'bé' ,,284
ne pouvant se prononcer ans e pays en aveur u separa sme que
COIS
La tendance centripète des partis politiques nationauxx participe du maintien de la
1 structure fédérale de l'Etat dans lesdémocraties pluralistes; à un degré plus prononcé la même
tendance s'observe dans les Etats fédéraux des démocraties unarûmitaires.
1
c) La Parti Commwüste et la nature fédérale de l'URSS.
1
Le Titre ID de la Constitution soviétique du 7 octobre 1977 traite de l'organisation
étatique nationale de l'URSS. Le chapitre 8 pose que l'URSS est un Etat Fédéral (reprenant
en cela la constitution de 1936), les stipulations de l'alinéa 1 de l'art. 70 sont précises :
1 "L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques est un Etat multinational fédéral uni,
constitué selon le principe du fédéralisme socialiste par suite de la libre détermination des
nations et de l'association librement consentie des Républiques Socialistes Soviétiques égales
1
d 't ,,285
en rOIs.
Si tel1e est la lettre de la constitution, son esprit en diffère avec l'existence légale du
parti unique (art.6) - noyau du système politique" - dont l'unité idéologique s'oppose à ce que
l'on puisse envisager de véritables pouvoirs locaux. Dans ce contexte, le fédéralisme
s'apparente plutôt à une décentralisation puisque l'autonomie des Etats-membres est d'autant
plus entamée que se pratique le principe du centralisme démocratique. Dès lors, le caractère
fédéral appliqué à l'URSS ne se conçoit qu'au regard de l'effectivité de la loi de participation.
Des exemples qui précèdent, on est tenté de penser qu'il n'y a pas de contradiction
entre le nationalisme et le fédéralisme si les partisans du premier savent à bon escient
s'appuyer sur une fonnation politique d'envergure nationale. Mais, la vérité veut qu'une
pareille fédération ne trouve sa longévité, voire son salut que dans l'extinction progressive des
forces centrifuges.
Pour le Cameroun, il faut préciser qu'il ne s'agira pas de rechercher quel parti est pour
ou contre l'unification (encore qu'incidemment nous aborderons ce problème) mais,
d'examiner selon quels procédés, l'autonomie de la minorité anglophone s'est amenuisée à
cause de l'existence effective d'un seul parti politique dominé par la personnalité de
M. AHIDJO et de voir comment, le phénomène d'obsolescence frappera de caducité la
prétention à l'unification de l'Union Nationale Camerounaise (UNC).
284 PREVOST 5jean-Pierre), la Crise du Fédéralisme canadien, in Dossiers Thémis, PUF, Paris, 1972, p.sa
285 in Constitution (Loi Fondamentale) de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Adoptée par la VUe session extraordinaire du So.;et Supréme de l'URSS neuviéme législature le 7 octobre 1977. Editions du
Progrès Moscou, 1977

1
1
171
1
Concrètement, deux facteurs nous semblent caractériser la centralisation des forces
politiques engendrées par l'avènement de l'Union Nationale Camerounaise.
1
C'est d'une part, une convergence certaine des forces partisanes sur la personne de Mr
AHIDJO {Section net c'est d'autre part, la dichotomie que récèle le vocable "unifié" {Section
m. En toile de fond, il est question de prouver que l'unification des partis politiques a été une
1 mesure attentatoire à l'autonomie de la minorité anglophone.
1
SECION 1
1
LA CONVERGENCE CERTAINE DES PARns POLmQUES
SUR LA PERSONNE DE MONSIEUR AHIDJO.
1
INTRODUCTION
1
A toutes fins utiles, nous tenterons d'abord de cerner la conception d'un système
1 partisan adéquat pour le Cameroun réunifié selon MrAHIDJO. C'est lors de sa conférence de
presse du 12 novembre 1961 286 relative aux problèmes qui se présentent au gouvernement
après la réunification que le Chef de l'Etat a eu à préciser le fond de sa pensée en réponse à la
1 question d'un journaliste.
1 - La question: Monsieur le Président, beaucoup de pays évoluent vers le système
1 du parti unique en pensant que c'est la solution à leurs problèmes. Au Cameroun, jusqu'ici
existe un certain pluralisme. Pensez-vous qu'il soit nécessaire ou utile ou opportun pour le
Cameroun de passer par ce système? Et dans l'hypothèse d'un parti unique, vous semble-t-i1
1
possible de respecter les diverses famUIes spirituelles du pays dans leur originalité et dans leur
expression ?
1
2 - La réponse: (fi s'agira d'un condensé interprétatif). Le Président AHIDJO
remarque que plusieurs Etats africains devenus indépendants ont adopté le système du parti
unique. Deux principales raisons internes justifient ce choix.
1
La première raison est que tous les Etats Africains tendent vers un but identique: lutter
contre la misère inhérente aux habitants des pays sous-développés en dehors d'autres
1
préoccupations philosophiques ; pour ce faire, il est indispensable de mobiliser le plus grand
nombre possible de bonne volonté, sinon la totalité des énergies du pays d'autant plus que tous
les africains étant sous-développés, il n'existe pas à proprement parler différentes classes
1
sociales dans le continent noir. Le Président ajoute que les privilèges dont semblent jouir les
uns ne sauraient s'assimiler à des intérèts de classes.
1
La deuxième raison se trouve dans le fait que -malheureusement - l'unité nationale est
encore à faire au Cameroun comme dans beaucoup de pays africains.
286 Conférence de Presse, in ACAP n= 259 des 12 et 13/11/1961 repris dans le Recueil de Disco",," (1957 à 1968), p. 161.

1
1
172
1
Voilà pourquoi les dirigeants africains - et le Président AHIDJO est de ceux-là - ont
pensé (nous sommes en 1961) constituer un grand parti national (que le leader camerounais
préfère pour sa part, appeler parti unifié). Ce grand mouvement national unifié permettrait de
1 forger cette unité nationale qui n'existe pas encore. Le Président AHDJO achève cet aspect de
sa réponse en précisant que les dirigeants africains ont souvent craint que l'existence de
1 plusieurs partis ne constitue que le reflet de différentes tribus. Et qu'en conséquence,
encourager l'existence d'une multitude de partis irait à l'encontre de l'objectif qui tend à
réaliser l'unité nationale.
1
A la question de savoir si dans l'hypothèse d'un parti unique, il peut être encore
possible de préserver l'originalité et l'expression des différentes familles spirituelles, le
1 Président AHIDJO concède "qu'i! y a parti unique et parti unique; parti unifié et parti unifié".
fi reconnait que certains africains ont tendance à adopter non seulement le système d'un parti
unifié ou parti unique, mais aussi un parti monolithique et même un parti totalitaire. Ce
1 dernier système dans lequel, par contrainte on oblige les habitants à adhérer à un parti malgré
leur volonté est dangereux pour l'avenir.
1
Débordant du cadre strict de la réponse posée par le journaliste, le Président AHIDJO
invitera - et les Camerounais - et les partis politiques - à la création d'un grand parti unifié...
"Je dis qu'il est souhaitable qu'au Cameroun il y ait un grand parti unifié, ... après une entente
1 entre les différents partis qui existent. Un grand parti national unifié au sein duquel entreraient
librement, après s'être convaincus, les Camerounais... ".
1
Cette référence (succinte) à la pensée du Chef de l'Etat méritait d'être citée. Le
décalJage entre les promesses séduisantes et la réalité révèlera une fois de plus l'instinct
centralisateur des gouvernants.
Dans son maitre-livre sur l'Avènement du Parti Unique en Afrique Noire 287, Ahmed
MAHIOU établit la dualité de procédés d'instauration du parti unique en Afrique francophone
Sub-Saharienne 28B. fi distingue d'une part les procédés pacifiques et d'autre part les procédés
autoritaires et coercitifs. Sous réserve de nuances propres à chaque Etat, cette présentation du
problème est à notre avis la moins discutable. Le recours à ces deux techniques peut d'ailleurs
être concomitant comme en témoignera le cas camerounais où le Chef de Etat crééra l'UNC
en usant avec dextérité - selon les Etats fédérés (oriental ou occidental) - de la politique du
bâton et de la carotte.
Trois idées dominantes nous paraissent caractériser cette phase de création de l'UNC
par le Président AHIDJO.
- Le Recours aux méthodes coercitives au Cameroun Oriental,
- L'Usage des procédés pacifiques au Cameroun Occidental,
- L'Influence de certaines dispositions constitutionnelles.
287 MAHIOU (AIuned) , L'Avènement du Parti Unique en Afrique Noire , l'Expérience des Etats d'expression française, col.
Bibliothèque Africaine et Malgache. Droit et Sociologie Politique, LGDJ, Paris, 1969, 421 pages.
2BB MAHIOU (Aluned), op. cil.• pp. 119 à 150.

1
1
173
1 Paragrapbe1: leRecoursauxméthodescoercitiVesau Cameroun8rlental.
1
Ces méthodes, inspirées en grande partie par M. KAME Samuel (a) seront génératrices
de l'essor de l'Union Camerounaise (UC) (b). Dès lors, si le multipartisme est encore à l'ordre
du jour en 1960, son effondrement n'est plus qu'une question de temps.
1
a) L'idéologie de combat de rue
1
M. Samuel KAME, Chef de file de l'aile droite de l'Union Camerounaise et de surcroît
secrétaire politique dudit mouvement, préconisait une radicalisation de l'action de l'UC face
1 aux formations adverses. Les propositions que ce ''baron'' développe devant les premiers
stagiaires au Séminaire de formation des cadres du parti se passent de tout conunentaire sur
les nouvelles orientations de l'UC dans ses rapports avec les autres partis politiques. Voici le
1 programme en sept points de MonsieurKAME :
1 (1) Répéter les thèmes de l'adversaire.
(2) Attaquer les points faibles.
(3) Ne jamais attaquer la propagande adverse de front
1
lorsqu'eUe est ptùssante.
(4) Attaquer et discréditer l'adversaire.
(5) Mettre la propagande de l'adversaire en contradiction
1
avec les faits.
(6) Ridiculiser l'adversaire, soit en imitant son style et
argumentation, soit en propageant des histoires à son
1
sujet 289.
(7) Faire prédominer le climat de force. Dans une situation
conune la nôtre, cela consiste à organiser des milices
1
composées de jeunes gens des deux sexes. Ne pas hésiter
dans un tel cas à copier des méthodes fascistes :
éqtùpes, sections, compagnies, bataillons, régiments,
1
divisions à l'exemple de l'Allemagne.
1
Véritable profession de foi fascite, tel apparait ce programme musclé. On ne saurait
sous-estimer l'influence de ce projet sur le cours futur des évènements; même si parfois le
Pouvoir lui a préféré la persuasion.
1
b) L'accession de rue au stade de parti dominant.
1
1
289 ALIMA (Joseph-Blaise) Les Chemins de l'Unité, comment se forge lUle nation, l'exemple du CamerolUl. Col. ABC, France,
1977, p. 87.
1

1
174
1
Deux séries de facteurs favorisent la montée de l'Union Camerounaise ; ils sonnent
ipso facto le glas du multipartisme au Cameroun Oriental. fi s'agit d'une part, des élections
1 d'avril 1960 etd'autre part, de la faiblesse des autres formations politiques confrontées au fait
ethnique.
1
1 - Le succès de l'Union Camerounaise (UC) aux élections législatives du
10 avril 1960.

1
Pour mesurer le chemin parcouru, il faut se rappeler les résultats du Référendum
constitutionnel du 21 février 1960 où les électeurs étaient appelés à se prononcer sur le
1 projet de la future constitution. La participation fut massive. On a dénombré 1 338 178
suffrages exprimés (soit 75,5 % d'électeurs inscrits). "Le projet gouvernemental est adopté par
60 % (797 498 voix) contre 40 % (531 075 voix)". A l'analyse, ce scrutin se révèle riche
1 d'enseignements.
fi marque un clivage entre le Sud (qui s'est prononcé contre le texte) et le Nord,
1 solidaire de la politique gouvernementale. - On constate également qu'en majorité, les
Bamilékés ont approuvé le document. Opportunisme ou tactique, qui pourrait - et surtout
aujourd'hui - expliquer valablement leur attitude?
1
Mais si dans l'ensemble le Sud est hostile à la politique de Monsieur AHIDJO - sinon à
1 sa personne - il n'empêche que dernier, fort du quasi-succès obtenu lors de cette dernière
consultation, rétablira l'Union des Populations du Cameroun {UPC} dans tous ses droits par
décret du 25 février 1960.
1
A l'issue du scrutin du 10 avril 1960, l'UC remportera la majorité absolue en obtenant
51 sièges dans une Assemblée qui compte 100 députés. Le reste des sièges se répartit ainsi
1 qu'il suit:
- Front Populaire pour l'Unité et la Paix :
18 députés
1
- U.P.c.
13 députés
- Bloc des Démocrates Camerounais
10 députés
- Progressistes
6 députés
1
- Indépendants
2 députés.
1
Ces élections législatives révèlent un groupe du Nord homogène à la chambre sous la
bannière de l'Uc. Bien que territorialement composite, cette élite parlementaire se reconnait
dans une ethnie dominante Oes Foulbés), une religion dominante O'Islam) et une seule source
1
du pouvoir O'autorité ou - au moins - la promiscuité de l'autorité du lamido). Et pourtant,
intégrant en son sein toutes les autres ethnies du Nord, l'Union du Nord-Cameroun -
"rebaptisée" Union Camerounaise - sera en quelque sorte \\'embIYon d'un parti sectoriellement
1
unifié. Encouragé par [es résultats des élections et fort de l'appui de son groupe, Monsieur
AHIDJO était maintenant convaincu de la capacité de l'UC à tailler des croupières dans [es
forces de ses adversaires et tout allait être mis en oeuvre pour que le succès (de son dessein)
1
soit sans appel 290.
1
290 ALlMA (J.B.)., op. cit., p.84
1
1

1
175
1
1
Progressivement l'UC va étendre ses ramifications dans tout le pays. A ce propos, le
rédacteur en chef de l'Unité estimera qu'en 1964 l'UC est au faîte de sa gloire. Ses cellules,
ses comités de base, ses sous-sections, ses sections siègent sur toute l'étendue du Cameroun".
1
Dès lors, la désorganisation de l'opposition s'explique par l'assise tribale des
groupements politiques dépourvue d'une idéologie de soutien.
1
1
1
2 - L'assise tribale des groupements politiques.
1
T. lEVINE "pense qu'à la différence de l'UPC, seul vrai parti nationaliste avec un
engagement idéologique, les nombreux partis - qui se disputent le pouvoir au Cameroun sont
des formations à base régionale ou etlmique médiocrement organisées, le plus souvent unies
1 autour de quelque personnalité politique locale et non au nom d'un programme ou d'une
idéologie29 1". En réalité, ces partis reflètent encore le particularisme, source de divisions
répandues dans le pays.
1
Michel PROUZET abonde dans le même sens lorsqu'il constate de manière désabusée
que les 84 partis que l'on dénombre dans le seul Cameroun Oriental ne représentent pas
1 autant de courants de pensée mais traduisent plutôt la configuration tribale de la société. nen
conclut à la prépondérance du fait etlmique sur le fait idéologique 292.
1
Plus révélatrice est la composition de l'Assemblée Législative du Cameroun en 1958 où
le caractère etlmique des partis se révèle dans toute sa dimension.
1
10 - Union des Démocrates
14 députés
: tous du Centre, Ewondo
pour la plupart
1
20 - Paysans Indépendants
7 députés
: tous des Bamilékés
30 - Union Camerounaise
30 députés
: tous du Nord
40 - Action Nationale
8 députés
: la plupart Douala
50 - Non inscrit
8 députés
: diverses tribus.
A un moindre dégré, certes, les partis politiques du Cameroun Occidental n'échappent
pas à cet esprit de clocher. Le CPCN de Endeley représente la région de Buéa. Le KNDP de
Foncha est le porte flambeau de la région de Bamenda.
A cet handicap inhérent aux sociétés plurielles non intégrées, s'ajoutait l'absence d'une
pensée transcendant les particularismes et catalysant les aspirations.
3 . L'absence d'une idéologie de soutien.
291
.
PROUZEl' (MIChel), op. dt., pp. 40·41.
292 PROUZET (Michel), op dt. p.4l

1
1
176
1
Si les différentes formations politiques ont toutes exigé - à des variantes près -
l'indépendance et la réunification, il faut reconnaitre que depuis lors, eUes ne se sont pas
1 recyclées, car eUes ne laissent pas apparaitre dans leurs programmes un projet global de
Société. M. PROUZET constatera que "tant sur le plan doctrinal et idéologique que sur le plan
pratique, la différence est presque nulle d'un bout à l'autre qui sépare les formations de gauche
1 à droite, s'agissant des partis politiques camerounais"192.
La tactique des partis pouvait se résumer à cette formule: "d'abord le pouvoir, ensuite on
1 verra". Ayant perdu le pouvoir, les partis d'opposition ont-Us considéré l'opposition comme
une fin de l'action politique? Toujours est-U que, sans chef et dépourws de programme
commun, les autres partis étaient incapables d'influencer l'action du gouvernement.
1 Inconsciemment et objectivement, ces partis consolidaient la prééminence de l'UC à la tête
d'Un système multipartisan en déclin.
1
En dépit de ce qui précède et des invitations du Président AHIDJO en direction de
l'UPC (voire aussi des autres partis) à venir "adhérer à l'UC, à y mUiter tête haute et sans
1 complexe en faisant abstraction de leurs rancoeurs passées, de leur susceptibilité, des vaines
querelles de personne... pour se regrouper tous ensemble autour d'une idée nationale d'un
programme valable"z93, les formations politiques opposeront une dernière résistance (A) -
1 sorte de joute d'honneur - avant de se soumettre (E) et de manifester officiellement leur
aUégence à la personne du leader de l'UC (Cl,
1
A - LES RESISTANCES A L'UMBCATION PARTISANE; LE FRONT EPARS
DU REfUS
1
La presse locale émettait déjà des réserves sur l'opportunité d'un parti unique. Cette
inquiétude est illustrée dans un passage d'une rubrique de l'Effort Camerounais intitulée le
Courrier du Naïf: "Dans un pays où il y a plus d'un parti, lorsque le parti au pouvoir propose
1 quelque chose, l'autre ou les autres partis essaient d'en démontrer les désavantages et les
dangers. Ceci amène les autorités à préciser leur position, voire à donner des assurances et les
apaisements nécessaires. Les résultats de ce dialogue, c'est que le peuple peut suivre et savoir
1 le pourquoi de cela, et le sachant, avoir plus de confiance en ses représentants"Z94.
1
On devinera -logiquement - qu'à l'opposé de cette thèse,
"L'Unité" organe
d'expression de l'UC fasse le panégyrique de la fusion des partis: "certains préjugés tenaces
veulent que... le multipartisme soit l'étalon de la démocratie or, il n'y a pas d'étalon universel
1
de la démocratie : chaque peuple doit forger
ses institutions en fonction de ses réalités
nationales, de son génie propre et ses propres aspirations,,295.
1
Toutefois, implicites dans un cas (l), manifestes dans l'autre (2), pourraient se
caractériser les objections exprimées par les différents partis politiques en réponse à l'appel du
Président National de l'Ue.
1
293 IMBERT (Jean)., Le CameroWl, Coll. Que sais'je, Paris, 1973, p. 61
294
1
L'''Effort CameroWlais , le Courrier du Nad, "Nous ne suivons pas', semaine du 26 mai au 1er juin 1963, p.9.
295 L'UNITE, no 23 octobre 1966,
1
1

1
1
177
1
1
1 - Les réticences implicites: l'UPC
1
Un faisceau d'indices nous permettra de déduire que la branche extérieure de l'UPC ne
pouvait souscrire au projet de fusion des partis politiques. C'est retrospectivement, dans
l'histoire du mouvement que nous rechercherons ces raisons.
1
Pour certains historiens, comme 1. LEVINE, "les émeutes organisées par l'UPC en mai
1955 transformèrent ce parti nationaliste radical en parti révolutionnaire".
1
Paris réagira au soulèvement en prononçant la dissolution du l'UPC par décret du 13
juillet 1955. Cet anathème jeté sur ce parti est le début d'une odysée qui sera fatale pour les
1 leaders du mouvement qui choisiront kumba au Cameroun Occidental comme première terre
d'exil.
1
A partir de ce moment, trois séries de faits contribueront à élargir le fossé entre l'UPC
(toutes tendances confondues) et l'Ue.
1
a) . C'est d'abord l'échec de l'Union Nationale.
En we de la "décrispation de la vie politique" de l'époque, SOPPO PRISO lança le 6
1
juin 1956 - le groupe dit Courant Mouvement d'Union Nationale. Le but prétendu était d'unir
les partis politiques en un programme minimum commun. Les principaux thèmes de ce
1
mouvement étaient les suivants: rejet de la loi-cadre, unification des Cameroun, reconstitution
de l'Assemblée par suffrage universel et proclamation d'une amnistie sur l'ensemble du
territoire. L'enthousiasme soulevé par cette intitiative entraîna l'adhésion "d'un grand nombre
1
de personnes de marque, y compris certains dirigeants de l'USC, du DCD, de l'INDECAM, de
l'ESOCAM et de l'UPe".
1
N'étant pas de la fête Monsieur André-Marie MBIDA, connu pour son aversion
viscérale pour l'unitarisme ainsi que Monsieur AHIDJO et les dirigeants du Nord, méfiants
envers leurs sociétaires du Sud dans un mouvement dont le contrôle pouvait leur échapper.
1
Récusé par Monsieur AHIDJO, le thème de l'Union Nationale proposée par SOPPO
deviendra pourtant l'élément référentiel de la politique du Chef de l'Etat dès 1961. Après cinq
mois d'existence, le problème de la participation aux élections de décembre précipita la
1
disparition du "courant mouvement d'union nationale" de la scène politique camerounaise.
Alors, l'UPC qui préchait le boycott entrera dans la clandestinité. Elle gardera un amer
souverur des "mooérés" et son amertume envers Monsieur AHIDJO et son groupe, ira
1
grandissante.
b) - C'est ensuite la scission de l'UPC en branche intérieure et extérieure.
La division du mouvement (UPC) eut pour cause la décision du gouvernement
britannique d'expulser de Kumba le soi-disant gouvernement de l'UPC en exiL De ce jour-là
remonte la séparation non-conflictuelle au sein du parti.

1
178
1
- L'Egypte et le Soudan offrirent l'asile politique à celui des groupes qui se rendit au
1 Caire sous la protection du Président NASSER. Conakry, Accra, Alger et les pays de l'Est
l'accueil\\eront à leur tour ces "wyageurs" de l'histoire.
1
- UM NYOBE et MAYI MATIP rentreront au Cameroun Oriental pour reprendre la
lutte année en pays Bassa. Si ce deuxième groupe se manifeste à l'intérieur par des actes de
1 sabotage, les upécistes de l'Extérieur, plus libres, se serviront des mass-media pour vilipender
le régime de Yaoundé (même après l'indépendance).
1
c) - C'est enfin l'invalidation du régime politique camerounais par l'UPC
extérieure.
1
Pendant les années 1958-1959 - début 1960 -, l'UPC, par sa branche extérieure, sera
l'enfant terrible de la vie politique camerounaise. Dans ce rôle, le parti de UM NYOBE ne
1 facilitera pas le triomphe à Monsieur AHIDJO.
Trois faits d'inégale importance marquent le processus de non-reconnnaissance du
1 gouvernement AHIDJO par l'UPC extérieure.
Premièrement, le recours au verdict de l'ONU.
1
1. Tout part de l'adoption par l'Assemblée du Cameroun d'une résolution proclamant
le dédir d'indépendance du pays et la fin de la tutelle pour le 1er janvier 1960.
1 Vraisemblablement, cette séancede l'Assemblée devait avoir lieu le 24 octobre 1958.
2. La France portera le texte de la résolution camerounaise à la 4ème commission de
1 l'Assemblée générale de l'ONU. Ce faisant, la puissance de tutelle signifia à l'occasion son
assentiment à l'indépendance du Cameroun pour le 1er janvier 1960.
1
3. En pétitionnaire, MOUMIE Félix en provenance d'Accra, cherchera à obtenir que la
demande du Cameroun soit rejetée aux motifs que :
1
- le gouvernement AHIDJO n'était pas représentatif parce que né de l'élection du 23
décembre 1956 qui ne réflétait pas la volonté de la population. En effet, cette consultation
1 avait eu lieu dans une atmosphère sociale et politique malsaine.
- La réunification n'était pas garantie par l'ONU.
1
- Le régime AHIDJO n'était qu'un support de la France;
- les libertés individuelles du Peuple Camerounais avaient été sévèrement réduites.
1
4 - Après ce réquisitoire, plongé dans l'indécision, la 4ème commission sursit à
l' examen définitif de la question camerounaise jusqu'à obtention du rapport de la mission de la
1 visite de l'ONU. Les envoyés de l'ONU devaient recueillir les opinions prévalant dans le
territoire sur la question de l'indépendance et s'assurer que l'opportunité d'une consultation
pour évaluer l'opinion populaire en la matière.
1
1
1
_

1
1
179
1
5 - Le rapport présenté à la "Session Spéciale Cameroun" de l'ONU du 20 février
1959 fut favorable au gouvernement AHIDJO.
raison de douter que
1
La mission concluait d'une part qu'il n'y avait "aucune
l'indépendance dont jouira le Cameroun après la fin de la tutene soit pleine et complète
les
responsabilités
de
1d'autant plus que les Camerounais sont capables d'assumer
l'ind'
d
,,296
epen ance
.
I
Le rapport de mIssIon faisait ressortir d'autre part le caractère légitime du
gouvernement AHIDJO dans la mesure où la grande majorité de la population appuyait la
demande d'indépendance, Ainsi, cette mission jugera inopportune l'idée d'une consultation
1préalable 297.
Pour en finir, la mISSion fit état de la loi d'amnistie adoptée par l'Assemblée
1Camerounaise et qui tendait à prouver que le gouvernement était prêt etdisposé à honorer ses
obligations morales,
1
Après l'examen du rapport de la nusslon de visite, le Conseil de Tutelle
recommanda que l'Assemblée mît à son ordre du jour la question de l'accession du Cameroun
1à l'indépendance pour 1er janvier 1960.
La 4ème Commission de l'Assemblée Générale eut donc à examiner:
1
- le rapport du Conseil de Tutelle
- le rapport de la mission de visite
- les commentaires de l'autorité administrative,
1
Elle écouta enfin avec beaucoup d'intérêt les pétitionnaires. Les thèses de l'UPC étaient
défendues par le Docteur MOUMIE, Elles contestaient outre la légitimité du gouvernement
1 AHIDJO, la validité du rapport de la mission, Ces deux allégations justifiaient la nécessité de
nouvelles élections, Pour l'essentiel, le point de we des partisans298 de ce "parti anti-système"
revenait à ceci: 'TUPC, étant un des plus importants partis du Cameroun et n'ayant pas été
1 autorisé
à participer aux élections de décembre 1956, l'Assemblée issue de ces dernières, ne pouvait
être représentative".
2% Pour l'ensemble du développement, consuHer T. Lévine, Le Cameroun du Mandat Il l'Indépendance. Vol. n. col. Nouveaux
Horizons E161. 1970. pp.63 Il 150.
297 Voici le libellé exact du texte de la mission:
nn n'y a certainement pas de raisons suffisantes ., pow procéder à de nouvelles éjections générales sous la surveillance des
Nations-Unies avant la levée de la tuteDe. En outre, la mission se voit aUCW1e raison à ce que les nouvelles élections à J'Assemblée
Législative sort une condition préalable Il l'accession Il l'indépendance. nfaut se rappeler que c'étaient l'Assemblée Législative et le
gouvernement actuels qui demandèrent Il la France et obtinrent d'elle l'engagement d'accorder l'indépendance le 1er janvier
1960. nserait ironique de mettre en doute lew caractère représentatif'.
T. LEVINE, op. cit., p.SO.
298 ns'agit de la Guinée, du Ubéria. du Ghana et de l'UR5S.

1
1
180
La seule chose logique à faire ne consistait-elle pas à organiser de nouvelles élections
1 avant l'indépendance, de façon qu'une assemblée vraiment représentative eût à rédiger les
documents constitutionnels et à assister au transfert de la Souveraineté".
1
7 - La thèse de Monsieur AHIDJO était constante et fort simple. Le Premier Ministre
soutint à l'opposé de ses antagonistes que la présente Assemblée du Cameroun était vraiment
1 un organe représentatif élu au suffrage universel et direct et qu'elle comprenait les éléments
d'une opposition active. Qui plus est, comme tous les parlementaires appuyaient la demande
d'indépendance, et étant donné que son gouvernement maintenait sa promesse d'organiser
1 des élections immédiatement après le 1er janvier 1960, il ne trouvait pas la nécessité de
procéder à une consultation préalable qui risquait d'enflammer les passions politiques.
Monsieur AHIDJO pouvait même ajouter qu'il avait toujours répondu avec assouplissement
1 aux différents préalables de l'UPC : n'avait-il pas dans le même ordre d'idées fait adopter par
l'Assemblée Camerounaise une loi d'amnistie extrêmement généreuse?
1
8 - La suite des évènements est connue: une série de votes sanctionna les débats.
1
Par un vote du 12 mars, la 4ème commission débouta l'UPC de ses différentes
prétentions (élections générales avant 1960, abrogation du décret d'interdiction de l'UPC). Le
projet de résolution de la Commission fit droit à la requête du gouvernement camerounais et
1 de la France, approuvant simultanément l'indépendance et l'admission future du Cameroun
aux Nations-unies.
1
Réunie le 13 mars, l'Assemblée Générale entérina unanimement le projet de
résolution.
1
Désormais, la dégradation des rapports entre le pouvoir légal et les autres formations
politiques se poursuivra inéluctablement.
1
Deuxièmement, le nouveau programme d'action de MOUMIE.
L'UPC-Extérieure qui s'était agrippée à l'Instance Internationale Suprême comme une
1
bouée de sauvetage pour accéder au pouvoir, sortait diminuée de cette confrontation. Elle ne
se tint pas pour battue: le Docteur MOUMIE établira pour son mouvement, sous le feu de
1
l'action, un nouveau programme en 4 points:
1 - Continuer la révolution jusqu'à la réalisation de l'indépendance et de l'Unité.
2 - Opposer la décision des Nations-Unies d'accorder l'indépendance au Cameroun
1
sans élection ou proclamation de constitutions préalables.
3 - Appel à tous les Etats de ne signer aucun traité avec le Cameroun.
t
4 - Persuader les investisseurs de ne pas apporter de capitaux au Cameroun.
1
Si avec le recul nécessaire (1959-1979) l'irréalisme de certains points (3 et 4) de ce
projet apparaît manifeste, il demeure que ce programme était le présage de nouveaux troubles
,
dans le pays.
Troisièmement, l'organisation avortée d'une table ronde.

1
181
1
Des considérations précédentes, on pouvait penser que la rupture était presque
1 consommée entre Je groupe de MOUMIE et celui de M. AHIDJO. Pas de sitôt. En vue de la
formation d'un gouvernement d'Union Nationale, Je Pouvoir invitera les différents leaders des
1 formations politiques, "à l'étranger et au Cameroun", à une table ronde. Des rumeurs (comme
il y en a toujours) faisaient état de la participation de MOUMIE à cet éventuel gouvernement
de coalition. Enfin de compte, l'accord de principe de la présence de l'UPC au Comité de la
1 table ronde fut recusé à cause des conditions de participation "inacceptables,,299 posées par
Monsieur AHIDJO.
1
En conclusion, l'exposé de ces trois situations, à savoir:
-l'Intervention devant les Nations-Unies,
1 -l'Etablissementd'un programme de refus, véritable riposte graduée,
-l'Echec de la tentative de la table ronde, nous permet d'affirmer qu'un modus vivendi n'a pas
été établi entre l'UPC extérieure et le gouvernement AHIDJO. En permanence, des rapports
1 conflictuels existent entre les deux groupes, au-delà entre deux types d'hommes. Par exemple
on aura remarqué que Mr AHIDJO a boycotté la première tentative de mouvement d'union
nationale dont la paternité ne lui revenait pas et qui était par contre soutenue par l'UPe.
1 L'équivoque aura vité été levée sur l'éventuelle participation de MOUMIE à un gouvernement
d'union nationale dirigé par Monsieur AHIDJO.
1
S'excluant mutuellement, AHIDJO et MOUMIE pouvaient-ils adhérer au même parti?
Nous ne le pensons pas. Dans ces conditions, la participation de l'UPC (extérieure) à tout acte
1 politique intérieur paraît inconcevable si cette formation ne veut pas se déjuger et surtout si elle
veut rester elle-même. A notre sens, l'adhésion à un parti même unifié, aurait amputé l'UPC
extérieure de sa crédibilité. N'est-elle pas aujourd'hui officiellement la seule force de
1 contestation au régime de Monsieur AHIDJO?
B - LES OBJECTIONS MANIfESTES A L'UMBCATION : LE FRONT
1
NATIONAL UMHE.
L'idée d'unification partisane n'est pas exécrée par toutes les formations politiques. Le
1
premier gouvernement de Mr AHIDJO du 19 février 1958 est déjà une coalition de ruc, des
Paysans Camerounais (NJINE) et du MANC (ASSAlE).
1
- La désignation de Mr ASSAlE comme premier ministre après les élections de
l'Assemblée Nationale de la République du Cameroun, va précipiter la dissolution officielle du
1
MANC et sa fusion avec l'Ue.
- En avril 1961, la sclérose atteindra le groupe des députés bamilékés qui collaboraient
J
avec le gouvernement. Les ralliements successifs de Mr Pierre KAMDEM NINYIM (Ministre
d'Etat) et Mr KANGA Victor (Ministre de la Justice) - tous deux membres de Front Populaire
pour l'Unité et la Paix -hatèrent l'absorption des formations bamilékés par l'Uc.
1
1
299 Le mot n'est pas de nous.
1
1
_

182
Désormais, il ne restait plus en lice pour le combat politique que l'UC (renforcée ou se
renforçant continuellement) face à une opposition non-homogène, mais unie dans son refus du
parti unifié. Calcul ou simple coïncidence sémantique, les objecteurs à ce Parti Unifié, se
regroupèrent au sein d'un front national unifié.
Quels sont ces leaders dissidents, responsables des formations du "cartel intérieur des
non", dont la défense de leurs idées les conduira en prison ?
La lettre ouverte à la Nation le 15 juin 1962, qui déclarait que "Monsieur AHIDJO
essayait de créer un Etat à parti unique et que, si les choses continuaient comme par le passé,
il en résulterait une "dictature de type fasciste,.300, était signée de quatre caciques de la
politique camerounaise.
Il s'agissait en l'occurrence de :
- Mr André-Marie MBIDA (B.D.e.)
- Mr Théodore MAYI MATIP (UPC légale)
- Mr BEBEY EYIDI (parti des TravailIeurs Camerounais)
- Mr OKAlA Charles (parti Socialiste Camerounais).
Dans son numéro 346 du 1er janvier 1962, sous le titre anodin de : "Pour ou contre
un seul Parti" ?, le journal '1'Effort Camerounais" résumait ainsi la position politique des
leaders telle qu'elle ressortait de la lettre ouverte: "Ils mettent en évidence les graves risques de
fascisme, la méconnaissance des droits de la vérité et des personnes, tel qu'on peut les saisir
dans un document doctrinal de l'Ue. Ils affirment leur volonté de garder leur indépendance et
de coordonner leurs efforts pour une action constructive". Une profonde conviction en la
démocratie est à la base de cette "bravade".
Prenons d'avantage connaissance des partis en question avant qu'ils ne succombent
aux assauts impétueux de l'Ue.
a) Le Bloc des Démocrates Camerounais (MBIDA)
Le changement de dénomination :
- Mouvement des démocrates camerounais en Groupe des Démocrates Camerounais
n'a pas d'incidence notable sur l'idéologie de ce mouvement qui s'apparentait à la démocratie
chrétienne. Au demeurant, formation du premier ministre camerounais, le BDC souffrira à la
fois de l'exiguïté territoriale de son implantation (uniquement en pays Ewondo et Eton) et de
l'intransigeance de son leader qui continue aujourd'hui à vilipender l'existence du Parti
301
Unique
.
300 Voir "Jeune Afrique" numéro spécial de 1978 consacré au 20 ans de pouvoir de M. AHIDJO.
301 Voir numéro de "Jeune Afrique" du 1978 consacré au 20 ans de pouvoir de M. AHIDJO.

1
1
183
1
b) Le Parti Socialiste Camerounais (OKALA)
Jean-François BAYART pense qu'entre 1947 et 1952, ce parti aurait pris le nom
1 d'Union Sociale du Cameroun affiliée au MSA, puis de Mouvement Social Camerounais
(1957-1959) pour se structurer définitivement en Parti Socialiste Camerounais (PSC).
1
Encouragé au départ par le Gouverneur SOUCADEAU pour contrecarrer l'UPC, cette
fonnation sera localisée dans le Mbam.
1
c) L'UPC légale (MAYI MATIP)
Si l'on ne présente plus l'UPC, à toutes fins utiles, il faudrait préciser que l'UPC ralliée
1 s'assimile ..dontiers à l'ethnie Bassa. Beaucoup d'analystes -panni lesquels Jean-François
BAy ART - n'hésitent pas à traiter de l"UPC-Bassa,,302 dans un article que nous avons souvent
1 cité. d) Le Parti des Travailleurs Camerounais (M. BEBEY EYIDI)
1
Si l'on connaît peu de chose de ce parti, la personnalité de son leader constitue tout un
programme.
1
C'étaient-là les acteurs; la goutte d'eau qui fit déborder le vase, en réalité le "casus
belli" fut la publication du Manifeste du Front National Unifié. Désonnais, le pouvoir sévira.
1
1
1
C • lA SOUMISSION DES OPPOSITIONS
Abordant les procédés autoritaires et coercitifs de création des partis uniques en
1 Afrique, MAHIOU fait ressortir à juste titre que "\\'action coercitive est presque toujours
entreprise sous couvert de la légalité fonnelle,,303.
1
La floraison des institutions repressives, les interdictions, poursuites et condamnations
diverses se légitiment légalement. Rien d'étonnant en cela si l'on admet d'une part, que le droit
1
est le reflet d'une Société à un moment donné et si d'autre part, l'on épose la thèse marxiste
d'un droit de classe, traducteur des intérêts de l'idéologie dominante.
t
L'application (TI) d'une législation appropriée (l) aura raison des opposants à
l'unification partisane, voire des opposants tout court.
1
302 J.F. BAYART "l'UNe op. cit., p.685. Cette assimilation est excessive et inadmissible, l'héritage de UM NYOBE étant
national.
1
303 MAHIOU (Aluned), op. cit. p. 134.
1

1
1
184
1
1 - L'ordonnance nO 62-0f-12 du 12 mars 1962 portant repression de la
subversion
1
Conformément à la constitution de la République Fédérale du Cameroun en son article
50 qui autorisait le Président de la République à prendre "sous forme d'ordonnance ayant
1 force de loi les textes législatifs nécessaires à la mise en place des institutions" un texte du Chef
de l'Etat a été publié au Journal Officiel selon la procédure d'urgence. Cette ordonnance
comporte six articles dont les plus révélateurs sont le 2ème, le 3ème et le 4ème qu'il
1
conviendra de présenter entièrement afin d'en saisir la portée.
Article 2 : "Quiconque aura, par quelque moyen que ce soit, porté atteinte au respect
1
dû aux autorités publiques ou incité à la haine contre le gouvernement de la République
Fédérale ou des Etats Fédérés ou participé à une entreprise de subversion dirigée contre les
autorités et les lois de ladite République ou des Etats fédérés, ou encouragé cette subversion
1
sera puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 200 000 à 2 millions
de francs ou de l'une de ces peines seulement, sans préjudice, s'il y a lieu des peines plus fortes
prévues par les lois et décrets en vigueur".
1
Le Petit Larousse illustré définit la subversion comme 'l'action de troubler, de renverser
un état de choses, des lois, un régime politique". Dès lors, de l'ouvrier soviétique qui perd un
1
clou - et qui est considéré comme socialement dangereux - parce que sabattant la révolution à
l'Ayatollah-Khomeny - "héritier d'une tradition subversive,,304 - qui incite ses fidèles au
soulèvement contre le Shah, les virtualités du concept de subversion restent toujours
1
exploitables.
Article 3 : "Quiconque aura émis ou propagé des bruits, nouvelles ou rumeurs
1
mensongers, soit assortis de commentaires tendancieux de nouvelles exactes, lorsque ces
bruits, nouvelles, rumeurs ou commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités publiques
1
sera puni des peines prévues à l'article 3".
Ce texte peut-il faire ban ménage avec la liberté d'expression inscrite dans le
1
préambule de la constitution? Dans le contexte camerounais, oui; car la liberté s'exerce dans
"les limites fixées par la loi".
1
Article 4 : L'ordonnance précise que les infractions prévues aux articles 1, 2, 3 sont
déférés aux tribunaux correctionnels. L'article précise par ailleurs que : "si l'auteur de
l'infraction est fonctionnaire, agent ou employé d'un service public ou militaire, le tribunal
pourra le déclarer à jamais incapable d'exercer aucune fonction publique". Cette sanction ne
peut laisser indifférent, elle inquiète.
Nous aurions souhaité que ce texte n'ait qu'une valeur dissuasive. Malheureusement
cette ordonnance entrera en application quatre mois plus tard.
2 - Les effets de l'ordonnance du 12 mars 1962.
304 ln Journal Jeune Afrique n° 932 du 15 novembre 1978, p.25.

185
Le principal effet est l'arrestation - comme par hasard - de certains leaders politiques
diversement qualifiés par Mongo Beti de "ténors sudistes de la politique camerounaise" et par
AHIDJO de "quarteron d'hommes politiques dépassés". Plus tard, dans le même ordre d'idées,
le Chef de l'Etat s'expliquera sur le sort de Mr EMMA onou.
a) L'arrestation de quatre leaders politiques.
La relation des faits telle qu'elle ressort du journal de l'époque est la suivante: à la suite
de la plainte déposée par le Préfet du Nyong-et-Sanaga, pour infraction aux dispositions des
articles 2 et 3 de l'ordonnance du 12 mars 1962, portant répression de la subversion, MM.
Charles OKAU\\, André-Marie MBIDA, Marcel BEBEY EYIDI et MAY! MATIP ont été arrêtés
et déférés le 29 juin au Parquet de Yaoundé qui les a fait placer sous mandat de dépôt.
1
Le communiqué diffusé par la Présidence de la République en cette circonstance
mémorable fait montre d'une savante orchestration dont les mobiles politiques se dissimulent
1
mal.
1
"Les représentants à l'Assemblée Législative du Cameroun Oriental: MM. Charles
OKAU\\, André-Marie MBIDA, Marcel BEBEY EYIDI, MAY! MATIP, ont mis en circulation au
nom du Front National Unifié un manifeste signé du 23 juin 1962.
1
"Les assertions contenues dans ce document présentant un caractère subversif,
délictueux et susceptible de troubler l'ordre public; une perquisition a été effectuée au domicile
1
des auteurs du manifeste et a permis de saisir, outre un lot important de documents dont
l'exploitation est en cours, un stock impressionnant d'armes et de munitions.
1
- Domicile de Mr OKAU\\ :
6 pistolets, 12 chargeurs, 1 carabine, 1 fusil, 168 cartouches.
1
- Domicile de Mr MBIDA :
1 carabine, 2 fusils, Il cartouches.
1
Dans le manifeste du 23 juin 1962, il est relevé à l'encontre de ses auteurs des
assertions tendant :
1
- à l'incitation à la haine contre le gouvernement et les autorités administratives,
1
- à l'opposition des communautés ethniques ou religieuses,
- à la propagation de nouvelles susceptibles de nuire aux autorités publiques.
1
Ces faits présentant un caractère délictueux, le Préfet de Yaoundé les a dénoncé et
1
déposé plainte au nom du gouvernement contre leurs auteurs".
Que faut-il penser de ce communiqué?
r
1
1

186
.. On notera avec quelle célérité les évènements se sont déroulés dans l'oubli du respect
des immunités parlementaires dont devaient se prévaloir nos députés 305.
- Nous nous interrogerons une fois de plus avec MAHIOU sur le fait de savoir si les armes .. ces
fameux pistolets et carabines - ne sont pas 'Toeuvre et l'invention des services de police chargés de
veiller sur la sécurité de l'Etat, en fait, chargés de la lutte contre l'opposition?
Toujours est-il que le 11 juillet 1962, se déroulera devant le Tribunal Spécial de
Yaoundé une caricature de procès dont les régimes d'exception ont seuls le privilège. La
sentence en tout point prévisible, fut conforme aux voeux du pouvoir.
Les motifs du jugement étant connus depuis le jour de l'arrestation des prévenus, le
tribunal condamna chacun des quatre co-signataires du manifeste à 30 mois de prison et à
250 000 f.da d'amende. De ce verdict date la désarticulation accélérée de l'opposition
d'autant plus que selon un article de Philippe DECRAENE dans le "Monde" du 28/29 mai
1967, nos conjurés auront des fortunes diverses: "\\'un d'entre eux, le Dr BEBEY EYIDI, est
décédé, deux autres, Mr MAYI MATIP et OKAlA sont assignés à résidence dans leur village et
ne font plus parler d'eux... Mr MBIDA était presque aveugle quand il retrouva les siens; grâce
à l'aide du Président il alla se traiter à Paris".
b) Les lumières sur le sort de Mr EMMA OTIOU 306.
C'est lors de sa conférence de presse du 2 juil1et 1963 que le Chef de l'Etat traitant de
la politique intérieure, s'expliquera volontiers sur la disparition de Mr EMMA OTTOU.
Deux questions furent posées au Chef de l'Etat:
1
305 L'ordonnance nO 62-0f-16 du 12 mars 1962 relative au régime des immunités des représentants aux Assemblées
1
Législatives des Etats fédérés pose que: "Demeure applicable au Cameroun Orientale le régime des immunités préw par l'article 9
de la Constitution du 4 mars 1960".
1
"Aucun député ne peut être poursuivî, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou des voeux émis par lui dans
l'exercice de ses fonctions.
Sauf dans le cas de flagrant délit, aucun député ne peut être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec
1 l'autorisationdel'Assemblée, pendantlessessions, oul'autorisationdubureaude l'Assemblée horssession.
La détention ou la poursuite est suspendue si l'Assemblée le requiert".
1
1 306 L'ordonnance nO 62-0F-16 du 12 mars 1962 relative au régime des immunités des représentants aux Assemblées
Législatives des Etats fédérés pose que: "Demeure applicable au Cameroun Orientale le régime des inununités préw par l'article 9
1 de laConstitutiondu4 mars 1960".
"AUClUl député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou des voeux émis par lui dans
l'exercice de des fonctions.
1 Sauf dans le cas de flagrant délit, aucun député ne peut être poursuivi ou arrêté en matière criminene ou correctionnene qu'avec
l'autorisation de l'Assemblée, pendant les sessions, ou l'autorisation du bureau de l'Assemblée hors session.
La détention ou la poursuite est suspendue si l'Assemblée le requiert".
1
1

1
1
187
1
1 - Pourriez-wus, Monsieur le Président nous faire le point de la situation intérieure
camerounaise, notamment en ce qui concerne la subversion? (AFP)
1
2 - Pourriez-wus Monsieur le Président, nous donner des précisions sur la disparition
de Mr EMMA onou, ancien leader upéciste qui, selon ce que nous awns entendu, a adhéré
régulièrement au Parti ?
1
(Le Monde Noir).
La réponse du Chef de l'Etat démontrera une fois de plus que le concept de
1 subversion307 est extensible à wlonté. Le Président awuera lui-même que le mot subversion
recouvre un grand nombre d'actions. Mr AHIDJO parlera indifféremment du terrorisme et de
Mr EMMA onou.
1
- Pour la subversion.... le gouvernement a la situation bien en main ; il contrôle la
totalité du pays y compris les régions dites troublées. Si le calme est revenu dans le pays, il faut
1 reconnaitre que quelques bandes de terroristes vivent encore en brousse. Le gouvernement
mettra tout en oeuvre pour extirper complètement ce mal qui a risqué de jeter le pays dans le
chaos".
1
Quant à Mr EMMA onou,... "il a été interné à Foumban parce qu'il était convaincu
d'action subversive. Dans ce pays qui, malheureusement est empoisonné de colporteurs de
fausses nouvelles, Mr EMMA est un récidiviste. li a été confondu d'awir, non seulement
calonmié d'autres Camerounais, mais d'awir porté des accusations graves contre d'autres
Camerounais, accusations qui étaient susceptibles, sinon de troubler l'ordre public, du moins
de porter un préjudice moral et matériel considérable à ces Camerounais". Jusqu'à une
certaine date, on connaissait "la poursuite en diffamation (art. 305 Code Pénal 1975) qui ne
pouvait être engagée que sur plainte de la victime ou de son représentant légal ou coutumier" ;
l'ordonnance de 1962 semble consacrer désormais une espèce d'éthique sociale et reconnaitre
au gouvernement un droit de subrogation pour la défense de tous les calomniés. Le
partenalisme des propos du Chef de l'Etat n'infirme pas notre point de we : "Je wudrais
profiter de l'occasion pour dire que, dorénavant, quiconque, quelque soit son rang social, sera
convaincu de colporter de fausses nouvelles susceptibles de nuire à autrui ou de troubler l'ordre
public, fera l'objet de mesures énergiques prises contre lui".
Cette amalgame - terrorisme-délation - permettra au pouwir de se défaire - légalement
- de l'opposition. Par exemple le jugement nO 100/63 du 28 octobre 1963 établira la
culpabilité et prononcera la condanmation à mort du non moins célèbre transfuge KAMDEM
NINYIM308. Déjà, en prélude à l'application de la loi du 27 mai 1959 sur le maintien de
307 Le propos colonial de Guy de Lusignan que nous Uvrons ici montre une fois de plus la polysémie du mot subversion:
"Le Cameroun est un pays en pleine subve"ion Il la veille de son indépendance" in l'Afrique noire clepuis l'indépendance,
l'Evolution des Etats francophones, Fayand, col. Le Monde de sans frontières, 1969-1970, p. 128.
308 L
.
.
d
b
es .JUgements en matière e su ver5ion sont nombreux, voici un échantillon que nous avons recueilli au greffe des juridictions
militaires de Douala et de Yaoundé:
Al Tribunal Militaire Temporaire de Douala
1. Jugement n [ 171 du 6 décembre 1966 :
Affaire Ministère pubUc c(fAGNE Antoine

1
1
188
1 l'ordre public, les mesures d'éloignement et d'assignation à résidence ne se compteront plus.
L'UPC par la voie de MAYI MATW protestera inutilement à l'Assemblée Nationale le 9
décembre 1960 en ces termes : "En ce qui concerne la répression, les preuves sont là,
1 Monsieur le Président. Dans le département du Mbam, il y a quinze détenus UPC, à Doumé, il
yen a quatre, dans le Nyong-et-Sanaga, une vingtaine actuellement; la prison de Yaoundé, il
309
yen a treize; parfois... simplement parce qu'ils étaient détenteurs d'un tract de l'UPC
,,
1 Nous citerons pour mémoire l'élimination de KANGA Victor de la scène politique en 1966.
OSSENDE AFANA sera assassiné la même année. En 1970, ce sera le tour de Ernest
OUANDIE, L'ordonnancement juridique repressif atteindra effectivement son but lorsque le
1 Parti des Démocrates Camerounais renoncera "volontairement" à présenter des candidats aux
élections législatives au Cameroun Oriental le 8 juin 1965,
1
Acculées à s'associer ou à disparaitre, les formations politiques de l'opposition
manifesteront officiellement leur ralliement à l'UNe.
1
c) Les manifestations d'allégeance.
"L'on doit se réjouir de la naissance du nouveau parti unifié, d'autant plus qu'elle
1
survient par la libre volonté des hommes, non sans difficulté certes, mais dans une atmosphère
de
31o
libre discussion
. Ainsi donc, en toute liberté,,311, les Démocrates Camerounais et les
Chef d'accusation Manoeuvres subversives.
2. Jugement nO 172 du 6 décembre 1%6 :
Affaire Ministère public c/N.l1KE Jean-Marie
Chef d'accusation: Subversion
3. Jugement nO 15/68 du 9 février 1968
Affaire Ministère public c/FONGANG Joseph
Chef d'accusation, Subversion
4. Jugement nO 120 du 16 octobre 1%8
Affaire Ministère public c;rCHUMAZE dit TlMAZI Daniel
alias DieudolUlé - Chef d'accusation: non dénonciation. subversion, bande armé
B) Tribunal Militaire Permanent de Yaoundé
1. Jugement nO 18;70 du 6/3;70, Affaire Ministère public c/ANGO FOUMANE Albert et Cie. Nature de l'infraction:
Subversion
2. Jugement nO 61;70 du 14.8.70 par DEFAUT Affaire Minsitère public c/EYlNGA Abel et autres (à l'étranger) Nature de
l'infraction: subversion. Décision du tribunal: Condanme EYINGA Abel à la peine de 5 ans de détention par défaut-Dépens- Ras
de contrainte par corps -Ordonne la confiscation des biens illégitimes... etc.
3. Jugement nO 67;70 du 29/9;70 : Affaire Ministère public clMINKO Ella hmocent : nature de l'infraction: Manoeuvres
subversives.
4. Jugement nO 84;70 du 8/10;70 : Affaire Ministère public c/BOLLO Anne-Marie dit PAMA ZE ZE JEREMlE : Nature de
l'infraction: Manoeuvres subversives.
5. Jugement nO 86;70 du 8/10;70 : Aff. Ministère public c/A5SENG EVANG Salomon et Cie. Nature de l'infraction:
Subversion.
309 Extraits de débat à l'Assemblée Nationale publié par le bureau national provisoire de l'UPC, la Pensée de UM NYOBE,
Yaoundé 2ème semestre 1961, p.14.
310 L'Effort Camerounais, no 555 du I l septembre 1966.

189
Socialistes vont proclamer réciproquement leur adhésion à l'UNC le 29 août 1966. De finalité
identique, ces deux déclarations se présenteront sous deux formes distinctes. C'est ainsi qu'au
texte clair des socialistes (a) correspondra Wl document sans conviction émanant des
Démocrates (h).
cl) Le oui ferme des Socialistes.
La déclaration du Parti Socialiste CameroWlais est faite à Bel1omo dans le Mbam (fief
de la formation) par son secrétaire général lui-même. Mr OKAI.A Charles Remy-Guy donne
son adhésion personnel1e et cel1e de son Parti à l'UNe. ninvite tous ceux qui sont restés fidèles
à l'idéal socialiste à l'imiter en envoyant leur adhésion individuel1e à ce grand ensemble
national qui regroupera bientôt toutes les forces vives de la nation. n félicite ensuite M.
AMADOU AHIDJO et les leaders des partis méridionaux d'avoir trouvé Wle formule
acceptable pour tous pour justifier pareil regroupement. 11 prononce enfin sans équivoque la
dissolution du PSG au profit de l'Union CameroWlaise. Que faut-il penser de cette déclaration ?
Elle constitue Wl formel désaveu à l'orientation particulière du PSG définie au Congrès de
NlUI les 23,24 et 25 mars 1961312dont la teneur est la suivante:
1 - "Opposé au Parti Unique comme expression d'aspiration à la dictature et comme contraire
à la charte de la Déclaration universel1e des droits de l'homme et du citoyen, et à l'article 3 de
la constitution nationale".
2 - "Opposé au Parti Unifié, car Parti Unifié est Wl jeu de mots et n'est rien moins qu'Wle
façon de dire Parti Unique".
nne faut pas oublier qu'entre temps M. OKAI.A était passé par la prison.
1
C2) Le oui sans conviction des Démocrates.
1
Les Démocrates présenteront entre le 29 août et le 16 septembre deux déclarations
qui se complètent sans toutefois prendre officiellement position sur le sort de leur parti après
l'adhésion à l'UNe. Voici donc les positions respectives des "anciens et des nouveaux"
1
Démocrates313 .
a. La déclaration des Démocrates du 29 août 1966.
1
Ce long texte présenté sous forme de motion traite premièrement - par prétérition -
dans ses premiers considérants de l'appel à l'Wlité lancé par l'UC et les partis anglophones.
1
3]1 Dans la foulée de cetle marche inexorable vers la fusion, la liberté dont il s'agit ressemble beaucoup ~ cene du pendu balançant
1
au bout de la corde qui le soutient.
312 Lire ~ ce sujet ''Le Congrès du PSG ~ NI1.!f' dans l'Effort Camerounais no 334 du 8 avril 1%2, pp, 3-4,
1
313Les déclarations font état des démocrates et des jeunes ex-démocrates. Voir ~ ce propos, Effort Camerounais nO 557 du 25
septembre 1966.
1
1
1

1
1
190
1
TI se borne deuxièmement à exposer de manière narcissique les idéaux qui ont sous-
tendu
l'action
du
PDC
depuis
sa
création
(compréhension-justice-paix-prospérité-
démocratie...etc...)
1
Le parti des Démocrates déclare troisièmement adhérer "comme un seul homme à
l'UNC''. Cette décision ne soulèverait en elle-même aucune réflexion si elle n'était précédée
1
d'un considérant l'hypothéquant: "comptant sur la bonne foi, la compréhension et la sincérité
du KNDP, de l'UC, du CNPC et du CUc. .. ". Cette dernière idée ne peut-eUe pas être
1
interprêtée comme une réserve implicite à l'adhésion du PDC à l'UNC?
Est-ce pour rectifier le tir qu'une autre déclaration sera faite quelques semaines après la
1
célébration de l'unification.
b. La déclaration faite à Yaoundé le 16 septembre 1966 par les jeunes (ex)
1
Démocrates
Dans ce nouveau document, l'effort d'explicitation du consentement est manifeste. La
lettre du texte est la suivante : "C'est pourquoi le Parti des Démocrates Camerounais est
heureux de faire connaitre à toute l'opinion qu'il répond favorablement "oui" et en toute
sincérité à cet appel". D'ailleurs, les jeunes démocrates font remonter leur adhésion au
principe d'un Parti National Unifié au 6 mai 1962, date à laquelle le P.D.C. de M. André-
Marie MBIDA préconisait une politique de coopération entre les différents groupements
politiques. Il demeure pourtant vrai que la forme de cette coopération n'était pas précisée.
Deux remarques fondamentales témoignent de l'attitude résignée du PDC dans ce
mariage forcé avec l'UNe. C'est d'une part, l'éloquente absence de la signature de M. MBIDA
sur les deux déclarations. C'est d'autre part, le refus des démocrates de prononcer le mot
"dissolution" le 29 août et le 16 septembre.
Ce jeu à somme nulle se terminait en faveur de l'UC de M. AHIDJO qui venait de
gagner un pouvoir perdu pour toujours par les oppositions au Cameroun Oriental. Avec
Mongo Beti, nous remarquerons que "cette élimination touche essentiellement les plus
importantes personnalités sudistes314.
Notre insistance à démontrer les mécanismes d'accession de l'UC au rang de parti
unique de fait et non de parti unifié à Yaoundé est justifié par les calculs des dirigeants de ce
parti. En effet, dans son état d'origine, M. AHIDJO a voulu consolider sa position avant de
s'attaquer - en négociation - à la citadelle démocratique de la vie politique multipartisane
anglophone. Le climat de paix qui entoure l'inévitable processus de fusion outre-Mungo ne
devra pas nous surprendre.
'.'.1'••"1 2-l"SAIE lU •••CEIU .ICIFI,.ES1. C..E•••• 'CCIIUlIl
314 MONGO BETI, op. cit. p.20S.

1
1
191
1
Après "l'installation des institutions,,315, le Président AHIDJO entreprendra avec
sérénité la consolidation de l'unité nationale par l'appel à la création d'un Parti National Unifié
qu'il
considérait comme Texpression politique du génie africain, de nos tendances
1
.
,,316
communautaIres
.
Le Chef de l'Etat avait d'ailleurs 'la fenne conviction que les masses camerounaises
1 appelaient de leurs voeux profons cette union indispensable pour la construction nationale (1).
Aussi, convenait-il de traduire en acte ce désir diffus des populations". Si au Cameroun
Oriental, la chose était pratiquement acquise, au Cameroun Occidental, les partis s'activaient
1 en rangs dispersés.
Enfourchant alors son bâton de pélerin, le "Premier magistrat de la Fédération"
1 '. effectuera une visite de cinq jours dans l'ex-partie britanniqUe du pays. C'est à cette occasion
qu'il invitera... nos compatriotes de BUEA à l'Union (al en leur présentant un double exemple
1 à suivre (hl.
a) L'invitation à l'Union...
1
Que ce soit à BAMENDA, MAMFE, VICTORIA et KUMBA, l'invitation de M. AHIDJO
en direction des populations sera explicite. On s'efforcera de reconstruire - dialectiquement - la
1
démarche du Président de la République telle qu'elle se dégage des allocutions prononcées
dans ces différentes villes.
1
- Avant l'indépendance et la réunification, "nos objectifs n'étaient pas les mêmes. n
était donc compréhensible qu'il existât ici et ailleurs une multitude de partis politiques, sources
inhérentes de division.
1
- Or, depuis l'avènement de l'indépendance et de la réunification, "nous" poursuivons
désonnais le mêmes buts. Il s'agit en l'occurrence de construire un Cameroun grand et
1
prospère, en somme, de réaliser l'unité nationale dans la fédération.
A cette fin commune, il faut donc que toutes les forces vives du pays, tous les leaders,
1
tous les chefs, toutes les populations banissent les divisions, s'unissent et travaillent comme un
seul homme.
Si tel est le projet du chef de l'Etat, à quoi donc se référer pour sa réalisation?
b) Le double exemple à suivre.
1. Le Président AHIDJO estimera que "les jalons ont été récemment posés à Yaoundé
entre les représentants du parti majoritaire au Cameroun Oriental, l'Union Camerounaise et le
parti majoritaire du Cameroun Occidental, le KNDP". Il demandera alors aux populations des
deux Etats de sLÛvre l'exemple de ces deux partis et qu'ensemble, encore une fois, les forces
315 Extrait du Message à la Nation du 24/4/1%2 publié dans l'ACAP du 21/411%2.
316 "Réflexion sur le Parti National Unifié" in l'Unité ne! 103 du 20 au 27/7/1%2.

1
1
192
1 vives s'unissent dans le grand mouvement national pour réaliser efficacement le
développement du pays.
1
2. Le Chef de l'Etat pensera aussi que, pour des raisons de réalisme, l'union
commence à se réaliser au niveau des Etats. fi citera l'exemple de l'UC invitant les partis
minoritaires à créer d'abord un grand parti unifié au Cameroun Oriental.
1
On sait dans quelles conditions s'est constitué "ce grand parti unifié de l'UC". Le
processus a été différent au Cameroun Occidental qui ne comptait que deux formations
1
politiques: le KNDP de M. FONG·fA et le CNPC du Dr ENDELEY.
Fort de sa majorité (25 sièges contre 9 à l'opposition), et en application des "leçons" de
M. AHIDJO, le KNDP publie un communiqué se déclarant prêt "à accepter en son sein tout
Camerounais Occidental voulant se joindre à lui pour travailler à la paix et au progrès du pays
grâce à la formation du Comité de coordination,,317. Si le CNPC admit le principe d'un parti
unifié, il l'assortait d'une condition : la fusion de "tous les partis politiques" et non pas
seulement une simple dissolution au profit du KNDP. Cette résistance était un prélude à une
épreuve de force. Déjà, des rumeurs firent état de l'arrestation de l'etat-major du Dr
ENDELEY à BUfA Les pratiques non démocratiques de Yaoundé allaient--elles déteindre sur
le Cameroun Occidental? Heureusement non. Car le Président, faisant sienne la maxime "en
d'autres cieux, d'autres pratiques" préféra la persuasion. Le changement de Premier Ministre
le 14 mai 1965 marqua un coup d'arrêt aux spéculations sur l'emprisonnement des membres
de l'opposition. Monsieur JUA, nouveau Premier Ministre citant Voltaire, déclarait: "Je dis à
l'opposition: je n'approuverai pas ce que vous direz, mais je défendrai jusqu'à la mort votre
droit de le dire,,318.
Dès lors, officiellement, dans l'expectative, M. AHIDJO suivra l'itinéraire des partis
anglophones dont l'acceptation de la fusion peut se résumer en deux formules : la peur de la
relégation pour le CNPC et la dissidence du CUe.
Nous tenterons de le démontrer en nous appuyant sur deux considérations :
317 Cité dans Claude WELCH. "Cameroun since Reunfication : IV- Towards a National Party" West
Africa, 9 nov. 1963, p. 1277 (Jacques Benjamin, op. Ci!. P. 54à
318Pour cette analyse il faudrait consulter (outre) les articles de journaux tel que : - Cameroon Times - Cameroon Champion-
Unité, les auteurs suivants :
al WR.l.ARD R. JOHNSON : The Cameroon Federation : Polltical Integration a Fragmenta"" Society, Princetovm University
Press,
Princetovm, New Jersey, 1970. -Surtout: "Conjonctive Structures of Political Activ ity ; the Western and Federal systems"
bl PROUZEl (M.), op. cit., p.288 sous le titre : "L'auto-limitation du pouvoir par la création de l'UNC''.
cl Jacques (Benjamin), op. cit., sous le titre "Les facteurs centrifuges de l'activité politique camerounaise" surtout: Les systèmes
politiques 1961-1966", p.52 à 55

1
1
193
-l'obsession de l'alternance au pouooir : l'alliance KNDP-CNPC et
1
- Les effets positifs de la scission du CUC pour le Président AHIDJO.
1
A - L'OBSESSION DE L'ALlEBNANCE AU powom : L'AlliANCE KNDP-CNPC.
1. Comment faire fonctionner correctement les mécanismes d'un régime parlementaire
1
à l'anglaise caractérisé par le mouvement pendulaire entre une majorité et une opposition
s'alternant réciproquement au pouooir ? A l'analyse, le rapprochement entre le KNDP et le
1
CNPC qui a contribué à l'unification ne provient pas d'un élan spontané vers le parti unique.
L'attitude de deux formations participe de deux stratégies opposées même si eUes aboutissent
toutes à la recherche du pouooir.
\\
1
Pour le KNDP, il s'agirait - tactiquement - de trouver les ooies et moyens pour rester
1
majoritaire dans la chambre, donc pour conserver le pouooir malgré la défection qui s'est
1
opérée dans ses rangs. Quant au CNPC, l'insertion dans une grande formation fédérale lui
garantirait - à la différence des partis d'opposition319 du Cameroun Oriental - la participation
au pouooir malgré sa défaite électorale au même titre que le KNDP.
1
2. Si, dès 1962, Dr ENDELEY faisait part à M. AHIDJO de son souhait de ooir se
réaliser la fusion des formations politiques de la fédération, il n'en préconisait pas pour autant
1
une procédure à suivre. C'est l'UC et le KNDP, co-fondateurs du comité de coordination qui
édicteront la conduite à tenir en la matière. A la demande de M. AHIDJO de formalisser la
collaboration entre les deux mouvements, M. FONCHA répondra en rendant public une
1
déclaration du Président qui excluait l'existence d'une action320 d'un des deux partis dans
l'autre Etat-membre. L'interprétation restrictive qu'en fît M. FONCHA, étendait cette
interdiction dans l'avenir. Ce qui en somme obligeait chaque leader à se tenir à l'écart de la vie
1
politique intérieure de l'autre Etat. S'appuyant sur cette clause de non-ingérance qui se
doublait d'un droit de représentation exclusive de l'UC au Cameroun Occidental, M. FONCHA
fera longtemps la sourde oreille aux appels à la discussion du Dr ENDELEY.
1
3. Ce n'est pourtant pas les terrains d'entente qui manquaient entre ENDELEY et
FOCHA.
1
- Ne s'étaient-il pas promis à New-York321 d'oublier le passé et de travailler ensemble à
1
la réalisation d'un Cameroun prospère?
- N'avaient-ils pas coopéré à la recherche de l'Unité Nationale en préparant et en
assistant ensemble à la conférence constitutionnelle de Foumban ?
4. Bien que la simple idée de parti unique effrayait la majorité des anglophones, Dr
ENDELEY n'en proposa pas moins à FONCHA de fusionner leurs deux partis. Voici du reste
319 Dr ENDElEY says that , 'The leaders of minority parties are constantly victimized , they carmot express their views freely for
fear of being accused of trying to bring to bring down lne gOYerment", from BUEA interview. april 1963,
320 ln anglais "branche",
321 Lors de la 1Sème de l'ONU le 21 avril 1961.

