UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE
ET DES SCIENCES SOCIALES DE PARIS ( PARIS Il)
LA PROTECTION DES -EXPRESSIONS DU FOLKLORE"
PAR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
Volume
l
THE5E pour le OOCTORA.T
de l'Université Paris II
(arrêté du 5 juillet 1984)
présentée et soutenue publiquement
par
Monsieur Kouliga NIKIEHA
le 7 juillet 1988
JURY
Directeur de thèse
Monsieur André FRANÇON
professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris (Paris II)
Membresdu Jury
Mademoiselle Marie-Claude DOCK
Directeur principal, secteur de la Culture
et de la Communication, UNESCO
Monsieur André KEREVER
Conseiller d'Etat

LlUNIVERSITE DE DROIT, D iECON OMIE ET DE SCIENCES SOCIALES DE PARIS
nientend donner aucune approbation ni linprobation aux opinions
émises dans les thèses, ces opinions devront être considérées
comme propres à leurs auteurs.

LISTE DES ABREVIATIONS.
al~
alinéa
Ann. Prop. Lit.
Annales do la Propriété Littéraire
et artistique,
Art.
article
Bull.
Bulletin
C. A.
Cour dVappel
Ch. Crim,
chambre Criminelle
D,
Dalloz
Ed.
Edition
Fasc.
Fascicule
Gaz. Pal.
Gazette du Palais
J. C. P.
Jurisclasseur périodique
J.O.
Journal Officiel
O.A.P.I.
Organisation Africaine de la Pro-
priété Intellectuelle
Ordo
Ordonnance
Op. cita
Ouvrage cité
Prop. Lit. art.
Propriété littéraire et artistique
Req.
Chambre des Requêtes
R.LD.A.
Revue Internationale du Droit dVAuteur
R.T.D.Com.
Revue Trimestrielle de Droit Commercial
Trib. civ.
Tribunal Civil
Trib. Gr. Inst.
Tribunal de Grande Instance
Trib. corr.
Tribunal correctionnel
U.E.R.
Union Européenne de Radiodiffusion

-
l
-
RESUME DE THESE
Du point de vue des notions de " création intellectuelle" et de
"propriété intellectuelle", le folklore peut IHre défini comme la
création intellectuelle des sociétés traditionnelles ; mais il ne
suffit pas
de définir le folklore par rapport aux dites notions pour
résoudre tous les problèmes que sou;tève le concept de "folklore".
Aussi, tous les aspects relatifs à la notion de "folklore" sont
regroupés dans un chapitre préliminaire.
La définition du folklore par rapport à la notion de "création
intellectuelle" permet de comprendre notre démarche, exprimée par
le titre-m~me de la thèse : La protection des "expressions du
folklore" par la propriété intellectuelle, Ce titre signifie que
le folklore étant considéré comme une forme de création intellec-
tuelle, on peut envisager sa protection au regard des principes
de la propriété intellectuelle. Mais il s'agira aussi-bien d'es-
sayer de les appliquer que de s'en inspirer pour élaborer des
règles nouvelles.
Du point de vue de la notion de "propriété intellectuelle", la
protection du folklore serait un domaine d'étude extr~mement vaste
le champ d'étude a alors été limité à la protection du folklore de
forme artistique et littéraire,
La protection du folklore se situe entièrement dans un mouvement
de prise de conscience des pays en voie de développement pour les-
quels ce patrimoine continue
de jouer un rôle important. La reven-
dication de ces derniers s'est exprimée dans le cadre du droit
d'auteur, pour la première fois à Stockholm lors de la révision de
la Convention de Berne en I967,
Cette revendication pose beaucoup de problèmes à la communauté
internationale; en effet, le sort du folklore était définitivement
réglé pour les pays dits de "longues traditions en matière de pro-
priété intellectuelle", Pour ces derniers, le folklore fait partie
du domaine public, et, à moins d'envisager la solution du domaine

- I I -
public payant, aucune autre solution ne semble possible. Toutefois,
à Stockholm, en 1967, l'idée que le folklore est susceptible de
protection par le droit d'auteur a été consacrée par l'article 15
alinéa 4 du texte conventionnel qui, sans le citer expressément,
le vise incontestablement o
Il vient d'~tre évoqué le droit d'auteur et le domaine public ; le
recours à l'une ou à l'autre de ces institutions constitue le choix
d'un statut juridique du folklore o Pour mettre en application ces
statuts, afin d'assurer au folklore une protection juridique, un
corps de règles doit gtre définio Le choix d'un statut juridique
et la définition d'une règlementation qui l'applique constituent les
éléments d'une théorie juridique pour la protection du folklore :
Iè PARTIEo
Comme i l fallait s'y attendre, de nombreux pays en voie de dévelop-
pement ont traduit leur revendication pour la protection du folklore
dans leurs législations nationales sur le droit d'auteuro Leur démarche
a pourtant buté contre les obstacles d'ordre théorique relatifs
aux difficultés pour la création folklorique à satisfaire les con-
ditions de protection par le. droit d'auteur. Ils ont alors créé de nou-
veaux concepts tels ceux d'''oeuvre du folklore" et d'''oeuvre inspi-
rée du folklore" ; ils ont déclaré que le folklore était protégé
par le droit d'auteur, mais ils ont emprunté au domaine public
payant les règles pour organiser son exploitation.
La leçon qui a été tirée de cette expérience est qu'il serait dif-
ficile d'assurer efficacement la protection du folklore par le droit
d'auteur sans altérer profondément les principes de ce derniero
En outre, si on est contraint de créer à l'intérieur des législations
du droit d'auteur des régimes particuliers pour protéger le folklore,
pourquoi ne pas grouper ces particularités pour faire un régime
autonome ?
La communauté internationale a alors entrepris d'élaborer un régi-
me juridique du folklore qui respecte la nature de ce dernier et
qui s'inspire le plus possible de ses particularités.

- III -
Cette démarche a conduit aux solutions dites "sui: generis", élabo-
rées sous les auspices de 19UNESCQ et de 190.M.P.I. Elles compor-
tent un modèle de législation nationale (Les Dispositions types
de législation nationale pour la protection des "expressions du
folklore" contre leur exploitation illicite et autres actions dom-
mageables), et un Projet de Traité international rédigé sur la
base des mêmes principes.
Lg ensemble des initiatives prises par les Etats et par les organi-
sations internationales, aussi-bien dans le cadre du droit d'auteur
que par l'élaboration de solutions "sui generis" fait Pobjet de
la IIè PARTIE de la thèse.
En conclusion, on peut dire que 19évolution observée vers l'élabo-
ration d'un régime autonome pour la protection du folklore débaras-
se les pays développés d'un problème encombrant, eux qui ne veulent
pas entendre parler de protection du folklore par le droit d 9auteur.
Elle met, en tout cas, les pays en voie de développement devant
leurs responsabilités ; à oes derniers de prouver qu 9ils ont vrai-
ment pris consoience de la nécessité de protéger leur patrimoine
folklorique. C'est dans oe olimat que se déroulent les travaux pour
l'élaboration du Traité international pour la protection du folklore.
x
X
X
X

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le folklore, "c'est un domaine qui a déjà fait Pobjet
d'une littérature de toutes catégories extr~mement abondante et dans
lequel les juristes spécialisés en matière de propriété intellectuelle
viennent de s'aventurer à pas prudents" (1).
Monsieur Gobin note que, depuis la seconde guerre mondiale,
la culture a acquis une importance toujours croissante dans la plu-
part des pays. Cette époque a connu le départ des grandes politiques
culturelles dans lesquelles le folklore va définitivement trouver sa
place : parce qu'il permet de faire connattre et comprendre le génie
d'un peuple, le folklore va jouer un rele dans les échanges culturels
entre nations; il va alors faire l'objet d'une diffusion aussi bien
à l'échelle nationale qu'internationale, aussi bien par le biais de
la représentation que de l'édition (2).
Cette situation a peut-~tre amené Claude Masouyé à dire
qu'il serait érroné de croire que le folklore ne présente un intérêt
que pour les Etats nouvellement indépendants. Il aurait aussi, dans
les pays industrialisés ,une place très grande. L'intéressé conclut
que "partout, le folklore continue d'être une tradition vivante et
fonctionnelle; i l n'est pas seulement un simple souvenir du pas-
sé" (3).
(1 )
Claude MA.SOUYE : "La protection des expressions du folklore",
R.I.D.A. nOII5, 198), p.).
(2 )
M. GOBIN, Folklore musical et droit d'auteur, thèse, Paris 2
1975, pp.4 et s.
(3)
Claude MA.SOUYE, op. cit. p.5.

-- 2
Il convient toutefois de faire la remarque suivante :
1
1Vintér~t manifesté pour le folklore et 1 Vengouement consécutif à
1 Végard de ce patrimoine, dont Monsieur Gobin fait état dans sa
thèse (1), n'ont pas posé dans les pays industrialisés, le problème
de sa protection juridique tel qu Vi1 se formule aujourdvhui ; cVest,
en effet, avec la vague de décolonisations dans les pays en voie de
développement qu Vi1 fut si irrésistiblement posé. Mieux, il appara1t
aujourdVhui une certaine divergence de points de vue, voire une oppo-
sition des intér~ts des pays en voie de développement a ceux des pays
industrialisés sur la question. Nous serions m~me tenté de dire,
contrairement à Claude Masouyé, que le folklore ne constitue une
tradition vivante et fonctionnelle que dans les pays non indus tria-
1isés et que, par conséquent, sa protection les intéresse au premier
chef.
Ce qui est par contre exact, qu Vi1 s'agisse de pays indus-
tria1isés ou de pays en voie de développement, cVest que
1vintér~t
manifesté à 1 Végard du folklore a entratné son entrée concomittante
sur le marché des biens de consommation. Le folklore a en effet de
plus en plus tendance à ~tre commercialisé et à faire 1 Vobjet d'une
exploitation, aussi bien sur le plan national que international qui,
malheureusement, ne prend pas toujours en compte les intér~ts cu1tu-
re1s ou économiques des communautés dont il est issuo
(1)
Il existe aujourdvhui,en effet, une quantité incalculable de
recueils en tous genres (contes, chansons populaires, prover-
bes, etc.), de telle ou telle région, sinon de tel ou tel payso
Ainsi, dans le domaine du folklore musical, M. GOBIN fait état
des répertoires de plus en plus fournis de différentes firmes
françaises:
V.thèse précitée, p.6, note nOI.

- 3 -
Comme toute création intellectuelle,
Le patrimoine folklo-
rique va ~tre livré aux techniques modernes de diffusion des oeuvres
de l'esprit avec la particularité en sa défaveur que ces modes de
communication ne lui sont pas adaptés (1)0 Aussi, plus que toute autre
forme de création, le folklore subit des déformations et des dénatu-
rations visant surtout la satisfaction d'impératifs commerciaux.
Son
caractère
anonyme, voire impersonnel, se pr~te aux appropriations
indues et aux "pillage culturel"o C'est a~nsi qu'apparut la nécessi-
té de protéger ce patrimoine o Comment cette nécessité a-t-elle été
formulée ?
Dès qu'on aborde l'étude de la protection du folklore,
la
première difficulté qui appara1t a trait à sa définition o Claude
Masouyé dit avec raison:
"Ce mot signifie beaucoup de choses pour
beaucoup de gens à travers le mondeo Il couvre de nombreux aspectso. o
et i l pose des problèmes de nature diverseooo" (2).
Le folklore,
dans la perspectiVe d'une protection juridi-
que, doit-il désigner la culture traditionneJJ e dans son ensemble ou
doit-il ~tre limité à ses formes artistique , littéraire et musicale c'
Dans la seconde hypotnèse, recrouve-t-il seulement la tradition
orale (contes, chansons etco), ou doit-il être étendu à la culture
matérielle (peinture, sculpture, etc o ) ?
(1)
Les moyens de communication modernes ignorent les frontières
étatiques, à plus forte raison ethniques;
les dépositaires
du patrimoine folklorique perdent alors tout contr81e sur les
oeuvres qu'ils véhiculentn
~es techniques modernes de diffusion
impliquent des créations identifiables, dont les propriétaires
sont connus, avec lesquels on peut traiter,
(2)
Claude MASOUYE, opo
cit, poJ,

- 4 -
Toùtes
ces questions ne peuvent trouver une réponse satisfaisante
dans le cadre d'une introduction. C'est la raison pour laquelle un
chapitre préliminaire leur est consacré.
Toutefois, il convient de relever dès maintenant que dans
l'intitulé de notre étude, il est fait usage du concept d' "expres-
sion du folklore" ; ce dernier concept est le résultat d'une évolu-
tion en matière de définition du folklore, intervenue au cours des
travaux organisés par l'UNESCO et l'OMPI sur la protection du folklore.
Nous reviendrons sur ce concept, aussi-bien dans le chapitre préli-
minaire que dans le corps-m~me de la thèse.
Il convient également d'ajouter que la définition du folklo-
re est étroitement liée au sens qu'on donne au mot "protection".
Tel que formulé, l' intitulé de notre étude renvoie a une protection
juridique du folklore; mais on doit savoir qu'en ce qui concerne le
folklore, ce terme peut ~tre entendu dans le sens de "protection
matérielle" : une protection "qui ne relèverait plus du droit, mais
du folklore en tant que science et, autour de lui, de la sociologie,
de l'ethnologie, de la muséologie, etc." (1).
Toutefois, comme on s'en apercevra au cours de nos déve-
loppements, protection matérielle et protection juridique sont
étroitement imbriquées l'une dans l'autre. Cette interdépendance
justifie la démarche dite "globale et interdisciplinaire", adoptée
au cours des travaux menés sous les auspices de l'UNESCO et de l'OMPI.
(1)
Document UNESCO!OMPI!WG.I!FOLK!3- page 2 n04.

- 5 -
L'approche globale a été définie par ~pport à une autre
dite des
aspects ''propriété intellectuelle" de la protection du
folklore. Le titre de notre étude (La protection des "expressions
du folklore" par la propriété intellECtuelle), doit ~tre rapproché
de cette dernière qui signifie que la protection est envisagée selon
les principes de la propriété intellectuelle (1). Il s'agira aussi
bien de confronter la protection du folklore avec les institutions
de la propriété intellectuelle que de s'en inspirer et de proposer
des solutions en marge de ces institutions, qualifiées par conséquent
de solutions "sui generis".
Le critère de "création intellectuelle" qui évoque la
notion de propriété intellectuelle joue donc dans notre démarche
un r81e important. Il permet par exemple de limiter nos recherches
par rapport à la protection du patrimoine culturel (2).
Enfin, pour achever de présenter notre champ d'investi-
gation, il faut ajouter que la protection du folklore est envisagée
de façon générale :d'autres avant nous se sont limités au folklore
musical (3).
(1)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/GE. 1/2 - p.2I, §75.
(2)
Nous serons amené toutefois à évoquer cette institution au
cours de nos développements, pour analyser la proposition faite
par Mme d'ORMESSON-1ŒRSAINT d'étendre aux oeuvres littéraires
et musicales du domaine public, la protection des monuments
historiques. Cf Iè partie, titre II, infra 140 et s.
(3)
M. GOBIN par exemple, dans sa thèse précitée, n'étudie que la
protection du folklore musical. Il justifie son option essen-
tiellement par la place prépondérante qu'occupe ce genre dans
les manifestations folkloriques. Cf thèse précitée, p.4.
L'intéressé fait également référence à la thèse de M. SEE-
MANN, soutenue en Allemangne en 1965 sur la protection du
folklore musical.

- 6 -
Nous avons estimé que, comme en matière de droit ,d'auteur, on pour-
rait envisager la définition de principes généraux qui protègeraient
la création artistique et littéraire traditionnelle sans distinction
de genre. Dans cette démarche, nous sommes encouragé par les solu-
tians retenues aussi bien à l'échelle nationale qut internationale
en matière de protection du folklore : elles envisagent souvent cette
protection de façon générale.
Après avoir formulé le problème de la protection du fol-
klore, ctest à la question de savoir comment assurer cette protec-
tion qu'il faut à présent répondre.
Comme le relève encore Claude Masouyé, les "expressions
du folklore" sont incontestablement des manifestations de la créa-
tivité intellectuelle. Dès lors, il est normal que les juristes
cherchent les modalités de leur protection dans ce qui existe en
matière de propriété intellectuelle (I). Le principal obstacle qu'ils
rencontrent est, comme le décrit Monsieur Gobin (2), le fait que ce
patrimoine soit toujours resté en marge de la propriété intellectuel-
le. Les juristes semblent avoir plut8t veillé à ce que le folklore
demeure hors du droit d'auteur. Aussi le retrouve-t-on dans le domai-
ne public, sans trop savoir par quel raisonnement il faut expliquer
cette situation.
La protection juridique des "expressions du folklore" se
présente donc comme un nouveau problème de droit face auquel les
législateurs vont réagir. Ils ont recours à de multiples règles
relevant du droit d'auteur ou du domaine public payant; mais, peut-
on parler d'un droit, en l'absence d'un corps de règles cohérent
animé de principes propres ?
,
(I)
Claude M.1l.S0UYE, op. cit. p.7.
(2 )
M. GOBIN, thèse précitée, pp.I et s.

- 7 -
Il apparaît donc la nécessité de mener une réflexion théorique sur
la protection juridique
du folklore. Liobjet de cette réflexion
sera la recherche d'une théorie juridique pour la protection du
folklore
(PREiYLIERE PARTIE) •
La reflexion théorique que nous aurons menée dans la
pre-
mière partie nous permettra d'aborder avec pl~s de perspicacité
l'analyse des initiatives étatiques et des organisations internatio-
nales sur la protection du folklore
(DEUXIEME PARTIE) •
CHAPITRE PRELIMINAIRE
DEFllHTIŒ JURIDIQUE DU FOLKLORE.
PREMIERE PARTIE
A LA RECHERCHE D'UNE THEORIE JURIDIQUE
POUR Là. PROTECTIŒ DU FOLKLORE.
DEUXIEME PARTIE
LES INITIATIVES DES E'l'ATS
ET DES ORGANISATIONS INT~~ATIONALES
POUR LA. PROTECTIŒ DU FOLKLORE.

.- 8 -
CHA.PITRE
PRELIMJNAIRE
DEFINITION
JURIDIQUE DU FOLKLORE
La question de la définition juridique du folklore
aurait dû ~tre traitée dans l'introduction générale du travail,
où le sujet de la thèse a été défini. Nous avons cependant pré-
féré en faire l'objet d'un chapitre préliminaire compte-tenu de
son importance. Ce moyen nous permet un examen détaillé de tous
les aspects du problème.
Dans le cadre de ses efforts pour une protection juri-
dique du folklore, l'Unesco a, en 1979, adressé un questionnaire
sur la sauvegarde de leur folklore, aux Etats membres (1). L'ana-
lyse des réponses fournies par soixante-dix Etats (2), à la date
du 30 septembre 1981, a permis le constat suivant : '~l apparaît
que toutes les réponses reçues s'accordent pour reconnaître la
nécessité d'une définition du "folklore", mais qu'elles la con-
çoivent de façon différente" (3).
Il n'est certainement pas exagéré de parler de méandres
d'une définition de folklore (section 1), dont nous tenterons de
sortir en faisant la proposition d'un critère de référence
(Sec-
tion II).
(1)
Voir questionnaire annexé au document UNESCO/CPY/TPC/I/3
PARIS, 8 janvier 1982.
(2)
Voir la liste des Etats ayant fourni des réponses au ques-
tionnaire de l'UNESCO dans Je doc. UNESCO/CFY/TPC/1/3,p.2 •
§ 12.
(3)
Doc. UNESCO/CPY/TPC/1/3 , op. cit. p. 2 § 15

- 9 -
SECTION l
LES MEANDRES D'UNE DEFINITION.
Les folkloristes sont unanimes à reconnaître à l'anglais
W.J.
Thorns 19invention du terme "folklore". Ce dernier le proposa
en 1846 pour désigner ce que 19 on entendait en anglais par "ant i-
quités populaires" et "littérature populaire".
Issu des deux vocables anglais "folk", peuple et "lore",
savoir, le mot signifirait littéralement, savoir du peuple, ce que
le peuple sait, ce qu'il connait, etc ••• André Varagnac écrit cepen-
dant : " ... mais tout cela n'a pas plus de valeur qu'un poteau in-
dicateur à un carrefour••• " (1).
Le constat d'André Varagnac témoigne bien de la situation
au sein des folkloristes à propos de la définition de leur disci-
pline. Ainsi, il se dégage de leurs débats, que même les "folklo-
ristes les plus célèbres ne proposent pas un critère ferme et una-
nime qui permette de dégager les faits folkloriques de la masse
des phénomènes socioculturels".
(Paragraphe 1)
Devant ces incer-
titudes, les juristes ont tenté
des classifications qu'il faut
examiner.
(p aragraphe 2)
(1)
A. VARAGNAC, "Le folklore et la civilisation moderne" in
Cahiers de la pensée Française, nO de mars-avril 1943. p. 581.

ra
Paragraphe r
Absence de critères fermes de délimitation du folklo-
reà travers les débats des folkloristes.
Le Standard Dictionary of Folklore, Mythology and Legend
recençait déjà vingt et une définitions du folklore en 1949, rappor-
te Mme Belmont (1). Les spécialistes du folklore ont alors effectué
des regroupements selon les théories (A) et selon les formes du
folklore (B).
théories.
Mme Belmont effectue une classification des définitions
du folklore d'après les théories dont elles slinspirent. Elle oppo-
se les définitions qui s'appuient sur la théorie des survivances à
celles fondées sur la théorie qui affirme "le caractère vivant, ac-
tuel et contemporain du folklore" (2).
Selon Monsieur Andrew Lang, un
tenant de la théorie des
survivances. "le folklore recueille et compare les restes des anciens
peuples, les superstitions et histoires qui survivent, les idées qui
vivent dans notre temps. A proprement parler, le folklore ne s'inté-
resse qu'aux légendes. coutumes. croyances du peuple" (3).
(1)
Mme Nicole BELMONT : ''Folklore'', in Ancyclopaedia Universalis,
édition 1984, vol.7, pp.I079 et s.
(2)
Idem, p.IOSI.
(3)
M. Andrew LANG, cité par Mme BELMONT, op. cit. p.IOSI.

- -11: _-
Parmi les partisans de l'autre thèse, Van Gennep
insistait déjà en 1924, dans son ouvrage le Folklore, sur le
caractère vivant du folklore et recommandait que la méthode his-
torique soit remplacée par la méthode biologique (1). Pour M. Alan
Dundes, auX Etats Unis dVAmérique, "le folklore nVest pas en déca-
dence, ni sur le point de disparaître ••• il durera aussi longtemps
que les humains emploieront des formes traditionnelles pour commu-
niquer entre eux" (2).
Les définitions se rattachant à cette théorie
font
appel aux notions de "caractère populaire" (3) et de "transmission
populaire" (4) pour caractériser le folklore.
(1)
A. VAN GENNEP, "Le folklore", cité par Mme BElMONT, op.
cit. p. 1OSI.
(2)
M. Alan DUN DES , cité par Mme BELMONT, op. cit. p. 1081.
(J)
P. SAINTYVES, ayant recours à ce critère écrit: "le folklo-
re étudie la vie populaire, mais dans la vie civilisée, la
littérature populaire suppose une littérature savante, comme
le droit coutumier suppose un droit écrit". L'identification
faite par ce folkloriste du "populaire" à "Poralité" du
"savant" à "l'écrit" est critiquée par certains de ses collè-
gues (A. VARAGNAC : définition du folklore, PARIS, société
d'éditions, 1938 j Mme BElMONT, op. cit. p. 1081).
(4)
Le critère de transmission populaire est jugé meilleure par
Mme BELMONT. Il permettrait de définir le folklore comme ce
qui se transmet dans le peuple, le plus souvent oralement,
mais parfois par le truchement de l'écriture; Mme BELMONT,
op. cit. p.I082.

12
Mme Belmont conclut cependant que toutes ces défini-
tions demeurent insatisfaisantes (1). Les divergences autour de
la définition du folklore mettent en lumière la difficulté pour
les spécialistes de cette science, de s'entendre sur les limites
de leur discipline. En effet, les matériaux du folklore se sont
révélés difficiles à saisir en eux-m@mes. L'étude des genres for-
mels dans lesquels ces matériaux se rangent est alors un excellent
moyen de les appréhender.
B) - Définition du folklore selon ses formes d'expressions.
Les folkloristes s'accordent sur certaines grandes es-
pèces de traditions: ainsi, distinguent-ils la littérature orale,
la culture matérielle, la coutume et la f@te, ces deux éléments
pouvant @tre ici rapprochés.
- La littérature orale comprend l'expression parlée et chantée.
Elle se divise en deux groupes principaux : le récit et la chanson
populaire. Des genres mineurs comprennent les proverbes, les énig-
mes, les croyances et les superstitions.
Le récit populaire couvre un vaste registre de traditions
orales dont le mythe, le conte de fée, le conte populaire d'animaux,
la légende, le roman, la farce, l'anecdote, etc •••
(1)
Mme BELMONT, op. cit. p.I08I.
(2)
R.M.D.
''Folklore'', Ancyclopaedia Universalis, édition 1968,
vol.7, p.97.

- 13 -
La chanson populaire englobe aussi beaucoup de genres dont la
ballade, la chanson lyrique,etc •• (1).
- Par opposition à la littérature orale, la culture matérielle
comprend les objets physiques produits par des moyens tradition-
nels ; elle renferme l'architecture, les arts et l'artisanat po-
pulaires. (2)
- Entre le folklore oral et le folklore physique se situe un
domaine folklorique mixte, comprenant les coutumes. les rites,
les fêtes, le théâtre populaire, les danses populaires, les di-
vertissements organisés, etc. Ces éléments se composent d'une
action, d'une mise en scène et d'accessoires de représentation.
L'examen des différentes formes du folklore fait appara1-
tre les notions de culture immatérielle et de culture matérielle.
Cette distinction en évoque une autre : celle qu'on fait entre l'art
populaire et le folklore.
(1)
Pour le sens des diverses notions utilisées, voir,
''Folklore'' Ancyclopaedia Universalis, éd. 1968, vol. 7,
pp. 97-98.
(2)
Idem.
(3)
La culture immatérielle, par opposition à la culture maté-
rielle, est cette partie de la création qui, pour s'exprimer
et être véhiculée, n"a pas nécessairement besoin d'lm objet
comme support. Il en est ainsi de la musique, du conte, etc.

- 14 -
M. Jean Cuisenier apporte des lumières sur ces deux dernières
notions. (1) Il rapporte que la première expression construite
pour identifier ce qu'on nomme art populaire est le mot allemand
"wolkskunde". Dans les pays de langue allemande, l'expression
désigne les "disciplines qui étudient le peuple comme une tota-
lité physique, sociale et culturelle, sous ses divers aspects"
(2). Quant au mot folklore, "créé par W. J. Thorns en 1946 dans
l 'Athenaeum , il désigne les croyances traditionnelles, les lé-
gendes répendues parmi le commun du peuple, les usages et les
coutumes, les observances, superstitions, ballades et proverbes"
(3).
La différence entre les deux concepts se perçoit aisé-
ment : "wolkskunde signifie le peuple comme entité etlmique et
souligne tous les aspects de la culture, le terme anglais vise
le peuple comme classe sociale et attire l' att:ention sur les as-
pects non matériels de la culture" (4).
Les tentatives de Van Gennep pour étendre le sens du
mot folklore à l'ensemble des phénomènes culturels n'auraient pas
fait
l'unanimité (5). Ainsi, le terme "folklore" continuerait
de désigner la culture populaire dans ses aspects non matériels
dans les pays de langue anglaise.
(1) : M. Jean CUISENIER, Art populaire, Ancyclopaedia Universalis,
éd. 1968, vol. IJ, p. JJ6 et s.
(2,3.4) : M. Jean CUISFMIER, op. cH. p. 337
(5) : Idem

- I5 -
Le folklore se présente alors comme une notion plus
restreinte que celle d'art populaire, mais tout laisse supposer
que chacun de ces concepts aura une signification différente selon
les pays. André Varagnac écrit, en effet, qu'au 20è siècle, le
folklore, d'abord cantonné au domaine des contes, légendes, pro-
verbes, chansons et danses, auxquels on joignait les usages et
les
superstitions
s'est adj oint le vaste champ des techniques
art isanales et paysannes" (I).
A ce stade de l'analyse, la problèmatique de la pro-
tection du folklore se pose de la façon suivante : dans la re-
cherche d'une théorie juridique pour la protection du folklore,
il s'agit de savoir si sa définition juridique doit recouvrir
aussi-bien le folklore dit immatériel (y compris les techniques
artisanales) que le folklore dit matériel. Il importe alors de
déterminer les genres de folklore qui entreraient dans le champ
de la protection préconisée.
D'ores et déjà, il faut souhaiter que les juristes ne
se laissent pas imprudemment entra mer dans les débats de spécia-
listes des sciences sociales (folkloristes, ethnologues, anthro-
pologues, etc) qui cherchent eux, à délimiter leurs disciplines
respectives.
(I)
André VARAGNAC
''Folklore et civilisation moderne", op.
cit. p. 581.

- 16 -
Les juristes devraient, à priori, se préoccuper ue savoir si les
éléments quVon rattache à lV une ou lVautre des disciplines ci-dessus
évoquées, répondent ou non aux m~mes critères juridiques qui permet-
traient de les protéger. En ce qui concerne le folklore, leur tâche
est dVautant plus compliquée que panniles manifestations dites
folkloriques, i l existe une telle hétérogénéité, quVil semble im-
possible de les regrouper sous un statut commun de protection.
Monsieur Gobin a par conséquent raison dvécrire : "aussi
lVappellation de folklore, sans spécification du domaine particulier
auquel le terme s'applique, est-elle trop générale pour ne pas être
génératrice de confusion quant aux éléments constitutifs des phé-
nomènes auxquels elle s'applique" (1). Pour lever cet obstacle,
les juristes ont procédé à des classifications que nous examinerons
'dans le paragraphe suivant.
Nous n'aurons pourtant pas fini avec tous les aspects
que comporte la définition du folklore: en effet, nous reviendrons
sur cette question dans le chapitre l
du titre l de la seconde
partie. Abordée sous l'angle de la prise de conscience des pays
en voie de développement à lVégard du folklore, sa définition
comporte des aspects nouveaux que nous exposerons.
(1)
M.GOBIN: Folklore musical et droit d'auteur, thèse, Paris
2, 1975, p.I6. L'intéressé ayant tiré cette conclusion, a
restreint le champ de ses recherches au folklore musical.
S'intéresser pourtant au folklore en général n'est pas une
ignorance
de la vérité que ce dernier a établie. CVest la
manifestation d'une volonté d'élargir le champ d'investiga-
tion. Nous serons, nous aussi, amené à laisser à dVautres
formes de protection qu'à la propriété intellectuelle, toute
une partie du domaine folklorique, (cf la section suivante, pp.
46 et s), mais il fallait au moins rechercher des solutions
pour la création artistique et littéraire traditionnelle dans
Son ensemble.

- 17 -
Paragraphe 2
Essais de classification par les juristes.
En face des énormes difficultés que rencontrent les
juristes autour de la définition du folklore, ces derniers ont
élaboré des critères pour tenter de contenir le concept dans
des limites raisonnables. Aussi, les critères immatériels et
matériels, prêtés par les folkloristes ont permis la distinction
"folklore au sens large, folklore au sens restreint" .(A)
La tech-
nique des classifications a permis aussi la distinction de défi-
nitions dites par énumération de produits.(B) et d'autres dites
par énumération de critères.(C)
A) - Folklore au sens large, folklore au sens restreint
Partie de la distinction "folklore","art populaire",
Mme Niedzielska aboutit aux notions de, "folklore au sens large",
"folklore au sens restreint". Les critères utilisés sont Pimma-
térialité et la matérialité. Ils permettent au spécialiste du
droit d'auteur de considérer que le termè'folklorè'désigne les
créations immatérielles, tandis que celui de l' 'art populaire' dési-
gne les créations matérialisées dans des objets.
"L'art populai-re
diffère donc du folklore en ce qu'il s'incorpore dans des objets

~ lB -
matériels, demeurant ainsi un phénomène relativement durable en
comparaison du folklore" (1)0
Le folklore, au sens large, comprend alors aussi bien
les créations immatérielles que matérielles, tandis que le fol-
klore au sens restreint désigne exclusivement les créations imma-
térielles. Cette distinction se fonderait sur une différence de
situation devant justifier des solutions juridiques distinctes,
selon qu'il s'agit du folklore ou de l'art populaire.
En ce qui concerne l'art populaire, Mme Niedzielska
écrit: "Dans la plupart des cas, l'artiste peut gtre identifié,
son nom ou du moins ses initiales ayant été imprimés sur le maté-
riau qui a servi à l'exécution de son oeuvre" (2)0 Quant au folklo-
re, dans le sens restreint précisé ci-dessus, (il) constitue en
quelque sorte une page close, étant donné que les éléments qui le
composent dans la plupart des cas, ne sont que reproduits sous des
formes depuis longtemps cristallisées" (3), Ceci serait une diffé-
rence fondamentale par rapport à l'art populaire qui, non seulement
(T) Mme NIEDZIEL8KA"Les aspects propriété intellectuelle de la
protection du folklore", le droit d'auteur, novembre 1980,
p. 2800
La notion d'art populaire est ici employée dans un, sens plus
restreint que celui dégagé par Mo Jean Cur8ENIER,V.supra po 14.
(2 et 3) : Mme NIEDZIELSKA ,opo cit. po 280
Il faut rappeler, à propos des analyses que l'intéressée fait
de la situation du folklore et de l'art populaire qu'elle a
circonscrit son champ d'investigation aux pays industrialisés
d'Europe. (arto précité p. 279, note nO 1). Il convient donc
de relativiser les conclusions qu'elle tire lorsqu'il s'agit
par exemple, de pays non industrialisés,

- 19 -
durerait mais se développerait continuellement grâce à ceux
qui reproduisent les modèles à leur guise.
Les considérations ci-dessus justifient que Mme
Niedzielska réserve à l'art populaire un traitement juridique
différent de celui du folklore (1).
La distinction, folklore au sens large, folklore au
sens restreint, ne recueille toutefois pas l'unanimité au sein des
juristes.
M. Gavrilov, par exemple, estime qu'en matière de pro-
priété intellectuelle, il convient de dépasser la conception
"folklore égale création populaire orale" (2).
La position de M. Gavrilov a aussi été exprimée dès
les premères réunions convoquées par l'Unesco sur la protection
juridique du folklore (3). Elle s'est par la suite maintenue au
(1)
Mme N1EDZ1ELSKA résout le problème de la protection de l'art
populaire en deux étapes. La protection des monuments d'art
populaire relèverait du régime des sites et monuments, tandis
que l'art populai~e actuel serait protégé par le droit d'au-
teur.; op. cit. pp. 280-281.
(2)
M. GAVR1LOV "La protection juridique des oeuvres du folklore"
Le Droit d'Auteur, janvier 1984, p. 76. Les termes "oral" et
"immatériel" sont ici employés comme synonymes.
(3)
Le rapport du comité d'experts sur la protection juridique
du folklore (TUNIS, 11-15 juillet 1977) , mentionne que les
experts ont jugé la notion d'oralité (ou d'immatérialité)
trop étroite pour couvrir tout le phénomène folklorique. Les
peintures, sculptures et l'artisanat devraient aussi faire
partie du folklore.
(Doc UNESCO/FOLK/I/4, PARIS, 1er sept.
1977 p. 3 § 15-16

-
20 -
,
"
,\\'
cours des travaux; ainsi, la definition donnee a l expression
du folklore"dans les dispositions types de législation nationale
sur la protection des'~xpressions du folkloreVcontient aussi bien
des expressions immatérielles que matérielles (1)0
Les avis se partagent donc sur une conception étroite
ou large du folklore, mais l'option pour l'une ou pour l'autre
ne résout pas pour autant tout le problème de la définition juri-
dique du folklore. En effet, le phénomène folklorique demeure encore
si étendu, que les juristes ont dû avoir recours à des définitions
mettant en oeuvre d'autres critères de restriction.
B) - Définition par énumération de produits.
Nous aVons déjà évoqué les travaux du Comité d'Experts
sur la protection juridique du folklore, au cours desquels la
tendance à concevoir le folklore comme étant seulement quelque
chose d'oral ou d'immatériel a été rejetée (2). Cette position
des experts manifestait leur volonté d'étendre le champ du folklo-
re aux objets matériels du domaine de la peinture, de la sculpture
(1)
Dispositions types de législation nationale sur la protec-
tion du folklore contre leur exploitation illicite et autres
actions dommageables. Doc B/EC/XXn/I4 - ID C (1971) /V/14,
annexe pp. 6 et s.
Quoique le terme "matériel" ne soit pas employé dans ces
textes, nous y trouvons, sous la rubrique des expressions
tangibles, les oeuvrages d'art populaire qui sont bien des
expressions matérielles.
(2)
Cf.
supra p. 19, note 3.

- 21 -
et de l'artisanat. A partir de ce moment, la liste des éléments
faisant partie du folklore n'a cessé de s'allonger de manière à
inclure "différents types du folklore : un folklore nécessitant
à la base certaines connaissances, comme par exemple, la médecine,
la botanique, la philosophie, et un folklore relevant du domaine
artistique, à savoir les arts plastiques, les arts visuels et les
arts du langage" (1).
Le folklore recouvrirait alors la culture presque toute
entière, devenant synonyme de "culture traditionnelle". Cette ex-
tension du concept de "folklore" aurait cependant l'effet néfaste
de rendre trop complexe la mise en application concrète de sa
protection.
Pour surmonter cette difficulté, les juristes ont dis-
tingué du reste du folklore, les manifestations qui présentent un
caractère artistique ou littéraire (2). L'application du critère
artistique qu'il convient de qualifier de fondamental, permet
d'exclure du champ d'une théorie juridique pour la protection du
folklore, les croyances traditionnelles, les traditions scientifi-
ques et techniques ou purement pratiques, ainsi que le contenu des
légendes.
(1)
Document UNESCO/PRS/CLT/TPC/II/J , p.I2, § 41.
(2 )
Il convient de relever que si les notions de "folklore au
sens large" et de "folklore au sens restreint" divisen~ :es.
juristes
le citère artistique les rassemble : les spec1a11s-
tes du d;oit d'auteur dont nous avons examiné les écrits l'ont
en effet ainsi entendu. Cf Mme NIEDZIELSKA, article précité,
M. GAVRILOV
article précité, M. GOBIN, thèse précitée, Mlle
MIALLON, th~se, Paris 2, 1970, Mlle KINGUE, thèse, Paris 2,
1985.

22
Les développements ci-dessus nous perm~ttent de mieux
comprendre les définitions par énumération de produits ;elles met-
tent en oeuvre un critère de genre ou de domaines représentatifs
du folklore (1). Ces définitions se présentent sous forme de listes
de produits, jamais exhaustive ,mais suffisantes pour fournir une
image de leurs objets. Les Dispositions types de législation natio-
nale sur la protection des "expressions du folklore" offrent un
bel
exemple de définition par énumération de produits (2).
,
Ce texte présente de surcroît 19interêt de rendre compte des
différents critères que nous avons déjà examinés : la définition
de l'\\~xpression du folklore" qu' il renferme applique d'abord le cri-
tère artistique puis, elle consacre une notion large du folklore.
Il existe par conséquent, côte à côte, des expressions verbales,
musicales et corporelles ainsi que des expressions tangibles.
(1)
Les classifications opérées par les folkloristes selon les
formes du folklore, ainsi que selon les genres, sont à ce point
de vue très intéressantes et par conséquent largement utilisées
par les juristes. Cf supra pp. 12 et s.
(2)
L'article 2 des Dispositions types dispose : "Aux fins de la
présente (loi), on entend par "expressions du folklore", les
créations se composant d'éléments caractéristiques du patri-
'moine artistique traditionnel••• en particulier:
1 : les expressions verbales
telles que les contes populai-
res etc.
2
les expressions musicales telles que les chansons ;
3
les expressions corporelles telles
que les danses ;
4
les expressions tangibles telles que :
a) les ouvrages d'art populaire, not~ent les dessins,
les peinture etc.
b) les instruments de musique.
Ce type de définition se rencontre également dans la loi
rwandaise du.I5.nov. 1983, article 3, (R.I.D.A. nOI23, pp.
29 2 . et s.; alnS1 que dans la loi béninoise du 15 mars 1984,
art1cle 10, (le Droit d'Auteur, nov. 1984.)

- 2J -
Les expressions dites tangibles, le sont dans leur
forme première; elles ont été crées en tant qu'objets. Ce n'est
pas le cas des expressions verbales
ou incorporelles, qui, initia-
lement sont immatérielles; toutefois, ces dernières peuvent pren-
dre par la suite une forme matérielle (~).
~l faut comprendre, pour terminer, que les définitions
par énumération de produits, mettent l'accent sur les produits
à protéger, laissant au lecteur le soin de décider des caracté-
ristiques que les phénomènes de la liste ont en commun. Les défi-
nitions par énumération de critères mettent, elles, l'accent sur
les critères à réunir pour que des productions soient dites du
folklore.
C) - Définition par énumération de critères.
Ce type de définition consiste à retenir un certain
nombre de critères et
à
dire, lorsqu'ils sont réunis à propos
d'une création de l'esprit, qu'il s'agit de folklore (2).
(~)
Le conte peut par exemple, être transcrit, la musique notée
et la danse filmée ou transformée en notation chorégraphique
écrite.
(2)
Citons, en guise d'exemple, les définitions suivantes, l'une
de M. GOBIN, l'autre d'un texte légal bolivien:
"Le folklore musical peut donc être défini comme : le fruit
d'une tradition musicale populaire, anonyme, qui se perpétue
oralement ••• " ("Le folklore musical", op. cit. p.50). Quant
aux deuxième exemple, l'article ~-a du règlement d'application
du Décret suprême du 19 juin 1968 relatif à la musique ano-
nyme du folklore national, dispose que les mélodies protégées
sont les compositions musicales à la fois traditionnelles,
anonymes et populaires.

- 24 -
Les critères utilisés sont multiples: l'anonymat, l'im-
personnalité, l'oralité, le rattachement à un groupe restreint, le
caractère traditionnel, le caractère populaire. Trots de ces cri-
tères nous paraissent déterminants dans la recherche d'une théorie
juridique pour la protection du folklore
le critère de l'imper-
sonnalité, (a) le critère de la création anonyme (1), (b) et le
critère traditionnel.(c)
On attribue la théorie de création collective aux folklo-
ristes romantiques; mais Monsieur Jakobson qui se défend d'être des
leurs, développe des arguments pertinents sur l'origine collective
du folklore (2).
Ce dernier reproche d'abord aux romantiques d'avoir
surestimé l'autonomie et la spontanéité du folklore en le définis-
sant comme ce qui est uniquement "créé par le peuple et pour le
peuple" ; ils excluaient ainsi par exemple, pour défendre l'origine
collective du folklore, les oeuvres empruntées par la poésie popu-
laire aux couches supérieures de la société.
(1)
Parmi les juristes, le concept de création anonyme est utili-
sé par les partisans de la théorie de la création individuel-
le, tandis que lès partisans d'une création collective du
folklore partent de 1'impersonnalité 'de la création.
(2)
M. JAKOBSON : "Le folklore, forme spécifique de création"
in Question de Poétique, Paris, édition du Seuil, 1973, pp.
59-72.

- 25 -
Les romantiques auraient ainsi commis une première er-
reur car, "pour la science du fo lklore, ni la naissance. ni l'exis-
tence des sources -qui se situent hors du folklore- ne sont essen-
tielles, mais bien le fait d'emprunter, le choix et la modifica-
tion du matériau emprunté" (I). L'oeuvre relevant de l'art "monu-
mental", ne .peut passer dans le folklore sans passer par un acte
de création qui se "manifeste ici, aussi bien dans le choix des
oeuvres reçues, que dans la façon de les agencer afin de satis-
faire d'autres habitudes et d'autres exigences" (2).
Les romantiques auraient commis une seconde
erreur
en soutenant la "thèse suivant, laquelle, seul un peuple igno-
rant la division en classe, sorte de personnalité collective avec
une âme, une idéologie, communauté sans la moindre expression in-
dividuelle de l'activité humaine, pouvait être l'auteur du folklore
et l'acteur de la création collective" (3).
Selon M.JAKOBSON , la mentalité collective ne constitue
qu'un terrain favorable; elle n'est pas une condition indispen-
sable de la création collective. Ce dernier fonde sa théorie de
l'origine collective du folklore en établissant un parallèle entre
le langage et le folklore.
(1)
M.JAKOBSON, op. cit. p. 66
(2)
Idem.
(3)
Ibidem, p. 67.

- 26 -
"Quelle que soit la nature des conditions dans lesquelles
se modif'ie le langage, nous ne pouvons parler de "naissance" dVune
forme nouvelle en tant que telle qu'à partir du moment où elle
existe comme fait social, cVest-à-dire où la communauté linguis-
tique se IVest appropriée"
(1).
De la même façon, "l'existence dVtme oeuvre folklorique
ne commence quVaprès son acceptation par une communauté, et il
n'en existe que ce que la communauté sVest appropriée" (2).
L'appropriation par la commtmauté réalise une conditiôn
de survie de IVoeuvre créée par un individu, dans la mesure où
cette dernière demeure orale. Le rejet par la commtmauté peut con-
cerner des particularités formelles de l'oeuvre et dans ce cas,
le milieu élague l'oeuvre à sa guise. Les éléments rejetés perdent
alors leur existence fonctionnelle et dépérissent.
Toujours en comparaison avec le langage, M. Jakobson do~_e
des critères de distinction entre le folklore et l'oeuvre moderne:
'~ans le folklore, la relation entre l'oeuvre d'art et son objecti-
vation, c'est-à-dire les variantes de cette oeuvre d'art interpré-
tée par différentes personnes, est en tous points analogue à la
(1)
M. JAt:üBSON , op. cit. p. 60
(2)
Idem

27 -
relation entre langue et parole. Comme la langue, l'oeuvre fol-
klorique.est extra-personnelle et n'a qu'une existence poten-
tielle ; ce n'est qu'un assemblage complexe de certaines normes,
de certaines impulsions, un canevas de la tradition du moment
qu 9 animent les interprètes par les enjolivures de la création in-
dividuelle comme le font les producteurs de la parole par rapport
à la langue. Dans la mesure où ces innovations individuelles dans
la langue (ou dans le folklore), répondent aux exigences de la
communauté, et anticipent sur l'évolution régulière de la langue
(ou du folklore), elles sont intégrées et deviennent faits de
langue (ou éléments de 19 0euvre folklorique)
(I). C'est ce qui
expliquerait le caractère collectif de la création folklorique
et le caractère impersonnel de la participation de l'individu.
Au milieu des années 70, la théorie de la création im-
personnelle et collective du folklore a été habilement défendue
à travers les travaux de l'Unesco, avant d'être confrontée à
l'opposition des pays en voie de développement (2). Ces derniers
lui ont opposé la thèse de la création anonyme.
(I): M. JAKOBSON op. cita p. 64. L'intéressé fait des développements
très intéressants sur le rôle de l'interprète du folklore
sur lesquels nous reviendrons (cf.
infra Ié partie, titre II,
chapitre II, section l, pp. 219 et s.
(2)
Doc. ~IESCO/PRS/CLT/TPC/II/3, 30 novembre 1984, p. IO.

- 28
b) - Le critère de l'anonymat.
------------------------
En 1977, à la réunion de Tunis, les pays africains
avaient demandé, avec insist8.nce, que le critère de l ' "imper-
sonnalité" soit remplacé par celui d'''anonymat'' : étant donné
qu'en Afrique, la personnalité de l'artiste participe fortement
à l'expression folklorique et que le mode d'utilisation importe
au
moins autant que le matériau folklorique (1).
La thèse de la création individuelle qui engendre la
notion de création înonyme du folklore, est née sous l'influence du
réalisme naïf écrit M. J3.kobson.
"La création collective ne nous
est pas donnée comme un fait d'expér~ence concrète; aussi, serait-
il nécessaire de supposer un créateur individuel, un initiateur".
(2) C'est le sens de l'interrogation de M. Miller Vsevolod
"Par
qui ont-ils été inventés ? Création collective de la foule ? mais
ceci est encore une fiction, car l'expérience humaine n'a jamais
encore observé semblable création" 0),
Au vu des résultats de l'enquête menée par l'LNESCO en
1979, il semble que les partisans d'une théorie de la création
collective soient moins nombreux que ceux de la thèse opposée. (4)
(1)
Rapport du Comité d'eKperts sur la protection juridique du
folklore, réunion de TillrIS, Il-I5 juillet 1977, Doc UNESCO
op. cit. p. 10.
(2)
M. JAVüBSON, op.cit. p.62.
(J)
M. Miller VSEVOLOD, cité par M.JAhOBSON. op. cit. p.62.
(4)
Cf, Synthèse des réponses dans le doc. UNESCO/CPY/TPC/l/J.

- 29 -
Les débats à propos du caractère individuel ou collectif mettent
cependant en lumière la difficulté d'appliquer un critère de pro-
tection. En effet, dans certains genr~s, la tâche de l'artiste ne
se résume pas à la connaissance du contenu des motifs, des normes
stylistiques et du langage d'un genre; l'artiste doit également
se révéler apte à choisir les éléments appropriés à une situation
d'interprétation et à un public donnés et de créer une nouvelle
entité à partir de ces éléments traditionnels (1).
Il existe par contre d'autres genres qui ne portent pas
ainsi la marque individuelle. Dans le cas des proverbes, la "créa-
tivité de l'interprète se manifeste d'une autre manière: l'essen-
tiel devient son aptitude à saisir la situation, à choisir l'adage
qui convient et à l'utiliser de telle sorte qu'il acquière une si-
gnification concrète, qu'il n'aurait pas nécessairement s'il était
cité dans lUIe autre situation" (2).
Les critères collectif
et anonyme
sont de loin les
plus importants parmi les éléments d'une définition du folklore
toutefois, le critère traditionnel,(nous le remarquerons à travers
l'examen des initiatives aussi bien nationales qU'internationales
dans la deuxième partie de la thèse), se trouve joint aux deux
premiers.
(I)
Doc.
U1iESCO/PRS/CLT/TPC/II/ J, p.
IO, § 38.
(2)
Idem, p.
II.

-
JO -
Le caractère traditionnel du folklore évoque les notions
de structure fixe ou cristallisée et de rattachement à un groupe
humain restreint.
Le folklore est traditionnel par ses formes de création et de
transmission, qui se font selon des schémas, des formules et des
structures stéréotypées. L'interprète, sous peine de sortir du .
champ folklorique, doit se conformer à ces éléments (1).
Cette forme de création explique le fait que l'artiste
se préoccupe plus de transmettre que de créer, d'innover. André
Varagnac, comparant le traditionnel au moderne, nous ramène à sa
définition du folklore "croyances collectives sans doctrine, pra-
tiques collectives sans théories"
(2).
Les développements que nous venons de faire sur les
différentes classifications effectuées par les juristes 11l'ésen-
tent un bel effort de conceptualisation de la part de ces der-
niers. Les définitions qui insistent sur les produits à protéger
et celles qui mettent plutôt l'accent sur les critères de protec-
tion se cooplètent.
La protection du folklore musical implique
qu'on sache le distinguer de la
musique
non folklorique;
(1)
DOC/TI/EC/XI/ II, IGC/XR, l
(1971) 1I5, la octobre 1975, p.
16
(2)
André VARAGNAC, définition du folklore, PARIS, société
d'Edition, I9J8, p.
180

- JI -
quoique les juriste~ n'aien~ pas tous recours aux mêmes critères
à appliquer dans ce cas, le problème de la définition juridique
du folklore paraît aisée à élargir et difficile à limiter
(1).
C'est par rapport à cette difficulté entre autres que nous propo-
sons le recours au critère de la création intellectuelle.
_ _ _ _ _ 0
_
(1)
DOC. CNESCO/PRS/CLT/TPC/II/J, op.
cit. p. 14, § 45.

... 32
SECTION II
PROPOSITION D'UN CRITERE DE REFERENCE
J. CREATION :lliTELLECTUELLE.
Le recours au critère artlstique pour définir juridique-
ment le folklore a permis de le limiter à un ordre de grandeur
raisonnable. Adopté par exemple dans les Dispositions types à Genè-
ve en 1982, le terme "artistique" a pourtant provoqué une critique
immédiate lors des rencontres régionales organisées pour l'Asie (1)
et pour l'Afrique (2)
: les experts étaient favorables à une pro-
tection plus large du patrimoine traditionnel.
En outre, le recours au critère artistique a fini par
créer le conditionnement "folklore égale création artistique tra-
ditionnelle". Pourtant, à l'origine, l'adoption de ce critère n'a
été qu'une question de pragmatisme;
"l'idée sous-jacente étant que
pour ce folklore-là, une protection est à la fois plus urgente et
plus aisément admissible" (3).
La proposition de recourir au concept de création intel-
lectuelle vise l'établissement d'un parallèle entre la création
intellectuelle traditionnelle et celle des sociétés industrialisées.
Il faut alors tenter le rapprochement entre les notions de folklore
et de création intellectuelle, (paragraphe 1) et poser la problé-
matique de la protection du folklore par rapport à la propriété
intellectuelle. (Paragraphe 2)
(1)
Ci dccu~e~t ŒIESCO/W1PO/FOLK/ASIA/5, § 16.
(2)
Cf document UNESCO/OMPI/FOLK/AFR/4. § 17.
(J)
Cf document mIESCO/OMPI/WG.I/FOLK/J, Paris 14 déc. 1979, § 2.

- 33 -
Paragraphe 1 - Folklore et création intellectuelle.
Dans notre démarche, la création intellectuelle, objet
des droits intellectuels, doit être entendue comme l'écrit H. Desbois
(1) et comme le reprend M.
le Professeur Françon (2). Selon ce
dernier, parmi les droits de propriété littéraire artistique et
industrielle, il faut distinguer les droits intellectuels des au-
tres droits de clientèle.
Accordés pour récompenser une création intellectuelle, les droits
intellectuels comprennent le brevet d'invention, le droit d'auteur
et le droit sur les dessins et modèles. A la base de ces droits,
il Y a un acte de création. Tout autre est le cas des marques et
des appellations d'origine (3).
Le recours à la notion de création intellectuelle pour
une définition juridique du folklore manifeste notre volonté de
dépasser la conception, "folklore égale création artistique tra-
ditionnelle". L'observation des sociétés traditionnelles montre
(1)
: H.
DES BOIS , Cours de Propriété Littéraire, Artistique et
Industrielle, PARIS, les Cours de Droits, 1966-1967, p. 15.
(2)
M. André FillU1ÇON, Cours de propriété littéraire, artistique
et industrielle, PARIS, les Cours de droit ,1985-1986 , pp.8-9.
(3)
"Le commerçant qui utilise une marque s'est contenté de choi-
sir une expression ou une image pour distinguer ses produits
de ceux d'un concurrent: choisir, n'est pas créer,. inventer•••
Ce que l'on vient de dire des marques vaut pour les appel-
lations d'origine". M. André FRANÇON, op. cit. p. 9.

- 34 -
bien qu'elles ne sont pas privées de capacité d'''invention''.
C'est ce que constate M.
Ignacy Sachs lorsqu'il écrit qu'il ne
faut jamais négliger les connaissances traditionnelles sur le
milieu naturel, cette "scier.ce du concret". Sa richesse et sa pré-
cision auraient
parfois surpris les anthropologues et les ethnc-
botanistes (I).
Toute l'activité créatrice des sociétés traditionnelles
mérite-t-elle cependant d'être prise en compte dans une théorie
juridique pour la protection du folklore ?
La notlon de création in-;ellectuelle, extensive par
rapport au critère ~rtistique, demeure cependant restrictive à
deux points de vue
le folklore, compris co~e synonyme de cul-
ture traditionnelle, ne peut être entièrement couvert par la no-
tian de création intellectuelle telle que nous l'avons exposée.
Il faut
encore laisser en dehors d'une définition juridique du
folklore,
les coutumes, les trad~tions purement scientifiques,
le contenu des légendes. Etablissant le parallèle entre ~~ créa-
tion intellectuelle des sociétés modernes et celle des sociétés
traditionnelles, une définition juridique du folklore devrait
couvrir ~outes les cr~ations de l'esprit des secondes qui, dans
les premières, relèvent du droit des brevets, des dessins et mo-
dèles et du droit d'auteur,
(I)
M.
I,,;!'_='-cy SACHS: Stratégie de l'écodéveloppement, PARIS,
Ed.
Ouvrières, 1980, p. 51,

- 35 -
La notion de création intellectuelle qui renvoie à
cerle de droits intellectuels, se révèle encore restrictive par
rapport a l'objet de la propriété artistique et littéraire et de
la propriété industrielle.
Il en est ainsi,puisqu'on exclut les
signes distinctifs de la notion de droits intellectuels, alors
qu'il s'agit d'une partie de la propriété
industrielle (I).
Cette exclusion des signes distinctifs de la théorie.
juridique pour la protection du folklore ne signifie pas qu'une
création littéraire ou artistique folklorique ne peut pas se re-
trouver dans une marque ou être a la base d'une appellation d'o-
rigine ; dans ce cas, l'élément folklorique sort de son contexte
et la marque ou l'appellation d'origine ne peut être qualifiée de
folkloriq~0,
Pcragraphe 2
Qui dit création intellectuelle, dit droits intellec-
tuels
le problème de la protection juridique du folklore doit
alors être pose par rapport aux deux institutions qui se part a-
gent la création intellectuelle : la propriété industrielle (A)
et le droit d'auteur.(B)
(I)
ROUBIER, Droit de la propriété industrielle, tome l , p.
15
Nous ne pouvons pas affirmer qu'il n'existe pas de signes
distinctifs folkloriques, mais nous pensons pouvoir minimi-
ser leur importance par rapport au patrimoine folklorique à
prot~Ger.

- 36 -
A) - Protection du folklore et oropriété ~dus:ri011e.
"Art isanat"
mot récent, réalité ancienne, écrit M.
Louis Leretaille (I). A Porigine, le mot "artisanat" englobait
sans distinction, l'ensemble des activités manuelles extra-agri-
coles. L'artisan ne se distinguait pas de l'artiste. C'est au XVlè
siècle que la discrimination fut introduite entre les "arts méca-
niques" exercés par les "gens de métier" et les "arts libéraux"\\
exercés par les artistes proprement dits; de là, découle de nos
jours, la distinction artisanat d'art et artisanat de production
et de service (2).
Il faut introduire une seconde distinction entre un ar-
tisanat traditionnel et un artisanat technologique ou moderne.
Cette distinction s'impose dans le cadre de notre démarche; aussi,
seul l'artisanat dont les techniques et les produits peuvent être
qualifiés de folkloriques, doit être pris en co~pte dans une défi-
nition du folklore. Toutefois, qu'il s'agisse d'artisanat de pro-
duction ou d'artisanat d'art, qu'il s'agisse d'artisanat technolo-
gique ou traditionnelle, la création intellectuelle se manifeste
essentiellement sous deux formes : les techniques artisànales et
(I)
Louis LERETA ILLE , "Artisanat", AncyclopaediaUniversalis,
pp. 227 et s.
(2)
Nous rencontrons cette définition par exemple dans une com-
municCltion présentée par M. Kindo BOUAD l, lors d'un sémi-
naire sur le droit d'auteur en matière d'artisanat, OUAGADOUGOU
20-30 octobre 1982 : doc. ICA/DDA/82/8. L'artisanat d'art
désignerait certains métiers où la création et l'esthétique
jouent un rôle essentiel.

- 37 -
les dessins et modèles artisanaux. Dans les développements qui
vont suivre, il -s'agira plus de démontrer l'opportunité d'une inter-
vent ion juridique dans cette matière (a) que de débattre des moda-
lités pratiques d'une telle intervention (b).
a) - Opportunité d'une intervention juridique.
Il faut d'abord rappeler que l'une des raisons ayant
guidé le choix du critère "artistique" pour définir le folklore,
relève de la conception selon laquelle une protection de ce fol-
klore-là serait plus urgente et plus aisément admissible (I)~
Cette attitude découle aussi d'une certaine ligne de
pensée politique qui explique, par exemple, que les intellectuels
africains, lorsqu'ils voulurent choisir les valeurs à même de con-
tribuer à modeler leurs jeunes Etats, ont complètement négligé le
patrimoine technologique de leurs peuples.
Ils se sont accordés
à reconnaître que "les systèmes économiques et les technologies
indigènes seraient incapables de leur permettre de participer à
l'économie mondiale" (2). C'est alors sur les domaines des rela-
tions humaines et des beaux-arts qu'ils ont misé. Aujourd'hui, la
conception ci-dessus évoquée mérite d'être reconsidérée. Elle
l'est par exemple à travers les thèses de l'écodéveloppement (3).
(1)
Cf. sU;J~a p. 32.
(2)
M. J. HERSKOVITS : l'Afrique et les africains, (entre hier et
demain) Paris, Payot 1915, p. 289.
(})
V. par exp. les écrits d'Ignacy SACHS ; notamment "statégie
de l'écàdéveloppement" précité. Ce penseur de l'écodévelop-
pement en cite d'autres dont Benjamin FRANKLIN et René DUBOIS.

- 38 -
L'écodéveloppement a d'abord désigné "'me stratégie
de développement fondée sur l'utilisation judicieuse des res-
sources locales ét du savoir-faire paysan applicable aux zones ru-
raIes isolées du tiers monde" (I)o
Le concept s'est vite élargi
pour postuler "un développement endogène et dépendant de ses pro-
pres forces, soumis à la logique des besoins de la population en-
tière et non de la production érigée en fin en soi, enfin conscient
de sa dimension écologique et recherchant une harmonie entre 1'-
homme et la nature" (2).
Ainsi, dans le domaine technologique par exemple, i l
devrait se produire un renversement de la tendance traditionnelle
au lieu de commencer par faire appel aux technologies préexistantes
dans les pays développés, pour ensuite, à grand peine, procéder
aux adaptations à l'environnement, i l faut commencer par l'utili-
sation des "ressources culturelles et naturelles spécifiques à cha-
que écosystème"
(3).
Aujourd'hui,
la multiplication des réunions autour du
thème de l'artisanat, nous incite à penser que le moment est venu
d'envisager la sauvegarde des techniques qu'il utilise, ainsi que
des dessins et modèles qu'il crée (4).
(I)
Ignacy SACHS, op.
cita
p~ II.
(2)
Idem
p.
12.
(3)
Ibidem p. 90.
(4)
Nous avons déjà évoqué le séminaire de OUAGADOUGOU sur le
droit à'~uteur en matière d'artisanat;
le représentant du
BE)~l, évoquant les expériences menées dans son pays a signa-
lé 1"- tenu d'un séminaire national réuni du 16 au 21 juin 1980
sur le thème "technologie appropriée et artisanat".
Les arti-
sans ont été exhortés à maîtriser, à créer et à améliorer les
technologies propres à eux.

-
39 -
Dans de nombreuses régions du monde et en général,
dans les pays en voie de développement, le patrimoine tradition-
nel constitue une source inestimable de créations intellectuelles,
Qu'est-ce-qu'inventer si ce "n'est peut-être que faire de manière
consciente, explicite et habituelle, ce qu'on faisait depuis long-
temps au hasard ou inconscierrunent" ? (I) Les mères européennes ne
pratiquèrent-elles pas la pasteurisation bien avant Pasteur? La
problèmatique de la protection juridique de la technologie tradi-
tionnelle, ainsi que des dessins et modèles folkloriques doit alors
être clairement définie.
Le folklore a besoin d'être connu, tel qu'il est dans
son milieu naturel,mais surtout de f~çon scientifique. Sa connais-
sance scientifique permettrait qu'il soit le tremplin d'une créa-
tion moderne. Aussi, faut-il espérer qu'à partir de procédés tradi-
tionnels de préparation de telle boisson ou de telle peinture, i l
puisse être fait une adaptation à la production industrielle.
Ainsi posée, la question de 13. sauvegarde du folklore met en jeu
divers intérêts.
(I)
M. Elting E. MORISON, Technique et ~radition, New Horizons,
1970, p.
15.

- 40 -
Mentionnons d'abord les intérêts des détenteurs tradi-
tionnels du savoir-faire folklorique (1). En l'absence d'une fran-
che collaboration avec ces derniera, une importante partie de ce
patrimoine demeurerait i~accessible" Citons en exemple, les con-
naissances de la pharmacopée traditionnelle
; bien que transmis
de génération en génération, ce savoir-faire demeure sous l'emprise
de certaines personnes qui le conservent jalousement. Elles n'ont
pas de brevet pour garantir leurs droits, mais le seul fait qu'~lles
entourent les connaissances dont elles sont dépositaires d'un
secret inviolable, suffit à démontrer qu'elles en tirent profit.
(1)
M. J. M. MOUSSERON définit le savoir-faire en ces termes:
"connaissance technique transmissible mais non immédiatement
accessible au public et non brevetée" : Aspects juridiques
du Know-how, in Know-how, Cahiera de droit de l'entreprise,
1/1972, p. 2.
Dans le domaine de la technologie traditionnelle et des
dessins et modèles folkloriques, i l existe donc une sorte
de savoir-faire. Il s'agit de connaissance à caractère tech-
nique et pratique, mais i l faut tout de suite
préciser qu'-
elles ne sont appliquées à l'industrie.
L'intérêt des Etats est que ce savoir-faire soit connu afin
'que son évolution soit hâtée. Toutefois, dans les pays où ces
connaissances font encore vivre ce~x qui les détiennent, on ne
saurait envisager leur divulgation sans tenir compte des inté-
rêts de ces derniers.
Les techniques de la propriété industriel-
le, notamment le know-how, peuvent alors servir de source
d'inspiration.
(Voir aussi dans ce sens, Mme N1EDZIELSKA,
op.
cita
p. 55).

41
Citons en second lieu les intér@ts des collecteurs : ces
derniers peuvent se contenter de recueillir le patrimoine folklo-
.
rique tel quel, ou le livrer sous une forme scientifique, moderne.
Leur travail, dans la seconde hypothèse, ouvre la voix à l'élabo-
ration de théories dans un domaine qui ne connaissait que la
"variété cristallisée", selon l'expression d'A. Varagnac (1).
Il est évident
que pour promouvoir de telles initiatives, il faut
inventer le moyen d'en désintéresser les auteurs.
On doit, enfin, évoquer l'intér@t des Etats. Ces derniers
ont intér@t à ce que le savoir-faire traditionnel soit connu et
qu'il évolue. Dans les pays en voie de développement, ils peuvent
y voir une source de développement endogène et un espoir d'indé-
pendance.
Investisseurs tout désignés dans les opérations de col-
lecte et de promotion, les Etats voudraient peut @tre rentrer dans
leurs fonds.
C'est ce tissu d'intérêts que pourrait contribuer a
organiser la propriété industrielle.
(1)
A.
VARAGNAC; ''Folklore et civilisation moderne", op.
cH.
p.
583.

- 42 -
b) - Les modalités pratiques d'une intervention
juridique.
La technologie et les dessins et modèles traditionnels
sont deux composantes de la création intellectuelle folklorique
dont la protection peut être envisagée par rapport aux techniques
de la propriété industrielle.
Les techniques artisanales, dans les sociétés tradi-
tionnelles, jouent le m~fue rôle que les inventions dans les so-
ciétés modernes. Aussi, par analogie, peut-on rapprocher la ques-
tion de leur protection juridique à la technique du brevet d'in-
vent ion
cependant, il s'agit peut-être moins de vérifier si les
règles du brevet d'invention se prêtent à la protection du folklore
que de chercher à s'inspirer de ses principes de base.
Le principe de récompense pour service rendu à la nation pourrait
être institué pour tout individu qui effectuerait par exemple, une
description scientifique de procédé traditionnel, d'obtention d'un
produit ou d'un résultat utilitaire. Ce principe pourrait
être
concrétisé par la reconnaissance de droits de nature intellectuel-
le. Il pourrait être organisé une procédure de dépôt avec délivran-
ce de certificat.
Le second pôle de la création artisanale recouvre la
production des dessins et modèles traditionnels. Le régime des
dessins et modèles se révèle en lui-même
déjà fort complexe,
sans que ne soit posée la question de l'opportunité de son appli-
cation à la production traditionnelle. En effet, la protection des

- 43 -
dessins et modèles se trouve à l'interférence de plusieurs techni-
ques juridiques dont" il est souvent difficile d'établ-ir les frontiè-
res (1).
En France, par exemple, peuvent être évoqués, parfois
cumulativement, parfois exclusivement, la loi sur le droit d'au-
teur, la loi sur les dessins et modèles industriels, la protection
particulière des industries saisonnières de l'habillement et de
la parure, la loi sur le brevet d'invention, sans oublier qU'une
marque peut être constituée par un dessin ou par un modèle (2).
Sans pouvoir nous étendre sur ces questions complexes,
il faut néanmoins retenir, par comparaison avec la création intel-
lectuelle moderne, les distinctions suivantes qui pourraient aVoir
une incidence sur la protection des dessins et modèles folkloriques
" C'est le droit des dessins et modèles, ou le droit d'auteur,
qui aura à s'appliquer si la forme n'a aucun rapport avec l'usage
(1)
M. A. PEROT-MOREL "les difficultés d'application de l'art. 2
al. 2 de la loi du 14 juillet 1909 sur les dessins et modèles"
J.C.P. 1966 - 2045.
(2)
Le régime des dessins et modèles et celui des créations de
la mode qui sont autonomes mais non exclusifs, s'appliquent
cumulativement avec le droit d'auteur, tandis qu'il y a appli-
cation exclusive par rapport au droit des brevets d'invention.

- 44 -
de l'objet ••• C'est le droit des brevets d'invention qui,
seul, doit s'appliquer si la forme est alors fonction de l'usa-
ge que'l'on so~aite en tirer" (I)o
La forme d'une j~rre, d'un panier et en géneral, des
objets utilitaires de fabrication artisanale, peuvent ne rien
avoir d'ornemental. C'est un constat qui ne s'éloigne pas de nom-
bre de décisions de la Cour
de Cassation française dans des domai-
nes similaires
la Cour de Cassation a décidé par exemple
que
seul le brevet d'invention devait être appliqué à un type d'écail-
leur, dont l'aspect extérieur manifestait le souci d'éviter la
projection des écailles de poisson (2).
D~ns le cadre de la propriété industrielle, il se pose
alors la question de savoir, lorsqu'on envisage la protection ju-
ridique des dessins et modèles folkloriques s ' i l faut la rapprocher
du brevet d'invention ou du régL~e des dessins et modèles indus-
triels. On doit présumer, sous Téserve de vérification, que les
critères de la forme ornementale et de la forme liée à la fonction
de l'objet, appliqués à la création moderne pour faire le choix
(1)
M. C. COLOMBET, Propriété littéraire et artistique et droits
voisins, 3é éd.
1986, pp. 105-106.
(2)
Casso crim. , 8 mars 1962
; D. 1962. 502 ; note P. GREFFE;
décision rapportée par M. COLOMBET, op.
cit.
p.
106. D'autres
décisions allant dans le même sens sont citées par l'intéressé
p.
105
: Re q.
3 novembre 1926, S. 1927, I-IJ ; Req.
II mai
1931, S.
1932.
1. H
; Crim, 21 juin 1928, Gaz. Pal. 1928.
2. 310 ; c~ss. civ. 16 janvier 1957, ann. 1957. 316 ; Casso
22 ,j ."nvier 1973, D.
1973, p. 3 I7 •

- 45 -
entre les deux techniques juridiques conviennent pour la créa-
tion folklorique. Ce_ qui parait d'ores et déjà certain, c'est
.
qu'une intervention juridi.que
dans le. domaine des techniques
et des dessins et modèles folkloriques, rev~t un intér~t parti-
culièrement important pour les pays de culture à dominance tra-
ditionnelle.
Les modalités pratiques d'une intervention juridique
dans le domaine des techniques et des dessins et modèles traditon-
nels présentent
cependant les aspects fort complexes que nos
développements ont mis en lumière. Aussi, pour éviter les con- _
clusions rapidement tirées du genre "les techniques de la proprié-
té industrielle sont inadéquates à protéger le folklore" (I), nous
optons de laisser pour un travail ultérieur, l'étude de la protec-
tion juridique du folklore ne répondant pas au critère artistique
et littéraire.
Cette partie du folklore, ne remplissant pas les m~mes
fonctions que les créations esthétiques, il faut supposer qu'elle
nécessitera un autre traitement. L'exemple d'une telle différence
de traitement ne nous est-il pas donné par le régime du brevet
(I)
Doc. UNESCO/OMPI/FOLK/GEI. I/2 p. II, § 37. Il faut preclser
que cette conclusion a été tirée alors que le folklore était
défini comme création artistique. La réflexion qu'elle suscite
est que si la propriété industrielle se révèlait apte à pro-
téger le foklore défini comme création artistique, à fortiori,
elle devrait se prêter à la protection des techniques et des
dessins et modèles folkloriques.

- 46 -
d'invention? Parlant de la durée de protectio~ du brevet, Monsieur
Colombet écrit que le monopole accordé à l'inventeur est ainsi limi-
té dans sa durée car, il porte atteinte à la libre concurrence (1).
contxeint
à réduire nos ambitions par l'ampleur de la tâche
que constituerait liétude de la protection juridique de toute la
création intellectuelle folklorique, nous n'étudierons la protection
que diune partie du folklore. Nous estimons néanmoins avoir atteint
un objectif : celui diavoir brisé le conditionnement "folklore éga-
le création artistique traditionnelle". Le débat ainsi ouvert pe~
met d'espérer une protection large du patrimoine folklorique.
e~ ~rti3ti1ueG
-------------
Les différents genres folk18riques que réunit le critère
artistique et littéraire sont notamment: la musique, la danse, les
contes, les proverbes, la sculpture, la peinture, la poterie, la
vannerie, etc.
En citant des genres appartenant à la culture matérielle
nous retrouvons le délicat problème des dessins et modèles. Par
rapport au droit d'auteur, les dessins et modèles évoquent la théo-
rie de l'unité de l'art ou encore la distinction entre dessins et
modèles et oeuvres d'art.Nous ne pouvons cependant pas, sans trop
nous éloigner de nos présentes préoccupations, développer ces théo-
ries.
Il faut néanmoins évoquer avec Monsieur N'diaye, l'article 2
alinéa 5 de la Convention de Berne qui laisse aux Etats membres,
(1)
M. CO LOMBET, op. cit. p.I04.

- 47 -
le soin d'organiser la protection des arts appliqués et des dessins
et modèles. Cette liberté des Etats présage l'existence d'une diver-
sité.de régimes juridiques
(I) _: dans l'hypothèse de régime juri-
dique connaissant la règle dite du cumul, le caractère esthétique
est reconnu aux dessins et modèles. Ils bénéficient par conséquent
de la protection du droit d'auteur. Dans les régimes juridiques qui
refusent le caractère esthétique aux dessins et modèles, seul le
régime spécial des dassins et modèles industriels leur est appliqué.
Leur statut se situe alors uniquement dans la propriété industrielle.
Dans la recherche. d'une théorie juridique pour la pro-
tection du folklore, les distinctions ci-dessus exposées entra1nent
les conséquences suivantes: dans le premier cas, la protection du
folklore peut être étudiées par rapport au seul droit d'auteur ;
par contre, dans le second cas, il faut avoir recours à deux ins-
titutions juridiques : le droit d'auteur et la propriété industriel-
le. Il va sans dire que la première solution convient mieux, puisque
nous avons choisi d'étudier la protection du folklore de forme
artistique ou littéraire. Elle nous permet de mener nos analyses
dans nn cadre juridique homogène. Selon ces considérations, seuls
les dessins et modèles pour lesquels le recours au droit d'auteur
ou au régime des dessins et modèles est interdit, restent en dehors
de notre champ d'investigation (2).
(I)
M. N 'DIAYE : "Les aspects du droit d'auteur de l'artisanat en
Afrique", Communication au Séminaire sur le droit d'auteur en
matière d'artisanat, Ouagadougou, 25-30 octobre I982, document
ICA/DDA/82/7.
(2)
Il s'agit des dessins et modèles dont les formes dépendent
de l'obtention d'un résultat industriel. Dans ce cas, selon le
droit français, seul le brevet d'invention peut être évoqué,
en application de la loi de I909 sur les dessins et modèles
(art.2 § 2) et de la loi du 5 juillet 1844, aujourd'hui loi du
2 janvier I968 sur les brevets d'invention.

- 48 -
. Défin~r juridiquement le folklore implique, pOUF le
juriste, que tout en ~enant compte dre définitions fournies par les
folkloristes, il sache s'en démarquer et en trouver une qui réponde
à ses préoccupations. Les divers aspects d'une définition juridi-
que du folklore ont alors été abordés : dans le débat "folklore
au sens large" "folklore au sens restreint", nous avons opté pour
une conception large du folklore à deux titres : la notion de fol-
klore se trouve élargie par la prise en compte, aussi bien des
créations immatérielles que des créations matérielles. Elle se
trouve surtout élargie par le recours au concept de création in-
tellectuelle.
Le folklore, du point de vue du juriste de la propriété
intellectuelle, pourrait alors être defini comme la création in-
tellectuelle traditionnelle. Si ce critère principal est retenu,
ceux que nous avons analysés (impersonnalité, anonymat),
de-
viennent secondaires et peuvent varier selon les genres du folklore.
Après avoir adopté le critère de création intellectuelle
pour définir juridiquement le folklore, il était nécessaire d'in-
diquer, de façon précise, non seulement la nature des créations
folkloriques qui entreront dans le champ d'étude, mais aussi l'ins-
titution par rapport à laquelle les solutions seront recherchées.

- 49 -
Le choix des créations folkloriques de forme artistique ou litté-
raire nous a conduit inévitablem~nt au droit d'auteur; toutefois,
il s'agira aussi bien d'essayer ses règles telles quelles, que de
s'en inspirer pour en élaborer d'autr~ plus adptées (I).
===========
(I)
Nous faisons ici allusion aux solutions "sui generis" que
nous étudirons dans la seconde partie de la thèse.

1ÈRE PARTIE
A LA RECHERCHE D'UNE THÉORIE JURIDIQUE
POUR LA PROTECTION DU fOLKLORE

- 50 -
L'élaboration d'une théorie juridique cohérente pour la
protection du folklore passe par la définition claire de son statut
juridique. Dans cette t~che, nous rencontrons le handicap que cons-'
titue l'absence de travaux d'ensemble sur une matière qui ne sem-
ble pas
avoir beaucoup préoccupé la doctrine. Cette dernière n'est
pas particulièrement abondante, mais elle n'est pas non plus inexis-
tante: ainsi, Gobin a pu l'analyser par rapport au critère des
conditions
d'appropriation qu'elle développe à l'égard du folklore
il oppose les thèses libérales aux thèses restrictives (I).
Les doctrines libérales préconisent une appropriation
plus ou moins libre du folklore, mais elles ne vont pas jusqu'à
légitimer la copie servile (2).
La doctrine allemande ancienne aurait été l'une des plus
libérales : chaque variation, fantaisie ou autre composition sur
le thème d'autrui constituait une création nouvelle, lors m~me
que cette créàtion présenterait des analogies de thèmes (J).
(I)
M. GOBIN , thèse précitée, pp. 8J et s.
"le folklore
musical", op. cit. pp. 64 et s.
(2)
M. GAUTEAU : La musique et les musiciens en droit privé
français,p.·U.F.I970, p.27 ; HUARD: T'raité de la propriété
intellectuelle, 190J, T. l, p.67 ; COURIN : La propriété
industrielle, artistique et littéraire, Paris 1898 , T.II, p.40I.
(cités par M. GOBIN, le ''Folklore musical", op. cit. p.64)
(J)
SCHIITER: Das Urhberecht
Ber Tonkun, 189I, in Dunant
1892, p.I27, (cité par M.GOBIN, "Le folklore musical", op.
cit. p.84.

- 51 -
Dans le domaine du folklore, cette position soulève
quelques difficultés : la variation participant de la nature de
certains folklores, chaque transmetteur serait investi de la
qualité <l'auteur m~me s'il n'apporte que des modifièations îns-i.-
gnif iant es.
La
doctrine
allemande moderne aurait réagi contre cette
conception : elle refuse d'accorder la protection du droit d'auteur
dans des cas où la doctrine ancienne l'accordait (1).
Les doctrines française et italienne peuvent ~tre consi-
dérées comme intermédiaires : la doctrine française est en effet
constante sur le fait que le folklore peut faire librement l'objet
d'utilisation, mais elle refuse d'accorder protection à ce qui se
résumerait à retirer du domaine public, les oeuvres qui y sont
tombées (2).
Quant à la doctrine italienne, elle exige un effort
évident de création de la part de celui qui veut s'approprier une
création folklorique. Le Professeur Stolfi estime par exemple qu'il
ne suffit pas que quelqu'un se soit contenté de puiser son inspira-
tion dans des mélodies du folklore musical, il faut en plus qu'il
ait "idéalisé et amené à exprimer ou représenter quelque chose
autre que ce qu'elles exprimaient pour le peuple" CJ).
(1)
HUBMANN, cité par M. GOBIN, "le folklore musical", op. cit.
p.65. L'évolution de la doctrine allemande se perçoit à la
lecture de l'article J de la loi du 24 juin 1985 ; cet arti-
cle dispose qu' "une adaptation peu importante d'une oeuvre
musicale non protégée n'est pas protégée comme une oeuvre
indépendante". M. Norbert P. FLECHSIG, qui commente cette'
disposition écrit qu'il "n'y a donc pas de protection au
titre du droit d'auteur pour les prétendus arrangements de
chansons populaires du domaine public" : R.I.D.A. nOI29 ,
juillet 1986, p.8I.
(2)
POUILLET, op. cit. p.89 ; H. DESBOIS : Le droit d'auteur
en France, op. cit. pp. 144 et s.
; M. COLOMBET, op. cit. p.8I.
(3)
STOLFI, cité par M. GOBIN, thèse précitée, p.86.

- 52 -
A l'opposé des thèses libérales, se développent celles
dites restrictives que-M. Seemann défend dans sa thèse (1) : ce
dernier part de la nature de la création folklorique qui révèle
l'absence d'auteurs déterminés, la forme "fluide" et le
carac...
tère collectif des "oeuvres du folklore" ; son analyse lui dicte
de refuser que le folklore puisse faire l'objet d'appropriation.
Il écrit par conséquent que "les chansons populaires sont la
propriété du peuple et non de quelques adaptateurs, collecteurs
ou édit-eurs" (2). Il refuse aussi la qualité d'auteur aux "véhi-
culateurs" de telles oeuvres.
L'analyse des conditions d'appropriation du folklore
en thèses libérales et en thèses restrictives, laisse cependant
entier un problème de fond : le statut du folklore. Il faut noter
la remarque pertinente de M. Gobin, qui souligne qu'''il convient
de distinguer nettement la protection du folklore musical en tant
que catégorie générique, et la règlementation de son utilisation"
(3). La proctection du folklore pose, en effet, le problème de
son statut juridique (Titre 1). Les conditions d'appropriation
dont il est question plus haut, posent celui de la règlementation
de son exploitation. (Titre II)
(1) M. SEEMANN : Volkslied und Urheberrecht, stuttgart, 1965,
(Cité par M. GOBIN, thèse précitée, p. 93.)
(2) M. SEEMANN : idem p. 346.
(J) M. GOBIN : "Le folklore musical", op. cit. p. 56.

TITRE 1
DU STATUT JURIDIQUE DU FOLKLORE

- 53 -
Dans le cadre de la protection du folklore, définir
son statut, c'est trouver l'institution qui puisse juridiquement
fonder la règlementation de son exploitation. Il faut donc relever
que cette règlementation dépend directement du statut en question,
dans sa forme comme dans son contenu; d'où l'importance des dévelop-
pements qui vont suivre.
M. Gobin pose le problème du statut du folklore par rap-
port aux trois situations suivantes: "soit l'oeuvre appartient à
un fonds commun et n'a jamais été publiée, soit elle fait partie
d'un fonds commun mais a fait l'objet d'une appropriation par un
tiers, soit enfin elle est déjà publiée depuis suffisamment long-
temps pour faire partie du domaine public" (1).
Cette analyse de M. Gobin montre que la définition du
statut du folklore peut ~tre analysée par rapport aux deux insti-
tutions suivantes : le droit d'auteur ( chapitre 1) et le domaine
public ( chapitre II).
(1) M.
GOBIN
"Le Folklore musical" op. cit. pp. 56-57

- 55 -
CHAPITRE 1.
LE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR.
Les juristes qui se sont penchés sur la protection juri-
que du folklore reconnaissent unanimement que ce patrimoine consti-
tue une manifestation de la créativité intellectuelle. Dès lors,
il apparaît que la recherche des modalités de sa protection devrait
s'inspirer de ce qui existe en matière de propriété intellectuel-
le (1) ; mais la plupart de ces juristes ayant réduit le folklore
à ses manifestations artistiques et littéraires, c'est dans les
principes du droit d'auteur qu'ils cherchèrent les solutions pratiques.
Il n'est donc pas étonnant que, dès la première rencontre
africaine sur le droit d'auteur (2), la protec~ion du folklore ait
été considérée èoriune_:Ù1l problème spécifique ,de droit d'auteur des
pays nouvellement indépendants. Dans ce m~me ordre d'idées, se
justifie l'introduction dans la Convention de Berne, de dispositions
tendant à assurer une protection du folklore, depuis la Conférence
de révision de Stckholm, en 1967 (3).
(1) Claude MASOUYE, "La protection des expressions du folklore";
R.I.D.A. nO 115, 1983, pp. 3 et s.
(2) Réunion africaine d'étude sur le droit d'auteur, du 5-10 aofit
1963 au Congo. Voir le compte-rendu de cette réunion dans : R.I.D.A.
nO 41 oct. 1963, pp. 242 et s. ; voir aussi la Revue Le droit d'auteur,
1963, p. 250.
(3) L'article 15 al. 4, quoique faisant l'objet de controverses
qU~lt à son efficacité, a été introduit dans la Convention lors de
la révision de stockholm et maintenu lors de celle de Paris en 1971.
eet article vise incontestablement les "oeuvres du folklore" au vu
des travaux préparatoires. (Actes de la Conférence de stockholm de
la propriété intellectuelle 1967, OMP1,
Génève 1971) Cf. infra pp.
296 et s.

- 56 -
La question à laquelle il a fallu répo~dre, mais qui
continue de se poser, est celle de savoir si les "oeuvres du folklo-
re" sont protégeables par le droit d'auteur.
Parti des termes généraux des articles 2 et 3 de la loi
française du ~~ mars 1957, M. Gobin conclut que cette dernière
couvre le folklore musical (1). L'article 2 en question dispose en effet
que "les dispositions de la présente loi protègent les droits d'auteur
sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la
forme d'expression, le mérite ou la destination" • Quant à l'article
3, en citant les compositions musicales parmi les oeuvres protégées,
il n'exige pas qu'elles soient fixées (2). Pourquoi alors se pose-
t-il un problème de protection du folklore par le droit d'auteur ?
Pour répondre à cette question, il faut confronter la
création folklorique avec les conditions de protection par le droit
d'auteur. Cette confrontation met en lumière des obstacles d'ordre
théorique que nous exposerons dans une première section. Les juris-
tes ont essayé de contourner ces obstacles en ayant recours au ré-
gime de l'oeuvre dérivée (section II), et à ceux de l'oeuvre ano-
nyme et posthume (section III).
(1)
M. GOBIN : thèse précitée, p. 133. L'intéressé fait cepen-
dant remarquer que sa conclusion n'est exacte que si la loi
française ne déclare pas que le folklore fait partie du domai-
ne public, Or, constate-t~il, cette mention n'existe nulle
part dans la loi; toutefois, il indique que la jurisprudence
n'a pas manqué de déterminer ce statut. Nous aurons l'occasion
de découvrir cette jurisprudence dans le chapitre suivant qui
examine le problème de la protection du folklore par rapport
au domaine public.
V. infra, p. 100 et s.
(2)
M. GOBIN, selon l'objet de sa thèse fait état du folklore
musical, mais sa remarque vaut pour tout le folklore oral.

- 57 -
SECTION l
LE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR :
LES OBSTACLES D'ORDRE THEORIQUE LIES A LA NATURE
DE LA CREATION FOLKLORIQUE.
Les obstacles à la détermination du régime juridique
dont relèvent les "oeuvres du folklore", sont corrélatifs de l'in-
certitude et de l'imprécision qui, jusqu'à présent, ont régné sur
leur nature et leurs composantes (1). M. Gobin qui a procédé à
l'étude de ces éléments a conclu qu'il faut éviter d'assimiler
purement et simplement les oeuvres en question aux catégories déjà
co~ues du droit d'auteur. Melle Miallon écrit également que cette
solution comporte comme inconvénient, l'application à "des sociétés
en évolution culturelle à partir de leur folklore, des techniques
propres aux oeuvres écrites et publiées dans des
sociétés dont le
folklore brut est fixé" (2).
Pour mettre en exergue les difficultés annoncées par
M. Gobin et Melle Miallon, il suffit de confronter la nature de
la
création folklorique (§ 1), aux exigences du droit d'auteur
(§ 2).
(1) M. GOBIN , "le folklore musical", op. cit. p. 54.
(2) Melle MIALLON, thèse précitée, p. 285.

- 58 -
Paragraphe 1
Dans la doctrine, la nature de la création folklorique
a surtout été analysée à travers la création musicale. (A) La
question se pose alors de savoir si ces analyses sont transposa-
bles au folklore en général. Nous le vérifierons à travers l'exa-
men de la place de l'individu dans la création folklorique.
(B)
Dans le contexte du droit d'auteur, la notion de créa-
tion évoque celle d'originalité qui se rapporte à la personnalité
d'un créateur. La personnalité en ce domaine se définit comme
"étant ce qui distingue un créateur d'un autre et ce par quoi son
oeuvre acquiert l'insigne valeur de l'unique" (1). Dans cette
forme de création, il y a une constante recherche de l'originalité,
qui permet à chaque créateur de se distinguer des autres. "Dans
ces conditions, la création musicale engendre des oeuvres, "choses
faites" et achevées dans le détail, lesquelles, sitôt couchées
sur le papier, se détachent du créateur, pour suivre leur propre
destin" (2).
(1) M. GOBIN, "Le folklore musical", op. cit. p. 46.
(2) CONSTANTIN BRALLOIU, réflexions sur la création musicale
collective, Revue Diogène, nO 25, Gallimard 1959 p. 83. (Cité
par M. GOBIN, le folklore musical, p. 46.)

-59-
~artis du schéma ci-dessus esquissé, les musicologues
ont tenté de déterminer le processus de formation de la musique
folklorique. Paul Delarue rapporte cependant
que leurs tentatives
furent vaines quant à la détermination de l'origine, de la date de
création ainsi que de la paternité des chansons populaires (1).
La musique savante et la musique folklorique, bien que
de nature similaire, présentent alors des différences profondes
qui
résultent des formes de création
respectives.
"La musique folklorique se fonde, à l'inverse de l'autre
sur l'exploitation de systèmes musicaux simples, pour lesquels
la maîtrise technique reste accessoire et peu évoluée"
(2). ce sont
selon les formules d'André Varagnac, des "croyances sans doctrine",
des "pratiques sans théorie" (3).
(1) Paul DELARUE, "la chanson folklorique française" in travail
et culture nO II, Mars 1961, pp. 7 et s.
(2) M. GOBIN, "le folklore musical", op. cit. P. 48
(3) André VARAGNAC, définition du folklore, op. cit. p. 18; cf.
nos dév. antérieurs sur le caractère traditionnel du folklore; ch.
préliminaire, pp. 30 et s.

- 60 -
- Les différences entre les deux types de musique se mani-
festent encore autour des éléments participant de' leur esthétique.
"Le caractère folklorique provient de l'accumulation d'éléments
contingents, historiques ou sociologiques. Il résulte de composantes
accessoires ou anecdotiques aont l'iaentification aisée lui confère
une valeur esthétique partielle, qui provient de la réduction de
valeur que comporte tout ce qui est typique" (1).
Il s'en suit que la part d'innovation musicale se réduit
considérablement dans le folklore qui, par conséquent selon Coirault,
provient dans sa quasi-intégralité, d'une mémoire vive où "les pro-
fusions de souvenirs qui la portent laissent peu de place à l'ima-
gination" (2).
Le folklore se rapproche de l'art, lorsqu'il est débar-
rassé de ses éléments accessoires. C'est au compositeur, grâce à la
technique savante, de réaliser cette épuration et de parvenir ainsi
à l'universalité. Par cette opération, la valeur esthétique partielle
du folklore se transforme en valeur esthétique absolue, accessible
à n'importe quel auditeur: c'est une propriété de la musique
savante (3).
(1)
CAMPONODICO: Falla et le folklore, Seuil, 1957, pp. 94 et s.
(cité par M. GOBIN :"Le folklore musical", op. cit. p.92).
(2)
COIRAULT: La formation de nos chansons populaires, Paris, 1953,
4è volume p.47 ; cité par M. GOBIN, "Le folklore musical", op.
cit. p4I.
(3)
CAMPONODICO, op. cit. p.92. L'explication des différences
ci-dessus constatées se fait sociologiquement : "il apparaît
que le folklore musical prend racine au sein de milieux forte-
ment cohérents dont les membres ont un niveau culturel sensi-
blement égal. De sorte que, manifestant sa sensibilité musicale,
le chanteur ou l'instrument:i:ste exprime ce que tous connaissent
~t ce qui est en tous. Sa sensibilité reflète cell~ du groupe,
11 est une voix collective dont le but n'est pas d'innover
mais de conserver en le préservant le patrimoine qui lui a'été
transmis" • Cf M. GOBIN : "Le folklore musical"
op. cit. pp.
41-42.
'

- 61 -
_ Enfin, la création musicale savante et la création
.
folklorique se distinguent par la nature des variations mélodiques
dont elles procèdent respectivement.
Braillmiu
n'a-t-il pas constaté avec justesse que la
chanson populaire ne se borne pas à circuler telle quelle, mais
qu'elle "provigne", c'est-à-dire qu'elle subit, dans ses voyages,
maintes transformations, signes de nature populaire (1) ? Bien
que l'oeuvre savante laisse aussi place à l'improvisation, la musi-
que populaire demeure, par excellence, l'art de la variation. Il
faut
alors préciser cette notion que M. Gobin qualifie d'extrême-
ment difficile (2).
"La première acceptation du terme se réfère aux vicissi-
tudes accidentelles et inévitables causées par le temps. C'est la
défaillanoe du souvenir, la réminiscence déformatrice, la mutila-
tion volontaire, le transfert arbitraire, l'amplification in jus-
tifiée. Cette perpétuelle composition des mélodies constitue l'as-
pect négatif de la variation musicale
"
(J).
(1) BRAILOIU, op. cit. p. 279
(2) M. GOBIN, "le folklore musical", op. cit. p. 49.
(3) Idem

62
Dans une seconde acception, le terme "variation" renvoie
aux techniques de la refonte , de la rénovation, des développements
nouveaux (1)0
Il faut toutefois admettre avec Mo Gobin que "la question
de la variation lacunaire et de la variation créatrice est l'un des
plus difficiles qui soit pour l'étude des folklores musicaux trans-
mis selon des formes fluides et qui laissent une part importante
à l ' improvisation" (2) 0
C'est une question à laquelle Mo Gobin a cependant eu
l'occasion de répondre, dans ses commentaires sur la décision du
Tribunal de Grande Instance
de la Seine, dans l'affaire Manitas de
Plata (3). Dans son jugement, le Tribunal condamne les défendeurs
attendu que: "l'audition des airs de Manitas de Plata démontre au
contraire au Tribunal que, ainsi qu'il en fftt allé par exemple en
matière de jazz, l'artiste apporte son empreinte personnelle en
improvisant, sur un thème de variation, une oeuvre marquée de sa
personnalité" 0
(1 )
Mo GOBIN : "Le folklore musical", op. cit o p. 49.
(2 )
Idem, po 500
(3)
Tribunal de Grande Instance de la Seine, 19 janvo 1968
R.I.DoA. n056 , p.I33.

- 6J-
C'est le rapprochement fait par le Tr:ibunal entre P impro-
visation
'lflaménco" et celle du jazz, qui aurait été la source de
l'erreur : selon Mo Gobin, "l' improvisat ion en jazz chemine linéai-
rement ooo l'artiste de jazz ~provise de la m~me manière que Rameau,
c'est-à-dire en prenant un thème pour argument d'une pensée musicaleo
Il Y a donc, dans ce cas, création pure et simple, qui change le
visage de l'oeuvre initiale et la rend accessoire" (1)0
L'improvisation musicale" flamenco" serait une· "improvi-
sation en étoile qui vise, par une constante référence à un modèle
mélodique harmonique et rythmique, à perpétuer une tradition" (2)0
Elle serait réalisée par variation lacunaire qui, s'inscrivant dans
la nature de l'oeuvre musicale, échappe au droit.
Toutefois, il
s'agissait
dans le cas d'espèce, de
folklore "flamenco", alors que l'appréciation de l'improvisation
folklorique demeure particulièrement subjective, selon les termes-
mtmesde M. Gobin (J)o Ainsi, Bartok estime que la variation créa-
trice est la clef de la variation folklorique (4), et le document
Unesco/prs/clt/tpc/II/J, contient l'affirmation selon laquelle
"la variation en matière de folklore est généralement signe d'acti-
vité créatrice" (5).
(1)
Mo GOBIN
"Le foklore musical", 0po cito po 86 0
(2 )
Idemo
0)
Ibidem, po 870
(4)
BARTOK : Communication au Congrès International des Arts
populaires, Prague, oct o 1928 ; cité par Mo GOBIN : "Le
folklore musical" opo cit. po 49.
(5 )
Doc o UNESCO/PRS/CLT/II/J ; JO nov. 1984, po II, n O J90

- 64 -
Ces indications montrent que la qualification de la
variation folklorique divise les spécialistes ; mais il faut surtout
remarquer que les solutions peuvent varier selon les différents
types de folklore, et que l'avis d'yn eXpert sera souvent nécessaire
-
pour dire s'il y a ou non création.
La nature de la création folklorique a été analysée dans
les développements ci-dessus par rapport à la composition musicale.
Les conclusions auxquelles nous sommes parvenu sont-elles alors
transposables au folklore en général ?
B- Place de l'individu dans la création folklorique.
L'examen de la création musicale folklorique a montré que
certains éléments classiques de la création protégée par le droit
d'auteur (originalité et auteur identifiable), seraient difficile-
ment réunis. Il faut toutefois rappeler que le r81e de l'individu
dans la création folklorique varie selon les genres de folklore :
dans les récits populaires, les poèmes rituels, les chansons lyriques ,
le r81e de l'individu est mis en vedette dans la production de l'in-
terprétation de la tradition (I). Par contre, dans d'autres genres,
t.els le proverbe
et le conte, le r81e de l'individu, déj à beaucoup
moins prépondérant, se manifeste autrement:
(I)
Doc. UNESCO!PRS!CLT!II!J
op. cita p. II, nOJ9.

- 65 -
"Un conte doit plaire, susciter des comportements, amuser••• Cette
fonction du conte tient à un savoir-faire du conteur qui utilise une
double forme d'expression: celle de la voix et celle du geste. Mais
cette mise en scène spontannée se réfère avant tout au sens du texte.
Ainsi est-il prudent de garder le fil de l'histoir~ et de ne laisser
échapper aucun élément de la narration" (I). Le r8le du conteur ainsi
décrit est celui d'un interprète (2).
Si, pour le folklore musical, considéré comme satisfaisant
le mieux aux conditions de protection par le droit d'auteur ()), des
obstacles existent, à fortiori, les difficultés se renforeeront quant
il s'agira d'autres genres folkloriques tels le conte et le prover-
be. Du point de vue donc des conditions de protection par le droit
d'auteur, nous pensons que les analyses sur la nature de la création
musicale folklorique peuvent ~tre étendues à toute la création folko-
rique.
(1)
Proverbes et contes mossi, Conseil International de la Lan-
gue Française, Edicel, 1982, p.I)·
(2)
Nous reviendrons plus longuement sur le r8le de l'individu
dans la création traditionnelle, à travers l'analyse des
questions relatives à la protection de l'artiste traditionnel.
Cf titre II de cette partie, pp. 219 et s.
())
M. GOBIN, par exemple, dans ses nombreux travaux sur le folklo-
re ne traite que du folklore musical. Les juristes pensent en
effet que ce genre de folklore laisse plus de place à la mani-
festation ~e la personnalité de l'artiste par rapport à d'autres
genres et qué par conséqûent, il se pr~te mieux à la protection
par le droit d'auteur.

- 66 -
Paragraphe 2
Les exigences du droit d'auteur.
Les
conditions de protection d'une oeuvre
de l'esprit
par le droit â'auteur se résument en trois points : il faut une
oeuvre artistique ou littéraire, (A) qui ait un auteur (B) et qui soit
originale. (C)
A-"Oeuvres du folklore" et création artistique et littéraire.
Puisque nous avons décidé de limiter notre champ d'investi-
gation à la protection du folklore de forme artistique et littéraire
(1) ,c'est-à-dire au folklore "faisant appel au sens esthétique de
l'homme", la qualité d'oeuvre de l'esprit des créations folkloriques
ne semble pas soulever de difficultés particulières.
Le droit d'auteur protège avant tout la création; dès que
celle-ci n'appartient pas au domaine des idées, elle entre dans le
champ d'application du droit d'auteur. La seule réserve qu'on pour-
rait émettre résulte du caractère toujours fonctionnel de la création
folklorique (2)
: c'est en effet une différence par rapport à la
création artistique et littéraire moderne, qui elle, rev~t à titre
principal un caractère de gratuité, dépourvu de toute utilité prati-
que.
''Notre art musical n'a d'autres visées qu'esthétiques", affir-
me Constantin Brailoiu (3).
(1)
Cf chapitre préliminaire, supra, pp 46
t

e
3.
Les folklorisces disent en effet que la création folklorique
ignore le principe de"l'art pour l'art". L'esthétique semble
moins motiver l'artiste traditionnel que la fonction sociale
de so~ activité. Dans ces conditions, l'originalité n'est pas
la preoccupation essentielle du créateur.
(3)
Constantin BRA1L01U : "Réflexion sur la création musicale
collective", p.83
(cité par M. GOB:IN : "Le folklore musical",
op. cit. p.46.)

- 67 -
Cette réserve n'écarte pourtant pas le folklore de la
protection par le droit d'auteur, dont la plupart des législations
protègent les oeuvres de l'esprit, "quels qu'en soient le genre, la
fOTIne dVexpression, le mérite ou la destination"o
Les difficultés d'assimilation de P"oeuvre du folklore"
à celle protégée par le droit dVauteur apparaissent par contre dès
que la forme de création folklorique rend difficile, voire impossi-
ble la détermination des auteurs des "oeuvres du folklore"o
B- Exigence dVun auteur déterminé o
Dans certains genres de folklore, par exemple dans le do-
maine des dessins et modèles, iJ apparaît clairement q18 le fait pour
un artisan de produire des o'Djets selon des modèles déterminés, ne
signifie pas qu'il est le créateur de ces modèleso De nombreux des-
sins et modèles sont en effet détenus collectivement depuis des
générations par les membres d 9 une communauté sans qu'on puisse en
déterminer les auteurs individuels o Le caractère matériel de ce gen-
re de folklore,
qui permet sa transmission plus fidèle, garantit sa
relative stabilité o
En revanche
,en ce qui concerne le folklore immatériel, les
difficultés se multiplient (1)0
(1)
Pour la signification des termes "folklore matériel",
"folklo-
re immatériel", cf le chapitre préliminaire, poIJ, notG Jo

- Gf, -
En eff et, il exist e t ouj ours un "f onds commun" anonyme dans la
création folklorjque
; mais aujourd'hui,
son expression est le fait
d'individuso
La précision du r81e de ces derniers soulève les diffi-
cuItés que nous avôns déjà-évoquées (1)0
La question qui se pose est celle de savoir si les por-
teurs contemporains des oeuvres folkloriques peuvent ~tre qualifiés
d'auteurso A cette question,
les spécialistes fournissent une repon-
se claire à travers l'étude du folklore musical
:
"le chanteur ou
l'intrumentiste s'est inspiré d'un modèle rythmique ou mélodique
auquel il a emprunté sa formuleo
Ce qui lui appartient n'est en con-
séquence pas la mélodie, mais le timbre,
l'accent ou l'inflexiono
Il est non un créateur, mais unreflecteur" (2)0
"Son eeuvre,
Lnsta-
ble dès l'origine parce qu'cr-ale de nai"ssance ou de }Jrcpag:ltic'!;,
devient dynamique cn passant au f 0 lklorec
Les chant eur,e tr:èd j t ieYlne Is
interviennent après luio
Ils la modifient, faisant bien vojr qu'elle
n'est ni à lui", ni vraiment de lui" (3) 0
(1)
Cf nos développements antérieurs "r81e de l'individu dans 12"
création folklorique",
supra,pp,64
et s.
Cette analyse devient
m~me plus compliquée dans les contextes où le folklore demeu-
re vivant o Il faut supposer dans ce cas que tant qu'il y aura
des milieux folkloriques,
la création folklorique continuera
de se développero Cf également nos développements futurs sur
la protection de l'artisiE traditionnel, ini'ra, ppoII9 et s.
pp0252 et so
; ppo 264
et s.,
(2 )
Mo GOBIN
thèse précitée, por:iL
COIHAUL'l'

- 69 -
Les analyses des spécialistes concluent à l'éclatement de
la notion d'auteur au profit d'une multitude de porteurs" (I). sour -
ce de difficultés dans la Qonception d'un statut juridique du folklo-.
re. En effet, le droit d'auteur étant d'essence individualiste,
l'impossibilité de rattacher l "'oeuvre du folklore" à un auteur tend
à l'exclure des classifications traditionnelles. L'absence d'auteur
déterminé présage l'existence d'autres difficultés, liées à l'exigen-
ce par le droit d'auteur, d'une création empreinte d'originalité.
C- Exigence d'une création originale.
L'originalité est la condition objective qui donne droit
à la protection du droit d'auteur. Cette notion étant entendue de
manière relative et non absolue (2), le problème se ramène, en ce qui
concerne le folklore, à la question de sGvoir si une oeuvre donnée
du folklore est absolument ou relativement originale.
La forme de création folklorique est telle qu'il existe
toujours un antécédent à l'oeuvre folklorique.
Si l'on considère que
les "oeuvres du folklore" se"constituent par une cascade d'imitations"
la détermination d'une originalité, m~me relative, sera difficile (3).
(1)
M.
GOBlli
: "Le folklore musical", op.
cit.
p.56
; c'est pour
appréhender cette situation que le régime de l'oeuvre anonyme
a été essayé, d'ailleurs sans trop de succès. Cf nos dévelop-
pements antérieurs, chapitre 1, sectionIII,de ce titre, supra
pp. 69 et s.
(2)
H. DESBOIS
: Le droit d'auteur en France, op.cit.
p.9 n o6
PLAISANT
: Juriclasseur, Prop.
Lit.
et Art. , fasc.
3 n04.
(3)
Doc.
UNESCO/OMPI/WG./I/FOLK/3
;op.
cit. §9.

Si Pan estilne par contre quVil peut y avoir créa-ben
folll1orique origillctle a parti::.-' dVé1émenGs préexistants, ls question
devient plus c,:omplexe
en effet, pOllr ch-q'lue cas,
i l faut dpter'11i-
ner si lVampleur de IVemprunt'~u~tifie la 1ua1ification dVoeuvro
relativemer.t ou absolument originale. POUI' des :Jeuvres qUi"svéb"ent
et se dil-clent dans le temps", 18. tttche para1t difficile, voire impos-
sible.
Les conditions de protection par le droit dVauteur sont
satisfaites par la création folklorique à ùes degrés
inégaux
tandis que le caractère de création littéraire ou artistique nVen-
gendro pas de difficultés particulières, IVexigence dVun auteut'
déterminé et celle dVu'le origin31ité de la création constitu'2nt cles
obstacles du pOL'1t d2 vue de la logique juridiqueo
Ces obstélclec
expliquent IVambiguïté et IVinsuffisance êes diver'J régimes c.ll-,:c;uehi
on essaie de le soumettre, lorsqu von envi"age de pr,)téger le folklore
par le droit dVauteur.

- 7I -
SECTION II
LE REG !ME DE L vOEUVRE DERIVEE
ET SON APPLICATION AU FOLRLORE.
A partir des notions dVoeuvre originale et dVoeuvre de
seconde main, le droit dVauteur organise la discrimination des oeuvres
absolument et relativement originales. Cette distinction entra1ne
la conséquence juridique suivante: si IVoeuvre seconde est consi-
dérée comme absolument originale, elle sera affranchie de toute
sujétion par rapport à IVoeuvre qui IVa précédée~
Dans IVhypothèse inverse, IVoeuvre seconde, en m~me temps
qu'elle donne prise aux droits dVauteur, ne pourra @tre élaborée et
publiée quVavec IVaccord du créateur de IVoeuvre antécédente.
c'est ce principe que traduisent les différentes lois sur le droit
d'auteur telle la loi française, à son article 4 : "les auteurs de
traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des
oeuvres de IVesprit jouissent de la protection instituée par la pre-
sente loi, sans préjudice des droits de IVauteur de IVoeuvre origi-
naleooo"
Dans un paragraphe l , nous verrons com~ent ce régime
s'applique au cas du folklore. Dans un second paragraphe, nous en
évaluerons la portée.

72 -
Paragraphe l
Les conditions d'appropriation du folklore
et les limites de cette appropriation.
Peu de législations font expregsément état du folklore
dans leurs dispositions relatives aux oeuvres dérivées. Nous pouvons
citer la loi polonaise de 1952, analysée par Mme Niedzielska (1).
L'article 9 de cette loi dispose : "les auteurs de recueils de manus-
crits anciens, de chants populaires, de mélodies, de proverbes, de
fables, de contes et autres productions de l'art populaire, de m~me
que les auteurs de morceaux choisis, anthologies et éditions commen-
tées, bénéficieront du droit d'auteur, si leur travail de compilation
révèle les caractéristiques du génie 'créateur , principalement en ce
qui concerne le choix, la disposition ou l'arrangement des textes".
Signalons aussi la loi yougoslave du 9 juillet 1957 (arti-
cIe 4, alinéa 2)
qui, à propos
de l'oeuvre
dérivée, dispose
que
"lea recueils de créations littéraires et artistiques popu-
laires ••• lorsque ces recueils,par le choix, la disposition et le
mode d'expression de la matière, constituent une création intellectuel-
le indépendante" (2).
(1)
Mme N:ŒDZ:ŒlSKA Marie, op. cit. p.282.
(2)
Cette disposition de la loi yougoslave a été conservée lors des
révision~ de 1968 et de 1978.

- 7J -
La loi française du droit dVauteur, corttrairement à celles
ci-dessus citées, ne mentionne pas le folklore.
CVest la doctrine
et la jurisprudence qui ont défini les conditions d'appropriation
du folklore et ont fixé les limites de cette appropriation.
- Dans le cas spécifique du folklore, l'arrangement musical
est une technique fréquemment utilisée par les artistes, qui font du
patrimoine folklorique une source d'inspiration.
Leur activité sou-
lève cependant quelques difficUltés d'ordre pratique:
le fait par
exemple de reprendre de la musique folklorique par des instruments
modernes est-il de l'arrangement? Plusieurs décisions de justice
ont fixé depuis fort longtemps les conditions dVappropriation du
folklore.
"La reproduction servile d'une mélodie du folklore ne
saurait en aucune façon ~tre protégée par le droit d'auteur. Cette
solution, qui a toujours été soutenue par la doctrine, ne fait plus
de doute depuis l'affaire Boyer" (1).
L'affaire Boyer a
en effet donné l'occasion à la Cour
d'Appel de Paris, dans une décision du 16 décembre 1959, de fixer
la limite en deça de laquelle i l ne saurait ~tre question dVoeuvre
dérivée:
le litige a opposé la S.A.C.E.M.
à un de ses adhérents
qui revendiquait des redevances d'auteur pour l'interprétation
publique de la chanson "Boire un coup, c vest agréable !" Alors que
l'adhérent de la S.A.C.E.M.
prétendait avoir écrit la chanson en
question, les investigations de la cour lui ont montré que "si Pon
(I)
M. GOBIN: "Le folklore musical" op.
cita p.74.

- 74 -
peut admettre que l'appelant a écrit en 1910 une chanson , qu'il
intitula alors "Boire un bon pinard", il n'est pas douteux qu'elle
lui ait été directement inspirée par un refrain du folklore français
ou canad?en, et qu'il n'apporte pas la preuve d'une-écriture ou
d'une orchrestration originale"o
La reproduction servile étant exclue de la protection par
le droit d'auteur, quelles sont les exigences de la jurisprudence?
Dans urie affaire récente, la jurisprudence a rappelé ce qu'elle af-
firme depuis longtemps(l) : le Tribunal de Grande Instance de Paris,
le 19 janvier 1972 a tranché un litige dans lequel le Sieur Tritsch
se plaint d'une atteinte à ses droits d'auteur relatifs à l'arrange-
ment de quatre vingt cinq chansons et thèmes du folklore. Le Tribunal
s'est posé la question de savoir si le Sieur Tritsch a réalisé des
oeuvres dérivées du domaine public. En d'autres termes, le Tribunal
a vérifié si les oeuvres litigieuses constituaient des transforma-
tions ou des arrangements portant l'empreinte de la personnalité de
celui qui prétend les avoir créées, ou si ce dernier s'était borné
à écrire une harmonisation qui ne mettrait en
oeuvre que les règles
classiques de l'harmonisation et de l'orchestration. Cette recherche
de l'originalité ne concerne d'ailleurs pas les seuls arrangements.
(1)
Il n'est pas nécessaire que l'oeuvre soit entièrement nou-
velle pour jouir de la protection par le droit d'auteur, il
suf'fit qu'elle soit mllme relativement originale: "un arran-
gement du texte ou de l'accompagnement musical" peut lui
donner ce caractère. Tribunal civ. de la Seine, 9 décembre
1864 An.
1866. 188.

- 75 -
La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er aofit 1850 a décidé que
"la combinaison de divers éléments tombés dans le domaine public,
ainsi que leur disposition et leur application à un sujet donné,
peuvent consti'uer une oeuvre d'auteur et une propriété ~n faveur
de leur auteur" (1).
Les décisions ci-dessus citées répondent à la question
des conditions d'appropriation du folklore. Il faut maintenant ré-
pondre à celle des limites de cette appropriation.
- Pouillet se pose la question suivante : celui qui recueil-
le, note et publie des chansons populaires, transmises par la tradi-
tion, sans même qu'on ait conservé le souvenir du temps oU elles
ont été composées ni de l'auteur qui les a faites, a-t-il un droit
de propriété sur elles ? Sa réponse est la suivante : "la chanson
existait avant lui, elle était dans le domaine public, i l ne peut
l'y reprendre. Ce qui lui appartient, c'est la forme particulière
qu'il a pu donner à l'accompagnement, c'est l'arrangement qu'il en
a pu faire;
quant à la mélodie, elle reste la propriété de tous
et chacun peut la publier à son gré" (2).
(1)
Casso crim., 1er aofit 1850, D.P. 1850, 1. 393.
Les modalités pratiques d'appropriation du folklore définies
par les décisions ci-dessus çitées, seront plus ou moins
faciles à réaliser selon la ma!trise plus ou moins satisfai-
sante des techniques modernes de création par les artistes.
Moins ces techniques seront maîtrisées, plus les dites trans-
formations du folklore ressembleront à des reproductions
serviles car, elles laisseront peu appara!tre la personnali-
té de ceux qui prétendent les avoir réalisées. La question
revêt d'autant plus d'importance qu'il s'agit de folklore et
que l'on sait que les techniques modernes de création intel-
lectuelle ne comptent pas beaucoup d'adeptes dans certains
pays en voie de déVeloppement. Il appartiendra alors aux tri-
bunaux de ces pays de faire preuve de pragmatisme, ce que
l'absence de décisions en notre possession ne permet pas de
vérifier.
(2)
POUILLET, op. cita p.89.

- 76 -
Les limites des droits de l'auteur d'une oeuvre dérivée
du folklore sont en outre clairement définies par la jurisprudence
depuis l'affaire du "Pied qui r'mue", aucun doute
ne subsiste
.
sur cette question. Nous n'aborderons pas ici toute:; les péripèties
de l'aff~ire, car il sera plus indiqué d'y faire largement écho dans
les développements sur la protection des publicateurs et éditeurs
di "oeuvres du folklore" (1). Il convient néanmoins, dès a présent,
d'évoquer les conclusions de la Cour d'Appel, qui montrent bien le
caractère relatif de l'appropriation réalisée par l'auteur d'une
oeuvre dérivée du folklore : "considérant qu'il est constant en fait,
qu'il s'agit en l'espèce d'une chanson populaire. Considérant que
les chansons populaires sont dans le domaine public, puisque leur
caractère distinctif est d'appartenir à tout le monde et, par con-
séquent, de pouvoir ~tre publiées par tout le monde, que celui qui
publie le premier une chanson populaire, n'ayant pas plus de droits
qu'un autre à faire cette publication, ne peut dès lors puiser dans
ce fait le principe d'aucun droit privatif" (2).
Le recours au régime de l'oeuvre dérivée comme solution
au problème de la protection du folklore aboutit toutefois à l'énig-
me suivante: puisque le droit d'auteur dit que l'auteur d'une
oeuvre dérivée, exerce ses prérogatives sans préjudice de celles de
l'auteur de l'oeuvre originale, i l se pose la question de savoir qui
est l'auteur de cette dernière.
(1)
Cf titre II, chapitre III de cette partie, infra pp. 250 et s.
(2)
Cour d'Appel de Paris, 25 nov. 1865, Pataille 1866.187.
On peut voir une analyse des différentes décisions relati-
ves à cette affaire dans l'articlè de M. GaBIN : "Un siècle
de jurisprudence en matière de folklore musical", Gaz. Pal.
21-22 mars 1984, doctrine, pp.3-4.

- 77 -
Cette question nous ramène au problème de la titularité des droits
sur le folklore, question à laquelle i l est prématuré que nous don-
nions ici une réponse (1). Il est temps par contre dVapprécier le
recours au régime de IVoeuvre dérivée pour la protection du folklore.
Appréciation : une protection indirecte du folklore.
----------------------------------------------------
Le régime de lVoeuvre dérivée est-il une solution au
problème de la protection du folklore? On peut répondre quVil
assure une certaine protection au folklore;
toutefois, il faut
d'abord relever que le principe-m~me du recours à ce régime fait
l'objet d'opinions divergentes:
Monsieur Seemann, cité par Monsieur Gobin, soutient que
l'arrangeur de musique folklorique ne saurait @tre assimilé à un
auteur. Son activité ne modifierait pas lVoeuvre dans son essence
son travail ne suffirait pas pour donner droit à la qualité d'adap-
tateur (2).
Parmi les spécialistes du droit d'auteur ayant émis des
réserves quant à l'opportunité d'appliquer le régime de lVoeuvre
dérivée aux oeuvres qui résultent dVune transformation du folklore
i l faut aussi citer Mme Niedzielska : devant lVabsence d'un auteur
connu de l'oeuvre originale à qui il faudrait attribuer les droits
d'auteur, devant son refus de substituer à ce dernier l'Etat,
(1)
La question de la titularité des droits sur le folklore
reviendra à plusieurs moments de nos développements : cf
notamment : section 3 de ce chapitre, ini'ra pp. 95 et s.
et nos développements sur les rapports entre le folklore et
le domaine dVEtat, infra pp. 151 et s.
(2)
M. SEEMANN, cité par M. GaBIN : Folklore musical et droit
dVauteur, thèse précitée, pp. 90 et s.

- 78 -
cette spécialiste du droit dVauteur renonce à 11assimilation des
transformations du folklore aux oeuvres dérivées classiques (1).
Contrairement aux opinions ci-dessus évoquées; d 9autres
spécialistes du droit dVauteur estiment opportune lVassimilation de
190euvre issue dVune transformation du folklore à lVoeuvre dérivée
classique: M. Moreira da Silva, M. Gobin, Melle Kingue, sont tous
de cet avis (2). Nous partageons pleinement cette opinion, clai-
rement illustrée dans lVanalyse de la jurisprudence française que
nous avons faite dans les pages précédentes •.
La jurisprudence, en refusant la protection aux reproduc-
tions serviles du folklore assure à ce patrimoine une certaine
protection : elle emp~che son appropriation pure et simple ; elle lui
assure également une certaine protection à travers les conditions
mises à la reconnaissance des oeuvres dérivées. LVapplication du
régime de 19 0euvre dérivée aux transformations du folklore constitue
par conséquent une forme de protection du folklore.
On doit cependant admettre avec Melle Miallon quVil sVagit
d 9une protection indirecte du patrimoine folklorique (3) : en effet,
n'entrent dans le champ du droit dVauteur que les seules transforma-
tions.
(1)
Mme NIEDZ lE LSKA ,op. cita p.284.
(2)
M. MOREIRA DA SILVA : "Folklore et droit dVauteur", Revue
U.E.R. janv. 1967, pp.53-59 ; ainsi que le nunéro de mai 1968,
pp.72-76 ; M. GOBIN, "Le folklore musical", op. cita p.69 ;
Melle KINGUE, thèse précitée, pp.239 et s.
(3)
Melle MIALLON, thèse précitée, p.285.

- 79 -
Le folklore lui-m~me demeure librement utilisabl;eo Cette protection
ne permettrait pas, de façon efficace, d'éviter par exemple les
multiples atteintes a l'authenticité de ces oeuvres.
En outre, un problème délicat, déjà évoqué, persiste tou-
jours
il s'agit de la relation "folklore", "oeuvres dérivées du
folklore".
La jurisprudence française que nous avons exposée résout
ce problème en ayant recours au domaine publico Ce statut signifie
que tout créateur peut effectuer des emprunts en vue de créer son
oeuvre originale o
Cette solution soulève cependant deux objections : comment
peut-on tracer une frontière entre oeuvres originales et oeuvres
dérivées à partir d'une matière très floue,
"pour laquelle tout
interprète est aussi auteur, puisque par exemple, le propre-m~me du
récit oral est de se plier aux
faiblesses
et à l'invention du con-
teur" ( I ) ? A cette objection s'ajoute celle qu'implique le statut_
m~me d'oeuvre du domaine public : ce statut ne signifie-t-il pas
que le folklore n'est pas protégé par le droit d'auteur? L'objectif
étant d'envisager la protection du folklore par le droit d'auteur,
n'y-a-t-il pas lieu de poursuivre les investigations, m~me si Mo
Gobin recommande les solutions jurisprudentielles françaises aux
pays ayant une longue tradition juridique en matière de propriété
intellectuelle (2)
?
(1)
Melle MIALLON, thèse précitée, p o285o
(2)
Mo GOBJN, "Le foklore musical", opo
citopo88 o

- BO -
SECTION III
L'APPLICATION DES REGIMES DE L'OEUVRE ANONYME
.ET POSTHUME A LA. PROTECTION DU FOLKLORE.
Le régime de l'oeuvre dérivée se révèle inapproprié pour
assurer une protection directe du folklore ; il aboutit en effet à
la conclusion que ce patrimoine appartient au domaine public. La
question qui se pose alors est de savoir si un régime de protection
directe par le droit d'auteur peut ~tre envisagé. Le recours au régi-
me de l'oeuvre anonyme (§I) et à celui de l'oeuvre posthume (§2) va
dans ce sens. La solution ne semble pourtant pas définitivement
trouvée ; c'est ce que révèlera l'appréCiation commune que nous
ferons des régimes juridiques en question (§)).
Paragraphe l
Le régime juridigue de l'oeuvre anonyme et son
application à la protection du folklore.
Les partisans de la thèse de la création individuelle du
folklore, devant l'impossibilité de désigner les auteurs d'une telle
création, eurent recours à la notion d'oeuvre anonyme (1).
Le concept d'oeuvre anonyme découle indirectement du droit
à la paternité reconnu aux créateurs d'oeuvres de l'esprit par le
droit d'auteur: en effet, la proclamation de sa paternité par
(1)
Cf nos développements antérieurs, chapitre préliminaire,
supra p. 2B et s.

- SI -
IVauteur nVétant quvune faculté, ce dernier peut préférer laisser
son oeuvre dans IVanonymat ou la publier sous un pseudonymeo L'oeuvre
anonymement publiée est donc celle communiquée au public sans que
le'nom de l'auteur
soit révélé ou remplace par un pseudonymeo
La publication anonyme dVune oeuvre ne signifie cependant
pas que son auteur renonce à ses droits ; le droit d'auteur lui
aménage alors un régime particulier quVil faut confronter au problè-
me de la protection du folklore.
Le régime de IVoeuvre anonyme est bâti sur le principe de
la représentation; ainsi, aux termes de IVarticle ~1 § 2 de la loi
française par exemple, "ils (les auteurs) sont représentés dans
IVexercice de ces droits par IVéditeur ou le publicateur originaire,
tant quVils nVauront pas fait conna1tre leur identité civile et
justifié de leur qualité"o
Le droit dVauteur organise
la possibilité pour
l'auteur de lever cet anonymat, dVoù une incidence sur la durée de
protection des droits patrimoniaux: lorsque
IVanonymat est conser_
vé ,la durée des droits exclusifs est de 50 ans à compter du Ier jan-
vier de IVannée civile suivant celle de la publication (I)o Si
l'anonymat est rompu, les droits patrimoniaux seront protégés la vie
durant de IVauteur et cinquante ans après sa mort au profit de ses
ayants droit (article 22, §2)0
(I)
Article 22§I de la loi française de 19570

- 82 -
Les avis des spécialistes du droit d'auteur sont partagés
sur l'opportunité, voire la possibilité de recourir au régime de
l'oeuvre anonyme pour la protection du folklore. Le
recours à ce
dernier "est en général attribué à M. Moreira da Si"lva, qui- é.crit en
effet que "rien ne s'oppose à accorder aux oeuvres du folklore le
m~me régime qu'aux oeuvres anonymes" (1). Des avis contraires sont
par contre émis par Mme Niedzielska et par Monsieur Gobin (2).
L'application du régime de l'oeuvre anonyme au folklore
présente en effet quelques inconvénients: l'exemple de la construc-
tion d'un texte internationnal, la Convention de Berne, en montre
les principaux (3).
Le régime de l'oeuvre anonyme est organisé par les articles
7 et 15 de ce texte. L'article 7 alinéa 4 consacre la solution
classique selon laquelle, la protection de l'oeuvre anonyme dure 50
ans après la publication. Intervient alors la mention qui constitue
le premier inconvénient de l'application de ce régime au folklore :
(1)
M. DA SILVA, op. cit. p.56. L'intéressé réserve ce régime au
folklore déjà fixé, tandis que pour le folklore resté oral,
il a recours à la notion d'oeuvre orale.
(2)
M. GOBIN, thèse précité, pp.54 et s.
; Mme NIEDZIELSKA se
prononçant sur cette question, écrit qu' "il semble que la
réponse à cette question ne-saurait Iltre que négative"
(Mme NIEDZIELSKA, article précité, p.285 ).
(3)
Puisqu'il s'agit de la Convention de Berne, dans sa rédaction
actuelle, il convient de souligner que ce texte comporte une
disposition
qui, bien que non de façon expresse, se prllte
mieux à une application au cas du folklore. Nous aurons
en effet l'occasion d'analyser le dispositif de l'article 15
alinéa 4 dans la deuxième partie de notre travail.

- 83 -
L'article 7 alinéa 3 dispose que "les pays de l'Union ne sont pas
tenus de protéger les oeuvres anonymes ou pseudonymes pour lesquel-
les il y a tout lieu de présumer que leur auteur est mort depuis
cinquante ans u•
Le folklore, généralement considéré comme de la création
datant des temps immémoriaux, risque fort d'~tre écarté de la protec-
tion par le droit d'auteur. Nous le retrouverons dans le domaine
public comme dans le cas du recours au régime de J'oeuvre dérivée.
Le second inconvénient du régime de 'l'oeuvre anonyme
résulte des dispositions de l'article 15 alinéa 3 (1)
; cet article
.désigne le publicateur comme représentant de l'auteur resté dans
l'anonymat. Dans le cas du folklore, le publicateur se comportera
en réalité comme le véritable créateur, le folklore étant générale-
ment considéré comme n'ayant pas d'auteur connu. C'est ce que cons-
tate Monsieur Gobin lorsqu'il écrit que "ce système coillère au
publicateur QU pouvoir discrétionnaire sur l'oeuv~e du folklore.
Libre à lui, par souci artistique ou mercantile, de la mutiler
par amputation ou déformation" (2). Ce résultat auquel on aboutit
est en contradiction avec le principe fondamental de la conception
du droit d'auteur selon laquelle la titularité des droits d'auteur
découle de l'acte de création.
(1)
L'article 15 alinéa 3 de la Convention de Berne dispose :
"Pour les oeuvres anonymes et pour les oeuvres pseudonymes
autres que celles dont i l est fait mention à l'al.I ci-dessus
l'éditeur dont le nom est indiqué sur l'oeuvre, est, sans
autre preuve,réputé représenter l'auteur; en cette qualité
il est fondé à sauvegarder et faire valoir les droits de
celui-ci. La disposition du présent alinéa cesse d'~tre appli-
cable quand l'auteur a révélé son identité et justifié de sa
qualité".
(2)
M. GOBIN, thèse précitée, po 286.

- 84 -
Le régime de l'oeuvre anonyme ressemble, dans certaines
de ses conséquences, au mécanisme de la publication posthume dont
il faut à présent relever les aspects intéressants.
Paragraphe 2
L'aThPLLcation du mécani~e dQ la publication
posthume à la protection du folklore.
L'application du régime de l'oeuvre posthume à la protec-
tion du folklore peut ~tre examinée selon trois aspects du problème
la nature et le fondement des droits de publication posthume répon-
dent
à la question de l'opportunité du recours à ce régime; CA)
nous vérifierons ensuite cette opportlmité à travers l'examen de la
notion de publication posthume, CB) et
à travers l'examen de la
question de la titularité des droits qui s'y rattachent .CC)
A- Opportunité du recours au régime de l'oeuvre posthume.
Les droits de publication )Dsthume "procèdent, non pas
de l'acte de création d'une oeuvre de l'espr~t, mais de la divulga-
tion réalisée après le décès du créateur" Cr). De là découle la
nature de ces droits que la doctrine distingue soigneusement du droit
d'auteur.
"Que la publication posthume ait lieu avant ou après la
révolution du délai de cinquante ans, il appara1t à l'évidence que
celui qui en prend l'initiative ne peut être investi de droits qui
CI)
H. DESBOrS
Le droit d'auteur en France, op. cit. p.447,no355.

- 85 -
soient de m~me nature que les droits d'auteur: il publie l'oeuvre,
loin de la créer •••
Même identiques par leur teneur, droits d'auteur
et droits de publication posthume diffèrent essentiellement par leur
fondement, leur raison d'itre" (I)._
Le fondement des droits de publication posthume se trou-
ve dans le pragmatisme du législateur qui veut encourager la divulga-
tion d'oeuvres non publiées. Cet objectif du législateur correspond
alors parfaitement aux préoccupations qui se manifestent à propos
du folklore. C'est pourquoi nous avons raison de poser le problème
de la protection du folklore par rapport au régime de l'oeuvre
posthume. Cependant, une interrogation demeure: quels rapports
y-a-t-il entre "oeuvre du folklore" et "oeuvre non publiée " ?
B)- Notion de publication posthume.
La notion de publication a évolué dans la doctrine du
droit d'auteur avec l'évolution des moyens de diffusion des oeuvres
artistiques et littéraires. Une différence d'approche persiste
cependant qui engendre
deux conceptions de la notion de publication
une conception large et une conception restrictive.
Par rapport au problème de la protection du folklore,
l'examen de la notion de plublication posthume se résout à une ques_
tion : le caractère populaire des "oeuvres du folklore" équivaut-il
(I)
H. DESBOIS
Le droit d'auteur en France, op. cit. p.448.

86 -
à une publication? La réponse à cette question détermine la solu-
tion générale du problème de l'application du mécanisme de la
publication posthume à la protectiop du folklore; en effet, les
modes de divulgation qui , mis en oeuvre ~près la mort de l'auteur,
donnent prise aux droits dits de publication posthume, en emp3chent
la naissance s'ils ont été mis en pratique du vivant de l'auteur (1).
Il faut alors tirer les conséquences de l'adoption d'une conception
large ou restrictive de la notion de publication.
- Selon la conception large de la notion de publication,
l'oeuvre publiée est celle communiquée au public par quelque moyen
que ce soit. Le mot "publication" couvre alors aussi bien l'édition
que la représentation, l'exécution ou toute autre forme d'utilisation
de l' 0 euvre (2) "
En France par exemple, bien que la législation du droit
d'auteur ne comporte aucune définition de la publication, la juris-
prudence a réalisé l'adaptation nécessaire aux nouvelles techniques
de diffusion: la notion de publication, d'abord liée à l'édition
imprimée (3), s'en est par la suite affranchie.
(1)
H. DESBOIS : Le droit d'auteur en France
.
, op. cit.p.456.
(2 )
Mme SyJv.i.anne DURRANDE "La notion de publication dans les con-
ventions internationales " R.I.D.A. nOIII, janv. 1982 , p.73.
(3)
M. F~~ON explique cette situation par des raisons hi t
.
orl
qu:s l:ees.aux possibilités offertes par la découvert sd
-
l'lmprlmerle :La propriété littéraire et art. t"
e
e
G
d
B
lS lque en
r : n e retagne et aux Etats Unis, Paris, Librairie Arthure
R
- ~usseau, 1955 p.7I,no57.

