UNIVERSITE DE ROUEN
UFR DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DES SCIENCES DU LANGAGE
ET DE LA COMMUNICATION
URA SUDLA 1164
Abou NAPON
ETUDE DU FRANCAIS
DES NON-LETTRES
AU BURKINA FASO
THESE DE DOCTORAT (NOUVEAU REGIME)
Sous la direction de Claude CAITUCOLI et de Jean-Baptiste MARCELLESI
Mai 1992
ETUDE
DU
FRANCAIS
DES
NON-LETTRES
AU
BURKINA
FASO
A mon
oncle
Yago
Tahirou
Télesphore
en
témoignage
pour
tout ce qu'il a fait pour moi durant toutes mes études.
REMERCXEMENTS
Ou'il
nous
soit
permis
ici
d'exprimer
notre
profonde gratitude aux personnes suivantes :
Tout
d'abord
à
nos
professeurs
Claude
CAITUCOLI
et
Jean-Baptiste MARCELLESI pour l'attention qu'ils ont por-
tée à notre travail. C'est grâce à leur disponibilité et à
leurs conseils que nous avons pu terminer notre étude.
A tous les membres de l'URA SUDLA 1164 qui, de près ou
de loin, nous ont aidé pour l'aboutissement de ce travail.
Au professeur B.
GARDIN en particulier avec qui nous
avons eu des discussions fructueuses.
Aux
professeurs
qui
ont
bien
voulu
accepter
d'être
membres du jury de cette thèse.
A toutes
les
personnes
qui
nous
ont
aidé
pour
la
collecte des données au Burkina Faso : Yago Laurent,
Idogo
Hamidou, Batiana André, Nébié Housséni.
Enfin à
tous ceux qui m'ont apporté leur soutien et
prêté leurs concours : parents et amis.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 - LA SITUATION DU FRANCAIS AU BURKINA FASO
1.1. La politique linguistique au Burkina Faso
1.2. La pratique du français au Burkina Faso: les compor-
tements langagiers des habitants de Ouagadougou
1.3. L'apprentissage du français au Burkina Faso
CHAPITRE 2 - LE CADRE THEORIQUE
2.1. - La notion de système
2.2. Quelques éléments de sociolinguistique
CHAPITRE 3 - ANALYSE DE DONNEES DU FRANCAIS DES NON-LETTRES
3.1. La manière dont nous avons exploité le corpus
3.2. L'exploitation du corpus
CHAPITRE 4 - LES OPINIONS SUR LE FRANCAIS DES NON-LETTRES
4.1. Sabirs, pseudo-sabirs, pidgins, créoles
4.2. Le ~rançais en Afrique
4.3. Les. jugements épilinguistiques sur le français des
non-lettrés
CHAPITRE 5 - PROPOSITIONS GLOTTOPOLITIQUES
5.1. L'éducation non formelle et l'éducation formelle
5.2. Propositions pour une nouvelle politique d'alphabé-
tisation au Burkina Faso
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES HATIERES
ANNEXES
2
INTRODUCTION
1 - Les raisons du choix du sujet
Il existe au Burkina Faso deux modes d'apprentissage
du français:
l'apprentissage scolaire et l'apprentissage
"sur
le
tas",
qui
se
fait
en
dehors
de
l ' institution
scolaire.
Cependant la plupart des études portant sur le
français dans ce pays ne se sont intéressées qu'au premier
mode d'apprentissage.
C'est pour rompre avec cette tradition que nous nous
sommes proposé d'étudier
le
français
des
non-lettrés
au
Burkina
Faso.
Nous
entendons
par
"français
des
non-
lettrés" la variété de français qui est pratiquée par les
Burkinabè non scolarisés.
Ce français,
appris sur le tas,
possède les propriétés suivantes :
Il est très variable d'un individu â un autre.
Il est toujours superposé â une ou plusieurs langues
locales.
Il
est
appris
et
pratiqué
dans
des
circonstances
tout
â
fait
particulières:
peu
de
communications
"horizontales"; chaque locuteur ayant des modèles et
des
interlocuteurs
dont
le
parler
tend
vers
le
niveau acrolectal (fonctionnaires, étudiants ... ).
Le choix du
suj et
a
été
également motivé par notre
admiration
personnelle
pour
la
façon
de
parler
de
ce
groupe
social
et
par
ses
traits
de
langage,
qui
nous
paraissent particuliers.
Mais
c'est
surtout
l'importance
des
efforts
fournis
par les analphabètes en vue de parler la langue française
qui nous conduit â étudier le système linguistique et le
3
statut sociolinguistique de leur parler. A ce sujet,
nous
pensons
à
la
sui te
de
M.
Carayol
( 1976: 61 )
que
"toute
personne qui vise à
produire un système linguistique qui
est loin de
lui être
familier,
mais
qui
est
socialement
nécessaire tend à produire un système intermédiaire entre
le système familier et le système cible".
Il
importe de
signaler que
la présente étude a
deux
répercussions:
d'une part,
elle est une contribution aux
efforts
qui
visent
à
définir
ce
que
les
spécialistes
appellent aujourd'hui
"français d'Afrique";
d'autre part,
elle cherche à attirer l'attention des uns et des autres,
législateurs
ou
techniciens,
sur
la
complémentarité
du
français
et des
langues
nationales dans
le
processus
de
développement au Burkina Faso.
En ce qui concerne la problématique de l'étude,
elle
se
résume
en
une
seule
question:
Peut-on
dire
que
le
français parlé par les locuteurs analphabètes constitue un
système ? La question ainsi posée nous a amené à faire des
propositions de réponses.
2 - Les hypothèses
Nous avons formulé trois hypothèses dans le cadre de
notre travail.
La première concerne la structure interne
du
français
des
non-lettrés.
La
deuxième
porte
sur
le
statut sociolinguistique du parler et la troisième a trait
au jugement épi linguistique des locuteurs.
Pour ce qui est du premier point,
notre hypothèse est
que
le
français
des
non-lettrés
constitue
un
type
particulier de système.
Ce qui nous a conduit à
faire un
certain nombre de recherches sur la notion de système.
La
seconde
hypothèse
est
que
ce
français
a
les
caractéristiques d'un pseudo-sabir.