1
1
194
1 ce qu'il disait: "Pour déblayer le chemin de la future union de tout le pays, à l'image de pacte
UCKNDP, un accord pouvait être conclu entre nos deux formations. A cet effet, je vous invite
1 sincèrement à rechercher avec nous un modus vivendi sur la base duquel nous règlerons nos
différends internes avant de rencontrer les autres partis du Cameroun Oriental en vue de la
création d'un parti national qui détruira une fois pour toutes le poison de champignons qu'est
1 1 It' rti 322
e mu Ipa sme
.
Tout en rejetant la proposition de fusion du Dr ENDElEY, M. FOCHA demanda à son
1 parti d'accepter l'adhésion des membres de l'opposition qui "découvraient la vérité,,323 et
désiraient se joindre au KNDP Willard R. Johnson remarquera qu'U était claire que le KNDP
entendait créer d'abord un parti unique au Cameroun Occidental avant qu'on ne fasse allusion
1 à celui qui étendrait ses activités sur toute la fédération. Impatient de contacter officiellement
l'UC, le CNPC publiera dans "Cameroon Champion" un ultimatum sommant le KNDP à se
dissoudre au profit de l'Union Camerounaise.
1
Le silence qui s'en suivra conduira le CNPC à déplacer le théâtre des opérations.
1 Désormais, le problème de l'unification se règlera au Parlement. Une motion insolite du
député TAMFU, un des lieutenants du Dr ENDElEY déclenchera la marche irreversible vers la
fusion. En effet, "tout en approuvant l'appel en faveur de la création d'un parti unifié dans
1 l'Etat Fédéral", il est demandé au Président AHIDJO "d'intervenir pour que toutes les
personnes intéressées prennent immédiatement des dispositions propres pour assurer la
réalisation d'un parti unique par la dissolution de tous les partis existants dans une formation
1 unique".
Pris de cours, le KNDP qui ne pouvait pas rejeter la motion en accepta le principe par
1
un vote favorable. Ce regain d'audience auprès du public ne permettra pas au CNPC d'obtenir
une représentativité au parlement fédéral aux élections de 1964. C'est la dissidence du groupe
MUNA en 1965 qui provoquera à nouveau le rapprochement entre le CNPC et le KNDP.
1
Le Secrétaire Général du KNDP, M. EKHAH-NGAKY reconnaitra plus tard que "le
seul motif de l'unification était de museler toute opposition possible des membres du CUC à
324
l'Assemblée
". Après que FONCHA ait décidé de l'expulsion de M. MUNA et de ses
1
compagnons, le Premier Ministre se retourna "amicalement" vers l'opposition et l'invita à la
collaboration. M. JUA constatera dans son discours inaugural que "l'opposition est respectée
et respectable". Il dira qu'un nouveau jour s'est levé sur les rapports de l'opposition et du
gouvernement. Maniant avec dextérité la politique du "divide ut imperat", il offrira des
marocains aux membres les plus turbulents de l'opposition; c'est ainsi que M. AJfBE-SONE
deviendra Secrétaire d'Etat aux Finances. M. TAMFEU auteur de la motion bien connue
deviendra Secrétaire d'Etat auprès du Premier Ministre.
Après une phase de flottement politique due aux défections réciproques dans leurs
rangs, le KNDP et le CNPC éprouveront rapidement la nécessité d'un parti unique. De plus,
- - - - - - _ _-
...
322
·
d
L a d
Ira uetion est
e nous. Voici le texte anglais, "A national party that will abolish once and for aD the bane of multiple
mushroom parties" in Cameroon Champion, May 15, 1%2.
323 •....had grasted the truth •
324 Jacques BENJAMIN, op. cil., p.o5.

195
estimant que le KNDP gagnerait davantage dans une alliance avec l'opposition, le Premier
Ministre JUA proposa
la
participation de
l'état-major du
CNPC à
une
coalition
gouvernementale qui respecterait la personnalité du parti de Dr ENDElEY. MBIlE (CNPC)
devint Secrétaire d'Etat du Travaux et au Transport. Dr ENDElEY obtint un poste taillé sur
mesure. fi prit le nom de "Leader of govemment Business". Ce qui lui permettait
protocolairement d'être le second personnage du Gouvernement: c'est-à-dire juste après JUA.
Comme on peut le constater, c'est en partenaires "égaux" que le KNDP et le CNPC se
présenteront à Yaoundé pour la création de l'UNe. Le désir de FONCHA de créer son parti
unique au Cameroun Occidental aura échoué à cause de la désignation d'un Premier Ministre
à BUEA.
B - Les effets positifs de la scission du eue pour le Président AHIDJO.
Parmi les facteurs explicatifs de la dissidence du CUC, les journaux ont énuméré les
conflits de personnalité, les ambitions personnelles et les influences ethniques. Au principal,
nous retiendrons le problème du remplacement de M. FaCHA comme Premier Ministre du
Cameroun Occidental. On tentera de reconstituer les fragments de ce puzzle325 avant
d'interroger les protagonistes: à savoir le KNDP et son fils rebelle, le CUe.
1) Le processus d'une rupture.
De M. JUA et M. MUNA, qui sera premier ministre ? Au moment où se pose ce
problème dont la réponse ne sera effective qu'en 1965, M. JUA est 1er Vice-Président du
Parti; M. MUNA est pour sa part Ministre dans le gouvernement fédéral. M. FONCHA avait-il
un dauphin? De notoriété publique, son amitié pour M. MUNA était connue. Mais les statuts
d'un parti démocratique comme le KNDP résistaient à toute tentative de cooptation. C'est
finalement les délégués du parti aux conventions de 1963 et 1964 et les parlementaires du
mouvement qui décideront de la succession de M. FONCHA.
a) Les conventions de 1963 et 1964 et la question de la vice-présidence du Parti.
Celui qui occupe le poste de 1er Vice-Président du parti, tient par ricochet - en
perspective - le poste de Premier Ministre du Cameroun Occidental. Les deux élections de
325 Le cwnul de fonctions dont jouissait M. FONCHA était confonne il la lettre de la Constitution fédérale de sept. 1%1 dans son
titre XI portant Dispositions transitoires et spéciales. En effet, aux tennes de l'art. 52 de ce Titre, il était posé que: "Pour la durée
du mandat du Premier Président de la République Fédérale, le Premier Ministre du CamerolU1 Occidental sera vice-Président de la
République Fédérale. Les incompatibilités prévues il l'article 9 Oes fonctions de vice-président de la République Fédérale du
CamerolU1 sont incompatibles avec toute autre fonction) en ce qui concerne le vice-président de la République Fédérale ne sont pas
applicables pendant cette période".

1
196
1
1963 et 1964 s'inscrivaient dans le processus normal de renouvellement du personnel du
Comité Central du KNDP.
De manière informelle, les délégués aux conventions eurent à choisir entre deux
groupes d'hommes, candidats aux postes stratégiques de vice-président et de Secrétaire
Général. ns'agissait en l'occurrence de :
- MM. MUNA-EGBE, respectivement Ministre et Vice-Ministre
- MM. JUA-NZO EKHAN BGAKY, le second était aussi Vice-Ministre Fédéral des
Affaires Etrangères.
En l'absence d'opposition idéologique entre les deux groupes, d'aucuns se sont efforcés
d'attribuer des étiquettes de "fédéralisme" à MUNA et d'''autonomiste'' à JUA Toujours est-il
que dès 1963, les résultats des élections furent favorables pour les "anti-fédéralistes". Dans le
détail, voici la décomposition du scrutin:
- pour la vice-présidence, JUA reçût 175 voies contre 73 à MUNA
- pour le Secrétariat général, NZO eut 159 contre 95 à EGBE.
La convention de KUMBA de novembre 1964 confirmera à leurs postes JUA et NZO.
Sans se décourager de ces revers, MUNA comptait désormais sur les députés et Je Président
AHIDJO pour devenir Premier Ministre. C'est peut-être pour pallier aux différentes
éventualités que JUA tentera de consolider sa position de vice-président en proposant un
amendement au statut du Parti tendant "à faire du titulaire de la vice-présidence le candidat
automatique du parti au poste de Premier Ministre en l'absence du président à vie du parti,,326.
Bien que combattue, la motion de JUA aura eu le mérite d'éclaircir les esprits sur sa
stratégie.
b) Les parlementaires et la question de la vice-présidence du Parti.
Après avoir consulté individuellement les élus fédérés et fédéraux aux différentes
assemblées, FONCHA s'est convaincu de l'échec probable de M. MUNA et lui a conseillé de se
soumettre - en désistant - au verdict des délégués aux conventions. n n'en fit rien. Le 9 mai
1965, les députés du Cameroun Occidental, toutes chambres réunies, se prononcèrent pour
M. JUA comme Premier Ministre du Cameroun Occidental. La chambre l'investira aussitôt.
Considérant le refus d'obtempérer de M. MUNA lors du vote du 9 mai 1965 comme
un pacte d'indiscipline, FaNCHA décidera de le suspendre ainsi que ses partisans. Le Comité
Central du parti entérina cette sanction en la transformant en expulsion. La rupture étant
consommée, l'avènement du CUC était imminent.
c) Le point de vue des protagonistes.
326 Ds'agirait du cas où FONCHA aurait opté pour la vice-présidence du gouvernement fédéral en 1965.

197
Par voie de presse, M. MUNA et M. NZO EKHAN NGHAKY s'expliquèrent sur leur
rupture.
cl) L'impératif d'encadrement politique des élus expulsés du KNDP comme
raison d'être du eue327•
Dans une interview accordée au journal "l'Effort Camerounais" M. MUNA a donné les
raisons de la formation de son nouveau parti. Le Ministre Fédéral des Postes et
Télécommunications fit d'abord remarquer que s'il a fondé la CUC, ce n'est pas pour le plaisir
d'avoir son parti; car il aurait pû le faire dès qu'il s'était séparé du Dr ENDELEY sur la
question de la Réunification.
na plutôt préféré travailler avec M. FOCHA à qui il devait succéder comme Premier
Ministre à BUEA quand ce dernier se rendrait à Yaoundé. M. MUNA ajoutera que pendant
qu'il était en poste dans la capitale fédérale, M. JUA a lancé contre lui une campagne de
dénigrements afin de la discréditer au sein du parti. Lorsque s'est posé le problème de la
succession de M. FONCHA dit M. MUNA : "M. JUA a été pressenti et nous avons manifesté
notre désaccord en précisant toutefois que nous voterons pour tout membre du KNDP désigné
par le Président de la République". Le fondateur du CUC fait remonter à ce moment-là le
décision de suspension prise à leur encontre par le Comité Central du KNDP. Par la suite, les
dix prévenus furent traduits devant l'instance disciplinaire du mouvement.
Au refus de ces derniers de comparaître individuellement devant cette instance, il a été
décidé purement et simplement de les limoger du parti. M. MUNA dira alors ceci :"Dès mon
retour du Canada, je me suis solidarisé avec "ces camarades". Et comme en tant que
parlementaires, ils ne pouvaient rester sans parti328 , j'ai été amené à créer le Cameroon
United Congress". En conclusion, il précisera que bien que le CUC soit un parti rése..w au seul
Cameroun Occidental, il n'en était pas moins disposé à faire partie d'un grand parti pour tout
le Cameroun, Evidemment, M. NZO réfutera les assertions de M. MUNA.
c2) Le eue et la contestation du principe majoritaire :
l'explication de la scission du eue par M. NZO.
Selon les propos du Secrétaire Général du KNDP, M. MUNA et sa suite ont été
suspendus du parti par le Bureau Exécutif pour indiscipline grave. Ces derniers contestaient en
"non {démocrates" le fait que, à trois reprises, les membres du KNDP, en Assemblée plénière
annuelle, élirent unanimement M. JUA comme vice-président du KNDP et successeur
préférable de FONCHA à BUEA en qualité du Premier Ministre du Cameroun Occidental. A
trois reprises également, le Congrès rejeta la candidature de MUNA à ces mêmes postes329.
327 ln Journal l'Effort Camerounais nO 508 du 3 octobre 1965.
328 ln .
1
terieurement, e propos de M. MONA n'est pas denué de fondement juridique. La loi nO 72·l.J'-6 du 26 juin 1972 fixant la
condition d'election des membres de l'Assemblée Nationale dit en substance ce qui suit dans son article 20 al. c , "Est egalement
dechu de plein droit de la qualite de membre de l'Assemblée Nationale celui qui, en cour.; de mandat est exclu de son parti".
329 ln Journal l'Effort Camerounais nCJ 513 du 7 novembre 1965.

1
198
1
M. NZO ajoutera que la déception manifestée par M. MUNA n'a eu d' "égale que son ambition
1
démesurée à devenir Premier Ministre".
Cet échange de propos véhéments entre les membres du CUC et ceux du KNDP à
1
travers la presse témoigne une fois de plus de l'esprit de liberté qtù prévalait au Cameroun
Occidental.
1
Au-delà des relations internes à BUEA, quelles réflexions suscitent la nomination de M.
JUA sur le plan national? En apparence, l'on peut dire que M. AHIDJO s'est abstenu - à la
1
manière d'un Chef d'Etat parlementaire - d'intervenir dans la vie politique ouest-Cameroun
(même si son ombre n'a cessé d'y planer). Mais la réalité veut que, dans le cas d'espèce, la
stricte application des dispositions constitutionnelles 330 soit un choix politique.
1. L'interprétation la plus plausible veut que le Président de la République puisse - sans
limitation - désigner une personnalité de son choix. D'autant plus que, si la chambre ne
1
s'accommodait pas de son candidat, latitude ltù serait reconnue pour dissoudre cette dernière
et faire procéder à de nouvelles élections.
Tel était le point de vue de MUNA qtù, se fondant sur des raisons qtù nous échappent,
a préféré plutôt faire confiance au président de la République qu'au jeu parlementaire qtù
n'arrangeait pas ses intérêts. M. AHIDJO ne l'a pas suivi dans cette voie.
2. L'attitude du Chef de l'Etat.
- En sachant absolument que M. MUNA était le candidat favori de M. FONCHA, mais
en choisissant M. JUA, le Chef de l'Etat s'abritant derrière la légalité parlementaire
(consultation d'usage avant désignation, respect de la loi de la majorité...) a affaibli l'autorité du
vice-président FONCHA et a gagné les faveurs des autonomistes (JUA et NZO). A l'occasion,
M. AHIDJO aura également grandi dans l'estime des anglophones qtù le considéraient
désormais comme un démocrate respectueux de la volonté populaire ; ce qui est très
significatif au regard du comportement du même personnage au Cameroun Oriental.
Interprétant toujours la constitution fédérale 331 en sa faveur, le Chef de l'Etat
maintiendra en poste à Yaoundé MUNA et EGBE comme Ministres au gouvernement fédéral;
Pour l'ensemble de la question, surtout de la rupture, il faudrait consuher toute une série d'articles publiés dans l'Effort
Camerounais. Nous citerons quelques-uns, "10éme congrès annuel du KNDP , Discours d'ouverture de l'Honorable John Ngu
FONCHA", nC 467 du 6 décembre 1964.
- Dne faut pas s'opposer par goût de l'opposition", 13/12/1964
- "Le temps du Dialogue dans la rubrique" Coup d'oeil" nO 514 du 14 novembre 1965.
330 AU art.39 de la constitution de 1961 : "Le Président de la République Fédérale désigne dans chaque Etat Fédéré le Premier
Ministre qui doit recevoir l'investiture de l'Assemblée législative de l'Etat Fédéré à la majorité simple".
331 Article Il de la Constitution Fédérale de 1961 al.1". 'Le Président de la République fédérale nomme les ministres et ministres
adjoints qu'il choisit panni les ressortissants de chacun des Etats fédérés. Us sont responsables devant lui. D met fin à leurs
fonctions" .

1
1
199
1 voire un certificat de reconnaissance au CUC au niveau fédéral; désormais l'allégeance des
dissidents lui était acquise. Par contre, les rapports KNDP-CUC ne firent que s'envenimer. Le
Chef de l'Etat en sortait encore vainqueur : surtout qu'après les élections législatives de 1969,
1 à la faveur de la nouvelle formule du scrutin - la liste nationale - les partisans de MUNA seront
investis. Ce sera le triomphe final des fédéralistes, Processus pacifique, certes : mais très
mouvementé en réalité.
1
A la différence des francophones qui ont rejoint les rangs de l'UC pour survivre, les
anglophones plus opportunistes les uns que les autres, sollicitaient l'unification à cor et à cri
1 pour s'épanouir. Pour leurs trois leaders : ENDELEY, FONCHA, MUNA, l'unification
partisane était une panacée. Le grand vainqueur de ce "safari" politique sera encore le
Président AHIDJO dont la tâche a été facilitée au Cameroun Occidental par ses futurs
1
sociétaires.
Arrivés en rangs dispersés à la table des "négociations", les anglophones ne
1 constitueront plus qu'un conglomérat de partis rivaux face à une Union Camerounaise,
homogène en son sein et dotée d'une direction unique. Dès lors, le mot juste n'est plus
"négociation" ; mais comme ailleurs, "absorption".
1
Au demeurant, certaines dispositions de la constitution auguraient une irreversible
tendance au monolithisme.
1
'Irllrl."13 :l'••II•••c.lI. c.rtll••s IIls••sIU••s c••sOllU••••II.s.
1
On recherchera ces arrangements (A) et l'on s'interrogera sur leurs effets (B).
A -
L'ARTICLE 9
aI.l
de la constitution de
1961
: l'instauration d'un
1
rapprochement inégal.
"Le Président de la République fédérale et le Vice-Président qui ne peuvent être
originaires d'un même Etat fédéré, sont élus sur une même liste au suffrage universel direct et
secret".
A deux reprises, l'ordonnance 62-DF-33 du 31 mars 1962 en application des articles
9 et la de la constitution se conformera à l'esprit de la loi fondamentale. C'est ainsi qu'aux
termes de l'article 3 : "les candidats à la présidence et à la vice-présidence de la République
fédérale sont tenus à faire une déclaration commune de candidature revêtue de leur signature
légalisée". Dans le même sens, mais indirectement, l'article la ajoutera qu"'Aucun retrait
partiel de candidature ne sera admis. (Toutefois), en cas de décès de l'un des candidats
pendant la période électorale, il ne peut être remplacé par un nouveau candidat. L'initiative de
son remplacement appartient à son co-Iistier en accord avec le parti ayant introduit la
candidature du défunt. En cas d'absence d'accord entre ce parti et ledit co-Iistier, faculté leur
est séparément ouverte de présenter ou introduire et cautionner une nouvelle liste de
candidature" .
Cette législation qui impose un minimum de communauté de pensée entre les deux co-
listiers, est créatrice d'un sentiment de solidarité entre les deux postulants à la magistrature
suprême. Au-delà, s'instaurera une certaine collaboration entre les partis qui présentent et

200
investissent les candidats. Dans la pratique, l'adoption de slogans électoraux communs va dans
le même sens.
Les différents textes que nous venons de citer n'ont établi en réalité qu'une apparente
égalité entre M. AHIDJO et M. FONCHA dans la mesure, s'ils sont ressortissants de deux
Etats différents, il demeure que '1e Cameroun Occidental n'a qu'une vice-présidence (1). Qui
plus est, le déséquilibre démographique entre BUFA et Yaoundé, la sous-représentativité
politique du KNDP par rapport à l'UC auront contribué à la création d'un état de sujétion de
M. FONCHA vis-à-vis de M. AHIDJO.
Les conséquences de l'article 9 seront nombreuses.
B - LES EFFETS INDmTS DU TEXTE CONSTIJUnONNEl..
Certains de ces corollaires seront immédiats332 ; d'autres se produiront avec le temps (2).
(1) L'effet immédiat: la Fédéralisation des partis dominants.
Ici encore, le constituant aura préparé le terrain à un éventuel rapprochement entre les
Formations majoritaires des deux Etats fédérés. Les stipulations de l'article 54 de la constitution
de 1961 accélère le processus de la fusion des partis: En effet, "jusqu'au 1er avril 1964,
l'Assemblée Nationale Fédérale est composée de députés désignés en leur sein, par les
Assemblées Législatives des Etats fédérés proportionnellement au nombre d'habitants de
chaque Etat, à raison d'un député par SO.OOO habitants". En application de cet article, le
président de la République, par Décret no 62-DF-S2 du 12 mars 1962 convoquera à cet effet
lesdites assemblées en session extraordinaire le 2 avril 1962 à 16 heures. Jean-François
BAYART précise alors que "Cette désignation ayant eu lieu au scrutin majoritaire, l'Union
Camerounaise pour le Cameroun Oriental, et le KNDP pour le Cameroun Occidental y ont eu
la totalité des sièges (respectivement quarante et dix) et y constituèrent "un groupe d'unité
nationale" le 26 avril 1962333 . C'est de cette époque que remonte l'existence d'un comité de
coordination334 entre les deux partis dominants car dès 1963 l'UC et le KNDP ne formeront
plus qu'un seul groupe parlementaire unifié à l'Assemblée Nationale. Désormais la cadence des
évènements s'accèlère. Le 20 mai 1963, l'Assemblée du Cameroun Occidental demande la
création d'un parti national fédéral 234 Le 1er septembre 1964, le comité de coordination se
transforme en comité de travail. Les résultats des élections législatives du 16 avril 1964 et des
élections présidentielles du 20 mars 1965 scelleront défirùtivement l'union entre les deux
partis majoritaires335. Le 22 mai 1966, le KNDP et l'UC approuvent le principe de leur
fusion. A ce moment précis, tout semble réuni pour l'avènement du grand parti national unifié
qui sera le creuset de l'unité nationale. On ajoutera encore à cette kyrielle de conditions
favorables, l'accord conclu par le KNDP et le CNPC. En toute neutralité, la chronologie des
332 Les réflexions de M. le Professeur GONIDEC vont dans le méme sens. fi n'est que de lire ses conclusions en page 43 sur la
République Fédérale du Cameroun déjà cné. Voir également à ce sujet en page 153 de l'Etat Africain, Paris, LGDJ, 1970; T. V1D.
333 BAYART (J.F.), op. en., p.694.
334 Cf. Motion du député TAMFEU, membre du CNPC
335 fi s'agit (a) du Décret nJ 64!DF/114 du 28 mars 1964 portant convocation du corps électoral à l'effet de procéder à l'élection
de députés à l'Assemblée Nationale. (b) du Décret nO 65-DF-52 du 9 février 1%5 portant élection du Président et du Vice-
Président de la République Fédérale

1
1
201
1 faits ayant illustré la marche inexorable vers le parti unique est établie par Michel
PROUZET336.
1 la voici:
- Il Jum 1966 : Réunion à Yaoundé sous la présidence du Chef de l'Etat des
1 délégations de l'Union Camerounaise, du Kamerun National Democratie Party, du Cameroon
United Congress et du Cameroon Peoples National Convention. Lors de cette réunion est
adoptée à l'unanimité le principe arrêté le 22 mai par le Comité National de Travail, de la
1
création à l'échelon fédéral, d'un vaste rassemblement politique. la conférence décide que le
nouveau parti fédéral serait dénommé Union Nationale Camerounaie. la mise en place des
organes du nouveau parti est confiée à un comité directeur provisoire de trente membres
1
désigné à cet effet. De plus, chacun des quatre partis a jusqu'au 31 août 1966 pour convoquer
un congrès en vue de l'approbation des mesures prises.
1
5 et 6 août 1966 : le CUC prononce sa dissolution et transfère ses biens à la future UNe.
13 août 1966 : le KNDP se dissout en faveur de l'UNe.
1
21 août 1966 : l'UC prononce sa dissolution au profit de l'UNe.
1
27 et 28 août 1966 : le CNPC dissout son bureau et adhère à l'UNe.
En réalité, ce rappel chronologique ne présente d'intérêt que dans la mesure où il
1
révèle une fois de plus l'hypothèse que nous avons posée au départ, à savoir la convergence
des partis politiques vers la personne de M. AHIDJO par UC interposée. n est vrai que les
différentes techniques électorales adoptées par les autorités fédérales constitueront également
1
un facteur de centralisation.
2. Avec le temps: une pratique électorale appropriée.
Pour MAHIOU, "l'opération électorale est à la base même du régime démocratique
qu'elle a établie en permettant au peuple de désigner ses gouvernants337". Comment obtenir et
conserver seul la caution populaire au grand dam des oppositions? Tel1e est l'interrogation
majeure des gouvernants africains.
Le système électoral institué en République fédérale du Cameroun résiste à toute
simplification hâtive.
- A ce propos, l'évolution du nombre des circonscriptions est très significative.
L'ordonnance nu 61-0F-ll du 6 novembre 1961 portant loi électorale pour les élections à
l'Assemblée Législative du
Cameroun
Occidental
recense en
Annexe 1 jusqu'à
37
circonscriptions électorales. hnplicitement, on pourrait déduire de la lecture de l'article 4 de
l'ordonnance no 62-0F-14 du 12 mars 1962, l'existence de deux circonscriptions électorales
336 PROUZET (Miche», op. cit., pp. 290-291.
337 MAHIOU, op. cit., p.120.

1
1
202
1 qui correspondraient au sIege respectif des différentes Assemblées 338. Plus explicite est
J'article 3 de la loi no 64-LF-l du 24 mars 1964339 qui précise que "chacune des six régions
administratives de la République fédérale constitue une circonscription électorale distincte". La
1 loi nO 65-LF-l du 28 avril 1965 fixant les conditions d'élection des membres de l'Assemblée
législative du Cameroun Oriental 340, se prononce dans le même sens. nfaut d'ailleurs ajouter
au principe de la pluralité des circonscriptions une pratique certaine de la répartition
1
proportionnelle des voix en fonction du chiffre de la population de la région considérée341 .
De ces textes se dégagent une constante qui va à l'encontre des affirmations gratuites -
contenues dans les monographies relatives au système électoral camerounais - accréditant
l'existence d'une circonscription unique au Cameroun. Déjà en 1968, MAHIOU dénonçait
fermement cette erreur en affirmant que "la constitution fédérale de 1961 interdit purement et
simplement le scrutin de liste nationale".
Cet auteur prend à temoin le fait que le Parti Démocratique Camerounais fut candidat
aux élections législatives du 26 avril 1964 dans les circonscriptions du Centre-Sud ou MBIDA
esllinait détenir quelques chances de succès.
La vérité veut que "le territoire national (ne) constitue une seule et même
circonscription unique" qu'aux termes de l'art. 3 de la loi no 72-LF-6 du 26 juin 1972342. La
circonscription unique n'est donc bel et bien qu'un produit de l'Etat unitaire du 20 mai 1972.
Cette mise au point n'altère en rien le caractère brutal du scrutin de liste qui est institué
dans l'ordonnance du 12 mars 1962. Les stipulations les plus remarquables de ce texte sont
les suivantes :
- art.2 a\\.4 : "Les députés à l'Assemblée Nationale fédérale sont élus au scrutin de liste
majoritaire à un tour sans vote préférentiel, sans panache, et sans liste incomplète. Dès lors,
sera déclarée élue la liste qui aura recueilli le plus grand nombre de suffrages.' L'élection
présidentielle elle-même n'échappe pas à cette mathématique puisqu'elle a lieu à la majorité
338 L'article 4 ordonnance no 62-oF-14 du 12 mars 1962 stipule: "A la date fixée par décret du Président de la République pour
les élections... les Assemblées Législatives des Etats fédérés se réunissent à leur siêge respectif et sous la direction de leur bureau ou
de leur speaker".
339 L . fix
1
~=
QI
ant es conuiùons d'élections des membres de l'Assemblée Nationale fédérale in JORFC 1964 p.17.
340 Article 2 de la loi no 6:"lJ'.1 du 28 avril 1965 :"chaque région administrative du Cameroun Oriental constitue une
circonscription électorale distincte".
341 La quête de la proportionnalité se concrétise dans le Décret nO 6:"DF-15l du 29 avril 1965 déterminant Je nombre de
représentants à élire dans chacune des cinq circonscriptions électorales du Cameroun Oriental JORF 1965, p.439. Le Président de
la République Fédérale, décrête : article 1er: La répartition entre les circonscriptions électorales des cent siêges préws par l'article
40 de la Constitution du 1er septembre 1961 pour l'Assemblée Législative du Cameroun Oriental s'établit comme suit:
- Circonscription électorale du Centre-Sud.... 24 siêges
de l'Est..... ... 6 siêges
du Littoral..
. 12 siêges
du Nord.... .
41 siêges
de 1'00est.
17 siêges.
342 Loi no 72-LF-6 du 26 juin 1972 fixant les conditions d'élection des membres de l'Assemblée
Nationale.

203
des suffrages exprimés dès le premier tour 242. Si l'on se réfère au paradigme de Maurice
DUVERGER343 sur les partis politiques, on constate à l'évidence que le multipartisme est
tombé en désuétude, à cause de la baisse tendancielle du nombre des formations politiques au
Cameroun Oriental. Qui plus est, le dualisme se confirme au Cameroun Occidental avec la
disparition d'un tiers parti comme le One Kamerun (OK). Les autres dispositions de
l'ordonnance de mars 1962 auraient toujours eu raison des partis d'opposition en assurant
une écrasante majorité à l'UC et au KNDP {partis gouvernementaux} même s'ils ne disposaient
que d'un faible écart de voix. Ne pouvant éliminer complètement l'opposition (surtout au
Cameroun Occidental), il fallait minimiser sa représentation.
Plus tard, à partir de 1965, une autre condition avilissante complètera les modes
d'élection des membres des Assemblées. Elle ressort des stipulations de l'article 4 de la loi
nD65-LF-1 du 28 avril 1965, établissant que "dans chaque circonscription électorale, chaque
parti politique existant légalement présente une liste comportant autant de candidats qu'il y a
de sièges à pourvoir dans ladite circonscription". En posant le problème de "\\'existence légale"
dans un système partisan unique de facto (au Cameroun Oriental depuis fin 1962), le
législateur renforce les effets du scrutin de liste par la certitude que détiennent les princes
d'être réelus collectivement. Désormais, toute candidature à titre indépendant est irrecevable.
Quelque soit les méandres de ce système électoral considéré dans sa globalité, l'arsenal
des dispositifs restrictifs que nous avons énumérés n'a qu'un but: assurer de manière pérenne
le triomphe des partis majoritaires.
Le législateur portera l'estocade en transformant le pays en une seule circonscription
électorale en 1972. Le Professeur lAVROFF résume en ces termes les conséquences du
scrutin de liste nationale majoritaire à un tour: "... il favorise la formation d'un parti unique en
trois temps : d'abord, en ce qu'il permet de supprimer la représentation parlementaire ;
ensuite, parce que cette exclusion détourne les électeurs potentiels des partis d'opposition;
enfin, car les deux phénomènes sont invoqués par le parti gouvernemental pour nier
l'importance des partis d'opposition et justifier leur dissolution ou interdiction,,344. A travers la
circonscription unique, M. AHIDJO, oint de l'onction laïque cherchera à présenter à la
conscience internationale l'image de marque d'une démocratie unanimitaire née d'un
consensus national toujours renouvelé.
Nous nous sommes efforcés au cours de ce passage de démontrer que l'avènement
1
d'un parti national unifié dont M. AHIDJO est le Chef a encore renforcé la position de ce
dernier. Bénéficiaire de l'unification partisane dont il est l'inspirateur, le Chef de l'Etat devient
le point de convergence des autres forces politiques dans un Etat où il concentrait déjà -
1
juridiquement - beaucoup de pouvoirs.
Toujours à partir du 1er septembre 1961, la singularité du fédéralisme camerounais
1
s'accentue. Il se démarque nettement du fédéralisme pluri-ethnique nigérian fondé sur la
1
343 Selon MAHIOU , "DUVffiGER a montré que la loi d'airain d\\m tel scrutin est la tendance Il la réduction draconiène du
nombre des partis et, Il la limite, Il leur dualisme, op. cil. ,p. 123..
344
1
lAVROFF (D.G.), Les partis politiques en Afrique Noire, in col. Que sais-je? Put, Paris, 1978, p.41.
1
1

204
régionalisation des partis. Car, si le système de parti unique contribue à renforcer l'unité de
l'Ensemble, ce résultat est obtenu au détriment de l'autonomie des Etats fédérés.
Dès lors, avec l'aliénation de leur autonomie par la dissolution et d'adhésion à l'UNC,
les partis politiques anglophones ne risquent-Us pas de perdre défirùtivement leur identité au
sein de l'UNC ?
SECTION Il:
LIOBSOLESCENCE 345 DU CONCEPT DIUNIRCAnONPPLIQUE A LIU.N.C.
OU LIAmlNIE ALIAUTONOMIE DE LA MINORITE ANGLOPHONE AU
SEIN DU PARTI.
"Ceci dit, U y a évidemment parti unique et parti unique. n y a parti unifié et parti
unifié. ny a peut-être des Africains qui ont tendance à adopter non seulement le système de
parti unifié ou parti unique, mais aussi un parti monolithique et même un parti totalitaire,,346.
Et l'U.N.e. donc? Est--on tenté de dire après ces paroles du Chef de l'Etat. Cette
interrogation se justifie pour au moins deux raisons. D'abord, juridiquement, la constitution
fédérale du 1er septembre 1961 consacre le pluralisme politique "dans le cadre des lois et
règlements et sous réserve du respect des principes de la démocratie et de la souveraineté
nationale (art.3)".
- Ensuite, parce que les autoritéés compétentes - et le Chef de l'Etat est de celles-là - se
347
sont toujours défendues d'avoir instauré un régime à parti unique au Cameroun
.
Au-delà des "déclarations", hormis la clause de l'article 3, dans quelle catégorie classer -
scientifiquement - l'UNC ? Pour nous, la réponse revêt une importance particulière dans la
mesure où:
- Si l'UNC est un parti unifié dans cet "Etat partisan" qui a succédé à '1'Etat des partis",
les
formations
anglophones
disposeront
en
son
sein
d'une
tribune
d'expression.
Concrètement, si c'est le cas, les partis de BUEA participeront à l'élaboration d'un projet de
société valable erga orrmes.
345 " (Le Pelit Larousse illustré (1976) définit l'obsolescence comme sui! : '"Déclassement technologique du matériel industriel,
entrainé par l'apparition d'un matériel plus moderne, plus adapté". Les sciences sociales utilisent de plus en plus ce mot depuis que
IVAN Q.lJCH en a fait usage dans son fivre intitulé La Convivialité. Seuil 1973. Pour cet utopiste la société de consommation
ayant créé des consonunateurs, ces derniers persécutés par de faux besoins, abandonnent prématurément les produits encore
valables au profit de nouveaux biens. Pour nous donc, il est hors d'usage (obsoléte) de qualifier rUNC de parti unifié.
346 Extrait de la Conférence de presse de novembre 1961 in ACAP nLl 259 des lé et 13 novembre 1%1.
347 Nous rele"'>ns encore dans le buüetin de rACAM ces déclarations du Président AHIDJO: "Nous ne parlons pas de parti unique
mais de parti unifié. Nous attachons une grande importance Il cette distinction. Le parti unique est exclusif de tout autre et son
mietté est souvent, sinon toujours, constitutionnellement garantie ... or... on rechercherait en vain une telle disposition dans notre
constitution ou dans une de nos lois". ACAP du 24 janvier 1969.

205
- Par contre, si l'UNC s'avère être un parti unique, elle sera atteinte de toutes les plaies
(cf. LEWIS)348 inhérentes à son genre. Dès lors, l'autonomie de la minorité anglophone sera
une fois de plus mise à l'épreuve. Méthodologiquement, on s'efforcera de circonscrire le parti
unifié ro avant de rechercher les aspects unificateurs dans la structure externe (TI) et dans le
fonctionnement interne de l'UNC (Ill).
Paragrapbel : Au préalable, que salt-el des partis UIlDés i'
Longtemps méconnue des chercheurs occidentaux, l'étude des partis unifiés - récente
349
en réalité - est le fait des politologues et des politiques africains
A - UN PHENOMENE IGNORE DANS LES GRANDS ClASSIQUES DE lA
SCIENCE POUTIQUE IBADITIONNB 1 E.
a) Très incidemment, dans sa démonstration de la tendance oligarchique au sein
des organisations, Roberto Michels aborde le problème d'un parti unifié international :
" Au Congrès d'Amsterdam (1904), la minorité guédiste cherche à discréditer,
devant l'opinion internationale, les idées du grand cousin Jaurès sur la politique intérieure. La
manoeuvre s'est montrée efficace, pLÙsque les guédistes ont réussi à attacher Jaurès à leur char
et à le tenir prisonnier dans les rangs serrés du parti unifié. L'auteur se posera également la
question de savoir si 'Ton peut vouloir maintenir l'intégrité du parti, l'unité de sa doctrine et de
sa tactique et vouloir l'ouvrir à des éléments turbulents,,35o. Dans une remarque désabusée, il
dira ceci : "Le mot d'ordre des majorités est : centralisation ; celui des minorités :
autonomie,,351. Si la dernière citation de l'auteur de "la théorie d'airain de l'oligarchie" nous
place sur l'orbite de ce que peut être un parti unifié, l'interrogation fondamentale de son
352
oeuvre reste le problème de la viabilité de la démocratie
. Nous ne pouvons pas à partir du
livre de Roberto Michels établir les critères distinctifs d'un parti unifié.
b) Milail Manoilesco, dans son livre "Le Parti Unique", Paris, 1936, n'aborde
pas le problème du parti unifié.
c) Même Maurice DUVERGER, dans son mmlre-Iivre : Les Partis Politiques
1951, ne mentionne pas le parti unifié tant dans son développement que dans sa
bibliographie. Quand cet auteur aborde le Parti Républicain du Peuple qLÙ a fonctionné en
Turquie de 1923 à 1946, il soujogne l'idéal de pluralisme qLÙ animait Kemal ; mais il
n'assimile jamais l'alliance (secrète) qui existait entre le Parti Républicain du Peuple et le Parti
libéral de Fethi Bey à une forme lointaine d'unification353 .
348 LEWIS (A)., La chose publique en Afrique Noire Occidentale.
"Le parti unique ... est une maladie dont I"Afrique Occidentale mérite d'étre guérie".
349 Cette définition de 'l'outil de travaü' s'avère indispensable au regard des conclusions que nous voulons obtenir.
35Q Roberto Michels, Les Partis Politiques, col. Science Rammarion, Paris, 1971, p.l44 et 135.
351 Roberto Michels, idem.. p.l44
352 Roberto Michels, op. cit., p.14
353 DUVERGER (Maurice). - Les partis Politiques, Armand Colin Paris, Se Edition 1964, p.30S ; même I"édition de 1969 est
muette sur ce problème.

206
En conclure au désintérêt des analystes pour ce phénomène sui generis serait
prématuré. L'inexistence du parti unifié à l'époque expliquerait valablement le fait qu'U n'ait
pas fait l'objet de définition théorique.
B -JL.PARTI UNIFIE ; PARAMETRE SPEClBQUE A lA VIE POUTIQUE
AFRICAINE ?
En cette matière, les faits (a) ont précédé les modèles cohérents des doctrinaires
qui font la part des choses entre l'Union Nationale (h) et le Parti Unifié (c).
a) Les Expériences du Parti Unifié.
M. Ahmed MAHIOU fait "état de la constitution d'Wl parti Wlifié aux résultats
différents selon les procédures utilisées pour y parvenir354.
al) L'expérience Tchadienne.
Deux formations politiques d'inégale importance conviennent de la constitution
d'un
gouvernement d'Wlion nationale
en
aoQt
1960.
Il
s'agit du
PPT355
(parti
gouvernemental) et du PNA 255 d'opposition. Après l'indépendance, les deux formations
rivales s'unissent dans Wle même formation sous l'appellation d'Union pour le Progrès du
Tchad. TOMBALBAYE précise que "\\'unification qu'Us viennent de sceller est Wle Wlion qui a
Wle nuance avec l'Wlité totale d'Wl parti politique". Le moins qu'on puisse dire c'est que la
"nuance" dont U s'agit ici est symptomatique de l'embarras terminologique dans lequel est
plongé le chef du parti dominant.
a2) L'expérience Sénégalaise.
Explicitement, SENGHOR fait la part des choses entre le parti Wlique qui doit
être "proscrit" et le parti unifié qui se propose de rallier l'opposition à l'idéal national de l'UPS.
Pour des raisons diverses, cette offre d'association échouera en 1962356.
Comme grief contre des propositions de Senghor, le BMS (Bloc de Masses
Sénégalaises) retiendra "le risque d'intégration pure et simple - donc de sa disparition - dans
l'UPS". "Est-il besoin de multiplier les expériences? Toujours est-il que l'exemple Tchadien
fera tâche d'huile en Afrique Noire.
Dès lors, l'occasion s'offrait pour Wle approche conceptuelle du parti unifié.
Nous tenterons d'écarter ce que n'est pas le parti unifié (h) avant de le définir (c).
b) Le Parti Unifié n'est pas l'Union Nationale.
35<1 MAHIOU A1uned, op. cit. p.81.
355 PPT =Parti Progressiste Tchadien.
PNA = Parti National Africain.
356 Un communiqué du bureau politique de rups en date du Il juillet 1962 constate cet échec (cité par MAHIOU) op. cit., p.83.

207
Au préalable, il conviendra d'écarter après analyse ce phénomène qui est source de
confusion: l'Union Nationale.
FJIe consiste à rallier les partis autour d'un programme commun dans un même
gouvernement 357. Chacune des fonnations composantes conserve son autonomie. Elle
pennet le regroupement de toutes les tendances pour conjurer une calamité. L'analyse la plus
cohérente qui ait été consacrée à J'Union Nationale se trouve dans J'opuscule de W. Arthur
358
LEWIS intitulé La Chose Publique en Afrique Occidentale
. Comment viabiliser la
cohabitation dans une société pluraliste ? Par la coalition des partis politiques répond LEWIS.
Brièvement, voici sa démarche.
"Une fausse définition de la démocratie veut que la majorité dispose du droit d'imposer
sa loi à la minorité (p.91). Ce qui se traduit par une polarisation (non-essentielle) en
gouvernement et opposition (p.90).
- Transposée d'une société de classes à une société plurale (Afrique Occidentale), cette
conception politique... n'offre aucune chance d'édifier une nation au sein de laquelle des
populations différentes pourraient coexister en bon accord (p.79).
- LEWIS propose donc de
-
redéfinir la démocratie en créant des institutions politiques
qui donnent aux différents groupes la possibilité de participer aux décisions (p.SO).
Concrètement, il suggère J'adoption de la représentation proportionnelle qui aura pour effet
de créer un gouvernement de coalition (p.95)... respectant la légalité et le droit de libre
critique... admettant même J'opposition des individus et des partis (p.97), dans le cadre d'une
constitution fédérale (p.60)... ou les droits de la minorité seront respectés (p.91). Quelles
réflexions suscitent cette thèse?
- On regrettera d'abord l'assimilation que le Professeur LEVROFF opère entre le Parti
Unifié et l'Union Nationale. N'écrit-il pas que: "M. LEWIS dans son ouvrage, intitulé la Chose
Publique en Afrique Occidentale, considère le parti unifié comme la solution des problèmes
politiques de l'Afrique Noire, en tant que "l'idée de coalition s'impose donc à quiconque
considère une société plurale,,359. Les vertus que l'éminent Professeur attribue au parti unifié
sont en réalité celles que LEWIS reconnaissait à l'Union Nationale. D'ailleurs, cette confusion
ne se justifie pas dans la même mesure où LEWIS exprime clairement que "la fusion des partis
(unification) peut être une solution de rechange à la coalition... à condition que les différentes
régions aient à peu près le même niveau économique (p.60)360 Dès lors, cette erreur sur la
nature du parti, entraîne ipso facto la caducité des critiques qui lui étaient destinées.
357 Maurice DUVERGER fowntl pour la France d'abondants exemples d'Union Nationale quand il étudie la géographie politique
des Alliances: ndistingue 'les alliances de gauche ou de droite, l'union des centres ou concentration, la conjonclion des extrêmes
et les diverses "Wlions nationales". Deux genres d'Union Nationale - Une pratiquée sous Poincarré, sous Downergue, sous
Daladier, l'autre appliquée pendant la guerre de 1914 en France et en Grande-Bretagne, dans plusieurs pays pendant cene de
1939 -op. ctl., p.375 et...
358 Publié dans la coneclion
359 LAVROFF (Dimitri Georges) op. ctl p.35
360 LEWIS (Arthur), op. ctl., p.60.

208
- Plus pertinentes sont les réflexions critiques de MAHIOU sur les propositions de
lEWIS. Il remarque d'abord l'approche négative de la démonstration des idées de lEWIS. Ce
dernier s'en prend à tous les systèmes sauf à celui qu'il préconise. Si les modèles occidentaux
sont inadaptés, ne convient-il pas de les amender? Pour MAHIOU, lEWIS conseille de jeter
"l'enfant avec l'eau du bain".
- Ensuite, à la "viabilité du pluralisme politique avec un gouvernement de coalition,
MAHlOU oppose la difficulté de création d'un tel gouvernement et surtout les obstacles de son
fonctionnement effectif. Cette critique - bien que fondée - n'est pas insurmontable dans la
mesure où, même les gouvernements des nations intégrées ne sont pas à l'abri des crises. Par
la même occasion, nous estimons qu'il ne faut pas exagérer le risque d'instabilité
qu'occasionnerait une Union Nationale de "type poincariste,,361 proposée par lEWIS.
Si nous avons beaucoup insisté sur l'Union Nationale, c'est que nous lui trouvons
beaucoup de mérites. En 1956, la formule avait été proposée au Cameroun par SOPPO
PRISO. Nulle doute que son adoption aurait abouti à une nouvelle redistribution des cartes sur
l'échequier politique camerounais. On se souvient que M. AHIDJO s'y était opposé. En 1960,
le Chef de l'Etat, offrant le portefeuille de Premier Ministre à M. ASSAlE, invitait les
formations politiques à une Union Nationale. La trêve qui suit la création d'un gouvernement
de coalition est déjà un indice de sa valeur pacificatrice.
Qui plus est, le pluralisme politique que suppose l'Union Nationale dans une société
plurielle comme le Cameroun est compatible avec l'idée de fédéralisme. Le maintien de
l'autonomie des partis politiques (surtout anglophones) aurait concouru au respect de
l'autonomie du Cameroun Occidental.
Si dans l'ensemble nous sommes séduits par les idées utopiques de lEWIS, nous ne le
suivons plus à cause de son paternalisme à relent colonial. Car, si le multipartisme et le
bipartisme ont échoué, n'est-ee pas parce que ce sont des formules inadéquates pour "Eux" ?
Mm1risent-"i1s" vraiment ces techniques ? Ne se dégage-t-i1 pas des citations de lEWIS
l'impression que ce qu'il faut aux Africains c'est une coalition amputée puisque: "Il faut que la
subversion soit définie de façon moins restrictive que dans une démocratie confirmée" (p.93)...
(sous-entendu comme celle du monde occidental).
-'Une démocratie jeune ne peut se défendre qu'en sévissant contre les personnes et les partis
qui menacent de la renverser" (p.93).
Nul n'est dupe du contenu du mot "subversion" qui a légitimé toutes les exactions de
certains régimes africains. Phénomène exceptionnel et surtout relationnel, l'Union Nationale
débouchait parfois sur une forme politique plus structurée : le parti unifié.
C) - COMMENT SE DEFIMT LE PARTI UNIAE ?
- Dès 1957, MAMADOU DIA estimait qu'il y avait "parti unifié quand tous les partis
regroupés disparaissaient pour donner naissance à un nouveau".
361 DWERGER (Maurice), op. cit. p.376.

209
MAHIOU a sélectionné trois caractères essentiels du Parti unifié362.
-"En premier lieu, le parti unifié crée une apparence d'unité. n fait disparaIlre
fonnellement les étiquettes partisanes en les fusionnant dans un seul groupement".
-"En second lieu, le parti unifié laisse subsister un certain pluralisme. En effet sur le plan des
structures, il laisse subsister l'organisation et l'appareil des partis".
La fonnule du Parti Unifié pennet ainsi de concilier la nécessaire unité d'action et de
programme, d'une part, le pluralisme naturel des groupes politiques d'autre part.
Enfin le parti unifié est instable ; parce qu'il est un compromis. Beaucoup de ses
facteurs sont des gennes potentiels de rupture.
Ces deux définitions ne nous satisfont pas entièrement.
1. Nos réserws portent sur la référence à la notion de fusion qui - ethymologiquement
- suppose une transfonnation d'état. Les co-contractants d'une stipulation ne disparaissent
pas. Ce qui change entre eux c'est la nature de la relation juridique qui les lie. Au concept de
"fusion", nous préférons celui "d'agrégation" ; le premier nous renooyant plutôt au parti
unique.
2. Nous récusons également le caractère temporel - donc provisoire - que MA.HIOU
semble attribuer au parti unifié. S'il en était ainsi, le parti unifié ne satisferait pas à la condition
"d'organisation durable dont l'espérance de vie est supérieure à celles de ses dirigeants en
place" que lAPALOMBARA Joseph (cité par Jean CHARLOn363 reconnnait à tout parti
politique. Le caractère "instable" dont fait état MAHIOU nous renvoie à l'Union Nationale364.
3. De ces définitions nous avons retenu le caractère pluraliste et le maintien des
structures des partis sociétaires du parti unifié.
En conclusion, nous proposons cette définition du parti unifié qui guidera la suite de
nos investigations.
Le parti unifié est d'une part, celui qui est fonné de l'agrégation - libre ou forcée - de
plusieurs partis dotés d'une direction collégiale animée d'oligarques pennéables à la discussion
; il est d'autre part, celui au sein duquel les décisions importantes se prennent à l'unanimité des
fonnations composantes.
- L'UNC répond-elle à cette définition ? A deux niveaux, on recherchera les traces de
l'unification dans l'UNC : ce sera dans la structure externe (ll) du mouvement et dans son
fonctionnement (llI).
362 MAHIOU, op. cil. p.87
363 CHARLOT (Jean)., Les Partis Politiques, Armand Colin, Paris.
364 MAHIOIJ qui a été témoin privilégié de la vie et de la mort de plusieun; partis unifiés en a conclu à la fragilité de la formule.

210
Paragraphe 11- la prablémaUque de l'unilicaUon dans
la structure externe de l'UNC.
Nos investigations se porteront dans trois directions :
la genèse (A), le statut (B), et la nature (C) du mouvement.
A) lA GENESE DE L'UNe ET LE PROBLEME DE L'UNlHCAllON.
Au Cameroun, comme ailleurs en Afrique, le parti unifié est une des phases d'un
processus qui part du multipartisme au moment de l'indépendance et passe par le bipartisme.
Incontestablement, notre analyse antérieure sur la Convergence aura tendu à reconnaitre la
genèse plurielle (au sens numérique) de l'UNe. Les auteurs mettent également l'accent sur la
pluralité consensuelle qui a prévalu à la naissance de notre Parti. C'est dans cet ordre d'idées
que M. AHIDJO invoque "la volonté libre". Pour sa part, M. Jean-François BAYART pense
que "la notion de parti unifié implique tout d'abord un ensemble de pourparlers entre les
diverses forces politiques en vue de les fédérer et semble exclure le recours à la coercicion et à
la violence,,365. Le Professeur LAVROFF quant à lui, met également l'accent sur le
consentement quand il écrit que '1a négociation qui précède la constitution du parti unifié
permet d'équilibrer le mieux possible les avantages reconnus à chaque partenaire,,366. Enfin,
367
Michel PROUZEl remarquera "une volonté libre de regroupement dans l'UNC
.
Aux uns et aux autres de ces analystes, nous concéderons que l'UNC présente des
aspects d'un parti unifié dès lors que le consentement des mouvements anglophones a été
acquis "librement". S'agissant toujours de "notre grand parti national", nous ajouterons que le
recours à la coercicion au Cameroun Oriental n'entacherait pas sa réputation de parti unifié si
en désespoir de cause le rapprochement des formations politiques du Cameroun Oriental
(BDC - Parti Socialiste - MANE Parti Bamiléké) de l'UC s'était réalisé par voie d'agrégation et
non par fusion.
A notre avis, l'on a plutôt assisté à une fusion-absorption puisque cette opération s'est
produite sans que d'importantes compensations immédiates soient accordées à tous les leaders
des partis que nous venons de citer. La fusion n'aura été qu'un moyen pour établir un parti
unique d'autant plus qu'en aucun moment l'Union Camerounaise n'a renoncé à sa
368
personnalité comme ses nouveaux partenaires
. Raisonnant dans le même sens que nous,
MAHIOU qui étudie le parti unifié sénégalais avance que "si le BMS a disparu en tant
qu'étiquette ou raison sociale, il demeure en tant qu'organisation ou réalité sociologique... de
sorte que l'opposition jusque-là extérieure, devient une opposition interne".
365 J.F. BAYART, rUNe, op. Cit., in RfSP, p.699.
366 UlVROFF (Dimitri Georges) op. cit, p.34.
367 PROUZET (MicheQ., op. cit. p.328.
368 Pour nous, Wl parti ne peut être considéré comme Wlifié par le simple lait qu'U y ait eu Al'origine plusieurs lonnalions ;
encore faut-il que ces dernières aient consenti à s'associer.

211
En conclusion, l'avènement de l'UNC est caractérisé par une dualité originelle au
niveau de la pluralité consensuelle car, coexistent d'une part, les éléments d'un parti unifié
(dans les relations des composantes Est-ouest) et d'autre part, des aspects d'un parti unique
(au sein de la composante francophone). On observera à ce niveau (ne faudrait-il pas parier de
ce Seul Niveau), une certaine parenté avec le fédéralisme puisqu'une participation égalitaire
s'est instauréè entre l'UC, le CUC, le KNDP et le CNPC pour la création du parti.
Si dès la genèse apparaît la controverse, qu'en sera-t-il du Statut.
B) LE STATUT DE L'UNe ET lA QUESTION DE L'UMFICATION.
De même que la constitution d'un Etat fédéral doit être différente - dans sa forme et
dans son contenu - de celle d'un Etat Unitaire, la charte constitutive d'un parti unifié ne devait-
elle pas être la résultante des différents statuts originels? Ce ne fut pas le cas pour l'UNC qui a
hérité - sous réserve de légères modifications - des statuts de l'Union Camerounaise.
Une lecture annotée de deux textes étayera nos affirmations. Les deux textes
comportent chacun onze titres au contenu quasi-identique; une simple intervension n'emporte
pas d'effets notables.
Rien mieux qu'un tableau comparatif n'illustrerait à merveille cette ressemblance de
siamois.
1) Tableau Comparatif des Statuts (UNe-UC)
TI1RE
UMON CAMEROUNAISE
UMON NATIONALE
CAMEROUNAISE
1
Création - Dénomination
Création - Dénomination
Siège - But
But - Siège - Emblème
J:2mIise
II
Composition
Membres
De l'organisation des
Organisation des Femmes
ID
Femmes de l'Union
de l'Union Nationale Camerounaise
Camerounaise
De l'organisation des Femmes de Organisation
des
Femmes
de
IV
l'Union Camerounaise
l'Union Camerounaise
Structure - Assises - Organisation et Organes
et
fonctionnement
de
V
Fonctionnement
de
l'Union l'OruNe.
Camerounaise
VI
Composition-organisation
Organisation des Jeunes de l'Union
Fonctionnement de la JUC
Nationale Camerounaise
VII
Composition-Organisation
Organes et Fonction-nement de la
Fonctionnement de l'oruc
JUNC
vm
Ressources et Gestion Financière
Ressources et Gestion Fmancière
IX
Discipline
Discipline

212
X
Révision des Statuts
Révision des Statuts
XI
Dispositions diverses
Dispositions diverses
Ce tableau suscite des réflexions et commentaires.
2) D'abord les conunentaires.
a) Nous avons pris soin de souligner tout élément nouveau dans chaque titre. A
l'observation les rajouts ne dénaturent pas l'esprit de la rubrique ; bien au contraire ils
l'affirment (emblème-Devise au Titre n. Certains éléments qui font double emploi sont
simplement ignorés (Assise du Titre V de l'UC correspondant au Titre 3 de l'UNC).
b) Une remarque fondamentale s'impose: la non-coÜ1cidence des titres 3 à 8. Elle
résulte de deux techniques d'approche différentes. Les rédacteurs de la charte de l'UC ont
d'abord présenté les organes (Titre n, m, IV) avant d'envisager leur fonctionnement (Titre V,
VI, Vll). La logique des présentateurs des statuts de l'UNC est inverse. fis abordent
cumulativement l'organe et son fonctionnement.
- l'UNC
(Titre net Titre Ill)
-l'ORJNC (Titre IV et Titre \\Tl
- la JUNC (Titre VI et Titre Vll).
Si chacune de ces méthodes a ses mérites, il se dégage toutefois une symétrie parfaite
dans les contenus des titres 2 à 7. De même, est indiscutable l'adéquation établie entre les
titres 8 à 11.
c) Au delà des grands thèmes de l'UC que l'UNC a repris intégralement, s'est instaurée
une certaine correspondance entre les articles des deux statuts. Arbitrairement nous citerons
l'article 9(UC) et 8(UNC) qui prohibent l'admission au parti à une certaine catégorie de
personnes : l'art. 9 (Titre mdes statuts de l'UC stipule que : "Ne peuvent être admises à
l'Union Camerounaise les personnes militantes ou membres d'un autre parti ou mouvement
politique". L'art. 8 (Titre mde l'UNC pose: "Nul ne peut être admis à l'Union Nationale
Camerounaise s'il est membre d'un autre parti politique ou d'une autre association dépendant
d'une autre formation politique".
3) Ensuite les réflexions.
Les deux chartes fourmillent d'exemples semblables qui tendent à prouver que les
statuts de l'UNC ne sont qu'un cliché agrandi de ceux de l'UC, reproduisant sa présentation,
son contenu et son vocabulaire. fi n'est pas que jusqu'aux organismes annexes de l'UC qui sont
repris pour encadrer les uns les femmes, les autres la jeunesse.
Cette disparition du pluralisme au niveau des structures de l'UNC consacre l'unipolarité
statutaire du mouvement.

213
Dès lors, il est inadmissible de parler de parti unifié dans la mesure où la rigidité de
l'acte de base (caractéristique majeure des partis uniques) de l'UNC méconnait tout apport des
autres formations tant dans leurs thèmes que dans leurs organisations.
A titre de preuve, comme indice de participation des partis anglophones à la
confection des statuts de l'UNC, nous ne relewns aucune trace de fédéralisme. Cette manière
d'agir des autorités de Yaoundé ne devrait plus surprendre pour peu que l'on se souvienne que
la constitution de la République Fédérale du Cameroun n'est en réalité que la constitution de
l'Etat du Cameroun du 4 mars 1960 révisée pour l'adapter aux nécessités du Cameroun
réunifié. Ce mimétisme est-il un phénomène fatal qui se reproduira tout au long de la période
fédérale ? Malheureusement oui, dans la mesure où la nature de l'UNC est tributaire de celle
de l'Ue.
C) lA NATURE DE L'UNC ET lA PROBLEMATIQUE DE L'UNIFICATION.
L'Union Nationale Camerounaise : parti de masses ou parti de cadres ? Une
interrogation connexe - plus importante - se greffera à la première. Lequel, d'un parti de
masses ou d'un parti de cadres présente des aspects de un parti unifié? D'abord, comment
distingue-t-on les partis ? Maurice DUVERGER fournit des éléments de réponse dans sa
typologie dualiste basée non pas sur la dimension d'un parti mais sur sa structure369.
- Dès lors le parti de masses :
1. Cherche le plus grand nombre possible d'adhérents.
2. Les militants disposent de plus de pouwir dans son organisation.
3. Lors des congrès périodiques, l'orientation générale du parti est influencée par l'opinion et
les réactions des militants.
4. Elus plus ou moins par la base, les dirigeants ont une certaine marge de manoeuvre à
l'égard du milieu parlementaire.
- Quant au parti de cadres :
1. Son organisation dépend d'un groupe de personnalités influentes.
2. Le parti veut s'assurer le concours des notables influents, techniques et financiers pour
préparer les élections, gagner les wix et apporter le "nerf de la guerre".
3. L'adhésion constitue ici un acte personnel déterminé par des qualités individuelles.
Auquel de ces deux modèles correspond l'UNC ?
Au risque de décewir, nous répondrons que l'UNC n'est ni l'un ni l'autre. Car, une fois
de plus, les déclarations politiques (a) succomberont à une analyse rigoureuse (h).
1) L'UNC et la tentation d'être un parti de masses.
369 DWERGER (Maurice), op. eit., p.84.

214
Ce débat semblait avoir été tranché depuis longtemps par le triomphe de la
tendance AHIDJO sur celle de MOUSSA YAYA qui avait souhaité la création d'un parti de
notables. Alors que pour M. AHIDJO, "parce que l'UNC doit être à l'écoute des masses,
l'Union Camerounaise doit être un Parti de masses. Car, seules ces dernières donnent au parti
370
la force nécessaire pour agir
. Mais à quelle fin ? Le Président répond qu'un parti de masses
"veut grouper le plus grand nombre possible d'adhérents de façon régulière et permanente
pour pouvoir les éduquer en vue d'une action orientée vers des objectifs déterminés"27o.
- L'organisation très structurée et très centralisée du parti tant dans sa structure interne
que dans les articulations intérieures de ses organismes annexes reflète les préoccupations du
Président AHIDJO. Un schéma commun va prévaloir : organes de base et instances
supérieures.
Deux articles du Titre mportant "structure et fonctionnement de l'UNC" illustrent ce
mouvement: il s'agit en l'occurrence des articles 11 et 16 des statuts.
- Art. I l : "La structure de base de l'UNC est la cellule. Un ensemble de cellules forme
un comité. Un ensemble de comités forme une sous-section. Un ensemble de sous-sections
forme une section".
Est-il encore besoin de préciser que cette même organisation prévaut au Cameroun Occidental
?
- Art. 16: Les Assises de l'Union Nationale Camerounaise sont:
- Le Congrès
- Le Conseil National
- Le Comité Central
- Le Bureau Politique National.
Le goGt de la hiérarchie et l'obsession de la totalité (encadrement des hommes, des
femmes (OR.JNC) et des jeunes (JUNC) qui caractérisent l'UNC font effectivement penser à un
parti de masse ; mais il en va différemment dans la réalité.
- D'abord parce que, dans le contexte camerounais, le critère de l'adhésion retenu par
les hommes politiques ne saurait être un "clignotant politique" valable. Car, si la courbe
d'adhésion est ascendante - ce qui reste à vérifier - le militantisme est en crise: de l'adhésion
par conviction l'on est passé à une adhésion pour protection contre les tracasseries de tous
ordres.
- Ensuite parce que le congrès qui est l'instance suprême ne se tient que tous les cinq
ans (art.17). Dès lors, "l'orientation générale du parti ne peut donc pas être influencée par
l'opinion et les réactions des militants".
370 Congrès de Garoua, 1969.

215
- Enfin, l'exercice de la fonction élective des militants s'aménuise avec la pratique de
l'investiture des candidats aux postes de responsabilité. Cette technique contribuera à affaiblir
l'institution parlementaire.
2. L'UNe est-eUe alors un parti de cadres?
L'Union Nationale Camerounaise qui n'est qu'apparemment (seulement au niveau
structural) un parti de masse, présente-elle au moins certains aspects d'un parti de cadres? On
ne saurait sous-estimer le rôle joué par certains notables locaux dans les provinces
anglophones, à l'Ouest et au Nord.
Dans ces régions, le parti exploitera l'autorité des chefs traditionnels et des '1amibe" ;
ces derniers disposant encore de beaucoup d'emprise sur les populations. Par atlleurs, le parti
pourra toujours compter sur la sollicitude individuelle de la nouvelle bourgeoisie d'affaires -
cette noblesse d'épée - qui n'entraine pas la foule derrière elle. Le parti utilise également les
services de certains intellectuels, transfuges des mouvements d'opposition (en Europe) qui, en
bons opportunistes ont eu le temps de retourner leurs vestes. Mais peut-on assimiler les
différentes catégories sociales que nous venons de citer aux personnalités influentes dont parle
M. DUVERGER ? Les raisons d'en douter ne manquent pas; car, comment saooir si les
pourfendeurs d'hier devenus les adulateurs d'aujourd'hui sont sincères quand ils épousent la
cause du parti? Une chose est certaine, au niveau de son armature l'UNC n'est pas un parti
de cadres.
3. La difficulté de qualification.
A ce niveau de notre raisonnement, une dernière remarque du Professeur DUVERGER
nous permettra de fournir une remarque récapitulative. En effet cet auteur émet l'idée selon
laquelle "les partis de cadres correspondent aux partis de comités, décentralisés et faiblement
articulés ; les partis de masses correspondent aux partis basés sur les sections plus centralisées
et plus fortement articulées ..371.
L'UNC défie toute classification puisque d'une part, s'il s'apparente à un parti de
masse par son organisation, son fonctionnement l'en éloigne; d'autre part, si l'on rencontre
en son sein des personnalités influentes, (ce qui est courant dans les partis et qui ne transforme
pas ipso facto l'UNC en parti d'élites) comme dans les partis de cadres, sa rigidité structurelle
ne sied pas avec la formule. L'UNC serait-elle donc une chauve-souris "partisane" munie de
dents et des ailes ?
Toute proportion gardée, à notre avis, c'est un parti de cadres décentralisé qui aurait
été compatible avec l'idée d'unification et par ricochet avec le fédéralisme 372. La souplesse
d'organisation de ce type de parti impliquerait une certaine dose d'autonomie concédée à la
composante anglophone.
371 DWERGER (Maurice), op. cit., p.91.
372 Ibid
3
em, p. 10.

216
Comme en témoigne le fonctionnement du parti, le bénéficiaire de cette ambiguïté
entretenue autour de la nature de l'UNC sera encore son leader.
Paragraphe 111- la problématique de l'.mitication dans le
Ilnctilnnement de l'UNC.
Tant au niveau de son personnel qu'au niveau relationnal, le problème de l'unification
de l'UNC reste posé avec une acuité certaine. On s'interrogera sur les débats de tendance au
sein du parti (A) avant d'envisager la situation particulière de son personnel (E).
A) lA CASUISTIQUE DU PLUBAUSME AU SEIN DE L'UNC :
LES DEBATS DE TENDANCES.
- D'entrée de jeu, nous avons défini le parti unifié comme étant celui au sein
duquel coexistaient des oligarques perméables à la discussion. Nous avons également ajouté
que les décisions importantes devaient se prendre à l'unanimité des formations composantes.
- DUVERGER qui assimile le parti unique à la dictature concède toutefois que
"dans la mesure où les factions se développent librement à l'intérieur du parti unique, celui-ci
devient un simple cadre qui limite les rivalités politiques sans les détruire; prohibé à l'extérieur
du parti, le pluralisme renail à l'intérieur du parti où il peut jouer le même rôle373. Par la force
des choses, ces réflexions devraient s'appliquer au parti unifié qui est d'essence plurielle.
Qu'en est-il de l'UNC ?
Deux thèses s'affrontent ici. La première préconise ou croit en l'existence des
discussions au sein du parti (1). La seconde établit la difficulté d'une telle entreprise et conclut à
l'absence de dialogue dans l'UNC (ll). Examinons chacun de ces points de we.
1. Les partisans d'un débat au sein du parti.
a) Le point de vue de M. AHIDJO.
L'Union Nationale Camerounaise est-elle ce "parti où le plus htunble discute à
égalité avec le plus riche, un parti qui ne connaît pas de barrière ?,,374 Les promesses
alléchantes de M. AHIDJO incitaient à le penser. Toujours dans sa Conférence de Presse de
1961 ne parlait-il pas "d'un parti au sein duquel existent une démocratie, la liberté de
discussion, un parti au sein duquel peuvent exister plusieurs tendances, étant entendu que la
minorité se rallie aux avis de la majorité". Le Guide du militant de l'UNC (1976) accrédite aussi
cette thèse quand on y lit que ''l'UNC est un parti démocratique". Citant encore le Chef de
l'Etat, cet opuscule publie ceci : "Les oppositions de tendances sont concevables au sein du
373 DUVERGER (Maurice), op. cit., p.310.
374 AHMADOU (AHIDJO), Dix ans au service de la Nation, 1958/1968 Ed. Paul Bory, p.24.