- 87 -
La publication à ce stade devient la mise à la disposition
du public
d'exemplaires de l'oeuvre sous quelque forme que ce soit (1).
La notion de publication s'est encore élargie pour englo-
ber tout mode de communication de l'oeuvre au public (représentation,
récitation publique ou tout autre mode de divulgation énuméré dans
l'article 9
de la loi du 3 juillet 1985 ).Ainsi, H. Desbois estime
que "dans le cadre de l'article 23
§I,2 et 3, les deux expressions
- divulgation et publication - peuvent ~tre considérées comme syno-
nymes" (2).
Sur le plan international
, la Convention de Berne qui,
dès la Conférence de révision de Bruxelles (1948), a été engagée
dans la voie de l'adaptation aux nouveaux moyens de communication,
n'est pourtant pas aujourd'hui aussi large que la loi française sur
la notion de publication. A la lecture de son article 3 alinéa 3,
(Acte de Paris 1971), il ressort que la publication demeure liée à
l'édition. Il faut en effet entendre par oeuvres pUbliées, les
oeuvres éditées quel que soit le mode de fabrication des exemplaires.
(1)
Cette évolution a permis de résoudre le problème de l'édition
cinématographique et phonographique, en considérant la copie
du film et le phonogramme comme des exemplaires de ces oeuvres.
(2)
H. DESBüIS : Le droit d'auteur en France, op. cita p.458.
L'intéréssé fait cette analyse à partir de l'article 23 de la
loi du II mars 1957, mais cet article n'a pas connu de
modification dans la loi de 1985, en ce qui concerne les
paragraphes 2 et 3.

-
88 -
Le lien maintenu entre l'édition et la notion de publica-
tion justifie que la définition conventionnelle comporte, outre
l'aspect positif ci-dessus évoqué, un aspect négatif: l'article
3 alinéa 3 dispose en effet que "ne constituent pas une publication,
la représentation d'une oeuvre dramatique, dramatico-musicale ou
cinématographique, l'exécution d'une oeuvre musicale, la récitation
d'une oeuvre littéraire, la transmission ou la radiodiffusion des
oeuvres littéraires ou artistiques, l'exposition d'une oeuvre d'art
et la construction d'une oeuvre d'architecture".
Si la notion de publication dans la Convention de Berne
demeure moins large que celle des droits français et allemand par
exemple, elle est par contre moins restrictive que celle de la
Convention Universelle.
- L'article VI de la Convention Universelle dispose : "par
publication, il faut entendre la reproduction sous une forme matériel-
le et la mise à la disposition du public d'exemplaires de l'oeuvre
permettant de la lire ou d'en prendre connaissance visuellement". La
définition
conventionnelle, si elle permet (bien que de façon lacu-
naire selon Mme Durrande) (1), de régler la question de l'édition
cinématographique, exclut de la notion de publication, les reproduc-
tions sonores.
(1)
Mme DURRANDE, op. cita pp.I2I et s.

-
89 -
Il faut classer en général comme pays consacrant une
notion restrictive de la publication, les pays anglo-saxons (1).
.La Convention universelle (article VI)
et la loi anglai-
se du 5 novembre 1956 (section 49, §2)
disposent
, la première par
déduction et la seconde de façon expresse, que la publication ne
saurait recouvrir liexécution en public diune oeuvre dramatique ou
musicale ni le fait de prononcer un discours. Le folklore, bien que
populaire, nia souvent acquis cette popularité que par les modes de
"divulgation" alors refusés par les textes en question.
Après liexposé des conceptions large et
restrictive de la
notion de publication, les conséquences suivantes peuvent être tirées,
en rapport avec le caractère populaire du folklore.
- Le folklore est populaire, donc divulgué au sens ordinai-
re du terme. On peut alors supposer que li "oeuvre du folklore" a
d'abord été dans le secret de son auteur et n'est devenue accessible
au public que par sa volonté. Cette "communication au public" siest
faite par exécution ou par représentation, par exposition ou par
récitation; les éventuelles fixations niinterviendraient que posté-
rieurement. Selon la conception large de la notion de publication,
cette situation pourrait être assimilée à la publication, mettant
alors un obstacle à la publication posthume.
(1)
La situation a toutefois changé aux Etats-Unis, par une modi-
fication intervenue dans la loi du 19 octobre 1976. Selon
Particle 101 de cette loi, "la publication est la distribution
au public diexemplaires ou de phonogrammes diune"oeuvre".
La notion de publication a également évolué en Grande Bretagne
depuis la loi de 1956, qui a aménagé la protection de lioeuvre
phonographique sans toutefois liassimiler à liexemplaire de
li oeuvre.

- 90 -
Ce n'est poutant pas cet argument que les spécialistes
du droit d'auteur avancent pour écarter l'application du régime de
l'oeuvre posthume au folklore quand ils l'abordent. M. Gobin écrit
en effet "mais ce 'régime n'est pas susceptible de jouer en
cas
de publication d'oeuvre du folklore musical car la loi de 1957
présume, pour les publications posthumes, l'identité de l'auteur
connue (article 23 alinéa 4). Or, cette connaissance fait défaut
pour la musique populaire traditionnelle" (I).
Selon la conception restrictive de la notion de publication,
le caractère populaire de l ' "oeuvre du' folklore" ne saurait ~tre
l'indice d'une publication. Ce caractère populaire, s'il est simple-
ment la conséquence de l'exécution, de la représention ou de l'expo-
sition n'a pas pu satisfaire la condition de circulation d'exemplaires
de l'oeuvre. Il faut conclure donc que la publication posthume
d'
"oeuvre du folklore" est possible selon un tel raisonnement.
C'est une analyse qui serait incompatible avec par
exemple le droit anglais : en ce qui concerne les oeuvres littérai-
res,dramatiques et musicales, ce n'est pas seulement la publication
au sens d'une édition de l'oeuvre (telle qu'elle est définie dans
la section 42 §2 de la loi anglaise), qui marque le début de la
période de protection posthume, mais également l'exécution en public,
l'émission. radiodiffusée de l'oeuvre et la vente d'enrégistrements
de l'oeuvre.
(I)
M. GOBJN
: "Le folklore musical", op. cit.p.58. Il faut toute-
fois relever que cette question de l'auteur de l'oeuvre folklo-
rique ne s'est pas uniquement posée dans le cadre de l'article
23 al.4.

- 91 -
Cett", conception large de la publication a pour conséquence que
l'édition du vivant de lqauteur nVest pas le seul obstacle à IVédi-
tion posthwne
CI).
La Grande Bretagne dont le ~roit dVauteur consacre en
principe une notion restrictive de la publication en Gcartant les
représentations publiques, expositions et autres modes de communica-
tion directe, opte au contraire pour une conception large lorsquVil
sqagit de publication posthume.
LVanalyse selon laquelle le folklore simplement exécuté,
représenté ou exposé peut faire lqobjet de publication posthwne,
parce quqil n'a jamais été publié, perd alors toute sa pertinence.
Le droit anglais limite ainsi de façon considérable les occasions
de publication posthwne.
Il faut cependant dépasser les analyses théoriques pour
poser de façon pragmatique le problème de la protection du folklore.
Le folklore, dans sa grande majorité, a été transmis de génération
en génération, par la tradition orale. Cette situation ne saurait
durer éternellement ca~ les milieux qui permettent cette transmission
naturelle disparaissent comme le montre IVexemple des pays industria-
lisés.
(1)
M. A. DIETZ : Le droit d'auteur dans la C.E.E. op. cit.p.I93 j
M.
A. FRANÇüN : Le droit dqauteur en Grande Bretagne et aux
Etats Unis dqAmérique, op. cita p. 53.

- 92 -
On pourrait m~me arguer de la nécessaire accessibilité du
public aux oeuvres de IVesprit pour dire que IVoeuvre orale du fol-
klore nVexistant uniquement que pendant chaque représentation, demeu-
re trop éphémère pour satisfaire les besoins dVun public moderne.
Le recours aux techniques modernes de diffusion se révèle
alors indispensable pour la sauvegarde de ce patrimoineo CVest dans
ce contexte quVil faut reconna1tre que le mécanisme de la publica-
tion posthume présente plus dVincitation à la publication du folklore
que le statut du domaine public par exempleo Les solutions au problè-
me de la protection du folklore dépendent donc des finalités politico-
juridiques poursuivies par chaque payso Ces finalités sont elles-m~mes
liées à IVimportance accordée à ce patrimoine par les Etats o
Les conclusions auxquelles nous parvenons prouvent suffi-
samment que l'examen de la possibilité dVappliquer le régime de
IVoeuvre posthume à la protection du folklore nVétait pas dépourvu
dVintér~to Toutefois, m~me si ce régime se révélait applicable,
il se heurterait encore à dVautres obstacles, notamment à propos de
la titularité des droits de publication posthume, qu'il convient
maintenant d'exposero

- 93 -
C)- T itularité des droits de publication posthumeo
"Le "droit de publication posthUJ1'l€",
consiste en un
monopole, une exclusivité d'exploitation, tout comme les droits
d'auteur afférents à la création" (1). La titularité de ce droit est
souvent réglée selon le mécanisme de l'article 23 de la loi française
du II mars 1957 en deux périodes :
Selon le paragraphe 2 de cet article, les ayants droit de
l'auteur sont investis du monopole d'exploitation posthume si l'oeuvre
est divulguée pendant la durée du monopole d'auteuro Les droits de
diVQlgation
posthume demeurent ainsi dans le patrimoine du défunt o
Dans le cas du folklore, la disposition de l'article
23 §2 semble difficilement applicable, les auteurs étant en principe
inconnuso Il serait par conséquent non seulement équitable, mais
inévitable que le publicateur soit investi du monopole d'exploitationo
Selon l'article 23 §3, le droit d'exploitation des oeuvres
posthumes, après l'expiration du monopole de droit d'auteur "appar-
tient aux propriétaires, par succession ou à d'autres titres, de
l'oeuvre, qui effectuent oU font effectuer la publication"o
(1 )
Ho DESBOIS
Le droit d'auteur en France"opo cit o po464o

- 94-
"En réalité, en visant l'oeuvre, le Parlement a entendu désigner
le support matériel de celle-ci qui continue d'~tre approprié,comme
un meuble meublant, après l'expiration du monopole" (1). Cette
solution
qui,
en
elle-m~me,soulève des difficultés (2), s'adap-
te difficilement au cas du folklore.
En effet, pour certaines catégories d' "oeuvres du folklore':
il existe des supports matériels, mais pour le folklore immatériel,
ces supports sont inexistants. Peut-~tre faudrait-il, par analogie,
reconnaître en l'artiste traditionnel, détenteur actuel du patrimoi-
ne folklorique, la qualité de propriétaire; mais à quel titre?
C'est une question qui trouvera sa place dans les développements
ultérieurs (J).
Si dans l'hypothèse prévue par l'article 2J §J, la solu-
tian aboutit à l'impasse, dans celle de l'article 2J §2, elle rap-
pelle la conclusion à laquelle nous sommes parvenu dans la tentative
d'appliquer le régime de l'oeuvre anonyme au folklore (4). C'est
pourquoi l'application du régime de l'oeuvre anonyme et de celui de
l'oeuvre posthume au folklore, feront l'objet d'une appréciation
commune.
(I)
H. DESBOIS : Le droit d'auteur en France, opo cita po46J ,nO J7J.
(2)
Ho DESBOIS entrevoit la difficulté d' "avoir une notion précise
du support matériel, auquel sont attachés les droits de publi-
cation posthume et (de) savoir si celui qui l'a entre les mains
a qualité pour les invoquer" ; Idem, p.46J ,noJ7J.
(J)
Cf infra pp.219 et s.
; pp. 2J2 et s. ; pp. 264 et so
(4)
Cette conclusion était que le publicateur deviendrait le véri-
table propriétaire des droits d'auteur.

- 95 -
Paragraphe 3
Appréciation : une protection au détriment
des communautés détentrices du folklore.
Tout au long de l'examen des régimes de l'oeuvre anonyme
et de l'oeuvre posthume, divers obstacles d'ordre juridique quant à
leur application au folklore ont été évoqués: il s'agit du risque
de rejeter automatiquement le folklore dans le domaine public (1),
de limiter sa protection aux seules oeuvres publiées (2), ou encore
de voir les publicateurs en devenir les seuls ma1tres. C'est ce
dernier point qui retient particulièrement notre attention dans ce
paragraphe.
1 l est généralement admis que les "oeuvres du folklore" n'ont pas
d'auteurs individuels connus; dans ces conditions, les partisans de
lathèse de la création collective du folklore préconisent l'exercice
d'un droit collectif sur ce patrimoine. Les tenants de cette doctrine
partent du constat que l' "oeuvre du folklore", prise à un moment
donné de son évolution, est la résultante de plusieurs efforts de
création. L'auteur de la création serait alors la communauté qui la
développe et la perpétue.
(1)
C'est la conséquence par exemple de la disposition de l'arti-
cle 15 alinéa 3 de la Convention de Berne; cf supra,pp.296,
note nO 1.
(2)
Telle est la crainte exprimée par Melle KINGUE lorsqu'elle
écrit : "par conséquent, si ce régime était appliqué à ces
oeuvres, cela conduirait à exclure les oeuvres folkloriques
non publiées du champ de protection du droit d'auteur, ce qui
rendrait la protection du folklore incomplète". L'intéressée
fait cependant remarquer à just e titre que "s'il est vrai que
le statut de l'oeuvre anonyme suppose une oeuvre publiée, cela
ne signifie pas qu'elle ne soit pas déjà protégée avant sa
publication". Cette remarque est valable dans les systèmes
juridiques qui protègent l'oeuvre du seul fait de la création
néanmoins, il faut bien, m0me dans ce cas, attendre par exemple
la divulgation pour voir na1tre les droits patrimoniaux.
Melle KINGUE, thèse précitée, p.26I.

- 96 -
Cette forme de création rappelle celle de la plupart des
oeuvres médiévales des monastères et abbayes en Europe : "un seul
écrivait, mais il transcrivait la doctrine de la communauté à laquel-
le il appartenait ••• L'oeuvre achevée n'était pas le fruit de l'acti-
vité dVun seul, mais la résultante des apports respectifs de toute
la communauté, apports entre lesquels il existait une indivisibilité
matérielle absolue" (1). Paraphrasant alors le législateur français
de 1957, on pourrait dire quVil est impossible de reconna1tre à
chacun des auteurs successifs dVune "oeuvre du folklore", un droit
distinct sur l'ensemble réalisé (2).
La tentation est par conséquent forte de faire un rappro-
chement avec le régime de IVoeuvre collective. M. Gobin lVécarte
cependant au motif que "IVoeuvre anonyme collective de IVabbaye ou
du monastère, littéraire ou musicale, était le produit d'un nombre
limité d'individus, représentés par une personne
morale connue dont
l'expression empruntait la voie écrite. Au contraire, la manifestation
musicale traditionnelle est
orale et indéterminée. Le rattachement
à une entité morale est ainsi, pour le folklore, hasardeux et conduit
à écarter l'hypothèse d'une création collective au sens du droit
d'auteur" (3).
(1)
Melle DOCK : "Genèse et évolution de la notion de propriété
littéraire", R. loD.A. n079 , 1974, p. 157.
(2)
L'article 9 §3 de la loi française de 1957 dispose en effet :
"est dite collective, l Voeuvre crée sur IV initiative d vune
personne physique ou morale qui lVédite, la publie et la divul-
gue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribu-
tion personnelle des divers auteurs participant à son
élaboration se fond dans IVensemble en vue duquel elle est
conçue, sans quVil soit possible d'attribuer à chacun dVeux
un droit distinct sur IV ensemble réalisé".
(3)
: Mo GOBJN "Le folklore musical", opo cit. p.48.

- 97 -
On peut néanmoins reconna1tre au caractère collectif du
folklore, la conséquence tirée par M. Carbonnier : "à 1 iheure actuel-
le, il est universellement proclamé que le travail créateur confère
un titre à faire valoir sur le produit créé. Diautre part, quoique
lihéritage illimité ait ses contestataires, la transmission, du
moins entre quelques générations, des valeurs acquises par le travail
est exaltée comme une solidarité naturelle. Ciest assez de ce double
principe pour fonder philosophiquement, un droit des groupes diffus
dans lesquels émerge le folklore, un droit primitif sur les éléments
quiils ont eux-mêmes élaborés ou qui ils ont recueillis de la tradi-
tion" (1).
Cette analyse concorde avec le témoignage de M. Robin A.
1. Bell. "La peinture, la danse, le chant, la musique et les légendes
jouaient un rôle fondamental dans la conservation et la transmission
de cette culture et occupaient dans le droit coutumier aborigène
une place plus considérable que les expressions artistiques dans
la culture européenne, par exemple. Il siagissait donc véritablement
d'expressions du droit populaire et les règles qui régissaient leur
utilisation traduisaient de m~me leur importance pour la communauté
et l'individu" (2).
(1)
M. J. CARBONNIER, "étude sur la règlementation internationa-
le
des aspects "propriété intellectuelle" de la protection
du folklore" ; doc. UNESCO/OMPI/WG. I/FOLK./3 ; Paris, 14 déc.
1979, p.6 n020.
(2)
M. Rolin A. 1. BELL, "Protection du folklore: l'expérience
australienne", in Bul. du droit di auteur , vol. XIX, n02, 1985,
p.4.

- 98 -
L' "oeuvre du folklore", bien qu'elle ne réponde pas à la
définition de l'oeuvre collective protégée par le droit d'auteur, est
incontestablement l'héritage commun d'une communauté. L'analyse de M.
Carbonnier et le témoignage de M. Bell sur le folklore
aborigène
d'Australie laissent d'ailleurs penser que les communautés détentri-
ces du patrimoine traditionnel, n'accepteraient pas l'attribution
d'un quasi-droit d'auteur aux publicateurs d'oeuvres folkloriques.
C'est pourtant ce à quoi aboutirait l'application des
régimes juridiques des oeuvres anonymes et posthumes à la protection
du folklore. C'est pourquoi nous estimons que ces régimes réalise-
raient une protection du folklore au détriment des communautés natio-
nales.
Le recours aux régimes juridiques œ l'oeuvre anonyme comme
à celui de l'oeuvre posthume, révèle d'abord la volonté d'assurer
au folklore une protection directe et d'éviter qu'il soit automati-
quement rejeté dans le domaine public. Cette démarche traduit aussi
les efforts pour contourner certaines difficultés liées à la nature
de la création folkloriqu~
0 ' - - - - - - - -

- 99 -
Dans la recherche d'un statut juridique du folklore, nous
venons de formuler
la question suivante : le folklore est-il pro-
tégeable par le droit d'auteur ?
On a pu répondre affirmativement à cette question en vertu
du fait que le folklore est une création de nature artistique et
littéraire; mais on s'est vite rendu compte que cette création
était particulière : les auteurs d' "oeuvres du folklore" sont incon-
nus et le porteur actuel ne peut @tre investi de la qualité d'auteur
car, la question de l'originalité se poserait par rapport à d'autres
porteurso
Ayant buté
sur
les difficultés sus indiquées , les
juristes ont essayé de les contourner: toutefois, le régime de
l'oeuvre dérivée s'est révélé incapable d'assurer une protection
directe du folklore; quant à ceux de l'oeuvre anonyme et de l'oeuvre
posthume, ils assurent une protection directe du folklore, mais au
seul profit des publicateurs.
Enfin, du point de vue du statut du folklore, seuls les
régimes de l'oeuvre anonyme et de l'oeuvre posthume assurent au
folklore un statut d'oeuvre protégée par le droit d'auteur o La
jurisprudence qui a défini les conditions d'appropriation du folklore,
l'a considéré par contre comme faisant partie du domaine public,
un autre statut juridique qui fait l'objet du chapitre suivanto

- 100 -
CHAPITRE II
FOLKLORE ET OEUVRES DU DOMAJNE PUBLIC.
Mme Blanche d'Ormesson-Kersaint écrit dans sa thèse qu'au
regard du sujet qu'elle traite, elle serait incomplète si elle ne
formulait pas quelques considérations sur la protection du folklo-
re (1). Se justifiant, elle poursuit en disant que certaines des
expressions du folklore constituent "une certaine catégorie dioeuvres
du domaine public bien qui elles ne puissent rev~tir, au sens du
droit d'auteur, la qualification di "oeuvres" "(2). Cette remarque
nia cependant pas empêché l'intéressée de proposer le rapprochement
de la protection du folklore de celle qu'elle préconise pour le patri-
moine littéraire et musical du domaine public (3).
(1)
Mme Blanche d'OMESSON~KERSAJNT : La protection des oeuvres
du domaine public, thèse, Paris 2, 1982, p.205.
(2)
Idem, p.206.
(3)
Cette proposition fera l'objet de quelques observations dans
la section 2 de ce chapitre,

-
101 -
L'assimilation du folklore aux oeuvres du domaine public
n'est pas une invention de Mme d'Ormesson-Kersaint; en effet,
cette dernière ne fait-elle pas allusion aux enquêtes de l'Unesco
qui montrent que les Etats, lorsqu'ils légifèrent sur le domaine
public, le font de la même façon pour le folklore (1) ? Est-ce à
dire que la question de savoir si le folklore fait partie du domai-
ne public ou non est désormais sans objet ?
Le domaine public est celui où tombent les oeuvres
protégées "à l'expiration de la période légale posthu:ne de pro-
tection", écrit Vilbois (2)0
(1)
Il s'agit d'une part de l'enquête menée auprès de ses Eta~
membres par l'Unesco, suite à la Résolution 60121, adoptée par
la èonférence g~nérale à sa 19ème session (Nairobi, oct.-novo
1976), "afin de conna1tre si, et dans quelle mesure, il existe
au plan national, des systèmes qui permettent d'assurer le
droit au respect ou à l'intégrité des oeuvres appartenant au
domai."'l.e public". Les réponses au questionnaire a:iressé par
l'Unesco aux Etats membres le 22 novembre 1978 ont été publiées
dans le Bulo du droit d'auteur, volo XV n 0 2, 1981, et ont fait
l'objet d'une étude comparative par l'Unesco dans la même revue,
m~me numéro, pp031 et So
Il s'agit d'autre part de l'enquête lancée le 31 aoftt 1979
par l'Unesco, sur la protection du folklore et dont les résul-
tats font l'objet d'un examen dans le docoUNESCO/CPY/TPC/l/3
Paris, 8 janvo 1982 0 Cette analyse rapporte qu'à la question
de savoir si le folklore f~it l'objet dans leur pays, d'une
protection légale, 49Etats contre 20 ont répondu qu'il était
considéré comme appartenant au domaine public o
Il convient d'indiquer toutefois que sous la direction de
l'Unesco, l'étude de la protection des oeuvres du domaine
public a été menée parallèlement à celle effectuée pour la
protection du folkloreo D'ailleurs, deux résolutions parallèles
relatives à la préparation de recommendations aux Etats membres
ont été récemment adoptées par la Conférence générale de
l'Unesco à sa 25ème session (octo-novo 1987)
cf doc o 24/C5-110
B- Activités générales, Droit d'auteur, § 15 02 et15030
(2)
VILBOIS, 0po cito p02 0

- 102 -
"C'est l'opinion de la majorité des auteurs", précise Mo Gobin (1)0
La chute d'une oeuvre dans le domaine public après le
délai légal de protection ne soulève pour nous aucun problèmeo
C'est la question de savoir par contre si le domaine public ne con-
tient que de telles oeuvres qui nous préoccupe et en l'occurence
celle de savoir si le folklore fait partie du domaine publi~ (sec-
tion 1)
r.ette question mérite d'~tre posée puisque la pluoart des
législations ne lui fournissent pas une réponse claire et que des
spécialistes du
œoit d'auteur tel M. Gobin, estiment nécessaire
de la poser (2)0 Il conviendra alors de réexaminer l'application
des différentes modalités du domaine public au folkloreo(section II)
(1)
M. GOBJN
: "Le folklore musical", opo cito p0570 L'intéressé
fait référence ici à Mo PLAISANT : Jurisclasseur, Fac03 n O I3
et s.
; et à Ho DESBOIS : Le droit d'auteur en France, éd. 1966,
nO 47J.et 4740
(2)
Mo GOBIN : thèse précitée, ppoI39 et So
L'intéressé écrit en effet que "l'affi=ation péremptoire
selon laquelle le folklore musical, dans son intégralité, fait
partie du domaine public, para1t devoir ~tre examinée à nou-
veau OOQ "

- 103 -
SECTION l
LE FOLKLORE FAIT-IL PARTIE DU DOMAJNE PUBLIC?
LVhistoire du droit dVauteur montre que la notion de
domaine public a précédé celle de domaine privé dans la matière
de la création intellectuelle o "A Porigine, la création dVune oeuvre
nVétait pour le poète ou IVartiste que le prétexte à renom et à
gloireo.o nul ne songeait en ces époques primitives à voir dans
Poeuvre produite une source de profits répétésoo o " (1)0
Ce contexte justifie bien Pappellation de "privilège"
que prirent les monopoles temporaires accordés par les princes de
IVépoque o Les privilèges constituaient des exceptions au droit com-
mun que représentait le domaine public o "LVantiquité était pour ainsi
dire un champ public dont tout imprimeur avait droit de recueillir
les fruits, un patrimoine commun appartenant au premier occupant" (2).
Les auteurs d'oeuvres nouvelles ont da cependant emprunter le même
instrument du privilège exclusif avec lequel se confondait la pro-
priété de l'oeuvreo
Le système des privilèges ne rencontra son premier obsta-
cIe en France quVavec le désir des libraires de Paris de renQre leurs
privilèges perpétuels ; ce qui aurait équivalu à sortir ces oeuvres
d'un domaine public dans lequel elles étaient o
(1)
J. VILBOIS, opo
cito po 3530
(2)
Compte-rendu du Chancelier SEGUIER, cité par VILBOIS, opo cit o
po 5350

- 104 -
C'est au cours des querelles entre libraires de Paris et ceux de
province que le droit diauteur fut mis en évidence. Les arrêts du
Conseil d'Etat du Roi de 1777, qui tranchèrent le conflit en faveur
des libraires de province, restituèrent au domaine public, ce que
les libraires de Paris voulurent lui ravir (1). Ces mêmes arrêts qui
consacrèrent le droit diauteur, ne remirent point en cause le domai-
ne public ; ce qui fut interprété par Renouard comme l.me "contradic-
tion manifeste entre le principe que ces arrêts semblaient consacrer
et le soin qui ils prenaient à en éviter les conséquences" (2).
La référence à l'origine du domaine public semble alors
résoudre la question du statut du folklore: il,serait dans le domai-
ne public, soit parce quiil y était avant-m~me la naissance du droit
d'auteur, soit parce qu'il n'aurait fait l'objet d'aucl.me appropria-
tion , soit enfin parce qu'en ayant fait l'objet, i l serait retourné
après la période légale de protection dans le domaine public. IL
faut cependant, pour avoir toutes les données du problème, revenir
sur la notion-mêm8 de domaine public,(paragraphe 1) et prendre en
compte la définition de la majorité des spécialistes du droit diau-
teur, selon laquelle le domaine public est celui où tombent les
oeuvres protégées après le délai légal de protection. La prise en
compte de cette définition exige l'examen de l'incidence du concept
de publication. (paragraphe 2) Les réponses théoriques à la question
de l'appartenance ou non du folklore au domaine public seront complé-
tées par celles que lui donnent les lois et les jurisprudences. (para-
graphe 3)
(1)
Voir par exemple une analyse de ces arrêts, faite par VILBOIS,
opo cito po356 et So
(2)
RENOUARD, cité par VILBOIS, opo cito p.357o

- 105 -
Paragraphe l
Notion de domaine public.
"Domaine public veut dire jouissance commune et non domai-
ne de l'Etat", écrit Vilbois, qui cite un rapport du Vicomte Siméon
à la Chambre des Pairs, du 20 mai 1839 (1). "Il nQest persoIUle par
cela même quQil est tout le monde" (2). Ces opinions sQattachent à
démontrer que le domaine public littéraire se distingue du domaine
publie au sens administratif du terme.
P. Recht qualifie cette conception du domaine public de
"conception périmée" ; car l'Etat peut devenir propriétaire d Qoeuvres
artistiques et littéraires, non seulement pendant le délai de protec-
tion, (A) mais aussi et surtout à lQexpiration de ce dernier (3).(B)
Il se dégage alors deux conceptions du domaine public en
matière d'oeuvres artistiques et littéraires qui ne manqueront pas
d'influencer la matière qui nous préoccupe
le statut du folklore.(C)
avant l'expiration du délai de protection.
------------------------------------------
L'Etat peut-il devenir propriétaire d'une oeuvre artisti-
que ou littéraire par le jeu des règles de dévolution successorale?
(1)
VILBOIS, op. cit.p.37I.
(2)
POUILLET: Traité théorique et pratique de la propriété litté-
raire artistique et du droit de représentation, cité par VILBOIS,
p.37I.
(3)
P. RECHT : Le droit d'auteur, une nouvelle forme de propriété
Paris,L.G.D.J. 1969, pp.257 et s.

- 106 -
Certains spécialistes du droit d'auteur répondent que ce droit
aurait pu découler des articles 5J9, 7IJ et 768 du code civil fran-
çais, articles qui attribuent à l'Etat les biens vacants et sans
maître et cewc des successions en déshérence (I)."Ces textes n'ont
jamais reçu d'application en France pour la propriété intellectuelle
car il est de règle que l'Etat, bénéficiaire d'une succession en
déshérence, ne recueille pas les droits d'auteur inclus dans le pa-
trimoine de cette succession"(2).
Cette solution a résulté de l'application de l'article
1er de la loi du 14 juillet 1866, selon lequel le monopole prenait
fin prématurément, sous réserve "des droits des créanciers et de
l'exécution des traités de cession qui ont pu être consentis par
l'auteur et ses représentants". Les oeuvres tombaient ainsi dans le
domaine public au lieu de devenir propriété de l'Etat.
La loi du II mars 1957 n'ayant pas repris cette disposi-
tion, les avis, dans la doctrine, présentent quelques variantes:
devant le silence de la loi, M. Gobin adopte une attitude mitigée
la loi de 1957 s'étant contentée d'énoncer dans son article 20 que
le tribunal peut ordonner toutes mesures appropriées, ce spécia-
liste du droit d'auteur évoque comme fondement éventuel du domaine
d'Etat, la notion de concession légale de droit civil avancée par
Vilbois (]).
(1)
VILBOIS, op. cit o poJ71 ; Mo GOBTII : thèse précitée, p.59.
(2)
Formulaire Notarial, T.I5, Fasc.H. n054, (cité parM. GOBJN,
"Le folklore musical", op. cita p.60).
(J)
VILBOIS: op. cit. p.427 nO)05 ; l'Etat exclu de la succession,
c'est le public qui hérite de l'auteur et la redevance perçue
n'est qu'un moyen de faire bénéficier de cet héritage, toute la
communauté, par le truchement de son repréccrrt::mt : l'Etat.

- 107 -
Quant à P. Recht, i l écrit qu'il est clair que l'Etat est
un des ayants droit visés à l'article 21 de la loi française de
1957 (1).
Ho Desbois interprète aussi llabrogation de la disposition
de la loi de 1866 par llarticle 77 de la loi de 1957 comme llinves-
titure de l'Etat des droits patrimoniaux d'auteurs. Il écrit en
effet que "la loi du II mars 1957 ne contient aUC1ille disposition
spéciale à l'Etat? de sorte que le monopole subsiste à son profit
comme pour les héritiers de sang : il exploitera les oeuvres dans
son intér~t et en percevra les redevances jusqu'à l'expiration du
délai légal" (2).
Le raisonnement de H. Desbois signifie pourtant que l'Etàt
perd son droit comme Ilhéritier de sang, lorsque l'oeuvre tombe dans
le domaine public. Ce n'est pas l'avis par exemple de Po Recht, qui
écrit que l'Etat, selon lui, peut non seulement exploiter les oeuvres
dans son intér~t jusqu'à l'expiration du délai légal, mais peut le
faire même à perpétuité (J). Clest manifestement 1ille autre notion
de domaine public qu'il faut examiner.
(1)
Po RECHT, op. cita p.257.
(2)
Ho DE8BOI8 : Le droit d'auteur en France, op. cit o p.4II nOJ47.
L'intéressé estime cependant qu'il slagit d'1ille réforme qui
ne donne pas satisfaction car "il aurait convenu, pour le
moins, d'imposer à llEtat 1ille affectation spéciale des rede-
vances qulil percevrait, d'exiger qu'il sIen servit à des fins
culturelles, telles que llalimentation du Centre National des
Lettres".
(J)
Po RECHT, op. cita po257.

- lOS -
B)- L'Etat et le domaine public artistique et littéraire.
--------------------------------------------------------
Al' expiration du délai de protection, l'oeuvre "entre
<ians le domaine public". Ce1:te entrée dans le domaine public signi-
fie pour P. Recht qu'elle est légalement expropriée, dans l'intér~t
public (1).
P. Recht fonde sa conception du domaine public dans une
théorie du droit d'auteur qui prend le contrepied de celle qu'il
qualifie "d'oeuvre d'individualistes intransigeants" (2). Selon sa
théorie dite de la propriété-création, "le droit d'auteur est, selon
une expression de droit romain, le statut d'une "res cum jure suo",
un droit perpétuel, dont le titulaire devient finalement la collec-
tivité" (3) •
Le droit d'auteur, propriété-création, contient un domai-
ne utile, abandonné aux héritiers après le décès de l'auteur pendant
un certain temps, et un domaine éminent qui, ayant été géré par
l'auteur durant sa vie, revient à la communauté de façon perpétuel-
le (4).
(1)
p. RECHT, op.
cit. p.258. Contre l'argument selon lequel il
ne saurait y avoir expropriation sans indemnisation, P. RECHT
dit que la contrepartie est offerte à l'auteur à travers le
monopole que la loi lui a accordé temporairement.
(2)
Idem, p.258.
(3)
Ibidem, p.IO.
(4)
Le domaine utile comprendrait principalement le droit d'exploi-
tation pat~imonial tandis que le domaine éminent aurait comme
contenu, des prérogatives surtout morales (P. RECHT, op. cit.
p.IO). Cette conception du droit d'auteur est qualifiée
d'erronée par certains, parce qu'elle traite le droit d'auteur
comme "un simple monopole d'exploitation concédé momentanément aux
dépens des droits de la société". Cf VILBOIS, op. cit. p.427.

- 109 -
P. Recht appelle à sa cause, le législateur révolution-
naire français qui, selon lui, n'a jamais voulu dire que le domai-
ne public est ce qui n'appartient à personne (1). Ainsi, selon la
conception moderne du domaine, "le droit des personnEE administrati-
ves sur les biens de leur domaine public reste vraiment un droit de
propriété, et le critère de la domanialité publique ne peut être
trouvé que dans leur affectation, plus ou moins immédiate, à l'usa-
ge du public ••• "(2). En ce qui concerne l i oeuvre de l ' esprit, "une
décision d'affectation n'est pas nécessaire; elle passe sans tran-
sition, directement et instantanément dans le domaine public, sans
devoir passer par l'étape du domaine privé à raison de la nature
des choses" (3).
Nos analyses ont mis en lumière deux compréhensions de la
notion de domaine public en matière d'oeuvres littéraires et artis-
tiques: le domaine public signifie pour P. Recht, une partie du
domaine de l'Etat affectée à l'usage du public. Il signifie par
contre pour les tenants de la théorie du droit d'auteur, "droit natu-
rel", "un fonds commun où l'on fait volontairement tomber au bout
d'un certain temps les productions de l'esprit", fonds qui n'appar-
tient à personne, pas même à l'Etat.
(1)
P.RECHT: op. cit. p.26I ; l'article 2 du décret de 1791 ne
disposait-il pas qu'après cinq ans, l'oeuvre devient propriété
publique ?
(2 )
SALEILLES: Note Sirey, 10 juillet 1894. S. 95. 2185
cité
par RECHT, op. cit. p.26I, note 147.
(3)
P. RECHT , op. cit. p.264.

- rra -
La question à poser n'est plus alors celle de savoir si
le folklore fait partie du domaine public ou non, mais celle de
savoir si les différents arguments opposés à la théorie du domaine
d'Etat lorsqu'il s'agit d'oeuvres au sens du droit d'auteur, se
défendent toujours lorsqu'il s'agit de fol:clore.
c)- Le folklore et la théorie du domaine d'Etat
La théorie du domaine d'Etat rend l'Etat propriétaire du
domaine public artistique et littéraire, donc du folklore lorsqu'il
est considéré comme faisant partie du domaine public. Que devient
alors l'argument principal opposé au domaine d'Etat, consistant à
dire
: "nous repoussons la théorie du domaine d 'Etat parce qu'elle
aboutir~it à consacrer une conception erronée du droit d'auteur,
privilège octroyé, parce qu'elle se présente comme une expropriation
définitive des créateurs ••• " (1).
La première partie de l'argumentation évoque le vieux débat
sur la nature du droit d'auteur, qu'il ne nous appartient certaine-
ment pas ici de trancher. Il faut seulement relever que les concep-
tions sur la nature du droit d'auteur
sont cencées varier selon les
systèmes juridiques.
(1)
VILBOIS op. cita p.436.

-
III -
Quant 0. 1'1 scconde p'lTtic de l'arc;umcntation dévcJ opprSe contre la
théoI'ie du domaine d'Etat, et pour lc cas spécifique du fol1dore,
Mo Gobin é c r i t :
"Il ne s'agit pas et ne peut s'agir d'expropria-
tion, mais del'appropriation d'une oeuvre sans maître, sans auteur
idcntif'ié o Il ne plmt donc y aV-.Jir renonciation, même tacite" (1).
Selon la conception du droit d'auteur, simple concession
légale, l'appartenance du folklore au domaine d'Etat ne pose pas
de probJbmc parLiculicro DO-ns 10- conccption O-dverse par contre,
l'analyse devient plus complexeo
Le recours aux articles 539 et 713 du Code Civil semble
être le fondement le plus solide du domaine d'Etat en ce qui concer-
ne le folklore (2)
toutefois,
la classification du folklore dans
une des catégories de biens pris en compte par les dits articles
demeure une tâche délicate mais à laquelle i l faut se livrero
La doctrine française recommande que les articles en
question soient entendus au sens restreint
: lorsqu'on est en pre-
sence d'une chose sans maître, on doit s'interroger sur la cause de
cet état o "S'il s'agit d'une succession pour laquelle i l n'existe
pas d'héritier au degré successible, ni de légataire, ou à laquelle
tous ont renonce, la succession dans son ensemble -aussi bien meu-
bles qu'immeubles, droits que choses -
est acquise à PEtat.
(1)
Mo
GODJN
:
"Le foJldorc musico.J", opo
cito
po6I o
(2)
Article 539 du CoCivo
"Tous les biens vacants et sans maître,
et ceux des personnes décédées sans héritiers, ou dont les
successions sont abandonnées, appartiennent au domallle public"o
Article 713 du Co Civ o : "Les biens =lui n:ont pas de
maître appartiennent à l'Etat"o

- II2 -
L'orsqu'une chose est "sans 'natre" V:lUr tout'l autre cause, que le
décès de son propriétaire, seuls les ~ileubles sont acq~is par
l'Etat"(I ).
Il apparaît donc que seul le cas de la succession vacante
-ou en déshérence garantirait le droit de l'Etat sur le folklore (2)
mais, même dans ce cas, le raisorillement jtœidique ne manque pas
d'ambiguïté : la succession au sens du Code Civil suppose que le
bien ait été l~ propriété de quelqu'un qui, parce qu'il décède, le
transmet à ses héritiers; or, l'auteur d'une "oeuvre du r'olklore"
étant inconnu, son propriétaire 1'4t8.nt autant, il ne peut s'agir
de succession au sens
juridique du terme (J).
Si aucune des deux hypothèses ci-dessus fonnulées n'est
satisfaisante, peut être faudrait-il émettre une troisième qui ferait
des "oeuvres du folklore", des choses susceptibles d'appropriation
par le premier occupant.
(I)
H.L.et J. MAZEAUD
Leçons de droit civil, 4è édi~ion, I967,
T.I, p.25J.
(2)
: Le folklore étant considéré co~me un ensemble d'oeuvr"s
artistiques et littéraires, i l se compose de m'lubIes, au sens juri-
dique du tenue. L'application de la seconde hypothèse ci-dessus
formulée, celle où une chose est "sans :naître" pour tOllee autre
raison que le décès de son propriétaire, mettrait alors le folklo-
re hors de portée de l'Etat.
(J)
: si l'en considère par coutre comme M. GOBIl\\[ q.l.e le folklore
est peu.t être la "première propriété collective", on pe-'.lt dire
qu'il appartient à la communauté qui le perpétue; ;Vi. GOBlli, " Le
folklore musical" op, cit, p.6L C'est dans le droit public donc
que l'Etat doit trouver les règles qui lui dOYilleraient accès à
ce patr~iloine. Les richesses culturel~es ne sont-elles pas nation~­
lisables CO~ile les richesses naturelles ? (DOC. UNESCO/OMPI/WG/I/
FOLK/J ; op, cit. po6.) "En définitive, l'option en faveur du
régime de domaine d'Etat relève avant tout d'un choix politic;,ue en
faveur de la propriété collective" : M. GOBIN, idem.

- IIJ -
L'occupation est en effet le mode d~acquisition de la
propriété des "res nullius" ; mais l'occupation "ne peut faire
acquérir qu~une chose corporelle, non un bien incorporel, un droit
d~auteur par exemple" (1)0
Si I~Etat ne peut devenir propriétaire du folklore parce que
celui-ci est meuble, et si les particuliers ne peuvent non plus en
acquérir la propriété par occupation, i l ne reste que le recours
éventuel au régime de la seconde catégorie des biens sans ma1tre
"les choses communes "0 L~article 714 du Code Civil français dit
qu' "il est des choses qui n'appartie=ent à perso=e et dont l'usa-
ge est commun a tous o Des lois de police règlent la manière d'en
jouir" 0
Le folklore, selon le régime des "choses communes", serait
comparable à l'air, à l'eau des rivières, des "choses qui existent
en quantité telle que tout le monde doit pouvoir en user, mais à
la condition de ne pas gêner l'usage par les autres" (2)0
La pratique des régi!nes des "choses communes" et des
"res nullius" montre toutefois que la distinction classique entre
'''res nullius" (choses susceptibles d~appropriation) et "choses com-
munes" (choses non susceptibles d~appropriation) est dépassée, voir
inexacte (J).
(1) : H. Lo Jo MAZEAUD et Fo CHABAS : op. cito p.27Io C~est l'analy-
se que ces juristes font de l~affaire CAMOIN cl Franci CARCO
Cour d'Appel de Paris, 6 mars 1931, cf l~ouvrage cité, ToI,
voloI, 12è Leçon, Lecture 10 Dans ladite affaire, la posses-
sion des morceaux de tableau jetés par le peintre, si elle
a pu transférer la propriété de ces morceaux par occupation,
n'a pas pu transférer celle de l~oeuvre artistique.
(2)
Idem p 02450
(J)
Mme Martine REMOND-GOUILLOUD : "Ressources naturelles et choses
sans maître", Recueil Dalloz Sirey, 1[-1: janvier 1985, choVI, po
280

- II4 -
"Seule en réalité l'histoire en fait foi, la perception variable
des ressources disponibles explique la différence de concepts,
La "res nullius" traditionnellement est liée à l'abondance", Cette
abondance est relative, et tient à l'utilité perceptible du bien à
l'époque et dans le lieu considérés", Avec la pénurie, ou plutôt la
crainte de pénurie, appara1t la ressource commune, Ce n'est qu'un
pis-aller. Car le premier réflexe de l'homme confronté à la peur de
manquer n'est pas d'usage commun, mais d'appropriation " ,
(1)
Cette analyse évoque curieusement un problème qui est au
centre de nos préoccupations : l'appropriation indue du folklore,
S~1ans le domaine des choses corporelles, le respect de l'usage
commun s'avère
difficile à assurer, il n'est plus étonnant qu'il
devienne un problème crucial dans celui des biens incorporels.
Le ràpproChement peut donc être fait entre le problème de la
protection du folkore et celui de l'environnement qui est d'actuali-
té, Aussi-bien pour la protection de l'environnement que pour celle
du folklore, le besoin de protection est vivement ressenti. mais les
fondements demeurent fragiles. Les règlements prolifèrent, mais c'est
un "corps de règles cohérent, animé de principes propres sans les-
quels il est difficile de parler d'un droit" qu'il faut construire (2),
(1)
Mme Martine REMOND-GOUILLOUD , op, cit, p,28,
(2)
Idem,

- II5 -
Le rapprochement que nous venons de faire entre la pro-
tection de l'environnement et celle du folklore nous autorise à
conclure que si l'extinction des espèces, la pollution de l'air et
des eaux, la crise énergétique, etc" obligent les Etats à légiférer
pour la protection des choses communes et des"res nullius", les
appropriations indues, les déformations et la menace de disparition
de richesses culturelles, peuvent aussi les amener à prendre des
mesures en,matière de folklore"
"Et s'il faut, pour préserver la
vocation commune de ces choses une intervention législative, en quoi
se différencient-elles des autres éléments du domaine public, sous-
traits à l'appropriation dans l'intérêt général" CI)?
Le traitement du folklore comme lires communis" ou comme
propriété de l'Etat, résulte donc d'un choix politique, que nous
réservons aux Etats; toutefois, i l convient, pour encore plus de
clarté de nos analyses, d'examiner l'incidence du concept de publi-
cation, dans la réponse à la question: le folklore fait-il partie
du domaine public ?
(I)
Mme Martine REMOND-GOUILLOUD, op" cit" p"27o
L'intéressée fait ici allusion aux distinctions opperees
par GAIUS entre les "res communis" et les"res publicae et
llIliversitates"

- II6 -
Paragraphe 2
~ncidence du concept de publication.
Quan dM. Gobin exige que l'affirmation péremptoire selon
laquelle le folklore musical,- dans son intégralité, fait partie du
domaine public soit réexaminée, c'est par rapport aux trois situa-
tions suivantes: " ••• Soit l'oeuvre appartient à lm fonds commun
et n'a jamais été publiée, soit elle fait partie d'un fonds commun
mais a fait l'objet d'une appropriation par un tiers, soit enfin
elle est déjà publiée depuis suffisamment longtemps pour faire
part ie du domaine public" (1).
La publication, selon nos analyses antérieures relatives
à la notion de publication posthume (2)
, connaît une acception
restrictive (A) et lme acception large.
(B) C'est donc par rapport
à ces deux acceptions qu'il faut examiner l'insidence du concept de
publication par rapport à la question de l'appartenance ou non du
folklore au domaine public.
A)- ~_~~!i~~_~~_f~~3~_S~~~_~!_1~~sS~E!i~~_E~~!Eis!i~~
~~_~~~~~E!_~~_E~~1~~~!~~~~
Selon l'acception restrictive de la notion de publication,
une oeuvre, pour @tre publiée ,doit @tre fixée. Cette acception est
restrictive car elle exclut du champ du droit d'auteur,les oeuvres
demeurées orales.
(I)
M. GOBIN : "Le folklore musical", op. cita pp. 56-57 •
(2)
Cf supra, pp. 85 et s.

- 117 -
C'est ce qui ressort par exemple de 19analyse comparative du droit
d 9auteur dans la C.E.E., faite par M. Dietz : il écrit en effet
qu'en Europe, contrairement aux Etats-Unis d 9Amérique, i l n 9y a pas
de formalités conditionnant la naissance du droit d 9auteur, confor-
mément à l'article 4 alinéa 2 de la Convention de Berne. Cependant,
même en Europe, si par exemple en France, 190euvre est protégée dès
sa création, elle ne 1g es t seulement qu'à partir de sa fixation en
Grande Bretagne (1). La fixation peut être comprise comme le moyenper-
mettant la mise à la disposition du public d'exemplaire:;; de l'oeuvre.
Si la fixation sur un support matériel et la distribution d'exemplai-
res de l'oeuvre sont des conditions de protection par le droit d'au-
teur,'M. Gobin a raison de parler, en matière de folklore musical,
de l'existence d'un fonds commun que 19 0n peut librement s'approprier,
car, par définition, "ces oeuvres ne peuvent appartenir au domaine
public puisqu'elles n'ont jamais été protégées par le droit d 9au-
teur" (2).
Selon cette analyse, le folklore simplement véhiculé par
la tradition orale forme un fonds commun dont les caractéristiques
sont les suivantes
les oeuvres du fonds commun sont juridiquement
neutres; elles sont susceptibles d'appropriation par des tiers, ce
qui leur donne le statut œ "res nullius".
(1)
M.DIETZ: le droit d 9auteur dans la C.E.E., 1976, p.24.
Cgest ce que constate aussi M. GOBlN qui écrit que " ••• suivant
la tradition du droit d'auteur anglo-saxon, une oeuvre de
1g esprit ne peut bénéficier d'une protection que si elle
est écrite ou fixée de quelque manière que ce soit" ; thèse
précitée, p.I36.
(2)
M. GOBlN : thèse précitée, p.53.Mlle KINGUE adhère à ce point
de vue : thèse précitée, p.262.

- Ils -
LVorsqu'un tiers sVapproprie ces oeuvres par la publication, alors
intervient la protection légale qui fait courir le délai légal de
protection. Ce statut des oeuvres du fonds commun se distingue dans
cette conception, de celui des oeuvres du domaine public qui écarte
toute appropriation.
La solution du fonds commun est cependant particulièrement
simplificatrice, selon celui- là-m@me qui IVévoque. En effet, dVau-
tres problèmes subsistent, et pas des moindres
"le publicateur
. qui est investi de la qualité diauteur, c'est le découvreur
de la
mélodie, l'inventeur au sens juridique. Or, cet inventeur, est-ce le
collecteur, le porteur ou l'éditeur" (I)? M.Gobin soulève ici des
problèmes qui feront l'objet de développements ultérieurs dans notre
travail; il n V y a donc pas lieu de commencer à les examiner main-
tenant (2).
La conception restrictive de la publication, parce quielle
demeure liée à l'édition, permet le raisonnement qui crée la notion
de fonds commun. Il convient de préciser à présent pourquoi à notre
avis, en matière de folklore, liexistence d'un fonds commun soumis
à la libre appropriation est discutable dans les systèmes qui consa-
crent une acception large de la notion de publication.
(1)
M. GOBIN : thèse précitée, p.I3?
(2)
Cf chapitre II, titre II, 1ère partie, infra, pp. 215 et s.

- 119 -
Dans les systèmes de droit germanique et latin, IVoeuvre
artistique et littéraire jouit de la protection par le droit dVauteur
dès sa conception. LVabsence de formalités devant marquer la nais-
sance du droit dVauteur est par conséquent totale,
L'article 1er de la loi française de 1957 par exemple re-
connait à l'auteur d'une oeuvre de l'esprit, un droit de propriété
incorporelle exclusif et opposable à tous, du seul fait de la créa-
tion. L'article 7 de la même loi dispose: "lvoeuvre est réputée
créée indépendamment de toute divulgation••• " Le droit français pro-
tège donc l'oeuvre artistique indépendamment de toute publication,
Selon la doctrine, les articles susindiqués ne signifient
toutefois pas que les droits patrimoniaux d'auteur existent avant la
publication, puisqu'elle en est le point de départ (1), Une oeuvre
par conséquent ne peut tomber dans le domaine public si elle n'a pas
fait l'objet de publication,
A ce stade du raisonnement, tout dépend de la notion de
publication. La publication entendue dans une acception large,
n'impliquant pas forcément la mise en circulation d'exemplaires de
l'oeuvre, le caractère notoirement connu du folklore, pourrait
(1)
H. DESBOIS écrit : "c'est pourquoi il est contraire à l'analyse
juridique de la genèse des droits patrimoniaux d'auteur dVavan-
cer qu'avant toute publication une oeuvre est d'ores et déjà
investie des droits de représentation et de reproduction,
énoncés par l'article 26 ••• " ; le droit d'auteur en France,
op. cita p.476.

- 120 -
être assimilé à la divulgation (1)0
L'
"oeuvre du folklore", considérée comme une oeuvre artis-
tique ou littéraire, a pu donc bénéficier de la protection du droit
d'auteur dès sa création. I l suffit alors de présumer que l'auteur
d'une "oeuvre du folklore" est décédé i l y a plus de cinquante ans
pour que de telles oeuvres soient dans le domaine public (2)0
On ne
peut donc pas évoquer l'absence d'une publication pour justifier
l'existence d'un fonds commun que
selon la conception restrictive
de la publication (J)o Selon la conception large, le folklore se trou-
ve dans le domaine public.
Ce n'est pourtant pas à partir de notre raisonnement que
la jurisprudence française par exemple a inclu le folklore dans le
domaine public: en effet, lorsque le Tribunal civil de la Seine
énonce, à propos d'une chanson populaire qu'elle appartient au domai-
ne public, c'est au motif que nul n'en est l'inventeuro
(1)
C'est la raison pour laquelle nous avons écarté la possibilité
de recours au mécanisme de la publication posthume pour proté-
ger le folklore o Cf chapitre premier de ce titre, supra po 890
(2)
Certes, le raisonnement qui place le folklore
dans le domaine
public part d'une présomption; mais la Convention de Berne
ne nous donne-t-elle pas un bel exemple de présomption à pro-
pos des oeuvres anonymes et pseudonymes ? L'article 7 al. J.
in fine de ce texte dispose : "les pays de l'Union ne sont pas
tenus de protéger les oeuvres anonymes et pseudonymes pour
lesquelles i l y a tout lieu de présumer que leur auteur est
mort depuis cinquante ans"o
(J)
Il convient toutefois de relever que même selon l'acception
restrictive de la publication, l'existence d'un fonds commun
que chacun peut librement s'approprier n'est pas garantie o
En effet, à propos de la publication posthume, nous avons vu
que dans le droit anglais, ce n'est pas seulement la publica-
tion au sens d'une édition de l'oeuvre qui marque le début de
la période de protection posthume, mais également l'exécution
en public, l'émission radiodiffusée de l'oeuvre et la vente
d'enrégistrements de l'oeuvre o
Cf chapitre premier de ce titre, supra ppo 88 et s.

- 121 -
Le Tribunal fait ici usage de la notion de bien sans
ma1tre (1).
C'est ce que constate Melle Kingue quand elle écrit que
"l'application de la notion de domaine public aux "oeuvres du folklo-
re" semble reposer sur l'idée d'anonymat qui caractérise celles-ci. En
d'autres termes , l'auteur de l'oeuvre folklorique n'étant pas
connu, celle-ci a la qualité de bien sans Tllàître dont chacun peut
disposer librement ••• " (2).
La question de savoir si
le
folklore
doit @tre
traité comme un "res nullius" ou un"res omnium communis", ou encore
comme un bien appartenant à l'Etat, mais affecté à l'usage du public,
reçoit une réponse qui varie selon les critères que nous avons mis
en exergue dans l'analyse de la notion de domaine public et dans
celle de l'incidence du concept de publication (3). Il convient, a
présent, de compléter cette analyse théorique avec un aperçu des
réponses légales et jurisprudentielles données à la question du
statut du folklore.
(1)
Tribunal Civ. de la Seine, 3ème ch., 9 décembre 1864, Pataille
1866. 187. Cette décision a été rapportée par M. GOBIN dans
son article "Un siècle de jurisprudence en matière de folklore
musica.l", op. cita p.2.
(2)
Melle KINGUE : thèse précitée, p. 262.
(3)
Cf les différents développements cités, §1 et §2 de la présen-
te section.

- 122 -
Paragraphe J
Les. .réponses lé€:a.les
et jw::ispru..clentielleso
à la question du statut du folkloreo
Peu de législations ayant abordé la délicate et fondamenta-
le question du statut du folklore, c'est à la jurisprudence qu'il
faut souvent avoir recours pour lui trouver une réponseo L'existence
de deux sources commande l'analyse en deux points : les réponses
légales (A) et les réponses jurisprudentielles o (B)
Lamfficulté rencontrée à propos du statut du folklore
provient du fait que la plupart des lois laissent percevoir que le
domaine public est constitué des oeuvres dont le délai de protection
est expiréo Dans ces conditions, il fraudrait se référer aux con-
ditions de protection instituées par chaque loi pour estimer si oui
ou non, le folklore est dans le domaine public ; ce qui rendrait
fort complexe la détermination du statut de ce derniero
Dans les lois française, britannique et des Etats~nis,
la question du statut du folklore reste sans réponseo Mo Gobin écrit
en effet à propos de la première qu'aucun article de la loi de 1957
ne fait expressément référence au domaine public, sauf à le considé-
rer sous-entendu dans les articles 21 et suivants qui traitent de la
durée de protection des droits d'auteur (1)0 Une définition du domai-
ne public aurait alors facilité la détermination du statut du folklore.
(1)
Mo GOBIN : thèse précitée, poIJ3 ; il rapporte également que
dans la loi américaine, la situation n'est pas plus claire car
aucune définition du domaine public n'est donnée, ni dans la loi
ni dans les directives administratives qui s'y rapportent o

- 123 -
Contrairement aux cas des législations qui restent muettes
sur le statut du folklore, d'autres le définissent expressément ou
permettent de le définir
La loi de l'Union Soviétique sur les principes du droit
d'auteur (loi du 16 mai 1928), dispose explicitement que le folklore
fait partie du domaine public. L'article 6 de cette loi cite, en
effet , les oeuvres appartenant au folklore à côté des documents
publics et des oeuvres tombées dans le domaine public comme des
oeuvres ne mnnant pas prise au droit d'auteur (1)0
L'article 21 de la loi péruvienne du 1er septembre 1961
dispose que l'oeuvre protégée ne tombe dans le domaine public qu'a-
près le délai légal de protectiono Cet article, tout seul ne nous
aurait certainement pas permis d'être fixé sur la réponse à la
question qui nous préoccupe; il faut, en effet, avoir recours à
l'article 7 de la même loi qui, lorsqu'elle traite des transformations
d'oeuvres folkloriques dispose que leurs motifs ou leurs thèmes se
trouvent dans le domaine public (2).
On peut citer la loi allemande (RoFoAo), comme un exemple
de texte qui permet, par déduction, la détermination du statut du
folklore : Mo Gobin estime en effet que cette loi, parce qu'elle
écarte du champ de sa protection tout ce qui est dépourvu d'indivi-
(1)
Lois et traités sur le droit d'auteur: Paris 1962, po1867.
(2)
Loi péruvienne sur le droit d~auteur, n0130714 de 1961 ; Rol.D oA.
nOJ8, janv. 1963, pp.I57 et So

- 124 -
dualité et tout ce qui est puisé dans les "sources générales"
assurant la transmission artistique, permet de dire que le folklore
fait partie du domaine public
(1).
L'aperçu des réponses légales à la question du statut du
folklore
montre bien que le domaine n'a pas beaucoup préoccupé non
plus les législateurs. Il faut cependant relever que les lois aux-
quelles nous avons fait référence proviennent presque toutes de pays
industrialisés et sont anciennes; récemment, plusieurs pays du tiers-
monde ont adopté des textes légaux qui prévoient des dispositions
particulières pour la protection de folklore. Ces législations seront
étudiées dans le cadre de l'examen des initiatives nationnales pour
la
protection du folklore (2). Toutefois, la où les textes légaux
sont restés silencieux sur le statut du folklore, les jurisprudences
ont dÜ les suppléer et donner des réponses que nous allons à présent
eX3Jlliner.
Monsieur Gobin qui fait une analyse des réponses juris-
prudentielles à la question du statut du folklore, relève que la
jurisprudence des pays autres que la France est peu fournie (3).
(1)
M. GOBlli, thèse précitée, p.I36.
(2)
Cf IIèrr.e partie, tit:."e 1, chapitre III, inÏra, pp. J50 et s.
(3)
M. GOBlli : thèse précitée, p.I47. Cette absence de décisions
de justice est particulièrement J:'egrettable da~s les pays qui
n'ont pas une longue tradition juridique en matière de proprié-
té intellectuelle, mais qui, aujourd'hui, ont adcpté des dispo-
sitions protectrices du folklore. Cc vide jurisprudentiel,
nOl:S le verrons dan::; la deu..'{ième partie de ce travo.il, const i-
tue un vérit~ble handicap pour l'~ppréci~tion de l'efficacité
des différentes législations édictées dans les pays en voie
de développement.

- 125 -
Quelques décisions sont signalées en Allemagne et en Italie, ainsi
quVau Brésil (1).
Les tribunaux, dans la plupart des pays d'Europe, trai~ent
du statut juridique du folklore de façon similaire (2). Aussi, IVexa-
men de la jurisprudence française suffit-il à donner une vue d'ensem-
ble sur les solutions apportées au problème du statut du folklore
par les tribunaux.
En France, depuis la décision du Tribunal Civil de la Seine
de
1864 , reprise une année après par la Cour dVAppel de Paris,
le folklore fait partie du domaine public (3) ; la solution n'a plus
varié.
(1)
M. GaBIN: thèse précitée p.I47 ; deux décisions sont mention-
nées par M. DIETZ dans "Lettre de la R.F.A.", D.A. avril 1974
n04, p.94. Ces affaires ont porté sur la réclamation de rede-
vances pour l'enrégistrement d'arrangements de chansons popu-
laires ; le folklore est déclaré faisant partie du domaine
public.
En Italie, dans "Lettre dVltalie", (D.A. 1973, p.236),
Valerio DA SANCTIS rapporte que le folklore fait l'objet
de procès surtout à propos de litiges opposant des artistes
folkloriques aux organismes de téléVision ou à des maisons
d'édition.
Enfin, M. GaBIN indique une décision
rapportée par
M. Moreira DA SILVA in Revue U.E.R. janv. 1967,p.57. Cette
décision de la Cour dVAppel de Buenos Aires, en date du 14
novembre 1940, précise que la simple publication, interpréta-
tion ou enrégistrement de musique populaire ne confère pas
un droit sur cette musique. En dVautres termes, la musique
populaire doit demeurer dans le domaine public.
(2)
Mme NIEDZIELSKA, op. cita p.282.
(3)
Tribunal Civil de la Seine, 3ème ch., 9 déc. 1864, Pataille
1866
187 ; Cour d'Appel de Paris, 25 nov. 1865, Pataille,
0
.1866 .• 186.

- 126 -
Chaque fois que les tribunaux ont statué sur des litiges
touchant au folklore, ils ont rappelé l'appartenance de ce dernier
au domaine public (1). Ainsi, à propos de folklore antillais, le
Tribunal de Grande Instance de Paris laisse clairement entendre
qu'il fait partie du domaine public antillais (2). Le même tribunal,
dans une autre affaire relative à l'arrangement de thèmes folklori-
ques, désigne un expert qui fournira tous les éléments lui permet-
tant de dire si "Tritch
a créé des oeuvres dérivées des chansons
populaires et folkloriques du domaine public ••• " (J).
Aux Etats_Unis, la confusion serait totale, selon Mme
Barbara Klarman, lorsqu'une affaire relative au folklore arrive
devant les tribunaux (4) : dans l'affaire Wihtol contre Wells, le
demandeur, qui intervint
pour la violation de son "copyright",
s'était inspiré d'une mélodie populaire russe; la cour de district·
rejeta sa requête au motif que sa mélodie ne remplissait pas la
condition d'originalité exigée par le "Copyright".
(1)
Cf l'étude de cette jurisprudence faite par M.GOBIN dans son
article "Un siècle de jurisprudence en matière de folklore
musical", op. cit. pp.2-6.
(2)
Tribunal de Grd. Inst. de Paris, Jè ch. 8 mars I96J, R.I.D.A.
I96J, nO 41 p.I52.
(J)
Trib. de Grd. Inst. de Paris, Jè ch. 19 janv. 1972, R.I.D.A.
n072, 1972, p.I7I.
(4)
Mme B. KLAR~
, Copyright Socity of U.E.A., vol. 12, n05,
juin 1965 p.282 , (cité par M. GOBIN, thèse précitée, p.I48.)

- 127 -
Il eut cependant gain de cause en appel, la Cour ayant estimé
que le
seul fait de noter une mélodie populaire suffisait pour prétendre
à la protection du "copyright" (1) 0
En posant la ~uestion de IVappartenance de folklore au
domaine public, nous ne doutions pas que certains esprits seraient
choqués ; en ef~t , il
.para!t évident pour ces derniers que le
folklore Bst dans le domaine public o Nos analyses ont cependant
permis de constater que la question avait bien un objet : outre
que nos développements ont mis en évidence une différence de con-
ception de la notion-m@me de domaine public, ils ont révélé les
aspects suivants :
Il faut d'abord relever que la question nVa pas trouvé
de réponse claire dans les lois, ni-m@me dans toutes les jurispru-
dences o Toutefois, lorsque cette réponse était fournie, c'était
dans le sens de l'appartenance du folklore au domaine public.
Il faut ensuite dire que lWexamen de lWincidence du
concept de publication a montré que là où la publication constitue une
condition préalable à la naissance du droit dWauteur, i l y a lieu
de conclure que l'''oeuvre du folklore", parce quWelle nVa jamais
été protégée par le droit dVauteur, ne saurait @tre considérée comme
une oeuvre tombée dans le domaine public: d'où l'idée de fonds
communo
(1)
2310 F2d, 550 (7th Cir 1956) ; cette décision est rapportée
par Mo GaBIN, thèse précitée, poI490

- 128 -
L'adoption du statut de fonds commun ramène le problème
de la protection du folklore au choix, dans le droit d'auteur, du
régime juridique adéquat o Cette dernière préoccupation nous a déjà
conduii a envisager l'application au folklore des régimes de l'oeuvre
dérivée, de l'oeuvre anonyme et de l'oeuvre posthume o Nous ne revien-
drons pas ici sur ces développements (1)0
L'examen de IVincidence de concept de publication a
également montré que si IVoeuvre est protégée dès sa conception,
avant toute publication, le folklore devrait être traité comme ayant
vu son délai de protection expiré, à moins de dire qu'il était déjà
tombée dans le domaine public dès sa conception en tant que bien
sans ma1tre. Si le choix porte alors sur le statut dVoeuvre du domai-
ne public, il faut envisager IVapplication des règles qui régissent
le domaine public, en tenant compte des deux conceptions que nous
avons dégagées de cette notion (2)0 C'est à cette tâche quVil con-
vient maintenant de s'attelero
(1) : Cf chapitre précédent "le recours au droit d'auteur", pp071 et s.
(2) : Supra, ppo 105 et so

- 129 -
SECTION II
lA PORTEE DE LiASSJMIlATION DES "OEUVRES DU FOLKLORE"
A CELLES DU DOMAINE P1JBLIC.
Les deux traits distinctifs du domaine public sont la
liberté et la gratuité d'usage (1), Vilbois, avons-nous déjà souli-
gné, défend la conception d'un domaine public différent du domaine
diEtat (2). P, Recht, pour qui le domaine public signifie domaine de
liEtat , dit pourtant que sa conception ne préjuge nullement les
modalités"libre"et"gratuite"ou"payante"du domaine public, Il écrit
en effet : "est-ce à dire qui il faille laisser PEtat manipuler les
oeuvres dont il a la propriété? Ceci niest plus une question de
droit; c'est de la politique et ce n'est plus mon domaine" (3),
L'intéressé a même eu l'occasion de marquer sa préférence pour un
domaine public libre et gratuit : "je veux circuler sur les routes
de l'Etat à ma guise, je veux user librement des oeuvres du domaine
public et je reconnais aux éditeurs
de livres et de disques le
droit de les exploiter librement" (4),
Les modalités"libre"et"gratuite"ou"payante"évoquent les
différentes modalités du domaine public.
(paragraphe 1)
(1)
VILBOIS: op. cit. p.373,
(2)
Supra, p. 105,
(J)
P, RECHT : op, cit. p,27L
(4)
Idem, p,250,

- 130 -
Mme d vOrmesson-Kersaint qui a est:imé que certaines
expressions du folklore, bien qu'elles ne puissent pas revêtir, au
sens du droit dVauteur, la qualification d' " oliluvre", a proposé
que leur protection soit rapprochée de celle qu'elle envisage pour
les oeuvres littéraires et musicales du domaine public (1). Sa propo-
sition consiste à étendre à cette catégorie dVoeuvres, la protection
de la loi sur les monuments historiques (2). Nous l'examinerons dans
un paragraphe 2 de cette section.
Enfin, dans un paragraphe J, nous dirons quel rég:ime fondé
sur l'appartenance du folklore au domaine public nous para1t plus
apte à lui assurer une protection suffisante.
(1)
Mme d'ORMESSON-IŒRSAJNT, op. cita p.206.
(2)
Il s'agit de la Joi de 191J et de ses modifications successives.
Pour une analyse
détaillée de cette législation, cf Mme d'OR-
MESSON-KERSAINT, thèse précitée, pp.Jl2 et s.

- 131 -
Paragraphe l
: Les différents régimes juridiques
des oeuvres du domaine publico
Les différents régimes juridiques des oeuvres du domaine
public sont: le domaine public libre et gratuit, le domaine public
payant dit le "véritable domaine public payant", et le domaine d'Etat
dit le "faux domaine public payant" (1) 0
Dans le cadre de ce paragraphe, il s'agit d g examiner ces
différents régimes dans ce qu'ils donnent comme réponse à la question
du statut du folklore o Aussi, examinerons-nous les justifications (A)
et les fondements juridiques (B) du domaine public payant, globale-
ment entendu, apparu en réaction au domaine public libre et gratuit o
Les arguments sont divers sur les raisons d'être d'un domai-
ne public libre et gratuit o Nous n'analyserons que ceux qui, les plus
décisifs, consistent à dire que la liberté et la gratuité d9usage des
oeuvres du domaine public permettent la divulgation des connaissances,
donc le développement de la cultureo
(1)
Sur la base des justifications et des fondements juridiques du
domaine public payant, la doctrine fait la distinction entre un
véritable domaine public payant et un faux domaine public payant
ou domaine d 9Etat : tandis que le premier serait institué au
profit des créateurs ou du moins au profit de leurs héritiers,
le second évoquerait l'intérêt général si non le droit de 19Etat
sur les oeuvres du domaine public o Cf VILBOIS, opo cit. pp.274
et so
; Mme d'ORMESSON-KERSAINT, op. cit o pp 248 et So
0

- 132 -
L'usage libre et gratuit des oeuvres du domaine public
permettrait d'échapper aux fantaisies des héritiers et dVabaisser le
prix des oeuvreso Le raisonnement des partisans du domaine public
libre et gratuit consiste à dire: puisque les intermédiaires, néces-
saires à la diffusion des oeuvres, nVauront plus à payer la part de
IVauteur, voyant baisserleUTs frais de production, ils baisseront
leur prix de vente (1).
Contre les arguments ci-dessus évoqués, les objections sont
cependant nombreuses
les faits démontreraient de façon têtue que
la gratuité du domaine public ne profite pas à la collectivité ; les
véritables bénéficiaires seraient les entrepreneurs; le public, lui,
continuerait dVacheter au même prix son livre (2).
Cette situation permet à Vilbois de conclure que "le domai-
ne public ne remplit pas en matière dVédition de livres sa mission
et ne peut la remplir••• " (3).
Aux critiques ci-dessus énoncées à IVadresse du domaine
public libre et gratuit, sVajoutent celles formulées à propos des
atteintes au droit moral des auteurso Vaunois, cité par Vilbois,
écrit que "lorsque IVauteur meurt, i l met le sceau à son oeuvre.
En principe, personne n'a plus le droit d'y touchero
L~oeuvre doit
(I)
VILBOIS, op. cito pp.374 et So
; le rôle de stimulateur de la
circulation des o~uvres de IVesprit, reconnu au domaine public
libre et gratuit, doit également être pris en compte lorsquVil
sVagit de folklore.
(2)
VILBOIS, opo cita pp.374 et s.
; M. MOUCHET "Les problèmes du
domaine public payant", le D. A 1970, p.209.
(3)
VILBIOS, op. cita p.393.

-IJJ-
rester telle que l'auteur l'a conçue ou exprimée et on devrait tou-
jours garantir l'intégrité de l'oeuvre aussi-bien au profit des
héritiers que contre eux, c'est-à-dire au profit du public" (1).
Ce que les spécialistes du droit d'auteur contestent en
évoquant les atteintes au droit moral, ce n'est pas que la doctrine
la jurisprudence et la loi ne reconnaissent pas la perpétuité du
droit moral; ce qu'ils mettent en cause, c'est l'efficacité de
la garantie que ces institutions
assurent aux oeuvres du domaine
public. Le statut d'oeuvre du domaine public "provoque et facili-
te le plagiat ; il rend licites les modifications et les altéra-
tions de l'oeuvre primitive; i l n'oppose nulle entrave aux repro-
ductions tronquées, défectueuses, nulle barrière aux abus de toute
nature allant jusqu'à la suppression du nom de l'auteur" (2).
Les inconvénients du domaine public libre et gratuit
justifient la volonté de certains spécialistes du droit d'auteur de
lui substituer un domaine public payant (J) : des deux caractères du
domaine public originaire, la liberté est maintenue, la gratuité
supprimée. Le système, selon ses promoteurs, allie l'intérêt public
à la justice sociale :
(1)
VILBOIS, op. cit. p.400.
(2)
VILBOrS, idem, p.40I.
(J)
ToutefoiS,comme on s'en apercevra dans nos développements à
venir
(infra, section II, §J de ce chapitre), si le domaine
public payant se résume à une simple perception de redevances
à l'occasion de l'utilisation du folklore, il ne présente
nullement plus de garantie pour la protection du droit moral
par exemple que le domaine public libre et gratuit.

- 134 -
La diffusion de la culture est assurée, puisque l'usage libre est
conservé, l'inconvénient majeur du domaine public libre et gratuit
celui d'organiser l'enrichissement de quelques uns sans contre-par-
tie, par l'usage d'un bien par définition à la disposition de tous,
est écarté (n.
A ceux qui s'obstinent à croire que" le caractère gratuit
supprimé, i l n'y a plus de domaine public, Vilbois reproche leur
mauvaise compréhension du domaine public
la gratuité du domaine
public est accessoire du système, qui ne commence pas seulement le
jour où, iit-on, l'oeuvre tombe dans le domaine public.
"Dès l'ins-
tant où l'auteur, ou l'artiste a, par un acte de volonté dont il est
seul juge de déterminer la portée et le moment, décide de communiquer
au public le contenu de son manuscrit, sonw.bleau ou sa statue, où
il a livré à tous ses idées, ses conceptions, en les publiant, en les
exposant, en les portant à la scène ou au concert, ses idées ont
cessé de lui appartenir exclusivement, i l s'en est déssaisi au profit
du public admis à en jouir, à les colporter, à les divulguer, à en fai-
re l'usage personnel qui lui convient en les respectant cependant dans
leur forme première. C'est en ce sens que l'oeuvre tombe dès sa
naissance dans le domaine public" (2).
Le domaine public payant peut donc se définir comme "le
droit accordé à toute personne de reproduire une oeuvre par l'édition,
de l'adapter en vue de son exploitation par un procédé mécanique,
sans avoir à demander 1'autorisation de l'auteur, mais contre paie-
ment d'une redevance" (J).
VILBOIS, op.
cita po424.
Idem, pp.424-425.
Ibidem, p. 7.

- 135 -
L'échec des objectifs assignés au domaine public libre
et gratuit ne constitue pas le seul argument des partisans du domaine
public payant: en effet, en France par exemple, l'idée du domaine
public payant est née, alors-mgme que le droit d'auteur venait à
peine d'gtre définitivement consacré par les assemblées révolutionnai-
res. Elle est née de l'excès de limitation du délai de protection
institué par les textes;
la durée de cinq ans puis de dix ans, lais-
sait au premier occupant de l'oeuvre tombée dans le domaine public,
une source de profit inestimable (I).
Dans ce contexte, le cri lancé par Gaston Vidal en 1918
se comprend aisément
: "l'heure est venue de ne plus accepter le
scandale de laisser mourir un génie dans la misère pour lui dresser
ensuite l'hommage d'une statut de reconnaissance" (2).
Cette réalité servira d'argument à Vilbois lorsqu'il
s'agira de fonder juridiquement le domaine public payant.
Les arguments d'ordre économique et social que nous avons
analysés, qui justifient la création d'un domaine public payant, bâtis-
sent ce dernier sur du sable selon Vilbois. Ils exposent le système
à "des modifications incessantes dans son organisation, dans son affec-
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée, p.249.
(2)
Gaston VIDAL: citation reproduite dans "le Pays", reprise par
VILBOIS puis par Mme d'ORMESSON-KERSAJNT, thèse précitée, p.265.

- IJ6 -
tation, dans son but, dans sa durée, dans son étendue, au gré des cir-
constances politiques de telle ou telle période" (1). Il faut alors
lui trouver un fondement juridique fiable. Vilbois le cherche et le
trouve dans la théorie du droit dVauteur, dans la nature de ce droit.
Le droit dVauteur présente deux aspects : un aspect moral,
dont l'évolution de la doctrine du droit dVauteur a consacré la per-
pétuité, et un aspect pécuniaire, resté temporaire. La temporanéité
de ce dernier prend en compte le caractère social du droit d'auteur
IVoeuvre intellectuelle met en jeu l'intérêt public en vertu duquel
son auteur doit se soumettre à certaines restrictions. Le législateur,
pense Vilbois, a cru parvenir à la conciliation de l'intérêt particu-
lier du créateur avec celui du public en reconnaissant absolu mais
en le limitant dans le temps, le droit d'auteur (2). Ce système ayant
montré ses faiblesses à travers la pratique dVun domaine public libre
et gratuit, le domaine public payant pourrait réaliser la conciliation
de IVintérêt social avec celui des auteurs à travers leurs succes-
seurs (J).
(1)
VILBOIS, op. cit. p.J48.
(2)
Idem, p.45I.
(J)
Ce point est très important pour VILBOIS qui, à partir du
critère de IVaffectation des redevances perçues, distingue
un vrai domaine public payant dVun faux domaine public payant,
à savoir le domaine d'Etat. Le premier, contrairement au
second doit être institué au bénéfice des héritiers et non
de IVEtat ou en vertu dVun quelconque intérêt général.

- 137 -
Le droit dVauteur peut donc être perçu comme un "droit
unique mais à double face".
LVaspect pécuniaire étant donc de même
nature que IVaspect moral, reconnu perpétuel, rien ne sVoppose à ce
que les prérogativee pécuniaires soient prolongées corrélativement
aux prérogatives morales. si le droit d'auteur se conçoit comme un
droit naturel et
non comme une concession légale.
Le domaine public
payant se présente alors comme une extension du droit dVauteur.
Le fait de fonder juridiquement le domaine public payant sur
la perpétuité du droit moral suscite les objections des partisans
des théories personnaliste et dualiste du droit dVauteur : selon
les premiers, dans la rigueur de la doctrine des droits personnels,
le droit dVauteur ne saurait se transmettre aux héritiers, donc ne
pourrait être perpétuel. Quant aux seconœ, ils contestent le fonde-
ment du domaine public payant tel que défini par ses défenseurs à
partir du raisonnement suivant:
le droit d'auteur, droit double,
se compose d'un droit pécuniaire et dVun droit moral de nature tota-
lement différente. On ne saurait donc évoquer la perpétuité des
prérogatives morales de IVauteur pour défendre une perpétuité des
prérogatives pécuniaires (1).
Outre les oppositions théoriques fondées directement
sur la nature du droit d'auteur, sVen manifestent dVautres pas moins
catégoriques: M. Mouchet écrit en effet, à propos de la nature
juridique des impositions instituées en conséquence de IVapplication
du régime de domaine public payant, qu'
"il faut avant toute chose
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée, pp. 281 et s.

- ne -
rejeter catégoriquement la thèse selon laquelle les impositions
perçues par l'Etat en ce qui conserne l'utilisation des oeuvres du
domaine public constituent Paspect économique du droit d'auteur" (1)0
Selon l'intéressé, il n'y a de droit dVauteur qu'entre les mains
de Pauteur ou entre celles de ses ayants droit o "Si Poeuvre n'est
plus dans le domaine privé, c'est que le droit d'auteur s'est éteint
sur le plan économique" (2).
Le fondement juridique des impositions perçues par l'Etat
à l'occasion de l'exploitation du domaine public résulte du droit que
l'Etat a de grever dVimpôt des actes qui se déroulent sur son terri-
toire ; il pose ainsi un acte de souveraineté.
Sur le caractère administratif du domaine public payant,
M. Mouchet rejoint P. Recht, qui écrit que "Pétude de la création
d'une telle institution fiscale appartient au droit administra-
tif ••• " (3). Les deux spécialistes du droit d'auteur développent le
mgme point de vue sur le caractère fiscal de l'institution, mais leur
accord ne va pas plus loin: en effet, M. Mouchet déclare: "par
contre, nos points de vue divergent quant à la nature de la contri-
bution; car M. Recht considère que l'imposition comporte une taxe
pour l'utilisation des oeuvres, ce qui suppose que les oeuvres font
l'objet d'un droit de propriété, théorie que nous ne partageons pas
pour les raisons que nous avons exposées" (4).
(1)
Mo MOUCHET, op. cit. p.2II.
(2)
Idem, p.2120
(3)
P.RECHT, tlp. cit. p.2660
(4)
M. MOUCHET, op. cit. p.212.

- 139 -
P.Recht défend effectivement une position qui, comme
nous l'avons déjà exposée, fait du domaine public une propriété de
l'Etat (I).
Il déclare par conséquent que "s'il s'agit d'une prolon-
gation du délai de protection, ce n'est pas un domaine public" (2)
;
le fondement du domaine public payant doit être cherché dans le droit
que l'Etat a sur son domaine : i l peut en réglementer l'usage s ' i l
1'estime nécessaire, "comme i l le fait de routes dont i l peut inter-
dire l'accès" (3).
Le domaine public payant et le domaine d'Etat sont en
général les régimes juridiques opposés au domaine public libre
et gratuit
; mais e'est peut-~~e se donner un atout supplémen-
taire que d'examiner la solution du recours au régime des monuments
historiques, envisagé par Mme d'Ormesson-Kersaint.
x
X
X
X
(I)
Cf "la notion de domaine public" supra pp. IOS et s.
(2)
P. RECHT, op.
cit.
p.26So
(3)
Idem, po 268 0

- 140 -
Paragraphe 2
Les incertitudes du recours au régime des
monuments historiques.
La protection des monuments historiques est assurée en
France par la loi du 31 décembre 1913 et par les textes qui sont
venus la modifier et compl..éter
(1). Cette législation organise
les procédures dites de "classement" (article 14 bis de la loi de
1913) et d' "inscription à Pinventaire" (article 24 bis de la loi
de 1913).
Mme d'Ormesson-Kersaint a recours à ce mode de protection
après avoir fait le constat de l'incapacité des règles du domaine
public payant d'assurer une protection adéquate des oeuvres du domai-
ne
public (2). Toutefois, l'examen de sa proposition montre que le
problème de l'assilation des "oeuvres du folklore" à celles du domai-
ne public demeure posé.
Pour notre propos, nous nous contenterons de relever
que si les critères de protection instaurés par la législation sur
les monuments historiques semblent correspondre à l'objectif d'une
protection du folklore, (A) les effets de l'application de cette
législation sur les "oeuv-.ces du folklore" ainsi que sur l'utilisa-
tion des dites oeuvres nous laissent perplexe. (B)
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT donne une longue liste de ces dif-
férents textes dans sa thèse précitée, p.I44.
(2)
Idem pp.30? et s.

- HI -
Contrairement au droit d'auteur qui est un droit indivi-
dualiste, la protection des monuments historiques trouve son fondement
dans l'intérêt public. Bolgar énonce, toutefois, que de tous le con-
cepts sociaux, celui de l' "intér@t général" ou de l ' "intérêt public"
"est l'un des plus anciens mais aussi des moins précis et de ceux qui
se laissent le moins aisément définir" (I).
Selon une conception traditionnelle, la loi étant l v "ex-
pression de la volonté générale", elle ne peut rechercher que IVinté-
rêt général. Il appartient donc au légilateur de dire ce qui est
l'intérêt général. Cependant, devant la pluralité de ses aspects,
correspondant à une pluralité d'intéressés, les points de vue se
multiplient et il apparaît que la détermination de l'intérêt général
ne peut appartenir au seul législateur. Cette tâche appartient à
l'ensemble des organes normatifs, aidés par la jurisprudence (2). Toute-
fois, la notion d' "intérêt public" demeure principalement subjec-
tive, donc arbitraire, ce qui explique, selon Mme d'Ormesson-
Kersaint, l'exclusion des Lettres et de"la Musique du champ d'ap_
plication de la législation des monuments historiques ( )
3 • Elle
envisage donc IVadaptation des critères de protection aux oeuvres
littéraires et musicales.
(I)
BOLGAR: IVintérêt ~énéral dans la théorie et la pratique,
R.T.D.Com., 1965 , p.300 ; cité par Mme d'ORMESSON-KERSAlNT,
op. cit. p.JI4. Voir également dans la thèse de IVintéressée,
(pp.314-315), une analyse détaillée des diverses opinions sur
la"notion d' "inté~t général".
(2)
Mme d'ORMESSON-KERSAlNT, op. cit. p.316.
(3)
Idem, p.3I?

- 142 -
Au regard des articles 14 et 24 bis de la loi de 1913,
1 1 "intérêt public" s1 apprécie au point de vue de li art , de lihis-
toire, de la science ou de la technique. Mme dVOrmesson-Kersaint
sVinterroge alors sur les aptitudes des oeuvres littéraires et musi-
cales à satisfaire ces critères. L1 examen de la pratique administra-
tive 11 am ène à conclure qu 1 "il ne doit pas sembler très difficile
de rechercher par une méthode similaire 11intérêt public qu 1il y au-
rait à protéger les oeuvres de IVesprit, comme les oeuvres littéraires
et mus icales" (1).
Cependant, elle pense qu 1il y aurait lieu d 1établir des
critères moins vagues, Padministration pouvant par exemple "s l atta-
cher a reconna1tre une valeur particulière à 11 0euvre elle-même,
puis a rechercher le mérite de li auteur" (2).
Le Mérite de IVoeuvre pourrait se dégager de la forme ou
du contenu de Poeuvre ; mais "l'appréciation de la forme ou du
contenu d'une oeuvre nous met en présence de critères éminemment
fluctuants et évolutifs. En cela, I1estimation de Il "intérêt public"
que revêt la protection des oeuvres littéraires ou musicales serait
aussi peu soumise à la rigidité que celle nécessaire à la protection
des oeuvres architecturales ou des objets dVart" (3).
(1 )
Mme dVORMESSON-KERSAINT, op.cit. p.325.
(2 )
Mme d l ORMESSON-KERSAINT, idem, p.325. Cette analyse rappelle
une certaine doctrine du droit d 1auteur (Cf M.C. CARREAU : Mé-
rite et droit d 1auteur, thèse, Paris, L.G.D.J.,
1981).
S'agissant de prendre en compte les mérites de 11 0euvre et de
son auteur, ne risque-t-on pas de tomber dans le subjectivisme
qui prévalait dans les décisions de l'administration? Voir les
critiques faites par Mme d 10RMESSON-1ŒRSAlNJ' à ce sujet thèse
précitée, PP.326-327.
(3 ) "Idem, p327.

- 143 -
Ainsi
il convient de prendre aussi en considération le
mérite de l'auteur dont le critère de "notoriété" permettrait un
contrôle du public sur le choix de l'administration.
L'examen rapide que nous avons fait des conditions de
protection des monuments historiques confirme ce que nous écrivions
plus haut : la condition d' "intérêt plublic" instituée par les tex-
tes en question, correspond à l'objectif d'une protection du folklore
en effet, le folklore constitue un patrimoine national dont la pro-
tection ne peut être envisagée qu'en vertu de l'intérêt public. En
outre, la condition "d'intérêt public", parce qu'elle n'implique pas
celle d'originalité exigée par le droit d'auteur, permettrait une
protection fondée aussi sur le fond de l'oeuvre et non seulement sur
sa forme. Il en résulte un élargissement de la protection des "oeuvres
du folklore" dont l'originalité de la forme est tant discutée
cependant, nos appréhensions naissent lorsq'il s'agit de considérer
l'effet de la protection proposée sur le folklore ainsi que sur son
ut i lisat ion.
B)- Les effets de l'application de la loi de I9I3.
---------------------------------------------
Les effets de l'application de la législation sur les monu-
ments historiques peuv~nt être examinés selon deux points ; effets sur
les "oeuvres elles-mêmes, Ca) a.ffets sur leur utilisation • Cb)
Au nombre des principaux effets édictés en vertu de la
loi de 19I3, "tout monument Oèl objet d'art ne peut être détruit,
modifié, restauré, réparé, ou déplacé sans que le Ministère de la
culture et de la Co~munication en soit informé quatre mois auparavant,

- 144 -
s'il bénéficie de l'inscription, et sans l'accord préalable de ce
ministère, s'il bénéficie du classement" (1) 0
La liste des prohibitions ci-dessus dressée, témoigne de
la volonté du législateur de conserver les monuments historiques dans
leur intégrité, mais aussi dans leur authenticité. En ce qui concer-
ne les oeuvres littéraires et musicales, la protection par les mêmes
dispositions, ne' viserait qu'à sauvegarder leur originalité et leur
authenticité. Elle viserait donol es originaux de telles oeuvres et
empêcherait toute destruction, modification, restauration, etleur
déplacement sans l'accomplissement des fo~lités prévueso
Nous rencontrons ici le premier obstacle à l'application
de cette protection au folkloreo Si Mme d'Ormesson-Kersaint a estimé
pouvoir effectuer ce rapprochement, c'est que pour elle, le folklore
est constitué par des oeuvres orales; dans ce cas, i l faut constater
l'absence d'originaux de telles oeuvres, ce qui accentue la difficul-
té qu'elle entrevoit lorsqù'elle écrit : "de moins grande portée
semblent les effets de la loi de I9IJ sur une oeuvre littéraire ou
musicale autre que son original" (2)0
Il s'agit pour nous, de faire remarquer que l'assimila-
tion des "oeuvres du folklore" aux oeuvres du domaine public trouve
des limites
inévitables
a
Si l'existence d'un original se révèle
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, op. cito poJ46 0
(2)
Idem, poJ47.

-145 -
L~dispensable pour la protection de la 10i de 1913, le folklore
risque d'en gtre exclu et de demeurer sans protection. Il en est
ainsi, puisque seule la "modii'ication" de l'oeuvre serait soumise à
l'information ou à l'accord du Ministère chargé de la cultlITe.
L'application de la loi pourrait servir néanmoins a
protéger l'édition ou l'L~terprétation d'une oeuvre, ce qui implique
que ces actes, bien qu'il ne s'agisse pas forcément de modii'ication
d'oeuvres, fassent l'objet d'lID contrôle préalable. Ce contrôle n'est
pas assuré par la loi de I9I3. Elle offrirait cependant des garanties
de protection dans l'hypothèse suivante :
Si l'oeuvre littéraire ou musicale a fait l'objet de la
procédur~ de classement, toute adaptation, révision, traduction, mise
en scène, etc., pourrait gtre subordonnée à lIDe autorisation préala-
ble. Si l'oeuvre n'est qu'inscrite sur l'inventaire, les garanties
obtenues àans le cas du classement demeurent r~pothétiques : il n'y
aurait lIDe protection réelle que si le Ministère, voulant s'opposer
à lIDe modii'ication, fait prononcer le classement.
Les effets de l'application de la loi de 1913 sur les
"oeuvres du folklore" ne semblent déjà pas si convaincants; qu'en
est-il de Ces effets sur l'utilisation de ces oeuvre8 ?
"Toute modification de l'oeuvre étant soumise à l'infor-
illation si elle est inscrite, ou à l'autorisation, si elle est clas-
sée, il faut donc admettre comme point de départ que l'utilisation qui

- 146 -
doit @tre faite de l'oeuvre va aussi la modifier" (1), L'utilisateur
n'effectuera les démarches prescrites que lorsqu'il aura conscience
que son utilisation comporte une modification de l'oeuvre,
Cette situation est de nature à créer des problèmes
délicats en cas de conflit qui opposerait "l'utilisateur qui, de
bonne ou de mauvaise foi, viendrait démontrer qu'il respecte l'esprit
de l'oeuvre "utilisée", à des tiers qui tendraient à prouver le con-
traire" (2). Si cette difficulté existe pour des oeuvres dont l' ori-
ginal sert de référence, elle se complique lorsqu'il s'agit de folklo-
re où cet original n'existe m@me pas.
Le problème de l'absence d'un original trouverait peut-
@tre une solution si le folklore a fait l'objet de collecte. C'est
donc de façon arbitraire qu'une édition ou une interprétation serait
tenue pour l'original d'une oeuvre; c'est une solution qui comporte
des dangers certains pour la culture (3)~
1es contraintes imposées par la loi de 1913 ne portent pas
sur toute utilisation ou toute exploitation d'une oeuvre littér~ire
ou musicale, mais seulement sur celles tendant à la modifier.
(I)
Mme d'ORMESSON-KERSAIN, op. cit. p.348.
(2)
Idem, p.35I.
(3)
M@me lorsqu'il s'agit d'apprécier des choix parmi des oeuvres
bien identifiées, les risques d'arbitraire existent, à plus
forte raison lorsqu'il s'agit de le faire à partir d'une mat~_
re floue comme le folklore.
Les aptitudes d'une administration
quelqu'elle soit pour effectuer une telle tâche sont mises en
doute par Mme d'ORMESSON-KERSAINT, qui craint la création d'un
"art officiel" et l'instauration d'un dirigisme intellectueJ
(op. cit. p. 350. )

- 147 -
L'intervention de l'administration est en effet
préalable, "elle ne
touche que l'utilisation ou l'exploitation qui tendrait à défonner
l'oeuvre o Elle
ne sanctionne donc, ni une défonnation qui ne se
révèlerait qu'ultérieurement, ni l'appropriation personnelle de l'oeu-
vre" (1)0 Dans le cas du folklore,
les atteintes les plus
fréquemment
constatées (les appropriations indues et les plagiats), restent
hors de son champ d'applicationo Cette protection se révèle par
conséquent
incomplète et imparfaiteo
Ce n'est pourtant pas le dernier point à cause duquel le
système de protection de la loi de I9IJ se prgtre mal à la protection
des oeuvres littéraires et musicales du domaine public et à fortiori
à celle des "oeuvres du folklore" : le fondement de cette législation
"n'est autre qu'une prise en charge, partielle et en accord avec les
propriétaires, de la conservation du patrimoine architectural et mobi-
lier
(2).
Un fait est acquis : aussi bien pour les oeuvres littérai-
res et musicales du domaine public que pour le folklore, i l n'existe
pas de propriétaires et i l est difficile d'imaginer que ce soit a
l'utilisateur de telles oeuvres que l'Etat accorde son concours finan-
ciero
L'examen de la proposition de Mme d'Onnesson-Kersaint, de
rapprocher la protection du folklore de celle qu'elle envisage pour
les oeuvres littéraires et musicales du domaine public, par extension
(1)
Mme d'ORll'IESSON-KERSAJNT, thèse précitée, poJ5Io
(2)
Idem, poJ500

- 148 -
dU_'égime des monuments historiques, renforce nos appréhensions sur
l'assimilation des "oeuvres du folklore" à celles du domaine public.
Théoriquement, Itassimilati~n est vite fait~ mais, lorsqu'il s'agit
d'organiser concrètement une protection des oeuvres du domaine public,
les difficultés apparaissent;
ce qui empêchait que
l' "oeuvre. du
folklore" soit assimilée à celle protégée par le droit d'auteur,
devrait justifier qu'elle soit distinguée de celle qui, après le
délai de protection, tombe dans le domaine public. Nous nous en aper~e-
vrons encore dans le paragraphe suivant.
Paragraphe 3
Le recours au droit de"propriétéilpour une protection
forte du folklore.
L'assimilation des "oeuvres du folklore" aux oeuvres tom-
bées dans le domaine public a pour conséquence directe de les écarter
de la protection par le droit d'auteur.
Cependant, puisque le problè-
me de la protection de ces "oeuvres" se pose, la problématique peut
être formulée de la façon suivante : comment le statut du domaine
public peut-il être organisé en vue d'assurer une certaine protection
au folklore? Nous avons exposé la proposition de Mme d'Ormesson-
Kersaint sur laquelle nous ne reviendrons pas (1).
(1)
I l s'agit de la proposition de rapprocher la protection du
folklore de celle que l'intéressée propose pour la protection
des oeuvres littéraires et musicales du domaine public, par
extension du régime des monuments historiques.

- 149 -
Il faut par conséquent essayer de déterminer laquelle des modalités
d'application du domaine public au folklore,
(le domaine public payant
conçu comme un prolongement du droit d'auteur au profit des héritiers
et le domaine d'Etat) ,représente la meilleure garantie d'une protec-
tion du patrimoine folklorique.
-
L'oeuvre du domaine public ne jouit plus de la protec-
tion par le droit d'auteur, mais son statut lui assure une certaine
protection: en effet, pmisque la reproduction servile d'une oeuvre
du domaine public ne peut obtenir la protection du droit d'auteur,
l'application de ce statut au folklore éviterait par exemple les
appropriations indues. Toutefois, puisque cette reproduction demeure
possible, libre et gratuite, cette modalité du domaine public, appli-
quée au folklore, ne peut constituer la meilleure garantie de son
authenticité ni satisfaire aux raisons économiques et culturelles de
sa protection (1).
Le domaine public payant est censé pallier ces
différents inconvénients.
L'application du domaine public payant, conçu comme un
prolongement du droit d'auteur, au folklore ,revient à conserver la
liberté d'exploitation de ce patrimoine, mais à la conditionner par
le versement d'une redevance.
La liberté d'usage est analysée comme
une faiblesse de ce régime, car la protection juridique devrait parti-
ciper à la protection matérielle du folklore, au lieu de le livrer
"au libre usage de tous" (2).
(1)
Cette question des raisons de la protection du folklore, que
nous avons déjà évoquée dans l'introduction générale de la thèse,
sera largement développée en rapport avec le cas des pays en
développement, dans la IIè partie de ce travail;
infra pp.289 et s.
(2)
DOC. UNESCO/OMPI/WG./I/FOLK./3, Paris, 14 déc.
1979, p.I2.

- 150 -
Le domaine public payant ainsi entendu se prête mal
également, dar.s ses raisons d'être et dans ses fondements juridiques
au cas du folklore;
en effet, i l ne peut s'agir ici de prolonger la
durée de protection du folklore au profit des héritiers. Ces derniers
sont en effet aussi inconnus que les titulaires originaires des droits
sur le folklore (1).
I l faut aussi remarquer que la revendication d'un domaine
public payant, enréaction à la temporanéité du droit d'auteur a
souvent été
écartée
par une prolongation de la durée de protection
du droit d'auteur (2).
Il va sans dire que le folklore, assimilé aux
oeuvres du domaine public, demeure dans ce cas sans protection aucune.
Soulignons enfin que si l ' "oeuvre du folklore" doit être
assimilée aux oeuvres du domaine public, "bien qu'elle ne puisse
revêtir, au sens du droit d'auteur,
la qualification "d'oeuvre", les
difficultés mises en lumière par l'examen de la proposition de Mme
d'Ormesson-Kersaint, de la protéger comme une oeuvre littéraire ou
musicale du domaine public sont inévitables.(3).
(1)
Cf nos développements antérieurs "fondements juridiques du
domaine public payant", supra, pp.I35 et s.
(2)
Il en a été ainsi en France, devant le Projet de domaine public
payant du 14 juillet 1866, et en Allemagne, en 1965. Dans le
premier cas, la durée fut portée de 10 à 50 ans post mortem
auctoris ; dans le second cas, elle passa de 50 à 70 ans ( arti-
cle 64 de la loi allemande de 1965)
; cette disposition reste
inchangée dans la loi modificative intervenue le 23 mai 1985.
(3)
I l s'agit de l'absence d'originaux des "oeuvres du folklore"
qui rend inopérante la protection par le régime juridique des
monuments historiques. Cf nos développements antérieurs :
"les
incertitudes du recours au régime des monuments historiques",
supra, pp.I40 et s.

- 151 -
Les différentes observations que nous venons de faire,
justifient notre préférence pour le système du domaine diEtat en ce
qui concerne le cas spécifique du folklore (1). Théoriquement, com-
me nos analyses antérieures ont tendu à le démontrer (2), cette op-
tion se défend très bien :
-
Liobjet diune protection juridique du folklore ne peut
trouver de fondement solide que dans liintérêt général.
Ciest pour-
quoi nous écrivions que le régime des monuments historiques, dans
son fondement, convient au folklore (3)0 En effet, lIEtat,niest-il pas
le garant de l'intérêt général?
Le domaine de PEtat désigne les biens de PEtat ,"spécia-
lement ceux de ces biens à travers lesquels i l accomplit ses fonctions
essentielles" (4).
La défense du patrimoine culturel, la conservation
de l'identité culturelle font partie des fonctions essentielles de
l'Etat.
"Il est clair que la technique du droit de propriété est celle
qui peut conférer le maximum de prérogatives à liEtat et, partant,
le maximum diénergie à la protection du folklore" (5).
(1)
Cette position ne présage nullement celle que nous adopterions
pour le cas des oeuvres tombées dans le domaine public après
le délai légal de protection ; nous avons seulement manifesté
notre volonté de traiter à part les "oeuvres du folklore" par
souci d'efficacité de leur protection.
(2)
Cf nos développements antérieurs "folklore et domaine diEtat"
supra, pp.I10 et s.
(3)
Cf nos développements antérieurs "les incertitudes du recours
au régime des monuments historiques", supra, pp.140 et s.
(4)
Doc. UNESCO/OMPI/WG.I/FOLK/3 ; op.
cita p.I3.
(5)
Idem, p.I3.

- 152 -
Au lieu d'être noyé dans le ~roblème général du domaine
public, le folklore, parce qu'il appartiendra à quelqu'un, fera cer-
tainement l'objet de plus d'attention. Les particularités des "oeuvres
du folklore" par rapport aux oeuvres modernes tombées dans le domaine
public exigent certainement un traitement particulier.
Notre préférence pour le régime du domaine d'Etat par
rapport au domaine public payant fondé sur les intérêts individuels;
ne s'est pas dégagé dans l'ignorance des multiples oppositions qui
se sont exprimées :
Mme Niedzielska écrit : "... Il convient de se prononcer
aussi bien contre la reconnaissance des oeuvres du folklore pour des
"res nullius" que contre le point de vue selon lequel elles sont
propriété d'Etat en vertu du simple fait d'avoir été trouvées dans
des circonstances qui rendent toute recherche de propriété ineffica-
ce" (1).
M. Gobin,
quoiqdayant théoriquement reconnu le bien
fondé de l'application du domaine d'Etat au folklore, relève né an-
moins : "mais cette option, qui séduit certains Etats jeunes pour
qui le folklore musical est un élément culturel d'importance, présen-
te toutefois un inconvénient majeur, qui réside dans le fait que
le domaine d'Etat risque d'être exposé
à des modifications incessan-
tes, dans son affectation, dans son but, dans sa durée, dans son éten-
due au gré des circonstances politiques de telle ou telle période" (2).
(1)
Mme N1EDZIELSKA, op. cit. p.285.
(2)
M. GOBlli, thèse précitée, p. 61. L'intéressé cite ici V1LB01S
(op. cit. p.4JJ, nOJI2), qui a été un redoutable adversaire
du domaine d'Etat.

- 153 -
Vilbois résume à lui seul toutes les variétés d 9arguments
contre le domaine d 9Etat (1)
:
Il le qualifie de "faux domaine public payant" à partir
du critère de l'affectation des redevances perçues à l'occasion de
l'exploitation du domaine public. Le domaine d'Etat destinerait ces
fonds à la poursuite d'intérêts généraux, alors que le domaine public
payant selon Vilbois doit être institué au profit des héritiers.
L'affectation des redevances à des intérêts purement généraux serait
en quelque sorte un "détournement".
Vilbois qualifie également le domaine d'Etat de projet
socialiste, accusant les partisans de ce système de rechercher une
extension du droit d'héritage à l'état en matière de propriété intel-
lectuelle (2).
Vilbois dit aussi avec raison que le domaine d'Etat ruine-
rait pour toujours l'espoir des créateurs d'obtenir 1gextension de
la durée de leurs droits. Ce régime consacrerait enfin l'idée du
privilège consenti, rien n'empêchant l'Etat d'avoir tendance à res-
treindre au fil des ans, la durée de protection des droits d 9 auteur(3).
En outre,~histoire n'a-t-elle pas donné l'exemple du privilège qui
fut vite utilisé comme un moyen de sensure par le pouvoir, portant
ainsi une entrave à la diffusion de la culture ?
(1)
VILBOIS, op. cit. p.428 et s.
(2)
Idem, p.43I.
(3)
Ibidem, p.432 ; il faut cependant relever que ce spécialiste du
droit d'auteur n'a pas spécialement traité du folklore, ce qui
ne lui a peut-être pas permis de répondre précisément aux ques-
tions que nous nous SOTI@es posées.

- 154 -
Ce n'est donc pas sans connaître les critiques ci-dessus
énumérées que nous voyons dans le domaine d'Etat une solution possi-
ble au problème de la protection du folklore o Il faut cependant espé-
rer qu'un bon aménagement de ce régime permettra d'éviter les risques
qu'entrevoient ses détracteurs. Il existe effectivement un risque
d'entraver la liberté culturelle, d'instaurer un dirigisme intellec-
tuelle, sans aucun rapport avec le développement de la cultureo De
nombreuses solutions proposées par les juristes ayant traité des pro-
blèmes du domaine public payant, bien que ce ne soit pas toujours
par rapport au cas spécifique du folklore (1), nous ouvrent la voieo
(1)
VILBOIS, opo cit o PPoJ29-497
Mme Blanche d'ORMESSON-KERSAINT :
thèse précitée, pp.288 et so
Mo MOUCHET, article précité, ppo
209 et so

- 15.5 -
Nous arrivons au terme de ce chapitre dans lequel nous
avons posé la question de l'appartenance du folklore au domaine
public et tiré les conséquences de cette appartenance, Nos analyses
ont à nouveau mis en lumière les particularités de la création
folklorique par rapport à la création moderne (1)0 Le domaine
public, considéré comme un fonds commun dans lequel on fait tomber
volontairement les oeuvres de liesprit après le délai légal de pro-
tection laisserait le folklore de côté, si l'on considère que son
caractère populaire n'a pas l'effet d'une publication: d'où liidée
de fonds corrnnun".
Les particularités que nous évoquons n'ont cependant pas
empêché les législateurs ou les tribunaux de déclarer que le folklo-
re fait partie du domaine public. Cette assimilation a eu pour
conséquence l'application du domaine public payant aux "oeuvres du
folklore" ; or, ni par ses justifications ni par ses fondements
juridiques, le domaine public payant ne semble destiné à être
appliqué au folklore,
C'est fort de ces analyses que nous avons préconisé le
recours a la doctrine du domaine d'Etat afin diassurer au folklore
une protection vigoureuse o
Le domaine d'Etat doit être ici considéré
comme un statut autonome du folklore,
faisant de ce patrimoine une
propriété de l'Etat, et non simplement un domaine public payant
(1)
Nous avons auparavant dégagé ces particularités par rapport
aux exigences du droit d'auteur : cf supra pp,58 et s,

- 156 -
dont l'Etat se serait approprié les fruits (1).
Du point de vue donc du statut du folklore, nos dévelop-
pements dans ce chapitre et dans le chapitre précédent apportent
les réponses suivantes
L'''oeuvre du folklore" peut avoir comme statut, celui
d'oeuvre du domaine public, une oeuvre qui appartient à tous et
dont on peut user librement sans pouvoir se l'approprier. Elle
demeure par conséquent hors du droit d'auteur.
L' "oeuvre du folklore" peut encore être considérée
comme faisant partie d'un fonds commun qu'on peut librement s'ap-
proprier. Ce statut fait d'elle un "res nullius" et pennet sa pro-
tection par le droit d'auteur, à condition qu'elle fasse l'objet
d'une appropriation privée par le moyen d'une publication. Le.
statut de "res nullius" n'est par conséquent qu'une modalité de
celui d'oeuvre protégeable par le droit d'auteur.
Enfin, l' "oeuvre du folklore" peut être considérée comme
une propriété de l'Etat. Ce statut ne dit pas quelles conditions
seront exigées par l'Etat pour l'exploitation de son patrimoine,
chaque Etat se laissant guider par les objectifs qu'il poursuit (2).
(1)
Dans la doctrine, l'affectation des redevances perçues à
l'occasion de l'exploitation des oeuvres du domaine public
est un critère essentiel de la distinction entre le "vrai
domaine public payant" et le"faux'~
Cependant, il y a lieu de penser que ,quelle que soit l'af-
fectation des redevances, i l peut y avoir domaine d'Etat, sa
source devant être l'appartenance du folklore à l'Etat.
Cf IIè partie, titre 1, infra p. 342.
(2)
Comme nous l'avons indiqué dans nos développements antérieurs,
supra ppoI07 et s., l'Etat peut être titulaire de droits d'au-
teur sur une oeuvre artistique ou littéraire; toutefois, en
ce qui concerne le folklore, nous estimons, compte-tenu des
objectifs que nous entrevoyons dans la protection de ce patri-
moine, qu'il n'est pas opportun qu'il pèse sur lui un monopole
d'explqitation au profit de l'Etat. Cf infra po 182 0

- 157 -
I l pourra aussi-bien avoir recours à des règles proches de celles
du droit d'auteur ou à des règles relevant du domaine public payant 0
Bien de questions restent donc posées, auxquelles on ne
saurait répondre correctement sans prendre en compte l'élément
fondamental suivant: nos développements sur le statut du folklore,
aussi-bien par rapport au droit d'auteur que par rapport au domaine
public, font penser qu'il sera difficile d'avoir simplement recours
à des règles déjà connues de ces deux institutions pour assurer
une protection du folkloreo Aussi, dans le titre suivant, nous nous
efforcerons de définir des règles qui s'inspirent des particulari-
tés de la création folklorique et des objectifs de sa protectiono
=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0==0=0=0=0=

TITRE II
RÈ6LEMENTATION DE L'EXPLOITATION
DU FOLKLORE

-
158 -
Il nVest pas habituel, dans les écrits traitant de la
protection du folklore, de consacrer tout un titre à lVexamen de
la règlementation de ·son exploitation: toutefois, la pertinence
de la remarque de M. Gobin nous y invite (1) : M. Gobin estime,
en effet, qu'il faut distinguer nettement la protection du folklore
(qui fait référence à son statut juridique), de la règlementation
de son exploitation. Ce raisonnement signifie quVen fonction du
statut du folklore, les règles qui organisent son utilisation peu-
vent varier.
Dans l'hypothèse de Padoption du statut de "fonds com-
mun" dont on peut librement disposer, le droit d'auteur fournit
suffisamment de règles pour assurer une exploitation harmonieuse
du folklore.
Par contre, si cVest le statut dVoeuvre du domaine pu-
blic qui prévaut, les règles varient selon les différentes moda-
lités de ce dernier
(1)
M. GOBJN "Le folklore musical" article précité, p. 56
cf.
supra
- titre l
de cette partie p. J.

- 159 -
Il faut par exemple, se référer aux solutions de la jurispru-
dence française (1), pour s'apercevoir que les conditions d'appro-
priation d'''oeuvres du folklore" diffèrent des règles applicables
dans le cadre d 'lID domaine public payant,
Les problèmes que pose la protection du folklore rappel-
lent étrangement les circonstances de la naissance du droit d'au-
teur : la découverte de l'imprimerie, tremplin du développement de
la reproduction des oeuvres littéraires, n'a-t-elle pas conduit à
la consécration du droit de reproduction? Ceci n'est qU'lID exem-
pIe de la tendance générale du droit d'auteur à évoluer en se
perfectionnant pour s'adapter au développement des moyens de dif-
fusion des oeuvres de l'esprit (2),
Le folklore, dans sa "croissance naturelle" n'a pas
suscité de problèmes particuliers, quant à sa protection. C'est
depuis que ses manifestations font l'objet de reproduction par
voie d'imprimerie, par enregistrement et par filmage, que la néces-
sité de sa protection est apparue.
(1) : Cf. nos développements antérieurs : "Les réponses jurispru-
dentielles", titre 1, ch. II, supra pp.122 et s. Ainsi qu'à Par-
ticÈ précité de M. GOBIN "Cent ans de jurisprudence en matière de
folklore musical".
(2) : Le législateur français vient de nous faire la démonstration
de cette réalité à travers la loi du 3 juillet 1985 dont la
doctrine dit qu'elle adapte le droit français au développe-
ment des techniques : M. KEREVER "Un aspect de la loi du 3
juillet 1985 : la modernisation de la loi de 1957" ; R.I.D.A.
nO 127, janvier 1986, pp. 17 et s.

- 160 -
Les modes de communication modernes ont permis l~in-
troduction du folklore dans le monde commercial et l~ont livré
~ l'exploitation touristique. Dans ce conte~te, le patrimoine
folklorique se trouve confronté aux m~mes atteintes que toute
oeuvre de l'esprit.
C'est cette situation qu'une règlementation de l'uti-
lisation du folklore doit permettre de gérer. Le présent titre
examine dans les détails, ses différents aspects; il définit les
"oeuvres" et les actes qui entrent dans le champ d'application de
la règlementation ; il détermine la forme et le contenu des règles
tous ces points font l'objet d'un chapitre premier intitulé
"les principes de base de la règlementation" (1). Le chapitre
second, analyse les problèmes relatifs aux droits des différents
utilisateurs du folklore: interprètes, collecteurs et éditeurs.
(1)
Tout au long de ce chapitre, il sera souvent question de
domaine public payant. Les spécialistes de la propriété
intellectuelle ayant assimilé le folklore aux oeuvres du
domaine public, ont proposé dans le cadre du domaine public
payant, des règles censées lui ~tre applicables. Il faut
alors faire l~examen de ces règles en indiquant si besoin
est, en quoi elles laissent de c8té le folklore où ne lui
assurent pas une protection suffisante.

- 161 -
CHAPITRE I.
LES PRINCIPES DE BASE DE lA REGLEMENTATION.
Nous avons examiné dans le titre l
de cette partie les
différents statuts juridiques dont peut relever le folklore. Il
existe dans la doctrine, la jurisprudence et les législations, des
règles qui appliquent ces différents statuts. Nous pensons cepen-
dant que la principale faiblesse de ces différentes règlementations
est qu'elles ne s'adaptent pas suffisamment aux particularités de
la création folklorique.
La protection du patrimoine folklorique pose diverses
questions qui sont spécifiques au folklore : son étendue dans l'es-
pace et dans le temps, la particularité des atteintes qu'il subit,
la particularité de certains usages, etc. L'examen de ces différen-
tes questions nous permettra de circonscrire le champ d'application
de la règlementation.(section 1)
La connaissance précise des problèmes spécifiques que
pose la protection du folklore nous permettra, dans une section II,
de définir des règles mieux adaptées à la protection du folklore.

- 162 -
SECTION l
CHA.MP D'APPLICATION DE lA REGLEM:ENTATIŒ.
Il est essentiel, pour une bonne règlementation de l'ex-
ploitation du folklore, d'en définir avec précision l'étendue.
(§ 1)
Il est tout autant essentiel que soient connues les différentes
formes d'utilisation et leurs buts, (§ 2) ainsi que les différentes
formes d'atteintes à ce patrimoine. (§ J)
Paragraphe l
Etendue du folklore.
L'examen de l'étendue du folklore répond indirectement
à la question de celle de la règlementation. IL s'agit de déter-
miner l'étendue de la règlementation dans l'espace, CA) de dire
si cette règlementation sera rétroactive ou non et quelle en
sera la durée.
(B)
A) - ~!~~~~~_~~~_~~~~E~~~.
Dans le cadre du domaine public payant, l'analyse de
l'étendue du système dans l'espace rejoint le problème de la géné-
ralité dans son application: il s'agit de dire si le domaine pu-
blic payant s'applique à toutes les oeuvres artistiques et litté-
raires du domaine public ou non.
Dans le cas spécifique du folklore, la réponse à cette
question doit-être recherchée dans la définition des différentes
catégories d'oeuvres en rapport avec le patrimoine folklorique.
Ca)
Elle sera complètée par la prise en compte de l'implication
de la 4ationalité des oeuvres Cb).

-I6J -
a)- Les différentes catégories d'oeuvres en rapport
-----------------------------------------------
avec le folklore.
MonsieUr Gobin, à travers ses nombreux écrits sur la
protection du folklore musical a mis en lumière la difficulté de
trouver un critère objectif de protection du folklore. Il propose
néanmoins celui d'authenticité, qu'il définit comme étant "ce qui
ne souffre pas de contestation" (1). Appliqué au folklore, ce cri-
tère signifie que l' "oeuvre" dont il s'agit réunit
les
conditions de rattachement à une culture déterminée. Elle doit
être reconnue par les individus qui partagent cette culture et être
typique de ceux-ci.
Le rattachement à une collectivité distingue l'authentici-
té de l'originalité, critère de protection du droit d'auteur. L'ori-
ginalité est, en effet, un critère individuel (2).
A partir du critère de l'authenticité, Monsieur Gobin
effectue la classification suivante des oeuvres en rapport avec le
folklore.
La manifestation la plus authentique est "l'oeuvre du
folklore". Dans le domaine musical, "il s'agit par définition de
la création musicale transmise de génération à génération par voie
orale selon des variations qui n'en modifient pas la physionomie
générale" (J).
(1)
M. GOBrn : "Le folklore musical", op. cit. p.50 ; thès e
précitée, pp. 40 et s.
(2)
Il faut ajouter que le critère de l'authenticité devrait per-
mettre une prise en c.ompte. non seulement de la tonne de
l'''oeuvre du folklore", mais aussi de son contenu. Cette so-
lution est conforme à une certaine analyse qui dit que dans
la création folklorique, le fond importe plus que la fonne.
Cf Maître Titinga PACERE : Communication au Séminaire sur
les droits d'auteur, organisé par le Ministère chargé de la
culture de Haute-Volta avec le concours de la SACEM, les
2 et 3 septembre 1982 à Ouagadougou ; document inédit.
M. GOBn~
: "Le folklore musical", op. cit. pp. 50-52.

- 164 -
Au second degré d'authenticité, il y a l'oeuvre dite
dérivée du folklore. Elle suppose l'existence d' "oeuvre du folklo-
re". Cette notion empruntée au droit d'auteur désigne les improvi-
sations, les arrangements, les adaptations, les recueils, les an-
thologies;les transcriptions, les traductions, etc. (1).
Au troisième degré, Monsieur Gobin classe les oeuvres
inspirées du folklore et celles inspirées par le folklore.
"L'oeuvre
musicale inspirée du folklore a pour origine un air, un thème ou
un motif de la musique populaire traditionnelle, qui fait l'objet
de développements mélodiques et d'harmonisations savantes de la
part d'un compositeur" (2).
L'oeuvre inspirée par le folklore, sans "utiliser le
répertoire des mélodies populaires traditionnelles, s'~pparente
néanmoins, au folklore par son style, ses développements mélodiques,
ses harmonisations et ses formules rythmiques. création originale
pure, elle est liée au folklore par des ressemblances ou des rémi-
niscences dues au talent créateur du compositeur qui, loin de rester
prisonnier de la forme, a su restituer l'essence, l'esprit, l'âme
de la musique populaire" (3).
La classification faite par Monsieur Gobin suscite deux
réflexions : mentionnons d'abord celle que l'intéressé a lui-même
faite ; "la terminologie juridique reste imprécise pour rendre
compte de ces distinctions" (4). En effet, le droit d'auteur conna!t
(1)
M. GOBIN, dans son article "Le folklore musical" donne des
exemples d'auteurs renommés d'oeuvres dérivées du folklore
;~l~I~ARTOK et Vincent d'INDY; voir les notes 56,57,58,59,
(2)
M. GOBIN
"Le folklore musical", op. cit. po 51-52
(J)
M. GOBIN
idem p. 52
(4)
M. GOBIN
idem p. 53

- 165 -
deux régimes juridiques;
le régime de 19 0e uvre absolument originale
et celui de 19 0euvre dérivée. Cg e st par rapport à ces derniers
qu 9i l faut situer le champ d'application de la règlementation que
nous étudions.
Selon le critère utilisé par M. GOBIN pour définir l ' "oeu-
g
vre
du folklore", cette dernière n est pas originale, elle est
authentique. Cette qualification la met hors du champ d 9applica-
tion du droit d'auteur et la destine par conséquent à celui de la
règlementation de la protection du folklore.
La seconde catégorie d 90euvres regroupe les oeuvres
dérivées du folklore.
Ces dernières sont à cheval entre le droit
d'auteur et la règlementation du folklore:
d 9un c8té, elles ont
des liens directs avec le patrimoine folklorique, d 9un autre c8té,
selon le régime de l'oeuvre dérivée, leurs créateurs bénéficient
de la protection par le droit d9auteur,'~ans préjudice des droits
"
des auteurs des oeuvres originaires. La détermination du champ
d'application de la règlementation étudiée par rapport aux oeuvres
dérivées, dépend alors du statut du folklore (1).
La troisième catégorie d 90euvres en rapport avec le
folklore (oeuvres inspirées du folklore et par le folklore), re-
groupe des oeuvres originales. Bien qu 9ayant des rapports avec le
(1)
Par rapport au domaine d 9Etat, nous preclserons nos options
dans 1gexamen du contenu de la règlementation (voir la sec-
tion II de ce chapitre infra pp. 122 et s.

- 166 -
patrimoine folklorique, elles entrent exclusivement dans le
champ d'application du droit d'auteur.
La terminologie juridique, comme le montrent nos ana-
lyses, L~luence directement le choix des régimes applicables
aux différentes catégories d'oeuvres en rapport avec le folklore.
SDn imprécision peut alors porter préjudice à des créateurs qui
voient, par exemple, leurs oeuvres originales soumises à un régime
de domaine public payant (1).
Cette remarque exprime la seconde réflexion que suscite
la classification de M. Gobin : elle cache à peine, en effet, les
difficultés qu'il y aura à déterminer dans la pratique, les diffé-
rentes oeuvres en rapport avec le folklore.
S'agissant de l'''oeuvre du folklore", la notion de trans-
mission "de génération à génération selon des variations qui n'en
modifient pas la physion:amie générale"
sera plus ou moins appli-
cable, selon qu'il s'agit de genre folklorique se transmettant sans
variations importantes ou de genre qui utilise la technique de
l'improvisation.
(1)
M. GOBIN fait cette observation à propos des articles 1 et 6
de la loi tunisienne (thèse précitée, p.44). Nous é~udions
cette législation dans la 2è partie de la thèse, in:fra, pp.
3'53 et s.

- 167 -
En outre, dans le contexte ou le folklore a déjà
fait l~objet de recherche, de collecte, c~est-à-dire là où il
ne continue pas son développement naturel par la tradition orale,
la classification de M. Gobin peut être utilisée; Par contre, là
où le folklore demeure une tradition vivante, les notions utili-
sées par M. Gobin deviennent plus difficilement perceptible :
c~est ce qui justifie certainement que dans des pays comme la
Tunisie, la classification des oeuvres en rapport avec le fol-
klore n'est pas exempte d'ambiguité (1).
La classification de M. Gobin a néanmoins permis la
détermination du champ d'application de la règlementation de
l'exploitation du folklore par rapport au droit d'auteur. Il
faut complèter cette analyse par l'examen de la question rela-
tive à la nationalité des "oeuvres du folklore",
b) - La question de la nationalité des "oeuvres du
---------------------------------------------
folklore"
--------
Lorsque la question de l'étendue du système à mettre
en place, par rapport à la nationalité des oeuvres fut posée
dans l'étude du domaine public payant, elle a été formulée de
la façon suivante : le domaine public payant appréhende-t-il
seulement les oeuvres nationales ou prend-il aussi en compte les
(1)
Nous reviendrons sur les notions d' "oeuvre du folklore"
et d'''oeuvres inspirées du folklore" dans la seconde par-
tie de la thèse cf. infra pp. 39J et s.

- 168 -
oeuvres d'origine étrangère (1) ?
L'application du domaine public payant aux oeuvres étran-
gères crée, en effet, les scrupules selon lesquels, un Etat s'ap-
proprierait les éléments du patrimoine national d'un autre Etat.
Les partisans du domaine public payant rétorquent que
la
perception d'une redevance sur les oeuvres étrangères tombées
dans le domaine public ne constitue pas une appropriation : l'Etat
"exerce seulement un acte d'autorité sur le contenu purement éco-
nomique d'activités déterminées qui sont de son ressort ooo " (2)0
Ils préconisent donc l'application de la règlementation
aux oeuvres étrangères et ajoutent, avec raison, que la mise à
l'écart des oeuvres étrangères favoriserait leur diffusion au détri-
ment des oeuvres nationales.
'Dans le domaine du folklore, l'examen de la règlementation
de l'exploitation des "oeuvres" étrangères présente un grand intérêt o
(1)
Comme le dit Mme d'ORMESSON-KERSAINT (thèse précitée, p 292),
0
i l n' y a pas lieu ici de discuter les problèmes relatifs
aux aspects personnels et territoriaux liés à la determina-
tion de la nationalité des oeuvres de l'esprit ; pour des
raisons pratiques, nous pouvons considérer comme etrangères,
les oeuvres créées et publiées pour la première fois à
l'étrangero
Sur les questions relatives à la détermination du pays d'ori-
gine des oeuvres de l'esprit, cf Sylviane
DURRANDE : La
détermination du pays d'origine des oeuvres littéraires, artis-
tiques en droit international privé, thèse, Paris 2, 1980.
(2)
Mo MOUCHET, opo cito p 2IO ; il faut également voir les
0
développements faits sur ce sujet par Mme d'ORMESSON-KERSAINT
opo cito po 291 et so
, ainsi que par VILBOrS, opo cito
po 472 nO 3380

- 169 -
Il faut d'abord souligner que les Etats ne sont pas
indifférents à l'utilisation à l'étranger de ce qu'ils considè-
rent comme leur patrimoine national. Ainsi, un représentant béni-
nois de l'Office National du Tourisme et de l'H8tellerie, lors
d'une foire internationale d'artisanat à Bruxelles, a contraint
le représentant d'un autre pays à retirer de son stand d'exposi-
tion, tous les objets d'art dont les modèles étaient spécifique-
ment béninois (1).
Il semble par conséquent, évident que le besoin de
protection du folklore existe, aussi bien sur le plan national,
que sur le plan international. A l'intérieur des Etats, les oeu-
vres étrangères doivent, alors être protégées.
Dans l'optique de l'appartenance du folklore à l'Etat,
ce dernier n'est censé être propriétaire que du folklore originaire
de son territoire (2). Que fera-t-il alors des redevances perçues
à l'occasion de l'exploitation, sur son territoire, de folklore
étranger ?
(1)
Ce témoignage figure dans la communication faite par M.
APITHY
M. RICHARD, au 3éminaire sur les aspects du droit
d'auteur de l'artisanat en AFRIQUE; OUAGADOUGOU, 25-JO oc-
tobre 1982, DOC ICA/DDA/82/II - po Jo
(2)
L'origine d'une "oeuvre du folklore" ne sera pas toujours
facile à établir; en effet, même dans le domaine des oeu-
vres artistiques et littéraires, où les conventions inter-
nationales fournissent des règles applicables, la tâche n'est
oas toujours facile. Sur ces questions, cf. Mme Sylviane
DURRANDE : la détermination du pays d'origL~e de l'oeuvre en
droit international privé, thèse, PARIS II, 19800 Nous revien-
drons sur cette question importante dans l'examen des as-
pects de la protection internationale du f~lklore ; jnfra p. 492.

- 170 -
Etablissant le parallèle avec le droit d'auteur,
il faut estimer que l'oeuvre, une fois divulguée, est par nature
appelée à conna1tre une diffusion universelle ; "il appartient
seulement à chaque Etat de règlementer sur son territoire les
conditions économiques de son utilisation, et, pour protéger
les auteurs par de-là les frontières, de conclure des traités
avec d'autres ou d'adhérer aux conventions" (1).
L'existence d'une convention entre les Etats obli-
gerait ces derniers à reverser aux pays originaires du folklore
exploité sur leur territoire, les redevances perçues. En l'absence
de convention, l'Etat qui s'approprie les redevances en question
exerce, comme le dit M. Mouchet, un simple acte d'autorité (2).
L'examen de l'étendue du folklore dans l'espace a
répondu aux questions du champ d'application de la règlementation
par rapport à la nature des oeuvres et à leur origine. Il faut
maintenant préciser ce champ d'application en le définissant
dans le temps.
Dans l'étude du domaine public payant, la question de
son étendue dans le temps comporte deux aspects : il s'agit d'une
part de dire si la règlementation doit rétroagir sur des oeuvres
tombées dans le domaine public avant son adoption et d'autre.
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, op. cita p. 292.
(2)
M. MOUCHET, op. cita p. 210.

- 171 -
part de déterminer pendant combien de temps elle régirait
l'oeuvre qui entre dans son champ d'application.
Dans le domaine du folklore, la mesure du temps s'est
toujours révélée délicate
, I l serait donc difficile de fixer
par une loi, et pour l'avenir, les limites du folklore,
Il faut donc estimer qu'une règlementation de l'exploi-
tation du folklore doit s'appliquer au folklore qui existait à
son entrée en vigueur et à celui qui surviendrait après. Il ne
nous para1t pas opportun de disposer par exemple qu'une "oeuvre
du folklore" est soustraite a la règlementation cinquante ans
après sa publication si, elle en a fait l'objet. Rien ne justifie
une telle limite: en effet, si l'''oeuvre'' conserve son attrait,
susceptible donc d'~tre vendue, elle attirera l'éditeur ou l'en-
trepreneur de spectacle et si elle laisse indifférent le public,
personne ne songera à l'exploiter (I). Il appartient donc au
public de décider de la vie d'une "oeuvre du folklore".
La conclusion qu'il faut tirer de ce~te analyse c'est
que, contrairement au cas des oeuvres du domaine public où la
rétroactivité de la règlement~tion et la perpétuité de son appli-
cation sont discutées, pour le cas spécifique des "oeuvres du fol-
klore", elles paraissent évidentes.
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSê.INT, op.
cita
p.289.

- 172 -
L'examen de l'étendue du folklore nous a permis de faire
l'économie des aspects qu'une règlementation de son exploitation
doit prendre en compte. I l faut maintenant compléter cet examen
par la description des circonstances et des formes d'utilisation
du folklore.
Diversité des circonstances et des formes
-----------------------------------------
d'utilisation du folklore.
-Il ne semble pas raisonnable aujourd'hui de vouloir
soustraire le folklore à IVusage commercial. CVest pourtant à
l'occasion de ce type d'utilisation que les atteintes énumérées
dans le paragraphe suivant se produisent.
L'exploitation commerciale du folklore est surtout
l'oeuvre des grands usagers (éditeurs de livres, producteurs
de phonogrammes et de vidéogrammes, producteurs de films, organis-
mes de radiodiffusion et de télévision, entrepreneurs de specta-
cles)
(1). CVest surtout cette forme dVexploitation quVil faut
règlementer, sans oublier celle des créateurs dVoeuvres dérivées
du folklore.
(1)
Monsieur GOBIN note IVengouement pour le folklore musical
dont témoignent les répertoires de différentes firmes
Le Chant du Monde, Erato, Philips, Harmonia Mundi,
la VoiX
de son Maître, C.B.S.
etc. Cf thèse précitée, p.J6.

- 173 -
A c8té de lVusage commercial, on doit signaler celui qui,
sans exclure la réalisation de bénéfices, ne constitue pas une
activité de commerçants; il s'agit des kermesses, des soirées
populaires, des f~tes, etc ••• A l'occasion de ces manifestations
un prix d'entrée peut ~tre perçu, des boissons peuvent ~tre ven-
dues, des bénéfices peuvent donc ~tre réalisés; toutefois, ce sont
des activités au cours desquelles il faut encourager lVutilisation
dV"oeuvres du folklore".
Pour cette dernière raison, il faut assimiler ces formes
dVutilisations à celles qui ont lieu sans but de lucre, à celles
faites dans un but de recherche ou dVenseignement, ainsi quVà celles
faites de façon fortuite. Toutes ces formes d'utilisation du folklo-
re devraient ~tre exemptées de la règlementation de l'exploitation
du folklore (I).
Le folklore peut ~tre utilisé par les industriels et les
commerçants, par les individus qui lVarrangent et lVadaptent ; mais
la définition des usagers du folklore vise surtout à mettre en ex-
ergue la présence des "comm1IDautél; n:ationales" et des institutions
publiques.
Les "communautés nationales" dont il s'agit sont celles
qui détiennent aujourd'hui une portion du patrimoine folklorique
et qui, dans certains pays, en vivent encore.
Quant aux institutions publiques auxquelles il faut as-
similer les associations, il sVagit surtout des radiodiffusions et
des télévisions d'Etat mais aussi des circonscriptions administra-
'tives.
(I)
Cf: "Contenu de la règlementation", section II de ce cha-
pitre, infra pp, 182 et s.