Un "pseudo sabir" est
4
un sabir unilatéral utilisé par l'une des communautés de
manière
à
reproduire
plus
ou
moins
bien
la
langue
de
l'autre
communauté.
C'est
une
forme
de
langue
assez
instable qui évolue selon les sujets parlants dans le sens
d'une
correction
toujours
plus
grande
ou
au
contraire
selon
ses
voies
propres
en
se
libérant
de
la
langue
qu'elle prétendait imiter au départ"
(J.
Dubois et alii,
1973: 399).
La dernière hypothèse est que les non-lettrés ont une
conscience commune de parler une langue.
A.
N'Dao
(1984:
100)
dit à ce sujet que
"la langue est
le reflet des
antagonismes
culturel
et
idéologique
que
l ' épilinguisme
met en évidence".
La vérification des hypothèses posées a
nécessité le
support d'un cadre théorique qu'il convient maintenant de
présenter.
3 - Cadre théorique
Notre travail s'inscrit dans le cadre de l'analyse des
systèmes intermédiaires dans la mesure où nous avons situé
le
français
des
non-lettrés
par
rapport
aux
langues
nationales et au français standard burkinabè.
D' après
J. F.
Hamers
et
M.
Blanc
(1983:
363)
ci tant
Selinker
(1971),
cette
théorie
affirme
que
"les
règles
utilisées
dans
un
système
intermédiaire
proviennent
de
trois sources:
soit de l~ langue maternelle,
soit de la
connaissance acquise de la langue cible, soit de processus
cognitifs qui permettent l'apprentissage de cette langue".
Cela dit, nous avons élaboré un corpus pour le recueil
de nos données.
5
4 - La constitution du corpus
La
recherche
des
caractéristiques
linguistiques
du
français
parlé
par
les
non-lettrés
a
nécessité
l'élabora tian d'un corpus ad hoc.
C'est un corpus cons-
trui t
par
l'enquêteur
à
partir
des
discours
qu' il
fait
produire par ses enquêtés.
Notre corpus comprend quatre questionnaires. Les trois
premiers visent chacun à amener les personnes interrogées
à répondre à un certain nombre de questions ayant trait à
la phonologie,
à
la morpho-syntaxe ou au lexique de leur
parler. Le dernier s'intéresse aux jugements de valeur que
les enquêtés portent sur leur outil de communication.
Quant à la méthode utilisée pour obtenir les données,
il
s'agit
de
l'entretien
semi-directif
enregistré
au
magnétophone.
Nous
avons
décidé
de
faire
des
interviews
individuelles
à
domicile
afin
de
ne
pas
accentuer
le
sentiment
d' insécuri té
linguistique
qui
existe
chez
la
plupart de nos informateurs.
Cette étape franchie,
un travail important de terrain
a été fait afin de collecter les données.
5 - Le choix des enquêtés et le déroulement de l'enquête
Nous avons choisi de nous intéresser aux analphabètes
qui,
en raison de leurs activités socio-professionnelles,
sont
en
contact
permanent
avec
la
langue
française.
Le
public
ainsi
constitué
est
composé
de
mécaniciens
de
motocyclettes, de conducteurs de voitures, de tailleurs et
de
commerçants.
Ces
personnes,
compte
tenu
de
l'appartenance
sociale
de
la
majorité
de
leurs
interlocuteurs
(fonctionnaires,
étudiants,
élèves)
6
s'efforcent de
s'exprimer en
français
afin de
faciliter
l'intercompréhension.
Le choix qui a été fait visait à éviter de tomber sur
des informateurs incapables de répondre à nos questions ou
ne répondant que par "oui" ou par "non".
Quant à
la tranche d'âge de nos enquêtés,
elle varie
de vingt à soixante ans car nous avons cherché à toucher
un
échantillon
représentatif
de
l'ensemble
des
couches
sociales de la ,population (jeunes, adultes, vieux).
Nous avons interrogé au total vingt et un analphabètes
d'origines ethniques différentes pour ne pas nous limiter
à
la
description
du
français
parlé
par
un
seul
groupe
ethna-social. Ainsi,
sept nunaphones,
sept mooréphones et
sept julaphones ont été retenus car nous connaissons les
langues parlées par ces locuteurs.
L'ensemble
des
informateurs
sont
des
hommes
;
cela
pour des raisons qu'il convient d'expliquer.
La première
est
qu'au
Burkina
Faso,
les
femmes
qui
utilisent
le
français
relèvent
seulement
de
deux
catégories:
les
fonctionnaires et
les
personnes
qui
n'ont
pas
fréquenté
pendant longtemps l'école.
En dehors de ces deux groupes,
i l est difficile de rencontrer des femmes qui s'expriment
quotidiennement en langue
française.
La seconde est
que
toutes nos tentatives visant à toucher le public de sexe
féminin
se
sont
soldées
par
des
échecs.
En effet,
nous
avons interrogé quelques commerçantes qui sont en contact
permanent
avec
des
clients
ne
parlant
pas
les
langues
nationales
mais
nos
entretiens
n'ont
pas
donné
les
résultats
escomptés.
Toutes
les
vendeuses
rencontrées
étaient gênées de s'exprimer devant nous en français car
elles pensaient être jugées à partir de la norme. Dans le
cas où certaines acceptaient de répondre à nos questions,
7
tout l'enregistrement était entrecoupé de
rires,
ce qui
rendait difficile la collecte des données.
Nous
avons
espéré
contourner
cette
difficulté
en
engageant
une
enquêteuse
mais
le
résultat
n'a
guère
changé.
Notre population de ce fait n'est
pas représen-
tative de l'ensemble des non-lettrés au Burkina Faso.
Des problèmes sont apparus lors du recueil des données
et nous pensons qu'il convient d'en parler.
7 - La durée et les difficultés de l'enquête
Toute enquête de terrain demande un certain courage et
beaucoup
d'abnégation
de
la
part
de
l'enquêteur.
Ce
principe a été vérifié au cours de nos travaux.
L'enquête
de
terrain
a
duré
cinq
mois
et
s'est
déroulée en
saison
pluvieuse.
Les
pluies
fréquentes
ne
nous
ont
pas
permis
de
respecter
notre
calendrier
de
travail.
Ainsi,
il
nous
arrivait de
passer
trois
jours
sans faire aucune interview.