217
Parti. S'il fallait partout une homogénéité des vues, tous les problèmes seraient résolus
d'avance. Sans tendances différentes, aucune critique, aucune autocritique ne s'imposeraient.
Sans critiques, sans autocritiques, aucun progrès, aucune perfection ne sont concevables,,375.
b) Le Docteur ENDELEY aura aussi rêvé d'une nouvelle configuration partisane
conune cadre d'expression pour les formations minoritaires. Voici ce qu'il disait ;' "Tous en
éliminant l'animosité, le parti unifié contribuerait au meilleur usage des talents dont regorgent
notre pays. Pour ce faire, il lui faudrait garantir la liberté d'expression de chacun,,376.
c) Jacques Benjamin apportera aussi une caution salutaire aux voeux des honunes
politiques quand il écrira que "les neuf membres anglophones ont apporté aux réunions du
Bureau politique un élément nouveau, le dialogue, la discussion. L'auteur s'empresse d'ajouter
qu'û n'apparaît par contre pas qu'une aile ouest-camerounaise" se soit formée dans ses
discussions, les membres anglophones n'étant pas d'accord entre eux la plupart du temps,,377.
- Toujours dans le même sens, Joseph-Blaise ALIMA célèbre '1a démocratie qui
378
fonctionne et fonctionnera bien au sein de l'UNC
. TI cite à l'appui de ses assertions le fait
que certains "barons" ont été limogés par leurs pairs. Enfin, résolu et certain, le célèbre
rédacteur de Jeune Afrique conclut; "Mais dire que la discussion en est bannie, que l'unanisme
est règle et que les contestataires sont voués aux gémonies sinon exconununiés, relève de
l,
d l '
f' ..379
erreur ou e a mauvaise 01
.
Des considérations précédentes, il se dégage le fait que l'UNC est un parti unifié, voire
démocratique. Nous nous inscrivons en faux contre ces affirmations et nous nous en
expliquons.
2. L'impensable débat au sein de l'UNe.
Nous refuterons d'abord les arguments des défenseurs d'un débat (al avant d'avancer la
justification essentielIe (hl du blocage au sein du parti.
a) Les voeux pieux de Jacques Benjamin et de Joseph-Blaise AUMA.
1. De notoriété publique, û est admis au Cameroun que les anglophones sont
beaucoup plus enclins à la contestation, à la revendication que les francophones. C'est donc à
juste titre que l'on aurait pO penser conune Jacques Benjamin que l'entrée des Camerounais
Occidentaux au Bureau Politique participerait d'une autre éthique dans les débats. Ce ne fut
pas le cas; car il est nal1 de croire que les traits caractéristiques d'une conununauté se
retrouvent dans chacun de ses membres pris individuellement. De plus, rongés par les rivalités
qui ont marqué le processus de fusion, FONCHA-ENDELEY-MUNA ne devaient-ils pas se
soucier surtout de s'attirer les faveurs de M. AHIDJO? Notre propos n'est pas dénué de tout
fondement quand on se rappelIe que M. MUNA a toujours joué à fond la carte fédéraliste, en
375 Extrait du Guide du Militant, p.8.
376 WiDard R. Johnson, op. cit., p.262.
377
. . .
Jacques Ben)illTUr1, op. c.I., p.61.
378 Joseph-Blaise AUMA, op. cit., p.132.
379 Ibidem, p.133.

218
d'autres tennes, centralisatrice. L'impossibilité - signalée par Jacques Benjamin - pour les
anglophones de constituer une faction n'est qu'une preuve supplémentaire de leur faiblesse à
coonstituer un groupe autonome.
2. Plus fâcheuses sont les paroles de Joseph-Blaise Al..1MA dans son hymne
célèbre à la gloire du Père de la Nation. Si professionnellement il accède facilement à
l'infonnation jusque dans ce sanctuaire d'initiés qu'est le Bureau Politique, les conclusions qu'il
en tire sont empreintes d'un lyrisme qui conduit parfois à la défiguration de la vérité.
Nous plaçant exceptionnellement 380 sur le plan de l'anecdote, pour une série
de raisons, nous ferons remarquer que la procédure de limogeage du Vice-Président FONCHA
n'est pas un indice de démocratie comme le prétend M. Joseph-Blaise Al..1MA. D'abord, parce
que si le fait qu'un Vice-Président soit écarté du poU\\.oir prouve que l'on est en démocratie il y
aurait alors beaucoup de régimes démocratiques. Ensuite, le KNDP étant numériquement la
deuxième fonnation de l'UNC, la Vice-Présidence de l'Etat ne devait en aucun cas revenir à un
autre anglophone surtout si ce dernier appartient à un autre parti381 . De plus, le wte se
passant par acclamation à main levée, la notion de libre choix est exclue quand on sait que la
wtation n'est précédée d'aucune publicité.
Enfin, plus grave, les anglophones ont continué à se reconnaître en FONCHA
malgré la présence de MUNA au pouwir. Tout se passe au sein du Bureau Politique comme si
le Chef de l'Etat y transferait les immenses pouwirs que lui confère la constitution révisée en
1968. Notre journaliste cite encore comme preuve de démocratie les tergiversations
entretenues autour du Président de la Section de France de l'UNC382 . Non seulement il entre
en contradiction avec sa propre thèse en faisant valoir l'argument du compromis mais, surtout,
son exemple est vicié dès le départ. Les militants de l'UNC de France échappent à
l'environnement répressif dans lequel sont plongés ceux du Cameroun. Vivant dans un pays
"démocratique", la tentation de la liberté ne les épargne pas. Pour se rendre compte des
conséquences de la libre discussion au sein du parti383 n'aurait-il pas été plus rationnel de se
pencher sur le cas d'une section comme cene du Wouri dominée par M. TANKO HASSAN?
Si la démocratie admet des tractations en coulisses, l'unification impose le respect des
entités; c'est pour cette raison que notre définition a privilégié la recherche de l'unanimité à
celle de la majorité.
b) L'impossible débat au sein du parti :
L'application du principe du centralisme démocratique.
Toujours au Congrès de Garoua, le Chef de l'Etat proposait aux congressistes
d'étudier dans quelle mesure le Parti pouvait s'inspirer du "Centralisme démocratique" qui
pennet à "un centre dirigeant de sawir ce qui se passe dans la masse populaire et de vaincre
380 Le
d '
-,,-
propos U jOwneuiste nous y convie.
38] l'application du principe I1Iiljoritaire autait eu pout conséquence le maintien de M. FONCHA à son poste.
382 ns'agit de M. MOMBET LAMARE.
383 Si "démocratie" il y a dans rUNC, il ne peut en être question qu'à des niveaux comme la cenule ou le comité de base.
Périphérie.

219
ainsi l'isolement du pouvoir,,384. Dans le même ordre d'idées, le Président AHIDJO précisera
ceci: "ce que nous voulons aussi, c'est que les majoritaires au sein du Parti tiennent compte de
la minorité. Mais ce que nous voulons par-dessus tout, c'est qu'une fois que la majorité des
militants aura décidé, la minorité s'incline".
De prime abord, il y aurait lieu de remarquer que les leaders de l'UNC n'ont fait
qu'un usage tronqué de cette méthode d'organisation. fis semblent n'en avoir retenu que les
aspects centralisateurs. Dès lors, en l'absence d'élections compétitives à tous les échelons du
parti et dans l'impossibilité de la discussion entre les organismes dirigeants et la base, la
composante démocratique s'en trouve sacrifiée.
a.- L'échec du concept d'élection: la technique de l'investiture.
L'article 59 du Règlement intérieur du Parti de l'UNC reconnaJl au Comité le rôle...
"d'accorder l'investiture du Parti aux différentes fonctions politiques de l'Etat". L'article 60
ajoute deux précisions à la stipulation précédente.
- Toutefois, pour des élections locales, le comité central peut habiliter les organes de
l'UNC à accorder l'investiture du Parti aux candidats.
- Les députés élus du Parti relèvent du contrôle politique du Comité Central ; ce
contrôle s'exerce notamment par l'intermédiaire du groupe de l'Union Camerounaise à
l'Assemblée Nationale. La délégation d'investiture que le Comité Central concède à certains
organes du parti n'entache en rien le fait que chaque personnalité de l'Etat doit son "poste" à
M. AHIDJO. Pratiquement c'est lui qui désigne les députés; de plus si l'on se rappelle que
c'est lui qui nomme aux hauts emplois de l'Etat, on comprend aisément que le personnel
politico-administratif lui doit allégeance. Dans ce contexte, n'est-ce pas un euphémisme que de
parler des discussions au sein du parti dominé par la stature d'un seul homme ? Les
protagonistes n'étant pas à armes égales, le dialogue se transformera en monologue.
b.- L'instauration d'une démocratie gouvernée au sein du parti.
Si la démocratie gouvernante est celle qui est fondée sur la volonté du peuple
réel, ou mieux encore celle où le peuple gouverne effectivement, à l'inverse, en démocratie
gouvernée, l'indépendance des gouvernants serait quelque peu assurée dès lors que le peuple
ne gouverne pas mais se borne à contrôler (Encore faut-il qu'il en ait les moyens).
Les relations entre le noyau dirigeant et la base de l'UNC l'apparentent
beaucoup plus à une démocratie gouvernée doublée d'un pouvoir clos qui voue aux gémonies
les opinions dissidentes et s'emploie à les détruire.
384 Discours de Garoua 1%9.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
217
- On rechercherait en vain dans l'UNC des décisions prises en fonction des
opinions de la base ; encore moins l'accord de celle-ci dans leur application. La participation
de la base au processus déCisionnel est relativement faible, sinon inexistente. L'article 16 des
statuts de l'UNC stipule que les assises de l'UNC sont : le congrès - le conseil national - le
comité central - le bureau politique.
Le Congrès qui est l'instance suprême du Parti se tient tous les cinq ans. n a
compétence pour élire le Président National du Parti et les membres du Comité Central
(art. 17).
Or, même s'ils sont délégués au Congrès, "les militants désignés par les sections dans
les limites numériques fixées par le comité central", sont d'autant plus qualitativement faibles
qu'ils côtoient une kyrielle de notabilités (investies ou nommées), gagnées d'office à l'action
du Président de la République. Qui plus est, le congrès étant l'assise poptùaire du Parti, '1e
chemin de croix" vers le Président National fait de nombreuses victimes parmi lesquelles on
dénombre davantage des militants de base. On reconnaîtra donc aisément que la dévolution
pyramidale du pouvoir cause un préjudice certain à la base qui troque sa prétention à la
participation contre une obligation d'approbation pure et simple. Plus que jamais, le pouvoir
s'enferme dans une tour d'ivoire inaccessible au commun des militants ctùturellement
handicapés.
nest également remarquable qu'à l'intérieur du noyau dirigeant de l'UNC, le débat
n'existe pas. Aux termes de l'article 66 du Règlement intérieur de l'UNC, '1e Président
National définit dans les discours-programmes, la politique générale du Parti"... Ce quasi-droit
de "préemption" sur le parti est à la limite du démocratique, encore moins de l'unification si
l'on pense à l'esprit de concertation, de collégialité qui devait présider à l'élaboration d'un
acte d'une telle portée. L'article 56 des statuts de l'UNC qui condamne "toute activité anti-
parti ou tout acte ou comportement tribaliste", exprime en réalité de manière déguisée le
refus des débats de tendances au sein du parti. Ici comme ailleurs, les dirigeants africains
n'ont-ils pas toujours fait valoir que l'opposition (interne non pas majoritaire) a toujours tendu
à détruire non pas le gouvernement en place? Pour ce faire, au lieu de chercher à mobiliser
l'accord de chacun, nos princes tenteront une mobilisation de l'unanimité dans un parti
unique qui se présente comme l'alternative à l'anarchie.
Dans ce "cercle intérieur" dominé par le Président AHIDJO, où la liberté de parole
semble être la chose la moins partagée de tous, quelle place peut-on encore faire à la
minorité ? La réponse à cette question est inscrite dans le Règlement intérieur du Parti de
l'UNC en son article 2 aux termes duquel :"L'union Nationale Camerounaise est fondée sur
les principes démocratiques. Au niveau de toutes les instances du Parti, la minorité doit se
soumettre aux décisions de la majorité. L'organe inférieur est tenu d'exécuter les directives
des organes supérieurs qui en assurent le contrôle".
Comment résoudre cet antagoniste tenant à l'existence d'une majorité s'imposant à la
minorité ? Si formellement, le dilemme est tranché dans le cadre de l'Etat libéral (unitaire),
son dépassement devient un impératif au sein d'une fédération qui obéit à une dialectique

L'expérience du fédéralisme camerounais: les couses et les enseignements d'un échec
218
autre. Docteur fONLON l'a si bien compris lui qui flétrissait le centralisme démocratique. Ne
proposait-il pas que les adversaires d'une motion discutent continuellement dans le calme
avant de la ratifier ? Il opposait ainsi la force de la négociation à une aveugle application
arithmétique des voix. Ces remarques générales trouvent bien à s'appliquer dans le cas
d'espèce où le recours au principe majoritaire tant exalté constituait une négation de la
politique d'unification partisane. Posé mécaniquement qu'un vote anglophone vaut un vote
francophone aboutit au rejet du pluralisme; ce qui préludait à l'avènement du parti unique.
Pour notre part il aurait fallu au moins deux garde-fous : - la pratique du principe
d'unanimité. Ce principe emporterait comme conséquence une majorité plurielle pour les
problèmes aussi importants que la forme de l'Etat. L'exemple à suivre était d'une part, celui
de la double majorité à l'assemblée nationale fédérale (cf article 18 de la Constitution de
1961) et d'autre part, celui de la Yougoslavie qui a tenté d'atténuer les effets du centralisme
démocratique par l'édition d'autres règles démocratiques:
- direction collégiale
- rotation des postes périodiques
- double représentation.
Une autre conception de la démocratie s'imposait aussi. En effet la démocratie ne
devrait plus être seulement, pour un gouvernement le fait de se targuer d'avoir l'appui de la
majorité de son peuple. Elle doit consister pour les gouvernants à reconnaître que la
démocratie naît non pas de la solidarité mais des conflits d'intérêts, dont chacun, pour des
raisons diverses, cherche à faire reconnéUrre la légitimité, et qui eux tous font l'étoffe de l'Etat
constitutionnel. Ce qui nous éloigne du schéma d'une société unanime où l'on prétend
fallacieusement que le pouvoir étant réellement celui du peuple, l'opposition n'a plus de sens
et n'est donc pas admise.
On regrettera l'absence effective du pluralisme dans l'UNC, surtout au niveau des
discussions qui ont disparu au profit de l'adulation du guide.
Paradoxalement, l'unification apparaît au sein de l'UNC sous forme inattendue:
B) L'EEFECTIVITE DE L'UMACAllON EmMQUE AU SEIN DE
L'UNe
Il serait faux de s'obstiner à méconnaître à l'Union Nationale Camerounaise une
certaine forme d'unification, voire au-delà une certaine valeur unificatrice. Le paradoxe veut
que la réalité de l'unification dans le parti ne concerne pas les formations politiques mais bien
au contraire les ethnies. Au demeurant, l'unification ethnique qui prévaut au sein des
instances supérieures du parti (1) n'est qu'une conséquence heureuse de la politique d'équilibre
(TI) pratiquée par un Chef d'Etat qui investit en dernier ressort tout candidat aux fonctions de
responsabilité dans le parti (art. 60 des règlements intérieurs de l'UNC).

L "expérience du fédéralisme camerounai5 : les caU5es et les enseignemenb d'un échec
219
1. l'équilibre comme technique de gouvernement.
C'est pourtant souvent par prétérition que le Chef de l'Etat aborde cette règle
fondamentale de la vie politique nationale. Ce qui fait qu'en matière de tribu, d'ethnie, de
province, les propos du Président AHIDJO dénotent d'une contradiction permanente. Les
exemples sont nombreux qui témoignent de cette disparité de conduite.
Vers les années 1962, M. AHIDJO reconnaissait implicitement une dimension
régionale à la participation au pouvoir. Publiquement, ne déclarait-il pas à Bamenda en juin
1962 : "D'ailleurs au sein du gouvernement comme vous le savez, vous avez des
représentants auxquels je me plais à rendre hommage; j'ai cité Messieurs MUNA, EKHAH,
EGBE, ESSAKA... Vous avez aussi des députés fédéraux qui représentent le Cameroun
Occidental..."285.
- A Bafang, ses paroles s'inscriront dans la même logique lorsqu'il dira : "je suis
heureux d'avoir à mes côtés un fils de Bafang ; M, KAMGA Victor, Ministre de l'Economie
Nationale... nme plaît également de dire qu'un fils de votre département est Président de
l'Assemblée législative286...
A Garoua en 1969, le Chef de l'Etat, s'appuyant sur le virage présidentialiste que
venait d'aborder le régime politique camerounais émettra une contre-vérité telle qu'elle
découle de la citation suivante: "n est vain... de rechercher à conférer, à l'occasion des
remaniements ministériels ou des nominations des fonctionnaires à des postes de
responsabilité, une signification quelconque à l'origine ethnique de tel nouveau ministre ou de
tel fonctionnaire qui reçoit une promotion". M. AHIDJO fait croire qu'il ne fonde son choix
que sur des critères objectifs tels que l'efficacité, le mérite, la valeur morale et le loyalisme vis-
à-vis du régime et du dévouement à la cause nationale.
Rien n'est moins vrai quand on sait le savant dosage digne d'un alchimiste auquel se
livre le Chef de l'Etat quand il doit constituer une équipe gouvernementale s'équilibrant entre
différentes tribus d'une part, entre les deux anciens Etats fédérés d'autre part,
L'éditorial de l'Unité, organe du Parti, dans son numéro 594 du 12-19 juillet 1975
consacre à tout jamais les préoccupations égalitaires du pouvoir : "Le second trait
caractéristique du nouveau gouvernement, c'est d'être le reflet de ce principe d'équilibre... qui
fait qu'aucune région du pays ne doit être favorisée au détriment des autres 287.
~85ADocutlonprononcée à Bamenda, in ACAP nO 125 du 2/6/1962
386 Bernard TOURET (dans son étude précitée p.227) fait état d'un équilibre semblable dans un UBA.N divisé en plusieurs
communautés. La constitution et la Coutume libanaises consacrent le principe de l'équilibre des conununautés. Le Pacte National
de 1943 reconnal! que chacune des principales communautés du Uban posséde au parlement le nombre de sléges correspondant
à son importance numérique. Cette représentation des conununautés est également appliquée dans le domaine gouvernemental
et administratif. A titre d'exemple, la présidence est toujours confiée à un Maronite, la présidence du Conseil à un Sunnite.
~87 Toutes propositions gardées, ces références postérieures à la période fédérale sont valables pour notre analyse.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
220
Nous présenterons ici à titre de preuve supplémentaire un tableau qui fait ressortir la
répartition proportiormelJe par chiffre de la population des députés de l'Assemblée Nationale
de 1977 et des Postes ministériels en 1975.
Tableau des députés et ministres288
DEPUTES A L'ASSEMBLEE
POSTES MINISTERIELS
PROVINCES
NATIONALE (1973)
(1975)
L'OUEST
18
5
LE NORD
36
7
LE CENTRE-SUD
23
7
LEUITORAL
13
5
L'EST
6
2
TOTAL PARTIEL
Cameroun Oriental
96
26
LE SUD-OUEST
10
3
LE NORD- OUEST
14
4
TOTAL PARTIEL
Cameroun
24
7
Occidental
TOTAUX
120
33
U - La consécration de l'unification ethnique au sein des instances
supérieures du Parti.
S'il est un paramètre constant dans la vie politique africaine, c'est bien la tribu. Le
Chef de l'Etat, à la manière de M. JOURDAIN "qui faisait de la prose sans le savoir"
concèdera finalement qu'il ne faut pas détruire les racines ethniques, mais rassembler et
transcender les patries tribales au sein de la Nation Camerounaise et susciter ainsi une seule
et unique patrie".
Ces propos de sage sont traduits en acte principalement dans le choix des membres
du Comité Central de l'UNC et, subsidiairement dans la constitution des six comités
régionaux de mars-avril 1971.
a) Membres investis du Comité Central de l'UNC.
1. PROVINCE DU NORD
4. PROVINCE DU 1mORAl
AHMADOU AHIDJO (Foulbé)
SENGAT KUO François (Douala)
El Hadj MOUSSA YAYA (")
Mme KEUTCHA Julierme (Bamiléké)
j88 Extrait de 'la rélonne politique et constitutionnelle de la République Unie du Cameroun par M. OWONA JOseph, in Rewe
RJPIC janvier-mars 1973, p.495.

"
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
221
HAYATOU (Foulbé)
EKWABI EWANE J. (Nkongsamba)
SADOU DAOUDA (Foulbé)
Prince R. DOUALA BELL(Douala)
VROUMSIA TCHINAYE (Massa)
YONDA Marcel (Bakoko)
GUEIMA GARBA (Kotoko)
ABOUBAKAR WABBI (Moundang)
AMINOU OUMAROU (Foulbé)
5. PROVINCE DU SlID-OUESI
MAUKIADJIA
Dr ENDElEY (Bakwéri. Buéa)
BOUBA BANKI (Foulbé)
ELANGWE Henry (Kumba)
NWALIPENJA (Ndian)
EGBE TABI Emmanuel (Bayang)
2. PROVINCE DE l 'EST
6. PROVINCE DE l 'OllEST
MALOUMA Raymond (Maka)
KWAYEB ENOCK (Bamiléké)
SANDJOL Frédéric (Badjoué)
KAME Samuel (Bamiléké)
DJUIMO Claude (Bamiléké)
3. PROVINCE DU CENTRE-SUD
NJI NCHOUWAT (Bamoun)
TOUOMO Etienne (Bamiléké)
AYISSI MVODO Victor (Ewondo)
TEINKELA Jean (Bamiléké)
TCHOUNGUI Simon Pierre (Ewondo)"
FOUDA André (Ewondo)
7. PROVINCE Dll NORD-QlJEST
ATANGANA Valentin (Ewondo)
John NGU FONCHA (Bamenda)
ASSAlE Charles (Bulu)
FONLON Bernard (Nso)
EMAH Basile (Ewondo)
Mme AKWE Marie (Motaméta)
MAYI MATIP (Bassa)
Prof. Victor NGU (Bamenda)
BAHOUNOUI Léon (Bafia)
NSAKWA NJI P. (Nkambe)
NGANG Bll..E (Kribi)
b) Membres de Droit 289 290
1. Président de l'Assemblée Nationale: TANDENG MUNA (Bamenda- Cameroun Occidental)
2. Président du Conseil Economique et Social : SABAL LECCO (Bertoua) (Est)
3. Président du Groupe Parlementaire: AHMADOU BELLO (Garoua) (Nord)
4. Président de l'UNTC : ABONDO Jérôme (Ewondo) (Centre-Sud)
5. Présidente de l'OFUNC : TSANGA Delphine (Ewondo
6. Premier Ministre: Paul BIYA (Sulu) (Centre-Sud)
389 L'on fera remarquer que le Président de la JUNC deuxiéme organisme armexe n'est pas membre de droit du Comité
Central. Den est toutefois le Secrétaire à la JeW1esse. Le titulaire de ce poste "appeDe TOUOMO Etienne, il est Bamiléké.
190 La composition du bureau de l'Assemblée Nationale abonde dans le sens de notre démonstration;
Président MUNA TANDENG Salomon (Anglophone)
Premier Vice-Président: M. MAYI MATIP (Sud)
Vice-Président: El Hadj MOUSSA YAYA (Nord CameroW1)
M. PACHONG Adolphe (Bami1éké)
M. SANDJOL Frédéric (Est).

1
l'expérience du fédéralisme camerounais; les couses et les enseignements d'un échec
222
l Cet "éventail d'élus" se suffit à lui-même comme preuve de la pluralité ethnique au
in du Comité Central du Parti. Toutefois, il faudrait se garder de jouer le jeu du pouvoir qui
rrnalgame judicieusement la représentation partisane et représentation ethnique, En effet, un
tertain polymorphisme caractérise le statut d'un groupe de barons, mandataires actuels de
leur tribu dans ce "saint des saints" et anciens leaders des partis politiques tant de la majorité
t:Iue de l'opposition au Cameroun Oriental comme au Cameroun Occidental, Cet état de
!choses est en réalité concevable dans ce pays où la solidarité ethnique l'emportant sur l'élan
(atriotique et où les communautés tribales tendent à se substituer aux partis politiques,
Voici quelques exemples de dédoublement :
1. MAYI MATIP, ancien leader de l'UPC légale représente aussi l'ethnie Bassa.
2. EMAH Basile, ancien UPC et Ewondo.
3. FONCHA NGU, ancien KNDP et Bamenda (Cameroun Occidental, Nord-Ouest).
4. ENDELEY, ancien CNPC et Bakweri (Cameroun Occidental, Sud-Ouest)
5. MOUSSA YAYA, ancien UC et Garoua (peulh)
6. TANDENG MUNA, ancien CUC et Bayang (Cameroun Occidental)
7. EGBE TABI Emmanuel, ancien CUC et Bayang (
)
8. KAME Samuel, ancien UC et Bafoussam (Bamiléké)
9. ASSALE Charles, ancien ESOCAM et Bulu (Centre-Sud).
La composition des différents comités 291.
Comme on le verra, le Président AHIDJO renverra chacun de nos barons dans son
terroir prêcher "la bonne nouvelle" de l'UNe.
a) Comité du Cameroun Occidental :
MM.
ELANGWE (président)
EfAOM,
NZO EKHAH NGAKY,
FONLON,
ENDELEY,
MmeCHlllA;
b) Comité du Centre-Sud:
MM.
ASSALE (président), FOUDA,
NDOUNOKON,ATANGANA;
c) Comité du Nord:
MM.
MOUSSA YAYA (Président),
lAMINE,
SAOOU DAOUOOU,
391 Unité, 210 Semaine du 15-16 au 23 avril 1973 rapporté par J.F. Bayart, op. cit., p.398.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les caU$eS et les enseignements d'un échec
223
HAYATOU,
ABOUBAKAR WABBI,
GUElMA GARBA ;
cl) Comité de l'Ouest:
KAME (président),
KWAYEB, KUEfE
MEKONG,
MOMO Grégoire,
Mme KEUTCHA ;
e) Comité du Uttoral :
MM. SENGAT-KUOH (président),
DJUIMO,
EKWABI,
INACK,
NJOCKI.
CONCLUSION PARTIELLE
L'unification n'a été que passagère lors de la genèse de l'UNe. C'est ce caractère
instantané qui nous a conduit à parler d'obsolescence. De plus, sous peine de confusion de
genre, il ne saurait être question d'assimiler le rassemblement d'une mosaîque de tribus292 à
l'unification partisane.
L'UNC s'est donc révélé comme un parti unique - certes de fait - au regard de son
caractère de parti de masses, de sa structure rigide, et surtout en l'absence d'une velléité de
débats de tendances en son sein. En somme, l'UNC n'est qu'un ensemble homogène sownis
à la direction unique de M. AHIDJO (phénomène au demeurant conforme à l'inéluctable
obligarchisation des organisations).
Dès lors, conformément à nos prémisses, l'Union Nationale Camerounaise n'étant
pas un parti unifié, il s'instaurait entre lui et le fédéralisme une incompatibilité certaine.
Toutes choses égales par ailleurs, la conjonction d'un processus de fusion unipolaire et
le dérèglement interne des mécanismes du parti, révélaient la \\UCéltion centralisatrice du
mouvement. Cet aspect allait-il déteindre sur les syndicats.
~92AuC\\Dl gouvernement n'échappe à la recherche de l'équilibre; car si ce n'est pas un équilibre entre les différentes tendances
(cas d'un autre parti unique) ce sera un équilibre entre différentes formations politiques (dans un gouvernement d'alliance). En
définitive, l'équilibre est l'élément constant de cette fonction politique aux variables multiples.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec.
224
Cl-I;.\\PfrRE Il
DYNAj\\/UQUE UNrfAIRE E'f FEDERALISME:
t:IJ'APAC'f CEN'fRAlISA'fEUR DE lfUNIFICA'flON
SYNDICALE SUR lE FEDERALISME CAMEROUNAIS
ImHIC11•• n ••sm'••1 ••••lEIE
Si l'on acbnet par définition que toute fédération est constamment à la recherche de
son point d'équilibre entre forces centrifuges et forces centripètes, nous avancerons que ces
dernières étaient nombreuses au Cameroun. C'est dans cette mouvance que se situe le
syndicalisme camerounais qui ne s'est pas seulement cantonné dans son rôle de "pouooir
compensateur", face au patronat dans notre système économique. En effet, nés dans une
période de revendication totale, les syndicats nationaux sans exclusivité idéologique, modérés
ou
extrémistes,
ont
plaidé
pour
"l'indépendance
immédiate,
l'amnistie
totale
et
inconditionnelle, l'unification"293. Pour plus de précision, le titre de l'un des opuscules de
Jacques GOM, leader de la CGT (K) est assez révélateur des objectifs de son syndicat: "La
lutte des travailleurs et du peuple Camerounais pour les revendications économiques et
sociales, et pour l'indépendance et l'Unification, 1955-1957".
A la lecture de cet énoncé et par anticipation, nous déduisons d'une part, l'irréalisme
du principe de l'apolitisme syndical inscrit dans la Charte d'Amiens et d'autre part, nous
constatons que la question de la forme de l'Etat Camerounais n'est pas une préoccupation
récente. Les hommes politiques et certaines organisations de fait, ont toujours privilégié la
forme unitaire de notre pays (à travers l'Unification du territoire) par rapport à toute autre
structure. Mais, comment justifier l'insertion du syndicalisme - en tant qu'''outil'' - dans notre
réflexion globale, à saooir l'échec du fédéralisme? Trois points seront examinés: Le premier
dans la doctrine, les deux autres dans la pratique.
1. Dans "Anarchisme, Socialisme et Fédéralisme" publié dans le no 163-164 -
octobre-novembre 1973 de l'Europe en Formation, consacré à l'Anarchisme et au
Fédéralisme, Marc Alexandre souligne avec pertinence que "pour le fédéralisme, on ne
l'ignore point, l'autonomie constitue la catégorie fondamentale: autonomie des collectivités,
sans nul doute, et en outre et surtout de la personne, mais non de l'individu encore moins de
l'''unique'' ; autonomie à la base : atelier et commune, et de même à tous les niveaux :
entreprises, associations, syndicats, régions, communautés, mais non à l'échelle des cartels,
des trusts et des monopoles, ni de ce monopole des monopoles qu'est l'Etat" (cf.pA).
39"MVENG (E.).- Histoire du Comeroun, ed. Présence Africaine, Pari s'agissant de l'unité nationale, p.424.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
225
2. Le monde du travail est tiraillé entre plusieurs syndicats opposés.
Le signe de la division qui marque leur essence-même, puisqu'ils sont issus de la
dialectique du maître et de l'esclaw et de l'instinct très légitime de légitime défense, est une
preuw certaine de leur liberté d'existence et d'action.
Le syndicalisme camerounais - avant et après la réunification - qui est un mouwment
essentiellement urbain, puisque se rencontrant avant tout dans les milieux extra-coutumiers et
instables des quartiers des villes, apparait comme l'élément progressiste de la masse.
Sa fonction de socialisation, à laquelle il faut ajouter une capacité certaine de
mobilisation est incontestable.
Dès lors, ce groupe de pression apparaîtra comme le protecteur de la classe ouvrière
sans distinction de bord, tant au Cameroun Occidental qu'au Cameroun Oriental.
3. Cette aptitude à la mobilisation, à l'organisation des grèves et surtout cette
prétention à jouer les "grands frères", défenseurs du prolétariat ouvrier, ne pouvait laisser
indifférent un Président qui s'est voulu dans l'histoire, l'unificateur de la Nation. Aussi
conwnait-il, pour parachewr cette noble tâche qui a débuté par l'indépendance, la
réunification de l'Etat et l'unification des partis, d'instaurer un climat de paix sociale en
s'adjugeant le contrôle des syndicats. Pour nous donc le but de l'unification syndicale est
l'alignement de la classe laborieuse (est et Ouest) ; ce qui n'est pas une moindre contribution
à la stabilité du régime. Nous trouvons ici, une des explications possibles de la ferwur des
dirigeants" pour l'unité syndicale - industrielle - considérée comme le stade suprême de
l'Unité Nationale et le désintérêt manifeste de ces mêmes "autorités" pour un syndicalisme
agricole.
Et pourtant, ce ne sont pas les raisons objectiws, justificatrices de l'opportunité d'un
syndicat dans ce secteur qui manquent.
D'abord, comme peut en témoigner le tableau ci-dessous, la répartition de la
population actiw selon le secteur d'activité économique accuse d'un déséquilibre prononcé
entre le secteur primaire et les secteurs secondaire et tertiaire réunis.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et 1e5 enseignements d'un échec
226
Répartition de la population selon le secteur d'activité économique
SECTEUR D'Acnvm ECONOMIQUE
%
Agriculture, syvicu/ture,
75,1
ékvage, chasse, pêche
4,3
Sous-total: Secteur primaire
79,4
Industrie
4,9
6atiment et travaux publics
1,8
Secteur : secteur secondaire
6,7
Transports et communications
1,4
Commerce
4,2
Banques, assurances
0,3
Services
8,0
Sous-total : Secteur tertiaire
13,9
TOTAL
100
sources : Ministère de l'Economie et du Plan - Bureau Central de Recensement. Si la
population s'est accrue entre 1961-1972 et 1975-1978, l'écart en terme de pourcentage
reste constant.
De plus, outre les cultures V1vneres qui nourrissent la population, les cultures
d'exportation (café, banane, cacao, coton) sont sources de rentrée de devises,
Enfin, un syndicat agricole s'interrogerait non seulement sur le bien-fondé de la
mission confiée à une institution comme le FONADER, faussement baptisée "Banque du
Paysan", il aurait aussi un droit de regard sur les fonds prélevés sur les revenus des planteurs
pour alimenter la Caisse Nationale de Stabilisation des Prix.
Mais, le monde agricole, homogène dans le besoin, inculte, résigné, incapable de se
regrouper, dépourvu de capacité rewndicatiw - donc inoffensif -, ne pouvait remettre en
cause l'Unité Nationale. N'est-ce pas là, la vraie justification de la désaffection des autorités
pour cette catégorie sociale, majoritaire dans le travail et minoritaire, voire absente dans
l'action 294 ?
Mais, considérant que dans ce contexte d'économie sous-déwloppée, la politisation
de la communauté est un germe latent de tension, ne pouvant éviter la conscientisation des
travailleurs, le Président de la République tentera leur "récupération" par le biais d'un syndicat
unique: l'UNTe.
~94 Dest logique que ce ne soit pas le "pouvoir" qui ouvre les yeux aux planteur.; en stimulant la création d'un syndicat agricole.
Quel gouvernant accepterait de former de futur.; contestataires A son régime? Ce qui est incompréhensible par contre, c'est le
fait que les chercheur.; qui se sont penchés sur le problème des syndicats se soient rendus - peut-i!tre Aleur insu-alIiés objectifs des
autorités polltiques dans la mesure où Us ont - par leur.; analyses confomUstes - ignoré la nécessité d'un syndicat agricok dans un
pays à vocation essentieDement rurale.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les Causes et les enseignements d'un échec
227
Notre point de vue n'a rien d'original puisqu'il est partagé par le Canadien Franck
Stark, auteur d'une thèse 295 qui retrace comment AHIDJO devint le patron de l'élite du
CamerolD1 de l'Ouest et comment cette élite, parce qu'elle lui devait poumir et rang, épousait
des conceptions du fédéralisme.
Nous tenterons de démontrer d'abord comment, dans le cadre du pluralisme syndical,
l'idée fédérale a été en sursis (§1.) ; on wrra ensuite, la contribution du monolithisme syndical
au dépérissement de l'idée fédérale (§2.).
SECllON 1
LIIDEE FEDERALE EN SURSIS DANS LE CADRE DU
PLURALISME SYNDICAL
Incontestablement, une compatibilité conceptuelle existe entre l'idée de fédéralisme et
celle de pluralisme syndical. Cette coexistence pouvait-elle laisser indifférents les hommes
politiques toujours à la recherche de l'Unité Nationale? Nous ne le pensons pas. Aussi, nous
attacherons-nous à montrer comment le syndicalisme en liberté (§1) a émlué wrs un
syndicalisme en situation (§2) au dépens de l'idée fédérale.
'Iralralbel- LI sndlcllls.1 e.llbln. Cllllal rlnlt
d'III Slci.t6lllrillll.
Selon David KOM, "les puissances coloniales résisteront longtemps avant de
reconnaitre officiellement aux travailleurs Camerounais le droit de constituer les syndicats,
malgré quelques soulèwments sporadiques des indigènes - dont le plus célèbre et le plus
mémorable de la fin du 19è siècle reste la grèw du port de Douala en l'an 1895 - pour
protester contre l'oppression et l'exploitation des colonialistes allemands"296. L'ordre donné
aux tirailleurs camerounais d'ouvrir le feu sur leurs compatriotes n'est pas exécuté: "Nous ne
poumns pas faire ça à "Nos" frères avaient répondu les tirailleurs". De sa genèse à 1972, le
mouwment syndical camerolD1ais sera marqué par un esprit de liberté, qui se traduit
concrètement par une double origine (A) sous-tendu par des courants idéologiques différents
(E) entraînant des actions diwrses (C).
A) La dualité originelle du syndicalisme calDeTOunais
Le pragmatisme britannique a-t-il eu un effet d'entraînement sur la France qui
s'obstinait à limiter ['importance du mouwment syndical en Afrique?
~95 Franck Stark Milton , "Federalism as a symbol of political intergralion in the Bite Political Culture of Cameroon". A
dissertation subnùlled to the g....dwtte School in Political Fulfillment of the requirernents for the degree of Doctor of Philosophy.-
North-Western University, Evanton Illinois, 1972.
j96 KOM (David), Le Cameroun, Essai d'analyse économique et politique, Editions Sociales, Paris, 1971, p.57.

- \\
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
228
1. Les sources anglophones du syndicalisme
Ce sont les Anglais qui inaugureront la voie de la revendication des ouvriers le 17
septembre 1930 grâce à Sidney WEBB. Ce Monsieur, Secrétaire d'Etat aux. colonies,
enverra une lettre-circulaire aux. Gouverneurs des colonies dans laquelle il reconnaît la
légitimité de la constitution des syndicats avec cependant "une supervision bienveillante" afin
d'éviter que ces organisations syndicales ne péréclitent et ne se détournent de leurs buts. Les
tennes de la lettre de WEBB sont les suivants : "He recognise that there is a danger that
without supervision and guidance, organisations of labours without experience of
combinations for any social or economic purpose may faU under the domination of
disaffected persons, by whom their activities may he diverted to improper and mischievious
ends"297.
Cette note révèle la préoccupation de l'autorité administrante de séparer la
revendication économique de la réclamation politique afin d'éviter que le syndicalisme ne
renforce le nationalisme. Toutefois, c'est surtout le colonial Development and Welfare Act
pris en 1940 qui marque un tournant décisif dans la reconnaissance des syndicats africains
par le Colonial Office. La législation du Colonial Office s'appliquera au Cameroun Occidental
par le Nigéria interposé.
Toujours en matière sociale, nous citerons quelques textes qui ont été pris après la
deuxième guerre mondiale pour les colonies britanniques :
- la loi de 1945 portant code du travail ;
- les lois relatives aux syndicats professionnels
(Trade Unions Ordinances), aux salaires (Wages boards ordinance)
à la réparation des
accidents du travail (Workmen's compensation ordinance).
Mais, malgré la lettre-circulaire de WEBB de 1930 et le Colonial Development and
Welfare Act pris en 1940, une bonne partie du continent, l'Afrique Francophone, vit encore
dans l'attente anxieuse de la législation des droits semblables.
A l'insoutenable poussée revendicative de la masse, aux exigences d'assimilation de
l'intelligentsia, la farouche opposition coloniale à toute tonne d'organisation syndicale n'est
pas prête de s'estomper. Et pourtant, avec la seconde guerre mondiale, l'issue devenait
inéluctable.
~97 Colonial Trade Unions, Fabian Society London, 1954, cité par Jean Meynand et Anisse SaJahbey in le "Syndicalisme
Africain, Evolution et Perspectives", Etudes et Documents, Payot, Paris, 1963; p.38.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
229
2. Les sources francophones du syndicalisme.
En témoignage de sa gratitude envers les Nricains qui ont participé à la libération du
"territoire national", le Général De Gaulle sera sensible à certaines revendications africaines.
Aussi, conooque+il à Brazzaville une conférence considérée comme le ferment du
syndicalisme en Nrique. Pour Andreas November, "Dans l'histoire de la colonisation
française en Afrique, la Conférence de Brazzaville (1944) ouvre une ère nouvelle. Elle marque
en effet le point de départ d'une série de réformes et de transformations politiques...298.
A titre d'exemple, l'une des premières mesures prises dans la foulée de l'esprit de
Brazzaville sera la création en 1944 (décembre) de l'Union des syndicats confédérés
Camerounais (U.S.S.C.)299. A partir de ce moment, une série de textes règlementant les
activités syndicales seront promulgués. Nous en retiendrons deux.
a. Le Décret du 7 août 1944.
Conséquence inunédiate du discours du Général De Gaulle à Brazzaville, ce décret
autorise au Cameroun l'existence des mouvements syndicaux en émettant des réserves qui
limitent en fait la liberté syndicale.
L'article premier de ce texte stipule que '1es
syndicats professionnels ont
exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels et
commerciaux". Entre syndicats, la concertation est possible sous réserve que leurs objectifs
soient compatibles avec ceux définis par l'article précité.
Aux termes de l'article 5 du même décret, il est précisé que '1es membres de tout
syndicat professionnel chargés de l'administration ou de la direction de ce syndicat doivent
savoir parler, lire et écrire couramment le français et être au moins titulaire du certificat
d'études primaires". Il faut remarquer qu'en 1944, rares sont les Camerounais en mesure de
remplir ces quatre conditions. Dès lors, ces exigences inciteront les premiers syndicalistes
européens au Cameroun, surtout ceux de la CFTC, à intensifier les activités de formation.
En définitive, le caractère sélectif, voire discriminatoire de ce décret du 7 août 1944 a
réduit le champ d'action des syndicats à certaines activités précises et surtout à laissé la
direction des syndicats aux expatriés nantis du niveau exigé, c'est-à-dire du C.E.P.E.
j98 Andreas November : L'Evolution du Mouvement Syndical en Afrique Occidentale, Ed. Mouton, 1953, p.63.
399 A ce niveau, une précision est nécessaire: De même que les premières grèves n'ont pas attendu 1944 pour se déclencher,
ridée syndicale n'a pas non plus attendu cette date pour naltre. En effet, l'arrivée à Douala en 1932 de plusieurs Européens dont
Maurice SOULIER, Cégétiste et agent des travaux publics, Gaston DONAT, Algérien et Syndicaliste chevronné, lui aussi
Cégétiste, va ouvrir la voie au syndicalisme CdIllerounais. On peut citer également le décret mort-né de 1937 qui reconnaissait le
droit syndical aux travailleurs de l'Afrique Occidentale française et du Cameroun.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
230
b. Le code du travail du 15 décembre 1952.
Par rapport au texte antérieur, on enregistre un net progrès en faveur des travailleurs.
Avec la suppression de l'article 5 du décret de 1944 qui disqualifiait les Noirs dépourvus de
diplôme, un souffle de libéralisme s'est fait sentir. Mais la continuité d'inspiration entre
l'article 1er du décret de 1944 et l'article 1er du code n'est plus à démontrer: "L'objet des
syndicats professionnels demeure "toujours" l'étude de la défense des intérêts économiques,
industriels, commerciaux et agricoles". Pour être membre d'un syndicat, "n suffit d'être
membre de l'Union Française, de jouir de ses droits civiques et de ne pas avoir encouru de
condamnation expressément prévues par l'article 6 alinéas 1 et 2".
L'article 7 associe aussi les femmes aux mouvements syndicaux, pendant que les
mineurs de moins de 16 ans se voient refuser le droit d'adhérer à un syndicat.
Progrès certes, mais la toile de fond demeure encore restrictive. La puissance
coloniale distribuera parcimonieusement les libertés syndicales... pour ne pas dire les libertés
tout court.
Concluons sur cette juste remarque de Andreas November : "Le syndicalisme a subi au
Cameroun des influences diverses selon l'origine de la colonisation. Si le syndicalisme français
a beaucoup marqué les pays qui étaient administrés par la France, il est de même pour ceux
qui étaient sous la domination britannique".
B) lA PLURAUIE IDEOLOGIQUE DU SYNDICAlJSME CAMEROUNAIS
Au point de vue idée, le Cameroun Occidental sera marqué par le trade union 300,
alors que le Cameroun Oriental cherchera son équilibre entre les "rouges" et les "jaunes" (ou
leurs dérivés)30l. La caractéristique essentielle de la liberté du mouvement ouvrier
camerounais est (à l'époque) son extraversion d'inspiration ; en effet la plupart de nos
centrales syndicales sont affiliées aux centrales syndicales métropolitaines.
1. Les organisations syndicales au Cameroun Oriental
Schématiquement, on peut distinguer trois courants principaux dans le syndicalisme
français qui vont influencer nos compatriotes :
- Le syndicalisme révolutionnaire ou marxiste qu'incarne la CGT ou confédération
générale du travail ;
- Le syndicalisme réformiste ou socialiste que tient la CGT-FO ou Confédération
Générale du Travail-Foree-Ouvrière;
jf.oo Mongory (Jonathan). "Genèse et Contradiction du Syndicalisme Camerounais" in Rewe Française d·études politiques
~fricaines nO p.75.
!JOl Référence est faite ici à la situation française.

L"expérience du fédéralisme camerounais : l~ causes et les enseignements d'un échec
231
- Le syndicalisme spiritualiste ou chrétien représenté par la CFfC ou Confédération
française, des travailleurs chrétiens.
Tous ces syndicalistes métropolitains formaient les syndicalistes camerounais dans les
comités d'études. Cette formation devait nécessairement donner plus d'indépendance
syndical dans l'avenir aux Camerounais. La tactique était donc double: collaboration d'abord,
liberté ensuite.
A l'évidence, "d'audience différente et de stratégie parfois opposée, ces différentes
centrales ont faconné l'âme
et la conscience des syndicalistes camerounais"302.
Quels sont donc ces antennes des centrales syndicales françaises dans notre pays de
1944 à 1972?
Faute de documents, l'analyse que nous livrons ici sera très marquée par la version
officielle des évènements.
a. L'U.S.C.C. : Union des Syndicats Confédérés du Cameroun.
Créé le 18.12.1944, ce syndicat est affilié à la CGT française. Le mouvement est
encadré par M. OONAT, militant de la car et membre du parti communiste français.
Bénéficiant de son statut de parlementaire, il pouvait se déplacer facilement. Les membres du
futur bureau de ce syndicat auront des fortunes diverses. C'est ainsi que UM NYOBE Ruben
abandonnera la direction du syndicat pour participer activement à la création de l'UPe.
Quant à M. ASSALE Charles, après un passage au Conseil Economique et Social en tant que
cégétiste, il perdra son mandat. Dénonçant bruyanunent son affiliation au parti communiste,
il est placé par l'Administration à la tête de F.O. en qualité de Secrétaire Général.
Affiliée sur le plan international à la Fédération Syndicale mondiale (F.S.M.)
d'obédience communiste, l'USCC va se transformer en 1959 en Confédération Générale
Camerounaise du Travail (CFfK) sous la direction effective de Jacques GOM. Cette mutation
est due selon les analystes à "des scissions successives motivées, concurremment, par des
divergences idéologiques et des luttes d'influence"303. A ce syndicat créé pour répondre à
d'évidentes nécessités, s'opposeront d'autres forces d'inertie, de missions plus ou moins
officieuses.
402 MONGORY (Jonathan), Genèse et Contradiction du Syndicalisme Camerounais" in Revue Française d'Etudes Politiques
Africaines nO
p.75.
403KAMTA (Jean Pierre).- Le syndicalisme ouvrier dans la stratégie de la construction nationale au Cameroun.• Mémoire
présenté pour l'obtention du DES. de Science Politique, 1976-1966.

l
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
232
b. La CGT-FO. : La Confédération Générale des Travailleurs-Force-
Ouvrière.
Créée en 1948, elle s'implante dans l'administration des PTf avec l'appui de
l'Administration Française, et le concours de Guy VINAY.
Né de la rupture de décembre 1947, après les vaines tentatives de reconstitution de
l'unité cégétiste de 1944, le mouvement (F.O) est constitué en France d'un conglomérat de
non communistes de tendances diverses. Cette hétérogénéité n'est pas sa moindre
caractéristique au Cameroun. A ses origines, dirigé par TONYE Alphonse, futur bénéficiaire
d'une bourse d'études en France pour "dédommagement", le syndicat sera confié à Charles
ASSALE. A la veille de l'indépendance, la dénomination du mouvement ainsi que son sigle
vont changer en conformité avec les nouvelles contingences. Désormais nous aurons à faire à
l'Union des Syndicats Libres du Cameroun (U.S.L.c.). Le mouvement qui est d'obédience
chrétienne est rattaché à la Confédération h1temationale des Syndicats Libres (C.LS.L.). Son
leader est M. AMOUGOU Jose
c. La C.C.S.C. : La Confédération Camerounaise des Syndicats Chrétiens.
Vraisemblablement sa création remonte en 1946 à Douala ; on la traitait d'Union
Territoriale de la CFTC. Elle est puissamment soutenue par le député Louis AUJOULAT.
Son Président est M. GAIlANDE (Catholique). La vice-présidence est assurée par un
Camerounais protestant : Jean MOUKOKO. Les fonctions de Secrétaire Général sont
dévolues à Philippe MBARGA. Ce syndicat aura l'honneur d'organiser à Douala un congrès
panafricain qui s'est déroulé du 1er au 7 mars 1953. Une des mesures prises par l'Union
Territoriale C.FTC. du Cameroun aura été de transférer le siège de la Centrale de Douala à
Yaoundé.
La nouvelle équipe dirigeante était la suivante:
- OKA Fabien
Président
- MBANGUE Bernard
Vice-Président
- ENAMA Bernard
Secrétaire Général
-OOOHBILLE
Secrétaire Adjoint.
Il faut préciser que jusqu'à cette date la CCSC n'est pas encore un mouvement
autonome. Elle vit sous l'ombrage de la CFTC. Ce n'est qu'au congrès panafricain de Douala
en 1954 que fut proposée l'indépendance des Unions Territoriales C.FTC. d'Afrique Noire
et de Madagascar. Avec l'évolution des Africains, la cnc comme organisation, devait laisser
la charge de la gérance des organisations aux autochtones. C'est sur ces entrefaits qu'en
novembre 1955, fut créée au cours d'un congrès autonome la Confédération Camerounaise
des Syndicats Chrétiens. Mais tout n'alla pas toujours pour le mieux au sein de ce
"minioeucuménisme" ; les rivalités entre M. ENAMA Bernard et le jeune leader TINA

\\
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
233
devaient aboutir à une scission en 1960. Avec le succès de la tendance TINA Michel, le
mouvement tente de refaire son union sous le nom d"Union des Syndicat Croyants du
Cameroun" (U.S.c.c.). Après ce syndicat qui a connu de soubressauts en son sein, nous
mentionnerons rapidement les autres formations syndicales que l'on rencontrait dans notre
pays.
d. L'USAC (L'Union des Syndicats Autonome du Cameroun)
C'est la fraction dissidente de l'USCC (Union des Syndicats Confédérés du
Cameroun), annexe de la CGT française.
e. Les Syndicats sans attaches extérieures.
Dans le sillage des diverses unions importantes et excentrées, s'activent quelques
groupements dont l'ambition est d'instaurer un syndicalisme dépourvu de toute attache
extérieure. Aussi, citerons-nous sans beaucoup de précisions:
- L'Union des Syndicats Automobiles du Cameroun (USAC)
- L'Union Nationale des Syndicats Agricoles Forestières
du Bois, de l'Elevage et de la Pêche au Cameroun (UNASABEC)
- L'Union Nationale des Cheminots au Cameroun (UNCC).
D'aucuns pensent qu'autour des années 50 ces petites formations représentent
environ la % des effectifs des travailleurs syndiqués du Cameroun 304.
Pour les besoins de notre analyse, nous ignorons volontiers l'Union Syndicale des
Cadres, Agents de maîtrise et assimilés (USC), rattachée à la Confédération Générale des
cadres français et le bloc patronal, homogène dans ses origines et dans ses intérêts.
L'état de la question syndicale avant l'indépendance, peut être résumé dans le tableau
ci-dessous 305 :
Nom du Syndicat
Affiliation inter-
Taux de représen·
nationale
tativité
C. G. T.
FSM
26,4%
Croyants toutes
tendances (CITC)
CLSC
4,4%
CGTFO (proche
SFIO)
CILS
2,4%
Sans affiliation
13,2%
Indépendants
officieUe
9,6%
avec pour l'USAC
404 KAMTA (Perre), op. cil., p.g
405 Ibid. p.10.

L 'expérience du fédéralisme camerounais; les causes et les enseignements d'un échec
234
2. Les syndicats dans la partie occidentale du pays.
En réalité, parler des syndicats ouest-Camerounais revient en somme à retracer
l'histoire de l'Uruon des Travail1eurs de la C.O. C. 306, créée en 1947 et aux destinées de
laquelle présidait le Docteur ENOELEY en qualité de Secrétaire Général. Car jusqu'en 1962,
il n'y avait que les travailleurs de la C.O.c. comme membres des syndicats regroupés en
profession à savoir:
- le syndicat des enseignants
- le syndicat des communes
- le syndicat des employés de l'E1ectricité.
Ces trois fonnations constituèrent plus tard la West Cameroon Trade - Union
Congress (WCTUC), futur partenaire de l'USCC et de la FSC au sein de l'UNT.
nfaut souligner que la WCTUC qui devint l'organe suprême des autres fédérations du
Cameroun Occidental, ne participait jamais aux agitations politiques. Elle avait pour principal
objectif la négociation des ~meil1eures conditions des salaires, de logements, et des soins
médicaux pour ses membres.
Les travailleurs, constatant les avantages qu'ils pouvaient tirer de l'Uruon, s'affilièrent
en grand nombre. Ce faisant, les membres à part entière vont bénéficier des différents
avantages que nous venons d'énumérer. Pour le fonctionnement de l'Union, les membres
verseront une contribution en espèces d'un montant de sept poinds (7 x 685 F.CFA) le jour
de la paie.
Après la réurufication, la WCTUC s'affilia à l'International Trade Uruon Orgarusation
dont le siège est à Bruxelles307 .
A l'analyse, l'exclusivité de la WCTUC dans l'action revendicative n'étonne plus quand
on sait qu'elle est implantée dans la COC, principal employeur au Cameroun Occidental.
Vers les années 1960, le Cameroun compte environ 140 à 150 000 travailleurs
salariés. Neuf centrales syndicales se disputent l'encadrement de cette masse. De querelles
suivies d'éclatement entraînant des regroupements éphémères sont fréquentes; pour certains
hommes politiques, ces luttes - signe de vitalité et expression de liberté - occasionnent
l'éparpillement des énergies syndicales.
406ure à ce propos le livre de W.A. Wannington intitulé A West African Trade Union: case study of Carneroons Development
Corporation Womer"s Union and ils Relation with the Employers. Published for the Nigeria Institute of Social and Economie
Research by the Oxford University Press 1960, p.l60.
4°7 L'entretien que nous avons eu avec M. VERWESSEE nous a beaucoup aidé dans la rédaction de cette partie.

,
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
235
La vérité veut que les "autorités" redoutent les possibilités d'action que renferment tant
de syndicats en liberté. Et pourtant, la vitalité de nos syndicats dans l'action tant au
Cameroun Occidental qu'au Cameroun Oriental- ne se démontrera plus.
C) 1 ES MULJ1PI ES ACTIONS DU sYNDICAUSME CAMEROUNAIS
Economiquement et politiquement enfermés dans un environnement oppressif, les
travailleurs camerounais tenteront de manière sporadique de se "désaliéner" en organisant
des grèves contre les employeurs, voire contre le pouvoir. Car, comme le souligne David
SOUMAIT de la Confédération Africaine des Travailleurs Croyants, "Si en Europe le
Travailleur ne connaît qu'une aliénation, qu'une sujétion économique, en Afrique, il connaît
d'abord une aliénation politique, ceUe de tout le peuple africain, qui accentue et rend plus
atroce l'aliénation économique"308. Dès lors, s'établit une interpénétration entre mobiles
politiques et économiques pour le déclenchement des grèves. Chronologiquement, voici
quelques actions organisées dans notre pays depuis 1945.
1. D'abord au Cameroun Oriental.
a. La manifestation du 1er mai 1945 contre le fascisme européen.
Si le 1er mai est célébré dans le monde entier comme journée de travail, les
Camerounais lui ont donné une autre signification. En effet, le grand défilé de travaiUeurs qui
se déroule à Yaoundé ce jour-là a pour but de condamner '1e fascisme européen".
Symboliquement, "un cercueil aux insignes du fascisme est incinéré et enterré dans le quartier
de la Briqueterie"309.
b. La grève des 24 et 25 septembre 1945.
Organisée à Douala par des cheminots - encadrés par l'USCC - pour protester
contre les travaux forcés, cette grève est la première en date depuis la conférence de
BrazzaviUe. La direction ne pouvant contrôler tous ses éléments, des débordements
occasionnant quelques exactions n'ont pu être évités.
QueUe aubaine pour le
patronat et le colonat qui profitèrent
pour
entreprendre une expédition punitive contre les noirs et les blancs qui les soutenaient. La
confusion sera totale et le gibier de ce safari ne sera pas le gréviste mais le paisible piéton
noir. Toujours est-il que le bilan a été lourd et d'aucuns ont prétendu que les prêtres (blancs)
armés, avaient tiré sur une population noire en détresse, cherchant refuge à la mission
catholique.
408 KAMTA (Jean Pierre), op. cit., p.14.
409 TŒNTCHEU N. (André), La Problématique des syndicats au Cameroun, Mémoire de Ucence, Université de Yaoundé, 1973,
p.13.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
236
Mais la fête ne pouvait pas finir ainsi, un cormnando blanc tentera de régler
son compte au "traître à la race", le cormnuniste Lalaurie. Laissons parler un syndicaliste
échevronné, Joseph René AMOUGOU, témoin privilégié des évènements: "C'est ainsi qu'au
beau matin à la Rue de la Résistance à Douala, après une grève bien réussie, le camarade
Lalaurie s'était vu son habitation encerclée par un peleton de colons armés qui voulaient lui
supprimer la vie. Par chance, à travers les persiennes, usant de sa légitime défense avec son
révolver, il atteignit morteUement Olivier, Secrétaire Général de la Chambre de Cormnerce.
Le Tribunal militaire de l'époque qui siégeait à Brazzaville libéra purement et simplement
notre cher camarade pour légitime défense"310. Ainsi se terminait la première grève
orgarusée par un syndicat camerotmais.
c) Grève de décembre 1956.
Cette grève déclenchée par les syndicalistes a des mobiles essentieUement
politiques. Les travailleurs exigent une amnistie en faveur des leaders politiques arrêtés après
la marufestation orgarusée par l'UPC le 25 mai 1955, pour dénoncer la politique du
Gouvernement Roland Pré. Selon les syndicalistes, cet élargissement des détenus leur
permettrait de partidper aux prochaines élections législatives. Cormne on le voit, à
l'occasion, les "syndicats" et les "partis politiques" ont su se mettre d'accord sur des objectifs
cormnuns.
d) Grève de 1959.
fi est question ici d'une grève orgarusée par les enseignants publics. Elle a été
déclarée illégale et matée avec fermeté.
e) Grève de la Serepca.
Sous toute réserve, (mais les documents officiels l'attestent) nous ferons état
d'une grève organisée par la CGT dans une Société de la place (La Serepca). Les
conséquences de ce mouvement ont été nombreuses. Plus de 4 000 ouvriers et employés
de bureau ont été licenciés; plus tard, la société suspendra ses activités dans le pays.
2. Ensuite au Cameroun Occidental...
Ici sans cormnentaire, nous livrerons in extenso le tableau récapitulatif des différentes
manifestations de grèves qui se sont produites à la CDC de 1947 à 1955. On remarquera
seulement qu'aucune des causes d'interruption de travail n'a un caractère politique. fi s'agira
essentieUement des revendications corporatives
410 Extrait d'un discours préparé et, mais non prononcé par le Camarade AMOUGOU Joseph René, Vice-Président de l'UNIC,
~ l'occasion du passage ~ Douala du Camarade Georges Seguy, Secrétaire Général de la c.G.T. La cérémonie préwe pour le 17
septembre 1974 n'a pas eu lieu.
Pour l'ensemble de la question, voir le mémoire de Elvis TANGWA SM, "Coup d'oeil sur le syndicalisme au Cameroun, des
origines ~ nos jours", p.16.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les ca"",s et les enseignements d'un échec
237
A la fin de cette énumération, des considérations multiples s'imposent. A titre
d'exemple, on peut se demander si les fruits ont tenu la promesse des fleurs? Tant d'actions
revendicatives pour quoi faire? Question légitime en fait, mais donc la réponse ne rejoint pas
nos préoccupations. Pour nous, l'essentiel c'est qu'à beaucoup de syndicats ait correspondu
une autre possibilité de dialogue: les grèves, Nous pensons que cette exigence plurielle est un
attnout du fédéralisme. D'ailleurs, les difficuhés de regroupement qui marqueront le
cheminement vers un syndicat monolithique sont encore compatibles avec l'idée de
fédéralisme.
Pln.rll'" 2: Ils sp.lcllS •• shlIU•• :Ils rislsll.CII Il'••lfleIU••
Si, comme nous l'avons prouvé, le pluralisme syndical est compatible avec l'idée de
fédéralisme, encore faut-il faire une réserve qui tienne compte de la spécificité de l'expérience
du syndicalisme au cameroun Occidental, marqué par l'esprit tra-unioniste. C'est ainsi qu'avec
la réunification, l'unification syndicale est déjà une réalité dans l'Outre-Mungo.
En effet la CDC Worker's Union - de loin le syndicat le plus important dans l'Etat - va
opérer une fusion (en réalité une absorption) avec quelques petits syndicats professionnels qui
étaient:
- the Nigeria Union of Teachers
- the Civil Servants Association
- the Railway Worker's Union.
La nouvelle centrale qui verra le jour sera le West Cameroon Trade Union Congress
interlocuteur anglophone des fonnations du Cameroun Oriental dans la recherche de l'unité
syndicale.
Cette "paisible" union ne préludait en rien les querelles byzantines, envenimées par
l'esprit de chapelles des syndicalistes de Yaoundé.
Plus que pour les partis politiques, l'âge d'or de nos syndicats se prolongea jusqu'en
1972, année même de l'avènement de la République Unie du Cameroun. Car, si jusqu'à
l'indépendance, le sort des syndicats et des partis politiques semble lié, à partir de 1960, les
premiers résisteront longtemps (six ans après l'unification des partis) avant de se résigner à la
fatalité de l'unité. Et ce n'est pas sans remords - se prendr-Qn à penser - qu'à l'accession à
l'indépendance, à l'instar des pays voisins qui avaient instauré le syndicat unique, nos "Princes"
ont toléré l'existence de plusieurs syndicats sur lesquels - de surcroit: - pesait l'hypothèque de
l'influence étrangère.

