UN~VERSITE
CHEI,KH
ANTA
DIOP
DAKAR
pANN
(SENEGAL)
ANNEE
1 9 8 8
1 9 8 9
LA
, C O N C E P T I O N
DE
LA
V I E
CHEZ
L E S
DAGARA
A
LA
L U M I E R E
D E S
I-E~EBRATIONS
R I T U E L L E S
DE.
LA
MORT
T 0 M,E
l
THESE
DE
DOCTORAT
DE
3EME
CYCLE
SCIENCES
H~MAINES
(MENTION
PHI LOSOPHI E)·
AUTEUR
:
t"1EDAH
Ga l l i
(BURkINA
FASO)
DIRECTEUR:
P~
DIOP
A b d o u l a y e
B a r a
D o c t e u r
d ' E t a t
en
S o c i o l o g i e
D i r e c t e u r
d e l ' 1 . F . A . N .
DAKAR
_-_'-
.._._..__.__.--_ .
--~.-
CONSEIL AFRICA!N ET MA.LG/'.l:HE 1
.
.
~OUR L'EN~;E,Gr'J[MEf'JT SU:'UHl,UR 1
1C. ,!I,. M. L 5.'- OU/\\GlIl)OUGOU
1f.lrrivée 2.t. .NO.~•. I.~:;J;,)........ j'
1 Enregistré SO·~S Il" # 0 2 ·1·0- i ' .
__
.. ~-_._---~";'_'';'''''"'~--'--'-' .
...._ - ' ,
SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 5 JANVIER 19B9
A LA FACULTE DES LETT~ES ET SCIENCES
HUMAII'lES
DE
DAKAR
PRESIDENT DU JURY
A."
N'DAW
MEMBRES
A.
B.
DIOP
B.: LY
IV-3
;..-

...
A
mes
" p è r e s "
A
mes
"' m è r e 8
fi
A
l'Atné
SOME B. BOZIE
précocement
disparu
A
ma
femme

-.
--LI 0 ~1 ,,1 A l TI E
================~===
PAG.E~
SOMMAIRE
3
Table des cartes,
schémas et photographies
9
Note
de remerciements
11
Indi cations Graphi ques et Lexi cologiques
13
INTRODUCTION GENERALE:
Situation du Pays Dagara et
..
Position du Problème
23
PREMIEHE PARTIE
L'HO~ΠET LA SOCIETE DAGARA
60
CHAPITRE l
LES STRUCTlffiES DE LA SOCIETE DAGARA
61
PARAGRAPHE l
La Conception Dagara de l'Homme ou éléments
de PsycholoSic Dasara
63
1. -
L'Homme et
ses formes ou Modalit~s d'Existence
63
2. La Représentation Dagara de l'Homme face aux Grandes
Qualités proprement Humaines
PAHAGRAPHE II
La Communauté Dagara
et
ses
Struct.ures
'"
Section
l
La Physionomie d'ensemble du Pays Dagara
(Dagara Têw)
10
• Section II
: L'Organisation de la Société Dagara
11
• Section III
: Les Relations Internes au sein de la
Communauté Dagara
14
1.
L'Identité du moi
2.
Les Relations
de
c'omplémentarité entre
"yie" et leurs
caractères
(lignages,
clans)
16 f
... / ...
- 3 -

PAGES
CHAPITRE II : LES CONDITIONS DE VIE DES DAGARA
179
PARAGRAPHE l
: L'Agricul.ture
179
PARAGRAPHE II : L'Elevage
PARAGRAPHE III
: La Chasse
217
ANECDOTE sur la Famine en Pays Dagara au début du 20°
Siècle suivie d'une Liste
(en dagara) des Plantes
Potagères
251
CHAPITRE III
LES CROYANCES PSYCHOLOGIQUES ~ŒTAPHYSIQUES
ET ESCHATOLOGIQUES DU DAGARA
254
PARAGRAPHE l
Les Croyances Psychologiques et Métaphy-
siques
PARAGRAPHE II : Les Croyances Cosmologiques et Religieuses 262
Section l
: La Hiérarchie des Etres chez les Dagara
262
A. Le Monde des Esprits
262
B. Le Monde des Etres Visibles
279
Section II : Les Croyances Eschatologiques
287
DEUXIEME PARTIE :
GENERALITES SUR LES CELEBRATIONS FUNERAIRES
DAGARA
291
CHAPITRE l
: LES EGARDS DUS AU ~JORT ~ŒMBRE SOCIAL INTEGRE
EN VOIE DE pARTIR
294
PAR"GRAPHE l
: Le Respect dtl au Hart au Moment de l'Agonie 295
1.
Les dernières volontés
du mourant
296
2. L'Assistance au Moment de l'Agonie
300
3. Les morts qui n'ont pas cITait aux égards
302
pAnAGRAPHE II : La Restitution du Défunt à lui-même
308
... / ...
_ 4 -

PAGES
1. Les rites de "restitution" dans les cas particuliers
de mort
308
2. La toilette du mort
3 1 7
CHAPITRE II
RITUELS ET RITES DE LA PRESENTATION DU
MORT
322
PARAGRAPHE l
: Le fait de l'EÀ~osition
324
PARAGRAPHE II : Les Offrandes Rituelles
338
PARAGRAPHE III
: Les Pleurs, la Musique et les Danses
352
PARAGRAPHE IV : Rites et Rituels de Rappel de la Vie
du Mort:
IIZanu ll
et
"Muolu"
375
CHAPITRE III
LES RITES DE LA TO}illE ET DE LA FIN DES
PREMIERES FUNERAILLES
385
PARAGRAPHE l
Rites et Rituels de la Tombe ,et de
l'Enterrement
1. Les fossoyeurs,
op~rateurs initi~s
2. Rites de détermination de la tombe
392
3. Topographie de la tombe clagara
395
4. Protection de la tombe
397
5. De " paa l a "
(hangar d'exposition) a la tombe. Rite
de sollicitation a "T"gan"
398
6. Rites et Rituels de descente et de sortie de la tombe 400
PARAGRAPHE II
Rites
et Rituels
de la
"Dispersion ll des
Premières Funérailles. Les Enterrements
Symboliques et la Protection du Conjoint
et des Enfants
403
1. Rite de purification des objets d'exposition
1104
2. Les Symboliques d'enterrement du mort après
l'inhumation
405
_ 5-
.../ ...

PAGES
J. Le rite de "tll" ou perpétuation du droit d'ali_
mentation
407
4.
Le ri te
de
"yao-guo"
ou
"badigeonnage à
11 argile"
410
CHAPITRE IV
LES GRANDS RITES CONDUISANT A LA VIE
NOUVELLE OU RENOUVELEE
"BAO_BUU_DAA",
"KO-DA-
TUO"
ET "KO-DA-' HAAR"
416
PARAGRAPHE
l
"BAO-BUU-DAA" ou Hecherche Rituelle
des
causes
de la Mort
418
1.
"Baw-da-gol"
(Divination à
la
canne)
1,22
2.
"Baw-cur"
(housse
de ,divination)
J. La rémunération du devin
11.
L'achèvement du rite
de
"Bao-buu"
PARAGRAPHE
II
:
"KO-DA-TUO" ou Ri tes
de
Transition du
Premier
au
second Ages
de
la Renaissance
après la ~lort
l,JO
1.
Les implications morales,
sociales et
temporelles
de
"Ko-dA-tuo"
l1J2
2.
Le
déroulement
des r i t e s
4J5
J. Vers des relations de type nouveau entre
vivants
et
mort
4J9
PARAGRAPHE III
:
"KO-DA-'MAAR"
ou Rites
d'Apaisement
et
de
Naissance à la Vie Nouvelle ou
Renouvelée
442
A.
-
"KPII-DAA
(Bois Ancestral)
de
sa
coupe à
son
Installation dans
"Zaw"
1. Coupe
et t a i l l e
de
"Kpti-daa"
448
2.
Du
"Bois blanc"
(kpti-pla)
à
"Kp!i-daa"
défini t i f
449
B.
Lavage
Définitif du Conjoint et Rites
de
"Yaaru"
des veuves
6 -
.. '/ ...

1. Déshabillement et habillement
45 2
2.
IIYaaru Il
ou ri te
ct 1émancipation de la Veuve
~
..
.
-
3. Le dénouement final et la portée de "yaaru"
C.
"Rafra~chissement" ou Exorcisation de la Propriété
du Mort
463
D. L'Emancipatio~ des Orphelins (Bi-polu)
467
CONCLUSION
.••..
PARTIE III
DES FONDEMENTS D'UNE SAGESSE DAGARA
DE L'EXISTENCE
481
CHAPITRE l
: PROBLEMES ~ŒTHODOLOGIQUES ET DE PRINCIPE
481
I. De la Problématique
481
II. De la Méthodologie
483
1. Pourquoi une synthèse
483
2. Du fondement
d'une élaboration de la concep-
tion dagara de la vie
486
3. La notion de "sl1ofu" comme significative de
notre entreprise relative à
la
conception
dagara
de
la vie
CHAPITRE II
L'UNIVERS COSMIQUE DAGARA COMME LIEU
PRIVILEGIE DES PRINCIPES DE SAGESSE
1. Références Mythologiques sur l'Origine et l'Orga-
nisation du Monde
II. Les Symbolisatio~s Dagara de l'Universalité et
quelques Applications
502
A. La représentation trilogique de l'Univers
cosmique
504
- 7 -
... ! .. ·

PAGES
B. Le symbolisme du chiffre sept
(7)
521
CHAPITRE" III
QUELQUES PRINCIPES FONDANENTAUX DE LA
SAGESSE DAGARA AU-DELA DES SIGNIFICATIONS
DES RITES FUNERAIRES
535
1. Sens de la vie et de la Mort chez les Dagara
537
2.
Le Dualisme Dagara
comme Différence à
l'Origine
et Fondement Dialectique de la Vie
3. Le Principe de l'Equilibre,
en rapport avec celui
de l'Ordre Transcendant. Le Sens du Repos
549
4. Le Retour Cyclique
556
5. Le Principe Logique et Ontologique de la Génération
par Association
560
6. Le Double Principe de l'Unité et de la "Pureté"
ou Ipséité de l'Etre
565
CHAPITRE IV : VALEUR ET LIMITES DU SYSTEME DAGARA
569
pARAGRAPHE l
: Aû Point de Vue de l'Unité
570
PARAGRAPHE II : Au Point de Vue de la Régulation des
Conflits
576
PARAGRAPHE III
Au Point de Vue de la Fonctionnalité
et de la Fiabilité du Système
585
PAHAGRAPHE IV
Quelques Consé'quences Pratiques du Conflit
Cosmologique des Deux Ordres. Une raison
de Faiblesse de la Sagesse Dagara
597
CONCLUSION GENERALE : PORTEE DE LA SOLUTION DE LA VIE
DANS SON RAPPORT AVEC LE PROBLE~Œ
DE LA MORT
CHEZ LES DAGARA
613
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
622
QUELQUES ABREVIATIONS
634
_ 8 -

TABLE DES CARTES,
SCHE~~S ET PHOTOGRAPHIES
PAGES
- Schéma nO 1
Burkina Faso
Carte de Situation en
Afrique Occidentale
Schéma n° 2
Burkina Faso
:
Carte Administrative
25
Schéma nO
3
Le Pays Dagara
( Sous-Groupes Dagara et
Ethnies Voisines)
26
-
Schéma nO
3 bis
:
Le Pays Dagara
Princip.ales 10 cali-
tés
27
_ Schéma nO
4
Maison Dagara
(yir)
114
Schéma n°
5
Evolu t ion de "Do,<1u"
(clan)
en six Etap e s
118
-
Schéma n°
6
Ramifications de "Do"lu"
(clan)
Kpièlè
en
Clans Secondaires et Sous-Clans
120
-
Schéma n° 7
La Double Descend~~ce chez les Dagara
_ Schéma nO
8
Le Mariage Préférentiel Dagara
-
Schéma n°
9 (1 et 2) : Exemples de Deux Lygnages Etalés
sur plus de Six Générations et prati-
quant toujours l'Exogamie
150 et
151
-
Schémas nOs 10,
11 et 12 :
Système classificatoire
Dagara de la Parenté

Schéma n°
10 :
Parallélisme Patrilatéral de la Parenté
Endo-clanique
et Exo-clanique
...
Schéma nO
11
Parallélisme de la Parenté Matri-
clanique
158
...
Schéma nO
12
Parallélisme des Parentés Patrili-
néaire
(1),
Matrilinéaire
(II)
et
Matriclanique
(III)
d'Ego
159

S ch ém a nO
1 J
Classification de Type Omaha chez
les Gurmantché
(pour comparaison)
161
... ! ...
- 9 -

PAGES
Schéma n°
14
Dispositil de
chasse
223
Schéma nO
15
L'Univer~- du }IDrt de l'Avènement du
Décès à
l'Inhumation dans la Tombe
337
_ Schéma na
16
1. Tombe Rituelle en Cloche
386
2. Délunt inhumé
]87
Schéma na
17
Tombe Rectangulaire
]88
_ Schéma nO
18
Tatouages à l'Argile
(aux rites de "Yao-
guo"
(Badigeonnage à l 'Argile) et "Ko-
Mi-tuo"
(troisièmes lunérailles)
409
_ Schéma na
19
Cheminements du Mort
(A)
et de ses Pa-
rent s en Deuil
(B)
dans le "Règne de
la Mort"
_
Schéma n°
20
"Bao-da-gol"
(Divination à la Canne)
421
_ Schéma na
21
"Kpii-Daa"
(Bois Ancestral l
_
Schéma n°
22
L'Espace Cosmique Dagara
50]
SCHEMAS N°
23,
24,
25,
26
:
LA STRUCTURATION TRILO_
GIQUE DE L'ESPACE DAGAI{A
* Schéma na 2]
A. Canari Dagara
506
B. Art de la Poterie Dagara
506
• Schéma na
24
"Plan
de
"t-h.,in ll
ou de
l'Existence
Originaire"
506
• Schéma na 25
Grenier à Mil Dagara
(ci-bowrl
510
• Schéma na 26
Case Dagara
(yir)
Pièce Principale(cara)
511
Schéma na
27
Le Signe Crucilorme
- Schéma na 28
Le Mariage Prélérentiel Dagara comme
Mariage du "père et de la Fille "
55 2
Schéma na
29
: La Génération par Association
559
-
nhotographies de
Maisons Da~ara
11] bis
-
Photographies
d'outils aratoires
182
290 bis
- Photographies de Fétiche et d'Exposition Funéraire
509
- P:\\otographi es de Canaris et Marmites
510 bis
-
p·:~o -I.:.ograph i es
de Greniers " ~lil (ci-bowel
_ ro -

E MER C ~. E MEN T S
En adressant
ici
nos sincères remerciements à
tous
ceux qui nous ont apporté leur précieux concours
dans ce
travail,
noUS
voum~ions exprimer, au-delà de ce qui appara!t désormais com-
me une
coutwne,
notre profonde gratitude
- à nos "p ères",
à nos "mères",
a nos
a!nés
et amis
qui ont
bien voulu contribuer à nous ouvrir à la compréhension des tradi-
tions dagara
(1)
-
à nos Professeurs de Dakar,
qui ont accepté malgré leurs
lourdes
charges de nous
faire bénéficier de leur
encadrement que
l'obstacle de la distance rendait encore plus difficile: à Mon-
sieur le Professeur Abdoulaye_Bara DIOP en particulier dont la
bienveillance,
la patience
et
la compréhension ont
été
constamment
pour nous des raisons
d'encouragement
à Messieurs les Professeurs
N'DAW Alassane,
A.
R.
NDIAYE,
A.
LY,
tous pour 'leur disponibilité
et la richesse de leurs indications didactiques
;
-
aux Maltres ou Collègues Enseignants-Chercheurs qui ont bien
voulu nous faire bénéficier de leur science,
de leur
expérience ou
de leurs conseils :
feu SOME B.
Bozie,
Attaché de recherches au
CNRST de Ouagadougou,
Messieurs les Professeurs L.
V.
THOMAS,
E.
ORTIGUES,Cl. PAIRAULT
METUOLE SaMOA N.
Claude,
Chargé de Recher-
ches
; A.
BADINI,
Maftre-Assistant,
SOME A.
PENOU et tant d'autres.
Les uns
et
les autres voudront bien nous
excuser,
les
premiers,
si leurs
enseignements
sur les
Dagara ne sont pas réflé-
tés avec fidélité
dans notre étude ou au contraire le
sont alors
qu'ils ne leur souhaitaient pas
cette destination
i
les autres,
si
leurs noms
se
trouvent
~ssociés à un aussi modeste travail.
Nous
adressons
encore nos vifs remerciements à tous
ceux qui ont contribué à la confection de l'ouvrage final
dacty-
lographes,
dessinateur,
reprographe
et relieur.
. .. 1 ...
_ I I -

Puisse le concours persistant des uns
et des autres,
quelle qu'en soit la formé, -faciliter la poursuite et le perf'ec-
tionnement de la tAche entreprise.
Le
llmerci"
n'est pas dagara
"Naab bè puore baa il!
(la vache ne remercie pas la rivière -
où elle va brouter et boire)
Par ce proverbe,
le Dagara exprime le caractère durable de la rela-
tion existentielle.
De m~me, sommes-nous conscient -
autant que
nous
en formons le voeu -
d'engager un dialogue culturel que nous
souhaitons fécond et profitable i
tous.
(1)
Nous voudrions particulièrement citer en témoignage de re-
cOIUlaissance
:
-
Feu Puryiile Somè P.
D.
Bok~u
- Puryiile Nalu Antoine
-
Feu Puryiile Hien Noé
-
Feue Kusiele M~da B.
Sorcara
Feue Kusiele Somè Irma
-
Feu Somè
B.
80zie et
ses
inîormateurs
-
G~n@ Hien Paalu
-
KpAnyAn@ Somè Jacques,
Mèda Charles de GiAle et leurs
coéquipiers i
l'Assemblée de Kopèr
(1979)
-
Kusiele Somda Benott
- Kusiele Dabire Emile
(Pirkwon)
-
Kusiele Somè C.
Nifaa
-
Les participants aux Assemblées de la Sous-Commission
Nationale du Dagara :
Diébougou 1975,
1977 ; Koper 1979
-
Les Participants i
la Conférence sur l'Histoire et la
Culture Dagara
(Wa,
Avril 1988).

INDICATIONS GHAPIIIQUES
ET' LEXICOLOGIQUES
1.
-
DI' L' ALPHABET ET !JE L' EC·'ITU'Œ DES HOTS DAGAn A
Par défaut
de moyen
technique,
les
mots
daga-
~G n'ont pas toujours été transcrits dan~ le texte en
nlpllnbct phonétique
dagara,
dé:f.ini
au niveau
de
la Com-
m::"ssion Nationale
des
Langues
Burlcinabè.
1)
-
Certaines lettres de l'alphabet lrançais
sont cependant les m~mes qu'en dagara et utilisés comme
telles
dans
la
transcription.
Il
en
est
ainsi
de
a,
b,
d,
e,
l ,
g
(dur),
i ,
le,
l ,
m,
n,
0 ,
p,
1.:' t
s,
t ,
l i
(ou),
v,
l'o~, y, z.
2)
-
Quand les symboles phonétiques de l ' a l -
phabct
dagara n'ont pas
de
correspondants
en alphabet
f.'rnnçais,
recours
est
fait
aux lettres
de celui-ci,
voi-
sincs par le son,
avec
usage de
signes
diacritiques au
cas
&cll&ant,
ou
encore
~ des combinaisons graphiques
:[rançaises
réflétant
les
sons
dagara
·.. / ...
- 13 -

Alphabct :Crancais
Transcription adop-
tfie dans le texte
e
f.
"
(aspiré)
h
(aspiré)
l
.
ng
(
)
a
l i
(ou)
'l'l'ois préglottali-
sa.tions
'h
'1
C~ua. tre consonnes
cloubles
:
gb
kp
.
mw
(
)
.
ny
(!,;n)
gn
(
)
Certains
rie
ces
~16nlents dc ['ecours ont ét~
o.·~'iciellement adoptés comme moyens phonétiqües con-
-,·clltionnels dans
l f écri ture de la langue dagara
par
contrc
dVautres ont ~té rejet~s, mais que nous
t
SOo1-
l:le5
oLligés
de reprendre
cependant,
par dfifaut de mo-
yr;n approprié pour reproduire les
symboles phon~tiques
qu'oll leur pr~r~re
ces
cas sont ~i-dessus indiqués
ï).:::l..:i.-'
t i l l
astérisque
( .. ).
Le "c" et le
"j" sont utilisés dans le
texte
<:,l'.·CC
les valeurs
"k y "
et "clj" qu'.ils ont ùans
l'alphabet
';':I.'.;.:11'a.
Par exemple:
... / ...
_ 14 -

"ci" (kyi)
= mil,
"cara" (l<yara)
=
inter-chambre
ou pièce principale de la mpison.
.. ,
..,
"Jil" (dj il)
= balafon', Jula (djula) = Dioula
Le tilde
(~) est remplacé par l'accent circonflexe
(!'.") qui. tradui t
une nasalisation de la voyelle le por-
tant et, au cas échéant, dc la voyelle suivante (cas des
voyelles longues ou diphtongues).
Exe.lJlples
:
-
"daa" (écrit "d!la" dans le texte)
= bière de mil
"dia"
(écrit "dto" dans le texte)
= chambre
~outes les consonnes îinales se prononcent en dagara :
1"-
-
"(agan" (écrit !agan)
est pour "iangan/n"
le corps
-
fl saan "
(écrit
sAan)
est pour
tlsan/an/n"
:
l'étranger
Les sons "ao" et
tr aw "
sont considérés comme équiva-
lents et utilisés indifféremment. Par· exemple
-
"baor" ou "bawr"
:
initiation
-
"bao" ou "baw"
:
épaule.
Les noms de localités ont subi des francisations de-
puis l'époque coloniale.
Aussi sont-ils transcrits tan-
t8t e11 alphabet français,
tant/lt en alphabet phonétique
dag;ara
-
Koper ou Kowpèr
-
Guéguéré ou Gegere.
Dans le texte les mots dagara sont entre guillements
ou parenth~seB, et leurs traductions entre parenthises
ou
cn Ilotes marginales.
- 15 -

2.1. Concernant Quelques termes fondamentaux
dagara
:
Baw-bu-d/la
Littéralement "bière de divination".
Célébration rituelle d'enquate, de
recherche systématique de la cause de
la mort, aux deuxièmes funérailles qui
ont lieu une semaine après le décès.
Nom matriclanique, transmis par voie
utérine et matrilinéaire.
Cawtaa
Accrochage, litige, conflit.
Mot
utilisé
pour traduire "dualité",
"conflit", en dagara.
Dasul.e
Ombre physique d'un objet. "Ombre de
l'atre" ou sa "zone d'ambiance". Mode
d'existence de l'8tre excluant la subs-
tance ; para!tre.
.Dèwr
Saleté naturelle. Surtout saleté es-
sentielle, ontologique; souillure.
Mode d'existence de l'@tre qui lui
confère extensibilité et associabilité,
mais aussi génère la dépendance.
Dowlu
Nom patriclanique et patrilinéaire,
transmis par voie agnatique et déter-
minant la filiation.
(1) Ces notes sont destinées à faciliter la lecture du texte
elles ne Se veulent pas suffisantes par leurs contenus
pour une compréhension de leurs objets.
_ 16 -
. . . 1 . ..

Fofor
Corps considéré comme enveloppe, fourreau,
Bans v~e. C«est l'état.du corps (tagan)
délaissé -·par· "s'iè" (voir "siè" ci-dessous).
Yao-g,uo
"Guofu" (badigeonnage)est un signe de
protection contre des esprits malins. Il
existe sous diversBs formes : badigeonnages
au kaolin des candidats à l'initiation
(baor);
des endeuillés à la cendre, durant
'.~
l'exposition, à l'argile (yaora) le troi-
sième ou le quatrième jours après l'enter-
rement, selon qu'il s'agit d'un défunt ou
d'une défunte. C'est "yao-guo". Il est
repris après le bain rituel de "ko-da-tuo"
qui précède celui';' défini tif, de "ko-da-
'maar"
(voir ces termes).
1 Agan
Corps vivant, matériel, visible, qui respire,
s'a1imente et se reproduit.
Ko-dA- 'maar
Littéralement: "Bière (dla) de funérailles
(kuor) sans danger, sans risque ('maar),
"bière de funérailles apaisées" (et donc
bière accessible au public). C'est 1a dési-
gnation des quatrièmes et dernières funé-
railles. A noter cependant que le premier
jour des célébrations de "ko-dl-'maar",
i l y a encore "dl-tua" : "bière amère",
à ris
(voir "ko-dl-tuo") avant "dt-nuS (bière
douce, bière de joie. de fate), le dernier
jour.
Ko-dA-tuo
Littéralement: "Bière (daa) chaude, amère
(tua) de funérailles",
"Bière de funérai11eB
pour un mort non purifié",
donc bière
dangereuse, impliquant des risques, réservée,
amère (au sens figuré). "ka-dl-tua" désigne
les troisièmes funérailles.
... / ...
- 17 -

Ame d'anc@tre, débarrassée de toutes attaches
naturelles. Anc@tre;
aseocié à Dieu Otwin).
"Kptln d~si~e parfois un esprit visible(1)
par opposition à l'homme charnel.
-
Funérailles, à toutes les quatre étapes
des célébrations funéraires.
Dans les
composés 1 "ka-dl-tuo, ko-dA-'maar, ko-
yere" (messager, annonciateur de la mort) •••
on retrouve le radical uko_ n •
KOu
- L.e mort. La mort.
..
"A /1
La-luoru
Relation a plaisanterie (10 .: distendre)
pouvoir réciproque de conciliation, de mé-
diation.
uLonluorè" : parent ou partenaire
de plaisanterie.
Ny!-kp1!n
Esprit (d'anc8tre) fort. Esprit naturel et
errant du mort ou du mourant, dangereux et
.
.
craint. "Homme-el:ltre-deux-mondes". le
monde terrestre et "Dapar" t
séjour tran-
sitoire des morts vers Ukp!m8-t8w" (séjour
des Anc8tres). Revenant.
Siè
Corps matériel et second des 8tres, invi-
sible de l'holllD1e du commun. "Ame-force"
et siège énergétique. Peut @tre saisi
et mangé par le sorcier.
Tllsan et Saa
Puissances Terre et Ciel selon l'enten-
dement le plus large. Première parole
g';mellaire (mAle et femelle)
de "Mwin"
(Dieu). ayant des autels, à la différence
de uMwin" qui n'a ni fétiche ni autel.
(1)
Esprit visible pour un voyant, en apparition.
.../ ...
_ 18 -

T~san
Circonscription de territoire habitée par
des c~ansl~rèr~d\\ soumis à ~'interdiction
du crime de sang sous peine de "dette de
T@gan", de bannissement ou de mise à Dlort.
P~urie~:"Tftgllm@ll.
Désordre, confusion fondamenta~e, suscep-
tib~e d'occasionner ~a mort ou ~a perte des
facu~tés ment~es. Cause fondamenta~e de
déchéance onto~ogique.
SOUff~e, respiration, vie.
Yaaru
-
Dispersion, fin des fanérai~~es à "ko-da-
rmaar U ..
- Dispersion ou disso~ution de ~'@tre par
sanction mystique ~time. Esc~ave (gbag-
baa), sorcier (,"sti" ou"suoba") pris en
f~agrant dé~it, grand crimine~ ou vo~eur•••
enconrent cette sanction, après la mort.
Case, maison, lignage, lignée ou clan. Pour
traduire "yir" en un mot dans la phrase
.française, en lui laissant son extension,
le.terme Famille (avec "Fil majuscule), au
sens large, a été souvent employé. Il s'agit
de la famille patrilinéaire étendu selon
~a définition de A.R. Radc~iffe-Brown ou A.B.
DIOP.
e~!9~!~_!~~x~~_~ee!~9~§~_~_~!~_~!~!!!§~
~!!_--~~~~~
Assimi~ation
Ce terme est utilisé pour traduire l ' "influ-
ence"d'un @tre sur un aütre ; dans le sens
descendant de l'ontogénèse, c'est un rapport
- 19 -
. . . 1 . ...

naturellement générateur de vie, mais i l
devi~nt conflictuel dans la rencontre
horizontale des atres qui tent-eut chacun
d'imposer une loi de dépendance à la
faveur de la relation réciproque.
Si l'assimilation pache contre l-'ordre
cosmologique, elle est susceptible de
provoquer "tu1e" (confusion essentielle)
et la mort. Notamment dans la rencontre
assimilatrice horizontal.e, le respect
des essences doit atre sauvegardé.
DuaHté
Mode de rencontre, d'association. fonda-
mentalement conflictuel des 8tres relevant
de catégories différentes et dont la relation
est imposée par la nécessité de la vie. Or
la distinction des. 3tres suppose un minimum
de différenciation catégorielle voire
individuelle, mame s ' i l existe des séries
compatibles et d'autres antagonistes. De
ce fait,
chaque atre est une ipséité ou
une sorte de monade et la rencontre est
nécessairement placée sous un ordre trans-
cendant qui est en rapport avec la généra-
tion de la vie.
Individual.isme
Attitude de revendication, sur le plan
culturel de son ipséité ontologique. Elle
se traduit par un refUs de s'associer, par
peur de la dépendance. et un désir plus
ou moins conscient d'assimiler les autres,
qui atteint son paroxisme chez le sorcier.
En fait,
elle correspond à un désarroi
devant l'absence d'une référence transcen-
dante
(d'une sorte de "paternité") sécuri-
sante
et à sa surcompensation.
. . . 1 . ..
-
20 -

Matérialisme
Ce concept essaie de traduire le fait de
dasara
poser les biens matériel~ comme premiers
. . .
par rapport aux fins ontologiques et comme
voie d'accéder à ceB dernières, c'est-à-
dire au plus-l!tre. Il s'ensuit u,n déclasse-
ment social des personnes infortunées.
Tandis que ~e "fidéisme dagara", est la foi
en ~'8tre en tant que "logos" (manifestation,
discours essentiel)
et moment de la proces-
sion onto~ogique qui découle de "Mwin"
(Dieu). C'est aussi la reconnaissance de la
re~ation symbolique ou relation immédiate
d'8tre à Btre, comme voie d'efficacité
aussi bien ontologique qu'empirique.
Ordre culturel Ordre de "récréation du monde - à l'instar
de la femme
procréatrice ou artiste mys-
tique - en s'inspirant de la révélation
de ~'ordre cosmologique. En tant que proces-
sus d'ontogénèse de retour, qui suppose
fécondation au princip6 ou ordre de la vie,
le culturel s'identifie au mystique. Mais
en se soumettant ainsi au principe de l'ordre
cosmologique, le culturel perd son autonomie
en tant qu'activité proprement humaine.
Ordre nature~
1) Principe d'organisation cosmique et deconcep-
vie
tion de ~al découlant de la mythologie
dagara et de Sa représentation de l'es-
pace-temps. Il s'identif'ie Comme "ordre
nature~ transcendant" (différent de
l'ordre naturel empirique) à l'ordre de la cos-
mogénèse procédant de "Mwin" (Dieu). Il
sert de référence pour statuer sur la
dépendance des 8tres les uns vis-à-vis
des autres, c'est-à-dire sur leur force
ou ~eur pouvoir de générer la vie,
. . . 1 . ..
-
21
-

ainsi que de
fondement à la relation
symbolique.
2)Oomaine empirique
des objets matériels
et de la causalité scientifique
(ordre
naturel empirique ou terrestre).
Transcendan-
Situation selon laquelle l'expérience
talisme
est conditionnée et dominée par une puis-
sance ou un pouvoir supérieur, qu'il
s'agisse de supériorité selon l'ordre
cosmologique ou d'une analogie de celle-ci
sur le plan terrestre et culturel, sous la
forme d'une sorte de "paternité" natu-
relle
(autorité pa~ernelle ou administra-
tive;
capital,
etc ••• ).
-
22 -

INTROpUCTION
SITUATION DU PAYS DAGARA ET
',POSITION DU PROBLEME
Les
"Dagari ll
conune plusieurs sociologues, historiens,
administrateurs et missionnaires les ont app~lés, ou les
Dagara comme ils se nomment eux-m~mes, forment une ethnie qui
occupe une zone géographique bien circonscrite. Le pays
dagara
(ou le dagara) se développe vers l'est à partir du
troisième degré de longitude ouest sur lequel i l empiète.
Centré entre les dixième et onzième degrés de latitude
nord,
i l les déborde d'une façon quasi égale et se répartit
presque symétriquement à l'est et à l'ouest du Mouhoun
(Fleuve Volta Noire), les Dagara de l'est appartenwlt à la
République du Ghana et ceux de l'ouest et de la pointe nord-
est au Burkina Faso. L'ensemble territorial épousant une
forme approximativement losangée
couvre environ 250 km du
nord au sud et 110 km en largeur,
d'ouest en est
(1).
Avant d'aborder le problème de la compositîon
ethnique du dagara,
il, convient de dire tout de suite que
les liens de parenté demeurent étroits entre les deux blocs
ghanéen et burkinabè
; et très souvent à l'occasion des
grands évènements, essentiellement des funérailles,
des
échanges de visites ont lieu. En effet, à l'occasion d'un
décès important, obligatoirement un messager de la mort ou
"ko-yere"
(2)
doit être envoyé auprès des parents du disparu
qui se trouvent de l'autre cBté du fleuve pour leur
(1)
-
Voir cartes du pays dagara, pages suivantes.
(2
)
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Terme
dagara
:
Itko",
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"lc\\lor"
funérailles,
et
"yere " : diseur,
annonciateur,
messager.
...; ...
- 23 -

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SCHEMA, N° 1
-
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CARTE DE
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( C.N.R.S.T.)
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SCHEMA N°3 1 LEP Ars
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graphique du CNRST de Ouagadougou; carte du dagara ,d'après GR!Ab~ DABlRE,C.,
in "NISAAL. L'Homme COlllllle Relation", JO. 16). Situation géographique,environ_
nement ethnique,Bous-groupes Lobr, Viile, Birifor.
-
26 -

SCf~ N° 3 (bis):
L E ? A Y S
D A G A R A (1)
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Vers
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(I)CF. KUèIELE DABIRE, B.
J.M., in
"L' !!gUe8 dee Communautés Chrétiennes"
(Y~1trise de Théologle),PARIS I976,ISTR,p. I9bis.
- 27 -

annoncer la mauvaise nouvelle
cela importe pour éviter
que germe un conflit intarissable
entre Familles de mQme
souche ancestrale. C'est que·les célébrations de la mort
constituent un moment
très caractérisé et les
structures
internes de la société dagara,
COmme nous allons le voir,
en elles-mQmes, facilitent la bonne conservation des
relations de parenté.
Par sa position géographique au Burkina Faso,
le dagara a constitué pendant longtemps,
a;~t le dévelop-
pement des grandes voies
et des moyens modernes de
locomo-
tion, une zone de transit vers la CSte d'Ivoire et le Ghana,
notamment pour les populations du nord-ouest et du centre-
ouest du pays. En effet les mouvemen~migratoires des
caravanes de piétons et diAniers vers le sud,
en vue
d'échanger des produits tels que les étoffes tissées à la
maln, le sésame, le "soumbala"
(1)
contre d'autres denrées
comme la kola, les tissus exotiques et divers objets manu-
facturés,
et surtout pour chercher du travail salarié, ont
eu et continuent du reste d'avoir dans le présent beaucoup
d'importance économique et culturelle. Et c'est ainsi que
de bonne heure, la région dagara a été sillonnée par des
migrants,
surtout au lendemain de la "pacification colo-
niale" marquant la fin des luttes d'influence tribales et
régionales,
et la naissance des unités territoriales,
origines de nos nations actuelles.
de l'ethnie
Les hypothèses sur l'origine du peuple dagara sont
assez controversées.
Si l'on en croit TAUXIER (2). les
(1)
-
"Soumbala" :
condiment à sauce à
base de grains de
"néré"
(Parkia Biglobosa) ou "do-zun" en dal!lara.
(2)
-
TAUXIER,
"Le Noir du Soudan".
Editions LAROSE,
1912,
pp.
360-361.
... 0/ ...
_ 28 -

Dagara seraient un peuple métissé, issu de la rencontre
d'une population autochtone de la région, les Zanga et des
Mossi envahisseurs. Mais le défaut de preuves conduit
d'autres chercheurs comme les R.P. Louis GIRAULT et Jean
HEBERT a
critiquer cette hypothèse sur des bases linguis-
tiques et historiques.
Dans les "Actes du Second Colloque International
de Linguistique Négro-Africaine",
tenu du 12 au 16 Avril
1962 à
Dakar, le R.P. GIRAULT rapporte que les Zanga
(ou
mieux les "Zaensé", "Zanga" étant le singulier) sont les
Dian établis dans la région de Léo en Haute-Volta (Burkina
Faso)
et désignés ainsi par les Mossi. Les localités d·oc-
cupation indiquées
(Kyallé, Nanono) montrent bien qu'il
dian
s'agit d'un peuple de souche/qui a été en partie assimilé
par les Gourounsi et les Bwa et dont une partie d'ailleurs
a rejoint le groupe dian de Diébougou qui a, lui, conservé
son identité
(1).
De son c8té,
le R.P. Jean HEBERT dans
sa communication au Colloque Historique de Ouagadougou,
en
1968, dont l'essentiel du texte est repris dans
1
"Esquisse
d'1.llle Monographie Hi .. torique du Pays Dagara"
(2),
examine
cette hypothèse de TAUXIER et également une légende mossi
qui fait des Dagara des frères dissidents des Mo .... i
de
Teru<odogo,
et relève leur manque de fondement,
rappelant
très à propos que "t~kor" des Dagara n'a aucW1 rapport avec
la ville de Tenkodogo,
siège de Province au Centre-Est du
Burkina Faso, mais dé"igne une localité qui a été occupée
(1)
-
Il sora abordé plu .. loin la question de la migration
des Dian dans son rapport avec l'ethnie dagara.
(2)
-
Sur la position de J. HEBERT, cf. op. cit. pages 2)
à 25, ou "Les Dagara",
(Communication à la Réunion
des Experts sur la Coordination et la Planification
de la Collecte de la Tradition ; Ouagadougou,
29 Juillet -
2 Ao~t 1968).
- 29 -
..... / ......

par leurs anc~tres dans le territoire du Ghana actuel et
qui est demeurée pendan~ longtemps le siège de leurs
coutwnes.
Une autre hypothèse, plus fiable,
qui est
soutenue par DELAFOSSE (1), HEBERT (2)
et divers récits
des Dagara eux-m~mes sur leur origine, font descendre ces
derniers des Dagomba. Cette hypothèse a l'avantage de
satisfaire les points de vue historique et ~inguistique
qui sont importants,
comme on le sait, pour une identifi-
cation ethnique.
En effet,
du point de VUe historique,
elle intè-
gre le mouvement dagara au schéma général des mouvements
des populations qui ont évolué entre le 15ème et le
19ème
dans
siècles sur le plateau ghanéen et/le sud du Burkina Faso :
Dagomba'~' Mossi, Sissala, Pougouli, Dian, Lobi, Turka et
Gouin() •••
Du point
de vue linguistique, les affinités de
langue entre le moore (langue des Mossi)
et le Dagara,
m~me si l'évolution les amoindrit de plus en plus,
constituent un état de fait.
Et i l faut reconna!tre par-
delà les légendes, qui peuvent d'ailleurs ici servir de
langage symbolique, des rapports certainement plus pro-
fonds que ceux de simple voisinage
,entre les deux peuples
Mossi et Dagara.
En effet la légende fondamentale sur l'origine
des Mossi, fait descendre ces derniers d'une princesse
Dagomba, Yennega, qui dut
fuir l'autorité paternelle, tout
comme une autre légende,
également mossi,
situe l'origine
(1)
-
DELAFOSSE, in "Haut-Sénégal-Niger",
Edit. LAROSE,
1912, pp. 312-31J.
(2)
-
J.
HEBERT, op. ciL. pp. 27 à )2
()) - J. HEBERT, op. cit., p. 26 ; pp. ~1 à ~6.
- IJes vues rltl Profess~ur AEKUONE DER Benedict,
de l'Uni-
versité rle LEGON à
ACCRA (Chanal,.exposées lors de la
Con1~~r~ncp Sllr III-listoire et la Culture Dagara (Wa,
Avril
19RRI
vont dans le mRme sens.
... / ...
- 30 -

des "Dagabse"
(Dagara) dans un comportement analogue mais
provenant cette fois d'un prince dagomba qui,
envoyé pour
,
.
\\ 1)
acheter une selle de cheval, ne revint jamais. Du cSté
dagara enfin, une légende donne comme ancttre à l'ethnie
un orphelin,
exclu de la société dagomba
e t
s a u v
é
qui
par le hasard des choses,/en est venu à
faire survivre
ses frères de la famine et à se faire reconna!:tre
(2)
celui-ci récolta en effet beaucoup de pois de terre une certaine
année,
alors que les sauterelles,
fléau bien connu au
dagara,
avaient ravagé les champs de mil.
Et c'est en
achetant les petits pois de l'orphelin (qui est tradi-
tionnellement considéré dans la société dagara Comme un
sorcier)
que ses frères
survécurent. Invité à rejoindre
la société dagomba d'où i l avait été expulsé,
celui-ci
refusa et devint ainsi l'anc1!tre d'un groupe dissident,
plut6t "révolté", d"où le nom de "Dagara"(3).
Il n'est pas possible dans le cadre de cette
introduction,
et avec les éléments disponibLes,
de se
livrer à une interprétation de ces légendes, mais une
s~nétrie est patente dans les deux premières légendes,
qui eÀ~rime peut-ttre, mieux que les contenus, la rami-
fication des
deux ethnies n partir d'une souche commune.
Quant à la troisième légende,
elle peut se comprendre
également dans le m1!me sens que les deux autres, voire
Jeur venir en complément, les Dagara ayant dit s'enfuir, d'a-
près eux, pour éviter le joug de l'étranger et sauvegarder
la pureté de leurs coutumes (4)
;
de cc fait ne sont-ils
pas devenus des "expatriés",
des orphelins?
(1)
-
J. HEBERT, op. cit., p. 24.
(2)
-
Ibidem, pp.
Jl à
J2.
(J)
-
En ce sens,
le mot "dagara"
(homme révolté)
est un
composé de "da" :
radical de "dèb,
daba"
(homme)
et
de "gara" : rebelle,
révolté.
(1,)
-
Ibidem, p.
J2.
.../ ...
- 31
_

Ce qui fonde
justement la différence entre l ' or-
ganisation politique des Dagara et celle des Mossi -
ainsi
que les comportements de séparation - proviendrait de là.
Et au lieu de contredire l'hypothèse de l'origine commune,
i l l'expliquerait par le fait que le pouvoir royal mossi
serait d'inspiration nordique
(1), occasionnant la scission
du groupe d'origine
(dagomba)
en deux:
ceux qui se sont
soumis au pouvoir étranger et le groupe) qui n'est pas
homogène)de ceux qui ont préféré fuir la domination cultu-
relle et politique, sans doute dans un premier moment vers
le sud.
Des formes de métissage sont ensuite apparues de
part et d'autre, notamment du c6té dagara au contact des
Lobi,
des Pougouli
(2), des ·Tè~i", des Sissala et des Dian.
Cette rupture à
base politique et culturelle,
justifierait la situation actuelle des cérémonies funéraires
des Mossi qui sont profondément différentes de celles des
Dagara.
Au cours de son histoire, l'ethnie dagara a
eu
de nombrelL",< contacts avec des populations,
dont i l est ré-
sulté des groupes métis autonomes,
des assimilations par-
tielles par celles-ci ou enfin des intégrations de celles-ci.
Selon les deux premiers modes,
on peut citer le
cas des "Dèga-Jula",
groupe issu de la rencontre des Jula
d'origine mandingue,
descendant des régions du Mali actuel
vers la ville historique de Kong,
dans le nord de la C6te-
d'Ivoire,
et se répandant plus au nord, vers Bobo-Dioulasso
et le plateau ghanéen habité au nord-est et à l'est par les
Dagara. Le brassage de ces Jula,
commerçants et iSlamisés,
(1)
-
J. HEBERT, op. cit •• Du reste, l'homme auquel s'est
unie la princesse TenDega, d'après la légende, du nom
de Ri.alé,
de l'ethnie
bisa,
et qui
est ainsi co-fon-
dateur de la société mossi, n'est-il pas originaire
d'un peuple du nord?
(2)
-
Pougouli est le nOm donné aux Pwa (ou Pwho) par les
Dagara.
- )2 -
.../ ...

avec les Dagara se fit dans la région de Wa au Ghana (1).
~Iais le Dagara étant prc;>fondément animiste et très conser-
vateur du point de vue coutumier, le nouve~u groupe garda
son identité propre,
tout en évoluant dans .le ml!me s'ens que
les Dagara~ vers le nord,
et notamment à la faveur du progrès
du mouvement islamique dans la région. C'est ainsi qu'on les
retrouve vers Léo,
puis à Ouahabou et à Diébougou après
l'avance des Dioula Wattara de Kong et les conqul!tes du
Marabout Mocktar Karantao.
Un autre groupe métis, né de la rencontre des
Dagara et des Lobi est celui des Birifor. Mais ici l'autono-
mie est assez nominale,
car en dépit des luttes -
notamment
celles qui les opposèrent aux Dian et aux Wattara -
qui ont
dQ agir dans le sens d'une
consolidation du groupe, une nette
distinction peut s'observer au sein de ce dernier. Certains
Birifor se rattachent par la langue et l'essentiel des cou-
tmnes aux Dagara, alors que d'autres le sont aux Lobi. On
en trouve de ml!me qui parlent le dagara et pratiquent des
coutmnes lobi,
témoignant par là d'un métissage profond.
Dans la définition de la société dagara,
sera exclu le grou-
pe des Birifor en tant que tel
;
toutefois, i l est à re-
conna1trc que ceux-là qui parlent un dialecte de la langue
et pratiquent les ml!mes rites coutumiers que les Dagara,
notamment ù l'occasion des funérailles,
sont à assimiler
atL, Dagara.
Un cas typique d'intégration à l'ethnie dagara
est offert par celui qui eut lieu avec les nYèri",
commer-
çants et plutSt animistes, à la différence des Dioula. On
tend ù les identifier plutSt à un groupe d'origine Mandé,
peut-l!trc Marka (2), descendu du nord par suite de la
( 1)
-
J.
HERBERT,
"Les Dagara", p.
25
(2)
-
DINGER; "Du Niger au Golfe de Guinée par le Kong et
le !>lossi", Paris, HACHETTE,
1892','. Tome l, p. 1f8, cité
par J. HEBERT, in "Esquisse d'une Monographie Histo-
rique du Pays Dagara", p.
161.
- 33 -

dislocation des grands empires
Sonra!, Mali et autres,et
qui se serait infiltré 9ans les populations du sud:
Dafing,
&<a et, plus au sud,
Dagara, à la faveur du COmmerce
(1).
Ce qu'lI importe de retenir,
c'est la grande facili-
té avec laquelle les uYèri"
se
sont mélangés aux Dagara,
perdant leur langue et leurs coutumes
et
devenant de vrais
Dagara. Certaines familles dans le nord du Ghana à Jirapa,
j'autres dans les régions de Dissin, Dana,
Diébougou,
sont
encore reconnues comme étant de descendance "yèra"
(2).
Dans
leur volte-face vers le nord, ils précédaient les Dagara dans
leur marche
; à plusieurs endroits la chefferie de terre
leur a appartenu, mais généralement,
elle a
été cédée aux
nouveaU-venus
soua leur pression ou contre des cadeaux.
Il convient de noter qu'il existe toujours des
groupes de "Yèri" mais généralement très acculturés. C'est
ainsi que dans la Sous-Préfecture de Fara.les "Yèri" se
comportent en Bwa. Ils se retrouvent confondUs avec les
Pougouli,
d'origine lointaine Gourounsi,
dans les régions de
Dana,
vers Founzan.
On peut considérer comme une preuve
d'originalité des coutumes dagara,
le fait qu'au contact
d'un autre peuple,
en l'occurence les Bwa, l'acculturation des Yé
à celles-ci tend à
s'effacer,
faisant place à une invasion
de la culture bwa,
remarquable par les cicatrices raciales,
le type d'habitat, la manière d'ensevelir les morts, roulés
dans une natte, les rituels des masques
••• Pour les "Yèri",
i l s'agit pratiquement d'un retour à leurs origines
(3).
Quant aux Pougouli ou Pwa, leur assimilation complète par
les Bwa présente un cas analogue à celui des "Yèri" par les
Dagara.
-
Faire du commerce,
en dagara,
se dit
:l·y~r~."Y~rilt est
un
~om de provenance dagara.
J
( 2)
-
J. HEBERT,
"Esquisse d'une Nonographie Historique du
Pays Dagara",
pp 154 à
161.
()
- H~e si les "Yèri" sont apparentés, comme le pense
J.
HEBERT,
aux Marka, leur première insertion se fit
parmi les Bwa,
avant leur accès au dagara.
.../ .. '"
- 34 _

En attendant de parler des ?wa, i l est intéres-
sant de noter que ceux-ci,
d'origine gourounsi comme i l a
été dit,' ont également précédé les Dagara dans leur avance
vers le nord, à partir de la limite actuelle du Ghana et
du Durkina Faso. Sur l'histoire des mouvements de ces
peuples qui généralement se faisaient par pressions pacifiques,
sauf quand le voisinage
.engendrait des conflits, le R.P.
REDEnT (1)
écrit l
"Pour fuir les esclavasistes ou pour
rechercher des terres fertiles,
les Dagara-Lobr se déplacèrent,
repoussant leurs frères Wiile vers le nord ou vers l'ouest.
A leur tour les Wiile
(2) refoulèrent des Dian et les Pwa,
tandis que les Lobr faisaient subir le m~me sort aux ?wa
et a~~ Sissala ( ) . Tels sont en résumé, les mouvements de
ces divers peuples,
dont les déplacements entra!naient le
départ des voisins immédiats,
ceux-ci repoussant à leur
tour les occupants des territoires où ils s'installaient".
Ces compénétrations ,pacifiques favorisaient sans
doute l'échange de certaines valeurs culturelles; mais le
fait que la fusion ne se soit pas produite laiase supposer
que des différences, voire des incompatibilités, existassent,
pour l"essentiel,
entre les groupes en présence et les
Dagara qui',' traditionnellement, se montrent très conserva-
teurs de leurs coutumes fondamentales.
D'autres populations ont encore vécu au contact
des Dagara. Ce sont 1
- les Dian 1 remontant de la région de Lawra vers
le nord-ouest, voisins des Pougouli ou ?wa au niveau de la
ville de Tumu, au Ghana, ils furent rejoints par les Dagara
(1)
-
J. fmnERT, op. cit., pp. ~2-~J
(2)
- Hiile et Lobr,
COlllD1e nous le verrons plus loin, for-
ment les deux principaux sous-groupes des Dagara
()
-
DU eSté
nord-est.
.../ ...
35

après le passage de la Volta Noire. On les retrouve à cSté
de ces derniers,
et aussi des Birifor
et des Pwa,
dans la
région de Diébougou,
au Bùrkina' Faso. Le contact avec les
Dioula 1'Iattara de Kong qui ont rayonné jusqu'à Diébougou
dans leur montée vers les régions de Bobo-Dioulasso,
a battu
en brèche l'animisme originel des Dian et cette influence
a rejailli sur leurs voisins Dagara.
- Les Mossi.
Que dire de leurs rapports avec les
Dagara 7 L'hypothèse sur l'origine communedagomba, ne
confère-t-il pas ,me relation privilégiée avec les Mossi 7
Pourtant le voisinage des deux ethnies est plutSt récent.
Cela peut s'expliquer par l'écart qui a été occasionné par
la descente des Dagara vers le sud,
tandis que les Mossi
optaient pour l'acculturation aux valeurs des populations
nordiques, alL'C dépens
d e s
coutumes ancestrales d'o-
rigine, ainsi que le dit la légende,
et entamaient lme
escalade verS le nord. Ce n'est que lors de la remontée
des Dagara vers le nord et le nord-est du p~ateau ghanéen
qu'eurent lieu les contacts, alors que d'autres populations,
comme les Gourounsi et les Bwa s'interposaient déjà
entre
eux.
La rencontre avec les Mossi eut d'abord lieu
a l'occasion du voyage de ces derniers vers le sud ghanéen
où ils allaient échanger ou vendre leurs produits. Ce n'est
que petit à petit que des groupes de Mossi,
de plus en plus
importants se sont infiltrés dans les populations avoisi-
nantest
intervenant commerciale~nt sur 1es marchés.
De nos
jours, cette infiltration touche plusieurs régions du
dagara
i l existe ainsi lm important groupe de Mossi a
Dana et d'autres moins importants à
Dissin,' à Wasa,
carre-
four de populations à l'entrée du Ghana,- et également dans
les
zones-tampons~entre Dagara et Gourounsi à l'est,
vers
Léa,
et entre Dagara et Paugouli au nard du pays, vers
Faunzan. Jusqu'ici i l s'agissait surtout de commerçants
... / ...
- 36 -

de plus en plus,
i l s'agit aussi d'agriculteurs.
Il con-
vient de mentionner à
~e ·titre ceux qui ont été officielle-
ment installés à Djikolo,
dans le cadre de l'Aménagement des
Vallées des Volta (A.V.V.).
S'il existe une affinité de langue entre Mossi
et Dagara; encore que,
à vrai dire, les deux groupes de
locuteurs ne se comprennent pas au premier abord,
i l y a
une profonde différence en ce qui concorne
les coutumes,
et donc dans les manières de célébrer les funérailles,
ainsi
que du point de vue de l'organisation sociale et politique.
Si du point de vue des croyances, i l y a
des recoupements,
comme cela tend d'ailleurs à l'~trc au niveau de tout le
conte::te culturel africain : exposi tion du mort, ri tes de
présentation des honneurs et des offrandes au mort,
r i t e s
ct e
séparation et de purification,
etc.,
com-
portent des différences très nettes dans leurs pratiques
Quant à l'organisation politico-sociale des ,Mossi,
elle ne
facilite pas l'intégration dans les milieux d'immigration,
tout groupe détaché de cette ethnie t&ndant à se donner
une organisation autonome qui dépend en dernier ressort
du chef' supr~me des Mossi résidant à Oua,o;adougou, l'Empereur
Nogho-Naba.
Cependant i l faut noter le succès de ces groupe-
ments commerçants dans leur milieu d'implantation où le
Dagara est surtout agriculteur et éleveur. Il a fallu
attendre une date récente pour voir de jeunes Dagara s'in-
réresser timidement au commerce, situation qui a facilité
la pénétration dans la contrée des petits vendeurs mossi
venus à la relève des
Yèri et Jula· •
Il faut surtout
signaler que le tissu de fabrication artisanale qui sert
à coudre les tenues
traditionnelles dagara et qui est
appelé "étoffe dagara" est très rarement confectionné par
les Dagara qui l'achètent plut8t aux Jula ou aux Mossi.
D'aucuns e:~liquent que de tels métiers ont été petit à
.. '/...
- 37 -

petit dé~aissés par les Dagara à cause des contraintes du
travail agricole,
pErsonn~ n'ayant accepté à ~'issue des
années de grande famine de se fier à son voisinJet conformé-
ment à la bonne morale du milieu qui veut qu'avant tout cha-
cun se suffise à
soi-m~me. Cette exp~ication para!t accep-
table quand on sait que dans ~a tradition dagara, le mort
ne peut quitter ~a case sans une sorte de ca~eçon appelé
"lien", spécia.J.ement confectionné avec lUl tissu indigène
blanc.
-
Les Peu~. Dans le passé, ~a pop~ation peul
était p~us abondante que de nos jours où se rencontrent ici
et ~à que~ques éléments, revenuS très récemment au dagara.
Descendus des plateaux du nord et du centre du Burkina Faso
au moment de ~a grande famine de 191q (1), ~es Pe~ gar-
daient ~es troupeaux des Dagara qui,
eux,
s'adonnaient à
~'agrie~ture. Leur.
départ est survenu à ~'occasion des
conflits
entre pasteurs et agrie~teurs.
-
Les Sissa~a que
~es Dagara appe~~ent "Lllwbè" (2),
sans doute à cause du regroupement de toutes ~es caSes de
leur village en une grosse forteresse,
comme ~e font égale-
ment les Jula, ont été repoussés vers le nord-est du dagara
par l'occupation.
Ils demceurent toujours dans cette région
les voisins des Dagara,
après les règlements des conflits
relatifs à ~a chefferie de terre.
Vers ~e sud de leur territoire,
sur le plateau
ghanéen,' ~es Dagara sont en re~ation avec des ethnies ayant
avec eux.
p~us ou moins d'affinitél Ce sont, par exemp~e, les Waalè.
les Dègabè, les Dagomba
(J) •••
Et e'est ainsi que lBS pre-
miers Dagara qui se sont convertis au christianisme
et de
nos jours encore tous ceux du Ghana
récitent les prières
(1)
-
H. LABOURET,
"Monographie du Cercle de Gaoua, ms,
p.
9q.
(2)
- Le terme "1ft"''',
singulier de "L!h.bè" est aussi un
verbe qui signifie :
"posséder en commun"
(J)
-
Ceœr qui restent de l'ancienne souche.On peut encore
citer les
[38.\\'.'818.
et.
Ips
~1anhala ou Imuala étahlis vers h'a ..
38 _
. . ./ ...

en langue d<igabè, voisin,e du dagara sans doute
mais tout de
m@me différente,parce que les premiers missionnaires catho-
liques se sont installés à Jirapa, chez les Di3abè. Nous
n'insisterons pas sur les rapports actuels avec ces peuples
que nouS connaissons moins bien et qui sont issus de plusieurs
souvent
<
"
groupes, purs ou metisses,
~pliquant les Dagara. A ce
propos, i l convient d'ailleurs de préciser que dans notre
étude les références porteront surtout sur la zone dagara
du Burkina Faso,
avec 1 t assurance que nous avons,
surtout
dans le domaine précis des funérailles,
qu'elles concernent
également celle du Ghana, au nom de l'identité de l'ethnie
et de ce qui en fait les fondements,
entre autres, les rites
L-lUléraires.
J. !~!!~~~~~_~~~_e~e~~!~~~~_!~~~!~~~_~!_e~~:
~!~~~_~~!~~~!!!~_~~_!~~!~!~_~~5~~~
Quelles influences toutes ces populations ont eu
sur les Dagara 1 Si on peut affirmer avec certitude, au nom
du phénomène d'acculturation des civilisations qui entrent
en contact les unes avec les autres,
que des emprunts, des
synthèses et,
d'une façon générale,
des changements impor-
tants sont survenus chez les premiers Dagara,
depuis la
rencontre avec les Lobi, les "Yèri", les Jula, les Dian,
les Nossi, les Pougouli, les Sissala, les Peul, etc., i l
serai t moins aisé de rendre compte de ce que l'eS Dagara
ont hérité, depuis plus de deux siècles de relations,de ces
peuples. Ne constate-t-on pas que certains Dagara se sont
londus dans ces populations,
Sissala et Birifor notamment,
et que d'autres,
tels les "Dèga -
Jula"
se
sont éloignés 1
Toutefois, on peut retenir que ces nombreux
contacts,
ajoutés à la position géographique du dagara
- 39 -
.../ ...

qui en lait une voie de passage entre la majeure partie du
Burkina Faso (1)
et le Ghana ou 'la CSte-d'Ivoire, pays très
fréquentés pour les é~igrations saisonnières, donnent aux
Dagara une grande facilité d'acculturation et un esprit
généralement ouvert. C'est parfois à se demander si le
Dagara ne préfère pas l'étranger à son "frère" dont i l
conna1't J,'intransigeance dans certaines affaires
(2),
et
s ' i l ne vit pas en qu@te de
nouveauté.
Les surnoms ra-
menés de l'étranger par les migrants, les comportements
importés: habitudes vestimentaires, vie de groupe, con-
duites économiques
•••
sont vite adoptés. C'est ainsi qu'à
l'occasion du retour des jeunes du Ghana et de la CSte-
d'Ivoire, la tenue traditionnelle dagara en tissu local
le cède à la tenue occidentale
et,
surtout dans le passé,
ashanti. fi. la fllte chrétienne de NaIn, au lieu de la fllte
collective a laquelle participent mftme les animistes de
loin le"plus nombreux,
de nos jours on assiste à des
"sociétés" (sic) de classes d'Age
(J). On da,nse aux disques
à l'occasion des mariages, voire des liançailles, pour si
peu que les moyens le permettent (4). Le remerciement pour
(non
cadeau ou pour service rendu,
tlà la manière dit-on des "ni-buli" /
da,o;ara.l.se pratiquent de plus en plus,
alors que le Dagara
traditionnel ne remercie pas,
i l retient en sa mémoire
;pour lui,
remercier
serait en quelque
sorte chercher à s'acquitter.
(1)
- Notamment le nord-ouest et le centre-ouest.
(2)
- Le Dagara tient beaucoup à l'aspect intérieur ou moral
de
la justice.
En venir à réclamer son droit c'est
déjà dénoncer un abus.
(J)
-
Cette f@te chrétienne se situe à peu près à la m@me
époque qu'une ancienne fllte traditionnelle qui suivait
les moissons
ou
"burnyt'!' ".
(4)
-
Ces emprunts de modernisme occidental concerne sur-
tout le eSté burkinabè. En Septembre 1966, des jeunes
d'une localité burkinabè mais proche de la frontière
du Ghana où la pratique coutumière demeure plus exi-
geante, voulant organiser un bal pendant les vacances,
dans l'enceinte de l'école du village,
durent obtenir
l'autorisation des anciens et admettre leurs délégués
Ù 1a soirée.
.../ ...
-
40 _

A n'en point douter, les Dagara ont emprunté
des valeurs de leur civl1isation aux populations voisines.
Ainsi dit-on que le tambour de Dagomba a été échangé con-
tre le À~lophone lobi dès l'origine de l'ethnie. La poterie
"Yèri" continue à jouir d'une grande renommée et, bien que
les Dagara comptent de nombreuses potières, les femmes s'en
vont acquérir jarres et canaris dans la
Préfecture de
Fara, dans l'ancien Cercle de Léo. Alors que la fosse
rectangulaire, pour l'enterrement; était dite jadis "fosse
d'esclave", de nos jours, on y
enterre des morts vénérables.
Il est vrai que les choses ne se passent jamais ainsi sans
cercueil et que celui-ci est toujours isolé autant que
possible avant le rembourrage de la tombe.
Il faut mentionner aussi l'influence des conqué-
rants islamisés qui ont été les premiers à s'attaquer aux
Dagara, avant l'arrivée des Européens 1 les Djerma de la
région de Léo, descendus du nord Soudan à la faveur de leurs
armes à feu et de leurs chevaux ; les Jula Wattara de Kong,
durant leur occupation du pays Bobo et des environs ; le
Marabout }Iocktar Karantao et sa guerre religieuse contre le
nord dagara,
enfin dans le sud du pays le fils de Samory,
S
,"
'10
( 1 ) .
t
.
.
.
t
aran~e~ !." ry. Ma18 ou re que ceUX-C1 ag1ssa1en
en ennemis
qui ont été petit à petit évincés à la faveur de la coloni-
sation européenne (anglaise et française)
et par là susci-
taient l'opposition, i l faut signaler l'obstacle commun à
l'influence étrangère qu'était le culte dagara des anc@tres
et auquel s'attaquait leur religion. Ceux des nouveaux
adeptes qui tenaient à demeurer dans la foi islamique
devaient~ en fin de compte, rejoindre le groupe des Dagara-
Jula (ou Dèga-Jula). Il faudra attendre l'implantation du
christianisme, consécutive à la colonisation française pour
enregistrer quelques succès de l'islam parmi les Uagara.
(1)
- Jean HEBERT,
"Les Dagara". p.
9. Les vues du R.P. HEHEHT
ont l'avantage d'être des synthèses élaborées à partir de
plusieurs
auteurs et de témoignages oraux.
... / ...
-
41 -

Au sud du plateau ghanéen où ils se sont d'abord
installés avant leur remo~tée ve~s le nord (1), probablement
sous la poussée
du mouvement
esclavagiste,
les Dagara
auraient-ils
eu des
contacts
avec
des
étrangers
de race
blanche, peut-être des européens instruits de la religion
chrétienne?
Si
certains
éléments
culturels y
font penser,
tels que
le récit de la création,
chanté par les initiés
au
cours des rituels du
"baor"
(2)
;
le
sign_e
de
la croix,
symbole de la puissance et de la protection dans la croyance
animiste
dagara,
i l n'existe à
ce propos aucune preuve
convaincante et préCise. Le R.P. HEBERT écrit à
ce sujet
"on peut
imaginer
que
ce récit, modifié
substan-tiellernent
par la tradition dagara,
vienne des Portugais"
(3).
Ce qu'il
convient
de noter,
c'est
le grand succès
que
connaitra le
catholicisme avec les pères Blancs
(4) et l'empreinte
profonde dont i l marquera la vie rituelle.
les
L'influence historique
qu'exerceront /
Européens
sur les Dagara peut être datée de l'occupation coloniale,
à
commencer par le
côté ghanéen
(car dans leur pénétration,
les Anglais parvinrent à l'a,
au Ghana,
et dans la région de
Gaoua,
au Burkina Faso,
avant les Français qui n'y arrivèrent
que vers la fin de l'année
1897.
après avoir
silloné à
leur
tour l'extrême nord du Ghana actuel).
(1) -
Cf. HEBERT,
"Esquisse d'une Honographie Historique du
Pays Dagara", pp.
107-1/±9 (Etude des migrations
dagara) •
(2)
"Baor" est la principale initiation des Dagara.
(3)
HEBERT,
J . ,
op.
cit., p.
36 ou in "Les Dagara", p. 12.
(Il)
R.P. PATERNOT,
H.,
"Lumière sur la Volta,
chez les
Dagaris",
1953 (épuisé).
- 42 -
... / ...

D'une façon générale,
on peut considérer que les
conquérants noirs ou européens.- ces d'erniers pire que les
aut~es ~ ont agi dans le sens d'une extermination de l'éner-
gie,
de la virilité, des ressources économiques et cultu-
relles du dagara, par leurs pillages, leurs massacres,
leurs injonctions et prohibitions. Les Dagara, qui ne pos-
sédaient pas d'armes à feu ni de chevaux,
dont l'armement
principal était constitué de l'arc et de la flèche,
ont af-
fronté les occupants dans une inégalité de "position mani-
feste que leur courage et leur solidarité n'a pas toujours
réussi à compenser. A cela s'ajoute leur manque d'organisa-·
tion centrale face à des unités de combat constituées,ou
tout au moins à des bandes fortement structurées,
de telle
sorte que les succès m~me quand ils survenaient ne pouvaient
qu'~tre éphémères. S'agissant des Blancs, leur conqu~te fut
plus systématique
;
elle rev~tit une forme d'implantation
dé~initive - de colonisation -. Elle avait ceci de particu-
lier qu'elle s'en prenait aUX Dagara dans leur atre mame
qu'elle rejetait (1). L'aliénation culturelle qui s'était
jusqu'ici heurtéeà la rigueur de la coutume venait parachever
ce projet, mGri et à longue portée, de dépossession des
ressources énergétiques, qui se poursuivait.
Mais en dépit de cette acculturation incontestable,
voire des tentatives de déculturation, l'homme traditionnel
dagara demeure spécifique dans son fond et très rigoureux
sur ce qu'il considère comme l'essentiel de la coutume. Et
m~me, de ce point de vue, les emprunts de valeurs semblent
se situer dans l'ordre des moyens ou des agréments de la vie,
de l'adaptation de certains comportements coutumiers, alors
que principes et croyances de base demeurent intouchables.
"Les Dagara peuvent se vanter d' ~tre restés presque. eux-m@mes
sans pour autant
litre renfermés"
(2).
(1) - H. LABOURET, Monographie du Cercle de Gaoua, ms, p. 86
(2 )
-
SOME Ambroise, Mémoire de Conseiller Pédagogique Itiné-
rant,
Année
1975-1976:
"L'initiation au Baghr au Pays
Dagara", p.
6.
.../ ...
- 4} _

C'est pourquoi, dès que la mesure menace d'~tre
dépassée, ils s'inquiètent à l'endroit du frère inconscient:
"Comment te comportes-tu COmme si tu n'avais pas d'entende-
ment dagara 1" Ce n'est pas là une simple prétention. Il y a
en quelque sorte une personnalité de base dagara tellement
caractérisée et spécifique que les peuples voisins à travers
les siècles, m~me lorsqu'ils en viennent à ~tre des locuteurs
dagara, n'arrivent pas à l'assimiler. Mais celle-ci est de
culture et non de nature et i l
n'est pas c~rtain que le
jeune Dagara d'aujourd'hui, surtout né et élevé en ville,
puisse y ~tre formé.
Elle appara!t ëomme
un
ensemble de
représontations, de croyances, de jugements et de comporte-
ments dans certaines situations dont les funérailles cons-
tituent un exemple privilégié. Aussi est-ce à l'occasion
des célébrations de la mort que nous aVons le plus de
chance d'approcher le Dagara le plus près. C'est sur la base
ri"
cette spécificité
q u e
sera défini dans la suite le
cercle social dagara.
et dialectales
Ainsi en dépit de l'évolution qui s'effectue au
fil des ans et au contact des autres ethnies, qui affecte
la forme des comportements,
des rituels et moins l'idéo-
logie,
la religion nouvelle elle-m~me malgré son enracine-
ment et ses visées étant vécue en référence avec les croyan-
c e s traditionnelles, le Dagara conserve le souci d'une
certaine pureté de la coutume et des conduites qui. si
l'on en croit la légende. fut à l'origine de la différen-
ciation du groupe. Ce sont les fondements de cette identité
qui se manifeste singulièrement à l'occasion de la mort.
qui semble s'y déployer librement en m~me temps qu'elle y
cherche sa consolidation. que nous allons essayer de dégager
après avoir examiné les rituels de la mort. Mais en atten-
dant. peut-on affirmer cette identité sans problème 1
... / ...
- 44 -

Dans son livre intitulé :
"Death, Property and
the Ancestors", qui est consacré aux pratiques coutumières
de l'ethnie dagara,
J. Goody fait observer qu'à la dis-
èinction des diverses localités dans le pays,
correspondent
sensiblement des variations dans les pratiques quoique
négligeables au plan d'une reconnaissance de l'identité
de l'ethnie
(1). L'idée est exacte. Il faudrait préciser
que les variantes coutumières elles-mQmes grossissent au
niveau de ce qu'on pourrait appeler des régions, qui n'ont
pas toujours de limites géographiques strictement définies
mais constituent du point de vue social des unités struc-
turelles à base clanique,
administrative (2) ou d'accul-
turation plus ou moins grande aux idées nouvelles.
Géné-
ralement sélectives}ces variations sont secondaires et
n'atteignent pas à l'homogénéité de l'ethnie. Leurs sources
expliquent pourquoi leurs zones de manifestation ne peuven~
Qtre aisément circonscrites. Tel lignage qui conna!t une
large extension géographique tendra, par exemple, à exposer
ses morts plus longtemps pour permettre aux parents éloi-
gnés d'~tre présents et, vu
le conformisme qui caractérise
les sociétés à coutumes et l'exigence de retour propre à
la mentalité animiste, l'habitude sera bientSt prise dans
toute la localité de procéder de mQme, surtout si l'exemple
provient d'un groupe majoritaire.
Quant à la religion,
elle a agi de ce point de
vue,
til1ltSt dans le mQme sens que l'école et l'administration,
c'est-à-dire celui de la modernisation (respect de l'hygiène,
de la santé,
désacralisation du monde animiste tradition-
nel,
etc.),tant6t dans le sens spécifique de sea idéaux.
Ainsi soua son influence, la "dot"
(3) a été réduite, les retrait
(1)
-
J .
GOODY "Death,
Property and the Anceators,
1962,
Chapitre l, p.
3.
(2)
- Ce terme eat à prendre au aens large et non seulement
de l'administration moderne, coloniale ou post-
coloniale.
(3)
-
"Dot" :
appellation courante bien qu'impropre de la
compensation matrimoniale.
...
- 45 -
/ ...

de femmes à leurs époux par les beaux-parents ont baissé
en nombre,
autant de faits qui ont une incidence sur les
rituels des funérailles
(1).
Cependant des variantes plus importantes,
tant
en nombre qu'en qualité, plus significatives aussi,
sont
observées au niveau des zones dialectales qui,
elles,
sont
répérables géographiquement.
Il s'agit des zones wiile
(oulo ou ",ulo,
en dialecte ,.1ile) et lobr, auxquelles
s'ajoute celle des Birifor qui
(ainsi qu'il a été dit plus
haut) parlent un dialecte du dagara et pratiquent les
coutumes dagara. On rencontre parfois la distinction peu
exacte en Dagara (ou Dagari), Wiile et Birifor. Mais
celle-ci,
s'agissant des Wiile et des Dagara, héritée des
étrangers, missionnaires et administrateurs surtout,
est
aujourd'hui rectifiée. Ces dénominations,
lobr et wiile,
remonteraient au temps du séjour des Dagara à T~or et
Ouli,
de~~ localités voisines et historiques du plateau
nord ghanéen (2). Les m~mes clans (dowlu) se ramifient dans
les
deux sous-groupes Wiile
et Lohr
avec
certaines variatioI~5
dolls
leH
appcll':lt:Lons.
(1)
-
Si une femme mariée meurt chez ses parents ou avant
que son mari ait fini de payer la "dot", i l y a un
litige qui doit ~tre liquidé avant les funérailles.
(2)
- Les noms Wiile et Lobr seraient fonction de la po-
sition occupée par les deux sous-groupes dans la re-
montée des Dagara vers le nord et désigneraient en
quelque sorte l'avant et l'arrière gardes. A cette
interprétation peut se rattacher celle, légendaire,
qui fait de "Oule" le nom de l'envoyé des Dagomba
auprès de l'orphelin expulsé
(devenu l'Anc8tre des
Dagaral,
pour lui indiquer ("wule" ou "oulo", respec-
tivement dans les dialectes dagara-lobr et da@ara-wiile)
le bon chemin. C'est sans doute en vertu de cette
mission qui fut assignée à l'anc8tre que le
groupe
des Wiile ou Oulo
a
toujours marché à la pointe
de l'avance.
On trouve les Wiile au nord du pays dagara et
au sud,
le long de la Volta Noire, vers Legmoin et
vers Wa ; les Lobr au nord-est,de part et d'autre du
fleuve;
les Birifor à l'ouest et au sud,
surtout du
eSté ouest de la Volta Noire
(voir carte du pays
dagara). Sur "Oule~', cf. J. HEBERT,
"Les Dagara", p. il •
- 46-
.../ ...

Compte tenu de ces variations,
i l importe d'indi-
quer au lecteur que nos références dans cette étude ren-
voient principalement à la région dagara du Burkina Faso.
(cx-Haute-Volta), plutBt qu'à celle du Ghana;
et là,
plus
particulièrement encore à l'ancien Arrondissement de Dano
qui,
de nos jours, a fait place aux Départements de Dano,
Gegere,
Oronkua (habités par des Dagara-Wiile)
et Kopèr
(habité par des Dagara-Lobr). Ce fait pourra 8tre la
source de certaines lacunes ou insuffisances,
soit parce
que tels aspects des célébrations funérairés ne sont pas
pris en considération, soit parce que l'importance 'sociale
qui est accordée à tels autres n'est pas ici réflétée.
Cependant,
si les funérailles peuve~t 8tre considérées
comme un temps fort de la vie coutumière dagara et une
occasion de retour aux sources de l'ontologie -
et cela,
i l sera loisible au lecteur d'en juger -
c'est sans doute
eu ésard à leur spécificité par rapport à l'ethnie, qui
suppose une résistance,
du moins quant à l'essenti.l,
aux variations dues au temps et à l'espace.
5. ~~~~f~~!~~~_E~~!~~~~~~~_~~_!~_~~~!_~!
des célébrations funéraires chez les
Parmi les trois moments forts de retour aux sources
de la coutume et à
sa manifestation fondamentale que cons-
ti tuent .1' i.ni tiation (Baor), les funérailles et la pratique
religieuse, la célébration des rites funéraires occupe une
place privilégiée en ce sens qu'elle sert de moyen terme
qui unifie et fait comprendre les deux autres,
en m8me temps
qu'elle les englobe d'une certaine façon. Les funérailles
tiennent compte à la foiS
de l'initiation,
dans la consi-
,
.
"
€/-
..
dcrat10n generale du statut du mort,/constituent elles-memes
une initiation,
surtout après le'suppression&des rites
initiatiques qui sont d'ordre animiste,
suite au progrès des
- 47 -
... / ...

religions judéo-chrétiennes. Savoir effectuer les démarches
des funérailles,
particïper concrètement aux cérémonies
funéraires,' est un signe d'appartenance à l'ethnie et une
preuve de maturité,
en m@me temps que c'est un moyen de
libération sociale, avant toute attention aux prérogatives
métaphysico-religieuses que la pensée dagara attache au
culte de la mort.
Quant au cul te des Anc8tre s les c'&lébrations
funéraires en constituent le gage,
la condition sine qua
non, dans la mesure où le statut d'anc8tre vénéré, invoqué
dans les difficultés de la vie, nécessite au préalable
l'accomplissement des rituels fondamentaux de la mort. Mais
aussi,
elles en offrent une occasion de pratique. La mort
n'est-elle pas la menace terrifiante pour le groupe social,
l'obstacle supr@me,
devant lesquels tout ce qu'il y a de
puissances protectrices et adjuvantes méritent d'@tre
invoquées ? Et en effet, à divers moments des cérémonies
de l'enterrement et des funérailles,
on recourt aux anc@tres
pour les interroger, solliciter leur assistance, remercier
de leurs révélations et faveurs.
En outre,
en m@me temps qu'elles sont en rapport
avec les sources métaphysico-religieuses' de Is vie, les
les
funérailles le sont avec 1 ressources de la vie terrestre 1
c'est en effet un moment d'échange de biens, voire de
corrunerce ;
de témoignages d'alliances et d'amitiés, de liqui-
dationsde conflits,
bref d'attitudes nouvelles ou renouvelées
devant la vie ainsi. que du mémoire des actes les plus
représentatifs de l'existence du mort -ceux qui lui confèrent
une essence,
comme dirait l'existentialiste -
Chez les Dagara, comme dans beaucoup d'autres
sociétés,
africaines et occidentales, le phénomène de la
. . . 1 . ..
_ 48 -

mort a un enracinement ramifié dans tout le système social(l).
En particulier pour leè sociétés africaines,
i l est souvent
au coeur. du système de la vie. C'est ainsi que dans cette
société à coutumes,
très solidaire,
ltoccasion de la mort
comme nous allons le voir est le lieu privilégié de la
manifestation de l'homme, de son organisation,
de son
sens de la vie ou sagesse, selon l'idée que PLATON donnait
à ce t~rme, c'est-à-dire de sa technique, scientifique
et morale,
d'exister.
Cette signification fondamentale de la mort pour
le Dagara se manifeste à divers niveaux de son existence
quotidienne. Il est étonnant de constater comment le souci
de se préparer à mourir s'inscrit parmi les prieccupations
permanentes, prioritaires. et dans le comportement général
du Dagara;; au point de prendre un aspect ludique. On de-
mandera un foulard de tate, une coiffure. un costume tra-
di tionnel ,••• pour en atre paré le jour de sa mort.
De
m~me, certaines négligences d'ordre hygiénique, jusqu'au
transport du cadavre
en bicyclette
(attaché contre le
cycliste) ont pour raison principale la destination fatale
de tout individu, quoiqu'il fasse,
et l'association intime
d'lIa mort.
De mame dans le langage, i l est à noter les
nombreuses références à la mort :
admonition
du père
à ses fils inconscients, réprimandes de l'enfant peureux,
répères historiques des faits sociaux. allusions aux
volontés dernières des disparus. à la libération post-
mortem (surtout chez la femme exaspérée),
etc.,
sans
compter toutes les questions qui sont soulevées à l'occa-
sion des funérailles et dont certaines courent des géné-
rations.
Dans ce mame contexte du
langage i l faut noter
Cf. la notion de "système de la mort"
chez L.V.
THOHAS in "L'Anthropologie de la Mort",
IVe Partie,
Chap. l, p.
399.
. . . 1 . ..

la richesse exceptionnelle de l'anthroponymie
dagara.
~ŒTUOLE SO}IDA Jean-Baptiste relève jusqu'à J~~ nOMS sur
le thème de la mort (1)
: mort qui vient de Dieu, libère,
sépare,
est omnipuissante,
g3nante
(obstacle)
; moment de
la mort ;
choix de la mort
; règne de la mort
On peut dire que chez les Dagara,
se savoir
mortel, commencer a participer aux célébrations de la
mort,
se préparer à mourir,
c'est proprement prendre
conscience. Et ainsi, l'occasion des célébrations rituel-
les de la mort apparatt comme un moment privilégié de
retour aux principes fondamentaux de la vie et à leurs
manifestations.
Il apparalt possible dès lors de partir des
principaux rites qui marquent les cérémonie~ de l'enterre-
ment et des funérailles,
normalement liées chez les Dagara,
pour jeter les bases d'une compréhension de l'ensemble des
conduites dagara dont les plus représentatives figurent-
justement dans ces célébrations.
Sans ignorer les dangers notamment de l'idéalisme
et du messianisme qu'on court à vouloir passer des consi-
dérations ethnologiques à des généralisations, notre pro-
jet est de partir des nombreux rites des cérémonies funé-
raires pour en venir à des références fondamentales et à
une compréhension interne,
capables de guider le lecteur
vers une représentation adéquate de l'Univers dagara. Il
ne s'ag~t donc pas de décrire dans leurs détails la tota-
lité des rites funéraires ni, à l'opposé,
de présenter la
vision dagara du monde
en tant que système, mais de montrer,
(1)
-
}ŒTUOLE SOMDA J.B.,
"AnthropolI.ymie Dagara",
1977,
pp.
27 à ~2.
.../ ...
- 50 -

au-delà de la variété des rites,
des comportements et m~me
des
significations circonstancielles, en particulier
ceux relatifs à la mort~ la spécificité culturelle de
l'expérionce dagara de la vie.
"La conception de la vie"
ne met pas en cause
des notions scientii'iq.,es et phi'losophiques o telles les
problèmes d'émergence de la vie à partir de la matière et
ses conditions, que ce soit du point de vue du spiritua-
lisme oU du matérialisme dialectique, ceux ~elatifs à la
séparation des domaines respectifs des vivants et de la
matière inanimée, ou ceux ayant trait au phénomène bio-
logique de la reproduction. Le c8té scientifique de la
vie,
en tant que t~l, intéresse d'ailleurs peu le commun
des Dagara.
Un autre aspect qui
est à marginaliser o c'est
l'art de bien vivre en tant que science du traitement
du corps 1 comportement diététique, soins d~hygiène et
d'entretien.
Il faut d'ailleurs dire que, compte tenu du
régime alimentaire de subsistance, le problème de sélec-
tion ct de combinaison des aliments ne fait pas l'objet
d'une préoccupation des Dagara. Quant aux problèmes des
soins, i l est plut8t chez eux en rapport avec les croy-
ances métaphysico-religieuse·s, avec les notions de
"saleté" (dèwr)
comme atteinte à 10essence et de maladie
comme sanction de faute morale.
Dans la flConception de la vie chez les Dagara à
la lumière des célébrations rituelles relatives à la mort",
thème que nous nous proposons dOétudier o il ne sera pas
non plus question de la vie au sens du savoir-vivre à ls
Dale CARNEGIE (1)0 cOest-à-dire comme art psychologique
di> lever les obstacles, de"réussir"dans la vie. Le savoir-
(1)
-
CAnNEGIE Dale,
"Gomment se faire des Amis", N.
Edit.
197J, L.G.F.
.... / ......
- 51 -

vivre sera impliqué mais en tant que conduite morale,
respect des règles sociales,
des va1eurs culturelles et
des croyances en particulier. De ce point de vue i l est
fondamental.
N'est-ce pas d'ailleurs aux yeux du Dagara
traditioIUlel, la meilleure manière de réussir que de s'as-
surer l'appui des anc@tres
.et de la divinité qui protè-
gent contre les forces maléfiques et attirent les
.bien-
faits?
Enfin ne sera pas pris en considération l'aspect
thérapeutique de défense de la vie, marne si le Dagara comme
tous ses frères africains disposent d'une riche pharmaco-
pée
(1)
qui est d'autant plus difficile à conna!tre objec-
tivement et à inventorier qu'elle s'enracine dans le
domaine mystique. Quand un mal s'avère incurable aux soins
hospitaliers, ne dit-on pas que c'est une "maladie dagara"
(dagara-baalu) ou Ulla "maladie indigène"
(nt Sèblè-baalu),
avec l'idée que celle-ci provient dtun empoisonnement et
doit ~tre traitée avec les moyens de la pharmacopée lo-
cale
? La médecine et tout son arsenal préventif et
curatif découle d'une conception scientifique de la vie,
alors qu'ici la vie, la maladie
et marne la mort ont des
justifications morales ou tout au moins métaphysiques, le
métaphysique ayant ici une valeur d'absolu et de sacré et
devant en voie de conséquence @tre respecté et vénéré par
des conduites pratiques.
De quelle vie sera-t-il donc question ? La vie
qui scra prise ici en considération sera en conformité
avec la conception du Dagara traditionnel, c'est-à-dire
(1)
-
Un guérisseur très réputé de Guéguéré, dans la
. région
de Dano, ne prétend-il pas guérir
le cancer ?
.../ ...
- 52 -

qu'elle sera l'expression de l'unité et de la totalité
de
l'homme,
de la socié~é, qu '.elle anime' et fait exister
comme un~ personne, voire de l'univers cosmique en général.
dans ses essences singulières comme dans son 8tre total.
Il s'agira de cette vie vécue en communion qui apparatt
tant6t comme caractéristique et dimension de l'individu
hic et nunc.
tant8t Comme supérieure à lui. le trans-
cendant par en bas sous forme d'existence pré-natale.
au séjour des "tout-petits" (bi-gbamfl-t-;'w) O'u sor~e de
limbes ; par en haut.
sous forme de règne post-mortem des
Anc~tres divinisés ; enfin. horizontalement par le groupe
social.
La vie qui est prise ici en considération. c'est
celle de l'agriculteur. de l'éleveur.
du chasseur qu'est
traditionnellement le Dagara.
du guerrier aussi que les
circonstances l'ont amené parfois à ttre dans le passé.
Bref. c'est de la vie de tous les jours, qu'il s'agit. dans
son
déroulement banal. mais avec ses implications socio-
losiques, morales. métaphysiques
et religieuses, qui la
sortent de son immédiateté et dévoilent ses significations
complexes et profondes.
D'ores et déjà. i l semble utile de préciser que
chez les Dagara, cette vie terrestre est transitoire entre
l'existence instable et capricieuse du bébé mouvant,
linon
incarné",
encore "saleté" de sa mère,
et celle de "kptin"
ou esprit détaché de la condition terrestre. Ce qui est
caractéristique de ce temps de passage~ c'est la responsa-
bilité de l'homme à se donner de l ' t t r e , à s'accomplir
conformément aux préceptes de vie, légués par les anc3tres,
qui sont transmis de génération en génération et qui

prennent corps dans les pratiques coutumières. C'est
pourquoi en dernière analyse les ressorts secrets de la
vic, la santé ou au contraire la maladie et la mort, le
...
- 53 -
/ ...

succès et l'échec, les heurs
et les malheurs,
tout ce
qu'il y a de sérieux et.degraveJ~/iimPliqUele sacré,
réfèrent à la conduite morale et religieuse. Et c'est
scIon cette référence que l'homme est jugé en définitive,
c'est-à-dire quant à
sa valeur ontologique.
Dans cette perspective, la mort en tant que
terme de transition et passage,elle-mftme) pose plusieurs
types de problèmes, en rapport avec l'engag~ment de l'hommel
d'abord au plan des responsabilités assumées au sein de
la société, ensuite à celui de la manifestation négative
de l'absolu dans le groupe social par le
phénomène létal,
enfin au plan de la justification de l'homme devant les
Anc~tres dont il est censé perpétuer, sur terre, les
volontés et le modèle. Comme i l apparat-t, ce n'est pas
l'individu, le mort, qui seul est concerné;
c'est avant
tout la société et la vie dans ses fondements.
A tous ces plans, la société
se ~rouve confrontée
a l'obligation de combler le vide; d'assumer les actes du
défunt et au. besoin de réparer ses torts matériels et
moraUX pour la sauvegarde de la pérennité du groupe.
Aussi la mort nous ramène-t-elle aux possibilités
fondamentales de la vie, avec l'exigence non seulement
de leur évocation, mais encore de leur mise en jeu effec-
tif, mftme si dans ce jeu i l entre beaucoup de ritualisa-
tion et de symbolisme.
Nous nous baserons sur ces rites et ces symboles
de la mort pour appréhender, au-delà, le sens de la vie chez
les Dagara en tant que réalité dynamique:et non seulement
simple représentation. A cet effet, le terme "conception"
semble bien convenir à notre objet.
- 54--
.../ ...

c'est
La conception-t la génération de la vie. Et comme
le montre l'analyse de t.V·. THOMAS (1), cette activité se
réalise sur la base de la mort,
ce qui justifie du reste
notre référence ; les espèces se reproduisent aux dépens
de leur propre existence ; la femelle de la mante religieuse
ne décapite-t-elle pas le mSle au cours de l'accouplement 7
Chez l'homme, l'écoulement du sperme séminal, qui est
assimilé
chez beaucoup d'Africains et en particulier chez
les Dagara au sang en tant que principe de vie, puis sa
dissociation en germenet soma, reproduisent effectivement
le schéma de la mort
et c'est à partir de cette mort
parcellaire que na!t la vie nouvelle.
La conception,
c'est encore l'organisation sys-
tématique, l'unification ou la position des éléments et
principes d'une production qui tend à
se perdre dans la
disparité ou la divergence. Elle est dynamique et vivifiante
On pourrait prendre l'axemple du concept dan,s le processus
de l·a pensée hwnaine. Tant que l'homme en reste à des
intuitions vagues, i l est comme englué dans ses représen-
tations ; c'est à la faveur de l'activité conceptuelle
que se dégage le sens qui est orientation, ouverture sur
lUt
monde.
Ainsi les célébrations de la mort, à travers
leurs rites complexes dont nous aborderons les principaux,
devraient nous conduire à ce qu'il y a de plus fondamental
et de spécifique dans la cult?Ie dagara, aux normes de la
de
l'au-dela
pr~,is, aux croyances~ tant il est vrai que les funérailles
constituent une manifestation typique de l'ethnie dont
l'acculturation au contact des diverses populations voi-
sines et des conquérants n'a pas réussi à altérer l'essence.
(1)
-
LoV.
THOMAS,
"L'Anthropologie de la Mort",
1976;
p. 433
(Eros et Thanatos).
.. .. / ...
- 55-

Bn vue de sit{,.er l'étude dans son contexte so-
ciologique,
référence sera faite,
dans une première partie
à l'homme ct à la société dagara :
-
d'abord aux structures de la société. Seront
ainsi prises tour à
tour en considération la personne
comme élément de base du'groupe social; la communauté et
sa structure organisationnelle interne qui s'élargit en
deSgroupes de plus en plus importants à partir de ce qu'on
pourrait appeler la cellule familiale au sens occidental
et qui n'est ici qu'un noyau d'un ensemble polynucléique,
jusqu'au "do\\'11u" t
clan
nu
sous-clan .plus ou 'main's· géant,
capable d'6tre subdivisé.
Il sera aussi question de la présentation phy-
sique de la société qui va de "yir", notion mul ti voque, à,
entendre ici au sens de l'habitation consac~ée, jusqu'à
"tl\\l<" , unité locale ou régionale du dagara ou pays dagara dans
son entier.
Bien que l'aspect physique intéresse moins notre
étude, les
divisions régionales permettent d'expliquer,
par e"emple, les variations coutumières et la notion de
"fraterni té" de "tl!gan"
(circonscription de terre) qui
aggrave le
crime de sang
;
-
ensuite aux conditions matérielles de vie qui
réîèrent essentiellement à l'agriculture, à l'élevage et
à la chnsse sans oublier la place particulière du commerce
dans la société dagara
-
enfin,
dans cette première partie, i l sera
traité des croyances et des pratiques religieuses comme
critères d'identification sociale.
En effet, la religion
.../ ...
- 56 -

joue un r81e important et intervient dans les activités
pour leur conférer une efficacité non seulement
morale
mais
te-chnique.
Tous ces éléments sociologiques serviront de
base pour aborder l'étude du phénomène de la mort et des
célébrations indispensables que celui-ci occasionne afin
de dégager la signification des comportements, la portée
des conduites notamment l'espérance de vie ~t de survie
qui s'y attache, enfin la conception du monde et l'idéal
sur lesquels
tout
cela repose.
Une
deuxième
partie abordera les généralités
sur
les célébrations funéraires dagara, depuis l'avènement de
la mort jusqu'à la fin des funérailles. On aurait pu ici
procéder à l'examen des principaux rites regroupés selon
leurs objets en rites de séparation, de passage proprement
dit ou de marge selon l'expression de L.V. THOMAS (1), enfin
de régénération. Mais le plan qui a été adopté et qui res-
pecte la chronologie a
l'avantage d'y ajouter l'idée de
génèse de la vie qui se dédouble de mort,
tant du eSté du
mort que
des vivants,
pour muer
en une vie supérieure,
nouvelle ou renouvelée,
selon un schéma croisé des attributs
de la vie du mort et des vivants
VIE
TER RES T R E
VIE
5 Y M BOL l QUE
- Mort vivant
(vie dans son appa-
Vie du mort
(vie post-
rence physique)
mortem,
supérieure et
mort appa .. ente)
-
Vic régénérée
des
vivants x
Vie mortuaire des vi-
(vie sociale et physique)
vants en deuil{mort
(mais incluant la mort)
symbolique)
( 1)
-
TIIOM,\\ S,
L. V .,
op.
ci t ., P.
IJ 39 .
... / ...
- 57 -

En situant les funérailles dans le temps, les
rites nous apparaissent ~ousleur vrai visage.
En effet,
ce ne sont pas des recours magiques visant à protéger les
vivants ou à conférer le bonheur au mort,
mais i l s consti-
tuent une manière de continuation de la vie sur terre malgré
la mort,
en l'intégrant
en quelque sorte, et aussi une
technique de transition de ce monde dans l'au-delà.
De ce
fait,
le problème de l'efficacité des célébrations, de leurs
variations selon les contextes,de leur reprise
en cas
d'erreur
(1)
se pose.
Enfin, une troisième partie traitera de la con-
ception dagara de la vie à
travers les célébrations rituelles
de la mort. Cette partie se chargera de montrer comment, à
travers les rituels de la mort, les Dagara explicitent leur
conception de la vie par des conduites à fin pratique, con-
crète ou symbolique. Comme i l a été dit, i l s'agit de la
vie telle qu'elle appara!t chez l'homme, mais aussi chez
les animaux, les plantes et les ~tres inanimés, et m@me
s'identifie Comme vie cosmique,
embrassant la société humaine,
l'environnement écologique et le mouvement des astres,
étant
entendu que dans toutes ces manifestations, à la micro ou
à la macro-échelle, chez les @tres humains et non humains,
le phénomène est toujours identique à lui-m@me dans son
essence.
Cette vie
a
ses principes
et
ses Dormes qui
s'enra-
cinent dans la mythologie et garantissent en ce monde son
déploiement harmonieux,
source de bien-@tre,
ainsi que sa
perfection.
dont le sommet est atteint dans l'au-delà.
(1)
-
En cas de sécheresse, une consultation des fétiches
peut révéler qu'un enterrrement a
été fait en con-
travention des rites
(par exemple,un ancien esclave
qui aurait été enterré dans un cimetière, sans
réparation préa~able, au lieu de l'@tre sur la berge
d'un marigot). Dans ce cas, les ossements sont
déterrés pour @tre inhumés où i l convient •
.../ ...
- 58 -

Ce qui est à remarquer d'ores et déjà,
c'est
qu 1 i l n 'y a pas de norm!,s. de réussi te pour la vie présente
et d'autres en vue de l'au-delà, l'efficacité de la vie
terrestre elle-m3me reposant sur des exigences morales et
religieuses. De la sorte, l'idéal de la bonne mort, celle
qui est en pQrspective d'un salut éternel, semble se retrou-
ver dans celui d'une vie bien
réussie
ici-bas. Cela peut-
il aller sans une certaine confusion? L'effet peut-il
devenir la cause ? En somme,
que penser de la solution qui
est proposée par les Dagara au problème de l'homme?
- 59 -

fL-)
_
0=)
Li
REMIERE
LI
ARTIE
=====~======================
L'HOH!'lE ET LA SOCIETE DAGARA
C'est sur la .base des activités traditionnelles,
dès
habitudes de comportement,
des relations internes de groupe,
des représentations psychologiques et des croyances religieuses
ou métaphysiques, ainsi que des rOI es,
statuts et
valeurs
qu'elles déterminent, que se tisse la trame des célébrations
funéraires
;
ct celle-ci à
son tour tente d'infléchir coutumes,
moeurs et représentations sociales. C'est pourquoi, au sein
d'un ensemble culturel comme l'Afrique Noire, les cérémonies
d'enterrement et de funérailles qui sont distinctes dans
beaucoup de groupes ethniques du Burkina Faso
(ex Haute-Volta)-
tels
les Hossi,. les Bwa
, l e s Karaboro,
pour ne citer
que ceux-là -
et qui sont ordinairement combin~es chez les
Dagara,
se ressemblent par leur fonction importante pour la
vie, mais diff~rent assez profondément par leurs formes et
leurs
si~ificationB de détail, d'une société à l'autre.
Avant donc d'aborder les rites
funéraires des
Dagara,
considération sera faite des fondements de la société
dagara,
depuis la personne,
élément du groupe, jusqu'aux
conditions
économiques
de vie,
en passant par ltorganisation
sociale interne, les croyances communes et la pensée religieuse.
Le développement de ces points demeurera dans l'optique du
thème principal,
sans chercher le détail, à moins que celui-ci
rev~te un intér~t particulier pour la compréhension des faits
étudi.és.
- 60 -
.. .1 . ..

CHAI'ITHE l
LES STRUCTURES DE LA SOCIETE DAGARA
Il la base de l'ethnie dagara comme de toutes les
sociétés africaines
traditionnelles
1
i l faut placer l'homme.
Certes, ne s'agit-il pas de l'homme en tant qu'individu, mais
comme membre d'un groupe qui englobe,
au-delà de la société
humaine,
les mondes
animal,
végétal,
inanimé.~ussi bien que
les
Esprits,
tll'homme
(ni-snal)
comme rclation lt ,
thème
que
développe en extension GB~ANE DABIRE Constantin (1). Cela
signifie que l'homme est le centre d'intér@t de toute action
qui est déployée,
d'après la conception dagara,
quel qu'en
soit le domaine et quel que
soit l'agent qui en est la cause.
Quelle
portée
comporte cette affirmation 1
Elle implique tout d'abord une attention particulière
portée à la reproduction de l'espèce humaine, que ce soit par
la pratique de la polygamie ou par la réglementation du compor-
tement sc~~el du couple conjugal
en faveur de la procréation.
Cet "anthropocentrisme" consiste également en une protection
jalouse de la vie, malgré les négligences de comportement
sanitaire que peut déceler un regard scientifique
i l se
traduit surtout par un so~ci,primordial de procurer à l'organisme
JU~c"
la nourriture et les soins;nécessaires à
la subsistance biolo-
gique
; mais cowne l'homme s'alimente surtout aux
sources
spirituelles qui seules donnent leur efficacité aux nourritures
matérielles,
i l
en découle
une nécessité impérieuse
de main-
tenir une communication permanente avec les forces
surnaturelles
et les anc~tres, intermédiaires qui intercèdent pour l'homme
(il Gf3J1.IINE DABIT<E ,C.,
"
NISI\\AL.
L'Homme comme Helation".
Extrait de thèse de Ph.
D.{ Université LAVAL,
Canada),198J •
. . . 1 . ..
- 61 _

auprès de la divinité,
lorsque
du moins celui-ci respecte
leurs volontés. Toute l'organisation sociale,
et d'une façon
générale touee la praxis do l'homme dagara,
comme i l appara!tra
au cours
de
cette étude,
sont conçues pour une pêrennité de la
,oie
dont la réalité est i
situer non seulement au niveau de
l'individu,
mais
surtout au niveau
du groupe.
En second lieu,
l'anthropocentrisme dagara est une
forme d'animisme qui projette la psychologie de l'homme et son
subjectivisme sur les autres ~tres de la nature : les ~tres
inanimés,
les végétaux,
les animaux et les nombreux génies
(Katam~) qui peuplent les montagnes, les rivières et les arbres,
ainsi que les maisons
("siwri"
et "tibè")
(1). Tout peut
manifester son Sme par une participation à l'action humaine,
dans une
interdépendance
généralisée
cosmique
qui n'est
pas
t
t
ici conçue 3 base de loi scientifique d'attraction universelle
ni de relativité
mais
de
symbolisme,
m~me si le mécanisme des
t
"intentions" semble rapprocher ce monde
plutBt de celui du
déterminisme
des causes et des effets que d'un monde de
volonté pure ou de l'arbitraire.
Cet anthropomorphisme est tellement fondamental que
c'est lui qui sert de modèle m~me à la vie dans l'au-delà. Car
si elle est de repos et de bonheur,
la vie des anclltres
(kp!ml!)
n'est pns autrement conçue que celle qui
se
déro~e ici
ct
n~aintenant. T"outes les cérémonies des funérailles comme nous
le verrons,
ont justement pour fin de garantir la continuation
de la ,oie tant pour l'individu que pour le groupe qui conna!t
cn son sein le passage
de la mort.
( 1)
Les "1,BtBme" de maison sont comme des espri ts sauvages
domestiqués par l'homme. L.
GIRAULT distingue dans "on"Essai
la Religion des Dagara"les "katB-bili", les "kBtB-ièri"
et les "l,BtB-man", habitant respectivement les montagnes,
les arbres
ct for'Bts
et les
rivières (f,irnul t,
L. t
"Essai
sur
la
11,,1igion c1es Dagara",
in Dull.
de
l'IFAN,
Tome XXI,
Jélic
Il,
nOs
J.,It,
1959).
- 62 _

Si l'homme est d'une telle importance dans la société
da~DI'D et sert d'archétype non seulement au monde visible mais
aussi à l'invisible,
i l conwi~nt .aupréalable d'approfondir sa
notion ..
PAIlAGIlAPHE 1
LA CONCEPTION DAGAIlA DE L'HO~~E OU
ELEMENTS DE PSYCHOLOGIE DAGAHA
Les
iJagara ont
une mani~re de sc rcpr~scnter l'homme
qui le situe d:emblée au carrefour du visible et de l'invisible.
Au milieu dcs
8trcs de la nature,
l'homme,
en dagara .. "nir"
(au
masculin,
"dèb"
et au
féminin,
"pOW "),
possède plusieurs
états
ou modalités d'litre, qui correspondent en quelque sorte à des
degrés d'existence
(1).
Il est bien distinct des autres @tres
de la nature. Pour marquer cette différence d'avec l'animal qui
lui aussi a "vuru"
(souffle vital), mais n'a pas comme l'homme
d'humanité,
on l'appellera "n i-sasl",
le
t1 saal"
précisant la
qualité d'litre SanS poil, lisse (saala) mais aussi et surtout
la perfection ontologique
(saala : parfait,
excellent). C'est
pourquoi
le
terme
"ni-sa.al lt
s'emploiera à propos de
jugement
d'ordre moral :
"Nisaal tome
na
fu t8 "
(tu as agi en homme,
tu DS été humain).
(11 - GOODY, J./qui a
mené des recherches très approfondies
.liur les
Dagara,
à
une
époque plus antérieure
et
en sc réîérant
surtou~ au groupe ghanéen, exprime la
",8me idée in "Death, Property and the Ancestors"
(Standford University Press,
1962), aux pages )64 et
suivantes.
Cf.
également:
Nyèl"i"

GDltÀNl! DABIRE,
C.,
"LlO. Nyèri
ni
Ua bè /
(les Visibles
et les Invisibles),
1978, 88p.(extrait de mémoire de
Ha!tris,,) •

SO~lli,
El.
B.,
"Quelques composantes de la Personne Humaine
chez de~~ populations de souche Dagomba :
les Mossi et
les Da.;ara". Notes et Documen t5 Vol taiques,
N° 5,
Oct.
-
DEC.
1971.
.../ ...
- 63

_
"Nir" ou T1 n i_saal" .dispose: d'un corps matériel
.:::lU
!)..::emier degré ou "!a_gan lt
c 'cs_t lui
que nous percevons
..
..
.'.
-
cOUl-aJ:llJ.lent.
C'est l'~tre visible,
III donnée objective et
'P;U]lÙll:lénale,
dotée de
qualités pour les
îonctions
biologi-
c:ucs
et de
sens propres il l ' appréhension de ce monde
"!a_
'::';.:l:i.'l"
cOI':lprend la penu
(gs'n)
qui
est la vue
extérieure
(la
Il':'';llccic,sl1)
de
la manifestation de 1 'llonune,
et
tout
ce qui
cntrc "ans la constitution du corps physique
U:aw)
de l t~tce
"w:lain
l a chair
(nlln) ,
les os,
le
sang qui
est le principe
L~.U ~[ic, alors que flvuuru" (sour.rle), abrité clans "taw", en
est le
signe extériorisé.
Par
"1a-gan" l'ilorrune mène
sa vie'
l~le::~i5tant naturel que nous connaissons,
s'alimentant,
se
v8·tant,
se reproduisant •••
-
Mais Ithorrune a
une autl~c f'orme
d'existence qui
11 1 Cl
Pu.s besoin de "ta-gan l ',
du moins
sous la
forme que nous
vcnOll.s
Llo voir
c'est celle de
Hsiè"
dont l'apparattre est
Jl.1.Q-~all ziè ll ,
corps
sans peau ct
,..lonc rouge
(ziè),
par ana-
losie avec la b3te dont on a
enlov6 la p~au, sans -qu'il s'a-
,sissc·ici à proprement parler de
" n an". En termes aristoté-
licit::lls,
on pourrait parler de
ttsiù"
comme
de la forme vi-
.."antc,
mais
séparable de
.rait,
et ùu corps
"!a-gan",
comme
de la r:latière informée,
incapablc de
su1Jsister dans
sa
forme
"Siè ll ,
élément ou corps physique second,
bien que
(_:~~sposllnt, corrune dirait DESCAH.TES, de la m8me étendue et des
r:18ucs sons que
"nir" visible
est,
quant .:l lui,
invisible pour
l '1J.OI,U:1C du commun
et ne peut ~tre perçu que des voyant~ dont.
les sorciers qui ont
le pouvoir ùe le saisir et de le consom-
1:1Ci~. Le séjour de "siè" hors du corps est limité. La nuit,
duraat le
sommeil,
" s iè" peut s'absenter ùu corps.
C'est le
J:lomcn-t cl10isi par les sorciers pour s'attaquer à
leurs victi-
;:le5 et aussi par les
anc~tres pour rappeler aux vivants leurs
volont~s ou pour annoncer leurs vcngeances. Certains estinlcnt
que
.Jculs
"sirli
(f)
des
sorcie.r~s quittent le corps pour
(1)
"Sir",
pluriel
de
If s iè".
... / ...
_ 64 -

\\'-agabondcr t
en qut!te
de
proies.
Ceux
des personnes normales
tout en s'absentant durant le repos,
gardent un certain seuil
de perception, une certaine'présence·. Les màdalités d'existence
de
"siè" engendrent
toute une gamme de
croyances
qui
seront
abordées plus loin.
A l'approche de la mort également,
"siè" quitte le
corps,
parfois assez longtemps à l'avance.
Cette vie
errante
de "siè" peut aller de quelques mois pour "si-pla"
(lime
(déjà)
blanche) D. trois ou quatre ans pour "si.-sèla (!me (encore)
noire)
(1). Cela pourrait faire parler de "vivants morts" ou
de
"morts vivants"
:
le
corps abandonné par l'Sme n'est
qu la:G'-
parcmment
vivant;
i l est déjà mort m~me s ' i l accomplit
toujow·s les fonctions
biologiques.
De m8me,
" s iè ll
sans le
corps
est un mort en bref
sursis.
-
En effet,
"!agan"
Sans
"siè" constitue une
forme
déchue de l'existence humaine.
Dans cet étatJl'homme devenu
"[ofor"
en dagara
(ou "ni-fofor")
ne présente plus qu'une
apparence
:
un
fourreau ou enveloppe vide de
son ~tre
substantiel.
Avant do poursuivre l'examen des
états d'existence
de l'homme d'après les Dagara, i l serait peut ~tre opportun
de
formuler quelques observations critiques
sur certaines
acceptions
de la notion de "siè t1 qui ne manquent pas de créer
de la con~usion, qu'elles aient pour source le spiritualisme
religic~x~ des s.nérali.sations sociologiques ou tout simple-
ment des difïicultés de terminologie.
(1) CF.
j;.P.
GEtAULT,
L.,
in "~~ssai sur la Religion des
Dag-ara",
Bulletin de l 'IFAN, T.
XXI,
Série B•• nOs )-4,
1959.
. .. / ...
- 65 -

L~ religion ehrétienne dont l'empreinte sur la
culture dagara
est
indénia1?l~t a identifié: lI siè tl à l'Ame spiri-
tuelle et éternelle,
objet de salut ou de damnation,
diffé-
rente p~r là de l'Sme végétative et sensitive que distinguent
ARISTOTE et DESClillTES comme principe de la vie végétale et
typiquement animale.
Et elle l'identifie au souffle
(vuuru)
dans
son
souci
de matérialiser cette réalité
qu'elle rend ainsi
à
la fois
trop concrète et
trop
abstraite.
"5iè in bu vuuru"
"siè" est soufîle,
enscigne-t-elle.
Elle satiSfj'lit par là sans
doute à
son appartenance au spiritualisme et à la tradition
biblique (1). Nais les Dagara qui coutumièrcment pensent que
II s iè"
est doté
de
chair
seconde,
saisissable et consommable,
et qui
se
prémunissent
par nombre de précautions
contre
sa
perte,
en vieIUlent paradoxalement à
admettre,
dans le cadre de
la religion,
l'identification de "siè" avec l'lime spirituelle
ct immortelle.
Cela ne veut pas dire que chez les
Dagara IIsiè" n'ait
aueun rapport avec le souffle. C'est par son souffle que le
sorcier îait
sortir Itsiè" de sa victime
de
lIta.';an"
ct à cause
de cela,
i l n'cst pas permis de
souffler sur une personne,
entre
sauf en caS de nécessité reconnue et/despersonn~familières(2)
Parfois aussi
pour camoufler
son attaque,
le sorcier
_emprunte
la
t'orme
d'un tourbillon.
Cette manière de penser n'est
d'ailleurs pas propre
seulement aux
Dagarn
puisque dans le
t
mythe de
F'
n r
0
~ambara)
tout comme chez les Thonga
ct'ACriqne du Sud cités par L.V.
THOMAS
(J), le vent nocturne
sec,
dangere~~, porte l'Ame des morts en qu~te du sang des
vivants
qui leur redonne vie.
Mais. chez les
Dagara,
le
t
souffle n'est qu'tm medium de manifestation de
IIsiè",
comme
i l y en a tant d'autres, autant qu'il y a
d'~tres dans la
nature.
Quant il "siè"
en
lui-m@me,
i l
est
l'homme
sous-jacent,
(1)
-
Dans la Bible, le souffle ou le vent est une forme de
maniîestation de
Dieu,
par exemple il la Pentec8te.
De
m~me dans la litur gie chrétienne, pour communiquer l'es-
prit de Dieu,
l'officiant souffle sur le candidat au
bapt~me.
(2)
-
Le Dagara utilise le souffle couramment pour moucher le
bébé ou nettoyer l'oeil d'un parent ou camarade.
(J)
-
TIIOH AS,
L. V .,
op.
ci t . ,
p.
4 1) •
- 66 _
.../ ...

',H':SV, de
co:-ce ct de vie.
GBl\\ANt DABIRE Constantin écrit
juste-
Inrnt
qu'il
l'd~si~nc ce qu'il y a de plu~ essentiel dans l'indi-
vidu humain
j
i l n'cst pas "tant une"composa.nte
de l'~trc humain
que
cet
8trc
tout
entier,
mais
dans un état
invisible
ct mysté-
rieux
j
c'est
toute
la personne
et non une partie,
m~me essen-
tielle"
(1). nais là où son point de vue rejoint celui de la
rcli;:;ion chrétienne,
c'est quand
i l dit qu'il la mort,
ln
personne
(si.è)
abandonne le
Il mo de
de monstration"
de
"1agan rl
ct que 1eR
îtulérailles
ont pour but d'acheminer "siè tt
(devenu
"kp!in",
plus précisément "ny9.-kptin")
dans
le "séjour des
anc~trcs. Car, lorsque II s iè" est "mangéell par le sorcier,
l'élément d'identification de
l'homme qui va au séjour des
Anc8tres persiste.
'lSii l1
n'a pas
d'existence possible sans
"fagan ll
qui
est
son siège,
sa protection.
Sans lui,
"îligan"
est une
cnveloppe déchue,
vouée ii la désagrégation
mais
hors
dc
"io;;r;an ll ,
"siè" est
aussi
dans l'insécurité
sans lui
ses
jOlU-S
sont désormais comptés.
Donc,
i l
semble plus
exact
de penser que la mort est conditionnée ~ une annihilation
dC'
"siè"
dont l'cxistence
est
incompatiblc
avec
ln mort du
corps physique.
Une
dea~ième source de confusion réside dans l'as-
sirnililtion de l~ notion de "siè"
à ln notion universelle d'âme,
très complexe,
dont
tous les
aspects nc sauraient
~tre ici
38surnés.
C'est ainsi
que
Jack GOODY qui
donne
des approches
tr~s pertinentes de la notion de "siè 'f ,
du fait
qu'il use
du
seul terme anglais
"soul ll
et malgré
trois niveaux de
" sou lH
qu'il
distin,;ue,
en vient à
des coni'usions
(2).
En effet,
i l
écrit
"Not only is
the notion oi' the soul intrinsic to
bclicfs in an afterlife
i t is also elosely linked
to ideas
about
the mystical interaction oi' living persons"
(3),
(1)
G131\\AN~ DABIRE, C., "00 Nyèri ni BQ bè Nyèri" (les
visibles et les Invisibles),
op.,
c i t . ,
p.
43.
( 2)
-
GOO DY, J . ,
op.
ci t . ,
p.
J G2 •
(J)
.- Notre
traduction:
"La notion d'9.mc
(soul)
est non
seulement intrinsèque aux croyances
de l'au-delà
elle
est aussi
intimement
liée
aux idées sur l'interaction
mystique des personnes vivantes"
(GOODY,
J., op.
cit.
p.
)65)0
_ 67 -
... / ...

Pot
après i l parle de "soul's llesh"
et é c r i t :
"Thus the soul
is
thought of as having substance like the body"
( i I .
Ainsi
1<) première
citation concerne une ,certaine notion "d'Ame"
~soul) '1U~ déborde celle de llsiè", tandis que les suivantes
concernent ce dernier,
en dépit de l'usage du m~me terme. La
riistinction des trois niveaux de "soul", montre que l'auteur
est conscient de la difficulté de terminologie dans laquelle
i l
sc rjébn t,
ct
qui
l'oblige à
employer un m~mc terme
pour
dési~ner des réalités toutes différentes.
-
L'une des modalités d'existence de l'homme qui
va maintenOUlt litre abordée,
c'est la notion de "j<plin". Selon
la représentation da.~ara de 1 'homme, ni uf:.tgan" ni " s iè" ne
vont aU séjour des Anc~tres après la mort;
seul. peut y accéder
"kptin Il.
C' est l a notion dagara
qui
sembl c
correspondre le
mieux à
celle d'une 1me spirituelle. Cela s'explique notamment
pélr le
f"ait
que
"l:.:p1in ll
est l'@tre
de l'homme
dégagé
de
son
corps et des soucis vitaux;
i l réfère à une réalité post-
mOt-tem et· spiri tuelle. Sa destination est le
"Pays des
Anclltres"
ou "kp!ml\\-Tl\\l~". Si II· kplin"
parfait.
s· intércssc' aux problèmes
de
la ,"ie,
c'est pour les vivants auxquels i l attire sanctions
négatives et positives,
grâce i
Sa position d'intermédiaire dans
ln
relation avec la divinité.
Ses préoccupations en dernière
analyse rejoignent celles de la divinité et concernent essen-
tiellement l'ordre dans la société des hommes et dans le monde.
De
la sorte.
"l-:::p!.in lt qui est hor:s de ce monde continue.
par
ses proches,
d'avoir dans la société une présence constante.
Celle-ci est d'abord matérialisée,
durant la dernière étape
des funérailles,
dOUls . un local appelé "Zal~" (étable
i c i ,
entrée COmr:1unc de la nlaison) (2), par le "Bois ancestral" ou
"KPÎi -daa",
:ëourchu (da-cara) pour l'homme et sous forme de
(1)
-
"Soul's flesh"
:
chair de "siè" /
chair d'âme.
"Ainsi "siè"/l 'Ame.. est appréhendé' comme ayant une subs-
tance commc le corps
(traduction).
(2)
-
Voir le plan interne d'une case dagara,
p. 11).
. . •1 . ..
- 68 -

}·,lIton (da-muol) pour la femme
(1).
Ensuite,
devenu anclhre
,-énérablc,
.:t l'issue des derni~re~ c~rélDonic5 funéraires,
IIkptin"
dcncu.r:c un" membre de
sa famille,
dont les dernières
volontés sont respectées et avec qui celle-ci doit compter.
Il
accorde son assistance et se manifeste en bienfaits pour encou-
rager la bonne conduite;
i.l réserve méfaits et malédictions
aux
proches parents
toujours
vivants
pour plulir l'oubli
et
la
(aute.
Il a droit à un culte, une fois parvenu au statut
d'anclHre.
"Kprm~" (Ancl!tres) ont droit à un culte qui se
pratiquc dClL'<: fois
dans l'année, après la récolte et à l'ap-
proche de la reprise des travaux des champs. Ce sont des
occasions pour leur communiquer des doléances,
prononcer des
promesses votives ou encore offrir des sacrifices de remer-
ciements. ~~is aussi,ce sont des occasions de f~tes, car
tlKpîmê" sont les protecteurs de la famille,
acquis à S8 caUSe
et,
satisfaisant aux rites,
on
a
toute
raison
d'litre
écouté. Par ailleurs,
au nom de la commensalité qui existe,
ml!me par-dclà la mort entre les membres de la famille,
les
boeufs, moutons, poulets,
bière de mil
(dAa)
et autres vivres,
offerts ~l ces pratiques ne reviennent-ils pas plut8t aux
vivants? Car "KP:im~1I se contentent généralement du sang et
de quelques libations de "dAa",
éléments subtils qui con-
viennenl: à leur état
(2).
En dchors de ces deux célébrations périodiques,
les
Ancatres sont consultés devant l'inconnu, par exemple,
avant de
slen~ager dans des funérailles qui pourraient 8tre infamantes
en raison de la cause de la mort
;
ils le sont
encore devant
le dnngcr,.lc·malheur. et chaqlle_fois que le devin les indique
( 1 )
"Kp.Li. -dan" de
femme est surtout en viguetu' chez les Wiile ..
( :.: )
Ilona" bIère dp. mil pré~paré"cn deux jOUJ's et ser'.'ie au
..... / ......
i.t"(l.i .-;;iùm(!
JOUI".
- 69 -

comme 3gents
devant le
succès
également.
surtout
s ' i l
a
été
1 ié à lm voeu,
sinon dans
ce dernier cas,
la sanction de
"·kj:d''lin U
solliclté ne tarde pas à
s'abattre implacablement sur le fautif.
Ainsi le départ de la nouvelle épouse est précédé d'un sacri-
fice aux Anc@tres,
afin de lui assurer paix et fécondité dans
la
famille conjugale.
Ce sacrifice qui comprend essentiellement
(,0 ou
50 cauris et un poulet immolé sur "I<ptm@
" est seul
capable de consacrer le mariage
autrement,
i l ne
s'agirait
que d'tIDe amitié intime et les enfants qui pourraient na!tre de
cette relation reviendraient oux parents
de la f i l l e .
L'apparition de
"kptin" en songe donne lieu également
il.
un sacrifice,
après
consul tation ct 'un (~vin qui précise la
\\'olonté de l'Anc@tre et la nature du sacrifice.
Enfin,
on peut
citer les caS de maladies,
surtout des maladies infantiles qUi,
par le passé,
étaient très fréquentes et très pernicieuses dans
la contrée dagara. L'enfant étant un petit @tre innocent,
don
de la di\\"inité et des Anc@tres intercesseurs,
bénéficie de
toutes les attentions du groupe familial
et sa maladie est
facilement interpr@tée en rapport étroit avec la volonté des
"kpime".
Ces précisions
sur la ". ~pré8ence
desllkPim~1I dans la
société en tant qu'ancl!tres
.en quelque sorte associés· à
la
divinité,
ne doit pas faire
oublier la réalité
de
"kp1.inN
comme
forme
d'existence de l'homme
sur terre.
La durée de cet
état est relativement brève pour les Smes qui ont mârité, par
leur conduite et par les sacrifices de réparation offerts dans
le cadre des ftIDérailles,
le repos éterncl,au lieu de demeurer
des
funes '-agabondcs.
Soit
environ une
saison sèche,
avec un
empiètement plus ou moins grand sur la saison pluvieuse
antérieure;
Ce laps
de
temps
est
indispensable pour l'accom-
plissement des divers rites dont i l sera question plus loin
ct qui
sont nécessaires pour un bon acheminement
de
ttkpii. nU
au "Pays des Ancl\\tres"
(Kpiml!-Tl!w). C'est aussi un délai qui
... / ...
- -70 -

est SO\\l'"Cnt fonction des resSources de la
famille,
car de
telles célébrations étaient finalement très on~reuses dans le
passé quand elles se pratiquaient intégralement.
"Kpîin" non encore installé matériellement dans
"zawH-rlonc
avant l'étape des îunéra1lles qui correspond à
l'entrée du
mort à. "KP!m8-Tlhc" -
est toujours errant sur terre et par-
ticulièrement vindicatif.
Courroucé de son sort,
justic1cr,
i l est pr8t à. emporter avec lui toute personne qui prétendrait
à sa femme ou 0
ses b1ens,
ou m~me conserverait simplement sans
travestissement des marques de Bon rapport intime avec lui.
Le comportement de ce "kprin" terrestre,
grossier
et méchant, le fait désigner comme "nyll-Kp!in".
-
"Ny5.-1tptin" est la forme d'existence de l'homme
qui a
pcrdu "tagan rf
(le corps physique visible), mais demeure
un 8tre terrestre prétendant malgré son état d'invisible pour
le conumlll des mortcls aux m~me8 relations que de son vivant.
D'o~ le besoin de l'éloigner en détruisant les liens passés
ou por des tra~estissements divers,
tels la sortie du cadavre
par une issue fra!chement ouverte dans le mur,
le port de
v'8tements masculins et féminins respeeti"cment par les femmes
et les hommes, proches parents du mort.
Dans son "Essai sur la Religion des Dagara"
(1),
le H.P. L.
GITU\\ULT parle des "Nya-kptm8" comme de "manes
qui voient clair",
en se basant sur l'étymologie du
terme
" ny 3a" qui veut dire éclairer. I l serait plus exact de considérer
"nyS-kp!inU comme "1 ~homme -
entre-deux-mondes",
omniscient
et tout-puissnnt vis-à-vis des humains,
qui ne laisse rien
impuni,
ce qui suppose,
i l
eAt vrai,
une perception claire des
choses.
Et m8me,
profitant de Sa supériorité sur le plan
naturel,
i l ne 8e g~ne pas pour se venger des Yivants.
A\\Pont dc
sgen
aller à
IIKpimê-Tew",
les morts en état
de
1Ih;:pim8"
S(~journent à "Dapar"
(ou
Oapi1l"'td,
d'où
i l s reviennent
(1;
-
GIl11\\UI....T,
"Bulletin de l'I.F.A.N., Tome XXI,
Série
U,
N°s )_1[,
1959, p.
J5J.
. .. / ...
-71 _

trawnatiser les vivants sous forme de "nyâ-kp!ml!" ,
exigeant
d
'e~~ que toutes leurs volontés s'accomplissent, que toutes
repos
les n~parations soient faites. ·pour leur/. Durant cette étape
de
"kp!in" jal.Oll..'X et mécontent. ,
ces
"revenants" qui ont
encore
des
besoins h~~ains à satisfaire sont servis en nourriture,
comme
de leur vivant
celle-ci est déposée sur la terrasse de
la maison
i
certains
dOentre
eux vagabondent
et
foulent
au
pied les
dormeurs,
généralement il
demi-éveillés lors
de
leur
passage,
salissent les met~provoquant le dégo~t de ceux qui
.les perçoivent,
ou m~rne bas tonnent férocement leurs ennemis
qu'ils peuvent emporter avec
eux,
dans la mort
(1). Ils
rendent Ges oracles par les devins
(2)
au sujet des dettes a
payer et des causes de leur mort.
"Nyll.-kp!in" d'un individu peut ~tre perçu quelque
temps ZJ:vant
sa mort,
tout
comme i l
en est
dc"siè'!
Dans
ces cas,
le corps visible
(~agan) n'est plus alors qu'un fourreau vide
(fofor). Hais " s iè",
en détresse ou pas,
suppose toujours
"tagan l1 ,
m~me s'il s'en échappe par moments, durant des périodes
plus ou moins longues,
au cours du sommeil et surtout à
l'approche de la mort.
Dans les cas de "sortie" pour fait de
souillure de sa demeure,
dont l'issue devrait ~tre fatale,
les
rites de purification appropriés
(si-piru),
pratiqués à
temps,
suffisent pour le ramener dans
"!"agan tl •
Tandis
que la vue de
"nyll-kp!in" d'tm individu vivant
est le
signe de
sa mort
imminente.
On
dira de
cette personne que
son "kp1.in"
est
sorti
qu'elle
est déjà à
l'état
de
"kp!in".
(1)
-
A propos
d'un décès,
ml
vieux rapportait la déclaration
d'un voynnt
:
"Ils étaient
trois
(revenants).
L'un inter-
cédnit
(pour le vivant);
mais les deux autres,
surtout le
plus
court
(reconnu comme étant le père
de la
victime)
ne
,"oulaient rien entendre ll •
(:2)
-
Il nurait
existé un oracle
de
"kp! ....m~ll,
appolé
"Daparè",
Cl T13l<or
(sur Tl!kor, voir p. 2) dans l'Introduction Généralel.
c61êbre par les
voix des morts
transitant â
11Uapar"
qu'il
rcndnit
(information recueillie
auprès
de la délégation
des
"1·1.:m-G5....nè"
(habitants d'Outre-F1.euve: de l'Est-Volta)
à
l'Assemh1.èe de la Sous-Commission Nationa1.e du Da@ara
t: enue en ~Iars 1979, il
Koper).
... / ...
- 72 -

Sans voir habituellement " nyft-lcpf"ma",
on peut
pcrce\\~oir "ny3.-1:p!inll d'un parent, occasionnellement
en
général la rivilation ne ~e'fa{t ~u'apr~s la mort de l'individu,
îaisant penser ù de la înbulation ou à un phénomène pathologique
de retro~·ision. Présentement nos informations ne nous permettent
pas des précisions.
C'est ainsi qu'après la mort d'un ethnologue
bien connu dans le milieu de Ouagadougou,
en 1979,
quelqu'un
ctéclarait :
" Je l ' a i vu au bar de tel quartier,
habillé de sa
tenue yoruba et coiffé de son bonnet.
Je savais que c'en était
:-ini ,'c lui".
Que ne l'avait-il dit plus
t8t afin que l'on
prépar~t au moins les îunérailles, pourrait-on répliquer!
C'cst qu'ô la dirférence des voyants des "sir",
qui,
en véri-
tables spécialistes,
contribuent à
sauver des vies humaines,
1 es simples voyants des
"nyl'l-kpfm~", de .loin les plus nombreux,
appar~issent plutet comme des personnes malheureuses dans leur
qualité,
qui ne peuvent qu'avoir peur et se cacher.
Par ailleurs,
leH
présentations de If s iè" en voie
n'annihilation,
malgré quelques variantes régipnales,
corres-
poncient ~ des tenues bien définies qui indiquent d'ailleurs ~
elles seules l ' é t a t d'avancement du mal dont
souffre le
pa-
tient
(1). T=dis que "nyll-kptin" lui est perçu par le voyant
en trClin d'accomplir une activité habituelle
(2),
d'une manière
nbsur(~e, sale et souvent méchante; i l peut s'agir aussi de se
dérober ù l'approche d'une personne connue. Hais les "nyS-kprm~1I
On distin.:;ue
"siè"
à la t~te rasée, à l'arrière de l'oreille
vers la tempe.
C'est "si-sèla tl
(t1 s iè" noir)
;
le vivant
~
dans ce cas peut en avoir encore jusqu'à 4 ans de vie.
Quand flsiè"
est "blanc"
(si-pla),
la t~te est
entièrement
rasée Q la manière des Dagara,
avec une touffe au milieu
;
alors la mort est imminente.
en - Ses lieuo, de fréquentation sont les funérailles, les
marcllés,
les f~tes, les grands chemins.
... / ...
- 73 -

ont
ceci
de commun que leur ombre portée ne
comporte pas de con-
l'i:;u;cation de la tllte.
On
entend parfoi". dire ,de
"nyll.-kp!in" que
,
c' c.':':': W1 " n i-dasule",
ou
Il'dasule'',
c'est-à-dire une
"ombre d' hom-
1llC:", "W1
simple parat:tre.
Mais cette pensée dc
"dasule"
en tant
que
Corme
d'8tre mérite i
son tour d'8tre approfondie.
-' "Dasule"
est,
au plan physique,
l'ombre
d'un objet,
qui
cst proj e'tée
sous l ' e f f e t
d 'Wl éclairage.
Mais pour Wle per-
S0Il.11C,
llcl.J.sule ll
peut ~tre aussi considéré comme
l ' a i r e
d1am-
.~
bimlce ou de présence
de
son
IIsiè",
dans
laque"lle
i l
est
impru-
dent
li.'.:tdr.lcttre un
inconnu.
Le
sorcier a
Wle
"ombre"
dangereuse
en l'ctour
;
y
pénétrer,
c'est risquer de
devenir sa victime.
Il
y
~ Wle insécuri té dans l'imbrication des personnes, indépen-
(lanu:lcnt
(les maux
attribuables a
la promiscuité
et
qui
se
situe
au pla11 r.1Ystique.
On pourrai t
y
rat tacher l ' i n terdi t
pour un hom-
me
(l'cnjamber un autre,
Wle b~tc ou toute chose capable d'agir,
'.\\Ï11si
clue le refus de
se laisser
enjamber.
8n effet,
l ' explica-
tion que les
Dagara donnent de
cela,
c'est
que
dans
cette rela-
'~ionJil y
a
communication de maladies,
surtou~ par celui qui est
ellj ...unbl~.
Hais
en r a i t .
la maladie n'est qu'un aspect secondaire
ùe la "saleté"
(dèwr)
dont i l va l!trCl
question et qui
va
élargir
notre compréhension
de la personne
(1).
-
"Dèwr",
c'est au premier sens la saleté,
ainsi
qu'on parle de la saleté
d'un
endroit,
d'un habit,
d'un corps •••
liais
bien vite le
terme
"dèwr"
implique des· naances
qui débor-
dent le cadre physique.
En eîfet
tout homme
en vivnn-t
secrète
"dèwr"
qui
com-
prend cl'abord les ordures qu'il
envoie
clans
son
environnement
en
app.:~ocIl.:tnt uJ.~e case, on découvre W1 milieu significatif de la
flr(~.scllcC de l Çhomme par ses débris d'ustensiles, les cendres des
L'oyel-s,
le son du mil
vanné
et les
coques
d'arachides,
les mon-
ceat~: lIe poussiires balayés sur le sol des chalnbres en terre
(1)
La daha,
quant i
elle,
selon le
ùicton,
refuse de
se laisser
enjamber à cause de
son" importance-parce qu'elle nourrit
l'hom-
"'e-et blesse généralement celui qui le
fait
imprudemment
(sa
l'orme arquée
facilite
cette sanction).
- 74 -

battue, les déjections dçs animaux domestiques. Tous ces
J6chets caractéristiques de l'aire d'habitation da@ara et
du milieu traditionnel ';'fricain contribuent très heureuse-
ment-à fertiliser le pourtour des cases, et i l arrive que
JallS les séparations de demeures,le but visé soit de pouvoir
disposer d'une devanture de maison sans partage. Car la
rentabilité des champs de case les plus immédiats
(t~_poru)
l'emporte de·'loin
Bur
celle des autres terrains
"petits
champs
proches" ou villageois (poli)
et "grands champs" de
-..
brousse (poru, po-bèrè). Cet amoncellement d'ordures et de
terre fait pratiquement partie intégrante de la maison
(yir)
et a droit aux m~mes égards que celle-ci. Les actes
qui s'y commettent sont considérés comme l'ayant été dans
"yir". Un proverbe da@ara ne dit-il pas:"No.o bè puwr u to
sob t~_puo zu e (un coq ne s'ébroue pas sur la devanture
(tâ~puo) d'un autre), c'est commettre une faute de lèse-
majesté.
Sur un autre plan,
"T~puo" par lui-ml!me est un
fétiche et un autel:
c'est le fétiche de la Puissance Terre
("T!lgan", littéralement "Peau-de-·Terre"), sur laquelle
nous reviendrons à maints endroits de ce développement.
En effet,
"T~gan" est matérialisé par toute élèvation de
terre:
amas de poussière,
tertre, colline et donc par
"tE_puo".
En ce sens, ce dernier est un véritable protec-
teur de l'habitation.
Beaucoup de cérémonies s'y déroulent.
On y égorge les animaux domestiques en vue de la préparation
de la nourriture et dans le cadre de nombreux rites. C'est
aussi le site réservé à plusieurs fétiches,
par exemple, le
hangar aux "k8t8m~" (génies, esprits domestiqués) lorsque
ceux-ci ne sont pas hébergés dans une chambre de la maison
(J<llt8ml!-d1és), l'autel-fétiche de la Puissance Ciel
("Saduw"
et "Sa-dawèra"),
tout fétiche
ttiib)
qui préside à la protec-
tion de la maison à l'exception toutefois des "Bois Ances-
traux"
(Kp!i-daru)
(1).
(1)
-
Il sera question des cro~ces, des esprits et de la
divinité au Chapitre III de cette 1ère Partie •
.../ ...
- 75 -
,

A un autre niveau, l'homme secrète une saleté
plus intime qui provient dé son organisme
animal et
appara~t sous son aspect essentiel : il transpire et la
sueur de son corps petit à petit noircit et épaissit ses
v~tements dans ce pays o~ l'eau est rare; il éjecte divers
résidus de son métabolisme ;
i l émet des sécrétions bucco-
nasales et surtout génitales.
'.~
!I. ce niveau donc
la "saleté" de l'homme devient
partie intégrante de sa personne;
constitue une expansion
de son ~tre à travers son environnement immédiat et une
extension de lui-m@me à ses objets familiers,
ceux avec
lesquels i l entre quotidiennement
en contact intime et
auxquels i l communique de sa personne. Cette imbrication avec
les ~tres de son entourage se réalise par degré, selon
l'intimité m~me de la relation qui la crée. La"saleté"
tend ainsi à devenir plus subtile, voire purement idéelle.
C'est ainsi qu'une interdépendance ferme exi~te entre le
mari et la femme qui,
dans la relation sexuelle, réalisent
l'échange le plus profond de "saleté" ;
elle lie également
l'homme et ses v@tements, ses outils usuels:
arc,
carquois,
daba,
canne, oreiller, etc., autant d'objets qu'il faudra
purifier ou démolir pour un enterrement complet du mort (1).
Cette notion de "saleté" est fondamentale pour
expliquer les relations sociales, notamment les comporte-
ments clans les funérailles
;
elle peut également servir
cle point de départ pour une explication de la conc.ption
dagara cle la vie morale dans la mesure où elle se généralise
(1)
- Sur la notion de saleté, cf: GOODY,J., op. cit., p. 59.
!\\nadé BADINI,
"La Représentation cle la vie et de la
'
"'ort chez les Mose", Thèse de Jème Cycle, p. 82.
so~m, B. Ba zie. op. ci t. •
'
... / ...
- 76 -

dans le concept de l'Autre, alors que ~'idéal dagara de la
vie sociale et morale, c '!!st- d'·IHr-e par soi-m@me
(so fu
tuor,,)-.
Pour le moment,
i l
'convient se~ement de
préciser que l~ présence de "dèwr" d'un individu sur un
autre natérialîse la dépendance qui unit les deux @tres
c'est une m~nière d'héberger son autre; mais cela les rend
,~lnérables l'un à travers l'autre et particuiièrement l'un
par l'autre. Un proverbe dagara explicite bien cette situa-
tion,
qui d i t :
"Ela Pti nu mi
kpè
ba
nylla mi"
(c'est la
flèche de l ' = i qui atteint l e coeur de l'ami)~1~urtout
pour les épo~:, cette possibilité met l'un à la merci de
l'autre dès le moment où ils s'opposent,
et les place
ainsi dans l'obligation de tenir compte l'un de l'autre
dans tous les rapports impliquant d'autres~tres.
Huis l'épouse est considérée comme une
étrangère dans la
famille
de son mari.
Aussi la vie conjuzale sera-t-elle
faite de rnéîiance réciproque et les tests poUr s'assurer
cie la fidélité du conjoint -
et par là meme de son inno-
cence
dans la cause de la mort
-
scront-ils réitérés au
COU~3 ùes célébrations funéraires.
Selon le comportement traditionnel authentique,
une :femme et un homme n'échangent pas de sièges. Et m~me,
les sièges des femmes et ceux des hommes dans la maison
sont di~lércnts. Les femmes se servent d'un siège large
appelé "l-:o;.;" ou d'une petite natte faite de tiges de mil
tressées (slh,-bile), tandis que les hommes util.isent un
tabouret appelé
uda-kowle".
"Kow" et "da-lto1i'le H
sont
sculptés dans du bois
(daa : bois)
et l.e premier sert
souvent COr.uilC siège d'exposition du corps au décès de
femme.
(1)
Littéralement:- "C'est la flèche de l'ami qui pénètre
III poitrine de l'ami"
(c'est par l'ami qu'on est
nttcint,
en bien comme
en mal).
.../ ...
- 77 -

L'adultère nécessite une purificution de la
..
femme fautive
de "dèwr"
de son partenaire d'occasion qui
~
.....
~
.
l ' a contam1nee,so1t par le sang ou par le feu,
soit par
les dcm~ à lu fois.
En cas d'adultère en ef~et, un sacrifice expin-
taire est offert aux anc~tres qui ont été invoqués lors
de l'adnission de la nouvelle épouse aU foyer,
puis selon
.,":!'
les clans,
avec le caleçon ou le pagne du couple adultérin,
un feu est allumé, que l'épouse infidèle est invitée à
cnj.:u:ibcr
ou celle-ci
enjambe un chien qui
est
ensuite
asso~~é, il ~oins qu'elle soit fouettée à sang (1). Dans
tous los c~s, le procédé expiatoire implique
une
puri:fication
de
IIdèwr"
étranger par le sang ou le
feu,
moyens séculaires employés par l'homme à cette fin (2),
et dont le pre~ier est d'usage courant chez les Dagara.
Dans les funérailles notamment, la référence
à "dè,,-r" est fondamentale et on ne saurait traiter ici de
la question de manière exhaustive sans anticiper sur la
de~:ième partie de cette étude qui concerne la généralité
des rites des 'unérailles. Toutefois i l convient d'ores
et cléjà cie r.Jentionner que les rites des funérailles ont
essentieller.Jent pour but,
d'une part de protéger
les
vivants,
po:.-tcurs de "dèwr"
du défunt,
de peur que celui-
ci vienne les
emporter dans l'au-delà;
de les en purifier,
CUr
la mort autrement par eux demeurerait dans le groupe
(1) - Le chien est souvent assimilé il l'homme et son
sacrifice n'intervient que dans
des cas graves.
Pour ces deux derniers exemples, Cl. aussi GIRAULT, L.,
op. cit., p.
355.·
(2)
-
Dans la Bible,
Dieu chAtie Sodome et Gomorrhe par
le leu et sauve l'humanité de la faute d'Adam par le
san~ de son fils.
.../ ...
- 78 -

social ; d'autre part,
de laver le défunt de "dèwr" des
vivants
ct de celui
de
sês~mauvai~es actions passies - et
en ce,la, la dette véhicule "dèwr" du créancier sur le
débiteur -.~~rcel MAUSS a raison de dire,
dans son
"Essai s\\U'" le Don"
:
"Les ta~nga et toutes les pro'?riétés rigoureuse-
ment dites personnelles ont un "hau", un
pouvoir spirituel " .
"On comprend clairement et logiquement, dans
ce système d'idées,
qu'il faille rendre à autrui
cc qui est ~n réalité parcelle de sa nature et
substance
car accepter quelque chose de
quelqu·un c'est accepter quelque
chose de
son
essence spirituelle,
de son !me ; la conserva-
tion, de cette chose serait dangereuse et mor-
telle et cela non pas simplement parce qu'elle
serait illicite, mais aussi parce 'que cette
chose qui vient de la personne, non seulement
moralement, mais physiquement et spirituelle-
ment,
cette
essence,
cette nourriture, ces
biens,
meubles ou immeubles,
ces Îemmes QU
ces descendants,
ces rites ou ces
communions
donnent prise magique et religie'use sur vous" (1).
Plus généralement, avant l'intégration du mort
aux Anc~tres
et à la Société, les rites des funérailles
poursuivent sa libération d'où une exorcisation de toute
possession, force ou esprit
qui l'habiteraient,
dussent-
i~$
8tre
de son vivant
des puissances de vie expressément
(Il - ~larcel MAUSS, "Sociologie et Anthropologie", P.U.F.,
1968, II ème Parti e :
"Es sai sur 1 e Don", pp.
159 et 161.
. ..
- 79 -
/ ...

recherchées au prix de mille sacrifices (1). Par contre,
lorsqu'un membre du vil:J.ag.e. décède loin de chez lui et
que ~e retour du corps s'avère impossible, tout objet
.'
considéré comme "dèwr " de l'individu pour le contact
intime qu'il a eu avec l u i :
v@tement.,
outil
de travail,
couchette . ' . peut prendre la place du cadavre au moment
de l'expositi:on ; car,
de manière générale,
tout Iltre
s'étend en toutes ses parties et chacune de celles-ci,
quelle qu'en soit la dimension le contient •.'pe nos jours,
on ajoute éventuellement les photographies à ces éléments
de
substitution,
tendant par l i i
modifier le sens de
ce rituel -
du moins dans la mesure où la photographie
est considérée comme une simple représentation imagée,
sans présence ontologique
-
car dans
la tradition,
l'intention n'·e s t
pas seulement d'amener l'assistance
à BC souvenir du disparu, mais bien plus de le présentifier
par son "dè'Kr".
2. La représentation dagara de l'h~mme face
aux
---------------------------------------------
grandes qualités proprement humaines
------------------------------------
a)
L'homme et l'intelligence
La prem1ere caractéristique psychologique qui
établit une démarcation entre l'homme et la bllte, chez les
Dagara,
c'est l'intelligence (yS) plutSt que la pensée
(tièru). Les b~tes (dan) et les objets inanimés sont censés
(1)
-
Voir dans les rites funéraires pour un meurtrier
(itn sob) ou un mattre d'initiation (bal< sèla sob).,
qui possédaient du médicament
(tti.
) pour leur pro-
tection :
ils doivent en @tre débarrassés au cours
des ïunérailles.
... / ...
- 80 -

~tre dénués d'intelligence, tandis que les génies et les
esprits
(kStSm~ ni tibè) la possèdent
'éminemm~nt, d'où le
'-ecours de
l'homme à ces"d.érnicrs·pour comprendre
et résoudre
les ,:éfis ·fie la nature ou pour se maintenir et progresser
doms
l'~tre. L'intelligence est ainsi une faculté de l'homme
ct dos ~tres supérieurs (génies, esprits,
divinité).
Mais aussi elle est une capacité d'adopter des
cO""portements pratîques devant des si tua tions concrètes •
..
L'i,:l;)écile
est
dans
son état,
l 'homme qui manque
d'intelli-
~oncc (bè tèr yS el, qui n'est pas capable d'user de réflexion.
;'~Gt également considérée comme "ciA-bol-sob" une personne qui
ne ?cut pas
se
départir de
ses
appetits
:
"Di mili bè
bftw
(Li.c~; yir é" (le profiteur finit par manquer de retenue
en compagnie
de
Ses
beau..x-parcnts)
cc proverbe
exprime
l~icn l'état de l'homme qui n'cst pas sot de nature, mais
s'est ab~ti par habitude de comportement
(di bol). Les
Da~nra considèrent les relations sexuelles surtout hors
i'luriagc,
pour le plaisir,
ou de
jour,
ainsi
~ue le spectacle
des organes
sexuels
adverses comme possédant un grand
pou,~ir d'ab~tissement
il en est de mame des cadeaux,
des
caresses et autres
tendresses inconsid6r6ment prodigubes,
~:.;t::~ tout à des 'femmes ou à des enfants. On considère ainsi
les enfants ~levis par les grand-m~res, les orpheliris confi~s
nuc: religieuses,
comme difficilement capables d'intelligence.
Quant à l'enfant en bas-lige,
i l n'est pas dit
sans intelligence
(bè tèr yll), mais comme "ne connaissant
l'as encore l'intelligence"
(u bè bt\\" yll a)
i l n'est pas
(encore)
intelligent, mais i l le deviendra par l'éducation
ct l'apprentissage de la vie:
11
U nlla bSw ni y/l".
Car
l'intelligence
est le fruit
de
IVexp&rience,
mais
son manqtle
de développement
chez i'cnfant np. signifie pas
son absence
.il n'y n qu 1 Ô.
sc ré fércr
aux orig~nes de son atre pour
s'en 3percevoir
(1).
Si
d'aventure celui-ci pr6sente un
(1)
- Voir plus loin au Charritre III relatif aux croyances.
-
Cf.
ESCIlLIMANN,
J .P.,
"Na!tre sur la Terre A.fricaine",
INADES-EDITION,
19R2, pages 29 sq.
- 81 -
... / ...