A
cette
difficulté
s'ajoute
un
certain
nombre
de
problèmes
1 iés,
entre
autres,
à
l ' activi té
socio-
professionnelle
des
non-lettrés
et
à
la
psychose
qui
existe dans tout pays à propos des enquêtes.
La première
difficulté
est
due
au
fait
que
tous
nos
informateurs
étaient des
travailleurs.
Ils étaient
solI ici tés
à
tout
moment.
Dans ce cas,
prendre un rendez-vous avec eux ne
signi fiai t
pas
forcément
qu'on aurait
l'occasion de
les
interviewer.
Certains
travaillaient
même
le
dimanche.
Cette impossibilité d'établir un programme précis nous a
conduit à interviewer des personnes de nuit.
S'agissant du deuxième point,
il est observable dans
toutes les disciplines. Toute enquête,
quelle que soit sa
8
nature, est perçue comme un interrogatoire policier. Aussi
beaucoup de gens se méfient-ils des enquêteurs. Malgré la
familiarité
qui
existe
entre
certains
analphabètes
et
nous, nous n'avons pas réussi à les convaincre d'accepter
de répondre à nos questionnaires.
Notre étude globale s'organise selon un plan qu'il est
indispensable de connaître.
8 - Plan
L'étude
du
français
parlé
par
les
non-lettrés
s'articule sur cinq points
Le premier chapitre fait le point sur la situation
du français au Burkina-Faso. Il examine la politique
linguistique de ce pays et
les rapports entre les
langues en présence.
Le
second
chapitre
présente
le
cadre
théorique
global dans lequel s'inscrit notre travail.
Dans
le
troisième
chapitre,
nous
analysons
les
caractéristiques
linguistiques
du
français
des
analphabètes.
Dans la quatrième partie,
nous nous intéressons aux
opinions des locuteurs sur leur parler.
Le
dernier
chapitre
fait
une
proposition
glottopolitique en vue de permettre de supprimer la
barrière
linguistique
qui
divise
la
communautè
francophone
burkinabè
en
deux
groupes:
les
non-
lettrés et les lettrés.
9
CHAPITRE 1 - LA SITUATION DU FRANCAIS AU BURKINA-FASO
Il s'agit de montrer l'état global de la situation du
français
au
Burkina
Faso
en
examinant
tour
à
tour
la
politique
linguistique
et
la
dynamique
des
langues
en
présence dans ce pays.
Nous donnerons également quelques
indications
sur
la
pratique
et
l'apprentissage
du
français.
Ce chapitre de présentation générale fait le point sur
les
opinions
individuelles
et
sur
le
discours
officiel
tenus sur le français au Burkina Faso.
1.1. - La politique linguistique au Burkina Faso
Le
Burkina
Faso,
si tué
en
plein coeur
de
l'Afrique
occidentale,
a
une
population
d'environ
8
500
000
habitants
et
une
superficie
de
274
000
km 2 •
Ancienne
colonie
française,
ce
pays
a
accédé
à
l'indépendance
politique
en
1960.
On
s'attendait
à
ce
que
cette
indépendance soit également linguistique et culturelle. En
effet,
durant
la
période
coloniale
il
existait
des
rapports
d'hégémonie
linguistique
qui
confinaient
les
langues nationales à
un usage inférieur au détriment du
français.
Le français a été imposé par la France à ses colonies
dans
le
cadre
de
sa
politique
d'assimilation
des
populations
indigènes.
Les
administrateurs
coloniaux
disaient
aux
Africains
qu'ils
étaient
sans
culture
et
avaient
des
langues
sans
tradition
d'écriture.
Cette
politique a
été encouragée par
une
certaine littérature
africaine qui vantait les mérites de la langue française.
10
Avec les indépendances,
l'on a pensé que les langues
nationales allaient
enfin sortir du ghetto
de
l ' orali té
pour jouer leur rôle de véhicules de la communication dans
les différentes institutions du Burkina Faso.
L'objet
ici
est
de
voir
si
les
indépendances
poli tiques ont été accompagnées d'une réhabilitation des
langues nationales burkinabé.
Pour cerner les tenants et
les aboutissants d'une telle situation,
nous jetterons un
regard
rétrospectif
sur
la poli tique
linguistique de
ce
pays depuis les années 1960 jusqu'à nos jours.
1.1.1. - L'héritage colonial
Au
lendemain
des
indépendances,
les
héritiers
du
pouvoir
colonial
ont
maintenu
le
français
comme
seule
langue officielle au Burkina Faso afin de perpétuer leur
domination sur la masse paysanne analphabète.
L'argument
utilisé
fut
que
cette
langue
servait
de
trait
d'union
entre
les
différentes
ethnies
en
présence
sur
le
territoire
burkinabé.
En
effet,
la
multiplicité
des
langues en contact au Burkina rendait difficile le choix
d'une
ou
de
plusieurs
langues
nationales
au
risque
de
léser certains
groupes ethniques.
A ce
suj et,
signalons
que le pays compte une soixantaine de langues nationales
dont les principales sont :
le mooré,
parlé par environ 48 % de la population.
Cette langue couvre tout le plateau mossi, au centre
du pays,
le jula, parlé à l'ouest,
le fulfuldé,
parlé au nord,
les langues gourounssi,
parlées au sud et au centre
ouest,
11
et
enfin,
le gulmancéma
parlé
à
l'est
du
Burkina
Faso.
Face
à
cette
hétérogénéité
linguistique,
seule
une
décision
politique
clairvoyante
conditionnée
par
des
études
sociolinguistiques
et
sociologiques
appropriées
pouvai t
permettre
de
choisir
une
ou
des
langues
institutionnelles. Ces conditions n'étaient pas réunies à
l'époque
en
raison
de
l'insuffisance
des
ressources
matérielles
et
intellectuelles
nécessaires
au
dévelop-
pement des langues nationales en vue de leur adaptation au
monde moderne.
Au regard de ce qui précède,
les autorités burkinabè
se
sont
réfugiées
derrière
la
thèse
coloniale
selon
laquelle
le
français
était
le
seul
moyen
d'unification
linguistique du pays.
D'autre
part,
la
prise
de
position
en
faveur
de
l'exclusivité du français a eu également pour support le
fait
que
seule
cette
langue
pouvait
permettre
aux
Burkinabè de s'ouvrir au monde extérieur et partant à
la
civilisation
occidentale.