,
L'expérience du fédéralisme camerolIDais : les cauoes et les enseignements d'lm échec
238
La version officielle acrédite deux. facteurs à l'origine de la recherche de l'unité
syndicale. Nous Uvrons ici sans commentaire ces deux éléments qui sont d'ailleurs
complémentaires.
- En 1961, les élections des délégués du persormel ont vu la victoire des syndicats
autonomes. Pour le "pouvoir", ces résultats marquent le désintéressement des travailleurs
camerounais à l'égard des vieilles centrales syndicales plutôt tournées vers l'exétérieur.
- Dans le même temps, la Confédération hlternationale des Syndicats lJbres (CISL)
multiplie les démarches auprès des leaders locaux les plus en vue. La conjugaison de ces deux.
faits poussera "certains éléments du syndicalisme camerounais à envisager des réformes de
structures tendant à l'unification et à l'expérience d'un mouvement mondial411 . S'unir on ne
peut pas s'unir? Telle a été l'interrogation shakerspearierme à laquelle se devaient de
répondre les syndicats du Cameroun Oriental.
A travers le cheminement des hauts et des bas - surtout des bas - des tentatives
d'unification syndicale, nous remarquerons que la résistance à l'obsession de l'unité est encore
compatible avec l'idée de fédéralisme.
Echec... Réflexion... Espérance... Déception... Refus... ont marqué la trajectoire de
l'unité syndicale. En somme, on piétinait.
A)... L'ECHEC...
L'échec du Conseil National des Syndicats du Cameroun (CNSC)
Créé sous la direction du CISL qui revendique la paternité de l'unité (syndicale), le
CNSC n'est pas à l'abri des obstacles.
1 - La fusion des syndicats intéressés (UNASABEC -CGT et UGTC) devait se faire
sous le contrôle de la CISL dont la nouvelle centrale devait certainement devenir une filiale.
Les travaillerus camerounais, pour la plupart militants de l'Union Camerounaise, ne pouvaient
plus accepter une situation de dépendance.
2 - De plus, la fusion s'étant réalisée sans consultation préalable des syndicats de base
- procédure bien inscrite dans les statuts des syndicats en cause - les statuts du conseil furent
rejetés pour vice de forme. Pour les autorités camerounaises, cet échec du CNSC confirme la
tendance majoritaire du syndicalisme camerounais qui reflète la doctrine sociale de l'Ue. En
effet, cette dernière souhaite le rejet de toute dépendance à l'égard des organisations
internationales.
411d document officiel intitulé: "Petit historique du syndicalisme au Camerolm . du plw-.lisme à l'lmité syndicale"

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignemenls d'un échec
239
L'année 1962 s'achève sans que l'unité syndicale orchestrée du dehors par le CISL se
réalise au Cameroun.
B)... LE TEMPS DE BER EXION...
La version officielle veut que le premier échec de regroupement n'ait pas découragé les
syndicalistes camerounais qui étaient tous animés par le désir d'unité syndicale. Malgré
l'existence d'un consensus, la réalisation de cet objectif commun sera différée à cause des luttes
d'influence. A l'occasion de la première conférence panafricaine de janvier 1962, une autre
tentative de création d'un nouveau regroupement verra le jour. Mais le congrès national pour
l'unité syndicale constitué à cet effet n'a pas réussi à rallier les différents leaders locaux. Seul
M, Amougou (CAL-FO) participa à cette conférence d'où devait sortir la Confédération des
Syndicats Africains (CSA). A la réflexion, en 1963, les promoteurs de l'unité syndicale posent
le principe de la désaffiliation préalable de tout syndicat désireux de participer à un
mouvement unifié national. C'est dans cette optique que naît la Fédération des Syndicats du
Cameroun.
q ... L'ESPERANCE...
Statutairement, la FSC marque la première tentative d'autonomie du syndicalisme
camerounais par rapport au syndicalisme métropolitain. La composition de la FSC est la
suivante : - l'Union Générale des Travailleurs Camerounais UGTC) - la Confédération
Générale des Travailleurs Camerounais (CGTC) préalablement désaffiliée de la Fédération
Syndicale Mondiale (FSM) - l'Union des Syndicats Ubres du Cameroun (USLC) O'ancienne
CASL-FO) également détachée de la CISL
.
,_.~
Autonome vis-à-vis de l'exétérieur, la FSC entend le rester dans ses rapports avec
l'UC, parti dominant au Cameroun Oriental. Pour ce faire, sur l'instigation de Jacques GOM,
se développera la théorie du soutien critique au régime. Elle consistait à appuyer la politique
sociale du gouvernement tout en dénonçant ses points faibles. Le contexte quasi-démocratique
de l'époque encourageait une telle initiative qui serait apparue comme une dissidence quelques
années plus taret D'ailleurs, cette théorie ne fera pas long feu; elle sera même source de
scission au sein de la FSC.
D)... L'ESPERANCE DECUE...
Dans les respects du principe de l'apolitisme syndical, certains membres de la FSC '.K>nt
critiquer le flirt qui naît entre l'UC et la nouvelle Fédération. Sur ces entrefaites, Wougly Silas,
cheminot de son état et membre du Comité-directeur de la FSC démissionnera pour fonder un
syndicat des cheminots sous l'égide des syndicats croyants. M. J. P. Kamta résume en ces
termes le climat qui régnait au sein de la direction du FSC : "Le bureau directeur devint le
théâtre des discussions orageuses et une scission s'y manifesta, paralysant la FSC. C'est la
période d'intrigues, matérialisées aux yeux du public par une série de tracts, proclamations et

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
240
autres manoeuvres destinées à polariser l'opinion publique en faveur de l'un ou l'autre clan qui
s'entredéchirent",
Comme
une
peau
de
chagrin,
l'influence
du
FSC
disparaissait
progressivement de l'univers syndical camerounais,
E)... I.E REFUS...
1
Deux centrales d'obédience chrétienne sont en rivalité à la veille de l'indépendance. n
1
s'agit en l'occurence de la Confédération des Syndicats Chrétiens (cess) et de l'Union
Camerounaise des Travaillerus Croyants (UCTS). Le 9 septembre 1962, ces deux centrales
1
organisent un congrès unitaire à Yaoundé. n en sortira une nouvelle centrale dénommée
l'Union des Syndicats Crayants du Cameroun (USCC). Mais, une fois de plus, cette nouvelle
centrale maintiendra l'affiliation des Syndicats Croyants à la Fédération Internationale des
1
Syndicats Crayants (CISC) et à l'Union Panafricaine des Syndicats Crayants. Cette attitude a
été interprétée comme un refus de la politique d'autonomie tant recherchée.
1
En conclusion, certains hommes politiques pensent que les efforts et les tentatives
1 d'unification n'ont pas abouti à cause des luttes d'influence et de leadership de certains
dirigeants; thèse en réalité simpliste car ignorant le vrai problème: celui de l'autonomie d'une
force politique agissante, opposant une certaine résistance à un pouvoir continuellement
1 centralisateur. Malgré les tergiversations, le compte à rebours avait sonné pour le pluralisme
syndical dans notre pays. Une nouvelle fonnule se préparait,et avec elle, une autre vision du
pouvoir.
1
1
SEC110N Il : LE CONCOURS DU MONOLmllSME SYNDICAL
AU DEPERISSEMENT DE L1IDEE FEDERALE
1
L'autonomie entre l'idée de fédéralisme et celle de centralisation étant évidente, les
1 mérites du polycentrisme revendicatif n'en sont que plus nombreux. La bourgeoisie n'a
consenti à faire des concessions aux classes laborieuses que sous les pressions répétées des
syndicats et de certains événements dont le contrôle lui échappait.
1
Lorsqu'un dirigeant politique de la trempe de Roger Chinau - à l'époque Secrétaire
1 Général des Républicains Indépendants - laisse entendre en 1974 qu'il ne verrait pas d'un
mauvais oeil l'unification des forces syndicales en France", on se prend à croire que la
démagogie est à son comble et que la parole du personnage a été plus loin que sa pensée.
1 Car, comment concilier tous ces courants idéologiques qui se disputent le monde du travail en
métropole?
1
Et c'est sans doute l'absence d'une idéologie autonome qui a fait la faiblesse des
syndicats camerounais et le bonheur des autorités nationales. Dès lors, malgré les velléités de
1 résistance, les syndicalistes camerounais (à l'Est comme à l'Ouest) finiront par s'allier à la thèse
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
241
unitaire du gouvernement. fi conviendra d'abord de suivre le processus de fusion des syndicats
($1) avant d'examiner le rôle de l'UNfC comme prétendu facteur d'unité nationale ($2).
PIIIIIUPIE 1 : lE PBBCESSIS DE FUSION
1
La construction économique étant une nécessité, il faut - selon la classe politique
dirigeante - regrouper les forces syndicales pour le bien-être des ouvriers camerounais de la
1
Fédération. Mais, la réalisation de l'urùté syndicale suit un long itinéraire au cours duquel les
"pou\\.Qirs publics" ne se contentent pas seulement d'inviter les syndicats à s'tmir mais créent à
1
cette fin une solide infrastructure juridique. Voyons d'abord les opérations préalables (A) avant
d'envisager la phase de la fusion stricto sensu (E).
1
A - 1 ES OPERATIONS PRf.ALABJ ES
1
Les convictions du Président de la République sont fermes (1) , le droit les servira (2).
1
1) L'wüté syndicale: le souhait ardent de M. Ahidjo
1
Comme nous l'a\\.Qns déjà dit, l'unité nationale est une priorité pour le Président
Ahidjo fi le répète inlassablement en instituteur : "Aucun obstacle, aucun intérêt matériel,
sentimental, idéologique ne sauraient nous arrêter sur la voie de l'unité nationale. L'histoire ne
1 nous apprend-eUe pas que l'unité nationale est toujours incompatible avec les intérêts
particuliers412 ?.,"
C'est dans ce cadre général que s'inscrit l'urùté syndicale dont parlera le
Chef de l'Etat aux congrès d'Ebolowa et de Garoua.
1
a. La référence au syndicalisme : le congrès d'Ebolowa
1
Au cours de ce congrès qui s'est tenu le 4 juillet 1962, le Chef de l'Etat reconnaît que
'1e syndicalisme était nécessaire, voire indispensable dans un monde où les groupes d'intérêts
1 s'affrontent âprement", Pour M. Ahidjo, de nouvelles responsabilités incombaient aux
syndicats: celles d'éduquer leurs adhérents. Explicitement, voire implicitement, après Ebolowa,
1 rien ne permet de conclure à une invitation lancée par le Chef de l'Etat en direction des
syndicats, fi ne faut pas ignorer non plus le fait que le multipartisme est encore toléré. Sept ans
plus tard, le Chef de l'Etat ne mâchera pas ses mots.
1
b. L'ultimatum de Garoua
1
Le 13 mars 1969, au premier congrès de l'Union Nationale
Camerounaise, M.
Ahidjo qui, depuis 1966 était devenu Président d'un parti unique, établit soigneusement et
1 simultanément l'acte de décès du pluralisme syndical et l'acte de naissance d'un syndicat
unique. Qui d'autre que l'orateur peut, dans une argumentation aussi serrée, inviter les
1 travailleurs à l'unité pour la construction nationale?
412Phrllse prononcée au premier conseil national en 1963
1
1

L'cxpérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
242
1
Voci donc quelques passages révélateurs auxquels nous avons personnellement ajouté
1
les titres qui vont de 1 à 6. 1).
le rôle de l'Etat et du parti dans la sauvegarde harmonieuse des intérêts
1
'Toutes les couches et fractions de la population sont parties prenantes au revenu
1
national parce que toutes sont appelées à participer au développement. Cette unité d'intérêt
que l'Etat et le parti ont vocation d'organiser et de diriger n'exclut cependant pas l'existence
d'intérêts particuliers à certaines fractions de la population. Nous avons reconnu depuis
1 longtemps le potentiel du dynamisme que recèle la jeunesse et nous lui avons fait une large
place au sein de l'Union Nationale Camerounase. Nous avons également, de tout temps,
1 montré un intérêt particulier au problème de la promotion de la femme camerounaise et nous
avons, dans notre organisation, accordé à cene-ci la place qu'elle mérite.
1
2) les syndicats et les travailleurs en liberté
1
"Mais il Ya une catégorie de citoyens qui, plus que par leur nombre, représentent par
leur participation à l'économie moderne et par leur cohésion, une force importante: il s'agit
des cent cinquante mille (150.000) travailleurs salariés que comptent les différents secteurs
1 d'activité de notre Fédération". "Depuis longtemps, l'Etat a reconnu à ces travailleurs le droit
de développer et de protéger leurs intérêts. De tout temps, le gouvernement et le parti se sont
1 fait un devoir d'observer vis-à-vis des syndicats une stricte neutralité en leur laissant le soin de
défendre comme ils l'entendaient les intérêts de leurs adhérents, à condition que dans leur
action fussent observés les lois et règlements d'ordre public",
1
3) La redéfinition du rôle et des nouveaux rapports des syndicats
1
"Le moment semble cependant venu de définir avec plus de précision qu'il n'a été fait
jusqu'alors le rôle des syndicats dans la construction nationale et les relations qu'il serait
1 souhaitabled'instaurer entre eux et les instancesdu parti".
4) le fondement de la liberté syndicale en Occident
1
"Je dis tout de suite que ce rôle, dans un pays en voie de développement comme le
1 nôtre, ne saurait en aucune façon, être comparable à celui que jouent les syndicats dans les
pays industrialisés. Dans ces pays, les syndicats sont nés de la réaction des travailleurs contre
1 les abus engendrés par la révolution industrielle, dans un contexte d'économie libérale dont le
jeu aboutissait à laisser désarmés les économiquement faibles en face des économiquement
forts, c'est-à-dire d'une façon plus précise, les travailleurs qui n'avaient pour seule force que
1 leur capacité de travail, en face des employeurs détenteurs des moyens de production. Aussi,
les syndicats de ces pays ont-ils gardé l'empreinte de leurs origines: ayant vu le jour dans le
contexte d'une lutte de classes inhérent aux structures sociales eUes-mêmes, ils se sont donnés
1
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais: les ~uses et les enseignements d'un échec
243
1
pour objectif au-Delà des rewndications immédiates concernant le niveau de vie des
travaillerus, la transfonnation, parfois radicale, des ces structures.
1
5) L'influence du syndicalisme occidental sur le syndicalisme africain et
1
camerounais
"Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les centrales syndicales des métropoles
1
ont essaimé en Afrique et tout particulièrement au Cameroun. Le syndiclaisme africain est
alors dewnu un prolongement du syndicalisme européen; il a conservé l'empreinte de ses
1
tendances et de ses divisions.
6) En conclusion, une seule centrale syndicale dans le cadre du (seul) parti
1
qui assume la conscience de la nation entière pour la construction
nationale
1
"Je le dis ici à nos amis syndicalistes : mettez un tenne à ws querelles personnelles,
sunnontez les divisions idéologiques qui wus ont marqués de leur empreinte au temps du
1
colonialisme. Mais qui n'ont plus de sens dans le contexte national actuel; abandonnez des
étiquettes qui ne correspondent plus à rien et écoutez la wix profonde qui vient des travailleurs
1
de la masse qui, eux, dans leur solide bon sens, ont bien compris où se trouvent les vrais
problèmes où se trouve l'intérêt national. Alors réunis dans une seule centrale syndicale, dans
le cadre du parti qui assume la conscience de la nation entière, tous, ensemble, dirigeants et
1
adhérents, wus retrouverez la foi et l'enthousiasme qui wus pennettront d'apporter, à
l'oeuvre de la construction nationale, toute la puissance et tout le dynamisme de la classe
ouvrière de notre chère patrie". Bréviaire de la future UNTC, ce discours sur lequel nous
1
reviendrons très souwnt ne constitue pas une innovation en la matière, Des syndicats
monolithiques étroitement collés au pouwir ne se comptent plus en Afrique. Notre inquiétude
1
tient au fait que dans un texte d'une telle envergure, le mot "Fédération" n'ait été prononcé -
encore incidemment - qu'une seule fois, Peut-être psychologiquement, le Président Ahidjo
anticipait sur la fonnation d'un syndicat unique ausein duquel les embarras sur les points
1
cardinaux (Est-ouest) s'estomperaient. Toujours est-il que la préparation de cet événement
avait commencé en 1965.
t
2) L'unification de la Législation: le droit au service d'une idée
1
Le décret no 61-DF-13 du 20 octobre 1961 portant nomination des membres du
gouvernement de la République Fédérale ne signale pas l'existence d'un ministre fédéral du
1
travail. Ce silence s'explique dans la mesure où chaque Etat fédéré a inclus dans son
organigramme un Secrétariat d'Etat au Travail. Pour le Cameroun Oriental, confonnément au
décret nO 61-DF-14 du 20 octobre 1961, M, Manga Mado sera nommé Secrétaire d'Etat au
1
Travail. II en sera de même pour le Cameroun Occidental oÙ,en application du décret nO 62-
DF-17 du 13 janvier 1962, M. Mboya Kemcha {Peter} se verra confié le grand Secrétariat
1
d'Etat au Travail, Commerce et à l'Industrie. Jusqu'alors, en l'absence de structures de
coordination, on peut penser que les problèmes du travail n'ont pas été expressément
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'lm échec
244
attribués au pouvoir fédéral ; ne seraient-ils pas dans une zone de compétences subsidiaires
exposées à la conwitise des autorités fédérales et des Etats-membres ? Non en fait, car, entre
autres matières relevant des autorités fédérales, figure en bonne place la législation du travail.
Les termes du texte constitutionnel lèvent l'équivoque et donnent des précisions : "En ce qui
concerne les compétences énumérées au présent article (article 6), les autorités des Etats
fédérés pourront continuer à légiférer et à diriger les services administratifs correspondants
jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale Fédérale ou le Président de la République Fédérale,
chacun en ce qui le concerne, ait décidé d'exercer les compétences qui lui sont reconnues".
Progressivement, en 1965 et en 1967, l'autorité fédérale rentrera dans ses droits en matière
de travail.
a. L'incidence de la création d'un Ministère Fédéral du Travail et des Lois
Sociales
Par décret no 65-DF-219 du 25 mai 1965, le Président de la République nommera
pour la première fois un Ministre Fédéral du Travail et des Lois Sociales en la personne d'un
anglophone: M, Nzo Ekhah Ngaky. Ce Ministre héritera progressivement des attributions des
1
deux
Secrétariats d'Etat ad hoc des Etats-membres. Pour preuve, nous citerons le
remaniement ministériel au Cameroun Occidental du 25 mars 1967 qui a abouti au
démantèlement du Secrétariat d'Etat au Travail, au Commerce et à l'Industrie. n n'en
1
subsistera qu'un Secrétariat à l'Enseignement Primaire et aux Affaires Sociales; comme on le
remarque, référence n'est plus faite au Travail. Le décret du 25 mai 1965 sera complété par
1
celui du 5 août 1965 (no 65-DF-351) portant organisation du Ministère du Travail et des Lois
Sociales. Aux nombreuses compétences de ce Ministère qui partent de la "condition des
1
travailleurs" à la coordination et harmonisation de l'action sociale de façon à tenir compte des
réalisations intervenues en ce domaine au profit des travaiUeurs salariés "en passant par
l'élaboration de la législation sociale et sa réglementation d'application", correspond un arsenal
1
de moyens appropriés pour le succès de cette mission. C'est d'abord une administration
centrale à laquelle il convient d'ajouter d'innombrables services extérieurs installés dans les
1
différentes unités administratives. Toutefois, il demeure que le service extérieur le plus
significatif est la Délégation du Ministère du Travail et des Lois Sociales au Cameroun
Occidental; L'article 21 stipule qu"'une Délégation du travail et des Lois Sociales est créée au
1 Cameroun Occidental, Son siège est fixé à Buéa. Elle est dirigée par un délégué nommé par
décret. Ce délégué est chargé de l'exécution de la politique du gouvernement au Cameroun
1 Occidental.
b. La valeur unificatrice de la Loi nO 67-Lf-6 du 12 juin 1967 portant
1
Code du Travail du Cameroun
1
On peut se demander quelle est l'économie du Code en matière syndicale. Panni les
mobiles qui ont poussé les pouwirs publics à élaborer ce Code du Travail, nous citerons le
"souci d'harmoniser les législations sociales en vigueur dans chacun des Etas fédérés
1 camerounais; cettemesure s'intégrait dans le cadre général des mesures destinées à parfaire la
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
245
réunification politique interwnue en 1961", Harmonisation certes, mais également facteur de
centralisation indiscutable aux mains des autorités; telle apparaitra cette législation,
La partie du Code camerounais qui présente la plus grande différence par rapport au
Code du Travail dit d'Outre-Mer en vigueur depuis 1952 au Cameroun Oriental, est
précisément celle afférente à l'organisation et à l'activité des syndicats ; la rédaction de cette
partie du Code s'est en effet largement inspirée des dispositions déjà en application au
Cameroun Occidental - où un "greffier des syndicats" - fonctionnaire nommé par décret joue
un rôle de premier plan à l'égard des promoteurs et des dirigeants de ces organisations
professionnelles et - où ces dernières bénéficient des facilités d'un précompte opéré par
l'employeur à la source pour percevoir les cotisations dues par leurs membres.
Succintement voici le contenu du titre Il de ce Code consacré aux syndicats
professionnels. Les cinq chapitres que compte ce titre sont les suivants :
- Chapitre 1: De l'objet des syndicats professionnels et leur constitution
- Chapitre Il : Du staM des syndicats
- Chapitre ID : Comptabilité
- Chapitre N : Dispositions relatives aux syndicats
- Chapitre V ; Des unions syndicats
L'article 3 du Code du Travail pose en ces termes le principe de la liberté syndicale.
"La loi reconnaît aux travailleurs et aux employeurs sans restriction d'aucune sorte, et sans
qu'il soit besoin d'une autorisation préalable, le droit de se constituer librement en syndicats
professionnels ayant pour objet l'étude, la défense, le développement et la protection de leurs
intérêts, notamment économiques, industriels, commerciaux et agricoles, ainsi que le progrès
social, économique, culturel et moral des membres, Toute activité politique qui n'est pas de
nature à promouvoir ces objectifs leur demeure interdite", Si la conformité de cette loi au
préambule de la Constitution de 1972 ne fait pas de doute413 ,on ne lui trouve qu'une
compatibilité diffuse avec '1'affirmation de l'attachement du Cameroun aux Ubertés
fondamentales inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de la Charte
des Nations-Unies" reprise dans la loi constitutionnelle no 61-24 du 1er septembre 1961. A
travers leur organisation et fonctionnement, les syndicats camerounais seront désormais
uniformes; comme coulés dans le même moule normatif.
1. Une organisation identique
C'est d'abord - et c'est l'innovation principale - la désignation d'un "greffier des
syndicats" (article 6 alinéa 3) qui supervise la phase d'enregistrement de tout syndicat. C'est lui
qui autorise le syndicat en "faisant publier dans le "Journal Officiel" l'avis d'enregistrement
(article Il al. 2),
413 La liberté d'expression, IaIiberté de presse, 1. liberté de réunion, la liberté d'association, la liberté
syndicale sont garanties dans les conditions fixées par la loi

L'expérience du fédéralisme camerounais: "" causes et "" enseignements d'un échec
246
- qui retarde (article 12 alinéa 1) l'avis d'enregistrement comme ne répondant pas
aux conditions requises
- qui refuse l'enregistrement en motivant par écrit son refus (article 12 alinéa 2)
- qui peut annuler l'enregistrement s'il a acquis la conviction de J'existence d'une
cause d'irrégularité (article 13)
- c'est ensuite l'identité dans les statuts de tout syndicat (article 15)
Quelques exemples d'exigences communes
1. la dénomination du syndicat et l'adresse de son siège
2. les fins en we desquelles le syndicat est créé
3. le mode d'établissement des statuts
4. tous les renseignements, jusqu'au mode de dissolution du syndicat
2. Une certaine similitude dans le fonctionnement
D'abord, pour faciliter leur existence, "les syndicats professionnels jouissent de la
personnalité civile. Os ont droit d'ester en justice et d'acquérir sans autorisation, à titre gratuit
et onéreux, des biens meubles ou immeubles" (article 22).
Ensuite, les syndicats ont tous droit de recevoir des employeurs, des cotisations
prélevées à la source (article 26). Cette procédure autoritaire de participation des travailleurs à
la vie de l'institution permet une action syndicale efficace tout en assurant une certaine
indépendance vis-à-vis de l'Extérieur414. Enfin, le contrôle de la gestion des syndicats est
encore assuré par le "greffier des syndicats" qui est habilité à exiger des comptes au trésorier
1
ou toute autre personne en tenant lieu (article 18 et ss). La portée de cette législation est très
significative dans sa tentative d'opérer la difficile synthèse des droits et d'usages extrêmement
différents dans leur essence, Dans sa détermination d'unifier complètement la législation
1
sadaie, l'Assemblée Nationale légiféra encore deux fois en 1968. - Elle reconnaîtra au Ministre
chargé de l'Administration Tenitoriale le droit d'agréer les associations ou syndicats
1
professionnels non régis par le Code du Travail afin que ces derniers aient une personnalité
juridique415 . De plus, l'Assemblée fixera dans la loi no 68-lF-20 du 18 novembre, la forme
1
dans laquelle les syndicats doivent être admis à la procédure d'enregistrement. Tout ce qui
précède n'est qu'une scène de cette pièce dominée par deux personnages: le Président Ahidjo
(par ses discours) et le "greffier des syndicats" (par ses nombreuses prérogatives législatives). Ce
1
fonctionnaire nommé par décret - donc grand commis de l'Etat respectueux de la hiérarchie -
peut-il. malgré l'obligation de "motiver par écrit son refus d'enregistrement", écarter de
1 marûère dilatoire un syndicat présumé indésirable ? Dserait très intéressant de la savoir après
la création de l'UNTC.
1
1 4140s'agitdelatechniqueduo.eck-of
41~ol n:J 68-LF-19 du 18 novembre relative aux associations et syndicats prolesslonnels non régis par le Code du Travail
JORFC 1968 p. 66
1
1

L'expérience du fédéralisme camerolBlais : les causes et les enseignements d'lBl échec
247
B - 1 ES OPERATIONS DE FUSION
En fin de compte, à la veille de la fusion, survivent à la cascade des "ruptures-
regroupements" quelque peur rocambolesques, trois organisations syndicales416 qui seront les
protagonistes de ce dernier acte. fi s'agit en l'occurence de :
- la FSC = Fédération des Syndicats Camerounais, ses leaders sont :
Amougou Joseph : président
Ngom Jacques : Secrétaire Général
Ce syndicat prétend être non affilié
mieux encore il se dit gouvernemental,
Cependant, il faut
préciser que le gouvernement fédéral ne s'est jamais prononcé
officiellement pour un syndicat.
- l'USCC = Union des Syndicats Croyants du Cameroun. 81e a pour leaders :
Din Same Richard : Président Général
Tina Michel Archange : Secrétaire Général
Nguini F. Dieudonné: Trésorier,
Ce syndicat est affilié à l'UPTC et le CSS sur le plan continental et à la CISC sur le
plan mondial.
- le (TUc. CDC) devenu le WCTIJC = West Cameroon Trade Union Congress Son
chef est Fogam Gabriel : Secrétaire Général. Il est affilié à la CSA sur le plan continental et à
CISC sur le plan mondial.
A quelles conditions (1) la fusion aura-t-eUe lieu (3) ? Si les exigences exprimées pour
fusionner ne sont pas nombreuses (a & b), eUes soulèvent cependant un débat de fond (2).
1. Les conditions de fusion.
a) La condition sine qua non : la désaffiliation
"L'action des syndicats ne peut être tendue vers les objectifs d'intérêt national s'ils sont
tributaires de l'extérieur. Dès lors, en réalisation du ooeu du "Guide", le souci d'une action
purement nationale efficace poussera l'USCC et le WCTIJC à se désaffilier des centrales
syndicales étrangères.
i. le comportement de l'usee
Son retrait s'effectuera en deux temps. Réuni en session extraordinaire le 16 janvier
1970, le bureau exécutif de l'USCC fera sa déclaration de retrait de la Confédération
Mondiale du Travail (ancienne CISC). Entre autres justifications de son attitude, l'USCC fera
416Se1on le Président de la République, 1es CamerolBlais comprennent difficilement que subsistent pour défendre les intérêts des
travailleurs salariés, trois centrales s;mdicales dans la République Fédérale, dont deux centrales rivllIes pour l'Etat Fédêré du
CamerOlBl Oriental" : Extrah du discours de Garoua 1969.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
248
valoir le fait que "l'indépendance des centrales syndicales camerounaises vis-à-vis des centrales
internationales ou étrangères est une condition sine qua non pour la réalisation de l'unité
syndicale Pour ce faire, l'USCC "ordonnera à tous ses syndicats membres appartenant à une
centrale syndicale ou à un syndicat étranger, de poser immédiatement sa démission". Enfin, il
demandera à ses organes de base de soutenir la présente déclaration,
En exécution de cette décision, le Secrétaire Général M.Archange Tina adressera le 28
janvier 1970, une lettre de désaffiliation au Secrétaire Général de la Confédération Mondiale
du Travail à Bruxelles. Nous devinons aisément le contenu de cette correspondance; mieux
encore, les motifs irrunédiats de sa rédaction. Aussi, envisagerons-nous directement le cas du
WCTUe.
ü Le comportement du wervc
Le Secrétaire Général du WCTUC adressera sa correspondance à son homologue de
la CISL à Bruxelles. Cette lettre ne présente aucun argument nouveau en dehors de ceux qui
nous sont familiers depuis le congrès de Garoua. Schématiquement, on pourrait constater que
le refrain entonné parle Chef de l'Etat est repris en choeur par les syndicats anglophones
comme francophones. La réalisation de la condition sine qua non n'entraînera pas ipso facto
le syndicalisme camerounais vers les fonds baptismaux de l't.mité, Puisque à cette condition
nécessaire, il était sous la houlette du parti (UNC). Chemin faisant, on découvrira que cette
condition qui apparaît comme secondaire (non pas seconde) par rapport à la désaffi1iation, est
en réalité la plus conforme à notre analyse.
b) Une condition complémentaire: l'acceptation du cadre de l'UNC
On peut s'interroger quant à savoir si la parrainage de l'unité syndicale par l'UNC est
une condition implicite ou explicite. - Implicite, il l'est parce que nous ne voyons pas comment
il pourrait en être autrement dans cet environnement politique, un dominé par un homme au
moyen d'un parti monolithique. - Mais il est surtout explicite, si l'on se réfère au discour-eadre
de Garoua et aux lettres adressées au Secrétaire Politique de l'UNC par les syndicats pour
témoigner leur allégeance. Laissons encore parler M. Ahidjo : "Alors, réunis dans une seule
centrale syndicale, dans le cadre du parti qui assume la conscience de la nation entière".
Une fois de plus, les syndicats emboîteront le pas au Président National.
L'USCC, constatant que l'unité tant souhaitée ne peut se faire en dehors du parti
national dont tous (ses) membres, dirigeants et adhérents sont militants convaincus",
- a décidé de solliciter un rapprochement entre le bureau politique national et Oa)
centrale syndicale afin qu'une collaboration étroite puisse s'instaurer entre les deux. Ce faisant,
l'USCC souscrit en tant que centrale syndicale à tous les principes de l'UNC, parti qui demeure
le seul espoir de progrès individuel ou collectif du peuple camerounais. Sans être aussi
prolifique que son collègue du Cameroun Oriental, le WCTUC n'en fait pas moins état de son
sincère souhait de travailler dans le cadre de l'UNe. Ne signale-t-il pas sa décision franche de
travailler dans le cadre de notre grand parti: l'Union Nationale Camerounaise.

L'expérience du fédérollsrne camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
249
Les extraits de ces deux correspondances adressées au Secrétaire Général de l'UNC
ajoutées à la série de désaffiliation des centrales métropolitaines se suffisent à eux-mêmes
comme indice certain de la disporubilité future des forces syndicales à l'égard de la "doctrine"
sociale du parti dans le cadre d'un syndicat urùque, Tout en partageant le souci de ceux qui
entendent garantir la souveraineté nationale en "autonomisant" nos syndicats, qu'il nous soit
permis, à la lumière d'autres expériences de nous interroger sur le bien-fondé de la
désaffiliation comme condition sine qua non de l'urùté syndicale dans notre pays,
2. Le débat de fond sur le thème de la désaffiliation
Le problème de la désaffiliation pose au pasage celui de l'affiliation de la future UNTC
à certaines orgarusations internationales à caractère public comme l'OUSA (Organisation de
l'Unité syndicale Africaine et l'orr. L'identité de wes entre l'UNTC et l'OUSA est parfaite
puisque les deux orgarusations souscrivent au principe de la désaffiliation vis-à-vis des centrales
étrangères. Le Camerotnl détient d'ailleurs une des cinq Vice-présidences de l'OUSA qui a été
créée le 13 avril 1973 et dont le siège se trouve à Accra au Ghana. Sachant quel est le sort
réservé aux résolutions prises dans les Assemblées des orgarusations internationales et surtout
à l'OUA, onpeut se demander si en collaborant avec l'OUSA notre centrale unique - l'UNTC -
a fait le bonchoix pour ses membres.
- Les rapports de l'UNTC avec l'orr sont plus délicats au regard de la convention nO
87 qui consacre la liberté syndicale. L'UNTC semble s'en accomoder en arguant du fait que
l'aménagement de cette liberté est du ressort de la législation interne propre à chaque Etat. Le
point de we du syndicaliste kenyan Tom Mboya - qui conseille d'avoir une approche nationale
de ce problème - se rapproche de la position camerounais. "Celles-ci Oes conventions de
l'Om, dit-il, furent établies à une époque où l'Afrique n'était pas présente sur la scène du
travail et où les problèmes du sous-développement relatifs aux pays récemment promus à
l'indépendance n'avaient jamais réellement fait l'objet d'unexamen. En conséquence, certaines
de ces conventions peuvent sembler apparterur à une époque révolue dans notre contexte, et
ne pas refléter nos problèmes du tout. Certains de mes amis allèguent donc que, si nous
n'observons pas certaines de ces conventions notre attitude n'est pas repréhensible, mais elle
souligne plutôt que ces conventions doivent être examinées pour qu'elles reflètent les
problèmes de nos jeunes pays".
Source de controverse d'opinions et d'attitudes, la désaffiliation des syndicats
africaines aura une valeur comparative très instructive pour compéter notre raisonnement.
D'emblée, on remarque que la tendance générale est au rejet des affiliations (Cl) ; mais un
auteur - ancien syndicaliste -les défend et s'en justifie (C2).
a) La doctrine dominante : la désaffiliation stratégique
Le point de we de Jean Meynaud est que le syndicalisme engagé, très répandu en
Afrique, assigne aux orgarusations syndicales un rôle beaucoup plus important. Dans cette

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
250
perspective, un syndicat ne doit pas se cantonner dans le "corporatisme", mais mener une
action politique aboutissant au prgrès économique et social. Dès lors, pour que la lutte
nationale soit fructueuse, la dynamique du combat pour la libération totale amène l'intégration
de l'organisation syndicale dans l'appareil propre à assurer la réalisation des obejctifs visé. fi en
découle donc comme conséquence : l'unité syndicale et le rejet de l'affiliation à des
organisations internationales non africaines417.
Cette thèse qui corrobore bien les idées défendues par M. Ahidjo se passe de tout
commentaire, Mais, si les soucis au Président National rejoignent les préoccupations de ses
pairs, on perçoit quelques fausses notre dans cette hamonie.
h) Une opinion dissidente: l'affiliation tactique
Celui par que le scandale arrive est bien Tom Mboya dont l'attachement au bloc
occidental - ne fait pas de doute - selon ses tracteurs. Ce dernier estime que la question de la
désaffiliation est un problème secondaire. fi s'exprime ainsi : "Je n'ai jamais pensé que la
question des affiliations internationales était le plus grave des problèmes que l'Afrique ait à
résoudre, la plupart de nos problèmes peuvent se régler quelle que soit la solution adoptée
quant à l'affiliation"418
Tom Mboya reconnaît que le problème du mouvement syndical
international réside en ce que les deux organismes - la CISL et la FSM se sont engagés dans
des luttes idéologiques qui "n'ont pas de sens" en Afrique. Mais, à propos de la CISL, notre
auteur se pose la question de savoir si cette confédération a essayé de nous asujetir à
l'occident. la réponse est non, car la CISL a pris position en faveur de l'Afrique et contre les
frêU'lÇSÏs en Algérie contre les essais nucléaires tentés par les français au Sahara, contre les
britanniques au Kenya, au Nyassaland et dans les Rhodésies, et contre l'Afrique du Sud. En
conlusion, "voici quel est mon419 point de we : sans nous occuper de l'affiliation, notre effort
doit consister tout d'abord à créer une fédération (sur le plan africain). Nous devons travailler à
forger l'unité en nous abstenant de souligner nos divergences du fait de nos affiliations à des
groupements différents.
Le point de we du grand syndicaliste kenyan est partagé par plus d'un pays. Dans
"prospectives syndicales", Volume 6 de juin 1973, on cite le cas de la délégation tunisienne -
ainsi que de trois autres - qui ont quitté la conférence de l'OUSA -
lorsqu'a été voté le
principe de la désaffiliation.Ces délégations rejettent la rupture avec l'extérieur et préconisent
le maintien de "relations amicales" sur une stricte base d'égalité. Au lieu de stigmatiser les
centrales syndicales internationales "dotées de vertus destabilisatrices à cause de leur capacité
d'inflitration" comme le firent les autorités camerounaise, nous soutenons qu'elles peuvent
constituer un dernier rempart pour les classes laborieuses coincées entre un patronat véreux et
son allié privilégié, l'autorité politique toujours en quête d'un nouveau facteur de centralisation.
Pour nous donc, sous réserve d'éventuels aménagements, il était indispensable pour les
417pour l'ensemble de l'exposé, voir Jean Meynaud et Anise Salah·Bey , Le Syndicalisme africain, Col. Etudes et Documents
Payot Paris, P. 102 et SoS
41Srom Mboya, idem p. 296 et SoS
419n s'agit de Tom Mboya

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'Wl échec
251
travailleurs - représentés par leurs syndicats respectifs - de conserver quelques liens, aussi tenus
fussent-ils, avec les centrales syndicales internationales,
Indépendamment des analyses précentes, l'avènement de la fusion stricto sensu
s'approchait,
3. La fusion
Schématiquement, à la lecture des documents officiels, deux faits marquants
caractérisent la phase de fusion. C'est d'abord la recherche d'une solution (a) c'est ensuite la
recherche d'un bureau (h).
a) A la recherche d'une solution
D'instigation anglophone, se tient à Victoria le 28 septembre 1969, une réunion
regroupant les trois protagonistes que nous connaissons, Sur cette lancée, se créera à Douala
le Comité préparatoire de l'unité syndicale qtü se compose de neur membres dont 3
représentants de chacune de nos centrales à sawir la FSC, l'USCC et la WCI1.Jc.
Conformément aux recommandations de ce comité, dès que ce derrûer aura adopté le
projet des statuts de sa centrale, les organisations syndicales conwqueront chacune un congrès
chargé de prononcer sa dissolution. C'est après que le Comité préparatoire conwquerait alors
un congrès national unitaire de la nouvelle centrale à laquelle il appartient de définir et
d'arrêter les modalités de participation au congrès constitutif de la nouvelle centrale. Comme
nous le wyons, le comité préparatoire n'a pas associé le parti et l'autorité politique à son
dessein. Cette dernière en prendra ombrage et s'en inqtüétera. Dès lors, le projet était
condamné d'autant plus que le problème de désaffiliation n'était pas entièrement résolu.
Au comité préparatoire - animé d'un esprit indépendantiste - se substitue un comité
conjoint de l'unité syndicale. fi intègrera les oubliés du comité préparatoire et intériorisera la
doctrine du parti. Le comité conjoint comprend Il membres représentant : - les syndicats -
l'UNC - le gouvernement (Ministère de l'emploi et de la Préwyance Sociale) Ce comité a
charge d'élaborer les stauts et le règlement de la centrale naissante et d'organiser le congrès de
dissolution, La naissance de l'UNTC date de ces dissolutions.
Dans l'attente du premier
congrès de la nouvelle centrale, deux organes provisoires ont été mis sur place:
1) Un Conseil National Provisoire de 75 membres dont 25 membres de chaque
ancienne centrale. Toutes les centrales étaient égales entre elles dans cette répartition :ce qtü
répondait ainsi au désir d'unité que devrait faciliter une représentation équilibrée,
2) Un bureau confédéral provisoire de 26 membres qtü était élu le 10 février 1972,
date de la disparition du Comité conjoint. L'explication officielle du succès du comité conjoint
repose surtout sur le rôle joué par l'UNC : "la participation du parti et du gouvernement

L'expérience du fédéralisme cameromais : les causes et les enseignements d'un échec
252
comme parties prenantes au comité conjoint était un gage sûr que les pnnclpes qu'ils
défendent aolaient dewnir le fondement même de l'action de la nouvelle centrale".
b) A la recherche d'un bureau
Nous avons déjà fait remarquer qu'un bureau de 26 membres avait été mis en place
en février 1972. A sa tête se trouve M, Satougle Moïse. Le mauvais fonctionnement de ce
bureau va obliger le parti à interwnir pour convoquer u conseil national. Une gestion
administrative et financière douteuse et une collaboration malsaine entre les membres de ce
bureau et l'UNC ont précipité la dissolution de ce bureau. Pour éviter cet état de choses, ce
sont les militants de l'UNC faisant preuve d'un militantisme sans faille qui seront cooptés pour
constituer le nouveau bureau. A partir du moment où ce "brevet de militantisme" ou ce
"certificat d'allégeance" sera décerné par le Président National de l'UNC, l'imbrication entre
l'UNTC et l'UNC ne se démontrera plus. Un autre bureau sera formé le 4 août 1975. Dès
lors, la stérilité plurielle est consumée au profit de la féconde dynamique unitaire. Que restera-
t-il alors de l'identité syndicale dans un environnement dominé par l'UNC ?
Paragraphe 2 : Le centralisme de IIUNTC : le glas de
Ilautonomie des forces politiques résiduelles
dans le fédéralisme camerounais
Selon la thèse officielle, l'UNTC, qui symbolise l'effectivité de l'unité syndicale,
constitue également le dernier maillon de la chaîne de la construction nationale qui passe par
l'unité nationale stricto sensu et son complément indispensable, la construction économique;
Cette dernière étant une nécessité, le Chef de l'Etat estimera qu'il convient d'y associer une
catégorie de citoyens qui, plus que par leur nombre, représentent par leur participation à
l'économie moderne et par leur cohésion, une force importante, il s'agit des 150.000
travailleurs salariés que comptent les différents secteurs d'activité de notre fédération, Chose
qui, toujours aux dires du Chef de l'Etat, "est compréhensible, car toutes les couches et
fractions de la population sont parties prenantes au revenu national parce que toutes sont
appelées à participer au développement". Si ces allégations présidentielles sont légitimes dans
le contexte camerounais, elles n'emportent pas forcément conviction,
D'abord, parce que dédaignant le dirigisme syndical, nous voyons mal comment la
multiplicité des syndicats et le maintien de l'autonomie des Etats-membres - son corollaire -
pouvaient freiner le développement.
Ensuite, (et on le verra) les faits s'inscrivent en faux contre la relation mythique que le
pouvoir a tenté d'établir entre un syndicat unitaire et l'unité nationale ; justifiant une fois de
plus la tendance centralisatrice du régime.

L'expérience du fédéralisme camerolD1ais : les causes et les enseignements d'lD1 échec
253
TI sera alors question d'examiner corrunent, suivant un processus de médiation
progressive, le Président de la République, Président National de l'UNC, atteirxlra les classes
laborieuses, forces politiques résiduelles dont l'allégeance ne lui était pas encore totalement
acquise, En sa qualité de Président du Parti qui inspire l'UNTC dont la fonction est d'encadrer
les travailleurs le Chef de l'Etat récupèrera aisément ces derniers. Dès lors, loin d'être
seulement un problème de forme d'Etat, il s'agit en fait d'un phénomène de concentration des
pouvoirs qui se traduit par une triple perte d'autonomie dans le domaine social.
Les trois pôles de notre démarche seront les suivants :
A) L'atteinte à l'autonorTÙe du syndicalisme anglophone par la fusion
B) L'atteinte à l'autonorTÙe syndicale par la tutelle du parti
C) L'atteinte à l'autonomie des travailleurs par l'existence de l'UNTC.
A - 1'AITElNfE A L'AUTONOMIE DU SVNDICAUSME ANGLOPHONE PAR
lA FUSION
Chaque Etat-membre possèdant sa tradition, sa culture et ayant connu un mode de
colonisation spécifique, il aurait été souhaitable de laisser le Cameroun Occidental avec ses
syndicats (ou plus exactement son syndicat) et sa philosophie syndicale. Comment s'opère cet
étouffement du syndicalisme anglophone (l) et quels en sont les conséquences (ll) ?
1 - 1:ABSOIWTION DE lA wcruc
Deux moments significatifs témoignent des difficultés de "rester soi-même" du
syndicalisme anglophone. C'est d'une part: les atermoiements du comité préparatoire et c'est,
d'autre part, les succès de la commission trilatérale.
a) Les atermoiements du comité préparatoire
Le problème à résoudre était celui de savoir comment répartir les voix aux divers
groupements du monde syndical. Question au demeurant primoridiale d'autant plus que
l'option pour un système électoral donné est intentionnellement chargée. Deux solutions
étaient envisageables par les neuf (9) membres de ce corTÙté :
- attribuer des voix aux syndicats sur une base égalitaire
- s'en tenir au critère de représentativité préconisé par le Cde du Travail.
Dans cette dernière hypothèse, en se référant aux résultats des dernières élections de
1968, la représentativité respective des divers groupes dans le monde du travail s'établirait
comme suit:
- FSC = 56,50%

r
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
254
1
- USCC = 21,67% pour le Cameroun Oriental
1
La wcruc, seule centrale syndicale regroupant la quasi-totalité des travaillerus du
Cameroun Occidental pouvait être à égalité avec la FSC. Exprimée n termes de voix, la
1 répartition était la suivante :
- FSC
15 voix
1
-usec
10 voix
- wcruc
15 voix
Soit au total quarante (40) représentants.
1
Ce système - relativement démocratique - n'a pas été retenu. On lui a préféré une
1 répartition égalitaire jugé plus opportune.
Conformément à la première hypothèse, après les dissolutions respectives, chaque
1 centrale désignait vingt-einq conseillers confédéraux ; ce qui a donné naissance à un conseil
fédéral de soixante quinze (75) membres.
1
Le bénéficiaire de cette méthode égalitaire est encore le Cameroun Oriental qui détient
une majorité qualifiée (2/3) au sein dudit conseil. La surévaluation de l'USCC (qui n'avait que
1 10 voix dans la première hypothèse) n'a entraîné aucune compensation pour la WUTIJC qui
aura désormais en face d'elle, pendant toutes les négociations un bloc culturellement
1 homogène de francophones. L'instauration de ce déséquilibre se confirmera au sein de la
commission trilatérale.
1
b) Le succès de la commission trilatérale
1
La trimonologie officielle fait plutôt état d'un comité conjoint de l'unité syndicale. Ce
dernier,composé de 11 membres remplacera le comité préparatoire.
Ces Il personnalités représentant :
1
- les syndicats
- l'UNC
1
-le gouvernement (Ministère de l'Emploi et de la Prévoyance Sociale).
1
La composition des délégations est assez symptomatique du rétrécissement de la peau
de chagrin de la wcruc.
1
D'abord, parmi les représentants des syndicats, la wcruc est minoritaire.
Ensuite, l'UNC est représentée par cinq membres qui ont pour noms:
1
- Ayissi Mvodo
- Moussa Yaya
- Kame Samuel
1
- Nzo Ekah Ngaky
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
255
1
- Ndounoukon Alphonse,
1
A l'observation, un seul de ces ''barons'' est anglophone: Nzo Ekah Ngaky. Enfin,
quelqu'ait été l'origine - anglophone ou francophone - du Ministre qui représentait le
1 gouvernement au sein de cette commission, ce demier ne pouvait avoir de politique
personnelle. Ué par la solidarité gouvemementale et l'obligation d'allégeance au Chef de l'Etat
dans ce régime présidentialiste, le Ministre ne pouvait que défendre la thèse centralisatrice du
1 gouvemement aux. dépens des intérêts de sa communauté. Toutes ces raisons expliquent sans
contexte le succès du comité conjoint, nonobstant le fait que l'instauration de l'UNTC ne
1 résolvait pas tous les problèmes entre les centrales francophones et la centrale anglophone,
u -LES PROWFMES SOUlEVES
1
Brièvement, nous citerons quelques divergences nées de la fusion. Elles n'en
1 traduisaient que davantage la perte d'autonomie des syndicats anglophones.
- En premier lieu, au Cameroun Oriental, on avait des fédérations au sommet sans
1
unions à la base
- En deuxième lieu, les fédérations syndicales du Cameroun Oriental étaient très
1
politisées contrairement aux syndicats du Cameroun Occidental qui affichaient un
apolitisme viscéral.
- En troisième lieu, à la fin de sa période d'activité, l'ouvrier du Cameroun Occidental
1
était sOr d'avoir la pension de retraite constituée:
- de ses contributions (10 à 20% de son salaire)
- des contributions de l'employeur (15%).
Par ailleurs, les travailleurs invalides étaient indemnisés avant de quitter leur emploi.
Avec la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, certains ouvriers ne bénéficient plus
des allocations familiales parce que la constitution des dossiers prend plusieurs jours. Or, trois
absences sont considérées comme un abandon de poste à la COC, Dans ce cas, les travailleurs
préfèrent alors leur emploi à ces allocations .
En quatrième lieu, les syndicats pouvaient, auparavant demander l'augmentation des
salaires des travailleurs lorsque l'entreprise réalisait de grands profits; avec la fusion, il n'en est
plus question.
En conclusion, les syndicats qui étaient de véritables armes à la disposition des
travailleurs pour obtenir l'augmentation de leurs salaires et l'amélioration de leurs conditions de
travail sont devenus des forces d'appoint au régime. Mais on peut se demander si les rapports
"troublants420 que l'UNTC entretient avec le parti n'ont pas abouti à sa perte d'identité?
420 Ces rapports sont troublants pour l'analyste objectif et non pour l'homme politique camerounais

L'expérience du fédéralisme camerounais. les causes et les enseignements d'un échec
256
B • L'ATŒINŒ A L'AUTONOMIE SVNDlCAI E PAR lA rum 1F DU
PARTI
Concurrence ou complémentarité ? Comment caractériser les rapports syndicats-parti
politique de nos jours ?
Les réponses à cette question sont aussi nombreuses que diverses. Toujours est-il que,
si aux origines du mouvement ouvrier, le principe de l'indépendance syndicale était la règle, on
prononce aujourd'hui sans regret l'oraison funèbre de l'apolitisme syndical.
1. Rosa Luxembourg parlait déjà ainsi : "La. divison entre la lutte politique et la lutte
économique est un produit artificiel, de la période parlementaire. En période révolutionnaire,
quand les masses apparaissent sur la scène, Ialutte politique et la lutte économique ne font plus
qu'un.
Plusieurs pays - parmi lesquels - les fédérations américains et soviétique - ont envisagé
différemment les rapports entre leurs syndicats et les partis politiques.
2. Aux Etats-Unis, dans le domaine de l'action politique, il est depuis longtemps de
règle, pour les grandes organisations syndicales de ne s'allier à aucun parti et de ne pas
constituer un parti travailliste mais plutôt de "récompenser les amis des travaillerus" et
d'assurer '1a défaite des ennemis des travailleurs, A cette fin, les votes des parlementaires sont
examinés et les appréciations sur les différents candidats faites sans tenir compte du parti
auquel ils sont membres. n s'agirait donc aux Etats-Unis, de préserver l'autonomie des
syndicats qui se réservent le droit de sanctionner individuellement chaque parlementaire,
L'absence d'alliances entre 1'Afl.-CIO et quel que groupe que ce soit - même le pouvoir -
participe ipso facto du maintien de l'autonomie des Etats-membres,
3. En URSS, et dans les pays communistes en général, "le socialisme considère avec
sympathie le syndicalisme qui serait l'école primaire des militants et aussi l'instrument des
réformes pratiques ; au demeurant, cette attitude est conforme à la conception léniniste des
rapports entre partis et syndicats qui subordonne les seconds aux premiers. Si aux termes de
l'article 7 de la loi fondamentale de l'URSS du 7 octobre 1977, '1es syndicats... participent... à
la gestion des affaires de l'Etat et des affaires sociales, au règlement des questions politiques,
économiques, sociales et culturelles", il ne faut pas ignorer que l'article 6 de la même
Constitution stipule déjà que '1e PCURSS est laforce qui dirige et oriente la société soviétique;
c'est le noyau de son système politique, des organismes d'Etat et organisations sociales..... De
manière formelle donc, la hiérarchie est établie entre le parti communiste et les syndicats en
URSS. Nulle part n'est envisagée l'incidence de ce syndicat - dont l'organisation reflète celle du
parti - sur laforme de l'Etat.
Au Cameroun, la présence d'un parti unique y suscite, comme ailleurs, l'établissement
de rapports particuliers entre cette formation politique n'UNC) et la centrale syndicale (UNTC).
La nature des liens entre les deux organismes dépend des facteurs propres au parti et

L'expérience du fédéralisme cameroWlals : les causes et les enseignements d'lUl échec
257
essentiellement de sa doctrine, Ni "autonomie", beaucoup plus qu'une simple "inféodation", la
caractéristique majeure des relations UNTC-UNC semble être une sublime subordination de la
première à la seconde, Nous tenterons de le démontrer à l'aide de trois arguments:
1. la conceptualisation du parrainage partisan
2. la formulation statutaire de la subordination
3. la consécration de cette subordination dans les résolutions des différents congrès de
l'UNTC.
1. La conceptualisation du parrainage partisan
Les documents officiels font état de la participation active de "notre grand parti" à la
réalisatuion de l'unité syndicale,Deux aspects de cette participation retiendront notre attention
: c'est d'tme par l'appel du Chef de l'Etat et d'autre part la constitution de la commission
trilatérale.
a) L'appel du Chef de l'Etat
En sa qualité de Président national du parti, le Chef de l'Etat définit sa conception de
l'unité syndicale et le rôle des syndicats dans un pays en voie de développement.
1. Pour un syndicalisme de padfisation
Selon M.Ahidjo,'1a situation de l'afrique est particulière sur le plan social; elle ne
connaît pas encore de lutte de classes. Or, en l'absence des ces antagonistes de classes, et dans
la mesure où l'Etat veille à faire réner la justice, l'action des syndicats ouvriers des pays en voie
de développement va devoir prendre l.U1e orientation différente; Dès lors, d'un syndicalisme
de revendication et de contestation, nos syndicats doivent passer à un syndicalisme de
construction421 . La conception syndicale du Président Ahidjo rejette donc la stérilité plurielle
au bénéfice de la dynamique unitaire. En somme, le "guide" préconise un syndicat de
pacifisation. La valeur d'une telle idée ne peut se juger qu'au niveau des intéressés, c'est-à-dire
les travailleurs. Dans la perspective de cette pensée, quelle est la nouvelle mission assignée aux
forces syndicales ?
ü. Le quadruple rôle des syndicats ouvriers
Pour le Président Fédéral, les syndicats doivent comprendre que les revendications
sociales ne sont justifiées que si elles sont en rapport avec les posibilités réelles de l'économie
et que celle-ci, dans l'état actuel des choses, est à promouvoir par des efforts et des sacrifices
communs de toutes les couches de la population. "Dans l.U1 pays comme le nôtre, je dirai qu'il
revient aux syndicats ouvriers d'assumer un quadruple rôle:
421 cf discours de Gaoura de 1969

L'expérience du fédéralisme camermmais , les causes et les enseignements d'un échec
258
- veiller à l'application de la législation du travail dans l'entreprise, mais aussi y assurer
la discipline des travailleurs ;
- contribuer à la formation professionnelle et à l'éducation générale de leurs membres
pour en faire des travailleurs efficaces et des citoyens conscients des problèmes de
développement ;
- s'associer à la mobilisation des masses pour la construction nationale
- collaborer avec le gouvernement pour assurer l'amélioration des conditions de vie des
travailleurs, dans le cadre d'une politique globale de progrès économique et social422. Mission
en réalité insolite puisqu'elle vide l'institution syndicale de l'essentiel de son contenu.
Si le parrainage du parti sur l'UNTC est défini par le Chef de l'Etat, la composition de
la commission trilatérale sera davantage révélatrice du rôle de certains membres de l'UNC dans
la Constitution de notre syndicat.
b) La constitution de la commission trilatérale
Nous avons eu l'occasion de préciser que le comité conjoint comportait onze membres
: Parmi ceux-d figurent cinq personnalités - et pas des moindres - représentant le parti. nfaut
d'ailleurs leur adjoindre le Ministre de l'Emploi et de la Prévoyance Sociale.
Déduction faite, le parti était quantitativement majoritaire au sein du comité.
Qualitativement - comme peuvent en témoigner les responsabilités de ces différentes
personnalités -l'UNC était également valablement représentée. Nommément, il s'agit de:
MM
Ayissi Mvodo
Secrétaire Politique
Moussa Yaya
Secrétaire des Affaires Syndicales
Kame Samuel
Secrétaire à l'Organisation
Nzo Eka Ngaky
Secrétaire à la Presse, à l'Information et à la propagande
Ndounokon
Alphonse
Secrétaire Adjoint aux Affaires Syndicales, Sociales et Féminines
Ainsi,
le
corset orthopédique
-
taillé
sur mesure
pour
l'UNTC
-
s'ajustait
progressivement. Encore qu'il faille se souvenir que le Président de l'UNTC est un des
membres de droit du comité central du parti. Dans cette fonction, il reçoit beaucoup plus du
parti qu'il n'apporte à l'UNTe. Le rôle de courroie de transmission que l'on reconnai't au
syndicat camerounais n'est pas dénué de toute référence si l'on raisonne comme Nehru ou
Sekou Touré qui pense qu'''un syndicaliste qui est aussi membre du parti ne doit pas défendre
les positions syndicales au sein du parti, mais appuyer les décisions de celui-ci423.
Sur ces entrefaits, la récupération politique de l'UNTC, voire la confiscation de cette
instance de revendication était inévitable. D'ailleurs, les autorités officielles ne s'en cachent pas
qui établissent que "la participation du parti et du gouvernement au comité conjoint était un
422Ibidem
423 Cité par J. P. Kamta

L'expérience du fl!déralisme camerOW'lais : les causes et les enseignements d'un échec
259
gage sûr que les principes qu'ils défendent allaient devenir le fondement même de l'action de
la nouvelle centrale".·
La charte constiMive du mouvement réflètera les différentes préoccupations d'un
poumir qui, par l'intervention du gouvernement et du parti dans la vie de l'UNTC, veille avec
vigilance à ce que "sa" centrale syndicale - instrument de construction nationale, coulée dans
"son" moule - ne puisse dévier de sa mission.
2. La formulation statutaire de la subordination syndicale
A l'observation - et grâce à une analyse de contenu - nous ferons remarquer que sur un
total de 41 articles regroupés en 6 titres, 19 articles mentionnent le parti. n fgaudrait Oeur)
ajouter 5 alinéas supplémentaires qui mnt dans le même sens, Soit au total 24 occasions
d'affirmer, de réaffirmer, de poser invariablement la mainmise du parti sur l'UNTe. Dans le
détail, mici les indices de soumission du syndicat au parti à travers les statuts du premier.
Notre démarche sera progressive.
TITRE 1 - DENOMINATION-DUREE-SIEGE SOCIAL
Art 3 : "Cette centrale syndicale exerce ses activités dans le cadre des options politiques
définies par le parti de l'Union Nationale Camerounaise dénommé ci-après le parti",
De prime abord, le ton est donné dans cette stipulation dont le degré d'aliénation
syndicale se confirmera dans la suite du texte.
Art 4 al 2 : ... En accord avec le parti, l'UNTC peut s'affilier à une centrale syndicale
interafricaine.
aL3 : ... Toute relation épistolaire ou verbale entre l'UNTC et un organisme étranger syndical
ounon s'effectue nécessairement en accort avec le parti.
aL.5 : ... Le transfert du siège de l'UNTC dans tout autre lieu du territoire... intervient sur
décision pris après accord du bureau national du parti,
TITRE U - BUTS ET MOYENS
ArL8 : Les objectifs majeurs de l'UNTC sont:
... L'union et l'organisation des travailleurs camerounais dans une centrale unique constituée
conformément aux options fondamentales du parti... La mobilisation de l'action syndicale en
faveur de la construction nationale telle qu'elle est définie par le parti... L'amélioration des
conditions de vie... définie par le parti... La mobilisation autour du parti.
Art. 9 : Pour réaliser ces objectifs, l'UNTC doit collaborer avec le gouvernement dans le cadre
des options arrêtées par le parti.

L'expérience du fédéralisme comerO\\D1als , les causes elles enseignements d'un échec
260
TIlBE ID - CONSDTIlDON ET ORGANES
Art 14: L'admission à l'UNTC est prononcée par.. après consultation du bureau politique
national du parti.
Art 15 : Les radiations et suspensions sont prononcées par.. , après consultation du bureau
politique nationale du parti.
Art
16 : Les sanctions sont prononcées par la commission confédérale des conflits
composée... et du bureau politique national du parti.
nfaut préciser que les organes de l'UNTC (cl chapitre 2 article 18 à 31) ressemblent
comme des frères siamois à ceux de l'UNe. C'est ainsi que nous retrouverons comme organes
de direction :
-le congrès
- le conseil national
- le bureau confédéral,
En somme, ici encore, aucune originalité, aucune autonomie ; d'autant plus que,
conformément aux stipulations des articles qui vont suivre, le bureau politique national
continuera à jouer un rôle de premier plan sur la vie de l'UNTe.
a) d'abord:
Art 19: Le congrès, instance suprême de l'UNTC... se réunit... soit à la demande du bureau
politique national du parti.
Art, 21 : Les décisions du congrès deviennent exécutoires... après approbation du bureau
politique national du parti.
b) et ensuite:
Art 24: Le conseil national comprend en outre les représentants du bureau politique national
Art 25: Les réunions en sessions normales ou ordinaires... ne sont convoquées qu'après
consultation du parti. De plus, le conseil est nécessairement convoqué si le parti le demande.
Art
29 : Le secrétaire chargé des questions syndicales au comité de l'UNTCC ou son
représentant est de droit membre du bureau confédéral,
Art 30 : Le président confédéral est spécialement chargé des relations avec le bureau
politique national
Art 31: Le bureau confédéral est nécessairement convoqué si le parti le demande
DlRE XI - D1SPOSIJ]ONS DIVERSES
Art 38: L'accord du bureau politique national du parti devra préalablement être requis pour
la modification des présents statuts.
Art 40 al 1: Les présidents des syndicats et ceux des organismes membres de l'UNTC sont
chargés des relations avec les responsables correspondants des organes de base du parti.

L'expérience du fédérallsme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
261
aL2 : Le bureau politique national désigne en tant que de besoin les interlocuteurs nécessaires
lorsque le ressort du syndicat ou de l'organisme membre de l'UNTC ne correspond pas au
ressort d'un organe de base du parti.
Telles sont les dispositions (peut-être) exhaustives de ces statuts de l'UNTe. Cette
lecture annotée se suffit à elle-même comme preuve de la sotnnission de l'UNTC au parti. Le
concept "d'aliénation" que nous avons invoqué au début de cette démonstration se justifie
encore à l'examen de la terminologie utilisée dans ce texte,
Fréquemment, on a fait état de consultation-accord-désignation-demande-approbation
du bureau politique national du parti. On a également considéré - l'option du parti - de la
politique définie par le parti et des positions arrêtées par le parti. Ainsi conçue et formulée,
qu'en est-il de cette subordination dans la réalité?
3) La consécration de la subordination dans les résolutions des différents
congrès de l'UNTe
Soulignons dès maintenant que, conformément aux dispositions générales du
règlement intérieur de l'UNTC, notre centrale syndicale reprend à son compte les objectifs
définis par le parti. II ressort des résolutions adoptées par les quatre conseils successifs de
l'UNTC que cette dernière a bien intériorisé les normes du parti. Pour le prouver, nous
examinerons uniquement la résolution portant directive et orientation générale du 1er conseil
national qui s'est tenu à Yaoundé du 1er au 2 août 1975.
Des deux volets - motifs et décision - de cette résolution, une idée prédomine : la
sublime subordination de l'UNTC au parti et par ricochet au gouvernement. A ce prpos, la
lecture des fondements de la décision est révélatrice. Les quelques considérants que nous avons
sélectionnés font ressortir les faits suivants :
- Le bureau confédéral est chargé de mettre en pratique les principes de l'UNTC à la
lumière des options fondamentales de l'UNC parti national qui assume la conscience de la
nation camerounaise toute entière.
- De plus, étant donné que l'unité syndicale ne s'est pas faite qu'avec l'aide du parti et
du gouvernement, l'UNTC ne peut fonctionner harmonieusement qu'avec l'assistance
permanente du comité central de l'UNC et du Minsitère du Travail et de la Prévoyance
Sociale, organe de la tutelle des syndicats,
- Enfin, le document fait valoir de manière éparse d'une part, la collaboration sans
faille, étroite, franche et fraternelle qui doit exister entre l'UNTC, le gouvernement et le parti,
d'autre part, et c'est ici le sublime, le même document stipule en clair que cette collaboration
suppose la soumission des organismes dirigeants de l'UNTC aux décisions du parti.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
262
&1 conclusion, cette distribution des rôles a établi des rapports de maJtre à esclave (au
sens du Dominus et Ancilla), entre le parti et le syndicat. qui plus est, nous ferons remarquer
que l'UNfC ne vit que par et pour le parti,
Aussi,conviendra-t-il d'écarter l'hypothèse (d'école) qui vent qu'un syndicat unitaire
appraisse comme un second parti (de manière informelle) dans un système mono-partisan424.
Chose inconcevable d'aillerus, surtout dans le cas d'espèce, où l'UmC a perdu sa faculté de
contre-pouvoir (a-t-elle jamais été seulement un autre pouvoir ?) pour devenir le soutien
privilégié425 du parti, du gouvernement, du régime, ensomme le moyen d'action de l'idéologie
petite bourgeoise baptisée tour à tour "Ubéralisme planifié", "Développement auto-centré". De
tout ce qui précède, ce n'est pas le sort réservé à la personnalité du travailleru - fin dernière de
cet arsenal de mesures contraignantes - qui démentira nos prémisses.
c -L'ATIElNfE A L'AUTONOMIE DES TRAVIJ 1FlTBS PAR L'EXISlENCE
DEI:UNfC
Si les syndicats peuvent coopérer avec le gouvernement en we de la construction
économique, le syndicaliste Tom Mboya souhaiterait toutefois limiter
l'ingérance de nos
Princes dans le domaine social. TI s'exprime ainsi: "Je ne crois pas que l'Etat doive intervenir
d'une manière excessive. &1 tant que syndicaliste, je continue à chérir l'idéal de la liberté
d'action du mouvement syndical. Je crois sincèrement en la supériorité intrinsèque de
tractations collectives, libres et volontaires, pour la réglementation des conditions de travail". TI
ajoute - et c'est important - "au nom du principe de l'autonomie dans l'industrie, notre
gouvernement doit laisser au patronat et au salariat la plus grande liberté, afin qu'ils
réglementent comme ils l'entendent leurs relations réciproques426. Evidemment, il s'agit du
Kenya de 1962.
Conçue à l'origine comme tribun des classes laborieuses, comme avocat prolétarien,
l'UmC, réduite à la condition d'un organe ancillaire ne s'est-elle pas transformée en
instrument d'asservissement des travailleurs ?
Deux cosntatations justifient notre perplexité. C'est d'abord le fait que l'UNfC se veut
l'interlocuteur du patronat et du pouvoir (l) et c'est ensuite, par voie de conséqunece,
l'inexploitabilité des méthodes traditionnelles du dialogue entre patronat et ouvriers (ll).
1. La fonction tribunicienne de l'umc
&1 réalité, si l'UNTC légitime et stabilise le régime politique camerounais, c'est par un
processus détourné, différent de celui que Georges Lavau décrit dans son étude sur la fonction
424Nous sommes loin de la théorie du soutien critique développé par certains syndicalistes camerounais
Il l'époque du
pluralisme s;nclical
425-rom Mboya, op cit p. 292
42~e cas de la Tunisie avec Ben Achour

L'eJ(perience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
263
tribunicienne427 . La dissemblance résulte du fait que notre centrale,investie des valeurs de son
environnement, n'est même pas théoriquement - à l'exmple de certains syndicats - hostile au
système politique camerounais ; ce faisant, elle ne peut en aucun cas constituer pour ce
dernier une gêne réelle, ooire insurmontable.
Par contre, en se substituant aux travailleurs en tant qu'individu, l'umc devient en
leur lieu et place, l'entité qui les intègre au système, au mépris de leurs revendications. A titre
d'exemple, deux occasions s'illustrent l'intervention de l'UNIC comme porte-parole des
ouvriers: en cas d'augmentation de salaires et pendant les conventions collectives.
i. S'agissant des augmentations des salaires, il faut reconnaître que les quatre
revalorisations des salaires minima, respectivement en septembre 1973 - juillet 1974 - janvier
1976 et juillet 1977 - consécutives à la fixation d'un barême de salaires minima applicables au
secteur privé, n'ont w le jour qu'à la fin des travaux des commissions sectorielles de la
commission nationale paritaire des conventions collectives et des salaires (article 128 du Code
du Travail de 1974) au sein de laquelle l'UNIC représente les travailleurs.
ü. Quant aux conventions collectives, instrument de portée nationale,
parce
qu'englobant pour la première fois les travailleurs de l'ex-Cameroun Occidental, une de leurs
originalités tient au fait que l'umc y apparaît conune la seule contractante du côté ouvrier; à
ce titre ene stipule au nom de tous les travailleurs.
S'agissant plus précisément des grèves - coronaires des syndicats - la loi fait amende
honorable à l'article 3 dans la mesure où le déclenchement de celles-ci est juridiquement
compliqué à souhait. Dès lors, il n'est pas dépourw d'intérêt d'établir à quelles conditions
légales les travailleurs peuvent proooquer un mouvement de grève (a) et quelles en seront les
conséquence (h).
a) Les conditions légales d'existence d'une grève
Sans conteste, la condition sine qua non est l'épuisement des procédures de
conciliation et d'arbitrage.
Dans la première phase, c'est encore l'Inspecteur du Travail du ressort qui tente un
règlement à l'amiable (article 166). L'échec de la conciliation entraîne l'obligation pour
l'Inspecteur de soumettre le différend au conseil d'arbitrage.
Cette instance qui est composée d'un président (magistrat) et des membres (un
assesseur employeur et un assesseur travailleur)428 dispose de plus larges pouooirs (article
170).
427Lavau (Georges), "A la recherche d'un cadre théorique pour l'étude du parti communiste français" RFSP 1968 p. 445
428Ce dernier doit sans doute être l'UNTC

L'experlence du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
264
Sa sentence, notifiée sans délai aux parties, acquiert force exécutoire et est obligatoire
(article 172) à l'expiration d'un délai de huit (8) à compter de la notification si aucune partie
n'a manifesté son opposition (article 171 alinéa 1), Ce qui est révélateur, c'est que la loi reste
muette sur l'attitude des parties en conflits au cas où l'une d'entre elles ou les deux, ne sa
sitesferaient pas de la sentence prononcée, Pour en juger, voici le libellé de cette disposition:
"L'opposition est formée, à peine de nullité, par lettre recommandaée avec accusé de
réception à l'Inspecteur du Travail et de la Prévoyance Sociale du ressort",
QueUes mesures pend donc l'Inspecteur en possession de ce courrier ? On aurait
souhaité le savoir car ce vide est d'autant plus dangereux que toute action subséquente des
travailleurs peut être considérée comme entachée d'irrégularités et déclarée illégale, Dans cette
hypothèse, que se passe-t-il ?
b) Les conséquences juridiques de totue grève
Si après cette procédure jalonnée de difficultés croissantes (conciliation + instances +
délais fermes; huit (8) jours + deux (2) jours), les parties ne se résolvent pas à abandonner leur
dessein, la puissance publique, soucieuse de préserver l'ordre public interviendra :
administrativement d'abord, par voie judiciaire ensuite,
i. L'intervention par voie administrative
Aux termes de l'article 165 alinéa 3 '1es autorités administratives sont admises à
procéder à des réquisitions collectives ou individuelles des travailleurs impliqués dans une grève
déclenchée dans un secteur vital de l'activité économique, sociale, culturelle", TI apparaît
clairement que la loi ne distingue plus la grève illégale de l'autre, La porte n'est-elle pas
ouverte aux abus et à l'arbitraire? Déjà que la présomption d'illégalité constitue une mesure
attentatoire à la liberté ~cale.
ü. L'intervention par voie judiciaire
TI faut d'abord préciser que conformément à l'article 182 du Code du Travail
- est puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans tout travailleur qui refuse
d'optempérer à la réquisition visée à l'article 165 alinéa 3 ;
- est puni de la même peine toute personne qui incite un travailleur à nepas
optempérer à cette réquisition.
A ce dispositif dissuasif, il faut ajouter un contingent de mesures sanctionnant ceux des
partenaires sociaux qui grèvent en contrevention de sprocédures de conciliation et d'arbitrage,
Concrètement, comment se passent les choses ?
Pour les employeurs
- le paiement aux travailleurs de sjoumées de salaire perdues à cause de leur fait
-la perte pendant deux ans de l'éligibilité à certaines fonctions.