- 174 -
La particularité des deux catégories d'utilisateurs
du folklore ci-dessus citées implique qu'il en soit expressément
fait mention dans la règlementation de l'exploitation du folkore (1).
et à l'authenticité du folklore.
Dans l'introduction générale de la thèse, nous avons fait
état de l'effet des modes de diffusion modernes des oeuvres de
l'esprit sur le folklore; nous examinons dans ce paragraphe, quel-
ques uns de ces effets. Lors des reproductions, des exécutions
publiques, des radiodiffusions et télédiffusions, lors de la création
d'oeuvres dérivées à partir du patrimoine folklorique, celui-ci
peut subir diverses formes d'atteintes à son intégrité et à son
authenticité. Nous étudierons les cas de plagiat, (a) d'appropria-
tion indue,(b) d'amputation et de déformation (c) ainsi que de
"pillage culturel".
(d)
du folklore.
Monsieur Gobin écrit que "si l'on n'admet pas que le
folklore musical puisse faire partie de la catégorie des oeuvres
(1)
Cf:
"Contenu de la règlementation", section II de ce chapi-
tre, infra pp.I82 et s.

- 175 -
protégées par le droit d'auteur, l'utilisation de la notion de
plagiat est un palliatif suffisant pour en assurer la protec-
tion" (1).
Les spécialistes de la propriété intellectuelle, lors-
qu'ils traitent du plagiat, l'examinent en rapport avec la contre-
façon et établissent que les deux notions sont étroitement asso-
ciées, mais que la distinction suivante demeure fondamentale:
"le plagiat affecte la création de l'oeuvre dans son existence
juridique, la contrefaçon réprime l'utilisation frauduleuse d'une
composition protégée ••• Le plagiat est une faute civile puisque
c'est une violation des droits de la personnalité, constituée par
l'usurpation, intentionnelle ou non, de l'invention personnelle
d'un tiers, contenue dans une oeuvre de lf_èBprit " (2).
(I)
M. GOBIN, "Le folklore musical", op.
cit. p. 72
(2)
M. GAUTREAU, op. cit. pp. 26-27 ; voir également M. CRAVES,
"Le plagiat", in le Droit d'Auteur, décembre 1981 p. 261.
Il faut toutefois, indiquer que plusieurs conceptions du
plagiat s'affrontent dans la doctrine : contrairement aux
auteurs ci-dessus cités, certains considèrent le plagiat
comme un simple manquement à la morale et non au droit.
Cf. RENOUARD, Traité des Droits d'Auteur dans la littéra-
ture, les sciences et les beaux-arts, PARIS 1838-1839, II
p. 22 ; E. BLANC, Traité de la contrefaçon en tous genres
et de sa poursuite en justice, PARIS 1855, pp. 155-156,
(tous deux cités par Salvatore MESSINA; "le plagiat litté-
raire et artistique dans la doctrine,la législation comparée
et la jurisprudence internationale", Recueil des Cours 1935-11
pp. 500-501.

:... I76 -
Pour notre propos, c'est moins le fait de savoir si
le plagiat doit ~tre réprimé par la loi ou non, que celui de
cerner la notion-mgme qui nous préoccupe. M. Chaves, parlant de
plagiaires, écrit qu'ils cherchent la reconnaissance et la célé-
brité en tant que créateurs littéraires, artistiques ou scienti-
fiques, en profitant des idées et de la production d'autrui, en
se les appropriant (1).
Cette définition, ainsi que celle faite par M. Gautreau
montrent bien que le plagiat constitue une reprise des idées d'au-
trui et c'est alors, avec raison, qu'on pourrait s'étonner qu'il
soit considéré comme une atteinte au folklore. En effet, dans la
doctrine du droit d'auteur, cette institution ne- protège que la
forme, les idées restant de libre parcours
(2). Il faut toutefois
relever que, puisque la protection du folklore ne se situe pas
forcément dans le seul cadre du droit d'auteur (3)',
le plagiat
d'une "oeuvre du folklore" peut gtre interdit par une règlementation
(1)
M. CRAVES, op. cit. p. 260. L'intéressé rapporte un grand
nombre de faits de plagiat dans la littérature, dans la
musique et les arts figuratifs. Cf. l'art. précité, ppo.262-267.
(2)
H. DESBOIS : Le droit d'auteur en France, op. cit. pp. 22 et s.
(3)
N~us faisons ici allusion aux solutions "sui generis" propo-
sees par exemple par les Dispositions types de législation
nationale pour la protection du folklore, élaborées sous les
auspices de l'Unesco et de l'OMPI en 1982. Ces solutions
seront d'ailleurs examinées dans la seconde partie de la
thèse, (titre II, chapitre II, section l, infrà pp. 414 et s.

- 177 -
de son exploitation (1).
M. Go~in analyse le plagiat comme un palliatif pour
la protection du folklore, dans le cas ou ce dernier n'est pas
admis dans la catégorie des oeuvres protégées.
Il estime qu'il
garantirait au moins l'intégrité de ce patrimoine (2).
Le plagiat serait apte aussi, selon M. Gautreau, qui
l'analyse dans le domaine musical, à constater la réalité de la
création personnelle. S'il y a plagiat, c'est la preuve que "P-
invention personnelle est inexistante dans la composition musica-
le litigieuse" (3). Ainsi, doit ~tre qualifié de plagiat, le fait
d'écrire une chanson dont la ligne mélodique appartient au folklore
puisque la ligne mélodique est le seul élément d'invention person-
nelle contenu dans la musique d'une chanson (4).
(1)
En outre, selon les analyses de M. CRAVES, la tendance dans
la doctrine et la jurisprudence est de ne plus laisser à la
seule critique le soin de sanctionner les violations du droit
d'auteur que constituent les plagiats.
Il va même jusqu'à se
demander pourquoi si nous sommes tous d'accord sur le fait
que le plagiat constitue une transgression aussi grave ou
encore plus grave que la contrefaçon, i l faut continuer à
admettre que seule celle-ci doit-être sanctionnée ?
(M. CRAVES, op.
cit. p. 268).
(2)
M. GOBJN "Le folklore musical", art.
précité, p. 72.
(3)
M. GA UT REA U , op.
cit. p. 27.
(4)
M. GA UT REA U , op.
cit.
p. 27.

- 172 -
Le caractère illégal du plagiat ne semble donc plus
faire un objet de discussion
selon M. Chaves, la préoccupation
des spécialistes s'oriente
maintenant vers une répression plus
efficace à son égard, mais les motifs et les limites de l'usur-
pation illégale des fruits de l'intelligence d'autrui doivent
encore ~tre déterminés (1).
Il faut souligner que dans le domaine du folklore, cette
t~che sera particulièrement rude, du fait de la nature de la créa-
tion folklorique (2). C'est pourquoi il semble opportun de rappro-
cher la notion de plagiat d'un autre concept peut-être plus facile
a appliquer: le concept d'appropriation indue du folklore.
- La notion d'appropriation indue du folklore nous
parait suffisamment large pour couvrir aussi bien les cas de re-
prise des idées que de la forme des oeuvres considérées. Les cas
d'appropriation indue se constatent par exemple lorsque des artis-
tes modernes publient des oeuvres dont ils revendiquent la paterni-
té, alors qu'il s'agit d'''oeuvres du folklore". Ces mêmes artistes
(1)
M. CRAVES, op.
cit. p. 260;
(2)
Cette nature que nous avons largement analysée (cf.. titre 1, ch.
II, s.III, supra pp.58 et s.)ne favorisera certainement pas
la détermination des limites de l'usurpation illégale des
fruits de l'intelligence d'autrui. En outre, le plagiat étant
défini comme une violation de la personnalité d'autrui, les
difficultés apparaissent du fait du caractère collectif de
la personnalité dans la création folklorique.

- 179 -
peuvent avoir simplement adapté ou arrangé ce dont ils se prétendent
auteurs-compositeurs (1). Outre les appropriations indues d'''oeuvres
du folklore", on signale les cas d'amputation et de dénaturation
du folklore.
folklore" •
- Les amputations et les déformations
interviennent sou-
vent pour des exigences d'ordre commercial ou touristique. Elles
sont effectuées, par exemple, quand le volume du disque ou de la
cassette exige qu'une chanson populaire ou un conte ne soit enré-
gistré qu'en partie. Cette fixation aura tendance à s'imposer
comme version originale, la version 'complète étant restée au stade
imma tériel.
Les dénaturations surviennent aussi à l'occasion de re-
productions du folklore, mais surtout au cours des adaptations et
arrangements. Le manque de maîtrise des éléments sociologiques qui
entourent ces oeuvres justifie souvent cette forme d'atteinte au
folklore.
- I l faut enfin signaler une forme d'atteinte au patrimoi-
ne folklorique qu'on pourrait nommer le "pillage culturel" : cette
atteinte se situe dans le cadre des relations culturelles interna-
tibnales.
(1)
Nous avons ainsi constaté en examinant la liste des adhérents
burkinabè de la SACEM, que certains musiciens se sont déclarés
auteurs-compositeurs d'oeuvres dont ils ne sont aucunement
les créateurs ou dont ils ne sont que
arrangeurs. Ces cas
constituent des appropriations indues du folkloreo

- 180 -
LVexistence dVun tel danger est niée par certaines
opinions occidentales, mais les pays en voie de développement
sVen sont toujours pr&valus pour revendiquer la protection du
folklore (I).
Il est intéressant sur ce point de noter les propos
de M. Gilbert Rouget, à IVépoque responsable du département
dVEthno-musicologie du Musée de IVHomme : à la question de savoir
pourquoi "aller glaner à grand peine les éléments dispersés dVune
culture musicale inconnue ?", i l répond:
" •••
sans doute par
besoin de possession. Tous les objets, dans tous les musées du
monde, proviennent de rapines. Mais, cVest ce qui permet à IVOcci-
dent de faire ses "découvertes" ••• " (2).
On pourrait donc comprendre la plainte contre le
"pillage culturel" comme une volonté de certains pays de ma1tri-
ser les circuits d'utilisation de leur folklore et dVéviter quVil
soit transformé en "matière première" pour dVautres
pays.
(1)
La réaction type des pays en voie de développement sVexpri-
me dans la Communication de laBolivie , adressée à PUNESCO
en 1973 pour revendiquer la protection du folklore.
(Cf.
doc.
UNESCO/FOLK/I/3,
Paris, 1er juin 1977, Annexe. En réaction
à cette revendication des pays en voie de développement,
IVUnion Internationale des Editeurs, lors des travaux dVé_
laboration de la loi type de
Tunis a écrit
: "•••
Les rédac-
teurs des articles 6 et 7 semblent redouter que les pays non
africains se mettent à piller les trésors du folklore africain.
Nous dirons dVabord que si cela ne sVest pas passé pour le
folklore sud-américain, malgré sa parenté avec le foklore
européen, i l y a encore moins de raisons pour que cela se
passe pour le folklore africain "0 Cf. doc. UNESCO/LA/MLC/
5, ppo 16 et So
(2)
M. Michel ROUGET, Le Monde du 29-30 juillet 1973, p. 9.

- 181 -
Nous connaissons a présent les menaces qui pèsent
sur le folklore à l'occasion de son utilisation. Sont également
connus les auteurs de cette utilisation et leurs objectifs.-Nous
pouvons, à présent, dans la section suivante, envisager 19étude
du contenu de la règlementation de 1gexploitation du folklore.
x
X
X
X

- 182 -
SECTION I I
CONTENU DE LA IŒGLEMENTATION.
LorsquVon aborde IVexamen du contenu de la règlement a-
tion, la première question qui vient à IVesprit est la suivante
dans IVhypothèse du domaine dVEtat que nous avons retenue (1),
faut-il reconna!tre à IVEtat un monopole dVexploitation sur le
patrimoine folklorique ?
La réponse serait susceptible d'~tre quVayant reconnu à l'Etat le
droit de propriété sur le folklore, on ne peut lui en retirer
IVexclusivité de l'exercice. Toutefois, le folklore étant, selon
l'analyse de Pierre Recht (2), affecté à IVusage du public, il
ne saurait, en m~me temps, ~tre grevé d'un monopole d'exploita-
tion.
L'Etat a tout loisir-par contre de règlementer l'exploitation du
folklore. La tâche essentielle réside alors dans la défjnition
de règles qui soient conformes aux objectifs de la protection du
folklore (3).
(1)
Cf 0 supra
ID partie, titre l, chap. II, sect. II, § 2,
pp. 151-152 o
(2)
Pierre IŒCHT, op. cit. pp. 261 et s. L'intéressé écrit:
"En réalité, le droit des personnes administratives sur
les biens de leur domaine public reste vraiment un droit
de propriété, et le critère de la domanialité publique ne
peut ~tre trouvé que dans leur affectation, plus ou moins
immédiate, à IVusage du public ••• ou bien à un service
public ••• ou bien à titre prépondérant à un service pu-
blic".
(3)
Cf. Infra, IIè partie, titre l, ch. l, sect. l, § 2,
pp. 289 et s.

- T83 -
Mme Blanche d'Ormesson-Kersaint rapporte, a propos
du domaine public payant que les pays ont opté pour son appli-
cation à tou~es les oeuvres du domaine public, ainsi qutà toute
forme d'utilisation de telles oeuvres (1)0 Vilbois écrit en
effet : "tout acte par lequel un tiers tirera un profit pécu-
niaire d'une oeuvre du domaine public sera soumis au paiement oo " (2).
Une telle généralité de la règlementation ne nous
para1t pas applicable dans le cas du folkloreo Les limites à
mettre à l'exploitation du folklore (paragraphe 1) et les in-
fractions et sanctions qui garantiraient le respect de ces limi-
tes (paragraphe 2), doivent alors ëtre judicieusement déterminé
Paragraphe l
Le folklore, conformément aux principes qui régissent
les oeuvres du domaine public, était d'usage libre et gratuit o
L'instauration de limites à cet usage peut consister en l'exigen-
ce d'une contrepartie à l'occasion de l'exploitation, (A) et dans
le respect d'un certain nombre de règles destinées à contr81er
cette activité (B).
(!)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée, p. 292.
(2)
VILBOIS, op. cit. p. 475.

- 184 -
Les limitations au ~rincipe de la gratuité de l'ex-
ploitation du folklore évoquent le domaine public payant dont
l'institution d'une redevance pour l'exploitation du domaine
public constitue le fondement. La règle signifie que le fol-
klore ne sera plus gratuitement exploité. Le paiement d'une re-
devance compo~~e toutefois, divers aspects qu'il convient d'exa-
miner et de préciser: il faut, en effet, déterminer les utili-
sations soumises au paiement, (a)
apprécier le taux de la rede-
vance, règler les problèmes de sa perception (b) et enfin dis-
cuter de son affectation' (c)
redevance.
Par souci de clarté et d'efficacité, la règlementation
doit determinér avec précision les modes d'utilisation du folklore
soumis au paiement de la redevance. Nous aVons déjà pris position
contre la généralité de la règlementation de l'exploitation du
folklore (1) ; cette généralité doit être atténuée selon deux
critères: le but de l'utilisation et le sujet de l'utilisation.
(1) ." Cf. p. 183.

- 185 -
Nos analyses antérieures (1)
ont établi que le folklore
peut faire l'objet d'usage à but commercial ou non, que cet usage
peut viser des objectifs de recherche ou d'enseignement, ou qu'il
peut gtre fortuit. A notre avis, compte tenu des objectifs d'une
protection du folklore (2), i l ne faut percevoir une redevance
qu'à l'occasion de l'utilisation du folklore dans un but commer-
cial. Cet usage peut gtre une reproduction par voie d'édition, une
représenta~ion, une radiodiffusion ou télédiffusion, ect •••
Nous nous écartons ainsi des critères traditionnellement
consacrés par le droit d'auteur:
la publicité de l'utilisation
e s t , en effet, le critère essentiel qui déclanche la protection
du droit ~'auteur ; mais le folklore n'est-il pas par essence des-
tiné à un usage public, qui en assure la perpétuation? La règle
devrait donc ~tre que l'usage public du folklore n'implique le
paiement de la redevance que s ' i l se fait dans un but commercial.
La notion d'usage commercial engendre certes des difficul-
tés supplémentaires dans son application ; i l appartiendra aux
tribunaux de chaque pays, par rapport aux traditions juridiques
de ce dernier, de fournir les éléments d'appréciation de cette
notion.
(I)
Cf supra pp. I72 et s.
(2)
La spécificité du folklore dans ce contexte, c'est qu'il ne
pèse pas sur lui, à notre avis, un monopole d'exploitation.
Tout en règlementant son exploitation en vue de lui assurer
une certaine protection, i l faut avoir à l'esprit qu'en
m~me temps, son épanouissement doit gtre favorisé.

- 186 -
L9idée qui sous-tend cette solution est que la règle-
mentation doit viser les grands usagers des "oeuvres du folklore",
ceux qui les utilisent industriellement et
dans un but commercial.
Ce sont, en effet, ces formes d g exploitation qui occasionnent
le plus de gains ; mais il faut surtout souligner que la gratui-
té des autres formes d'usage répond aux impératifs d 9un dévelop-
pement naturel du folklore: il faut, en effet, éviter de décou-
rager
19utilisation
des oeuvres qu 9i l produit. Ces objectifs
justifient d 9ailleurs, la prise en compte
de l'utilisateur
du folklore dans la mise en place de la règlementation.
- La détermination des utilisateurs potentiels du fol-
klore a
fait apparàttre, aux c8tés des commerçants et indus-
triels, "les communautés nationales" et les institutions publi-
ques (1). C'est par rapport à ces deux grands usagers d 90euvres
du folklore qu'il faut réexaminer 19 0 bligation de payer une
redevance pour l'exploitation du folklore.
La place des divers groupes que nous avons appelés
les "communautés nationales", variera certainement, dans une
(1)
Cf supra p. 173.

- 187 -
règlementation de l'exploitation du folklore selon les pays (1)
dans tous les cas, il importe que la règlementation ne les em-
pêche pas de vivre leur culture. Elle devrait leur permettre
diuser le plus largement possible de leur patrimoine culturel,
avec
pour
seule
réserve
que
ces communautés nationales nien
organisent pas, à leur seul profit liexploitation commerciale.
L'Etat, garant de la solidarité nationale, devrait être investi
de cette mission.
Pour désigner les utilisations permises du folklore par les
"communautés nationales", on pourrait avoir recours à la notion
"d'utilisation traditionnelle". Cette forme diusage du folklore
peut être commerciale mais, du moment quielle demeure tradition-
nelle, i l faut liexempter de liobligation de payer la redevance.
(1)
La question de la place des groupes qui sont à liorigine
des créations folkloriques, rejoint le problème à la mode
dans les études sur la protection du folklore
: celui du
choix de "Pautorité compétente" M. Alain JABOUR, après
avoir constaté que les Etats avaient tendance à confier
la gestion du folklore à un organisme spécialisé au lieu
d'avoir recours aux communautés nationales, écrit:
"Ciest
peut-être la seule solution pratique si lion tient compte
de la structure de la plupart des gouvernements". Dans cer-
tains pays, tels
les Etats-Unis dlAmérique~ à propos des-
quels M. JABOUR prend liexemple de la tribu Navajo, liexis-
tence d'un Conseil tribal officiel devrait impliquer que
cette communauté nationale puisse jouer un r61e important
dans la protection de son patrimoine folklorique.
(M. JABOUR
op.
cit.
p. 14). Ce niest certainement le cas dans beaucoup
d'autres pays où des impératifs d'ordre politique commandent
que les communautés nationales
steffacentet laissent le
soin à liEtat de gérer le patrimoine national.

- I88 -
_ Les institutions publiques constituent la deuxième
catégorie d'usagers d'''oeuvres du folklore" pour laquelle la
question de percevoir ..la redevance ou non se pose.
Lorsque ces institutions n'utilisent pas le folklore
dans un but commercial, il convient de les traiter comme les
autres usagers ; lorsqu'elles le font par contre
dans le cadre
d'activités commerciales, il faut admettre qu'elles soient sou-
mises au paiement de la redevance, à moins qu'elles n'aient pour
objet, l'exploitation commerciale du patrimoine folklorique.
Cette solution vise l'instauration d'une égalité
entre les institutions publiques et les exploitants privés. Le
contraire aurait dissuadé ces derniers d'ent~eprendre une exploi-
tation du folklore, la libre concurrence niétent pas assurée.
Il faut enfin
souligner que les cas d'exemption du
paiement de la redevance ne devraient nullement porter préjudice
aux droits des interprètes, des collecteurs et éditeurs d'''oeu-
vres du folklore" (I).
Tous les autres utilisateurs du folklore que n'exonèrent
ni le critère d' "utilisation traditio=elle", ni celui d' "usage
non commercial", sont soumis au paiement de la redevance.
(1)
L'examen des droits de ces derniers fera l'objet du ch. II
du présent titre, cf. infra, pp. 2I5 et s.

- 189 -
Nous sommes donc loin de la généralité demandée
pour l'application du domaine public payant par ses promoteurs.
Le folklore présente des particularités qui, lorsqu'elles sont
prises en compte, exigent son traitement à part: la définition
des utilisations à soumettre au paiement de la redevance en est
un exemple ; la détermination du montant de la redevance et les
modalités pratiques de sa perception en sont d'autres.
de sa perception.
-------------
A propos du taux de la redevance, on sera partagé
entre le désir de fixer un taux rémunérateur et celui d'éViter
l'excès qui nuirait à la diffusion du patrimoine folklorique.
Entre la tendance à aligner ce taux sur ceux pratiqués dans le
domaine du droit d'auteur et celle qui penche plutôt pour la
modération, nous optons pour la seconde (1).
Le taux de la redevance variera selon les pays, mais i l
devrait, dans tous les cas, être inférieur aux taQx ~pp~qués pour la
rémunération des auteurs indiviuels. Il sera encore variable, par
rapport aux modes d'utilisation : une distinction devra @tre
faite entre la collecte simple et la collecte avec apport per-
sonnel, entre la simple fixation de l'"oeuvre" par reproduction
(1)
Nous optons pour une pratique de taux modérés de la rede-
vance perçue à l'occasion de l'exploitation du folklore
afin de ne pas décourager ceux qui se tournent vers ce
patrimoine. En outre, le folklore étant protégé sans limi-
te de temps, il produira des redevances tant qu'il intéres-
sera le public.

- 190 -
et la création d'oeuvre dérivée. On devrait, enfin, chercher
à adapter aux modes d'utilisation, le taux proportionnel ou
forfaitaire~
La perception de la redevance pose essentiellement
les questions du mode de perception et de l'organisme percepteur
la perception pourrait ~tre antérieure ou postérieure à l'exploi-
tation. Dans la première hypothèse ,on aura recours au forfait;
dans la seconde, la redevance pourrait représenter un pourcenta-
ge sur la recette ou le prix de vente. Dans les deux cas, il
faudrait user d'une procédure de déclaration préalable ou d'au-
torisation préalable qui comporte l'engagement de payer la rede-
vance et les éléments permettant d'en déterminer le montant (I).
Quant à l'organisme percepteur, il sera, lui-aussi ,
différent selon les pays, mais, si l'on se laisse guider par
le souci de l'efficacité, on devrait confier cette tâche aux
sociétés d'auteurs, qu'elles soient publiques ou privées.
(1)
L'autorisation préalable et la déclaration préalable sont
certes deux techniques différentes ; tandis que la première
implique une décision de l'autorité compétente, en réponse
à la demande qui lui est adressée, la seconde n'est qu'un
acte unilatéral de celui qui entreprend d'exploiter le
folklore. Toutefois, au moins en ce qui concerne ~e paiement de la
redevance, ces deux techniques se rejoignent car, elles
permettent toutes deux, l'exigence du paiement. Il sera Lait
plus amplement état des techniques de l'autorisation préalab~e
et de la déclaration préalable dans les pages suivantes :
infra pp. 195 et s.

- 191 -
Les questions pratiques du taux et de la perception
de la redevance étant examinées, on peut à présent, aborder la
question de son affectation.
C) - L'affectation des redevances perçues à
--------------------------------------
l'occasion de l'exploitation du folklore.
----------------------------------------
Dans l'étude du domaine public payant, la destination
de la redevance et sa gestion constituent un critère fondamental
de distinction entre le "véritable domaine public payant" et
le
domaine
d'Etat
Le domaine
public
payant ,
compris
comme une prolongation du droit d'auteur au profit des héritiers,
implique effectivement que les redevances perçues soient versées
à ces derniers.
Cette solution se heurte cependant à l'argument dit
de la "possibilité", qui consiste à relever qu'''une propriété
littéraire se trouvant par le cours des successions, divisée en
une multitude d'individus, finirait en quelque sorte par ne plus
appartenir à personne" (1).
(1)
PRZES~C1Œ: "Le do~aine public payant", Congrès A. L.A. 1. ,
Va~s~v:e 1926 ; cite par Mme d'O&~ESSON-KERSAniT, thèse
prec:tee, p. 295. L'intéressée rapporte, en outre
que sel
des etudes statistiques, dès la douzième générati~n en
on
comp~ant d~ux héritiers par génération, un auteur e~ aurait
en llgne dlrecte, 4096.

- 192 -
Devant les difficultés réelles que comporte la solu-
tion ci-dessus évoquée, une deuxièUBmodalité peut @tre intro-
duite : elle consiste à limiter le droit des héritiers du sang
à une fraction de la redevance pendant un certain tempso Sont
alors appelés concurrement d'abord avec les héritiers, puis ex-
clusivement après eux, les sociétés d'auteurso
Une troisième modalité fait intervenir l'Etat comme
troisième bénéficiaire de la redevance o Cette solution est dite
mixte à cause de la présence de l'Etat o
Dans le domaine de la règlementation du folklore, les
problèmes d'affectation des sommes perçues se trouvent, à notre
avis, fort simplifiés: en effet, du fait de l'absence d'héritiers
du sang, il n'y a plus que les organismes d'auteurs et l'Etat
comme bénéficiaires potentiels de la redevance o
Les sociétés d'auteursont certes, vocation à bénéficier
de ces sommes pour l'encouragement de la création; mais l'argu-
ment selon lequel ces dernières ne sont pas suffisamment repré-

- 193 -
sentatives de l'intér~t général
mérite d'~tre pris en compte.
Cet argument, déjà valable pour le domaine public en général,
prend encore plus de force dans le cas s~écifique du folklore.
La présence de l'Etat se révèle a notre avis indispensable parmi les
bénéficiaires des sommes perçues.
Nous partageons toutefois
la préoccupation de la
quasi-totalité des spécialistes aye.nt étudié la prot'ection du
folklore ! ces
derniers
craignent
de voir
les redevances perçues
servir a l'instauration d'un dirigisme culturel (1), ou @tre
affectées à des domaines qui n'ont rien à voir avec le dévelop-
pement de la culture (2).
Pour éviter les deux inconvénients ci-dessus mention-
nés, les fonds perçus devraient faire l'objet d'une affectation
spéciale et @tre gérés par une institution spécialisée :au lieu
des formules générales du type : "les sommes perçues sont affec-
tées au développement de la culture", on devrait, par exemple,
(1)
L'Etat peut effectivement, par l'affectation des redevances,
opérer une discrimination au détriment de certaines formes
d'expressions ou défavoriser certaines cultures, dans le
contexte où plusieurs communautés coexistent o
(2)
C'est la crainte exprimée par Mo MOUCHET, à propos du domai-
ne public payant que ce dernier ne "se convertisse en un im-
pat de plus, dont le produit se perdrait dans la caisse de
l'Etat ou serait affecté, suivant une forme de caractère
vague ou très générale, à l'encouragement des arts et des
lettres"o M. MOUCHET, opo
cito p. 2IO.

- 194 ...
pour plus de garantie, préciser qu'elles le sont spécialement
à la protection, la sauvegarde et la diffusion du patrimoine
folklorique.
L'organisme chargé de la gestion et de l'affectation
des redevances, devrait avoir le plus d'autonomie possible; outre
les représentants de l'Etat, il devrait avoir en son sein, ceux
des "forces intellectuelles actives". Il faut entendre par là,
des personnalités désignées ou élues pour leur compétence dans le
domaine de la culture traditionnelle. Là où le contexte politique
le permet, des représentants des différentes communautés nationales
pourraient ~tre également désignés pour siéger dans cet organisme.
Nous venons d'analyser le premier aspect des limites
apportées a l'exploitation du folklore: les limites à la gratui-
té. Il faut cependant, se demander si mettre des obstacles au
principe de la gratuité par les moyens précédemment exposés suf-
fit à assurer une réelle protection au folklore. Mme d'ORMESSON-
KERSAINT, à propos de l'efficacité de cette technique conclut,
dans son étude du domaine public payant, que le fait de payer
une redevance après l'exploitation de l'oeuvre, comme une sorte
de taxe sur le revenu, ne peut permettre un contrôle de la façon
dont l'oeuvre a été utilisée (1).
Il faut, en effet, complèter
les restrictions introduites dans la gratuité d'usage par d'autres
mesures, visant cette fois-ci, la liberté d'exploitation.
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée, pp. 307 et s.

-195 -
B) - Les limites aux principes de la liberté
---------------------------------------
d'utilisation du folklore o
-------------------------
Mettre des limites à la liberté d'exploiter le
folklore se résume à l'institution d'une autorisation préala-
bleo C'est le moyen de contr81er l'exploitation envisagée du
folklore et de garantir qu'elle se fera dans de bonnes condi-
tionso Toutefois, nous convenons avec la majorité des spécia-
listes ayant étudié la protection du folklore, qu'il s'agit
d'une technique susceptible de g~ner la diffusion du patrimoine
folklorique o Il faut alors s'interroger sur l'opportunité d'ins-
taurer une autorisation préalable pour toute forme d'exploitation
du folklore (a) et
évaluer l'impact de cette technique sur la
circulation des "oeuvres du folll:lore"o
(b)
a) -
La technique de l'autorisation préalable convient-
-------------------------------------------------
elle pour toutE~s les formes d'utilisation du folklore?
--------------~--------------------------------------
L'examen des formes d'utilisation du folklore a montré
qu'il peut ~tre utilisé tel quel ou subir des transformations;
qU'il peut gtre fixé sur un support matériel
alors qu'il était im-
matériel ; qu'il peut enfin ~tre utilisé à partir de son support
traditionnel ou grâce à des supports modernes lorsqu'il s'agit

-196 -
du folklore matériel (1).
Pour l'étude des limites à la liberté d'exploitation
du folklore, le critère de fixation revêt une grande importance
toute utilisation du folklore qui consiste à le fixer sur un sup-
port matériel constitue l'opération au cours de laquelle il faut
spécialement veiller sur son intégrité et son authenticité.
Cette fixation aura tendance à s'imposer désormais
comme l'original de l'''oeuvre'' fixée. M. Gobin rapporte en effet,
que même si l'écrit en ce domaine n'est souvent qu'accessoire, il
peut, dans certains cas, fixer de manière définitive, une oeuvre
du folklore, à un instant déterminé de son évolution. Ce fut le
cas de la célèbre ballade "En passant par la Lorraine", création
folklorique qui fut imprimée en 1554 et n'a, depuis lors, plus
changé" (2).
La fixation directe est celle qui a pour objet l ' "oeuvre
du folklore" en tant que telle. Peuvent être considérées comme telles,
l'enrégistrement d'une chanson populaire, l'édition d'un recueil de
contes, le fait de filmer des danses folkloriques, ect •••
(1)
Sur les notions de "folklore matériel" et de "folklore i.TTl-
matériel", cf le chapitre prél:iJninaire, supra p. 13 note 3.
Dans nos développements, la dernière forme d'utilisation
du folklore concerne les ouvrages d'art populaire; lorsque
de telles oeuvres sont exposées, elles font l'objet d'une
utilisation
à partir de leurs supports traditionnels. Lors-
qu'elles font l'objet d'un moulage ou d'une reproduction sur
photo par exemple, elles se trouvent sur un support moderne.
(2)
M. GOBlli : "Le folklore musical", article précité, po 51.

- 197 -
Parmi les actes constituant une fixation directe
d'''oeuvres du folklore", il faut relever la présence d'oeuvres
telles"les recueils qui, bien qu'étant des oeuvres dérivées, peu-
vent comporter la première fixation des éléments auxquels elles
s'appliquent.
Il importe que les fixations directes d'''oeuvres du
folklore" soient fi-dèlement exécutées pour que soient sauvegar-
dées l'intégrité et l'authenticité du folklore. Il faut, par con-
séquent, user de la technique de l'autorisation préalable qui
permet d'exercer un contrôle préventif.
La fixation indirecte
vise,
elle, les oeuvres obte-
nues par la transformation d' "oeuvres du folklore" (adaptation ,
arrangement, etc.). Au cours de ces opérations, le créateur de-
vrait se voir moins astreint au devoir de fidélité que dans le
cas de
fixation
directe. L'activité de ce dernier, à notre avis,
met moins en cause l'intégrité et l'authenticité du folklore que dans
le cas de fixation directe (1). Cette analyse se veut pragmati-
que : il s'agit de tenir compte de la nature de la création fol-
klorique qui, parce qu'elle ne laisse pas d'originaux, rend
(1)
Les notions de "fixation directe" et de "fixation indirecte"
seront employées par les législateurs africains dans un sens
tout à fait différent que nous indiquerons : cf IIè partie,
titre l, chapitre II, infra,p. 357 note 1.

- 198 -
extrêmement compliquée la détermination des transformations
déformatrices o
La consequence de la classification ci-dessus opérée
devrait être que, contrairement aux cas des fixations directes du
folklorc,
lec fix:ltions
indirectes, les utilisations n'emportant
pas une fixation (représentation, radiodiffusion, ect.), ainsi que l'u-
tilisation du folklore matériel ne seront soumis qu'à l'obligation
d'une déclaration préalable o
L'exemption de la procédure de l'autorisation préala-
ble aux utilisateurs du folklore qui n'en font pas une fixation
directe, doit également couvrj.r ceux qui ne réalisent qu'une fixa-
tion éphémèreo Dans cette dernière hypothèse, les inconvénients
d'une fixation durable pouvant devenir définitive sont écartés;
toutefois, i l n'en
est
pas ainsi si un organisme de radiodif-
fusion effectue des enregistrements afin d'en assurer une
diffusion
prolongéeo Cette opération, parce qu'elle constitue une fixation
directe du folklore, doit être soumise à la procédure de l'auto-
risation préalable.
Selon l'analyse ci-dessus menee, i l ne semble pas oppor-
tun que toute forme d'utilisation du folklore soit soumise à la
procédure de l'autorisation préalableo Cette conclusion suffit-elle
o lever l'argument selon lequel les limites apportées a la liberté
d'explOiter le folklore,
constituent une entorse a la djffusion

-199 -
de la culture ? li-ous essayerons de lever les inquiétudes dans
le point suivant.
la liberté culturelle.
L'argument le plus élémentaire opposé au domaine pu-
blic payant et qui se transpose entièrement dans le cadre des
présentes analyses, consiste à dire: le fait de payer pour
l'exploitation d'oeuvres jusque là librement et gratuitement
exploitées, ne peut qu'en entraver la circulation. Telle est la
thèse des grands usagers du folklore qu'exprime l'Union Interna-
tionale des Editeurs (UIE), en réaction au projet de domaine pu-
blic payant contenu dans la loi-type de TUNIS : "nous ne pouvons
qu'attirer l'attention des législateurs et des autorités nationa-
les compétentes sur le fait que le seul résultat concret du domai-
ne public payant est de faire augmenter le prix de vente des ou-
vrages du domaine public et donc de les rendre inaccessibles à
une fraction encore plus large de la population" (1).
(1)
Doc. TUNIS/UNESCO/OMPI/CML. 2/5 ; 12 décembre 1975, annexe
p. 52. La loi-type de TUNIS est un texte élaboré pour ser-
vir de modèle de législation du droit d'auteur aux pays en
voie de développement. Nous étudierons cette loi sous l'an-
gle de la protection du folklore dans la deuxième partie de
la thèse. Cf IIè partie, titre l, ch. l, infra pp. 310 et s.

-
200 -
Les partisans du domaine public payant n'ont pas
manqué de critiquer cet argument dont M. Mouchet trouve qu'il
ne résiste pas à une analyse réaliste (I). Il faut donc dire
avec eux que "la culture n'est pas entravée, elle est protégée".
Dans l'instauration de
limites à la gratuité du fol-
klore, nous avons évité la généralis~tion du paiement de la re-
devance, en le réservant à l'usage commercial et en exemptant les
usages traditionnels. Ces restrictions introduites dans la règle-
mentation sont destinées à permettre une bonne circulation des
"oeuvres du folklore".
Les restrictions apportées à la liberté d'exploitation
des "oeuvres du folklore" sont jugées les plus attentatoires à
leur libre circulation ; mais la solution de ne soumettre à l'au-
torisation préalable que les seules fixations directes devrait atté~
nuer
les inconvénients présumés:
la plupart des actes d'ex-
ploitation du folklore s'effectuent sans autorisation préalable
le risque de voir l'Etat ériger un "dirigisme intellectuel" se
trouve ainsi amenuisé.
(I)
M. MOUCHET, op.
cit.
p. 208 ; cf.
également nos dévelop-
pements antérieurs sur les justifications du domaine pu-
blic payant , supra pp. 131 et s.

- 201 M
Si, à ces différents garde-fous, on ajoute la possi-
bilité de conférer à l'organisme spécialisé qui accorde les
autorisations nécessaires et gère les redevances, une large
autonomie de fonctionnement, la protection du folklore ne devrait
pas en emp~cher l'épanouissement.
Toutefois, autant le seul paiement d'une redevance
pour exploiter le folklore s'est révélé incapable d'en assurer
la protection, autant ce système, m~me renforcé par l'institu-
tion d'une autorisation préalable ne peut suffire si des sanc-
tions efficaces ne sont pas trouvées : c'est ce à quoi il con-
vient maintenant de s'atteler.
Paragraphe 2
Les infractions et les sanctions.
Dans 1 t étude du domaine public payant, les spécia-
listes de la propriété intellectuelle ne parlent pas de contre-
façon.
Il s'agit, en effet, d'oeuvres tombées dans le domaine
public, donc n'ayant plus le statut d'oeuvres protégées par le
droit dtauteur. Il ne semble pas non plus opportun d'utiliser
le terme"contrefaço~'pourdésigner les atteintes que subit le
folklore, non pas parce qu'il ne jouit pas d'une protection,
mais parce qu'il ne pèse pas sur lui un monopole d'exploitation (1).
(1)
Cf. nos développements antérieurs sur le contenu de la
règlementation, paragraphe premier de cette section supra p.I82.

- 202 -
La contrefaçon se définit, en effet, comme la violation du
monopole d'exploitation du créateur. La notion d'exploitation
illicite du folklore sera alors substituée à celle de contre-
façon.
(A)
Dans les études du domaine public payant également,
la nécessité de prévenir les violations du dro:t moral est
nettement affichée (1) i toutefois, la défense des intér@ts
moraux de l'auteur, prenant appui sur la personnalité de ce
dernier, n'y-a-t-il pas lieu, dans le cas spécifique du fol-
klore, de redéfinir les exigences d'ordre moral (2) ? (B)
Après la définition des infractions, il sera examiné
en un point (C) les sanctions.
A) - L'exploitation illicite du folkloxe.
Comme la contrefaçon en matière de droit d'auteur,
l'exploitation illicite du folklore se veut gtre une notion qui
définit globalement les atteintes à la règlementation de l'exploi-
tation du folklore. H. Desbois écrit que "l'expression de contre-
façon couvre non seulement la reproduction illicite, mais aussi
(I)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT, après avoir constaté que le domaine
public payant, pour être efficace doit comporter des restric-
tions au principe de la liberté d'exploitation, y renonce.
Elle estime que cette restriction est susceptible de porter
atteinte à la liberté culturelle et préconise comme solution
de rechange, le recours au droit moral pour la protection
des oeuvres du domaine public. Cf "La protection des oeuvres
du domaine public", R.I.D.A. nO 11~, avril 1983, pp. 119 et s.
(2)
L'idée est que, dans le
cas du folklore, cette pers~nnali­
té n'est pas individuelle mais collective, alors que le droit
d'auteur se destine à la protection de l'individu.

.; 203 -
la représentation ou la diffusion non autorisées ,par les ayants
droit, c'est-à-dire les atteintes aux droits d'auteur respecti-
~vement aéfinis par les articles 27 et 28, o~ainsi que, pensons-nous,
les violations du droit moral, considérées à l'état pur, commises
dans I1exploitation d'une oeuvre de I1esprit" (1).
La notion d'exploitation illicite du folklore, érigée
en délit pénal couvre donc, comme celle de contrefaçon, une plu-
ralité d'actes répréhensibles. Dans ce sens, il y a tout lieu
de profiter de l'évolution dans la doctrine du droit d'auteur,
de la notion de contrefaçon (2).
L'exploitation illicite du folklore devrait
cou-
vrir aussi-bien la reproduction que la représentation et la dif-
fusion illicites. Elle devrait aussi contenir les délits dits
assimilés à la contrefaçon: le débit, l'exportation et l'impor-
tation d'oeuvres contrefaites. (3).
(1)
H. DESBOIS entend par Violation du droit moral à IJétat pur
les
cas où l'acte répréhensible laisse intacte le droit patrl- '
monial alors qu'il affecte le droit moral. Il donne l'exem-
pIe d'une adaptation réalisée avec l'accord de l'auteur mais
qui constitue une dénaturation de l'oeuvre. (Le droit d'au-
teur en FRANCE, op. cit. p. 872).
(2)
Cf. H. DESBOIS, idem pp. 871 et s. Il y fait l'économie de
la doctrine et de la jurisprudence sur la répression des
atteintes au droit moral et salue l'unification de la ré-
pression opérée par le législateur français de 1957 qui a
assimilé la représentation et la diffusion illicites à la
reproduction illicite.
(3)
La répression des importations et des exportations d'exem-
plaires d' "oeuvres du folklore" fabriqués en violation de
la règlementation peut contribuer à lutter contre le "pil-
lage culturel" ; toutefois, seule une protection du folklo-
re à l'échelle internationale permettrait de vaincre
cette forme d'atteinte au patrimoine folklorique.

- 204 -
Toutefois, compte tenu de la spécificité du folklore,
les infractions auront parfois une dénomination particulière :
ainsi faudrait-il Inclure dans la notion d'exploitation illiC'ite
du folklore, l'appropriation indue d' "oeuvres du folklore" (1) et
l'exploitation frauduleuse de ces m~mes oeuvres. (2)
Il demeure cependant une question à laquelle il faut
répondre: le délit d'exploitation illicite du folklore couvre
t-il les violations des exigences d'ordre moral? Avant d'appor-
ter une réponse à cette question, il faut d'abord définir les
dites exigences.
B) - Les exigences d'ordre moral.
Nous écrivions dans les pages' 'précédentes que les préroga-
tives d'ordre moral et intellectuel reconnues à
l'auteur sont desti-
nées à protéger sa pel'sonnalité et ses intér~ts intellectuels.
(1)
Comme nous l'avons précédemment indiqué (cf supra P.I7S),
la notion d'appropriation indue d' "oeuvres du folklore"
peut ~tre rapprochée de celle de plagiat; toutefois, nous
avons préféré le premier concept qui nous paraît plus com-
mode que le second dans le cas de la création folklorique.
(2)
La notion d'exploitation frauduleuse du folklore vise les
exploitations faites sans autorisation préalable ou sans
déclaration préalable. Le non-paiement de la redevance
pourrait demeurer par contre hors du délit pénal: ainsi,
comme il en va matière de droit d'auteur, les redevances
feraient partie de l'économie de la convention dont le
non respect constitue la violation d'une obligation contrac-
tuelle ; Cf H. DE8BOI8, Le droit d'auteur en France, op. cit.
nO 744.

-20S -
La tradition française du droit d'auteur, par exemple, est
toute imprégnée d'individualismejà travers la création, c'est
la personnalité~du créateur qui reçoit, aide et protection (1).
Lorsque l'on envisage maintenant de prendre en compte
les intér~ts d'ordre moral qui incitent
à la protection du fol-
klore, l'on s'aperçoit que la personnalité mise en relief n'lest
plus individuelle, mais
l'attribut de 'toute 1me comm1mauté ; d'où
la nécessité 'de définir les exigences d ':ordre moral à mË'lme de pro-
téger cette personnalité.
Nous y sommes encouragé
par le constat suivant, fait
par Mme d'Ormesson-Kersaint : traitant de la protection des oeuvres
du domaine public, l'intéressée écrit que certains Etats imposent
aussi des exigences d'ordre moral, "mais cela ne semble vérifier
qu'à l'égard de la protection des oeuvres du domaine public, qui,
reconnues comme "oeuvres" au sens du droit d'auteur, imposent cer-
tains devoirs moraux (2).
Le constat ci-dessus rapporté signifie que pour les
"oeuvres du folklore", les Etats n'ont pas défini d'exigences
d'ordre moral. Il signifie encore que, assimilé aux oeuvres du
domaine public, le folklore ne reçoit une protection ni de son
(1)
H. DESBOIS : "Le droit d'auteur en FRANCE, op. cita p. 539
(2)
Mme D'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée, p. 212.

-
206 -
authenticité ni de son intégrité. Pourtant, une bonne protec-
tion du patrimoine folklorique exige que certains actes portant
atteinte à son intégrité et à son~authenticité soient prohibés.
Des exigences d'ordre moral doivent donc gtre défi-
nies
tenant compte de la spécificité du folklore, nous sommes
amenés à soutenir des thèses qui prennent le contrepied de celles
développées dans la théorie du droit d'auteur; il faut postuler
en effet, que les exigences d'ordre moral à définir doivent l'gtre
dans l'intér~t de la collectivité. Il s'agit de protéger un pa-
trimoine national et non les intér~ts d'un auteur décédé.
Dans ce sens, les aspects moraux de la protection du
folklore se situent à deux niveaux: le respect de l'''&1e collec-
tive" par l'interprète et le respect de l'interprétation par ceux
qui la manipulent (1).
Les exigences d'ordre moral peuvent alors s'inspirer
des droits à la paternité et au respect dd l'oeuvre, reconnus
au créateur par le droit d'auteur. Du premier, on pourrait tirer
l'obligatioh de mentionner la source à l'occasion de l'exploita-
tion du folklore. Cette m~ntion devrait comporter l'indication de
(1) : Le respect de l'interprétation peut trouver son application
dans les prérogatives reconnues à l'interprète dans le cadre
des droits voisins ; toutefois, puisque tous les pays n'ont
pas encore adopté de telles dispositions, il est préférable
de mentionner le respect de l'interprétation dans la présen-
te règlementation.

- 207 -
la communauté ou du lieu géographique ou les deux a la fois,
ainsi que les noms des interprèteso
L'obligation de respecter l'intégrité et l'authenti-
cité des "oeuvres du folklore" devrait permettre de lutter contre
les amputations et les dénaturations. Le respect du folklore pour-
rait ~tre obtenu indirectement mais efficacement à travers le
respect de l'interprétationo
Les difficultés d'application du droit au respect de
l'oeuvre, constatées dans le domaine du droit d'auteur, justifient
la façon détournée de le mentionnero Toutefois, il convient de
réaffirmer que l'interprète demeure tenu au respect de l' "âme po-
pulaire o "
La question à laquelle il faut répondre à présent est
de savoir si la violation des exigences ci-dessus définies cons-
titue ou non une infraction pénale: le fait par exemple, de pu-
blier une "oeuvre du folklore" sans en indiquer la source, ou en
indiquant une fausse source, constitue-t-il un acte d'exploita-
tion illicite du folklore, cette infraction pénale que nous avons
précédemment définie (I)?
Mme d'Ormesson~Kersaint
fait état d'une tendance ac-
tuelle en matière de propriété intellectuelle,
à
soustraire la
violation du droit moral, au traitement pénal j mieux, cette ten-
dance se serait m~me affirmée dans le domaine des droits patri-
(1)
Supra pp.202-20Jo

- 208 -
moniaux: "la loi (française) du 13 juillet 1978 sur les brevets
dVinvention nVa-t-elle pas innové en supprimant le traitement
pénal de l Vaete de contrefaçon" ? (1)
Cependant, il f~ut relever que, dans le domaine du
droit d'auteur, les partisans d'une répression pénale de la
violation des prérogatives morales de IVauteur ne manquent pas
H. Desbois, s'appuyant sur lec termes généraux de IVarticle 71
de la loi française du II mars I957 (2) conclut que m~me quand
le préjudice moral appara!t à l'état pur, IVagissement qui le
provoque tombe sous le coup de la contrefaçon, à condition quVil
soit intervenu à l'occasion d'file exploitation de l'oeuvre.
Monsieur Colombet qualifie cette décision d' extr~me,-
ment souhaitable (3), et plusieurs décisions de justice ont sane-
tionné pénalement la violation du droit moral (4).
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT "La protection des oeuvres du do-
maine public", in, RIJJA nO 116, 1983, p. 145.
(2)
L'article 71 de la loi française du Il mars 1957 dispose :
"Est également un délit de contrefaçon toute reproduction
représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit,
d'une oeuvre de IVesprit en violation des droits de l'auteur
tels qu'ils sont définis et règlementés par la loi".
(3)
M. Claude COLOMBET, op. ci•• p. 380
(4)
C. AMIENS (3é ch), 21 février 1963, Rev. Trim. Dr. Corn.
1964
786, obs. DESBOIS;C. Paris(13é ch), 25 janvier 1968, RIDA,
juillet 1968 p. 7(4, rev. trim. dr. corn. 1968, 344, obs.
DESBOIS ; C. d'AIX (2é ch) 21 oct. 1965, D.1966. 70, note
P. Greffe, J.C. p 1966.I4.657, note BOURSIGOT, Trib. gr.
Inst. PARIS (3é ch), 31 mars 1969, Gaa pal. 23-26 juillet
1969. Rev. trim. Dr. Corn. 1970.396, obs DESBOIS ; C. PARIS
23 novembre 1982, D. 1983. I.R. 512, obs. COLOMBET.

- 209 -
Dans l'affaire des Liaisons dangereuses, le problème juridique
est proche de nos préoccupations actuelles : il consiste à savoir
si une saisie-contrefaçon peut être accordée pour la violation
du droit moral. L'affaire est d'autant plus intéressante qu'il
s'agit d'oeuvre tombée dans le domaine public, donc ne comportant
plus de droits patrimoniaux. La violation du droit moral appara1t
ainsi à l'état pur.
Les juges du fond n'ont malheureusement pas répondu à la
question ci-dessus formulée ; le Tribunal de Grande Instance de la
Seine, dans son jugement du 10 novembre 1961 (1) et la Cour d'ap-
pel de Paris, dans son arrêt du 19 février 1964 (2), se sont con-
tentés de dire que la Société des Gens de Lettres n'était pas
qualifiée pour agir (3).
C'est par contre une décision de la même Cour d'appel
de Paris, statuant en appel de référé qui a donné la solution au
problème qui nous préoccupe : la Cour avait statué que "le droit
moral, dont le caractère perpétuel, inaliénable et imprescriptible
est formellement constaté par l'article 6 de la loi, trouve sa
(1) : Gaz. Pal. 13-14 déc. 1961. Rev. Trim. Dr. Corn.
, 1962,
pp.60 et s., obs. DEBOIS.
(2)
Cour d'appel de Paris, 19 février 1964, Gaz. Pal. 25-27
mars 1964, pp. 555 et s.
(3)
Sur la question de la compétence de la Société des Gens de
Lettres, l'Affaire des Liaisons dangereuses a donné lieu à
deux arrêts de la Cour de cassation datés du 6 décembre 1966,
J.C.P. 1967, II. 14937.
L'un de ces arrêts a accueilli le pourvoi formé contre l'ar-
rêt de la Cour d'appel de Paris du 10 avril 1960, statuant
en référé, qui avait reconnu à la Société des Gens de Lettres,
la qualité pour obtenir par voie d'une saisie-contrefaçon,
la modification du titre donné au film litigieux.
Le second arrêt a rejeté le pourvoi fonné contre l'arrêt de
la Cour d'appel de Paris du 19 février 1964, qui confirma
le jugement du Tribunal de Grande Instance de la Seine ( 10
nov. 1961)
, ayant refusé, dans la procédure au fond, de
valider la saisie : voir les commentaires de ces arrêts par
H. DESBOIS dans la Revue Trimestrielle de Droit Commercial
1967, p.505.

- 210 ,;.
défense, non plus seulement dans 19article 1J82 du Code civil mais
encore dans 19article 71 de la loi(du II mars 1957) ,qui a modifié
l'article 426 du Code pénal, qualifiant de délit de contrefaçon
toute reproduction, représentation ou diffusion par quelque moyen
que ce soit, d 9une oeuvre de l'esprit en violation des droits
d 9auteur tels qu 9ils sont définis et règlementés par la loi" (1).
La répression pénale des violations du droit moral demeu-
re donc controversée mais, fait remarquer Monsieur Colombet, la
"question a le plus souvent un intérêt plus théorique que pratique
dans la généralité des cas, droit pécuniaire et droit moral se trou-
vent en même temps lésés ••• " (2).
On comprend donc le regain d 9intérêt de cette question
dans l'étude du domaine public payant où il s9 agit de sanctionner
une violation à l'état pur du droit moral : Mme d 90rmesson-Kersaint
influencée par les arguments contre la répression pénale des attein-
tes au droit moral, pense que les sanctions civiles devraient suf-
fire à protéger les oeuvres du domaine public (J).
L'efficacité des sanctions civiles n g est toutefois pas
assurée et nous nous ral~ions au courant qui considère que seules
les sanctions pénales peuvent constituer une défense rationnelle
et efficace du droit moral.
(1)
C. A. Paris, 4 avril 1960, J.C.P. 1960 II. 11569, avec les
conclusions de M.
l'Avocat Général COMBALDIEU.
(2)
M. COIDMBET, op. cit. p. J81.
(3)
Mme d'ORMESSON-KERSAllIT, "La protection des oeuvres du
domaine public", article précité, p.143.

_ 211 -
Dans le domaine spécifique du folklore, la définition
d'exigences d'ordre moral vise la sauvegarde d'un patrimoine na-
tional. De ~e point de vue, les sanctions du non respect des
mesures édictées pour la protection de l'authenticité et de l'in-
tégrité du folklore doivent emprunter la rigueur de celles prises
dans le domaine des monuments historiques (1).
C'est un argument supplémentaire pour que les manque-
ments aux exigences d'ordre moral définies dans le cadre de la
protection du folklore, soient
érigés en délits d'exploitation
illicite du folklore. Il en serait ainsi même si les exigences
d'ordre pécuniaire ont été respectées.
C) - Les sanctions et les mesures conservatoires.
L'exploitation illicite du folklore étant érigée en
délit pénal, il va sans dire que les coupables d'actes consti-
tutifs de cette infraction sont passibles de poursuites devant
les
juridictions pénales • Les
peines qui leur seront infli-
gées varieront selon les pays mais, on peut penser qu'il est ju-
dicieux de prévoir la possibilité de recourir exclusivement ou
cumulativement à la peine de prison et à celle d'amende.
Toutefois, l'existence de sanctions pénales ne devrait
nullement exclure la possibilité, pour l'organisme chargé de la
protection du folklore, d'avoir recours aux tribunaux civils.
(1)
Cf Mme d'ORMESSON-KERSAINT, thèse précitée pp. 196 et s.

- 212 -
Dans la règlementation de l'exploitation du folklore,
il convient également de prévoir des mesures conservatoires. Il
en existe toute une gamme : cit~ns d'abord celles qui conduisent
à l'interdiction ou à la cessation des actes illicites. Ces me-
sures pourraient être ordonnées par l'autorité chargée de la pro-
tection du folklore. D'autres mesures, plus graves seraient du
ressort des tribunaux. Il s'agit de celles ordonnant la correc-
tion ou la mise en état de celles qui décident la destruction
,
des oeuvres litigieuses et enfin des saisies.
x
x
x
x

- 213 -
Avec 1g examen des infractions et des sanctions, nous
sommes parvenu
aux termes du chapitre premier, consacré à 1g ex-
posé du champ d 9application de la règlementation et à celui de
son contenu.
Après l'examen mint:..tieux de l'étendue du folklore, des
circonstances et des formes d gexploitation du folklore, des dangers
qu'il court lors de cette exploitation, nous avons pu définir un
corps de règles qui présentent 19 avantage d'~tre adaptées aux réa-
lités de la création folklorique. Ce chapitre constitue par consé-
quent un élément capital dans 19é1aboration d'une théorie juridique
de la protection du folklore.
Il en ressort essentiellement que, pour être efficace,
la règlementation de 1gexploitation du folklore doit dépasser la
simple exigence du paiement d'une redevance; elle doit forcément
restreindre
,quoique de façon souple,
la liberté d gexploita-
tion et comporter des exigences d'ordre moral. Enfin, c'est une
règlementation qui s'applique aussi-bien au folklore national que
étranger et dont rien ne justifie la limitation dans le temps.
Au cours des développements susindiqués, divers aspects
(but de l'utilisation, sujet de cette utilisation, etc.), laissent
percevoir que la règlementation de l'exploitation du folklore s'a-
dresse particulièrement à certaines catégories de personnes, en

_ 214 ~
rapport avec le patrimoine folklorique:
les jnterprètes, les
collecteurs, les éditeurso
La protection de l'activité de ces
derniers peut ~analyser comme une garantie supplémentaire à la
protection du folkloreo Dans le chapitre suiv~t, nous tenterons
de définir donc les contours de leurs droits par rapport à la
règlementation de l'exploitation du folklore o
x
X
X
X

-
21 5 -
CHAPITRE II
LE DROIT DES ARTISTES TRADITIONNELS, DES
COLLECTEURS ET EDITEURS D'''OEUVRES DU FOLKLORE".
Après l'étude du statut juridique du folklore, après
celle des principes de base de la règlementation de son exploi-
tation, nous abordons dans ce dernier chapitre de la première par-
tie, un point fondamental de la protection du folklore : le fol-
klore n'existe que dans l'esprit du peuple (1)
; il serait aussi
inconnu que la création conçue, mais non exprimée de l'artiste
moderne, si les artistes traditionnels d'abord, les collecteurs
et éditeurs ensuite,n'étaient intervenus pour en assurer la dif-
fusion. Il est donc essentiel que le rôle de ces divers "auxi-
liaires" de la création folklorique soit juridiquement qualifié
et leurs droits définis.
La question des droits de l'artiste traditionnel, du
collecteur et de l'éditeur d'''oeuvres du folklore" a été fonnulée
par le Docteur Jan Stezwski de la façon suivante : ce dernier
(1)
Il en est ainsi surtout quand le folklore demeure le fruit
de 1& tradition orale ; m~me dans le cas où il existe des
sources matérielles (écrits, enregistrements sonores ou
visuels), elles ne se sont constituées qu'à l'occasion des
opérations de collecte à partir de la tradition orale.

- 216 -
part de IVexemple du collecteur qui, magnétophone en bandoulière,
sVen va à la quête de la culture traditionnelle ; la suite nous
la connaissons; cVest le collecteur qui, soi
disant pour son
effort de coordination et de choix, sera déclaré auteur et pro-
tégé par la loi. Le Docteur Stezwski se demande alors si seul,
IVauteur du livre ainsi réalisé mérite protection (1).
Cette analyse laisse pBrcevoir le tissu dVintérêts
qui sVétend autour du folklore: i l y a dVabord les intérêts de
la communauté détentrice de la culture traditionnelle ; viennent
ensuite ceux de l'artiste qui s'exprime dans cette culture, du
chercheur qui réalise la collecte et enfin du compositeur moderne
qui puise dans la publication de ce dernier, des éléments pour
la réalisation de son oeuvre.
Dans le présent chapitre, nous nous efforcerons de
formuler clairement
le problème tel qu'il se pose, pour trois
catégories d'intéressés à l'exploitation du folklore: les artistes
(I)
Dr. Jan STEZWSKI, "Création originale et création basée
sur un matériau dVemprunt à la lumière de la protection
du droit d'auteur". Rve Inter auteurs nO 184,1973, p. 121

- 217-
traditionnels, les collecteurs et les éditeurs (1). (Section 1)
On se rappelle que les spécialistes du droit d'auteur
sont généralement d'avis que ces personnes ne font pas oeuvre de
création originale (2) ; mais M. Gobin estime que la spécificité
du folklore pousse à la recherche d'une théorie spécifique adap-
tée aux problèmes qu'il soulève.
(Section II).
(1)
La question des droits des communautés détentrices du
folklore a été abordée au cours de l'étude du statut juri-
dique du folklore:
(cf. l'appréciation faite de l'appli-
cation des régimes de l'oeuvre anonyme et posthume au fol-
klore, Titre 1, chapitre 1, Section III, § 3, pp.
95 et s.
et dans les principes de base de la règlementation, l'ana-
lyse sur les auteurs de l'utilisation du folklore, Titre II
Chapitre 1, Section 1, § 3, supra p.I73. , ainsi que la prise
en compte des droits des communautés nationales dans l'exa-
men du contenu de la règlementation, Titre II, Chapitre 1,
Section II, supra pp.I86-187 )i Les droits du compositeur
moderne relèvent du droit d'auteur.
(2)
M. SEEMANN, l'un des spécialistes les plus opposés à la
protection des artistes traditionnels, des collecteurs et
des éditeurs par le droit d'auteur, écarte les derniers
(collecteurs et éditeurs) au motif qu'ils ne font que "res-
tituer à la communauté nationale ce qu'elle possèdait dès
l'origine" ; quant aux premiers, l'intéressé les qualifie
de simples "véhiculateurs" (sic) ; M. SEEMANN, cité par M.
GaBIN, "Le folklore musical" op. cita p. 69 ; voir également
la position de M. MOREIRA DA SILVA, op. cita p. 55. Ce dernier
refuse que les "oeuvres du folklore " soient personnalisées
par le premier qui les recueille et les publie.

- 218 -.
Le problème des droits des artistes traditionnels, des
collecteurs et des éditeurs ne se traite
toutefois
pas seulement
par rapport au droit d 9auteur : M. Seemann refuse la protection
du droit d'auteur aux chanteurs et instrumentistes du folklore
musical, mais il les estime fondés à "interdire la production de
disques et de bandes magnétiques", par 1g exercice de droits voi-
sins (I). Lgexamen des solutions que pourrait apporter cette der-
nière institution fera 19 0 bjet diune section III.
(I)
M. SEEMANN, idem, p.
342, cité par M. GOBIN "Le folklore
musical" p. 69. L'éventualité du recours aux. droits voisins
est envisagé également dans une résolution de 19Assemblée
Générale de l'l.F.M.C.
(lnstitute Folk Music Council)adoptée
en 1957 qui dispose : "Quant aux droits du chanteur ou de
l'instrumentiste de musique fo~klorique, il semble clair
que le matériau est sujet au droit d 9auteur seulement dans
ses formes écrites ou enregistrées et que le propriétaire
du droit d'auteur est la personne qui a dépensé habileté et
travail en la notant ou en 1genregistrant. Il sg ensuit, par
conséquent, que si le chanteur ou 19instrumentiste possède
des droits légaux, la nature de ces droits doit être recher-
chée hors de la loi générale du "Copyright". (Résolution citée
par M. GOBIN ; "Le folklore musical", op. cit. p. IIO.

-
219 -
SECTION l
POSITION DU PROBLEME.
Monsieur Gobin a sans doute raison dVéprouver la néces-
sité, dans le cas spécifique du folklore, de réexaminer les solu-
tions que la doctrine et la jurisprudence apportent au problème
général de la protection de IV interprète , du collecteur et de IVé_
diteur (1). En effet, IVexamen de la nature de la création folklo-
rique laisse sans réponse la question de savoir
si ,par exemple,
l'artiste traditionnel est auteur ou interprète. (paragraphe 1).
Dans le m~me ordre d'idées, il convient de reconsidérer la nature
du travail accompli par le collecteur et par IVéditeur "dvoeuvres
du folklore". (paragraphe 2).
Paragraphe l
Le raIe de IVartiste traditionnel dans la création
Nous avons déjà, dans IVanalyse de la nature de la créa-
tion folklorique, fait cas de la vaine tentative des musicologues
de déterminer IVorigine, la date de création et la paternité des
chansons populaires (2). Ceci est le résultat dVune forme de créa-
tion dont les juristes ont du mal a qualifier les acteurs.
(1)
M. GOBIN : "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de mu-
sique folklorique", op. cit o p. II5.
(2)
Cf o titre l de cette partie, chapitre l, section l, po 59.

- 220-
La comparaison faite par M. Gobin de la musique sa-
vante et de la musique folklorique met en exergue les éléments
qui les séparent
tandis que la première permet au créateur de
s'individualiser a travers une oeuvre, "chose faite dans les dé-
tails", la seconde noie plut8t la personnalité de l'artiste dans
l'oeuvre ; d'où la difficulté pour ce dernier d'en revendiquer la
paternité (1).
Mo Jakobson Roman, analysant cette forme de création
dit que les interprètes du folklore ne font que intervenir sur
un canevas de la tradition du moment par des enjolivures de la
création individuelle. Ces enjolivures d'ailleurs, dans la mesure
où elles répondent aux exigences de la communauté, sont aussit8t
intégrées et deviennent éléments de l'oeuvre folklorique (2)0
Ll'analyse de M. Jakobson signifie que lorsqu'un artiste
traditionnel se produit, il utilise d'une part un "assemblage com-
plexe de certaines normes, de certaines impulsionso o• un canevas"
et, d'autre part, des créations individuelles devenues parties
intégrantes du folklore.
'(1)
Cf.
supra
: "nature de la création folklorique", titre l
de
cette partie, chapitre 1. section 1. PP058 et So
(2)
M. JAKOBSON Roman, opo cito po 640

.. 221 ...;
Cette forme de création justifie qu'André Varagnac,
à propos de la définition du folklore ait écrit : "tout fait
folklorique est en m~me temps un exemple de conformisme et un
exemple de spontanéité" (1).
Lorsque M.Jakobson décrit l'oeuvre folklorique comme un
canevas de la tradition, son analyse peut @tre rapprochée de celle
faite par M. Gautreau, sur la technique de composition musicale
à l'époque pré-classique médiévale en France. Ce dernier écrit :
"le manuscrit noté et le recueil chiffré ne contiennent que des
indications purement mélodiques. L'exécution de ces compositions
s'effectue alors selon la conception personnelle de l'artiste exé-
cutant ••• Tous les problèmes d'exécution dépendent des initiatives
de l'artiste qui adapte et transpose les oeuvres musicales selon
les besoins de son auditoire" (2).
On peut alors dire que l'artiste exécutant d'antan
développait aussi sa création individuelle à partir d'un canevas
comme son confrère de la création folklorique et que leurs r6les
se ressemblent.
(1)
A. VARAGNAC : Définition du folklore, op. cit. p. 18.
(2)
Mo GA UTREA U, op. cito po 2190 La technique de composition
aurait par la suite évolué. passant de la réduction extr@me
de la liberté de l'artiste exécutant, à l'époque baroque et
surtout romantique, à une consécration de son raIe productif
au Vingtième siècle.

- 222 ..
A ce stade de IVanalyse, la question fondamentale de-
vient celle de la qualification juridique de IVactivité de IVar-
tiste traditionnel que nous avons ci-dessus décrite (1).
M. Jakobson écrit : "le raIe de IV interprète d v oeuvres
folkloriques ne doit @tre assimilé ni à celui du lecteur, ni a
celui du récitant dVoèuvres littéraires, ni non plus à celui de
leurs auteurs" (2). Les juristes de la propriété intellectuelle
ne peuvent certainement pas se contenter de cette analyse, mais
elle exprime la difficulté quVils auront à saisir cette forme de
création par leurs concepts juridiques.
Parti du constat selon lequel "les chanteurs folkloriques
ne déclament pas à notre manière un texte figé, mais créent sans
cesse, jusquVà un certain point" CJ~
M. Gobin pense que Pinter-
prète de la musique populaire traditionnelle peut @tre sous cer-
taines conditions qualifié dVauteur. Dans certains cas, son raIe
dépasserait oelui
d Vun interprète en comblant d vimportantes lacunes
(1)
Dans nos développements, il est question dVinterprètes et
d'exécutants. Nous sommes donc dans le domaine littéraire
et musical. En effet, dans celui des arts plastiques et gra-
phiques, IVexamen du raIe de IVartiste traditionnel revient
à analyser ses capacités dVenrichir les modèles traditionnels.
Il va sans dire pourtant que IVexécution personnelle dVune
oeuvre dVart à partir de ces modèles donne à IVartiste tradi-
tionnel la qualité dVauteur. Il ne peutèn être quVainsi puis-
que le droit d'auteur protège la copie d'une oeuvre dVart, en
vertu de IVexécution personnelle. (H. DESBOIS, le droit d'au-
teur en FRANCE, op. cita
nO 60-6r ; M. COLOMBET, op. cita
n~ 86. Toutefois, IVartiste ne peut ~tre considéré comme au-
teur du modèle dont il sVest inspiré.
(2)
M. JAKOBSON Roman, op. cita p. 64.
(3)
Ces propos sont du folkloriste Slovène, MURKA, rapportés par

JAKOBSON Roman ,op. cita p. 64.

- 223 -
par la création personnelle (1).
L'artiste traditionnel pourrait donc parfois être qua-
lifié d'auteur. Cette solution ne manquera cependant pas de sou-
lever d'énormes difficultés : selon la qualité de l'artiste et
les genres de folklore (2), les "oeuvres du folklore" sont plus
ou moins empreintes de la personnalité de l'interprète; en outre,
comment distinguerait-on la prestation protégeable par le droit
d'auteur de celle qui ne le serait pas? (3).
Il s'avère donc extrêmement difficile d'appréhender
juridiquement le rôle de l'artiste traditionnel. Les concepts
de la propriété intellectuelle se révèlent en effet inappropriés,
sauf à considérer que, dans certains cas, la personnalité de l'ar-
tiste ayant tranché, il y a création.d'oeuvre au sens du droit
d'auteur et que, dans les cas contraires, il y a simplement inter-
prétation (4).
(1)
M. GOBIN "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de musi-
que folklorique", op. cita p. II7.
(2)
Cf. "Place de Pindividu dans la création folklorique", titre l
de cette partie, supra Ill. 64 et s.
0)
M. GOBIN, dans son article "Les interprètes, collecteurs et
éditeurs de musique folklorique", apporte une réponse à cette
question que nous examinerons dans la section I I de ce chapitre
infra, pp. 233 et s.
(4)
C'est ce caractère complexe de la ,création folklorique qui
justifie que nous ayons placé depuis le début de la thèse
l'expression "oeuvre du folklore" entre guillemets. Cette
attitude exprime nos hésita.tions à assimiler les "oeuvres
du folklore" à celles protégées par le droit d'auteur et
nous amènera, dans la deuxième partie de la thèse, à adopter
la terminologie initiée au cours des travaux à l'UNESCO et à
l'OMPI sur la protection du folklore. Le concept d'''expression
du folklore" sera substitué à celui d' "oeuvre du folklore".

-
224 '.
La protection de l'artiste traditionnel doit donc
être envisagée par rapport à deux institutions : le droit d'au-
teur et les droits voisins. Avant de procéder à l'examen des so-
lutions que ces institutions peuvent apporter, nous formulerons
dans le paragraphe suivant, la problèmatique de la protection des
collecteurs et des éditeurs d'''oeuvres du folklore".
Paragraphe 2
Le rôle du collecteur et de l'éditeur
-------------------------------------
d'''oeuvres du folklore".
----------------------
Les coilecteurs et éditeurs, après les artistes tradi-
tionnels, assurent la diffusion du folklore. 11ssont le relais de
la tradition orale et ont par conséquent une lourde responsabili-
té dans la sauvegarde du patrimoine folklorique.
La question de
l'existence sous l'angle du droit d'auteur,de droits à leur profit,
sur le matériau qu'ils manipulent, n'est que rarement envisagée;
ce qui, selon Monsieur Gobin, résulte de la méconnaissance de leur
rôle respectif et de la nature du travail qu'ils effectuent (1).
Leur rôle et la nature de leur travail présentent toutefois des
différences fondamentales, selon qu'il s'agit de collecteurs (A)
ou d'éditeurs.(B)
(1)
M. GOBIN : "Les interprètes, les collecteurs et éditeurs
d'oeuvres folkloriques", op. cit. p~ 121.

- 225 ..
A) - La nature du travail du collecteur d' "oeuvres du
---------------------------
.---
------
folklore" •
Le collecteur est cette personne qui, sur le terrain,
recueille les mélodies populaires, les contes, les proverbes, les
légendes, les pas de danse, etc., en les enregistrant, en les fil-
mants, en les notant, en les transcrivant, etc. La particularité
de son rôle, c'est qu'il effectue ce travail sur un matériau qui,
jusque là, n'a été transmis que par la tradition orale.
Le collecteur travaille donc à partir d'un matériau
préexistant, ce qui incite certains à penser qu'il ne peut pré-
tendre se l'approprier (1). Le Docteur Jan Steszewski n'écrit-il
pas, en effet, qu'il y a matériau d'emprunt et non matériau d'in-
vention (2) ?
Monsieur Gobin propose cependant, à juste titre, que
soit distinguée la collecte-reproduction de celle qui implique
de la part du collecteur un acte de création : Le Conseil Inter-
national de la Musique populaire rappelle, en effet, dans une
déclaration ;iatant de 1957, que: "le collecteur de musique popu-
laire obtient son matériau mm en le copiant d'une source écrite
(I)
LBOYD, "who owns what in Folk-songs", rev. Sing Out 1942
nO l, p. 41 ; cité par M. GOBJN "Les interprètes, les col-
lecteurs et éditeurs de folklore musical", op. cita p. I23.
(2)
Dr. Jan STESZEWSKl, op. cita p. 121.

'"' 226 -
ou impr~~ée, mais en le relevant ~ parttr de représentations
données par des chanteurs ou des instrumentistes qui ont eux-
m~mes appris la musique par tradition orale. Cela implique une
dépense de temps, d'argent, et la mise en oeuvre d'une habileté
et d'une connaissance considérables de la part de celui qui re-
cueille cette musique Il (1).
Dans la conception du droit d'auteur, lorsqu'un col-
lecteur erœegistre ou filme des "oeuvres du folklore", i l réalise
une
fixation
pure et simple des éléments collectés selon un
procédé mécanique. Au contraire, lorsqu'il y a notàtion ou trans-
cription, i l Y a mise en oeuvre de la sensibilité du collecteur.
Cette annlyse p8rmet d'établir une distinction entre,
par exemple, l'édition phonographique et cinématographique des
éléments collectés d'une part et leur édition musicale ou litté-
raire d'autre part. Vis à vis de la première, P"oeuvre" réalisée
par le collecteur présente le caractère d'une reproduction (2).
Dans la seconde hypothèse, "la valeur ajoutée artistique du col-
lecteur est importante" (3).
(1)
I.F.M. déclaration nO 4 de I957 , rapportée par M. GOBIN
"Les interprètes, collecteurs et éditeurs de musique fol-
klorique", op. cita p. I25.
(2)
Les droits résultant d'une telle réalisation doivent ~tre
recherchés hors du droit d'auteur; c'est ce que nous envi-
sagerons dans la section III de ce chapitre qui analyse les
solutions des droits voisins.
(3)
M. GOBIN
: "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de
musique folklorique", op. cita p. 127.

- 227 -
Toutefois, cette création n'est que relativement
originale parce qu'elle dérive du patrimoine folklorique préexis-
tant. C'est par rapport à cette qualification de la nature de son
oeuvre que l'étendue des droits du collecteur sera définie dans
la section suivante de ce chapitre. Avant de passer à l'exposé
de cette section, il faut brièvement situer les revendications
des éditeurs.
folklore".
La différence entre les préoccupations des artistes
traditionnels et des collecteurs
et celles des éditeurs
se
résume
au
constat suivant: pour ces derniers, "il ne
s'agit pas, en effet, de se faire attribuer la qualité d'auteur,
mais de s'assurer que les droits qu'ils ont acquis ont été cédés
par leur titulaire légal" (1).
Nos analyses antérieures ont mis en lumière le tissu
d'intérêts qui se développe autour du folklore (2) : " le folklo-
re peut avoir été, par exemple, déclaré propriété de l'Etat; cela
n'empêche pourtant pas la naissance de droits individuels au pro-
fit des artistes et des collecteurs. Il sera alors souvent diffi-
cile à l'éditeur de conna1tre le véritable titulaire des droits
qu'il veut exploiter.
(1)
M. GaBIN : "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de'
musique folklorique", op. cit. p. 131.
(2)
Cf. chapitre préliminaire,
supra
pp. 40-41.

- 228 -
Les éditeurs tentent d'assurer la sécurité de leurs
transactions à travers une double garantie (1).
Pour se dégager de toute responsabilité du point de vue
du droit d'auteur, ils cherchent à obtenir de quelqu'un qui se
prétend propriétaire, l'autorisation d'exploiter
l'oeuvre moyen-
nant redevance ; un éventuel procès serait alors dirigé contre
ce dernier (2).
"La seconde garantie de l'éditeur, consiste à minimiser,
voire à éviter les risques de concurrence ; mais la fiabilité de ce
moyen dépend de l'étendue de ces droits sur les éléments qu'il
édite".
M. Gobin ayant constaté l'absence de solution de prin-
cipe sur ce point, propose, dans le cadre du droit d'auteur, la
solution suivante : elle distingue le cas où l'oeuvre a déja fait
l'objet d'une édition du cas contraire.
Si l'oeuvre, après publication, est tombée dans le domai-
ne public, le grief de concurrence déloyale demeure la seule garan-
tie de l'éditeur.
(1)
M. GOBJN,
"Les interprètes, collecteurs et éditeurs de musi-
que folklorique", pp. ~3~ et s.
(2)
M. Charles SEEGER, ''Who owns Folklore" ? Revue western Fol-
klore, 1962, P. 93 ; cité par M. GaBIN, idem p. 133.

- 229 -
Par contre, si l'oeuvre n'a jamais été publiée, M.
Gabin, évoquant sa notion de fonds commun revendique pour l'é-
diteur un régime particulier qui consiste en un droit privatif de
durée limitée. Le fondement de ce droit serait que l'éditeur "don-
ne à l i oeuvre le visage qu'elle présent era aux yeux du public" (1).
Nous avons déjà indiqué les limites de la notion de
fonds commun (2) ; son application ici nous laisse encore plus
sceptique : cette solution nous rappelle la déclaration de 1'_
I.F.M.C. qui refuse la protection du Copyright aux chanteurs et
instrumentistes pour l'accorder à ceux qui fixent leurs presta-
tions ()).
S'il s'agit d'une oeuvre pour la première fois pUbliée,
il Y a tout lieu de croire que sa forme, telle que éditée, est
l'oeuvre d'un artiste traditionnel ou d'un collecteur. Si le cas
de la protection de ces derniers est règlé, l'éditeur aura auto-
matiquement la sécurité de ses droits acquis garantie.
(1)
M. GOBJN : "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de
folklore musical", op. cita p. 135.
(2)
Cf. titre l de cette partie, chapitre II, section 1, supra
pp.II8 et 12G.Nous avons aussi fait mention dans ces dévelop-
pements de l'opposition à ce statut exprimée par Mme NIEDZIELSKA,
op. cita p. 285.
(3)
Résolution n04 de l'Assemblée Générale de l'Institute Folk
Music Council ,adoptée en 195'7 déjà citée,
supra p. 218.

- 230 -
Bien que M. Gobin ne revendique pour liéditeur quiun
droit juste suffisant pour lui garantir la rentabilité de son
opération, nous estimons que les solutions pour une protection
des éditeurs pourraient, à la limite, ~tre recherchées dans liins-
titution des droits voisins.
La définition des r81es de l'artiste traditionnel, du
collecteur et de l'éditeur
ainsi que la formulation de leurs
revendications, permettent à présent diévaluer leurs droits res-
pectifs.
Ces analyses ont montré que l'artiste traditionnel
peut ~tre auteur ou interprète, que le collecteur peut réaliser
une création dérivée ou n'effectuer quiune
fixation
et que,
à
notre avis, l'éditeur ne saurait revendiquer la qualité de
créateur.
Dans la section suivante, nous recenserons les solutions
du droit d'auteur puisque des cas de création artistique et litté-
raire ont été décelés.

- 231 -
SECTION II
LES SOLUTIONS DU DROIT D'AUTEUR.
L'analyse du r81e de l'artiste traditionnel montre
que ce dernier peut, dans certains cas, gtre qualifié d'auteur
(1). La difficulté se ramène alors à trouver les critères qui
permettent de distinguer les cas où il y a création artistique
et littéraire de ceux où il ne s'agit que de simples interpré-
tations. M. Gobin en propose que nous examinerons en nous interro-
geant sur les fondements des droits de l'artiste traditionnel (2).
(paragraphe 1).
Parallèlement à l'analyse du raIe de l'artiste tradi-
tionnel, nous avons relevé que le collecteur d'''oeuvres du fol-
klore", lorsqu'il n'est pas un simple reproducteur, réalise une
création protégeable par le droit d'auteur (3). Dans un paragraphe
2, nous essayerons de préciser les limites de ses droits.
(1)
Cf. nos développements antérieurs, section 1, § l
de ce
chapitre, pp. 222-223.
(2)
M. GOBlN, "les interprètes, collecteurs et éditeurs de
musique folklorique", op. cit. p. II5 et s.
(3)
Cf. supra, pp. 226-227.

- 2]2 -
Paragraphe l
Le fondement juridique des droits de l'artiste
----------------------------------------------
trad:i tionneh
Dans la recherche du fondement des droits de ceux
qu'il appelle interprètes du folklore musical, M. Gobin se voit
obligé de faire la distinction entre l'auteur-interprète et le
simple exécutant. Dans ce paragraphe, nous examinerons le critère
auquel il a recours pour distinguer les premiers des seconds. (A)
Nous complèterons cette solution doctrinale par l'examen de la
solution jurisprudentielle française dans l'affaire Manitas de
Plata. (B)
A) - Solution doctrinale.
La qualité d'auteur de l'artiste traditionnel est diffi-
cile à établir, mais selon l'analyse de M. Gobin, il serait injuste
de confiner son rôle dans celui de l'interprète. Ainsi, bien qu'il
soit malaisé de trouver un fondement uniquement juridique à ses
droits, M. Gobin pense qu'une solution d'équité peut ~tre dégagée
(T)
: "l'interprète de la musique populaire traditionnelle peut
~tre, effectivement, et sous certaines conditions, qualifié d'au-
teur car, si une différence de nature sépare la création de l'in-
terprétation, dans certains cas, l'artiste dépasse celle-ci en com-
blant d'importantes lacunes par ses créations
personnelles" (2).
(1)
M. GOBIN : "les interprètes, collecteurs et éditeurs de mu-
sique folklorique", op. cit. p. II?.
(2)
Idem.

- 233 -
Pour déterminer s'il y a ou non création folklorique
protégeable par le droit d'auteur, M. Gobin a recours au critère
de nouveauté: il estime que si l'oeuvre est nouvelle, "il y a
protection par le droit d'auteur, parce que la notion de nouveauté
est liée à celle de création. Si toute création musicale n'impli-
que pas la nouveauté, toute nouveauté musicale implique une créa-
tion originale au regard du droit d'auteur. Il suffit donc' de
prouver la nouveauté de l'oeuvre interprétée pour investir l'exé-
cutant de la qualité d'auteur" (1).
L'auteur de cette analyse voit des indices de nouveauté
d'une "oeuvre du folklore" dans le
fait
suivant
en essayant
d'évaluer la perte qu'aurait occasionnée pour la collectivité le
silence de l'artiste, on répondrait à la question de savoir si une
manifestation folklorique considérée met en évidence un élement nou-
veau ou non (2).
Si le patrimoine folklorique objet de l'interprétation
est "vivace dans les esprits, si les écrits, les disques et les
interprétations sont nombreuses, il fait partie du domaine public
(1)
M. GOBJN : "les interprètes, collecteurs et éditeurs de musi-
que folklorique", op. cita p. JI9 ; ce critère, s'il ne peut
constituer qu'une présomption de l'existence d'une création
personnelle, semble toutefois correspondre à la spécificité
de la création folklorique dont les "oeuvres" sont en prin-
cipe connues de tous.
(2)
Idem, p. II?.

- 234 -
connu et répertoriéo La valeur ajoutée de l'interprétation de
l~artiste, dans ce cas, ne se situe qu'au plJ1n de la subjecti-
vité du public et non de la connaissance objective de ce patri-
moine" (1)0 Dans ce cas, il n'y a pas lieu d'accorder la protec-
tion du droit d'auteuro
Si au contraire la manifestation folklorique était
jusque là inconnue, l'artiste qui l'exhume de la conscience po-
pulaire par son intuition, sa connaissance et son travail, voit
son exécution susceptible de créer une antériorité protégeable
dans sa cristallisation par le droit d'auteur (2)0
Pour que cette condition de nouveauté soit entièrement
satisfaite, il importe que l'activité de l'artiste se développe
à partir de la pure tradition orale et ne soit donc pas tributaire
d'une source écrite ou enregistrée (3)0
(1)
M. GOBllI
: "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de mu-
sique folklorique", opo cit o p 119 ; ce critère, s'il ne
peut constituer qu'une présomption de l'existence d'une créa-
tion personnelle, semble toutefois correspondre à la spéci-
ficité de la création folklorique dont les "oeuvres" sont en
principe connues de tous.
(2)
Mo GOBlN : "les interprètes, collecteurs et éditeurs d'oeu_
vres
folkloriques", opo cit o p 1190
(3)
Mo GOBllI, idem, p 119 ; la présence d'une source écrite ou
enregistrée mettrait en cause la nouveauté o

- 235 -
La notion de nouveauté ainsi analysée constituerait
la preuve certaine de l'existence d'une création originale.
Cependant, outre le fait qu'il n'est pas le critère d'attribu-
tion des droiis d'auteur, le concept de nouveau.é cache à peine
les difficultés qui pourraient survenir dans sa mise en applica-
tion pour la protection du folklore.
Il implique
par exemple
une parfaite connaissance du
folklore ; or, dans le domaine de la propriété industrielle où
le concept de nouveauté constitue une condition de protection,
la recherche des antériorités s'est révèlée si fastidieuse qu'on
peut se demander si la recherche de la nouveauté d'une manifesta-
tion du folklore sera toujours possible.
En outre, l'analyse de M. Gobin ne semble bien cadrer
qu'avec la situation du folklore dans les pays industrialisés :
dans ces pays, le folklore a fait l'objet de collecte depuis si
longtemps qu'une nouveauté, en la matière, constitue un enrichisse-
ment. La perte aurait en effet été perceptible si l'artiste n'avait
pas révèlé son art. La nouveauté d'une manifestation du folklore
dans ces conditions se vérifie assez facilement, le folklore n'é-
tant plus en pleine évolution. Là, par contre, où persistent les
milieux folkloriques traditionnels, les manifestations du folklore
seront encore vivaces dans les esprits et le mérite de l'artiste
plus dissimulé.

- 236 -
Toutefois, M. Gobin introduit une notion qui apporte
plus de raffinement à son analyse (1) ; en ce qui concerne le
folklore musical, il fait la différence entre le folklore véhi-
culé selon des formes invariables et celui véhiculé selon les
modes de l'improvisation. Dans le premier cas, "l'interprète doit
~tre présumé non auteur, sauf à lui de rapporter la preuve de la
nouveauté de l'oeuvre qu'il interprète" (2). Dans le second cas,
la présomption devrait jouer en faveur de l'artiste sauf à démon-
trer, par la théorie des variations lacunaires et des variations
créatrices, qu'il ne peut ~tre investi de la qualité d'auteur (3).
La notion d'improvisation a fait l'objet d'un arr~t
important dans l'affaire Manitas de Plata que nous allons main-
tenant analyser.
(1)
M. GOBIN : "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de
musique folklorique", op. cit. p. 119-120.
(2)
M. GOBJN, idem, p. 119.
(3)
Nous avons déjà évoqué cette théorie dans la comparaison
faite entre la création folklorique et la création savante
dans le domaine de la musique (cf. titre 1 de cette partie,
chapitre 1, section 1, pp. 58 et s. Nous l'utiliserons encore
dans nos commentaires de l'Arr~t MANITAS de PLATA (point sui-
vant).

- 2J7 -
B) - La solution jurisprudentielle française dans
l'Affaire Manitas de Plata.
L'affaire Manitas de Plata est intéressante à plus
d'un titre pour une analyse de la protection de l'artiste tradi-
tionnel (1) : d'une part, l'artiste dont la Cour de Paris constate
qu'il est incapable de lire la graphie d'une musique éditée, de
jouer ou de reproduire fidèlement toute musique déjà créée, y com-
pris la sienne, incarne une caractéristique de l'artiste tradition-
nel ; d'autre part, les circonstances de l'enregistrement effectué
par la Société Paris-Record et celles de son exploitation sont
typiques des situations que vivent les artistes traditionnels.
(1)
En fait d'affaires MANITAS de PLATA, il y en a eu deux: la
première qui n'est pas allée loin, a opposé l'artiste à la
Société Vogue et a été tranchée par le Tribunal de Commerce
de Montpellier, le 29 mai 1961. (Cette décision est inédite).
MANITAS de PLATA a assigné en contrefaçon la Société Vogue
pour l'édition d'un enregistrement de son groupe, faite sans
son autorisation. Le Tribunal, homologuant un rapport d'exper-
tise qu'il a demandé, condamne la Société défenderesse, atten-
du que "le disque litigieux n'est pas une imitation servile
d'une musique tombée dans le domaine public" et que "les
demandeurs ont, avec plus ou moins de science et de musica-
lité, créé
de toutes pièces une série de fandangos, de chants
et danses gitanes dont ils sont les auteurs compositeurs".
La seconde affaire que nous analysons dans ce passage oppose
l'artiste aux Sociétés d'Edition de disques de Paris-Record
et Stéréo-Press.

- 238 -
L'exposé des faits rapporte, en effet, que c'est lors
1
d'un pélerinage des gitans aux Saintes Marie de la Mer que Manitas
de Plata a interprèté à la guitare un certain nombre d'airs de mu-
sique qui furent aussitet enregistrés par un préposé de la Société
Paris-Record (1)0 L'artiste reçut une rémunération forfaitaire puis
les enregistrements furent conservés jusqu'à ce que ce dernier
devienne célèbreo Le moment venu, la Société Paris-Record entreprit
la publication d'un disque "Manitas de Plata"o
L'artiste, après une instance en référé devant le ~ribunal de Gran-
de Instance de la Seine, a engagé une
autre
au fond devant le
m~me tribunal (2), aux fins de faire dire que les Sociétés Paris-
Record et Stéréo-Press, ayant procédé à l'enregistrement du disque
litigieux sans son autorisation ont violé ses droits d'auteur.
Les décisions ayant sanctionné cette affaire sont les suivantes
(1)
Cas.
1ère cho civ., 1er juillet 1970, Do 1970, po 7350
(2)
Lorsque la Société PARIS-RECORD envisage la publication du
disque "Manitas de Plata", l'artiste obtient du Président
du Tribunal de Grande Instance de la SEINE la saisie des
disques à l'usine de la Société stéréo-Press. Cette décision
sera cependant frappée d'une
mainlevée
par ordonnance, le
la Mai 1967 (RoloDoA. nO 56, po 131), le juge ayant douté de
la qualité. d'auteur de MANITAS de PLATA au sens des articles
3 et 4 de la loi du II mars 1957.

- 239 -
Le Tribunal de Grande Instance condamne les Sociétés
défenderesses attendu que "l'audition des airs de Manitas de Plata
démontre au contraire au Tribunal que, ainsi qu'il en fftt allé par
exemple en matière de jazz ; l'artiste apporte son empreinte per-
sonnelle en improvisant, sur un thème donné de variation, une
oeuvre marquée de sa personnalité" (1).
Les Sociétés Paris-Record et Stéréo-Press interjettent
alors appel, arguant que Manitas de Plata n'est qu'un simple exé-
cutant, qui se borne à répéter le folklore espagnol, donc qui ne
peut prétendre à la protection de la loi du II mars 1957.
La Cour d'Appel deboute toutefois les demanderesses au
motif que, bien que l'artiste ait pris son :inspiration "dans les
s~ccédanés de l'ancien Cante Jondo, chants primitifs populaires
espagnols", son :interprétation n'en constitue pas une reproduction
:intégrale et servile (2). "Dès lors que la reproduction servile,
sanctionnée depuis l'affaire Boyer, ne peut @tre prouvée, il con-
vient de s'interroger sur la nature de l'oeuvre litigieuse" (3).
(1)
Trib. Gr. Inst. de la Seine, 19 janvier 1968, RIDA, nO 56
p. I31.
(2)
Cour d'Appel de Paris, 1er juillet 1968, RIDA, nO 58, p. 247.
(3)
M. GOBJN, "Le folklore musical", op.
cit. p. 83.

- 240 -
La Cour d'Appel, dans son arrêt, qualifie Manitas de
Plata d'auteur, au motif que non seulement il assortit d'un accom-
pagnement les morceaux qu'il exécute, ce qui est une oeuvre per-
sonnelle, "mais que ces morceaux, fandangos, chants et danses gi-
tanes sont créés par lui de toutes pièces, avec plus ou moins de
musicalité, de personnalité et de sensibilité, sur la base de
formules rythmiques particulières à la musique de danse de type
espagnol, soutenant de médiocres mélodies du même type" (1).
Les Sociétés Paris-Record et Stéréo-Press se pourvoient
alors en cassation (2) : leur second moyen fait appara1tre claire-
ment le problème juridique tel qu'il se pose: les Sociétés deman-
deresses reprochent à la Cour d'appel d'avoir reconnu la qualité
d'auteur à Manitas de Plata "alors que ses oeuvres musicales ne se
distingueraient d'une autre oeuvre, en l'espèce le flamenco, que
par des variantes ou des différences de détail que les juges du
fond avaient eux-m~mes reconnu que les morceaux de musique de Manitas
de Plata étaient exécutés sur la base de formules rythmiques parti-
culières à la musique de danse folklorique et populaire espagnole
que la mélodie et le rythme constituant les éléments essentiels
d'une oeuvre musicale, i l ressortirait des constatations mêmes de
l'arrêt que l'oeuvre de Manitas de Plata ne présentait pas un ca-
ractère original ••• "
(1)
Cour d'Appel de Paris, 1er juillet 1968 (décision déjà citée)
(2)
C. Casso 1ère ch. civ. 1er juillet 1970, D. 1970 p. 734 ;
note EDELMAN ; voir également dans J.C.P. 1970 IV. 229 ;
RIDA nO 68 p. 210 ; rev. trim. dr. corn. juillet-septembre
1971, p. 706, obs. DESBOIS.

- 241 -
L'argumentation ainsi développée peut se résumer a une
seule question : -"une oeuvre musicale peut-elle ~tre considérée
comme originale lorsqu'elle emprunte à une oeuvre antérieure ses
éléments essentiels tels que la mélodie et le rythme ?" (1).
M. Edelman formule cette m~me question de la façon sui-
vante: "qu'en est-il de l'originalité de variations sur un cane-
vas" donné? Autrement dit, la mélodie antérieure et la formule
rythmique peuvent-elles devenir accessoires et les variations essen-
tielles" ? (2).
La jurisprudence française ne s'était jamais, avant
l'affaire Manitas de Plata, prononcée directement sur la nature de
l'improvisation, lit-on dans la doctrine (3). La Cour de Cassation
n'apporte toutefois pas d'éléments nouveaux au débat, puisqu'elle
se retranche derrière l'appréCiation souveraine des juges du fond
'~ttendu qu'ayant ainsi nécessairement admis que l'oeuvre de Manitas
de P~ata, traitée par son auteur suivant. son tempérament et son
style propre qui en font une composition véritable, présentait
un caractère original, les juges d'appel ont décidé "qu'elle réa-
lisait une créàtion personnelle", que cette appréciation est sou-
veraine et échappe au contr8le de la Cour de Cassation".
(1)
M. GOBJN, "Le folklore musical", op. cit. p. 84.
(2)
M. Bernard EDELMAN, note sous l'arr~t de la Cour de Cassa-
tion du Ier juillet I970, D. 1970, po 734.
(3)
M. GOBIN, idem, po 84 ; M. EDELMAN, opo cit. p. 7370

- 242 -
Après l'exposé des décisions qui ont sanctionné
l'affaire Manitas de Plata, il convient maintenant d'analyser
leurs apports à la solution du problème de protection de l'artiste
traditionnel.
M. Gobin écrit que la doctrine, dans sa majorité, a
accueilli favorablement la décision de la Cour de Cassation (1).
La qualification du r8le de Manitas de Plata balance entre l'in-
terprétation et l'improvisation. Les arguments développés dans
la doctrine ne permettent toutefois pas au profane en matière de
musique que nous sommes, de percevoir clairement le rapport entre
ces deux concepts (2).
Selon H. Desbois, "qu'il y ait improvisation ou non,
les juges ont à rechercher si le demandeur a révélé un apport per-
sonnel qui dépasse les limites de l'interprétation, comme telle
asservie à 1'oeuvre interprétée" (3).
(1)
H. DESBOIS : Encyclopédie Dalloz 1974, T.V. Prop. lit. art.
nO 83, p. 92 ; la Cour de Cassation "donne ses lettres juri-
diques à l'improvisation" écrit M. EDELMAN. op. cita p. 736 ;
MM GAUTREAU
(op. cita p. 28)et PLAISANT(Jurisclasseur prop.
lit. et art. Fasc.4 nO 70),se retrouvent tous dans cette
position.
(2)
La question se complique d'autant plus que dans la doctrine
on s'évertue à démontrer le r8le créatif de l'interprète:
III., ~AUTREAu, op.' ~i1;. pp. 217 et s"
M. Ernest Ansermet "La
musl,que et son execution", R.I.D.A. nO 27, avril 1960, p.61.
(3)
H. DESBOIS : Encyclopédie Dalloz, op. cita p. 92.

- 243 -
Monsieur Edelman apporte plus 'de précision: "dans l'hy-
pothèse de l'improvisation, la mélodie et la base rythmique ne
jouent qu'un rôle accessoire, et le développement des harmoniques
devient l'essentiel, la dominante de la structure musicale" (1).
Il donne comme exemple d'improvisation le jazz dans lequel "l'im-
provisation est commandée par la structure du thème traité, sa
mélodie et m~me sa forme harmonique sur une formule rythmique de
base. Un soliste peut paraphraser le thème -c'est-à-dire évoquer
la mélodie dont il procède- et improviser librement sur les har-
moniques du thème, lequel ne joue alors que le r81e de simple
canevas" (2).
Cette analyse de M. Edelman qui corrobore la décision
des juges dans l'affaire Manitas de Plata, suscite cependant les
critiques de M. Gobin : ce dernier remarque qu'en matière de
folklore musical fondé sur l'improvisation, la qualité d'auteur
de l'interprète peut ~tre plus facilement retenue que pour la
partie du patrimoine musical folklorique qui ne se développe pas
sur les modes de l'improvisation (3) ; mais même dans ce cas,
l'intéressé demeure sceptique.
(1) : M. EDELMAN, op. cit. p. 737.
(2) :Idem.
(3) : M. GOBE, "Le folklore musical", op. cit. p. 85.

- 244 -
La solution adoptée par les juges tend à conférer à
chaque interprète du folklore procédant par improvisation la
qualité d'auteur. Il est en effet, évident que chacun d'eux fait
passer sa personnalité dans sa prestation; en outre, la preuve
de la reproduction servile ne peut ~tre administrée qu'à partir
d'une oeuvre antérieurement fixée (I).
Il Y aurait danger cependant à étendre à tous les in-
terprètes du folklore musical la qualité d'auteur. "En fait, il
apparaît que les juges du fond ne se soient pas suffisamment préoc-
cupés de la nature de la musique soumise à leur appréciation et
n'ont pas approfondi les éléments constitutifs de l'improvisation
litigieuse" (2). L'erreur proviendrait, selon M. Gobin,de la déci-
sion du Tribunal de Grande Instance qui a fait le rapprochement
entre l'improvisation "flaImnco" et celle du jazz. Il aurait ainsi
faussé le débat car les deux musiques ne peuvent ~tre assimilées
l'une à l'autre (3).
Ayant recours à la distinction''Variations lacunaires"et
"variations créatricesll,M. Gobin démontre que dans la musique que
les juges eurent à apprécier, "les variations, développements et
(1)
Cette dernière remarque rev~t une importance capitale dans
le cas spécifique de la protection de l'artiste traditionnel
en effet, ce dernier travaille toujours à partir de la tra-
dition orale et il ne saurait alors ~tre question d'apporter
la preuve d'une reproduction servile. Le critère de repro-
duction servile semble donc conçu pour les oeuvres fixées.
(2)
M. GOBIN
: "Le folklore musical", op. cit. p. 86.
(3)
Idem.

- 245 -
accompagnements ne sont qu'accessoires car, quels qu'ils soient,
la force de la matrice musicale folklorique est telle qu'elle est,
toujours reconnaissable". à tel point qu'au cas particulier,
aucun spécialiste ne sera dépaysé, Il reconna1tra avec facilité
les plagiats de l'artiste,la dégénérescence des styles utilisés" (1),
C'est alors vers la qualification d'interprète que s'o-
riente cette analyse; l'avocat de la défense, dans l'affaire
Manitas de Plata n'avait-il pas énoncé : c'est le style et la
manière de l'artiste, c'est-à-dire son interprétation, qui pré-
sente un caractère original ?
La notion d'improvisation, à l'instar de celle de nou-
veauté proposée par M. Gobin, ne semble donc pas donner entière
satisfaction: outre le fait qu'elle he s'applique qu'au domaine mu-
sical et littéraire (2) ,elle ne constitue pas un fondement sftr de
la protection de l'artiste traditionnel, Il faut, en effet, ajouter
que les solutions dans l'affaire Manitas de Plata sont intervenues
alors qu'en France, le sort des interprètes se faisait plus préoccu-
pant qu'aujourd'hui: depuis la loi du J juillet 1985, il existe
une protection spécifique de ces derniers, qui aurait peut ~tre
(1)
M. GOBJN : "Le folklore musical", op. cit, p. 86. Sur les
notions de variations créatrices et de variations lacunaires
cf. supra ,pp.6r et s.
(2):,A propos d'improvisations en matière littéraire
nous pensons
,
,
a des oeuvres orales telle le discours improvisé.

-
246 -
fait que les juges, moins g~nés de refuser la qualité d'auteur
à Manitas de Plata, l'auraient déclaré interprète. C'est ce que
laisse penser par exemple la réflexion de M. Gobin selon laquelle
la solution dégagée par la Cour d'Appel en 1968, a résolu en partie
le délicat problème de l'interprète (1).
Par rapport à la règlementation de l'exploitation du
folklore, i l apparait que si tous les artistes traditionnels étaient
reconnus auteurs des oeuvres qu'ils exécutent, i l n'y aurait plus
de problème de protection du folklore;
donc, à chaque fois que la
qualité d'auteur sera établie au profit d'un artiste traditionnel,
les principes de la règlementation de l'exploitation du folklore
doivent ~tre écartés (2).
Le traitement de la protection de l'artiste tradition-
nel dans le cadre de la règlementation de l'exploitation du folklore
trouve toute sa justification dans le constat que, devant les diffi-
cuItés pour prouver sa qualité d'auteur, l'artiste traditionnel se
(1)
M. GOB.1N
: "Le folklore musical", op. cit. p. 85.
(2)
I l faut toutefois souligner que m~me dans cette hypothèse,
les liens privilégiés de l'oeuvre de l'artiste traditionnel
avec le patrimoine folklorique pourraient justifier des mesu-
res de sauvegarde telles qu'on en connait dans le commerce
des biens culturels o Des dispositions de ce genre portant sur
des oeuvres inspirées du folklore existent dans certaines lois
de pays en voie de développement. Nous les examinerons dans la
IIème partie de la thèse.

- 247 -
verra reconna1tre la qualité d 9interprète. C'est à cette conclu-
sion qu 9aboutit par exemple M. Gobin qui écrit
"Plus qu 9un droit
d 9auteur, c g est un droit de 19interprète qu 9il faut mettre en
oeuvre. Ce qui appartient à 19artiste, c g est son interprétation,
son style, sa couleur, son timbre ou son inflexion, le plus souvent
inimitables" (I).
Si 19artiste traditionnel quitte le camp des auteurs
pour celui des interprètes, son r8le le soumet alors aux principes
de la règlementation de l'exploitation du folklore.
Comme pour le cas de 19artiste traditionnel, il faut à
présent examiner les solutions du droit d 9auteur à la protection
du collecteur d'''oeuvres du folklore". Cet examen permettra la
confrontation de son activité aux principes de la règlementation
de l'exploitation du folklore.
(1)
M. GOBJN
: "Le folklore musical", op. cit. p. 87.
Cette conclusion à laquelle aboutit M. GOBIN peut cependant
surprendre: dans son autre article "Les interprètes, collec-
teurs et éditeurs de musique folklorique", il para1t alors
plus généreux à l'égard des interprètes du folklore;
il écrit
en effet que leur r8le dépasse dans certains cas celui de
l'interprète (cf. article précité p. II7). Toutefois, ce n g est
pas à la notion d'improvisation qu 9il a recours pour prouver
ce rele créateur, mais au concept de nouveauté. Le changement
de concept justifie peut-~tre le changement d'appréciation.

- 248 -
Paragraphe 2
Les fondements j~idiques des droits du collecteur.
Le Conseil International de la Musique Populaire, sur
la question du droit du collecteur, se prononce dans le sens sui-
vant : "Le Conseil considère que le collecteur devrait Iltre asso-
cié aux fruits de son travail et, par conséquent, approuve la pra-
tique qui voit le collecteur de musique comme le "premier proprié-
taire" de sa partition écrite ou de son enregistrement et lui accor-
de la m~me protection pour son oeuvre que celle qui lui ser,ait ga-
rantie par les lois de son pays pour une composition originale
ceci étant entendu comme représentant le droit pour le collecteur
de céder ses droits à des tiers par engagement contractuel" (1).
Nous sommes d'accord avec le Conseil International de
la Musique Populaire sur le fait que le collecteur doit Iltre asso-
cié aux fruits de son travail, mais quant au contenu de ces droits,
nous pensons utile d'introduire la remarque suivante : les droits
du collecteur ne peuvent ~tre définis sans tenir compte de la na-
ture de son "oeuvre" ; il faut, en effet, faire la distinction entre
le collecteur-reproducteur (A) et le collecteur-créateur (B) (2).
(1) : Résolution nO 6, Assemblée Générale de l'Institue Folk
M\\lSic Council
,1957 ,( citée par M. GOBIN ; "Le folklore
musical", p. lIO.
(2)
Pour
le
sens que nous donnons a ces deux expressions, voir
nos développements antérieurs pp. 225 ets.

- 249 -
A) - Les droits du collecteur-reproducteur.
"Il est certain que le collecteux-reproducteur, ciest-à-
dire l'enregistreur, doit être protégé contre une utilisation abu-
sive de son travail ••• mais, la question devient plus délicate lors-
quiil siagit de savoir si la protection de lioeuvre du collecteur
ressortit au droit diauteur" (1). Le collecteur-reproducteur réali-
se-t-il une oeuvre artistique ou littéraire ? Pour répondre à cette
question, il faut considérer deux hypothèses.
Sur une oeuvre déterminée, qu'elle soit transmise sous
une forme figée ou sous la forme d'improvisation, le travail dien-
registrement ou de filmage ne saurait conférer un droit diauteur
sur les éléments préexistants. Dans ces conditions, les droits des
collecteurs devraient être recherchés en dehors du droit d i auteur(2).
Par contre, lorsque le collecteur ne revendique pas des
droits sur une oeuvre déterminée mais sur une collection, il se
place dans la situation de Panthologiste : "Poeuvre du collecteur
pénètre la sphère du droit diauteur lorsqu'elle se présente sous
(1)
M. GOBJN : "Les Interprètes ,collecteurs et éditeurs de musi-
que folklorique", op. cH. p. 129.
(2)
C'est dans les droits voisins quiil faut rechercher les fon-
dements de la protection du collecteur ; nous le ferons dans
la sect ion III de ce chapitre
infra pp. 255 et s.

- 250 -
la forme d~\\IDe collection, d~\\ID recueil ou d~\\IDe anthologie" (1).
C'est alors le choix des éléments, leur disposition et leur agen-
cement que protège le droit d'auteur.
Les limites des droits du
collecteur sur l~oeuvre ainsi réalisée sont alors déterminées par
le régime de l~oeuvre dérivée.
Dans la jurisprudence française, par exemple, l~affaire
du "Pied qui r'mue" illustre clairement le problème des limites de
l'appropriation faite par les collecteurs. Dans la dite affaire,
les collecteurs
n'ont pas réalisé \\IDe collecte simple de la musi-
que, ils ont procédé à sa transcription, faisant alors oeuvre de
création. Cet exemple peut donc servir d~illustration
des limites
des droits du collecteur-reproducteur comme de ceux du collecteur-
créateur (2),
B) - Les droits du collecteur-créateur.
---------------------------------
Lorsque l'on se pose la question de savoir si le collec-
teur qui note ou transcrit fait oeuvre de création littéraire ou
artistique, la réponse est certainement oui:
contrairement au collec-
teur-reproducteur, le collecteur-créateur acquiert \\ID droit sur cha-
que oeuvre telle qu'il l~a notée ou transcrite. Toutefois, les limi-
tes de son appropriation apparaissent clairement car i l est auteur
(1)
M. GŒBJN
"Les interprètes, collecteurs etc,.," op.
cit.
p. 129.
(2)
On trouvera de plus amples renseignements sur cette affaire
dans les pages suivantes infra pp. 251 et s,

- 251 -
d'une oeuvre dérivée : il ne devient pas titulaire d'un droit pri-
vatif sur les éléments du folklore lui ayant servi de base pour sa
propre création. Titulaire de droits sur chaque oeuvre dérivée, le
collecteur-créateur peut en même temps être titulaire de droits
sur l'oeuvre que constitue son travail de choix, de disposition
et d'organisation, lorsqu'il réalise un recueil ou une anthologie.
Dans ce cas, non seulement la reproduction servile d'un élément du
recueil ou de l'anthologie est tributaire de ses droits, mais la
reproduction de l'oeuvre toute entière sans son autorisation cons-
titue une contrefaçon.
L'affaire du "Pied qui r'mue" contient les solutions
que nous avons ci-dessus développées pour les deux catégories de
collecteurs. Les faits sont les suivants : pour la réalisation
d'un recueil de chants populaires, un éditeur (Bouju), a recours
à deux collecteurs; ces derniers, sur le terrain, recueillent
paroles et musique de chants traditionnels, qu'ils notent, en
choisissant entre diversffiinterprétations proposées (1). Il en
résulte un volume complet , intitulé "Chansons
populaires de France",
publié avec le concours de Werkelin.
Le recueil ainsi réalisé sera la base d'autres activités
qui poseront le problème des droits des uns et des autres : en
l'espèce, un compositeur du nom d'Avenel, à la demande de Goubert
(entrepreneur de spectacles), compose sur l'air d'une ronde rapportée
(1)
L'activité de ces collecteurs, parce qu'elle laisse place à
la manifestation de leur personnalité, est créatrice d'oeuvre
au sens du droit d'auteur. Cette créativité se manifeste aus-
si-bien sur l'ensemble du recueil que sur chaque élément
qu'il comporte.

- 252 -
dans le volume "Chansons populaires de France", une chanson intitu-
l~e "Le pied qui r'mue".
Encourag~ par le succès de cette dernière chanson, un
deuxième
compositeur publie sur le même air, une imitation de la
chanson d'Avenel, intitul~e cette fois-ci "J'ai quelque chose qui
r'mue". Il
obtient par la suite de Boujou et de Werkelin le
droit de publier la ronde "Le pïèd qui r'mue" telle que rapport~e
dans le recueil de ces derniers.
Les faits ainsi relat~s provoquent deux affaires dites du "Pied
qui r'mue" mais l'examen d'une seule d'elles sUÎfit pour notre pro-
pos (i).
La première affaire oppose les deux compositeurs qui ont
tous utilis~ l'air de la ronde en question. Elle a connu deux pha-
ses dont la deuxième cadre mieux avec nos pr~occupations et fera,
pour cette raison, seule l'objet de nos d~veloppements (2).
Tralin qui, après la publication de sa composition a
acquis le droit de publier la ronde dans sa version originale
(c'est-à -dire telle qu'elle existe dans le recueil), assigne en
contrefaçon et concurrence d~loyale, Avenel, le premier compositeur.
Le Tribunal Civil de la Seine conclut qu'il n'y a ni contrefaçon ni
concurrence d~loyale car il n'y a pas eucopie servile de l'original
(1)
La partie de l'affaire que nous n'examinons pas a ~t~ d~fi­
nitivement tranch~e par la Cour d'Appel de PARIS le 25 novem-
bre 1865, (Pataille 1866 p. 18)) ; voir une analyse de cette
d~cision par M. GOBJN dans ses articles "Le folklore musical"
p. 80-81 et "Un siècle de jurisprudence en matière de folklore
musical" p. )
(2)
L'affaire commence en effet par le fait de GOUBERT qui, en
vertu des droits qu'il tient d'AVENEL assigne TRALIN en contre-
façon. Le Tribunal Correctionnel de la Seine le deboute de sa
demande (Trib. cor. Seine 6~ ch. 12-02-186), Pataille 1866,
T8I). GOUBERT interjette appel mais ne se pr~sente pas à l'au-
dience. Le premier jugement fut alors purement et simplement
confirm~. (Cour de PARTS, 22 mai 186), in~dit).

- 253 -
dans ses détails : "chacun a puisé dans le fonds commun accessible
à tous"(I)o La décision du Tribunal ci-dessus rapportée définit
clairement les limites de IVappropriation réalisée par l'acti-
vité des collecteurs sur la ronde en question: il s'agit dVune
appropriation relative, les collecteurs ayano réalisé une oeuvre
dérivée à partir d'une oeuvre ici tombée dans le domaine public (2)0
(1)
Tribo civo de la Seine, 3è cho, 9 déco 1864, Pataille 1866,
po 1870
(2)
Cette solution répond indirectement à la question tranchée
dans la deuxième affaire du "Pied qui rVmue" et qui revient
à savoir si le premier publicateur dispose d'un droit pri-
vatif exclusif sur IVoeuvre publiée o La Cour dVAppel y a ré-
pondu dan SGn arrllt du 25 novembre 1865 que, "considérant que
les chansons populaires sont dans le domaine public, puisque
leur caractère distinctif est dVappartenir à tout le monde et,
par conséquent, de pouvoir être publiées par tout le monde,
que celui qui publie le premier une chanson populaire, nVayant
pas plus de droits quvun autre à faire cette publication, ne
peut dès lors puiser dans ce fait le principe dVaucun droit
privatif ".

- 254 -
Après avoir, par l'analyse du rôle de 19artiste tradi-
tionnel et du collecteur, dégagé que ces derniers peuvent, dans
certains cas, faire oeuvre de création artistique et littéraire,
il était normal que 30ient recherchées dans le droit d 9auteur des
solutions à leur protection. Force est cependant de reconna1tre
que ces cas ne seront pas toujours aisément reconnaissables : en
ce qui concerne 19 artiste traditionnel, ni le critère de. nouveauté
ni la notion d'improvisation ne semblent d 9application s~e. Quant
au cas des collecteurs, il appara1t que le droit d'auteur, non
seulement ne les protège pas tous, mais encore que ceux qu 9il pro-
tège ne réalisent qu'une appropriation relative.
La protection de 19 artiste traditionnel et des collec-
teurs d'''oeuvres du folklore" déborde donc du cadre du droit d 9 _
auteur. C'est la raison pour laquelle il faut examiner dans la
section suivante les solutions des droits voisins.
x
X
X
X

- 255 -
SECTICN III
LES saunIONS DES DROITS VOISINS.
LVexamen du travaï~ des éditeurs, des collecteurs et des
artistes traditionnels a orienté la recherche des règles pour leur
protection juridique vers deux institutions : le droit dVauteur et
les droits voisins. Ayant exposé dans la section précédente les
situations où le droit dVauteur pouvait ~tre évoqué, il convient
maintenant de rechercher les solutions quVoffrent les droits voisins.
LVexposé des préoccupations des éditeurs (I) a montré que
ces derniers recherchent la sécurité de leurs opérations plut8t que
la reconnaissance à leur profit de la qualité dVauteur. Nous avons
par conséquent émis des réserves quant à la solution proposée par
Monsieur Gobin de leur reconna1tre, dans certaines conditions, un
droit privatif dans le cadre du droit dVauteur (2).
Quant aux collecteurs, IVexamen de leur r81e a montré que
lorsque leur travail ne réalise pas une oeuvre susceptible de protec-
tion par le droit dVauteur, ils demeurent de simples reproducteurs.
Monsieur Gobin estime quVils pourraient bénéficier de droits voi-
sins (3).
(I)
Cf nos développements antérieurs, section l, paragraphe 2 de
ce chapitre, supra, pp. 227.
(2)
Toutefois, IVéditeur, compris
non pas comme cessionnaire de
droits d'auteur, mais comme fabricant de supports d Voeuvres ,
devrait trouver une protection dans le statut des producteurs
de phonogrammes et de Vidéogrammes. Il faut alors relever que
les droits voisins ne protègent, parmi les fabicants de sup-
ports dVoeuvres de IVesprit, que le producteur de phonogrammes
et de Vidéogrammes. LVéditeur de livres nVest pas par conséquent
visé par les droits voisins.
(3)
M. GaBIN: "Les interprètes, collecteurs et éditeurs de musique
folklorique", op. cita p.I3I, note 24.

- 256 -
L'orsqu'on se pose la question de savoir à quelle catégorie de
bénéficiaires des droit voisins il faut les assimiler, on ne peut
penser qu'aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Il faut
alors vérifier si les collecteurs peuvent ~tre considérés comme des
producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes pour les fixations
d'''oeuvres du folklore" qu'ils effectuent. (paragraphe I)
Enfin, l'artiste traditionnel, quand i l n'est qu'un
simple interprète, devrait se tourner aussi vers les droits voisins,
à savoir vers les règles qui organisent la protection de l'artiste
interprète ou exécutant.
(paragraphe 2)
_ _ _ _ _ 0
_

- 257 -
Paragraphe l
Le collecteur et les bénéficiaires des droits voisins.
Il convient de préciser que dans ce paragraphe, nous trai-
tons du collecteur-reproducteur qui, parce qu'il ne réalise pas une
création artistique et littéraire, ne peut prétendre à la protection
du droit d'auteur (I). Dans le contexte du folklore, il joue son
raIe à partir d'un matériau qui n'a jamais été fixé (2). Il faut
ajouter qu'il peut agir de sa propre initiative ou travailler en
tant qu'employé.
Notre réponse à la question de savoir si le collecteur
fait partie des bénéficiaires du statut de producteur de phonogram-
mes et de vidéogrammes ou non sera apportée à travers l'examen de
la Convention de Rome et de la loi française du 3 juillet 1985 (3).
Il sera d'abord question de la définition de la notion de produc-
teur de phonogrammes ou de vidéogrammes, (A) dont nous verrons
ensuite qu'elle ne manque pas d'ambiguïté. (B)
(I)
Cf supra,
p. 226.
(2)
Sous l'angle de la protection des producteurs de phonogrammes
et de vidéogrammes, il va sans dire que seule la fixation
directe par enrégistrement ou filmage est prise en compte.
L'orsque le collecteur envisage l'édition papier, il utilise
des techniques telles la transcription, la traduction ou la
notation, qui lui assurent une appropriation relative des
oeuvres collectées dans le cadre du droit d'auteur.
(3)
La référence à la Convention de Rome sur les droits voisins
et à la loi française de 1985 , dans ce paragraphe comme dans
le paragraphe suivant se justifie par les raisons suivantes :
la Convention de Rome est le texte international de référence
en matière de droits voisins ; quant à la loi française de
1985 , elle est censée avoir profité des critiques de la doctri~
ne à l'égard de la dite convention, et avoir tenu compte des
solutions jurisprudentielles françaises intervenues avant 1985.
Nous vérifierons cela dans le survol que nous ferons du statut
de l'artiste interprète ou exécutant dans la loi française de
1985. Cf paragraphe suivant, infra, pp. 271 et s.

- 258 -
L'article J alinéa b de la Convention de Rome dispose
on "entend par "phonogramme" toute fixation exclusivement sonore de
sons provenant d'une exécution ou d'autres sons".
Le phonogramme est défini comme "une fixation, ce qui
signifie que dès le moment où une prestation est fixée, elle est
admise au bénéfice de la protection. La question de savoir si elle
doit ~tre suivie ou non de la confection d'exemplaires et de mise de
ceux-ci à la disposition du public n'entre pas ici en ligne de comp-
te : dès sa réalisation, l'enrégistrement original est protégé" (1).
Quant au producteur de phonogrammes, c'est la "personne-
physique ou morale qui, la première, fixe les sons provenant d'une
exécution ou d'autres sons", aux termes de l'article J alinéa c de
la m~me convention.
Les articles correspondants de la loi française du J
juillet 1985 sont les articles 21 §I et 26 §2, qui définissent res-
pectivement le producteur de phonogrammes et le producteur de vidéo-
grammes (2).
(1)
"Guide de la Convention de Rome et de la Convention phonogram-
mes", O.M.P.I., 1981, nOJ.6, p.28. Dans nos développements à
venir, nous appellerons ce document tout simplement "Guide de
la Convention de Rome".
(2 )
Article 21 §I : "Le producteur de phonogrammes est la personne,
physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de
la première fixation d'une séquence de sons".
Article 26 §I : "Le producteur de vidéogrammes est la per-
sonne, physique ou morale, qui a l'initiative et la respons~b~­
lité de la première fixation d'une séquence d'images, sonorlsee
ou non".

- 259 -
Ces dispositions mettent l'accent sur l'impulsion et la responsabi-
lité de la personne, physique ou morale devant ~tre qualifiée de pro-
ducteur.
A ce stade de nos développements, la question qui se pose
est celle de savoir si le collecteur peut ~tre qualifié de produc-
teur de phonogrammes ou de vidéogrammes, selon l'article 3 alinéa c
de la Convention de Rome et les articles 21 §I et a; §I de la loi
française du 3 juillet 1985.
L'article 3 alinéa c de la Convention de Rome, contraire-
ment aux dispositions correspondantes de la loi française, ne fait
pas mention de l'impulsion et de la responsabilité du producteur.
A ce titre, ce texte para1t plus large; mais, i l résulte des tra-
vaux préparatoires de la Convention que si les sons ont été fixés
par un employé au cours de son travail, le producteur de phonogram-
mes sera l'employeur, fftt-il une personne morale (1).
Selon la Convention de Rome donc, comme selon la loi
française, lorsque la personne qui réalise la première fixation de
l'oeuvre le fait sous la responsabilité d'autrui, c'est ce dernier
qui a la qualité de producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes (2).
(1)
Guide de la Convention de Rome, opo cit o po29o
(2)
De nombreux techniciens sont alors exclus de la qualité de pro-
ducteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ; ce que n'aurait
pas permis la formulation de l'article 19 du projet de la loi
française. Mo CO LOMBET, op. cito po402, arrive à cette conclu-
sion en comparant les articles 21 §I et 26 §I, aux articles
correspondants dU projet: selon l'article 19 §2 du projet de
loi, "est regardée comme producteur de phonogrammes, la person-
ne, physique ou morale qui, la première, fixe une séquence de
sons, quels que soient le procédé de fixation, la nature du
support et la première destination de la fi+ation"o
L'article 26 §I du projet était rédigé dans la m~me forme
q~e l'article 19 §2 sus indiqué , à propos du producteur de vi-
deogrammes.

-
260 -
grammes et de vidéogrammes.
---------------------------
Afin d'approfondir notre analyse sur la question de savoir
si le collecteur d' "oeuvres du folklore" peut être assimilé à un
producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, formulons l'hypothè-
se suivante: admettons que le Musée de l'Homme, par l'intermédiaire
de son Département d'Ethnomusicologie', envoie sur le terrain un cher-
cheur, qui réalise la collecte, par enrégistrement, de musique popu-
laire traditionnelle (1).
L'application du critère de responsabilité et d'initia-
tive de la fixation écarte d'office le chercheur-collecteur, de la
qualité de producteur de phonogrammes. Le problème devient toutefois
plus complexe lorsqu'on s'interroge sur les aptitudes du Musée à
revendiquer cette qualité sur les oeuvres collectées.
Les expressions "producteur de phonogrammes" et "produc-
teur de vidéogrammes" ne manquent pas d'ambiguïté
Le rédacteur du Guide de la Convention de Rome écrit : la
qualification du producteur de phonogrammes se base "sur la notion
de priorité dans l'opération de fixation des sons et l'accent est
(1)
Les oeuvres collectées par le Musée peuvent par la suite faire
l'objet de publication sous forme de disques, (d'où l'existen-
ce d'une collection dite ''Musée de l'Homme / CNRS), ou demeurer
simplement accessibles au public dans les services du Musée
ou même servir uniquement pour les besoins des chercheurs.
Nous avons obtenu ces informations lors d'un entretien
avec M. PITTOEF, un checheur de la Section d'ethnomusicologie
du Musée de l'Homme.

- 261 -
mis sur l'activité industrielle et non personnelle" (1)0
En outre, l'exposé des motifs de la loi française de 1985
énonce
"quant aux producteurs, ce sont les personnes physiques ou
morales qui prennent l'initiative et la responsabilité de la produc-
tion d'une oeuvre et qui en assurent donc les risques économi-
ques" (2). Dans cette dernière définition, il ne s'agit plus de
personne physique ou morale prenant l'initiative et la responsabili-
té de la première fixation d'une oeuvre, mais de personne assurant
sa product iono
A ce stade de la réflexion, la question qui se pose est
la suivant e : les not ions de "product eur de phonogrammes" et de
"producteur de vidéogrammes" renvoient-elles uniquement à l'activité
économique ou industrielle de production d'oeuvres?
Monsieur Gautreau semble répondre par la négative :
"est considé comme producteur de phonogrammes, toute personne qui,
pour la première fois, enrégistre l'exécution d'une oeuvre musicale,
quelles que soient la destination de l'enrégistrement réalisé et
l'exploitation commerciale qui s'ensuito Entrent dans cette catégo-
rie l'organisme de radiodiffusion, l'éditeur phonographique ou l'en-
trepreneur de spectacles qui effectue un enrégistrement pour ses
propres besions" ())o
(1)
Guide de la Convention de Rome, op. cito p.28. C'est en vertu
de la deuxième partie de l'ana~se rapportée, que le m~me com-
mentateur démontre le refus par la Convention, d'attribuer la
qualité de producteur à la personne qui réalise la première
fixation d'un phonogramme en tant qu'employé.
(2)
Exposé des Motifs, loi du) juillet 1985, R.I.D.A. nOI27 ,
ppoI68-169.
())
Mo GA UTREA U, op. cito po)))o

- 262 -
En outre, Monsieur Colombet, à propos de la modification
apportée par le Sénat à liarticle 19 du Projet de la loi française
écrit : "le législateur a aussi préféré supprimer ce qui avait été
prévu initialement, toute allusion aux divers procédés de fixatio~
à la différente nature des supports et à la première destination de
la fixation, précisions inutiles du fait de leur évidence" (1).
Liévidence des mentions supprimées peut 5tre comprise
comme l'exclusion par exemple de tout critère professionnel dans la
définition du producteur de phonogrammes et de vidéogrammes. Ainsi,
la première destination de la fixation importe peu pour que son
auteur ait la qualité de producteur.
En effet, les définitions données pp.r la Convention de
Rome et par les articles 21 §1 et 26 §1 de la ~Ol rrançalse ne
comportent aucune mention de la nécessité, pOl~' le producteur de
phonogrammes ou de vidéogrammes, de publier la fixation. Une telle
mention dans la Convention aurait d'ailleurs été très restrictive
puisqu'elle aurait exigé du producteur d'un phonogramme qu'il le
mette à la disposition du public en quantité d'exemplaires suffi-
sante (2).
(1)
M. COLOMJ3ET, op. cit. p.403.
(2)
L1 article(3 d) de la Convention de Rome définit la publication
comme la mise à la disposition du public, d'exemplaires d'un
phonogramme en quantité suffisante; par contre, selon la con-
ception française de la notion de publication en matière de
droit d'auteur, la mise en circulation d'exemplaires du phono-
gramme n'aurait pas été indispensable à sa publication. Elle
aurait pu par exemple se faire par simple radiodiffusion.

- 263 -
La notion juridique de producteur de phonogrammes ou de
vidéogrammes se révèle donc plus large que celle, économique de
producteur d'oeuvres. Nous concluons par conséquent que le collec-
teur, personne physique ou mora~e, ~orsqu'il met tout en oeuvre pour
réaliser la première fixation d' "oeuvres du folklore", produit un
phonogramme ou un vidéogramme pour lequel i l mérite d'gtre protégé
du pillage des tiers. Lui-aussi a engagé des frais, bien que la no-
tion de risques économiques ne peut vraiment gtre évoquée que s'il
entreprend l'exploitation commerciale de son phonogramme ou de son
vidéogramme. Il convient toutefois de préciser que cette catégorie
de producteurs de phonogrammes ne peut pas revendiquer certaines
prérogatives qui ne sont dévolues qu'aux seuls producteurs de phono-
grammes publiés à des fins de commerce (1).
Avant de nous interroger sur les responsabilités du col-
lecteur, producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, vis à vis
de la règlementation de l'exploitation du folklore, examinons le
sort de l'artiste traditionnel.
(1)
Les prérogatives en question sont celles qu'offrent les arti-
cles 12 de la Convention de Rome et l'article 22 de la loi
française du 3 juillet 1985, articles relatifs à la rémunéra-
tion à l'occasion des utilisations secondaires. Le droit a
rémunération n'est ici acquis que pour les phonogrammes
connnerciaux.
La qualité de producteur de phonogrannnes ne perd toute-
fois pas son intérgt pour le Musée de IIHomme par exemple qui,
en vertu de llarticle 10 de la Convention de Rome, jouit du
droit d'autoriser ou d1interdire la reproduction de ses phono-
grammes. Les droits du Musée se trouvent-mgme renforcés dans
l'article 21 alinéa 2 de la loi française, qui étend le droit
exclusif à la mise à la disposition du public par la vente,
l'échange et le louage.

- 264 -
Pour une protection efficace de l'artiste traditionnel,
------------------------------------------------------
Lorsque se pose la question de la protection de l'artiste
traditionnel, il faut voir un début de solution dans le fait que
certains pays accordent une protection à 19artiste interprète en
général (1). Il convient donc de s'interroger sur les aptitudes de
l'artiste traditionnel à se prévaloir des droits voisins. (A)
Il ne sera toutefois pas suffisant de répondre à la question ci-des-
sus formulée; en effet, dans la doctrine, on s'accorde à dire que
la Convention de Rome, texte de référence à l'échelle internationale
sur les droits voisins, assure une protection imparfaite aux artistes
interprètes ou exécutants (2). Dans quelle mesure donc les droits
voisins pourraient-ils servir d'institution susceptible d'assurer
une protection efficace de l'artiste traditionnel? (B)
(1)
Au nombre des Etats qui assurent une protection aux artistes
interprètes ou exécutants, il faut citer ceux liés par la
Convention de Rome. A la date du 1er janvier 1988, ils étaient
32,Cf le Droit d'auteur, janvier 1988, p. 9.
(2)
M. GAUTREAU (op. cit. p.339), écrit que sauf l'opinion favora-
ble de Claude MASOUYE, l'Acte de Rome fut, sur ce point, criti-
qué par la plupart des spécialistes : H. DESBOlS le fait dans
sa contribution aux Mélanges SAVATIER, Paris, 1965, pp 0249-264,
et dans sa chronique au Dalloz 1964 pp.53 et s.("Les droits
des acteurs et des interprètes sur leur interprétation",
A. TOURNIER :"La Convention de Rome" in R.LD.A. n034 , janvier
1962 et M. BADINTER: "Le droit de l'artiste sur son interpré-
tation", in J .C.P. 1964, chronique, pp.184 et s., ont également
jugé insatisfaisant le statut juridique de l'artiste interprè-
te ou exécutant o
On peut ajouter les écrits récents de M. P. CHESNA1S
"La
Convention de Rome: vingt cinq ans après", Bull. du droit
d'auteur, Vol. 20 n04, 1986, pp08 et s. et de Mo Ao MILLE
"La Convention de Rome face à l'évolution de la technique et
du droit positif", Bull. du droit d'auteur, vol o 20, n04, 1986,
pp020 et So

- 265 -
A-) L'artiste traditionnel et les bénéficiaires des
-----------------------------------------------
droits voisins.
L'article J alinéa J de la Convention de Rome sur les
droits voisins Œonne de l'artiste interprète ou exécutant la défi-
nition suivante : "on entend par "artistes interprètes ou exécutants",
les acteurs, les chanteurs, musiciens, danseurs et autres personnes
qui représent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de
toute autre manière des oeuvres littéraires ou artistiques".
En premier lieu, il convient de relever que cette défini-
tion est très large: aucune distinction n'est établie par exemple
entre l'exécution d'une oeuvre protégée et celle d'une oeuvre tombée
dans le domaine public. Quel que soit donc le statut du folklore,
son interprète peut revendiquer la protection instituée par la
Convention de Rome.
Le caractère large de la définition sus indiquée est tou-
tefois diversement apprécié dans la doctrine : Monsieur Gautreau
estime que la définition de l'artiste interprète ou exécutant dans
la Convention de Rome consacre l'abolition de toute distinction
"tenant à l'importance de la contribution de l'artiste et son r8le
plus ou moins éminent dans l'exécution" CI). Ce n'est cependant pas
l'avis des auteurs de l'ouvrage : Les conventions internationales
du droit d'auteur et des droits voisins. Ces derniers écrivent que,
si libérale que soit la définition de l'article J; elle exclut les
figurants et les artistes de variétés.
CI)
M. GAUTREAU, op. cita p.JJ2.