De
ce
fait,
les
dirigeants
burkinabè
vont
encourager
l'enseignement
du
français
à
l'école.
Cet enseignement va conserver le contenu et les
méthodes de l'éducation coloniale, tout en "burkinabisant"
le personnel enseignant.
Ce type d'enseignement reposait
sur la méconnaissance des réalités sociolinguistiques et
sociales du Burkina et sur une mauvaise appréciation des
besoins
des
élèves.
A ce
sujet,
P.
Dumont
(1986:
84)
souligne que
"en Afrique,
aucune méthode de
français,
fût-ce de français langue étrangère ne parviendra jamais à
combler le fossé qui sépare l'école de la vie parce que le
seul moyen de réconcilier l'élève africain avec son milieu
social, ce n'est pas de lui apprendre une langue étrangère
mais
bien de
lui enseigner à
lire et
à
écrire
dans
sa
langue maternelle".
12
D'une façon générale, nous disons que l'utilisation de
la langue française à
l'école avait pour but d'assimiler
les Burkinabè. Il fallait amener les élèves à parler comme
des
petits
Français.
Ainsi,
l'utilisation
de
la
langue
maternelle
par
l'écolier
était
interdite
aussi
bien
en
si tuation
de
classe
que
dans
la
cour
de
l'école.
Tout
contrevenant
à
cette
règle
s'exposait
à
des
sanctions
diverses: punition corporelle, port du symbole, etc.
Le
symbole
était
un
objet
qui
pouvait
être
une
calebasse,
un
os,
que
l'on
remettait
à
tout
élève
qui
utilisait sa langue maternelle dans le contexte scolaire.
Il devait le porter à son cou durant toute la journée.
Il
était l'objet de toutes les mauvaises plaisanteries de la
part de
ses camarades.
Pour éviter une
telle
situation,
chacun
faisait
de
son
mieux
pour
parler
français.
Le
symbole a
existé même en
France,
ce n'est
donc pas
une
spécificité burkinabè.
Cette
attitude
de
péjoration
des
langues
nationales
a-t-elle évolué avec le temps ? Nous tenterons de répondre
à
cette
interrogation
en
abordant,
dans
les
lignes
qui
suivent,
les
tentatives
d'intégration
des
langues
nationales dans l'enseignement au Burkina Faso.
1.1.2. - L'introduction des langues nationales dans le
système éducatif au Burkina Faso
L'éducation
a
toujours
été
perçue
comme
un
des
facteurs de développement d'un pays. Cela est remarquable
si
l'on
se
réfère
aux
situations
des
différents
pays
développés ou l'enseignement est généralisé.
Mais,
pour
ce
qui
concerne
le
Burkina
Faso,
son
développement est freiné à cause de l'analphabétisme de la
majorité de sa population.
A ce sujet,
G.
Manessy (1979:
347)
soutient
que
"dans
un
Etat
ou
l'information
13
poli tique,
sociale,
économique a
pour support principal,
sinon exclusif, le français sont exclus de la vie publique
des
ci toyens
qui
ne
comprennent
pas
cette
langue
et
y
participent
seuls
pleinement
ceux
qui
en
ont
une
connaissance suffisante".
La conclusion que nous tirons est que la "démocratisa-
tion" de l'enseignement passe par l'insertion des langues
'nationales dans le système éducatif burkinabè. Ce point de
vue
n'est
pas
partagé
par
tout
le
monde.
Bien
que
conscients du rôle important que peuvent jouer les langues
nationales dans le développement du pays,
les différents
gouvernements
qui
se
sont
succédés
sont
restés
passifs
vis-à-vis de la promotion des langues nationales.
C'est à la suite des différents efforts de sensibili-
sation de l'UNESCO sur l'importance des langues nationales
dans le développement des pays africains que
le Burkina
Faso s'est engagé dans la lutte pour la promotion de ses
langues.
Avant
cette
organisation,
le
professeur
A.
Moumouni
avai t
lancé en 1963 dans un article intitulé "retour aux
langues africaines",
un appel aux chefs d'Etats africains
pour qu'ils s'intéressent au sort des langues africaines,
lequel cri n'avait pas été entendu.
Pour
revenir
au
Burkina
Faso,
nous
notons
que
son
désir de revaloriser ses
langues
s'est traduit,
au plan
pratique,
par leur introduction dans le système scolaire
et
dans
l'alphabétisation
des
adultes.
Cette
poli tique
linguistique s'est cependant heurtée à
un certain nombre
de difficultés que nous nous efforcerons de présenter dans
les pages qui suivront.
14
1.1.2.1. - L'introduction des langues nationales dans
l'enseignement
L'introduction des langues nationales dans le système
scolaire
n'a
pas
été
facile
au
Burkina
Faso.
Beaucoup
d'obstacles ont entravé la réussite de cette entreprise.
L'objet du présent volet est de montrer les grandes étapes
de cette politique linguistique.
1.1.2.1.1. - Le choix des langues â enseigner
Choisir une ou des
langues
à enseigner dans
un pays
multilingue comme le Burkina Faso n'est pas chose aisée.
Cela est lié au fait que les différents groupes ethniques
sont réticents à apprendre la langue de leur voisin.
A ce
propos, certains intellectuels n'hésitent d'ailleurs pas à
crier
à
un
impérialisme
linguistique
et
culturel.
En
effet,
comment imposer le mooré aux Nuna,
sans réveiller
les vieux préjugés ethniques qui existent entre ces deux
groupes.
D'une
façon
générale
pour
les
Nuna,
les
Mossi
sont des émigrants qui vivent en brousse.
La faiblesse de
la pluviométrie sur le plateau mossi conduit les Mossi à
émigrer le plus souvent vers les régions humides du pays.
Une
fois
dans
les
zones
d'accueil,
les
migrants
vivent
habituellement à l'écart du village. De plus,
ils servent
souvent de main d'oeuvre pour les travaux champêtres des
autochtones.
Cette
situation
fait
dire
aux
Nuna
que
le
groupe ethnique mossi est dépendant du groupe nuna.
De ce
fait,
apprendre le mooré, c'est perdre cette domination.
Les Mossi, bien qu'étrangers, cherchent généralement à
imposer
leur
langue
à
la
population
autochtone.