L'expérience du fédéralisme camerounais; les causes et les enseignements d'un échec
265
Pour les travailleurs
- la rupture du contrat de travail pour faute lourde
-la condamantion à une amende de 3.000 et 30.000 francs429.
Ce survol rapide de la loi prouve, s'il en est besoin, l'option résolument pacifique du
législateur dans le domaine social.
Maintenant, l'initiative de l'augmentation des salaires revient au gouvernement et à
l'UNTC dans le cadre des conventions collectives, Ce paternalisme aboutit à la mise à l'écart
des travailleurs pour les problèmes qui les concernent au premier chef.
Ensuite, parce que, conceptueIlement, un syndicat de pacifisation ne peut pas s'offrir le
luxe d'une grève, opération apparemment inutile avec cette recherche spontanée de justice
sociale qui anime un "pouvoir" qui veut résoudre les problèmes par anticipation43O•
Enfin et surtout, parce que à notre connaissance, on dénombre à peine quelques
grèves dans notre pays depuis l'Av7nement de l'UNTe. On peut citer quatre:
1. grève aux Brasseries du cameroun à Yaoundé le 26 janvier 1976
2. grève à la CDC en 1976
3. grève au Port de Douala en 1977
4. grève au chemin de fer en 1976-1977
Les travailleurs ne sont pas encouragés à grever parce que la répression qui s'en suit
est souvent terrible. Au port de Douala, près de quatre millet 4.000) dockers ont été licenciés.
L'offre d'emploi étant inférieure à la demande, il est toujours prudent de garder sonposte au
lieu de se lancer dans une hypothétique grève aux résultats incertains. De plus, le risque de
politisation de ces grèves à dominante économique n'est pas nul. Le pou\\Qir peut estimer que
le mouvement ouvrier est manoeuvré par des éléments qui veulent saboter l'économie ;auquel
cas, la répression individuelle sera terrible. Judicieusement, les travaiIleurs pourraient être
poursuivis pour manoeuvres subversives : accusation lourde de conséquences (comme nous
l'a\\Qns vu au chapitre précédent).
Dans ce contexte, le travailleur qui devait bénéficier du soutien de l'UNTC, du syndicat,
en devient plutôt l'otage. Mais sporadiquement, certaines grèves se déclenchent dans notre
pays. Ce n'est donc que partiellement que l'UNTC s'acquitte de sa fonction tribunicienne, car
elle O'UNTC) n'est pas une force d'opposition. Dès lors, n'est-elle pas amputée de certaines
vertus syndicales ?
429 cf article 173 du Code du Travail
430 cf fonction within put dans l'analyse du système politique de Davld Easton

L'expérience du fédéralisme cameroWlais , les causes et les enseignements d'un échec
266
2. La désuétude du recours à la grève
A l'occasion de l'exécution du contrat de travail entre les employeurs et leurs
travailleurs, un différend peut éventuellement survenir, Fort heureusement, le législateur a pris
des mesures pour résoudre ces litiges qui sont parfois individuels et parmoments collectifs.
Le règlement d'un conflit individuel par le Tribunal compétent passe par unephase de
tentative de conciliation ou règlement à l'amiable dont la responsabilité incombe à l'Inspecteur
du Travail et des Lois Sociales. A l'observation, les parties en litige (employeurs--travailleurs)
s'accusent mutuellement du soutien de l'agent de l'Etat. Nous pensons - et nous ne sonunes
pas absolus - que l'Inspecteur du Travail sera plus enclin à défendre les patrons. Si la classe
laborieuse juge l'Inspecteur corrompu, encore faut-il prendre en considération la défense des
intérêts de classe par ce dernier qui est beaucoup plus proche des patrons que des salariés.
- Le règlement du diffémd collectif (qui peut aboutir à la grève ou lockout aux termes
de l'article 165 alinéa 2) est aussi soumis aux procédures de conciliationet d'arbitrage.
Nous nous efforçons de démontrer conunent la difficulté juridique de déclencher une
grève (phénomène désormais exceptionnel) (a) est protectrice de l'ordre social (h).
a) La préservation de l'ordre social par une stricte réglementation du droit
de grève
La conception parcimonieuse de la grève trouve son fondement dans la Constitution.
C'est d'abord les stipulations à valeur juridique controversées du préambule de la Constitution
qui posent que la liberté syndicale est garantie dans les conditions fixées par la loi. C'est
ensuite l'article 3 du même acte fondamental qui reconnaît aux formations politiques - et par
déduction aux syndicats - le droit (et non pas seulement la faculté) de concourir à l'expression
du suffrage. Mais, une fois de plus, le texte fondamental va subordonner l'existence et l'activité
des formations politiques à la conformité à la loi.
b) L'exceptionnalité de la grève
Exceptionnelle, la grève le demeure à plus d'un titre dans notre pays.
D'abord et désormais, on pourrait parler de son inutilité économique. Jusqu'à présent,
les économistes, en particulier Hicks, avaient analysé l'incidence de la menace de grève sur la
fixation définitive du niveau de salaire dans l'entreprise. La résistance des ouvriers et la
concession des patrons débouchant sur un compromis acceptable pour les deux parties, la
grève était désamorcée.
LE GRAPHIQUE DE HICKS

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r::aticaly taking bribes and keeping
rr,anager. Time-l:eeper transferred.
inaccurate records.
Late~ in~erven~~G~ oy Pe~sonnal Offi-
cer and Union Secretary settled disput
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protest against alleged Settled by local manager in direct ne-
excessive task.
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and to make up lost time.
Cc";:;.
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3 è. 2.:,':3
Palms harvesters'
demand for increase
Resumed on intervention by Union Secre
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2,388
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?es:..:.::eC::J~ ~::-.-:;::::".'e,.~~:=-. c:' senior Dis-
plus 1500
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indirec-
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officer after ef:or~ by Personnel Of-
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Tableau de conflits mineurs ayant occasionné des
a~~êts de travail à la CDC entre 1947 et 1955 (1).
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Causes
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Riveters refused to work in rain.
Worker's Union agreed Een were wrong.
Men returned, drew full wages first
day.
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3 CE:_-'::
;:rotest 0:: ;:'C~~ results of l':en ::oest.:.r..ed \\'lork o~ ':::-:;: =.:=.r:ccions being
I ,""",~~Q'''''''-_'''nts
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1
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given an~ on tr.rea~ ~: ~erL.ina~ian of
1
engagener.ts.
[.~~ . 1948
200
1 è. =:.:-
l ?lante.tio!;. labou::,e::os'
èer::and for remo- Pive !!le~ reinstatet he:=.d overseer
va=- c: ~eEi aversee::o anè reinstatemen
placed unëer su~er~~.::~~n.
c=: ~~-:e =-2:-._
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25
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50
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l:arine fIoa~ing staffs' demand for
Labour officer interver:ed and explained
overGirne pay,
i~creased wages and
points on overt~~e, s~ck pay and incre'
removal.
ments.
Removal of beachmaster not effe(
ted but Union President intervened and
men resumed work. Management agreed to
hold monthly meetings with workers.
TO ....... __
?lantation labourers' demand for reins
~'.i. c_~,
1949
400
1
1 d'O.:"
Labour officer intervened and managemen'
ta~~=e=~ c~ ~~ ~=::oke::os dismissed for
agreed to ~or.~~~e ë.~s=~ssal ta suspen-
1
=..c s -=:-_2~"
sion until end 0: =or::~.
P.-.;.;. ::'951
18
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l,:a.ri:>e "l'::;::o~:e~s' ::~ .._s-:::: for higher wa-
Work res~=e~ or: ~~:er~er::~on
of Union
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...... - .. -
g~s cr :0::' a.~_~ssian to a monthly
officiaIs.
salary group.
Oc""C.1951
700
1.:
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Work resœ::ec: 0:1 ~,_~er-'-e,.:ion of Union
1 hour~.of.wo~~;
reins~aternent o~ five
Secretary af""cer reQues""Cs nad been
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granted.
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Work resumed on ~r:ter~en~ion of Union
1
alleged excessive ~ask.
Secretary.
July 1952
300
2 dEYS
?lantation \\'lorkers' protest on refusaI Work resumed on arrivaI of police and
~ of management to give work to 250 men
settlement later agreed through inter-
I who allegedly reported late for duty.
1
vention of labour officer and Union
Secretary.
Au<!:·:S52
79
2
è.E.~·2
Alleged excessive task; alleged de-
Work resumed on intervention of Area
niaI of access to dresser and demand
Manager and agreement that task was
for withdrawal of assistant overseer
reasonable.
for irregular practices.

L'expérience du fédéralisme camerounois : les causes et les enseignements d'un échec
268
c...;.\\prrrt,t •••
lA FONC'flON CEN'fRIPE'fE DE l'ECONOI'AIE D;.\\NS
lE FEDER;.\\USI'AE C;.\\I'AEROUN;.\\IS
IIIROloeTIOII n POSITIOII DU PROBlEME
Le fédéralisme est-il -au plan économique- ce "fantôme dangereux" dont parlait le
sénateur belge Jean DUVIEUSART 431 ? De plus, le fédéralisme politique inclut-il forcément
le fédéralisme économique? En effet, la place du facteur économique dans une fédération est
souvent génératrice de controverses. Pour les uns, le fédéralisme n'offrait que des
désavantages sur le plan économique par la création des cloisonnements dans le cadre d'une
association par désagrégation (projet belge). Pour d'autres qui prennent à témoin le cas de
beaucoup de pays riches structurés sur une base fédérale, le fédéralisme permet la création de
vastes ensembles économiques viables. Jean BANCAL, réswnant la pensée de PROUDHON
avance l'idée selon laquel1e la théorie mutuel1iste et fédérative de la propriété fonderait la
démocratie économique mutuelliste432 .
Pour certains analystes, l'Afrique de l'après-indépendance, déstabilisée politiquement,
est confrontée-économiquement- au dualisme de son agriculture et de son industrie et, à un
phénomène de dépendance multiforme par rapport à l'étranger. Dans ce cas, une fédération
de l'économique constituerait une gène réelle. DAns son ouvrage "AFRICA MUST UNIT', le
Docteur NKRUMAH s'oppose à tous égards à l'esprit de clocher en matière économique. S'il
concède qu'il n'y a pas de "modèle universel de développement applicable à la situation
africaine" (p. 195), il remarque néanmoins "qu'aujourd'hui les pays qui ont une population
très nombreuse et une vaste superficie sont plus capables que d'autres de s'industrialiser à
fond" (idem).
En conséquence, l'OSAGYEFO préconise l'unification totale de l'économie africaine à
l'échelon continental. La condition sine qua none de la rélalisation d'une tel1e politique est
(évidemment) l'unité des pays africains 433
431 Cité par Ludo Van Waune cf. op. ciL p. 85
432Bancal (Jean) "L'anarchie et l'autogestion de Proudhon" Article publié sous letitIe collectif ANARCHIE ET FEDERALISME dans la r""'e
Europe en formation 163·164. Odobre-Novernbre 1973 p. 16 el ss.
43~mah Nkwame "L'Afiigue dort s'unir', tradurt de l'anglais par L Hospin. in coll. Etudes el documents Payot. Paris, 1964 pp. 177à 201

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignemenb d'un échec
269
Dans la fédération camerounaise, les critères qui caractérisent indifféremment les
économies des Etats (unitaires et fédéraux) africains \\,Unt s'amplifier. Au dualisme économique
stricto sensu, se superpose une dualité d'ordre géographique. C'est ainsi que les régions sont
inégalement pourvues en ressources naturelles. Les régions du Sud sont relativement
développées. Le Cameroun Occidental l'est moyennement. La région du Nord est à la traîne
des autres. A titre "d'exemple, le Sud contribuait pour 74,42 aux exportations en 1964 et
recevait 85 % des salaires distribués ; tandis que
la contribution
du Nord était
approximativement de 7,5 % et de 5,6 %"434. Toujours en 1964 et selon les mêmes sources:
- au Cameroun oriental, l'agriculture traditionnelle occupait :
83 % de la population active,
4
% pour les plantations modernes,
1,5 % pour l'industrie,
2,5 % pour le secteur public.
La dépendance économique multiforme continentale devient ici excentrée et bi-axée
dans l'orientation des échanges extérieurs.
Au Cameroun Oriental (1963)
- 83 % des exportations du Cameroun Oriental allaient vers le Marché
Commun,
- 70 % des importations provenaient de ces mêmes pays,
- L'ensemble des échanges se fait à l'intérieur de la zone franc,
La France est le premier client (57 % ) des exportations et le premier
fournisseur
du Cameroun Oriental avec (55 %) des importations.
Au Cameroun Occidental (1963)
Nous retiendrons provisoirement que la Grande-Bretagne était le principal client (64 %)
et le fournisseur presque exclusif de Buéa. De plus, c'est dans le cadre de la zone sterling que
s'effectuaient les échanges anglophones.
Si comme nous le pensons, l'aspect économique d'un problème est souvent -sinon
toujours- le plus important à cause de son incidence politique et sociale, on comprend
aisément pourquoi les dirigeants camerounais ont pris du recul pour aborder le
problème
économique de la Fédération, Le
message à la Nation du Chef de l'Etat, du 1er octobre 435
traite abondamment de l'unité et de la sécurité; le développement économique n'y apparaît
43400r-.1DEC (P.F). - La République Fédérale du Cameroun, in Encyclopédie Politique et Coostilutiooelle publiee par l'HA série Afrique, éd.
Berger-IO\\Tau1t, Pari., 1969, p.14.
435m Unité nO 64 du 6 Octobre 1961

L'expérience du fédénilisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
270
qu'incidemment lorsque le Chef de l'Etat aborde la condition des étrangers, Cet oubli est en
soi révélateur. Mais, lors
de sa fameuse conférence de presse de novembre 19641, Mr,
AHIDJO parlera "des muhiples problèmes que présente la fusion des deux systèmes
économiques jusqu'alors éloignés,
possédant des monnaies différentes, des courants
d'échanges différents, des niveaux de prix et des salaires différents". TI dira finalement que les
problèmes économ.iques (de la fédération) étaient et sont plus ardus et plus complexes 436.
On relèvera également cette préoccupation dans l'interview de Mr ASSAlE Charles,
Premier Ministre du CameroW1 à Europe-France-outremer, de juin 1961. "Les problèmes
monétaires, économiques et psychologiques posés par le Réunification sont nombreux et
difficiles. A quoi bon le disshnuler ? Avec franchise, il faut dire que nous n'y voyons pas encore
très clair. Avant de parler, étudions et reposons le dossier437•
Devant ces difficultés de tous ordres, il fallait choisir. Les anglophones rêvaient à la
possibilité de mesures d'indépendance économique au sein de la fédération, Le Chef de l'Etat
fit le pari d'intégrer progressivement les Economies des deux Etats Fédérés. Au demeurant, sa
décision correspondait à W1 calcul ; la dimension centripète de l'opération se révélera dans
l'avenir.
On s'efforcera de démontrer l'incidence centralisatrice de l'unification économique en
se penchant sur le déséquilibre entre les deux économies (section npour s'interroger en fin
d'analyse sur la viabilité d'W1 fédéralisme économique au CameroW1 (section m.
SECllON 1
LE DESEQUILIBRE ENTRE LES ECONOMIES DES DEUX ETATS
FEDERES
Si dès 1961 -en confornûté avec la constitution fédérale- les structures juridiques et
politiques des deux Etats fédérés devenaient commW1es, à l'inverse, la législation économique
résistera encore à la fusion. En la matière, au regard de la différence de développement( §ll,
marquée par la supériorité du Cameroun Oriental, la prudence s'imposait. De plus,
l'intégration économique des deux Etats s'opère en faveur du gouvernement fédéral (§2)
1 . Le développement inégal: le legs colonial et la recherche de son
dépassement
Entre le CameroW1 oriental et le CameroW1 Occidental, les sources de distorsions
économques ont été nombreuses. Alors que dès 1959 les experts de la SOGEP soulignaient
les atouts du CameroW1 français en matière industrielle, le CameroW1 Britannique demeurait
4~ecueildes Disoours Présidentiels 1957·1968 P.161.
4370 ° 379 p. 15

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
271
essentiellement un pays agricole. La Grande-Bretagne a-t-elle sous-estimé les potentialités
économiques de ce territoire dont le développement aurait contribué à l'élevation du niveau
des populations ?
Toujours est-il qu'à la veille de la réunification un "cliché" rapide établirait infailliblement
la supériorité de l'économie de l'Etat du Cameroun sur celle du CamerOlrr1 méridional. La
documentation Française résume cette situation dans les deux tableaux suivants438, la lecture
de la colonne "rapport" sera très intructive.
Ces deux tableaux (voir page suivante) confiment nos premières hypothèses. Nos
développements postérieurs iront dans le même sens (A et B). Le premier plan de
développement a pour ambition de combler le retard du Cameroun Occidental (C). La seule
composante démographique ne justifie pas cette disparité.
A· UNE ECONOMIE APPAREMMENf PLUS COMPLETE : L'ECONOMIE DU
CAMEROUN ORIENTAL439
Selon certains
augures et certains indices avec son niveau de développement, la
viabilité de l'économie du Cameroun Oriental ne faisait pas de doute ; avec ses deux secteurs -
agricole et industriel- eUe était même bien partie.
1- L'économie agricole
Près de 80 % de la population active sont employés dans la production agricole ou
dans les branches annexes. Les cultures représentent 1/25 de la superficie du territoire, dont
les 2/3 (1 148 000 hectares) en cultures, 79 000 hectares en cultures industrielles, et 527
hectares en cultures arbustives. Les pou\\Qirs publics se sont toujours préoccupés du
développement agricole. Trois exemples peuvent le prouver :
- la mise en place des secteurs de modernisation pour initier les planteurs aux
techniques de base,
- la création d'un crédit agricole mutuel servant surtout à la lutte phytosanitaire,
- la création des caisses de stabiUsation des prix gérées par le Ministère de l'Economie
Nationale pour préserver le planteur des aléas des fluctuations des cours des produits
d'exportation.
Tout en accentuant la mise en valeur du potentiel agricole (a), les autorités du
Cameroun français ont dévelopé parallèlement une économie d'échanges (h).
438.Le Cameroun sous tutelle Britanique à l'Heure du Plebiscite". lnN~es et Etudes Documentairesdu 1er M.ors 1961 n' 2 756.
439Voir page suivante: il ne f.ut pas oubtier qu'en 1958·195910 démog,aphie des deu. Etats Etats était la suivante

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'\\Dl échec
272
a) la mise en place d'un potentiel agricole.
La politique des pouvoirs publics a consisté à intensifier la production agricole (au sen
large) destinée à satisfaire les besoins de la population, En sonune il s'est agi d'améliorer le
traditionnel système d'auto-consommation, c'est-à-dire en gros les cultures vivrières.
Bles comportent les féculents de consommation locale et les prodtûts oléagineux.
Parmi les céréales nous mentionnerons le mil et le sorgho qui se cultivent dans le secteur Nord
aux abords fertiles des fleuves, Le maïs est cultivé dans tout le pays en particulier en pays
Bamiléké qui fournit près de 2/3 de la production totale, c'est-à-dire 80 000 tonnes,. Le
marché du maïs rentre dans la fabrication des boissons alcollisées. Le riz est cultivé en général,
les tubercules sont tès sollicitées : ce sont principalement le manioc, le macabo et la banan~
plantain ; denrées très sollicitées qui se vendent en quantité considérable dans les
agglomérations.
Parmi les oléagineux, on citera surtout l'huile de palme et les arachides. Ces dernières
sont aussi exportées après
transformation vers les pays ooisins.
Toutefois, l'effort du gouvernement est manifeste en matière de sylviculture, élevage,
chasse et pêche.
A l'époque, le cheptel du Cameroun comprend 1 250000 bovins, 1 500000 caprins,
250000 porcins, 25 000 équins et près de 3 000 000 de oolailles, Le pays a été divisé en
trois secteurs par le service de l'Bevage :
- le secteur du Nord (chef-lieu Maroua) ;
- le secteur du Centre (chef-lieu Ngaoundéré) ;
- le secteur du Sud (chef-lieu Kouden).
La mission de ce service est d'assurer la santé des animaux domestiques, d'améliorer le
troupeau, d'organiser et de surveiller les industries animales. Dans la réalisation de son objectif,
l'admirûstration de l'élevage dispose de deux laboratoires particuliers à Mvog-BETSI (Yaoundé)
et FARCHA (dans le secteur Nord). Cette dernière unité fournit depuis 1954 des vaccins
antiseptiques et anticharbonneux au
Cameroun et au Tchad. Enfin on fera état de trois
stations d'élevage et deux abattoirs à chambres froides.
Cameroun Méridional
République du
Rapport
Cameroun
Superficie
42900 krn2
432000 krn2
1/10
Population
840000ha
3200000ha
1/4
densité
20
17 dans le Sud
- La pêche non plus n'a pas été négligée par l'Etat (français, Si jusqu'en 1952 eUe est
essentiellement traditionnelle, on assistera à un grand boom avec le début d'industrialisation.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
273
Dès que les sociétés SAPAC, SOPECOREC ont équipé des chalutiers, la production a été
portée en trois ans de 120 à 500 tonnes. Qui plus est, pour assurer la consommation des
régions enclawes, la pisciculture a été" développée.
Comparativement à
la viande
, on
peut mesurer les
effets bénéfiques de
l'industrialisation de la pêcheMo sur la consommation de poissons.
Viande
Poisson
1950
8120 t
1951
6993 t
1952
8600 t
120 t
1953
9960 t
480 t
1954 11481 t
1500 t
1955 12047 t
2 500 t
1956 13000 t
2700 t
1957 14000 t
3000 t
b) Les cultures d'exportation
Les cultures d'exportation joueront un double rôle:
- assurer un revenu monétaire à la population,
- augmenter le pouvoir d'achat du Cameroun à l'égard de l'étranger.
Pour les besoins du marché international, l'agriculture camerounaise produit du
cacao, du café, de la banane, du coton, du caoutchouc, du tabac et du bois.
Le cacao
Ce produit est de première importance pour le Cameroun puisqu'il représente
environ la moitié de son commerce extérieur et que sa culture emploie 130 000 à 150 000
planteurs
indigènes.
Le
Centre-Sud
est
la
zone
essentielle
de
production
.
La
commercialisation se heurte à un problème de prix et à un problème de qualité. Comme il a
été précisé plus haut, suite à l'effondrement des cours du cacao en 1956, le Cameroun a créé
une Caisse de Stabilisation des prix pour remédier à la sensibilité des cours mondiaux, De plus,
une station de recherches spécialisée dans l'étude du cacaoyer a été créée en 1949 à
NKOEMVONE aux environs d'Ebolowa,
- de 1947 à 1959, nous pouvons suivre à travers le tableau ci-après l'évolution
des exportations de cacao du Cameroun français.
M°el, Docwnerrtation Fr:IllÇ3ise id. p. 25.

EXPORTATIONS DE CACAO PAR DESTINATION (en tonnes)
1947
1948
1949
1950
1 951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
FRANCE
23 131
36865
36716
21595
23391
16754
14247
14522
11437
15637
17327
22391
AFRIQUE DU NORD
2070
1092
407
161
336
371
371
105
40
91
206
-
PAYS-BAS
1497
2346
2618
10306
13 094
22711
22711
16418
21036
14028
19304
15728
ETATS-UNIS
1009
1402
1708
240
5274
8905
8905
7 181
10496
5638
7253
4539
GRANDE-BRETAGNE
-
-
-
1 553
168
965
965
2221
3205
583
593
-
ALLEMAGNE
-
-
1 216
4949
4019
3353
3353
2841
4350
4270
3042
2204
ITALIE
120
114
1 159
423
667
2336
2336
3331
3618
3 199
3085
-
POLOGNE
-
.
-
-
-
251
251
-
.
970
125
-
SUISSE
1268
1 631
-
96
372
110
110
497
440
245
81
-
TCHECOLOVAQUIE
681
424
399
562
310
-
-
105
312
337
401
-
URSS
-
-
-
.
-
50
50
455
250
702
1900
8898
SUEDE
1016
2619
2619
1480
320
100
100
151
188
151
-
-
NORVEGE
274
1 388
993
231
125
100
100
-
50
-
-
-
BELGIQUE
2639
612
132
20
301
-
-
122
-
25
-
-
TOTAUX
33705
48493
47967
41616
48377
56006
53499
47844
55422
45876
53217
53760

L'expérience du fédéralisme camerounais: les cau:ses et les enseignements d'lM échec
274
Exportations de Cacao par destination en tonnes
Le café
nreprésente plus du 1/5 de la valeur globale des exportations du Cameroun, Après la
cacao, c'est la 1ère production d'exportation en importance. Deux variétés sont cultivées :
l'arabica et le robusta. A l'époque (1957) le café n'était cultivé qu'en pays BamOlm et
Bamiléké. Le nombre total des planteurs est de 17 500 ; ce chiffre comporte aussi les
planteurs européens. Les secteurs de modernisation (SEMCA dans l'Ouest et SEMSET dans
l'Est) distribuent des plants de Robusta aux planteurs et aménagent des pistes de ramassage.
Le café aura aussi son année noire avec la baisse des cours en 1954. Le marché français
payera le café à un prix supérieur à celui pratiqué à New-York. La nécessité d\\me péréquation
des cours camerounais et mondiaux se superposant à la caisse de stabilisation se fait sentir.
Toutefois, la progression des exportations reste constante. Voici un tableau illustratif de cette
é\\Ulution fa\\Urable.
La banane
La culture de la banane Gros Michel a été lancée au Cameroun entre 1931 et 1935.
Le département du MUNGO est le plus gros fournisseur de la fraction exportable. Les
producteurs de bananes du Cameroun sont organisés en syndicat qui groupe les sociétés, les
gros planteurs européens, les coopératives européennes et africaines de petits planteurs. La
banane est un des éléments essentiels de l'équilibre du commerce camerounais où elle figure
pour 21% du tonnage et 8 % de la valeur des exploitations.L'évolution de la production
bananière (en tonnes) est la suivante entre 1951-1957).
1951
55050
1955
76163
1952
51357
1956
66087
1953
72000
1957
85179
1954
73704
Nous ne saurions clore l'inventaire des cultures d'exportations sans mentionner les
produits tels que le coton, le caoutchouc (essentiellement exportables), le tabac.
2. L'économie industrielle
Si en 1959 on peut parler d'un secteur industriel au Cameroun français, il reste
insuffisant car il ne représente qu'environ
10 % du produit
national brut. On distingue
toutefois une industrie de l'aluminium, des corps gras et diverses autres industries.
a) l'industrie de l'aluminium
EDe est tributaire de l'énergie électrique produite par la Société d'Energie du
Cameroun créée en 1948). La Compagnie Camerounaise de l'Aluminium Péchiney-Ugine

,
EXPORTATIONS DE CAFE PAR PAYS DESTINATAIRES (en tonne)
1947
1948
1949
1950
1951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
FRANCE
3251
6466
7602
7482
8422
8276
10557
12135
15052
25715
1505
25715
26239
ALGERIE
2285
580
544
64
429
520
1294
462
530
1002
-
-
-
MAROC
24
201
-
-
-
-
13
-
-
-
-
-
-
ETATS-UNIS
-
-
-
100
-
-
30
562
336
-
116
268
543
ALLEMAGNE
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
30
TCHECOSLOVAQUlE
-
-
-
-
140
-
-
-
-
-
-
70
-
SUISSE
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
478
PAYS BAS
-
-
-
-
-
125
-
-
-
79
-
-
30
GRANDE-BRETAGNE
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
25
ITALIE
-
-
-
-
-
15
-
21
79
502
387
335
853
AUSTRALIE
-
-
-
--
-
-
-
-
-
-
-
-
30
URSS
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
lOI
-
1 159
GRECE
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
8
TOTAUX
5560
7247
8146
7646
8603
9082
11894
13 180
15997
28035
2109
26388
29395
- - --

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investissements
o
co
co
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ex-Cameroun oriental
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Nord
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Est
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L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
275
(ALUCAM
) traite du minerai apporté de France et éventuellement découvert dans le
Camerotm en we de la production d'aluminium. La capacité mensuelle de J'A1ucam a Edéa est
de 4 000 tonnes. cette usine travaille comme tme façonnière qui rend à ses actionnaires,
fournisseurs de minerai, du métal sous forme de lingots et des billettes ou de plateaux.. Les
premières exportations datent de 1958.
La répartition des 43 410 tonnes de 1959 est la suivante:
France
37 182 tonnes
Grande Bretagne
1 392 tonnes
Kenya
101 tonnes
Union Sud Africain
25 tonnes
Belgique
5 202 tonnes
U.SA
1 545 tonnes
Pays-Bas
3 002 tonnes
Italie
41 tonnes
b)- L'industrie des corps gras.
La compagnie française pour le développement de la fibre textile (C.F.D.T.) exploite à
Pitoa une huilerie d'arachides qui produit, en 1959, 20000 litres d'huile d'arachides.
A Kaélé eUe possède également une huilerie de coton qui a donné en 1959 1 200 000 litres
d'huile. A Dibombari et à Edéa, les huileries de palme et de palmistes ont produit 1 850 tonnes d'huile
de palmiste raffiné ou brute.
Plusieurs industries de savon sont à signaler :
- La compagnie chypriote d'une capacité annuelle de 6 000 tonnes,
- L'huilerie de piton s'est adjoint une petite savonnerie d'une capacité de 800 tonnes.
La Société Industrielle des Cacaos a construit à Douala une usine pour extraction de
beurre de fèves de cacao. Au cours de la campagne 1958-1959 a traité 5 500 tonnes de
fèves.
Toujours dans l'industrie de l'alimentation, il faut encore signaler tme chocolaterie à
Foumban, une usine des pâtes alimentaires à Douala, et les brasseries du Camerotm à Douala.
Enfin les rizeries des Sociétés de Prévoyance et des secteurs de modernisation ont livré
4000 tonnes de riz en 1958 à la consommation.
c) - Les autres industries.
Dans le secteur du vêtement, trois usines de confection installées à Douala (AMCAF,
SAFCO, AFRITEX) fournissent annuellement 600 000 pièces. Une fabrique de sandalettes en
plastique (TSEKENIS) à Douala produit annuellement 125000 paires de chaussures dont 15

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'lm échec
276
%
sont exportées le caoutchouc de Dizangué servira également à monter une usine de
sandalettes de tennis à Douala. Pêle-mêle on pourra citer la fabrique d'articles de ménage en
aluminium ALUBASSA- l'entretien des appareils de soudure par la société l'Air-liquide- les
ateliers de construction métallurgique à Bassa- les électriques ENTRELEC
-1 atelier de
préparation d'eau de jawl- deux imprimeries à Douala et à Yaoundé- une usine de montage de
bicyclettes. L~effort d'extraction des produits miniers est notable.
En conclusion, la "donté d'industrialisation marquée par les autorités du Cameroun
Oriental se manifeste dans l'énoncé de principes directeurs qui doiwnt régir l'action
gouwmementale. S'agissant surtout des industries de transformation, le gouvernement entent
441 •
1 - Chercher à valoriser les sous-produits existants.
2 - Mettre l'accent sur l'industrie destinée à satisfaire les besoins intérieurs.
3 - hnporter éwntueUement les matières premières à transfonner sur place (blé par
exemple).
4 - Valoriser au maximum les matières exportées.
5 - Rechercher l'utilisation des ressources énergétiques.
&- Fa\\Kniser une implantation industrieUe dans le Nord.
7 - Ne retenir que des industries moyennes.
A l'évidence, si le niwau actuel de l'industrialisation de l'Etat du Cameroun Oriental ne
correspond pas encore aux besoins de l'Etat toujours est-il que l'on recherche en vain au
Cameroun Britannique (méridional) un projet qui séparait nos deux Etats était large.
B - UNE ECONOMIE ESSENTIEl 1 EMENT AGRICOLE: LE
HANDICAP DU CAMEROUN OCCIDENTAL 442
Selon Mr. Victor ATEBA, "avant
la réunification, le Cameroun Occidental ne
constituait qu'une petite province du Nigeria, très éloignée des grands centres urbains de ce
pays, plutôt négligée sous l'angle de l'infrastructure et ses inwstissements 443". Plus graw
encore, l'industrie est inexistante. U faut aussi signaler l'inexistence d'un relevé statistique
sérieux, pennettant de comparer l'évolution des diwrs secteurs de l'activité économique.
Conunent se présente donc l'agriculture au Cameroun méridional? L'histoire de
l'agriculture à BUEA est liée au sort de la Cameroon Dewlopment Corporation. En effet la
C.D.C. est une société statuaire créée en 1946
pour acquérir, déwlopper et diriger des
plantation extensiws de cultures tropicales qui, au début de la deuxième guerre mondiale, était
441 Voir dans la revue Europe-Frauœ-Outremer n° 379 de juin 1961 oonsaaé au Cameroun sous le "le Cameroun, dix huit mois apre!
l'independance'' p. 47.
442Les quelques rcnseigllemcnlli foumis ici pro,ienna au principal d'une source unique: Le nO 2756du 1er mars 1961 de la documentation
Française (déjà cité)
44~e\\lIeEurope-Franœ-Outremer n° 436 de mai 1966

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
277
la possession de propriétaire allemands". Cette société possédait en 1972 près de 800 00 ha
de terre que lui loue le gouvernement camerounais.
Depuis 1956, sur environ 100 00 hectares ex concessions allemandes, la CDC en
cultive effectivement 22 000 hectares en bananiers, en arbres à caoutchouc, en palmiers à
huile, en cacaoyers, en thé (plantation de TOLE) en poivre.
En 1952 a été créée la "BAKWERI Union of Farmers", du Cameroun méridional.
Cette société privée groupe 14 sociétés affiliées comptant 2 000 membres à KUMBA. Les
particuliers plantent des palmiers à huile cacaoyers et du café Robusta. A Bamenda se
rencontrent les plantations de café, maïs, haricots, arachides, pommes de terre, à NOOU
(NKAMBEl, une plantation de thé de 800 hectares est en création.
Pour ce qui est de l'élevage, l'on dénombre 200 000 têtes de bétail dans les divisions
de BAMENDA, de NKAMBE et de WUM. Un centre d'études de services vétérinaires consacré
à l'amélioration des races bovine et ovine, à la vente des taureaux de races améliorées, à
l'étude et à l'aménagement des pâturages a été installé,
Ce que l'on remarque ici, c'est la généralisation des coopératives; de 1955 à 1959,
leur nombre est passé de 63 à 150, l'effectif de leurs adhérents de 425 à 12000.
L'intégration administrative 444du Cameroun Britannique ne permet
pas
une
différenciation du mouvement commercial méridional avec l'extérieur.
Les chiffres connus pour 1958 révèlent néanmoins 18,9 millions d'exportation, contre
8,3 millions d'importations 445
Un tableau récapitulatif ferait ressortir que le Royaume-Uni est le principal client
PRODUITS
QUANnTE
VALEUR
1
1
BANANES
85777 T
9 MIU..ONS $ USA
BOIS
49700M3
1.5 Mll.l..ONS $ USA
PALMISTES
4910T
900000 $ USA
CACAO
4471 T
3.7 MIU..ONS $ USA
CAOUTCHOUC
2207T
1.2 MIU..ONS $ USA
Source: Rewe Europe-France-Outremer n° 436 mai 1966
Industrie non existante, agriculture non compétitive dans beaucoup de domaines, telle
se présente l'économie du Cameroun méridional à la veille de la Réunification. Ce déséquilibre
va se poursuivre au moins pendant quatre ans après la réunification. Un inventaire des
444",cor< q'au Cameroun Meridional, le problème de la sous-administration se posait avec acuité. (cf Documentation Française du 1er SOl""",re
1963 N"0963 JI,~01431
445u,. chiffies sont e"l'rimés en dollars USA

l'expérience du fédéralisme camerounais, les CAuses et les enseignements d'un échec
278
principales industries implantées depuis l'indépendance sera encore une pièce versée dans ce
dossier.
Ce bilan émane d'une voix autorisée: celle de Monsieur MONTIŒ Paul, Président de
la Chambre de Commerce, de d'Industrie et des Mines du Cameroun.
1- INDUSTRIES MINIERES
1. 1961 - BRGM à Yaoundé (Bureau de recherche géologiques et minières) : ex:traction de
disthène, recherche de cuivre et de bauxite.
2. 1963 - les ArgUes industrielles à Yaoundé: ex:traction et transformation de l'argile (briques).
3. 1964 - Carrières Camerounaises à Yaoundé: carrière de sable, gravier et gramt.
D - ENERGIE ELECTRIQUE
4. 1964 - électricité du Cameroun (EDC) à Yaoundé: Distribution.
m- INDUSTRIES METAU.URGIQUES
5. 1960 - SOCATHAL à Edéa : fabrication de tôles ondulées d'aluminium.
6. 1962 - INDUS1RlAL DEVELOPMENT TRUST à TIKO : Fonderie (ustensiles de ménage)
7. 1963 - Clouterie Camerounaise à Douala: fabrication de clous et pointes.
8. 1964 - Equatoriale électronique à Douala: radioélectrique, électronique et
télécommunication.
9. 1964 - Emaillerie Afrique à Douala: fabrication d'émaillé.
la. 1964 - Forges tropicales à Douala: fabrication d'outillage agricole.
IV - INDUSTRIES CHIMIQUES
11. 1960 - BATA à Douala, chaussures en plastique, en caoutchouc et nu-pieds.
12. 1961 - Plasticam à Douala: fabrication de gaines en polyéthylène pour produits agricoles.
13. 1962 - SAFCAM à Dizangué : traitement de latex:.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
279
14. 1962 - SAPCAM à Douala: fabrication d'eau de javel, d'insecticides, d'eau de cologne, de
vinaigre.
15. 1962 - Zattar et Cie à Ngaoundéré : parfumerie.
16. 1962 - Propalm à Eséka : fabrication de samn.
17. 1964 - SOPARCA à Douala: Parfumerie.
18. 1964 - Compagnie de peinture à Douala.
19. 1965 - SICAF Fabrication d'insecticides, fongicides et herbicides.
v - UNDUSTRIES ALIMENTAIRES
20. 1961 - Union Boulangère du Mungo à Nkongsamba.
21. 1961 - PECAM à Douala: pêcherie en mer au chalut.
22. 1963 - Société Milliat frères à Douala: pâtes alimentaires avec incorporation de farine de
manioc.
23. 1964 - SOSUCAM à Yaoundé: plantation de carme à sucre, sucrerie.
24. 1965 - SOCACAO à Yaoundé: fabrication de beurre de cacao.
IV - Industrie Textiles
25. 1960 - MANSUY à Douala: confection.
26.1961- SAFRITEX à Douala: confection.
27. 1964 - ClCAM à Garoua et Douala: filature, tissage, blanchiment, teinture, impression.
28. 1964 - Société Artisanale de Chaussures (SACC) à Douala.
VII - INDUSTRIE DU BOIS
29. 1960 - Société Sanaga Forestière à Kribi : exploitation forestière et scierie.
30.1961- Swiss Lumberà Tombel (ETAM): exploitation forestière.
32. 1963 - Entreprise forestière camerounaise à Kopongo : exploitation forestière.

L'expérience du fédéralisme camerolUlais , les causes et les enseignements d'lUI échec
280
32. 1963 - Groupement d'Impregnateurs CamerOlmais à Douala: Impression du bois pour les
traverses du Transcamerounais.
33. 1964 - Société forestière et industrielle de l'azobé (SIFA) à Kribi et M'bahnayo :
exploitation forestière et scierie.
34. 1964 - Unalor ; fabrication d'allumettes.
VIII· MATERIAUX DE CONSTRUCTION
35. 1963 - {CAB (Industries Camerounaises du Bâtiment) à Yaoundé: fabrication de dalles en
granit et marbre.
36. 1964 - SCBM (Société Cameroooaise de Béton Manufacturé) à Douala: fabrication de
traverse), buses et tuyaux.
37. 1965 - CIMENCAM au Nord Cameroun: fabrication de ciment.
Comme on le constate, sur 37 réalisation, le Camerooo Occidental n'en compte
qu'ooe seule,
l'lndustrial Development Trust à Tiko.
Toutefois, si le gap persiste entre les deux économies pendant la fédération, les
autorités fédérales s'efforceront autant que faire se peut d'aider le Cameroun Occidental à
rattraper son retard. C'est ainsi qu'en attendant la mise en place du Premier Plan Fédéral de
développement 1966-{1971) certaines mesures d'urgence isolées ont été envisagées. A cet
effet, la situation de la BANANE est assez éclairante depuis 1961.
L'importance de ce produit qui rapportait au Camerooo plus d'un milliard de francs
CFA par an en 1959 -soit 5 % du montant de ses exportations- a été signalée plus haut dans
1'00 de nos tableaux. En 1964, les pouvoirs publics fédéraux prendront un train de mesures
idoines en we de l'harmonisation de l'économie bananière.
- c'est d'abord la création par Décret
nO 64/DF/3 du janvier 1964 d'un comité de
coordination de l'économie bananière. Ce comité regroupe les autorités compétentes des deux
Etats Fédérés et les représentants des producteurs privés et des coopératives 446.
Sa mission est la suivante :
- définir la politique commerciale de la fédération en matière d'exportation de bananes ;
446u. représentatioo au sein de oetle instance était assez égalitaire (voir â ce sujet Jon 1964 p. 6~.

L'expérience du féd~ralisme CMllerounais : les cause> et les enseignements d'un échec
281
- mettre en oeuvre un plan d'amélioration et de développement des zones agricoles à
\\QCation bananière ;
- harmoniser et coordonner les activités de la profession bananière dans les deux Etats
fédérés,
C'estenfin j la création par Décret nO 64/DF du /180 du janvier 1964 des zones à
\\QCation agricole bananière.
A l'intérieur de celles-ci, l'objectif est d'accroître au maximum le rendement à l'hectare
et la qualité des fruits, grâce en particulier à une aide technique et financière,
C'est enfin, la création par Décret nO 64/DF/180 du 1er juin 1964 de l'organisation
camerounaise de la Banane 447.
Cette entreprise d'économie mixte est essentiellement chargée sur '1e plan national et
international de la représentation, de la coordination et de la défense des intérêts
professionnels.
Mais, c'est surtout au niveau du Plan que se manifestera de manière incontestable le
souci du gouvernement fédéral de promouvoir l'essor économique de la région occidentale.
c - lA VOWNfE DE REDRESSEMENT DE L'ECONOMIE DU CAMEROUN
OCCIDENfA1. DANS LE CADRE DU PREMIER PLAN FEDERAL 448
Pour la réalisation de la politique économique de la fédération, le Chef de l'Etat a
préconisé '1a création d'une mystique du plan pour faire un instrument de cohésion nationale
449
De prime abord, on peut se demander si les concepts de plan et de fédéralisme, ne
sont pas antinomiques (al? Une fois l'équi\\,.QQue levée, on situera la place du Cameroun
Occidental dans les projets d'investissement de la Fédération (hl.
a) la problématique Plan-Fédéralisme
La réponse à notre première interrogation n'est pas uniforme.
Le fédéralisme soviétique, déjà dominé par un parti unique qui fonctionne sur la base
du centralisme démocratique, semble faire bon ménage avec une institution hautement
centralisée le "Gosplan, centre unique pour la coordination de tous les problèmes de
447cf JORFC 1964, p. 564.
448Le titre exact est ; Deuxi<me Plan Quinquennal de Developp<roent Economique el Social, Juillet 1966 • Juin 1911
449Amadou Ahidjo. Cootributioo à la Coosttuctioo Natioo.le in Collectioo Leaders Politiques Africains il Présence Africaine, p. 55.

L'expérience du fédéralisme cameroWlais : les causes et les enseignements d'Wl échec
282
développement
des différentes branches de l'économie nationale des régions économiques
450
Le
fédéralisme
amencam
résiste
à
toute
structure
économique
rigide.
L'interventionnisme étatique en matière économique n'a aucune prétention à porter atteinte
au libéralisme du plus beau fleuve du capitalisme.
A un moindre degré, la solution camerounaise participe de ces deux expériences
puisque l'idéologie de développement du régime est le libéralisme planifié 451.
De l'URSS, la planification camerounaise a hérité son organisation rigide et
hiérarchisée. Nos structures de développement ne ref1ètent-el1es pas en permanence l'esprit de
discipline qui Y
prévaut ?
Un schéma comparatif entre les organes du plan et ceux de l'Administration sera très
révélateur.
PlAN
ADMINISTRATION
1
Le conseO National du Plan présidé par le Chef de l'Etat
Le Ch.t de l'Etat
2
Le consen Integouwmemental du plan et du développement
Le Chef de l'Etat
économlque45:l présidé par le Chef de l'Etat
3
Les struc1ures administratives régionales
al Le consei national poUl le développement présidé par
L'lnspectew fédéral d'administration
rinspedeur fédéral d'administration
b) Le comité departemental présidé par le préfet
Le Préfet
cl Le comité d'action rurale présidé par le sous-préfet
Le Sous-Préfet
NB
A la base ~ent les stJuctures administratives d'""imation qui
Le chef de district
servent de relais entr r encadrement administratifet les viDages aux
populations dispersées
Le chel de viDage
Que conclure sur la présentation externe du plan en République Fédérale du Cameroun ?
- au sommet: les structures administratives centrales,
- au milieu : les services administratifs régionaux,
- à la base : les structures d'animation.
Ce faisant, le plan épouse la dévulution déconcentrée des pouvoirs qui caractérisent
notre administration d'inspiration jacobine; à la tête de laquelle se trouve le Chef de l'Etat vers
qui tout converge et de qui tout émane. Den résulte donc que le responsable de la planification
au Cameroun Occidental n'est pas le Premier Ministre mais l'Inspecteur Fédéral, représentant
45OConsuher à ce sujet "URSs. Questions et réponses" 1917-1967 de l'Agence de Presse NOVOZILMoscou p. 198 à 220
451 Au conseil Natiooal de rUNc de Novembre 1967 le Pésident Ahidjo s'.>.primait ainsi "nous aUons ainsi de l'avant d'un mouvement oontinu
ct resolu ... Le racteur le plus dynamique... Mais c'est le Liberalisme selectif noo anardlique qu'il s'agit: celui qui lIouve son <panouissement dans
le cadre pré.lablemeot défini du plan"
452Cest la principale structure adminislnltive centrale du plan

b) - REPARTITION REGIONALE DES INVESTISSEMENTS
DISTRIBUTION OF INVESTMENTS REGIONAL.
NORD
EST EAST
CENTRE-SUD
LITTORAL
OUEST CAMEROUN NON REPARTI !WEST
NORTII
SOUTII
CAMEROON NON DISTRIBUTED
Etude l!énérale / General studies
893
-
63
50
57
113
1 107
2283
Production rurale / Rural production
3794
1 010
4841
6088
5987
7257
5367
32344
Production industrielle / Industrial and minim! production
3200
1242
3760
14512
1925
3685
Il 090
39414
Commerce et tourisme / Trade and Tourisme
552
-
1457
685
60
95
817
3666
Infrastructure / Infrastructure
6450
1 190
3 185
2690
2253
4338
21 621
41769
Transports Automobiles / Transport by road
-
-
178
122
-
-15
16 180
880
Enseil!nement-Formation / Education-Traininl!
1407
619
1743
950
1 197
2 100
2376
10392
Santé Publique / Public Health
873
190
453
189
763
917
665
4050
Urbanisme et Habitat / Town and Housinl!
766
253
4490
3860
960
934
1 315
Il 578
Equipement Administr. / Elements of Adm.Struct.
-
-
-
-
-
3500
3500
TOTAL
17935
4496
20 170
29146
Il
19
62738
165 176
202
489
~ombre d'~abitants en 1970 (en millions) / Number of inhabitants in 1970
1600
270
1 230
730
770
1200
-
-
in millions
Inves~\\ssements par habitants (en franc) / Investments per inhabitant (in
11 210
16650
16400
39930
14
16
-
-
francs
550
240
Production rurale / Rural Production
2370
3740
3940
8340
5 180
6050
-
-
Production industrielle et minière
2000
4600
3050
19880
2500
3070
-
-
Infrastructure / Infrastructure
4030
4380
2590
3690
2900
3660
-
-
Enseil!nement / Education
880
2290
1420
1300
1550
1750
-
-
Santé publique / Public health
540
700
370
260
1000
760
-
-

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
283
personnel du Président Fédéral. Comme nous J'avons souligné, BUfA n'est plus une capitale
d'Etat, mais le Chef lieu d'une région administrative,
Fort heureusement, des Etats-Unis, la planification camerounaise tirera son caractère
indicatif car il ne faut pas oublier que nous sommes en économie de marché. Contraignant
pour J'Administration dans la réalisation de diverses infrastructures, le plan apparéU'l comme W1
ensemble d'orientations générales pour les particuliers qui veulent investir dans un secteur
privilégié.
Toutefois, si ce "catalogue" de projets est en réalité dépourvu de valeur centralisatrice,
la répartition régionale des investissements (d. tableau) permet de penser que les autorités
fédérales se sont souciées du développement économique de la région occidentale.
c) Quels commentaires appellent cette répartition régionale
des investissements ?
- les autorités fédérales font trois séries de remarques :
1.- Elles considèrent -de manière générale- que sur W1 programme de 165 rniI1iards, 55
milliards d'investissements environ présentent un caractère indicatif et que leùr réalisation
dépendra essentiellement de l'émlution du "milieu" économique et politique du Cameroun.
2.- Elles précisent que le Cameroun Occidental bénéficiera d'un effort d'investissement
considérable dans tous les domaines, car il accusait au moment de la réunification un retard
certain sur le Cameroun Oriental.
3.- Elles constatent dans le détail que le Cameroun OccidentaI se place au premier rang
quant au volume global des équipements en matière de production rurale, d'enseignement et
de santé et au 2ème rang pour l'équipement énergétique et industriel et l'infrastructure.
- A l'évidence, cette répartition des investissements appalâl'l favorable pour le
CameroW1 OccidentaI dès lors l'on assimile cet Etat fédéré à une de nos régions économiques
ayant vocation à se développer harmonieusement dans le même pays. C'est à cette fin que
l'effort a été porté dans les domaines qui étaient défavorisés au moment de la réunification tel
que l'infrastructure routière (naguère déficiente) et l'industrie Ûadîs inexistante), occupant
aujourd'hui le 3 ème rang après le ) ittoral et le CentnzSud).
1. La comparaison de la production d'électricité au Cameroun
Occidental par la West-Cameroon Bectricity Corporation (WCEC)
d'avec le reste du pays.
Coût de l'investissement en millions de FCFA prévu dans le 2ème plan.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseïgnelll<!nfs d'lDl ~thec
284
1. Equipement
4650
2. Centre-Sud et Uttoral
80
3. Songloulou (Edéa)
100
4.0uest
600
5. Nord
50
6. Cameroun Occidental
800
Répartition régionale des Invertissements en matjérs d'infrastnIture routière
SOUS-
NON
NORD
EST
CENfRE
UITORAL
OUEST
CAMEROUN
TOTAL
SECTEUR
REPAR1Tl1
SUD
OCCIDENTAL
ON
GRANDAXES
4140
-
720
1020
1030
3460
11170
ROUTE
120
520
335
600
580
-
2155
D'INTERET
ECONOMIQUE
ROUŒSDE
400
530
470
200
320
300
2200
UAlSONET
PISTE DE
COILECŒ
EQUIPEMENT
960
-
15
-
-
-
25
1000
DES
SERVICES
TOTAUX
960
5460
1065
1525
1820
1130
3785
16545
L'on doit se rappeler qu'avant 1961 tout le réseau routier du Cameroun Occidental
n'était que de 972 km.
,
Si le choix de nos deux preuves précédentes est arbitraire, il conviendrait d'examiner
effectivement ce qui a été fait. Malheureusement, \\' examen du Rapport sur l'Exécution du
2ème Plan (4ème année) n'est pas très éclairante. En effet, le document en question présente
globalement les réalisations par secteur d'activités sans les détailler par région. Ce qui exclut
toute comparaison. ny a lieu de supposer que le rythme d'exécution n'a pas été (de manière
discriminatoire) plus lent au Cameroun Occidental que dans les autres régions administratives.
En conséquence, si l'on estime comme WHEARE 453 qu'une des six conditions pour
qu'il y ait fédération est l'espoir des avantages économiques découlant de l'Union (FOND-fA le
pensait aussi), on peut penser à juste titre qu'en matière économique le Cameroun Occidental
avait intérêt à se rallier. Mais, comme toute "médaille a son revers", la contrepartie de
l'intégration économique des économies des deux Etats fédérés sera la restriction de
l'autonomie du Cameroun Occidental.
453v.1IEARE (KC) - Federal govemll1l21t, l\\ew-york. : Oxford Uni"en>ity Press 1964. Cité par Wilfml A NDONKO, Planing for Economie
develcpment in a Federal Slate. The case ofCarneroon 1960-1971. Publié par 1Fû-INSTnVr FUR \\\\1RlSCHAFSERCHUNG MUNCHEN
Africa-STIJDIENS'ffiLIE, WELTFOUN VERLAG-MUNCHEN,1975, 214p

l'expérience du fédénùisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
285
Il - LES TECHNIQUES D'INTEGRATION ECONOMIQUE AUX
EFFETS CENTRAUSATEURS
Jusqu'à présent, nous aoons démontré que les relations fédération-Etats fédérés étaient
dominées par le gouvernement central. L'hannonisation des économies des deux Etats
fédérés, effèctuée "sans trop d'à coups et de heurts" 454 aura à nouveau contribué à la
centralisation du régime, Sans exagération, on peut se risquer à parler d'extension d'une
législation ou d'une réglementation en cours au Cameroun Oriental sur toute l'étendue du
territoire fédéral. Ce mouvement est déclenché par le Décret nO 62/DF/28 du 24 janvier
1962 portant création d'une commission fédérale économique et fédérale. Aux termes de
l'article 1 de ce texte," la commission est chargée d'étudier les problèmes économiques,
commerciaux, financiers, douaniers et fiscaux posés par la réunification du Cameroun Oriental
et du Cameroun Occidental et l'harmonisation des fonctions publiques fédérales et fédérées".
La composition de cette instance présidée par le Ministre de l'Economie ou son
représentant, est largement dominée par les francophones 455. Ses orientations en seront
affectées.
A la suite des réunions des différents "groupes de travail", un train de mesures
appropriées sera pris entre octobre 1961 et juillet 1964 pour conjurer les disparités. Nous
examinerons les problèmes du franc CFA, du change du système métrique et du code des
investissements.
A • Introduction du F CFA au Cameroun Occidental
Jadis, battre monnaie faisait partie des droits régaliens du monarque. Aujourd'hui,
détenir sa propre monnaie est un indice d'autonomie pour l'Etat. Pour le particulier, l'argent
est un instrument d'échange depuis que le troc n'a plus cours.
Jacques Benjamin écrit que "jusqu'au 1er juiUet 1959, la monnaie utilisée au Cameroun
Britannique a été ceDe de la West-African Currency Bond". Or dès 1962, par Décret nO
62/df/66 du
24 février 1962, le Président de la République Fédérale va fixer les modalités
d'introduction du F CFA au Cameroun Occidental. L'on examinera le contenu de ce texte (1),
avant de s'interroger sur ses effets (2).
454C'est les propres termes du Dr Simon Pierre TCHOUGUI, Ministre de l'éoonomie nationale qui est l'auteur de l'article : "intégration
éoonomique et progre.sive des deux Etats FédéréS''paru dans la revue Europe·Franœ-Outremern' 416 de septembre 1964.
455voici la ~ition de la oommission en question :
• des techniciens du département des fmanœs déSigpéS par le ministre des finances
- des ttechniciens du département de "éoonomie désigpéS par le ministre de l'économie
• dexperts en matière de fonction publique moisis en raison de leur oompèt<:noe

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
286
1 . Le contenu du décret présidentiel
Signée Je 24 février, cette mesure devait entrer en application le 2 avril de la même
année. L'article 9 précisera à toutes fins utiles, les guichets où il pourra être procédé aux
opérations d'échange. La principale disposition de ce décret nous paraît être l'article 2 aux
termes duquel" le taux applicable aux opérations de conversion des créances, dettes et dépôts,
ainsi qu'aux opérations d'échange des billets ayant jusqu'à la date visée à l'article premier cours
légal au Cameroun Occidental sera de 692 FCFA pour une livre nigériane". Les autres
stipulations non moins importantes déterminent les persormes habilitées à échanger la
monnaie et leurs obligations, C'est ainsi que conformément aux stipulations de l'article 5,
"seront admis à l'échange monétaire toutes les personnes physiques résidant au Cameroun
Occidental, toutes les personnes morales pour leur établissements au Cameroun, ainsi que
tous les établissements publics du Cameroun Occidental". Enfin, l'alinéa 1 de l'article 6,
instaure le principe d'identification de tout échangiste dès lors qu'il est précisé "que toutes les
opérations d'échanges devront comporter l'indication du nom de l'échangiste, et, le cas
échéant, de la personne pour le compte de qui l'échange est effectuée";
Le décret dont il est question, ne serait qu'un acte impersonnel et général de la
puissance publique, comme il s'en prend à longueur de journée s'il ne réglementait pas
unilatéralement l'existence d'une entité supposée autonome.
2 - Les effets de l'introduction du FCFA au Cameroun Occidental
Individuellement, les Camerounais Occidentaux expriment leur consternation et
mamfestent leur frustration, Le haut
fonctionnaire de BUEA se plaint de n'avoir pas été
consulté. Regret au demeurant fondé, quand on pense qu'une mesure aurait nécessité une
vocation des populations dans un pays comme la Suisse.
Mais, au-delà des susceptibilités d"'intellectuels", c'est surtout la situation du commerce
qui devint préoccupante au Cameroun Occidental. Pour les commerçants nigérians habitués
aux taux d'échange de 800 FCFA à la livre, le taux de 692 francs surévaluait le franc. Pour
équilibrer leurs recettes, ils haussèrent les prix des ventes des produits, Voici en quels termes
Jacques Benjamin réstn'Tle le désordre né de l'avènement du franc CFA au Cameroun
Occidental : "Ce sont cependant les bonnes femmes illettrées qui éprouvèrent le plus de
difficultés à utiliser cette nouvelle monnaie en faisant leurs achats au marché public. Les
commerçants ne manquèrent d'ailleurs pas d'utiliser cette confusion à leur avantage, ce qui eut
pour conséquence, à la fois un manque de confiance des Camerounais Occidentaux pour le F
CFA, et une tendance de leur part à thésauriser la monnaie sterling pour se procurer des
produits nigérians en contrebandes" 456
456pEPENTAH (louis), "La lOl1e franc une INSTITIJTlON A SENS UNIQUE" dans le journal AFRlQUE PRESS n° 39 d'otobre 1978 P, 78 •
79 , le discou," du Génerol EYADElvlA à 1'""lroit du président POMPIDOU en 1972 traduisait l'incomprfhension des partenaires africains dans
cette union monétaire. Depuis 1011>, 18 France a substitué sa minorité de blocage comme une participation égalitaire.

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
287
Somme toute, les réticences des commerçants anglophones au F CFA n'ont été que
psychologiques, wire conjoncturelles. A ce sujet, Mr JUA ancien Premier Ministre parlera
d'une souffrance considérable". Mais, structurellement, c'est le renversement des alliances qui
va caractériser l'adoption du F CFA par BVEA. L'ancien Cameroun Occidental abandonnera
ipso facto la zone sterling pour s'embarquer dans un vaisseau franc doublement critiqué. A la
différence de la zone sterling où les pays africains qlÙ en étaient membres ont opté pour
l'autonomie, à l'exclusion de toute coopération organique pour la gestion de leur monnaie, la
zone
franc
se
présente
dans
sa
conception
comme
une
organisation
financière
particulièrement centralisée. En effet, dans ses relations avec le monde extérieur, la zone franc
se définissait par :
- l'unité de réglementation des changes,
- la mise en commun des réserves de change or et devises étrangères,
-l'unité de trésorerie grâce au système des comptes d'opérations,
-la libre convertibilité des monnaies d'outre-mer en francs métropolitains et des parités
fixes.
Mais c'est surtout le fonctionnement de la zone franc qlÙ inqlÙétait les anglophones.
Après l'indépendance, la large autonomie financière tant attendue (comme dans la zone
sterling) était éclipsée par une forte tutelle française. La garantie de la convertibilité illimitée du
F CFA qlÙ devait constituer un grand avantage pour les pays africains de la zone franc (en
valeur permettant d'attirer l'aide et les investissement étrangers) est resté purement théorique.
De plus, la zone franc, avec sa politique financière particulièrement rigoureuse est un handicap
au développement des pays africains 457
La conséquence de l'introduction du F CFA au Cameroun Occidental est l'extension
des inconvénients de la zone francs à toute la fédération, occasionnant ainsi l'aliénation des
Camerounais Occidentaux à la France par le "franc interposé". Cette impression sera ressentie
dans beaucoup d'autres domaines au Cameroun Occidental.
4!">7Voici les neuftextes en questioo si&,és par le Président fédéral pour réglementer le commerce extérieur et les changes dans la Fédératioo.
(1) • Ordonnance nO 62/0F/9 du 23 février 1962 portant réglementatioo du Commerce Extérieur et les changes.
(2) • décret nO 62/DF/98 du 31 mars 1962 étendant au Cameroun Occidental la réglemantation des changes et du Commerce Extérieur en vigueur
aU Cameroun Oriental
(3) - Décret nO 62/DF/99 du 31 ma.. 1962 dési&,ant les membres de la Commission Fédérale sur la réglem<ntatioo du Commerce Extérieur et
des changes
(4) - Décret nO 62/DF/198 du 14 juin 1962 prorogeant jusqu'au 1er juillet le régime provisoire du Commerœ Extérieur et des changes du
Cameroun Occidental
(5) - Décret nO 62/DF/204 du 16 juin 1962 relatif au régime défmitif de la réglementatioo des changes et du Cornmerœ extérieur applicable au
Cameroun Occidental
(6) • Décret nO 62!DF/205 du 16 juin 1962 modifiant le décret n° 611102 du 22 juin 1961 portant réorganisatioo du Comité Technique de
répartitioos du Cameroun Occident
(7) - Décret n° 62/DF/21 du 16 juin 1962 maintenant en vigueur jusqu'au 30 juin 1962 les dispositioos du décret N" 62/DF/66 du 24 février
1962
(8) Arrêté nO 30 du 18 juillet 1962 en ce qui concerne les opératioos d'importatioo, le régime transitoiTe des changes et du commerœ extérieur
applicable au Cameroun Occidental.
(9) Arrêténo 30 bis du 18 juillet 1962 relatif il l'importatioo des marchandises en provenance du Nigéria par petits commerçants africains résidant
au Cameroun Occident.

L'expérience du fédéralisme cameroWlais : les causes et les enseignements d'Wl échec
288
B. L'EXlENSION AU CAMEROUN OCCIDENfAI. DE lA
REGI EMENfATION DES CHANGES ET DU COMMERCE EXlEBIEUB EN
VIGUEUR AU CAMEROUN ORIENTA).
Comme en témoigne l'abondance de la législation relative à cette question, le problème
du Commerce extérieur est de ceux qui ont le plus préoccupé, (si ce n'est embarrassé) les
autorités fédérales. Entre février et juillet 1962, ce n'est pas moins de 9 textes (ordonnances-
décret-arrêtés) 458 qui ont été signés par le Chef de l'Etat. Deux tendances opposées se
dégagent de cette législation ; c'est d'une part, le souci constant du pouwir central de
fédéraliser effectivement ledit domaine ; c'est d'autre part, la difficulté, wire l'impossibilité de
négliger l'accoutumance des Camerounais Occidentaux à "commencer" dans le cadre de la
zone sterling, principalement avec la Grande Bretagne et le Nigeria,
te La Fédéralisation (ou plutôt ''l'orientalisation Ir) du Commerce
Extérieur et des changes du Cameroun Occidental.
Ici également, le régime de droit commun (a) subit des inflexions (h),
a) le régime général
Conformément à l'ordonnance n° 62/0F/9 du 23 février 1962 la réglementation du
commerce extérieur et des changes alors en vigueur au Cameroun Oriental devait désormais
s'appliquer dans l'ensemble
de la Fédération. L'introduction du franc CFA au Cameroun
Occidental est à la base de ce réaménagement qui institue un programme unique
d'importation pour le pays. Et pourtant, la commission fédérale consultative d'experts qui
donnent des avis au Président Fédéral ne se réunit que sur "convucation du Ministre de
l'Economie Nationale (Francophone chaque fois que cela est nécessaire459. L'article 4 du texte
précise que 'les opérations d'implantation sont réservées aux seules personnes agréées par le
Ministre de l'Economie Nationale". Faut-il préciser qu'à l'époque -matériellement- les
anglophones n'étaient pas encore inscrits sur les dites listes, C'est peut-être, compte tenu de
cette dernière précision que l'ordonnance prévoyait que les modalités d'application des décrets
présidentiels tiendraient, compte, le cas échéant, de la situation particulière de chacun des
Etats fédérés. Peut-on attribuer la création d'un régime provisoire à la spécificité du Cameroun
Occidental.
458 Un décret nO 62IDFI199 du 31 mars 1962 doone la oompositioo suivante de la conunissioo fédérale sur le règlement du onmm<rœ extérieur
des <hanges.
Présidmt
- \\Dl représentant du Ministre de l'Ecœomie Nationale (F)
Membres :
-\\Dl représentant du Ministre des Finances el du Plan (F)
- 3 représentants du gouvernement du Cameroun Occidental
(A) - un représentant de la Direàion des Relations Ecœomiques EA1érieures (F)
- un représentant de la Direction des <hanges el règlem",,\\S internationaux (F)
• \\DI représentant de la Direction des Douanes (F)
• un représmtant de la Banque Cœtralc (F)
soil six franoophones el trois anglophones...
459 v. cfnole 27

L'expérience du fédéralisme camerounais; les causes et les enseignements d'un échec
289
b) le régime provisoire sous contrôle du MilÛstre de l'Economie
Nationale
Le Décret nO 62/DF/98 du 31 mars 1962 est plus explicite que l'ordonnance du mois
de février dans la mesure où il n'étend pas la réglementation en cours au Cameroun Oriental
sur 'Tensemble de la Fédération", mais au "Cameroun Occidental". Dans la recherche de
l'efficacité et par réalisme, le renforcement de la centralisation que préludait une certaine
éoolution terminologique s'est assoupli... provisoirement. L'article de ce texte renferme la
principale innovation que comporte le régime provisoire : "Toute importation ou exportation
en provenance ou à destination de l'étranger (pays extérieur à la zone franc) est soumise à
l'obligation de domiciliation chez une banque du Cameroun Occidental ayant qualité
d'intermédiaire agréé". Régime provisoire, mais pas régime de licence, puisque les conditions
restrictives sont préwes. C'est ainsi que le défaut de domiciliation entraînerait l'irrecevabilité
des déclarations en douane. Qui plus est, obligation
plus contraignante. c'est le Ministre de
l'Economie Nationale après avis au directeur des changes et règlements internationaux, qui
accordera au Cameroun Oriental une autorisation particulière pour tous les règlements en
provenance ou à destination de l'étranger et les transferts capitaux.
Pourtant, les choses ne seront pas toujours aussi évidentes.
L'unipolarisation différée du Commerce Extérieur Anglophone due
aux relations économiques antérieures de BVEA
Pour les autorités fédérales, faire de la République fédérale un espace
économique unifié n'imposait pas une application brutale de la législation. n fallait agir
progressivement, tant"t en marquant les temps d'arrêt, tantôt en pré\\oQYant des mesures
compensatrices. On notera cette préoccupation dans le régime défini à la réglementation (a) et
dans la protection des importations en provenance du Nigeria (h).
a) Le régime défini par la réglementation des changes et du
commerce extérieur assorti des aménagements spédaux pour le
Cameroun Occidental.
Aux termes de l'article 1 du Décret n° 62/DF/204 du 16 juillet 1962

compter de la date d'entrée en vigueur du régime définitif de la réglementation des charges du
commerce extérieur, l'ensemble des règles édictées par les autorités de la zone
franc est
applicable au Cameroun Occidental". Ce décret qui traite des importations et des exportations,
prooit encore "des aménagements ultérieurs tenant compte des conditions particulières de
l'économie du Cameroun Occidental. C'est ainsi que le Décret n° 62/DF/205 du 16 juin
1962, réorganisera le comité technique
de répartition à l'importation au Cameroun
Occidental. Les termes de ce texte sont claires. En we de faciliter l'approvisionnement de
l'équipement du Cameroun Occidental, un quota spécial de crédits et contingents pour
l'importation de marchandises originaires des pays étrangers à la zone franc est mis à la

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
290
disposition
des importateurs instaUés dans cette partie de la République fédérale du
Cameroun460. Deux points sont également à préciser: d'abord les marchandises importées sur
quotas Cameroun Occidental devraient obligatoirement être dédouanées dans un centre du
Cameroun Occidental. Ensuite un quota spécial des marchandises de la zone franc faisant
l'objet d'un contingentement devait être également mis à la disposition du Cameroun
Occidental.
Les relations particulières avec le Nigeria seront aussi garanties.
b) la protection des petits commerçants camerouno-occidentaux
traitant avec le Nigeria.
L'arrêté n° 30 bis du 18 juillet 1962 relatif à l'importation de marchandises en
provenance du Nigeria par des petits commerçants africains résidant au Cameroun Occidental
permettait à ces derniers, après autorisation préalable de la direction des changes, d'obtenir
des livres nigérians. A cet effet, un service de change était installé à BOTA-VICfORIA,
Régime général, régime provisoire contr'1é, régime définitif réglementé, relations particulières
avec le Nigeria conduisent à une conclusion
très nuancée sur la valeur centralisatrice de
l'extension au Cameroun Occidental de la réglementation des changes et du Commerce
Extérieur au Cameroun Oriental.
Pour Jacques Benjamin, l'activité économique de la fédération ne fut pas
uniforme, mais variée à (cette époque). Ce qui constitue d'ailleurs le "fédéralisme asymétrique"
à cause des disparités des structures économiques entre BUEA et YAOUNDE.
Nous donnons une interprétation différente à es "hésitations" de Yaoundé. Pour
nous, elles ne sont pas forcément un indice du fédéralisme. Qu'accidentellement, surtout
provisoirement, les structures commerciales anglophones résistent à
l'assimilation
apparaissent alors comme autonomes- il serait hâtif, voire naïf d'en conclure à une volonté
manifeste de fédéralisme Le fédéralisme ne se présume pas. En l'absence d'une volonté
juridiquement exprimée, le constat de fait conduit plut"t vers une forme de décentralisation.
En 1962, la fédération a à peine un an. Elle ne fait que s'installer et se cherche
une voie. Comme le disaient
les autorités centrales, les mesures provisoires favorables au
Cameroun Occidental ne pouvaient durer indéfiniment. Dans l'avenir le Commerce Extérieur
du Cameroun Occidental comme celui du Cameroun Oriental dans le cadre de l'UDEAC et de
CEE
S'il est permis de s'interroger sur le problème des changes, la valeur
centralisatrice des systèmes métriques sera plus évidente.
460 M Simon Pierre Tsoungui dira : «
Même, pour ne pas rompre le <Xlurant d'édlanges traditionnels entre le Cameroun Oocidaltal ct
l'Angleterre, il a été décidé, jusqu'ici de ne pa. appliquer le tarif douanier extérieur commun de l'UDEAC-CAMEROUN aux produits originaires
du Royaume·Uni de Grande·Bretagpe et d1rlilllde du No.-d ~rtCs au Cameroun Occidental ». Rewe Europe-Franoe-Outre.Mer. op cil p. 26.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes elles enseignements d'un échec
291
C. L'extension à L'Etat fédéré du Cameroun Occidental de législation
de l'Etat fédéré du Cameroun Oriental sur le système d'unités de
mesures
Le décret présidentiel nO 62;DF/351 du
21 septembre 1962461 pose le
principe de l'extension in tout en l'assortant de légères atténuations (ll).
Iole principe de l'extension
Aux termes de l'article l, "A compter du 1er octobre 1962, la législation et la
réglementation relatives aux unités et instruments de mesures en vigueur dans l'Etat fédéré du
CamerolID Oriental sont étendues à l'ensemble de la République Fédérale.
Qui plus est, après la période transitoire qui finissait en mars 1963, était réputé
illégal sur tout le territoire de la République fédérale l'emploi de tout autre système d'lIDités de
mesures que celui désigné sous le nom de système métrique décimal,
Les atténuations au principe
Elles sont double :
- la période transitoire,
- la dérogation
- Une période transitoire s'étendant entre le 1er octobre 1962 et le 30 mars
1963 a été accordée aux anglophones. Pendant ce temps, l'usage concurrent des systèmes de
mesures des deux Etats fédérés était légalement autorisé.
- Par dérogation au principe énoncé à l'article 1, et dans l'attente des
dispositions législatives spéciales en la matière, les prescriptions légales réglementaires de l'Etat
fédéré du CamerolID Occident relatives à la répression des infractions à la législation des
poids et mesures devraient continuer seules à s'appliquer dans cet Etat.
Une seule question se pose ici : quelle est la justification des préférences pour le
système de mesures francophones ?
461 Jacques Benjamin, op. cil. p. 80.