- 266 -
Les premiers seraient écartés pour insuffisance de leur rale et les
seconds parce que "ne sont en principe pris en
compte par l' intrus-
ment diplomatique que les artistes qui exécutent une oeuvre" (1).
De critère de discrimination ci-dessus util~sé étant que
les figurants et les artistes de variétés, bien qu'artistes en leur
genre n'interprètent pas des oeuvres de l'esprit, on pourrait se
demander si les artistes traditionnels exécutent eux des oeuvres
au sens de la Convention de Rome.
Le texte de la Convention en question fait simplement
état d'interprétation ou d'exécution d'oeuvres artistiques ou litté-
raires ; mais "il a été expressément précisé dans le rapport général
des délibérations de 1961 que cette expression avait le même sens que
dans la Convention de Berne et dans la Convention Universelle sur le
droit d'auteur••• " (2). Or, comme le montreront nos développements a
venir, sans y être expressément mentionné, le folklore jouit d'une
protection dans la Convention de Berne (J). Les" oeuvres du folklo-
re" y sont par conséquent traitées comme des oeuvres artistiques ou
littéraires.
En outre, la question de savoir si les artistes tradition-
nels exécutent des oeuvres au sens de la Convention de Rome n'a pas
de conséquences inéluctables sur les législations nationales :
Ü)
MM~ D~BOIS, FRANÇON et lŒREVER, ouvrage précité, pp.J22-J2J.
VOlr.egalement dans ce. sens, le Guide de la Convention de Rome,
op. cit. p.26 nOJo2
(2)
Guide de la Convention de Rome, op. cit. p.26, §J.I
(J)
Cf IIè partie, titre I, inf'ra, pp. 296 et s.

- 267 -
l'article 9 du texte conventionnel dispose que "tout Etat contrac-
tant peut, par sa législation nationale, étendre la protection pré-
vue par la présente Convention à des artistes qui n'exécutent pas
des oeuvres littéraires ou artistiques" {I). Il serait souhaitable
toutefois, dans la perspective d'une protection de l'artiste tradi-
tionnel par la Convention de Rome, que soit spécifiquement mention-
née dans la définition des bénéficiaires des droits voisins, la
place de l'artiste interprète du folklore.
Il n'existe donc pas d'obstacle à l'assimilation de
l'artiste traditionnel à son confrère moderne. Cette solution est
d'autant plus intéressante qu'en l'absence de critère fiable
qui permette la mise en évidence de la qualité d'auteur de
l'artiste traditionnel (2), ce dernier verra son r81e confiné à
celui de l'interprète. Elle demeure toutefois aléatoire si les lacu-
nes reprochées au texte de référence des droits voisins ne sont pas
comblées par les législateurs nationaux.
(1)
Le législateur français, dans la loi du 3 juillet 1985, con-
formément à l'article 9 de la Convention de Rome, étend la
protection des droits voisins aux artistes de variétés ; il
la refuse cependant aux artistes dits de complément. (Sur les
motivations du législateur français, cf M. GUEGUEN : Les droits
des artistes-interprètes ou exécutants sur leurs prestations
en droit français, thèse, Paris 2, 1986, pp.562 et s.)
(2)
Cf nos développements antérieurs sur le critère de nouveauté
proposé par M. GOBIN et sur la notion d'improvisation, utilisée
dans l'Affaire Manitas de Plata: section 2, §I de ce chapitre,
supra PP.232 et s. et pp. 237 et s.

- 268 -
Les critiques à IVégard de la Convention de Rome portent
essentiellement sur l'assimilation pure et simple que ses rédacteurs
ont faite de IVartiste interprète ou exécutant aux producteurs de
phonogrammes
et aux organismes de radiodiffusion o Cette option a
eu pour conséquence
le refus d'un véritable statut de créateur
intellectuel à IVartiste interprète ou exécutant; d'où IVabsence
à son profit dVun droit moral (1) et dVun droit exclusif sur son
interprétation (2).
(1)
Les revendications d'Q~ droit moral au profit des artistes
interprètes ou exécutants partent du fait que leurs prestations,
"sans ~tre purement et simplement assimilables aux oeuvres
interprétées, sont singulièrement
plus proches de la création
littéraire et artistique que les enrégistrements et les émis-
sions"o Cf H. DESBOIS, "Les droits des acteurs et des artistes
sur leur interprétation", opo cit. p o254o Voir égalemnt dans
ce sens, M. GAUTREAU, opo cito po339 et Mo Antonio MILLE, opo
cito p o29o
Il va sans dire que l'absence dVun droit moral au profit de
l'artiste interprète ne constitue une lacune de la Convention
que pour les juristes de droit latin et germanique o Ces derniers
l'attribuent aux anglo-saxons qui ignorent le droit moral de
l'auteur tel que le consacre par exemple l'article 6 bis de
la Convention de Berne, à plus forte raison pour IVartiste
interprèteo Cf Mo GAUTREAU, opocit o po340 ; Ho DESBOIS, idem,
p.255.
(2)
C'est dans ce sens que IVon interprète, dans la doctrine, la
formule de l'article 7 de la Convention de Rome, selon laquel-
le la protection prévue en faveur des artistes interprètes ou
exécutants "devra permettre de mettre obstacle" à certains
actes faits sans leur consentement. Cf Guide de la Convention
de Rome, opo cito ppo41-42 , ainsi que Ma GAUTREAU, Opa cita
pa 340, et H. DESBOIS, "Les droits des acteurs et des inter-
prètes sur leur interprétation", 0pa cita pp.254-255a

-269-
L~ doctrine revendique, elle, que le statut juridique de
l'artiste interprète ou exécutant soit rapproché de celui de l'auteur
d'oeuvres artistiques et littéraires : Monsieur Rembe écrit que
"sur le plan artistique, ceux qui apportent la principale contri-
bution au processus de communication moderne sont les auteurs, d'une
part, et les artistes interprètes ou exécutants, de l'autre. Point
n'est besoin de déterminer qui de l'auteur ou de l'artiste interprè-
te ou exécutant vient "en premier", ni qui est le plus important.
L'un comme l'autre sont à l'évidence indispensables" (1). L'intéres-
sé trouve par conséquent injustifié le déséquilibre au niveau de la
protection actuellement offerte aux artistes interprètes ou exécu-
tants par rapport à celle dont jouissent les auteurs (2).
Le rapprochement du r81e de l'artiste interprète ou
exécutant à celui de l'auteur fait appara1tre dans les commentaires
de la Convention de Rome le paradoxe suivant : alors que les artistes
interprètes ou exécutants auraient mgme à faire valoir un titre de
créateur, les spécialistes de la propriété intellectuelle s'accordent
à reconna1tre qu'ils sont les "parents pauvres" de la Convention de
Rome (3) :
(1)
M. Rolf REMBE, '~uteurs et artistes interprètes ou exécutants
Une protection égale pour une contribution égale" ; Bull. dU
droit d'auteur, vol. 20 n04, 1986, pp.32-33.
(2)
Idem
(3)
H. DESBOIS écrit que les artistes interprètes ou exécutants
"réalisent eux-mllmes de leur propre personne l'interprétation,
tandis que les autres s'en remettent à des agents naturels
qu'ils mettent en mouvement et dirigent, du soin d'effectuer
l'enrégistrement ou l ' émission" ; voir 1'article de 1'intéres-
sé : "Le droit des acteurs et des interprètes sur leur inter-
prétation", op. cit. p.255.

-
270 -
la faiblesse de leur statut juridique se manifeste encore par rap-
port au droit exclusif reconnu aux autres bénéficiaires de la Con-
vention (1) et s'aggrave-m~me au profit des organismes de radiodif-
fusion (2)0
Dans ces conditions, le recours aux droits voisins, pour
la protection de l'artiste traditionnel implique le renforcement
du statut juridique de l'artiste interprète ou exécutant o En effet,
on peut estirnerqu6 si ce statut se révèle insuffisant pour. protéger
l'artiste interprète moderne, il le sera encore plus pour la protec-
tion de l'artiste traditionnel (3)0
(1)
Les articles 10 et 13 de la Convention de Rome, qui définis-
sent respectivement les droits des producteurs de phonogram-
mes et ceux des organismes de radiodiffusion, investissent ces
derniers d'un "droit exclusif d'autoriser ou d'interdire"o
(2)
L'article 7 de la Convention de Rome interdit, en principe,
la radiodiffusion et la communication au public de l'exécution
de l'artiste interprète ou exécutant; mais, i l consacre à
son alinéa(a) une dérogation au profit des organismes de radio-
diffusion, qui fait perdre à l'artiste interprète ou exécu-
tant le contrôle de l'utilisation de sa prestation par ces
organismes, dès lors qu'il consent à une première diffusiono
(3)
Nous avons en effet montré dans nos développements antérieurs
(supra po ~2~) que le rôle de l'artiste traditionnel dépasse
souvent celui de l'interprète moderne, du fait qu'il travaille
à partir de la tradition orale et non à partir d'un texte écrit.
En outre, dans la pratique, la situation se fait beaucoup plus
préoccupante pour les artistes traditionnels : ces derniers ne
sont pas organisés et, leur sort, lié à celui du folklore dont
le statut n'est pas clair, devient plus difficile à régler o

- 271 -
Du point de vue du renforcement du statut juridique de
l'artiste interprète ou exécutant, la récente loi française sur le
droit d'auteur et les droits voisins (loi du 3 juillet 1985), com-
porte des solutions fort intéressantes. Sans pouvoir nous étendre
sur les dites solutions,indiquons
néanmoins qu'elles consistent à
reconna1tre à l'artiste interprète ou exécutant un statut juridique
de créateur intellectuel (1). Il s'agit d'un droit nouveau de pro-
priété intellectuelle, distinct dé celui des auteurs et également
distinct des droits accordés aux producteurs de phonogrammes et de
vidéogrammes ainsi qu'aux organismes de radiodif.fusion (2).
La spécificité du statut de l'artiste interprète ou
exécutant par rapport à celui des autres auxiliaires de la création
artistique et littéraire est marquée par la reconnaissance à son
profit d'un droit moral (3).
(1)
Le législateur français consacre une longue évolution jurispru-
dentielle dont M. GUEGUEN fait le rappel historique dans sa
thèse précitée, pp.I83-I93. Cette loi consacre également les
vues de la doctrine sur le statut de l'artiste interprète ou
exécutant. Cf A. TOURNIER, op. cit. p.55 ; M. GAUTREAU, op.
cit. p.328.
droits
(2)
La différence desvvoisins dont jouissent les artistes inter-
prètes ou exécutants par rapport au droit d'auteur est expres-
sement affichée à l'article 15 de la loi du 3 juillet 1985,
qui dispose : "Les droits voisins ne portent pas atteinte aux
droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition du pré-
sent titre ne doit ~tre interprétée de manière à limiter
l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires".
(3)
L'article 17 de la loi française du 3 juillet 1985 dispose
"L'artiste interprète a le droit au respect de son nom, de sa
qualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et
illlprescript ible est attaché à sa personne ••• "

- 272 -
Enfin, le législateur français a comblé une des lacunes
de la Convention de Rome, en reconnaissant a l'artiste interprète
ou exécutant, un droit exclusif sur sa prestation (1).
Bien que dans la doctrine on ne soit pas encore entière-
ment satisfait des droits reconnus à l'artiste interprète (2), nous
pensons que le législateur français a ouvert une voie vers l'amélio-
ration de la protection de cette catégorie de créateurs intellectuels.
Dans ces conditions, i l ne nous semble plus inopportun que la protec-
tion de l'artiste traditionnel soit envisagée parallèlement à celle
de l'artiste interprète moderne.
Nous terminons l'étude des solutions qu'apporteraient
les droits voisins au problème de la protection des collecteurs et
des artistes traditionnels en situant brièvement leurs responsabili-
tés respectives par rapport à la règlementation de l'exploitation
du folklore :
(1)
L'article 18 dispose en effet : "sont soumises à l'autorisa-
tion écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa presta-
tion, sa reproduction et sa communication au public, ainsi
que toute utilisation séparée du son et de l'image de la pres-
tation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et
l'image ••• "
(2)
A propos du titre II de la loi française de 1985, consacré
aux droits voisins, M. CASTELAIN pense que ce qu'écrivait
DESJEUX à propos de la Convention de Rome pourrait être ap-
pliqué à ce titre : "Les bénéficiaires de la Convention de
Rome sont d'abord les auxiliaires de la création littéraire et
artistique" ; M. CASTELAIN ; "Les droits des artistes-inter-
prètes ou exécutant", R.I.D.A. nOI28, avril 1986, p.65.
L'intéressé fait ici allusion à l'article 19 alinéa l
de
la loi française de 1985 qui instaure une présomption de ces~
sion au profit de la personne qui s'assure le concours de
l'artiste-interprète pour la création d'une oeuvre audiovisuel-
le, ainsi qu'à son article 22 qui institue une licence légale
au profit notemment des organismes de radiodiffusion.

- 273 -
Le collecteur, producteur de phonogrammes ou de vidéo-
grammes, parce qu'il prend IV initiative de la fixation d' "oeuvres
du folklore", doit se conformer aux règles qui protègent ce patri-
moine. Lorsque les éléments collec~és doivent par exemple faire
l'objet d'Une édition, cette opération tombe sous le coup de l'obli-
gation d'obtenir une autorisation préalable et de payer une redevan-
ce (1). Le collecteur doit aussi se soumettre aux exigences d'ordre
moral (2).
Quant à l'artiste .traditionnel, il faut tenir compte du
fait que ce dernier influence directement l'évolution du patrimoine
traditionnel dont la survie dépend d'ailleurs de sa liberté d'action.
En tant qu'interprète, il travaille sous la responsabilité de son
employeur (collecteur, éditeur, entrepreneur de spectacles). Il
revient à ce dernier de se conformer à la règlementation de l'exploi-
tion du folklore, notament en ce qui concerne l'obtention des autori-
sations nécessaires et le paiement de la redevance. Toutefois, l'artis-
te traditionnel devrait demeurer responsable de l'intégrité et de
l'authenticité des éléments qu'il interprète; il doit respecter
"l'âme populaire" comme son employeur doit respecter l'interprétation
qu'il produit.
Les développements que nous venons de faire ont mis
en lumière la nécessité qui prévalait de définir, aussi clairement
que possible, les droits des auxiliaires de la création traditionnel-
le.
(1)
Cf supra ppo 184 et s.; pp. 195 et s.
(2)
Il s'agit essentiellement de l'indication de la source des
éléments collectés et du respect des oeuvres fixées. Cf supra
20b-2u'f.

-
2'(4 -
Il n'aurait pas été suffisant de définir les seuls principes de
base de la règlementatiJn, (ce que nous avons fait dans le premier
chapitre du titre II de cette première partie), car il faut considé-
rer la protection du collecteur et de l'artiste traditionnel comme
un complément nécessaire à la protection du folkloreo
Dans l'étude de cette protection, nos analyses ont
montré que les droits voisins s'y pr~tent mieux que le droit d'auteuro
La remarque, d'ailleurs pertinente, qui consistait à dire que cette
technique se révèle trop étroite parce que "le phénomène du folklore
ne se réduit pas à une interprétation ou à une radiodiffusion" (1),
tombe d'elle-même. En effet, à travers les principes de base que
nous avons définis, la reproduction du folklore n'échappe plus à la
règlementation.
L'étude, dans le titre II de cette première partie, de
la règlementation de l'exploitation du folklore constitue, à cet
égard, un élément important de la recherche d'une théorie juridique
pour la protection du folklore. A présent, nous pouvons examiner en
connaissance de cause, les solutions élaborées par les législateurs
nationaux et au sein des organisations internationales, que ces
solutions se réfèrent au droit d'auteur, au domaine public ou qu'elles
soient dites "sui generis".
(1)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/GEloI/2- poIl.

- l
-
TABLE DES MATIERES DE lA PREMIERE PARTIE
mTRODUCTION GENERALE.
CHAPITRE PRELIMmAIRE.
DEFmITION JURIDIQUE DU FOLKLORE.
8
SECTION l
:
MEANDRES D'UNE DEFmITION
9
§ l
Absence de critères fermes de délimitation
du folklore à travers les débats des folkloristes.
10
A
Définition du folklore selon les différentes
théories.
10
B
Définition du folklore selon ses formes
d'expression.
12
§ 2
Essais de classification par les juristes.
17
A
Folklore au sens large, folklore au sens
restreint.
17
B
Définition par énumération de produits.
20
C
Définition par énumération de critères.
23
a
Le critère de l'impersonnalité.
24
b
Le critère de l'anonymat.
28
c
Le critère traditionnel.
30
SECTION II
:
PROPOSITION D'UN CRITERE DE REFERENCE
lA CREATION mTELLECTUELLE o
32
§ l
Folklore et création intellectuelle.
33
§ 2
Protection du folklore et propriété intellectuelle
35
A
Protection du folklore et propriété industrielle.
36
a
: Opportunité d'une in~&~eAtion juridique.
37
b
Les modalités pratiques d'une intervention
juridique.
42

- I I -
B
Protection du folklore et propriété littéraire
et artistiqueo
46
PREMIERE PARTIE o
A lA RECHERCHE D'UNE THEORIE JURIDIQUE POUR lA PROTECTION
DU FOLKLORE.
50
TITRE 10
DU STATUT JURIDIQUE DU FOLKLOREo
53
CHA.PITRE 10
LE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR.
55
SECTION 1.
LE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR
:
LES OBSTACLES D'ORDRE
THEORIQUE LIES A lA NATURE DE lA CREATION FOlKLORIQUE.
57
§ l
Nature de la création folkloriqueo
58
A
Création musicale savante et création
musicale folklorique.
58
B
Place de l'individu dans la création
folkloriqueo
64
§ 2
Les exigences du droit d'auteuro
66
A
"oeuvres du folklore" et création artistique
et littéraireo
66
B
Exigence d'un auteur déterminé o
69
C
Exigence d'une création originale.
69
SECTION II.
LE REGIME DE L'OEUVRE DERIVEE ET SON APPLICATION AU FOLKLOREo
7I
§ l
Les conditions d'appropriation du folklore
et les limites de cette appropriation.
72
§ 2
Appréciation
une protection indirecte du
folklore.
77

- III -
SECTION III.
L'APPLICATION DES REGIMES DE L'OEUVRE ANONYME ET POSTHUME
SO
A LA. PROTECTION DU FOLKLORE.
§ l
Le régime juridique de lioeuvre anonym€
et son
application à la protection du folkloreo
80
§ 2
L'application du mécanisme de la publication
posthume à la protection du folklore.
S4
A
Opportunité du recours au régime de lioeuvre
posthume.
84
B
Notion de publication posthumeo
85
C
Titularité des droits de publication posthume.
93
§ 3 Appréciation : une protection au détriment des
communautés détentrices du folklore o
95
CHAPITRE II.
FOLKLORE ET OEUVRES DU DOMAINE PUELICo
100
SECTION 10
LE FOLKLORE FAIT-IL PARTIE DU DOMAINE PUELIC?
103
§ l
Notion 'de domaine publico
105
A
L'Etat et la propriété des oeuvres de liesprit
avant l'expiration du délai de protectiono
105
B
L'Etat et le domaine public artistique et
littéraire o
lOS
C
Le folklore et le domaine diEtat
110
§ 2
Incidence du concept de publication,
116
A
La notion de fonds commun et l'acception
restrictive du concept de publicationo
116
B
La notion de fonds commun et l'acception
large du concept de publication.
119
§ 3
Les réponses légales et jurisprudentielles
à la question du statut du folklore o
122
A
Les réponses légaleso
122
B
Les réponses jurisprudentielleso
124

- IV -
SECTION II.
IA PORTEE DE LVASSDIl1IAT1ON DES "OETNRES DU FOLKLORE"
A CELLES DU DOMAINE PUBLIC.
129
§ l
Les différents régimes des oeuvres du domaine
public.
nI
A
Justification du domaine public payant.
nI
B
Fondements juridiques du domaine public peyant.
n5
§ 2 ., Les incertitudes du recours au régime des
monuments historiques.
I40
A
Les critères de protection.
I4I
B
Effets sur l'utilisation des oeuvres protégées.
I45
§ )
Le recours au droit de propriété pour une
protection forte du folklore.
I48
TITRE II.
REGLEMENTATION DE L'EXPLOl.TATION DU FOLKLORE.
158
CHAPITRE I.
LES PRINCIPES DE BASE DE LA. REGLEMENTATION.
I6I
SECTION I.
CHAMP D'APPLICATION DE LA. REGLEMENTATION.
I62
§ l
Etendue du folklore.
162
A
Etendue dans l'espace.
162
a : Les différentes catégories d'oeuvres
en rapport avec le folklore.
16)
b
Le problème de la nationalité des
oeuvres du folklore.
I67
B
Etendue dans le temps.
170
§ 2
Diversité des circonstances et des formes
d'utilisation du folklore.
172
§ )
Diversité des formes d'atteinte à l'intégrité
et à l'authenticité du folklore.
174
a : Le plagiat comme forme d'atteinte à
l'intégrité du folklore.
174

- v -
b
Les appropriations indues du folklore.
178
c
Les amputations et les déformations dV"oeuvres
du folklore".
179
d
Le pillage culturel.
179
SECTION II.
CONTENU DE lA REGLEMENTATION.
182
§ l
Les limites à IV exploitation du folklore.
183
A
Les limites aux principes de la gratuité.
184
a
: Les utilisations soumises au paiement
de la redevance.
184
b
Le taux de la redevance et les modalités
de sa perception.
189
c : L'affectation de la redevance.
191
B
Les limites au principe de la liberté.
195
a
: La technique de l'autorisation préalable
convient-elle pour toutes les formes
d'utilisation du folklore?
195
b
La technique de l'autorisation préalable
et la liberté culturelle.
199
§ 2
Les infractions et les sanctions.
201
A
L'exploitation illicite du folklore.
202
B
Les exigences d'ordre moral.
204
C
Les sanctions et mesures conservatoires.
211
CHA.PITRE IL
LE DROIT DES ARTISTES TRADITIONNELS , DES COLLECTEURS ET
EDITEURS D v "OEUVRES DU FO IKLORE".
215
SECTION 1.
POSITION DU PROBLEME
219
§ l
: Le r8le de l'artiste traditionnel dans la
création folklorique.
219
§ 2
Le rôle du collecteur et de IV édi t eur d v "oeuvre
du folklore".
224
A
La nature du travail du cûll-ecteur d' "oeuvres
225
du folklore"
B
La nature du travail de l'éditeur d'''oeuvres
227
du folklore"

- VI -
SECTION II.
LES SOLUTIONS DU DROIT D'AUTEURo
231
§ l
: Les fondements juridiques des droits de
l'artiste traditionnel.
232
A
Solution doctrinale.
232
B
La solution jurisprudentielle française
dans l'Affaire Manitas de Platao
237
§
§ 2
Les fondements juridiques des droits du
collecteuro
248
A
Les droits du collecteur-reproducteur.
249
B
Les droits du collecteur-créateur.
250
SECTION III.
LES SOLUTIONS DES DROITS VOISINS.
255
§ l
: Le collecteur et les bénéficiaires des
droits voisinso
257
A
Définition de la notion de producteur
de phonogrammes ou de vidéogrammeso
258
B L e s ambiguités de la notion de producteur
de phonogrammes et de Vidéogrammes.
260
§ 2
Pour une protection efficace de l'artiste
traditionnel o
264
A
L'artiste traditionnel et les bénéficiaires
des droits voisins
265
B
Nécessité du renforcement du statut juridi-
que de l'artiste interprète ou exécutant.
268
x
X
X
X

UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE
ET DES SCIENCES SOCIALES DE PARIS (PARIS Il)
LA PROTECTION DES "EXPRESSIONS DU FOLKLORE"
PAR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
Vo LUlle
II
THE5E pour le DOCTORAT
de l'Université Paris II
(arrêté du 5 juillet 1984)
présentée et soutenue publiquement
par
Monsieur KouLiga NIKIEMA
le 7 juillet 1988
JURY
Directeur de thèse
Monsieur André FRANÇON
Professeur à l'Université de droit. d'économie
et de sciences sociales de Paris (Paris II)
Membresdu Jury
Mademoiselle Marie-Claude DOCK
Directeur principal. secteur de la Culture
et de la Communication. UNESCO
Monsieur André KEREVER
Conseiller d'Etat

IIÈME PARTIE
LES INITIATIVES DES ÉTATS ET DES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES POUR LA PROTECTION DU FOLKLORE

- 275 -
La première partie de notre recherche a porté sur
l'étude des élé~ents théoriques qui peuvent juridiquement fonder
la protection du folklore. Dans cette tâche, le premier obstacle
à SlUT.l0nter fut l'absence d'une réflexion théorique d'ensemble sur
la nature et le statut de la création folklorique.
La réflexion théorique était toutefois nécessaire pour
aborder et comprendre les initiatives des Etats et des organisations
internaticnales pour la protection du folklore, objet de la seconde
partie de notre étude. Cette dernière partie se veut donc pratique.
Elle comporte par conséquent l'exposé et l'analyse des solutions
d'ordre légal, adoptées en fonction de divers critères que nous nous
efforcerons de mettre en lumière.
L'orsqu'on aborde l'examen des initiatives étatiques et
des organisations internationales en matière de protection du
folklore, les remarques suivantes s'imposent : comme nous l'indi-
quions dans l'introduction générale, Claude Masouyé, soulignant
l'importance que les pays en voie de développement accordent à la
protection du folklore, dit qu' "il serait érroné
de croire que le

- 27 6 -
folklore ne présente un intérêt que pour ces jeunes Etats (1).
C'est cependant sur les efforts de ces derniers que nous oriente-
rons nos investigations.
Sur le plan international, les réunions autour de la
protection du folklore regroupent aussi-bien des pays développés
que des pays en voie de développement; toutefois, et nous ne man-
querons pas de le relever dans nos futures analyses, de nombreuses
opinions exprimées lors de ces réunions montrent bien que la pro-
tection du folklore est d'abord l'affaire des pays en voie de déve-
loppement (2). Cette remarque se précise lorsqu'on observe les
initiatives prises sur le plan r~gional et national pour la protec-
tion du folklore. Nos analyses mettront l'accent sur la prise de
conscience des pays en voie de développement à l'égard du folklore
et indiqueront les résultats de cette prise de conscience.
L'étude des initiatives lancées pour la protection du
folklore suscite enfin une dernière remarque : les pays en voie de
développement, ayant hérité des systèmes juridiques des pays indus-
trialisés, ont d'abord cherché dans ces systèmes, les solutions de
la protection du folklore. Il en résulta surtout des régimes juri-
diques peu clairs : les législations du droit d'auteur comportent
(1)
Claude MASOUYE : "La protection des expressions du folklore",
R.I.D.A. nO 115, avril 1983, pp.5 et s.
(2)
Signalons notamment les travaux de révision de la Convention
de Berne à Stockholm, en 1967, où la protection du folklore
a été traitée comme une revendication des pays en voie de
développement. Nous montrerons que cette tendance s l'est
également manifestée au cours des réunions organisées par
l'Unesco et l'O.M.P.I.sur la protection du folklore.

- 277 -
des articles relatifs à des oeuvres dites du folklore et inspirées
du folklore ; le domaine public payant ne signifie plus seulement
usage payant et libre, mais des obstacles sont mis à la liberté
d vexp loi ta tion.
L'attitude de la communauté internationale va par con-
séquent évoluer vers une meilleure prise en compte de la nature
particulière de la création folklorique et des objectifs de sa pro-
tection. Nous organisons alors cette deuxième partie de la thèse
de façon à rendre compte de cette évolution : l'étude des initiati-
ves développées dans le cadre du droit d'auteur fait l'objet d'un
titre l
; quant au titre II, i l est consacré à l'étude des initia-
tives de solutions "sui generis".
x
X
X
X

TITRE 1
LES INITIATIVES PRISES DANS
LE CADRE DU DROIT D'AUTEUR

-
1278 -
Que ce soit pour s'assurer que l'accès à l'indépendance
de nombreux pays jadis colonisés ne restreigne pas le champ d'appli-
cation des conventions internationales du droit d'auteur (1), ou
simplement pour fournir à ces pays l'assistance technique
dont ils
ont besoin, les activités des organisations internationales dans le
domaine du droit d'auteur ont été le point de départ de l'intér~t des
pays en voie de développement à l'égard de leur propre folklore.
(1)
Les conventions internationales du droit d'auteur comportent
des dispositions qui prévoient leur application aux territoires
dépendants. Ainsi, l'article 31, al. l
de la Convention de Berne
(Acte de Paris), dispose que :" Tout pays peut déclarer dans son
instrument de ratification
ou d'adhésion, ou peut informer le
Directeur général par notification écrite à tout moment ultérieur
que la présente Convention est applicable à tout ou partie des
Territoires, désignés dans la déclaration ou la notification,
pour lesquels il aSSUIlle la responsabilité des relations exté-
rieures".
L'article 13 de la Convention Universelle concède la m~me
faculté aux Etats contractants.
Sur les questions de l'application des conventions interna-
tionales aux pays nouvellement indépendants, voir les articles
de M. Moreira DA SILVA "Le droit d'auteur et l'Afrique", R.I.D.A.
N° 47, sept. 1965 pp 5 et s. et de Claude MASOUYE
"Décoloni-
sation, indépendance et droit d'auteur", R.I.D.A. N° 36-37,
juillet - octobre 1962, pp 85 et s.

- 279 -
Ces activités iront de la publication de monographies
ayant trait aux principes de législation nationale sur le droit
d'auteur et les droits voisins,à l'organisation de réunions d'études,
au cours desquelles les technic~ens des pays en voie de développe-
ment bénéficient de l'encadrement de ceux des pays développés (1).
La réunion de Brazzaville (aoüt 1963) fut décisive dans
le domaine de la protection du folklore. Elle trouve son origine
dans une résolut~on du Comité intergouvernemental du droit d'auteur,
adoptée lors de sa cinquième cession à Londres, en octobre-novembre
1960.
La résolution N° 39-V dispose :" Le Comité intergouverne-
mental du droit d'auteur recommande au Directeur général de l'UNESCO
en raison de l'accession à l'indépendance de divers Etats du Continent
africain, de faire à la Conférence générale de l'UNESCO, lors de sa
2 ème session, les propositions nécessaires permettant de donner au
programme de paticipation, dans le domaine du droit d'auteur, une
(1)
Ces activités figuraient dès 1962 dans le programme d'aide au
développement de l'Union Européenne des radiodiffusions qui,
en 1963 crée un groupe de travail spécialement chargé des ques-
tions africaines. (Revue de l'U.E.R. N° 77-B pp 36-37). Cette
organisation réunit la m~me année la première Session d'étude
à laquelle prennent part des juristes et experts de pays afri-
cains. La session d'étude de l'Union de la Radiodiffusion et
Télévision Nationales d'Afrique (U.R.ToN.A), en décembre 1964
fut déjà le fruit de cette coopération.
Elle fut organisée
avec l'aide de l'Unesco et des BIRPI (Organisation interna-
tionale qui a été le prédécesseur de l'actuelle aMPI).

-'280 -
portée plus étendue, afin de pouvoir satisfaire aux besoins urgents
des nouveaux Etats, ainsi que des Etats des autres parties du
monde" (1).
La réunion africaine d'étude sur le droit d'auteur con-
voquée à Brazzaville sous les auspices des BIRP1 et de l'Unesco a
eu par conséquent pour but "d'aider les Etats membres et les membres
associés africains de l'Unesco à définir les principes généraux appli-
cables sur leurs territoires en matière de protection des auteurs,
notamment des écrivains, compositeurs et artistes, en ce qui concerne
leurs oeuvres littéraires, musicales, dramatiques ou des arts figu-
ratifs" (2).
L'idée qui sous-tend le mouvement législatif ainsi annon-
cé (3), est que les pays en voie de développement doivent élaborer
des textes adaptés à leurs réalités culturelles ; or il appara1t d'une
(1)
Bulletin du droit d'auteur,UNESCO, vol. XIII, 1960, P 283.
Cette résolution est identique à celle qui, adoptée par la
Conférence Générale de l'UNESCO à Paris en 1962, charge le
Secrétaire Général, en accord avec les B1RPI, de préparer la
Réilllion de Brazzaville.
(2)
Rapport général de la Réunion, in le Droit d'Auteur, 1963,
pp.,250 et s.
(3)
Le mouvement législatif se confirme dès décembre 1964 : un
Comité d'experts africains se réunit à Genève pour l'étude
d'un projet 'de loi-type sur' le droit d'auteur à l'usage des
pays d'Afrique; ce projet a donné naissance à celui d'Abidjan
(8-12 octobre 1973) qui aboutit à la loi type de Tunis adoptée
en 1976. Nous reviendrons largement sur ces différentes étapes
dans nos développements futurs.

- 281 -
part que ces pays sont plus consommateurs que producteurs d'oeuvres
de
l'esprit et, d'autre part, que leur production se situe pres-
que entièrement dans le domaine traditionnel.
Pour cette dernière raison, les experts africains à la
réunion de Brazzaville, constituèrent une commission spéciale char-
gée d'étudier les questions relatives au folklore (1). Ils en envi-
sagent ainsi la protection dans le cadre du droit d'auteur, pro-
tection qui constituera par la suite une revendication des pays en
voie de développement au sein de l'Union de Berne.
Il est alors important de conna!tre les raisons de cette
subite prise de conscience des pays en voie de développement à
l'égard du folklore; (chapitre 1) nous verrons ensuite à travers
leur droit positif,comment les pays africains
par exemple, ont
tenté de résoudre la question de la protection du folklore (2).
(chapitre II)
(1)
Les travaux de cette commission ont donné lieu à l'importan-
te résolution n05 sur le folklore à laquelle nous ferons
largement référence.
(2)
Nous restreignons ici délibérément notre champ d'investiga-
tion au Continent africain. Nous n'ignorons toutefois pas que
dans d'autres régions du monde, il existe des législations
nationales qui traitent de la protection du folklore : en
Asie, la loi du Sri Lanka de 1979 sur le droit d'auteur
(D. A.
juin 1980, texte 1-01), ainsi que la législation ja-
ponaise sur le patrimoine culturel (loi du 30 mai 1950, modi-
fiée le 1er juillet 1975, doc. UNESCO/OMPl/FOLK/GEI. 1/2- p.12,)
protègent le folklore.
En Amérique Latine, on peut signaler la législation bolivien-
ne sur la protection du folklore musical (Décret Suprême du
19 juin 1968 et son Règlement d'application) que nous étudierons
dans le titre suivant ; infra pp. 419 et s.
Le Continent africain offre toutefois, du point de vue de la
protection du folklore, un champ d'étude autrement plus
intéressant : c'est de l'Afrique qu'est partie la revendica-
tion des pays en voie de développement po~r la protection du
folklore (réunion de Brazzaville, 1963), au sein de l'Union
de Berne (cf infra p. 310
) ; en outre, le Continent compte
aujourd'hui une quinzaine de législations nationales et une
convention régionale (Convention O.A.P.I. de 1977) qui pro-
tègent le folklore.

- 282 -
CHAPITRE l
PRISE DE CONSCIll~CE DES PAYS EN VOIE DE
DEVELOPPEMENT A L'EGARD DU FOLKLORE.
Les premières législations du droit d'auteur en }'rance,
par exemple, datent du ISème siècle (1). Dans les sociétés occiden-
tales en général, ces législations apparurent à une époque où le
folklore était encore bien présent. Cependant, ni à leur naissance
ni au cours de leur évolution, il n'a été question de protection
du folklore (2).
Il faut en revanche relever la coincidence de l'apparition
des préoccupations autour de la protection du folklore avec l'acces-
sion à l'indépendance des pays en voie de développement. Ainsi, les
pays africains à Brazzaville en 1963, reconnaissent le folklore
comme leur patrimoine culturel. Cette reconnaissance est indubita-
blement le résultat d'une prise de conscience dont il faut expliquer
les causes (Section 1) et examiner les manifestations (Section II).
(1 )
Melle Marie Claude DOCK
Etude sur le droit d'auteur, Paris
1963, pp. 113 et s.
(2)
Sans pouvoir expliquer cette situation, nous pensons qu'il
ne serait pas étonnant qu'elle trouve sa source dans l'anta-
gonisme qui existât entre la culture populaire et la culture
savante; le droit d'auteur n'est-il pas apparu pour protéger
cette dernière? Sur l'antagonisme entre culture savante et
culture populaire, cf par exemple M. Robert MANDROU : De la
culture populaire au I7è et I8è siècle, Paris, Stock 1975.

-
283 -
SECTION l
LES CAUSES DE LA PRISE DE CONSCIENCE DES PAYS EN
VOIE DE DEVELOPPEMENT A L'EGARD DU FOLKLORE.
La recommandation N°5 de la réunion de Brazzaville
considère le folklore comme "un patrimoine (qui) constitue non
seulement une source d'inspiration pour le développement culturel
et social des peuples des différents Etats africains, mais (qui)
contient aussi un potentiel d'expansion économique susceptible
d'~tre exploité au profit des citoyens de chaque Etat".
L'analyse des délégués africains suscite deux ôbserva-
tions
le folklore est d'abord considéré comme un patrimoine.
Cette qualification nous ramène à la définition du folklore dont
nous disions au chapitre préliminaire que nous n'avions pas fini
d'en analyser tous les aspects; ici, il faut répondre à la ques-
tion de savoir qu'est-ce-que les pays en voie de développement
entendent par folklore.
( § I)
L'analyse des délégués africains à la réunion de Brazza-
ville inscrit ensuite la protection du folklore dans le cadre de
la mise en oeuvre d'une politique culturelle et annonce que cette
protection comporte des raisons d'ordre économique. (§ 2).

- 284 -
Paragraphe l
Les incertitudes d'une définition
Lorsque dans le chapitre préliminaire nous traitions de
la définition du folklore, nos efforts étaient orientés sur la
compréhension des aspects "folklore au sens large, folklore au
sens restreint", "folklore immatériel, folklore matériel" etc.
(I);
mais, l~aspect que nous devons à présent analyser en rapport-avec le
cas des pays en voie de développement, apparaissait aussi dans les
débats des folklor{stes.
De nombreux folkloristes, usant du critère populaire,
distinguent le folklore à partir de ce qui est officiel, élitiste,
savant (2). Saintyves par exemple définit le folklore comme "la
science de la vie populaire au sein des sociétés civilisées" (3).
Il apparait par conséquent qu'il existe Simultanément, dans ces
sociétés, deux sortes de culture: une culture savante et une cul-
turè populaire, une culture supérieure et une culture inférieure (4)'
Cette approche des folkloristes permet de comprendre le
sens actuel donné familièrement aux termes "folklore" et "folklo-
rique" : ces derniers désignent de manière péjorative "des bribes
d'une sous-culture hétérogène
par rapport à la culture dominante
(I)
supra pp. I7 et s.
~)
P. SAINTYVES : Manuel de folklore, op. cit. pp. 5I-52 ; Jean
DROUILLET : propos d'un folkloriste, Ed. BERNADET, I975 ,
pp. 32-33 ; Raffaello CORSO, cité par SAINTYVES : manuel de
folklore, op. cit. p. 3I ; Paul SEBILLOT, op. cit. pp. 2-3.
(3)
P. SAINTYVES, op. cit. p. 52
(4)
Raffaello CORSO, cité par SAINTYVES écrit: "Le folklore
étudie la vie populaire, mais dans la vie civilisée ; la
littérature populaire suppose une littérature savante,
Comme le droit coutumier suppose un droit écrit ••• " A
travers l'ouvrage de M. MANDROU ci-dessus cité, l'existence
de,deux cultures parallèles dans la société française de
l'epoque, apparait clairement.

285 -
considérée comme seule sérieuse, ou des manifestations originales
dépourvues d'importance" (1).
Les définitions ci-dessus évoquées ont été sources de
difftcultés pour les folkloristes lorsqu'ils voulurent étudier les
cultures traditionnelles des pays en voie de développement. Ainsi,
l'emploi du terme "folklore" au sein d'une culture presque entière-
ment orale ou traditionnelle posa des difficultés aux anthropologues
américains qui se sont intéressés aux cultures africaines (2).
Cependant,
Paul Sébillot, donnant des indications sur le pro~
céssus
de formation du folklore écrit : "Au cours du développement
de la vie civilisée, beaucoup des anciennes manières, coutumes,.
observances et cérémonies des temps passés ont été rejetées par les
couches supérieures de la société et sont graduellement devenues
les superstitions et les traditions des basses classes" 0).
Paraphasant Sébillot, pourrait-on alors dire à propos du fol-
klore africain par exemple, qu'au cours du contact avec l'Occident,
beaucoup des anciennes coutumes, observances et cérémonies des
temps passés ont é~é rejetées par les couches instruites aux valeurs
étrangères et graduellement sont devenues les traditions des classes
non instruites? Le folklore africain serait ainsi défini par rapport
à la culture occidentale.
(I) .. Mme Nicole BELMONT, Anciclopediae Universalis, éd. 1984
vol. 7, p. 108.
(2)
M. Melville J. HERSRDVITS et ses élèves, ont éprouvé cette
difficulté et durent chercher divers substituts :cf Ancyclo-
pedia Universalis, éd. 1968, vol. 7 p. 96.
())
Paul SEBILLOT, op. clt. pp. 2-).

- 286 -
M. Leiris dénonoerait cette analyse, lui qui ~onsidère le fol-
klore comme une catégorie particulière dè la "culture traditionnelle".
Il nie
d'ailleurs l'assertion
selon laquelle seules les sociétés
industrialisées ou en voie d'industrialisation possèdent "ce reli-
quat d'états sociaux dépassés" (1). L'intéressé condamne par consé-
quent la tendance de l'Occident à ne voir que du folklore dans la
culture des pays en voie de développement, ce qui l'emp~cherait de
déceler les aspects vivants de cette culture (2).
Au vu des ~verses opinions sur la relation qui peut
s'établir entre folklore et pays en voie de développement, i l n'est
pas étonnant qu'on continue de s'interroger sur l'opportunité de
l'emploi du terme "folklore".
Lors d'une réunion assez récente sur la protection du
folklore, certains participants ont proposé que soit reconsi-
dérée
l'utilisation du terme folklore,
"apparu au 19è siècle
avec un sens différent qui ne recouvrait pas la totalité des tradi-
tions vivantes d'une communauté et impliquerait un niveau culturel
inférieur" (3).
(1)
M. Michel LEIRIS, "Folklore et culture vivante", in l'Ethno-
cide à travers les Amériques, textes et documents réunis par
Robert JAULIN ; librairie Arthème FAYARD, 1972 pp. 357 et s.
(2) : Idem, p.3580 M. LEIRIS qualifie en effet le folklore de "cul-
ture mise entre parenthèses", par opposition à une culture
dite vivante.
(3)
Rapport des travaux du groupe d'experts sur la protection
internationnale des expressions du folklore par la propriété
intellectuelle : Doc. UNESCO/OMPI/FOLK/I/4 ; Paris 2r déc. 1984
p. 3 , nO 22.

- 287 -
Il fut répondu aux participants en question, que "le tenne
"folklore" avait acquis depuis un nouveau sens et était générale-
ment considéré comme tout à fait approprié aux fins d'un traité
international sur la question" (1).
Le nouveau sens du mot "folklore" est qu'il ne désigne
plus que des survivances du passé ou la partie d'une culture tra-
ditionnelle mise en parenthèses
le folklore n'est pas fait de
"bribes d'une sous-culture" par rapport à une culture savante ; il
est synonyme de culture traditionnelle vivante et populaire (2).
Cette acception de la notion de "folklore" suscite les
réflexions suivantes : il appara1t d'abord que si le folklore
africain,par exemple,ne saurait ~tre défini en référence à la
culture occidentale, il devrait l'être au moins par rapport à une
(1)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/I/4, op. cit. p. 3, n022.
(2)
La communauté internationale est en effet parvenue à la
définition suivante du folklore, proposée par le Comité
d'experts gouvernementaux sur la sauvegarde du folklore,
réuni à Paris en 1982; cette définition est reprise et com-
plétée par le deuxième Comité réuni en 1985. Elle figure
dans le rapport des travaux du Comité spécial de techniciens
et de juristes sur la sauvegarde du folklore, réuni à Paris
du 1-5 juin 1987; voir document UNESCO/PRS/CLT/TPC/SPI/6,
Paris 5 juin 1987 : "Le folklore (au sens large de culture
traditionnelle) est une création émanant d'un groupe et
fondée sur la tradition, exprimée par un groupe ou par des
individus reconnus comme répondant aux attentes de la com-
munauté en tant qu'expression de l'identité culturelle et
sociale de celle-ci ; les normes et les valeurs se transmet-
tent oralement, par imitation ou par d'autres manières.
Ses formes comprennent, entre autres, la langue, la littéra-
ture, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites,
les coutumes, l'artisanat, l'architecture et d'autres arts."

- 288 -
culture africaine moderne, même si cette dernière n'existe qu'en
embryon.
Face aux débats des folkloristes, nous avons eu recours
dans le chapitre préliminalre, à la notion de création intellec-
tuelle (1); de ce point de vue, qu'on l'appelle folklore ou non,
qu'elle entre dans le champ d'étude de la science du folklore, de
l'ethnologie ou de toute autre science humaine, que l'on considère
le cas des pays en voie de développement ou celui des pays indus-
trialisés, la création intellectuelle traditionnelle se caractéri-
se par le fait qu'elle procède de "pratiques sans théorie", selon
l'expression d'André Varagnac (2)~ C'est le traitement de cette
forme de création qui constitue ici, la tâche du juriste de la pro-
priété intellectuelle. Nous employerons indistinctement, dans la
suite de nos analyses, les concepts de "culture traditionnelle" et
de"folklore".
Il appara~t ensuite que
si du point de vue de la notion de
création intellectuelle traditionnelle, il n'y a pas lieu d'opérer
une distinction entre celle des pays en voie de développement et
celle qu'ontconnue les pays industrialisés, i l en va autrement,
lorsqu'on s'interroge sur le raIe que joue aujourd'hui cette forme
de création et partant, sur la place qui lui est réservée de part
et d'autre. Ces éléments déterminent l'attitude des Etats face à
la protection du folklore ; ils sont à la base de la prise de cons-
cience des pays en voie de développement pour la protection du
folklore. Ils permettent de comprendre les raisons de cette protection.
(1)
Cf supra Pp.32
et s.
(2)
André VARAGNAC : Définition du folklore, op. cit. p.I8.
L'intéressé dit que le folklore est un ensemble de "croyances
collectives sans doctrine", et de "pratiques collectives sans
théorie".

- 289-
Paragraphe 2
Les raisons d'une protection du folklore.
Les causes de la prise de conscience des pays en voie de dé-
~lpppement sur la_protection du folklore sont d'ordre de politique
culturelle (A) et d'ordre économique. (B)
A).Uans leur marche vers l'indépendance, les pays africains
par exemple, ont compris que l'identité culturelle représente un
élément irremplaçable de l'identité politique. Pour affirmer cette
identité culturelle, les intellectuel~ africains n'ont pas eu
d'autres choix que de recourir aux valeurs de leurs cultures tradi-
tionnelles. Une idéologie fondée sur la croyance aux valeurs de ces
cultures fut alors élaborée. Elle s'est exprimée par exemple dans
les concepts de Négritude, élaboré par MM. Aimé Césaire et Léopold-
Sédar Senghor (1), et dans celui de "personnalité africaine",
attribué à Kwame Nkrumah (2). Ces deux concepts insistent sur
l'originalité et la dignité de l'apport des peuples d'Afrique à
la civilisation humaine.
(1)
Le Président SENGIDR définit la "Négritude" comme l'affir-
mation positive des valeurs de la culture africaine icf. par
exemple: les fondements de l'Africanité ou Négritude et
Arabité, Présence Africaine ,1967.
(2)
NKRUMAH définit le concept de "personnalité africaine" comIrie
l'''ensemble des principes humanistes sur quoi repose la socié-
té africaine traditionnelle". Il insiste sur la solidité de
la position de l'Afrique sur le plan international. La pensée
de NKRUMAH s'exprime aussi par un autre concept: le Conscien-
tisme qu'il définit Comme "l'ensemble, en termes intellectuels,
de l'organisation des forces qui permettront à la société
africaine d'assimiler les éléments occidentaux, musulmans et
euro-chrétiens présents en Afrique et de les transformer de
façon qu'ils S'insèrent dans la personnalité africaine" : Le
Conscientisme, Présence africaine, 1976 ~
.98.

- 290 -
L'attitude des africains, des pays en voie de dévelop-
pement en général, n'est pas nouvelle dans l'histoire: M. Jean
Plumyène montre de façon convaincante qu~ "lcrsque les peuples,
à la suite d'une crise grave (une révolution en particulier), ne
peuvent plus s'identifier à leurs souverains, ils se cherchent
une identité dans un patrimoine national où les traditions popu-
laires et les langues vernaculaires ont une place privilégiée" (1).
Dans la recherche de leur identité culturelle, les pays
en voie de développement sont confrontés au problème suivant
Cheikh Anta Diop analyse l'identité culturelle d'un peuple comme
une personnalité collective dont les trois facteurs sont
les
facteurs historique, linguistique et psychologique (2).
Or, dans le cas de la majorité des pays en voie de dével-
loppement, la domination étrangère s'est acharnée sur les trois fac-
teurs qui concourent à former cette personnalité collective :
(1)
M. J. PLUMYENE : Les Nations romantiques, cité par Mme
BELMONT, op. cit. p. 1080.
(2)
CHEIKH Anta Diop: Civilisation ou Barbarie, Présence afri-
caine 1981, p. 271. L' intéressé écrit que "la conscience his-
torique, par le sentiment de cohésion qu'elle crée, constitue
le rempart de la sécurité culturelle le plus sOr et le plus
solide pour un peuple" p. 272 j quant au facteur linguistique,
sen importance apparait dans la citation suivante: "Tant qu'un
peuple vaincu, n'a pas perdu sa langue, il peut garder l'espoir",
Montesquieu, cité par CHEIKH Anta Diop, op. cit. p. 275. Enfin,
le facteur psychologique est jugé le moins important parce que
fluctuant et pourtant c'est ce dernier oui fut privilégié dans
les analyses
tendant à destabiliser les sociétés dominées.

- 291 -
Mo Herskovits expose de façon brillante le r81e joué par
l'école, les religions et la naissance des villes dans l'accul-
turation, conformément à la philosophie de la colonisation (1).
Il devient facile de comprendre à présent pourquoi
la recommandation nO 64 de la Conférence Mondiale sur les poli-
tiques culturelles, convoquée par l'Unesco à Mexico en 1982,
dit que "la préservation et le développement de la culture tra-
ditionnelle dlun peuple sont indiscutablement une composante
essentielle de tout programme visant à affirmer son identité
culturelle" (2).
Le folklore est par conséquent placé au rang de patri-
moine culturel par les pays en voie de développement, parce qu'il
joue un r~le considérable en tant qu'élément d'identification et
parce qu'il constitue l'une des principales richesses d'une cul-
ture populaire vivante (3).
(1)
La philoscphie de la colonisation se caractérise par
l'ethnocentrisme du colonisateur, qui s'exprime par exem-
ple dans la déclaration suivante : '~ous croyons que ce
sont des races rétrogrades ou décadentes, comme on voudra,
envers lesquelles nous devons nous acquitter d'une haute
mission civilisatrice; une tâche d'instructicn humaine à
dispenser humainement". Cette déclaration est du Président
du Conseil portugais, parlant de la politique coloniale de
son gouvernement en 19570 (Cité par HERSKOVITS, op. cit.
p. 87) 0
(2)
Cf. Dcc o UNESOO/PAS/CLT/TPC/ll/3 ; nov. 1984, p. 80
(3)
Doc o UNESOO!PRS/CLT/TPC/n/3 ; 30 nov. 1984, p. 80

- 292 -
La revalorisation du folklore et son entrée concomi-
tante sur le marché des produits de consommation engendrera
les raisons d'ordre économique de sa protection juridique,
B)
Dans un mémorandum relatif à la protection du folklo-
re que la Bolivie adressa à l'Unesco en 1973, ce pays estimait
qu'aussi bien dans le domaine musical que dans celui des arts
plastiques, il existe une possibilité d'exploitation commerciale
du folklore au détriment des communautés qui les conservent (1).
Claude Masouyé analyse la situation en ces termes : "le
cas le plus typique est celui d'enrégistrements effectués sur
place d'improvisations d'orchestres locaux qui donnent lieu ensuite
à la mise en circulation de disques de commerce, pour l'utilisation
desquels, notamment à la radio, des conditions sont imposées par
des entreprises
poursuivant des fins exclusivement spéculatives" (2),
Au terme de l'examen des causes de la prise de conscience
des pays en voie de développement à l'égard du folklore, il faut
réaffirmer que cette protection est avant tout leur affaire.
Dans les pays industrialisés, le folklore n'est qu'un substrat
culturel dont le raIe ne cro!t qu'en fonction des résistances
(1)
Cf document IGC/XII/I2, Annexe p.3 ; nous reviendrons plus
longuement sur le contenu de ce document dans nos dévelop-
pements à venir : infra pp. 417 et 448.
(2)
Claude MASOUYE "Le droit d'auteur en Afrique", in Revue
U.E.R., juillet 1965, p.44.

- 293 -
sociologiques et psychologiques aux progrès (1). En revanche,
dans les pays en voie de développement, le folklore revêt une
importance considérable. Monsieur Gobin considère qu'il permettrait
d'aborder l'étape du progrès technique sans "traumatisme culturel"(2).
Les raisons de la prise de conscience des pays en voie
de développ~ent à l'égard du folklore, doivent guider les juristes
dans la recherche des solutions juridiques. Elles expliquent en
tout cas que ces pays se soient orientés vers des solutions lé-
gislatives, alors que les pays développés, comme le leur
reco~'
mande M. Gabin, penchent plut8t vers les solutions jurispruden-
tielles (3). Toutefois, la démarche des premiers traduit plus
pour nous l'importance qu'ils accordent à la protection du
folklore que leur manque de maturité dans le domaine de la pro-
priété intellectuelle.
(1) : Doc. B/EC/IV/II - IGC/xa.I/ (1971)
Paris 10 oct. 1975,
Annexe, p. 2.
(2)
M. GOBIN thèse précitée, p. 5.
0)
Idem p. 205.

- 294 -
SECTION II
LES MANIFESTATIONS DE LA PRISE DE CONSCIENCE DES
PAYS EN VOIE DE DEVEIDPPEMENT A L'EGARD DU FOLKlORE.
A la réunion de Brazzaville, les Etats africains mani-
festaient
pour la première fois leur intér~t pour la protection
du folklore j leurs représentants à cette réunion constituèrent en
effet une commission spéciale chargée d'évaluer tous les aspects
du problème.
En outre, pendant que se tenait la réunion de Brazza-
ville, le Comité d'experts, chargé de préparer la révision de
1967 de la Convention de Berne, était convoqué pour novembre
1963 à Genève. Les experts africains ont alcrs, au nombre de
leurs recommandations, demandé l'inclusion de dispositions spé-
cial es dans la Convention de Berne, qui sauvegarderaient les in-
tér~ts des pays africains dans le domaine de leur propre folklore (1).
Cette revendication ne resta pas lettre-morte : elle
fut reprise au séminaire de l'Asie Orientale à New-Delhi en 1963
pour se concrétiser lors de la révision de la Convention de Berne
en 1967 j une solution internationale fut effectivement élaborée
dans le cadre de cet instrument international (§ 1).
(1)
cf. Rapport Général de la réunion de BRAZZAVILLE, recom-
mandation nO l
j
R.I.D.A. nO 41, 1963, p. 244.

... 295 -
Les délégués africains à la réunion de Brazzaville
ont également souhaité qu'avec l'aide des B.I.R.P.I. et de
l'Unesco, un projet de loi-type de protection du droit d'auteur,
qui tienne compte des réalités du continent africain, scit
élaboré (1). Cette recommandation
donna
lieu à de nombreuses
réunions qui aboutirent en 1976 à Tunis, à l'adoption de la
loi-type de Tunis à l'usage des pays en voie de développement.
Nous examinerons ce modèle de législation en mettant 'en relief
les amélioraticns qu'il comporte par rapport aux projets qui
ont servi à sa préparation. (§ 2).
(1)
Recommandation nO 2 de la réunion de Brazzaville
cf.
Rapport Général, R.I.D.A. nO 41, I963,p. 244.

- 296 -
Paragraphe l
La Convention de Berne et la protection du
folklore.
La Convention de Berne, depuis sa rédaction de
stockholm en 1967, comporte une disposition destinée à la pro-
tection du folklore. Cette solution satisfait aux aspirations
des pays en voie de développement qui l'ont revendiquée depuis
la réunion de Brazzaville.
Pourtant, à StoCkholm, en 1967, le texte tel que
adopté dans le programme de la Conférence ne contenait pas de
dispositions relatives au folklore. La question fut toutefois
introduite au cours des travaux et l'article 15, al. 4, en
résultat.Nous Commencerons par retracer la genèse de cet article
(A), puis nous examinerons la structure de la protection, (B)
avant de nous interroger sur sa portée.(C)
S'inspirant des délibérations qui avaient eu lieu à
Brazzaville puis au séminaire de l'Asie orientale à New-Delhi en
1963, la délégation indienne formula une proposition consistant à
ajouter à la liste des oeuvres protégées par la Convention de Berne
( article 2 al.l ), les" oeuvres folkloriques" (1).
(1)
La proposition de la délégation indienne comportait un second
point qui visait à soustraire le folklore à la faculté offer-
te aux Etats par l'article 7 al. 3 de la Convention. Cet
article leur permet de ne pas protéger les oeuvres anonymes
et pseudonymes dont il y a lieu de croire que leurs auteurs
sont décédés i l y a plus de cinquante ans.

- 297 -
Des participants à la réunion mirent rapidement en
cause cette propositicn indienne, arguant que la " Convention
a été essentiellement conçue pour protéger les droits des auteurs
~
~
identifiables ". M.Curtis par exemple, délégué australien, pensa
par conséquent qu'il fallait élaborer pour la protection du fol-
klore un régime spécial, plut8t que d'avoir recours à la Conven-
tion de Berne (1).
La proposition indienne ne fut par conséquent pas adoptée
(2); mais les débats qu'elle avait suscités avaient mis en lumière
la nécessité de trouver un endroit dans la Convention pour éven-
tuellement insérer une disposition relative au folklore.
La création d'un groupe de travail spécial fut alors
décidée, avec pour t~che d'élaborer des prepositions dans ce sens.
Aussi, au cours des débats ultérieurs, la délégation yougoslave
présenta la prcpositicn suivante:
(1)
Actes de la Conférence de Stockhol~, O.M.P.I., Genève 1971, p89
(2)
On peut ajouter aux arguments avancés pour rejeter la proposi-
tion indienne que la liste de l'article 2 al.I de la Conventien
a été dressée en " contemplation de la teneur des oeuvres ( mu-
sicales, littéraires, artistiques) ou leur mode d'expression
( constatées par écrit ou verbales ) ; les prcductions du fcl-
klore peuvent ~tre d'ordre littéraire, artistique, musical, si
bien que ce n'est pas par le contenu qu'elles appellent un trai-
tement particulier. Aussi bien, l'article 2 al.I, ne fait état
ni des oeuvres anonymes ni de celles qui ont été communiquées
au public sous un pseudonyme; il n'aurait donc pas été logique
d'y faire mention du folklore ".
H.DESBDIS, M.FRANÇON, M.KEREVER : Les Conventions internatio-
nales du droit d'auteur et des droits voisins; op. cit. p. 166.

- 298 -
"Il appartient aux législations des pays de l'Union
de désigner l'autorité compétente, représentant les auteurs des
oeuvres folkloriques, et fondée à sauvegarder et faire valoir
les droits de ceux-ci, sous réserve de l'application de la deuxiè-
me· phrase de l'alinéa 2de l'article 15" (1).
La proposition yougoslave reposait sur le raisonnement
suivant : le caractère anonyme des créations folkloriques les
rapproche de la notion d'oeuvre anonyme; toutefois, n'ayant pas
fait l'objet d'une publication au sens de la Convention, il n'exis-
te pas un éditeur qui, selon l'article 15, alinéa 2, représenterait
leurs auteurs. La proposition yougoslave contournait cet obstacle
par la désignation d'une autorité compétente qui représenterait
les auteurs des oeuvres folkloriques.
Le doute persiste pourtant quant à l'opportunité d'assi-
miler l'oeuvre folklorique à l'oeuvre anonyme. Les débats autour
de cette question, lors des travaux de révision de la Convention
de Berne à stockholm, ont abouti à un blocage sur la définition
du folklore.
(1)
Actes de la Conférence de STOCKHOLM, vol. l , doc. S/II2,
p. 731. L'article 15, al. 2 de la Convention (acte de BRUXEL-
LES, aujourd'hui article 15, alinéa 3), désigne le producteur
dont le nom est indiqué sur l'oeuvre anonyme ou pseudonyme
pour représenter l'auteur.

- 299 -
Le Président de la CommissiQn principale nO 1 (1)
fit alors la proposition suivante: l'emploi des termes
"folklore" ou "folklorique'! sera évité; deux critères seront
appliqués aux oeuvres en question : d'une part elles devraient
~tre non publiées et avoir un auteur inconnu, d'autre part,
l'auteur devrait pouvoir ~tre présumé ressortissant du pays de
l'Union qui revendique la protection.
Sur cette base, le Groupe de travail spécial s'est
réuni et a pu faire la preposition que consacre l'article 15,
alinéa 4 de la Convention, tel
que adopté
à Stockholm en
1967 et repris à Paris en 1971.
B) - ~!~~!~~~_~~_!~_E~~!~~!~~~_~~_!~~~!~~!~_!2
alinéa 4.
--------
L'article 15, alinéa 4
dispose:
a) Pour les oeuvres non publiées dont l'identité de
l'auteur est inconnue,mais pour lesquelles il y a tout lieu de
présumer que cet auteur est ressortissant d'un pays de l'Union
il est réservé à la législation de ce pays la faculté de désigner
l'autorité compétente représentant cet auteur et fondée à sauve-
garder et à faire valoir les droits de celui-ci, dans tous les
pays de l'Union.
(1)
La Commission principale nO 1 s'occupait des dispositions
de droit matériel de la Convention (art. 1 à 20).

- JOO ;.
b) Les pays de l'Union, qui, en vertu de cette dis-
position, procèderont à une telle désignation, le notifieront
au Directeur Général par une déclaration ~crite où seront indi-
qués tous renseignements relatifs à l'autorité ainsi désignée.
Le Directeur communiquera aussitOtcette déclaraticn à tous les
autres pays de l'Union.
Comme nous l'avons indiqué dans la première partie
de la thèse (I), l'application du régime de l'oeuvre anonyme
tel que l'organisent les premiers alinéas de l'article 15, con-
duirait aux conséquences suivantes: en vertu de l'article 7,
alinéa J de la Convention, le folklcre pourrait se retrouver en
totalité dans le domaine public ; les éditeurs en deviendraient
les seuls ma~tres, en vertu de l'article 15, alinéa 3 et, enfin,
la référence à la publication ne permettrait que la prot~ction
du seul folklore publié (2).
A stockholm, les propositions ayant abouti à l'article
15, alinéa 4 sont censées éviter les inconvénients ci-dessus énu-
mérés. Nous procèderons d'abord à l'examen des oeuvres prises en
charge par cet article
(a), puis nous analyserons son
mode de
protection. (b)
(I)
cf. nos développement antérieurs,
p.8J.
(2)
Il s'agit des articles 7 et 15 tels qu'ils sont rédigés
dans l'Acte de STOCKHOLM et de PARIS.

- Jal -
a) - L'article 15, alinéa 4 prend en compte des oeuvres
non publiées et d'auteurs inconnus pour lesquelles il y a toutefois
lieu de présumer que les auteurs sont ressortissants d'un pays
de l'Union (I).
Le folklore n'est donc pas expressément cité, mais il
ne fait aucun doute qu'il fait partie des oeuvres protégées par
l'article 15, alinéa 4. Cet article met alors en relief le carac-
tère distinct des productions folkloriques :"elles diffèrent des
oeuvres ano~es en ce que, non seulement l'identité de l'auteur
est passée sous silence, mais aussi et surtout celle-ci est
Le second critère utilisé par les rédacteurs de l'arti-
cIe 15, alinéa 4, est celui d'''oeuvre non publiée". S'interrogeant
sur le sens de cette formule, Benigne Mentha écrivait: "or les oeu-
vres folkloriques ne sont-elles pas typiquement des oeuvres "lici-
tement rendues accessibles au public", et cela par la force des
choses, puis~ue ce sent des créations collectives issues dQ!orlds
commun de la tradition populaire ••• " (3).
(I)
Nous nous arrêterons dans nos développements à venir sur
la définition du folklore qu'inspire l'article 15 al. 4, afin
d'en examiner toutes les implications : cf infra pp. J9J et s.
(2)
H. DESBOIS, M. FRAN90N et M. KEREVER, op. cit. p. 1I6, n OI48.
(J)
M. Benigne MENTHA : ''Folklore et droit d'auteur", Revue U.E.R.
nO I09 B, mai 1968, p.75. L'intéressé fait ici référence à
l'article 7 al.J de la Convention de Berne, quifixe la durée
de protection des oeuvres anonymes et pseudonymes à "cinquan-
te ans après que l'oeuvre a été rendue accessible au public ••• ".

-
302 -
L'intéressé orientait alors la réflexion autour des articles 7,
alinéa 3 et 15, alinéa 40 Il regrettait que la Convention n'ait
pas établi la concordance terminologique rigoureuse entre les
deux articles.
Toutefois, il convient de penser, avec les auteurs de
l'étude sur les Conventions Internationales du droit d'auteur et
des droits voisins, que "la notion de publication doit @tre enten-
due au sens de l'article 3, alinéa 3 qui ne concerne que l'édition
muette ou sonore" (1)0
Relevons alors avec eux le corollaire suivant : "les
oeuvres du folklore d'ores et déjà publiées lorsque la Convention
entre en vigueur dans le pays dont l'auteur est présumé @tre le
ressortissant, ne seront pas placées sous l'égide de l'article 15,
alinéa 4. A la réflexion, cette conséquence n'est pas satisfaisan~e
sans doute, les éditions muettes ou sonores, d'ores et déjà réali-
sées antérieurement devraient en tout état de cause, bénéficier du
principe de non-rétroactivité, qui couvre les situations acquises
mais il ne serait pas contraire aux principes d'admettre que toutes
les publications futures seront soumises au régime élaboré à
Stockholm" (2).
Signalons enfin, pour clare l'examen des oeuvres prises
en charge par l'article 15, alinéa 4
que le critère de rattache-
1
ment utilisé, parce qu'il est fondé sur la nationalité, ne peut
(1)
H. DESro IS, Mo André
FRANçoN et M. André KEREVER, Guvrage
déjà cité, p. 166, nO 148.
(2)
H. DESBOIS, M. FRANfON et Mo KEREVER, ouvrage précité, p. 167.

-
)0) -
qu'@tre approximatif : l'auteur de l'oeuvre prise en charge
par l'article 15, alinéa 4
doit au moins @tre présumé ressor-
tissant d'un pays de l'Union.
Il était toutefois exclu que les rédacteurs de la
Convention fassent usage par exemple du critère réel inhérent
au lieu de la publication, puisque, par hypothèse, l'oeuvre en
question est non encore publiée. L'identité de l'auteur ne pou-
vant alors @tre établie avec certitude, les juges se contenteront
de s'entourer des éléments de preuve permettant d'établir une
présomption (1).
b)- Le mode de protection de l'article 15, alinéa 4
peut @tre analysé en deux points : la titularité des droits et
la durée de protection.
- Puisque par hypothèse l'identité de l'auteur d'une
"oeuvre du folklore" est inconnue et que les pays en voie de
développement répugnent à voir l'éditeur en devenir le seul ma1tre,
l'article 15, alinéa 4
investit des droits d'auteur sur une telle
oeuvre
l'autorité compétente qui sera désignée par le pays dont
l'auteur est présumé ressortissant. La Convention reconna1t ce
droit envers tous les pays de l'Union, à condition que la dési-
gnation de l'autorité compétente soit notifiée au Directeur Géné-
ral de l'OMPI qui en-informe ces derniers.
(1)
H. DESBQIS, M. FRAN90N et M. KEREVER, ouvrage précité, p. 167.

- 304 -
Cette disposition peut ~tre considérée comme une
victoire des pays en voie de développement sur les réticences
des pays développés, mais son application ne manquera pas de
soulever quelques difficultés : déjà au cours des travaux de
la Conférence de Stookholm, la délégation britannique déclarait
"Le Royaume Uni a été envahi plusieurs fois et des immigrants
venant de toutes les régions du monde s'y sont également installés.
Sa culture se fonde sur ce que ces envahisseurs et colons ont
apporté. Il ne peut donc étudier la question de savoir à qui ou
à quel pays appartient le folklore"
(1).
L'analyse de la délégation britannique pose un problème
qui n'est pas pre pre à la Grande-Bretagne; de nombreux pays en voie
de développement connaîtront également la m~me difficulté dans
l'application de l'article 15, alinéa 4. Il en sera ainsi par
exemple, là où les frontières coloniales ont dispersé des commu-
nautés ethniques dans plusieurs pays limitrophes. C'est un problè-
me à prendre en compte dans l'élaboration d'une convention inter-
nationale pour la protection du folklore
(2).
Les difficultés d'application de l'article 15, alinéa 4
existent aussi à propos de la durée de protection.
(1)
Actes de la Conférence de STOCKHOLM, T.II, p. 928.
(2)
cf. infra, p. 492.
à propcs de l'analyse du projet de traité international
pour la protection des expressions du folklcre contre leur
exploitation illicite et autres actions dommageables.

-
)05 -
La question de la durée de protection accordée par
l'article 15, alinéa 4
n'a pas été expressément résolue par
la Convention. Alors, à la question de savcir pendant combien de
temps l'autorité compétente sera habilitée à délivrer les autori-
sations et éventuellement à agir en justice pour la défense du
folklore, la doctrine donne deux réponses.
Une première interprétation préconise le recours au
régime de l'oeuvre anonyme ou pseudonyme, quoique
les créations
folkloriques différent de l'lIDe et de l'autre; selon l'article 7,
alinéa 3, "l'oeuvre du folklore" serait protégée pendant cinquante
ans à partir de sa publication. Elle tomberait par contre dans le
domaine public s'il est raisonnable de penser que son auteur est
décédé depuis plus de cinquante ans (article 7, alinéa 3).
Selon une seconde interprétation, deux raisons au moins
militeraient contre la première: "l'article 15, alinéa 4 se réfère
à la publication, selcn toute vraisemblance entendue au sens de
l'article 3, alinéa 3, alors que, pour les oeuvres anonymes ou
pseudonymes, c'est la notion plus large "d'accessibilité au
public" qui a ,-été retenue. Cett e divergence dG i t, pense-t-on
dans la doctrine, être tranchée en donnant la préférence à la
notion de publication énoncée par l'article 15 et définie par
l'article 3, alinéa 3" (1).
(1)
H. DESBOIS, M. FRANepN et M. KEREVER, ouvrage précité,
p, 167, nO 149.
L'article 3 al. 3 dispose : par "e euvre publiée", il faut
entendre les oeuvres éditées avec le consentement de leurs
auteurs •••.....

- 306 -
Cette interprétation dissocie l'article 15, alinéa
4 de l'article 7, alinéa 3. Or, si l'article 15, alinéa 4 fait
l'objet d'une analyse
autonome,. "l'oeuvre du folklore" jouit
d'une protection sans limite dans le temps; en effet, elle n'a
jamais été publiée et, m~me une fois publiée, rien dans la
Convention ne limite la durée de sa protection (1).
Deuxièmement, écrit M. Gabin, la détermination de la durée
de protection du folklore par analogie avec les règles applicables
aux oeuvres anonymes ou pseudonymes s'écarte de la finalité de
l'article 15 al.4 (2); d'où les interrogations du genre :" les
créations folkloriques sont-elles à ce point supérieures aux autres
ouvrages littéraires et artistiques qu'elles justifieraient un
régime unique en son genre ?" 0). M. Gobin pense qu'il s'agit là
de contenter les pays en voie de développement, particulièrement
sensibilisés sur cette partie de leur patrimoine (4).
(1)
Nous étions également parvenus à cette conclusion dans l'exposé
des principes de base de la réglementaticn de l'exploitation
du folklore (cf. nos développements antérieurs,p. 171.
(2)
M. Gobin, thèse précitée, p.265 ; les travaux préparatoires
révèlent effectivement que les propositions ayant abouti à
l'article 15 al.4 visaient à éviter que seul le folklore publié
ne soit protégé et qu'il soit traité comme appartenant au do-
maine public. Cf nos développements antérieurs, génèse de l'ar-
ticle 15 al.4 (point A de ce paragraphe).
0)
Revue U.E.R. m,li 1968', p.76.
(4)
M. Gobin, thèse précitée, p.266.

- 307 -
L'étude de la génèse de l'article I~ al.4 ainsi que
de son mode de protection nous permet à présent d'en examiner
la portée.
Il faut d'abord noter avec M.Gobin
le caractère facul-
tatif de l'article 15 al.4·(I) : la Convention n'oblige les pays unio-
nistes qu'au respect des droits de pays qui désigneraient une auto-
rité compétente chargée de la protection du folklore; ils démeùxent
par contre libres de procéder eux-m~mes à la désignation d'une telle
autorité. Un clivage s'opère donc entre pays qui choisissent de
profiter de l'article 15 al.4 et ceux qui ne le font pas. Cette
situation signifie, comme l'écrit Mlle Miallon,qu'il s'agissait ,à
travers l'article 15 al. 4 , de définir des principes généraux desquels
pourraient s'inspirer les "pays unionistes ayant un patrimoine fol-
klorique plus ou moins riche" (2).
Quant à l'efficacité-m~e de l'article 15 al.4 , les Com-
mentaires varient, mais ils s'accordent pour reconna!tre que la
solution apportée au difficile problème de la protection dufclklore
demeure voilée et confuse (3).
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, 262.
(2)
Mlle Miallon, thèse précitée, p.299.
(3)
M.Gobin, thèse précitée p.26I
Mlle Miallon, thèse précitée
p.30I.
M.~LAPATE doute que ce système confus et compliqué puisse
~tre efficace (Revue Interauteurs, 1967, p.246).

-
J08 -
On doit se résoudre donc à constater que l'article
15, alinéa 4, n'a pas résolu le problème de la proctection du
folklore : le nombre de notifications faites auprès du Directeur
Général de l'O.M.P.I concernant la désignation d'une autorité
nationale pour protéger dans les autres pays de l'Union de Berne
les droits afférents aux oeuvres d'auteurs dont l'identité est
inconnue en témoigne (1).
L'attitude d'abstention des pays en voie de développe-
/
ment,auxquels l'article 15, alinéa 4
est principalement destiné,1
pourrait s'expliquer de différentes façons: on peut y voir
d'abord l'effet de la complexité et des difficultés d'interpré-
tation du dispositif en question; mais il n'est pas à exclure
que cette attitude soit liée au fait que, sur le plan national,
la protection du folklore n'est pas encore effective.
A propos de l'article 15, alinéa 4
de la Convention
de Berne, il y a cependant dans la doctrine quelques notes
d'optimisme: les auteurs de l'étude sur les Conventions inter-
nationales du drûit d'auteur et des droits voisins concluent
ainsi leur analyse de l'article en question: "Sous réserve, et
malgré les difficultés d'interprétation et d'application, il est
heureux que, m~me sans les nommer et les définir avec précision,
la Conférence de Stockholm ait donné l'hospitalité au folklore" (2).
(1)
La seule notification faite au Directeur Genéral de l'O.M.P.I
nous a été signalée dans une correspondance de cette Organisa-
tion en date du 24 février 1986 : l'Inde a en effet accompli
cette formalité le 1er février 1984.
(2)
H. DESBOIS, M. FRANyoN, et M. KEREVER, op, cit. p. 168.

- 309 -
L'article 15, alinéa 4
a, en effet, entratné une
prise de conscience du phénomène folklorique au plan interna-
tional. I l apporte la confirmation que le folklore peut @tre
protégé par le droit d'auteur; en témoignent par exemple, toutes
les mesures prises après 1967 sur la p~tection du folklore dans
le cadre des législations sur le droit d'auteur. La loi type de
Tunis en est un exemple dont nous examinerons dans le parag~aphe
suivant le dispositif de protection du folklore.
x
X
X
X

- 310 -
Paragraphe 2
La loi type de Tunis et la protection du
folklore.
Dans la recommandation nO 2 de la réunion africaine
dfétude sur le droit d'auteur, les experts africains notent avec
satisfaction l'intér~t que portent l'Unesco et les BIRPI aux
problèmes africains dans le domaine du droit d'auteur. Ils invi-
tent ces organisations à orienter leur assistance vers l'élabora-
tion d'un projet de lai type de protection du droit d'auteur qui
tient compte des réalités du continent africain (1).
Le besoin exprimé par les experts africains en 1963
trouve satisfaction treize ans plus tard dans l'adoption à Tunis
en 1976 de la loi type de Tunis à l'usage des pays en voie de
développement (2). Outre l'examen des dispositions-mêmes de ce
texte, il sera question, dans ce paragraphe, des deux étapes
intermédiaires de son élaboration : le projet de
loi type
le Génève
à ~'usage des pays en voie de développement d'Afrique
adopté par le Comité dl experts africains à Genève en 1964 (3) et le
projet de loi-type d'Ab~djan. Ce dernier prejet a été l'oeuvre
d'un comité d'experts réuni à Abidjan du S au 12 octobre 1973 (4).
(1 )
R.I.D.A. nO 41, oct. 1963, Informations, p.244.
(2 )
R.I.D.A. nO 88, 1976, p. 154 et s.
; voir également le docu-
ment Tunis/UNESCO/OMPI/CML. 2f7, 20 mai 1976. Ce dernier
document contient, outre le texte de la loi type de Tunis,
son commentaire, article par article. Ce texte n'est toute-
fois qu'un modèle à l'usage des pays auxquels
il
est des-
tiné. Ces derniers n'ont donc aucune obligation d'élaborer
des textes qui reprennent les règles qui leur sont proposées.
(J)
Bulletin du droit d'auteur, vol. 18, 1965, p.55 ; voir
également le Rapport g~néral des travaux in R.I.D.A. n046,
mai 1965, p.248 et s.
(4 )
Document UNESCO
LA/MLC/6, Paris 12 oct. 197J et R.I.D.A. nO
SO, avril 1974, p.lJS.

- 3II -
Comme l'a exprimé la recommandation nO 2 précitée,
la loi type doit prendre en compte les réalités du continent
africain (1). Il p'est donc pas étonnant que la loi type de
Tunis comporte des dispositions destinées à la protection du
folklore. Cette protection vise d'une part, "l'oeuvre du folklore"
(A) et d'autre part, "l'oeuvre inspirée du folklore" (B). La
loi type de Tunis étant le résultat d'une évolution, les amélio-
rations et innovations qu'elle comporte par rapport aux projets
de Genève et d'Abidjan serent chaque fois signalées o
A) - La protection de l'''oeuvre du folklore"o
--------------------------------------
La lei type de Tunis traite expressément du folklore
dans ses articles I,6,I7 et 180 Son article Ier confère aux
"oeuvres appartenant au folklore national"
le statut d'oeuvre
protégé par le droit d'auteuro Toutefois, cette protection suit
les règles particulières de l'article 6.
(I)
Il faut signaler que les rédacteurs de la loi type de
TUNIS la destine à l'usage des pays en voie de développe-
ment en généraL Cette sclution traduit une évoluticn inter-
venue à partir du prejet de loi type d'ABIDJANo A GENEVE,
en 1964, les experts réunis ont travaillé sur un projet
destiné aux pays en voie de développement d'AFRIQUE. A ABIDJAN,
en 1973, le mandat initial du Ccmité était le m~me ; mais le
rapport des travaux révèle qu'au stade des discussions géné-
rales, les experts ont relevé l'inadéquation de la restric-
tion preposée quant au champ d'applicaticn géographique du
projet. Il a finalement été décidé que le projet serait exa-
miné en tant que prejet de loi type destiné aux pays en vrie
de dévelcppement en général.
(Doc. UNESCO/LA/MLC/6 ; PARIS,
12 octobre 1973, p. 2-3)0

- 312 -
Conformément à nctre démarche dans l'examen théorique de la
protection du folklore, dans la première partie de la" thèse,
nous traiterons à'abord du statut du folklore (a), avant d'exa-
miner la règlementation de son exploitation (b).
a) Le rapprochement des articles 1 et 18 de la loi
type de Tunis
permet une définition du statut des "oeuvres du
folklore" : l'article 18 al.4 dispose que "folklore" s'~ntend
de l'ensemble des oeuvres littéraires, artistiques et scientifi-
ques créées sur le territoire national par des auteurs présumés
ressortissants de ces pays, cu des communautés ethniques, trans-
mises de génération en génération et constituant l'un des éléments
fondamentaux du patrimoine culturel traditionnel (1). Rappellons
que lors des travaux de révision de la Convention de Berne à stcck-
ho lm , le choix d'un endroit pour l'insertion de dispositions con-
cernant le folklore avait suscité de longs débats (2). La propo-
sition de la délégation indienne consistant à mentionner les
oeuvres folkloriques comme un type d'oeuvres artistiques et litté-
raires protégées par la Convention
avait été rejetée. La liste
de l'article 2, alinéa 1 n'a-t-elle pas été dressée en fonction de
la nature
des oeuvres ou de leur mcde d'expression et non en
fo.ncti,<l2!-de conditions particulières de leur réalisation (3) ?
(1)
S'il faut rapprocher l'article 18 de la loi type de TUNIS
et l'article 15, alinéa 4 de la Convention de Berne, on
pourrait dire que le premier emprunte au second la notion
"d'auteur présumé resscrtissant" d'un pays, donc celle
"d'auteur inconnu".
(2 )
Cf. supra, p.297.
0)
H. DESillIS, M. FRANPJN et M. KEREVER
op. cit. p. 166.

- JIJ -
Les rédacteurs de la loi type de Tunis ont compris
cette démonstration;
en effet, s ' i l est question des "oeuvres
du folklore" à l!article 1er des oeuvres protégées, ce n'est pas
sous l'alinéa 2 de cet article qui donne une liste non exhaus-
tive d'oeuvres littéraires, artistiques et scientifiques. I l est
simplement précisé à l'alinéa J de l'article 1er, que la protec-
tion des oeuvres appartenant au folklore national est règlementée
par l'article 6.
Gr~ce à la définition que lui donne l'article 18 précité, nous
pouvons conclure que le folklore,
dans la loi type de Tunis, dési-
gne un ensemble d'oeuvres artistiques, littéraires ou scientifiques
protégées, semblables aux autres oeuvres du point de vue de leur na-
ture
ou de leur mode d'expression.
Toutefois, ces oeuvres,
parce qu'elles sont d'auteurs inconnus, parce qu'elles sont trans-
mises de génération en génération et parce qu'elles se rattachent
au patrimoine culturel traditionnel
reçoivent un traitement par-
ticulier (1).
(1)
La mention des oeuvres appartenant au folklore à l'article
1er des oeuvres protégées, était toutefois nécessaire car,
à cause des caractéristiques énoncées par l'article 18, ces
oeuvres ne rentraient pas dans le champ d'application du
droit d'auteur.
Le statut du folklore dans la loi type de Tunis constitue
alors une évolution remarquable par rapport à celui du pre-
mier des textes qui l'ont précédé. Le projet de 1964 n'orga-
nisait, en effet, que la protection de "l'oeuvre inspirée du
folklore"
; i l avait par conséquent été analysé au plus
comme
une protection indirecte du folklore
; mais dès le projet
d'ABIDJAN, cette lacune grave avait été comblée.

- 314 -
Les particularités dont i l est question ci-dessus
justifient par exemple
la précaution de l'alinéa 5bis de
l'article 1er: "les oeuvres littéraires, artistiques et scien-
tifiques, exception faite du folklore, ne sont protégées que
dans la mesure où elles sont fixées SUl" un support matériel".
L'article 1er, alinéa 5 bis est placé entre crochets
pour marquer son caractère facultatif.
La solution qu'il compor-
te répond au souci des rédacteurs de la loi type de concilier
traditions juridiques latines et traditions anglo-saxonnes.
Cette technique permet aux pays qui exigent la fixation de
l'oeuvre comme condition de protection par le droit d'auteur
de maintenir leur exigence, sauf en ce qui concerne le folklore (1).
Le statut du folklore dans la loi type de Tunis résulte
donc de la mention qui en a été faite à l'article 1er, mais, selon
M. Gobin, il ne sera clairement défini qu'avec des précisions sur
la nature de l'autorité compétente et sur l'affectation des rede-
vances perçues à l'occasion de l'exploitation du folklore (2).
Ces précisions dcivent ~tre recherchées dans les dispositions qui
règlementent cette exploitaticn.
(1)
Le commentaire de cette disposition dit que le folklore a
pour caractéristique de se transmettre de génération en géné-
ration, de façon immatérielle, si bien que l'exigence de la
fixation risque d'annihiler sa protection (loi type de TUNIS
197I, doc.
UNESCO jOMPI, pp. 5-6.)
(2)
M. GaBIN a fait cette analyse à propos du projet d'ABIDJAN
qui ne comportait pas de disposition sur le domaine public
payant. Toutefois, la technique de l'autorité compétente
demeure la m~me et le domaine public payant introduit dans
la loi type de TUNIS, constitue une réponse aux préoccupa-
tions de l'intéressé.

-
315 -
b) - L'article 6 est le siège des principales règles
qui organisent l'exploitation du folklore dans la loi type de
Tunis. Ses rédac~eurs, s'inspirant peut-~tre de la solution de
l'article 15, alinéa 4 de la Convention de Berne, confient
l'exercice des droits sur le folklore ~ une autorité compétente.
Cette dernière est définie par l'article lB -IX (1).
Elle exerce les droits patrimoniaux (article 4)
et
les droits moraux (article 5, alinéa 1)
relatifs aux "oeuvres
du folklore".
Toutefois, l'article 6 comporte une disposition
facultative permettant aux Etats qui l'adopteraient, d'écarter
l'exercice des droits sur le folklore, lorsqu'il fait l'objet
d'une utilisation par une entité de droit public à des fins non
lucratives (article 6, alinéa Ibis).
Puis, l'alinéa 2 de l'article 6 apporte une précision
qui manquait, par exemple, dans la Convention de Berne;
"les
oeuvres du folklore national sont protégées par tous les moyens
conformément aux dispositions de l'alinéa l , sans limitation de
temps".
(1)
"Autorité Compétente" s'entend d'une ou de plusieurs person-
nes désignées par le gouvernement pour exercer les pouvoirs
qui lui sont attribués par les dispositions de la présente
loi, chaque fois qu'une question quelconque doit ~tre réglée
par une telle autorité".
A la question de savoir qui, de l'Etat ou des auteurs aux-
quels l'article lB - IX
attribue la paternité de l'acte de
création, l'autorité compétente représente/le commentaire du
projet soumis aux experts à TUNIS en 1976
dit qu'il s'agit
de la communauté dont les oeuvres sont issues : document
UNESCO/OMPI/CML/ Ibis, 30 mai 1974, p. 15 nO 36.

-
316 -
Cette solution va dans le sens d'une certaine interprétation de
l'article 15', alinéa 4 de la Convention de Berne et corrobore
l'analyse que nous avons faite de la durée de protection du
folklore dans nos développements antérieurs (1).
L'article 6 comporte enfin (alinéa 3), une disposition
qui évoque la notion dé débit, délit assimilé à la contrefaçon
dans la doctrine du droit d'auteur:
"Les exemplaires des oeuvres
du folklore national, de m~me que les exemplaires des traductions,
adaptations, arrangements et autres transformations des dites
oeuvres, fabriqués à l'étranger sans l'autorisation de l'Autorité
Compétente, ne peuvent ~tre ni importés, ni distribués".
L'article 15 complète le dispositif dé l'article 6 ci-dessus ex-
pose en faisant spécialement mention de la répression de la viola-
tion des règles qui organisènt l'exploitation du folklore.
Son alinéa 2
dispose : "toute atteinte à l'un
quelconque de ces droits qui est
considéré comme une violation du patrimoine national
peut ~tre
réprimée par tous moyens légitimes".
La loi type de Tunis a bénéficié des améliorations in-
troduites dans le projet d'Abidjan dont elle reprend, en ce qui
concerne
le folklore, le dispositif juridique o Toutefois, le
(1)
Une certaine interprétatirn de l'article 15, al. 4, conclut
en effet à la perpétuité des droits sur le folklore (V
nos
o
développements antérieurs § 1, B de cette section). Quant a
nos propres analyses sur la question,
V.
supra p. 1710

-
317 -
texte adopté à Tunis
complète celui d'Abidjan par des disposi-
tions sur le domaine public payant
(article 17). Il se dégage
des travaux prép~ratoires de ce texte que l'introduction du do-
maine public payant vise essentiellement à règler la question de
l'affectation des sommes perçues (1).
L'article 17
de la loi type de Tunis invite les Etats
à faire des redevan~es perçues une affectation spéciale ; ces
sommes devraient servir à la promotion des institutions au béné-
fice des créateurs, à la protection et à la diffusion du folklore.
Elles ne constitueraient donc pas des recettes de l'Etat, critère
déterminant du domaine d'Etat (2).
I l convient cependant de se demander si, dans la loi
type de Tunis, le fait que les redevances perçues ne constituent
pas directement des recettes de l'Etat, signifie que le régime
instauré doit d'analyser Comme un domaine public payant au sens
où l'entendait Vilbois (3).
(1)
L'absence de dispositions indiquant l'affectation des rede-
vances dans le projet de loi type d'ABIDJAN avait conduit M.
GaBIN à qualifier le régime du folklore dans ce texte de do-
maine d'Etat (thèse précitée, p. 276).
(2)
V.
VILEOIS, op.
cit.
p. 478 nO 341 et Mme D'ORMESSON-KERSAINT,
thèse précitée, p. 294 •
(3)
Dans la partie théorique de notre recherche, nous avons lon-
guement exposé les deux approches de la doctrine, à prooos de
la notion de domaine public.
Nous ne les reprendrons pas ici
et invitons le lecteur à s'y référer ; supra pp. 105 et s.

- 318
Le commentaire de l'article 17 de la loi type de
lTunis dit
que selon le régime du domaine public payant, l'oeu-
l~brement
Ivre peut être
utilisée, à condition qu'une redevance
soit versée (1). Or, l'article 6 de ce texte soumet l'exploitation
du folklore au respect des droits définis aux articles 4 et 5,
alinéa 1. Le premier de ces articles décrit le contenu du droit
exclusif d'autoriser qui appartient à l'auteur et qui, en ce qui
concerne le folklore, est exercé par l'Autorité Compétente.
C'est la conséquence du premier élément de la définition
du statut juridique du folklore: "l'oeuvre du folklore" dans la
loi type de Tunis n'a pas le statut d'oeuvre du domaine public.
Elle est une oeuvre protégée par le droit d'auteur.
Nous nous contentons alors de relever ici la contradic-
tion qui existerait entre le statut d'oeuvre protégée, d'ailleurs
sans limitation de temps dans la loi type de Tunis, et la notion
de domaine public payant. Nous approfondirons notre analyse à la
lumière du droit positif africain dans le chapitre suivanto
(1)
Commentaires accompagnant le texte de la loi type,
Publication UNESCO/OMPI, po 19.

-
319 -
La règlementation de lVexploitation du folklore telle que
lVorganise la loi type de Tunis renferme en outre d'autres
incerti-
tudeso On peut d'abord dire que ce texte ne prend pas assez en
compte la nature de la création folklorique et les objectifs pour-
suivis dans sa protection: ainsi, les rédacteurs de la loi type
de Tunis soumettent lVexploitation du folklore aux mêmes exigences
que celles découlant des droits de IVauteur individuel sur son
oeuvre;
en effet, IVarticle 6 du texte renvoie purement et simple-
ment à ses articles 4 et 5 aloI pour l'exercice des droits pat ri-
moniaux et moraux sur le folkloreo
En yertu du premier de ces articles,
la protection du
folklore couvre la reproduction,
la communication au public par
la représentation OU par la radiodiffusion ainsi que la création
d'oeuvres dérivées du folklore o LVarticle 4 soumet tous ces actes
à IVautorisation préalable de l'Autorité compétente et l'article
17 les soumet au paiement d'une redevance (1).
(1)
Cette disposition a fait l'objet de vives critiques par
l'Union Internationale des Editeurs (UoI.Eo), qui regrette
que IVinspiration de l'artiste et de l'écrivain soit sou-
mise à de telles contraintes ou tracasserieso Cette organi-
tion propose donc que les actes énumérés à l'alinéa 2 de
l'article 4 (les adaptations, traductions arrangements et
autres transformations du folklore)
soient soustraits à
IVautorisation de IVAutorité compétente 0
Voir document
Tunis/UNESCO/OMPI/CMLo 2/5 Annexe po5Io
En outre, pour tenir compte des particularités du folklore
et des objectifs de sa protection, nous avons proposé que
soient exonérées du paiement de la redevance les utilisations
traditionnelles (supra PoI87), que le critère d'usage à but
lucratif soit remplacé par celui dVusage à but commercial
(supra P.I85)
et enfin, que soit écartée l'exigence d'une
autorisation préalable pour toute utilisation du folklore
ne constituant pas sa fixation directe (supra Po 198).

-
320 -
Quant il J'article 5, alinéa l
auquel renvoie l'article 6
pour l'exercice des droits moraux, i l ne comporte aucune formula-
tion spéciale qui tienne compte de la spécificité du folklore
:
l'article en question traite du droit d
la paternité et du droit
au respect de l'oeuvre. Nous observions dans la' première partie
de la thèse que les prérogatives morales de l'auteur étant desti-
nées à la protection d'une personnalité individuelle, i l :le oenvlOnait paE
de les formuler lorsqu'il s'agissait du folklore
(1). En effet,
dans le cas présent,
les prérogatives morales doivent sauvegarder
les intérêts d'une communauté et non ceux d'un individu.
Par extension de la notion de paternité propre au droit
d'auteur, on pourrait dans le cas du folklore,
parler d'
"obliga-
tion de localisation de l'oeuvre" ou de "rattachement" à la commu-
nauté culturelle qui l'a engendrée (2).
Quant au droit au respect de 1'( euvre,
il doit @tre
exercé par l'Autorité Ccmpétente. T(,utefois,
sa
mise en
oeuvre
sera
délicate car le kolklore a "une forme fluide".
Tenant compte de cette réalité, nous avons fcrmulé des proposi-
tions s'inspirant du droit au respect clans la premii::re prl-rtie de
la thèse (3).
(I)
V.
nos développements antérieurs, supra pp 206 et s.
(2)
Idem
(3)
Ces propositions visent indirectement le respect du folklo-
re en affirmant celui de l'interprétation supra p. 207.

-
321 -
L'article 6, alinéa l
se révèle donc difficilement
applicable, bien que le principe d'une protecticn du folkl()re
soit clairement affirmée.
Ses règles ne tiennent pas assez compte
des particularités de la créatit,n ftlklorique et il faut
craindre
que les législations nationales qui s'en inspirent scient inef-
ficaces ptur cette raison.
La seconde catégr rie d'oeuvres en rappe,rt avec le fol-
klore
regroupe
les oeuvres dites "inspirées du folkltre" dont i l
faut rapidement examiner le système de protection dans la loi type
de Tunis.
B) - ~~_EE:"!~;:!~~:;_~~_:~:2~::::E~_~:;~E~E~~_~::_~2~~~:;:::~"
L'article 2 ,(alinéa I , ii) de la lei type de Tunis cite
parmi les oeuvres dérivées classiques,
"l'ceuvre inspirée du fol-
klore".
Cet article est le résultat d'une év('lutüm qui s'est faite
à travers les projets de Genr,ve et d'Ah id jan.
Le projet de Genève ne protégeait que l'oeuvre dite
"inspirée du folklore ".11 lui donnait la définition suivante:
"oeuvre inspirée du folklore"
s'entend de toute oeuvre compo-
sée à l'aide d'éléments empruntés au patrimoine culturel tradi-
tionnel ••• "
(article 6, alinéa I). L'''oeuvre inspirée du folklore"
ne reçoit pourtant pas dans ce texte de Genève la qualification
d'oeuvre dérivée. L'article 6, alinéa l
de ce texte dispose seule-
ment que "nonobstant la cession totale ou partielle du droit

-
322 -
d'auteur sur une "oeuvre inspir~e du folklore",
ou la licence
exclusive portant sur une telle oeuvre, l'auteur conserve le
d.roit d'en autoriser les utilisations sur le territoire auquel
la présente loi est applicable" (1).
A la réunion d'Abidjan en 1973, le projet soumis aux
experts comportait un article 7 relatif aux "oeuvres inspirées
du folklore".
Cet article prévoyait que l'exercice des droits
patrimoniaux sur de telles oeuvres devait requérir l'approbation
de l'autorit~ compétente. Le rapport général des travaux d'Abidjan
révèle que l'article 7 a ét~ supprimé "afin de ne pas placer un
auteur qui se serait inspiré d'une "oeuvre du folklore"
dans une
situation inférieure par rapport a un auteur qui se serait inspiré
d'une oeuvre d'une autre nature"
(2).
Dans la loi type de Tunis, l'oeuvre inspir~e du folklore
est par conséquent assimilée à l'oeuvre dérivée classique; i l
convient à pr~sent de voir si elle en comporte tout le régime
juridique.
(1)
C'est l'existonce de liens étroits entre l'lJoeuvre in:cpirée
du folklore" et le patrimoine traditionnel qui justifie la
disposition de IVarticle 6
:
le texte signifie que, quel
que soit IVusage fait auparavant de son droit d'auteur
(cession, licence consentie à des cocontractants étrangers)
sur 19 "oeuvre inspirée du folklore",
IVauteur peut par exem-
ple en laisser libre IVutilisation par les organismes natio-
naux de radio o En fait, l'article G contredit toute licence
OU cession exclusive,
et ses rédacteurs pensent ~viter
ainsi le scandale dVune obligation de payer des redevances
à IV ~tranger sur des oeuvres dont 1:1 communauté nationale
est l'inspiratrice o
(2)
Document UNESCO!lA!MLC!6, opo
cito
poGo

-
J2J -
La loi type de Tunis ne donne pas de définition de
"l'oeuvre inspirée du folklore". En outre, on peut se demander
pourquoi elle cite ce type d'oeuvres expressément, puisque de
telles oeuvres,
si elles constituent des adaptations,
des arrange-
ments etc 4, bénéficient
de la protection de la loi au titre
des oeuvres dérivées (article 2, alinéa 1, chiffres i
etiV
(1).
Le commentaire qui accompagne le texte du projet soumis aux ex-
perts à Tunis, répond que c'est par mesure de précaution (2).
Une définition de l'" oeuvre inspirée du folklore" aurait été
une précaution supplémentaire ! Nous reviendrons sur cette notion
dans nos développements futurs à la lumière du droit positif des
pays africains (J).
"L'oeuvre inspirée du folklore",
en tant que oeuvre
dérivée, devrait donc jouir du régime de protection des oeuvres
de cette catégorie; leur protection ne doit porter en aucun cas
préjudice aux droits existants sur les oeuvres utilisées (4).
(1)
L'alinéa 1, i
et iide l'article 2 donne une liste d'oeuvres
dérivées dont les traductions, les adaptations, les recueils
etc ••
(2)
Doc. UNESCO!OMPI!CML!Ibis,
op.cit.p.9
(J)
; V.
infra pp.
397 et s.
(4)
; Article 2, alinéa 2, loi type de Tunis.

-
324 -
La création d'une oeuvre dérivée est soumise au respect des droits
patrimoniaux (article 4) et des droits moraux (article 5) de l'au-
teur de l'oeuvre originaireo
Les rédacteurs de la loi type de Tunis
soumettent alors les créateurs d'''oeuvres inspirées du folklore"
à l'obligation d'obtenir de l'Autorité compétente, l'autorisation
d'y procéder
• . On peut donc en conclure que l'''oeuvre inspirée
du folklore" est bel et bien soumise au régime juridique de l'oeu-
vre dérivéeo
La loi type de Tunis, résultat de douze années de réflex-
ion (1964-1976)
CI), bien que siIDple modèle, occupe une place
iIDportante dans l'évolution du droit d'auteur dans les pays en
voie de développement en général et dans les pays africains en par-
ticuliero Comme on s'en apercevra dans l'étude du droit p0sitif
africain (2), elle a inspiré de nombreux législateurso
C'est pourquoi la solution au problème de la protection du folklore
qu'elle comporte méritait toute notre attention.
Le régime juridique du folklore dans le texte en question
se caractérise essentiellement par l'assimilation pure et simple
qu'il fait de l"'oeuvre du folklore" à celle protégée par le droit
d'auteuro Cette solution dénote toutefois, à notre avis, d'une
(1)
:L'année 1964 a connu la réunion à Genève du Comité d'experts
africains pour l'élaboration d'une loi type sur le droit
d'auteur à l'usage des pays en voie de développement d'Afri-
que,supra pP 311 , note l
; l'année 1976 a connu l'adoption de la
0
loi type de Tunis à l'usage de l'ensemble des pays en voie
de développement que nous avons étudiée dans ce paragrapheo
(2)
Supra ppo 394 et So

- 325 -
prise en compte insuffisante de la nature de la création folklori-
que.
Du point de vue de la prise de conscience des pays en
voie de développement a l'égard du folklore,
l'élaboration de la
loi type de Tunis a été possible parce que les pays concernés ont
réussi, au sein de l'Union de Berne, à faire admettre l'idée que
les solutions de la protection du folklore pouvaient @tre recherchées
dans le droit d'auteur. Dans ce sens, la loi type de Tunis et la
Convention de Berne
(dans ses rédactions de Stockholm et de Paris)
portent incontestablement les marques de la dite prise de conscience.
Tous deux comportent certes des insuffisances, mais celles-ci pour-
raient ~tre attribuées à leur caractère de textes généraux. Le
droit positif africain apportera peut-être les raffinements né ces-
saires.
x
X
X
X

- 326 -
CHAPITRE II
LA PROTECTION DU FOLKLORE A TRAVERiil LE DROIT
POSITIF AFRICAIN.
En 1975, lorsque M. GOBIN rédigeait sa thèse, il
n'avait relevé que quatre législations nationales protectrices
du folklore en Afrique (1). Douze ans après, nous en dénombrons
au moins quinze (2).
L'intérêt que portent les législateurs africains à la
protection du folklore
justifie que nous orientions notre recher-
che vers le continent africain. Cet intérêt doit être lié aux
différents travaux dont nous avons fait cas dans l'exposé des
manifestations de la prise de conscience des pays en voie de déve-
loppement et particulièrement à l'existence d'un traité africain
en matière de droit d'auteur qui protège le folklore: la Conven-
tion O.A.P.I. L'examen de la structure de protection du folklore
(1)
M.
GOBIN, thèse précitée, p. 229.
(2)
Les lois des pays suivants comportent des dispositions sur
la protection du folklore : la TUNISIE : (loi du 14 février
1966) ; le MAROC:
(loi du 29 juillet 1970) ; l'ALGERIE
(Ordonnance du 3 juillet 1973) ; le SENEGAL : (loi du 4
décembre 1973) ; le MALI : (Ord. du 12 décembre 1977) ; la
COTE D'IVOIRE:
(loi du 28 juillet 1978) ; la GUINEE:
(loi
du 9 août 1980) ; le CONGO:
(loi du 7 juillet 1982) ; le
CAMEROUN:
(loi du 26 novembre 1982) ; le RWANDA:
(loi du
15 novembre 1983) ; le BENIN:
(loi du 15 mars 1984) ; le
BURKINA FASO :(Ord. du 29 septembre 1983 telle que modifiée
par l'ordonnance du 26 février 1984) ; le CENTRAFRIQUE:
(Ord. du 5 janv;er 1985) ; loi ghanéenne du 29 mars 1985.,
Ord, Loi du Zaïre
portant protection des droits d'auteur,
D,A. 5 avril 1986.

- 327 -
dans ce texte fera l'objet de la première section de ce
chapitre (section 1).
Les législateurs africains disposent d'une série de
textes de référence dont la Convention de Berne, la loi type de
Tunis, la Convention G.A.P.I. Chacune de ces références présente ses
aspects positifs et ses lacunes dont i l faut espérer que les législa-
teurs africains tiennent compte. Nous le vérifierons en présentant
l'économie des législations africaines dans une section II.
Après l'examen des législations internes, nous aurons
réuni les solutions les plus élaborées en matière de protection
du folklore par le droit d'auteur. Nous disposerons donc de tous
les éléments d'appréciation sur les initiatives développées pour
la protection du folklore dans le cadre du droit d'auteur. Dans
une (section III), nous jugerons alors, globalement, de l'oppor-
tunité des solutions envisagées dans le cadre de cette institution.
x
X
X
X

- 328 -
SECTION l
LA CONVENTION O.A.P.I. ET LA PROTECTION DU FOLKLORE.
Un accord signé entre douze états africains et
malgache en 1962 à Libreville au Gabon (1), consacre la naissance
de l'Office Africain et Malgache de la propriété industrielle
(O.A.M.P.I), anc@tre de l'O.A.P.I. (organisation africaine de la
propriété intellectuelle).
Les états nouvellement indépendants commencèrent donc
par la propriété industrielle; ce n'est que quinze ans plus tard
en 1977, qu'ils organisent la protection du droit d'auteur dans
le cadre de leur institution commune.
L'extension des activités de l'O.A.M.P.I. au droit
d'auteur était déjà prévisible en 1963 ; en effet, une des recom-
mandations de la réunion de Brazzaville suggérait l'étude de la
possibilité de créer un office africain du droit d'auteur (2).
Aussi, la protection du droit d'auteur fit partie de l'ordre du
jour de la réunion du Conseil d'Administration de l'O.A.M.P.I. à
sa sixième session (Brazzaville 1967), et depuis elle demeura une
préoccupation constante. Mais, il a fallu attendre 1972 pour noter
(1)
Les Etats membres de l'O.A.M.P.I étaient: le BENIN, le
CAMEROUN, la HAUTE VOLTA (aujourd'hui BURKINA FASO),
MADAGASCAR, la MAURITANIE, le NIGER, le SENE GAL , le TCHAD,
le TOGO, le CONGO, la COTE d'IVOIRE, le CENTRAFRIQUE, le
GABON.
(2)
Recommandation nO 3, réunion de BRAZZAVILLE; RIDA nO 41
1963 p. 242 et s. L'idée fut encoreévoquee à la réunion de
GENEVE en 1964, V.lerapport des travaux, RIDA nO 46, 1965,
p. 264.

-
J29 -
un avancement significatif des travaux : une commission fut créée,
chargée de rédiger le projet. Après plusieurs tentatives malheu-
reuses de procéder à la signature de la Convention (1), le projet
fut soumis à l'approbation des Etats en 1977 à Bangui.
L'accord signé à Bangui en 1977 consacre l'adoption de
la Convention interafricaine sur le droit d'auteur et la création
d'une nouvelle institution: l'Organisation Africaine de la Proprié-
té Intellectuelle (2). La Convention est entrée en vigueur au mois de
février 1982 0
L'étude de la Convention A.O.P.I.
du droit d'auteur
présente énormement d'intérgt ; en effet, là où i l a été question
de droit d'auteur en Afrique, i l a également été question de la
protection du folklore o
Le folklore jouit toutefois d'un double
système de protection dans l'Accord de Bangui
Son annexe VII
o
(1)
Envisagée en 1975, à la IJème session du Conseil d'Adminis-
tration, la signature du traité a dÛ gtre différée parce que
ce dernier était encore à l'étude dans certains pays; elle
le sera pour les mgmes raisons en 1976 à la session de DAKAR
du Conseil d'Administration, puis ajournée afin de faire pro-
fiter
le Traité des expériences de la loi type de TUNIS qui
devrait gtre adoptée en 1976.
(2)
Pour l'ensemble des caractéristiques de la nouvelle organisa-
tion, V.
Melle Catherine KINGUE : la protection du droit
d'auteur dans les Etats membres de l'O.A.P.I., thèse, PARIS 2
1985, p. 27 et s. et M. BIZITOU. Le nouveau régime de protec-
tion des dessins ou modèles industriels dans le cadre de
l'accord de BANGUI de 1977, créant l'Organisation Africaine
de la Propriété Intellectuelle ; thèse, PARIS II, 1986, 2 vol.
pp. 19-40.

- JJü -
s'intitule "Du droit d'auteur et du patrimoine culturel" ; i l
consacre par conséquent un titre l
à la protection du droit d'au-
teur et un titre II à celle du patrimoine culturel o Chacune de
ces deux institutions traite cependant de la protection du fol-
klore ; mais, conformément à l'intitulé du titre que nous dévelop-
pons présentement (I), i l ne sera étudié ici que la protection
organisée dans le cadre du droit d'auteur (2)0 Cette protection
s'articule autour de 1'''oeuvre du folklore" (paragraphe 1) et de
l ' "oeuvre inspirée du folklore" (paragraphe 2).
(1)
Dans le titre II de l'Annexe VII de l'Accord de Bangui
qui
s'intitule : De la protection et de la promotion du patri-
moine culturel, le folklore reçoit la définition suivante,
plus large que celle qu'il a dans le Titre l
: "Par "folklore",
aux fins du Titre II, on entend l'ensemble des traditions
et des productions littéraires, artistiques, religieuses,
scientifiques, technologiques et autres, créées par les
communautés africaines, transmises de génération en généra-
tion et constituant ainsi les éléments fondamentaux du pa-
trimoine culturel africain"
(article 46)0
Le folklore ne
couvre que les productions artistiques et littéraires dans
le Titre l
relatif au droit d'auteuro
(2)
Le Titre l
de la seconde partie de notre étude a en effet
trait aux initiatives prises dans le cadre du droit d'auteuro

- 331 -
Paragraphe l
Le régime juridique de "l'oeuvre du folklore"
dans la Convention OAP1 du droit d'auteur.
La Convention OAP1 du droit d'auteur (article 8\\
définit le folklore comme "l'ensemble des productions litté-
raires, artistiques ou scientifiques créées par les communautés
nationales ethniques des Etats membres, qui sont transmises de
génération en génération et constituent l'un des éléments fonda-
mentaux du patrimoine culturel africain". Cette définition n'a
rien de commun avec l'article 15, alinéa 4 de la Convention de
Berne que nous avons étudié (1), mais elle est caractéristique
de nombreux textes de loi dans le droit positif africain.
Pour l'examen du r~im~ jur~di~ue du folklore dans la Convention
O.~,P.I., notre démar~he di~f~~e de eelle que nous avions adoptée pour
les analyses antérieures ; nous analyserons d'abord les éléments
que comporte ce régime: la déclaration préalable (A), l'institu-
tion d'une redevance (B), les sanctions (C), afin de faciliter sa
caractérisation (D).
(1)
Tandis que les rédacteurs de l'article 15, alinéa 4 de la
Convention de BERNE se rallient implicitement à la thèse
de la création individuelle du folklore,
ceux de l'annexe
VII de l'Accord de BANGUI consacrent
expressément celle de
la création collective, Selon ce dernier docum~nt, le fol-
klore est ;P oeuvre de "communautés nationales ethniques",

-
JJ2 -
Le rapprochement des articles 2 (alinéa J,XIII) et
8,
alinéa 2 , de la Convention O.A.P.I. du droit d'auteur permet
de dire que sont aussi considérées commes des oeuvres de l'esprit,
"les productions littéraires, artistiques ou scientifiques
créées
par les communautés nationales ethniques des Etats membres,
qui
sont transmises de génération en génération et constituent l'un
des éléments fondamentaux du patrimoine culturel africain"
(1).
L'article 8, alinéa 4 institue pour l'exploitation de
ces oeuvres un système de déclaration préalable en ces termes :
"l'adaptation du folklore ou l'utilisation d'éléments empruntés
au folklore doit ~tre déclarée à l'organisme prévu à l'article 44
ci-après"
(2).
Il est quelque peu malaisé, à la lecture de l'article
8, alinéa 4, de dire quel est le champ d'application de la décla-
ration préalable instituée par cet article:
d'abord,
on s'atten-
drait à ce qu'il s'agisse d'adaptation d'''oeuvres du folklore",
le folklore étant défini comme un ensemble d'oeuvres.
(1)
L'article 2, alinéa J
donne une longue liste d'oeuvres
"notamment" considérées comme des oeuvres de l'esprit. Le
folklore et les "oeuvres inspirées du folklore" figurent
sur cette liste (alinéa J, XIII). Quant à l'article 8,
alinéa 2, i l donne la définition du folklore ci-dessus
rapportée.
(2)
Selon l'article 44,
i l s'agit du bureau national du droit
d'auteur ou de la société nationale d'auteurs et compositeurs
de l'Etat membre.

-
333 -
Les rédacteurs de la Convention n'ont pourtant pas fait usage
de l'expression "oeuvres du folklore"
; ils ont plutôt employé
celle de "productions littéraires, artistiques ou scientifiques".
Il faut voir là
une manifestation de la difficulté de cerner la
notion de folklore,
difficulté sur laquelle nous reviendrons dans
la section III de ce chapitre.
Les rédacteurs de la Convention font ensuite usage
(article 8, alinéa 4) de l'expression "utilisation d'éléments
empruntés au folklore" dont on doit déplorer le caractère vague.
En outre, ne peut-on pas considérer l'adaptation du folklore
(sous-entendue d'éléments du folklore ou de productions folklori-
ques) comme une forme d'utilisation d'éléments empruntés au
folklore ?
On doit certainement comprendre l'article 8, alinéa 4
comme Mlle Kingue,
qui écrit
"Autrement dit, l'exploitation
d'éléments du folklore et la création d'oeuvres dérivées de celui-
ci doivent être déclarées à l'organisme du pays concerné"
(1).
Toutefois, notre accord avec Melle Kingue se limite à
l'analyse ci-dessus rapportée car, l'intéressée poursuit en disant
que la Convention étudiée semble soumettre aussi bien l'oeuvre du
folklore originaire que celle qui s'en inspire à un ~égime de do-
maine public payant (2)0
(1)
Melle KINGUE Catherine, thèse précitée,
pp 272-273.
0
(2)
Mlle KINGUE, indem p. 273.

- 334 -
Par souci de clarté, nous rejetons l'exposé de ces
divergences
dans le paragraphe suivant qui comporte l'analyse
du régime juridique de "l'oeuvre inspirée du folklore".
La réd~~tion de IVarticle B,al. 4 laisse également à désirer en
ce que ce texte n'indique pas si la déclaration dont il s'agit se fait
préalablement ou non à l'exploitation. On peut toutefois combler
cette lacune par déduction de l'article 38-2 de la Convention qui
érige
en infraction
le fait de se livrer à une exploitation du
folklore sans avoir effectué la "déclaration préalable".
Selon l'article 8, alinéa 4 donc, toute forme d'exploi-
tation du folklore est soumise à la condition d'une déclaration
préalable. La généralité de ce système rappelle celle du rlisposi-
tif de l~ loi type de Tunis que nous avons précédemment critiqué
(1). Toutefois, on peut répondre qu'il s'c.git ici de déclaration
préalable et non d'autorisation préalable. La critique doit alors
prendre
me autre forme.
(1)
La loi type de TUNIS (article 6), institue en effet une
,mtorisation préalable pom' tous les &.C tes d' exploi tation
dv.. folklore en confiant à l ' autori té compétente l'exercice
des prérogatives d'ordre pécUll.iaire et moral sur le folklore
(article 4 et 5 alinéa 1). Nous avions jugé que cette solu-
tion ne tient pas suffisamment compte de la nature de la
création folklorique (cf. nos développements antérieurs
s'x;Jra p. 319.

- 335 -
Il faut se demmlder, en effet,
si l'emploi exclusif
du système de la dciclaration préalable permet d'assurer une véri-
table protection du lolklore. Dans nO'J analyses théorique~;, en
prenlière partie de la thèse, nous avons relevé avec Mme d'Ormesson-
Kersaint que seul le système de l'aut0risation préalable permettrait
à l'Autorité Compétente de s'assurer que l'exploitation e~visagée du
folklore ne portera pas atteinte au patrimoine national (1).
Le second élément du dispositif de la protection du
folklore dans la Convention étudiée est l'institution d'une rede-
vance dont i l faut maintenant examiner le mode de calcul et
d'affectationo
B) - L'institution d'une redevance
L'article 8, alinéa 5 du texte étudié fait allusion
a l'affectation des redevances provenant de l'exploitation du
folklore; mais c'est plutôt l'article 36 qui constitue le siège
de cette modalité d'application du régime juridique du folklore
dans la Convention O.A.P.I.
(1)
Mme d'ORMESSON-KERSAINT
arrive à cette conclusion dans
son analyse du domaine public payant (thèse précitée,
p. 308). Melle KINGUE marque également sa préférenr-e
pour le système d'autorisation préalable dans le cas du
folklore;
(thèse précitée p. 275). Cf aussi nos dévelop-
pements antérieurs (supra ppo 195 et sa

-
336 -
LVarticle 36 traite aussi bien des oeuvres du domaine
public que de celles du folklore.
I l dispose que IVexploitant
de telles oeuvres doit souscrire IVengagement de payer à l'Auto-
rité compétente une redevance calculée sur le produit brut de
l'explOitation.
L'alinéa
2 de
cet
article
donne
des précisions
sur le mode de calcul de la redevance :
"cette redevance sera
égale à la moitié du taux de rétributions habituellement allouées
d'après les contrats ou usages en vigueur aux auteurs des oeuvres
protégées"
(1).
La Convention ne fait aucune distinction entre les
différentes formes d'utilisation du folklore
; mais le renvoi
à la pratique des organismes d'auteur permet de penser que ces
détails seront réglés.
(1)
Le traitement des oeuvres folkloriques et des oeuvres du
domaine public par un même système de règlementation con-
duit à la confusion perceptible dans l'alinéa 2 de l'arti-
cle 36: en fixant le taux dela redevance sur le folklore
par comparaison
aux taux pratiqués pour les "oeuvres pro-
tégées", les rédacteurs du texte font douter du caractère
d'oeuvres protégées des oeuvres folkloriques. On doit alors
penser que l'opposition faite avec les oeuvres protégées
ne concerne que les oeuvres du domaine public.

-
337 -
Quant à l'affectation et à la répartition des sommes
perçues, l'article 36, alinéa 3 dispose: "le produit des rede-
vances ainsi perçues en vertu du présent article est consacré à
des fins sociales ou culturelles". L'article 8, alinéa 5 précité
complète cette disposition en renvoyant) pour les conditions de
répartition des redevances)aux législations nationales. C'est
alors à travers l'examen des législations nationales qu'on saura
si les craintes sa~s-cesœ manifestées dans la doctrine, dès qu'il
s'agit de perception de redevances sur le folklore sont ou non
sans fondement (1).
Le dernier élément du dispositif de protection du
folklore dans la Convention interafricaine trouve son siège dans
les articles 38 et 39. Ces articles organisent la répression des
atteintes aux droits sur les oeuvres de l'esprit o
C) - Les sanctions.
Il ressort des dispositions de l'article 38, alinéa 2
que "l'exploitant d'une oeuvre folklorique ou d'une oeuvre tombée
dans le domaine public qui omet de faire la déclaration préalable
à l'Autorité nationale, est puni d'une amende dont le minimum sera
fixé par ladite autorité et qui pourra ~tre portée, le cas échéant,
au double des redevances non encore versées".
(1)
V.
infra. section II de ce chapitre pour l'examen des
législations nationales et nos développements antérieurs
Ière partie , titre l , chapitre II, ppo 152 et s. sur lœs craintes
exprimées dans la doctrine sur les risques du domaine public
payant.

-
338 -
L'alinéa 2 de l'article 39 complète ce dispositif
en rendant applicable aux cas d'exploitation non autorisée
d'une oeuvre folklorique la procédure de saisie
contrefaçon
définie à l'alinéa premier.
Les articles 38 et 39 de la Convention interafricaine
traitent de la répression des atteintes au folklore dans des
dispositions parallèles à celles qui sanctionnent les violations
des droits d'auteur en général. Il s'agit alors de sanctions spe-
ciales dont l'usage exclusif ou cumulatif avec les sanctions géné-
rales, pose un problème de qualification.
Partie du principe que les oeuvres folkloriques sont
considérées dans la Convention interafricaine comme des oeuvres
de l'esprit, Mlle Kingue écrit:
"les sanctions générales prévues
par cette Convention pour les atteintes portées à celles-ci
devraient également s'appliquer à celles-là"
(1).
Quelle serait alors la raison d'être des sanctions
spéciales si les sanctions générales étaient applicables ?
L'intéressée estime que "les sanctions spéciales prévues par
la Convention de 1977
visent à renforcer la protection des
oeuvres du folklore originaire"
(2).
(1)
Mlle KINGUE, thèse précitée, p. 282.
(2)
Mlle KINGUE,
thèse précitée, p. 28.

-
JJ9 -
Nous demeurons toutefois sceptique sur la validité de
de l'argumentation qui voit dans la sanction spéciale de l'article
J8, al. zIa manifestation d'une volonté de renforcer la répression
des atteintes au folklore o
L'esprit de la Convention ne consacre-
t - i l pas la tendance à réserver au folklore un traitement particulier?
En outre, le principe de droit pénal "nullUlTl crimen, nulla
poena sine lege" nous invite à l'interprétation restrictive de ces
dispositions
j
sans oublier, qu'en droit pénal, i l existe aussi
le principe du non cUlTlul des peines qui prive de tout effet la
sanction la moins sévère (1)0
L'exploitation d'une oeuvre folklorique peut se faire de
différentes façons
comprenant l'édition, la représentation,
la
radiodiffusion etc.
j
lorsque l'un quelconque de ces actes est posé
sans avoir au préalable effectué la déclaration qui implique l'en-
gagement de payer la redevance,
l'article J8 alinéa 2 intervient
pour punir d'une amende le contrevenant o
Toutefois, pensons-nous,
la répression des violations à
la règlementation de l'exploitation du folklore se limite J celJo
En effet,
l'alinéa premier de l'article J8 définit le délit de
contrefaçon par rapport à la violation des droits de l'auteur qui,
nous le savons, sont patrimoniaux et moraux et comportent un droit
exclusif d'autoriser.
(1)
Dans le cas precls, les termes de l'article J8 ne penIlettent
pas de dire laquelle des sélnctions des deux infractions serait
privée d'effet;
en effet,
le texte conventionnel renvoie simple-
ment aux dispositions du Code pénal de chaque Etat o Toutefois,
cOlTllTle nous le verrons dans l'étude des législations do certains
pays membres de l'Accord de DanGui,
la tendance ost
~ Ja modé-
ration dans la répression des violation:~ ùe~J l'('[';.ics (PÜ pro-
tègent le folklore
; cf infra ppo J84.

-
340 -
Le régime juridique du folklore dans la Convention
O.A.P.I. du droit d'auteur est ainsi analysé a travers l'examen
de ses modalités d'application. Nous pouvons a présent tenter de
dire quel statut les rédacteurs de cette Convention ont réservé
au folklore.
Melle Kingue qui analyse de façon approfondie le
régime juridique du folklore dans la Convention O.A.P.I. conclut
qu'il s'agit d'un régime de domaine public payant (1); mais à la lu-
mière des analyses théoriques que nous avons effectuées dans
la première partie de notre recherche et de nos développements
sur le statut du folklore dans la loi type de Tunis, nous devons
réexaminer
cette qualification (2).
Le domaine public payant,
selon une définition rappor-
tée par l'intéressée, c'est "le droit accordé à toute personne
de reproduire une oeuvre par l'édition, de la représenter ou de
l'exécuter, ou encore de l'adapter en vue de son exploitation
par un procédé mécanique, sans avoir à demander l'autorisation
de l'auteur, mais contre-paiement d'une redevance"
(3).
(1) Mlle KINGUE,
thèse précitée, p. 258-285.
(2)
V.
nos développements antérieurs sur la notion de domaine
public (Ière Partie Titre II, pp.i05 et 8., et sur le statut du
folklore dans la loi type de TUNIS, V. supra, pp.
312 et s.
(3)
Mlle KINGUE, thèse précitée p. 265.

- 341 -
Le domaine public payant ci-dessus défini se distingue
d'une autre variété
dite le domaine d'Etat.
Selon cette théorie,
on considère que c'est l'Etat qui est propriétaire du patrimoine
culturel donc des oeuvres folkloriques (1).
Le système de déclaration préalable qu'organise la
Convention interafricaine ne compromet pas la liberté d'utilisa-
tion du folklore. Il semble en outre uniquement destiné à permettre
le recouvrement de la redevance. Ce système réunit donc les deux
critères du domaine public payant : un usage libre, conditionné
uniquement par le paiement d'une redevance (2). On comprend donc
que M~le Kingue l'ait qualifié de domaine public payant.
Toutefois, la Convention étudiée, à l'instar de la
loi type de Tunis, ne dit nulle part que le folklore appartient
au domaine public.
Elle considère les productions du folklore comme des
oeuvres de l'esprit protégées par le droit d'aut~ur, contrairement
(1)
Mlle
KIN GUE , idem p. 267.
(2)
De ce point de vue, le système de la Convention O.A.P.I.
ressemble plus au domaine public payant que celui de la loi
type de Tunis qui
ne dit nulle part que le folklore ap-
partient au domaine public.

-
342 -
à celles tombées dans le domaine public et ceJles énumérées
par l'article 2 alinéa 5 (article 2 al. 5 - XIII)
(1).
Les rédacteurs de la Convention O.A.P.I apportent
ainsi le premier élément de réponse a la question du statut
du folklore
: est-il ou non protégé ? Ils fournissent égale-
ment une réponse claire à la question de la titularité des
droits établis.
La Convention interafricaine du droit d'auteur dit
que le folklore appartient à l'Etat. Son article 8, alinéa l
dispose: "le folklore appartient à titre originaire, au patri-
moine national". L'article 35 nous révèle le sens de la notion
d'''appartenance au patrimoine national". Cet article qui fixe
la durée de protection des différentes oeuvres de l'esprit la
limite à cinquante après la publication "dans le cas ou le droit
d'auteur appartient à titre originaire à une personne morale,
exception faitedu droit de l'Etat sur le folklore qui est im-
prescriptible"
(2).
(1)
L'alinéa 5 de l'aIticle 2 dispose:
"la protection ne
s'applique pas :
j)
aux lois, aux décisions judiciaires et des organes
administratifs, ainsi qu'aux traductions officielles de
ces textes et
ii)
aux nouvelles du jour publiées, radiodiffusées ou commu-
niquées en public".
(2)
Cette disposition nous indique également que le folklore
est protégé par le statut du domaine d'Etat sans limitation
de temps.

-
343 -
La réunion des deux éléments de reponse nécessaires
à la définition du statut juridique du folklore permet de quali-
fier sans ambiguïté le régime juridique instituée: i l s'agit
d'un domaine d'Etat,
quels que soient les modalités pratiques
d'exploitation et le mode d'affectation des redevances. L'ana-
lyse selon laquelle l'affectation des redevances constitue un
critère fondamental de la distinction entre le domaine public
payant et le domaine d'Etat perd provisoirement sa pertinence (1).
Il était donc nécessaire pour nous de revenir sur la
qualification donnée par Melle Kingue qui ne prend pas en compte
les éléments que nous avons dégagés. La Convention O.A.P.I, par
rapport à la loi type de Tunis donne une réponse plus claire à
la question du statut du folklore et partant
gime jurique. Il faut voir à présent si cette clarté existe aussi
au sujet de l'''oeuvre inspirée du folklore".
(1)
Cette perte de validité est provisoire car, lorsque les
termes de la loi ne permettent pas de déterminer expressé-
ment le titulaire des droits sur le folklore,
i l faut avoir
recours au critère de l'affectation des redevances. Il en
sera ainsi dans nos analyses futures sur les législations
nationales africaines ; infra pp0350 et So

-
344 -
Paragraphe 2
Le régime juridique de l'oeuvre inspirée
du folklore dans la Convention OAPI
Aux termes de l'article 2, (alinéa 3, XIIl, de la Con-
vention étudiée, l'''oeuvre inspirée du folklore"
jouit de la
protection instituée au profit d'oeuvres de l'esprit. L'article
8, alinéa 3,en donne la définition suivante:
"oeuvre inspirée
du folklore
s'entend de toute oeuvre composée à l'aide d'élé-
ments empruntés au patrimoine culturel traditionnel africain".
Les articles 2 et 8 précités sont les seules disposi-
tions de la Convention qui comportent l'expression "oeuvre inspirée
du folklore".
Cette situation complique extr@memœnt la définition
du régime juridique de l'oeuvre en question.
Il faut,
en
s'aidant de la définition qu'en donne l'article 8, retrouver les
traces de l'oeuvre inspirée du folklore dans la Convention.
L'article 8, alinéa 4, dispose que "l'adaptation du
folklore ou l'utilisation d'éléments empruntés au folklore doit
@tre déclarée •• ,". Puisque l'''oeuvre inspirée du folklore" se défi-
nit comme une oeuvre composée à l'aide d'éléments empruntés au folklo-
re,on peut donc
dire que sa réalisation n'est qu'une forme d'uti-
lisation d'éléments empruntés au folklore. Dans ce sens,
cette
activité doit être déclarée à l'organisme visé à l'article 44.

-
J45 -
L'article 8 prévoit également à son alinéa 5 que
l'exploitation des oeuvres visées va générer des redevances
qui devraient être consacrées à des fins culturelles et so-
ciales. Les oeuvres en question sont
: le folklore (alinéa 1)
et les'beuvres inspirées du folklore"(alinéa J).
En outre,
les rédacteurs de la Convention étudiée par-
lent d'oeuvres folkloriques sans autre précision (1).
On pour-
rait alors légitimement penser qu'il s'agit aussi bien d'''oeuvres
du folklore" orig:inaires que d'oeuvres qui s'en :inspirent.
Partant de ces données, Mlle Kingue conclut : "le
domaine public payant,organisé ici,
semble être Wl système
généralisé qui concerne toute~ les oeuvres folkloriques, c'est-
à-dire, celles du folklore originaire et celles qui s'en inspi-
rent"
(2). L'intéressée s'interroge par conséquent, avec raison,
sur l'intérêt de l'application du domaine public payant aux
oeuvres inspirées du folklore.
(1)
Article J6 alinéa l , article J8 alinéa 2, article J9 alinéa 2 0
(2)
Mlle KINGUE, thèse précitée, p o 27I
; cf également supra poJJJ.

-
346 -
Quelles seraient pourtant les consequences de l'application
du régime du domaine public payant aux "oeuvres inspirées du
folklore" ? Comme dans le cas de l "'oeuvre du folklore",
son
utilisateur ne serait soumis qu'à l'obligation de faire à
l'Autorité Compétente, une déclaration préalable et de payer
la redevance. Ce dernier n'aurait alors nullement besoin de
l'autorisation de l'auteur d'une telle oeuvre.
Il nous parait peu probable que les rédacteurs de
la Convention interafricaine aient voulu organiser un tel sys-
tème. Nous avons qualifié le régime juridique du folklore dans
la Convention O.A.P.I de domaine d'Etat(I) • Ce régime
désigne
l'Etat comme propriétaire du folklore. A partir de là, le rai-
sonnement devient plus facile.
Dans le cas du folklore comme dans celui des autres
oeuvres de l'esprit protégées par la Convention, les droits
d'auteur ont un titulaire. Dans le premier cas,
i l s'agit de
l'Etat qui n'exige qu'une déclaration préalable et l'engagement
de payer une redevance pour accorder le droit d'exploitation du
folklore. Dans le second cas, i l faut une autorisation de l'auteur
ou de ses ayants droit.
La définition de l'''oeuvre inspirée du folklore" ne
permet pas de dire s'il s'agit d'oeuvre absolument ou relative-
ment originale ; nous en discuterons dans la section suivante.
(1)
supra p.
343.

-
347 -
Retenons seulement, dans le cadre des présents développements,
l'hypothèse selon laquelle l'''oeuvre inspirée du folklore" est
une oeuvre dérivée.
L'Etat, comme le lui reconnatt l'article 8, alinéa 4
(1), est en droit d'exiger qu'en vertu du principe selon lequel
les auteurs d'oeuvres dérivées jouissent de la protection sans
préjudice des droits de ceux des oeuvres originaires, la réalisa-
tion et l'exploitation de telles oeuvres lui soient déclarées et
que sa part de redevance soit versée (article 30, alinéa 1).
Mlle Kingue qui considère l'''oeuvre inspirée du folklore"
comme une oeuvre dérivée écrit cependant:
car si l'auteur de
l'oeuvre dérivée du folklore a sur elle un droit d'auteur, un
tiers qui voùdra l'utiliser aura besoin de l'autorisation de
cet aute~. Mais le tiers qui voudra diffuser l'oeuvre inspirée
du folklore,
devra-t-il, pour ~tre en règle avec la Convention,
faire de surcroît la déclaration prévue et payer la redevance
prévue? "Il nous semble que l'utilisation d'une ceuvre inspirée
du folklore par un tiers ne devrait ~tre soumise, ni à la décla-
ration préalable, ni au paiement des redevances prévues, mais
seulement à l'autorisation de l'auteur tant qu'ellen'est pas tom-
bée dans le domaine public"
(2).
(1)
L'article 8, alinéa 4 dispose:
"l'adaptation du folklore
ou l'utilisation d'éléments empruntés au folklore doit ~tre
déclarée à l'organisme prévu à l'article 44 ci-après".
(2)
Melle KINGUE,
op. cit. p. 273, note 3.
Si l'intéressée avait conçu l'''oeuvre inspirée du folklore"
comme une oeuvre absolument originale, nous lui aurions
donné entièrement raison.