Ce
comportement est mal perçu par les uns et les autres. Pour
lutter
contre
cet
impérialisme,
les
Nuna
refusent
systématiquement de parler le mooré quand bien même ils le
comprennent.
15
Les problèmes ethniques n'existent pas seulement entre
les
Mossi
et
les
Nuna.
Des
phénomènes
de
tout
genre
enveniment les relations entre les différentes ethnies en
présence
sur
le
territoire
burkinabé.
Devant
une
telle
question,
les
dirigeants
du
pays
sont
restés
silencieux
pendant
des
années.
Ce
n'est
qu'en
1972
qu'ils
vont
abandonner cette attitude de démission et se prononcer sur
l'introduction des langues nationales dans l'enseignement.
Mais c'est l'année 1974 qui a marqué un grand tournant
dans la politique linguistique du Burkina
Faso.
A cette
période,
une conférence regroupant des professionnels de
l'enseignement
ainsi
que
des
hommes
politiques
et
des
sociologues s'est
tenue à
Ouagadougou.
Son but
était de
proposer
une
réforme
qui
tienne
compte
des
réalités
linguistiques, culturelles et sociales du pays.
Au sortir de
cette
conférence,
il
a
été élaboré en
1976 un document intitulé "l'école voltaïque en question".
L'on
a
rassemblé
dans
cette
oeuvre
les
grands
axes
de
l'école nouvelle voltaïque.
L'adjectif voltaïque vient de
l'ancienne
appellation
du
Burkina
Faso
qui
était
Haute
Volta jusqu'en 1984.
L'objet premier de ce texte est le
suivant :
"Un
système
d'éducation
pour
un
changement
profond et global de la société en revalorisant
le
patrimoine
culturel
par
l'utilisation
des
langues nationales".
Avec ce projet,
les autorités pensaient libérer l'en-
seignement burkinabè de l'emprise culturelle de
l ' étran-
ger
d' une
part
et
d'autre
part
favoriser
l'intégration
nationale par une valorisation de la culture nationale et
par
une
distribution
équitable
du
savoir
à
tous
les
Burkinabè.
16
Dans
cette
optique,
le
projet
de
réforme
a
décidé
d'introduire trois langues nationales dans l'enseignement
au Burkina Faso.
Il s' agissai t
du mooré,
du
jula et du
fulfuldé.
Les
critères
de
choix
de
ces
langues
qui
ont
été
retenus
par
l'I.N.E.
(Institut
National
d'Education)
étaient les suivants :
Le
premier
élément
est
l'importance
numérique
des
locuteurs de ces langues. Ainsi, l'on a estimé que près de
70
% de
la
population
burkinabè
était
en
mesure
de
comprendre
au
moins
une
des
trois
langues
ci-dessus
citées.
Deuxièmement,
la
représentativité
régionale
de
ces
langues.
A ce propos,
la
réparti tion de ces
langues en
zones,
montre
la prépondérance du
mooré
au centre et
à
l'est, celle du fulfuldé au nord. Quant au jula, il émerge
comme principale langue de communication à
l'ouest et au
sud-ouest du pays. Ces trois moyens d'expression couvrent
à eux seuls presque tout le champ communicatif burkinabè.
Le dernier élément est l'importance des études qui ont
été
faites
sur
les
trois
langues.
Beaucoup
de
travaux
avaient
été
réalisés
sur
ces
dernières,
les
dotant
de
systèmes
orthographique,
grammatical,
ce
qui
facilitait
leur utilisation dans l'enseignement.
Le choix des langues ayant été fait,
il restait alors
à
déterminer
leur
modalité
d'enseignement
au
côté
du
français à l'école.
1.1.2.1.2. - Les modalités d'application des langues
nationales dans l'enseignement
Le
projet
de
réforme
qui
a
été
élaboré
en
1976
a
rencontré
un
certain
nombre
de
difficultés
dans
son
application.
17
La
première
difficulté
a
été
la
réticence
de
la
population
à
être
enseignée
en
langues
nationales.
Une
enquête faite auprès du public cible avait montré que la
majorité
des
Burkinabè
voulaient
être
alphabétisés
en
français car,
estimaient-ils,
c'était une langue interna-
tionale qui avait fait ses preuves.
Aussi
les autorités ont-elles hésité longtemps
avant
d'introduire les
langues nationales dans
l'enseignement.
Ce
n'est
finalement
qu'en
octobre
1979,
soit
trois
ans
après l'adoption du projet,
que le mooré,
le fulfuldé et
le jula ont été introduits à titre expérimental dans une
centaine d'écoles
primaires
du pays.
Les
écoles étaient
réparties
sur
l'ensemble
du
terri taire
en
fonction
des
aires linguistiques mooréphone,
fuI aphone et julaphone.
L' obj et
de
ces
écoles
était
d'utiliser
les
langues
nationales comme matières et véhicules de l'enseignement.
Ainsi,
au cours préparatoire première année et
au cours
élémentaire première année,
la langue nationale enseignée
en fonction de l'aire géographique est utilisée comme le
support des premiers apprentissages. Durant cette période,
le français était admis en classe uniquement comme matière
à
l'oral.
C'est
à
partir
du
cours
élémentaire
deuxième
année
(C.E.
2),
jusqu'à la
fin du cycle primaire,
cours
moyen
deuxième
année
qu'un
équilibre
entre
la
langue
enseignée et le français était établi.
A ces niveaux,
le
français
n'était
plus
utilisé
comme
matière
orale
mais
comme un véhicule de l'enseignement.
L'équilibre établi
entre le
français
et
les
langues
nationales reposait sur des critères fonctionnels.
Chaque
langue était chargée de fonctions pédagogiques qu'elle est
plus
apte
à
remplir.
De
fait,
l'enseignement
de
la
géographie
et
de
l'histoire
était
fait
en
langues
nationales compte tenu de la réalité sociale dans laquelle
les élèves vivaient.
18
Quant
aux
mathématiques
et
aux
sciences
naturelles,
elles
étaient
enseignées
en
français
en
raison
de
l'absence de certaines terminologies appropriées dans les
langues
nationales
pour
rendre
compte
des
réalités
scientifiques et techniques.
L'expérimentation dont il a été question a duré cinq
ans,
soit de 1979 à 1984.