L'expérience du fédéralisme cameroWlais , les causes et les enseignements d'Wl échec
292
- est-ce parce que ce sont des mesures utilisées par le plus grand nombre de
Camerounais de la Fédération ?
- est-ce parce que c'est un système plus efficace?
En faisant ainsi table rase des vestiges du système anglophone, l'on a plutôt
l'impression que les francophones se sont retrouvés dans une sorte de "No-Man's land" dont
l'appropriation exigeait une occupation effective.
Le code des Investissements suit le même mouvement
D. L'EXTENSION GENERAI F DU CODE DES INVESTISSEMENTS AU
CAMEROUN OCCIDENTAl.
Le Gouvernement Camerounais a toujours été favorable à l'investissement privé, Les
organes compétents se sont attachés à l'expliquer à l'extérieur en multipliant les contacts avec
les milieux économiques des pays étrangers. La tâche de nos Conseillers commerciaux était
rendue facile par la stabilité de notre régime politique et notre option pour 'la voie moyenne
du socialisme" 462.
Quelques considérations succinctes (1) permettront d'appréhender les aspects (2)
centralisateurs du code des Investissements
1 - Considération sur le C.I
Par deux lois successives, le législateur camerounais va mettre sur pied "un droit public
d'incitation aux investissements 463 qui se caractérise par les facilités accordées aux capitalistes
étrangers. C'est
ainsi que dès 1960, par la loi n° 60/64 du 27 1960 portant code des
Investissements, le gouvernement de l'Etat du Cameroun "va encourager les investissements
des capitaux qui manifestent le désir de concourir à la réalisation des objectifs du plan de
développement"464. Cette loi établit quatre régimes" en fonction de l'intérêt économique et
social des opérations envisagées465. A partir de 1964, par une loi fédérale nO 64/LF/6 du 6
avril, le code des investissements sera aménagé afin d'étendre ses dispositions au Cameroun
Occidental.
462 Il s'agira plus tard du libéralisme planifié el du développement aut<>-œntré
463 Extrait d'une conférence inédite pronoocée par M Joseph Owooa sur les sociétés multinationales (1976)
464 Extrait de la Revue Europe-Franee-Outre-Mer nO 416 de sqXembre 1964. p. 33
465 Voici les quatre régimes prévus par le Code des Investissements de 1960 repris en 1964.
- le régime A accorde essentiellement des exonérations de droits et taxes il l'importation et il la consonunation intérieure.
. le régime B institue en outre les avantages consentis par le régime pré:c.Cdent, une exonération temporaire de l'impôt sur les bénéfices de la
patente et de la redevance foncière, minière ou forestière.
- le régime C prévoit la sill"ature de conventioos d'établissement, comportanl des engagements réciproques de l'Etal el de l'investisseur.
- le régime D enfin, réserVe aux entreprises d'une importance capitale pour le développement économique du pa)" el mettant en jeu des
investissements élevés. accorde le bénéfice d'un régime fiscal stabilisé pour une longue durée.

L'expérience du fédéralisme carnerOllllais , les causes et les enseignements d'un échec
293
(2) Les aspects centralisateurs du C. 1
La principale critique qui peut être adressée à la politique préconisée par le CI est la
démission gouvernementale
devant les entreprises étrangères, Démission due au "blanc-
seing" fiscal qui occasionne une rupture d'égalité des contribuables devant la couverture des
charges publiques. En effet, les entreprises nationales ne bénéficient pas des facilités fiscales
identiques à celles consenties aux firmes étrangères. n faut aussi ajouter qu'à la fin de la
période d'exonération, les entreprises tentaculaires optent entre deux solutions, toutes néfastes
pour l'économie camerounaise: soit fermer la société en déclarant faillite, soit se livrer à une
pratique de dissimulation des bénéfices en présentant un bilan éternellement déficitaire.
Or, quand on connaît l'influence politique des sociétés extraverties (ex: met Allente
au Chili), il est à craindre que l'extension du C.I au Cameroun Occidental ait eu comme
conséquence l'extension à cet Etat Fédéré de la sujétion vis-à-vis des entreprises étrangères
dépourvues de \\X:lcation philanthropique.
Ici, il aura été beaucoup plus question d'autonomie que de centralisation stricto sensu
dans la mesure où il est à se demander si le Cameroun Occidental qui n'était pas souverain -
sur le plan international -
pouvait faire objection à certaines dispositions
fédérales
inopportunes pour son économie La réponse est évidemment non, puisque nous sommes en
démocratie majoritaire.
L'infrastructure routière et ferroviaire participera aussi du mouvement centralisateur
animé par l'autorité fédérale centrale.
E - lA DOSE CENlBAUSATBlCE DES VOIES DE COMMUNICATION
ns'agira au principal ici du chemin de fer Mbanga-Kumba et la route Douala-Tiko, qui
matérialisent la réunion des deux Etats fédérés, La ligne de chemin de fer est inaugurée le 28
mars 1964 par le Chef de l'Etat. Le 7 avril 1969, c'est le tour de la route Douala-Tiko. Pour
les uns ces deux réalisations sont de "nouveaux maillons de la réunification du Cameroun" ;
pour le Président AHIDJO, "nous ne sommes plus séparés ni par l'histoire, ni par la nature".
La route Douala-Tiko, baptisée symboliquement "Route de la Réunification" mesure 52 km de
long; détail important, elle met Victoria et Buéa à une heure de Douala.
La centralisation quasi-physique engendrée par ces deux ooies conduit à l'assimilation
des populations (1) et à la neutralisation des contrats autonomistes (2)
L'assimilation des population Ouest-eameroW1élÎSeS.
Incontestablement, la route Douala-Tiko renforcera le brassage des populations des
deux rives du Mungo. Si les riches touristes francophones fréquentent désormais Victoria
(BaTA) et le Mountain Hotel (SVEA), les jeunes Camerounais Occidentaux sont de plus en
plus attirés par cette métropole que constitue Douala. Dès lors, l'exode des anglophones vers

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
294
le Cameroun Oriental devient iné/uctable_ Nous avons déjà eu l'occasion de signaler comment
le complexe de supériorité des francophones les rendait hermétiques à la culture anglophone.
La prévention contre les courants autonomistes anglophones
Pour les autorités de Yaoundé, le chemin de fer Kumba-Mbanga devait désenclaver la
région économique de kumba (Cameroun Occidental) riche et isolé466. Ce point de vue n'était
1
pas partagé par les anglophones qui décelaient dans la décision des autorités fédérales des
mobiles cachés, TI s'agirait, principalement, d'amenuiser les élans autonomistes du Cameroun
1
Occidental, A l'appui de cette thèse, les anglophones jugent le tracé du chemin de fer sur
Douala, imposteur, car disent-ils, Tiko et Victoria sont plus proches.
1
Cette "grogne anglophone" était d'autant plus fondée que Douala n'était pas seulement
le port camerounais le plus important, mais aussi le premier de la zone franc, Une réflexion de
1
Jacques Benjamin finira de lever le doute sur l'influence par Douala dans le système
économique de la fédération.
1
"... Centraliser les nouvelles voies de communication vers Douala comme on l'avait fait
jusqu'à présent, c'était mettre l'économie ouest-camerounaise à la merci du Cameroun
1 Oriental; ouvrir, au contraire, des voies de communication ouest-camerounaises vers la mer,
c'était accorder une plus grande autonomie tant politique qu'économique au Cameroun
1 Occidental"467.
Ces mesures plus centralisatrices les unes que les autres, directement:
1
- introduction du F CFA
- extension du système métrique, ou par ricochet (extension du Code des
1 Investissement), ont contribué au renforcement de la tendance centripète du régime. Dès lors,
se pose un problème fondamental: celui de la viabilité d'un fédéralisme économique au
1 Cameroun.
1
SECTION 2
1
LE PROBLEME DE LA VIABILITE D'UN ETAT
CAMEROUNAIS A STRUCTURE FEDERALE DANS LE CONTEXTE
1
D'UNE ECONOMIE DEVELOPPEMENT
1
A n'en point douter, la technique fédérale est compliquée. Ne met-€lIe
pas en place
deux échelons de gouvernement? N'institutionnalise-t-€Ile pas deux ou plusieurs souverainetés
1 466JacquesBenjamin,opcitp.91
467 cfnole 36.
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
295
? Enfin, ne multiplie-t-elle pas les centre d.!! décisions à l'intérieur de la même entité politique?
Technique compliquée certes, mais dynamique toutefois puisqu'elle impose la cohésion et la
solidarité entre les Etats membres de la fédération entraînant ipso facto Wle certaine
interdépendance468,
Dès .lors, le problème qui se pose est celui de savoir dans quelles mesures Wl Etat peut
économiquement supporter Wle multitude d'organes admirùstratifs gouvernementaux législatifs
et consultatifs? A l'évidence, les réponses sont à la fois multiples et opposées.
Pour les WlS, le fédéralisme serait Wl facteur de développement économique. En
période difficile, le gouvernement central a souvent aidé l'Etat-membre à juguler la crise, De
même, les Etats Africains toujours jaloux de leur souveraineté, acceptent plus facilement Wle
1
coopération économique dans le cadre d'Wl vaste marché régional. N'est-ee pas faire du
fédéralisme organisationnel ?
1
Pour d'autres, à l'inverse, le fédéralisme serait Wl quasi-frein au développement; n
existerait selon eux, incompatibilité entre le système fédéral et le développement.
1
Les dirigeants cameroWlais qui ont considéré "l'instauration de l'Etat unitaire (20 mai
1972) comme Wl événement sans précédent dans l'histoire de notre développement
1
économique et socia\\,,469, sont plus proches de la deuxième réponse.
1
Jouant à l'avocat du diable, nous rechercherons les justifications de la thèse
gouvernementale qui condamne le fédéralisme pour des raisons économiques l§1). Ce point
de vue ne faisant pas l'Wlanimité, sa critique s'imposera l§2).
1
1
'aralraBbl 1: la dltselllllntlmintaii :Ils Inlts néfastls dl
.ISilteur diS structurls fédéralls Sllr Ils Inlns
1
dl .....11••lml.1 dl .lu.11 camlnl.ais
1
Nous exposerons d'abord la pensée du Chef de l'Etat (sous § 1) avant d'en juger de son
bien-fondé (sous § m.
1
Sous-paragraphe 1 : Exposé de la pensée au Chef de l'Etat
1
C'est dans son discours aux députés du 6 mai 1972 que le Chef de l'Etat a posé que le
fédéralisme est Wle entrave au développement.
1
1 468 V. àcesujet, Lalande(Gilles) ; Pourquoi lefédéralisme? Contribution d'lm québécois à l'intelligencedu fédéralisme canadien. Essai, in
Conectioo Coostantes· 29 HURTIJBISE HMH CANADA 1972, p. 196
469 A'ffiMENGUE (1) «
Pourquoi le système féd",al était-il incompatible avec le développement? »
in Le Journal Cameroun, Jè
République Magazine d'infonnations économiques. politiques, sociales et cunurelles de tOllS les mois p. 12
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
296
nsera intéressant de refaire les démarches du Président fédéral. Ce dernier constate
que notre pays qui ne manquera pas d'atouts, est engagé dans le difficile combat pour le
développement. A l'évidence, cette lutte exige la mobilisation des ressources disponibles en
vue d'accroître le bien-être du peuple camerounais. C'est dans cette perspective qu'a été
élaboré le troisième Plan.
Pour atteindre l'objectif dont il est question, l'effort du gouvernement s'est porté dans
deux structures. L'enseignement a subi un développement prodigieux ; l'organisation
gouvernementale a été marquée par deux préoccupations:
- fonder la responsabilité des départements ministériels sur une définition correcte et
precIse
de leurs tâches,
- définir celle-ci en fonction des grandes priorités naturelles.
En dehors des lacunes, estime le chef de l'Etat, ces "structures" resteront valables pour
un temps appréciable. Mais au-delà de l'organisation gouvernementale, précise Mr AHIDJO,
c'est surtout les structures de l'Etat lui-même qu'il s'agit de reconsidérer. L'expérience ne
montre-t-elle pas qu'une nation pour se développer doit organiser en conséquence son Etat,
moteur et instrument principal de son mouvement. A cet égard, dit le Président, force est de
constater la pesanteur que les structures fédérales de la république exercent sur les efforts de
développement du peuple camerounais.
C'est ainsi que le fonctionnement de trois gouvernements et de quatre assemblées; en
dépit d'une politique d'austérité entraîne des dépenses importantes qui sans doute auraient pu
servir à accroître la capacité d'intervention de l'Etat dans les domaines économiques, social et
culturel.
Voilà la partie économique du réquisitoire dressé contre 'les structures qui -en réalité-
n'ont été surtout
adoptées à la Réunification que pour donner à nos compatriotes du
Cameroun Occidental l'assurance que l'héritage qu'ils apportaient après plus de quarante
années de séparation non seulement ne sera pas ignoré, mais sera pris en considération dans
le cadre d'un Etat bilingue et pluriculturel" et qui
Oes structures fédérales) aujourd'hui"
apparaissent comme un handicap au développement rapide du pays., la profonde conviction
du chef de l'Etat était que le moment était venu de dépasser l'organisation fédérale de l'Etat.
En conséquence, conscient de ses responsabilités devant la Nation, Mr AHIDJO proposera
l'adoption d'un Etat Unitaire, porteur d'espérance, doté de toutes les vertus qui faisaient tant
défaut à l'Etat fédéral... (par exemple : économies substantielles résultant des compressions de
nombreuses structures administratives).
Le Chef de l'Etat venait ainsi de précipiter par euthanasie, la "mort" de l'Etat fédéral,
condamné selon lui à succomber à plus ou moins brève échéance, pour complications
économiques permanentes.
Vérifions dans quelle mesure ce diagnostic pouvait être juste.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
297
Sous-paragraphe U. Le bien-fondé de la pensée du président
A des nuances près, la part du vrai dans la communication à l'Assemblée se trouve à
trois niveaux :
- le coût de la multitude des structures de l'Etat (8) ;
- l'obligation de subvention des gouvernements des Etats Fédérés (8) ;
- la situation particulière des fonctionnaires anglophones (C).
A - I.E cour DE lA MULDTIJDE DES STRUCTURES DE L'ETAT
FEDERAL
A l'évidence, la pléthore d'institutions fédérales et fédérées ne passait pas inaperçue.
En choisissant l'année 1967 comme référence, nous présenterons ces multiples organes au
personnel éparpillé (1) avant de nous pencher sur les budgets respectifs des Etats (2).
10 La multiplicité d'organes au personnel éparpillé.
Ici plus qu'ailleurs, le principe de superposition dans une fédération est respecté.
Au niveau-supérieur, le gouvernement fédéral comporte onze départements. Onze
ministres et
quatre vice-ministres se partagent les responsabilités,
Parmi ces onze
personnalités, quatre sont anglophones. L'assemblée fédérale monocamérale, se compose de
cinquante députés dont dix
anglophones et quarante francophones.
1
Au
niveau fédéral,
les
instances
se
multiplient.
Au
Cameroun
Oriental,
le
1
gouvernement est formé du Premier Ministre et de hwt secrétaires d'Etat. L'Assemblée
législative compte cent députés.
1
Au Cameroun Occidental, en plus du Premier Ministre, dix ministres participent au
cabinet. Le parlement est bicaméral ; trente sept députés siègent à l'Assemblée législative et
1
vingt chefs sont membres de l'Assemblée des chefs du Cameroun Occidental.
En conclusion, en
plus du Président et du Vice-Président fédéral,
les trois
1
gouvernements et les quatre Assemblées totalisaient un personnel de 242 (15 + 50 + 9 +
100 + 11 + 37 + 20) personnes. Les propos du chef de l'Etat semblent accréditer la thèse
1
selon laqueUe, outre la lourdeur qu'occasionnaient ces organes, son personnel était
budgétivore. L'importance réel1e des budgets de fonctionnement va dans le sens des
préoccupation du Président fédéral.
1
1
1
1

L'expérience du fédéralisme camero\\lllais : les causes et les enseignements d'un échec
298
2 0 La présentation des trois budgets respectifs470
n ressort de la loi de finances n° 67/LF/18 du 12/06/1967 pour l'exercice
1977/1968, dans ses dispositions relatives aux charges, ceci :
- Budget de fonctionnement :
23448000000
- Budget d'équipement:
2732000000
Total.
.
26 180 000 000 F CFA
Dans son chapitre 6, ce budget fait état des dépenses relatives à la Vice-Présidence de
la République et surtout, il mentionne, une subvention aux Etats fédérés d'un montant de
2800000000 F CFA.
L'Assemblée Nationale fédérale fonctionnera avec un budget de 220 000 000 F CFA.
La loi de finances nO 67/8/COR du 28 juin 1967 du Cameroun Oriental présente les
caractéristiques suivantes :
- Budget de fonctionnement
9559432000
- Budget d'équipement :
823668000
Total.
.
10 383 100000 F CFA
Le délai du titre 3 consacré aux pouvoirs publics fait valoir que la Présidence du
gouvernement dispose d'un budget d'équipement 2 818 036 000 F CFA et le budget de
fonctionnement 348 000 000 F CFA.
..
,
_.,
Pour le Chef de l'Etat, ces trois budgets distincts faisaient double emploi; encore qu'il
fallait régulièrement soutenir les budgets des Etats fédérés.
B. L'ACTION DES SUBVENUONS AUX ETATS FEDERES
UN ARGl.JMENT (1) DE MAlNAISE FOI (2)
10 Certes, les subventions greffent le budget fédéral... Vraisemblablement, l'obligation
pour le gouvernement fédéral de verser annuellement des subventions aux Etats pouvait
justifier les appréhensions du Président AHIDJO pour les coûts occasionnés par la pluralité des
470 Nous cherdJerions en vain dans la Constitution Fédérale Wle disposition explicite établissant le principe de la separation budgétaire de la
1
Fédération ct des Etats fédérés. Si l'article 109 de la loi fondamentale allemande pose que: «
la Fédération est les Landcr ont des régimes
budgét.aires autonomes ct indépmdants les uns les autres », al revanme, c'est par collecte d'indices que nous pouvoos déduire à l'existence de
trois budgel.S du Cameroun. En effet, l'article 23 al. 4 de la Constitution fédérale inclut le budget fédéral dans les question. financières. L'article
19 de la Constitution de l'Etat fédéré du Cameroun Oriental pose que: «
le budget de l'Etat est volé chaque année sous forme de la loi des
1
finances... L'article 40 de la Constitution de l'Etat fédéré du Cameroun üocidenLlI impose au Premier l\\,linistte de : « faire en sorte que les
pré\\isions annuelles des reœttes et des dépenses de l'El>t de la prochaine année fmancie.e soient déposées devant l'llsemblée législatives et des
chefs traditiOlUlels ». Cette lmprécisiOll ne prédisposait..elle pas aux éventuels empièœrnents?
1
1

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
299
structures fédérales, L'évolution des subsides fédérales (cf tableau infra) corrobore aux idées du
Chef de l'Etat.
Pour le Cameroun Oriental
ANNEE
MONTANT EN MILUONS DE fCfA
1962-1963
298
1963-1964
1.195
1964-1965
1.386
1965-1966
1.350
1966-1967
1.280
1967-1968
1.000
1968-1969
650
Pour le Cameroun Occidental
ANNEE
MONTANT EN MILUONS DE fCfA
1964-1965
1.386
1965-1966
1.350
1966-1967471
1.950
2 .. mais le pouvoir central n'est-il pas à la fois cause et bénéficiaire de cette politique?
S'agissant particulièrement de la situation du Cameroun Occidental, le gouvernement
fédéral est responsable des insuffisances budgétaires de cet Etat fédéré dans la mesure où
"Buéa a été privé des ressources financières importantes que constituent pour un pays sous-
développé des droits de douane et les droits d'entrée et de sortie" 472 sur les marchandises
importées et les proouits exportés La constitution fédérale prévoyait en effet en son article
24 al. 4 que les questions financières telles que la création , assiette, taux des taxes et impôts
fédéraux de toute nature sont de la compétence des autorités fédérales. Cette pratique
instaurée dans le droit de la fédération camerounaise, l'apparente surtout à un Etat unitaire.
Les juristes (publicistes) allemands ne considèrent-ils pas la répartition des compétences dans le
domaine des finances publiques de l'Etat fédéral comme une véritable "constitution financière"
473 ? N'est-il pas précisé que la législation fiscale doit tenir compte des besoins respectifs de
l'Etat central et des Etats membres? La solution retenue en Allemagne exclut qu'un Etat
fédéré soit déficitaire pendant que le gouvernement fédéral bénéficie de ressources superflues.
On peut avancer que les subventions fédérales permettaient à Mr AHIDJO d'avoir un
droit de regard sur l'économie ouest-eamerounaise. Cette centralisation financière affaiblissait
471 Donc 150.000.000 F.CFAd'aide exceptionnelle dans le cadre de l'hannonisalion de la fiscalité entre les Etats fédérés
472 MBARGA (Emile):·« Evolution politique du Cameroun en 1912. Le référendwn du 20 mais 1912 et la formation de la République Unie
du Cameroun ». Extrait de la RJPIC n" 3 juillet-septembre 1913 p. 364 à 394 Surout p. 314
473 LASSALLE (CI.) • Le fédéralisme dans la loi fondamentale de la République Fédérale d'Allemagne. PUF Col. Allemagne d'aujourd'hui
1954p.56

L'expérience du fédéralisme cameroWlais , les causes et les enseignements d'Wl échec
300
certainement les élans des autonomistes anglophones, Mr JUA, ancien Premier Ministre à
BUfA se plaignait en ces termes : "Le système actuel par lequel le gouvernement fédéral
accorde une subvention annuelle à l'Etat fédéré pour combler le déficit qu'entraîne le surplus
préw de dépenses par rapport aux revenus, fait de la prévision des dépenses de l'Etat fédéré
une aventure hasardeuse, puisque le gouvernement ne peut savoir à l'avance quel montant le
gouvernement
fédéral lui accordera cette
année" 474, Implicitement, Mr JUA déniait au
pouvoir fédéral le droit de disposer de l'équilibre financier intérieur de l'Etat membre, Dans le
même ordre d'idée, peut-on ignorer la déT)onciation des provinces québécoises, de la
progression des subventions conditionnelles 475 qui allaient à l'encontre de leur volonté de
décentralisation? Les grands projets routiers et ferroviaires sur l'ensemble de la fédération
canadienne dissimulaient mal leur nature centralisatrice. Dès lors, nous ne découvrons aucune
trace de péréquation financière476
entre nos deux
Etat fédérés. D'ailleurs, dans un
fédéralisme à deux, la péréquation est-elle possible? Enfin, si l'on évoque avec Mr ROHR,
l'éventualité "d'un détournement de but original dans l'application de la péréquation"477 dans
le cas camerounais, il n'aura pas été question pour BUEA de s'abandonner à la "Providence
fédérale" ; bien au contraire, il s'est plut"t agi pour Yaoundé de sacrifier à son rituel favori: la
centralisation. Nous signalerons au passage, l'absence d'un fédéralisme coopératif478 voire
d'une quelconque forme de concordat) en République Fédérale du Cameroun. Après avoir
démontré le peu de sérieux de l'argwnent "subvention", que pouvaient encore avancer les
autorités fédérales pour justifier leur refus du fédéralisme ?
c -Les aspects financiers de la fonction publique
Pendant la fédération, aux quatre assemblées et trois gouvernements, s'ajoutaient trois
fonctions publiques ; une fédérale et deux fédérées, avec des statuts profondément différents.
Le "Civil Service" au Cameroun Occidental se distinguait pas l'absence de concours dans le
recrutement de ses agents. Autre remarque aussi importante, si la fonction publique fédérale et
camerouno-orientale était basée sur le système de carrière, la conception anglo-saxonne du
Cameroun Occidental était fondée sur le système d'emploi. A BUEA, la rémunération était
fonction de l'emploi et non de la catégorie conune à Yaoundé, Voilà la philosophie qui sous
tendait ces deux institutions. Dès l'avènement de la Réunification des efforts d'harmonisation
des différentes fonctions publiques aux nombreuses incidences financières se sont multipliés,
L'une des idées force du Président AHIDJO est sans doute la politique de justice sociale du
474 \\\\'ELCH (E Cl.): «Cameroon since reunificalioo» citi par 1. Benjamin op cit p, 178
475 Lire à ce propos l'analyse faite par Louis Sabourin dans "Le système politique du Canada: lnslitutioos Fédérales et québécoises, Ed, de
l'Univers~é d'Ottawa, Canada 1970, Dans le mapitre XXVII relatif aux "perspectives d'avenir du système politique canadien, Louis Sabourin
développe le problème, des cooférenoes fédéales • provinciales du fédéralisme coopératif." de la déeentralisatioo, p, 413 et ss,
476 cf Art, 4256 de la Constitution fédérale de la Confédératioo Suisse (du 29/5/1974): Etal du 1er avril 1977
477 ROHR (Jean) op cit p, 286
478 Dans un ou'Tage collectif' : Le Fédéralisme", éd~é par la bibliolhéque des Centres d'Eludes Supérieures spécialisées, et publié au Presses
Universitaires de France (1956), le Professeur Mathiot qui audie le fédéralisme américain écrit ce qui su~ : "Au fédéralisme dualiste périmé a
succédé ce que l'on appelle le coopérative fédérélisrn. .. qui admet et encourage diverses fonnes de coopél'atîoo, (qui, essentiellemmt pratiqu~ se
placmt toutes en marge des discussions, des juristes sur la "suprématie fédérale" ci la souveraindé des Etats"). M Mathiot explique qu'il s'agit
d'une part d'une coopération de l'Etal fédéral et des Etats particuliers. et d'autre part. d'une coopération complémentaire qui s'c!labl~ entre les Etats
particuliers eux-mémes" p. 295-299 et 302, Si l'on peut assimiler le dédoublement fonctionnel de certains agents fédéraux (comme les préfets) qui
représentaient à la fois le gouvernement fédéral ct l'un des gouvernements fédérés, nous ne décelons nulle part un cas d'interstate compact conune
aux Etats·Unis caractérisé, par la c:oopératioo des Etats entre eux..

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
301
gouvernement fédéral en faveur des travailleurs et des fonctionnaires du Cameroun Occidental.
Progressivement cette préoccupation se concrétisera.
"Au moment de l'indépendance et de la réunification, les agents du Civil Service" qui
remplaçaient les agents de la couronne ont bénéficié de promotions importantes. C'est ainsi
qu'en occup'ant les postes de la fonction publique locale, ils se ooyaient attribuer le traitement
afférent à tel poste budgétaire indépendamment de leur qualification personnelle, Le
contribuable supportait alors le coUt d'une promotion en grade occasionnant le relèvement
conséquent de l'indice de traitement.
/
- la rémunération de ces agents va encore s'améliorer au moment de leur intégration
dans la fonction publique fédérale. En effet, dans la fonction publique locale (occidentale), la
rémunération ignore les subtilités latines d'un salaire de base flanqué de divers accessoires. A
BOfA, le salaire était un tout. En entrant dans la fédération, il s'ajoutera à ces émoluments des
indemnités diverses.
De plus, lors de la constitution des cadres de la fonction publique fédérale, les échelles
de rémunération en vigueur au Cameroun Occidental ont été purement et simplement
assimilées à l'échelon indiciaire tel qu'il a été défini au Cameroun Oriental. Cela bien sOr, au
profit des anglophones qui bénéficient du coup d'indices anormalement élevés.
Enfin au plan général, de manière répéter, des subventions étaient concentrées à
BOfA pour la couverture d'augmentation de salaires et traitements accordés à certains agents
de l'administration en compensation de la hausse du coUt de la vie, imputable à l'application
d'un nouveau tarif douanier. Les mesures qui ont tendu à favoriser les fonctionnaires
originaires du Cameroun Occidental ont été nombreuses. L'uniformisation
des fonctions
publiques et de la législation du travail ont contribué au relèvement de leur niveau de vie. Faut-
il alors conclure avec Mr MBARGA que cet arsenal de textes participaient d'une politique
consciente de développement privilégié du Cameroun Occidental? S'il est t"t pour répondre à
cette interrogation, on ne saurait ignorer ce que cachait cette sollicitude des autorités fédérales
: rapprocher les anglophones des francophones, en somme les assimiler au plan de la fonction
publique. C'est une des causes pour laquelle l'action gouvernementale 479 a été critiquée.
La critique de la Thèse gouvernementale
Si comme le dit l'adage-échapper à la critique, suppose ne pas agir du tout il faut
cependant admettre
qu'il est des actes, des pensées, qui soulèvent plus d'objections que
d'autres. La décision de Mr AHIDJO d'ailleurs consacrée par une votation populaire de
condamner l'Etat fédéral aux oubliettes est bien de celles-là. On s'efforcera de réfuter
l'argumentation économique de la décision présidentielle du 06 mai 1972. A toutes fins utiles,
nous signalerons les insuffisances de la thèse gouvernementale (A) avant de présenter les
raisons de la viabilité économique de l'Etat anglophone (8).
479 Pour l'ensemble de l'onal)~e des aspects financiers de la food.ioo publique, li faudrait coosulter un numéro de la Revue Europe-Outze-Mer de
1973 et principalement l'article précité de M. Mbarga Emile en page 374

L'expérience du fédérzùisrne camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
302
A. J ES INSUFASANCES DE lA mESE GOUVERNEMENTAl E
Le chef de l'Etat a-t-il été au fond du problème? n est pennis d'en douter. En effet
nous restons sceptiques en découvrant les points faibles (tant conjoncturels (1) que structurels
(2) de sa thèse 480.
1 0 Les insuffisances conjoncturelles: les leçons d'une analyse
/
comparative entre l'année 1967 et l'année 1972
Schématiquement, économiser aurait consisté à éviter les diverses formes de gaspillage
(a) pendant la fédération et à supprimer pour l'avenir, certains goulots d'étranglement (h) qui
paralysaient le développement de la fédération. Examinons ces deux situations
a. Economie et gaspillage
Economiser suppose aussi éviter le gaspillage. Or, dans un pays où la corruption Oe
Chef de l'Etat ne manque pas de stigmatiser ce fléau dans ses discours) ne cesse de se
développer, il est très difficile de savoir quel est le montant exact des marchés d'Etat ;
économiser imposait de sévir. Etait-ce le cas ?
b. Economie et suppression des goulots d'étranglement formés par la superposition
des organes est un acte louable. C'est ainsi que la République Unie n'a plus qu'une seule
Assemblée, au demeurant monocamérale et un seul gouvernement. Pourtant, à l'analyse, on
s'aperçoit que la compression de personnel n'a pas suivi le mouvement. C'est ainsi que l'on
peut parler par extrapolation d'une rigidité du personnel
politique. Si nous maintenons
comme année de référence 1967, que constatons-nous au niveau gouvernemental et au
niveau parlementaire ?
Les trois gouvernements comptent au total 35 membres. Soit 15 à l'échelon fédéral et
20 (9 et 11 au niveau fédéré. Le premier gouvernement de la République Unie se compose au
grand complet de 36 membres qui se répartissent comme suit 481 :
1 Premier Ministre,
4 Ministres d'Etat et Assimilé Oe Secrétaire Général à la Présidence),
19 Ministres et Assimilé Oe Directeur Civil du Président),
7 Vice-Ministres et Assimilé Oe Secrétaire Adjoint à la Présidence),
3 Délégués Généraux,
1 Chancelier de l'Université.
480 Afm d'étayer ncùe analyse, nous déborderœs parfois sur le début de la période de la République Unie
481 Cette biérardlisation correspond à des niveaux de salaires différents

L'expérience du fédéralisme cameroWlais • les causes et les enseignements d'un échec
303
Nous ignorons à dessein les conseillers spéciaux du Président de la République et les
Ambassadeurs itinérants. Comme nous le constatons, ce n'est pas encore à ce niveau que l'on
peut parler d'économie. Si la compression de personnel n'a pas eu lieu, a\\OJls-nous au moins
assisté à la suppression de certains emplois, voire de certains Ministères? Si aménagement, il
a existé, on a plut"t assisté à un phénomène semblable aux deux faces de Janus. Les
ministères sont dewnus au Cameroun Occidental des délégations régionales. Une dernière
question peut se poser. A-t-on abouti à une forme de rationalité dans l'administration ?
L'observation s'inscrit en faux contre une telle prétention car, la bureaucratie que secrète toute
centralisation est un handicap à l'efficacité, aû développement.
Les quatre chambres étaient composées de 209 députés (50 fédéraux et 159 fédérés).
La chambre de 1973 compte 120 membres, mais il ne faut pas oublier deux facteurs qui
limitent la portée des économies à réaliser.
C'est d'abord le fait que, pendant que le nombre des députés baissait, les salaires des
heureux élus étaient réévalués "en fonction du coOt de la vie". C'est ensuite le fait que, les
hommes en place ont de la mémoire et se souviennent de leurs anciens compagnons de route.
Certes tous les 89 députés ne seront pas "recasés" ; mais une bonne partie d'entre eux recevra
du gouvernement des emplois qui leur permettront de garder un certain niveau de vie. Cette
pratique n'est d'ailleurs pas le privilège du seul Cameroun. On se souvient de la Présidence de
l'ORSTOM qui était confiée à Alexandre Sanguinetti, pour être ensuite, transmise à Pierre
Abelin.
En réalité, ces remarques conjoncturelles ne sont que l'arbre qui cache la forêt. A la
limite, nous concéderons qu'elles posent des problèmes d'interprétation personnelle, et par
conséquent qu'elles sont discutables. Ce qui l'est moins ce sont les considérations structurelles
que nous livrons ici.
2. Les insuffisances structurelles de la thèse gouvernementale : le
coûteux sacrifice de l'entretien des Assemblées.
Par mimétisme, le constituant camerounais a, en dépit du monolithisme de fait de
notre vie politique, crée une Assemblée Nationale légiférante et une Assemblée consultative
ayant pour nom le Conseil Economique et Social.
Le coOt financier de leur entretien est-il amorti par leur caractère indispensable?
Naïvement, nous pensons tout simplement que ces deux institutions sont inutiles dans
notre pays aujourd'hui.Expliquons -nous.

L'expérience du fédéralisme camerOlA'lais : les causes et les enseignements d'un échec
304
a) De l'inutilité d'une Assemblée Nationale.
Inutile, eUe l'est, objectivement aux plans politique (al) et juridique (a2).
al) - L'absence d'utilité politique.
Le principe de la séparation des pou\\iOirs nous a habitué à l'existence des
1
gouvernements et de leurs censeurs. Or, dans le contexte présidentialisme camerounais (\\iOire
africain).
- où la confusion des pou\\iOirs supplante leur séparation,
où l'opposition ne se manifeste pas comme un contrepoids ;
- où l'alternance s'est dissoute dans une démocratie unanimitaire,
- où l'avènement de 22 militaires au pou\\iOir signifie corrélativement la dissolution des
Assemblées, après Anré Chandernagor, nous POU\\iQnS nous demander "un parlement
pourquoi faire" ?
a2) - l'absence d'utilité juridique.
L'interrogation du député socialiste est d'autant plus pertinente que le rôle législatif et
budgétaire du parlement est strictement folklorique. Ici, nous ne faisons même pas référence
aux effets d'un parlementarisme rationalisé. nfaut seulement noter que de 1961 à 1972, une
seule proposition de loi émane de l'Assemblée Nationale fédérale. Progressivement les
fonctionnaires \\iOnt se substituer aux représentants du peuple dans la confection des lois (étant
entendu qu'il s'agit des projets de loi).
Si ce n'est pas pour des mobiles politiques qui profitent au chef du parti unique au
pou\\iOir, il n'est pas démocratique que le contribuable supporte pendant cinq ans des députés
qui n'ont d'ailleurs aucun compte à lui rendre (souveraineté nationale + investiture partisane) et
qui n'ont pour seul rôle que d'entériner les projets gouvernementaux 482.
b - De l'inutilité d'un Conseil Economique et Social.
L'administration consultative est-el1e forcement budgéti\\iOre? Tout est fonction de son
efficacité, de sa participation à la décision.
Président de la République pour cinq ans étaient 30 pour le Cameroun Oriental et 8 p
482 Le citoyen. Contribuable paye trop dlère œil. claque constituée d'élus

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseigements d'un échec
305
b1 - La présentation du Conseil Economique et Social
Préw par la loi constitutionnelle de 1961 et organisé par un loi de 1965, le
Conseil Economique et Social de la République
Fédérale n'a pas fonctionné. n devait
comporter 38 membres de nationalité camerounaise représentant les divers secteurs de
l'activité économique, Ces personnalités nommées par le Président de la République pour cinq
ans étaient 30 pour le Cameroun Oriental et 8 pour le Cameroun Occidental.
N'ayant pas fonctionné, cet organe n'a donc pas dû occasionner des frais. Nous ne
ferions qu'un simple procès d'intention, si nous n'avancions pas, par approche comparative,
que nous awns examiné la situation du premier Conseil Economique de la République Unie.
De 38, le nombre des conseillers est passé à 85, La différence est éloquente. Par
nature, cette assemblée est économique (au sens où elle n'occasionne pas beaucoup de
dépenses), puisque conformément à l'art. 16 (L1966), 'les membres du Conseil Economique
et Social reçoivent une indemnité de session et éventuellement des frais de déplacement dont
le montant et les conditions d'attribution sont fixés par la loi". L'absence de mensualisation de
leur émoluments profite donc au budget de l'Etat.
b2 : les causes de l'inutilité
Toutefois, le Conseil Economique et Social nous paraît inutile pour deux raisons
- la première est que l'apport de cet organe reste discutable quand il est saisi
par "le Président pour avis ou études" (art 2). S'il est préw une association préalable du CES à
l'élaboration des projets de loi à caractère économique et social, dans la pratique, le délai de
réflexion dont il dispose est très court pour formuler un valable. On se retrouve dans la
situation du parlement qui n'a qu'un mois pour examiner (en réalité, pour adopter), un budget
préparé pendant six mois par des fonctionnaires spécialisés.
- la deuxième raison réside au niveau du Secrétariat du C.E,S qui s'étoffe de
jour en jour. ns'y constitue aussi une bureaucratie comparable à celle de l'Assemblée Nationale
qui dispose, outre d'un secrétariat général, des vice-présidents, pratiquement permanents. n
n'est pas superflu de préciser que le Président du C.E.S est une des quatre personnalités de
premier plan de l'Etat. L'incidence financière de son statut n'est pas négligeable.
En conclusion, les Assemblées étant inefficaces, wire inutiles, deux solutions
économiques sont envisageables:
- supprimer uniquement le Conseil Economique et Social et conserver
l'Assemblée Nationale en faisant application aux députés de l'intéressante disposition 16 de la
loi nO 66/I..F/l du la juin 1966 relative au C.E.S qui n'octroie qu'une indemnité de session

L'expérience du lédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
306
et éventuellement des frais de déplacement aux conseillers, Rien d'original en réalité. On
rentrerait ainsi à lUle pratique semblable qui était en vigueur au CamerolUl OccidentaI avant la
Réunification et qui était incontestablement très économique. En effet, la mensualisation
actuelle des salaires des députés en fait des quasi-fonctionnaires poursuivant W1e carrière à
l'Assemblée Nationale. Qui plus est, lUle des résolutions des députés en 1978 s'est révélée "sui
generis" dans l'histoire parlementaire mondiale: les parlementaires camerolUlais ont demandé
l'instauration d'lUle caisse de retraite pour ceux d'entre eux qui auraient été députés pendant
au moins deux législatures 483.
La thèse gouvernementale n'a pas été seulement insuffisante, elle s'est avérée aussi
dépassée.
B. I.E DEPASSEMENT DE lA THFSE GOUVERNEMENTAl F : lA VIABW1E
CERTAINE D'UNE ECONOMIE ANGLOPHONE
Alors qu'en 1959-1960, lUle enquête menée au CameroW1 OccidentaI pour
détenniner la "viabilité fiscale" du territoire s'il se séparait du Nigeria concluait que ce serait
vivre au jour le jour, quelques années plus tard, il se rencontre des anglophones qui pensent
que la "voie du développement de la région, passe par la Sécession (The path to prosperity, he
said, lay in separation) 484,
A ce niveau, le procès intenté à la Réunification (1961) et plus tard à l'Unification
(1972) par certains anglophones, qui méconnaissent tout aspect économique positif pour
Buéa dans la fédération, gagne en intensité. Pour ces contestataires, si le CamerolUl
Occidental est apparu comme lUl "poids lourd" dans l'union, c'est bien le fait du gouvernement
fédéraI qui, en s'accaparant des principales ressources fiscales qui devaient alimenter le budget
du CamerolUl Occidental, a ignoré le principe d'autonomie en matière économique.
Sans être aussi radical que ceux des anglophones qui assimilent développement à
sécession, nous pensons qu'avec la bonne infrastructure routière dont jouit actuellement le
CamerolUl Occidental, certaines décisions, courageuses de Yaoundé en matière financière,
rendraient l'économie de Buéa plus viable et plus compétitive.
n s'agirait essentiellement d'W1 part, d'W1e orientation budgétaire, des ressources
fiscales -passées et avenir (1) et d'autre part- de l'aménagement du port de Victoria-Tiko (2).
Concrètement, il est question de détenniner exactement la place des finances publiques dans la
théorie du fédéralisme.
483Cette proposition de loi fut adoptée par l'Assemblée Nationale en séance plénière du 1917/1978. Le titre exacte est le suivant
: Loi portant création et organisation dune caisse de Retraite des Députés de l'Assemblée Nationale.
484Voir l'article intitulé: "Camemon, Languages and Money" extrait du bulletin Alrica conlidencial, May 1977, vol 18

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
307
10
La réorganisation budgétaire des ressources au sein de la
fédération 485
Nous nous pencherons sur les anciennes (a) et les nouvelles ressources (h) du Cameroun
Occidental.
a) les andennes ressources budgétaires de BVEA.
Ressassant leurs souvenirs, les anglophones font grief des difficultés de
leur commerce extérieur au gouvernement fédéral. Estimant qu'ils détiennent l'entreprise agro-
industrielle, la plus importante et la mieux gérée 486 du pays, les Camerounais de l'Ouest ne
s'expliquent pas les déboires de deux de leurs principales cultures d'exportation (café et
banane) qui, leur rentraient beaucoup de devises dans le passé.
Responsable du développement économique du Cameroun Occidental
depuis sa création en 1946, la C.O.C a investi entre cette date et 1960, cinq milliards de F
CFA dans ses plantations et trois milliards dans les programmes de constructions des routes et
édifices. Cette société a aussi payé plus de trois milliards d'impôts 487. Devant l'alternative de
"fédéraliser" ou de laisser fonctionner librement l'entreprise, les autorités fédérales ont opté
pour un régime d'autonomie contrôlée. En prenant des actions dans la Société, le
gouvernement fédéral obtint un droit de regard discret sur la société. C'est ainsi que
désormais, au conseil d'administration de la Société siège un représentant du gouvernement.
De plus, nous amns signalé que depuis 1965 , la trésorerie de Buéa a été déclassée ; elle n'est
plus celle d'un Etat fédéré, mais celle d'une région administrative,
ce qui
signifie que les
impôts versés par la C.O.C, tombent directement dans le budget fédéral.
La sortie du Cameroun Occidental de la zone sterling a causé à l'Etat
anglophone, la perte des préférences impériales (prix supérieur de 15 % au prix mondial) pour
ses bananes. Ce manque à gagner sera ressenti par les camerounais-occidentaux et déploré
par le Chef de l'Etat. L'approche de l'échéance fixée par la Grande-Bretagne pour continuer à
appliquer les tarifs préférentiels (d'abord 1962, ensuite septembre 1963) provoqua un malaise
certain à BVEA où l'on sentait approcher les difficultés de débouchés. Les hauts fonctionnaires
ouest camerounais accusèrent la France d'accorder un quota de bananes plus élevé à
l'Equateur (autre producteur) qu'au Cameroun Occidental. Plus grave encore, dans le quota
485A notre avis, Je principe de l'autnonùe des budgets dans une fédération, Imp1lque ipso facto la reconnaissance dela pluralité
des la trésoreries, Le principe pourtant reconnu à la génèse de la fédération, va s'estomper en 1965. Voici le processus de
dessalslment de l'Etat anglophone :
-l'ordonnance nO 62/of/26 du 3113/1962 portant constitution du trésor de la république fédérale établit dans son articJe 1 que
les services des trésors tels qu'ils existent actueDement sur la fédération sont des organismes fédéraux. Cependant l'article 3 fait
toutefois une reselVl! en concédant une période transitoire pendant IaqueDe le Service du Trésor du Cameroun Occidenial
continuera dans sa structure actueDe, à relewr provisoirement du gouwmement occidental.
- Confonnent à l'ordonnance de 1962, un décret nO 62/DF/159 du 9 mai 1962, fixera les attributions du service du trésor au
Cameroun Occidenial .. qui reste à la disposition du secrétaire d'Etat aux FUlances.
- Mais dès 1965, le Décret nO 65/DF/163 du 8/5 mit fin à la période transitoire préwe pour le fonctionnement aU Cameroun
Occidenial. Dès lors, la trésorerie Fédérale ... Ce schéma est à tout point conforme à l'évolution centralisatrice du régime.
486n s'agit de la COC
487pour l'ensemble de l'analyse relatiw au budget, voir Jacques Benjamin op,. clt. P. 90 et ss.

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
308
concédé par la France à notre pays, le Cameroun Occidental dut attendre 1966 pour en
profiter; les camero\\mais orientaux s'étant jusqu'à cette date adjugé la totalité du lot. A deux
occasions précises, les anglophones eurent l'impression d'un boycott concerté de leur banane
qui constituait 50 % de leurs exportations au moment de la réunification et qui ne sera plus
exportée dix ans plus tard, d'abord, le quota alloué par la France ne pouvant être honoré par
la banane du Camero\\m Oriental, celle du Cameroun Occidental ne servait jamais de
complément.
Ensuite,
les
inspecteurs du port trouvaient souvent la banane ouest-
camerolmaise en mauvais état. Dans sa Conférence de Presse du 2 juillet 1963, le Président
AHIDJO
déplorera la suppression unilatérale des préférences impériales. Employant \\me
expression chère aux britanniques, le Chef de l'Etat dira de ces derniers qu'ils n'ont pas été
"fair play" ; il estimera que, suite à cette mesure, la C.D.C aurait ainsi à perdre entre 200 et
300 millions de F CFA. A l'évidence, les contrecoups de la banane jouaient contre l'équilibre
budgétaire du CamerOl.D1 Occidental. S'agissant enfin du café, c'est désormais la Direction
(fédérale) des produits de base qui déterminait le contingent ouest-camerounais à vendre dans
l'année. Les Camerounais occidentaux vont encore s'estimer lésés dans cette répartition.
L'avènement du pétrole leur fit encore plus peur.
b) la nouvelle ressource budgétaire de Buéa: le pétrole
Au Cameroun également, l'avènement de "l'or noir" entraîne un cortège de
problèmes. Un homme d'affaires anglophone ne cache pas que la découverte des gisements
de pétrole dans la région de Victoria prouve \\me fois de plus l'erreur que les anglophones ont
commise en acceptant la réunification. Alors que partout ailleurs, l'annonce des indices de
pétrole est "sablé au champagne",
ici à Yaoundé, le Pouvoir Central s'enferme dans un
mutisme que le peuple a peine à s'expliquer. Peut-être, parce que cette présence tant
souhaitée (mais qui ne se manifeste qu'au Cameroun Occidental), risque de remettre en cause
beaucoup de mythes, parmi lesquels: ceux de l'unité nationale et de la faiblesse de l'économie
ouest-camero\\maise. Dès lors, sans être un prophète de malheur, on parlera de 'Tépineuse
question du pétrole". Les recherches pétrolières 488 ont débuté au Cameroun en 1904 par
une société allemande qui effectua les trois premiers forages. FJf-Serepca arrivera en 1951. En
1973 cette société découvrait des gisements pétrolièrs dans
la région
de Victoria au
Camero\\m Occidental. Désormais, ce ne fut plus qu'un secret de polichinelle que le Cameroun
ferait un jour partie de l'OPEP. En mars 1975, par une indiscrétion.. calculée? ... le Ministre
des Transports le Dr MaNY KENGONG lâchait dans une conférence de presse en France que
quelques quantités de pétrole découverts devaient être exploitées pour satisfaire la
consommation interne". Plusieurs chiffres de cette quantité d'or noir furent avancées :
~'éYOlution de la recherche pétrolière peut être suivie atrawrs la rewe EVROPE-fRANCE.QlJIRE-MER
Mal 1966 nO 436 : "Les Recherches pétrolières: le naufrage de la plate forme retarde la prospection sur les pennls marins" par
CHACUN GERARD. p. 67.
Février 1968 nO 457: "Forage en mer, des indices de pétrole p.49
Juillet IAoOl nO 574/474 : -Production, Prospection et Prespecti"'" minières"p. 49.
Juillet/AoOl1973 nO 522-523: 'l.a prospection pétroUère, enfin des resultats encourageants", P. 42
Septembre1975 nO 548 'l.a recherche pétrolière: premiers résultats posilifs"p. 53.
nfaudralt aussi Ure deux articles récents: l'un dans Jeune Afrique et l'autre dans Cameroun Tribune

L'expérience du lédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'lm échec
309
450 000 t, 800 000 t etc, ..
Toujours est-U que le Ministre de l'Energie et des Mines, un anglophone, Mr
HENRY NAMATA ElANGWE, a annoncé le 7 décembre 1978, la création d'une société
nationale de raffinerie (SONARA).
Forts de posséder "la mine d'or et d'être devenu un nouvel Eldorado", les
anglophones commenceront à parler. En effet, ils pensent que le Président du Conseil
d'Administration de la Société ou son directeur devrait être au moins anglophone, Us croient
aussi et personne ne peut le nier aujourd'hui qu'économiquement, leur Etat est désormais
viable. Qui plus est, au plan maritime, le Cameroun Occidental n'est pas mal parti.
20 La réutilisation du port de Victoria-Tako comme mesure
de redressement de l'économie ouest-camerounaise
L'infrastructure portuaire du Cameroun comprend trois ports maritimes :
Douala, Kribi, Victorialfiko. Construit par les Allemands en 1911, ce dernier port est
transféré à la C.D.C après la victoire des alliés. En 1965, une négociation s'engage entre la
CDC et le gouvernement qui veut acquérir les installations du port anglophone. Après la
signature d'une convention de cession en 1969, c'est désormais l'Office National des Ports du
Cameroun qui gère et exploite tous les ports du pays. A l'observation des chiffres, Douala se
taille une part prépondérante dans le trafic import-export. C'est ainsi qu'en 1972, notre
principal port frisait le seuil de saturation avec 1 872 000 tonnes, Son coefficient d'accueil
oscillait autour de 85 %.
- Kribi cOnnal1 aussi une progression constante dans l'évolution de son trafic puisqu'il
est passé de 39 000 tonnes en 1962 à 176000 tonnes en 1972.
- Victoria/fiko, par contre, victime d'un détournement de trafic dont Douala est le
principal bénéficiaire, en sa qualité de pôle privilégié de centralisation (en République Fédérale
et plus tard en République Unie), constate, la baisse progressive de son volume d'échanges.
Nous en voulons pour preuve ce tableau de l'évolution du trafic de ce port sur une période de
dix ans.
IMPORTATIONS
EXPORTATIONS
1965
70000 t
98000 t
1966
60000 t
138000 t
1967
4500ût
50000 t
1968
50000t
58000 t
1969
32000 t
45000 t
1970
26000 t
40000 t
1971
23000 t
45000 t
1972
15000 t
30000 t

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
310
1973
9000t
20000t
1974
5000t
27275 t
1975
Ot
26300t
L'on doit signaler qu'aucune marchandise n'a transité par le port anglophone pour
entre dans le pays en 1975 ; ce qtû signifie en conséquence, qu'aucun droit de douane n'a été
perçu par les services habilités de l'ancien Etat fédéré. De plus, si les exportations qtû
comprennent essentiellement les palmistes et l'huile de palme, le café, le cacao, le caoutchouc,
le thé, le poivre, baissent aussi progressivement, leur diminution n'est pas le fait d'une
quelconque insuffisance de production; c'est toujours des prodtûts vers les pays étrangers.
Voilà l'explications de l'amertume des anglophones, Leur argumentation est donc simple; une
décision
de Yaoundé de décentraliser le frèt maritime entre les trois ports entraînerait
plusieurs conséquences :
- le port de Douala serait décongestionné ;
- après un certain temps, le trafic import-export de Victoria/fiko remonterait
progressivement pour atteindre, sinon dépasser son niveau de 1965,
- une telle mesure participerait de la politique de développement équilibré des régions,
prônée par le Chef de l'Etat.
- TI en résulterait pour le Cameroun Occidental, non seulement une entrée des devises,
mais plus grave, une ouverture sur la mer, donc une certaine autonomie.
Si en théorie le fonctionnement régulier du port de Victoria/fiko est un des facteurs
importants du développement de la région occidentale, le pouvoir central sous peine de
contradiction ne saurait satisfaire à une telle exigence.
CONCL.USION PARTIELLE
Deux considérations se dégagent de ce quasi-bilan économique du fédéralisme
camerounais :
10 L'économie ouest-camerounais n'était qu'apparemment handicapée, handicap do à
son caractère essentiellement agricole et à l'absence d'une infrastructure routière suffisante. En
revanche, l'apparence provient du fait que toutes les potentialités de la région n'étaient pas
encore exploitées (exemple: le pétrole).
20
Même s'il est indéniable que la fédération a occasionné le relèvement de
l'économie ouest-eamerounaise (cf. les objectifs du 2ème plan concernant l'Etat anglophone).
TI n'en demeure pas moins que, dans l'ensemble, toutes les mesures économiques prises par

L'expérience du fédéralimse cameroWlais : les Clluses et les enseignements d'Wl échec
311
YaOlmdé tendaient vers un but unique
tout centraliser sur le Cameroun Oriental, Les
exemples abondent ici :
-mesures d'harmonisation non dénuées d'arrière-pensée centralisatrice ;
- abandon du port de VietorialrJko (susceptible d'ouvrir le Cameroun Occidental sur le
monde
extérieur) ;
- au profit de Douala, principal port de l'UDEAC. Dès lors, nous ne pouvions que
réfuter -en
gros- les explications économiques fournies par le Chef de l'Etat sur
l'abandon du fédéralisme.
Dnous reste à tirer les enseignements de l'échec de cette expérience, tant sur le plan
strictement camerounais, que sur le plan africain.

L'expi!rience du fédéralimse camerounais, les causes et les enseignements d'lUI échec
312
CHAPrrRE DE COl'lClUstOl'1
tES ENSEIGNEMENTS D·UN ECHEC OU DU
FEDERAliSME CAMEROUNAIS AU FEDERAliSME
AFRICAIN
Raisonnablement, trois considérations, nous serviront de conclusion à cette étude.
D'abord, synthétiquement, nous prouverons que le fédéralisme camerounais a vraiment
échoué (Section n. Ensuite, nous tenterons de démontrer que cet échec n'est pas un fait isolé;
car il participe au déclin généralisé du fédéralisme étatique en Afrique (Section m. Enfin,
modestement, nous suggérons des réflexions pour un autre projet de fédéralisme africain
(Section ITI).
SECTION 1
LE FEDERAI.ISME CAMEROUNAIS: UNE EXPERIENCE CONSUMEE
Avec le référendum du 20 mai 1972, le glas avait sonné pour le fédéralisme
camerounais. Mais, s'agissant de saooir si ce fut un succès ou un échec, les divergences sont
nombreuses. Pour les uns, '1'éoolution de l'Etat fédéral en un Etat Unitaire constitue en eUe-
même un triomphe, une victoire de l'unité nationale dans le processus de l'intégration
nationale" 489. Dans une interview accordée au Journal Jeune Afrique, le Président
de la
République, en réponse à la question de saooir si la transformation de la République fédérale
du Cameroun en un Etat unitaire, ne constitue pas un échec, a dit ceci : "le fédéralisme
camerounais a été conçu dans la conscience de la nécessité de son dépassement à plus ou
moins brève échéance... le oote massivement positif... (au référendum du 20 mai 1972) est la
preuve manifeste que l'expérience fédérale a été un succès dans la mesure où elle a contribué
à dissiper la méfiance au point de rendre possible et nécessaire l'Etat Unitaire". Ce n'est pas
un moindre paradoxe que d'affirmer qu'une entreprise est prospère lorsqu'eUe dépose son
bilan.
Pour nous et les autres, le fédéralisme a échoué tant sur le plan juridique (§ 1) que sur
le plan socio-politique (§ 2).
489MBARGA Emile, "Evolution du ûunerOlUl en 1972 : le référendum du 20/5/1972, et la formation de la République Unie" in
Armales de la Faculté de Droit du ûunerolUl, nD6, p. 5

L'expérience du fédéralimse cameroWlais : les cauoes et les enseignements d'Wl échec
313
Pa"'I"'I"1 1. h CI.slic...UI•••lIlIla•• dll'lichlc :
la c•••IIIUI. III la rNsl•• It da rlillirlliio.
Comment se pose le problème de la révision de la constitution dans la doctrine ?
L'organisation du système de révision est entièrement liée à la forme du régime politique.
Etant donné l'importance que revêt la possibilité de modifier les institutions existantes, on
accordera la part prépondérante dans la révision à l'organe dont on entend consacrer
l'autorité ou le prestige. Dans les systèmes politiques qui reposent sur la prépondérance de
l'Exécutif, par exemple, c'est le gOll\\lemement qui aura l'initiatiw de la révision. Dans une
démocratie représentatiw de style français, c'est au parlement que reviendra la part
prépondérante, atténuée parfois par le jeu du parlementarisme qui implique une certaine
participation de l'Exécutif. Ailleurs encore, la forme même de l'Etat exigera l'adoption d'un
procédé spécial: ainsi le fédéralisme ne va pas sans l'attribution d'un rôle efficace aux Etats-
membres dans la procédure de révision. Dans le droit positif, le fondement de cette spécificité
est double, il faut, d'une part, protéger effectiwment l'indépendance (autonorrue) actuelle et
future des collectivités-membres de la fédération; d'autre part, il est impérieux de les associer
à la mutation de l'acte fondamental de l'Etat. A n'en point douter, les procédures de révision
varient d'un Etat à l'autre.
Après avoir exposé la solution camerounaise (A), nous nous pencherons sur son
application concrète (B).
A. lA SOumON CAMEROUNAISE EN MATŒBE DE BEVlSJON DE lA
CONSnnmON FEDERAI F
La Constitution fédérale de 1961 consacre un titre unique (Xl et un article unique (47)
à la révision de la loi fondamentale.
L'alinéa 1er de cette disposition limite matériellement le domaine de l'opération de
révision. C'est ainsi qu'est déclarée irrecevable "toute proposition de révision portant atteinte à
l'unité et à l'intégrité de la fédération. Ce faisant, les auteurs de la constitution ont cherché à
exorciser pour \\'awnir, l'érosion territoriale dont a été souwnt victime notre Etat depuis la
colonisation.
Les autorités compétentes -c'est-à-dire celles qui détiennent \\'initiatiw de la révision
sont:
- le Président de la République Fédérale qui doit consulter à l'occasion les premiers
ministres des Etats fédérés et ,
- les députés à l'Assemblée Fédérale.

L'expérience du lédéralimse camerO\\mais ; les causes et les enseignements d'lm échec
314
Quelques précisons assez instructives sont fournies par ce même texte. D'abord, toute
proposition de rélAsion présentée par les députés doit être signée par au moins un tiers des
membres composants l'Assemblée Fédérale (.. souci de rationalisation..). Ensuite, -et c'est une
exigence fondamentale- la révision doit être 'vOtée à la majorité simple des membres
composant l'Assemblée Fédérale à condition toutefois que cette majorité comporte la majorité
des représentants à l'Assemblée Fédérale de chacun des Etats. Enfin, la constitution fait droit
au Président de la République, de demander une seconde lecture de la loi de révision dans les
mêmes conditions que pour une loi fédérale.
Ce texte traduit une préoccupation constante des constituants : le respect de la nature
fédérale de l'Etat. C'est à cause de ce souci que, même si le Président fédéral partage
l'initiative de la révision avec les députés, il reste assujetti à l'obligation de conslÙtation des
premiers ministres des Etats fédérés. Cette formalité à laquelle est astreint le Président de la
République peut s'interpréter à la fois comme un indice d'autonomie Oa nature parlementaire
des Etats membres resurgit ici) et comme un signe de participation. Ce dernier (signe) devient
évident dès lors que la majorité exigée pour le 'vOte de la révision doit être plurielle. Est-il
besoin de rappeler qu'il s'agit de la majorité des représentants à l'Assemblée fédérale de
chactm des Etats-membres ?
TI ressort donc des virtualités de cet article que, contrairement aux autres dispositions à
tendance présidentialiste de cette constitution, les constituants ont 'vOulu soustraire la remise en
cause du lien fédératif de la 'vOlonté du Président de la République. Dès lors, toute
interprétation postérieure de la constitution en cette matière devrait se conformer à cet état
d'esprit. Finalement, la demande de seconde lecture par le Chef de l'Etat, ne lui assure pas
une quelconque prépondérance sur une procédure dominée par les députés fédéraux,
représentants de leurs Etats respectifs. Si telle est la lettre du texte, force sera de constater que
l'application s'en est éloignée considérablement.
B. L'APPIJCATION mSClITABlE DE lA REVISION ET L'ACHEVEMENr
DE L'EXPERIENCE
Les réslÙtats officiels du référendum organisé le 20 mai 1972 en application du décret
nO 72/DF/239 du 9 mai 1972 décidant de soumettre au référendum le projet de constitution
unitaire sont connus ;
- inscrits
..
3236280
- 'vOtants
.
3179634
- oui
. 3177 846
- non
.
176
- bulletins nuls
.
1612
La question que l'on est en droit de se poser est celle de sa'vOir sur quelles bases
juridiques se fondait cet appel direct au peuple?