-
348 -
Selon l'analyse ci-dessus rapportée,
l'auteur de
l'oeuvre originale n'a plus rien à voir dans la vie de l'oeuvre
dérivée dont i l a autorisé la réalisation.
Il nous semble pourtant
que, par exemple, dans le cas d'une adaptation,
si elle est proté-
gée contre quiconque, si elle ne peut @tre utilisée ni modifiée
sans le consentement de l'adaptateur, ffll revanche, ce dernier ne
peut lui-même utiliser son oeuvre dérivée ou en autoriser l'utili-
sation que dans le respect
des conditions consenties par l'auteur
de l'oeuvre première (1)0
C'est donc dans le régime juridique de l'oeuvre dérivée
qu'il faut chercher celui de l'oeuvre inspirée du folklore et non
dans le domaine public payant. On doit comprendre que le produit
des redevances provenant de l'exploitation d'une "oeuvre inspirée
du folklore" correspond à la part de redevance qui aurait été
versée à l'auteur de l'oeuvre originale, sauf bien entendu, à
prendre en compte le taux indiqué par l'article 36,
alinéa 2
(2).
On peut ne pas être d'accord avec le fait que le régime de l'oeuvre
dérivée soit appliqué dans toute sa rigueur à l'''oeuvre inspirée
du folklore", mais on doit reconnaitre que le mérite de la Conven-
tion O.A.P.I est d'avoir clairement règlé,
contrairement à de
nombreuses législations que nous examinerons dans la section sui-
vante, le régime juridique de ce type d'oeuvres.
(1)
M. Peter GYERTYANFY
tire cette conséquence de l'interpréta-
tion des dispositions des Conventions internationales, notam-
ment de l'article 2-3 de l'Acte de PARIS
de la Convention de
BERNE en liaison avec l'article 6 bis du même Acte. Dans un
cas particulier, celui de l'oeuvre cinématographique, l'auteur
d'une oeuvre adaptée se voit rn@me reconnaître la qualité de
coauteur.
Voir "Le droit d'adaptation dans le domaine de la
musique", Le Droit de l'Auteur, mars 1987, P'I05,
Voir note(2) page suivante o

-
349 -
Les Etats membres de l'O.A,P,I"
par l'Annexe VII de
l'Accord de Bangui, ont résolument opté pour
la
protection du
folklore.
Le texte soumet le folklore originaire à un régime de
domaine d'Etat
organisé autour de l'institution d'une déclaration
préalable, Quant à l'''oeuvre inspirée du folklore", son régime
est celui de l'oeuvre dérivée, l'Etat jouant son rôle de proprié-
taire de l'oeuvre originaire. I l s'agit donc d'une protection
rigoureusement calquée sur les principes du droit d'auteur
malgré
ses particularités,
La Convention étudiée est d'une importance capitale dans
la connaissance du droit positif africain relatif à la protection
du folklore
: la Convention ayant été élaborée pour être applica-
ble directement dans les Etats membres, on aurait pu penser que
son étude nous éviterait d'autres recherches sur les systèmes
nationaux de la douzaine de pays qui y adhèrent, Toutefois, comme
le relève Mlle Kingue (1), par désir d'indépendance législative des
pays signataires, i l existe dans ces derniers
des législations
nationales qui, dans le domaine
du folklore
aussi, présentent
quelques variantes.
On s'en apercevra dans l'examen des lois séné-
galaise, ivoirienne et burkinabè, que nous allons faire dans la
section suivante
consacrée à l'étude de quelques lois africaines
protectrices du folklore,
Note 2 de la page prédédente :
L'article 36 al,
2 dispose que "cette redevance sera égale à la
moitié du taux des rétributions habituellement allouées d'après
les contrats ou usages en vigueur aux auteurs des oeuvres proté-
tégées", Cf aussi nos développements, supra pp, 335-336,
(1)
: Mlle KIN GUE , op,
cit,
p,544,

- 350 -
SECTION II
LES LOIS NATIONALES AFRICAINES PROTECTRICES
DU FOLKLORE.
Parmi les manifestations de la prise de conscience des
pays en voie de développement à l'égard du folklore, celles que
constituent leurs législations nationales méritent particulière-
ment d'être prise en compte.
Les premières législations africaines protectrices du
folklore apparaissent dès 1966 et 1970 (1). Comme nos analyses
le montreront, ces législations s'inspirent des résultats des
premières réunions sur le droit d'auteur en Afrique (2).
On peut distinguer une période intermédiaire marquée
par une nette évolution dans le traitement juridique du folklore.
Cette période connait la publication de l'Ordonnance algérienne
sur le droit d'auteur du 3 avril 1973 (3) et de la loi sénégalaise
du 4 décembre 1973 (4). Ces textes se caractérisent par une affir-
mation plus nette de la volonté du législateur africain de protéger le
folklore.
(1)
Loi tunisienne du 14 février 1966,
J.O. République tunisienne
15 février 1966:
R.I.D.A. n050,p. 224.
Loi marocaine du 29 septembre 1970, J.O. Royaume du Maroc
nO 3023 du 7 octobre 1970 ; R.I.D.A. 1970 nO 67, p. 205.
(2)
Réunion africaine d'étude sur le droit d'auteur, BRAZZAVILLE
1963 (
V. R.I.D.A. nO 41,1963, p. 242 et s.); Session d'étu-
des de l'URTNA à TUNIS 1964 ; Comité de GENEVE 1964 (Bulletin
du droit d'auteur, vol. XVIII, I965,P. 57 et s.)
(3)
J.O. République algérienne, 10 avril 1973, p. 342 et s.
;
RIDA nO 77, 1973, p. 264.
(4)
J.O. République sénégalaise, 29 décembre 1973, nO 4333 ;
RIDA nO 80, 1974, p. 159.

- 351 -
La derniè~e période s'inscrit dans le mouvement législa-
t i f engagé par les pays en voie de développement pour se doter
de législations mettant en oeuvre les dispositions prévues en
leur faveur par les récentes révisions des Conventions interna-
tionales du droit d'auteur. Les dispositions relatives au folklore
dans ces lois portent les marques de la loi type de Tunis de 1976
et de la Convention O.A.P.I de 1977.
Les législateurs africains ont donc largement profité
de la coopération juridique internationale dont les résultats sont
ci-dessus évoqués. Les régimes juridiques qu'ils aménagent pour la
protection du folklore en portent les traces.
On peut donc se faire
une idée de l'ensemble du droit positif africain en matière de
protection du folklore en examinant quelques législations choisies
selon les périodes ci-dessus indiquées : dans un paragraphe
premier ( § 1 )
,nous ferons une analyse comparative des lois
tunisienne et marocaine. Dans .un deuxième paragraphe (
§ 2 ),
nous mettrons en exergue l'évolution que constituent l'Ordonnance
algérienne et la loi sénégalaise. Enfin,
dmls un paragraphe 3
( § 3 ) ,nous regrouperons autour des lois ivoirienne et burkinabè
les petites améliorations apportées par les lois les plus récentes.

- 352 -
Paragraphe 1
Les lois tunisienne et marocaine et la
protection du folklore.
La Tunisie a été le premier pays africain à avoir
envisagé la protection du folklore par des dispositions légales.
Elle l ' a fait dans sa loi sur le droit d'auteur du 14 février 1966.
Le Maroc suivit l'expérience tunisienne dès 1970.
Dans toutes les lois africaines qui traitent de la
protection du folklore,
la dualit.é"folklore","oeuvre inspirée
du folklore" est une constante. Toutefois, les lois tunisienne
et marocaine se caractérisent par la place qu'elles réservent au
folklore:
tandis que la première (article 1er) et la seconde
(article 6) qualifient 1'" oeuvre inspirée du folklore"
d'oeuvre
de l'esprit protégée par le droit d'auteur (A),
elles font du
folklore une partie du "patrimoinq national"
(B)
(1).
(1)
Article 6 -
ID, loi tunisiennne
article 10, alinéa l, loi
marocaine.

- J5J -
"L'oeuvre inspirée du folklore"
s'entend,
selon les
lois tunisienne et marocaine, de toute oeuvre composée à l'aide
d'éléments empruntés au patrimoine culturel traditionnel (1).
La définition ci-dessus rapportée permet à la doctrine
de dire qu'il s'agit d'une oeuvre dérivée
qui, par conséquent,
trouve déjà une protection au titre des adaptations et autres
oeuvres dérivées (2).
Les lois tunisienne et marocaine organisent toutefois
un traitement particulier de l'''oeuvre inspirée du folklore"
ces deux textes soumettent la cession totale ou partielle du
droit d'auteur sur une "oeuvre inspirée du folklore" et la licence
exclusive portant sur une telle oeuvre 3 l'agrément du département
chargé de la culture (J).
(1)
Loi tWlisienne, article 6 - JO
; loi marocaine, article 10 -
6°. Cette terminologie date du projet de loi type de GENEVE
et de la reco~~andation de l'l~TNA en 1964 (cf. supra p. 321 )
Elle se retrouve telle quel2.e dans les lois les plus récentes;
mais nous serons amené,dans la section suivante,à mettre en
~
, . '
lumiere son caractere E.mbigu.
(2)
M. GOBIN,
thèse p,~écitée, p. 2J4.
CJ)
articlE 6 - JO, loi tunisienne ; article ro - 4°, loi
marocaine.

-
354 -
La doctrine explique ce traitement particÂlier par
les liens privilégiés qui unissent I"' oeuvre inspirée du foklore"
au patrimoine national (1). Les oeuvres en question appartiennent
donc au domaine privé, mais i l s'agit d'un domaine privé contrôlé.
Toutefois, le contrôle se limite à la seule mesure ci-dessus
énoncée; en effet, les dispositions concernant le folklore ne
semblent avoir aucune incidence sur
le régime des dites oeuvres.
national.
Aux termes de l'article 6-1 0
de la loi tunisienne et
de l'article 10-1 0
de la loi marocaine,
le folklore fait partie
du patrimoine national. Dans la Convention O.A.P.I, l'apparte-
nance du folklore au patrimoine national signifie qu'il appartient
à l'Etat (2). Nous avons par conséquent analysé son régime juridique
comme un domaine d'Etat.
Dans les lois tunisienne et marocaine, l'appartenance
du folklore au patrimoine national ne semble pas indiquer automati-
quement la nature des régimes juridiques organisés. On doit alors
s'aider de l'analyse de leurs modalités d'application.
(I)
M. STRACHNOV écrit que "le souci du législateur a été
d'empêcher que le droit exclusif sur l'utilisation des
oeuvres musicales inspirées du folklore ne se trouve entre
les mains d'un tiers susceptible de l'exploiter, même sur le
territoire de la République tunisienne à des fins mercantiles.
(La loi tunisienne sur le droit d'auteur,
D.A. ,1967, p.
79
;
voir également Melle MIALLON,
thèse précitée,p. 290 et M. GaBIN
thèse précitée, p. 231).
(2)
V.
nos développements antérieurs,
ce chapitre,S.I. § l
p,342,

-
355 -
Contrairement à la loi tunisienne, la loi marocaine
donne une définition du folklore:
i l s'agit,
selon l'article
10-5° de ce texte, "d'oeuvres non publiées dont l'identité de
l'auteur est inconnue mais pour lesquelles i l y a tout lieu de
présumer que cet auteur est ou était un ressortissant marocain".
Le législateur marocain se place ainsi dans le champ
de l'article 15, alinéa 4,de la Convention de Berne (1)
; i l
prend alors ses distances avec les critères utilisés dans les
définitions du folklore précédemment retenues au cours des réu-
nions africaines (2). "L'oeuvre du folklore" n'est plus nécessai-
rement populaire, c'est une oeuvre anonyme non publiée.
Il ne
s'agit plus impérativement du folklore immémorial o
Enfin, i l peut
s'agir d'oeuvre dont l'auteur est encore en vie, mais dont IViden-
tité n'est pas connue (3)0
La loi marocaine, parce qu'elle définit le folklore,
gagne
en
précision
sur la loi tunisienne. Ce n'est toutefois
pas le seul progrès à signaler.
(1)
A propos de l'article 15 al o 4 de la Convention de Berne,
V.
supra ppo 299 et So
(2)
Il s'agit de la réunion de BRAZZAVILLE (1963), de celle du
Comité d'Experts de GENEVE (1964) et de la Session de l'URTNA
à TUNIS en 1964. Le folklore y était défini par rapport à
ses caractères populaire et anciens
U)
M.
GOBIN, thèse précitée, p. 238.

_ J56
_
Les deux textes étudiés soumettent la fixation directe
ou indirecte (1)
du folklore,
en vue d'une exploitation lucrative,
à la condition d'une autorisation préalable; mais, tandis que la
loi marocaine exige, en contrepartie de cette autorisation, le paie-
ment obligatoire d'une redevance, dans la loi tunisienne, cette
exigence est laissée à l'appréciation de l'Autorité compétente.
Toutefois, selon l'une et l'autre, l'exigence d'une
autorisation préalable ne touche que la fixation à but de lucre.
La représentation ainsi que la création d'oeuvre dérivée demeurent
libres. M@me la fixation,
lorsqu'elle est le fait des pouvoirs
publics, n'entraîne aucune obligation (2). I l va sans dire également
qu'il en est de m@me pour la fixation à usage privé.
(1)
Les expressions "fixation directe" et "fixation indirecte"
se rencontrent également dans plusieurs législations africai-
nes (Ordonnance algérienne, art. 14 al.
2
; loi sénégalaise,
art. 9-2°
;
loi guinéenne, art.9 al. 2). M. GOBIN entend par
"fixation directe"
celle qui permet une prise de connais-
sance visuelle de J'oeuvre (édition, film)
et par "fixation
indirecte"
celle qui permet une appréhension auditive (dis-
que, bande magnétique)
(thèse précitée, p. 23;).
La terminologie utilisée ici évoque les notions de "corrmluni-
cation directe" et de "communication indirecte"
employées
par exemple par le législateur français de 1957 (art. 27 et
28, loi du II mars 1957), pour désigner respectivement la
représentation et la reproduction.
La notion de "cormnunica-
tion directe " a toutefois été abandonnée dans la loi françai-
se du 5
juillet 1985 dont l'article 9 modifiant l'article 27
définit la représentation cormne la communication de l'oeuvre
au public pap un procédé quelconque.
Dans le contexte du droit d'auteur, la communication est
directe ou indirecte par rapport au public. Dans
les notions
de "fixation directe" et de "fixation indirecte", M. GOBIN
fait référence aux sens. Cette compréhension ne nous semble
pas satisfaisante. C'est
pourquoi nous avons écrit dans nos
développements antérieurs (supra p.197
) qu'il serait plus
adéquat d'utiliser les expressions "fixation directe" et
"fixation indirecte"
respectivement dans le sens de "fixa-
tion du folklore tel quel" et de "fixation par le moyen
d'une transformation".
(2 )
Loi marocaine, art. 10-30
loi tunisienne, art. 6-2°.

- 357 _
Le caractère obligatoire de la redevance dans la loi
marocaine rend cette dernière plus radicale que la loi tunisienne.
Cette radicalisation se confirme lorsqu'on passe a la qualifica-
tion des deux systèmes juridiques.
Selon les deux textes étudiés, le folklore se trouve
hors du champ d'application du droit d'auteur
: i l est donc dans
le domaine public. Lorsque des redevances sont perçues a
l'occasion de son exploitation, le régime juridique en question
doit s'analyser comme un domaine public payant. Il suffit ensuite
de préciser s ' i l s'agit d'un domaine public payant véritable ou
d'un domaine d'Etat.
A propos de la question de savoir si 18 régime juridique du
folklore dans la loi tunisienne est un domaine public payant ou
un domaine d'Etat, M. Gobin rapporte que "selon certaines opinions,
le Gouvernement tunisien s'est institué titulaire du droit d'auteur
sur le folklore"
(1)
; mais, bien qu'aucune indication ne soit
faite sur la destination des sommes éventuellement à percevoir
dans le texte tunisien, l'intéressé qualifie d'erronée l'analyse
ci-dessus rapportée (2).
(1)
Cette opinion a été exprimée dans la Revue U.E.R de mai 1968
p. 75.
(2)
L'article 6-2 0
de la loi tunisienne annonce en effet que les
questions relatives à la redevance seront précisées par décret.
M.Gobin observe dans sa thèse que le décret annoncé n'a pas
encore été pris.
Cette situation parait encore subsister au
moment où nous écrivons ces lignes o

-
358 -
L'Etat ne se considère en fait que comme le titulaire administratif
des droits sur ces oeuvres de l'esprit populaire dont le propriétaire
officiel demeure la communauté nationale. Il s'agit donc bien
d'un domaine public payant et non d'un domaine d'Etat (1).
Le législateur marocain, contrairement à son homologue
tunisien, indique la destination des sommes à percevoir :"le pro-
duit de la taxe doit être consacré à des fins d'intérêt général ou
professionnel" (2).
De la différence entre la taxe et la redevance (3), M.
Gobin tire la conclusion que le système institué par la loi maro-
caine est un domaine d'Etat :"l'Etat perçoit une taxe dont la géné-
ralité de l'affectation ne permet pas de préjuger son utilisation
à des fins culturelles".
(1)
M. GaBIN (thèse précitée, p. 234), reprend ici l'analyse de
Mlle MIALLON,
(thèse précitée, p. 290).
(2)
Article 10-2°, loi marocaine de 1970.
(3)
M. GOBIN se réfère à M. GAUDEMET (Précis de finances publi-
ques, Cours du droit 1969, T.II,p.57I). Ce dernier dit
"la taxe est un prélèvement pécuniaire opéré au profit de
l'Etat ••• sur le bénéfice d'un avantage particulier à l'oc-
casion du fonctionnement d'un service public sans corrélation
nécessaire avec le cofit du service. Tandis que le montant de
la redevance est en corrélation directe avec le coût du ser-
vice proposé" (M.
GaBIN, thèse précitée, p. 239). La loi maro-
caine comporte donc un régime de domaine d'Etat jugé dangereux
par l'intéressé car le dit régime n'offre aucune garantie
que l'arbitraire et le dirigisme culturel seront évités o

-
359 -
" Dans ces conditions, le folklore constitue une des
ressources financières de l'Etat qui, lui-même,
peut utiliser
ce patrimoine comme i l l'entend au cours des manifestations
publiques" (I) •
Dès qu'il est établi que le folklore fait partie du
domaine public, la doctrine utilise le critère de l'affectation
des redevances pour distinguer le domaine public payant du domaine
d'Etat. Le domaine d'Etat peut donc exister aussi bien lorsque le
folklore jouit d'une protection juridique, comme dans la Convention
O.A.P.I, que lorsque seule, son exploitation est règlementée,
comme
dans la loi marocaine. Dans ce dernier cas, la détermination du
titulaire des droits sur le folklore devient essentielle.
Toutefois, le critère de l'affectation des redevances
demp.ure aléatoire comme le montre la caractérisation du régime
juridique du folklore dans la loi tunisienne (2). Ce qu'il est
essentiel de relever
c'est que les deux textes étudiés n'accor-
dent pas au folklore une protection juridiquë : ils se contentent
d'en règlementer l'exploitation.
(1)
M. GOBIN, thèse précitée,p. 239.
(2)
Ainsi, bien qu'aucune indication n'existe dans la loi tuni-
sienne sur l'affectation des sommes perçues, M. GOBIN et
Mlle MIALLON analysent le régime comme un domaine public
payant. Pourtant, le rôle du Ministère des Affaires Cultu-
relles y est aussi prépondérant. Peut-être les intéressés
se sont-ils laissés guider par le caractère facultatif de
la redevance à verser.

- 360 -
On comprend donc les critiques adressées aux légis-
lateUTs tunisien et marocain :
"De ces dispositions i l résulte
que le législateUT marocain a commis la m~me confusion que son
homologue tunisien sur les places respectives de l'oeuvre inspirée
du folklore •••
et des oeuvres du folklore" (1). Leurs textes res-
pectifs laissent en effet persister l'ambiguïté déjà présente dans
le projet de loi type de Genève:
au lieu de protéger le folklore,
ils le laissent dans le domaine public et organisent une protection
de l'oeuvre qui s'en inspire. Cette protection profite certes indi-
rectement au folklore, mais elle serait déjà acquise si l'oeuvre
inspirée du folklore s'analysait uniquement comme une oeuvre
dérivée (2)0
On doit relever que même la réglementation de l'exploitation du folklorE
dans les lois tunisienne et marocaine se révèle fort lacunaire :
en effet, ni la représentation ni la radiodiffusion ni la créa-
tion d'oeuvres dérivées ne sont soumises à quelque condition que ce
soit. En outre, aucune sanction n'est envisagée en cas de manque-
ment aux règles édictées.
Les solutions des premiers législateurs africains à
s'~tre occupés de la protection juridique du folklore semblent
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, p. 239.
(2)
V.
nos développements antérieurs SUT le recoUTS au reglme
de l'oeuvre dérivée pOUT la protection du folklore ,supra
pp. 77 et 8.

- J6I -
trop timides pour ~tre efficaces (1)
mais avec les lois algé-
rienne et sénégalaise, la protection du folklore entre dans une
période de consolidation.
x
X
X
(1)
Il est regrettable donc que certaines législations récentes
reprennent les solutions jugées insuffisantes des premières
législations. Il en est ainsi de l'Ordonnance malienne du
12 juillet 1977 qui ne protège que l't1oeuvre inspirée du
folklore" (art. 7-IJo) et qui fait du folklore une oeuvre
du domaine public (art. 8).

- 362 -
Paragraphe 2
La protection du folklore dans l'Ordonnance
algérienne du IO Avril I973-~t dans la loi
sénégalaise du 4 Décembre I973.
L'Ordonnance algérienneet la loi sénégalaise relati-
ves au droi t:_d 'auil-eur se distinguent des lois tmlisienne et
marocaine,précédemment étudiées,par la place qu'elles réservent
au folklore : la première (article 2-IIo)
cite les "oeuvres du
folklore" parmi celles qui jouissent de la protection du droit
d'auteur; la seconde (article I-I3°) en fait autant à la fois pour
le folklore et les "oeuvres inspirées du folklore" (I).
Notre attention doit particulièrement porter sur le
régime juridique de l' "oeuvre du folklore" dans ces textes (A),
mais il nous faudra également nous arr~ter sur celui de l'''oeuvre
inspirée du folklore" qui en dépend (B).
Le folklore fait partie des oeuvres de l'esprit proté-
gées dans les deux textes étudiés. Ces derniers disposent en outre
que le folklore appartient à "titre originaire au patrimoine na-
tional". Les précisions ci-dessus indiquées ne permettent pas une
qualification sans équivoque du statut du folklore dans ces deux
(I)
On se rappelle au contraire que
seule l'''oeuvre inspirée
du folklore" figure sur la liste des oeuvres protégées dans
les lois tunisienne et marocaine (, V. supra, pp. 352 et s.)

- 363 -
législations, (a) d'où la nécessité de s'aider des règles qui
organisent ce statut pour- définir la nature de ce dernier. (b)
a)- Le statut du folklore.
---------------------
Selon l'article 9-19 de la loi sénégalaise,
"le folklore s'entend de l'ensemble des productions littéraires
et artistiques créées par des auteurs présumés de nationalité sé-
négalaise, transmises de génération en génération et constituant
l'-?n des éléments fondamentaux du patrimoine culturel traditionnel
sénégalais" •
Quant à l'Ordonnance algérienne (article 14, alinéa 4) el-
le définit le folklore
comme un ensemble d'oeuvres"dont l'identité
de l'auteur est inconnue, mais pour lesquelles il y a tout lieu
de présumer que cet auteur est ou était un ressortissant de la
République algérienne démocratique et populaire".
Le folklore ne présente donc pas le m~me contenu, selon
qu'il s'agit de l'article 9-10 de la loi sénégalaise ou de l'arti-
cle 14, alinéa 4,de l'Ordonnance algérienne: le législateur algé-
r~en reprend la définition adoptée par son homologue marocain
et que nous avons déjà commentée (1).
Toutefois, il faut ajouter que ce type de définition recèle une
ambiguIté que M. Joubert, dans ses commentaires de l'Ordonnance
algérienne met en lumière : "prise à la lettre, il pourrait ~tre
déduit de cette définition qu'il est à la fois nécessaire et
(1)
v. nos développements antérieurs p. 355.

364
suf'fisant qu'une oeuvre soit celle d'un auteur inconnu mais de
nationalité algérienne, m~me actuellement encore vivant pour
qu'elle soit une oeuvre du folklore algérien. A la réflexion,
cette déduction littérale ne saurait évidemment ~tre retenue et
nous pensons qu'il faut ajouter à la définition de l'oeuvre du
folklore ••• la référence au patrimoine culturel traditionnel
algérien" (1).
Nous sommes d'accord avec l'intéressé sur la nécessité
de faire référence au patrimoine culturel traditionnel; toutefois,
quant au fait que l'auteur puisse encore ~tre en vie, -nous n'y
voyons aucun inconvénient. C'est d'ailleurs sur ce point que les
définitions usant du critère de transmission de génération en
génération sont à nos yeux restrictives (2).
Les deux législations disposent ensuite que le folklore
appartient à titre originaire au patrimoine national (3). Nous
retrouvons encore cette notion de patrimoine national qu'aucune
des deux législations n'a malheureusement défini~.
(1)
M. Claude J01JBERT,
"Commentaires de la loi algérienne",
R.I.D.A, nO 78, oct. 1973, pp. 3 et s.
(2)
Nous développerons ~ette appréciation dans la section III de
ce chapitre, pp. 394-395.
(3)
Ordonnance algérienne, article 14; loi sénégalaise, art. 9.

- 365 -
Monsieur Gobin, qui fait une analyse de la loi algé-
rienne dans sa thèse, note qu'en vertu de son article 2-110,
"l'objet de la protection par le droit d'auteur, ce n'est plus
seulement l'oeuvre inspirée du folklore musical, mais aussi le
folklore -musical lui-m~me" (1).
L'intéressé, comparant les solutions de l'Ordonnance
algérienne à celles des lois tunisienne et marocaine, poursuit
"le législateur algérien a parfaitement perçu cette imperfection
puisqu'il admet au rang d'oeuvre protégée le folklore en tant que
tel et le soumet, de ce fait, aux dispositions du chapitre 10
concernant la violation du droit d'auteur" (2)0
Il est alors étonnant que Ma Gobin, qui fait l'analyse
susindiquée ,écrive à propos du texte algérien : "toutefois, le
folklore musical faisant partie du domaine public, son utilisation
est règlementée 000 Pour l'oeuvre du folklore, le régime indiqué
(1)
: M. GOBIN, thèse précitée,po 241 ;
It art.2-IIo de_l'Ord a _ algé-
rienne dit en effet que sont protégées "les o-euv:r-es du fol-
klore et, de façon générale, les oeuvres faisant partie du
patrimoine culturel traditionnel de l'AlgéTie".
(2) : M. GOBIN, idem p. 242. L'imperfection des lois tunisienne et
marocaine dont il s'agit
résulte du fait qu'elles n'assu~ent
qu'une protection de l'''oeuvre inspirée du folklore". Elle
seule
peut fair'e l'objet de violation de droits d'allteUl'
soumise à des sanctions pénaleso Quant au folklore, il n'est
pas soumis au droit d'auteur
son utilisation est simplement
règlementée. l I n ' est donc pas juridiquement protégé.

- )66 -
par l'article 14, alinéa 2,est le m~me que pour ces deux lois"
(lois tunisienne et marocaine) (1).
Monsieur Gobin donne probablement ici
sa compréhension
de la notion d'appartenance au patrimoine national. Cette compré-
hension n'est pas satisfaisante : en vertu de l'article 2-11° de
l'Ordonnance algérienne, la protection du folklore est assurée
par le droit d'auteur,
tout comme dans la loi sénégalaise (article
Il s'agit là du premier élément de réponse qui permet
de définir le statut du folklore. Malheureusement, aucune dispo-
sition des deux textes étudiés ne nous permet de déduire de la
notion d'''appartenance au patrimoine national", la désignation
des titulaires des droits sur le folklore. C'est pourtant l'infor-
mation qui nous permettrait d'~tre définitivement fixé sur la natu-
re des régimes juridiques instaurés. Cette information doit ~tre
recherchée à travers l'examen des dispositions qui règlementent
l'exploitation du folklore.
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, p. 241.
(2)
La loi sénégalaise annonce toutefois que des dispositions
particulières
seront définies dans une loi spéciale sur la
protection du patrimoine, qui prendront en compte les oeuvres
du folklore (article 1-1)°). Monsieur N'DIAYE, ancien direc-
teur général du Bureau sénégalais du droit d'auteur nous a
appris que la législation en question a été adoptée, mais
nous n'en avons malheureusement pas pu obtenir les références
dans le Journal Officiel du Sénégal.

- 367 -
b)- La règlementation de l'exploitation du folklore.
-----------------------------------------------
Le régime juridique du folklore dans les textes étudiés
s'articule sur deux modalités d'application: l'institution d'une
autorisation préalable et celle du paiement d'une redevance.
Aux termes de l'article 14,alinéa 2,de l'Ordonnance
algérienne et de l'article 9-2 0 de la loi sénégalaise, certains
actes d'exploitation du folklore exigent une autorisation préala-
ble (I) ; toutefois, le texte algérien permet une exploitation
plus facile du folklore que le texte sénégalais : tandis que le premier
(I)
Il convient de relever ici
ce qui semble ~tre une erreur
de plume du législateur sénégalais : si à l'article 9-2 0
de la loi sénégalaise
il est question d'une autorisation
préalable, à l'article 45 du texte, relatif aux sanctions,
il est écrit : "l'exploitation d'une oeuvre folklorique ou
du droit de représentation ou d'exécution d'une oeuvre tom-
bée dans le domaine public qui omet d'en faire la déclaration
préalable au Bureau sénégalais du droit d'auteur (B.S.D.A.),
est passible d'une amende s'élevant au double du montant
des redevances normalement dues avec un minimum de 5.000 francs".
En outre, Monsieur N'DIAYE nous a confié lors d'un entretien
que si dans la loi, il est question d'autorisation préalable,
dans la pratique, il n'est exigé qu'une déclaration préalable.
Les variations ci-dessus relevées ne sont certainement pas
de nature à faciliter l'application du texte sénégalais.

- 368 -
n'institue l'autorisation préalable que pour "la fixation
direc-
te ou indirecte du folklore en vue de son ex'p.loitation lucrative",
le second l'exige aussi en cas de représentation ou d'exécution
publique (1) 0
La seconde modalité d'application du régime juridique
du folklore dans les lois étudiées
consiste en l'institution
d'une redevanceo L'Ordonnance algérienne se distingue encore de
la loi sénégalaise en ce qu'elle fait du paiement de la redevance
une condition facultative de l'exploitation du folklore: selon
l'article 14, alinéa 2, de ce texte, le Ministre de l'Information
et de la Culture peut exiger pour les actes soumis à l'autorisa-
tion préalable
le règlement d'une redevanceo Le paiement de la
même redevance est rendu obligatoire par l'article 9-2 0 de la
loi sénégalaiseo
Les deux textes étudiés se distinguent enfin par l'affec-
tation qu'ils font des redevances perçues.
La
loi sénégalaise
(article 9-2 0 ) répartit les redevances selon les critères suivants
en cas de simple collecte, les redevances perçues sont réparties
entre le collecteur et le Bureau Sénégalais du droit d'auteur
(B.S.D.A.) à égalité; en cas de collecte avec arrangement ou
(1)
Le législateur algérien règlemente l'exploitation du folklore
de la même manière que ses homologues tunisien et marocaino
Le caractère insuffisant de cette règlementation doit par
conséquent être relevéo

- 369 -
adaptation, le B.S.D.A. ne reçoit que 25 % des sommes perçues,
les 75 %revenant
au collecteur ou à l'adaptateur. Le
B.S.D.A. doit consacrer sa part de redevance à des fins cultu-
relIes et sociales au bénéfice des auteurs (1).
Cette disposition caractéristique de la loi sénégalaise
ne trouve pas de réplique dans l'Ordonnance algérienne. Ce
dernier texte se contente d'inscrire qu'un décret déterminera
les conditions de règlement de la redevance (article 14, alinéa
2) (2).
L'examen des modalités pratiques de l'exploitation
du folklore dans les textes algériens et sénégalais apporte des
éléments qui devraient permettre de se prononcer sur le régime juri-
dique auquel ils soumettent le folklore. M. Gobin qualifie le ré-
gime de POrdonnance algérienne de domaine d'Etat: "la solution
algérienne aux problèmes juridiques du folklore musical s'oriente
plus nettement encore que la solution marocaine vers un domaine
d'Etat" (J).
(1)
La disposition de la loi sénégalaise sera reprise dans
d 9 autres législations dont la loi guinéenne du 9 ao~t 1980
(article 9-2).
(2)
Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de dire si oui
ou non le décret dont il est question à 19 article 14, al. 2,
est effectivement intervenu.
(J)
M. GOBJN, thèse précïtée,p. 242.

- 370 -
M. Joubert voit dans l'appartenance du folklore au patrimoine
national
la justification de l'importance du raIe du Ministère
algérien de l'Information et de la Culture dans la surveillance
et le contrale de l'utilisation du folklore (1)0 Le raIe des
pouvoirs publics et surtout l'absence de précision sur l'affec-
tation des redevances à percevoir
permettent de dire que l'Etat
algérien se considère comme propriétaire du folkloreo
Par contre, les précisions données par le législateur
sénégalais sur la répartition et la gestion des fonds provenant
de l'exploitation du folklore
amènent la doctrine à dire
qu'il s'agit d'un domaine public payant et non d'un domaine
d'Etat
(2).
Pour élargir notre champ d'appréciation sur le statut
du folklore dans les législations algérienne et sénégalaise,
nous examinerons dans le point suivant les régimes juridiques
qu'elles réservent à l'''oeuvre inspirée du folklore" ; en effet,
le lien de ces oeuvres avec le folklore est tel que leur régime
juridique devrait donner des indications complémentaires sur celui
du folklore.
(1)
M. JOUBERT, "Commentaires sur la loi algérienne sur le
droit d'auteur", R.IoDoAo nO 78, octobre 1973, p. 250
(2) :M o GOBIN, thèse précitée, p0243 ; Mlle ZINGUE, thèse préci-
tée, p03650

- 371 -
B) - ~~_~~~~~_~~~~~S~~_~~_~~:S~~!E~_~~E~~~
du folklore.
-----------
Dans les lois tunisienne et marocaine, c'est l"'oeuvre
inspirée du folklore" qui figure sur la liste des oeuvres proté-
gées. Le législateur algérien a marqué la différence en substi-
tuant à l'''oeuvre inspirée du folklore"
l'''oeuvre du folklore".
Dans cette loi, i l ne s'agira plus d' "oeuvre inspirée du folklore"
qu'à liarticle 14, qui en donne la définition et qui reconna1t au
Ministère de l'Information et de la Culture un droit de regard sur
son exploitation.
Le législateur sénégalais n'a pas procédé
~omme son homologue algérien : le folklore appara1t sur la liste
des oeuvres· protégées, mais aux c8tés de li "oeuvre :inspirée du
folklore". L'article 9-2 0 de ce texte dispose que "oeuvre inspirée
du folklore s'entend de toute oeuvre composée exclusivement d'élé-
ments empruntés au patrimoine culturel traditionnel sénégalais".
Les commentateurs de cet article pensent que l'adverbe
"exclusivement" constitue une "erreur de plume" du législateur
sénégalais. "Trop d'oeuvres vérita blement et incontestablement ins-
. pirées du folklore et ccmport~nt donc également une contribution
de création originale resteraient en dehors du champ d'application

-)72 -
de la loi" (I).
La définition de l' "oeuvre inspirée du folklore" dans
l'ordonnance algérienne est dans ce sens moins ambigt1e : aux
termes de l'article 14, alinéa 4 de ce texte, "l'oeuvre inspirée
du folklore s'entend de toute oeuvre composée à l'aide d'éléments
empnmtés au patrimoine culturel traditionnel de l'Algérie".
Dans certains textes de loi, la place de l'''oeuvre ins-
pirée du folklore" présage son régime juridique (2). Il n'en est
pas ainsi ni dans l'ordonnance algérienne, ni dans la loi sénéga-
laise. Le régime de ces oeuvres doit alors ~tre recherché à tra-
vers les dispositions qui les concernent.
(I)
M. JOUBERT,
"Co=entaires sur la nouvelle loi sénégalaise",
R.I.D.A. nO 8I, 1974, p. 5I. Selon Mlle KINGUE, pris à la
lettre, l'article 9-2 0 de la loi sénégalaise "impliquerait
que ne rentre pas dans la définition de l'oeuvre inspirée
du folklore celle (l'oeuvre) qui allie aux éléments décou-
lant du patrimoine traditionnel, des éléments ajoutés par le
transcripteur ou l'auteur du recueil" (thèse précitée, pp. 363-36L
Il faut certainement se rallier aux opinions sus-exprimées,
mais on doit se demander avec M. GaBIN si "l'inexactitude
du texte ne provient pas aussi du terme "oeuvre inspirée du
folklore" (thèse précitée, p.245). Nous reviendrons sur cette
interrogation dans la section III de ce chapitre.
(2)
Loi type de Tunis, article 2 ; loi ivoirienne de 1978 (art.6)
loi camerounaise de 1982 (art. 6) ; loi rwandaise de 1983
(art. 4-c). Tous ces textes placent l' "oeuvre inspirée du
folklore" dans la rubrique des oeuvres dérivées.

_ J73 _
Les deux textes étudiés ne mettent aucune entrave à
la création des "oeuvres inspirées du folklore". Une double hypo-
thèse peut alors ~tre formulée : la première consiste à dire que
les oeuvres en question sont absolument originales. Dans ce cas,
leurs auteurs ne doivent effectivement ~tre soumis à aucune forma-
lité (1). La seconde hypothèse fait de l'''oeuv:r-e du folklore" une
oeuv:r-e du domaine public. Dans ce second cas, l'auteur de l'oeuv:r-e
qui en dérive n'a besoin d'aucune autorisation, mais sa propre
protection ne s'étend qu'à sa part de création personnelle. Les
éléments du folklore qu'il a utilisés demeurent librement utili-
sables par t out autre créat euro
La vérification de cette double hypothèse n'est pas
non plus aisée: l'Ordonnance algérienne
(article 14) soumet la
cession totale ou partielle du droit d'auteur sur une "oeuv:r-e ins-
pirée du folklore" ou la licence exclusive portant sur une telle
oeuv:r-e à l'agrément du Ministère de l'Information et de la Culture
(2).
(1)
Dans cette hypothèse, l'''oeuvre inspirée du folklore" ne
peut ~tre soumise au régime de l'oeuv:r-e dérivée.
(2)
Aujourd'hui, plusieurs législations africaines consacrent
la disposition de l'article 14 de l'Ordonnance Algérienne,
bien qu'elle fut critiquée lors des travaux sur le. projet
de loi type d'ABIDJAN (Rapport Général des Travaux, Doc.
UNESCO LA/MLC/6, 12 octobre 1973, p.6 N° 37). Il s'agit des
lois Tunisienne de 1966 (art. 6-3°), Marocaine (art. 10-4),
Malienne (art. 8), Rwandaise (art. 9-C).

- 374
Cette disposition marque un lien entre l ' "oeuvre inspirée du folklo-
re" et le folklore, mais ce lien suffit-il à faire de l'''oeuvre
inspirée du folklore" une oeuvre dérivée d'une oeuvre protégée?
L'hypothèse inverse nous semble plus plausible. Elle a pour consé-
quence l'appartenance du folklore au domaine public o
Dans la loi sénégalaise, c'est la part de redevance
réservée à l'auteur d'une collecte avec arrangement ou adaptation
qui évoque le régime de l'oeuvre dérivée (1) ; mais il ne s'agirait
que d'une dérivation-à partir d'oeuvre du domaine public o
C'est pourquoi, nous écrivions plus haut que le régime
de l'''oeuvre inspirée du folklore" pouvait également renseigner
sur le statut du folklore: bien ~ue considérée comme oeuvre de
l'esprit
protégée par le droit d'auteur, l'''oeuvre du folklore",
dans les textes étudiés, se trouve pratiquement assimilée à
l'oeuvre du domaine public. La doctrine qualifie par conséquent
son régime juridique de domaine public payant (2)0
(1)
Selon l'article 9-2°, m~me en cas de collecte avec arrange-
ment ou adaptation, l'auteur n'a pas le droit à la totalité
des redevances; c'est la preuve qu'il n'a pas réalisé une
oeuvre absolument originaleo
(2) : V.
M. GOBlli, thèse précitée, p. 243 ; Mlle KlliGUE, thèse
précitée, po 3650

- 375 -
Toutefois, 1 vexpression "domaine public payant" recèle
ici bien des ambiguités : les productions du folklore, dans les
deux textes étudiés, font partie des oeuvres de lVesprit protégées
par le droit dVauteur (article 2-11°, ordonnance algérienne; arti-
cIe 1-13°, loi sénégalaise).
Comme nous lVavons mis en lumière dans lVanalyse de la
loi type de Tunis (1), il Y a une contradiction manifeste entre
le statut dVoeuvre protégée et le régime de domaine public payant.
Il apparaît
donc que l'express ion "domaine public payant" ne peut
avoir ici son sens classique qui implique que lès oeuvres
relevant
de ce régime fassent dVabord partie du domaine public. Elle n'évo-
que plus quvune façon dVorganiser la perception des redevances et
de les affecter. Ce
domaine public payant "n'influe que sur 1 vex-
ploitation pécuniaire du folklore et non sur son statut juridique"
(2) •
Il Y a tout lieu donc de conclure que, lorsque le cri-
tère de lVaffectation des redevances ne permet pas de déduire que
le folklore appartient à l'Etat, on doit se contenter de dire que
la règlementation de son exploitation sVapparente aux règles du
(1) : V.
nos développements à propos de cette question dans lvétu-
de de la loi type de TUNIS p. 318.
(2)
M. GOBIN, thèse précitée p. 58.
La contradiction dans le régime juridique du folklore qui
apparaît à lVexamen des législations étudiées n'est certai-
nement pas le seul fait du manque dVexpérience des législa-
teurs africains dans le domaine de la protection du folklore
elle est peut-être aussi imputable au cadre choisi : le
droit dVauteur.

- 376 -
domaine public payant.
L'Ordonnance algérienne du droit d'auteur et la loi
sénégalaise, malgré les ambiguités qu'elles comportent, marquent
cependant de manière incontestable
un renforcement de la volonté
de protéger le ~olklore. Les législations plus récemment promul-
guées sur le Continent africain dont nous étudions deux exemples dans
le
paragraphe
suivant
ne s'en distinguent pas de ~açon subs~
tancielle ; toutefois, "chacune d'elles comporte quelques particu-
larités qui enrichissent l'expérience de la protection juridique
du folklore.
x
X
X
X

- 377 -
Paragraphe 3
La protection du folklore dans la loi ivoirienne
du 28 juillet 1978 sur le droit d'auteur et dans
l'Ordonnance burk:inabè du droit d'auteur, du
29 septembre 1983 (1).
Après l'étude des textes algérien et sénégalais du droit
d'auteur, les caractéristiques fondamentales des lois africa:ines
dans leurs dispositions relatives au folklore sont largement
connues: ces lois, sur beaucoup de po:ints, reprennent leurs devan-
cières. Il ne sera donc pas nécessaire de s'étendre sur l'analyse
des législations ivoirienne et burk:inabè. Toutefois , leur étude
conserve un intérêt certa:in : ces derniers textes comportent
quelques variantes qu'il conviendra d'indiquer. En outre, nous
ne manquerons pas de relever incidemment les innovations introdui-
tes dans d'autres législations récentes promulguées en Afrique.
Nous aurons ainsi une vision générale du droit positif africain
en matière de protection du folklore.
Cette protection s'articule autour du régime juridique
de l'''oeuvre du folklore"
(A) et autour de celui de l'''oeuvre
inspirée du folklore"
(E).
(1)
Le texte burkinabè a fait l'objet d'une rectification par
l'Ordonnance nO 84-12 CNR-PRES, du 29 février 1984.

- 378 -
A) - Le régime juridique de l'''oeuvre du folklore".
--------------------------------------------
Les législateurs ivoirien
et burkinabé
ne rompent
pas avec le principe consacré par leurs homologues algériens et
sénégalais : ils font des oeuvres artistiques et littéraires rele-
vant du folklore
des oeuvres protégées par le droit d'auteur (1).
Les deux textes étudiés donnent des définitions similaires
du folklore. l'article
7, alinéa 2,de la loi ivoirienne dispose
que
"le folklore s'entend de l'ensemble des productions littéraires et
artistiques, transmises de génération en génération, faisant partie
du patrimoine culturel traditionnel ivoirien dont l'identité de
l'auteur est inconnue, mais pour lesquelles il y a tout lieu de
présumer que cet auteur est un ressortissant de cate d'Ivoire".
La définition de l'ordonnance burkinabè comporte toutefois une
petite différence par rapport à celle susindiquée
: tandis que
le législateur ivoirien attribue la création du folklore à des
auteurs d'identité inconnue, son homologue burkinabé écrit que
le "folklore s'entend de l'ensemble des productions littéraires
(1)
Article 5-12°, loi ivoirienn~; article 9, Ordonnance burki-
nabé. Aux termes de ces deux articles, sont également proté-
gées comme oeuvre de l'esprit: les "oeuvres du folklore",
selon le premier, le "folklore ", selon le second.

- 379 -
et artistiques créées ••• par des co=unautés ethniques nationales"
(I). Cet-te dernière formule consacre la thèse de la création
collective du folklore.
Après avoir défini le folklore, le législateur ivoirien
en fait un élément du "patrimoine national" (article 7, alinéa 1)0
L'Ordonnance burkinabè ne comporte pas la réplique de cette dis-
position, à moins de la déduire de la définition m~me du folklore
"le folklore s'en~end de l'ensemble des productions littéraires
et artistiques. o •
qui constituent l'un des éléments fondamentaux
du patrimoine culturel traditionnel de Haute-Volta".
Les deux textes étudiés, à l'instar des législations
algérienne et sénégalaise,ne renferment aucune disposition ex-
presse permettant de déduire de la notion d'appartenance au
(1)
La définition du folklore dans la loi ivoirienne se rappro-
che de celle de la loi sénégalaise ; les notions d' "auteur
dont l'identité est inconnue" et "d'auteur présumé ressor-
tissant" rappellent l'article 15, al. 4 de la Convention de
BERNE (texte de STOCKHOLM et de PARIS ).Quant à la définition
de l'Ordonnance Burkinabé
(art. 10, a), elle reprend celle
de l'annexe VII de l'Accord de BANGUI (art. 8, al. 2). L'uni-
té autour des concepts relatifs au folklore est loin donc
d'avoir été réalisée dans le droit positif africain.

-
380 -
patrimoine national, la titularité des droits sur le folklore (1).
Seul, l'examen des règles qui organisent son exploitation per-
mettra de àpT.erminer ce second élément nécessaire à la défini-
tion du régime juridique du folklore. Ce régime s'articule autour
des points suivants: une autorisation préalable, (a) une -déclara-
tion préalable (b) et le paiement d'une redevance. (c)
L'autorisation
préalable est une institution
co=une
aux deux législations
étudiées,'. Elle interveint pour
"l'exécution publique et la reproduction du folklore en vue d'une
exploitation lucrative" (2). L'autorisation est accordée par
l'organisme professionnel d'auteur
moyennant le paiement d'une
redevance (3).
(1)
Certaines législations africaines répondent clairement à
cette question: dans les textes suivants, l'appartenance
au patrimoine national signifie que le folklore appartient
à l'Etat : Ordonnance centrafricaine relative au droit d'au-
teur du 5 janvier 1985 (R.I.D.A. nO 125,I985,p.203, art.4I-I;
loi béninoise du 15 mars 1984, (R.I.D.A. nO 124, art. 44-1).
Les législateurs centrafricains et béninois con-
sacrent ainsi la solution de l'article (35,i) de la Convention
interafricaine dont les deux pays sont membres.
(2)
Article 7, al. 4,de la loi iVoirienne; art. IO-d, Ordonnance
burkinabè. Cette formule n'est pas nouvelle en matière de
protection du folklore : elle figure déjà dans les textes
sénégalais (art. 9-2°), algérien (art. 14,al. 2). Dans le
dernier texte pourtant,elle ne vise que la fixation directe
ou indirectè du folklore.
(3) : Art. 10-e, Ordonnance burkinabè ; article 7, al. 4, loi
, ivoirienne.

-
381 -
Il existe dans l'Ordonnance burkinabè un autre cas d'auto-
risation inconnu dans la loi ivoirienne qui, sans ~tre une innova-
tion, mérite d'~tre signalé: l'article IO-g du texte burkinabè dispo-
se que
"les exemplaires d'oeuvre du folklore de m~me que les
exemplaires de traductions, adaptations, arrangements et autres
transformations des dites oeuvres, fabriqués à l'étranger sans auto-
sation conformément aux dispositions de la présente Ordonnance, ne
peuvent ~tre ni importés, ni distribués" (1).
Cette disposition touche certains actes qui, lorsqu'ils
sont posés à l'intérieur du pays,ne sont soumis qu'à la condition de
la déclaration préalable. Il s'agit des adaptations, arrangements et
autres transformations du folklore. L'article IO-g crée alors une
disparité entre l'usage interne et l'usage étranger.
La règle de l'article IO-g de l'Ordonnance burkinabè trou-
ve d'abord son fondement dans l'idée que les exemplaires de toute
oeuvre protégée, réalisés à l'étranger sans l'autorisation de l'au-
teur, lorsqu'ils pénètrent sur le territoire national, y constituent
une contrefaçon et peuvent être saisis.
L'article IO-g de l'Ordonnance burkinabè constitue en outre
une garantie supplémentaire pour la protection des "oeuvres du fol-
klore", en l'absence d'une protection effective de ce type d'oeuvres
à l'échelle internationale. Dans ces conditions, on peut raisonnable-
ment penser, à propos de la disparité ci-dessus constatée, que les
adaptations, arrangements et autres transformations du folklore,
lorsqu'elles sont effectuées à l'étranger, présentent plus de ris-
ques de déformation et d'atteinte à l'authenticité du folklore que
lorsqu'elles sont effectuées à l'intérieur du pays. Cette dispari-
, té de solution para!t donc justifiée.
(1) : Cette disposition de l'Ordonnance burkinabè n'existe pas non
plus dans la loi sénégalaise.

- J82 ~
LVordonnance burkinabè se distingue encore de la loi ivoirienne
en ce quVelle exige pour "lVadaptation du folklore ou l'utili-
sation de ses éléments" une déclaration préalable à l'organisme
professionnel d'auteurs (article rO-e). Toutefois, cette forme
'd'exploitation du folklore n'emporte pas le paiement dVune rede-
vance (1). œette disposition absen~e aussi dans les textes algérien
e~ sénégalais est toutefois consacrée dans plusieurs législations (2).
Il se pose alors le problème du caractère général ou
non de la règlementation de l'exploitation du folklore. Dans le
texte burkinabé, la création d'oeuvres dérivées du folklore,
sa reproduction et son exécution publique tombent sous le coup
de la règlementation (J).
(1)
L'article IO-e du texte burkinabè qui :iJJ.stitue le paiement
de la redevance ne l'exige quVen contrepartie de IVautori-
sation. Nous avions aussi, dans nos développements théori-
ques, souhaités que les adaptations et autres transformations
du folklore ne soient pas soumises à la condition de l'autori-
sation préalable (supra p.I98); mais nous nVétions pas allé jus-
qu'à les exonérer du paiement de la redevance. Seule la for-
malité de l'autorisation nous semble en effet susceptible de,
g~ner sérieusement l'utilisation du folklore; quant au paie-
ment de la redevance, nous continuons de penser quVil per-
mettrait de mieux promouvoir le patrimoine traditionnel.
(2)
Loi béninoise (art. 10-2 , f) ; loi congolaise
(art. 17) ;
loi camerounaise (art. 55)'- Dans le dernier texte, la règle
couvre globalement les droits patrimoniaux sur le folklore.
(J)
L'ordonnance burk:iJJ.abé consacre donc une forme généralisée
de la règlementation, par rapport à la forme restrictive
adoptée dans les lois tunisienne, maroca:iJJ.e et algérienne.
Ces derniers textes ne règlementent que "la fixation directe
ou :iJJ.directe" du folklore. Dans l'étude de la loi type de
TUNIS, nous avons émis des réserves sur l'opportunité de
soumettre IVexploitation du folklore à la totalité des règles
du droit dVauteur. L'article 6 du dit texte confie en effet
l'exercice des prérogatives dVordre patrimonial et moral re-
connues à l'auteur individuel à IVAutorité Compétente. Cette
solution peut constituer un fre:iJJ. à la circulation des
"oeuvres du folklore".
V.
nos développements antérieurs :
CH.T,S. II, § 2,supra p. JI9.Toutefois, le législateur burki-
nabé limite le risque évoqué
car il nVuse pas de la condi-
tion de l'autorisation préalable pour tous les actes
réglementés.

383 -
A propos de la généralité de la réglementation, il
faut observer que
ni le texte burkinabé
ni celui de cate d'-
Ivoire ne comportent une réplique des règles définissant les
prérogatives d'ordre pécuniaire sur le folklore, dans le domaine mo-
raI. On est porté à
présumer que les prérogatives d'ordre inteI-
lectuel reconnues à l'auteur individuel doivent ~tre exercées par
l'organisme chargé d'administrer les droits sur le folklore (1).
c)- Le paiement d'une redevance.
---------------------------
L'autorisation préalable nécessaire pour l'exécution
publique et la reproduction du folklore en vue d'une exploitation
lucrative est accordée par l'organisme professionnel d'auteur,
moyennant le paiement d'une redevance (2).
(1)
Le législateur rwandais par exemple apporte cette précision
dans la loi du 15 novembre 1983 (art. 8-d) "les droits moraux
sur les oeuvres du folklore sont exercés par le service char-
gé de la gestion du droit d'auteur".
Nous appliquons cependant à ce texte les réserves que nous.
avons émises lors de l'étude de la loi type de TUNIS(supra
p. 319).
(2)
Article IO-d, Ordonnance burkinabé; art. 7, al. 4, loi
ivoirienne. A part le paiement de la redevance, les disposi-
tions sus-indiquées
ne donnent pas de précisions sur les
conditions de délivrance des autorisations. Aussi, peut-on
se demander si l'offre de payer la redevance emporte automa-
tiquement l'autorisation requise. Il y a lieu de penser toute-
fois que la technique de l'autorisation préalable, contraire-
ment à la technique de la déclaration préalable, implique
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de
refuser l'autorisation.
Les articles IO-d de l'Ordonnance burkinabè et l'article
7 al. 4 de la loi ivoirienne n'organisent aucun recours en
cas de refus d'autorisation. En ce qui concerne la loi
ivoirienne, nous ignorons si les textes d'application com-
blent cette lacune; quant au texte burkinabè, nous consta-
tons qu'aucun recours n'est prévu dans le "Raabo" du 29
janvier 1985 (le mot "Raabo", dans la tenninologie juridi-
que du Burkina Faso,désigne un texte correspondant à l'ar-
rêté ministériel)
dont l'article 2,al. 5, en application
de l'article IO-d de l'Ordonnance sur le droit d'auteur ,
traite de la délivrance des dites autorisations.

-
384 -
Le législateur burkinabè affecte le produit de la redevance
à lm "fonds national de promotion culturelle" (article IO-e). Son
homologue ivoirien destine ces fonds à "des fins culturelles et
sociales au profit des auteurs ivoiriens" (article 7,al. 4). Les
redevances reçoivent donc la même affectation dans les deux textes
étudiés, même si la formulation ivoirienne gagne en précision.
Nous terminerons l'examen de la réglementation de l'exploi-
tation du folklore dans les textes ivoirien et burkinabè en évoquant
les sanctions et la durée de protection.
- Les législateurs burkinabè et ivoirien soumettent presque
mot pour mot toute atteinte à l'un quelconque des droits moraux
et patrimoniaux garantis par le droit d'auteur, aux dispositions
du code pénal intéressant la protection du droit d'auteur (I) ; mais
à c8té de ce princip: général, les textes ivoiriens (article 71)
et burkinabè (article I02) disposent : "Est puni des peines prêvues
pour les contraventions de 3è classe, l'exploitànt d'une oeuvre
folklorique ou d'une oeuvre tombée dans le domaine public qui a
omis de se munir de l'autorisation préalable de l'organisme prof es-
sionnel d'auteurs".
Nous retrouvons ici le problème que pose l'existence d'une
infraction spéciale à c8té de l'infraction générale qu'est la con-
trefaçon , qui sanctionne les violations des droits sur les oeuvres
de l'esprit (2). Notre attitude qui consistait à considérer qu'en
cas de non respect de la réglementation de l'exploitation du fol-
klore, seule la sanction spéciale instituée à cet effet pouvait
être évoquée, semble trouver dans les textes burkinabè et ivoirien
(I)
Ordonnance burkinabè, art. 93 ; loi ivoirienne, art. 62.
(2)
Nous avons en effet rencontré ce problème lors de l'étude
de la Convention O.A.P.I.
; supra pp. 3IB et s.

- 387-
une confirmation : alors que la contrefaçon est un délit pénal
dans les systèmes juridiques en question, l'exploitation non auto-
risée du folklore n'est qu'une cOlitravention de 3è classe. Le prin-
ci~e de non cumul des peines priverait ici la sanction spéciale
de tout effet (1).
- Quant à la durée de protection, l'article IO-f de
l'Ordonnance burkinabé la déclare sans limite. Cette précision
n'existe pas dans la loi ivoirienne, comme d'ailleurs dans les
textes sénégalais et algérien (2).
A propos de la qualification des régimes juridiques
du folklore dans l'Ordonnance burkinabè et dans la loi ivoirienne,
le raisonnement à faire ne diffère pas de celui tenu dans l'étude
des textes algériens et sénégalais
les oeuvres artistiques et
littéraires du folklore jouissent du statut d'oeuvres de l'esprit
protégées par le droit d'auteur. Pour la règlementation de leur
exploitation, quelques règles particulières ont dft ~tre définies
dont la principale est la désignation d'une autorité compétente
chargée de veiller à l'application de ces règles.
(1)
Nous avons évoqué le principe du non cumul des peines dans
nos développements antérieurs, supra p. 339.
(2)
Le silence des législateurs sur la durée de la protection qu'ils
instaurent est interprété comme accordant au folk~ore une
protection illimitée (Mlle E1NGUE, thèse précitée p. 374).
Toutefois, il faut se réjouixque l'indication de la durée
de protection soit devenue fréquente dans les lois africai-
nes : Ordonnance centrafricaine, art. 4I-I ; loi béninoise
art. 44-I ; loi congolaise, art. I6 ; loi ghanéenne, art. 46.

- 386 -
A partir du critère de l'affectation des redevances,
on discuterait dans la doctrine sur le point de savoir si les
régimes juridiques étudiés doivent s'analyser comme des domaines
publics payants ou des domaines d'Etat. On dirait par exemple que
l'affectation des redevances à un "fonds national de promotion
culturelle", dans l'Ordonnance burkinabé et à de::: "fins cultu-
relles ~t societî~s..:au profit des auteurs", dans la loi ivoirienne,
fait des régimes juridiques en question
des domaine s publics
payants.
Toutefois, ces caractérisations n'ont qu'un intér~t
mineur. L'essentiel c'est de s'assurer que le folklore jouit
d'une protection efficace. Le régime juridique de; "l'oeuvre inspirée
du folklore" constitue un test de cette efficacité.
x
X
X

3e7
B) - Le régime juridique de l ' "oeuvre inspirée
-----------------------------------------
du folklore".
Les textes burkinab è et ivoirien du droit d'auteur
donnent une définition sensiblement différente de l'''oeuvre ins';"
pirée du folklore" : pour le premier, "l'oeuvre inspirée du folk-
lore" s'entend de toute oeuvre composée d'éléments empruntés au
patrimoine culturel traditionnel de Haute-Volta" (article ID,
alinéa b, Ordonnance burkinabè). Quant au texte ivoirien (arti-
cIe 7, alinéa 3), il dispose que l'''oeuvre inspirée du folklore"
s'entend de toute oeuvre composée à partir d'éléments empruntés
au patrimo:ine culturel traditionnel ivoirien".
Les déf:initions ms-indiquées
se dist:inguent de celle
de la loi sénégalaise en ce qu'elles ne font pas usage du fameux
adverbe "exclusivement" (1). Toutefois, par rapport à la notion
d'oeuvre dérivée, la formule du texte burk:inabè semble également
restrictive; en effet, l'adaptation, par exemple, d'une "oeuvre
du folklore" n'est pas seulement une oeuvre composée d'un élément
emprunté au patrimoine culturel traditionnel, contrairement à ce
que laisse entendre cette disposition.
(I)
: L'emploi de l'adverbe "exclusivement" dans la déf:inition de
"l'oeuvre inspirée du folklore" par le législateur sénégalais
a été jugé trop restrictif par la doctrine. Elle pense, par
conséquent, qu'il s'agit d'une erreur.
v.
nos développe-
ments antérieurs p. J7I.

-
3BS •
Son auteQr a imprimé à cet élément emprunté
sa personnalité.
La formule de la loi ivoirienne, préférable à celle
de la loi sénégalaise, liest aussi à celle de liOrdonnance bur-
kinabé (~). Le texte ivoirien présente en outre
liavantage de
faire la concordance linguistique entre ses articles 7, alinéa
3 et alinéa 2. La
première disposition donne la définition pré-
citée de P "oeuvre inspirée du folklore".
La
seconde définit
l'''oeuvre inspirée" en général: "oeuvre inspirée" sientend diune
oeuvre fondée sur des éléments préexistants".
Toutefois, l'usage de la notion di"oeuvre inspirée"
comme synonyme de celle di"oeuvre dérivée" est source diambi-
guïté
en effet, la première de ces notions, dans la théorie
du
droit d'auteur, ne renvoie pas forcément au régime juridique
de lioeuvre dérivée. Une oeuvre inspirée est plutôt entendue com-
me une oeuvre absolument originale dont liauteur niest soumis à
l'autorisation du premier créateur ni au paiement de redevances
à ce dernier.
La loi ivoirienne présente enfin l'avantage de réserver
dans sa structure générale, à l'''oeuvre inspirée du folklore",
un emplacement qui présage son régime juridique:
en effet, ce
type d'oeuvre figure à l'article 6 de la loi avec les traductions,
les adaptations et autres oeuvres dérivées.
(I)
~l va sans dire que cette analyse ne tient que si lion
part du principe que li"oeuvre inspirée du folklore" est
une oeuvre dérivée; en effet, le rapprochement des diffé-
rentes définitions données par les lois africaines pourrait
remettre cette analyse en cause. Nous développerons la ques-
tion dans la section ~ de ce chapitre pp. 397 et s.

- 389 -
Cependant, l'examen du texte en question désoriente
quelque peu: le législateur ivoirien ne met aucune condition
à la création de1'''oeuvre inspirée du folklore". Celle de-l'oeuvre
dérivée
est pourtant soumise au respect des droits de l'auteur
de l'oeuvre utilisée (article 5). On s'attendrait donc à ce que
l ' "oeuvre inspirée du folklore", parce qu'elle se fonde sur une
oeuvre préexistante protégée (article 5-I2 o ), soit soumise au
régime de l'oeuvre dérivée. Le régime auquel le législateur ivoi-
rien soumet ce type d'oeuvre rappelle p1utet celui de l'oeuvre
dérivée d'une oeuvre du domaine public (I).
Le législateur burkinabè innove
par
rapport à
ses homologues ivoirien, sénégalais et algérien
l'utilisation
d'éléments du folklore pour la création d'oeuvres est soumise à
la condition d'une déclaration préalable. Cette condition rappro-
che le régime de l"'oeuvre inspirée du fo1k1ore"de celui de
l'oeu-
vre
dérivée (2).
(I)
Les observations faites à propos de cette question dans
l'étude des lois sénéga1atse
et algérienne
s'appliquent
par conséquent au texte ivoirien; V. supra, p. 375.
(2)
Ce n'est toutefois pas un véritable régime d'oeuvre dérivée
puisqu'aucune condition financière n'est instituée. Cette
solution existe déjà dans la Convention O.A.P.I (art. 8,
alinéa 4) et elle est reprise par quelques textes récents
loi béninoise de I984 (art. IO-2,f) ; loi congolaise de I983
(art. I7).

- 390 -
Autour des législations ivoirienne et burkinabè_,
nous avons réuni les dernières trouvailles des législateurs
africains dans le domaine de la protection juridique du folklore.
Par-rapport aux premières législations (loi tunisienne de ~966 et
loi marocaine de ~970), la plupart des textes récemment promul-
gués reflètent un'p-rogrès sensible. Toutefois, les points d'ombre
demeurent nombreux que malheureusement
l'absence de jurisprudence
appliquant ces textes
ne nous permet pas d'éclaircir.
Dans la section suivante, nous appuyant sur les points
saillants des insuffisances des solutions initiées dans le cadre
du droit d'auteur en général et dans les textes africains en par-
ticulier, nous indiquerons la nécessité d'entreprendre de nouvelles
investigations.
x
X
X
X

- 391 -
SECTION III
LES INCERTITUDES DE LA SOLUTION .!JE RECOURS
AUX LEGISLATIONS DU DROIT D'AUTEUR POUR LA
PROTECTION DU F OL1\\LORE ..
Dans la première partie de la thèse, lorsque nous
avons examiné les modalités pratiques du recours à la théorie
du droit d'auteur pour la protection du folklore, nous avons mis
en exergue les obstacles d'ordre théorique à cette solution: ces
derniers, liés à la nature de la création folklorique, sont rela-
tifs
aux critères d'oeuvre artistique ou littéraire, d'oeuvre
d'auteur déterminé et d'oeuvre originale (1).
Les obstacles en question n'ont pas empêché que des
initiatives soient développées dans le cadre du droit d'auteur
en vue d'assurer une protection juridique du folklore: l'article
I5, alinéa 4,de la Convention de Berne, la loi type de Tunis, la
Convention O.A.P.I et les nombreuses législations nationales que
nous avons étudiées sont autant de tentatives pour surmonter ou
contourner les difficultés en question.
Il faut malheureusement constater que les difficultés
persistent et mettent en cause l'efficacité des solutions élabo-
rées (paragraphe I). On doit alors s'interroger sur l'opportunité
du recours au cadre juridique du droit d'auteur pour la protection
du folklore (paragraphe 2).
(1)
V. supra, pp. 66 et s.

- 392 -
Paragraphe I
Persistance des difficultés dVordre terminologique
Dès les premières réunions africaines ayant abordé
la protection du folklore, la distinction entre un folklore mil-
lénaire et un folklore contemporain a été établie (I). La doctri-
ne reprend par la suite cette distinction, considérée comme le
fruit d'un effort de clarification des concepts utilisés (2).
De cette distinction découle celle dV"oeuvre du folklore" et
d'''oeuvre inspirée du folklore" que nous avons rencontrée dans
les législations que nous avons étudiées (3).
L'ancienneté de la terminologie en question ne dis-
pense cependant pas de réexaminer sa validité:
en effet, malgré
l'effort de clarification qui a été accompli, il persiste quel-
ques ambiguïtés. Nous examinerons dVabord la notion d'''oeuvre du
folklore" (A)
puis celle d' "oeuvre inspirée du folklore" (B).
(I)
L'effort de définition du folklore a été Gonstaté dès la
réunion de Brazzaville en 1963. Le rapport des travaux révèle
que "l'attention a été attirée sur la terminologie, car en
fait deux conceptions peuvent ~tre appliquées au folklore,
soit le folklore millénaire, soit celui qui sert de base
aux créations originales contemporaines" ( V. Doc. UNESCO/
RADA IO, p. 6).
(2)
M. -GOBIN, thèse précitée, p. 216 ; Melle MIALLON, thèse pré-
citée p. 284.
(3)
Cette terminologie apparaît dès la réunion de Brazzaville.
Melle MIALLON rapporte qu'elle fut examinée au cours des
débats bien qu'elle ne fut pas reprise dans la résolution
(thèse précitée,p. 287). Aussi, l'art. 6, al. 2 du projet de
loi type de GENEVE
-donne la définition suivante de l ' "oeuvre
inspirée du folklore" : "Toute oeuvre composée à l'aide d'élé-
ments empruntés au patrimoine culturel traditionnel spécifique-
ment africain".

- 393 -
A) - La notion de "folklore"
Les définitions du folklore peuvent être regroupées
en deux: celles qui se rapprochent de l'article ~5, alinéa 4,
de la Convention de Berne (1) (a) et cel~es qui s'inllpirent de
l'article ~8 de la loi type de Tunis (2). (b)
a)- L'article 15, alinéa 4, de la Convention de Berne est
réputé avoir institué une protection du folklore sans le nommer.
En effet, selon ce texte, il s'agit d'''oeuvres non publiées dont
l'identité de l'auteur est inconnue, mais pour lesquelles il y a
tout lieu de présumer que cet auteur est ressortissant d'un pays
de l'Union".
Selon M. Gobin, cette définition comporte quelques
incertitudes: ainsi, lorsque l'article I5, alinéa 4,dispose
qu'''il y a tout lieu de présumer que l'auteur de l'oeuvre folklo-
rique est ressortissant d'un pays de l'Union", l'intéressé estime
(I)
Nous pouvons citer dans cette catégorie de définition
la loi
marocaine du 29 juillet 1970 (artile IO-5); l'Ordonnance algé-
riePJle du 10 avril 1970 (art. I~ al. 4). A propos de la génèse
de l'art. 15,al. 4 et du mode de protèc~ion qu'il assure au
folk1ore, v.
supra ,pp. 296 et s. et 299 et s.
(2)
Les définitions de cette seconde catégorie sont plus nom-
breuses : loi sénégalaise du 4 décembre 1973 (art. 9-1°),
loi ivoirienne du 28 juillet ~978 (art. 7, al. 2), Ordon-
nance burkinabè du 29 septembre 1983, telle que rectifiée
par l'Ordonnance du 29 février ~984 (art. ~O-a), Ordonnance
centrafricaine du 5 janvier ~985 (art. 9, al. 2), loi came-
rounaise du 26 novembre 1982 (art. 4-8), loi congolaise du
7 juillet ~982 (art I5), loi ghanéenne du 2~ mars ~985 (art.
53).

- 394 -
qu'une interprétation littérale du texte conduit à dire que celui-
ci ne protège que l'oeuvre de l'auteur inconnu, encore en vie (1).
Or, il Y a lieu de penser que les auteurs du folklore ne ,sont
pas tous vivants.
La définition de l'article 14, alinéa 2,de l'Ordonnance
algérienne
introduit par conséquent plus de clarté en indiquant
que l'auteur de l'oeuvre du folklore "est ou était" ressortissant
de l'Algérie.
On doit encore appliquer à la formule de l'article 15,
alinéa 4,de la Convention de Berne, la critique formulée par M.
Joubert à l'adresse du législateur algérien à propos de sa défi-
nition du folklore: l'intéressé trouve, à juste titre, qu'il faut,
dans la définition en question, faire référence au patrimoine tra-
ditionnel (2).
b)- La seconde catégorie de définition du folklore fait
usage du critère d'ordre temporel de transmission de génération
en génération. L'auteur d'une "oeuvre du folklore", s'il a existé,
doit alors être présumé décédé.
(1)
Mo GOBIN
, thèse précité, p. 2640
(2)
Mo
JOUBERT
commentaire précité
de l'Ordonnance algérienne,
ppo 3 et So

- 395
Il est paradoxal que les pays en voie de développement
aient recours à un critère dVancienneté pour définir le folklore (1)
dans les pays industrialisés, l'évolution naturelle du folklore
a été interrompue; en outre, l'existence d'une culture écrite
parallèle dans ces pays permet de conna1tre les étapes de cette
évolution, donc, de pouvoir user dVun critère de temps pour carac-
tériser le folklore. Par contre, dans les pays dVAfrique, dVAsie,
d'Amérique latine, il existe encore des milieux folkloriques,
donc une forme de création folklorique.
Il para1t donc restrictif
d'user d'un critère de transmission de génération en génération
pour distinguer le folklore dans ces pays (2). Que IVon soit par-
tisan de la théorie de la création indiv.iduelle du folklore ou de
celle de sa création collective, on doit admettre donc qu'il con-
tinue d'~tre créées, dans les pays en voie de déVeloppement, des
"oeuvres du folklore".
(I) LVexplication de cette attitude des législateurs africains
se trouve peut-~tre dans la création dVune nouvelle catégorie
d'oeuvres dites inspirées du folklore que nous analyserons
dans le point B de ce paragraphe.
(2)
M.
GOBIN a par conséquent raison d'écrire que la référence
à une tradition millénaire pour définir le folklore
ne part
pas de l'observation des caractères intrinsèques du folklore,
mais dVun simple constat : "il est clair que les créations
de musique populaire traditionnelle qui nVont que quelques
générations d'existence font, tout autant que d'autres, par-
tie du folklore"
(M. GOBJJIl, thèse précitée,p. 218).

- 396 -
A propos de la définition du folklore, quelle con-
clusion peut-on tirer de l'examen des initiatives étatiques
et des organisations internationales développées dans le cadre
du droit d'auteur ?
On constate d'abord que les législateurs ont tenté
de trouver des définitions du folklore adaptées au droit d'au-
teur. Ils y sont en général parvenus, sauf à déplorer quelques
cas isolés : les lois rwandaise (1) et béninoise (2) comportent
des définitions du folklore qui mentionnent par exemple, au titre
des oeuvres protégées, la technologie traditionnelle, les produc-
tions religieuses, les coutumes et les connaissances scientifiques.
Les définitions en question ne limitent donc pas le champ d'appli-
cation du droit d'auteur, en ce qui concerne le folklore, à ses
formes artistique et littéraire. I l faillait cependant se résou-
dre à une telle limltation par souci de clarté théorique.
On doit ensuite regretter le manque d'uniformisation
de la définition du folklore, après une vingtaine d'annéesd'ef-
fort
de réflexion. Il est préjudiciable à l'efficacité des .dif-
férents systèmes instaurés que le mot "folklore" n'ait pas le m~me
contenu d'un texte à l'autre.
(I)
Loi RWANDAISE du I5 novembre 1983 (art. 3).
(2)
Loi BENINOISE du 15 mars 1984 (art. IO).

- 397 -
Cette disparité, copceptuelle crée de sérieux doutes sur l'apti-
tude du drQit d'auteur à prendre en compte une définition du fol-
klore. Elle constitue en tout cas
un handicap à sa protection
internat ionale.
Les difficultés d'ordre terminologique se manifestent
aussi à propos de la définition de l' "oeuvre inspirée du folklore".
B) - La notion d' "oeuvre inspirée du folklore".
----------------------------------------
Melle Miallon, conformément à la distinction entre "folko-
re millénaire et"folklore contemporain" écrit: "C'est pourquoi l'on
sépare habituellement les oeuvres du folklore millénaire, dont
l'auteur est inconnu ou oublié, des oeuvres inspirées du folklore,
dont l'auteur est connu ou facilement déterminable, m~me si son
oeuvre, étroitement liée au folklore dont elle est issue, demeure
orale" (I).
A la lecture de l'analyse de l'intéressée, on est en
droit de penser qu'elle prend en compte une situation que nous
décrivions précédemment (2) : dans les pays où existent encore
des milieux folkloriques traditionnels, nous avons admis qu'il
na1t toujours des "oeuvres du folklore". Cette création serait
(I)
Mlle MIALLON, thèse précitée, p. 284.
(2)
V.
nos développements antérieurs, .pp. 396 et s.

- 398 ...
le fait d'artistes traditionnels dont nous avons exposé les
difficultés de la protection dans la première partie de la
thèse (1). Ces artistes jouent un raIe difficilement qualifiable
par le droit d'auteur. Lorsqu'on ne peut pas les assimiler à de
simples interprètes, ils produisent des oeuvres certes composées
d'''éléments caractéristiques du patrimoine artistique traditionnel",
mais non transmises de génération en génération. Si l'on fait
alors usage de ce critère d'ancienneté, les oeuvres de ces artis-
tes traditionnels contemporains ne sont pas des "oeuvres du fol-
klore". S'agit-il alors d'''oeuvres inspirées du folklore"?
Nous ne trouverons aucune réponse eÀ~resse à cette
~lterrogation, ni dans les textes, ni dans la doctrine. M~e
Mlle Miallon dont l'analyse précitée semblait la contraindre à
y répondre positivement écrit : "Si on envisage le cas des oeuvres
inspirées par le folklore, le processus de protection du folklore
est indirect. En effet, il s'agit d'oeu,Tes dérivées, adapt~~t
la matière première millénaire au goftt du moment ou regroupant
,
différents thèL1es traditionnels en recueils ou anthologies" (2).
(1)
V.
nos développements antérieurs, pp.219 et s., pp. 232 et
s. ,pp. 264 et s.
(2)
Mlle MIALLŒ"
op. cit.,p. 285 ; voir également Mlle ~GUE,
thèse précitée, p. 247 et s. et M. JOUBERT, Commentaires
sur la nouvelle loi.Sénégalaise, op. cit.,p. 51.

- 399 -
Les définitions de l'''oeuvre inspirée du folklore"
contenues dans les législations que nous avons étudiées peuvent
être regroupées en trois : l'article 9-2 0 de la loi sénégalaise
en donne le premier type (1) (a);
l'article 7,alinéa 3,de la loi
ivoirienne en fournit le deuxiènle (2) (b) et l'article IO-b de l'Or-
donnance burkinabè énonce le troisième (3)
(c)
a)-Partie du conc~pt d'oeuvre dérivée, la doctrine a jugé
malheureuse la formule du législateur sénégalais (4).
C'estpour-
tant la définition qui rend clairement compte de cette catégorie
d'oeuvres contemporaines
composées d'éléments caractéristiques
du patrimoine traditionnel.
(1)
L'article 9-2 0 de la loi Sénégalaise dispose: lil'oeuvre
inspirée du folklore s'entend de toute oeuvre composée ex-
clusivement d'éléments empruntés au patrimoine culturel tra-
ditionnel".les lois Guinéenne du 9 aoftt I980 (art. 9-2) et rwan-
daise du
15 novembre I983 (art. 3-f) reprennent la foxmule
sus-indiquée. propos de l'art. 9-20 de la loi sénégélaise, V.p.J~
\\2)
L'art. 7, al. 3,de la loi Ivoirienne dispose : "l'oeuvre
inspirée du folklore s'entend de toute oeuvre composée à
partir d'éléments empruntés au patrimoine culturel tradi-
tionnel ivoirien". Les législations suivantes comportent
la m~me formule : Ordonnance centrafricaine sur le droit
d'auteur (art. 9, al. 3), Ordonnance malienne sur le droit
d'auteur (art. 8, al. 3), Ordonnance algérienne du IO avril
I973 (art. 14, al. 4), loi tunisienne du 14 février 1966
(art. 6-Jo), loi marocaine du 29 septembre I970 (art. 10-6),
loi camerounaise du 29 novembre 1982 (art. 4-7).
(3)
L'art. 10-b de l'Ordonnance burkinabé dispose: "l'oeuvre
inspirée du folklore s'entend de toute oeuvre composée d'é-
léments empruntés au patrimoine culturel traditionnel". Nous
retrouvons cette formulation dans la loi béninoise du 15 mars
1984 (art. 10-2, f).
(4)
Cf.M. JOUBERT~ Commentaires sur la nouvelle loi sénégalaise,
op. cit.'p. 51. Voir également les analyses de M. GOBIN sur
la question (thèse précitée, p. 245) et de Melle KnrGUE, thèse
précitée, p. 263-264.

400 -
b)La définition de la loi ivoirienne a par conséquent
été jugée plus conforme à la notion d'oeuvre dérivée (1). C'est
en outre, la formulation la plus utilisée par les législateurs
africains. Le législateur ivoirien, non seulement ne fait pas
usage de l'adverbe "exclusivement" comme son homologue sénégalais,
mais encore, il précise que l'''oeuvre inspirée du folklore" est,
par déduction de l'article 9, alinéa 2, une oeuvre dérivée (2).
c)~e législateur burkinabè ne fait pas non plus usage
de l'adverbe "exclusivement".
Il
se contente de dire que
l'" oeuvre inspirée du folklore" se compose d'éléments empruntés
au patrimoine culturel traditionnel. Il
ne précise donc pas qu'il
s'agit d'une création faite par transformation ou par combinaison
de ces éléments,
à moins que cette précision soit contenue dans
le terme "emprunt" !
Faire des emprunts au folklore signifie,dans la doctrine
du droit d'auteur, utiliser des éléments lui appartenant pour la
création d'oeuvres originales. M. Colombet écrit en effet : "le
fait qu'une oeuvre musicale emprunte au folklore
n'emp~che pas
(1)
Melle KINGUE, thèse précitée, p. 379 ; V.
aussi nos dévelop-
pements,antérieurs, p. 388.
(2)
Le législateur ivoirien n'emploie pas'l'expression "oeuvre
dérivée" ; il lui .substitue celle d'''oeuvre inspirée". C'est
ce type d'oeuvres que définit l'art. 9, al. 2 comme des
"oeuvres fondées sur des éléments préexistants". L'''oeuvre
inspirée du folklore" est en outre classée parmi les oeuvres
dérivées à l'art. 6 du texte.

- 40I -
qu'elle soit absolument originale, dès que se manifeste l'ap-
port personnel" (I).
Toutefois, le terme "emprunté" dans le texte burkinabè
ne semble indiquer que l'origine des éléments dont 19t'oeuvre
inspirée du folklore" se compose ; i l n'implique pas que ces élé-
ments ont connu un apport créatif personnel (2). C'est pourquoi
nous avons estimé que, par rapport à la notion d'oeuvre dérivée,
la formule du législateur ivoirien doit encore ~tre préférée à
celle de son homologue burkinabè (3).
La définition de l'Ordonnance burkinabè se rapproche
donc de celle de la loi sénégalaise; d'où la question de savoir
si ces législateurs n'ont pas voulu, par la notion "d'oeuvre ms-
pirée du folklore", résoudre le problème de la protection de leurs
artistes traditionnels.
(1)
M. COLOMBET, op. cit.,p. 82 .. no 80.
(2)
La comparaison des articles 10~b et I2 al. 2 ,du texte bur-
kinabè
suscite la réflexion suivante : la première dispo-
sition comporte la définition de l' "oeuvre inspirée du fol-
klore"
("oeuvre composée d'éléments empruntés au patrimoine
culturel traditionnel" ), tandis que la seconde définit l'-
oeuvre dérivée comme une oeuvre issue d'éléments préexistants.
Si l ' "oeuvre inspirée du folklore" doit ~tre analysée comme
une oeuvre dérivée, il aurait été tout à fait indiqué que le
législateur burkinabè établisse la concordance linguistique
entre les articles 10-b et 12 al. 2. Dans ce cas, on enten-
drait par "oeuvre inspirée du folklore", toute oeuvre com-
posée à partir ou à l'aide d'éléments empruntés au folklore.
(J)
V.
nos développements antérieurs, p. 400.

402 -
Interrogé sur le sens de l'article 9-2 0 de la loi sénéga-
laise qui dispose que l'''oeuvre inspirée du folklore" est exclusi-
vement composée d'éléments empruntés au patrimoine traditionnel,
Monsieur Babakar Ndoye, Directeur général du B.S.D.A. , nous répond
"l'adverbe dont il s'agit ne renvoie pas systématiquement aux seules
productions des artistes traditionnels qui sont composées exclusi-
vement d'éléments empruntés au patrimoine culturel traditionnel" (1).
Cette réponse signifie par conséquent qu'une "oeuvre ins-
pirée du folklore" peut être une oeuvre traditionnelle. Toutefois,
l'emploi de Padverbe "exclusivement" dans la définition sénégalaise
nous semblait ne viser que des oeuvres de ce type ; mais, selon la
pratique du B.S.D.A., il faut aussi y inclure des oeuvres modernes.
Il nous aurait fallu avoir accès, faute de jurispru-
dence sur les législations étudiées (2), à la pratique des diffé-
rents organismes de droit d'auteur, pour espérer expliquer la no-
tion d' "oeuvre
inspirée du folklore". En l'absence de cette docu-
mentation, les informations reçues du Sénégal et de l'Algérie
serviront d'indicateurs.
(1)
M. Babakar NDOYE nous fournit cette réponse dans une corres-
pondance personnelle qu'il nous a adressée, en date du 10
aVril 1986.
(2)
Nous n'avons retrouvé aucune décision de justice sur les
dispositions relatives au folklore dans les législations
africaines. Pour le cas de l'ALGERIE et du SENEGAL, nous
avons reçu la confirmation de ce vide jurisprudentiel auprès
des organismes d'auteurs respectifs de ces pays (lettre
de M.S. ABADA de l'O.N.D.A., en date du 7 septembre 1986
et celle du Directeur Général du B.S.D.A. sus-indiquée).

- 403 -
Dans la pratique de ces deux organismes d'auteurs,
l'existence d'une Commission d'Identification des oeuvres est
signalée. C'est cette dernière qui détermine la part du folklore
dans une "oeuvre inspirée du folklore".
Selon M. S. Abada de l'Office National du Droit d'Auteur
algérien, "si l'apport de l'auteur déclarant est original
et
déterminant pour @tre l'élément principal de l'oeuvre, par rap-
port au thème d'inspiration du folklore, cette Commission lui
reconnaît la paternité de l'oeuvre et le considère comme auteur•••
En revanche, lorsque l'apport se limite à un effort de recherche
sans envergure, la part des droits reconnus au postulant est
proportionnée à la partie de son apport" (1).
L'''oeuvre inspirée du folklore" se situe alors unique-
ment dans le domaine de la création moderne, contrairement à ce
que nous a dit M. Ndoye sur la pratique du B.S.D.A.
La pratique
algérienne est par conséquent conforme à la définition du type
d'oeuvres en question que fournit la loi de ce pays. Cette défi-
nition, comme celle de la loi ivoirienne,est jugée conforme à la
notion d'oeuvre dérivée (2).
(1)
Extrait de la correspondance précitée de M.S. ABADA qui
ajoute que l'apport de l'artiste interprète et exécutant
aux éléments constitutifs des oeuvres de l'esprit
neconnaît
pas d'expression consacrée dans le droit Algérien. Il
répond ici à notre question de savoir si la protection de
l'''oeuvre inspirée du folklore" peut viser celle de l'artiste
traditionnel selon l'Ordonnance algérienne.
(2)
L'art. I4, al. 4 de l'Ordonnance algérienne du drQit d'auteur
dispose que l'''oeuvre inspirée du folklore" s'entend de toute
oeuvre composée à l'aide d'éléments empruntés au patrimoine
culturel d 'A 19érie.

- 404 -

l
'
~
Le concept d' "oeuvre inspirée" ne se rencontrait pas
dans les législations du droit d'auteur
avant d'~tre fréquem-
ment employé par les législateurs africains. Toutefois, l'expres-
sion "puiser son inspiration du folklore" est utilisée aussi bien
dans la doctrine que dans la jurisprudence : la Cour de Cassation
française, par exemple, décide que" tout auteur est libre de
puiser son inspiration dans le folklore, sans que, pour autant,
son oeuvre perde son caractère original, dès lors qu'il traite
cette oeuvre suivant son tempérament et son style propre, et lui
donne les caractères d'une composition véritable" (1). Il n'est
pas nécessaire que l'oeuvre qui en résulte soit absolument ori-
ginale, c'est~~-dire que l'apport personnel sur l'élément préexis-
tant soit si important qu'il s'affranchit de toute attache d'ordre
patrimonial ou moral envers ce dernier; il suffit qu'elle soit
m~me relativement originale (2).
(I) : Casso,23 octobre 1962, RoIoDoAo nO 37, 1963, p.127o
(2) : Tribunal civo de la Seine, 9 décembre 1864, Anno 1866
(décision citée par Mo GOBJN : "Cent ans de jux'''.sprude:r:cc
en matière de folklore musical", op. cito p. é\\cJ'0'-"~"f:
on a parfois dans la doctrine tU1e approche p:'
c,;:. ~'
-. : '.le
de la notion d'oeuvre inspirée que celle éno,
décision sua- induquée : selon Mme NIEDZIELSJ{;,
::'es
oeuvres, l'oeuvre préeXistante n'a été qu'un
'-
teuro
Elle
considère par conséquent q',
vue du. droit d'auteur, il importe de disting'
vres' inspirées du folklore et celles qui son
1
d'autres oeuvres" (art o précitée, p. 283).

- 405 -
Les législations du droit d'auteur n'aménagent un
régime particulier que pour les oeuvres entrant dans la seconde
catégorie, appelées alors oeuvres composites ou dérivées.
De telles oeuvres sont le reflet de deux personnalités créatrices.
Conformément à la doctrine du droit d'auteur, Mo Gobin
avait, avec raison, employé dans sa classification des oeuvres
en rapports avec le folklore, les notions d'''oeuvre dérivée du
folklore" et d' "oeuvre inspirée du folklore et par le folklore" (I).
Mais selon l'intéressé, P "oeuvre inspirée du folklore et par le
folklore"
renvoie uniquement à des oeuvres absolument originales.
Elle ne vise pas aussi des oeuvres dérivées comme dans les légis-
lations africaines
et dans la pratique des organismes d'auteurs
du Sénégal et de l'Algérie
(2).
Dans les législations en ques-
tion, la notion d'''oeuvre inspirée du folklore" pr~te à confusion
car elle ne fournit aucune indication sur la nature des emprunts,
leur éteniue et leur utilisation (3).
Selon la classification de M. Gobin, si une oeuvre se
compose "exclusivement d'éléments empruntés au folklore" elle
répc1'.d aux
caractéristiques de l'''oeuvre du folklore" authentique (4).
(I)
supra pp. I63 et s.
(2)
V. supra, pp. 402-403.
(3)
M. GOBIN, thèse précitée, p. 219.
(4)
Cette analyse se déduit de la "classification des oeuvres en
r~pp~rt avec le folklore faiteparl'in~esséoIlnous l'a con-
flrme lors d'un entretien avec lui le 3 juin 19870 Il ne pen-
se pas alors qu'il soit adéquat d'utiliser la notion "d'oeu-
vre inspirée du folklore" pour désigner l'oeuvre traditionnel-
le contemporaine.

- 406 ".
Toutefois, il ne serait pas satisfaisant de refuser toute pro-
tection à l'artiste traditionnel, lorsque sa prestation dépasse
la simple interprétation, sous prétexte qu'il s'agit de folklore.
On comprendrait alors
que les législateurs africains aient inven-
té la notion d'''oeuvre inspirée du folklore" pour distinguer
l'oeuvre traditionnelle contemporaine de l'oeuvre traditionnelle
transmise de génération en génération
(1).l1s règleraient ainsi
le difficile problème de la protection de l'artiste traditionnel.
Dans ce cas, la notion d'''oeuvre inspirée du folklore" n'aurait
rien à voir avec celle d'oeuvre dérivéé. Elle devrait ~tre exclu-
sivement employée dans le cadre de la création traditionnelle.
Sur les problèmes d'ordre terminologique relatifs aux
notions d'''oeuvre du folklore" et d'''oeuvre inspirée du folklore",
les conclusions sont sans ambiguïté dans la doctrine : "Ces im-
précisions auront des conséquences préjudiciables sur les textes
élaborés", écrit M. Gobin (2). Quant à Mlle Miallon, elle y voit
la démonstration que "les notions classiques du droit d'auteur se
heurtent à des obstacles qui tiennent à la nature m~me du folklore
(I)
Si la notion d' "oeuvre inspirée du folklore" était ainsi
entendue, les dispositi9ns relatives à ce type d'oeuvres
dans les lois tunisiennes (art. 6-3°) et marocaine (art.
10-4°) se justifieraient très bien•. Les dispositions en
q~estion prescrivent des conditions à l'exploitation de
l' "oeuvre inspirée du folklore" ( V. supra, p. 353 ).
(2)
M. GaBIN, thèse précitée,p. 219.

- 407 -
il est donc souvent difficile de les appliquer strictement
pour déterminer la paternité de l'oeuvre, originalité et béné-
ficiaires "(1)
Ces conclusions posent la question de la
0
validi-
té du principe m~me du recours au droit d'auteur pour la protec-
tion du folklore et justifient que nous éprouvions la nécessité
de nouvelles investigations.
x
X
X
X
(1)
Melle MIALLON, thèse précitée, po 2850

- 408 -
Paragraphe 2
La nécessité de nouvelles investigations.
Le plus grand obstacle à la protection du folklore
par le droit d'auteur
résulte du fait que les pays de longue
tradition juridique en matière de propriété intellectuelle,
ceux qui ont inventé le droit d'auteur, n'ont pas protégé le
dit folklore dans leurs législations. Mais, ce n'est certaine-
ment pas un argument suffisant. La question est de savoir si le
folklore peut être ou non efficacement protégé par le droit
d'auteur.
Melle Kingue, à propos
du
folklore écrit : "En
raison de sa nature particulière, sa protection juridique pose
quelques difficultés et de nombreux spécialistes du droit d'au-
teur s'opposent à sa protection sur la base des principes du
droit d'auteur"." (1), Les spécialistes en question
adoptent
cette position
eu égard aux conditions de protection exigées
par le droit d'auteur: une création artistique ou littéraire,
originale et ayant un auteur déterminé,
Dans les solutions légales que nous avons étudiées,
les législateurs ont essayé de satisfaire à la première condi-
tion
en adoptant la terminologie examinée dans le paragraphe
précédent et qui comporte bien des ambiguités,
(1)
Melle KINGUE fait état des positions de M, SEEMANN, auteur
cité par Mo GOBIN (thèse précitée, po 90 et s,), de M.
MENTHA Bo , article précité, p. 74 et s"
et de Mo JABBOUR
(A), article précité, p 10 et s. Voir la thèse de l'inté-
ressée, p. 242-2430

- 409 -
La difficulté essentielle provient du fait que, bien que de
nature artistique et littéraire, les éléments du folklore exa-
minés ne se présentent pas sous forme d'oeuvres, au sens du.droit
d'auteur : cette difficulté justifie que les législateurs se
soient contentés de donner une définition du folklore, considéré
comme un ensemble de "productions littéraires, artistiques ou
scientifiques".
L'absence d'auteurs déterminés, voire l'inexistence
de tels auteurs dans la création folklorique, rendent difficilement
applicable le principe de l'originalité de la création. Il en
découle aussi les difficultés ayant trait à la désignation des
titulaires des droits sur le folklore. Sur ce dernier point,
qu'ils soient partisans de la thèse de la création individuelle
ou de celle de la création collective du folklore, les législa-
teurs ont contourné cet obstacle en désignant une autorité com-
pétente pour s'occuper de l'administration des droits sur le
folklore ; mais les différentes adaptations opérées par les
législateurs pour prendre en compte le folklore dans leurs lois
ne cachent pas les ambiguités et les insuffisances de ces solutions.
On peut d'abord déplorer le manque de clarté
des régi-
mes juridiques mis en place : il est difficile par exemple de
savoir si ce sont seules les sanctions spéciales définies par le
législateur qui s'appliquent au folklore
ou si ces dernières
viennent renforcer les sanctions générales prévues pour réprimer

- 410 -
les violations
des prérogatives de l'auteur de l'oeuvre de
l'esprit (1).
Les confusions observées dans la doctrulc sur la défi-
nit ion du statut du folklore et la qualification des régimes ju-
ridiques instaurés par les textes étudiés
témoignent également
de leur manque de clarté.
Traduisent aussi le même climat, les difficultés pour compren-
dre certains concepts utilisés tel celui "d'appartenance au pat ri-
moine national". Mais, au caractère ambigüe des solutions en
question, il faut ajouter leurs aspects insuffisants et inadaptés.
Le caractère insuffisant des solutions élaborées dans
le cadre du droit d'auteur
apparaît
essentiellement à propos des
aspects moraux de la protection du folklore. Nous avons mis en
exergue, dans nos développements antérieurs,le fait que la protec-
tion du folklore dépasse les seules préoccupations d'ordre pécu-
-niaire (2). Or, si les régimes juridiques examinés ont pu être
(1)
Mlle KINGUE, dans son étude de la Convention O.A.P.I., a
opté pour la seconde hypothèse Q propos de l~quelle nous
avons émis des réserves; V.
supra, p.
339.
(2) ; v.
nos déveloopeoentG antérieurG Gur les exigences d'ordre
moral (Iè partie, titre II, supra, p. 204~. De toutes les légiG-
tions dont il a ét~ question dans nos analyses, seule, la loi rwan-
daise mentionne expressément l'existence d'aspects moraux dans
la protection du folklore; elle ne va toutefois pas jusqu'à
en définir le contenu. Son art. 8-C dispose en effet que "les
droits moraux sur les oeuvres du folklore sont exercés
par
le service chargé de la gestion du droit d'auteur". Cette dis-
position risque cependant de rester lettre morte pour les rai-
sons que nous avons indiquées dans l'étude de la loi type de
TUNIS; V. supra, p. 320.
.

- 4II -
analysés comme des régimes de domaine public payant dans la
doctrine, c'est qU'ils ne règlent surtout que les questions de
l'exploitation pécuniaire du folklore. Ils pourraient procurer
des ressources financières, mais ne permettraient pas de garan-
tir matériellement le folklore contre les déformations éventuel-
les (I).
Les solutions en question sont en outre insuffisament
adaptées au cas particulier du folklore ; la plupart des législa-
teurs n'exigent le paiement de la redevance que pour les usages
à but lucratif. Ils n'ont donc pas adopté le critère du droit
d'auteur dans sa totalité (2). C'est faire preuve d'un effort
d'adaptation aux particularités du folklore (J). Toutefois, comme
nous l'avons souligné dans nos analyses théoriques, le critère
(I)
V.
nos développements antérieurs sur les raisons d'une pro-
tection du folklore
(supra p. 179).
(2)
Selon la doctrine du droit d'auteur, le simple usage public
implique le paiement de la redevance. Il existe toutefois
quelques textes qui n'excluent pas expressément cette hypo-
thèse. Ainsi, la formulation en termes généraux de l'art. 5,
al. J,de la loi ghanéenne de 1985 permet d'exiger le paiement
m~me en cas du simple usage public et non lucratif du folklo-
re. La m~me déduction peut ~tre faite de l'art. 9-c de la loi
rwandaise.
(J)
L'une de ces particularités est que l'usage public est de
l'essence-m@me du folklore. Soumettre cette forme d'usage à
des conditions serait contraire à son épanouissement.

- 412 -
plus restrictif d'usage commercial nous para!t plus respectueux
des dites particularités du folklore (1).
Enfin, à propos du sujet de l'utilisation du folklore,
seules quelques législations en tiennent partiellement compte (2).
Elle exonèrent les pouvoirs publics du paiement de la redevance
et de l'autorisation préalable. Cependant, quand les pouvoirs
publics effectuent des fixations du folklore, il est souhaitable,
afin que soient respectées son intégrité et son authenticité,
qu'ils se soumettent au contrôle permis par l'autorisation préa-
lable.
Claude Masouyé qui fait l'économie des solutions léga-
les élaborées dans le cadre du droit d'auteur conclut : "Malgré
ces efforts législatifs ou conventionnels, l'impression se dégage
que la protection par la voie du droit d'auteur ne semble pas ~tre
su:ffisante pour contrôler l'utilisation co=erciale du folklore"(J).
(1)
V.
nos développeYJlents antérieurs, pp.I85-186.
(2)
Les législations suivantes écartent en totalité ou en partie
l'application de la réglementation de l'exploitation du
folklore lorsqu'elle est faite par le3 pouvoirs publics:
loi tunisienne du 14 février 1966 (art. 6-2 0 )
;
loi maro-
caine de T970 (art. 10-3°). Toutefois, la prise en compte
du sujet de l'utilisation dans les législationssus-indi-
quées est partielle car elles ignorent le cas des "commu-
nautés nationales"auxquelles on ne peut interdire l'utili-
sation de leur patrimoine culturel.
(3)
C. MA80UYE, op. cit. p.9.

- 4I3 -
Les insuffisances dont l'intéressé parle et que nous
avons indiquées dans ces développements, semblent directement
liées au cadre choisi: nous pensons, en effet, que les possibi-
lités d'adaptation du droit d'auteur ne sont pas illimitées. En
conséquence, il s'est avéré nécessaire d'envisager la possibilité
d'établir une protection" sui generis" des expressions du fol-
klore", conclut Claude Masouyé. Nous faisons n8tre cette conclusion
qui sera l'objet du titre suivant.
x
X
X
X

TITRE II
LES INITIATIVES DE SOLUTIONS
·SUI GENERIS·

- 414 -
Nous avons vu,dans le titre précéden~ que les préoccupations
autour de la protection du folklore sont nées spontanément sur le
Continent africain ,dès les premières réunions sur le droit d'auteur
qui ont eu lieu dans cette région du monde. La recherche des solu-
tions s'est poursuivie dans ce cadre et les premières réunions
exclusivement consacrées au folklore ne sont intervenues qu'à
partir de 1977 (1).
Le Comité d'experts de Tunis sur la protection du folklore
(Tunis, 11-15 juillet 1977), n'a cependant pas manqué de s'interroger
sur l'aptitude du droit d'auteur à fournir des solutions efficaces
aux problèmes de la protection du folklore : aussi, l'observateur de
l'O.M.P.I. à cette réunion conclut au caractère inadapté des règles
du droit d'auteur prises telles quelles, mais il n'exclut pas qu'à
...
(1)
Comité d'experts sur la protection juridique du folklore, Tunis,
11-15 juillet 1977. Voir le rapport des travaux dans le docu-
ment UNESCO/FOLK/I/4, Paris, 1er sept. 1977. Dans nos développe-
ments à venir, nous ferons apparaître dans le rappel historique
des travaux menés sous l'égide de l'UNESCO et de l'O.M.P.I.
l'origine de cette réunion.

- 415 -
l'instar de ce qui s'est produit en matière de programmes d'ordinateurs,
il se dégage une solution générale qui s'inspire des principes du
droit d'auteur ou des droits voisins (1).
Il n'est donc pas étonnant que trois ans plus tard, en 1980,
l'O.M.P.I. ait proposé les Dispositions types de législations natio-
nales pour la protection du folklore. Il est écrit à propos de ce
texte qu'il n'utilise même pas le terme "oeuvre"
qui est typique de
la protection du droit d'auteur
et ne se réfère pas aux auteurs,
quels qu'ils soient, pas même en mentionnant les oeuvres dont l'iden-
tité de l'auteur est inconnue (2).
C'est en effet vers un corps de règles "sui generis" que
se sont orientées par la suite les recherches ; des règles qui, bien
que s'inspirant des techniques de la propriété intellectuelle, demeu-
rent en marge des institutions classiques dans ce domaine.
(1)
Pour la protection des programmes d'ordinateurs, le droit d'au-
teur était initialement exclu
de la réflexion. Cette protection
était en effet pensée en termes de propriété industrielle.
En définitive, c'est une solution inspirée par les principes
du droit d'auteur qui a été retenue. Cf les Dispositions types
de législations sur la protection du logiciel, résultat de
l'activité de l'O.M.P.I. avec l'aide d'un Groupe consultatif
d'experts non gouvernementaux, de 1974 à 1977 (La
Propriété
Industrielle, 1977, p. 271). Toutefois, la situation actuelle
est plutôt celle d'une protection par le droit d'auteur avec
quelques règles particulières; V. par exemple la loi fran~aise
du 3 juillet 1985, titre V.
(2)
Commentaires sur les Dispositions types de législation nationa-
le sur la protection des créations du folklore ; document
UNESCO/OMPI/WG.1/FOLK/2 Add., Genève, 31 déc. 1979, p.4, § 7.10

- 416
Au ti~re des solutions de ce genre, nous étudierons dans un cha-
pitre premier le modèle bolivien instauré par le Décret suprême nOOB396
du 19 juin 1968 et son réglement d'application du mois de juillet de la
même année (1). Dans un chapitre second, nous examinerons les solutions
1
auxquelles tendent à aboutir les travaux effectués sous l'égide de l'tNESCO
et de l'O.M.P.I. pour la protection du folklore.
(1)
Nous n'avons pas trouvé la date précise du Réglement d'application
du Décret suprême du 19 juin 1968 dans la documentation que nous a
communiquée la Délégation
permanente de la Bolivie auprès de l'tNESCO
ni dans la thèse de monsieur GOBIN qui a également analysé ce texe.

- 417 -
CHAPITRE l
LE MODELE BOLIVIEN.
La Bolivie a été très t8t sensible aux menaces qui pesaient
sur son patrimoine folklorique. Ce pays a compris que la revalorisa-
tion du folklore et son entrée concomitante sur le marché des produits
de consommation impliquaient des mesures de sauvegarde (1).
Le droit nVoffrait cependant aucune solution: "les instru-
ments internationaux élaborés par l'UNESCO en vue dVassurer une pro-
tection du patrimoine culturel de l'humanité ne contiennent aucune
disposition spécifique concernant le folklore" (2) ; les conventions
du droit d'auteur le laissent également de c8té, le folklore étant
implicitement considéré comme relevant du domaine public (3).
(1)
Dans le mémorandum que la Bolivie a adressé à IVUNESCO
en
1973, ce pays fait état des différentes menaces qui pèsent sur
le folklore et qui le poussent à chercher une solution de pro-
tection; V. doc.IGC/XII/I2, Paris 1er oct. 1973, p.3. Les
raisons de protéger le folklore ont du reste été largement expo-
sées dans nos propres développements ; V. notamment supra, pp. 289
et s.
(2)
Extrait du mémorandum bolivien, op. cit. ,p.4.
(3)
Dans le mémorandum bolivien, il sVagit de la Convention univer-
selle de 1952 et du Traité de Washington sur le droit dVauteur,
conclu entre les Eta~américains en 1947. Il faut par conséquent
relever, comme p.~s développements antéri~urs l'ont montré, que
la Convention de Berne, depuis son Acte de Stockholm (1967),
comporte une disposition (art. 15 al.4), destinée à la protection
du folklore; V. supra, pp. 296 et s.

- 418 -
La Bolivie a alors mis en oeuvre un système original de
protection du folklore organisé par le Décret Suprême nOOS396 du
19 juin 1968 et son Règlement d'application (I). Dans une première
section, nous examinerons le contenu du modèle bolivien avant d'en
évaluer la portée dans une deuxième section.
x
x
X
X
(1)
Le Décret Suprême du 19 juin 1968 et son Règlement d'application
ne traitent que du folklore musical.
Il était toutefois envisa-
gé l'établissement d'une législation qui étendrait l'application
de ces mesures aux danses folkloriques, à l'art populaire et à
la littérature traditionnelle. Cette extension ne semble pas
encore avoir été réalisée, aux dires de l'Attaché culturel de
l'Ambassade de Bolivie à Paris.

- 419 -
SECTION l
LE REGIME JURIIlIQUE DU "FOLKLORE MUSICAL
DANS LES TEXTES BOLIVIENS.
A propos des mesures prises par la Bolivie pour protéger
son folklore musical, Monsieur Gobin écrit que ce pays a mis en place
"le système juridique le plus élaboré qui puisse, à l'heure présente,
dans le monde, gtre étudié sur le folklore musical" (1). En effet, le
statut juridique du folklore musical et la règlementation de son
exploitation y sont astucieusement élaborés.
Le législateur bolivien est resté en fait très proche de la
terminologie du droit d'auteur; toutefois, les solutions qu'il met
en oeuvre peuvent gtre qualifiées de "sui generis" : il s'agit de
textes autonomes par rapport à la législation de ce pays s~ le droit
d'auteur, qui comportent, comme nos analyses le montreront, bien des
solutions en marge de cette dernière institution.
Le Décret Suprgme du 19 juin 1968 et son Règlement d'appli-
cation
organisent d'abord la collecte du folklore musical
(para-
graphe 1) puis l'utilisation du répertoire ainsi constitué
(paragra-
phe 2) et , enf'in, ils instituent un système de "restitution à la
communauté nationale des mélodies indOment appropriées" (paragraphe 3).
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, p.I58.

- 420 -
Paragraphe l
Organisation de la collecte.
Par le Décret Supr~e n008396 du 19 juin 1968, la Bolivie
proclame propriété de l'Etat
"la musique folklorique exécutée actuel-
lement sur son territoire par des groupes paysans ou autres groupes
folkloriques et dont l'auteur n'est pas identifié, ainsi que
lamusi-
que de compositeurs boliviens décédés depuis trente ans ou plus"
(article 2 al.I) (1).
Le Décret Suprême énonce une série de principes comme celui
sus-indiqué
que son règlement d'application vient préciser. Il faut
en effet se référer à ce dernier texte (article 1)
pour connaître
précisément la nature des mélodies dont il est question. (A)
Le second principe énoncé par le Décret Suprême prescrit
l'inscription de la musique folklorique au Département "Folklore" du
Ministère de l'Education nationale et de la Culture. (B)
Les compositions musicales folkloriques protégées par le
Décret Suprême réunissent, aux termes de l'article l
de son règlement
d'application, les caractères suivants : elles doivent être à la fois
traditionnelles, anonymes et populaires.
(1)
Les textes boliviens traitent par conséquent du folklore, mais
aussi des oeuvres du domaine public; toutefois, il va sans di-
re que c'est leur aspect "protection du folklore" qui nous in-
téresse
dans le cadre de ces analyses.

- 421 -
- Par musique "traditionnelle", il faut entendre des thèmes
ou des mélodies crées dans le passé, mais encore exécutés dans le
présent et transmis de façon empirique d'une génération à l'autre
(article I-a, 1) (1).
- Quant au caractère anonyme, il peut résulter de deux
éléments: soit l'auteur ou les auteurs sont inconnus, soit leur
identité est passée sous silence par le phénomène de "l'appropriation
collective" de leurs oeuvres. Le législateur bolivien parle d'''oeuvres
dépersonnalisées et acceptées comme formes génériques de folklore
dans les commlIDautÉs indigènes" (article I-a, 2) (2).
(1)
Cette catégorie d'oeuvres nous rappelle les définitions du
folklore,rencontrées dans les textes africains qui utilisent
le critère de transmission de génération en génération
(lois sénégalaise, burkinabè, ivoirienne, etc.). Elle corres-
pond également à la notion de folklore millénaire.
(2)
La notion de "dépersonnalisation" évoque pour nous les analyses
de M. JAKOBSON R.
(article précité, pp.60 et s.~L'intéressé
écrit que "l'existence d'lIDe oeuvre folklorique ne commence
qu'après son acceptation par une communauté déterminé~, et il n'-
existe que ce que la commlIDauté s'est approprié". Dans cette
hypothèse, il est compréhensible que soit interdite l'appropria-
tion privée d'oeuvres du folklore par leurs auteurs individuels.
La conséquence immédiate est le passage sous silence de leurs
noms.

- 422 -
Le phénomène de la dépersonnalisation a sans doute amené le législac<-
teur bolivien à prendre en compte une autre catégorie d'oeuvres
définie à l'article I-b du Règlement d'application : il s'agit de la
musique traditionnelle qui, bien que récente, appartient au patrimoi-.
ne des communautés nationales (1).
Enfin, le troisième élément de la définition du folklore
musical, le caractère "populaire", désigne toute mélodie qui, réunis-
sant les caractères traditionnel et anonyme, est utilisée par plusieurs
membres d'une communauté qui participent au m~me modèle culturel.
Les oeuvres visées
par le Décret Supr~me du 19 juin 1968
étant décrites, on peut maintenant examiner les modalités pratiques
de leur inscription dans les régistres prévus à cet effet,au Départe-
ment d'Ethnomusicologie et Folklore du Ministère de l'Education
nationale et de la Culture.
du folklore musicalo
Le folklore musical appartient à l'Etat j mais ce dernier
permet la naissance de droits individuels sur sa propriété.
(1)
Cette catégorie d'oeuvres rappelle les différents aspects mis
en lumière dans 1'étude de la notion d' "oeuvre inspirée du
folklore" (v. IIè partie, titrEi II ,supra pp0397 et so)o Le cri-
tère de transmission de génération en génération ne rend pas
compte de telles oeuvres qui sont actuelles, mais qui demeurent
du folklore selon le législateur bolivien.

- 423 -
En effet, toute personne qui aura contribué en tant que "collecteur"
à
l'inscription d'une oeuvre musicale folklorique bénéficiera de
la redevance instituée par l'article 4 du Décret Suprême. Le Règle-
ment d'application de ce texte
(article 4)
précise que les droits
des compilateurs ou collecteurs durent 20 ans à compter de la date
de diffusion (1).
L'inscription du folklore musical fait l'objet d'une
procédure détaillée, organisée par le Règlement d'application à son
chapitre II. Elle implique l'accomplissement d'une procédure d'enré-
gistrement au Département ''Folklore'' du Ministère de l'Education et
de la Culture. Le collecteur remplit un formulaire qui accrédite que
la pièce dont il demande l'inscription appartient au répertoire
folklorique, traditionnel et anonyme. Il le fait sous son exclusive
responsabilité (2).
Les inscriptions sont portées sur des régistres tenus par
la "Section d'Ethnomusicologie et Folklore". Il existe deux types de
régistres : l'un reçoit les inscriptions des particuliers et l'autre
celles effectuées par les fonctionnaires (article 3 du règlement
d'application) (3).
(1)
Il est intéressant de noter que le point de départ des droits
reconnus aux collecteurs est la date d'une éventuelle publica-
tion et non celle de l'inscription de la musique dans les régis-
tres appropriés. Cette formule donne plus de chance de gain
aux collecteurs que celle qui aurait consisté à prendre pour
point de départ la date de l'inscription.
(2)
Article 7-b du Règlement d'application.
(3)
Les textes boliviens ne comportpnt aUcune à~tre indiG~tion sur~s
enrégistrements effectués par les fontionnaires. Il ne serait,
toutefois pas étonnant que de tels enrégistrements ne donnent pas
droit à la délivrance d'un certificat
lorscu'ils sont réalisés
dans le cadre du service.
~

- 424 -
La demande d'inscription d'une mélodie s'accompagne de son
écriture en système universel ou en gravure. Si la personne qui
sollicite l'inscription n'est pas en mesure de satisfaire à cette
condition, la transcription ou la gravure peuvent être effectuées
directement par la
"Section d'Ethnomusicologie et Folklore" (article
7 al. 2 du Règlement d'application).
L'inscription d'une mélodie sur le répertoire donne droit
à la délivrance d'un certificat, titre qui garantit la participation
au bénéfice de la redevance.
~
Les particuliers et les fonctionnaires ne sont pas les
seuls à pouvoir effectuer l'inscription de musique folklorique. Les
communautés nationales et les institutions sont aussi autorisées à le
faire. Aux termes de l'article 7-f du Règlement d'application, les
communautés indigènes peuvent faire exécuter par leurs interprètes
la musique qu'elles veulent inscrire au répertoire national. La
"Section d'Ethnomusicologie et Folklore" se charge d'effectuer l'enré-
gistrement et la gravure nécessaires à l'inscription. Un certificat
est ensuite délivré aux dites communautés.
Enfin, l'article 8 du Règlement d'application prévoit que
"les compilateurs devront respecter dans leur intégrité les composi-
tions qu'ils veulent inscrire, tant en se référant à la mélodie qu'à
la lettre, sans additions ni variations perso=elles".

- 425 ,..--
Le législateur bolivien, par la procédure d'inscription
ci-dessus décrite, pose le premier jalon de la protection du folklore.
Dans le paragraphe suivant, il s'agira de la gestion du répertoire
ainsi constitué.
Après avoir organisé la collecte du folklore musical,
le Décret Supr@me du 19 juin 1968 et son Règlement d'application en
organisent l'exploitation. L'article 9 du second texte dispose que
"toute musique folklorique conservée aux archives nationales pourra
@tre employée aux fins de diffusion, tant par les interprètes que les
éditeurs ou les entrepreneurs de disques, en respectant la présente
règlementation". L'article 10 du m@me texte accorde aux compositeurs
la m@me faculté (1).
Les textes boliviens distinguent par conséquent trois types
d'utilisations: A) L'exploitation par l'édition musicale et phonogra-
phique.
B) L'utilisation du folklore musical par les interprè-
tes.
c) L'utilisation du folklore musical pour la création
d'oeuvres originales.
(1)
Les articles 9 et 10 du Règlement d'application ne mentionnent
pas les stations de radiodiffusion dans l'énumération des diffu-
seurs potentiels du folklore musical. On était toutefois en
droit de s'attendre à ce que ces organismes, dans le respect de
la règlementation, puissent aussi s'adresser à l'administration
compétente
afin d'obtenir l'autorisation de diffuser des élé-
ments de la musique conservée aux archives nationales.

- 426 -
Le Décret Suprême du 19 juin 1968 prescrit que toute impres-
sion ou gravure de musique folklorique doit faire mention soit du
nom du collecteur, soit du Département "folklore" du Minstère de l'édu-
cation nationale et de la Culture, soit des deux à la fois (article 6).
L'article 12 du Règlement d'application exige par conséquent que les
producteurs de disques et les éditeurs de musique populaire tradition-
nellepr~ les certificats correspondant
aux mélodies qu'ils
veulent publier. Ils remplissent un formulaire sollicitant l'autori-
sation de les utiliser, en y joignant les mélodies
écrites oU enré-
gistrées (I)~ L'autorisation peut leur être refusée lorsqu'il s'agit
d'usage à des fins lucratives (article 17 du Règlement d'application).
Une fois l'autorisation accordée, l'exploitation elle-même
est minutieusement réglée par le législateur bolivien : avant toute
mise à la disposition du public d'exemplaires imprimés ou gravés
d'oeuvres musicales folkloriques, ces derniers doivent être scellés (2).
A défaut de cette formalité, "aucun disque, 'ni bande, ni partition de
ce type de musique ne pourra être mis dans le co=erce" (article 22-a
du Règlement d'application).
(1)
Les producteurs de disques et les éditeurs de musique doivent
rassembler deux autorisations (celle du détenteur du certificat
d'inscription et celle de l'administration) avant de pouvoir
procéder à une publication du folklore musical. C'est en tout
cas ce que permet de penser l'article 12 du Règlement d'appltca-
tion dont le contenu est ci-dessus donné.
(2)
Co=e le remarque M. GOBIN (thèse précitée, p.I66, note 1),
l'article 22-a emploie le terme "sellado" qui peut être traduit
par "apposer un sceau ou un timbre".

427 -
La vente aussi fait l'ob~ d'un contrôle strict. Il est
accordé à chaque producteur un contingent de vente. Il doit,
dans les quatre-vingt-dix jours de la mise sur le marché d'une édi-
tion, en présenter un bilan au Département administratif du Ministre
de l'Education nationale et de la Culture, afin de payer les droits
d'auteur. Ces droits sont de S% du prix de vente total. La somme est
déposée au compte "Sauvegarde du folklore" de la Banque Centrale de
Bolivie. La part qui revient à l'Etat (60%) est exclusivement affec-
tée à la préserv8tion et à la recherche sur le folklore musical
bolivien (article 5 du Décret Suprême).
Tous les trois mois, l'administration compétente vérifie la
quantité d'exemplaires qui reste à vendre. En cas de réimpression,
la procédure reprend à son point de départ (demande du sceau sur les
exemplaires fabriqués, accord sur un contingent de vente, etc., arti-
cle 22-e du Règlement d'application).
L'activité des producteurs de disques et des maisons d'édi-
tion dont nous avons pu mesurer la rigueur des conditions d'exercice
consiste en la reproduction du folklore musical ; celle des interprè-
tes, comme nous le verrons dans le point suivant, bénéficie de plus
d'avantage
de la part du législateur bolivien.

428 -
B)- L'utilisation du folklore musical par les interprètes.
------------------------------------------------------
Les interprètes constituent la deuxième catégorie d'utili-
sateurs du folklore prise en compte par la règlementation
bolivienne.
Aux termes de l'article 16 du Règlement d'application du Décret Suprê-
me, ces derniers sont soumis aux conditions suivantes : ils doivent
signaler au cours deBurs représentations l'origine folklorique de la
musique qu'ils exécutent ; ils doivent en respecter l'intégrité et ne
rien faire qui puisse nuire au caractère traditionnel de cette musique.
Les interprètes doivent enfin respecter les prescriptions des articles
10 et I I du Règlement d'application (1).
L'interprètation de musique folklorique n'est par conséquent
soumise qu'à des obligations d'ordre moral; le paiement d'une rede-
vance n'est, en effet, pas exigé. En outre, l'interprète de musique
folklorique n'est pas soumis à la condition de l'autorisation préala-
bleD
La troisième catégorie d'utilisateurs du folklore comprend
les compositeurs modernes qui, selon l'article 10 du Règlement d'appli-
cation, s'inspirent des mélodies traditionnelles pour la création
.0 •
(1) : Nous donnerons le contenu des articles 10 et I I du Règlement
d'application dans le point (C) de ce paragraphe.

- 429 -
d'oeuvres originales. Le législateur cite les symphonies, les ballets,
les choeurs.
Les seules conditions à respecter par les compositeurs sont
aussi d'ordre moral. Ces derniers sont en effet obligés de mentionner
l'origine folklorique des thèmes et des mélodie qu'ils utilisent
(article 10) • Il leur est aussi interdit de procéder à des variations
ou à des arrangements sans avoir, au préalable, obtenu IVautorisation
de l'autorité désignée à l'article II (1).
A l'article 10 du Règlement d'application, le législateur
bolivien fait usage du critère de "création de hiérarchie supérieure"
et cite des exemples d'oeuvres qui font penser qu'il ne parle que
dVoeuvres absolument originales. Toutefois, le souci qu'il manifeste
de conserver IVintégrité et la forme traditionnelle des expressions
musicales utilisées par les compositeurs (article II), nous fait
croire qu'il est aussi question dVoeuvres dérivées.
Dans tous les cas, IVEtat bolivien cède ses droits auxdits
compositeurs, quVil s'agisse d'oeuvres absolument originales ou dVoeu-
vres dérivées (article 10 du Règlement dVapplication).
Le législateur bolivien complète IVorganisation de la col-
lecte et de IVexploitation du répertoire folklorique musical par un
dispositif original de restitution à la communauté nationale des
mélodies indOment appropriées avant IVentrée en vigueur de la présen-
te règlementation. Lvétude de ce dispositif fait l'objet du paragra-
phe suivant.
(1)
Il s'agit du Comité du Conseil National de la Culture"

- 430 -
Dans son mémorandum adressé à l'Unesco en 1973, la Bolivie
relève que "dans le domaine musical, on assiste à l'appropriation
indue de mélodies par des personnes étrangères à leur création, qui
s'arrogent un droit d'auteur sur elles comme s'il s'agissait de leurs
pro:r.œs compositions afin de jouir des avantages· découlant des dispo-
sitions relatives au droit d'auteur" (1). Afin de réparer le préjudice
qui en résulte pour la nation, le législateur bolivien autorise le
Département ''Folklore'' du Ministère de l'Education nationale et de
la Culture et le Ministère Public
à faire des recherches sur les
appropriations indues de thèmes mélodiques folkloriques, au titre de
compositions originales, antérie~ au Décret Suprême du 19 juin 1966
(article 7) (2).
Le chapitre 5 du Règlement d'application organise la
procédure dite de restitution. Selon son article 16, il faut en-
tendre par "appropriation indue", toute 'inscription sur les régis-
tres de la propriété intellectuelle, au titre de droit d'auteur,
de mélodies déclarées propriété de PEtat, tant en Bolivie qu'à
l'étranger.
On doit d'abord relever qu'en dehors de toute procédure
judiciaire engagée contre eux, les auteurs d'appropriéations indues
de mélodies folkloriques peuvent, dans un délai de cent vingt jours
(1)
Document IGC/XI1/12, Paris, 1er oct. 1973, Annexe, p.3.
(2)
Il faut relever le caractère rétroactif de la procédure de
restitution des mélodies indOment appropriées : cette rétro-
activité se justifie peut-être par l'ampleur du phénomène des
appropriations indues d'''oeuvres du folklore Il dans ce pays.
En outre, la doctrine l'a toujours jugée nécessaire pour les
législations du domaine public payant: V, Mme d'ORMESSON-

- 4:31 -
à compter de la publication du Règlement, demander à ~tre reconnus
comme de simples collecteurs. Ils obtiennent cette qualité et les
droits qui s'y rattachent avec pour point de départ
la date de
l'enrégistrement dans les régistres de la propriété intellectuelle
et non dans ceux relatifs aux oeuvres folkloriques (article 20).
Passé le délai de cent vingt jours, toute personne ou
institution peut adresser par écrit à la "Section
d'ethnomusicologie
et Folklore"
une déclaration dénonçant une appropriation indue de
musique folklorique o Trois dénonciations issues de personnes de bon-
ne moralité et suffisamment âgées pour garantir une connaissance réelle
de la musique en cause
suffisent pour que la "Section d'Ethnomusico-
logie et Folklore" déclanche la procédure de restitution (article 19).
Un questionnaire est établi par l'administration compétente
afin de recueillir les preuves testimoniales dans le district d'où
provient la musique litigieuseo Les éléments de l'enqu~te sont exami-
nés par un tribunal constitué sur l'initiative de la "Section d'Ethno-
musicologie et Folklore"o Doivent obligatoirement y siéger des cher-
cheurs
de cette institution ainsi qu'un représentant de la SOBODR1COM
(1)0
Si la décision du tribunal reconna1t le bien fondé de la
dénonciation, le dénonciateur est investi immédiatement de la qualité
de "collecteur" pour jouir des droits qui en découlent (article 10-g)o
Les rectifications nécessaires sont effectuées dans les régistres de
la propriété intellectuelle et l'Etat entre dans ses droits (artoI9-f-h)0
(1)
Société Bolivienne d'Auteurs Compositeurso

- 432 -
outre la procédure de restitution ci-dessus décrite, la
violation de la règlementation instaurée enta1ne des sanctions.
L'article 22-h du Règlement d'application renvoie en effet à l'arti-
cle 8 du Décret Supr~me qui punit d'une amende tout contrevenant.
Nous venons de passer en revue les trois piliers du modèle
bolivien de la protection du folklore: l'organisation de la collecte,
l'organisation de l'exploitation et la restitution des mélodies que
l'on s'est indûment appropriées. Nous ne disposons pas d'éléments
concrets pour apprécier l'efficacité d'un tel système juridique, mais
il ne serait pas inutile ~'en évaluer la portée théorique. C'est ce
à quoi nous nous livrerons dans la section suivante de ce chapitre.
x
x
x
x

- 433 -
SECTION II
LA. PORTEE DU MODELE BO LIVIEN •
Lorsqu'on envisage d'évaluer la portée du modèle bolivien,
les remarques suivantes doivent être faites : le Décret Suprême du
19 juin 1968 et son règlement d'application ne protègent que le folklo-
re musical ; cette remarque se justifie d'autant plus que leur exten-
sion à d'autres domaines de la création intellectuelle traditionnelle
n'est pas encore réalisée.
En outre, il nous est particulièrement difficile de faire
une juste évaluation de la portée de la règlementation bolivienne
en effet, nous manquons d'informations sur la pratique des textes
qui l'organisent depuis 1968 (1). Toutefois, ces textes
en eux-mêmes
renferment des règles fort intéressantes qu'il convient de mettre en
lumièreo(paragraphe 1) Nous relèverons ensuite ceux de leurs aspects
qui, à notre avis, sont critiquables o (paragraphe 2)
Paragraphe 1
Les atouts du modèle bolivien.
Les atouts du système bolivien de protection du folklore
résultent d'abord de la clarté du statut du folklore musical; (A)
puis, de la vision lucide que développe le législateur bolivien sur
les divers intérêts qui gravitent autour du folkloreo
(B)
(1)
Mo GOBIN aboutit à la même conclusion (thèse précitée, poI72,
note nOI) et nos démarches auprès de la Délégation Permanente
de la Bolivie auprès de l'UNESCO ainsi qu'auprès de l'Attaché
culturel de l'Ambassade de ce pays à Paris sont restées sans
succèso

434 -
Avant d 9 évoquer le statut du folklore à proprement parler,
il convient d 9 apprécier 1geffort de définition dont témoignent les
textes boliviens.
-L'article 1er du Réglement d'application du Décret suprême du 19
juin 1968 caractérise la musique folklorique par les critères "tradi-
tionnel", "anonyme" et populaire". Monsieur Gobin remarque que c gest la
"première fois qu'un texte ayant force de loi définit avec autant de
détails la nature des oeuvres musicales folkloriques et leurs caracté-
ristiques" (1). Vintéressé pense par conséquent que "19article 1er du
Règlement d 9 application de juillet 1968 doit,sur ce point, être retenu
comme base des discussions juridiques à venir sur ce sujet" (2).
Toutefois, il faut relever que les définitions fournies
par le législateur bolivien à différents critères utilisés n'écartent
pas toute difficulté pratique : la définition du caractère traditionnel
y est faite en référence à un critère temporel et désigne par consé-
quent le folklore musical comme de la "musique composée dans le passé,
mais encore exécutée dans le présent", donc transmise de génération
en génération (3).
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, p.I68.
(2)
Idem
(3)
Art.(I-a,I) du Règlement d 9 application.
v. également nos propres
développements, supra, pp. 194 et s.

- 435 -
Le critère traditionnel évoque illévitable~ent le passé
mais du point de vue de la création intellectuelle, il devrait plu-
t8t renvoyer à une forme de création qu'André Varagnac a qualifiée
de "pratiquès collectives sans théories" (I).Cette forme de création
est traditionnelle.
Elleest transmise de génération en génération.
Elle a engendr·é des oeuvres, mais
elle continuera d'en engendrer
tant qu'elie subsistera. Toutes les"oeuvres du folklore" ne sont
oonc pas forcément transmises de génération en génération. Leur
caractère traditionnel relève par conséquent de leur appartenance
à une certaine forme de création et non de leur ~ge. Le critère
temporel risque de laisser hors du folklore
des oeuvres qui en
font bien partie et dont l'exploitation incontr8lée pourrait nuire
au patrimoine culturel.
Le législateur bolivien semble cependant avoir bien per-
çu ce danger: à propos du critère anonyme, il est en effet question
de mélodies composées récemment dans les communautés, acceptées de
façon générique par elles, qui l'incorporent immédiatement à leur
patrimoine culturel (article I-a,2 du Règlement d'application).
Nous en avons déduit que le législateur bolivien reconnaît l'exis-
tence d'oeuvres qui, bien que contemporaines, sont des "oeuvres du
fOlklore" parce qu'elles appartiennent au patrimoine traditionnel
(2) •
Quand les auteurs de telles oeuvres sont inconnus, il ne
se pose aucun problème, puisque seule la société peut en revendiquer
la propriété. Lorsque en revanche, gr~ce aux techniques modernes
(I)
André VARAGNAC, "Définition du folklore" op. cita p.IS.
(2)
V.
supra pp. 421-422.
'

- 436 -
de diffusion des oeuvres de l'esprit, les auteurs deviennent
déterminables, les difficultés apparaissen:t"~; l'appropriation col-
:ie"ctive par les co=unautés ilidigènes prive"-t-elle les auteurs
individuels connus de leurs droits de créateur ?
L'état de nos informations sur la pratique des textes
boliviens ne nous permet pas de répondre à la question ci-dessus
formulée avec précison ; toutefois, le fait que l'anonymat résulte
non seulement de la méconnaissance du nom de l'auteur, mais aussi
du phénomène de la "dépersonnalisation"
permet de penser qu'il pour-
rait s'imposer au créateur individuel m~me si son identité est co~-
nue (1). Ce dernier semble cependant avoir un recours, puisque selon
l'article 7-b du Règlement d'application, celui qui procède à l'fns-
cription d'une musique au répertoire traditionnel le fait sous son
exclusive responsabilité. Si ultérieurement il y a contestation,
le demandeur pourra faire la preuve de sa qualité d'auteur devant les
tribunaUJC ordinaires.
La
"Section d'Ethnomusicologie et Folklore"
reste en dehors de cette procédure.
- Le statut du folklore musical dans les textes boliviens
est profondément marqué par les questions ci-dessus analysées. Les
oeuvres protégées par le Décret Supr~me et son Règlement d'applica-
tion ne le sont pas par le droit d'auteur.
Elles
jouissent d'une
protection spéciale que nous avons qualifiée de protection "sui gé-
néris".
(1)
La notion d' "oeuvre dépersonnalisée" est employée a l'article
l (a, 2) du Règlement d'application.