1J,,,,dicap dans ce domaine /Jar disposition naturelle
(bè
tèr
.
y9 t),
les
causes
sont
A rechercher
en rapport
avec
les
so\\~Ces supirieures de la vie (1).
Par contre,
on concède une certaine intelligence
~ quelques b~tes qui exicutent des actes pratiques, mais
plut8t par analogie avec
l'homme
liA mi
irè na m~ nir -
n ll
(elles
se
comportentticonune
tu1
homme'~-,ma~8 dans un
rlorllaine
bien limiti.
Il
peut
arriver qu'un chien bien
rJrcss~ chasse et ramène seul ~ la maison sa proie. Il
hénéficiera d-une
exception:
"Baa nga ul
b9:w-ni y9"
(lice
chien-ci
est
intelligent '}), m~me s'il demeure,
par
~illeurs, le chien à la gueule pendante (no cioluu),
prftt ~
tout avaler,
m~me le morceau que l'homme lui jette
~fin de l'approcher et de l'~battre. Cette conception de
l'intelligence des animaux rejoint les thiories psycholo-.
siques sur l'intelligence pratique;
mais le
Dagara n'oublie
pas que tout
~tre est susceptible d'abriter.un esprit.
Aussi
bien vite
en
vient-il
à s'interroger
"8ft tèè ni
n nga l"
(telle chose est-elle vraiment ce qu'elle para!t 1).
A quels
traits le Da~ara reconna!t-il l'homme
intelligent? Il est naturellement iveilli
(u ci-na)
i l
ne se laisse pas tromper
("dll.-bol-sob' u
bè mi bèli"),
ce
qui
est le partage des sots.
Il est malin et sait se tirer
des
situations
d i f f i c i l e s ,
m~me aux dépen8 des autres. En
cc sens,
l'intelligence
()~) n'est pas pour le Dagara une
bonne
chose
en
soi.
Cette idée
est
soutenue par
(1)
-
Les sources supirieures
sont au-delà <1e l'humanité
et
résident
dans
la
divinité
et
les
Anc~tres, mais
aussi
en-deçA,
dans
l'existence pr~natale (Je l'anj"ant
(bi-gbSan).
Sur ce dernier point et sur les options
de vie des
"bi-gb!l.mft"
(bébis-esprits avant incarnation),
on lira avec
intir~t GI3:1l.AN~ DAI3IRE, C., "Bt! Nyeri ni B\\'1
bè Nyeri"
(les Visibles et les Invisibles),
Extrait
de Mémoire de Martrisc,
197B, p.
)) : "Que sont les
esprits
1".
... / ...
- 82 -

C.
GB~ANE DAAIRE qui présente comme type de l'~tre intel-
ligent,
chez les
Ongaral l'Araignée des'contes
(Der-pé-Iéré),
(Iispropor~ionn~e quant au rapport de son intelligence hyper-
trophiée
et
de
Ses
autres
dimensions notamment humaines
(1),
impitoyable
et odieux au point que
son nom
s'accompagne
toUjOU1·S
d'une insulte
(IlDèr au derrière plat'') ..
Quelles
c]uiJli.tés
consacrent donc l'humanité
de l'homme
1
b)
L'homme et la pensée
Penser
(tiéri),
c'est peser le pour et le contre;
juger
en vue
de
trouver
le
convenable
;
découvrir le
faisable,
tant du point de vue pratique que moral, ou encore ce qui,
tout en présentant le plus d'avantage,
est en m1!iDe temps
conforme à la
tradition ..
C'est aussi
chercher le
sens des
événements
et
des
choses
dans
leurs relations
prochaines,
condition d'une action murie
et
concertée:
'lu nié-na
tièr
to
1"
("a-t-il pensé
jusqu'au bout 1 '1 ),
s'inquiéte-t-on
devant la légèreté
ct-un homme
qui
s'engage sans référence
aux autres
et
à leurs points de vue et par conséquent,
sans
égard
pour
les
conséquences
Bocio-humaines de
son acte.
LA pensée a
donc pour référence
le
sujet
pensant
cc l'objet,
mais
aussi
la
tradition qui
est
représentée
i c i
ct maintenant par
la
société, de pl\\IS en plus ~largie, celle
des
"frères" puis
celle des
amis,
des
alliés
et
des
étran-
gers
(2)
qui
se
prolonge aussi
dans
l'au-delà,
dans
la
yolonté des
Anc~tres associés à "Mwin" (Dieu). La qualité
rie la pensée va donc dépendre de l'efficacité des trois
sources:
d'abord le sujet qui pense:
quel est son degré
( 1)
-
GB~ANe DABIllE, C., "NISAAL. L'Homme comme Relation tl ,
T.I.,
Chap.
II,
p.
62,
"Oc la Sagesse et de la rolie".
(~) - Dans la Ille Partie, il sera question de la fonction
rie l'étranger \\sllan,
zawlè)
dans "yir"
(maison) .
...
- 83 -
/ ...

ontologique 1 Est-il dans la plénitude de son ~tre : doué
d'intelligence (yR sob u 1)
et non pas assujetti
(bol ~aw)
à quelqu'appRt sordide
étant dans "l'assiette" de son
~tre, et non pas presque
"roror",
dérorcé par quelque
faute qui chasse son substantiel
(siè)
de sa demeure 1
N'est-il pas oublieux de ses devoirs envers les esprits
qu'il héberg~ dans ss maison (IIK8t8m~" ou "tibè"l, princi-
palement les Anclltres (Kp!ml!l, ni redevable à
"T~gan"
(Puissance Terre) ou à "Saa" (Ciel),
auxque!s cas i l
appartient au règne de la rolie plut8t que. de la sagesse 1
N'a-t-il pas commis de crime de sang contre un "rrère"
(1)
qui le dissocie du groupe et l'éjecte dans la brousse (21,
le privant ainsi de la sève nourricière des "Kp!ml!"
(An-
clltres), qui alimente la pensée 1 Bt l'objet de la pensée
est-il identirié à travers ses apparences 1 Tient-on compte,
dans sa rérérence,
des compatibilités et des incompatibilités
de sa catégorie cosmogonique ainsi que des relations qui
l'unissent à d'autres ~tres du monde: respecte-t-on dans
les appréhensions de cet objet,
ainsi que dans les rinalités
ùu projet où on l'engage, la spéciricité de son essence. en
un mot l'ordre du monde
l Et d'abord, est-on assez ouvert au
"logos" ou discours originaire des
~treSt qui seul nous
met aU contact de leur vérité 1
Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir la
m~me pro rondeur dans la perception des choses : le "voyant"
et le devin y excellent plus que l'homme du commun. L'état
de "conscience aveugle",
si nous empruntons cette expression
(1)
-
Voir, plus loin, les appellatiom classiricatoires et
la rraternité des membres de m~me circonscription de
tlT~gan".
(2)
-
La brousse (Wiè)
est dotée d'un esprit qui agit dans
le sens contraire de l'humanité et conditionne la vie
sauvage.
·.. / ...
- 84 -

hegelienne,
existe : on dira de quelqu'un :
"z8w nu" : i l
est aveugle;
i l ne sait.p~s. I l demeure , néanmoins la possi-
bili t,é du "recueillement devant le phénomène de
l'@tre, par
une attitude constante de prière,qui unit aux sources de la
vie,et par la disposition prompte à la réparation de la faute
par le sacrifice.
cl L'homme et la liberté
L'attitude dagara face à la liberté peut para!tre
contradictoire. En effet,
ce qui a frappé - m@me choqué -
les étrangers,
c'est la liberté de comportement, l'indépen-
dance d'esprit, qui caractérisent les Dagara et dans les-
quelles certains d'entre eux n'ont vu ni plus ni moins que
cie l'anarchie. Ecoutons là-dessus Henri LABOURET,
Adminis-
trateur de Diébougou, Chef lieu de la partie'~uest-voltarqueV
du dagara,
à l'aube de l'occupation française, au début de
la deuxième décennie du 20è Siècle, lui qui s'étonne que
les
indigènes, prétendent à
emprunter son automobile:
"Dans presque toutes les parties de l'Afrique Occi-
dentale nous avons eu affaire à des indépendants, réunis en
villages appartenant à un groupe. Ici rien de pareil. Tout
chef de maison se considère l'égal des autres, règle
personnellement ses affaires, et s ' i l lui prend fantaisie,
déménage pour vivre avec sa famille et ses enfants dans
une maison isolée au milieu de la brousse
; non seulement
il n'y a pas de villages, mais i l n'existe aucune fixité
parmi les habitations réunies autour d'un point arrosé
et fertile"
(1 l •
Il convient de relever d'ores et déjà que les
rléplacements des maisons se font selon des règles géogra-
phiques, historiques,
économiques et sociologiques très
( 1) -
LABOURET, H.,
"Monogr:aphie du Cercle de Gaoua", ms.
p.
86.
- 85 -
... / ...

précises qu'ignore l'auteur cité et que nous aborderons
ultérieurement
; de m~mé ii existe bel èt bien des villages
qui portent des noms et connaissent une administration
ainsi que nous le verrons plus loin.
Citons encore SOME Bozie Bernard qui rapporte une
chanson popuiaire,
très significative pour notre propos,
dans son article intitul'é
"Organisation Politico-Sociale
Trndi tionnelle
des
Dagara U
!
UNasalè
1aw

n-a,
dèb

gllwnê dèb to i
Nasalè
taw

n-a,
pow bè gllwnê pow to i
c'est-à-dire:
"Si.
ce n'est pas à cause du Blanc,
un hanme
n'cst pas supérieur à un autre homme.
Si ce n'est à
cause
du Blanc.
une femme n'est pas supérieure à une a.utre
femme"
( t ) .
C'est dire que c'est la colonisation qui,
en
imposant 'des chefs et en soumettant avec humiliation les
gens, est à la base de l'inégalité sinon, comme le dit
SOKE I30zie également,
"tout ce qu'un Dagari peut faire.
un autre Dagari est en mesure de pouvoir le faire et i l
cherchera à le faire"(2). N'est-ce pas l'Administration
coloniale qui a entrepris de retirer flèches et carquois,
armes qu'un homme ne cède qu'au prix de
Sa vie
; de casser
les cases traditionnelles disséminées dans les villa.'!;es arin
de créer des groupements,
pour mieux commander la population
(1)
-
SOME,l3ozie B.,
"Organisation politico-sociale tradi-
tionnell e des Dagara't in "Notes et Documents Vol tafques",
nO
2, CVRS, Ouagadougou,
1969.
Le texte en dagara et la traduction sont de
l'auteur de l'Article cité.
(2)
- SOME,l3ozie
B. , ibidem.
... / ...
- 86 -

de pendre ceux qui osaient" résister;
"d'établir une
hiérarchie, de façon à lVelllédi,er peu à peu à l'anarchie,
source de" toutes les difficultés dans ce pays",
selon les
termes du Capi taine DOHINE (1)
ci té par LABOURET?
Les,Dagara n'ont pas manqué d'opposer une résis-
tance parfois farouche au colonisateur, ainsi que le
témoignent les attaques dans certaines localités telles B8coli,
Nakaar, Pirkwon (2), mais certains facteurs:~ue nous limi-
terons à trois semblent avoir prévalu dans l'attitude des
Dagara face à l'occupant blanc:
-
le Blanc, après Ouagadougou, avait abordé le
sud-ouest avec des allures d'explorateur plut8t que de
conquérant en campagne militaire, que ce soit par stratégie
ou parce que, dans son idée,
après la défaite de l'empereur
~~ssi de Ouagadougou,
toute la contrée lui revenait de
droit.
Il semble que ce soit devant les manifestations de
sa domination et ses exigences que les popuYations se SOient
rendues à la réalité
(J)
-
La réaction face à l'occupation, faute de pouvoir
central et d'armement perfectionné. ne pouvait prendre
l'envergure d'une guerre rangée;
(1)
-
Rapport cité par LABOURET,
H.,
dans son manuscrit
à la page 64.
(2)
-
Nous référons ici pour plus de précisiomà METUOLE
SOMDA,
N.e., dont le thème de recherches porte sur
l'histoire du pa~s dagara. Sa thèse de Jème cycle s'inti-
tule :
"La Pénétration Coloniale en Pays Dagara :
1896-19JJ" (Paris VII, Octobre 1984).
(J)
-
Le récit de la première ~ue du Blanc dans la région
par Mémer, Koper,
Kpaan, Nakaar et Diébougou, qui nous
a été fai t par SOME Bokftt1' , présumé né en 1890
(il
dit lui-m~me avoir à l'époque l'8ge d'un petit berger,
soit une dizaine d'années),
est bien révélateur de
cette attitude.
.../ ...
- 87 -

-
enfin dans la mentalité dagara,
le projet du
colonisateur, perçu à
travers. los humiliations et les trai-
tements inhumains infligés aux populations, ne pouvait
qu'~tre assimilé à un comportement de folie, qui accable-
rait t8t ou tard son auteur,
et face auquel une personne
sensée n'oppose pas de violence physique
tout jusqu'à
son "~tre bizarre" ne requérait-il pas du reste la conduite
qui est adoptée en pareille circonstance et qui consiste à
évi ter la confrontation face à face,
pour dé's approches
prudentes
(1) r
L'esprit d'indépendance et de liberté qui ne
de
saurait ~tre confondu purement et s~mplement avec/l'anarchie
est certainement très enraciné chez ces populations du sud-
ouest et l'absence d'organisation centrale qui les caractérise
n'est pas un fait du hasard. Il se manifeste à
tout propos
dans le langage
"A bd nu taw ? E sAw bo ? Ulè bè wobr
m~ i
!"
(au nom de quoi? Ce n'est pas lui qui me sert
le mil), ou encore à
travers les chansons des filles et
les airs de musique des balafonistes,
enfin par des compor-
tements,
tels ceux que H.
LABOURET présente sans les
comprendre ct qui,
loin d'~tre purement fantaisistes, ont
bien leurs significations dans le contexte culturel· dagara.
Mais paradoxalement, cette liberté s'accompagne
d'une dépendance, mame étonnante,
pour qui n'est pas en
mal de domination et d'impérialisme. A tous les niveaux
de rapports sociaux, i l y a une hiérarchie selon le sexe,
l'~gc et la génération; la première distinction est
catégorielle et essentielle et situe les femmes
en infé-
riorité par rapport aux hommes
"dèb bè
ter puri é tt ,
affirme un dicton da@ara
(la valeur d'un homme n'attend
pas son Age)
-
alors qu'une femme devra avoir quatre à
(1)
-
Cf. Partie II, Chap. II, à propos de l'approche
du mort.
...
- 88-
/ ...

cinq
enfants au moins pOUL: ttre
cons.idérée
comme intégrée
ù la Famille maritale ;.e~le de,,:a atte;1ndre la ménopause
pOur ~tre considérée comm~ définitivement acquise et ~tre
,
intéressée aUX affaires de celle-ci). Le dernier critère,
,
celui de la génération renvoie d'abord à l'ordre généalo-
gique avant de considérer l'Age réel des individus,
de
telle sorte que,
entre deux individus de m~me selle, le "plus
grand"
est celui qui relève de la génération la plus
ancienne.
Elle consacre le règne de la géro~tocratie (nt-
bèrè nuor)
au ni veau de la société :
"Nt - kp~e nuor bè
g!lmê i"("on n'outrepasse pasl~a bouche"(la.parole) d'une
'1 grande
personne"
:
on ne
désobéit pas à un ancien du
li.o;nage,
de la société,ou bien à un adulte-pour les enfants),
le terme "nt-kp~e" (grande personne) renvoyan:t ici à un
,
.
statut social,
juridique et moral,
plut8t qu'à une réalité
bio-physique
(1).
Dans la
société,
l'autorité
s'ordonne
sur plusieurs
plans
par exemple :
-
dans le clan,elle va des "nf-bèrè"
"
(grandes
")
. '
1 " .
personnes
des 11gnages, a commencer par
es plus ages
la
de la génération/plus ancienne,
jusqu'à celui de chaque
case,
puis au chef de "lowr"
(portion de case),
ensuite au
père
(pater)
; elle se poursuivra enfin par· la mère pour
les affaires éducationnelles et domestiques,
sinon elle
ira, pour les affaires civiles, à l'a!né de la famille
(1)
-
"Nt-kplle"
(pluriel "n!-bèrè")
:
personne milre physiquement
mais surtout moralement
; ainé
; statut juridique du
fondé de pouvoir, du chef. Les "nt-bèri"
de la société
sont les garants de la tradition et de la perpétuation
de la volonté des Anc~tres (kpfm~).
... / ...
- 89-"

après le père, à moins que la mère soit devenue par l'8ge
" y ir pow" (f'emme de la ma·ison). Le chef' du lignage le plus
ancien,
s ' i l est répéré,
a une suprématie sur les autres.
C'cst ainsi que pendant longtempB~
les Dagara de l'Ouest-
Volta
(eSté Ouest du t'leuve Volta Noire,
aujourd'hui
appclé "Mouhoun") ont envoyé des délégations en consulta-
tion
des
Il'nî-bèrè" de T@kor,
leur localité d'origine,
du eSté ghanéen
.-
-
le chef' de terre se situe a son tour au-dessus
des "nt-bèrè" des lignages, dans la localité
(tllgan) où i l
sc
trouve
;
-
au plan des pratiques religieuses,
l'autorité
revicnt au devin
(bao-burè) •••
Depuis le plus petit du groupe familial qui sait
qu'il lui appartient de maintenir le plat en équilibre
pendant le repas
(mais aussi qu'il a droit à la dernière
bouchée),
jusqu'au chef' de terre qui est lui-mllme
minutieusement contrSlé par son "kdbèr sob"
(1)
et limité par
les exigences consacrées de sa fonction hautement mystique
et dangereuse,
toute la société est soumise à un système
de règles
sociales,
de normes,
de jugements,
en un mot
à la tradition qui est omniprésente et à laquelle personne
ne rêve d'échapper.
L'excellence pratique définit le cher "technique"
(k:lra)
"do.-c~i-kara, bow-tuw-kara, bao-bu-kara" ••• (chef
de gardiennage -
qui s'installe conf'ortablement et t'ait
contenir le troupeau par les plus jeunes bErgers
(1)
-
Membre de
la suite du chef de terre chargé de
contrSler ses décisions
et
ayant
·le pouvoir
de
les
casser.'
... / ...
- 90

"\\
cher de forage de tombe
chef de divination ••• ),
tandis
que le pouvoir mystique,
Le véritable,
est détenu par le
chel spir.ituel, possédant le "médicament
(noir)"
("tti
sèla"
ou "sèla Tt
Bob).
Les
enfants,
les
jeunes,
les néo-
phytes,
sont à la ':remorque des atnés, des "grandes per-
SOlUleS"
(nf-bèrè)
des "kari"
(1),
des initiés, qui les
éduquent et les façonnent moyennant ce qui peut apparaftre
cor.~e une taxe d'apprentissage/à moins que ce soit un droit
d'atnesseou de sagesse 1
et qui est à la mesure de
l'expérience recherchée. L'homme est confronté à une
organisation sociale tellement systématique et a une
telle impression de l'ordre que réclamer son droit,
c'est
déjà dénoncer un abus;
c'est pourquoi,
quand i l doit le
faire
le Dagara 'Ise r'volte tl
t
,
vexi de voir bafouer le
droit imprescriptible
"~~tn~ na a mi i a lè 1 ~a nu dAw
~~e ~ lè ?~(dans quel monde les choses se passent-elles
ainsi? En a-t-on jamais vu de pareil 1).
Dans
ce contexte
que
dire alors
du mariage
t
(Jeul taa) et de l'esclavage
(gb1gbaalu)! Le premier
représente une situation de dépendance extrtme, presque de
perte d'identité:
en effet, la femme astreinte à la
,"irilocalité, disparatt après le mariage de son patri-
lignage -
où, d'ailleurs, dans l'attente du départ,
elle
séjournait en transitaire
pour rejoindre la Famille de
son m"ri
où elle arrive ,en étrangère, ne portant ni le nom
du
'èian: ni ne participant aUX affaires. Pendant longtemps,
elle ne pourra pas m~me puiser de son propre gré dans les
réserves céréalières, qu'elle contribue à amasser,
pour
pr"parer la nourriture co~nune (2).
(1)
"Kari" ,
pluriel de
"kar.a"
:
conducteurs;
ceUX
qui
possèdent la technique d'exécution ; chefs, guides.
(2)
L'~tre de la femme fera l'objet d'une analyse plus
approfondie dans la Ille Partie.
... / ...
,- 91 -

}bis l'ipoUS8 dagara, maIgri ce sort, n'est pas misirable.
Bien plus,
elle aime à référer aes enfants désobéissants
(surtout .,les garçons) à cette autoriti qui/au lieu de
ltépouvanter, constitue au contraire une raison de 8a
séc'.lrité :
"Attendez que votre père arrive 1"
(nji slla na
,,'ana
1).
Inle est contente de cette vie qu'elle fait
régner autour d'elle.
De sa situation,
elle tllche de se
dOlUler une raison de vivre conune le
témoigne cette
chanson
de jeunes filles,
qui peut cacher tellement~d'amertume :
"Zawlè saa hè na m!\\,
NSmwin na m!\\ na
Bè na,
bè nS,
bè nS,
fGu ir m!\\ ma bi 7"(1).
Dans
son dépit de
se voir mal aimée par son mari,
la
femme n~o8e pas se référer à
son lignage,
Car
dans le
contrat de mariage,
celui-ci est en accord avec le groupe
<lllié -
et partant le mari -
disigné ici par "zawlè" (non-
parent), au nom de la loi d'échange des femmes
dont
le "prix de la fiancée" constitue le gage. Aussi se
rérère-t-elle à Dieu (Namwin)
(2).
Avant de chercher les justifications profondes
de cetteacceptBtion de la dépendance
(malgré l'amour de
la liberté) qui nous est apparue à
travers les conduites
sociales et singulièrement chez la femme,
considirons le
cas de l'esclave
(gb9gbaa).
(11
-
Traduction :
1\\
.. II
"Si l'~tranger (zawle:non parent) ne m'aime pas, Dieu
m'aime
est-ce
toi
qU1
m as cree ~: l'
Ne pas m:'.aimer
(J lois),
. ,
'
,
?
(2)
Dans les faits,
les choses vont tout autrement et i l
arrive que
le père
en vienne à "retirer sa fille"
(faa
pow yaa)
; mais le plus souvent,
ce sera à la faveur
d'un manquement quelconque dans les obligations de
l'alliance.
- 92 -
... / ...

Les personnes dépendantes d'une autre et de m@me
descendance matrilinéa:Lre~,qu~.el~e -
donc portant le m~me
nom matr~clanique (bilu) - pouvaient ~tre vendues par
clOUe -ci en esclavage, en période de famine notamment.
Aussi les appelle-t-on "gbSgbataabi"
(compagnons esclaves);
pouvaient également subir le m~me sort des gens ayant déjà
le statut d'esclaves de la maison.
En fai t,
s'agi ssan t
des
"sb!\\gbataabi", la vente en esclavage se faisait plus
couramment par abus de la parenté matricla~que : on
vendait tris rarement des parents directs ou appartenant
au m~me "yir" (lignage, clan) que soi, mais souvent on le
faisait en usurpant le droit de "propriété" (sob), ce
que les Dagara nomment "gblldiru". Vendre une personne de
nom
IIbèlu tl différent que soi.
c'est appeler la vengeance
de son groupe matriclanique
; c'est aussi aliéner
ses
propres biens, par la confusion qui est ainsi introduite
dans les droits des gens (1).
L'esclave perd sas nomS pntriclanique et matri-
clanique pour ceux de son martre. S'il lui arrive de se
libérer ou de s'enfuir,
Sa réintégration passe par le
.paicment d'une "dette de rachat" 'au chef de terre
(t@gan
sob). Sinon,80n statut social demeure perdu et à son décis,
i l n'a droit ni à
les funérailles ni à un enterrement dans
une tombe rituelle.
Il est voué à la "dispersion" (yaaru)
ont~logique, sanction extr~me qui frappe sorciers, grands
voleurs et autres criminels de sang voués au bannissement
(ir biru)
et aux animaux sauvages.
(1)
- On retrouve, à propos des rites funéraires. une réac-
tion analogue lorsqu'un non-parent par le "bilu" offre
la "vache de dispersion des funérailles"
(kowèl-naab):
les "biltaabè" (compagnons de m~me "bèlu") du mort,
héritiers. revendiquent alors les biens de l'intervenant
comme étant une propriété cachée du défunt.
- 93 -

Comment concilier-cette exp6rience dagara de la
dépendance, cette conviction que "bom za tèri
sob"
(toute
chose a un possesseur)
('1)' 'avèc èe sentiment prof"ond d'6galité
en droit et de liberté qui a tant surpris le colonisate~r et
que celui-ci a cherché à rompre par son imposition de chefs
ct son autorit6 arbitraire? Cette d6pendance qui est
apparue comme· soumission à la tradition et à
son
ensemble
de valeurs ~t de règles consacre l'ordre social, ordre du
Pater (Sakum-minè-nuor /
SSa-nuor)
et l'ordre du cosmos
(a ib'i a lè), ordre de Dieu (Namwin nuor,
Namwin
nu bobr),
qui préside à l'existence des ~tres. Garante de la vie,
elle
n'est pas n6gation de la liberté, mais sa condition, m~me
si elle postule en premier lieu une libert6 collective
plut8t qu'individuelle.
C'est pourquoi l'esclavage dagara -
non celui,
industriel, qui sera pratiqué par le colonisateur -
pouvait
litre 'tolér6, dans la mesure où i l obéit à la loi de la
v i e :
le revenu de ce commerce contribuait à. sauver la
vie du groupe Familial
(yir faafu f~w). L'esclave en
tant qu'individu est déchu car i l y aurait effectivement
une duplicit6 vis-à-vis de "T~gan" (Puissance Terre)
s·ourc e
de vie
et de prospérité,
à "manger" un membre du
groupe, par nécessité certesf
et à continuer à le faire
valoir toujours sur le plan ontologique. Dans les faits,
cc cannibalisme ne
se paseait paSt
comme on lia vu,
de
rèc;lœ pr6cises (2),
(1)
-Les objets et animaux 6gar6s revenaient de droit
aU
chef de terre
(t@gan sob),
(2)
-
Les personnes de m~me "bèlu" sont dites avoir la
mllme "peau", la mllme "saletë' (dèwr) ,
tout comme l'enfant
et
sa mère,
ce qui
justifie leur til;assimilation" .
.../ ...
- 94 -

Cette dépendance-par conséquent n'exclut pas la
liberté,
pas m~me la liher,t.é individuelle et l-e sentiment
pro~ond d'une égalité intrinsèque des personnes. La preuve
en est que dans les moments de crise,
cette liberté éclate
'lUX
dépens de l'ordre du Pater, dans la mesure où celui-ci
contredit les_ aspirations fondamentales de la vie. C'est le
cas
du jeune.homme qui
en vient à
s'enfuir dans un centre
t~bain ou à l'étranger, singu1ièrement au Ghana ou en
C8te d'Ivoire ("siu'" Kumasi,
Kién Bizan "
: -.J'descendre à
l'Wili1si"
; aller à
Abidjan) pour y
chercher du travail
salarié et surtout un contexte social autre
(1). Le cas de
la
i'cnune
exaspérée,
qui
finit par s'en remettre à
Dieu
l'ace au bafouement de ses aspirations sociales par la
l"amille maritale
( Zawlè saa bé nS mll, Namwin nS mt! na) ,
présente la m~me qutlte d'un ordre qui respecte mieux sa
"liberté au service de la vie" ou son amour ..
En effet. le rapport à Dieu réalise de façon idéale
cette situation de liberté dans la dépendance. Créateur,
ma1tre de la vie et de l'ordre, ne se contente-t-il pas
d'en punir les perturbations sans contraindre autrement
les hommes?
Il nRa pas besoin corrune les autres
esprits
d'offrandes ni de sacrifices. Quand l'homme -tente de se sous-
traire à
Sa dépendance,
i l ne réussit en îait qu'à provoquer
son propre dommage,
au lieu de lui porter atteinte comme i l
cn est vis-à-vis des organisations humaines
menacéesJen
cas de perturbations des conduites,de désordre et de mort(2).
(1)
-
Il faut distinguer cette manière de fuite des migra-
tions
saisonnières,
aUX fins
d'acquérir l'argent
nécessaire à l'achat des v~tements, au paiement de
l'impSt. au premier versement du "prix de la fiancée".
(2)
-
Sans doute la désobéissance à l'ordre du Pater
(stla-
nuor, nt-bèrè nuor)
entra!rie-t-elle aussi un grand
préjudice pour le coupable. Elle fait l'objet d'une
malé_diction proférée ou tacite
(mwè 1à",). Mais dans
ce cas, celui qui maudit,- en tant que membre du groupe
communie aUX conséquences
du désordre.
... / ...
- 95 -

Voilà qui donne -au Dagara, .intimement, le sen-
timcnt d'une liberté en.gag.ée.po~ la vie, qui a toute
raison d~ craindre llanarchie,
source de chaos,
maia qui,
contrariée outre mesure, au-delà de la norme sociale de
rérérence, n'hésite pas à se situer en perspective de
l'origine de. l'titre,
se donnant par là-mllme une dimension
inïinie. Cette situation s'accompagne d'un sentiment
d'Gbandon à soi,
angoissant, qui est au fond l'éprouvé
ini tial de la liberté pour 1 'homme de la soei.été à
coutumes et traduit tout le malaise de l'individualisme
dGns ce contexte
(1).
d)
-
Etre homme en dagara
(nir ib)
On pourrait donner à
cette question une portée
aussi étendue que le thème de cette étude :"Comment
~
conçoit-on la vie chez les Dagara 7" Mais i l s'agira
plut8t ici de voir quelles qualités les Dagara mettent
Cil
avant dans l'appréciation do l'homme comme titre social
concret. ce qu'ils attendent de lui dans le commerce de
la vi~. D'abord, un homme doit titre physiquement normal.
Les monstres sont transpercés d'une perche quelque temps
après leur naissance et jetés dans un buisson touffu
(ku - 10 -
bèr).
De m@me,
les imbéciles,
incapables
d'intégration sociale,
étaient abattus à la faveur de
quelque.
méfait.
Il en est de mtlme des malfaiteurs
sorciers,
voleurs,
traftres en particulier.
L'homme de qualité (nr-i-nir)
suppose aussi une
bonne intégration.
Dès le jeune Age,
l'éducation de l'en-
fant,
prise en Charge par le groupe des parents et au-delà
(1) -
Il sera question de l'individualisme comme compor-
tement d'échec dans la Ille Partie.
.../ ...
- 96 -

par la société entière le
faQonne.
Et i l est mal vu qu'un
[1ère désapprouve,
par eJfcmple,.la. correction qui
est donnée
~ son enfant. Là où il se trouve, un adulte doit réprimer
le !:llluvais comportement et,
au cas
éch6ant
indiquer la
t
voie ~ suivre. Il y est le représentant du Pater:"N!-kpSe
nuor bè
zawrè
i" (on ne contrevient pas à la parole d'une
1\\!srandc personne').
Mais
ce"s prérogatives
l'obligent à
IR
mesure et à la délicatesse.
C'est ainsi que l'enfant en grandissant se fait
le sentiment que la dépendance qu'il vit,
à travers ce
que la société exige de lui,
est une condition de son
devenir et de sa liberté,
et en m~me temps éprouve
l'exploitation
(nèbru)
comme une perversion abominable
de ce système,
qui mérite la révolte.
Etre homme,c'est avoir appris à ~tre,
connattre
ce que la société exige pour une bonne intégration. et le
suivre
en pratiqtie.
Ponr un honune ou une
femme,/pouvoir
exécuter les
travaux qui
relèvent de
son ordre,
de manière
~ se suffire à soi-m~me et à ne dépendre de personne,
car
"si
ce n'est à
cause du
Blanc
Il
",Na
saalè taw bè na
Dèb bè gewn~ dèb to i
Pow bè gawn~ pOw
to i"
fi.:>
u
La fierté du Dagara,
c'est de pouvoir d i r e :
l
bè dirèjyir é
Ulè bè wobr m~ i"
(je ne mange pas chez lui
ce n'est pas
lui qui me sert le mil).
L'homme au masculin (dèb)
doit ~tre capable de
procurer la nourriture à
ses
femmes et à
ses
enrants
(1)
(1)
Il est de mise courante que l'homme de qualité "it
plusi'ellrs
femmes.
... / ...
- 97 -

de p;.~endre les armes
(arc
et carquois
de [lèches
empoison-
:aée~, .:l.u:::quels i l ajou'±.e .une _canne massue quand il part a
l~ Ch~S5C) pour barrer la route ~ l'agresseur ou venger l'af-
~'c-ont (1). La qualité d'homme (dèblu) revient à celui qui
1:e .fuit pas
devant 'l'agresseur,
ne gémit pas
de
~ouleur et
saVOl.r
.
CQi:l:J.:lt l'ennemi
jusqu'à la mort.
~..rnis, il doit/éviter la
t~i:l~ri-L~.ct m~me. au cas ~ch&ant, le conlbat. Le proverbe
n'e115ci:;ne-t-il pas
que
"seul celui qui
sait fuir fi la chan-
ce
~c rejoindre la maison", ce siège de ~1a puissance natu-
l-cllc ct mystique
(d@ bi@ sob-u mi l,pè yir). L'homme par-
·ticuli~rcment riclle poss~de, à cSt6 de ses greniers de cé-
::.:é:..:llc.s,
lI une
étable
de
boeufs"
(nû"z.:n'; sob),
mais
cela n'est
pas
inc:ispensable 'pour avoir l'autorité sociale requise
qui
lui l}C~~Tlet d'objecter avec f i e r t é :
"uJ.è bè wobr m~ i"
(ce
n'cst pas lui .qui me sert le mil).
De m~me. la femme doit se mesurer à son conjoint
clans les
travaux des
champs~ en assumant
la part qui lui
~:c\\:icl1.t, sans· en geindre ni s'en remettre aux amies (2) de
5011
lO.,,"c-i. La chanson populaire moque la i'emme égorste qui
nir:lc il jouir seule et grogne au temps
des
semailles
(pow
'Jecn ,,:!;Lvaa 'î'l1w laar a-yi ••• ). Travailleuse,
elle sera ho-
llorce p~r la ramille de son mari à ses funérailles
(1) Sur un fond de conflit, le combat peut se déclancher su-
bitolOlCnt. "Aux cris d'alerte
(cièlsi), les hommes empoi-
;jnont leurs armes,
habituellement déposées dans les
étases
(bow-piir) ou les greniers de mil
(bowe)
et sau-
tCllt de la terrasse. Cf. HOLAS,
D., "Et les flèches en-
trent
en j e u :
Schéma d'un combat coutœnier
en pays Lobi".
Gotcs Africaines,
IFAN 57, Janv.
1953.
(~) La pratique de l'amitié mixte Dst socialement autorisée
ct codifiée;
elle fait l'objet de déclaration publique
au" runérailles de l'ami
(e)
(voir ci-dessous au para-
:;rnphe II).
- 98 -

p"r l'offrande de "vaada"
(vache ou mouton)
(1). Intrépide,
elle peut,
au combat,senvi,r: les flèches '"aUX guerriers
et sucer le poison des blessures. Toute femme qui se
respecte
(pow i-nir) doit posséder les éléments distinctifs
de la féminité:
jarres, canaris,
calebasses, paniers,
en quantité suffisante.
Son intérieur est propre et pai-
sible -
en dépit de son statut social qui prlHe aux
mécontentements.
Mais par-dessus tout,
~tre homme (nir ib) repose
sur des qualités morales. C'est avant tout ~tre humain
(bSw nf-saalu)
engendrer des hommes pour perpétuer sa
descendance et la tradition;
exceller en socia~ilité
nouer des relations durables avec les autres,
~tre
honn~te et généreux. Surtout pour l'h8te de passage
(sllan),
rien n'est ménagé.
et,
en l'occurence,
le
Dagara n'hésite
pas à puiser dans
sa réserve de
semences
pour les
besoins
de l'hospitalité:
"Saan-u mi 1dW yir sob u di kaburè"
(l'étranger oblige à COnSOmmer les semences)' dit le
proverbe. Une mention particulière mérite d'~tre réservée
ft la parole donnée (nuor taw fu)
et au sens de la retenue
(tuora nyow fu).
L'homme qui n'a pas de "bouche"
(de
pClrole)
répugne m~me par sa futilité,
i l amuse les autres,
:lIais ne mérite ni
attention ni
confiance: ,.i sor pua
sob
cil tolil"~toi qui passes, va ton chemin
i l ne sera
rien de Ce qu'il dit), lui objecte-t-on en sourdine quand
il fait des avances. L'homme sans parole,
c'est le menteur;
on lui coupe une oreille. Ou encore le tra!tre qu'on
n'hésite pas,
en matière grave. à abattre. Quant à
l'homme Sans retenue,
i l niest pas
"digne de respect"
(1)
-
Cf. la
Ile Partie, Chap. II sur les rituels et
rites de la présentation du mort.
... / ...
- 99 -

l ,
(ta',~ fu), distinct.ion par excellence qui consacre "n t-i-
nir"
("l'homme qui est. h.o.mmel~i~homme de qualité) et lui
est manifestée partout e~ public à travers les salutations,
l~ préséance, les témoignages d'amitié de son vivant et
~u moment de "muolu", à ses funérailles (1). De plus,
lllilangeant ll
à tort et à travers, l'homme sans retenue
ne peut manquer bien vite de se compromettre
(di tule)
et de se dévaloriser ontologiquement
(2).
Ainsi donc,
l'humanité
(nisaalu)
se conçoit
en fonction du contexte social dagara et de ses traditions.
"Ni-i-nir"
(homme de qualité)
se donne un statut dans la
société par l'excellence de son intégration et constitue
du meme coup une norme vivante d'adaptation
et un pouvoir
de cohésion sociale. Sa soumission aux prescriptions
des Anc@tres et sa fidélité à perpétuer leurs volontés
le destinent,à sa mort,à "kp!m@-T@w"
(Terre ou séjour
cie repos des Anc@tres).
Il semble à peine utile de dire
que cet idéal de l'homme dagara,
conforme à la structure
sociale traditionnelle,
est l'un des éléments de référence qui
sera atteint
-
en tant que norme d'adaptation -
~ar les
vicissitudes de l'ivolution.
(1)
-
Voir ci-dessous Partie II,
"Généralités sur les
Funérailles'!
(2)
-
Il sera question plus loin de
~a notion de "manger",
notamment de "di tule"
(manger à tort)
qui entratne
des sanctions mystiques sévères telles la perte des
facultés mentales, voire la mort.
... / ...
-
100 -



. ,
,.'
' ..
.'.,~
PAHAGHAPIIE I I
LA CO~~mNAUTE
DAGARA ET SES
, STIHJCTURES
Section l
Comme i l a
été dit plus haut,
l'ethnie da@ara
comprend les Dagara-Wiile,
les Dagara-Lobr,
et ceux des
Dil'ifor qui se rattachent aux Dagara par la langue et les
coutumes
..
Hais
nous
avons
dit aussi
qu"il
existe des
wlités
sous-régionales
confusément
reconnaissables
par
c c::.. tains
trai ts
de
carac tères
sociatL"X
et notarnmen t
par
certaines
variantes
coutumières
ct a ce propos nous eVQ-
quio~s cette pens~e de Jack GOODY qui dit que la notion
lll~rne ùe localité iluplique de légères distine tians dans les
Îlal::itudes
de
comportements
ct
non
seulement
dans
la
géo-
Généralenlent les principaux éléments
de
distinc-
tion
des localités ou villages
(t~., au pluriel t~n), ce
sont le marigot
(baa),
la colline
(tA.),
la brousse cultivée
ou pas
(mw8),
toutes
ces
entités
étant animées
d'un
esprit.
Cc qu'il y a de cOmmun à
tout le pays (tG.)
dasara,
c'est
qu'il
présente la m~me physionomie quant à sa répartition
en villages plus ou moins éloignés les uns des autres, im-
iJlantés de
cases plus
ou moins
dispersées
et
approximative-
ment identiques quant à leur aspec t
et à leur structure
i:1t: erne.
(1)
"T3w"
territoire
habit6,
plus
ou moins
~tendu ; pays,
chefferie
de
terre,
v"illage.
localité
. . .
mais
aussi
"terl~èt
sol.
_ 101
-

1.
La notion de maison
(yir)
L'habi~at dagara,
fait de
terre battue,
durcie
sou~ l'effet du soleil, pr~sente des murs massifs et colos-
sa~', plut8t curvilignes vus de l'extérieur, troués de
meurtrières
qui
laissent aussi
.filtrer le
jour à l'inté-
rieur.
En cas d'attaque i l offre un rempart efficace contre
l'ennemi.
L'intérieur présente toujours,
à peu de chose
.~
pres,
la m~me structure:
tule cour
(davralpPuis une
grande
salle
(cara)
contenant, vers l'entrée,
les jarres
(duwr)
tiestinées i
la préparation de la biire de mil
(dSa),
cet"te boisson indispensable ~
toutes les
rencontres
o[~iciellest surtout aux .r~tes, aux associations de culture
(l:ob)
ct
travaux
di vers,
aUX
cérémonies
des
funérailles.
A J.'uutre extr~mit~ se dresse le grenier principal Ou
grenier de mil
(bowr),
symbole masculin répondant
aux
jar"res,
qui
sont
féminines,
pr6c~dé du .foyer principal et
dont l'entrée cylindrique transperce le toit. en terrasse.
Sw- cette grande salle s'ouvrent une ou plusieurs chambres
(ùibili)
dont le nombre ne saurait ~tre inférieur à celui
des
épouses.
Le mari dort sur la
terrasse
ou,
par mauvais
temps,
dans l'étage
(bow-pii),
construit au-dessus de la
terrasse d'un
"dibile"
(1)
central par rapport à l'ensemble
ùe la maison.
En l'absence de ce local,
il.séjourne dans
Cille chambre
(g5w-yi)
qui donne sur la cour entourée et à
plein ciel
(davra). Les jeunes gens en tige de se marier
sc construisent également tul "g!\\w-yi"
(2).
"Kapil" est une
c~)amb.re dont la
forme
de case ronde
et le
toit couvert
de
ChîlWHC
r
~ v è l
e
une structure d'importation.
Il se
(1)
-
"Dihile",
singulier de "dibili"
:
petite chambre, par
rapport au "cara"i
la grande chambr"e.
(:n - "G!lw-yi". li ttéralemen t : "Enjamber sortir"; ce terme
évoque deux r é a l i t é s :
d'abord celle d'une chambre
dont i l s'agit de sortir pour ~tre dehors, vu qu'elle
ne
donne pas
sur
II ca ra"
ensuite,
étant donné
Sa
position,
Il g 3w_yi tl
a
WlC
porte haute pour
éviter
que
les
eaux des
pluies y pénètrent.
. . . 1 . ..
-
102 _

r
loc.:1lise dans
lldavra." ou sur ln c18ture,
un peu à l'écart
I..le 1.:\\ masse
de l'édifice" i _.il .est. réservé à
l'accueil des
~isiteurs de marque
et peut
servir aussi
de chambre a
coucher. Les enfants dorment soit dans
ff cara ",
soit dans
" ù ibile" avec
leur mère,
soit sur la
terrasse du
toit
(gar).
En \\~e de se mettre à l'abri du vent et du îroid, car
Gûn(;1'31ement l'entrée de
"cara'f ne se ferme
pas,
cette
dernière salle est munie d'W1. ou de plusieurs creneaux de
delL': à
trois mètres de large sur autant de longueur,
~~uJ:elevés, appelés "gori"."Gor", aménagé. peut s€r\\rir
de
séjour au grand-père,
tandis que la grand-mère,
elle,
l)r~rèrera un "dibile", local par excellence de la femme.
Sous
un
hangar ai:tcnant
à la cour ou juste à
.l'entrée de "cara", une
construction d'environ
1 m 50 de
hauteur permet de
fixer les meules de la maison qui
servent
~ ucraser divers produits. Pour passer de la cour (davra)
au dehors,
on traverse une sorte d'antichambre ou " zaw "
(1)
qui a une grande importance dans les r i tes
fUn êra:i.rea. puisque
c'est là que sont déposées les manas ancestrales,
sortes
de bois fourchus,
rarement liniaires,
entaillis de traits
lnullains
"kph-:::laru t1
(2).
Dnns le passé où rôgnait l'insécuritétltZaw"était
3nns
communication avec l'intérieur de la case. On accédait
3101'8
à la cour et aux chambres par le
toit
en terrasse
Oct
l'on ."rimpai t
par une bache de bois portant des
entuilles
ct servant d'échelle
(dèr).
En cas de décès,
une porte
~t~it ouverte dans le mur pour sortir le corps. Rarement
(1)
-
"Zaw":
étable
(exemples,
"na-zaw"
:
étable à
boeufs
'Inur-zaw ll
:
poulailler)
entrée principale de la
maison
(~) - "Kp!i.-daa" (de "kptin" : esprit d'ancl!tre et "daa"
boi~). Voir plus loin, Ile Partie, Chapitre III •
.../ ...
-
103 _

une maison comporte
un seul
"carat! Î
car celui-ci est
l'élément principal de "lowr n ,
cSté ou portion de la maison,
habité
p,ar une unité autonome. Les "lowe"
(pluriel de
"10''''')
comprennent 'les mllmes éléments, dans l'ensemble,
et communiquent entre eux par des ouvertures d'environ
';in:>;t centimètres de diamètre~ pratiquées dans les cloisons,
,
jadis par d~s portes internes, vu que l'entrée unique, s ' i l
cn ,,"istait, passait par "Za,,". L'un des'
informateurs
souligri'e
que ces ouvertures permetiaient'" '1 dans le
passé, de faire circuler messages et armes en cas de siège
un autre insistait sur la nécessité de laisser passer les
<,clairs (1).
Cette présentation de la maison dagara permettra
ùc
situer les références utiles dans la suite de notre
étude. Par exemple, les principaux rites funéraires après
l'enterrement et les funérailles sont en rapport avec
"z"",'",
séjour des "l3ois Ancestraux"
(kp1J.-daru),
appelé
aussi "Dapar"
(2)'
dans le rite de réintégr~tion des
orphelins
(polu). C'est là qu'ont lieu les consultations
~C5 anc~tres. Là sont déposés également les trophées de
~,ucrre.
IIGar" est le lieu de la répartition de la bllte
'lui sYTnbolise le mort, pour le clan en deuil,
habituellement
une vache appelée pour cela " gar-naab" ou encore IIkow&l-
n"a\\)"
(3).
"G.ar" est aussi le séjour d'un fétiche important
nIT1Hi.n"
qui.
a sa place vers l~entrée du grenier et auquel
(1)
-
Cf. le schéma d'une case dagara, page
113.
(2)
-
"Dapar" est proprement le séjour transitoire des morts
qui ne sont pas encore entrés à
"Kp!mll-Tllw".
(J)
-
"Gar-naab tl ,
"kowitl-naab" ou encore tlbèltaabè-naab",
littéralement "vache de la terrasse",
de
"dispersion
des
funérailles" ou encore des
ugroupes de m~me nom
matrilinéaire"
elle peut litre tuée aussitSt après
l'enterremment
0
u
plusieurs années. après .
.../ ...
_ 104 -

on sacrifie, par exemple,
obligatoirement au d'but de
"baor", principale init1-a~~o~ d,,:gara. Y,sont abrit's parfois
<:tus si ,
sous une sorte de hangar,
"ldhBm~" (1), esprits des
collines,
tandis que les esprits des rivières
(kBtB-mSn)
SOlIt
logés dans un "dibilc" et CelL':: des arbres
(kStB-ièri)
juchés sur les murs
(2).
La chambre du n~ortt étendue à
"cara" de "lowr"
ou i l habitait sera appel'e kpti-d!o (chambrE> de kp!in)
tians les rites post-mortem.
Toute la maison est gard'e par "Bèsè", fétiche
placé a l'entrée principale de la maison: celle de "zaw".
J<:tùis)s'il survenait un décès dans les trois années après
l'occupation d'une nouvelle maison,
c'était signe que le
si~c choisi n'était pas agréé des anc~tres : il fallait
déménager.
"Bèsè" est fait d'une motte de terre étalée,
plan tée de trois blltonnets de gardenia (gllzur' dali) .ou,
<l'après Jack GOODY,
de trois pierres arraché~s au bois sacré
du clan et plantées en forme de foyer devant la maison,
entre l'entr~e de 'I zaw " et l'~chelle qui mine au toit
<le terrasse
(3).
La case dagara ou "yir"
est la matérialisation
<.le l ' cspri t
de conununauté dagara.
Son édification nécessi te
la
coll.aboration d'un vaste
ensemble de parents
et d'amis
i l faut d'abord lancer des invitations en vue d'extraire
et de mouiller la terre qui, après de longues semaines,
servira a fabriquer la banco ; il faut apporter de la
brousse piquets et poutres - qui se chargent au moins a
(1)
-
Traduction de GOODY,
J.
"Beings of the wilde".
(2)
-
Cf. L.
GIRAULT, op. cit., p. 343.
(])
-
Le symbole utilisé dépend du clan auquel on se
réfère.
cr.
GOODY, J., op. cit.JP. 225.
.. .... / ......
-
105 -

cleu." personnes -
traverses et lattes de boi.s pour la
charpente
au moment
de la conrection du
toit
en terrasse.
Le jour du démarrage de~ travauX de construction et les
jOl~S suivants,
une mobilisation importante de personnes
est indispensable
: hommes,
~emmes, enfants, pour le
service d'eau,
pour pétrir le banco,
le mettre en mottes,
le porter au' chantier,
le p~trir i
nouveau,
le remorceler,
le monter aux maçons.
En outre ces
travaux s'accompagnent
de services d'alimentation des travailleurs, non moins
'~
importants,
en eau potable,
en bière de mif et en nourri-
ture. Le jour du terrassement, i l faudra que des bras
vigoureux lancent la terre,
légèrement mouillée,
par les
lucarnes provisoires pratiquées à cet effet dans la
ch"rpente nouvellement tissée,
que des mains adroites la
répandent également sur toute la surface du toit,
pendant
que des pieds agiles la tassent minutieusement.
De ce fait,
la construction d'une case occasionne
en un point du
village,
de période en période, une véritable fourmilière
hWlIaine qui témoigne de la solidari té de se,! habi tan ts.
En y ajoutant l'action des vieux (n1-bèrè)
qui ont choisi
l'emplacement,
celle du chef de terre
(tagan-sob) qui
y
a sacrifié à la divinité Terre avant le premier coup de
pioche,
en évoquant la contribution presque obligatoire des
gendres
(dièm-bè)
de la Famille :,:en déménagement et celle
de leurs épouses en retour dans leur ligna~e, celle enfin,
,'oJ,ontaire et parfois intéressée des neveux
(arbili), on
obtient une
figure
de la société qui, .dans
toutes
ses
entreprises importantes,
s'engAge en sa totalité.
Quant à la structure matérielle de ''Y.ir'',
l'unicité de l'entrée, la communauté de "zaw", habitation
.../ ...
-
106 -

des "kpiml!" (1), l'autonomie des "lowe", leur identité et
leur communicabili té plU" :Lest.rous internes et par les
terrasses, rappellent cette inter-dépendance de l'homme
dagara dont i l a été question déjà à propos de la liberté
elles concrétisent à la micro-échelle ce qu'il convient
de penser de .l'organisation sociale dagara,
avec ses
élargissemenj.·s progressifs qui facilitent la conservation,
à tous les paliers, d'un sentiment d'unité, lequel s'en
va en s'estompant,
se renforce par le
jeu dé~déplacements
et des alliances, mais aussi aVeC son souci d'équilibre
et d'autonomie qui favorise la complémentarité et l'échange
sur une base d'égalité.
(Cf.
Schéma n' q, page
113
,
aVec note
explicative et légende, sur la structure de la maison dagara).
2. La notion de village
Le village forme un ensemble dont l'administration
coloniale a renforcé l'unité en le dot.ant. d'Un chef.
Les chefs de villages sont placés sous l'autorité des
cantons, autres unités territ.oriales de création coloniale
regroupant plusieurs villages.
(1) -
De nos jours l'entrée n'est plus unique,
·.par
"zaw"
qui,
d'ailleurs,
a disparu dans bien des cas,
faute de fonction.
Cela traduit.,
entre autres, une
tendance à l'individualisat.ion.
-
107 -
.../ ...

Chaque village
(t~w* a une histoire, rattachable
dû près ou de loin à
ce~te.remontée des'Dagara, le long
de la Volta Noire
(Mouhoun),
du sud vers le nord du Ghana
3ctuel et vers le sud-ouest burkinabè.
Et i l faut ici
rappeler les étapes de T~kor et Uli (oUI~uli),deux localités
voisines, historiques et à
certains égards légendaires,
qui i'urent habitées par les deux principaux groupes de
Dagara :
les Lobr' et les l>'1ile
(1).
Parvenu dans un endroit inoccupé, propice à
l'agriculture et à l'habitation,
l'anc~tre conduisant le
groupe de ses frères s'y établissait
bientllt d'autres
l'frères",
plus ou moins
distants par la panenté,
le
rejoignaient.
Il était rare,
compte tenu de ce qui a
été
dit des mouvements de popuJ.ations ayant précédé celui
lies Dagara -- déplacements des Dian,
des Pwa
et des
Yèri-- que les Dagara arrivassent dans un site abso-
lwocnt libre de toute occupation. Aussi fallait-il
obtcnir le droit de s'installer et au besoi~ acquérir
cOl,tre des présents la chefferie de terre
(t~gan) auprès
des premiers habitants. Parfois le nouVeau village se
créait dans la zone déjà tenue par des Dagara.
Dans ce
cas, les démarches précédentes n'avaient lieu que pour
les arrivants des clans autres que le premier. Pour les
Erères du m~me clan, i l ne s'agissait que de leur accorder
des terres,
au sein du m8me "t3gan" qui les accueillait.
Etant donné les fonctions animistes liées ~
"t8gan",
la prolifération des chefferies de terre s'est
heurtée au progrès des mentalités dans le sens des
religions importées,
christianisme et islam
·ainsi que du
9
(1)
-
Uli,
localité-soeur de T3kor, habit~e par les descen-
dants du mandataire des Dagomba, Ulo
(Wule)~ auprès de
leur frère orph'alin,
anc3tre des Dagara, ,expulsé de la
société et qui 'les sauva de la f"amine
(d' apr;'s la
légende).
• . . 1 . ..
_ 108 -

modernisme. ,Les nombreux conflits is,BUs de la tendance
des chefs de terre à
se,c~~orte~ en véritables féodaux
vis-à-vis des habitants,
surtout ceux des clans étrangers,
amenaient des villages à changer de "tllgan", soit en
demeurant dans la m~me zone,
soit en se déplaçant dans une
autre région.
De la même façon, les invasions et les pillages,
les mauvais traitements de l ' administration_,~coloniale,
occasionnaient des fuites vers des régions plus pacifiques.
C'est ainsi que de DalgÂwn, de Babora (dans la Préfecture
de Koper), des Dagara ont repassé la Volta Noire pour
s'établir à BèkutOw et à T&yawa près de Nâdom.
Il existe d'autres raisons géographiques, socio-
logiques, économiques, des déplacements des maisons ou des
villages qui sont sans rapport avec la fantaisie dont
parlé Henri LABOURET comme étant la seule référence des
déménagements des Dagara (1). En effet, le Dagara est
essentiellement un agriculteur et un éleveur, et dès que
les conditions contrecarrent ses activités fondamentales,
i l n'hésite pas à se déplacer, au besoin sur de longues
distances, pour retrouver un site favorable.
Parmi les causes géographiques,
i l faut mentionner
la carence en espaces cultivables et en pâturages, face au
progrès démographique ou à l'évolution écologique, ainsi
que le tarissement des cours d'eau qu'entratnent les
(1)
-
Henri LABOURET, Monographie du Cercle de Gaoua,
ms, p. 86.
.../ ...
-
109 -

cultures de mats, d'ignames, de taros, de riz, aux abords
des marigots et des rivièI;'!'s .,; d,ans le sens contraire, se
3ituent l~s crues répétées des cours d'eau, sources de
maladies endémiques qui décimaient hommes et bêtes et
obligeaient au déguerpissement. C'est ainsi que les
villages de Léo (1),
Zonèr,
'Ho' hor ••• ont été délaissés.
D'autres raisons sont plùt6t d'ordre sociologique.
Elles ont trait aux conflits consécutifs a~ ravages des
cultures par les troupeaux ; aux litiges de mariages et,
comme il a été dit plus haut à propos de l'histoire, aux
mauvais rapports entre les chefs et les populations ; à
toute cause d'insécurité, dont l'isolement constitue un cas,
et enfin à la mort. Car, lorsqu'un décès survenait dans la
case traditionnelle dagara moins de trois ans après
l'occupation du nouveau site, c'était la preuve que celui-ci
n'était pas agréé des Ancêtres et alors i l fallait
déménager. Il en était de même lorsqu'une case était très
ancienne -
surtout si elle était très grosse et que plusieurs
décès y survenaient successivement. Moins que l'insalubrité,
on accusait alors des "confusions" dans les rapports de
famille, notamment des violations. de certains interdits
telles les adultères, vols et trahisons (2).
Parmi les raisons de déplacement 'qu'on pourrait
appeler économiques et qui tiennent en fait des causes
géographiques et sociologiques, i l faut rappeler le besoin
en terres, notamment en champs de case, de loin les plus
fertiles.
On déménage des zones de
saturation. De nos
(1) - Localité située près de BêegAwn à Koper, généralement
appelé "Petit-Léo" en distinction du chef J.ieu de la
Province de la Sissili, Léo, à 160 km de Ouagadougou.
Cette appellation, d'héritage coloniale, rappelle un
campement qui y était installé.
.J...
(2) - La confusion, "tule", est source/dé·sordres graves •
.../ ...
-
110

jours, avec la tendance à bâtir en dur,
c'est la localisa-
tion des champs qui preBd.Qe la .distance par rapport aux
maisons d,'habitation, nécessitant des constructions de
logements secondaires et provisoires (gue) a~lie~de
travail. En fait, malgré les maisons en dur, ies déména-
gements à tendance définitive se poursuivent. Après quelques
années, "gur" (hébergement provisoire, non consacré)
devient une habitation permanente pour tout un "lowr"
portion de maison) ou pour certains de ses membres}tandis
que les autres demeurent dans l'ancien village. Cela
occasionne en cette période transitoire, un phénomène de
double habitation qui ne manque pas de stimuler un retour
de la polygamie dans les
milieux concernés quand ils sont
déjà christianisés, tandis que l'intervention des moyens
modernes de lutte contre les mala.dies endémiques favorise
cette installation des populations dans les anciens sites
jadis abandonnés. C'est ainsi que de KpaI, Babora, Pirku8, on
s'en 'va cultiver à Zonèr, Léo, à environ 10 et 7 km des
villages d 'habi te:tion, et que de nouvelles lo'cali tés se
créent, telles Zopaal, près de Mémer.
Enfin les conditions technologiques de l'habitat
dagara, fait de terre battue, aU sol damé, mettent parfois
certains chefs de case dans l'obligation de changer de
logis, car au moment des grosses pluies, i l arrive que la
terre, gorgée d'eau, en laisse filtrer dans les chambres
au sol généralement dénivelé par rapport à l'extérieur
;
celles-ci alors se mouillent, les piquets s'enfoncent ou
pourrissent et le banco s'amollissant à la base, les murs
dégringolent:
i l faut trouver l'automne suivante une
nouvelle demeure.
. . . 1 . ..
_ 11,1
-

Loin de se dispeuser,n "importe' comment sur l'aire
du village, qui se situe en principe à proximité d'un cours
cl' eau,
les maisons sont regroupél2S suivant la parenté qui
lie les habitants, créant des zones d'influence des clans
et des patrilignages. De ce point de vue, le mélange est
souvent signi,f'icatif : une case d'un clan A au milieu des
cases de clan B seraJpar exempleJcelle d'un neveu qui a
grandi chez son oncle utérin, puis devenu adùlte, a marié
une de ses cousines et s'est établi là, à proximité, dans
un champ qui lui a été donné
(1). Il peut également arriver
qu'on transforme en domicile permanent et défini tif', l'abri
de fortune construit dans son champ, dans un village voisin
ou encore que le chef de terre remette un terrain en litige
;,
lm
arrivant tardif dans son "têgan"
(circonscription
,;" terre) ou à une Famille particulièrement nécessiteuse
on espace cultivable.
Etant donné tous ces critères et ce qui vient,
c1'être dit sur l'ordre hiérarchique dans la deuxième partie
du Paragraphe l, i l est difficile de parler d'une uni té du
village, avant l'organisation coloniale,
sans se réf'érer
" la structure même de la conununauté dagara, qui est bâtie
sur les rapports de parenté.
(1) - De nos jours,
ce cas est plut5t rare,
étant donné le
progrès du patrilinéat aux dépens du matrilinéat, dans
l'évolution de la société dagara.
.../ ....
-
112 -

SECTION II
L'ORGANISATION INTERNE DE LA
SOCIETE DAGARA
Il n'existe dans un village
en tant que tel,ou
ci'lns une région dagara,d'unité interne que si les habitants
80nt.
de
fait,
d'une descendance commWle,
et c'est. plut8t
le8 liens naturels, plus ou moins directs, de la parenté
qui soutiennent fermement la trame organisationnelle de la
::;ociété dagara.
A ce jour,
de nombre~x travaux réalisés par des
missionnaires occidentaux et de jeunes Dagara se destinant
a l'l pr~trise ou exerçant déji en religion. enfin par
fjuclques chercheurs dagara et étrangers,mettent en lumière
les structures sociales de l'etlmie. Malheureusement leur
"t'l'tut de Mémoire ou de thèse,:pour beaucoup d'entre eux,et
leur diffusion restreinte ne favor~sent pas leur connais-
,'JallCC,
alors que leur intér~t pour le progrès de la
Tec'!crche est indéniable.
Dans le cadre de notre projet,
flOUS
ne pouvons ma~quer de renvoyer touteîois à ces études
<.lont l'objet,
très complexe dans sa réal,ité,
ne peut lltre
.l'cp,c'is
ici avec plus de profondeur
(1). Notre souci demeure
cependant la production d'un éclairage suffisant
sur ce
Jor;w.inc de l'organisation sociale qui
est concerné par
(1)
-
cr. dans la Bibliographie, à la L'in, les "ouvrages
sur le
dagaraUo
... / ...
- '113 -

PHOTOGRAPHIES DE MAISONS DAGARA (N°S 1 et 2)
1.Maison a étage
dagara
Noter l.'orifice
dans le mur;
l'é-
chelle(X) dans la
cour intérieure
maintenant périphé-
rique et non plus
interne comme jadis
lorsque l'insécuri-
té était plus gran-
de
_2.Maison à archi-
tecture mixte: à
gauche, construc-
tion en briques,
couverte èe tôles
ondulées
;à droi-
te. style tradi-
t:ionnel dagara.
L'absence d'un pan
àe mur permet d'ob·
Server la structu-
re de la terrasse.
3. PURYIILE DABI-
ctL NALU Antoine,
un de noS "pères Il
et info:'lI:ateurs
(Mars 1988).
'.
"
- 113bis -

SUIHtA N°
4
Î[.,
1..,
21
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1
L,
10
a
3
IJ
V 18
~..jS'
Ui
a) -
:IO'.~';:
Il:: ...T:.:.::;on -
forteresse!1
ctagara a
trois wlités ou catés
(lo',;c)
l,
II,
III.
-
L'ouverture b
de
"Zawll
sur l ' i n t é r i e u r laisse
comprendre
r~'lle nous sommes à W1.e époque r{~ccn-t.:e
sinon,
i l n'y au-
:'.:~:,_t à "Za""," qu'une issue (a), donnant sur l'extérieur
l'~cc~s des cllambres se ferait alors par les ~cllelles des
"lo',:c" l,
II,
III,
car les portes d'entrée principales
sera'ient également
inexIstantes.
-
L(: :.;.:-'o!:.;
t r a i t
marque les linJi tes
internes
des
"1 o \\.,re"
ct circonscrit
"Zn'.... "
ainsi
que
l'étable a
moutons
et a
c>'~\\·;,:CSI locaux communs il cette :·'.:u:lillé (yir) à trois "lo\\\\-e'.
-
L(~:; ':::-.ll:.:;les des murs son t plu tet curvil.i.~nes vus de l ' ex-
:':'i~~·:':"(;u;· ct non <Irai tsoo
(1)
.schcf:ll<t Ii:'lspiré. par lu
'Ii-faison
(yir )de Poo
DO'
&=:Qu',',
aU
village
ùe
B<-,/'>o::rq,.,
d';'U1S
sa
.::;tructuce
des
éUUl(~:e;..i 19:-JUO' L~\\ :;t:ructul't~ acluelle
e.).1
,d.iffèrt:; .;no toil'Clllen t ..
-
114 _
... / ...

b)
L&gcnde complits du schéma de la maison dagara
(i trois
"lowe")
(1)
1 -
Zaw,
abri des "kpti -daru",
séjour des manes ancestrales.
2.
~t
grande
salle de
séjour,
servant
aussi au manger
et au coucher des enfants surtout.
J -
Davra,
cour à ciel ouvert.
En temps
d'insécurité
"davra"
est plus
int~rioris~t pour" éviter que des
attaquants sautent dans la maison.·~
~ - Dibile
(pluriel,dibili),
chambre de femme
(épouse,
mire). Les enfants en bas Age y dorment avec leur mire,
à moins qu'ils sortent dans "cara".
Parfois aussi,
"dibile"
sert i
abriter les fétiches
(katam~).
~A et 4B
-nidili centraux,
surmontés d'étages
(bow-piir)o
Ici l'étage B appartient au chef de "lowr II'',
"dibile"
en-dessous,
au chef de"lowr l'' qui, lui,
dispose d'un
"gll.,,.-yi"
(no 8)
; on peut en conclure que ce dernier est
ù'une génération plus jeune que les deux autres
(relation
de pires a fils ou de grands-parents i
petit
-fils).
O'apris Jack GODOY,
la présence de bow-piè
(étage)
suppose dans la maison un veuf,
vivant ou anc~tre (2). On
peut retenir seulement ici que l'étage est le sigrie visible
,~ chef de la maison et de ses
ego.
) -
Tlo\\\\o"r t
grenier
on y met le mil en épis et des gerbes
tressées
dont
certain~ sont déposées à eSté du cadavre
dès
sa
sortie
de
caseu
G - ~, foyer principalo Le soir les repas se cuisinent
généralement dans
"davrà" ,
en plein air ..
7 -
Gor,
creneau de la grande salle
(cara)
servant de logis,
par exemple pour un vie~x qui ne peut plus escalader
l'échelle pour se rendre à l'étage oU pour les habitants
de "cara",
par
temps
froid.
(1)
-
"Lowe",
pluriel
de
"10'rr",
caté ou portion de maison ..
(~)
-
Jack GODDY,
op.
cit.,
p.
25D.
_ 1 15
_

~
u
- GlIw-yi, Chambre d'homme marié ou non. Kapil, quant à
lui est détaché du bloc des chambres,
dans la cauri
et
.
couvert de chaume j c'est un élément d'importation.
9 - Nè-guur, construction pour meules (~t au singulicrJ
nièr)
destinées à écraser mil. noix de karité pilées
en VUe de la fabrication du beurreJutilisé pour l ' a l i -
mentation mais
aussi
durant les rites
de baptême et
à
des funérailles
(en onctionj"ko-dll.-tuo" et "ko-dlt-'maar");
on y
écrase
également le mil
gBrmé
en vue
de
la
préparation
de la bière de mil
(dAa).
10 -
stn
(au singulier stw),
jarres pour la préparation de
lIdaa IT •
Les
jarres-cuisinières,
elles,
sont installées
au foyer
(n·
6)
ou dans "davra"
(cour).
A l'occasion
des dernières funérailles
(Jeo-dll- 'maar),
les
jarres
sont
sorties
dehors
-
du moins dans
la rigueur des
rites -
car le défunt qui n'a plus accès à la maison
est censé cependant venir sly baigner
(1).
11 -
Nuur-zaw (~ : poules au singulier '''nllo''
zaw
étable, cage)
poulailler.
1 "
-
~
Vuor,
Ouverture de
co~nunication interne entre
1l1 owe ".
Avec
les
ouvertures
extérieures ou meurtrières
(n·
14),
ces trous permettent la circulation de l ' a i r et,
explique un informateur, le passage· des éclairs.
13 -
Baa-vuor,
"trou de chien"
(baa :
chien)
i l permet
les sorties et rentrées nocturnes du chien
quand la
porte
est barricadée
a
v
e
c
panneau de bois
et des poutrelles).
1~ - Meurtrières et aussi trous d'éclairage (voir nO 12).
(1)
-
Cf., Jack GOODY,
op. cit.,
p.
250.
... / ...
-
116
-

15 -
SuIe, lucarne au toit.POUT l~isser échapper la fumée
et pOUT l'éclairage. Pratiqué dans le toit de "dibile"
périphérique,
"!iule"
sert aussi d'issue
secrète.
16 -
Zaw,
étable pour ovins, veaux et caprins sans défense
contre les attaques nocturnes des b~tes sauvages,
notamment des hyènes.
17 -
Bèsè, fétiche gardien de la maison. Par exemple,
chez
les Puryiile (clan), i l est fait d'lIDe motte de terre
plantée de trois bStonnet8 de gardenia
(gâzur)
ailleurs, i l est fait de trois piorres sacrées plantées
en forme de foyer,
entre l'entrée de "Zaw" et l'échelle
(X lB).
-
18 -
Dèr,
échelle pour monter SUT la terrasse du toit et
descendre dans la coUT intérielrre
; passage utilisé
quand l'entrée principale par "Zaw" est supprimée
par mesure de sécurité, mais aussi lorsque les portes
sont fermées,la nuit.
19 -
G8g6n, un de ces recoins o~ avait lieu le bair,
puriîicatoire des veuves.
20 -
Abri de fétiches
(k8tôm@ -
zaw).
21
-
NÜIZIZl".t,
étable il boeufs
(naab: vache
~, étnble).
1
• • ·1
• • •
- 117
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SCnHIA N°
5
EVOLUTION DE "00\\1LU"
(0)
EN SIX ETAPES
(ce schéma ne donnc pas une éChelle des
gr an deUlr'S )
NOTES
l
- Lignages de Dowlu (0)
:
A,
B,
C,
D.
II -
Naissance d'un sous-clan par détachement du ligna-
gc A.
Oowlu (0)
est réduit à trois lignages prin-
cipaux 13,
C,
O.
III - Naissance d'un deuxième sous-clan B.
IV -
Le sous-clan A est deve'nu clan i\\ part entière. Les
lignages C et D deviennent autonomes et occasion-
nent l'endogamie de Omdu (0).
.../ ...
- 118 -

v - Oowlu A devenu géant engendre un sous-clan
(dowlu)
A>A •.. Le .Bous-clan -B accèàe au statut
de clan.
Le lignage autonome C se donne un
nom de dowlu (sous-clan).
Dol<lu (0)
est re-
duit à la population issue du Lignage 0 qui
constitue
la souche des
clans,
sous-clans ou
lignages autonomes issus de
(0).
VI -
Naissance d'un lignage auton0l1'e. A'
du clan A.
Subdivision du clan D devenu étendu ainsi
que
du clan O.
Oowlu (sous-clan)
C
accède au sta-
tut de clan de plein exercice. Mais ne doit pas
@tre perdue de vue la relativité de la sépara-
tion qui
est
évoquée dans le texte.
- 119
-

;;CHB~lA N° 6
RAMIFICATIONS DB "DOlofLU"
(CLAN)
KPIELE
EN CLANS SBCONDAIRES ET SOUS-CLANS(DOWLU) (1 i
KPIELE
ou Kpi~l-Saduw
ou Kpi~l-yipaal~
"AALE
Pièlà~;
Dotièlè
l:usèblè
(Tiere)
IWSIELE
NOTl': r
Bien qu'il ne soit pas aisé de retrouver avec certitude
le~ significations des noms de clans, on peut tenter d'éta-
bli~ leur parenté à partir de leurs chants de gloire, in-
tcrdit.'j
et relations inte.r:-claniques,
de l t histoire aussi.
Le schéma ci-dessus illustre un c1an très ancien :
"Dowlu
r:PISLE".
"Kpièlè" vien t~il de "Kpièr"
(habi ter)
et "lè"
(col;U;Je cela,
quand m~me) 1 Volonté "d'habiter quand m~me
1" "wison (Yir)
délabrée,
au sens t:iguré plut8t que propre,
'lui c"de pourtant bient8t la place atL'C départs des kusiele
:
"Ccu:: qui
sont
établis sur une élbvation latéritique"
;
des
PW7iile
:
" l ' Anc~tre de cette branche de Kpièlè a construit
sa 'ilaison près
d'un tamarinier
(pure),
arbre dont les
jeunes
... ! ...
_ 120 -

feuilles
et les
fruits
sont utilis6s
dans la pr~paration
c;u plat
traditioIUfel.. -dagara ou"s"aab".
Les Puryiile se
vantent d'Itre le Tamarinier G6ant
dont l'abondance comble
les n6cessiteux
:
t'Pur Kp~e won ~u z6l t'
etc .••
Le
H.P.
HEBEHT avec qui nous sommes
en accord
sur les œns
de
Kusiele
et
de Puryiile,
explique dirf~rem-
l:lcnt le mot
"Kpièlè" :pour lui
"l~pièrll veut bien dire
~111biter. l-1ais Illè" est un suffixe qui ..J.~dique l'agent (ici
.:lU
pluriel)
de l'action exprimée par le verbe "kpièr",
et
1I~:pièlèll veut dire "ceux qui habitent 16., les premiers oc-
cupants"
(tout comme on dit "bièlè",
celui qui accompagne
(bièl":
accompagner».
Tout
en soulevant des
réserves quant
,\\ l'e;:plication de détail
(car
"ceux qui habitent"
se
dit
"~:pièrbètT), cette interprétation rejoint la première
en
c ~·.:.'ct,
elle fait
intervenir lU1.C
anecdote
comportant une
l"aison suffisante de m~sentente ct de s~paration de l'ces
r;cns qui habitaient li"
le meurtre d'une
femme
enceinte,
a1.'in de conna~tre le sexe de l'enfant 'en gestation,
imput~
au:·: habi tants de l'un des "yie (maisons) kpièlè"
(2).
En
:[:lit,
"ceux qui habitaient là" ne s'entendaient pas si
bien.
Dans
ce
tableau,le clan K.pilllè est pr~sent~
{lill~S ses seize (16) clans et sous-clans, selon leur rela-
tion sénéalogique
( 3 ) .
(1)
Pour ce
tableau,
nous nous sommes inspir~ de l'expos~
,lu H.P.
IlEBEHT sur les clans
(do"lu),
in "Esquisse
d',me monographie historique
des Dagara" p.
n(, à p. 149
ct
des informations recueillies auprès
de
SO}1E S.P.
Dol;:o.u.
(2)
Ibidem p.
86.
(3)
Le rattachement
des GLn~ et Bèrwuolè aux Kusiele
est
très contest~.
121
_

Le
schéma général de
cette partie relative à la
structure du dagara,
est .. commandé- par la·' notion de "y ir" il
laquelle nous ferons
correspondre la conception dagara de la
"Famille"
(1). En premier lieu,
"yir" est l'appellation de
la "maison-forteresse" qui abrite la Famille polynucléique,
capable de
s'enfler en dimensions ou au contraire de
se
désagréger
..chaque enfant marié devient plus tard chef
de
"lowr"
(cSté de' la maison)
et,
après le décès du père,
si la situation l'exige,
le groupe des frère's peut se
dissocier,
chacun d'eux étant libre de
se b&tir sa case à
part,
avec l'accord toutefois des aînés du lignage
(nî-bèrèl
Généralement,
"yir" porte le nom de l'aîné de la maison à
moins que celui-ci soit incapable ou éclipsé par un
cadet
plus influent. On parlera en ce sens de
"Gonab Yir",
ftDerkora Yir",
"Buwkan Yir" ,
"Duwr Yir",
"Naw-far Yir",
désignant les maisons par les prénoms de leurs chefs,
appellations souvent maintenues, pour leur prestige,
m~me
après la mort de ces derniers et,
bien plus,
après déménage-
ments dans des constructions postérieures. N":is aussi elles
peuvent varier avec le changement de
chef de case et m~me
"yi,." peut porter à la fois plusiew"s dénominations,
certains
continuant de lui appliquer le nom de l'anc~tre décédé,
d'nutres lui donnant celui de l'aîné de la case,
d'autres
enfin celui d 'un "nt-kp~e" (grande personne, ancien l, m~me
s ' i l n'est pas l'aîné,
selon la considération qu'ils ont
pour lui. Dans ce dernier
cas,
l'autorité administrative de
"yir" demeure à l'aîné,
selon le principe de la gérontocratie,
mais dans les faits,
elle tend à suivre le verdict de
l'opinion publique.
surtout si celui-ci est fondé
sur une
importance sociale réelle,
elle-m~me fonction du succès dans
les activités de base dagara,
à savoir l'agriculture
(J(Ob)
et
l'élevage
(guolu) 1 ou
encore
de
la
fortune
(1)
-
"yir"
maison,
lignage,
lignée,
clan. Nous le tradui-
sons souvent par le
terme
"Fa1Ilil1e" avec
"F" majuscule
dans le texte.
. . .1 . ..
-
122 _

Cu tèl'i.l na),y comprises la progéni·ture ct l'étendue des
n:L:ltions
de
parenté
en géIlçral
(1.1 tèri nibè) 1 ·enfin de la
j'cnommée s,?cial e
(u t è r i yuor
u
yuor yi-na)
bref,
si
S.:'Jl~ 'atre l'atné
ce " n t-kpfte lf s'impose
fl
COmme
"homme
,,::ccllent "(u in nir
bar).
"Yir est aussi l'ensemble des cases d'un patri-
Ij_gn~ge, plus ou nJoins éta16 dans l'espace. Par exemple,
Il:~O~l;lb-yir"~
au
village de
Babora,
dans le Département de
I~::>h-r)Cr (Province administrative de la Bougouriba) 1 éclate
e:1. une quinzaine de cases disséminées sur une superîicie
(P cn'/iron deux kilomètres
sur cinq.
En choisissant un
~nc8tre plus lointain et connu, tel Do-mdo, à Babora,
l'arbre généalogique s'élargit davantage
et ses ramifications
constituent un lignage qui
englobe les patrilignages
l'cstreints ou sous-lignages
et porte toujours
le nom de
"yir".
Le lignage
s'étend plus ou moins dans le village
et
p.-:u-l."ois au_delà,
eu égard aux ùéplacements dont les causes
ont 6ti ~V?quée8 c'i-dessus.
L'ensemble des lignages de m~me origine agnatique
constitue un clan qui garde le nom de "yir". Pour éviter
la con.fusion avec
"yir" aUX sens de "maison-.forteresse" et
de patrilignage restreint que nous venons de voir,
on lui
pO:'ù~'èrc l'appellation de "dowlu" (littéralement, naissance,
L:escendünce)
(1).
Pour .faire ressortir le lien d'unité
il1~illle qui est maintenu malgr~ la dispersion dans l'espace
entre ces personnes qui ne peuvent contracter de mariage
clltl"e elles et sont l i ' e s par des
titres de parent~ r~elle
ou classificatoire,
on se réfère à
elles comme ~tant des
"gens du m~rne creuset .familial", d'après les
termes
(1)
-
"Do,du" peut ~tre constitué d'Un lignage.
I l
en est
souvent ainsi
au lnoment de sa naissance.
_ 123 -

ele KUSIELE DABIRE Jean-~liïrie (1)
ou ,en dagara "di-bow-bt!en-
:lib,,"
(littéralement,
"peri'onnes. de mt!me creuset de
c~nmbre··). La dénomination de "di-bow-b~en" est l'affirma-
tian d'une "fraternité" des personnes concernées:
elles
sont comme issues de la ml!me chambre. C'est pourquoi
elle
ne convient pas au clan lorsque celui-ci renîerme des
J.i~Ilages dev~nus autonomes et pouvant contracter le
mariage entre eux.
En effet,
i l arrive que "yir" au sens de
"dowlu"
(clan)
continuant de s'agrandir, donne naissance à des
li.sna.ges étendus,
au sein desquels le sentiment de
"di-bow-
1,~en" s'estompe. Il peut se produire alors un détachement
ùe l'un de ces lignages géant,
sous forme de sous-clan
(clmdu). Celui-ci devient autonome,
observe le principe
de l'exogamie au niveau de ses seuls membres et traite
indépendamment ses affaires de Famille. Parfois aussi
des lignages d'un "dowlu"
(clan)
étendu accèdent
tour à
tour .-1 ll.autonomie en gardant le mf1me nom dé
"dowlu"
h'oir schéma nO
5). C'est le cas de "dowlu" Kusiele dans
le Département administratiL de Kopèr qui compte à ce
jour cinq lignages autonomes et pratique l'endogamie
cl <.1..nique •
Dans
ce
cas,
la cri tique
sociale ironiser.a à
l ' ..ndro i t
des membres 'de ce 'clan qui,
dira-t-elle, sont
incapables de résister aux charmes de leurs filles, et
ceu.:;-cî en réplique se vanteront de la beauté de leur
IJrogéniture
"Dow vièl mwèli leul"
(2). Les circonstances
ùc telles subdivisions sont nombreuses. On peut en citer
(1) - Kusiele DABIRE, D.J.M., "L'Eglise des Communautés
Chrétiennes"
(Mémoire de Mattrise en Théologie),
Institut Catholique de Paris
1976, p.
106.
(2)
Littéralement,
"engendrer beau et marier soi-m~me"•
.../ ...
- 124-

t;:ois sortes
la nécessité pour le lignage de se trouver
des femmes
tout en respec;~ant. l~ princi'pe de l ~exogamie
clanique ou lignagère
(dans le cas des lignages autonomes
sc comportant COmme des sous-clnns à statut émergeant
c~c tldo\\flu ll )
pour ce motif,
la scission, ·pacifique,
est op6rée par les anciens
(nt-bar~) de 11dowlu" qui
définissent :les nouveaux groupes et leurs nouveaux types
t1e relations. Hais la séparation peut aussi @tre provoquée
po...r
les conflits entre "îr~res'l ou encore P'Br. la dis-
to_ncc,
ces deux derniers types étant particulièrement
liés,
vu que c'est bien souvent le manque d'intéresser
lUl
lignage aux arîaires de "do\\ilu", parmi lesquelles
lc~ ~w1érailles tiennent W1C pInce privilégiée, qui
l '.-:unènc au mécontentement puis à ln scission.
Souvent la séparation demeure relative et
n'intervient que là où le besoin social se fait sentir -
du point de vue de la position géographique des "dowlu",
comme s'agissant'de la matière de la différénciation.
C'est ainsi que sont pris en considération,
en premier
lieu,
la raison matrimoniale
(le besoin de se trouver
dcs l'emrnes), puis les conflits de propriété. Les membres
l:es lignages séparés d ' = m~me "dO\\du" (clan)
continuent
de se considérer comme membres de lignages adjacents
(sl\\a yèbr biir :
"fils de pères frères").
Là où la
diî.férenciation ne s'impose pas les m@mes lignages,
sé~arés ailleurs, peuvent conserver des liens de rra-
to,:nité.
C'était le cas,
i l y a quelque temps,
des
;:usiele et des Puryiile,
deux clans frères issus du clan
Kp'ièlè : dans la région de Ko"pèr -'
leur mariage était
nutoris~ depuis plusieurs g~nérations et dans - celle
(~C Dissin,
leurs sentiments de "di-bow-baen nibè"
(gCTIS
de m~lne I~amille) étaient toujours en vigueur,
en
I:l.:::\\tière matrimoniale. Lors des ..flUlérailles de K.L.,
.../ ...
-125

o:~i:sinaire de "Dowlu" K'Usiele et mariée dans la locali té
de
Jabora,
la concertatio~_a~an~ l'enterrement a
regroupé,
le 7 Janvier 1988. les cinq lignages autonomes et exogap_
mi'lues des Kusiele autour du clan marital de la défunteJ
celui des Puryiile. Les Anc~tres évoqués dans les chants
cles
can-tateu:r:-s nRappartenaicnt pas
seulement au patri-
~ignage de là disparue.
Les sous-clans se développent à leur tour,
cOIIIirnlent leur indépendance
et
en
engendrent d'autres,
5ui'vant le m~me processus. Ainsi les "dowlu" Kusiele,
;Jaayiile t
Kuole,
Waalè,
Yipaalè,
Berwuolè,
Nakièlè,
iieùewlè,
Dikpièlè,
Tièdem,
Tiere,
Kusè blè ,
sont tous
issus
de
"Dowlu" Kpièlè,
a
des
étap~s différentes de
l'évolution
(voir Schéma nO
Cl.
Par quoi reconna!t-on la parenté entre des
clans
(dowlul
secondaires ou sous-clans,
dissociés d'un
l:l~me clan d'origine ou, d'une raçon générale', entre
plusieurs
"dowlu'1
? Dans la dissociation,les sous-clans
sardent pendant longtemps les mllmes chants de gloire et
dece interdits communs. C'est petit à petit que les
Il JO'.:lu "
nouvellement constitués sc
îorgent une
figure
propre.
Ainsi
Puryiile,
Kuolc
et Nayiile,
issus
de
l'évolution du clan Kpièlè.
ont des évocations similaires
(["ns leurs chants de gloire et leur présentation osten-
t"toirc.
Ils se disent de la i;'amille de la Pluie et de la
Foudre:
"T!im yor waar"
(Nous,
Pluie dulivienne);
les
Puryiile notamment
s'identi.rien·t au "Nuage
Blanc qui
se répand en pluie diluvienne"
:"T!im ztlzuur pla yor
-,·:uar",
ou encore
:
-
"T1im sa-Lir b~en 10 maal zic"
(N'.)us,
Goutte ùe pluie
;).i.cnfaisante de l'uni,,·-crs)
-
"Tiim tani
tiè k-a lèr 1([\\ J-:pèb"
(:Nous, Foudre incomparable
:"', ln
hache,
contre l'arbrû)
ou 'q'1:im tani ku
tiir"
G."l'.ous,
Foudre qui abat les arbresr.
On retrouve
également la
... / ...
_ 126 -

p.nl.~e.llté de ces clans avec les Kpièlè. dont ils sont les
descendants
et
qui
se disent .."Pluie irrecevabie
dans un
pla JL;1l
(SS-bir ka cow laa)~' donc "Pluie abondante", ou
encore "Brouillard épais qui dupasse la pluie"
("Nabno ulu
10 3!\\h' Saa ll ).
Au passage i l importe de noter l ' intérlH de Ces
tit:ces de gloire pour la rocherche sur la société da,Jara
le.ltl~s évocations de dates, de localités, deryersonnages
~li:j Loriques
leur identification des
clans à leurs
totems.
Quant à l'interdit de Clrol, i l représente le
cOI:~ortement que le clan ou sous-clan, ancien ou nouveau g
:ejette. Il est d'ordre alimentaire,
en rapport avec les
êt~.. os de la nature, végétaux et surtout animaux, ou enfin
un
L'onction d'un type
de
comportement qui
a,
de
ce
fait,
pou:~ le clan une hau'te signiîication morale (1).
Les interdits sont \\Téhiculés par lés femmes
d'un
clan ,1 l'autre
sans pour autrolt
se conrondre :une
femme
qui ne mange pas du singe refusera que son en:fant tue Ce
~ihicr et i
Cortiori qu'il
se
serve de
ses ustensiles
j,lour la
cuisson.
De plus.Jil :Cant mentionner
i c i la
p:cntique courante chez les Dagara selon laquelle les
l1(;","CllX
s'en vont
cohabiter avec leurs oncles utérins
:)endant un temps plus ou moins long,ce qui les oblige
,', cOlmar tre les interdits du clan maternel et leurs
::itres de gloire.
Il arrive du reste que lorsqu'un
110I:li:1e
sc présente
solennellement,
d'une
façon complète
ct ostentatoire,
i l
ajoute auX titres de gloire
de ses
(1)
-
Concernant les interdits ct les chants de gloire,
cr.
-TI.P. HEBERT,
J., "Esquisse d'une Honographie Historique
du Dagara", p.
58 à
127.
-
SOHE,
BOZIE R.,
"Organisation politico-sociale tra-
di tionnell e d·es Dagara",
in Notes et Doc. Vol taïques,
13, cvns Ouagadou-gou 19G9.
... / ...
-
127 -

anc~trcs patrilatéraux ceux de la ~amille de sa mère, auxquels, pré-
c i s c - t - i l ,
i l
"participe"
("nrè"
arracher, prendre part).
Quelques exemples <J,.'il'lcterdits de cl"ans
(y"ir ciru), énumérés
ci-dessous,
illustrent notre propos. Mais i l convient de préciser
tout d'abord que ceux-ci s'attachent à
des totems et qu'à la dif-
férence d'autres peuples, les Dagara ne considèrent pas le totem,
végôtal,
animal ou minéral,
comme un anc~tre qui aurait donné
à
l'origine naissance à
tel ou tel clan, mais plut6t comme un ~tre re-
marquable par
sa contribution historique à la
survie
de ces
groupes
et par son r61e d'esprit protecteur et bienfais~nt qui lui vaut un
statut de parent.
~n cela,
la conception dagara du totem correspond
plut8t ii la deuxième définition qu'à la première données par S.
FREUD"
dans son livre intitulé:
"Totem et tabou"
(1).
D'autres fois,
les
interdits claniques découlent de comportements tabou,
ayant une va-
leur mordle hautement
significative pour la vie du groupe,
selon ses
aspirations
fondamentales.
-
Kp5.nyanl!
(ou B!b!ile)
one puur totem le charognard ;
ils ne le
cllassent. ni ne le mangent
cet
animal
est respecté
Comme parellt et
sa presence aa~ funérailles,
par exemple,
a
valeur de participation
des Anc1hres
(2).
-
Autres clm1s et leurs interdits
Bèlcu8nê ••••••••• Poisson de puits
Ilènyiinl!. • ..
Tourterelle rousse
(~h<a-ziè), comme les Birfuolè
porc-épie
(sre),
hérisson
(z6po)
GB-nl! •••••..•••• Panthère
(ny8)
Kpi~16 .•. ~~ .. ~ .. f'Pii pwo sab"
(ne pas
se
servir de
t'sab ll
,
princi-
pal aliment des Dagara cuisiné avec de la farine de
mil
et de l'eau aigre,
au f e u ,
sans avoir sorti le
plat du panier dans lequel généralement on le trans-
porte ou le dépose).
Kusiele • . . . . . . . .
Issus du dlan des Kpièlè,
ils gardent le m~me inter-
di ts
IIPii pwo sab"

(tl
FnEUD,
S.,
"Totem et tabou",
Payot,
Paris,
1947, p.
11.
(2)
Les Da;.:;ara ne mangent pas le charognard qui,
à vrai dire,
est
fr6quent à
tous les lieux de rassemblement qui tournent vite en
de petits march6s occasionnels.
... / ...
-
128"-

Puryiile
Eux aussi
sont
i"ssus des Kpièlè
:
con-
sol11ltla'tion' , interdi te' de produits nouveaux
des champs non encore offerts aux anc@tres,
notamment :
"ci paala"
(mil nouveau)
"sti-gbil paala"
(petit pois nouveau),
"bll.. paala"
(haricot nouveau).
Tièdem ............. Singe (Mw8.am).
\\vaalè
. . . . • • . . . • • . . . Héron cendré
(BurnlwAam) ~eto '
,
...
Les violations d'interdits sont liées à des sanc-
tions très sévères telles que décès brutal, maladie, perte
de facultés mentales. Il y a lieu alors de dénoncer "l'erreur"
(tulu) et de procéder à des
réparations, faute de quoi le
mal persiste dans la Famille (Yir) , car les retombées de
l'acte repréhensible concerne non seulement son auteur mais
indirectement tous ses parents ,avec lesquels i l est en
union.' A propos d'un décès, un chef de "Tllgan"
(circonscrip-
tion de terre) faisait savoir aux consultants':
"A moins de
payer enti~rement votre dette définie, vous mourrez tous
comme les autres
(ùont i l rappelle les occasions de mort),
car la faute est dans la Famille"
(1). Donc, une consul ta-
tion du devin précise le tort et les normes de la réparation
de "tule"
(erreur, faute, manquement à l'interdit).
2. L'organisation politique, administrative et
stratégique des Dagara
Pour beaucoup d'étrangers qui on't traversé le
dagro-a,
tel l'Administrateur LABOURET, l'ethnie dagara, tout
(1) -
Ici i l s'agit d'une faute de Tllgan (des précisions
seront apportées dans la Partie II sur les effets des
fautes de "Tllgan") ,et la dette compte plusieurs boeufs,
des moutons, des chèvres, ùe la volaille et une somme
respectable de cauris, monnaie locale du dagara, faite
de coquillages marins. Quant à l'allusion, elle remonte
à 1979, au décès de D.K. par la foudre.
.../ ...
-
129 -

comme ses voisines lobi et birifor, est foncièrement anar-
chique et barbare, se livrant,'aux pillag'es et au banditisme
de grands chemins. Sans chercher à justifier les mauvais
comportements, i l convient de dire que l'organisation poli-
tico~administrative propre aux Dagara.telle qu'elle se
présente, est, difficilement compréhensible pour un étranger
au premier abord,
surtout pour un Européen.
En effet, comme on l ' a souvent dit~et répété, les
Dagara n'ont ni instances centrales de repr~sentation ni
d'a(~inistration, à la différence d'autres peuples COmme les
~Iossi qui sont connus pour leur administration très hiérarchi-'
sée. ou comme les peuples d'origine mandingue, par exemple,
les Wattara de Kong. Cela a constitué pour les Dagara une
source principale de faiblesse dans les luttes d'influence,
qui ont opposé les ethnies;avant l'arrivée des conquérants
européens et face à ces derniers, et une c'aUSli
d'échec mal-
gré leur bravoure, leur solidarité ramifiée et inconditionnel-
le et la dpxtérit~ de leurs flèches au poison impardonnable.
Deux conséquences néfastes s'ensuivent en effet: la disper-
sion des force,s et les oppasi tions internes de clans, de
lignages et de cases. Mais i l ne serait pas vrai de dire que
les Dagara n'ont pas d'organisation hiérarchique.
a) -
"Tllgan" et son administration socio-
religieuse
"Tllgan" représente ici l'ensemble des pouvoirs qui
sont détenus par le chef de terre ou "tllgan-sob". Le chef
de terre est, au nom de la loi du premier occupant, le
ma5.tre
des lieux,
à moins qu j i l cède son titre à un autre
arrivant contre des cadeaux ou contre sa protection face à
des agresseurs étrangers plus puissants que lui. En tant que
chef' des lieux, i l se charge de l'attribution des zones
.../ ...
-
130 -

cultivables aux habitant~ nâuvellement arrivés
mais i l
n'est pas à vrai dire le propriétaire en termes de droit et
son rale est plutat celui d'un pr@tre de la divinité
Terre,
dont i l veille à l'entretien de la "peau"
avec les avant a-
s;es dus ,que celui d'un administrate~ civil (1).
En "effet, en tant que chef religieux, prêtre de
"Tês;an"
(Divinité "Peau -de-Terre"), i l est o.fficiant dans
les cérémonies relatives à
son
objet, notamment chaque
fois qu'il est question de couper "la peau" de la Terre, ce
qui ne peut se faire que par nécessité : par exemple, à
l'occasion du forage d'un puits, d'une tombe,
de la construc-
tion d'une nouvelle case, enfin du défrichement d'un nouveau
champ. Il doit attirer la prospérité sur les habitants en
veillant au respect des interdits de "T@gan" et au respect
de la coutume (2). A ce titre lui sont soumis tous les con-
flits 'ayant un rapport quelconque avec l'occupation de sa
circonscription (t@gan) -
et i l y en a beaucoup -
et les
crimes au regard de la coutume. Il est le chef de l'ordre
moral et social. En retour, i l tire profit des versements en
nature ou en cauris effectués au titre des réparations des
diverses atteintes commises par nécessité ou à tort contre
"Tllgan". Lui reviennent également toutes bl!tes errantes, tout
bout de îer ramassé en brousse
(3),
tout objet égaré.
(1)
-
T@gan ("tlhr" : terre;
"gAn"
: peau)
: Divinité terre
circonscription impartie au chef ùe terre
(t@gan-sob)
pouyoir' du "t@gan-sob".
(2) -
Al' enclroi t
de la religion,
i l sera question de "T@gan"
en tant que divinité. Parmi les nombreux interdits de
"Têgan", on peut ci ter l'expansion de sang, les relations
sexuelles en brousse, les actes de sorcellerie •••
(J)
-
Le fer,
extrait du sol, est par excellence un élément de
"Tllgan". En outre"servant à façonnor flèches et outils
des champs, c'est un métal précieux.
.../ ...
-
131-

Généralement "tll.gan-sob"
(chef de terre), atné
désigné du lignage détenteur de ",tllgan",'-n 'exerce pas seul
ses fonctions;
i l le fait avec le conseil de "yir", élargi
aux dimensions requises par l'affaire, d'où d'ailleurs l'em-
ploi fréquent du pluriel :
"Tllgan-dem" ou "gens de tl!gan"

En outre, i l est accompagné d'un sacrificateur: "suo-sob"
(maitre du c~uteau), qui est chargé d'immoler les b6tes i de
"wuo-sob" ou "bao-burè", "maitro de la housse en peau tannée"
ou devin, révélateur des vérités cachéeS"
i
enfin de "ktl.-bèr",
lui aussi appuyé de son conseil, membre d'un lignage du m6me
clan ou d'un clan ami, ayant essentiellement pour r6le de
contr8ler les "t6gan-dem" afin de relever toute faiblesse
éventuelle
; d'où son nom de'i'ldl-bèr" (celui qui ne laisse pas
pasncr)
;
en cas d'abus,
i l invite
ces derniers à
subir à leur
tour les réparations indispensables et peut casser leurs déci-
sions. Aujourù'hui, devant les nécessités de la vie courante,
les "tl!gan-dem" sont devenus plut8t apres au gain, souvent
mêlés aux affaires administratives ou politiquas, quand du
moins ils trouvent encore des personnes qui les écoutent, ot'
le r8le de "ktl.-bèr" est mis en veilleuse.
Les "tl!gAm6" dont la vie est très étroitement liée
aux pratiques animistes se sont montrés très dynamiques par le
passé où leur nombre s'accroissait sans cesse, en rapport d'ail-
leurs avec le mouvement des populations. Ils sont conscients,
dans leurs fonctions,
de leur unité dans le temps et l'espace,
ce qui constitue une garantie pour un certain univers moral
et, au cours de "baor", l ' ini tiation principale des Dagara,
chaque "Tllgan" invoque les autres (1) cOll1llle parties d'un
mllme tout.
(1)
-
"TêgAmê", pluriel de It8gan", nu sens de la divinité
"Peau-de-Terre, unique et multiple en ses parties •
.../ ...
- 132 -

Sous l ' autori t~ ,fe "têgan", iL Y a celle des
"nt-bèrè"
(grands, anciens),
s'exerçant de façon plus directe
et constante au niveau des "yie"
(pluriel de "yir").
b)
-
Des "nt-bèrè" et de leur rllie de représenta-
tion et d'administration
"Nt-kpêe"
(ni-bèrè au pluriel)
dés:j,gne un adulte,
autonome dans sa conduite et averti des us et coutumes dagara,
sauf si c'est un "ni-bla",
africain étranger à
l'ethnie,
ou
un "ni-pla"
:
un Blanc.
Sa caractéristique principale,
c'est
qu'il est responsable de ses actes.
Plusieurs étapes de vie consacrent le statut de
"ni-lq>êe", à
compter de la première enfance.
1) Cinq étapes du nourrisson
(bie),
de la nais-
sance aux premiers pas
:
-
de la naissance à "nyull-wobru"
(ramassage du
nombril),
c'est-à-dire au "nettoyage de la "saleté"
(dèwr)
du lieu de l'accouchement" ou toilette rituelle post-natale
-
de "nyu8_wobru" à
"kâa-t.uo"
:
"beurre amère" t
"beurre impur"
;
ce beurre entre dans le r i te de dation du
/
nom ou baptême de l'enfant. Celui-ci reçoit également sa
première toilette rituelle,
qui inclut la coupe de
ses che-
Vel~ de naissance, et
fait
son entrée dans la société;
de "KAa-tuo" à
la position assise de l'enfant
(bi-zinll)
l'enfant vit surtout dans son berceau ou dans les
bras de sa mère ou de la nourrice
(1)
(1)
-
Voir à propos de "KAa-h1O" ,
sm·li née GOLANE, Th., "Le
Berceau et ses différentes fonctions
dans l'ethnie dagara}~
Hémoire de fin de Formation d'Inspecteur de l'Enseignement
du
1er Degré,
I.n.A.p.,
Ouagadougou,
198).
.../ ...
-
133 _

-
de la position assise
(bi-zina) au rampement (bi-
vura)
,
' " ' .
. . '
"
.
l'enfant decouvre son monde immed1at
;
-
du rampement à la position debout (bi-ara) et aux
premiers pas (bi-ciéna).
2) -~ Quatre étapes de l'enfant de vers l'Age de
cinq ans à l'adolescence accomplie. Ces étapes se mesurent
tant8t par le nombre des pulnés :
enfant ayant un, deux ou
trois pulnés (bibi'ter-ture; ture a-yi, a-ta,
sob), l'espace-
ment moyen des naissances se situant autour de trois ans
;
tant8t par les .activités de l'Age,
qui sont en rapport avec
le sexe et le comportement.
-
Bien que le terme "bibile" désigne de façon géné-
rale "l'enfant"
(par exemple,
"yir bibile"
:
"enfant, fils du
clan", peut s'appliquer à un jeune homme), i l est celui qui
convient proprement à l'enfant qui a commencé. à parler; qui
a l ' lige de· se vautrer par terre
(bile), n'est pas encore à
m~me de se maintenir correctement dans une natte sans quel-
qu'un qui le borde, le couvre et le découvre, selon le temps,
mais tend à rouler (bile) dans les nattes voisines. D'un autre
côté, durant cette première étape de la deuxième enfance,
l'enfant n'est pas encore capable d'activités utiles et s'a-
donne foncièrement aux jeux de groupe.
-
Deuxième étape
début des activités économiques
de l'enfant •
• Fillette:
capable d'assister un plus petit
enfant (bi-gure) puis de le porter et de le divertir,
enf~
de l'entretenir (bi-yaal). C'est la période de l'excision •
.../ .....
- 134 -

• Garçonnet :
capable de suivre les bergers (paw
"
... '
.
nii), puis capable de veiller sur un troupeau à proximité du
village (mais pas dans la Brousse (\\{iè) éloignée,
ce qui
revient aux enfants de l'âge suivant).
··Fillette ou garçonnet: gardiennage des "petits
champs"
(poli·) semés,
celui des champs en épis,
surtout en
brousse (po-bèrè), au moment des hautes herbes,
se fait par
les adultes ou mieux par les personnes âgées. Jadis à cet
âge, l'enfant dagara portait des fibres de jonc (mini,giir)
~imples
ou teintes en rouge et en noir
; certaines filles y
ajoutaient quelques ceintures de perles enfilées aux hanches.
- Troisième étape, après les douze ans. C'est l'âge
de la puberté et de l'adolescence. Le garçon est "dèkole ",
la f i l l e :
"pOl,,-kole"
(petit jeune homme, petite jeune femme).
Dans la tenue, la jeune fille ajoutait alors un
cache sexe,
par-devant, en fibres ou en perles
(pa-wirè)~ Le garçon,
surtout s ' i l demeurait berger
(na-ciinè) -
c'était à
ce moment
qu'il aimait à se comporter en "na-ciin-kara" (berger en chef)
pouvait ne rien modifier dans sa tenue.
-
Quatrième étape : les jeunes gens deviennent mdrs
pour assurer les activités de leur sexe, même s ' i l s demeurent
dans une subordination totale vis-à-vis de leurs parents. Le
jeune homme est "pol"
(émoulu) ou "pol-bile"
(jeune émoulu),
la
jeune f i l l e
:
"pow-sira" ou "pow- s irale" femme parvenue ou
petite femme parvenue)
; tous les deux sont prêts à affronter
les responsabilités du mariage quoique sous le regard vigilant
des parents et des anciens du lignage (1) qui définissent le
(1) -
"Pol-bile", "pow-sirale" : les diminutifs:
"bile", "_le",
indiquent que l'homme émoulu, la femme parvenue réellement
seront celui et celle qui auront vécu l'expérience de la
vie et excellé dans les qualités d'homme ou de femme
(i-
nir)
; pour celle-ci en particulier, la procréation reste
une condition sine qua non de valeur.
. . . 1 . ..
. -
135 -

comportement conjugal en rapport avec' la tradition. Les
ju-
gements sur les
jeunes de ç~t Age. étaient jadis très sévères
et i l arrivait que ces derniers s'enfuient à l'étranger:
en
basse cSte ghanéenne ou ivoirienne.
J)
~ L'étape de l ' adulte : "dèb" : homme ; "pow" :
femme.
A cet Age généralement,
les jeunes gens ont contracté
le mariage:
"de pow"
(prendre femme) pour 1 'homme
"de sir"
(prendre homme)
ou '~~ sir" (partir poux' un'.i1omme),
s'agissant
de la femme
;
"kul taa"
"se marier l'un l'autre", selon la
formule chrétienne ou moderne de l'union conjugale.
S'il n'est
pas marié -
ou s ' i l a perdu son conjoint -
l'homme est désigné
comme "dè-kuor"
; la femme quant à
elle est ,alors appelée
"pow-kuor"
(homme sans femme
; femme
sans homme).
4)
-
Deux étapes de la vieillesse
-
l'homme
(ou la femme)
"confirmé",
quant à
l'lige,
sans référence particulière à
ses vertus se dit "dèb s8w"
(ou "pow seSw").
Normalement,
ces personnes ont de grands en-
fants,
souvent de petits-enfants;
i l s n'accomplissent plus
certains travaux qui nécessitent beaucoup d'énergie. Leur
comportement inspire le rospect.
On les désigne couramment
comme "ni-bèrè"
(singulier:
"ni-kplle"), mllme s ' i l existe dans
le groupe des personnes plus' lIgées.
Ils constituent des "per-
sonnes respectables"
(cièb s8w /
pow s8.... )
et des autorités en
matière coutumière,
les hommes dans les affaires civiles et
masculines,
les femmes dans le domaine gynécologique et les
affaires matriclaniques
(mA pèr yele).
-
enfin les "vieJn.es personnes"
(dè-nyllw /
po....-
nyâw) ,
qui pourront devenir, avec plus d'années "dè-nyll-bè
yira" /
"pow-nyll-bè-yira"
(vieux /
ct vieille qui ne sorter,.
pl us), pui s
"dè-nyll-i:.;--gura" /
"pow-nyâ-ir-gura"
(vieux /
et
.../ ...
- 136 -

vieille incapable de se lever par eUx-m@mes), bien que,
s'agissant de ces deux dernières qualifications, la santé
des personnes concernées
:importo souvent plus que l'Ilge.
Le concept de "nl-kp@e" n' échappe pas à tme cer-
taine relativité. Dans la famille,
les "nl-bèrè" sont les
hommes d'âge mur, généralement chefs de "lowe" (portions
de case), leurs femmes et les vieux parents encore en vie •
.~
~lais "yir nl-kp@e" est l'alné des hommes de l·a maison, s'il
n'est pas frappé d'incapacité sociale. S'il "ne sort plus"
(bè cil yire) , c'est-à-dire s ' i l s'est retiré des affaires,
dans sa vieillesse de deuxième Ilge, i l délègue ses fonctions
à un autre "nl-kp@e" de la maison. En cas d' incapaci té
reconnue, i l est supplanté par tm autre.
"Yir·
Nl-kp@e" est donc à ce niveau un représentant
et un chef de la maison, qui agit en concertation du reste
avec les autres "nl-bèrè" milles habitant avec lui. Il est
.
le pr3tre des divinités familiales et préside à la consulta-
tion des anc@tres (kplm8), au sacrifice de mariage, à tous
les offices qui .lui sont délégués par "t@gan-sob"
(chef de
terre) au niveau de la maison. Il est juge et administrateur.
Ainsi i l tranche les litiges entre membres de sa case,
décide de la participation des uns et des autres aux entre-
prises et au paiement des dettes Familiales, blâme les "lo,~e"
paresseux ou irresponsables, en charge aux autres. Il gère
les biens de famille:
champs, bétail collectif ••• Il a
l'initiative des ftmérailles qu'il annonce en poussant, le
premier, le cri de détresse
SlIT le toit de terrasse ou au
dehors, devant la case. De nos jours, i l est chargé de
rélmir les impôts et toutes collectes qui incombent aux
habitants de sa maison. Dans les convocations au niveau du
lignage, du clan, du villsge, du canton ou de la circonscrip-
tion de "tllgan", i l représente sa case.
.../ ...
-:-137-

Mais pour les aft'aires importantes, inter-lignagères,
claniques ou villageois~sJ:rl Ii' est pas toujours fait appel
indifféremment à tous les " n !_bèrè" des cases, mais à' ceux
représentant
les lignages et les clans concernés, lesquels
se recrutent parmi les membres de la plus vieille généra-
tion dans chaque lignage. Quant à
ceux du village,
ce sont
les "n !_bèrè"
des clans qui y habi tent,
compte
non tenu
de leur rapport d'Age
, c e qui ne veut pas dire qu'un
'~
"n!-kpêe" plus Agé d'un clan n'ait pas plus' d'autorité à
l'assemblée que son homologue en titre du clan voisin mais
plus jeune que lui. En particulier, si en matière de pro-
priété chacun a droit à la défense de ses intérêts,
en
affaire coutumière, la primauté est définie par la compé-
tence et revient à
ceux que Marcel GRIAULE appelle les
"Docteurs" .
C'est aux "n !-bèrè" des lignages alliés qu'il
revient de trancher les conflits de mariage,?,
tandis que
ceux de "dowlu"
(clans,
sous-clans) et lignages autonomes
se réuniront pour des affaires historiques, par exemple, à
l'occasion des décisions ayant valetIT d'institution,
telles
celles relativeS à la scission d 'lm clan. Dans ce dernier cas,
le rôle des "nl-bèrè" du lignage le plus ancien dans "dOl~lu"
est prépondérant.
De nos jours, avec l'implantation dans les villages
d'organisations de type moderne,
telles les groupements et les,
associations,
les coopératives,
etc., on assiste à la nais-
sance d'un statut de "n!-kplle (n!-kpllenu) par voie d' élec-
tions et pour une durée limitée:
c'est celui qui est con-
féré aux membres de l'exécutif, des bureaux de commissions •••
- 138 -
-

Il nous est présentement difficile de dire avec précision à l'en-
droit de ces derniers si le peu de disposition à les critiquer
qui est remarquable - mSm't. s ',ils. commettent des fautes de gestion
et qu'ils sont vilipandés hors des assemblées -
est une consé-
quence de la gérontocratie, par transfert du comportement réser-
vé atL"{ Vieu~( sur ces éléments choisis pourtant habituellement
parmi les jeunes,
ou si cette attitude de refus de la dénoncia-
tion s'enracine plus généralement dans la mentalité de base da-
.gara
(1).
c)
-
La stratégie dagara
La stratégie dagara d'attaque qui se précise dans la
grande chasse
(wiè)
paralt assez pauvre en technique.
Elle con-
siste principalement en une organisation selon une base de départ
(""è-pèr"
:
"arrière de chasse"),
qui s'ébranle selon deux ailes
("wè-nuru"
:
"mains,
bras de chasse").
Dans
"''fè-tuor"
(chasse
de rencontre),
cette organisation est double au niveau des deux
groupes qui se rencontrent. L'efficacité est atteinte quand le
système en se développant réalise un cercle,
soit par la jonction
des detL'C ",,.è-nuru"
(ailes de chasse)
ou celle des deux groupes en
rencontre.
Ainsi à partir d'un tracé, à l'instar du plan d'une
construction, mais marqué ici par des rameaux d'arbres,
une par-
tie de la brousse sera ceinturée en vue d'~tre domestiqu~ cul-
turalisée et aSSimilée,
du moins pendant la durée de l'opération.
Dans cette confrontation, le rapport entre la brousse
(wiè)et
le groupe des hommes est initié par les chasseurs les plus expé-
rimentés,
tant au moment de la délimitation du cercle qu'au ni-
venu du contact avec le centre
(2) •
I l est encore à remarquer que
tout au long de la progression,
c'est la base
(wè-pèr)
qui se dé-
ploie depuis le point de départ du groupe pour const:l.tuer les ailes
(1)
L'auteur de cette étude s'appelle "D1hvn-tuur"
("AS dawn tuur u
to z!lm8"
"il n'y a pas de premier dans l'injure des autres").
Quand on sait que l'anthroponymie est une source privilégiée
de la sagesse dagara,
on peut imaginer l'avantage qui est at-
taché au refus de dénoncer le tort des autres.
(2)
Cf. au Chapitre II, Paragraphe III, le Schéma nO
14 sur le
dispositif de chasse.
... / ...
- 139 -

de plus en plus étendues et, les ravi.taillant en hommes,
eommande
leur l71ouvement.
Elle jouI' ge c.e (ait le r81e d'un noyau énergé-
tique en ml'lme temps que de médiation entre les deux ailes
(1).
Il serait un peu hasardeux de vouloir tirer de ces con-
sidérations toutes les formes de stratégie dagara, notamment cel-
le de la vie qui nous intéresse particulièrement ici,
0 ~
de chercher ~ établir à
tout pr~x une relation entre elles. Mais
ellesIDmblent mettre suffisamment en exergue certaines références
-~
culturelles,
telles que la séparation systématique de la màison
(yir)
et son environnement
de la brousse
(wiè)
l'importance
de la maison comme centre de
force
et des activités humaines nor-
males
la portion de brousse ceinturée devient un domaine où l'ac-
tion de l'homme peut,
sous
c e t t
e condi tion ,
se déployer avec
un profit culturel.
De ce fait se trouve valoriser le principe de
la transformation par intériorisation ou assimilation.
De m~me, ap-
parait la fonction primordiale de la médiation.
Si l'homme dagara est rigide dans ses principes qu'il
tient de la coutume,
i l est très conscient, aans sa démarche,
de la
nécessité de ménager le pour et le contre,
de se tenir dans un jus-
te milieu entre l'idéal et la réalité et, au besoin,
de recourir
il la médiation ("lBluoru"
action de détendre,
d'apaiser,
de mé-
diatiser), notamment en cas de conflit. N'habite-t-i~ pas en com-
pagnie d'enfants qui portent le nom matriclanique
(bèlu)
de leur
mèrc,d'une épouse qui se réclame d'un autre-clan,
celui de
son pè-
re,
et peut d'un jour à l'autre le quitter? De plus,
si les "lowe"
constituent un tout dans "yir"
(maison), ils sont cependant auto-
nomes dans la gestion de leurs biens propres et sont appelés t8t
ou tard 6. se séparer,
tout
comme
du reste les
li.'?;"Ilages.
Il Y a ainsi une dualité interne,
une ambiguité assimi-
lée,
dont ~e Dagara doit toujours tenir compte,
en tant que valeur
de sa phi~osophie
et qui transparait notamment dans la vie sociale,
les rites,
voire dans la structuration de l'espace.
Elle oblige à
prévoir dans
toute organisation des
éléments
(zones,
personnes . . . )
intûrmédiaires ou neutres qui réalisent ~a médiation, permettent
c.: 'é vit cr
1 e s e o n f r 0 n
t a t i o n s e t
ct e
r é s 0 u d r e
le 5
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
Il sera donné plus de détails sur la chasse au chapitre II.
-140_
... / ...

conflits par voie de conciliation. on n'est jamais seul
.'
sans être incomplet, faIble, mê~e mauvais (1). Mais aussi
on n'est jamais avec l'autre sans
devoir quelque chose (2).
L'action implique qu'on s'unisse, qu'on se complète. Les
relations sociales doivent en tenir compte. Mais l'union
ne dûit pas être marchandée. Elle doit être comme un a
priori. Aussi faut-il se conduire de manière à l'entretenir et A
la développer. Quand un homme pousse le cri de deuil ou de
guerre,
ses frères d'attendent pas de savoi;,'parce qu'i1s
se sentent liés dans "yir". Bien plus, l'autre de l'extérieur
est indispensable, en particulier lorsque le moi, individuel
ou collectif, est entièrement investi. Ne dit-on pas en
dagara : "No ",ogo sob· bè d!", mowri u tuora i
?"
(J). Cet
autre se nomme l'ami, le paront à plaisanterie, le groupe
de services réciproques, le parent par alliance •••
(1)
-
La chanson.ne dit-elle pas que le sans parent est
traité de sorcier et de chien?
(N! bètèr nir, bè mi
yel- a kè s!i nu ••• ).
(2) -
Il faut ici rappeler la notion de "dèwr"
(saleté) qui
entra1ne une dette de purification. Chez les Dagara
comme chez beaucoup de peuples à coutumes, i l existe
l'obligation sociale de retour du don.
(J) -
"No "'08.0 sob bè dâ" mowri u tuora i".:
"Celui qui a
reçu une flè che ne peut sucer lui-:nllme sa blessure
(pour en extraire le poison)". "No ",ogo"
: "bouche
longue", périphrase pour désigner la flèche mortelle,
tout comme on parle de "m"B guofu" ("arrllt de l'herbe,
de la brousse") pour éviter l'allusion à la morsure,
souvent fatale,
du serpent.
.../ ...
-141
_

SCHEMA N° 7
LA DOUBLE DESCENDANCE CHEZ LES DAGARA
AXES DE "DO\\,LU" ET "RELU"
o \\
A
--1
T
- - 1
A
@ \\
:=A
.
\\
1
1
i
A
<;)
8
\\==.~
J
,
1
Limite
exogamique
1--
à
o
1/ - Perpétuntionen lisne
D.:ltrilinéaire de "Dowlu"
qui ~6termine la Cilia-
t:Lon.
Les
signes
"x,
/ ,
, . désignent ici
Division ma-
"
"Do,;lu"cle l'homme
(.e.)
trielanique
ou de ln îemme
(0).
2/ -
Perpétuation de "bèlu" en
ligne matrilinéaire.
Les sipes ".,
/ , - ,
x"
désignent ici "bèlu".
-
142 -

SCHENA ND 8
LE }lAIUAGE PHEFEIŒNTIEL
DEUX ASPECTS
,
o
1/ - ~"ormc toujours en vigueur
2/ -
Vorme la plus rriquente,
quoiqu'en uiminution,
VU
par le passé,
étant daiulé
~ac les jeunes se donnent
l'iquilibre social qu'elle
l~C plus en plus de liLert~
crée
combattue de nos
Ll.:_~ns le choix de leurs par-
jours pour raison de con-
tcnaircs.
~~u~niti par les repri-
-
Elle u l'avantage de rBn-
sentants du droit canon.
l"orccr les liens d'alliance
En fait,
les inconvénients
llUU(~S par les parents.
sociâux ne sont pas négli-
-
Pl:0;libéc
citez les mossis ou
geables,
tels la transpo-
10 ~ils ne peut chercller sa
sition des difficultis du
~'''::I111:1C dLl.TIS le clan,
voire le
couple des parents à celui
villagcJdc sa m~re.
de leurs enfants,
par ap-
plication de la "loi du
talion"
le mariage forcé
sous forme
de retour de la
fille à la place de Sa mèrE
en cas de"do~'impayée•••

SECTION III.
LES RELATIONS INTBRL'fES AU SEIN DB LA
COHHUNAUTE DAGAIlA

1) -
L'identité du moi
-----------------
a)
La filiation
tldowlu" et
llbèlu"
Tout Dagara se situe au carrefour de deux axes de
descendance dont i l hérite deux noms:
l'un qu'il est amené
à perpétuer, s ' i l est homme, en restant dans son patrilignage
et qui s'appelle "dowlu"
j
l'autre,
"bèlu",
qui
se transmet
selon la descendance utérine,
hors du clan ou du lignage
autonome,
par le mariage exogamique.
ou
exceptionnelloment
dans le clan aux enfants naturels
(qui reviennent à leurs
grands-pères maternels ou à leurs oncles
(frères de la
mère) . ( 1) •
"Dowlu",
"y iilu" ou encore "y ir-dowlu"
(appartenance
;1 tel ou tel "yir") si tue l'enfant dans sa descenrlnnce
agnutique et définit pour toujours sa filiation.
donc lie
façon patrilatérale. Mariée,
la femme
conserve le nom de
Famille paternel
(dowlu),
ce qui fait
dire qu'une femme
n'a pas de
"yir", puisqu'elle habite dans un clan -
qu'elle peut du reste quitter par suite de remariage -
et se
réclame d'un autre
(2),
tandis qu'tm garçon est
considéré
(1)
-
Cf.
schéma n°
7, page
142
• De par leur statut,
les
enfants naturels,
surtout s ' i l s sont. milles,
sont
consi-
dérés
comme dangereux pour la Fami.lle.
vu qu'ils ne
sont
pas tenus aux interdits de
clan.
On comprend aisément
que
1 tévolution vers des clnns adjacents surviennent par CtL"C.
(2)
-
Cela donne lieu parfois à
des confusions regrettables,
stIT-
tout cn milieu acculturé,
car la femme qui annonce qu'elle
part
chez elle, peut laisser
croire si le
chemin n'cn dit
"as assez,
qu'elle rej.Qint son domicile
conjugal habituel.
C'est pourquoi
eile prendra soin de préciser:
"Chez nons"
(ti yir)
ou mieux:
"Chez mon père"
(i
s5a yir) •
.../ ....
-
144-

cOl'1tIJe un support et un promoteur de "yir" dont i l porte le
nom.
Selon le dicton,
"dêb-bè'tèr puri'Q,i-Cil n'y a pas
d'hormne petit).
En fait,
quand on considère le système traditionnel
" 'échange de femmes qui amène les f i l l e s " se marier de pré-
férence dansie clan d'origine de leur mère - pratique sur-
tout très courante par le passé -
cette dernière affirmation
est relative
Ccf. schéma nO fi sur le mariag~~préférenticl).
En outre,
les neveux sont assimilés ùans beaucoup
de cas, par exemple à l'occasion des ftlllérailles,
à la
Famille des frères de la mère. Ils peuvent même aller y
vivre Wle partie de leur jetlllesse, et i l en existe qui,
rlevenus adultes, y obtiennent la "dot" de leur femme,
dos
terres et s'installent à côté. Toutefois,
en règle générale,
les Dagara pratiquent la virilocalité tant en ce qui concerne
la femme que les enfants issus d'tlll mariage coutumièrement
lésaI.
"Bèlu", nom matrilinéaire qui rattache l'enfant à
un ::;roupe diffus, répandu dans tous les clans Cdowlu) est
celui que l'administration coloniale a porté à
cllté 'du pré-
nom pour désigner le Dagara. Cette méprise de laisser incon-
nu "dO\\<1u" qui, pourtant, définit l'appartenance Familiale
occasionne au plan administratif,
surtout à l'écholle inter-
nationale,
des malentendus regrettables, vu que dans tllle
famille même réduite à la cellule de type occidental, les
enÎants ct 'lm même père en vierment à porter des noms diffé-
rents du sien et aussi entre eux en cas de polygamie ou de
remariage.
C'est pourquoi certains fonctionnaires,
dans le
souci·de
se conf"ormer au comportement de la grande généra-
.../ ...
- 145 -

lité des ethnies Burkinabè et de beaucoup de peuples de
par le monde,
et vu que' leur "bèlu" est" attribué adminis-
trativement à ce jour à leu.r!i épouses ont entrepris de
donner ce nom à leurs enfants. D'autres,par contre,y ont
vu une imitation de l'occidental et une déculturation.
Aussi l'initiative a-t-elle été prise sous leur impulsion,
au niveau de la Sous-Commission Nationale du Dagara et en
accord avec l'Administration, d'inviter les parents concer-
nés à débaptiser leurs enfants de "bèlu" de"~leur père, en
vue d'inscrire désormais "bèlu" de la mère et
Hdowill"
du père, à côté du prénom dagara et du nom de baptême
musulman ou chrétien (1).
L'entreprise, sans doute louable, ne manque pas
d'@tre ardue à plus d'un titre et suscite peu de motivation
chez ceux-là qui sont concernés. Elle suppose des fonds à
investir pour refaire tous ces diplômes,
ces pièces d'état
civil, remettre à
jour tous ces dossiers, etc., et tout cela
à
cause d'un nom qui,
somme toute, ne vous fait ni plus ni
moins Dagara. S'il s'agit d'une justice à faire aux lignées
matrilinéaires, quel "bèlu" peut se plaindre d'être lésé
ou ménacé de disparition par la faute de cette pratique
dénoncée
?
Certes, traditionnellement, ne pas perpétuer son
nom,
c'est perdre son identité, ce qui est le sort de l'es-
clave. Et "bèlu" est le lieu de beaucoup de références dans
la vie d'un Dagara. Pour
ne citer que des exemples,
jusqu'à
une date récente, presqu'actuelle, les membres de certains
(1) -
Ainsi le nom de l'auteur s'appellerait:
"Puryiile
MEDAH Dawntuur Galli". Son fils qui, présentement est
appelé couramment ~ŒDAH Gustave, se nommerait:
"Puryiile Tièrnyin Hien Gustave".
.../ ...
- 146 -

groupes de
"bèl\\l",
jugés peu nombreux ou de mtime
souche
matrilinéaire ne pratiquaient
pas do mariage
endogamiqlle
c'est le cas des ~'èda et des Hion.
Surtout i, l'occasion
(les .funérailles et
de l'initiation,
"bèlu" est un lieu
cie détermination de r81es importants da11s la participation
aux rites; Concernant les :funérailles nous parlerons
de certains r81es des "bèltaabè" ou "gbâgl?ataabè"
(membres
de même matriclan),
dans la dou;~ième Partie. "Bè lu"
ùemeure la ré:férence
de
ceux qui ont
"même peau",
"partager~t
ensemble".
Ainsi l'héritage
c1u déîl.mt revient à un îrèrc
de même
"bèlu",
qui. prend e:l
charge la famille
du disparu
et fait bénéficier les neveux ut6rins de
celui-ci de
ses
biens meubles et personnels,
en
conformité avec
ses
dernières volontés
(1).
Nais. i l faut penser que cette px;atiquc
coutumière
relative au port du nom lIlûtriclanique de la mère par
l'enfant trouve
elle-m~me son fondement et sa signification
un contexte
culturel qui est évolutif. En· effet,
de nos
,jours,
(1)
-
Pour faciliter la
solution des problèmes d 'héri tage et
surtout de prise en charge de la veuve,
selon la'
pratique du lévirat,
ainsi que des enfants,
les
sept
"bèlu"
sont associés par affinité en
trois
paires de
"bèlu"
:. Somda et Kpowda,
Nèda et Dabire,
Kâbire et HtenJ
pius
celui des
58mê ..
L'accent tonique
de
"Da"
est rendu parfois dans
l'écriture en alphabet français par Un "h"
:
/>lèdah,
Somdah,
etc.,
de même que l'aspiration facultative
flans
"ien" , écrit "Hien l1 •
·../ ...

.:
.,~;- ·i
'"',;.
.~.
. .,:"~
.."'.
combien de fonctionnaires ll.ccepteraient de déposséder leurs
fe~nes et enfants de le~'perisiàn ? Le lévira{et l'avunculat
,
ne sont plus guère en vigueur dans les régions de plus en
..'
plus gagnées aux idées nouvelles : on préfère marier la
femme de son choix ; le patrilinéat se généralise comme
tremplin vers l'individualisation. M@me dans le milieu
paysan, et 'non seulement chez les citadins, la parenté de
clan elle-m@me, sri cherche des appuis face à la menace pres-
.,
"" ,
sante de désagrégation de " y ir"
: les liens de " y iilu",
qui pourtant prennent le pas sur ceux de "bèlu" dans le
système dagara se relâchent à tous les niveaux. La tendance
à l'éclatement de "yir", celle du système d 'héritage à
suivre la voie du père aux fils et non plus du frère à ses
"bèltaabè" du clan, la restriction de plus en plus du cercle
des ayants-droit
comme le port de "bèlu" du père par son
enfant -
semblent 8tre des signes d'un seul et mOme phéno-
mène,de restructuration de la société et de progrès de
l'individualisation.
La société dagara, COmme toute autre, peut-@tre
:nieux qu'une autre, est une société particulièrement active
dans sa tradition, vivante et évolutive, et i l serait sans
doute erroné sous prétexte d'authenticité de vouloir la
confiner dans des formes stéréotypées. Elle doit connaitre
ses crises et ses réajustements, qui sont fonction de la
dynamique de ses faits sociaux, d'autant plus totaux que
sa structure interne laisse apercevoir
les ramifications
des m~mes Familles •
..
"
"
:
b )
Compte tenu de ce qui précède, on peut dire que
la structure générale de la parenté chez les Dagara est
.
-
Hi)
-
"
.../ ...

bilinéaire
(à double descendance)et à filiation patrili-
..
~.
-
.
riéaire. De même, elle se subdivise en lignages patrili-
néaires, 'autonomes ou non autonomes,
et en générations.
Le statut de lignage autonome ne découle pas d'un
comput bien défini
le conseil des aînés du clan reconnaît
à tm moment' donné la nécessité de la subdivision du clan
et l'y autorise,
suivant les raisons qui on~ été déjà
ént=érées ci-dessus. La séparation des lignages à partir
de cinq générations qui est indiquHpar J. GOODY à l'endroit
des Lo-Dagaa, groupe qui inclut les Dagara,
sinon les
désigne
(1),n'est pas observé aVec rigueur, pas plus que
le principe de la limitation du lignage maximal à
six géné-
rations. La scission peut gtre retardée ou accélérée selon
la qualité des relations et en fonction des besoins sociaux (2).
La succession des générations, dans le système
dagara de la parenté,
joue un rÔle très impprtant au sein
du patrilignage et du groupe matriclanique. Elle constitue
un véritable élément de définition de classes, qui entre en
ligne de compte dans la détermination des statuts sociaux,
des droits et des devoirs, notamment en matière de pouvoirs,
de mariage et d'héritage. Ainsi en dépit de la suprématie
des anciens dans la société, le statut de père revient à
tout homme de la ,génération immédiatement antérieure,m8~; jeu-
ne
par
son Age
i
le fils n'a pas droit aux femmes de ses
lTpères" t
en mariage 1éviratique ou préférentiel.
Les repré-
sentants de la génération antérieure (celle des pères) ont
pouvoir
sur leurs descendants,
sauf en cas d'incapacité du
(1)
GOODY J.,
"Death, Property and the Ancestors" 1969,
p.
8.
(2)
Cf.
Schéma nO 9 :
deux lignages principaux ramifiés,
nOn autonomesetvivant dans la m@me localité,
au Département de Koper, Province de la Bougouriba •
.../ ...
-
149 -

.....;Cl 1I·:>i,\\
N"
()
fO_!:Yt'Wlc-ES J;ll::~': U>~ J.:.l1; "AC, l':S i'TAL,fS 5U~I.,c~__~ S:t~
(;l':''!I':!~ATIONS
LT l'II,\\TIJIIIANT TOU.!UUiIS
L' 1-:XUG,fII"IE
II - LIG!'(!'.(;I': PIlIlYIILl': IJI': IJAf>OiU, (IWPlo;<,. 80UGOURI~"-L
1
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4- Domllo
l'~y-::"a-(l)
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8100
~GOnab(l~'h'lin
À
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Pucri
nèsur
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Â- - -
1
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1:0 bir
.\\ Dami c
~Der.kura

6kllu
l:.J.
Hatu
J:). :lalu
A flwcrc ~ Deke
~Su6pure •
f,
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6
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1
1
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L?
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"
Jacob
9 \\,ule
li:. Der
~ BokOu ~ Nalu
Debuo
Noé
7
À
àDomini-~
~ ~1iehel
Marcel
ÀBeno1t k Isaac
Noël
1\\ Denis
1\\ Clér.1Cnt
~
~
f
1 que
1
~
~~
~
"Cl
Urbain 6
GervaiÔ
~Saturnin f1 Pierre
Urbain
')
0= !::.Jean-Marie
10
I,
Hor~'ES :
(1
) -
NYAMNA
(ou Nyllmlla) et ,GONAB , chefs d'expédition li partir,de T6kor ( Nord Ghana)
~
L",?
= nom
inconnu
~
= personne décédée
tJ..
= enfant de moins de dix ans.
'"
o
-
Ce schéma ne rand pas
conpte de l'étendue du
lignage qui compte environ mille repré-
sentants,
mais
de sa profondeur qui atteint
dix générations.
Le clan Pnryiile
compte
encore des lignag_ à 'l'Sayawa
(Ghana) t
Nal,aar et g:pOlroJan
(Dissint
... 1 ...

iS:~~~~:~__~ ':_._~~ ._L~~t.~T~j~_i'J_
2/
••
-
i 1(''''GI'
.-1.
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~
dA
(vue en proCondeur,
compte non
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de l t extension) ~
SO[JS-LIGNAGfê A
sous - LIGl',I ..\\GE D
SOUS-LIGNAr;E C
- - - - - - - - - -
1
7
7
1
Ka - bi\\,,-, l Hori
A
1
' )
Kuligbt~è
7
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7
l
l
1
]
Na-maalzie
7
7
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1
Cupla
4
7
7
A1
Bil-8w
(1)
t
5
~ Bilgfle (1)
àBilwie
(1)
$
1
1

r
D
A~lo.onign
r

Nja,o;a
(2)
& ~Hinisic (2)
~aba
i 4NIlPaa,l••.
1
7
~èè ~Kaa-
Y1r
~H~-
l Tiz~'
p~w-
l
1o;

1
Gore
egiè1
à Sawèr
- _.
1
1
1
K pi -puo
1
. ••
1
1
0
()
~
, à
6 Emile
~
g.akaar 6.
r
k Jacob Lliarcel
4 Tièrn
1
Yoîaa
t
Abel
1
1
J
riorse
~Célestin
9
~ Saturnin
6. Simon
1
6 Janvier ~V~~~n 1 /..-,
"
Au<n
~J ean c. LJ. tir
1
1
1
l\\Joachim
10
!:iean-PierrïEUgène 6=0
~p~~r
~
1
I l
à
\\
NOTES
*
~ = personne décédée/ A =:; enfant de moins de dix anS / ? == nom incormu, relation imprécise
~
\\J1
avec les "îrères l1 classi;ficatoires des
sous-lignages voisins.
~
*
(1)
(2)._Le parallélisme entre Ces trois
sous-lignages a
été
établi ~ partir de ces membres q\\
sont dits cousins
(011
frêres
de clan).
.
*
Il est à noter un plus grand rapprochement entre les sous-lignages D et C qu'entre ceux-ci et
le sous-lignage A gui gère la chefferie de terre.
Une scission en deux lignages autonomes
A/B+C
est m@me
imm1nente.
D'après
enquêtes
du 2]
Aoo.t
1977 et surtout du 2] l-iars 19S C:).

point de vue social ou de compétence particulière exigée
pour une fonction.
Les relations interpersonnelles fermement définies
oU qui se dessinent dans "yir" au sens de maison,
se géné-
ralisent au niveau de la grande Famille de "do.,.,lu", donnant
lieu à des appellations et à des statuts de
grand-père
(sâa-kum) ou de
'grand-mère
(mâ-kum)
j
de père (slia) ou
de mère
(mS)
j
de frère
(yèb) ou de soeur (yee-puwle)
; de
fils
(bi-dèb) ou de fille
(pow-yaa)
(1)
de tante
(soeur
du père)
: "pure"ou "slia-mli" ('j>ère-femm<!') de mari
(sir) ou
d'épouse
(po.,.,)
; de beau-père
(sir-sâa) ou de belle-mère
(sir-mâ), etc., purement classificatoires mais inspirant
cependant les rôles correspondants.
Donc,
au
sens
de la
coutume dagara,
l'enfant n fa
pas qu'un père
i
i l doit considérer tous les "frères" ùe son
père dans le clan,
c'est-à-dire les hommes ~e m8me génération
que lui,
comme ses
"pères",
à commencer par ceux qui sont,
par surcroît,
ùe même "bèlu" et qui sont, partant, à même
d'hériter cle lui en cas de décès,
d'assumer la tutelle de
la famille et éventuellement le remariage de la veuve. Bien
plus,
le géniteur est loin d'être toujours le père" Dans le
ca.s de la "fille-mère".,. l'enfant revient a~ grand-père ou
aux onclos maternels,
tandis que chez les Lobi et chez les
HOBSi, i l est plutôt laissé au géniteur qui le reconnaît.
L'enfant adultérin appartient au mari légitime, m8me décédé
quant au lévir, i l ne fait que prolonger la descendffilce du
mort dont i l a acquis les droits sexuels de la veuve.
(1)
-
"Yee-puwle"
:
"y èb",
frère
;
"pluvle",
de "powle"
:
fille. Enfant se dit "bie"
j
"bi-dab"
:
enfant mâle
fils.
"Po.,.,-yaa" :
"Po.,.,"
(femme)
; "yaa" : noeuf
(de la
chaîne d'échange social des femmes ?). Si "yaa" vient
de "ye"
(payer, rendre) la signification de "pow-yaa"
TI'est guère diî::férente_.
ItFenune à rendre"
;
"femme_
maillon" •
. .. ! ...
-
152 -

De mgme,
tous les hommes du· clan de la génération
immédiatement antérieuré à· celle- du pèr;' sont des "grands-
p"res". Les fils des oncles du clan ou "pères" sont des
"frères" et leurs filles,
des "soeurs". Les I1frères" du
mari, dans le clan,
sont des époux" et leurs femmes des
"co-épouses",
etc . . .
Mais la parenté classificatoire déborde le clan
(rlowlu). C'est ainsi que toutes les tantes maternelles ou
lIsoeursll
de la mère sont des
"mères"
et
leurs enfants des
"frères" et des "soeurs". De ce côté, i l faut
souligner
l'intimité et la force des sentiments,
en dépit de ce qui
a été dit sur le primat de la patrilinéarité : les senti-
ments qui ne sont pas vécus quotidiennement
comme
ceUx liant
les "frères" et
"soeurs" du clan,
ni avec la même atmosphère
de sérieux,voire d'austérité,
s'amplifient. De plus,
ils
sont .empreints de tout ce que la relation a de maternelle
et d 'occul te
ne s'agit-il pas en effet des "mA-nibè" ou
"mâpèr-nibè" ? Ceux-ci comprennent
également les grands-
parents matrilatéraux et les oncles maternels, appelés
respectivement "sAa-kum minè" et "mA-dèbr", dont les égaux
classificatoires là aussi s'étendent à l'échelle du clan
matrilinéaire et dont les plus concernés par les titres
sont, après les parents directs de la mère,
ceux de m~me
"bèlu"
(1).
Il serait faux de croire que les rôles des parents
classificatoires sont fictifs, m~me si, aVec l'évolution
et la tendance de plus en plus grande cl l'individualisation,
le cercle des parents se rétrécit. Généralement en affaires,
notamment dans les palabres de mariage et les litiges des
(1) - C'est de ceux-là que l'eni'ant pourra hériter quelques
biens meubles et personnels si les relations sont
-favorables.
.../ ...
- 153 -

funérailles,
c'est rarement les parents ,directs qui opposent
le plus de difficultés.' Q"; àn ct' 'le' père d'une fille est contac-
té dans le cadre des démarches en vue du mariage,
i l répond
en
substance
"Je n 'y suis pour rien ll ,
ou
lice n'est pas il
moi l'enfant
voyez ses pères". Evidemment,
s ' i l a des ob-
j ections, i l 'les fera passer par l'un d'eux.
Beaucoup d'enfants,
surtout les fi~les, grandissent
chez des tantes maternelles et les refus passionnés
de
leurs engagements matrimoniaux provienIlent en général de ce
cllté :
"Jamais ma fille ne se mariera dans telle Famille
(dowlu) ou telle case" (avec les malédictions à l'apPui)
Jadis les orphelins, @arçons ou filles,
étaient couramment
pris en charge par une tante,
de préférence ,mariée dans le
",ême clan.
De même, les devoirs de fils ou de filles sont tra-
ditionnellement observés avec rigueur. On ne,ref'use pas la
commission
d'un
"père"
celui-ci a
droit de regard Bur le
bien de Bon f'ils
i l doit "y tremper la main af'in de le
u
refroidir"
(t8 ni'lu/mBa).
Il prélève tout article de son
choix de la valise ramenée par
Bon
"fils" du Ghana on de
l.~
CÔte d'Ivoire; du gibier abattu par lui,
tout "père a droit
~ la patte arrière droite (s3a gbèr). Il f'aut avouer que les
abus à travers les générations n'ont pas manqué et qu'à ce
jOtIT certaines de ces pratiques ,pourtant loin d'être oubliées,
ont perdu de leur rigueur, parallèlement du re ste À l'abandon
des charges "paternelles".
Le système classificatoire est utilisé comme réf'érence
dans la désignation des parents mais pas toujours dans les
interpellations,
sauf' lorsque la liaison de parenté est assez
directe et suffisamment émotive ou,
au contraire, quand elle
.../ ...
- 154 -

est purement analogique e~ évoquée il des fins plutllt ludi-
ques. Ainsi, une personne-surtout les vieilles femmes
appellera lme aut.re
"~ère~'. ou. "père", tout simplement parce
meme
que celle-ci porte le/nom matrilinéaire
(bèlu) ou
patri-
linéaire
q u e
ses parents
(mère ou père) réels.
La classification de la parenté chez les Dagara
ne suit pas la nomenclature de type Omaha que présente A.
R.
.RADCLIFFE_BROIffl (1) et qu'on rencontre, par exemple,
au
Burkina Faso, chez les Gourmantché, à l'est, ou au centre
chez les Hossi
(Cf. Schéma nO
13 ci-dessous). Il est à
rappeler que celle-ci confère le même titre de parenté, dans
un groupe
donné
, à des représentants de plusieurs
g~n~ratiOJ1B successives. Par contre, le système classifi-
catoire dagara respecte
une
symétriè
patrilatéra~e(cf. sché-
mas
nOs 10-11) et, au double plan agnatique'et utérin,
matrilatérale(cf. schémas"
nOs 11 et 12). De même. il
existe un parallélisme entre descendances patrilinéaire et
matrilinéaire
i
toutefois, i l est à noter que les cousins
croisés
(fils et filles de la soeur et du fière)
issus de
mariage exo glUlli que ,
qui sont désignés comme "frères et
soeurs", peuvent par ailleurs s'unir en mariage préférentiel.
Leur cas offre également un exemple de décalage de générations,
mais dans des clans différents, les fils de la soeur
(~)
étant considérés comme "pères" des enfants (L::. , 0 ) du
frère
(2). Il est comparable il ce~x des Nkùndo du Congo et
des Lobi du Burkina Faso, présentés respectivement par
RADCLIFFE-BROWN
(3) et M. PERE (4).
(1)
'RADCLIFFE_BROII'N, A.R. et FORDE, D.,
in "Systèmes
Familiaux et Matrimoniaux en Afrique~ PUF, 1953, p. 41.
(2)
Cf. Schéma nO 8.
(J)RADCLIFFE-BROI-lN, A.R.,
ibidem, p. 47.
(4)
PERE,
M.
:
"Les Deux Bouches"
('Thèse d'Etat), Univer,_
sité de Panthéon Sorbonne
(Paris 1),
1982, Chap. III,
p.
193.
.../ ...
...: 155 -

SYSTEME CLASSIFICATOIRE DAGAHA DE LA PARENTE
( SCIIEHAS
1,
I I . I I I . )
I / -
sere;;.:" N° 10
. SYMETRIE
PAT1ULATEHAU; DE LA PARENTE
ENDO-CLANIQUE ET EXO-CLANIQUE
d
L :::r 0
[
1
1
1
C
fJ.=0 6=01
O=L. O=L,.
;1. ;:J, [ 1 1 , ~
b
fJ.
0 f::,. 0 =L D
D.
0
~ )--, \\). .J, 1
1
1
a
60
° LlO ~ ~O
ECJo
1
A
B
NOTES
ù)
-
Tous les membres de la "ligne ail qui représentent la gene-
rùtio~ d'EGO,
sont des "bi":'biir"
(en.fants
:
garçons
ou
lilles)
;
sont des
f'rères
entre
eux (<6/4) ou
soeurs entre elles
(0/0)
-
Yè-dèbr :
"lrères des soeurs" (Ll%)
-
Yee-puuli
:
"soeurs des frères"
(0/4
b)
-
Les représentants de la "ligne b" sont, pour EGO, des
-
Sll-bè
:
"pères"
(~ )
- Mll-minè
:
"mères"
(0)
-
Sfl.a-mll-minè
(ou pure-minè)
:
"pères-mères" ou
"pères-:femmes" :
soeurs des pères
(0).
c)
- Les membres de la "ligne c" constituent la génération des
-
slla-kum-minè :
grands-pères
(~)
-
Mll-kum-minè
:
grand-mères
(0).
.../ ...
- 156 -

cl)
-
Les l~Cl]résentants de la
t11igne" d"
sont d e s :
-
SSa-Kum-suuie-~in~ : arrière-grands-pères
-
f.JB.-kum-suule-minè
arrière-grand-mères
ViCllclront
ensuite les
tlSSa-kum-suule ayi"
et
" mS-kum-suule
~ yi" (arrière-arrière-grancts-pères et mères), littéra-
lement ·"série nO
2
(a yi)
des grands-pères et mères".
Le
co:::pte" se poursuivra ainsi selon l t'ordre
des
générations
ou cIo la suite
(suule)
des grands-parents.
-
Le mariage exogamique
(préférentiel)
est pos-
si"blc
( A= 0)
entre les groupes A et B des cousins croi~és
selon la correspondance des générations
(voir sur les l i -
~:Ll.CS a et b).
- 157 -

11/- SCHE~1A N° 11
.ll,METRIE DE LA PAHENTE
MATRICLA1\\'IQUE
.
cl
~r
c
6:t-r
b
~9
r
1
a
6 0
Ego
NOTES
. , .
1"'·
/
)
a
-
01-(lCUr pow-yaar
(fils/HUes)
;
Y,",ln-/yè-dèbr/yee-puuli
(6.6 _ 0.0/L::\\ 0/0.
0
L1):
Ercres et soeurs.
b)
-
MB-mini
mères
(0)
-
Mtl-c1èbr
"mères-hommes" :
frères des mères
<AI ou oncles
c)
-
MB-lml!)-minè
grand-mères
(0)
-
St\\-l:um-minè
grands-pères
(6)
Mt\\ J:UJn- suul e minè
arrière-grand -mè,res
sn-kum-suule minè
arrière-grands-pères
cl - MB··l:um-suule-a yi-sob
arrièrc_urrière_grand-mère
Sn-b.un-suule-a yi sob
arrière-arrière~grand-père
- 158 -

JI1./
-
';Cil'·'\\.'.
:\\"
1:.1
.::;'X11L1'Rl...E.i..
DLS
Jl/\\!~E,'\\TJ':;:; l':\\ï.j~·! LI:'\\Lr\\J.R..e- 1,
;;;"·~-_:f·LI2'JEAI;U·: I l
et..
tL\\TI~ICLA~".tr:{tJE III
D'SCi.<!.
l
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11 0 Il ~.:=O 16=0 0
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fj. GOT6!a~_~-.s21=~ __~ ~ ,Ü:G .~. ~
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1 =.6
0
6
0 1
:b O=:6 C
1
E~ 1
1
-'
1
V1
1
1
'"

l;O'l':·:.J
al - "Soeurs" et 11 Crères ll d'EGO
[y/ - pères (L». mères (0). tantes (9) ou "pères-ïemmes") - oncles ( & )
0\\
l!\\
~
ou~lmères - hommes") d'Ego
c/ -
Grands-pères et mères
(~ - A / 0) cl' EGO.
(1/ -
arri~re_grands-pèrcs ct nl~rc5 d'EGO
cl - arrière - arrière- graI1.ds-pères et mères cl' EGO
... / ...

1/
- ~
:
pas
d'appell'ation'd,,!'parenté il l'endroit des maris
dcs
soeurs
de la mère
(tantes maternelles),
par exemple.
2/ -
p~~ ùe mariage de cousins para11èles au sein ues groupes
l
ct I I I .
JI - llariûgc!préférentiel en "lign.e a"
.'.)
Au '.-rùupe
II
:
Union du r i l s
ct dc la f i l l e
de
deux cousines
pa.!.~allèles dites "soeurstl dans le lignage, mais de matri-
clans différents
et mariés clan.':: deux clans séparés ..
On dit
que
l 'une des
deux
"soeurs"
l'amène la ::'i.llc <..le l'autre a
~on ~:~ls". Mais si ce cas de mariage pr6f6rentiel
n'est
pa~ pr6senté avec les deux autres d6ja rcncontr&s, c'est
qu 1 J.l
implique moins
de
cou train te
ct ne
ï a i t
pas
l ' obj e t
~raut~'llt de réglementation sociale.
;3)
.\\u ~roupe I I I :
i l s'agit du mariage pr~r~rentiel sous sa
~orQe ordinaire,
mais impliquant 1c rils et la fille de
ücu::.:. cousins parallèles du c6té maternel,
qui
sont
donc
~r~rc ct soeur classificat~ires chez les Dagara.
-
1 fia _

l ' i ! -
SCHEHA N°
1) : EN COHP;\\l:AISON : CLASSIFICATION
DE TYPE OHAHA CHEZ LES GUlmANTCHE
(1)
6. =0
t::. -:=0
1
1_ _-;1
~
o
~ N'Yado
~ =0 0-6
1
~
6N'Yado
=6.
â
N'Yatieba
,
1
1
~
flN'Yado
A.
N'Yatieba
O==/i
â
ego
/ .
A
N'Yatieba'
fr~re de la mêre
-
fils du fr~re de la mare
-
Cils du rils du rr~rc de la mare
-
~~' y ;\\TI :~DA
-
fils
de la soeur
-
[ils de la soeur du père
-
' i l s de la soeur du granù,:-père paternel
(1)
"'''P:·~S C:\\::Tln, N.
"clans, 11gnascsct Groupements Familiaux
C:1C;:'
les
Gourmantché
de la
négion de DI ..\\PAGA,
in
"L'I1omme.,
::e·."Ue F~-,ulçaise ù'Anthropologie, 'fol. VI,
19G("
Cahier 2,.,,_. 5/l.
-
161 _


A côté de la sociét~é lignagère subdivisée en clans
ou lignages autonomes,
se développent
ùe plus en plus
<le s
structures de
type vi~lageoi~s. Alors que dans le temps,
c'était,
entre clans
voisins,
des relations d 1 al1iance
et de serV1ces :funéraires réciproques
(cè -
ku -
taa -
dem),
de plus en plus,
à la faveur des associations et groupements
villageois,
les habitants d'un même village tendent de nos
jours il constituer une entité qui,
tantôt
se
juxtapose auX
unités plus intimes de
clans et de lignages,
tantôt les
coiffe.
L'organisation villageoise
concerne.d'abord les
activités de développement:
constructionS de routes.
(l'éco1e5,
de Centres de Protection Naterne11e et Infanti1e
(PMI),
cIe
dispensaires,
de
coopératives,
etc .••
Ses pénétrations rlans
le c!omaine de
la coutume
s'effectuent trè s
timidement,
[.~
commencer par les
centres urbains et à
travers des actions
de sCJ1ic!arité
:
contribution aux charges funéraires
sans
référence il 1a parenté patric1anique ou matric1anique,
participation aux funérai11es
en grol1pes vi1lageois (cf.em-
ployés des vi11es let non p1us exc1usivement claniques;
en 1987,
au vil1age de N.,
les cé1ébrations' de fin
d' ini-
tiation
(baor)
ont donné 1ieu à une grande fête
vi1lageoise,
bien qu'elles soient
conduites strictement par c1an. Bien
vite des conflits regrettables,
à base de coutumes,
sur-
gissent dmls
cette voie nouvelle qui peut parattrecel1e
de demain.
La position généa10gique,
c1assificatoire ou rée11e,
d'un individu par rapport à un autre dans ln Faroi11e déter-
mine le caractère de leurs reJ.atiOTIB.
.../ ...
-
162 -

Relations au sein de la ~ellule conjugale
D'une façon générale,
les rapports
de l'épouse et
des
enfants au chef de la cellule familiale
sont marqués
par un caractère d ' austérité. Cela s'explique
sans doute
Dar
la
destination
sérieuse
du COUPle qui doit procréer
et
perpétuer la vie,
que ce soit par l'activité
sexuelle ou
économique,
et
qui constitue avec les enfan1l-s une unité
de production autonome.
-
Entre
époux prédomine la loi du devoir
qui oblige
le mari à loger et à vêtir sa femme
a
lui procurer les
vivres
(wobr u)
;
tandis que celle-ln doit
l'assister aux
travaux des champs,
lui
servir l'cau de toilette
(1),
la
nourriture
et lui "apprêter la couchette"
(yèru u
a
si,,;),
aVec
tout
ce que ce raIe implique dans la relation
conju-
gale.
~Ialgré la virilocali té, la femme demeure distante
de
son mari
;
elle vit en compagnie des autres femmes,
no-
tamment
de
ses
"co-épouses", dont les
conflits
sont
légen-
daires
(yê-taa zèbr
querelles intel~inables de co-épouses),
garde
son
"bèlu ll
et
son
lTrlowlu", se réserve
ct 'exprimer cu-
vertement ses
sentiments vis-à-vis de
son rnari 50us.peine
d'être reprimandée et
d'être taxée de libertinage
(2)
parfois elle fait
du commerce occasionnel à' son propre
c.ompte ou à
celui de
Bes parents. Aux cérémonies des funé-
railles t
le
conjoint ayant lUle
dette
envers
son partenaire
(1)
-
Le bain vespéral a lm aspect purificatoire, visant à
débarrasser 1 'homme de
tout
"dèlfT" contaminé pendant la
journée.
(2)
-
De plus en plus,
on rencontre de
jeunes conjoints qui
se promènent
ensemble et
se
cansent.
Il faut
aUssi
sou-
ligner que traditionnellement i l existe w,e relation ùe
plaisanterie
entre l tépouse
et les
jeunes
tlfrères" ou
les
"soeurs" du mari
(sir-bili" et
"sir-powbè")
qui
donne
ltoccasion
d'extérioriser indirectement les
sentiments
et
d'égayer 1 l ambiance.
.../ ...
-
16.3 -

défunt doit la déclarer,
ce ··'lui implique une séparation de
biens personnels en dehors des produits des champs destinés
à
l'alimentation. Il faut, préciser que ·seul 1 'homme peut
disposer des sommes acquises par la commercialisation des
produits agricoles
(1). En retour, il procure les outils
de travail, l'habillement élémentaire, de temps en temps de
la viande pour améliorer le menu,mais pas les condiments
qui sont à la charge de la femme et, d'une manière générale,
traite des affaires de la Famille : i l pourvoira par exemple
aux "dots" de ses "fils" en fonction des degrés de parenté
et des relations de production, aidera ceux-ci, au cas échéant,
à îinancer le voyage au Ghana: ni; Kumasi".. ou en Clite d'Ivoire.
En cas d'insoumission caractérisée ou de mésentente
sérieuse, i l arrive que le mari donne le bâton. Alors l'épou_
se se sauve
chez ses parenta jusqu'à l'envoi d'une mission
de reconciliation.
-
Les rapports entre parents et enfants varient en
selon les deux pôles maternel et paternel. Ceux d'avec la
mère sont empreints d'attention bienveillante et de déli-
catesse, sauf lorsque l'enfant révèle un trait de caractère
qui crée des dissensions au sein de la famille,
auquel cas
i l reçoit des sévères avertissements de
sa
mère~Rarement
les deux conjoints sont d'accord pour une correction à
appliquer à leur enfant, la mère cherchant le plus souvent
à soustraire celui-ci des punitions paternelles et ses
corrections à elle se retournant facilement contre elle en
tant que
responsable
de l'état de
ses enfa...'Ylts.
(1)
-
Jadis i l était interdit de vendre les pro-
duits agricoles sans transformation préalable, sans
doute parce que ceux-ci sont assimilés il
"dèwr" de
leurs producteurs.
.../ ...
- 164 _

Quant à la relation au père, elle est faite d'obéis-
sance,
de respect et
de
sownission
(le retenue
et
de
llisci-
pline. Très tat le père.s:attache son îils, surtout le pre-
mier,envers lequel i l est particulièrement exigeant,pour
l'initier auX divers travaux masculins,
tandis que la fille
s'occupera aux besognes de sa mère,
de
sa tante maternelle
ou encore de sa gr: an de "soeur" onriée chez qui elle séjolU"ne
provisoirement. Ce n'est qu'après le mariage que le garçon
p01ITra r~ver peu à peu de se faire entendre de son père (1).
Aussi arrive-t-il que le dialogue se révèle~alors difficile
et i l s' ensui t ,
en conséquence, peu aprè s la liquidation
cie la "dot" de la jeune épouse, une séparation de champs et
de greniers oU alors l'exode vers la ville ou les pays
voisins.
Cette résignation exigée de l'épouse et des enfants
est sans doute à la base de la répétition des tests d'inno-
cence qui
sont imposés à ces
derniers dans les
cérémonies
post-mortem de l'époux. Car i l est fort à craindre que les
frustrations et refoulemeniB de toutes sortes en viennent "
faire germer de funestes projets. De ce point de vue, on
peut voir dans le mariage préférentiel nOn seulement une
recherche de l'équilibre social
et économique, mais ausni
de ln. sécurité.
Pour éclairer les rolations père-fils, on pourrait
mettre à profit, à un autre niveau de compréhension,
ce que
pense la psychologie contemporaine du complexe cl 'Oedipe
à
l'endroit de l'enfant africain. C'est. ainsi que ~1arie Cécile
et Edmond ORTIGUES mettent l'accent sur l'importance du
groupe et de ses valeurs, qui sont en jeu dans la liquidation
(1) - En cas de célibat, condition qui rappelle l'incapacité
sociale, i l attendra la pleine maturité (état de "dè-kuor")
.../ ...
- 165 -

du complexe ct' Oedipe en milieu africain
:
ici les modèles
cle comportements sociaux ne
sont pas rapportés aux parents
directs mais à
la socié'té' -:
un
"Nous" dans lequel l'enfant
n 1 fi pas un père ou une mère, mais des "pères" et des
"mères".
"Dans le modèle européen du complexe d'Oedipe,
écrivent-ils,
le f i l s
s'imaginent tuant le père.
Ici la pente typique
serait p l u t ô t :
le fils
se référant pur l'intermédiaire du
père "
l'Ancêtre déjà mort donc inattaquable et
constituant
·ses "frères" en rivaux Il
(1).
-.~
C'est à
la même conclusion que souscr i t
Pierre
ETh~ qui se réfère aux travaux de E. et M.C. ORTIGUES :
"Le fait
central,
inhérent au système familial et à
la
métaphysique qui le soutient, nous semble donc être que
l'identification au groupe des fr"res a pour fonction de
neutraliser le conflit avec le père"
(2).
Louis Vincent THO~~S soutient également la même
position;
d'après lui, l'autre mortifère n'est pas le gé-
niteur-législateur,
dans la société africaine,
c'est fina-
lement la totalité sociale qui
dicte
sa
loi au père ou plu-
tôt il la classe des "pères". De ce fait,
conclut-il,
la
civilisation africaine n'est pas 3 base de conscience dû
meurtre et de- culpabilité, mai s plut6t de honte dans la
confrontBtion des "frères"

L'élargissement du groupe
de
socialisation atténue les sentiments d'agressivité vis-
à-vis
du père,
tillldis que l'angoisse
de
castration demeure
ici comme ailleurs leur ressort commtm et la base de difré-
rcnciation des sentiments envers le père ou la mère.
Par
contreJla nécessité de l'intégration sociale pose lm problème
~ la fois de solidarité, de concurrence et de rivalité
entre
"frères"(!~uels aspects revêt la question au niveau
de la société dagara ?Nous reviendrons sur· ce
sujet au Chapitre
III de la-Ille Partie.
(1)
N.C.
et E.
ORTIGUES,"Oedipe Africain",
PLON 1966, p . l l ) .
(2)
P. ERNY,
"L'enfant et son Nilieu en Afrique Noire,
Essais 8ur l'Education Traditionnelle",
PAYOT,1972, p . l l l,
(J)
-
L.V. TlI0MAS,
"L'Anthropologie <le la ;'1ort", p.202.
- 166 _

Dos relations entre frères
Chez, les Dagara, ~leB, ,"frères" sont conscients
de ce
que
ce soit sur eux que reposent les fondements de "yir". Ce
serait donc tme honte pour eUX de compromettre les bases
séctllaires de la société en so disputant Jusqu'à se dis-
socier. Lorsqu'une affaire éclate, ils sc concertent, pre-
nant
soin de_n'omettre aucun,
car,
laissé de
côté,
ce
dernier agirait par sa"mauvaise parole" comme du poison
i l aurait la puissance des Ancêtres de son e8té ,car lui
reviendrait l'avantage d'invoquer l'unité indissoluble de
"yir". }lais cela n'empêche qu'il existe des distances entre
frères suivant les niveaux d'âge, qui amènent les plus
grands à imposer leur loi aux plus jeunes. Le dicton :
lI~lâ ni fau l1ho, c iini nii bi 7" ("moi et toi, avons-nous
garné les boeufs ensemble 7") qui est souvent lancé dans
les
controverses comme une revendication d'autorité,
a une
double référence
l'ordre généalogique et son corollaire :
ln
sot.unission des petits aux grlUlds qui,
comme nul ne l ' i -
gnore, s'apprend aux pâturages, aux dépens des premiers.
En famille,
les parents veillent à faire respecter
cet ordre, quitte à intervenir au cas échéant pour favoriser
les plus petits ou pour les protéger contre les brutalités
nes ainés. Au besoin, on fera comprendre aux enfants qu'on
réserve la part des tout-petits avant la distribution,
ce
qui est tout de même différent de les ser~·ir avant. Mais
c'est à l'ainé, en vertu de son droit d'aînesse, à être
servi le premier.
La nécessité de traiter tous les enfants de même
"yir'~ d'après la coutume, suivant le principe de la fratrie,
n'empêche pas que des groupes d'intimité existent, même entre
enfants de même père. Dans les cas de polygamie,
il règne
-ainsi
une intimité plus grande entre enfants de même mère •
...
- 167 -
/ . ,. .