L'expérience du fédéralimse camerounais: les ""uses et les enseignements d'un échec
315
Deux textes qui se complètent méritent un examen minutieux. C'est d'abord l'article 2
de la constitution de 1961 qui pose que "la souveraineté nationale appartient au peuple
camerounais qui l'exerce, soit pas ses députés à l'Assemblée Fédérale, soit par voie de
référendum". Le texte précise encore qu"aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut
s'en attribuer l'exercice". C'est ensuite la loi no 69/l.F/15 du la novembre 1969 fixant les
conditions ~t la procédure de référendum préwes par l'article 2 précité. Aux termes de
l'article premier de la loi de 1969, '1e Président de la République Fédérale, après consultation
du Président de l'Assemblée Nationale Fédérale et des Premiers Ministres, peut soumettre au
référendum tout projet de loi ou de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi
fédérale dans le cadre des compétences fixées par les articles 5 et 6 de la constitution, serait
susceptible d'avoir des répercussions profondes sur l'avenir du pays et des institutions. n en
sera ainsi notamment : "des projets de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ou sur
la révision de la constitution..." S'il ne fait pas de doute que la constitution permet le
référendum (art.2), et que la loi de 1969 instaure un référendum constituant, on peut toutefois
s'interroger sur la régularité de la procédure référendaire du 20 mai 1972,
Ici comme en France en 1962 490, les avis sont partagés. Pour Mr MBARGA 491, "en
décidant par décret du 9 mai 1972 de consulter le peuple camerounais sur la transformation
de l'Etat fédéral en Etat unitaire, le chef de l'Etat a agi dans le cadre de ses pouvoirs légaux".
Cet auteur ajoute que la loi du 10 novembre 1969, en précisant que le projet référendaire
peut porter sur l'organisation des pouvoirs publics ou sur la révision de la constitution, a bel et
bien institué une nouvelle procédure de révision de la constitution".
Cette argumentation d'apparence logique est simplement inopérante dans la mesure
où elle repose essentiellement sur un texte dont la constitutionnalité est plus que douteuse. En
effet, le législateur n'a pas pu -sans outrepasser ses pouvoirs- instaurer une seconde procédure
de révision dans la double ignorance du fait que :
- le Président de la République ne pouvait pas s'adjuger l'initiative de la procédure
référendaire alors que '1'exercice de la souveraineté nationale ne lui appartient pas. L'article 2
ne précise -t-il pas formellement qu'aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut
s'attribuer l'exercice de la souveraineté" ?
- si le constituant a inscrit l'exigence d'une double majorité relative à la révision dans la
constitution (art. 47), il entendait par là préserver la nature fédérale de l'Etat.
De tout ce qui précède, nous déduisons que la décision du Chef de l'Etat était
irrégulière, parce que prise en application d'un texte inconstitutionnel. Pour sa part, Mr
OWONA 492 qui,en fin d'analyse, ne tranche pas, reconnaît le bien fondé d'un conflit
d'interprétation large de l'article 2
permettant le
référendum
"constituant"
et
une
interprétation stricte n'admettant que la seule procédure de la révision de l'article 47 comme
490ns'agissait du recours ol'article Il au lieu de la procédure préwe ol'article 89 de la constitution de 1958
491MBARGA Emile , Evolution du Cameroun en 1972 : le référendum du 20/5/1972 et la formation de la République Unie in
Annales de la Faculté de Droit du Cameroun n06, p.5
4920WONA (Joseph) . ''LA nouvene constitution de 1972" déjà citée

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignemenls d'un échec
316
valable. A juste titre, le professeur précise qu'ici, l'implicite, la possibilité d'un référendum
constituant fondé sur l'article 2 de la constitution, s'oppose à l'explicite, la procédure de
révision organisée expressément par l'article 47 de la constitution fédérale".
A notre avis, ce raisonnement subtil nous parcu1 superflu. En effet, nous pensons que
les mesures .implicites ne suppléent qu'à l'absence de dispositions claires, explicites. Or, elles
existent et sont constitutionnalisées dans l'article 47. Nous en concluons qu'il n'y avait pas de
procédure de révision valable autre que celle prescrite par l'article 47. En appliquant la loi de
1969, le Chef de l'Etat a entendu contourner la révision parlementaire nécessitant une double
majorité des députés de chacun des Etats fédérés. En retirant au Parlement fédéral le pouvoir
de révision, la filiation gaullienne de la pratique camerounaise s'est affirmée une fois de plus,
aux dépens de la nature fédérale de l'Etat. La révision, traditionnelle et démocratique dans son
esprit, a été transformée par le biais du référendum, en instrument de renforcement des
pouvoirs du Président de la République.
Instauré dans le déséquilibre à Foumban, le fédéralisme a expiré irrégulièrement le 20
mai 1972. Mais, a-t-il au moins réalisé sa mission?
'111111Phl 2: l'échlc socle-pollUqUI dllédél111SII1 ClliorOIDlls
oll'bIDetbéU,le crilDoD dll'IRlté DIUOIIII
Selon Doudou 1HIAM, '1'étude du fédéralisme est intéressante à maints égards en
Afrique; car, il met en présence des ethnies, des langues, des habitudes mentales, des
traditions fort différentes" 493. C'est cette diversité, source d'instabilité et source de non-
coihcidence de l'Etat et de la Nation que les Camerounais se proposaient de conjurer en
optant pour le système fédéral. Leur a-t-il servi ? Sincèrement, nous ne le pensons pas. En
confondant unité territoriale et unité nationale494, il faut convenir que ni l'une, ni l'autre n'a
été réalisée; ou, si l'on veut être optimiste, aucune des deux n'est encore acquise, Nous avons
démontré au chapitre 1 (f.1) que l'unité territoriale était incomplète à cause de l'amputation
territoriale, même si certains anglophones se sont joints aux francophones. S'agissant cette
fois du mythe de l'unité nationale, il faut, faute d'arguments convaincants, reconnaI1re qu'i1495
n'en est plus un. En effet, si le mythe se définit comme une idée force, il faut se résoudre au
fait que celui de l'unité nationale ne soulève guère les foules. Seuls -peut-être- les gouvernants,
et particulièrement le Président AHIDJO qui en a fait le leitmotiv de sa politique, y croient
encore. Nombreux sont les camerounais qui estiment que le sentiment national -le vouloir vivre
collectif d'Ernest RENAN -était plus répandu, plus partagé avant l'indépendance.
A notre avis (et nous espérons sincèrement être dans l'erreur), deux facteurs -parmi
tant d'autres- justifient l'indifférence, voire l'appréhension des citoyens à
l'idée d'unité
493oouoou (Thiarnj, op. cil. p.IS
4940 s'agit du mythe de l'unité nationale
495Avancer que la République Unie parfait l'unité nationale, revient à dire que chaque fois qu'~ y a un Etat Unitalre,~ y a ipso
facto, unité nationale. Rien n'est plus nai1;

L'expérience du iédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
317
nationale, Il s'agit de la pratique de la politique d'équilibre (A) et de la mission impossible
confiée à l'UNC (B),
A - La politique d'équilibre et la question de l'unité nationale
Le Cameroun, awc sa très grande diwrsité, peut être considéré comme le symbole des
hétérogénéités,
Régions au niwau de déwloppernent
inégal ,au niwau de scolarisation éparpillé.
Tribus, ethnies, clans nombreux, Entre les villes et les campagnes, la désarticulation est encore
plus manifeste, fi ne faut pas aussi oublier les contrastes linguistiques et religieux, Comment
superviser ce "magma" ?
Nos princes ont choisi de pratiquer une politique d'équilibre entre les reglons
administratiws, ooire au-delà entre les ethnies ou, si l'on wut, entre les tribus. C'est ainsi qu'au
niwau de recrutement dans la Haute administration (Ecole Nationale d'Administration et de
Magistrature, Ecole Militaire Inter-Armes, Centre Uniwrsitaire des Sciences de la Santé, Ecole
Nationale Supérieure de Police, etc...), lors des nominations à des postes de responsabilités (du
ministre au chef de service), le Chef de l'Etat a toujours tenu compte de la représentativité
tribale ou ethnique de chaque postulant. Ce souci de faire participer les ressortissants de tous
les "coins" est en soi fort louable. C'est une politique qui va dans le sens de l'intégration
nationale. Analysant la représentativité au sein du parti, nous aoons dit que cette pratique était
indispensable , A la limite, on pourrait la considérer comme une forme de fédéralisme
relationnel,
Mais le paradoxe wut qu'une systématisation permanente de la politique d'équilibre,
au lieu de renforcer l'unité, la mine à la base, la détruise en faisant des gens lésés des éternels
mécontents. En effet, lorsque
deux étudiants en médecine qui prêteront tous le serment
d'Hippocrate au bout de six ans et qui seront amenés à opérer la même "appendicite" sont
recrutés sur des bases différentes, lorsqu'un candidat malheureux a plus de note qu'un candidat
reçu, quand le crédit bancaire s'octroie plus facilement à tel groupe plus qu'à tel autre, toutes
ces irrégularités "institutionnalisées" de fait sont source de conflits latents. Bles sont à l'origine
des surchauffes (du stress) qui, à tout moment, peuwnt ébranler le système, fi nous semble
qu'une politique d'équilibre, pour qu'elle contribue à l'unité nationale, doit être corrigée en
permanence par la reconnaissance du mérite personnel. Ce dernier aurait une fonction
tribunicienne dans le système par la légitimation des nominations effectuées par le Chef de
l'Etat.

1
L'expérience du fédéralimse camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
318
1
B - L'UNe peut-eUe être le creuset de l'Unité Nationale?
Les gouvernants ont assigné à l'Union Nationale Camerolllaise la redoutable mission
de construire l'unité nationale 496. fis lui ont aussi confié
cet autre objectif -non moins
fondamental- d'assurer le développement économique.
Dans sa doctrine, l'UNC veut "promouwir et consolider Ille UJÙté nationale véritable,
c'est-à-dire Ille atmosphère de cohésion, de fraternité et de compréhension, c'est-à-dire Ille
ambiance politique saine entre des hommes qui, au sein d'Ill même espace territorial, savent
qu'ils poursuivent ensemble les mêmes buts pour le bien de la commlllauté nationale 497. Et
ce n'est pas tout. Le parti veut "susciter et renforcer l'adhésion populaire aux moyens
préconisés pour atteindre les objectifs de la nation en éveillant dans le coeur de chaque citoyen
la foi, la convection et la wlonté" d'être le militant d'Ille cause qui dépasse les notions de
tribu, de religion, et qui rejette tout individualisme, qu'il soit de groupe ou de personne" 498.
L'UNC a-t-elle réalisé ces nobles projets? Une fois de plus, les avis sont partagés.
- Pour WiUard Johnson, l'UNC est facteur d'intégration. Dans son ouvrage intitulé The
Cameroon Federation: Political integration in fragmentary society 499, l'auteur étudie III cas
d'intégration politique en Afrique; en l'occurrence le cas camerolllais. fi justifie son choix par
le fait que notre pays est microcosme de l'Afrique avec sa diversité (entendu au sens le plus
large). Remarquant la persistance (assimilée à III succès) d'Ille fédération bilingue et
pluriculturelle, l'auteur se pose la question de sawir comment les différents antagonismes ont
été réduits pour aboutir à l'intégration ? Sa conclusion est la suivante : au Camerolll, le
pouwir est détenu par III appareil administratif qui n'est pas aussi faible et aussi limité que
dans d'autres nouveaux Etats. C'est pourquoi, la principale justification du parti UJÙque était le
désir de la fraction dominante de l'élite de se légitimer aux yeux des groupes concurrents de la
classe politique. L'UNC privilégiera alors ses fonctions de recrutement, de commUJÙcation, de
socialisation de l'élite par rapport au rôle général d'agrégation et d'articulation des intérêts
commllls aux formations politiques.
Selon Willard, le rôle intégrateur de l'UNC a consisté à récupérer l'élite. Nous
admettrons cette conception oligarchique de l'intégration si l'élite était vraiment l'émanation
des masses. De plus, le jacobinisme de cette thèse ne se démontre plus. Pour Johnson,
intégrer c'est tendre vers III centre UJÙque.
4~. lAUROPFF (DIMTTRI-Georges) résume en ces termes la mission confiée au parti unique en Afrique noire : '"fous les
hommes politiques africains insistent sur la nécessité de construire ou de renforcer l'unité nationale des Etats. Cet objectif qui
consiste à vouloir faire une Nation à partir des élements hétérogénes qui composent les actuels Etats est certainement primordial.
Les responsables soulignent que la plupart des difficultés rencontrées sont la conséquence de la politique coloniale et des conditions
dans lesqueOes le colonisateur à donné l'indépendance à ses anciens terrttoires(pA3). Ainsi, lutter contre le multipartisme et établir
un système de parti unique,même en utilisant des moyens coercitifs, c'est assurer la construction d'une cormnunauté nationale et
surmonter les oppositions internes qui ont été réwillées et encouragées par le colonisateur qui espère en profiterjp. 46)
Voir dans la coOection Que Sais-ie, Les partis politiques en Afrique Noire
497Fondements de la Doctrine de l'UNe, p.40 du Guide du Mn..ITANT UNe
498Fondements de la Doctrine de l'UNe, pAO du Guide du Mn.JfANf UNe
499wiDard (Johnson), op. pp. 233 à 235.

1
L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
319
1
Nous le suimns, pas sur cette mie.
1
- Incontestablement, il faut
partager avec le professeur GONIDEC, l'idée selon
laquelle, l'UNC est l'instrument privilégié dans la recherche "d'intégration de toutes les autres
forces politiques dans une relation de dominant à dominé" 500. Se mulant une "organisation
politique populaire" (thèse nO 12), c'est-à-dire une organisation qui "a wcation à grouper en
son sein tous les citoyens camerounais sans exclusive", l'UNC ne peut elle-même, s'épanouir
qu'en faisant disparaître ou en influençant fortement les autres forces politiques (syndicat,
partis, chefferies, intellectuels, etc...)
En contrôlant les autres forces politiques, l'UNC accroît-elle forcément le sentiment
national de leurs leaders. Cela est discutable. L'UNC n'a-t-elle pas plutôt développé une
clientèle attachée à la personne du chef de l'Etat? Mais le plus important pour l'UNC - selon
nous - reste à samir si le parti a amené le Camerounais à penser "Cameroun" (Nation) au lieu
de son entité tribale. n n'est pas question de samir si depuis l'avènement de l'UNC , les
Camerounais ont abandonné leur tribu ; il s'agit de samir si le sentiment d'appartenance
tribale, ethnique s'est atténué au profit de l'idée de nation. Bien heureux celui qui pourrait
fournir une réponse objective, remarque incontestablement qu'il n'y a plus de tension entre les
ethnies, il serait illusoire d'ignorer le fait ethnique latent, prêt à exploser à la moindre
occasion. L'ambiance des matches de football corrobore nos réserves.
En conclusion, la Nation Camerounaise n'est pas encore une réalité. Le Chef de l'Etat
précise d'ailleurs qu'elle est en mie de se faire, qu'elle est une conquête de tous les jours.
L'honneur du "chemin parcouru ensemble" ne saurait en aucun cas revenir au parti, à
l'UNC dont l'apathie des militants est le reflet de la faiblesse de leur foi 501 non seulement au
parti, mais aussi aux objectifs qu'il veut réaliser, et parmi ceux-ci, l'unité nationale.
Donner un sens à l'UNC, consisterait à l'organiser autrement, à lui assigner une autre
mission, à lui trouver des thèmes plus mobilisateurs ; en somme, à rechercher un autre mythe
ou au moins à recycler le thème de l'unité nationale.
D'ailleurs, le fédéralisme camerounais a eu le mérite de résister longtemps aux forces
centripètes avant de succomber à leur pression. En effet, dans le reste du continent, les autres
fédérations ont rapidement échoué.
5OOGONIDEC (p;f) "Le régime politique Camerounais"in Le Monde de juillet 1976
501La remarque est générale en Afrique: Le propos du Secrétaire Général du POCI formulé dans le Mois en Afrique, octobre
1973 nO 94 p. 73, va dans le même sens : "Militer est devenu une routine ... la diffusion des mots d'ordre du parti est considérée
corrune obligation que l'on exécute normalement mais sans y apporter la plupart du temps la foi qui emporte l'adhésion"

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
320
SECTION 2
L'INADEQUA'nON DU FEDERALISME EN AFRIQUE502
Né tantôt du désir certain des africains de s'associer - de faire une oeuvre commune, en
s'appuyant sur des entités politiques, ethniques, culturelles différentes - et tantôt d'un calcul
froid des colons, le fédéralisme n'a pas eu un destin heureux dans notre continent.
Aujourd'hui, seul le Nigeria est encore fédéral. Les propositions françaises de fédéralisme par
désagrégation au Tchad ont été assez mal accueillies par tout le monde, surtout par les parties
en conflit.
Nous nous efforcerons, de dresser la typologie des expériences fédérales qui ont vécu
l§1) avant de nous interroger sur les raisons fondamentales du déclin de cette forme d'Etat qui
paraissait pourtant convenir à nos sociétés plurielles l§2).
Paragraphe 1 : Le bilan négatif du fédéralisme en Afrique
Avant la colonisation, un genre de fédéralisme a pu exister en Afrique. A titre
d'exemple, l'on cite souvent la fédération de l'ASHANTI, qui a subsisté jusqu'au XXe siècle au
centre de la Gold Coast. La période coloniale et post-coloniale est florissante d'expériences
fédérales. Nous envisagerons successivement :
A - Le fédéralisme vertical d'inspiration française,
B - Le fédéralisme d'influence britannique,
C - Les tentatives de fédéralisme à base tribale,
o - Les autres expériences (Mali et Ethiopie, Ouganda, Libye).
A - L'échec du fédéralisme d'inspiration hançaise
10 - Madagascar
L'unification politique et administrative de l'île s'était réalisée sous l'autorité des
MERINAS. En 1956, la France "cherchera à donner un certain rôle politique aux provinces
qui
n'étaient jusque-Ià que de simples circonscriptions administratives 503. A la création
d'assemblées provinciales, suivra la mise en place d'un embryon d'exécutif provincial. La
première constitution de Madagascar en 1959 maintint ces assemblées qui avaient participé à
l'élaboration de l'acte fondamental. De plus il était même préw dans chacune des provinces .
Désormais il n'y aura plus d'autorités provinciales politiques. Elles ont été replacées par les
autorités administratives.
20 - Les tentatives de fédéralisme vertical: l'AOf et l'AEF
502Cette question a été abon:fée par plusieurs auteurs et nolIS ne pensons pas faire oeu","e originale ici
503PEPY(Daniel) • 'Les Etats Africains et leurs problèmes". cours professé il l'llAP. Tchad

1
L'expérience du fédéralimse camerOWlais : les causes et les enseignements d'un échec
321
1
Avec l'élaboration de la loi-cadre (1955-1956),
acte de base du regune
d'autonomie interne, le problème à résoudre était celui de savoir quelles autorités exerceraient
1
les pouvoirs d'autonomie interne. Le choix devait s'opérer entre les autorités des huit
territoires d'AOF 504 et des quatre territoires d'AEFso5, et les autorités fédérales installées à
1
Brazzaville et à Dakar . La France souhaitait que le pouvoir soit dévolu aux autorités
territoriales, .C'est le point de we d'HOUPHOUEf-BOIGNY qlÛ a prévalu. Mr PEPY souligne
à nouveau qu'en 1956, les deux Assemblées, c'est-à-dire les grands Conseils sont restés ce
1
qu'elles étaient, les pouvoirs n'ont pas été augmentés et surtout on n'a pas créé d'exécutif
fédéral". Lors de J'élaboration de la constitution de 1958, le problème des structures
constitutionnelles
de
l'Outre-Mer
opposera
à
nouveau
SENGHOR
-partisan
de
1
J'EURAFRIQUE- et HOUPHOUEf-BOIGNY, défenseur de la thèse du territoire. C'est encore
la solution du Président Ivoirien qlÛ l'emporta. Dès lors, il n'y aura pas de création d'un
1
Exécutif fédéral comme le souhaitait le Président Sénégalais ; bien au contraire, ce sera la
création d'Etats autonomes. L'année 1959 et surtout 1960, marque le coup d'arrêt de tout
rêve fédéraliste d'obédience française en Afrique.
1
B - L'ECHEC DU FEDEBAUSME O'INB.UENCE BWTANMQUE
Les autorités britanniques vont créer des fédérations en Afrique Centrale et en Afrique
Orientale 506.
10 - L'Afrique Centrale-Britannique
Dès 1926, la Rhodésie du Sud bénéficiait d'un régime d'autonomie interne.
Mais, en 1953, était créée la fédération des Rhodésies-Nyassaland, regroupant la Rhodésie su
Sud et les deux territoires coloniaux du Nord et Nyassaland. Cette fédération était dotée de
l'autonomie interne, par conséquent, d'un organisme législatif et d'un gouvernement
responsable. Toutes ces deux institutions étaient dominées par les Européens. Est-il besoin de
préciser qu'économiquement, cette fédération était viable. La Rhodésie du Sud, riche au point
de we agricole, détenait dans sa partenaire du Nord, un débouché pour ses produits. Cette
dernière détenait des ressources minières abondantes : ce qlÛ promettait un avenir industriel
radieux pour la fédération. Cette fédération a duré onze ans. Sous les critiques des africains qlÛ
déploraient le monopole européen sur la vie politique et, avec l'indépendance du Nyassaland
sur le nom de MALAWI en 1969, cette fédération a expiré,
2 0 L'Afrique Orientale Britannique
Les anglais vont essayer de créer une autre fédération entre le Kenya,
l'Ouganda, et le Tanganyka. Cette fédération a été boudée dès le début par les européens
504L'AEF comprenait: 1910 A 1958 : Gabon, Oubangui, Moyen-Congo,
S05t.·AOF comprenait: 189;"1958: Sénégal, Mauritanie, Soudan, Guinée, Haute-Volta, Niger, Dahomey, Côte-Ivoire
~us ne citons pas le Commonwealth, cette espèce de confédération (absence d'exécution fédérale et dépowwe d'autorité
législative).

L'expérience du lédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'Wl échec
322
installés au Kenya qui craignaient de perdre le monopole du pouvoir politique. Les Africains la
récusèrent à leur tour parce qu'elle allait retarder ou empêcher leur accession à la direction de
leur pays. De plus, juridiquement, le TANGI\\NYKA étant un territoire sous tutelle, son
caractère spécifique l'empêchait d'entrer dans une autre entité politique et administrative.
.
Instruite des diverses réticences, la Grande-Bretagne se résolut à organiser des
services communs 507entre ces différents territoires. Leurs sièges furent installés à NAIROBI.
Insensiblement, la puissance anglaise venait de mettre en place un système quaskonfédéral.
Avec les indépendances du TANGANYKA en 1962, ensuite du KENYA et de l'OUGANDA,
s'évanouissent les rêves de création d'une fédération sous houlette britannique.
C -Echec des tentatives fédérales à base tribale
Ici, il sera question d'aménager les relations entre les groupes tribaux et raciaux
différents sur des bases égalitaires au sein du même Etat. Trois cas nous serviront d'exemples.
ID • La question fédérale au GHANA
La constitution de la Gold Coast de 1951 est unitaire. A l'approche de
l'indépendance, certains chefs traditionnels souhaitaient obtenir une certaine autonomie pour
leurs régions respectives. En réponse à ce voeu, un projet de constitution fédérale fut élaboré
en 1956. n obtint le soutien des chefs traditionnels et principalement celui du chef des
A5HANTI, l'A5HANfENE. Le projet fut défendu également par le Dr KOR
BU5TIA,
s'opposant à NKRUMAH. L'on sait que le Dr
NKRUMAH, pan-africaniste de renom
repoussa ce projet et c'est une constitution unitaire qui fut adoptée en 1957 lors de
l'indépendance du GHANA.
21J - La question fédérale au IŒNYA
Ce pays renferme en son sein plusieurs groupes tribaux et plusieurs
minorités508. Le groupe majoritaire des tribus KIKOUYOU était en faveur d'un régime
unitaire. Les autres tribus, moins nombreuses souhaitaient un système fédéral. Le problème de
la forme d'Etat était défendu par deux partis politiques. La Kenya Africain National Union
(JOMO KENYATTA et TOM MBOYA) était en faveur de la solution unitaire, la Kenya African
Démocratic Union, représentant des minorités, était -pour des raisons évidentes- en faveur du
fédéralisme. Le triomphe du parti unitariste sera totalement consacré quand le parti de JOMO
KENYATTA recevra les leaders du parti d'opposition dans ses rangs. Une constitution unitaire
s'établira en 1964.
507Exempie : transports et communications.
508ns'agit de minorités asiatiques, indiennes, pakistanais.

L'expérience du lédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
323
3D - La question fédérale au CONGO-LEOPOLDVILLE
A la veille de l'indépendance en 1960, deux thèses s'affrontent dans l'ancienne
possession belge: la thèse de l'urûté et la thèse de la Fédération, KASAVUBU et LUMUMBA
défendaient la première solution. Les chefs traditionnels (.. encore eux..), font de la diversité et
de l'immensité du territoire, souhaitaient W1e fonnule d'Etat plus souple, la fonne fédérale.
Cette dernière thèse participait du jeu de l'autorité coloniale. Si finalement la thèse unitaire a
réussi, on sait le prix qui a été payé pour la consolidation de l'unité territoriale (Shaba 1 et n
l'attestent). TSHOMBE et son Katanga, en ont eu pour leurs frais.
En pensant aussi au Biafra, on pourrait déduire que le fédéralisme à base
tribale, s'il n'est pas compris, peut apparaître comme W1e manoeuvre sécessionniste,
séparatiste, déstabilisatrice.
D - Les autres tentatives de fédéralisme étatique
Nous citerons pour mémoire, le cas de la Lybie, de l'Ethiopie, de l'Ouganda, du Mali.
10 La lybie
Le sort de cette colonie italienne (1912-1943) conquise par la France et la
Grande-Bretagne a été réglé par l'ONU, Un Etat souverain de type fédéral englobant la
Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan, a été mis en place. Le 7 octobre 1951, l'Assemblée
Nationale adopta W1e constitution créant W1 Etat fédéral. Dix ans après, l'expérience fédérale
avait vécu et la Lybie devint W1 Etat urûtaire en 1963 509.
20 ·lt Etlüopie
Après la guerre de 1939-45, l'Erythrée, ancienne colonie italienne, qui ne
voulait rester ni italienne, ni être W1 territoire sous tutelle fut rattachée à l'Ethiopie en 1951.
Ce régime d'essence inégalitaire était considéré par le Négus comme essentiellement
provisoire. En 1962, la fédération pris fin avec l'annexion pure et simple de l'Erythrée.
Désonnais, il n'existera plus qU'W1 Etat unitaire fortement décentralisé au profit des provinces
surtout au profit de l'Erythrée (situation toujours explosive).
3D - La Fédération du Mali
Fille du Sénégal et du Soudan, née en 1959, cette expérience exprimait le refus
de la balkanisation de l'Afrique noire française du Président SENGHOR. La France refusera de
reconnaître légalement ce nouveau pays à cause de l'adoption du principe d'autonomie pour
les Etats de la commW1auté. D ne faut pas oublier que l'on était en 1959 avant les
509GONIDEC(P.f), op. cil. ,p. 171

L'expérience du fédéralimse camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
324
indépendances,. Dès 1960, la fédération éclata pour donner naissance à deux Etats
souverains.
40 - L'Ouganda
Selon Mr MBAIDJOC NGONlARDJE-KABRA510, le fédéralisme Ougandais
serait né de l'évolution simultanée des institutions du gouvernement colonial et des institutions
des Royaumes et Districts de l'Ouganda. En effet, le désir des britanniques de créer un Etat
unitaire ougandais se heurtait à la résistance du royaume du Bouganda vite suivi par trois
autres royaumes. Le compromis entre ces deux attitudes n'était autre que le fédéralisme. La
tension qui existe entre le Premier Ministre MILTON OBOTE et le KABAKA, Président de la
république fédérale de l'Ouganda, conduira au coup d'Etat de 1966
qui mettra fin au
fédéralisme.
La Tanzanie est devenue aussi une République Uniéll. A ces différentes
expériences, il faut ajouter beaucoup de projets fédéralistes qui sont restés enfermés dans les
tiroirs. Ds'agit surtout du :
- projet d'Etat fédéral SENE-GAMBIE (Sénégal-Gambie),
- projet Nord-Africain,
- projet Egypte-Ubye,
- projet Tunisie-Ubye,
- des rumeurs de projet (Cameroun Fédéral-Guinée Equatoriale).
Devant l'inventaire de cet hécatombe fédérale, l'indifférence est complice.
Aussi,
convenait-il de s'interroger.
'Ingnlili 2: III nlll.118ndl1l8nblll d8nDIICcèl dl Il
lorlll181tdtrlie IllIrIqUI
Aux causes de l'échec du fédéralisme excellemment exposées par le professeur
GONIDEC (Al, nous ajouterons quelques autres, essentiellement basées sur la rareté d'une
idéologie fédérale dans le continent africain (B).
A - Les causes de l'échec du fédéralisme selon le professeur GOMDEC
La classification de cet auteur repose sur les facteurs exogènes (§1) et les considérations
endogènes (§2).
510r-.mAIDJOC NGONlARDJE-KABRA :Recherche sur l'organisation d'une sociéé pluraliste sur une base fédérale: le cas du
Tchad. Mémoire de Master's Degree en Relations Internationales, IRIC, juillet 1979, p. 89 et ss
511La République Fédérale de Tanzanie était fonnée dès 1964 par l'Union de Tanganyika (1961) de ZanzibaJ11963)
,

L'expérience du fédéralimse camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
325
1 D - Les facteurs exogènes
TI s'agit principalement id, du rôle joué soit par des Etats extérieurs à l'Afrique,
soit par les colons européens établis en Afrique, Cette intervention va tantôt dans le sens de la
création de l'Etat fédéral, tantôt elle précipite l'expérience au profit de l'Etat unitaire
centralisé. D~ les deux cas, la contradiction n'est qu'apparente. Le but inavoué d'une telle
pratique
consiste à sauvegarder les acquis d'un système révolu. Ce faisant, il s'agissait de
diviser le pouvoir, de l'émietter de façon à éviter qu'il ne soit totalement assumé par les
Africains. C'est la France à Madagascar; c'est la Grande-Bretagne dans le cadre de la
fédération d'Afrique Centrale et en Ouganda. C'est encore la crainte de la France qu'au Mali,
l'autorité des Hauts Commissaires de Dakar et Brazzaville ne soit entamée, Entre le maintien
de la communauté et celui de la fédération du Mali, Paris, servie par les querelles africaines, a
choisi la désintégration de la fédération.
L'Etat Congolais512, pour sa part, a subi les effets désintégrateurs de la
politique des grandes sociétés belges (Union Minière du Haut-Katanga et Société Générale de
Belgique). Pour les colons, le fédéralisme n'est rien d'autre qu'une formule verticale de
distribution du pouvoir.
2 D - Les considérations endogènes
Pour le professeur GONIDEC, 'le problème est de savoir quels sont les fadeurs
déterminants qui poussent les dirigeants africains vers l'Etat unitaire ou inversément vers la
fragmentation de l'Etat fédéral, vers la sécession"513. TI relate les diverses opinions qui
privilégient essentiellement les questions de personnes, notamment la rivalité de SENGHOR et
de MODIBO-KmA pour la course au leadership. Le professeur mentionne également les
conceptions différentes de l'indépendance des nouveaux Etats 514.
En définitive, il faut remarquer que le fédéralisme est source d'éparpillement du
pouvoir. Or, la volonté du pouvoir central étant de se manifester, d'être ressenti dans le
territoire le plus reculé, l'arsenal des dispositifs de l'Etat unitaire semble correspondre
davantage aux préoccupations de nos princes. A notre avis, le droit (en réalité, l'obsession de
la centralisation), la psychologie, l'influence des puissances étrangères ne sont pas les seuls
512L'expérience congolaise est très foDdorique. en effet, chronologiquement, on peut établir l'évohrtion suivante,
- 1960 , Création d'un Etat fédéral
- 1960, Il juillet , indépendance du Katanga
- 14 janvier 1963 , lin de la session
-juillet 1964 , adoption d'une constitution fédérale
-1967 , abandon du fédéralisme pour l'Etat Unitaire
513GONIDEC (p.F), L'Etat Africain, op. cit.;p.179.
514voici ce que PHIUPPE Decraene dit des vicissitudes de la Fédération du MaU : "Néanmoins, réduite à deux partenaires, la
fédération ne pouvait fonctionner hannonleusement que si l'unanimité des wes se maintenait entre sénégalais et soudanais. Or,
dès l'accession àl'indépendance le 18 juin 1960, les partisans du maintien d'un système fédéral souple se heurtèrent aux ~eants
de Bamako, défenseurs d'une conception unitaire de l'Etat . En fait, au-delà des doctrines, deux styles s'affrontaient. A la
démocratie sénégalaise, les dirigeants soudanais entendaient substituer le régime de parti unique. Aux doctrines socialistes mais
teintées de la préparation du plan sénégalais de 25 ans, les soudanais préféraient la mobilisation des masses et les methodes
maxistes" in Le Panafricanisme", coD. Que sais-je, P.U.F. Paris

L'expérience du fédéralisme camero\\ttlllis : les causes elles enseignements d'\\ttl échec
326
facteurs explicatifs du déclin, ou plus précisément de l'absence de fédéralisme en Nrique. Ne
faut-U pas leur ajouter le manque d'lme pensée fédérale typiquement africaine?
B - La rareté de l'idéiologie fédérale dans le continent africain:
S'il faut prendre en considération le fait que "l'idéologe est lU1 ensemble d'idées
propres à lU1 groupe, à lU1 temps donné" 515, force est de constater qu'en Nrique, les temps
ne sont pas à la morosité idéologique516. Le mimétisme verbal a toujours été très poussé ici.
Dans notre continent, 011 pourrait classer les idéologies en deux groupes :les idéologies de
protection et les idéologies de maintien. Les premières qui régissent les rapports externes aux
Etats
comprendraient le
panafricanisme,
l'unité nationale,
la
souveraineté
nationale,
l'indépendance, la négritude... etc, les dernières, qui se manifestent à l'interieur des Etats, ont
pour noms capitalisme libéral, socialisme démocratique, maxisme léniniste à la soviétique ou à
la chinoise51?
Pour nous - et c'est la définition que nous appliquerons - l'idéologie est le
soubassement théorique d'lU1e oolonté réelle, Dès lors, s'il est des penseurs du panafricanisme
(NKRUMAH), de l'unité nationale (presque tous les chefs d'Etat s'en réclament), U faut se
convaincre d'lU1 projet global du fédéralisme. Ce qui est tout à fait normal compte tenu du fait
que selon les hommes politiques africains, l'unité nationale se réalise beaucoup plus
rapidement à travers l'unité territoriale ; donc dans le cadre d'lU1 Etat Unitaire (assimilation
précipitée et coupable).
Toutefois, Ufaut rendre hommage à CHEIK ANTA DIOP qui a - seul51s - formulé les
hypothèses d'lU1 Etat fédéral. Dans son ouvrage au titre programmatique suivant : Les
fondements économiques et culturels d'lU1 Etat fédéral en Afrique Noire519 , il a consacré le
chapitre 3 à l'lU1ité politique et au fédéralisme. Pour cet auteur "pour éviter les situations
comme celle du Guatemala, où l'on assista à lU1e situation extraordinaire : lU1e simple
compagnie étrangère, l'United Fruit (U.5.A) , renverse le gouvernement local pour lui
substituer lU1 autre à sa convenance, l'idée de fédération doit réf1eter chez nous tous, et chez
les responsables politiques en particulier, lU1 soucis de survie par le moyen d'lU1e organisation
politique et économique efficaces dans les meilleurs délais, au lieu de n'être comme lU1e
expression démagogique, dUatoire, sans conviction du bout des lèvres52°.D faut - ajoute l'auteur-
"faire basculer l'Noque Noire sur la pente de son destin fédéral", D précise également que
'"
Grosser (Alfred) - "contre la morosité idéologique" in le Monde des 19-20 août 1979
".
Dans conscience, NKRUMAH écrit que l'idéologie joue un rôle clef comme facteur nécessaire de la
société donnée et tout spécialement des sociétés de classes, car, outre qu'elle s'efforce de promouvoir des
attitudes et des fins communes à toute la société, l'idéologie dominante est aussi ce qui décide de la forme que
les institutions doivent prendre en telle ou telle circonstance et de l'orientation à donner aux efforts de tous".
'"
A l'évidence, ces énumérations ne sont pas limitatives, On peut toutefois noter le succès de thèmes
socialistes:
- Socialisme scientifique
- Socialisme africain - socialisme humaniste - socialisme communalisme de l'UJAMAA (Nyeréré).
Nous ignorons le fédéralisme conventionnel de Doudou Thiam.
Publié à Présence Africaine, Paris, 1974
12.
Cheik Anta DIOP, op. cit., p,3\\.

l'expérience du fédéralisme camerOlmais : les causes et les enseignements d'un échec
327
l'établissement des liens organiques fédéraux au détriment des liens avec les anciennes
métropoles ne conduira nullement au chaos économique. La prolifération des hommes
politiques - qui par ailleurs ne sont pas à la hauteur des problèmes économiques - est un fait
spécifiquement africain issu de la colonisation des métropoles différentes et du morcellement
en territoires administratifs des vastes régions conquises. CHEIK ANfA DIOP fera trois séries
de remarques :
- Prémièrement," à cause des multiples intérêts, les africains s'attachent de plus en plus
aux frontières des différents territoires alors qu'une fédération des Etats africains aboutirait à
l'abandon partiel ou total de souveraineté".
- Deuxièmement, "il n'existe même pas une sorte de cartel des présidents ou chefs
d'Etats comme embryon du gouvernement fédéral. On constituerait ainsi une direction
collégiale au sein de laquelle on refuserait la primauté à un chef d'Etat quelconque, jusqu'à
l'indépendance totale de l'Afrique ".
- Troisièmement, à l'inverse, J'auteur recuse J'institution d'une variété de diète
consultative, qui maintiendrait les Etats dans le statut quo, consacrant la mosaïque des Etats.
Ce projet généreux et tmique en son genre en Afrique, émane d'un penseur et non pas
d'un homme politique. Dès lors, il ne sera jamais réalisé. De plus, il faut reconnatlre qu'il reste
assez général pour une éventuelle application.
Le fédéralisme camerounais a vécu; c'est la situation de droit commun en Afrique. A
bout de ce '\\oyage", qu'apportons-nous à l'étude du fédéralisme?
SEcnON III : DES REFLEXIONS POUR UN PROJET DE
FEDERALISME EN AFRIQUE
Pour asseoir notre proposition ($2), nous écarterons certaines vérités apparantes ($1).
Paragraphe 1 : La recherche d1un environnement pour une
proposition : la réfutation des faux acquis.
D'entrée de jeu, quelques dogmes sur lesquels nos princes et certains penseurs
ponctifient, méritent d'être démystifiés et démythifiés. li s'agit essentiellement de ;
- la polysémie du concept de démocratie,
- la fatalité du parti unique,
- le mythe de l'Etat-Nation.

L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
328
Al • La polysémie du concept de démocratie
Abraham LINCOLN aurait de la peine à reconnaître toute la descendance bâtarde de
son "fameux gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple", En effet la démocratie est
aujourd'hui l'un des thèmes les plus revendiqués à gauche comme à droite par les
bourgeois(démocratie libérale pluraliste), par les communistes (démocratie populaire) et même
par certains Etats du Tiers-Monde (démocratie unanimitaire).
Le président AHIDJO insiste sur le fait qu'il n'y a pas "d'étalon de démocratie" et qu'il
convient à chaque pays - compte tenu de ses propres réalités sociologiques - économiques -
politiques - de se forger son type de démocratie.
Maurice Duverger tranche ce débat en posant - sans nuance - que "toutes les nations
du monde actuel ne sont pas démocratiques. La plupart sont au contraire des dictatures plus
ou moins monolithiques, plus ou moins repressives "521 . Pour nous, il
n'y a pas d"équi~ue
la démocratie ne peut être que pluraliste. En effet la contradiction interne à tout homme ,
"ondoyant et divers" selon le mot de Montaigne, se retrouve dans le peuple (demos) , base de
la démocratie. On ne saurait donc, sous peine de "massification " exercer par les fédéralistes ,
élever un podium aux prétendues démocraties qui privilégient la composante autorité au
mépris du paramètre liberté. L'inflation des définitions de la démocratie n'est en réalité que
'l'arbre" qui cache la forêt repressive. La démocratie se doit d'être alternative ou pluraliste, car,
ainsi, et ainsi seulement, elle assurera le plein épanouissementde la personne.
H) - La fatalité du parti unique
En dehors des hommes politiques africains, certains professeurs, que l'on ne saurait
soupçonner d'autoritarisme, ont plaidé pour le parti unique en Afrique. - Pour Burdeau,
"politiquement, il ne parail pas douteux qu'une pluralité
de partis ferait obstacle à la
construction de l'Etat qui est la première tâche à laquelle doivent s'attaquer les dirigeants.
Avant d'autoriser l'expression des différences, il est indispensable de créer une mentalité
commune siffisamment solide pour que le pluralisme ne conduise pas au déchirement d'une
communauté encore fragile. Les liens qui s'établissent par l'intermédiaire du parti unique
préparent, en les concrétisant, ceux qui, dans l'Etat unissent abstraitement les individus"522.
Roger-Gérard Schwartzenberg, dans son analyse du sous-<iéveloppement et du sur-pouvoir,
écrit que " le parti unique apparail comme un instrument d'intégration nationale, comme le
creuset de l'unité. Dans ces nations encore peu intégrées, les formations d'opposition risquent
de reflèter les diversités tribales et régionales. Faute d'une véritable allégeance nationale, le
pluralisme risque de dégénérer en séparatisme. En revanche, le parti unique permet de
concilier l'unité nécessaire et la diversité réelle. Le parti unique est le creuset où doivent se
fondre les particularismes des sociétés plurales"523 .
S2I
DUVERGER (Maurice) , Institutions Politiques et Droit constitutionnel l.Les grands systèmes
politiques. coll. Thémis,PUF, Paris, p. 29.
m
BUREAU (Georges), Traité de science Politique, T.3; La Dynamique Politique, LGDJ, Paris 1968,
pp 434 435.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
329
Légitimant le parti unique - agent de la production nationale - et de la confiscation
unilatérale des "mass media" par nos monarques, les analyses de nos deux professeurs
participent
d'Wle
vision
occidentalo-centrique
et
éoolutionniste
des
sociétés.
Par
condescendance, ils reconnaissent impUcitement que le continent noir n'est pas encore mOT
pour Wle démocratie pluraliste. Ce "chèque en blanc" accordé à nos féodaux est désaooué par
toute Wle série de facteurs et de déclarations. Le parti unique n'a été, selon Ahmadou
AHIDJO lui-même, que " le pourvoyeur de ces mythes et le catalyseur de ces sentiments qui
transmuent le Chef de l'Etat au symbole de la nation"524 ; ce qui est Wle conséquence du
processus de la personnalisation du pouooir. La condarrmation la plus systématique du parti
unique est formulé par Arthur Lewis dans son étude précitée. Selon cet auteur, '1e parti unique
n'a pas fait la preuve ni de sa nécessité, ni de ses mérites". Il ne garantit ni la Uberté des
citoyens, ni la stabilité politique, ni le progrès économique, ni la cohésion nationale. C'est Wle
maladie dont l'Afrique mérite d'être guérie".
La fréquence des coups d'Etat ponctuels subséquents aux partis uniques constituent Wl
désaveu formel au succès du monoUthsme en Afrique.
De plus, lentement mais progressivement, le continent noir rentre au multipartisme.
Laissons parler SENGHOR : "L'Wle de mes préoccupations majeures est de préparer
l'après-senghorisme. C'est pour cela que j'ai dit que le parti unifié c'est assez et qu'il fallait
passer au multipartisme, mettre le gont de la démocratie dans le coeur des Sénégalais". Le
Poête-Président continuait en ces termes: "Bien sûr, je préoois qU'Wl jour le Parti Socialiste
Sénégalais sera battu et qu'il y aura alternance". Cette prise de conscience arrive à point
nommé. Désormais, la réalité africaine se présente sous Wl autre jour. Nul doute que l'exemple
sénégalais est en train de faire tâche d'huile. La Haute-Volta - Le Nigéria - Le Ghana ne
viennent-ils pas aussi d'opter pour le multipartisme? Afin d'exorciser à tout jamais le fléau du
monoUthisme et son cortège d'interdits,
le
retour
au pluralisme s'est accompagné
généralement de garde-fous. C'est ainsi que pour éviter la prolifération des petits partis, on a
tantôt Urnité le nombre de partis à trois, tantôt on a exigé Wl certain pourcentage pour
constituer des formations autonomes. Pour nous, au-delà du masque de l'unification, le
multipartisme sied aussi à l'Afrique. Il est inhérent à sa personnalité qui est plurielle; et par
conséquent, compatible avec le fédéralisme. Qu'on amende le système partisan, cela est Wle
chose, qu'on la proscrive en mettant en exergue les prétendus bienfaits, du parti unique, c'est
là Wle autre paire de manches. Et c'est ce que nous récusons.
C) - Le mythe de l'Etat-Nation
Dans l'esprit des gouvernants, s'instaure Wle inquiétude certaine dès lors qu'il existe
Wle inadéquation entre l'Etat et son support sociologique, psychologique, la Nation. Les
Africains (politiques ou poUtistes), conscients de la fragilité de leurs Etats nés en 1884 à Berlin,
m
SCHARTWZENBERG (R.G), Sociologie Politique, coU. Université Nouvelle. Précis Doumat, Ed.
~onchrétien,Paris, 1979,p.303
'"
BRUDEAU (Georges), op. cit., T. 3 p. 435.

L'expérience du fédénilisme camerounais: les causes ct les enseignements d'un échoc
330
se sont toujours soudés de faire "éclater" les nationalités pour créer de véritables nations. Leur
objectif était et demeure toujours de faire co'Jhdder la Nation à l'Etat.
A notre aw, on peut en\\hsager sans risque majeur, la remise en question de
l'Etat-Nation. L'histoire prouve que l'Etat-Multinational est aussi viable (ex. : URSS - INDE -
CHINE). Dans le continent, nous préconisons l'Etat plu~thnique, calqué sur notre pluralisme,
c'est-à-dire sur nos éléments hétérogènes au sein desquels se sont établis les différentes formes
de consensus qui permettent des échanges. En effet, '1'Etat-Nation, en s'appropriant l'idée
force de la nationalité, non seulement refuse de prendre les risques d'une constitution
pluraliste, il exerce en plus une hégémonie culturelle propre à abolir toutes différences"525.
D'ailleurs, la concentration du poumir au niveau central et dans un lieu unique - la capitale -
empêche dans l'Etat-Nation le surgissement d'un jeu politique réel dans les diwrses
communautés de base. L'Etat pluri-ethnique s'accomode au rnieux du fédéralisme que ne le fait
l'Etat-Nation,
La critique de ces dernières données supposées immuables, nous conduit en dernière
analyse à notre proposition.
Paragraphe 2 - Pour un fédéralisme à base tribale (ou ethnique),
Alors qu'une idée généralement répandue wut que le progrès d'une société se mesure
aux efforts qu'elle accomplit pour s'éloigner d'un "tribalisme étroité, pour dewnir un
Etat-Nation moderne hautement centralisé, pourquoi rewnons-nous à la tribu?
Cyntia Enloé, une des animatrices du "nouwau pluralisme"526; répond pour nous à
cette question : "L'Etat Unitaire ou nation-entité apparue assez tardiwment sur la scène
historique, a souwnt rassemblé des groupes d'une compatibilité douteuse, partenaires
infortunés qui éprouwnt des difficultés à se plier à une vie nationale commune parce qu'ils ne
partagent pas les mêmes valeurs, qu'ils ont chacun leurs propres intérêts, ou qu'une longue
histoire de conflits mutuels les oppose, La mobilisation ethnique qui se produit aujourd'hui
dans le monde est dewnu selon cet auteur, un moyen de mettre à découwrt les erreurs du
modernisme en général, de nous forcer à reconnai'tre les éléments d'oppression inhérents à la
plupart des systèmes politiques". Désamorcer les tensions sociales passe en conséquence par
l'acceptation, sinon la création d'une société multi-ethnique. Les considérations de cet auteur
sont d'autant plus fondamentales que contrairement aux thèses émlutionnistes - la tribu n'est
pas une étape, un stade dans l'émlution de l'humanité 527, mais, une organisation pérenne à
m
FURTER (Pierre), ln "Disparités éducarives et Conscience Régionale", in Recherche-Pédagogique et
Culture, n' 5220 2e trimestre 1978, p. 20.
'"
CYNTlA H. ENLOE : Ethnic Conflict and Political Development (conflits ethniques et évolution
politique), Boston: Little; Brown, 282, p. Le nouveau pluralisme est un concept utilisé par de nombreux
savants (et notamment par des spécialistes des sciences politiques) pour rendre compte de toute une série de
situations sociales,
m
L'approche néo-révolutionniste distingue quatre stades dans l'évolution de l'humanité :
- le stade des bandes
- le stade des tribus
- le stade des chefferies

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
331
cause de son lointain fondement qui est la famille. D'ailleurs, s'il est une réalité africaine
persistante - qui ait résisté à la colonisation et aux gouvernants actuels, la tribu est bien celle-là
528. Aussi, est-il nécessaire de recourir à elle, non pas comme une panacée, mais comme une
thérapeutique de rechange.
Pénétrons la tribu et tentons d'établir ses relations avec le fédéralisme (Al avant
d'éxaminer comment peut s'organiser un Etat fédéral à base tribale (B).
A - La tribu comme fondement d'une réflexion
1 - La tribu est une organisation durable et générale
Tribu ou ethnie? On peut s'interroger, et la perplexité est concevable, dès lors que les
définitions des deux réalités, deux domaines de faits différents mais liés. D'une part, presque
tous s'en servent pour distinguer un type de société parmi tant d'autres (bandes, Etats) et qui
est un groupement de familles sous l'autorité d'un même chef. Dans cette optique, c'est une
organisation durable.
D'autre part, nous l'amns déjà envisagé (tout en le constatant), la tribu est un stade
d'é\\x:>lution de la société humaine.
- L'ethnie exprime l'unité de base aussi bien culturelle que politique de certaines
structures sociales. Pour certains auteurs, l'étendue d'une ethnie se montre variable. Un grand
village peut exceptionnellement en constituer une s'il manifeste une forte homogénéité, une
cohérence et simultanément, un isolement économique, dialectal et social de son entourage
ethnique. Cependant l'ethnie se situe au-dessus du niveau du village. La tribu la représente
dans la plupart des cas.
Dans notre hypothèse de travail, nous assimilerons ethnie à tribu, en considérant la
première comme la dimension linguistique de la seconde.
- S'agissant de la généralité de la tribu, toute tentative de preuve est superfeetative. De
l'Afrique du Sud au Maroc, du Sénégal en Tanzanie, le phénomène tribal est le dénominateur
commun dans nos Etats. Mais sur quelle base est organisée la tribu ?
2 • La tribu : une structure d'essence fédérale
- le stade de l'Etat centralisateur.
528
Dans "Conscience du Développement et Démocratie", publié aux Nouvelles Editions Africaines,
Dakar-Abidjan 1976, Pascal Lissomba sur la tribu, écrit ceci: "Le fait remarquable est qu'elle ait résisté aux
effets de délribalisation consécutifs au phénomène de la concentration urbaine". p. 32.

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
332
En eUe, la tribu porte déjà les gennes d'une fédération ou, à tout le moins, d'une
institution décentralisée. Le premier lien fédératif est la reconnaissance de la commune origine
qui est la descendance d'un même ancêtre. C'est ainsi que tous ceux et toutes ceUes qui
peuvent, par des liens masculins (sociétés patrilinaires) ou féminins (sociétés matrilinaires)
montrer leur ascendance au même ancêtre, sont considérés comme consanguins, Une certaine
gradation s'établit dans cette parenté:
1 - parenté \\ignagère
2 - parent clanique
3 - parenté tribale.
Les relations lignagères réUlÛssent ceux qui peuvent retracer leur ascendance à un
ancêtre commun réel en désignant à chaque génération, l'ancêtre intennédiaire.
Les relations claniques existent entre les descendants d'un ancêtre plus lointain, fictif
peut-ètre et qu'on ne peut de toute manière atteindre que par une chaîne interrompue
d'ancêtres intennédiaires.
Les relations tribales s'étendent à tous les membres d'une société globale à qui l'on
peut étendre le principe de parenté.
La nature fédérale de la tribu tient au fait qu'elle est un assemblage de clans. Chaque
tribu est individualisé par un nom (une espèce de nationalité), une langue (d, ethnie), une
culture, un gouvernement suprême, un tenitoire qu'eUe occupe et défend comme le sien
propre. Parfois, sinon toujours, les membres d'une même tribu partageront la même foi. En
cas de conflit, la défense de la tribu est assurée par un groupement spontané de ses membres.
En plus de la parenté, le système de degré d'âge (RIIKA au KENYA), contribue à
cimenter toute la tribu dans toutes ses activités. Jomo KENYATIA écrit ceci : "Ainsi, dans
chaque génération, l'organisation tribale gikuyu (du nom du fondateur de la tribu), est stabilisée
par les activités des différents degrés d'âge, jeunes et vieux agissant en hannonie dans la vie
politique, sociale, religieuse et économique" 529.
La tribu, d'essence fédérale est aussi un Etat. nest parfois difficile d'établir la ligne de
partage entre les structures tribales et ceUes de nos royaumes. Celles-ci diffèrent surtout par
l'importance des territoires et des populations. L'une des caractéristiques fondamentales de
l''Etat est, selon Max WEBER, la coercition. Or, celle-ci existe dans la tribu; eUe est détenue
par le représentant de l'ancêtre commun, investi d'une autorité certaine. De plus, "la sanction
des différends entre les familles va être à l'origine du droit, mais après une longue éoolution
sociale" 530. Dès lors, pour certains auteurs, il ne fait pas de doute que l'origine du pouooir est
tribale,
52'
KENYATIA (Jomo) - Au pied du Mont Kenya, F. Maspéro, petite collection Maspéro, Paris, 1965
p.24.

L'expérience du fédéralisme cameroun.is : les couses et les enseignements d'un échec
333
Toutefois, ooici un tableau qui illustre la forte décentralisation inhérente à la société
tribale, Une éventuelle correspondance peut exister avec l'organisation administrative de l'Etat
moderne.
Structures administratives, structure traditionnelles,
1
Le citoyen
La personne
2
La commune
La famille
3
L'arrondissement
Le lignage
4
Le département
Le clan
5
La région
La tribu
6
L'Etat
Le Royaume-Empire ou parfois la
tribu
Pour nous, une fédération à base aurait pour ene l'avantge de relier - tout en
préservant leur originalité - les différentes tribus.
3 - Les vrais et les faux dangers du tribalisme
les dangers de cette marche--à-reculons (puisqu'on nous objectera que l'Afrique n'est
plus au niveau de la tribu), sont nombreux, Exalter la tribu, n'est-ce pas inciter au nationalisme
tribal ? fn effet, on peut faire valoir
que les mouvements politiques tribaux (du reste; le
multipartisme antérieur le confirme) feraient obstacle à une intégration de la société et au
parti unique, auréole de toutes les vertus que lui trouvent nos dirigeants.
Mais, c'est encore aller vite en besogne, Nous aoons souligné que la Nation-Etat, une et
indivisible, était une pure fiction qui ne recouvrait aucune réalité sociologique. Elle permet
surtout de masquer la domination psychologique et institutionnelle que certains groupes (pas
forcément certaines classes), au pouooir depuis les indépendances, exercent sur d'autres.
Certes, les conflits tribaux peuvent résulter de la prise de consicence du fait tribal ; il ne
faudrait pourtant pas les exagérer dès lors qu'ils recouvrent une infinité d'affrontements
apportés par le modernisme. Très souvent, le tribalisme ne se limite qu'en vine, point de
rencontre des groupes différenciés, ce qui réduit par là-même son importance. Nous pensons
qu'en apparaissant comme la conscience des dirigeants, une espèce de clignotant social, le
>3.
BUFFELA (Jean-Paul) - Introduction à la Sociologie Politique, Abrégés Documents Méthodes, Paris,
1969, p, 12,

L'expérience du fédéral1sme camerounais, le. causes et les enseignements d'W) échec
334
tribalisme peut avoir une fonction positive pour les membres d'une communauté opprimée,
voire minoritaire 531, A l'évidence, il est plus reposant pour les princes - dans la pratique de
leur politique de l'amalgame - tantôt de nier l'existence du tribalisme, tantôt de vilipender ce
fléau pour mieux
sévir contre les opposants, en définitive, pour concentrer davantage de
pouvoirs 532.
B) - la traduction institutionnelle du fédéraUsme p1uri-ethnique ou à base
tribale
Nous avons vu que dans la tribu, deux liens essentiels unissaient les membres de la
société, fi s'est agi de la parenté et du système de degré d'âge, Si le premier s'assimile
difficilement au principe d'autonomie de l'Etat fédéral moderne, le second peut s'interprêter
comme une pratique de la loi de participation, S'agissant de l'Etat fédéral pluri-ethnique, on
doit aussi envisager un lien double, Le premier, qui n'est plus à créer, est représenté par
l'histoire commune du continent depuis la colonisation, fi s'agit de tout l'acquis du XXe siècle,
caractérisé par une suite d'humiliation, de privations, de préjugés. fi faut ajouter à ces maux la
situation de minorité (qualitative), toujours inhérente à ces Etats de la zone des tempêtes. Voilà
donc pour le passé commun de l'Etat-Nation. Mais, au-delà, il faudrait un facteur démocratique
intégrateur. Cette mission - pas impossible - reposera sur un système partisan adéquat; en
l'occurence, un multipartisme régionalisé à vocation rotatoire.
C'est à bon droit qu'après la condamnation sans lendemain du parti unique et de son
cliché tout autant négatif, le parti unifié (refus de SENGHOR), l'on revienne aux pratiques
purement africaines comme la démocratie pluraliste. En effet quelqu'ait été l'autorité des chefs,
des rois, des sultans, ces derniers ont toujours accepté l'existence auprès d'eux de writables
conseils. CHEIK Anta Diop voit même dans l'association des femmes africaines au processus
décisionnel, l'instauration d'un bicaméralisme avant la lettre.
Conformément à nos promesses, pourquoi pas un multipartisme tribal ? Non, puisque
non seulement le nombre de nos tribus est immense, mais encore il faut considérer comme
acquis le niveau de relations actuelles dans nos Etats. Au mieux, il faut les intérioriser. La
région sera donc l'apport de la modernité à notre hypothèse. En général, les structures
administratives de cette taille coincident avec l'assise territoriale d'une grande tribu ou de
plusieurs tribus dont le sentiment de cohabitation pacifique n'est plus à créer mais à fructifer, à
encourager. Chaque région aura son parti politique. Mais la différence d'avec le multipartisme
antérieur est qu'ici, l'Etat-major de chaque parti doit comporter autant de membres qu'il y a
des régions dans le pays. Concrètement, cela signifie que si un pays a six régions
'"
Dans l'Europe des Ethnies, "Réalités du Présent", Presse d'Europe, Paris, 1963,293 p. Guy Heraud
souligne à juste titre que "la condition minoritaire n'est pas directement fonction du nonbre, mais d'une
situation d'inégalité aux causes diverses. Ainsi les populations coloniales numériquement majoritaires, n'en
formaient pas moins des minorités, du fait de leur situation discriminée. "La minorité nationale, c'est toute
ethnie subjective qui ne jouit pas de la plénitude de ses droits", p. 76
\\l1
Qu'on nous comprenne bien: nous ne faisons pas l'apologie du favoritisme, du népotisme, du
tribalisme rudimentaire. Il s'agit de dépasser la critique facile du tribalisme - que nous déplorons - pour nous
interroger sur le pourquoi de cette panique.

L'expérience du lédéralisme camerOWlais : les causes et les enseignements d'lm échec
335
administratives, son système partisan sera composé de six partis, Son comité directeur aura six
membres, Le seul ressortissant de cette unité administrative O'indigène du groupe), sera leader
de la formation. Son staff sera étoffé par cinq allogènes provenant des autres régions. Ce qui
fera dans le pays en question, un comité d'oligarques de 36 membres. Incontestablement le
pouvoir se sera démultiplié jusqu'au niveau du département (clan).
Mais, ce système ne doit pas être dominé par un groupe; car, le pouvoir désormais
ouvert ne saurait être confisqué par un parti durant longtemps. C'est pour cette raison que
nous préconisons une rotation par parti après deux mandats d'une longueur qui reste à
déterminer. Cette constitutionnalisation de l'alternance résoud le problème de la nature du
régime. En effet selon Doudou 1HIAM, '1e régime parlementaire (multipartisan) est source de
dislocation des fédérations ; alors que le régime présidentiel, conduit l'Etat fédéral vers une
structure unitaire". Dans le cadre de notre démocratie, la nature du régime importe peu,
puisque sa vocation au changement est inscrite dans les textes.
L'application de ce système permettrait de satisfaire aux deux voeux sacrés du
fédéralisme: la participation (égalitaire dans ce schéma) et l'autonomie. L'intégration nailre
objectivement de ce brassage organisé.
Si tel est notre projet, quelques obstacle restent à surmonter. La question essentielle est
de savoir s'il faut re-structurer les Etats sur une base tribale?
Sur le plan interne, cela n'est pas nécessaire (puisque nous ne travaillons pas sur une
maquette, mais sur des êtres humains). Si structurellement cette réalisation est difficile, il
devient impérieux au niveau relationnel. D faut faire "éclater" les tribus par des relations
fédérales. Sur le plan interne, en suivant la délimitation géographique des ères tribales, le
dépérissement des frontières ne sera plus qu'affaire de temps. En effet, on a remarqué qu'en
Afrique ce sont souvent les mêmes tribus qui vivent de part et d'autre du tracé colonial 533, et
se font parfois la guerre.
Le développement des relations entre Etats limitrophes pourrait prendre la forme d'un
syndicat fédéral; cela s'opèrerait par la création d'institution communes.
Ce serait
une
translation au niveau international
du fédéralisme
coopératif.
Sid'aventure, ce projet se réalisait un jour 53<1, le Cameroun, pris dans l'onde fédérale, ne
souffrirait plus d'avoir perdu un territoire et une population. Au centre des relations fédérales,
comme tous les autres Etats, notre pays aurait gagné l'Afrique, L'unité du continent ne peut se
faire que par le dépassement des Etats. Or, seule une reconstitution des tribus frontalières
pourrait favoriser une telle entreprise.
'"
Les conflits frontaliers ne se comptent plus en Afrique. Pourtant, n'avons-nous pas les EWES au Togo
et au Ghana? Les HAOUSSA au Cameroun et au Nigéria ?
B"
Pour nous, l'utopie peut se définir comme le réel de demain. Galillée et Jules Verne étaient des
II rêveurs".

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et le. enseignements d'un échec
336
Ce rapprochement sécant est affaire de volonté politique,
Yaoundé, Août 1979
ANNEXES
1- CONSllnmON DE lA REPUBUQUE FEDERALE DU CAMEROUN Révisée par
la loi N° 69/LF/14 du 10 Novembre 1969 et par la loi N° 70/LF/1 du 4 mai 1970
Loi N" 61/241 du 1er Septembre 1961
Portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la constitution actuelle aux
nécessités du Cameroun réunifié,

L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
337
La Constitution du 4 mars 1960 :
L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté:
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:
TITRE PREMIER: DE lA REPUBLIQUE FEDERALE DU CAMEROUN
Article premier:
- La République Fédérale du Cameroun est formée, à compter du 1er
octobre 1961, du territoire de la République du Cameroun, désormais appelé Cameroun
Oriental, et du territoire du Cameroun méridional anciennement sous tutelle britannique,
désormais appelé Cameroun Occidental.
La République Fédérale du Cameroun est démocratique, laïque et sociale, Elle
assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle affirme son attachement aux libertés
fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Charte
des Nations Unies.
Les langues officielles de la République Fédérale du Cameroun sont le français et
l'anglais,
La dévise est "Paix-Travail-Patrie".
Le drapeau : verts, rouge, jaune, a trois bandes verticales d'égales dimensions,
frappé de deux étoiles d'or dans la bande verte.
Le siège des institution est Yaoundé.
L'hymne national de la Fédération est: 0 Cameroun berceau de nos ancêtres.
Le sceau de la République Fédérale du Cameroun est une médaille circulaire en
bas-relief de 40 millimètres de diamètre, présentant à l'envers et en son centre le profil
d'une tête de jeune fille tournée à destre vers une branche de caféier à deux feuilles et
jouxtée à senestre par cinq cabosses de cacao avec, en exergue, sous l'arc supérieur :
"République Fédérale du Cameroun", et sur l'arc inférieur, la dévise nationale "Paix,Travail,
Patrie".
Les ressortissants des Etats fédérés sont citoyens de la République Fédérale et
possèdent la nationalité camerounaise.
Article 2 :
- La souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l'exerce,
soit par ses députés à l'AsseFédérale, soit par voie de référendum. Aucune fraction du
peuple ni aucun individu ne peut s'ent attribuer l'exercice,

l'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
338
Le vote est égal et secret; y participent tous les citoyens âgés d'au moins vingt et
un an.
Les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par la voie
d'élections au suffrage universel direct ou indirect.
Article 3 :
- Les partis et formations politiques concourent à l'expression du suffrage. IL
se forment et exercent leurs activités librement dans le cadre fixé par la loi et les
règlements.
Ils doivent respecter les principes de la démocratie et de la souveraineté nationale.
Article 4:
- L'autorité fédérale est exercée par:
- Le Président de la République Fédérale;
- l'Assemblée nationale Fédérale.
TITRE Il
DE lA COMPEŒNCE DES AUTORJŒS FEDERALES
Article 5:
- Relèvent de la compétence des autorités fédérales:
- La nationalité;
- La condition des étrangers;
- Les règles concemant les conflits de loi;
- La défense nationale;
- Les affaires étrangères;
- La sûreté intérieure et extérieure de l'Etat Fédéral, l'émigration et
l'immigration;
- Le plan de développement, l'orientation de l'économie, la statistique, le
contrôle et l'organisation du crédit, les relations économiques extérieures (notamment les
accords commerciaux) ;
- Le régime monétaire, l'établissement du budget fédéral et la détermination
des impôts et recettes de toute nature destinés à faire face aux dépenses fédérales;
- L'enseignement supérieur et la recherche scientifique;
- L'informatique et la radio;
- L'assistance technique et finanCière extérieure;
- Les poste et télécommunications ;
- L'aéronautique et la météorologie, les mines et la recherche géologique, la
couverture géographique du territoire;
- Le statut de la fonction publique fédérale et des magistrats
- L'organisation et le fonctionnement de la Cour Fédérale de justice;

L'expérience du fédéraJisme camerouna;' : les causes et les enseignements d'un échec
339
- Les limites territoriales des Etats fédérés ;
- L'organisation des services correspondant à ces matières,
Article 6 :
- Relèvent également des autorités fédérales :
- Le régime des libertés publiques ;
- Le statut des personnes et des biens ;
- Le régime des obligations et contrats en matière civile et conunerciale ;
- L'organisation judiciaire comprenant les règles de procédure de compétence
devant toutes les juridictions (exception faite des tribunaux coutumiers du Cameroun
Occidental, sauf en ce qui concerne l'appel des décisions de ces tribunaux) ;
- Le droit pénal ;
- Les transports d'intérêt fédéral (voies terrestres, ferroviaires, fluviales,
maritimes et aériennes) et les ports ;
- L'admnistration pénitentiaire;
- La législation domaniale ;
- La législation du travail ;
- La santé publique ;
- L'enseignement secondaire et technique;
- L'organisation administrative ;
- Les poids et mesures,
En ce qui concerne les compétences énumérées au présent article, les autorités des
Etats fédérés
pourront continuer à légiférer et à diriger les services administratifs
correspondants jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale Fédérale ou le Président de la République
Fédérale, chacun en ce qui le concerne, ait décidé d'exercer les compétences qui lui sont
reconnues,
Selon le cas, les autorités exécutives ou législatives des Etats fédérés cesseront d'être
compétentes en toutes ces matières lorsque les autorités fédérales s'en seront saisies.
Article 7 :
- Dans le cas où en application de l'article précédent:
Les autorités des Etats fédérés sont temporairement admises à intervenir en des
matières relevant de la compétence fédérale, elles ne pourront légiférer en ces matières
qu'après consultation de la conunission fédérale de coordination.
Cette commission présidée par un ministre fédéral est composée de personnalités
désignées en raison de leur compétence par le Président de la République Fédérale,
TITRE III
DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FEDERALE

L'expérience du fédéralisme camerOlmais : les causes et les enseignements d'un échec
340
Article 8 :
- Le président de la République Fédérale du Cameroun, Chef de l'Etat Fédéral
et Chef du Gouvernement Fédéral, veille au respect de la Constitution Fédérale, assure l'unité
de la Fédération et la conduite des affaires de la République.
Dest assisté dans sa mission par un vice-président de la République Fédérale.
Article 9 :
Le Président de la République Fédérale et le vice-Président, qui ne peuvent être
originaires d'un même Etat fédéré, sont élus sur une même liste au suffrage direct et secret.
Les candidats aux fonctions de Président de la République
Fédérale et de
Vice-Président, doivent jouir de leurs droits civiques et politiques, avoir trente-cinq ans révolus
à la date de l'élection; les conditions de la présentation des candidatures, du contrôle des
élections et de la proclamation des résultats seront fixées par une loi fédérale.
Les fonctions de Président et vice-Président sont incompatibles avec toute autre
fonction publique élective ou toute activité professionnelle.
Article 10 .
- Le Président de la République Fédérale est élu pour cinq ans. Dest rééligible.
L'élection a lieu à la majorité des suffrages exprimés. Elle a lieu vingt jours au moins et
cinquante jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président en exercice.
a) - En cas de vacance de la Présidence par décès ou par incapacité physique permanente
constatée par la Cour Fédérale de Justice saisie à cet effet par le Président de l'Assemblée
Nationale Fédérale, les pouvoirs du Président de la République sont exercés de plen droit par
le vice-Président jusqu'à l'élection du nouveau Président.
b) - En cas de vacance de la Présidence par démission, la démission ne devient effective que le
jour de la prestation du serment du nouveau Président.
Le scrutin pour l'élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et cinquante
jours au plus après l'ouverture de la vacance.
Le Président prête serment dans les formes fixées par la loi fédérale.
Article11 -
Le Président de la République fédérale nomme les ministres et ministres
adjoints qu'il choisit parmi les ressortissants de chacun des Etats Fédérés. Ds sont responsables
devant lui. Dmet fin à leurs fonctions.
Les fonctions de Ministres et de Ministres adjoints sont incompatibles avec l'exercice de
tout mandat parlementaire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère
national et tout emploi public ou activité professionnelle.