- 437 -
Ce statut gagne en clarté par rapport à ~eux des systèmes
africains analysés dans le titre précédent (1) : il ne se produit
aucune interférence entre le droit d'auteur et la protection spécia-
le du folklore musical j le législateur bolivien parvient à cette
séparation en cédant les droits de l'Etat sur le folklore aux au-
teurs d'oeuvres crées à l'aide d'éléments empruntés au folklore
(article ID du Règlement d'application). Ces auteurs,
au lieu d'~tre
simplement titulaires de droits sur des ouevres dérivées qu'ils au~
raient réalisées à partir du folklore, ont autant de droits que les
auteurs d'oeuvres absolument originales.
En outre, en déclarant le folklore musical propriété de
l'État, le législateur bolivien a tranché une question théorique
fondamentale, que la plupart des législateurs africains ont évité de
trancher. Ces derniers ont peut-~tre eu peur qu'on leur reproche de
mettre en place des projets socialistes. N'est-ce pas la critique
qui fut faite aux promoteurs du "domaine d'Etat" en France (2)?
Le législateur bolivien a mis en place un "domaine d'Etat"
dans lequel l'Etat partage les bénéfices de l'exploitation du folklo-
re avec les individus qui contribuent à la sauvegarde de ce patrimoi-
ne 0).
,
(1) : V.
nos développements antérieurs, IIè partie, titre l, supra
pp.
226 et s.
(2)
VILBOIS, op. cit., p.431.
(3)
Le législateur ne dit pas en vertu de quel principe juridique
il déclare l'Etat propriétaire du folklore. Nous avons vu dans
nos développements antérieurs (Iè partie, titre l, pp.IIO et s.)
c~bien la
question de la justification du domaine d'Etat
était difficile. En faisant le rapprochement du cas du folklore
~vec celui du domaine public, on peut penser que le législateur
bolivien consacre une notion du "droit d'auteur, simple conce-
sion -légale". En effet, les oeuvres tombées dans le domaine pu-
blic sont proclamées aussi propriété de l'Etat (art. l
du Dé-
cret SuprElme du 19 juin 1968).

- 438 -
En outre, l'Etat consacre exclusivement la part de redevance qui
lui revient à la protection du folklore (1). Nous ne pensons pas
par conséquent qu'on puisse lui faire le reproche d'avoir simplement
créé un nouvel impôt pour alimenter son budjet (1).
Dans nos analyses sur les aspects de la protection du
folklore en rapport avec les droits voisins, nous avons mis en lumiè-
re les différents intér~ts dont il faut absolument tenir compte
dans une règlementation de l'exploitation du folklore (3). Le légis-
lateur bolivien a su intéresser la population à la sauvegarde du
folklore.
En effet, Monsieur Gobin constate que c'est "la première
fois qu'un texte sur la musique folklorique aborde avec autant
de
netteté les situations résultant de l'actiVité des producteurs de
disques, éditeurs, interprètes ou collecteurs" (4).
La solution bolivienne a consisté à accorder un titre, un
certificat, qui donne droit à partager avec l'Etat les redevances
issues de l'exploitation du
folklore pendant vingt ans (5).
(1)
Article 5 du Décret Supr~me .
(2) : C'est un des arguments des détracteurs du domaine d'Etat ;V.
supra
p.
153.
(3) :V.
Iè partie, titre II, supra, p.2I6.
(4)
Mo GOBIN, thèse précitée, p.270o
(5) : Article 4 du Règlement d'application;
V. également supra, p.42]

- 439 -
Comme le fait remarquer Monsieur Gabin, les intentions
du législateur ne permettent pas de dire avec netteté quelle est la
nature des droits accordés aux inscripteurs (1). Plusieurs expres-
sions sont d'ailleurs employées dans les textes boliviens : à
l'article 2, alinéa 2, du Décret Suprême
il est quest ion de "toute
personne qui aura contribué en qualité de "collecteur" à l'inscrip-
tion d'une musique folklorique" ; ailleurs (article 4 du Décret Su-
prême), i l s'agit d' J1 inscripteur" auquel 40% des redevances sont at-
tribuées, puis de "compilateurs" qui doivent respecter l'intégrité
des comBositions qu'ils désirent inscrire (article 8 Règlement d'ap-
plication).
Il nous semble que le terme "collecteur" doit @tre entendu
dans un sens large et être surtout rattaché à l'acte d'inscription
de la musique folklorique dans les régistres de la "Section d'Ethno-
musicologie et Folklore". Dans ce sens, les mesures boliviennes sont
intéressantes principalement pour deux raisons.
D'abord, nous espérons que les artistes traditionnels dont
le r81e est si difficile à qualifier du point de vue du droit d'au-
t
t l a qualité de "collecteurs" lorsqu'ils procèderont à
euro auron
l'inscription de la musique qu'ils exécutent
dans les régistres
appropriés.
(1) : M. GOBIN, op. cit. ,p. 172. Lorsque, suite à la procédure de resti-
tution des oeuvres indftrnent appropriées, le dénonciateur de-
vient titulaire des droits à redevances, on peut légitimement
penser à une récompense pour service rendu. En revanche, quand
un collecteur fournit la mélodie en écriture universelle, il y
a lieu de penser qu'il est auteur d'une oeuvre dérivée. C'est
cet aspect ambigU qui justifie aussi qu'on puisse considérer
le modèle bolivien comme un ensemble de solutions "sui generis".

- 440 -
Ensuite, nous trouvons très intéressante
la faculté recon-
nue aux communautés indigènes de faire inscrire des éléments de leur
patrimoine musical.
Les faeilités accordées par l'article 7 du Régle-
ment d'application rendent tout à fait réalisable une telle opéra-
tion (1). L'avantage d'un tel système
c'est que, outre les collec-
teurs classiques qui, selon l'expression du Docteur Stezwski (2),
s'en vont, magnétophone en bandoulière, à la quête de la culture
traditio=elle. les détenteurs de cette culture sont invités à par-
ticiper à sa sauvegarde.
Certes, le mode
de collecte organisé par le législateur
bolivien peut se résoudre à une compilation d'interprétations diffé-
rentes des même oeuvres; mais, cette opération permettra, par la
suite, l'étude systématique, nécessaire à la co=aissance scientifi-
que du folklore. Nous pensons qu'il correspond particulièrement bien
à la situation des pays en voie de développement qui manquent de
moyens ou sont confrontés à d'autres priorités.
Le modèle bolivien comporte certainement d'autres atouts tels
que
la procédure de restitution des mélodies indftment appropriées
(3) et la définition d'aspects moraux dans la protection du folklo-
re (4),
mais nous en aV'0ns exposés les principaux.
(I)
L'article 7 en question prévoit que lorsque l'inscripteur ne
peut pas présenter la musique à inscrire selon les formes re-
quises, la "Section d'Ethnomusicologie et Folklore" pourrait
s'en chargero L'article (7-f)
_prévoit-même le déplacement de
l'administration lorsqu'elle est sollicitée pour un enrégistre-
ment dans les communautés indigèneso
.
(2)
Dr Jan STEZWSKI, op. cito poI2Io
(3)
v. section l, § 3 de ce chapitre, supra~~po 430 et so
(4)
V.
section l, § 2 de ce chapitre, supra,pp. 424 et 4280

- 441 -
Toutefois, ces qualités du modèle bolivien ne cachent pas les dif-
ficultés qui apparaîtront nécessairement dans sa mise en oeuvre.
Paragraphe 2
Les aspects critiquables du modèle bolivien.
En premier lieu, nous convenons avec Monsieur Gobin que le
dispositif bolivien est très lourd (1). Il requiert une infrastruc-
ture administrative développée, dont il n'est pas certain que la
plupart des pays intéressés par la protection du folklore aient les
moyens d'assurer le fonctionnement (2). Dans ce sens, il faut déplo-
rer le fait que les aptitudes des organismes d'auteurs ne soient pas
mises à frofit dans la collecte et la répartition des redevances.
On doit craindre aussi que la fréquence des contrôles et
le nombre des formalités ne détournent du patrimoine folklorique
les
éditeurs de musique et les maisons de disques (J). Ces derniers
versent déjà des redevances importantes (4); il faudrait éviter de
les soumettre encore à des tracasseries administratives.
(1)
M. GaBIN, thèse précitée, p.I7I.
(2)
Cet inconvénient est toutefois atténué par la décentralisa-
tion des services compétents: ainsi, on peut, en vertu de
l'article (7-g) du Règlement d'application, s'adresser à des
Comités Départementaux
qui servent d'intermédiaires entre
les personnes de l'interieur du pays et la "Section d'Etlmo-
mu~icologie et Folklore".
(J)
Le poids des formalités est manifeste à travers la procédure
d'utilisation du folklore par les entrepreneurs
de disques
et les éditeurs (article 22).
V. nos développements antérieurs,
section l, § 2 de ce chapitre, supra pp. 426 et s.
(4)
Le taux de la redevance due par les maisons de disques et par
les éditeurs est de 8% du montant des ventes (article 22-a du
Règlement d' applicat ion).

- 442 -
Le législateur bolivien devrait rechercher lYéquilibre
entre trois types dYintér@ts : si les inscripteurs ne trouvent pas
suf'fisamment attrayant le gain potentiel de leur opération, le pre-
mier acte nécessaire à la sauvegarde du folklore risque d'échouer;
si les diffuseurs de ce patrimoine rencontrent trop dYobstacles, ils
s'en détourneront et leur attitude freinera l'anthousiasme des col-
lecteurs ; enfin,l'Etat qui sYest arrogé un droit de propriété sur
le folklore musical, et qui a mis en place une administration pour
gérer ce droit, s'attend, ne serait-ce quYau nom de la sauvegarde
du folklore, à en récolter quelque intér~tfinancier.
Si lYéquilibre entre ces divers intér@ts se rompt, c'est
tout le mécanisme de la protection du folklore qui se grippe. Le
législateur bolivien pourrait par exemple, au profit des diffuseurs
du folklore, baisser le montant de la redevance et alléger les
formalités. Il compenserait la perte ainsi occasionnée au détriment
des collecteurs, soit en augmentant la durée de leurs droits, soit
en élargissant lYassiette de la redevance (I). Quant aux droits de
lYEtat dont le volume baisserait également avec la dimunition du
taux de la redevance, ils retrouveront un niveau normal à lYexpira-
tion de ceux des inscripteurs (2).
(1)
L'obligation de payer une redevance ne sYapplique quYà l'acti-
vité des maisons de disques et à celle des éditeurs de musique.
Elle pourrait être étendue à la création dYoeuvres dérivées,
à l'interprétation, et aux utilisations secondaires par les
discothèques, les chaînes de radio et de télévision.
(2)
Le droit des inscripteurs dure 20 ans à compter de la date
d'une éventuelle publication. Après
ce délai, lYoeuvre
ins-
crite"tombe dans le domaine public". Telle est la conséquence
de lYarticle 4du Règlement dYapplication.

-
443 -
- En second lieu, toujours en accord avec Monsieur Gobin,
nous estimons que la procédure préconisée pour déceler les appropria-
tions indues de musique folklorique est efficace; mais, i l faut
craindre par exemple que de multiples dénonciations de bonne ou de
mauvaise foi
ne faussent le système. Dans ces conditions, l'idée
d'une commission "ad hoc" composée de spécialistes
chargée d'exa-
miner les oeuvres de style folklorique n'est pas dénuée de fondement
(1).
"En dépit des critiques qu'il peut susciter, l'exemple
bolivien doit être retenu comme un système de protection du folklo-
re musical le plus efficace dans un régime juridique fondé sur le
"Copyright" " (2). Monsieur Gobin fait cette analyse parce que le
système mis en place par le législateur bolivien pour la protection
du folklore musical implique qu'il soit enrégistré
; d'où le paral-
lèle qu'établit l'intéressé avec les systèmes juridiques anglo-saxons
dits systèmes de "Copyright"
qui font de cette formalité une condi-
tion de protection par le droit d'auteur.
L'enrégistrement
, dans le modèle bolivien marque effecti-
vement la naissance des droits patrimoniaux, aussi-bien pour l'Etat
que pour l'inscripteur. Cette formalité fait apparaître aussi les
exigences d'ordre moral liées à l'exploitation des oeuvres enrégis-
trées (3). Du point de vue du droit d'auteur, i l est exact par con-
séquent de dire que la protection est conditionnée par l'enrégistre-
ment.
(1)
:M. GOBIN fait cette proposition dans sa thèse précitée, p.I72.
(2)
Idem p.I73.
(3)
Cf nos développements relatifs aux conditions d'utilisation du
folklore par les interprètes et pour la création d'oeuvres
originales:
supra pp, 428 et s.

-
444 -
Toutefois, dans lID certain sens,
le folklore musical, parce qu'il
appartient à l'Etat, jouit d'lIDe certaine protection
avant tout
enregistrement
: ainsi se justifient la procédure de restitution
des mélodies indftment appropriées (1) et l'interdition faite par le
législateur d'effectuer des variations personnelles ou des ajouts
sur les compositions dont on demande l'inscription(2) •
La
technique de l'enrégistrement ici évoquée s'adapte mieux,
à notre avis, aux particularités de la création folklorique: elle
facilite par exemple la fixation de ce patrimoine souvent demeuré
oral.
Nous espérons que le simple fait que le modèle bolivien de
la protection du folklore soit susceptible de rapprochement avec le
système de "Copyright" ne détournera pas des solutions qu'il compor-
te
les législateurs des pays qui pratiquent le système de protec-
tian sans formalit$. Son achèvement incite en tout cas à se deman-
der s ' i l n'est pas souhaitable d'en étendre le domaine d'application
à des aires géographiques plus importantes (3).
=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=
(1)
Cette procédure qu'organise le Chapitre S du Règlement d'ap-
plication a fait l'objet, dans nos développements antérieurs,
du § 3 de la section 1 de ce chapitre
(supra pp. 430 et s.).
(2)
Article 7-g du RèglerJ1ent d'application.
(3)
Nous faisons nâtre cette interrogation formulée par M. GaBIN
dans sa thèse précitée, p.173.

- 445 -
Le modèle bolivien de la protection du folklore se carac-
térise par l'originalité des solutions qu'il comporte; par exemple,
la protection du folklore musical y est assurée par une législation
autonome par rapport à celle qui régit le droit d'auteur (1).
Cette dernière solution a sans doute favorisé la clarté des meSUi'es
boliviennes que nous n'avons pas manqué de relever dans nos déve-
loppements antérieurs (2)0
Le législateur a mis en place un système juridique dont on
doit dire
û~endant qu'il s'inspire des techniques de la propriété
intellectuelle :
les "oeuvres du folklore" musical sont considérées
comme des oeuvres de l'esprit auxquelles sont rattachées des préro·-
gatives d'ordre pécuniaire et d'ordre moralo
Ces prérogatives sont
exercées par l'Etat, propriétaire du folkloreoCe dernier exerce tou-
tefois ses droits en tenant compte des particularités de la forme
de création folklorique et des objectifs qu'il poursuit. Ainsi,
l'accent est-il mis sur la règlementation de l'activité des grands
usagers du folklore
(éditeurs de musique et éditeurs phonographi-
ques) , tandis que les interprètes et les créateurs qui s'inspirent
du folklore mènent assez librement leurs activités.
L'autonomie du système juridique bolivien par rapport
au droit d'auteur et l'originalité des mesures prises qui en décou-
lent
le rapprochent d'un autre modèle : celui élaboré dans le cadre
des travaux organisés par l'Unesco et l'QoMoPoIo
sur la protection
(1)
Dispositions tendant à la reconnaissance de la propriété intel-
lectuelle (avec les modifications adoptées le 15/1/1945),
V. Lois et Traités sur le droit d'auteur, T o l , 1962, po 2260
(2)
~ supra
p.434
No~s
0
faisons état, dans ce passage, de l'ef-
fort de définition de la notion de folklore musical et de la
clarté du statut juridique du folklore dans les textes boliviens.

- 446 -
du folkloreo Nous allons nous livrer à présent à l'étude des solu-
tions, également "sui generis", élaborées au cours desdits travaux.
================

-
447 -
CHAPITRE IL
EXAMEN DES SOLUTIONS ELABOREES DANS LE CADRE DES TRAVAUX ORGANISES
PAR L'UNESCO ET L'OMPI POUR LA PROTECTION DU FOLKLORE.
RAPPEL HISTORIQUEo
L'observateur avisé peut se demander pourquoi la
Convention universelle sur le droit d'auteuT ne comporte pas, con-
trairement à la Convention de Berne, des dipositions sur la protec-
tion du folklore, et ce ni dans son texte de 1952,
lors de son adop-
tion ni dans celui de 1971,
lors de sa révision.
En 1952, on peut raisonnablement penser qu'il était encore
trop t8t
; en effet, les préoccupations autour de la protection du
folklore ne sont apparues qu'avec les indépendances des années 1960
dans les pays en voie de développement.
Quant à la date de 1971,
Monsieur Gobin donne une explication qui nous semble bien logique :la
Convention,
universelle ignore l'oeuvre anonyme
alors que c'est ce
type d'oeuvre qui a inspiré la solution de l'article 15 alinéa 4 de
la Convention de Berne (1)0
(1)
M. GOBIN, thèse précitée, p.250.
I l faut toutefois relever qu'en vertu du principe du traite-
ment national, la Convention universelle (art. II)
pourrait
assurer une protection du folklore à travers les mesures
spécifiées par les législateurs nationaux.

-
448 -
Face à cette situation, la Bolivie est intervenue le 24 avril
1973 auprès de l'Unesco
pour demander qu'un protocole soit ajouté à
la Convention universelle
pour règlementer
"la conservation, la
promotion et la diffusion du folklore" (1).
La Convention universelle étant visée, le Comité intergou-
vernemental du droit d'auteur, organe compétent pour les questions
concernant l'application, le fonctionnement et les révisions de cette
convention, fut saisi (2).
Ce dernier impliqua son homologue : le
Comité exécutif de l'Union de Berne (3)
; mais tous deux
durent-faire le constat que la protection du folklore dépasse leurs
domaines de compétence. C'est alors que l'Unesco fut chargée de
préparer une étude exhaustive de tous les aspects qu'implique la pro-
tection du folklore (4).
Afin de procéder à cette étude, l'Unesco a convoqué un
Comité d'experts sur la protection juridique du folklore
qui s'est
réuni à Tunis du II au 15 juillet 1971 (5).
(1)
V.Communication du Ministre des Relations extérieures et des
Cultes de la République de Bolivie
en date du 24 avril 1973
et le Mémorandum explicatif: document IGC/XII/I2, Annexe A.
(2)
L'organe de la Convention universelle a été saisi des propo-
sitions boliviennes à l'occasion de sa I2è session ordinaire
(paris, décembre 1973) par l'Unesco.
(3)
Le Rapport de la I2è session ordinaire du Comité intergouver-
nemental du droit d'auteur (document IGC/XII/I7, § 103)
relè-
ve qu'à l'issue des délibérations sur le sujet, le Comité a
décidé de confier à l'Unesco le soin d'étudier le problème
et de lui faire rapport de ses travaux ainsi qu'au Comité
exécutif de l'Union de Berne à leurs prochaines sessions.
(4)
Document IGC/XII/I7, § 103.
(5)
Comité d'experts sur la protection juridique du folklore,
Tunis, II-I5 juillet 1977. Voir le Rapport des travaux dans le
document UNESCO/FOLK/I/4, Paris,Ier septembre 1977.

-
449 -
Au cours de cette réunion,
les différents aspects impliqués par la
protection du folklore furent dégagés
: définition, identification,
conservation ,préservation, exploitationo
A ce stade des travaux, i l est apparu nécessaire que les
études soient poursuivies selon deux approches
: une approche globa-
le et pluridisciplinaire et une approche relative aux aspects "pro-
priété intellectuelle" impliqués dans la protection du folkloreo
Compte tenu de ses attributions,
l'OoM oP olo a été associée à
l'Unesco pour la suite des travaux qui seront menés selon la deuxiè-
me approcheo
Comme l'a clairement laissé percevoir l'introduction géné-
raIe de notre étude, nos investigationsmt essentiellement porté sur
les résultats des travaux menés dans le cadre de la seconde approcheo
C'est donc l'évolution des travaux sur les aspects "propriété intel-
lectuelle" qui sera retracée dans le cadre de ce rappel histori-
que (1)0
(1)
A titre indicatif, nous rappelons
que les travaux poursuivis
selon l'approche globale ont connu les étapes suivantes :
- Enquête de l'Unesco auprès des Etats membres, lancée en 1979;
les résultats de cette enquête et une analyse de ceux-ci figu-
rent dans le document UNESCO/CPY/TPC/l/3 et Annexes.
-
Comité d'experts gouvernementaux sur la préservation du
folklore, 22-26 février 1982
; voir Rapport des travaux dans
le document UNESCO/CPY/TPC/1/4, Paris, 28 mai 1982.
- Deuxième Comité d'experts gouvernementaux sur la préserva-
tion du folklore, 14-18 janvier 1985
; voir Rapport des tra-
vaux, document UNESCO/PRS/CLT/TPC/ll/5, Paris, 1er mars 19850
- Comité spécial de techniciens et de juristes sur la sauve-
garde du folklore, Maison de l'Unesco, du 1-5 juin 1987 ;
voir Rapport des travaux in document UNESCO/PRS/CLT/TPC/SPL/
6, Paris, 5 juin 19870

- 450 -
L'étude des aspects "propriété intellectuelle" de la pro-
tection du folklore a poursuivi deux objectifs :
LVidée
quvune protection adéquate du folklore pourrait
être favorisée sur le plan national par des dispositions types de
législation se concrétisa en 1982 par l'adoption des I~ispositions
types de législation nationale sur la protection des expressions
du folklore contre leur exploitation illicite et autres actions
dommageables" (1).
L'examen de ce texte fera IVobjet d'une première
section de ce chapitre où nous préciserons les différentes étapes de
son élaboration (section 1).
LVétude des aspects "propriété intellectuelle" de la
protection du folklore sVest ensuite orientée vers IVélaboration
dVun
instrument international. Les travaux ne sont quVau stade de
projet que nous examinerons dans une section II.
=========================
(1)
Ce texte a été adopté par un Comité dVexperts gouvernementaux
sur les
aspects "propriété intellectuelle" de la protection
des expressions du folklore
réuni à Genève du 28 juin au 2
juillet 1982. V.
Rapport des travaux et le texte des disposi-
tions types dans le document UNESCO/OMPI/FOLK/CGE/I/6 et son
Annexe 1.

- 451 -
SECTION 1, LES DISPOSITIONS TYPES DE LEGISlATION NATIONALE
POUR lA PROTECTION DES "EXPRESSIONS DU FOLKLORE"
CONTRE LEUR EXPLOITATION ILLICITE ET AUTRES ACTIONS
DOMMAGEABLES (1) 0
Les travaux pour IVélaboration de dispositions types de
législation nationale pour la protection du folklore ont débuté en
1980 par
la convocation du Groupe de travail sur les aspects
"propriété intellectuelle" de la protection du folklore (2)0 Les
experts, au cours de cette réunion, ont examiné un projet de disposi-
tions types présenté par POoMoP.I.
(3)0 Ils ont demandé, à IVissue
de leurs délibérations, que IVUnesco et IVO.M.PoI o rédigent un pro-
jet révisé
qu'elles devraient présenter à une prochaine réunion du
Groupe de travail (4)0
(1)
Dans la suite de nos analyses, nous appelerons
plus brièvement
ce texte "les Dispositions types"o
(2)
Groupe de travail sur les aspects "propriété intellectuelle"
de la protection du folklore
; Genève, 7-9 janvier 19800
V. Rapport des travaux dans le document UNESCO/OMPI/WGoI/FOLK/
5,28 janvier 1980. Voir également la Revue le Droit d'Auteur,
1980, p.98, et la RoIoD.Ao nOI04, avril 1980, poI9I o
(3)
Le texte de ce projet se trouve dans le document UNESCO/OMPI/
WGoI/FOLK/2, 19 novembre 19790 Un commentaire en est fait dans
le document UNESCO/OMPI/WGoI/FOLX/2 Addo, Genève, 31 décembre
1979. Il a également été soumis à l'appréciation des experts
au cours de leur réunion de 1980
une étude sur la
règlemen-
tation internationale des
aspects "propriété intellectuelle",
préparée par IVUnesco avec IVassistance de Jean Carbonnier,
professeur à IVUniversité de droit, dVéconomie et de sciences
sociales de Paris o V. document UNESCO/OMPI/WG.I/FOLK/3,
Paris,
14 décembre 1979 0
(4)
V. Rapport des travaux, document UNESCO/OMPI/WGoI/FOLK/5,
po 6, § 21,

-
4S2 -
La seconde réunion du Groupe d'experts a eu lieu en
1981 (1). Elle a été marquée par l'adoption du texte des Disposi-
tions types qui devrait être présenté pour complément d'examen ~ un
Comité d'experts gouvernementaux (2).
Ce dernier comité a procédé
en 1982, à Genève, à l'adoption du texte définitif (J).
Les Dispositions
types de législation nationale pour la
protection des expressions du folklore sont un ensemble de quatorze
articles, conçu de manière à "laisser au législateur national
une
latitude suffisante pour adopter le type de dispositions qui corres-
pond le mieux aux conditions propres à chaque pays" (4).
Le texte a
pour objectif essentiel de "préserver les expressions du folklore
contre certaines utilisations faites dans une intention de lucre et
en dehors de leur contexte traûitiormel ou coutwnier et ;J cet effeL
de soumettre ces utilisations ~ l'autorisation soit d'une autorité
compétente soit de la communauté concernée" (S).
(1)
Groupe de travail sm' les ;lSpccts "propriété intellectuelle"
d~ la protection du folklore
(deuxième réunion), Paris, 9-IJ
fevrier 1981, Rapport des travaux: document UNESCO/OMPI/WG.II/
FOLK/4, Paris,JI mars 1981. Voir aussi le Droit d'Auteur 1981
,
,
p.I08 et R.I.D.A.,avril 1981, p.18J.
(2)
Le texte des Dispositions types adopté à l'issue de cette
réunion est dans le docwnent UNESCO/OMPI/WG.II.FOLK/4, Annexe
1.
(J)
Comité d'experts gouvernementaux sur les aspects "propriété
int:llectuelle" de la protection des expressions du folklore,
Geneve, 28 juin au 2 juillet 1982. Voir Rapport des travaux
dans le document UNESCO/OMPI/FOLK/CGE/I/6.
Le texte des Dispo-
sitions types est annexé à ce document (Annexe 1). On peut
voir aussi le Rapport des travaux dans R.I.D.A. n o l12, avril
1982, p.18I.
(4)
Commentaire des Dispositions types, document D/ECXII/14-IGC
(1971)/V/14, Armexe p.l0.
(S)
Claude MASOUYE, "La protection des expressions du folklore",
op.
cita ,p.IS.

- 453 -
Pour atteindre ces objectifs, les Dispositions types four-
nissent deux catégories de règles:
des règles de fond (paragraphe 1),
et des règles administratives (paragraphe 2). LWexamen de ces deux
types de dispositions nous permettra dWen apprécier la portée (para-
graphe 3).
Paragraphe l
Les dispositions de fond.
Les Dispositions types de législation nationale (arti_
cle 1)
protègent les expressions du folklore contre leur exploita-
tion illicite et autres actions dommageables. Ce principe de la
protection comporte lWénoncé du champ dWapplication des Dispositions
types que nous examinerons dans un point (A). Nous complèterons la
définition des expressions du folklore protégées et celle des actes
contre lesquels elles le sont par l'examen des infractions édictées
pour garantir le respect de la règlementation (B).
Le champ dWapplication des Dispositions types peut être
défini à travers les points suivants : détermination des expressions
protégées, (a) désignation des utilisations soumises à autorisation
(b) et
définition des exigences d'ordre moral
(c).

- 454 -
Le texte définitif des Dispositions types, contrairement à
son projet révisé (1), ne comporte pas une définition du folklore.
La raison
est que la communauté internationale n'ayant pas encore
adopté une définition du concept, i l serait risqué d'en proposer une
qui serait peut-@tre remise en cause dans d'autres instruments rela-
tifs à la protection du folklore (2)
, aussi,
les Dispositions
types mettent-elles l'accent sur la notion d'
"expression du folklo_
re"o
Les "expressions du folklore" sont "des productions se
composant d'éléments caractéristiques du patrimoine artistique
traditionnel développé et perpétué par une communauté ou par des
individus reconnus comme répondant aux aspirations artistiques
traditionnelles de cette communauté ••• " (article 2).
Relevons d'abord que les termes "expression" et "production"
ont été préférés aux mots "oeuvre" et"création", afin de marquer la
spécificité des Dispositions types par rapport au droit d'auteur (J).
Toutefois, indique le commentaire du texte, ces expressions "peuvent
avoir -
et ont la plupart du temps- la m@me forme artistique que les
oeuvres" (4).
(1)
L'article l,alinéa l,des Dispositions types révisées définis-
sait le folklore de la façon suivante
: "ensemble du patrimoi-
ne traditionnel issu d'une communauté nationale du pays et
développé par elle". V.
Document UNESCO/OMPI/WG.II/FOLK/2/ ,p.l.
(2)
Commentaire des Dispositions types, document B/ECXII/I4-IGC
(I97I)/V/I4, Annexe p. ~~, § JI.
(J)
Idem
(4)
Ibidem p.~~, § J2.

- 455 -
Si les "expressions du folklore" sont susceptibles de,
revêtir la même forme que les oeuvres protégées
par le droit d 9au-
teur, qu g est-ce qui permet alors de les caractériser? L 9article
2 précité des Dispositions types répond qu g elles se composent
"d 9éléments caractéristiques du patrimoine artistique traditionnel".
Cette réponse appelle essentiellement deux remarques.
D 9abord, i l faut indiquer que la définition de 19
"expres-
sion du folklore" est axée sur le patrimoine artistique qui n g est
qu 9un aspect de la création intellectuelle traditionnelle. Elle
laisse par conséquent de côté d 9autres aspects de cette création
que nous avons mis en lumière dans nos développements antérieurs (1).
Les experts africains,
lors de la réunion du Comité ré-
gional pour 19Afrique (Dakar I98J) , ont critiqué la restriction
ci-dessus indiquée du champ d 9application des Dispositions types.
Ils ont marqué leur "préférence pour que la définition des expres-
sions du folklore soit axée sur le patrimoine culturel et non limi-
tée au patrimoine artistique de la nation" (2).
Nous estimons toutefois, conformément à la définition
juridique du folklore que nous avons proposée dans le chapitre pré-
liminaire (J), que dans ses aspects "propriété intellectuelle",
(1)
Ayant défini le folklore par rapport à la notion de création
intellectuelle, nous avons fait
le parallèle entre la création
traditionnelle et la création moderne;
ce rapprochement nous
a permis de dire que le folklore ne devrait pas être limité
à la forme de création musicale, artistique et littéraire,
mais qu 9i l devrait aussi couvrir les dessins et modèles tra-
ditionnels ainsi que les techniques artisanales
(V. supra pp.
JJ et s.)
(2)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/AFR/4, p.J, § 18.
(J)
V. supra, pp.
J2 et s.

-
456 -
la protection du folklore ne peut pas couvrir tout le patrimoine
culturel traditionnel. Mais
les travaux menés selon l~approche
ci-dessus évoquée auraient pu être élargis à l'ensemble de la créa-
tion intellectuelle traditionnelle, au sens juridique du terme o
La deuxième remarque qu'appelle la définition de l ' "expres-
sion du folklore" est relative à la référence faite au patrimoine
traditionnel o Ce patrimoine est développé et perpétué par une com-
munauté ou par des individus "reconnus comme répondant aux aspira-
tions artistiques traditionnelles de cette communauté"o "Les "élé-
ments caractéristiques" du patrimoine artistique traditionnel
dont
la production doit être composée pour prétendre à une protection
au titre d'
"expression du folklore"
s'entend, dans ce contexte,
des éléments généralement admis comme représentant un patrimoine
traditionnel distinct d'une communauté" (1)0
I l sUffit donc qu~une production artistique ou littéraire
soit composée d'éléments caractéristiques du patrimoine artistique
traditionnel d'une communauté
pour être une expression de son
folkloreo On peut par conséquent penser qu'il y aura des interféren-
ces entre le droit d~autelIT et les Dispositions types car, une
"expression du folklore"pourrait être également une oeuvre protégée
par le droit d~auteuro Nous reviendrons sur ces interférences dans
nos développements futurs (2)0
(1)
Commentaire des Dispositions types, opo
cit. poIl, § J60
(2)
V. nos analyses sur l'article 12
(relations avec d~autres
formes de protection)
et nos développements sur les aspects
d~ordre terminologique de la portée des Dispositions types au
paragraphe J, A,de cette section, infra p~ 468 et So, pp0474
et so

- 457 -
Pour IVinstant, il faut signaler que la définition de
l'
"expression du folklore" à l'article 2 des Dispositions types
est accompagnée dVune liste indicative dVexpressions protégées. Elles
y sont classées dVaprès les genres les plus typiques de la création
artistique traditionnelle
: On distingue les expressions verbales
(contes poésie populaire), musicales (chansons populaires, musique
instrumentale populaire)
, corporelles (danses, spectacles)
et tan-
gibles (dessins, peintures etc o ).
Les expressions verbales, musicales et corporelles ne
doivent pas forcément @tre fixées sur un support matériel pour béné-
ficier de la protection (article 2,alinéa iii) , contrairement aux
expressions tangibles (1)0
La connaissance du champ dVapplication des Dispositions
types du point de vue des expressions protégées nous permet de nous
interroger maintenant sur les actes soumis a la réglementation
b)- Les utilisations soumises à autorisationo
LVarticle 3 des Dispositions types institue un système
dVautorisation préalable auquel IVarticle 4 oppose une série diexep-
tions o
- Aux termes du premier de ces articles, les utilisations
d V "expressions du folklore"
faites dans Lill b~t de lucre, en dehors
du contexte traditionnel ou coutumier, sont sownises à une autorisation
(1)
Cette précision est apportée par le commentaire des Disposi-
tions types, opo
cito
poI2, § 370

- 458 -
de l'autorité compétente ou de la communauté concernée (1).
Si ce critère de l '
"usage dans un but de lucre" est classique dans
les réglementations
de l ' exploi ta tion du folklore. celui d'
"usage
hors du contexte traditionnel ou coutumier" mérite quelques COllunen-
taires.
Par "contexte traditionnel". i l faut entendre la façon
d'utiliser une expression du folklore dans son cadre artistique
normal, conformément à l'usage constant de la communauté. L'exécu-
tion d'Qne danse rituelle dans son contexte traditionnel par exem-
ple signifie que cette danse est exécutée dans le cadre réel de
l'accomplissement du rite (2).
Quant à l'expression "contexte cout Lmlier" , elle renvoie
à "l'utilisation d'''expressions
du folklore" selon les pratiques de
la vie quotidienne de la communauté, par exemple à la façon dont les
artisans locaLLx vendent habituellement des exe;nplaires d'expressions
tangibles du folklore" (J).
Les Dispositions types per;nettent donc aux communautés
nationales de faire usage de leur patrimoine artistique, même dans
un but lucratif, pourvu que cet usage ne sorte pas du cadre tradi-
tional ou coutumier.
(1)
Nous reviendrons sur les questions de l'autorité compétente
et de la communauté concernée dans l'examen des dispositions
administratives (point B de ce paragraphe). C'est également
dans l'examen de la procédure d'autorisation qu'il sera ques-
tion de la redevance dont l'institution est laissée à l'ini-
tiative des législateurs nationaux (article 10).
(2)
Comm8ntaire des Dispositions types, op.
cit.,p.I3,no42.
(J)
Idem.

-
459 -
Cette règle traduit la nécessité de prendre en compte le sujet de
l'utilisation du folklore. Elle s'adapte particulièrement bien à
la situation du folklore dans les pays en voie de développement en
évitant toute entrave à son processus naturel d'évolution (1).
L'article 3 précise ensuite quelles sont les utilisations
qui, lorsqu'elles sont faites dans un but de lucre, hors du contexte
traditionnel ou coutQmier, impliquent une autorisation (2). I l
s'agit de "toute
publication, reproduction, ---------------------
toute distribution d'exemplaires" (article 3,i), ainsi que de "tou-
te récitation, représentation ou exécution publique, toute transmis-
sion par filou sans fil et toute autre forme de communication au
public" (article 3, ii)
(3).
Les actes ci-dessus énumérés peuvent
toutefois être faits sans autorisation dans les cas prévus par l'ar-
ticle 4 des Dispositions types.
(1)
Le commentaire des Dispositions types révèle que
lors des
débats sur l'article 3, l'idée d'interdire les utilisations
traditionnelles aux moyens de techniques modernes a été re-
poussée pour les mêmes raisons
: permettre l'évolution du
folklore vivant (Voir ledit commentaire, op.
cit., p.I4, § 45).
(2)
Il convient de bien remarquer que les Dispositions types
consacrent
un système d'autorisation préalable et non de
déclaration préalable. A propos de la distinction entre ces
deux systèmes, supra, p. 383,note 2.
(3)
Nous estimons toutefois que l'autorisation préalable, ici
étendue à toutes les formes d'utilisation du folklore, pour-
rait être abandonnée, conformément à nos développements an-
térieurs (Iè partie, titre II, supra p.I98~, parce qu'elle
n'implique
pas une fixation des expressions du folklore.
La formule de la déclaration préalable semble en effet plus
appropriée.

-460 -
LVarticle 4 prévoit une série de quatre
exceptions 0
la règle de Particle Jo
I l sVagit :
-de l'utilisation à titre de l'enseignement (article 4, alinéa I-i)
-de l'utilisation à titre d'illustration d'une oeuvre originale;
-de l'utilisation d'''expressions du folklore" pour la création d'lffie
oeuvre originale
-des utilisations dites fortuites (article 4, alinéa 2)
(1).
LVexception caractéristique des Dispositions types
est
relative aux emprunts dV"expressions du folklore" pour la création
d'oeuvres originaleso
Par cette exception, les rédacteurs du texte
entendent "permettre le libre développement de la créativité indivi-
duelle inspirée du folklore" (2).
Toutefois,
cette exception
considérée du point ûe vue
des exigences dVordre moral, suscite quelques inquiétudes sur les-
quelles i l conviendra de sVarrêter dans le point suivant de nos
développements o
Les Dispositions types protègent également les "expressions
du folklore" contre toute action domm3.gcable ((lrticlc 1)0
(1)
Les Dispositions types donnent deux exemples dVutilisations
fortuites:
i l s'agit des utilisations liées aux besoins de
l'inféJrfllation (article 4,alinéa 2-i)
et de celles faites
par
le moyen de la photographie, du cinéma ou de la télévision,
ûVobjets situés en permanence dans un lieu public (article
4, alinéa 2-ii) 0
(2)
Co~ncntaire précité des Dispositions types, poI5,§5Jo

- 461 -
Conformément à ce principe, les rédacteurs du texte ont prévu le
respect de quelques conditions d'ordre moral.
Les articles 5 et 6,
alinéa 4 en sont le siège.
Le premier de ces articles exige que, lors de toute publi-
tion et de toute communication au public,
la source de l ' "expres-
sion du folklore" soit indiquée. Cette indication se fait par la
mention de la communauté ou par celle du lieu d'origine
mais les
deux informations peuvent ensemble être foUrnies.
Les rédacteurs du texte espèrent ainsi maintenir les liens
qui existent entre une communauté ou une région et les expressions
de son folklore. En outre, cette indication faciliterait le contrô-
le de l'utilisation des "expressions du folklore"
en question (1).
La mention de la source n'est toutefois exigée que lors-
q u ' i l s'agit d'''expressions du folklore" identifiables.
LVutilisa-
teur en est même dispensé dans les cas d'usage fortuit et d'usage
pour la création d'oeuvres originales (article 5 ,alinéa 2).
La seconde exigence d'ordre moral résulte de la répression
des actes constitutifs
de dénaturations délibérées
préjudiciables
aux intérêts culturels de la communauté concernée.
Le terme "dém-
turation" se rapporte à "tout acte de défonnation, de mutilation ou
de dépréciation
d'une "expression du folklore" publiée, reproduite,
distribuée, représentée ou communiquée de toute autre manière au
public" (2).
(1)
Commentaire des Dispositions types, op.
cit., p.I6, § 56.
(2)
Idem p.I6, § 61.

-
462 -
L'une des exceptions consacrées par l'article 5, alinéa 2
des Dispositions types vise,dans des tennes eénéraux,la création
d'oeuvres originales à partir d' "expressions du folklore" : elle cou-
vre donc aussi-bien la création d'oeuvres dérivées (adaptations,
arrangements, recueils etc.)
que celles d'oeuvres inspirées,
jouis-
sant du régime de l'oeuvre absolument originale (1).
La dérogation à la réglementation , en ce qui concerne
l'autorisation préalable et le paiement de la redevance (article 4,
alinéa 2-iii), peut effectivement favoriser le développement de la
créativité individuelle à partir du folklore
; mais nous ne voyons
pas en quoi la mention de la source des "expressions du folklore"
utilisées entraverait le développement de cette créativité.
Le respect des exigences d'ordre moral nous paraît
sur-
tout fondamental lorsque le résultat de la création individuelle
demeure très proche du folklore,coITUne dans le cas des oeuvres déri-
véeso Si la répression des déforrnationé' semble difficile à assurer
et peut, pour cette raison, être écartée,
la mention de la sov~ce
devr:üt p;lT contre êtTe cy.ie;é () (2).
(1)
Cette analyse est confirmée par le cOITUnentaire de l'article
4 qui fait allusion aux compositions de IJARTOCK en musique et
aux adaptations de contes populaires:
commentaire précité,
poI5, § 53.
(2)
Nous retrouverons des prises de positions semblables dans
l'étude du Projet de Traité pour la protection du folklore
(infra po49I) • Elles tendent à mettre des conditions à la
liberté d'emprunt d'éléments du folklore pour la création
d'oeuvres originaleso

- 463 -
Avec IVexamen des expressions protégées du folklore,
des
utilisations soumises a autorisation et des exigences d'ordre mo-
l'al, nous avons rassemblé tous les éléments du champ d'application
des Dispositions types.
Le texte assure une protection illimitée
dans le temps (1)
dont le respect est garanti par un système dVin-
fractions et de sanctions que nous examinons dans le point suivant.
LVarticle 6 des Dispositions types comporte la définition
des infractions:
ces dernières découlent de l'obligation de mention
de la source, de IVinstitution dVune autorisation préalable et des
exigences dVordre moral.
-
L'article 6, alinéa l, érige en infrélcti.on le non-respect
de lVobligation dVindiquer la source de:] "cxprcs,:.lonéJ du folklore"
utilisées.
On peut rapprocher de cette deTIli8re infraction celle
énoncée à IValinéa
J du même article: cette disposition concerne
essentiellement la "substitution", "pratique consistant à donner
l'impression que ce qui est représenté est une 'expression du folklore"
provenant d'une communauté déterminée alors rjuVen fait,
ce nVest pas
le cas" (2) 0
(1)
La question de la durée de protection n'est PélS expressément
réglée dans le texte des Dispositions types, mflis le commen-
taire dit que la protection garantie nVest pas limitée dans
le temps. I l en est ainsi pour la raison que le texte nVassu-
re pas une protection en faveur dVindividus, mais en faveur
de communautés qui ne sont pas limitées dans le temps. V.
le
commentaire des Dispositions types, document 13!EC!XXII!I4-
IGC(I91I)!V!I4, Annexe,p.I1, § 65.
(2)
Commentaire des Dispositions types, op.
cita ,p.IG, § 61.

- 464 -
-
L'article 6,alinéa 2,définit l~infraction liée au non
respect de la règle de l~autorisation préalable dont le commentai-
re des Dispositions types dit qu'elle s~étend également aux "utili-
sations qui dépassent ou enfreingnent les conditions dont une auto-
risation est assortie" (1)0
Le non-paiement de la redevance, lors-
que cette dernière est une condition de l'autorisation d'exploita-
tion, constitue alors une infraction pénaleo
Les auteurs de tels
actes, conformément au principe de la protection énoncé à l'article
l
des Dispositions types, sont coupables d'exploitation illicite
d'''expressions du folklore" (2).
La dernière infraction définie par l'article 6 du texte
concerne les exigences d~ordre moral. Elle vise les dénaturations.
Cette infraction entre certainement dans le cadre des "actions
dommageables"
dont i l est question dans le principe de la protec-
tion énoncé à 1~artic1e 1er des Dispositions types.
La naissance des jnîractions ci-dessus énumérées impli-
que que les actes répréhensibles soient "délibérément" commis
toutefois, en ce qui concerne les infractions liées à la mention
(1)
Commentaire des Dispositions types, op.
cit.,p.I6, § 61.
(2)
Dans nos développements sur les principes de base de la
règ1ementation ( supra p.
215
,
note
2
), nous avons
trouvé opportun que le non-paiement de la redevance demeure
hors de l~infraction pénale, comme i l en va en matière de
droit d~auteur. Cette prise de position qu'il convient ici
de réaffirmer vise à assurer une certaine justice à l~égard
des utilisateurs du folklore.

- 465 -
de la source et à l'autorisation préalable, les Dispositions types
prévoient,entre crochets, la répression d'actes commis par négli-
gence (I).
Enfin, au titre des sanctions pénales, i l faut indiquer
que le texte ne propose pas de sanctions applicables à chaque caté-
gorie d'infractions.
Il appartiendra au législateur national de les
fournir selon le droit pénal de chaque pays.
Les Dispositions types complètent la protection du folklo-
reen prévoyant la possibilité de recours à des sanctions civiles
(article 8), à des techniques de saisie ou à d'autres moyens
(article 7)
(2).
Les règles que nous qualifions de "dispositions adminis-
tratives" composent
les articles 9 à I4 des Dispositions types. Il
ne nous semble toutefois pas nécessaire de passer en revue tous ces
articles. Ainsi, irons-nous à l'essentiel; nos analyses porteront
sur les questions relatives aux autorités compétentes (définition,
procédure d'autorisation)
(A) ,sur les relations avec d'autres for-
mes de protection (article I2)
(E) et sur la protection des
"expressions du folklore" étranger (article I4)
(C).
(I)
La sanction d'actes commis par négligence dans les cas d'uti-
lisation sans autorisation ou sans mention de la
source cons-
tituerait un renforcement de la répression. Cette solution
serait simplement liée, selon le commentaire des Dispositions
types, à la nature des infractions visées et à la difficulté
de prouver la mauvaise foi de l'usager
en cas d'ommission
(commentaire précité des Dispositions types, op.
cit., p.17 § 69 ).
(2)
Les autres moyens peuvent consister en des interdictions de
stocker, d'importer ou d'exporter (V.
commentaire précité, p.I7 ~

- 466 -
A)- Les questions relatives aux autorités compétentes.
--------------------------------------------------
Les Dispositions types se caractérisent, au regard des
différentes législations que nous avons étudiées, par la place que
ce texte réserve aux communautés nationales dont sont issues les
"expressions du folklore". Ainsi, les rédacteurs du texte n'écartent
pas la possibilité que ces communautés puissent jouer un rôle actif
dans la protection de leur patrimoine (1). Toutefois, ils prévoient
la désignation d'autorités compétentes si les législateurs préfèrent
cette solution.
Les Dispositions types n'écartent pas la possibilité que
plusieurs autorités puissent coexister ; par exemple une autorité
compétente et une autorité de surveillance (article 9)0 Bien que la
désignation de plusieurs autorités soit perçue comme source de com-
plications et de lourdeurs administratives par certains experts
africains,lors de la réunion de Dakar, nous pensons que c'est une
solution qui ne manque pas d'intérêt (2).
(1): Cette solution demeure,en effet,spécifique aux Dispositions
types. Nous ne l'avons rencontrée dans aucun des textes que
nous avons étudiés au titre précédent.
Au Comité régional de Dakar sur les modalités d'applica-
tion en Afrique des Dispositions types, les experts n'ont pas
caché leurs appréhensions quant au rôle que pourraient éventuel-
lement jouer les "communautés nationales" : ils ont trouvé "
"plus sage, plus économique et plus efficace d'utiliser les
structures existantes en Afrique, en particulier les organis-
mes d'auteurs"
(V. document UNESCO!OMPI/FOLK/AFR/4, p.4,§ 9).
(2)
Idem, p04. Nous estimons que l'existence d'une autorité de sur-
veillance peut se révéler nécessaire.
Son
rôle serait princi-
palement lié à l'organisation de la collecte des "expressions
du folklore" et à leur conservation. Une autre autorité compé-
tente qui,en l'occurrence,pourrait être un organisme d'auteurs,
se chargerait de la gestion concrète des droits sur le folklore.
On doit toutefois reconnaître que l'observation critique préci-
tée d~s ex~e~ts africains n'est pas dénuée de fondement, puisque
les Dlsposltlons types ne traitent pas de la collecte dU folklore.

-
467 -
Le rôle de l'autorité compétente apparaît à travers la
procédure d'autorisation (article IO,alinéa 1).
Les autorisations
exigées à l'article J doivent faire l'objet d'une demande écrite
adressée à cette dernière ou à la "communauté concernée" (1).
La demande peut viser une autorisation "individuelle" ou une auto-
risation "globale". La seconde hypothèse évoque le contrat général
de représentation connu dans la pratique du droit d'auteur (2).
Par
souci de conserver au texte son caractère de texte
d'orientation générale, les experts gouvernementaux qui l'ont adop-
té ont supprimé de nombreux détails que
comportait sa version de
1981 (J).
Aussi, se sont-ils contentés d'indiquer que l'organe
qui accorde une autorisation pour l'utilisation d'''expressions du
folklore" peut fixer le montant des redevances et les percevoir
(article IO,alinéa 2). Ils ont ensuite recommandé que les fonds
recueillis soient utilisés pour la promotion ou la sauvegarde de la
culture nationale ou du folklore national.
Le commentaire des Dispositions types donne en revanche
de précieuses indications
sur les informations que pourrait compor-
ter une demande d'autorisation et sur les modalités d'octroi de cette
autorisation (4).
(1)
Dans le texte des Dispositions types, le terme "par écrit" est
mis entre crochets pour inviter à la réflexion sur la possibi-
lité d'admettre des demandes verbales.
(2)
Cf par exemple l'article 4J alinéa 2 de la loi française du
1:it mars 1957.
(J)
v. ce texte (article {it), dans le document UNESCO/OMPI/FOLK/
CGE/I!J- p.9.
(4)
Commentaire précité, p.I9, § 81.

- 468 -
Certaines de ces indications
telles l'obligation de
motiver les refus d'accorder l'autorisation et surtout de respecter
un certain délai dans la suite à donner à toute demande auraient dÜ,
à notre avis, figurer dans le texte-m@me des Dispositions typeso
Elles ~mblent,en effe~ suffisamment indépendantes du droit public
de chaque pays et elles constituent des règles essentielles pour
la conciliation du besion de protéger le folklore avec la nécessité
de sa diffusion o
L'examen des Dispositions de fond et des règles d'ordre
administratif montre que les rédacteurs des Dispositions types ont
fait preuve d'originalité par rapport aux institutions classiques
de la propriété intellectuelleo Toutefois, i l leur a semblé néces-
saire d'organiser les garanties de l'article 12 :
elles ont trait
aux relations avec d'autres formes de protection o
B)- ~~~_~~~~!~~~~_~~~_~~~E~~~!~~~~_!~E~~
~~~~_~~~~!E~~_!~~~~_~~_EE~!~~!~~~~
Les Dispositions types (article 12) ne mettent aucune
limite ni ne portent atteinte en aucune façon à la protection dont
jouissent les expressions du folklore en vertu de la loi sur le
droit d'auteur, en vertu des droits voisins, des lois qui protègent
la propriété industrielle et de toute autre loi OU d'un traité inter-
national auquel le pays est partie o En outre, elles n'entrent pas
en conflit avec les autres formes de protection qu'appellent la

- 469 -
conservation et la préservation du folklore (1)0
Le commentaire de lYarticle 12 des Dispositions types
conclut alors à lYapplication cumulée de ce texte avec les diffé-
rents systèmes de protection énumérés (2)0
I l existe bien des cas dYapplication cumulée de plusieurs
systèmes de protection dans le domaine de la propriété intellectuel-
le
: i l en est ainsi, par exemple, du droit dYauteur et de la légis-
lation sur les dessins et modèles, dans les systèmes juridiques qui
consacrent le principe dit de lYunité de lYart (3).
Cette solution juridique se réalise par la possibilité
reconnue au créateur dYopter pour la protection des dessins et mo-
dèles sans pour autant perdre celle assurée par le droit dYauteuro
En cas de violation de ses droits, i l pourra toujours se prévaloir
du droit dYauteur, ce dernier jouant le rôle de protection de droit
commun ou subsidiaire (4)0
(1)
CYest au cours des travaux dYélaboration des Dispositions
types que des experts ont instamment recommandé dYinscrire
les mentions de lYarticle 12 dans le texteoV.
Groupe de
travail sur les aspects "propriété intellectuelle" de la
protection du folklore
(Iè réunion, document UNESCO/OMPI/
WGoI/FOLK/5, p04 ; 2è réunion, document UNESCO/OMPI/WG,2/FOLK!
3, p, 12 ) •
(2)
Commentaire des Dispositions types, op,
cit o, p 02I, § 890
(3)
Le cumul de protection existe également en France entre le
droit dYauteur et la législation sur les créations de lYindus-
trie saisonnière de lYhabillement et de la parure (loi de 1952),
(4)
On peut voir dans l'ouvrage de H. DESBOIS (Le droit dYauteur
en France, op.
cit o ,poII9,no99)
des exemples jurisprudentiels
sur la faculté reconnue au créateur dYévoquer la législation
des dessins et modèles ou le droit dYauteur, ainsi que dYautres
cas où le droit dYauteur et la législation sur les créations
des industries saisonnières de lYhabillement et de la parure
ont été cumulativement appliquéso

- 470 -
Le cumul en question joue cependant au profit du même
créateur et pour la garantie des
mêmes intérêts, alors que, selon
les termes-mêmes du commentaire des Dispositions types,
"000
la
protection des "expressions du folklore" n'est pas assurée en fa-
veur des créateurs individuels, mais en faveur d'une communauté
0.0" (1)0
Que signifirait alors une application cumulée des dif-
férents systèmes de protection énumérés à l'article 12 avec les
Dispositions types ?
A propos du droit d'auteur, des droits voisins et de la
propriété industrielle, la formule utilisée par les rédacteurs de
l'article 12 est la suivante : "la présente (loi) ne met de limite
ni ne porte atteinte en aucune façon à la protection dont jouissent
les expressions du folkloreooo"o
L'interprétation qui nous semble la
plus proche de cette formule consiste à dire, par exemple, que lors-
qu'une "expression du folklore" est en même temps une oeuvre suscep-
tible de protection par le droit d'auteur, c'est cette dernière
protection qui s'appliqueo
C'est, en tout cas, le seul moyen d'évi-
ter que les droits du créateur d'une "expression du folklore"
n'entrent en compétition avec ceux de la communauté, garantis par
les Dispositions types (2)0
En ce qui concerne les droits voisins et la propriété
industrielle, posé en terme de cumul de protection, le problème
semble mal formulé
(1)
Commentaire des Dispositions types, p ol7, § 650
(2)
L'idée de l'application cumulée des Dispositions types avec
le droit d'auteur ne semble vraiment concevable qu'en ce qui
concerne la durée de protection,
Celle des Dispositions types
n'étant pas limitée dans le temps, elle prendrait le relais du
droit d'auteur à l'expiration de ce derniero

- 471 -
Les droits voisins niont pas le même objet que les
Dispositions types
; i l ne peut siagir donc que de protections
parallèles, bien que complémentaires (1).
Quant à la propriété industrielle, le commentaire des
Dispositions types donne en guise diillustration le cas diune
"expression du folklore" utilisée dans un dessin ou modèle indus-
triel (2). Dans cet exemple, i l convient de relever que liobjet de
la protection par la propriété industrielle n'est pas li"expression
du folklore" mais le dessin ou le modèle dans lequel elle est utili-
sée. Etablissant alors le parallèle avec liarticle 4,
(alinéa I-iii),
nous estimons qu'il siagit diemprunt d'une "expression du folklore"
pour la création diune "oeuvre originale". Par conséquent, la protec-
tion des Dispositions types doit être écartée (3).
La question essentielle à poser aurait été celle de savoir
si les dessins et modèles traditionnels sont protégés par la proprié-
té industrielle. I l va sans dire que la réponse à cette question
nous ferait sortir du cadre des Dispositions types.
Liidée diapplication cumulée des Dispositions types avec
d'autres institutions ne se conçoit vraiment que pour les "formes de
protection qu'appellent la conservation et la préservation du folklo-
re t1 •
(1)
Par analogie, cf liarticle 15 de la loi française du 3 juil-
let 1985
: les droits voisins se distinguent bien du droit
d'auteur;
i l ne peut être question de cumul de protection
même si liarticle 15 n'évitera pas tout risque de conflits,
entre les deux droits.
(2)
Commentaire des Dispositions types, op.
cit.,p.2I, § 90.
(3)
L'article en question déclare libre
liemprunt di"expressions
du folklore" pour la création d'oeuvres originales.

- 472 -
Pour ces dernières,
les rédacteurs de l'article 12 disent que les
Dispositions types n'entrent pas en conflit avec elles.
L'applica-
tion cumulée avec les Dispositions types est en effet envisageable
avec la loi sur le patrimoine culturel, l'autorité compétente étant
libre d'évoquer l'une ou l'autre ou les deux à la fois.
A notre avis,
l'interprétation faite dans le commentaire des
Dispositiorts
types à propos de l'article 12, telle qu'elle est
fomulée, peut engendrer des difficultés de compréhension du texte en
question.
C'est certainement ce qu'ont perçu les experts, aussi bien
à la réunion du Comité régional de Dakar qu'à celle de New Delhi:
ils ont manifesté le souhait que, dans le cas où plusieurs moyens
de protection sont établis en vertu de la législation nationale,
ces derniers se complètent plutôt que d'entrer en compétition les
uns par rapport aux autres (1).
Au titre des dispositions d'ordre administratif, i l faut
encore examiner le point concernant la protection du folklore étran-
ger.
Le dernier article des Dispositions types (article 14)
consacre la protection des "expressions du folklore" développées
et perpétuées dans les pays étrangers suivant deux hypothèses :
(1 )
Document UNESCOrWIPO!FOL~ASIA!5,p.6, § 26
document
UNESCO!OMPI!FOLK!AFR!4, p.4, § 25.

-
47J -
en vertu de la règle de la réciprocité et sur la base des traités et
autres arrangements.
Cette disposition,introduite lors de la seconde réunion
du Groupe de travail sur les
dspects "propriété intellectuelle" de
la protection du folklore, répond au souci des rédacteurs du texte
de faire des Dispositions types une porte ouverte vers une protec-
tion sous-régionale et internationale (1) • C~est dire donc qu~il se
posait déjà aux experts la question de la protection internationale
du folklore que nous examinerons dans la section 2 de ce chapitre.
Dans l~immédiat, c~est la portée des Dispositions types qu~il nous
faut
essayer d~évaluer.
L~examen du contenu des Dispositions types fait apparaître
ce texte comme le dispositif le plus complet jamais élaboré pour la
protection du folklore : i l couvre un domaine assez étendu de la
création intellectuelle traditionnelle (2)
et s~adapte à ses parti-
cularités (J). Ces qualités ne pouvaient @tre réunies que dans un
texte autonome et nous pensons
qU~elles se perdraient si certains
législateurs envisageaient seulement d~insérer quelques unes de ses
dispositions dans leurs textes sur le droit d~auteur.
(1)
Document UNESCO!OMPI!FOLK!CGE!I!4, p.IJ, § 79.
(2)
Le Décret Supr@me bolivien du 19
juin 1968 et son règlement
d'application offrent un dispositif très complet, mais ce der-
nier ne protège que le folklore musical (supra pp. 417 et s.).
(J)
Les règles suivantes par exemple des Dispositions types sont
particulièrement bien adaptées à la protection des "expressions
du folklore"
: obligation de mentionner la source (art.5), sanc-
tion des substitutions (art.6, al.J), protection sans limite de
temps, liberté et gratuité des utilisations traditionnelles
ainsi que celles effectuées sans but de lucre (art.J).

- 474 -
L9évaluation de la portée des Dispositions types demeure
toutefois une tâche délicate : le texte n 9a que cinq ans ; i l est
peut-être trop tôt pour juger de 19intérêt que lui portent les lé-
gislateurs nationaux (1).
En outre, les Dispositions types ne sont qu 9un modèle au
service des législateurs nationaux
qui leur laisse le soin des
détails. Cgest par conséquent en tant que modèle que nous devons
apprécier le texte. Il s 9agira d'abord de savoir s ' i l nous sort de
19imbroglio terminologique né autour de la définition du folklore. (A)
Ensuite, nous développerons notre opinion selon laquelle les Dispo-
sitions types nVépuisent pas les ressources qu 90ffrent les techni-
ques de la propriété intellectuelle
(B).
Faute de trouver une définition du concept de "folklore"
valable à toute fin, i l fallait au moins en trouver une qui satis-
fasse aux besoins de la protection juridique. Cgest ce qu 90n se di-
sait lors des premières rencontres sur la protection du folklore (2).
(1)
Nos investigations ne nous ont pas révélé 1g existence de lois
nationales qui consacrent les Dispositions types. Cependant,
chaquereunion autour de la protection du folklore a été l'oc-
casion
pour les participants
d 9attirer 19attention des
législateurs nationaux sur le modèle qui leur a été proposé :
le rapport de réunion du Comité d gexperts gouvernementaux
sur la préservation du folklore, 14-18 janvier 1985, document
UNESCO/PRS/CLT/TPC/II/5, Annexe l, p.3, § F ; V. aussi le
rapport de réunion du Comité spécial de techniciens et de ju-
ristes sur la sauvegarde du folklore, 1-5 juin 1987, document
UNESCO/PRS/CLT/TPC/SPL/6, Annexe I,p.6 § F.
(2)
Groupe de travail sur les aspects "propriété intellectuelle"
de la protection du folklore ; voir rapport de la réunion
dans le document UNESCO/OMPI/WG.I/~OLK/5, 28 janvier 1980,
p.2 § 5.

-
475 -
Les Dispositions types issues de ces travaux ne proposent cependant
pas une définition du folklore, pour les raisons que nous avons
déjà indiquées (1). Elles proposent
toutefois une définition de
l'''expression du folklore" dont les critères artistique et tradition-
nel constituent les éléments de base. Comment se situe cette défini-
tion par rapport à
celles que nous avons rencontrées par exemple
dans les législations africaines ?
L'examen des lois africaines protectrices du folklore a
montré qu'à propos de la définition du folklore,
les législateurs
africains étaient confrontrés au problème suivant:
le folklore,
dans leurs pays, est une culture vivante qui évolue certes sur la
base d'un patrimoine transmis de génération en génération, mais
dont ils ne peuvent nier les forces créatrices actuelles. Ils ont
essayé de faire face à cette situation par l'usage des notions de
"folklore millénaire" et de "folklore contemporain" auxquelles
nous avons rattaché les concepts d'''oeuvre du folklore" et d'''oeu-
vre inspirée du folklore" (2).
(1)
supra p. 454.
(2)
Nous avons émis l'hypothèse selon laquelle les législateurs
africains avaient voulu, par la notion d' "oeuvre inspirée du
folklore", désigner les productions de leurs artistes tradi-
tionnels contemporains, afin de leur garantir une protection
par le droit d'auteur (supra, p. 406).
Cette hypothèse est certes contraire à l'interprétation
faite par la doctrine qui considère l'''oeuvre inspirée du
folklore" comme une oeuvre dérivée
(V.
Mlle MIALLON, op.
cita
p.285
, Melle KrnGUE, op.
cit.pp.247 et s., M. JOUBERT,
"Commentaires sur la loi sénégalaise", op.cit.,p.5I).
Toutefois, notre hypothèse se vérifie par exemple à
travers l'analyse suivante, faite dans un journal burkinabè
"Le folklore est tout cet ensemble d'oeuvres tirées du patri-
moine culturel d'un pays mais dont les auteurs ne sont pas
connus. I l ne doit nullement être confondu avec la musique
vivante qui, quant à elle, s'appuie sur l'authenticité
0 0 0 / 0 0 0

-
476 -
La définition de l'''expression de folklore" vise "toute
production composée d'éléments caractéristiques du patrimoine artis-
tique traditionnel".
La fomule est voulue très large:
elle couvre
à la fois d'une part des productions qui, parce que d'auteurs incon-
nus et parce qu'elles existent depuis des générations ne peuvent
pas bénéficier de la protection du droit d'auteur, et d'autre part,
des productions qui, parce que récentes et ayant un auteur détermi-
né, peuvent bénéficier de cette protection (1).
Le champ d'application ainsi délimité couvre donc deux
catégories d'oeuvres que les législateurs africains, selon une
hypothèse que nous avons émise, ont tendance à séparer:
l'''oeuvre
du folklore" dite millénaire et l'''oeuvre du folklore" dite contempo-
raine (2). Dans les législations africaines, cette distinction a
les conséquences juridiques suivantes:
l'''oeuvre du folklore
millénaire"
ou "oeuvre du folklore" tout court
est régie par une
réglementation que la doctrine qualifie de domaine public payant•
••• / ••• suite de la note nO 2 de la page précédente.
culturelle d'un peuple pour diffuser son message".
V. Car-
refour Africain du 29 novembre 1985, p.30.
L'auteur de cette
analyse, pour donner une idée de ce que c'est que la culture
vivante par rapport au folklore, cite quelques noms d'artistes
traditionnels burkinabè. Selon l'intéressé donc, la musique
produite par nos artistes traditionnels ne doit nullement
~tre confondue avec le folklore.
(1)
C'est ce caractère de la définition de l'''expression du
folklore" qui justifie l'article 12 des Dispositions types:
"Relations avec d'autres formes de protections"
(V. supra
pp·468 et s.).
(2)
V. IIè partie, titre l, supra,pp. 399 et s.

- 477 -
Quant à l' "oeuvre du folklore" contemporaine ou "oeuvre inspirée du
folklore", elle est entièrement régie par le droit d'auteur (1)0
Du point de vue terminologique, les Dispositions types
réunissent en une seule définition, celle de l'''expression du
folklore", ce que les législateurs africains semblent séparer en
deux: l'''oeuvre du folklore" dite millénaire et l'''oeuvre du fol-
klore" dite contemporaine o
Du point de vue juridique, les conséquences sont les mêmes,
puisque les Dispositions types prévoient que certaines "expressions
du folklore" seront susceptibles de protection par le droit d'auteur
ou d'ailleurs par d'autrffiformes de protection (article 12), tandis
que d'autres ne le seront paso
Les Dispositions types ne nous ont donc pas sorti de
l'imbroglio d'ordre terminologique né autour de la définition du
folklore : la question de savoir par exemple ce qui est "caracté-
ristique du patrimoine traditionnel" demeure entière o Il en est
ainsi, puisque le texte ne propose pas une définition du concept-
même de "folklore", auquel est liée la notion d'''expression du
folklore" (2)0
(1)
Cf nos analyses du droit positif africain sur la protection
du folklore
(IIè partie, titre 1, chapitre II, ppo J50 et s.)
Il faut néanmoins rappeler que dans certaines législations
(loi tunisienne, art o 6-Jo,
loi marocaine, art o 10-4), des
conditions sont mises à l'exploitation des "oeuvres inspirées
du folklore"
(supra PpoJ5J).
(2)
Comme nous l'avons indiqué, la communauté internationale n'a
pas encore réglé définitivement cette question de la défini-
tion du folklore
(supra, p.454). Cependant, on doit attirer
l'attention sur la définition proposée dans le cadre des tra-
vaux organisés sur la sauvegarde du folklore par l'Unesco
e o % e o

- 478 -
Cette difficulté s'aggrave
d'autant plus que, lorsqu'on aura
détenniné ce qui est "caractéristique du patrimoine traditionnel",
i l fraudra encore distinguer l'''expression du folklore" suscepti-
ble de protection par le droit d'auteur de celle qui ne l'est
pas (1).
Toutefois, le concept d' "expression du folklore" consti-
tue une base théorique non négligeable : d'abord, la notion d'''expres-
sion du folklore" évite l'emploi de celles d'''oeuvre
du folklore"
et d'''oeuvre inspirée du folklore" dont nos développements anté-
rieurs ont montré les ambiguïtés (2)0 Dans la perspective de l'éla-
boration d'un corps de règles "sui generis", la notion d'''expression
du folklore" est par conséquent la bienvenue-
;oX', c'est vers une
telle solution que nous encourageons les législateurs à allero
En outre, la notion d'''expression du folklore" rend mieux
compte de celle de création intellectuelle traditionnelle; en effet,
qu'il s'agisse d'expressions transmises de génération en généra-
tian ou d'expressions récentes du folklore, la fonne de création
••• /0 •• suite de la note n02 de la page précédente:
"Le folklore (au sens large de culture traditionnelle et
populaire) est une création émanant d'un groupe et fondée sur
la tradition, exprimée par un groupe ou par des individus re-
connus comme répondant aux attentes de la communauté en tant
qu'expression de l'identité culturelle et sociale de celle-ci j
les nonnes et les valeurs se transmettent oralement par imita-
tion ou par d'autres manières.o." V.
document UNESCO/PRS/ CLT/
TPC!SPL{5, Paris, 5 juin 1987, Annexe l, p 02.
(1)
L'obstacle ci-dessus indiqué ne serait pas aussi redoutable
qu'il n'en a l'air
si l'interprétation de l'article 12 des
Dispositions types n'était pas faite dans le sens d'un cumul
de l'application de ce texte avec le droit d'auteur par
exempleo V. sur cette question, nos développements, supra
pp. 468 et s.
(2)
V. nos développements
: IIè partie, titre II, supra pp. 495
et s.

- 479 -
demeure la m@me : celle que nous avons largement décrite dans nos
développements antérieurs (1).
Ce sont ces aspects qui, bien que la notion d"'expres-
sion du folklore" n'ait pas réglé le problème de la définition du
folklore, justifient que nous l'ayons préférée aux concepts utili-
sés dans les législations africaines. Ils expliquent également que
nous l'ayons adoptée dans l'intitulé de notre étude.
Les problèmes d'ordre terminologique demeurent donc; mais
c'est plut8t sur un autre aspect de la portée des Dispositions types
qu'il faut insister: ce que nous qualifions d'insuffisances du
texte
du point de vue de la propriété intellectuelle.
Le premier projet des Dispositions types soumis à l'exa-
men du Groupe de travail en 1980 comportait un article J intitulé
"inventaire national des créations du folklore" (2). Cet article
n'est pas repris dans le projet révisé. Le rapport de la réunion de
1980 révèle qu'il a été jugé que les questions relatives à "l'iden-
tification des éléments des créations du folklore ou le maintien de
leur inventaire national relèvent largement de la préservation du
folklore" (J).
(1)
1è partie, titre 1, supra ,pp.
58 et s.
(2)
Document UNESCOIOMPI/WG.1/FOLK/2, 19 nov. 1979, p.2.
(J)
Groupe de travail sUI' les aspects "propriété intellectuelle"
de la protection du folklore
(Rapport: document UNESColoMPII
WG.I/FOLK/5, 28 janvier 1980, P.;).

- 480 -
Cette solution découle de la classification des problèmes
relatifs à la protection du folklore en deux groupes : ceux liés à
la collecte et ceux qui relèvent de son utilisationo Pourtant, ces
deux aspects s'imbriquent profondément l'un dans l'autreo
L'établis-
sernent par exemple d'une documentation sur les "expressions du
folklore" est particulièrement important, voire une priorité pour
la plupart des pays préoccupés par la protection du folklore (1)0
C'est pourtant une tâche difficile
qui exige des moyens
financiers et une infrastructure dont ne disposent pas encore ces
Etats. I l est alors opportun de se demander en quoi les techniques
de la propriété intellectuelle peuvent faciliter la constitution
d'un régistre national des "expressions du folklore"o
L'exclusion totale des questions relatives à la collecte
au cours des travaux sur les aspects "propriété intellectuelle" de
la protection du folklore a entraîné ce qui, à notre avis, consti-
tue une insuffisance des Dispositions types : ce texte ignore qu'il
pourrait y avoir aussi des aspects "propriété intellectuelle" au
stade de la collecte du folklore (2)0
(1)
La constitution de régistres nationaux des "expressions du
folklore" est souvent considérée comme une étape essentielle
vers la protection et la sauvegarde de folklore. En tout cas,
comme nous le montrerons dans la section suivante, c'est l'une
des conditions nécessaires pour la mise en oeuvre des garanties
octroyées par la propriété intellectuelle sur le plan inter-
national o
(2)
Nous avons déjà fait allusion à un autre aspect du caractère
insuffisant des Dispositions types
du point de vue de la pro-
priété intellectuelle
sur lequel i l n'est pas nécessaire de
revenir:
i l s'agit de la restriction du champ d'application
du modèle à la création artistique , littéraire et musicale
traditionnelle (supra
po 455
)0 Toutefois, i l s'agit là de la
conséquence d'un choix délibéré, comme nous en avons fait, en
limitant notre champ d'investigation aux formes artistiques,
littéraire et musicale du folklore o

- 481 -
Nous préférons par conséquent la formule du Décret Suprê-
me
bolivien du 19 juin 1968 et de son Règlement d'application (1):
le législateur bolivien, pour organiser la collecte du folklore, a
fait de son inscription dans un régistre national, le passage
obligatoire vers son exploitation commerciale (2),
L'exploitation
du folklore musical s'organise ensuite à partir du fonds constitué(J),
Pour intéresser la population à la collecte du folklore,
le législateur bolivien a reconnu au profit de celui qui y contri-
bue ,en tant que "collecteur", le droit à 40% des redevances pendant
20 ans (4).
Le nom de ce dernier est désormais lié à l'oeuvre dont
i l a assuré l'inscription,
Il détient un certificat qui lui garantit
ces différents droits,
Le moins qu'on puiSse dire, c'est que les techniques mises
en oeuvre par le législateur bolivien s'inspirent de la propriété
intellectuelle. Elles confirment bel et bien que les techniques de
la propriété intellectuelle peuvent être utilisées dès la phase de
collecte des "expressions du folklore",
C'est une solution qui
nous semble en tout cas très adaptée aux conditions des pays en
voie de développement.
(1)
Nous avons étudié le modèle bolivien dans le chapitre 1 de
ce titre (supra pp, 417 et s.),
(2),
Article 2, alinéa 1 du Décret Suprême du 19 juin 1968
(cf
supra pp. 422 et s.),
(J)
Le législateur bolivien pourrait, au stade de l'utilisation
du répertoire folklorique,
profiter des règles contenues dans
les Dispositions types,
(4)
Article 4 du Décret Suprême du 19 juin 1968
(V.
aussi nos
développements supra p.42J )

- 482 -
Les Dispositions types dont nous venons d'évaluer la
portée
constituent certainement un modèle très intéressant pour les
pays réellemnt préoccupés par la protection du folklore.
Le prin
cipal atout de ce modèle, c'est qu'il propose une
réglementation
qui se suffit à elle-même et qui peut être appliquée parallèlement
aux institutions de la propriété intellectuelle. I l est pour cela
infiniment susceptible d'enrichissement. I l faut espérer que les
législateurs nationaux y contribueront incessamment.
Les Dispositions types dont nous avons étudié et apprécié
le contenu
sont destinées à servir de modèle aux législateurs natio-
naux. Ce modèle s'adresse à tous les pays et non aux seuls pays en
voie de déVeloppement. I l est aujourd'hui malaisé de discuter cette
vocation universelle du texte, puisque ni les pays industrialisés
ni ceux en voie de développement, ne semblent s'empresser d'insérer
ses dispositions dans leurs législations nationales. Toutefois, les
Dispositions types devant servir de tremplin vers une protection
internationale du folklore,
les divergences n'ont pas manqué de
s'exprimer. Nous aborderons toutes ces questions dans la section
suivante
consacrée à l'étude du Projet de Traité international
sur la protection du folklore.
~===~===========================

- 483 -
SECTION II. LE PROJET DE TRAITE POUR lA PROTECTION DES "EXPRESSIONS
DU FOIJ{LORE" CONTRE LEUR EXPLOITATION ILLICITE
ET AUTRES ACTIONS DOMMAGEABLES (1).
Il n'est pas étonnant aujourd 9hui que 19é1aboration d 9un
traité sur la protection du folklore soit à 19 0rdre du jour
n 9est-
ce pas sur le terrain international que la Bolivie a choisi en 1973
de lancer le débat (2) ? Les travaux ont certes évolué d 9abord
vers l'élaboration de dispositions internes, mais dès la première
réunion du Groupe de travail sur les aspects "propriété intellec-
tuelle", les experts ont eu à examiner, outre le projet de disposi-
tions types
de législation nationale, une étude sur la règlementa-
tion internationale (3)0
Après examen de l'étude en question, les experts ont
demandé la poursuite de 1g examen des aspects "propriété intellectuel-
le" de la protection du folklore à Péchelle internationale, mais,
(1)
Dans la suite de nos analyses, nous appellerons ce texte le
"Projet de Traité"o
(2)
Les propositions de la Bolivie visaient en effet à 19é1abora-
tion d'un instrument international pour la pr~tection du folklo-
re 0 Cf la Communication du Ministre des Relations extérieures
et des Cultes de ce pays,adressée à 19Unesco en 1973 et le
Mémorandum explicatif, (document déjà cité )0
(3)
Il va sans dire donc que le Projet de Traité que nous exami-
nerons dans le cadre de ces développements résulte des travaux
menés selon 19approche dite des aspects "propriété intellec-
tuelle" de la protection du folklore o
En 1980, le document présenté aux experts sur la protec-
tion internationale a été élaboré par 19Unesco, avec 19aide
de Jean Carbonnier, professeur à l'Université de droit, d 9éco-
nomie et de sciences sociales de Paris o

- 484 -
Ils ont vivement recommandé que les Sécrétariats "s'efforcent, dans
un premier temps, de recencer les possibilités de protection du
folklore au niveau régional" (1).
Tenant compte certainement de la recommandation susindi-
quée, l'Unesco et l'O.M.Pl. ont convoqué quatre comités d'experts
sur les modalités d'application au plan régional, des Dispositions
types de législation nationale (2).
Les résultats de ces réunions justifient peut-être la
décision 116 EX/5.6.2. du Conseil exécutif de l'Unesco (3).
(1)
Rapport de la réunion, document UNESCO!OMPl/WG.l/FOLK/5,
p.6, § 22. Dans le passage cité, il s'agit des Sécrétariats
généraux de l'Unesco et de l'O.M.P.l.
(2)
Les trois premiers comités
convoqués en 1981 et 1983
se sont
réunis à Bogota (14-16 oct. 1981 , document UNESCO/OMPl/FOLK/
LACIJ, 16 oct. 1981) , à New Delhi (JI janv. -25 fév. 1983 ,
document UNESCO/WIPO/FOLK/ASIA/5, 1er mars 1983), à Dakar
(23-25 fév. 1983 , iocument illJESCO/OMPl/FOLK/AFR/4, 7 mars
1983).Le dernier comité s'est réuni à Doha du 8-10 oct. 1984
(document illŒSCO/OMPl/FOU</AR/2, }'Qrjs ,20 juin 198~).
(3)
Cette décision a été prise lors de 13. 116 è session du Conseil
exécutif de l'Unesco (25 mai-29 juin 1983). On doit par con-
séquent relever qu'elle est intervenue avant la réunion du
Comité régional pour les pays arabes
intervenue en 1984.
Toutefois, sur l'aspect qui nous concerne, ce dernier
Comité, comme les trois premiers, a recommandé que l'accent
soit mis spécialement sur la protection du folklore au moyen
d'un instrument international en plus de l'adoption d'une
loi type nationale. Cf "L'état actuel des travaux en cours
sur le plan régional" dressé à l'occasion de la session
commune du Comité exécutif de l'Union de Berne et du Comité
intergouvernemental de la Convention Universelle du droit
d'auteur (Genève, 12-16 déc. 1983,
document B/EC/XXII/I5-
IGC (I97I)(V/I5, 27 oct. 1983 pp.I-2).
Lors de cette session, la majorité des délégations ayant pris
la parole ont égalemnt souligné la nécessité de créer un
instrument international spécifique pour une protection du
type propriété intellectuelle
(Document illŒSCO/OMPI/FOLK/
GEI.I/2, p.I5 § 49).

- 485 -
Elle recommande à la Conférence générale de cette organisation
d'inviter le Directeur général à prendre, conjointement avec le
Directeur général de l'O.M.P.I., les mesures requises pour étudier
la nécessité d'une règlementation internationale qui porte spéci-
fiquement sur les aspects "propriété intellectuelle" et pour procé-
der à son élaboration. Le Comité exécutif dit s'être prévalu des
conclusions du Directeur général
faisant état de l'urgence à accor-
der à l'adoption éventuelle d'une telle règlementation (1).
C'est dans ces conditions qu'est intervenue dès 1984 la
réunion du Groupe d'experts sur la protection internationale des
"expressions du folklore" par la propriété intellectuelle (2). Au
cours de cette réunion, les experts se sont penchés non seulement
sur l'examen de l'opportunité d'une telle règlementation mais aussi
sur l'examen d'un projet de traité dont nous étudierons le contenu
dans un paragraphe 1er (3). Dans un paragraphe second, il sera
opportun de s'interroger sur les obstacles à la mise en place d'une
telle règlementation, compte tenu du fait que malgré le caractère
urgent dont on s'était prévalu à l'Unesco, les travaux semblent
avancer à pas de tortue.
(1)
V.
document UNESCO/OMPI/FOLK/GEI 1/2, p.2.
(2)
Cette réunion a eu lieu à l'Unesco du 10-14 décembre 1984.
V.
le Rapport des travaux: document UNESCO/OMP1/FOLK/GE1 1/2,
Paris 21 décembre 1984.
(3)
Le texte du projet accompagné d'un commentaire figure dans
le document UNESCO/OMPI/FOLK/GE1.1/2 PP. 22 et s.

- 486 -
Comme tous les traités dans le domaine de la propriété
intellectuelle, le Projet de Traité dont nous étudions le système
de protection dans ces développements a les ambitions suivantes :
non seulement i l vise une garantie de protection pour les "expressions
du folklore" à l'échelle internationale, mais aussi i l doit favori-
ser une coordination ou une harmonisation des législations nationa-
les (1). Son article 2 exprime clairement ce double objectif :
"chaque Etat contractant accorde la même protection aux expressions
du folklore issues d'autres Etats contractants qu'à celles issues
de son propre territoire, sous réserve de la protection spécifique-
ment garantie et des exceptions spécifiquement prévues par le pré-
sent traité".
Cet article énonce d'abord le principe du traitement
national (A) puis celui de l'existence d'un "jus conventionis"
(B).
L'article 14 des Dispositions types de législation natio-
nale ne devait-il pas ouvrir la voie à une protection internationa-
le des "expressions du folklore" (2) ? I l sert en effet de tremplin
au principe du traitement national qui se traduit ici par l'assimila-
tion de l'''expression du folklore" étraIlbère 1> celle développée et
perpétuée dans le pays.
(1)
:Nous citerons en guise d'exemples
empruntés à des domaines
voisins, la Convention de Berne
(article 5), la Convention
universelle (article II) et la Convention de Rome (article 2),
qui expriment toutes ce double objectif.
(2)
L'article 14 en question prescrit en effet la protection des
"expressions du folklore" développées et perpétuées à l'étran-
ger sous réserve de réciprocité ou sur la base des traités ou
autres arrangements (supra, pp. 472-473).

- 487 -
Le rapprochement de 19article 2 du Projet étudié avec
les articles correspondants de la Convention de Berne et de la
Convention Universelle suscite les commentaires suivants.
On peut d'abord observer que le traitement national fait
l'objet de beaucoup moins de développements dans 19 article 2 du
Projet de Traité que dans les articles 5 de la Convention de Berne
et II de la Convention
Universelle.
Les rédacteurs des dits articles
avaient certainement plus de problèmes à régler que ceux de l'article
2 du Projet de Traité sur la protection du folklore o Ces derniers
ne sont pas par exemple confrontés à la difficile question de la
détermination du pays d 90rigine : 19application du traitement natio-
nal est en effet particulièrement simplifiée dans le Projet étudié
lorsque chaque Etat aura satisfait à la condition de l'article 4,
alinéa 2 (1), i l aura en même temps résolu la question du champ
d 9application de la convention pour les autres Etats (2)0
On peut ensuite remarquer que l'article 2 du Projet con-
sacre 19évolution du traitement national telle qu g elle s'est réa-
lisée dans les Conventions internationales du droit d'auteuro
La disposition en question évoque en effet 19article 5, alinéa 2,
de la Convention de Berne qui dispose:
" 0
D
oCette jouissance et cet
"
exercice sont indépendants de la protection dans le pays d'origine
(1)
L 9article 4, alo 2, du Projet de Traité prescrit qae chaque
Etat doit fournir un inventaire indiquant "les types,
les
caractéristiques principales et la source des expressions
artistiques du folklore issues de son territoire dont 19utili-
sation est soumise à 19 a utorisation écrite de son autorité
compétente"o
(2)
Toutefois, la réalisation de l'inventaire dont
i l est question
à l'article 4, al. l,ne manquera pas de soulever des difficu-
tés dont nous indiquerons quelques exemples dans nos dévelop-
pement futurs
(infra, po 191).

- 488 -
de l'oeuvre.
Par suite, en dehors des stipulations de la présente
Convention ,l'étendue de la protection ainsi que les moyens de re-
cours garantis pour sauvegarder ces droits se règlent exclusivement
d'après la législation du pays où la protection est réclamée" (1),
La disposition sus indiquée laisse percevoir toutefois que
la Convention va autoriser des limitations du traitement national,
Nous en trouvons une application à son article 7 ,alinéa 8 ,qui dis-
pose :
"la durée de la protection est réglée par la loi du pays où
la protection est réclamée;
toutefois, à moins que la législation
de ce dernier n'en décide autrement, elle n'excèdera pas la durée
fixée dans le pays d'origine" (2),
Le Projet de Traité sur la protection du folklore ne com-
porte par contre aucune limitation du principe de l'assimilation,
(1)
"Ce principe, qui était déjà proclamé dans l'Acte de 1886,
est lié aux actes successifs de révision, mais, depuis la
Conférence de Berlin (1908), tout au moins en règle générale,
l'application en est devenue indépendante de la protection du
pays d'origine"
(MM. H, DESBOIS, A,FRANÇON et A.
IŒREVER,
Les conventions internationales du droit d'auteur et des droits
voisins, op,
cit,
p,I50).II faut ajouter qu'en vertu égale-
ment de l'article II de la Convention Universelle, le principe
d'assimilation est, pour les oeuvres publiées ou non, affran-
chi, dans les pays où la protection est réclamée, de toute
influence de la loi du pays d'origine
(Idem p,72,no83)0
(2)
I l existe également d'autres lL~ites au principes de l'assi-
milation que MMo DESBOIS, FRANÇON et IŒREVER mettent en lumiè-
re dans l'analyse qu'ils font de la portée du principe dans
leur ouvrage précité (p080 et so
pour la Convention Universel-
le et p,I52 nOI36-139 pour. la Convention de Berne)o

- 489 -
Toutefois, i l n'est pas superflu d'indiquer que son étendue se limi-
te nécessairement à l'objet du Projet de Traité qui est la protection
"selon les principes de la propriété intellectuelle, contre les ex-
ploitations illicites et autres actions dOIJlJIlageables "(1).
Il va sans dire également que le traitement national est assujetti
aux nonnes minimales de protection énoncées par les dispositions
conventionnelles que nous allons à présent examiner (2).
B)- La protection conventionnelle.
Les dispositions conventionnelles du Projet de Traité
sont de deux types: les règles de fond (a), et les règles adminis_
tratives (b).
Les dispositions de fond du Projet de Traité ont été
rédigées conformément aux Dispositions types de législation natio-
nale. Elles couvrent les articles 1 à ~~ mais, compte tenu de nos
(1)
COIJlJIlentaire du Projet de Traité : document UNE~CO/OMPI/FOLK/
GEl. 1/2, p.25 § 88. Cette précision évoque l'existence de
deux approches dans l'étude de la protection du folklore
dont il était question dans nos développements antérieurs
(Cf Rappel historique des travaux à l'Unesco et à l'O.M.PoI. ,
ayant servi d'introduction à ce chapitre)
; ainsi, le traite-
ment national ne s'étend pas, par exemple ,aux mesures de pro-
motion ou de diffusion du folklore ni à celles destinées à
la préservation des produits artistiques traditionnels.
(2)
Le traitement national est par exemple soumis à l'article
5 qui prévoit des exceptions à la réglementation, "destinées
à garantir des formes spécifiées d'utilisation habituelle
et légitime d'expressions du folklore par delà les frontières"
tOIJlJIlentaire du Projet de Traité, op. cita p.25, § 88~

- 490 -
analyses antérieures, nous ne saurions passer en revue tous ces dits
articles sans risquer de nous répéter (1). Aussi, nous nous conten-
terons d'examiner les aspects nouveaux, Ils ont trait aux autori-
tés compétentes, aux utilisations soumises à autorisation, à la
procédure d'octroi des autorisations, aux infractions et à leur
répression (2).
- L'article 3 du Projet étudié
prévoit la désignation
par chaque Etat contractant d'une ou plusieurs autorités compéten-
tes. C'est une condition préalable à la mise en oeuvre de la pro-
tection internationale dans le cadre du Traité (3).
Le rapprochement de l'article 3 (autorités compétentes)
avec d'autres dispositions du texte permet de dire que les autori-
tés compétentes auront pour fonctions principales : la transmission
des demandes d'utilisation (article 5, alinéa 1), l'octroi d'auto-
risations qui leur sont demandés (article 5,alinéa 2), la négocia-
tion d'une rémunération équitable et, en l'absence d'accord, la
fixation d'une telle rémunération (article 5,alinéa 2) ;
(1)
Les Dispositions types ont effectivement fait objet de la
section l de ce chapitre.
(2)
Les expressions protégées (article 1), sont exactement les
mêmes que dans les Dispositions types; les exeptions (art.6),
l'obligation de mentionner la source (art. II) sont également
une réplique des Dispositions types.
(3)
Les' désignations doivent effectivement être notifiées au
moment du dép8t de l'instrument de ratification, d'accepta-
tion ou d'adhésion au Sécrétaire général de l'ONU (art.3, al.2).

- 491 -
enfin, elles devront veiller à réclamer l'application de la protec-
tion dans d'autres pays contractants'
- La désignation d'une autorité compétente n'est toutefois
pas la seule condition préalable à la protection internationale
des "expressions du folklore" ; en effet, liarticle 4 (utilisations
soumises à autorisation)
prescrit à son alinéa 2 de notifier au
Sécrétaire général de l'ONU, sous la forme d'une déclaration écrite,
"les types, les caractéristiques principales et la source des expres-
sions artistiques du folklore" dont l'utilisation est soumise à
autorisation (1). Cette disposition a soulevé principalement deux
problèmes lors des débats du Groupe d'experts.
Plusieurs interventions tendaient à mettre en lumière le
fait que la réalisation d'un inventaire national pourrait consti-
tuer un obstacle à l'adhésion au Traité de certains Etats. Le texte
du Projet de Traité avait cependant répondu à cette inquiétude en
mettant entre crochets l'alinéa 2 de l'article 4.
(t)
Les utilisations soumises à autorisation sont les mêmes
dans le Projet de Traité que dans les Dispositions types
(.supra pp. 457 et s.). A propos de la liberté d'utilisation
d'''expressions du folklore" pour la création d'oeuvres origi-
nales, le rapport des travaux du Groupe d'experts révèle que
"certains participants ont recommandé d'inclure la "traduction"
dans la liste des utilisations soumises à autorisation" (docu-
ment UNESCO/OMPI/GEI. 1/4, op. cita § 59 ). Un participant a
aussi estimé que la source devrait être indiquée dans les cas
d'utilisation pour la création d'oeuvres originales: (V. rap~
port précité, p.lO, § 79).
Ces opinions confirment les craintes et les observations
que nous avons exprimées à propos de l'exception liée à la
création d'oeuvres originales à partir d' "expressions du folklo-
re" dans 1'étude des .Dispositions types (V.
supra
p.462).

-
492 -
Cette fomule, selon le commentaire, signifie que la disposition
pourrait faire liobjet de réserve
(1).
Les intervenants ont également perçu le problème des ex-
pressions transnationales du folklore.:
que se passerait-il si, sur
un inventaire internationalementreconnu, déposé par liautorité com-
pétente diun Etat, des éléments étaient revendiqués également par
diautres pays?
Le commentaire du Projet répond quiil fraudrait indiquer
les différentes situations géographiques en question dans les in-
ventaires nationaux respectifs. Quant à l'autorisation diutilisa-
tion de telles expressions, elle devrait être demandée à Pautorité
compétente de PEtat sur le territoire duquel P "expression du
folklore" ou une reproduction de celle-ci a été effectivement obte-
nue sVil s'agit d'une expression tangible,
ou bien où elle a été
effectivement fixée s ' i l s'agit dVune expression verbale (2).
(1)
LVinquiétude des experts traduit cependant les difficultés
qui ne manquent jamais de surgir lorsqu'on traite des aspects
liés à la collecte du folklore.
Le Projet de Traité ne va
cependant pas jusqu'à exiger une liste d'éléments particu-
liers.
"Il est simplement suggéré dVidentifier les types et
les principales caractér'istiques de ces expressions du folklo-
re
, plutôt que de spécifier chaque variante individuelle de
la même forme typique d'expressions du folklore"
(corrilllen-
taire précité, p.29, § 104). Toutefois, ces questions ne sont
pas traitées dans le Projet de Traité car elles ne relèvent
pas des aspects "propriété intellectuelle" de la protection
du folklore.
(2)
Commentaire du Projet de Traité, op.
cit.
p.29,§ 105.
L'existence de conventions régionales contribuerait également
à résoudre de telles difficultés.

493 -
Après avoir institué la désignation des autorités com-
pétentes et défini les utilisations soumises à leur autorisation,
les rédacteurs du Projet ont entrepris de réglementer avec force
détails
la procédure d'autorisation. Dans cette ~che, ils se sont
laissés guider par le principe selon lequel il est impératif que le
Traité assure un équilibre entre la protection contre les utilisa-
tions abusives des "expressions du folklore" d'origine étrangère,
d'une part, et le respect des intérêts légitimes à accéder à ces
expressions, d'autre part (1).
En vue d'atteindre le premier objectif, l'article 5 offre
une garantie de sécurité en prescrivant la forme écrite aussi-bien
pour la demande d'autorisation que pour la réponse à lui reserver (2).
Qu~nt au second objectif, les autorités compétentes jouant
le rôle d'intermédiaires, les rédacteurs du Projet ont veillé à ce
qu'elles ne constituent pas une entrave à la divulgation des "expres-
sions du folklore". Aussi, l'article 5,alinéa 2,dispose que l'auto-
risation doit être accordée sans délais excessifs et la demande ne
doit être rejetée que "si l'utilisation prévue doit constituer une
atteinte à l'honneur ou à la dignité du pays ou de la communauté
d' orig i.iJ. e " •
(1)
Ce principe est exprimé dans le commentaire du préambule du
Projet
(op. cit., p.2I, § 76).
(2)
La forme écrite de l'autorisation a toutefois été critiquée
par des participants au
Groupe d'experts. Ces derniers ont
avancé que cette exigence exclurait,par exemple,la possibili-
té d'instituer un régime de licences légales ou d'appliquer
un système de domaine public payant
( V. ~apport de là réu-
nion, op. cit. ,p.9, § 69). Il convient toutefois de relever.
que dans la critique ci-dessus formulée, c'est plutôt l'auto-
risation préalable que sa forme écrite qui devrait être mise
en cause.

- - - - - - -
-
- 494 -
A propos du versement d'=e r~m=ération équitable dont
1
l'article 5 dit qu'en l'absence d'accord entre l'utilisateur et une
autorité compétente, son montant est fixé par cette dernière, le
commentaire laisse. entrevoir un recours possible au profit du deman-
deur : "si auc= accord ne peut ~tre trouvé entre le demandeur et
l'autorité compétente du pays d'origine de l'''expression du folklore"
SurIe montant de la rém=ération à payer, l'autorité compétente de
l'Etat contractant du demandeur doit avoir le droit de fixer le
montant d'=e rémunération équitable" (1).
Les rédacteurs du commentaire invoquent l'article i i bis
de la Convention de Berne (2). Toutefois, ce dernier article qui
constitue lIDerestricti"on de la jouissance des droits patrilnoniaux,
demeure une exception, alors que la proposition faite dans le commen-
taire toucherait tous les actes visés par la demande d'autorisation
de l'article 4. En outre, cette solution aboutirait à l'instauration
de licences obligatoires que le Projet examiné ne prévoit pas.
- Les rédacteurs du Projet de Traité ont proposé un texte
qui, sur certains points, a été jugé trop détaillé au cours des
travaux du Groupe d'experts (3). Il en a été ainsi particulièrement
des infractions et de leur répression.
(1)
Commentaire du Projet, op. cit.,p.32, §II7.
(2)
L'article 11 bis de la Convention de Berne ouvre aux législa-
teurs nationaux la faculté de substituer au droit exclusif
un régime de
licences obligatoires, dans l'exercice du droit
d'autoriser la radiodiffusion ou la communication au public
d'une oeuvre radiodiffusée.
(3)
Cette observation a été également faite à propos des disposi-
tions relatives à la procédure de demande et d'octroi des
autorisa tions.

- 495 -
Ces thèmes qui couvrent les articles 8, 9 et 10 du Projet
de Traité, de l'aTis d'Un~expert, auraient pu être fondus en UR seul
article· (1) 0 Cet unique article définirait seulement les actes
délictueux, laissant le soin aux législateurs nationaux de déter-
miner la nature des sanctions applicables.
En fait, calqué sur les Dispositions types de législation
nationale, l'article 8 du Projet étudié oblige chaque Etat contrac-
tant à frapper de sanctions pénales
l'inobservation de l'obliga-
tion de demander une autorisation préalable (article 4), de l'obli-
gation de mentionner la source des "expressions du folklore" utili-
sées (article 7), ainsi que le
fait
d'induire délibérément autrui
en erreur sur Porigine d'une"expression du folklore" et de dénatu-
rer une "expression du folklore".
On peut noter, à propos des deux premières infractions,
une certaine aggravation de la répression
d'ailleurs souhsitable
à notre avis, par rapport aux Dispositions types; en effet, selon
le Projet de Traité, les actes en question, même commis par négli-
gence
ne peuvent plus échapper aux sanctions (2).
Le Projet de Traité oblige aussi les Etats contractants
à prévoir la possibilité de procéder à des saisies (article 9) et
d'user de recours civils (article la).
(1)
V. Rapport des travaux, op. cit., p.IO § 81.
(2)
Dans l'article correspondant des Dispositions types (art. 6),
la sanction des actes commis par négligence n'était indiquée
que comme une variante.

-496 -
Les dispositions de ~ond du droit conventionnel que nous
venons d'examiner assurent une protection dite min:ilna1e des "ex-
pressions du ~olk1ore" ; mais , il ne serait pas éto=ant qu'elles
ne suscitent pas l'anthousiasme de certains Etats (I). Nous devons
à présent compléter cette étude par l'examen des dispositions des-
tinées à les mettre en oeuvre sur le plan internationna1.
Les dispo~itions administratives du Projet de Traité cou-
vrent
les articles I2 (dép8t et signature du Traité), 13 (entrée
en vigueur du Traité), 14 (dénonciation du Traité), I5 (noti~ica-
tion par le Sécrétariat général de l'ONU) et 16 (langues du Traité).
Nous n'évoquerons toute~ois que les aspects :ilnportants de ces dis-
positions
liés à la mise en vigueur du Traité.
Le Traité, après adoption par une Co~érence diplomatique
sera déposé pour signature auprès du Sécrétariat général de l'ONU.
L'article I2 propose,entre crochets,deux solutions quant à la ques-
tion de savoir quels Etats pourront procéder à sa signature.
La Première solution consiste à ouvrir le Traité à la signature de
tout Etat membre de l'ONU ou de l'une de ses agences spécialisées
ou de l'Agence internationale de l'énergie atomique ou de tout
Etat partie au statut de la Cour internationale de justice.
(I)
Nous préciserons notre pensée dans l'examen des obstacles à
l'élaboration du Traité (paragraphe 2 Ode cette section, ini'ra
pp.
505 et s.).

- 497 -
Elle permet par conséquent "l'établissement au niveau mondial d'un
système de protection mutuelle des expressions du folklore, que
tous les Etats contractants se soient engagés ou non à protéger
également les oeuvres des auteurs au plan international" (1).
La seconde solutionronsite
à restreindre le cercle des Etats pou-
vant adhérer au Traité à ceux qui sont parties à l~ Convention
de Berne ou à la Convention Universelle (2).
L'accès à la Convention peut se réaliser soit par la si-
gnature suivie de ratification ou d'acceptation, soit par adhésion
(article 13, alinéa 1) (3). Les instruments de ratification, d'accep-
tation ou d'adhésion seront déposés auprès du Sécrétariat général
de l'ONU. Le Traité entrera en vigueur
trois mois après le dépôt
du 5è instrument de ratification, d'acceptation ou d'adhésion (arti-
cIe 13, alinéa 2).
(I)
Commentaire du Projet, op. cit., p.4I, § 15Io
(2)
Cette solution a prévalu lors de l'élaboration de la Con-
vention de Rome sur les droits voisins (art. 23 et 24).
Elle a apporté une garantie aux auteurs selon MM.DESBOIS,
FRANÇON et KEREVER (ouvrage précité, p.304). Un tel besoin
de garantie ne semble pas se manifester à propos de la protec-
tion du folklore; en outre, nous ne voyons pas d'inconvénients
à ce qu'un pays qui n'adhère pas aux conventions internatio-
nales du droit d'auteur
entreprenne de protéger son folklore.
(3)
Dans le Projet de Traité étudié, les actes qui engagent
juridiquement les Eta~ sont la ratification ou l'acceptation
et l'-adhésion. Toutefois, il convient de remarquer que la
procédure designature
qui,certes,n'entraine aucun engagement
juridique pour les Etats, se révèle elle-aussi importante;
en effet, seuls les Etats susceptibles de signer le texte
peuvent avoir accès au Traité, en posant l'un des trois actes
susindiqués. Il en est ainsi, puisqu~aux termes de l'article
13,alinéa l, du Projet, les Etats qui n'en seront pas signa-
taires ne pourront y adhérer "que siils remplissent"les conditions
posées par l'article 12.

-4913 -
"Un nombre :i.Jûérieur d'accessions initiales rendrait :Les effets
internationaux du Traité illusoires ; exiger un nombre supérieur
d'Etats accédant initialement au Traité pourrait retarder inutile-
ment son entrée en vigueur" (1)0
L'Etat qui accède au Traité doit être en mesure de le
mettre en application, à compter de la date d'entrée en vigueur le
concernant (article I3,alinéa 4). Si le Traité était donc aujourd'-
hui adopté, il risquerait d'être confronté au fait que peu de pays
ont déjà légiféré en matière de protection du folklore (2).
Les évènements relatifs à la vie du Traité (signature,
dépôts d'instruments de ratification, d'acceptation ou d'adhésion,
date d'entrée en vigueur, notifications et déclarations)
doivent
promptement être notifiés par le Sécrétariat général de l'ONU aux
Directeurs généraux de l'Unesco et de l'O.MoPoI o Ces deux dernières
organisations assurent conjointement l'administration du Traité
(article 15 alinéa l -a, b, c; d)o L'Unesco et l'OoMoPoI. doivent,
à leur tour, notifier aux Etats contractants les :i.Jûormations reçues
du Sécrétariat général de l'ONU.
Le Projet de Traité comporte en outre des indications
sur la procédure de dénonciation (article 14) et quant aux langues
du Traité, le commentaire dit qu'il appartiendra à la Conférence
(1)
Commentaire du Projet, opo cito,p.42,§ 1540 A titre de com-
paraison, nous indiquons que le nombre d'accessions qui a
été nécessaire à l'entrée en vigueur des Actes de Paris de la
Convention
de Berne et de la Convention universelle étaient
respectivement de 5 (article 28) etde 12 (article IX). Ce nom-
bre était de 6 dans la Convention de Rome (article ~5 ,al. 1).
(2)
Cette situation est semblable à celle qu'a connue la Conven-
tion de Rome après son entrée en vigueur en 19640
V.MM o DESBOlS, FRANÇON et KEREVER, opo cit., nO 311-312.

- 499
diplomatique qui adoptera le Traité d'en décider (1). Il n'y a par
contre aucune disposition sur le règlement des différends ni sur
les révisions ni sur la possibilité ou non de faire des réserves (2).
Dans les travaux à venir sur le Projet, il nous semble opportun
que toutes ces questions soient abordées, no~rnment en ce qui con-
cerne les réserves.
Le Groupe d'experts qui s'est penché sur le Projet dont
nous venons d'examiner le contenu du "jus conventionis" a conclu
ses travaux par la note suivante, adressée aux Sécrétariats de
l'Unesco et de l'O.M.P.I.
: il les invite à approfondir les divers
aspects d'un traité pour la protection des "expressions du folklore"
par la propriété intellectuelle et à élaborer un texte révisé tenant
compte de leurs observations, sans négliger la possibilité de trou-
ver des solutions alternatives pour fonder la protection (3).
Le Projet est donc appelé à ~tre amélioré; toutefois,
on nous l'a confirmé à l'Unesco, le projet révisé n'a pas encore
été élaboré et, depuis 1984, date de la réunion du Groupe d'experts,
(1)
Commentaire du Projet
document UNESCO/OMPI/FOLK/GEI.I/2-
op. cit., p.44, § 160.
(2)
Il faut toutefois relever, à propos des réserves, que le
commentaire qui accompagne le Projet en fait état, au sujet
de l'article 4,alinéa 2,qui traite des questions relatives
à l'inventaire. CV. document UNESCO/OMPI/FOLK/GEI. 1/2 - p.29
§ 103).
En outre, le rapport de la réunion révèle qu'un partici-
pant a jugé nécessaire que la prescription relative au dépôt
d'un inventaire puisse faire l'objet d'une réserve
(V. docu-
ment UNESCO/OMP1/FOLK/GE1. 1/4- p.8 § 61).
(3)
Rapport des travaux, op. cit., p.11, § 91. La fin de la note
du Groupe d'experts laisse percevoir les hésitations de la
communauté internationale sur les priIicipes qui sont à la
base du Projet. C'est un élément qu'il faut ajouter aux aspects
que nous développons dans le paragraphe suivant sur les obs-
tacles à la mise en place de la protection internationale du
folklore.

-
500 -
aucune décision
concernant la suite à donner aux travaux n'a en-
core été prise. Sans vouloir faire des prévisions sur le destin
du Projet, nous pouvons nous interroger sur les obstacles que
rencontre la mise en oeuvre d'une protection internationale des
"expressions du folklore" en général et du Projet de Traité étudié
en particulier.
~~~_2È~!~El~~_~_1~_!i~~_~~_2~~~~_g~~~_E!2!~~!i2~
~!~~~!i2~~l~_3~~_~~!E!~~~i2~~_3~_!2l!l2!~~_~~12~
l~~_EE~~iE~~_~~_l~_EE~EE~~!~_~!~ll~~!~~ll~~
Le rapport des travaux du Groupe d'experts sur la pro-
tection internationale des "expressions du folklore" par la pro-
priété intellectuelle révèle que "les débats ont montré que tout
le monde était conscient de la nécess ité d'une protection interna-
tionale des "expressions du folklore" ••• "(1). On était également
convaincu qu'un instrument international favoriserait une prise de
conscience du phénomène et la diffusion du folklore (2).
Toutefois, la protection telle qu'elle est envisagée
dans le Projet de Traité rencontre un certain nombre d'obstacles
plus ou moins susceptibles d,gtre surmontés : ils sont d'abord
d'ordre matériel (A) et juridique
(B)jun troisième obstacle, et
pas le moindre, semble résulter de la divergence des intérêts en
cause dans la protection du folklore
(C).
(1)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/GEI. 1/4, p.2, § 12.
(2)
Document UNESCO!OMPI/FOLK/GEI. 1/2, p.I7, § 56.

- 501 -
A)- Les obstacles d'ordre matériel.
-------------------------------
Les Dispositions types de législation nationale protègent
les "expressions du folklore", que ces dernières aient fait ou non
l'objet de collecte. Théoriquement, le Projet de Traité assure la
m~e protection; mais, comme les débats du Groupe d'experts l'ont
montré, l'application du Traité implique la réalisation de certaines
conditions matérielles sur le plan national.
Le point de rattachement en vue de la protection des
"expressions du folklore" est un impératif constamment rappelé.
Afin de circonscrire concrètement et localemnt les expressions à
protéger, il s'avère indispensable que soient menées à bien les
mesures d'identification, de préservation et de conservation du
folklore. C'est la seule façon de permettre la connaissance de l'ori-
gine des "expressions du folklore" dans le cadre d'un instrument
international.
Les questions que nous venons d'évoquer renvoient aux
travaux sur la sanvegarde du folklore. A-t-on alors mis la charrue
avant les boeufs? Il ne serait d'ailleurs pas surprenant que ce
fftt pour voir les résultats de la récente réunion sur la sauvegarde
du folklore que l'Unesco et L'O.M.PI. se soient abstenues jusque
là, de décider de la suite à donner aux travaux sur le Projet de
Traité (1).
(1)
La dernière réunion sur la sauvegarde du folklore a eu lieu
à l'Unesco du 1er au 5 juin 1987
(V•. le rapport des travaux
dans le document UNESCOjPRSjCLTjSPLj6, Paris,S juin 1987 ;
Voir également infra p.SII n. l, où nous évoquons les déci-
sions de cette réunion).

- 502
Les conditions d'ordre matériel sont d'autant plus im-
portantes qu'on ne peut les satisfaire simplement en légiférant.
Chaque pays intéressé doit concrètement les réaliser (1). Toutefois,
dans un document UNESCO[OMPI, on souligne que "dans la perspective
d'un instrument international, cette organisation matérielle d'iden-
tification, de conservation et de préservation devrait se doubler
d'un minimum
de dispositions juridiques régionales" (2).
On se rappelle que la rareté de législations nationales
sur les droits voisins avait été analysée comme un handicap à
l'agrandissement du cercle des Etats membres de la Convention de
Rome à ses débuts (3). De ce point de vue, le Projet de Traité sur
la protection du folklore pourrait aussi, au moment de son adoption,
conna!tre les m~mes difficultés.
En outre, tout comme la Convention de Rome, le Projet
de Traité fait obligation à tout pays qui désire le ratifier de se
doter au préalable d'une législation en harmonie avec ses disposi-
tions (4) •
(1)
L'obstacle lié aux conditions matérielles prévaut certaine-
ment dans l'attitude des législateurs nationaux à l'égard
des Dispositions types adoptées depuis 1982 et qu'aucun pays
n'a encore consacrées dans sa législation
nationale.
(2)
Document UNESCO/OMPI/GEI. 1/2, poI9, § 72.
(3)
Il faut toutefois signaler que ce n'était pas la seule rai-
son qui a freiné l'essor de la Convention de Rome. D'autres
causes telles l'opposition des auteurs sont signalées par
MM. DESBOIS, FRANÇON et KEREVER
(op. cit., p.345 nO 312).
(4 )
Art. 26, Convention de Rome; art. 13 al. 4 Projet de Traité
,
,
,
,
etudie.

;.. 503 -
Certes, l'amélioration pressentie par MM. Desbois, Françon
et Kerever en 1976 à propos de la Convention de Rome s'est confir-
mée par la suite mais, comme l'écrit Madame
Davies, le succès de
cette convention peut s'expliquer par le fait qu'elle présente de
l'intér~t pour les pays développés comme pour les pays en dévelop-
pement (I). Or, il n'est pas certain que le Projet de Traité sur
la protection du folklore bénéficie du même atout (2).
Il faut par conséquent prendre au sérieux l'argument de
la nécessité d'un minimum de dispositions nationales et régionales
comme condition de la viabilité d'un Traité sur la protection du
folklore. A la réunion du Groupe d'experts, plusieurs participants
n'ont-ils pas jugé prématurée l'idée d'une convention internatio-
nale au motif que "l'on rie disposait pas encore d'une expérience
. suffisante en matière de protection des
expressions du folklore
au niveau national, et en particulier en ce qui concerne l'appli-
cation des Dispositions types de législation nationale ••• " (3) ?
(1)
Les auteurs de l'ouvrage "Les Conventions internationales
du droit d'auteur et des droits voisins" avaient relevé que,
bien que
ça n'était pas une certitude, le fait que quaran-
te un pays se soient dotés de législation sur les droits
voisins entre 1961 et 1972 était de bon augure pour l'avenir
de la Convention (ouvrage précité, p.346). Mme Gillian
DA VIES rend effectivement homage au succès de la Convention
et rapporte que cinquante pays avaient déjà légiféré dans le
domaine des droits voisins en 1986 (article précité, p.15).
Signalons aussi que le nombre des pays membres de la Conven-
tion de Rome était de 32 au 1er janvier 1988
(V. le Droit
d'auteur, janvier 1900, p.9).
(2)
Cf l'analyse des divergences d'intérêts autour de la pro·
tection du folklore ( infra,pp. 505 et s.).
(3)
Rapport précité, p. 2,§ 4.

- 504 -
L'existence d'une protection régionale aurait permis par
exemple de régler les conflits entre 'Etats voisins relativement
à la détermination du lieu d'origine de certaines "expressions du
folklore" (1).
La nécessité d'une protection régionale avait pourtant
été perçue dès le début de la réflexion sur la protection interna-
comités régionaux n'ont pas ouvert la voie vers l'élaboration
d'instruments régionaux. Ils
ont plutôt orienté la réflexion vers
l'instrument universel (3).
Aux obstacles d'ordre matériel et' juridique , il faut
maintenant ajouter les implications que comporte l'observation sui-
vante : à la réunion du Groupe d'experts sur la protection interna-
tionale des "expressions du folklore" par la propriété intellec-
tuelle, "un participant a déclaré que l'élaboration d'un traité
(1)
La possibilité de conflits a été mise en évidence lors des
débats sur le Projet de Traité (rapport précité, p.8, § 60
v. également nos propres développements, suprap. 492).
(2)
Cf document UNESCO/OMPI/WG.I/FOLK/5, p.6, § 22.
(3)
C'est ce qui est consigné dans le document UNESCO/OMPI/FOLK/
GEl. 1/2, p.I5 § 50. Au cours d'un entretien avec Monsieur
N'DIAYE (Conseiller pour les affaires africaines à la CISAC),
nous lui avons posé la question de savoir pourquoi lui et
ses pairs africains à Dakar, en 1983, n'ont pas envisagé la
solution de protection régionale. Sa réponse tendait à dire
que les experts étaient conscients que ce n'était pas sur le
plan de leur région que les "expressions du folklore" de leurs
pays respectifs étaient le plus menacées.

I! .
- 505 -
international pour la protection des "expressions du folklore"
pouvait présenter lm degré d'urgence variable selon les régions" (1).
C)- Les divergences d'intér~ts sur la protection du folklorE
--------------------------------------------------------
L'orsque nous avons cité l'analyse de Claude Masouyé selon
laquelle le folklore présente un intér~t pour tous les pays, nous
avons pris soin de la nuancer en disant que cet intér~t n'était pas
comparable, selon qu'il s'agit de pays développés ou de pays en voie
de développement (2).
Notre thèse a été confirmée dès les premièrs débats sur
la protection du folklore : ainsi, à la 12è session du Comité inter-
gouvenemental de la Convention Univeselle du droit d'auteur, où
ont été examinées les propositions boliviennes sur la protection
du folklore, certaines délégations faisaient remarquer qu'une pro-
tection internationale du folklore n'était envisageable que pour
les pays en voie de développement (J). La raison était par exemple
que dans les pays développés, il y a une trop grande interpénétra-
. tion des cultures qui ne permet plus la désignation de l'origine
du folklore (4).
(1)
Rapport précité, p.J, § 21.
(2)
Claude MASOUYE fait cette analyse sans son article : "La pro-
tection des expressions du folklore", op. cit., pp.5 et s.
Cf également nos propres développements ("les raisons d'une
protection du folklore", supra, pp. 284 et s.).
(J)
Comité intergouvernemental de la Convention Universelle, 12è
session, Paris 5-11 décembre 197J, le Droit d'Auteur, janvier
1974, pp. 57-'0.
(4)
Cet argument avancé par la délégation française à la réunion
indiquée est régulièrement brandi par la Grande Bretagne qui
s'en est prévalue au cours de la m~me réunion ainsi que lors
de l'élaboration de l'article 15, al. 4,de la Convention de
Berne en rq67
(V.
C'1Jnrl1.
n. <0~~.

- 506 -
LVintér~t quvun pays porte à la protection du folklore
reflète la place que tient cet élément dans IVensemble de sa cultu-
re. Il nVest donc pas étonnant que les efforts pour protéger le
folklore soient attribués aux pays en voie de développement. Nous
lisons en effet dans une communication de la République Fédérale
d'Allemangne, lors de la réunion du Groupe d'experts sur la protec-
tion internationale du folklore en 1984, que le Gouvenement de ce
pays "nVest pas insensible aux efforts déployés par les pays en
voie de développement pour protéger leur folklore au moyen dVaccords
internationaux
(1).
0 0 0 "
La suite du document dit cependant que
pour arr~ter les abus quVil invoquent, ces pays sont libres dVadop-
ter sur le plan national une législation adéquate.
On comprend alors pourquoi IVélaboration des Dispositions
types nVa pas soulevé de problèmes particuliers : le texte nVayant
aucune force obligatoire, s'en inspire le législateur qui le souhai-
te ; cVest un cadeau fait aux pays en voie de développement o
Toutefois, le caractère spécieux de IVargumentation con-
tenue dans la communication de la R.FoA. est patent: dans le domai-
ne de la propriété intellectuelle, il est démontré quvune protection
uniquement interne se révèlera toujours insuffisante. En outre,
n'est- on pas tenté de soutenir que la protection internationale
du folklore présente plus dVintérêt que sa protection interne?
Ce raisonnement mnsiste à dire que puisque les pays développés
détiennent les moyens de réaliser IVexploitation du folklore, une
protection quVils ne respecteraient pas ne résoudrait pas le problème
(1)
Document UNESCO/OMPI/FOLK/GEIo 1/3, Paris 30 novo 1984.

-
)V(
-
Aussi;' la protection internationale des "expressions du
folklore" a parfois été présentée sous fonne de rapports antagoniS'"
tes entre pays développés et pays. en voie de développement: à la
réunion du Groupe d'experts sur la protection internationale des
;
"expressions du folklore" par la propriété intellectuelle,un participar
a rappelé l'attention du Groupe sur les liens existant entre l'obli-
gation pour les pays en voie de développement de protéger les oeuvres
étrangères par le droit d'auteur et leur besoin
de faire protéger
à l'étranger les expressions de leur propre folklore
(1).
Dans ce m~me ordre d'idées, Monsieur Gavrilov présente
l'institution d'une protection juridique des "expressions du folklo-
re" comme un moyen de mettre de l'ordre dans les échanges culturels
internationaux (2).
Nous avons, dans ces développements, situé le Projet de
Traité sur la protection du folklore dans son contexte international.
Les rédacteurs
du texte l'ont construit à partir des Dispositions
types de législation nationale dont nous avons vu qu'en fait, elles
sont destine es à l'usage des pays en voie de développement. De
nombreuses prises de position laissent deviner que les pays dévelop-
pés ne sont pas prêts à instaurer des législations nationales sem-
blables aux Dispositions types qui leur pennettraient d'accéder au
Traité sur la protection du folklore.
(1)
Rapport des travaux, op. cit.,p.5, § 31.
(2)
'~u titre des échanges culturels internationaux, les pays en
voie de développement reçoivent des pays développés des oeuvres
protégées par le droit d'auteur, dont l'utilisation procure
aux auteurs une rémunération. Inversement, les pays développés
importent un grand nombre d'oeuvres du folklore qui ne sont pas
protégées par le droit d'auteur•• ·• Ces échanges sont donc désé-
quilibrés"(M. GAVRILOV, "La protection juridique des oeuvres du
folklore" le Droit d'auteur,
janv. 1984, p.75).

- 508 -
La communication de la RoFoA déjà citée dit que dans ce
pays, il n'y a pas lieu d'imposer quelque limite que ce soit à
l'utilisation du folklore. Ce pays refuse également l'institution
an niveau intèrnational d'une "protection des droits d'auteur qui
serait plus large pour le folklore, tant en ce qui concerne la durée
de la protection que les objets de cette protection" (1)0
On peut encore signaler des positions exprimées dans le
rapport de la Commission du Progrmme l
de la Conférence générale de
l'Unesco (23è session) dont il ne serait pas étonnant qu'elles pro-
viennent de représentants de pays développés : "plusieurs représen-
tants d'Etats membres ont déclaré que la protection du folklore ne
doit pas être examinée sous l'angle du droit d'auteur.oo "(2)0 Il
a égalemnt été fait observer par deux membres de la Commission
"qu'une règlementation internationale risquerait de porter préjudi-
ce à la liberté de création et qu'un paiement, voire une simple
autorisation préalable 00' pourrait freiner
le développement cul-
turel des Etats membres .0." (3).
Peut-on alors imaginer que le Traité sur la protection du folklore
puisse entrer en vigueur par la seule volonté des pays en voie de
développement ?
(1 )
Document UNESCO!OMPI!FOL~GEl.l!3, Annexe p.l.
(2)' . Document .24C!31 , Annexe 1; p.I, § 5.
(J)
Idem § 70 Les observations faites dans le rapport en question
l'ont· été au cours de l'examen de l'opportunité d'une règle-
mentaiion internationale générale concernant la sauvegarde du
fo'1klore ;' maiS OIL cOnViendra' aveè nous' qu' ell-es remettent en
cause les fondements du Projet de Traité dont il est question
dans nos analyses 0

)U::!
-
Dans un domaine voisin, l'histoire proche de la Conven-
tion
de Berne nous fournit une illustration fort intéressante du
problème que nous soulevons à propos du Projet de Traité sur la
protection du folklore: à Stockholm en 1967, on a adopté un texte
jugé très favorable aux pays en voie de développement ; les pays
industrialisés n'en ont pas voulu. Le texte aurait pu entrer en
vigueur entre les seuls pays en voie de développement, mais cela
ne les a pas intéressé. Il a fallu changer le texte en 1971 ; il
est devenu moins favorable aux pays en voie de développement et les
pays industrialisés l'ont accepté et l'Acte de Paris a pu entrer
en vigueur.
Du point de vue technique, le Projet de Traité sur la
protection du folklore peut entrer en vigueur entre les pays en
voie de développement. Pour cela, il suffit de réunir cinq adhésions
(article I~ alinéa 2) (1). Toutefois, du point de vue de l'intérêt
d'un telTraité, le problème demeurerait entier, à moins d'imaginer
qu'il serve de moyen de pression
pour les pays en voie de dévelop-
pement du type "protégez notre folklore et nous protègerons vos
auteurs".
(1) :Nous avons énuméré plus de cinq pays en Afrique dont les
législations protègent le folklore
(V. supra, p. 226, note 2).
La question sera de savoir si ces textes sont en harmonie
avec les dispositions du Traité : dans de nombreuses lois
africaines, la réglementation touche l'utilisation pour la
création d'oeuvres dérivées (Convention O.A.P.I., article
S,alinéa 4 ; loi béninoise, article IO,alinéa 2-f ; loi
congolaise, article 17 ; Ordonnance burkinabè, article IO-c,
etc.) ; par contre, l'article 6 du Projet de Traité compte
ce type d'utilisation du folklore parmi les exceptions à la
réglementation.

- 510
En définitive, à juger des rapports internationaux, on
pourrait se demander si l'on ne gagnerait pas, dans un premier temps,
à miser sur le traitement national (1). Dans une telle hypothèse,
on s'acheminerait vers les propositions faites par certains parti-
cipants au cours des travaux du Groupe d'experts sur la protection
internationale : certains experts ont en effet proposé d'élaborer
le Traité "uniquement sur la base du droit public, en obligeant les
Etats contractants à règlementer -eux-mêmes la- proteciion ùes '''exprés-
sions du folklore" et sans instiiuer de nouvelles formes de protec-
tion relevant du droit privé" (2).
Un
autre participant a suggéré "d'appliquer à l'élabora-
tion du Traité la même conception qu'à celle de la Convention de
1971 pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la
reproduction non autorisée de leurs phonogrammes. Chaque Etat con-
tractant devrait être tenu de prendre des dispositions pour proté-
ger efficacement les "expressions du folklore" provenant d'un autre
Etat contractant ••• Les moyens d'application du Traité devraient
relever de la législation nationale mais inclure l'une ou plusieurs
des mesures suivantes : droit spécial sur les "expressions du folklo-
re", mesures administratives,
sanctions pénales" (J).
Ce sont des formules qui allient souplesse et fermeté et
qui, de notre point de vue, sont préférables à celle de la recomman-
dation vers laquelle on tend en ce qui concerne la réglementation
(1)
Dans ce cas, il sera nécessaire d'introduire de fortes limi-
tations au principe de l'assimilation
prévu à l'article 2 du
Projet de Traité, afin de permettre aux Etats de jouer sur la
réciprocité.
(2)
Rapport des travaux, op. cit. p.4, § 27.
(J)
Idem p.4, § 28.

- 5II -
globale de la sauvegarde du folklore (I). Elles donnent en outre
plus d'espoir quant à l'adhésion des pays réticents à la forme
actuelle du Projet de Traité.
Les solutions "sui generis" auxquelles on a abouti dans
le cadre des travaux organisés par l'Unesco et l'O.M.P.I. consti-
tuent Un pas décisif dans l'étude de la protection du folklore.
Certes, il ne s'agit que d'un modèle,en ce qui concerne les Dis-
positions types et d'un projet quant au Traité; mais l'on est en
présence d'un effort de réflexion et de conceptualisation fort
appréciable.
(I)
La Conférence générale de l'Unesco vient en effet de décider
à la 24è session (oct.-nov. I98?)
que la question de la
sauvegarde du folklore doit faire l'objet d'une recommanda-
tion aux Etats membres.
Le Directeur général est chargé de
réunir un Comité spécial de techniciens et de juristes pour en
établir le projet définitif qui sera soumis à la Conférence
générale à sa 25è session en I989 (V.
document 24/C5-II o B-
Activités générales, Droit d'auteur, § I5.~.
Selon l'article Ier du Règlement relatif aux recommanda-
tions aux Etats membres et aux conventions internationales
prévues par l'article IV, paragraphe 4, de l'Acte constitutif
de l'Unesco, la Conférence générale, par la recommandation,
"formule les principes directeurs et les normes destinées à
règlementer internationalement une question et invite les
Etats membres à adopter, sous forme de loi nationale ou
autrement, suivant les particularités des questions traitées
et les dispositions constitutionnelles respectives des dif-
férents Etats, des mesures en vue de donner effet dans les
territoires sous leur juridiction aux principes et normes
formulés " (Manuel de la Conférence générale , édition I986 ,
p. 9 3) •
La recommandation ne crée donc pas, à l'instar du traité,
une norme juridique applicable aux Etats membres ; elle a
cependant une force morale que nous jugons toutefois insuf-
fisante pour la réglementation des aspects "propriété intel-
lectuelle" de la protection du folklore.

- 512 -
De notre point de vue, la balle se trouve principalement
dans le camp des pays en voie de développement
sous l'impulsion
desquels les travaux ont démarré et se sont pousuivis sur la pro-
tection du folklore.
L'adoption de législations nationales appro-
priées démontrera l'intér~t que ces pays portent réellement à leurs
patrimoines traditionnels et ouvrira la voie la plus sftre vers une
protection internationale des "expressions du folklore".
Dans l'immédiat, il faut espérer que la recommandation
vers laquelle on tend dans le cadre des travaux menés selon l'ap-
proche dite globale (1)
favorisera la mise en place d'une coopé-
ration internationale qui aidera les pays en voie de développement
à se doter des moyens techniques et financiers nécessaires à l'iden-
tification, à la conservation et à la préservation du folklore.
Notre foi dans les atouts des solutions "sui generis"
élaborées aussi bien sous les auspices de l'Unesco et de l'O.M.F.I.
que par le législateur bolivien n'est toutefois pas partagée par
tout le monde: Monsieur Gavrilov, par exemple, trouve que "les
efforts tendant à dissocier la protection juridique du folklore de
la protection fondée sur le droit d'auteur ne se justifient pas" (2).
Cette dissociation serait artificielle ; Monsieur Gavri-
lov nie en effet l'existence d'une forme de création folklorique
spécifique car, dit-il, les oeuvres du folklore ne se distinguent
de celles protégées par le droit d'auteur que par leur contenu;
(1)
supra,p. 5II.
(2)
M. GAVRILOV, op. cit.,p.78.

- 513 -
or, il va sans dire que cette distinction n'a aucune importance
pour l'institution d'une protection juridique du folklore (1).
L'intéressé pense, par conséquent, qu'il sera beaucoup plus facile,
sur le plan international, "d'intégrer la protection juridique des
oeuvres du folklore dans les conventions existantes sur le droit
d'auteur que d'élaborer dans ce but un mécanisme distinct" (2).
Au moment de passer à l'étude des initiatives de solu-
tions "sui generis", nous avons longuement fait la démonstration de
la nécessité d'entreprendre de nouvelles investigations (3).
On peut opposer à l'analyse de Monsieur Gavrilov les remarques
suivantes : il convient d'abord de relever le fait que la solution
d'intégration de la protection du folklore dans les conventions du
droit d'auteur a déjà été tentée sans résultats concluant (4).
On peut aussi évoquer le cas de la protection des logiciels dont
la tendance est aujourd'hui le recours au droit d'auteur, mais
l'on s'aperçoit que cette solution se heurte à des difficultés d'ap-
plication très grandes.
Enfin, les solutions "sui generis" qui s'inspirent du
droit d'auteur sans pourtant en épouser toute la rigueur ne susci-
tent déjà pas l'anthousiasme de tous les pays. Nous pensons qu'on
ne fera pas progresser la protection du folklore en se bornant
simplement à rechercher comment s'appliqueraient à cette matière
(1)
M. GAVRILOV, op. cit.,p.78.
(2)
Idem
(J) : V.
IIè partie, titre 1, supra pp.40B et s.
(~)
Comme nous l'avons déjà indique, l'Inde est le seul pays à
s'gtre prévalU de l'article 15 al. 4 de la Convention de Berne
ev:.nos développements, supra, p.308 note !).

514
les règles du droit d'auteur. D'ailleurs, les capacités d'adaptation
de cette institution ne sauraient ~tre illimitées. Avec l'élabora-
tion des Dispositions types par exemple, un pas important a été
franchi : on n'est plus au stade de la question de savoir si le
folklore doit ou peut ~tre protégé, le problème est maintenant de
savoir comment le faire efficacement.
=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0

CONCLUSION GÉNÉRALE

- 515 -
L'ultime objectif de notre étude était de contribuer à
la recherche
d 'lIDe théorie juridique cohérente pour la protection
du folklore. Une théorie juridique cohérente suppose la définition
d'un corps de règles animé de principes propres, qui se suffit à
lui-même. La démarche qui fut la nôtre a consisté à considérer les
questions relatives au statut juridique du folklore et celles rela-
tives à la règlementation de son exploitation comme les aspects
fondamentaux de cette théorie.
Dans cette démarche, la première difficulté rencontrée
fut la définition juridique du concept-même de folklore. Face à
cette difficulté, on peut dire aujourd'hui que les juristes de la
propriété intellectuelle n'ont pas démérité : le recours à la notion
de création artistique et littéraire leur a permis de surmonter les
incertitudes issues des débats des folkloristes et de réduire la
notion de folklore à des limites raisonnables.
Toutefois, cette acception de la notion de folklore est
appelée à sVélargir. Le recours à la notion de création intellec-
tuelle au sens juridique du terme peut réaliser cette ouverture.
Cette solution offrirait la perspective dVlIDe protection plus lar-
ge de la création intellectuelle traditionnelle ; elle invite aussi
à ne pas limiter la recherche des solutions au seul droit d'auteur.
C'est dans ce sens que la notion
d'''expression du folklore" présen-
te plus d'intérlH que celles d' "oeuvre du folklore" et d' "oeuvre
inspirée du folklore".

-
)~O -
Il n'a cependant pas suffi de définir le folklore en
référence à la création intellectuelle et en l'occurence à la créa-
tion artistique, littéraire et musicale pour que le problème de son
statut juridique soit réglé : la question essentielle, celle de
savoir si le folklore est susceptible de protection par le droit
d'auteur, engendre une divergence autour de la réponse que fournis-
sent d'une part les pays développés, et d'autre part les pays en voie
de développement.
Pour les premiers, l'interrogation ci-dessus formulée
pourrait m~me être considérée sans objet, puisque, bien que les
législateurs y aient rarement répondu, la doctrine et la jurispru-
dence ont toujours considéré le folklore comme une partie intégrante
du domaine public.
Par rapport au statut ci-dessus défini, la protec-
tion du folklore devrait être envisagée selon les règles du dOŒaine
public payant ; mais on connaît les réticences séculaires des juris-
tes des pays développés, en général, vis à vis de cette institution,
dans le cadre de la ~réation artistique et littéraire. En défini-
tive,là seule protection dont pourrait jouir le folklore dans les
pays dits de "longue tradition en matière de propriété intellec-
tuelle" devrait lui être assurée par la jurisprudence. Toutefois,
il convient de relever que si la protection des oeuvres d'auteurs
connus et dûment publiées font l'objet des menaces dont les études
sur la protection du domaine public font écho, ce n'est pas le
folklore qui échappera aux emputations et autres atteintes à son
authenticité.