1
Celle_ci s'occupe de leurs petits soins,
les favorise dès que
l'occasion
se présente t
les ~oriente vers ses "frères"
:
leurs
oncles maternels,
Bes soeurs et leurs enfants
leurs tantes
et
cousins parallèles
(1).
Elle leur enseigne qu'ils Bont "les
mêmes" t
unis
dans la descendance matrilinéaire qui
est
consa-
crée par "bèlu". De ce t'ait,
i l existe en eft'et des droits
cl 'héritage entre eux,
indépendamment de leur appartenance a
tel ou tel
clan
"ils mangent ensemble"
(bè
l&wna dirè).
Nais dès que les oppositions s'avivent entre en.fants de
même
"yir"
. a fortiori
entre ent'ants de mllme "lowr"
(portion
,
de
case)
ou
de même père,
on leur
dénonce leur
sottise de
vouloir démolir la maison paternelle.
Des relations entre grands-parents ct petits-fils
A la différence des relations entre père et f i l s ,
celles qui lient les grands-parents aux petits-fils sont très
ouvertes,
amicales,
que
Ce soit aVec les grands-parents ma-
trilatéraux ou patrilatéraux. Ce qui appartient au grand-père
est pratiquemment à la disposition du petit-fils,
à condition
évidemment que celui-ci se montre raisonnable dans
seS désirs.
Ne parlons pas de la grand-mère et de sa sollicitude qui
abêtit.
Indépendamment de leur "bèlu",
grands-parent s
et
petits-fils eux aussi "mangent ensemble". En outre, par le
caractère de leurs rapports s'instaure une
sorte
de
jeu entre
eux,
de
telle
sorte que dans les rites mortuaires,
le petit-
f i l s
joue parfois le même r81e que les parents à
plaisanterie
(ISl uorbè ) •
(1)
-
Les cousins
et
cousines parallèles sont des
"frères" et
des
trsoeurs".
.. .... / ......
- 168 -

2) Les relations de complémentarité entre "yie"(dowlu)
et leurs caract~res
"No-wogo sob bè dth< mo\\rri u
tuora i"
(Proverbe
dagara)
"Celui qui est blessé par la îlèche ne peut en
sucer lui-même la plaie".
La parenté à plaisanterie joue Q~ grand rôle dans la
régulation des rapports
sociaux ct
clans les
cérémonies fu-
néraires. Le parent à plaisanterie intervient pour "apai-
ser"
(lô)
i l se sert notamment, ii
cet eîfet,
de cendre
qu'il répand sur le sentier pour briser le conflit entre
deux villages; i l en blanchit 'la nuque ou en enfouit dans
la main de l'endeuillé avant de lui annoncer la mort
d'un proche parent.
Il intervient pour dialoguer avec le
mort et apaiser son courroux qui se maniîeste par la
difficulté de monter l'exposition, le blocage du cortège
funèbre,
le mauvais temps et des contrariétés diverses
(1);
ou encore i l procède aux
travestissements 'des tenues des
parents intimes,de peur que le mort viennent chercher
ceS derniers. Le groupe de parents
à plaisanterie se
servira le premier de la bête symbolique de "kowèl"
(ou
(1) -
Lors d'un cortège funèbre à Ouagadougou Qu décès
d'un Dagara,
en Octobre 1979, le véhicule mortuaire
s'immobilise soudain, bloquant la marche. L'interpré-
tation ct 'un ainé amène à recherche un "lô-luon!"
(parent à plaisanterie) qui quitte les rangs et vient
parler au mort,
puis
sans intervention mécanique.
le
t
convoi se remet
en route~
.. '/ ...
- 169 -

bête de dispersion des -funérailles),
sur la terrasse,
avant que les autres "Hèl'U" l'approcherit,
chaque groupe
ayant d'ailleurs,
comme on le verra,
sa partie de la b~te
bien déterminée
(l).
Les sept "bèlu" chez les Dagara forment ainsi cleux
groupes à plaisanterie
Sômê et
"Da"
(Somda, Kpowcla, Mèda-, Dabire )
Kâbire ou Kâbuole et Hien.
Tout comme i l existe une parenté à plaisanterie sur
la base de "bèlu", i l en existe une sur la base du clan.
Lorsqu'une affaire implique tout un clan COmme dans les
cas de conflit armé ou des funérailles,
l'intervenant ne
peut provenir de la Famille (dowlu) en cause. Il sera d'lm
clan à plaisanterie. Alors qu'il est facile de distinguer
les deux groupes de plaisanterie selon "bèlu", i l est moins
aisé de disposer les clans dont le nombre ne cesse de
croitre. Cependant à titre d'exemple, on peut citer Kpièlè
et Gbâanê
; Kpânyânê et GA-nê
; Bèkuônè et Mètuolè.
Enfin ,des relations de plaisanterie lient l'ensemble
des
"yie" dagara,
donc
toute
l'ethnie,
et
certains de leurs
voisins
la plus connue est celle qui existe entre Guin
(Gouin) et Dagara (2)
; mais i l en existe également entre
(1) -
Comme on le verra dans la Deuxième Partie', la bête
de "Kowèl" symbolise le mor-t vJs-à-vis du clan en
cleuil.
(2) -
Les Guin sont actuellement établis à
l'Ouest du
dagara,
dans la région de Banfora. Pour la relation
de plaisanterie, les Dagara confondent en un groupe
les Guin et leurs voisins Karaboro et Turka. Au
Burkina Fas~ on note encore la plaisanterie des
Samo et des Mossi;
des Bisa et des Mossi •••
.../ ...
-170 -

Dagara ct Fra Fra établis au nord-est du dagara,
dans la
région de Léo. Ces relation~ p~uvent s'expliquer par le
fait que malgré leur proximité, sur le plateau ghanéen
où tous transitèrent,
ces peuples différaient notoirement
pur certains aspects,
d'où le besoin de la plaisanterie
comme régulatrice des rapports sociaux. Par rapport aux
Mossi,
certains parlent également de plaisanterie; plus
communément ces derniers désignent les Dagara comme
leurs grands-pères (1),
Ce qui justifient tine certaine îa-
miliarité dans les rapports ainsi qu'il a été dit de la
relation grand-père et petit-fils.
La nécessité du mariage exogamique crée
entre
tTyie B
la parenté par alliance. N~me si, de plus en plus"avec
l'évolution, cet aspect tend à
&tre perdu de vue,
i l faut
souligner que la parenté par alliance est avant tout tme
affaire de clans ou de lignages autonomes. L'échange des
femmes est donc traditionnellement un phénomène collectif
chez les Dagara, très ordonné et non individuel et libre.
Il l ' .est
par le consentement des del~ groupes alliés
;
par la nature de la "dot" en argent,
en boeufs et
en travaux, qui nécessite entente et collaboration
par les lois sociales qui lui confèrent 8ft possi-
bilité -
telles le retour des filles dans le clan
de
leur mère
de préférence,
ce qui
tend à
déter-
miner la provenance de l'épouse;
les relations
(1) -
Voir dans la partie introductive les allusions à la
souche commune des Nossi et des Dagara. Les Dagara
ayant refusé l'acculturation Venue du nord, auraient
conservé les
caraet"ères d 'origine et
donc ct 1 ancêtre .
.../ ...
-
17 1
-

éntre "yie" qui fondent
l ' i n terchangeabili té de
leurs f i l l e s ' ; -la 'sci-ssion des lignages qui
crée
les clans exogamiques/ etc.
;
enfin, par le fait que
ce sont les anc~tresdu
clan qui,
à traverlJ lm sacrifice,
scellent l'u,nion ..
De ce fait,
la relation entre gendre
(diem) ou belle-
fille
(bie-pow)
et beaux-parents est comme une relation
déléguée qui doit Iltre empreinte de respect mutuel,
au-
delà
des devoirs rigoureux déterminé,s, par la réglementa-
tion de la "dot".
I l est de mauvais aloi,
dit-on,
que les
beaux-parents et leurs gendres
(en fait tout leurs groupes)
sc toisent
:
"diem ni diem bè mi nyaw n!ge y!w taa i"
(1).
Parmi les obligations
de la "dot" qui
BUsci tent générale-
m'ent les indispositions,
i l faut
citer les travaux des
champs au profit des parents de la f i l l e .
Durant la saison
des cultures,
le gendre doit conduire quatre fois des com-
pagnons de culture aux champs de "son beau-père",
alors
que ce dernier sollicite encore,
chaque fois
qu'il en
éprouve le besoin,
le concours de
sa f i l l e ,
notamment
pour préparer
"dlia" des associations de culture. A
titro ù'obligations moins strictes,
i l faut inscrire
l'aide au
"beau-père" pour réparer
sa maison en
saison
sèche; la dette de funérail,les de "diem"(gendre)
consis-
tant en un coq (ou en une somme d'argent
équivalente) au
décès d'un beau-père
(diem sAa) réel ou classificatoire,
ou encore d'un "beau-frère"
(daciè)
(2)
pour une "belle-
mère",
ce sera une pintade
(diem-mâ kâo),
alors que la
"dot" en argent ou en boeufs et poulets est plutSt à
la
charge du père,
et, secondairement, de 1'onc1e materne1 si
(1)
-
Littéra1ement,
"beau-père et gendre ne durcissent pas
1eur mine 1'un Vis-à-vis de l'autre".
(2)
-
"Diem-nura",
"diem-mâ kâo"
et "daci-nura"
(coq de
beau-père 1 pintad'e de belle-mère,
coq de beau- frère
ne se donnent pas à tous ces parents classificatoires de
1a belle-Fami1le
(clan allié);
i l Y a
lieu de tenir
compte des degrés de parenté avec les parents réels. En
outre,
là aussi,
i l y
a réciprocité et échange •
. .. .. ! ......
-
172
_

toutefois les relations sont bonnes avec Ce dernier,
notamment
si le neveu ~ été remarqué par Sa collaboration
il la culture.
En plus de ces devoirs définis,
le gendre de quali-
té apportera des cadeaux aux beaux-parents,
surtout à
la belle-mèr;e,qui lui répondra("yllwfu":
respect), et i l se
fera remarquer par
la correction de sa conduite
;
ainsi
les échanges ultérieurs de femmes entre les,.,deux "yie" en
seront d'autant facilités. Et bien plus,
en cas de veuvage,
l'époux distingué pouvait obtenir, surtOtlt dans le passé,
le bénéfice du sororat lui permettant de
se remarier à
l'une des soeurs ou cousines de la défunte.
Dans le
cas d'un rei'us de payer la "dot" qui
suit
le mariage,
c'est-à-dire celle en travaux de culture,
qui
(~llre parfois plusieurs années (1). ou celle'
en boellfs,
le beau-père rappelle sa fi.lle
:
i l la "retire"
(faa)
et
pose les conditions de son retour,
qui vont généralement
clans le
sens d'une liquidation totale de la "dot".
lnutile
de dire que le décès de l'épouse en pareille situation
irrégulière occasionne un conflit,
tout comme sa mort
chez son mari avant le paiement complet de la "dot"
(2).
I l serait trop long de
s'étendre davantage ici
sur les aspects que peut revêtir les relations de parenté
par
alliance.
Fondées
sur dos sentiments ct 1 estime réciproque
(1)
-
Un informateur
aVoue en
avoir accompli pendant
quatorze ans pol.tr sa première femme.
(::')
-
Seul le ver sement de la dernière "clot "(na-bara
"dernière vache")
qui pellt consister
en une
somme
équivalente
en argent,
donne
drai t
au
corps
de
l'épouse
en
ca."3
de
déc(~ s ,Sl:U1S litige.
... / ...
- 173 -

et d'obligatio11S :fermes,
sources d'uPP?rts
substantiels
aux par~nts de la fill~ ~~i~; ~ar~ois aussi par le biais
<i" l'épouse.
ci: d" sa progéniture, à la Famille
du conjoint
(:f) J cell,:,s ... (:i
se présentent
comr.1C l.Ul type privilégié
de relation,complémentaire de celui qui existe entre
parents aU niveau du clan
(yir,
dowlu).
c)
Les groupes de
services réciproques
-.~
On peut
se référer à la définition que donne J.
GOODY de ces groupes : vis-à-vis cl 'un lignage patrilinéaire,
le groupe do
services réciproques est constitué par un
autre lignage de m~me souche, mais séparé depuis un cer-
tain temps,
de telle sorte qu'il existe entre les deux
groupes une parenté éloignée
(2). Généralement la sépara-
tion est intervenue pour faciliter le mariage entre les
membres des deux lignages. Mais en fait la nécessité pour
tout lignage érigé en clan d'avoir son groupe de services
réciproques l'amène,
dans un village,
à se donner commo
groupe réciproque tout autre lignage de la localité aVec
lequel i l vit en bonne entente. Le domaine principal
cl' intervention réciproque est
celui cles funéraille"s où
les "cè-ku-taa-dem"
(groupes réciproques). sont chargés
Llc
diverses activités:
exposition du mort, forage de la
tombe et enterrement, consonnnation de la bête symbolisant
le mort
(cas de l'honnne) en tant que cultivateur, Conserva-
tion du carquois du défunt jusqu'aux dernières funérailles •••
(1) -
La fille a le droit de "voler" le mil de son père ou
de ses frères, même au grenier.
Si elle
séjourne
chez ses parents en période de récoltes,
elle apporte
son aide, puis se sert raisonnablement.
Son enfant recevra de son oncle maternel
(le
frère de sa mère) le cadeau de poule qui,
s ' i l l'lait
à Dieu, le fera possesseur un jour d'une vache.
(2) -
J.
GOODY,
(op. cit.) parle de "linked patrilineage" •
.../ ...
- 174 _

Dans certains cas, plutllt qu'à la réciprocité de
services t
on a
affairé à ·'U1.'e :fonct.ion qui découle de la
parenté
l'exécution du bain puriCicatoire de la veuve
revient aux tantes et aux soeurs classificatoires du
mort. Le berceau du bébé est à la charge d'une tante
maternelle
(soeur de sa mère)
; la mère en deuil de son
enf'ant est emmenée par les Cenunes de la maison paternelle,
notamment ses "mères" t
etc... Parfcis aussi. au lieu de
services réciproques,
i l s'agit de ludiîic;tion ct 1 actes
qui auraient pu, à l 'o:r:igine. provoquer un.· conCli t
et
qui tournent au jeu du Cait de lu r6ciprocité et du re-
recours à un comportement régulatoire socialisé. C'est
par exemple le cas de la razzia simulée à la Cin des der-
nières Cunérailles par les frères de la veuVe. EnCin, i l
existe la réciprocité des échanges de cadeaux entre amis:'
"baalu" entre deux hommes,"cllnu" entre deux Cilles
"sênu" entre garçons et Cilles
(amitié mixte) qui mérite
un examen particulier.
d) La relation d'amitié
(baalu
cênu,
sllnu)
Parmi les rapports de complémentarité entre "yie" ,
la relation d'amitié est très Créquente et très importante
par la vie des sentiments et les échanges de cadeaux et de
services qu'elle occasionne.
Entre jeunes gens, l'amitié
(baalu)
conduit à des
interventions réciproques en travau..~ divers, notamment en
matière de culture
à des invitations à "dâa" (bière de
mil), à des échanges de pattes de gibier('';·ba-gbèr'' :
'patte-avant de l'ami".),etc ••• En cas de décès, l'ami
apporte un coq (ba-nura) qu'il suspenrj au hangar d'exposition
- 175 -
.../ ...

t.tre
ou qt1 til remet à
celui
qu-'il
estime/il m~me de remplacer
le disparu.
I l peut en"or;(: 1.0 remettre'à la Famille du
..ld:'lI.nt
qui lui
désignera lUl substitut après
conseil.
Entre femmes,
l'amitié
(côn'])
conduit à
des échan;;es
de pots et cann.ris en argile -
maintenant d'assiettes et
de pagnes
- :de
calebasses,
de paniers;
il. des services
réciproques de bois ùe chauffe,
etc •••
En cas de décès
de l'amie,
l'autre oîîrira les m~mcs cadea-ux ii la morto
en propre ou il.
ses parents en Vtle
de
se Îaire
désigner
Ulle autre partenaire.
Hais la forme
d'amitié la plus importante par
l'ampleur de
sa relation,
demeure saliS doute celle qui
lie I.Ul homme et une femme .(s&nu).
Elle donne à
l'un et
ù l'autre,
surtout à la femme,
de vivre
de doux sentiments,
loin de la rigueur du domicile
conjugal.
La femme manifeste
alors ses
sentiments, plus ou moins vrais du reste, mais
en tout cas créant un monde différent de l'univers conju-
gal,
sans toutefois aboutir à des relations sexuelles
complètes. Elle
sera invitée au cabaret où les e),pressions
sentimentales se donnent libre cours;
i l arrive que les
amis boivent ensemble dans lu même calebasse
(gbab. dthll,
s'asseyent
jambe dessus jambe dessous
(dowli gbè.è),
etc.;
inutile d'en induire ici les corrections corporelles,
de
retour aU domicile conjugal -
lorsque les compagnies sont
suspectes,
les rentrées tardives ou les besognes domestiques
abandonnées -
voire les "réparations sexuelles" exemplaires
qui en déeoulent.
Aussi ,de nos jours,
les jeunes acceptent-
i l s mal cette forme d'amitié et lui préfèrent-ils l'amitié
par couples.
.../ ...
- 176 _

Souvent
dans
" s Bnu",
1 t échange de
cadeaux

rappelle ce que dit Harcel (lAUSS du " po latch" des Polyné-
siens,
les amis essayant à tour de rÔle de se dépasser
en manifestation
et de s'écraser l'un l'autre.
Pour un
pot de beurre,
l'ami enverra en retour une pintade et un
panier de produit agricole,à la f~te des récoltes
(burny~);
son amie répliquera par l'envoi de boules de "soumbala"
(lcal)
destinées "à la préparation de sa nourriture", avec
en plus un soc de
daba.
Le deuxième envoi "de l'homme
tendra à doubler en valeur,
et ainsi de suite
(1). Dans
cette course,
i l arrive parfois des contre-temps fatals
à la poursuite de l'amitié,
étant donné la "honte"
(v1i)
que ceux-ci occasionnent:
i l s'agit des cas où l'ami(e)
pour une raison ou une autre manque de répondre.
Aujourd'hui -
moins dans le passéJeu égard au carac-
tère
spécifique de l'amitié -
ccrtaiaes amitiés de
jet=es
gens débouchent sur le mariage. Par contre, jadis,
dans
l'ami tié avec une femme mariée,
quoique exceptionnellement,
l'intimité de l'amant,
son insertion à la vie de la fa-
travaux des'
mille, m8me sa participation aux /champs au profit du mari
légitime, pouvait lui valoir l'autorisation d'avoir des
rapports sexllels avec sa
"s~n". Nais au préalable', il
devait payer une
dette pour la "réparation de
sexe"
(pa.:.s·!ln)
que
l'immixtion'
de son "dè",r" rendait indiepensable.
Cette dernière !~orme d'amitié croisée dite "s~sê sèla"
(amitié noire) a
été
considérée par les étrangers,
tel
nanri LABOURET,
comme une forme de polyandrie dagara.
En
fait,
i l faut mentionner
que les enfants issus ne t,els rop-
ports avec l'amant appartiennent au mari·légitir.Je.
(1)
-
Ce cheminement retracé iei est purement indicatif .
. . . 1· ..
- 177 .:

Sous l'influence de la religion chrétienne autant
que
des idées modernes ho ".s.~n':l"
~t il plu·s forte raison
"sêsê
sèla"
tendent à
disparaître
dans les
zones acquisos
au;,: vérités nouvelles.
SO~!E B. Bozie y ajoute une raison
non négligeable,
à
savoir le rell\\chement des moeurs qui
nc pourrait que conduire de telles pratiques à
la dissolu-
tion des foyers
(1).
L'intimité des sentiments et des rapports amène le
partenaire à porter le deuil de
proche:
parent
à la mort
de l ' . ami.
(surtout les
amis',
croisés') et à faire aux
funérailles une profession publique de leur amitié
(muolu),
appuyée d'un cadeau qui,
comme i l a
été dit
ci-dessus,
est offert en holocauste au mort
(canaris de "d!a", pots,
calebasses
••• brisés) ou est remis par le
conseil du
lignage en deuil à
un remplaçant
(2),
selon la volonté du
donateur.
(1)
-
SOME Bozie 1
article
ci té sur,HLa Parent'é
chez les Dagara,
.App4!Ilations et Attitudes".
(2)
-
Nous reviendrons sur les pratiques de
"muolu" dans
la IIè Partie.
Il faut noter que le cadeau de l'ami
abandonné au hangar d'exposition revient aux fossoye~rrs:
le donateur dans ce cas n'attend pas un partenaire de
substi tut ion •
.../ ...
-
178 -

c HAPITRE II - LES CONDITIONS DE VIE DU DAGARA.
----------
-------------------------------
Pour afficher en quelque sorte le statut du
Dagara traditionnel,
i l faudrait dire que c'est un agri-
culteur, un éleveur et un chasseur qui pratique le com-
merce occasionnellement,
en rapport direct d'ailleurs
avec les autres activités.
Il existe aussi divers types
d'artisanat:
vannerie,
forge,
sculpture,
couture,fabri-
cation d'instruments de musique notamment de
balafons
et de
tambours, extraction du beurre de karité, brassage
èc la bière de sorgho,
etc.,
dont l'importance est incon-
testable, mais qui demeurent secondaires au regard des
~randes occupations que sont dans l'ordre de priorité,
l'agriculture, l'élevage et la chasse, auxquels s'ajoute
le commerce qui a été avant tout, par le passé, une manière
de vivre son métier en relation avec les autres et qui,
en
cela, était dominé par le troc, mais est en train de pren-
dre de nos jours une nouvelle dimension; L'harmonie qui se
tisse dans le fond culturel Dagara entre ces diverses ac-
tivités, les r81es qui sont définis pour les différents
représentants,
enfin les statuts qui sont réflétés au ni-
veau des comportements et des mentalités sont spécifiques
de la culture et du mode d'~tre des Dagara.
PARAGRAPHE l
-
L'AGRICULTURE
Comme beaucoup de leurs voisins Burkinabè ou
Ghanéens:
Gourounsi,
Bwa, Mossi, Lobi,
Bobo-fing,
etc.,
les Dagara sont des agriculteurs. Mais cette activité est
tellement enracinée dans leurs moeurs qu'elle
rev~t une
signification typiquement Dagara, à tel point qu'elle im-
porte autant comme moyen technique de production de vivres
.../ ...
- 179 -

que comme voie d'expression' d'un ensemble de valeurs cul-
turelles et comme dimension de l'homme dagara. Les Dagara
. ,
.
sont conscients de cette importance'; voire de cette spé-
cificité,
quant à
eux,
de l€ur
agriculture,
et i l est dif-
ficile de faire admettre à un natif demeuré dans les limi-
tes de son monde que d'autres peuples sont des agriculteurs,
cor.une lui.
La preuve n'est-elle pas que les marchés régionaux de Koko-
libou et Zambo par le passé, de Hamile, ~ la frontière gha-
néo-burkinabè et, au coeur du dagara~' de KpaI, Dano et,
de-
puis une période plus récente
Dissin,
sont de grands centres
de commercialisation de
céréales,
tandis que dans la région
de Diébougou ou la population est déjà plus composite (1), la
production est accaparée sur place et son volume échappe à
l'attention?
Av'ant d'envisager là signification culturelle de
l'agriculture chez les Dagara, i l convient de présenter le
fait,
dans ses grandes lignes.
1. -
LES TECHNIQUES CULTURALES DAGARA
Apparemment les techniques culturales dans la
savane soudanaise,
aussi loin que celle-ci s'étende,
sem-
blent identiques :
on y
débrouissaille, laboure et sème,
en
utilisant hache et coupe-coupe~' pioche et daba. Puis à lon-
gueur des'années,
la
terre
s~appauvrissant, on l'abandonne
en jachère, quelque temps,
afin qu'elle se refertilise
; au
besoin on se déplace de site en site dansl'a~~e d'occupa-
tion de son clan ou de son ethnie et, au cas échéant,
en
immigrant,
comme le font surtout les Mossi à l'heure actuel-
le,
au sein d'autres populations. Hais aVec plus d'attention;
(1)
On y compte des Dian, des ~v~~ des Mossi, des Dioula,
les représentants de CeS deux dernières ethnies étant
surtout des commerçants. Le m@me phénomène est sensible
également à Dano qui compte une forte population de Mossi
immigrés et quelques Mandingues.
. .. / ...
-
180 -

on remarque qu'il
e~iste'Une- grande variété dans ce vaste
ensemble tant au niveau des moyens techniques de travail,
des savoir-faire que des types de cultures.
Comment spé-
ci~ier en cela les Dagara ?
A)
-
Les outils traditionnels de culture
Une fois que "Teglln-sob"
(cn.ef de terre)
a
Drocédé au sacrifice qui inaugure le champ,
la brousse est
.:\\ttaquée à
coup de haches
(ltlè-cièri",
singulier "lèr-
cièra")
et de coupe-coupe,.lesquels servent à abattre les
a"bres et les buissons,
tandis que les pioches
(lè-pali)
servent a déraciner les touffes d'herbes.
Ces travaux (pi-
re iru) se situent généralement avant les premières pluies,
à cette chaude période où, comme on a l'habitude de le dire,
"tous les habitants des trous"
(reptiles)
sont dehors. Par-
fois aussi ils ont lieu juste après les dernières cultures,
au mois de Septembre,
surtout pour les extensions de champs.
Aussi,
sont-ils précédés de la première célébration cultu-
elle des ancfttres, la seconde ayant lieu peu après les ré-
coltes.
Il s'agit en effet de demander aux Ancfttres,
dans
le sacrifice,
"que les feuilles qui seront empoignées pour
"
nu
la coupe
soient vides,
innocentes tl
:
"kè a
vaar i
zawla".
Le
feu est ensuite mis a~~ tas d'herbes
et de bois,
ainsi
qu'ûtU troncs des gros arbres dont l'abattage demanderait
tm trop grand effort.
Ainsi dès que la grosse pluie qui
annonce le début de la saison pluvieuse
(sa-zaba)
tombera-
après les "pluies des brQlis"
(vOu-vuule saa)
-
on pourra
procéder au façonnage des buttes ou atu labours s ' i l s'a-
,r:;i t
de
semer sur terrain plat,
comme on le
fait,
par
exem-
pIe,
de l'arachide
... / ...
-
181
_

PHOTOGRAPHIES D'OUTILS ARATOIRES DAGARA
De la gauche vers la droite
'1
et 2- "Lèr ciè-
ra ou
l'lèr dira Tl :
hache coupante
J- "KV-dora":daba
\\houe) de sarcla-
ge
4 et 6- "Ku-fala"
ou 11ku_fora ll : da-
baChooe) de butta-
ge ou de rebuttage
5- Il Tuba l' ,
hache à
soc emmanché par
une extrémité en
pointe conique.
Celle-ci,de peti-
te
taille,est uti-
Lisée pour semer
(lèr bura)
7-"So-cièra ll :cou-
~:e-coupe
ô-" Lèr palu"(ha-
cne à soc emmanché
par un anneau coni-
que,à la différence
de "tuba").
On rem&rque sur le poulailler
ùn chapeau de grenier à mil(ci-
bowr)
;contre le mur,
un siège
traditionnel masculin,
tandis
qu'au
premier plan,
le siège
- mixte - est d'importation ré-
cente au dagara; à l'extrême
droite, une gouttière utilisée
~abituellement pour évacuer les
eaux àe la terrasse
principale
( celle de "cara").
-
182 -

POUl'
façoriner
l~s IJllttes,
les
Dagara
se
ser-
::cn J..:.
rl 'une
grande
daba
(l<::u-J'<:l.la ou Itu-fora),
tand.is. que
.')OU!'
sarcler,
i l s
se
servent
d'une
daba plus
légère
(ku-
::ori1).
Les
remmes
utilisent pour
semer,
un piolet
(lèr-
;-'11_;:a).
Plus
tard,
pour le .repi.qul:-t:";c des plants,
elles
c::lploieront
"lèr-palu"
(pioche)
ou encore
"lèr-hura ll •
Quand on connalt la diîîicuTti dans le passi
t~' c.::traire le fer
ou d' en obtenir des morceaux assez
im-
~_)ort.:m.ts, on comprend
tout
le
soin qu'un cheî de
"lowr"
(yo"tion de case ayant l'autonomie économique) met à doter
son personnel
des
outils indispensables aux travaux des
(~::"....rcrses saisons. L'outil est entouré d'un respect reli-
;-;icux qui dicoule du rattachement du t'er aux entrai.lles
de
HT~gan" en tant que"Terre-clivinité" et il fait l'objet
(le
nlusieurs interdits
(1)
on n'enjambe pas la daba,
"elle est
trop
grande pour celn"
r:t
p::énéralement
elle ne
I?!anque pas
de
hlesser
celui
qui
l'oublie.
A l'exception
(~U cultivateur fatigué qui prclHl,
[l,reC
tout un
art:,
C}uel-
~~ll.c;S minutes de repos sur le manche recourbé de sa daba,
Oll
ne
s~ sert pas de la dalJa comm0 stè,~e
on ne la
jette
Das,
bref autant
de pr~cautions (l'usage que la ronction de
l 'o1Jjet
érige
en normes
de
comportements
sociaux.
"kuur"
est
consti.tué
d'un
soc de
forme
carrée
ou rectangulaire de
20 à
25 cm de
c6té
se terminant par
llilC
pointe d'environ
10 cm
de long qui
permet de
ltemman-
c:;ci.~ dans un morceau de bois courbe, taillé et lissé, la
~~lCC COncave du manche et celle rlu fcr ~tant ori~nl6es danR
le m~me sens
(voir
photo,'!:rBphie,
page
1G2).
(1)
Il Y a aussi le ~ait que c'est par lui qu'on obtient
ln nourriture,
source de vic
sacrée .
.../ ...
-
183 _

C,:;(;tc
rorme
de l'instt;"':lJTle,nt. .qui
est.·distinctive des
na~ara
lui
donne une grande maniabilité
entre les mains
de l ' u t i -
lisateur.
I l
diffère
de l a ctaha bobo
qui
a
un
énorme
soc
ct un tout petit manche
en forme
de
crochet,
légèrement
~ont6. Cette dernière ressemble a peu de chose près A la
,I0.:)a
des
Guin,
Karabro
et TurJ:a.
Quant à
la daba des mossi,
r l l e
ressemble
à une lari',e pioche (lèr palu)
ctagara,
cc qui
j u s t i f i e bien son u t i l i s a t i o n :
les Mossi
habituellement
ne montent pas
des
buttes,
mais
s~ment sur terrain plat.
-
"Lèr
cièra"
a
un soc
triangulaire
dont
l'ex-
tr6mit~ correspondant à la base
est
aiguis~e et sert â
eoui)er le hois
l'autre
bout
(lu triangle,
en pointe,
s'en-
~O!lCC dans le manche, mais il peut aussi ~tl~e conique et
(~11~iler celui-ci,
ce qui
l(~ rend plus r~sistant.
-
"Lèr palu"
:
hai1itucllement,
i l
a
la
forme
(1_'"'-.1.l1C
daba de
petites dimensions,
de
15 cm sUr
20 environ,
C~lT~1;:\\:nché à un bois en forme de crochet, par un anneau co-
:::''';.c:'~uc, COmme "1èr
cièra".
Hais
j.J. peut
~tre emmanché éga-
l("!~ll~l1t selon le premier macle de uJ.èr cièra" (le bout poin-
tu anfonc~ clans le manche)
i l
est alors moins
r~sistant
~t 0]1 J.'appelle "tuba".
-
"Lèr bura"
est U1l "lèr palu"
de petites di-
!:-:,c:lsions,
généralement en .CO.!ï!1C
(le
"tuba",
assez léger pour
~t:'c tr~s maniable. Il doit etrc lev~ facilement par une
!:1;lin,
tandis
que
l'autre
tient
ln calebasse
de
graines
et
CJl
laisse
tOlnlJer dans
le
trou qui
est bouch~ du pied aus-
~it8t, dans l'avance (1).
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
~~emailles et repiqua~_rc rû ....ri(~ru1ent traditionnellement
aux
femmes ..
. .. 1 ...
- 184 _

Lors de la passation du droit de propriété
'lu ~(~re rléfunt 3
ses
enfants,
i l
cst remis
~ ces (Ier-
r(~st{!S
n:'.r::::s,
il titre symbolique, quclC'Jues vieux! de ces instru-
ncn1.:s.
De nos
jours,
l'6volution des moyens rIe cul-
tures a
atteint le dagara
ct on y
compte plusieurs dizai-
nc~ ll'attelages. Mais au d~part,'tcette mani~re'de se faire
t~~!ner", sinon "de se raire nourrir par des vaches"
a
rCJ~contr~ des résistances non seulement du point de vue
tecJ~nique, mais aussi psycholo~ique et cul turel.
En
eî-
:~ut, i l a fallu vaincre la dif'ficul té d'associer l'homme
ct l'animal,
alors qu'au ni~'cau des repr~sentations, l'ins-
~Lrumcnt lini t par ~tre assimilé C\\ son possesseur (1).
u)
- Les
techniques
de cultu]~e
Par un
c6té, les tcc!1TIiques culturales des
~J2.:['.ra dans leur ensemble sont semhlables à celles d'au-
t:::es 98uples voisins
et
d'AL'rique.
Si
d'une
certaine ma-
rL:_':::].~e, cela constitue une .zarantie pour un minimum d' ef-
··icacit~, cette appartenance au contexte africain qui
r;cr,leure largement
traditionnaliste
et peu
industrialisé
.si tue
ces
techniques
comme
élémen-ts
de
structure
d'une
économie
de
subsis tance.
Toutc~_~ois l ' agricul ture dagara
~ ses caractéristiques propres ct ses avantages
ils ont
CT.d.t notamment
à la nature du terrain:
comme nous
l'avons
".-U,
l e pays
occupe
en
grande partie les riches
bassins
du
?1oul!.oun
(Volt.a
Noire)
q u ' i l
encadre.
D'Ol]
une
grande
va-
J:~;_t~té de cul tures et de tecbniques culturales impliquant
t~as ~eu d'utilisation des en~rais et autres amendements
,l.CS
sols.
\\'Oll'
au
ctlapi tr(~ 1.1
la ;'"1.0 tion
de
"dè",r t1 •
I l
aurait
fal-
lu que
les
Dagarél ne
consor:!!:~asscnt ]:J~~~aclle pour ac-
Cl~ntcr é\\is(~ment son a.ssociation dans l'agriculture •
. . . ! ...
- 185 -

N~arllnoins, les Dagarn excellent dans certains
tl~,:)i tements
traditionnels clen sols
ils recourent atlX
~~"oc6d~s cte l'assolement ct de la jach~re. Apr~s avoir la-
;)OlE-&
la
terre pour semer de l'arachide,
ils la remettent
en buttes pour la culture du sor~ho rouge,
puis du petit
[~:il ou vice-versa. Ensuite, les buttes pourront ~tre cas-
tié:es
pour servir de nouvcau de champ
d'arachide,
et le
c:"cle recommence.
Lorsqu'un tcrrain a
servi plusienrs an-
n6cs tle suite, i l est laiss& en jachare ~our une referti-
li.sution par les plantes,
les herbes
et les d~bris maturels.
Le brGlis des ti~es ct des brouissailles en-
::ass6es d'endroit
en endroit,
clans le champ
(vaaral,
a
l'~~proche (le la saison des 91uies, constitue ~galement un
;E~oc(~cl~ de fertilisation qui est d'usage courant en Afrique
(~~ en particulier chez les Dasnra. En mati~l-e d'engrais,
,:::,·,;u::-ci se servent du fmnier,
surtout dans les champs de
case, produit
Cacile il obtenir vu que chaque maison dispose
(1t6'~nbles ~ ch~vres, a moutons, a volaille et m~me i
boeurs,
s\\.1.rtout par le passé où les maisons constituaient des
en-
scr.lbles plus
importants qu'aujourd'hui.
La variété des
cultures et l'honneur que chaque
c~1er cie "1 owr " (portion de la "maison-forteresse") met à
lc~~ couvrir sinon toutes du moins les principales, entratne
unü autre
technique propre ntc,;: Dagara,
sans
exclusive des
~cuples voisins
c'est l'associ~tion des cultures. L'ara-
c~l:idu et le petit pois de terre,
le sorgho rouge
et l~s
~1~ricots bruns (b~w-daa)t le sorgho blanc ou le nlillet et
le~ !laricots blancs, sont llabituellement juxtaposés sur le
!::Ie~:lC; terrain. Cet t e pra tique suppose une bonne connaissanc e
des l)lan1...es
cultivées e1... de leurs besoins nutritifs,
aequise
11nt"
l'exp~rience ~t consac]-ant la qualit~ de grand agricul-
tell.;':
reconnue au Dagara.
De m~I:1c,
les bordures des
champs,
... / ...
-186 _

Lt~S pieds des ,~rosses huttes (kp~tol-bèrè), a proximi té
'~<2S cases, sont jalonnés de divcrses J'euilles a sauces
"j~.~;boroll, ilbir" ou "bèrsi (da)", 'Saal u " (gombo), etc.,
~'::ndi.s que l'association du sorgho rouge
et du mais dans
le.''':;
champs de case
semblc pro'\\rcllir Ll la
[ois d'impéra-
~:i.r..s technologiques et sociologiques
elle répond
en
c.~~·ct ~ la possibllit& de SCIller a la rois ces deux plan-
tes,
la deuxiènle se r~coltant plus tet et r~condant en-
~ui~e le terl"ain au prorit (le la premiêre
de plus,
les
c3,~ces sont pr~coces et pernlettent le dégagement de la
(:ei,~anture de bonne heure en L'aveur des b~tes. Enïin, vu
la J"ertilité des champs de case,
c'est de l~ que seront
tirés les meilleurs épis de
sorg:1o qui
seront conservés
sous forme
de gerbes comme .futures semences,
mais aussi
;1our les occasions des funérailles
où celles-ci donnent
J.j.(!U
a eles ext)ibitions et ~ des écllanges entre Familles
C1-~ r:uise de contribution aU:-~ !~l~ais .funéraires et de té-
1:10irnage d'amiti~.
c)
-
Les
types de chaI!1j'ls et les variétés de cultures
a)
-
Les cultures vivri~res
Les
Dagara pratiquent diverses sortes cIe cul-
tures vivri~res en Fonction de la qualit~ du terroir et
(~es trois types de champs dont ils disposent, ~ savoir
-
le champ de case
"tlt.puo"
(devanture de maison)
et
"pole"
(petit champ),
-
le grand champ
"mu6-puo pua"
(cllamp de brousse)
ou
"po-kplle"
("rand champ)
-
ct le "champ de marig;ot"
Co;b!ln).
... / ...
- 18'7 -

Dans le premier type de champ qui
se subdivise
en "ttl·.puo"
et "pole"
(petit
champ).
on cultive sur "ttl' -
puo" le maïs,
le sorgho rouge,
avec
de nombreuses plantes
È\\ sauces,
telles "yowè n
(cour.[e),
"niri"
(concombre),
"bir,
bèrsi",
(da),
"j!\\gboro",
"saalu"
(gombo),
etc •••
Les feuilles
ou les fruits
de
ces plantes à
sauces,
sé-
chés
et stockés
soigneusement,
constituent un appoint in-
('ispensable au menu familial,
qui ne doit pas s'épuiser
i:\\"/ant la nouvell e
saison pluvieuse.
Dans
"pole u ,
on
cultive sorgho rouge
(ka-ziè),
petit mil
(ziè)
et haricot
brun
(bl!w-daa),
ainsi que
l'arachide et le pois
de terre
(11s!_mie'I
et "s!i-ghile 1').
DAllS le
"grand champ"
qui
se dit
simplement
"puo"
(champ)
ou "mao-puo puo"
(champ
de brousse)
on cul-
tive
de préférence les produits les plus
tardifs
à la
maturation:
petit mil
(ziè),
sorgho blanc
(zèlè)
haricot
hlanc
(bèw-pla).
Parfois,
surtout de nos jours où les
champs de case sont devenus
très
insuffisants du
fait
de
l'accroissement
de
la population,
on y
rencontre aussi
le
sorgho rouge,
mais gare aQ~ sinzes et aux oiseaux.
Enfin aux abords
des marigots,
dans
"gbll.ml!-
pua",
on trouve le riz,
l'igname,
la patate,
les
taros
et aussi
du mars que singes
et oiseaux disputent aux cul-
tivnteurs.
Aujourd'hui la pratique des
"zardl!"
(jardins)
a
été introduite au Dagara j on y trouve, m~rne en saison
s~cl1e, des zones encloses o~ l~on cultive tomate, salade,
oananier,
citronnier,
aubergine
(kllbie),
"saalu"
(gombo),
courgette.
. ... ! ...
- 188 _

b)
- Les' cultures de rente
La culture traditionnelle de rante est très
i"éduite chez les Dagara. H~me l'arachide, qui était cul-
::ivée en grande quantité,
était surtout consommée grillée,
bouillie ou en sauce. Une partie cependant était vendue
dans les
lieux de rencontre publique:
marchés,
funérail-
les,
occasions
de recensement ou de vaccinations anti-
endémiques,
etc ••.
La principAle culture traditionnelle de rente,
c'est le tabac.
Après la récolte du mars, dans le champ
,le case ou dans "gblln" (champ de marigot) les grosses but-
tes sont cassées
et refaites. Le
terrain fertilisé par
les tiges de mars en putréfaction est pr~t à recevoir les
jeunes plants
de tabac qufon a pris
soin de
faire
pousser
sous un couvert à l'abri du soleil. Lorsque les pieds de
tnbac auront
grandi,
les
îeuilles jauni~santes seront pro-
~rcssivement recoltées, pilées dans un petit mortier et
conservées
sous
îorme de
boules noirAtres
qui
seront ven-
<.lues au marché ou échangées
contre d'autres produits,
ou
encore écrasées
en une poudre îine,
savamment dosée de
potasse et destinée
aux chiqueurs ..
Les cultures de rente d'importation sont le
sisal, le sésame et le coton qui ont été introduits par le
colonisateur ..
Les deux premiers
tendent à
disparattre
tan-
dis que le second gagne progressivement du terrain aux
déuens de l'arachide,
en m~me temps que se développe, Bur-
tout
du ceté
bur1<inabè,
l'industrie
textile ..
. ../ ...
- 189 -

Le riz 'qu:i· démeùre un aliment d'occasion est
surtout cultivé pour la vente. Mais l'exigurté des plai-
nes alluviales aux alentours des marigots,
la densité de
11~lerbe en ces lieux, la r~sistance du sol mar~cageux
nu:·;: coups
de pioche,
la dif'f'iclüté de préserver les ré-
coltes contre les b~tes et les 1eux (1), les risques en-
courus
dans l'entretien d'une rizière dans
ces
zones peu-
~lées de mouches tsé-tsé, de moustique~t de sangsues et
(le bilharzies,
limitent beaucoup la culture de cette den-
rée qui,
pourtant,
est de plus en plus utilisée dans
l'alimentation.
Par la grande variété de ses cultures,
les
Da,':r,ara
t9.chent de
s'assurer au mieux contre la disette,
quel que soit le régime des pluies;
ils gardent en effet
en mémoire le souvenir de la grande
famine
qui
sévit si
dt~ement au début du 20 ème
siècle que les anciens en
sont encore hantés par le spectre terrifiant
(2).
D)
-
Les associations de cultures
L'organisation dûs
cultures sous
forme
d'asso-
ciations,
chez les
Dagara,
est typique
au point de méri-
ter
ttne attention particulière. Mossi,
Bwa,
Samo,
etc.,
pratiquent également le
système d'association par groupes
(1)
Le riz se ricolte en m~me temps que d'autres ciriales,
et à une piriode oÙ la garde des b~tes commence à se
rélllcher.
( 2)
H. LABOURET
situe la descente des Peul vers le Dà~
gara en
1914, année de grande .famine,
surtout sur le
plateau Mossi
(in "Monographie du Cercle de Gaoua'ims,
p.
9ft}.
... / ....
-
190 -

d'Age,
de sexe ou ~e' quartier ••• ~our les travaux agri-
coles, mais i l semble que le phinom~ne, chez les Dagara,
rcvate une structuration et une àimension culturelle
p~rticulières.
Il n'importe pas seulement de se présenter dans le groupe
ct d'y travailler, m@me en t!\\chant de se distinguer par
son ardeur comme ailleurs
; i l faut
encore satisfaire à
des oI)ligations
strictes
définies en "parts tt ,
mesures
sensiblement variables selon les
types de cultures, mais
ré-rlétant un certain souci d'homogénéité lors de la m@me
rencontre
(1).
A chaque invitation ou association,
chaque
cultivateur individuel doit normalement labourer "deux
parts".
Mais,
vu le cumul
inévitable des
associations dans
le village ou le quartier le m~me jour, un système de
délégation ou procuration est institué et un membre pré-
en
sent peut/représenter un, deux OU trois autres.
Dans ces
cas,
i l doit ajouter pour chaque
membre représenté une
f1!.Jnrt" supplémentaire.
Ainsi,
s ' i l représente en m~me
temps un autre
(il est alors "tè"-taa-sob"),
i l doit as-
SUfilCT'
trois "parts"
;
gtil compte pour trois ou quatre
personnes, i l est alors "mwrmè-sob"
et doit labourer
quatre ou cinq'~arts". I l existe ~vide~nent des cas o~ ce
cwnul qui devrait permettre de réduire considérablement
les dép~acements en m~me temps que la somme rte travail da,
au titre de la journée,aux uns et aux autres,
en stélar-
gissant occasionne à
son tour son lot.
de contraintes.
(1)
Une
"part"
("nuor"'ou "ko-nuor")
est une parcelle de
champ déîinie à coups de dahu
(l,uur) par un cultiva-
teur (lfno_mwarè lt
:
"coupeur de parts")
en compagnie
du propriétaire du champ
(puo-sob).
Elle a une lon-
gueur moyenne de
100 m -
mais au "dièm-kob" ou culture
~u gendre chez les beaux-parents,
elle peut mesurer
trois fois plus -
sur une largeur de J à
5 mètres.
·../ ...
-
19 1 -

Les asS"<>ciations de cul·ture sont des occa-
sions de témoignages de parenté,
d'amitié,
ainsi que des
moyens d'êchanger des prestations de services en culture
contre des valeurs en espèces ou en nature
:
-
le neveu conduit des associations de culture
dans le champ de son oncle maternel
(mll.dè-kob)
c'est
ce qui peut lui valoir la 11dot" de sa .femme en cauris ou
le don d'une vache de la part de ce dernier à
faire pro-
liFérer.
A Bes funérailles,
l'oncle fera
immoler l'une
des bBtes issues de cette production (dGcti-naab).
-
Le gendre paie,
sous forme de
travaux des
champs exécutés en groupe,la deuxième "dot" de sa femme
c'est "dièm-kob" ou "culture au beau-père"
tandis que
le cycle annuel des autres associations compte trois tours,
pour celle-ci, i l faut y
aller à quatre reprises et cha-
que fois s'attendre à
des travaux supplémentaires après
l'exécution des
"parts", habituellement plus grandes.
-
L'association de culture est aussi un moyen
pou les amis de s'entraider:
"ba-l"<:ob"
est le nom de la
cultUl~e pratiquée au profit d'un ami. L'année suivante,
ce sera le tour du premier bénéficiaire de se porter au
secours de son ami
("ko-taa"
:
cultt.I.ie réciproque).
-
Enfin,
apres avoir conduit trois fois
des
sroupes de culture chez une personne,
on peut mériter soit
une somme d'argent,
habituellement déjà pr@tée
(libte-kob),
soit une bBte
(dGw-kob). Par ailleurs,
i l a
été dit plus
huut que c'est la voie utilisée par certains hommes dans
le passé pour acquérir les services sexuels de leur amante
aupvès de son mari
(s@sB-sèla-kob).
·.. / ...
- 192 _

Il existe ~galement des associations <le [em-
IjleS pour
sarcler les champs
cl' arachide,
couper le boi s,
puiser de l'eau pour pétrir le banco de construction,
d~ICI· les chambres. G~n~ralcment celles-ci exicutent
le
travail
ensemble,
sans parcellisation,
saUI parI0is
.:.l;.l
s~rclage.
L'association de culture e;t·un lieu de sti-
l:1Ulation dans l'accomplissement des travaux agricoles.
On y
cultive l'émulation,
la concurrence quant
au nom-
lJrc cie participants i
acqu~rir a la fois, car ne vien-
nent Q votre
invitation que ceux-là qui
ont
déjà béné-
~ici6 de vos services
qui ont été "achetés" (da). Mais
aussi,
c'est une voie privilégiéade la sociabilité vil-
lazeoise
:
on y
échange des nouvelles au moment du repas
terminal où
l'on boit
et mange copieusement.
De nos
jours,
le manque de vivres
en périod~ de cultures a par-
~Oi5 réduit ces repas à un
simple
raîra!chissement
à.
ll(l5.a H
(bière
de mil).
Bien plus,
c'est l'occasion pour
les jeunes -
car i l ne s'agit pas ici de groupes d'Sge,
i:l~mc si, de plus en plus l'évolution oriente vers cette
îormule -
d'apprendre à manier mentalement, à l'instar
de leurs pires,
le systime hebdomadaire dagara i
six
jours ("daru",
littéralement,
"marchés").
En ellet,
i l
îaut éviter de cumuler trop d'associations7ï~ m@me jour
et ,·eiller à honorer les invitations de tous ceux qui
vous ont déjà servi$. Pour cela,
i l Iaut localiser au
mie~~ dans le temps9' les dates des associations en tB-
nD.n~: compte des jours fériés, notanunent de Il}<pA-daa",
... / ...
- 193 -

JOU!"
de cessation,dans'le"passé,cie toute activité,
sor-
te
de
sabbat jui"f". C'est pourquoi dans
"cara ll
(grande
salle de s~jour) o~ ils s'installent le plus souvent,
è. Eloins que ce soit sous un arbre, les cultivateurs dis-
cutent à
tue-t~te (1).
Il n'est pas aisé pour le néophyte de perce-
voil" tout de sui te que le mardi
12 A'o'ril
1988,
"d'ta a-
n.:tUl'" ,
c'est-à-dire "aujourd'hui
(~) quatre (marchés)" (2),
dusigne le 4ème
jeudi à venir,
soit le 6 Mai
1988,
et le
1:ll',I:]C
jour que "dta a-juob" du jeudi ]1 Mars
1988,qui est
dGjd accaparé par plusieurs personnes.
Aussi ceux qui ont
fix6 Jepuis ce temps leurs ~nvitation5 devront-ils le
rappeler et combattre leurs débiteurs qui veulent situer
les leurs à la m~me date,
ca~~par là, ces derniers se
soustraient de leurs obligations (J)
et menacentd"'en-
traîner d'autres à le
faire.
Liassociation de
culture
donne l'occasion une
l"oi:.; ,;e plus d'approcher la structure de la
société da-
gara,
avec
sa
solidarité mais aussi
avec
ses
exigences
(1)
On dit
communément
d'un groupe:
"bavarder comme
des
cultivateurs"
:
"gSnê mê l\\:uorbè a'l.
(~) "Dia" : aujourd'hui
"L:l-naar"
quatre;" a - yuo b"
six.
(3)
;;;]1 principe,
celui qui a
acquis les
invités à la cul-
ture
(ko-sorè) ne participe pas 'HL"X travaux. Il de-
meure dans son champ jusqu'à l'approche du déjeuner
pour rejoindre le groupe dans le champ de l'hllte.
S'il invite dans son propre champ, i l est évidemment
tenu de suivre l'exécution des
travaux
et les
divers
préparatilS d'accueil.
.../ ...
- 194 -

de
complémentarité dans l'égalité.
Il
est patent
que
ùans le
système
de procuration ,on
en vient à perdre
en
quantité
de
travail,
vu que les
autres ne vous rendent
pas
toujours
le
travail qui leur a
été
fait,
et
en qua-
lit6, itant donni le travail hfttif qui est propre au
r;roupe en association.
Il
îaut
en outre tenir compte des
nel~tcs dues aux associations de cul tü-;'e qui sont an-
nu16cs par
des
év~ncments imprivisibles, tels les funi-
railles
("ko sSw-na"
culture gat6e),
de sorte qu'il
n'y ait pas
lieu de parler de compensation ni
de
dépla-
cement
de date
aussi
faut-il penser que les
Uagnra
s'attacl.ent au ststime d'association de culture pour des
l-aisons
autres
que technologiques
et matérielles
et pour
des valeurs
qui
s'enracinent dans la représentation de
l'h.omme
et
de son
existence.
2.
ESCHATOLOGIE sOCrO-CULTURELLE DE L'AGRICULTURE
DAGARA
Dans
cette région d'économie
de
subsistance
qu'est le da~ara, l'agriculture joue ID' r8le de premier
plan en tant
que moyen de se procurer de~ vivres,
donc
de
souvcgardcr la vie
:
on veut
des hommes pour assurer
le
travail notamment celui des champs,
et i l faut,
en
retour,
entretenir ces hommes.
Ne pas avoir de "tS' -tone"
(travailleur)
c'est l!tre malheureux; c'ést ne pas avoir
de femme
(s)
ou d'enfants. Tout se passe comme si à côté de
l'augnlcntation des membres de la ramille,
celle
des vi-
vrcs 6tait nigligeable.
La relation du travailleur et de
.../ ...
-
195 _

1~ nourrituJ-eid'une part,ct celle de la nourriture et
de la vie,de l'autre,SOht tellement EOI"teSqu'on assiste
Q la suppression de la disjonction entre les termes
-t:;.-,:n·-Llilleur - nourriture, nourriture - vie
(1) ..
Le sentiment d'une Lonction vitale de l'agri-
cul ture au ni\\reau biolo,giquc sc répéi-cute donc au ni-
veau consc1ent et inconscient du syst~nJe desvaleurs so-
ciales,
conférant a cette activité une référence décisive
ct !,,-"ivilégiée dans la conception de l'homme.
Ainsi on pourrait dire que c'est elle qui ga-
.cnntit a
l'honune le sceau d'hwnanité et sa primauté par-
oli les autres
créatures.
Celui qui,
sans ~tre physique-
ment emp8ché, ne cultive pas,
qui est "paresseux comme
un chien"
(kpè ta-tuo m~ baa), est ravalé au pied de
l'Dcbelle sociale ..
Le cas est tel qu'il
trac1uit par Bon
rili t
marne la réalité cl 'un homme diminué,
une situation
d'incapacité sociale conune celle des dôbiles mentaux.
(1)
Pour compléter l'explicitation de cette double conjonc"
tion,
i l faut
dire que,
pour un Dagara,
c'est un de-
,,'oir sacré d'alimenter le travailleur et une nécessité
(ltavoir des vivres pour la vie
me:me post mortem, vu
les sacrifices i
off~tr. De m~me, il faut ~tre un
cultivateur pour accéder au statut de géniteur de vie:
Elù.ri~ Pater familias ou Ancetre.
.. .... / .....
- 196 -

Aucun homme~ pour raison de sa richesse, ne
peut s'abstenir de cultiver. Il serait automatiquement
déprécié aux yeux de la société comme fainéant. L'en-
fant dès son jeune age participe aux travaux agricoles
sa,:clage des champs d'arachide et de mars notamment
lui revient.
En dépit du grand respect ~ue le Dagara doit
a
ses h8tes de marque - ne va-~-il pas jusqu'i pr~ter
sa ;e~nc i
son ami intime de passage
(1)
-
la partici-
~ation de tout hete aux travaux des champs, d~s le ma-
lin l~U premier jour, est pratique couranœ
Il s i
on a hé-
1Jerb[~ un hete, on lui emmanche une dahu't (1(pa kuur ku
Cette valeur fondamentale de l'agriculture se
c16guse encore ~ l'occasion de diverses prat~ques.
-
D'abord,
cérémonies et rites,
hospitalité,
travaux,
nécessitent "dt\\a" qui est l'un des sous-pro-
(,uits
de 1~agricu1ture. "Dt\\a H , peu alcoolisé et sucré
CIICZ
les Da,~ara, au moins sous sa ~orme normal e, est une
boisson nourrissante -
aux dires des connaigseurs -
et
un Ii.l~diateur indispensable et er~icace entre les hommes.
(1)
Dans ce cas toutefois,
seul le voisinage des couches
est prévu
(g3 gub), non des relations sexuelles.
(2)
D'une intervention symbolique pour l'hate qui
tran-
site, on peut en venir ~ plusieurs jours de travaux
pour celui qui vient solliciter une aide .
. . . 1 . ..
- 197 -

I l
;[(;saltère
et
revigore,
mais
aussi
i l
donne
l'occa-
sion d'exprinter son savoir-vivre par le
style de l ' i n -
~-itation dont i l fait l'objet,
l'ordre du service,
la
);l.:l.niôi-e de passer la calebasse,
de l a
tenir pour
boire.Mani-
puler sa calebasse de la gauche,
en compagnie,
est ainsi
considéré Comme un manque de respect,
voire un défi.
Dans les sacrifices et les rites,
"dAa" est un
médiateur précieux entre l'homme ct la divinité
qui
en
reçoit des libations et,
en retour,
assure à la société
vie
et prospiriti.
I l purge 10 mort de ses in.puretis
quand i l vient s'y baigner la nuit qui pricède le dibut
des deInières
funirailles
(ko-da-'maar),
le calme de son
cou~~roux lorsqu'il est répandu dans ln." chambre du mort"
C:p1i-dto).
lJien plus,
au cours
des
cérémonies
funérai-
res dé "ko-da-tuo"
(1),
"daa" sylllbolise le mort:
un
canari de
"dll.a" diposi dans la chambre du difunt
est con-
sicléJ..'é
comme le mort.
Son con tenu est répandu dans
trois
autr0s récipients que,
seuls
les membres
du groupe des
services réciproques
(cè]{utaa-clem),
ceux-là
qui
se sont
Cll<:tï.~E:;és t en tre autres, de la tombe
ct de l'enterrement,
pcu\\~cnt boire, réitérant par l'inhwnation du mort de
"açon symbolique.
(1)
Son importance en fait la ririrence privil~giie des
r i tes
de
"ko-dA-tuo"
et
f1ko-da- 'maar"
qui
corres-
pondent aux troisièmes
et
quatrièmes
funérailles.
Voir Ile Partie.
·.. / ...

-
Ensui"te"·; lt agricul ture est encore à l ' hon-
neur a
travers divers rites et de plusieurs Inani~reB.
Au cours des
c6rimonies de "bdor"
(initiation),lors-
que l'olliciant chante le récit de la création qui est
rcp!~is: en choeur par les candidats ou "bag~ ", on ob-
ser~.-c· que la première place revient aux agriculteurs
ct parmi ceux-ci,
en tout premier,
aux cultivateurs de
Di!,
qui produisent cette denrée servant
à la nourri-
ture de base:
t1 saa b",
en Ju!a "too 11 ,
parf.ois nommé en
dagara par sa couleur ordinaire:
l'pla"
(blanc)
e~ dont
l'enterrement est lormellement interdit (1),
étant don-
né son rapport étroit à la vie,
que ce soit celle qui a
contribui à
le produire et qui lui demeure essentiel-
l~mellt liée ou celle qui peut en découler.
Ce récit commence ainsi quti! suit
"}twin t!i
Dieu commence
}twin btl.ntl.
Que fait Dieu
Mwin yorè
Dieu remue
(la terre)
Yow i r nibè
La remue pour en sortir les
hommes
Ka kuorbè
Cultivateurs de mil
N8 ,o;uolbè
Eleveurs de poules
Vu duorbè
Planteurs d'ignames
sllw vurbè ••• Il
Tresseuses de nattes •••
(1)
En lait,
les Dagara cultivent aussi le sorgho rouge
ct en font du "saab " , mais a moins de n~cessité, de
disette par exemple,
celui-ci sert surtout à pri-
parer "d9.a" dont i l vient cl'@tre question •
.../ ...
- 199-

Dans
diautr~~ r~te~, principalement ceux des fu-
11(lL'Qilles,
l(~ Illart est c~I&1)r6 par l'agriculttlre sans qu'il
s'azisse cette
fois
de
"daa".
D 1 abord l'exposition du ca-
du""'re
s'accompagne
de production
ùe
denrées
agricoles
dès
quc 10 r:lort
est
sorti
de
chambre
et adossé
au mur,
sur
son
si~~c, l'.a!n~ de la maison en deuil, rait installer ~ cat~
du corps gerbes
de mil
tress&es
et paniers
de
divers pro-
(~ui J.: s agj"icoles .. Leur présence exal te le-s .vertus de cul ti-
·:::ttcu.!.~
du
disparu
et de
sa Famille.
En outre,
objets
d'é-
c~la:n2~e, ces produits tissent et entretiennent les liens
socinu::.
en erfet,
les
cases parentes ou amies
apportent
leur contribution de
céréales ~ la Famille en deuil.
La
s~­
qucnce r i t u e l l e
(zanu)
de
culture
jouée par les
camarades
c;.tl.c;c du défunt lors des
ftUlérailles
a
pour raIe
de pro-
claracr égalemen"t le méri te
de
ce
dernier aux plans
écono-
mique,
social
et
humain.
Hais la métonymie
de l'agriculture
s ' é l a r g i t
cncol~e lorsque, durant les funérailles, le mort en vient
ù ê-tl:"c symbolisé à
travers
la
"vache
de cultivateur" ou
"-,-ae:l" de manche
de
daba"
(kul<ur naab)
(1).
Cette
btlte
in-
Cilrnc le mort
en
tant
qu' agricul teur
et
donc
le
symbolise
l'jlom..:lc
s ' e s t
Cait agriculture
qui
s ' e s t
raite vache,
et
aussi
loin que puissent aller
les
substitutions,
i l demeure
~)l-ésent. C'est ainsi que de la deuxième "dot" d'une :fille -
qui
s'e~fectue en g~nisse et tauriJ.lon, avec quelques cau-
r i s
et -~'olatiles -
on peut
t i r e r une
I1 vac he
d' agricul turc"
(1)
cr. IIè Partie, Chapitre II
"Les oEErandes
rituelles" ..
.../ ...
-
20c.-

(kukur-naab) parce ~ue la fille a é~é élevée grâce à la
....
"
.
f'orce de travail de son père
elle en est donc un pro-
ùuit,
tout comme la vache qui est donnée par le clan allié
dans l'échange.
Pour le clan du mort,
conSOmmer "kukur-
nnab"
est interdit,
ce serait consommer son f i l s :
"man-
sel' sa propre"saleté"
(di u mi,<a dè,<r),
donc de l'endo-can-
nibalisme,
dangereux pour la perpétuation du groupe. Cette
vac~lc revient au groupe des services funéraires récipro-
".":"
ques
(Cè-Ku-taa-dem),
dont relèvent les fossoyeurs,
et par
1<..\\
engendre,
comme
lBS
produits agricoles,
un circuit cul-
tu:;.~ol, source de vi e à un niveau supérieur par rapport au
niveau ùu groupe naturel de la J:amille et du clan.
De di-
-~~crscs manières, l'agriculture est donc magnifiée comme
source de vie et à plusieurs nivea~~ : celui de la vie bio-
losique et individuelle,
de la vie sociale et de la vie
post-mortem.
PAHAGRAPHE II
L'ELEVAGE
INTI:ODUCTION
CARACTERISATION DES ANIMAUX DOMESTIQUES
Le Dagara n'est pas seulement un agriculteur, i l
est
aussi un éleveur. L'ethnie dagara est l'une des ra-
res où l'élevage a une telle importance à c6té de l'agri-
culture (1)
i l n'y existe pas d'éleveurs non agriculteurs,
(1) On
retrouve la m~me pratique à l'ouest du Burkina
Faso .' chez les Guin, Turka et KarallOro qui furent des
voisins des Dagara, ainsi que chez les Lobi •
. ../ ...
-
201
_

.:l l'instar des Peul
nomades fluxque:Ls les 'Hossi, par exem-
,.
..
.
.
plc,
confient leurs
troupeaux, ni non plus d'agriculteurs
qui ne pratiquent,
tant soit peu,
d'élevage. Cette'acti-
vité est avant tout masculine
:
elle est menée par des hom-
mes qui, par ailleurs,
en détiennent la propriété du reve-
nu,mais n;on de façon exclusive. En effet, les filles pren-
""
.
nent part aux activités d'élevage ;
certain~d'entre elles
sont m8rne amenées à assumer la garde de~ b.ovins, associée
au da"ara à celle des ovins et qui,
de loin,
est la plus
exigeante. Hais l'élevage revient en premier lieu aux gar-
çons. En outre, les femmes sont autorisées à posséder cer-
taines catégories de b~tes, m~me si c'est l'homme qui est
honoré a ses funérailles de "guolu 1,asow"
(1),
en témoi-
gna5e
de la prospérité de
sa basse-cour et,
au-delà,
de
sa qualité d'éleveur. Mais i l convient à ce propos de sou-
lig•• c1' la distinction des catégories de b~tes domestiques
qui existent chez les Dagara et qui sont au nombre de trois
a)
-
"dO-sebl"
("b~tes noires", b~tes supérieures ou
par cxcellence)
i l
s'agit des bovins
et des ovins
b)
-
"d11-baala"
("bIHes faibles",
de maison)
les ca-
p1'ins ct les canins. La catégorie de la volaille se déta-
ellC
de celle-ci
;
c)
-
"b11-guol"
("choses (blltes)
é~evées", qui sont
nourries de la main de l'honune).
Sont ici
concernés les vo-
latilcs : poules et pintades a~~quelles sont venu~
s'ajou-
ter canards,
dindons,
oies, d'importation récente et dont
l'élcva~c est encore peu généralisé.
(1)
llGuolu kasow",
littéralement,
"corbeille,
cage
en lianes
(1,a50\\')
d'élevage"
(guolu), contenant une poule et une
pintade. C'est la symbolisation élémentaire et fonda-
tlcntale de la qualité d'éleveur.
,
... / ...
-
202 -

La femme qui'possède des b~tes de la première
catégorie
-
par exemple,
par héritage ou par ristourne
de
~ardiennage - est obligée de les confier à seS frères, quit-
te ~ leur demander,
en cas
de besoin/d'intervenir à
son
pro~it. Si elle est bien intégrée dans la Famille conju-
~~lCt elle pourra les céder à ses enfants. Par contre, une
:Ccmr..le peut posséder volaille,
chèvres,
chien,
tout en vi-
,"",nt sa condition de mariée. Hais i l est-~ de bon ton qu' ell e
les ~asse tenir par ses enfants.
En cas d'abus
de ses
biens
var son mari,
elle peut les
confier à un frère ou encore
~ un neveu (fils de soeur). Il convient de relever tout de
~uite ln précarité des biens féminins d'élevage.
Les animaux,
surtout les b~tes domestiques ont
Wl
r;rand pouvoir
sur l'homme:
i l s peuvent le
"posséder"
(" nyow "
: littéralement "attraper") s ' i l les fait souîfrir
injustemcn-t. M~me l'abattage abusif de b~tes sauvages ex-
pose le grand chasseur à la menace de cette "possession"
(nyo,.-:Cu). Ce pouvoir est détenu éminemment par "da-baala"
(b~tes :Caibles), eu égard sans doute à leur grande proxi-
,oit" de l'homme, notamment- le chien dont le sacrifice n'in-
tervient,
exceptionnellement,qu'en matière grave.
Mais < à
ce propos i l convient de noter qu'il existe chez les Dagara
lUl
tabou des b@tes faibles:
mouche,
ver,
etc ••• Tant que
celles-ci ne nuisent pas à l'homme, i l ne doit pas les ty-
ramliscr.
Cela ne veut pas dire que les chèvres laissées
en li1Jerté durant la saison des cultures ou les chiens Vo-
lcurs ne soient pas exposés au grand risque d' ~tre abat tus •
.. '/ ...
-
20) _

1. - LA PLACE DE L'ELEVAGE AU SEIN DES ACTIVITES DE
[jASE DAGAnA
L'élevage occupe la deuxième pluce après l'agri-
cul turc .'-. "Il
est
en association po si tive ou néga ti ve
aveC
lu chasse" l'agriculture et le commerce et joue un rBle de
[!Oyen tcrme et de médiateur en quelque s~orte entre ces ac-
'civit6s, selon une structuration curactéris tiqlle
de l'or-
~anisntion dagara.
- Les associations des activités de base et leur signiîi-
cation pour l'élevage
Associat:ions
Sens de l'association pour l'éle-
vage
-
Agriculture-élevage
+ +
(assez positive).
Chusse-élevage
+ +
(très positive).
-
COlllli.lcrce-élcvage
+
L
(plut8t négative).
L'association de l'agriculture et de l'élevage
est tantSt négative, dans la mesure où les produits agri-
coles sont consommés en association avec la chair des
b~tes
élcvécs~lesquelles servent par conséquent à l'entretien
des cultivateurs (1),
tant8t positive ~~ que l'élevage bé-
néficie grandement de l'agriculture, par l'utilisation des
(1)
Au premier tour de .culture, i l est servi de la volaille
uu groupe de cultivateurs associés et au deuxième un
caprin ou un ovin·. Le propriétaire du champ peut aUBBi
tuer encorB de la volaille
pour ses h8tes et y ajouter
de l'argent. Au troisième tour et au-delà, on revient
au menu de départ.
... / ...
-
204 -

:;raines pour nourrir.l~.vO,lai.lle et des champs fratche-
ment, moisonnés comme pAturages
(1). L'association de la
chasse et de l'élevage est positive en ce sens que le gi-
bier rapporté de la brousse préserve les animaux domes-
tiques.
C~ux qui ne chassent pas doivent élever davantage.
Celle du _. ~ommerce et de l'élevage est négative étant don-
né que les b~tes sont vendues, abattues ou sur pieds, au
marché alors que l'habitude de les y acheter pour les éle-
ver tend à se rarefier à cause des maladies qui s'intro-
duisent dans les étables à pareilles occasions. Le Dagara
prérère obtenir d'un parent,
le plus souvent d'un oncle
r.lilternel, une "b~te à élever" (dllw-guol) qui,
en proli-
~érant ùonne lieu à un partage entre propriétaire et éle-
veur ou,
tout au moins,
au don définitif d'une t~te à ce
dcrnie~-•
-' QUill2t a la médiation qu'exerce l'élevage au sein des prin-
cipales activités dagara,
elle peut se schématiser de la
raçon suivante
:
conunerce
- - ' 7
élevage.(
;;>
chasse
~
i!ricul tw:e
(1) Inversement, l'agriculture profite beaucoup de l'éleva-
ge ",al' l'engrais naturel que procurent les déchets des
b8tes
; c'est l'une des raisons pour lesquelles le Daga-
ra donne difficilement ses troupeaux à garder à des pas-
teurs étrangers.
Quant au double avantage de cette as-
sociation,
elle sert de garantie à la coexistence des
detL"( ac t i vi t és au Dagara.
... / ...
-
205 -

Pour passer de la chasse au conunerce,
le Dagara tra-
ditionnel qui se refuse à vendre le proquit de la chasse -
car
,.
.. ' . '
.
les animaux sauvages appartiennent à "T@gan"
(divinité terre)
et
à
ce titre constituent un bien collectif dont on ne peut se ser-
vir que pour se nourrir -
effectue un détour par l'élevage, en
usant des relations sociales qui, pourrait-on dire, domestiquent
ou culturalisent le produit de la chasse (1). C'est ainsi que
la mère qui reçoit les "croupes de gibier"
(si:t~.lde son fils,
peut en céder, si' toutefois le geste se répète souvent, à l'une
'"
de ses soeurs
(tantes maternelles du fils).
La bénéficiaire fera
don au jeune chasseur d'un poulet qui: en se reproduisant,
don~
nera lieu à d'autres animaux domestiques pouvant, quant à eux,
@tre vendus
(2).
De m@me, le passage de la chasse à l'agriculture néces-
site également le détour d'une socialisation par l'élevage. Le
produit de la chasse permet de se faire un ami qui viendra à l'ai-
de dans les travaux ("ba-kob" :
"culture d'amitié"). Mais cette
amitié a besoin d'~tre nourrie par de bonnes réceptions à cer-
taines occasions et surtout par l'offrande d'un coq à son ami qui
est de passage, en f@te,
en deuil de proche parent ou encore qui,
à la fin de ses jours"
"préside ses propres funérailles",
selon le
mot de L.V. THOMAS ( ) . Autrement, l'échange de "pattes-avant
(1) Cependant, l'une des pattes-avant pouvait @tre mise en vente
au profit du chasseur.
(2)
A la mort du chasseur, une vache
(ou un mouton)
issue de cet-
te acquisition sera inunolée :
c'est "tAmiur-naab" :
"vache
de la corde de l'arc". Quant aux normés d'échange tradition-
nel des b@tes,
elles varient selon les temps, les lieux, l'of-
fre,e~ la demande. Les correspondances suivantes ont été
notées :
-
dans la région dagara-lobr,
jadis référence privilégiée au
chiffre sept (7)
:
7 poulets pour un mouton,
7 moutons pour
une vache ; aujourd'hui,
10 poulets pour un mouton.
-
dans la région dagara-wiile de Dano',' précédemment,
jusqu'à
20 poulets pour un mouton et 12 pour une chèvre ;
aujourd'hui,
environ 10 poulets pour un mouton,
six pour une chèvre.
(J)
L. V. TI'lmtAS,
"Cinq essais sur la mort Africaine",
Dakar 1968,
p.
10 Y. •
.
.../ ...
- 206 -
,
,

de
:;ibier'· ("ba-gbèr I1P : o:patte 'de l'ami)
entre deux amis chas-
3eU"3 resterait quelque peu superriciel et précaire. En tout
cns, par lui-m~me, il n'engendrerait pas des relations pro-
~onùes comme celles impliquant l'agriculture.
Pour passer de lragric~t~~e au conwerce,
le
Da-
~--;ùra qui renonce
à vendre sans transformation les produits
<le ses c;,amps, sa "saleté" (dè,;r),
c'est.à~dire finalement
lui-l:lllme, utilise la médiation de l'élevage qu'il réalise
a-,ec les produits et sous-produits de l' agricul ture. Il est·
cependant à noter que,
de nos jours, l'habitude est acquise
ùe venili-e gibier et tous produits agricoles. Il est vrai
que la chasse individuelle, avec des armes manufacturées,
s'est parallèlement beaucoup développée jusqu'à la régle~
l:lentation actuelle qui ·l'interdit neur mois sur douze - de
'·lars en Novembre -
du moins du cSté burkinabè. Néanmoins,
étaient pratiqués les trocS·entre denrées.,
en tant que formu-
le d'échange .. èt partant de complémentarité sociale et non
plus comme voie d'enrichissement personnêl (1).
Le passage de l'agriculture à la chasse: c'est
avec un poulet qu'on obtenait un arc de son sculpteur. Quant
aux :flèches, elles pouvaient provenir de la transformation
d'un soc de pioche usée/par le forgeron qui,
en retour, bé-
néficiait de prestations de services agricoles ou d'un pou-
let. La médiation imparfaite de l'élevage ici peut se jus-
tifier par le fait que les armes servent non seulement à la
(1) Le Dagara traditionnel, lorsqu'il devenait très riche,
stockait ses cauris dans des canaris et les enterrait.
Le secret n'était livré à l'héritier, s ' i l l'était,qu'au
mOl:lent de l a mort.
.
.../ ...
- 207 -

C;lD""C mais aussi à ·la. .protection de's champs
(relation in-
terne.à l'agriculture)
ot. à l'auto-défense. Donc,avant l'ère
~ctuelle de la commercialisation généralisée de toutes den-
l'eCS
-
ce qu'un Dagara tradi tionne! considère
comme une
SOill-CC
dc. tarissement de la prospérité,. voire de danger pour
l'etre du: producteur - on peut dire que la médiation de l'é-
levage s'exerce largement aussi entre agriculture et chasse.
Comme i l a été mentionné plus haut,
l'association
du cor~lerce et de l'élevage est plut8t négative et la média-
tion de celui-ci pauvre dans le cas du COIMlerce et des autres
a.ctivités.
Le cOll1lT!erce
en se
développant
éclate
justement
les struct.ures sociales;
en éliminant la médiation de l'ani-
1::a1,
i l
instaure une certaine conïrontation des honunea
qui
t:wn" '.1 la destructuration de la cor.ununauté ùe
base et î a i t
sentir 1.:1. menace,
déjù
très
éprouvée,
d'une
servitude nou-
',elle :
celle de l'argent, qui n'est plus enterré,
mais fait
sortil- l ' indi vidu du groupe pour une communauté universelle
dont les exigences et les contraintes,
surtout à cette épo-
que de la hausse constante des prix, ne retombent que trop
lourdement sur sa société
(1).
,.,
-.
LES TYPES D'ELEVAGE
- L'élevage de la volaille
Très .t8t,
avant m~me l ' 1\\ge scolaire, le jeune Da-
sara est initié à l'élevage de la volaille constituée es-
sentiellement des poules et pintades. Parfois m~me dès
(1)
Cela rejoint l'idée alléguée plus ~o~n à propos du res-
.sentiment collectif' éprouvé à l'encontre du commerçant
moderne consiùéré vulgairement comme un escroc et qui,
clans
la
société traditiollllelle,
est marginalisé.
·.'/...
- 208
",

cet ~ze, i l est déjà~propriétaire ùe:poules dont l'origine
Y8i:lonte a. l'oncle maternel.
D'après
lc conte,
la poule reçut
CO!;l.J:\\e I:Hllédiction de Dieu,
pour avoir trahi
son secret au
profit de l'homme,
d'~tre toujours â la disposition de ce
dcrnicr,
pour aider à arranger les situations
embarrassantes
chasse bredouille,
hôte imprévu,
sacrifice aux anc@tres,
etc •••
(1).
Et en effet, à l'initiation (baor)
et dans cer-
tains rites comme l'installation de "l"'\\fom~-sob" (devin), il
Y a des 1.6catombes de poules
(2), alors que les pintades,
souveilt moins concernées,
échappent au sinistre en demeurant
sur ml arbre voisin de la maison et non au poulailler.
Cet élevage relativement i"acile, rencontre pourtant
jt:squ'â ce jour de grands ravages dus aux méfaits du cholé-
ra et dc la canicule
(3). Il est courant d'entendre un h8te
s'c::ctlser auprès
de
son visiteur d'avoir perdu toute
sa vo-
laille et d'~tre incapable de lui oEfrir le cadeau tradition-
nel
:
"A n8-ktl.uni ktl.n-a nuur za". Le' fait
est bien sar très
Cl:,bniTassant non seulement pour la pratique de l 'hospitali-
té, mais .:tussi pour la "do"t" des f0mnuaS et surtout pour la
célô~Jration des nombreux ri tes, parti culièrement il l t occa-
sion des funérailles. L'élevage des canards, qui sont plus
,;,:'ésistants,
s'est petit à petit introduit au dagara, mais
vu
la dt~vL.1station des jeunes pousses que provoquent dans les
chmnps GC
case ces b~tes qui, par stU~crott, n'on t pas de fonc-
tioa rituelle,
i l ne l'But connattre une grande extension.
(1) Cf.
MBTUOLE SOM DA Jean Baptiste,
"Dagara' "Zukpai ni Suoiu"
p.
18.:"Ntsaal ni Ndo"
(l'Homme et la Poule).
(2)CF.
GIRAULT, L
, op. cit., p.
J~~. Pour l'installation de
"k:8t8Ula-sob'~ le sacrifice ne requiert pas moins de dix
(la)
poulets.
(3) Les ravages de la canicule ont été particulièrement sé-
vèrcs au dagara en 1979.
.../ ...
-
20)_

_ Ltélevage des moutons et des chèvres
Habi tuellement, tout chee de "lOl,r"
(portion de
case), possède quelques chèvres qui circulent librement
de jour durant la saison sèche,
mais sont maintenues par
des laisses d'environ quatre mètres,au pftturage,
durant
la pél·i.O(~e des cultures.
En début
d'après-midi,
i l faut
les c!ûplacer
("lièr"
changer)
et les abreuver,
et le soir
les ramener à l'étable.
Caprins et ovin~ partagent souvent
la m~~le étable bien qu'étant de catégories différentes, la
c:,è'Te étant associée plutSt au chien,
tandis que le mOu-
ton l ' e s t à
la vache,
tant pour la catégorie que pour l ' é l e -
va~c ct souvent, dans les sacrifices, la remplace. Par con-
tre,
i l faut plus<!'une chèvre
pour obtenir un mouton,
ce
qu'on est bien obligé parfois de faire,
car le devin pré-
cise la b~te du sacrifice, à moins que ce soit la coutume.
L'élevage des
bovins
A la différence des autres animaux qui font l'ob-
jet d'une possession individuelle,
les vaches de la maison
constituent souvent une propriété collective de "yir"
(case,
li;jna.ze),
au m~me titre que la terre cul ti vable .• Ces ani-
"1<\\u.::(
servent essentiellement à payer les troisième et qua-
t:.~ième "ù..ots" des remmes épousées. ainsi que les dettes col-
lecti·... es COnune celle de
"T~gan", qui peut requérir plusieurs
t~tes de bétail
aux sacrifices rituels,
car le boviné,
com-
"le le fait
observer L.V.
THONAS
(1),· est un animal inunola-
bIc par excellence dans le monde négro-aîricain
;
enrin aux
~randes iestivités qui suivent les récoltes (burny~). Cependant
(1)
L.Y.
THOHAS,
"Cinq essais sur la mort africaine",19 68 ,P.47.
Aux îunérailles de L.
l'ONE,
anllJien Ministre
"Volta·ique",chez les Karaboro,
en 197G,
on pouvait dénom-
LJ.l:er devant la case du disparu,
jusqu'ii 25 t~tes cie bovinés
ct !1lusieurs dizaines t1'ov-ins
et de caprins abattus .
. . . 1 . ..
-
210
...

les vaches peuvent aussi constituer une propriété indivi-
(;uelle qui donne alors 'au.1Jagara la renommée d'homme riche
("nn-zU'I....--sob",
c' est-à-dire
"possesseur ct 1 étable à .. boeufs") ,
qai ··/cnd son bétail sur pieds ou en viande.
De nos
jours,
0"
les produits agricoles peuvent s'obtenir couramment sur
la place du march' et o~ le prix du bétail ne cesSe d'aug-
1:1cntcr,
H.Na-za"'~-sob" devrait prétendre à devenir un homme
d'nfrairas
(1). Malheureusement, le phénom~ne de la séche-
.'.-csse
ct.
les nombreux vols
de
troupeatL'X dans
cette région
:rontali~re ont littéralement décimé le bétail (2). De plus,
eor.mlÛ on le verra ci-après,
la mentalité dagara est peu
encline aux spéculations commercin1es.
Si l'élevage des vaches est encore assuré de nos
jours au Dagara par quelques rares Peul
(3), il est confié
le plus souvent aux enÎants de "yir".
Dans le
temps passé,
étant donné les risques de vols, de perteset
d'attaques des
Tauves,
les m~ttres-bergers étaient de grands adolescents.
Aujourd'hui les bergers ont entre sept (7)
et quinze (15 ans.
D~s après les récol tes;-le troupeau' de-bovins et d'ovins est
abandonné
et c'est alors que dans la qutte de l'eau devenue
rare, les b~tes s'égarent en grand nombre. Jadis, m@me en
saison s~cl1e, les bergers usant de leur connaissance des
pistes des
troupeaux,
ramenaient régulièrement ceux-ci à l'é-
table.
De nos
jours,
les petits bergers d'occasion,
parfois
(1)
~c 1960 •
1975, l'évolution du prix de la g6nisse a éti
de l'ord~e de 5 000 i
25 000 V CFA.
(:2)
Dan" les lamenta tions des funérailles, plus d' une fois,
i l
a été relevé
,.
x... ont volé tout notre troupeau et
~o. l:.lort nous frappe, qu'allons-nous devenir ?".
(J)
Il ùlUt m~me avouer qu'il s'agit d'un retour, car, par
suite des
conflits,
les Peul avaient ùésherté le
Dagara .
.../ ...
-
211
_

etc3
6l~vcs en vncance~, accordent a/peine de l'attention
A letu·s b~tes dès les récoltes des champs cie case, d'où
les ùOl:uuages de toutes sortes et les pertes.
Il n'y a point
de doute qu'un développement conséquent clevrait instituer
la 2;arde ,permanente des
~~oupeé3:ux.
L'élevage cles porcins
D'aborcl diîîicilement accepté à cause de la sa-
leté et surtout de la voracité cie cette espèce qui la
,rend
dangereuse en milieu agricole. l'élevage cles porcs est au-
jourù'hui en pleine évolution et a pour destination unique
l'embouche.
Elevé par les hommes et par quelques îemmes,
le 1'01-C pourrait lltre un levier de promotion économique au
Dagara,
comme i l l'a
été en Chine.
Mais auparavant,
i l [au-
e",,:a que le conîli t
que suscite cette présence étrangère dans
Wle contrée îoncièrement agricole soit résolu
(1).
J. - LES l"ONCTIONSSOCIALES DE L'ELEVAGE
A travers la pré~entation cles types cI'élevage. Se
proïilent quelques îonctions sociales de cette activité(2).
- La Lonction cI'alimentation': l'élevage,
surtout
de la volaille, procure un complément ,de nourriture indis-
pensable que l'homme est tenu d'apporter de temps en temps
~ la ïe~ae. Mais dans l'ensemble dupàys, l'utilisation des
.:lllin18.U::: domestiques pour améliorer le ·menu quotidien demeure
assez négligeable. Le Daga~a a surtout besoin de ses blltes
(1)
La quasi totalité de l'espèce est abattue avant d'at-
teint1re l'Age de reproduction.
( 2) Cr. en outre ce qui à été dit ci-dessus au nO 1
sur le
r81e médiateur de l'élevage.
.../ ...
-
212 -

pour remplir des forlctr:hons .sociales 'ou·rituelles, pour vi-
vresa relation aux autres et aw, divinités.
Depuis l'avè-
nement des idées nouvelles,
surtout en religion,
les condi-
tions sociologiques ont. évidenunent connu Wle évolution con-
sidérable.
Mais,
si beaucoup d'obligations 1 caractère
r i tuol,' .incluant une forte
consorrnnation en animaux domestiques,
011 L per(lu
de leur rigueur et de leur étendue,
l'élevage
ne sQuirre pas moins,
pour autant,
de· certains maux, nou-
vcnu..:x ou anciens
:
la recrudescence du phénomène de la sé-
cheresse et7~~rtège de flé,a'ux , la diffusion des épizooties
.:Î.
la ::',"D.vcur des migrations de
troupeau...'X,
les rétrécissements
c~cs zone::> de pâturage (k a r) suite nu progrès démographi-
'lue,
la hausse du coat de la vie entrarnant celle de la con-
,
sOI:ll:lation en produits d'élevage ..en tant que moyens de chercher
de l'argent.
-
Le rale de l'élevage dans les rapports
sociaux
L'élevage engendre au niveau de la vie sociale
des relations négatives et positives~ Ainsi,
i l est l'occa-
sion ùe llombreux conflits. entre propriétaires de.
blltes et
ceu;"
"e.
champs, quelquefois aussi
entre l'un ou l'autre des
dan .l"'la-'r éltiBn
i-al'CS 'p.:lsteurs peul qui derueurcn",/et" ~e~
agara. La média-
tion cie "tllgan-sob"
(chef de ter're)
et 'de l'administration,
de plus en plus,
est alors nécessaire. Parîois aussi des
qucrc11es surgissent dans la fami11e à propos du choix des
cnf:a..t", qui doivent garder les boeufs et ceux qui doivent
<>Ltcr Cl l'école ou cultiver,
étant donné,
on se le rappelle,
l'",utoDomie économique des
"101~e" (portions de case). Mais,
du point de vue positif,
i l impOrt'e . de souligner .Les rela-
tions
solides de camaraderie qui sont engendrées aux pBtu-
rU8cs en~re jeunes de m~me classe d'age. C'est aussi grAce
..
'"
/ '" '" '"
- 213 -

'.'
CllG
pro,:uits de l'élevage~·que sc caractérisent l'amitié
ct l'llOspitalité,
par la'qualité de l!'accueil
et les ca-
deau:: 'lui
en découl ent
dans une con'trée d' agricul teurs,
c'est l'élevage qui décide du rang social
en dernier res-
SO:i'"t.
Le ~type de l'homme riche et su:ffisant,
c 'est
"Na~
Z,[lif-sob l!.· celui
qui,
en plus de ses greniers
de céréales
pleiils, possède url@étable' de bovinés 'stisceptibles de lui
.
.
~
,
procu.;.-er cle l 'argent et le si tuant au carrefour cles
echan-
;:,;es
(1).
I,n e.ffet,
i l procure les valeurs .fondamentales
cle l'';'c;lange
la' "dot" en cultures peut 't\\tre remise comme
on le
constate bien souvent pour les "fonctionnaires;
celle
en cauris,
dont la part symbQlique et rituelle ne repré-
sente que
350 cauris,
soit à peine
.585F
CFA
(à raison de
t~ois cntu~is à cinq îrancs), ne donne m~oit qu'aux presta-
tions
de services,
entre autres sexuels,
de l'épouse;
mais
pour la pleine
llpossession"
de cel.le-ci ct de
ses
enîants
-
en d'autres termes,
dès que la vie entre proprement en jeu
dans l'échange -
les valeurs compensatrices en volaille
ct Stu~tout en" bovinés sont maintenues' dans leur rigueur.
S'il a été observé une association entre les
termes Bulture
et nourriture,
nourriture et vie,
il.faut dire que la b@te,
Lien plus participe de la vie,
par son. sang et son souffle.
C'est pourquoi la meilleure célébrat~on de toutes ces acti-
-.-itûs
:
agriculture,
chasse,
commerce,
artisanat,
passe par
le biais de l'élevage,
conune on le constate dans les rites,
notruamcnt des funérailles
toute activité capable de
(1)
Le terme "pécuniaire" rappelle l'origine cle l ' a r g e n t :
"pecus"
(en latin)
signifîe "tete de bétail,
troupeau lt •
. ../ ...
-
214 -
, '

-'
',italiser, dont l'élev-;"ge'iui-m~me,quia été exercée plei-
nement et avec succès, d'olt ~tre matérialisée par un ani-
",al aU:: funérailles· ( 1). Et 1 'homme qui est incarné à tra-
ver~ toutes ces activités est comme médiatisé par les
anima~: i~sus d'elles, d'où la fonction métonymique de l'ani-
mal dans'le rite.
- La fonction religieuse de l'élevage
Depuis l'antiquité les peuples ont honoré les
ancetres et les divinités,par des holocaustes de b~tes, voi-
re d'8tres humains. Nous constatons dans le récit biblique
qui relate à plusieurs reprises les offrandes du peuple hébreu
à Jahvé, son Dieu, notammemt l'épisode du sacrifice d'Isaac
par son père Abraham et l'immolation volontaire du Christ
sur la croix. Plus près de nous, les. exemples des rois du
Bénin et des chefs baoulé (de CSte d'~voire), qui faisaient
.
"
immoler des victimes humaines pour: ~·ièlil-:: gloire ou au moment
de leur'_mort demeurent céièbres.-, A-i.tjOUX:d'hui avec la ri-
"S- ".;".
o
' "
-
• • •
'
• •
"ueur des sanctions pénal-es enmat'ièr!,! t-!l'homicide volontai-
.
'
~'e, ces types de sacrifices sont savaiînn'en t camouflés et
"evetent diverses formes.
Ne pourraït,.on pas voir dans cer-
"
taines
exécutions poli tiques
sOlIulIaires ·de simples transferts
des inullolations rituelles,
à de nouvolles divinités 7 Un
,
con:C~rcl1cier contemporain décla:cai t
:
lILa roue
de 1 'his-
toil"C a
besoin dt~tre ointe de sang".
Ironie du sort,
i l
de-
vait bient8t livrer le sien.
Il est probable que dans le passé,
1 CG
Dasara aient offert des Slcrii'ices
hUmains.:l 1 t occasion
( 1) , C:f. IIè Partie,
surtout Chapi tre 1-1, Paragrapl.e 2 •
.../ ...
-
215 -

d<os f'wlérailles.
Hais sur ce sujet, potre .information se
limite à quelques cas dte.sclaves, pa.rticulièrement intimes,
'lui étaient "envoyés au-devant de leur mattre"
(de u ntwn) ,
dans l'au-delà. Mais,
de nos jours, les sacrifices de sang
que les Ilagara,
tout comme les autres "peuples animistes
voi~in3, 9frrent dans le cadre des nombreux rites,
enga-
z,ent volaille, ovins,
caprins et bovins. Dans les causes les
pltlS
~r~vcs :illceste, adultère,
crime de sang, l'immolation
'"
l_~U chien intervient,
visiblement CQirune substitut du sacri-
'::icc
'humain (1).
Le sang des victimes,
substance subtile,
convient
Q~~ atrcs supérieurs qui peuplent le monde invisible. Il
pla~t aU::; anclltres, par exemple, d'~tre abreuvés de sang
c'c~t pou:i~quoi, plusieurs·!.-fois ùan.s 1'CUUléc, notanmlent au
début ct " la fin des cultures,
ct aux occasions des consul-
t'ations,
leurs
fétiches
en sont copieusement arrosés.
I l
en l"ésul te en retour pour'" les vivants-"~biel1faitg et miséri-
cOl"c1e.
D'un autre point de vue,
comme l'explique Claude
LEVI STRAUSS dans "La Pens'ée Sauvase"·,. le sacrifice est un
intcrJaé:diaire entre le sacrificateur et l'~tre supérieur qui
C.3t il1.Voqué.
La consomption rIe: la victime crée un viüe
et
Wl
appel de g~aces d'autant plus fort que la victime est
li,"" au sacrificat:eur et a de la valeur
(2).
En cela,l'ani-
mal domestique, voisin de, l'honnne, par le souffle vital
(vuurul', le sang
(zii) et,
surtout,
étant produit par lui,
(1) Mais aucun informateur n'a confirmé la pratique de sa-
crifices humains chez les Da:garR, ;'outre
le cas ci té..
(:ê)
Claude LEVI-STHAUSS,
"La Pensée Sauvage", p.
297-)00...
Edition PLON,1962.
.../ ...
-
216 -

[:,0
l-éyèle d'un grand prix. }lais du :r"it de, cette contigurté
.. ... ../,
-
.
et ào cette possibil'itéde substitution,
une mise à l'écart
.,
é:ncyg-iquo de l'animal
sur 'le plan social s' impose,
sous peine
de confusi"on avec l 'honune ..;
par e:::cmpl"e,
coups de pied,
de
blH:Oll
,
au chien sont des compoyternents courants chez les
Dar;a,,-a,
en dépi t
des précautions
et soins que
tout bon éle-
~,·Ca:.'" .l<.>Dcrve aux b~tes. Ori ironise sur· sa paresse qui sert
de réfé.l.~CllCe typique,
surtout
comp.:u"ée au.x grands avanta-
.,..
:;c.s qu'~L.l tire de la vie en compagnie de ~ 'hollune
;
"Kpè !a-
tua m'Ë baa"
(paresseux comme un chien)
lt ye l-i-bè-tèrè
nu
LI::' Ccre baa ko gaala",
renchérit le pl'overbe
(quand le chien
l"'cnouycJ.l c
son invi tation à J.a cuJ. ture',
bien paresseux qui
5 'y
rend).
Il sera question
clans la Troisième Partie de
cette ironie" qu'on pourrait appeler de catégorisation, à
p~_-opoz dûs incapables sociaux, et dont ~e rBle premier Bem-
::;1e de cl-éer la distinction
entre l'apparent et le réel,
l'c nornial
et l'anormal.
1
1
1
PA,~AGRAPHE ' III
LA CHASSE
La chasse est dans l'ordre d'importance,
la troi-
sième activité de base dagara.
Elle
est complémentaire de
l'élevage par la.provision de viandG qu t clle procure,
d'où
la pr&servation des animaux domestiques
et leur utilisation
il des fins plus sublimes, à des nivcaux de vie plus élevés
qu n l,' niveau biologique,
tels l'entretien des relations
so-
ciales ct l'accomplissement des
îonctions rituelles •
. ../ ...
-
2 1 7 -
'. -'-:'-~_... ~ -~-

Elle se prat';'-<Iue, en saison sèche, à l'exception
toutefois de la chasse rituelle des, funérailles qui se dé-
roule peu avant l'enterrement du mort 'et qui a pour but de
célébrer le disparu quant à ses vertus de chasseur ; de
montrer que cette activité, incarne l'homme dagara. Le gi-
bierainsl pris par les jeunes gens du clan en deuil est
alors ramené à l'exposition et les t@tes,
tranchées,
s'a-
joutent aUX trophées de chasse déjà exhftés. Les chasseurs
méritants circulent de g~oupe en-groupe pour demander des
primes
(lobru).,
Mais d'line cerfàine façon;, ,toute chasse a un ca-
ractère ritueL Il impliqué le, pr,eiJe:tJ.pour
l'homme, habi-
tant de milieu culturel; d'affronter la nature sauvage et
en quelque sorte de l'assimiler. C'est pourquoi son orga-
nisation va nécessiter plusieurs rites qui rappellent ceux
de la cUre thérapeutique ~t delà divination.
L'institution de la chasse part d'un malaise,
d'une sorte de fièvre qui oblige le futur
maftre ou tuteur
de chasse à consulter les devins:
s ' i l est confirmé que
celui-ci est habité par l'Esprit de la Brousse:
"wiè"
(Brousse,
chasse),
i l s'en réfère à son chef de terre
(T~­
gan-sob)
auquel i l offre trois poulets à sacrifier à
"T~gan"
(Puissance "Peau de Terr'e"l', précisément aux Esprits de la
Brousse (Wiè),
de l'Eau (Baa)
et de la poussière (TA-Baalu).
Si les augures concordent (les poulets sacrifiés doivent
expirer sur le dos, ailes 'ouvertes (aode-na), preuve qu'ils
sont agréés), i l reçoit l'autorisation d'ouvrir la chasse
... / ...
-
218 -

(wiè). ~lais, au préalable, i l lui faut encore tester cette
': .
, -
.
réponse de "Tllgan" en organisant trois battues
(yèru)
qui
"
doivent se terminer sans problème (1),
c'est-à-dire sans
désapprobation de "T~gan" de quelque manière : accident de
fléchage, ,morsure de serpent, conflit des chasseurs, etc ••.
Dès lors,l'organisation de la chasse ressemble
à celle de l'association de culture, bien qu'ici la parti-
cipation soit libre et non obligée. Elle donne lieu à la fi-
xation d'une date et d'un cadre géographique qui font l'objet
de rappels, à la désigna~ion d'un point de ralliement et,
après l'opération"à des rééditions périodiques.
La chas~e est ,une entreprise périlleuse qui sup-
pose un minimum d'initiation à la brousse (wiè) et à la mani-
pulation des flèches. ,Nombre de chasseurs ne sont pas revenus
de cette expédition par suite de caus'es diverses:
attaques
de fauves, mor~ureB de reptiles, blessures de flèches em-
poisonnées, etc ••• Certes',":'il existe, plusieurs techniques
rudimentaires de traitement de la blé'ssure par flèche em-
poisonnée :
extraction par transpercement (et non retr.i~)
du mewbre atteint; ponction du poison: par sucien et saneu-
tralisation par d'autres produits, ce qui suppose une bonne
connaissance de sa compusition et particulièrement du "brise-
poison"
(low kaba)
du groupe
(2). Mais,
en dépit de tout
cela';' l'évolution de la blessure par flèche empoisonnée est
souvent fatale.
(1) D'après informations recueillies auprès de KUSIELE DABIRE,
E.~ Chef de terre du Bilwon (nom de circonscription de
"T@gan"), du village de Pirkwon.
(2) Les ingrédients varient selon les types de poisonJqui peu-
vent eux aussi différer selon les groupes, m@me au sein
d'un clan)voire d'un lignage.
.../ ...
-
219 -
..
",., ~,
" ·
' ' ' " , .•. ~

Aussi,
avant l'Age de l'adolescence
(pol bile),
les enfants ne vont-ils pas à la grande chasse et, marne à
cet age';' ils sont tenus de cheminer avec les membres de leur
lignage, aux cStés de chasseurs avertis. De plus, la parti-
cipation,~ cette expédition requérait~ surtout jadis, une
consultation expresse des Anc~tres (Kp!m~). Les trophées
rapportés leur sont également confiés,
d...ns "zaw"
(entrée
principàle de la maison et séjour des ,Bois ancestraux). Il
ne doit pas ~tre perdu de vue' que la référence ultime, ici
comme ailleurs,
c'est "yir"
(la Famille)
et une analyse
du groupe de chasseurs,
comme celle de l'assistance aux
funérailles,
décèlerait une juxtaposition de lignages, voire
de sous-lignages.
1. -,LES AUXILIAIRES DE CHASSE
Si la préparation à la, chasse se fait au plan so-
cial et mystique,
elle comporte ég~ement des aspects tech-
niques. Le meilleur auxiliaire de t'homme à la chasse, c'est
10 chien. Mais vivant des restes de nourriturel.dans cette
région d'économie de subsistance,
i l s'avère,
dans plus
d'un·
milieu,
d'un entretien dif'ficile; Car, un bon cllien
de chasse doit ~tre correctement alimenté et m~me, précise-t-
on, recevoir souvent des mets directement de Son ma!tre, au
cours des repas,
"afin de: ,bien le conna!tre". Cep'endant,
eu
égard à leur utilité, certaines personnes s'entourent de
plusieurs chiens.
Quant à l'accoutrement de chasse dagara, i l com-
prend essentiellement l'arc
(tll.m)'~' muni d'une castagnette
(k6kola).
Il faut ici souligner que le Dagara ne tue pas de
... / ...
- 220 -

b~te sans au préalable l'identifier, par peur d'abattre
quelqu'animal numineux et mystiquement dangereux,
ou en-
core plus grave,
le totem de son clan qui est considéré
cor.une un protecteur et un vrai parent .. Hais aussi
IIkakola"
avertit l'entourage du départ d'une flèche,
la propriété
du gibier revenant au premier chasseur dont celui-ci porte
la [lèche
(1).
La castagnette suscite encore sur le gibier le
m~mc f:"!ffet de "kiai" (rn-lion des esprits,
en japonai~) que
le cri du karateka sur son adversaire
:
la b~te, alertée
et surprise, mobilise mal Ses énergies et,
dans cet eîfort,
est atteinte par la flèche.
L'arc ne va pas sans le carquois
(low)
de flèches
(p'tme)
(2)
tandis que deux ou trois,
au moins,
sont por-
té es
(cnr)
sur l'arc bandée,
durant l'avance du chasseur,
le gros de la charge demeure dans le carquois suspendu en
bandoulière. Longternps avant l'ouverture de la saison de la
chasse,
d~s apr~s les récoltes, les fl~ches ont ét~ empoi-
sonnées
(z~li), puis, avant le jour de la chasse, elles ont
été aiguisées
(kar),
leurs crochets réglés
(pas trop écartés
pour ne pas gêner la pénétration, pas trop rabattus pour ne
pas 8trc éjectées par le gibier atteint),
leurs entailles ou
marques distinctives,
couvertes par le poison,
rouvertes et
accentuées.
(1)
Les flèches
qui rechutent
(tè kpaa)
ne cornptent pas. Les
flèches postéri.eures donnent droit au .rang d'accessit
(rnfu-lym<rè ) .
(2)
lILo'l.,1!
:
carquois
poison.
"P'ti",
singulier de "ptrne"
(I:lèches).
"Pti
zèlè"
(flè-
ches empo.i.sonnées).
"Pti luorè"
(flèches non ernpoisonnées),
notamment pour usage dans l'eau.
... / ...
-
221
-

A It arc et au carquois de flèches s'ajoute une
carmc massue et crochue
(dakura)';' outil par excellence du
berger,
que l'on retrouve à l'épaule du chasseur.
(test
l'arme
de
choix quand le cercle se rétrécit ou lorsque la
la
proie se hasarde à Iportée de la main.
En outre, le
chasseur porte au ·'bras gauche un bra-
celet
(zan)
en peau d'écureuil,
d'iguane,
d'ovin ou de ca-
prin,
cousue et bourrée de coton ou de kapok et servant
de para-choc à la corde de l'arc,
après le départ de la flè-
che.
l'Hl.tes en bois taillé
("el,i)
ou cors
( ilè) en cornes
de b~tes facilitent les ralliements des chasseurs et per-
mettent également de conditionner les mouvements des b~tes.
Une bourse en peau tannée
(wuo),
à laquelle peut ~tre accrO-
ché
IIdnkura"
(canne),
est
destinée à recevoir le petit
gibier.
Enfin,
i l
est rare,
eu égard aux rigueurs
de la sai-
son,
que les chasseurs se passent d'un chapeau de paille de
jonc,
coiffure qui contribue efficacement au camouflage.
Bien que la chasse
se pratique aux moments
torrides
de l ' aml ée,
de Février à Mai~' les chasseurs emportent rare-
ment avec
eux de l'eau potable.
Ils boivent dans les marigots
en creusant au besoin dans le sable frais
de petits trous
ou riltre une
eau
boueuse.
Dans la nécessité,
i l s n'hésitent
p~s a s'abreuver de sang de gibier ou à manger de la viande
lrL\\.~che.
... / ...
- 222 _

SCIIEL;\\ N \\)
14
DISPOSITIF
DE CHASSE
ZD
LEGENDE
:
1)
-
A(I.II.III)
et 8(I.II.III)
= "wè-nuru" : "bras", ailes de
chasse,
* soit à partir d'une m@me base Z dans "wè-kp@e" (grande
chasse)
;

soit à partir de deux bases différentes
(ZA et ZB)
dans
"wè-tuor"
(chasse de rencontre).
2)
-
Cas
de
t1 w è-kp@e"
1.1
"wè-pèr tl
(arrière,
bllse
de chasse).
JI
II.II
t1 w è-zi,(jè"
ou "wè-nyAa rt
("poitrine de chasse).
I I I . I I I
: ''wè-zu''
("t/He",
front de chasse).
l'l.
:
II H è-sûw"
(centre de chasse).
-
223

2. --
LES TYPES DE CHASSE
Il faut exclure tout de suite de notre propos la
clw.sse au feu de brousse
(nyiw vuu)
et aux pièges de diver-
ses
sortes
depuis
" l i l i - bèra"
(piège à oiseaux ou ~lue) et
"l{~·<1-bèriIf (pièges il pintades sauvages) j~squ' auX pièges à
ressort m6ta11ique,
d'importation,
destin6s au gros gibier
ct
:tU~: 1~auve 5 •
Les chasses organisées sont
de
trois sortes.
La
moins
importante,
"yèrull
est une battue qui
se mène dans
le voisinage du village,
dans "poli"
(petits champs) ,_ r6-
colt6s ou en jachère,
la brousse proche
(va porè puo)
dont
les for8ts-galeries des marigots.
Cette chasse tire son nom
de la disposition des participants qui avancent en bande
étalée
(yèr),
couvrant une 6tendue plus ou moins grande.
C'est le type de chasse qui est pratiqué- rituellement lors
des premières funérailles
d'un
homme.
Hors
de ce cas,
l'organisation de "yèru" ne demande pas un rituel spécial.
Elle découle du désir de se procurer du petit gibier
pour améliorer le menu,
né habituellement au niveau d'un
groupe de jeunes gens du village. Comme i l vient d'~tre dit
plus haut
dans
l'introduction,
ITyèru ll
peut 1!tre une manière
de
simuler la cha~se, de tester l'approche de l'Esprit de
la
Brousse
("wiè"
brousse,
chasse).
Le deuxième
type
de chasse,
1f zo -tuor ll
ou -""è-tuor ll ,
lIcl1a~,se de rencontre", met en caUSe l'Esprit de la Brousse
(Hia>
et en branle le processus d'institution de la chasse
... / ...
- 224 -

dont i l vient d'~tre question au début de ce paragraphe.
Quant à
sa stratégie,
deux vagues importantes,
se recru-
tant au niveau de plusieurs villages,
voire de deux ré-
zions
différentes,
par
exemple, celles
de
Wiile
et de Lobr,
s'entendent sur une zone de ralliement,
encerclant le
gioier dans leur développement.
Il importe que les fronts
des
deu...'C formations
se
touchent
deux à -.àeux,
que le
cercle
soit complètement fermé,
avant l'entrée en action,
sinon
les b~tes s'échappent par les entre-baillements.
Si la
figure de "wè-tuor"
(chasse de rencontre)est facilement
réalisable,
son organisation soulève parfois des difficul-
tés
d'abord,
i l faut réussir à générer puis à
coordonner
deux mouvements de chasse
ensuite,
lorsque les partici-
pants relèvent de deux sous-groupes différents,
les ha-
bitudes de chasse pré5entent de légères variance5 qui peu-
vent nuire à l'harmonie;
l"identification des
flèches
et
ln connaissance des
contre-poisons se compliquent.
Le troi~ième et dernier type de chasse
(wiè),
la
"grande chasse ll
(Ilwè_kp~ell ou simplement ltwiè"), utilise
la m~me stratégie d'organisation que le précédent, mais
procède à partir d'un seul point de ralliement.
Il paratt
donc plus contraignant dans la mesure o~ le cercle devant
etre :Cormé à partir d'une seule base
(t1,.,è-pèr"
"arrière,
i)ase de la chasse ll ),
l'opération exige plus de marche.
Ici le front de chasse
("wè-zu"
:
'It~te de chasse") se com-
pose des avants des ailes
("wè-nuru!'
:
"bras de chasse")
~auche et droite
i l doit ~tre 6galement bouclé
la wiè
l:ori na)
avant le début de l'attaque,
afin d'emprisonner
le sibier au centre
("wè-sow"
"centre
de chasse")(l). Ne
(1)
Voir Schéma n Q
14 sur le dispositi~ de la cllasse .
. ../ ...
- 225 -

p6n~trent dans ce cercle que les. chasseurs exp~riment~s
et après en avoir dam~nt averti lescmembres de leur ramil-
le
(on y
est évidemment plus expose qu'ailleurs aux flèches
perdues ct aux rencontres de fauves).
La chasse peut durer un, jour, mais très souvent,
elle s'étend sur plusieurs
jours par suite des combinaisons
qui sont pratiquées.
Par exemple,
" wè-tuor" peut @tre la
forme finale
de deux chasses
(wèru)
qui .-ont commenc~ s~pa­
rérnent.
Ou encore,
après une première jonction,
surtout
si les résultats n'ont pas ~té satisfaisants, le mouvement
est red6ployé dans une autre direction.
Enfin,
la recherche
du gibier bless6 peut· se poursuivre plusieurs jours durant,
après la dispersion de la chasse. Par contre, les attaques
des fauves ont souvent eu pour effet de briser la chasse.
Toutefois,
ceux qui
p~nètrent dans le cercle tftchent de
détecter leur présence et d'en informer les autres pour les
dispositions à
prendre en vue de les attaquer ou de leur
ouvrir une sortie.
De nos
jours, le grand nombre des armes à
feu a
modifié la physionomie de la chasse et favorisé la pratique
de la cllasse individuelle. On note également une raréfaction
des b8tes sauvages dont certaines espèces tendant à dis-
parattre font l'objet d'une protection au plan national.
Avec la création des for@ts classées et l'interdiction des
l.CUX
de brousse, les réglementations de la chasse,
voire sa
supprcssion pure et simple,
comme Ce fut le cas en lIHaute-
'iolta" de
1980 à
1982,
cette activité a perdu beaucoup de
son importance au pays dagara
elle court m~me le risque
de disparaî~re, par manque d'éducation de la jeune généra-
tion,
par oubli du maniement des armes
traditionnelles et
... / ...
- 226 _

par crainte des
san~ticins· ex6rbitantes qui frappent par-
rois les chasseurs pris en infraction
(1).
J.
- Le:S H1PLICATIONS SOCIOLOGIQUES DE LA CHASSe:
La cllasse est un ph~nom~ne social qui a ses re-
Zlcs et ses
interdits et incarne des valeurs sociales a
divers niveaux.
Comme l'agriculture et l'élevage,
elle est
pour l'homme un moyen d'auto-création,
qui donne lieu à
de!!!:
célébrations et à des symbolisations, notamment lors des
funérailles.
Activité typiquement masculine,
elle est une
véritable initiation à
la virilité,
une haute école de pro-
bité et une préparation à la guerre.
C'est aussi une réfé-
rence d'honneur:
un homme ne
tient pas le plat de la main
gauclle quand i l se s e r t :
celle-ci,
qui tient l'arc, ne
saurait aSsumer cette besogne,
réservée à l'enfant ou à la
femr.le.
Parmi les nombreux comportements relevant spéci fi-
quement de llordre de la chasse,
i l convient de souligner
quelques caractéristiques qui contribuent à
la compréhen-
sion de l'homme dagara et de notre sujet.
Car,
en tant quVac-
tivité de base,
la chasse commande beaucoup d'attitudes,
de compo.-:.-tements et de conduites.
En particulier,
elle en-
gendre et entretient diverses relations sociales,
dont cer-
taines ont ~té déjà abordées i
propos de l'agriculture et
de l'~levage, préCisément au sujet de la fonction m~dia­
trice de l'élevage.
(1)
~~ 1986, un groupe de chasseurs a été arr~té au vil-
la~e de D~egSwn, dans la Province de la Bougouriba.
Après avoir retiré leurs arcs et flèches,
l'administra-
tion a imposé à
chacun une amende de
5.000 francs
CFA •
-
227 -
.. ./ ...

D.abord.
la priparation m@me de la chasse est
tul
phénomène social
très structuré
et à plusieurs niveaux.
I l faudrait ajouter â
ce qui a
~t~ dit sur l'institution
de la chasse,
dans l'introduction,
que cette activité
im-
plique un long apprentissage technique du maniement des
flèches
ct
de
la
canne
(dakura) ..
Les
jeurles
s ' y
consacrent,
durant la saison sèche,
par des
exercic~s de tir à l'arc,
d'autant plus
cruciaux quion y
engage
de l'argent ou de
ses
~lècllCS (tè-de), ou encore par des entratnements de lancer
de cannes Sur des cibles mobiles
(mwa-lobru).
Elle
suppose
aussi une initiation à la brousse et aux moeurs
des ani-
~aux. I l faut savoir reconna!tre le voisinage d'un cours
d'eau par les essences
de la végétation,
distinguer les
animaux par leurs
cris et éventuellement leurs
effluves
les identifier par leurs
traces
et leurs dichets
et dit er-
miner 6
partir de ces
derniers éléments leur temps
de pas-
saze
retrouver le g!te de chaque gibier selon son espèce.
I l importe encore de savoir comment vivent les b~tes, par
couple ou
en bande,
à telle piriode de l'annie ou de la
journic,
de quelle manière riagit le mAle ou la femelle
devant le danger,
surtout
en cas
de blessureJctc •••
Et par-
clessus tout,
i l
existe certaines b@tes dangereuses qu'il
faut
s'abstenir de
tuer lorsqu~n n~st pas suffisamment pri-
muni,
telles
"duol!
(sanglier),'lbuurm~1I (sorte de coba)lj
",·ral-sèla"
(biche brune).
Ensuite la pr~paration procllaine de la chasse
nécessite une
séance d'empoisonnement des
flèches
(10""
zèlu)
qui
se pratique par groupes
claniques.
I l
est à noter que
l'affiliation à
tel ou tel
groupe de poison,
au sein d'un
... / ...
- 228 -

ï.ler:1C
clan,
reste libre.
Cependant,
on peut ~tre contraint
par des antécédents
rll.cheux
à
se défaire d'un
type de poi-
son
et i l est mal ai si que dans la m@me maison,
voire dans
le In@me sous-lignage,
les gens utilisent des poisons dif-
r~rents
cela nuit a
la qua1it~ des poisons,
qui se neu-
tralisent,
du point de vue de leurs effets mystiques,
en
cas de confusion ou de non respect de levrs interdits
et
aussi,
i l siensuit des complications pour les
soins,
dans
les cas de blessures,
chaque poison ayant ses antidotes bien
dé~inies (low kaba). Le nombre de groupes de poisons varie
dans le clan,
en ïonction des essences uti1isée~ pour pre-
p~rcr ces poison~ et de leurs sources d'acquisition.
Cette
variation justirie celle des interdits qui les accompagnent.
Toutefois,
dans la grande majorité des cas,
ces poisons se
préparent à
base de décoction de fruits
et de feuilles de
Strophantus
(ièb)
Il s'y ajoute certes quelques autres in-
trants variables.
I-lais la spécificité du
poison
ct de ses
cfi'ets qui est couramment admise renvoie en dernière ana-
lyse atL~ sources ancestrales et mystiques.
Quant a
la séance diempoisonnement de flèches
(101< zèlu)
elle-m~me, elle s'entoure d'un véritable rituel.
L1opération
est réservée aux hommes_
Cependant,
une femme
ayant <ltteint l;age de la ménopause,
baptisée "low mâ"
(mère
de poison)
est autorisée à
apporter l'eau en vue des pré-
purnti~s, mais sans pouvoir la servir,
tache qui revient
Ù
"1011 slla"
(père de poison).
Sont également écartés de
1110)(
zèlu"
(empoisonnement des flèche~,~R~mmes dont:. les epou-
ses sont en début de grossesse,
ceux ayant:. eu des relations
se::uel.les la nUlt précédente. L'état de
jeo.neest obligatoire
j,ien plus,
i l n'est pas permis de faire
sa toilette le matin
... / ...
- 229 -

de cet
~v~nement i
moins de m8ler de la potasse i
l'eau
(celle-ci
étant apportée du marigot par
les
femmes).
La
séance se déroule aux sons des
cors e~ ues [lOtes et n'y
ont acc~s que les membres du groupe.
Les instruments utili-
sés
de~cureront ensuite entassés jusqu'à la cérémonie d'ou-
verture
(low wèlu)
qui
survient avec IVabattage d'un gibier
(à quatre pattes) avec les flèches nouve).lement traitées.
Inutile de souligner que le delai qui
sépare les
deux r i -
tuels,
de m~me que l'importance du gibier tué,
sont des
r6f6renccs pour la bravoure de la Famille concernée.
-
S'agissant du chasseur,
qui
est amené à verser
du sang et de
surcro!~ en brousse, conduite frappée d'un
interdit rigoureux à
moins d'une raison supérieure d'agir,
i l est obliS;é de se
soumettre à
une série de pratiques de
protection et à une véritable éthique de la brousse.
Ainsi,
i l doit manger
"wè-tti"
(médicament de la brousse),
préparé
avec des morceaux prélevés sur certains animaux sauvages
particuliirement dangereux
(1); tels "duo"
(sanglier),
"buurm8"
(type de coba),
"wal sèla"
(biche brune)
cette
médication s'impose surtout lorsqu'il vient d'abattre l'une
de ces b~teB. Mais,
dans una moindre mesure,
tout le groupe
des hOr:W1CS
et les
enfants sont
soumis à
cette préparation:
de
tout gros gibier abattu
(la référence
se situe à partir
(1)
Il s'agit plut8t de
b@tes mumineuses que de b@tes féroces.
;~lles sont ~ distinguer des fauves, par exemple.
· .. / ...
- 230 -

de J.8. biche)
i l
est prélevé W1c part du
clan,
qui
est
fu-
I~lL~e et conserv~~ a\\1 ~renier pour Il w è-tti Il collcctif c> Si
lp-s
f'2liIDles
en
~g~, dont "101<: m!lrf (mère cie poison) sont in-
vit~~s ~ 1~ex6cution des tSches félninines (apport dieau,
nrépa.ration de
lI Sflél b",
pâte cuite
de
farine
de
mil,
0t dl:
la
sCl:lce),
les
.filles nubiles
et les
j eW1es
épouses
en
sont
[.:Jystématiquement
é.cartées.
Ici
lé~s alfairc!5 de chns-
sc
s&parent les
clans,
parfois les
ligna~es, et distin-
!jucni: le
groupe
des
femmes
de celui
des
hommes.
D'm, autre point de vue, le p3rtage du gibier
abattu crée lln processus
de
sooialisation à
partir du ré-
seau de relations qui se tisse dans le groupe
(1).
En ce
qui
concerne le gibier de
chasse,
Sa distribution est
[.;oumise à la réglementation suivante
1)
-
la patte-arri~re droite
(sBa-gb~r) revient
au TJ~)-e rf:.eJ. on classificatoire du tueur ..
Celui qui la
rcçoi 1:.
s' enga.'re
à
af'sumer
de quelque manière
la
tutellf~
du cIlasseur
en
tant
~ue fils
2)
la croupe représente la part de la mere
(ml si~). Il a été expliqué ci-dessus au paragraphe"rela-
t i f a llêlevage comment ce lot peut conduire ~ lforfrande,
alD':'
funérailJ.es
du chasseur,
d 'une b~te
(Iltamiur-naab",
Ij_ttôrlliement,
"vache de
la corde de
l'arc")
qui
honore
le mort en tant
que
chasseur
;
(1)
Il sera question,
dans la Deuxième Partie,
des b~tes
immolées
aUX
îunérailles ..
-
231 -
• • • /
• •
0

J)
-
le ''ramasseur du ,<;ibier abattu"
(mftnyowrè),
compagnon d'occasion du chasseur,
reçoit les boyaux et
des morceaUX taillés sur la îace ventrale,
au niveau des
c8tcs
ct de 1.' abdomen
(lf g bièrè ll ou "pip nènè " , en dngara).
S'il s'agit d'un oiseau,
cette part comprend esscntiel-
lCQcnt une aile avec la moitié du tho::.ax,
le cou et la
tete
4) - en chasse organisée, une patte-avant re-
vient au tuteur ou ma!tre cie chasse
(,dè
sob),
qui peut
en outre &tendre ses droits sur la peau de
telle ou
telle
espace de gibier
.5) - la deuxième patte-avant, de préf&rence la
droite
(Ilba-g:bèr"
"patte de l'ami"),
lorsqu'elle n'est
pas attribuée prioritairement,
revient à l'ami de chasse
flui peut
se
confondre
avec
Ilrnflnyo,..-rè ll quand 11 ami
est
en m8me temps le compagnon de chasse.
C'est aussi,
éven-
tuelleQent,
la part de celui dont on a
obtenu la flèche
utilisée et qui,
à moins d't:!tre un proche parent,
est un
ami sincère.
Elle contribue donc .-J. l'entretien de la re-
J.ation amicale avec tout ce que celle-ci implique,
no-
ta~nent comme dons et services r~ciproques
6) - la peau du gros gibier est destinêe au
prop]-i6taire du poison
(low sob),
charg~ d'en trouver les
intrnnts ainsi que du respect (les interdits.
Si y
ajoute
une pé\\tte-avant quand celui-ci relève d'un "yir"
(elnn)
cli~'-rércnt. Lorsque le poison est tille propriét~ de " y ir"-,
... / ...
--232 -

le droit sur la peau se conforme aux principes de tutelle
paternelle, comme celui sur la patte-arrière droite
(sRa-
gbèr).
En dehors de la chasse organisée, i l est indiqué
de remettre la peau du gros gibier au chef de terre
(t~­
gan sob)
pour éviter toute entremise individuelle avec
l'esprit de la brousse
(Wiè). Dans l'fnstitution de la
chasse,le ma!tre de chasse
(wiè sob)
reçoit en quelque
sorte délégation de pouvoir de "tllgan sob"
(chef de ter-
re).
Aussi est-ce à lui qu'est référé le gibier ramassé
dont les propriétaires ne sont pas identifiés
;
7)
-
le cou représente proprement la part du
chasseur. Avec la tllte, i l est consotlUl1é dans "yir"
(mai-
son du chasseur). Le tueur bénéficie encore d'une patte-
avant quand celle-ci est disponible
(cf. points q.
5 et
6 ci-dessus).
Quand on sait, par ail~eurs, qu'une part de
l'animal tué est à réserver pour la cé1ébration collec-
tive de la chasse
(wè-t!i). on se rend compte aisément
que cette activité,
du moins jadis, n'avait pas pour but
l'enrichissement de l'individu qui la pratiquait,au plan
matériel ..
-
La chasse est
encore une
école dtéducation à 1
vie communautaire et morale.
De mllme que personne ne cons
ve un objet ramassé
en brousse ou un animal
domestique
é
..... / .....
- 2.3.3 -

en toutes
circonstances,
un
chasseur doit respecter scru-
puleusement la propriété d'autrui,
sous peine d'avoir af-
faire au génie de la brousse
(Wii)
lorsque sa flèche at-
teint une b~te qui en porte déjà une, il n'a droit qu'à
la part de l'aide
(mSnyowri).
Il doit porter secours aux
autres,
surtout en cas
d'attaque des
fauves.
Quand une
flèche de son groupe de poison (low)
atteint un compagnon,
i l doit intervenir pour extraire le poison par sucion de la
blessure,
indiquer le contre-poison (10" kaba)
et le trai-
tement d'apaisement adéquat
(1).
a
-
Enfin./ses funérailles,
tout homme est I,onoré par
l'exposition des
trophées de chasse et par la battue rituel-
le
(Tlkp'l:i-mao"
chasse de l'anclltre,
du mori)(2), peu de temps
avant llinhwnation.
Lorsque le mort est un chasseur
de renom,
i l est s}onbolisé par un bovidé appelé Tlnaab" dont la carac-
té>'istique est que celle-ci porte au cou.'
un arc
c'est
"t1mJiur-naab"
(littéralement:
" vnche de la corde de l'arc"),
immobilisé,
jarrets brisés devant le hangar d'exposition
(paala) dis le deuxième jour des "funérailles
(ou simplement
lisoté s ' i l s'agit d'un oviné).
(1) Le miel est utilisé de taçon générale. Les autres es-
sences employées COmme antidotes varient
selon les
types
de ?oison concernés .. On y rencontre les
l"euilles
de
fi l 0",';
ièr",
1t p 8p8w'",
"rrrOm{lla-saa-biir",
etc . . .
(2)
"j-:p'l:i-m{\\o"
(de "Kp'l:in"
esprit d'anc8tre,
nt
lI mao"
:
herbe';!
brousse)
ou encore
"leo-mfio"
("ka"
de
"kuor"
funérailles) .
... / ...
- 234 -

4. - QUELQUES ACTIVITES CONNEXES DE LA CHASSE
1.
- Chasse et p~che
A la chasse,
i~ faut associer la plche. Mais cette
dernière activité
est
très limitée par suite
du manque d'eau
car, peu après l ' a r r l t des pluies, les marigocs se dessè-
clIent,
laissant
quelques rares points
d'eau o~ les femmes
vont puiser et les
animauX s'abreuver. Lorsque l'une de
ces
poches
ct' eau
se révèle poissolU1eus~,eUedonne lieu à une séan-
ce collective de pBche.
Tout marigot a un pruvriétaire qui est le premier
chef' ue
l:erl'e
établi
dans
les
lieux ou un ancien de
sa Famil-
le. C'est ce dernier qui consulte les esprits et donne l'or-
dre de plche, à la période et au point d'eau choisis. Selon
l'ordinaire, la séance de plche est plus simple que celle de
chasse.
Elle a un aspect ludique et femmes et enfants y par-
ticipent.
Néanmoins
certains marigots
-
généralement per-
sOmlifiés
-
"exigent"
des
sacri:fices préalables pour laisser
lil)r~ ~uurs à la p@che dans leurs eaux, sous pe~ne de graves
inci~cnts de sources mystiques
:
noyades,
morsures de
ser-
pents d'cau,
etc.
i l faut
en e:Cfet rappeler ici que "Nan"
(fleuve)
ou "Baa"
(rivière,
marigot),
tout comme "IHè",
sont
des
esprits
de la Puissance-Divinité
"Tt!gan".
La
séance
tra-
ditionnelle de pIc he collective consiste à remuer l'eau de
manière à obliger le poisson à remonter à la surface pour
y
8tre fléché
(1) ou cueilli aux paniers
i l peut encore
Itre emprisonné dans des corbeilles faites
de bRtonnets flexi-
bles et arqués
(tige).
I l convient de retenir que ,tout comme
(1)
Les flèches utilisées ici ne portent pas de poison •
.../ ...
- 235 -


la chasse, la pllche est une ';ctivité qui est liée aux sour-
ces sacia-religieuses de la v i e :
à "T~ganl1t
source des biens
terrostres
et de
toute prospérité,
et aux anc~tres, à com-
mencer par ceux-là qui s'établirent
les premiers aux abords
de la rivière ou du marigot
et qui ont le pouvoir de
" re pren-
clre ll
ces
derniers
(d'où
leur
tarissemeI1.t
sans
cause apparente).
2.
-
Cllasse
et
guerre
Il
a
été fait allusion ci-dessus aux relations en-
tre la chasse et la guerre,
à propos de la stratégie dagara
ou enCOre de l'apprentissage du comportement viril et de ses
aboutissements.
Cependant,
de ce que nous connaissons
des
Dagara,
il?~ous semble pas autorisé de dire qu'ils soien.tdes
guerriers
et des conquérants, mais plut8t des agriculteurs,
dp-s
éleveurs et des
chasseurs périodiques.
Plusieurs raisons
plaident en faveur de cette position:
le manque d'organisa-
tion centrale,
diarmes
à feu et de monture.
En outre,
dans la
mentalité dagara,
i l ne peut ~tre question de retirer "T~gan"
(Puissance-Divinité Terre),
qui prodigue généreusement ses
richesses
aux hommes dévoués
à son cu.lte et,
par contre, cha-
tie ccux-là qui
contreviennent .:;
ses interdits.
De ce
îait.,
i l importe,
en
terre étrangère
d'apprendre des premiers oc-
cupants comment vivre pour mériter de "T~gan" pluttlt que de
leur arracher
terres
et biens.
Cependant, la forte solidarité sociale fondée sur
les ramifications
de "yir"
et 1es relations d'alliance,
le
devoir de venger le crime de sang et de déîendre le patri-
moine ancestral
d'une part,
d'autre part,
l'efîicacité et
l a
cruû.uté
du poison des
flèches,
ont donné
des occasions
... 1 ...
- 236 -

de combats
farouches .et meurtriers .edan~ les nombreux con-
î l i t s internes qui ont opposé les clans ("tè taa"
s'ex-
pliquer par les flèches),
dans les affrontements avec les
voisins
tels
It~ Sisala,
les
Vian et les
U,.,a,
ou encore
face
aux envahisseurs.
Les
\\o/attara
de Kong
subissent une
d~faite ,i Wa, avant d'inventer le bouclieL" en cuir contre
les flèches;
les Djerma de Babato sont battus à
D@lcut~w,
au Département actuel
de Ouessa,
sans que
cela suffise à
arr~ter leurs razzias (1)
le ~~rabout Karantao de Oua-
llabou voit
ses prit entions de domination sur le
dagara
s'évanouir dans
la haute
savane de J~jerma. L'invasion des
sofas de Samory et de son fils
Sararuceni Mory,
avec la
complicité des Jula Wattara,est contenue tant bien que
!i1al
par la coalition des Lobi,
des Dirifor
et des Dagara
.
l '
liarrivée
des
colonisateurs
français
et anglais.
Jusqu "
Quant LlUX colonnes
françaises
dont la pénétration a
été
... .....,.
,
deJ.:l
evoquee,
elles
ont
su~i des attaques
et parfois des
pertes
dan:::; plusieurs localités
dagara
:
Navrikpè,
Gegere,
Hakaar,
B8coli,
Kokolibou,
Yocar,
Kpâlcpirè,
Zuolo,
Tovuor,
GiJolw,
Pirkw8,
etc •..
(2).
Les
trophées de
guerre
sont
conservées
tout com-
me
ceu:: ùe. chasse dans
"zaw" avec
les
Dois ancestraux.
Et,
ùe D~r.I" que le chasseur se prémunit des attaques des b~tes
(1)
La pluie,
en emp~chant la poudre à fusil d'exploser, a
été un facteur
déterminant dans ces
deux premièRE vic-
toires ..
(2) Nous renvoyons une fois de plus le lecteur aux recher-
ches de notre collègue et ami METUOLE SOMDA,
N.e., sur
la pénétration française au dagara
(cf.
sa thèse de Jè
cycle citée)
et aussi à
HEBERT,
J.,
in "Esquisse d'une
monographie historique du Pays Dagara",
Diébougou,
1976,
p.
197 à
245.
..'/ ...
- 237 -

,
dangereuses par
tlwè-t'fi",:' t 'homicide se protège par "zte-
t!i"
Im6dication contre le sang)·
A ses funirailles,
en
plus de l'exhibition des trophies de chasse,
de guerre et
de la "chasse rituelle"
IKp~i-muo), des rites spiciaux
sont
exéc,utés,
dont le
détail
sera
exposé
dans
la
Deuxième
Partie.
PMtAGHAPHE IV
LE COMMERCE
Le
commerce diîîère à première vue par sa portée,
des autres activitis de base dagara.
Au lieu d'lltre une
activité de production de biens et d'auto-criation,
i l con-
cerne plut6t l'icàange, la relation,· la transformation des
biens et a pour base les autres activités:
l'artisanat,
l'agricul ture, l'ilevage et,
de nos jours, la chasse.
Aussi
le besoin
a 'acquirir des produits nouveaux ainsi que
la monnaie moderne en CfA a-t-elle favorisé son divelop-
pernent et
de ce fait mllme la pinitratiol1 dans la contrée
d'abord des Yiri,
ensuite des Jula et, depuis une ipoque
plus ricente,
des Mossi.
Au plan ethnique, le rigirne d'iconomie de subsis-
tance oriente de façon prioritaire vers la recherche de la
nourriture pour la sauvegarde de la vie.
L'interdit qui frap-
pe la vente
des denrées agricoles sans transformation est
plus qu'une mesure de protection à leur endroit là cause de
la vic que celles-ci contribuent à
entretenir). Il est une
condition de
liberté.
Car,
l'union de l'agriculteur et de
... / ...
- 238 -

sa production amène J.a.vente.des produits agricoles à lltre
uno forme
d'esclavage:
c'est vendre la
"sueur de
son
front"
ou encore
Son
rrdèwr"
(saleté
essentielle),
c'est-à-
dire finalement
soi-mllme
(1). Tout ce que l'homme réalise
porte plus que sa marque
i l véhicule son essence. Quant
au produit de chasse,
en tant que bien prodigué par "Tl!gan"
(Puissance Terre)~ i l n'est pas non plus propre à l'activi-
té commerciale, car ce serait s'approprier ce qui revient
à toute la société. Dans ces conditions, quelles possibi-
lités et quelle signification accorder au Commerce dagara 7'
1.
-
LES FORMES PREDOMINANTES DU COMMERCE TRADITIONNEL
DAGARA : LE TROC ET LA MONNAIE EN CAURIS
- LE TROC
La forme privilégiée du COmmerce traditionnel,
qui se dégage de l'histoire des sociétés,
c'est le
troc.
C'est lli~ échange de biens contre des biens ou contre
des
services,
qui obéit à des lois toutes différentes de celles
du commerce,
telles la recherche du gain en tenant compte
de l'offre et de la demande et en exploitant la concur-
rence,
les fluctuations des monnaies
et des prix. Là en ef-
fet,
le
souci premier,
c'est
de nouer des relations humaines
de complémentarité et de solidarité qui garantissent la vie
sociale
c'est de faire
en sorte que l'ame du producteur
de biens ou de services "lui soit retournée"
par l'objet
d'échange,
ce qui
exclut a
priori proportion et mesure,
pour
(1)
cr. Chapitre l, Paragraphe l, "dè,.,r" comme modalité
d'existence de l'homme.
... / ...
- 239 -

avoir bSti un grenie~,'lrâvail qui dure plusieurs semaines,
l'artisan dagara reçoit,
en retour une poule. Le forgeron
exécute son travail
contre une matinée a
peine de
travail
effectué par son client.
A la récolte de l'arachide,
tous
ceux qui viennent porter secours -
et aussi souvent qu'ils
interviennent -
ont le droit d'~tre servis, plus ou moins
copieusement,
i l est vrai,
dans la mesure de leur aide
(1).
Qu~ aux médicaments, dans le passé, s'-ils n'étaient ja-
mais
totalement gratuits,
i l s ne donnaient droit qu'à une
contrepartie symbolique
:
cinq cauris, une poule dont la
race
et la couleur étaient déterminées au besoin par le
devin,
etc .•.
De nos
jours,
i l
est vrai,
on rencontre des
guérisseurs qui demandent un boviné,
des moutons,
des chè-
vres ou des poules et de fortes
sommes d'argent,
sans au-
cune garantie pour le résultat de leur intervention qui,
pense le Dagara,
en devient moins efficace.
- LES CAURIS
La monnaie
tract\\ionnelle en coquillages marins
ou cauris demeure dans le sillage du troc
et de l'échange
des biens.
C'est une monnaie mal émancipée de sa valeur
matérielle,
à la différence des monnai~s d'origines euro-
péennes,
par exemple,
qui en viennent à n'~tre que des
valeurs fiduciaires.
Les cauris servent de parures.
Tressés
en colliers,
i l s permettent la protection des
proches pa-
rents
du défunt,
qui les portent en bandoulière,
contre les
attein.tes de ce dernier.
Les cauris,
en outre,
ont une haute
(1)
Le propriétaire du champ leur laisse une portion plus
ou moins grande du contenu de leur panier,
à
leur départ •
.../ ...
- 240 -

valeur rituelle:
ains;;' 1"'offrande saorificielle de 350
cauris
(ou J()O)
aux anc3tres est primordiale dans le maria-
ge
(1)
et ne peut se remplacer m~me par des millions de CFA.
Dans ccrtains rites,
i l n'en faudra que cinq ou m@me un
scul,
ce qui indique bien une valeur symbolique du cauri
par lui-m@me
;
tout en rappelant 1e franc symbolique,
celui-
ci en diffè~ foncièrement vu que c'est sa matière elle-m@me
qui est concernée (2). Le fait est si vr~i que depuis le
taux de change local de 20 cauris pour cinq francs CFA (et
aujourd'hui de trois cauris pour cinq francs),
les Dagara
acceptent, par nécessité, d'acheter aux commerçants de cauris,
l'unité au m@me prix. Le cauri a une origine divine qui lui
confère des propriétés exceptionnelles, notamment purifi-
catoires et protectrices :
comme le fer qui sort des entrail-
les de la terre et participe de "T@gan-T~baalu" (Puissance
Terre-Poussière), i l sort des profondeurs marines et relève
de "T@gan-Baa"
(Puissance Terre-Eau). Sa couleur blanche
et toujours son orig1ne le rapprochent encore de la cendre,
celle-ci provenant d'une ignition par "Saa"
(Puissance-
Divinité Ciel).
L~s caractéristiques de cette monnaie en cauris
~Ch
garanti$s~htlintégrationparfaite dans le système social
dagara :
celui qui
s'cnrichi~ en argent se voit obligé de
convertir son avoir en bien consommable,
d'en "alimenter"
(1)
On assiste à l'heure actuelle à des timides tentatives de
détermination de la "dot" en francs CFA dans les mariages
de filles dagara dans d'autres ethnies.
(2)
Ainsi pour consulter "k6t6rn8" (fétiches)
suite à un songe,
i l faut cinq cauris.
Après certains rites de protection,
par exemple,
certaines maladies infantiles
(bi-gbllm@ pirul
le patient porte au poignet ou à la cheville un cauri
maintenu par une ficelle.
. . '/ ...
-
241 _

la ramille
(yir) ou "le!! relations vitales.
Il peut encore
l'enterrer,
certes,
mais avec beaucoup de risques de
perte
dus au vol, à l'ignorance de la cachette par les
héritiers après le décès du dépositaire, à l'abandon en
cas
de fuite précipitée face,
par exemple,
à une invasion.
D'autres fois,
le trésor en coquillages, à long terme,
se
transforme en poudre.
De ce fait, le système des cauris
se trouve à l'abri de la capitalisation C"efîrénée des ré-
gimes de monnaies
de type
européen.
Celles-ci
en s'intro-
duisant au dagara n'ont pas manqué de provoquer une véri-
table crise sociale : notamment,
elles présentent la pos-
sibilité d'un processus à l'infini de la thésaurisation,
sans dange~~ et d'une transformation de tout en argent et
par l'argent,
alors que
dans la mentalité traditionnelle
le pouvoir tient aux hommes
l'argent a un esprit qui
"possède", "attrape" le richissime et peut le tuer
et
puis,' comme on l ' a vu,
tout ne peut Se monnayer impunément
en argent ; celui-ci appara!t comme une sclérose de la vie
dont il.'· faut se garder
i l comporte une menaae d'aliéna-
tion ontologique
(1).
2. LA POnTEE DU COMMERCE DAGARA
al
-
Portée sociologique
De l'idée que le Dagara traditionnel ne cherche
pas le gain dans le commerce.
certains en viennent à dire
que le Da,gara n'a pas le sens du commerce.
Est-ce à dire que
le commerce est d'une récente importation et une activité
né[';ligeable
?
(1) La théorie marxiste du capital et de l'économie capita-
l i s t e ,
bien que relevant d'un autre monde,
éclaire
ces
idées
sur le pouvoir d1asservissement de l'argent .
-
242 -
.../ ...