Le bilan de cette expérience a
été négatif. Seules 168 écoles primaires ayant 281 classes
et
comprenant
17
141
élèves
avaient
été
touchés.
Les
résultats peu encourageants de cette réforme ont conduit
le Conseil National de la Révolution (C.N.R.) à mettre fin
à cette expérimentation en septembre 1984.
La décision ainsi prise, nous a conduit à dire que la
suppression des langues nationales a eu pour toile de fond
les
problèmes
rencontrés
dans
l'application
de
cette
politique linguistique.
1.1.2.1.3. - Les problèmes liés à l'utilisation des
langues nationales
Pour les
parents vivant en ville,
l'utilisation des
langues
nationales
avait
pour
but
de
concentrer
les
pouvoirs politique,
économique et social entre les mains
des bureaucrates. En effet, au Burkina Faso,
les affaires
poli tiques,
économiques et administratives sont dirigées
par
une
minorité
d'intellectuels
issus
de
l'école
néo-
coloniale.
Quant
aux
autres
personnes
appartenant
à
d'autres
catégories
socio-professionnelles,
elles
sont
écartées des affaires de l'Etat parce qu'e~les n'ont pas
la maîtrise du français.
D'autre
part,
il
faut
signaler
que
seuls
les
fonctionnaires
ont
un
salaire
à
la
fin
du
mois.
De ce
fait,
ils ont un pouvoir d'achat plus élevé que le reste
de
la
population
analphabète.
Tous
ces
privilèges
dont
19
bénéficient les intellectuels sont liés à leur maîtrise de
la langue française.
En ce qui concerne les parents vivant en zone rurale,
ils disaient que la poli tique linguistique adoptée avait
pour
but
d'établir
une
distance
entre
le
monde
rural
(synonyme
des
travaux
champêtres)
et
la
zone
urbaine
(travail rémunéré).
Pour eux,
l'apprentissage du français
étai t
primordial
pour
leurs
enfants
dans
la
mesure
où
cette langue constituait
un passeport pour la ville,
et
une
référence
pour
postuler
à
un
emploi
rémunérateur.
Refuser le français à leurs fils,
c'était donc condamner
ces derniers à rester au village,
loin de la civilisation
moderne et de tout emploi.
A ces positions ci-dessus citées s'ajoutait celle des
intellectuels
burkinabé.
Ceux-ci
ont
été
les
plus
réticents
à
l'intégration
des
langues
nationales
dans
l'enseignement. Les raisons de ce rejet sont entre autres:
L'avenir incertain de
la
réforme
beaucoup de
fonctionnaires se sont posé
la question de savoir ce que
deviendraient les enfants après l'école primaire. Dans le
projet
de
réforme,
les
autorités
n'avaient
pas
pensé
à
cette situation. Rien n'avait été fait en vue d'assurer la
continuité de l'expérience. En l'absence d'une garantie en
ce
qui
concerne
l'avenir
de
leurs
enfants,
les
intellectuels ont refusé d'envoyer
leur progéniture dans
les
écoles
expérimentales.
Aux
dires
de
certains,
le
ministre de l'éducation de l'époque avait refusé d'envoyer
son
enfant
dans
une
classe
expérimentale.
Seuls,
les
élèves qui appartenaient aux couches sociales défavorisées
ont fait les frais de cette expérience.
L'absence
de
promotion
sociale
liée
à
la
connaissance des langues nationales. A ce propos, l. Nacro
(1982:
7)
souligne
que
"les
gouvernements
africains
20
devraient
tendre
dans
une
politique
linguistique
à
supprimer les avantages liés à la connaissance des langues
étrangères.
En
effet,
toute
politique
de
langues,
pour
étre efficace et réaliste doit absolument tenir compte de
cette dimension, sous peine d'être vouée à l'échec".
Au-delà même du prestige accordé à l'apprentissage et
à
la connaissance de la langue française,
une difficulté
d'ordre sociolinguistique s'est également posée. Il s'agit
du
phénomène
d'irrédentisme
linguistique.
Les
parents
n'appartenant à aucun des groupes ethniques dont la langue
fut
choisie
comme
véhicule
d'enseignement
étaient
réticents
à
scolariser
leurs
enfants
dans
les
écoles
expérimentales.
Ce comportement était guidé par le souci
de
protéger
leur
langue
maternelle
de
l'influence
du
mooré, du jula et du fulfuldé. En effet, un homme qui perd
sa langue n'est plus lui même car i l perd du même coup son
identité linguistique et culturelle.
Il
est
important
de
signaler
aussi
que
l'échec
des
langues nationales dans l'enseignement primaire a été lié
également
à
des
problèmes
techniques.
Sur
le
plan
technique,
le
personnel
enseignant
chargé
de
dispenser
l'enseignement
en
langues
nationales
dans
les
classes
n'avait pas reçu une formation suffisante.
C'étaient les
enseignants formés initialement pour enseigner le français
que
l'on
avait
reconvertis
en
enseignants
de
langues
nationales.
Face
à
une
telle
situation,
il
s'avérait
difficile de demander
à
ce personnel
qui
ne
savait
pas
lire
et
écrire
correctement
en
mooré,
en
jula
ou
en
fulfuldé de dispenser de bons cours dans ces langues.
Au plan didactique,
le manque de documents appropriés
pour
l'enseignement
de
certaines
disciplines
a
conduit
beaucoup d'instituteurs à faire du tâtonnement.
21
A cela, i l faut ajouter les problèmes terminologiques.
Il
était
très
difficile
de
trouver
des
équivalents
en
langues
nationales
de
certains
termes
scientifiques,
notamment en mathématiques et en sciences naturelles.
L'objectif
visé
à
travers
l'utilisation
des
langues
burkinabè,
à
savoir
l'atténuation
des
déperdi tions
scolaires, ne pouvait pas être atteint au regard de ce qui
précède.
Nous pensons que c'est la conjugaison de toutes
les difficultés énumérées qui a été à
la base de l'échec
de la politique d'intégration des langues nationales dans
le système scolaire au Burkina Faso.
Le système formel n'a pas été le seul domaine où l'on
a
tenté
d'introduire
les
langues
nationales.
Au
plan
informel,
les
langues
burkinabè
sont
utilisées
dans
l'alphabétisation des adultes.