-517 -
LVabsence dVune solution satisfaisante à la protection
du folklore en tant que p~rtie intégrante du domaine public justi-
fie en partie la tendance. des pays en voie de développement a
traiter sa protection par le droit d'auteur.
'
Le recours aux législations du droit dVauteur par les
pays en voie de développement exprime aussi l'importance qu'ils
accordent à la protection du folklore. Cependant, cette solution
quoique attrayante, rencontre de nombreux obstacles: la création
traditionnelle a ses particularités que le droit dVauteur ne peut
prendre en compte. Ainsi, la forme "fluide" de l"'oeuvre du folklo-
re", son caractère collectii' voire impersormel, sa relative ancien-
neté, empêchent son assimilation pure et simple à lVoeuvre protégée
par le droit dVauteur.
Aussi, les législateurs, dans le cadre des initiatives
des Etats et des organisations internationales pour la protection
du folklore, entreprirent de contourner les dii'ficultés susindiquées
les régimes de lVoeuvre dérivée, de l'oeuvre anonyme, de l'oeuvre
collective furent évoqués; la notion d'''oeuvre du folklore" et
d' "oeuvre inspirée du folklore" furent inventées. Les résultats,
peu concluants, sont par exemple l'article I5,alinéa 4,de la Con-
vention de Berne et les régimes mis en place par les législateurs
africains, destinés à assurer la protection du folklore par le
droit dVauteur et que la doctrine qualifie de domaine public payant.

- 518 -
Les in~iatives des Etats et des organisations interna-
tionales que nous venons d'évoquer ont toutefois enrichi la théo-
rie juridique: l'''oeuvre du folklore" jouit désormais en théorie
d'un statut d'oeuvre protégée. Le problème de sa protection se
déplace dès lors vers les difficultés à définir des règles qui
respectent ses particularités. Pour ce faire, les techniques s'ins-
pirant du domaine public payant furent largement utilisées, ce
qui a fait d'ailleurs dire dans la doctrine que les systèmes mis en
place étaient des régimes de domaine public payant; toutefois, le
domaine public payant ne signifierait plus, dans ce contexte, "usage
libre mais payant", puisque les exigences d'une autorisation préa-
lable et d'une déclaration préalable furent formulées. L'affectation
d~s redevances n'est plus un critère suffisant de distinction
du
domaine d'Etat·, puisque, alors-m~me que les sommes perçues
ne sont pas affectées aux budjets des Etats, certains législateurs
attribuent à ces derniers la propriété du patrimoine folklorique.
La notion d'appartenance au patrimoine national fit alors elle ~ussi
son apparition dans les législations du droit d'auteur.
Les conséquences qu'il faut tirer des expériences ci-
dessus rapportées sont de divers ordres ; d'abord, il faut remarquer
qu'au sein des législations de droit d'auteur, le folklore est sou-
mis à des régimes juridiques particuliers ; l'insertion de tels
régimes dans des législations déjà très touffues ne pouvait certai-
nement pas se faire sans risque de confusion.

-
).L~ -
En suite, l'étude du statut du folklore au regard du
droit d'auteur et du domaine public montre clairement que ni l'une
ni l'autre des deux institutions ne se pr~tent telle quelle à la
protection de ce patrimoine : l'appartenance du folklore au domai-
ne public ne pose aucun problème tant qu'il ne s'agit pas de lui
assurer une protection; mais, dès qu'il est question de protection,
on 's'aperçoit que ce qui emp~chait son assimilation pure et simple
aux oeuvres protégées par le droit d'auteur pendant le délai de
protection de ces dernières, justifie qu'on continue de les distin-
guer après l'expiration de ce délai.
Enfin, la remarque fondamentale qu'il faut faire, c'est
que la protection juridique du folklore implique que soit défini un
corps de règles propres, qui s'inspire de ses conditions spécifiques
et qui tienne compte des objectifs de sa protection; d'où l'impor-
tance de l'étude de la règlementation de l'exploitation du folklore
qui a été menée dans le titre II de la 1ère partie de la thèse.
L'apport des initiatives des Etats et des organisations
internationales à la définition d'une théorie juridique pour la
protection du folklore a par conséquent été déterminant en ce qui
concerne les propositions de solutions "sui generis". Ayant tiré la
leçon que les particularités de la création folklorique appellent
des solutions spécifiques, l'O.M.P.I. a orienté les travaux sur les
aspects "propriété intellectuelle" de la protection du folklore
~an.scette direction depuis 1980.

520
les Dispositions types qui en ont résulté pour la protec-
tion inte=e, assurent aux "expressions du folklore" une protection
sur la base de principes
propres : cette protection consiste en
l'institution d'une autorisation préalable pour l'exploitation du
folklore, organisée toutefois de façon à ne pas g~ner l'épanouis-
sement de la création traditionnelle. Elle comporte l'obligation
de respecter des conditions d'ordre intellectuel et des sanctions
destinées à garantir le respect de ses dispositions.
Les bases d'une théorie juridique pour la protection du
folklore sont par conséquent jetéeso Elles s'inspirent largement des
conditions du folklore dans les pays en voie de développemento Son
affermissement dépend dès lors de l'attitude de ces pays. Pour cela,
ils doivent tirer profit de l'évolution de la théorie juridique qui,
inconstestablement, s'est orientée vers les solutions "sui generis".
Dans le domaine du droit d'auteur, on ne compte plus les
écrits sur le thème des vertus de cette institution à promouvoir
le développement de la culture. Il y a lieu de faire le m@me
constat
en ce qui conce=e la protection du folklore.
On objectera peut @tre que la protection du folklore,
parce qu'elle n'est pas instaurée au profit des individus mais au
profit des communautés nationales ou en vertu de l'intér@t général
n'aura pas les vertus du droit d'auteur. C'est pourquoi il faut
souligner que les législateurs doivent réaliser un équilibre entre
l'intér@t général et les intérêts des auxiliaires de la création

- 521
traditionnelle. N'est-ce pas d'ailleurs le problème de toute
réglementation dans le domaine de la propriété intellectuelle ?
De ce point de vue, le système bolivien de la protection
du folklore doit être indiqué comme un modèle. Le pragmatisme du
législateur bolivien consiste à avoir voulu intéresser la popula-
tion à la sauvegarde du folklore musical: un titre, le certificat
d'inscription, est délivré à ceux qui y contribuent; ce titre leur
donne droit, pendant vingt ans à partager avec l'Etat, les redevances
issues de l'exploitation du folklore.
En outre, l'étude de la protection de l'artiste tradition-
nel et du collecteur a montré combien il est important d'assurer à
1
ces derniers une juste rémunération pour leur contribution à la
sauvegarde du folklore. Leurs droits ne doivent nullement être per-
çus comme des aspirations incompatibles avec la protection du fvlklo-
re ; leur protection s'analyse en effet comme un complément indispen-
sable à celle du folklore.
Quant à la protection internationale du folklore, l'idéa-
le serait que le Projet de Traité en chantier dans ce domaine soit
un succès. Pour qu'il en soit ainsi pourt&nt, il faut que la commu-
nauté internationale réussisse à élaborer un statut juridique du
folklore applicable quel que soit le pays. Cette tâche se révèle
très difficile dans l'immédiat, compte tenu de l'état de la réflex-
ion théorique sur la protection du folklore et surtout, compte tenu
du fait que cette protection ne semble pas intéresser toute la
communauté internationale.

522 -
Pour l'instant, les pays en voie de développement
devraient en premier lieu mettre l'accent sur l'instauration de
législations nationales. Ils pourraient en second lieu miser sur
la Convention de Rome dont nous avons montré qu'elle pourrait
assurer une protection de l'artiste traditionnel et du collecteur.
Il leur appartiendra après de répercuter cette protection sur le
plan national. Le folklore jouirait ainsi sur le plan national
d'une protection complè~e
; sur le plan international, la protec-
tion indirecte des droits voisins, faute d'une protection interna-
tionale, servirait de complément à la protection directe interne.
=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=

LISTE
DES DOCUMENTS ANNEXES.
Extraits des législations suivantes :
-------------------------------------
Annexe l
La loi type de Tlmis, 1976.
Annexe II
Annexe VII des Accords O.A.P.I. 1977.
Annexe III:
Loi tunisienne du 14 février 1966.
Annexe IV
Loi marocaine du 22 juillet 1970.
Annexe V
Loi sénégalaise du 4 décembre 1973.
Annexe VI
Ordonnance algérienne du 3 décembre 1973.
Annexe VII:
Loi ivoirienne du 28 juillet 1978.
Annexe VIII
Ordonnance burkinabè du 29 septembre 1983.
Textes entiers des législations suivantes
Annexes IX
Textes du Décrêt Suprême bolivien du 19 juin
1968 et son Règlement d'application.
CA défaut d'une traduction officielle de ces
textes en français, nous sommes désolé de
présenter au lecteur leur version espagnole.)
Annexe X
Les Dispositions types de législation nationa-
le
pour la protection des "expressions du
folklore" contre leur exploitation illicite
et autres actions dommageables. Ce texte est
accompagné d'un commentaire.
Annexe XI
Projet de Traité pour la protection des "expres-
sions du folklore" contre leur exploitation illi-
cite et autres actions dommageables. Le texte est
accompagné d'un commentaire.
X
X
X
X

ANNEXES

LISTE
DES DOCUMEN'l'S ANNEXES.
Annexe l
La loi type de Tunis, 1976.
Armexe II
Armexe VII des Accords O.A.P.I. 1977.
Annexe III:
Loi tunisierme du 14 février 1966.
Annexe IV
Loi marocaine du 22 juillet 1970.
Armexe V
Loi sénégalaise du 4 décembre 1973.
Annexe VI
Ordormance algérienne du 3 décembre 1973.
Armexe VII:
Loi ivoirierme du 28 juillet 1978.
Annexe VIII
Ordormance burkinabè du 29 septembre 1983.
Textes entiers des législations suivantes.
------------------------------------------
Armexes IX
Textes du Décrêt Suprême bolivien du 19 juin
1968 et son Règlement d'application.
(A défaut dVune traduction officielle de ces
textes en français, nous sommes désolé de
présenter au lecteur leur version espagnole.)
Arme..:e X
Les Dispositions types de législation nationa-
le
pour la protection des "expressions du
folklore" contre leur exploitation illicite
et autres actions dommageables. Ce texte est
accompagné dVun commentaire.
Armexe XI
Projet de Traité pour la protection des "expres-
sions du folklore" contre leur exploitation illi-
cite et autres actions dommageables, Le texte est
accompagné d'un commentaire.

ANNEXE l

LOI TYPE DE TUNIS
SUR LE DROIT D'AUTEUR
à l'usage des pays en voie de développement
(EX'l'RAITS
: AH'l'1eLES
1, 2, 4, 5, 6, 15, 16, 17,
18. )
1976

Publié par:
Organisation des
Organisation
Nations Unies pour
Mondiale de la
l'éducation, la science
Propriété Intellectuelle
et la culture
(OMPI) Genève
(Unesco) Paris
© Unesco, OMPI 1976
I~~--~------------
-PUIJ-L-I~:·:rONOMrI - -,
1
PUlJLlCATION Uncsco
i
ISBN 92-)-2JI46J-7
NoBI2(F)
1

ARTICLE PREMIER
Oellvres protégées
J) Les auteurs d'œuvres lilt~raires, IIrlislï'lues et
scientifiques originales ont qualité pour bénéficier de
la protection de leurs œuvres conformément aux dis·
positions de la présente loi,
2) Les œUvres littéraires, artistiques et scientifi·
qnes comprennent notamment:
i) les livres, brochures et autres écrits;
ii) les conférences, allocutions, sermons et autres
œUvres de même nature;
iii) les œUvres dramatiques et dramatico-musicalesj
iv) les œuvres musicales, qu'elles aient ou non une
forme écrite et qu'elles soient ou non accompa-
gnées de paroles;
v) les œuvres chorégraphiques et les pantomimes;
vi) les œuvres cinématographiques, radiophoniques
et audio-visuelles;
vii) les œuvres de dessin, de peinture, d'architec-
ture, de sculpture, de gravure, de lithographie et
de tapisserie;
viii) les
œuvres
photographiques,
y
compris
les
œuvres exprimées par un procédé analogue à la
photographie;
ix) les œuvres des arts appliqués, qu'il s'agisse
d'œuvres artisanales ou d'œuvres produites scion
des procédés industriels;
x) les illustrations, les caries géographiques, les
plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à
la géographie, à la topographie, à l'architecture
ou aux sciences.

Texte
3) La protection des œuvres appartenant au folk-
lore national est réglementée par l'article 6.
4) Les œuvres sont protégées indépendamment
de leur valeur ou de leur destination.
5) La protection prévue à l'alinéa 1) n'est assu-
jettie à aucune formalité.
[Sbls) Les œuvres littéraires, artistiques et scienti-
tingues, exception faite du folklore, ne sont protégées
que dans la mesure où elles sont fixées sur un support
matérieJ.)

ARTICLE 2
OCllvrcs dérivécs
1) Sont également protégées comme des œuvres
originales:
i) les traductions, adaptations, arrangements de
musique ct autres transformations d'une œuvre
littéraire, artistique ou scientifique;
ii) les recueils d'œuvres littéraires, artistiques ou
scientifiques tels que les encyclopédies et les
anthologies qui, par le choix ou la disposition
des matières, constituent des créations intellec-
tuelles; et
iii) les œuvres inspirées du folklore national.
2) La protection dont bénéficient les œuvres
mentionnées à l'alinéa 1) ne porte en aucun cas pré-
judice à celle afférente aux œuvres préexistantes uti-
lisées.
ARTICLE 4
Droits patrimoniaux
Sous réserve des dispositions des articles 6 à 10,
l'auteur d'une œuvre protégée a le droit exclusif d'ac-
complir ou d'autoriser que soit accompli l'un quel-
conque des actes suivants [portant sur la totalité de
l'œuvre ou sur une partie substantielle de celle-ci]:
i) reproduire l'œuvre;
ii) faire une traduction, une adaptation, un ar-
rangement, ou toute autre trausformation de
l'œuvre;
iii) communiquer l'œuvre au public par représen-
tation, exécution ou radiodi[[usion.

Texte
;\\IU1CLE 5
Droits moraC/x
1) L'auteur a le droit:
i) de revendiquer la paternité de son œuvre ct, en
particulier, que son nom soit indiqué lors de
l'accomplissement de l'un des actes mentionnés
à l'article 4, sauE lorsque l'œnvre est incidem-
ment on accidentellement inclnse dans des re-
portages d'événements d'actualité par radio-
difEusion;
ii) de s'opposer 11 tonte déEormation, mntilation
ou autre modification de cette œnvre ct 11 tonte
autre atteinte à la même œuvre, lorsque de tels
actes pourraient être ou sont préjndidahles 11
son honnenr on 11 sa réputation, ct de demander
réparation de cenx-ci.
2) Les droits mentionnés 11 l'alinéa 1) sont per-
pétuels, inaliénables ct imprescriptibles.
[2b!') Les droits mentionnés à l'alinéa 1) durent
la "ie de l'auteur ct [50J [25] ans après sa mort. Après
fa mort de l'auteur, ces droits sont exercés par ses
héritiers.
3) Les droits mentionnés 11 l'alinéa 1) peuvent
être exercés même lorsque l'auteur ou ses héritiers ne
sont pas titnlaires des droits mentionnés 11 l'article 4,
4) Les droits mentionnés 11 l'alinéa 1) ne sont pas
("(.'ssibles. ]

Texte
ARTICLE 6
Oeuvres du folklore national
1) En ce qui concerne les œuvres du folklore na-
tional, les droits visés aux articles 4 et 5, alinéa 1),
sont exercés par l'autorité compétente définie à l'arti·
cle 18.
[1bis) L'alinéa 1) n'est pas applicable lorsque les
œuvres du folklore national sont utilisées par une
entité de droit public, à des fins non lucratives.]
2) Les œuvres du folklore national sont protégées
par tous les moyens conformément aux dispositions de
l'alinéa 1), sans limitation de temps.
3) Les exemplaires des œnvres du folklore natio-
nal, de même que les exemplaires des traductions,
adaptations, arrangements et autres transformations
!lesdites œuvres, fabriqués à l'étranger sans l'autorisa·
tion de l'autorité compétente, ne peuvent être ni im-
portés ni distribués.

Tcxfc
ARTICLE 15
A tlein/es el sanctions
1) QllicOIll)IIC porlc :llfcillic il l'lin '1',e1col'I"C
dcs droits protégés par la préscntc loi
i) scra contraint par Ic tribunal dc mcttre fin à
unC tclle attcintc,
ii) scra passiblc dc dommagcs ct intérêts,
iii) scra en outrc passible, si l'attcinte est inten-
tionncllc, d'unc amcndc nc dépassant pas .••
ou d'un emprisonncment nC dépassant pas ••.
mois, ou dc ccs dcux pcincs, étant cntendu qu'en
cas de récidivc ces sommcs ou ces périodes ou
les deux l'cuvent être doublécs.
2) Toutc attcintc à l'un 'Iuclconquc dc ccs droits
qui cst considéréc commc uuc violation du patri-
moinc national pcut être réprimée par tous moycns
légitimcs.
3) Lcs cxcmplaircs contrefaits, Ics rcccttcs pro-
vcnant dcs actcs 'lui constitucut unc attcintc à ccs
droits :linsi '1"C tllllt Ic matériel 'l',i a été IItilisé p"ur
portcr ccttc attcintc pourront l'trc saisis.
4) La prcuvc matéricllc dcs atteinles à l'un qucl-
conque dc ccs droits pcut résultcr soit dcs procès-ver-
baux des oHiciers ou agcnts dc policc judiciairc soit
des coustatations des agcnts asscrmcntés dc l'organi-
sation d'autcurs.
ARTICLE 16
Champ d'application de la loi
1) La préscntc loi cst applicablc:
i) allx œl" rcs IleS rcssortissants dn pays ou aux
œuvrcs dcs pcrsonncs ayant lcur résidcncc Imbi-
tu clic dans Ic pays ct
ii) aux
œuncs publiées pour la prcmièrc fois
dans Ic pays, qucllc quc soit la nationalité ou la
résidcncc dc Icurs autcurs.
2) [Variantc Xl La préscnte loi cst applicable en
outrc à toutes Ics œUt {CS qui doivent être protégées
~ vcrtu dc convcntions auxquelles le pays est partie
ainsi qu'aux œuvres du folklore nation.!!.
(Variantc Y] (Sous réservc dcs articlcs A6 et
[lt>]. En outre, la présente loi est applicable:

Tex(r
i) aux œuvres des ressortissants des pays 011 aux
œuvres des personnes ayant leur résidence habi-
tuelle dans les pays;
ii) aux œnnes publiées pour la première fois dans
les pays;
Hi) aux œuvres des organisations; ct
iv) aux œuvres du folklore national des pays
dont les noms, tant en ce qlli concerne les pays qu'en
cc qui concerne les organisations, seront indiqués
.. ~ans des règlements promulgués à cet effet par le
&ouvernement.
3) Les dispositions de la présente loi s'appliquent
aux œuvres qui ont été créées ou publiées à partir de
la date d'entrée en vigueur de la présente loi. [Sont
é~alelllent proté~ées les œlllTes créées ou publiées
antéricurcmcnt, à la condition qu'elles le soient tians
Ics délais prévus à l'article 13.]
ARTICLE 17
Domaine public payant
L'usager paiera à l'autorité compétente un pour-
centage de .. . 010 du total des rccettes prol'enant tic
l'exploitation des œuvres du domaine public ou de
leurs adaptations, y compris les œunes du folklore
national. Les sommes perçues à cc titre seront uti-
lisées aux fins suÏl'antes:
i) promouvoir les institutions étabLies au bénéfice
des auteurs [ct des artistes interprètes ou exé-
cutants] telles que les sociétés d'auteurs, des
coopératives, des mutuelles ct aulres établisse-
ments analogues;
ii) protéger ct diffuscr le folklorc national.
ARTICLE ]ti
Définitions
Aux fins de la présente loi:
i) « œuvre publiée" s'entend d'nne œuvre étlitée
avec le consentemcnt tic son auteur, quel que
soit le mode de fabrication des exemplaires,
pourvu que la mise à la disposition de ces
derniers ait été teUe qu'eUe satisfasse les be-
soins raisonnables du public, compte tenu de la
nature de l'œuvre;
ii) « œuvre publiée pour la première fois" s'en-
tend d'une œuvre dont la première publication
a cu lien dans le pays, 011 d'une œuvre dont

Texte
la prenuere publication a cu lieu à l'étranger
mais dont la publication dans le pays est inter-
venue daus les trente jours de cetle publication
antérieure (publication dite simultanée);
iii) « œuvre
de
collaboration»
s'entend
d'une
œuvre créée grâce à la collaboration de deux
ou plusieurs auteurs ct dans laquelle les contri-
butions individuelles sont indissociables les unes
des autres;
il') « folklore» s'entend de l'ensemble des œuvres
iittéraires, artistiques ct scientifiques créées sur
le territoire national par des auteurs présumés
ressortissants de ces pays ou des communautés
ethniques, transmises de génération en généra.
tion et constituant l'un des éléments fonda-
~entaux du patrimoine culturel traditionnel;
v) « communication au public» s'entend d'un acte
par leqnel une œuvre est rendne accessible au
pnhlic;
vi) « représentation ou exécntion» s'entend de la
représentation, de l'exécution on de la récitation
publiques d'nne Œnvre par tons moyens;
vii) « radiodiffusiou" s'eutend de la diffusion de
sons ou d'images ct de sons, par le moyen des
ondes radioélectriques ou par fil, aux fins de
réception par le public en général;
viii) « reproduction» s'entend de la confection d'nn
ou de plusieurs exemplaires d'une œm're litlé-
raire, artistique ou scientifique sous n'importe
(]uelle forme matérielle, y compris tout enregis-
trement sonore ou visuel;
ix) « autorité compétente» s'entend d'un on de
plusieurs organes,
dont
chacun se
compose
d'nne ou de plusieurs personnes désignées par
le gouvernement ponr exercer les pouvoirs qni
lui sont atlribnés par les dispositions de la pré-
sente loi cha(lue fois qn'une qnestion (Inel-
conque doit être réglée par nne telle antorité.

ANNEXE II

Annexe VII
Du droit d'auteur et du patrimoine culturel
Ar/icle premier
v) les œuvres picturales et les dessins, litho-
graphies, gravures à l'eau forte ou sur bois
Le régime commun prévu par la présente annexe
et autres du même genre;
couvre:
vi) les sculptures, bas-reliefs et mosaïques de
l) la protection du droit d'auteur;
toutes sortes;
2) la protection et la promotion du patrimoine
vii) les œuvres d'architecture, aussi bien les
culturel.
dessins et maquettes que la construction
elle-même;
viii) les tapisseries et les objets crèés par les
métiers artistiques et les arts appliqués,
TITRE 1
aussi
bien les croquis ou modèles que
Du droit d'auteur
l'œuvre elle-même, qu'il s'agisse d'œuvres
artisanales ou d 'œuvres produites selon des
CHAPITRE PREMIER
procédés industriels;
De la protection du droit d'auteur
ix) les cartes ainsi que les dessins et repro-
ductions graphiques et plastiques de nature
scientifique ou technique;
Ar/icle 2
x) les
œuvres
cinématographiques,
radio-
1) L'auteur de toute œuvre originale de l'esprit,
phoniques et audiovisuelles;
lilléraire, artistique ou scientifique, jouit sur celte
xi) les œuvres photographiques à caractère
œuvre du seul fait de sa création, d'un droit de pro-
artistique
ou
documentaire,
auxquelles
priété incorporelle, exclusif et opposable à IOUS. Ce
sont assimilées aux fins de la présente
droit comporte des altributs d'ordre intellectuel et
annexe les œuvres exprimèes par un pro-
moral ainsi que des altributs d'ordre patrimonial, qui
cédé analogue à la photographie;
sont déterminés par la présente annexe.
xii) les traductions et arrangements ou adapta-
2) L'existence ou la conclusion d'un contrat de
tions des œuvres susmentionnées;
louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une œuvre
xiii) le folklore et les œuvres inspirées du folk-
de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance
lore,
sous
réserve
des
dispositions
du
du droit reconnu par l'alinêa premier ci-dessus.
titre Il relatives à la protection du patri-
3) Sont notamment considérées comme œuvres
moine culturel;
de l'esprit au sens de la prêsente annexe:
4) Le titre d'une œuvre est protégé comme l'œuvre
i) les livres, brochures et autres écrits;
elle-même dès lors qu'il présente un caractère original.
ii) les conférences, allocutions, sermons et
Nul ne peut, même si l'œuvre n'est plus protégée,
autres œuvres de même nature;
utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même
genre si celle utilisation est susceptible de provoquer
iii) les œuvres créées pour la scène, aussi bien
une confusion dans l'esprit du public.
dramatiques et dramatico-musicales que
chorégraphiques ct pantomimiques, dont
5) La protection ne s'applique pas:
la mise en scène est fixée par écrit ou
i) aux lois, aux décisions judiciaires et des
autrement;
organes administratifs,
ainsi
qu'aux
tra-
iv) les œuvres musicales, qu'elles aient ou non
ductions officielles de ces textes et
une forme ècrite ct qu'elles soient ou non
ii) aux
nouvelles
du
jour
publiées,
radio-
accompagnées de paroles;
diffusées ou communiquées en public.

Amcle 8
1) L~ (oillor~ arpanienl j litre origin~lrc au ratri,
moin~ national
2) Sans rré!uJic~ des dlsrositions de l'article 46
ci·arr~s, on entend rar (oillore, au. fins du présent
litre l, l'ensemble deI producllons lilléralres, artis,
tiques ou sClenufiques créées par les communautés
nationales ethnlqyes dei EtaiS membres, qUI sont trans'
mises de g:'nérallon ~n rénéralJon et constiruent l'un
des élémenls (ondamentau. du patrimoine culturel
africain.
)) • Œuvre
Inspirée
du
folklore Il
s'entend
de
toute (%Ouvre composée à l'aide d'éléments empruntés
JU patrimoIne culturel traditionnel afriC'ain.
4) L'adaptation du folklore ou l'utilisation d'élé.
ments empruntés au folklore doit être déclarée à
l'organisme prévu à l'article 44 ci-aprés,
5) Le produit des redevances provenant de l'exploi-
tation des œuvres visées par le présent article est
C'Onsacré à des fins culturelles et sociales. Les condi-
tions de répartition de ces redevances sont détermi-
nées dans un
règlement promulgué par l'autorité
nationale compétente.
An/cie 35
Le droit d'auteur s'éteint à "expiration
d'une
période de cinquante ans à compter de la fin qe l'annce
au L'Ours de laqueile l'œuvre a étè licitement rendue
accessible au pu bile:
il dans le cas ou le droit d'auteur appartIent
j
titre originaire a une personne morale.
C\\ceplion faite du drOit de J'Etat sur le
folklore qUI est imprescriptible:
ii) dans le cas d'œuvres anonymes ou pseudo-
nymes,
aussI
longtemps que l'auteur de
l'œuvre reste inconnu:
Iii) dans le cas d'œuvres posthumes,

Article 36
l} A I"nptrallon des periodes de protection visées
JUX Jrllcb 34 et 35 ci-oessus pendant lesquelles un
droit nclusif et reconnu appartient aU~ auteurs, à
leurs hérttier, ou ayants drOtt, j'e"ploitalion des œuvres
folklOriques ou des' œuvres tombées dans le domaine
public est subordonnée il la condition que l'e~ploitant
souscrive l'engagement de payer à l'autorité nationale
compétente ulle redevance calculée sur le produit brut
de l'cxploltatlon.
2) Celle redevance sera égale à la moitié du taux
des rctributions habituellement allouées d'aprés les
contraI, ou usages en vigueur au~ auteurs des œuvres
protégées,
3) Le produ" des redevances amsi perçues en
vertu du présent article est consacré à des fins sociales
ou culturelles.
Article 311
1) Toute édition, reproduction, représentation ou
diffUSIon. par quelque moyen que ce soit, ou l'im-
portation
sur
le
territoire
nalional
d'une
œuvre
protégée par la présente anne~e en violation des droils
de l'auteur, constitue le délit de contrefaçon prévu et
réprimé par les dispositions du Code penal nalional.
2) L'e~ploltant d'une œuvre folklorique ou d'une
œuvre tombée dans le domaine public qui omet de
faire la déclaration préalable à l'autorité nationale
est puni d'une amende dont le minimum sera fi~é par
ladite autorité et qui pourra être portée. le cas échéant,
au double des redevances non encore versées,

Article 39
J) A la requête de LOut auteur d'une œuvft: pro-
tégée par la présente annexe, de ses ayants droit, du
Bureau national du droit d'auteur ou de la Société
nationale d'auteurs et compositeurs, le juge d'instruc-
tIon compétent connaissant de la contrefaçon ou le
président du tribunal compétent peut, dans tous les
cas, y compris lorsque les droits d'auteur sont menacés
de violation imminente, ordonner, moyennant caution
s'il y a lieu, la saisie, en tous lieux et même en dehors
des heures prévues par le Code national de procédure
civile, des exemplaires fabriqués
ou
en
cours de
fabrication d'une œuvft: illicitement reproduite, des
exemplaires illicitement utilisés et des recettes pro-
venant de la contrefaçon d'une œuvre protégée; il peut
également ordonner la suspension de toute fabrica-
tion, représentation ou exécution publique en cours
ou annoncée constituant une contrefaçon ou un acte
préparatoire à une contrefaçon.
2) Les dispositions de l'alinéa précédent sont égale·
ment applicables dans le cas d'exploitation non auto-
risée, d'une œuvre folklorique ou d'une œuvre tombée
dans le domaine public.

ANNEXE III

Législation
LÉGISLA TION
NATIONALE
TUNISIE
Loi
nO 66·12 du 14 fé.rier
1966
reloti.e
à
10
propriété
littéroire
et
ortistique
Au nom du Peuple,
Nous,
Habib Bourguiba,
Président de la Républ,qlJe Tunisienne.
L'Assemblée Nationale ayant adopté,
Promulguons la loi dont la teneur suit
CHAPITRE
Objet,
étendue
et
bénéficiaires
du
droit
d'auteur
Article premier. -
Le droit d'auteur porte
A.
-
Sur toutes
œuvres
originales.
littéraires.
~,r.ientiflques ou artistlques
quels qu'en soient la valeur, la destinatIon, le mode ou la forme d'expression
telles que :
10 les livres, brochures et lutres ecrits littéraires, scientifiques ou artistiques
2° les conférences;
3° les œuvres creees pour la scene ou pour la radiodiffusIon (sonore ou 'VI·
suelle).
aussi
bien
dramatique
et
dramatico·musicales
que-
chorégraphiques
et panlomimiques;
4° les- compositions music;:Iles avec ou sans paroles;
50 les
œuvres
exécutees
en
peinture,
dessin,
lithographie,
gravure
il l'eau
forte ou sur bois, et autres œuvres du même genre;
6° les sculptures de toutes sortes;
7° les œuvres d'architecture, aussi bien les dessins,
les modèles et les ma·
quettes que la construction elle·même:
8° les tapisseries et les objets
créés par les
métiers artistiques et les .1rts
appliqués, aussi bien les croquis ou modèles que l'œuvre elle-même;
go les cartes, ainsi que les dpssins et les reproductions graphiques et p/.1S1 1
ques de nature scientifique ou artistique;
lDo les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées, aux fins de III
présente loi,
les œuvres exprimées par un procédé produisant des effels
visuels analogues à ceux de la cinématographie:
11 0 ies
œuvres
photographiques
auxquelles
sont
assimilées,
aux
fins
de la
presente loi,
les œUvres expr imées par un procédé analogue à la photo·
graphie:
12° les traductions et arrangements ou adaptations des œuvres susmentionnées
13° les œuvres înspirées du folklore.
B, -
Sur le titre de l'œuvre.

Art. 6, -
, D le folklol"e fJlt partIe du patrimoine national;
2D
exception
faite
pOUl
les
pcrsonnt's
momlos
publiques
nationales,
la
i'J.alion directe ou indirecte de ce folklorE" en v/Je de son exploitation lucrative,
r~cessite une autorisation du départemen~ chéirgé des Affaires Culturelles qui
:~ul exiger pour cette fixation, un droit de redevance dans des conditions qui
!eront déterminées par décret:
3° la cession totale ou partielle du drOIt d'auteur sur une œuvre inspirée
":J folklore,
ou la licence exclusive portant sur une telle
œuvre, n'est valable
ll,.e Si elle a reçu
l'agrèrncnl dll dep::)r ter~lent charge tf.:"s Atfaires Culturel/es
Aux fins de la presente loi est (J/!t? ..
œuvre inspirée du folklore
• toute
œuvre composée il l'aide d'éléments empruntés au patrimoine culturel traditionnel
de la République Tunisienne.

ANNEXE IV

LOI MAROCAINE DU 29 JUILLET 1970.
(Extraits
articles 6 et la)
Article' 6
Sont considérés notamment comme œUvres de l'esprit :
-
Les livres, brochures et autres écrits,
-
Les conférences, allocutions. exégèses religieuses et autres œuvres de
même nature,
-
Les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales,
-
Les œuvres chorégraphiques et les pantomimes,
-
Les compositions musicales, avec ou sans paroles,
-
Les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres
exprimées par un procédé produisant des effets analogues à ceux de la ciné-
matographie,
-
Les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gra-
vure, de lithographie,
-
Les œuvres photographiques auxquelles sont assimilées des œuvres ex~
primées par un procédé analogue à la photographie, à la condition que le nom
de l'auteur soit explicitement mentionné.
-
Les tapisseries et les objets créés par les métiers artistiques et les arts
appliqués aussi bien les croquis ou modèles que l'œuvre en soi,
-
Les illustrations, les cartes géographiques, les plans, croquis et ouvrages
plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences,
-
Les œuvres inspirées du folklore,
Article 10
1° Le folklore feit partie du patrimoine national.
2° La fixation (directe ou Indirecte) du folklore en vue de son exploitation
lucrative est subordonnée à l'autorisation préalable de l'organisme prévu à l'ar-
ticle 53 du présent dahir moyennant paiement d'une taxe dont le produit sera
consacré à des fins d'intérêt général ou professionnel dans les conditions qui
seront précisées par arrété du ministre de tutelle.
3° L'utilisation du folklore au cours de manifestations organisées par les
pouvoirs publics est exemptée de l'application du présent dahir.
4° La cession totale ou partielle du droit d'auteur sur une œuvre Inspirée
du folklore, ou la licence exclusive portant sur une telle œuvre, n'est valable que
si elle a reçu l'agrément de l'organisme visé ci-dessus,
5° Le folklore s'entend d'œuvres non publiées dont l'identité de l'auteur est
inconnue mais pour lesquelles il y a tout lieu de présumer que cet auteur est ou
était un ressortissant marocain.
6° • L'œuvre Inspirée du folklore • s'entend de toute œuvre compo6ée à
l'aide d'éléments empruntés au patrimoine culturel traditionnel marocain,

ANNEXE V

SENEGAL
Loi N° 73-52
RELATIVE A LA PROTECTION
DU DROIT D'AUTEUR
L'Assemblee nationale a delibéré et adopte,
Le President de la Republique promulgue la loi dont la teneur suit:
CHAPITRE PREMIER
OBJET, ETENDUE ET BENEFICIAIRES DU DROIT D'AUTEUR
ARTICLE PREMIER -
L'auteur de toute oeuvre originale de l'esprit
(littéraire, scientifique ou artistique) jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa
creation. d'un droit de propriéte incorporelle. exclusif et opposable ~ tous.
Sont notamment considérés comme oeuvres de l'esprit au sens de la
présente loi:
1° -
les livres, brochures et autres ecrits Iitteraires, scientifiques ou
artistiques;
2 0
-
les conférences. allocutions. sermons. plaidoiries et autres oeuvres
de méme nature;
3° -
Les oeuvres creées pour la scéne ou pour la oolOdiffusx:m (sonore
ou visuelle), aussi bien dramatiques et dramatico·mUSlcales que
choregraphiques et pa(ltomimiques dont la mise en scéne est
fixée par écrit, ou autrement;

les compositions musicales avec ou sans paroles;

les oeuvres picturales et de dessin, lithographiques, gravures ~
l'eau forle Oll sur bois el autres du meme genre;

les sculptures. bas reliefs et mOS<Jlques de toutes sortes;

les oeuvres d'architecture. aussi bien les dessins et les maquettes
que la construction elle-me me ;
8° -
les tapisseries et les ob,ets crées par les métiers artistiques et les
arts appliqués, aussi bien les croquIs ou modeles que l'oeuvre
elle·meme,
go _
les cartes, les illustra lions ainsi que les dessins et les reproductions
graphiques et plastiques de nature scientifique ou artistique.
100
-
les oeuvres cinematographiques, auxquelles sont Dssim.lées DUX
/II1S de la présente 10. celles exprimées par un procédé analogue
;j la cinématographie;
11 ° -
les oeuvres photographiques. il caractére artistique ou documen.
taire auxquelles sont assimilées aux fins de la présente loi, les
ouvres exprimées l'ar un procédé analogue il la pholoyr aphie ;
120
-
les oeuvres derlvées telles que les traductions. arrangements ou
adaptations des oeuvres susmentionnées.
13° -
le folklore et les oeuvres inspirées du' folklore sous réserve des
d,sl'oslt.ons partlculiéres qUI seront définoes dans une loi spéciale
~ur lél protecllon dlJ patrimOine national.

ARTICLE 9 -
Le folklore appartient li titre originaire au patrimoine national.
Aux fins de la présente loi:
10
-
le folklore s'entend de l'ensemble des productions littéraires et
artistiques créées par des auteurs présumés de nationalité sénégalaise,
. transmises de génération en génération et constituant l'un ,des éléments
fondamentaux du patrimoine cullurel traditionnel sénégalaIs;
2 0 -
l'oeuvre inspirée du folklore s'entend de toule oeuvre composée
exclusivement d'éléments empruntés au patrimoine culturellraditionnel sénégalais.
La représentation ou l'exécution publique, la fixation directe ou indirecte
du folklore, en vue d'une exploitation lucrative sont subordonnées li l'autorisation
préalable du Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur (B.S.D.A.), moyennant le
paiement d'une redevance dont le montant sera fixé suivant les conditions en
usage dans chacune des catégories de création considérées,
Les redevances dues li l'occasion de la collecte d'une oeuvre folklorique
sont réparties comme sui! :
10 -
CoUecte eenll errengement ni epport perllonnel
50 % li la personne qui a réalisé la collecte
50 % au Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur (B.S.D.A.)
2 0 -
CoUecte evec lIrrengement ou adaptation
75 % li l'auteur
25 % au Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur (B.S,D,A.)
Les produits de redevances seront gérés par le Bureau Sénégal~is du
Droit d'Auteur (B.S.D.A.) et consacrés tJ des fins cullurelles et sociales au
bénéfice des auteurs.
ARTICLE 45 -
L'exploitation d'une oeuvre folklorique ou du droit de
représentation ou d'exécution d'une oeuvre tombée dans le domaine public qui
omet d'en faire la déclaration préalable au Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur
(B,S.D,A.) est passible d'une amende s'élevant au double du montant des
redevances normalement dues avec un minimum de 5.000 francs,
ARTICLE 47 -
A la requête de tout auteur d'une oeuvre protégée plOr la
présente loi, de ses ayants droit ou du Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur, le
juge 'd'instruction connaissant de la contrefaçon ou le Président du Tribunal
dans tous les cas, y compris lorsque les droits de l'auteur sont menacés de
violation imminente, sera habilité, moyennant caution s'il y a lieu, Il ordonner la
saisie en tous lieux et même en dehors des heures prévues par l'article 381 du
code de procédure civile, des exemplaires fabriqués ou en cours de fabrication
d'une oeuvre illicitement reproduite, des exemplaires illicitement utilisés et des
recettes provenant de toute reproduction, représentation, ou diffusion illicite
d'une oeuvre protégée. Il peut également ordonner la suspension de toule
fabrication, représentation ou exécution publique en cOUrs ou annoncéo,
constituant une contrefaçon ou un acte préparatoire li une contrefaçon.
Les dispositions du présent article sont applicables dans le cas d'exploitation
irrégulière du folklore ou du droit de représentation ou d'exécution d'une
oeuvre tombée dans le domaine public.

ANNEXE VI

(
ALG.ËRlE
Ordo.none • • • 13·14 du 3 avril 1973 r.latln au droit d'auteur (1)
CHAPITRE 1
DES ŒUVRES PROTEGEES
Article 1"'. -
Toute création d'une œuvre de l'esprit, quels qu'en soIent le
genre. le mode et la fonne d'expression, le mérite ou la destination, confère è
90n auteur un droit dit
• droit d'auteur _. défini el protégé conformément BUX
disposilions de la présente ordonnance.
Art. 2. -
Les œuvres sur lesquelles s'exerce la protection ;>ar le droit d'au·
leur, sont:
10 Les livres. brochures et Butres écrits littéraires. scientifiques ou artistiques;
2° Les conférences. allocutions. sermons et autres œuvres de mOrne nature;
30 Les œuvres dramatiques ou dramotlco-muslcales:
4° Les œuvres chorégraphiques et les pantomimes dont la mlso en œuvre est
.fl)l;ce par ecrit ou autrement;
50 Les compositions musicales avec ou sans paroles:
60 Les
œuvres
cinématographiques
ou
obtenues
par
un
procédé
analogue
è
la cinématographie;
70 Les œuvres de dessin, da peinture, d'architecture. de sculpture. de gravure.
de lithographie:
8° Le. œuvre. d'arts appliqué. ;
go Les œuvres
photographiques
auxquelles
sont asslmiliees
les œuvres exprl-
mees par un procédé analogue il la photogr~phle:
1()O Les
Illustrations,
les
cartes
géographiques,
les
plans.
croquis
et
ouvrages
plastiques relatifs à la géographie, à l'architecture ou aux sciences;
110 Les œuvres du folklore et, d'une façon générale, les œuvres faisant partie
du patrimoine culturel traditionnel do l'Algérie.
Art. 3. -
Sont protegees comme des œuvres originales. sans prejudice des
droits de l'auteur de l'œuvre originale, les traductions, adaptations et autres trans·
formations d'une œuvre littéraire, artistique ou scientifique ainsi que les arran-
gements musicaux.
Art. 4. -
Sont également protégé. par le droil dOauteur le. anthologie. ou
recueils d'œuvres diverses qui, par le choix ou la disposition des matières. cons-
tituent des créations Intellectuelles.
Art.
14. -
Lo folklore foit partie du patTlnloine culturel national.
La fixation directe ou indirecle du folklore en vue de son exploitation lucra-
tive. nécessite une autorisation préJlable du ministère de l'information et de la
culturo qui peut exlgor. pour cette hx~llon, le reglement d'une redev,lnce dans des
conditions qui seront déterminces par decret.
La cosslon totale ou partielle du droit d"auteur sur une œuvle insplreo du
folklore ou la licence exclusive portant sur une telle œuvre. n'est valable que si
elle 8 reçu l'agrément du ministére de Iïnformation el de- la culturo,
Aux
fins de la presente ordonnnnce. •
lolklore

8'ontond d'œuvle~ dont
lïdontlte de l'auteur est inconnue, mals pour losquelles il y a tout heu de présumer
que cet auteur est ou était un ressortissant de la République algérienne démocra-
tique et populalra et
• l'œuvre inspiree du folklore
• s'entend de toute œuvre
composée
6 raide
d'éléments
empruntés
au
patrimoine
culturel
traditionnel
do
I"Algérie

ANNEXE VII

COTE D'IVOIRE
Loi n° 78·634, du 28 juillet 1978
portant protection des œuvres de l'esprit 1°1
CHAPITRE"
A. Dea œuvrel protégéea
Art. 5. -
La protection des droits des auteurs a'exerce sur toutes œuvres
originales, quels qu'en soient le genre, la valeur, la destination, le mode ou la forme
d'expression, notamment :
la Lea œuvres écrites (livres, brochures, articles et autres écrits littéraires, artia-
tiquea ou sclentlflquea) :
20 Les œuvres oral as (contes et légendes, conférencas, ellocutions, sermons et
autres œuvres de mêma nature) ;
30 Lea œuvres créées pour la scène ou pour la radiodiffusion (sonore ou visuelle)
aussi bien dramatiques et dramatico-muslceles que chorégrephiqueS et panto-
mimiques:
4° Les compositions musicales avec ou sans paroles;
50 Les œuvres cinématographiques;
60 Les œuvres de deasin, de peintura, de IIthogrephle. de gravure Il l'eau-forte
ou sur bols et Butres du même genre;
70 Les sculptures de toutas aortes;
sa Les œuvras d'architecture, eussl bien les dessins et les maquettes que la
construction elle-mème:
go Les tsplsserles et les objsts créés psr les métiera artistiques et les erts eppll-
qués, eussl bien les croquis ou modèles que l'œuvre alle-mème ;
100 Las cartes, elnal que les desains et les reproductions graphiques, plestiques,
de nature scientifique ou technique:
110 Les œuvres photographiques Il csractère artistique ou documentelre. euxquelles
sont esslmllées, eux fins da la présente loi, les œuvree exprimées par un
procédé analogue Il le photographie;
120 Les œuvres du folkl0<'8.
Art. 6. -
Sont protégées comme des œuvres origlneles, sena préJudicE< des
droite de l'auteur de l'œuvre originale :
la Les
traductlona,
adaptations,
errangementa
d'œuvrea
IIttéralree,
musicales,
artistiques ou aclentlfiquea;
20 Les recueils d'œuvres littéraires ou ertistlquea tela que les encyclopédlea ou
enthologles, qui, par le choix ou la disposition des matières, conatltuant des
créations Intellectuelles:
30 Les œuvres Inspirées du folklor,.'
Art. 7. -
Le folklore appartlent Il titre originaire eu patrimoine netlonal.
Aux fins de le présente loi. :
-
Le folklore a'entend de l'ensemble des productlona littéraires et artletlques,
tranamlsea de génération en génération, taisant partie du patrimoine culturel
tradltlonnal tvolnen dont l'identité de l'auteur est Inconnue, mals pour
leequallas Il y a tout lieu de présumer que cet auteur eat un ressorU88ant
de COte d'Ivoire;
-
L'œuvre Inspirée du folklore a'entend de toute œuvre composée il partir
d'élémente empruntés eu patrimoine culturel traditionnel ivolnen ;
-
Le droit d'exploltetlon aur le folklore est edmlnlstré par l'organisme d'e!Jteure
visé Il l'article 60. L'exécution publique et la reproduction du folklore en vue
d'une exploltaUon lucrative nécessitent une eutorlsatlon de cet organlame.

Cette Butor\\satlon est accordée moyennant paiement d'une redevance dont
le produit eera coneacré à dee fine culturelles et socla'ee au profit des
Buteurs lvolriens.
Le montant de cette redevance est fixé en fonction des conditiona en usage
pour lae œuvrea protégées de même catégorie,
Art. 9, -
Aux fin a de la préaente 101 :
• Œuvre originale. a'entend d'una œuvra qui, dana ses élémants carsctér/a·
tiquea et dana ea forme, ou dana aa fonne aeulement, permet d'indlvidualieer 80n
Buteur:
• Œuvre Inspirée. e'entend d'une œuvre fondée eur des élémenta préexistants:
• Œuvre da colleboretlon. a'enlend d'une œuvre donl le réaliaallon est la9ue
du concourB de deux ou plu8ieur~ auteurs. que ce concours puisse être Individualisé
ou non;
• Œuvre compoalte. a'entend d'une œuvre nouvalle Il laquelle eal Incorporée
une œuvre préexiatllnle, I8na la collaboration de l'aulaur de cetta demléra :
• Œuvre collactlva • s'enlend d'una œuvre créée aur l'inllistlve d'uns psraonns
physique ou morele qui "édlls, la publie et la dlvulgus sou. sa direction et son nom,
el dana laquelle le contribution de. divera auteulll particlpenl à aon élaboretlon
ae fond dene l'enaamble en vue duquel elle eat conçue, aana qu'il 8011 po.slble
d'allrlbuer Il chacun d'eux un droll distinct aur l'enaemble réalleé ;
• Œuvre poalhuma· a'enlend d'une œuvre rendue accasslble eu public eprèa
le décès de l'euleur,
CHAPrmE VI
PROCEDURES ET SANCnONS
Art. 61. -
L'orgsnleme profeselonne! d'euteurs 8 qualité pour eeter en lusUce
pour le défense des Intérêts dont Il e le charge,
Art. 62. -
Toute atteinte Il l'un quelconque dee droite moraux el pstr1monlaux
déflnle per le prèsente 101 eel punie conformément aux dlsposltlone des articles 4,25
et suivante du Code Pénal,
Art. 63. -
A Is requête de tout auteur d'une œuvre protégée par la préaenle
loi, da eae ayenle droit ou de l'orgenism. prole.alonnol d'auteura vleé Il l'article 50,
les Commisse Ires de police ou lea Offlclara de gendarmrla sont tenua da aalslr lee
exemplaires constituant una reproduclion IIl1clla da celta œuvre; ls PrésidanI du
Tribunal de première tnetence ou de ees eecUons détachéss pourra ordonner,
mç-ysnnanl caution, s'II y s IIsu :
-
la salele an tous lieux, el mêms en dohol'1l dee heurea prévua8 par le Code
da Procédura civils, dae exemplalras fabrlquéa, ou en COUI'1l da labncallon,
d'une œuvrs IlIlcltament reprodulta;
-
la 88181e des recettes provenant de toute reproduction ou communication
publiqus effectuéa illicitement:
la eus pension de toute fobrlc<ltlon,
représentation ou exécution publique,
en CourS ou annoncée, conatltuant une contrefaçon ou un acte prépal ~loire
à une contrefaçon;
-
toutes autrea mesures Jugées nécessaires.
Lee dispositions cl·dessus sont applicables dans le css d'exploitation non auto,
r,sée du folklore ou d'une œuvre tombée dans le dom<line public.
Art, 71. -
Est, puni dea peInes prévues pour les contraventions de trO!slème
classe 1exploitant d une œuvre folklorique ou d'une œuvre tombée dans le d0m~lno
p~bllc qui e omis ds es munir de l'autorlsallon préaleble de l'organieme professionnel
douteurs,

ANNEXE VIII

HAUTE-VOLTA
SOI\\II\\Ii\\IRE
Ordonnance porlant protection du droit d'auteur (N° 83-16 CNR. PRES, du
29 septemhre 1983), lelle que rectifiée par l'ordonnance N° 84-12 CNR.
PRES, du 29 fé.rier 1984
(Texte HII)
Art. 9.- Sont également protégés le rolklore et
les oeuvres inspirées du rolklore national.
Art. lO.-Aux fins de la présente ordonnance:
a) le rolklore s'entend de l'ensemble des produc-
tions littéraires et artistiques créées sur le ter-
ritoire national par des communautés ethni-
ques nationales, transmises de générations en
générations et qui constituent l'un des élé-
ments rondamentaux du patrimoine culturcl
traditionnel de la Haute-Yolta;
b) l'oeuvre inspirée du rolklore s'entend de toute
oeuvre composée d'éléments empruntés au
patrimoine
culturel
traditionnel
de
la
Haute-Yolta;
c) l'adaptation du rolklore ou l'utilisation de ses
éléments doit être déclarée à l'organisme pro-
ressionnel d'auteurs visé par la présente or-
donnance et chargé de l'administration du
droit d'exploitation sur le rolklore;
d) l'exécution publique et la reproduction du rol-
klore en vue d'une exploitation lucrative né-
cessitent
l'autorisation
de
l'organisme
sus-visé;
e) cette autorisation est acquise moyennant le
paiement d'une redevance dont le produit sera
versé au ronds national de promotion cultu-
relle prévu à l'article 5. Le montant de la rede-
vance scra lixé en ronction des conditions en
usage pour les oeuvres protégées de même
catégorie;
.0 la protection du rolklore est assurée sans limi-
tation de temps;
g) les
exemplaires d'oeuvres du
rolklore de
même que les exemplaires des traductions,
adaptations, arrangements ct autres transror-
mations desdites oeuvres, rabriqués à l'étran-
ger sans autorisation conrormément aux dis-
positions de la présente ordonnance, ne peu-
vent être ni importés, ni distribués.

Art. 93.- Toute alteinte à l'un quelconque des
droils moraux cl patrirlloniaux dclinis par la pré-
sen te ordonnance est punie conformément aux dis-
positions du Code pénal.
Art. 94.- A la requêtc de tout auteur d'une oeu-
vre protégée par la présente ordonnance, de ses
ayants droit ou de l'organisme professionnel d'au-
leurs visé ù l'article 88 les huissiers. les commissai-
res de police. les ofliciers de gendarmerie ou tout
autre agent habilité à procéder à des saisies sont
tenus de saisir les exemplaires constituant une re-
production illicite de celle oeuvre. Le président du
tribunal de première instance ou de ses sections
dètachées pourra ordonner, moyennant caution, s'il
ya lieu:
-la saisie en tous lieux, ct même en dehors des
heures prévues par le Code de procédure civile,
des exemplaires fabriqués ou en cours de fabrica-
tion. d'une oeuvre illicitement reproduite, ainsi
que le matériel utilisé à cet effet:
- l a saisie des recelles provenant de toute repro-
duction ou communication publique effectuée il-
1ici temen t:
-la suspension de taule fabrication. représentation
ou exécution publique en cours ou annoncées,
constituant une contrefaçon ou un acte prépara-
toire à une contrefaçon:
-toutes autres mesures jugées nécessaires.
Les dispositions ci--<lessus sont applicables dans
le cas d'exploitation non autorisée du folklore ou
d'une oeuvre tombée dans le domaine public.
Art. /02.- Est puni des pcines prévues pour les
contraventions de 3' classe l'exploitant d'une oeuvre
folklorique ou d'une ocuvre tombée dans le do-
maine public qui a omis de sc munir de l'autorisa-
tion préalable de l'organisme professionnel d'au-
teurs.

ANNEXE IX

ANEXO
Decreto Supremo No. 0839&
General RENE BARRIENTOS ORTUl\\lO
Presidente Constitucional de la Republica
CONSIDERA NDO:
Que es deber deI Estado precautelar, fomentar y resguardar el patrimonio artfstico deI
pafs;
Que la musica folkl6rica, 0 sea aquella que tiene las caracterlsticas de tradicionalidad,
anonimato y popularidad, asf coma la Musica producida en grupos campesinos y "folk" en
general cuyos autores no se identifican y las composiciones de autores fallecidos hace
treinta aiios 0 mas, debe contar con un especial control de Estado para evitar la apropia-
ci6n indebida que hacen de estas expresiones personas ajenas a su creaci6n.
SE DECRETA:
Art.
1 °
Declarase propiedad deI Estado la musica folkl6rica, la producida ac-
tualmente en grupos campesinos y "folk" en general, cuyos autores no
se identifican y la de autores fallecidos hace treinta ai'ios y mas.
Art. 2°
Las composiciones especificadas en el artfculo anterior deben ser ins-
critas
en el Departamento de Folklore deI Ministerio de Educaci6n y
Cultura.
Toda persona 0 instituci6n que contribuya, en calidad de re-
colectora, a dicha inscripci6n, gozara de los beneficios que es-
tablece el Art. 4° deI presente Decreto Supremo.
Ningun funcio-
nario deI Ministerio de Educaci6n y Cultura podra inscribir las
composiciones como persona particular.
Art. 3°
Toda persona, empresa grabadora 0 editora que utilice composlclones
con las caracterfsticas descritas en el presente Decreto Supremo, de-
be depositar la suma correspondiente a los aranceles por Derec:ho de
Autor en·lacuenta "F6rrii'nto·dél Folklore" que ser'" abierta en el Ban-
co Central de Bolivia.
Art. 4°
El Ministerio de Educaci6n y Cultura, otorgara el 40'70 de la recauda-
ci6n indicada en el artlculo 3° a la persona 0 entidad que inscriba la
composici6n en calidad de recolectora.
Art. 5°
La cuenta "Fomento deI Folklore" debera ser administrada y controla-
da por el Ministerio de Educaci6n y Cultura, por el J efe deI Dcparta-
mento de Folklore y por el Interventor de la Contralorfa General de la
Republica.
Estos fondos se destinaran exc1usivamente al fomento, la
preservaci6n y la investigaci6n de la musica folkl6rica boliviana.

Art. 6°
En toda edici6n 0 grabaci6n de m6sica folkl6rica deber:l sefia-
larse el nombre dei recolector y/o dei Departamento de Folk-
lore dei Ministerio de Educaci6n y Cultura.
Art. 7°
Se autoriza al Departamento de Folklore dei Ministerio de Edu-
caci6n y Cultura y al Ministerio Publico a realizar investigacio-
nes sobre anteriores apropiaciones indebidas de la Musica es-
peClhca~,,~en el artlculo 2° asr como a instaurar los juicios a
que hubiera lugar.
Art. 8°
En caso de infracci6n a las disposiciones dei presente Decreto
Supremo, el Departamento de Folklore dei Ministerio de Edu-
caci6n y Cultura decomisadi las ediciones 0 grabaciones rea-
lizadas en forma ilegal y los infractores cancelaran una mul-
ta equivalente al doble dei valor comercial de 10 editado que
se depositarli en la cuenta "Fomento dei Folklore".
/
Art. 9°
Se encomienda al Departamento de Folklore dei Ministerio de
Educaci6n y Cultura elaborar en el término de treinta dras la
Reglamentaci6n dei presente Decreto Supremo.
Los sefiores Ministro de Estado en los Despachos de Educaci6n y Cultura y de Finanzas
que dan encargados de la ejecuci6n y cumplimiento dei presente Decreto.
,
Es dado en el Palacio de Gobierno de la ciudad de La Paz a los diecinueve dras dei mes
de junio de mil novecientos sesenta y ocho' afios.

REGLAMENTO DEL DECRETO
N" 08396
RELATlVO A LA MUSICA ANONlMA DEL FOLKLORE NACIONAL
General RENE BARRIENTOS ORTU!\\JO
Presidente Constitucional de la Republica
Capftulo
De la naturaleza de las melodras que comprende el Decreto.
Art.
La Secci6n de J;:tnomusicologfa deI Ministerio de Educaci6n y Cultura, tendra
tuici6n sobre la Musica Nacional que responda a las siguientes caracterfsticas:
al Musica Folk16rica que esté dentro de las normas de tradiciona-
lidad,. anonimato y popularidad.
l;tartadtctcrn:rrtmru comprende:
el factor tiempo.
Musica compuest~ en el pasado pero aun cultiva-
da en el presente y transmitida en forma empf-
rica de generaci6n en generaci6n.
2 .. El anonimato, sea por ser Besconocido el autor
o autores, 0 por su despersonalizaci6n y su acep-
tacion colectiva.
(Por ejemplo:
Las melodfas re-·
cientemente compuestas en las comunidades indf-
genas y aceptadas en forma genérica por la comu-
nidad que de mmediato las incorpora a su acervo
cOlectivo).
3. ~ ·enflende por populanda.d.,. el hecho de que una
melodfa COn las caracterfsticas anteriores, es
usufructuada por varios miembros de un nucleo
participante de los mismos modulos de cultura,
p
Musica perteneciente al acervo de las comunidades indrgenas sea
tradicional y an6nima 0 bien de creaci6n reciente, pero sujeta a
la despersonalizaci6n uel aUWL
cl Musica de autores que registraron sus Qhrjls hace mas de trein-
ta afios.

Caprtulo Il
De los recopiladores
Art. 2 0
En los libros foliados de Registros de Recolector que lleva la Secci6n Etnomusi-
cologra y Folklore, se inscribiran todas las melodras que.correspondan a la~,ca­
racterrsticas .senaladas en el Art.
1".
Art. 3"
La Secci6n de Etnomusicologra y Folklore, tendra dos libros de registro:
Uno
en el que se inscriban las recolecciones realizadas por funcionarios de es'ta re-
partici6n en trabajos de campo 0 de gabmete V otro de inscnpCl6n de las reco-
pilaciones partlc~liu:u.
Art. 4"
Las personas 0 instituciones que registren en la Secci6n Etnomusicologra y Folk-
lore, melodras 0 composiciones con las caracterrsticas sefialadas y que no hubie-
ran sido inscritas con anterioridad en los Libros de Recolecci6n, seran recono-
cidas como recopiladores mediante un certificado que -previo al tramite especi-
ficado en el'Caprtulo siguiente- les extendera la citada repartici6n, siendo acree-
dores a los beneficios que establece el Art. 4° deI Decreto Supremo No. 08396.
o sea qu~oza_g,,_todoslos derechos de recopilador 0 recolector por el espacio
de veint;' anos contados.__de.s.de la iecha de. difusi6n.
Pasado ese tiempo, se de-
claran dichos'der--e,;h;;~ en su integridad en favor deI Estado.
Art. 5°
No se reconocera derechos de recolector a la Musica de autores que hubiera':'
regisÙado sus obras hace mas de treirita--aftos y que ya hubieran sido publicadas
o graoa-das;
en este casa los dere~hos'--d~ reedici6n corresponderan al Estado y
;'-los editores de acuerdo a un convenio especial.
Art. 6°
Las comunidades que inscriban melodras propias de su lugar, sin identificaci6n
de autor, actuaran coma persona jurrdica por intermedio de sus autoridades res-
pectivas
y adquiriran para dicha comunidad, los beneficios anotados, toda vez
que se utilicen estas melodras en grabaciones 0 ediciones particulares.
Caprtulo III
Del tramite de inscripci6n
Art. 7°
El procedimiento de inscripci6n, es el siguiente:
a) El recopilador adquirira un formulario valorado especial de so-
licitud de inscripci6n en la Secci6n Etnomusicologra y Folklore.
b) Debera llenar el formulario senalado, ~creditandose que la pie-
za a inscribirse pertenece al repertorio tradicional y an6nimo,
bajo exclusiva responsabilidad deI recopilador.
Si aparecieran
autores con posterioridad a la inscripci6n, éstos deberan acre-
ditar su ca_lidad de tales, ante los tribunales ordinarios, quedan-
do la oficina de Etnomusicologra y Folklore, al margen de estos
reclamos.
c) Se acompafiara a la solicitud de inscripci6n, la melodra escrita
(sistoma universal) 0 grabada (no comercial).
En caso de que
los recopiladores estén imposibilitados de presentar la melodra
a inscribir en las formas sefialadas, podran realizar directamen-
te la grabaci6n en la Secci6n de Etnomusicologra.

d) La Secci6n de Etnomusicologfa y Folklore expedir!i el certi-
ficado correspondiente, acreditando el nombre dei recolec-
tor, no responsabilizandose de anteriores inscripciones.
En
caso de dualidad, tendra primacfa la persona que hubiera ins-
cr ito
prime ramcnte.
e) Este certificado de recopilador le hara acreedor a los bene-
ficios econ6micos seftalados en el Art. 4° dei Decreto Supre-
mo N" 08396 siempre que no se presenten terceros en litigio.
f)
Las comunidades indfgenas seguir!in el tramite indicado, en-
viando a sus intérpretes, a la Secci6n Etnomusicolog(a y Folk-
lore para grabar las piezas que deseen inscribir 0 bien soli-
citaran el viaje de un funcionario de esta repartici6n 0 de un
Delegado corresponsal, para registrar en cinta magnetof6nica
las melod(as en cuesti6n.
Una vez que éstas ingresen a los libros de registro, se envia-
r!i por correo a la comunidad, el certificado correspondiente.
g)
Las instituciones 0 personas deI interior que quieran regis-
trar melodfas deI repertorio tradicional y an6nimo, deber!in
solicitar a los Comités Departamentales nombrados por el
Ministerio de Educaci6n y Cultura, el formulario corre spon-
diente, el que una vez llenado, se acompaftara con la melodfa
escrita 0 grabada.
A vuelta de correo se remitira su respec-
tivo certificado, quedando marginada de toda responsabilidad
la Secci6n de Etnomusicologfa y Folklore de anteriores ins-
cripciones de
las mis mas piezas.
Art. 8"
Los recopiladores deberan respetar en su integridad las composlclOnes que de-
seen inscribir, tanto en 10 que Se refiere a la melodfa como a la letra, sin adi-
tamentos ni variaciones personales deI recopilador.
Capftulo IV
Del Empleo de Materiales de Musica Tradicional
Art. 9"
Toda la Musica con las caracterfsticas anotadas en el Art.
1" deI presente re-
glamento,que ingrese a los Archivos Nacionales, podra ser utilizado con fines
de difusi6n, tanto por intérpretes coma por empresas grabadoras 0 editoras,
con sujeci6n al contenido de esta reglamentaci6n.
Art. la" Estos materiales también podran ser utilizad~or compostiores de jerarqu(a
con la finalidad de desarrollar estos motivas, en obras de mayor envergadura
art(stica (sinfonfas, suites, ballets, corales, etc.) sefialando imprescindible-
mente ser elaboraciones "sobre temas folk16ricos bolivianos".
En estos ca-
sos, el Estado cedera sus d"rechos al cpmpositor
Art.
11" Con objeto de conservar fntegra la forma tradicional de las expresiones musi-
cales, que dan prohibidos los llamados "a.rreglos" si no estan previamente au-
torizados por el Comité deI Consejo Nacional de Cultura, que valorara los al-
canees de estas variaciones.

Art. 12' Los productores fonogdificos 0 editores que deseen utilizar materiales perte-
. neCle"ntes a1 repertorio tradicional an6nimo debedin contar con los certificados
co~respondientes de registro de recopilaci6n y llenar el formulario N' 3 de so-
licltud, en la Secci6n de Etnomusicologfa y Folklore, adjuntando en forma es-
crita 0 grabada, las melodfas que se propongan utilizar.
Art. 13' En casa de no estar atm registrada la melodfa en los Libros de la Secci6n Etno-
musicologra y Folklore, las empresas grabadoras 0 editoras que gestionen la
autorizaci6n, de acuerdo al Art. 6' dei D. S.
N' 08396, podran realizar de in-
mediato el tramite de inscripci6n.
Art. 14' En las grabaciones 0 ediciones de Musica tradicional an6nima, que emitan las
empresas grabadoras 0 editoras, debera sel'lalarse en la parte correspondiente
a autor, 10 siguiente:
Secci6n Folklore - Recopilador NN. (de acuerdo a la au-
torizaci6n concedida por la Seccion Etnomusicologfa y Folklore).
Art. 15' En ningun casa se autoriza poner "Derechos Reservados" (Decreto Supremo N'
119368).
'
Art. 16'.Eos In1:érpretes flue empleen Musica dei repertorio tradicional an6nimo en ac-
tuaciones publicas, deberan sefialar en los programas 0 anuncios de sus actua-
ciones, la circunstancia de ser Musica Folkl6rica Boliviana y deberan respetar
en su integridad los motivos utilizados, sin arreglos que desvirtuan la tradicio-
nalidad.
Deben sujetarse a 10 establecido en los Arts. 10' y Il' deI presente
Decreto Reglamentario.
Art. 17' En caso de presentarse reclamaciones sobre la paternidad de Musica inscrita
como tradicional y anonima "por 16s r~'copiladores, y mientras los tribunales
ordinarios den su veredicto, los discos 0 ediciones musicales autorizados por
la Seccion Etnomusicologra y Folklore, no podran ser decomisados y el porc en-
taje correspondiente a Derechos de Autor que percibe el Estado, Sera manteni-
do en deposito por la Secci6n Contable deI Departamento Administrativo deI Mi-
nisterio de Educaci6n y Cultura hasta el fallo judicial definitivo.
Las perso,!~.
empresas grabadoras 0 editoras deI interior que se propongan utilizar con fi-
nés .conierEùl.les~m.~~.,,~af~~JoiÜ6~kà';-del ~ëpe rtorio~ tradicional~n6~i;;'0,.:so-
Üdtarân-;;i-fo'ï-mulario respectivo a los Delegados r:?epartalI1.e,:,t.aJes, los 9.,:,e
clp.beran remitir de inmedi'l.to a la Secci6n Etno~u~..i..c:~l.9gra_y_Fqlklore
... i!.'sti-
"cucion 4.""'. oreVla revisi6n en los hbros_c;l'.'..g"'.'c:opJI~sic?_Il._h"'rà:Uegar a los in-
teresd<1os la respectiva autorizacion por el conducto sefialado.
Capftulo V
De las apropiaciones indebidas
Art. 18' De acuerdo al Art. 7' deI D. S. N' 08396, la Secci6n de Etnomusicologfa y Folk-
lore y el Ministerio Publico, quedan autorizados para realizar investigaciones
sobre apropiaciones indebidas anteriores a la dictaci6n deI mencionado D. C.
Art. 19' El tramite a seguirse para iniciar estas investigaciones, sera el siguiente:
a) La instituci6n 0 persona que posea elementos de juicio sobre de-
terminada apropiacion de Musica tradicional y an6nima por par-
te de otra persona que hubiera inscrito la sel'lalada composici6n
en el Registro de Propiedad Intelectual figurando coma autor,
sea dentro 0 fuera deI pars, 0 que sin este requisito hiciera fi-
gurar su nombre en grabaciones 0 ediciones comerciales,

presentara una denuncia escrila a la Secci6n de Elnomusi-
cologfa y Folklore.
b) Esta oficina solicitara a un Juez Parroquial la recepclon
de declaraciones ad-perpetuam sobre los antecedentes re-
lacionados con la creacion de la musica observada.
El cuestionario respectivo,
sera elaborado por la Seccion
de Etnomusicologfa y Folklore.
cl Se requeriran un m(nimo de tres declaraciones provenien-
tes de personas de reconocida solvencia moral y en 10 po-
sible de una edad que solvente un conocimiento de la mu-
sica denunciada.
d) Estas pruebas testificales se recibiran en 10 posible en
los distritos donde se establezcan que las composic iones
musicales observadas sean tradicionales de ese lugar.
e) Estos materiales testificales y otros que sirvan como prue-
bas de juicio, seran considerados y analizados por un tri-
bunal sol vente que organice la Secci6n de Etnomusicologfa
y Folklore, en el que intervengan un representante de SO-
BODAICOM (Sociedad Boliviana de Autores y Composito-
res), y miembros dei Comité de Investigadores Adscritos
a la Seccion de Folklore.
f) De acuerdo al informe de este Tribunal de Honor, los ma-
teriales de juicio seran remitidos al Departamento Jur(di-
co dei Ministerio de Educacion y Cultura para que los ele-
ve al Ministerio Publico que se constituir(a en parte Civil
y obtenga la anulacion de la inscripcion en el Registro de
Propiedad Intelectual, luego de comprobada la apropiac ion
indebida, asf coma la devolucion al Estado, de los benefi-
cios obtenidos por el usufructo de Musica tradicional y el
pago de cos tas que demande el juicio.
g) Probada la denuncia y pronunciado el fallo, automaticamen-
te el denunciante adquirira los derechos de recopilador y
podra percibir los beneficios seiialados en el Art. 4° dei
Decreto Supremo N° 0839&.
h) A partir de la fecha dei fallo de los tribunales ordinarios,
las regal(as sobre Derecho de Autor, seran depositados por
las empresas grabadoras 0 editoras, en la cuenta "Fomen-
to dei Folklore".
Asimismo estas empresas, deberan
rectificar de inmediato sus etiquetas de venta, sustituyen-
do el nombre dei que figuraba como autor, por el de 'Secci6n
de Folklore" y el respectivo nombre dei recopilador.
Art. 20° Los autores que hubieran inscrito melod(as tradicionales en el Registro de Pro-
piedad Intelectual, como composiciones propias y que voluntariamente reconoz-
can esta circunstancia, tendran el plazo de 120 d(as (computables desde la pu-
blicaci6n dei presente reglamento), para solicitar su reconocimiento como sim-
ples recopiladores y percibir los derechos anotados en el Art. 4° dei D. E. N°
08396, siguiendo el tramite respectivo, pre via comprobaci6n de fechas de ins-
cripcion
tanto en los Libros de Registro de Propiedad lntelectual, como de

Recolectores.
Vencido el plazo de los 120 d!as, cualquier persona l'odra denun-
ciar las pie zas apropiadas indebidamente segun sei'lala el Art.
19° de este re-
glamento.
Art. 20° En el casa especificado en el Art. anterior, se obviara el proceso investigato-
rio y el Ministerio Publico a solicitud dei Departamento Jurfdico dei Ministerio
de Educaci6n y Cultura, ordenara la" anulaci6n de la inscripcion en el Registra
de Propiedad Intelectual y la devoluci6n de los beneficios correspondientes al
Estado (60'}'. de la percibido) que ingresaran a la cuenta "Fomenta dei Folklore".
Cap!tulo VI
Del pa go de regaHas al Estado y a los Recopiladores
Art. 22° Toda persona, empresa .l;rabadora a editora que utilice con fines comerciales,
mGsica tradicional e_'i.P_ecifi,I:.S\\~LAu-lodei presente reglamentà-d~b;;~a
deposltar el'porcentaje corres!,ondie!,}e a '~D"erecho de Autor" (ocho po): cientol,
sobre rn<iŒnaIë.svendidos Jdis~, '<:intas magnetof6nica·g I:Îmusica editada),
eri:Taciieïi.iâ-,ïFomento dei Folklore" dei Banco Central que controla el Ministe-
rio de Educacion y Cultura;
cuota que correspondera a las grabaciones a edi-
ciones de musica, de propiedad dei Estado.
El tramite a seguirse sera el siguiente:
al Luego de conseguida la respectiva autorizaci6n de grabar a edi-
tar -expedida par la Seccion Etnomusicolog!a y Folklore- yan-
tes de lanzar a la venta los materiales, las personas a empre-
sas grabadoras a editoras, deberan requerir Se proceda al se-
llado de dichos materiales, estableciéndose de esta manera el
control en el tiraje de circulacion.
Sin este requisito, ningun
disco, cinta magnetofonica a partituras con este tipo de Musica
l'odra ingresar al comercio.
bl Se abrira un cargo al productor a propietario sobre la cantidad
de mate rial sellado.
cl A los noventa dras el productor a propietario presentara liqui-
dacion de los discos, cintas magnetofonicas a impresos vendi-
dos, al Departamento Administrativo dei Ministerio de Educa-
cion y Cuttura, para pagar al Estado, las regaHas sefialadas.
d) El Ministerio de Educacion y Cultura, l'odra verificar la canti-
dad de material no vendido, y abrira otro plazo de 90 d!as sobre
ese saldo;
y as! sucesivamente.
Pasado el término de un ana y constatada la no salida comercial
de este tiraje, se l'odra anular el cargo dei saldo pendiente, a
solicitud dei interesado.
el En casa de reimpresi6n, se hara una nueva solicitud, para vol-
ver a abrir otro cargo para un resellado.
fI El funcionario contable, realizara el desglose dei porcentaje que
corresponde al recopilador que figure en la grabaci6n 0 edici6n
respectiva -de acuerdo a los informes de la Seccion de Etnomu-
sicolog!a y Folklore y girara a su nombre, la cantidad que le
corresponda (40% de 10 depositado l'or las empresas grabadoras
o editoras).

gl Las personas, eInpresas grabadoras 0 editoras del interior
del pars, deberan requerir el sellado de control de ejeInpla-
res especificado en el incisa " a 'l deI presente Art., a los
Delegados DepartaInentales acreditados por el Ministerio
de Educacion y Cultura.
Las planillas de liquidacion sobre
regaHas sefialadas ,m el Art. 4° del D. S. N° 08396, seran
asiInisIno entregadas al Inencionado Delegado DepartaInen-
tal, quien las reInitirii al DepartaInento AdIninistrativo del
Ministerio de Educacion y Cultura, para su respectiva apro-
bacion.
La orden de deposito eInanada de la Seccion conta-
ble les Sera entregada por el Delegado DepartaInental para
proceder al inInediato deposito en las sucursales deI Banco
Central de Bolivia con destino a la cuenta "FoInento del
Folklore" .
hl La infraccion a estas disposiciones reglaInentarias se hara
pasible a las sanciones senaladas en el Art. 8° deI D. C.
08396.
Fdo. Gral. Rene Barrientos Ortufio
Fdo. Gral. Roberto Flores Becerra
Fdo. Cnl. José Patifio A,
Fdo. Cnl. Alberto Larrea H.
Fdo. Efraln Guachalla 1.
Fdo. Enrique Gallardo B.
Fdo. Cnl. Alberto GUZInan
Fdo. Gral. Juan Lechrn Suarez
Fdo. Gral. SaInuel Alcoreza
Fdo. Marcelo Galindo de U.
Fdo. Cnl. Francisco Baldi
Fdo. Cnl. Gustavo Méndez T.
Fdo. Cap. David Fernandez V.
Fdo. Cont. AlIn. Alberto Albarracrn
ES CONFORME:
Yerko Garafulic Gutiérrez

AlmEXE X

Organisation des Nations Unies
Organisation Mondiale
pour l'éducation. la science
de la Propriété
et la culture
Intellectuelle
Unesco - Paris
OMPI - Genève
UNESCO/OMPI/FOLK/AFR/2
Original : anglais/français
Date :
15 février 1983
DISPOSITIONS TYPES
~E LEGIS~T!ON NATIONALE SUR LA PROTECTION DES EXPRESSIONS DU FOLKLORE
CONTRE LEUR EXPLO!TATION ILLICITE ET AUTRES ACT!ONS DOMMAGEABL~S
accompagnées d'un
CO~lI>lENTAI<Œ
Le présent àocument contient le texLe âes dispos~tions types
adoptées par le Com~té d'expert~ 1ouver~ementaux ~ul a été convoqué
conjolntemenL ~ar l'~nesco et j'OMPI A Genève du 28
juin au 2 ju111eL
1982.
Ce texte est acco~pagné d'un commentaire préparé par le
Secrétar~at àe ~'~nesco et le Bureau lnternaLional de 1'0M2I.

UNESCO!OMPI!FOLK!AFR!2
page 7
I I .
LES DISPOSITIONS TYPES
25.
Les dispositions types ont la teneur suivante
"Dis ositions
t
sur
la
protection
des
expresslons
du
fo k
exploitation
illicite
ec
autres
actions dommageables
(Considérant
que
le
folklore
constitue
une
par tie
impor tan te
du
patrimoine
culturel
vivant
de
la
nation,
développé
et
perpétué
par
des
communautés au sein de la nation ou par des individus reconnus comme répondant
aux attentes de ces communautés;
Considérant
que
la
dissémination
des
diverses
expressions
du
folklore
peut conduire à une exploitation indue du patrimoine culturel de la nation;
Considérant
que
tout
abus
de
nature
commerciale
ou
autre
ou
toute
dénaturation
des
expressions
du
folklore
est
préjudiciable
aux
intérêts
culturels et économiques de la nation;
Considérant que les expressions du
folklore
en
tant qu'elles constituent
des
manifestations
de
la
créativité
intellectuelle
méritent
de
bénéficier
d'une
protection
s'inspirant
de
celle
qui
est
accordée
aux
productions
intellectuelles;
Considérant qu'une telle protection des expressions du
folklore
se révèle
indispensable
en
tant
que
moyen
permettant
de
développer,
perpétuer
et
diffuser
davantage ces
expressions,
à
la
fois
dans
le
pays
et à
l'étranger,
sans porter atteinte aux intérêts légitimes concernés;
Les àispositions suivantes sont promulguées :]
ARTICLE PREMIER
Princioe de la orotection
Les expressions
du
folklore
développées
et
perpétuées
au
[nom du
pays]
sont
protégées
par
la
?résente
(loil
contre
leur
exploitation
illicite
et
autres actions dommageables,
telles que définies par la présente [loi].
ARTICLE 2
Exoressions protégées du folklore
Aux
fins
de
la
,>résente
(loi],
on
entend
par
"expressions
du
folklore"
les
productions
se
com?osant
d'élémencs
caractéristiques
du
patrimoine
artistique
traditionnel
développé
et
perpétué
par
une
communauté
de
(nom
du
pays]
ou
par
des
individus
reconnus
comme
répondant
aux
aspirations
artis-
tiques traditionnelles de cette communauté, en particulier:
i)
les
expressions
verbales
telles que
les
contes
populaires,
la
poésie
populaire et les énigmes;
ii)
les
expressions
musicales
telles
que
les
chansons
et
la
musique
instrumentale populaires;
iii)
les
expressions
corporelles
telles
que
les
danses
et
spectacles
populaires ainsi que les expressions artistiques des rituels;
que ces expressions soient fixées ou non sur un support;
et
iv)
les expressions tangibles telles que
a)
les
ouvrages
d'art
populaire,
notamment
les
dessins,
peintures,
ciselures,
sculptures,
poter ies,
ter res
cui tes,
mosaïques,
travaux
sur
bois,
objets
métalliques,
bijoux,
'/anneries,
travaux
d'aiguille,
textiles,
tapis, costumes;
b)
les instruments de musique;
[cl
les ouvrages d'architecture].

CNESCO/OMPI/FCLK i'AFR/2
Dès:e
8
AaTlCLE.:
Utilisations
soumises à autorisation
Sous
réserve
des
disoositions
de
l'article
4,
les
utilisations
suivantes
des
expressions
du
fol:<iore
sont
soumises
à
l'autorisation
de
[l'autorité
compétente
mentionnée
dans
l'alinéa
l
de
l'article
91
[la
communauté
concernée],
lorsqu'elles
sont
faites
à la fois dans une
intention èe
lucre
et
en dehors de
leur contexte traditionnel ou coutumier
i)
toute
publication,
reproduction et
toute
distribution d'exemplaires
d'expressions du
folklore;
i i l
toute
récitation,
représentation
ou
exécution
puolique;
toute
transmission
par
f i l o u
sans
fil
et
toute
autre
forme
de
communication au public d'expressions du
folklore.
ARTICLE 4
Exceotions
1.
Le.
dispositions
de
l'article
)
ne
s'appliquent
pas
dans
les
cas
suivants
il
l'utilisation au titre de
l'enseignement;
ii}
l'utilisation
à
titre
d'illustration
d'une
oeuvre
originale
d'un
au teur,
pour
autant
que
l'étendue
de
cette
utilisation
soit.
compatible aV~c les bons usages;
iii)
l'emprunt
d'expressions
du
folKlore
pour
la
création
d1une
oeuvre
originale d'un ou
pl~sie~rs auteurs.
2.
Les
dispositions
de
l'article
ne
s'ap~liquent ~as
non
plus
lor s'lue
J
l'utilisation
des
expressions
du
falklore
est
fort~ite,
ce
gui
comprend
notamment
i)
l'utilisation
d1une
expression
du
~olklore qUI
peut.
être
vue
ou
entendue
au
cours
d'un
événement
d'actualité,
aux
fins
de
.::ompte
rendu
èe
cet
événement
par
le
moyen
de
la
photograpnie,
de
:a
radiodiffu3ion
ou de
l'enregistrement
sonore
ou
visuel,
90ur
autano
Que
l'étendue
de
cette
utilisati0n
SOit
justlfié~
par
ie
~Ut
d'information
à atteindre;
il)
l':.Jtilisation
d'objets
contenant
des
expressions
ou
:OJ.r;l.ore,
si~ués en
permanence
en
un
lieu

ils
peuvent
être
'JUS
?dr
.:.e
?ublic,
si
cette
utilisation consiste
.3
fai-re
~i?paraî~re l"?ur
JilI3S'?
dans un
film ou
une
photographie,
une
émission
télévi3uelle.
ARTICLE 5
Mentio~ de la source
1.
Dans
toutes
les
publicat:,-ons
et
lors
de
:ou:e
commu:1ication
au
puoLc
d'une
expression
identifia::'le
du
fol<lore,
sa
source
dUit
être
indiquée
de
façon
appropr iée
par
la
mention
de
la
communauté
et/ou
du
lieu
"éographigue
dont elle est
issue.
2.
Les
dispositions
de
l'alinéa
l
ci-dessus
ne
s'appliquent
pas
aux
utilisations mentionnées dans
les alinéas 1.iii)
et 2 de
l'article 4.

UNESCO!mlP I!fOLK! AFR!2
oage 9
ARTICLE 6
Infractions
1.
Quiconque n'observe pas délibérément {ou
par
négligence]
les dispositions
de l'alinéa l de l'article 5 est passible de ...
2.
Qu iconque,
sans
l'au tor isa t ion de
[l'au tor i té
campé ten te
men tionnée
dans
l'alinéa l
de l'article 9J
[la communauté concernée), utilise délibérément
[ou
par
négligen~ceJ une expression du
folklore
en
violation
des
dispositions
de
l'article 3 ci-dessus, est passible de ...
3.
Quiconque
induit délibérément autrui en erreur quant à la
source d'objets
d' ar t
ou de
thèmes de
représentations
ou exécutions
publ iques
ou
r éci ta tians
communiquées
au
public
par
lui
de
façon
directe
ou
indirecte,
en
présentant
ces
objets
d'art
ou
ces
thèmes
comme
des
expressions
du
folklore
d'une
communauté dont ils ne sont pas réellement issus, est passible de
•••
4.
Quiconque
utilise
en
public,
de
façon
directe
ou
indirecte,
des
expressions
du
folklore
en
les
dénaturant
intentionnellement
d'une
façon
préjudiciable aux intérêts culturels de
la
communauté concernée,
est passible
de ..•
ARTICLE 7
Saisie ou autres movens
Tout objet fabriqué en violation des dispositions de la présente
[loi)
et
toutes
recettes
tirées
de chaque violation de ces dispositions
par
celui
qui
la commet,
feront
l'objet
[d'une saisie]
[des
actions et moyens
prévus
par
la
loi) •
ARTICLE 8
Recours civils
Les sanctions prévues

l'article 61
[aux articles 6 et
7J
peuvent être
appliquées
sans
préjudice
de
toute
action
en
dommages-intérêts,
ou
autre
recours civil,
le cas échéant.
ARTICLE 9
Autorités
[1.J
Aux
fins
de
la
présente
[loiJ,
l'expression
"autorité
compétente"
s'entend de
•..
[2.
Aux
fins
de
la
présente
[loil,
l'expression
"autorité
de
surveillance"
s'entend de ••• J
ARTICLE 10
Autorisation
1.
Toute
demande
d'autorisation
individuelle
ou
globale
concernant
toute
utilisation
d'expressions
du
folklore
soumise
à
autorisation
en
vertu
de
la
présente
[loi]
doit être
présentée
[par
écrit]
à
[l'autorité
compétente]
[la
communauté concernée] •
2.
Lorsque
[l'autorité
compétente]
[la
communauté
concernée]
accorde
une
autor isation,
elle
peut
fixer
le
mon tan t
des
redevances
[en
fonction
d'un
barème
[établi]
[approuvé)
par
l'autorité de
surveillance]
et
les
percevoir.
Les
redevances
perçues
sont
utilisées
pour
promouvoir
ou
sauvegarder
[la
culture nationale)
[le folklore nationalJ.
[3.
Les recours
formés contre
les décisions
de
l'autorité
compétente
peuvent
être
présentés
par
la
personne
qui
demande
l'autorisation
et/ou
par
le
représentant de la communauté concernée].

CNEscc/mlPI!FCLK/ AFR/2
page 10
"'R1'ICLE 11
Juridiction comeé~ente
[1.
Les
recours
formés
contre
les
décisions
de
[l'autorité
compétente!
[l'autor ité
de
surveillance}
doivent
être
déf'osés
aU;Jrès
du
trlbunal
de ... 1
[2.) TOli,te
infraction f'révue par
l'article 6 est de
l-a compétence du
tribunal
de . . .
ARTICLE 12
Relations avec d'autres formes de protection
La f'résente (loil
ne met de limite ni ne f'or~e atteinte en aucune façon à
la
protection
dont
jouissent
les
eXf'ressions
du
fol!<lore
en
vertu
de
la
loi
sur
le
droit
d'auteur,
de
la
loi
f'rotégeant
les
artistes
interprètes
ou
exécutants,
les
producteurs
de
phonogram~:s
et
les
organismes
de
radiodiffusion,
des
lois
f'rotégeant
la
proprleté
industrielle
et
de
toute
autre
loi
ou
d'un
traité
international
auquel
le
pays
est
partie;
elle
n'entre
pas
non
plus
en
conflit
avec
les
autres
formes
de
protection
qu'appellent la conservation et la préservation du folklore.
ARTICLE 13
In1;erorétation
La
protection
accordée
en
vertu
de
la
présente
[loi]
ne
sera
en
aucune
manlere
~nte[?rêt~e d'llne
façon
~ui
9uisse
entraver
l'utilisation
et
le
déveloPf'emen1; normal des ~xpres3ions èu folklore.
?~otectlon des exoreS51ons du
fol~~ore ~tranqe[
Les
expressions
du
folklore
dévelopf'ées
et
perf'étuées
dans
un
pays
étranger sont protégées par
la présente [loiJ
i)
sous
réserve de réci?rocité,
ou
il)
sur
la base des traItés ou autres arranyements."

UNESCO/OHPI/:OLK/AFR/2
nage 11
I I I .
COMMENTAIRE DES DISPOSITIONS TYPES
La nature juridique des dispositions types
26.
Bien que les dispositions
types soient,
par
elles-mêmes,
des dispositions
de
loi,
le
terme
"loi"
y
apparaît
entre
crochets
afin
qu'il
soit
clair
qu'elles
ne
doivent
pas
nécessairement
se
présenter
sous
la
forme
d'une
loi
distincte
mais
qu'elles
peuvent
constituer,
par
exemple,
l'un
des
chapitres
d'un code de la propriété intellectuelle.
Il n'est pas
indispensable non
plus
que ces dispositions soient adoptées par voie législativel
elles
peuvent être
édictées,
par
exemple,
par
décret
ou
décret-loi.
Les
dispos i tians
types
ont
été
conçues
de
manière
à
laisser
au
législateur
national
une
latitude
suffisante
pour
adopter
le
type
de
dispositions
qui
correspond
le
mleux
aux
conditions propres à chaque pays intéressé.
Titre des dispositions types
27.
La
protection
du
folklore
étant
un
sujet de
vaste
portée,
le
titre des
dispositions
types a été arrêté de
façon
à préciser
convenablement
leur
objet
spécifique
à
savoir
la
protection
des
expressions
du
folklore
contre
leur
exploitation illicite et autres actions dommageables selon les principes de
la
propriété
intellectuelle.
Une
définition
suffisamment
détaillée
de
l'objet
dans
le
titre
s'impose
aussi
pour
éviter
tout
risque
de
confusion
avec
d'autres
textes qùi
pourraient être
établis
sur
différents
autres
aspects
de
la protection du folklore.
Le préambule
28.
Les
articles
des
dispositions
types
sont
précédés
d'un
préambule
(l'exposé
des
motifs)
qui
indique
les
raisons
de
la
mise
en
place
d'une
protection
jur idique
des
express ions
du
folklor e.
Ce
préambule
est
proposé
entre
crochets
car
dans
bien
des
pays
les
lois
ne
sont
pas
précédées
de
dispositions de ce type.
Le préambule est destiné à exposer succinctement les
principaux motifs de la protection proposée et ses buts.
Il est aussi destiné
à
rappeler
un
impératif
fondamental,
qui
domine
le
texte
des
dispositions
types,
à
savoir
la
nécessité
d'assurer
un
équilibre
approprié
entre
la
protection contre les utilisations abusives des expressions du
folklore,
d'une
part,
et,
d'autre
part,
la
liberté
et
la
promotion
du
développement
de
ces
expressions et de leur diffusion.
Résumé des dispositions
29.
Les dispositions types comportent 14 articles.
Le principe de
la protec-
tion est énoncé dans
l'article
premier.
L'article
2 définit
les
"expressions
du
folklore".
L'article 3 définit
les
utilisations
soumises
à
autorisation,
tandis
que
l'article 4
prévoit
des
dérogations
à
cette
règle.
L'article 5
détermine
la
façon
dont
la
source
de
l'expression
du
folklore
utilisée
doit
être
indiquée.
Les articles 6 à 8
traitent des
infractions,
des
sanctions et
des
mesures
connexes.
L'article
9
détermine
l'''autorité
compétente"
et
l ' "autor i té de
surveillance".
L' ar ticle
10
fixe
la
procédure
de
demande
et
d'octroi
de
l'autorisation
nécessaire.
L'article
11
précise
les
tribunaux
compétents.
L'article 12 maintient expressément le droit d'auteur
et d'autres
formes
possibles
de
protection.
L'article
13
assure
l'utilisation
et
le
développement
sans
entrave
des
expressions
du
folklore
lorsque
cette
utilisation
ou
ce
développement
est
"normal".
Enfin,
l'article
14
fixe
les
conditions
dans
lesquelles
les
express ions
du
folklore
émanan t
d'une
communauté d'un pays étranger sOnt protégées.
Principe de la protection
(article premier)
30.
Cet
article
précise
que
la
protection
s'applique
à
toute
expression
du
~olklore déve.loppée et perpétuée dans le pays qui octroie la protection.
Il
lndl9u~ aUSSl
les
actes
contre
lesquels
les
expressions
du
folklore
sont
protegees.
Il
s'agit
de
l'''exploitation
illicite"
et
"autres
actions
dommageables".
Toute
utilisation
faite
en
violation
des
dispositions
de
l'article
3
serait
une
exploitation
illicite

moins
au'elle
ne
relève
des
exceptions
mentionnées
à
l'article
4}.
De
même, - l'inobservation
des

,-..----" '""'"......... ._~,.- .... -- : ...
.... ·'.:..::: ..... -1 .... '..:'.1.':: ~-'.=\\/:\\...:.=\\( ....
page 12
dispositions du premier
alinéa de
l'article 5
(sous
réserve des alinéas
l.iii)
et 2 de l'article 4
et
l'accomplissement des actes décrits
aux
paragraphes
3
et 4 de l'article 6 constitueraient d'autres actions dommageables,
considérées
comme
illicites
même
si
elles
sont
commises
à
l'occasion
d'une
utilisation
autorisée
ou
d'une
utilisation
qui
ne
nécessite
pas
d'autorisation.
Il
va
sans dire que la protection accordée
relève de la compétence du pays
intéressé
et s'applique aussi bien aux nationaux qu'aux étrangers.
Expressions protégées du folklore
(article 2)
3l.
Les
dispositions
types
ne
proposent
pas
de
définition
de
la
notion
de
"folklore", ceci afin d'éviter
tout risque de conflit avec
les définitions qui
sont ou qui
pourraient être
données
de
ce
terme dans
d'autres
textes
ou
dans
d'autres
instruments
juridiques
relatifs
à
la
protection
du
folklore.
L'article 2 comporte cependant une définition des "expressions du
folklore"
au
sens
des
dispositions
types,
qui
est
fondée
sur
les
conclusions
du
Comité
d'experts
gouvernementaux
sur
la
sauvegarde
du
folklore,
qui
s'est
réunl
à
Paris
en
février
1982
sous
l'égide
de
l'Unesco.
Par
"expressions
du
folklore",
il
faut
entendre
les
productions
se
composant
d'éléments
caractéristiques
du
patrimoine
artistique
traditionnel
développé
et
perpétué
par
une communauté
d'un
pays
ou
par
des
individus
reflétant
les
aspirations
artistiques traditionnelles de cette communauté.
32.
L'utilisation
des
mots
"expressions"
et
"productions",
au
lieu
du
mot
"oeuvres",
est
destinée
à
souligner
qu'il
s'agit
de
dispositions
Spécltlques
ne
relevant
pas
du
droit
d'auteur,
puisque
les
"oeuvres"
sont
régies
par
le
droit d'auteur.
Mais,
naturellement,
ces
"expressions"
peuvent avoir
-
et ont
la plupart du temps -
la même forme artistique que les "oeuvres".
33.
La définition des
"expressions du folklore"
adoptée dans
les dispositions
types ne fait pas état du
"patrimoine culturel de la nation" mentionné dans le
préambule.
Elle est axée sur
le
patrimoine artistique,
d'une
part,
et sur
la
communauté
dont
i l
est
issu,
d'autre
part.
Le
patrimoine
artistique
est
un
aspect
particulier
de
la
réalit~
beaucoup
plus
vaste
que
recouvre
le
patrimoine culturel et les dispositions
types s'attachent
à
la
protection des
expressions du patrimoine artistique
traditionnel en laissant de côté d'autres
manifestations du patrimoine culturel.
En outre,
le
patrimoine artistique des
communautés
est
un
ensemble
de
valeurs
traditionnelles
plus
limité
que
le
patrimoine
artistique
traditionnel
de
la
nation
tout
entière.
Le
"patrimoine
artistique
traditionnel
développé
et
perpétué
par
une
communauté"
représente
donc l'un des aspects du "patrimoine culturel de la nation".
34.
Le
fait
que
seul
le
patrimoine
"artistique"
soit
pris
en
considération
signifie,
entre
autres
choses,
que
les
croyances
traditionnelles,
les
traditions
scientifiques
(par
exemple,
la
cosmogonle
traditionnelle),
le
contenu des
légendes
(par
exemple,
le déroulement notoirement connu de
la vie
des
héros
traditionnels,
tels
que
le
Roi
Arthur
et
ses
chevaliers)
ou
simplement
les
traditions
purement
pratiques,
dissociées
des
éventuelles
formes
artistiques
traditionnelles de
leur
expression,
ne
relèvent
pas
de
la
définition
proposée
des
"expressions
du
folklore".
D'autre
par t,
le
patrimoine
"artistique"
doit
être
compris
dans
son
sens
le
plus
large
et
englobe
tout
patrimoine
traditionnel
faisant
appel
au
sens
estllétique
de
l'homme.
Les
expressions
verbales,
qui
seraient
qualifiées
de
"littérature"
si
elles
étaient
créées
individuellement
par
un
auteur,
les
expressions
musicales,
les
expressions
corporelles
ou
gestuelles
et
les
expressions
tangibles
peuvent
toutes consister
en éléments
caractér istiques
du
patr imoine
artistique
traditionnel
et
présenter,
de
ce
fait,
les
qualités
nécessaires
pour être protégées en tant qu'expressions du folklore.
35.
La
notion d'expressions
du
folklore
d'une
communauté
recouvre
à
la
fois
les expressions
issues de cette communauté et celles qui ont une autre origine.
mais qui
ont été
adoptées,
développées
ou
perpétuées
au
fil
des
générations.
par
cette
communauté.
Il
importe
peu
que
le
développement
d'une
expression.
donnée,
composée
d'éléments
caractéristiques
du
patrimoine
artistique.
traditionnel,
soit
issu de
la créativité collective
d'une
communauté
ou qu'il
soit
le
fait
d'un
individu
reflétant
les
aspirations
artistiques
traditionnelles de la communauté.
36.
Les
"éléments
caractéristiques"
du
patrimoine
artistique
traditionnel,
dont la production doit être composée
pour
pouvoir
prétendre
à
une
protection
au titre d'"expression du folklore",
s'entendent dans ce contexte des
éléments
généralement
admis
comme
représentant
un
patrimoine
traditionnel
distinct
d'une
communauté.
S'agissant
de
la
question
de
savoir
ce
qu'il
faut

UNESCO/OMPI/FOLK/AFR/2
nage 13
considérer
comme
faisant
partie
du
folklore
d'une
"communauté",
un
ou
deux
membres du Groupe de
travail
ont
estimé que
la
réponse
exige
un consensus
de
la communauté qui certifierait l'authenticité de l'expression du
folklore.
La
définition
proposée
ne
mentionne
pas
ce
consensus
de
la
communauté
car
subordonner
l'application
de
la
loi
dans
chaque
cas
au
jugement
de
la
communauté
exigerait d'autres
dispositions
fixant
la
façon
dont
ce
consensus
peut se vérifier
et le moment où
il doit exister.
Il
semble
en être
de même
pour
l'exigence
d'authenticité,
qui
nécessiterait
aussi
une
interprétation.
Au
contraire,
l'exigence
d'un
consensus
et
d'une
authenticité
découle
implicitement de la règle exigeant que les éléments soient
"caractéristiques",
c'est-à-dire
qu'ils
incarnent
le
patrimoine
culturel
traditionnel
:
les
éléments
généralement
reconnus
comme
caractéristiques
sont
habituellement
d'authentiques
expressions
du
folklore,
reconnues
comme
telles
par
le
consensus tacite de la communauté intéressée.
37.
La
définition
est
suivie
d'une
liste
d'exemples
des
genres
les
plus
typiques
d'expressions
du
folklore.
Ces
exemples
sont
divisés
en
quatre
groupes selon la forme de l'expression,
à savoir
les expressions utilisant des
mots
("verbales"),
les
expressions
utilisant
des
sons
musicaux
("musicales"),
les expressions "corporelles·
(se manifestant par
l'action
et
le mouvement du
corps
humain)
et
les
expressions
utilisant
un
objet
à
trois
dimensions
("expressions
tangibles") .
Chacune
doit
comporter
des
éléments
caractéristiques
empruntés
à
la
totalité
du
patrimoine
artistique
tradition-
nel.
Les
trois
premières
catégories
d'expressions
ne
doivent
pas
nécessairement
être
"fixées
sur
un
support"
c'est-à-dire
qu'il
n'est
pas
indispensable
que
les
mots
soient
écrits,
ni
que
la
musique
soit
présentée
sous
la
forme
d'une
partition
musicale,
ni que
les
expressions
corporelles
-
comme
la
danse
existent
sous
la
forme
d'une
notation
écrite
de
la
chorégraphie.
En revanche,
les
expressions
tangibles
doivent
être
fixées
sur
un
matériau
durable
comme
la
pierre,
le
bois,
le
textile,
l'or,
etc.
Cette
disposition
donne
aussi
des
exemples
pour
chacune
des
quatre
formes
d'expressions.
Ce sont,
pour
la
première,
"les
contes
populaires,
la
poésie
populaire
et
les
énigmes",
pour
la
deuxième,
"les
chansons
et
la
musique
instrumentale
populaires",
pour
la
troisième,
"les
danses
et
spectacles
populaires
ainsi que
les
expressions
artistiques
des
rituels"
et
enfin,
pour
la quatrième,
"les dessins,
peintures,
ciselures,
sculptures,
poteries,
terres
cuites,
mosaïques,
travaux
sur
bois,
objets
métalliques,
bijoux,
vanneries,
travaux
d'aiguille,
textiles,
tapis,
costumes
ainsi
que
les
instruments
de
musique et
les ouvrages d'architecture".
Ce
dernier
exemple
est
donné
entre
crochets pour signaler les hésitations avec lesquelles il a été adopté.
38.
Les sites traditionnels d'événements
folkloriques
ne
peuvent généralement
pas
être qualifiés d'expressions
du
folklore
car
il
ne
s'agit
habituellement
pas
de
productions
composées
d'éléments
caractér istiques
du
pa tr imoine
artistique
traditionnel
d'une
communauté,
mais
seulement
de
lieux

les
expressions
du
folklore
se
manifestent
régulièrement.
Certains
événements
folklor iques
peuven t
cependant
être
cons idérés
comme
des
express ions
artistiques corporelles -
des
formes de rituels -
pouvant être protégées s'ils
ne
sont
pas
simplement
un
cadre
traditionnel
d'utilisation
de
diverses
expressions du folklore devant être protégées séparément.
39.
On
pourrait
assurer
l'identification
des
expressions
du
folklore
originaire d'une communauté et développé
par
elle
en
tenant
un
inventaire
de
ces expressions.
Mais cet
inventaire ayant un
rapport avec
la question de
la
conservation du folklore,
sa
réglementation
déborde
du
cadre
des. dispositions
types.
Lorsqu'une autorité compétente a un doute au sujet de
l'identification
d'une
expression
du
folklore,
elle
devrait
consulter
toutes
les
sources
disponibles,
y
compris
les
catalogues
existants,
d'autres
archives,
les
experts, les témoins et les anciens d'une communauté.
Utilisations soumises à autorisation
(article 3)
40.
L'idée
de
subordonner
à
autor isation
certaines
formes
d'utilisation
des
expressions
traditionnelles
du
folklore
n'est
pas
nouvelle
pour
les
commu-
nautés créatrices de nombreux pays.
Deux exemples en sont l'illustration.
En
Australie,
Peter
Banki a signalé,
le 3 octobre
1978,
au Conseil australien du
droit d'auteur qu'un "mécanisme d'autorisation
est
solidement
établi chez
les
tribus
aborigènes
du
Territoire
du
Nord"
(rapport
au
Conseil
australien
du
droit
d'auteur
du
30 octobre
1978,
page
7).
En
1976,
certains
anciens
des
tribus
aborigènes
d'Australie
ont
fait
valoir
que
des
photographies
qui
figuraient dans un ouvrage d'études anthropologiques montraient des sujets qui

C::SSC:J, 0:'" l / O"OL" 1 AF!'\\/ 2
;)aqe
l. ~
ont
un
caractère
secret
e~
sacré
Dour
leur
communauté
et
ils
'Jnt
a.ffirmé
qu'aucune
autorisation
valable
n'avâit
été
donnée
pour
leur
puolication.
En
ce
qui
concerne
l'Afr ique,
le
~rofesseur
J.H.
Kwabena
Nketia
(du
Ghana)
indique
que
"l'identification
~troite
des
groupes
avec
le
folklore
fait
souvent
naître
au
sein
de
ces
groupes
un
sentiment
de
propr iété
collective
d'éléments
de
la
tradition
et
du
répertoire
et
que
"les
membres
d'une
communauté
peuvent
considérer
que
des
traditions
folKloriques
du
domaine
public appartiennent à
leur
patrimoine
•. ,
En outre,
en Afrique,
ce
sentiment
de
propriété est lié à
la notion de
"droits de
représentation ou d'exécution",
qui a
plutôt un caractkre éthique qu'un caractkre strictement
juridique
";
d'autre
part,
"les
traditions
orales
Akan
mentionnent
des
cas
dans
lesquels
certains
chefs
ont
demandé
à
d'autres
chefs
la
permission
de
copier
leurs
instruments
de
musique
et
e n c o r e :
Au
Ghana,
i l
existe
principalement
des
dessins
et
des
schémas
liés
à
certaines
maisons
royales,
ainsi
que
des
schémas
qui
ont
diverses
interprétations
verbales
et
dont
l'utilisation
est
limitée"
(Traditions
africaines
du
folklore,
Annuaire
1979
de l'INTERGU,
p.
225-227).
41.
Le Groupe
de
travail
a
estimé que
les questions
suivantes
oeuvent
entrer
en
ligne
de
compte
lorsqu'il
faut
décider
quels
types
d'utilisation
des
expressions
du
folklore
doivent
être
soumis
à
autor isation
intention
de
lucre;
question
de
savoir
si
l'utilisation
est
faite
par
des
membres
de
la
communau.té
dont
est
originaire
l'expression
utilisée;
utilisation
faite
en
dehors
du
contexte
traditionnel
ou
coutumier
de
l'exj)ression
considérée.
En
conclusion,
il a
été convenu que
les
utilisations
faites
dans
un but de
lucre,
en
dehors
du
contexte
traditionnel
ou
coutumier
doivent
être
soumises
à
autorisation.
Cela
signifie
notamment
qu'une
utilisation
dans
le
cadre
traditionnel
ou
coutumier
n'est
iJas
soumise
à
autorisation,
même
lorsqu'elle
est
faite
dans
un
out
lucratif.
En
revanche,
toute
utilisation
faite
en
dehors de
ce
cadre
et dans
un
but
lucratif
doit
être
autorisée,
même
S l
elle
est le
fait de ~embres de la c0mmunauté d'origine de l'expression.
42.
Par
"contexte
t=:adit.ionnel",
il
':3Ut
entendre
la
façon
d'utlliser
une
expression
du
folklore
da~s
son
cadre
artistique
normal,
conformément
i
l'usage
constant
de
13
cQmmu~auté.
?ar
exemple
l'exécution
d'une
danse
rituelle
dans
son contexte
traditionnel
signifie
que
cette
àanse
est
exécutée
èans
le
caêce
réel
de
llaccomplisse!Tlent
àu
rite.
Le
"contexte
coutuffiler",
en
revanche,
se
réfère "lutô( à
:'~tilisation à'expressions du folklore selon les
?ratiques de
la
vie
quotiàienne de
la
c0mmunauté,
par
exemple
à
la
façon
dont
les
artisans
locaux
vendent
habituellement
des
exemplaires
d'expressions
tangibles du
folklore.
43.
L'article
examiné
orécise
ensuite
les
actes
d'utilisation
qU1,
lorsque
les
circonstances
précitées
sont
réunies,
nécess1tent
une
autorisat10n.
Il
distingue
pour
cela
entre
le
cas

des
exemplaires
des
expressions
sont
en
cause
et
le
cas
contraire.
Dans
le
premier
cas,
les
actes
nécessi~ant une
autorisation sont
la !"ublication,
la
reproduction et
la distribution;
àans
le
second cas.
il s'agit de
la
récitation,
de
la
représentat10n
ou de
l'exécution
publique,
de
la
transmission
par
filou
sans
fil
et
de
"toute
autre
forme
de
communication au public".
44.
Le
terme
"publication"
est compr is
dans
son
sens
le
plus
large,
àe
façon
à
s'appliquer
à
toutes
modalités
permettant
de
renàre
accessible
au
puolic
l'original
ou
un
ou
plusieurs
exemplaires
d'une
expression
du
folklore
fixée
sur
un
support.
Au
sens
des
dispositions
types,
la
publication
comprend
l'exposition,
la
vente
ou
la
location
d'un
ou
de
plusieurs
exemplaires
d'expressions
tangibles
du
f01klore.
La
reproduction
et
la
distribution
d'exoressions
du
folklore
ont
été
considérées
comme
des
actes
devant
faire
l'ObJet
d'une
autorisation
distincte
et
non
comme
de
simples
éléments
de
la
publication.
Par
exemple,
la
reproduction
d'une
eXj)ress10n
du
folklore
dans
une
intention de
lucre
et
en dehors
de
son contexte
trad1tionnel
ou
coutumier
est
aussi
soumise
à
autor 1sation
S l
elle
est
faite
en
un
seul
exemplaHe
à
l'intention
d'Url
acheteur
déterminé
ou
encore
afin
d'être
communiqué'?
â
distance
au
publ ic
sous
une
forme
incorporelle.
La
notIOn
de
reproductlùn
englobe
aussi
l'enregistrement
de
sons,
d'images
ou
à'images
-et
de
sons,
La
distribution
est
mentionnée
séparément
;:>o~r
teni;
compte
des
possioilltès
ae
distribution dans
une
intention
de
lucre
d'exemplalres
eXlstants
d'expressIons
du
folklore
qui
n'étaient
p~s destin~s ~ ~tre distrlbu4s. ae f~ç0rl g~n~rale ou
en tout cas par
la personne quI
les a
réal1sés.

UtiESca/OMPI/?OLK/ AFR/ 2
page 15
45.
Les
dispositions
types
n'empêcheraient
pas
des
communautés
indigènes
d'utiliser
leur
patrimoine culturel
traditionnel
selon des
modes
traditionnels
et coutumiers,
ni de
le
développer
par
l'imitation
continuelle.
Le
maintien
en
vie
du
folklore
traditionnel
est
étroitement
lié
à
la
reproduction,
à
la
récitation
et
à
la
représentation
ou
à
l'exécution,
stylistiquement
variées,
d'expressions
traditionnelles dans la communauté d'origine.
Une
règle absolue
qui
exigerait
une
autorisation
pour
l'adaptation,
l'arrangement,
la
reproduction,
la
récitation,
la
représentation
ou
l'exécution
de
ces
expressions pourrait entraver
le
processus
naturel d'évolution
du
folklore
et
ne pourrait pas être appliquée dans les sociétés où le
folklore
fait partie àe
la
vie
quotidienne.
Les
dispositions
types
permettent
donc
à
tout
membre
d'une communauté du pays de
reproduire et de représenter ou exécuter
librement
les exoressions du folklore de leur communauté dans leur
contexte
traditionnel
ou coutumier, que ce soit ou non dans
une
intention de
lucre et même au moyen
de
techniques
modernes,
si
ces
techniques
ont
été
admises
par
la
communauté
parmi les moyens d'évolution de son
folklore vivant.
Lors du
débat sur cette
question,
certains
experts
ont
estimé
qu'il
conviendrait
de
distinguer
entre
une
utilisation
recourant
à
des
techniques
modernes
et
une
utilisation
recourant
aux
moyens
traditionnels.
En
conclusion,
cependant,
cette
distinction a été exclue pour
faciliter
l'évolution du folklore vivant.
46.
Les
dispositions
types
ne
vont
pas
à
l'encontre
des
utilisations
d'expressions
du
folklore,
sans
intention
de
lucre,
dans
des
buts
légitimes,
en
dehors
de
leur
contexte
traditionnel
ou
coutumier.
C'est
ainsi
que,
par
exemple,
la confection d'exemplaires aux fins de conservation,
de
recherche ou
d'archivage n'est entravée d'aucune manière par les dispositions types.
47.
Toutefois,
certaines obligations
existent même
lorsque
l'utilisation
des
expressions
du
folklore
n'exige
pas
d'autorisation.
Elles
sont prévues
dans
l'article 5 et dans les alinéas 3 et 4 de l'article 6.
48.
Au cours des débats
du Comité,
les
avantages
inhérents
à
l'autorisation
préalable
de
certains
types
d'utilisation
d'expressions
du
folklore
ont
ete
examinés par rapport à ceux d'un système
instituant un simple contrôle de
leur
utilisation.
Dans ce dernier
cas,
l'exploitation
des
expressions
du
folklore
serait libre,
pour
autant qu'elle
ne constitue
pas une
infraction
définie
par
la
loi
ou
qu'elle
ne
se
révèle
pas
par
ailleurs
préjudiciable
aux
intérêts
légitimes de
la
communauté dans
laquelle
ces
expressions
ont
été
développées
et perpétuées.
Un système de simple contrôle
a
posteriori
comporte cependant
de
graves
inconvénients
aussi
bien
du
point
de
vue
des
utilisateurs
des
expressions du
folklore
que de celui des
communautés et autres
entités ou des
individus qui ont des
intérêts protégés sur
les expressions utilisées.
Il est
possible
que
celui
qui
se
propose
d'utiliser
une
expression
du
folklore
ne
puisse
pas
toujours
déterminer
de
façon
certaine
si
l'utilisation
envisagée
irait à l'encontre d'intérêts légitimes.
C'est pourquoi
il
faudrait
instituer
un
système
d'agrément
préalable,
supposant
la
réglementation
d'une
série
de
problèmes de
fond et de questions administratives,
afin de.réduire
au
minimum
le
facteur
d'incertitude.
Par
ailleurs,
les
entités
chargées
de
superviser
l'utilisation des expressions du
folklore
et de
sauvegarder
tous
les
intérêts
qui
s'y attachent
ne
disposeraient
d'aucun
système
d'avertissement
préalable
et
ne
pourraient
intervenir
que
lorsque
le
préjudice
a
déjà
été
causé
et
dénoncé.
Un
système
de
contrôle
a
posteriori
poserait
des
difficultés
particulières
dans
les
pays

la
rémunération
de
l'utilisation
commerciale
d'expressions
du
folklore
est
tenue
pour
juste
et
équitable.
En
conclusion,
les
experts
ont
adopté
un
système
mixte
d'autorisation
et
de
sanctions.
Le
cas
particulier
de
l'utilisation
d'expressions
secrètes
du
folklore
permet
d'illustrer
les
avantages
inhérents
à
ce
système
mixte.
L'autorisation
préalable exigée peut contribuer
à
empêcher
l'utilisation de
ces expressions,
tout
au
moins
à
des
fins
commerciales,
et
des
sanctions
ne
deviendront
nécessaires qu'au
cas où
l'autorisation
n'était
pas prévue
par
la
loi
ou n'a
pas été demandée.
.
49.
L'article
3
fait
aussi
référence
à
l'entité
habilitée
à
autor iser
les
utilisations
envisagées
d'expressions
du
folklore.
Les
dispositions
types
mentionnent
tantôt
l'''autorité compétente",
tantôt
la
"communauté
concernée",
en
évitan t
le
terme
de
"propr iétaire"
de
l'expression
considérée.
Elles
n'abordent pas les questions de propriété ou d'appartenance des
expressions du
folklore,
car cet aspect de la question peut être réglementé différemment d'un
pays à
l'autre.
Dans certains pays,
les expressions du
folklore
peuvent être
considérées comme le patrimoine de
la nation
tout entière;
dans d'autres
pays,
le sentiment de propriété du patrimoine artistique
traditionnel peut être plus
fortement développé au sein
même des
communautés
intéressées.
En conséquence,

lJNEsco/mlPI/"oLX/ M'!</ C
paae 16
la question de savoir qui
est habilité à
autoriser
l'utilisation d'expressions
du folklore dépend en grande partie de la situation en ce qui concerne l'appar-
tenance
de
celles-ci
et
l'autorité
désignée
varie
nécessairement
en
fonction
des
différentes
l"gislations
applicables
en
la
matière.
Dans
les
pays

des
conununautés
abor igènes
ou
d'au tres
communautés
tradi tionnelles
sont
reconnues
comme propriétaires pleinement habilités à disposer
de
leur
folklore
et où
ces
communautés
sont
suffisamment
organisées
pour
administrer
l'utilisation
des
expressions
de
leur
folklore,
ces
utilisations
peuvent
être
soumises
à
l'autorisation
de
la
communauté
intéressée
elle-même,
qui
peut
accorder
aux
utilisateurs
pot:entiels
une
autor isation
comparable
à
celle
qu'octroient, les
auteurs,
généralement
à
leur
entière
discrétion.
Dans
d'autres
pays,
ou
le
patrimoine
artistique
traditionnel
d'une
communauté
est
considéré
avant
tout
comme
un
élément
du
pa tr imo ine
cul turel
de
la
na tion,
ou
dans
lesquels
les
communautés intéressées ne sont pas en mesure d'administrer
elles-mêmes conve-
nablement
l'utilisation
des
expressions
de
leur
folklore,
des
"autorités
compétentes"
peuvent
être
désignées
pour
délivrer
les
autorisations
nécessaires
sous
forme
de
décisions
officielles
de
droit
;:>ublic.
Les
questions
relatives
à
la
détermination
des
autorités
compétentes
et
au
processus
d'autorisation
sont
traitées
plus
loin
de
façon
plus
approfondie
dans le cadre des articles 9 et 10 des dispositions
types.
Exceptions
(article 4)
50.
Les
dispositions
types
prévoient
quatre
cas
dans
lesquels
il
,,'est
;:>as
nécessaire d'obtenir une autorisation.
51.
Le
premier
cas
est celui

l'utilisation
est
destinée
à
l'enseignement.
Dans
ce
cas,
aucune
autorisation
n'est
nécessaire
même
si
l'expression
du
folklore
est
communiauée
contre
paiement,
comme
dans
le
cas
de
la
vente
de
manuels
ou
lorsqu'un
enseignement
est
proposé
contre
rémunération.
Cette
libre
utilisation
des
ex;:>ressions
du
folklore
est
3dmise
à toutes les
tlnS
et
n'est oas
limitée -
çomme
dans
le
cas
de
certaines
lois
sur
le
droit
d'auteur
pour
les
oeuvres
protégées
à
l'utilisation
destinée
à
illù5trec
ûn
enseignement.
52.
~e deuxiè!11e cas dans
lequel
l'utilisati.on
ne
nécessite
aUc'Jne
autorIsa-
tion
est celui

elle a
lieu

titre
d' illustratlon"
d'une
oeuvre
or igiClale
d'un
auteur,
pour
autant
que
l'étendue
de
cette
utilisation
soit
compatible
avec les bons usages.
La
meilleure
façon de
fixer
les
limites des
Dons
usages
serait
d'appliquer
les
mêmes
critères
que
ceux
qui
sont
en
vigueur
dans
le
pays
pour
la
libre
utilisation
des
oeuvres d'un
auteur
protégées
par
le
droit
d'auteur.
Toutefois,
à
la
différence
de
nombreuses
lois
sur
le
droit
d'auteur,
les
dispositions
types
ne
limitent
;:>as
cl' type d'utilisation à
l'illustration de l'enseiqnement.
53.
Le
troisième
cas
d'utilisation
ne
nécessitant
pas
d'autorisation
est
celui dans
lequel des éléments
d'expressions
du
folklore
sont
"empruntés"
pour
la création d'une
oeuvre
originale
d'un
auteur.
Cette
exception
Lnportante
a
;:>our
but
de
permettre
le
libre
développement
de
la
créativité
lCldlvlduelle
inspirée
du
folklore.
Les
dispositions
types
ne
doivent
pas
entraver
et
n'entravent d'aucune manière
la naissance d'oeuvres originales
fondées
sur
les
expressions
du
folklore,
que
ce
soit
dans
le
domaine
des
arts
visuels,
comme
pour
certaines
sculptures
sur
bois
de
Barlach,
ou
dans
celui
de
la
musique,
comme
pour
un
certain
nombre
de
compositlons
de
Bartok,
ou
en
Ilttérature,
comme pour d'innombrables adapt3tions de contes populaires.
54.
Le
quatrième
cas

aucune
autorisation
n'est
nécessaire
est
celui
de
"l'utilisation
fortuite".
Pour
préciser
le
sens
de
l'expression
"utllisation
fortuite",
l'alinéa
2 mentionne
en
particulier
(mais
de
façon
non
limitative)
les cas
les ;:>lus
typiques considérés comme
utilisations
fortuites:
l'utilisa-
tion dans
le compte
rendu
d'un événement d'actualité
et
l'utilisatlon
d'images
lorsque
l'expression du
folklore
est un
objet
situé e"
permanence dans
un
jleu
public.
~~.
Certains
membres
du
Comité
ont
estimé
qJe
les
dJSpOSltlOllS
types
de'lcaient
mentionner
la
loi
sur
le
âroi~ d'auteur
e.r')
indiqunnt
::UE'
(Jans
tous
les
cas

celle-'cl
autor ise
un
libre
usage
oes
oeuvres.
1 'dtills.;t.l0r-,
.j.~s
expressions
du
folkl.ore
doit
aussi
être
lIbre.
[)'rtutr':"s
;nem()['2s
:1u
CU:illtt.~
Urlt
estimé
que
les
dis~)Osltions
tV:Jes
devraient
r~J(r~nClre
~·.:'5
jlS;,)()Slt:.l()~·JS
classiques
de
libre
usage
des
lois SU!
112
droit
J'~G!"_euf.
C-=iJ,.=nùùn:,
dIJCUl\\~
àe
ces
suqges~ lons nia été
f,,::,t-enue
étant
donné
qu'!
d,:'
:1ombl p:u:<
,,:".;->"';"
,:-::p
Il!;r ~

UNEsco/mlP I/FOLK/ AFR/ 2
l')age 17
utilisation
prévus
pour
les
oeuvres
protégées
par
le
droit
d'auteur
ne
conviennent pas du
point de vue de
la protection spécifique proposée
pour
les
expressions
du
folklore
comme
la
reproduction
dans
la
presse
ou
la
communication
au
public
d'un
discours
politique
ou
d'une
intervention
prononcée lors d'une procédure
judiciaire.
Il a paru plus
indiqué d'adapter
à
l'utilisation
des
expressions
du
folklore
les
dispositions
des
lois
sur
le
droit d'auteur qui semblent convenir
pour
le
folklore.
Cela ne
signifie
pas,
cependant,
que d'autres
limitations
prévues
par
la
loi
sur
le
droit
d'auteur
ne
puissent
pas
aussi
ê-tre
reprises
dans
la
législation
nationale,
si
elles
sont compatibles avêC
le système par ticul ier
de
protection des
express ions
du
folklore.
Mention de la source
(article 5)
56.
Afin de renforcer
les liens qui existent entre la communauté d'origine et
les
expressions
de
son
folklore,
et
aussi
pour
faciliter
le
contrôle
de
l'utilisation de ces expressions,
l'article examiné exige
que
dans
toutes
les
publications et à
l'occasion de
toute communication au public d'une expression
du
folklore,
sa
source
soit
indiquée
par
une
mention
appropriée
de
la
communauté
et/ou
du
lieu
géographique
dont
l'expression
utilisée
est
issue.
Les mots
"source" et
"issue" ont
été
utilisés en
raison du
fait
qu'il
risque
souvent .d'être difficile de déterminer
à
quel
endroit
l'expression considérée
du
folklore
a
réellement été
engendrée,
en
particulier
lorsque
la
communauté
d'origine
est
disséminée
sur
le
territoire
de
plusieurs
pays
ou
lorsque
la
communauté a
adopté,
perpétué ou continué à développer
une expression
qui,
en
dernière analyse, a été engendrée ailleurs.
57.
Cette
règle
s'appliquerait
seulement
dans
les
cas

la
source
de
l'expression
du
folklore
est
"identifiable",
c'est-à-dire
lorsque
son
utilisateur est censé en connaître le lieu ou la communauté d'origine.
58.
La
mention
de
la
source
n'est
;>as
exigée
dans
deux
cas

il
serait
excessif
de
la
demander
:
lors
d'utilisations
fortuites
et
lorsque
des
expressions du folklore
sont adaptées pour
la création d'une
oeuvre or ig inale
d'un auteur.
59.
Le défaut de
mention de
la source,
lorsqu'elle
est
exigée,
est
;>assible
d'une amende
(voir l'article 6).
60.
La mention de la source d'une expression du folklore utilisée ne dispense
pas de l'obligation d'en
indiquer
aussi l'auteur,
au titre des dispositions du
droit
d'auteur,
lorsque
l'expression
du
folklore
a
été
transposée
sous
une
forme
originale,
créée
par
un
individu
reflétant
les
aspirations
artistiques
traditionnelles
de
la communauté et
pouvant de ce
fait
aussi
prétendre
à
une
protection au titre du droit d'auteur.
Infractions
(article 6)
61.
L'alinéa l
traite de l'inobservation de la règle concernant la mention de
la source de
l'expression du folklore.
L'alinéa 2 traite de
l'utilisation non
autorisée
d'une
expression
du
folklore,
lorsque
cette
autorisation
est
requise.
Il
est
entendu
que
l'infraction
que
constitue
l'utilisation
d'une
expression
sans
autorisation
englobe
aussi
les
utilisations
qui
dépassent
ou
enfreignent les conditions dont
une
autorisation
est assortie.
Les
alinéas 3
et 4 prévoient deux cas
particuliers,
à
savoir
celui

le
public
est
induit
en
erreur
et
celui

une
expression
du
folklore
est
dénaturée.
Le
premier
cas
concerne
essentiellement
la
"substitution",
pratique
consistant
à
donner
l'impression que ce qui est présenté est une expression du
folklore
provenant
d'une
communauté
déterminée
alors
qu'en
fait
ce
n'est
pas
le
cas.
Dans
le
second cas,
l'infraction consiste à utiliser en public,
de quelque manière que
ce
soit,
des
expressions
du
folklore
en
les
dénaturant
directement
ou
indi-
rectement d'une manière "préjudiciable aux intérêts culturels de
la communauté
concernée".
Le terme
"dénaturant"
se
rapporte à
tout acte de
déformation,
de
mutilation ou de dépréciation d'une expression du folklore publiée,
reproduite,
distribuée,
représentée ou communiquée de toute autre manière au public.
62.
Naturellement,
il
se
peut
que
deux
ou
trois
ou
la
totalité
de
ces
infractions soient cumulées.

UNESCO/o!-lP l /FOLi</ A=R/ 2
,.,age 18
63.
Dans ces quatre cas,
pour
qu'il
' l a i t
infraction,
11
faut
que
les
actes
délictueux
aient
été
commis
t'délibérément".
Toutefois,
en
ce
qui
concerne
le
non-respect de
l'exigence
relative
à
la
mention
de
la
source
et
l'ooligation
d'obtenir
une
autorisation
d'utiliser
une
expression
du
folklore,
les
dispositions
types
prévoient
également
(entre
crochets)
la
sanction
d'actes
commis
par
négligence.
Cette
disposition
tient
compte
de
la
nature
des
infractions
visées
et
de
la
difficulté
d'apporter
la
preuve
d'une
intention
délictueuse en cas d'omission.
64.
Les sanctions applicables à chaque catégorie d'infraction définie
par
les
dispositions
types
doivent
être
déterminées
conformément
au
droit
?énal
du
pays
intéressé.
Les deux principaux types de peine possibles sont l'amende et
l'emprisonnement.
Les
sanctions
à
appliquer
et
le
genre
d'3utres
peines
à
prévoir,
ainsi
que
l'application
distincte
ou
conjointe,
dépendent
de
la
nature
de
l'infraction,
de
l'importance
des
intérêts
à
protéger
et
des
solutions déjà
adoptées
dans
chaque
pays
pour
des
infractions
analogues.
De
même,
les
montants
minimums
et
maximums
des
amendes,
ainsi
que
la
durée
minimum et maximum de
l'emprisonnement dépendraient de
la
pratique
en
vigueur
dans
chaque
pays.
En conséquence,
les
dispos i t ions
types
ne
contiennent
pas
de suggestions précises quant aux types de solutions à retenir.
65.
Il
est
à
noter
que
la
protection
garantie
par
les
dispositions
types
n'est
pas
limitée
dans
le
temps.
On
trouve

l'une
des
différences
intéressantes
entre
les dispositions
types et
les
lois
sur
le
droit
d'auteur.
Une
protection
non
limitée
dans
le
temps
se
justifie
par
le
fait
que
la
protection
des
expressions
du
folklore
n'est
pas
assuré.
en
faveur
des
créateurs
individuels
mais
en
faveur
d'une
communauté
dont
l'existence
n'est
pas elle-même
limitée dans
le
temps.
Cependant,
la question
de
savoir
si
une
action
peut
être
intentée
devant
un
tribunal
indépendamment
du
temps
écoulé
depuis
l'infraction
ou
la
violation
est
une
autre
question.
Comme
la
prescription des
sanctions
pénales
et
civiles est 9énéralement
prévue dans
la
lég isla tion
na tionale
appl icable,
les
dispos i t ions
types
ne
compor ten t
auc"ne
règle
à
cet
égard.
rl
faut
supposer,
en
l'occurrence,
que
les
principes
du
~roit généralement
applic301es à
la
?rescr iption
èes
sanctions
pénales
(et,
eventuellement,
àes
actions
clviles
qui
s'y
rattachent)
seront
également
valables dans
le cas des
infractions prévues par
les dis?ositions
types.
Saisie ou autres movens
<article 7)
66.
Cet article
s'applique
à
tous
les
cas
de
violation
de
la
loi
en
ce
qui
concerne les objets et les recettes.
67.
!'ar
"objet",
il
faut
entendre
"tout
oojet
fabriqué
en
violation
des
dispositions
de
la
présente
[loiJ",
oar
exemple
la
production
d'exemplaires
d'expressions
écrites
du
folklor'e,
d'enre9istrements
phonographhlues
d'expressions
musicales
du
folklore,
de
vidéocassettes
d'une
danse
folklorique,
des
exemplaires
de
dessins,
etc.,
appartenant
au
folKlore,
;Jour
autant
qu'ils
aient
été
faits
en
violation
des
dispositlons
de
l'articl?
j
(c'est-à-dire,
pour
simplifier,
sans
autorisation
et
dans
une
intention
de
lucre)
ou
en
violation
des
dispositions
de
l'article
S
(c'est-à-dire,
pour
simplifier,
lorsque
les
objets
sont
publiés,
etc.,
sans
que
l'orlgine
de
l'expression
soit mentionnée
de
façon
appropriée)
ou
encore
en
violatlon
d'eS
alinéas 3 et 4 de
l'article
6,
c'est-à-dire
d'''ne
façon
qui
induit
le
public
en
erreur
au
sujet
de
leur
origine
ou
qui
déforme
l'expression
du
folKlore
qu'ils
incoroor~nt.
68.
Par
"recettes",
il
faut
entendre
"toutes
recettes
tirées
de
chaque
violation
[de la 10iJ
par celui qui
la commet";
il
faut ci'ter,
COmme exemples
typiques,
les
recettes
du
vendeur
d'un
objet
contrefait
et
celles
de
l'organisateur
d'une
représentation
ou
d'une
exécution
;J'uolique
constiruant
une contrefaçon.
69.
Ces
objets
et
recettes
font
l'OD)et,
selon
l'une
des
'Jariantes,
d'une
"saisie " et
selon
l'autre
var iante
des
"actions
et
moyens
prévus
par
la
loi".
Ces
actions
er
moyens' peuvent
par
exemple
conslster
en
"ne
lnrerd,ct,on
de
stocker,
d'importer
t?t
d'exporter.
Il
convient
.je
noter
qu'aux
termes
des
dispositions
':yp~s,
lei
saisi~
et
les
autres
moyens
.3ii"ililaires
ne
3ùnt
pdS
nécessairement
li:rdt?s
a.ux
_sanctions
:")énales.
Ils
?euvent
également
êtrl;
prévus
dans
d'autr~s domaines èu droi~: notamment le :}roit civil.
Ld
salSlf"
doit être opérée contor~ément à la législation de cnaque pays
inr&ressé.