-
A en croire les
afîirmations
courantes qui
se vulgarisent de plus en plus et Se cristallisent à la
îaveur des
écrits des chercheurs
qui rev~tent aussi un
intér8t plus marqué dans la mesure où le problème des
origines
et desmgniîications
est désormais posé à propos
des dagara,
les noms matrilinéaires
(bèlu)
auraient leur
orig-ine dans les activités artisanales et commerciales
exercées par les différents Anc@'tres des lignées matri-
linéaires
:

S8~@ viendrait de "sfto-mè" (modeler par soi-m@me)
l'an-
c@tre des Sam@ serait une potière ménagère;
• Mèda découlerait également de l'artisanat de la poterie,
mais
en vue du COmmerce cette fois
et non du ménage
:
"Mè",
modeler;
"da l',
vendre
acheter

Dabire serait une vendeuse de bière de mil
(dAa)
"da",
vendre/acheter;
"bir" :
résidu (extrait) de bière de mil
• l,Sbire
(Kambire)
ou KAbule
(Kambule), une fabricante de
beurre de noi:lr de karité
("kllbur"
:
résidu de beurre de
lcarité)

Som da serait également une commerçante trafiquante ("sfto-
mi-da"
:
s' acheter/vendre par soi-m@'me)
• tandis que Kpowda (écrit Kpoda, Poda ou Pooda) excellerait
dans le commerce des céréales :
"jcpowri" , vider
(greniers,
jarres, canaris de réserves)
"da"
(acheter/vendre)

l'anc8tre Hten serait,
quant à elle, une griotte
(hteni
flatter,
aduler).
. .. / ...
- 243 -

Ces interprétations des "balu" dont le nombre
est demeuré fixe à travers les temps par rapport à la
prolifération des
"dowlu" ou clans
-
ce qui consacre leur
ancienn.eté -
sont malheureusement,
bien que séduisantes,
snns fondement suffisant
(1).
-
En outre, i l convient de noter la grande im-
portance des marchés
(daru)
chez les Dagara. C'est par
rnpport à eux que s'organisent toutes les activités et la
vie quotidienne,
en ce sens qu'ils
servent de repères
temporels et permettent de fixer les échéances. Le jour
de "Kps'a-daa" notamment
est à distinguer entre tous,
car
cc~~ qui meurent ce jour-ci, considéré comme néfaste,
n'ont pas droit aux funérailles et sont passibles des
sanctions de mort dite mauvaise
(k~u faa)
de marne, les
principales activités sont gélées.
Le marché
(daa) dagara se tient tous les six
jours
on y vend divers produits et c'est par cette voie
que les agriculteurs,
éleveurs et petits artisans s'enri-
chissent en argent.
On peut y trouver:
-
des aliments
beignets
(s~s~) de mil, de haricots ou
de petits pois de terre également offerts sous de forme de
rago~t ; viande bouillie ou crUe qui regroupe uniquement
les hommes:
pour en atre servieSsles femmes sont obligées
de passer par l'un des clients;
ignames et patates cuisia
nées,
arachide bouillie ou grillée à la cendre chaude,
(1) Cf.
SONE,
Bozie B., Article cité sur"l'fh-ganisation
politico-sociale trad±t±onnelle des Dagara~
... / ...
- 244 -

disposée
en tas
d'un
cauri o· u
e·n·
t a s
de
cinq
(aujourd'hui,
en tas de cinq ou de dix francs)
; condi-
ments .1 sauce:
piments,
"kal"
(soumbala,
en bambara) pré-
paré avec les graines
(do-ziln)
de Parlcia Biglobosa,
sel,
huttres et poissons fumés,
dont la femme agrémentera ses
mets
j
-
des articles de poterie en argile :
jerres
("du"T/laar"
(1), marmites
(zi-duwli), canaris
(yee), plats
(laar/laa-
l@w), pots i
sauce
(lali/laa-l@w) ou i
usages divers
(duwli), po~les géants
(gbaalè), notamment pour griller
les noix de karité
;
-
des produits de vannerie :
gamme des "pèru"
(grands pa-
niers pouvant atteindre un mètre de haut)
et des "pèli"
(pe~its paniers ou moyens), chapeaux de jonc (kpa-wuur),
.corbeilles i
poussins (kasowr),~ménage (kp6'-cuori) ou à
pêche (tige)
-
des articles de sculpture: manches de daba
(ku-kue),
fltltes
(weli), cannes (da-kuri),
sièges masculins
(da-
l<ouli) .. etc.
-
des outils forgés
:
socs de daba (leue) ,
de pioches et
de haches
(lèè),
couteaux (soru),
coupe-coupe
(so-kièri).
Il faut y ajouter le tabac en boules brunAtres
ou en poudre assaisonnée de potasse,
appréciée des chiqueurs
1es ceinturettes en peau tannée,
teintes en rouge,que la
veuve
sera fière
de retrouver après le deuil,
à la céré-
monie
de "yaaru"
(dispersion)
; les calebasses,
outils
fé-
minins par excellence, mais qui,
en tant que produits agri~
coles,· constituent une marchandise mascuJ.ine
; les
bovifiés
et les volatiles
(poules et pintades).
(1) Quand i l y
a deux termes dagara, le premier est en dia-
lecte lobr et le second en wiile. Il s'agit des seuls
caS où les appellations sont tout i
fait différentes •
.../ ...
- 245 -

Les denréeS-d'ïmportation, par leur quantité
ct leur variété, prennent aujourd'hui la première place
étoffes mossi dites "dagara pènè" par opposition aux tis-
sus exoniques
(1), v~tements divers dont la friperie uni-
verselle, noix de kola,
savonnettes, assiettes,
allumettes,
chauss='es, poudres et pOlIUDades, etc., beaucoup de ces
denrées,
désormais introduites dans la vie courante,
l'étant également dans le circuit des &changes d'honneur
(y!h,fu) ou d'amitié.
Quant à la bière de mil (daa),
elle est vendue
dans les cases proches de la place du marché par les fem-
mes,
exclusivement dans
des canaris à
"dfta",
aujourd'hui,
également par calebass"ées ou :Louchées et jusque sur la
place du marché. La série des produits agricoles crus,
qui
ne souffrent plus d'interdit de vente: mil, mars, riz,
igname, patate, vient allonger la liste des marchandises
courantes.
De plus en plus,
sous l'influence et par la
présence des étrangers,
tout tend à se vendre. Cette ten-
dance est accentuée par l'habitude des Dagara de saisir
la moindre occasion d'attroupement:
funérailles, recen-
sement, session catéchistique ••• pour créer un point de
vente
(2).
C'est que l'occasion est alors belle de se pro-
curer des cauris dont l'importance sociale est énorme. Il
a
été abordé tant6t la signification du cauri en tant que
(1) L'appellation de "dagara pèn"
(étoffe dagara) laisse pen-
ser que,
dans le passé, les Dagar"'_ont pratiqué le tis-
sage manuel avant de l'abandonner tout à fait.
Aujourd'-
hui i l existe au dagara des Centres d'apprentissage au
tissage
(projet PNUD).
(2) L'hygiène ne manque pas parfois d'en souffrir. Certains
missionnaires ont eu le mérite de dénoncer les infection
qui
découlaient,
par exemple,
du commerce
de viande cui-
sinée au voisinage d'un cadavre en putréfaction .
.... / ...
- 246 -

valeur essentielle
i l convient ici d'ajouter l'impor-
tance de son raIe pratique.
Si l'horrune dagara vit par les
autres activités
de base
(vivre du commerce,
ce serait
dépendre des autres;
vivre
en esclave),
c'est par son
argent qu'il paratt dans la société et acquiert du pres-
ti~e. Aux funérailles,
i l doit saluer le mort en lui
jetant de l'argent
aux
pieds, verser_les honoraires aux
musiciens
en jetant pres de leurs
instruments une poignée
de cauris, payer la dette de participation d'honneur ou
de parent
(kowèl libie)
et,
durant toute la durée de l'ex-
position,
si
on est proche parent du défunt,
avoir la
bourse bien munie pour rémunérer les cantateurs.
"DB.a"
et
pour l'accueil de l'étranger 7 la bonne vie en société,
m~me le complément d'alimentation que tout horrune se pro-
cure en s'achetant de la viande bouillie
(mw8 lizèr),
sup-
posent que l'on ne soit pas un lint-pla k8fara"
: un "type
blanc",
démuni,
"ko shia"
corrune disent les Ashanti dont
beaucoup de Dagara parlent la langue pour avoir travaillé
dans les plantations du sud ghanéen.
b)
-
Portée ontologique
Il a
été déjà souligné que,
du point de vue
traditionnel,
un interdit frappe la vente des produits
agricolffinon transformés
(par exemple par la cuisson).
L'observation révèle,
de plus,que certains articles ne
font
jamais l'objet de corrunerce sur la place du marché.
Leur acquisition se fait auprès de personnes spécifiques,
~ moins que ce soit par échange de services ou de biens,
par une sorte de "don et de contre-don" qui met en évi-
dence la relation existentielle plut8t que la recherche
du gain.
.../ ...
- 247 -

Ainsi, le berceau (kdu)
du nourrisson avec son
couvercle
(p@pèlè)
et Ba couchette en cuir (bi-gan)
est
livré
à la jeune maman respectivement par une mère clas-
sificatoire (ou tante maternelle)
du nouveau-né et son
père, réel ou classificatoire
(1). De m@me, les balafons
sont demandés à un musien-sculpteur
("gil maalè"
:
fa-
bricant de balafons). L'instrument ici-a une relation
essentielle particulière avec son auteur,
eu égard à sa
sonorité
(à sa "voix")
et i l faut tout un rituel d'ac-
quisition et de transport,
afin que le sculpteur se déta-
che de sa production sans
en mourir
(qu'il ne "s'en aille"
pas avec elle,
car celle-ci le "possède")
ou,
vice-versa,
pour que l'essence de balafon (dont singulièrement la
sonorité) ne demeure pas attachée toujours à son auteur
aU moment du transfert. En raison de cette vie qui anime
cet instrument,
celui-ci était jadis échangé contre un
boviné,
animal qui symbolise hautement la vie et qu'on
retrouve dans la "dotation" des femmes. Un troisième exem-
ple d'article non vendu sur la place publique,
c'est "kow"
(siège de femme). Comme nous le verrons dans la Deuxième
Partie,
"kow" est utilisé pour l'exposition des défuntes
qui onteu de la progéniture et aussi dans la symbolisation
de l'anc@tre féminin ou "kp!i-daa". De ce fait,
i l n'est
pas un meuble banal. Généralement, i l est la propriété
d'une femme précise, m8me si d'autres l'utilisent ainsi
que les enfants.
(1)
Nous renvoyons une fois de plus, à propos de "kftu"
(berceau dagara),
au Mémoire déjà cité de Th. SOME BOZIE
née GOLANE.
·.. / ...
- 248 _

En concllls:ion,il-importé de rappeler que la
voie d'acquisition par troc ou simplement en dehors du
circuit commercial public demeure privilégiée,
en conîor-
mité avec la mentalité de base qui lie par les essences
le propriétaire et son objet et place la relation exis-
tentielle au-dessus du commerce pur,
et de la valeur en
argent.
C'est pourquoi le marchand moderne,
boutiquier,
revendeur de pièces ou transporteur,
dont les bénéfices
sont habituellement évalués avec exagération,
est margina-
lisé}voire considéré le plus souvent, à tort ou à raison,
comme un escroc.
Ce jugement vis-à-vis du commerçant,
avec
l'évolution et les exigences nouvelles de la vie,
a malheu-
reusement tendu vers une généralisation. Cependant, paral-
lèlement on assiste progressivement à une intégration .du
commerçant m@me "moderne" -
celui qui recherche le gros
bénéfice
car cette activité apparatt de plus en plus
comme un travail semblable à
tout autre et un moyen de
gagner sa vie ..
Quant au bon commerçant -
plus généralement la
bOlUle conunerçante car,
chez les Dagara, le commerce tradi-
tionnel est surtout une affaire féminine
i l a droit à
des hOnnelITS, notamment au moment de ses funérailles.
Dé-
funt,
le commerçant,
tout Comme le chasseur,
est honoré
par "zanu"
(1),
qui consis'te à représenter la vie du mort
et son métier devant le hangar d'exposition (paala)
de son
cadavre;
i l l'est encore par des offrandes rituelles,
(1)
"Zanu" :
r@ve. Le jeu de la vie du mort écarte durant
les nuits,
d'après les Dagara, le r@ve,
signe du retour
du mort et toujours source d'inquiétudes.
.. .... / ......
- 249 _

destin6es en outre ~ perp~tuer ses "talents â travers sa
descendance (1). Avant donc de prendre une signification
nouvelle face à l'inflation du codt de la vie,
au désem-
parement devant les besoins sans cesse croissants et à
l'ftpreté au gain qui en découle,
sans oublier le phénomène
d'individualisation qui sert de toile de fond,
le commerce
appara1t comme une activité susceptible de valoriser so-
cialement celui qui le pratique et de l1incarner positi-
vement en vue de l'au-delà.
Il s'inscrit comme une activité
créatrice de vie,
qui recherche l'~tre avant l'avoir. Loin
d'avoir le mercantilisme pour seule source d'inspiration,
i l s'enracine dans un fondement ontologique vu qu'il con-
tribue à structurer la dimension dagara de l'humanité que
tissent déjà l'agriculture,
l'élevage, la chasse et leurs
activités connexes.
En récapitulant les fonctions ontologiques fon-
damentales qui sont déployées à travers les différentes
activités de base
-
celle de se procurer la nourriture indispen-
sable à l'entretien de la vie biologique;
-
celle de nouer et d'alimenter des relations
sociales
·ou
d'unir aux
~tres supérieurs
: puissances
cosmiques, anc~tres et autres esprits ;
-
celle enfin de conquérir la nature sauvage et
de l'assimiler,
on pourrait ainsi dire,
en schématisant,
que
l'agriculture est le domaine de l'@tre pour soi et par soi
l'élevage,
celui de l'~tre pour soi et par les autres
-
la chasse, le lieu de l'@tre absolument autre,
de l'hu-
manisation aux dépens de l'inculturel
;
-
le
COmmerce
enfin,
celui
de lufttre par la relation.
(1) Voir "les offrandes rituelles" dans la IIè Partie au
Chapitre II,
Paragraphe 2.
.../ ...
-
250 -

ANECDOTE,sgH LA VAHINE EN PAYS
DAGAHA AU DEllUT DU VINGTIEHE
SIECLE SUIVIE D'UNE LISTE DES
PLANTES POTAGEHES
Un inforlnateur,
pr~swn~ ne en 1890, raconte :
"Quand nous
avions la taille lIe petits bergers,
i l sévit
Ul1C
famine
terrible dans le pays.
On en venait à ven-
clre les membres de la famille pour survivre
:
un beau
jour,
on demandait par exemple à une iemme de slappr~­
ter
(en toilette)
pour un marché lointain,
en vue d'y
chercher des
cé~éaleBt celle-ci s'exécutait. Parvenues
:..'î.
destination,
la
jeune
fenune
ct sa compagnie
s'asse-
yaient,
tandis que le chef de groupe s'en allait négo-
cier sa marchandise.
BientSt lIes
inconnus
s'amenaient,
tournoyaient autour du groupe puis s'éloignaient,
suivis
d'autres et d'autres encore. Puis le che~ du groupe
revenait avec une escorte,
interpellait celle qui
était
désormais une
esclave et l'invitait à suivre les visi-
tcur~> insolites : c'étaient ses nouveaux mattres ....
Ccu::.:-m~mes qui détenaient encore un peu de vivres au
r011.(l
du grenier ne pouvaient les préparer.
C'est ainsi
(:!.ue nos pères nous
enfermaient
dans le grenier pour que
nous y mangions le mil
(1). Il rallait essayer les feuil-
les
'.-crtes à la cuisson pour s'en I.lourrir . . . ".
(1)
Le grenier principal dagara est une construction im-
posante par ses formes arrondies,
ayant plusieurs mè-
tres de diamètre,et dont l'accès n'est possible que
par le toit en terrasse. L'entrée est coi~fée d'un
énorme chapeau de paille
(cf. photographies, page 510
bis) .
... / ...
-
251 -

Aussi e~t-~e de nos jour-s que le vaste réper-
toire
dagara des
IIfeuilles à
sauces"
tend à
se rétrécir
par le
rait de la
sélection mais
aussi
de l'oubli.
Voici,
pour illustration, une liste de ~euilles qui étaient - ou
sont encore,
cela dépend de la localité considérée et
de la îortune familiale
-
utilisées dans l'alimentation
-
Plantes cultivées:
yO\\,"-vaar
(yowr :
courgette, ~
feuilles)
-
saalu (appelé ailleurs "gombo"
:
feuilles et fruits)
- ]-:6-vaar/k8-va-w8m~ (aubergine :
fcuilles/Frui ts)
-
bersi vaar
(feuilles
de
"ùa" g'éant)
-
bir vaar/bir nênê
(feuilles/pulpes de "da")
-
jt\\gboro
-
niri
(concombre)
- Jd\\cir
- nyt\\nyi-vaar (feuilles de patate douce)
-
im,;r3.-va-'maar
(feuilles de calebassier doux,
non amères)
-
Plantes sauvages des
zones
cultivées
(champs
de case)
-
clèl~o- bir (li da" sauvage)
- nalimll.-nyimê
-
:;:'01,-i010
- ,,'ur -mll.- guur
-
b010
-
tookonali
-
hamol
(dit "kll.cir" européen,
sans doute importé)
- mllctèr-bu-n1lo
-
lili-mll.-kOo-kOo
-
dtu-pègè
-
j e.mê
.. . 1· ..
- 252 -

-
Pla:ltes
sauvages
-
di-sowr ~zone marécageuse)
-
~aa-pla (zone aride: colline)
-
lJl-alca-tuor vaar (plante grimpante)
- 1;8t8-b!li-dakurali (zone !lwnide)-
- ba-paa-buru (plante rampante)
- 1;iru (plante grimpante des buissons)
-
1-:'01;;;:0 vaar
-
Feuilles
(vaar) d'arbres et d'arbustes sauvages
-
tokura (baobab)
-
::;8-1<ura (f'euilles de f'romager)
-
d~-kdm (plante domestiquée ou pas)
-
di-nyd-kao
(plante domestiquée)
-
blhmigbe
(arbre de for8t-galerie)
-
s!l.sS
- k!l.ldl.w (jeunes îeuilles ou fruits de îiguier)
- p8p8-1ur e-kole
-
t8caw-dali
-
VCl1;a
(fleurs etîeuilles)
-
s8sule
- 253 -

CHAPITRE
I I I • -LES CnOYA.!'KES PSYCHOLOGIQUES,
METAPHYSIQUES ET ESCHATOLOGIQUES
DU DAGARA
Le. système culturel dagara avec ses valeurs,
ses
rites et ses coutumes qui tissent le fond de la vie sociale,
repose a
son tour sur un ensemble de croyant:es qui constituent
les ressorts de
la praxis.
Il y a
autant de domaines de croyan-
ces que de vie
et
celles-ci. vont des
croyances fondamentales
aux simples scrupules. Elles s'engendrent les unes les autres,
se complètent,
s'enchevêtrent et concourent à tisser une
trame gigantesque où
les lois de la connaissance expérimen-
tale
(1)
se mêlent aux raisons de foi et aux simples pensées
de
l'imaginaire.
C'est
justement i c i
le
lieu de montrer
éomment
tout cela s'unifie en tant que source commune de l'être,
dans
la pensée dagara,
et
justifie les rapports susceptibles de
lier les êtres entre eux.
PARAGRAPHE l
;
LES CROYANCES PSYCHOLOGIQUES ET
------------
-------------------------------
1/. La double dimension,
visible et invisible, de
l'être
Comme i l a
été dit au chapitre l
à propos de l'homme,
les croyances psychologiques du Dagara situent l'être au
(1) _ Les jugements de la connaissance expérimentale,
simples
constatations
empiriques,
non issues ct lune
démarche
scientifique rigoureuse,
demeurent
i c i
malgré leur
efficacité parfois indéniable,
des croyances •
.../ ...
- 254 -

carrefour du visible et ~e l'invisible, du physique et du
métaphysique,
car non s;'ulèment 1. 'homme "mais tout être par-
ticipe, à
quelque degré et de quelque manière, à
cet "état
invisible et mystérieux",
selon les termes de C. GBAANE
DABIRE
(1), où' les êtres se rencontrent et que l'on pourrait
appeler le domaine du nurnineux, propre aux forces transcen-
dantes.
Par sOn aspect visible qui le rend présent au monde,
percept.ible,
i l
est
"apparent",
soumis au changement,
au pro_
cessus naturel d'alimentation et de reproduction selon la
spécification en genre et
en
espèce
mais surtout, l'être
visible est contraint aux limitations du temps et de l'espace.
Il est l'étant dans son immédiateté. Sous cet aspect,
s'affirme
la faiblesse de l'être,
car l'appara~tre (fofor) se dégrade
et
s'annihile,
faute
de
substance
la manifestation visible
relève du domaine de l'accident, du moins-être.
D'un autre c8té, tout être est invisible,
caché,
mais actif,
doué de conscience,
surtout de logique et d'in-
tention. C'est le lieu de l'essence et de l'énergie de l'être.
Le monde de l'invisible est celui de la transcendance de
l'être qui n'est pas épuisé par son phénomène, le monde de
sa potentialité et de son dynamisme, dangereux et craint en
dehors des rites par lesquels i l peut être mattrisé. C'est
le domaine de la force,
de l'inconnu,
de l'obscur,
de la
nuit. Au dilemne de l'étant et de l'être, du visible et de
l'invisible,
correspond chez les Dagara.
comme chez beaucoup
de négro-africains,
celui du clair et· de l'obscur,
du jour
(1) -
GBAANE DABIRE, C.,
"Le Visible et l'Invisible"
(titre
traduit), op.
cit., p. 43
; et aussi
"La Négritude
est un Humanisme"
(n 0
t
r
e
Essai),
aux pages 18
et 19.
.../ ...
- 255 -

et de la nuit,
de l'extéri~ur et de l'intérieur, de l'homme
et de la femme
••• Pour'nousen ,tenir à" ces derniers termes
de comparaison et en guise d'explication, nous dirons que,
tandis que l'homme est remarquable par son courage,
ses
exploits guerriers, la femme l'est, traditionnellement du
moins, par la puissance de sa génération, par la
vie des
millénaires concentrée dans ses entrailles. Sans elle la
meilleure renommée de gloire ne durerait que l'espace d'un
matin,
selon le poète, qu'un instant devant '''1 'éterni té.
C'est pourquoi, lorsque cet invisible est libéré
dans un contexte rituel et qu'il est endigué,
canalisé et
objet d'adorcisme,
sa puissance nourrit l'homme et le ren-
force,
à moins qu'ell8le possède et l'écrase. C'est ce pou-
voir que beaucoup d'auteurs qui ont étudié les sociétés
négro-africaines reconnaissent à la symbolique nègre, tels
Louis Vincent THOMAS,
JAULIN, LEVI-STRAUSS
(1). C'est de
lui également que découle la puissance du verbe qui a le
pouvoir de créer,
de faire surgir l'invisible. Le verbe,
qu'il soit malédiction ou bénédiction,
conduit à la produc-
tion concrète de son objet chez les Dagara Comme chez les
Bambara, Lobiou Dio ula
(2), par exemple.
De l'invisible -
qui est ici sans rapport avec ce
qui est physiquement caché à la vue -
i l faut encore dire
(1) -
THOMAS, L.V.,
"Cinq Essais sur la Hort Africaine",
Dakar 1968, p.
135
-
JAULIN, R.,
"La mort Sara"
;
-
LEVI-STRAUSS, Cl.,
"La Pensée Sauvage".
(2) -
Cf.
ZAHAN, D.,
"Religion,
Spiri tuali té et Pensée
Africaines, Paris/FAYOT,
1970.
-
PERE, H.,
"Les Deux Bouches", op. cit ••
TIiOMAS, L.V.,
"Les Diolas", Dakar,
IFAN,
1959 •
.../ ...
- 256 -

qu'il a des degrés:
en rlOUS référant à.l'étude faite au
chapitre l
sur la psychologie de l'homme dagara, nous
situerons à des niveaux différents d'invisibilité
-
"siè" qui demeure matériel,
obj et de manducation
par les sorciers et "nyll.-kpiin" qui est un esprit, quoique
terrestre,de l'homme; mais bien qu'étant tous deux des
,
,
sJluls
Il
realites perceptibles desrvoyants,
ils corrçspondent déjà
à deux degrés différents
"kpiin" parfait
i l intervient par inspiration,
information et n'est plus perceptible m~me par les "voyants Il
( 1)
,
en dehors des visions des songes/.~l communique ses volontes
aux vivants à
travers les r~ves, manifeste sa puissance à
travers les événements fastes ou néfastes,
et chaque fois
c'est grâce au devin
(bao-buurè) que ses interventions sont
explicitées et comprises.
Il peut arriver que l'influence prépondérante d'un
l-assê
anc~tre dans la conception d'un enfant;ré·fléter ses traits
caractéristiques
; mais dans ce cas,
cet effet est comme
accidentel dans Une fonction normale
celle d'insufflation
de la vie par les ancêtres à des nouveaux ~tres. Ces retours
d'anc~tres concernent certaines personnes exceptionnelles
et sont dus à quelque raison d'insatisfaction peu commune.
Ils ramènent purement et simplement des anc~tres à l'état
d'existants naturels, dans de nouvelles conditions. Au bapt~me
(kâa tuo), l'anc@tre de retour est nommé
puis,
à travers
le nouveau-né, i l se réalisera en ce qu'il n'avait pu être,
c'est-à-dire
"autrement" ..
(1) - A moins de revenir sur terre sous la forme de "nyê:-kpiin",
ce qui n'est pas un processus normal,
car,
si toute
satisfaction est obtenue par le mort,
son "kpiin" s'en va
à "kpimé'-T~w" et, en principe, n'en revient pas sous sa
forme propre.
.. .. / .....
- 257 -

LI invisibili tÉ:
de
11 siè",
de
"nyâ-lcpiin Il
ou
de
11kpl.in '1 ,
est à
son
tonr r sans
Commlule mesure
avec
celle
de
11~h'lînl1 (Dieu) dont les interventions sont médiatisées par
les puissances
cosmiques,
"Saa"
et
"T@gan l1
ct par
les
Ancêtres.
L'in,,·isibilité
est
ainsl
nne raison
de
transcendance
el.:
donc
de puissance
de
l ' Btre
qui
se
détache
plus ou
moins
du
visible,
phénoménal
et périssable, '"et le
domine.
Cm ponrrait pour s'en donner une idée, la comparer à l'in_
COTlscient,
inconnu
et obscllr
au niveau
de
la conscience,
mais
ressort
f'ondamental
du
comportement
(~t du
devenir
de
tout
l'homme ..
2/.
Le
domaine
d'extension
de
l a psychologie
dagara
La repr~sentation de tout 8tre selon le mod~le
humain
ainsi
que
sa pa.rticipation
au
domaine
invisible
des
forces
transcendant
le monde physique
et
relevant
du nlu:J.ineux,
-rai t
que
la psychologie animiste
dagara,
qui
S i applique
ù
l'llonwe,
s'éterld également
~ tous les êtres en g6n6ral, in~6­
rieurs
011
5upérieu.rs à
lui,
avec
la
différence
que
certains
parmi
ces
rierniBrs n'existent
que
sur
le mode
invjsible.
a)
Comme
l'homme,
tant
@tre naturel,
participlll1t
,!u
::londe
visible 1
peut
être réduit
au
simple paraître
S<:U1S
substallCe
(fofor) 1
que
celui-ci
soit
de
l'ordre physique
C OfTll:1 un ,
comme
le
corps
lorsque
" s iè"
en
est
l1 eor t i " ,
ou
tic
l'ordre
imaginaire
et médiwnniquc
\\185"vOY.:lntsl,'
comme
l'si_pla ll ,
- 258 -

lii:t~ralement II ame blanche",
c'est-à-dire
être
sans
substance.
Certains hommes, par
ex~mple, sont censes avoir le don de
désubstantialiser les céréales,
sur pied ou
CIl
grenier.
Dans
le
cas
du mil,
cette pratique
s'appelle
"lca-p!e"
(1).
I l
~ésulte de cette opération que le mil en épi demeure sans
graine
(ka-zâmê),
la
conséquence
étant
que
sa
substance
énergétique a
été transvasée pour féconder le champ du
voisin malhonnête ..
I l
en
est
de même
des gerbes
de mil
récol-
tées,dont i l devient
alors impossible de tirer un aliment
efficace pour l'organisme ..
De mgme,
les offrandes qui
sont
faites
aux morts,
afin que
ceux-ci en soient accompagnés clans
l'au-d.elà
comme
d'un viatique,
sont
soumises il un
traitement
qui permette
à leur essence de se détacher pour rejoindre
l ' 8 s p r i t
du mort,
avant
la
consommation
"des restes"
par
les vivémt.s,
suivant
d'ailleurs
des r i t e s précis ~ C'est pélr
1,\\
que,
d'après
L~V~ THOMAS,
les
souff'rances
atroces
i n f l i -
gecs
aux bêtes
dans
les
funérailles
"diola"-pratiques qui
sonT
également
courantes
chez
les Dagara
-
trouvent
leur
signification
(2).
b)
En
effet,
tout
être
est
aussi
doté
de
"psychè"
(âme)
et
d'intenTion,
a
la manière huméline.
La manif'estation
d(~ ce dynamisme anthropomorphique
est
connaissable
du f a i t
cle
ses
interf~rences stlr le plaIl de l'existence et de l'ac"ti()D
hllmélines
(J).
Ainsi
le
chasseur
doit
se protéger par une
In6dication
spéciale
le
Il m édicament de la brousse" ou Il,,,è
"tîi ll ,
contre
l ' e s p r i t
des
animélux
qu I i I tue ~
Les bêtes
domes-
tiques
également,
surtout
"dll.-baala"
(bêtes
de maison),
sont
tige
de
( 1 )
"Ka",
rie
Illr.aar)'/mil, et
" p iè"
écarter
les
lèvres,
la
peau,
la
couverture
ouvrir
l 'enveloppe,
le
fourreau
accéder
à
la
substance.
(2)
TI'IOMAS,
L~V., lICinq Essais sur la Mort Africainc lt , op.
c i t . ,
p.
296.
(J)
... Cf ~ nLn Négritude est un humanisme",
op ..
ci t .. ,
p ..
19 ..
Le
succès
ou
l'ùchec
de
toute entreprise
humaine
impliqueT'J,t.
un
accord
cosmique~
· .. / ...
-
259 -

dan,g:ereuses par
leur pouvoir
sur
l'homme
aVec
lequel
elles
vivent
quotidiennement ..
Dé m~me, l'e bficheron doit se garder
:je
l ' e s p r i t
des
arbres
qu'il
abat
et
qui peuvent
se retourner
contre
lui en
cas de
"sacrilège meurtrier" non pas des
"nymphes
qUl
vivaient
dessous
la dure
écorce",
conune
dit
le po~te dans
son
"Elégie pour la Forêt
de
Glltine" ,
mais des
âmes mêmes
de
ces
arbres.
Arbre,
colline,
Brousse,
Rivi~re, tout ph6nom~ne
de
"Têgùn"
est habité,
par une
force
qui
le
f a i t
entrer
en
rapport
avec les
autres
êtres
de
l'univers. C'est pourquoi on
peut
comprendre
que
tuer un moucheron
d'lUle façon
inconsidérée
soit pa.ssible
de mort,
par
suite
de
la nécessité que
l'âme
de
cet
animalcule
affirme,
dans
l'ordre
(le
la vie.
c)
L'ordre du monde n'est pas perçu avant
tOllt
d'une manière
théorique
chez les Dagara,
pas m~me vécu comme
une norme
extérieure.
I l
est
éprouvé
comme ordre
des
êtres
en relation,
qui
implique la
distinction
de
l ' i p s é i t é ou
lIr8spect"
de
l'autre, par
lequel
advient
le
"respect ll
de
soi-
m~me. Dans l'empiètement et la confusion (tule) se trouvent la
Inalariie
et la mort
d'abord la mort
de
la victime,
mais,
par
retour,
la mort
du
coupable.
I l
découle
de
ce f a i t
un
grand
nombre
d'interdits
de
comportement
couvrant
du
domaine
du
simple
scrupule à
celui
des normes
sociales
et morales.
Enjamb0T
un autre,
ntest-ce pas
traverser
sa [orme
ontologique
"dasule ll ,
cl 'où· la tran~mission él
celui-ci
de
ses propres maladies,
par
immixtion?
Souffler
sur un homme,
c'est
,faire peser
sur lui
la menace
d'emporter
son
" s iè
Il
(âme)
hors
de
sa protection
qu'es"t
le
corps
et
donc
l'exposer
au
danger
de
la
dissolution
16tale. Le port de v&tements d~jâ utilis6s par un autre et
comportant
son
Il dèwr tt ,
alors
que
celui-ci ni est pas de
la mêr.le
descendance utérine
(donc pas
de l'm~me peau/~, fait
courir le
r-isque
ct t un déforcement par
suite
de
la domination
de
l'autre
dont
on a
endossé
"dè\\rr"
(1).
I l
en
est
de même
dans
11 adultère
( 1 )
-
Ici la pratique
sui t
l'évolution de
la
coutume
qui
incline
de plus en plus vers une société patrilinéaire.
... 1 ...
- 260 -

011
le mari,
maîtrisé par
le
second partenaire
sexuel
au niveau
de
La
rencontre
de
leurs
"dè,,,,,è'"
sur
ln femm.e,
est gravement
IIIenac6
s ' i l n1est
op~r~ au plus tBt une purification de celle-
ci,
entraînant une
séparation
des
essences
antagonistes,
ct
une réparation
du
sexe violé.
Mais
l'abus
de
ce
trafic
~l numineux qui consiste
o
subjuguer
l'autre,
~ porter sciemment atteinte a son être,
"
le
déforcer pour
se renforcer,
conclui t
il la 'longue à un
rctollrnement de
la victime
contre
son oppresseur.
C'est pour-
quoi
le guerrier
tout
comme
le
chasseur
et tout habile prac-
ticien
(devin,
fossoyeur,
balaConiste,
e t c . ) ,
se protège
d'un
médicament,
de peur d'être
victime
de
sa fonction
par retourne-
ment
des
êtres ma1trisés
contre
l u i .
Vu la
spécificité
de l'fltre
humain,
l'homicide
est particulièrement
dangereux et nécessite
Tlon
seulement 11ne m6dication
(z1e t i i ) ,
mais
encore,
avant
lcs funérailles
dp.
son
auteur,
un r i t e
spécial
dont
i l
sera
question plus
loin.
Seuls
les
esprits
supérieurs peuvent mani-
puler 6
leur guise
les
êtres
de
la hiérarchie
inférieure.
En
effet,
"siè"
du
sorcier
ou de
tout
être maléîique
peut habiter un
corps différent
de
sa présentation naturelle
ainsi un sorcier peut re.vêtir la :forme cl 'trn arbre,
d'un repti11l
innocent t e l
le margouillat ou d'un pn.ssereau.
De même,
illle
biche traquée
et plut6t tyrannisée,
pour
venir a
bOllt de
son
rnécharl1.-
chasseur,
il
la
faculté
de
se transformer
en
rocber.
Les
<lncêtres malveillants
et
les
l'bi-gbâmê"
(bébés-revenants)
se
réincarnent
(1).
De
ce f a i t ,
nous voyons
qu'il
est
,iifficile
d'établir une
distinction des
êtres
d'après
leur
vue
extérieure
et
re commandé
d r être prudent
dans
les rapports
aVec
le monde.
(1)
Le garçon
qui na.tt après
le
décès d'tm
autre
s'appelle
"Dèr l1
"celui
qui
brave
ses parents".
Stil
s ' a g i t
dtIllC
f i l l e ,
on
la nomme
llDèr_pow
("dèr"
femelle),
car
i l
s'agit
bien
du
même
enfant mais
~li il cllangê de sexe.
. .. / ...
-
261

Surtout,
i l est sage d'êtJ;e
constamment habillé cle protection
religieuse,
car
la vigilance
ct 'lIn horrUl1e abandonné ,:;
sa
seule
force
serait vite tromp~e. Comme ~oraleg&n~rale, l'homme doit
respecter la vie,et
&viter la
cl'nfusioll
(tule)
ou non respect
de
1. 'ordre
des
choses
y
compris
ses conséquences
prochaines
()lI lointaines,
connues Ou ignorées -
ce qui
con~irme une ~ois
de plus,
la nécessité
d'un
recours
supérieur
q u ' i l
trouvera
auprès
de
la divinité,
des
Ancêtres
et
des pui.-ssances
cosmiques ..
PARAGRAPHE II
LES CROYANCES COSMOLOGIQUES ET
------------------------------
RELIGIEUSES
Section l
La Hiérarchie des êtres
chez les
Dagara
Le
système
cosmologique clagara distingue une hié-
rarchie
des êtres qui
5 lordonnent
depui[~
les êtres transcen-
dal1ts,
invisibles,
jusqu'aux @tres naturels,
existants
terres-
tres
visibles mais
aussi
invisibles.
Le
critère
de
distinction
qui
confère
la
supériorité
à un être par rapport à lm autre
cl 'un
degré
inférieur,
c ' e s t
sa
force
et
son
ascendance
clans
la
génération,
les
deux allant normalement
de pair
(1) 4
1)
":t-1win"
ou
"Namwin"
Dieu
(2)
Au
sommet
de
la hiérarchie
se
trouve
"Mwin"
(Dieu),
(1)
Le
cas
dm
sorcier
qui
dévore
la vie
sans
en produire
est
ci part et rend celui-ci condamnab.le comme anti-communautaire
( 2 )
"Namwin"
: "Na II( de nâa):
chef,
roi
et
" m",in"
dieu •
..
-
262
_
/ ...

à ne pas confondre avec le·s "Mw:inli" ou "Hwin puurmè"
(petits
dieux),
esprits divers ';atérialisables dans des fétiches ou
présen·tifiés par des personnes
(1),
sources d'inspiration et
de protection,
qui
sont
comme
des parcelles divines ..
ll!'-h.,in"
est le Dieu de l'ordre et de la puissance qui ne saurait ~tre
matérialisé dans un fétiche.
Il est
juste et bon et tout ce
qui arrive
l'est avec
sa permission.
C 1 est pourquoi
en
cas
de malheur,
le
coupable -
la cause efficiente -
est punissable,
mais
la victime
doit
s'interroger
sur le
sens
de
sa responsa-
bilité,
car
c'est
elle
la cause finale,
les forces
~upérielrres
Dieu,
les Anc~tres et toutes les forces protectrices, n'étroIt
en fin de compte que des causes permissives.
Il existe trois sortes de manquements à
l'ordre
qui permettent de définir la faute
et la responsabilité et
nécessi tent une réparation ..
D' abord,
"kiru"
est un interdit
plus ou moins important dont la violation entraine une sanc-
tion. Médicament
( t i i ) , poison des flèches
(low),
initiation
(baor), vie du clan,
etc.,
impliquent des comportements
prohibés ou
"kiru" ..
Ensuite,
"ye lbier" est une faute,
littéra-
lement une
"chose mauvaise". Violer un interdit
(kiru) peut
occasionner une faute
s ' i l ne
s'agit pas d'une maxime persorulelle;
si l'interdit est établi par le groupe. Enfin,
"tulu",
étymolo-
giquement
"confusion",
est Wle disposition contraire aux
principes réglementant l'ordre de la vie. C'est donc un "yelbier"
grave, pouvant occasionner la mort ou une perte des facultés
s ' i l ne s'ensuit pas
la réparation voulue.
Au nom de la com-
munion des membres
du
clan,
la
cause de
IItulull peut mgme
~tre
ignorée de celui qui est frappé de
ses conséquences. C'est le
devin qui la révèlera sur consultation et statuera sur la dette.
(1)
-
Quand i l s'agit de personnes,
elles donnent des oracles
et guérissent des malades.
- 263 -

"Tu lu Il peut ainsi découler'- de la
commensali té
avec un v"oleur
(di
tule) ou de l'héritage'de biens indus.
Il peut aussi pro-
(lg> ,
venir de la violation d'un interdit grave/fule) qui rejaillit
sur tout le
clan,
de génération en génération,
jusqu là la
réparation.
Dieu est lointain et immuable, muet par lui-même
son invocation,
purement propitiatoire,
intervient
dans les
célébrations,
en tant qu'il est la destination ultime des
voeux et prières proférées et,en quelque
sorte, à
titre de
patronage. Dans les cérémonies de divination,
i l lui est
substi tué un fétiche
d' inspiration,
"m'''''in'',
qui
a pour rBle
d'éclairer l'officiant et de servir de médiateur entre lui
et
les esprits
invoqués,
mais non d'exaucer.
Cependant,
Dieu parle par les forces intermédiaires entre l'homme et lui
et à travers les phénomènes naturels qU'il rétablit dans leur
ordre quand quelques passions humaines les perturbent.
2)
Les puissances
cosmiaues
supérieures
HS aa " et
"Têgan"
-
"Saa"
et
"T@gan"
sont
les premières paroles de
Dieu,
Ils sont un et double
comme l'homme et la femme
(1).
D'après le mythe dagara de la création,
"Saa" descendit sur
t1Têgan"
sous forme
de foudre
et
SI ensui vi t
la génération de
tous les êtres terrestres. Tout comme Têgan.. "Saa" n'est pas
à proprement parler une divinité. C'est un "Bom kpêe"
une
"grande chose,
importante". Hai s la crainte que tous le s
deux suscitent et le fait d'être des manifestations certaines
(1) -
Ils constituent un principe male
(Saa)
et un principe
femelle
(Têgan).
... / ...
- 264 _

et immédiates de Dieu ont, conduit
le's hommes à
les vénérer
comme des divinités et à
leur ériger des autels.
Selon la
volonté
de
Il l'-h.,in " ,
"Saa"
et
lIT~gan" interviennent pour
rétablir l'ordre et
les fautifs
leur doivent réparation
(1).
Relève
de
Il Saa"
tau t
phénomène
qui a
trait
au firmament
:
"salam"
(vonte
céleste)
"sa-..aara",
(la pluie)
"sa-tana ll
(la foudre),
etc •••
"Têgan"
comprend,
quant a
lui,
tout
ce qui
est
manifestation et production de
la Terre-Divinité,
par
consé-
quent, tous les êtres terrestres et
les esprits d'ici-bas.
I l est notamment matérialisé par
"tA.. "
(colline, montagne),
IIbna"
ou
liman"
(rivière ou fleuve,
cours d'eau),
"tu".,.."
(buisson,
forêt),
l't..iè"
(brousse),
"tâ-baalu"
(sol,
poussière)
qui
constituent autant de
ses esprits particuliers.
"Têgan"
est la mère de
toute prospérité. Celle-ci s'obtient par des
offrandes,
des
sacrifices et des prières,
non par la violence.
Aussi
les litiges
de terres et
les
conflits
sanglants sont-
i l s
sévèrement punis par la chefferie de terre
comme indis-
positions ou offenses à
cette donatrice de vie
(2).
3)
Les Ancêtres
Ce
sont
"Kp'lmê"
(esprits d'Andltres)
des hommes
qui ont
mené une vie exemplaire
sur terre
et qui ont
été
(1)
La faute
a une
signification
collective au niveau du
clan et la réparation concerne tout le groupe.
(2)
-
Il est"rappeler ici que la conquête,
au
sens d'arracher
par
la force
la terre à
ses premiers occupants,
entraîne
des maux,
tels l ' i n f e r t i l i t é des champs,
le tarissement
des puits et des marigots et mÉlme l'aplanissement des
collines
:
les
anciens propriétaires
"s 1 en vont
avec
le
prospérité de leur terre",
disent les Dagara •
... f ...
- 265 -

reçus à
"Kpîmê-Têw"
(Séjour des Horts)." Si dans l'ordre de la
.
"
création i l s viennent après
!lSaa " et
"T@gan", manifestations
de Dieu,
en fait ils sont directement unis à
"Namwin"
(Dieu)
et participent à
sa puissance
; i l s agissent
en intermédiaires
de
Dieu pour punir
les méfaits
des hommes
et recompenser
leurs vertus.
En
ce
sens,
leurs volontés
sont
conformes à
celle de Dieu et leurs préoccupations concernent l'ordre du
monde.
Mais
intégrés
dans
"y ir"
après les dernières fWlé-
railles et communiant avec les vivants-singulièrement lors des
célébrations funéraires et des sacrifices qui leur sont offerts
ils gardent le souci de la prospérité de leurs parents,
si du
moins
ces derniers observent leurs volontés
contenues dans la
Tradition ou léguées au moment de leur mort,
en
ce qui
concerne
les volontés particulières. Du reste, les vivants ne sont-ils
pas leurs rejetons,
conçus
sur
lelΠintervention,
à l'occasion
des actes
sexuels,
par l'insufflation
de leur puissance de vie
qui découle de "Hwin"
(1)
?
En effet,
tout comme l'Ancêtre,
l'enfant
est une ressource de
llyir".
L'annonce
de la grossesse
aux
jeunes mariés peut
servir d'illustration.
Pour
ce faire,
les vieilles femmes mettent de l'eau dans un pot et y
ajoutent
du gravier. Le tout exposé sur la terrasse du toit se refoi-
dit
et,
au
cours de la nuit,
l'une d'elles.s'en empare,
s'avance vers le
couple
endormi
sous la natte faite
de hautes
tiges d'herbes tressées
(sêw) et l'arrose en disant
"Nyi
de duor mow è a dozun"
(prenez du "néré"
(Parkia Biglobosal,
sucez-en la poudre et laissez les graines). C'est là une
invitation à faire la part du plaisir sexuel et de l'enfant
il naître qui n'est pas seulement sien, mais appartient au clan.
(1)
_ L'acte sexuel a pour finalité la procréation;
i l doit se
pratiquer de nuit,
moment propice de l'intervention des
Ancêtres.
... / ...
- 266 -

L'action des Anc@tres dans la ,génération, fonction
,
essentielle à la perpétuation de la vie terrestre et de l'au-
delà, n'attend pas même le moment de la fécondation.
En effet,
au premier versement de la
compensation matrimoniale,
qui
se fait en cauris et volaille, une part variable de 350 ou
360 cauris appelée "libi-kp@e"
(somme principale)
(1) ou "libi-
tuo"
(somme à problème; littéralement "argent amer"), repré-
sentant la "dot" fondamentale est prélevée sur la somme en
cauris et offerte aux Anc@tres en m8me temps que le sacrifice
du poulet qui les accompagne. C'est ce rite
(2) qui consacre
l'union,
scelle l'interdiction des rapports de l'épouse avec
un partenaire autre que le mari légitime et garantit à
celle-
ci,
dans
sa nouvelle demeure,
fécondité
et bien-~tre. La vio-
lation de l'interdit de sexe vis-à-vis d'une femme rituelle-
ment mariée obligera à une réparation dite de sexe,
mais qui
n'est pas moins une
sanction pour l'abus
commis à
l'égard des
Ancêtres.
Déposées dans "zaw"
(entrée principale de la maison),
les Hânes Ancestrales ou "kpii-daru", bois fourchus et taillés,
(1) -
La"dot" en cauris était constituée,semble-t-il,
jadis,
par cette unique somme. C'est devant les abus en poly-
gamie et trafic des femmes qu'elle aurait été augmentée.
Aujourd'hui elle varie selon les régions et les lignées
matrilinéaires,
selon nos informations,
entre JO 350
(ou 30 3601 et 12)50 (ou 12 360)
cauris,
après avoir atteint
par moments et par endroits 40 360 cauris. La somme ré-
duite de 12 350/360 cauris a été négociée par action des
religieux missionnaires qui tenaient à
écarter l'idée
d'une vente des
femmes.
(2) -
Dans les milieux convertis aux religions nouvelles, par
exemple au christianisme,
les
cauris
sont remis avec la
volaille sans rite particulier.
. .. / ...
267 -

font l'objet de consultations à propos des
songes,
des
malheurs,
des
sollicitations 'et voeux divers
elles y
re-
çoivent également
ùes remerciements pour les faveurs accordées;
lors des deux célébrations cultuelles annuellement destinées
aux Anc~tres, elles sont arrosées de sang et de libations
à
l'ouverture de la saison des travaux champêtres où
leur
protection et leur bénédiction sont demandées avec voeux
propitiatoires à
l'appui;
après les récoltes,
oÙ i l s'agit
d'accomplir les promesses votives et de cél~brer l'abondance
reçue ( 1 ) •
q)
Les fétiches et esprits cosmiques secondaires
a) Les fétiches de "Saa"
"Saa"
est
constitué d'un esprit unique.
Clest
sans
doute là une référence significative pour la notion d'or(~e
chez les Dagara,
qui ne saurait admettre deux principes mâles
pour un élément femelle -
et partant une intolérance pour
la polyandrie,
contrairement aux affirmations de H.
LABOURET
qui prend les amants
(s~nbè) pour des maris.
En conséquence,
"S aa " a un ~étiche, mais constitut:
de deux éléments, mâle eL femelle,
compte tenu sans doute de
ce qui a été dit sur la gémelléité "Saa-Têgan",
l'un incluant
l'autre. Ce sont
-
"sa-duw"
(2).
constitué par deux marmites contenant
une macération de
divers produits,
munies de
couvercles
et
(1)
Voir au Chapitre II, le Paragraphe l
sur l'agriculture.
(2)
"::;a-duw"
"Narmite
(duw)
de la pluie
(saa)" •
. . . ! ...
- 268 -

juchées sur des pieux fourchus,devant
la maison,ou déposées
sur la terrasse. Son pr~t~e appelle la pluie (saa) et la
loudre ou,
au contraire,
apaise les lieux
(miru) où tombe
cette dernière,
avant toute approche
-
"sa-da-wèra"(l).
symbolisant la puissance mâle
de
"saa ll ,
c'est-à-dire la foudre.
Il
est représenté par 1..m
ou plusieurs pieux de D,50 cm à un mètre de hauteur, plantés
à la devanture (tâpuo) de la maison (yir) o~ sur le toit,
et traversés dans leur partie supérieure par des éclats de
bois d'environ )0 cm de longueur, provenant d'un arbre
abattu par la 10udre, auxquels s'ajoutent parfois de la paille
de balai. C'est le symbole m~me de la puissance phallique
aveugle
et brutale ~ Très craint des Dagara,
11 sa _da_wèra
"
est utilisé pour interdire des biens de manière absolue et
pour se protéger. Il suffit de déposer un morceau de bois
provenant du létiche à l'encIToit indiqué ou de le porter
sous forme
de gris-gris. C'est donc une invocation de la
foudre sur tous ceux qui se hasarderaient à passer
outre zt
l'interdiction et aussi
sur tout
endroit ou celle-ci
est
appelée.
Le fétiche de "Saa" est en principe détenu par le
clan-mère de
"S aa " qui est le
clan Kpièlè,
principalement
ses branches "kpièl-sa-duw"
chez les Lobr et Tièdem chez les
Wiile~ Les autres clans dérivés se contentent d'attributions
secondaires relatives à
"Saa",
telles que chasser la pluie,
jouer avec elle ou encore se proclamer ses fils
(2).
(1)
" sa -da-wèra H
I1 sa "
de
"saa"
(puissance Ciel, pluie)
"da" de "daa"
(bois)
"''fèra lT
:
fendu,
fente.
(2)
-
Cf. les cas des Puryiile, Kuole, Naayiile,
Kusiele aU
Chapi tre Ici-dessus relatil eux "dowlu"
(clans) et il
leurs chants de gloire.
... / ...
- 269 -

j-lais.
l'acquisition du fétiche
de
IISaa11
a parfois
suivi les
voies de
l 'héri tage utérirt· et·,
"
partir des neveux
(arbili)
des Kpièlè,
sa possession s'est
étendue à
divers
clans.
I l
faut
aussi noter que pour leur u t i l i t é pratique
et les
avantages matériels qu'ils attirent,
sciences occultes et
fétiches
sont
souvent acquis à
coup
d'argent.
Dans
la
suite,
une
telle acquisition
est
considérée
comme un bien de Famille
et transférable
suivant des conditions données
(1).
b)
Les fétiches
de
"T@gan"
A la différence de
"Saa",
"T@gan"
comprend une
gamme étendue d'esprits dérivés ou de génies dont
les plus
connus sont
:
"wiè
(Brousse,
Etranger par rapport a
son pays
(têw));
"Man"
(Fleuve),
"Baa"
(Rivière,
Marigot),
"Tâv"
(Colline,
Montagne),
"Tuw"
(Forllt).
"T@gan" a un fétiche-mère
"T@:kuur"
(pierre,
socle de la Terre)
qui est détenu par le
"Têgan-Sob"
(chef
de
terre).
C'est sur lui,
en guise d'autel,
que le sacrifica-
teur
de
"T@gan" ou
"suo-sob"
immole
les offrandes,
notarrunent
avant et après les cultures;
il propos des fautes de "Têgan"

Ide
meurtre,
cas
de
sorcellerie,
vol,
adultere
en brousse,et mort
par suite de maladie de
"Tllgan"
(2).
I l existe
d'autres offices
(1)
-
Une fois que l'on subit une médication avec
succès,
i l
suffit ensuite de payer une taxe au détenteur pour obtenir
le pouvoir d'exercer à
son tour.
Cependant,
vu l'importance
de
"Saa",
son fétiche
expose le détenteur désordonné à
des
sanctions graves;
ceci nous invite à prendre plutÔt
en
considération la première
source d'acquisition indiquée.
(2)
-
Quelques maux de Têgan
:
morsure de
serpent,
hydropisie,
maux de ventre
,
diarrhée et aussi mort en
couche, mort
1
accidentelle ou brutale,
etc.
(voir
Ile Partie,
Chapitre 1) •
.. ./ ...
-270 -

où sont offerts des holocaustes à
"Tllgan",
notamment
chaque
fois
qu'il faut
"coupez> l.a peau. de la 'ferre"
inauguration
d'un
champ,
d'un chantier pour la construction d'une maison,
d'un forage
de puits,
etc ••• Mais
en fait,
la Terre-Divinité
"Tllgan" a
sa peau qui
s' étend partout. et i l suffit de
s'y
référer,
par. exemple,
en faisant un tas de poussière ou en
frappant
le sol de la paume de la main,
ou enCOre en ayant
recours a un
site
caractéristique de l'un de
ses principaux
esprits
lI1Uw,
Baa,
Mân t
Tâw" .....
c)
Au-dessous des principaux esprits dérivés de
"Têgan ll grouille une prolifération d1espritsdivers,
très
exigeants,
mais
capables
d'aider l'homme
s ' i l s
sont
domes-
tiqués. Ces esprits
sont identifiés à l'occasion de leur
action envers l'homme
-
en
cas
de maladie,
par exemple -
et
sont alors matérialisés à
travers des objets modelés,
sculptés ou quelconques (coquillage,
éclat de bois,
fruit
séché,
etc.). Trois
catégories
sont bien connues
-
"Kôtômê"
(au singulier,
"kôton")
sont des esprits
de la brousse.
Esprits malins,
toujours prllts à nuire a
l'homme
qui
est
amené ù vivre quotidiennement au contact de
la nature,
i l s sont essentiellement de trois ordres
"Kôtômê"
des
collines ou "Kôtôbili",
les plus puissants
ceuX des rivières ou "Kôta-man"
enfin,
ceux des arbres ou
"lcôtô-ièri"
(1).
"Kôtômll"
sont habituellement hébergés dans
un
"dibile"
(chambre),
sur la terrasse du to.it ou sur les
(1)
-
Cf. GIRAULT,
L.,
op.
c i t . , p.
343.
... / ...
-
271
-

~urs de la cour intérieure (davra). Ils peuvent l'~tre enfin
sous un hangar à proximité de la maison (1).
D'après les
Dagara,
"Jd'ltebil,,"
(au pluriel
Ik8tSbili"),
dont "k8ton" cons-
titue une matérialisation,
est un négrille qui
vit dans
des
grottes.
Il a la taille d'un petit enfant de trois à cinq
ans,
avec une t~te garnie de cheveux touffus et des pieds
retournés vers
l'arrière.
Son membre viril,
difforme,
est
d'une telle longueur qu'il l'enroule autour du cou.
Si un
ho~e réussit à l'appréhender en brousse, il peut obtenir de
lui
tout secret
de la nature,
mais à moins de le tuer,
i l ne
pourra revenir à la maison et y
vivre en paix.
Les
"k8tebili"
sont
enCOre considérés par les
Dagara comme les ma!tres
de
tous les animaux de la brousse,
dont le chasseur ne peut
tuer que ceux qui
s'égarent.
S'il arrive à celui-ci de tra-
quer des b~tes encore sous bonne garde,
surtout,
s ' i l
en
poursuit
jusque dans la
grotte,
i l nten ressortira pas
sain
et sauf:
les "ket8bili" en feront un prisonnier et,
quand
bien m~me ils le relBcheraient dans la suite,
lui-mllme fui-
rait les hommes
:
i l sera possédé des "k8t8mll" et considéré
par la sociit~ comme fou
(2),
avec des crises
et des
fugues
périodiques.
(1)
-
Un "k8t8-daa"
(k8ton-père)
ou "k8t8-mB"
(kBton-rnère)
siège par~ois à la devanture de la maison ou près d'un
cours d'eau,
en tant qu'esprit
et
gardien des lieux.
"K8t8mll" peuvent encore @tre installés à l'entrée de
"cara"
(grande pièce,
vestibule),
cas observé
dans la
région de Dissin en Avril
1988.
(2)
-
Ce genre de fou est appelé "k8t8-ire"
(personne en
crise de "k8t8m@")
;
i l rappelle dans la grande divi-
sion des psychoses les bouffées délirantes .
. . . 1 ...
- 272 -

~Ialgré leur opposition naturelle et leur exigence
vis-à-vis de
l 'hormne
(le
dicton "exigeant comme un "ketoll"
est bien connu
:
11Li~b~ nib~ m~ k8ton - a"),
"k8t8bili 'l ,
en
tant que mattres de la nature dont ils détiennent toute la
science, 'constituent une source d'inspiration pour lui.
C'est ce qui explique leur domestication_par l'homme qui
les représentp. sous forme de "k8t8m@"
(fétiches)
et les
consulte devant l'inconnu.
D'apr~s la légende, c'est "K8t8-
bile" qui a révélé à un chasseur sorcier
(l'un de ceux-là
dont l'engagement exceptionnel avec les b@tes a nécessité
lille médication spéciale)
le xylophone et la danse,
l ' i n i -
tiation du
l'baor'' ainsi que les principes
de
tous
les
arts.
-
"Tibè"
(au
singulier,
"tiib lt )
est,
quant à
lui')
la matérialisation de l'esprit d'un @tre ou l'hyppostasP.
et la représentation d'une idée -
force en tant qu'esprit,
dont les effets pour la vie ou la survie d'un individu ou
d'un groupe sont remarquables.
En tant qu'esprit influent
mais méconnu,
i l est traumatisant,
mais illle
fois
identifié
et
incarné
-
à travers une sculpture et non un modelage
comme
"k8ton"
-
i l devient source d'inspiration et de pro-
tection.
Comme exemples de
"tibè"')
on peut citer "kpti-
daa"
(bois ancestral),
installé dans "zaw"
(entrée prin-
cipale de la maison)
lors des dernières funérailles
... / ...
- 273 -

"da-nyur",
fétiche gardien de tout bien, notamment des
produits agricoles,
qui
frappe le voleur de "mauvaise mort'I
(ko.u :raa)
"sa-dawèra",
.fétiche de la Foudre,
etc . . .
-
"Mwinli"
(petits dieux)
constituent des esprits
divins qui ont également pour dessein l'inspiration et la
protection de l'homme.
Par leur nature,
ils diffèrent des
llk8t8r.J.ê" et des
"tibè " , qui font penser à des "types hu-
::lains"
particuliarement exigeants et m@me intrigants.
Mais,
tous ont cetcr-ci de commun qu'ils ont un culte et n'inter-
viennent îavorablemen t
qu'en cas de sa tisîaction.
Un "}1win"
est associé aux llk6tem~" en tant qu'inspirateur et intermé-
diaire.
C'est R lui que le devin s'adresse pour stassurer
les faveurs de son office de divination
(bao buu).
"Mwin"
principal trene sur la terrasse,
près de l'issue du grenier
~ :~i)_, o~ il reçoit dtabondantes o~îrandesJ notamment au
début de la période d'initiation de "baor".
Il est alors
arrosé de sang frais.
Au pied des
jarres,
dans " C ll ra "
(pièce de séjour),
i l peut en exister également un et jus-
que dans les paniers à main des femmes,
aux poignets,
aux
chevilles ou au cou de certaines personnes ..
. .. / ...
- 274 -

5/ - Esprits et fétiches domestiques
,
Aux catégories ci-dessus citées,
i l
faut
ajouter
certains
esprits gardiens
de la demeure
et
de l'environne-
ment humains. Le domicile dagara,
les champs,
les abords des
puits ct cours d ' eau, sans oublier certaines parties du corps
chevilles,
poignets,
hanches,
cou,
sont peuplés de fétiches
'-'ariés qui rappellent les
divers
esprits
d.~vant en assurer
la protection.
Certains de ces derniers ont déjà été abordés
il. propos des esprits cosmiques,
qu'fil
s'agisse de
"saa ':'
ou de
"Tllgan" avec les multiples esprits dérivés dont "k8t8bili",
lltibè ll
ct
"mwinli", ou encore des
"Kpii-ctaru"
(bois
ances-
tra~~) dont il sera de nouveau question dans la Deuxième
Partie
à cnuse de leur grande importGncc dans les célébra-
tions
flllléraires
et pour la vie
du groupe
Familial.
Il nt y
a
rien d'étonnant à
cela:
le r81e de tout fétiche n'est-il
'"
de
pas en 11n/compte de garantir la survie de son possesseur et
donc de le protéger? Cependant,
dans ce paragraphe,
i l s'agit
d'insister sur quelques esprits et fétiches
jouant spécifi-
quement le raIe de gardiens,
m~me s'ils s'apparentent à l'un
ou l'autre esprit cosmique déjà cité.
-
D'abord un fétiche de
"T~gan" appelé "Bèsè lt
ou
"Uaasèw" ct dont l'emplacement est indiqué au nO
17 sur le
Schéma nO
q représentant la "Maison Dagara", préside à la
,c;n.rde
du domicile ..
Dans les
clans
de
souche
"Kpièle", "Bèsè"
est matérialisé par une motte de
terre surmontée de trois pi-
quets de gardenia
(gAzur-dali).
Ailleurs,
i l consiste en trois
pierres arrachées
au bois sacré
du village
et plantées en
forme de foyer
(salm~ seli) (1). En cas de décès dans les trois
(1)
Cf.
Goody,
J . ,
"Death,
Property and the
Ancestors",
op. Cit.
p.
2250
·.. / ...
- 275 -

a:l11ees
suivant lioccupation de
la nouvelle maison,
ses ha-
bitants
doivent
déménager,
car c'est signe
que
les
Anc~tres
nla~l'~ent pas le site
"Bèsè" n'est pas
d'accord pour l"ins-
tallntion dans ce milieu
(fJ.
-
Ensuite,il faut citer les sept esprits gardiens
(sivri)
dont l'un est désigné pour recevoir l'enfant sous sa
tutelle au moment du bapt@me
(kS-a tuo).
"Siwri" veillent sur
ecu:..:: qui leur ont
été confiés à l'instar des nourrices
(bi-
YClalhè),
durant toute leur vie.
En retour,
ceux-ci les en-
tretiennent et les consultent, notamment dans le malheur,
d'où
IG nécessité pour le Dagara de rejoindre la Famille en ces
circonstances.
Certains
"siwri Il
rappellent
les
espri ts
cos~
miques de "T@gan",
tels "Tuw"
(for@t),
"TS-w"
(colline,
mon-
tagne),
"Kula"
(source d'eau potable). Les autres spécifient
des essences diverses
"Zuur"
(queue),
"Mwin"
(divinité),
"Doo"
(honune-type)
IIDoo-tuo ll
(type
"amer ll ,
dangereux,
nu-
minelL""C).
A chaque
"siwra"
correspond un objet dans
la bourse
(cur) du devin. Lors de la donation du nom à l'enfant,
c'est
l'indication de l'un de ces objets qui permet de lui attri-
buer
tel ou tel
" s iwra ll •
De m~me, chaque " s iwra" a un site
dans
la r.laison où
ses pupilles
entrent spécialement
en rap-
~ort avec lui. O'apris B. BOZIE SOME, ~l existait en outre
dans
les villages
animistes un autel
pour chaque
" s i,,,,rra"
et
par clan
celui-ci regroupait périodiquement ses adeptes en
lme sorte de confrérie~ autour du plus ancien (2).
(1)
Il faut ici se rappeler l'accord,
d'emblée,
de la volonté
des
Anc~tres, de IIMwin" ainsi que des Puissances cosmiques
supérieures.
(2)
Sm\\E,
BOZIE B.,
article cité sur l'Organisat~on Politico-
sociale Traditionnelle des Oagara.
- 276 -

En~in à chaque t1 s iwra" correspond des interdits
spécifiques,
dont la violation "est sus~eptible d'entrarner
<lu
ln mort/pupille coupable. Par exemple,
les v~tements de "Doo-
tuo" ne peuvent ~tre revl!tus par un adepte de "siwra" dif-
férent
~
" zuur" ne mange pas
de
serpent
(le
boa
et l e pi-
thon étant consommés par ceuX des
Dagara qui ne les
ont pas
comme totems).
-
Avant
de
devenir dans beaucoup"dc Familles,\\!
avec
le recul du fétichisme devant les religions importées, un
simple
trophée de chasse,
"pèwra ff qui
s'exhibe
en cornes
d'a_
nimaux et osselets variés contre l'étage
(bowpiè),
sur un
pieu fixé
au mur qui
borde la
terrasseJou
encore contre un
piquet dans
"zaw"
(entrée de maison),
était un fétiche gar-
dien
des vertus
guerrières
et un
s~nbolc de courage et de bra-
voure (1).
-
Dans les champs,
"kur-p!e" ,
"Gurè ll ,
lIi mBakura tl •
destinés à protéger les champs contre le
vol matériel
et
con-
tre la désubstantialisation du mil
(ka-pte), menacent ceux qui
oseraient transgresser leur
interdiction de ma1adies
et
de
mort. Le premier est constitué d'une motte plate de banco
durci qui indique un fétiche de "T~gan", le second,
également
modelé, ressemble à un doigt courbé en arc de cercle et sug-
gère la maladie
de Pott
;
le
troisième comprend un débri de
calebasse marqué au médicament noir
(tti sèla)
et annonce
migraines
et hémiplégies,
tous
les
trois
avertissent le fau-
t i f d'une mort de "Tl!gan" ou "mauvaise mort rr
(kau faa).
(J)_rrpèvra ll
est parfois suspendu à l'entrée de II cara ll
(grande
pièce,;
vestibule)
où,
à l~absence de "za w fl ,les Bois an-
cestraux (Kpii-daru) peuvent 8tre déposés
(fait observé
à
Né mer et
dans la région dG Dissin).
·.. / ...
- 277 -

-
Il faut
encore nommer les fitiches protecteurs
dcs personnes ayant subi un "nettoyage pour le retour de
leur "siè"
(9.me)
en déréliction" ou "si-piru",
ceux des bé-
bés indécis,
en deuxième ou troisième retour,
ceux enfin de
protection contre diverses maladies,
tels
"bèr-ura" porté
par "l,'enfant au teint pllle",
animié,
ayant subi un bain
spécial de décoction de feuilles.
Tous ces fitiches donnent le témoignage que l'uni-
vcrs dagara foissonnent d'esprits multiples et actifs,
voire
intrigants,
dont i l faut savoir se ménager le soutien sinon,
du moins,
éviter l'opposition.
Et tout phénomine extraordi-
naire,
tel la naissance de jumeaux,
en fait
surgir de nou-
veaux.
,;/ -
Le cul te fétichis te
Ainsi,
le souci de l'homme de ma!triser les esprits
pour s'en protéger et s'en servir aboutit i
les matérialiser
do.ns des objets modelés,
tels
"k8t8m~", sculptés (tibè) ou
quelconques,
tels "mwinli"
(petits dieux)
et à leur vouer
des cultes.
Alors que les autres
~tres n'en viennent à nuire
ù l'homme,
par voie de
"possessiontl,
qu'en cas d'abus de con-
duite
(voir cas des animaux,
des végétaux),
la relation de
l'honmlc aux esprits
e t
f é t i c h e s
e s t
t o u t
a u t r e .
Ce
q u i
e s t
remarquab1e
c ' e s t
qu'une fois le fi-
ticliG intronisé,
l'homme est t.enu au respect de son culte
i l y
a désormais comme un pacte de lier dont l'observation
stricte s'impose sous peine de sanctions immédiates et sévères •
.../ ...
- 278 -

L'implic,ni:i>n quotidienn!,_ des espri tssecondaires
("k8t8mB,
tibè, m'-linli" ,
etc.)
dans la vie de l'homme donne un carac-
tèrc très contraignant aUX pratiques cultuelles,
qu'elles
soient individuelles ou collectives, allant
de simples corn-
portements superstitieux i d e s h&catombes de bBtes dont le
sélng arrose périodiquement les
fétiches
(le voisinage d'tm
:::-étiche est bien remarquable par le sang et les plumes de la
volaille sacrifiie,
éLphotographie,
page 290 bis
(1) •
Par un autre caté,
la pratique fétichiste rappelle
les cillce0 psychiatriques et pourrait Btre exploitée effica-
cetnent pour une
thérapeutique
de
certaines maladies nlentales,
singuliarement des
psychoses,
en tant que voie dVexorcisme
d'esprits traumatiques.
C'est ainsi que le d~positaire de
1lli;:8tem~1J, est parfois un ancien malade, dont la cure a abouti
è l'installation de ces f&tiches
(2).
B. LE MONDE DES EYRES VISIBLES
1)
-
Les hommes supérieurs
devins,
pretres
et
sorciers
-
Le
devin est un homme qui
a
accompli
pleinement
SOn initiation
(baor)
et
s'est muni
de médicament
de
devin
- - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
GBAANE DABIRE C.,
s'itend longuement dans "NI5AAL",
sur
1<1
vie de l'homme
en
rapport
avec
IItibè"
et
compare
cette
relation avec celle, plus paisible,
à Dieu (Cf. op. cit.,
pp.
238 i
253).
(2)
U"
de nos informateurs,
qui a éti devin avant de recevoir
le baptlme chritien,
a vicu ce cas
(il s'agit de HIEN N.
de Babora,
Province de la Bougouriba).
. .. / ...
- 279 -

ou "bao-sè,la-tti", à prix d'argent
(1). Il Y a deux catégories
de devin (bagè)
celui
d'intérieur qui donne
ses consulta-
tions
dans la chambre des "k8t8m~"o Il utilise pour son ri-
cuel une canne crochue
(dagol)
et de petits objets divers
qu'il
con.::;crve précieusement
dans
sa
bourse
en peau d'oviné
tannée,
qui
sont connus
individuellement
avec
chacun son his-
toire.
Avant la consultation i l invoque
"mwin"
et les esprits
de "T8gan"
(baor kabru)
; puis i l répand les objets référen-
t i e l s
ou
'Ih::panè"
par
terre
et,
saisissant
sa canne par le
haut ct le client par le bas,
i l la promène au-dessus d'eux
d 11.Ul(~ manière hésitante -
du moins
ce
sont les
esprits qui la
ln cuvent
!
Enfin la canne
slarr~te et s'abat vigoureusement
ou ril011ement au milieu des "kpanè"
:
i l y a là une indication
sÜre ou imprécise.
Il convient de la confirmer et donc le
Qanègo recommence.
Cette fois
encore la canne
tombe vivement
et à plusieurs reprises sur le m~me objet qui est donc dési-
gne
(bir). Les jeux sont faits.
La référence à la science
qui
émane
de
"bir ll
permettra de livrer au client le
secret
de
son affaire.
Au lieu ct '5tre un "bagè"
(bao sèla sob), ce devin
peut 8tre un possédé de "k8t8m8"
(esprits de Tllgan), qui a
réussi à ma1triser son esprit,
au terme
d'un rite complexe
dans lequel
i l
est amené à sacrifier une dizaine
de poules
dont la couleur est précisée par voie de divination.
Il lui
faudra
encore pour exercer sa pratique de
devin
(bao-bu)
d'au-
tres
sacrifices plus
importants
et
du médicament pour
sa pro-
tûction.
(1)
"Dao-sèla-tti" :
médicament
(tti)
d'initié
(bagé) noir
("èla). Le caractère "noir" indique toujours chez les Da-
gara lUl pouvoir
supérieur au "blanc".
· . . 1 . ..
-
280 -

Le deuxième type de divination ou divination
d'c;:téricur,
supérieu;e 'au premier et "liée à l'initiation et
a~' esprits (k8t8m~), est une pratique qui peut s'exercer en
tout lieu. Le devin,
pour ce faire,
dispose d'une petite bour-
se en peau
(bao-cur)
contenant de petits cauris. Pour s'en
servir,
i l prépare la terre
(peau de T0gan)
et,
après avoir
invoqué les esprits,
i l y
projette les cauris dont la dispo-
sition indique le secret de la situation (1).
-
Le pr~tre exerce essentiellement des fonctions
rituelles,
dans l'ordre de sa puissance tutélaire,
dont l'of-
frande
des
sacrifices.
En raison de la liaison gémellaire
des
Puissances
"Saa ll
et
lIT~ganll, les sacrit.'ices offerts n l1'un im-
pliquent l'autre.
"Suo sob" ,
le sacrificateur officiel de la
circonscription de
"T'~gan"t est chargé d'immoler également les
b8tes n l'occasion des divers sacrifices expiatoires occasion-
nés par les maladies et les fautes de IIT~ganll et qui voijnt
arnluellcment le massacre
de bovinés,
d'ovinés,
de volatiles
et m0me de chiens pour les cas de fautes
très graves. Les in-
terventions des pr~tres de la pluie sont pllJtet liées aux ma-
nifestations punitives de la puissance céleste,
particulièrement
i'llL"'<
cas
àe
foudroiement ..
Les
sacrifices aUX anc8tres
et
aux autres esprits
sont variables
selon les
circonstances qui incluent les
exécu-
tions votives et les
offrandes
imposées par les
devins
au terme
cl", 'leurs consultntions.
C'est à l'a!né
(n!-kp0el
de la Famille
qn'il revient
en titre
d'immoler aux Mftnes ancestrales.
A pro-
pos
1
cl 'un
sons;e par exemple,
on offre cinq
cauris
à WI devin P01.U
Ses
'11c8t8nl~" ; c'est â celui-cj. a confirmer qu'il s'agit bien
d'une
intervention des
Anc'(!tres
et à inviter à d'autres consul-
tations
de devin,
qui
permettront de
savoir
exactement qlJelle
D'nprès HIEN P.
de Hém",r et lIIEN N.
de Babora (Burkina faso)
cr.
aussi SOHE,
BOZIE
A.
et GOODY,
J.,
op.
cit ..
... / ...
-
281
-

catégorie de b~te et d~ quelle couleur sacrifier. L'appel
des Anc8tres se fait
en raclant les"lcpti-daru"
(Bois des An-
catres)
de la lame du couteau de sacrifice avant d'égorger
la victime
ces
derniers
sont alors ~ l'~coute de la deman-
de ou des remerciements.
Un poulet
sacrifié après quion ait
pris
soin de le présenter aux anc~treSt en le îrottant contre
les Tl lq).1i-daru",
précise dans
chaque
cas
la volonté
des
An-
c~tres
après
s'~tre débattu, i l doit mourir sur le dos. Le
san,f?~ de l'animal immolé est répandu sur les "Bois Ancestraux" ..
Quant aux fétiches
individuels,
sortes de gris-gris
p0rsonnels,
i l s
sont entretenus presqu'à la manière des ani-
m....lux
domestiques par leurs
titulaires,
avec
cette
différence
qu'ici i l s'agit plut8t de gestes s~nboliques, ce qui, par
c0nséqucnt,
ne requiert pas
de compétence particulière.
-
Le sorcier est un homme du groupe
social,
apparem-
ment
comne les
autres,
mais
qui
est supérieur au commun des
mortels,
participant à la vie
des
8tres
invisibles
et ~ leur
[oree
(1).
C'est un "voyan1;11 qui a,
de ce fait,
la possibilité
cie pcx'ccvoir les
formes
ou composantes
invisibles
de
la personn
(1)
cr. "la sorcellerie par référence à la société dagara.
Le ïait
et ses
interpré'tat.ions"')lme conférence
de l'au-
teur,
parue dans
la Revue pédagogique "Action-Réflexion-
Culture",
A.nnée
1982.
·.. / ...
-
282 -

Par cet empiètement sur ~e plan des forces supérieures, le
sorcier a le pouvoir de "posséder" les autres ~tres, de les
capter afin de 8e renforcer,
c'est-à-dire de les évider pour
s'en nourrir.
Comme dit le R.P.
GIRAULT à propos des
Dagara,
llr;langcr une ftme fl
c'est en quelque sorte "désubstantialiser"
un individu;
le sorcier "aspire l'/lme
(1)
de la victime par
le sonmet de la t~te" (le trou de la fontanelle)
(2). Pour la
"faire sortir", i l sourfle sur sa victime ou encore guette ses
sorties nocturnes durant le sommeil,
car "siè" peut à ce mo-
ment quitter le corps.
Lorsque le dormeur pousse des
gémisse-
ments,
c'est le signe que " s iè" est en péril.
Il est alors
dan.çcrcu.::·: de réveiller un tel
individu,
sans
bien le
connaf-
tre,
de peur qu'il
donne le change.
C'est "siir"
(pluriel de
l1siè")
des personnes malfamées qui vagabondent durant le som-
8eil, les autres demeurent à proximité, maintenant le corps
en demi-éveil. ct est donc une mauvais e indication que de dor-
r:lir un sommeil de mort.
"5iè ll saisi peut @tre mangé par les sorciers en
sabbat,
chacun dieux contractant envers les autres une dette
insolvable en consommant leurs victimes capturées,
générale-
~'ent des proches parents. Cette manducation nécessite au
préalable une autorisation de
"T~gan", la Puissance Terre,
mais qui est obtenue,
car "Si~'1 ne peut ~tre saisi sans avoir
été délaissé par ses îorces protectrices,
diabord "siwra",
ensuite les Anc~tres, enîin "Irtw-in",
donc sans ~tre en faute.
Mais au lieu d'~tre objet de manducation immédiate, f1siè" peut
fitre
consommé petit à petit. Le processus peut durer plusieurs
nois, voire plusieurs années
(3). Les "voyants" en entendent
- - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
I l s'a.c;it ici de
"siè".
(~) H.P. GIHAUr:r, L., "Essai sur la religion des Dagara", op.
Cit.,
p.
)iI8.
(:1)
Le li'iJ."imum de
durée est de
quatre ans.
I l
est il rappeler qll
"si-sèla"
(llâme ll noire)
est En début de manducation et flsi_
plall
("!\\.me ll blanche),
presqu'épuisée.
- 283 -
... ! ...

lœ cris
de
détresse
et
indiquent parfois
la voie de rachat.
de
Itdétnchement"
(cèr bèru),
qui
s'accomplit
selon un rite
de
purification
(si-piru),
destiné il. faire revenir If s iè" dans
son fourreau protecteur (1).
Sinon la victime souffre de ma-
l~iscs de plus en plus graves qui annoncent sa fin prochaine.
2)
-
Les hommes du commun
Quant aux hommes ordinaires.
certains
sont plus
nl~incux que dYautres étant donné les médicaments dont ils
sont protégés,
les initiations reçues.
Ainsi SOME BOZIE écrit
dans
son article déjà
cité
tlOrganisation politico-sociale
des
Dagara U ,
à propos d'un enfant qui a reçu Comme "siwra"
(esprit gardien)
et comme nom "Doo-Tuo"
"tout habit,
cha-
peau,
en un mot tout objet porté par un Do
(Doo-Tuo) ne peut
plus 8tre utilisé par une autre personne. Lorsque la femme
d'tm. "Dao-Tua" commet l'adultère avec Wl homme ••.
le parte-
naire
doit payer la
"dette de
sexe"
de la manière
suivante
:
J 000 cauris (750 CFA), un mouton, sept poulets, une pioche,
u,nc dabn,
un grand
panier rempli
de mil
germé ll ,
ce qui
est
énorme par rapport il la dette traditionnelle,
bien qu'il y ait
en plus,
chaque fois,
les raîles organisées
de volaille
au
domicile du coupable
(2).
(1)
"Si-piru",
de
"siè",
lIamell
et de
"piru lt
:
nettoyage ..
Des
rites
analogues
existent pour maintenir les
bébés
indécis
et va,e;abonds
(bi-~bSml!)
et aussi pour soigner certains
maux collectifs comme la toux
(l,oru)
("bi-gbSml! piru"
1Jl-;:oru piru")
enfin,
pour puri fier
certains matériels
ayant
servi à
l'exposition du cadavre:
balafons,
trophées ..
(2)
Cependant en 1988,
dans la région de Dano, un adultére a
occasionné une dette de
15.000 cauris
(environ 25.000 ~ CFA
aujourd'hui),
un mouton,
une chèvre,
vingt poulets,
l~ det
te ordinaire étant évaluée par N.A.
DABIRE de Babora a
en-
viron J 000 cauris, un lidO... séla" (généralement un bélier)
et 7 poulets.
·.. / ...
- 284 -

La force numinale
de l'horrune
est
encore fonction
de ses rapports vécus.
C'est ainsi que fossoyeurs,
chasseurs,
bGlafonistes,
forgerons ••• sont protégés compte tenu des ~tres
avec lesquels ils entrent en contact :
la mort,
la brousse
(.dè)
et les b@tes sauvages gardées par "J<llt8bili" ,
le xylo-
p[1One,
instrument d'origine "k8t8m8" également,
le fer,
élé-
ment par excellence de "T@gan",
tiré de ses entrailles. Ces
fonctions ne
sauraient ~tre imitées impunément par le vul-
gaire,
sans risques.
Hormis cela,
tout homme est en rapport constant
avec
ses
Îorces
génitrices
qui le maintiennent en quelque
sorte dans une création permanente,
le fécondant
et le nour-
rissant,
ct avec
les forces
cosmiques.
Il a une vie
trans-
cendante par laquelle
i l participe à la communion des
~tres.
3)
- Les 8tres inférieurs
-
Les animaux suivent l'homme de près dans
cette
hiérarchie cosmologique,
ayant
eu..'C aussi le sang et le
sout'-
fIc vital, mais sans intelligence
(y~) ni a fortiori "n!-
sGalu"
(humanité)
ils comprelment également des bl!tes remar-
quables par leur pouvoir
:
animau..'C domestiques
de maison
(dll-baGla), animaux sauvages dangereux:"duo"
(phacochère,
san-
glier),
"buurmè"
(sorte
de
coba il longs poils),
"wa l - s èla"
(petite biche brune)
(1).
(1)
Sur les animaux,
voir aux Chapitres l
(l'intelligence)
ct II
(l'élevage)
ci-dessus.
... / ...
- 285 -

Les végét';ux' "et' les roches
-
L'arbre a
encore quelque chose d'animal.
Du point
de "'-'"'"lie physiologique.
les coulées de
sève
sont parfois ap-
pelées ses "pleurs"
(tiè ken).
Certains arbres,
par leur
pou,roir
spécifique,
remplissent
des fonctions
sociales ..
uGaa tl ,
par e:,emple,
est l'arbre de "Tl\\gan", utilisé par "T@gan-sob"
(d'ci.'
de terre) pour signifi er ses interdïc tions
s ' i l en met
un rameau sur un cadavre ou un tas
de mil récolté ou encore
d<:lns un champ,
les personnes concernées doivent s'inîormer
do la cause
et s'acquitter d'une dette de réparation avant
d'entrer en possession de leurs droits.
En 1980, un chef de
terre réclama une vache
et plusieurs milliers de cauris à un
cultivateur qui avait planté des piquets de "Gaa" dans une
rizière pour délimiter sa parcelle, prétextant que celui-ci
avait usurpé de ce fait ses droits de "Tl\\gan-sob"
(chef de
terre).
Beaucoup d'autres arbres sont réputés dangereux dans
des cas précis
• pour l'efficacité du poison des flèches
(low)
* pour la santé du nouveau-né

pour UDf! bonne
évolution de la grossesse et pour
la procréation en général,
etc ••.
Ces conceptions sont habituellement liées à la qua-
lité médicamenteuse de ces plantes ct varient selon les clans
ou les lignées matrilinéaires.
-
A propos des rochers,
i l est observable que leur
natlU'e ct leur masse physique importent:
• les collines,
demeures proh...ables des "Kete-bili",
sont redoutées
-
2è!6 -

* les termitières qui servent de tombes aux "bébés-
revenants'1 sont partant leurs séjours possibles
* les gros blocs de granit: leur environnement est
souvent considéré comme un g!te de sorciers,
dan-
gereux à
franchir de nuit.
Du sommet à
la base de la hiérarchie cosmogonique
qui procède de
lI'Hwin ll ,
plus précisément de
"Saa" et de "T@gan ll ,
les ~tres forment un vaste champ vital,
dynamique,
presqu'ef-
1~ervescent, à travers lequel l 'homme doit pouvoir cheminer
sans se
compromettre ontologiquement.
Cela oblige,
eu égard
Q son ordre hiérarchique,
à une attitude religieuse de recueil-
lement,
d'accueil de la gr~ce-force qui se donne et dont la
privation entra!nerait la mort.
SECTION II
LES CROYANCES ESCHATOLOGIQUES
Comme i l est apparu déjà G plusieurs endroits de
cette étude,
i l n'y a pas de discontinuité entre le monde
présent hic et nunc et la vie post_mortem.
Il y
a une con-
tinuité,
voire une identité de principe,entre ce qui consti-
tue l'essence de la vie des ~tres inférieurs, des hommes,
des
:\\nc8tres et des dieux.
Cela consacre une cosmogonie dans la-
quelle "Namvin ll
(Dieu)
est la SOUl'ce unique,
les autres
esprits
constituant des ~tres dérivés,
tant8t intermédiaires favo-
rables i; l 'homme
(adjuvants),
tant8t défavorables
(compro-
mettant.. ) •
... / ...
- 287 -

La cr~ation et la r6g~n&rntion qui proc~dent du
ïlu:·~ "\\ritnl originaire se con.forment au schéma général du
nythc cle la gémelléité tel qttiil est donné,
par exemple,
par
le:.
JAULE:,
à la fin de son livre inti_tulé "La Hort Sara"
(cor;une voie d'explication de tout mythe d'origine)
et qui
;-appelle étrangement la procession plotinienne des ~tres à
Dartir de l'Un
(1).
En effet,
de
"Mwin ll ,
l'Un Premier,
est issu le
couple jumeau:
"Saa" et "T~gan", dont le rapport engendre
tous les autres
~tres qui se ramifient à l'infini dans des
séries
continues que vient briser la mort ontologique.
Dans
cet univers,
les anc~tres constituent une catégorie à
part
éprouvés,
recréés par leur responsabilité,
i l s sont
(iôsormais associés à la création du monde dont ils ont plei-
nement assumé les principes.
naturelle
C'est pourquoi la mort/,sur le plan terrestre,
ap-
paratt COmme un voyage,
une intégration du point de vue divin
ct cn:fin un transfert sur l'échelle ontologique,
d'un p]_an
du moins ~tre à celui dU
plus-~trc, avec cette précision
qu'au lieu de ce
transfert,
i l peut s'agir purement et sim-
pler.1ellt d'une éjection du plan cosmologique des ~tres en gé-
ntral,
COr.1me i l advient pour les impies(2).De ce point de vue,
(1)
PLOTIN,
"Ennéades VI",
Chapitre IX.
D'après PLOTIN,
tous les ~tres proviennent de l'Un qui
est absolu bien que non absolu premier
;
car avant lui,
existe l'Intelligence qui pourtant implique elle-m~me l'Un,
ce schéma pouvant se situer au niveau cosmique
et univer-
sel comme à la micro-échelle de l'individu.
(2)
C'est la dispersion essentielle
("yaaru",
en dagara) •
.../ ...
_ 288 -

les
attitudes
funéraires· sont éloquentes
elles
convergent
ycrs une purification et une
intégration ou indiquent une
éli-
l:lination totale : une dispersion de l'@tre.
Ainsi lors de
l'enterrement, le mort honoré est confié à la terre
(T~gan).
d;:ms la
tOlilbe
(1).
Il entame
en quelque sorte un procès à
rebours
qui
l'achemine vers la sacralisation;
tandis
que 1'i-
[noble,
l'infSme,
est mal enterr& ou ne l'~st pas du tout
Itesclavc l'est
aux abords
d'un cours
d'eau de manière à
~tre
dispersé dans les
eaux
j
sorciers
et voleurs le
sont
dans la
brousse,
ou pas
du
tout,
et leurs cadavres
sont dévorés par
les hyènc3
sauvages,
animaux voraces
dont l'estomac
est un
v~ritablc lour crématoire des essences, un milieu de neutra-
lisùtion pour l'~tre fondamental
dont le maintien de la
force vitale
exclut la confusion et la dispersion.
Le monde de l'au-delà est un monde de la pureté et
de la satisfaction. C'est pourquoi le mort n'y va que lorsque
ces volontés sont remplies et qu'il a
été intégré Jet aux vi-
v,mts -
notamment par l'installation de "kpti-daa",
dans "zaw"-
et aQ~ anc@tres, par la gamme complète des sacrifices expia-
toires.
Si dans la mentalité dagara la vie se déroule à
"Kp!ml!-
T~\\·.... " COr.Ir.le ici-bas, elle n'y comporte aucune contrainte ni
souffrance,
car la contrainte et la limite se rapportent à la
forme visible de l'~tre qui est exclue dans l'au-delà. Aussi,
les
Dagara,qui
enterrent leurs morts habillés,ne laissent-ils
aucun objet dans la tombe.
Toutes les offrandes sont faites
devant le hangar d'exposition
(paala)
et accompagnent le mort
par leur
essence spirituelle.
(1)
Laisser mourir un homme par terre est un défi au créateur,
à "T8gan"~ C'est le retourner vivant à la source de vie,
attitude qui est comparable à un meurtre.
·.. / ...
- 289 -

En outre,le monde de l'au-delà est un monde divin.
Les Anc~tres n'ont aucune complaisance pour les fautes hu-
maines et interviennent dans le sens de l'accomplissement de
l'ordre sacré auquel ils ont su conformer leurs volontés du-
rant leur.existence. C'est pourquoi les puissances cosmiques
..,.
sont à leur-disposition.
De par sa nature,la vie post-mortem
est une vie éternelle. D'une manière générale, chez les Dagara,
la régénération est Comme le fait d'un gtre qui n'a pas at-
teint sa maturité et
demeure
virtuel,' insatisfait, comme
les "bi-gblhn@II qui vont et viennent entre leur monde
(Bi-Gbllm@-
T@,,)
et le nStre,
jusqu'à ce qu'on les fixe par les rites ou
les démolisse à
jamais en enterrant leurs cadavres dans une
termitière. Un ancl!tre bizarre, attaché. à des aspects de la
vie ·qu'il n'a pas eu le temps d'incarner,
étant donné la briè-
veté du Séj01IT sur terre, peut égalementre~enir après sa
mort. Dans ce cas,
il est remarquable par \\in trait physique
caractéristique. La légende accorde enfin. à certaines per-
sonnes.sorci'ères la possib!.1ité de sortir du tombeau pour
s'en aller poursuivre leur vie dans des contrées lointaines (1)
}lais ce
1'ai t e s t
plutSt à verser au compte des 'prouesses
de la sorcellerie.
Les Dagara ont beaucoup d'autres croyances sur la
vie post-mortem, qui commandent les nombreux rites des funé-
railles et dont i l sera question dans la deuxième partie qui
suit.
(1)
Il s'agit des liN! -kpi-kè-lè-yiri tl ou "personnes mortes
et ressuscit~esll.
·.. / ...
-
290 -

UNIVERSITE
CHEIKH
ANTA
DIOP
DAKAR
FANN
(SENEGAL)
ANNEE
1 9 8 8
1 9 8 9
LA
C O N C E P T I O N
DE
LA
V I E
CHEZ·
L E S
DAGAR~
A
LA
L U M I E R E
D E S
r E L E B R A T I O N S
R I T U E L L E S
DE
LA
MORT
TOME
II
THESE
DE
DOCTORAT
DE
3EME
CYCLE
SCIENCES
HUMAINES
(MENTION
PHILOSOPHIE)
DIRECTEUR
.
Pr
DIOP
A b d o u l a y e
B a r a
D o c t e u r
d / E t a t
en
S o c i o l o g i e
D i r e c t e u r
de
l / I . F . A . N .
DAKAR
SOUTENUE
PUBL N1UEHENT. LE
5
JANV 1 ER
1989
A
LA
FACULTE
DES
LETTRES
ETSCI ENCES
HUMAINES
DE
DAKAR
PRESIDENT
DU
JURY
A.
N'QAW
MEMBRES
A.
B.
DIOP
B.
LY
IV-3
-A-

..~
DEUXIEME
PA.l:{TIE,
,

Après avoir situé la société et l'homme dagara,
i l
importe maintenant de pénétrer davantage l'<j,Pjet de notre étude
en abordant les célébrations rituelles de la mort.
Mais au préalable,
des précisions s'imposent sur la
problématique du développement en ce point. De quels rites
sera-t-il 'question et sous, qu'El1s aspects ceux qui seront pris
en compte seront~ils étudiés ?
Dans la ,société dagara,
comme d~s le contexte cul-
turel africain, en,: général,le domaine des'o'-{:élébrations funé-
de ses rites.
".: ~:
Le r i t e peut 8tr~ déf~i commejune séquence plus ou
moins complexe,
symbolique et, dramatique qui met des hommes en
. . '
-
rapport', entre eux et avec clès: forèessup~ieures, génies an-
cêtres où divinité; i l rev8t,unetnitte
sÙiriificatio~po.u: la
, ''''~; "-:. .
,. .
,
.,
.
- '
vie desiridividus et du groupe qU1 sont concernes. Le r1te
implique:préparation, officiation, et· son d,énouément est pri-
mordial par les dispositions nouvelle's qu'il engendre
(1).
La mort est ainsi l'occasion de ,célébrations rituel-
les: tellement nombreuses 'et variées qu'il s'avère d'ores et
déjà impossible de les dénombrer ici dans leur totalité.
,j;[A':h.~;~ '. -: .:",~,
.. , ,> ,;
Alor's,>le'sqUellés r,etenir et auxq;iem's\\les formes
s'attacher
:
aux ressources mises en oeuvre et ,qui sont parfois
(1)
-
Cette signification du rite s'inspire de MAURIER, H.,
in
"Philosophie de l'Afriqûe Noire",
op.
cit •.
. .. ! ...
',- 29,1

très importantes?
Au
déroulement
qui met
en branle
anc~tres,
puissances
cosmiques
(~aa, Têgan), esprits (kBtBmê, tibè)
non
smis rapport avec la divinité
(Nâamlnn
? Aux effets qui
sont
escomptés
dans
le
dénouement ou aux répétitions occasionnées
par
les
échecs?
D'abord,
le choix des ritcs tâchera de
suivre
llévolution
des
cérémonies funéraires
tout
en mettant
l'accent
sur
les
cas particuliers
correspondant à des- "types de mort ll
qui viennent
élucider le
sens général
des
célébrations tout
en
rappelant que "chaque décè s
clat une hi stoire individuelle,
socialement classée"
(1). En effet la présentation des
géné-
ralit[,$des célébrations rituelles de la mort ne saurait se
résoudre
en une description des
événements
depuis
le moment
de
la mort jusqu'à la dispersion définitive des funérailles.
Elle
ne serait qu'une simplification au vu
des différences qui
sont observables non
seulement
suivant
les trois groupes lobr,
wiile
et birifor,
et même
suivant
les régions et
les
clans
dans
chacun de
ses groupes,
mais
surtout
selon les
cas de mort.
Une autre méthode d'approche
consisterait à partir
des grandes
catégories
de rites funéraires
définies par
des
auteurs (2)
et à
chercher à les meubler par des exemples. Hais
si les
catégories
des rites
de protection,
de
séparation,
d'agré-
gation ou de renaissance ,;\\
la vie,
défini~s- aussi bien rela-
tivement au défunt qu'aux membres
du
clan
demeurés
en vie
semblent
commodes pour un regroupement
des rites mortuaires
dagara,
i l apparaît que cette classification serait malaisée
étant donné les ··ambivalences sémantiques des rites -
tel rite
(1)
PAIRAULT, Cl.
"Boum-le-Grand, Village d'Iro", Chap. IX,
P.
321,
Institut d'Ethnol.,
Paris, nO
73,
1966.
(2)
-
Cf., par exemple
:-GOODY, J.,
in "Death, Property and
the Ancestors",
édit.
cit., p. 46 et suivantes;
-THOMAS,
L. V.,
in ilL' An thropologie
de la ~jort", édit. cit., p. 439.
.../ ...
- 292 -

I l O. ~1 H fi. IRE
~==~=====~===~=~====
P:\\GE:~
SO:-t'lAIHE
}
Table des cartes,
schémas et photographies
')
Note
de remerciements
11
Indications C~aphiques et Lexicologiques
1}
INTRODUCTION GENERfl.LE :
Situation du Pays Dagara et
Position du Probl~n\\c
l'nE~1H;RE Pfl.RTIE
L'IIO~l~ΠET LfI. SOCIETE Dfl.GMifl.
Go
Cllfl.PITRE l
LES STRUCTUHES DE LfI. SOCIETE Df\\Gf\\RfI.
61
pARAGP.APHE l
Ln Conception Dagara
de
l'Homme: ou
éléments
Je Psychologie Dagara
1 ..... L'Homme
ct
ses
formes
ou l'Iodalités
d'Existencn
, .
0
"
,
2,
La Représentation Dagara de l'Homme Îace aux Grande!;
Qualités proprement Humaines
80
PAltAGHAPHE
.,
II
La
Communauté Dagnra
et
ses
Structures
;'\\.,
.. -' ~
• Section l
La Physionomie cl' ensemble du Pays Dagara
(Dagara Tl!w)
101
• Section II
: L'Organisation de la Société Dagara
121
• Section III : Les Relations Internes au sein cie la
Communauté Dagara
l, L'Identité du moi
2 ..
Les
Relations
de
complémentarité
entre
" y ie"
et
leurs
caractères
(lignagos,
clans)
169
... 1 ...
-
B
_

PAGES
.Ctuù~TrU;;_.1.J. : LBS CONDITIONS DE VIE DES DAGARA
179
jJAFlAGJ1APHE l
, L'Agriculture
179
PAFlAGJ1APl-lE II : L'Elevage
PAJ1AGRAPl-lE III : La Chasse
ANECDOTE sur la !" amine en Pays Dagara au début du 20°
siècle sllivie d'une Liste
(en dagara) des.Plantes
Potagères
251
CHAPITRE III
LES CROYANCES PSYCHOLOGIQUES ~IETAPHYSIQUES
ET ESCHATOLOGIQUES DU DAGARA
25~
pi\\flAGHAPHE l
Les Croyances Psychologiques et ~jétaphy-
siques
PARAGRAPHE II : Les Croyances Cosmologiques et Religieuses 262
Section l
: La Hiérarchie des Etres chez les Dagara
262
A. Le Monde - des Esprits
262
B. Le Monde des ',Etres Visib~_es
279
Section II : Les Crpyances Eschatologiques
237
"
.
. ,
.::- ~
. '
.,.
" J '
_
", .
DEUXIEME PARTIE
GENERALITES SUR LES CELEBRATIONS FUNERAIRES
DAGARA
291
CHAPITRE 1 : LES EGARDS DUS AU MORT ~ŒMBRE
SOCIAL INTEGRE
EN VOIE DE PARTIR
PARAGRAPHE 1 : Le Respect d~ au Mort au Moment de l'Agonie 295
1. Les dernières volontés du mqurant
2. L'Assistance au Moment de l'Agonie
)00
3. Les'morts qui n'ont pas droit aux égards
)02
pAr~GRAPHE II : La Restitution du Défunt à lui-m~me
JOB
- c -
. . .1 . ..

_ • __,
' , '
, •• -<, . " . , ' . <
.- ._nv··
PAGES
1. Les rites de "restitution" dans les cas particuliers
de mort
3013
2. La toilette du mort
3 17
CHAPITRE II~:
RITUELS ET RITES DE LA PRESENTATION DU
MORT
322
PARAGRAPHE l
: Le fait de l'EXPosition
32/1
PARAGRAPHE II : Les Offrandes Rituelles
3313
PARAGRAPHE III : Les Pleurs, la Musique et les Danses
352
PARAGRAPHE IV : Rites et Rituels de Rappel de la Vie
du Mort:
IIZanu ll et
"~h.tolun
375
CHAPITRE III
LES RITES -J)E LA TOMBE ET.. DE LA FIN DES
','
PREMIERES FUNERAILLES
3135
PARAGRAPHE l
Ri tes et Rituels de la Tombe et de
l'Enterrement ..
339
1. Les fossoyeurs,
opérateurs initiés
3139
2. Rites de détermination de la tombe
3')2
3. Topographie de la tombe dagara
395
4. Protection de la tombe
)')7
5. De "paala" (hangar d'exposition) a la tombe. Rite
de sollicitation à
"Tllgan"
398
6. Ri tes et Rituels de descente et de 'sortie de la tombe 400
PARAGRAPHE II
Rites et Rituels de la "Dispersion" des
Premières Funérailles. Les Enterrements
Symboliques et la Protection du Conjoint
et des Enfants
403
1. Rite de purification des objets d'exposition
2. Les Symboliques d'enterrement du mort après
l'inhumation
- D-
.../ ...
J
.
.
-;~

PAGES
). Le rite de
"tll" ou perpétüai>ion'du' droit d'ali_
mentation
~07
!j.
Le r i te de
"yao-guo" ou "badigeonnage à l'argile"
1110
CllAPITRE IV
LES GRANDS RITES CONDUISANT A LA VIE
NOUVELLE OÙ RENOUVELEE
"BAO-BUU-DJ\\A",
"KO-DJ'.-
...
Tua" ET "KO_DJ\\_'~lAAR"
416
P!\\RAGRAPHE l
"BAO-BUU-DAA" OLl Recherche Rituelle des
causes de la Mort
418
1. "Ba,,-da-gol "
(Divination il la carine)
:2.
"Ba,,-cur"
(housse de divination)
J. La rémunération du devin
IJ26
Il.
L'achèvement du rite de "Bao-buu"
PAHAGRAPHE II
:
"KO-DA-TUO" ou Ri tes de Transition ci\\l
Premier au second Ages de la Renaissance
après la Mort
~Ja
1.
Les implications morales,
sociales et temp'orelles
de
TlKo-dâ_tuo Tl
2. Le déroulement des rites
J. Vers des relations de type nouveau. entre
vivants
ct
mort
439
?ARAGlèAPHE III
:
"KO-DA-'~AR" ou.·Rites d'Apaisement et
de Naissance il la Vie Nouvelle ou
Renouvelée
442
A.
_
"KPII-DAA
(Bois Ancestral)
de sa coupe à
son
Installation dans
"Zaw"
445
1. Coupe et taille de
"Kp!i-daa"
448
2. Du, "Bois blanc"
(kp!i-pla)
à "Kp!i-daa" définitif
449
fJ.
Lavage Définitif du Conjoint et Rites de
"Yaaru"
ùes veuves
-
E_
.. '/ ...
'~"', .

PAGES
1.
Déshabi11ement.et.habil1ement '
452
2.
"Yaaru" ou rite
d'émancipation de
la veuve
115 1J
J. Le dénouement final et la portée de "yaaru"
It 57
C.
"Rafra1chissement" ou Exorcisation de la Propriété
du Hort
46J
D. L'Emancipation des Orphelins (Bi-po1u)
467
:~
CONCLUSION .•• ~.
474
PARTIE III
DES FONDEMENTS D'UNE SAGESSE DAGARA
DE L'EXISTENCE
481
CHAPITRE l
:
PROBLEMES METHODOLOGIQUES ET DE PRINCIPE
481
1. De la Problématique
481
I I . De la Méthodologie
!t83
1. Pourquoi une synthèse
483
2.
Du fondement d'une élaboration de la concep-
tion dagara de la vie
486
3. La notion de "sflofu" comme significative de
notre entreprise relative à la conception
dagara de la vie
1!95
CHAPITRE II
L'UNIVERS COSMIQUE DAGARA COMME LIEU
PRIVILEGIE DES PRINCIPES DE SAGESSE
1. Références Mythologiques sur l'Origine et l'Orga-
nisation du Monde
498
II. Les SYlllbo1isatiollsDagara de l'Universalité et
quelques Applications
502
A. La représentation tri10gique de l'Univers
cosmique.
- F-
.../ ...

PAGES
B. Le symbolisme du ch~ff!e ~ept (7)
52t
CHAPITRE III
QUELQUES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA
SAGESSE DAGARA AU-DELA DES SIGNIFICATIONS
DES RITES FUNERAIRES
535
1. Sens de la vie et de la Hort chez les Dagara
537
2. Le Dualisme Dagara comme .Différence à l'Origirie
et Fondement Dialectique de la Vie
3. Le Principe de l'Equilibre, en rapport avec celui
1
de l'Ordre Transcendant. Le Sens du Repos
Il.
Le Retour Cyclique
556
5. Le Principe Logique et Onto·logique de la Génération
par Association
560
6. Le Doùble Principe de l'Unité et de la "PUreté"
ou Ipséité" de l'Etre
CHAPITRE IV : VALEUn ET LUlITES DU SYSTEME DAGARA
.%9
.' ;
PARAGRA~IE l
: Au Point de Vue de l'Unité
570
PARAGRAPHE II : Au .Point de Vue" de la Régulation des
Conflits
576
PARAGRAPHE III
Au Point de Vue de la· Fonctionnali té
et de la Fiabilité du Système
585
PARÀGRAPHE IV
Quelques Conséquences Pratiques du Conflit
Cosmologique des Deux Ordres. Une raison
de Faiblesse de la Sagesse Dagara
597
CONCLUSION GENERALE: PORTEE DE. LA SOLUTION DE LA VIE
DANS SON RAPPORT AVEC LE PROBLE~Œ
DE LA MORT
CHEZ LES DAGARA
613
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
622
QUELQUES ABHEVIATIONS
63';
- G-
J

TAULE DES CARTES, SCHEMAS ET PHOTOGRAPHIES
PAGES
_
Schéma nO
1
Burkina Faso: Carte de Situation en
Afrique Occidentale
_
Schéma n° ~2
Burkina Faso : Carte Administrative
25
-
Schéma n°
3
Le Pays Dagara (Sous-Groupes Dagara et
Ethnies Voisines)
~
26
-
Schéma n°
3 bis : Le Pays Dagara : Principales locali-
tés
27
_ Schéma nO q
Maison Dagara (yir)
113
Schéma nO 5
Evolution de "Do\\~lu" (clan) en six Etapes 117
_ Schéma nO 6
Ramifications de "Dowlu"
(clan) Kpièlè en
Clans Secondaires et Sous-Clans
119
-
Schéma n° 7
La Double Descendance chez les Dagara
1112.
_ Schéma nO 8
Le Mariage Préférentiel .Dagara
1 liJ
-
Schéma n°
9 (1 et 2)
:. Exemples de Deux Lignages Etalés
sur plus~e Six Générations et prati-
quant toujours l'Exogamie
150 et
151
-
Schémas nOs 10,
11 et 12 :
Système classificatoire
Dagara de la Parenté
• Schéma n°
10 : Parallélisme Patrilatéral de la Parenté
Endo-clanique
et Exo-clanique
• Schéma nO
11
Parallélisme de la Parenté Matri-
clanique
158

Schéma nO. 12
Parallélisme des Pàr·entés Patrili-
néaire (1), Matril:in·'aire (II) et
Matriclanique(I·II) d!Ego
159
• Schéma nO
13·
Classification de Type Omaha chez
les Gurmantché (pour comparaison)
161
- H -
... / ...

PAGES
Schéma nO
li!
Dispositif de
ch~~se
223
Schéma nO
1S
L'Univers du ~wrt de l'Avènement du
Décès à
l'!nhumation dans la Tombe
337
1. Tombe Rituelle en Cloche
31lG
2.
Défunt inhumé
387
_
Schéma nO
17
Tombe Rectangulaire
]1111
_ Schéma nO
18
Tatouages à l'Argile
(aux rites de
"Yao-
guo"
(BadigeoJUlage à
l'Argile) et
"Ko_
dâ-tuo"
(troisièmes funérailles)
/109
-
Schéma nO
19
Cheminements 'du Hort
(A)
et de ses Pa-
rents en Deuil
(B) d;u.s le "Règn'e de
la ~1ort"
_ Schéma nO
20
"Bao-da-gol"
(Divination à la CaJUle)
"Kpti-Daa"
(Bois Ancestral)
_ Schéma nO
22
L'Espace Cosmique Dagara
50]
SCllEMAS N°
23, 2 1., 25. 2G: LA STRUCTuRATIDN TRIL'O_
GIQUE DE L'ESPACE DAGAHA
,.
.sc.1lôm<:l nO
2J
~. Canari Dagara
5ÇlG
B. Art de la Poterie Dagara
50G

Schénl<:l nO
24:
"Plan de
"t'f\\\\'"in ll
à~ d~ l'Existence
Originaire "
50G
T
Schôma n°
25
C~enier ù Mil Dagara (ci-bowr )
510
, ScbÉ~rna nO 26
Case Dagara
(yir)
Pièce Principale(cara)
511
"
Le Signe Cruciforme
515
- Schéma nO 27
- Schéma nO 28 Le Hariage Préférentiel Dagara comme
Mariage du "père et "de la Fille Il
55 2
-
Schéma nO
29 :La Génération par';·Association
559
Photographies de
}laisons Da!!:ara
11) bi's
182
-
l'hotographies
ri 'outils aratoires
290 bis
_
f'hotographies
de Fétiche et d' Exposi 1;ion Funéraire
SO?
!l:lOL()~raphieH dp. Canaris et Marmites
1:;10 l, i 'l .
P'·'l'ographies
de
Grp.ni~r.s à Jl.1il (ci-bowe)
-
l
-

pouvant relever de plusieurs catégories à la fois -.Et surtout
le risque majeur
de
cette-approche
consisterait dans le
fait
que le
souci de
classer les rites
conduirait ci leur attribuer
finalement
rlessignifications ri priori
ou plus ou moins fond~es.
Enfin,
cette manière d'approche pourrait
enlever au
développement
cet aspect de génèse progressive de la vie,
qui
est remarquable depuis l'avènement de la mort
jusqu'aux der-
nières funérailles
dites
"Ko-dâ..!maar ll ..
Donc,
tout en tenant à
la portée eschatologique des
rites
comme
étant
le
lieu du
sens de
la vie
que nous nous pro-
posons justement de chercher,
i l s'agira de garder le
contact
avec les faits
et le respect,
autant que possible,de l'essence
des affirmations dagara elles-m&mes. De la sorte,
à
côté de
toute
concept~alisation qui lui sera proposée, le lecteur
trouvera les données élémentaires de base et en toile de fond
la croyance propre à la société. C'est du reste la méthode qui
a
été suivie jusqu'ici dans l'analyse de l'homme et de la
société dagara,
bien que
désormais nous avancions
dans un do-
maine moins
concret ou plus imaginaire.
Enfin,
i l faudrait
encore préciser,
outre les difïé-
rences rituelles selon les
cas,
les groupes,
les régions et
les clans,
celles qui distinguent
"l'ancien temps"
(koroza)
du
"nouveau temps"
ou temps présent
(iè-ièrènga) t
ce dernier
étant marqué par
l'avènement des idées nouvelles,
singulièrement
par les réligions importées,
qui ont profondément influencé
les pratiques coutumières et les rites dagara. Aussi dans le
souci de ré!léter au mieux
la pensée des Dagara,
sera-t-il
souvent opéré des dépassements de l'ère actuelle vers des
périodes antérieures plus
significatives.
... / ...
- 293 -

CHAPITRE l
LES EGARDS DUS AU MORT,
MEMBRE SOCIAL
IN~EGRE EN VOIE DE PARTIR
Dans la Première Partie,
au Chapitre Premier,
"llhomme vraiment homme"
(ni i
nir)
a
été présenté comme W1
être digne de respect. Et/cette qualité, i l la conserve en
tous temps et en tous lieux, même après la mort
des honneurs
lui sont prodigués durant les funérailles
et, plus tard,
en
tant qu'Ancêtre prestigieux et transcendant. Cependant,
les
égards ne revêtent ni
les m~mes formes ni les mêmes significa-
tions aux différentes étapes de la vie. Dans ce chapitre, le
mourant,
puis le défunt,
seront présentés,
conformément a
la
pensée dagara t
Comme
un membre
de"yir",
C' est.-à-dire
de la
structure
communautaire vivante,
prêt à
se
détacher pour
son
destin
qui,
quoique
solitaire,
concerne
cependant hautement
les autres membres du groupe. L'avènement de la mort est perçu
co~~e le départ pour Un voyage qui suscite préparations,
craintes et espoirs quant aux avantages de retour. Dans le
devenir de la vie,
la mort apparatt certes comme un événement
irrémédiable,
sans précédent et chaque fois incomparable à
un autre
(1), mais d'un autre c8té, par sa signification so-
ciale,
elle n'est pas un fait unique, inclassable et désespérant,
mais plut8t
"comme
le dernier des passages qui,
au
cours ct 'une
vie,
marquent
chaque promotion de
l'individu:
sa naissance,
son initiation,
son mariage"
(2).
(1.)
-
Cf.
IANKELEVITCH, V.,
"La Mort", Flammarion, Paris,
1966,
Deuxième
Partie,
Chapitre
IV
:
ilL' irrévocable",
pp.
298
et sq.
(2) -
PAlnAULT, Cl.,
op.
cit. p.
J21.
. .. / ...
- 294 -

PARAGRAPHE
1
LE
RESPECT DÛ AU l·fORT AU NO/>ŒNT DE
L'AGONIE
Au début de
la maladie,
parents et visiteurs pres-
sai.ent le malade de questions sur son ~~at, l'encourageaient
aux consultations de devins et à
la prise de médicaments
qui ne manqueraient pas d'avoir,
comme dans tel ou tel cas,
des
effets bénéfiques,
ou encore indiquaient
t e l guérisseur
infaillible. Certains proches parents slinformaient à mi-voix
de
ses dernières sorties surtout nocturnes
les membres de
sa compagnie,
les cabarets fréquentés,
les rencontres éven-
tuelles
Dès l'apparition des signes évidents de mort chez
le malade,
les comportements de
son entourage prennent des
orientations précises, nuancées tant8t par un attachement d'une
intimité inhabituelle,
tant8t au contraire par une certaine
distanciation.
-
Les parents intime~, chargés de la veille perma-
nente,
notamment les "mères" du mourant,
ses tantes paternelles
et
ses soeurs larmoient et se lamentent en secret.
-
Les "ni-bèrè"
("grandes personnes",
anciens)
du
clan se concertent discrètement sur l~ situation
la progres-
S10n irr~m~ctiable de la maladie vers la Inort,
car i l s n'igno-
rent pas qul~ partir de
·Ce moment, .les m~dications indig~nes
utilisées ne laissent plus aucun espoir de guérison
ensuite,
1« préparation des premières ftUlérailles
:
acquisition du cos-
tume mortuaire si le mourant~ n'en dispose pas personnellement et
si la réserve de
Ifyir" est épuisée ou encore si le futur
déftUlt,
par son statut, mérite une tenue particulièrement honorablej
celle des cauris qui
serviront à payer les honoraires des
divers services funèbres
et
celle des pagnes pour couvrir le
hangar d'exposition
(paala). Les femmes,
quant à
elles disposent
... / ...
- 295 -

constamment pour de telles circonst·ances de nattes neuves,
les unes tressées avec de la paille sauvage de plus de deux
mètres de hauteur
(sèn),
d'autres avec la partie terminale
des tiges de sorgho qui porte l'épi
(sê-bili).
Les visiteurs du malade, habitants du voisinage
ou
parent·s
plus ou moins éloignés par la relation,
ceux-là qui "vont voir"
(cén t i nyè bon) et· repartir, après
Wl
tour au chevet du malade sans plus de· commentaires u
présent,
se retirent dans "cara"
(vestibule, pièce de sé-
jOl~) ou dehors, sous un arbre, et causent à
voix basses.
Chacun à sa manière,
i l s se préparent a assumer
la longue séparation d'avec le membre du groupe qui va
partir.
1. LES DERNIERES VOLONTES DU MOURANT
Au sentiment de sa fin prochaine qui,
dit-on,
est
infaillible chez la personne âgée, le malade qui a le
statut de "ni-kplle" et qui
jouit encore de la faculté de
parler dans ces derniers moments,
ce
qui n'est pas toujours
le cas,
fait venir ses frères,
ses enfants,
ses cousins et
neveux (arbili) hors du clan,
tout parent dont i l veut se
faire entendre
(1). Aux uns et aux autres, i l édicte ses
(1) -
Les convocations peuvent être individuelles,
sélec-
ti:ves (par exemple, les frères, puis les fils,
etc.),
plus rarement collectives et sane discrimination ;
tout dépend des situations.
. .. / ...
- 296 -

dernières volontés.
A ses frères,
en particulier à
celui
qui est appelé à le rerpp~acer, i l rappelle, par exemple, la
parole des ~cêtres, qui sert de guide au lignage, en y
ajoutant la sienne propre sur les situations nouvelles ou
conjoncturelles
; déclare
ses dettes et
ses
créances
indique éventuellement les cachettes de son trésor en cau-
ris à ses héritiers
; attribue les parts de ses biens
propres
(1) à
ses fils,
cousins matrilinéaires et neveux
qui les méritent ••• S'il s'agit de l'alné,~on l'interroge
sur les possessions collectives de "yir",
sur les alliances
et sur tous problèmes importants de la vie du groupe.
En pareille occurence,
untel a dit à
ses fils
:
"Après moi,
ne ménagez aucune peine afin que vos enfants
ne manquent jamais de nourriture. Ce serait pour vous le
signe d'tille
calamité"
; un autre
t'Considérez la rivière
qui coule ici-bas dans le vallon comme votre principale
ressource"
(donc, faites qu'elle ne tarisse pas et surtout
ne vous en
éloignez pas)
; un troisième
enfin.
"Ne liez
jamais de pacte avec tel clan dont
la malhomtl\\teté est
légendaire". Des paroles
cOllune
cette ·dernière, qui
manquent de prendre en considération les vicissitudes,
voire les revirements "spectaculaires de 1 'histoire,
ont
inspiré la thèse de }I. PERE intitulée:
"Les Deux Bouches"
(2):
l'ancienne parole des Ancêtres lobi,
qui impose à
ceux-ci
le rejet du Colonisateur blanc -
dont ils ont tant souffert
des sévices -
ainsi que de sa civilisation,
et la nouvelle
parole qui prÔne le succès et le salut par l'école,
(1)
Distinguer les biens propres du mourant et les biens
de Famille qui appartiennent à
"yir".
(2) -
PERE, H.,
"Les Deux Bouches. Les Sociétés du "Rameau
Lobi",
entre la Tradition et le Changement". Paris,
Universi té de Panthéon
Sorbonne, Nars 1982 •
.../ ...
-
297 -

cl' importation
coloniale,
et
Bes idées nouvelles. De telles
paroles
sont de nature à occasionner des
situations drama-
tiques dans la mesure oÙ'èlles mettent des individus ou
des groupes en
conflit avec
eux-m~mes. Heureusement, les
mécanismes de la Pensée dagara,
comme du reste chez les
Lobi, prévoient le retour sur la parole proférée ou en
dagara,
"le rappel,
l'enlèvement de la bouche".
Selon le rituel le plus simple, un parent à plai-
santerie
(1) offre de l'eau à
celui qui veut revenir sur
sa parole.
Il
s'en lave
la bouche
en
se retractant,
en
"rappelant
sa bouche"
IINuor
lè wa Iea"
("bouche revient
ici 1!).
Lorsqulil s'agit
d'annuler
la parole
d'un anc~tre,
i l
convient
de
consulter un
devin qui indiquera le
sacrifice
approprié n offrir. Dans le courant de l'Année 1982, un
cul t i vateur du village de B.,
dans la Province de la
Bougouriba,
est
informé
du mariage prochain d'une nièce
classificatoire du clan,
qui est salariée et dont i l n'a
jamais rien reçu,
ce qui,
en soi,
est normal
de nos
jours
dans le milieu. Se fâchant,
i l prononce son désaccord au
sujet du mariage. Peu de temps après,
i l meurt, rongé de
lèpre. A sa première grossesse,
la jeune femme manque de
justesse de passer de vie à
trépas. Ayant appris la nou-
velle,
ses parents qui étaient au courant de la parole du
défunt ont alors entrepris dlt1enlever
sa bouche".
Désobéir à la parole d'un mort est encore plus
grave
qu'outrepasser celle d'un "ni-kptle",
dont on dit
(1) -
Sur la parenté
à plaisanterie, voir Partie l, Chapitre I •
. ..
- 298 -
/ .. ·

pourtant qu'elle n'est
jamais vaine.
hussi en
cas
de deni
de la parole d'un ancê-tre.
la r-éparatiôn est plus solennel-
le. Le matin de bonne heure,
on habille le Bois Anr:estral
(Kpîi-daa) avec culotte et bonnet. Puis se tenant dans le
séjour des"lcpî",,,"
(Bois Ancestraux), un parent à plaisan-
terie
(Ill-luorè) portant le fétiche ainsi paré attend le
parjure. Au moment où celui-ci apparaît à la porte,
i l le
lui présente
"Voilà le Bois de ton "père" dont tu as
juré". Il est remis,
en guise d'honoraire,-vingt
(20)
cauris à l'officiant
(1).
L'ensemble des volontés des Anc~tres, proférées
ou simplement
manifestées,avec le temps,
constituent
la trame de la Tradition. Aussi comprend-on que celle-ci
par
devenue(le jeu des synthèses successives,
des adaptations
et des réinterprétations la volonté générale de l'ethnie
commande impérativement aux individus. ~jéconnaître ou
oublier les volontés des Anc'trl:res
Je' est aux yeux des
Dagara.
s'exposer irrémédiablement à
des malheurs et à la
mort ontologique,
car c'est se couper par le fait. même du
flux vital. C'est pourquoi,
dans leur magnanimité,
ceux-ci
prennent la précaution de les rappeler de temps en temps
auX vivants à travers
des
songes qui
sont interprétés
·par
les devins.
Il convient d'orff! et déjà de remarquer que le
mourant n'est pas progressivement exclu du groupe, malgré
certaines attitudes réservées à
son égard et qui sont pré-
paratoires à la séparation;
au contraire,
i l s'intègre
en quelque sorte dans sa structure fondamentale. En effet,
si de son vivant i l participait aux activités du groupe,
(1) -
D'après E. KUSIELE DABIRE
(Décembre 1987) •
.../ ...
- 299 _

conformément aux règles sociales établies, maintenant sa
volonté influe sur la co~ceptiQn m@me de la vie sociale
de ,
,
et sert/reference. Pour outrepasser sa parole sans encou-
rir de sanction mystique, i l faudra désormais un sacrifice
autorisé de rémission,justi~iant une res~ructuration des
significations et partant celle des conduites,
en fonction
du
contexte nouveau.
2.
L'assistance au moment
de
l'agonie
Quel que soit le mode sur lequel s'achève la vie
de l'individu, violent ou léthargique,
celui-ci bénéficie
du devoir des parents et des proches de l'assister. Nous
p a s s'e r
ons l'assistance habituelle en soins divers,
médicaments et nourriture, pour noUS attacher à
celle
spécifiquement dagara.
En effet,
lorsque le malade,
comme i l a été dit,
"n'appartient plus à
ce monde" (bè cian irè nir è),
i l doit
avoir à
ses c8tés des proches parents
Boeurs, filles et
fils,
frères,
grands-parents, réels ou classificatoires,
forment autour de lui le cercle le plus intime; viennent
ensuite ses femmes,
surtout celles qui ont plusieurs enfants
et sont appelées à
demeurer dans la Famille,
en application
cle la prati que du lévirat. C'est dans les bras de l'un de
ces derniers qu'il expire et ce serait une faute grave qu'il
rende
l'âme,
couché
sur la natte.
Jusqu'aux derniers
soubresauts de l ' agonie, le
mouraJ1.t
est maintenu assis ou allongé,
surtout
s ' i l
s'agit
cl ',m enfant,
entre les bras ou les jambes d'un membre de
.. ·1 ...
-
300 _

l i assistance.
CI est ap;è s
le
dernier
spupir
(a vuuru
siw
na) qu'il est déposé sur la couchette.
Ce
serait une insulte à
"T@gan", pui ssance qui
àonne prospérité et vie,
de lui retourner un ~tre humain
avant qu'il ait rendu son dernier souffle. De m~me l'en-
fant qui vient au monde est reçu dans les mains avant
cl l entrer
en contact avec le
Bol
sous peine..,... d'offense a
"Têgan"
(Puissance Terre).
Si l'agonie se prolonge anormalement, on cherche
les voies autorisées pour
en finir,
car i l n 1 est pas humain
de laisser souffrir quelqu'un qui ne peut survivre
(c'est
il. ce titre que les monstres sont supprimés à leur nais-
sance). Par exemple, on porte le malade dans les endroits
de la maison qu'il a.i.mait
à fréquenter.
S'il s'agit d'un
balafoniste ou d'un forgeron,
on joue longuement et par
moments des xylophones ou on allume la forge,
tout cela
dan.s le
souci
de
ul'aider à partir".
En fait,
bien que le questionnement, les déplace-
ments ou la musique intempestive ... puissent avoir quelque
chose d'incommodant
pour un malade en agonie,
i l s n'ont
pas précisément pour but la mise à mort physique,pure et
simple,
du moribond,
mais
visent à le
rldétacher"
de
ce
monde,
en lui pro curant ce à quoi i l pourrait rester
attaché,
et par là en le libérant,
sans intention d'eutha-
nasie.
Toujours est-il
que d'une
certaine manière,
en vue
de
son voyage,
c'est l'accompagner
de
ses oeuvres.
Après l'expiration, le visage du mort est arrangé
pOt~ prendre un air décent
on lui ferme notwrunent les yeux
et la bouche. Lorsqu'il s'agit du dernier survivant d'une
.../ ...
-
301
-

rlrog~niture issue (le la m@me m~re,
ori lui
claque
les machoires
ou
encore mieux on
lui
c'ouvre' la "bouche avec une
calebasse
pour bien
signifier que
la
s~rie maternelle est achev6e.
J. Los morts qui n'ont pas cIrait aux égards
En matière
dl é,\\Sards
dus au mort,
i l
convient
cle
distinguer
le
droit
du mort "
l'assistance et à
la toilette
(1)
du droit
aux funérailles,
bien
qu'il
existe une relation
rnoolifes·te
entre
les
deux.
En outre,
s'agissant des
c~r&monies
funôraires,
i l est à noter qu'elles peuvent être différées,
comme en p~riade (l'~pid~mies ou
d'hostilit~s, puis ex6cut6es,
a"'~ besoin g-roupéesselon les cas et par Famille, en temps
opportun.
Exception
doit
être
encore faite
du
cas du petit
enfant
avant
trois mois,
donc' avant le baptême et la recon-
naissance
sociale par la Famille.
En
effet,
manquant
encore
d'i(lenté
sociale,
celui-ci ne peut bén6ficier
de
funérailles.
Avec ces précisions,
i l apparait que
ceux qui n'ont
droj.t ni ~ l'assistance ni ~ la toilette a
leur mort,
ne
peuvent prétendre
aux funérailles.
Quand bien même
ils en ont,
celles-ci ne peuvent
être que
sorrunaires,
comme
dalls
le
cas
de mort par
foudre,
de d~cès de sorcier notoire,
généralement
privé
de proche parent
(1)
et
dont
on redoute
l'approclle,
ou
de
voleur
abattu
sur les
faits mais dont
le
corps
est
cepen-
dant restitué à
la Famille
(2).
(1)
-- LEt
chanson ne
elit-elle pas que
c'est
le
"sans-parent ll
qui
est traité
de
s o r c i e r :
lINi-hè-ter-nir,
bè mi ycl-a
kè 5 î e nu ••• Il •
(2)
-
I l n'y a
pas de funérailles
chaque fois
que
les
"T8gan
demi'
(rlétenteurs de
la chefferie
de terre)
en ~nonccnt
l'interdiction,
soit parce
qu'il y
a une de·tte à
payer,
soit parce
que
le défunt
avait
de
son vivant une
con-
duite particuli~rement répréhensible.
.... / ....
-
302 -

Les
égards prescrits par ln
coutume il.
11 endroi t
des
morts
constituent
la mat'lière m~m-e de les disposer en vue de
l'honneur
supr@me
l'int~gration aux Anc~tres, dans le r~gne
post-mortem -
à laquelle prépar enjustement les célébrations
des îunérailles - ,et
son corollaire,
l'intégration au groupe
des vivants
de
" y ir"
(FamillR).
L'exclusion
des honneurs,
y
compris
ceux des
funérailles,
correspond
au
rejet
ou i"~ la.
non-int~gration par le groupe. Elle tient essentiellement
à deux données
:
au
statut
social
du mort
e~ à la cause de
la Inort.
Suivant le premier
aspect,
e].le
concerne
l'esclave
non
affranchi,
11 étranger non assimilé,
le voleur abattu
hors du clan dont le corps n'est pas rendu a
sa Famille, le
sorcier pris
en flagrant
délit,
par
exemple,
par
l'épreuve
de
"sê1~-tuofu" (port de natte)
celle-ci
consiste ~ recher-
cher le
coupable
en
cas
de mort bizarre.
Pour
ce îaire
on
1
emballe des effets du mort dans une n"tte magiql1e et on en
mon -Cs
charge del1x porteurs qui parconrent/et vaux,
transportés
par l ' e s p r i t
du mort,
à la découverte du "mangeur d'fune ll •
Slagissant
du
deuxième aspect,
la cause
de
la
mort ~
i l
serait peut-être bon de pari:.ir
du
sens que
les
Da,~ara donnent à ce dernier phénomène. En effet, honnis
qllelques rares
cas cIe vieillard mourant rassasié
d'années
(",-]
dar-a
ta Il
Hcest
son
temps qui
est arrivé",
dira-t-on),
i l est g~n~ralement attribu~ par les Dagara à la maladie
et à
la mort
une
cause morale.
I l
en
est
ainsi
du reste à
.. '/ ...
- 303 -

notre
connaissance,
dan~ tout le contexte culturel négro-
africain:
chez. les J"1ossi,
les B,,,a,
les Guin,
pour
citer des
exemples burkinabé bien connus
(1).
Comme nous l.'ont
expliqué plusieurs Dagara,
par
suite
d'une mauvaise
conduj.te,
le
corps
s'échauffe;
i l
s'ensuit
de
la
fièvre
dont
l'aggravation pet'lt
conduire it
la mort. C'est parce que
"siè"
(8rne-îorce),ayant
commis
une faute,
perd les
avantages
de
la protection
des puissances
gui veillent habituellement sur lui
(2)
qu'il
devient errant,
exposé à
1.a maladie
et à
la mort,
aux causes
effj.cientes
malé~iques, dont la manducation par les sorciers.
(1)
_ CF. CREHER,
J.,
"Matériaux d'Ethnographie et de Lin-
guistique Soudanaises,
T.
IV :
les Bobo:
la Mentalité
Mystique",
Librairie Orientaliste
Paul GEUTHNER,
Paris,19 2 7.
BADINI,
A.
"La Représentation de la vie
et de la Hort
chez les Mase"
(Thème de
doctorat
de
Jème Cycle),
op.
cit.
Dans la ville de Banfora,
en région Guin-Karabora-
Turka,
le
fétiche
de Fadua(Fadua Djoo)
dénonce le
coupable,
en lui infligeant au
cas échéant,
la sanc-
tion mortelle.
(2)
-
Sur les puissances protectrices,
voir Partie l ,
Chapitre
III r e l a t i f aux croyances.
... / ...
- 304 -

Cette représentation dagara sur la
cause de la
mort
éclaire la notion 'de. "ldlu t'aa ll
(mai.lvaise mort)
ou
"têgan küu"
(mort par la Puissance de Tllgan).
La
"mauvaise
mort"
s' explique par une
intervention
spéciale
et brutale
de la Puissance Terre
(Têgan)
et
des pui ssances transcen-
dantes
associées,
à
commencer par
'ISaa"
(Puissance Ciel)
et les Ancêtres
(Kpîmë). Ce mode
de sanction correspond
5
la gravité de la faute,
commise par la victime ou par
avec
l'un des membres de
sa Famille/lequel i l
est
en union mys-
tique.
En effet,
la "mauvaise mort" implique une atteinte
grave aux principes de l'ordre du monde et de l'organisation
sociale.
De par
sa nature,
ce
type
de
décès
exclut
souvent
le s
égards dus au mort.
L' as si stance
s' avère impossible dans
les cas du foudroiement,
de la noyade,
de la mort par
chute
d'un arbre ••• Hais,
quand bien même les circonstances le
permettraient,
la cause de la mort n'autoriseraient pas
toujours l'assistance ni les funérailles. Ainsi dans cette
catégorie
de mort,
on observe que la mort par
"Da_nyur" t
fétiche
d'interdiction de quelque bien, ne donne lieu à
aucune
assistance ni
toilette,
ni non plus il.
des flmérail1es
de même,
décéder le
jour de
"kpâa-daa",
jour
de repos absolu
(sorte
de
sabbat)
ou encore
en
cours
d'initiation,
en situa-
tion de
"baole"
(candidat à l'initiation)
qui
est
comme
rejeté pnr
la divinité
dans l'offre m~me de sa personne,
consti tue une
"mauvaise mort" sanctionnée par
la privation de
funérailles
quant
au décès par
suite
de
"giè.1.rnè '1 ,
espèces
de plaies purulentes
au visage,
i l occasionne
des
funérailles
tellement
sommaires qu'elles sont négligeables.
Cependant,
dans
certains cas
de"h:Cl.u fna" (mauvaise
mort)
dont les principaux seront examinés ci-après,
les
.../ ...
- 305 -

funérailles
sont
soumises à
la condition de paiement d'une
dette
de réparation auprès des "Têgan dem"
(gens de
la
~
. .
.
chefferie de terre)
i l
s'agit des
cas
suivants dont la
liste n'est pas exhaustive
a)
-
mort par foudre,
noyade,
chute
d·'till arbre,
suicide,
morsure
de
serpent,
diarrhée,
enflement
des organes
abdominaux de source obscure
(popal)·
Dans
cette
catégDrie,
"Têgan"
est
lui-même la cause matérielle ou'· agissante,
quelle que
soit
sa forme
de manifestation visible
celle
bl
-
mort
en
couche
(dm, l<pin),1c1'un homme ayant
comP.1is un meurtre,
d'un esclave revenu
en Famille sans
réparation auprès
de
la chefferie
de terre.
Ici,
i l n 'y a
pas de liaison nécessaire
apparemment
entre la
cause
efîiciente de la mort et·la sanction de
"mauvaise mort".
C'est l ' é t a t du défunt qui rend sa mort
significative
en
mauvaise part et
entraine
la
sanction ..
Par
exeP.1ple,
la
parturiente n'est pas acceptée
comme
donneuse
de vie
le meurtrier
est
insocial,
anti-communautaire
; quant à
l'esclave,
i l a perdu son identité et n'a plus droit
aux
égards
cl
-
décès par l'une des nombreuses fautes
dites
de
"têgan",
telles la pratique de
la
sorcellerie,
les
relations
sexuelles en brousse,
le vol ou le recel
de biens
de
"têgan"
(récoltes des champs,
objets métalliques égarés
bétail en
divagation),
le non paiement cl 'amende
de
"tggan",
consistant
en
cauris et
en bétail,
ou le vol de
celle-ciel),
( l I
-
La dette de
"têgan"
comporte
au moins dix mille
(10.000)
cauris et un bovidé
(dil-sèla).
Elle
est variable
selon
les fautes,
les lieux
(têgâmê)
et
les temps .
. . . ! ...
-
306 -

enfin nattre ou travailler le
jour de "kpâa-daa"
(jour férié
clagara) .
Notre présentation des raisons
de
II mauvaise
mort"
(]d\\u
faa)
selon trois catégories permet de décel<;>r de~
:[J.nale}
associations de
c~uses (efficiente, occasionnelle,./qui confir-
ment le
jugement
S'llr
la nature
de
la mort,
bien
que
cha-
cune de celles-ci,
prise à part,
soit suffisante par elle-
même. A titre d'illustration,
on peut rencontrer les situa-
tions
suivantes
CAUSE F'INALE
CAUSE
OCCASIONNELLE
CAUSE EF'F'ICIENTE
1. Femme ayant eu
morte en couche
par sui cide
(1)
ries rapports
sexuels en brousse
2. Pratique notoire
mort en situation
par la foudre
de la sorcelle-
d'esclave non
rie
racheté ..•
]. Vol de mil au
un meurtri er . . .
mort par enflement
champ par
abdominal de
source
obscure
(papal)
(2).
En prenant en compte la possibilité de réparation
par les rites auprès des "têgan dem"
(détenteurs de la chef-
ferie de terre),
on peut considérer que l'exclusion du mort
des égards normalement dûs s'effectue essenticllement au
regard de
deux références
-
le
statut
sacia-moral
:
cas
de
l'esclave non
affranchi,
du sorcier invétéré,
de
l'étranger
inconnu
êtc . .J
(1) -
Devant
.la difficulté de l'accouchement
(le travail du-
rait parfois plus d'un jour)
la parturiente s'est donné
la mort.
(2) -
Ce cas exclut les causes connues: blessure,
dysenterie
(mâsuur
),
etc.,
quand ·elles sont évidentes •
.../ ...
- 307 -

-
le décret de la divinité,qui rejette comme
indigne de purification' et. donc ·sans valeur le candidat à
l ' ini tiation
(baole) ou comme déchue, anéantie hors du temps
de
la création et
de llexistence,
la personne
accomplissant
le
"passage de la mort" le
jour interdit, temps de repos
absolu
et
de
"mort" ou
Tlkp§.a_daa lt •
PARAGRAPHE II
LA RESTITUTION DU DEFUNT A LUI-~mME
La resti tu tian
du défunt à lui-même peut être
considérée
comme une forme
de
ce respect
d~ au mort, mais
dont la signification particulière mérite une étude à part.
Elle
sera
ci-après
envisagée
sous plusieurs aspects.
Comme
nous l'avons déjà
évoqué à propos de
l'agonie
de
certains
artisans qualifiés,
tels
les balafonistes ou les forgerons,
i l y
a un rlébut de
cette
"restitution"
avant même
l'avène-
ment de la mort
dans la tentative de "détacher" le mort
de
ce monde.
C'est
comme
si
la qualité
de
l'ouVrier qui
sIen Va lui
était rendue
en vue
de
.. son départ. Dans
la
sui te,
nous verrons que pour tout mort honorable,
la toilette, un
autre moyen de
"restitution" de
soi,
est indispensable.
Mais
aU
préalable,
i l
convient
d'éclairer
cette phase par une
étude des rites qui accompagnent les cas particuliers de
mort.
1 ..
Les rites de
"resti tution"
dans les
cas
---------------------------------------
A) Cas de mort d'un homicide
Il
est à préciser tout de suite qu'il ne s'agit pas
... / ...
- 308 -

de
sorcier,
personne
qui .._a le pouvoir
de
capturer
"siè ll
(âme-force)
sorti de sa'protectiün
(le corps)
et ùe le
"manger"
;
i l
convient aussi
d'exclure les auteurs de
cer-
tains
crimes de
sang,
fratricides
tellement odieux qu'ils
sont bannis de la société ou purement et
simplement mis à
mort,
sans
clroi t
il aucun .é.~ard. LI homicide i ci sera avant
tout le
guerrier
qui a
tué et,
ayant
donc versé
du
sang
humain,
a
dd
se munir
de
la médication protectrice ou"zâ
tîi"
(1),
d'où la nécessité de rites spéciaûx à
ses funé-
railles
et
de
sacrifices particuliers dont
celui d'un
chien
avant l'enterrement ou aussitôt
après.
Après l'expiration du mourant et avant la toilette
mortuaire,
un petit groupe d'homicides
s'empare
d'un long
bâton,
d'un tambour
(kuor),
d'un couteau et d'un poussin de
race sans plumes
(2).
Un. informateur de la région de Dano,
o~ le rite est toujours pratiqu~ de nos jours y ajoute
60 cauris. Après que ces hommes aient contourné trois ou
quatre fois
(3) le cadavre,
l'un d'eux
(le plus caractérisé
du groupe)
le retourne avec le bâton,
a. distance, égorge
le poulet dessus et met de son sang dans la main gauche du
(1)
-
"Zâ t î i " on "zie-tîi" peut être absorbé
'-\\
t i t r e pré-
ventif par certains membres de la Famille lorsque cette
médication
est préparée pour un homi~icle. A la mort de
tels preneurs,
les rites
de
"zâ"
sont
toutefois très
simplifiés.
(2)
-
Nommi~ "kpâkpol" en dagara, ce type de poussin de race
sans plumes et ayant le corps particulièrement chaud
ra.ppelle l ' ê t r e humain et la chaleur du gu.errier.
(J)
-
Dans les rites,
les chiffres trois et quatre se rapporteat
respectivement à
l'homme
et à
la femme.
D'après
G. DIETERLEN,
in "Essai sur la Religion Bambara",
P.U.F.
195 1 , p.
5, ils réfèrent,chez les Bambara,aux organes
sexuels de l'homme et de la femme
(testicules et pénis/
quatre lèvres vaginales~ Chez les Dagara, une explication
sur
ces chiffres n'est pas portée à notre
connaissance.
Elle sera tentée dans la Troisième Partie •
.../ ...
- 309 -

cléftUlt,
symbole de
sa puissance masculine
(1).
La célébration
est ponctuée par le son' du- tambour. Ensui te,
à la sauvette et
en poussant
de petits
cris,
i l s
s'en vont
jeter le
cadavre
de la volaille à l'écart de la maison. Le m~me rite de
"wuofu"
(2)
qui aura lieu avant l'enterrement, n'est
complet,
aVec
ses
cBtés sacrificiels,
que
dans les régions non encore
gagnées aux religions importées.
Vis~~_vis du défunt, ce
rite semble rev~tir un triple aspect de restitution au
guerrier de ses exploits et de sa bravoure, -ae purification
par le sang du poulet et l'offrande de 60 cauris,
enfin de
dépossession :
le cadavre du poulet éjecté loin de la case
avec des sortes de pépiements s)ll11bolise une libération de la
victime
de
guerre,
maintenue
dominée
jusque là grâce
A la
médication
de
"zâ tii".
C'est au retour du groupe d'homicictes opérant le
rite que pourra s'effectuer la toilette du mort,
laquelle
dans
ce
cas, ne saurait
~tre confiée
à des femmes,
car
de l'homicide émane un grand pouvoir mystique, m~me après
la mort,
qui représente un danger pour l'homme du commun
et encore davantage pour des femmes.
BI Les cas de "mauvaise mort" (ldl.u faa) nécessitant
un rachat à
ItT~gan"
On retrouve dans cette catégorie les cas de mort
pour lesquels l'honneur des funérailles
est conditionné à
(1)
La gauche est le symbole de la puissance virile et
occulte chez -les dagara.
(2)
-
lI~vuofu" veut dire déclaration, proclamation .
. . .1 ...
- .310 _

une rélJaration auprès
des "Têgan dem"· (gens
de la
chefferie
de terre)
(1).
En effet ..,
dans ces situations de
"mauvaise
mort"
(kQu faa),
la victime expie une faute par sa mort et,
de ce fait,
n'a plus c~oit
aux égards sans son rachat préa-
lable à
"Tllgan"
(Puissance Terre),
source de vie. La répa-
ration tente de restituer au mort sa dignité perdue, même
si son statut demeure décidément à part
car,
elle suppose
que le mort se'soit rendu
coupable par lui-même d'une faute
tellement
grave qu'elle occasionne
sa déchéance ou,
en
tant
que membre du groupe dont la vie est menacée,
qu'il remplisse
le r81e d'un holocauste,
Ce qui le rapproche de l'esclave,
qui
est vendu par besoin d'acquérir de la nOLrrriture.
Pour concrétiser cette situation de dette du mort
qui lui enlève ses droits et oblige au rachat,
les "Têgan
dem" imposent un rameau de Diospyros ;-!espiliformis
(gaa)
sur le cadavre
(luw k{lu) , même port é au hangar d' exposi tion
sans leur autorisation. Par là,
i l s marquent une inter-
diction formelle d'accomplir les rites funéraires, y
compris
l t enterrement ,
sans avoir
au préalable payé l'amende
due
ou obtenu de différer sa liquidation.
La variation nes
causes
de
"mauvaise mort"
entra1:ne
celle des rites et des éléments de la dette de "Têgan" comme
le montrent les exemples ci-dessous. Et toute mort de source
obscure
laisse
soupçonner une
sanction des puissances cos-
miques
"saa" ou
"T~ganll.
a) Cas de mort par la foudre
Comme i l a
été dit au Chapitre III
de la Première
(1)
-
Voir ci-dessus,
Paragraphe 1-3 :
"Les morts qui n'ont
pas droit aux égards".
-
L'emploi du pluriel "Têgan dem" plutÔt que du sin-
gulier
(Têgan sob) tient au fait que les fonctions de
chef de terre s'exercent collé!7alement.
... / ...
-
311
_

Partie,
la foudre
(saa tana),
tout
COmme la pluie
et le
vent,
sont
des formes de
'.'?aa"
qui
const.itue
avec
"T~gan"
les premières paroles de
"~lwin" (Dieu). L 'honune foudroyé
apparaît
comme frappé par Dieu dans
sa puissance mâle,
dans
sa manifestation la plus fulgurante
(1).
Deux sortes de rites
existent à propos de ce type
cie mort.
Le premier,
le plus
simple,
est pratiqué par un
parent
'à plaisanterie
(lôluorè)
c'est
"s:hrru".
Le
terme
l1 s iuru",
substantif du verbe
tlsiwri",
veut dire
littéralement
apaisement,
fait
de
Il
r-
a
l
rn
e
r
Ici
comme
toujours t
"18luorè Il
intervi ent
donc pour
calmer,
en se
servant,
le plus souvent de
cendre et en parlant au
mort. Dans
ce
cas,
bien que
l'enterrement
ait lieu aussitôt
.La tombe
creusée,
sans toilette
du mort,
les ftmérailles
sont quand m~me organisées par· la famille
en deuil,
mais
sans faste J
notamment t
les honoraires des
services
sont
supprimés.
Le deuxième rite,
plus
complexe,
est pratiqué uni-
q'lement par les prlltres de
Saa("S a -duw dem" ou détenteurs de
fétiche
de
IISaa").
l1Hiru"
consiste à
asperger le mort
aVec
un
extrait de la macération
contenue dans la marmite-fétiche
rie
"S aa " OH
" sa -duw"
(2),
auquel on a.joute
de
la
cendre ou
de
la suie balayée au foyer
de la maison du défunt.
Il sera
ensuite prélevé une petite quantité de tous les biens de la
maison par l ' o f f i c i a n t ,
prlltre de
"Saa"
(blltes,
productions
agricoles et commerciales .•• )
et une
dette
sera
dé~inie par
"Tllgan-sob"
(chef de terre),
après
consultations des fétiches
(bao buu). Mais surtout,
les funérailles
seront d i f f i c i l e s ;
(1)
-
Il est à noter cependant que
cette puissance,
comme celle
de
"T8gan",
peut faire
l'objet d'exploitation utilitaire
par
l. 'homme qui
en
érige des fétiches.
(2)
-
Voir plus haut,au Chapitre
III
de la
le
Partie,
le
paragraphe
sur les puissances cosmiques et les fétiches •
. . ./ ...
-
312 -

car
dès
lors que
I1 miru"
a
eu lieu,
les membres
de
la Famille
en deuil sont écartés d'es' furiérailles. C'est pourquoi
l'omission des funérailles pour les décès par foudre
est
parfois apparue à tort
comme une prescription coutumière
normale.
En ~lai 1979,
dans le village de !'l., Province de
la Bougouriba, K.D. meurt par la foudre.
Le deuxième rite
est pratiqué et après "bao buu"
(divinatiort d' enqul!te),
la dette de "tl!gan",
comportant une somme d'argent et de
nombreuses t@tes de bétail, est fixée par les détenteurs de
la chefferie de terre, assortie de l'admonition que la
Famille a commis par le passé une faute de "tllgan" qui
n'a jamais été entièrement expiée. Mais K.D. est chrétien
pratiquant,jouissant d'une bonne notoriété et les funérailles
connaissent une forte participation. Néanmoins les vieux
de la Famille en deuil, encore ~,imistes, se sont abstenus
de participer aux funérailles.
A travers les deux formes du rite de la foudre,
apparait tU1 m~me souci
celui d'apaiser
"l'échauffement,
l'inflammation" dont la victime est frappée, par pénétration
de
"Saa". De
la rencontre
de
llSaa" e t
de
"T@gan ll ,
résulte
fécondation,
jaillissement de vie. Mais un homme ne peut
supporter cette puissance sans I!tre éclipsé
pour le
restituer à lui-même i l faut, par le rite,
le réduire du
feu céleste. C'ast après seulement que les humains pourront
approcher son corps
(1).
On
se rend ici compte que l'accès
à la vie transcendante ne saurait se passer de médiation
i l se fait progressivement et le déroulement des funérailles
est
là pour nous en
convaincre.
La
confrontation brutale
de l'homme et des puissances supérieures engendre fascina-
tion et mort
(2).
(1) -
Le rite de "miru" se pratique également sur les blHes ou
les arbres abattus par la foudre,
avant consommation.
(2) -
'l11me la vision en songe de parents trépassés constitue
déjà une menace et nécessite un recours pressant au devin .
- 3 1 3 -
. . . 1 ...

b) Cas de mort en couche
En AoOt 1981,
U.M., une infirmière,décède a
OuagaàougoTt
;
Comme
cela
se produit
souvent,
le
corp s
est
mis en bière et transporté au village à environ }OO km de
Ouagadougou. Le cortège arrive le lendemain du jour du
décès,
au soir.
Or i l se trouve
Que
U.M.
est
en grossesse
très avancée. Dans la nuit,
l'enfant est extrait du ventre
de sa mère et enterré à part. L'opération en principe est
confiée à un homicide, mais en tout
cas
elle s'impose.
L'enfant ne saurait prendre part aux funérailles de sa mère
et encore moins partager sa tombe
(1). Par cette pratique
alors qu'il n'est pas interdit d'exposer plusieurs corps
à la fois,
dans
le même
clan -
l'enîant
et
la mère
se
retrouvent dans leur.s identitésrespectives.Le cas ici rap-
porté se situe en milieu christianisé et les rites relatifs
"
la consultation des ancêtres et au
paiement de la "dette
de T8gan",
en guise
de réparation,
TI 'ont
pas
toujours
lieu
en pareille occurence.
c)
Cas
de mort par morsure
àe
serpent
En
l'occurence,
i l importe de tuer le
serpent,
de
l'éventrer
et de
l'exposer à
eSté
cru
cadavre.
C'est visi-
blement une manière
de
dissocier les deux Itres,de
"déposséder"
la victime
en extirpant le venin.
Sinon ,II celni-
ci
continue d'agir,
faisant
enfler le mort
et menaçant à
travers lui les autres membres de la Famille'~ A la toilette
(1) -
Un tel enterrement
serait une insulte" "Tlgan", dont
on ouvre profondément les entrailles pour un avorton,
et une source de confusion,
la mère et l'enfant n'étant
pas cie même clan.
...
- .314 _
/ ...

mortuaire,
i l
est f'ai t
usage
d'un bain mélangô
ùc mil germé
et
écrasé ou de poudre
de ·cauris-,
toujours pur
souci
de
purifier
le mor.t.
De même,
s ' i l
s'agit
d'un homme,
on
s'abs-
tient
d'exposer,
comme il
l'accoutumée,
des flèches
empoisonnées,
afin d'6viter la
contagion des poisons.
C. Cas d'un détenteur de
"k8t8m~" _(fétiches
modelés de Têgan.) ou "bao sèla sob"
Dans la plupart ùes cas,
ce que nous appelons la
"restitution du défunt à lui-ml!me" a lieu dès le clébut cles
funérailles,
avant l'exposition. Car i l importe de ne pas
présenter au public le mort tel qu'il n'est pas. Cependant,
cette sorte de reconstitution essentielle se poursuit clurant
toute la période cles premières funérailles et au-clelà. Dn
peut m~me considérer que,
d'une
certaine manière,
c'est
la
raison d'I!tre des célébrations funéraires. A propos cie
l'homicide,
nous
constatons, par
exemple
,
que les rites
à'adorcisme
commencés
aussitôt
après
l'avènement
de
la
mort reprennent
au moment de
l'enterrement.
Le
cas qui va
suivre
concerne un défunt
détenteur
de fétiches
(k8t8mê)
et s'accomplit également avant l'inhumation
son évocation
ici se justifie par le fait que son objet illustre le thème
de
ce para.~raphe. Du rest·e,
i l
est a noter
la localisation
fréquente
de tels rites aussi bien à
la période préparatoire
de l'expo si tion qu' ù celle précédant l'enterrement
(1).
(1) -
Il s'agit cie célébrations qui ont pour trait commun le
rappel de la vie. Voir Chapitre II, Paragraphe IV •
.../ ...
- 315 -

Avant de porter un prl\\tre confirmé des llcBtÔml\\"
(bao sèla sob) en terre;
i l est procédé à une consultation
de ses fétiches qui indiquent au groupe des officiants le
médicament adéquat à utiliser pour le rite
(généralement
une sorte de poudre contenue dans l'un des récipients
déposés dans la cage des fétiches). Celui-ci enfermé dans
le
creux de
la main,
le
conducteur
du groupe ressort,
suivi
de ses acolytes,
au son des castagnettes et des sonnettes.
Tous empruntent un sentier.
louvoient,
se faufilent,
feignent
par trois fois de se jeter de cBté, hors du sentier, puis
passent à un deuxième puis à un troisième
sentier en faisant
cie mllme. Enfin, ils se mettent à pousser des cris de deuil
pareils à
ceux de l'avènement du décès.
S'en retournent aux
balafons,
près du mort,
et
entonnent par
trois ou
quatre
fois
cies
cantilènes
dagars,
selon qu'il
s'agit d'un homme
ou d'une femme.
Pourquoi cette cérémonie convient-elle mieux
avant l'enterrement qu'aussitÔt après la mort,
comme dans
le cas de l'homicide? On peut estimer que la présentation
du mort au public fait
surtout état de son être social,
au-
quel adhère
son
savoir-faire acquis
dans
la vie
communautaire,
par diverses pratiques:
agriculture,
élevage,
artisanat ..•
Par rapport a ce statut social,
la
science
de
devin
est tin
élément important, par le rÔle qu'elle lui fait
jouer dans
la société
; mais son génie demeure secret et fait de lui
plutÔt un personnage à part, habité par un esprit
(1) et
dangereux pour le commun des mortels. Sans son rÔle social,
i l serait écarté de la société comme le fou,
qui en est
éconduit par l'esprit maléfique dont i l est possédé
par
sui te de la violation de quelqu ' interdit.
selon la pensée
dagara.
ou
encore
le
sorcier.
(1) -
Le devin a acquis cette science en versant la somme de
J 000 cauris à un maître titulaire (bao sèla sob) •
. . . ! ...
- 316 -

Cette célébration îait donc penser d'abord à
la
nécessité
de
"faire
sortir- le mort"
de ·ses fétiches
avant
son
enterrement ..
Le médicament
s'identifie il
son détenteur
rlécédé 1
à sa puissance 1
et
la marche
du groupe
sur le
sen-
tier mime l'avance de l'esprit
du défunt
qui
s'éloigne.
:""Iais
aussi,
le médicamerrtprotège les vivants
chargés
d'enterrer
le devin
contre ses attaques mystiques
: pour être à
la
hauteur d'un tel mort,
i l îaut endosser sa îorce. De plus,
i l
sera
conservé
et utilisé par
le
successeür
du devin.
Les rites de restitution semblent intervenir
chaque îois qu'il est question de reconnaitre au mort une
quali té ou au
contraire
de
le dédoubler
cl 'une présence
étrangère gênante,a~erçue comme la caUse de sa perte ou,
en tout
cas, ayant une relation avec celle-ci. Donc,
i l s
apparaissent îinalement tantôt comme des
adorcismes,
tan-
t8t
comme
des exorcismes
à moins que les deux aspects
coexistent
dans l'ambivalence qui,
bien souvent,
caracté-
rise le rite.
2. La toilette du mort
Plusieurs allusions
ci-dessus il la toilette du
mort font apparaitre celle-ci comme l'Ill des honneurs
dus et
COi;lIile
l'un
des moyens
de
le restituer à
lui-r.lBme.
Ces
ill~es m~ritent ici d'être d~velopp~es et illl~str~es.
La notion de toilette chez les Dagara est liée
Cl
celle de "saleté"
(dèwr)
qui a
été abordée dans la
Première Partie,
au Chapitre I. Au-delà cie sa îinalité
imm~diatet hygi~niquet elle a une port~e symbolique, une
dimension
essentielle.
Dès 'qu'un homme est marié,
i l
est
- 317 -
... / ...

i.nconcevable qu'il rejoigne
son l i t le
soir,
sans se laver ..
Autrement,
par le biais' des rela"tions quotidiennes
et de
leu~ "saleté";' il occasionnerait la souillure de la couchp.
conjugale.
Dans
certains cas,
le
caractère rituel de la
toilette
est maniîeste.
Il
en
est ainsi à
l'occasion de
-
"si piru",
nettoyage,
purification,
pour le
retour de l'§me
qui
a
abandonné
son "fourreau"
sali par
suite de quelque faute
-
"bi-gbâlr
piru",
destiné à maintenir
le bébé
instable
(bi-gbâan) qui prend goQt aux promenades nocturnes
en
compagnie de
ses pairs,
prêt c; élire domicile ailleurs
ou au risque d'être
saisi par le sorcier
-
la toilette pratiquée, trois mois après la
naissance,
au baptt>me du bébé
("zu pÔb"
: rasage)
à
cette occasion de la "première toilette"
de l'enfant, on
lui
coupe ses cheveux de naissance,
ce qui
est une manière
de
le débarrasser de la "saleté" de
sa mère,
avant son
contact avec le monde extérieur
(1)
ou son intégration
sociale,
-
"pow-kobè
sob'l ou bain ries veuves,
r i t e propre
aux étapes des funérailles appelées "Ko-dll-tuo" et "ko-
clâ":i:1aar" et dont i l sera question plus loin
-
"bagè
sob"
bain des initiés à la fin de leur
cycle d'initiation
(1) -
Jusque là.,
i l étlüt surtout gardé rlans"dibi.le"
(poU.to
chambre),
au chaud,
à la rigueur dans "cara", à l'abri
des
intempéries ..
. .. / ...
- 318 -

"p î nlu Bob",
: bain
du malade a:fin de recouvrir
sa
sant~ et son teint ;~ett.;.
C'est dans
ce
contexte
symbolique
que
se
situe
la toilette du mort.
Elle a pour but immédiat de nettoyer
le corps et de le protéger le plus longtemps possible
contre le pourrissement, mais
elle vise
surtout
élu-deI,\\'
il rendre le défunt à lui-même, en le désaliénant de toute
"saleté". C'est pourquoi
lorsque
le mort
a
"été la victime
d'une morsure
de
serpent,
i l
est
lavé avec un bain con-
tenant du mil germé et écrasé ou des cauris pilés. Derrière
l'affirmation de protéger le
corps
contre une
décomposition
particulièrement rapide,
sous l'effet du venin,
apparaît
le souci de purifier le mort, pénétré de poison noirâtre,
par la blancheur des substances employées. J. GOODY (1)
indique à propos de ce blanchissage, une autre signification
qui a trait à la protection des membres du groupe demeurés
en vie, par la différenciation de la victime.
La toilette du mort consistait
jadis à le frotter
de
'
avec de la pIte d'arachide ou/"saab"(purée de mil) pétri
de ré sidu de beurre de karité
(kA-bur)
de nos jours, le
mort
est
commtmément baigné dans "davra lt
(cour
intérieure),
pres de
l'égoftt. Ce
service
est
confié
soit à
des frères
ou
soeurs classificatoires du
clan,
selon qU'il
s'agit
d'un homme ou d lune femme,
soit indifféremment à des :femmes
mais ll.gées
(2).
( 1 )
GODOY,
J . ,
op. ci t ., p.
58.
(2)
Il est fait parfois allusion
·à des herbes et plantes
qui
sont utilisées dans
le bain du mort,
mais celles-
ci nc
~ont pas portées à notre connaissance •
.../ ...
- .319 _

La
deuxi~me ~tape de la toilette (tu mort concerne
sn
tenue.
Apr~s le bain; suit la· coupe des cheveux. Il est
lnçonné aux
jeunes gens un
toupet
(lepa-col,,")
aux
jeunes
f i l l e s ,
on t a i l l e
les
cheveux et rase
au net le pourtour
aux vieux et
aux vieilles,
on lisse
complètement la
t~te,
avec
éventuellement à
ces
dernières
leur
couronne
de
jonc
tressé,
chacun en
somme
selon
son mod~le habituel de beaux
jours.
Quant à l'accoutrement qui
est
également
celui
de
~ête, r6flitant aussi bien l'8ge que le stat~t social, il
comprend indifféremment
"lîe",
bande
d' itoCCe blanche
arrangée
en
cache-sexe l
découpée
sur un rouleau
commlUl a
tout le lignage
(1).
Cependant,
par raison pratique,
i l
existe
un
rouleau par maison principale j
"bala",
culotte bcuffante
Il c î_cl_kparu '1
ou boubou
ample,
plus ou moins riche
selon
la
fortune
du mort ou
son statut
social.
Aucun
de
ces
éléments
ne
doit
comporter
de Cil rouge ni
de poches dims
lesquelles
le mort pourrait
emporter
de
ses parents.
La parure
de mort
est
souvent
l'occasion unique de
révéler
ce qu'on
est ou a
été au
cours
de la vie,
au-delà
des
apparences
l ' ê t r e qui,
durant
ses
jours,
siest
toujours
ca-
mouflé par
sui te
des
exigences
de la vie,
par
gol1t
du prestige
ou au
contraire par
esprit
ct 1 économie ou de modestie.
Collier
de perles
et
foulard
aux femmes,
doublement
des boubous,
port
;:lUX
bourgeois de par-dessus
ample ou
"giwa l1
(2),
chaussures
(1)
Le
terme
"l'i.e"
ivoque
l ' i d i e
de l i e r ,
de
joindre. Tous
les morts
de
"yir"
sont
servis au m~me rouleau de tissu
blanc.
(2)
"Giwa"
est un par-dessus en tissu indigène,
très
ample
et
tr~ s travaillé,
d lune
valeur
approximative
de
20 .000 F
CFA
en
1975.
. .. / ...
- 320 -

et
lunettes rapportées
de v i l l e ,
coif:Cures
indigènes,
cas-
quettes militaires ou
ché'chias cl' anciens gardes,
poudre,
par-
fumerie,
etc.,
rien ni est
épargné pour
cette
dernière
t o i l e t t e .
I l TI'est pas rare
cl 1 entendre
des personnes
-
surtout
des
vieilles -
réserver tel ou tel article pour leur toilette
de mort.
Pour les salariés aisés qui sont habituellement
enterrés
en
cercueil,
la tenue
en usage
est
le
costume local
ou
europ é en •
D'autres t r a i t s
de
comportement
qui
confirment
que
les Dagara réservent
au mort
le respect
que mérite une per-
sonne
digne.
c'est que
toute modification de
la tenue vesti-
mentaire du
défunt,
une fois
ce dernier porté
au-dehors,
nécessite
son retour
en
chambre,
et
c'est
en costume
qu'il
sera enterré
(1). C'est ce même respect qui oblige dans bien
des
cas à ne lancer les cris d'alarme
du deuil
(lIAwoi
Awoi
••• ,,)
qu'après la toilette complète du mort.
Après
sa
sortie par une
issue pratiquée
dans
le
!-:1.l1r
de
la
cour
(navra), ~t non par le toit,
est
franchie pour
1'3 mort une
étape
importante,
décisive,
de
son existence
(2).
C'est
l'mnorce réelle
du grand départ qne
les vivants
5 'éver-
tueront ,<l rendre
effectif et
le
début
des funérailles
propre-
ment
dites.
Hais pour longtemps
encore
et notamment
jusqu'aux
c6!rémonies de
"ko-dâ- Imaar",
le mort
sera
"derlans-rlehors H ,
absent -
pr~sent dans sa demeure avant l'installation d&finj.-
tive
clans llentrée
de
la maison
(ZR'.... )
et. l ' accè"s
au
séjour
des Ancêtres
(kpîmê-Têw).
(1)
Seules certaines parures ou des vêtements dépos6s sur
le hangar
d'exposition ou m~me sur le mari...
en ornements,
seront repris par
leurs propriétaires ou les
ayani.:s-
clroi t
désignés
du
défunt.
(2)
Le cadavre peut être passé par-dessus
le mur de
"clavra"
(cour
)J surtout
celui d'un enfant.
... / ...
-
321

Il
HAPITRE II : RITUELS ET.RITES DE LA PRESEN-
TATION DU MORT
Après le constat de décès établi par les membres
de 1 ... Famille du défunt et la toilette achevée,
le mort est
présenté au public en deux phases:
l'exposition devant la
case et l'exposition au hangar appelé
en dagara
"paala".
Pour un Dagara,
c'est une obligation de participer
aux funérailles.
Dépasser des funérailles
sur son chemin,
Sans
s'arr~ter, dit-on, c'est en appeler chez soi
"bè bè
gS't'ffi kuor
bèrè
i.".
Mais cette particpation suit des règles.
Il faut
ici se rappeler les principes fondamentaux de la solidarité
dans la faute
:
-
par
la
"cornmensalité",
le partage:
manger ensemble
du re-
venu de vol,
c'est
uni
tule tl
t1manger
à tortil,
communier
avec le voleur et mériter par conséquent les
sanctions mys-
tiques qui
lui reviennent
- par la relation qui unit les membres du groupe,
leur soli-
darité qui fait rejaillir indistinctement la faute sur tous
l eS individus du lignage et d'abord sur les ·parents utérins
ou "bèltaabè"
(1).
Oe ce fait,
lorsqu'une personne est coupa-
ble de quelque manquement grave
("l<p@ tule"
:
"entrer en tort",
(1) S'agissant de lacommunion dans la faute, comme du reste de
l'héritage,
de la dette et de la responsabilité dans le
crime,
le groupe des parents utérins concernés
s'étend hors
du clan.
Il faut ici rappeler,
par exemple,
que les enfants
de deux soeurs utérines
sont des
"frères"
et
de.'i
"soeurs",
donc plus
étroitement liés,
surtout en matière
de droits de
propriété,
que certains membres du lignage.
. .. 1 ...
- 322 -

par viol d'tm interdit),) notamment vis-à-vis des fautes de
"T@gan" dont i l a
été question au chapitre précédent et qui
peuvent entratner la mort,
i l convient de procéder à la ré-
paration ou de
sten
écarter.
D'une façon générale,
on n'héberge pas son Autre,
on ne va pas à lui sans courir le risque de se faire assi-
miler,
donc
de s·annihiler.
Aussi,
avant
d'entreprendre les célébrations
funé-
raires pour un mort,
convient-il de
s'assurer au préalable
de sa non-culpabilité vis-à-vis des
interdits
en sacrifiant
un poulet aux mAnes des Anc@tres
(Kptm@).
De m@me/tout chef
de délégation à des funérailles lointaines -
le mort étant
peu connu de lui -
accomplit le m@me rite avant son départ.
Participer aux funérailles
est un acte de consen-
tement social,
de solidarité avec le mort et avec la ~amille
en deuil.
A c8té de ce principe de base,
i l est à noter que
cette démarche oblige à des actes,
à des déclarations et à
des comportements
socialement COdifiés,
certains
étant
spé-
cif~ques à des personnes ou à la situation sociale du défunt.
C'est pourquoi
traiter de la présentation du mort n'est pas
chose aisée.
Les
faits,
plus que
jamais divers
et riches
en
couleurs,
réfèrent spontanément à des réalités concrètes~
-
gestes désordonnés suscités par la douleur,
dans lesquels
tout semble sacrifié
biens,
hygi6ne,
santé,
dignité
-
cris de désespoir de veures ahuries,
d'orphelins désemparés,
de frères résignés
... / ...
-
32}_

-
séquestration du mort
par les manifestations d'accapare-
ment et de tendressp. qui pourtant n'emp8chent pas le dérou-
lement
inexorable des
év~nementg conduits par le groupe des
services réciproques
(cè-ku-taa-dem),
lequel
en l'occurrence
senble incarner
le principe de réalité
face
aux illusions
des proches parents
-
enfin,
exécutions mystérieuses qui rappellent la liturgie
des .jours de T~te dans les cathédrales.
Mais COmme i l a été dit, décrire serait courir le
risque de faire le jeu des apparences,
du conjoncturel. Or
c'est de l'unité du sens profond que l'on peut attendre de
cette diversité une intégration, une signification qui se
cache derrière les
éléments rituels,
identiques
et variésJ
parce que la mort est une et les individus divers dans leurs
options et leurs
situations sociales qui
sont ici réflétées.
Pour
les
besoins
de
la méthode,
nous
tAcherons
de
découper et d'ordonner les événements selon des centres pri-
vilégiés d'intér~t rituel et de signification.
Ainsi
seront pris
en considération
le fait de l'exposition
-
les oîfrandcs
rituelles
- les pleurs,
la musique et les danses
;
-
le rappel
de
la vie du disparu
(llmuolu"
et
"zanu") ..
PM~AGnAPHE
l
LE FAIT DE L'EXPOSITION
L'exposition,
cette "apothéose terrestre du mort
- 324 -
... / ...

qui préside ses propres 'funérailles"
(1),
peut apparattre
comme la présentation du défunt à des cercles de plus en plus
élargis de parents,
d'alliés et d'amis,
enfin de tout le
monde environnant.
En cela,
les étapes sont significatives
d'abord,le mort expire dans le groupe restreint de ses inti-
mes qui le veillaient:
soeurs,
filles
et f i l s ,
frères
et
conjoints,
et i l est baigné par les soeurs ou frères clasài-
ficatoires.
De trop proches parents pourraient s'attacher au
défunt dans la mort
ensuite,
i l
est sorti et installé à
cSté de la porte donnant sur l'extérieur ou contre le mur
de
"davra" ou encore sous un arbre voisin
de la case
enfin,
i l est hissé sur le hangar d'exposition (paala)
dont le siège
fait de pieux et de traverses,
peut atteindre deux mètres de
hauteur.
Aux funérailles de S., à Mémer,
en Janvier
1982,
le
siège de "paala"
atteignait effectivement cette hauteur et
était accessible par échelle.
Sinon,
c'est la hauteur de tout
le hangar qui vaut habituellement deux mètres.
"Paala" est
édifié soit dans un emplacement commun du village
(lai),
soit
près d'tUl cimetière ou encore à proximité de la case en deuil
( 2) •
1.
-
Le mort au milieu des parents intimes ou classificatoires
Au niveau des deux premiers groupes de parents
(voir
schéma nO
15),
caractérisés par leur intimité plus ou moins
étroite avec le mort,
deux attitudes apparemment paradoxales
dominent:
la tendresse envers l'@tre physique du mort et
l'évitement de l'esprit d'annihilation -
la mort -
qui trans-
para~t en lui. Veuves, filles et petits-enfants, soeurs, tantes
(1)
Citation de THOMAS,
L.V.,
in "l'Anthropologie de la mort",
1976.
(2)
Cette dernière pratique est de plus en plus courante.
Mais
l'exig'ence d'authenticité nous renvoie à
Itexposition dans
"lai"
ou 'I cour publique".
. .. / ...
- 325 -

du mort
le caressent
surtout les vieilles femmes,
éloignent
l
les mouches,
le nettoient.
Mais i l s
sont marqués de
cendre
protectrice ou encore portent
des colliers de cauris blancs
certains,
les
parents ~ plaisanterie,
op~rent des travestis-
sements de tenue
ces deux derniers procédés sont
moins
courants que le premier,
sans doute à cause de la rareté de
plus en plus grande des cauris et de la simplification pro-
gressive des rites
(1).
Quant a
ceux qui sont chargés du net-
toyage ou bain du mort,
après l'opération,
ils envoient au
cadavre des chiquenaudes de cendre,
trois ou quatre fois
se-
lon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme,
aîin de marquer
la distance d'avec lui
(2).
Ils se gardent d'entrer en contact
t~te à t@te avec le cadavre, '~ous peine de devoir subir une
médication spéciale ou à
défaut de cela de mourir~
Au moment de sortir le mort,
le fait
de passer par
une issue fra!chement pratiquée dans le mur de "davra"
(cour
intérieure)
emp~chera ce dernier de retrouver la porte pour
revenir tourmenter les parents vivants.
2.
-
La petite exposition ou l'exposition devant la case
a)
-
Avant l'exposition
les premières annonCes de la mort
L'alerte des cris d'hommes
Uawoi!
Awoi!"
se réper-
cute,
lugubre,
à traver~ le village, avec un effet de désem-
parement et d'angoisse semblable à celui de la rhombe chez les
(1)
Ils sont cités par J.
GOODY (op.
cit.,
p.
88).
Pour tra-
vestir leur tenue habituelle,
les femmes portent des ar-
ticles masculins
et vice versa.
(2)
Comme i l a été dit plus haut,
dans la Partie l,
la cendre
a pour effet de protéger et aussi de distendre,
de délier,
de calmer.
. .. 1 ...
- 326 -

populations d'Afrique .Ce.ntrale", dont parlent R.
JAULIN ou
C. PAIRAULT (1).
Elle est bient6t suivie d'autres cris et
des lamentations des femmes
:
"H~ii-al
H!ii-al" ou "wooi!
wooil",
puis de la musique de deux xylophones à seize
(1h)
planches
(logile) avec un accompagnement de tambour
(kuor)
fait
d'une
grosse gousse de calebasse ouverte selon un dia-
mètre de 30 cm environ et dont l'intérieur a
été évidé.
L'ouverture de. "kuor" a
été recouverte d'une peau de varan
tannée,
d'ovin ou de caprin.
Parfois à la place de celui-ci,
on joue
11 g ftgaa tl ,
ouvrage cylindrique
en bois également ~vidét
de 40 à
50 cm de diamètre e~ d'environ un mètre de longueur
recouverte aux deux
extrémités par une peau de vache
tannée
qui,
d'après les enqu~tes de GOOOY, provient d'une
b~te im-
molée à des funérailles antérieures a
Chez les Oagara-Wiile,
au lieu de
"logile",
on joue
à cette phase initiale et pendant toute la durée de l'expo-
sition du xylophone à
dix-huit planches appelé "dègaar" ou
encore "gil kp~e" (srand balafon). Il semble que le premier ty-
pe d'instrument,
tellement émouvant,
ait occasionné par le
passé des
excès
de
conduite au niveau de ce sous-groupe.
Com-
parés à celui des Pwho (Pougouli),
des Bobo ou des Guin,
le
xylophone dagara est remarquable par sa grande taille,
surtout
"dègaar ll, et
sa robustesse.
Tandis qu 1 ailleurs on peut le por-
ter et le jouer dehout,
chez les Dagara cet instrument se ma-
nipule uniquement par terre.
Des gourdes de plus en plus pe-
tites
au îur et à mesure qu'on descend la pente et que les
planches transversales se rétrécissent et s'amincissent,
re-
cueillent les vibrations du clavier et les amplifient.
Pour
cela,
elles comportent des perforations recouvertes par des
(1)
Cl'
JAULIN.R.,
in "La Mort Sara"
-
PAIRAULT,
CL.,
in "Boum-le -Grand,
Village d'Iro" .
- 327 -
.../ ...

toiles d'araignée.
Pour 'le montage de la charpente qui repose
sur quatre bois
superposés
deux à deux et maintenus par des
piquets,
l'artisan utilise des lanières de cuir qui garantis-
sent d'une grande élasticité.
Ainsi conçu,
le xylophone da-
çara
est
très
envoOtant
dans
son
environnement
immédiat,
réson-
ne fort lorsqu'il est7~on état et porte très loin, surtout
de nuit.
.-
Ces
éléments
Sonores
que constituent les cris,
la
musique des balafons et du tambotrr,
suffisent pour une pre-
mière annonce objective du décès dans
le voisinage
et,
bien
souvent,
avant m~me de recevoir le messager de la mort (ko-ye-
rel,
on sait alOC alentours s ' i l s'a.~it d'un enfant ou d'un
adulte,
d'un homme ou d'une femme
(1).
Ainsi,
à eSté du cri commun "Awaï" ,
"stlwoi"
ou
Hiilftl'loi"
spécifient que .1'exécutant
est du mf!me patrilignage
que le défunt
("s1\\a-yir":T'amille du père),
d'où appel aux
"pères",
ou qu1il se
trouve dans
Bon clan maternel
(t1 ma.-yir"
Famille de la mère).
"AA'l' s1\\a" ou "aa 'l ma" précisent que
le rnOl·t
est un p~re ou une mère, réels ou classificatoires.
Parfo~s le nom du défunt est proféré
IIX
wail".
Crier ainsi
le nom du mort n'est permis que dans le contexte des
funérail-
les,car celui-ci rait l'objet d'un interdit.
"GAgaa"
est
,joué aux funérailles
d'un adulte,
ayant
un certain poids social
(2). Aux cérémonies funèbres des tout
(1)
Autres annonciateurs moins objectifs de la mort,
d'après
les Dagara :
avant la mort,
comme i l a
été dit dans la
Partie
l ,
et cela plusieurs années à l'avance dans certains
cas,
"l'ame du défunt"
(siè)3deven~errant~/peut~tre perçue
des voyants.
"Nyl'l-kp!in" également peut l '~tre juste avant
ou peu après
le décès.
Communément,
le chant
d'un certain
oiseau appelé
en dagara "kuoro"
p-st dit annoncer aussi
la
mort.
~lais ce dernier si.~e relève plutet ctu scrupule.
(2)
Voir la notion de "Nt-kp@e",
Partie l,
Chap.
1.
- 320 -
... / ...

petits
enfants,
qui
sont 'très brèves,
i l n'est pas
lait usa-
ge de xylophones.
Bien plus l'enfant de moins de
trois
jours
avant
I1 n yuO
wohr-u",
est pleuré seulement par sa mère
et les
parentes qui l'assistent;
un enfant
décédé avant
trois mois,
soit avant 'la "coupe des cheveux ("u mwaafu)
et le haptl\\me,
c'est-à-dire avant sa première intégration sociale,
n'Post
pleuré que des
femmes.
Au-delà de trois mois d'Age,les hommes
prennent part aux pleurs,
mais sans balafons. Ce n'est que
pour un enfant
en Age d'avoir un frère
-
on parle aussi d'un
enfant qui marche,
soit d'environ trois ans
-
que l'exposi-
tion aura lieu,
pendant une durée qui
demeure
en fonction
de
son âge social.
Lorsqu'on
entend donc des pleurs,
souvent
sans
avoir été informé d'un cas
de maladie grave,
on pr8te l'oreil-
le pour savoir s ' i l
s'y m~le
des voix d'hommes,
puis s ' i l
est fait usage de xylophones,
auquel.cas la célébration du-
rera au moins le temps d'une
journéc(1).
Les morceaux de musique initiaux contribuent égale-
ment à l'annonce du décès,
car i l s
sont
spécifiques et
dif-
fèrent
selon qu'il
s'agit d'un homme ou d'une
femmea
Par
exemple
:
- pour un homme
(2)
"Gadaa cere ni a nyaa-kptm@ T@w"
Le brave s'en va au pays des
l'revenants''
l'GAdaa cere ni 0
sAa yawa t@w"
Le brave s'en va au pays de
ses
"pères"
ou
tlGâdaa kuora borè
na ll
Le cultivateur valeureux se
perd
nNyâ-nyS. kuora borè
na"
Le cultivateur valeureux se
perd
-
Dour une femme
:
"DSa mii s1" puo"
"La bi~re de mil est levée
dans
la
jarre ll
(1)
Pour plus
do
(i~tails S11r les cérémonies run~bres, cl. ci-
dessous
au
Para~raphp. TIl.
(2)
La v?calisation
rlesprrases
suivantes
en dagara
r~stitup. ap-
proxl!nat,i"f"'meTlt l'al.r df.! musi.que ,joué
S11r
les xylophones .
. . ./ ...
- 329 -

ou :
"rt-t! gble duwr daa".
"Le t@tard pripare de la biire
de mil" (1).
Du reste,
avec la circulation facile
de l'informa-
tion dans cette
société communautaire
et
de tradition orale,
0'1\\
les
salutations
se
terminent par des
communications
de
nouvelles
et où
le devoir de visite
entre"parents
et,
au
cas
échéant,
celui d'assistance,
s'inscrivent
dans les règles,
les cas
de maladie
grave
sont vite
connus
.
Aussi,
peu
après
le décès,
les habitants
des
environs arrivent-ils en nombre,
les proches parentes (soeurs,
filles mariies •.. ) en pleurant,
ainsi que lès alliis. C'est d'abord à eux que se fait la premiè-
re présentation du mort,
dans cette zone intermédiaire entre
le dedans et le dehors que constitue la devanture immidiate
de la maison (d't.dori)
(2).
b)
-
Le face à
face avec le mort
: présentation du mort
aux vivants
et des vivants BQ
mort
-
Présentation du mort aux vivants
-
PURYIILE S.Z.
est dicidi brutalement en Septembre
1979.
La veille au soir,
vers
17 heures,
nous nous
étions ren-
contrés apris le marchi.
Il itait en bicyclette.
Le lenrlemain
au matin,
i l
agonisait.
Tous les parents
étaient accouruS à
son chevet.
A notre arrivée,
i l
expirait,
maintenu assis
entre
les
jambes de lt une de ses soeurs a1nées,
mariée dans
le vil-
lage tout proche de D.
(1)
L'eau des marigots est ginéralement peuplée de t~tards et
les
femmes
en emportent dans leurs canaris,
à la maison.
La
réserve d'eau de la femme
décédée devient
la propriété des
t~tards.
(2)
Les enfants y
jouent. C'est aussi l i que se priparent cer-
taines mérlications,
telles celle de la jaunisse
(siba t!i),
et queso"t cilébrés
beaucoup de rites.
- 330 -
... / ...