1.1.2.2. - L'alphabétisation fonctionnelle en langues
nationales au Burkina Faso
Nous ne pouvons parler d'alphabétisation fonctionnelle
en
langues
nationales,
sans
dire
un
mot
sur
le
rôle
important
qu'a
joué
l'UNESCO
dans
la
lutte
contre
l'analphabétisme des adultes dans le monde.
L'idée d'alphabétisation fonctionnelle a eu pour point
de départ la résolution 1677 de l'assemblée générale des
Nations
Unies
adoptée
en
1961
et
invitant
l'UNESCO
à
examiner sur tous les aspects la question de l'éradication
de
l'analphabétisme
dans
le
monde.
Ce
regain
d'intérêt
dans
la
lutte contre
l'analphabétisme s'expliquerait par
les relations reconnues étroites entre l'éducation et le
développement.
Mais
en
définitive,
c'est
avec
la
conférence
des
Ministres
de
l'éducation
tenue
en
1965
à
Téhéran
sous
l'égide de l'UNESCO que naîtra l'alphabétisation fonction-
22
nelle. Cette alphabétisation part du postulat selon lequel
si l'alphabétisation échoue, c'est qu'elle n'intéresse pas
les
adultes,
qu'elle
ne
parvient
pas
à
déboucher
sur
quelque
chose qu'ils
peuvent
utiliser.
De
ce
fait,
les
projets d'alphabétisation doivent être liés aux activités
de développement.
Il est de plus en plus évident que les
avantages sociaux et économiques de l'alphabétisation sont
étroitement liés à
deux facteurs,
à
savoir la motivation
et les possibilités d'amélioration du niveau de vie. A ce
sujet,
S.
Sanwidi
(1989:
36)
signale
que
"les
gens
viennent plus volontiers aux cours,
ils fréquentent plus
longtemps et ils apprennent plus facilement s'ils voient
que l'alphabétisation offre un intérêt immédiat".
Finalement,
l'on retiendra à
la fin de la conférence
de
Téhéran,
pour
l'alphabétisation
fonctionnelle,
la
caractérisation suivante
:
"loin d'être une
fin
en soi,
elle doit être conçue en vue de préparer l'homme à un rôle
social et civique et
économique débordant
largement
les
limites
d'une
alphabétisation
rudimentaire
réduite
à
l'enseignement de la lecture et de l'écriture (courrier de
l'UNESCO, 1980
7).
A cette même conférence, i l a été décidé que la lutte
contre
l'analphabétisme
devrait
être
intégrée
aux
plans
nationaux de développement,
prioritairement aux
secteurs
économiques où les mécanismes de la lecture, de l'écriture
et du calcul écrit
sont
les plus utiles,
donc
les plus
réutilisables.
L'on
a
insisté également à
cette
réunion
sur la nécessité de faire l'alphabétisation fonctionnelle
dans la langue maternelle des apprenants afin de faciliter
l ' acquisi tion de
la
lecture
et
de
l ' écri ture.
L' ensei-
gnement
étant
dispensé
dans
la
langue
des
auditeurs,
l'apprentissage se résumerait à la découverte des symboles
et à leur transcription.
23
c'est suite à
cette conférence que le Burkina Faso a
procédé
à
l'alphabétisation
fonctionnelle
en
langues
nationales avec l'accord de l'UNESCO.
Cette
brève
introduction
nous
permet
d'aborder
les
différentes étapes de l'alphabétisation fonctionnelle qui
nous intéressent plus dans ce travail.
1.1.2.2.1. - Historique de l'alphabétisation fonction-
nelle en langues nationales au Burkina
Faso
L'alphabétisation
fonctionnelle
de
l'UNESCO
a
été
menée au
Burkina
Faso de
1965
à
1975
(soit
pendant dix
ans).
La première expérience a eu lieu avec les femmes et
les
jeunes
filles
à
travers
un
projet
intitulé
"égalité
d' accès
des
filles
et
des
femmes
à
l'éducation".
Les
langues qui ont été utilisées à cette occasion étaient le
mooré,
le jula et le kasim.
A la suite de ce projet, divers organismes et missions
catholiques
se
sont
lancés
dans
l'alphabétisation
fonctionnelle.
Ces différentes équipes vont créer l ' OVEA
(Organisation Voltaïque pour l'Education des Adultes) avec
pour mission la création de documents et la formation des
éducateurs nécessaires à la bonne marche de l'alphabétisa-
tion fonctionnelle.
En
1974,
l'Etat
burkinabè
a
créé
une
structure
centrale
d'alphabétisation
(ONEPAFS),
c'est-à-dire
l'Office National d'Education Permanente et d'Alphabétisa-
tion
fonctionnelle
et
sélective
pour
supplanter
l'OVEA.
L' ONEPAFS
créé
en
1974
n'a
démarré
ses
activi tés
qu'en
1976 après la signature du décret portant organisation et
fonctionnement
de
l'office.
Avec
la
création
de
cette
structure
le
Burkina
Faso
va
se
démarquer
de
l'alphabétisation
de
l'UNESCO
qui
est
essentiellement
24
restricti ve.
Pour ce pays,
la fonctionnalité de l'UNESCO
est insuffisante
car une
telle
alphabétisation visait
à
réduire
l'individu
à
une
machine
à
produire.
Selon
le
Burkina,
l'alphabétisation fonctionnelle doit être large,
elle doit être liée à
une formation globale,
profession-
nelle,
économique,
sanitaire,
civique,
sociale et cultu-
relle.
Le document du programme national d'alphabétisation a
arrêté par la même· occasion deux objectifs :
l'un à
long
terme et l'autre à
moyen terme.
L'objectif
à
long terme
étai t
de parvenir à
l'éradication de l'analphabétisme au
Burkina Faso sans distinction de sexe.
L'objectif à moyen
terme,
visait
à
"toucher
la
population
dont
l'anal-
phabétisme
constitue
un
goulot
d'étranglement
pour
le
développement
et
à
l'intérieur
de
ces
populations,
les
personnes
les
plus
dynamiques
et
bénéficiant
d'une
certaine autorité morale dans leur collectivité pour que
l'action ait un impact maximum et un effet de démultipli-
cation
important"
(Programme
National
d'Alphabétisation,
1977 : 6).