L'expérience du fedéralisme camerounais: les CAuses et les enseignements d'un échec
341
Article 12 -
Le Président de la République Fédérale représente l'Etat Fédéral dans tous les
actes de la vie publique, nest le Chef des Forces Années.
n accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des Puissances
étrangères.
Les ambassadeurs et les enwyés extraordinaires des Puissances étrangères sont
accrédités auprès de lui.
Le Président de la République négocie les accords et les traités. Les traités qui
concernent le domaine relevant de loi fédérale défini par l'article 24 sont soumis avant
ratification à l'approbation en fonne législative de l'Assemblée fédérale.
nexerce le droit de grâce après avis du Conseil fédéral de la magistrature.
nconfère les décorations de la République Fédérale.
npromulgue les lois fédérales dans les conditions prévues à l'article 31.
n est chargé de l'exécution des lois et éventuellement de celle des lois prises dans les
Etats fédérés par application de l'article 6, demier alinéa.
nexerce le pouvoir règlementaire.
nnomme aux emplois fédéraux civils et militaires.
nveille à la sécurité intérieure et extérieure de la République Fédérale.
n crée, organise et dirige tous les services administratifs nécessaires à
l'accomplissement de sa mission, ou, s'il le juge préférable, place sous son autorité après
consultation des chefs de Gouvernement des Etats fédérés, les services de ces Etats qui
exercent les compétences relevant des autorités fédérales aux termes des articles 5 et 6.
n peut déléguer par décret certaines de ses attributions au vice-Président de la
République Fédérale.
Article 13 -
Le Président de la République Fédérale est obligatoirement consulté par les
Gouvernements des
Etats fédérés lorsque ces Gouvernements prennent des mesures
susceptibles d'avoir des incidences sur la vie de la Fédération. n saisit alors pour avis la
commission prévue à l'article 7.
Article ] 4 -
Le Président de la République Fédérale saisit la Cour Fédérale de justice dans
les conditions prévues à l'article 34 lorsqu'il estime qu'une loi fédérale est contraire à la

L'expérience du fédéralim1e c:aroerOlUlais , les causes et les enseignements d'un échec
342
présente Constitution, qu'une loi de l'un des Etats fédérés est prise en violation des dispositions
de la Constitution ou d'une loi fédérale.
Article 15 -
Le Président de la République fédérale peut, lorsque les circonstances l'exigent,
proclamer par décret l'état d'urgence qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans les conditions
fixées par la loi fédérale.
En cas de péril grave menaçant l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou.les
institutions de la Nation, le Président de la République Fédérale peut, après consultation des
premiers ministres des Etats fédérés, proclamer par décret l'état d'exception et prendre toutes
mesure qu'il juge nécessaires.
ninforme la Nation par voie de message.
111RE IV : DU LEGISLAllF FEDERAL
Article16 -
a)
L'Assemblée Nationale Fédérale, dont le mandat est de cinq années, est
composée de députés élus au suffrage universel direct et secret dans chaque Etat Fédéré
proportionnellement au chiffre de sa population.
b)
L'Assemblée Nationale Fédérale peut, sur l'initiative du Président de la
République, décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat.
Article 17 -
Les lois fédérales sont adoptées à la majorité simple des députés.
Article 18 -
Avant leur promulgation, les textes peuvent faire l'objet d'une demande de
seconde lecture par le Président de la République Fédérale de sa propre irùtiative ou sur la
demande de l'un des premiers mirùstres des Etats fédérés. En seconde lecture, la loi n'est
adoptée que si la majorité définie à l'article précédent comporte la majorité des voix des
députés de chacun des Etas fédérés.
Article19 -
L'Assemblée Nationale Fédérale tient deux sessions par an, d'une durée
maximum de trente jours chacune.
La date d'ouverture de chaque session est fixée par le bureau de l'Assemblée, après
consultation du Président de la République Fédérale. Au cours de l'une des sessions, le budget
fédéral est voté par l'Assemblée. Au cas ou le budget n'aurait pas été adopté avant la fin de
l'année budgétaire en cours, le Président de la République Fédérale est habilité à reconduire
par douzièmes le budget précédent jusqu'à l'adoption du nouveau buget.
Elle se réurùt en session extraordinaire, sur un ordre du jour déterminé, pour une durée
maximum de quinze jours, sur demande du Président de la République Fédérale ou des deux
tiers de ses membres.

1
L'expérience du fédérolisme cameroWlals , les causes et les enseignements d'Wl échec
343
1
Article 20 -
L'Assemblée Nationale Fédérale fixe elle-même les modalités de son règlement
intérieur. Chaque année, à l'ouverture de sa première session, elle élit son président et son
1
bureau. Les séances de l'Assemblée Nationale fédérale sont publiques ; exceptionnellement,
elle peut se réunir à huis clos sur la demande du Gouvernement Fédéral ou de la majorité de
1
ses membres.
Article21-
Une loi fédérale fixe le régime électoral de la Fédération.
1
Artilce 22 -
Le régime des immunités, des inéligibilités, des incompatiilités et des indemnités
1
ainsi que les privilèges des députés sont fixés par la loi fédérale.
TITRE V
DES RAPPORTS ENTRE L'EXECUTlF ET LE LEGISLATIF
1
FEDERAL
Article 23 -
L'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République
1
Fédérale et aux députés à l'Assemblée Fédérale.
1
Article 24 -
Sont du domaine de la loi fédérale, dans le cadre des compétences fixées par
les articles 5 et 6.
1
10 Les garanties et obligations fondamentales du citoyen :
1
- Sauvegarde de la liberté individuelle ;
- Régime des libertés publiques ;
- Législation du travail et syndicale ;
1
- Devoirs et obligation du citoyen en fonction des impératifs de la défense nationale.
1
20 Le statut des personnes et des biens :
- Nationalité et statut personnel ;
1
- Régime de la propriété mobilière et immobilière ;
- Régime des obligations civiles et commerciales.
1
3D L'organisation politique, administrative et judiciaire concernant:
1
- Le régime électoral de l'Assemblée Fédérale;
-Les règles générales d'organisation de la défense nationale;
- La détermination des crimes et délits et l'institution des peines de toute nature, la
1
procédure pénale, la procédure civile, les voies d'exécution, l'amnistie et la création de
nouveaux ordres de juridiction.
1
40 Les questions financières et patrimoniales suivantes:
1
- Régime d'émission de la monnaie;
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
344
1
- Budget fédéral ;
- Création assiette, taux des taxes et impôts fédéraux de toute nature;
1
- Législation domaniale,
1
50 Les objectifs de l'action économique et sociale dans le cadre des lois de
programme,
1
60 Le régime de l'enseignement.
1
Article 24 -
Toutefois dans les matières énumérées à l'article 24, l'Assemblée Nationale
Fédérale peut autoriser le Président de la République, pendant un délai limité et sur des objets
déterrJÙnés à prendre des ordormances ayant force de loi.
1
Ces ordormances entrent en vigueur dès leur application, Elles sont déposées sur le
bureau de l'Assemblée Nationale Fédérale afin de ratification dans le délai fixé par la loi
1
d'habilitation.
1
Elle demeurent en vigueur tant que l'Assemblée n'a pas refusé de les ratifier.
Article 25 -
Les textes législatifs déposés sur le bureau de l'Assemblée sont examinés par les
1
commissions compétentes avant leur discussion en séance plénière.
1
Article 26 -
Le texte examiné en séance plénière est le texte déposé par le Président de la
République Fédérale lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, le texte établi par la commission lorsqu'il
s'agit d'une proposition de loi. Lors de leur discussion, les textes peuvent faire l'objet
1
d'amendements,
1
Article 27 -
Le Président de la République Fédérale peut sur sa demande être entendu par
l'Assemblée ou lui adresser des messages. Ces communications ne peuvent dormer lieu à
aucun débat en sa présence.
1
Article 28 -
Les ministres et les ministres adjoints de la Fédération ont accès à l'Assemblée
1
et peuvent participer aux débats.
Article 29 -
L'ordre du jour de l'Assemblée est fixé par la Conférence des présidents qui
1
groupe les présidents des groupes, les présidents de commission et les membres du bureau de
l'Assemblée Nationale Fédérale. Un ministre ou un ministre adjoint de la Fédération participe
aux travaux de cette conférence.
1
Ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée que les textes relevant de sa
1
compétence en vertu des articles 5, 6, et 24. Les propositions de loi ou amendements qui
auraient pour effet, s'ils étaient adoptés, soit une dimunition des ressources publiques, soit
l'aggravation des charges publiques sans réduction à due concurrence d'autres dépenses ou
1
création de recettes nouvelles d'égale importance, sont irrecevable.
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
345
1
En cas de doute ou de litige sur la recevabilité d'un texte, le Président de l'Assemblée
1 ou le Président de la République Fédérale, saisit la Cour Fédérale de Justice qui décide de la
recevabilité,
1
Cet ordre du jour comporte par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la
discussion des projets de loi ou des propositions de loi qu'il a acceptés,
1
L'urgence, est de droit lorsqu'eUe est demandée par le Gouvernement.
1
Article 30 -
Le
Gouvernement
est
tenu
de
foumir
toutes
explications
et
tous
renseignements sur son action à l'Assemblée Nationale Fédérale, qui peut lui poser des
1 questions orales ou écrites et qui peuvent enquêter sur l'activité gouvernementale en
constïtutant des commissions d'enquête,
1
Une loi fédérale fixe les procédures selon lesquelles ces moyens d'informations et de
contrôle sont exercés.
1
Article 31 -
Le Président de République Fédérale promulgue les lois adoptés par
l'Assemblée Nationale Fédérale dans un délai de qUÙ1Ze jours à compter de leur transmission si
1 aucune demande de seconde lecture ne lui est adressée. A l'issue de ce délai, l'Assemblée
Nationale fédérale peut se substituer à lui après avor constaté sa carence.
1
TITRE VI: DE L1AUTORlTE JUDICIAIRE
1 Article 32 - La justice est rendue sur le territoire de l'Etat Fédéral au nom du Peuple
Camerounais par les juridictions compétentes de chaque Etat.
1
Le Président de la République Fédérale est garant de l'indépendance de l'autorité
judiciare et nomme les magistrats des Etats fédérés.
1
fi est assisté dans cette mission par le Conseil Fédéral de la magistrature qui lui donne
1 son avis sur toutes les propositions de nomination des magistrats du siège et statue à l'égard de
ces magistrats, comme conseil de discipline. Son organisation et son fonctionnement sont
déterminés par une loi fédérale.
1
Article 33 -
La Cour Fédérale de Justice est chargée :
1
IoDe règler les conflits de compétence pouvant s'élever entre les juridictions
respectives les plus élevées des Etats Fédérés ;
1
20 De statuer souverainement sur les recours admis par la loi fédérale contre les
décisions rendues par les juridictions supérieures des Etats Fédérés dans tous les cas où
1 l'applicationdudroitfédéral esten cause ;
1
1

1
L'expérience du fédéralisme cameroWJais • les causes et les enseignements d'WJ échec
346
1
3G De statuer sur les recours en indenmité ou en excès de pou\\Qirs dirigés contre les
1
actes administratifs des autorités fédérales ;
1
40 De statuer sur les litiges qui opposeraient les Etats fédérés entre eux ou l'un d'eux à
la République fédérale.
1
La composition, les conditions de saisine, et la procédure de la Cour fédérale de justice
sont fixées par une loi fédérale,
1
Article 34 -
Lorsque la Cour Fédérale de Justice est appelé à se prononcer dans les cas
préws aux articles 14 et 29, elle est complétée à nombre égal par des personnalités désignées
1
en raison de leur compétence et de leur expérience pour une période d'un an par le Président
de la République Fédérale.
1
Article 35 -
Les mandats et décisions de justice émanant d'une juridiction légale quelconque
d'un des Etats fédérés sont exécutoires sur toute l'étendue du territoire fédéral.
1
11TRE VII DE LA HAUTE COUR DE JUsnCE
1
Article 36 - TI est créé une haute Cour Fédérale de Justice dont la composition, la condition de
saisine et l'organisation sont determinées par la loi fédérale.
1
La Haute Cour Fédérale de justice est compétente pour juger des actes accomplis
dans l'exercice de leurs fonctions par le Président de la République Fédérale, en cas de haute
tahison et par le Vice-Président de la République Fédérale, les Ministres de l'Etat Fédéral, les
1
Prémiers Ministres et les Secrétaires d'Etat des Etats Fédérés en cas de complot contre la
surété de l'Etat?
1
TITRE VIII DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DE LA FEDERATION
1
Article 37 :
- TI est crée un Conseil Economique et Social de la Fédération, dont la
composition, les attributions et l'organisation sont déterminées par une loi fédérale.
1
TITRE IX
DES ETATS FEDERES
1
Article 38 :
- Les matières autres que celles énumérées aux articles 5 et 6 ou mentionnées
dans la présente Constitution comme devant faire l'objet d'une loi fédérale, relèvent
exclusivement de la compétence des Etats fédérés. Ceux-ci peuvent se donner dans les mêmes
1
limites les institutions de leur choix.
1
L'Assemblée des chefs traditionnels du Cameroun Méridional est maintenue.
Article 39 :
- Le Président de la République nomme le Premier Ministre de chaque Etat
1
Fédéré.
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
347
1
n nomme les Secrétaires d'Etat, membres du Gouvernement, sur proposition du
1
Premier Ministre.
1
peut, dans les mêmes conditions, mettre fin à leurs fonctions.
Article 40 :
- Le pouvoir législatif est exercé dans les Etats fédérés par une Assemblée
1
Législative élue pour cinq ans au suffrage universel, direct et secret, selon des rnodalités
assurant la représentation de chaque unité administrative proportiormellement au chiffre de la
1
population.
Toutefois, au Cameroun Occidental, certains pouvoirs pourront être exercés en
1
matière législative par l'Assemblée des chefs traditiormels.
1
La nature de ces pouvoirs et les conditions de leur exercice seront détenninées par une
loi de l'Etat fédéré dans le cadre de la présente Constitution.
1
Le nombre des représentants est fixé à cent à l'Assemblée Législative du Cameroun
occidental.
1
Le régime électoral, les conditions d'éligibilité, le reglme des incompatibilités et
immunités ainsi que le montant des indemnités parlementaires sont fixés par une loi fédérale.
1
Article 41:
- Les Assemblées Législatives fixent leur règlement et élisent armuellement leur
bureau.
1
Elles tierment deux sessions par an, ne dépassant pas une durée de trente jours
1
chacune. La date de ces sessions est fixée par leur bureau, après Consultation du premier
ministre de l'Etat fédéré, de façon que la date de l'ouverture de leur session budgétaire soit
postérieure à l'adoption du budget fédéral.
1
Elles se réunissent en sessions extraordinaires pour une durée maximwn de quinze
1
jours et sur un ordre du jour déterminé, sur demande du premier ministre, du Président de la
République Fédérale ou des deux tiers de leurs membres.
1
Article 42 :
- Les séances des Assemblées législatives sont publiques. Exceptionnellement,
elles peuvent se réunir à huis clos sur la demande du Gouvernement ou de la majorité de leurs
membres.
1
Article 43 :
- L'initiative des lois appartient au Gouvernement de chacun des Etats fédérés
1
et aux représentants de l'Assemblée législative. Les lois sont adoptées à la majorité simple.
Article 44 .
- Le Premier Ministre doit remettre sa démision au Président de la République
1
ou est déclaré démissiormaire :
1
1

1
1 L'expériencedufédéralisme camerOlmais ,lescausesetlesenseignementsd'lméchec
348
1
al- en cas de refus de confiance de l'Assemblée Législative,
1
bl- en cas de renouvellement de l'Assemblée Législative,
cl- après les élections présidentielles, Dans ce cas, la remise de la démission a lieu au
plus tard le lendemain du jour de la prestation de serment du nouveau Président
1
Si les circonstances l'exigent, le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée
1 Législative.
Il sera procédé dans un délai de deux mois à de nouvelles élections,
1
La
dissolution
de
l'Assemblée
entrai"ne
automatiquement
la
démission
du
Gouvernement
1
Le Président de la République peut
alors soit charger le
Premier Ministre
démissionnaire de l'expédition des affaires courantes, soit nonuner un Premier Ministre
1 intérimaire en attendant l'élection d'une nouvelle Assemblée et la constitution d'un nouveau
Gouvernement
1 Article 45 : - Le Président de l'Assemblée Législative de l'Etat Fédéré transmet dans les
vingt et un jours les lois votées au Président de la République Fédérale qui les promulgue dans
1
un délai de quinze jours après leur transmission.
Le Président de la République Fédérale peut dans ce délai demander une seconde
1 lecturede cesloisà l'Assemblée Législativeoufaire applicationde l'article 14.
1
A l'issue de ce délai, le Président de l'Assemblée Législative concernée peut se
substituer à lui après avoir constaté carence.
1 Article 46 : - Pour tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions de la présente
Constitution, la législation antérieure des Etats Fédérés reste en vigueur.
1 T11REX DELA REVISION DELACONmnnlON
1 Article 47 . - Toute proposition de révision de la présente Constitution portant atteinte à
l'unité et à l'intégrité de la Fédération est irrecevable.
1
L'initiative de la révision appartient concurrenunent au Président de la République
Fédérale après consultation des premiers ministres des Etats Fédérés et aux députés à
1
l'Assemblée Fédérale.
Toute proposition de révision présentée par les députés doit être signée par un tiers au
1
moins des membres composant l'Assemblée Fédérale.
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerounais; les causes et les enseignements d'un échec
349
1
La révision doit être votée à la majorité simple des membres composant l'Assemblée
1 Fédérale à condition toutefois que cette majorité comporte la majorité des représentants à
l'Assemblée Fédérale de chacun des Etats Fédérés,
1
Le Président de la République Fédérale peut dans les mêmes conditions que pour une
loi fédérale, demander une seconde lecture de la loi de révision.
1
llTRE XI
DISPOSmONS TRANSITOIRES ET SPECIALES
1
Article 49 :
- Les compétences énumérées à l'article 5 sont exercées de plein droit par les
autorités fédérales dès leur mise en place.
1
Article 50 :
- Chacun des Gouvernements des Etats fédérés transmettra au Gouvernement
1 fédéral tous les documents et archives nécessaires à l'accomplissement de sa rillssion. fi mettra
à la disposition du Gouvernement fédéral les services appelés à exercer sous l'autorité de ce
dernier les compétences fédérales.
1
Article 51 :
- A titre exceptionnel, pendant une durée de six mois à compter du 1er octobre
1961, les textes législatifs nécessaires à la mise en place des institutions et, jusqu'à cette mise
1 en placeaufonctionnement des pouvoirs publics età lavie de l'Etatfédéral, seront pris parle
Président de la République fédérale sous forme d'ordonnancement ayant force de loi.
1
Article 52:
- Le Président de la République du Cameroun est, jusqu'à la fin de son mandat
actuel, Président de la République Fédérale.
1
Article 53 :
- Pour la durée du mandat du premier Président de la République Fédérale, le
1 Prémier Ministre du Cameroun Occidental sera Vice-Président de la République Fédérale. Les
incompatibilités prévues à l'article 9 en ce qui concerne le Vice-Président de la République
Fédérale ne sont pas applicables pendant cette période.
1
Article 54 :
- Pour compter du 1er octobre 1961, l'Assemblée Nationale de la République
1 du Cameroun et la Chambre des représentants du Cameroun Méridional deviennent
respectivement les prerillères Assemblées Législatives du Cameroun Oriental et du Cameroun
Occidental.
1
Article 55·
- Jusqu'au 1er avril 1964, l'Assemblée Nationale Fédérale est composée de
1 députés désignés en leur sein par les Assemblées Législatives des Etats fédérés
proportionnellement au n ombre d'habitants de chaque Etat, à raison d'un député par 80 000
habitants.
1
Article 56 :
- Nonobstant les dispositions de l'Article 11 et ce jusqu'à l'élection de
l'Assemblée Fédérale dans les conditions prévues à l'article 16, les fonctions fédérales de
1
1
1

1
L'expérience du fédéralisme camerOlmais : les causes et les enseignements d'tm échec
350
1
ministres et de ministres adjoints sont compatibles avec l'exercice de tout mandat
parlementaire dans un Etat fédéré.
1
Article 57·
- Le Gouvernement de la République du Cameroun et le Gouvernement du
1 Cameroun Méridional sous tutelle britannique deviennent respectivement au 1er octobre 1961
les Gouvernements de chacun des deux Etats Fédérés,
1 Article 58 : -Jusqu'à lamise en place du Conseil Economique et Socialde la Fédération, le
Conseil Economique et Social de la République du Cameroun est maintenu.
1 Article59: - Jusqu'à ce que le budget fédéral définitif soit adopté, un budget fédéral
provisoire sera établi et
sera financé par une contribution de chacun des Etats fédérés
1 déterminés après approbation des Gouvernements de chacunde ces Etats.
Article 60 :
- Les présentes dispositions, qui portent révision de la Constitution de la
1 République adoptée le 21 février 1960 par le Peuple Camerounais, entreront en vigueur le
1er octobre 1961. La Constitution ainsi révisée sera publiée en français et anglais, le texte en
1 français faisant foi.
Article 61 :
- Aux termes de la présente Constitution, le nombre d'habitants de chacun des
1 Etatsfédérés estfixé, comptetenudesstatistiquesde l'O.N.U., commesuit:
1
- Cameroun Oriental
.
3 200 000 habitants ;
- Cameroun Occidental
.
800 000 habitants;
1
Au cas où des modifications importantes de ces chiffres seraient constatées lors des
recensements, ils pourraient être modifiés par une loi fédérale.
1
Yaoundé, le 1er septembre 1961
AHMADOU AJ-DDHO.
1
1
2- LOI ND 69-LF-14 DU 10 NOVEMBRE 1969
MODIFIANf ET COMPLETANT CERTAINES DISPOSITIONS DES
ARTICLES 10, 11, 15, 16,24,39 et 44 DE lA CONSTITUTION
1
DU 1er SEPIEMBRE 1961. (JORfC 1969, P.I02
supplémentaire).
1
Article premier: - Les articles 10, 11, 15, 16, 24, 39
et 44 de la Constitution du 1er
1
septembre 1961 sont modifiés ou complétés comme suit:
(1) Arti. 10 (alinéa 3) :
1
r

1
L'expérience du fédéralisme cameroWlais : les causes et les enseignements d'Wl échec
351
1
ar- En cas de vacance de la Présidence par décès ou par incapacité physique
permanente constatée par la Cour Fédérale de Justice saisie à cet effet par le Président de
1 l'Assemblée Nationale Fédérale, les pouooirs du Président de la République sont exercés de
plein droit par le Vice-Président jusqu'à l'élection du nouveau Président.
1
br- En cas de vacance de la Présidence par démission, la démission ne devient effective
que le jour de la prestation du serment du nouveau Président élu.
1
(Le reste sans changement)
1
2) Art. 11 (alinéa 2).
1
Les fonctions de ministres et de ministres adjoints sont incompatibles avec l'exercice de
tout mandat parlementaire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère
1 national et tout emploi public ou activité professionnelle.
'(3) Art. 15 in fine. - Les dispositions.
1
"L'Assemblée Nationale fédérale se réunit de plein droit pendant la durée de l'état
d'exception", sont abrogées.
1
(4) Art. 16.
1
ar- L'Assemblée Nationale Fédérale, dont le mandat est de cinq années, est composée
de
députés élus
au
suffrage
universel
direct
et
secret
dans
chaque
Etat
fédéré
1
proportionnellement au chiffre de sa population.
1
br- L'Assemblée Nationale Fédérale peut, sur l'initiative du Président de la République,
décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat.
1
(5) Art. 24 bis.
1
Toutefois, dans les matières énumérées à l'article 24, l'Assemblée Nationale Fédérale
peut autoriser le Président de la République, pendant un délai limité et sur des objets
déterminés, à prendre des ordonnances ayant force de loi.
1
Ces ordonnances entrent en vigueur dès leur publication, Elles sont déposées sur le
1
bureau de l'Assemblée Nationale Fédérale à fin de ratification dans le délai fixé par la loi
d'habilitation.
Elles demeurent en vigueur tant que l'Assemblée n'a pas refusé de les ratifier.
'6) Art. 39

L'expéri€nce du fédéralisme camerounais, les causes et les enseignements d'un échec
352
Le Président de la République nomme le Premier Ministre de chaque Etat fédéré.
iL nomme les sécretaires d'Etat, membres du Gouvernement, sur proposition du
Premier Ministre.
npeut, dans les mêmes conditions, mettre fin à leurs fonctions,
(7) Art. 44,
Le Premier Ministre doit remettre sa démission au Président de la République ou est
déclaré démissionnaire :
a}- En cas de refus de confiance à la majorité absolue des membres de l'Assemblée
présents ou de motion de censure adoptée à la majorité absolue des membres le composant.
b}- En cas de renouvellement de l'Assemblée Législative.
c}- Après les élection présidentielles, Dans ce cas la remise de la démission a lieu au
plus tard le lendemain du jour de la prestation de sennent du nouveau Président.
Si les circonstances l'exigent, le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée
législative.
nsera procédé dans un délai de deux mois à de nouvelles élections.
La
dissolution
de
l'Assemblée
entraîne
automatiquement
la
démission
du
Gouvernement.
Le Président de la République peut alors soit charger le Premier Ministre
démissionnaire de l'expédition des affaires courantes, soit nommer un Premier Ministre
intérimaire en attendant l'élection d'une nouvelle Assemblée et la constitution d'un nouveau
Gouvernement.
Article 2 - La présente loi, applicable selon la procédure d'urgence sera enregistrée, publiée au
Journal Officiel en français et en anglais et exécutée comme loi de la République Fédérale du
Cameroun.
3) LOI ND 69-LF-15 DU 10 NOVEMBRE 1969
FIXANT LES CONDITIONS ET lA PROCEDURE DE
REFERENDUM PREVUES PAR l'ARTICLE 2 DE lA
CONSTlTIJTlON DU 1er SEPTEMBRE 1961. (JORfC 1969, P. 104
SUPPLEMENTAIRE)

1
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'un échec
353
1
Article premier : - Le Président de la République fédérale, après consultation du Président de
l'Assemblée Nationale Fédérale et des Premiers Ministres, peut soumettre au référendum tout
1 projetde loi ou de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi fédérale dans le cadre
des compétences fixées par les articles 5 et 6 de la Constitution, serait susceptible d'aooir des
1 répercussions profondes surl'avenirdu pays et les institutions.
nen sera ainsi notamment :
1
IoDes projets de loi portant sur l'organisation des pouooirs publics ou sur la révision
1 de la Constitution.
20 Des projets de loi tendant à la ratification des accords ou des traités internationaux
1 présentant par leurs conséquences une importance particulière.
1
3D De certains projets de réforme portant sur le staM des personnes et des biens, etc.
Article 2 (rédaction originelle). - Le projet de loi est publié au Journal officiel en français et en
1
anglais au moins trente jours avant le jour du scrutin.
Article 3 : - Le collège électoral est conooqué par décret. L'intervalle entre la publication du
1
décret et le jour du scrutin est de vingt et un jours au maximum.
1
"Article 4 (nouveau) loi ND 72-LF-1 du 7 mai 1972. - Le scrutin a lieu un dimanche, un jour
férié ou un jour déclaré férié et chômé."
1
Article 4 (rédaction originelle) : - Le scrutin a lieu un dimanche ou un jour férié. n ne dure
qu'un jour, Le décret de conoocation précise les heures d'ouverture et de fermeture des
1
bureaux de oote.
Article 5 : - Un décret détermine les modalités de déroulement de la campagne référendaire.
Article 6 : Le recensement général des ootes est assuré par une commission composée.
Président:
Du président ou d'un membre de la cour fédérale de justice;
Membres:
De quatre personnalités désignées par le Président de la République fédérale en raison
de leur compétence et de leur honorabilité.
Article 7 : - La commission examine et tranche définitivement toutes les réclamations.

1
L'expérience du fédéralisme camerounais: le. causes et les enseignements d'un échec
354
1
Dans le cas où elle constate l'existence d'irrégularités dans le déroulement des
opérations, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces
1 irrégularités, ily a lieu, soitdemaintenirlesdites opérations, soit de prononcerleur annulation
totale ou partielle,
1
Article 8 : - Le projet est adopté si les "oui" emportent la majorité des suffrages valablement
exprùnés dans l'ensemble de la Fédération.
1
Toutefois, si le projet de loi tend à une révision de la Constitution, il n'est adopté que
1 s'il se dégage une majorité abosolue des wtes positifs dans chacun des deux Etats fédérés.
Article 9 : - La commission proclame les résultats du référendum.
1
Article 10 : - Le Président de la République Fédérale promulgue par décret la loi adoptée par
le peuple. Mention de la proclamation des résultats est faite dans le décret portant
1 promulgation.
1
4- TRAITE DOUAlA-AllEMAND DU 12 JUD.LET 1884
- Nous soussignés, rois et chefs du territoire nommé Cameroun, situé le long du fleuve
1
Cameroun, entre les fleuves Bimbia au Nord et Kwakwa au Sud, et jusqu'au 40 10 degré de
longitude Nord, awns aujourd'hui, au cours d'une assemblée tenue en la factorerie allemande
1
sur le rivage du roi AAWA, wlontairement décidé que:
- Nous abandonnons totalement aujourd'hui nos droits concernant la souveraineté, la
1
législation et l'administration de notre territoire.
1
- A MM. Edouard Schmidt, agissant pour le compte de la firme C. Woermann, et
Johannes Voss, agissant pour le compte de la firme jantzen et Thormanlen, toutes deux à
Hambourg et commerçant depuis des années dans ces fleuves.
1
- Nous awns transféré nos droits de souveraineté, de législation et d'administration de
1
notre territoire aux firmes sus-mentionnées avec les réserves suivantes :
Article 1 : - Le territoire ne peut être cédé à une tierce personne.
1
Article 2 . - Tous les traités d'amitié et de commerce qui ont été conclus avec d'autres
gouvernements étrangers doivent rester pleinement valables.
1
Article 3 : - Les terrains cultivés par nous et les emplacements sur lesquels se trouvent des
1
villages, doivent rester la propriété des possesseurs actuels et de leurs descendants.
Article 4 . - Les peages doivent être payés annuellement comme par le passé, au rois et aux
chefs,

1
L'expérience du fédéralisme camerounais: les causes et les enseignements d'lm échec
1
355
Artide 5 : - Pendant les premiers temps de l'établissement d'une administration ici, nos
1 coutumesetnos usagesdoiventêtrerespectés.
1
Cameroun, le 12 Juillet 1884
1 Ontsigné:
1
Ed.WOERMANN
RoiAKWA
Témoins:
1
O. BUSCH,
David MFATOM,
EndeneAKWA
Joharmes Voss,
1
Ed. SCHMIDT,
King Bell,
Coffer Angwa,
Joe Garner AKWA,
JohnAngwa
Big Jim AKWA,
1
MangaAKWA,
William AKWA,
Scott Jost,
Jim Joss,
Lorten AKWA,
Matt Joss,
1
NedAKWA,
David Joss,
Jacco Esqre,
London Bell,
1
Barrow Peter,
Elame Joss,
Lookingglass Bell.
Black AKWA (?)
1
1
1
1
1
1
1

BIBU06RAPHIE
N OUVRAGES LES PLUS CONSULTES
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89. EFFORT CAMEROUNAIS, semaine du 10 au 17 janvier 1973 : "LE BILINGUISME, UN ECHEC"
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Française d'Etudes Politiques Africaines p. 75
91. REVUE "ABBIA" ; BULLETIN ACAP; PRESSE DU CMAEROUN; L'EFFORT CAMEROUNAIS.
1
1
1
1

INfRODUCTION
SECTION 1 : LE FEDERALISME COMME
DOCTRINE POLITIQUE
Paragraphe 1 : Pierre Joseph Proudhon et
le pluralisme
A, Pour une reconnaissance du pluralisme :
la phase révolutionnaire
1. Plus de gouvernement
2. La subsl.itution du Gouvernement par le contrat
B. Du principe fédératif comme technique
d'organisation du pluralisme
1. La fonnulation
2. Les disciples de Proudhon
Paragraphe Il : Marc Alexandre :
le fédéralisme comme refus du "UN"
A • Les dangers du Monisme
B • Le dépssement du dualisme
1
SECTION Il : LA TRADUCTION INSTITUTIONNELLE
DU FEDERALISME: L'ETAT FEDERAL
1
Paragraphe 1 : L'élaboration de la
théorie dl?' l'Etat fédéral
1
A - Hamilton ALexandre
1
8 - Georges Scelle
1. Réflexions d' ensenlble
1
2. La théorie nouvelle du fédéralisme
Paragraphe Il : L'Etat fédéral
1
A • La différenciation de l'Etat fédéral
des autres formes d'Etats
1
1. L'union personnelle
2. L'union réelle
1
3. La confédération d'Etats '. L'Etat unitaire
a) Fédéralisme et décentralisation
b) Fédéralisme et régionalisme
1
1

B - La nnallté de la formule fédérale
1. FbriçrillisI11" pt l~t"ls 1111 li 1i,", '111lnlllld'JI"H'S:
jp 1"·.)blèllH-' des flIill,xit(>s
2. Fédéralisme et illll'priltif écullOllliqllP
:1. j-"{~déralisllle el pditique
4. FédérClliSllle et ~fi1l1(b PlIs('llll,[PS
SECTION Il : LA QUESTION FEDERALE EN AFRIQUE
Paragraphe unique: le fédél'allsme africain
comme processus: Doudou Thlam
A - Du fédéralisme territorial, du fédéralisme étatique
1
1. l_P fi>dérillisllle [errituriill
2.1.(' fi>flérdlisllle Uatiquf'
1
B • Du fédéralisme conventionnel
au fédéralisme étatique
1
Position du problème
1
TITRE 1 : ANALYSE DE L'EXPERIENCE
1
UIAPITIΠ1 : L'ECHEC TERRITORIAL:
lA lENTATIVE DE RECONSTRUCTION
1
D'UN GRAND ENSEMBLE CAMEHOUNAIS
1
INTRODUcrlON ET POSITION DU PROBLEME
1
SECllON 1 : L'IDEE DE REUNIFICATION
Paragraphe 1 : La consistance territoriale :
1
le coup de l'accordéol1
1
Sous-paragraphe 1. : La phase de la crolssal1(.:e ou
"de la formation à l'apogée territoriale"
1
(1884
1911)
A· L'Instauration du protectorat allemand
1
sur le "Cameroons Tov<'Os"
1
1

B • Le rattachement des prlnclp<Ultés
côtières au Cameroons towns
C - Le Cameroun après la conférence
de Berlin (15 novembre 1884 - 26 févrIer 1885)
1. !.il frunlif.>rp ,jcciriPllIill" de l'l\\l/ilntirl'll' ,llll.ill' Tchilrl
2. Les frulltièm.; lllèridiollille.; cl orienlil\\f.'< dll CillllerUlIll
o . La mirage du Neu-I{amenm : 4 avril 1911
Sous-paragraphe Il : La phase de regresslon :
du dépèsement à la consécration
de l'amputation territoriale (1916 -1961)
A - La perte des territoires acquis de
l'Afrique Equatoriale FrançaIs"! par l'Allemagne
B • Le partage franco-britannique
C - Le rattachement du Cameroun septentrional au Nlgérla
Paragraphe \\1 : Les doctrines de la réunification
se développant dans les partis politiques
A - Genèse et évolution du mouvement
de la réuntncatlon de part et d'autre du Mungo
B - L'UPC et l'unification du Cameroun
C - L'unification dans le programme du BDC
SECTION" : LES CONSULTATIONS POPULAIRES
POUR LA REUNlFICATION
Paragraphe 1 : L'opportunité d'une double (~onsultatlon :
les raisons du recours au pléblsdte
dons le seul Cameroun sous admInIstration
britannique et t'attitude des partis
politiques anglophones

A • Des raisons Insuffisantes pour
un plébiscite "sectoriallsé"
B • Les divergences entre les formations
politiques comme prétexte à rorganisation
d'un plébiscite au Cameroun
Paragraphe Il : l.e plébiscite de 1959
sur le sort du Cameroun Septentrional
A - Les questions et les réflexions suscitées
B • Les résultats des consultations de 1959
Paragraphe III : Le plébiscite du
Il février 1961 et la dernière
1
amputation territoriale
A - L'environnement des plébiscites du Il février 1961
1
B - L'Inutile cotestatlon des résultats du
1
plébiscite par la RépubUque du Cameroun :
la critique du déroulement des opérations
1
1. Irri'911lilrilès pl il1JSplll(> rie 9ilrilTllies
rlilllS 1'1 pri'p;mlli. >11,\\11 pli,1Jisrile
2. Irrègulmilès pt il1Jsr"IIIP (Il" wmu i1il'S
1
penc\\ilns la cilillpagrw du plébiscilP
3. lrrègularités pl ilhspnu> dl" cJi1ralltic~
1
rlans le rlérolllpTllPnt c111 plébisrilp
11. Irrr.>gulilrilés el "hsP.Ill'<' d(> giHillllit's
1
!,pllrlant le dépOllillcfIlplit
SECTION III : L'ENTERINEMENT JURIDIQUE
1
DES VOTATIONS POPULAIRES
1
Paragraphe 1 : L'échec de la revendication camerounaise
à L'ONU
1
Paragraphe Il : L'acceptation du fait accompli :
l'avènement de la conférence
constitutionnelle de Foumban
1
1
1

A - les mesures préparatoires
1. Lêl l'rèl'ilrilfjoll de lêl conférence de
Fournbilfl iHl CarnewIIIl Occidelltêll
2. L.es contiJcls p',w!uels ('lItre FOllc!lél-i\\hidÏ'.)
B - La conférence constitutionnelle de Foumball stricto sensu
1. COllsidératiolls géllérêlles ilrrérellies
il Iii COIl!{.>WIlCP rie F'.:>UIllOêlll
2. Lps ré9,llIliolls fillalps de la
("'.)II["rPI)("p de F01l1llbilil
1
Paragraphe III : L'échec de la requ~te
camerounaise à la Haye ou la consécration
1
par la Justice Internationale de
ramputation du territoire camerounais

1
A· Présentation schématique des faits
1
B • La solution de la COllr
C • La portée réelle de cet arrêt
1. IIllItilité rie l"(llr&'1 ,j'li 1" S"II ,>\\liet il Cilll';"
1
d<> 1,1 lllilllV,1 jq.' [, Ill! lilial iUII ries (>xigPIl«.'S 1,II1I"r, )111 iiI i"l'''
2. I.a vilk~m hemisliqup ri" <"cl iHrî,t
1
CONCLUSION PARTIELLE
1
CHAPITRE Il : L'ECHEC INSTITUTIONNEL:
L'INFLUENCE DE LA CENTRALISATION
1
SUR LE FONCTIONNEMENT DES
MECANISMES JURIDIQUE..'i DU
FEDERALISME CAMEROUNAIS
1
SOUS-CHAPITRE 1 : LE DEPERISSEMENl
1
DU PRINCIPE D'AUTONOMIE DANS
LES RAPPORTS DE L'ETAT
1
FEDERAL ET DES El'ATS FEDERES
SECTION 1 : LA CONSTITUTIONNALISATI ON
1
DE LA PREPONDERANCE DE L'ETAT CENTRAL
1
Paragraphe r : L'atteinte au droit d'auto-
organisation des Etats-membres
1


A • les pouvoirs Initiaux clu Président
de la République sur les Etats fédérés
1. L:,lCli"II du Prèsidelll sur rLxéclltif fédèrè
2. L"ilClj')1l du CI1('f de ITlill slir le législillif fçdéré>
B - les pouvoirs subséquents du Chef
de l'Etat sur les Etats fédérés:
l'incidence de la révision constitutionnelle
réalisée par la 101 n° 69/lF/14 du 10 novembre 1969
1. lil SIII'Pll'SSÏ\\">1l de 1111t'eslihlre
2. Le H'1l0llVeilU dl" rarticle 41
Paragraphe " : La répartition Inégalité des
compétences entre les Etats
fédérés de l'Etat fédéral
A - L'extension illimitée de la compétence
d'attribution du pouvoir central
1. Le \\(mtPllu des il1licles S et (,
2. Les CI)ll1tTwnti1iws sucil{'s pm CP!' deux ilrtic!()s
B - La prééminence des autorités
fédérales dans l'exercice des
compétences "provisoirement mixtes"
1. Le prillcipe de lil ll1ixilé provis0irP dps Cl, 'lllpél()l J( es
2. Lil déslléllldp des cUl1lpéll"JlCeS lIIixl('s
C<)llline filelpllr (Olllti\\llliif il lil pri>hnillelllO('
de ITlill cellirili
SECTION Il : L'ACCROISSEMENT DE LA
SUJETION DES ETATS-MEMBRES
PAR DES TECHNIQUES AUX EFfETS
CENTRAliSATEURS
Paragraphe 1 : L'application du principe d'unité:
générateur de la centralisation
administrative
A - L'Influence de la centralisation
administrative sur l'autonomie des Etats-membres

Paragraphe 1 : Le statut privilégié
du Président de la Républ1que Fédérale
A - L'accroissement de J'autonomIe
statutaire du Président de la Fédération
par la source de son pouvoir
1. L'organisation de l'élection présidentielle
2. L'irresponsabilité présidentielle
B - La structure de l'Exécutif
présldentlallste renforce la position
du Président fédéral
1. Le monocéphalisrne du pouvoir
comme élement du renforcement
de la position du Chef de l'Etat
2. Linexistence constitutionnelle du
gouvernement comme facteur de renforcement
de la prééminence du Président fédéral
Paragraphe Il : La prépondérance
du rôle du Chef de J'Etat comme
IndJçe de la place éminente qu'U
occupe au seIn des institutIons fédérales
A • Le rôle prééminent du Président
t
dans l'exerce de la fonctlone éxécutlve
1. Les attributions du Président fédéral sur le plan interne
l
2. Les attributions présidentielles en
matière de relations extérieures
1
B • La direction de la fonction normative
par le Président de la République
1
1. Le Chef de l'Etal partage l'initiative de 1<1 loi
2. Les avantages pour le Chef de l'Etat de la
1
restriction de la législation parlementaire
3. L'importance de la législation réglementaire
1
SECTION Il : LES RESTRICTIONS
A LA FONCTION DE PARTICIPATION
1
DE L'ASSEMBLEE NATIONALE FEDERALE
1
1

1. La fOIlc\\i<m dE' "lIivellelllPl l'"
du décTf'1 n" Ù 1ID!'/l 'ï du 2U oct, .I,tf' l')f, l
2. ]ps (·,ilels d'ilPl'ii'llliOill du décrel
de 19() J au CallIPrUIIIl Ocridellta!
8 . l'Incidence de la dénaturation
de la décentralisation sur J'autonomie
du Cameroun Occidental
Paragraphe II : l'hypothèse de crise,
facteur de centralisation
A • la dualité des prédispositions
coercitives et leur Influence sur la
formation d'un droit de crise
centralisé dans la fédération
1. La li>,gislaUon cl' exceptioll daJls
le droil des pllis'V--,rH'es "oinlliilies
2. l.es l ".)lIvoirs de nise d<1fl'
Il' \\ onstilllti,.,mlillisl\\)P lIiqf>riilll
B - la coercition, source de centralisation
pendant la fédération
1
1. l ,\\1Iflll<'lIn' d,'s dispOisili' )JlS ,', )Ilslil' 1\\1' JI 111cllps riq' )lIH'''ISPS
2. 1.,1Ih.lislilfj')Jl illdit(',lp de 1illlpilile i\\ l'i)III"II')J]IÏ'"
1
dl>,s l.tals merJlf>ms pilr j' OrdOIlJlilIlU'
n' 5 du 4 oct,)l1m 1116
1
portillit loi orqanique sur l'état d'urgence
SOUS-CHAPITRE Il : PRESIDENTIALISME ET
1
FEDERATION: LE DESEQUILIBRE
AU SEIN DES ORGANES FEDERAUX
1
OU l'ATTEINTE AU PRINCIPE
DE PARTICIPATION PAR LA
1
CONCENTRATION DES POUVOIRS
AU PROFIT DU CHEF DE L'ETAT
1
SECTION 1 : L'AUTONOMIE DU CHEF
DE L.'ETAT AU SEIN DFS
1
N511TtlTION5 FEDERALES
1
1

Paragraphe 1 : Le statut privilégié
du Président de la République Fédérale
A - L'accroissement de l'autonomie
statutaire du Président de la Fédération
par la source de son pouvoir
1. l.'oH.Fmjsflliol' df' ri'il't'li'>ll l'ri~sideillidic
2. l.'im~sl'''lIsaL)ilitè prèsidellûf~111'
B • La structure de l'Exécutif
présldentlallste renforce la position
du Président fédéral
1. ly 11lolllxÉ'I'Iv,lisllle du lK,tJVoir
('O'llIllf' ,,1,,1 1H-'I11 rhl f(·llf,.n PlIll'lIl
de 1<1 prJ<;iii'lll <III ( :III-'f de ITI"I
2. LillexislpllCe co msli lui i, '11111'11(' <It 1
\\jouv('rncnwnl e',)fJI!lW fflclcur de rCllfOreel1lCIII
de la préèlllincnce du Présiri('111 Fédéral
Paragraphe Il : La prépondérance
du rôle du Chef de l'Etat comme
indice de la place éminente qu'il
occupe au sein des Institutions fédérales
1
A - Le rôle prééminent du Président
1
dans l'exerce de la fonctlone éxécutlve
1. !('S illtrihllliollS rill Pri'sid<'nl féc1érill sur le pbn intcTlle
1
2. ll's <1l1ri\\'ulioT]s présid()llliellps ell
malièm de relotiol1S extérieures
1
B • La direction de la fonction normative
par le Président de la République
1
1. Le Chef de ITlill pnrlil!-J8 lïniliolive rie h i<Ji
2. Les iWolllaqes P')\\IT \\1' Chef de 1'Eléll rlr.' lil
1
rpslricliull' If' l" lilqisiillj,,,) jl<lrir'lllf'lIidirr>
.'1. Lïrllpmtilllt(-' de iiI lé!-lisliltioll ri'!-lII'IlWlIlilirp
1
SECTION Il : L.ES RESTRICTIONS
A LA fONCTION DE PARlICIPATION
1
DE l'ASSEMBLEE NATIONALE FEDERALE
1
1

Paragraphe 1 : lIne Assemblée Fédérale
dotée d'une organisation discutable
A • lIne structure mono<:améraie
préjudiciable à l'institution fédérale
1. Lil p,)sili,m d"drillil! du problème
rie ln dellxièt11e c!vl1nhre pn régime (.'>(iÇml
2. L.·'Jl'tiull Cill1Wf' JI Il lilise p,,,"r le nl,.)II,j('i'lflli>rillisTlw fi'dèrill
B - L'existence précaire du Parlement
fédéral comme source de son affaiblissement
1, L.'hYI'0lhèqlle sur la liberl!> des députés il li! chillnhw fédérale
2. Les r11(<1 )il('eS ql Ji pèspn t sur l'Assembll'?p N'1Ii"llille fèclèr ,1\\(>
Paragraphe Il : La pratlclpatlon discutable
du Parlement Fédéral à la fonction publique
A - Parlementarisme rationalisé et
entorse à la libre participation
1. 1.'1 reslriclioll de 1,1 piHlicipnlion
des do>plllès ill nrSilnisalioi 1 du Iriwilil par!Plllenlilire
2.1.<1 rPslri,'liun dp lil folll lion bll,lgélilire du Pilfk'fllent
3. In fC'SIri-lj'il1 ri" lil [<J!\\('tk,n dp ç'llllrôlp
ci(' l'l\\ssmnhlée li'dPlil!C
1
B • Référendum et "court-elrcultage"
de l'Assemblée Nationale Fédérale
1
SECTION III : LA DlFFlCllLTE D'EXERCICE
1
DE LA FONCTION ARBITRAGE
PAR L'AUTORITE JUDICIAIRE
1
Paragraphe 1 : L'atteinte à l'autonomie
1
jurkllctlonnelle du Cameroun Occklental
A • Les limites de l'autonomie
1
d'organisation judiciaire ouest-camerounaise
1. Les indices de l'i\\l Ik!lIomie
1
2. I.e (oll!rôle 1'f'>qTC'ssif rie d" l'''I'I'<l(Fil
,indic iilire <lllglup!lUIlP pilf le g<J1]vpn l' '111"111 f.->déml
1
B • La tentative d'unification du droit
applicable dans la fédération aux dépens des anglophones
1•

Paragraphe" : la Cour Fédérale de Justice
A • la composition de la Cour reflète
le souci de participation en matière
autre que constitutionnelle
B • Un fonctionnement dominé par
le Président de la République en matière constitutionnelle
1. Le Présidl'tll de Iii [{épuhlique détiellt
le ITlUllupole dl' 'ilisirw de là c,)ur par v'.,ie d'ilCliull
2, l ,il fi Xii Iioll d(~ ln (,oJl1I'o'i tior 1(Jp
ln t'ulIr U·r1é1<llp de ,11Islice 011 Sil puliliS<lliOJl Jllilltiresle
3. COlllri"le ,Il' lil c' ,"slillJliullIliliili> df's l, ,is el
cUlllrt,lr-s des Pèlr!Pllwllls
CONCLUSION PARTIELLE
CHAPITRE III : L'ECHEC DE LA POLITIQUE
CULTUREllE AU SEIN DE LA FEDERATION:
L'IMPOSSIBLE AUTONOMIE DE
LA MINORITE ANGLOPHONE
INTRODUCTION ET POSITION DlI PROBtEME
1
SECTION 1 : UN ECHEVEAU CULHIREL
DIFFICILE A DEMELER LE FAIT MINORITAIRE
1
Paragraphe 1 : Llnégale participation culfllrelle
1
A • A la recherche d'un équilibre culturel:
le souhait d'une certaine Inégalité
1
l, L, fluesti')IIl'ullllrl'\\\\p il\\il c'.mférellcf' ne> R.lllll'rlll,l
2. l.iI (lIws1k)1I Clillurdl,' il Id l'Onf"rPIHT r1,~ F.)ll1l1bi111
1
B • le témoignage des faits: la primauté de la culture française
J. Lill1liS(~ prl gmrie dll Dr h)lllnll
1
2, l:offpnsive culhlrellp. frilllçilisc
1
1
1

Paragraphe Il : La tendance à l'absorption de la culture
anglo-saxonne par la culture latine :
l'atteinte à l'autonomie culturelle
A - La politique culturelle Impérialiste de la France
B - Le complexe de supériorité de la majorité francophone
1. L(-,s sYlllplÔllles cl 'lItI cumplexe de
slIl'érioril{~ il Iii ~Ienèse de 1" lédémli"!1
2.1.(' cC)Il1l'i(,xp clp s'lj!éri'\\ri~i' 1)('II<lill1ll" l'('ri' ,ri" I{'riémlt>
SECTION Il : L'INTROUVABLE BILINGUISME
Paragraphe 1 : Le bilinguisme conceptuel: Bernard Fonlon
A - Sa pensée
l
YOllr lin hiculiltri11isllIP illl{'~
:2
Ft Lili hiling1I1S11 te ilIl1hCIl tiq\\lP el 51,,1<'111 1liée, >cp
B • l'arme du combat: "ABBIA"
1. l 111 e',ll1ili< dl' direcli"lll<')ll1j'J{"lliHlI
2. {lll co,mil{, cl" rèrbwti<'IJ. lPSp' JII Sil hk <.Ips ,lrlirlr<,
Paragraphe 1\\ : La problématique du
bilinguisme dans l'administration
et dans l'Infomation
A - La primauté de l'unlllnguisme dans l'administration
1. 1.P développ(~lI wlIl d' \\111 lIt1ilil1!-\\lIismp 1·,'1 KI i, )tllll->\\
2. 1:\\lllilitl~'lisIIW [crril"'lil! rie 1,1 l'i1pil,li" f{·rihillrc
1
B - Information et bilinguisme : quel couple ?
1. I.c déséqllilihre (-'11 [;WPIlr des [r(ll 1[<)1'1 l' 'IICS
1
,lU seit 1 do> 1" [P<!i'lilli,,11
2. LI ré!-\\i"llillisilli.,JII d,-'s IIl<1SS IIlédiil i\\1I
1
<!{'lWIlS de la millorilé illlgl,)phoTie
Paragraphe III : L'échec du bilinguisme dans renseignement
1
A • La superficialité de la politique du bilinguisme
1
1... sun pxisfer Ke di\\! IS i' enseigner TIen ( prin lilire
2.5')11 ètilt em[,ry',llIlain' c1ilns i'enseiqll<:>tmmt sc('ondi1ine
3. S<)n illS\\lfliSilll(,P di1l1S i'cl1,eiqnPIfH-'lIt sllp<"ril'llr
1
1

B • L'illustration chiffrée cie l'échec du blllnguisme à l'Université
Quels commentaires slL'.c1tent ces tableaux ?
A - La prééminence des francophones dans le corps enseignant
B - La prééminence des francophones parmi les étudiants
C - Ebauche de sondage su,," le terrain
1. Le qucsliollllairp étil;lle suiVilnl :
2. Les réponses, celles ci
A qllPls filclPlils attrihuer ce phénuJllpne quelque pcu l'ilIrldOXill '?
1. Ali dé>sé>'lulil'rc du Il,,111hre des cour,
2. Ali ciIIilclèw 110111in;11 de lil fon llilli' >II hilill!,]1 IP
CONCLUSION PARTIELLE
TITRE Il: L'EXPLICATION DE L'ECHEC
CHAPITRE 1: DYNAMIQUE UNITAIRE ET FEDERALISME:
LES EFFETS CENTRALISATEURS DES
fORCES PARTISANES SUR LE
FEDERALISME CAMEROUNAIS
INTRODucnON ET POSITION DU PROIU,EME
1
] . Girondins et MCll1li1!-jIlf1rrb : lil querellp de
la fornJe de nJill frilnçilis
2. PilIlis politiques el forme ri 'Etill dam
1
lil prillique de ('prtilir IS PilYS fi><lérilux
1
SECTION 1: LA CONVERGENCE CERTAINE
DES PARTIS POLITIQUES SUR LA
1
PERSONNE DE MONSIEUR AHIDJO
1
Paragraphe 1 : Le recours aux méthodes
coercitives au cameroun Orientai
1
A - Les résistances à l'unification partisane:
le front épars du refus
1
B • Les objections manifestes à l'unification
le front national unifié
1
1

C - La soumission des oppositions
1. L'ordonnance Jl" 62/0F/12
du 12 miHS 19(,2 l'<)r!alll répr8s"j'.JJl dp IiI slIbvprsioll
2. Les effets de l'ordollililill'e du 12 Mals 11)62
Paragraphe Il : l'usage des procédés pacifiques
au Cameroun Occidental
A· L'obsession de l'alternance au pouvoir:
l'alliance KNDP-CNPC
B • Les effets positifs de la scission
du CUC pour le Présklent Ahidjo
] . Iy prOCl?SSIIS Crll11e rllpluw
2. L·atlillJ(l(~ du l '11<>[ de l'Flil!
Paragraphe III : L'Influence de certaines
dispositions constitutionnelles
A - L' artkle 9 alinéa 1 de la Constitution de 1961
l'instauration d'un rapprochement Inégal
B - les effets Indults du texte constitutionnel
]. L.'dfpt ill\\rn{~diill : li\\ [pdi!rillisilli')ll dps )JiHlis c!UlTlillilllts
2. I\\vec le tem)Js : 1111(>. pratique électorale i'll'proprii!e
SECTION Il : L'OBSOLESCENCE I)U CONCEPT
1
D'UNIFICATION APPLIQUE A L'UNC OU
L'ATTEINrE A L'AUTONOMIE I)E
1
LA MINORITE ANGLOPHONE AU SEIN DU PARTI
1
Paragraphe 1 : Ail préalable, que salt-on des partis unlf1és ?
A • Un phénomène Ignoré dans les grand..
1
classiques de la science politique traditionnelle
1
B • l.e parti unifié : paramètre spéciflqllP
à la vie politique africaine ?
C • Comment 5e dénnlt le parti unmé ?
1
Paragraphe Il : la problématique de l'unification
1
dans la stnlcture externe de l'UNC
1
1

A - La genèse de nJNC et le problème de l'unification
B - L e statut de l'UNC et la question de l'unJnçation
C· La nature de l'UNC et la problématique de l'unification
J. LUNe et IiI (PII[<lli')1I dêlw pmU dp 1I1i1551'
~~. [. "N(' psi die "I"IS \\111 1lillti dt' ('(1(ITl''' "
:1. 1_cl 1J[lkllll{~ rie '1llcllifi(,él!iull
Paragraphe III : La problématique de l'unJncation
dans le fonctionnement de l'UNC
A - La casuistique du pluralisme au sein de l'UNC,
les débats de tendances
1. I.es pilrli!'alls d'lllI rl8bi1t "u ~in du pmti
2. L'Ïillpensilble di'ilal ail 8-(>in de l'l JNe
B - L'effectivité de l'unification ethnique au sein de l'UNC
1. 1.. PqlJ ilibn> ('<.)1 nille te('llI IiqllP de gouven \\l'menl
2. Ln consPcraliol1 de l'lll1ifj''iltion
ellllliqul'. "Il sPin rlf'S ÎI 18-l"lICeS supéri(JlIws du pilrli
CONCLUSION: INCOMPATIBILITE ENTRE UNC
(parti unique de fait) ET LE FEDERALISME
CI-IAPITRE Il : DYNAMIQUE UNITAIRE ET FEDRALISME :
L'IMPACT CENTRALISATEUR DE L'UNIFICATION
1
SYNDICALE SUR LE FEDEHALISME CAMEROUNAIS
1
INTRODUCTION ET POSTITON DU PROBLEME
1
SECTION 1: L'IDEE FEDERALE EN SURSIS
DANS LE CADRE DU PLURALISME SYNDICAL
1
Paragraphe 1 : Le syndicalisme en liberté
comme reflet d'une société plurielle
1
A - La dualité originelle du syndkallsme camerounais
1
1. I.es SOllrC(~s illlgl')pllOllesrjll syrldÎt',,'isll1<>
2. I.es sOllrces fréll1('opholl<'s du syndicdlbille
1
1
1

B - La pluralité idéologique du syndicalisme camerounais
1. Les orgilllisiltiolls syndkilles illl Cill1H'roUIl Oriental
2. Les synrlir'ills riilllS Id pilrlie on:irlenlille ri Il l'il)'S
C " Les multiples actions dll syndicalisme camerounais
1. [Yilhorrl au CilllleroUll Oriel11il/
2. Ensuite illl CrlllleT'jl Il 1 Oc ch lenlill
Paragrpahe 1/ : Les syndicats en situation :
les résistances à l'unification
,..L'échec".
B -" ,Le temps de réflexion
C • L'espérance
D - L'espérance d~çlle
E ·le refus
SECTION 1/ : LE CONCOURS DU MONOLITt-USME
SYNDICAL AU DEPERISSEMFNT DE L'IDEE FEDERALE
Paragraphe 1 : Le processlis de fusion
A • Les opérations préalables
1. L'1II1ité synrlkilk' : le SOUhilil i'lfrlelll rie M. J\\hidiu
2, 1.'lInifirillil)l1 rll" iiI li>qislillj'>Il: \\1' rir.)il illl ";('l'Vice ri"lIw iri{'p
B • les opérations de fusion
1. Les cOlldiliolls de fusion
2. L.e débat de fond sur le thème de la dé""lliliillÏ<>1l
1
J Ln fusion
Paragraphe Il : Le centralisme de J'UNTC :
1
le glas de J'autonomie des forces politiques
résiduelles dans le fédéra1Jo;me camerounais
1
A - L'atteinte à l'autonomie du
syndicalisme anglophone par la fusion
1
1. 1.'ab"orl'tj, J1l de lil W(~TU('
2. Les problèmes ,,()lIlev{-s
1
L'atteinte à l'autonomie syndicale par la tutelle du parti
1
1. L" ('.)Jll'el'lUillis,}fi·..>n riu l'iliTilillilge l''nlisml
1
1

2. Lil f'mnlll'iti')l1 ~lil1\\1filire delil ~lIh()rrlir'ilti')il sY11r1ilille
3. Lil cons'?cmtion dl' lil suborrlinillÏ<)11
dilllS les l'I?s,)luliuIIS des rliffimmls c()lI~ri>s de 1'\\ JNT<'
C· L'atteinte à l'autonomie des travall\\eurs
par l'existence de l'UNfC
1. Li] f"'lt l.i')Il IrihlllliciellllP de rUNT( ~
2. Ln di~su(>ludc (lu rrcolirS il lil grl'>ve
CONCLUSION PARTIELLE
CHAPITRE III : LA FONCTION CENfRIPETE
DE L'ECONOMIE DES DEUX ETATS FEDERES
Paragraphe 1 : Le développement Inégal:
le leg colonial
et la recherche de son dépassement
A • Une économie apparemment plus complète :
réconomie du Cameroun Oriental
J. Li>ronomie il!-lIÏ,·oie
2. L. '(>«)1 IOlllie indllslric'lIf'
B • Une économie essentiellement agrkoie :
le handicap du Cameroun Occidental
C • La volonté de redressement de
1
l'économie du Cameroun Occidental
dans le cadre du premier plan fédéral
1
Paragraphe Il : Les techniques d'lntégratl"11
1
économique aux effets centralisateurs
A· Introduction du FCFA au Cameroun Occidental
1
1, 1,(.' CUllh'l1l1 rllI rli>nel présid'~111id
2. Les effets r1elïllln~IJKliuli du FerA illl Cilll ler"," 1Uccidentill
1
B· L'extension au Cameroun Occidental
de la réglementation des changes et
1
du commerce extérieur en vigueur au Cameroun Orientai
1, I.il fédérlllisiltion (011 plutôl Torientillion")
1
du COllIIllPrce exlériellf <"1 ries Chè1lIHPS (lu Cé1l1WrOllll Oeciclmllill
D

2. L·lInipolilrisc1li.m r\\j(f~rÉ'e rlu C0\\l1111p.rce
exli'>riPUl c1llgbph.jl le .Ille (lI IX rdal iuns
èC')II' JIll;' IU(.'s i)nli'ri,·'urf'S de HlIl~il
C· L'extension à l'Etat fédéré du Cameroun
Occidental de la législation de l'Etat
fédéré du Cameroun Orientai sur le système d'unité de mesures
1. I.l'Jllilll ipp d,> rp.'ZI"llsj'·,n
2. l.es iltlèlllliltiOllS iHI l'ril\\cipp
D - L'extension générale du code
des Investissements au cameroun Occidental
1. CUllsidi'>ralioll sur If' (OlllllWH'e illtet1lilli'jllill
2. Ll's élspects "'Il\\TilIiSillellrs du C'.Jlllilleru' inl(,rrlc1lionill
E - La dose centralisatrke des voles de communication
1. L'assimilation des populiltions oueSh,1Il1PTOlll1ilises
2. L.il pTi'>V(>ntion contTe les COllTi~lIls illlf, lllOlllislps ilnqlophones
SECTION 1\\ : LE PROBLEME DE LA VIABIUTE
D'UN ETAT CAMEROUNAIS J\\ STRUCTURE
FEDERALE DANS LE CONTEXTE
D'UNE ECONOMIE EN DEVELOPPEMENT
1
Paragraphe 1 : La thèse gouvernementale:
1
les effets néfastes des pesanteurs des
structures fédérales sur le,,; efforts
1
de développement du peuple camerounais
1
Sous-Paragraphe 1 : Exposé de la pensée du Chef de l'Etat
Sous-paragraphe \\1 : Le blen·fondé de la IJellsée du Président
1
A • le coOt de la multitude des stnlctures de l'Etat fédéral
1. I.illlllliliplidip. d',)TqfllIPS illl l'ers()Ilnf'i éPdTl'illù
1
2. l.il prèselltilfi')f 1(I.,s Imis budgpls mspectifs
1
B • L'action des subventions aux Etats fédérés 1
un argument de mauvaise fol
1. Certes les subvpnliolls HTdf'"11 le blldq"t fèdéri'll
1
2. Milis III pOllvoir ('011ITilllI'ns~ il p,~s ni"
fois (illlS!? el hétlèficiilir<>. d,~ celte politique?
1
1

C • Les aspects nnanciers de la fonction publique
Paragraphe Il : La critique de la thsèe gouvernementale
A • Les Insuffisances de la thèse gouvernementale
1. l.es illSu!fis,"1llces c<'llj'.J1ldllrelies : les leçulls (1'1111(>
illlalyse compMiltive elltre l"illlIlPl'. 1967 et rilllllèe 197'2
2. Les illsuffisances slrlldllrcdles delrl thèse ~ouvernellJeI)lille:
le c,)ütellx sacrifice de rel Ilreliell des i\\<;selllbl~~es
B • Le dépassement de la thèse gouvernementale:
la viabilité certaine d'une économie anglophone
1. I.il ré.)Tganisilti•.•11 bill 1!-1{~laire des res~, 'llrlCS
ilU seill de Irl FédprélliuII
2. Lél réuûlisdliull du pori de Vidoria/lik,j
C01111lle IIleSU((' dc' redrcssernenl de'
\\'éc'!lluntie olles! lil1l1e'HJl1l1ilise
CONCLUSION PARTIELLE
CHAPITRE DE CONCLUSION: LES ENSEIGNEMENTS D'UN ECHEC OU
DU FEDERALISME CAMEROUNAIS
AU FEDERALISME AFRICAIN
SECTION 1 : LE FEDERALISME CAMEROUNAIS:
liN EXPERIENCE CONSUMEE
Paragraphe 1 : La consécration Juridique de l'échec:
la confrontation de la révision et du référendum
A • La solution camerounaise en matière
de révision de la Constltutlon fédérale
1
B • L'application discutable de la révision et
l'achèvement de l'expérience
1
Paragraphe Il : L'échec soclo-polltlque
du fédéralisme camerounais ou
1
l'hypothétique création de l'unité nationale
1
A • la politique d'équilibre et la question de l'unité nationale
1
B • L'UNC peut-elle être le creuset de l'unité nationale?
1
1

SECTION Il : l'INALJ "UATION DU FEDERALISME EN AFRIQUE
Paragraphe 1 : le bllfl
'gaUf du fédéralisme en Afrl'l'Ie
A • l'échec du fédéralisme dlnsplratlon française
1. Milda!-!ilscm
2, Les leillillivesdc fi>dérrllislIlc vertical, l 'AOF pt l'AU
B - l'échec de fédéralisme dlnfluence britannique
1. L'Afriquc CentrillclnitiHHlÏll'W
L.I'Afrique Orjplllillp 1>ri 1ollliliquf'
('
[',.\\)(-'( dl's 1(,IlI,llives f"lpI,lles il h,lS" lrihilil'
1. 1.(1 ltlwslin" féd"'!'ill,., illl Ghililil
2, til '1uf'slinn fédpri11p iHI I\\PIIYil
~-J. l.a question fédérille ilU Cotlgo'Léopovilie
D • les autres tentatives de fédéralisme étatique
l, Li, l.ybiP
2. I.'Lthiopie
3. Ut fédp.wlÎOll du Milli
11. I.'OUgillldd
1
Paragraphe Il : Les raisons fondamentales de Ilnsuccès
de la formule fédérale en Afrique
1
A - Les causes de l'échec du fédéralisme selon
le Professeur Gonldec
1
1, l.es filf'\\eul s exol1èllPs
2. l.cs cC'll~idèri1ljOIIS <'Tl' l'A181 WS
1
B • La rareté de l'idéologie fédérale dans le continent africaIn
1
SEClION III : DES REFLEXIONS POUR UN PRO,JET
1
DE FEDERALISME EN AFRIQUE
Paragraphe 1 : la recherche d'un environnement
1
pour une proposition : la réfutation des faux acquis
1
A • La polysémie du concept de démocratie
B - la fatalité du parti unique
1
u

C • Le mythe de l'Etat-nation
Paragraphe 11 : Pour un fédéralisme
à base tribale (ou ethnique)
La tribu comme fondement d'une réflexion
1. I.il Irilnl eslulle l)r~,llliScltiolidUTilule el géllérille
2. Lil tribu: une slnlLture d' essence fédérale
3. I.es vrais et [ilUX. (Iangers du tribillisll le
B - La traduction Institutionnelle du
fédéralisme plurl-ethnlque ml à base tribale
Annexes
Bibliographie

Vu : Thèse admise à la soutenance
Clermont-Ferrand. le octobre) 979
Le Présidcnt de la Thèse.
.r. ROI m
Vu C1ernlllnd-Fenund le oclobre ) 97()
Le Doven.
R. Chiroux
Vu cl permis d'imprimer
C lermond-Ferrund. octobre) 979
I.e Présidenl de l'Université.
1.. JOYON