Apris la toilette et l'habillement,
le corps fut
sorti et assis dans un f~uteuii de bois et de toile,
juste
à c6té de la porte.
Du toit on descendit des gerbes de mil
sorties du grenier pour les
placer à c6té de lui en m~me
temps que ses mallettes ou celles de
ses frères,ramenées
des
voyages effectués en C6te-d'Ivoire et au Ghana,
en qu~te de
travail salarié.
Un arc lui fut passé entre les mains et les
jambes croisées,
et un carquois
bourré de tiges
de paille
suspendu à l'épaule.
C'est l ' a t t i r a i l élémentaire pour l'homme de la
cinquantaine ~'années qu'il était.
en Janvier 19112
-
KPIELfè S-mourut à OUAGADOUGOU let l"
corps parvint
en cercueil au début de la nuit suivante au village.
Intro-
duit dans
sa case,
le
cercueil fut
ouvert au milieu des mem-
bres du clan(dont nous ne
faisons pas partie,
ce qui nous
obligea à nous tenir à l'écart). On le sortit au dehors,
ha-
billé des v~tements qu'il avait réservés pour la circons-
tance.
Pressentant sa
fin,
i l
avait,
dit-on,amené avec lui
le grand boubou
(ct-ct kparu)
à Ouagadougou, mais pas toute
sa parure.
Eléllamml'lnt paré, portant un bonnet haut rie forme,
i l
fut
installé à
droite de l'entrée
de sa case.
C'est lA que
se déroul.a en veillée nocturne,
par lme nuit froide
de
Janvier
1982,
la première exposition jusqu'au lendemain, après le le-
ver du soleil.
-
Quant à S.R.,
i l mourut à
BOBO-DIOULASSO en Juil-
let 1976 a p r
è s
une opération chirurgicale et y
fut en-
terré. Le cortège
funèbre arriva au village le lendemain du
jour de l'enterrement,
dans l'après-midi,
et
les funérailles
dibutirent aussit6t.
. .. 1 ...
- 3.31
_

On monta un f~~teuil'de bois à quelque 400 mètres
de son domicile,à caté de la porte d'entrée de son frère aîné
classificatoire et on y
installa certains de ses effets per-
sonnels ou "dèwr"
(saleté).
L'arc et le carquois furent dé-
posés contre le mur voisin,
ainsi que
des valises
lui appar-
tenant
en propre ou à
ses
"frères" ..
-
KUSIELE S.G. mourut vers
11 heures du matin.
Après
la toilette,
le corps fut allongé dans un fauteuil,
sous un
gros arbre avoisinant
la case ..
A c6té d'elle,on nouvait ob-
server deux petits paniers remplis
de cauris,
matérialisant
ses
talents
de commerçante,
des
canaris
et des marmites
en ar-
gile cui~e, un tas de paniers tressés de tiges d'herbe sèche
ct,
la région étant
fortement
christianisée,
un panier conte-
nant une croix,
destiné à recueillir les honoraires de messe
de "requiem" en cauris ou en francs CFA.
Tous ces
cas
off'rent des occasions
de
saisir la pré-
sentation du mort,
à sa sortie de case,
durant une première
exposition,
au milieu
de ses richesses
qui
sont aussi· celles
de ses fr~res r~els et classificatoires,
dans
son.@tre socj.al
fondamental.
Traditionnellement,
un homme est assis lors de
cette présentation sur un panneau de bois
(pan-gbor),
les jam-
bes pliées
et
les bras maintenant un arc,
tandis
qu"une
femme
l ' e s t dans une natte
("sllw-bile"
: petite natte),
les
jambes
allongées
et les mains
enfouies dans lUle calebasse neuve dé-
posée sur elle
Chacun est donc présenté dans les symboles
de son sexe et de son raIe social:
l'homme COmme gardien et
défenseur de la
Famille
~ la. femme comme la nourrice qlli a1i-
Qente et refait les
forces.
... / ...
- 332 -

Bient8t les -balaCons. et les~ambours install~s i
quelques mètres du cadavre accompagneront de leur musique les
pleurs de l'assistance.
-
Présentation des vivants au mort
"Dans le passi,
les participants au~ Cunirailles
arrivaient à pas de COltrse à partir d'une bonne distance
es-
metreS
ti~able i
environ lOO/du cadavre.
Ils s'en retournaient,
puis recommençaient trois Cois avant d'approcher le mort"
(1).
De nos
jours,
l'arrivée aux funérailles
se fait
toujours de
façon rituelle,
mais
sans course.
Les
femmes
se
tiennent dn-
bout,
les bras pendants ou croisis sur la t@te,
i
des distances
de plus en plus rapprochies du mort.
Dès qu'il
est en vue de
"paala ll
(hangar d'exposi-
tion),
le groupe des hommes--car habituellement on s'arrange
pour ne pas arriver seul aux
funérailles,
véri.table scène de
production de soi
sous
le regard perquisiteur de l'assistance--
exicute d'un pas alerte et mesuri un rituel qui rappelle tout
comportement
env~rs le mort ou devant quelques manirestations
bizarres.
En effet,
après avoir
exécuté
trois marchers
croisés
devant
l'exposition,
les
arrivants font
trois
avancées
et re-
culs vis-à-vis
du cadavre.
Cette dernière
étape les met en
confrontation face à
face
avec le mort,
faisant
pensp.r à un
examen réciproque
des
deux parties,
le vivant pour réaliser
que le mort est bien mort et celui-ci que le vivant n'est pas
impliqui dans la caus e de sa perte.
Seul lUi très proche parent
(et en siniral aes Cemmes)
arrive en Be lamentant directement
sur le mort.
(1)
D'après DABIRE A.
NALO,
Ao~t 1982.
... / ...
- 333 -

Le dernier recùl correspond au retrait du groupe
après ce qu'on pourrait aussi considérer dans
sa
forme glo-
bale et rituelle comme un salut au mort.
Il est précédé d'une
offrande
en argent,
jetée aux pieds de
ce dernier ou.p.n mi-
lieu christianisé, dans
le panier
destiné aUJt· honoraires de
messe
de
Ilreq11ieml'.
Ltargent
jeti au mort n'est
pas
compt~
en outre,
toute la quantité de cauris puisée dans la poche
ou la bourse suspendue à l'épaule doit ~tre donnée sans re-
tenue.
Pendant ce temps,
les a!nés de la Famille en deuil,
assis
en groupe non loin de là observent
et
commentent,
mais
aussi calculent
les contributions des participants
(llka
lizèr tt
"20 cauris des funérailles"). Ceux qui ont déjà passé leur
tour sont également là,
postés par groupes de clan$Jde pré-
férence sous les arbres. On comprend dès lors l'intér~t qu'il
y
a â
exicuter une pr~sentation correcte et surtout ~ ne pas
se laisser prendre de malaise.
Car tout manque d'assurance
pourrait @tre interprété
comme signe de culpabilité, comme
indication mystique de participation aux causes du décès.
C'est
aussi,
dit-on couramment,
l'occasion où sorciers et empoison-
neurs à
distance rivalisent
dte:xpertise.
D'où
la nécessité de
se protéger au mieux par une tenue d'occasion et le comporte-
ment
collectif.
-
La grande
exposition ou l'exposition à
" paa la"
(1)
Avec cette phase,
le mort sort du cercle naturel de
la Famille pour entrer dans un cercle plus culturel.
L'exposi-
tion dont le site spécifique est "lai"
(cour publique),
est
(1)
"Paala" veut dire hangar d'exposition.
Mais communément
hangar se dit
"zAgala lt •
. .. / ...
- 334 -

confiée au groupe
des services réciproques des
funéra~lles
(cè-ku-taa-dem)
qui se chargent do monter le hangar,
d'y as-
seoir le mort,
du forage de la tombe et de l'enterrement.
l'Paala '' est fait de fourches halltes de plllS de deux
mètres,
formant une cage dont l'un des eStés,
orienté à l'est
ou à l'ouest selon qu'il
s'agit d'un homm; ou d'une femme,
est libre d'accès:
un homme,
dit-on,
guette le jour,
pour en-
tamer des tAches diurnes,
tandis qu'une femme surveille le
coucher du SOleil,
se pr'occupant des tAches nocturnes
(1).
A l'int'rieur de la cage,
face au cat' libre,
des
~ourches moins hautes, supportent des traverses ou, éventuel-
lement et lorsqu'il s'agit d'un homme,
un panneau en bois,
lesquels sont tapiss's de
tissus et constituent le siège du
~ort. Jadis, pour signifier qu'une femme stérile n'a pas ac-
co~pli sa nature, on l'installait à son exposition sur une
r.J.armite appelée en
dagara
"kilo-so-zi-duwle"
"marmite à
eau
de toilette",
destin'e a chaUffer l'eau de bain de la parturien-
te,
après l'avoir
bourrée de
terre et en avoir percé le
fond.
Le toit du hangar est confectionné avec
des traverses plus lé-
gères et une natte neuve
(s~w paala). L'ensemble est habillé
de couvertures ou de pagnes bigarrés,
en rapport aVec la na-
tlrre informe
et
inconnue de la mort.
L'attirail de l'exposition devant la case est v'hi-
culé là,
sauf que pour une femme vient slajouter,
sous
le
siège,
une marmite neuve
(kOo-so-zi-duwle)
dans laquelle plon-
gent
ses pieds.
De plus,
les manifestations des raIes et du
statut social du mort sont amplifi'es. L'agriculteur,
l " l e -
veur,
le chasseur,
la marchande,
la potière,
le sculpteur,
le
(1)
Dans la tombe,
le corps sera orient' selon le m~me principe .
- 335 -
.. ./ ...

,
beau-père ou la belle-mere,
le devin,
le guerrier homicide,
etc.,
chaque qualification va occasionner son détail parti-
culier dans le décorum de l'exposition.
De m0me
que
l'enfant p~n~tre progressivement dans
la vie
sociale,
à commencer par la première toilette post-
partum de la mère
(nyuo wobr-u),
puis la reconnaissance de la
Famille et la dation du nom
(ka-tuo),
les différentes initia-
tions et rites de passage,
le mort en sort progressivement
en entrant dans des cercles de plus en plus élargis
jusqu'à
son
enterrement qui
constitue une sorte d.I.universalisation par
l'intégration dans les entrailles de la Terre-Mère-Divinité
"T@gan"
(voir Schéma nO
15). "Lai" représente ainsi le cercle
le plus large de l'intégration du mort vécue à rebours. C'est
un lieu public à
l'instar du marché
;
bien plus, c'est un do-
maine spécial,
ekstatique,
au moment où i l
est investi.
C'est
alors en quelque sorte une zone intermédiaire entre la terre
et l'au-delà
(1). On comprend dès lors le caractère rituel de
tout comportement qui s'y produit.
Envoyés dès le début des funérailles dans les vil-
lages voisins,
mais aussi
dans les régions
les plus éloignées
011
habitent des membres de la Famille
(clan),
à moins qu'il
s'agisse de contr~es o~ le mort compte des amis,
les
"ko-yerb~t~
a:lnonciateurs des
funérailles,
ne reviennent pas
toujours avant
.1'enterrement.
Ils
sont reconnaissables à leur laisse
enroulée
autour du bras gauche,
à la bourse d'ovin ou de caprin suspen-
due à l'épaule
et destinée à recevoir la participation en cauris
(1)
La pratique de l'exposition à
proximité des cases,
et non
dans "lai",
8
été dictée,
comme l'expliquent SOME BOKU1J et
DABIRE NALU ,
par des raisons de sécurité
au départ,
c'était pour éviter qu'adviennent des désordres dans les
maisons
délaissées,
à l'occasion de cette affluence excep-
tionnelle.
. .. 1 ...
- 336 -

ScriEI·lA N° 15
L'UNIVERS DU HonT DE L'AVENE~1ENT
DU DECES
A L'INHUHATION DANS LA TO~lIJE
J~lOMENTS 1, 2, 3, 4 J, (), (7))
--
/
----
/
/
(
f
r
\\
\\ \\. "'-
:l.
-
~!Of1T : ipséi té ontologique
2.
-
Veil.le du mourant et av~nement de la mort.
3.
-
Toilette du mort
4. - Exposition devant la case
,
5.
Exposition a
"paala"
(hangar d'exposition)
environnement universel réel.
(;.
-
Inhumation :
accès à
l'univers inf'ini,
cosmique.
(7l. - Accès à nKp1m~ - T~w" (séjour des morts vénérés)
et au statut d'AnclHre associé à
"Nâamwin"
(Dieu).
- 337 -

(ko-liz~r) de ceux qui ne peuvent se d~placer, parfois aussi
à la cendre dont ils sont marqu~s en tant que proches parents
du mort ou qu'ils
emportent pour
saisir ces
derniûrs.
Jadis
i l
leur était remis un poulet pour le piroguier,
à la tra-
versée du fleuve Vol ta Noire
(}1ouhoèm). Alert~s par ces mes-
sagers
désignés sur conseil de Famille,
délaissant
toutes
activités,
accourt
de partout tme
foule
ap'préciable -n'hommes
et de femmes au sein de laquelle n~anmoins ceux qui sont at-
tendus seront r~pérés, qu'ils soient présents ou absents
(1).
PAnAGRAP~E II :
LES OFFRANDES RITUELLES
Dans
ce paragraphe,
i l
s'agira des offrandes liées
à la pr~sentation du mort. N'entrent pas en ligne de compte
les offrandes de rachat du mort à
"T~gan" ou de purification
dont i l a
été question au chapitre pr~c~dent. Par raison de
l~éthode. seront également exclues les offrandes rituelles de
"clUolu"
(témoignage d' ami ti~) qui seront abordées dans un pa-
ragraphe ultérieur.
Sont encore à
excepter de cette catégorie
les objets de l'environnement coutumier du mort qui
sont pro-
duits
en illustration de ses r61es sociaux ou de sa fortune,
tels que cantines,
machines à coudre,
trophées
de chasse,
bref
tous articles
déposés qui
seront repris par leurs auteurs
à la fin de l'exposition. Enfin,
i l faut
exclure des offrandes
(1) La participation effective aux fun~railles implique en ef-
fot le paiement de "ko-lizèr"
(20 cauris de funérailles)
au;
responsables de la
Famille en deuil.
Lorsqu'il s'agit
d'un~
diligation,
seul son chef y
est contraint,
mais pour les
autres,
cette contribution permet de se faire remarquer.
Ceux qui veulent participer aux funérailles et qui ne peu-
vent effectuer le d~placement remettent cette somme aux
"lw-·yerbè"
(annonciateurs du d~cès).
. . '/ ...
- 338 -

rituelles des apports' tels que les gerbes de mil des parents
du clan ou d'amis de la Famille en deuil pour soutenir les
dépenses de funérailles
'Iko-wil-lizir 'l
(20 cauris de dis-
persion des Junérailles)
qui est une contribution de toute
personne du clan,
mariée,
ou hors
du clan mais
désirant
que
~a présence aux cérémonies sorte de l'anonymat
les cotisa-
tians pour membres
d'association
anciens militaires,
com-
pagnons d'école,
catéchistes,
etc.,
lesquelles peuvent ser-
vir à aider la Famille ou à demander des services religieux
pour le repos de l'Ame du défunt
de m8me les honoraires
des musiciens et cantateurs
(lAw-kon-bi)
en retour de leurs
talents exhibés
et
qui sont supprimés dans les cas de
"r:1auvaisc mort"(kuu
raa)
où i l y
a atteinte à la qualité des
funérailles
les pourboires des fossoyeurs
(yaa lobr-u),
des
pourvoyeurs
de laisses aux
endeuillés
("18-1uorhè"
parents
à
plaisanterie)
et "ilè lobr-u" J
hommage au trophée de chas-
se matérialisé par des cornes de b~tes (ilè): toutes ces
offres qui ne vont pas
directement au mort
entrent dans cette
catégorie exclue de l'objet de ce paragraphe.
L'offrande rituelle dont i l est ici question a
tou-
jours une relation avec l'~tre du mort. Prenant racine dans
l'existence sociale
et terrestre du mort,
elle a une valeur
de représentation
et une
signification aussi
bien pour le de-
venir du défunt que celui des vivants qui en sont les auteurs(D.
De là découlent son
traitelnent
et
sa
consommation sp~cifique8.
(1)
Depuis l'obole offerte au mort pour Charon,
le nautier des
Enfers,
dans
la légende grecque,
jusqu'à l'accompagnement
du mort de ses
femmes
et de ses
esclaves,
pratique qui ft
connu de larges illustrations en Afrique,
notamment chez
les peuples Akan de la ce te atlantique et au décès de cer-
tains grands hommes,
l'idée des besoins ultra-terrestres
du mort est tris répandue.
De nos
jours,
m@me avec l'implantation du Catholicisme dans
la région,
cette offrande est maintenue à ceté de la con-
tribution <'l"loI: honoraires de messe.
... / ...
- 339 -

Le plus élémeritaire de ces témoignages qui semble
renvoyer au "commerce quotidien lT
:
à la salutation ~ ren-
contre
et i
la
solidarit~ des membres du groupe humain, con-
siste dans l'offrande des cauris
(ou de francs)
jetée aux
pieds du défunt.
Elle apparait comme une manière de vénéra-
tion mais aussi,
dans
le contexte de ce grand d~part ~
Ilkpim~
T€h;",
corrtr.le une
contribution en vue de la traversée
D'autre part,
de la commensalité avec le membre qui
s'cn va,
~élaissant ses biens, découle l'obligation de par-
tager
(1).
C'est la raison pour laquelle dès l'exposition
devant la case,
des gerbes de mil et des produits des champs,
denrées qui sont pour ainsi
dire
de l'essence m~me du mort,
résultant de sa sueur
(2),
sont déposés auprès de ce dernier.
'Viennent
s'ajouter à:
"paala" d'autres
offrandes
qui
incar-
nent le oort
en tant
qu'agent
économique et social,
membre
de communauté,
telles celles relatives à la parenté patrili-
néaire ou matrilinéaire.
aux alliances matrimoniales,
ent'in
2. 1 t ami ti é .
Certaines de ceS offrandes ont été alléguées au Cha-
pitre II de la première Partie, à l'endroit des correspondances
ou substitutions établies entre les principales activités da-
gara ou encore à propos des
formes de socialisation de ces
activités.
Une
distinction
est
à
opérer entre oîîrandes obli-
gatoires,
à quel.que titre,
et non obligatoires,
étant
entendu
que l'obligation cesse quand
font défaut les moyens.
Parmi les
premi~res, la pratique de l'~levage par le d~runt, de son vivant
(1)
Interrogé,
un Dagara répondra,
"Si je ne le
fais pas pour
que les
biens se "refroidissent",
ça ne m'ira pas"
ou
:
"Il
(le mort)
ne m'épargnerait pas".
Et après bien des cas
de mort,
généralement
de "mauvaise mort",
le devin avoue:
" U di na tuli"
(il ft mangé à
tort).
(2)
Cf.
Paragraphe de l'Agriculture au Chapitre II,
Iè Partie .
. . . / ...
- 340 -

dOTL."1.e lieu à
a)
-
"Guolu Kasow ll ou "corbeille d'élevage",
contenant une
poule et une pintade,
apportées par les membres de la
Famille
dn déîunt et suspendue à
"paala". L'omission de cette offran-
de entra!ne une baisse dans la production de la basse-cour,
au détriment de la descendance du défunt,
cI'nnr.\\s
L~s Da.l~ara.
La poule,
plus précisément le coq,
symbolise l'homme
c'est ce qu'on apporte en visite à IDl ami ou c'est ce qu'on
reçoit de lui en partant
tandis que la pintade caractérise
plut8t la femme;
elle est souvent offerte à l'occasion de la
f~te annuelle de fin des récoltes (burny~) - qui s'est con-
fondue
dans les villages christianisés avec la
F~te de Noël -
~ une belle-mère ou à une amie. Ce couple représente une plé-
nitude qui
traduit bien la réussite de l'éleveur décédé.
Leur
ofîrande est destinée à la îois à apaiser le mort,
qui emporte
ainsi sa part de volaille,
mais aussi i
obtenir du dé~unt,
futt~
anc@tre ayant pratiquement un pouvoir de divinité,
la
perpétuation de seS dons d'éleveur au profit de sa descendance.
b)
-
"Dakura naab" ou "vache de la canne",
soit un ovin ou un
bovin,
animaux qui ont la qualité de "do.w sèla"
"h~te noire"
ou "b8te par excellence".
"Dakura naab" est offert au défunt
lorsque durant son adolescence i l s'est fait remarqua
comme
berger qualifié
i l
est indiqué devant l'exposition
(paala)
par une canne attachée au cou de la b~te. Souvent il provient
de lloncle maternel
celui-ci dOIUle à
élever une poule
(n8-
guol) il son neveu
la progéniture de celle-ci lui est rendue
contre une brebis
(pè-guol),
puis des moutons on passe à une
vache
"na-guol".
C'est une vache
(ou un mouton)
de cette
série qui est
tuée aux
funérailles du berger.
La consommation
rituelle de cette b~te exige que la t@te et les boyaux revien-
nent aux bergers ne la maison en deuil,
la moitié de la viande
aux porents et le reste au donateur.
. .. / ...
- 341 -

c)
-
L'habilité de chasseur dont le mort a
fait preuve de
son vivant appelle l'offrande de "t8.miUr naab"
:
"bflte de la
corde de l'arc"
(tllmiur)s indiquée devant "paala" par des
cornes de gibier.
I l a été question de son origine au Cha-
pitre II de la Premiire Partie.
Plutbt que des offrandes proprement dites au mort,
certains holocaustes sont
ses
incarnations par substitution.
Inutile de dire qu'elles viennent
en première priorité,
bien
qu'il soit difficile de parler de priorité lorsque chaque
bête a
son origine,
sa causalité spécifique.
Elles constituent
en quelque sorte des dédoublements du mort et donnent lieu à
des rites qui
entrent nécessairement
dans
le processus
des
cérémonies funéraires.
a)
-
"I<:ultur naab"
("vache de la manche de daba")
Il a déjà été question de cette b~te dans le Chapi-
tre II de la Première Partie,
à l'endroit de l'Agriculture.
Attachée tris t5t devant "paala"
(1),
dès le deuxième
jour de
l'exposition d'un homme décédé,
elle est destinée à célébrer
la valeur du disparu en tant qu'agriculteur et nourricier du
clan.
Agréée des anc@tres,
cette offrande apportera le succès
en agriculture au patrilignage et au clan en général.
De ce fait,
i l est tout indiqué que "kukur"
(naab)
provienne de la progéniture d'une b~te acquise gr~ce aux pro-
duits des
champs
ou par la
"dotation" des
f i l l e s
mariées.
En
effet,
une b@te acquise de la sorte est un véritable substitut
(1) Jadis,
elle avait les
jarrets brisés
("cè"
couper)
d'où
le nom de "cè-kutaa-dem"
"ceux qui coupent les uns pour
les autres"
ou alliés
des
services funéraires réciproques_
... 1 ...
- 342 -

du mort par la médiation'des récoltes 'ou,
dans le cas de la
"dot",
par la double médiation des vivres
(aliments)
et de la
f i l l e .
Tout
se passe
comme
si les
enfants
élevés gr9ce à la
force
de
travail
du père,
étaient
identiques à ce dernier et
les b@tes
-
communément une génisse
et un taurillon
-
qui
constituent
la
troisièm.e "dot",
identiques aux
enfants
et
donc
encore au père"
Par conséquent,
manger de
"kukur",
pour les
mer.1bres
àu clan,
serait un odieux auto-cannibalisme de groupe.
Certes,
l'endo-cannibalisme existe comme un mode de
vénération de certains morts,
tels les grands-parents,
dans
quelques sociétés
(1).
Chez les Dagara,
on rencontre deux for-
mes sociales de cannibalisme manifeste,
Illme
autorisée:
la
Inanducation du foie
de la victime
dans
"z8 t!i l ', médication
de protection de l'homicide,
et l'autre interdite
la Sor-
cellerie.
Hais l'auto-cannibalisme de
groupe,
qui
serait une
for~e voisine de la sorcellerie, est fortement prohibé
i l
serait considéré comme une sollicitation de la mort et comme
une cause mystique de destruction
(2).
La consommation de "kukur naab" revient
donc
inté-
gralement au groupe allié des services funéraires
(cè-ku-taa-
dem). Le terme "cè-ku-taa-dem" signifie littéralement "ceux
qui coupent pour se donner",
et évoque d'abord le forage de
la to~be dont se charge le groupe de services réciproques après
en
que l'ouverture/ait
été indiquée et que la terre,
qui est ici
personnalisée,
ait été "coupée"
(cè)
par le chef de terre
en-
suite,
i l renvoie à
l'immobilisation de
"kukur-naab" dont on
brise
(cè)les jarrets devant l'exposition et qui n'est dépecée
qu'après l'enterrement.
Toutefois,
la t@te et les boyaux peuvent
(1)
Cf.
THOMAS.
L.V.,
"l'Anthropologie de la Mort",
Payot,
1976,
pp. 117(;-78.
(2)
Le sorcier,
dans
son commerce nocturne,
est
amené
a
livrer
en priorité ses proches parents.
Par ailleurs,
en dagara,
consommer le produit de
la mort,
c'est appeler la mort.
- 343 -
. .. / ...

..
servir i
préparer le re~as de~ orphelins laissés par le dé-
1tmt,
ces derniers,
par leur statut particulier de personnes
dépendantes étant considérés comme anéantis par le fait
de la
mort de leur père et associés à lui
(1).
11)
-
"Ko"l"èl naab"
~'vache de dispersion des funérailles ll )
"Kowèl"
(naab)
peut @tre consornrn.é aussitl'lt apres
l'enterrement,
dl où
son nom de
"va e he
de dispersion des
funérailles"
mais i l peut l'@tre longtemps après,
surtout
si la iortune
familiale ne permet pas de pourvoir
tout de
suite au nécessaire.
I l riunit le groupe matrilinéaire
(b~lta­
abè)
du mort auquel s'associent les autres "bèlu"
(matriclans)
du clan en deuil
(2),
les neveux (fils de la soeur)
et frères
utérins parallèles
(fils de la soeur de la mère),
ainsi que
les
soeurs réelles ou très proches de m~me "bèlu H ,
à titre
e=-=ceptionnel,
car les
femmes ne participent pas à
"kowèllt.
Sont utilisées
cormne
"kowèl U
les
vaches
(ou mou tons)
qui
proviennent d'une acquisition personnelle,
excepté par
voie des produits agricoles.
De préférence,
"kowèl"
est pré-
levé dans la série des b@tes acquises grftce aux biens reçus
de l'oncle maternel,
qu'il s'.agisse d'une b@te qui appartienne
en propre au défunt ou à ses frères réels ou classificatoires
:
ses héritiers.
"Kowèl ll ne saurait provenir des vaches
fournies
en
"dotation" des
îillesdu clan,
étant
donné
qu'il
est
consommé
rituellement par les membres du clan.
De plus,
i l ne peut ~tre
fourni par un parent du lignage de matriclan différent de celui
(1)
La tete et les boyaux de toutes les b@tes abattues aux fu-
nérailles peuvent @tre utilisés pour le repas des orphelins.
(2)
Tous les lignages du clan peuvent y @tre associés,
tant
qu'ils ne sont pas devenus autonomes. Mais vu la grande af-
fluence
que cela provoquerait dans
certains cas,
de plus
en
plus,
le partage se limite au lignage du d"/'unt .
. . . 1 ...
- 344 -

du ,-~é:fU:1 t
'Jas
mt.!-IfH'
par
son
f i l s .
Cela occasionnerait
dp-s
sus-
F~cions sur lfori.gj.ne des bi.ens du dona~eur et \\Jn conflit avec
1"'::5 !.... é~-i-ticrs1
qui lllP-tt"raït
én péril
se·s
biens.
En
p.f'fet,
ce
g'-~::d:9 serait :i.nL(~rpré1;é comme unB tentative de di.sposer des
bi.c.l1::>
(l,JL
;,!ort pa r'
usurpation
sans
ellcourir~ de sanction myst.ique 1
en
:.<.L'.
e:'} oCfrant
lln(~ partie, ou. une rp.paration cai'louflép. (JIlin
aQto'_lr:nû:~~'-;llt ant~r.i.(~11r.
lÔ!.lloTQ.)
du '~Iort
(Semé
pour le
groupe
des
"Da"
Kpoda,
Somrla,
Hien
et râbirô
~ntre f::l.lx) détache·nt
6<.. ln bêJ,:e abatt.u~ la patte avant droite,
comprenant
lJ11~ parti.e
c:lG lif.;pu.1.lJ.e et Ips premières côtes (nn·;rè bao). lA~s ri.ls rf~f"!ls
cc. c.:!.uc.si:C.-icatoirp.!;
rh,
rl.érunt~ Cp.ux dont les p("r ....~ dil1"l.<:; le l i.-
Eil',1~;C portBllt le rt10.me "bèLll ll que le mort (par eyemple,
i l s
de
Sôme
"~:';');;~-biirTl), dépAcent ll ani i:1al et en r0.tirent Cp.rti1.illeS
aVil't
p.::~,~i:j.c.s
les
boyallx,
la
t~te, les c8tes l:.iolol . .:\\1..1 r'10r.l(:-nt de
J.o. ,,:,ô1".1!1r'ti t.ian, le cou es (: jet~ aux personnes dé-pendantes du
anciens
psclaves,
perSOlU1.eS recueiilies
et non assi.-
mitéc;::;
tout.
8. -;ait,
lésql1P-ls
constituent
une
résp.rve
rlisponihle
eh
ca~ de 1~csoin. ].J~ reste d~ la viande es1: partag~e en tas,
P'él"5-
~:w.trj,clans
r e l a t i r s
à la parenté au mort
par
ey.p.mplA
les
l'Sômê'I,
ses
l'frères l'
les
"K.3biri"
ses
lIfils"
les
"SoT'lda"
(soit
tout
le .:.:roupe
des
"!laTi Il
;'I-Ièda,
t<:rC"'lèê.,
Dabir~ 1 Somda).
Pour
c.es
,2;rou.pes,
les
parties
prédomi.-
"18.ntc.s (rni
sont élt.trihl1é(~s sont J.f"!S
S11i"\\·~an·tes
pa l:t(~ arriZ:re
droi·Lr.
!l~'r(~r~sll
'!"'i ls"
pattr:
avan-t;
,(;allc~'le, avec
la pRrt pr6le\\'~e
a11
rl6p~ça~e
~t <1011t les p~l~es rf~pr~Ilnent
\\111.,
part i e
(1)
1)
~Iour faciliter J.e parta~e, on peut proc~~ler n ries r~~rollpe­
!::e~ts secoTldaires des matriclans, par affinit~s
!(lloda et
~oDda
M~~la ct Oabir~
KSbir6 et Hien
S8n,",
en
~~n~T'a]_
les 1.)1;,1s nomhr~llx, il
part.
. .. / ...
- 345 -

Lorsque "Kowèl 1t est tué hors des cérémonies des
f1...L."'1érailles et
que les parents éloi,gnés sont absents,
la vian-
de est rumée pour leu; tftre' envoyée.
Ne consomment "kow~l" que les membr~s du clan qui
réel
ont perdu un parent/correspondant. Le rituel de la consomma-
tion de Il;~ow8l naab",
rapproché de celui de "1{ukur naab"
et
aussi de celui de ""aada naab"
dont i l sera ci-dessous ques-
tion,
fait penser i
une
trilogie qui
implique trois
~roupes
en présence
les parents du clan ou du lignage :
"kowèl naah"
-
les parents alliés par les relations matrimoniales
"vaada naab"
-
les voisins,
alliis des services fl1niraires rici-
proqlles
:
"kukur naab".
La consommation de ces b'@tes apparaît comme une ma-
nière de reconnaltre la mort du parent décédé ou mieux d'a~-
_.~ .
suner collectivement le défunt en
accept ant cte
supp'o'rtar
seS responsabilité sociales.
C1est donc,
en m@me temps qu'un
en terrement symbolique,
une prise en charge et un en,o;agement.
La r~partition matrilinéaire de 1I1{ow(~1 naab" au sein
(;.u
lignage montre bien le primat de l'appartenance patrilinéai-
~8 par rapport à celle matrilinéaire,
tout en valorisant la
liaison privil~giie de la m~re et de l'enfant qui rappelle la
cOr:1r:n.mauté de leur "saleté",
à l'origine. Se trouvent aussi mis
en 6vidence.
les liens particuliers qui unissent les membres
de chaque matriclan au sein du patrilignage
(1).
La double
(:1)
Dans la Première Partie.
nous avons eu l'occasion de dire
que les membres de ml\\me matriclan constituent le groupe de
ceux qui
"ont la m~me peau",
"mangent ensemble"~ La prédo-
~inance du patrilinéat,
qui est de plus en plus accentué,
limite Ce groupe au clan pour la consommation de "kowèl-
naab" ettend de plus
en plus à le faire pour l'héritage.
LI~léritip.r hors du clan qui n'est ni un frère classi.fica-
toire
(par
exemple,
un cousin parallèle) ni un neveu
(ar-
bile)
est un vil
usurpateur
(gb8.dirè).
. .. 1 ...
- 346 -

r((p.r~~sonT,ation df'S parentés patrilinéaire et matriliIlP-airc ("lu
.
. .
cllt.t:;.
Cl~ ùe'J-il dans l~ partap.;e de "l..;'::01'lèil naal1"
tômoi,O:Tlf'l
dp.
1 " i:-npcr-Lù :lcP df' cette ofîrande par rapport à d'antres, tnlles
ll V 2.2. .....'.a :~aùh" qlli est consommé par la
Famille
dll mari
~t celle
d~ 1<"\\ f>:~:·.:ne déf'unte et. "1<ukl1r naab" qui réTère au plan dn
l ' C\\lliancc
proprement culturelle.
~~n troisi.r..me lieu, nons allons aborder maint('nant
J.€.. CCl:::; c~e cert.:=tincs offrandes moins rituelres ql.lP. les prp.tI1iô-
rr..s
pa!-~c8 qu'ayant surtout t,rait aux relations complér.1pntaires
e.t :::,cc:ol'lCla:Lres tic la vie courante, ou encore A des é'lspirations
p~t'"::;on::"lc.~_les dp. leurs
al1teurs
c(~l]_es-ci ont ceci.
rl~ renlar'-
q:,.:a:'.::lc
qu / f::.lles
n' irnpl iqllf~nt pas
directement
la
perf:OllTlP
du
rno'l\\.:..
CepelHl.ant,
~l:'p.s méritent d'être cit[~~s pOllr leur carac-
t~l-C o·iJJj.~()_toiret ou tout au moins utilr~, dll point de VllÜ Of!S
.- ~C coq de bp.au-pc'.re Olt celui de beall-i'rère réels ou c.l.assi ri-·
catoires
"diem
nura"
01.1
" rl ac i-nura"
sont OîJRrts
?t l'occasion
du
déc-J[;
c: 1 un heal/-p0re
011
d j un beatl-:Crère.
Le
coq
rie
premier
r.f<;l1rb'c
(nari
rTe
If!,
première
f'il1e)
(·)st
suspendu';'
" paa l a "
et
?
va allX
~OSsoycIJrs. Le~ coqs des autres gendres
sont
remis
a\\1
Li~nage en dellj.l et constituent des dettes de ~!Jn~raillRs,
\\1t:c~~,<'jSitailt un retour
(1).
'- La l~intacte de la hf::1.1e-mèrp
dahs
le:'] ::')~mes conditions que le coq de gendre.
~jais la pinta-
~ d8 Ili:;elle-m,'!re" est produite Èl des occa~ions autre!'J qll(~ J es
f-"Unér2\\.ille~, notamment a la Jête annuelle des récoltes (nurnyp.)
et' J.Ol~S des visi tes
rl~ celle-ci,
compte
tenu de
11 attention
~ayticL,-li~'re qui est habituellement portée aux relations p.n1:r'~
iendrG et :jelJe-~~re.
l
"
\\
-!-)
Il Di e:l11l1
appellation r~ciproque entre bea 1.1-pA re
et
~enrlre.
!I~~)[:lC~_~rr
(r'()rf~ dp la
remme.
... ; ...
- ,547 -

_ Le coq ou la poule é1e"l'ami -:
"ba-nura" ou "ba-nûO". Ils
--"----------"
---.
sont offerts à l'occasion de la visite ou des funérailles
d'un ami. Remis à la Famille en deuil,
ils constituent des
dettes de funérailles.
Lorsqu'ils sont suspendus à "paala",
np.
ils reviennent purement et simplement aux fossoyeurs eV don-
nent pas ~ieu à la désignation d'un substitut de l'ami décédé.
Quant à l'amie,
elle pourra off;:ir divers Cadeal1J'""
souvent un canari de bière de mil
(d8a)
qui sera remis ou
brisé devant l'exposition du mort (1).
b)
-
"Na-'maar" ou "gAw-yi naab"
(2)
est une b~te offerte par
_.~ .._----- -"--- ---
les héritiers du défunt pour obtenir que la fortune du dis-
paru prospère toujours, à leur profit ;
elle témoigne de la
richesse du mort. C'est une offrande propitiatoire qui n'im-
plique pas de contrainte.
Dans tous les cas,
le caractère contraignant des of-
frandes tient surtout à la nécessité de détourner la malédic-
tion du défunt en lui reconnaissant ses droits.
Il y a donc,
sous-jacent,
le souci de liquider une dette en vue de préser-
ver les membres de la Famille toujours vivants du courroux du
mort et de sauvegarder ainsi le bon déroulement de la vie.
C'est pourquoi les b@tes immolées à l'occasion des
décès de femnles relèvent d'une catégorie d'offrandes moins con-
traignantes,
sans doute parce que les femmes ont
ici,
comme
dans beaucoup de sociétés africaines, moins d'emprise mystique
que les hommes. Une fois de plus,
le caractère patrilinéaire
de l'ethnie dagara s'affirme, malgré l'importance des liens
traditionnels de la parenté matrilinéaire.
(1)
Voir ci-dessous au Paragraphe IV :
"Muolu".
(2)
"GA,,-yi naab" , littéralement:
"vache de sortie,
de passa-
ge,
de
transition"
(de la fortune)
"Na-'maar":
"vache
froide",
sans risque,
sans problème.
- 348 -
... / ...

c)
-
"V".".da__~_a_~" évoque-le- fait de vider (vaa) le fond des
greniers à l'approche des nouvelles récoltes -
période de
disette et d'activités commerciales fructueuses
-
pour le ven-
dre
(da). Cette tAche revient essentiellement à la femme avi-
sée qui a
su éviter le gaspillage.
"Vaada naab" aux funérail-
les
consiste en
un bovin ou à défaut un ovin,
donné aux pa-
rents de la défunte,
en récompense de la contribution positive
-.~
d~ celle-ci à la fortune de son mari, ainsi que des bonnes
relations d'alliance qu"elle a générées entre les deux clans.
Il s'accompagne d'une offrande de mil:
"poll-ya-ci" ou mil
des "pow-ya-taabè"
"filles de m~me lignage" que la morte et
mariées dans le m~me clan.
La signification symbolique de
Il'vaada ll
rét"'ère à
l'alliance matrimoniale des
deux groupes,
le
clan du mari et celui de l'épouse défunte,
qui se partagent
la b~te abattue,
la ttte et le cou revenant aux donateurs.
C'est le lieu de rappeler aussi 1-' associa tion de l ' agricul teur
et
des récoltes.,
en l'occurrence, de la
déf~te. et de Ilpow_ya_
ci".
Ainsi en m@me temps que le cl.an du mari réaffirme son
soutien aux "soeurs" de la morte (par le don de mil)
et,
de
façon générale,
son alliance,
i l
"rend" la morte à
ses parents.
d\\
-
"DRa-sulu" est avant tout une offrande propitiatoire
faite par les enfants de la défunte en vue d'obtenir la pros-
périté.
Son omission entratne la perte
de la fortune des en-
fants.
"D§a-sulu"
"louche de hi~re de mil'I,
ivoque d'une
façon générale les qualités de nourricière de la morte. Tandis
que 110~frande pricidente orientait vers l'ext~rieur (le com-
merce)., celle~1~nou8 ramène dans la Famille où les enfants sont
évideQDent les plus nécessiteux en matière d'alimentation.
C'est
l'occasion de p~éciser
que
"dâa" est
considéré par les
Daga-
ra conune Wl aliment plut8t que comme Wl8
boisson alcoolis~e..
Il représente la plus haute perfection de nourriture cuisinée
par la îemme4
Ciest la boisson-aliment des adultes
et aussi
des
... / ...

dieL~ à lloccasion des rites. Les enfants en boivent le pre-
mier jours SOUII forme 'de···mil germé bouilli
(bir
'mamara),
le
deuxième jour sous forme de résidu de mil germé
(bir miime),
et de mo~t (dft-simna). le troisième jour enfin sous forme
de risidu de "dAa"
I1dft-kuor".
Alors que
"vaada" est remis
au clan de ·la défunte,
"dll.a-sulu" est partagé dans le clan
du mari entre les enfants de la morte et le reste de la Famil-
le.
e)
-
"Zè-vaar dGw"
ou "b@te de
sauce
de l~~umes " exalte
les qualités proprement féminines de la morte qui a été ca-
pable,
m@me en période de disette,
de sauver la Famille en
l'alimentant de feuilles comestibles savamment choisies et
habilement cuisinées
(1).
f)
-
Pour clore les offrandes rituelleS faites à l'exposition,
i l convient d'aborder l'offrande de chien qui est opérée avant
l'enterrement d'un homicide.
Exicutée au décès d'un homme qui
en a
tu~ plusieurs autres dans des circonstances socialement
approuvées et a reçu la médication de "zie tii",
celle-ci n'ap-
parait pas seulement comme un sacrifice purificatoire,
mais,
par un autre eSté,
comme une offrande rituelle.
magnifiant les
qualités du mort,
à l'instar des autres offrandes ci-dessus
citées.
En effet,
le chien qui,
par sa prOXimité aVec l~homme
dans la vie domestique lui sert parfois de substitut,
est non
seulement sacrifié pour réparer le sang versé,
faute absolu-
ment inadmissible. mais aussi,
par le caractère public et
ostentatoire de la cérémonie,
i l
semble choisi comme l'offrande
àigne du guerrier défunt qui,
mieux que le chasseur ou la
fem-
me connnerçante
auxquels sont offerts respectivement
"tamic.rr-
naab" et
"vaa-da naab",
mérite un homme.
(1) Cf.
au Chapitre II de la Première Partie,
le répertoire
des principales fauilles à
sauce.
. .. 1 ...
- 350 -

La nature de cette cilibration et ses prisupposis
Tont qu'il est diTficiJe.de,l'observer, aujourd'hui.
Un groupe d'homicides apporte devant' "paala"
un pa-
quet de bois d'arcs,
trophies de guerre appelis "z'te-tlldèè",
en criant
"Hakee
1 Hakee
1 •.• " puis en chatonnant:
"Kalinkaar wirè nu mèru vaar
:"C'est une gu@pe
tache-
tée qui est collie à
la feuille
Illw wor-wor sob wa irè au
Gare à l'homme turbu-
dam kè nyè'~ ••
lent qui la dirange" ...
Arrivés près de "paala",
ils plantent les bois d'arcs
(1)
et y
attachllntunchien.
Commeüce alors tUle viritable dimons-
tration de flichage simuli avec menace riel pour ceux qui s'en
approcheraient
(2).
Au cours du rituel,
le chef du groupe Tlè-
che le tas de bambous et y laisse le fer de son arme
( ) .
Par-
fois,
durant le rituel, On flèche l'assistance à la paille.
Le chien est ensuite ditachi,
tui et consommé par le groupe des
hooicides.
Toute personne qui
est en relation avec une autre
ou tout simplement vient à passer par ses funirailles p.st te-
nuede "pleurer"
sa mort,
à moins d'opposition att~stée par le
sacrifice du poulet aux and\\tres ou imposée par la nature de
la "JOrt
(/1)
dans
certains cas particuliers d'amitié,
de pa-
renté de sang ou
d'alliance,
elle est tenue de produire une
o:frandc rituelle.
Ainsi,
les
activités sociales,
les relations
(1)
I l s'agit de ceux retirés à l'ennemi
(z'te-tlldèè).
(2)
Cette dimonstration en dagara se dit "dèru".
"Dèr" veut
dire braver.
()
D'après une autre version,
le chien,
attachi aux "z!e-tll-
dèè" et emprisonni dans des branchages ipineux,
est fléchi
et meurt avant d'@tre ditachi.
(11)
Voir ci-dessus au Chapitre I,
les cas de "kQu faa"
(mau-
vaise mort)
où le diTunt n'est pas pleuri.
. .. / ...
- 351 -

particl11i6res,
tout c~ ~tii 6onr~re fonctions,
r81es et sta-
tuts,
sont susceptibles d'litre maniîestésen oîlrandB5rituel-
les sous lorme de produits divers,
d'objets de valeur,
d'ar-
gent ou d'animaux domestiques.
PARAGRAPHE III
LES PLEunS, LA MUSIQUE ET LES DANSES
Pleurs,
musique et danses sont les principaux in-
grédients de la veillée funèbre qui durait jadis une semaine
environ pour un adulte de rang social notoire(n~_kp~e) et qui,
r,aintenant, occupe à peine trois jours.
Si les danses
et sur-
tout les pleurs ont une justilication naturelle par un cer-
tain c8té,
i l n1en reste pas moins que pour une grande part,
ils sont plut6t rituels.
Enseignées à l'homme par "1<6t6ble"
(génie de la
brousse) par le truchement du chasseur sorcier,
d'après la
légende,
musique et danse ont pour finalité,
à l'origine,
,
de lutter contre la douleur des sanglots en rythma..'1.t
les
tressaillements du corps. Mais,
au cours de leur évolution,
tout
comme les pleurs,
elles se sont socialisées,
diversi-
fiées
et ritualisées.
Dans le passage qui va suivre,
nouS al-
nous
lonsiattacher à dégager les aspects des pleurs,
de la musi-
que et de la danse,
qui consacrent leur caract~re rituel dans
les célébrations
funéraires.
~.
- LE RITUEL DES PLEURS
"Pleurer" est le terme consacré par lequel les
Daga-
ra désignent la manifestation vocalisée de douleur et plus
... / ...
- 352 -

'):-,(,·cisér:1ent
de
participation
aux
funérailles.
Sj.
les manifes-
tatio71B naturelles
de pleurs peuvent se limiter aux
sécrétions
lac=-imales
et nasal~s ou encore aux reniflements,
i l n ' e s t
~)a~.: de coutume de pleurer en silence aux :funérailles, sans
(,;r:,:.ission de voi.".
Par
contre,
dans
très peu de cas,
les
cris
aux funérailles
correspondent
à des vrais p,leurs. I l
1')1~ d(~coule que t.rès peu de personnes,
surtout parmi
les
hom-
;:le8,
VerSe!lt
des
larmes
dans
ces
circonstances.
TJlcurer
rlpvient
le
conportcment
social
ne
participation attel'ldu ne
tout(~ per-
;:',O~"1.ne qui Se présp.nte aux f'unérailles, au moment de l'expo-
sl-:ion,
et
consiste,
au nivHau
de
It e tlmie dagara,
Ft ponsser
c~n.'j cris
convenus
E,n
arloptant
certaines
attitudes.
De
ce
fait,
J.p
c8t& ritllel rtes pleurs l'emporte de beaucotJp sur cel.lli de
:"1.a::lifestatioTl naturelle de
doulellr •
.-L.
:?leurs
des
hommes
et
des fermnes
---- _._--.._--_._-----_._~_._-
1/ -
A propos
des
signes
annonciatel1rs
de la mort,
i l a
6t6
dit
que
les hommes crient
"Awoi!" ou "sSa woi!
/mâ
(1)
';'loi! "1
et les femmes
Ifh~ii ail ou rthîii î
stla/î mS"
ou encore
n~,,-oooill. ;\\ l'arrivée, les hommes "pleurent '1 en Faisant un
r,la:.:'cher
croisé
et
les
femmes
plutôt
à l'arrêt (levant le corps.
(':Fi1nll~ a~)).-;s l'exposir.ion du corps, 1es ~unérailles sont "pro-
Cl~~::lécs" (1"ll.lOrtI)
par
lf~ clan on deuil, les hommp.s aSSl1rf!nt
c8
q:... i
e~~: apPel~ 0.n da~ara "la garde de balafon" (,g;iJ p;ub)
dans
ce cadre,
i l s
c h a n t e n t
(1)
"1 s3.a /t mAli
mon père/ma mère.
"woill
interpellation.
Ilwoooi"
la.menta.tion.
"Ht.ii ail
pleurs.
- 353 -
... / ...

("pl'<3urent" comme on ditl- "lSwni":
"k8" lSwni " ,
debout autour
de l 'orc}1estre funèbre.
"LSwni" est un chant
funèbre à
deux
~oments, ascendant et descendant (1). Ii est conduit par un
cantateur et répondu par l'assistance qui se tient autour
des balafons.
C'est l'élément dynamique de la veillée funè-
bre et le lieu de distinction de tous ceux qui arrivent et
qui doivent recevoir à
tour de r81e leur service de balafon.
C'est aussi le lieu de révélation des vérrtés
entre clans.
Les
femmes ne "pleurent fi pas "ISwni" et,
une fois
effectués les pleurs à l'arrivée,
elles se
contentent
des
danses,
s ' i l y
ft
lieu,
jusqu'd la levée du
corps pour Ven-
terrement.
Toutefois,
lorsque des fermnes veillent un
cadavre,
généralement
en chambre,
elles
chantent des cantilènes
émouvan-
tes
(kparè kone)
en versant abondamment des larmes.
Il faut
du reste aVOuer que les pleurs des remmes aux funérailles·aont
de nature à provoquer une émotion plus grande que
les cris
des hommes.
2/ -
Réglementation des pleurs selon les étapes
de l'exposition
Un autre caractère rituel des pleurs est mis
en lu-
mière par leur réglementation.
Ainsi on peut distinguer dans
les grandes lignes
deux types et trois
étapes
des pleurs
a)
-
Du début des funérailles,
c'est-à-dire des cris annoncia-
teurs de la mort
(awoil ••. )
à
la "proclamation des funérailles"
(l;:uor ,",uo±'u).
(1)
Concernant "lSwni". voir la Section B ci-après,
relative
à la musique. qui en étudie les trois étapes (au n02 -b,
c,
d).
... / ...
- 35 4 -

Jusque-là,
les.pr~ches parents pleurent et se la-
Mentent à épuisement, tournoyant autour du mort
(1)
les
autres,
après avoir accompli leur
IIprésentation"devant
le
Qort et leur salut rituel en un temps plus ou moins long,
se
mettent il l'écart en attendant la deuxième phase des pleurs.
Cette preQière étape peut durer du matin à l'après-midi ou
du soir au lendemain vers 11 heures.
Elle est d'autant plus
longue que le mort est une personne
sociale~ent importante
ou encore poss~de des proches parents a distance, par ~xenl­
pIe ,en Outre-Volta.
En effet,
dans ce cas,
ceux-ci sont at-
tendus le plus longtemps possible pour le passage à la deu-
xième phase ..
Ainsi aux premières funérailles de PURYIILE S.B.,
en Jui:n
1978, vers l'lige de 88 ans, "kuor wuefu" de ce chef
de lignage a
eu lieu le lendemain du jour de la mort, vers
l'heure du décès
(10
heures).
b)
-
La deuxième phase commence avec la "proclamation"
(wuofu)
àu décès par l'assemblée du clan et des alliés.
A ce moment,
le Qort est installé à·
"paala".
"\\vuofu"
est comme le moment
où la Famille s'étant concertée,
proclame ofïiciellement au
grand pulJlic les funérailles.
A partir de ce moment, les mem-
bres du clan devront se relayer sans arr~t aupr-ès des insiru-
l:lents
de musique pour recevoir et
entendre les arrivants,
tout
en veillant
à leur ordre d'intervention.
Au niveau du
sous-
groupe lobr,
on délaisse les xylophones à seize planches
(logi-
le),
joués depuis la petite exposition (devant la case)
pour
p a s 8 e r
aux
balafons à dix-huit planches
(dègaar).
(1)
Le proverbe ne dit-il pas:
"Si on cherche un "ko-tuo-sob"
~personne concernée en chef par les funérailles, proche
parent du mort),
on va auprès de "paala", pour signifier
qu·on est présent là où se trouve son centre d'intér~t~
· .. 1 ...
- .355 -

Les
tlpl eurs " initiaux de "dègaar" ·(chant funèbre e:xécuté Bur
le ton du balaIon appelé. "dègaar ll) sont de trois jeux succes-
sifs pour un homme et de quatre pour une femme
(1).
Ensuite,
chaque clan présent revendiquera son tour de "garde de bala-
fon
",
voie indiquée de déclarer sa présence et aussi de se
:f.'aire entendre.
Cette phase se combine avec la première dans la me-
sure où les nouveaux arrivants doivent obligatoirement conti-
nuer à exécuter le salut et la présentation au mort,
ne jour
comme de nuit.
Mais cette fois,
aussit6t après le marcher croi-
sé,
ceux-ci rejoignent le groupe qui
s'anime autour des ins-
truments de musique,
où les
tours de service sont rendus
par
clan,
tout nouvel arrivant étant réjoint dans la circonstance
par ses parents déjA présents sur la place. Rien d'étonnant
que sans cesse surgissent des litiges quant à l'ordre ou A
la durée des services.
Durant la nuit~ceux qui veillent le
mort,
en particulier les membres du patrilignage en deuil,dor-
~ent à proximité et, aux pleurs de nouveau-venus, ils se lè-
vent et se joignent à
eux au moment de la "garde de balafon"
(Sil gub).
Si le clan en deuil en a les moyens,
la musique,
elle,
peut être jouée sans interruption jusqu'au matin,
bien
que les cantilènes
(lfhmi)
soient chantés périodiquement,
par
exemple,
avec l'arrivée de nouveaux participants. Cette veil-
lée funèbre au chant de "lll.wni" se poursuivra jusqu'A la
levée du corps pour l'enterrement. Puis,
marqueront la fin
de l'exposition,
selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme,
trois ou quatre cantilènes annoncées chaque fois par le chant
àe "dègaar" et référant respectivement au clan en deuil,
à
(1)
A propos de "dègaar",
c:f. la Section B traitant de la
musique.
. .. 1 ...
- 356 -

celui des alliés matrimoniaux ou groupe de l'origine mater-
nelle du défunt ou de la défunte,
enfin à l'assistance assi-
milée aux tlvoisins ll
de la Famille en deuil.
Pour une femme
dont la compensation matrimoniale est rendue,
le clan en
deuil est d'abord celui du mari, mais aussi,
en second lieu,
celui de la défunte,
ce qui
justifie le chant supplémentaire.
Souvent,
le clan en deuil s'atUibue les deux premiers chants,
laissant le troisième et
éventuellement le quatrième aux al-
liés matrimoniaux.
c)
-
~l peut considérer comme 1me troisième phase,
incluse,
la reprise des pleurs e~ du jeu des xylophones à seize planches,
comme au début de l'exposition devant la case,
à l'approche
de
l'enterrement
et
ce
jusqu'au départ du cortège pour la tom-
be.
Toutefois,
i l faut
préciser que les
a i r s
de musique
ehoisis sont spécifiques de la fin de l'exposition et diff~­
rent par conséquent de ceux du début.
Cette séquence quand elle est pratiquée,
est de
courte durée,
car,
pendant que les fossoyeurs
emportent pré-
cipitamnlent le cadavre
vers
sa dernière demeure,
accompagnés
de quelques parents du groupe allié des services funéraires
et des aS:nés du clan en deuil,
les chants de "lAwni" marquant
la fin reprennent derrière eux au son de "dègaar"
(xylophones
à clavier de dix-huit planches).
Il convient en outre de no-
ter que ce retour,
durant
la période de l'exposition,
au
jeu
des xylophones à
seize planches,
dans les milieux où ces der-
niers sont en usage
(soit dans la plupart des régions dagara-
lobr),
advient pour soutenir le rythme des funérai~lesf par
exemple,
lorsque la réduction de l'assistance ne permet pas
...
-357 -
/ ...

de maintenir de façon continu~ la "garde
de balafon" et
qu'il y
a,
de ce fait,
un refroidissement,
ou encore pendant
la nuit.
Par contre,
avant l'inhumation,
les nombreuses de-
mandes de services de balafon peuvent éclipser cette phase
qui rev@t un caractère transitoire.
Aux funérailles postérieures à l'enterrement:
"Bao-bu-d9.a ll
("bière de divination" ou recherche des causes
de la mort ),
"ko-dll-tuo"
("bière de funérailles à ri.sqlles")
et
"1co-dS.- 'maar"
(Ubière de funérailles
sans risques"),
les
deux pha~es des "pleurs" seront encore exécutées -
pleurs
sioples puis chant.s
de "dègaar"
et
"l~hm.itl - mais en des sé-
quences plus courtes
(1).
J/ - Réglementation des "pleurs" selon l'lige ou
la situation sociale
Les pleurs sont encore ritue1s
en ce sens qu'ils
sont réglementés selon divers facteurs dont essentiellement
l'Sge,
le statut du mort ainsi que le climat social.
D'après
ce dernier élément,
i l est à rappeler que les funérailles et
les "pleurs" peuvent l!tre prohibés en tant d'épidémie ou de
guerre.
Concernant le statut social, i l faut exclure les
morts qui n'ont pas droit aux pleurs et aux célébrations fu-
néraires
:
esclaves non aîfranchis,
voleurs abattus
en
flagrant
(1)
Voir plus loin ces étapes des célébrations funéraires .
. . ./ ...
- 358 -

délit dont le corps n'est pas restitué,
sorciers démasqués
par voie
d'épreuve,
les morts
faisant
l'objet d'une saisie
par la chefferie de terre
(T~gan-dem), etc. (t).
Enîin,
en
fonction de l'age,
un bébé avant
la
"sor_
tie de couche"
de la maman
(nyuo wobr-u),
soit trois ou quatre
jours après
l'accouchement,. qu'il'
d'un garçon ou
d'ul1e
f~lle, n'est pleuré, comme il a été dit plllS haut, que
de
sa mère
et de Itassistance immédiate de celle-ci,
géné-
rale~ent constituée des tantes et des grand-mères,
et cela
le temps que dure le forage de la tombe.
Après la dation du
nom,
qui marque la première socialisation véritable
de l'en-
fant,
soit trois mois aprf!S l'accouchement
(l1bie zu mwâ-y~wfll"
"rasage de la
tllte du bébé"),
les îunérailles durent moins
d'une matinée
hien que les hommes y prennent part,
on n'y
joue ni halafons ni tambour.
Le chant de "dègaar" intervient
pour clore les pleurs pendant que le corps est porté en
ter-
rr:!.
Pour un enfant
qui
fait
ses premiers pas ou dont la mère
est de nouveau
en grossesse dans les
delais estimés normallX,
soit environ trois ans
(2)
apr8s le dernier accouchement,
.l'exposition du corps,
avec
jell des instruments
de musique,
requiert la
durée d'une demi-journée au minimum,
saJlS
exécu-
tion de danses.
Il faut ici distinguer des danses les échap-
p6es en pas cadencées des
proclles parentes dtt mort,
appel~cs
"J:o-tuolu"
(J).
C'est petit à petit,
avec l'importance sociale
(t)
Pour
tous les cas relatifs au statut social,
voir ci-des-
sus au Chapitre l,
llè Partie.
(2)
Avec la mauvaise nutrition des enfants en bas-Sge,
i l n'est
pas rare que les premiers pas s'effectuent après
deux an-
nées.révolues.
La grossesse suivante peut intervenir donc
à partir de la troisième année.
lJ) "Ko-tuolu ll (ko, de "kuor"
funérailles
tuo:
peinp.
-lu :
terminaison indicative de l'action,
de la manifestation ici
de peine)
: manifestation ou démonstration rie peine,
de dou-
leur.
- 359 -
... / ...

de l'enfant,
que les funérailles vont prendre de l'enverp;ure.
Pour un enfant d,age scolarisable ou de petit ber-
ger
(1),
l'exposition demeure une journée et demie,
avec
toutes les étapes normales des "pleurs" envisagées ci-dessus.
Cette durée n'est donc pas celle accordée aux morts importants
qui,
jadis,
atteignait
"daa"
(llmarché", période de six jours)
et qui,
aujourd'hui,
s'étend au plus jusqu'au quatrième jour
en outre,les danses ne sont pas très anim.ées et la phase de
""molu"
(témoignage public d'amitié)
dont i l sera ci-dessous
question est inexistante.
C'est aux funérailles des vieilles personnes que
l'ambiance de la danse est particulièrement animée.
Surtout
lorsque le défunt a par le passé accompli ses rites d'ini-
tiation (baor)
i l
arrive alors que
ses pairs
exécutent à
l'occasion de ses
funérailles,
avant
l'enterrement,
la
danse
de f@te de l'initation (baw-binè),
séquence d'autant plus
pittoresque que la danse d'initiation est peu connue de nos
jours en raison du changement de contexte culturel.
Le caractère rituel des pleurs,
qui leur confère
une signi fication autre qu'une
simple manifestat,ion spontanée
de peine,
explique certains comportements qui pourraient pa-
ra~tre paradoxaux aux abords de l'exposition: causeries des
participants à peu de distance de la scène;
par moments,
in-
terruption des pleurs
et contestations vives
autour de l'or-
chestre funèbre,
fralant parfois la dispute
sourires
sous
(1)
Jadis,
les bergers étaient des adolescents
(dè-koli)
les
jeunes d'Age scolarisable n'étaient que des accompagnateurs
C'est des
seconds
qu'il
s'agit i c i .
. .. / ...
- .360 -

cape à
certaines
déc).a~ationsdes cantateurs (18w-kon-bè)
petit march.é occasionnel
et
enfin,
pour ne pas allonger la
liste,
dr8lerie des parents à plaisanterie du défunt pour
qui ce dernier,
loin dl~tre mort,
semble se plaire à un
mode nouveau d'existence
(1).
Les pleurs font partie intégrante rle la musique
funèbre;
de ce fait,
ils n'ont toute leur signification que
dans l'ensemble sonore qui inclut l'apport de trois instru-
ments
:
deux xylophones de seize ou dix-huit planches;
tambour en gousse de calebasse trouée et évasée
(kuor)
ou en
tronc d'arbre
(gAgaa).
B. - LA HUSIQUE
La musique
instrwnentale conduit les
"pleurs",
les
accompagne
et· varie avp.c eux.
Comme toujours,
et mieux que
jamais en pays
dagara,
la musique par son s11blime dynamique
est un moyen de
faire vibrer l'homme au diapason d'une réali-
té autre,
eschatologique
en l'occurrence,
c'est une manière
d'animation du contexte glacial de la mort et l'appel à l'éva-
sion dans l'au-delà du post-mortem.
La musique rev8t une telle importance dans les
funérailles que nombreux sont les rites et rituels qui
en-
tourent
dans ceS
circonstances le maniement d~s halafons con-
sidérés
sui generis COmme objets sacrés.
(1)
L'occasion nous
sera donn~ de revenir sur ce jeu rituel
qui,
au lieu de profaner les cirimonies
funiraires,
s'y
insère aVec une haute signification.
_ '1~1 _
. .. / ...

1/ -
Le balafon,
objet sacré
Dans
la tère
Partie,
i l ft été question de l'imma-
nence de l'ouvrier dans sa production et du propriétaire
dans sa possession. Cela vaut encore plus pour le balafoniste,
fabricant et/ou joueur et son instrument. Celui qui fabrique
un balafon est censé lui conférer sa voix
i l le
fait
vibrer
a'·Qc son ~me (1).
D'après les Dagara,
le xylophone est investi
de Sa sonorité par son fabricant,
tout comme celui-ci
(ou le
joueur)
en vient A @tre possédé par lui.
Considéré pratiquement comme un objet sacré,
le
balafon est vénéré comme une persotule, mieUJ( comme un ltnc~tre
on ne s'asseoit dessus ni ne l'enjambe;
on lui immole des
victimes.
D'après la légende dagara,
i l a fait l'objet rl'une
révélation par le génie de la brousse :'
"K8tôble "
Au moment de transporter les balafons aux funé-
railles,
le propriétaire les joue.
En d'autres termes,
on
dira qu'il les essaie,
~is dans le contexte Dagara,
on estime
qu '.il "lG'ur donne la voix" t condi tian indispensable de leur
efficacité.
De m~me, chaque fois que les porteurs passeront
un accident remarquable de relief,
symbolisant un esprit de
n~ganll (Puissance Terre) .: co11ine, rivière,
etc.,
i l s de-
vront s1 arr 0ter pour s'assurer que celui-ci n'a pas"retiré
la voix des balaîons"
;
pou.r cela,
i l s déposent cp.ux-ci à
ter-
re
et les font rksonner.
(1)
Ainsi,
sur consultation d'un devin,
un balafoniste en mall-
vaise santé a
été ·invité à retirer de la circulation un
instrument particulièrement réussi qu'il avait pourtant rlé-
jn cédé,"parce que celui-ci détenait son Amelt(siè) •
.. ./ ...
- 362 _

Après l'usage,
les xylophones,
tout comme le tam-
bour sont purifiés par nettoyage rituel
(piru) avec des feuil-
les de Diospyros Mespiliformis
(gaa),
avant de quitter le lieu
des
funérailles. "GA a " ,
arbre de
"T@gan" est
censé avoir des
vertus particulières dans l'ordre m{tique
(il ne s'agit donc
pas d' effets stérilisants )(1 )}l.emis ensui te à leur propriétaire
avec une poule
("gil. no.o"
"poule de balafo'n"),
ils subissent
une dernière purification
celui-ci se saisit du volatile
dont i l se sert pour effectuer un second nettoyage rituel du
clavier avant de l'assommer contre les planchettes et de lais-
ser le sang couler sur elles.
De la sorte,
le balafon retrouve
ou conserve ses qualités,
selon les
Dagara.
2/ -
L'orchestre lunèbre
a)
-
Service funèbre de balafon
(gil gub)
et honoraires
L'ensemble instrumental
funèbre
est
d'une
telle
i::lpor"tance qu'il
.fai1; l'objet,
lui aussi,
d'une vénération
spéciale.
Tous ceux qui viennent solliciter le
"service de
j)Dlalon"
(gil gub)
après la salutation d'usage au mort,
opère
un jet d'argent
en cauris ou en CFA,
séparément au tambour
Ucuor)
et aux balafons
l.~ile) - tout comme il en a été au
mort
-.
Cet argent est réuni par les
trois musiciens, par la
suite,pour ~tre partagé. Cela suggère une véritable mystique
de l ' a r t musical surtout lunèbre et appara~t comme une sol-
licitation aux instruments afin qu'ils donnent
de la voix.
Cette offrande aux instruments
de musique
( t1 kuor ni gil
lobru"
"olfrande de vénération au tambour et aux balaÎons")
qui,
du
point de vue pratique,
est une manière de contribuer aux ho-
noraires des musiciens,
entre
dans une séquence qu'on pourrait
i l )
Le nettoyage
(piru)
a pour finalité de délaire les balafons
de l'~tre du mort qui les habite depuis leur entrée en scène
et qu'ils symbolisent en quelque sorte.
. .. / ...
- 363 -

appeler "le rituel du balafon" ou,
en.dagara,
"gil gub"
("gar-
de de balafon").
La "garde de halafon" commence avec
la "procla-
r.>ation" à.es funérailles par le clan en deuil
(kuor wuofu), qui
est 8rmoncée AU chant
de
"dè.~aarll (nom que porte é,~alement le
"o'lophone il dix_huit planchettes,
qui l'accompagne).
Le ri tue!
dt! balafon est servi A chaque dél~gationt groupe ou individu,
qui vient
d'effectuer
la salutationrituelle du mort.
Les
hé-
néîiciaires,
selon la coutume,
assument l'ofîrande destinée
atŒ
instruments de musique
(kuor ni gil lobru)et assistent les
endeuillés,
présents
aupr~s des balafons, en leur remettant
.
,
dest1nee
par moments,
durant
leur service,
une contribution en argent/
aux honoraires des cantateurs
(1lIw-k8n-bè). Cet argent,
jadis
en cauris,
n'était pas compté,
tout comme celui qui
était
jeté aux pieds du mort
i l était puisé dans la housse en
peau tannée
(wuo)
suspendue à l'épaule et remis soit par les
participants aux endeuillés,
soit par ces derniers aux can-
tateurs.
Ne font l'objet d'un compte que les sommeS appelant
un retour et constituant donc des dettes de funérailles,
tel-
les "ko-liz~r" (20 cauris de participation aux funérailles),
les cotisations au décès d'un membre de groupe associé
caté-
chistes,
promotionnaires d'école,
anciens combattants,
etc.,
0\\\\
encore les témoignages d'amitié
(muolu liJ,ie).
Avec l'usage du CFA,
les choses ont changé:
on
o~'scrve parfois que celui qui remet une pi~ce de 100 ou m~lne
êe
50 francs peut n'en céder en îait
que la moitié et réclamer
le reste,
en monnaie,
car les sommes données dans
ces circons~
tances aux endeuillés sont de l'ordre de cinq à vingt-cinq
francs
ou de dix à vingt cauris,
e n
une fois,
sauî lorsqu'il
... / ...
- .364 _

,.
s'agit de
salariés
(1).
Ainsi,
en pareille occurrence,
on
a vu brandir,
surtout dans les cas d'interpellation rI'un
participant ou de son anc@tre par un cantateur,un billet de
5 000 ou de
la 000 Îrancs.
Ici encore appara!t l'intér@t de
ne pas aller seul aux
fun~railles.
"Gil gub"
(garde de balafon) .,?omprend essentiel-
lement
trois
épisodes
les chants de
Itdègaar",
de
"1Awni ll
ct de "bèHhmi".
Avant de donner une
~lication
de
ces
phases qui pourraient occasionner un long développement dans
un traité de musicologie
(2),
i l convient de donner une brè-
ve présentation du cantateur
(IIk6 -1{6ne tl
ou "lAw-kene"
"pleureur" ou "pleureur" de "llhnli").
Il est souvent apparu
1
à l'étranger comme un griot par ses déclarations incantatoires,
1
parfois laudatives,
parfois aussi reprobatives,
imm~diatenlent
1
Il
1
suivies de rémunération oî.ferte par les participants,ou par les
représentants du clan en deuil qui
se relaient incessamment
1
au rituel du balafon,
au premier rang de l'assistance.
Chaque
(1)
Cependant,
i l ne nous a pas encore été donné de constater
que l'argent remis à un cantateur par un membre de la Fa-
mille en deuil,
au cours du rituel du balafon (gil gub),
ait été préalablement compté.
De m@me,
les contributions
réunies au cours
d'un service par les représentants des
endeuillis prisents autour des balafons sont remises,
sans
compter, aux cantateurs ayant animé ledit rituel. Ceux-ci
retourneront un tiers de la somme totale recueillie à l'as-
sistance,
c'est-à-dire aux participants qui ont demandé le
service,
attribueront le second tiers aux musiciens et con-
serveront le troisième.
(2)
Il existe elfectivement un traité de musicologie dagara,
réalisé sous la direction de l'Abbé BEKUONE SONE,
J.H.,
rilais que nous n'avons pas eu le loi.sir de consulter
("Ja-
lons pour une Ethno -Musicologie dagara.
Enqu0tes livrées
par une équipe de chercbeurs"', 1976) .
. .. / ...
- 365 -

endeuillé principal en effet,
est suivi d'un compagnon.de
clan différent,
porte~~ de sa bourse et qui procède soit
à l'encaissement des sommes qui lui sont remises par des
parents ou amis
(1), soit,
sur S8 demande,
aux décaissements
dont les b~nificiaires sont,
en plus des
"kan-konb~ll, les
joueurs
de
balafons
et
de
tambour ..
En ,ait,
ai son Rpreté au gain s'est développé
avec l'in,lation du coat de la vie,
i l faut reconna1tre que,
traditionnellement, "k8-kone " joue le r81e de conducteur daIs
ve~lIée funèbre. Il est, en plus de sa qualité de cantateur
(qui
exige un minimum d'informations
sur le clan en deuil,
comme la fonction de griot) un diseur, doué d'un esprit vi-
vace et
d'un merveilleux don d'improvisation et de répli-
que ; un musicien qui respecte minutieusement la métrique
et la gamme des xylophones
; un poète et également un mo-
raliste qui chAtie sans pitié les travers des membres du
clan en deuil. L'argent qui lui est remis,
en honoraires,
rev~t comme celui des autres musiciens une double signifi-
cation: pratique et mystique. C'est le lieu de rappeler
du reste que tout don de soi ou de biens implique obliga-
tion de retour.
"Ka,.. k onbè", qui opèrent en général en associa-
tion,
entonnent le chant de "dègaar" qui se poursuit par
"l~hmi Il et s'achève par "bè13wni ", chaque phase ayant des
répons appropriés de la part de l'assistance.
(1)
Il s'agit des sommes données expressément aux endeuillés
pour leur bourse
(wuo puo .libie) et non de l'argent re-
cueilli durant le service de balafon, dont i l a été tan-
t6t question.
. .. / ...
- .366 -

b)
-
"Dègaar"
Nom commun au ~ylophone à dix-huit planches et
au chant qu'il accompagne,
"digaar '1 'vaque quelque chose
de male
et est réservé aux hommes.
flDègaar" vient-il
de
I1dèb"
: .homme et
"gaar "
devenir insoumis,
élever le
ton,
et voudrait-il dire
"homme en surection" ?
Il faut ce-
pendant noter qu'on parle de "dègaar"·à~propos des lamen-
tations en choeur des femmes
(kpa-k6),
lorsque celles-ci
assurent la veill'e funèbre d'un mort,
par e~emple, de nuit
ou en période d'interdiction des funérailles,
mais i l sem-
ble que ce soit alors par analogie avec "digaar" chanté
par les hommes. Toujours est-il que le son du xylophone
d'nommé "digaar" ou encore "gil kp@e"
(grand balafon ou
balafon principal) est cens' correspondre au ton dàgara.
Plusieurs groupes entourent l'orchestre funèbre,
encadrant les repr'sentants du clan en deuil,
tout en lais-
sant une issue :.du' c6té du hangar d' exposi tion (paala) vers
lequel l'assistance est tournée.En règle générale chaque
groupe important prend soin de se doter d'un ou de plusieurs
cantatcurs
(l!w-konbè)
pour se rendre aux furlérailles.
Aus-
s i n'est-il pas rare que les cris de ces derniers, impatients
d'attendre leur tour de service de balafon,
fusent à la fois
de plulJieurs groupes.
D'où le besoin d'une réglementation
par le clan en deuil.
Le chant de "dègaar" peut @tre considéré Comme
un cri de douleur simulé sous forme de lamentation ou d'in-
terpellation du clan en deuil,
d'un de seS membres vivants
ou anc@tres ou encore du mort,
etc ••• 11 est modulé au ryth-
me de la musique du balafon et répondu sur un ton ascendant
... / ...

par l t assistance.
Les .répons. consistent en des Sons modu-
lés,
sans paroles articulées,
mais harmonisés avec
ceux
de "dègaar" ..
Le cantateur (fllllw-k8ne" ou "k8-k6nel
d'un grou-
pe qui arrive de nuit et stationne devant la case en deuil
peut clamer qu'il est arrivé,
lui et ses compagnons,
sans
trouver personne pour les accueillir,
fŒisant allusion par
là aux méfaits de la mort,
mais aussi plus immédiatement
au îait que les veilleurs,
couchés,
ne se sont pas encore
présentés. En deuxième lieu,
i l pourra inviter les habitants
de la maison -
en nommant au besoin l'un ou l'autre des plus
connus - à sortir pour les entendre. Mais si l'absence des
endeuillés persiste depuis les pleurs d'arrivée et si les
relations sociales entre clans le permettent,
i l n'hésitera
pas à demander, par exemple, pourquoi mourant tous à force
de se caher au fond des cases, ils ne peuvent tout de mt\\rne
songer à en sortir.
S'il y a lieu de répondre, la ré-
plique viendra par un "k8-k8ne" de l'autre partie -
celle
du groupe en deuil -
au cours de "lllwni"
mais
en général,
on ne s'en fliche pas autrement.
C'est pendant "dègaar" que les cantateurs qui vont
s'affronter ou se compléter pendant la suite du rituel du
balafon Se répèrent,
se provoquent,
autant que les musiciens
ajustent leurs instrument", et cherchent leurs notes d'at-
taque sur les claviers,
pour l'étape suivante. En ce sens,
c'est le prologue du discours de "lllwni".
. .. / ...
- 368 -

c)
-
"Uhmi"
A la suite des appels de "dègaar", les "k8-konbè"
entament une série d'incantations conduites selon une mé-
trique rigoureuse et au rythme des balafons et du tambour.
C'est le lieu privilégié de la littérature,
de la poésie
mais aussi de la philosophie dagara,
exprimées sous forme
de propos échangés au sujet de la réputation de la Famille
en deuil et du défunt,
de leur passé et de leurs anc~tres,
du sort des hommes,
de la vie et de la mort,
de Dieu. etc.,
et qui peuvent tourner en diatribes amères, au scepticisme
ou au contraire en fidéisme confortable,
en flatterie,
etc •••
Les répons,
toujours en interjections,
acquiescent,
ap-
prouvent ou désapprouvent de façon conventionnelle les idées
îinales
exprimées par les cantateurs.
En Septembre 1979,
aux funérailles de S.Z.
(Dé-
parter.1Cnt de Koper),
un "lllw-kone",
au passage de l'épouse
<Jet défunt,
lui lança
"On dit que le ClanP.
est riche,
et
toi,
combien as-tu déjà consommé pour tra~ner cette corde
de chèvre ?". Aux funérailles de ZAG;f.
D., le 25 AoiH Mil Neuf
Cont
Quatre-Vingts à Dano,
soit à
20 km environ du village
natal du rapporteur, un "k8-kone"
(cantateur)
après s'~tre
ingénié vainement à
découvrir l ' orig"ine' ~lan·iqU:e de ce dernier
tâche
/ de se rassurer :
"Qui que tu sois, un voyageur de grand
chemin ne manque pas d'argent 1". On peut encore entendre
des déclarations telles que :
-
"Si le bonheur existait sur terre,
c'est vous
du Uanx' qui seriez heureux (1)
(1)
En pareilles circonstances,
les Familles sont souvent nom-
mées par leurs noms de gloire,
de telle sorte qu'il faut
etre averti pour savoir de qui on parle.
... / ...
- 369 -

" urtel mort, où en ~tes-vous aujourd 'hui avec
votre fierté
(ou richesse,
ou bravoure)
'"
;
" uttel s'en est allé à Dieu; c'est Dieu qui
l'a voulu ainsi"
"Avec le départ de X, votre Famille est ruinée
(ni yir baara)",etc •••
Rien d'étonnant que,
de temps en temps,
touché,
un membre de la Famille en deuil,
s'élance soudain vers
l'exposition
(paala)
en pas amples et cadencés
(ko-tuolu),
aussit6t suivi de son compagnon de funérailles ou en pas
de danse trépignante,
emb01tés immédiatement par une partie
de l'assistance campée autour des balafons.
En cas d'échan-
ge de vérités amères entre deux cantateurs
(lAw-konbè),
un
troisième intervient qui tAche de concilier les antagonistes
en tirant un~ leçon morale à laquelle seulement l'assis-
tance répond par l'approbation.
d)
-
"Bèlâwni"
"LAJmi" qui se chante sur le ton ascendant de
Ildègaar"
s'achève par un "bèl8.wni".
Celui-ci peut-~tre con-
sidéré comme l'épilogue du service du balafon accordé à un
groupe.
Après avoir marqué un bref temps d'arr~t à la fin
de 1118.wnil1,
les musiciens repreIll1ent
suivant une gamme des-
cendante. Le répertoire des airs d'accompagnement change
en conséquence.
Les chants des cantateurs
(k6-konbè)
et
leurs répons obéissent à la m~me variation (1). En cas de
(1)
Ceux qui sont moins bien initiés en art musical et sai-
sissent mal les
changements
de gammes,
se retrouvent
fa-
cilement pour les répons collectits qui !'Dnt désormais des-
cendants,
grAce à la connaissance des airs
de musique .
.../ ...
- 370 -

no~breuses sollicitations de la part de l'assistance, plu-
sieurs services sont groupés
et les
ubèlB.wni" suivent en
série,
dans le mtme ordre,
selon le deuxième schéma ci-
dessous
:
Série normale
"Dè,o;aar" AI "Uhrni " A/"Bèlllwni" A.
Services groupés
(trois)
"Dègaar A-"L8wni"
A/"Dègaar" B-"LAwni" BI
"Dègaar" C-"L8,mi" CI "Bè18wni" A-B-C.
Ce regroupement peut aussi @tre une astuce pour maintenir
une· assistance assez nombreuse pour soutenir le rituel
du
balafon.
C.
- LES DANSES
A vrai dire, i l est difficile de dissocier pleurs,
musique ct danses.
La légende ne dit-elle pas que la danse
a été révélée par "K8t&ble"
le génie de la brousse, à
l'homme pour lui permettre de se relaxer des soubresauts
de la douleur, à la rythmique de la musique ? Couramment i l
nous arrive d'observer qu'un enfant qui pleure à chaudes
larmes piétine sur place d'énervement,
danse
en quelque
sor-
te. La danse des endeuil],és apparatt ainsi comme une agita-
tion naturelle sur l'effet de la douleur et une réaction
désordonnée à l'emprise engourdissante de la mort,
qui se
laissent rythmer par la musique.
Dans cette acculturation,
-
371 -
.. . 1 . ..

la musique prllte son sçh~matism_e à l'agitation spontanée et
à l'instinctuel. L'échauffement,
les crispations de nerfs
trouvent en elle une solution. D'où le r61e cathartique de
la danse,
qui vient compléter celle des pleurs et de la mu-
sique,
ainsi que sa fonction d'humanisation ou de sociali-
sation,
qui
justifient SOn utilisation rituelle aux cours des
funérailles.
- Cette fonction est particulièrement manifestée
par les danses aux "logile"
(xylophones à seize planches),
au
début des funérailles,
généralement réservées aux proches
parentes du mort,
les plus émues par le deuil.
Avant la le-
vée du corps pour l'enterrement, le jeu des "logile" aux notes
envo~tantes donne une dernière occasion de se soulager et, par
là pourrait-on dire,
de rEfduire 'le choc
de l'inhumation.
-
La danse aux "dègaar" (xylophones à dix-huit
planches)
exécutée par les hommes et les femmes séparément,
a une cadence plus ample,
plus détendue et occasionne,
le plus
souvent à partir du deuxième jour, une participation généra-
lisée,
d'autant plus active que le mort est avancé en age.
En plus de sa fonction cathartique,
elle fait alo,s penser à
un autre raIe
celui "d'animer" le contexte létal,
engourdi
sous l'effet de la présence de la
mort. A la limite,
i l se
produit une véritable création drunivers nouveau,
vivant,
une
Ïrénésie à laquelle participent la ramille atteinte par le
passage de la mort et,
semble-t-il. aussi le cadavre.
En effet,
i l se réalise ainsi une symbolique de la vie selon un micro-
sorne représenté par le mort,
les trois musiciens et le groupe
... / ...
- 372 -

des parents qui les entourent et trépignent,
et selon un ma-
crosome matérialisé par "lai"
(cour publique d'exposition)
qui
se v~ut universel,
s'élargit à l'infini comme les notes de
la musique et la clameur des chants
; porte aussi loin que la
provenance de cette assistance innombrable.
A ce niveau,
le
phénomène se
t'ait
dynamique et audacieux,
imposant,
aU point
d'entra!ner en quelque sorte le mort dans un tourbillon de
vie et augure un au-delà de la triste réal~~é mortelle (1).
Un autre aspect ajoute au caractère rituel de la
danse
(yawfu)
des funérailles.
En effet, pour les hommes
C02ffie pour les femmes,
la danse des funérailles diffère de
la danse ludique
(sèbr-u),
identique pour les uns et les
autres.
Pour les premiers,
"yawfu" s'exécute
en deux phases
séparées
:
"btn-maala~ (phase préparatoire de danse), puis
Ifbîn-vaara" ou IIvaafu 11
(danse
en sauts)
j
pour les
femmes)
tout en changeant de rythme selon la nature et la cadence
des balafons:
"logile" ou "dègaar ll ,
la danse garde la m~me
fi~ure d'ensemble (2). Touterois, il convient de noter
que
(1)
Chaque groupe démarre en dansant vers "paala"
(hangar
d'exposition)
; si le morceau de balafon dure,
i l arrive
un moment où tout le monde se rencontre au centre,
dans
une animation générale.
Et jadis,
ceux qui ne dansaient
pas aux funérailles étaient plut/lt rares.
(2)
"Ya«fu"
substantif du verbe "yaw" qui veut dire,
selon
~e ton,
sauter,
s'envoler ou danser.
-
I1B.!.nè ll
:
danse au Sens général.
HBtn-msaIs"
"danse pré-
para'toire ll
;
"bin-vaara"
(vas:
sauter en hauteur,
s'élan-
cer mais aussi vider)
"danse en sauts"
;
"btn-sèbr-a" ou
"sèbr-u" :
danse tournante, virevoltante
(c'est la danse
ludique).
De nos
jours,
les femmes
exécutent aussi
"b1n-maala"
(fait observé surtout dans la région dagara-wiile de Dano
et aussi au village lobr de Kpaf qui la jouxte) •
.../ ...
- 373 -

"sèbr-u"
(danse ludiq\\le) .est. parfois pratiquée aux funé-
railles,
au moment du "rappel de la vie du défunt "(zanu),
mais alors dans un contexte tout autre. Les compagnons d'ini-
tiation (baor) peuvent alors se livrer à la danse appelée
l'bao-b:înê''
(danse d'initiation)
qui relève
de
"sèbr-u"~
Aux funérailles
de KUSIELE 1-1.T ••
en Janvier 1978, i l a m@me
été exécuté en cette occurrence une séquence de bal à la
Qusique de disques.
Pleurer,
jouer de
la musique,
danser,
présentent
le spectacle d'une vie menacée,
bouleversée,
ambivalente,
commandée par une réalité omniprésente, poignante et trans-
cendante :
celle du mort et,
au-delà,
de la mort. Le mort
est partout;
c'est lui qui autorise le bon déroulement des
cérémonies ou l'emp~che par le mauvais temps,
le manque de
ou
résonance et la fragilité des xylophones ltoutes sortes de
perturbations
(1). Le mort et sa qualité intrinsèque,
la
létalité,
sont en tout;
c'est pourquoi l'entreprise gi-
gantesque des funérail.les aura non seulement pour fin de
"pleurer" le défunt et de se lamenter sur son sort, mais
encore
de
sten débarrasser.
(1)
En saison pluvieuse,
lorsque le mort est un "pr@tre de
la pluie"
(sa-du\\< sob) ou lIDe personne "pluviophile"
(
me c'est le cas pour une certaine catégorie de "S6m3" dé-
nonllnés "blla-SSmll"
("S6ml! de marigot")
et aussi pour les
membres du clan "Kuole"), lID rite est accompli afin de
"chasser la pluie"
(diw saa). Pour un prlHre de la Pluie,
le fétiche de "Saa"
(Pluie)
"Sa-dm."
(marmite de la
Pluie)
est arrosé de cendre et l'officiant se tient à dis
tance de l'eau
durant l ' exposi tian
sous peine de pro-
voquer la pluie.
Dans le cas des personnes pluviophiles,
un "161uorè"
(parent à plaisanterie) du mort jette de la
cendre sur le mort et du c8té est en demandant à la pluie
de ne pas tomber.
Il reste lui-m@me barbouillé de cendre
dlrrant la période de l'exposition et recommence dès qu'ap
paraissent des nuages.
. .. 1 ...
- 374 -

Les rituels que nous allons maintenant abordés
sont caractéristiqués ~e cette attitude,
en m~me temps qu'ils
évoquent une certaine restitution au mort de son essence,
idée qui a éi:' développée au Chapitre l
de cette IIè Partie.
p1\\I~AGnAP[m IV
nITES ET RITUELS DE nAPPEL DE LA VIE
DU MOnT :
"ZANU" ET "~IUOLU"
Selon la croyance commune des Dagara, le mort reste
attaché à ses biens,
à tout ce qui,
durant son existence,
est entré en contact intime avec l u i :
objets,
a~imaux, per-
Sonnes ••.
Aussi en partant au séjour des anc~tres, à "Kp1m~­
T'~"'''' veut-il les emporter. D'où les pratiques comme celles
consistant à sortir le cadavre par une issue ~ratchissement
ouverte dans le mur de la cour (davra),
aux ~ina de brouiller
les pistes,
les travestissements de tenues observés
durant
les
funérailles,
Itimposition~du deuiljusqu'a~
animaux
familiers tels les chats,
enfin,
toutes mesures de protec-
tion ou d'éloignement des proches parents du défunt du do-
micile mortuaire~
L'une des marques de cet attachement du mort a
une personne, c'est son apparition dans le r~ve (zanu) de
celle-ci.
Voir en r~ve une personne intime qui est déc6dée
consti.tue ainsi un présage funeste (surtout s ' i l s' a,o;i t
de
son p6re)
~li nécessite un. rite de ~~paration et aussi de
... / ...
- 375 -

protection.
Les rittlels de "z,anu" so'nt ainsi destinés "-
parer au retour éventuel du mort durant le sommeil,
en son-
ge~et à éliminer donc une cause de mort, selon les Dagara.
Ils permettent de "rendre au mort" le vécu qu'il a
eu avec
les vivants.
Les présentations et déclarations de "muolu" ont
un sens voisin mais distinct.
Elles viséht en effet à rap-
peler les relations intimes qui liaient quelqu'un au défunt
et qui,
au plan social,
sont généralement connues.
De part et d'autre,
se traduit le sentiment d'une
dette de reconnaissance.
Concernant
"muolu" : nous avonS insis
té dans la Première Partie sur l'importance de l'amitié
(1)
autant pour la vie des sentiments que pour l'équilibre des
relations sociales chez les
Dagara
;
"muolu u est un ensemble
de rites qui découlent de ces rapports de complémentarité
entre
ItYie"
(maisons,
clans)~
Les rites de "muo l u " visent
donc à
témoigner pu-
b~~quement des relations intimes qui unissaient le mort et
un membre tou~jours vivant de la société.
Son but n'est pas
de divulguer quelque chose de secret
(2),
car l'amitié chez
les Dagara est un rapport social bien connu et codifié par
(1)
lISênu",
ffbaalu"
"csnu"
:
amitié mixte,
amitié
entre deux
t
hommes,
amitié entre deux fenunes,
cf. Partie I,
Chapitre
l, Paragraphe II.
(2)
Il parait évident qu'une liaison secrète,
entièrement
ignorée du clan en deuil ne saurait faire l'objet de
"muolu" qui est présidé par les anciens
(nt-bèrè)
de la
Famille.
... / ...
- 376 -

des manifestations diverses:
échanges de cultures,
de ca-
deaux,
invitations au cabaret,
etc •••
"}juolu" appara!t plu-
t8t comme la liquidation d'une dette de reconnaissance con-
tractée,
au vu de la société, vis-à-vis du mort.
Y m@ler
trop de sentimentalisme,
c'est courir le risque de fausser
le sens de cette pratique dont le double intér@t semble
résider dans la dissolution des anciens liens d'avec le mort
et dans le maintien d'un certain équilibre
social
et écono-
mique,
à travers la continuation d'un type de rapport,
pré-
cisément amical,
liant deux individus.
Donc
s ' i l y
ai
comme dans
!tmsnu",
besoin d'une
reconnaissance ultime du mort et en m@me temps d'une libé-
ration de soi par la dissolution de la relation passée,
i l y
Y a
surtout un sOllci
de perpétuer l..ffie relation,
en la
trans-
férant d'une personne,
qui n'"est plus,
à une autre du m@me
clan.
"Zanu " et " muo l u " ont cours habituellement la veille
de l'enterrement ou peu avant l'inhumation,
surtout lorsque
l'exposition doit durer moins de trois jours.
De par leur
signification qui suppose un minimum d'intégration du dis-
paru aux activités sociales,
ces manifestations se pratiquent
au décès de personnes ayant atteint au moins l'Age nubile
(1).
1 /
-
"ZANU"
Il s'agit essentiellement de jouer des séquences
de la vie du compagnon décédé.
De ce fait,
les acteurs sont
(1)
"D"I<ole",
"powkole"
jeune homme,
jeune fille nubile .
.. ./ ...
- 377 -

généralement des promotionnaires ou· d'anciens camarades
d'école,
d'armée
(1),
d'association de culture,
de chasse,
de jeux au clair de lune,
de pratiques divinatoires
(bao buu)
d'exode vers le Ghana ou la Cete d'Ivoire,
en qu~te de tra-
vail
salarié,
etc . . .
Pour toutes ces activités,
un groupe donne
une
représentation dans
"lai" ou aux abords·-immédiats de l'ex-
position et les "18luorbè"
(parents à plaisanterie) du mort
en profitent pour faire
des allusions à ce dernier et à
ce qu'il
était parmi eux.
A It zanu " on peut rattacher la chasse rituelle
(ko-mUo)
qui est pratiquée dans la m@me phase de l'exposi-
tion
(2). lm groupe de jeunes gens vont à la chasse pour
illustrer les qualités de chasseur du défunt.
Les
b8tes abattues
en cette circonstance par les membres du
clan en deuil sont présentées devant "paala"
(hangar d'ex-
position) à cSté des trophées de chasse. Les parents à plai-
santerie du mort saisissent l'occasion pour exiger auprès
des atnés du clan en deuil des primes pour leur prise (3).
Pour une
remme d'un Age avancé,
un mémoire spé-
cial est exécuté par les petites-filles
(filles des fils et
des filles)
de la défunte.
Du lot de nattes que toute femme
(1)
La leçon de gymnastique au décès des anciens écoliers ou
la formation des rangs et la présentation des armes à ce-
lui des anciens combattants constituent
des scènes par-
ticulièrement bien réussies.
(2)
"Ko" :
de "kuor"
:
funérailles et "m{lo"
:
brousse
(on dit
aussi "ko-yèru" ou "kptim{lo"),cf. Partie l,
Chapitre Il,
Paragraph~ I I I sur la·· chasse.
(3)
Les membres extérieurs au clan ne présentent que les tê-
tes de leur gihier.
. . '/ ...
- 378 -

respectable s'honore de posséder po~r l'accueil des h8tes
et co~e preuve de sa dignité,
ses petites-filles en ex-
traient lme,
particulièrement rougie par la fumée
et le
temps,
la portent à l'exposition,
l'étendent et,
la tenant
chacune par un bout,
la tiraillent en dansant
jusqu'à la
mettre en pièces et
en fouler les
débris
aux pieds.
Ce rite
indique que la défunte a accompli pleinement sa nature par
une bonne réalisation de
ses qualités
f~minines, singuliè-
rement dans le
senS de la procréation,
tandis qu'une
femme
stérile est traditionnellement installée dans
"paala" sur
une mar::li te percée,
bourrée de
terre et renversée.
Aux fu-
nérailles
cl1un homme,
la même danse est exécutée dans l.es
m~mes conditions non plus avec une natte, mais avec une
gerbe de sorgho.
Dans les deux cas,
les danseuses sont pri-
mées par l'assistance,
notamment par les
enfants réels ou
classi~icatoires du mort et SeS frères ou soeurs.
2/ - "MUOLU"
Selon le rituel solennel,
un ami du défunt rait
égorger un bouc ou un béli.er,
en tranche la t@te qu'il pi-
que au bout d'une flèche dont la tige a
été brisée au
préalable
i l y ajoute vingt
(20)
cauris,
puis s'avance
vers l'exposition,
suivi de la f i l e
de ses compagnons,
de
,~8me clan, et ayant à leur t~te au moins un cantateur (lliK-
l-~one) .. Dès que le groupe pénètre dans "lai" (cour, scène
des îlUlérailles),
ce dernier
entonne un tldègaar"
(incanta-
tion funèhre)
spécial invitant les parents du mort à les
rencontrer près de "paala".
En 1979,
aux f'unérailles de
SOIL,lE 3.8.,
nous
avons
entendu le hérault déclarer:
"L'hate
de plusieurs amis
(ni yawa sAan)
est mort sans que personne
... / ...
- 379 -

no l'accueille"
(ce chant
est
susceptible de variation).
En tlhe du cortège.' le· porteur de la "flèche de l'amitié"
(ba-pii)
-
c'est-à-dire l'ami du défunt ou son délégué -
slarr~te près du mort où une foule des membres du clan,
avertie de ,la cérémonie,
attend déjà
(1).
Le crieur de
"dègaar tl
commence alors
son discours,
reprenant
Ce que l'ami
dit à v~ix basse ou livrant un message qu'il a antérieure-
ment reçu :
"X (nom du mort)
et moi avons toujours vécu en
bonne amitié ..
S'il a
tué à la chasse,
c'est moi qui ai tué
(2).
S'il est invité à un cabaret, i l ne manque pas de
m'en faire
part.
Pendant la saison des cultures,
une fois c'est
lui
qui
se porte à mon secours,
l'autre
fois,
c'est ".moi ..
Aujourd'hui,
Dieu
a repris sa vie,
je ne peux
pas abandonner cette amitié.
C'est le sens de ma flèche.
Entre nous,
i l n'y a absolument rien
pour son
évacuation à l'h6pital,
j ' a i eu à lui pr~ter deux
mille francs.
Mais
entre nous
deux, ·ce n'est vrai-
ment rien (J).
(1)
"Ba"
ami
"pii"
flèche.
Habituellement,
une flèche
ne se donne pas hors du lignage
(voir ce qui a été dit
à l'endroit de la chasse,
au Paragraphe III, Chapitre II,
Partie l,
Sur
le poison des flèches)
; mais cela peut
arriver
entre
de grands amis.
(2) 1\\llusion à
"ba-gbèr"
(patte-avant de l'ami). Cf. égale-
ment le paragraphe relatif à la chasse.
(J)
Il est à noter que cette somme de deux mille francs sera
cependant rembours~e par les 1Ifr~res"
du mort,
m~me si
l'ami doit la leur rendre intégralement.
- 380 -
... / ...

Ha-.peine, ~c'est'qu1il ne s·oit pas revenu guéri.
Si je peux trouver parmi vous un compagnon avec
lequel mes rapports seront les m@mes qu'avec X,
c'est là maintenant mon souci.
Que Ce dernier veuille bien accepter cette flèche
avec le bélier (ou bouc)
et mille
(1 000)
franCS(1).
Selon un ri tuel plus simple,le-s ·parents du mort
sont invités à entendre près de "paala" tous ceux qui veu-
lent
"muo li",
c'est-à-dire proférer le témoignage de leur
amitié passée avec le mort
et remetrre leurs offres.
Beaucoup d'interventions,
plus éloquentes les unes
que les autres,
les unes moins attendues que d'autres,
s'a-
chèvent
de la mArne manière.
Et
bien souvent,
parmi les re-
présentants du clan en deuil accourus nombreux pour entendre
lea déclarations,
i l s'en trouve de pr@ts à assumer telles
ou telles offres,
au nom du groupe. Ceux-ci sont aussitBt
répérés des uns et des autres, notamment du donateur.
Si le
nouvel ami doit @tre désigné sur conseil de Famille,
ce der-
nier sera informé par la suite sur l'identité de son parte-
naire de substitution.
Les cadeaux des amis qui ne veulent pas de rem-
plaçant peuvent @tre déposés auprès de "paala" où ils sont
considérés comme donnés au mort.
De ce fait,
i l s reviendront
aux fossoyeurs,
membres du groupe des services réciproques
(1)
Si personne ne se présente,
le conseil du clan en deuil
se chargera de trouver un ami· de remplacement.
Dien que nous
ayons
eu plus d'une ~ois l'occasion
d'écouter une
telle allocution ç
ce texte ntest pas une
reproduction authentique.
. .. / ...
- 381 -

des funérailles.
Ils peuvent aussi ~tre traités de la façon
suivante:
une
fois
les cérémonies de
"muolu" commencées,
une fer:une s'avance au milieu de l t assistance un canari
de
bière de mil,
qu'elle a pris soin de
couvrir,
sur la t8te,
ce dernier trait
exprimant l'intimité des
sentiments qu'elle
nourrissait pour le disparu.
Elle déclare en substance:
"
Untel
(le défunt) ne m'a jamais vu assoifée sans
1:1'offrir à boire ;
aux périodes diîficiles,
i l m'est tou-
jours venu en aide
en céréales.
C'est pourquoi aujourd'hui
qu'il me devance dans l'au-delà,
je lui apporte ce canari de
fi dSa Il
que celui-ci l'accompagne dans son voyage et qu'il
parte en paix".
Puis elle laisse tomber sa charge qui se brise en
miettes.
Il arrive que la Pamille en deuil,
eu égard à la
sécheresse qui sévit la moitié de l'année et à la diff'iculté
d'abreuver la foule des assistants,
devance le geste final
de l'at:1ie
:
UN'l est-ce
pas que vous avez tous
compris
? Mais
vu que nous
souffrons tant de
soif,
nous demandons
de nous
laisser ce canari
de "dSs H pour étancher notre 50i[lI.
Si
l'amie accepte,
une petite quantité de la bière de mil est
versée A terre en guise d'offrande au premier intéressé
(le
mort),
le reste est bu et le canari cassé
(1).
(1)
En d'autres circonstances,
verser
"dft.a" à
terre,
c'est
l'offrir à la Puissance lIPeau de Terre" ou "T8gan"
-
dont
l'autel est précisément la terre,
où qu'on se trouve -
ou
encore aux Anc~tres qui lui sont associés •
..'/ ...
- 382 -.

Les offrandes de "muolu ll
sont const;ituées
en
grande partie,
pour les défunts,
de coqs et de poulets,
pOtIT
les défuntes,
principalement de pintades,
de calebasses,
d'objets,de poterie et de vannerie.
Ceux qui reçoivent ces
dons s'engagent à assumer vis-à-vis des donateurs les r8les
précédemment' dévolus au disparu et notamment à faire retour
du don dans les circonstances analogues_(l).
Les pratiques de
II zanu 1l
et de
"muolu" constituent
une détente au cours
du déroulement des
funérailles,
par
leur allure théStrale et ludique,
mais aussi par leur fonc-
tion cathartique
(2).
En effet,
les raisons de la peine se
nomment,
s'extériorisent et sont partagées.
La douleur perd
de son angoisse,
mais cela ne veut pas dire qu'elle devient
noins réelle
:
ses manifestations sont au contraire aviy~es
par les causes psychologiques qui se font
jour relativement
aux témoi,".;TIages d' eS,time des camarades
et des amis,
aux
pertes socio-~conomiques révél~es,. A la prise de cDnscience
aigu';' du sort commun des créature.svouées à
la finitude.
Hais
elles deviennent plus culturelles et aussi plus organisées.
(1)
Il ne s'agit pas obligatoirement de donner le m~me objet,
mais de faire une offre de valeur égale ou supérieure.
Pour un ami,
c'est généralement un coq qui est o:îf'ert ou
en équivalence une somme de
500 francs,
à l'époqne actuel-
le.
Comme le parent par alliance,
l'ami est finalement
collectif. C'est aVec l'évolution que cette nuance tend
à disparaitre,
l'amitié devenant plut et une relation in-
t .....individuelle.
Jadis, une relation personnelle pouvait',
6tre au con traire
perçue comme une source de déséquili- '.:
bre et occasionner de la méfiance.
(2)
On peut trouver l~ une raison de la relance des funérail j
les par le jeu des xylophones à seize planches
(logile);~
chez les Dagara -
Lohr.
, r
....
. . . 1 . ..
- )8) -
.. ..
~
,
,"
.' ,
"
.
,~
,

Avec
'lmuoiu"·,
on ~ssiste a un d~but de la recons-
titution sociale,
après le désordre de la mort,
à commencer
par la redistribution des r6les au plan des rapports de com-
plémentarité les plus périphériques
ceux de l'amitié,
tandis que les statuts de pater des enîants,
d'époux de la
veuve,
dihéritier des biens et r6les familiaux du mort,
ne
seront transférés que progressivement et cela jusqu'aux
dernières îunérailles
celles de "ko-dÀ-' maar".
r
- .384 -
.~: ..~'.
.. .---.
."-....

CHAPITRE III: LES RITES DE LA TO"œE ET DE LA FI~
• DES PRE!HERES FUNERAILLES
(
Avec
l'Bnterrement,
le mort, va enCore
changer
de
r:1ilieu.
En
l·'occurence 1
i l va
entrer
dans un univers
infini
en
descendant
dans
les
entrailles
de
la Terre
i l
sera
ab-
sorbé par la Puissance-Divinité
lITêgan l1 t
Sourc(~ de toute
prrJ'spérité
et de vie.
en rapport
avec la PuIssance-Divinité
Ciel
"Saa" 1
qui
lui
est associée ..
Snns doute,
le territoire dagara est-il subdivisé
comme i l a
été dit plus haut en lI c irconscriptions
de
terre"
ou
"têgâmê"
(pluriel
de
têgan),
régies par
des
cheÎÎeries.
\\;ais,
chaque
chef de
"Têgan"
(Têgan-sob)
est
conscient
de
son
union aux autres,
au nom de l'unicité de la "Chose Sacrée"
(Bom Kpêe)
qu'est la Puissance
"Peau de Terre" ou
"T@gan".
C ' est pourquoi
dans
sa prière,
comme i l a
été dit au Cha-
;oitre
III de la 1ère Partie, le prêtre du "baor" (initiation)
invoque non
seulement
tlTêgan"
dont
i l ressort,
mais aussi les
autres
lITêgâmê"
qui lui
sont
associés
(1) ..
Bénéficier de l'enterreï.lent rituel,
c'est
clone ac-
cé.:ler À. une
dimensj,on d'infinité,
de pérennité,
d'éternité,
al:.
même
t i t r e
que la
lIPuissance Peau de Terre l1 •
On
comprend dès
(1)
Pourtant l'enterrement
d "_m étranger
exige
la liquidation
ct 'une dette spéciale auprès des "t@'gan dem'!
(membres
de.
la
cherferie
de
terre).
Celui-ci ne
devrait-il pas
être
considéré partout,
de
ce point
de vue,
comme
éta.nt
chc~"',
l u i ?
I l
fmIt
ici
songer
au risque
que
l'on court en
accueillant un étranger,
qui peut ni être qu'un proscrit
de sa société
d'origine
et un malfaiteur ..
i'-fais une fois
ce dernier
assimilé,
i l recouvre
ses droits normau:::: •
.. ./ ...
- 385 -

SCHEMA N°
16-1
TOI-ŒE RITUELLE EN CLOCIIE
2
_..i:ff~~~~,;?[;·f~;t?r~e81;;~~;:t
niveau du sol
1
l'
1
1
1
. ~:
..
'
'
". "
1
1 Profondeur
en-
1
viron 1,50 m
".
;'
1
'.
OUEST
:'.
1
,1:
,."::.,
' l '
1
1
SUD
1
_\\y__
NORD
EST
NOTES
1. Ouverture de la fosse
2. Terre éjectée au forage
J. Elévation interne où se tient le fossoyeur
chargé de enterrement
4. Excavation servant de lit au mort
(à suivre)
- 386 -

SCHEMA Na
16-2
UN DEFtJlIf'1" INHUNE
OUEST
SUD
NORD
EST
NOTES (suite)
5. Cadavre
(d'homme)
au tombeau
(noter l'orientation
vers l ' e s t et la position de la main gauche,
sym-
bole de la puissance masculine)
6.
Pierre tombale bouchant l'orifice de la fosse
après l'inhumation.
7. Mortier de terre scellant la pierre tombale.
8. Tumulus terminal marquant l'emplacement de la
tombe.
_ 387 -

SCHENA N°
17
TOMBE RECTANGULAIRE (D'USAGE
nECENT
AU DAGA RA POUH LES
MORTS QUI ONT DROIT AUX HON-
NEURS)
AI COUPE THANSVERSALE
. - -
.~
Profondeur
environ
1,50 m
--LLl
______
c
li Fosse ordinaire
21 Avec fausse tombe
-:
.------!.:~ -".1- ,----_'_'
.--1
BI COUPE LONGITUDINALE
NOTES
a et b
double élévation sur laquelle sont appuyées
les dalles couvrant le cercueil
c
excavation destinée à recevoir le corps
d
ouverture de l'excavation latérale dans la-
quelle le cadavre des personnes particu1ièrement
honorées est glissé
(dans ce cas
(c) constitue
une fausse tombe)
e
zone du cercueil,
décentrée par rapport a 19
fosse.
- 388 -

lors qu'autour de la tombe,
les rites se multiplient et se
pr&cisent dans lellr
si.gn;i:fication.
NOltS
allons
tâcher
cl 1 en
examiner les principaux,
ensuite nous passerons aux rites
qui
consacrent la dispersion
de l'exposition
et
amorcent
la
fin
ries premi~res fun~railles.
PARAGEAPHE l
RITES ET HITUELS DE l A TŒlBE ET
J
DE L' l':NTERRE)vlENT
a)
Chez les Dagara,
en principe,
chaque mort
(.ccasionnp.
le
forage
d 'lme tombe. Cependant
cette pratique ne
manque pas
d'exceptions. n'abord,
les
circonstances,
notami11cnt
d 'hostili tés ou ct 1 épidémies, peuvent obliger à recourir à
des
vieilles
tombes
(1).
Dans
ce
cas,
Un
"bo1'l sèla
Bob"
(fossoyenr
détenteur du
"médicament 'l
de la tombe)
en ouvre une,
en laisse
échapper
les gaz,
y
descend,
range
les vieux ossements de
côté et y
ctépose
le nouveau
cadavre.
Ensui te,
par voeu personnel,
on peut obtenir
ct 1 être enterré
dans
ln
tombe
d fun parent
iJltime, mort longtemps auparavant.
Enfin,
i l y a l e cas du
-ieune enfant qui
est
descendu àans une
tombe
de
,~rand-parent,
~lquel i l est ainsi confié,
ce
qui porte
la même
signification
qu"'~ lorsque ltinhumation d'lm tout petit se
f ' ?
;
t
contre
Ulle
ancienne
tombe
de parent,
dans une
fosse moins profonde
0111
la pr6c&dente.
(1)
-
I l est à rappeler que l'exposition et les premleres
fun&railles
sont alors reportées,
puis les
cérémonies
f'unérairp-s
sont
exécutées par regroupements
des morts
selon les
li,l?;rlf\\ge S ou segments de 1ignages.
.../ ...
- 38.9 -

A moins de
contrainte
qui
oblige a
outrepasser la
C01)tume,
11 enterrement il. deux. clans une tombe suppose une
Ilç(,mpatibili té"
des personnes
jumeaux,
granc1-paren t
et
p(~tit-enfant, (leux fr~res
I l faut
en effet que
ces perSOJl-
nl).'3
puissent
cohabiter,
"possécler
ensemble"
"manger ensemble"
(lR~,r rlirè) , comme disent les Dagarn.. Cette pratique trouve
sor:
illustration
lia
contrario"
à l'accouchement ri 'un enfant.
En
effet ~
<1
cette occasion,
le placenta du nOUVCa1.l-
nc.
et
le
sang
clé
la mère
sont
enterrés dans
deux
trous diff'é-
rcnts,
en t.ant
qn' éléments
de
deux
~tres incompatibles, parce
qu'appartenant ,\\.
deux clans différents
(1).
b)
Pour
un
clan
en deuil,
les fossoyeurs
se recrutent
dans
le groupe
des
services réciproques de
funérailles,
qui
5 r ~ppelle
en
dagara
lI c è-ku-taa_dem"
(2).
Ce
terme
désigne; deux
clans alliés pour les
services flméraires,
.~énéralement issus
d~ même sonche, à moins qu'ils soient simplement voisins dans
le village
et amis.
Il a
été déjél clit plus haut que les
"cè-
lnl-taa-dem!'
se chargent du mort à partir de la petit" e::-'-1Josi-
tion. Ce
sont
eux qui montent
la grande
exposition puis pro-
cèdent à
la
descente
du
corps
dans
la fosse
pour
l 'enterrcr:le~lt.
Etant
donné le
pouvoir mystique
rie la tombe,
qui
est
lié à
celui
du mort,
le raIe
de
îossoyeur nécessite
une
préparation
spéciale ~
Sans
cette précaution,
le
fossoyeur
Be-.
(1)
i"1ême 3.
ce
jour,
beaucoup
de
femmes
dagara qui accouchent
~ la maternit&, font rmnener le placenta ("lans 1Jn pot A
domicile pour
l ' y enterrer.
Ce geste,
auquel on attribue
une préservation de
la récondi té,
opère
ainsi lme
sépara-
tion des
éléments
le
sang versé de
la mère
symbolisant
la mort
de celle-d.pour
la vie
engendrée
et
le plnccntn,
partie
détachée
de
l ' enrant,
la mort
de celuj.-ci
en
"'3'-\\
vie
antérieure.
(~~)
Pour l'étymologie de
ce terme,
voir
Partie II.
Chapitre II
ci-dessus.
. .. / ...
- 390-

r#it exposé,
comme tous
les non
initiés qui
fréquentent
~es
voisinages des tombes,
ft être ·"attrapé" (nyowl par la tombe
(bo,-r). La maladie qui en découle
("bOt1 baalu" ou "bow") se
nHlHifeste par des enflements et
des plaies purulentes sur
tant le
corps.
c)
Rite
d'initiation des nouveaux fossoyeurs
Pour 1liniti,ation
jadis,
de
cel1x-l~ qui se (lcsti-
aux fonctions
de
"bot... tl.lure"
(creuseur
de
tombesl,on
laissai t
de la viande
dans
les mains
d'un mort,
durant toute
l ' '2xposi tion ~puis celle-ci étili t
récupérée
et préparée pour
l(~ candidat. Comme plat ct 'accompagnemen.t,
on y
ajoutait
de
Ir'.
[111rée
de mil
(saab),
préparée avec une
d~co ction de îe11illcs
r~L remuée tl l'aide d'un os humain. De m~me, après l'entcrrcr:lc~lt,
l(~E nouveallX fossoyeurs
.devaient prendre un bain
f~ait de:
r.1écoction
des feuilles
et racines
d 'W1e plante appelée
e11
dagara "low ièr".
Les malades atteints
de
"bow"
(maladie
des tOITlbes)
6taient amenés d
consommer une médication semblable à
celle
des
jeunes fossoyeurs.
De nos
jours,
on
se
contente
couramment
de
leur
appliquer
des
cendres, provenant des éclats "ct 'un vieu::::~
rna~lche de pic ayant servi au :rorage des tombes) et pétries dans
du
beurre de karité,
puis i l s
sont baignés à la manière des
nouveaUx fossoyeurs
après l'inhumation
du
cadavre.
Cette initiation des
candidats est conduite par un
tlbo·,·J sèla sob"
ou
"détenteur
du
Il m édicament"
( t i i )
de
la
- 391 -

t·.':)!:lbc
(boh~) qui,
îaut-.il
le rappeler,
est
dotflC
rl'nn
esprit
,~t (~lLln pouvoir de I1possession.1I qlli agit contre les prof'nnes qui
s'en
approchent·
sans
précaution
(1).
Cet
officiant
est
~\\
(listinguer
du
fossoyeur
expérif7lenté
(bo",
bnv l<ara)
qui
p.st,
r:n
quelques
sorte, le
chef cl 1 équipe
de forage
de
la tombe.
C'est
également lui
qui,
en prévention de la maladie
de
"bo,.,",
i.'a:(t
descendre
les
enfants
dans les
tombes
fraîchement rorées,
surtout lorsque
celles-ci
sont pratiquées dans la cour
(clavra)
des ::1aisons d'habitation
2)
Rites
de
détermination de
la tombe
al De l'emplac~nent des tombes
IJe
lie11 habitllel
de
l'enterrement,
c'est l~
cimeti~re,
dall~ le voisina,'~;e de la cour publique de veillée flUlèbre ou
!l1é.1].'!.
De nos
jours,
les
cimetières ont perdu leur
caractère
de
dDmaine
(le patril:ïgnage
aU profit
cl 'une
fonctionnalité
élar-
,~ie n tout le village. Néarunoins ils ont toujours un tni ti.:ttcnr
(~t sont supervisés par les lt'I'êgaJ.1 dem" (membres de la chef:Cerie
de
terre)
qui perçotvent les
droits d'ouverture
de nouveau:;:
sitr::s ou
d'inhumation des
étrangers.
L'emplacement de
la "tombe est en fonction
du
statut
(lu mort.
-Traditionnellement t
un enfant
décédé
avant le
sevrage
ne peut être
enterré au
cimetière.
I l I l est à un
carrefour
de
-- - - - - - - - _ . _ - -
': 1)
-
Dans
"bo"\\'{ sèla
30b" 1
lIbao
sèla sob",
etc.,
qui
désignent
le
"maître-fossoyeur",
le
"I:laître-devin ll ,
etc. 1
le terme
"sèln" rappelle
que
le médicament
(t1i)
utilisé est
.':éné-
ralement
rIe
la pourlre noire,
clone lL"1 résidu
d'incinération •
. . .1 ...
- 392 -
l'.

sentiers,
sur le
chemin rrÎenant au
li"gnage
de
sa mère.
Le lien
intime de l'enfant à
sa' mère ·[ai·t
de lU1
un (ltre ambivalent,
SC
si tuant
au carrefour des lignages paternel
et maternel.
Son inhumation
au
carrefour l'invite à
s'en
aller, puisqu'il
n la pas voulu
demeurer parmi
ses parents.
-
Quant à
l'esclave,
i l
était
jadis enterré dans
11.n l i t ou allX abords d'un cours
cl 1 eau,
de manière à
~tre
l'dispersé"
dans les
eaux des pluies.
En
cas7·}·de
sécheresse,
ses os
étaient
exhumés
en guise
de réparation à
"Têgan"
et
pOlLr
~tre SIÎrement emportés par les premières pluies à venir.
-
Le malfaiteur
était
enterré en brousse,
dans
"ne fosse peu profonde à
dessein,
de telle sorte que les
~ntlVes et les rapaces, en particulier les hyènes, le déter-
raient
et
Ip.
dévoraient.
-
Les décès
survenus par suite de maladies conta-
gieuses comme le 'charbon,
la lèpre,
les plaies purulentes
(gièlmè).
etc ••
donnaient lieu à une inhumation dans un
buisson,
et l'on bourrait la tombe avec de l'h~rbe et des
plantes
sauvages.
Le patriarche, c'est-à-dire
tout
grand-p~ent
aycmt eu de nombreux petits-enfants,
est
sàuvent enterré,
même
de nos
jours,
dans la cour
(davra)
ou à la devanture
(rltrtori)
de
la maison
et i l est
loisible ~
ceux-ci
de
s'asseoir
on
se
coucher
sur
sa tombe ..
Cette domiciliation
de la tombe
sc prati~;e exclusivement pour les anciens
(ni-bèrè)
des
cases
ayant non
seulement une
descendance nombreuse mais non décéùés
en outre par
suite de
"mauvaise mort"
(kQu
faa)
ou de quelqu'at-
teinte mystique,
décelée par
"bao buu"
(divination).
De ml'me
.../ ...
- .39.3 -

,=;ont
exclus de
cette faveur
tous
ceux qui,
pour une raison
ou
llne autre,
physique ou~.mor,ale, n'ont:pas accompli de ma-
nière
satisfaisante
leur vie
d Ihorrune ou de
femme .. Ce
sera,
par
exemple,
le
cas
des persolUles îrappées
cl 1 incnpaci té
sociale
(1).
b) Rite de la détermination de l'orifice d'une tombe
Pour chaque forage
de tombe,
la Famille en deuil
remet
aux fossoyeurs
les
instruments nécessaires
: pic,
daba,
pio che ••• Elle leur donne également un poulet, un couteau,
de
la cendre
et une
calebasse neuve,
dont
le
fond n'a pas
été
encore gratté et nettoyé
(mwan-tun). Le chef des fossoyeurs
prend la calebasse,
la renverse à
l'emplacement précis
de la
t.ombe et
en marque le pourtour à
la cendre
puis prenant le
conteau,
i l cogne
sur
le
dos
de
IR calebasse en disant des
~aroles signifiant ceci
"Je
frappe
aU nom
de
"Têgan"
ce n'est pas de mal
que
je veux
c'est un homme qui est mort et dont je veux
cacher
la pourriture ..
Que
"Têgan ll
accepte
ce poulet' et
accorde
que
lorsqu Ion
creusera la fosse,
on n'aboutisse pas à
de la
pierre
afin de réussir à
cacher le
cadavre ll •
Ensui te,
i l tue le poulet,
en arrose clu sang la
calebasse et le pourtour. Après cela,
la calebasse est 8tée
(1)
A la mort de SOHF B.B. en 1979, l'inhumation n'a pas pu
se faire
à proximité de la villa qu'il
a,
éri,c;ée au
village, mime après cie longs clébats
i l
.·a
en effet
construit
sur
llancien emplacement
de
la case de
son père,
décédé
en
état
de
lèpre,
lui-même
étant mort
d'une ascite J
considérée comme
cause
de
"mauvaise mort " •
.../ ...
- 394 -

et tous les fossoyeurs,
ayant attrapé ensemble
(1)
la pioche,
10 balancent par trois :Ç0:i:s, puis la plantent au
sol. Enfin,
ils la remettent à
l'un des
leurs qui
entame le forage.
c)
Cas ct lun nouveau
site
L'ouverture
d'un nouveau
cimetièr~nécessite l'in-
tervention ct 'un "têgan sob" ou
"chèf de terre".
Il
en est
ainsi
chaque
fois
qu'une activité
sociale
entraîne
la "cou-
pure de la peau de la Terre
"dont i l est le prêtre
construc-
tion d'une nouvelle maison,
forage
de puits,
aménagement d'un
nouveau champ ••• Une
dette est alors fixée
aux intéressés,
qui
varie selon le type d'activité et la chefferie de
terre
(têgan).
Pour le
Cas présent,
elle
comporte
J 000 cauris et au moins u:a
poulet.
Ainsi
satisfait,
"t@gan
50b"
se présente
au
lieu
indi-
qué,
exécute
le r i t e de la détermination de
la tombe décrit
ci-dessus,
donne ensuite les trois premiers coups de pioche
"t "utorise les fossoyeurs à poursuivre le forage,
ouvrant
uinsi
le nOllVeau
cimeti~re.
).
Topographie de la tombe dagara
De même que
l'emplacement,
la forme
de la tombe
r'éflète le st"tut
social du mort
enfant avant le sévrage(2),
( 1 )
n'
On enterre pas,seul,un cadavre. Même pour les restes
d'accouchement,
ce sont
deux femmes qui exécutent l'inhu-
mation,
attrapant ensemble la pioche pour entamer chacun
des deux trous qui· serviront· à
enterrer le sang et le
placenta,
et aussi pour les boucher.
(2)
-
Vu les conditions de nutrition et de santé dans la contrée,
l e
sévrage
survenait vers trois
())
ans.
. . . 1 . ...
- 395 -

donc n'ayant pas de frère -pu!né, pas mllme en gestation
personne
aliénée
esclave.,
malade
contà.gieux,
malfaiteur,
individus
extirpés de
la
communauté par
sanction sociale,
morale ou mystique
enfin, personne ayant une
existence
sociale normale.
Selon ces trois catégories,
on peut distinguer:
-
une
tombe
de
forllle normale,
mais peu profonde
ll(~nterrement pourra se faire par tille -personne ci genoux, sans
descente dans la fosse.
De plus,
elle se situe habituellement
"
côté de la tombe d'une grande personne
(parent ou aïeul de
l'~nfant) à laquelle le petit défunt est confié
une tombe· de
forme rectangulaire,
de profondeur
rai "Ionnable
(environ 1,50 m) pour les malades contagieux et
t~lIj est bourrée à l'enterrement, ou très superficielle pour
les malfaiteurs
et
les
esclaves,
les morts
de
cette
dernière
catégorie étant plutôt exposés exprès à l'exhumation.
S'agissant des enfrolts ou des malfaiteurs et esclaves,
le point de vue de la pensée dagara est que ceux-ci soient
respectivement des êtres virtuels ou indignes, qui ne méritent
pas que lOTêganlO)aelbueille dans ses entrailles profondes
(1).
-
une tombe normale en forme de cloche et présentant
une profondeur moyenne de 1,50 m. La terre;
éjectée durant 1"
îorage
est
ensuite
entassée
sous forme
de tumulus par-dessus
la pierre tombale
(ou le canari, pour les femmes)
qui bouche
l'orifice de la fosse. L'intérieur présente une surélèvation
latérale, où se tient le fossoyeur
chargé de recevoir le
carJavre clans la tombe,
et une
excavation réservée à
celui-ci
(cf.
Schéma nO
1 6 :
1 , 2
).
(1)
Dans un passé reculé,
les enfants malveillants,
voulant
plutôt braver leurs parents que vivre sur terre
(il
s'agi t
des
"bi-gbâmê'~ étaient sans doute recouverts
simplement.
d'un 'monticuJ.e de
terre à.
un
carrefour
de
sentiers
(cf.
GOODY,
J . ,
op.
cit., pp.
143 et 149
J •
.../ ...
- 3<:/0 -

De nos jours, avec l'habitude cie plus en plus 1'6-
pandue d'enterrer en ceccv.eil,
la forme'" de la tombe est
dey"enue rec'Langulaire,
avec une
excavation plus profonde pour
y
loger le cercl1eil
(cf. Schéma nO
17-1). Pour des personnes
exc.eptionnellement honorables,
cette
excavation
se perd sur
le
c{)té,
donnant lieu à une t'ausse
tombe dans le prolongement
vertical du forage
(cf. schéma nO
17-2). Dans le premier cas,
le cercueil est protégé par une dalle ou une charpente de
bois avant le remblai final;
dans le deuxi@me, i l l'est
généralement par des briques plantées verticalement et scellées
par du mortier,
obstruant l'ouverture de l'excavation sur la
fausse tombe.
4) Protection de la tombe
Les pleurs et les lamentations qui ont couramment
Leell chez les Dagara à l'avènement de la mort <iissuadent, s ' i l
011
était encore besoin,
de penser que la mort ou
"départ aU
Pays des Ancêtres"
(Sâa Kptm@ T@w)
ou
Séjour du Repos,
est
désirable.
Néanmoins,
dans la
douleur,
certains peuvent
se
laisser aller au découragement et au suicide.
C'est.pourquoi
la toilette
du mort TI test
jamais
confiée
aux
conjoints
ou atLx
parents directs
et
très intimes t
car
ceux-cî pourraient
st agrip-
per
au mort,
en lui mordant un membre ou ·en
entrant
en
contact
tête à tête aVec lui
(1).
De même,
la tombe doit @tre protégée de tout "siiJ"
(lIâme tl )
auquel
elle n'est pas
destinée ..
Aussi,
lorsque
le
îorage est déjà entamé,
le chef des fossoyeurs plante-t-il
HIle
paille blanche
à proxim~té et s'assied-il -face à llorifice
(1)
-
Ces contacts intimes aVec le mort entra!nent des rites
de i-protection ..
.. .. / ...
- 397 -

pour la surveiller. Toute.~~te qui s'encapproche est écartée,
car elle pourrait signifier une âme en déguisement. Enfermée
dru~s la tombe, elle y mourrait, entrainant par là un autre
décès
(1).
Qu~nd le forage de la tombe est achevé, son ouver-
ture est souvent barrée par ,me tige d 'herbe blanche. En ville,
on trouve à la place de la paille la barre à mine ayant
éventuellement servi à l'exécution du travail ou la corde
apportée pour la descente du cercueil au tombeau.
C'est sans doute dru~s le même souci de protection
de la fosse que dans certaines régions du dagara les vêtements
du mort sont déchirés sur les côtés, Ct l'endroit des poches,
au moment de la descente au tombeau. En tout état de cause,
la tenue du mort ne comporte aucune poche. De la sorte, on
est
assuré que le mort n'emporte personne avec lui dans
l'au-delà
(2).
5) De "paala" à la tombe. Rite de sollicitation
à "T~gan Il
Etant donné la durée relativement longue de l'ex-
position,
surtout.par le passé,
on cherche à
situer la tombe
le plus proche possible de Bon endroit'. C'est ainsi qu'à
(1)
Il est à noter la vertu symbolique de la couleur blan-
che dans les funérailles '~n tant que moyen de protection:
colliers de cauris blancs,
cendre marquant les parents
intimes du mort, farine de mil germé po,rr le bain des
morts par morsure de serpent,
tige blanche pour la pro-
tection de la tombe
(et couramment pour chasser les
revenants
(nyâ-kpimê)).
(2) -
Il faut y ajouter l'aspect de souillure de la tombe par
un être
étranger,
non autori sé selon la ~outume à coha-
biter avec le mort
(cf. Para~raphe 1-1 ci-dessus) •
.. ./ ...
-398 -

Cllaque cour publique de veillée funèbre
(lai)
est annexé en
pl' incip e un cimetière ( "yaf-u"
-tombe s) •
Une fois la tombe appr~tée, les parents du mort
sont invités par les membres du groupe des' services réciproques
(cè-ku-taa-dem) ou les fossoyeurs qui en sont issus à
constater
le fait.
Pour une femme,
le clan du mari prendra soin
d'associer pour ce constat le clan allié,
sous peine de que-
.~
relIes,
surtout si la "dot" n'est 'pas entièrement payée.
~lais pour éviter les atermoiements des parents
intimes, la levée du corps sera plutôt brusque et le trajet
vers la fosse
effectué d'un pas alerte.
Auparavant,
les quatre ou cinq fossoyeurs prmment
de la bouse de vache ou la terre fra!chement
sortie de la
tor.lbe pour
Si enduire
les épaules,
l'échine et la poitrine.
Arrivés au hangar d' expo si tion, l'un d'eux reçoit le cadavre
à califourchon sur les épaules, le maintenant par les bras.
Les autres veillent par derrière et sur les côtés. Le cadavre
peut
aussi
être porté
dans les bras
si
sa
corpulence le permet.
Le corps est déposé au bord de la fosse,
sur
Une natte.
Il faut avouer qu'au bout des six
jours que pouvait
durer l'exposition jadis, le cadavre était déjà en putréfaction
avancée. Aussi,
le chef des fossoyeurs qui,
en principe est
rolssi le responsable de l'enterrement,
exorcise la fosse afin
~le les mauvais esprits ne gênent pas l'opération. Il demande
"
"Têgan" de laisser faire. A cet effet, i l prend le bois d'un
arc et une tige d'herbe,
symboles qui sont remplacés par lUle
calebasse
dans le
cas
d'une morte,
et fendant
l'air
au-dessus
da l'ouverture de la tombe,
i l dit
.../ ...
- 399 -

une première fois
"28w bow"
(fosse d'aveugle)
-
une rleuxièfne-.fois
:. "l,Ôw btnq"
(fosse de lépreux)
une troisième fois
"50wlu na bè yel kè bé
so,;l a bè
i
born za i"
(on veut
seulement le
cacher et rien d'autre)
(1).
Püis,
du
couteau
ql.ti a
été remis aux fossoyeurs
p?<r le
clan
en deuil,
i l fend les v~tements du mort:
culotte
et boubou
(2),
avant que le
cadavre soit pf'ésenté à
l'ouver-
ture de la tombe.
6. Rit~ et rituels de descente et de sortie de
la tombe
Le
chef des fossoyeurs ou
celui
qui
est
désigné
i l peut s'agir d'un néophyte ", initier -
s'assied sur le
bord de la fosse,
se
laisse gliss6 dedans
en
levant les bras
en l'air,puis, une fois à l'intérieur/se blottit contre la
paroi latérale
en se tenant
sur
l'élévation
(par rappo~t
(1)
-
S'a~it-il de rappeler à "Tggan" qu'il doit recevoir tous
ses 'fils,
quels qu'ils
soient,
lépreux DU aveugles
(deux
caté,o;ories sociales particulièrement démunies) DU bien
s'agit-il d'apitoyer
"T~gan" en invoquant l'incapacité
\\le
ses f i l s ,
innocents
et dans l'embarras?
Les deux sens
s'adaptent bien à
la sollicitation îinale
"Il ne s'as;it
que
de le
cacher ll •
(2) -
D '\\ln point de vue technique,
les fentes opérées au" cÔtés
neUvBnt fflcil.iter
la
descente
du
corps,.
~1ais dans la ];1C!ntalit(
.
dagara,
un ernp@chement
ici
aurait une
cause plut8t mys-
tiqu 13 que matérielle.
I l importe de dépist,er,
par exemple,
les
"âmes cachées" ou
en tout
cas des raisons qui amènent
le mort ou "Têgan" à ne pas accepter l'inhumation. Ainsi
la présence de f i l rouge dans la tenue,
qui
constitue un
interdit,
sera éventuellement détectée à
l'occasion de
cette opération et éliminée.
... / ...
-
400 _

"
l'excavation). Suit le cadavre, préseJ:1té par les jambes.
Dès que la taille peut êt~~ sai~ie, le receveur l'empoigne,
assied le corps,
enfin le couche dans l'excavation de la
fosse,
la tête reposant sur la main droite et la face tour-
nèe vers l'est,
quand i l
s'agit d'un homme;
pour une femme,
la tête est fPpuyœ sur la main gauche et la face orientée
vers l'Ouest. Ces positions dont i l a été déjà question aU
moment de l'exposition du mort, respectent la nature,
les
'.*-"
rôles et les préoccupations diurnes et nocturnes de l'homme
ou <le la femme
(1).
Une fois
sa besogne achevée,
le fossoyelIT
chargé
de l'enterrement
(bow aune) apparaît et s'a ssied sur le
rebord de la tombe.
Avec des
cendres provenant
oe l'incinéra-
tion de la natte qui a
servi tant8t à asseoir le cadavre
au bord de la fosse,
avant la descente, on ajoute un peu
de terre rouge extraite du forage puis, par trois fois, un
maître fossoyeur
(bow sèla 'sob),
détenteur du médicament
(tii)
(1) -
Quand i l est couché la nuit, un homme surveille l'aube,
afin de démarrer ses activités qui se déploient dans la
grande société,
d'où son orientation vers l'est. En
outre, un homme est fort de sa gauche -
la main du
chasseur et du guerrier qui manipule l'arcJmais aussi
de la puissance seconde et mystique. I l convient donc
en le disposant en vue de son dernier voyage, de ne pas
emprisonner celle-ci. La femme,
quant à
elle, use surtout
de sa main droite pour donner à manger à l'enfant,
au
mari et à l'étranger. Elle se préoccupe, le soir,
du
coucher du soleil,
quand elle se trouve aux champ s
elle craint d'être surprise par la nuit pour son
programme nocturne.
.../ ...
-
401 ..

r1es
t"osses,
ou i
difaut l'Wl des ~o~soyeurs.le frotte avec
ce mélange
enfin, i l estaut-orisé à ~ sortir tout i
fait.
Ce rite,
comme on peut
s'en douter,
est destiné à préserver
le fossoyeur sorti de la fosse de l'esprit du mort et de
celui de la tombe.
Vient ensuite le rite de la fermeture du tombeau.
Les
.fossoyeurs par trois fois feignent de.~rouler la pierre
tombale sur l'orifice de la fosse avant d'accomplir effecti-
vement le geste. Ce sera
.après le tour du colmatage des
ouvertures restantes
: puisant des deux mains du mortier
fabriqui avec le déblai de la tombe,
les fossoyeurs se le
passent,
simulent par trois ~ois de le jeter sur la pierre
(ou le canari,
dans certains cas/lorsqu'il s'agit de femme),
puis enfin le laissent tomber dessus,
scellent hermitiquement
la fermeture et la recouvrent
de
la terre provenant du
forage. Une fois le tumulùs réalisi
(voir ci-dessus Kchima
n;_2,) le fossoyeur ayant exécuté l'enterrement
(bow {lwle)
monte dessus,
se fait verser trois fois de l'eall sur la
tête,
puis sIen va prendre un bain à grande eau.
au marigot
voisin. Quant à la tombe,
les femmes du lignage en deuil
et les proches parentes du cl"funt en feront le lendemain, ou
le surlendemain,
le damage
(yaa p3.b) avec clu gravillon
ar'rosé
de matière gluante.
Le
tur.nllus
est
ensuite
enduit
de bouse de vache de manière à présenter plus de résistance.
Par la forme cie la ·tombe, on constate que les
Dagara priservent· le mor:t du contact direct avec la terre .
•-1 moins qu 1 il ne mérite pas les honneurs ct 'un enterrement
normal. ~Iai s dans la rf,ali te
la tombe est amenée bien
vite i
s'écrouler, à devenir "ya-kpol"
(vieille tombe
effrondrée). S'effectue alors concrètement la fusion du mort
avec "Tllgan"
(Puissance-Divinité Terre).
.../ ...
- 402 -

De nos jours, l'habitude est acquise de bâtir
,
~.
!

et de cimenter les tombes, m~me celles qui se sont déjà
r.boulées et bouchées, pour
si peu qu'on puisse en retrouver
les emplacement s.C 'est une oeuvre de prestige, mais aussi
de préservation pour la postérité. Seulement elle en vient
~ cofiter très cher, au vu de son utilité
et du fait de
la coutume qui veut que la tombe d'un parent ne puisse ~tre
aménagée sans qu'e celles du l';rand-parent et de l'areul
.~
liaient été au préalable:
autrement,
ces derniers seraient
.ialoux et la dévotion envers l 'Anc~tre au lieu de produire
des bienfaits entraînerait.
des effets tout il fait contraires.
PARAGRAPHE II : RITES ET RITUELS DE LA
Il DISPERSION/IDES
PREMIERES FUNERAILLES. LES
ENTERREMENTS SYrffiOLIQUES ET LA PROTECTION
DU CONJOINT ET DES ENFANTS.
Après l'inhumation, le foisonnement des rites
devient encore plus intense. Car i l s'agit plus que jamais
-
de protéger les parents contre l'esprit du
mort,
en brisant les anciens liens d'intimité
-
de les réintégrer progressivement il la commu-
nauté des vivants en procédrolt à la rédistribution des r81es
et
des fonctions
sociales
suite au départ
du défunt,
notanuncnt
de procéder à
la prise en charge des veuves et des orphelins
-
enfin,
de faciliter
l'accès du mort au
séjour
de Repos à
"Kpîmê T~w" et au statut d'Ancêtre vénéré •
.../ ...
- 403 -

Aussi
ne nous sera-t-il pas permis de les analyser
tous. Certains seront simplement évoqu~sl notamment ceux
qui ont été abordés ci-dessus au Chapitre II. Il faut aussi
noter que beaucoup de ri tes funéraires ont perdu de leur
solenni té
si
ce n'est' pas purement
de leur
existence, par
suite du recul des idées animistes et du progrès des idées
nouvelles
sous
les effets
cwnulés de l'Ecole,
des religions
importées et du phénomène global de l'acculturation. De ce
fait,
leur observation à
l'état pllr est devenu plus difficile
que par le passé.
Il Rite de purification des objets d'exposition
Il a été question aU Chapitre II ci-dessus de la
purffication des balafons et incidemment de celle des objets
d'exposition avec "gavaar" (feui.lles de Diospyros Nespiliformis).
Ce nettoyage symbolique n' est pas à assimiler à une remise
au propre, même si après une semaine d'exposition au vent
et
à la poussière des danseurs, les objets ainsi traités perdcr.t
crl
partie de leurs saletés. Il faut y
voir avent tout une
opération de
"dépossession",
donc de
séparation ou
encore
dt désengagement d'avec le mort, qui les libère de l'emprise
mystique de
ce dernier.
De la
sorte,
les propriétaires pOl~­
ront
entrer rie nouveau en possession de
leurs biens, pendant
que les trophées et autres meubles rejoignent leur gtte
Fmnilial.
Les objets donnés proprement au mort sont détruits
"anaris,
calebasses. poterie
(1).
etc.; i l en est de mSme du
( 1 )
Les calebasses e~/~oterie
qui sont ù l'effectif des
biens d'héritage féminins seront récupérées .
. . . 1 ..•
- 404 -
.--

carquois
(bourré de tiges- de paille aVElc cependant deux
flèches)
et
de
l'arc;suspendus dehors au mur de la case, celui-
ci
.1. l'envers,
i l s
seront détruits après l'installation du
Bois Ancestral
(Kpîi-daa)
(1).
2.
Les
symboli~les d'enterrement du mort après
l'inhùmation
(2).
....
Ces
symboliques
signifieni:
en
somme
la reconnais-
sance et l'assomption par les· groupes concernés de la mort
de
l'individu;
elles
s'expriment par la consommation ct 'un
bovidé
(ovin ou bovin) nommé
"naab"
(littéralement "vache"),
réalisée
essentiellement par trois groupes
a)
le groupe p a t r i l i n é a i r e :
l'enterrement
symbolj.que
opéré par
ce groupe est
concrétisé par
la
consommation
ùe
"ko-wèl naab"
("vache de dispersion des funérailles").
Il
regroupe dans le. clan les parents matrilinéaires
(bèltaabè)
du mort auxquels·s 'associent les autres matriclans
(bèlu)
en
tant que groupes ~es "p ères ll ,
des
"fils" ou de parents à
plaisanterie.
La.r~rtuction des parents matrilinbaires du mort
a-t-ondit,
i c i à
ceux de
son
clan patriJ.inéair~~ clécoult)./du progrès ({JI
patrilinéat dans le groupe dagara.
A l'origine,
tout "bèlto"
(parent
de matriclan ou
"bèlu")
du mort,
quel que soit
son
clan t
pOllvait
être
associé au partage
<le
"ko-wèl naabll,
(1)
-
Tant
que les
symboles masculins de
l ' arc et du carquois
figurent
au mur,
ceux qui n'ont. pas participé aux fun{~­
railles effectuent en arrivant il la case
en deu:cl le
salut
funéraire
d'usage
au mort,
avec "pleurs"
et
jet
d'argent.
(2)
-
Pour mieux se retremper dans la structure des "bèlu"
(noms matrilinéaires),
se référer au Paragraphe
II,
Chapi tre l ,
Partie_ 1. Concernant les offrandes symboliques
en bovidés
"ko-wèl naab",
"vaada ll
et
"kukur",
voir le
Paragraphe II,
Chapitre II,
Partie
II,
qui
a
été consacré
il cet objet.
.../ ...
- 405 -

moyennant le versement
de la contribution
de
20 cauris
(ko-
l i zèr)
(1).
b)
le groupe patrilinéaire de la femme défunte
Dans
ce
cas,
le ri te
se
:joue autour de
la
"vache
de vaada"
qui est Une bl!te offerte à
l'occasion des îunérailles
aUx parents
de
la femme par le clan du mari~dit clan en deuil~
et qui concrétise,
a-t-on dit,
l'apport de la défunte à la
fortune
nu lignage de son. mari ainsi que les bonnes relations
d'alliance entre les deux clans alliés. Dans le passé,
la
suite de
cette proclamation
d'amitié pouvait être le remplace-
ment de l'épouse défunte par une de
ses
soeurs de patrilignage.
On pourrait ici faire
un rapprochement
entre
I!vaada naab"
et, Itdaci-naab
ou
I1dnku..ra-naab ll
:"bête de gar-
"
diennage de troupeau"
offert par le frère
de la mère au
neveu décédé t
en récompense de
ses bons
services .. Dans
ces
cieux cas,
la bl!te offerte est partagé·e entre les deux clans
alliés,
la tl!te de
"dtlc!-naab" revenant aux
compagnons
patrilinéaires du berger défunt,
les premiers
conc'ernés au
nom de la solidarité de groupe
(2).
"Dact~naab" donne ainsi
l'occasion de matérialiser la double relation de l'enfant à
son père et à
sa mère alors que
"vaada" rappelle la· double
appartenance de
l'épouse au clan de
son mari
et à
celui de
ses parents.
( 1)
CF"
GOODY,
J . ,
op.
ci t ", PI"
172 à
176.
(2)
La tête revient toujours à
celui
qui est concerné
fos"oyeur
qui descencl
dans la fosse
(tête et
cou
du ponlet
immolé à
"Tl!gan"),
tueur
du gibier
abattu
à la f'lèche . . . 11
Zu
Babil veut
dire qui
est
en tête,
le premier à
a.~ir,
le c:hef,
propriétaire ou mattre ..
.. .. .. / ......
- 406 _

c)
le groupe des alliés en services funéraires ou
p
~,
'

groupe
de
"ce-kn-taa demI!
Il reçoit "kukur naab"
("vache de manche de daba"
011
"vache d;agriculture").
Sous
cette
symbolique,
le fait
de
ID mort est reconnu et assillué par les voisins et amis
:
les
"cè-ku-taa dem"'- Sur
ce plan,
le mort entre dans un cercle
plutôt culturel qui
se chargera de faire
surgir rie la con-
fusion initiale les valeurs d'une vie possible.
Sans être
des parents,
ce groupe
collabore avec le
clan
en deuil et,avec lui
représente le cercle idéal des hommes qui
forment
llne gigantesque
communauté dont les membres
sont tous
soli-
riaires
et
appel~s â s'entrai~er.
Non lié au mort par ~me relation immérliate de
parenté,
sa distance va lui permettre de faire valoir les
principes d'un
certain rialisme tOllt au long des funirailles
au milien
des gens qui
se lamentent et délirent. C'est ainsi
lui qui
arrache,
BU
premier
jour
du décès,
le
cadavre
flUX
proches parents pour l'exposition puis pot.IT
l'inhumation.
f)"
même,
i l recueillera minutieusement tous les biens qui
sont
"offerts au mort"
et
qui,
autrement
seraient ·abandonnés
1:1.,
sans u t i l i t é :
animaux,
mil,
cauris
surtout
(1).
3.
Le r i t e de "tô" ou perpétuation rlu rlroit d'ali-
mentation
(2)
Après l'enterrement d'un père,
tous
ses f i l s réels
tout
(1)
-
Il
convient, de noter/au long des
célébrations funéraires
dagara ce
fait,
fondamental
du reste dans tous les rites,
à savoir le double plan de la réalité immédiate et cle
l'au-deItl,
plan
des
Corees transcendc1.ntes
an::-~qneJ.les
l'hpTi1me
communie
ou
en core
ete
l'irléal.
(2)
-
~tô" (lire"ton"J veut dire littéralement continuer,
allonger,
prolonger.
.../ ...
407 -
.
..
..
. _
~~
".~.:""-"
.. ' -'~-.'
. .. _....