UNESCO/OMPI/FOLK/AFR/2
I)a"e 19
70.
Les
dispositions
types
ne
prévoient
pas
la
saisie
des
moyens
utilisés
pour
commettre
la
violation
car
cette
mesure
n'est
généralement
pas
prévue
dans d'autres domaines
de protection de
la
propriété
intellectuelle.
Il
faut
cependant
noter
que
la
législation
sur
le
droit
d'auteur
d'un
certain
nombre
de ~ays admet ce type de sanction et qu'il ne serait pas contraire à l' espr it
ni a la lettre des dispositions
types
d'étendre
la
saisie ou d'autres
actions
similaires
aux
moyens
utilisés
principalement
ou
uniquement
pour
utiliser
de
façon
illicite
des
expressions
du
folklore.
Il
peut
s'agir
par
exemple
de
plaques,
de
matrices,
de.
films
ou
de
dispositifs
de
reproduction,
de
magnétoscopes et de divers autres
instruments de ce type.
Recours civils
(article 8)
71.
Cet
ar ticle
préc ise
que
les
sanctions
pénales
prévues
dans
l ' ar ticle
6
n'excluent pas les actions en dommages-intérêts ni
les autres
recours
civils;
au
contraire,
l'article
6
peut
être
appliqué
sans
préjudice
de
ces
recours.
Ces
derniers
peuvent
consister
par
exemple
en
une
indemnisation
pour
les
dommages
entraînés
par
l'utilisation
illegale
d'une
expression
du
folklore,
comme
la
perte
des
redevances
normalement
demandées
pour
les
autorisations
accordées.
Ils comprennent aussi
l'indemnisation pour
le pré)udice causé à
la
réputation
de
la
communauté
intéressée
du
fait
de
la
denaturation
d'une
expression du folklore.
Autorités
(article 9)
72.
L'article
3
soumet
certaines
utilisations
d'expressions
du
folklore
à
l'autorisation
soit
d'une
"autorité
compétente"
soit
au
choix
de
chaque
pays - de la 'communauté concernée" proprement dite.
L'article 9 contient des
dispositions
permettant
la
désignation
de
l'autorité
compétente,
si
le
législateur
préfère cette
solution.
I\\u
deuxième
alinéa
du
même
ar ticle,
est
également
prévue
entre
crochets
la
possibilité
de
désigner
une
"autor ité
de
surveillance"
si
cela
se
révèle
nécessaire
en
raison
de
l'adoption
de
certaines
dispositions
subséquentes
suggérées
comme
variantes
en
ce
qui
concerne les
fonctions que doit
remplir
ladite autorité.
Il faut entendre
par
"autorité"
toute personne ou
organisme habilité
à
exercer
certaines
fonctions
spécifiées dans les dispositions types.
73.
Selon
ces
dispositions,
l'autorité
compétente
(dûment
déSignée)
a
pour
tâches
d'accorder
des
autorisations
pour
certalns
types
d'utilisation
des
expressions
du
folklore
(article
3),
de
recevoir
les
demandes
d'autorisation
de
ces
utilisations
(article
10,
premier
alinéa),
de
se
prononcer
sur
ces
demandes
(article
10,
deuxième
alinéa)
et,
lorsque
l ' autor isation
est
accordée,
de
fixer
le
cas
échéant
le
montant
des
redevances
et
de
percevoir
celles-ci
(article
10,
deuxième
alinéa).
Les
dispositions
types
prévoient
aussi
que
toute
décision
de
l'autorité
compétente
peut
faire
l'objet
d'un
recours
(article 10,
troisième alinéa,
et article Il,
premier alinéa).
74.
En
ce
qui
concerne
l'autorité
de
surveillance,
les
dispositions
types
offrent la possibilité
(entre crochets)
de prevolr dans la loi qu'elle
établit
un barème des
redevances dues
pour
les
autorisations d'utilisation
ou qu'elle
approuve
ce
barème
(mais
il
n'est
pas
preclsé
qui
propose
alors
ce
barème,
bien qu'il
ait
é·té
entendu
entre
les
experts
que
ce
serait
alors
l'autorité
compétente)
(article 10,
deuxième alinéa)
et que
la décision de
l'autorité
de
surveillance peut faire
l'objet d'un
recours auprès d'un
tribunal
(article
Il,
premier alinéa).
75.
L'objectif
poursuivi
par
l'article
examiné
(article
9)
est
de
faire
en
sorte
que
le
législateur
(ou
tout
autre
organe
arrêtant
les
dispositions)
précise
l'identité
des
autorités
qu'il
souhaite
désigner.
La
question
de
savoir
quelle
sera ou quelles
seront
les
autorités
désignées
dans
tel
ou
tel
pays dépendra largement du système juridique en vigueur dans
le pays considéré.
76.
Une solution pourrait consister à créer
une autorité spéciale chargée des
tâches mentionnées dans les dispositions
types et à désigner
comme autorité de
surveillance
un
ministère,
par
exemple
celui
de
la
culture.
L'autorité
compétente
pourrait
être
le
ministère
de
la
culture
ou
des
arts
ou
un
organisme public chargé des questions en rapport avec
le folklore,
une
société
d'auteurs
ou
un
organisme
similaire.
Un
organisme
représentatif
de
la
communauté
intéressée
pourrait
également
être
désigné,
même
lorsque,
pour
quelque
raison que ce
soit,
le
législateur
aura
préféré
ne
pas
reconnaître
à
la
communauté
elle~même la qualité
de
propriétaire
des
eXDressions
de
son
folklore,
habilité à autoriser directement l'utilisation de cès expressions.

(jNE5CO!C~!P l ,'=OLK! M'R! c
"ase cO
77.
Si
le
législateur
décide
que
la
communauté
"r'''prement
di:",
de
préférence à
l'"autorité compétente"
-
est habilitée à
permettre ou
~ empêcher
les
utilisations
d'expressions
de
son
folklore
soumlses
à
aut"r isation,
la
communauté
pourrain
alors
agir
en
sa
qualité
de
propr iétaire
des
expressions
en question et serait libre
de
décider
de
la manière de
procéder
à
cet égard.
Il n'y aurait alors
aucune
autorité
de
surveillance ,pour
contrôler
la
manière
dont
la
communauté
exerce
dans
ce
domaine
les
droits
qui
lui
appartiennent:
Toutefois,
les
experts
ont
estimé
que
si
ce
n'était
pas
la
communaute
proprement
dite
mais
un
organisme
représentatif
de
celle-ci,
dûment
désigné,
qui
était
habilité
par
la
loi
à
accorder
l'autorisation
nécessaire,
cet
organisme serait une autorité compétente,
sous
réserve des
règles
de
procédure
pertinentes énoncées dans
les dispositions types.
78.
On
pourrait
aussi
concevoir,
au
lieu
d'une
autorité
spécialement
créée
pour
la
circonstance,
la
désignation
comme
autorité
compétente
d'une
ou
de
plusieurs
insti~utions confirmées ou récemment constituées.
79.
Il
semblerait
extrêmement
utile
et
logique
que
les
représentants
des
différentes
communautés
folkloriques
du
pars
soient associés
au
travail de
la
ou
des
autorités
compétentes
et
jouent
a
ce
titre
un
rôle
important.
En
outre,
les
représentants
d' institutions
culturelles
et
ethnologiques,
y
compris
les
musées,
possédant
une
expérience
de
certains
aspects
de
la
protection
du
folklore,
pourraient
également
être
associés
aux
travaux
de
l'autorité ou des autorités compétentes.
Autorisation
(-'rtiele 10)
80.
Il
ressort de
l'alinéa
l
que
l'autorisation
eXlgée
en vertu
de
l'artlcle
)
ne
peut
être
accc>rdée
qu'à
la
suite
d'une
"demande"
adressée
ë:.
l'autorit.é
compétente
ou
à
la
communauté
concernée.
::n
plaçant
les
mots
"par
écr lt"
entre
crochets,
les
dispositions
types
invitent
à
une
réflexlon
sur
la
possibilité
d 'adme~t[e
les
demandes
ver~ales.
Cet
alinéa
permet
d'accorder
une autor isation
"individuelle"
ou
"globale".
è-e
premler
terme
3 ' applique
aux
autorisations
acco[à~es cas
par
cas
~t
le
seconè
aü:<
autorlsatlons
accordées
aux
utilisateurs
r~Guli.ers comme
les
ir.stltJtions
culturelles,
les
théâ.cres,
les
troupes
de
8allé,:s
~t les organismes de radiodiffusion e: de télévisIon.
Dans
ce
dernier
sas,
le
législateur
natlonal
peut
également
prévoH
l'application de
systèmes de
licences
non volontaires qUl
peuvent
exister
dans
le
pays
pour
l'utilisation
d'oeuvres
protégées
par
le
drolt
d'auteur,
particulièrement
en
ce
qui
concerne
certaines
catégories
d'utilisatlons
par
les organismes de radiOdiffusion et les
résea~x câblés.
81.
Les dispositions
ty?es
ne
donnent
aucune
dl[ec~ive I=D ce qUI
:::oncerne
les
informations
que
;es
demar:àes
d'autorisation
àoivent
contenir.
Une
réglementation
appro",r lée
sur
les
modalités
de
présentation
des
demandes
il
l'autorité
compétente
ou
à
la
communauté
concernée
",eut
être
édic~ée
par
chaque Etat,
com",te
tenu
des
conditions
qui
existent dans
le
pays.
Il
serait
indiqué
àe
demande~ les
renseignements
suivants,
qui
sont
inàispensaoles
~our
permettre
à
l 'autor ité
compétente
ou
il
la
communauté
concernée
de
prendre
sa
décision
l
il
renseignements concernant l'utilisateur
prévu
de
l'exFression
du
folklore,
notamment
son
nom,
son
activité
professionnelle
et
son
adresse;
ii)
renseignements
concernant
l'expression
qu'il
est
prévu
d'utillser,
laquelle
doit
être
convenablement
identifiée,
notamment
par
la
mention
de
la
source;
iii)
renseignements
relatifs
à
l'utilisation
envisagée,
lesquels
doivent préciser,
en cas de
reproduction prévue,
le
nombre
d'exemplaires qu'il
est
prévu
de
produire
et
leur
zone
de
diffusion;
en
ce
qui
concerne
les
récitals,
les
représentations
ou
exécutions
et
autres
communications
au
public:
leur
nature
et
leur
nombre
ainsi
que
la
zone
à
laquelle
s'appllque
l'autorisation.
Evidemment,
il
sera
plus
facile
de
satisfaire à
ces
eXlyences
si les demandes doivent obligatoirement être présentées par
écrit.
82.
Les dispositions
types
ne contiennent
aucune
indlcatlon
sur
les
modolltés
d'octroi
de
l'autorisation.
Il
serait
cependant
sounaitdDle
:: 'exlger
c;ue
la
décision
soit
?rise
dans
un
certain
délai.
fixé
dans
un
décret
d 'appl iC3tlOn
de
la loi;
ce délai
pourrait
être
de
15
ou
30
jours.
comOle
plUSIeurs
experts
l'ont suggéré.
Il doit
être
suffisamment long
pour
que
la
demande
Oulsse
~tr~
étudiée mais suffisamment
bref
90ur
ne
pas
faire
c>ostacle
aUX
utllisations
'iés
expr~ssions du fclklo[~ envisagées.
Si
l'autor lté comuétente
Ou
la
COfTllllU:I:3l.1té
corlcernée
ne
communique
pas
par
écr it
sa
décisl.on
au· (p'~uéranr 8driS
1"..'
nÉ'J.dl
prévu,
l'autorisation delnandée devrait ~tre réputée ac~old~~.

UNESCO/OMPI/FCLX!AFR/2
oa<:e
2l
83.
Il
faudrait que
si
la decnande
est rejetée,
le
refus
SOlt
obligacoirement
motivé.
Les motifs peuvent tenir
notamment au genre d'utilisation
proposé
si,
par
exemple,
l'utilisation
des
formes
ar~istiques d'un
rituel
est
envisagée
dans le cadre d'un spectacle de cabaret.
84.
L'alinéa 2 autorise,
sans
l'exiger,
la
perception
de
redevances
pour
les
autorisations.
Vraisemblablement,
lorsqu'une
redevance
est
fixée,
l'autorisation
ne
sera
effective
que
si
cette
redevance
est
acquittée.
La
délivrance des
autorisations
peut
également
êcre
exonérée
de
toute
redevance.
Même
dans
ce
cas,
le
système
d'autorisation
se
justifie
puisqu'il
peut
empêcher les utilisations qui déformeraient les expressions du
folklore ou
qui
porteraient
atteinte
d'une
autre
façon
à
leur
dignité.
Lorsque
des
redevances
sont
fixées,
elles
doivent
l'être
conformément
à
un
barème
établi
et
approuvé -
comme
cela
a
déjà
été
signalé
plus
haut
par
l 'autor ité
de
surveillance.
85.
L'alinéa
2
traite
également
du
but
auquel
doivent
être
affectées
les
redevances
perçues.
Il
prévoit
deux
variantes.
Ces
redevances
pourraient
être
utilisées,
au choix,
pour
promouvoir
ou
sauvegarder
la
culture
nationale
ou
le
folklore
national.
Naturellement,
le
folklore
national
fait
partie
de
la
culture
nationale
mais
celle-c i
concerne
un
nombre
théor ique
de
bénéficiaires plus élevé.
Il serait en
tout cas
souhaitable de
prévoir,
dans
un
décre t,
qu'un
cer ta in
pourcen t3ge
des
redevances
perçues
au
cas

une
autor ité
compétente
a
été
désignée
sera
attribué
à
la
communauté
dont
est
issue l'expression du
folklore
pour
l'utilisation
de
laquelle
cette
redevance
a
été
perçue.
Le
décret
pourrait,
dans
ce
cas,
autoriser
l'autorité
compétente
à
déduire
des
redevances
perçues
une
fraction
correspondant
aux
frais
d'administration
du
système
d'autorisation.
S'il
n'y
a
pas
d'autorité
compétente dûment désignée
et
si
l'octroi
de
l' autor isation
et
la
perception
des redevances
prévues
sont du
ressort direct de
la communauté
intéressée,
il
semble évident que celle-ci doit aussi décider
de
l'affectation des
redevances
perçues.
Quant à
l'Etat,
il devrait
prendre
sa
part des
redevances
-
s ' i l en
décide
ainsi
en
assujettissant
celles-ci
à
un
impôt
ou
de
toute
autre
manière appropriée.
86.
L'alinéa
3
prévoit
que
toute
décision
de
l'autorité
compétente
est
susceptible
de
recours.
Il
précise
que
le
recours
peut
être
formé
par
le
requérant
(notamment,
lorsque
l'autorisation
est
refusée)
et
par
"le
représen tan t
de
la
communauté
concernée"
(notammen t,
lor sque
l ' autor isa tian
est
accordée).
Cet
alinéa
est
placé
entre
crochets
parce
qu'il
n'a
pas
d'objet
lorsque
l'autorisation
est
accordée
directement
par
la
communauté
concernée.
Les
décisions
de
cette
communauté
ne
sont
pas
susceptibles
de
recours.
Juridiction comoétente
(article Il)
87.
L'objectif poursuivi
par
l'alinéa
l
est d'assurer
que
le
législateur
(ou
tout
autre .organe
arrêtant
les
dispositions)
dés igne
un
tr ibunal
compétent
pour
connaltre
des
recours
formés
contre
les
décisions
de
l' autor ité
compétente.
La question de
savoir quel
tribunal sera
désigné
dans
tel ou
tel
pays dépendra largement du système
juridictionnel qui
existe dans
ce pays.
Le
fait
que
les
expressions
"l'autorité
compétente"
et
"l'autorité
de
surve illance"
appar a issen t
entr e crochets
semble
ind iquer
que,
dans
le
second
cas,
on
peut
adopter
un
système dans
lequel
les
recours
contre
les
décisions
de
l'autorité
compétente
doivent
être
formés
auprès
de
l'autorité
de
surveillance,
le
tr ibunal
ne
pouvant
être
saisi
que
des
recours
contre
les
décisions
de
l'autorité
de
surveillance.
L'alinéa
l
n'est
évidemment
applicable
que
lorsque
les
décisions
relèvent
de
la
compétence
d'une
"autorité"
et
non
des
prérogatives
de
la
communauté
concernée.
Si
la
communauté
concernée
est
habilitée
à
se
prononcer
sur
l'utilisation
des
expressions de
son
folklore,
l'alinéa
l
est
inapplicable
et
l'alinéa
2
reste
la seule disposition de l'article Il.
88.
L'objectif poursuivi
par
l'alinéa 2 est d'assurer
que
le
législateur
(ou
tout
autre
organe
arrêtant
les
dispositions)
désigne
un
tribunal
compétent
pour
les
procédures
prévues
à
l'article
6.
La
question
de
savoir
quel
tr ibunal
sera
désigné
dans
tel
ou
tel
pays
dépendra
largement
du
système
juridictionnel de ce pays.

Relations avec d'autres formes de protec~ion (ar~lcle 12)
89.
Cet
article
est
essentiellement
destiné
à
préciser
que
si
un
objêt
protégé
par
les
dispositions
types
(parce
qu'il
s'agit
d'une
expression
du
folklore)
peut aussi
bénéficier
d'uCle
protection en vertu d'autres
lois
et
de
traités
internationaux
(parce
qu'il
s'agit
aussi
d'autre
chose
qu'une
expression du folklore~, la protection sera aussi garantie en vertu de ces lois
et
traités.
En
à"autres
-termes,
la
protection
garantie
par
.la
loi
{ou
le
décret, etc.)
du pays qui contiendrait des dispositions correspondant à
celles
des dispositions types se cumulerait,
dans ce cas,
avec la protection garantie
par d'autres lois du pays ou par
les traités auxquels ce pays est partie.
90.
Les autres lois envisagées peuvent notamment être les suivantes:
il
la
loi sur
le droit d'auteur, qui s'appliquerait si
l'expression du
folklore
est aussi une
'oeuvre",
au
senS
de
cette
loi,
par
exemple
au
cas
o~
un
individu
développe
une
expression
du
folklore
qUl
répond
aux
as?irations
artistiques traditionnelles de
la communauté c0ncernée
(et qui s'intègre de
ce
fait
aux
expressions
du
folklore
de
cette
communauté)
et
à
laquelle
i l
a
aussi,
par
ailleurs,
conféré
suffisamment
d'originalité
(de
sorte
qu'elle
remplit
aussi
les
conditions
requises
pour
être
protégée
au
titre
du
droit
d'auteur) ;
ii)
la
loi
protégeant
les
artistes
iCl;erprètes
ou
exécutants
qui
s'appliquerait
aux
artistes
interprètes
ou
executants
qui
représentent
ou
exécutent des expressions du
folklore,
en particulier
aux acteurs,
aux
danseurs
et
aux
musiciens
qui
jouent
dans
des
pièces
constituant
des
expressions
du
folklore,
qui
dansent
des
danses
folkloriques
ou
qui
chantent
ou
jouent
des
chants
folkloriques
ou
des
morceaux
de
musique
instrumentale
folklorique.
Comme
i l a déjà été signalé
au
paragraphe
12,
i l est souhaitable de
relier
la
protection
des expressions
du
folklore
à
leur
représentation
ou
exécution
en
précisant
dans
toute
loi
destinée
à
pr0téger
les
artistes
interprètes
ou
~xécutantg
d'oeuvr~s
littéraires
~t
3rtistlqu~s
gue
la
repr~sentation ou
l'~xécution àlexpr~ssions du
folklore
doie
.être
assimilée
à la
représenL3tion
ou à ll ex écution de ces oeuvr~s;
i il)
la
loi
protégeant
les
proàuc~eurs de
phonogrammes
contenant
par
exemple
les
enregistrements
de
l'interprétation
ou
de
l'exécution
de
récitations,
de
contes
folkloriques,
de
poèmes
folKloriques,
èe
chansons
folkloriques, de musique
folklorique
instrumentale ou de pièces folkloriques;
iv)
la
loi
protégeant
les
organismes
de
radiodiffusion,
'lui
diffusent
des expressions du folklore;
v)
la
loi
pr::>tégeant la ;:>r::>prlété
industrielle.
qui
s'appliqueralt
par
exemple
si
une
expression
du
folklore
est
utilisée
dans
un
dessiCl
ou
:nodèle
industriel.
dans
~ne
marque
ou
dans
une
appellation
d'0r j'lins
Ou
10rsq'J~
l'utilisation
d'une
~xpression
du
folklore
donrle
lieu
à
une
concurrence
déloyale.
vi)
la
loi
protégeant
le
patrimoine
culturel,
qui
s'appliquerait.
par
exemple.
à
la
protection
des
expressions
du
folKlore
de
caractère
architectural,
telles que
les groupes de constructions
isolées ou
réunies
qui,
en raison de
leur
architecture,
de
leur
uni~é ou de
leur
intégration
dans
1"
paysage,
ont
une
valeur
universelle
exceptionnelle
du
point
de
vue
~e
l'histoire.
de l'art ou de la science;
vii)
certaines
lois
visant
à
assurer
la
conservation
des
images
en
mouvement,
qui
s'appliqueraient,
par
exemple,
à la
protection
àes
?roàuctions
cinématographiques.
télévisuelles
ou
~idéographiques
d'expressions
du
folklore,
cette- protection
venant
3'3Jou~~r à celle que tJrévoi~ la
IJ.gisldtion
sur
le droit d'auteur.
91.
Comme
-exempl~s de traités i.:lternat.iondûx ·:)u j'aut.::es formes de orotectJon
visées par
cet
article,
i l
faut
cl:~[ î .. 1.3 C"onvention de aer~le, ~t' ôlOta:nment
l'article
15.~J
:je
,'::f:::'ttE"
Conve!1t.ion,
=lu:
~r~'J01~
13
;:HOt.~ctJon des
1l~)~IJvr.~s
non
pub]i~es dont
lli"dentité
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ONESCo/O~ŒI/FOLK/AFR/2
"age 22
Relations avec d'autres
formes de prot~ction (article 12)
89.
Cet
article
est
essentiellement
destiné
à
préciser
que
si
un
oojet
protégé
par
les
dispositions
types
(parce
qu'il
s'agit
d'une
expression
du
folklore)
peut aussi
bénéficier
d'une
protection en vertu
d'autres
lois
et de
traités
internationaux
(parce
qu'il
s'agit
aussi
d'autre
chose
qu'une
expression du
folklore),
la protection sera aussi garantie en vertu de ces lois
et
traités.
En
d'autres
termes,
la
protection
garantie
par
la
loi
(ou
le
décret,
etc.)
du pays qui contiendrait des dispositions correspondant à
celles
des dispositions types se cumulerait,
dans ce cas,
avec la protection garantie
par d'autres lois du pays ou par les traités auxquels ce pays est partie.
90.
Les autres lois envisagées peuvent notamment être les suivantes:
i)
la loi sur
le droit d'auteur,
qui s'appliquerait si
l'expression du
folklore est aussi
une
"oeuvre",
au
sens
de
cette
loi,
par
exemple
au
cas

un
individu
développe
une
expression
du
folklore
qui
répond
aux
aspirations
artistiques
traditionnelles de
la communauté concernée
(et qui s'intègre de
ce
fait
aux
expressions
du
folklore
de
cette
communauté)
et
à
laquelle
il
a
aussi,
par
ailleurs,
conféré
suffisamment
d'originalité
(de
sorte
qu'elle
remplit
aussi
les
conditions
requises
pour
être
protégée
au
titre
du
droit
d'auteur) ;
ii)
la
loi
protégeant
les
artistes
interprètes
ou
exécutants
qui
s'appliquerait
aux
artistes
interprètes
ou
exécutants
qui
représentent
ou
exécutent des expressio~du folklore,
en particulier
aux acteurs,
aux danseurs
et
aux
musiciens
qui
jouent
dans
des
pièces
constituant
des
expressions
du
folklore,
qui
dansen t
des
danses
folklor iques
ou qui
chanten t
ou
jouen t
des
chants
folkloriques
ou
des
morceaux
de
musique
instrumentale
folklorique.
Comme i l a déjà été signalé au
paragraphe
12,
i l est souhaitable de
relier
la
protection des
expressions du
folklore
à
leur
représentation
ou
exécution
en
précisant
dans
toute
loi
destinée
à
protéger
les
artistes
interprètes
ou
exécutants
d'oeuvres
littér~ires et
artistiques
que
la
représentation. ou
l'exécution d'expressions
du
folklore
doit
être
assimilée
à
la
représentation
ou à l'exécution de ces oeuvr~s;
i i i)
la
loi
protégeant
l~s
producteurs
de
phonogrammes
contenant
par
exemple
les
enreg·istrements
de
l'interprétation
ou
de
l'exécution
de
récitations,
de
contes
folkloriques,
de
poèmes
folkloriques,
ce
chansons
folkloriques,
de musique
folklorique
instrumentale ou de pièces folkloriques;
iv)
la
loi
protégeant
les
organismes
de
radiodiffusion,
qui
diffusent
des expressions du folklore;
v)
la loi protégeant la propriété
industrielle,
qui
s'appliquerait par
exemple
si
une
expression
du
folklore
est.
utilisée
dans
un
dessin
ou
modèle
industriel,
dans
une
marque
ou
dans
une
appellation
d'origine
ou
lorsque
l'utilisation
d'une
~xpression
du
folklore
donne
lieu
à
une
COncurrence
déloyale.
vi)
la
loi
protégeant
le
patrimoine
culturel,
qui
s'appliquerait,
par
exemple,
à
la
protection
des
expressions
du
folklore
de
caractère
architectural,
telles que
les groupes de constructions
isolées ou
réunies
qui,
en raison de
leur
architecture,
de
leur
unité
ou
de
leur
intégration
dans
l~
paysage,
ont
une
valeur
universelle
exceptionnelle
du
point
de
vue
de
l'histoire, de l'art ou de la science;
vii)
c~rtaines
lois
visant
à
assurer
la
conservation
des
images
en
mouvement,
qui s'appliqueraient,
par
exemple,
à
la
protection
des
productions
cinématographiques,
télévisuelles
ou
vidéographiques
d'expressions
du
folklore,
cette protection venant s'ajouter à
celle que prévoit
la législation
sur le droit d'auteur.
91.
Comme ~xemples
de
traités
internationaux ou d'autres
formes
de
protection
visées par cet article,
il
faut
cit2r
il
la Convention de
Berne,
et
notamment
l'article
15.4)
de
cette
Convention,
qui
prev01t
la
orot2ction
des
"oeuvres
non
publiées
dont
l'identité
de
l'auteur
est
incon-nue",
ainsi
qu'il
est
précisé
au
paragraphe
9;
ii)
la
Convention
universelle
sur
le
droit
d'auteur;
iii)
la
Convention
de
Rome
sur
la
protection
des
artistes
interprètes
ou
2xécutants,
des
product~urs de phonogrammes et des organismes
de
radiodiffusion;
Iv)
la
Convention
pour
la
protection
des
producteurc,
cln

UNESCC!CMPI!FOLK,'AFR/2
oa0e
23
phonogrammes
contre
la
repr.oductL:>n
non
autorisée
de
leurs
phonogrammes;
v)
la
Convention
concernant
la
distr ibution
de
signaux
porteurs
de
prograrrunes
transmis
par
satellite;
vi)
la
Convention de
Paris
[Jour
la
protection
de
la
propriété
industrielle;
vii)
l'Arrangement de
Madrid
concernant
la
répression
des
indications de
provenanc~ fausses ou fallacieuses sur
les
produits;
viii)
les
divers
arrangements
particuliers
conclus
dans
le
cadre
de
l'Union
de
Paris;
ix)
la
Convention
concernant
la
protection
du
patrimoine
mondial,
culturel
et
naturel,
adoptée
par
la Conférence
générale
de
l'Unesco
en
1972,
qui
reconnaît
qu'il
incombe
essentiellement
à
l'Etat
d'assurer
la
protection
du
patrimoine culturel
et
naturel
et qui
recommande
aux
Etats
de
prendre des
mesures appropriées
à
cet
effet;
x)
la
"Recommandation pour
la
sauvegarde
et
la conservation des
images en
mouvement",adoptée par
la Conférence générale de
l'Unesco
en
1980,
qui
considère
que
les
images
en
mouvement
sont
une
expression
de
l'identité culturelle
des
peuples
et
font
l(artie
intégrante
du
patrimoine culturel des
nations,
et qui
invite
les
Etats
a
prendre
toutes
les
dispositions
requises
pour
la
sauvegarde
et
la
conservation
efficaces
de
ce
patrimoine.
Interprétation
(article 13)
92.
Cet" article
souligne un
pr incipe
fondamental
de
l'ensemble
du
système
de
la
protection
spécifique
des
expressions
du
folklore:
cette
protection
ne
doit
en
aucune
façon
entraver
l'utilisation
et
le
développement
normal
des
expressions du
folklore.
Le
sens
premier
de
cette
disposition
est
sans
doute
que la communauté par
laquelle et au sein de
laquelle certaines expressions du
folklore
ont
été
développées
doit
pouvoir
utiliser
librement
ce
"patr imoine
artistique
traditionnel"
(article
2)
et
le
développer
sans
avoir
oesoin
des
autorisations
prévues
dans
l'article
3.
Les
experts
ont
aussi
convenu
que
l'utilisation
d'une
expression
du
folklore
au
sein
de
la
corrununauté
qui
l'a
développée et perpétuée ne saurait en aucun cas être qualifiée de
dénaturation
si
la communauté s'identifie
à
l'utilisation moderne de
cette
expression
et
à
la modification consécutive de celle-ci.
Protection des expressions du
folklore étranger
(article 14)
93.
Les
dispositions
types
devraient
ouvrir
la
voie
à
une
protection
au
niveau
sous-régional,
régional
et
international.
Il
est
primordial
de
protéger
les expressions du
folklore
contre
leur
commercialisation
illicite
et
contre
leur
déformation
au-delà
des
frontières
du
pays
dont
elles
sont
issues.
La protection régionale et
internationale des
expressions du
folklore
permet de
les
prémunir
contre
une
utilisation
illici te
à
l'étranger.
D'autre
part,
la
lég islation
nationale
sur
la
protection
des
expressions
du
folklore
offre
le
meilleur
moyen
de
protéger
aussi
les
expressions
du
folklore
des
communautés
appartenant
à
des
pays
étrangers.
En
étendant
de
manlere
appropriée
les
possibilités
d'application
de
ces
dispositions
selon
le
principe du
traitement national,
on pourrait
faire
des
dis[Jositions
nationales
un élément essentiel d'une protection régionale ou
internationale.
94.
Afin
de
favoriser
ce
processus,
les
dispositions
types
[Jrévoient
leur
application
à
l'égard
des
expressions
du
folklore
d'origine
étrangère,
soit
sous
réserve de réciprocité,
soit
sur
la base des
traltés
internationaux.
Une
réciprocité
réelle
dans
les
relations
entre
deux
ou
plusieurs
pays
qui
protègent
déjà
leur
folklore
national
peut
par fois
être
établie
et
déclarée
plus
facilement
qu'une
protection
mutuelle
instituée
par
la
conclusion
et
la
ratification
de
traités
internationaux.
Cependant,
plusieurs
experts
ont
observé
que
des
meSures
internationales
sont
indispensables
pour
étendre
la
protection
des
expressions
du
folklore
d'un
pays
donné
au-delà
de
ses
frontières.
A
cet
égard,
il
conviendrait
d'étudier
par
quels
moyens
on
pourrait étendre les accords
intergouvernementaux qui
existent déjà
en
matière
culturelle
ou
autre
afin
d'assurer
aussi
la
protection
réciproque
des
expressions
du
folklore.
A
propos
de
la
question
de
la
réglementation
internationale,
certains
experts,
tout
en
étant
favorables
à
l'examen
de
la
possibilité
d'adopter
une
telle
réglementation,
ont
été
d'avis
de
donner
la
priorité à la réglementation au niveau national et régional.
Dispositions transitoires
95.
Les
dispositions 'types
ne
comportent
pas
de
dispositions
transit.oIres.
Toutefois,
chaque pays qui adoptera
une
101
s'inspirant des
dispositions
t.ypes
devra
promulguer
des
dispositions
transitoi!es
en
ce
a\\ll
concetne
le~
utilisations d'expressions
du
folklore
soumises
à
autor isati;'n
f'n
ver tll
de
la

UNEsc%r-1P l / FOL",' ,IF R/:
nù~;e 2-1
nouvelle
loi
malS
ayant
eu
un
comiTIei1cement
dl exéc:Jtion
J..lcite
a.vant
l'entrée
en
vigueur
de.
celle-ci.
Le
législateur
a
le
cr..oi;<
e:ltre
trois
sol;Jtions
principales
il
rétroactivité
de
la
101,
ce
·.jUl
sig:1ifie
que
seraier.t
également
soumises
à
autorisation
les
utilisatlons
d'expressions
du
Eolklore
qui
ont
reçu
un
commencement
d'exécution
licite
dvant
l'ent~ée en
vigueur
de
la
loi mais qui
se
sont
poursuivies
après celle-ci,
dans
le cas
par
exemple de
séries
de
représentations
ou
d'exécutions
ou
de
13
distribution
d'exemplaires
d'une
expression
du
Eolklore;
ii)
non-rétroactivité
de
la
loi.
ce
qui
signiEie
que
la
loi
ne
s'appliquerait
qu'aux
utilisations
n'ayant
?as
eu
un
commencement
d'exécution
avant
son
entrée
en
vigueur;
et.
iii)
une
sol'ltion
intermédiaire
les
utilisations
soumises
à
autorisation
?ar
la
loi
qui
auraient
eu
un
commencement
d'exécution
sans
autorisation
avant
l'entrée
€:n
vigueur
de
la
loi
devraient
cesser
avant
l'expiration
d'un
certain
délai
si
l'utilisateur
n'a pas obtenu entre
temps
l'autorisation requlse.
[Fin du document]

ANNEXE XI

Projet de Traité pour la protection des express~ons du folklore
contre leur exploitation illicite et autres act~ons dommageables
SOMMAIRE
du texte annoté du projet de traité
Titre
Préambule
21
'cticle 1er (Expressions protégées du folklore)
22
Article 2 (Traitement national)
25
Article 3 (Autorités compétentes)
26
Article 4 (Utilisations soumises à autorisation)
27
Article 5 (Demande et octroi de l'autorisation)
30
Article 6
(Exceptions)
33
Article 7 (Mention de la source)
34
Article 8 (Infractions)
35
Article 9 (Saisie)
37
Article 10
(Recours civils)
38
Article 11
(Relations avec d'autres formes de protectionÎ
39
Article 12
(Dépôt et signature du Traité)
40
Article 13 (Entrée en vigueur du Traité)
41
Article 14
(Dénonciation du Traité)
42
Article 15 (Notifications par le Secrétaire général de
43
l'Organisation des Nations Unies)
Article 16
(Langues du Traité)
44

UNESCO/OMPI/FOLK/GEI.l/2 - pas,· 9.:1
litre
--"Projet de Traité pour la protection des expressions du folklore
contre leur exploitation illicite et autres actions dommageables"
Commentaires du titre
75.
Compte tenu de la grande variété des aspects possibles de la protec-
tion internationale du folklore, le titre du Projet de Traité a été choisi
de manière à bien refléter son objet particulier, à savoir la protection,
selon les principes de la propriété intellectuelle, des expressions du
folklore contre leur exploitation illicite et autres actions dommageables.
Une définition assez détaillée de l'objet dans le titre est également né-
cessaire pour éviter les éventuelles confusions avec d'autres textes ou
instruments juridiques pouvant toucher différents autres aspects de la
protection internationale du folklore.
Préambule
"Les Etats contractants,
Considérant que les expressions du folklore, développées et perpé-
tuées par des communautés de différents pays ou par des individus
reconnus comme répondant aux attentes de ces communautés, représen-
tent une partie importante du patrimoine culturel vivant de l'huma-
nité,
Considérant que les techniques modernes facilitent la commercialisa-
tion des expressions du folklore par delà les frontières du pays
d'origine,
Considérant que cette commercialisation des expressions du folklore
peut conduire à une exploitation indue et à une déformation de ce
patrimoine culturel
Considérant que la réglementation internationale de la protection des
expressions du folklore contre leur exploitation illicite et autres
actions dommageables est donc devenue indispensable comme moyen
permettant de les développer, de les perpétuer de manière authentique
et de les diffuser davantage, sans porter atteinte aux intérêts
légitimes d'y avoir accès,
Considérant que les expressions du folklore en tant qu'elles consti-
tuent des manifestations de la créativité intellectuelle méritent de
bénéficier d'une protection s'inspirant de celle qui est accordée aux
oeuvres protégées par le droit d'auteur,
Sont convenus de ce qui suit :"
Commentaires du préambule
76.
Les articles du Projet de Traité sont précédés d'un préambule (l'ex-
posé des motifs) destiné à exposer les principaux motifs de la proposition
de protection internationale des expressions du folklore, son objet et sa
nature juridique. Il est également destiné à rappeler un impératif fonda-
mental, qui domine le Projet de Traité, à savoir la nécessité d'assurer un
équilibre approprié entre la protection contre les utilisations abusiv~H

UNESCüiü~lPI/FOLK/GEI.l/2 - page 22
des expressions du folklore d'origine étrangère, d'un" parl, L'l
le respe""
des intérêts légitimes à accéder à ces expressions du folklore,
d'aulre
part. Ces intérêts légitimes concernent la possibilill' cle cliffu';Î"", ct,,",;
des conditions honnêtes, d'expressions du folklore l'il! cleLI )(':: Irollti'·!,·
et
la
lihL'rll"' d_0 créer lIes oC'lIvres origln;llcs
illspirl"'(,.,:
P;[l
1\\,
Il)!kl,)I'('
quelle que soit SOLI origille.
"~xpre68ion8 protégées du folklore
Aux fins du prisent Traiti, on entend par "expressions du folklore"
les productions se composant d'éléments caractéristiques du patri-
moine artistique traditionnel développé et perpétué par une commu-
nauté ou par des individus reconnus comme répondant aux aspirations
artistiques traditionnelles de leur communauté, en particulier:
i) les expressions verbales telles que les contes populaires, la
poésie populaire et les énigmes;
ii) les expressions musicales telles que les chansons et la
musique instrumentale populaires;
iii) les expressions corporelles telles que les danses et spec-
tacles populaires ainsi que les expressions artistiques des
rituels;
que ces expressions soient fixées ou non sur un support; et
iv) les expressions tangibles, telles que
a) les ouvrages d'art populaire, notamment les dessins,
peintures, ciselures, sculptures, poteries, terres cuites,
mosaIques, travaux sur bois, objets métalliques, bijoux,
vanneries, travaux d'aiguille, textiles, tapis, costumes;
b) les instruments de musique
le) les ouvrages d'architecture] ,"
Commentaires de l'article 1 er
77.
L'article 1er décrit l'objet de la protection instituée, Le Traité ne
propose pas de définition de la notion de "folklore", ceci afin d'éviter
tout risque de conflit avec les définitions qui sont ou qui pourraient
être données de ce terme dans d'autres textes ou dans d'autres instruments
juridiques relatifs à la protection du folklore. Cependant, aux fIns du
Traité, l'article 1er comporte une définition des "expressions du folk-
lore" qui est fondée sur les conclusions du Comité d'exlJens gouvernemèn-
taux sur la sauvegarde du folklore, qui s'est réuni à Paris en février
1982 sous l'égide de l'Unesco, Par "expressions du folklore",
il faut
entendre les productions se composant d'éléments caractéristiques du
patrimoine traditionnel développé et perpétué par une communauté d'un pays
ou par des individus reflétant les aspirations artistiques traditionnelles
de cette communauté.

UNESCO/OMPI/rOLK/CEI.I/2 -
page 23
78.
L'utilisation des mots "expressions" et "productions",
au lieu du mot
"oeuvres", est destinée à souligner qu'il s'agit de dispositions spécifi-
ques ne relevant pas du droit d'auteur,
puisque les "oeuvres" sont régies
par le droit d'auteur. Mais,
naturellement,
les expressions du folklore
peuvent avoir -
et ont la plupart du temps -
la même forme artistique que
des "oeuvres".
79.
La définition des "expressions du folklore"
adoptée dans
le Traité ne
fait pas état du "patrimoine culturel de l'humanité"
mentionné dans
le
préambule. Elle est axée sur le patrimoine artistique, d'une part,
et sur
la communauté dont i l est issu, d'autre part. Le patrimoine artistique est
un aspect particulier de la réalité beaucoup plus vaste que recouvre le
patrimoine culturel et le Traité s'attache à la protection des expressions
du patrimoine artistique traditionnel en laissant de côté d'autres ma-
nifestations du patrimoine culturel. En outre,
le patrimoine artistique
des communautés est un ensemble de valeurs traditionnelles plus limité que
le patrimoine artistique traditionnel de l'humanité. Le "patrimoine artis-
tique traditionnel développé et perpétué par une communauté" représente
donc l'un des aspects du "patrimoine culturel de l'humanité".
80.
Le fait que seul le patrimoine "artistique"
soit pris en considéra-
tion signifie, entre autres choses, que les croyances traditionnelles,
les
traditions scientifiques (par exemple,
la cosmogonie traditionnelle),
le
contenu des légendes (par exemple,
le déroulement notoirement connu de la
vie des héros traditionnels,
tels que le Roi Arthur et ses chevaliers) ou
simplement les traditions purement intellectuelles, dissociées des éven-
tuelles formes artistiques traditionnelles de leur expression, ne relèvent
pas de la définition proposée des "expressions du folklore".
D'autre part,
le patrimoine "artistique" doit être compris dans son sens le plus large
et englobe tout patrimoine traditionnel faisant appel au sens esthétique
de l'homme. Les expressions verbales,
qui seraient qualifiées de "littéra-
ture"
si elles étaient créées individuellement par un auteur,
les expres-
sions musicales,
les expressions corporelles ou gestuelles et les expres-
sions tangibles peuvent toutes consister en éléments caractéristiques du
patrimoine artistique traditionnel et présenter, de ce fait,
les qualités
nécessaires pour être protégées en tant qu'expressions du folklore.
81.
La notion d'expressions du folklore d'une communauté recouvre à la
fois les expressions issues de cette communauté et celles qui ont une
autre origine mais qui ont été adoptées,
développées ou perpétuées au fil
des générations par cette communauté. De ce fait,
lorsque le Traité fait
référence à des expressions du folklore
issues d'un Etat contractant (ou
de son territoire),
i l vise également les expressions du folklore à l'ori-
gine étrangères à cette communauté, mais assimilées par elle au fil du
temps. De plus,
il importe peu que le développement d'une expression
donnée, composée d'éléments caractéristiques du patrimoine artistique
traditionnel,
soit issu de la créativité collective d'une communauté ou
qu'il soit le fait d'un individu reflétant les aspirations artistiques
traditionnelles de la communauté.
32.
Les "éléments caractéristiques" du patrimoine anistique
tradition-
nel, dont la production doit être composée pour pouvoir prétendre à une
protection au titre d'''expcession du folklore",
s'entendent dans ce con-
texte des éléments généralerne~t admis comme représentant un patrimoine
traditionnel disti.nct d'une communauté. Les éléments généralement reconnus

UNESCO/0~ŒI/FOLK/GEI.1/2 - page 24
comme caract~ristiques sont habituellement d'authentiques expressions du
folklore,
reconnues comme telles par le consensus tacite de la communaut~
int~ress~e.
83.
La d~finition est suivie d'une liste d'exemples des genres les plus
typiques d'expressions du folklore.
Ces exemples sont divisés en quatre
groupes selon la forme de l'"expression", A savoir les expressions utili-
sant des mots ("verbales"),
les expressions utilisant des sons musicaux
("musicales"), les expressions utilisant le corps humain ("corporelles")
et les expressions utilisant un objet A trois dimensions ("expressions
tangibles"). Chacune doit comporter des éléments caract~ristiques emprun-
t~s A la totalité du patrimoine artistique traditionnel. Les trols ptemiè-
res cat~gories d'expressions ne doivent pas nécessairement être "fixées
sur un support" c'est-A-dire qu'il n'est pas indispensable que les mots
soient ~crits, ni que la musique soit pr6sent~e sous la forme d'une ~arti­
tion musicale, ni que les expressions corporelles -
comme la danse ~ exis-
tent sous la forme d'une notation ~crite de la chor~graphie. En revanche,
les expressions tangibles doivent être fix~es sur un mat~riau durable
comme la pierre,
le bois,
le textile, l'or, etc. Cette disposition donne
aussi des exemples pour chacune des quatre formes d'expressions. Ce sont,
pour la première,
"les contes populaires,
la poésie populaire et les
énigmes", pour la deuxième,
"les chansons et la musique instrumen~ale
populaire",
pour la troisième, "les danses et spectacles populaires ainsi
que les expressions artistiques des rituels" et enfin,
pour la quatrième,
"les dessins,
peintures, ciselures, sculptures,
poteries,
terres cuites,
mosaïques,
travaux sur bois, objets m~talliques, bijoux, vanneries, tra-
vaux d'aiguille,
textiles,
tapis, costumes ainsi que les instruments de
musique et les ouvrages d'architecture". Ce dernier exemple est donné
entre crochets pour signaler les h~sitations avec lesquelles il a ~té
adopté.
84.
Les sites traditionnels d'~v~nements folkloriques ne peuvent genera-
lement pas être qualifi~s d'expressions du folklore car il ne s'agit
habituellement pas de productions composées d'~l~ments caractéristiques du
patrimoine artistique traditionnel d'une communaut~, mais seulement de
lieux où les expressions du folklore se manifestent r~gulièrement. Cer-
tains ~v~nements folkloriques peuvent cependant être consid~rés comme des
expressions artistiques corporelles -
des formes de rituels -
pouvant être
protégées s'ils ne sont pas simplement un cadre traditionnel d'utilisation
de diverses expressions du folklore devant être prot~gées sépar~ment.
85.
On pourrait assurer l'identification des expressions du folklore
originaire d'une communaut~ et d~veloppé par elle en tenant un inventaire
authentique de ces expressions. La n~cessité de dresser un tel inventaire
a ~t~ examin~e dans le contexte de la conservation du folklore par le
Comit~ d'experts gouvernementaux sur la sauvegarde du folklore r~uni par
l'Unesco en f~vrier 1982 dans le cadre d'une étude globale et interdisci-
plinaire men~e par son secr~tariat. Les recommandations adopt~es par ce
comit~ pr~voient notamment qu'''un registre international des biens cultu-
rels folkloriques soit tenu par l'Unesco et qu'un modèle de système d'in-
dexation soit élaboré et mis â la disposition des Etats membres"
et que
"l'Unesco ~tablisse un groupe spécial d'experts en matière de documenta-
tion, d'archivage et de classification des matériaux relevant de la cul-
ture traditionnelle". Ces mesures seront très utiles pour la ~ise en
oeuvre de la protection internationale des expressions du folklore.

UNt:SCO/ONPl!FOLK/GEl.l/2 -
page 2'.>
Article 2
"Traitement national
Chaque Etat contractant accorde la même protection aux expressions du
folklore issues d'autres Etats contractants qu'à celles issues de son
propre territoire, sous réserve de la protection spécifiquement
garantie et des exceptions spécifiquement prévues par le présent
Traité."
Commentaires de l'article 2
86.
L'article 2 détermine la nature et l'étendue de la protection gara~­
tie par le Traité. Le principe fondamental de la protection est le traite-
ment national,
c'est-à-dire l'obligation pour chaque Etat contractant
d'accorder la même protection aux expressions du folklore issues d'autres
Etats contractants que celle accordée aux expressions du folklore issues
de son propre territoire.
87.
Cependant,
le traitement national visé par le Traité est explicite-
ment assujetti aux normes minimales de protection énoncées dans les dispo-
sitions de fond.
Ces dispositions touchent la gamme des expressions du
folklore protégées (article 1er ), aux modes d'utilisation contre lesquel-
les elles doivent être protégées (articles 4 et 8) ainsi qu'aux moyens de
protection (articles 2, 5, 7, 8, 9 et 10).
88.
D'autre part,
l'étendue du traitement national dans le cadre du
Traité est nécessairement restreinte à l'objet de celui-ci, qui est la
protection,
selon les principes de la propriété intellectuelle, contre les
exploitations illicites et autres actions dommageables.
Le traitement
national au sens du Traité ne s'étend pas à d'autres aspects de la protec-
tion du folklore,
telles que par exemple la préservation des produits
artistiques traditionnels ou la promotion de la diffusion des expressions
du folklore.
De plus, le traitement national est également soumis aux
exceptions prévues par le Traité (article 6) afin de garantir des formes
spécifiées d'utilisation habituelle et légitime d'expressions du folklore
par delà les frontières.
89.
L'hypothèse est que le système de protection prévu par le Traité
devrait amener les pays adhérents,
ou entendant adhérer au Traité, à
coordonner ou harmoniser leurs législations sur la protection des expres-
sions du folklore.
Les dispositions de fond du Traité ont été rédigées
conformément aux "Dispositions types de législation nationale sur la
protection des expressions du folklore contre leur exploitation illicite
et autres actions dommageables" adoptées par le Comité des experts gouver-
nementaux convoqué par les Directeurs généraux de l'Unesco et de l'OMPI à
Genève en 1982 et examinées par les Comités de l'Union de Berne et de la
Convention universelle sur le droit d'auteur,
respectivement,
réunis à
Genève en décembre 1983.

UNESCO/OMPI/FOLK/CEl.l/2 -
page 26
Article J
"Autorit~s comp~tentes
(1)
Cllaque Etat contractant d~siglle une ou plusieurs autorit~s
comp~tentes (d~sign~es ci-après comme l'''autorit~ comp~tente")
cllarg~es de gêrer la protection, dans le cadre du pr~sellt Trai-
tê, des expressiotls du folklore et de demander ia mise en oeuvre
de la protection dans d'autres Etats contractants des expres-
sions issues de son propre territoire.
(2)
Chaque Etat contractant, au moment du d~pôt de son instrument de
ratification,
d'acceptation ou d'adhésion,
notifie au Secrétaire
g~néral de l'Organisation des Nations Unies, par déclaration
écrite,
toutes les désignations vis~es à l'alinêa (1) et donne
toutes informations sur les droits et obligations de l'autorit~
ainsi d~signée. Les modifications ult~rieures à cette d~signa­
tion,
ou auxdits droits et obligations, doivent être notifiées
sans délais dans les mêmes conditions."
Commentaires de l'article 3
90.
L'une des conditions pr~alables d'une protection internationale des
expressions du folklore dans le cadre du Traité est la mise en place d'une
administration compétente pour cette protection dans chacun des Etats
contractants. Cette administration est n~cessaire pour l'utilisation du
folklore national dans d'autres Etats membres et vice versa. En cons~­
quence,
l'article 3 prévoit que,
lorsqu'il devient membre de la conven-
tion,
chaque Etat contractant doit notifier au Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, au moment du d~pôt des instruments
d'adhésion et sous la forme d'une déclaration écrite,
la ou les autorit~s
compétentes désignés dans ledit Etat ainsi que les droits et obligations
de la ou des autorités désign~es.
91.
Les principales fonctions de cette autorlt~ comp~tenLe devraient être
[(il de transmettre aux autorit~s compétentes des autres Etats contrac-
tants les demandes d'utilisation des expressions du folklore issues de ces
derniers (article 5(1»];
[(ii)J
d'octroyer l'autorisation d'utilisation
des expressions du folklore national dans d'autres Etats contractants
(article 5(2»;
[(iii)J de demander le paiement d'une rémunération équita-
ble (article 5(2»;
[(iv)]
en l'absence d'accord,
de fixer la rémunération
équitable pour l'utilisation d'une expression du folklore issue d'un autre
Etat contractant (article 5(2»);
et
[(iv)J
de réclamer l'application de la
protection dans d'autres Etats contractants du droit
tant pénal que civil
(article 3(1) en liaison avec les articles 8,
9 et 10).
92.
On entend par "autorité" toute personne physique ou morale autorisée
par la législation à assurer des fonctions publiques spécifiées. L'auto-
rité ou les autorités désignées de plein gré dans un pays donné comme
"autorités compétentes"
dépendront largement du système existant d'admi-
nistration chargé de la culture, de l'~conomie et des relations extérieu-
res dudit pays. Une solution pourrait consister à créer une autorité
spéciale chargée des tâches liées à la protection des expressions du
folklore aux niveaux tant national qu'international.
Cependant,
l'autorité
compétente pourrait également être un ministère existant,
par exemple le
Ministère de la culture et des arts,
un organisme public chargé des ques-
tions de folklore,
une société d'auteurs ou un organisme similaire. Lors-

UN~SCO/OMPI/FOLK/G~1.l/2 - page 27
qu'une autorité a déjà été mise en place pour la gestion de la protection
des expressions du folklore au niveau national,
il semble souhaitable
d'étendre les compétences de cette autorité à la protection des expres-
sions du folklore dans le cadre du Traité.
93.
On pourrait également concevoir, au lieu d'une autorlte,
la désigna-
tion comme autorité compétente d'une ou plusieurs institutions confirmées
ou récemment constituées,
chargées des différents types d'expressions du
folklore ou de types spécifiés d'utilisation de celles-ci.
94.
Si, conformément à la législation d'un pays donné,
la communauté en
tant que telle est en droit de permettre ou d'empêcher des utilisations
des expressions de son
folklore,
celle-ci pourrait agir,
collectivement
ou par l'intermédiaire de ses instances représentatives; en
sa qualité de
propriétaire des expressions dont il s'agit. Dans ce.cas,
il semble néces-
saire que le législateur prévoie que les décisions de cette communauté
quant à l'utilisation des expressions de son folklore dans d'autres Etats
contractants devront être transmises aux autorités compétentes de ces
Etats ou appliquées dans ceux-ci par l'intermédiaire de l'autorité de
compétence générale dans lesdits Etats, agissant pour le compte de la
communauté concernée.
95.
Il semblerait extrêmement utile et logique que les représentants des
différentes communautés folkloriques du pays soient associés au travail de
la ou des autorités compétentes et jouent à ce titre un rôle important. En
outre, les représentants d'institutions culturelles et ethnologiques, y
compris les musées,
possédant une expérience de certains aspects de la
protection du folklore,
pourraient également être associés aux travaux de
l'autorité ou des autorités compétentes.
96.
Les compétences, les différe~tes fonctions et la procédure d'une
autorité compétente devraient être réglées dans le détail et sous une
forme appropriée par le Gouvernement de chaque Etat contractant.
Article 4
"Utilisations soumises à autorisation
[(l)J Les utilisations suivantes des expressions du folklore sont
soumises à l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat
contractant d'oG est issue l'expression du folklore,
lors-
qu'elles sont faites dans un but de profit dans un autre Etat
contractant :
i)
toute publication, reproduction, distribution ou importa-
tion, aux fins de distribution au public, de reproductions
ou d'enregistrements de récitations,
de représentations ou
d'exécution d'expressions du folklore;
ii)
toute récitation,
représentation ou exécution publique
d'expressions du folklore ainsi que toute transmission au
public par filou sans fil,
ou par tout autre moyen,
d'ex-
pressions du folklore ou de leurs récitations,
représenta-
tions ou exécutions, vivantes ou enregistrées.

UNESCO/OMPI/FOLK/CEI.l/2 -
page 28
[(2)
Chaque Etat contractant, au moment du dêpôt de son instrument
de ratification,
d'acceptation ou d'adhêsion,
notifie au Secrê-
taire gênêral de l'Organisation des Nations Unies, sous la
forme d'une dêclaration êcrite,
les types, les caractéristiques
principales et la source des expressions artistiques du folk-
lore issues de son territoire dont l'utilisation est soumise à
l'autorisation ~crite de son autoritê compêtente. Les modifica-
tions ultêrieures sont notifiêes dans les mêmes conditions.]"
Commentaires de l'article 4
97.
L'alinêa (1) d~finit' les types d'utilisation des expressions du
folklore qui sont soumises à l'autorisation de l'autorité compêtente de
l'Etat contractant du terr.itoire duquel sont issues les expressions du
folklore considêrêes, ainsi que sous quelles conditions territoriales et
personnelles et dans quelles formes elles y sont soumises.
98.
Quant à la nature des~utilisations des expressions du folklore soumi-
ses à autorisation êcrite,'le Traitê vise tous les types d'utilisations
faites à des fins lucratives. Cela signifie, a contrario, que l'utilisa-
tion d'expressions du folkiore faite sans intention de lucre ne peut pas
être interdite dans le cadr~ du Traitê à moins qu'elle ne constitue une
infraction au sens de l'article 8. En consêquence,
le Traitê ne ferait pas
obstacle, entre autres,
à la réalisation de photograpllies ou de films
cinématographiques pour l'usage privê comme souvenirs, à la fabrication
d'exemplaires pour des activités de recherche non commerciale ou pour des
archives,
ou à la reprêsentation ou l'exécution dans le cndre de festivi-
t~s accessibles gratuitement.
99.
En ce qui concerne les crit~res permettant de qualifier l'utilisation
commerciale d'une expression du folklore comme un acte assujetti à autori-
sation, le Traitê exige que l'expression du folklore soit issue d'un Etat
contractant et qu'elle soit utilisée dans un autre Etat contractant.
100. Cet alinêa définit ensuite les formes d'utilisation soumises à auto-
risation.
Il distingue pour cela entre le cas où des exemplaires des
expressions sont en cause et celui où elles ne le sont pas nêcessairement.
Dans le premier cas,
les actes nêcessitant une autorisation sont la publi-
cation, la reproduction,
la distribution et l'importation;
dans le second
cas,
il s'agit de la rêcitation,
de la représentation ou de l'exécution
publiques, de la transmission par filou sans fil et "par tout autre
moyen", directement ou indirectement,
vivantes ou enregistrées.
101. Le terme "publication" est compris dalls son sens le plus large,
de
façon à s'appliquer à toutes modalit~s permettant de rendre accessible au
public l'original ou un ou plusieurs exemplaires d'une expression du
folklore fixée sur un support. Au sens du Traitê,
la publication ne se
limite pas à la reproduction d'exemplaires aux fins de distribution, mais
comprend l'exposition,
la vente ou la location d'un ou plusieurs exemplai-
res d'expressions tangibles du folklore. La reproduction,
la distribution
et l'importation d'expressions du folklore ont été consid~rêes comme des
actes devant faire l'objet d'une autorisation distincte et non comme de
simples êl~ments de la publication. Par exemple, la reproduction d'une
expression du folklore dans une illtention de lucre est aussi soumise à
autorisation si elle est faite en un seul exemplaire à l'intention d'un
acheteur dêtermin~ ou encore afin d'être communiquée au public sous une
forme incorporelle. La notion de reproduction englobe aussi l'enregistre-

UNESCO/OMPl/FOLK/CEI.l/2 -
page 29
ment de sons, d'images ou d'images et de sons. La distribution et l'impor-
tation sont mentionn~es sêparêment pour tenir compte ,les possibilitês de
distribution ou d'importation dans une intention de ll.cre J'exemplaires
existants d'expressions du folklore reproduits par un tiers ou autorisês
dans un but autre que ceux de distribution ou d'importation.
102. L'alin~a (2) prêvoit une notification êcrite des types et des carac-
têristiques principales des expressions du folklore originaires du terri-
toire de l'Etat adhêrant au Traitê. Cette disposition implique que les
expressions du folklore aient prêalablement fait
l'objet
d'identifica-
tion. Les êtudes menées par l'Unesco pour la sauvegarde du folklore sur
une base interdisciplinaire dans le cadre d'une approche gêné raie globale
ont pour objectif l'êtablissement de telles mesures afin de faciliter la
connaissance prêcise des expressions du folklore qui devraient être proté-
gées. La publication d'une liste d'expressions du folklore identifiées de
façon adéquate devrait promouvoir le respect des expressions du folklore
authentiques, de la conscience de leur appartenance à une communauté d'un
pays donné et de la nêcessitê de demander une autorisation pour les utili-
ser dans un but lucratif. Une telle liste pourrait être utile pour êviter
les méprises sur la question de savoir si une expression donnée du folk-
lore est soumise à la protection.
103. L'importance d'un inventaire authentique des expressions du folklore
a dêjà êté soulignée au paragraphe Il ci-dessus. Cependant,
les disposi-
tions de l'article 4 en ce sens sont proposêes entre crochets car tous les
Etats adhêrant au Traité n'auraient pas nêcessairement, au moment de leur
adhésion,
un inventaire suffisamment complet des expressions du folklore
issues de leurs territoires respectifs. Les dispositions de l'alinéa (2),
si elles étaient maintenues,
pourraient faire l'objet de rêserves.
104. Il n'est pas proposé de fournir une liste énumérant tous les éléments
particuliers du corpus complexe el proliférant des expressions du folklore
émanant du territoire d'un pays donnê.
Il est simplement sugg~ré d'identi-
fier les types et les principales caract~ristiques de ces expressions du
folklore,
plutôt que de sp~cifier chaque variante individuelle de la même
forme typique d'expression du folklore.
105. Il est bien conllU que certaines expressions du folklore ont êtê
développées et perpétuées sur un territoire appartenant à plus d'un Etat
et que les mêmes types d'expressions du folklore peuvent se retrouver dans
les inventaires de pays différents. Dans ce cas,
les diffêrentes situa-
tions gêographiques des expressions du folklore dans les pays concernés
peuvent être indiquées dans les inventaires nationaux respectifs ou/et
dans le registre international visé au paragraphe 85 ci-dessus. L'autori-
sation d'utilisation d'une telle expression du folklore devrait être
demandée à l'autoritê compétente de l'Etat sur le territoire duquel l'ex-
pression du folklore ou une reproduction de celle-ci a été effectivement
obtenue s ' i l s'agit d'une expression tangible, ou bien où elle a été
effectivement fixée s ' i l s'agit d'une expression verbale, musicale ou
corporelle et en reconnaissance de son origine la zone géographique con-
cernée devrait être indiquée (voir l'article 7 ci-dessous). Le fait que la
localisation géographique des communautês dêveloppant les mêmes types
d'expressions ne coïncide pas nêcessairement avec les frontières des Etats
protêgeant ces expression amène à envisager la nécessit~ de conventions
régionales ayant pour objet l'établissement d'inventaires pertinents et la
détermination d'une juridiction autorisant l'utilisation des expressions
qui y sont mentionnêes.

UNESCO/UMPI/FOLK/CEl.l/2 -
pabc JO
Article 5
"Uemande et octroi de l'autorisation
(l)
La demande d'autorisation visée à l'article 4 doit être présen-
tée suffisamment à l'avance par l'utilisateur potentiel de l'ex-
pression du folklore (ci-aprês désigné le "demandeur"),
[par
l'intermédiaire de l'autorité compétente de l'Etat contractant
dont il est ressortissant ou de celui où il a sa résidence habi-
tuelle ou son siège] à
l'autorité compétente de l'Etat contrac-
tant dont est issue l'expression du folklore;
la demande doit
spécifier de manière non équivoque,
par écrit,
l'expression du
folklore destinée à être utilisée, sa source, ainsi que la
nature et l'étendue de l'utilisation prévue.
(2)
L'autorisation doit être accordée par écrit sans délais exces-
sifs;
elle peut être soumise au versement d'une rémunération
équitable dont le montant, en l'absence d'accord,
est fixé par
l'autorité compétente de l'Etat contractant dont est issue
l'expression du folklore. Aucune demande ne doit être rejetée,
sauf si l'utilisation prévue doit constituer une atteinte à
l'honneur ou à la dignité du pays ou de la communauté d'origine.
Tout refus doit être justifié par écrit."
Commentaires de l'article 5
106. L'alinéa 1 réglemente la présentation de la demande d'autorisation
pour l'utilisation d'une expression du folklore à l'autorité compétente de
l'Etat contractant sur le territoire duquel l'expression du folklore
trouve son origine. Cet alinéa traite du contenu, de la forme et de la,
procédure de demande d'autorisation.
107. En ce qui concerne le contenu de la demande,
l'expression du folklore
dont l'utilisation est envisagée ainsi que la nature et l'étendue de
l'utilisation projetée doivent être spécifiées de façon non équivoque,
c'est-à-dire avec suffisamment de détails pour ne pas laisser de place à
des malentendus.
108. L'expression du folklore choisie peut être convenablement identifiée
soit par une description détaillée,
soit,
si c'est approprié,
par une pho-
tographie ou,
si elle est inscrite dans un inventaire ou dans une autre
liste authentique d'expressions du folklore,
par référence à cette liste.
La source de l'expression du folklore considér~e doit être indiquée dans
la demande conformément aux dispositions de l'article 7.
109. La nature de l'utilisation projetée doit être spécifiée en décrivant
clairement l'acte prévu dans le cadre de l'article 4, alinéa 1. Lorsque
l'utilisation prévue est une reproduction,
il doit être indiqué si l'in-
tention est de publier l'expression du folklore sous forme de volume,
dans
un journal ou un périodique,
sous forme de feuille i,nprimée, d'enregistre-
ment sonore ou visuel, etc. La demande doit indiquer si l'expression du
folklore visée doit être reproduite seule ou avec d'autres textes ou
illustrations;
le genre ou l'objet de la reproduction prévue doit
également être spécifié (catalogue,
calendrier, guide
Louristique,
repor-
tage, essai,
carte postale,
reproduction d'art,
ouvrage de loisirs,
ou-
vrage d'art,
ouvrage scientifique, partition aux fins de venLe ou d'exécu-
tion, disque,
cassette sonore,
vidéocassette,
film,
etc.).
Lorsque l'uti-

lisation envisag~e consiste en l'importation d'exemplaires reproduits en
dehors du pays,
la demande doit indiquer le non, et le domicile ou le siège
de la personne auprès de laquelle les exeml)laire~ doivent être acquis,
ainsi que le pays en provenance duquel ils doi"ellt ~tre réellement impor-
t~s. Lorsque l'utilisation cnvisagêe consiste en l~ dtstributioll d'exem-
plaires d~jà disponibles sur un territoire et pOlir Ull objet autre que ceux
pour lesquels ils ont 16galcment ~tê repruduit~) !~ d~~~ndc dci~ =~êcifier
les moyens et le territoire de distribution.
!):lns le cas de représ2nta-
tions, d'ex~cutions, de récitation, de radi0ù~[C~sioll ou d'autres commu-
nications au public,
la demande doit indiquer le nom de l'artiste ou de
l'ensemble impliqu~, les fixations à utiliser et le cadre dans lequel
l'utilisation est prévue.
110. En ce qui concerne l'étendue de l'utilisation projetée, la demande
doit indiquer le nombre d'exemplaires à reproduire ou a importer, le
territoire sur lequel les exemplaires doivent être distribuées,
le nom et
l'adresse de :la ou des salles de spectacles, du ou des organismes de
radiodiffusion, du ou des distributeurs par câbles ainsi que le nOQbre de
représentations, d'ex~cutions ou d'émissions prévues, ou la p~riode pour
laquelle l'autorisation est demand~e, selon le cas,et en fonction de
l'utilisation envisagée.
111. La forme ~crite des demandes d'autorisation en vertu du Traité est
indispensable, afin d'éviter les malentendus et les incertitudes corres-
pondantes.
112. En ce qui concerne la procédure de demande d'autorisation dans un
autre Etat contractant,
le Traité offre deux variantes:
la demande peut
être présentée par le demandeur auprès de l'autorité compétente d'un autre
Etat contractant soit directement,
soit par l'interm~diaire de l'autorité
compétente de son propre pays. Cette dernière solution facilite,les choses
pour le demandeur mais augmente la charge de travail de l'autorité du pays
du demandeur.
113. Que la soumission soit directe ou indirecte, il revient
toujours à
l'utilisateur potentiel des expressions du folklore de demander l'autori-
sation. Chaque demande doit indiquer le nom,
l'activité professionnelle et
l'adresse du demandeur.
114. Les demandes d'autorisation doivent être présentées auprès de l'auto-
rité compétente suffisamment à l'avance.
Il découle de l'article 4 qu'au-
cune utilisation soumise à autorisation en vertu du Traité ne peUL avoir
lieu tant que l'autorisation n'est pas délivrée.
Les autori tés compétentes
doivent disposer d'un délai raisonnable pour exa~incr les d~mandes qui
leur sont soumises et prendre leur décision en conséquence.
115. L'alinéa 2 traite de l'octroi de l'autorisation sous quatre aspects:
(i) conditions matérielles,
(ii) critères de refus,
(iii)
forme des.déci-
sions et (iv) considérations de délais.
116. L'autorisation peut être soumise au versement J'une rémunération
équi table. En conséquence,
lorsqu 1 une redevance es t
f ixée~ l' autor ts.i t ion
ne prend effet qu'après son versement. Il est vraisemblable que
les Juto-
risations seront souvent soumises au versement d'un~ rémunératlon, ~l faut
cependant noter que le système d'autorisation S'3 justifie même en l'ab--

UNESCO/OMPI/FOLK/GEI.1/2 -
page 32
sence de paiement pour l'utilisation d'une expression du folklore car
l'obligation de demander une autorisation contribuera à empêcher les
d~formations et autres utilisations dommageables.
117. Lorsqu'une redevance est impos~e, elle est fix~e par l'autorit~
comp~tente accordant l'autorisation. Ces redevances doivent être calculées
en fonction des tarifs et autres directives sur les différents
types
d'utilisation des expressions du folklore développ~es dans le pays de
l'autorit~ comp~tente à la lumière de la pratique internationale perti-
nente et des réglementations nationales sur le calcul des prix et des
honoraires. Si le demandeur n'est pas d'accord avec la somme demandée
comme redevance par l'autorit~ accordant l'autorisation et s'il ne peut
parvenir à un accord avec cette autorit~, il a également la possibilité de
s'adresser à sa propre autorit~ comp~tente pour obtenir son avis sur la
question de savoir si la r~munération demanùée était ~quitable à la lu-
mière des normes généralement appliqu~es pour des autorisations de même
nature dans le pays de l'utilisateur potentiel et compte tenu de la rému-
nération versée dans le pays d'origine de l'expression du folklore pour
des utilisations similaires d'expressions du folklore émanant du pays du
demandeur. Si aucun accord ne peut être trouvé entre le demandeur et
l'autorité compétente du pays d'origine de l'expression du folklore sur le
montant de la rémunération à payer,
l'autorité compétente de l'Etat con-
tractant du demandeur doit avoir le droit de fixer le montant d'une rému-
nération équitable. Cette solution correspond à celle qui a ét~ adopt~e
par l'Union de Berne en ce qui concerne les conditions spéciales peL~ises
pour l'exercice du droit d'autoriser la radiodiffusion d'une oeuvre ou la
communication au public d'une oeuvre radiodiffusée (article Ilbis(2) de la
Convention de Berne).
118. Un principe fondamental sous-telldant le Traité est qu'une autorisa-
tion contre une rémunération équitable ne doit
pas être refusée si une
utilisation licite d'une expression du folklore est envisag~e dans un Etat
contractant. En conséquence,
l'alinéa 2 énonce explicitement qu'une de-
mande ne peut être refusée que si l'utilisation envisagée doit constituer
une atteinte à l'honneur ou à la dignité du pays ou ùe la co~nunauté
d'origine. Cela peut par exemple être le cas si des parties d'un rituel
doivent être utilisées en dehors de leur contexte d'origine et contraire-
ment à leur signification traditionnelle; si des scènes religieuses sont
exécutées dans un cabaret;
ou si des textes folkloriques authentiques sont
déform~s de manière à répondre aux aspiration d'un public différent.
119. Le demandeur doit avoir le droit de faire appel d'lIn refus injustifié
d'autorisation auprès de la cour ou du tribunal compétent en vertu ùe la
l~gislation applicable du pays de l'autorit~ comp~tente qui a refusé
l'autorisation.
120. L'autorisation et le refus doivent être communiqués au demandeur par
~crit. En cas de refus, la motivation doit également être communiquée par
~crit. afin de permettre au demandeur de réagir en connaissance de cause
(soit en explicitant ses projets,
soit en formant un 8l'pel contre la
d~cision).
121. En ce qui concerne les d~lais accord~s a l'autorit6 comp~tente pour
prendre sa d~cision, le Trait~ n'érlonce pas de dur6es fixes.
Il exige
seulement que l'autorisation soit octroyée sans retard injustifié et
laisse à la législation nationale le soin de prescrire des délais définis.
Il est souhaitable d'exiger que la décision soit rendue dans un certain

UNESCO/OMPI/FOLK/GEI.I/2 -
page 13
nombre Je
jours (15 ou JO). Le dêlai doit ~tre suffisamment long pour ~ue
la demande puisse être êtuJiêe, mais suffisamment bref pnl,r nn pas faire
obstacle aux utilisations légitimes des expressions.\\11 f,dk\\or'>.
122. Le traitê prévoit à la fois des autorisations "individuelles" et des
autorisations "globales",
les prerniêres êtant des autorisations ad
hoc et
les secondes étant destinées à des utilisateurs habituels tels que des
organismes culturels, des théâtres,
des groupes ùe ballet et ùes organis-
mes de radiodiffusion et de télévision.
Article 6
"Exceptions
(1)
Les dispositions de l'article 4 ne s'appliquent pas lorsque
l'objet de l'utilisation est
i) l'enseignement
ii)
la création d'une oeuvre littéraire ou artistique origi-
nale.
(2)
Les dispositions de l'article 4 ne s'appliquent pas non plus
lorsque l'utilisation est fortuite,
ce qui comprend notamment
i)
l'utilisation d'une expression du folklore qui peut être vue
ou entendue au cours d'un événement d'actualité, aux fins de
compte rendu de cet événement par le moyen de la photogra-
phie, de la radiodiffusion ou de l'enregistrement sonore ou
visuel,
pour autant que l'étendue de cette utilisation soit
justifiée par le but d' lnformation à atteindre;
ii)
l'utilisation d'objets cont2nant des expressions du folk-
lore,
situés en permanence en un lieu où ils peuvent être
vus par le public, si cette utilisation consiste à faire
apparaître leur image dans une photographie,
un film ou une
émission têlévisuelle."
Commentaires de l'article 6
123. Le Traité dispense d'autorisation certains types d'utilisations des
expressions du folklore en fonction de leur objet (enseignement,
création
d'~ne oeuvre originale nouvelle) et de leur nature (si l'utilisation est
fo.:!uite) .
124. Dans le cas d'une utilisation destinêe à l'enseignement, aucune
autorisation n'est nêcessaire même si l'expression du folklore est commu-
niquée ~ontre paiement, comme dans le cas de la vente de manuels ou lors-
qu'un enseignement est proposê contre rémunération.
Cette libre utilisa-
tion des expressions du folklore est admise à toutes les fins et n'est pas
limitée -
comme dans le cas de certaines lois sur le droit d'auteur pour
les oeuvres protégées -à l'utilisation destinée il illustrer un enseigne-
ment.
125. L'utilisation ne nêcessite pas non plus d'autorisation en raison de
son objet lorsque celui-ci est la création d'une oeuvre artistique ou
littéraire originale. Cette utilisation peut être la reproduction d'une

UNESCO/OMPI/FOLK/CEI.l/2 -
page 34
expression du folklore à titre d'illustration d'une oeuvre originale d'un
auteur,
pour autant que celle utilisation soit compatible avec les bons
usages. La meilleure façon de fixer les limites des bons usages serait
d'appliquer les mêmes critères que ceux qui sont en vigueur dans le pays
pour la libre utilisation des oeuvres d'un auteur protégées par le droit
d'auteur. Toutefois,
à la différence de nombreux traités sur le droit
d'auteur, le Traité ne limite pas ce type d'utilisation au titre d'il-
lustration de l'enseignement.
126. En outre,
les expressions du folklore peuvent,
sans autorisation, se
retrouver dans une oeuvre originale qu'elles inspirent. L'exception de
l'alinéa (l)(ii) de l'article 6 a pour but de permettre le libre dévelop-
pement de la créativité individuelle inspirée du folklore.
Le Traité ne
doit entraver d'aucune manière la naissance d'oeuvres originales emprun-
tant le style ou des éléments des expressions du folklore,
que ce soit
dans le domaine des arts visuels,
comme pour certaines sculptures sur bois
de Barlach,
ou dans celui de la musique, comme pour un certain nombre de
compositions de Bartok,
ou en littérature,
comme pour d'innombrables
adaptations de contes populaires.
127. Le second groupe de cas,
pour lesquels l'autorisation n'est pas
nécessaire en raison de la nature de l'utilisation, est celui de "l'utili-
sation fortuite".
Pour illustrer le sens de l'expression "utilisation
fortuite",
l'alinéa 2 mentionne en particulier (mais de façon non limita-
tive)
les cas les plus typiques considérés comme utilisations fortuites
:
l'utilisation dans le compte rendu d'un événement d'actualité et l'utili-
sation d'images lorsque l'expression du folklore est un objet situé en
permanence dans un lieu public.
128. Le Traité ne fait
pas référence au droil d'auteur pour indiquer que
dans les cas où celui-ci autorise un libre usage des oeuvres,
l'utilisa-
tion des expressions du folklore doit être aussi libre. Il faut noter que
de nombreux cas de libre utilisation prévus pour les oeuvres protégées par
le droit d'auteur ne conviennent pas du point ùe vue de la protection sui
generis proposée pour les expressions du folklore comme par exemple la
reproduction dans la presse ou la communication au public d'un discours
politique ou des interventions prononcées lors d'une procédure judiciaire.
D'autre part,
certains types d'exceptions généralement prévues par le
droit d'auteur (par exemple,
certains cas d'utilisation privée ou d'autres
utilisations loyales d'oeuvres protégées)
sont couverts par l'exception
générale des utilisations sans but lucratif qui découle de la définition
des utilisations soumises à autorisation donnée à l'article 4.
Article 7
'~ention de la source
(1)
Dans toutes les publications et lors de toute communication au
public d'une expression identifiable du folklore,
sa source doit
être indiquée de façon appropriée par la mention de la commu-
nauté et/ou du lieu géographique dont elle esl issue.
(2)
Les dispositions de l'alinéa l
ci-dessus ne s'appliquent pas
dans le cas de création d'oeuvres originales inspirées par des
expressions du folklore ou dans le cas d'une utilisation for-
tuite des expressions du folklore."

UNESCO/OHPl!FOLK/CU.l/'2
-
page' 35
Commentaires de l'article 7
129. Afin de renforcer les liens quL existent ~nl ft' la coml1ll111dUlC, d'ori-
gine et les expr:essions de son folklore, et aussi pOL:r: ;"2diter: le con-
trôle de l'utilisation de ces expr:essions, cet article exige que dans
toutes les publications et à l'occasion de toute comQunicatiOI1 au public
d'une expr:ession du folklore, sa source soit indiqu~e par une mention
appropriée de la communauté et/ou du lieu géographique dont l'expression
utilisée est issue. Comme il a déjà ét~ indiqu~ à l'alinéa 105 ci-dessus,
la référence à un lieu g~ographique sur le territoire d'une communauté où
la présentation vivante de l'expression du folklore utilisée a été fixée
ou bien où sa forme mat~rielle devant être reproduite a ét~ photographiée
ou obtenue peut notamment être n~cessaire si la communauté dans laquelle
l'expression du folklore considér~e a ~té développée s'étend sur le terri-
toire de plusieurs pays, ou si la communauté a adopté, perpétué ou conti-
nué à développer une expression qui, en dernière analyse, a été engendr~e
ailleurs.
130. Cette règle s'appliquerait seulement dans les cas où l'expression du
folklore est ~galement identifiable par sa source, c'est-à-dire lorsque
son utilisateur est cens~ en connaître le lieu ou la communaut~ d'origine.
Il convient que la mention de la source d'une expression du folklore soit
exig~e, entre autres, si celle-ci a ~t~ indiquée par l'autorité compétente
du pays d'origine dans une notification visée à l'article 4(2).
131. La mention de la source de l'expression n'est pas exigée dans deux
cas où il serait excessif de la demander : lorsque des expressions du
folklore sont utilisées pour: la cr~ation d'une oeuvre originale d'un
auteur et lors d'utilisations for:tuites.
132. Le défaut de mention de la source, lorsqu'elle est exigée, est passi-
ble d'une sanction (voir l'article 8(ii)).
133. La mention de la source d'une expression du folklore utL1Lsée ne
dispense pas de l'obligation d'en indiquer aussi l'auteur, au titre des
dispositions du droit d'auteur, lorsque l'expression du folklore Cl ét~
utilisée sous une forme originale, cr~ée par un individu refl~tant les
aspirations artistiques traditionnelles de la communaut~ et pouvant de ce
fait aussi pr~tendre à une protection au titre du droit d'auteur.
Article 8
"Infractions
Chaque Etat contractant frappe de sanctions pénales tout acte
i) d'inobservation, commis d~libér~ment ou par négligence, de
l'obligation d'autorisation contenue dans l'article 4;
ii) d'inobservation, commis délibérément ou par lIégligence, de
l'obligation de mention de la source contenue dans l'arti-
cle 7;
iii) qui induit d~lib~r~ment autrui en er:reur quant à i'origine des
expressions du folklore;

UNESCO/OMPl/FOLK/CEI.l/2 -
page 36
iv) qui dénature délibérément, de façon directe ou indirecte, une
expression du folklore d'une façon préjudiciable i
l'honneur, à
la dignité ou aux intérêts culturels Je la communauté dont elle
est issue."
Commentaires de l'article 8
134. Cet article répond il la nécessité de sanctionner pénalement des actes
spécifiés affectant des intérêts légitimes en ce qui concerne une utilisa-
tion licite et loyale des expressions du folklore. Les sanctions applica-
bles à chaque catégorie
d'infraction définie par le Iraité doivent être
déterminées conformément au droIt pénal du pays intéressé. Les deux prin-
cipaux types de peines possibles sont l'amende et l'emprisonnement. Les
sanctions à appliquer et les autres peines à prévoir, ~insi ~ue leur ap-
plication distincte ou cumulative, dépendent de la nature d~ l'infraction,
de son impact sur les intérêts ~ ~rotéger et Jes solutIons déjà adoptées
dans chaque pays pour des infractions analogues. De même, les montants
minimaux et maximaux des amendes, ainsi que la durée minimale et maximale
de l'emprisonnement dépendent de la pratique en vigueur dans chaque pays.
En conséquence, le Traité "e prévoit pas de peines spécifiques.
135. Le point i) traite de ]' lnobservation commise dél ibérément
ou r;lr
négligence de l'obligation d'obtcllir une autorisation ~orsque celle-ri est
exigée. Il est entendu que l'infraction (lue constitue l'utilisation J'une
exp~ession du folklo~e sans autorisation englobe Russi les utilisations
qui dépassent ou enfreignent les conditions dOllt une ~utorisation est
assortie.
136, Le point ii) soumet ii saneti')!'. r~nçle
l' inoboer'J'ltion de l'obliga-
tion de mention de la source de l'exp~csslon du foik1~rc utilisée.
LI taut
noter que l'obligation d'indiquer la s0u'-0':' ,,'exist'2
l,JE' lorsque l'iden-
tification de l'expression du folklore utilis~e ~2et -aisunnablement 6tre
exigée de l'utilisateur. Le point ii) ',ise l''''nobsendtion, commise
délibérément ou par négligence", et l'article 7(1) :,'exige la mention de
la source que pour les expressions du folklore identifiables. On peut
s'attendre à ce que la SOUrL.€
à'uu<? 2"'iprcssion du [ol~,1.0t'r: soit indiquée
lorsqu'elle est géné~alement conrue ou loësqu'elle 0 ~t~ 8entionnée dans
une notification publique:oent <lccessible !,J~ l'::utorl~·:~ ('('<opétante du paY3
d'où sont issues
les expressions du folklore,
ou lor-SC{U'()11
pèUl
s'attendre
raisonnablement;) ce que l' utilis3.teur
~:, <:0Ilnai3s", c.flmpte tenu de ses
activités professionnelles.
137. Les points iii) et iv) prévoient deux ~dS ~articuLiers, ~ savoIr
celui où le public est induit '''' erreur ,"t c21ui où une t'xpt'ession du
folklore est dénaturée. Le premier cas soncerne es~entiellement la "sub-
stitution",
pratique consistant ~ donner l'impression ,!,.e ce qui est
présenté est une expression du folklore provenant cl '\\l'le .,'Olnffiunauté déter-
minée alors qu'en fait ce n'est pas le cas. Dans le second cas,
l'in.trac-
tion consiste à utiliser en public, de quelque ~anière ~ue ce soit, des
expressions du folklore en les dénaturant directement ou cndirectement
d'une manière "préjudiciable ;:lux intérêts "'JltureLs .,Je, !;J "olOffi,"nauté
concernée". Le terme "dénatu~e" se rappOt't2 :; cout ""t'c de 'Jéformation, de
mutilation ou de dépréciation d'une expressIon J,. füL!tlcre publiée,
repro-
duite,
distribuée,
représentée,
t~~5cuti2e
,lU
CGmiaUl1i':!llr~e (Je Louce :;lutre
manière au public.

UN[SCU/U~lP[/fULK/GE1.l/2 - page 37
138. Le fait d'induire le public en erreur et cie dénaturer l'expression du
folklore ne doit être puni que si l'infraction est délibérée;
ces deux
types d'infraction constituent une violation volontaire de la loi. D'autre
part,
l'inobservation de l'obligation d'obtellir une autorisation pour
utiliser une expression protégée du folklore ou de l'exigence de mention-
ner la source peut être due à une omission, auquel cas il est difficile de
démontrer le caract~re intentionnel;
il est juste et raisonnable d'exiger
que l'utilisateur fasse
preuve de diligence pour connaître ce à quoi il
est tenu de par la loi. Dans de tels cas,
la négligence peut également
établir la responsabilité pénale. Naturellement, en ce qui concerne
les infractions pouvant être commises par négligence,
les cas de négli-
gence manifeste doivent être sanctionnés plus lég~rement que les acteS
délibérés.
139.
Il se peut que deux,
trois ou la totalité de Ces infractions
soient commises et sanctionnées de façon cumulative.
Article 9
"Saisie
Chaque Etat contractant prévoit la possibilité de saisir tout objet
fabriqué ou importé d'une manière constituant une infraction au Sens
du Traité ainsi que toutes les recettes tirées de telles infrac-
tions."
Commentaires de l'article 9
140. Cet article s'applique à tous les cas d'infraction institués par le
Traité en ce qui concerne les objets et les recettes résultant de l'in-
fraction.
141. Par ·objet", il faut entendre "tout objet fabriqué ou importé d'une
manière constituant une infraction au Sens du Traité",
par exemple, des
copies d'expressions écrites du folklore, des enregistrements phonogra-
phiques d'expressions musicales du folklore,
des vidéocassettes d'une
danse folklorique,
des exemplaires de dessins,
etc., appartenant au folk-
lore, et qui ont été fabriqués ou importés dans une intention de lucre, ou
en violation de l'autorisation exigée par l'article 4,
ou sans la mention
de la source sous une forme appropriée exigée par l'article 7, ou d'une
façon qui induit le public en erreur au sujet de leur origine ou qui
déforme l'expression du folklore qu'ils incorporent, en violation de
l'article 8.
142. Par "recettes", il faut entendre "toutes recettes tirées de telles
infractions";
i l faut citer, comme exemples caractéristiques,
les recettes
d'un vendeur d'un objet contrefait ou celles de l'organisateur d'une
exécution publique constituant une contrefaçon.
143. Ces "objets" et "recettes"
font l'objet d'une "sais1e
. Toutefois,
ils peuvent être saisis dans chaque Etat contractant conformément à sa lé-
gislation. La législation de certains pays remplace la saisie par certai-
neS autres actions correspondantes. Ces actions et sanctions peuvent par
exemple consister en une interdiction de stocker, d'importer et d'expor-

UNESCO/OMPI/FOLK/CEI.l/2 -
page 38
ter. En outre,
la saisie n'est pas proposée par le Traité comme une sanc-
tion nécessairement pénale. Elle peut être prévue également dans d'autres
domaines du droit,
notamment la procédure civile.
144.
Le Traité ne prévoit pas la saisie des moyens utilises pour
commettre l'infraction car cette mesure n'est généralement pas prévue dans
d'autres domaines de protection de la propriété intellectuelle. Il faut
cependant noter que la législation sur le droit d'auteur d'un certain
nombre de pays admet ce type de sanction et qu'il ne serait pas contraire
à l'esprit et à la lettre du Traité d'étendre la saisie ou d'autres ac-
tions similaires aux moyens utilisés
principalement ou uniquement pour
utiliser de façon illicite des expressions du folklore.
Il peut s'agir par
exemple de plaques, de matrices, de films ou de dispositifs de reproduc-
tion, de magnétophones,
de magnétoscopes et de divers autres instruments
de ce type.
Article 10
"Recours civils
Chaque Etat contractant prévoit la possibilité de demallder des domma-
ges-intérêts ou d'utiliser d'autres recours civils lorsque l'utilisa-
tion a été faite sans l'autorisation ou le paiement exigés ou de
toute autre manière entralnant un préjudice économique à l'Etat ou à
la communauté dont est issue l'expression du folklore utilisée."
Commentaires de l'article 10
145. Cet article prévoit des dommages-intérêts et d'autres recours civils.
Il est évident que l'article 8 doit s'appliquer sans préjudice des recours
civils. Ces derniers peuvent consister,
par exemple, en une indemnisation
des dommages entraînés par l'utilisation illicite d'un expression du
folklore,
comme la perte des redevances normalement demandées pour les
autorisations accordées. Les dommages-intérêts
doivent être fixés et
alloués conformément au droit national applicable,
146. Il est à noter que la protection garantie par le Traité n'est pas
limitée dans le temps. On trouve là l'une des différences entre le Traite
et les conventions sur le droit d'auteur. Une protection non limitee dans
le temps se justifie par le fait que la protection des expressions du
folklore n'est pas assurée en faveur des créateurs individuels mais en
faveur d'une communauté dont l'existence n'est pas elle-même limitée dans
le temps. Cependant, le problème de savoir si une action pénale ou civile
peut être intentée devant un tribunal indépendarnnent du temps écoulé de-
puis l'infraction ou la violation est une autre question. Comme la pres-
cription des sanctions pénales et civiles est généralement prévue dans la
législation nationale applicable,
le Traité ne comporte aucune règle à cet
égard. Il faut
supposer que les principes du droit généralement applica-
bles à la prescription des sanctions pénales et des actions civiles qui
s'y rattachent seront également valables dans le cas des infractions et
des actions en dommages-intérêts prévues par le Traité.

,-cie 39
Article l i
"Relations avec d'autres [ormes de protecLioli
Le pr~sent Trait~ ne met de limite ni ne porte atteinte en aucune
façon ~ la protection dont jouissent les eKprcs5i0ii~ J~ ~01~l0ic en
vertu des l~gislations nationales et des traitês internationaux sur
le droit d'auteur, sur les droits des artistes interprètes ou exé-
cutants, des producteurs de phonogrammes et det.; organismes de radio-
diffusion, ou sur la propriété industrielle;
il n'entre pas non plus
en conflit avec les autres formes de protection qu'appellent la
conservation ct la pr~servation du folklore."
Commentaires de l'article Il
147. Cet article ~nonce que la protection garantie par le Traité ne doit
pas porter atteinte à toute autre forme de protection applicables aux
expressions du folklore aux niveaux national et international.
En d'autres
termes,
toute protection offerte dans un Etat contractant aux expressions
du folklore contre leur exploitation illicite ou une autre action domma-
geable par la législation nationale,
des traités internationaux ou des
règlements applicables au moment où la protection est demandêe, se cumule
avec la protection offerte par le Traité.
148. Des exemples de tels lois ou traités existants sont les suivants:
i)
la loi sur le droit d'auteur, qui s'applique si l'eXpression du
folklore est aussi une "oeuvre",
au sens de cette loi,
par exemple au cas
où un individu développe une expression du folklore qui répond aux as-
pirations artistiques traditionnelles de la cOiomunauté concernée (et qui
s'intègre de ce fait aux expressions du folklore
de cette communauté) et
à laquelle il a aussi, par ailleurs, conféré suffisam~ent d'originalité
(de sorte qu'elle remplit aussi les conditions requises pour ~tre protégêe
au titre du droit d'auteur);
ii)
la loi protégeant les artistes interpr~tes ou exécutants qui
s'applique aux artistes interprètes ou exécutants qui représentent ou
exécutent des expressions du folklore,
en parLiculier aux acteurs, aux
danseurs et aux musiciens qui jouent dans des pièces constituant des
expressions du folklore,
qui dansent des danses folkloriques ou qui chan-
tent ou jouent des chants folkloriques ou des morceaux de musique instru-
mentale folklorique.
Il est souhaitable de relier la protection des ex-
pressions du folklore
à leur représentation ou ex~cution en précisant
dans toute loi destin~e à prot~ger les artistes interprètes ou exécutants
d'oeuvres littéraires et artistiques que la représentatIon ou l'exécution
d'expressions du folklore doit être assimilée à la représentation ou à
l'exécution de ces oeuvres;
iii)
la loi protégeant les producteurs de phonogrammes contellant par
exemple les enregistrements de l'interprétation ou de l'exécution de
récitations, de contes folkloriques,
de poèmes folkloriques,
de chansuns
"folkloriques, de musique folklorique instrumentdle ou de pièces folklori-
ques;
iv)
la loi protégeant les organismes de rauioJiffusion qui diffusent
de3 expressions du folklore;

UNESCO/OMPI/FOLK/CEl.l/2 -
page 40
v)
la loi protégeant la propriété industrielle, qui s'applique par
exemple si une expression du folklore est utilisée dans un dessin ou
modèle industriel, dans une marque ou dans une appellation d'origine ou
lorsque l t utilisation d'une expression du folklore donne lieu à une con-
currence déloyale;
vi)
la loi protégeant le patrimoine culturel, qui s'applique,
par
exemple, à la protection des expressions du folklore de caractère archi-
tectural,
telles que les groupes de constructions isolées ou réunies qui,
en raison de leur architecture, de leur unité ou de leur intégration dans
le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de
l'histoire, de l'art ou de la science;
et
vii)
certaines lois visant à assurer la conservation des images en
mouvement, qui s'appliquent,
par exemple, à la protection des productions
cinématographiques,
télévisuelles ou vidéographiques d'expressions du
folklore, cette protection venant s'ajouter à celle que prévoit la légis-
lation sur le droit d'auteur.
149. Comme exemples de traités internationaux ou d'autres formes de pro-
tection visées par cet article,
il faut citer i) la Convention de Berne,
et notamment l'article 15.4) de cette Convention, qui prévoit la protec-
tion des "oeuvres non publiées dont l'identité de l'auteur est inconnue";
il) la Convention universelle sur le droit d'auteur;
lii)
la Convention de
Rome sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des produc-
teurs de phonogrammes ct des organismes de radiodiffusion;
iv)
la Conven-
tion pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la repro-
duction non autorisée de leurs phonogrammes;
v)
la Convention concernant
la distribution de signaux porteurs de programmes transmis par satellite;
vi)
la Convention de Paris pour la protection de la propriété industriel-
le;
vii)
l'Arrangement de Madrid concernant la répression des indications
de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits;
viii)
les divers
arrangements particuliers conclus dans le cadre de l'Union de Paris;
ix)
la Convention concernant la protection du patrimoine mondial,
culturel et
naturel, adoptée par la Conférence générale de l'Unesco en 1972, qui
reconnalt qu'il incombe essentiellement à l'Etat d'assurer la protection
du patrimoine culturel ct naturel et qui recommande aux Etats de prendre
des mesures appropriées à cet effet;
x)
la "Recommandation pour la sauve-
garde et la conservation des images en mouvement", adoptée par la Confé-
rence générale de l'Unesco en 1980, qui considère que
les images en mouve-
ment sont une expression de l'identité culturelle des peuples et font
partie intégrante du patrimoine culturel des "Btions, ('t qui
invite les
Etats à prendre toutes les dispositions requises pour la sauvegarde et la
conservation efficaces de ce patrimoine.
Article 12
"Dépôt et signature du Trait~
Le pr~sent Traité sera déposé auprès du Secrétaire général de l'Or-
ganisation des Nations Unies et restera ouvert jusqu'au ..•. à la
signature de tout Etat [membre de l'Organisation des Nations Unies,
de l'une des Agences sp~cialisées reli~e à l'Organisation des Nations
Unies ou de l'Agence internationale de l'~nergie atomique, ou partie

UNESCÜ/OHPI/FOLK/GEl.I/2 -
page 41
au Statut de la Cour internationale de justice]
[partie à la Conven-
tion de Berne pour la protection des oeuvres littér~ires et artisti-
ques ou à la Convention universelle sur le droit d'allteur].-
Commentaires de l'article 12
150. Le Traité, après adoption par une Conférence diplomatique convoquée
pour l'établissement de la protection internationale des expressions du
folklore, sera déposé pour signature auprès du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies.
151. En ce qui concerne la question des Etats pouvant signer le Traité,
deux solutions sont proposées entre crochets. Dans la première,
le Traité
serait ouvert à la signature de tout Etat membre de l'Organisation des
Nations Unies ou
de l'une des Agences spécialisées reliée à l'Organisa-
tion des Nations Unies ou de l'Agence internationale de l'énergie atomi-
que, ou partie au Statut de la Cour internationale de justice, c'est-à-
dire virtuellement tous les Etats du monde. Cette solution permettrait
l'établissement au niveau mondial d'un système de protection mutuelle des
expression du folklore,
que tous les Etats contractants se soient engagés
ou non à protéger également les oeuvres des auteurs au plan international.
Cette solution permettrait l'adhésion au Traité à des pays qui n'ont pu
encore parvenir à la décision d'adhérer au système internationale de
protection du droit d'auteur. Par contre, cela signifierait que la protec-
tion des expression du folklore pourrait aussi être revendiquée dans le
cadre du Traité par des Etats dans lesquels ne sont pas du tout protégées
les oeuvres des auteurs originaires de pays où ces Etats réclament la
protection des expressions de leur folklore. L'autre solution supprimerait
ce risque de déséquilibre entre la protection des différents types de
productions intellectuelles, en restreignant le cercle des Etats pouvant
adhérer au traité à ceux qui sont parties à la Convention de Berne ou à la
Convention universelle sur le droit d'auteur, comme cela a été le cas pour
l'adhésion à la Convention de Rome sur la protection des artistes inter-
prètes ou exécutants,
des producteurs de phonogrammes et des organismes de
radiodiffusion de 1Y61.
152. Le Traité ne restreindrait pas plus le cercle des Etats pouvant le
signer. Même des Etats qui n'ont pas assisté à la Conférence diplomatique
adoptant le Traité Ou qui,
pour quelque raison que ce soit,
n'ont pas été
invités à y assister,
pourraient le signer dans un délai fixé
par cette
Conférence.
Article 13
"Entrée en vigueur du Traité
(1)
Le présent Traité est soumis à la ratification ou à l'accepta-
tion des Etats signataires. Il est ouvert à l'adhésion de tout
Etat visé à l'article 12.
(2)
Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'adhésion
seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation
des Nations Unies. Le Traité entrera en vigueur trois mois après
le dépôt du cinquième instrument de ratification,
d'acceptation
ou d'adhésion.

UNESCO/OMPI/FOLK/GEI.1/2 -
page 42
(3)
Pour tout Etat ratifiaot ou acceptant le présent Traité ou y
accédant après le dépôt du cinquième instrument de ratification,
d'acceptation ou d'adhésion,
le Traité entrerd en vigueur trois
mois après la date de dépôt de l'instrument considéré auprès d'l
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
(4)
Il est cntelldu qu'au moment o~ un ELat sera li6 p'lr Le prŒsent
Traité, i l sera en mesure de donner effet aux dispositions du
Traité dans le cadre de sa législation nationale."
Commentaires de l'article 13
153. Les Etats signant le Traité peuvent ensuite le ratifier ou l'accep-
ter. L'Etat signataire définit son accession comme une "ratification"
ou
une "acceptation" en fonction de sa législation nationale. Pour les Etats
qui ne signent pas au cours de la période visée à l'article 12 mais qui
réunissent les conditions fixées par cet article pour les Etats signatai-
res, le Traité est ouvert à l'"adhésion".
154. Les instruments d'accession sont déposés auprès du Secrétaire général
de l'Organisation des Nations Unies. Cinq accessions sont nécessaires pour
l'entrée en vigueur. Un nombre inférieur d'accessions initiales rendrait
les effets internationaux du traité illusoires;
exiger un nombre supérieur
d'Etats accédant initialement au Traité pourrait retarder inutilement son
entrée en vigueur. En conséquence,
le Traité devrait entrer en vigueur
trois mois après le dépôt du cinquième instrument d'accession.
155. Pour tout Etat accédant après l'entrée en vigueur du Traité, celui-ci
prend effet trois mois après la date de dépôt de l'instrument d'accession.
156. L'Etat accédant au Traité doit être en mesure de le mettre en appli-
cation à compter de la date d'entrée en vigueur le concernant.
Il est
entendu qu'à cette date,
chaque Etat contractant devra avoir pris toutes
les mesures législatives et administratives nécessaires pour donner effet
au Traité. En particulier, chaque Etat contractant est censé, à cette
date, avoir désigné et mis en place sa ou ses autorités crnnpétentes visées
à l'article 3, avoir créé un système adéquat d'autorisation correspondant
aux dispositions de l'article ~ et avoir déterminé les peines frappallt les
infractions visées à l'article 8.
157. En ce qui concerne les dispositions du Traité susceptibles d'applica-
tion directe,
il est entendu que,
dans les pays dont la constitution
énonce que les traités sont directement exécutdbles, aucune législation
spécifique n'est nécessaire pour mettre en oeuvre ces dispositions.
Article 14
"Dénonciation du Traité
Tout Etat contractant peut dénoncer le présent Traité. La dénoncia-
tion prend effet douze mois après la date à laquelle le Secrétaire
général de l'Organisdtion des Nations Unies a reçu la déclaration en
ce sens.

UNEsco/mlPI!FoLK/CEI.l/2 -
page 43
Commentaires de l'article 14
158. Tout Etat contractant peut d~noncer le Trail~ ~ tout moment apr~s y
avoir acc~d6. Cependant,
la d6noncialioll Ile peul avoir d'effet imm6dial
puisque les autres Etats contraclants ont besoin de temps pour adapler à
la nouvelle situation leur administration concernée.
Les demandes d'auto-
risation en cours ne doivent pas devenir brusquement sans objet et les
expressions du folklore dont l'utilisation a déjà commencé dans le cadre
du Traité ne doivent pas être soudainement privées de la protection. Il
semble approprié de prévoir un délai de douze mois à compter de la date à
laquelle le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a
reçu
la déclaration de dénonciation du Traité.
Article 15
"Notifications par le Secrétaire général de l'Organisation des Na-
tions Unies
(1)
Le Secrétaire général rie l'Organisation des Nations Unies est
chargé de notifier promptement au Directeur général de l'Organi-
sation des Nations Unies pour l'Education,
la Science et
la
Culture et au Directeur général de l'Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle
a)
les signatures du présent Traité;
bl
les dépôts des instruments de ratificatio",
d'acceptatioll ou
d'adhésion;
c)
la date d'entrée en vigueur du présent Traité;
d)
les notifications et déclarations reçues des Elats contrac-
tants dans le cadre du pr6sent Traité.
(2)
Les Directeurs généraux de l'Organisation des Nations Unies pour
l'Education,
la Science et la Culture et de l'Organisation 1'1on-
diale de la Propriété Intellectuelle sont chargés de communiquer
promptement aux Etats contractants toutes les notifications re-
çues du Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies."
Commentaires de l'article l~
l5Y.
Comme l'Organisation des Nations Unies pour l'Education,
la Science
et la Culture et l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
sont toutes deux intéressées à la protection mondiale des expressions du
folklore et comme le Traité a été mis au point sous l'égide conjointe de
l'Unesco et de l'OMPI,
le Traité doit être administré conjointement par
l'Unesco et l'OMPI. En conséquence,
le Secrétaire général de l'Organisa-
tion des Nations Unies doit notifier promptement et simultanement aux Di-
recteurs généraux respectifs des deux organisations chaque signature du
Trait~ et chaque d~p6t d'instrument d'accession, l'entr~e en vigueur du
Traité ct chaque notification ou déclaration qu'il a
reçue en liaison avec
le Traité. Les Directeurs généraux de l'Unesco et de
l'O~IPI transmet-
traient sans retard ces communications aux Etats contractants.

UNESCO!OMPI!fOLK!GEI.1!2 -
page 44
Article
16
"Langues du Traité
(1)
Le présent Traité est signé en un seul exemplaire en ..•.
(spé-
cifier la ou les langues],
(tous les textes faisant également
foi] •
(2)
Des textes officiels du présent Traité seront établis conjointe-
ment, après son entrée en vigueur,
par le Directeur général de
l'Organisation des Nations Unies pour l'Education,
la Science et
la Culture et le Directeur général de l'Organisation Mondiale de
la Propriété Intellectuelle, en consultation avec les gouverne-
ments intéressés en ..••
(spécifier les langues]."
Commentaires de l'article 16
160. La ou les langues originales du Traité ainsi que les langues dans
lesquelles doivent être établis des textes officiels, doivent être déter-
minées par la Conférence diplomatique adoptant le Traité,

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES.

- l
-
PUBLICATIONS NON JURIDIQUES
L
OUVRAGES
CONSEIL INTERNATIONAL
PROVERBES ET CONTES MOSSI
DE LA LANGUE FRANCAISE
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L'ART POPULAIRE EN FRANCE
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NATICNS NEGRES ET CULTURE: de Panti-
quité nègre égyptienne aux problèmes
culturels de l'Afrique noire d'aujourd'-
hui,
Jè édition, Paris, Présence Africaine,
1979 ; 2 vol,
LES FONDEMENTS CULTURElS, TEHNIQUES
ET INDUSTRIElS D'UN FUTUR ETAT FEDERAL
DVAFRIQUE NOIRE
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GOBIN Alain
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Paris, Librairie Séguier, 1988,
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L'AFRIQUE ET LES AFRICAINS
(Entre hier et demain)
Paris, Fayot, 1965,
JAULIN Robert
L'ETHNOCIDE A TRAVERS LES AMERIQUES
Textes et documents réunis par Robert
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(Collection Anthropologie critique)
LEIlUT William
LE FOLKLORE ET NOUS
Paris, édition du Scarabée, 1956,
MANDROU Robert
DE lA CULTURE POPULAIRE AU XVIIè ET
AU XVIIIè SIECLES
Paris, Stock, 1975,
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MORISON Elting Elmiore
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NKRUMAH
LE CONSCIHlTISME
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LittératUTe orale et ethnographie
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LES FOND~TS DE LiAFRICANITE OU
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DE VIE
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Conférence intergouvernementale SUT
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Latine et dans les Caraïbeso
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Paris, Unesco, 19780
RAPPORT FINAL
Conférence intergouvernementale sur les
politiques culturelles en EUTope o
(Helsinki 19-28 juin 1972)
Paris, Unesco, 1972 0
RAPPORT FiliAL
Conférence intergouvernementale sur les
politiques culturelles en Asie.
(Yogyakarta, 10-19 décembre 1973)
Paris, Unesco, 19740
RAPPORT FINAL
Conférence int ergouvernementale sur les
politiques culturelles en Afriqueo
(Accra, 27 octobre-6 novembre 1975)
RAPPORT FiliAL
Conférence intergouvernementale sur les
aspects institutio=els, administratifs
et financiers des politiques culturelleso
(Venise, 24
aont-2 septembre 1970)
Paris, Unesco, 1970 0

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In l'Ethnocide à travers les Amériques
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DESSINS OU MODELES DANS LE CADRE DE
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PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
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3è édition, Paris, Dalloz, 1986.
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DESBOIS, FRANÇON et KEREVER
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DROIT D'AUTEUR ET DES DROITS VOISINS
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TRAITE THEORIQUE ET P1tATIQUE DE LA.
PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
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de la législation et la jurisprudence
par
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de jurispradence, 19080
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DE PROPRIE'TE
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CONSIDERATIONS SUR LA LOI ALGERIENNE
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MASOUYE Claude
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NIEDZIELSKA Marie
LES ASPECTS PROPRIETE INTELLECTUELLE
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STRACHNOV Georges
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Réunion africaine d'étude sur le droit d'auteuro
Brazzaville, 5-10 aoat 1963
RoI.D.A o n04I, octobre 1963, po242o
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12 décembre 19750
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en voie de développement , UNESCO, 1976 0
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d'auteur, 12è session, Paris, décembre
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octobre 1973 et Annexeso
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A
DOCUMENTS RELA.TIFS AUX ASPECTS "PROPRIETE lli'fELLECTUELLE"
DE lA PROTECTION DU FOLKLORE.
Groupe de travail SUl:' les
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de la protection du folklore.
Genève, 7-9 janvier 1980.
Documents
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Cf aussi Bul.
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Documents :
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Document UNESCO/OMPI/WG.II/FOLK/2, Paris
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Document UNESCO/OMPI/WG.II/FOLK/J, 15
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XIII -
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-Dispositions types de législation natio-
nale sur la protection des expressions
du folklore contre leur exploitation
illicite et autres actions dommageableso
Document!UNESCO!OMPl!FOLK/CGE!I!6,2 juil-
let 1982, Annexe 10
-Commentaire des dispositions types ;
documentUNESCO!OMPl!FOLK/AFR/2, 15 fév o
19830
Comité d'experts régional sur les modalités d'application en Afrique
des dispositions types sur les aspects "propriété intellectuelle"
de la protection des expressions du folklore o
Dakar, 23-25 février 1983.
-Rapport de la réunion : document UNESCO!
OMPl!FOLK!4, 7 mars 19830
Cf aussi Bulo du droit d'auteur, volo
XVIII, n02, 1983, p.400
Regional committee of experts on means of implementation in Asia
of model provisions on intellectual property aspetcs of protection
of expressions of folkloreo
New Delhi, jannuary 21 ta february 2,
19830
-Report : document UNESCO!WIPO!FOLK!ASIA!
5, march 1,19830
Voir aussi le DoA., juin 1983, po1790
Comité d'experts sur les modalités d'application des Dispositions
types de législation nationale sur les aspects "propriété intellec-
tuelle" de la protection des expressions du folklore et de la cul-
ture populaire tradionnelle dans les pays de l'Amérique latine et
des Caraibes o
Bogota, 14-16 octobre 19810
-Rapport : document UNESCO!OMPI!FOJ.K!
LAC!3, 16 octobre 19810
Voir aussi dans RoloD oAo n0112 , 1982,
p.212 0
Comité d'experts régional sur les modalités d'application dans les
Etats arabes des Dispositions types sur les aspects "propriété intel-
lectuelle" de la protection des expressions du fo lkloreo
Doha, 8-10 octobre 1984.
D.A o , décembre 1984, po3940

-
XIV -
Groupe d'experts sur la protection internationale des expressions
du folklore par la propriété intellectuelle o
Maison de l'Unesco, IC-I4 décembre 19840
Documents :
-De la règlementation internationale des
aspects "propriété intellectuelle" du
folklore o Document UNESCO/OMPI/FOIK/GEI.
1/2, Paris, 19 octobre 1984.
-Communication de la République Fédérale
d'Allemagne ; document UNESCO/OMPI/FOLK/
GEIoI/J, Paris, JO novembre 19840
-Rapport de la réunion : document UNESCO/
OMPI/FOLK/GEI.I/4, Paris, 21 décembre
1984.
B .' DOCUMENTS DES REUNIONS RElATIVES A lA SAUVEGARDE DU FOLKLORE.
Comité d'experts gouvernementaux sur la sauvegarde du folklore.
Maison de l'Unesco, 22-26 février 1982.
Documents :
-Etude des mesures à prendre pour pré~
server le folklore et la culture popu-
laire traditionnelleo Document illIESCO/
CPY/TPC/I/J, Paris, 8 janvier 1982 0
Voir, annexé à ce document, le question-
naire relatif à la protection du folklo-
re soumis aux Etats membres de l'Unesco
en 1979.
-Rapport de la réunion: document UNESCO/
CPY/TPC/I/4, Paris, 28 mai 1982.
Deuxième Comité d'experts gouvernementaux sur la préservation
du folklore.
Maison de l'Unesco, 14-18 janvier 1985.
-Rapport : document UNESCO/PRS/CLT/TPC/
11/5, Paris 1er mars 19850
-Examen de l'étendue et de la portée
que pourrait avoir une règlementation
générale concernant la préservation du
folklore. Document UNESCO/PRS/CLT/TPC/
II/J, Paris, JO novembre 19840
-Solutions aux problèmes que soulève
la préservation du folklore dégagées par
le Comité d'experts gouvernementaux.
Document UNESCO/PRS/CLT/TPC/II/4, Paris,
16 janvier 1985.

-
AV -
Comité spécial de techniciens et de juristes sur la sauvegarde
du folklore o
Maison de l~Unesco, 1-5 juin 19870
Documents :
-Examen des solutions aux problèmes que
soulève la préservation du folklore à
la lumière des études présentées par
Monsieur Po SAMMY-MACKFOY et le Profes-
seur 10 HONDOo Document UNESCO/PRS/C1T!
TPC/SP1/5, Paris, 15 avril 19870
-Possibilités en matière de coopération
internationale et de règlementation
concernant la sauvegarde du folklore.
Document UNESCO/PRS/CLT/TPC!SPL/4, Paris,
30 avril 19870
-Implications sociales, économiques et
politiques de la sauvegarde du folklore
dans les pays en voie de développemento
Document UNESCO/PRS/C1T/TPC/SPL/ 3, Paris
15 avril 19870
-Rapport de la réunion : document UNESCO/
PRS/C1T/TPC/SPL/6, Paris, 5 juin 19870
Conférence générale de l'Unesco, 24è session, Paris, 19870
Opportunité d~adopter une règlementation
internationale générale concernant la
sauvegarde du folkloreo
Docment
24C/31 et Annexes, 13 juillet
19870
Conférence générale de l~Unesco, 24è session, octobre-novembre 1987.
Décision relative à la sauvegarde du
folkloreo
Document 24C/5-11 0B, Activitffigénérales,
Droit d'auteur, paragraphe 15 02 0

- XVI -
LISTE DES TEXTES LEGISIATIFS TRAI'l'ANT DE lA PHOTECnON DU P01l(LORE.
ALGEHIE
Ordonnance nO 73.14 du 3 avril 1973 relative
au droit d'auteur.
R.I.D.A. nO 77, 1973, p.264.
BENIN
Loi du 15 mars 1984 sur le droit d 9auteur,
D. A. novembre 1984, Textes 1-010
BARBADE
Loi du 22
janvier 1982, R.I.D.A. nO 177, p.I22.
BOLIVIE
Décr~t Supr~me nO 08396 du 16 juin 1968 relatif
à la protection du folklore musical.
Règlement du Décret SupI'~me nO 08396 du 19 JUln
1960, relatif à la protection du folklore musical.
Voir Annexe nO IX.
BURKTIlA FASO
Ordonnance nO 83-16 du 29 septembre 1983
portant protection du droit d'auteur, telle
que rectifiée par l'Ordonnance nO 81-12, CNR-PIillS
du 29 février 1984.
le D.A. mai 1984, Textes 1-01.
CEN'rRAFRIQ ur;
Ordonnance du 5
janvier 1985 sur le droit
d 1 auteur
. D.A.
a'11'il 1985. Tcxi;r; 1-010
CAMEROUN
Loi n082-IG tiu 26 novembre 1982.
R.I.D.A.
nOI20, avril 1984, p.205.
CONGO
Loi n 0 24/82 du 7 juillet 1982 sur le droit
d 9auteur et les droits voisins
R.T.D.A.
nOlIS, 1983, p.2G8.
COTE D9IVOIRE
Loi n 0 78.634 du 28 septembre 1978, portant pro-
tection des oeuvres de ]g esp rit.
R.I.D.A. n OI02, 1979, p.IS7.
GHANA
Loi du 21 mars 1985 sur le droit d 9auteur.
D.A. , décembre 1985. Textes 1-010
GUDlEE
Loi n0043/ANP/CP du 9 août 1980 portant adoption
des dispositions relatives au droit d 9auteur et
aux droits voisins en République
Populaire
Révolutionnaire de Guinée.
R.I.D,A. nor~I, 1982, p,250.
MALI
Ordonnance n077-46 du 12 juillet 1977 fixant le
régime de la propriété littéraire et artistique
en République du Mu.IL I,(] D,A., !fiai 1980, Textes p,I

-
XVII -
MAROC
Dilhir n0106').I35 du 2') jOU:rIIlClcJ~i U'JO (22 juillet
1970) relative ~ la protection des oeuvres lit-
téraires et artistiques. R.l.D.A.
n067 janvier
1971, p.206.
Annexe VII des Accords de Bangui 1977
: du droit
d'auteur et du patrimoine culturel.
Document annexp à la thèse de Mlle KINGUE op.
ciL
An...YJ.c;(c 1'" IV.
RWANDA
10i régiss:J.nt le droit d'auteur, n027/1983 dû
15 novembre 1983. D.A., octobre 1934, Lois et
Traités, p.I.
SEIŒGAL
Loi n073.52 du 4 décembre 1973 relative à la
protection du droit d'auteur.
R.I.D.A. na sa , avril 1974, p.159.
TUNISIE
Loi n066.12 du 14 février 1966.
R.I.D.A. n 0 50,
juillet 1966, p.224.
ZAIRE
Ordonnance-Loi portant protection des droits
d'auteur et des droits voisins noe6-033 du
5 avril 1986.
D.A.
septembre 1987, Lois et Traités p.I et s.
x
x
X
X

- XVIII -
SOunCES DIVERSES
MAZEAUD Ho Lo et
LEyONS DE DROIT CIVIL
CHABlIS Fo
ToII, 2è vol., 6è édition, par François
GIANVITI, Paris, Monchrestien 19840
AoFoDoA.
LOI FRANÇAISE DU J JUILLET 19850
(Association Française
RoIoDoA
pour la diffusion du
o ,numéros spéciaux (127 et 128,
janvier 1986 et avril 1986)0
Droit d'Auteur Natio-
nal et International)
REMOND-GOUILLOUD Mo
RESSOURCES NATURELLES ET CHOSES SANS
MAITREo
Recueil Dalloz Sirey, JI janvier 1985,
Cho VI.
ROUBIER Paul
LE DROIT DE LA PROPRIEU lliDUSTRIELLEo
T.I.
Edition du Recueil Sirey, 19540
REVUES ET RECUEILS CON SULTES
RECUEIL DALLOZ-SIREY
JURISCLASSEUR PERIODIQUE
JURISCLASSEUR PROP o LITo ARTo
REVUE INTERNATIONALE DU DROIT D'AVrEUR
REVUE LE DROIT D'AUTEUR
BULLETIN DU DROIT D'AUTEUR

- l
-
TABLE DES MATIERES DE LA PREMIERE PARTIE
INTRODUCTION GENERALE.
CHAPITRE PRELnINAIRE.
DEFINITION JURIDIQUE DU FOLKLORE.
8
SECTION l
:
MEANDRES D'lliE DEFllHTION
9
§ l
: Absence de critères fermes de délimitation
du folklore à travers les débats des folkloristes.
10
A
Définition du folklore selon les différentes
théories.
10
B
Définition du folklore selon ses formes
d'expression.
12
§ 2
Essais de classification par les juristes.
I7
A
Folklore au sens large, folklore au sens
restreint.
17
B
Définition par énumération de produits.
20
C
Définition par énumération de critères.
23
a : Le critère de l'impersonnalité.
24
b
Le critère de l'anonymat.
28
c
Le critère traditionnel.
30
SECTION II
:
PROPOSITION D'UN CRITERE DE REFERENCE
LA CREATION INTELLECTUELLE.
32
§ l
Folklore et création intellectuelle.
33
§ 2
Protection du folklore et propriété intellectuelle
35
A
Protection du folklore et propriété industrielle. 36
a
Opportill1ité d' ill1e inti:7I!:Ileft tion juridique.
37
b
Les modalités pratiques d'une intervention
juridique.
42

- II -
B
Protection du folklore et propriété littéraire
et artistique,
46
PREMIERE PARTIE,
A LA. RECHERCHE D'UNE THEORIE JURIDIQUE POUR LA. PROTECTION
DU FOIKLORE.
50
TITRE l,
DU STATUT JURIDIQUE DU FOLKLORE.
53
cmPITRE 1.
IE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR.
55
SECTION 1.
IE RECOURS AU DROIT D'AUTEUR : LES OBSTACLES D'ORDRE
THEORIQUE LIES A LA. NJ..TURE DE lA CREATION FOLKLORIQUE.
57
§ l
Nature de la création foL~lorique.
58
A
Création musicale savante et création
musicale folklorique,
58
B
Place de l'individu dans la création
folklorique.
64
§ 2
Les exigences du droit d'auteur.
66
A
"oeuvres du folklore" et création artistique
et littéraire.
66
B
Exigence d'un auteur déterminé.
69
C
Exigence d'une création originale.
69
SECTION II.
IE REGIME DE L'OEUVRE DERIVEE ET SON APPLICATION AU FOLKLORE.
7I
§ l
Les conditions d'appropriation du folklore
et les limites de cette appropriation.
72
§ 2
Appréciation
une protection indirecte du
folklore.
77

-
III -
SECTION III.
L'APPLICATION DES REGIMES DE L'OEUVRE ANONYME ET POSTHUME
80
A lA PROTECTION DU FOLKLORE.
§ l
Le régime juridique de l'oeuvre anonyme et son
application à la protection du folklore.
SO
§ 2
L'application du mécanisme de la publication
posthume à la protection du folklore.
84
A
Opportunité du recours au régime de l'oeuvre
posthume.
84
B
Notion de publication posthume.
85
C
Titularité des droits de publication posthume.
93
§ 3 Appréciation : une protection au détriment des
communautés détentrices du folklore.
95
CHAPITRE II.
FOLKIJJRE ET OEUVRES DU DOMA.llŒ PUELlC.
100
SECTION 1.
LE FOLKLORE FAIT-IL PARTIE DU DOMAINE PUELIC?
r03
§ l
Notion de domaine public.
105
A
L'Etat et la propriété des oeuvres de l'esprit
avant l'expiration du délai de protection.
105
B
L'Etat et le domaine public artistique et
littéraire.
lOS
C
Le folklore et le domaine d'Etat
110
§ 2
Incidence du concept de publication.
116
A
La notion de fonds commun et l'acception
restrictive du concept de publication.
116
B
La notion de fonds commun et l'acception
large du concept de publication.
119
§ 3
Les réponses légales et jurisprudentielles
à la question du statut du folklore.
122
A
Les réponses légales.
122
B
Les réponses jurisprudentielles.
124

- IV -
SECTION II.
IA PORTEE DE L'ASSIMIIATION DES "OEUVRES DU FOLKLORE"
A CELLES DU DOMAINE PU13LIC.
129
§ l
Les différents régimes des oeuvres du domaine
public.
DI
A
Justification du domaine public payant.
131
B
Fondements juridiques du domaine public peyant.
135
§ 2 ., Les incertitudes du recours au régime des
monuments historiques.
140
A
Les critères de protection.
141
B
Effets sur l'utilisation des oeuvres protégées.
145
§ 3
Le recours au droit de propriété pour une
protection forte du folklore.
148
TITRE II.
REGLEMENTATION DE L'EXPLOiTATION DU FOLKLORE.
158
CHAPITRE 1.
LES PRINCIPES DE BASE DE IA REG LEM:lli TATION •
161
SECTION I.
CHAMP D'APPLICATION DE LA. REGLEMENTATION.
162
§ l
Etendue du folklore.
162
A
Etendue dans l'espace.
162
a
: Les différentes catégories d'oeuvres
en rapport avec le folklore.
163
b
Le problème de la nationalité des
oeuvres du folklore.
167
B
Etendue dans le temps.
170
§ 2
Diversité des circonstances et des formes-
d'utilisation du folklore.
172
§ 3
Diversité des formes d'atteinte a l'intégrité
et à l'authenticité du folklore.
174
a
: Le plagiat comme forme d'atteinte à
l'intégrité du folklore.
174

- v -
b
Les appropriations indues du folklore~
178
c
Les amputations et les défo=ations d'''oeuvres
du folklore"
179
0
d
Le pillage culturel.
179
SECTION II.
CONTENU DE rA REG~TATION.
182
§ l
Les limites à l'exploitation du folklore.
183
A
Les limites aux principes de la gratuité.
184
a : Les utilisations soumises au paiement
de la redevance.
184
b
Le taux de la redevance et les modalités
de sa perception.
189
c : L'affectation de la redevance.
191
B
Les limites au principe de la liberté.
195
a : La technique de l'autorisation préalable
convient-elle pour toutes les fo=es
d'utilisation du folklore?
195
b
La technique de l'autorisation préalable
et la liberté culturelle.
199
§ 2
Les infractions et les sanctions.
201
A
L'exploitation illicite du folklore.
202
B
Les exigences d'ordre moral.
204
C
Les sanctions et mesures conservatoires.
2II
CHAPITRE II.
LE DROIT DES ARTISTES TRADITIONNELS ,DES COLLECTEURS ET
EDITEURS D'
"OEUVRES DU FOLKLORE".
215
SECTION 1.
POSITION DU PROBLEME
219
§ l
Le raIe de l'artiste traditionnel dans la
création folklorique.
219
§ 2
Le raIe du collecteur et de l'éditeur d' "oeuvre
du folklore".
224
A
La nature du collecteur d'''oeuvres du folklore";
225
B
La nature du travail de l'éditeur d'''oeuvres
du folklore"
227

- VI -
SECTION II.
LES SOLUTIONS DU DROIT D'AUTEUR.
231
§ l
: Les fondements juridiques des droits de
l'artiste traditionnel.
232
A
Solution doctrinale.
232
B
La solution jurisprudentielle française
dans l'Affaire Manitas de Plata.
237
§
§ 2
Les fondements juridiques des droits du
collecteur.
248
A
Les droits du collecteur-reproducteur.
249
B
Les droits du collecteur-créateur.
250
SECTION III.
LES SOLUTIONS DES DROITS VOISINS.
255
§ l
: Le collecteur et les bénéficiaires des
droits voisins.
257
A
Définition de la notion de producteur
de phonogrammes ou de vidéogrammes.
258
B L e s ambiguités de la notion de producteur
de phonogrammes et de vidéogrammes.
260
§ 2
Pour une protection efficace de l'artiste
traditionnel.
264
A
L'artiste traditionnel et les bénéficiaires
des droits voisins
265
B
Nécessité du renforcement du statut juridi-
que de l'artiste interprète ou exécutant.
268
x
X
X
X

- VII -
TABLE DES MATIERES DE LA SECONDE PARTIE 0
IIè PARTIE o
LES DHTIATlVES DES ETATS ET DES ORGANISATIONS
WTERNATIONALES POUR lA PROTECTION DU FOLKLORE o
278
TITRE 10
LES WITIATlVES DEVELOPPEES IlANS LE CA.DRE DU DROIT D'AUTEUR.
278
CHAPITRE 10
PRISE DE CONSCIENCE DES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT
A L'EGARD DU FOLKLORE o
282
SECTION 10
LES CAUSES DE LA PRISE DE CONSCIENCE DES PAYS EN VOIE
DE :CEVELOPPEMENT A L'EGARD DU FOLKLOREo
283
§ l
Les incertitudes d'une définition o
284-
§ 2
Les raisons d'une protection du folkloreo
289
SECTION II.
LES MANIFESTATIONS DE lA PRISE DE CONSCIENCE DES PAYS
EN VOIE DE DEVELOPPEMENT A L'EGARD DU FOLKLORE o
294
§ l
La Convention de Berne
et la protection du folklore o
296
A
Genèse de l'article 15 alo 4
296
B
Structuxe de la protection de l'article
15 alo 40
299
C
La portée de l'article 15 alo 40
307

- VIII -
§ 2
La loi type de Tunis et la protection
du folklore.
310
A
La protection de IV "oeuvre du folklore"
3II
a
statut juridique du folklore.
312
b
Règlementation de 11exploitation
du folklore.
315
B
La protection de IV"oeuvre inspirée
du folklore".
321
CHAPITRE II.
LA PROTECTION DU FOLKLORE A TRAVERS LE DROIT POSITIF
AFRICAIN •
326
SECTION 1.
LA CONVENTION O.A.P.I. DU DROIT DVAUTEUR
ET LA PROTECTION DU FOLKLORE.
328
§ l
Le régime juridique de 11"oeuvre du folklore"
dans la Convention O.A.P.I.
331
A
La déclaration préalable.
332
B
Ll institution dVune redevance.
335
C
Les sanctions.
340
§ 2
Le régime juridique de IV"oeuvre inspirée
du folklore".
dans la Convention O.A.P.I.
344
SECTION II.
LES LOIS NATIONALES AFRICAINES PROTECTRICES DU FOLKLORE.
350
§ l
Les lois tunisienne du 14 février 1966
et marocaine du 29 juillet 1970.
352
A
Ll oeuvre inspirée du folklore en tant que
oeuvre protégée par le droit d l auteux.
353
B
Le folklore : une partie du patrimoine
national.
354

- IX -
§ 2
La protection du folklore dans 190rdonnance
algérienne du 10 avril 1973 et dans
la loi
sénégalaise du 4 décembre 1973.
362
A
Le régime juridique de l ' "oeuvre du folklore",
a
Le statut du folklore.
363
b
La règlementation de l'exploitation
du folklore,
367
B
Le régime juridique de 19"oeuvre inspirée
du folklore",
371
§ 3
La protection du folklore dans la loi
ivoirienne du 28 juillet 1978 et dans
l'Ordonnance burkinabè du 29 septembre 1983.
377
A
Le régime juridique de l'''oeuvre du folklore"
378
a
L 9autorisation préalable.
380
b
La déclaration préalable
382
c
Le paiement d'une redevance
383
B
Le régime juridique de l'''oeuvre inspirée
du folklore"
387
SECTION III.
LES INCERTITUDES DE IA SOLUTION DE RECOURS AUX LEGISIATIONS
DU DROIT D'AUTEUR POUR IA PROTECTION DU FOLKLORE.
391
§ l
Persistances des difficultés d'ordre
tenninologique
392
A
La notion de folklore
393
a
:
La notion de folklore proche
de l'article 15 al. 4 de la Convention
de Berne.
393
b
La notion de folklore proche
de 19article 18 de la loi type de Tunis,
394
B
La notion d 9"oeuvre inspirée du folklore"
397
a
La définition de la loi sénégalaise
399
b
La définition de la loi ivoirienne
400
c
La définition de 190rdonnance burkinabè
400
§ 2 La nécessité de nouvelles investigations
408

- X -
TITRE II.
LES INITIATITI;S DE SOLUTIONS
"SUI GENERIS"o
414
CHAPITRE 1:
LE
MODELE BO LIVI EN •
417
SECTION 1.
LE REGIME JURIDIQUE DU FOLKLORE MUSICAL
DANS LES TEXTES BOLIVIENS,
419
§ l
Organisation de la collecte,
420
A
Définition des oeuvres musicales folkloriques
420
B
Les modalités pratiques de l'inscription
du folklore musical,
422
§ 2
Organisation de l'exploitation
du répertoire folklorique,
425
A
L'exploitation par l'édition musicale et
phonographique.
426
B
L'utilisation du folklore musical
par les interprètes,
428
C
L'utilisation du folklore musical pour la
création d'oeuvres originales,
428
§ 3: La procédure de restitution des mélodies
indOment appropriées,
430
SECTION IL

PORTEE DU MODELE BOLIVIEN.
433
§ l
Les atouts du modèle bolivieno
433
A
Un effort appréciable de définition
du statut juridique du folklore o
434
B
Une vision pragmatique dans la règlemen-
tation de l'€xploitation
du folklore.
438
§ 2
Les aspects criticables du modèle
bolivien,
441

- XI -
CHAPITRE II.
EXAMEN DES SOJ..,lJJ'IONS ElABOREES DANS LE CADRE DES TRAVAUX
ORGANISES PAR L'UNESCO ET L'OMPI POUR :LA. PROTECTION
DU FOLKLORE.
447
RAPPEL HISTORIQUE.
447
SECTION 1.
LES DISPOSITIONS TYPES DE LEGISLATION NATIONALE POUR :LA.
PROTECTION DES "EXPRESSIONS DU FOLKLORE" CONTRE LEUR
EXPLOITATION ILLIaITE ET AUTRES ACTIONS DOMMAGEABLES.
451
§ l
Les dispositions de fond.
453
A :Champ d'application des Dispositions types.
453
a
Les"exprcssions du folklore"
prot~g~es.
454
b
Les utilisations soumises à autorisation.
457
c
Les exigences d'ordre moral.
460
B
Infractions et sanctions.
463
§ 2
2S
dispositions d'ordre administratif.
465
A
Les questions relatives au autorités comp~-
tentes.
466
B
Les relations des Dispositions types
avec d'autres formes de protection.
468
C
La protection des "expressions du
folklore" étrangères.
472
§ 3
La port~e des Dispositions types.
473
A
Les questions d'ordre terminologique
474
B
Les insuffisances des Dispositions types
du point de vue de la propri~té
intellectuelle.
479
SECTION II.
LE PROJET DE TRAITE POUR lA PROTECTION DES "EXPRESSIONS
DU FOLKLORE" CONTRE LEUR EXPLOITATION ILLICITE ET AUTRES
ATIONS DOMMAGEABLES.
483

- XII -
§ l
La structure de la protectiono
486
A
Le principe du traitement national.
486
B
Les dispositions conventionnelles
489
a
: Les règles de fondo
489
b
Les règles administratives.
496
§ 2
Les obstacles à la mise en oeuvre dYune
protection internationale des "expressions
du folklore" selon les principes de la
propriété intellectuelleo
500
A
Les obstacles dYordre matérielo
501
B
Les obstacles dYordre juridique o
502
C
Les divergences d'intér@ts sur
la protection du folklore o
505
CONCLUSION GENERALE
515
ANNEXES
522
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES

VU : le Président du jury
VU : les membres du jury
Monsieur le Professeur
Melle Marie Claude DOCK
André FRAN~ON
Monsieur André KEREVER
VU et pennis d'imprimer
le Président de l'Université de Droit
d'Economie et de Sciences Sociales de
Paris.