GU
classificatoires du
clan ayant perdtt leur p"re
.
.
ainsi
que
ses veuves
et
c"el1es
de
ses frères
ne llbèlu l1 ,
autant
de personnes qui
étaient
censées
~tre nourries par
le mort de son vivant,
sont soumis à un repas dénommé en
clagara "ta". Il faut encore préciser, pour les parents
classificatoires du mort sus-nommés la condition. pour par-
ticiper à
"t8" , d'avoir été soumis il ce rite aux funérailles
de leur père ou époux réels. Par ailleurs,
la cérémonie peut
..~
se limiter aux aînés de
chaque veuve du
défunt.
Au décès d'un homme,
"tô"
est habituellement pré-
paré avec
les boyaux de
IIko-wèl naab ll
(l1 vac he
de dispersion
des funérailles")
ou à défaut de toute autre bête abattue a
l"occasion des funérailles:
"dakt.u-a,
gâw-yi t
vaada naab"
011 m~me
tlkukur naab"
dont
la viande TI'est pourtant pas
consommée par les membres du
clan ..
A la sauce
cuisinée
sans
assaisonnement on ajoute la pl\\te traditionnelle de mil
(saab).
Ce repas est
seryi n chaque convive dans les deux mains et
porté directement i
la bouche.
Au décès d'une femme 1
la sauce de
"ta" est préparée
tou.lourD snns assaisonnement mais avec des feuilles 1égumi-
n nuses et .non de la v:l.llnclo. Itn otto'!:,
l'lIppnrt cio 111 viando
dans l'alimentatj.on est spécifique de l'homme.
tandis que
la femme
de qualité
(pow i nir) excelle dans ]a confection
rIes Inets ~ partir ries ~euil1es ~ sauce
(z~-vaar).
Le r i te
de
"tô" rev8t plusieurs si.o;nifications
principales. D'abord,
i l s'agit d'assurer aux personnes dé-
pendantes la sauvegarde,
à
l'avenir,
de leur pain quotidien.
CI est donc Hne
con:firmation à
leur
encirait
du
cIrait
ct 1alimen-
tation.
Mais par un autre côté,
ce r i t e réitère,
comme le
... / ...
- 408 _

SCHEHA N°
18 :
TATOUAGES A L'ARGILE
(AUX RITES DE
"YAO-GDO", ,BADIGEONNAGE A L'AnGILEJET "KO-DA-TUO",
TROISIEMES FUNEnAILLES)
@J l
. ,
l
~
2
1
1
/
1\\
! /
1 /
J(
m ~
~
3
1(
lI,
~
,,})
4
~) 4
1
'1
\\.~
1.
Vue de face
2. Vue de dos
'
Neutralisation/protection des centres de force
1. Tate
(cou - front)
2. Thorax,
échine
3. Cuisses
4. Mollets
- 409 -

feront bien n'antres,
l'épreu've du face
à face flvec le
mort. Par cette
épreuve
(paIn) en effet;' les
enfants et les
VAllVes absorbent leur père ou mari dôfunt,
matérialisé par
la viande,
tômoignant par
cette lmion qu'ils ne sont pas
coupables~e la mort de ce dernier. De ce fait,
ce repas
c.onununiel
El
une valeur cathartique,
par la liquidation qu 1 i l
occasionne du sentiment de
culpabilit.é sous-jacent qui
pouvait miner les parents intimes du mort t
à partir du mo-
ment où ceux-ci,
l'ayant
consommé,ne sont p-as morts
(1).
Enfin,
"tô" est une consé.c.ration de
la
cornmensali té
perpétuelle avec le père:
sur le plan horizontal ou social,
la tutelle du père
sera assumée par le
p a t e r
- désigné
ultérieurement au cours des célébrations funéraires
sur le
pl"'ill vertical,
les rapports père-fils seront maintenus ù
traver s
la vénération de
"kpîin Il du mort devenu ancêtre
bienfaiteur. Mais pour en venir à
cette commensalité heureuse,
i l faudra que mort et vivants aient
chacun fait
ses preuves.
Cela va nécessiter encore de nombreux rites et
sacrifices
ju s'lU 1 aux dernières funérailles
(Ka -d.!l- 'maar).
~. Le ri tG de "YBW-guO" ou l'badigeonnage à l'argile"
Au matin du
jour· consécutif il la troisième nuit après
l'enterrement a
lieu le r i t e de
"badigeonnage à
l'argile lr ..
En attendal1t l ' évén.ement,
tous
ceux qui sont concernés passent
les trois nuits devant la po,rte d'entrée de la maison ou dans
1" cour intérieure
(davra). Ce sont les veuves ou le veuf,
les enfants,
enfin,
les amis très intimes du mort.
(1)
Pour les épouses surtout,
les relations sexuelles avec
un homme autre que l'époux légitime
sont réputées très
dangereuses pour
ce dernier.
... / ...
-
410 _

Les amies et
parentes des veuves,
y
comprises
celles
qlli ont
tenu
leul'!3' laisse:; durant l'exposition,
viennent
en
101.tr
compagnie.
Pour un veuf,
les amis ainsi
que
le
compa~on
de funérailles font
de même.
Au petit
jour,
les pleurs
éclatent tout comme"
l'avènement ou- décès.
Puis intervient le
chant oe "dègaar" et
ses répons qui mettent fin à
cette séquenc~. On exécute
ensuite IfS tatouages sur les conjoints après les avoir baignés
et
leur avoir rasé
la tête. C'est il eux que s'applique le
rituel solennel de "yaw_guo".
Pour un homm~, la cérémonie est conduite par de
vieilles "saa-mâmtnê" ou
"pure mtnê"
(tantes paternelles)
ayrolt
passé la ménopause et
étant de
ce fait
devenues des
titulaires à part entière de
"yir",
pour avoir accompli la
distrolce qui les
sépare de l'homme. Pour une femme,
elle
est menée par ses soeurs de Clrol
(pow ya-taabè)
et des tantes
paternelles
(sâa mâ-mînê). Le bain
et
la toilette de la
veuve ont
lieu derrière la maison,
sous une gouttière,
lieu
ri' écoulement
des
eaux sales
ceux de
l'homme
'0· 'n
t
J. i eu
au
troll
ril évacuation
des urines
et des eaux de" toilette
nocturnes
(1).
Dans les oeux cas,
on retrouve donc le symbo-
lisme d'une purification de soi de la "saleté"
(dèwr) -conta-
minée. Ens"ite la femme
se
contentera de porter des fibres
(bigè)
aux hanches en lieu et place de
ses
oointurettes en
cuir tanné et rougi aux écorces de plantes et/ou noircies
dans la vase du marigot. Au cas échéant,
elle
conservera,
par-dessus,
le vieux pagne (ou ce qui en tient lieu)
ayant
servi durant la phase de l'exposition ou premières funérailles.
(1) -
Voir le plan de la case dagara, 1ère Partie,
Schéma nO
4 •
.. ./ ...
-
411
_

Quant .~
Ilhomme,
i l arbore à Il issue des cérémonies de
"yal\\'-guo '1
!ln
cache-sexe, ~ une, peau d'ovin ou de caprin tannée
(.q:an-yèrft.)
en bandoulière et use
comme appui,
en marchant,
d ' l m
bâton
(dagbal) . Tout conjoint n,
en l'occurence,
le
COll
cerclé par une ficelle
(1), ainsi que les enfants. A~urs
Ql1C
le bâton
est une manière de rendre présent
le disparu
[~
tout mom~nt, la ficelle,
elle,
a pour but
de maintenir
"siè"
("âme ll )
du vivant "qui pourrait
s'en aller avec le
mort.
De no~ jours,
en milieu christianisé-'7 seuls demeurent
du rite de "yaw_guo" le rasage de la tête
(zu foru)
et
qt1elquefois le port de la ficelle.
5' agissant· du badi,o;eonnag.e d'argile, qui est
appliqué plus abondamment aux femmes qu'aux hommes, i l est
pratiqué par rievant,
à la face,
sur
les pectoraux et aussi,
pOtIT les femmes,
sur
les
cuisses; par derrière,
i l l'est
sous les p.paules,
le long de la colonne vertébrale et aux
mollets.
Par
ses
significations,
le rite
du
"badigeonnage
" l'argile" parait très complexe. Il inau,ç;ure la série des
grands rites post-mortem et la
s~paration du mort de ses
parents toujours vivants,
l':Lntés;ration de
ces
derniers
.et la société sous le statut. de personnes impuissantes,
é\\lléanties,mais déjù
en renaissance,
enfin la matérialisation
rie
la présence du mort à
travers
ses biens et
ses parents
intimes
conjoint
(s),
enfants,
ami(e)s •••
En effet,
l'argile extraite de "Têgan"
(Pui ssance
Terre)
a
de par
sa
couleur blanchtltre
et
snn
origine divine
des vertus particulières. Elle possède
la qualité
dissolvante, purificatrice et protectrice ne la cendre.
(1)
-
Ce rite est présenté avec beaucoup de détails par GOODY,
J . ,
op. cit.,pp.
183 et sllivantes.
- 412 -

L'impuissance des personnes ayant
subi
le badigeon-
nage · ..transparait dans ' l e ' faj.t qu' elle~ sont lavées
il la
T1HHlière des enfants -
et ramenées il la quasi-nudité
ensuite
tous les
endroits
de force,
sur
leur
corps,
sont
en quelque
sorte neutralisés ,par le blanchissnge
COll.,
thorax,· échine 1
mollets,
cuisses. L'endeuillé blanchi ne peut ni aller au
cOï.1bat,
ni.à
la
chasse,
ni
avoir
des rapports
sexuels.
Dans
cc
dernier
cas,
i l
serait
considéré
comme ayant une part
clans la
cause cie la mort du
conjoint.
La pr~sence du mort,
elle,
se traduit prêcis~metlt
par tout ce qui
est fait
en vue de
son éloignement,
donc
de façon négative
bain, rasage,
blanchissage,
ficelle
au
cou,
à laquelle sont parfois enfilés des cauris, bllton
(c1a-gbal), etc •••
A vrai dire,
i l Y a
.lieu de parler d'une ambi-
valence du r i te du badigeonnage
car,
en même
temps qu'il
tente de séparer du mort ses parents vivants et d'intégrer
~eux-ci A la communauté en tant que personnes impuissantes,
virtuelles· pour ainsi dire,
i l y
a
association de
ces mêmes
pvxents au mort
en les mettant <1 part,
vi.s-à-vi.~ rie la société,
rar le blanchissage; en les désignant
comme
"gens 'de mort",
unis au mort
jusqu'A la puri:fication et
au renouveau des
(lerni~res funérailles.
Enfin, par un autre
c8té,
le blanchissage,
com.."e
la
participation aux funarailles,
1
e
r i t e de
"tll"
(perpétuation du
(~oit d'alimentation) et bien d'autres,
constitue une
épreuve-test
(polu).
Car, s'unir au mort alors
qu'on est responsable de
sa perte,
c1est à
coup
sar
s'e;~os8r
il sa vengeance. Aussi conviendra-t-il là encore, pour le
.../ ...
- 41 3 -

Dagara,
tout
comme avant. de, participer." aux funérailles
débutantes,
de
s'assurer de
son innocence et de la loyauté
'...iu partenaire défunt
~ en effet, 5 IiI était un sorcier ou
un criminel,
ou encore un infidèle -
surtout
en ce qui
cuncernc
l~s défuntes - il
ne manquerait pas ct,1 assimiler
son
conjoin:-t
dans
la mort,
soit par maléfice
(nyowîu),
soit
p'lr association, rlans la faute
(l<pè tule).
Ainsi,
après l'enterrement physi.que,
i l y
a
comme une intégration du
déîunt et un
endorcisme de la mort.
par les parents en deuil et,
par le truchement du groupe des
alliés en
services funéraires,
par toute
la communauté. Mais
déjA
s'annonce la grande séparation qui doit conduire le
mort au
Séjour des Ancêtres
et
les vivants
El retrouver leur
place dans la société renovée. Cela supposera que des rapports
nouveaux
soient créés entre
les parents en deuil et
la
société d'une p'art.
entre eux et le mort d,tautre part. De
ce fait,
ces derniers par lesquels la mort est
entrée dans
la société constituent
en quelque
sorte le
maillon
dlune logique nouvelle à générer pour la vie
auX dépens de
la mort. Cela Va nécessitBl"une médiation
de .1' en-deçà
et
de l'au-delà dans un
enjeu
de valeurs
et
d'actions,
c'est-
A-dire
en somme
rte nouveaux rites.
- 414 -

LES GRANDS RITES CONDUISANT A LA VIE NOUVELLE
OU RElNOUVELEE _:
"BAO -BUll DAA",
"lW-DA _ TUO"
ET "KO-DA_ 'MAAn"
Dans la première Partie,
i l a
été dit que l'@tre
humain chez les"Dagara est extensible à ses objets familiers,
a,a b@tes qu'il élève,
aux produits de son champ et que la
parenté de "yir" au sens de clan,
de lignée,
de ligl'-age ou de
segment de lignage,
et celle de "bèlu"
(matriclan)
engendrent
une solidarité qui consacre,
vis-à-vis
de la
faute,
une res-
ponsabilité collective. Ces considérations ont trouvé leurs
illustrations à plusieurs occasions,
dans les chapitres pré-
cédents
- à propos de la représentation du mort par plusieurs substi-
tuts
:
arc et carquois pour un homme décédé,
"pow-ya-ci"
(mil
des soeurs de m@me clan), remis avec "vaa-da naab"
(b!lte oÎ-
farte au lignage de la femme décédée), volaille de "guolu ka-
sow"
(corbeille d'élevage),
viande de bétail dans les enter-
rel:lents symboliques,
etc.
- à propos des épreuves-tests de "te"
(maintien ou renouvel-
lement du droit d'alimentation)
et de badigeonnage à l'argile
ici,
plut8t que de s'unir au mort
qui
serait
en faute ou bien
en étant soi-mllme coupable,
i l s'impose de procéder au préa-
lable à la réparation par des sacrifices.
Dans les rites qui vont suivre,
i l sera fait re-
cours aux m!lmes pensées et procédés de substitution,
la méto-
nymie de "dlla"
(bière de mil) venant relayer celle des objets
ou des bl!tes (coq, pintade,
bétail).
... / ...
- 416 _

En outre, ,.la. .ré~ér~nce à "...clAa" sera utilisée pour
nommer les étapes ultérieures des deuxièmes,
troisièmes et qua-
trièmes funérailles,
à savoir respectivement "Bao-Buu DAa",
Il Ko- Da _ Tua"
et
"Ka - DO. _ 1 Maar ll •
Les rites à ces différentes occasions se regrou-
pent autour du bain et de la question du statut des conjoints
vivants ,t
v
e
u
f o u
veuves,
tandis q~ se déterminent sur
deux plans horizontal et vertical,
d'une part,la restructura-
tion sociale:
attrihution des droits de propriété par héritage
et redistribution progressive des fonctions
et des r81es an-
térieurement
assumé.') par le mort;
d'autre part,
le procès du
mort vers le statut d'Anc~tre.
Ces rites se raréfient dans la pratique et plusieurs
Vieux,
interrogés; ne se rappelaient pas toujours bien des cé-
rémonies que,
très souvent,
i l s n'avaient plus connues depuis
leur jetmesse et dont ils s'interdisent en quelque sorte la
mémoire d·epuis leur conversion au Christianisme.
M@me dans les
résions où règnent encore puissamment l'animisme et le îéti-
c~dSl"e, les célébrations du genre ont perdu de leur solennité
ct' antan sous l ' in.fluence des idées nouvelles.
Enf~n, il convient
de souligner que la plupart du temps ces célébrations rituelles
saut ésotériques
et réservées au cercle des parents du mort,
,,,8rne si les festivités admettent un public plus large.
Compte tenu de cette situation de fait concernant
J.cs grands rites de l'au-delà,
il. no nous a pas ét~ encore
donné d'observer concrètement ceUX des trois dernières funérail-
les pour tme conFrontation de leur déroulement avec les dires
des informateurs. Toutefois,
les développements de J.
GOODY,
avec leurs illustrations détaillées,
permettent là-dessus des
... / ...
- 41 7 -

comparaisons fort utiles
(1). Par ailleurs, pour ce domaine
nous avons bénéficié de
sources d'informations assez variées
groupe des Dagara d'Outre-Volta (Nan-Gllwn) à l'occasion de la
réwlion de la Sous-Commission de la langue dagara en Nars 1979
il I~oper, conduit par SONE Jacques (cité comme informateur par
J.
HEBERT dans "Esquisse d'une Nonographie Historique du Pays
Da,c;ara")
et MEDA Charles de Giale ; feu DABIRE K.
Bobeka,
de
la région dagara-wtile de Dano,
du village de Gwagwa,
qui fut
l'informateur de notre ainé [eu SOriE B.
Bozie,
du centre Vol-
tarque de Recherche Scientifique, aujourd'hui CNRST (ex-IrAN
de Ouagadougou)
(2)
; plusieurs informateurs du Département de
Koper qui est particulièrement appauvri en rit"s par suite de
la pénétration chrétienne.
Notre voeu est de pouvoir
compléter
nos
infor-
mations sur ces rites dont nous présentons ici les ~rands traits
ei; dont les détails et la richesse sont de nature à étonner.
Pi\\itACTIAPHE I
:
"B A 0 -
B U U- D A
Ali OU RECHERCHE
RITUELLE DES CAUSES DE LA l-~RT
Tout au long de ce développement,
l'accent a été
",is sur l'importance que rev@t la connaissanc~ des causes de
GOODY,
J.,
op.
ci t . ,
"Death,
Property and the Ancestors".
Il nous plait ici de rappeler la mémoire de cet atné décé-
dé précocement en Juillet 1979 et d'évoquer le rale impor-
tant qu'il a
joué dans notre projet de jeune chercheur. Ain-
si,
i l a été déterminant dans notre choix du thème des fu-
nérailles,
alors qu'il se proposait lui-m@me à l'époque
d'étudier l'initiation
(baor).
Il nous a fait bénéficier de
plusieurs de
ses
enregistrements sur les
:unér8illes,e~ ~is
en contact avec son informateur de Gwagwa egalement decede
quelque temps après lui.
. .. / ...
- 418 -

la mort,
tant en co qui concerne le traitement du corps après
le décès,
l'organisation ou la prohibition c1es funérailles que
la participation aux cérémonies.
Il importe d'ajouter que
l'inexistence ou au contraire l'accomplissement des grands ri-
tes consécutifs à l'enterrement et des
îW1érailles postérieures
d6pendent eux aussi des causes de la mort. C'est pourquoi,
dans
Url
premier moment (pour inaugurer les funérailles ou avant de
s'y rendre,
par exemple)
on se contente d'"ivoir l'approbation
des Anc@tres en immolant un poulet qui doit expirer sur le dos.,
mais
dans une deuxième phase,
i l
s'agit de découvrir les causes
de la mort, par référence bien entendu aux plans socio-moral
et des relations myitiques.
En fait,
la recherche des causes de la mort ne
commence pas seulement à
IIBao-buu-dâa ll
a)
- aux funérailles d'un "bao-buurè"
(devin), ses compa-
gnons en guise
de
"zanu"
exécutent une séquence de divination
au pied de "paala"
(hangar d'exposition)
et par là recherchent
r6elloment la cause de la mort
b)
- le rituel de "s"'<-tuofu" ou "port de natte magique"
dont i l
a
été question à propos des sorciers comme morts qui
n'ont pas droit aux funérailles
(1),
s'inscrit comme une occa-
sion privilégiée cie dépister le cas de mort par sortilège d'un
ennemi personnel. A cette épreuve se joint uneautre :
le test
de boisson additionnée de
terre
("T@gan"
se charge dans
ce cas
de faire la part de l'innocence et de la culpabilité), ainsi
que tous les cas de comportements anormaux à l'occasion des
funérailles
;
(1)
Cf. Partie II,
Chapitre 1.
... / ...
- 41 9 -

c)
-
de m@me au déces d'un fils,
après l'enterrement,
la
[j1'~re et le père sont amenés, chacun de son c8té par dp.s amis,
du moins si cela ne représente aucun risque de
désordre au
royer abandonné
(1).
Ils seront raccompagnés à leur domicile
après deux nuits,
mais auparavant leurs h8tes
les amènent
en
consultation chez un devin,
afin qu'ils soient informés avant
l~ur retour au foyer de la cause du décès de leur enfant •
.-
Une fois chez lui,
le parent en deuil s'emploiera
A vérifier la première divination en consultant un deuxième,
et au besoin un troisième dp.vin,
surtout
en cas
de contradic-
tions~;';ais l'échec de ces tentatives isolées et tous les cas
de mort brutale ou par "faute de T~gan", cas dits de "mauvaise
:::ort"
(Kuu îaa), obligent À recourir au rituel solennel de
l'Rao-
bï.lU"
qui rassemble les parents paternels
et maternels du mort
a.insi que les alliés
en services réciproques
funéraires
(cè-
::u-taa-det:1),
comme aux premiers moments du décès
()).
Le rite de "Dao-buu ll
se déroule en deux temps.
Dans un premier moment i l s'agit d'une véritable enqu@te sur
les causes de la mort,
qui
se situe au m~me jour de la selnaine
(1)
Il est à rappeler qu'au décès d'un conjoint,
son partenaire
attend au domicile le badigeonnage à l'argile
(yaw-guo).
S'il s'agit d'un enîant en bas 8ge qui décède,
seule la mè-
re est amenée après
l'enterrement chez ses parents.
(2)
Cas de mauvaise mort:
cf.
IIème Partie,
Chap.
l,
paragr.
II.
Comme messagers pour ces
consultations,
sont choisies
en général
des personnes qui,
tout
en étant
extérieures au
ligna,ge,
lui sont liées,
telles les "arbili"
(neveux/rtièces)
ou les membres du groupe allié des funérailles
(cè-ku-taa-
dem),
afin d'éviter de la part des devins des sentences de
complaisance ..
()
Sont exclus cependant les cas de "kllu faa"
où le mort n'a
pas droit aux funérailles.
. .. / ...
- 420 -


SCIIEMA N° 20 :
"I3AO-DA-GOL"
(DIVINATION A LA CANNE)
--------DA-GOL (canne
à crochet)
~.~-- Main du devin
Main du
client
/1
//(;i)
/
'-'
1
2
1. Cauri
:2: I30is fourchu
J. Ecorce d'arbre
4.
Eclat de roche
5.
.Coquillage
6. Rout de fer (q~eue de pioche)
7. Morceau de peau do gibier
8. Ai,o;uille.
-
421 -

.
que celui où
le décès
est survenu,
soit un
"rlaa"
(lImBrchp'1I
on si~ jours) an.r0s
(1).
Au
jour correspondant
à celui de
l'enterrement se déroulera,
en seconde phase de
"Bao-buu-dSa",
la c~r~monie de réparation suite i
la découverte des
fautes.
~ toutes ces occasions, la biire de divination (baw-huu aaa)
est appr8tée aux participants.
Il existe deux types de divination,
qui peuvent
~tre associés à l'occasion de "Bao-buu-dll.a", alin de confirmer
par les recoupements de leurs conclusions la cause
(ou les cau-
ses)
de la mort.
Il - ~j~A.w_DA-GOL", LITTEnAL8HENT
"DIVINATION A LA CANNF:"
(VOln SCHEMA N°
20).
Ce premier .type de divination est pratiqué par un
détenteur de "k8ttlm8" ou fétiches de "Tl\\gan" modélés avec de
la terre provenant d'une termitière appelée "k8-tll-tâbir"
(ter-
Ditière de "klltllm8)
(2).
Il nécessite essentiellement:
-
cinq à dix cauris,
selon l'origine des "ktltllm8",
destinés à apaiser ces derniers et à obtenir leur inspiration
-
un poulet à immoler avant la consultation pour
s'attirer protection et grâce;
(1)
Avant que les jours de la semaine du calendrier romain soien1
connus,
on se référait aux l-Iarchés,Jespllcés
de six
jours.
Entre autres,
"kpAa-daa",
jour de repos
dagara,
ne devait
pas etre perdu de vue.
(2)
Sur "1<8tllml\\" ,
voir Partie l , Chapitre III,
relatif aux cro-
yances dagara.
. .. 1 ...
- 422 _

-
une clocl1ette ou castagnctte
(s8-sewr)
pOllr
in-
voquer les esprits et.dompter l'environnement
-
une housse en peau taIUlée
(WHO)
contenant des
Aéléments de divination"
(kpân~), en :fait des objets diver .. ,
ayant,
comme le dit B.
SOME Bozie,
chacun son histoire
: cauri,
écorce d'arbre,
bois :fourchu,
éclats de roohe,
bout de fer,
morceau de· peau, aiguille,
etc ••. Chaque devin détenteur de
"1~8t8mê" et de "wuo" (peau, housse) a ses rtkpanê". !-lais le mes-
sager qui accompagne l'endeuillé auprès dù devin reçoit de la
Famille de ce dernier housse et "kplù1è" en vue de la séance de
consultation.
Aux dires d'un informateur, les "kp~nê" d'un
devin ou ",ruo sob"
(détenteur, propriétaire de housse,
autre
appellation du devin)
peut atteindre le nombre de quarante (40)
-
une canne
(da-gol)
ou bois crochu (cf.
Schéma
n" 20 ci-dessous).
Après avoir immolé le poulet,
le devin
invoque,
au
son de la clochette,
"mwin"
(le dieu de la· divination)
et"Tl!gan"
(Puissance Terre),
auxquels i l associe les Anc~tres, et solli-
cite leur aide pour le succès de l'opération (bawr kabru). Cet-
te séquence,
d'après
B. SONE Bozie, peut durer de 15 "
20 mi-
nutes (1). Puis i l invite le client à saisir le crochet de la
canne pendant que lui-mllme en tient la qucue.
A chacune de ses
:interro,<:çations,
la canne mue par W1 esprit,
sensiblement,
se
soulève,
se promène au-dessus des objets épars,
"&léments de
divination",
et résiste ou au contraire s'abat plus ou moins
( 1)
B.
sm·lE ilozie, "Organisation poli tico-sociale tradi tion-
nelle des Dagara",
Article cité.
... / ...
- 423 -

..
" ' ' ' ' l o . ;
l
I l
l
vi,~oureusement sur l 'Wl 'des' t1kpane" repandus sur
e
s o .
eque
est désigné en dagara comme "bir"
(1). L'indication de plusieurs
éléments successivement crée des associations
signifiantes que
1., devin se chargera de traduire i son client. Par exemple,
l'associati.on "cauri-bois
fourchu-coquillage"
pourra
signifier
lt!:lenace
de noysfle pour omission de
îunérailles paternelleg ll (2).
La vigueur de la frappe témoigne du degré de véracité ou du
caractère impératif de l'indication.
Le devïn pourra ainsi in-
tcrrogor
:
1.
"S8a l<pim!\\"
:
esprits oes .<\\nc~tres paternels
Z.
"M3 -kum min"''' : l es grands -mères (défunt es)
:3.
"wiè":
la
Brousse t
incluant
les animaux sauvages,
dont
certains ne peuvent @tre
tués
sans que s'ensuive une mé-
dication de protection ;
/1.
-
"Saa"
:
Pluie,
incluant la foudre
(cas où l'interessé au-
rait par exemple brillé du bois d'un arbre abattu par la
foudre
et non "refroidi" par le rite de
"miru tl
(aspersion
de refroidissement)
5.
-
"T~ganll
Puissance-Divinité Terre
il _ agit en cas de
violation de tout interdit relatif aux produits de la Ter-
re
: produi.ts naturels,
d'élevage,
d·agriculture ....
En
cela~
i l
inclut
souvent
"'''iè ll ,
la Brousse;
Voir Schéma nO
20.
"Bir",
au pluriel
:
"bie",
a plusieurs
significations:
noyau,
résidu,
sens,
consistance.
Ici,
i l
slagit de "kpânê"
indiqué par la canne de divination
(da-
gol)
et donc de la révélation du sens.
(2)
"Cauri-bois fourchu-coquillage"
:
-
cauri
(cauris)
:
ressource
fondamentale
dans
les
funé-
railles
-
bois
fourchu
Bois
Ancestral;
-
coquillage
relation i
la mer,
a
lleau.
. .. 1 ...
- 424 .._

"K8tem~"
esprits de la brousse
}~ntagne, For~t, Ri-
vière,
etc.,
qui peuvent ~tre domestiqués et consultés,
mais
aussi qui peuvent s'attaquer aux humains.
m~me à
leur possesseur
-- etc...
(1).
2/ -
"BAO-CUTl" ou " to ousse de divination"
Le deuxième type de "bao buu".
quant à
lui,
est
p:-atiqué par un devin détenteur
de
ubao
eur",
sorte
dp- petite
:)Ùurse
en peau contenant de petits cauris
(coquillages marins)
en nO[J1bre
pouvant atteindre 500 et 700/(2}.
A la différence du premier
qui est une t'divination d 1 intérieur 1',
i l est appelk
"divi.nation
cl 1 extérieur".
Après
l'invocation habituelle à
"mwin 11
(dieu de
la
divination),
à"T~gan"et aux Anc~tres, le devin secoue sa bourse
~t co~~cnce son interrogatoire
i l nomme une cause de mort,
puis i l projette les cauris de
"bao-eur"
sur une aire
(gbal),
(1)
Voir les puissances cosmiques et les fétiches,
Partie T.
Chapitre TIl relatif aux croyances.
(2)
Ce "bao-cur"
(bourse de divination)
diffère de celui qui
est utilisé pour la désignation de "siwra" (Dsprit gardien)
de l'enfant et qui contient à la place des cauris des objets
représentant les esprits gardiens des hommes,
au nombre de
sept,
selon l'information de P. HIEN (l-!émer) •
. . '/ ...
- 425 -

préparéed'avance.
Ceux-c.i,
d'après leur position approuve ou
dôsapprouve le choix (1).
Il réitère son opération jusqu'à
ce qu'une cause conlirmée, du décès soit trouvée.
Dans le cas
où les
delDc pratiques de "bao buu"
sont
utilis6es successivement,
la causalité
indiqu~e doit ~tre la
:;;ême 011. du moins ne pas
~tre contredite.
3/ - La rémunération du devin (bao buurè)
La qualité de "bao buurè"
(devin)
s'acquiert en
"'''r.le temps que le médicament (t!i) de "bagè" (initié). Cela
o~)lige le candidat à payer tme certaine somme FlU
maitre
(hao
33.a). Il devient ainsi "bao sèla sob"
("détenteur de la pondre
noire des
initi~s"), entre par li en possession du 'secret rte
la divination et accède à son tour au statut de ma!tre. Sans
lc paiement de cette somme,
le médicament
(t!i) peut ~tre ac-
quis, mais le bénéfice de son travail irait toujours au ma!tre.
Ci"
comprend dès lors que le revenu par client soit fonction
du milieu social
et du prix d'acquisition "du médicament ou
droit de divination
couramment i l Y entre des
cauris,
mais
aussi de la volaille
(une poule)
et des produits agricoles.
8tant donné les grands frais qu'entra!ne le cycle
cor.~let de l'initiation
rlépenses· en cauris,
mil, nombreuses
~oules et ln~me en b~tail, celui-ci est entrepris le plus sou-
vent par n~cessit6, par exemple en cas de maladie,
de déc~s
._-_._..._------------
(1) Les causes invoquées sont les marnes que ci-dessus,
d"ns
l'interrogatoire:
"SAa kp!m8,
Mll-kum mînl1,
Saa,
T8gan"
(Anc8tres paternels, maternels,
Ciel,
Terre) .•.
. . . 1 ...
- 426 -

en famille ou de malhehr"quelconque
(1). L'initiation (baor)
par suite de troubles d'ordre psychique est une véritable cure
s'achevant par l'installation de fétiches
(k6t8m0) au compte
de l'ancien malade.
Mais l'initiation (baor)
peut @tre dictée par la
volonté d'un a1~fermissement moral et religieux,
au terme du-
quel le candidat accade au statut de "bao-kara"
(initié en
chef).
Il peut alors s'acquérir le médicament de "bagè" (initié)
et se r.lunir de "bao-cur"
(bourse de divination)
ou Se faire
installer les fétiches qu'il juge efficaces. }lais pour ce der-
nier cas,
i l doit 0tre capable d'assumer les frais d'installa-
tion :
bière de mil en grande quantité, volaille, voire
bé-
tail
(dont le chien dans certains cas)
et
cauris
(2).
4/ - L'achèvement du rite de "Bao_buu"
Une fois la cause de la mort découverte,
i l reste
a remercier les esprits et les Anc@tres et à
s'alimenter copieu-
5~i:lent .. Une première fois la bière de mil, apportée dans un
petit canari est répandue par terre. C'est la maniare de donner
il la divinité, à "T@gan" et aux esprits, dont le mort lui-m0me
qui a été intégré par l'enterrement aux entrailles de "T@gan".
(1)
Plusieurs informateurs présumés n·és entre
IB90 et
1915 indi-
quent comme prix du médicament
(t1i)
de divination, la som-
me de 3000 cauris.
Et un ancien devin (ayant accédé à Ce sta-
tut par voie de cure thérapeutique)
précise que durant son
émigration au Ghana où i l était allé chercher du travail sa-
larié,
i l percevait dans ce milieu quatre shillings
(environ
150 r CFA à l'époque,
soit près du triple des frais demandés
dans son village d'origine) par consultation et par client.
(2) L'installation comporte au minimum trois fétiches:
"mwin"
(le dieu de la divination)
; le fétiche mAle (keton daa)
et
le fétiche
fémelle (keton pow).
... / ...
- 42 7-

~Iai.s il peut arriver que la recherche de la cause
de la ",ort dénonce un cas de "kau faa"
(mauvaise mort) qui,
jusque l i , n'avait pas ét~ révélé. Dans cette situation, les
actes accomplis
depuis le décès vis-à-vis du n~-runt ne sont
pas remis en cause. Mais i l est procédé i
la réparation de la
1.-aute ayant
entratné
la mort
et qui menace
toujours
les membres
du groupe Familial,
avant de poursuivre,
~'il y a lieu, la
célébration des riteB
funéraires postérieurs à l'enterrement.
La bière
(dAa)
de rémission (qui a lieu ~ la mémoi-
re hebdomadaire de l'enterrement)
réunit encore le clan en
deuil et les alliés pour le sacrifice de réparation à
"Saa,
T8gan,
Icptm8,
k8t8m@" ou autres,
selon la révélation de la di-
vination
car dans la mentalité dagara,
comme dans celle de
[)eaucoup de peuples africains,
la mort implique une faute qui
doit @tre matériellement réparée pour la survie du mort dans
Itau-del~ et le bonheur de ses parents vivant toujours SUI"
terre (1). La cause de la mort n'est jamais d'ordre scientiti-
que,
elle renvoie toujours
:
-
a
un sorcier,
malfaiteur public,
notamment pour ses
attaqu(!s
nocturnes des
"sirli
(liâmes!!)
des humains!
- 3 un ennemi personnel,
parent du clan paternel ou maternel,
avec qui le défunt est lié par des intér~ts communs et qui s'en
prend i
son l!tre substantiel
(siè)
-
~ la .violation d'un interdit social de grande port~e cosmo-
logique:
inceste,
crime de sang,
vo1.,
e t c ;
(1) Cf.
BADINI,
A.,
Thèse de Jème Cycle, op.
cit.,
à propos des
Hossi.
. .. / ...
- 428 _

-
aUX manquements aux volontés des Andhres ou aux exigences
. ~.
.
.
de l'une des nombreuses puissances cosmiques ou esprits qui
peuplent les eaux,
les monts,
les arbres,
la
brousse et les
c1or:li cil es.
La mort relève toujours d'une causalité mystique
R
effet magique
en rlernière analyse,
m~me si, par ailleurs, el-
l~ admet des causes matérielles inunédiates__
La recllerche des causes de la mort
est lin aspect
si important des runérailles qu'elle se prépare lon,o;temps avant
le rite de "Dao buudAa",
mIme si c'est a cette dernière oc-
casion qu'elle réalise la mobilisation sociale la plus intense
et la "rationalisation"
la plus poussée de toute indication an-
t{}rieurc.
Seules
ses conclusions autoriseront ou pas
les
étapes
ultérieures des célébrations funéraires.
On y
trouve de véri-
tables astuces psychologiques,
des manifestations divinatoires
mais aussi,
Cl est
l'occasion d' exhibi tians· historiques allant
dans le senS d'un jugement du défunt dans l'accomplissement
de ses devoirs
sociaux
et religieux et,
à travers lui,
tout
le clan dans
ses relations avec ses voisins.
C'est donc l'oc-
casion d'un retour du lignage en dellil à lui-m~rne, pour se con-
sidérer dans ses défaillances,
en m~me temps que celle d'un
test.
Car la bière finale ne saurait Stre consommée
en asso-
ciation avec le mort,
les
Anc@tres t ..les puissances cosmiqup.s
et la divinité,
par un memhre coupable
et impénitent
sans pro-
duire d'e"fîets
rllnestp-s
A. .5ns dépens.
... / ...
- 429 -

PMU\\GRAPHE
II :
"KG - DA -
'l'Ua" OU RITES DE TRANSITION
D~ PREMIER AU SECOND AG~ DE LA RENAIS-
SANCE APRES LA MORT
Dès
son avènement,
la mort
instaure une atmosphèrp.
spéciale,
un règne à part,
précisément le
t'règne de la mort"
qlli r&git le d'funt,
ses proches parents
et leur environnement.
!::n
effet,
au nom des relations qui lient le mort à SOn milieu
de
la solidarité qui ltunit à ses proches parents,
tant au
titre des liens de la parenté qu'au nom de l'extension m~me de
son ~tre mystique (1), i l Y a un entra1nement de tout le "grou-
pe du mort" dans la nouvelle conununauté ainsi créée ..
Tout comme
le clan entier se trouve contaminé
en. caB de faute grave commi-
Se
par llun de
ses membres
et
se trouve de ce
fait
exposé aux
sanctions mystiques,
c'est tout le groupe qui est
ici atteint
par la mort.
C'est pourquoi le passage de la mort n'est pas seu-
l r:r.lent vécu comme
la perte
d' lm
individu,
mais
comme
une menace
cl1almihilation du groupe lignager
et marne clanique par expan- des
sion de la mort,
ce qui
justif'ie p1eurs et lamentations,
arrl~t/
Rctivit6n
et n~cessite la recherclle des voies de renaissance
~ travers les rites.
A la question expresse de savoir comment
expliquer
le fait que tout Dagera arrivant eux f'unérailles,
m~me d'un
inconnu,
se mettp
à "pleurer"
(m~rne si ces pleurs sont plus
rituels que réels)1
la réponse,
après un moment de surprise,
(1)
Çf. la conception de la personne chez les Dagera, Partie l,
~hapitre I.
. .. / ...
- 430 -

a
6t~ la suivante : t'Finalement chacun pleure son cas"
(a u
tl10ra dem-a nga mi kone).
En effet,
de loin en loin,
cllacun
sc trouve concerné par le
cas de mort.
Le ri te de "yao-guo"
(badigeonnage it l ' aq;ile)
dont
i l a
été question plus haut,
en m~me temps qu'il indique cette
aIUlihilation en matérialisant la "neutralisation" des endeuil-
lés,
amorce le processus du salut. C'est ure protection qui
évite d'en venir à l'anéantissement physique et moral
en ml!me
temps qu'elle
fait prendre conscience de cette regression au
stade du tout-petit,
elle contient un espoir:
celui de gran-
dir.
Ln veuve,
par exemple,
nettoy~e par l'officiante i
l'yao
guo",
baignée et
"v~tue" de fibres - tenue non élaborée - re-
vient en quelque sorte à l'état de nature,
comme à ses premiers
jours.
Le moment de "lw-da tuo"
(il va marquer un progrès
dans le devenir des
"gens d~ la mort l '.
Dans les
termes
"ko-
c1~-tuolf, le déterminant "tua" signifie Ilamerll, au sens propre
ct au Bens "figuré
(Uva-tuo"
feuille amère;
"no-tuo"
: parole
a;;\\ère, malédiction),
grave,
pénible
(ll ye l
tuo"
af'faire,
situa-
tion grave,
pénible)
ou qui oblige
("ba tuo"
ami obli,o;eant
;
"bom tua"
:
chose nécessaire) ..
La signification de
"Ka-dA-tuo"
set"ble tenir de tous ces sens au figuré, .en tant que célébra-
tion qui n'a pas une ambiance de f@te,
mais rappelle encore leB
premières funérailles et les enterrements symboliques et oblige,
tant du point de vue du procès du mort vers le séjour des An-
c~tres que du point de vue de la renaissance de seS parents
à la vie terrestre ..
(1)
"Ko-d!l-tuo".
littéralement traduit:
"Bière amère de funé-
railles";
on pourrait
dire
HBière de funérailles à ris-
ques ou à problèmes~
... / ...

1/ - Les implications morales,
sociales et temporelles de
"Ko-dS-tuo"
A propos des rites de "Dao-buu dSa", i l a été dit
qu'en cas
de
falite
irr~parable, celle qui entratne habituel-
lement le
bannissement ou la mise i
mort,
telle le meurtre
ct 'lm 1tïr(~rell de clan,
ou l'attaque
sorcière mortelle vis-à-vis
dlun proche parent,
surtout du groupe paternel,
le cycle des
:'ttnérailles est interrompu par la suppression des ri tes posté-
:-ieurs et par conséquent de "Ko-dS tuo".
Il en est de mf!me
ùes fautes ou situations
inftimantes,
telles mourir par un Fé-
tiche "Da-nYiur /( ce 'qui suppose une conduite particulièrement
'
répréhensible)
ou le jour férié de "KpSa-daa". Pour toutes les
causes de "mauvaise mort"
(K(lu faa)
donnant lieu à des funérail-
les sommaires ou pas du tout,
i l ne saurait y avoir -
lorsque
celles-ci sont démasqut.es -
de poursuite des célébrations fu-
néraires,
lesquelles débouchent nécessairement sur l'instal-
lation du Dois
(Kpli,-daa).
symbole de l' Anc~tre devenu gardien
de la famille
(1). Par contre, pour des fautes ou des situations
moins dangereusœ mystiquement
et
donc moins compromettantes,
le paiement de la dette de réparation auprès de la chefferie
de terre permettra une fois
la :faute découverte,
la poursui te
des funérailles
(2). Il convient de noter que dans tous ces
cas,
la fortune,
la renommée,
le pouvoir social,
jouent un
.o;rand r6le
dans
le
dia.~nostic,tant que celui-ci n'est pas im-
posé par les
faits
comme dans le
cas
du sorcier dénoncé par
~~G épreuve-test.
_._._--..._ - - - - - - - - - -
(1) On ne saurait placer un mort marqué par un esprit rtangereux
à la garde rte la Famille (par exemple, dans les cas de mort
par Loudre ou par maladies infamantes telles la lèpre ou
la l'olie).
(2)
A titre d'exemple,
le crime de sang (meurtre d'un membre de
la meme circonscription de "T~gan" ou chefferie d" terre)
occasionne une dette de réparation d'au moins un boviné
et de
di~ mille (10.000) cauris (information donnée par SONE P. D.
'jol-tb et
DAfJIHE A.
NaIll).
... / ...
- 432 -

Les ri tes 'de- "Ko-da-tuo" r·~présentent une étape
plus avancée de purification ou ùe renaissance que les précé-
dents.
Ne dit-on pas
au dagara qu'au décès, "Kp!in" s'ins-
talle sur un gardenia,
a u x
brindilles piquantes, nommé
l1s.:;f\\zur", ;jusqu'à
"Ka-dB-tua"
où i l descend à l'ombre de cet
arouste.
Il attendra l'exécution des quatrièmes funérailles
(Ko-dS
'ruaar) pour pénétrer au séjour des Anc@tres
(KplmfJ T@,..).
Cntte métaphore topographique permet aisém~nt de comprendre
l'é1.IJaisCL1Bnt progressif' que les ri tes post-mortem confèrent
cl
l'ame,
singulièrement de la mort tl.
"Ka-dg-tua",
et
justifie
la dénol:lination de "Ko-dB-tuo" comme célébrations rituelles
p611ibles
et n~cessa{res. Aussi ne suffit-il pas seulement rte
préparer "Ko-dB-tuo",
i l faut
effectivement que les éléments
d'un tel apaisement soient réunis:
connaissance de la cause
de la mort,
entente dans "yir"
(Famille:
lignage,
clan), pos-
Dcssion des ressources matérielles nécessaires pour les célé-
brations . . .
De ce fait,
i l est difficile de fixer un délai
précis entre le décis et la date de "Ko-dA-tuo". Les informa-
tions recueillies indiquent dans leur ensemble que si une
personne décède au début de la saison sèche,
"Ko-dll-tuo" peut
Durvenir avant la prochaine saison ùes pluies,
et les quatriè_
mes funé.:-ailles
(I<o-dll
'ma"r) après les récoltes. Toutes consi-
()&rations faites,
la fortune
du groupe en deuil,
les alli~s
y
compris,
semble déterminante :
i l îaut atre capable de pour-
voir en céréales
en volaille et en bétail pour les divers
t
rites.
En caB de dp.tte de
"T~gan" à payer, il faut disposer
en outre de cauris en grand nOlnbre ou pouvoir sten procurer
par ses autres richesses,
sans toutefois compromettre sa sub-
sistance durant la période de disette,
aux mois de Juillet
oi: d'i\\ollt.
... / ...
- 4.3.3 -

D~ nos jours, les delais que couvre le déroule-
l:lcnt des rites
fun~raires post-mortem sont r~duitB. On assis-
te de plus en plus à une simplification qui diminue les élé-
i~ents constituants des rites et les delais dlex~cution, con-
duisant ainsi Vers une
id~alisation plus pouss~e du symbolisme.
,\\ ce propos,
le R.P. GIRAULT Louis pense que l'accomplissement
des rites funéraires qui nécessitait dansJ.e passé le cycle
ct 'tille année v~g~tative peut désormais ne r~quérir que la durée
àe deux mois
(1). A titre d'exemples, les cérémonies de "ko-
da-tuo" de KPIELE X,
décédé à Guéguéré en Juillet 1987 se sont
déroulées en Mars
19BB, tandis que les rit.es Cunéraires de
iJSKUONE ,smm K. de Mémer,
décédé a la mi-Octobre 1987, étaient
entièrement exécutés en fin Hars
1903,
rrKo-d8-tuo" et
"ka-da
t;',1aar'l y
inclus
(2).
Les rites de "ko-dfl-tuo" n'existent pas pour des
jeunes gens
d~cédf~S avant leur mariage. Dans ce cas, la cou-
tume les associe aux célébrations funéraires
rj1 un
autre parent
qui,
lui, a pleinement rirait aux rites. Pour ce faire,
on ajou-
te symboliquement et par trois fois une calebassée de mil germé
ù la quantité prévue pour la bière rituelle. Les trois cale-
bassées indiquent qu'il s'agit d'lm homme;
quant à
la jeune
é"ille 1 la coutume l'assimile à l ' 'mfant. Lorsque le jeune homme
0S~ marié et sans enfant, les cérémonies puriîicatoires de la
vnuve sont
tr~s sommaires et le deuil moins exhibi et &courté,
(1) Cf. H.P. GIRAULT,
Lou:l.",
in "Bssai sur la Religion d .. s
Da-
gara,
Bull. de l'IFAN,
T. XXI,
Série n, Nos J-~, 1959.
(J)
D'apr~s lémoignages des îils des disparus, respectivement
SOi-IE
Dairbar et SO~IE K.
François.
... / ...
- 434 _

18 conjoint n'étant pas encore très engagé dans le clan et
pouvant ~acilement, apris le deuil,
se remarier ailleurs
(1).
Les rites purificatoires de l'homme,
dij~ sommaires,
s'artout lorsqu'il s'agit d'un poly,l;ame,
sont inexistants lors-
que la ùéfunte est une jeune épouse.
Celle-ci n'a pas droit à
"l,o-d!l-tuo" dans le lignage de son mari.
Bien plus.
i l est à
rappeler que dans le cas où le deuxième versement de la "dot"
n'est pas effectué,
le corps de la défunte Devient de droit
n .... 1 clan de ses parents, auquel elle appartient pour touj ours.
Cependant,
i l arrive de plus en plus qu'après palabres,
les
funérai.lles soient quand m~rne maintenues au domicile du mari.
;:ais en Juillet 19[\\5,
l'occasion nous a été donnée de parti-
ciper ntŒ premières funérailles d'une jeune femme décédée chez
50n mari
et réclamée par ses parents.
Le fait
découle souvent
de mésententes ~ntérieures. Par exenœle,
dans le cas cité,
ln lemme avait été ramenée malade de C8te-d'Ivoire par Bon
CpOllX,
sui te à
des querelles.
2/ - Le~§roulement des rites
"Ko-dB-tuo" représente un ensemble de rites îu-
néraïres dont l'approche est annoncée par les conjoints du mort
nux parents concernés(qui,
en lloccurrence,
apportent leur con-
·~:.-ibution aux prp.paratifs)tout conune le décf::s l'avait été,
-
_._-_.-.._ - - - - - - - -
(1)
La veuve,
~ l'issue du deuil, est libre de se remarier dans
le clan,'de son choix.
r-tais9Juvent la proximité des enfants
est invoquée pour un remariage dans le clan du mari dé·.funt,
bien que les .raisons psycho-sociologiques d'ordre personnel
ne soient pas non plus négligeables.
• • •.1 • ••
- 4.35 -

c1''Ltne
f"açon plus généralisée cependant,
par les
"messagers rie
la wort"
(J,o yerbè) mandatés par la conseil du clan.
Au début des cérémonies,
au jour commémorant le
décès,
plnu~s, lamentations et jeu de balafons fusent à nou-
Veau (1). Les proches parents du mort sont encore blanchis et
portent éventuellement des tenues travesti.es.:
colliers de
cauris pour les enfants et les hommes,
v@tements masculins
pour les femmes,
surtout les plus âgées et·les filles du mort.
De nos jours,
sans doute à cause de la raréfaction des cauris,
on rencontre aussi des bandoulières de fibres,
comme ce fut le
cas d'une endeuillée aux funérailles de Kp8.nyan@ S.A.,à Dissin,
en Octobre 1985.
a)
- La toilette rituelle et purificatoire du conjoint
Tout comme à
"yao guo"
(badigeonnage· à l'argile),
les veuves sont traitées par leurs soeurs classificatoires
(pol·r-ya-taabè) ou leurs tantes paternelles
(saa-mA-m1n@ ou
pure m1n@),
souvent celles mariées dans le m@me clan. Les veufs
le sont par des " ..âa-ma-m1n@" ayant atteint l'llge·de la méno-
pause et 9tant,
de ce fait,
assimilées à des hommes
(pow-yir-
dC;'l).
En guise d'i11ustration,
référence sera faite à la toi-
lette de la veuve qui rev@t plus d'envergHre et plus de signi-
:L~i.cation•
(1)
Il est à rappeler que ce jour est fonction de la locali-
sation de celui du décès par rapport à un March'. Soit deux
ou trois ·jours,
par exemple,
avant ou après le Marché de
Coro,
de Hamile ••.
... / ...


La veuve est,conduite sous une gouttière dans un
coin,
derrière lamaison~0Raséè, elle se tient sur une vieille
natte, conjuga1&oK l';~~:~;~{èia':'te"s;-;~es parentes :'ii-dessus
,
" , ;.).:'.
.
.
. . ' .
nommées,
la déshabillent':'~,!l~:,'ses fibr'e!ï (bigè) ,éventuellement
du vieux p~gne qu' elle i>;'~~'e;'d~pui:à,1.'eXposi tion,~; et la bai-
(
. '
-
,.. .
gaent. L' ;au de. toilette n,','; doi't pa~' ttre absorb~'~, car la
"sal~té" conjugale,qu'el'le' est censée enc'?,.re véhiculer pour-
rait provoquer sa mort
(1). Une fois le bain achevé, la veuve
sort-."i\\ reculons, de .la 'nat te. Pour la première fois depuis le,
débti't du, deuil,,; ,elie est" ointe de, beurre de karité et on lui
donne'à porter dès, cordes qu, ficelles ,(mie) quirappellent'la
péri'ode de son adôlescerice"(pow-kolu)
où elle po'ftait des
ceinturettes de jonc (giirl.
Un homme,
quant à lui, porte en bandoulière une
peàu"ovine ou caprine
'<tannée (gan-yèra)
et un caleçon de-
C_,l
..
puis les premières funérailles jusqu'aux dernières
;
il Sp- sert
en'marchant d'un bllton d'appui
(da-gbal) qui symbolise son
conjoint disparu.
(1)
Voir la notion'de "saleté" au Chapitre I,
Partie J. L'eau
qui ,lave la veùve de la "saleté" de son mari ,défunt véhi-
'cule ce dernier;
en l'absorbant,
la,veuve se fait pos-
;sé'der par la mort' (elle absorbe la ,Mort).
Il Y' a non seu-
l,ementmaintien,mais intériorisation de l'impureté. Le
ge!>'te,àùivànt";'( s'ortir à reculons)' signi fie àu' contraire
l'enl'èvement"ie,retour à la positi.on antérieure d'avant
la salëté' (voir' Partie':'!I, Chapi.tr'e I, àprop,os des der-
nières volontés :du mO,urant,
la, notion "d ',enlèvement" ou
de "rappel de' Isbol1che lt->,;
... / ...
- 437 -
.•'""1....- ~--:--- ..

1J)
-
Le dernier repas
conjugal ou la commensalit~
ambiguë
:
Apr~s le bain, la veuve cst invit~~ ~ alimenter
lTK"p'in"
(esprit)
dp. ..3on ma.ri
par quatre fois
elle reçoit
de la nOllrriture d'une or~iciante et par quatrf! fois elle le
je.tte par 'terre.
Elle procèdo de mame llVee de la biiire de mil,
avant de r.langer elle-m~me et de boire.
A propos de ce repas de "Kptin",
un inîormateur,
l')l:'és~C:lé né en IB90, avance que la purée de mil rituelle ("saab"-
10 plat traditionneldagara)
est prfiparie avec des crottes
de r.H1rgouillat et le service déposé par l'officiante sur le
revers de la main,
autant de fois qu'il faut
(t~is ou quatre
[ois suivant qu'il s'agit d'un veuC ou d'une veuve),
et pro-
jeté chaque fois par terre.
Il va sans dire que cette commen-
.salité avec "Kp!.in" du conjoint est une ~preuvc -
test encore
plu:J r"rJoutahle que ceux de "t8"
(confirmation du riroit ri'ali-
':ccntatiOl')
et de "yao ,«uo"
(badigeormage il .1' argile)
qui im-
I)lique,
cO:i1me i l fi été dit, un endorcisr.1~ d~ la mort
(1).
c)
-
Apurement des bien:J du "'ort
A l'occasion de "ka-dB-tua",
tout comme déjà ,À, cel-
l~ de "yao guo" (bariigeormage à l'argile) et plus tard à "ko-
da
'maar ll ou dernières funérailles,
i l est procédé à une re-
qi..18tc sur les dettes
et créances du mort,
sous la supervision
(~e son 11](piin" (esprit), ce qui implique une menace de mort
?Ollr
tout tricheur.
(1)
SUY les
cérémonies de "ko-da-tuo" et d~ "ka-dA
'maar tl ,
on
trouvera des informations très détaillées chez J.
GODOY,
op.
ci.t .. ,
"Oeath,
Property and the J\\ncestors'..' ..
Il
est à
noter que dans bien des cas,
les célébrations rituelles n'on
plu.:.:; aujourd'hui cette importance.
-
438 -
... / ...

De nos jours,
cette requ~te a lieu habituellement,
en milieu christianisé,
au cours de l'exposition,
avant la
dispersion de l'assistance,
à la faveur du rituel dit "garde
de balafon"
(gil gub),
surtout lorsque le décès a été brutal
et n'a pas permis de recueillir les dernières volontés du
mort.
Il convient ici de souligner que ces rites portent
les caractéristiques des sous-groupes dagara et,
m@me au
sein de ceS sous-groupes,
des distinctions selon les régions,
les localités ou les clans sont observables. J. GOODY faisait
déjà ressortir l'importance de ces variances
en comparant
quant aux ri.tes,
dans "Death,
Property and the Ancestors",
deux groupes
de
llLo-Dagaa" qu'il
nomme
"Lo-\\·,Tiili" et
"Lo-
Dagab a"
(1).
3/ -
Vers des relations de type nouveau
entre vivants et mort
La première période consécutive au fait létal se ca-
ractérise par un chaos généralisé qui stexprime au niveau
-
des personnalités
:
par les travestissements des tenues,
les
saupoudrages à la cendre protectrice et dissolvante
;
-
des groupes, qui sont désormais m@lés : alliés des services
funéraires
réciproques,
alliés matrimoniaux et clan en deuil,
habituellement séparés par la coutume;
-
des activités,
arr@tées à l'occasion des
funérailles.
(1) Notre intention n'est pas ici de nous arr@ter sur les
structures ethniques définies par cet auteur dont le ter-
rain d'investigation déborde notre cadre d'étude,
mais
son groupe dénommé "Lo-Dagllla" nous para!t englober tous
les sous-groupes
dagara que nous avons
dis~ingués.
.../ ...
- '+:59 -

Le badigeonnage à l'argile
(yao guo)
pratiqué le
troisième
jour après l'enterrement
consacre cet
anéantisse-
ment collectif qui suit l'irruption de la mort au sein de
"yir"
(maison,
lignage,
clan,
lignée),
en ml!me temps qu'il
met les proches parents du défunt à l'abri des atteintes
mortifères.
I l s'opère en effet une rupture de la cha!ne des
relations naturelles qui unissaient le défunt et les siens,
Conune le témoignent,
par ailleurs,
le bà'in,
le rasage, le
changement de tenue,
opérations qui visent toutes à
élimi-
ner la
"saleté"
(dèwr)
du mort,
:Corme de SOn
extension la
plus subtile,
la plus tenace et la plus dangereuse
(1),
et
qui
Bont répétées à
"ka-dA tua"
ainsi qu'à
"ko-dA
'maar",
comme nous le
·Verrons.
Hais aussi "yaa guo",
ainsi qu'il a été indiqué
plus haut,
marque la renaissance de la vie,
comme aux pre-
miers temps de l·'enÎance
;
le bain imposé à
la veuve et son
port de fibres,
en cela,
sont hautement significatives.
Avec
111<o-dft
tua",
le groupe "défunt -
parents vivants",
c'est-~-dire celui des "gens de la mort", tout en demeurant
dans le "règne de la mort"
cannait une
transition vers un
second ~ge de la vie. C'est ce qui transpara!t à travers
l'onction de la veuve,
pour la premiire fois
depuis le d~c~s,
et le port de ficelles
(mie),
élaborées à partir de fibres
(bigè),
qui rappellent sa tenue de jeune Sge (2).
(1)
Cf.
BADINI,
A.,
in "Représentation de la Vie et de la
Hort chez les Mose",
Thèse de Jè Cycle,
IIIème Partie,
n" III :
"Les interdits sexuels et la Mort".
(2) Cf. Partie l,
Chapitre l ,
Section II.
En rappel
:
la jeu-
ne fille dagara portait traditionnellement des ceinturet-
tes de cauris ou de perles ou encore des cordes
de
jonc
(mini,
jimie)
tressies,
tandis que la femme,
elle,
arbo-
rait des ceinturettes de cuir tanné et noirci ou rougi à
l'écorce d'arbre,
auxquelles
elle accrochait,
en l'absence
de pagne,
de feuilles
savamment
sélectionnées et entre-
lacbes.
... / ...
- 440 _

Sur le plan de la relation au mort,
la s~paratj.on,
,raire ln prat~ction contre ce dernier,
est toujours recherch~e,
>.I&r.1e plus que
jamais,
car "kp'tin"
(ame du mort),
éject;' de Ce
l:londe et non encore reçu au séjour des Ancêtres,
erre,
jaloux,
autour (ie. la rlp.meure dont on lui interc1it l'entrée
(mais le
:J8ut-on vraiment. ' )
et cherche à
emporter tonte personne qui
e~i.tro en contact de quelqup. manière avec lui. "Ka-dS-tuo lt ,
rle
ce
.
+
pOln~,
dl-:
vue, rep~ro U pe
ries
rites
d,al1~~rellX où celui qui
sc l~~prcnd nt~chappe pas au mort,
qtltil s'a~isse du con,ioint,
des enl"ë:\\!lts,
des futurs
héritiers ou des débiteurs.
C' est", une
]-nlation enga~~e aVec un @tre ct6PODs6d6 et sans repos,
lin e3-
p:.-l t
for t
(nyA -lep!in)
et courrouc é. Comparé à
111<p~in Il
es-
p;:'i't,
ô..:ne spirituelle,
forme de substnntialité pure de ll~tre,
ajstraction raite du corps
(!a-gan)
et de la [oree vitale ou
Il;\\:,:c r.ltltérielle"
(siè),
Il ny§.-lcpîin l' ,
c'est ltl'être-entre-deux-
i:lollde.s ll ,
qui participe de la
vi.e
des ~tres
corporc.1..A:et de
la 3uiJ:::tal1ce ainsi que
de
l a
f o r c e
des l\\tres spiri-
ü1els
(1).
Cependant,
si nouS quittons le "lan des relations
hUl:1ûines passées
(à jamais perdues et désormais d~ngereusesl
aVec ll8tre toujours naturel mais qui n'est plus, présent et
absent,
qu'est "nyA-kptin " , nous voyons se proriler déjA un
autre type de rapport unissant vivants ct mort,
beaucoup plus
rassurant,
mais qui demeure soumis il des exig:ences strictes:
e~'l c:Cfct, la personne baignée est amenée à alimenter "kp~inll
d(~ son conjoint, par la nourrit.ure qui'elle pro:iet'te à terre,
avant de ;~anger elle-m~me. Il sta~it dtune possihiliti rie com-
I:Jensali:.6 qlli demeure au-del~ de la nlort ct qllj. suppose la
{i)
S'àgis3nnt rles sept modalités d'8tre de l'homme,
voir Par-
tie l,
Cllapitre I.
Section I.
. .. ! ...

si la possibilité d'une
telle re-
lation e~~ effectivement acquise,
les vivants pourront,
sans
i)(~'ril, s.:.n.Lve,~arder leur union aU ii10rt. Nais, il faudra que

I l i1UlOCellCO des partenaires vivants
:
conjoint
(s),
enfants,
:l~ritiers, ami (e)s, etc., soit marernent confirm~e. C'est pOl1r-
q~oi cette convivialit~ ~ ce point des cil~brationB demeure
plnt8t une épreuve -
test qu'un acquis.
_~-,;;:,\\ÇpAP)IE III
"KO
DA
'HAA;," OU aIlES D 1 APAISEHENT ET
Q~~AISSANCE A LA VIE NOUVELLE OU PE-
NO UVF:Li',)';
"Ka-dB.
'maar" ou célébratiol\\9 des quatrièmes
funé-
raille!::,
aprr~s l' exposi tion,
"Bao-buu dâa " et "Ko-dS-tuo",
6voque l'apaisement ql1i survient,
apr6s la p~rj.ode cruciale
des ftm&railles,
dans le groupe social sur leqllel
le passa-
~r~ de la mort a fait plal1er sa menace d'annillilation (1). llKo_
dA
'rJaar ll est significatif il plusieurs niveatl.J(
-
~JOUr J.es parents du mort et le gronpe en deuil, . qui rcprA-
5c;'ltent en fait
toute la société
(2)
et qui vont retrouver la
:cl[\\}.::,
',,"oiI'e une vie renouvelée par l'ascèse,
la puri:fication,
en,~in les rênjllstements qu'ont connlsles condllites individucl-
les et los relations sociales
(1)
Dans "Ko-dA
'msar",
Il
'maar" signifie
froid,
fade,
doux,
apaig(~ et
a u s s i
sanS risque,
sans danger.
Le con-
traire est "tnlu"
(chaud),
au sens propre et,
au figuré,
Iltuo !l :
amer,
pénible,
contraignant
(cf' ..
le sens de "ko-dâ
tuaI! ci-dessus).
Ainsi on parlera de "kuô
'maar"
(eau froi-
de)
" n i ' maar"
(personne pas méchante,
sans dan,~er, notam-
~ent qui n'a pas de 'Im~dicamentl' (tii), n'est ni un sorcier
ni 't.lTI empoisonnp-ur) ..
(2)
·vPoi.:c la prés(~nce symbolique des trois groupes
funéraire
r6ciproqu€,
paternel,
maternel ou,
dans le cas de la clé fun-
te,
alli~ matri.monial, ql1i r~alisent lme sorte d'univers
c oi~]rLl û t ..
_ 442 -
. .. / ...

-
pour le déf"unt qui
sera enf'in
complètement détaché de la vie
naturelle pour pénétrer dans
le séjour de
Repos
Eternel
(Kp!m~­
r.l'~w)
-
au ni~'cau MIl grollpe en dAuj.l,
11ne attention partiCllli~re
doit
8~re accord~e
* au conjoint qui réi.ntè,~rc la conllnunauté, dans son nou-
venu stutut de veuf ou veuve.
Pour celle-ci notamment,
surtout
lorsqu'elle est
jcun0,
une nouvelle vie
commence à l'issu"
de "ka-da
'maar",
qui verra son retour au domicile paternel,
puis son remariage, en union léviratique ou en dehors du clan
da E!ari
(léfunt
* iJ.1U{ héritiers qui jusque là ne pouvaient user d~s biens
(-.U r.10rt que pour les besoins des
célébrations
runéraires
• enfin, aux enfants qui recevront, dans le clan, un père
",ocial de m~me "bèlu"
(nom matrilinéaire)
que leur père réel
décédr~ et qui, en tant que membres du clan, pourront conserver,
~ la di~îérence de leur mère, la relation de commensalité avec
lui. l:ais pour les .orphelins en Age,
i l convient de souligner
tout de
suite que la
tutelle du nouveau pater n'est pas un
·~~rein :1 l'émancipation,
et les rites
en tiennent oompte.
Car
tou"t Dugara a
'.ID
"père",
qui a
envers lui des
charges
et des
droit~ spécifiqnes
tels que
pr~sider aux réglemen~s de BAS
flffaircs
coutumi~res
de
1I[i1s",
l'instru:irP.c sur le clan,
llét.lancipcr au moment voull.J
en le èotant d'un
champ,
d'une
;)relaiè.7"e :femme,
etc.
le convoquer,
disposer de la patte ar-
rière
"-raite du ,o;ibier ou (les b~tes domestiques abattues par
lui
en dehors ti~s f'ins commerciales,
défaire ses projets,
le
maudire. "
(1).
(1)
Cf".
PERE,
M.,
"Les Deux
Bouches"
(thèse rl'I'tat),
1ère Partie
CI1api tre
III
"Lignages et vi11a,;es",
p.
191
"Le "thirè
caurI! ou tutel1e du père u •
- 443 -
. .. / ...

"Ka-ri.!!
'maar!'
déhute le j6ur commémoratif de l ~ en-
tcrrCmC]'li:
par
ries
jeux rle
balafons
et
des
"pleurs" analo-
S:;l1CS
à CC:ll;:: du jour du déc~s. En ce qui concerne sa période,
i l faut l~ encore noter la ~rande influence de J.a fortune fa-
n,iliale qui
permet ou non
de
supporter les
diverses
dépenses
avant les récoltp.s.
Ainsi pour un décès
survenu au début d~
IiI saison sèche,
11ko_dA
'maar" peut avoir lieu après
les pre-
nières p l u i e s ;
mais
généralement,
ce sera·..·après les récoltes.
quant
aux implications morales
et socio-économiques de
"ko-da
':::oar",
elles rappellent celles de "lw-dil. tua"
(1)
dans leur
ensemblc;
:
entente des
parents
du mort,
ne
serait-ce que pour
la collecte des ressources indispensables
bonnes
disposi-
tiona ob1:enues au cas échéallt par voip
de
sacrifices,
tant
du c8t&
d11 mort
que des
auteurs
des r i t e s
en particulier,
i:lTIOCCncc de ces
derniers 'vis-i-vis de la cause de mort,
ce
-
-
1-
C~l:::'
~i:lp. ~ flue
chez les
"frères f1
du mort,
notamment les futurs
'~l;;riticrs, observation stricte des coutumes relatives aux hiens
(i.l
dé Cllllt,
et chez les veuves Wle fidélité
conjugale parfaite
3. 1.:
cours
de la période
de deuil.
Il convient,
une Iois de plus,
dp. rappeler que les
rites constituent des éprp.llves-tests (palu) pour les parp.nts
,;ivants
et d'insister
sur
la présence imminente
du numineux à
tous les niveaux des r i tes
de
"lco-dA
'maar".
"Ko-dA- 'maar"
est
considéx'é comme le dernier passa,c:çc du mort
(en tant que reve-
::1 an t ,
11~:piin errant") dans son domicil e terrestre, av an t
son
c2épart
définitif à
IlKpîmê-T~w", et, pour cela, représente un
::lo:ncnt 7.)urticulièrement
dangereux.
Aussi la b;J~re de mil
(dâa)
--._----.._ - - - - - - - - - -
(1)
'/ojx
ci-dessus,
Para,o;raphe II -
1.
. .. / ...

~st-ellc pr~par~e au dehors, devant la case, dans l'authenti-
ci~6 de la trariition (1)a
Le ctéflmt
est censé venir
s'y bai-
:~;tcr ct s 'y purifier. Cette pensée ren.rorce cette autre qui
j.r!entifie le llIort à la bi8re de mil dans les rites
funéraires
(:85
":-::o-dâni"
(bières
funéraires)
et accentue le caractère
(1 éprell..'V8
que
constitue 11 absor-ptiol1
de
la
bi(~re ri tuellc il
ceD occasions
(2).
I l
s~rait difficile dténum~rer l~ (Iétail des rites
':.-..r1
"l;:o-da
'maar ll ,
aussi
semble-t-il préférable d'en présenter
i c i les ~randes étapes regroupant plusieurs rites dont nous
tacherons
d'analyser les pr~ncipalŒa Ces s6quences respectent
les
t11èti1cS :fonrlamentaux dû:
"l<o-dfl- 'moar"
r e l a t i f s au statut
du :ilort,
a. la libération de sa propriété de son emprise, enfin
~ 116mancipntion des orpllclinsa
AI - "KPII-DAA" (DOIS ANC8ST,lAL) DE SA COUPE A
SON INSTALLATION DANS
"ZAW"
(~l.
Les
variations
souli~nées dans le d~ioulement ries
des
r i t.cs/:~'t~.:'<lérailles selon les sous-groupes ct parfois les clans,
-',..-oirc 1<:::> locali tés,
s ' appli.quent
particulièrement :1
"ko-riâ-
'~~laarfl. Cllez les Dagara-Lobr, TI 'ont de "l<p~i-riB.all proprement
(1) La Dr6paration de la bi~rc de mil au dehors signifie
le d&tachement d~finitift du point de VUP. naturel,
du d~funt
vis-~-vis de 11 y ir ll ,
dro~ le souci de ne pills l'introduire
~ans la maison en tant qu'~tre terrestre, mais de le tenir
o l'écart, pour garantir la séparation et la sécurité, la
con:.;'u5ion
étant toujours
chez les
Dagara
source de
rlanger
r.1ort~l a
(~) En lait, le contenu du pot qui symbolise le mort ne peut ~tr
consommé par le clan en
deuil t
t01Jt comme "kukur naab"
(va-
clle
d'nKricu]_ture)
ce
serait absorbé
sa
propre
ttsalet~'t,
c'c!'>t-n-oirp. du cannibalisme a
( J)
Pour la localisation de
" zaw ",
entrée d~ la maison,
voir le
pl~ll de
la
case dap;ara,
dans
la PreJ:lière Partie t
Schéma n°
1.
.. . 1 . ..
- 445 -

SCHEMA N° 21
"KPII-DAA"
(BOIS ANCESTHAL)
1. Coupe d .. "Kp'ii-daa"
du père
, -
Habillé d.. culott ..
à l'~nstallstion
2.
Après sculpture
KPII-DAA D'HOMME (en haut)
KPII-DAA DE FEMME (surtout chez les Wiile.
en bas)
"T8dèr" (bois de bambou)
"Da-baIn
(b8ton de
vieillesse)
"Kow"
:
siège de femme,
i c i
symbolique :
deuxième élément
-
avec
l'da-bol" ou
"t8dèr!.!- de
"lcp!i-daa" de îemme.
- 446 _

dit
que les
hommes mari"é·s
et
ayant un
enfant
ll1Ale vivant.
C.:\\r la relation
au
pf!re
défl.illt
incombe
en priorité à
son
r'ils.
Cclui-ci
doit
~tre capable de proc~der ~ la COllpe dtt Rois,
aidp.
dt,-ill autre,
et,
après
l ' i n s t a l l a t i o n ,
d'officier
et".
<l'entrc·tenir le
culte ancestral,
cc
qtl'en principe
\\lnn
femme
l~ lo::st pÙ.s habili t".ée ~ faire .. Cependant, cette pratique peut
....lr2.;·:1ettl"Q
des
e:xc r~ptions en
îonction
du
pO~.lvoi t~ qui. '::>5 t
a t-
t~ibu6 nu mort, ~ll i~ard A son importance social~, d~ son
.....'.-i'lant,
ct partant 1
de
l'influence
transcendftnte
qu 1 on
cs-
p~re d~ lui. Ainsi, il peut arriv~r que rles petits-fi.ls Ol)
c:es neveUX
(enfants
de
la
soeur utérine)
s'attachent au
culte
c;e leur grand-pl~re ou oncle ..
De mame,
i l peut arriver fJU 'un
:·:Oi:l..-:le qui
a
en un
ou plusieurs
enfants mais
d~cédés, voit
'ln file;
classificatoire du clan installer
(bin)
son "kpti-daa".
T:,çéllcm(~nt mais rarement, une fille p~ut faire installer "l,pti-
rlna"
df;":
son père
au compte
de
ses
enf'ants
encore
p e t i t s .
t-lais hormis
les v i e i l l e s
femmes
,
qui
sont. assimi-
J.6es (l
rlp.s
homme.lJ,
ayant passé
la m~nopause, une lemme ch~z
105
Dasara-Lohr
n'a
pas
de
"lcptin-dan r"
tOtlt
comme
les
hom-
·'ln:::;
no~: mariés Ol] sans p.ll[ant.
En
tont
état
dc
callSp-,
"kp'Îin-
::na"
(:c:
la v i e i l l e
fp.mme,
c ' e s t
son baton des
vieux
jours
ou,
:: clé:[allt,
un bois
de hambou
coupé
et
déposé
sans
c;'rémonies
-H:lrtic 1 l1ir)rcf-;
(Ians
"7.a-w",
avec
les
au.tres
"kptj,-daru H
(noi.s
"-"l.21cestr,"!ux) .
Chez les
Dngara-\\'/iile,
au contra.i.rr~, l'attrihution
de
"l;:pJ.:L-daa"
aux
femmes
est
pl11S
courantc4
Conçu
sous
f'ormp.
::c b8to:il
(da-hol)
nl:
àp-
p e t i t siège
(1\\0'';),
"kpfi-daft"
dp.
ln.
"c:·-:!:1e
CS1~ réparti entre le domicile paternel, 011 sa f'ille a!.né~-
... 1 ...
- 447 -

ou a
d6faut son fils
le h8.i:on"de .sa mère
Ip.
jour
de l'installation,
et la maison maritale o~ (i~mAl1re l~ petit
si':lge
(,1~O"') symbolique de femme. Pour un 110mme marié sans
~nêant, lme tige de bambou (tacler) est coupée, taillée et
associée à un autre IJois,
à l'occasion de funérailles posté-
rieure:>,
et les d~ux Bois,
ensemble traités,
sont installés
clans la demeure des
"kpti-daru"
(Bois
Ancestraux)
qui
est
tradi tionnel1emen t
"zaw fl •
1)
- Co~e et taille de "kpii-D~~_-,<l3ois Ancestral)
Il sera ici question de
"];:p!:i-daa" masculin,
dont
ln cou~e incomhe au fils ainé du défunt. Avec lin compagnon (1),
celui-ci p~Jl~tre dans la brousse,
~ la recllerche de la hr&n-
C;lC
cl' 2.C"bre
qui
servira de
nois ancestraJ
cnlle-ci doit ~tre
;~ourchuc, de manière à s'adapter n la besog;ne. Coupée en fait
?ar l'accompagnateur qui monte dans
l'arbre,
elle no rloit
pas
tomber .1
terre
(2)
mais
~tre reçue par 18 1ils a!né d11 mort,
qui
se
tient au-dessou"s de la branche,
sur les épaules,
en
pOGition cOlrrbée,
comme s ' i l s'agissait réellp.ment d'une per-
:-;Ol1.ne .
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) Ce compagnon tout comme plus tard le sculpteur et m~me
l'f)DSenCe qui doit fournir
"kp1i-daa" fait
l'objet,
d'après
J. GODOY, de consultations de devin (cf. op. cit. pp. 2)R-
239)
ce qui convient bien a la mentalité ~agara.
(2)
Au besoin,
i l est fait recours a lme corde. On dira que le
:fils atné est "allé couper
(cè)
"kpii-daa" de Son père",
l'op~ration ainsi indiquée incluant non seulement la coup~,
~ai5 aussi la taille et le port ainsi qtle tous sacrj.fices
y
afférents.
... / ...
_ 448 -

Portée ainsi chez le sculpteur désigné,
la branche
sera dômunie de son écorse,
taillée et réduite de façon va-
riable quant à ses dimensions à une longuet~ comprise entre
un m~tre et 40 centim~tres environ. Il sera ensuite incrustê
;1
la statue-r.te ainsi obtenue Wle
figure humaine,
tenant compte
autant que possible
du physique de la personne décédé".
Enfin,
suivant les clans et quand la t a i l l e le p~1'met, celle-ci est
1l]labil1ée" de culotte et portée à proximité de la case
(1) ..
Ce sera
le
tour de la f i l l e
a~.née d1aller chercher Ilkpii-daa"
de son père,
aVec
des
compa,~nes. Elles reviennent en pleurant
(hiii
a ..• /wooi . . . )
et,
avec
l'aide des autres femmes
pré-
sentes,
la porteuse se décharge comme i l s'agissait du corps
(~t place le Bois contre le mur de " zaw " .. La séquence de lamen-
tations entamée par les arrivantes se poursuit,
rappelant
l'avènement de la mort.
2)
- ))u, "Dois blanc"
(Kpii-pla',
Da-pla)
à' "Kpii-daa" (Bois
fmcestral)
définitif
Le "Bois",
sculpté,
appelé
"l<pii-pla" ou "da-pla"(2)
CBt
al~rôté au fétiche gardi.en de la maison nommé· "Bèsè" ou
!1i?Xl<lSÔO",
placé à
l'entrée de za,.,II,
lorsqu'il Y en a
une don-
nan,t g-nr l'extérieur ou,
à défaut de cette issue,
à proximité
(1)
A un carrefour de sentiers,
sur la route menant à
la mai-
son paternelle de la m~re du d~runt, pr6cise un in~orma­
teur de la région
de J)i\\NO.
Ailleurs,
le
Bois
est porté
di-
rectement devant la case.
(2)
"Kp'ii-pla"
!'espri t
blanc",
l i ttéralement)
ou "da-pla"
:
Il Bo i!.;
blanc",
c'est le
Bois ancestral en herbe,
non encore
accompli.
On se rappcll:ha distinction de
"si-sèla"
et
It s i-pla"
qui
caractérisent deux étapes du proce.~slls létal
de
"siè"
(corps matériel second)
en dévoration par un sor-
ci 0.r _
... / ...
- 449 -

do l'~chelle conrtuisant A la terrasse et appuy~e au mur lpr~s
de
IIza~•..,I1,
entrée principale de la maison),
seule voip. d'accès
è: l'intérieur ne la case
(1).
Là,
un premier sacrific" est
offert,
comportant essentiellement url coq,
pou_r un homme,
~u­
quel peuvent s'a.iouter deux jeunes poulets,
et pour une
f~mmc,
lUl~ ~ trois pintarl~s. Le sang des victimes arrose I1Ràsè"
et
le
"Bois blanc" ou
IIDa-pla",
déposé à c6t.é.
La duré" du séjour de "[(pii-daa"
(Bois Ancestral)
nu dehors,
est variable selon la fortune
familiale,
car i l
~aut pouvoir 8SS11mer les frais des c~r~monies : volaille, t)i~rt!·
de mil,
produits agricoles divers,
cauris . . .
nn inîormateur
indique six jours comme dur6e Ininimale,
tandis
que pour un
autre 11installation se fait
le
troisième jour suivant l'arri-
vée devant la case
(2).
Pour toutes ces célébrations,
les nom-
oreux conflits sociaux et les razzias dans le passé oblig"nt
il
poser une autre condition
:
celle de la paix.
Durant son
séjour devant la case,
le
Bois est
trai-
té comme le corps du défunt et reçoit des sacriîices.
(1) Cf.
Schéma nO 4, relatif à la ~Iaison dagara, dans la Pre-
mière Partie.
(2)
Il s'agit de DABlnE Nalu,
de la région d" [(OP ER (dagara-
lobr)
et de DABlnE K.
Bobelca,
de la région dagara-wiile
de Dano.
Pour J.
GOODY,
l'installation de "Kpfi-daa" semble
sc raire le lendemain de la coupe (in op. cit.
pp.
235 et
sq.).
De toute
façon,
cette durée n'inclut pas cell"
des
préparatifs qui se font longtemps à l'avance •
.../ ...
- 450 -

Puis vient le lavage du Bois. Celui-ci est effec-
tué avec des feuilles
(1)
et du résidu en pate de sorgho germ:
et concassé
(biir),
extrait au deuxième jour de la prépara-
tion de la bière de mil.
Il s'accompagne de lamentations de
:emmes,
an.alogues
à celles du premier jour du décè s
et d' in-
cantations exaltant les vertus du mort. Ensuite,
"kpti-daa"
est arrosé de bière de mil, reçoit une offrande de pAte cuite
de mil
(saab)
et de sauce, nota~nent de la part des filles
du mort ..
Le conjoint
également
lldonne à manger" à
I1kpli-daa".,
en jetant. de la nourriture à
terre,
COIlUIle
aux ri tes
de
"ka-
da-tuo",
ainsi que les femmEB qui l'accompagnent,
avant de man-
ger eux-mêmes. C'est ainsi le dernier repas conjugal et la
remise désormais
des
soins du défunt aux membres
de son clan,
principalement à ses enfants.
Introduit dans "zaw",
"kpti-daa" définitif,
sym-
bole du père fondateur,
gardien et protecteur de "yir",
rece-
v.ra en immolation,
selon qu'il est masculin ou féminin,
soit
un coq ou un poulet,
soit une pintade,
volaille offerte par
les fils et dont i l Sera arrosé du sang.
Il cesse d'être l'es-
prit naturel,
vindicatif et dangereux qu'il était depuis le
décès
(nyft-kptin) ou "Bois blanc"
(Da-pla)
sans puissance
(2).
(1)
Parmi les espèces de feuilles utilisées,
i l Y a
"kll.kll.o"
(figuier), et "ièb" (strophantus)
dont les fruits entrent
dan" la fabrication du poison à flèche.
D'un point de vue
pratique, ce traitement protège le bois contre la moisis-
sure et les mites.
(2)
A propos de "Da-pla", i l est
.~ rappeler ici que le blanc
est la couleur qui symbolise chez les Dagara la dissolution,
le lavage de la "saleté", la protection, mais aussi la fai-
blOuse,
l'impuissance.
.... / .....
- 451 -

B/ - LAVAGE DEFINITIF DU CONJOINT ET RITES DE
"YAARU" (1) DES VEUVES
Les quatrièmes funérailles
(ko-dâ-'maar)
compor-
tent
en d'e~ième lieu, après les cérémonies de "kpti-daa", le
lavage purifica toire
défini t i f du conjoi'+lt,
homme ou femme,
senblable en tous points à celui pratiqué à "Ko-dâ-tuo" par
les tantes paternelles (sRa-mS m1n@)
et soeurs classifica-
toires
(pol<-ya-taabè) pour la veuve,
et par les vieilles tan-
tes paternelles ayant atteint ll8ge de la ménopause pour le
veuf. La dépendance de la femme vis-à-vis du mari étant plus
grande que celle de ce dernier par rapport à son épouse, les
cérémonies seront plus développées dans le premier cas et
c'est sur elles que nous
allons ici nous arr@ter (2).
1) -
Déshabillement et habillement
Après le bain qui s'effectue sous la gouttière
lieu s)~bolique d'évacuation des Saletés par Ip.s eaux de
l,luie (J)
-
sur une vieille piice de natte conjugale et après
le rasage, i l est procédé ~u déshabillement et à llhabille-
",ent spécifique du conjoint.·
(1)
"Yaaru" : déshabillement,
dispersion,
diss01ution. C'est
l'enlèvement de la tenue de deuil;
la dispersion défini-
tive des funérailles
: la dissolution des liens naturels
contractés (par le conjoint, les proches parents,
les amis)
avec le mort.
(2) On peut également justifier la munitie de la purification
par le fait que la femme est une étrangère dans la maison
de son mari, ,et
doit @tre défaite,
désarmée de tout ce
qu'elle a pu assimiler dans son contact avec ce dernier.
(J)
Hormis les temps de pluie et de froid
en hiver; et à l'ex-
ception des vieilles personnes,
les Dagara se couchent très
souvent,
la nuit,
sur le toit en terrass€
;
en outre,
i l s
y
étalent divers produits pour les faire sécher.
- 452 -
... / ...

Il s'agit" d'abandonner les tenues de deuil pour
en adopter de nouvelles :
-
l'homme délaissant son caleçon et sa peau portative de deuil
au profit des baigneuses -
qui les vendront si l'endeuillé
ne les rachète au prix de 20 cauris - r,eçoit des mains de
celles-ci une tenue masculine
(boubou et cu16tte bouffante ou
caleçon de cotonnade,
arc et carquois)
; mais aussi i l es~
".":'
oint de beurre et paré, à la manière d'une femme
- la femme, elle, quitte ses cordelettes du jour de "ko- dl!
tuo" et ses vieux pagnes des premières funérailles et, après
onction au beurre de karité,
enfile des ceinturettes noires
et rouges en peau tannée,
qui,
pour la circonstance,
gagnent
à ~trc toutes neuves. Exceptionnellement à cette occasion,
elle se pare d'une tenue masculine également neuve,
apportée
par un neveux (arbile)
du défunt
:
boubou,
bonnet,
sifflet
I1félé) ••• C'est dans cet accoutrement qu'elle se présente de-
vant
"lcpii-daa" nouveau pour le
"dernier "repas avec
son mari ft,
donc en étant tout à fait autre ou sur le point de l'~tre,
autant que son époux qui,
à.
-1 ~ instant, est- membre de
l'autre monde,
à part entière et à
titre définitif.
L'homme comme la t'emme,
après avoir appartenu au
règne de la mort,
ressuscite en quelque sorte en tant qu'autre,
par une autre mort symbolique:
celle au deuil
(1).
(1)
Il est à rappeler que la mort symbolique de départ est le
badigeonnage à/cendre pumà l'argile.
la
... / ...
- 453 -

2)
-
"Yaaru"
ou rites d'émancipation de la veUve
Après l'alimentation de "lcpii-daa" par la veuve,
celle-ci prend du mil et un petit canari de bière apportés
en <!1emC temps que les v@tement'i' masculins par ses parents
ou un Hoveu
(arbile)
du mort. Celui-ci,
par sa position média-
tric .. et ambivalente,
est mari de la veuve portant le nom
J:Jatrilinéaire (bèlu)
du défunt,
le frère de sa mère,
dont i l
peut hériter des biens propres
(1). Hais étant "fils" et d'une
f~énération descendante, il ne peut prétendre à la femme de
"on oncle.
Chez les Hossi,
cette ambivalence existe aussi mais
sur d'autres bases
:
le neveu ne peut prétendre à des rela-
tions de mariage avec un membre de la ramille de Son oncle
!".Jaternel dont i l est de plus un parent à plaisanterie (2).
Portant sa charge,
la veuve se rend avec les parentes qui ont
procédé à son bain et à son habillement à un carrefour de sen-
tiers nlenant à son domicile paternel
i
son nouveau statut ne
la met-elle pas,plus que jamais, dans cette situation inter-
médiaire ? En outre,
le carrefour symbolise un lieu puhlic
:
on y
enterre les tout· petits enfants qui
"refusent de demeu-
re:r avec leu.rs parents",
pour qu'ils "retournent' à
leur originel!
(1) Les biens propres du défunt proviennent Jadis essentiel-
le~ent de ses parents matrilinéaires, notamment de son on-
cle maternel
("mA-dèb"
:
"mère-homme"), quelquefois aussi
de ses relations d'amitié.
Ils sont à distinguer des biens
de Famille:
champs,
outils,
armes,
bétail Familial,
fé-
tiches et
"médicaments",
savoir-.Îaire"44
(2)
Cf. LALLEHAND, .S.,
in "Une Famille ~lossi" (Collection He-
cherches Vol ta'i:ques 17 , PARIS-OUi\\GADOUGOU,
CV115 ,
1977,
Chapitre IX :
"Relations à plaisanterie,
r"lations froides" •
.. ./ ...
- 454 -

de "Bigb!lmll-T@w" ou dans d'autres royers. C'est aussi un au-
tel,
surtout s ' i l y a un tertre, manifestation de "T@gan"
U'uissa'lce Terre)
par exemple une termitière,
des buttes
ou encore la tombe d'un "bi-gbSan"
:
on y
offre des sacri-
','ices ct divers objets ,à "T~gan". C'est là que "kpti-daa"
est déposé,
après @tre sculpté,
par le fils atné et qu'est
jetée la saleté de la maison après "koru ~iiru" : balayage
thérapeutique, par effet mystique,
opéré dans un domicile
dont les habitants souffrent de toux.
Arrivé au carrefour,
ce groupe de
femmes qui por-
tent également une tige de mil blanche,
en fait trois fois
le tour, puis la paille est jetée par terre et la veuve se
met à dànser dessus jusqu'à ce qu'elle Be casse (ce qui ad-
vient habituellement à la faveur des buttes de culture qui
s'y trouvent). Alors,
elles s'écartent brusquement et lais-
sent tomber sur la paille brisée le canari de "dAa"
(bière
de mil).
La ti~e de mil matérialise la relation conjugale
avec
le :nari
dé:ftmt
et,
llll
cle 1 il. ,
ce
dernier lui-mftme
;
et le
îait qu'elle se
casse prouve l'accord aVec la coutume ou la
droiture de la Veuve.
Autrement,
celle-ci est astreinte à une
confession publique relative à
sa fidélité à son mari,
c'est-
A-dire aussi à Bon innocence dans la mort de celui-ci.
Car)
selon les Dagara, l'infidélité de la femme est fatale au mari.
St @tre infidèle à son conjoint déflmt dnrant la période de
deuil,
c'est lier partie avec la cause de la mort. Aussi com-
prend-on la joie et le soulagement du groupe lorsque la paille
... / ...

se brise : le clan allié peut @tre fier de sa fille et celle-
ci s'estimer désormais digne de son époux,
pour toujours,
au
terme de toutes les épreuves, par-delà la mort et les temps.
C'est cette ïierté qui explose lorsque la veuve interpelle
~e clan du mari et lance un défi à qui voudrait se présenter
en remplaçant de ce dernier. Nais aussi c_'est la liberté re-
trouvée,
la disponibilité de
Il po "".
kuor"
(femme sans mari ou
,,: marier)
qui sont ainsi révélées.1
-Mon mari ne me maltraitait pas (1)
;
i l me nour-
rissait bien,
et si quëlqu'un n'en est pas capa-
ble, qu'il ne se hasarde pas de le remplacer'\\
dit-elle en substance, paroles qui rappellent les témoignages
d'amitié précédant l'enterrement,
au moment de "muolu tl
(annon-
ce publique)
(2),
et suscitent le rire.
Puis le groupe
(veuve(s)
et baigneuses)
se diri-
ge du carrefour vers la maison du mari défunt en chantant. Au
début,
Ces
chansons évequent les déceptions de la vie conju-
baIe
:
"Tel est le sort de la nouvelle mariée,
Demain seulement, elle scra.battue au gourdin
(1I1èr gwélé" : vieille hache).
A l'approche de la maison,
les paroles changent
"Nous &)mmes venues
et i l ni y
a
personne pour nous
dé<;harger"
(Ti wa na !<è tm'TTé bè !<a i) •
(1)
Il était courant jadis qU'lm Dagara batte sa femme suite à
ses promenades avec ses amis
(sênbè) ou à quelque refus de
servir (services domestiques ou sexuels).
Alors celle-ci se
sauvait chez ses parents et i l fallait ensuite une déléga-
tion pour opérer la réconciliation. L'aveu de ia perfection
du ... ari défunt étonne et fait sourire.
(2)
Sur "mnolu",
cf. ci-dessus,
Chapitre II, Paragraphe IV •
.../ ...
- 456 -

Cette dernière chanson ~~t ce~le-là Meme qui est entendue
les jour3 de noces : la nouvelle mariée,
chargée de son pa-
nier de noces
(kul taa pélé)
et accompagnéedp.s filles de son
clan portant ses effets,
s'arr~te devant la case maritale
ct la troupe chante jusqu'à ce qu'une soeur a~née du mari
réelle ou .classificatoire (nsir powll :
"mari -
femme")
vienne
décharger son épouse
(1). Mais au préalable, parents du mari,
frères et soeurs, otc..
défilent devant~les chanteuses,
leur oîfrant des cade8nx,
afin de mériter l'entrée de la
uelle chez eux. Les chants,
comme le montrent ces extraits,
sont de nature à provoquer la belle-famille.
Comme au jour du mariage également,
les chanteuses
nenacent de retourner chez elles,
s ' i l n'y a personne dp. ca-
pable pour les accueillir (ti wa na ],è towré bè ka i). Mais
on les arr~te, les asseoit sur une natte neuve et leur don-
ne â boire,
ce qui
est la mani~re dagara de les accueillir.
Puis la veuve est débarrassée de son accoutrement masculin,
tandis que le mil ramené du carrefour est offert À celles
qui ont opéré les tatouages rituels à l'argile au moment de
"'{ao guo"
(badigeonnage à l'argile)
et de "ko-da tuo".
J)
-
Le dénouement final et la portée de "Yaaru"
La Famille (lignage,
clan) paternelle de la veuve
invitée,
arrive dans l'après-midi en délégation grouillante
(1) CO~De i l a été dit au Chapitre l
de la 1ère Partie,
i l exis-
te une parenté à plaisanterie entre l'épouse et les soeurs
du mari, non pas seulement les soeurs cadettes comme chez
les Nossi (cf. L'ALLEMAND,
5., ''Une Famille Mossi", au Cha-
pi tre IX).
... / ...
- 457 -

et en bonnes tenues, 'f~re - de ·la pre,itation rie leur fille.
0" lui sert à boire et à manger. Puis,
Be levant,
elle si·-
cmle une razzia des poules,
chivres et autres b@tes domes-
tiques,
et réclame leur t'ille. La îamille du rJét'unt résiste
ct i l ~'ensuit un simulacre de bagarre~ Finalement les bft-
tn~ attrapées sont rachetées de façon symbolique à vingt
c"aris, par la l'amille en t'in de deuil.
Plus tard la veuve rentrera chez ses parents et
tout prétendant du lignage de son mari pourra lui envoyer
20 cauris pour la solliciter en remariage. Celui dont l'ot'-
~re sera acceptée Sera le substitut du mari dét'unt. Après
le retour de la veuve,_ si l'époux léviratique n'est pas un
sibling du mort,
i l devra verser 200 à 300 cauris de "P01lT-
]'0
1ibie" (argent de veuvage)
aux parents de celle-ci.
Dans le cas où la veuve est déjà en Age et compte
clloz Bon mari défunt beaucoup d'enfants
(4, à
{;). une déléga-
tion 1ui est envoyée,
une saison à un an environ après le dé-
cès, pour la prier de venir prendre soin de ces derniers.
A
son retour,
elle et ses enrnnts appartiondront au groupe de
travail
du
fr(~re du mort désigné comme tuteur (donc il sa "por -
-cion de case"
(lowr),
qui est une en-tité
économique),
sans
qu'il soit question particulièrement de remariage,
alors que
dans llethnie mossi
cette union est indispensable pour llinté-
:;ration de la veuve
; m@me après
la ménopause,
celle-ci doit
se soumettre à un mariage :formel ou "blanc" avec un petit-fils,
Dour justifier nn droit d'habitation
(pam roogo)
et de celui
de s'installer snI' le domaine de la concession maritale
(pam
zindi ra gai )
(1).
(1) Cf.
LALLEMAND,
S.,
op.
cit., p.
178
et suivantes .
. ../ ...
- 458 -

Mais en aucun cas,
la Veuve n'est tenue de reve-
nir dans le clan de son,premier mari.' Si elle se marie hors
l:U
clan,
i l incombera all lignage du second mari de rembour-
ser aux parents du conjoint défunt la première "dot" en cauris
ct la troisième en bétail, poule, pintade et 1 000 à
1 500
cauris (1),
tandis que l'ar,o;ent de veuvage "(pow-ko libie)
revient,
quant à lui,
aux parents de la veuve.
Dans ce der-
nier cas,
les
enfants issus du second mariage appartiennent
au nouveau mari,
alors que dans le mariage léviratique
i l s
t
demeurent les enrants du mort,
au mtme titre que ceux enKen-
drés par lui,
de son vivant;
en effet, le lévirn'est en
l'occurrence qu'un substitut du mort et, vis-à-vis de la
veuve,
le bénéficiaire autorisé des prestations domestiques,
sexuelles et économiques.
Après ces précisions,
il convient d'élucider da-
"rantage 18$ signit:ications des ri tes de "yaaru" qui ne manquent
pao d'8tre complexes
(2)
a)
- Tont d'abord,
du point de vue du mort, le Bois d'Ancl\\-
tre (kp1i-daa) lavé et arrosé une dernière fois de sang de
poulet,
devenu comme i l a été dit à la Section Ale symbole
du père fondateur de "yir" reçoit de la part des orphelins
des offrandes qui valent une recormaissance de l'mr ascendant
et signifient la domiciliation du mort comme anc@tre vénéré
(Sfla-ltp'lin). Son introduction au séjour des "kp'li-daru" (Bois
(1)
Il peut y avoir plusie\\rrs poul~s ou pintades,
surtout si
la remme est en début de grossesse avant le versement de
la "dot". La somme d'argent qui', entre dans la troisième
"dot" est appelée "argent de gardiermage des b@tes" :
"dO-c1 tur".
(2) Les rites de "yaaru" peuvent ~tre dissociés de ceux de
":~p1i-dllalJ quant aux périodes de leurs célébrations .
.../ ...
-
459 -
".

,'mcestraux) correspond donc à son agrégation auX Anc~tres du
clan et à son association à la divinité
(Nliamwin),
en m~me
t omps qu'au départ d'un cul te :
désormais le Bois
(Kpti-daa)
dcneurera la présence du père dans la maison et, 'à diverses
occasions,:rera l'objet de sacrifices et de consultations de
la part des enfants,
réels
ou classificatoires du mort.
Donc,
pour les enfants de ce dernier qui,
à la airrérence de la veu-
ve,
appartiennent à
"yirll/comme pour tout le groupe clanique,
"",pti-daa" est la garantie d 1 une tutelle transcendante.
Sur
le plan du cheminement du mort,
cette étape correspond à la
pénétration à "
Kptme-T~w" (séjour des morts vénérés).
0)
- Pour la veuve,
définitivement débarrassée de la "saleté"
(dmnc)
de son mari défunt par le dernier bain rituel de puri-
îication,
éprouvée au test conununiel du "dernier repas conju-
gal"," i l
s'opère une naissance· à une vie nouvelle mais qui
il:lpliquo irrémédiablement son statut acquis de femme mariée.
~n effet, la cérémonie au carrefour du sentier menant au do-
::dcile de ses parents,
plus qu'un test d'auto-justification,
confirme le mariage avec le mort en tant que "kptin" (esprit
(,Ianc~tre) ; toute ,union postérieure, au plan naturel, sup-
posera celui-ci,
m@me si,
de ce fait,
aucun conflit ne peut
s'ensuivre de ces unions multiples,
que ce soit sur terre
ou dans l'au-delà où tout est repos.
Les détails des rites soutiennent bien cette dou-
;)1e
.compréhension :
.' La libation de la bière de mil apporté" par les parents de
la veuve et offerte en' holocauste à
"T8gan"
(Puissance Terre)
... / ...
- 460 -

et au Iîlari qui lui
est· désormais associé,
en tant qu 1 ~tre
~upéricur
présidant à la vie sur terre,
témoigne de cette
;>érennité de l'union de l'homme et de la femme dans le maria-
E:C.
Le
fa i
t
que la célébration ait lieu au carre-
four du s~ntier menant au domicile de la veuve montre non
noulement que cette union est appelée à se maintenir mllme
après le retour de la veuve au domicile paternel - qui est
la destination du sentier (1)
- mais/ bien plus" partout où
celle-ci se trouvera (c'est le sens du carrefour). Le mil,
é,saler.lent apporté par les parents de la veuve, ne peut lltre
répandu. Il faut ici Se rappeler que dans ce pays d'agri-
culteurs,
le mil est un substitut du cultivateur et de la
vie,
et ce serait une injure à
"T~gan" que de lui retourner
intégralement ce qu'il a donné pour vivre;
ce qui n'est
pas l.e cas de la hière qui est cuisinée,
transrormée et "sp i-
,..itualisée".
- Mais cette offrande de bière et de mil,
qui renvoie à une
célébration menée le lendemain de l'enterrement et appelée
"ta" (perpétuation du droit d'alimentation) constitue la preu-
ve que la veuve se désaliène de son domicile conjugal quant
A ses moyens de subsistance et se rattache désormais à ses
o,arents du lignage (2).
Le bain puri:ficatoire réitéré,
le
travestissement de tenue grSce à des vl!tements apportés par
<.les parents
(ou un neveu du mari,
qui est un mari autre),
le
(1)
Un proverhe peul ne dit-il pas :
"Le voyageur a beau S' as-
seoir sous l 1 arhre,
l'arbre est sur la route u .
(2) Il .est à noter que le mil qui est une ressource Familiale
sera remis non à la Famill.e en deuil mais auX baigneuses
qui relèvent du clan de la veuve.
.../' ..
- 461 -


:'ai t
de piétiner le synibol'è du mari
la paille blanche (1),
"l'ràs U11.e dernière confrontation (colle avec "kp!i-daa" nou-
veau)
et m@me de ,le ;"détruire,' ,montrent que nous ',sommes bel
et bien devant une séparation définitîve,
sur le"plan ter-
restre,
',e t
une
é m'an c i p e t i o n .
L a
p r o c l a
i:lation de,'la mort du' mari en ce sens implique un' "oubli"
plus profond que le pardon ou simple remise des dissensions
,.
,
quotidiennes
elle suppose la révolution mythique des temps
'[ui fait @tro ce qui n'était pas "en ce temps-là",
c'est-à-
dire du vivant de l'époux,
et vice-versa (2).
Les cérémonies de "Yoaru" se terminent sur une
note de défi à la nature terrestre :
"Si quèlqu'un n'est pas
capable qu'il s'abstienne". La veuve et ses pare~ts (soeurs,
tantes paternelles), se ,trouvent dans un certain",i.ü-'del'à,
qui
'c'cprésente comme une victoire sur la mort,
tout :en demeurant
terrestre. Nais déjà ce défi et lc'simulacre de 'bagarre nous
rru:lènent à 'l'enjeu de là'réalité'sociale quotidienne, :,l'a
qu3te de l'existence à travers les contradictions ;:'et 'iii@me la
;:JOrt. De cet engagement simulé cntre les deux cl'aris alliés,
J. GOODYa raison de dire qu'il vaut l'extériorisation d'une
,;ituation conj'lictuelle, dans un jeu social,
qui en facilite
la prise de conscience et la liquidation (3).
! , )
"
~
Le "blanc",
f"aut-il le rappeler,
est la couleur des reve-
nants
(uyA-kp!m@) qui se situent au plus haut degré de
l'eJdstence terrestre.
(2)
Du décès à
"ko-dA 'maar", i l se passe environ deux saisons
(sèche et pluvieuse),
soit un cycle complet de l'année.
De
plus, les paroles d'amour relatives au traitement du mari
prononcées par la veuve au carrefour sont loi~d'@tre couran-
tes en milieu dagara. Tout cela contribue à prouver que nous
sownes hors du cycle naturel.
(J)
Suite à un enlèvement de femme ou encore à un adultère de
,felO'lIle mariée (acte qui signifie une dépossession),
i l est
pratiqué une razzia des b@tes au domicile de l'amant avec
insultes et menace de bagarre en cas de résistance de ce
dernier.
Si donc la veuve n'est pas remariée léviratique-
ment,
i l j'aut que le clan de son mari défunt consente à son
départ sous peine de conflit.
... / ...
- 462 _
",

,

cl - "RAFRAIéHISSEMENTII ou EXOI1CISATIONDE
LA PROPRIETE DU MOR'T
.,',Les célébrations de "ko-da 'maar",
a-t-il été dit,
sont faites pour apaiser,
désaliéner:
.. le mort qui est censé venir Se bàigner dans la bière de
,:>il, préparée à cette occasion,
dans ce dernier tour au do-
~icile terrestre
;
.. la ii'amille (yir) éprouvé",
qui retrouve une vie nouvelle
après le passage dans le "règne de la mort" et après les souf-
rrances de la pé~iode du deuil.
-
la société entière, :dé-sorganisée par ce malheur collectif •
Plus préeisément, durant tout le temps des funé-
railles,
le mort,
absent' phys"i'quement est par contre intensé-
ment présent, du point de vue mystique,
dans son domicile
et dans ses biens. Pour exorciser ces derniers de cette pré-
sence numineuse et dangereuse~ des rites spéciaux sont prévus
:\\
"1:o-c1a.
'maar",
après ceux du bain du veuî ou de la veuve.
a)
- Le premier de ces rites a lieu dans "kpti-di8" (ohambre
du mort",
en fait/dans "cara" (vestibule) de "lo-wr"
(eSté de
r:laison)
où habi tai t
le défunt.
On apporte le carquois du mort (kp1.i-low)
- qui en
l'occ~~rence symbolise ce dernier -
et l'assistance se met
tout au tour. Prenant alors la parole, l'~~né du lignage du
,oort (yir-nt-kpae) déclare en substance
"Dans ses relations avec ,les uns et les autres,
X
.. . 1 . ..
-"463 -
"
.:..., .. ' ...

° 0 ,' ••'
,
(lé mort) pelit -avoir contracté des dettes ou déte-
nir des biens de tierCéS personnes.
Si parmi vous
quelqu'un est inîormé de telles situations, qu'il
lé proclame. --Si au contraire des gens lui doivent,
que cela également soit porté à la connaissance
~
de tous".
".
Les dettes annoncées seront liqu"idées .par les "frè-
res" du déîunt,_ notamment par celui qui sera appelé à héri-
ter de lui. Les créances aussi donneront lieu à- des récla-
mations auprès des débiteurs. Mais_ toute fausse déclaration
"à la _face du mort" sérait funeste à son auteur:.
,
.
Le -membre
de la Famille (yir) qui préside la cere-
monie.
prend soin de préciser que cette occasion ost la
dernière pour les réclamations ; aucune revendication ulté-
rieure ne sera entendue. En effet, une cérémonie analogue
a eu lieu à "Ko-dA tuo" et d'autres ont pu se faire au mO-
ment de "yao guo"
(badigeonnage à l'argile) ou encore à la
faveur
de
"Bao-buu",
lors de la recherche des.
causES de
la mort (1).
De nos jours, i l arrive que l'invitation aux créan-
ciers et aux débiteurs à se faire conna~tre soit lancée
lors de l'exposition. En 1978, lors des
funérailles de
PURYllLE K. M.,
elle a été prononcée au rituel--,du
balafon
(1) Le refus de déclarer et de rembourser une somme due peut
entrafner une malédiction (mw8 ~aw) et occasionner, par-
-tant,
la mort.
... / ...
_ 464 -

,
(gil eub) , peu avant Ya tin 'de l'exposition, après qu'un
h6rault ait r'clam6 le silence. Cette variation est fonction
du ,",ouveau contexte de la c61ébration des fun6railles,
mar-
qu6 par le christianisme et qui exclut les rites post6rieurs
à l'ente'rrement,
tels ceux de "Yao guo",
de
."- Bao buu" t
de "1\\o-'d'S tuo" et de "Ko-dl!. 'maar", comme relevant de crO-
yances animistes incompatibles avec la foi chrétienne.
b)
- Un deuxième rite,
encore basé dans la chambre du mort
regroupe des représentants des alliés matrimoniaux (ligna-
ge de la mère du défunt)
et des "cè-ku-taa-dem" (alliés en
services funéraires).
Il consiste essentiellement à répan-
dre par terre un prélèvement de la bière de mil préparée
pour
"ko-dâ-'maar"" et contenue dans 1.m petit canari
(duwle). Le reste de cette bière est ensuite bue par les -
. "
nOf\\ 'par
"
d
'1 ( )
'all1.es presents mais',I:Ies membres du clan en
eu1.
1 .
V~rser "lié la',bi"ère de mil" par terre en d'autres
circonstances est une offrandé il IIT3gan" (Puiss"ance Terre)
dont on arrose ainsi la
"peau" ou encore à
Irkpim@" dont
nous connaissons
l'union avec lui.
Cette fois,
l'ofîrande
va particulièrement au mort devenu anc3trf!.
Ainsi,"kpiin fl
reçoit en libation la bière des funérailles en priorité :
- par "ltp!i-daa"
(Bois Ancestral)
qui en a été arrosé avant
son installation
( 1)
Tout comme le clan du mort ne mange pas de la viande de
"Ktù<ur naab"
(yachla:,d'agricul'ture), i l ne consomme pas
non plus la bièr~"",:'rftuelle c"ontenue dans ce petit canari
et symbolisant l,Ef,mort. "

... / ...
- 465 _


-
ensuite, par le sol·de·la chambre du mort,
qui est pré-
sence de celui-ci par sa IIsaletéj1:aquelle
est. donc lavée,
ainsi que par la contigurté du contenant et du contenu:
de la Terre et du mort înhumé.
i.'
Il est à noter que·cette.bière rituelle dans laquel-
.le le "mort est.venu, durant la dernièr'ë nuit, Se baigner"
symbolise encore le mort
(soit par la métonymie du mil;dont
i l estJ;roducteur/et de l'agriculteur,
soit par l'identiri~
cation de la "saleté" du:mort/présente en elle~'èomme ~tre
de ce dernier.
Rn consommer constitue donc une épreuve-test
de plus pour tous les participants et en premier lieu pour
le groupe des alliés qui exécute la cérémonie dans l'inti-
mité de la chambre; c'est en même temps une forme d'enter-
rement symbolique ultime par les groupes alliés. Mais nous
nous ~ttacherons surtout au fait de répan~re la. bière de
mil par terre, dans la "chambre du mort",
en tant que sym-
bole de "rafra!chissement" ou d'exorcisation d)l····domaine et
de·la propriété du mort. Ce qui est"fraisu('m~~f~, c'est
ce qui est mouillé, mais au figuré c'est ce qui est apaisé,
sans risque et sans danger. A partir de là,
toute la pro-
bièns
priété du mort :/humain El (veuves,
enfants)
cOnim"eë
. immeu-
bles et surtout meubles,: devient accessible. Il pourra s'en-
suivre le remariage des veuves, la prise sous tutelle des
enfants, le' partage des biens du mort.
.../ ...
- 466 _
. ~~_:.::~......, ..~.,,- ...
. ....
_.
~
~

0/ - L'E}~NCIPATION DES ORPHELINS (RI-paLU) (1)
L'ensemblè .des rites qui consacrent l'émancipation
/
'
des orphelins clature..
les célébrations de "ko-dli
'maar".
Leur d~toulement·~e situe 'après les cérémonies dtémanci-'
pation des 'conjoints et celles de libération ou dépossession
1.
de
propriété du mort.
~
Pour les filles,
au déci~ de leur mire,
la céré-
monie apparai t
comme un tranafert de compétenc~ménagères,
qui sont limitées par rapport aux fonctions aUJ<quelles se
des'cinel1t un garçon dans le lignage.
Aussi l'accent sern-t-
i l ",is ici sur l'émancipation des fils du défunt.
Les célébrations constituent une épreuve-test
(polu)
définitive pour les orphelins et un enterrement symbolique
du mort,
de 'plus,
à leur niveau, "'ces derniers ,.étant amenés
dans ce cadre à consommer de l'a" .v~iande
considérée comme "leur
père",
avec le risque d' encourir :.1 a
sanction mystique fatale
en cas d'implication dans les cau~ês de la mort.
Elles constituent aussi··une émancipat]~on des or-
phelins qui,
au lendemain de l'enterrement,
avaient reçu,
par le rite de "ta",
la garantie d'une perpét':;ation du droit
---_.._ - - - - - - - - - - - - -
(1)
"ni-polu"
:
de "bie"
(enîant)
et "polu"
:' soumettre à
l'épreuve,
tester,
~tre émoulu. D'où: "Polu : jeune
homme émoulu.
... / ...
- 467 -

d'o.li.r,1entation et qui,
maintenant,
vont p.n outre assumer
la tiltel1e rl'un père social au sein du clan,
ainsi que la
responsabilit& dA produire
(1).
l~e rl~roulement des c6r~monies comporte trois sb-
ou trots
quencns principales qui peuven.t s' étaler sur deux / jours :
.-
-
la désignation du pater
j
-
la prise en charge des enÎants par eux-m~mœ
-
la reconnaissance de l'Anc@tre.
1)
- Le rite de la dési.o;nati9_I}_çlu pat<;,.!,__ou l'émancipation
sociale
Lors rles cêr~moniest les orpheliT1B sont assis rle-
hors,
devant la case,
sur une poutre (2),
ayant chacun.
c8té d.e lui "un "père social",
c'est-à-dire un homme rlu clan,
de ln m<!me génération que le père défunt et de mt.me nom
rJatl~ilinéairB (bèlu) .. L'o-rficiant prr.H1<l un houe ou à rléfant
un coq appartenant au mort,
le promèn~ tOtlt autour du ~ro\\lpe,
slarretant par moment pour lui donner un coup de piolet ou
de ,r;ourd:i.n ~
Apr(~s avoir accompli trois tours, i l assomme
l'anj.r.\\al que l'on prépare sur place,
au dehors,
et que l'on
COllS0mD~ ensemble avec,
en accompagnement,
de la pâte de mil
(saai'J).
Si l'officiant Ast très vieux,
i l peut rest~r assis
(1)
Cela ne veut pas dire que les fils,
~ l'issue de la céré·
monie,
seront titulaires des champs abandonnés par leur
père.
(2)
Poutre
(",èo)
élément de la charpente dagara
que sa
pr6SATICe courante devant la case
am~ne souvent ~ servi]
dû si0~e de rortune.
. ..
- 468 -
/ ...

a
jOll~i:' s)"lTlboliquentell:t au "batteur",
en f'ravvant le sol,
tand:i.s qu '·un autre promp.ne la b@te autour du groupe.
Pen(lant qlle le groupe est l~ assis,
on lui sort
de la l)iare rte mi].
(dAa)
et cllaque orpllelin en absorbe par
troit.: ~':o.is, en m@me temps que son "pèro"
voisin et dans
la m~~c calebasse (ce qui se dit "ghaab d~a"
en dagara),
en
tenant celle-ci de la gal1che
(1).
~
A cfli:te occasion,
ll o fficiant
d&signe aux orphe-
lins les personnes présentes cormne étant leurs "pères" et
indi'l'1e particulièrement celui qui est appelé à remplacer
le d6flmt,
c'~3t-~-dire l'11~ritier principal. Les absents
Il la cérémonie, orphelins ou "pères" sont nommés, pour mé-
"Joire
(2).
Dans ce rite,
le bouc ou le coq,
une f'ois de plus
symbolise le père déf'unt,
tout comme la bière de mil
(dAa)
et leur consommation par le groupe est el1Core tme forme mk-
tonYI~;iq1J.e d r inhumation, Cl est-à-dire de reconnaissance et
d'as.;,oliHltion du lait de la mort du parent rtéfnnt,
comme i l El
(1)
?:1
temps ordinaire,
tenir sa calebasse de la gAuche,
en
compagnip.,
est un signe de suffisance et de provocation.
C'est signifier qulon est Ilhomme à gauche",
c'est-à-dire
(;.&tnnteur de " médicament ll
( t i i
:
remède à
effets scien-
ti~ique ou mystique; poison).
(2)
Informations sur la désignation du pater recueillies au-
pr(~3 de îe1.l DABIHE K~ Bobelta, de la région "\\"'iil~f1 de
Dallo.
. .. 1 . ..
- 469 -

été dit ci-dessus à propos de l'enterrement symbolique sous
forme
de manducation de la viande rituelle de
"kukur nanb
,
"
de "l:Ol·'''l naah",
etc •••
(1).
Pourquoi battre l'animal avant de le tuer? L'ha-
ûi tude cl' inlliger des souffrances m@me atroces --aux b@tes
de sac:rifice avant de les immoler
est "iirès
répandue
en Af'ri-
que
(2). On peut pen-ser avec L.V.
THOMAS que ces mauvais
traitements ont pour but de faire échapper l'''Ame'' de ces
animaux (donc de dégager leur principe spirituel en quelque
sorte)
afin qu'elle rejoigne le mort dans le r.gne des es-
prits ..
Car,
en m@me
temps
que
l e
bouc
(ou
.lp. coq)
est
destiné
au repas ordalique
<"po l u " : épreuve-test) et communiel en-
tre les
11p~res'l et les Iifils l ', c'est en m~me temps une
oîîrande rituelle au mort.
Dans la mentalité dagara en particulier,
i l a été
souligné qu'on évite la manière directe
en ce qui concerne
le mort, ou tout @tre bizarre (bom bibi)
revenant,
appa-
rition.
gibier non identifié ••• On procède dans ces cas par
approches
simulées et évitements ou par îeintes.
Le marcher_
croisé avant le face à face avec le mort en donne une illus-
tration privilégiée.
- - _ . _ - - - - - - - - - - - -
(1)
Cf.
ci-dessus,
Chapitre II,
Paragraphe II :
"Les olfran-
des rituelles".
(2)
Cf'. THOl·IAS,
L.
Vincent,
"L'Antllropologie de la Hort." ,
Fayot,
197(),
Ivè Partie
De la pourriture à l'imagi.naire,
Chapitre III :
"Croyances et attitudes apaisantes
:
les
deux champs de
l'imaginaire ll •
. . '/ ...
-1170 -

Quant au fait de boire ensemble dans la m@me cale-
basse,
i l a rl" tout temps marqué chez les Dagara l'int:l.mité
profonde.
C'est ainsi une manifestation caractérisée de
l'amitié mixte
(s~nu) au cabaret. Comme le recours à la
gauche,
.ce tte prat.ique rev~t ici,
concernant
deux hommes,
un aspect anormal,
exceptionnel, qui traduit sa signification
rituelle. Par cette cérémonie,
les orplwlins sont en quel-
que sorte en communion avec leurs "pères sociaux ll qui,
dé-
so~ais, vont assumer les fonctions sociales du mort. Cette
tuteJ.le TI' enfreint aucunement 1 t émancipation des
"-fils"
;
au
contraire,
~lln les int~gre définitivement au "phylum 80-
ciaIlI
car dans la société dagara,
tout lm chacun est père
ou mère,
rrère ou soeur,
Cils ou f i l l e
(enfant),
P.tc .. ,
se-
lon le clan et la génération (1).
'2)
-
Le rite des flèches ou l'émancipation économique
Il se situe au lendemain de l'émancipation sociale
"Un carquois du mort est apporté dans le groupe des orphe-
lins et chacun rl'eux est invité à
en tirer une flèche de
la main gauche.
Puis i l est demandé à chacun 111 nombre de
ses i'l~ches. Tous répondent
"Une",
hormis le dernier qui
répond,
"Vingt"
(2). Les flèches sont remises au carquois
(1)
PERE, ~l., parle de la tutelle du père,
"thi-caar",
dans
la socifité lobi,
proche de celle des Dagara.
Cf.
PERE,
M.,
op.
cit.,
Partie I,
Chapitre III,
p.
191 sqq.
(2)
Cl,cz les
DaRara,
l'ainé par principe est le premie,· ser-
vi dans la rlistribution. Cette précision n'est pas ici
donnée car les f i l s
classificatoires du clan sont associé~
au rite mais
c'est à lm .fils réel
que revient cependant
le carquois,
m~me s'il est j etme.
... / ...
- 471 _

et la scène est répétée.
Les réponses sont plus divp.rgentes
"Quinze,
dix,
six,
etc .•. Prétextant une tricherie,
l'of-
ficiant recommence une troisième fois.
Les réponses ne sont
pas Qoins vari~es : bien plus, les nombres grossissent fJé-
menurél;ll'~nt. LI officiant rp.prend alors l es flèches,
dénonc e
la tricherie,
les replace et remet le carquois i
l'atné des
orphelins,
ml\\ele s ' i l demeure petit"
(tt'.
l,a remise du carquois ainsi que d'autres instru-
ments de travail qui,
comme on peut le penser,
varient selon
les milieux e·t les situations sociales des défunts, marque
le trensreri:
des moyens
et co~p~tences de production ~co­
nomique aux orphelins.
3)
- ~.'initiation du culte de l'A~c~tre
"Le jour suivant, on prend du résidu de bière de
mil de
3ème
jour,
appelé en dagara. "d9-1{uor"
et on en met
dans sept (7) pots différents, La femme qui a préparé "dlla"
remue le contenu de chaque pot do la gauche. Puis l'offi-
ciant,
un membre llgé du lignage, verse la bière des sept
pots dans un canari qui est remis aux orphelins pour l!tre
apporté i
"Dapar", séjour transitoire des morts (2).
S'ap-
proc:1al1t de
"z,aw"
(entrée de la r.taison)
où sont déposéR
"l,p~-caru" (Dois Ancestraux), ils dorment le dos à la porte
(1)
Les inf"ormations sur ce ri te proviennent essentiellement
,-1~· reu DAlnnE K. Boheka (de la région do Dano).
On les .r~trouve avec quelqnes varii!lB"tes chez GOODY,
.T . ,
op.
ci t ..
(2)
A'iant
de péllétrer ~ "KpiI:lê-Tô....'1", los morts séjollrnent
cl'nbord él
"Dapar tl •

• •
/

4

- 472 -

'Olt,
par derri',re,
versent le liquide à l'intérieur.
A leur retour,
l'officiant f'eint l'étonnement:
flNais où se trouve
donc
"Dapar lt pour que vous soyez déjà
de ret6hr 1".
Et les messagers de répondre:
"Dapar n'est
pas loin;
c'est là où se trouve "lcpii-daa" (c'est-à-dire
"zaw"
:
entrée de la maison").
Ainsi
HDapar rt ,
C' est
"1 t endroi t
du Bois",
et pas
autre chose (.1),
dans un entendement pratique. Le père n'est
pas dans un monde lointain;
i l n'est pas un esprit absent:
i l est là,
dans la maison et i l faudra en tenir compte , le
vénérer,
lui offrir des
sacrifices,
le consulter.
Le pèl-e
en tant qu'esprit
(kp!in)
ayant accéd~ au repos éternel est
il "Kp!tn<'l-1'l',w". Hais le p"re fondateur : l ' Anc@tre du clan
toU,jOUI'S présent à
ses
f i l s peut 0:tre c.onsnl té à "DApar"4
Il ré::;ulte de cette ambivalence de la notion de "Dapar" :
séjour de "kp!ml!" et présence du Père, un mysticisme qui a
conduit à des autels et à des pr@tres "daparè"
(de Dapar),
rendant des oracles.
------------
(1)
"Dapar" ou "da-par"
:
"da"
bois;
"par" ou "pèr":
au-
prèz rie.
Donc avant d'être le séjour transitoire des
morts ,lointain et inconnu,
tlDapar tl
est un coin de "zaw"
une partie inté.grée de la maison. Ce retour au concret
est fondamental dans la pensée dagara.

On pourrait encore se demander pourquoi offrir
il l'Anc8tre "dll-kuor" et non "daa", puisque le premier est
lm résidu impur,
réservé habituellement 8lU enfants.
C'est
qu'il revient aux fils d' entretenir le
culte de leur père.
i l s' agi t.
peut-on légitiman ent penS9r,de lui off'rir ce qui
leur appartient en propre. Quant at~ sept (7) pots, il ne
Gerai t
pas abusif de soutenir que dans ··leur mul tiplici t6,
i l s représentent l'univers des orphelins associés à leurs
"pères"
(1).
N'est-ce pas à ces derniers qu'il revient
en priorité de pourvoir leurs
IIfils"
?
Car l'enfant n'a
rien que par son père (2). CeJ.a doane tille justilication,
n'il
on était
encore besoin,
d'lm culte
des
Anc@tres,
pères
~~ l'a:l-delA, ayant ac~idê ri la puissance des @tres sup~­
rion:'s nt pr~ts li veiller sur leur descendance.
COlICL:JSION
Ali moment où st ach.èvent les quatrigmes flmérailles
et précis6mfmt les rituels de "Yaaru" (dispersion,
dissolu-
tion) , l' ordr" et la vie règnent [, nouveau ,S'4t' tous les
plans,
m i e li x
que par le passé
:
(1)
Dans la Partie/IJJ~s reviendrons plus en détail sur
l'Univers dagara et le symbolisme du chiffre sept
(7).
(2)
Les biens de Famille sont d'héritage patrilinéaire :
quant aux
biens personnels,
c'est encore grllce à la
protection du p~re qu'ils pourront
fructifier •
.. ./ ...
- 474 _

-
Au ni veau rtu mor t'
Celui-ci est pass'.
d'après la légende,
de son
. ,
s~ege
sur le Gardenia - à
"Gllzuge Blla"
(}Iar i .l~O t
aux Garrle-
Hia::;)
où i l est descendu depuis l'avènement de la mort -
ft
l'ombre de cet arbuste i l s'installe après "ko-d li
tuo",
pl1is
an
séjour transitoire de
"Dapar",
aprp.s
t1ko-d.q-
rmaar",
enfin ri
"Kpimê-Ttw" où i l ne peut pénétrer défini-
tivement qu'apris les derniers rites d'apaisement.
Les notions de
"Dapar"
(ou "Daparè"),
séjour
tran-
sitoire des Harts,
et de "Kp1lD~-T~w" (Terre des Anc~tres)
l:1éri tent d' titre distinguées.
Il semble que ct est il tort
que le I~.P. GIPAULT les identifie (1). "Dapar" désigne plu-
t8t le lieu où séjournent,
après
"GSzuge B8a", les morts
non encore purifiés 1 car aucun mort ne peut accéder à ''K piml!-
Taw" sans ~tre entièrement apaisé par des orfrandns nt des
sacrifices. Aussi,
en cas de perturbations persistantes
après "l: o -dft
Ilnaar tl ,
convient-il d' "appeler
Dapar" (d'in-
vaquer l'Anclltre anprp.s d'un prôtre de "Dapar") pour litre
informé
directement par lui
dr.s
offrandes restant à eîfnc-
tuer pour son parfait apaisement
(2).
On comprend dès lors
pourquoi les délégués ries orphelins
char~és de porter "lIft-
;;uor" (résirlu rle biê're de mil) à l t Ancôtre disent à leur
(1)
R.P.
GIHA1J1"T,
L.,
in "Essai sur la Jteligion des Dagar .. ",
op.
cit., p.
352.
(2)
Informat.ion fournie par la délégation des Dagara de Nlln-
ga,·m (Ontre _Vol ta) à :1' Asse,nblée de ,la Sous-Commission
Nationale du Dagara,
en Nars 1979 i
Koper,
dont les a1nis
étaient smlE Jacques de Ttu'i, BEDA Charles de Gi8le ..•
-475
.. '/ ...

rntonr revenir de
"Dapar" , alors que les derniers rites
purificatoires prescrits ont déjà eu lieu depuis quelques
jours et que "kptin"
(esprit du mort)
devrait avoir dét'i-
nitivement accé<:lé au Repos Eternel,
à "Kptmll-T@w".
-
Au niveau des parents du mort dp,meurés
en vie
,------,--_. - -
Après lB passage rlans le
"règne de
la mort"
avec le
0.éful1t,
cp.llx-ci ressuscitent à une vi~ renouvelée,
repensée
("jans
sos princip~s et ses fondements,
à la raveur des célé-
brations rituelles,
ainsi que
dans
toutes
ses dimensions:
a)
-
sociologique:
les origines géo~raphiques, historiques
los relations généalogiques, matrimoniales du mort,
de ses
ascendants
et
descendants
j
les rapports sociaux d'amitié,
de camaraderie ou classe d1age,
de voisinage,
tous
en fonc-
tiOll des normes
du contexte culturel particulièrement
mis en
exercue tout au long des célébrations des f'unérailles
h)
-
économique : la fortune du mort,
de "yir"
(maison,
li-
gnage ou clan)
qui Be traduit par lea biens et trophées de
r.'amillc exhibés
:
c~réales, bétail, outils,
a ~ mes 1
fi éd i
cam en b,
(t'i'ini)
"t f'étiches,
etc., ou encore par
~es biens personnels
cauris,
volaille,
ustensiles, v~te­
ments,
parurp.s,
etc.
c)
- ~itique
bien que les Dagara n'ainnt pas cl'instane"
centrale ni en administration traditionnelle,
à proprement
parler,
ni
en politique,
l'existence de ces
pouvoirs
est
porçue ~·travers les droits et prirogatives du 'l c l1er de
':'erro"
ct des anciens du lignage
(ni-bôrè)
à travers aussi
... / ...
- 476 _

les proLllèmes que l"es·· parents établis de part et d' autre
de la :::-rontiÀre ghanéo-hurkinabè rencontrent par moments
pOlU'
:;"
rendre visite.
De plus, les questions de limitation
de delai d'exposition par l'autorité coloniale,
de monnaie
on CFA plutl'lt qu'en cauris et,
de plus en plus,
de cercueil,
de formol,
etc.,
dessinent un profil de l'élément économico-
politique,
faiblement quand i l s'agit d'impératifs peu pré-
.'
gnants par rapport au contexte culturel traditionnel, mais
toujours
plus renforcé avec le développement des idées nou-
vellez
d)
- religieus~_
celle-ci est liée at~ précédentes, car
selon l'histoire,
la généalogie ou la fortune,
l'homme dis-
pose ou acquiert
des autels
:
ainsi." celui
de
"T~gantt se
e
meme
transmet par h;,ritage,au sein du clan fondateurjil
en est dei
clos. médicaments ou
fétiches
déténus.
1'-1ais la dimension
religieuse s{~xp~rimente esselltiel1ement
par le sens de
1'~tr0 appréhendé comme don de la divinité, sous l'"inspi-
!."ation"
ou l ' i.nterc~sBion des AncfH:res qui.
donnent la via
ct,
IJar leur action permanente,
la maintiennent
et 1'a1i-
;:lûnten t ~
D' où la nécessi. té de
demeurer constamment en
bons
termes avec eux,
en accomplissant leurs volontés contenues
dans
la coutumn
~. értictées à leur dernière heurp. ou encore
livrées par les devins
ct,
en cas de menace grave,
de re-
courir aux ritos.
0)
-
métaphysique et morale :
L'étude rtes ri tes fWléraires mettent
en évidence
certains principes métaphysiques et moraux qui
sont en fait
liés
entre P.UX
:

d'iabord,
le recouvrement du monde visihle
et invisible,
du 3ymbolisme f~t de la causalité mécanique de type
.. .1 . ..
- 477 -

scienti:rique
(1)

ensuite,
la continuit~ du monde terrestre ou ., ici-bas"
et
de l'au-delà post-mortern
c'est,
comme i l a été cons-
taté à propos ~es rites funéraires, le m~me processus de
i:1erfectionnement ontologique commencé ici et maintenant qui
conduit 1 'homme
devenu "kp~in" (and\\tre)
à
"Kptrnll-Tl!w",
(Séjour dp- repos
éternel), où la vie
se ..déroule comme sur
torre i

.r.
en~.l.n,
la
rt~1.,élation de deux ordres :
le premier pr&vaut
au niveau dl.l monde terrestre et visibJ.e ~n tant ~le lieu
du changement,
voire de l'apparence
et de l'illusion
(:fofor)"
c'eGt-A-dire e!l somme de la vanit~, o~ l'erreur et la con-
:::usion (tulc)
sont possibles avec leurs conséquences: la
j;1alo.dic et,
au paroxysme,
la mort.
La maladie et J.a mort pilysiolo~ique sont d~R si-
gnes dû désordre physique,
mais au nom de la continuité des
[londes corporel
et~anscen~ant ou ossentiel, de la causalit~
imazinaire 011 symbolique
ct celle de type scientifique,
el-
Ica
Dont igalelnent signes de moins-6tre et voies de mori:
ontoI 0 Z:L que
car i l n'y a qu'une manière d8 mourir
c'est
<le sc couper du -î1= vi:tàl qui
émane de l"Ori.~ine (Mwin).
Si
l
la ~lani(estation immidiate de la mort rien donc n'est ~ait_
par J.e reCOlrrs aux rite~ -
pour y
rcnl&dicr,
le phiDom~ne ne
peut (_ue r.a.r,ll~r en extension
(2).
-_.-._---_._-----------
( 1)
cr. l f:S P.. Crets concrets attendus ùes épreuves -tests des
c6:.'_ébrations funéraires et qui· réfèrent au comportement
:":G~_~al Qr'lS conjoints, des orp!:elins,
ou des
héritiers et
p:~oclles du mort.
pour
J]
y
a
lA llne raison sur~isant~ que la Inort concerIle
toute la société.
... / ...
- 478 -

Le
deuxièm""e 'o'rdre, . Cl est celui qui
caractérise le
rGgne de
"Hwin"
ou "N8amwin"
(Dieu)
cles Puissances
uS aa "
,
ct "T~gan". ainsi qU,,~rkPîm~" (Anc~tres) qui lellr sont asso-
ciés.
C'est l'ordre cosmologique ou ordre de la vie,
des
essences,. de la plénitude de .1'. ~ t.r e
e t
d e I a
v6rité.-Il n'est pas 6tranger absolwnent au monde présent
,nlisqu'il est mani f'esté par les Puissances cosmiques.
et
on le retrouve par-dela la mort qui es~ i'expérience la
:L)lus
convaincante
de la vanité de
ce monde du chang'ement.
Pour le
Dagara,
i l n'y ÇI. pas
rie contradiction en-
tre le monde visible et matér±el et celui des essences.
Il
dfl
:'.~ a 1ille immanr.nce/l'un dans l'autre,
une
rencontre des
deux
dans l'être-·J,-\\
(1).
En cela la notion de "Dapar" est signi-
·'icativc
:
ell~ illustre la jonction rie llau-delà et du
pr6sent
(les morts peuvent ~tre entendus a Dapar), du sym-
bole (~t du seus ou encore/elle vout rendre possihle l'ac-
cord de l'imap;üiaire mystique ou syr.Jbolique et de l'e1fi-
caeité pratique empirique.
1'-1ais la sa,t;esse dagara se heurte à ce niveau
~
une aporie;
elle rencontre le problème de l'échec qui nous
,-envoie à son tour aux principes de base :
a la contin!li.té
de l'ici-bas et de l'au-delà,
~ la correspondance entre la
causalité ontolo~ique ou cosmologique et la causalité maté-
rielle de type scientifique,
à la corncidence entre l'ima-
~innire et le r~~l.
(1)
Sur la comnlémentarité du corporel et du spirituel chez
les noirs,
voir j\\IAUnIE~), H.,
op ..
cit .. ,
p.
7 1!
:
"Caté-
[.:oTie dn la corporalité".
... / ...
- 479 -

Dans la Troisième Partie nous allons approfonriir
la question
de la sagesse dagarn
:
considérer ses
rondements
ct les difficultés qu'elle rencontre notamment dans sa
positio~ entre deta aXes de praxis correspondant à deux
types de causalités diîférentes .
- 480 -

PARTIE III :
DES FONDEMENTS D'UNE SAGESSE
DAGARA DE L'EXISTENCE
CHAPITRE l
PROBLEMES METHODOLOGIQUES ET DE PRINCIPE
1. -
DE LA PROBLEMATIQUE
Au début de cette IIIè Partie, i l importe de
préciser la problématique de notre étude à ce point du dé-
veloppement, notamment en ce qui concerne la conception da-
gara de la vie. Tout au long de la présentation de la socié-
té dagara,
i l a été question de la pensée dagara,
de l'homme,
de l'organisation sociale:
territoriale,
îamiliale, com-
munautaire. Il a été également îait cas, au Chapitre III de
la IèPartie, des croyances principales qui soutendant la
représentation et la compréhension du moi,
du monde,
des
~tres supérieurs incluant "Mwin" (Dieu) et les Anc@tres
(Kpim8),
et qui orientent et expliquent les comportements
des ~tres, dont le modèle est celui de l'homme. Quant à ce
dernier,
i l se projette dans son milieu par son existence et
son action,
réalisant par là une extension horizontale de
son 8tre et, à travers des options qui ne manquent pas par-
Ïois d' 8tre contradictoires, y "cherche la vie"
("nyo vuru",
littéralement, "souÏîle du nez") présente et éternelle (1).
(1)
Chez les Dagara, i l existe l'idée d'un commencement du mon-
de,
créé par "Mwin" : Dieu (voir notamment dans le récit
de la création, chanté à l'initiation ou "baor"), mais pas
celle d'une îin collective. Si bien que l'idée d'une péren-
nité horizontale (terrestre) du groupe se marie à celle de
l'éternité dans l'au-delà.
... / ...
-
481
_

A traver~"le~ ~ites funéraires que nous avons
eu à examiner, nous est apparue,
de façon privilégiée, la
manière dagara de qu~te de la vie, puisqu'il y est précisé-
ment question de la lutte contre la perdition ultime :
-
en tant que fin de l'existence terrestre in-
dividuelle
ou mort du corps
(ia-gan) et de "sii"
(Ame-force
matérielle au second degré)
et en tant que menace de mort
'.
pour le groupe social ;
-
en tant qu'anéantissement de l'~tre total ou
"dispersion"
(yaaru), découlant d'tme compromission fonda-
mentale vis-à-vis des principes directeurs de la vie,
cosmo-
logiques et moraux,
établis par "Hwin" (qui peut défaire et
refaire à volonté toute chose) et repris dans la Tradition.
Comment en venir à dégager des normes générales
d'W'le "sagesse" dagara à partir des pratiques diverses,
des
croyances et des rites,
notamment ftméraires,
comme étant en
quelque sorte leur substratum ou l'essence de leurs ~tres,
capable de justifier,
en retour leurs phénomines ? Et comment
s'assurer que le symbolisme qui est appréhendé
à propos de
ces manifestations (dont L.
V. THOMAS, parlant de's sociétés
A traditions,
compare la puissance à celle du verbe
(1))
n'est
pas tm imaginaire attaché complaisamment et a posteriori à
des affirmations et à des faits plus ou moins inCOhérents,
mais bien la forme de leur causalité interne? A propos de
cette "sagesse" des traditions dagara,
sera-t-on autorisé à
y voir réellement tme conception dagara de la vie,
dans son
originalité,
plut6t qu'une synthèse artificielle et arbi-
traire ?
(1)
THOM~S, L.V., in "l'Anthropologie de la Mort", Payot, 19711,
Part1e IV,
Chapitre II :
"La Mort et les Symboles" •
.. ./ ...
- 482 -

II.
-
DE LA ~mTHODOLOGlr.
"La clé de la structure sera dans la formule
mathématique exprimant le rapport entre les
contours respectifs des cames et leurs vites-
ses respectives de rotation :
informations
sans correspondance perceptible avec le puz-
zle tel qu'il appara~t superficiellement au
joueur, bien qu'elles seules puissent le ren-
dre intelligible et fournir une méthode logi-
que pour le résoudre .•• "
(1).
1..
-
Pourquoi une synthèse ?
Il c.onvient tout cl' abord de dire que la con-
ception de la vie Cl1CZ les
Dagara que nous avOns
d'embl~e
(1)
LEVI-STRAUSS,
Cl.,
"Anthropologie Structurale Deux".
Plon,
1973. Organisation Sociale, Chapitre VI :
"Sens
et usage de la Notion de Modèle". p.
99 .
.../ ...
- 48) _

posée comme "sagesse" ne saurait. se résoudre
en simple ~om­
mation des pensées des
Dagera déclarées ou simplement mani-
festées,
à propos des pratiques et cérémonies qui ont été
présentées dans les deux premières parties, quel que soit
le caractère fondamental de celles-ci.
Ainsi conçue, une
telle combinaison ne manquerait pas d~tre étriquée et in-
cohérente, Vil les contradictions qu'elle ne manquerait pas
de receler.
A titre d'exemple,
si nous considérons le com-
portement dp.: la veuve au moment de
"yaaruJ1,
lors des qua-
tri"oes ftmérailles,
i l appara'tt que celle-ci brise le sym-
bole du mariage qui l'unissait à son époux délunt,
en foulan
au pi.ed la paille jetée au carrefour des senti.ers. Par ail-
leurs,
à la m@me occasion
elle a~rirme son union à son
t
mari en lui réservant publiquement un culte et en signifiant
par l'autel qu'elle choisit (le carrefour),
que son enga-
gement est valable en tout temps et en tout lieu au-deI. du
domicile conjugal (1). La question suivante donc demeure
"La veuve à l'issue de "yaaru" est-elle toujours unie à son
défunt époux ou est-elle désormais dissociée de lui 1"
Ou
encore,
en quoi
l'union üemeure et en quoi
est-elle éteinte
Nous
avons déjà répondu certes partiellement à cette questic
en invoquant une possibilité d'union du vivant et ri" "Kp'1.in"
(t)
Cf. Chapitre IV,
Partie II, Paragraphe 111-2
"Yaaru"
ou rites d'émancipation de la Veuve.
. .. / ...
- 484 _

(ancttre),
dans la mesure où ce dernier n'a plus de préoc-
cupation terrestre. Mais pourquoi faut-il que le mariage,
déjà aléatoire dans le contexte traditionnel dagara et qui,
dirait-on~ n'a plus de raison d'@tre, soit plus que jamais
confirmé .. par-delà la mort, vis-à-vis du défunt mari, alors
m@me que la veuve réaffirme son appartenance à son clan
paternel ?
Il semble que seule puisse aider à réduire les
paradoxes
et éclairer la compréhension une référence au sys-
tème dagara et à sa conception de la vie que nous appelons
sagesse,
en un sens large, analogue à celui que PLATON don-
ne à ce dernier terme (1) c'est-à-dire:
-
en tant que science:
connaissance de soi,
des ressorts
de son IHre,
des sources de la vie,
des conditions de la
vraie prospéri té ou, au contraire,
du moins-thre
-
et en tant que vertu : obéissance aux volontés des Anc@-
tres,
soumission
à
la Tradition dans les relations vis-à-
vis
des autres,
de la nature et des puissances
cosmiques:
car, selon l'expression de. 4O;.SfJi>H)R, "ce qui appara!t à notre
investigation,
ce n'est pas une poussière de faits incohé-
rents et contradictoires, mais cette étrange activité de la
pensée négro-africaine classant, manipulant les entités cos-
mogoniques" et
ailleurs
:
"Chaque situation singulière ne
peut se comprendre qu'au-delà d'elle-m@me,
dans ce qui l'ouvre
à d'autres situations", non seulement au sein d'un m8me sys-
tème social, mais d'un ensemble toujours plus vaste qui tend
à s'élargir à l'échelon planétaire (2).
(1)
PLATON,
"Charmide ou de la Sagesse Morale".
( 2) N'DAW
A., "Pensée Africaine .Recherches sur les fondements
de la 'Pensée Négro-africaine", NEA,
DAKAR,
198), Préface
de
SENGHOR, L. S.
, pp. 39 à 42.
... / ...
- 485 -

Dans notre entendement,
le concept de sagesse
renvoie à tout ce que les'Dagara considèrent comme telle,
que ce soit sur le plan de la vie terrestre ou dans l'ordre
surnaturel,
sans qu'il soit besoin de ré'érence à quelques
normes
étrangères
considérées c;onune 'fobjectives" où "uni-
verselles". Il traduit simplement le sens de l'e"icacité
aussi bien théorique que pratique,
empir~ue
que morale,
,
au sens ou E. KANT entend ce terme. Au reste, n'est-ce-pas
le lieu de reconna!tre que tout système de pensée -
et par-
tant,
toute "sagesse" humaine - a ses limites. Ce qui im-
porte,
d'après A.R. RADCLIFFE-BROlfN,
c'est son opérationna-
lité ou sa 'onctionnalité (1). A.
NDAW, de m~me, souligne
à l'endroit de la pensée négro-africaine,
le caractère tech-
nique plut8t que scientifique (2). Mais, pourrait-on
se
demander,
comment dégager cette conception définie comme
sagesse sans risquer de tomber dans l'arbitraire? Est-on
seulement autori.sé à tenter une telle synthèse sans qu'elle
apparaisse comme une construction méta-ethnologique ?
2.
-
Du fondement d'une élaboration de la conception
dagara de la vie
-
Il 'aut tout de suite souligner les limites
de notre approche
"La Conception de la vie chez les Daga-
ra à la lumière des célébrations rituelles de la mort"
indi-
que notre référence à un contexte particulier, quel que soit,
(1) RADCLIFFE-BROWN, A.R., et FORDE, D., "Systèmes Familiaux
et Matrimoni.aux en A'rique'; P.U.F.,
1953, p. 4.
(2)
NDA'" ,
A.,
op.
cit. p.
77.
... / ...
- 486 -

par ailleurs,
le caractère privilég~é de cette référence,
.
.
qui du reste en justifie le choi~. Et, de m@me que la lec-
ture incomplète d'un auteur laisse courir le risque de mal
cerner sa pensée, cette limitation pourra ~tre ici une
source d'insuffisance.
-
Ensuite,
dans notre recours au domaine des
célébrations funéraires,
,me précaution eQt été utile pour

préciser la portée des faits dans le conte~te actuel de
l'ethnie dagara
;
elle consisterait à véri~ier la prégnance
des rites funéraires dans la société dagara actuelle par
voie d'enqu@te menée sur un échantillon convenable. Mais
bien que cette démarche eQt été profitable à plus d'un ti-
tre -
entre autres, ne permettrait-elle pas de confirmer
la pertinence des informations antérieures?
-
à vrai dire,
son apport,
dans notre optique demeure négligeable ; car,
c'est délibérément que nous nous installons dans une cer-
taine société dagara, plus ou moins révolue,
inégalement
présente dans les différentes régions et localités,
et à
laquelle correspond en propre une certaine sagesse tradi-
tionnelle,
qui ne manque pas d'influer sur les mécanismes
actuels et futurs de l'organisation sociale.
- Cette étude n'ignore pas en outre les criti-
ques qui ont frappé l'ethnophilosophie en tant que méta-phi-
losophie ou ethnologie-prétexte (1). en tant que vision qui
se greffe artiriciellement et arbitrairement sur des données
(1) AUGE, M.,
in "Pouvoirs de vie et Pouvoirs de mort.
Intro-
duction à une Anthropologie de la repression",
Edit.
Flammarion, Paris,
1977, p.
12.
.. '/' ..
- 487 -

ethnologiques. Au contraire, nous pensons avec A. NDAW que
toute philosophie conséquente part des valeurs de son con-
texte culturel et commence par une réflexion sur les thèmes
et problèmes de sa société
(1). Du reste,
à propos de ces
critiqu~~, qu'elles proviennent de penseurs occidentaux ou
africains, une mise au point semble nécessaire.
Trop souvent, les jugements sur la "philosophie"
(ou "pensée") africaine utilisent des schématismes occiden-'
taux.
Tout se passe comme si l'occident après nous avoir im-
posé sa culture nous emp~chait de parler de la réalité afri-
caine en nous en refusant sa conceptualisation, par l'impo-
sition de sa logique à dominante scientifique.
A propos
précisément de philosophie,
i l suffirait de mettre en compa-
raison des pensées telles que l'ldéalisme platonicien,le
bouddhisme et l'épistémologie d'un G.
BACHELARD pour se ren-
dre compte des variations sémantiques du concept de philo-
sophie,
en fonction des civilisations et des champs d'inves-
tigation.
Dans un domaine tout à fait autre,
faut-il
qu'une construction réponde aux canons de l'architecture
grecque ou française
(et de quel siècle ?) pour mériter
qu'on lui applique le concept de "maison" ? Pourtant,
cette
appellation appliqu~e à l'habitation africaine n'a jamais
inquiétée personne.
Après avoir reconnu aux caractéristiques de la
civilisation négro-africaine,
dont participe l'ethnie dagara,
(1)
NDAW.,
A.,
op. cit. p.
40 et 59.
.../ ...
- 488 _

leur spécificité,
i l 1).e s..emble pas bien indiqué de vouloir
appréhender les faits de culture y
afférents selon des
références étrangères : celles des ciVilisations à techno-
logie scientiïique,
telles le schématisme critique qu'il
soit de type kantien ou cartésien,
l'individualisation des
pensées, .la prédominance de la théorie sur la pratique, du
spéculatif sur le vécu,
la causalité scientifique hypothé-
tico-déductive,
la démonstration rationnelle,
etc ••• L'ap-
proche de H. MAURIER qui présente des catégories propres
à la culture noire est fort intéressante, mais, ne nous
semble pas nécessaire pour une philosophie africaine.
Bien
plus,
elle risque de semer la confusion. Car, le problème
n'est pas d'inventer des catégories africaines, mais de
définir une logique africaine de l'utilisation des catégories
(1).
Il revient à A. NDAW le mérite d'avoir énoncé
admirablement et de façon précise le cadre d'une "philoso-
phie africaine", avec peut-ttre trop de réserve encore pour
l'usage des termes "pbilosophie africaine". C'est avec beau-
coup de profit et d'encouragement que nous
Bvons
lu son
liVre traitant de la "Pensée Africaine" et ne pouvons qu'y
référer ici le lecteur (2).
(1) HAURIER, H., in "Philosophie de l'Afrique Noire", studia
Instituti,
Ant~opos 27.
(2) NDAt."
A.,
"Pensée Africaine. Recherche sur les Fondements
de la pensée négra-africaine", NEA, DAKAR 19B3.
Dans l'Essai intitulé:
"La Négritude est un Humanisme",
T.N.E.,19B2, bien qu'étant simplement ébauché, notre point
de vue portait déjà dans le m@me sens.
... / ...
- 489 -

Si donc nous sommes d'accord pour critiquer
les constructions relatives à l'Afrique,
élaborées sur des
bases généralement occidentales, parce qu'elles manquent
de fondement,
i l semble abusif de vouloir attendre de toute
synthèse.,sur la pensée de nos sociétés africaines - dont les
civilisations sont marquées par l'oralité -
qu'elle soit
purement et simplement une construction'~héorique, à la me-
sure de son
auteur.
Un tel travail requiert précisément un
recours aux conditions de l'expérience cul turell e africaine·,
à poser ici comme a priori et qui ne peuvent, hélas, ~tre
discutées en profondeur dans le cadre de cette étude.
En
tout état de cause,
celles-ci devraient découler des carac-
téristiques reconnues à la société africaine,
orientée dtem-
blée et en totalité vers la conqu@te et la sauvegarde de
la vie à tous les plans,
dans l'ordre empirique comme dans
le sens de la transcendance.
Cela n'implique pas que la raison n~gre soit
autrement structurée et méconnaisse les catégories trans-
cendantales de l'espace et du temps,
de la quantité,
de la
qualité,
de la causalité et de l'existence (1). Cependant
qui dit structure,
dit disposition organisationnelle en vue
d'un sens,
et toute philosophie correspond à un niveau ou
à une forme d'expérience. Et, de m@me que les conditions de
la possibIlité de toute expérience implique,
dans la pensée
Européenne,
une saisie du divers par une conscience initia-
lement individuelle et dominatrice,
dans une visée théorique,
exploratrice et utilitaire,
de m@me l'expérience négro-afri-
caine
et dagara
en particulier doit se ré1'érer à des princip-es
(1) Cf. E. KANT,
in "Critique de la Raison Pure" •
.../ ...

susceptibles de nous restituer son sens original,
qui dif-
fère à première vile de la visée scientifique et technologique.
Ce ne sont pas les énoncés de ces principes qui
font défaut, mais habituellement,
ceux-ci sont appréhendés
sous une optique qui
leur confère une signifi.cation occi-
dentale. On pourrait ainsi dire que la sagesse négro-afri-
caine est
:
- pratique:
elle intéresse les faits concrets,
la vie,
la
qu3te du bien-~tre plus que la démonstration théorique
el-
le est plus empirique que métaphysique
-
technique
elle se veut une manière efficace de réaliser
l'expérience totale telle qu'elle nous appara!t, par exem-
?le,
à travers la philosophie de Kant, c'est-A-dire celle
d'emblée
de toute la vie comme projet global eVorienté vers le bon-
~eur ;
B8
-
el~e/veut un savoir-faire, un savoir-vivre, plut8t qu'une
science spéculative
:
- elle est totale,
l'homme étant en communion avec tout le
~onde, y compris la société humaine, la nature et les ~tres
supérieurs
(divini té et puissances cosmiques, Anclhres et
esprits ou génies). L'homme est capable d'entrer en rapport
directement avec l'3tre fondamental
(~ogos), par-delà les
simples manifestations ou phénomènes des choses.
Il se réa-
lise ainsi des unités micro-cosmiques et macro-cosmiques
dont la moindre perturbation se répercute à tous les niveaux
-
enCia,
elle est collective, par sa source qui est la tra-
dition sociale,
fruit de l'histoire,
remarquable par son
... / ...
- 491 -

dynamisme,
comme le souligne H. NAURIER (1),
eu égard il son
r81e essentiel dans la vie du groupe et a ses besoins d'adap-
tation.
Avant de revenir sur ce earactère collectif
pour l'importance particulière qu'il revêt pour notre objet,
i l convient de souligner que toutes ces.caractéristiques
qui viennent d'être citées pour illustrer l'orientation par-
ticulière de la pensée africaine par rapport à la pensée
européenne sont facilement travestiespar un regard occiden-
taliste. Les critiques de la mentalité noire demeurent as-
sez célèbres pour que nous n'y revenions pas.
Ainsi, le re-
cours aux faits,
qui pourtant sert également de fondement
à la science positive, devient une incapacité à dépasser
le moment ou encore de la sensiblerie. La quête du bonheur
qui est pourtant le devoir ultime, vu qu'il correspond à la
recherche de la perfection ontologique,
est traité d'illu-
soire,
tandis que communier au "logos" originaire de l'être
passe au rang des vaines prétentions ou du sentimentalisme.
Il n'y a donc pas lieu d'une quelconque technique efficace
ni de "conception de la vie" ou sagesse qui mérite attention.
Notre propos n'est pas de comparer ici la lo-
gique occidentale et la logique négro-africaine et dagara,
~ais seulement d'indiquer ce qui semble être un point fon-
damental de divergence qui justifie le bien-fondé de notre
projet d'esquisser une approche de la conception de la vie
chez les Dagara et éclaire la philosophie de ce peuple.
(1) HAUHIER,
H.,UPhilosophie de l'Afro
Noire'; op. cit. Pp.71
J
et suivantes.
. "/' ..
- 492 -

Nous pdUvons d'ores et ~éjà retenir comme le
véritable auteur de la sagesse ou conception dagara de la
vie un "nous" social au regard duquel le sujet qui présente
cette expérience (à l'occidentale, c'est-à-dire sur le plan
de la "théorie" et de la connaissance) est,
selon le terme
de ,L.S.S;;N<>HOn llne"abstraction" dont la valeur en tant qu'élé-
ment,
dépend de sa conformité au tout, à savoir le "nous"
(1).
Il ne saurait y avoir de "vide " , c'est-à~dire de différence
"entre les chos~s observêes", riellement v~cues. "et les
choses seulement pensées"
(2),
c'est-à-dire synthétisées
par une pensée théorique,
sans que celle-ci soit frappée
de vanité.
Mais n'est-ce pas en venir au concept d'une
pensée impersonnelle, sallS paroles et inacessible,
fonciè-
rement dépendante des interprétations variables et abstrai-

tes qui pourront en @tre tirées ?
En fait,
la pensée dagara-"parle" à travers les
mythes, les rites,
les proverbes, les chansons populaires,
les contes,
tout ce qui supporte sa Tradition. Hais pour
garder tout SOn sens, cette pensée qui prétend s'abreuver

au "logos" des choses et non aux "phénomènes des phénomènes"
ou manifestations des choses visualisées par la raison théo-
rétique,
doit ~tre restituée autant que îaire se peut dans
son authenticité,
ce qui n'est pas possible du regard d'un
su~et particulier, mais suppose la référence à une synthèse
(1) Cf. LEVI-STRAUSS, cl., in "La Pensée sauvage", chap.I
l'La Science
du concret".
(2) N'DAW , A. _,
"La Pensée Africaine. Recherches sur les
Fondements de la Pensée Africaine", Préface de SENGHOR,
L. S. , pp. 42 -4} •
... / ...

collective et originel-l'e, 'patiennnent élaborée au cours de
l';Iistoire,
et qui dépasse tout entendement individuel.
Certes,
en faisant de la conception dagara de
la vie un objet de connaissance et donc théorique,
au lieu
d' ~t.re vé'cu,
concrètement,
nous en donnons une pert.1~ption
singulière. Et de ce fait,
m@me la multiciplicité des vues
St~ cet objet peut servir à améliorer l'approche de cette
réalité dagara,
à condition évidemment que celles-ci évitent
l'arbitraire. Mais toujours est-il que cette conception el-
le-m8me ne saurait se réduire purement et simplement au pro-
duit de telles synthèses en étant en m@me temps leur réfé-
rence de valeur.
A ce point de l'examen, une question demeure,
celle du droit à servir de m~diateur non seulement entre
les Dagara et ceux qui ne les connaissent pas, mais aussi
entre les Dagara eux-m@mes en tant que non initiés,
en tant
que profanes,
et leur Pensée. En effet, pour que le vécu
passe au plan de la connaissance,
i l faut qu'un minimum de
distro,ce soit possible,
que ce soit dans le temps ou dans
l'espace ou encore par cette distance intérieure qu'est la
critique.
Donc n'est pas seul habilité à présenter la sa-
gesse de Ses pères,
le fils
du clan (1), mais il faut cer-
tainement y @tre autorisé par une ouverture à la logique
négro-africaine et à SOn sens de l'@tre,
à sa vérité: par
une disponibilité à accueillir l'information sur la réalité
dagara qui se refuse al~ déductions selon la causalité scien-
tifique et reconnatt le principe de la causalité sans cause
(1) Il est à rappeler que l'apprentissage de la coutume chez
les Dagara Se faisait auprès des pères du clan 0';' à défaut
auprès d'un devin
;
nos
enqll~tes se sont parfois hp.l.lrtées
~ cette exj.gcnc~.
.../ ...

propre au symbolisme
enfin par une objectivité dans l'ana-
lyse sociologique,
au sens de la recherche d'une compréhen-
sion des faits en tant qu'éléments de système opératoire,
par lequel ceux-ci trouvent leur signification (~). Et, faut-il
le préciser,
de telles qualités ne sont pas plus indispen-
sables à l'étran~er qu'au fils de l'ethnie.
,-
).
- La notion de "sOofu"
(2)
comme si,gnificative
de notre entreprise relative à la conception
dagara de
la vie.
Le
terme
dagara
" s 0 o fu",
aux
emplois
très va-
riés,
traduit d'abord l'acte matériel par lequel on trace
une f'igure,
par
exemple,
une ligne ou le plan d'une case
ne
vue
"so.o yir pèr".
D'un point/psychologique ou moral,
ctest
lÔincitation à ~tre ou à agir,
concernant l'homme ou tout
autre ~tre - naturel ou spirituel,
terrestre ou transcendant -
au nom de la mentalité animiste.
C'est, par exemple,
exalter un clan par des
déclarations ou rles incantations qui lui rappellent son pas-
se. N'est-ce pas lui tracer la ligne de conduite digne de
ses anc~tres glorieux? C'est encore la manière dont une fem-
I~C s'encourage, quand elle écrase des graines sur la meule,
RADCLIFF'E_BHOIvN,
A.
n.,
et rOnDE,
D.,
in "Svstèmes fami-
liaux et matrimoniaux en Afrique,
P.U.I'.
195). p. 4. Tra-
duit par M.
GRIAULE.
(2)
"SOofu"
tracé,
figure,
forme,
principe,
chant de gloire;
fait de tracer.
. .. / ...
- 495 -

en chantant,
lp. pIns souvent,
son lignage d'origine.
"sOoÎu"
s'applique aU8 .• i
au poison des îlèches
(low),
lors du re-
tour de la grande chasse,
quand du moins celui-ci a rait ses
preuves d'efficacité
i l l'est
encore aux boeufs,
lorsque,
repus apt~s le p~turage, ils s'affronterlt dans la clairi6re
le berger d'antan
composait, pour chaoune de ses b~tes, un
"s-Qofu" particulier,
qui
était censé l'inciter au combat,
tout corrune i l disposait d'un répertoire de "stlofu" pour ac-
c6lérer le pao du troupeau vers l'étable,
i
l'approche de
l'orage ..
En liturgie,
"Nâamwin st'l.ofu" réfère aux chants de
louange et de sollicitation à Dieu. Enfin, dans les célé-
brations funéraires,
on peut encore citer comme "st1ofu",
la
musique funèbre,
notamment celle des "lo-gile"
(balafons à
c'est elle
A
seize planchettes~/qui soutient les incantations (lawni) et
les p1eurs,
ceux-ci à leur tour constituant des indications
(s~ofu) relatives au sort du mort, du clan en deuil,des al-
liés et de toute l'humanité.
La notion de "sQofu" évoque donc un schématis-
me. Ce sens apparatt clairement dans le cas du discours
:
I1sfto ièro",
c'es't tracer le plan d'un diseours,. en dévoiler
la substance sans en donner le développement qui,
pour une
raison ou une autre,ne sera pas livré
ou le sera par une
,
autre voix, ou encore en dif~èré ..
Bien plus,
elle renvoie
à une mobilisation et à une canalisation des énergies pour
l'action et,
en quelque sorte,
à l'idée d'une anticipation.
C'est l'appel de l'acte ou sa forme:
son "principium agendi",
d'après la terminologie scholastique; ou encore c'est la
disposition de départ qui contient en puissance et commande
l'enchatnement des faits aussi bien que leur compréhension .
.. .; ...

En matière de sagesse dagara,
la dimension
de notre projet nous oblige à nouS limiter à des références
de base et à des principes fiables,
susceptibles de garan-
t i r nos c,onclusions tout en laissant la porte ouverte aux
investig~tions ultérieures. C'est, en d'autres termes, tft-
cher de donner "sOofu" de la conception dagara de la vie,
dans l'idée d'apporter une contribution & l'effort d'ana-
lyse des traditions et
i
la sagesse de ce peuple.
- 497 -

CHAPITRE II
L'UNIVERS COSMIQUE DAGARA COMME LI r:u
PIUVILEGIE DES PRINCIPES DI': SAGESSE
I. -
REFERENCES MYTHOLOGIQUES sun L'ORIGINE ET
L'ORGANISATION DU MONDE
Dans la Première Partie, au Chapitre III re-
latif aux croyances dagara,
i l a été fait cas de l'unité
de "T~gan" (Peau-de-Terre),
en toutes ses parties,
et de
son association avec "Saa" (Puissance Ci'~l) par procession
gémellaire à partir de "Mwin" (Dieu), l'Orig:tne. Au nom
de l ' . n i té du· co:smos dans
sa génération,
toute la création,
avec ce qu'elle comporte d'ttres, remonte à Dieu,
la source
unique,selon la pensée dagara.
Si "T~gan" s'est éloigné de "Saa", c'est par
la faute des hommes qui ont ainsi mis fin à l'ère de "nour-
riture céleste", directement puisée aux cieux,
ouvrant
l'ère du travail.
Les mythes dagara de l'origine rendent
compte de cette unité de départ puis de la séparation des
616ments cosmiques
:
-
liA l'origine,
Dieu commence par remuer la
terre de sa puissance mAle qu'est "Saa"
et en fait sortir
tous les ttres dont l'homme et la femme",
d'après
un
récit de "Baor"
(Initiation)
"Mwin tti •••
"Dieu commence
l'Iwin yowri
Dieu remue
(T@gan)
Yow ir nibè" . . .
(1)
En sort les personnes" ......
(1) Extrait de la Récitation de "Baor" (Initiation) que nous
serons amené
souvent à citer. A propos de ce récit de
"Baor", cf. Goody,
J.,
"The Myth of the Bagre",
1972, et
"Une récitation du Bagré",
19f1O.
... / ...
- 498 -

-
un autre récit enseigne
"Au commencement.
la Terre et le Ciel se touchaient et, pour se nourrir,
les
hommes n'avaient qu'à découper les nuages et les faire
cuire en prenant soin de couvrir la marmite.
Une femme né-
gligea cette précaution et les nuages s'échappèrent du
récipient au Ciel et celui-ci s'éloigna à
jamais. Depuis
-~
ce jour, le Ciel et la Terre se séparèrent et l'homme dut
désormais travailler pour gagner son pain"
(1).
-
Ailleurs,
c'est un grand feu allumé par les
hommes qui a occasionné l'éloignement du Ciel
("Salom"
firmament)
de la Terre.
En somme, par rapport al~ doux grands groupes
mythologiques cités par L.V. THOMAS à propos de l'organisa-
tion du monde
le groupe "jobien",
impliquant une faute,
généralement de la femme,
et le groupe "oedipien" référant
au hasard du destin,
les Dagara se rattachent donc au pre-
mier (2)
ils s'apparentent par là à bien d'autres peuples
africains,
tels les Yoruba qui expliquent légendairement
l'éloignement rill Ciel rie la Terre par les coups· de pilon
de la femme
ou les Bwa qui l'attribuent à la négligence d'une
femmeJdoublée rie la désobéissance d'un enfant (3).
( 1) Cf. GI3AANE DABIRE, C., in "NISAAL. L'Homme comme Relation",
op. cit., pp 3(, et 37.
( 2)
TI-JONAS L.V.,
l'Anthropologie de la Mort", op. cit., p. 40B.
- Les mythes du contexte culturel négro-africain relatif
à l'organisation du monde se recoupent en bien des points.
Cf.
ZAHAN,
D.,
in "Religion,
Spiritualité et Pensée I\\fri-
caines", p.
lOG sq,
à propos de la
structuration de
l'espace.
{J)
Cf. CREMER
J . ,
in "Les Bobo (la J.lentali té Mystique)", op.
,
.
cit., p.
207 :
pendant l'absence de la ménagere qui n'a
pas pris soin de fermer les fen@tres de sa cuisine, comme
prescrit,
Bon enfant découvre la marmite pour godter aux
mets et les morceaux de ciel s'échappent.
... / ...
- 499 -

L'unité mystique du monde en ses parties céles-
te
(saa-zu)
et terrestre
(t@w-zu-ka)
fait que celui-ci cons-
titue un ensemble macrocosmique qui unit tous les ~tres de
toutes les formes
et de tous les degrés
(ou paliers) d'exis-
tence
(bom-za/zie-za)
visibles et invisibles,
naturels,
supra-naturels,
spirituels et transcendants
;
par cette uni-
té mystique,
tout est en relati.on avec t-out,
de façon im-
r:lédiate et,
comme le disait L.
S.
SENGHOI1 du monde négro-afri-
cain,
sans frontière,
pas m@me entre la vie et la mort
(1).
Tout microcosme,
plus ou moins rédUit,
se trouve de ce fait
impliqué dans ce macrocosme qui s'élargit jusqu'à "Hwin"
(Dieu),
la distance ontologique à 1.'Origine étant mesurée,
pour tout ~tre, soit suivant l'ordre de la procession cos-
mogonique,
soit en fonction cl.1Il la puissance mystique qui
l'habite dans le moment et l'élève plus ou moins vers elle.
Hais aussi l'unité mystique qui régit le cosmos
gouverne chaque ~tre en toutes ses parties et à travers tou-
tes Ses formes
d'existence,
faisant ainsi de lui un univers
microcosmique,
et lui confère la possibilité d'une extension
dans l'espace par contact et expansion de son "dèwr"
(saleté)
r:lystique ou par génération d'autres @tres.
Compte tenu de ce qui précède,
le monde dans la
pensée dagara Se présente sous forme d'ensembles ou de micro-
cosmes plus ou moins étendus,
l'ensemble le plus étendu ayant
l'extension de l'univers cosmologique dagara,
allant de "Mwin"
aux @tres de toutes catégories et comprenant aussi bien
(1)
SENGHOR,
L.S.,
in "Prérace aux Nouveaux Contes d'Amadou
Koumba".
.. .1 ...
- 500 -

1
l'univers de "Saa"
que celui
;del "T~gan". Hais ici l'en-
sc~ble au lieu de regrouper des individus ayant les m~mes
caractères fondamentaux réunit desl @tres relevant de séries
de génération différentes mais en relation
dans et pour la
vie. Les rapports entre @tres,
lesl modalités d'implication
de leurs univers sont fonction de teurs séries de génération
ainsi que du degré de leur présencb onto~ogique et donc de
leur distance à l'origine. Par exelple, la femme ne peut pas
1
litre l'homme,
ni le jour la nuit,
pas plus que la poule ne
peut remplacer la pintade. Mais lei carquois,
l'arc, une ap-
parence de mouton,
etc., peuvent avoir l'essence d'un
@tre
1
humain (cf. Schéma nO 22).
Les relations entre @tres sont régies par le
principe de la causalité symboliqui propre R la cosmologie
1
négro-africaine
et dagara en particulier et par des règles
spécifiques qui évitent la confusi~n ou sauvegardent la spé-
1
cificité de la série et l'ipséité de chacun.
En ce sens,
1
faut-il le rappeler,
le séu1 ennemi véritable,
absolu,
c'est
1
le sorcier et quiconque emprunte son mode d'agir, car i l est
anti-associatif,
absorbe ceux aVeClqUi i l entre en relation.
Le seul sort dont i l est digne,
c'est l'expulsion du monde
social et cosmique,
l'annihilationlpar la "dispersion"
(1).
1
1
(1) Cette dernière notion ne Se corifond pas avec celle de néant
m@me si elle évoque le plus ba~ palier du moins-@tre. L'~tr'
en "dispersion" a
exi.sté et a n\\érité une sancti.on mystique
maximale qui le rejette en dehdrs des limites de l'univers
ontologique.
.. .... / ......
- 5°1 -

II.
-
LES SYMBOLISATIONS DAGARA DEIL!UNIVEnSALITE
1
ET QUELQUES APPLICATIONS
,
Les Dagara disposent-ils d'une manière de sym-
boliser cette Ilniversalit~ du mond~ dont ils portent en
profondeur le sentiment?
1
Pl\\lsieurs ~tudes de s6ci~t~s ont mis en ~vi-
dence les correspondances entre lel repr6sentations du monde
ût les structures des activit6s fobdsmentales., en particulier
l'art,
qui est lui-mllme intimement!lié an religieUJ[. C'est
ainsi que les tracés des cathédral~s, dans leur qulHe de
fonctionnalité non seulement prati~ue, mais surtout symbo-
lique, ont constitué des représent~tions du monde, la zone
du choeur désignant le ciel ou séj~ur de Dieu et la nef le
1
lieu de la procession des @tres
(1).
La signification rituel-
le de la balançoire dans l'Inde trlditionnelle,
comme moyen
1
de jonction entre la Terre et le Ciel,
a
été souvent évoqu6e.
.
1
De marne,
6tudiant la soci6t6 yak8 du sud-est du Nig6ria,
Daryll FaRDE fait observer que les!objets de culte et d'art
1
cranes décorés,
figurines,
poterie; etc., matérialisent
les représentations que les habitarlts se donnent de l'uni-
1
vers
(2). Quant i
L.V. THOMAS, i l fait appara!tre l'art du
(1)

1
La cathedrale de nOBO-DIOULASSO,
au Burkina Faso, rappelle
bien cette idée :
sa nef est p~uplée de divers @tres na-
turels et spirituels matériali~és, gravés aux dossiers des
bancs.
1
(2)
FonDE,
O.,
in "Systèmes Famili~UJ[ et Matrimoniaux en Afri-
que",
P.U.I'.,
1953, p. 409 :
"~ouble Filiation chez les
Ya!<ô".
. .. / ...
-
502 -

1
1
SCHEMA N° 22
L'ESPACE COSMIQUE DAGARA
1
l
?T
II
II.· ...
... III
III
1
1
1
1. Avant la séparation
2. Après la séparation
de "Saa"
et de "T~gan
NOTES
,
1.
"MWIN" (ou "NAAMWIN")
:i DIEU
I I .
"SAN'
(Puissance Ciel) ,
I I I . "TEGAN"
(Puissance Terr~)
1
- Entre les zones II et III ': domaine par excellence
i
de l'Homme et des ~tres à psychologie humaine.
,
1
- 50~
1
,

1
.
1
;rase
sacré rie Vodun chez les Yoruba comme l'expression du
1
'Jrarnc de
la vip,
~t de la mort 1 mai~ sous une forme ésotér i-
. ,
( )
E ·
' f '
1
t '
1 ·
. ' t '
quo et vOllee
1, ~
nfln,
se re
er~n
a
p
U51curs
SOCle es
i
dont les Hossi,
les
Dogon,
les
Bambara,
les
Rantu,
etc.,
t"
l
t i
'
,
.
1
IL
ZAlL\\N met
en
eVldence que
l~s concep 1.0n5 re a
Ves,f\\
.

t
It "
. "
t
l'espace cosmlque ~t Cl Ba struc ura l.on,
exprlmees a
raverS
les mythes,
commandent chez les négro-africains l'organisa-
tion sociale de l'univers,
à tous 1es niveaux et échelles
de représentations
(2).
;\\/ -
LA REPRESENTATION TRILOGIQUE DE L' UNIVERS COS~IIQUE
Il a été déja rait cas des symbolisations de
IfS aa "
et de "T~gan"t qui mettent l'accent sur la complémen-
tarité sexuelle de ces puissances cosmologiques issues de
"T@gan" est représenté par un hloc de pierre,
une motte ou un tas de terrp,.,
etc .. ,
et
"Saa" par un phallus
traversant
une masse qui
rappelle
IlT~gan", lA tout étant
ici en bois
(J). A ce niveau se trouvK
valorisi~ la rela-
tion du premier couple dont sont issus tous les l!trcs de la
troisi~mc g6n6ratioll, y inclus l'homme et la femme. Le r~cit
( 1) THor-iAS,
L.V.,
in t11J'Anthropologie de la mort",
op.
c i t . ,
p.
l,JI,
"La
Symbolisation nigro-africaine f' •
(2)
ZAHAN,
D.,
"Religion,
Spiritualiti et Pensée Africaines",
PAYOT,
Paris,
1970,
Chapitre IV et V.
(J)
Cf.
Partie l,
Chapitre III,
Paragraphe I-~
"Les féti~hcs
et les puissances cosmiques secondaires".
Du fait que le
fétiche de "Saa"
(en
forme de pieu)
est
plantr~ au sol
devant la maison ou sur un mur de la terras-
se
,
i l Y a
une
douhle symholisation de la
puissance p!lal-
lique,
le sol
(surtout "ttl.puo"
:
devanture de case)
tout
comme 10 hanco du mur représentant "Têgan".
. . " / .. "
-
504 _

de l'initiation (baor)
cité plus haut est,
à ce sujet,
très
évocateur.
Dans le Chapitre IV de la Deuxième Partie,
le
symbole de l'AnclHre a été présenté COmme un hois fourchu
et taill~, comportant trois parties à l'instar de l'~tre
humain.
De m~me,
en examinant les canaris
(yee,
duwr) ,
les
greniers
(howe),
les tracés de cases
(yie-snolu),
etc.,
on
constate qu'une structure privilégiée se dessine comme étant
le schéma d'organisation de l'espace dagara.
81le se carac-
térise également par sa forme tripartite qui rappelle sin-
gulièrement la forme humaine
(cf.
schémas nOs
23 il
21i).
Il sera donc question d'analyser des portions

d,es
structurees d'espace oU/microcosme~
tels le canari,
le gre-
nier,
le tracé de case,
éléments qui, dans les conditions
de vie des Dagara,
constituent des références hautement si-
gnificatives,
tous concourant manifestement à la sauvegarde
de la v i e :
le canari
(ou la jarre) en tant que réserve d'eau
vivifiante;
le grenier comme dép6t des réeoltes,
qui sont
synonymes de
vie
en ce régime d'écG1).omie de subsistance,
mais
aussi,
en quelque sorte,
comme tombeau,
au nom de
la mito-
nymie du cultivateur" et.de sa production (1)
la case en
tant que refuge sécurisant des hommes contre les intempéries,
les b'3tes sauvages
et les razzias,et
surtout
comme séjour
sacré qui garantit la relation avec les Anc@tres
(2).
(1) Le grenier dagara a du reste la OI@me forme que la tombe.
(2)
Ici nous ne considérons que la pièce maitresse de la case
dagara,
à savoir "cara".
. .. / ...
- 505 -

SCHEMA N° 2) : (Cf. légende page suivante)
A. CANARI DAGA RA
(mettant en relief, comme les Schémas nOs 25
et 26 qui suivent, la structuration tripar-
tite de l'espace cosmique dagara).
l
b
I I
IV-
- -
ct ----
--.
---
B. ART DE LA POTERIE DAGARA
(Décoration de marmite matérialisant l'univers cosmique
dap;ara) •
MWIN (OU NAk~WIN)
SAA
~ _ .TEGAN
o
1I!!!!1l!1JtZftr?
1_- }licrocosmes : ensembles symbo-
liques désignant les @tres et
associations d'atres.
SCHEHA N° 24 :"PLAN DE "MWIN" "OU DE L'EXISTENCE ORIGINAIRE
(voir légende à la page suivante).
-
506 -

LEGENDE DU SCHEMA N° 23
AI CANARI DAGARA
(A noter que la jarre (dUW) , la marmite ou le pot (duwle),
le plat (laa) ont la m@me forme et la m~me structuration).
/
,
,
1. "Yuor 'nuor"
("bouche", pour "t@te", de canari)
,
II. "Yuor-zftu"
haut du canari
"
III. "Yu6r-pèri" : bas du canari marqué de rugosi tés (d)
pour en faciliter le port.
,
a. "yuor-kokor" ("gorge"
(col)
du canari)
b. Ligne marquée (wi) à l'anneau ou par un renflement du
modelage et séparant les Zones l
et II.
c. Décoration médiane séparant les Zones II et III (voir
ci-dessous n° BI).
d. Rugosités de "yu6r.,.pèri"(bas de canari).
N.B.
: Dans la Zone II figurent parfois des signes cru-
ciformes(+).
BI ART DE LA POTERIE DAGARA
(Ce dessin reprend en grossissant les décorations d'une
marmite (voir photographies ci-dessous».
On peut rencontrer une ligne tout autour du col ;
une à quatre au milieu,droites ou brisées, ou les deux asso-
ciées. Ce dessin présente une association particulièrement
comp1exe de lignes. On y distingue 1es "plans de l'existence
originaire" (voir schéma nO 24)
en doubles,
superposés, conS-
tituant des sortes de losanges ~
en grand format et lignes
quadrup1es,
et aussi en lignes courbes.
...1 ...
- 507 -

Les hachures sont reprises dans le Schéma N° 24 et
expliquées: i l s'agit des ~tres procédant de "Mwin" par
"Saa" et "T~gan", en séries parallèles.
SCHEHA ND 24 "PLAN DE "MWIN"
Au moment de la création des @très, après le jaillis-
sement de
nS aa " et "T~gann qui ne sont pas encore séparés.
Dieu n'est pas alors plus près de "Saa" que de "Tl!gan"
"
i l n'y a pas de haut ni de bas.
Union symbolique de tous les @tres, procédant de "Saa"
ct "rtgan". On dirait,
en termes mathématiques,
qu'ils sont
t
' l '
t
"Pl
, . t
. . . "
i
1
ous e
emen s
du
an de l
eX1S
ence or1g1na1re
;
ma s e u r
création en séries parallèles fait qu'ils ne doivent jamais
se confondre (tuli), malgré leur relation constante.
- 508-

PHOTOGRAPHIES DE PLATS, POTS, CANARIS ET MARMITES
(au Marché de Kpai
,le 24 Mars 1988 )
Noter la division tripartite et les décorations
PHOTO N° 1
-Pots et plats
-cuvettes en ar-
gileO)
-une marmite et
deux canaris
.
- - - - - - - - - - " --- - - -
P:'.ûTO N° 2
i·iarmite dont la
àécoration a été
développée par le
~essinateur. au
Sc héma nO 23 •
l'riOTO N° 3
-Canaris
-Plats
-~-:armites.
ç'est dans une
marmite sembla-
ble que la défun-
te
,mère d'en-
fants
,plonge les
pieds, tandis que,
bourrée de terre
,
elle sert de siè-
ge à
la femme stérile.
- 509 -

tiCHEMA N°
25
GHEN:a;H A MIL DAGAHA
\\Cl-BO\\~H)
l
TETIRASSE
TERRASSE
- - - - - - -
- - - -
b
I I
c
d
e
LEGENDE :
I.
"Bol<r-nuor",
"Bouche"
(pour "t0te") du grenier
90m-
met et entrée du grenier dépassant la terrasse.
II..
l"':jbl'rr-saazu Il,
hau t
du grenier ..
III. "Bowr-pèri". bas du grenier.
a. -
"Bowr-kokor" ("gorge"
(col) du grenier).
b. -
Renforcement au banco marquant la séparation des
:zones spatiales
l
et II.
c. - Séparation des zones II et III.
d.
-
Symbole femelle au grenier, réserve de nourriture.
(mère
nourricière) •
e. - Cailloux supportant des poutrelles. Ce dispositif cons-
titue une protection contre l'humidité et les attaques
des termites. Le voisinage du foyer principal
(cf'. Schéma

4 de la Maison Dagara) contribue à cette protection.
-
51() -

PHOTOGrtAPHIES DE GRENIERS A MIL (CI -BOWE )
1. Noter le chapeau qui couvre l'issue du grenier et la di-
vision médiane qui sépare le haut(bowr-sazu) du bas(bowr-pèri) •
.~:»:-':~'~1<'::
.~
.\\:'~ ~~
,
. \\\\ :.
ll
.'
-. Après la pose de la terrasse,
le grenier sera protégé
de l'extérieur par un mur (ci-dessus,
la terrasse est en
cours
je confection).
- 51 Obis -

SCHEMA N° 26
CASE DAGARA (YIR)
PIECE PRINCIPALE
(CARA)
Chaque "lowr" (portion de case) possède en principe
"cara" qui peut se n?mmer aussi "d'la!' :
chambre par excel-
lence (cf. Schéma
N° 4
de la Maison Dagara).
0 0 0
... -. ... . ..... .. -.,.
o
III
I I
l
1
003
' - - - - - - -
LEGENDE :
ZONE l
-
"Cara-z{\\u",
"tllte" (zuu)
: haut de "cara".
ZONE II - "Cara-sogo" : milieu de "cara".
ZONE III - "Cara-pèri"
: bas de l' cara ''.
1. C~enier principal (ci-bowr)
2. Foyer principal (dam), comportant symboles mAle et
femelle.
3. Réserves diverses de vivres.
5. Jarres, symboles f~minins.
(Dans la Zone III sont parfois déposés aussi les
fétiches
(k6t8m@,
tibè».
-
511
_

1. -
Structure trilogique de l'espace
-
Le canari présente un.' bas
(III l,rendu rigueu'l;
~r8ce à la tige d'un épi de mars dégarni de ses graines,
pour en faciliter le port et la stabilité au sol,
et un
llaut (II)
qui est lisse,
avec parfois des signes cruciformes
incrustés dans
lrargilc
rraiche
du modelagp..
Ce dernier se
termine par un col
l
J. Les trois parties sont séparées
par des lignes imprimées i' l'anneau métallique, celles du
r:lilieu étant variables quant il
la fonne,.'O"avec
cependant une
prédominance
triangulairp.
et) quant au nomhre, comprises géné-
ralement entreunp. et quatre (cf.
Schéma n° 2) et photogra-
phies de canaris).
Ainsi,
la poti~re réalise dans son art
le s~nbole de l'espace .cosmique dagara,
tel que celui-ci se
,
apres
presente avant et/ou jI.a sr,paration du ciel et d" la t.,rre,
avec les microcosmes d~signant les @tres et les enseml,les
structurés
(cf.
Schéma nO z/!).
-
Dans le cas
du grenier,
les
s~parations sont
marquées par des ren~lements ou ren10rcements de l'édilice
construit en
banco pétri avec del;aille pour en garantir
la résistance.
Souvent
des s~boles mâles ou femelles fi-
gurent contre la délimitation des zones II
(supérieure)
et
III (inférieure)
et en_dessous de cette démarcation. Le gre-
nier est associé à l'homme qui
est le"possesseur de'la daba",
et le propri~taire des r6coltes. Cependant,
eu égard ~ sa fonc-
tion nourrici~re, i l se rattaclle aussi A la femme.
Le co1
(1) de l'édifice qui est abrité sous le toit transcende
la terrasse et c'est par 1" qu'on y accède (voir photogra-
phies et
Sch~ma n° 25).
-
La poterie sous
forme de jarres
et le grenier
consti tuen t
à leur
t.our des microcosmes par rapport au macro-
cosme qu'est à leur ~~ard la maison:
les
jarres,
symboles
... / ...
-
512 _

fec1elles,
r~alisk~sexclusivcment par les femmes, sc placent
"en bas H ,
vers la
sortie,
et le grenier,
symhole mAle,
rt en
haut". Les termes "Zu"
(t1!te,
haut),
"sogo" (milieu). "pèr,
péri" (arrière,
has.
inrérieur) sont employés par les Daga-
ra pour désigner les zones de la chambre principale (cara)
et celles de la terrasse leur correspondant (cf. Schéma nO 26).
Ainsi
sur chacun de ces él4rnents,
on distingue
sensiblement les
trois
zones s)~bolisant les trois sphères
de l'espace cosmique ainsi que le rythme ternaire de l'orga-
nisation dagara,
tandis que plusieurs sociétés
étu.diées par
ZAHAN présentent un ryt.hme binaire,
Se référant,
d'après cet
auteur,
à l'axe oppositionnel est-ouest -
comme chez les
Pali du Cameroun -
et secondairement au couple homme-femme,
coonne cllez les Mossi
(Burkina Faso),
à la droite et à la
gauche,
comme chez les Zoulou t
ou encore ~u l1But et au has
il l'instar des Do,o;on (1).
Par rapport à ce qui vient d'~trc dit sur la
repréS0ntation de l'espace cosmique dagara,
]B
forme cruci-
forme appara!t comme Ufl€
mani~re secondaire de signification
ou
symbolisation de symbole,
exprimant précisp.ment la tri-
logie qui vient d'~tre dégagée. 1\\ ce propos, il convient de
souli.gner que l'existence de cette îorn1c chûz les
OFlgara est
antérieure à l'avènement,
dans cette ethnie,
du christi,qnisme
(1)-ZAHI\\N D.,
op. ciL, pp.
111. à
116. De même'
-
DIOP.
1\\.-f3. )I1La Société 'volof • Tradition et changement.
Les Systèmes fl'Iné,o;alité et de Domination"
(Edit.
Kar-
thala, Paris,
19R1. p.
JJ sqq:) indique le caractère bi-
naire de cette société.
... / ...
- 5 13 -

qui utilise la croix comme symbol" du Christ-Sauveur des
ilommes. Ainsi, on la trouve dans le fétiche de "Saa"
(1)
J
les badigeonnages rituels à la cendre ou à l'argile,
les
tatouages. pratiqu~s sur le corps 11umain,
les
~~corations
de la poterie ..•
(cf.
Schéma n Q
27).
2.
-
Structure
trilogique du
temps
et des
activités
dagara
La
structure ainsi
ohservée à propos
de l'es-
pace dagara s'applique également au temps.
A ce sujet,
i l
faut
distinguer le cycle des puissances
cosmiques
"Saa"
et
"T@gan" qui est binaire et qui transcende le plan humain.
Par exemple,
l'organisation de
l'année comprend
deux pério-
des
humide/sèche et chaude,
selon la double caractéris-
tique de "Saa" qui est eau-pluie et feu-foudre.
Il en est
de m@me de la division en jour et nuit.
"!'lwinte"
(le soleil)
déformé
en "M!t8",
puis
en
J1~iQt6" vient sans donte de ""Mwin"
(Dieu)
et de "tR"
continuation, prolongement,
et ss signi-
fication
6vidente
est,
litt~ralement, "la manirestation de
Dieu". La division en jOllr et nuit, plus fondamentale que
le cycle de l'année,
est
exprim~e par la pr6sence et
l'absence du "si.gne de Dieu " .
(1)
Dans "Essai sllr la Religion des Dagara",
op. cit.,
le.R.P.
GrnAULT relat" cette anecdote :
"Un européen étant décédé
à Diébougotl rut enterré avec une croix sur la tomhe. Les
habitants

Sc
dirent que les Blancs
~taient bien nlalins
d'enterrer leur
trésor aVec
W1.
gardien indéfectihle,
i.den-
t~fiant la croix au symbole de "S aa ".
. .. / ...
- 514 _

SCHEMA N° 27 : LE SIGNE CRUCIfORME (comme
symbole de symbolo)
) a) Symbole pballique de "Saa"
- (Puissance Ciel)
~
b: ::::U.... à ".r,". ,
~Lm"b.ra. (b'u"
~ -------T."'••, b.n.'•• (b••,
J
cl
Signe cruciÎQrme
en tant que symbolisation
de symbole.
- 51 5 -

Mais au niveau du temps' comme rérérence pour
les activit~s humaines,
on retrouve la trilogie caract~­
ristique de l'espace -
tempS cosmique dagara
:
a)
-
Le eycle de l'ann6e cannait trois grandes itapes
:
* "510", la saison des pluies, comprise approximati-
ver.lent entre Mai et Aoat
;
..
"kpAcian"
période transitoire entre la saison des
pluies et l.a saison B~che, qui se caract~rise par l'~clair-'
cissement du ciel après la piriode pluvieuse,
le vent et
le soleil.
Elle couvre environ trois mois,
de Septembre à
Novembre
j
* "Bon", la saison s~che et chaude qui s'installe pro-
gressivement à partir de Dicembre et s'itend jusqu'en fin
Avril.
b)
-
La journie comprend trois moments distincts,
rigis par
la position de l'astre du jour
"bi-1maara",
"la période
ïraiche"
le matin
"ml1t8" ou le temps du soleil
"zaa-
nuora"
l'approcl1e de la f i n :
J.c soir~
c)
-
Les étapes de la nlli L,
qtwnt ;1
elles,
sont en /ÇT'an<le
part ronction (lu jour qui a pass~ ou qui. vient.
On note:
"zi-sob-paala",
littéralement,
"t(l!~IPS noltvp.llement noirci",
soit le début. de la nuit
°zi-bi-p8"
:"lIIi-tHrnps de la den-
.sité" (on obscurité) ou milieu de la nuit
"zie-wèlu-daar"
lit Cr.lpS
en voi e cl ~
s'ouvrir",
de s'éclaircir ou annonce du
jour.
d)
-
Les cllitures se prnt.i.quent en trois
temps,
Russi bien
en ce qui concerne l'organisation des
travaux qu'en matière
de fonctionnem~n1: rles associations~ Les premiares cultures
consistent à
labourer lI m6 ziA'!
premières herhes sauvages t
... / ...
-
)16
_

drues et risistantcs
en second lieu,
le ctlltivate'lr sar-
cIe le champ
(dam ma_baalu)
enfin,
i l rehutte
(foru).
En
outre
au cours rte la m~me saison,
une associ ation de cul-
t
ture
(kob)
intervient hahituellement troi~ fois,
A environ
cinq semaines d'intervalle
(soit "six marchés"
"daru a
yuob")
(1)
"ko-sora,
ko-gaala
ko-baara".
t
e)
-
On pourrait
p.ncore p.xaminer bien d'autrns données pour
faire ressortir leur structure essentiellement trilogique,
telles
:
-
la priparation d0 la bi6re de mil
(dAa)
qui
s'effectue en trois
jours,
cou.,.t!~.:int respecti\\.'f'ment les pha-
f;es
de
:
"dâ
-- 'ma- 'mara",
lTdâ
-simna"
et
"rJ1i. -rlèra" ..
On
tend
2. négliger cett.e dernière :~tape qui pourtant est trp.s im-
portnnte,
car cfest le moment qui détermine la destination
d~ "d!ia ll , 9.11: égarrl à la qualité l.le la bière servie ou à la
forme du ricipient utilisé
11 ."'"
(.a
-'roaar"
(moOt)
est servi
aux compagnes de la maison et au quefllandeur ilp. passage,
"dS-kuor" aux en:fants,
"dâ -bii" aH public,
clientèle de
cabaret ou invitis A la culture
j
la bière rituelle est
contenue,
quant A elle dans "dm':le"
(pot on petit canari),
celle du public dans "yee"
(canaris)
l'ami de coeur est
attendu avec Iida-tuor"
(gros canari destin6 normalement i
la résorve d'eau potable).
(11 Seules les prestations cult.urales au champ du beau-père
(douxième
forme de la compensation matrimoniale obliga-
toire)
sont,
comme i l a
&tfi dit au Chapit.re II de la Pre-
mière Partie,
efrectuées quatre fois ..
. . '/ ...
- 517 -

J. - Sens de la trilogie dans les condl1ites
Au plan du comportenlent et de sa r~p~titiol1,
la trilogie,
symbole d'universalité spatio-temporelle, prend
tmc sipification d'absolu
eJ.le revêt
le caractère de
ce qui est entir,rement accompli,
plônier.• (1).
A travers les
c6r6rnonies d~s fun~railles, certaines r~pitit~ons rituel-
lOG
ont été ohsnrvées,
telles
les
simulacrf~5 avant l'action
par
e:;:e:nple,
avant
de verser l'eau de
t o i l e t t e sur
le ca-
davre,
ou
de creuser la tombe,
de scell.er la pierre tom-
bale
etc.,
l'officiant silnl.lle
deux
fois l'acte avant de
i
llc:océcuter,
ce qui
8vonR-nous dit,
est
une précaution pour
aborder le hizarre,
tout ce dont le numincux
est redoutable ..
ilais aussi,
on peut. dire
que
c'est
une
expression
rie 1ft.
dé-
terr;dnation à agir - malgré précisément le danger latent
qui
n'est pas
sans
contradiction avec
la. rernH~té d' inten-
tion
d'e
l'acteur
-.
C'est
donc Ulla manière
de
traduire
la
pleine adhésion à l'acte ou lme forme d'engagement total.
8n ce sens,
on retrouve
d'autres
comportements
qui sont répétés trois fois pendant la période des funérail-
les
-
l'inhumation physique:
celle du cadavre,
le "barligeonnage
Ct
l ' a r g i l e "
du
corps des proches
parents du
mort
aux céré-
r.ionies
de
"yao-guo"
et. de
I1ko-dn-t.uo"
(1)
Dans les rit.e·s,
l'@tre imparfait peut poser un acte pré-.
tendant
A la perfeètion,
fH.l
nOJ71
des
forces
supérieures qui
interviennent. dans ce cas
en sa
faveur,
àu moins quant à
l'intention ou au· principe.
- 518 _
... / ...

-
les enterrements symboliques par la viande,
pour 1 'homme
ou la femme:
"kukur-naab/vaada-naab"j
"do.cîin-naab/dtla-sulu"
ou 'lzèvaar-(lt\\w",
et,
pour l'un et l tautre,
"lçowèl-naàh"
(1).
-
Cel1.;{
pàr "dRa"
(b.iôre de mil)
aLU~ célébrations de "Bao-
bu-d8.a",
f1Ko-dA-tuo"
et "Ko-dâ- 'maar"
-
le bain purificatoire À "Yao-guo",
"Ko~-dfJ-tuott et "Ko-d!J-
'maar n ,
etc ••.
C~s rites consacrent par leur répétition le
caract~re total, l'accomplisseln~nt entier des actes concer-
n~s, ici. l'enterrement ptlysique ou symbolique ou oncore la
purification (2).
Certaines foi-s,
au lieu de
trois r&p~titions,
i l en a
~té que.IJtion de quatre. C'nst lorsque les acte.':J exé-
cut~s, ainsi qu'il. a &t~ di-t, cIlgage des femmes en tenant
compte de leur catégorie spécirique,
qui pourrait ~tre qua-
lifiée d'inférieure,
parce qu1nne Femme,
dira-t-on vulgai-
rement,
a
besoin de se rcprülldr"e une fois de plus,
de se
parfaire.
Les fond~ments de cette variante seront examin~s
plus: loin en prof'ondellr~
(1)
Cf. les "ofjranrles ritueLl<,s" "'"
Chapi tre II,
Partie II,
Par.;.graph e I l .
(2.)
L'importance. de l 'enterrement rr~qllicrt sa répétition trois
fois sous troi.s formes physiql1.cS et "trois fois deux" (ou
s:L"Jsymboliques. C'est là une condition de la reconstitu-
tiOI' de l'unit' du mort pour l'au-delà. Mais certaines for-
mes sont associables,
de telle sorte qu'il n'en existe en
fait que sept
(71
au total,
dont nous reparlerons •
. . . 1 ...
- 519 -

Si 1a structuration tripartite renvoie aux
~léments cosmiques (~h<in, Saa, Têg;an), dont le corps hu-
main donne un rétlet comment justifier alors la symboli-
sation quatre appliquée n 1" femme? Chez les Dagara, l'hom-
me représente une perfection par rapport i
la femme.
Il
n'a pas besoin d'intervention pour parfa~rc son statut
en particulier,
i l
ne SUllit pas
de circonci.sion.
Ce rite
signifie un ach~vement. llne acquisition de puissance,
~n
somme un perfectionnement
(1).
C'est lui le chef de case
et
le ma!tre,
le
t1posseSSelJT
de la houe"
et,
en
tant
que
producteur de
récoltes,
le
cl~éllteU,. d'hommes
dans la plu-
part des cas
et
en particulier cbez les
Oagara-Lobr.
c 1 est
lui seul qui peut accéder
atl st"tut. d'anc@tre
(2)
fonda-
teur et gardien de
"yir"
;
tandis que la
îemme pour accom-:-
plir sa nature
doit
se
faire
et
se reprodllire,
engendrer
physiquement nes hommes et, pour cela,
subir une transfor-
mation, notamment la clitoridectomie et le changement de
"yir"
(maison
d' habi tation .l selon la pra tique de la viri-
localité.
Dans un article de "CarreI"our Africain" relatif
au patrimoine cul turel,
nARII~E Ferdinand et OUEDRAOGO
Apolline écrivent i
propos de la clitoridectomie chez les
Dagara :
"Le clitoris de la lemme chez les Dagara,
tout
comme .la crète qui distingue le coq de la poule,
est un
symbole de virilité. C'est pourquoi l'excision en milieu
dagara
conr~re ~ la femme son raIe de remelle, l'li permet
de concevoir,
de procréer"
(3)~
(1) Cf. THOMAS,
L.V.,
"L'lIntltropolo,-;in de 1" ~lort", op. ciL,
p.
lt59.
(2)
A propos de Bois Ancestral et de statut d'anc~tre, voir
Partie II,
Chapitre IV,
Poragraphe III.
()
CIIRREFOUR AI'RICAIN,
N"
H74 du 15 Mars
19R5 (Journal hebdo-
,"adaire rlll RUIlKINA FASO).
Il est ii noter que le m@me j:erme
( "jorn" ou
Il.
Jorn tt )
ùési.C!:ne
en dagara
le
c l i taris
et
la
crète.
. .. 1 ...
-
520 _

AV;!11t
la ménopause,
elle est tHnue à
l'écart
des arfaires Falnili~les ~ l'instar des enfallts et consid~­
r&e comme étrang~re, c~ qll1elJ.e dC~le'JrerA du reste pOlir
toujours en tant que membre d'un clan différent de celui
de son mari o~ elle habite.
~lais ~ partir de l.a minopause.
elle ost a3simt1~e aux n1f~mhres de la Fam~.lle conjugale,
du
!~loins pour certai.nes a-rraires. Tout se passe comme
si la
fenune avait
besoin d'un temps supplémentaire, marqué par
J.a crbation,
non plus cellB spontal1&e selon l'ordre origi-
l1aire, mai~ une cr~ation laborieuse qui impliq~le retour aux
sources en ~vitant la confusion ct en respectant des règles.
De ce fait,
la femme incarne l'ordre du travail qui est aus-
si un ordre de la r~vélation et de 1.8 culture. C'est pour-
quoi ce quatrième temps ou "temps rle retollr" vp.rs l'origine
n'est pas seulement un temps de la femme ni. mfi!me un temps
hUnlain
j
i l est significatif pour "LOtIS les 8trcs,
aprôs la
séparation de "Saat!
et de
"Tê~an"
c'est le
temps mystique
qui offre i
tout ~tre la possibilité de se p6nitrer des Ver-
tus de l'origine,
de se féconder et gagner en pllls-IHre,
ou
au contraire de perdre en valetl"
ontologiql1c et tomber en
déchéance.
TI/ -
LE SYHBOLIS~fE DU ClrIrVl1E SI';PT (7)
Au niveau du "discours" humain (1.),
l·universa-
lité complète cOnlprHnd ainsi deux ordres
:
celui. de la géné-
ration originelle qui, est "essentiel't et s'arr~te au troisiême
(1)
"Discours humai.n" au sens le plus large.
-
521 -
... / ...

....:..emp.s
j
et
celui
qui
implique l'agi.r,
,~énérati.on et repro-
duction en se ri~fp.rant i' Itori[;:i.nc .. Aussi la symbolisation
en
dagara de 1 'orrlre
structurel/ ümt
qu 'ordre de
la nature
naturante,
de la vi.e posée
et posnn·t:.e,
de
l. '~tre
et
du
devenir, 'ou encorf::: rle l'u.niversel concret,
sc
fera
par le
cniî:fre sept
(7),
soit trois
et quatre
(J
+
(J+1».
En
voici
quelques illlJstrations.
1.
-
Symbolisme du chiffre sept
(7) dans la
structuration de lrespace
a)
-
L'homme et ausBi
l. 'animal
cOfllprenncnt.
i111 physique
sept
parties qui
sont
valoris~es par leurs fonctions pr~cises,
par exemple,
dans
l.e partage clcs
h~tcs (1~ rlm~railles 011
du gibier de chasse.
Ce sonl;
-
"zn"
(t~te),
-
"nyuu"
(cou),
-
"bao ll
(épaul.~s incluant les bras
ou les
pnt t·es-avant) ,
-
"nys.a"
(partie intcrm~di.a:i.re entre le
haut
et le b a s :
poitrine,
thor-a,d,
-
"pee"
(abdomr.n),
-
"siè"
(hanchp.9 t croupe),
-
'lgba~11 (jamlJes Oll pattcs-arri~rc).
De m~me, du poi.nt fin Vlle d(~
ses rnodalit~B d'être,
l'homme comprenrf sP.pt
formes
"foi.'or"
(corps matériel
sans
vie)
"iagan ll
(cor'ps rnnt~riel vivant) .~
"si~" (corps second,
énergétique et invisih.l~ à l'homme du commun)
"dasule"
(om-
bre)
"ny~-kp!in" (ilme err·an!:t:.' en.tre deu.x 1110ndes)
"dèwr"
(salot& essentielle)
"kptin"
(csprit 011 âme d'anc1hre
(1).
(1)
Cf.
Partic-I,Chapitre J,
Section J.
-
522
-
. .. / ...

b)
-
La case dagara comme l,abitation de l'homme et de la
f'enune,
des vivants
et
ries morts,
lieu par exc~llence de la
procr~ation (t) et rte t01JS les l'ites qui apJle].l.~nt la vie,
la conservent et la perp{-?hu~nt, comprend également sept
parties principales
les ~f'o:i~ Ull
L:itre rie
La pi~ce prin-
cipale dont
i l a
~t~ faj_t nlcntiotl p).us llftut
"dihile"
(pcti te chamhre.
plutôt féminine)
r'davra"
(cour
intérieure,
"d0dans-clehors")
"z ..'1W"
(entrf;r> principall1 de la maison,
abri
des
"kpti-daru ll ou "Dois ance,s'triJ.llx tt )
enfin,
lId!:dori"
(devanture ha.bitée
dp.
la case,
l'd(!hor3-d'~dang", dont nous
avons souligné 1.' importance POtU- lBS nombreux r i tes qai
8 'y
déroulent).
La case dagara
est l'ocnvre
commune
flp.
l'homme
et de la femme,
et i l
ne v:tendrait h l'id~c de personne de
sc bStir une maison,
A part,
sans famille,
ChRZ les Dagara
(2).
Le mur de la case 111i-rnf!me compt,e sept couches de hanco
en
hautenr,
de la hase
jusqu'ù la
terrassf-;, dont
L'édification
requiert normalement un minimum de sept
jours ..
La maison,
est l'édifice achp.vé,
au sens propre et au
fi,~uré
"mw8. yir"
(batir une maison) c'est non seulf':m(~nt se construire une case,
}
mais surtout c' es t. 5' accolnpl i.r
en tan t
qu' homme.
avoi rune
descendance
et 1.a doter du n~ces~a:;.re pOlIr vivre et prOdtli-
re
;
c'est finalClncn·t
ttre
l'homme
excellünt:
( i
ni.r)
qui
a
't~ défini au Chapitre l
de la
Prem:i6re Pari;ie.
c)
-
L'espace vi tal
da!;ara
se subdivise de m~n1e en sept par-
ties,
tant ElU niveau (tr~ l ' a i r e (~'hahitati.on que du village:
(1)
Il est formellemc~t interdit cllez les dagara sous pRine
de dette de
1tT~gan" ou de sanctions mystiques d'avoi.r des
relations
sexuelleB
en brousse.
(2)
Cf.
le schéma de la case dagnra (schéma n°
4).
. .. / ...

• au niveau de la zone, habitée ("yie' puo",
littéralement "en-
tre.les maisons"), on peut distinguer:
-
"yir", la maison incluant toutes les dépendances, qui de-
vient à son tour un microcosme
;
-
"didori" , la devanture habitée (dehors-dedans),
lieu de la
première exposition du mort (t)
- "tApuo",
devanture réhaussée et fertilisée par les ordures
domestiques
(sawè)
elle est réservée à la culture du mars,
du sorgho et des légumes
; par lui-mllme "tl!.puo" est un féti-
che de "T0gan"
(en tant que monticule)
et donc un garant pour
la maison;
quand un "lowr"
(portion de case)
en est privé
dans le partage,
i l est amené :1 déménager;
-
"pole",
"petit champ" ou champ proche,
cultivé ou en ja-
chère.
ce dernier état ra.pprochant
"pole" de "vaar pua"
(cf.
tiret nO 7 ci-dessous)
-
"puo-sor",
chemin v·ers le grand c}lamp plus ou moins
éloi-
gné, où sont parfois édifiés des hébergements secondaires,
désacralisés
(gue)
-
"b8a-sor",
chemin du marigot
(baa) ou de la source d'eau
(kula) qui est parfois un puits
(bule)
; ce dernier, quant
à lui, est intégré à la zone I,,,bitée au lieu d'@tre Beule-
ment indiqué
(signifié) par la route (sor)
-
"orlio" (herbes) ou "vaar puo"
(buissons)
zone inculte dé-
nOJTDnée pour cela "kar",
lieu de pl!.turage dllpetit bétail,
de
la satisfaction de certains besoins naturels et des petites
battues (yiru)
; présence domestiquéo de "wii"
(brousse) en
zone habitée.
(1) Cet espace est compté dù"x l'ois en tant que dedans et en
tant que dehors. Ce double statut existe au niveau de l'or-
ganisation cosmologique dagllra "t se concrétise à plusieurE
plans,
notamment à celui clu 60<:ial.
Il confère générale-
ment un rllle de médiation et de conciliation •
.../ ...
- 524 _

de.

au niveau du village entier (t~w) et/son environnement
vital, l'espace se subdivise en :
"yie" , ensemble des maisons, vi.llage habité
"d!dori", périphérie du village ou ses environs immédiats
chan~s proches (poli)
"poru",
champs
éloi,';"nés
ou .~rands cha~ps
"baa'l, marigot,
rivi~re
I1daa",
marché
;
i l se
tient tOllS
les
six jours
-
"la1",
cour publique ct r exposi "tian des morts
incluant 1 e
cimetière
;
-
ftwiè",
brousse,
lieu de chasAe,
manifestation de "T8gan"
tout comme "tH","
(colline),
"tu","
(buisson,
for~t), "baa"
(rivière),
2.
-
Symbolisme du chiffre sapt (7) i
propos du temps
La structuration cosnlologique du temps tenant
compte de l'action et du devenir,
ct non seulement de l'es-
sence originelle (de 1'8tre),
~Iarticule en sept (7) p'rio-
des.
C'est à l'intérieur de cr~ scilh.matisme Jondamental que
tout acte,
prOfane ou ritucl
se localise.
t
a)
- L'ann'e du travailleur champêtre qu'est le Dagara s'or-
ganise comme suit
-
f1sto-kpè-paala"
début de la proc'iode pluvieuse (sto), mo-
ment des labours et des semailles ;
-
1Is!.o-liwe" ou
"s!.o-sf!la"
p~riode de végétation dense et
de culture intense
;
-
"kpll.cian"
le temps s'éclaircit en l1I~me temps que le cul-
tivateur se libère
de
ses
trL\\\\'o,Hx
;
-
"ci-c~b-daartlt moment des rêcnltcs, avec son ambiance sp6-
ciaIe de travail dans la joie
.. '/...
- 525 -

'.
....._,
' .....
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.... ?:' ..•...'
- ~ "!Î.o-"yFpaala ":-début d~;,.i~;.iiiaÜOri':sèche
(hiver),
pér~ode
de60nstruction 0;' de .ré~àrat't~i,-,;~;~~'cases ainsi que de c~-:·
·
;':;' : : ~
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.
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.
,.
.
.~
,.' .'
c'est
aussi la ~aiso~ des chasses
.',. '.
"vaara-da~r" ou ·t1 ny ii-daar"
étape de préparation des
charnp'sdans l'attente des'.premièr.es .. pluies
période égale-
merit:"dcgri te.il,
incluant la sui ~ante :'. '.' sto-kpè -paala"
(no-
.:tanU,·~;;:t;":i.~'élébration du .cult·e-:;·~·esi;AIi.~~tres en deuxième
." .. ;{: ;;;.~:.:~~ '-.', .
" ,
.
.
.-/ .
.' et";des.: 'funériiill es)
.
-
...
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"
'
,
.. ';' .
" , ,','
b):':' ..;'Org;'nisa·tiori de la
journée avec· indication de quel-
.qU~s)~:~~{viÜs·sigilificatives' ,
· ',.;. ,'''i-'
.'
. ' .'
\\*. -, '-
.'":,.
..i '" "Bi'~ 'maa":'p'ipi'"
matin,·.de·· bo'fin e heure,
~'est l'heure des
.'
"
"'.
" ,
abl uti~ns;'~f,duqépart auX:. champs ,. ~loig~és.
• '~ :!\\',,~~:~.-;",I ;,~ -:>;::':,~::.~>.,;~', ','.; '~;.
... );<~: '~~'~~:~~·.i' ·<;~~;:·/>~':;"· .' ";' , ..
:..
Il}j{lt8::'puru'':daar~!:':
c' èst';l'Ê;'!début· 'des "'travaux des enfants
·.A'::.:· :'i" ,;;;'~~;1{:>""
.. ' ,- ',' :,':"',:,;,;F,; ·.~:~~,fl t',--·"~:'·"~·
daris'.:I.'es'qh'"riips d'e~,casè~:ains:i::·,.·qûe·'d~~cè:rtains offices' en rap-
. . . :~~0~'f~i.'-:'.~\\""~'~;,,:.. ":":," :."\\, '.:ii,::r~ .: .~~~\\ .~·~r: 3',":,~,;. ::~:.~. \\-,:·.~~,t,,::
' .
.
par :Y~:r.':.~':.l'~:}:lev~,t~iP':l(~9.t"',F:ï,~'.
'}~:L.i'!:;;~:Lesoin des migraines,
:~:'.,;,)'~V-;·:;, ,,;'··:~i:;t;·..;:.;,:~ ','. ~ \\t'y.::: :":'> : ~':~', .,1!:i;~:tY0·:"c,,~~\\<;,;·~·(. ':;;::"~:~;'.. ,"',: _'
'- . "~-l(l:ta -'t'uo"·:·. (odè ..·,"nill t81l' 'l':':" s'ol eï'l,' et:;·,"tuo"
è hal eur )'
momen t
.
_"~<.f"'~"":'o""";,:;.~("
,'~"'
'-:~'.:'::J'.'" ... .::,~ ":'~: ~ ::.' . .
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de :-diveis:);:s:er'vice·sf:r.el-a·t··ifs:"t\\aux ~:èül:.tivateu'rs·, aux animaux
(b~'iMi;~~~)~:;;(';:~~i:',/:'(, ':;:if:f«:\\~, ;?,' .
"HO:t8-g·a;"fu·-da~'r"" (momeî1'-i::idè' la 'déclination du soleil)
.. \\
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les 'personne'" "r~ri'trées. d"inv:l.rta·t:i'o·n5 dë cultures.
, ' ,o'
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~1_Z~:u:(:"'n~?·...::~~aar,tI .. (ttmoment}.jiè>·!'f~aich'ë'ur·-.vesp'é'rale" t un peu
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,,',~i'~;:~~;:~(;~ap::(;~\\~~~~~~~;~~~~;;jliK:.~:~;'~J •·.. re;:~ ,
....•
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toi 1 e t -
te ,;; ~onc.e·.~.tation. st.ir ,al',e's~\\;,tt~.x.~~~i.qu,;·l~~!1d~main,
'.',.ètC·4
. ·:~i:~.". ." .;".'
::'·'l:·l.t .';~,':,{ 'J·,::~tt:;. ..:.'~\\~,,;~;.': '.~: ..
~ c »}::-'Le:" j ~ti~:t,en <~~~n ~r~<ilJ~~.·i p,~t~<;»~~J~dr.~'c~~:~.&.i:té,s .e"f.;.:la ~nuit en
::~è:::.::~;;:;l~;iti~':~:,~,~,;.,:~.;:.~'.:.;,~','".'~~':.~' ;~'~:i;,.- ·'"""-
"';'~~~~-:""'m~'àr!Î':' (matin>r ~
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".' .. ~" '. :, .', ~ ~>; .:
'~;, ."'~,l~.
~?i~~6b-~jalj~,,·(d6but.~enui~) ~
"21 7'b'i -p8'''0;'Cenv''i':i>Â's, d:~ minùi t ):';
tli~~-wèl.~~~·~a~~~":·.~.u·:~~·'.I,nü~a-l~·al~,:",d~·~rl1(annonc~ du :o:Jour ou
chant du'coq),'
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str.u·cturatioii: en·.sepTCcetapes.: Ge'pimdant •. celle~'ci"est carac-
'.~"""
. '
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téris'êe ·'par"·?s'a. pauvre\\té';'~en réf'ér'èn:c'es,' parc~":"qur avant tout
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-1 .. " , :
' . : '
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ct est 'le moment
dli. re·pos~·~'.)\\o.rù."·comptè-'uri seul répère- cie la
nuit, 't'om.b~.c :'~'u P"r,~~i:~~:·::~~~·~A~~~)~i~~~:.f:~~~;,~~",'s,oit,:vers deux heures
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, '~"..
~ ~.:., . :r:~:"
"'.1;' .<' '<':1i ,,' '-~:. '-'~'?/~~' .<;.,+~ '.' ,
. 7 ;'''':'!Ya~t~~'' :(éinariç::i;r~:,::i;o~1:!Ïesdc;~~~oints;,des orphelins
..'
":'eede la propr.'i/étf>,.du'''.mort:' en général
(1).
Dem~~f~~;Yt~~~e la,"~t~;~i~g~ëUi{
d ) -
comporte sapt fois
l ' enterremen t" sY~bÔl·i~~:i:d~:j';b;t.
è~, égard sans doute à
«.,.'..
"."
'. ~>~_.,
"':.'.:,' .::-~.::~~:~-.:~ .,,' ~~.
l'importanée·.de'cè"f.ait·pour'.'le',devenir de "Kp'lin"
(&me
", -.~',.~i..:':.:.
~. ,:-,',,>:: -,:~..,,_.}.' ~~···;L'.;..:.. ~ ", !,;:;t..·»,~./.;::;:-:~;;.
..
. . .-."
d'anclHre)' et, de la so.c'l.·et·e" •.: Cepen(jant pour eclal.rer··',ici le
;~4~}'::;.~:~:~~:~~;};::~~i:~;;~:j~:;':o:;~:: r
0 n::b:: ::'no.
neùf...~(:9) :'i;:u".to·tal" .. soi.t';,'1tr')is·:;foüi. trois" - e e qui eorres-
Po~:1;;à,~~.\\~~tr~<iiiPa~:J}Ù';;~~1:~q~,:;!~~;'uv~ritlltre interp':étée
cC;rkril-i':i' e'~~~l·l'erice;';'bS:oi;:;';i"d~r;.s irÛre (2). Mais quatre for-
":'~~";".{";:
. -y.:.. "-',.1':
(,:1 >.:.-.;1-
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mes~;'( P2 ;e.~·r:F.J'.' 1':.7' et F.8).s;:mt r.éduc·fibles. à deux étant don-
",,:-·t:.~*·::·_>, '<,;;:;~.-.!··o~:
/:>:;',; ,..:<', ':.'.\\, .. ': '<~""'""':':;;" ';_.-... ,'~
IJ:~;(Kq'!.~l,~:I.·'è·~ i:;se'co~gs, (E:Y.e,t; Eil l':'i3,çn t,:f~,es' prolongements., des
',-: ':(:J',.:",:,.;!I'<.~' " .../".,',"" [-.', .'
. "",~ .:... :•.... "'~-'~;};,-J~: ~, .~ ~.
"-;-".. l~':(·;,:Ç\\':-·"tv\\o .,~.•
pr"èln~ë'r.fJ·;\\:;:â:(:p..~i.:qùè l;lè'\\;_m~ntr~:;l'·':ari.~ry'àe;"sui van te
..". :)~'~.:' ~~:{l";": :~/
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..' E;té;'rèineilt' 'phys:~ciue:~:',.la '!!s~l"té "( dèwr) corporelle:
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;~~.:'\\.,,:'. .,!~;"i,Jf.~;:":,,i;"; .";, ::
Fi ., >~humation',du ca.da":t."..·· d~ns la·,<tombe ou ri te d' intégra-
.i(.'
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Ji' g~~:::
enterrement' symbblicjue 'patri'latéral' et matrilatéral
.
..- '.":.
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.
a.ssoc-ié,
par la COTlsommation de '''dOcti-naab 'l
(ou
IIdakura'-naa'b"),
pour Ithori1rne~' et 'dé "dâa-sulu" pour
'/"
la femme
(1).
~
'Enterniment symbolique par
"daa"
(bière de mil)
.
. ,::;'.:};j'
,.' ";'.,
.
Cette
ca·té·gcirië~···dê·,(rites.cOl).ccrne l'enterrement
. .
:,' ;;:';:~l">:",·,; /:,. \\1, .~ ",
.
du mor:t
en t'ant' que
"dè~r,il' J;(s'âIe'té):-non.:.plus corporel, mais
.
.
":,j
...~. '/', ';.<'~.'
: ~ .
.
cnvironilemental,~".; E:n m~.m,t?~,~t'~~~~S:;i~c~ûx. qui' assument le mort
. '. '....
~' ,','.'
,-" ',':;.'.]'.
.
~ '. .
.
·eri.tan~. q~c·llèlâa"!·'(biè:r.~ot.}'de'·mï:l',).' re"lèvént ·du cercle cultu-
' . .
... -: ',.\\,' ~
:":: ::;"'. "
. . .
. :
.
rel
(all{és 'des'service's'"ré:cü,h;ques ,funéraires
et matri-
moniaux)
et non plus dt','~r,ri~~~:ides<'par'ents naturels. ceci.
"
'.'
"~' ...;
.
':'-'.
.
a - t - i l
été dit"
pour éV'Ùer';''j'',i<;'ndo-,éannibalisme.
. ; 0 :
'.~~:,
o '
o ' .
F7~: enterrement ..s·ymb~l'·i~u~· p~~:. '~ciÂ~'''' il "Bao-hu-fiSal! (en-
. '. 'r "
'. . ..~ ((:."
~
0
; • •
~qu~te sur Ï'tis" caùs~e's', °de·r~ï~>"mo'r·t) •.
,
• 0,,-; .',
.' ..~.?::>'~~:.'l: .. ·'.':'~~r\\
.:"'::- ::~
Fa·: enterrement, synibol:ique 'pa:r: "da,,": a: .iKo-dâ ',-tuo" . '
,.', ": <~'::, :t,:~~:~:ë~':;:: .• :;
,
"
...
. ,
1.;?,"'i;: '-{~ ~'. .
. .il' "
Ce's,"qeux formes :'(F:7 et iFS) ,qui implian"mt
ex-
pan~ion de la bïère r.io.tllelJ.e ~.:~r· l:e'- .501' sont ~.omp.l.émünta:L~çB
..~ .,
::
(1)
L'asso~iation deBcaracti~es patrilatéral et matriloti-
raI
es t
marqué c :
"i,
-
dans le cas
cle
','dilcti-naab" par le partage de
la
bête
tuée entre le lignagé, de 'la mère du':,rJérunt' et le clan
en deuil
..:',
.
.'.0'
-
dans le ,cas de :"dâa-'sulu", égale!"ent.
,le 'lignage de la
t.: défilllte._ esf·..~assoc.(é'. ·~:·.la:·c;,?n~omùlatj.On de l'offrande.
·:e;f!j~:·lais..c.n ·o~t:r.~·t.' c~,t:t:.e{b8t·o~·.~.s't;:'~~îfer'tepar les en.fants de
.' ,'\\""l'a "défunte,,,,, au' clarl'-:en detiil'."('don t
i l s rel:èven t
évidem-
. ~~:,:.._: men t) ; .' ct ' ~/~r"son' C"~rac tèrë:odou(ji~em·e~t· ma trfia térl1l .
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.
et,
en outr,e, ... à, "Ko;.dll.,titùo"..',.ë,'ass·omptiôn/inhumation par le
fai t
de 1
avale';'ent·i;'d~":"d8a"j(bière
1
'de mil)
e'fi'ectué par
j"
"
les clans ·amü'·:'et allïés de, là ramille en deuil .
. !:
F9
enterrement symbqiique par ·"daa ..' :à- "Ko-cHi
'maar"
"la
'
bière de mil r i tuelle
e·st";'rél;andue.;.:'dan~ la chamhrp. du
mort et' ensuite' bue'.p'ar:'~.~~s group'e~ alliés en présence
<. 1).
Cette l'orme ,.prolong·~': et "par'fait les deux autres
. .. . ,r
-<-.. ".
....
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.
déjà r<m,<ori:trées.;;(V7." eff.r8)' ;'::.m'ü·~:·elle ~omporte en ou-
. .-..
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" . . :.'!"''<::<...
.' ';·'f.· /,........
.
> ,;
tre l ' ei'lterremen t ·.~de; ~ "espi"i·t· na türel qu'es t
"nyâ -kp!in"
i"
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.
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r": ',' (ame>erran:'t'e, :. ",lltne':"entr.e-',deux:i,mondes") , c e' derni el'
é~an: ~e.n~t.i:·t~~~·1~~~~{:f~t~~~f.~~f~~(~a~~è';'~'de ·';Ko-rlâ
'maar" 'et, ·sa·.... salete....Yc"'etant.;,donc.·.presente '( 1).
:.',::. .', ,);;.:i:;~:i+,,:-{;:~)~2:J?;!,1,~:.'" ,~::'~:
, . .
.
.'
Par·i·conséquent', ·.-1à·/(orriie "Jè.9i,est: remarquable
par
.
. . . . , . "",' '.
'
,
sa.r'ich'cs~e'" symboliq'ue ":Eil~ s;;;"thS'ti';:~':'en q'uëlque sorte tOllS
.

' .
. . :
, ' l
; ' . ' . '
'.
~."
" .
~
l:~~ >types-'. d·';.·en t·~rrem.en t\\,,'<~ymbol ~·q~lè~·,·d~.J~·:'~:'e; ~'Cù -t;é s ,( consom-
'mà~ion~:'du ·mort •• intégrat~on:à ·iiTll~·â~lli~.
.
...,
:II·:;e';t,.it'·;~ot~~ que cer,.taines de c'es étapes pré-
sentent' à
ellês's~ules' ,t'~'~is, quat':'e ou sept séquences ri-
tuelles qu'une
étu'dede, détail mettrait
en
éviden·ce.
(1)
Voir Pa':Üe II.
C}lap.i tre
I;Y,
Paral?;raphe I I I .
\\
.
,
:
.
"
"
... / ...
:,.
. .
,',.
,' .~.
. "
::-
,',
..
' .'
• \\ :-'. -
' . '
.J'
;':,
4:, ...

Si l'on en croit Do' ZAB.W,
l'axe est-ouest de-
vient W1 lieu privilégié de réîérences
pour les
Africains,
t
dans la structuration et la rep~ésentation (en termes an-
tagonistes)
de l'espace,
du temps. et de toutes catégories
conceptionncl"les
ilLe mouvement diurne
(apparent)
du 50-
leiI
sur la vo~te céleste ..... imprime Wle signification fon-
damentale à l'espace orienté dans le même plan que lui ll ,
écrit-il dans
"Religion,
Spiritualité et Pensée Africaines",
et plus loin
:
"D'autre part,
la variabilité cie la déclinai-
son de l'astre du
jour,
avec ses limites extrêmes sur les
de~: tropiq~cs, fournit ~ l'homme vivant dans l'espace in-
tertropical les deux autres catégories,
relatives au haut
et au bas,
senties
elles
aussi
en termes
d'opposition.
~\\ais
alors
qtle
les
deux prerni~res directions connotent le plan
de l'·être
ct de
l'existence quotidienne,
l'axe 11aut-has
se rattache ~ l'activit~ saisonni~re et A l.'existcncn cy-
clique"
(1) 0
Aussi,
atl niveau de lJcaucoup de
soci6tbs afri-
caines,
certai:nes rbr~rences de structurati.on sont-elles
iden~iques, telles le symbolisme des chif-frcs trois,
pOlir
l 'homme,
et quatre,
pour la
fenune,
qu"on retrouve chez. les
Mo~si, les Disa, les Gourmantch~, les Dagaru, pour ne ci.ter
que
cC'LlX-là,
rn~rne si les explications :fournies à son propos
c1i:fïèrent d'une
sociét~ à l'antre (2). Ccpc:ndant, d'a1.tl.r'es
ZJ\\nAN,
D.,
"Religion,
Spiri tuali té
et
Pensée
Afr i.c;l.i.nes','
Paya t,
Paris,
1970,
Chapitre V,
po
110.
(2)
Nous avons déjA cité DIETERLEN,
Go,
à propos de l'expli-
cation
hambara
qui
r6fère aux ~],éments sexuels ne l ' hom-
me
(testicules
et pénis)
et de
la
femme
(quatre
l·(~vl"r:s
vaginales).
0/0 ••
o

- 5.3.3 -

e:;;igences
organisationnelles· vie~nent impos~r' des
combi-
. sept
nuisons
sp~cifiquest telles cell~,'de base ;tlue nous avons
rcncontr~e chez les Dagara ou encore celle de l)Bse onze
qui
c:<istc chez les
I]wa
(1).
(1.)
En plus du
symbolisme des
ch{'ffres
trois
et quatre,
les
Th~a ont un symbolislne de l)as~\\·~nze
i l
existe onze puis-
sÛ.nc cs villagcois~s j. pour ré'parer I,e mal,
on 0 ffre
onze
vases
de
bïère il
Sopé,
le. Div';i;i1i té Terre
et
11 000 cauris
"c'est
la même
chose· qui
es{~:;demandé'e à un séduc teur
"étranger,
avec
en plus une, chèvre et deux poulets
(cf.
'CTIEJ\\'IER
J.,
Il}'la-céri.aux d'Ethnographie
et
rle
Lj~ngl1isli.que
t
, Soudanaises,
Tome IV
:
les' BO,bo
(la ~len tali té mystique J';
Librairie orientaliste Paul, 'GEUTllNETl.
Paris,
1927, pp. /1,
19 et 20).
. .. / ...
- 534 -

CHAPITRE III
,
QUELQUE~. PRINCIPES FQN!JA?-IENTAUX_.J:l.~
LA
SAGESSE DAGARA AU-DELA DES
SIGNI~I.CA'~!.2.1'!..~ DES RITES FUNEIlJ':!t"èl.':.".
Les principes qui ~é.gissent l'or,~i1nisatif)n ri lune société
découlent
de
sa représentation de l 'Uni vors ,
r l i I l si
que
10
/;lontrent
les
analys.es
struc'tù.rales men.ées par plusieurs
<J.lltl:l'o-
polngues.
Ainsi
Cl est
celle-'ci qui
secrète le
symbolisme
qui
préside à
la structuration de· l'espace et
du temps,
de ln
dimension des êtres,
de la vie et des activités sociales.
A
c.e prop()~,
D.
ZAI·IAN écrit
.'lA
l'aide
de
ces
éléments
(si-déraux),
l'Africain
cnl1-
jugue la
caractérisation de l,lespace et
du temps
et
sc
situe
valablement lui-même à
I l :Lnt(~rieur 'de" l'étendue et de la (11:1'6c.
Il reste
~cpendant que le soleil,
avec
ses
deux mOllvements,
peut
constituer ~
ses yeux un
sys~~me cie r~f~r~nce, S'il1S-
crivant
2l lui se.ul comme génér.ateur de déterminations pcrti-
ncntes l1 •••
de
.catégories
conceptiorulclles,
<l,vec une va.ln-
l"isutioJl p<l.rticl.lli~re
eles
étapes
de
l ' e s t ,
de
l'ouest
et
du
zén:i.th.(1).
CI est
ainsi
que D.
ZAHAN ciécouvre dans les
strLlct;~r~s
de
la SOCi(lté bnmbarrt un
dualisme
de type binaire renvoyant ~l
l'opposition
est-ouest,
transposé
en opposition
"haut-bas" ..
SeU].0men·t,
la relai;ion entre la représentation
(le
la structure
cosmique
et les principes d'organisation
SOCi;.l.l..-:
ni est ni
simple ni
u.nivoqu(~ .. Les études de Cl. LEVI-STIV\\TJSS
S11r
les
soci~t~ Bo~oro, winneb~go ct indon~sienncs nlontrcnt
:,.
(1)
-
ZAHAN.
D..
op.
ci t •• pp.
110-111.
... 1 ...
- 535 -

,...... insi
que
le
dualisme peut
ne pas
être
l1è.inmétral,
symétr:Lr:,::c
('t
stat,iql:l011 ,1 mnis
"collcentri'que 1
aS)'1nétriqlJe
et
dynamiq118 tT ,
et rp.poser
sur un
ensemble
de
t.rois "e,t non
de
deux
élômc.nt;;;;,
cm-,me
cela
se pr~sente ~he~ les Winnebago dont la soci6t6
s'organise
en
"haut"
et
lIbas".
Pourtal1."t,
la
conception
'/,
~·~inneba:so du monde repose sur un sy~t'"è~e de trois éléments
ciel, ,terre,
ean.
De même,.l'organisa~ion dualiste rles Bororo,
selon deux mo i t i és,
dé coul~ d'lune strücture co srnique qui
rf?quiert trois, termes
le haut,
le'15~:s'et le milieu (1)
LEVI-STRAUSS
écrit au sujet de
l'aggl~o~ération l:>ororo
ilL' oppnsit,ion entre te"rrain ~",déblayé (cercle centra.l)
..,
et.
terrain vague
(cercle périphérique ).' appelle un
troisième
terme, "brousse fnrêt
-
c' est-.-:1-clire
terrain vierge -
quj
circonsc!,i t
l'ensemble binaire,
mais
~ussi le prolonge,
puisque
le
terrain
déblayé
est
élU
terrain vRgue
comme
celui-ci
est au terrain vierge"
(2).
Faisant
l'étude psycho-sociologique
de
la
socj.6th
sP!lPgalaise,
!'-'f.C.
et
E.
ORTIGUES concluent,
sur lln "~lan sans
d01Jte plus
gkn~ral, que la I,osition d~s ~l~ments dans une
·~tructurp suppose nécessairement un tcrm~ cort1plômentnirc,
")arfois voilé,
même
innommable,
mais omniprésent
ou le
"vid8 11 ,
con~R possibilit~ d~ tout jeu des ~l~ments en sii:uation (1).
Tout'es
ces
considérations
sont
de nRture
a
nOllS
rassurer
et à écll'\\irer notre propos," car la représentation
(J~e l'univer'S
cosmique
ctagara,
comme
nous
l'avons Vll
est
Gussi.
ternaire,
s('.s
constituant,s
étant.
1''0h.....in,
l1S aa ll
et
1TT~r;al1l1 ou llZU It
(tête),
"sow"
(milieu):, et
llpèr 11
(bas).
Hai.s
!TNât"!.l~lwinll ou 1Ti'-fw-in!l (Dieu) n'est pas" investi dans le cosmos
( 1) _ LEVI-STRAUSS, "An throTnolog ie StructuJ~alf"!", Plon, Pnr:l;; ,
197!f, pp.
168 ,~ 175.
Ibiel",," n.
1 GR.
J '
()RTIGllE~J
'0LC.
et E.,
"0 e dipe Africnin ll ,
Plnn,
Par:'.fi,
197G, p.
GR sqq.
. .. / ...
- 536 _

," "
, "
! '
,'"
~
dont il·.e'st l'orig·ine abso·lue. 'et': la'''possibili té
d'existence
perman.~I\\.-t::";:Apr~'s '~l~~ .~,~·p-ar·a~f6.J:i/.;-~e~~.I~..~a~a:_I~", et de". "Têgan!l, il
,
• 1
• • • •
' , ; .
,


sièg;e 'dans la région' 'supériIHlr,e de ,l'.Sa;'''
(1)
et en dehors de
,
: "."
'
.
lui,
lai·ssant
sous l'a ,domiy-{ation':de',~ lISaa " et' de "Têgan",
,
.~, '1" ,,::;,.'
' , ; .
.

' . .

'..
"
-.
tout
en
étanti!omniprés-~n,t;..'abs·ent',~'.le,mci'ri.de,'en particulier
.
• -". i ....•. 1.~
...:,' - '
'.'
1 'Homme,. fécondé. par le' so~xvénir du rè,ine céleste.
" f
Comme l'es ,i3amb~ri:':ou' les Bororo également ,.les
D3gara s'ont trè S' mar'qués .:iJ.e,tr :le dual:isme. LI étude de quelques
('
,:
principe"s lonc1arnentaux 'de' J:'a
sa'gesse'.;dàgara qui
va suivre,
tâchera ~d 1 éclairer les câ~\\ac·t·è-~es de ce dualisme ..
'\\
~ "';.\\
_ '1
".
"r.:' r :' ''.::;••.
.
..
",
",
1.
SENS DE, LA VIE,: ET,.,DK LA . MORT CHEZ LES DAGARA
..' .:"."'
.. ~ '."
.1
' , '
,::~J:;C<",1F,.
1
. .
••••
,
:;. ~r,:'[.;
Dès '1 'intràduët],"o'n>géné'I"ai'e';'i':il a .été
soui:Lgné
qu' i l ,rïê,: 's'ag~t p~s \\' .dan~';r:êiç El' ~:tU(~,~';:T~~ concep~i's!' )~i!,n ti-
. • ,.• ,..:'
_.
.
. . "
. •
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.'~',--t.'"
"\\. ,."",
1
'"i":'''--:''
,.
•...i".;:;,./
fique ;de:,:,la',.vie,
eri :partïcti:lier,"d~..bicll'àgie .·,:Il s '.agït' d'une
~.I:::. '':".-,'"
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. ' ~'.:,;A.
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appréhe~;si~Î1" de la ;ie:', _.d$s;(~a,... nature>·'·.origiI1air.e" . co_~rp.p,logiqtle,
,
,
• •
, . ' '. ':
•.1" ~.'
'1 •


. '
aussi :'bien mYthique'que. mi.~tf(J.l~e', à' 'travers 'les repréilentations
symboliques da,~ara qui l η'~;"ti,;"t:i:ennerit'.:'ou la ,d6veloppeiit', En
référence au point de', 'VU~'::'de '}':;:~"'i,si,~'i,,~cci'dentale, c'~tte
~
~
. '.
optiqu'e:, est plutôt: métaphYsj;que',:qué:.'naturaliste.
.
. ...;.,..
"
.',
!.
,
,,' '.
~; . ~.
,'"
. . '. >- .,~'r·
Du,point de 'vue,'fde .~ila :'cosrnog?n.ie' .et de l"Îontogénèsc,
la vie découle
de Dieu don:t ·le'· dynamis,me est. insufflé. ~lans
,
.
les ~tr.e·s créés qui partàg.ent .de" ce .fait, à travers ]2's' vu.r:i.étésJ
de leurs f'ormes
et .modes d.:!existence,
la même vie
tout
comme
---------:--'--'-~-,
(1.)
-
Cf:.,~ŒTUOLE SOI,IDA, ,J.B.', et GBAANE'DABUm, C., "Da,Q;ara
Zukpai. ni
Suolu"
(-b~vinettes et 'C~ntes dagara),p KO{lJ~j
Janvier
1979, p.
18
:' "NISAAI.;' ni, N-o O"
(1 'homme et la
poule)
:
Dieu punit. .'la poule qui,·vivant
"en haut"
(~'.'_._Ç.=!:..~JJ
avec 'lui,
en profi te. pour trahir" son a'ecret au. proÎ:L t
y
de l'homme).
"
.. ;/ ...
,'"
537
,'.
:.J..,

.... .
,!..
..;
~i-,.
"
,
..,':
I:~.:.-..••- ._
.._- ~,....... _-~::..

lellfcu ll
héraclitéBn
ou le
1lNous 1'
cl~An~)GagorQ.
sc propô3:cnt
en
constituant les
êtres.
Aj_nsi
l ' i d e n t i t é
de
suhstanc.e
ju~tific celle des manifestations au-delà des apparcncfls ct la-
possibilitk
rte
relation,
rle
t e l l e
sorte
ql1~, de r)r~s Oll de
loin,
l ' u n i t é
existe
dans l'univers.
Notamment
tous
les
êtres
son"t
doués
d'intention
et
de
capacité d'interaction
If;s llns
sur
les
autres.
Chaque
être participe non
seulement
rie
l ' essenc0.
d8
la vie
du
cr~ateur, mais évolue selon le.mode cIe prndllcti?n
qui
lui
est propre.
Ainsi
la première
Parole
de
";\\hvin"
(Dieu)
dont
découlent
les
autres modalités
d'êtres
créés
est
gémellaire
"Saa"
(ciel)
et
"Têga-n ll
(terre)
sont
II m&10
et
.femelle,ll.
L?l génération
secondaire
suppose
leur
r':-lpport
Fécond.
Cette mRnière
de
pensT
est
commune
ft heêlllc011~1
de
;>811n18s
aïricains
(1).
De
ce
î a i t ,
la vie
imn.liql.1e
action
ci:, pr6!ci.'3~mc11t
j.nteract:i.on
elle
implique
alli2.nce
des
contrRires 1
rnppro-
cnement
ries
différences,
"compromission"
dans llne
certaine
mesure.
Si
elle
a
un
effet multiplicateur,
enrichissant,
nlle
est
aussi
source
de
déséquilibre,
ct 'où le besoin de compensa-
tion 1
de réajustement,
de
ressourccm~nt ou "enforcement ll
constant.
En
tant
que production
cr: séries génf}ralisantes,
les
étapes ultérieures
d6pendent
des
étapes
antérieures.
I l
Y ~ none une dépendance vis-~-vis des êtres sup8rieurs
notamment
de
rtMt.-vil1"
(Dieu),
des
Puissances
cosmiques,
de,c;
Ancêtres
qui t
outre
Ip.ur
assistance
constante 1
peuvent
avcd.r
des
interventions
directes
ct particnlières,
hienfaisantes
:::...-...-=_---------
(1)
On
peut
citer
comme
autres
exemples
les
Bambara t
les
Sara,
étudiés
respectivement par D.
ZAl!AN
",t R.
JAULIN,
les
~1() s si •••
. .. / ...
- 5.38 -

ou punitives,
ce qui justifie leur sollicitation fréquente.
Le premier principe de la sagesse dagara sera donc
de ne
jamais
se
couper de
la ·source
créatrice
qui
cormnunique
la force nécessaire au maintien et à la reproduction de la
vie, mais aussi de ne jamais détruire l'équilibre au plan
horizontal en créant la ,,'confusion"
(tule
),
sous peine ·de
provoquer le chaos.
En effet, si l'autre représente un complément indis-
pensable dans la relation vitale qui implique le rapport des
différents,
celle-ci ne peut litre féconde
(productrice de vie)
qu1en cas de conformité avec l'ordre
sacré de l'ontogénèse ou
loi
cosmologique
qui
découle de
"}t'lin",
le
créateur ..
Sinon,
tout déséquilibre, quelle que soit sa forme est néfaste
soit
par écartement de la source unique d'où procèdent les séries
d'lltres créés ou par
agrandissement de la distance ontologique,
soit par assimilation entralnant une perte des identités.
Il apparalt donc que. la complémentarité avec l'autre,
dans l ' équilib:r:e, va poser un p:roblème délicat et sera source
de nombreux. conflits auniveau'social
entre l'individu et
le groupe
dans·la famille,
entre le père et la mère,
les
parents et les enf,ants, et ceux-ci entre eux
dans les relations
matrimoniales et de voisinage •.•
Par rapport au plan vertical ou ontologique,
les
risques de conflit avec l'ordre sacré ne sont pas moins
nombreux,
entralnant des célébrations rituelles fréquentes,
notamment aux événements importants marquant la génèse ou le
redéploiement de la vie: naissance, baptllme, initiation,
mariage,
funérailles,
pour ne citer què ceux-là •
. . . ! ...
- 5~~ -

A la l\\.unière de
cette présentation
de
la vie,
i l
est aisé d'appréhender
le
sens de
la mort.
C'est
la
cons6~lence
ontique,
physique ou essentielle
(ontologique),
de la mesure
ctépnssée,
de l'ordre violé
Q.U
plan vertical du rapport
.::l ln
source de vie ou au plan horiz:>ntal
du rFlpport
ries
êtres
entre eux.
Dans la légencle,
l'homme rencontre
"Kôtôble ll ,
le
génie de
la brousse qui
l'entraîne avec lui
dans
sa grotte
et lui offre à boire. Hais l'homme n' acceptB qu 'une
calcbass[~e
et dit en avoir assez. Une fois
éconwlit de la grotte,
i l
reçoit
l·lordre de
s'en tenir
désormais à une
seule calcbasséc
de bière de mil
(dâa)
sous peine de"mort.
Revenu
chez lui,
i l désobéit et meurt.
Dans d'autres récits,
la mort
est liée <)
la rencon-
tre de l'homme
et
de "Kôtoble",
génie cle
la brousse,
considéré
comme une
source de vie,
précisément de
la
8cience
de
toutes
choses:
soit qu'après la révf~lation de la science l'holTunc
mette à mort
"K8toble" 'et sauvegarde
son acquis.
ou que cc
dernier
le fasse mo·urir pour
conserver
son
secrf:-~t
l ' enj CO.l..
est généralement
énigmatique et
compromettant
ct l'homme
rarement
peut
seul en trouver
la solution.
Dans le Conte intitulé 11Nisaal ni Nûo"
(l'H0~JU:1C
ct la Poule),
"Nâamwin."
(Dieu)
clesce:l.vJ
du
cie]. chaque
jOl~r
auprès de l'Homme
qui
oenvre dans
son champ
et l'entelld
programmer pour le lendemain
sans .lw::tais tenir
compte
de lEi,
le r'IRître
de la vie.
Aussi lui
envoie-t-il la mort t
qui
annule
chaque fois les projets formés.
La Poule,
vivant auprès
de Dieu,
qui
informe
l'Homme
de
son· ingratitude et
du méC0J1te:!.1-
tement
du Créateur est déchue et
c~ncl~née A servir ce dernier
elle
sera désormais ri
sa disposi tian ,.pour ses mille besoins
et Bouvent égorg~e (1).
(1)
-
~lETUOLE SO~lDA, J.B. et GBAANE DABIRE, C., "Dagara Zulcpar
ni Suolu'"
(Devinettes et Contes Dagara), op.
cit., p.18.
(Texte &crit en Dagara).
.../ ...
- 540 -

La rencontre
avec l'origine repr~sente ainsi
une menace pour l-'ordlre et
occasionne, la mort ~ C'e"st
cette
même
id~e qui d~col1le de ce dicton
II s i
ql1elQl1'un plante
un
arbre
et
que
celui-ci
commence il pr.oduire,
i l meurt" ~
En plantant lln arbre
-
on
en devenant, p.ère
-
on
devient
orig;ine
de vie,
ir;d.tiat((!\\1r
d'une' s~rie de production de
la vie,
qui
se
distingue
de la sienne propre
et
qui
est
appelé'e à.
se séparer ~ Alors que d. 'autres activités conmle lLl
culture,
l'élevage,
la
chasse,
le
commerce
sont
intégrées
a J.a vie-de leur. auteur et ne constituent pas de s~ries
fl
part
(1).
Ainsi
la vie,
c'est la disposition
conforme A
l'ordre
sacré et
la mort,
c'est l'écart,
à
Quelque degré que
ce
soit,
de
cette norme~ COlltraire'n~nt à la pens6e rl'UJl
instant
l~tal qu'on rencont.-re, ~.Jar exemple l
chez 1ANIŒLEVITCH,
la mort
est plutôt 'un processus,
pIns OH moins
long~ Cormne
i l
El
été dit dan's
la 1ère Partie,
" s iè l1
(âme-force)
saisi
par
le
sorcier
et il
l ' é t a t de
" s i-sèla"
(âme-noire),
p0.11t
demeurer
en vie pendant
encore
quatre
(1J)
ans,
tandis oc\\'!.e
l ' é t a t de
"si-pla"
(âme blnnche)
annonCe
déjô nne mnrt
pratiquement
in~vitBble, qui peut attendre il. peine une ,.Ytl.1"lée ~
De m~me 1
lorsque
" ny â_kpîin"
(double,
es.prit
terrestre)
de
quelqu'un
est perç1.1,
i l peut
être
toujours vivant
(au
sens
biologique),
mais pris
déj;:J
dans 11e~grenage de la mort.
Aussi,
la pens~e de la Dlort est-elle liée
chez
le s
Dagara à
l ' idée
d lun manquement ,:1.. l'ordre de
la vie,
Cl cst-
à-dire d lune faute
commisp. pn.r la victime ou par
quelqu'un
(1)
. oll:p' e ·u't, ici é v 0 que r
la signification que
pouvait' avoir
ce
dicton pour
l',estimation de la d1Jr!~e
de vie,
mais
qui ne
semble ni principale ni
évi(lente~
... / ...
- 541 -

avec qui
ce dernier
est en:rapport de
solidarité.
De ce fait,
la mort
apparait ct 'abord comme une alié.p.ation
:
comme
la vic-
toire de l'Autre de la vie,
la contradiction principale de la
loi de la vie
en
ce monde.
C'est pourquoi,
bien que
ln mort
soit une
issue
fatale,
"urte progranunatiort déprogrammée~1 selon le s terme s de
L.
V. THOMAS,
l'Autre,
coupable
sinon r~sponsable~est toujours
recherché, notamment à
la célébration de
"Bao-bu-dlla"
(bière
d' enqulHe)
et m@me' à travers t,outes les,1 célébrations des
funérailles,
ce qui oblige tout
le'vois~nage à participer
il celles-ci, par solidarité. certes, mais aussi chacun pour
sa propre
justification.
Dès lors,
on
comprend que. les sacrifices préalables
l
. 1
aux funéi-ailles
constituent des, précautiorts . él·émentaires avant
· 1 .
d'affronter le mort,. et que· le' décès' su~cite crainte et
méfiance ,chez les vivants,
soit 'qu'i'lspuissent @tre identifiés
.
1

à l'Aufre,mortifère, 'soit que, par leurjproximité avec le mort,
i l s
soient
exposés,. eux aussi, à @tre les victimes de la cause
mortelle, par
communion dans la faute.
Deux extr€mes
représentant le Iminimum et le maximum
de méfiance
sont
cependant à
distirtguer::
la mort
du vieillard,
rassasié 'd'années' et respectueux de 1a.Jo10nté des Anclltres,
1
.
qui est aspiré en quelque
so~teparla s,ource transcendante
de la vie, pour y
lltre assimilé,
après~es'purifications
1
nécessaires,
et la "mauvaise mort",
sans' funérailles-,du
sorcier
1
pris en flagrant
délit,
de l'esclave,
du! .voleur
tué par voie
1
de féti'che,
du candidat en cours d'initiation
(bagè)
qui est
1
.../ ...
- ~lt2 _

ainsi refusé dans sa "personne par "~fwin" (Dieu). Ces vic-
'times sont frappées
de;lldispersiàn" ontologique après leur
.~~
.
~
liwz;t comme étant des' ttr'es dangereux pour l'ordre sacré.
Dans le premier cas, '~:'ciilui''du' vieillard', ' l'aliénation (ou
loi de l'Autre)
est' sublimante, "tandis qu'en ,second lieu,
,
"
elle est annihilante.
Toujours ,e~'t-il que la mort va occa-
,
,
sionner des
traves tiss.ements' de ,te'nues et de comportemen ts
poUr emptèher le parent 'régi dés~rmais par la loi de l'Au-
tre d'étendre celle-ci,'àux: ,vivants.
Si ,la mort apparatt 'comme autre et implique pas-
sage de l'existence sous
forme
de' "t.agan",
"siè",
"dawr",
"fofor",
"dasule",
autrement dit"selon des modalités d'exis-
tence
"terrestre naturèile"
i
d'autres
"terrestres mais
supra-naturelles" COmme celle de "nyB-kpiin",
ou surnatu-
relles. et transcendantes comme celle de "kptin",
elle ne
nuit pas pour autanti la continuité ontologique mais,
au
contraire, ,donne l ' occasion d'une manifestation de la puis-
sance ontologique 'terrestre du mort
(1)
et,
plus tard,
après les rites
funérâi~es de purification, celle de sa
valeur transcendante.
La conception'de la vie et de la mort sont donc
en relation é t r o i t e :
c,'est l'ordre cosmologique,
l'ordre
de la vie,
qui détermine l'essence ontologique et la mort
comme
linon-vieu,
ou
"anti-viel~: quand i l y
entre de l'inten-
tioIUlalité
:
comme Autre de la vie.
Les dialectiques d',évo-
lution vers le plus-lItr,e" oU',le moins-~tre, les formes et
les degrés
cilèxisteriè~:sont pri~sous cette condition.
(1)
Le mort entant qu~~spr:it naturel parvient au sommet
de sa puissance' terrestre.
· .. / ...

2. LE DUALISME DAGARA COMHE DIfFERENCE AL' ORIGINE
ET FONDEMENT DIALECTIQUE DE LA VIE
(1).
"Le dualisme peut
~tre mis,
en évidence sous plusieurs
formes,
relativement à
divers modes d'existence,
au niveau
cosmologigue,
où i l est principe d'organisation cosmique;
au
niveau social,
au sujet du pr6blème d'identité ou plus géné-
ralement
de la condition onto'1ogique du moi.
I l convient ici de rappèler' que l'origine première,
'f
Dieu
(Mwin)Jn'a pas dereprésentation'possible
(2).
On peut
",
dire a pr'iori qu 1 i l n' estni,.mâle n:iféînelle.
La dualité
apparaît ,~vec la 'première manifestation de la vie, la première
parole oup,roduction de Dieu ~ qui e ~t ,double
"Saa"
(Ciel),
mâle et "T~gan"(Terr.e');"femeli~ ';. pUï~sance pénétrante et
.
~ i,
;
.
,", _.
.
.;<,. ,1 .: '. .
.~:'
masse pé,,\\étrée
(J) • Dè'", lors::'c~:tte dualité devient la caracté-
ristique ';{~me' de la vie' post~ri.eurè,~I,Mwin"(Dieu),lltre
premier et créateur. Bien piU:~" elle' apparaît comme contenue
en "Hwin,j. et
donc -antérieure à la vie
créée et
condi tian de
son apparition.
Désormais, non seulement la vie
se manifestera dans
la dualité,
mais
elle
supposera
comme en llM\\""'in"
son existence
inter.ne .avec
:
( 1 )
I l ' s ' agit du jaillissement dialectique de la vie et de
l'association non d'i';:i'';~·tiquè''des·i'iéléments.
.
' , ' ::":'~
"' ',':
"'""..J' ',,1. i..·i.,:;·~·
.
(2)
-
"Mwin" représente sur.':la.terras's:e,:,près de l'orifice du
grenier,
dans la case'à'fétièhèii:('Ktlttlm~Jou par divers
objets faciles à por:ter sur. sOi;:.est"un' esprit cosmique
secondaire
" : : , r " : ' :
.'
.
~~ ," ;\\'.";
(J) -
faut-il rappeler la signif.icatio~\\.:I"remière,de .."T~gan"
qui"veut dire "Peau de Terre u ' 7,·J~;'~-
- ' , .
<,
:
l,~'
.../ ...
- 544 -

"
-
une possibilité d'association 'non dialectique
(1)
d'~tres
,
..
""
opposés
(ou différents),' pour "l'équilibre" nécessité par
la vie .. ;
et une 'possibilité de 'déséqui,libre',
source de mort,
dont
la cause principale est'''tule''
(confusion) qui
suppose une
déviation de l'ordre fondamental,
capable ,de brouiller les
identités et les rapport~ éiablis.,
Au plan humain:
'.." L' litre mille' ou femelle' '(homme ou femme)
est natu-
rellement' duel. La cli toridectoriiie
comme mort de la femme
en
,
sa mascuiinité est, un 'déséquilibrage et ,une préparation à la vie
';"!r<
.
:
. . . . ..'t._,.,'
":
,
sociale ':" celle du groUpe
cOnji.:.gal,
qui, n'est plus naturelle mais
culturell''''. Ce déséquilibr'e, cr'éé est donc à
la fois mort et
ouvertur~" à la générati~n c;'llt~elle d"'litreshumains: à une vie
, "
, .
" t

'
superleure'. Dans son principe,", i l appelle un complément
: 1~
principe ,'fécondant,
dont l 'homme est en quelque sorte un
représentant.
Il est à noter que"
l'homme dagara n'a pas
besoin ci",:intervention cUlt~el~e pour sa création sociale
(il ne subit pas de cir'con6:sion)
;
c'est' un ~tre complet (2)
,
,..,
~
et indéperi'-dant, issu tel d;"\\a"procession originelle dont
i l représ;;nte le prinéipe.
I i ' i n t è g r e l a féminité
et,
en
.
.
'"
".
ce scn.s "',,.il . sera' socialement ·.,a~to;ri·5é:t\\.'surtqut Si il est veuf, a
exécuter\\'ertaill~s tllches f'~iniàines <ai'ler chercher de l'eau,
"'\\~.
", :'r
. -', ,"
"..
" . .
.
. '
l '
.....<
(1)
-
Nous revi,mdrons plus',loin sur ,lê ,sens de ,cette absence
de' dialectique".U,:riiveau"·,d'es élériients associés~ Mais en
at'tendant,
i l c'bnvierit,:,dê"'rappeler que,
dans la logique
de '"ia pensée,dàgara, :i ~:~:sso'ciation d' litres différents
suppose en elle-mlime '''.18'''-luoru''
:-" une médiation, un terrain,'
de rencontre, possi,blé, ou ',une concifiàtion
(cf.
Partie l ,
Section III,
au sujet de'la stra~égie dagara).
(2)
-
Ce'que la femme
sera à peine à
la ménopause.
.../ ...
- 545 -

prépar~,r <la nourriture ••• r. Mais en tant qu 'litre achevé, il
lui re.Ji"~'ndr'a'·'Pl;"s qu'àl":'fe\\nrne, d'instituer le groupe social
en assum~nt i'a' dualité' .impliq,;,é dans l':'union conjugale
i l
devra en. effet,
après avoir.. "cherché lâfemme"
(bo pow) ,
la
recevoir .. :chez lùi >.d'ans son 'gr'pupe clanique,
selon le principe
.....
de la virilocali té;
en tant qu:' étrangère,
conservant le nom
de
son lignage d'origine
(le ~ariage de l'homme et de la
femme
est. une rencontre de ·'deJx. clans 'diff~rents, chacun
restant dans son' identité). C~tte situ'ation fera l'objet d'un
examen· critique, plus loin,
dans l'appréciation du système
dagara.
L'enfant nouveau-né est "bi-gbâan", un litre frllle,
virtuel,
pourtant' i l est aussi émanation de l ' anclltre qui intervient
à l'occasion de l'acte de procréation.
-
Le fils qui s'en va, meurt .. en:' sa' famille, par son déménagement
'~
.'
.
.t-
dans sa propre case ou par.;·le départ à l"étranger
; mais i l
"
'."
affirme ·par· là sa matur~t'é 'et. sa grandeur au plan social.
Dans le cadre des rites funéraires,
nous avons rencontré
.
'~.
plusieurs autres illustrations

mort progressive du défunt à la vie naturelle et naissance
parallèle à
la vie d'andltre
(kpiin)
,. la fin du processus
de l~ mort correspondant a~ début de la pleine vie, dans
le sé,jour éternel des'Anc8J;rès (Kpimll-TlIw).
,"f
.'

-
mort;de la Famille en deuil'a la vie sociale, par le
,:'-j
séj';,:;rr' dans là' "règne de l'a mort" ot naissance à, la "vie
ren~uvelée" dans la socié{é réorganisée
... / ...
- 546 -
.',
. to
---:r' :- ..._-'- -.

"'_mort du conjoint par le "blanchissage" a J'arp;ile ct
sauvegarde de la vie par cette protection
renaissnncf.: à
la vie après
le bain purificatoire de
l'l{o-d:1:
- 'mnar l ',
illl:X
dernières funérailles,
etc . . .
On pourrait J"ultiplier les
exemples
en d6voilanl
cles couples d 'opposi tions,
dans ln génération de
la
vie,
"
tous
les plans.
-
A un autre niveau,
le dualisme de l'indiviclll et
du groupe social
est résolu dans l'équilibre qui voit la
soumission il celui-ci de celui-là et
~vitc le chaos.
Mni.s
i l n'cn delneure pas Inoins que la personne aspire prof'onrlémell
<~ la liberté, témoin cette mobilité structurelle de " y ir"
(case,
lignage,
clan)
dans le temps et dans l'espace,
cel.-
le des
associ.ations;
l'importance de la palabre,
o~ chacun
exprilne son opinion
l'exigence d'annoncer le décl~s an');
pal·ents loiTltains,
l'omission ici
engendrant la ruptllrr:.
..
" -
6
8
En venir Pl
riire
:
'\\
be w
yele",
a

bèlè ml!
t" (1), c'est,
pour le Dagara se situer en marge,
se poser de
façon cOn-
tradictoire.
Par conséquent,
c'est refuser son accord ou
s'opposer
(2).
_La r6férence ~ l'origine
(de la vie),
a-t-iJ.
~t6
dit pluA haut,
représente une menace de mort
(J) ..
}1ais Pl
l'opposé,
i l faut noter qu'il en.~endre une sécurj.sation par
l'identification de soi,
le sentiment d'appartenance ou de
(1)
"I bè w8 yele"
"je n'ai
rien entendu'l
(je ne suis
in-
fOrmé de ri~n)
lia bè
bèlè me 1"
"cela ne me re~arde
pas H •
(2)
Le père renvoie poliment les courtisans de sa fille a
ses
"frères"
du patrilignage
lice n'est pas moi le pèr(~"
Car i l
suffirait qu~~ l'un de ceux-là déclare
Il! bè ""f\\
yele 'l , pour qlt~ tout le processus du rnariage soit. rf~rnis
en question.
(J) Cf. 1" Conte
IINisaal ni NOo"
(l'Homme etlnPol.lle),
déj"
cit(~ au Paragraphe nO 1 ci-dessll5.
. .. / ...

solidarité au groupe,
et donc une garantie pour la vie.
Il
y
a donc à la fois un trawnati'sme et un ressourcement à
l'origine qui peuvent se justifier d'une part, par le risque
de confusion et de mort et,
d'autre part, par la reconnais-
sance de .soi,
qui est retour à
soi et renaissance. De façon
pratique, i l y a un maximum de la vie à
chercher hors de
l'origine dans le développement au sens le plus général ou
la production qui est auto-production,
et un minimum qui
oblige au retour
aux sources
c'est ainsi que frappé par
quelque malheur,
tout Dagara émigré retourne dans sa
Famille,
s'asseoir prè s de son 10 siwra lO
(esprj_t gardien).
D'un certain point de vue,
cela fait apparaitre
le Dagara comme l'homme du milieu,
qui ne peut
-
d'une part, grandir sans se déployer hors de l'origine
d'où le besoin d'effectuer ce voyage plutÔt initiatique
au Ghana
:
à "Kuma si. " ,
er, Côte ·d' Ivoire
: à
IOBizan lO
(Abidjan l,
ou dans quelque capita~urbaine et, tÔt ou tard,de se bâtir
sa propre maison.J
d'autre part,
s'écarter de l'origine
sans s'oublier
et déchoir.
Au plan psychologique, un dilemne se dévoile
c'est
celui de l'émancipation obligatoire et de la tutelle permanente.
Tout Dagara n'est-il pas en effet,
comme nous avons eu à le· dire,
"père ll
ct "fils" de
sa naissance à
sa mort
?
(1).
A propos du dualisme dagara,
i l convient de noter enfin
son enracinement dans la co ,;""ologie ou science du monde dagara, et 1
fait que, ·par sa profondeur;·il ,dépasse· le simple réflet empirique de
rÉalités terre"" ciel et du mouvement .. ap·parent du soleil, avec tous
(1 l
- Cf.
Partie l,
Section l, à propos de liberté et dépendance
Partie II, Chapitre IV, à propos de l'émancipation
des orphelins.
.../ ...
- 548 _

les
ch~ngements cosmiques ou écolo,~iques qui s 'y rapportent,
~10.i:1C si,
comme toute
science,
elle repose
sur
ces ObSCT'V2l.-
3. LE PHINCIPE DE L'EQUILIBRE, EN RAPPORT AVEC
CELUI DE L'ORDRE TRANSCENDANT. LE SENS DU REPOS
Le
dualisme
de base
constitue une raison de
con:Cl:i.'ts
J.otents
ql1i ne InanquAnt pas souvent
d'éclater.
Le Dagara CIl
prend conscience en m~me temps que des m6fait~ (J'une destru~­
tian de l'équilihre vital.
Les
cas
de
conflits ne
50
chsrchent pns
j
i l s
sont
.::11.tssi
nombrel.lx
qlle
les
domaines
cie
vic,
puisqu'il
suffit 'pnl.:~:·
l~)i.tr explosion (l'un SllrSé1.1.1t des éléments dtu~l~ rie la vic
l 'homme
f~t lel. f~lllmc c:lans le foyer 0.t, au-del<-\\, les delL.x
clans alJ.i&s
le p~re et le ~ils
l'indivicill
et
le groupe
les gar(;Ol"l5
et
les
Cilles,
f\\U~;; jeux
les agriculteurs ",: 1"c;
é~Jp.vcnrs ; les jeunes et. les :vieu::;:1 de façon plutôt cU.f"fuse,
eu
~gard au primat de la g6rolltncratie dans ln soci6t6
le
clan en deuil ct les vi.'3it·enrs, par exempln,
lors
du rii:Gcl
du
balaf"TI
(gil gub)
aux funirailles
ct J.es parents du nlort,
au moment
de l'enterrn!llellt
de
In;jni~re ~~8nérnle, CAUX qui ont "la même peall ll ou 'lui. "111<1n[;r:1~t
,:~nsemblelt et les nut.res (1), ceux.qui sont concer11&,s et C01~:-:
qui rIe
le sont pas.
La llaissance du
conflit bris~ le processus de la
vi.e
jllSqUI~ ce qU'lIn autre
~quj.libre puisse @tre ~tabli,
(1)
Ces expressions déJsignent
Cl:l
premier lieu les parents
Iltérin5
et
les héritiers ~
... / ...
- .549 -

r
ce qui s'avère d'autant pllls difficile que l'opposition
repose sur l'affirmation d'une- différence plus fondamentale
celle des êtres engagés
(1). D'où la nécessité de recourir
dans les cas graves aux rites pour les réajustements.
Il en découle une quête assidue de l'équilibre
chez les Dagara qui se manifeste à travers divers comportements
socialisés de régulation (2) qui apparaissent comme des
réajustements tantôt sociaux de statuts, de rôles,
de valeurs,
de droits, tantôt ontologiques, mais toujours sur la base des
couples d'oppositions existantès:
- héritage du mort /
offrandes au mort
;
-
exorcisme et
ad_orcisme de l 'homicide au moment du bain-
rituel
;
rupture du conjoint au plan naturel avec le mort /
union
éternelle au plan ontologiqùé avec" ,ltii ;
exclusion du mort du domicile /
intégration au mort de ses
proches parents,
dans le_ '!règne de_ la mort"
-
entrée en deuil et retrait de la vie sociale,
suite au ba-
digeonnage à l'argile /
sortie du deuil et vie renouvelée;
-
dissolution des liens naturels et sortie de la vie terrestre /
association aux Ancêtres et entrée dans leur séjour à "Kpimfl
Tê"," •
(1)
Nous parlerons plus loin au chap. IV du devenir des fltres
eux-mêmes,
en tant qu'ipséités,
dans_la rencontre vitale.
(2) -
A propos des conduites de régulation,
cf.
RADCLIFFE-BROWN, A.R.,
et FORDE, D.:
"Systèmes Familiau..'<:
et Matrimoniaux en Afrique", P.U.F.,
1953.
LALLEMAND,
S.
:
"Une -Famille }lossi", op.
cit., Chapitre IX
"Relations à plaisanterie, Relations froides" •
. . ./ ...
-,
- 550 -

"
SCHEMA N° 28 : LE MARIAGE PREFERENTIEL DAGARA
COM1-IE MARIAGE DU "peRE ET DE LA FILLE"
l/\\ p
,
~==8
.L-,
1
1
& -
®
& p2
pl
T El
&
51
-
l.52
.\\ .
'(Cf., ~artie III, Chapitre III : Le princ~pe
d'iquilibrn dans le systime dagara)
NOTES
- Par, i'bèlu (nom matr:iclanique),
(52)
est "mère" de
(pl},lui~m~me fils'~e (p2). ,Donc il a le statut
des grands-parents
(p)
et
(M), aVec bien silr moins
d'excellence que
(51). ,
' -
1~:X:"/II." : signes de "bèlu" identiques (cf. Partie l,
Chapitre'I,
Section II~.

Il est aisé d'appréhender que cette recherche de
l'équilibr~partdes comportements et conduites et concer-
"
ne des domaines de plus en plus généraux jusqu'au plan
des principes eux-m@mes
a) La coutume du mariage préférentiel ou mariage
des cousins croisés est ainsi une manière d'amener le père
(il~ ~tre le fils de son fils (51)' par retour de la
fille
(El) de sa soeur (M), puisque le nom matrilinéaire
(bèlu),
transmis de façon utérine,
est ,me référence de
détermination de la tutelle de père dans le clan (1). Ainsi
51 est le père de Pl,
par "bèlu"
(2). Cette pratique, dans
un autre sens,
confère une certaine supériorité au fils
(52) par rapport au père
(P2); Qt1.1ui donnant le statut
des grands-parents (M et p) 'conime à' (51) (voir Schéma N° 28
ci '-aprè s) •.
Au point de vue économique,
il occasionne un équi-
libre dans l'échange:
les biens, notamment le bétail,
donnés pour la mère sont compensés par ceux restitués pour
sa fille,
ou encore par ceux
acquis auprès du grand-père
ou de l'oncle maternel par l'enfant de celle-ci.
b) L'amitié contrebalance la relation de parenté
naturelle. Elle constitue, après l'alliance matrimoniale,
une voie de dépassement des liens naturels vers des rela-
tions culturelles et,
lorsque ceux-là sont mauvais, un
recours de substitution;
sous sa forme d'amitié mixte
(s~nu), elle offre un moyen de régulation du conflit des
sexes, courant dans le mariage et en dehors,
au pays da-
gara.
(1) Cf •. PERE, M.,
"Les Deux Bouches" (.thèse d'Etat),
Paris l,
1982, pp.
22) sqq. à'propos de la tutelle du père chez
les Lobi .. , peuple voisin des Dagara et suivant la mllme
règle.
(2) Cf. Partie l, Chapitre l,
Section III,
:
"Les relations
internes au sein de la Communauté Dagara".
... / ...
- 552 -

c)
La relation
(le plaisanterie
se pr~sente 3
SOlI
tanT'
comme llne voie
de recherche
c1e 1,1 équilibre rar Lé[!;~_tlntio~-l
c~c::s r:onfli ts possibles d'alliance, qùe ce soit au niv~,:tu. ,1.er:
c-J.<'1.l1S
matrili.néaires
(bèlu),
des patriclans
(c1o\\vlu)
Olt
flu 1 5_1
s 'û~isse de
con-rlit~ latent.s, cOllsécutifs aux relations I~ll:lt.rj.­
mnrd.nles
(1).
;"1.
PERE,
par exemple,
p8nse
fJU 'elle pourrai"l:
,:~vDir pour origine tme moquerie d.u partené\\ire,
p0ur
C()!!1.~)CTlS0r
les insuffisances de
son a l l i é ,
dans le
cadre
d 1 une fl.SS0c:i.n-
tion
(2).
Quant Èl.
S.
LALLE?·'jAND,
elle indique:
q'J e
lA relatiol1
de ~}laisanierie suppose,
entre
les
deux parties
concern6e.c; l1.::"
minimlun de tension,
mais inhibée et lointaine,
a10rs que
celle-ci,
bien que
seulement latente,
Si accroj.t dans les
"relations froides"
(J).
Pour RADCLIFFE-BRO\\m,
la pare"té '_è
plaisanterie
"sous
sa forme réciproque peut-êt:rG
considérée
comme
l'expression hostile d 'lm sentiment d'amitié",
qlli nIa.
pas
sa place
dans la relatia:n amicale marquée
dl évi temcnt
ou
objet d' interdi t
conune
celle du gendre et de la belle-mère
(Il).
Tout
se .passe
c0n:tm-e si, 1·' autre ne peut pAS
~tr~ pris nu
sérieux sans risque
de
conflit
(5).
cl)
Le principe de retour cyclique,
en tant
que
rnollV8rnent ri
douhln
sens,
aller
et retour f
SI inscri.t lui-mgl7lc
dan.s
celui de la recherche :CondaP.lentale de
l'équilibre.
{ 1 )
-
Cf.
l1La parenté :l. plaisnl"ltc:;:--:Lc fl " Par'tie l , Chap.
T,
Section
III.
(2)
PERE,
"Les Deux Bouches ll ,
Ch ë!.p i tre
III t
p.
29 1 ,
Annexe I .
(J)
LALLEI-IAND,
5.,
op.
c i t . ,
Chapitre
IX,
p.
267.
(Il)
RADCLIFFE_Bl101m,
A.
R.,
et FORDE,
D.,
op.
c i t . ,
Y'P'
71-72.
(5)
Cf. - Article de l'auteur paru délO1S la ReV11e Péc1_agog:cq;;e
"Action -
Réflexion -
CuJ.tvrell(::'A. 'R.cJ, INE,
(hla~élclour;Oll
nOs
't il. η,
1978,
et
intitlllé
: ·'''Le
jeu et
ses
Si~li:ri­
cations
sociales".
... / ...
- 553 -

.. :.
'.':
':-t'.
. :.::"
' ..
...-' ,,'
.• ,':J

i
"
.",' .
.'
<,.,:
",' .
. "~.:,;,,..:••....:.' ,~,
, .. ..;.: .....
...
,_ '.
.'.".. , ::,:_,.C
i Eu ~:gar'f[a,~':~<~~~,t~;t;,,~tJ~~~1,~';~~e'ia v~e et implique la
rencontre' non' d~alec.tique'!"deskcontrairesi"l ' equilibre va sup-
·
,:', ~ , '.
"
':
..... , '::~~:<".; .,:";;,, :::' \\;-. ...
poser un' cadre' .de'· ré·ception'iioù.';'.un iorClr.e i transcendant . Par
". 1.
" .. , ."
'f .':;"
: : ,
,"
~,:'. :,-.~)i::'~/~' :~':,
·~l. - ;.,.r:.
."

celui -ci ,'.xla,'contra<:iictioii:.qui·,:ne. ii,eût/,@tre','dialectiquement ré-
-; ''''
.,
,.
~
-.,~
"
,·'::····j:1~"~·'·:Y-l"
" •.:' ".;"',","".
'
.
solue àubit· ~è·"f~gUl·e:Üon',:~àf',{à.~~~d;'r·enceà Une strUcture
.:...... ,.~.
,;') <.~',: ," "'S:~·~; ;',
""
;:.,
.
qui a vaie'ur de',norme: organ~:sationnell·e'. que' ce' soi t
"Mwin"
(Dieu)"
"T@gan"àierre') ,"'isa~;;!:(ci~l';•• 'la société et ses cou-
tumes, ;ia v'o~orité' d~ l' A1ic~1+: .(sa~, -~uod, la chefferie de
'.
"
' . ".
.
:'~'\\ . -' .' ..,:
.'
"
'
terre.··(.T@gandem),
"Ni-kp@e"';,'(anciên' :de "yir"), mais aussi
.~; '.

'.'
.
,1
,
••.• "
.:'~. '. :
"Nt-Pla".Ü:e'i31àric·;l' Admini:s,tr'àte;n,;j\\ èt ..."ses acolytes dont le
Mattre,'~IEcol~, 'le chef de v:nl~-g~"; e~c; .~. L'unit~ nécessitée
.,
. ,',
. ' .
. . '
~ .
par la vie,' est. de ..ce fait coilditionnée et;·.fragile ; car,
i l
.' '.
fautt'~riir 'c~nipt:e;d 'une par:t.. de 'lla.f'fa:!-blissement possible
y.
:...,
~
, ' - ". 'Î.'.
.
en effi.caci·té·, de"'la .. st'ructure" Unificatrice et,
d'autre part,
des f,~fo~,e~,~~:e~.<:Ia~c~~lles,v~:~·;:d'Ia~:tr:~hform~s;d'union, ,c' est-
..~ -,dii:~J;~'i~f~~i'i;:::t~ar,~.i,r .. ~'~''',~&f:f~~~:t: ~~~~~üi~"~~C~ iséme~ 1. à
. l ' enctro':L't;.,célè:S,iiOag'àra" ce'qu,'ion~'a,'.nomDié';"~à/'nsôlidari. té:"r1vali té
.
.." .~i.~:.'. "-r:;'~' ,~);;-P 'ê: ;--:': ..-r .
". . ,';'.
~: .' '~ ',:~:r'~~,:" /~ _ ...;
..
' . ,
des fr'ères"!1.·'(l) }'t!1ès'; manffest'e:tioÎis:;:::d.!.individualisme: oU .d '. in-:.
.~.' ': :~'; .,'. .~~ \\-;~ ..~i:~:;'::/~~.~1·:\\ '.'"
_.'
\\:../."~.'- ~~ ~:. :~~;»il~":(0:~;t..~,.;:,~~:.'. .::' ~
dépendàhc'e';'/la'i~dif'fi'C,ul té; dé".'s·,~as Bo·cier" pour.' des 'tAches 'du-
·-rabl~';.~~;~,f(~~;~~t;~i~;'f~i't·~~'·~es;··'~'~i6~~·l~~ii{~R~'.'~~ /.:p~~";:c~ntre., la
très ~l~n~ie',,~~~:l'i\\ic,ité:.dès'~~'~~<s\\Vti~t~e·transcendante et
' :
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unifiëa:t;'i'~~,';il:f;;~t;'tfre. . : ,';"\\,i: ..,
__'
'.'
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, :1.
'.-.>
Il S:pparatt à travers'le dêveloppement qui précède
.. ' " '.. '.. " ",:'. .
' : ' .. "<,'.-"
que "l':'équilibren: chez les' pa gara . e"!t',p.our la vie.
pour' agir,
et non':"poUr le;nipos.
Quelle ·signÙiêà.t':i.i>~ alors va revlltir

,-
. J>
,
'
.
cette.'ilern·ière .. notion ? Se ieposer' (p'tan), c'est se libérer
,
".
• • •
l,·.
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• • ',. ,;-~,.:: ,
" . ~ .(." ',1).. .•:" .... " :;,: , .
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(1) .Cëëithème";est~,:ii.b·ô'rdé par:.,'exemple .pàr.:O,RTIGUES ... M.C., et E."
• ~ ·r
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' . ' '.".. ,.
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in.':'.'.OE,dipe' A'fr:i'C,aïn"';' ,ERNY, ·P. , ..'fi!l·,"L'enfant et son milieu
. en:,Af'rtq\\le'Noire"
; THOMAS; L. V;,' 'in' 'ilL' Anthropologie de la
. 't" u .." ..
mor
.. ~ ..
.... .':.
.. .! ...
- 554 -
,.'
".,\\
'.

, ·.l
,\\'\\'
~' .
. .. ' ~,;-.,
.',
,'.',
.,
absolument,
accéder seréfi t·-c~,;,momerit,8.!{~m~nt à un mode dl c::is-
œnce analogue à:'celui 'de ,"1q5'iin"." L,,',joui",de "Kpâa-daa"
~"
(jour de rep.os absolu),
la ,n'a-issroi'ce,' "la mor,t comme toutes
., ,
. .
.'.- .. ,'
':""'~ ...:'
.. ,
':1
'.
.' _.
.
activi tés,."S-cint,irifaIiiante s" 'ïl',fauclrait':m&iiIe dirè qu'elle s
sont néantisées~~'an~ihilani~s';L~~e~s ,dagara du repos
diffère de;' ce'lui· du .loisir moderne,":c<:l!u'i-ci demeure comme
.....
un m·a:i,.lion·· dans'ie .système ~U:' -travàil ,ay'ànt pour fonction
la rOdynâm'isation: et la reval':'ri,s'ationde l,'acti vi té.
"pienu"
,
-J-
A


, . f " ._ ..,.
,

,
\\
.
. au conti a'if.~·~·~;5t~hc\\otmÛ'e·;..::une .i'.lil)é~.à~tibn:· :·.~.t~~.·u~;~~:,~ub).;:L,~~:.,~u ·travail
\\
. '.-.' .~;,.
'":/;."'~: .....:....~.> ..
,·.~.~.;.-:-·r··\\·)
à tel.pOi~t·;:qù'.q~ vieux Dagai'a' r,efùsîùt qu'en périod", de
" :';r'"
";' .'. .
.
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travaux ~fCen:"Bai:s'ot:i.·plu,:ieuse .r;·, on -se ~ei;osât .. "on c~'an'ge de
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- 555 -
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L'';;':perÙ;ée cyclique o;;"'de-i '_~'t~~';:'~l retour est très
répandue,et.'Ùk ~~:,ancienne
on ,ra-'~r()}t~~',;cl~ms la tracl.ition
!;recqu;~!".!anlique·,::·bi·èn ,avant Platon,;~ :p,'~r '~ex~mple dans le mythe
de Dio~~~so~.~~\\ ·~':~·".é,:~Ph~sme, mais au~.si"~';'lan~ les pensées bi.blïque
et hin·rtoue·•.. S"a' f,orme la pll1s'jèaractéri~sée est ln métempsychose,
doctrine de:i·~..:t;~~Smigrai:io~: ~es ~1~~~:'~' C'est avec raison que
l'on assoc:i;.e '-la pe'ns'ée de l'éternel retour avec. les cycles cosmi·q~.È
ou
écolo'giques,
qui n'ont pas ma.nq~lé de tous temps d'impre~­
sionner ·;l'.h'omme.:
,-
>.
' . " , ~
. :.èii:èi'lè,~ Dag;'rà;',i~(Oc~o);atice:' au· retour
cyclique
cxi ste .égal·~~'~rit.·,'s~,~s p{u·s~·e{&·'~...'f6~~~'~· ~ 1 expression
clans
.
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. ' .
l'àvolut·ion.:qe "l},~nff\\nt, à t~é\\"Ver.9 plusieurs cycles, depuis
sa .nài·~~'~ri~~;..,~~:tÛ.{~'ç~n ':",sé~Xc:>ur 4'~:~,·!' cÜ.bi~:e.!! , .. chambre ma ternell e ,
,
,·l.~,..
..,9~.t,:,;,·,,J- ""
, . .
~.I::·~·,';!..•,\\. - ,d.~
;. _
'
pt\\is dan:s· .1Ica:f.al:i":~;,Y(v~stibule-r.::':;~·;,ÏTgâ\\~~yr'ïiog'~ de jeune homme,
:,"
'-':. '":or ,..',::1.. .... .
..'
.~ : .. ;;. .... -' .;.J•. '~i? .
111o,«" ~ :p'or.tion'«a:u~6;r:iome.~e .c'a~~,t~ ét '~'qn:(in'. s911 détachement
~
'".
.._i",~'·
':) ..•"
'1',"';>.'
,t··_,~-_<,
, . .-'C
, . , . .
éventue 1· ..'d';"" 'iYir>i~l~; (n"~{;on j~16ti(-'~"e-h -tf:~!~h~{cÎ~s·. "1 e 'mon de, sa i t par
."' '.:.:' .,oc;:', -~_ .~,~', '1' • .' ;.:: - '. ".:'•••;
• ; , ( : , ..,.~" ~~~:: '. ~:- ,:f:" >,;/'"
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son ctepart, a.rl '·e.tr:aIl:ger;,
soi t:.par··I;à·:~·c:.onst.ruction d Inne Cllse
personne·l'le.~ Nc;us '-avori~ di't·,~~{~"~"':h~{{~~;~~~""~n cas de malheur,
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cyclique et la' c.~r·re~pond~Ce?i::a~.l~urs..-:célébrations avec les
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différentes ·.:pér{odeS~· d·e· l·'ann'ée·•• Ainsi:.des premières é\\U:·~
dernièr~s fl~~~r~illes,."ii y,'. ;~,~·~'~snge:. d 'u~'e saison s8clle ,~
'Une saison hum.td:e oü' vice~.~ers,à; ,c'e ql.;li symbolise le cycle
,
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' .
l ' anriée
'Bien p'.;J-UË({1 ·j~~t-.".a 'ét6 indiqué comment l' 6va'-
CI
lu tian m'llme des _funéraill"e's .'6~bq~le les :"cycles de la vie
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l'agonie: du di',fù':'t et le b'dri'.i-ituel ·r 1 expo si tion devant la
:··-·_·t:.:· .- ,
... / ...
. !
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case,
puis dans
11 l ai'''
(cour publique,
cercle)
et l'enterrement,
de même que les rites purificatoires
successif'S
correspondent
il la naissance dans tm groupe intime de parents, puis aux diffé-
rentes phases de socialisation et d'émancipation,
11rcf de devenir
ontolo.o;ique
de l ' enîant
et du
jeune
homme.
Il existe d'autres formes
de retOtlr cycliqtle dont
c~rtaines on~ d~j~ été abord&es
le retour (les actes de la vie du mort
dans
les
rites
de
dé-
possession et d'adorcisme au moment du lavage du mort
dans
les
rites de "zanu"
et " mu olu" qui rappellent les relations
avec le d~ftJnt, de son vivant
celui des endeuillés
(qui se lavent,
se oignent de beurre et
s'habillent à nouveau)
à la vie sociale
le retOtlr dll don par exemple dans l'amitié
(baaltl,
C~ntl, sanu)
et dans
tout
"yllwîu"
(cadeau ou 0 [îre d' honneur)
(1)
celui
des filles
dans le clan de leur more,
qui constitue 1'6-
change des femmes,
etc
Toutefdis,
i l faut mentionner que la transmigration
proprement dite des 8.m.es dans des
corps diî:férents,
sous sa J'orme
de métempsychose,
n'(-~xiste pas chez les Da~ara. Les morts, une
fois
admis au séjour du Repos Eternel ne reviennent pas en tant
que
tels.
Néanmoins le retour
de l'ancl'Hre
dans
le
petit-f'ils
~teffectue par son implication dans la conception de l'enfant.
En
effet,
les anc~tres de la famille peuvent intervenir de
façon
Il l u s
o u
n I a i n
s i n d i v i
cl u
a l i s é
e
~ l'occasion
(1)
Sl1r le retour du don,
voir :r-1.
MAUSS,
déjà cité,
.in "S oc io-
lo.o;ie
et
Anthropologie",
P.U.F./19(,!l,
IIIè Partie".
-
Sur "baalu,
c~nu, sênu", voir Partie l, Paragraphe II,
Section
I I I .
. .. / ...
- 557 -

de l'acte
sexuel pour
insuffler
la vie,
a
t e l poin t
que
le
r i te
cl t annonciation de
1:a, gr~~s~'~se- i'nvi te les deux épou::::: ,-l.
sa
contenter du plaisir
sexU~l: ·ct.,;.à ~é!server 18 produit de leur
acte à
la Famill~("Nyi de c~uor.· ma'.... }~'è
do-zun 1!
: prenez le
llnéré'.', . sucez-~e ~~t lF.lisse~-en l·e.s.':~!.aines, déclare l'off:l.cjanta
qui projette, de
l'eau froid;',sur
i.~ c6\\1ple). C'est par l"
que peut, se
jùstifier l'hé:r:é'di té non: seulement des t r a i t s
:'
physiques mais auss?-
des
caract~res. Car,. la chanson populaire
ne
elit-elle: pas
.
"r-fw~é\\m bo d01IT si-giwT è~', "XII mi d01" "X" bin ll
(le singe n'engendre pas
d'homme,
,untel
s'en.,o;encJre t e l ) .
De ce qui vient
d'8tre
dit
concernant
le retour oks
â.iT~CS, il faut e;<cepter lp.s cas des oStmes f':\\ulignes,
telles
celles des
sorciers,
qui peuvent
se tranSf0r!TIA,r
~n (l.iffércnts
êtr~s, et. des "héb0.s-revenants" (bi-gb~mb), êtres ca:'l'icic,:t::
~ui n !C?nt pour (lestin que .de· nuire· à. leurs pRr0.J1t.s, oie lC!j
braver '( 1).
Dans ce
CElS,
i l s.I'agi t, ct 'ùn .retolu' clu même et
p11_15icurs r i tes
sont prév'"UB ·po:u.r .idcntifier 8t
i1.p~)rivr)iser
on éll!. contraire d~truire le I1bébé-rcyeT!.ant lt •
L'évolution
cyclique est générateur ntl régénér2..tcur.
Au
retour
du .même,
1ft. vie change,
ses manifefitations S'iT!tr:n-
,
t
l ' ' ..-:' . 't·
.
, ' 1
.
t
slfien ~.':
plus les
cerclAs
ne
,ev<?11.1 ·10n cyc.1J.que
~
e .._élr,~:1_.5sen
,
plUE la: grandeur .sociale ou la valeur
ontologi'1l.1'?
se (:0nfil:':'!Cnt
les
caractères ete la vie
s'accroissent auX plans physique
1
,
cultu.rel oll.mystiqüe.
A chaqüe ret.our.,.
le
don cIe
l'amitié
(yâ,..,rîul: dev~ent -plllS important',
"Dèr""IJlus méchant
i
l ' échr.E~.­
ge
des îemmes ,~0n'solide chaque fois df.lvanta,~e les liens de
vie
cnl turel'le 'qui.
sont
tissés
entre. lcs
deux
clans 0.11iés
( 1 )
"Dèrè 1' veut ·;dire bl-aver.
D 'où l~ n0m rie
1l(1(~r" CJui c~t,
donné élU .'lbébé·-reven~ntl~,' ".·~r_.}Sp~lll
en
CélS
de plllsi<:nrs
retours, 'l!dèr'-po'.... "
"ou" T1ynorà"
(qui brave ('Ill qll:i_ voy;~,~(~)
lorB~llil s'a~it d1une fille.
. .. / ...
- 558 -

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endenill~s nur~fi~si
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. se confirme. dans
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les tradi t,ions et"normes soci.al~s.·
." .
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~.. l'
.
Le retoür
cyclique '.s 1 inscrit '~ans le· cadre génér2.l
~ , ..
. , . ,
du
dualisme; à.l,,~~iler· corr'espor.. d le·/rGto-ur. Mai."s le processl.1s
peut gtr~ r~_lOqt.I-é'~i.}' e~ 'efîet, '~p'eut .i~t~r~;e~ir la' '.'clispersio.il"
(yaaru) 'qui met. fin à la reprociucti<on cyclique.. Cep "ndant, i l
clemeu.re une issue'(possiPie par la T!'r~iJ'ar'àtionll
enlèv.e!:lcnt
cle la "saleté" '(.~I~,.n.) d~' conj~int()"~e(;:la:·fau.te commise jadis
par le. m?rt'
"raçhat" "de l 'e:~'clave'.·v"~·ndu qui I,"'éussit ;:~
.
-;
s' échappe:r" et à· r:éjoi.'ndre. sa FélIIlille' (t ) .•.. Hais qu'est-ce
"
qui peut. B,' erilev~r'?{Un. au·tr~";·. imp ér·at.if, n e commande-t-il PélS
1 'intégr,~~i~ri ,t.o~·~~~~.:::~~·s act~-s; apr.~~, ~lH:if:Î;cat:ic.n~ .. élU' cas
échéant ..:à l' es~eri~'e:dele~ auteur ? (2).
, . , . , '
. . .
: ;
5; LE Pl:l:rNCIPE LOGIQUE ET':ONTOLOGIQUE DE LA GENERATION
PAR: ASSOCIATION ,"':
a)'':'
Il Y a.lieu ici cl.e .Sou.lign.e,':';::~u départ la relatj.on
qui lie le problème de la' cotulais sance:. et.. éelui de l'I'tre.
Cet aspect ni est· pas pr!Jpre a~ix set~ls': 'D'~i~t:a' ~ même si chez
eux,
la"questio~" s'e ·pose de f~çoI"l;- spécifique, elle reste
conforme ,an gra!1~ ~~semble culturel que constitue le monàc
négro-af~icain~De.. ,t'bus 'temps;~ en' effet " l'e ·problème de la
. .
'.. · f ' ,
,.
,.;:~
_,
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connaissance a: :renvoye·n celui' dU"'foridement'~essentiel de l'être,
,
:;,;~:":'-~.
. ' , . " " ' ' ' ' .
r..J,..e ses modes rl~~e:xl':-st'ence, de ,,~Sfl. destinée, -enfin aux relations
' .
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,> --: .;~.""! "':;....
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.... ~.' ' : ' ,
.
du
suj et' et de.. "r.'t,?bJet, 'de la': c.onnai"ssa.!,!ce, :-ce qui a fait
dire'.
,
;.',' '.~.'
'.'
4S,.'; "'~:r'~" ~ '.
'.~
".:-", .' . .
.
-
que
la. cp~n~l.ss~~,-9~:;.,~.,s.~:"yn.e. co
,1I.
- na is:snn:-,e" , un engagement entre
le conn~issant' et.;i~'. ~or;nü: EU .ég~d ~laspécificité
de la
.
.
'":, :,-;(. ~;?.!:~' .'ç~ .:'
,..;. .
.
, .;, "
(1)
Il' s ':agit"'~}~er:sement de l'a" 1_1~~tte dl esclavage" au
chef .de Terr:F: (T&gOan 501:,) pa,". la ,Famille de l'ancien
escla·ve.
~.:.
'-
(2)
-
Voir l'union'. oiysti"que d;' la veuve et de
son mari défunt
;
l'exorcisme et l'adorcisme prafiqués au décès du guerrier
homicide.
.../ ...
_.
- :560
,
. ,:,..
":
.
",
'::." .
'.'
.. . _..... --.. . ,. _,;-. _-d..~ ..:.,;:~:'~~:. ..~-..,,~ ..._~:
,~ _.__ ..
.__ .~_._..._

:fIilF'"
.,
représ·!,ritation .. de '1 '.lltre chez~'le'~ Dag.ara, 'que peut-on' dir'e de
ses p~irih'ipes i~gj:ques ?-,
, . ,
:; .. ,.
"
. !
, l , '
-'-',
.'?' -·,'Les ,p'i:incipeS: .d 'itien'tité/'~c' contradiction et de
tié~~::;~~clu •.. ."
. . • .
";. ,
'Tous ,ce~"'I'rincip:~'s;:sont ,':~r.'''ndi"e du' poi.nt de vue
- '
.,.
,
. . .
"
' . '
de l ' css~nce d;;,.~-@tr,~s 'èri' ,t~t. q~e d~n~~'e ~,ermariente
c ~ cst-
à-dire shbstan~i~{le-"~Ui: P.~t· rep.r~s~ri.tée.hi~ et nu;"'c par
"siè"
(.~~ mat~rïe"ii'e). Cettêesse;"'·è~ ..est identique queÜe que
soit .. la~or;;;-e· m;à~ieÙe app;i:'~nte .éle':~ 'lltr:e (ob'Jet inanimé,
végétal,' anima~.::·ou'. h~mme l et::'quel .que·... ~oi t:le palier ontolo-
<Tique où i'~' se. s~;;ue, sU:r 'l' axe. ~~"-;':it\\'s~'être 'et du moins-être,
'7 ..
~
". i~ ," . _
,'.
' !
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au IilOmen:t où on re./'··c·onsidère ~::, En. exempl'e., "il faut ic'i rapp01ol~
que la veuve p~~:t..~,::_se ~e~ari81~', au pl~~ ... :naturel avec un autro
homme,
en', rejeta~t~:, ~es ~iens :passés _.?-;e ~on précédent mariage,
en renian't donc
son ."mari ·térrestre"'.qui n'est plus. Hais d11
point de vue essen~iel,
en
épou se
fidèle
0!l inrli~ne:,et;',mé::ri~erhonneùr,'~,'~)ll r-eJet, il n'en dcme.......r e
"
' . r '
pas moins qu'eIIE(~'ait contracté le·.r;t·ariag~ ~t ne puisse
,
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qu l·endo,sser
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·c'è'st
è"e que .r:éalise la veuve puri:fiée,
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honorable 1
dans une, unïori mys;t'ique
~";'e.c':'~.s~)Il mari dé:funt, au:::
"
dernières': funér·ailles.
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Comment.. résoùdre ce".du;;'îis~e/~'~tre les plffi1s naturel
et essfèntiel,
l ' au-.delii. et l! ici-bas, . d ~:autant plus que la
vi.e terrestr.e
(i.ci.:-:basl
est constanunent soutenue--par les forces
.
.
'
transcen.-dantes et que tout!? .'condui"tè ici et maintenant prend
d'emblée;' une
signif'ication ontologïque' piour l'au-délà ? .r'1
convient de raP1?~Jer:'
ici" a.v?tPt ,de pQ~ter pl~lS tarrl un jugem0.:1t
(~'appréci·:fl.tion;q.u~, dans la m:entaJ.~té cl~gara, le 9-ualisrne
est assumé 'c~m~~'( C"Qndi tian de: la vie pJ.ù.s qu'il n' est destiné
à être '~'~SOl11,~..a·ijis? qu ':li 'a ~é'té cl·i t·· plu's haut ,au Paragral)he 2.
Il
est l;e;,' lieu:;"~~;rréüni'ficati0n 'des ~(H?-traires. par e~d.gence
de la vie'.
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. . ./ ...
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- 561
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Ainsi .. donc l'identité' absolue,
éternelle' et la
r.ontracliction
constante sont. ütùnise"s '8. la f o i s :
-
sur i'e plan natllrel,
la .clim·e~~inn invi,sible ct
n~yst.ique des êtres permet que A pu.issa être et- ne pas être A :
l"U
homme peut .. êt.r:e U1l8 dnha, ·,un oreiller,
un arc,
un to~}..rbillnn,
ou aPPR-r'aj,tre comme
corps
(:ta"..:.gan),. ~ldè'hT" (IISaletél~), "<12..':n.1.lc"
(ombre) , .."n:yfl-kp îin Il
(e Rp·.r,i t ,natur e 1 ,_' revenant)
011
11 lep îin Il
(Sme
''l'Ancêtre) .,.
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sur . .'l.e.. plan ess011to.el ," ,la .circulation de ,1', être'
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J"
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sur
l· ...axe
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:,ontologique, quirappe.llé: 'la procession ploti;lienne'
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ùcs êtrc"s il partj:':" rie l'Un' (1),
fa:j'.t;:·~u'un 'I\\tre n'est pas
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'
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toujours lui-mêmè~.·,· L'homme. sàisi''":p.r.:r-··'.').es sorciers ~st un .8trc
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qui a pe;rdu -cle-. sa:.,',force mys~~'qu~,:..up··...!iO!!U1l8 "déforcé". et
devenu,' iJzP.anducab'{e'.:
Sélns
risque, '~j_tllati(ln par laquelle S<1.HS
~
J
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cloute .petit passei",::tollt horiune··~.:':iù:·,.;èncore·,·-Aest et, Ù la fois
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comllle"on le~v~it,~ïl persiste ·une
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identit&,
irr&ductib],e,
a
traver s
tou:'3
ces cas ~ "En effet,
III 'homme -
arc" '.'est le plus souvent ',·"it".' l ' é t a t de' " ny â_kp'îin ll ,
la victime des sorciers est
sans doùte un être dimin\\lé ~. "]cp~).nll
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'
a perdu .·certes
Ïe bénéfice cl;e-l ' cxistence .terrestre 1"' mais
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i l n'en demeure p,as moins qu'à.' travers ces différents états,
i l faut 1.111 minimum qui garantisse la pérennité cle l ' ê t r e
hO!îlJ,18 ;
'clone A est> absoluiTIen1:' A ~
le pr.incJ..pe· cl' ass-ociation-exclusion
On peut·,'.don.c>clire que le dtJalisme ou diJ.férence est
.;-\\ l'origi.ne de.lA,;vi.e,qui.la'·~.?nèreù'sbn tour; mais 'aussi, il~
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Enn~ades VI, 9.;.;
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rappe.,~.er: ':.-:·que l:é"'. vic esf source d'unïficntion,
par asso'ciation
des ::contraires' Ct) 1 '.p"~ "assimilation" oU"
empiètement sur: 'iè" ~ilieù àmb"iant
c::~,~:,qUi.
1.
confère à l'être
-.
un
caractère mul~:if6rme et 'envahissant et donne lieu a. des
"J"
.
?ossibilit'és de
it~hs'titution de Dlu5 en pllis élar,c;ies (cf",
· ~
.
~,
Schéma rio '29 sur, la . géri.~ration par a'ssocl.a:,tion) ..·
Le
cult:ivateur devieilt "daba
r,écoltes
nourriture
· ..~"
enfants .. :~. vache S".';;'. ~.emmesll ," pitr 'association .(2) .. Le lieu cle,
cette é\\·s~oci·ation".~.,' c:'·est.
:(;~i6i'é ') ,i:~~tion
Il dèlrr Il
plu's' mystiqu'e'
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que physique
là·~vac~e. qui pro·vie~t. du, ·"~ri.x de là fianc'ée"
(ou "dot") de la"\\:r'i,l'le du, d.3f~mt:.ne' peut"'être rituellement
.,.,','
consommé~',a'ux .funéràille s par.:' la.. Famille en èl.euil étant sa
"saleté", ,i d'èwr )-.Ce serai t'une fà;.;n~':,
.
de ca~ni bali sme. La.t el".'"
"
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,
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qui ren~èr.~~ les';'ân'c:~tres i~hi.imés"st 'l1T~gan" personnifié et
marClli s'é'\\ .' En t~ri~:t~~\\~" ::~~ e~{i~i;~:.l/'#ole de '''Mwin'' (avecSaa').,
lITêgan Il. fai t
acçé~cier:'J:es Anc~,.7:res .~u._:'.~an.g de ."ve~~e .divin".
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'·:t-'rai's '~~';i'~;è;(ass'~'cia't:ion lie sc fait pas indistinctement
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olle s 'accompagn'è':'d""exciusion""systématique' qui prend r<',féi"CnCO
sur les .. ~a.t6go:r:r~;~.:_ c1.~;;~:t:r'·es:;en~~~:~;@l~~.,"t.c.m~s
q~lelln \\ i11u5tr.~
elle-mëm"e ces :c~t~·~o~ies.. '~ar··o:-:èmpié,. les· clans patrilatérn}
,j""
d'Ego
'
,
A et mntrilatéral:.:B.,}ne sa·Hi..'a'1ent~ sc:-.~onfonclre:
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leurs :"0J.o2-

_c
."
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tians sont ré'gies:!~t.par· les règl'és cl 'alliance qui dét-'inisscn.t
8es devoJ.,rs de'rééipii-ocité 8t':;de·s~·in-terdi.ts•. On en vient ainsi
ù la. déf.inition 'de' groupes "OPl;O~-~'sll ::'p'ères/fils
!l ceux
qui
~ ,
..-''.
mangent ensemble ~~:.;! ~i~eux qui. ·s'ql-it:'·;.ex~1u.B':: ;.' .hommn s ,/ f cnunc s,
etc.,
et :-àla c~~~titution de';sym~~le~""d'~ssociation'ct d~
substitutio~ qu'i ;a~~ellentc~~x<~e'l'a~';s~~hanalyse moderne
:
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. . . .
,',
(2),ceiIexp'liq;j'e:~~urquoi'i;. défu~t'~",~epeut avoir droit,
.?O.~10.,~]. h.~~~~~ ·~._~.:'A>, '.'.~l.tkur':fr:aab.'ll :_.<j,aAheC~ .~,a·gri~cül
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teur ),'
"e.tant ' elle-me!!),e,' un 'PTodu;,- t .
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cal ebu·s·se:,:.'-P â.nï'er :, "ba~ai l pintade,
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car:quois,~~ ,~.ar.é:,.;.chapeau,. t:oq" f.!0~ton,
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syllogi,,!tique ,.i,l,con:sister~a:à..~'~<iZ,+;oir dans une. chaine
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que l'ori ·soit.:.:capable cl 'y:' r'emor:te,;. :sl1rement par l? chL\\~ne
des' données ..- LI e;X'ig,ence dagara' cr:' ~tr~~·'·inf.ormé
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évé'ne~erits.trouve', ic'i' l'une (1~r·se~-r~~j·~~~:ti·fic:ations..
'J.:'"
"
:t', . . ',. (.~',': ::., ';f-:
A trev'ers, le principc d I.a~·soci,ation, il est possibl.9
d' appréhe'nder un;' matéria'lisme": don.~· ',.;t.c' fon?-cment réside defi."'! S
11 cxteniiïon de i", êtr-e aux', dim~nsions' de son. monde .. Par 80Z1
.
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" "
' ,
action,
sa pro.dl;~·ti~n, .1 'honlln.~·· ·ciâgar.\\1. fie_ donne sa mesure .. Les
réalisations
e~""i"es ."richesses acqüiscs le grossissent ,. non nLlS
tant par leur v~{:ell~ ·écb~OmiqUe.'q1..të
ôte~·lr.tte
c par
le ponvo'ir de
5 '
.
'.
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.
qli. 1 elles llli
con·i~r:·ent". Auss"l"n test-il pas étonnant que Jes
.~
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~
inc.:1pabl.es
sociiit~X,; m~me âg'és' soien1:, dans 1.Ule soci~té qui est
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....
....
"
pOl:rtan~ géront'o'~,r'atiq~e 1 dé'C"l·as~':~~. ·cla.ns la hiérarchie so-
";:',
.
-"}
cii11e
i l s perd'entlenr "ni:-kp8enu"
,(droit, cl 'ainesse,
cl 'cm-
cien)
'les 'ha·nd~c'apés·;. so~t·,\\·~oq~i:é~',~.t.,même '.'kpîin fr (âme
cl' ancatre .)
n 'é2h~p~;e"~as :à.:ce, tra:L t'ement (1).
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notion cl:'un "être';~mllitiforl~'e,~:1,-,le mort est 'présent dans ses
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femmes, : ..e5 enfantl·,·.·son or~~·ill.er, son arc; 1 son carquois
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~oit 'b''ie~ 'enterré, .il fàùt que ses p~oches parent::;
,." .
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.
sc défassent de "lui.:':-. se
"pu~·":L.(~..entll, .que'lés objets familic:::'5
.
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" ",:~ "~
soient démolis' èt.~~'qû·e.. le .5é··jo.l~r· s?i t ' r i tuellemcnt lavé par
,
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l ''':'':'Pansj~on ri t~'el]:e :'s;';r le',.;"';l'".de' :la'bièrede mil dont la
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,<>;ranè.e p'ar,tie' e st"'):en sui te ',con'sommée',
ce qtii"
a-t-il été dit,
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..::?S;~
':'. " ..".... ':'4,~~~. :.: -:..~.>' ~:


représen.'~e ùri ent.'~f'~~ement,:,'::"t3ymb.ql~.'qtie'.du m.ort sous :forme de
"oil,a",' (~/,è~~:.~.e·.9h~i~:.,J)::';%~~i\\:fAa.,2~j'c~~,im,e,;de l' homicide
cmp.iète .~sur son.:ê:tre
;' l'a~:~.'gl~l.'el::re~::':~s.~:··p·6~tr,sui t
snr le plan
_',
'",'
.
.:.
;,~:'
,
"':,.i ..·.·•. , ... _7..:..· .... ~!~ ......',
.
invi~ibl'e, o,ù '~iq>:ij~~":-',dei~l~rai~_:trêk#l~';f~,p~éu.t~ 'ê:tre que le !,lus, fort,.
. .
. . .
'''1' .'
.
~::'·~;:,!/;l.l:~, ('.~.> .1···..... ~., }: '~";~f' .~<...\\.:~~;$ ::.'{~:." ;"..,.,"', \\
Il faut une"niédi'êâtion-,protifc'tr'i c'e'· ',(zîe;'tîi ) -'pour garantir
! . " .
...)~,,_;;:} ,:~'.
-:i.'
(~.,,:.r·r;·:·;' J,.: .~'~.. ,'~ . :~~~' l. '. ' . . .

'-la victo'ir~·.·~d~·'li:'}î~Afïc·ï'de.~i';;bb··~lc'iri·é1~~~{.?'""C3d~i·t~en cendre et
, _ " j.~;'~
:~', .. ,: :;t:~:..;'.... : ': ~"·~:é-~~>.,
'. ,..~.~~~~,;.. "\\", ':~':
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ab sorb e , .",1 "ennemL;(ce B s e
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danger eux .~;;.~\\: ~:{
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,:);~L<,·,~·"
,:..".~~~:.
. ,,~.;]r, ~::;*; '~,;~~""'r' ,"
Ici,
~~'!::r:trouve~~<,',~eri~~é,,~~'~pJ;~tquefait, planer
'~-;', .
sur l'être la corif'usion et' ciont' i l 'éti'Ù t',:'que.s,tion à propos di!
retour à' l'Orig~~~~·.·:'.LB do~b.J.'~':< .-pr{~'~née ~,~,t
j
une ,condition de
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'
.
,-,:,:'
"
~ .
.,'
'
la vie
.' la femni~·.~pellt cohabit'er avec' son mari· - 'dans un clan
qui n'Ie~;t; ;as le'<'~ien
l.'é:ti·~~ger ~:s~ bien .accueilli .et
même fai:t .l.'objet··,?d '!,:l~n ta~':u<1" t~ut' ~ivan-t:. ',est en relation
.'~
-
avec
ses ·.proches .,r'Hais,
cons~'anlmcnt, lu gia~de iniimit~ est
·'s.entir dès
que les
in térêts: 'diye!,gen'~"
gnâarni";' ct:'. t
Ui,l
proverbe 'dagara, ·.lI c l e 'st .la:'fiè--chc '(:ic l:'ami qui pénètre 11<.'..::LÎ."~
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La renco'ntre de 'l"autre est, enrièhi-ssante, .crée la vie,
mais àuss{~ in~tàdi:.è· ~a. dépënd:~ce.,:··~~';::'~·'~ll.~~:~*-cl~lt~'l ~ inimi tïé
eat~ndue non pa~:;t~nt co~e '1 'aciv~rsi'fé' q~i mobili'se.
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susci te ,·;ét~ergie."'et ,r.j.gilance" ,;' que' ~ c~o~ 8. empr ise ,. action inci-
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la relàtion pro:(onaè' ét, dévore. C' es't· pourquoi l ' autreté.
absoh~e''dti ~oi't'./cl;" p~~nt. cie 'Vl.lE"d~'L1 vie, .fait de lui un
.. . \\
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enn'emi dangereux. tant qu' i~' ~ ',:est,·p?-.~; acquis à la cause 'des
vi vants .. '"
.....,~
. , ..,--.....
. '.
. '
.
.....
,."' ,..' " . \\ .
.
L'expli,cation deé:e';',que' plusieurs auteurs ont
i",ppelé la!lsoli~arité~ri'valif;'\\,:'d~'s';frères pourrait &tre'
complét,ée ,ici p~r;.~u'}, ,;;''':gument,',m~t'hp'i1;siijue en ce qui concerne
.
-::' .. :.
. •
~"'.;'
.
..p .. , ' .
" ,
.
.
.-
• '
les Da'gm;a.' En 'e,f,f;e:t; •. pour' ce,s : aut'e;\\t;,s; , tanchs . que' la ci·vili-
' .
.
..
.... ".
'-
_. -
. '
- '
.' \\
.
sation occidentale repose fondamentalement sur le sentiment
de culpabilité '~~i'~'~ent du' ~àmplex~ ct '~e~ipe. la civilisation
négro"';~~ri<?aine e'st.~·(.quant.à" ~ ~lle, .b,~·sée .Sl~~ le conform,ismc ..
. .
..
'
,.~ .
.
C'est par
son ci :de ne pas dec'evoir le:.groupe des ·frères ou
,
,
.
par peur: d'échou'e;r que 'le'n~gie,se:illet à l"oeuvre. L'éehec
':
"
"
..
. '
.
'le mettrait à 'la ·;'rem6rque de.:,;,~es- [,l'ères, lui enlevant le
presti.ge social, ~,t..,le pouvoiiisur . se,? fellunes et enfants (1).
Bien qu<;,',le. Dai~fa accorde 'une telle':,impor.tance aux richesses
et ·au suç-cès so.~~··~]::_"':~u l;il~.~~.·;S'-{~~·;~·q~e;t.~o~~'àe ~a:.té~ialismet lil
1
:
"
'.,
~.'

::'~:1,'ftr.". ",:
- J,','"
' .
'
place dê :1,,' nàrCme!hUrriainedàri~,soî:Î,":ér:gàiÎisation: (2) ainsi
.. ..v.:~., .~. . .:-<t.;·,t... ~ -;":: ;" : ":~~~'_:~'" .?;..;\\··~f3.~<.i.·.;:., :';,,:: .;.'.:'
:.
9-u'~ . sq.~.~~S~~~~.~ "?2~R;~:,?/~~,~:~l;I:~:. .~n;~~~~~~f~.;·~b$;rl~f.,~·:.~es:~ ~al. SO~S a~-tfes
. que
èel~:~"~>é\\'o:r,çji-e~'é:ono~i,Cqùi::'ei,>p ~)r,~~o.,.;ôcial .C! ést, ainsi
." .-
- . / . .
..
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-,.
,
qu'on crk··v~ènt·.n<pe:l}~er à· .. ~~~~e.~x·1g,.~,~c;,e;ge
'" pnr_e t-é" ·ou-·"
ct 1 in séi{'~':. de' 1.~-~t:i-;~:;\\~qÛi~_··né ~'~'<~\\~i t~~: :ùit~\\~-ini':sê~ à' 'di stance ou·
. . . . . . . . . . . . . ~ •.• ,..,
"
' .
'."
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;'-;'," .. ,:'
~-.'
plutôt''';ne. diifé'fen'ha:ÜoiidÉif'il'a\\itre;;~'n'tantq';le tel.
',...,',',',".:"
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"'-;-'.;,',<? ";'~"i~,",~".~.,_.'~,"''r''<:'",'''
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Ce souèi de
sauv'egarder "1',,', "pur~té" originelle
amène l~·. Dagara à:-plusieurs rites·,·'de.. répar.ation .dont le l)l'in-
cipe de_r~base e~t·~.~:ce~ui de. 'la P.ossip/l;i- té d~ .retour à l'ori~i_nc.
Le
systè~e daga~·;···.disp·ose de' mécani'smos d~' r..etrélctation ,de
ln pa:'-oie·. profér{e ·(ou. "enlèvément,'d~" l.a .bouche"), des rituels
"
-
'
; '
-
,
de déni; .de s
acte'!,. de dés",rigagerii;nt, ,.t·els. la sortie.à reculons
de la· ·n'âtt~· prà't~qué~'par· la".veuve· aprè s 11e .bain -pürificittoire,
ou enco;e 'dè' .ra·~~'kt.
..':'
. ,.
.:{Ff;
:~~.;:. ...~'S~:..-.,
,-c .
;".
Si'l~:·:t:i·e::terrestr~;'~bii:ge·kà' ia .confrontation des
contraires,i~~'~'nv{~ntcepen:~~{~;ec;~'a~V:egarcierl'ipséÙé
. . :.~ .'
".
. ".•. '",~
~"
. , . '
:,' ":;,t.,.,,' .-,.
,
.
origirie'J;le qui opp'osai't dè s
la l1a'i!ssancè ·la mère et l ' enfant
.
.",'"
,~,-:~"A:~':'<;'.-":':I
~,,;,
,~:,'i::'1
et obligeait a·..··e~:terrer
le, sm:'g, maternel et le placenta da!ls
deux trC;us' difài\\nts''<-t) ~'Dë . ce b6:iri~'de' vue, le 'bain rituel
du meir·ti'est i~di~pensable èn,'tantc::~~rmoy~n~eséDaration, .
'~;.~.'.
':".:"'~;::_.'
,,,:, • •_,,
• • •' . . . . .
J_ • •
de puri·fi·cation:: Aprè li' la' 'mort;,
l "enterrement n'est pas setüe-
.,.-. ',:1
" . '
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' , " .
_.
",' ~'.. '
...~.:
. ; . . ,'
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ment lme. manièrEC·'de. se défaire, de: la.·.:pourriture d'~ cadavre et
::.:~;~ :~
~-'.>:!.~~0:~'·; ~
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: -.:,<" ~.:,.,..:.:..
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des liens' na,tur.:e:l-il ::'.11 fati:t;:al:l''':'' ju~qu\\~à:~'concevàir les
,
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~:~>.' .... '..
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.I,'·r':~ ;.,
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,;>~(";';
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- , ' .

muiti]Jl'e!s, eriterr.ènlen't S, 'sy;"bà'i'ique s:"'collune mat ér ialisant
la ~iff~:cti~té de";~urifie; l;'~~éfun{,:~t ~ I:nifi~r son être
- .
,
1
)1 ;(",

-,
• :~"_'
,
pour un a.u":delà· dont le prol!,mgement";ici-bas est· représenté
.
'
, .
,
par
TlT,êg~t:l.", pr.·~~~~èJ!.~;. parole :..de "r.:h:rin n , :qui l'accueille, 2
~
..
.1 'inhu~ation.
,
.~' >
. :';,
., v'
:f...
. .,::.}:\\{~,:__
(1)
- ·L '.individu;'iisme..au· plaIl, so~ial', est souvent présenté
comme. un :appor't>des i'dée~s :nouvelies consécutives :..\\ la
. pénétratiàn"·o'~c.identale.' et', ç:,êlle'-ci l'a . effectivement.
ac:ceptué
~.~~,(léve.l:opp'é·:}l-l%il.·~.,.i;e~.fai:t, llindividualisme
existait .'d·àns:la· soèiété·',ti.aèlitionnelle comme coroll"ü-e'
de.l'idée'de:"sûÜdarité( a{i"nom"'du dualisme 'de b;"se.
Un
rite' :comme .'celui·" d~·':';D:i' ·tulë·":..· (m'anger l ' inver sion)
que présente SOME p;' À.thï·lle "le 'montre bien:· celui
q~,t· le .req~ie~<t, :se ).~i·bè:i~,e,~_·"p·at;:~oi..lci "d' auto';_ p:'-.. otection,
clê·::la'· soli·dari·té ·'selon".',la )·'couttuhe.·
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: .".' ::. ~

~J.'-
, "
~.,
On comprend dès lors qu 1 i l TI' existe ',pas de contradic-
tion mais une compiémentarité I.entre les rites purificatoires
ct 18s aèlorcismes'qui
sont prcitiques','à
divers moments cles
célébrations funér,aires
: par e:;,;:emple 'au bain du guerrier,
homicide
à ·1 'étape' de " zanu , e't mùolu"
(rappel de la vj.c
,ct ·proclama.ti'on ~è'~ amitiés), de .. m~1.iè,re. générale, à travers
le témoig~age rençlu ~u mort quant à :sa' fortune et à S011
eXisten·c;,~,,:"'~'l n~!-.,,~:~'>,'a~ïf ,pas d~:'sal'ir ~~ mort ap~~s ,l,lavoir
lavé,
mai s', de re~'~,':'diquer pour',:, lu'j, , au plan ontologique tout
-
.
,
."';~
,
"
,~:' \\'
cc ql:.'J.l a, accompli 'en
conformité 2,vec .l'ordre dlJ monde. Et.
ici,
le témoignai~ public
.
l)rendc.:n~;":;"'e,leur fondamentale
.
,
~'. . '-'. ,~
,
s0ul
i l ~collsacre pour .l'éter:r~"ité".·
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~ 568'_.
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.c: .
CHAPITTIE IV
VALEUR ET LÜÜTES DU SYSTEHE DAGATlA
L'étude qui
s'ach~ve niaura pas eu assez de
dimension pour permettre d'appr~cier~A sa juste valeur le sys-
tème dagara.
Toutefois à
la lumière des analyses qui ont été
développées
~ing~lièrement,a";toUr de's' rites funéraires, avec
leur éla~gisseme~t aux principes 'de '
~agesset une apprécia-
tion de~~leurp~ut @treesquissée ài'endroit de la conception
dagara de la vie.
D',ores et déjà,
i l :apparatt que ,la v'aleur
d'un sys\\ème ne peut se concevoir que de ,façon multidirection-
nelle'7t 'eu 'égat;d à
la ,fois au passé,
au présent ~t surtout
au futur,
en vue" de'· prendre 'en compte ses signi:fications dans
lc processus ,du ,4éveloppement.
c
"
"Ce sera,donc ici le lieu d'indiquer ce que la
pensée dàgara peut ;r,ec'eier 'comine pot'entialités ou au contraire
COl!lliJe écuei'ls po~>:i~' :p~oj ~t!; d'e bonheur qu'elle se donne. en
.",
'
?
""~
" ,
.
conformi'té av.ec ... sa·,:r'eprésentâtion d'un monde terrestr'e et îini
. ,
.
.
.'
;:~.
'.
,
.
.
.
.
. '
et d 'ùn aU'-delà<;"ét'~rnet' don't';'l' accès suppose une',transi tion
.
. r···· ./.
.
"
.
par le "règne de",'la' ,mort" .-:' ":'.~,
Pour' notre ap~roche"référence sera faite, aux
cri tères généra\\ix 'd'égagés, par /I.n. :I~ADcLIFFE-BnO\\m de ses
études synchroniques ~t diachroniques sur les systèmes so-
ciaux
(1),
à savoir ,:
-
l'unité du système,
par convergences dtinté-
,'r~ti ~t' de sentiments des membres du groupe ;
(1)
'",HADCLIF'F'E-J3nOlvN,
A.H."
"Systèmes F'amiliaux et ~fatrimoniaux
én';Af'riqtie"):oÏ,): c i t . ,
Introductj:on.
"
.
. !
,':'
, "
0' _. -
. -
... / ....
,- 569
" , '
- ,-- - ---.'-- ....., .

;.. ,sa' cap'àcité.'de ,contr81e et de limitati.on des
." .. confli ts tauj ours. possibles,
c'est-à-dire de
.régulation ;'
. ",
-
enCin,
sa fonctionnalité qui rait que chaque
élément d~systime social contribue aucarac-
,,-tire opératoire du tout.
PARAGRAPHE 1.'
AU POINT DE VUE DE L'UNITE
.. .-
À:fplusi~u':";hlOints de vue, la société dagara
est 'appar~';i:)' travers 'i~\\:iéV:,';ioppement qui précède, comme
une unit'é ",:,à'~'cori~ition :,,~tiè';:ceite ,;mi'téne soit pas conçue
de î~Ç~'n,I~om~~ène,mais~o~~,'-i--~~';~antdemultiples duali-
.
.
-,:'
,
.;:.
'.
• ,o. ' . . .
.
.
té:>, •. englobéi;~·' dans' des,~nsenibl"és'i~:n~,~icrocosmes
d' ext"en-
""
sions ;'vari~e's;;,e{'en: harmonie ,~o';'stànte, allant de "l'inîi-
.
",~,'
'. .,~ .. ......-.. :'
~ . -.'
' .. . .. <
niment pe'ti Vr;: visible 'ou' invisiti'lê,: au' macrocosme que
constitu'e"l'ûnivers cosmologique dàg;'ra.
-Le: chapi tre ., :11 qui précède a
tenté de prés en-
ter cette unité en se rér~rant à l'espace-temps mythique.
l-1ai.3
i l
existe divers niveaux où celle-ci peut
trouver des
illustrations concrètes.
Cette étude a
essayé d'en îaire
ressortir certnines
formes,
t e l l e s :
1, -
l'uni'té indéfectible,
au plan social,
du
groupe patrilinéaire,
concrétïsée.: autour de la notion de
"Yir" (maison;
lignage, ,clanJ,lignée).· et complétée par les
relntions
ent're ."Yii,"
(1)
(1)
"Yie"
pluriel de "Yir".
. ..
- 570 -
/ ...
......_
.

'2' -
celle du' groupe matrilinéaire de marne "bèlu"
(nom' matriclanique)
l
J ,- la relatio'n d'alliance ou de complémenta-
rité'.
que ce-"~'oit en matière tuatrimoniale, en amitié, en
pl~isanterie, "en services réciproques,
etc a
4, -' ci 'uni té d'e' l'@tre" à, travers' ses modes d' exia"
tence
5:,~'la relatio'n de tous les @tres entre eux et
'avec 1.' ori,giri'~ ·.<;:~mmuhet ir'Ac.e';, au ,.~écan~s,me de la' causali té
,.',
: .
~".
.
imaginaire ou ,sY!1'bolique.<
, ,.'
C~'JTlrrie"on' se ,pl'a~t "à :Cedü:e, tout Dagara est
': ~ ~.- ,
". \\
\\f,
"nir"
(1)
d',u.n autre etc"';est pou'~ "1.u'i ,un devoir en arri-
van't" 'dans un :~ilieù de' ch~;ch~r 'à ';'é',tablir la relation avec
.
r .
. .. ,.~:.::. .'.. ',
", ... ,'"
,.c:'>': ."'. ", , .
les' ,I/,pare!lts:!. qui y
sont 'déja in'stalles.',Cela,peut s'expli-
quer,' égàle';'~~'f, ,~ar l 'un":'~u' ~ 'au'tr,e~es 'deux ,axes, matri-
l~n~'ai~e ou ',;at~ilinéaire,iqui définis,s'ep.t sa ,desc endanc e.
Pnr."<e:;{~mple~·,~s~io!t que ·l~s., parent~ ;éels;··'dfEgo .. (père, mère,
.
. ,
..
..
'
- " " ,
","
gr,ands-pères,e,tc.),
paternels ou maternels sont SOHE,
HEDA,
"
'
5 m,IDA ,
DAI3IRE:,
KPODA,
TUEN ou KANBIRE,
les 'SO~lE, HEDA,
etc.,
seront investis de la m~me rèlation au plan social, a com-
mencer par. l"s parents ciassi:Cicatoires' du, clan.
D'e m~me.
'et :~ürtout, ..:1:es, origines claniques du père et de la' mère
.
,
d'Ego,
de la.;{.~è~e· de· son père, de la "mère. de .. sa mcre,
etc.,
tissen"t autoùr de lui un'~ réseau de relations· de parenté,
qui
.-.';
.
peuvent devenir plut6t sentimentales en m~me temps que cr01t
la distanCeg:~nfal'OgiqUe ';t, qui tendent 'à le situer par rap-
port à· tout autre Dagar~~
(1) ,"Nir" '(":~" plu;':iel "ri:~b~"(:' personne, gens, "personne il
qUèlq~'~ri" ou parent.
. .. / ...
- 571 -
'\\ .
-- ...... ..
.'...,
~,.,.

"
.. '
..' .'
""'-, .
A '"ces. liens <;te. descend'ance patrilinéaire
et
"
'
matril'inéaire~'s 'ajoutent ceux is'sus de.s relations matrimo-
. -..
.. .
.
.
' .
.
niai~" au pla;:;"h·orizontal',. wlissarit 'Ego aux l'amilles de
, ; ,
son épouse,
!'·:~d·'.·e S
-"-Femmes
de
ses
"îrères",
des maris
de ses
"soeurs" 'et des
tantes pat'~rnelles.
Au~ cours de ce développement,. à propos des ri tes
t'"
'


.!..unera1.res,
qu'i constituen"t tille "re-présentation" de ln vie,
pri vilêgiée "-:,'travers la.::comp.lémEm tari té des
groupes pa t r i -
linéaires,
ma'~~ili~-éaire~~,"'allié~:matrimo:niaux ou réciproques
et simpl~ment>.voisï'ns.
l , .•
.Ma:·is d fun aufre' point de vue,
cette uni té se
canifeste nég'àti~ement p~r ,la: résistance qui est opposée,
c1ans'~'le domal'rie 'rles vale~s: fonciamentales, à tout ce qui
est~xtérieu;·.'c;;;.:étrangÉ,';<·E~,,~if·et,la barrière linguis ti-
.. :-
" ,
" " .' . ,..,;.-
~
".
. .'
. . . . .
.
que situe tou,t: locu,teurde langue négro-aîricaine autre que
• .
" .

le'dagara comm'e ··"nl':'bla"·". "perso'nne ·'au langage incompréhen-
sible"
(1).âde':'dé~Ù~~"t;i'~nquiétablit la diîrérence en-
.. '~:" "
.'. -~: ....
- .'.: 1·;;:·:·',
.
.
tre Jocuteurs" dagara' et "e;tï-angers" correspond également,
au
"'~J ._'.: _",
.. +\\.
':;"', '; _.' . 4••;;.~;;:. :. :' • :.':



plan;,social',':"a'~ t.out un:.ensemble ,d'aîfects et de comportements
ali'~h(tàn't~~+~azi~:les~rii;~d;"~e"PIU~grandeexigence vis-il-
,
. ~':,: ...
.
""
';.; " '.,
..'-
;.";:\\).~"'.
.'
.
"
vis .!=le ·ces. dërni~r.s~
v6·ff.~' ct tuile . exel.usion, . tantGt dans
.
. '
, . . .
. . . . .
celui d'une plus.:,'grande ·t·olénince.,:,En voici .Quelques
exem-
pIes'
(1)
Le ,terme' "nt-bla" n'e.st pas utilisé quand i l s'agit de
"ni-pla" ,(le blanc )" dont' l "appari tion est plus
tardive .
. . . ! ...
.-"
'.
- i
· ..,t·'·
.....
. ..
'
,'
..~
.. -""...." .,,:..~ -"---~

, ,:.
J':
(',
-'",'t'in't~rdictiôn';des'mariagesiuixtes : pendant
longtemps, , l e;:":a~iages,:des ~illes,',daga~a hors de l' ethni e
ont. été p~ohi~,~~,:,:,":'~ar,',,"~;('é'~'ou~'~' lt~tingère à la· société est
,"
"
, .; ":",",.'. " A',
'
. ".:
amené'e à "perdre son 'nom'~. 'à< ,l'instar: de l'esclave ; chez les
: .., '
.. (.:;;<'(",.: ':,:
...
'
,
.
Dagar~ comme àill'e":lrs , .. ·1 ,t.,e,t.I:.ang'ere J?e, perpetue pas son nom
à travers,sa p'rogéni~ur~:-:I~~~,~~aitpoUr-la société d'ac-
f
. : . '
' , :
" .
. '
,
) :
',~~ '~,' .":-~':.~: ".'
' , '
' .


cuiü:(i admettre ;un: principe' d ~,aiiarctiie ,et' de' destruction en
,
. . . '
:,."
".
. '. '. ,:.
..,..... '.:;~ \\:f: 1 .,'
": • •
son sein -
alor-s;que', ,tradi'ti'OrÏÎ1:e':I:l!'imeÎit ,,1 'enf'ant, 'dagara re-
,:'.l .. '
", ... \\......:' .'
,';,: "':"".;: ,~~ ... '., ..~ ..>.-;,.:" ..~'.....,'.".
...
\\
çoi:t'·,.1 e n,~m, de'\\:,."t~r".·; ..d~'.:,~~Ot:l<p~,.r.ei'i~,:t',>,/fbelu '." 'd,e '. sa '!1ere .. De
,~:.~,."'- . . '
<:;~.".,~,
::,,""':'.
;... <........."';;.~';.~-:
; .
plus,'\\. en ,enîreTg'nant la:lo'i'·."d' é'change interclaniquè des
.
~:f·.
' ,.~:;"
:'./
.'
'. '~~::'t'.;, (, .: ;.'; ."',; ;'.:';;"."
....
" ' . ' : .
f'emmes., le mafi'age, hors de",:l' ethIli,!,' dagara' prpvoque une
'.•... :'
.\\ "," ", . ~
.
r,,:i-: .". ".~~:,.. '"''
."~
, .
nii>:ture et susci'te, i"'hostÙ'fté"de' t'ou'tle groupe frustré
. "
. >,'.',~~.: :~'. "
.. ;: .,;,1; ..:., .:-. ':<;<~. '.'
,,'
'.'
' , '
les,parents donn,eurs de:',f'e~meB:.comme, l,es 'preneurs(ù"Cette de-
sobéi~sance à la "t'radi tio~\\."'.l, iaquèlle ,s'ajoute 'l'omission
des "rï:tès 'cout~mièrs, est:':'de: ;"'atüre à' ~ttj,rer la colère des
Aric~t~es':'., Bien,que de no's'jours nombreuS<Bsoient les unions
.', '-- '~
déjà",'enregistrées',
d'accord,parties"
entre
filles
dagara et
étr;'ng~is'à' ;-, ethnie, il' demeure beauco~p de cas où celles -,ci
"",
il,"
..~.... , "
.
sont"'obligées",d',empruntèr d"abord la voie dès liaisons' amou-
' - ' .
,.:,
,
'
reuse's 'avant .q,~e :l'e mari~ge, s'impose COmme rai t
accompl i .
Un ,exemple SUrvenu récemment, en
1984 a suscité beaucoup de
'. \\ '
-...(. "~
' .
. .
.
.
remous,
la différence ,èthfii'que ,-éiant/,T01.iblée d~ celle ne'
religions.
I l a'f'allu après"'~lusièilrs années, l'intervention
d'tm,on~le de'"ia)t.:i-lle(~oh:;:''',f;.;h''':,de,-:,s~s"pères"). christia-
.
'.
.
.
.
.
.
,.":':
\\
,.':. ',~ . -
. -'
; " '
,
nis'~~·' j~~is en .~~.?- t~atïon ·i~ré'gu}:?-èi-~e:""...pour accepter la compcn-
sat,ioil; .·matri~6hia'le;conçu~ .en' ~ai·eur.~. écono~iques, et laisser
cours: :~l 'union~ ;,C~pend~nt,. ïl:::f~u.t a'voûer:que de tels arran-
)~ '~,;,....i::.:.
. .'.:'
.- ...
'~',';:....'".: ~;::i·l.ô~:·:}':r,
. .:.
. '.'
gemen.ts'(ne sont,:possibles':a"j(lùr,d"liui; que parce que les re-
• '"
- .;.
'~.;"
'",:,,::1'-,
~
"
, .,....
"
'. '. ,;,
,: ,
,.
.
.
,
ligions::'-:~importé'e's',i' notammeri·t .. l'e "ch'ristianisme en mili eu da-
gar'~., "~.:,_me,~:~'+~:;~b::,~~'i,~Y~~ra:i'On~;''des rites 'animistes ont
~, '.
1 • -.~.

(1) ,En;'l 'occùrrencEi; 'p~b:i!'p'~'êiÜni:r:~li, i l filût entendre ,.en pre-
",
mie'" lieu ;ie'\\c'l'iln:dit"î-aj~ère:de:'laf'i'lleàmarier,'et, par
' . ,
'
.
,. ,-"
. '

:
":".;'" ~W.;;.·,.·, ~. ~.", ' . .
,".
,..
"
' .

;
'.'extension;' :1 e)groiipè;::des" pagar,a, non parents de clan nJ.
ù t é r i n s . '
' , ' " '::'
... ! ...
- 573 -
, .~.~
",

,", .
" . " ., ..
,
,
.', ,"
:. "
agi
dans le sens ,d'une ~désaçralisat~on du domaine ne la tra-
"
,
ditio"n 'tout en' faisant ~urg-{r à i·~\\.l.r tour, il est vrai, d'au-
t r e s r i i<esqu',ell es, imt~n:d.~~t','~éi'mdre
,-,
; r',
~'exclusion:·~e~:.rites.
':l',
.."
'
. L 1~~J:1e . des diftic~ltés du mariage mixte résidé dans
"
~
l'exclusion d;;",:l ','étranger>de,(':ri te's', ,alors"que la célébration
de 'ce~t,e 'uniolj';,!!!, en accomp~gn:~.Jj,:; irrémé~i~b,lement (1). Car
les fo;'cès
su~'~ri~~reSqu:C'~cin:J~~t.auXrii~sleur signifi-
\\.,'
:
.....
-
.
"
\\ ' , ' ;
. '-.:":'.'
' ' ' ,
cation,'passerit~\\pa'r'les ':Anè.llfres,;';;:Oi, si l'alliance' des clans
.
. ".
-
, ,-,; .
.
. .~- '.. '
en t;'a!z{,; celle.:;(de; leurs 'Anéllti';:" ,', on ne peut' concevoir· que
';
,

~":" ,"
''':~::''-'', :. ':
"
~~', ,,'.: '. <
"
, . : . ' , .
l 'etranger 'shif en ,m"me';temps: en:'dehors et' ihclus dans cette
alliari6'e. 'Cela:;n:ie'mpllché'p'~s:que .celui-ci ait un r61e à jouer
et. ~1 a~p;'rtP~si:,t'iî':dan,;"\\i')~uiiib~e'des "sociétés en quhe
.:-~ ·.r·,:." •.. ·"
\\···tf::'··.·:':;~.. ;: ..;.~
.';:_':_'':''':':'~5i.';.';'.~ ../''",.:~.' ..:.,'
'~:'.
'.!
,
de 'leùr, ',bi en': lltr.e",';(.2') : 'Dê";'mlliDe'-,:"T";é'trariger' n'aura pas droi t
.
. . . : :
. ,
,
aux ri tes îüné/aif.,es ÔU;'.C!';iriit1a!,ion (baor)
et sera en terré
.
" .
.
.
! '
.-: ~". - " .
.
dans ,une îosse:'rè'ètangulaTre. ,Cependant,
i l
doi,t lltre tenu
COr:lpÙ d~'Phén~:riiè~ed!is:si~'i~aÙ'im,"~uia été cité dans l'In-
'
.
,... ' r
.
-
troduction gén~rale,à p~o~os du peuplement du dagara, mais
.
:.ç
,
"." ", . , 'J"
" , '
qui suppose"une.,longue pér'io'de 'd'évolution,
et par lequel
, ....
•...
' .;,
des 'étrangers 'tels les 'Yeri'" ,Si~ssala, Birifor ... sont deve-
nus des, Dagar~.:
,
'
, '
,:'
(1)' I i f a ù t .ici.;;;:~oir ~\\~Sr;"~iip·~it 'ra' métonymie des biens et de
leur ';posse'sseu;'"
quï~~fii::rt',qué:fes:', caur.is de l'étranger, à
offr'ir .. aii:;ç':i'ïïric ~ tr èii~;~;ij:Ei';:;iii'êrit:ih'iib':i:tés~;p~r ' cel ui - ci" De mll-
:rri.C;~'l:'.alf'iàhc·él;~·~··de·,,-·gfolÏp·~~;~:~\\~~p:'i.tr;-';,~t'; ":'~a~;i~ge'l n'est pas, ici
c~;?n1evabl e~<:,' :~, '-~:~ ~.: ..~;~'~,~;:.i':~j~:~;;>:~ :~'-'~~~:'..:.::>?:'. ';:: '"', -
,
(2)
C'es't' l,e lieU'.. de rap'pelè'r:~ce qui,'a été déjà dit à propos
de: l "imi.té'j"éles,:·~ii,Tllgam~li :",{î'ji'e'aux"de'o'Terre'lI 'ou' Il circonscrip-
.. ,;
-.,".!
.
~:' -.'<'
.. ,
-:
.-
.~.'
' •.-,-
",'---,~~",
"
"tJ.on.s de, ;t",..rf·e") ,qui ,ès,t,:invoquee'par le devin
(bao-burè)
à'! l~.~ ini ~i at.ton.: -:
.~:::""/. :'.':'
.(- ',;., .;,:;;,,:t:· ....
- .
.' : , Q~~rit";;l'ap' port :.1 .., l'Ùrahg' er
voir ci-après au Para-
,
"
'

1
.
,graphe II·I,.:
'
,
... 1 ...
- 574 -

.,', .
-::·rar'·... ,é'dri~re, ..u·~e'jpl';ls' 'grande tolérance est ob-
.
l
, - '
. . ,
,
' , -
servàble vis-'r-'v'i~s~de _·C'ërt'aines:·rè"çrl-es cou-tumières à l'en-
,
, . '
. 0
droi t: des
étr'angers,
dû'.:fait m@me' qu'il
se
trouve exclu riu
:
'
~,'
jeu d.' échangef,';·et. 'de la:', lo'ï: de ·ré·c·iproci.té qui
enchatnen t
les ·m'embres ~~'" l ;:erisembi'; ':;~~cial da'gara
On dira que c" est
0
un l'I1S:-bla"·q~i ~e: s,a.~f·p'a"s..~'.~~u encore ne dit-on pas:
IISâan'-u~ mi yA~ 'yï"r' s~b ;':U. ·.èii~','k·i':'burèfl ,: littéralement, "c'est
l 'étr~nger (s~üs-~~tend~:·,:q·l,li' e~t c'èrisé' igl}orer les contrain-
t es de la Fa";jin'~f qUi~}~èri'~ ~e .p~oprï.~tair~ (ou membre de
la F~iùil'ier à->c'o~'s~mm'~~~'i:~;~';Jré'5'~r~'~:s"~esemences". Ce pro-
. . '
'<." .... ,_.
:,,'
d~~,';:"·", ..'''';':·,·""
' .
verbe. tradui t;'à' .ra·. rois~' ·l·:e:ic.ige.n·cè·':de· l"hospi tali té dagara
" ' , : '
; ' , .
> '"j
l'l"~{"
' \\ : , ' ,
~.
:
et la' 10gique;",,1e c_ompor:teÎT1~·iït;,:V:i.s:~.~·-vis de l ' étranger 0
\\~~"
>:;:(:~~:,~:;:~:'~;':'~rr' :~,:.

' , " j .
,
...../ ,
-
De/m@ine,: l"étra!1ger(··qu:j{.,pa·ssepres d'une expo-
-
,;" ,~',.
. , " ,
, l , ' '~.',-.,;' '\\.. >- "._••(
.'F;,...,'·,'.·
,:'
'.
:
si tion.'ftméraii-e li. , e-';tpas.'ét:èri"i'·iiu"Jsalut du~o~t
Certaines
0
ur~~ihue~-'~on~-{'déré'es,~·~n"~:·.· la~i:~~:és''~u a~i1iJiantes au re-
...
.':.....
..,:.~~F, .-,,'.
','
: . ,.~.;,:-,,~'.\\~
,.-.,;~:."
,,:,,"
...
gard.de··lâ' cou:'-tume 'seront consên;ti'E,s,' au' besoin ·secre.tement,
à.son P~o;it "èt d n' e~'t p~s étonn~'~~ de' voir, . par exemple,
les ·liai·sons·.. ·~~~ùreuse'r se. ~r~er·. ~lus facilement entre fil-
: '
~:
-
,1. ' .

"
' . ' .:~,_.

• ,~

~.
' .
__
, ' .

'
les dagara et.,partenair;es ···.:etrangers ou les petits boys daga-
ra ,évi.ter de '~e~vir chez' ï~~~rs frères' 'd'ethnie. Dans le m~me
sens ,.\\ les comPirtement~ ·importés. s~·ront· vite adoptés, dans
la m'esure' où' ,la, cOl:ltume" .n,'i~,; pas pr;'é'vu de sanctions pr~ci5es
à le~ ;e~droi~;:': Ainsi, alor's que, Îa. séparation de sexes est
encore'obs'erv~'è·"da~s,le's ii~ux publics :':. funérailles, églises
':
';"
'\\"
'.:' ..' ,' " , ' .
.
et as~emblées',(jiv'erses, ~:~.·,p.!"a"tique du b.al, ravec musique et
danse m~derne~:: ,s"~ est r·~~·~n-~l1e aux' occ'~sions des' f'iançailles,
des mariages et' des
réjoui:~·sa~ces.'~;~p~pulaires, dans la me'sure
"
, ' . '
. . . . ,
.
oùle":·gro.upe social compor:!'e .beauc6:~p de jeunes gens ayant
é,"igré\\~pendant un certain' ,t~mps dans .les· grands centres ur-
:\\:.
bains," nationau'x ou ceux des' pays, voisins,
notamment en
.. 0/;"
- 575
".'
';.

Cl'He d'Ivoire.
A ce plan,
i l
faut
reconna'ttre que
"l'étran-
ger",
e~clu, revient sous une forme incontr81~e et envahis-
sante qui n"' est
pas
sans risque pour la
tradi. tian
dans
Cf!
que celle-ci pourrait
apporter de positif il
l'·évolution
011
dagara.
P ATIAGfU-\\PHE II'
AU POINT nE VUE DE LA nEGULATION Df,S CONFLITS
Le
d'181ism~ de base qui prêvaut dans la soci6t&
clagara
est,
comme
i l a été dit plus haut,source de nombreux
conflits.' ouv"rts
ou latents,
dont
plusieurs
cas ont
été
oéjil
évoqués,
par exp.mple
:
-
au plan mét~pllYBique -et{mythologique,.oppositions :
-
terr""tre
(t<lw-zu:'ka)/au-d"là
tcrnpor"l
(nî-daar)ou
cosmologiqu"
(tp!ml-Tlw)
-
ordre naturel
(visible ou dnvisible)/ordre
transe en-
dant
(invisible)
(1)
-
dualité/ipséité
confusion
(tule)/ordreo
,
-
mort
/ v i e .
,
-
T8gan
(.Puissance Terre)/ Saa
(Puissance Ciel);
-
Homme
(male)/r~mrne (femelle);
-
espace-.temps
ternaire/espabe~ternps quaternaire.
(1)
L'invisihle peut deve'nir v~.sib.l·è dans éertaines situations
ou pour certaines ·gens.(cf.
GBAANE'DABII1r"
C.,
in
:
"flù
NYEIH
NI
of) n~ NYEnI" (les Visibles' et invisihles).
· .. / ...
- 576 -

-
au plan social,
conflits
du mari
et de l'épouse au foyer
".
du père
et du
fils
- des frèrp-s entre eux et des -[rères et dp.s Soeurs
-
du groupe matriclanique
(bèlu)
et d1\\ clan patri.li-
néaire
(dowlu) ",
-
des clans alli6s.,au plan· matrimonial,
dont les li1~i-
....
ges entre parents de la d~furite et clan (le son mari,
à l'occasion ries
runérail-1-es
-
du cl~n fondateur,
d~tenteur de la cllefferie rln tnrre
(Têgan-dem)
et des autres clans
-
des vi.eux .et. des
jeunes
conf l i ts
-
des p~rents ~ plaisanterie(18-luorbè~housleurs
formes
déguisées,
entre "dowlu"
(clans) 1
ent.re
"b;~ll1"
(clans matrilinéaires),
entre soeurs et épouses dll
mari.'.' entre .îemmes d~s grands lrère~ ct
frôres
céldeLs
du mari,
entre
famille du fr~re de la tn~re et Ego ,ete.
- ·du mort
et
des
vivants,
notamment
les
proches
p:)Tp.nts.
:·1<1ais CeS nomhreuses sources d'e conîlits au li.eu dt écla-
ter au dét1""iment de 1.' ,mi té
du système ou du grollpe
trollvp.nt
des voies de solutions pour ant.ant·~qu·on se soumette aux rôgle~
établi'es,
m~me si le prohlème demeür'e d~ savoir quelle est la
valeur des
solutions ,proposées,
fa~e au.x aspirations des mem-
hres du groupe ,?U ~ux options d'aut~es peuples .
."
"
ne
Il/nous sera pas possible d'étudier chaque cas de cnnflit
en détail pour situer les aspects positifs et négatif"s des com-
,
portements Tégulatoires proposés. pa'r le système rlagara. !-lais
ù partir de quelques cas bien connus,
le pouvoir de contr81c
et de' régula ti:on du sys tème pourra '.fltre mis
en évidenc e .
. . .
- 577 -
/ ...

a)
-
D'abord au plan CG~l"nolo.<;ique
La cohér~nc~ du système ou son unité fondamen-
te.le "suppose que les oppositions
trouvent
des voies de
ré-
gulation,
et i l en est ainsi
en offet4
L'unicité de
"~h"in"
(Dieu),
lointain
et muet,
pourtant cr6a1:ellr et ordonnatellr
du Inonde en tOlites
ses parties,
se, r~sout par laprocessioll
c03mo.:;onique,
il commencer par "S aa "
et llTf!gan" dont découlp."
tout ~tr8,
qui "sont en activité constante,
tant pour punir
que pOU1~ générer l"a prospérité,
et d'une
exigence caracté-
risée
envers les .fauteurs de
trouble:
les auteurs rie "con-
f"Bion"
(tule)
(1).
La dualité
"S aa /Têgan" lest résolu~ au troisi8rT1c
tWllpS
cosmique,
ou temps
de la constitution du monde·: le
,;.,onde naturel
rlont
l '~tre humain :fait partie est c.ré(~ apr(~s
la procession géme~lair~ de T1S aa " "et de t1T~gan"
vraisem-
ûlablement à partir de 11 action" de
HSaa11 sur
"T~gan", comm~
i l apparait dans
le chant. de
l ' i n i t i a t i o n
:
"~lwin t'ri, ~h;in
yowr'i,
yow ir nibè"
(Dieu" commence,
Dieu remue "(la terre),
la remue et en sort" des personnes. 4 4).
De
ce fai t,
le
temps
~1luaain est" ternaire, du moins le temps 'de 1 '~tre tel qlle créé,
COClme
l'homme (1 '@tre ·masculin)
qui ·.est complet,
sufrisant
et n'a pas besoin d'intervention postérieure
"Dèb ni II gha
D..-ta"
(trl'homme et ses
trois foi~"), elit-on en dagara.
(1)
Voir à
la
118 Partie,
la notion de
"Tagan kOu'!
(mo,·!. pa:t~
"'Têgan" 011
" mor t
infamante") 4
... / ...
- 578 -

~" ,'.
.'
Quant A la
femme,
elle:',se spéci fie
comme
~trp.
du quatrième
temps cosmique,
consé;cuti[ à
la
séparation
de
"Saa"
et de
"T~gan'I, bien
qu'ayant. existé comm~ l'homme
d~8 le temps' ternaire, A l'~re de .la nourriture céleste.
Ainsi qu'il a
été indiqu~ plus haut au Cllapitre II, la renlm~,
de par sa 'nature ,
est appelée à "re-générer" le monde pour
être
spéci-riqu~ment i
d'où
la nécessité
d'nn
temps
Sllpp](~­
mcntaire
(trois
plus un)
pour
créer la
femme
en
t[tnt
que
telle.
Cette activité mi-naturelle,
mi-culturp.llp.;naturp-lle
niais assllmée cultllrellement
(1)
par la clitorirlectomie,
la
prat'ique de la virilocali té,
la division du
travail
qui
accul te la
femme
au, plan social,
etc.),
rai t
np. la fp.rnme
J.latre qui enriosse en ~uelque sorte le principe originaire
ct transcendan t
du monde qui
est ternaire 1 par le sacl~i rice,
~ coc~ençer par celui d~ son sang dans la clitoridectomie,
arin.de le Teprod~ire cp~reçtemenf~ Il y
a donc en la fenl-
1:10,
à travers la généra tion ordonnée des hommes 1 la t rip18
aîfirmation du principe' natur~~' et cosmogonique, dll princtp~
culturel et cosmologique et du principe mystique,
en co
sens quo cette cr~ation du monde,' est retour vers l'origine
de la vie tant dans son principe que par sa Iinalité.
De la manïère dont se ré.sout le problème de la
dualité de "~lwin" (Dieu),~ un et multiple
dp-
"Saa"
~t "Tê-
gan",
qui se complètent dans ln création de la vie et de
tout"
prospérité
de la lemme,
"généreuse ll ,
qui
est -récondée par
le principe male pour engendrer des mondes,
se conçoit le
problème de
toute dualité dans le monde:
elle doit génér"r
(1)
Devra-t-on bientllt c1ire avec les revendications actuel-
les des
femmes,
"culturelle, mais assumée naturellcm~nt" ?
· .. / ...
- 579 -
"

la vie
en toute harmonie
et,
en D18me
telnps,
sallvegardcr
l ' i p s é i t é
des
~lres en rapport "; sinon e'lle est sonrce ric
conClit des essences,
de conCusion (tule) fondamentale et
de mort (11,
L t·ordre cos"mologique et transcendan t,
en tan i..
qtle
tel,
cst-par
conBiq~ent origine et support de l'ordre
]lat~rel, que cclui~ci rel~ve des domaines sp6ciriques de
"Sauli ou <le .HT~gan·"·, -;d~-visible
ou de l'invisihle,
du maté-
riel ou du spirituel.
h)
-
AlI
plan social
On peut consid&rer. que~ques cas rcmarquabl.es pOllr
leur importance
sociale,' parmi le~ nombreuses occasions
de
conf'lit
:
ceux du
père.. et du fils,,:,.;
du mari
et de l'épouse
"
qui s'élargit en un conîlit matrimonial
interclanique
j
du
~ ,
. .
'5''' "
clan Condateur déten(ellr de là'·,.cn'èf'ferie de terre
(T~gan)
.~{.
ct
des
clans
secondaires:.
des' vi'eux
et
des
jeunes
en fin
du mort et des vi vant's,
en parti~~l~er des proches parcn ts.
'.
-
Le conflit du pere ~etC du fils,
de par sa
nature engage le processus de la "segmentation du groupe so-
cial"." Dien "qu:e" pOlJVant
fltre aigu'~ou latent,
i l
. t '
)
SU1
! a p" us
(1)
Ainsi une femme' qui refuserait la procr;;ation serait vic-
time d'une
"confusion fondamEnitale",
en revendiquant
son
appartcna~ce À un e.-'3pacc-i:emp"~ qui n'est pas proprcmf"?nt
le
sien.
Il
en serait
de m8me:pour une
remmc
qlli
VOlJrlrait
procréer
(avoir
df!s relations
sexuelles)
hl"Jrs rTe
l'inrll.l-
cncc transcendante des
Ancêtres
(Kpr.rllË), par
exemple
en
brousse.
. .. / ...
- 580 -

ou moins long term~tlp:.m@me cheminement:
séparation de
"lOl.'lel! ou "portions
de case",
d'où partage dp.s
champs
ct
au"tonomie ~conomique du fils
;
puis
séparation de
caseS
,
~prAs
le décès
du pèr"e
et évolution vers la
création,
plusieurs
~&n~rations apr~s, d~ lignages pui"s de clans diff~ren1:s.
;;::n l'occurrence,
l'exorie vers l'étranger apparat.t comme ·1Jne
~olution du pil~e qui consacre cependant la possihliit6 de
changeJ" d'11abitation sans déménager du vivant de son J)~re.
I l se conîond avec' le voyage saisonnier en vue de se trollver
du travail salari~, que nbus avons qualiri~ d'initiatiq\\lC
eu égard à
s'a .fonction da!lS l témalicipation des
jeunes.
Avant
que la pacifl.cation sacia'le rende possible ce phénom8ne
rj1ex,?de rural,
le jet~ne Dagara en; cas de conflit int~nnhlp.
en famille
cherchai tré:ruge ..dans un lignage différent
<le
son clan O~J auprès .r) rtl:n ~are.nt:".~t..~Fin,
la pll1pa.rt du
t.emps
.:.,
un oncle maternel.
Le conflit du mari ef de l'épouse
i l peut
Itre d'apparence banale et l i aus.i
ce ne sout pas les oc-
casions qui manquent.
Mais le con'fl'i t
fondamental
c'est la
pr6scnce de deux clans rlans tlne c~se, voire dans un
foyer,
la femne
conservant son nom de
clan
(dowlu)
et <listinguant
lC2 gens de sa
ramille
(s.es parents)
de ceux· de
"yir l1
de son
I?!ari.
Ici,
la régulation se situe ~ plusieurs niveaux
on
petit citer la pratique du mariage prêr~rentiel
de la sorte,
la fenune n'est pas alls01ument
~trang~re chez son mari., ~tant
dans la
~mille du p~re et des fr~res de sa mère. EnBltite.
la procéùure par laque;tle le mariage est établi consacre
l'union de deux groupes ~t non seulenlent de deux personnes
qui peuvent instantanément se séparer.
De ce
fait,
comme cel-
le de l'union,
la voie' dll divorce sera longue
et celui-ci nc
- 581 -
... / ...

sera pas
consommé
tant· que le prix\\de la f"iancée
(dot)
ne
=:3cra;",pa3 rernbol1rs~ après I"e reroë;\\ri'age de la femlne. Cela per-
Inet,
en cas 'de rupture,
de multiplier·les d~maTchcs de con-
ciliation.
-
Le
conflit dli clan "fondateur et des clans
se-
conduires
dllns le passé,
ce genre
de conflit était
fréqllcnt
6tan~ donni la vigilance que devait observer le clan fOllrtn-
telIT pour nlain1:enir
sa prilnaut~. Néanl110ins
j.l
existai1:
des'
t
fOITJCS
de régulation
:
cl t abord l'un des
clans secondaires
rlétenait un pouvoi"r de conciliation
(ou". tAbatllu") t
tnndis
qu'url lignage du mêm~ clan mais n'exerçant pas le pouvoir
avai t
un droit de mise. en accusation
(lnlmbèr),
matne
"-les
llTêgan-dem"
(tenants
de la chefferie de
terre)
dont
i l
pou-
vait,casser les d~cisi6ns inconsidêr&es. Pal- aill.eurs,
(les
.festivit'és annuel'le's' r'~unis~aie·nt.. l·a population potlr consommer

'.'
~'l'" '.
,
collectivement certains biens corilme les b@tes égarées et
COl1duitcs d la chefferie e{,~ertai~es amendes en argent.
Il
nr~t~it ~e doute pour perso~ne'~u~,~n cas de ,nauvaise gestion
de lel1r POllvoir,
notam~'ent d~ j;'tui:e1l (confusion), les res-
ponsables
de "la cl,ef[erie passaient
de vie
~ tripas.
-
Le
conf~it des vieux""et de"s jeunes
tout com-
"'B le conflit du pire et du fils'engage sur la voie .Ie l'ivo-
lntion socia~e, celui, des vieux et .des jctlncs - nont le l'ré-
c6dent peut n'Rt;e qu'un aspect
- 'toujours
latent daus cette
société de gérontocrafie,
conduit au progrès de la coutume
par la remise
en· cause quoique lente et diïficile des normns
do
jugement,
c'est-~-dire _~ la r6intcrpr6tation de la Tra-
dition qui ainsi
que le dit Henry MAURIER non sans raison,
... / ...
- 582 _
i
1
1
~.',
>
1
••• " :•.v; ....~·f-;·::··
.j

..~
'~ .
est une synthèse vivante,
renouvel.ée. et actuelle,
"trarli-
tiolU1alisation" permanente,
sans garantie de fidélité au
pas::;é,
mois
au 5f.!rvice de la vie
(1).
r-1a.is
Ft
ctlté
nc l'év0-
lution structurp.l1e et de la transformation des normes so-
ciales comme' formes
de régulatio'l1 de
ce
conflit
des
vieux
8t des jeunf.!s,
i.1
faut
en. citer ':tne autre
qui
est
dé\\.'clop-
pée par SQ1-!E P.
Achille dans son Article
intitulé
ltni
tulo tl
ou ''l''langer l'inversion en Terre.Dagara tl • "Il
s ' a g i t
pOllr
un
jeune:.
au terme d'un r i t e nonul1é
"Di
tulo",
(le
se meti:re rI.
l ' a b r i
des a.ttaq~es mystiques que la désohéissance A la CQIJ-
tl...U:le,
lùanipul"ée par d'es vieux part~.culièreT1lent intri.ga.nt!';,
pourrai t
dir·iger contre lui ..
En' Ilmangeant
l'inversion",
i l
.3e prémuni t
contre la very.ge.8.nce
des
Anc@tres
en
cas
de
déso-
béissance à la coutume,' s:!ém.ancip~ de la tutelle des vieux
et ,~' son tour les met,endan'ger,
en cas
de
conflit
(2).
Conflit du mort
et
des vivants
cc conflit
commallde
tous
les rites
de,protection,
de s6pnration,
rl'of-
frande _,
de pur:ification :en même temps
que d'intp.gration du
;::ort aHX ûnc~tresl dont i l a
été question durant
toute la
Dc~:i~lne Partie de notre 'développement
i l
ohJ.i.gc A Illettre
les vivants,
singulièr\\3ment les proches parents, à
l ' a b r i
des attaqu~s du mort ';. ~ dissoc~er les endellillés,
en,tl~~n­
s i t dans
le "règne de la mort",
du reste de la société
à.
par"tager a,'ec
le mort ce qui
est
de
sa production sous
peinn
d'at,tirer sa vengeance
~ proc~der'~ la pllrificati.on des
(1)
l.lAURIER,
l-L,
in t1.Phil~sop.hic qe l'Afrj.que Noire",
op.
cit.
pp.
71-72.
(2)
SOI-JE,
P.A.,
"Di
tulo" ,
op.
c i t ..
. .. / ...

,"
personn8S
et des biens ayant contract~ des rapports avec
lui .•
È.
assurer au défunt le repos
à "Kp~mll-Tew" (Séjour
de8
A11c~tres), ce qui libère les vivants do ses trac<\\sserics,
etc .....
En sOlnme,
tOtlt
se passe comme si,
etl ~garrl A son
dualisme fondamental,
le système avait particll1ièremcut nn
vue le problème de
la résolution des
conîlits.
Cela
est
d'autant plus vrai que Itorganisatioll de l'llnivers dagarn
prévoit toujours un élément intermédiaire ou de médiation.
Au' niveau de. '~yir" (maison),
la
devanture l~abi­
tée . (cl'i.dori) ,
en
tant
qu"élément de structllration
spatial".
fSst
COt11P.té.e comme partie ':intégrée.".:,â la maison et comme de-
. .
..
. . i ': j
.
..
hor,s.
'dans
r'organisa'tlon·.:.socïaic, .au niveau de "yir"
.
' . , "
:' ;:- '~'.
.".
' . "
.~)
(lignage),
l~ ne~eu (arb~le) cst~n. m@me temps membre cle la
famïlle
et b't~ange'r (~à~ri:i ;'<:' e~'t~:sllan-Yir-SOh"
(étranger-
....." , ,.
~
mcri7jrc ou '.'co:7ÎJropriétair.e~·de·la' màison) et non- "s8an-zawlè"
: .
' . . ' .
(étranger de dehors)
la s'oeur' du mari,
tOllt
en étant une
ÎeEJ.inc,
l'lariéc". hors de' " y ir;' ~ou app'elée à Ife tre,
se présente
cor~ll:lc flpOUX (là ail. son ft:"ère se r'~serve, prp.cisément pour
éviter un conflit réel avec son épouse),
etc~ .. C'est cette
position médiatrice
et
conciliatrice qui
expliq1le
le
t~ôle
de
fl18-1uor8"
(partenaire à plaisanterie)
dans
son doub]1"!
aspcc·t d'associ6 et d'opposê.
. .. / ...
- 584 -

PA!lAG::lAP!lE III
AU POINT DE VUE DE LA FONCTIONNALITE
ET DE LA FIAGILITE DU SYSTE}IE
EtabliT~ la fonctionnalité du système dagôra,
c'est· montrer comment
l'équilibre
et
l'harmonie
des
fai.1.s
sociauxg8:rantissent un certain degré
de cohérence
int~J~np.
et
d'efficacité
(le
l'ensemble.
C'est
consj.rlércr
les
faiis
ciaüs leurs
signi fica,tians pro:fondes par rapport aux aspi-
r~tions eolleétives ~t :leur opi;ationnaliti dans l~ pro-
jet d'iman~ipation'p~~gressivedes masses.
En d'autres
;'
' .
termes,
cela
revient" il"conCronter la
civilisation
dagara
au 'pro'blème de sond~"venir et dU': bien-lltre de la soeiétô.
Dansee paragraph e ,. 'il ;;imp'ort'~ d:e voir si 1 es rone tions

-
. '
>
,
, "
qui
sont- .dé.:volucs
aU";se~in du système dagara à certains
raits,
sil~.ctionnis·.parmi les', plus signiîieatiîs, sont
·satisîaisa'n'tes ,en tant que moyeii'sde rigulation des 110'"-
.
, .
.
.
me:3,
des attitudes,
des-, comporte.ments et des condui tes
1
et
si
elles
s'ipscri~ellt conven~blement dUftS l'opti.qlle
du développement de ln ·.sociit·~ .dagara. Cela permettra cl",
dégager
la portée pratique
de
la
sagesse
du gara au plan
social,
métaphysique ou cosmologique
(1).
a)
-
La premi~re r~f~rence de notre analyse,
sel-a
la relation
du mort
et
de
Scs proches pal-cnts
ou
amj.s,
qlJi,
(1)
Concernant
cc
thèn,e,
nous réîérons
le
lecteur il
'RAI:CLIFFE-BROIVN,
A.R.,. ct: FORDE,
O.,
"Systèmes Fa-
miliaux
et (-1atrimoniaux en Aîrique",
o p . · c i t . ,
Intro-
duction,
p.o
) •.
-
LEVI-STRAUSS,
c l . ,
"La Pensée Sauvage",
ChRI,ltre l
:
"La Science du Concret".·
... / ...
- 585 -

a - t - i l
été dit,
est significative de' la condllitp. du mort:
vis-A-vis des
vivants
~n g~n~ral et vice-versa. Cette
relation chez les
DagnJ;'a,
comme l'é"tude dea
rites
runé-
raires l ' a montr~, est remarquâble .par son caract~rc con-
îlictuel
et
rle
complexe.
Au
terme
dc's' é:'él~brations îunéraires,
les vivants re-
gagnen~.t
l~ société ie~:tr:ucturée, revigorés socialement
et moralement,
tandis qu,,,. le mort
devenu
"kptin"
(ancê-
·tre)
au pl~n cosmoldgique se ~ait "zawli"
au plan naturel.
"Zni:rlè"
est le .terme" qui
devrait,
d~après la logique de
la cons truc tï.on linguistique dagara,
désigner l ' hnbi tan t
de
t1 zaw ll
(1)
ou
"kp~inll ct qui sign~îie en rait 1l1'étrnn-
ger"
quelqu'urI qui ntè~t pas de "yir" (ramille) ou n'est
j
pas
concerné
dans une aîînire.
"Zaw"
si tué
entre
"davra'l,
cour illtérip.llTc
(dedans'-dehors) j
et
"dtdori!l
(dehor.':3-dc-
dans)
est un séjour qui
convient à
ces membres
également.
inté:..;rés
ct
exclus qu"e sont les
Ancêtres.
Du reste,
i l
est il noter que la p'osi tion de
"g5.w-yi lf 1
demeure
privi-
légiée de l 'h8te de 'mar,que ou "étranger"
(sSan)
est ana-
lo:;u~ à celle de "Zaw." :(2). Aussi la relation à l'étranger
('sSun)
est~elle de I).attlre à écl"lirer celle <Jes vivunts
et du mort.
(1) Que l'on fasseo·ti.ècC?uler " zawlè" de "zawla" : vidc, non
occupé,
de, rien,' ou de
lI za'w "
:
abri à part,
étable,
en-
tr~e: >d~' maison·,"L.:on.a·boutit au m~me sens de
"cclui. qui
n'y:est' pour rién,' ;'est.pas' cê>ncerné,
est mis
à partH.
(~) On y accide par la cour int6rielITe (davra) et non par
"cara'"
(inter-chambre~). Cf; Plan de la case c1agura"
Scl'&m~ n° 4.
.
... / ...
- 586 _

. ,
' .. ~
L'6trang0r
(sfian)
a
\\ll1
statut pr"i.vi16gi6 Cll0Z
les Das;ara COJrlln0. 'dans beaucoup de sociétés africaines
i l
est
l'tremendus
ct
fascinans'T,
en même
t(:mps
crain C
ct vénéré,
attrayant et respecté.
I l peut portP3r attcil1le
li lI y ir 11 par s(:!s pouvoirs inconnus,
commp. i l peut
faire
sa gloire et le sauver.
Il peut-m@me se r~v~lnr fils
rlu
clan et memhre de ln ]rarnille.
Dans
tous l~s cas,
i l
e~­
v~ricente les vertus de protection et de s6curi8ation de
"yir '1
et p.et.1t contrïbue,T à" son .:rayonnement par son témoi-:-
gnage.
D'un autre p'ôin t de vue i l ocCaSiOlln e
une
r:lynal11i-
,
sation cul t~'lreiie 'd,è nyir" où. il est reç.lJ, l)n le fécollr:J.'\\nt
de ce qu'autrement '6n irait ch'e~'chcr au loin. L'Ancêtre
.
" ,
,
parti dans :l'au-delà:,,~ '.'Dap~r"·~' (séjour transitoire),
pHis
il . "JiP1m1\\·-Ww"
(séjour définitif des morts).
par les
soins
c1e~ vivant's, par leu-rs ,~~crific.~s, a le m~me statut
i l
est cer tes' nécessi t'eux~'; mais honoré, il devient un pr:rc
(saa~ hie~:raiteilr et 'pr~:tecteur. Nais il est classé dans
U)~ a~tre ordre, à ~';'·rt; J":bi'~n 'qt~"inté'gr~ à "yir"
i l
est.
. .
t
.
.
" l J l l i i s "
d'
.
cl
1
on qUelque' sor e
asslm;L ci
rilllgc
esormnl,S
ans
un matH e
où les biens matériels,
ia propriété,
l'intimité natllrr.l-
le n'ont pIns de
sens
et où rcgne la causaJ.ité symholiqu~
ou relation ontologique par tmion directe.
C'est il cette condition- que le conflit mort r~t
vivants se rp.sol1t.
Sinon
i l menace' d'être
fatal
allX
vi-
vants qui
se
trouvent dans un Glonde conditi.onné 1
g~nér-r:
et dOr:1iné
le monde
terrestre.
I l est liquidé parce quc
le mort est devenu ,autre.
. .. / ...
- 587 -

Ainsi la relation conElibtûcllc vi\\'~nts f~l lnort
débouche
sur le problème d'un ordre nécessaire:
la dis-
tinction d'un mond~'terrestre, domaine des hlens mat~­
riels,
de
la causalité·: phys:ique,
ct d'un monde
propre de
la causalité symbolique,
de la .contiguïté des
~tres ori-
ginaires ou "10 go i il' .'( p~r:.p:les.,; r\\~t·~·ra·.tion s ~'d::' ~tre ~~ Sinon,
aucune di'l.1ec tique, ne 'peut rédüir'" la duali té
de c et te
r,elation.
Nous verrons
plus loin conurient.,
concrètement,
les
Dagar-a vivent l".expérience des
deux ordres.
"
b)
-
La
deuxi~me r~f~ience qui va éclairer 1[1
~onctionnalité dll syst~me dagara,
sera J,a relation de
l'homme
et de
la
fe~rne. Cette réîérencc oFfre un i.ntérêt
part~ctl1ier en ce s~ns qu'elle notts sitlle au niVe~\\l (le
l'union
sociale de
base
et nlet
en
~c~ne deux Itres qlli.
sont caractérisés au planCIO$I'n'ologiqu,e
:
l 'liomrne Comn10
être',.te:"'naire
(dèb ni ,ugbaa-ata')
et la
femme
comme
~I:re­
type d'e 'la génération ,.et 'du temps 'quaternaire
(1'0\\< ni \\1
gbaa,,:'anaar).
Elle nouS permet .donc
d'appréhender la l1Ia-
nièr'e dont ,~e constitue la structure ,vit.ale et dont se
r~sout la 'rencontre dés ~tres1·.~ant au plal1 culttlrel et
concret que du point de vue
de 'l'ordre
fondamental.
-
Dans
son statut social,
comme i l a
été
dit plus
l~aut, l~ .f~mme dagara appara1t,. comme une étrangère au do-
micile conjugal
(1).
Elle parle
souvent de
"sa maison"
(u yir)ou
de la
maison· de son' père; (u, saa yir),.f y pense autant quand
fJlle
évi te d'en parler- et
y retourne dès qu 1 elle l\\ des di r ri-
cul-l;és
de quelqll'o~r1re, notamment dans ses rel,"\\ti.ons avec
(1)
Cf.
les développements pr6cidents sur ce
tJl~me, notam-
ment
a11
Chapitre I I I ci-dessus.
. .. / ...
. - 588 -

','
ln Famille c·onjl.lgale,
singulièrefj]ent avec
son mari
011
sa
belle-l:1ère.
Maintenue ~loign~e des a~~aires de la maison A
l ' i n s t a r des
enîants,
jusqufà Wl âge avancé,
l'épouse
bénéfîcie visiblement dans l'union d'un statut d'inCéric\\lr.
Qui plus est,
la génération d'une progéniture,
la plus
nombreuse possible
(dont elle eit icart&e de la tut~ll~,
mêl:le après la mort du mari)
est pour elle une condition
sine qua lIon de valeur.
Et cett.e procréation,
raut-il
Ip.
souligner,
doit. s'opérer dans l'ordre,
~ commencer par
la clitoridectomie dont l'omission,
dit-on au dagarll,
nuit
â la partu~ltiorl, puis le respect des inter(lits
l'inces-
te,
l'adult~re, l'accollplement ~ m@me le sol nlJ 0\\1 en
brousse,
la recherch,e du plaisir sexuel dans
ln relation
conjugale a~ détriment de .la fonction procréatrice,
etc . . .
-
D~ P?irit'de wue de la propriiti, l'homme ~t la
:fClrtrile ne. peuve:p.t aëio'~t'e~ ,1;ln rég'ime de biens C0ll1nl11l1!3 ct
ll~.ne p~ut hérit'er' 'd~ l~~utre.'A"'Bao-bu-da.a", trKo-dR-tuo"
ct
1IIIo-da~lmaar", le conjoint est,tenu de d8clarer ses
dettes vis-à-vis
de ',sari 'partenaire déEunt,
m~nle si leur-
remise petIt Itre con~entie par le conseil de Famille.
L'I,om
me
est le titulaire des champs
:
de
"la dnba"
P.t, partan t,
de la product.ion qui
en
découle directement 011 par
subs-
titution., r-1~mc l'accès aux greniers' de vivres est interdit
,-\\ la ,jeune
~pol1se, car ,de leu!, gestio~ rigoureuse rlépcnd
la vie de la
Famille.
De· son c8t'é,
ID.
femme rapporte: ses
,
biens .~ s~s parents .. utirins
(de··m~me "bèlu"), en particu-
lie.::'
à ses "mères", il ses tl50eur;:;" , nièces ct
jeuilcs
't~r~resll.
· .. / ...

-
Quant aux relations conjugales,
ell~s sont
,
oarqu~es d'aust~rit~ - domin&cs com~e elles sont par le
souci de procr~er e~ d'&duquer ,~" ainsi que par le senti-
ment général de la' différénce' des', deux alliés
et ml\\me par
.
,
.'
,
",'
l ' évi t'ernent
en dehof.'s: de:,la maison' (1).
Les
tftches péni-
bles qui sont r~s~rv~e~, par le ,~eau-p~re a son gendre :
travatL""C d~~' cha'~ps e.n~·,·li~s~.oci~ti:~nl:culturale, réparations
,
' , ' ".
de case' et autres
c<)nt~·airites··?~' la !rdot", etc., achèvent
d'enlever,toute
illusion à la ,rencontre d'alliance matri-
moniale. ,L'entente, conjugale devient",une bl\\tise.
Tl résulte de cette situation que l'union COllju-
.~nle est déséquilibrée, consta~ent exposée aux sépara-
tions
et ruptures plus ou moins durables,
voire définitives~
C'est dans
cc contexte ·qu'il c~nvient de placer les dé-
clarations de la veuve,
au carrefour,
à l'occasion des
quatrièmes_.îunérailles,:.l·e j~u.r··,de "yaaru"
(dispersion)
i\\nszi leur ambiguj~té a-t-elle .é'té dénoncée, plus haut,
dans
.
" . . . . .
ce dév.eloppemeJ?t.
De' m~me, ltéq~ilibre recherché il tra'vers
le mariage, préférentiel...devient,'.une nécessité au lieu
c1'~tre une raison de facilité, ,comme on pourrait· le penser
aujourd' hui dans
le nouveau con't"exte d' accul turation.
Sans l'ellgagement collectif et rituel
qui l'ac-
con~agne et dont la rupture à la lég~re peut avoir des
conséquences
sociales et mystique's néfastes t
sans la
"dot"
consacrée .en argent,
e'n travaux: et
en bêtes,
des unions
il ·veine consomm~es voleraient ~n'" ~clats, mais il cause d'eux
,',
'l:
(1)
Tradi tionnellemen t,
la îemnie ne .. se promène pas,
sllrtou t.
pas seule,
avec son ~ari ; èn cas de maladie de son mari,
la charge de le veiller revient
en premier lieu aux
tan-
tes,
èOBurs
et
filles' de ceirii-ci.
... / ... '
- 590 -
*
_,
o., -::-.• -:--ro
~
-::::;~;-, •
- .0,.--"" ": '._

" . '
ellcs se résolv.ent· en dissolütions
ct en recommcnCt::01cn ts
".' '
perpétuels. C' est cet aspect qUi;' domine les
disposi tions
r~gul~'triccs' des cô~fli:ts' conjti.·~·a·~, ,qui de cc -rait, va-
.
. '
1(, .'~ :{
lent.com~e· formes d~ contrainte;~u'elles agis~ent dans
,
.;':'
le sens du maintien~de l'union '6~ du, retour - avec les
~~i&gatio~~ de conciliation - aJ;'~oment des rl~n:arches
',J.
initiales
(p0\\<"hob)
(1).
La rencontre ete l'homm~ et de la .femme occasionne
un nid de conflits rée~s ou pos,S!ibles,
dont la loi,
la
religion
et les' nouvelles conceptions de l'amour ont
con-
tribué
de nos
jours à atténuer .les. riguel1rs
sans 1~8 sup-:-
pril:1er.
Cette union l6i;,n d'être avant tout
le produit
d'un
consentement
libre,
se présentc'traditionnellement commp.
J.e îai t
d ':une alliance nécessaire,
imposée par la
trDdi. t.ion
ou l'ordre social
et qui·.requiert la soumission de
la
f'CIlI-
"'e à l 'homme.
Il appara'tt clai.roment ici qu' inrlépondem-
Elent des variations de,y contextes qui peuvent êtrp. plus
ou moins favorables à' l,t,union,
des caractères
et
des
con-
?-u'itcs individuçlles,
l'a fonctio..~· régulatrice des dispo-
si tions so.ciales codifiées est ~,nsuf'fisa~ment
efficace.
,
(1)
La cour officielle ,ou "reche"rche d'une
f~mme" (pow hob)
SB
rait traditionnellement par dilfigation envoyén DU-
piis des parents de la r i l l e et dont le mari prisumi est
aasent .. Elle est à .distinguer des compagnies galantes.
En 1985, un jeune pr6tendant a
essuyi un ichec pour a-
voir !l'osé se pré'senter lui-même"': aux parents' de sa pro-
mue. ·11
est vrai qu,'il
avait' déjà·eu un enfant avec
ccl-
le-ci
et qu,fil
existait donc,
en plllS
de cette conrluiln,
une rai'son de t i t i g e .
.. .J ...
- 591 -
!
1
,
1
1
,. j.

En recourant fi la cosmologie,
sorait-il
possil,lc
dtappréhen.der
la
forme
de
cette illlion élémentaire
qui
ap-
pai~a'tt comme le prototype de toute association ou orgatli-
s~tion et finalement de tout ordre social ?
D'abord,
que représentent
l'honane
et
la
femme
da~1s' la proccsssion COSn191ogique ? En résl1mé, on peut
ra~peler que
:
-
l 'homme est uri ~tre ,du temps ternaire jailli,
:Jelon la
spontanéité
dù princ".ipe·,
de la génération ·cosmo-
g?n.ïqu(.),
témoitl authentique
de
l'origine
ct
donc
premier
du couple H.ornme-:-Ji'emme •
. -
La Femme
est
un ~tre du temps quaternaire,
carac
t'éri~ée .pa.ri~ ,sa.;·proî9~dèur mystique et sa f'écondité, secrète
".
;
ct
~ivine.en tant q~e créatr~ce' de mondes reprenant à son
co!:1pte le pr in.cipe "~'o'smiquet maïs hypothétiqne et aléa-
1
toire,
parce
que pr~~].~matiquei~~tre secollfl,dollt la valeur
c~t conditionn~c ~ l~ ~&~li~ation sp6cifiqttc de sa natllre.
A~nsi appréhendés selon leur position cosmologi-
que,
l , H0I111ne et la
Femme n' appa:rtie:n~lent pas au "même mon-
de".
Comment pourraient-ils
s'l.1l!-ir
sans
que
leur
relation
rC~:Jemble à celle de l' enîant qui II·~, est pas encore" et de
son g&niteur qui
est
6~oulu'? (~). Et, a\\l plall ctlltllrel,
(i)
Effectivement chez,:les Dagai-a"
le mariage préférentiel
cOllsacre. dans
l ~llne de ses '"formes,
l'union
"du père
et
de la fille', 'Ii travers ce1'1~' du fils de la soeur (de m~
Iil"e
"b~il~".' qll~. l ~on'cle" mater'û~l et donc assumant la mêm(;
paternité, tûtelaire)' et de "la fille
de son frère
(cf.
Schéma N° 2,9 ':,
page
55 2 ').' ,C
· .. 1 . ..
-
592 -

les
disposi·t.ions
socia·les qui c"onsacrent le mariage,
re-
."". '
produisent cette infériorité dé~1a femme par rapport à
l'flomme.
Cr:-éée pOllr~an~.. elle aU,~si, en tant qu'~tre humain,
é;lu
temps où. "saa"
et. ·1l.T~gan!l "ét~ie~t toujours unis et où
les hommes. se nourrissaient,' d',~près le mythe,
de
nonrri-
ture céle~te, ?e par sa nature~,'felle' ne trouve son ac1l8-
.velîlcnt que dans un temps· suppl~~'entaire. I,'interprétation
du t'3mps quaternaire comme
temps
cult~el et mystiq11e
c'cot-~-dire de reproduction de la g~n~se du monde,
rt~ pCt"-
pétuation de la création dans l.'ordre,
de devenir
ql1i
prend soin d'endosser le principe cosmique
-
fi
beau révé-
1cI'
que ce ·temps concerne à
ln. .fois l'homme
ct lit.
rcmmù,
et n18me tous les 8tres
en tant qu'ils sont allimés,
cela
ne change en rien ni la
situation'
sociale r~serv6e
2t la :femme ni le sens de son union avec l'homme.
En cherchant plus loin.,
on se rend comp'te que
ce schbnla d'union remonte aU"couple gémellaire:
n'est-ce
pas sur l ' i n i t i a t i v e ne "Saa lt
com;nandl~ par "}twin" (nieu)
t
q:..'!.e "T8gan"
se trouve fp..condé
? "Ainsi t
c'est l ' homme qui.
"cherche la
fe!T1me"
et qui
a
l ' i n i t i a t i v e d~s rapports
oe:::1.1ols.
ç'est lui qùi
a
le pou~oir. de mcttrp. en l.\\l~anlc
le:J' puissances supérïelires,
nota.mment les Anc~tres de "yir"
èànt i l est,le pr~tre.
c)
-
La,question de l'1U1ion de l'homme e1: ,le la
f'EH~une débouche·,·donc. cOJ1:'me l'analyse de la relation "mort-
~ivantsll ~nr u~ pro~l~me' d'ordr~,. et sa r~f~rencc uJ.timn est
cos~o'log"iei~e . Ainsi. Se trouve privi.légié en définitive et
IJD
pratique le sch6ma d'organis~tion cosmologj.ql1e dans le
probl~me de la femme et celui d~ la culture .
. . ./ ...
- 593 -
.,i.',
,-,
, ---'1'

I l y. a
aiT"\\si·. une.. ,contr~~ic.tion
en
soi A.
prendre
dcu.;~ fois le marne élément, à s"avoi·r la référence (011 phéno-
mène)
cnlture~le, en lui 'do~ant .d~u.x ·valeurs opposées
en
.faisant dl elle il la fois un él'ément naturel de sériation
cosmogonique. et un
fo~dernent' spéct.f'iquement cul turcl ; en
lui attribuant tille première' lois }.tme raison dl infériori té
et UlLe 'seconde f.ois
une raison de:~upériorité. Et cette ca-
raci6ri~ation' ~mbigti~i'dont l'origine remonte au moment r11Y-
.
.' oh: ' ......
tllologiqu'e,
e crt:, ~a n
f. ·e·j,:_·historique de l'organisation spa-'
tio-temporelle"de
l 'l~nivers dagara demeure comme norme
transcendante au.nivea~ de tOllte la culture dagara.
Positivement,
elle va déîinir
la possibili.té du
j eu cu.,! turel
et de toute médiation dans
l'organisa tian,
et
fli..lssi
constituer la marqtie "de tout
être in termédlairp.,
qu'il
.
.
des
::;'agis3e de l'espace,' rlu temps
(1\\/personnes,
etc .•.
j·lais
négativement cette C()Tltradic'tiori crée l'a confusj.an du poi.nt
lor6::.~ :'"'l~
, . ,
rie VUe logique dès/qu 1 e 7·J}:<:,"., transpose l'ordre <1e la nature
cO;:li!1'3 ordre .d'p.'l'a culture"
tout en.admettant la
difrérencp.
de ...... deu.:-:,
en principe
(2).
Les
Dagara s'en
doutent,
ct
cc
nient pas pour
rip.n que
la
"confusion"
(tule)
cst apparur~
A pl.ùsieurs 'y.eprises dans ce développement. comme la îa.u1:p.
fond6Mcntale'et

cause irr~nlidiable de .pcrrlition.Au ,-ctlnUl-S,
ia··~:.)~~ii1t~~~c, pa~ l"a:'menace de. mort qu'ellp. brandi.t, une
:. "
(i)
Cf.
Ifaiù'lyse de·l'univers
spa·tio-temporel
rtagara
au Cha-
pitre
I I

Slagi'ssant des personnes ,
nOlis
avons d(~j<l parlé
du neveu
(arbile);. de l 'étranger.{sl1an),
du parent "
plai-
santerie .. ( ll'l':'luore)
et' de la femme.
(2)
I l semble que le IJroblème qui divise actuellement ceux rl"cs
Dagara qui
acceptent
que le·n0'!1 Ti1atrilinf.-aire
(hèln)
du pè-
re
{et non
celui
de la mire comme le veut
l.a
traditioll)soi 1
donné .J
l'p.nfant 'et
ceuX qui
s'y opposent catégoriqueml'?-nt,
puisse trouver i c i un
éclairar;e.
La première attitude con-
.si.ste cl voir dans
cette pratique une réali té culturrd.le
-
ct .llon naturelle -
ct
A. la f.rai ter comme telle,
~n fûnctio
de l'évolution.
. .. / .
- 594 -
, .
~
. -.-' .... -;-- -,-
. '-'-.7:' ,.~. _ .•.•-
•.
+

précaution ultime en faveur d'un ordre "naturel culturalisé"
qui ne petit se justifier autrement.
La sel.1J.e Jl1stirication
~ossibJ_e de.cet ordre, c'est qu'il est luj.-m~rne cosmique,
transcendant,
et n~c~ssite que l'on soit cOlnp6tent pOllr J.C
i.:lanipuler.
Tl
implique un
recours
à l'~nspi!"'ation des an-
ciens et dcs de,'in~
alJssi
sa
ccinsicration
dans
l.a
struc-
t~tre sociale' est-elle "la "Tradition, la gérontocratif? ail lr.~
-pouvoir des
"nt-bèrè" (g-randes personnes,
anciens).
Par;:.·. sui:te
de
cette
"con:fusion"
de
départ
qui
passe
C01;l\\i,e
princip~ d'organisation structurelle et A cause cl 1el-
le,
le syst~me' d~gara se trouve contraint cie r&sollrlrc J.cs
ca3 (le perv~rsion, eu ~gard donc à cette transposition d'un
ordre cosmique
~t naturel dans le domaine culturel.
Il
i.ns-
titue pOtlr cela des
rites,
tels
"Di
tule",
liltéralement
:
"Nanger l'inversion" '.··c' est-'à-dire l'assumer.
Par Cf; ri te.J
<lU=-':'
eff'ets sans
doute limités dan'~ l 'espaCf'~',
l 'orrirn
des
Allcien.3 peut êt~e brisé par des j~.l.mes qui commettent ai.nsi
t1.!lC
fante
contre la gérontocrutie.::;"sans
encoar.ir
d'atlnq11As
I~lY.3tiqlles de l'a part des 'Âncêtre3'~' Dans son nr licle (1) ~
SOI·1E P.
Achille fait
une analyse approfondie de
cc rite.
Dans
le mêl::e sens,
on peut citer les rites de
rétractation dOI11:
le
"rappel
de
la parole
donnée"
(de
la
bouche)
(2).
I l
s ' a g i t
"d'on.:,Lcver" 'l.;l!1e 'parole maléîïque "~u. un ordre posé,
rIe se
puri~ier d'tln~'souillure contract~e~'Clest J.e cas (Je la Ve1JVI~
.... "
,
( 1)
SOl·H~ 1 P. A: 1 fi Di Tula '.' ou "Ha~ger .1 ' Inver s ion en Terr e
Dagaratl..::,·L'auteur:·:écrit "tulo!'
(tule)
en dialecte
"""ulo"
(,;iile)J~op. cit. .::
.
(2)
Cf.
Partie· I I ,
CI~pitre I,Paiagraphe 1-1, a propos ~e
ces rites.
· .. / ...
- 595 _

..~ .
le bain puriricatoire qui
.
.
,
sort'à recIIIQns rie
de natte co~jugale stlr laquelle elle se tOTlait,
ou cracllc
l'cau farineuse
que ses tantes paternelles lui pr~sellt:(~lll
(;:1. la fois
pour
alimenter
son mari
dé.funt
et
pour
S~ p\\iri-
l î er)
(1).
Mais
du
point
(le vue
de
l'ordre naturel
et cos-
I:U.qU8
tout
cornille de
l'ordre
culturel,
le
ri.t~ de
"Di 1'alo"
p.!.~éscl1te une contradiction .condo.mentale
i l pr8ne le re,let
do l'ordre
traditionl1e].
~tabli all pro~it de l ' inrli.vi.dl1<J.li.~m0
social
c 1 est un sal.lt pér.illeux,
du point de vue
du
systAme / .ne mêlllr!,
les I~&canism~s de r~tractQ'tion et parfois d'exorci.srnn pr~­
:Jc1l';tent llne
contradi.ction
ess(~nti'elle dans la mp.sl.lre 01"
i.l~3
considèrent r' ~tre .en relation en même temps commP- mOllad.;
ontolos;ique ou ipséi té pure.
Leur réali té nous si tu~ sur 'ln
~la~ o~ ne son~!'p~~ p~is en compt~ les engagemorlts, les tr"al1S-
formations,
en somme ,le ';devenir 'autre" d~ l'existencc)qlli
ca~~ct~risent le plan culturel. d~, de par la m~me contra-
dic'tion- orig!.n.el1e,
c ~ e,st .pa~r l es: mêmes enj-enx économiqH es J
pol.'itiques,
.religi·eux,
soc~aux, etc. t que l'être humain
acquiert
dp. la valeur.
~insi, qu'il s'agisse de la" relation mort-vivant,
de. l 'union co~jugale, de l'ordre social et cultuTp.l,
de n' 1m-
.,
.
~ortc quel engagement, l'associa.tion n'est possible qH';;' la
f.'aveur du principe
rio
.1'assimilation sans
II co nfusion"
d.;
l'l.U:l des
élément.s
en présence.
~lais celle-ci n'élimine pns
(1)
Ces rites
ont lieu A "ko-dS-tuo"
(troisièmes
rllrlérajlles)
et sont repris à
"l{o-d:t-'maar"
(quatrièmes
fnnérailles).
Voir Partie II,
Chapitre IV.
, .. / ...
- 596 -
.•... _..-. "-.-.:."'

10 second qlérncnt
en tant qu'il est lui aussi ipséité:
]~
cluali:::mle persiste donc
et
engendre des manifp.station~ COll-
J~lictuclles,qui peuvent se sit~er li différents paliers on-
tologiques.
D'où le rcéours dans les cas graves COmme celui
du con~lit'cntre vivants ,et mort ~ des rites qui font int~r­
venir les forces
supér:ïeures
(l'fwin,
Saa,
T5gan,
Kpîmn)
au
proEit des vivants,
en.,p6sition de faiblesse.
PARAGRAPHE IV
QUELQUES CONSEQUENCES PRATIQUES DU CONFLIT
COSi'10LOGIQUE DES DEUX OnDRES.
UNE RAISON
,, ,
DE f'AIBLESSE DE LA SAGESSE DAGARA
1.
-
Ji'i"rléi'srnc
et ..imatérialisme
a)
-
Le comporte'ment dagara
est révélateur
de deux orienta-
tio~s oppos~es. Par un cat~ il accorde la prilnnut6 â l'oJ-i-
0i.:11.0
:
il 11 l'-hd.n"
(Dieu),
8.1X
Allc,?trEB (I<:pîmê)
el
aux
puissunces
cos!J:1ïques
qu.i,
en
tons' temps ,et ,en tous
lieux, sont celles
çai'souterlclen1: la cr~~tj.611aBscendante et J.tli. insllffJ.ent vie
ct d~~l1.amisme. Cette association tend à assj.l!liler les ê tr0s
.::....
la vic du créateur e,t t par là
à les rapprocher de lui,
t
dans Wle onto,génèse mystique qui a
été idcnti fiée
ail plléno-
;:;~ne
culturel
fondamental.
SOllS
ce rappo~t les ~tres qui sont
en relation
constante et universelle entre eux par l ' e î f e t de la caUSél-
l i t é
symbolique
peuvent donc
aspiI."er à l'union 2l.vec les
· .. / ...
- 597 -

forces
sup~riourcs, catlses··des· llet~S et malrl~llrs, rTes SIJC-
cc2s
et
écbecs,
ainsi
qu'au' plus-être par la
foi
et .l'lI cn -
'::-or,cerlcnt" mystique.
I l
conv.ient
seulement. de provoqup.r lél
relation symhoU.quc il c«t erfet.
Sur cè premier axe,. le Dagara clébollCh~ sur 1111
·J.'idéisme. pro fond
riont i l nous
est
dirficil~ de j1lge:r ici
de la valeur. On pe'lt sel11ement constater les &Cl1CCS dans
le passage du syml)oli~ue a~ conc~e~ et slj.nterroger avec
A.: "H'.DAH sur .. lr:ur cause : ~:.lagit"':il·dlin3tl.rfisances des
l!1écé.i.ni.smes syrnlloliques ou d'une impossibilité
ct 1 influence
du :JYi:!bolique sur le ~lan empirique?
(1).
à",";
.
En tout cas,
i l
es t/ret:enir. que
l'éclosion rlu
sentiment religi~tlX a~ dagara â L'nv~ne~ent dll christiani.s-
me, .'dont le H. P.
PATERNOT nous
parle
dans
son
ouvrage:
in-
titul'é
"Lumiôre sur la Volta"
(2),
n'est pas
un
fait
du hasarrl.
r~llp. correspon~ a. l'apparition sous un jOl1,:", rar·-
ticlilièrement
ensoleillé d'un modèle de .représ0ntnt.i.on qui.
s 1 ide~tirip, singulièrement à celui que le [lagrtrn se (1onnl:
etc l iunivers
et de la,.rel'ation À l'origine,
rJitns
la
foi
ou l"union symboliqu~'>.A··.cela s'ajo~te.qu'en rérlllisnnt la
crainte de
la
fallte
c~~tre les puissancc~ COSllliqu~s 0t Iii
les
sanction~.~
. ",.'
(1) NDAH,
A.c, ·"Pm18ée Afr'i~aine",,"iop; cit .•
(2) ·R.P.
PATERNOT,
"Lumière sur la ·Volta.
che7- les
Dagrtri",
Paris,
Associat.ion des Hissio~n.aires d'A-friq1tp.,
19~J,
". 2 SIl P~ges •
. .. / ...
- 598 -

connei enc(~s et sHsci tJ
un .véritable épl1t\\ouis.">C!nlp.nt.
i\\lItr(~
chos~ est qu'elle ait:pr~serit~ ~oute la culture clagara com-
~ilC une erreur et une c~use de per~ition.
b)
-
Dl lill
autre c8té,
un second" axe de la conduite dagar~
débouche
sur ·un matérialisme radical
et impitoyable pour
la
pcr~onnc socialement ihcapable
qui, a - t - i l ét~ dit,
est
déclassé
..dans le groupe
]. 'ave~glc, :l·~· lépreux 1 l' impo tant,
.sO!"lt
copieusement moquée.
Le handicap p~nysique en vien t même
ê1 empêcher d'accéder au statut
cl'ancatre,
quand
i.l
s'agit
de malacfie inf'amante
(1).
Concernant les allusions malveillantes au cOllple
l~:all~bureux, "a.veugle et léiJreux", dans les chansons, IP.5
l)l'Ovêrbcs
et les
dictons,
i l y
aurait beaucoup
à. dire.
En
voici q~elques cxemple~
-
"Z8w l.)(~ nyèrè kè cien daa 11 ....
(l'aveugle,
llon
·.rayant sten est allé au marché
(s'endetter); ... ~ en musique
de ùanse populaire
-
"z8w calu', calu" ou "z';"r kpola kpola"
(aveugle
o.~::·~y;eID: gra~d oùver~:s,~ ~a~'~ non voyants ou
aveugle a'L~ yeux
enfo"11'cés) ~
p(Jùr parler, .de·" quelqu'tin 'de ·non a v e r t i ;
.
.
....
_ . '
....
'-' "s'!'". ~8w_:u var'è zièrii"(réveiller l'aveugle qui
viùe,'l ff pot· d~.::,.'~â.~uce '::~'}'m'e':t, .bouch.é~s do~thl es"), c' es t -A - di t'C
in-r~I1mer quèt:qu,'un qui- Si emp.resse.,'plus que de raison j
.
"
-; en proverbes
:
"Bè bè .. nèbr z6",,. )Tuor gbaa-yi
r~"
".
(on ne piétine pas deux fois le membre d'un aveugle),
cc qui
(1)
Cf. Partie II
"Géné'rali tés
sur les
funérailles" .
. . . / ...
- 599 -
.-
-._--
~:-.--
-.~

.:..
. . ,'
r",p~~lle que chat ichaudé crainte.au froide. Ou encore dans
le ~8me sens
"z8w h~w dAw -mi kaba, "è a bièrn bè ,"'a hi ~II :
(",u.preJ:üer 'tour,
les haricots
que prépare l'aveugle hrOIe.nt,
mais au 'seconrl
ils
sont· mal
cui tS'I~; (étant prérnatllrémen t
descendus
du
feu):
"un homme averti
en vaut
deux"
On en
dirait
autant
du liprel~ (k6w)
"1(0""
kpul.:\\-
l;:pula" 1
"k8w ma rwara"
"lépreux au corps bOllrsOl1rlé
et PIl-
trcsccnt ll •
Pour signifier qu'un bie~ est hors de la portée
do quelqu'un,;.on
demanflc
si c'est
"le lépreux ou l'aveugle
qui '.1 e l:ui donnerai t"
:
"ke"f bi Z8"H nu naa ku li ? fi (1).
Avant la desc'ente· du cadavre dans la
tombe,
l 'officiant rl(~­
,:1andc à
"T~g~n" sa .p~nétration :
lIK8,~~ ba"",, ; z8w bow, sowlll
nn bè yel kè
~è so,.,lu a bè i
bar.1 zaa
i"
(fosse
de léprp.uy,
.fosse. d'aveugle,
i l ne; s ' a'gi t
que· de cacher <le ln pO'll~.ri ture
.
.~:.
. ' . .
. . "
~'~.'~
et.:t:'"J..en d·al.t·tre)~, .f.'ormulé sans do'nte d'excuse à
"'T'êgan"
1I0Ul~
l'a~;te.du viv'ant qui, .saris ~enc.>.ncer'à la vie terrestrp., va
dcv:oir descendre dans
ses
et'!tr~ille's pour accomplir l' en1J~r­
rcméilt.
M~me "kp1in" n'ichappe pas à cette moquerip.. t.",nt
qu'il n'est pas ~arv~nu'A. l'erficacit~ de l'Anc~tre
"kprin
"pla br., yaar u 'lièb 'kp1in' sèla ù fa 'fu 'è"
.
"Bois hl",nc"
(i",p~Iissant),pourrait devenir "Bois noir" (accompli) et te
c e
prov~rbe prévient des changements sociaHx (,,-
vora1Jles
qui
peUvEnt conr.érer
des pouvoi-rs
nouveaux .1. des
( 1)
Noter la consonnance
rIes delL",{
termes,
qui
~xprilll~.h.i.en la
complémenta~ité et' le comble de la misè~re
"k/1w/zôw lr •
- 600 -
. ../ ...
'~
·,r
.. ~
• • • , ••• -
. . . . . . ,
op

" . - . - : " • •
~- .,.

parsonnes .précédp.mment incapabl"es soit pour lenr j ~lInp.sse
ou J.eur manque de
fortune,
tout comme
"kpt-pla"
(nois hlanc)
devient
IIkp~i-daa" (Rois". ance'stral et symbole de l'ancêtre) ..
Dans la Deuxième Partie,.une intcrpréation cri-
tique a
été·'donnée,
dans
ce m@me se~s,
au piétinement do
sym-
bole du mari défunt en tant qu'lltre naturel,
SOllS
forme
de
pai;lle blanche,
au 'carrefonr,
le
jour de "yaaru"
(dispersi.on,
à 1 '"issue des quatrièmes ftmérailles ou uko-d&-' maarl!) .
Cette "mani~re de traiter sans C0111plaisance les
incapables sociaux n'est pas propre seulement aux
Dagara.
On "la rencontre chez des peuples voisins
tels les 1'-f053).
les
:Jambe.ra"
l"eo5
nabo,
pOlU~ ne citer que ceux~l;;. Elle 51(~y.pl.i.­
que Pi:ù.' le fait
que ID.
causalité des phéJlomr~llc/i naturels
()st
commandée par les puissances supérieures créatricl}s
et que,
.
,
par~ant, le mal est t~ne sanction.punitive découlant d'une
fa~te. Dans la Rible;
les Pharis~ens' n'interrogent-ils pas
le'Christ à ,propos' ct l,Un paralytiq'ue
"Qui de lui ou de ses

"
1
-. :
pé·Ché ']"
Çependant i l "ne se:r;ai·t pas
exact
de
penser que
les infirmes 'sont conspues chezb~s Dàgara en tant que per-
sOfules -(nisa'al~). Cei'a' serait dii-e'ctement en contradicti.on
<
: , .
<
chI" reste avec
lp. sont:iment 'de solidarité dans la
faute
et de
respect <10. il l 'lltre humain
(nisaal).
De ce ,point (le V'H' 1
les
1"lloqueries s' at tachent plu te t. il 1""' inr"irmi t é qu' n l 1 in rirrnp. .
Mais ce qui
est cortain;. c'est qtle·cette
oxi6~nce sociale
rencontre dans
le système dagara tm fac,teur
propice:
Cf p.st:
l'impératif de créer ponr se valoriser, qui
s'cnracin~ jus-
qu'au plan de l'organisation
cosmique de l'univp.rs
et qui
"i~:lpo3e la. condamnai:ion du stérile.
. .. /' ..
-
601
_

1
~' . '
Une autre forme
de ce matérialisme
dagara ponr-
.:..-ai. t
~tre encore recherché'c dans le r~tour S'YS téma tique dll
,::on ,s.:111.5 le-quel' la relation amicale trouve sa
rin.
Dien que
;,JOUS
ayons
tSché d'expliquer,
dans 1':1
I(~'rc Partie, en nous
al):)uyunt sur )-1.
't-IAUSS, 'l'auteur
de
!1Don ct Con tl"e-non " ,
que
C 1 (}st l'essence du
donateur et non l'objet qui
est concerllé
que c'est de l'3tre e('npn-de l'avoir qu'il
s'agit,
il. COf\\-
vicilt ici de préciser. ql1e dans cette occurrence,
le Dagilra
!Je trouve au c~rrefour de deux axe's de praxis que nOliS avc)t1s
déj.\\ 5j.glli'l1és':
l'axe de l'crricac'ité symbolique
ct mysti-
que
~t ~ellli '.de· l ' ef~icacité pratiiq1;t9 et empirique. Il i.m-
f-lortC
de sayoir comment se faii:
son option.
Durant les.- qlla'trièrnes
funéraill(~s (ko-d1\\- 'Illi.lar) 1
3ll
cOur3 pr~ci~~nlent d~"rite' de transfert d~ tlltelle pntcr-
no'~J.lo, lorsque' '~e me~~'~~~; 'des ?~Ph'elins, chargé de pOI~tf~r
"
.~'
'.
1
> •
r:. "DE!par" '(séjotir tr~l';i"t~ïr'e de's ':inorts) "dft-kuor" (1) .J
revient, .!,,:c;itiJc'iant s'1'étoI1l1e de le voir cléj,;
de
;', '
donne' ainsi,":"i:'~'c'casion.~,~:celui-ci de pr~ciser
Il
DLl~1ar" n'est pas loin, c'est,··I ..~('6ù est déposé "Kpti-clail"
(Bo:Ls ancestral)"~ Cet't'e explication dont l';ullbigüité est
;J2.nii'estc,
signl.flc sans doute l'i,ntégratioll
rIe 1.' Anc~tre
.:t la 17al~illc), hien qu'en qualité de "za,... lè" (2) ~
F.t,
,.;
ce
tit:~(}, olle postule les relations. d'ordr~ rituel qui rt0vront
(1)
"f)~-}ç::uor"
résidu' de bière de"mil au
troisième jOl1)~ de 1[1
"réparation.
(2 )
"Z aHlè"
non concerné
mis à:,.'part
;
terme que nOllS ap-
pU.quons "
l 'habi tant de "Za,',"- ,ou "Kp'ti-daa"
(symhole de
l t Andltre ).'
,--'
,
... 1 ...
'602' _
-' .-
_ .
.., ....' - •···.. ··r·

,." .
'./.'
sc Glaintenir avec
lui.
Mais i l convient
r::le m(!ttr~
ici
~n 111-
.:tJ.8r.e que
cela peut aussi
signi:fier
(cf.
le
ton
ironique
du
:'.
messager)
qu'il
ne
Caud'.'"aî t
·pas chcrcl1cr autrement 11 au-deI.,
que dans l ' ie i - baB ou ··vpuloir vi vr e
au t r ement
q1l' en
sc
sou-
;-,:ettant hic
et nunc à l" ordre cosm9goniquc
-
ordre
d~ .1' Eros -
tant8t sous sa ·farlne t~~nscendante et Inysti.qlle,
tant8t sous
50. .forl:lc matérialiste
et
empirique,
mais
tOl.ljours
en tant
q~l'ort1re de création culturelle. Concrètement, c'est par l'cf-
ficaci té. pra tique empirique que l'homme va tl ccéder r' l ' ~ r-ri-
cacité symbolique
et
essentiell!'),
mais cette dernièrf~ qui
découle
de l'ordre mythologique
(ou:.cosmologique)
est cepen-
dant' reconnue comme supùricurc et devant commander les
con-
duite".
Il
en résulte que la production et le t-rava.i.l se
.','.
tro~y,~nt dévalorisés ap!,~s t)tre apparus comme la sourcp. d('!
grandeur .( 1) .,
. ',~
-
....:'
. :/':~
·AII·.lieu d'aboutir à tini;,f<Ïéologie
capitalist"
comme. l ' éthiqu·~ . ·protes t·nnte (2) qu~·. elle, s' inves ti t pou"
le succès rnatéii.el
en ·.vue de pro·uver la quali té
d' élu de
Dieu~~': la Pensée ,:dagara ""al)outi t à uri mauvais matérialisme qui
ne s r oblige~ pas à réus~ir,
parce que c"ela n'est pas
l'esseIl-
t i c l '
qui,
tout en exaltant le travail
et la
production,
a,,-
-tol~ise le gaspillage au pr'oîit de ce qui est considéré COIl1I!le
l '9ssc:aticl,
n savoir la vie hypostasiée et fascinante, d'oll
l~1 vitalisme désadapté dont l ' amplii'ica tion ou la général i-
sation est recherchée par
la relation symboliqu~ :
sa voie
(~I effet.
(1) Cf. ci-dessus, Partie. III, Chapitre III, Paragraphe 5 pour
le
thème de
l ' auto:gù'ilèse par la 'pro duc tian ~
(Z)
Ci'.
:,,rEBEH,
J!.1ax,
"~"'Ethique Prot.estantfJ et 1.' Espr:i. t du Ca-
pi talisme",. Plon.· ,1965.
. .. / ...
- 603 -

Dc 'la .sorte,
le. Dagara,' en vient'; 8tré
un cro-
'.
:.r~a:i1t qüi privilégie la -fortune et Un mauvais rnatérialistf~
qu~ proc~de atL gaspillige rle ses biens et de sa san1:b
i l
::.;'illt'eyait d'accumuler.>les rich~sses et,
i\\ l'uccasioll d~s
l:'i -tes COi!1mü l ' i n i t i a t i o n
(haor)
et
les
runérailll;~t
i l
pr~o­
vaque des hécat6m\\)~s de l)~tes et englO\\ltit des fortunns en
ré cal tes
et
en nrgeni:
(1) ~
Souvent les
îlU1f~ri\\illes succ~rlcnt
au...:·: îtu1f:railles,
parc~. qne les épidémies y
trouvent unp.
\\'oie
c1c propagation" facile,' et i l n'est pas donné
n tout le mondr.
CL,,:":
revenir
du
"règne de la mort" à",la vie renouvelée.
Ainsi
.:l'a-:.;t-on pas
coutume de ·dire que
'.'"les vieilles personnes
s'attendent" pour" mouri-r,
dans .J_a ..·~esure
Ol~l Inurs dispari-
tions
s'encha~ncnt, au sein ùe la ~~me Famille.
.•', "
:. ',~
vie~' de groupe·
Si 'nous
corisid~rons les associations sociales
ü2.g'El.ra,
c'est-Èl-dire
tou1:~s'activités de ~rol1pe organisé(~.s,
ayant. des bl1ts pl~écis et une e};:istence plus ou moins durahle,
cellen-ci
sc r~partisscl1t en trois grandes cat~gorics rl'apras
J.eu:;.-· origine.
L'examen
de la vie rie ces associations
rAvèlc
des
cara.ctéristiql1es de
la mentalité
da~~ûra et met égal f'~m~nt
(1)
Ï l f,aut
c'ompter les hovidés
énumérés
;;\\
l ' .;nrlroit
d~s
of-
"fr:~ndes ri):.ne)..les"·:,..,,da~·s··la'DC\\lXième Partir~ 1 les gerbns dr!
mil-et lc~'~aniers)dri"cauri~ de l'cxposi.tion (Jont il r6-
s.ulte des·.per·tes impor:-tantes,
~t aussi les poulett1 ,q chaqu
'ôtape de
tlbao~lt' o.u .. des.:Îtméré\\ifl'c-:s
(cf'.
Girault,
in
null.,
de l'D'AN,T.xxI,
1959, ·op.
ciL
).
· .. / ...
- 604 -

j
1....
j~
::;..il
lWll:Î.Ô.i:""ü
un conflit rlQ. l 'orcl.r8 cosmologiqne ,:!t d~ l'ordre
c~':..llturcl, d8s fins
morales
et des
Fins natlll-cl.les ou tp.rt~f;s-
-',Les assoçiations primair~s servant des
fonctions
fOllrla-
D0:i.lt~leSltelles les associations initiatiques de "bnor", cul tll-
l'al.es
(Icob),
funérairp.s
(kuor),' etc-.
~1) - les associations ~ Conrlem~nt transcendant nIais S~collda{rcs
in\\l~ r,apport aux· première~f" p~rce q~~"elles intéressent plutat
lë:l s~perstruc.ttire que la s:oci"été d~. bas~ dagara ; elles peu-
~"'8nt l'n.--oir pour fondement les croyà'nces judéo-chrétiennes,
185' :i'c1éologies· ou
options pol'itiques,
les volontés adminis-
tratives,
l'entreprise capit~listcf la fortune)
la rnnornnl~c
:)é;lr "'e;~:e~ple, :~~s orga~~sations catéchistiques ou dfanimation
~cl{gj.euse, t,elles la Légion de -Narie
les
travaux collectifs
(Jolll~nées de Il.Arbre" réfections p'ériodiqucs des voies publi-
-:Iues)
"culture au
champ du cher"
(Nâa pOo kob)
(t)
los
1.n-
tel-.yentions capitalistes)
de sources
t.·trallg0r~s, tp.llcs lé\\.
C.I.D.~~~,
les
"SIX S",
la Caissc Populaire,
etc.
c)
- "].es assoc.iations populaircs tertiaires
bien qu'elles
pui~Dent émaner de la con~ciencc collective dagara 01.1 d6cOlIJ.I?r
cl 1 cns·ciZl1.ements religieux t
de
l'informotion poli tique ou ad-
::1i.aistrativc,
elles
sont remarquables
0TI
ce que leurs l1lc:nbt-es
(1)
N6~sous 1 t ère cOl!onialeau profi t des chefs de canton (d' 0 '1
·son nom) '~u d'alltrcs in~erm~diaircs de l'Administrat:ioJl,
cct'te sorte d'associatioii est" demeuréc,
avec moins de suc-
'cès'~ sous l' app~llatio'n de " s 8\\·rÎu" (aide i:l tout rcspon,salJlc
local non
r.émunéré
dont les fonctions
handicapent les
t:ra L
t
vat.r.: des
~hamps).
..
... / ...
- 605 -

'., .
)
s'unissent pour des fins librement recherchées, notamment
d'ordre économique ou encore 'social,
et qu'elles ne présen~ ,f.
tent pas de caractère de contrainte vis-à-vis de la conscien-
ce collective. Les associés sont conscients qu'ils n'ont
de compte à rendre à personne en dehors d'eux-m@mes et qu'ils
agissent pour leur intér@t matériel.
En exemples,
on peut
citer ici les "associations villageoises"
(t), les associa-
tions corporatives,
telles celles·des Anciens Combattants,
des possesseurs d'attelage de boeufs,
etc •.•
a)
- Dans le premier groupe d'associations, les membres in-
consciemment obéissent à une motivation profonde,
m~me s'ils
se réfèrent objectivem~nt aux avantages matériels ou sociaux
de leur conduite.
En réalité,
ils oeuvrent à leur auto-créa-
tion et à l'incarnation de la société. Par exemple,
à travers
l'agricultur~ comme les. célébrations funéraires, ainsi que
nous 1.' avons ..Vu,
ils se réalisent ·eux-m@mes,
en tant qu 1 hom-
mes. Par le:inodèle de'travail collectif qu'imposent les as-
sociations ..c·ul tt.Îrale"':;· par· exemple,
ils affirment le carac-
tère communautiJ.treet:';solidaire de l'existence ou,
de façon
précise,
les relations de complémentarité ou de réciprocité
propres· au système,
télle·s· ·que :
-
témoignage d'amitié; en don ou en contre-don,
selon un
service aller et retour qui s'étale normalement sur deux
ans
("ba-kob"
"culture d'amitié")
- deuxième étape du prix de la fiancée ou "dot"
(dièm kob)
(t) Le modèle bien connu à ce jour est le "groupement vil-
lageois",. que nou~ considérons sous la représentation que
g'en donne le co~un des paysans.
. .. / ...
- 606 -
0 . -
"
0
.
-;~
-. - .--:-...

. ''''
-
liquidation de dette contractée ·.'en argent
(libie kob)
ou
en bovidé
(dQw kob)
et qui
exprime avant
tout la réciprocité
dans l ' a i d e ;
-
dette de participation aux services sexuels d'une femme
mariée,
aVec consentement du mari
(s~-s@-sèla kob);
-
tout retour de don ou service rendu,
effectué sous forme
de "kob"
(culture).
Comme'nous l'avons expliqué dans la 1ère
Partie·au suJet de '1 'agriculture,
ce qui
finalement l'emporte,
c'est la valeur socio-humaine plus. que' le gain matériel,
té-
moin les pertes à l a restitution de l'aide méritée auprès
des autres
(1).
Avec l'évolutibn.
l'association culturale a
connu
de profondes
transformàtions.
Les anciennes formes ont ten-
' 1 '
' . '
du a
dispara!tre
:
l'envergure de ."ba-kob" est aujourd'hui
très réduite... · s,!ns doute par sui t'~- de son manque progressif
d'efficacité. inatérie],le"
des défaillances diverses,
mais
aussi "de l·'att<diitè· por'tée' à
sa signification dans le nou-
Veau contexte' social.qiü· prend surtout en compte sa rentabi-
l i t é économique •. Suite à
l'augmentation du nombre des sala-
riés et des' émigrés dans i'es capitales 'urbaines,
nationales
ou étrangères,
la pratique de .donner
toute la "dot" à
la
fois,
sans cultures,
se généralise et d~ns tous le~ cas les pres-
tations culturales de ."dièm kob" sont devenues moins impor-
tantes
et .moins contraign~ntes. A~~c les facilités de se
procurer de l'argent.
soit en vendant: des produits des champs
(1)
Ces pertes, ·faut-tl'le. r";ppeler,
découlent du système or-
ganisatiémnel l.uij''in.llme et':sont 'loind'Iltre consenties l i -
brement par le's intér'essés\\':,
, .:
"~~
' " .
,
" ' / " .
,.
- 607 _
\\ .. -.
. f ,.

sur-:le.marché
-
ce qui,
traditionnellement ne pouvait
se
faire sans transformation préalable -,soit
en recourant à
un,~i.rent salarié, soit encore par le,prllt remboursable qui
a
fâit son apparition à la campagne,
"libie kob"
(culture
, ~
, .
pou~ argent) et "dO... kob" (culture pour bllte octroyée) ont
aussi cédé du terrain:
De "sll-sll,.-sèla kob"
(culture d'amant),
on peut dire qu'il a
disparu avec le progrès
de la monogamie,
qui n'est pas sans rapport avec celui de la religion chré-
avec
tieIUle
et! les idées nouvelles
notamment relatives à la vie
conjugale etaux rapports entre amis.
Quant à sa,'structure, X'association culturale
a aussi connu une évolutionprof~~de':': elle a subi un effri-
tement vers '~d,es group~s'de c~asses, d '8ge,
tandis que ceux
.'
...
"
. .
. ',".
.
qu{;;ont Ta. fortune' ,d'acquérir, des,;:moyens modernes de cul ture,
_·'.j";"l,
"',.-'-~./ <,.1'..
··:~·f,(~·:L'··;'·; ..,
'.
'<~::' .. ~
.
'
tels','les attël8.ges de'''$oèùfS:~'kileàâr,érigr.':is, les, pulvérisateurs
,
: "
<~.
' .• "'~:-.'-'.'"
.'

d' insectic'ides," etc.,
s ' orienteJ?-ti..'vers:~le travail individuel.
l"~"
' - , '
,':~"
'
,
..: ....~ ..
~,
'i..r-: ",~. '.. '
,
.
I l se developp'e ,donc un mouv'eme'nt':;vers', une individualisation
qui se trad~i't' par 'lalibé;a~i~Il'~;~s'Ù~esde la tutelle
.'/,
pat'ernèlle, ,par la tolérance potir('le' comportemen t
marginal
et le déploi'ement de la fortune p~rsonnelle, dans le sens
général d'une réduction de ,la contrain'te des normes sociales(1),
Sans doute,
cètte transformation des associations
culturales s'explique-t-elle par ,le 'phénomène social de des-
tructuration e~ restructuration p~rmanantes.Il n'en demeure
pas',moins que dans le contexte dagara,
elle est révélatrice
d'une récession de la conscience de base et des mentalités
qui
étaient les ressorts ··des associations,
perçues
comme
causes génératrices,
naturelles
et transcendantes
se
(1)
DIOP,
A.-6.,
présente'..;,ne situation analogue en milieu
sénégalai's
(cf.
DIOP,
A. -6. ,"Parenté et Famille l'olof
en Milieu nural~ Bulletin de l'IFAN, T. ~~II, Série 6,
nO
1,
1970, pp. 222 sqq~
... ; ...
- 608 -

situant dans le prolongement. dumb~vement cosmogonique (t) •
.:t
De ce point de vue,
on',.note une différence sensi-
ble entre la, si tuation" nouvelle dés associations culturales
qui relèvent d'un transcendant cul'tur:el plut6t profane et
celles impliquant davantage le sacré
(2),
telles les asso-
ciations ayant trait à l'initiation (baor)
et aux funérailles
ces dern'ières,
eu égard à' leur obJ'et qui met en cause les
puissances supérieures
(Dieu,
les Anc~tres) et éminemment
la relation symbolique,
conserven't' plus de vivacité dans la
pratique coutumière.
b)
- Il serait aisé de constater que les associations du
deux:ième groupe,
qui",s'appuient
sur un pouvoir d'ordre reli-
gieux, politique,
administratif ou capitaliste, m~me dans ce
monde relevant' de la superstructure culturelle, recherchent
en quelque sorte une causslité
(une sorte de paternité) na-
turelle et transcendante., De ce fait,
elle sont remarquables
d'un c6té par letü·:dYnamisme.,spontané voire leur lyrisme,

"
1
de l'autre par, leur manque d'initiative
et de participation
véritable.
D'où tant6t léur rayonnement en fonction du sen-
timent religieux,
du charisme de quelque député ou adminis-
trateur - à moins que ce soit de leur pouvoir de contrainte -,
des conditions favorables de financement,
etc.,
tant6t leur
léthargie.
(t) Le travail associ~tif apparait ici - de m~me que nous l'aï
vons dit de la procréation dé la femme -
non pas comme une
production postérieure mais cornme"une cause intégrée et
1
nécessaire de la ~énératiori de l'~tre social, manipulée pal
:le père vis-à-vis de l'enfant et par la société vis-a-vis
'de ses membres.
(2) A vrai dire,
les associations du premier groupe débouchent
facilement sur le sacré:
l'exigence ontologique,
la rai-
son sociale,
la vie,
l'ordre.~.
... / ...
- 609 -
.. ,
,."
.'

C'est dire que dans le cas des_enfreprises capitalistes,
dont
les structures ont été souvent,confond~~s du reste avec cel-
';.,.
les de l'administration colonial~0ounationale, ce qui ne
.
,,:
facilite que mieux l'exploitation,
i l ne s'offre guère de
possibilité de sortir de l'aliénation (1).
S'agissant de la
cause politique,
i l est à noter qùe la multiplication en
nombre et surtout les querelles des députés ont contribué
à lui enlever beaucoup de son mfticisme, ce qui a occasionné
un déplacement sensible de ce qu'on peut appeler "associa-
tion politique" au dag,.ra et qui n'a jamais été très carac-
térisé,
de ~a deuxième verS la troisième catégorie dtasso-
ciations.
c)
- C'est au niveau du troisième groupe d'associationS que
la difficulté qui pointait au crépuscule de l'association
du premier groupe ,réappara1t. Ell ~ffet, la raison économique
qui les commande a beau~tre pertinente (2), elle ne peut
que se Soumettre à la finali,té'on'tologique si elle se veut
.
..
, .
de valeur,
c'est-à-dire,;-emettre au"servicê de l'lltre et non
de l'avoir (3).De ce fait,~lle :est- secondaire quant à sa
causali té - propre et doit ,se soum~ttre ,à la loi cosmologique
de toute ontogénès e,
laquell'e implique au p-lan social,
le
règne de la gérontocratie et au plan des principes, la référencE
(1)
A propos de i"explosion du sentiment religieux au dagara,
on lira-avec_profit :
.. , .....
-
du R.P. 'PATERNOT, M."
"Lumière sur la Volta", op.
cit •.
'- du R.P. LESOURD,
j . ,
"Un peuple en marche vers la lu-
mière : les Dagari",
~.L., 1939.
(2)
Il faudrait ml!me parler de raison ,impérative dans l'ordre
de valeur économique ou du bien-8tre social.
(3) Cf. MARCEL,
G.,
"Etre et Avoir",
Paris,
AUBIER,
1935 .
. . . ! ...
-
610 _
.+

plut6t à l'efficacité sYmbolique et mystique qu'à l'effica-
cité pratique et empirique. Aussi,
dès lors que l'associa-
tion du troisième genre veut chercher sa propre loi,
en
se coupant de la dép~ndance ou ordre naturel, elle perd pied
et se trouve confrontée à l'individualisme et à la discorde,
c'est-à-dire en somme à'T'échec
(1).'
Tout se passe .comm·esi :l'expérience d'une voie
proprement cul turell'e,
en····oppo·si't'ion. au paradigme cosmolo-
-.'
. ':
. ',:;;.=' , . '
.
gique,
était d' emblée.frappée -du;: signe de la ,stérilité et de
la mort
(2).11 faud~ait~~~6urir ici 'à une étude approfondib
. '~.' ". '.
'.
. -
des organisations de·"la 'sociét'é :da'gara pour dégager les cau-
ses de leur disparition ou ;d'eleur inactivité : les groupes
régionaux, :les group~ments,~illè.geois" . la Sous-Commission daï
gara des Langues .Nationales,
tel'les associations locales des
Anciens Combattants,:'etc •••
De mauvaise gestion,
elleSne se-
raient pastoutes'fr~ppé~s ; pas 'non plus d'inorganisation,
car il' en existe de,mori, bondes ou de disparues,
nanti es de
textes bien structurés ai d'organes .xécutifs élus, telles
l'Associatio~ pour l~Edu~ation Paysanne,
dans l'ancien Arron-
dissement de .Dano,
l'Association pour le Développement In-
I
tégré de B.,
la Coop~rative Centrale de Kopèr, etc ... (J).Enfi,
1
(1) DIOP, A.-B., observe de m@me dans. le système tradition-
nel des castes une so~rce de progrès et de blocages, par
suite d'une "biologi's'ation de la"culture"
(in "La Société
l{olof~', op~ cit., pp. lf5-lf6).
.
1
(2)
L'invidualisme, <dont le sorcier donne la meilleure illusï
tration,. au lieu:C-d '.@tre I.e prélude à une vie d' épanouis-
sement ~t de liberté~porte le sceau de la mort.
'.
.'
(J)
ConcernB:n.t. la vie des: àssociations du troiSième groupe,
les expériences suivantes 'ont inspiré notre point de Vue
Association, pour ,;.1' Education' Paysanne
(ancien Arrondis se-
ment ~e ?ano),._Associ~~io~·desR?ssortis~em~nts du LObi.),
Assoc1at1on des(§cola1res' du Lob1, Assoc1at10n des Scola1'
res de Dano, :Coo'pé'ràti v:e. de 'Bclbora,
Association des Ancib,
Comba t tan tsde Koper,,:;:.A'ssociationdu Département de Kopet
Sous-Commission Dagara des Langues Nationales, projets po'
pulaires d' encadrement agricole et de crédit agro-pasto-
raI ••.
... / ...
_ 611
-

quant aux buts poursuivis:;;:f,e~)rganisationsne sont pas
sans intér~t.,· ca~, de bo~:e:Yhspiration, elles indiquent gé-
néralement des voies et méthodes efficaces de développement,
~. .' '-,
telles l ' alphab6tisa tion,::·i'~·s':te cluiiques modernes d'agricul-
ture,
l'union d.,s· efforts~,~~~s:i"~pargne et le réinvestisse-
ment ou dans· les. tra....aux·d<r:r;,té:r;tt commun,
etc •••
I l semble ici qu'œne attitude conséquente devrait
consister A valoriser,
dans.la~echerche de solutions appro-
priées,
les normes fondam.entales dagara,
tout en tenant compt
de l'individualisme Comme aspiration actuelle et comme val
singulièrement dans sa référence au système traditionnel:
c
lui-ci apparatt en effet comme un mode d'expression quoique
primaire de la liberté,
dans.un groupe oÙ l'union et la so-
lidarité trouvent une justification nat~lle, tandis que le
processus de' libération s'é·':;~oilfond ave'c'celui de l'éclate-
ment des ~tr'uctu~es et de/~:,'individualisation, selon le mo-
dèl~' de' laprdceSSi(>n.;co~i~g~n{que.,L'individualisme qui Se
, ': ..~.
",
. . '
. \\
:' \\ ; ....
,.
:~.<
.:~t.'::kJ':T~'('i:.""~~~"'--'- .r. "" '- • ".

revele Ae plus en';plus d,\\n!,:\\cette,~'.evolutJ.onetqUl.porte la
"'. .
'. '
;. ~, '.
. - ~ <~,. .:
marque' de' la' duali té propre cau csistème"dagara 'ri 1 est pas à
priori incompa'tible aveé·';.;-n~:'-·éo·rtit~p~~on de la vie communau-
\\
.
'
,
.
~.
taire .:'}Iais , i l ' appelle as';;'~ériienf Un' modèle d' organisation
. .
. . . . . , 1"
plut6t ouvert,
à la différencedu~modèletraditionnel qui
est cyëliqueet. retroverti<,:C '~~st·.· ce, d'~rnier qui 1 précisé-
ment,
~onfère à la mort, .·en· tà.n:t:~c.iue ',voie de retour aux
sources de l ' t t r e et de la' plénitude.,
au-delà des ambivalen-
.
.
ces: la signification d'utie' apcithéos e qui méri te prépara-
..
.
tion,
subordination de toute activité et célébration .
.../ ...
- 612 _
.. ~

."
"
.' -,.
CONCLUSION GENERALE~:, PORTEE, DE LA SOLUTION DE LA
.
,
VIE DANs,SON' RAPPORT AVEC LE
cpROBLÈMË DE, LA MORT CHEZ LES
DAGARA. ,;
Au terme des célébrations funéraires -
après le
séjour dans le "règne de la mort".-la vie renait à nouveau
ou plut8t
se poursuit. Car la 'mort n'est que l'un de
ces
moments ,de ,l'existence,
privilégiés pour l'éclairage qu'il$
projett~nt7vrle problème de lihomme"Ainsi en est-il de :
:. !~ .... , ,
'.;'
'. :;'f\\'
la naissance
(doWÎu)
étendue ,à
"ny(lo wobru"
("ramassage du nombril")
ou r i te de r,éintégration de la par-
turiente et à
"kll.-'tuo" ou 'bapt~me' de ·ii'enfant nouveau-né;
, ~
-
l ' ini tiation
(baor') , .,
'.
".
-
la fin de l'enfance dans tille moin(rre mesure,
sauf
chez la ,;'fille où: elle est marquée par:' l'excision
-
l'ado~escence, après le passage de la puberté
-
l'union matrimoniale,
etc ...
Tous ces
év.fnements dOIlllent lieu à
des
enterrements
symboliques dont l'expression la plus': élémentaire est le
chan:-
gement de toilette qui correspond chaque fois à un
abandon de
son "dèwr"
(saleté essentielle)
ancien.
La particularité de
la mort,
c'est qu'elle est le'.dernier.,passage et aussi le plus
caractérisé,,,nnonç,ant la fin'd.","ce retour à l'origine de la
vie,
dans le
sens contraire de la:procession cosmogonique
(1).
(1)
.:. Sur ce thème p'euvent ~tre consul t é s :
THOMAS,
L. V..
in
"L'Anthropologi'e de la Mort";
op.
c i t .
;
PAIRAULT,
Cl.,
in "Boum le Grand Village' d' Iro",
Chap.
IX,
op.
ci t . ,
JAULIN,
R.,
in "La Mort
Sara",
U.G.E.,
Paris,
1971.
.../ ...
_ 613 -
. --.:-.~...:.;~

'.' .,,'
! ..~.
,
~ .
..
Ell e r,e'é1H des signifi cat'ions;;,'a'iùüogique s, mai s différent e s
pour les vivants e:r:~e~mOr\\~f~~~':):;;:'
·:!::·~3.'
):~:
il)
Pour les vivant;/":dugrou!:ie en deuil, incluant
le clan (d6"lu) dans toutes ~';'s:"se'è'Ù~b'ns '~6Gales ; les proches
"
h
, "
' . .
.
parents du défunt hors du cl.i':ri'\\',;',.;otanirlÙIlt s~s parents par
la mère ou,' pour la 'défunte ,;~6'~Ux:ciu::îlgna'g~ ~aternel ; les
.
. -
.,~
.,.~.'"/I:~.,,.;;.< ,::.
:':
. '
neveux,·,( arbili,) ," les"" soeur s I,,~,:;'et',:'!frèi'es"" uterins (cousins
et cousines,p:u.;Ùèî·~s);les:;'f;t{~i-::iiKes,
~~:"'t une occasion
" .
.
.' " ".
" .
,;.,~, ,'"
. "
"';,1:;",
,
. ""
de tester la solidité des ,liiên's-:'dè,. p'ar'enté",t de considérer 1 à
" \\ ' .
.
. >"
'
.
'.';,·tt:';:.-'·'!'~····
'
propos, des nombreux:problème,~~,~~?i,z~ev~;,s'parla disparition
d'un m~mbr~ du groupe, lesâJs-e'~;,;d'e~':::'dissènsionset de's
',.
,
'.
., . >. '.
, -,'::~i'f':'.-···):.: ..;~.' \\;:y
,
.".
.
distanciations. V.is-à~vis.de·s;(à:rlié.s',~':, 'époux des filles du

,
• •-1"
' . .
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"
:~·.:>9·-:.. v '~~_ ~::r ..;,:
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'
lignag",(et'parents'"d'es" épouse's,;'hami's,,'Xmembres du 'groupe des
-.~j-'::}_. "
~., ,~-<',~"- >;:..~'":.
"
': -'.< .,il1'M,~ ;;:">~;i ':::;';~:I.:§", ',. :.'.,
>
servïce'iiiréciproqùe s; etaluisi;i'iiein(,voi'sins ,,;~t , connai ssance s,
" ' ' ' : : ' '

" ; • •,
' . "

':"~••,,','~.::.~;,..."'\\:" ',.-',"",':,\\,:. Co ,':': '.
elles:<i,g~"tituent~,U!'~:oceàsiô,~i;·:~f.O,~~~>qùe:::t'initiation (baor)
d'affih;;er.',·ia'r'e,iatia'n,de,e~~p'l'~~~ntiif{té;vivante
qui est à
i
la baà:,> de: la. s~"~i~:t'~'" e~ ~se·;'-~:',::dê·:·~~·~i~~t·t~'·~:Yi;a vie communaut.aire.
.
..
.';f: " ~;-
,.'
Bien pius, les r i t~s', funéri:i.res 'constituent une
occasion.
-
de création ou 'de redynami..sation de'a. structures de la vie
social'e :
le défunt est remplacé dan'" ses: ,fonctions sociales 1
et d' abor,d aU pliin,~familial,i,"'de'Panière à sauvegarder le bon
déroul'ement de la, vie', '; les ,;ldIve~s'es relations apparaissent
. , .
" , '
au grand jour, 'sont 'jugées 'et" ,au cas ,échéant; reprises et
fortif';iées, mais,'atisÜ les in~itiés,'irréductibles se dé-
'"~i'::-:, ,':'~', < ....:

noncenti et sont.., répérées po'iii":)~'subirlasanctionsociale
:'~r;.~~~f:~f,: ".
-
de p~ificati~~,par llasc~~;~et la~éditàtion : durant le
séjour, ",dans le,'règlie de l;,:J:~~~tn;"lès;'eiùl~Uillés, isolés et
privés: '"de i toutes, joui'Bsance'~}f;;;~"duit'd.' au', strict minimum en
.
,r ·
.
.
i:'"
.../ ...
',.- 614 _
;,
, ' ,
,
,

matière d'alimentation,
confrontés aUx idées relatives au
destin terrestre de l'homme,
àpprennent à relativer les
avantages matériels de la vie et à affirmer les prescriptions
de la morale de l'ontologie essentielle propre aux Dagara
-
de ressourcement aux normes éthiques. En cela,
les thèmes
des cantateurs (kôn-k6n-bè),
la publication des affaires du
mort en vue de leur liquidation, la recherche des causes de
la mort, représentent des préparations efficaces
-
de mise au grand jour de la vanité de l'individualisme
le sorcier en particulier et en général les aùteurs de fautes
graves, infamantes et anti-communautaires, n'ont pas droit
aUX r i tes. tandis, que ceux de :la femme stérile subissent des
limitations; ;
-
d'affirmation, par contre de l'union:des @tres par la rela-
tion symboliqueëto~t610giquejhorizontale et verticale,
c'est-à-dire au plan' so cial et ~ans:'l~':,;:'dépendance vi s-à-vis
des puissances supérieures, nO,tammerit ·de
"}otwin" ,
~Saa",
"Têgan" et des Anc@tres
-
d'explicitation,
dans des comportements de régulation,
du
complexe de la mort qui existe au plan des "consciences :
amour et crainte trouvent ainsi leurs expressions à travers
les attitudes et les comportements amh'i.v~lents perçus dans
les célébrations vis-à-vis du défunt ~ti:, dci la mort
• tendress'es, prodiguées au mort et "prise' en charge" de son
être : dettes,
alimentation, faute's à rép'àr.er, héritage de
ses fonctions et ,biens! r'ejet du mort comme, "pourriture à
cacher"
conscience de la relation conflictuelle et dangereuse
... ! ...
- 61 5 -

existant
entre les vivants'Xet ,le mort ..,..··selon laquelle la
.
-:"
\\'
.
.
'.
vengeance du' mort est redo~téè' ce quf(oblige à l'exclure
au plan. terrestre ët· à l'assimiler 'au. plan ontologique,
en
somme à le dominer
* appréhension de la mort· comme
passage,
voie de la relation
ontologique plénière ou d '~ion à l "origine de la vi;' /
abomi-
nation de la mort
comme annihi'lation de' l ' ê t r e naturel et
comme fin de toute chose
(lia bara"
:
"c'est fini"
chante le
)
cantateur à la fin de l '·exposition).
Le fait
que la pensée dagara pose les fins matérielles
comme moyens d'atteindre la fin ontologique
essentielle va
concrètement susciter l ' angoi,!,se devant l'a finitude terrestre.
Cette angois'se est, exacerbée par la dissociation qui existe
entre causalité empiriquee~ scientifi~ue et causalité symbolique
et mystique,' et qui,. rend probléinatique ia' :fin ultime recherchée
par les voies' naturelles.
Or,
l~ Dagara expérimente cette
différence à
traver~ ~les échecs des' démarches rituelles"par
lesquelles i l tente d'obtenir des "fins naturelles par la relation
symbolique) et qui oblige'nt ·aux recommencements.
Pour réduire
cette angoisse l"homme dagara .précoIiis~· un approfondissement
de la dimension éthique' et'}eli,gieuséq"u'; 'nous avons qualifiée
de mystique,
c'est-:.à-dire··-,;,de' voie "d~' "retour et d'union à l'ori'-
gine de l ' ê t r e , maissans'âucune.po~,sibilitéd'appréhender de
façon absolue la condition<:,'5U:tfi~~te'de, la relation symbolique
efficace. C'est donc ~ ce mysticisme angoissant que le renvoie
principalement l'épreuve de la mort.
b)
Pour le mort,
les funérailles
constituent d'abord
un hommage historique,
à la mesure de sa fortune,
de
sa renommée,
de la puissance sociale de
son lignage
on parle des funérailles
d'untel,
qui deviennent de
ce fait une référence historique.
Le mort n'y est pas objet, mais
sujet des célébrations dont i l
occupe le centre.
étant le"premier
servi.
qui veut ou empêche,
.../ ...
- 616 ...;

exauce ou
se fâche,
obligeant ainsi à un recours à
ses parents
à plaisanterie et à des rites d'apaisement. En cela, L.V.
THOHA5 a raison de dire qu'il "préside ses propres funérailles".
C'est l'occasion de
le publier
au niveau de la
société et de le conna~tre. On entend dire souvent : "il faut
voir
un.J:.el avant qu I i I soit
enterré",
parce
que
c'est l'unique
occasion de le voir que cette rencontre face à
face après la
mort. Ou encore
",'UIUel était vraiment lui-m/lme sur le siège
d'exposition"
(paala)
: là,
sans doute,,,, i l Y: a une réduction
des masques sociaux et moins de camoùfrage.
La liquidation des affaires:,\\litigieuses du défunt
et les rites ,de l'au-delà préparent sa purification définitive
et sa pénétration au Séjour des Anc/ltres (Kplmll-Tllw) et par là
son accession au statut d'Anclltre véné~é et craint. Cependant,
i l ne ,doit pas litre' perdu de vue que cette oeuvre de purification
et de rédemption, tout comme le bénéfic'e du repos éternel n'est
pas possible sans l'intervention des vivants,
de leurs ressources,
de leurs célébrations,
de leur perfection. Mais en retour,
ce
sont eux qui bénéficient des biens du mort et surtout des bien'-
faits de l ' Anetltre,' à travers ses volontés consacrées en Tradi tion(
)
et ses interventions ponctuelles.
Par conséquent, dans ,le, 'dénouement ou solution du
problème de la vie qui se réalise par ,la survie du mort dans
l'au-delà et celle des vivants au plan terrestre,
i l y va de
la mort
essentiellement cel1.e du, disparu et celle des vivants
qui,eux aussi, participent à la mort. C'est dans Ce moment
ultime que le dualisme dagara avoue son caractère outrancier
et trouva la seule condition de sa résolution.
(1)
Au-di!là' des ::devoirs qu'elle définit,.: la Tradition veut tracer
aux, no!",,!es les ",condi tions ',de 1.a' vie heureuse.
· .. ! ...
- 617 -

En effet, l'union des @tres en situation, qui
chaque fois prenait la forme d'une as~imilation de l'autre,
appelant la condition' d '"une 'loi de dépendance,
admet enfin une
solution dialectique
: "Kpiiri"'. (Anc@tre) expérimente sa néccs:-"·
1
sité par rapport aux vivants et ceux-ci sont obligés de lui
reconnaltre sa place d"lltre supérieur, ,détaché ontologiquement
du monde naturel et fini,
dans"le monde surnaturel et éternel,
et ayant pouvoir en bien ou en mal sur les,@tres inférieurs.
Le dénouement du drame de la vie se tro~ve donc poussé à la
fin et placé sous la condition de la séparation de mondes,
c'est-à-dire de la mort ou du devenir autre de l'une des parties
en rapport conflictuel (1). C'est ainsi qu'il se réalise, par
exemple,
dans le cas du mariage, à travers la mort physique de
la femme· en sa masculinité et, en tant qu'l!tre social, par
son exclusion du clan
; dans le cas de la relation père-fils
par l'exclusion du fils de. "yir" entendu COmme maison, puis
lignage, puis clan, dans le processus g,énérateur de groupes
so ciaux. Par cette. "mort", la fernme"'- ,.t:6~t connue le fils
se trouve propulséè hors du monde naturel,
dans un monde cul'-
turel et moral dont' elle devie~'t un agent' dynamique • Mais
sur le plan naturel la perte' (la mort)' :~st cori sommée. A propo s
du fait
létal, on comprend' que ce dén~~ement, rev@tant un
caractère total 'et archétypique,' augure:,.:apaisement et repos
et donne accès au plus haut degré. de crk~tivité ontologique,
du c8té du mort comme de celui des vivants.
Mais l'échec vient de ce que la solution au problème
de la vie soit finalement une solution de la mort. L'idéal de
(1) - En fait le "mort" devient autre, mais aussi celui avec qui
i l était eri association conflictuelle, dans une certaine
mesure (ainsi l'homme marié ml!me devenu veuf, n'a pas le
même statut que le célibataire. ri conserve des droits
acquis) .
·../ ...
- 618 _

vie
possible
qui lui
correspond est extra-terrestre
(réfère à
l'au-delà)
et
son principe de la séparation de mondeS ou
d'ipséités- qui
favorise
au plan social
l'exaltation de
l'individualisme -
ne peut ~tre généralisé sans entraîner la
mort du système.
'En outre,
i l y
a un 'danger réel,
du point de vue
psychologique,
à
situer le moment dial~ctique, culturel et
humain de l'échange avec l'autre à
la limite de
sa vie. L'indi-
vidualisme au plan 'social court dès l,ors le, risque de prendre
.
un caractère de complexe pathologique,
en tant que fuite de la
mort sous le couvert du refus de la dépendance,
tandis que la
relation se noue
sous le
signe de 'la, frustration et
de
l'angoisse.
Bien qu'il puisse paraître trop ,t8t de généraliser
nos
conclusions,
on peut penser qu'il' ,découl'e de
cette situation
un "échec de là perso~alité dagara""
qùi ,s'exprime notamment

:.
".
' .
. :
. '
."
,
t
à
travers l'individualisme :dont 'il: a été"question dans la vie
- .
. "
.
des associations et dont traite, ,G.BAA:NE' SOME z. J .B. dans sa
thèse intitulée:
"La PersolUlalité Afri'caine, comme
échec"
(1).
Cet individualisme est' de nature à
conditionner à
son tour un
échec du développement de la société dagara1traditiolUlelle et
communautaire, à l'instar d'autres sociétés ~égro-africaines,
dans la mesure où i l met en contestation sans proposer de
solution
de remplacement,
en demeurant dans les ,iimi tes de l'univers
cosmologique dagara.
Cela ne veut pas dire que 'la ,conception dagara de
la vie n ' a i t pas ses',mérites,
loind'e là. L'angoisse de la fin
(1)
-
G.BAANE Sm-lE,
Z.S.B.,
"La Personnalité Africaine face à
l'échec.
L'Ech'ec et la ,Réussite (:"onime indicateurs de change'-
ments sociaUx dans la Société O';i'ro::a'i; Thèse de
3èmè Cycle,
Université 'Paris V,
1 9 7 7 . '
.../ ...
- 61 9 -

du monde humain et le devoir
à'assurer
sa survie par sa
propre
création exaltent la ver.tu du ,travailleur dagara, bien
que par le pille du "thanatos" plutllt' que de l ' "eros". I l en
résulte une capacité de résignation allant
jusqu'au désespoir,
dans cette ambigurté du fini
et de i'iIi:rini,
de l'efficace
et de l'inefficace,
de la vie et de la· ·mort.
Mais cet acharne-
ment aU travail est malheureusement incapable de réaliser un
progrès économique réel et durable,
totit· comme la vertu de
supporter en acceptant la dépendarice..ne favorise pas la
génè se d'une société harmonieuse et exemp.te de
conflits. Nous
avons tent'é.,de montrer pourquoi.
Si le
système dagara 'par s a représentation de
l' étranger
(11~,Aan,~I, quand il.s.'~gi:t d-Iune personne, "paala",
quand i l
s Lag'i t
d'une'·· valeur) garantit· l 'hospi t a l i té africaine
tant vantéè.
et l'ouverture ver~'d'autres sociétés, i l s'expose
à une acculturation au rabais, .par des valeurs importées sans
lendemain o~ franch:em"ent nocives.
"Zawlè lt reçu en tant que
I\\'sâan" récèle une transcendance." et,
bien tr'ai té,
i l la met
au profit de son hÔte
:
i l doit produire; en retour, du
bien-
fait
; mais, malheureusement,
tous les systèmes ne mettent
pas en honneur la norme humaine·.; .. l 'e:>-:ploitation de l'autre à
mort n'est pas exclue.
L'exemple' de l ' impe.rialisme
est là pour
.
( 1 ) .
. '
nous en
convalncre·;:.: Alors,
cormIi·e.,~'ombr~ de ses frères africains,
le Dagara' qui trouve intenable .;.tout,..'pouvoir qui ne remonte pas
" là-haut" de quelque inanièr~, à:l;origine :'d~ l'lltre, risque
d'litre pris dans l'~ngren';'ge des';'d':';~oi;sfor'ts mais impitoyables
.
\\
'.;'
.'
pour la cause de l'huinain. ·Il serai't·, ·'.s.emble-t-il,
la victime
,
;"
" "
',:.
"
de la conception mythologique de····soù··:wiivers clos au quatrième
temps et se répétant ~ndéfi;;'imen·t,..se~on i'e principe ontologique
originair~, comme si l"imag~ 'duPère '~tait inaltérable et la
loi de la' vie incapable de corruption
;
comme
si l 'homme
était
dispensé d'inventer
et ne devait~que redécouvrir.
(1)
-
LENINE,
"L'Impérialisme,' Stade Suprllme du Capitalisme"
Edi tians Sociales 0' Paris..,
1979.
. . . 1 . ..
- 620 -

La Tradition ~omme synthèse des volontés des
Anc~tres, c'est-à-dire de ceux: qui ont vécu avant nous ce
monde et ses conditions, n'est 'efficace que vivante, réinter-
prétée,
dynamique. Elle se révèle comme toute production
humaine,
dans la.pensée dagara, utilisable, mais, insuffisante
et problématique quant à
ses prétentions à
servir la cause
de la vie. Elle rev~t les m@mes contradictions qui frappent
le système jusque dans son fondement. Elle apparatt de ce fait
comme un outil plus ou moins opérationnel mais qui gagnerait à
~trerepensé , à s'enrichir au contact des valeurs extérieures,
sans rejet a priori de's options .fondamentales mais en demeurant
néanmoins largement ouverte à 'leur remise en question.
Dans ce sens e~ compte ,tënu de ses références
cosmologiques,
source de ,sa.eagess'a :;±raditionnelle, le système
dagara ,gagne":ai t, ~emble-t-il, ,à" se doter d'un modèle d' or-
o

, ' -

, . :
ganis'ation fort, et ouvert,
e':' c~n:formité,avec le processus
co~ogonique lu:L:-même, 'au lieu" ct ',êtr,e basé sur le principe
d'un'monda déjà "<;,los,
qui irilpoB~,l~,i-etour'vers l'origine.
Ce faisant,
i l oblige à rebrousser chemin, parcourant la
route des morts /
de la mort. L'exécution de ce dernier
modèle de vie n'est ni plue ni moins que la poursuite du
paradis perdu et le contexte psychologique qui est ainsi
généré n'est que trop oedipien. Le type d'organisation pro-
pice au développement devrait offrir une possibilité d'inté-
gration aux libertés qui s'émancipent, pour leur permettre
de s'exprimer dans leur originalité, au lieu qu'elles soient
vouées à
l'individualisme et frappées du sceau de la mort,
au nom d'une Tradition trop conservatrice.
- 621 _

DI)
;.FlD IBLIOGRAPI-lIE
( 1)
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1970.
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QUELQUES A~REVIATIONS
CNTIST
',Centre National de Re6herch~, Scientifique
ct
Technologique.
cvns
,Centre Voltarquede Recherche Scientifique (CNRST ct
,CVRs désignent l'ex-I.F.A.N. de Ouagadougou).
G.S.K.
Grand Séminaire de Koumi
(près de Bobo-Dioulasso).
Hém.
,Mémoire.
~Is
Hanuscri t.
S.L./S D./SNLD
(publication) sans lieu /
sans date /
sans lieu
.
,r·, '
. ,.".
ni,date.
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Op.
ci t.
"opus ci tatum" : ouvrage déjà ci té dans le texte
1
ou dans la Bibliographi.'e "Générale.
sqq, et sq
"sequentesque, et, sequ,Elntes"
et suivantes •
. "
- 634 -

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