En
1978,
l'ONEPAFS
a
été
remplacé
par
la
DAFS
(Direction de l'Alphabétisation Fonctionnelle et Sélecti-
ve) •
La
DAFS
a
été
à
son
tour
remplacée
en
1982
par
l'INAFA (Institut National d'Alphabétisation Fonctionnelle
des Adultes)
lequel a été à son tour remplacé par l'INA
(Institut National d'Alphabétisation) en 1987.
Tous ces efforts ont pour toile de fond la théorie du
capital humain,
à savoir qu'il faut des hommes compétents
pour promouvoir le développement,
ce qui
nous conduit à
nous
intéresser
aux
stratégies
mises
en
oeuvre
pour
atteindre de tels objectifs.
25
1.1.2.2.2. - Les stratégies d'alphabétisation
Depuis
l'introduction
de
l'alphabétisation
fonction-
nelle en langues nationales au Burkina Faso, deux types de
stratégies d'alphabétisation ont
été
mises
en
place.
Il
s'agit de la stratégie discontinue (formation étalée)
et
de la stratégie continue (formation intensive).
La période 1965 à 1981 a été dominée par la formation
étalée.
Cette
formation
dure
six
mois
et
les
cours
ont
lieu trois fois par semaine et ce pendant deux heures (en
saison sèche).
Durant la saison des pluies,
les cours se
déroulent
une
fois
par
semaine
à
cause
des
travaux
champêtres en cette saison.
A cette
stratégie
est
venue
s' aj outer
la
formation
intensive en 1981. Cette dernière dure quarante huit jours
avec
deux
semaines
tampons
(période
de
repos
pour
les
auditeurs).
Les cours ont lieu le matin et le soir. Cette
formation
a
fait
les
preuves
de
son efficacité
si
bien
qu'en
1986
et
1988,
elle
a
été
utilisée
par
l'Etat
burkinabè dans deux campagnes nationales d'alphabétisation
des masses.
La réussite de l'alphabétisation des adultes dépendant
en
partie
des
compétences
des
uns
et
des
autres,
de
nouvelles méthodes et pédagogies ont été imaginées.
1.1.2.2.3. - Les méthodes et la pédagogie
L'alphabétisation fonctionnelle en langues nationales
est divisée en deux phases. Une phase de conscientisation
et une phase d'alphabétisation.
La phase de conscientisa-
tion comme celle de la lecture et de l'écriture s'organise
autour d'un tronc commun de trente thèmes. Ce tronc commun
est utilisé dans
toutes
les
langues
nationales
qui
sont
prises en compte dans l'alphabétisation fonctionnelle.
26
Pour des raisons pédagogiques autant que de fonction-
nali té,
un choix délibéré a
été fait
en ce qui concerne
l'utilisation
des
langues
nationales
comme
langue
d'alphabétisation. A ce propos i l est dit que "la rapidité
dans
l'apprentissage n'est
possible que
dans
une
langue
parlée et comprise par l'adulte et le réemploi des acquis
immédiatement
après
la
formation"
(Programme
National
d'Alphabétisation, 1977: 8).
Nous
compléterons
notre
exposé
par
une
présentation
des
résultats
qualitatifs
qui
ont
été
atteints
par
l'alphabétisation fonctionnelle
en
langues
nationales
au
Burkina Faso.
1.1.2.2.4. - Les résultats qualitatifs
Nous concevons le terme de "résultats qualitatifs" au
sens de S.
Sanwidi
(1989:
249)
qui
entend par résultats
quali tatifs
l'ensemble
des
réutilisations
des
acquis
de
l'alphabétisation
par
les
adultes
à
la
fin
de
leur
formation.
Comme
objectifs
qualitatifs
atteints,
les
autorités
citent
les
cas
de
réutilisation
des
acquis
instrumentaux suivants
la
rédaction
de
correspondances
en
langues
natio-
nales adressées à l'agent d'alphabétisation,
la gestion du moulin des collectivités,
le respect des règles d'hygiène et la participation
massive
des
populations
aux
campagnes.
de
vacci-
nation,
l'importance
de
plus
en
plus
grande
accordée
aux
langues nationales par les auditeurs,
27
la maîtrise du milieu naturel par la mise en oeuvre
des actions de conservation des sols
(reboisement,
lutte anti-érosive).
Les
résultats
qualitatifs
sont
importants
mais
ce
n'est pas le même cas en ce qui concerne
les résultats
quantitatifs.
1.1.2.2.5. - Les résultats quantitatifs
L'objectif à long terme de l'alphabétisation fonction-
nelle
en
langues
nationales
au
Burkina
Faso
est
l'éradication
totale
de
l'analphabétisme
dans
les
campagnes afin de permettre aux paysans de participer au
développement du pays.
Par rapport à cet objectif, voyons
les
résultats
quantitatifs
atteints
depuis
la
mise
en
place
de
cette
alphabétisation
d'après
le
rapport
de
l'Institut National d'Alphabétisation (1987 : 9),
171 824
personnes
se
sont
inscrites
à
l'alphabétisation
fonctionnelle entre 1975 et 1981. Ce qui ne veut pas dire
qu'elles
ont
toutes
été
alphabétisées.
Ces
chiffres
concernent uniquement la formation étalée.
En
ce
qui
concerne
la
formation
intensive
elle
a
permis d'alphabétiser 24 373 personnes entre 1981 et 1987.
Ces
résultats
de
l'alphabétisation
combien
flatteurs
ne
doivent pas nous conduire à oublier les problèmes qu'elle
rencontre dans ce pays.
1.1.3. - Critique de la politique linguistique au Burkina
Faso
La politique linguistique au Burkina Faso se résume en
la perpétuation de la francophonie car seul
le français
est reconnu comme langue officielle de ce pays.
Cet état
se
caractérise
par
la
marginalisation
des
langues
nationales
burkinabè
sur
leur
propre
territoire.
Cette
28
marginalisation
se
traduit
par
l'exclusion
des
langues
nationales du système scolaire.
1.1.3.1. - Les langues nationales et le système sco-
laire
La réforme de l'enseignement qui a intégré les langues
nationales dans le cycle primaire au Burkina Faso n'a pas
été claire à
plusieurs points de vue.
L'introduction des
langues burkinabè s'est faite à titre expérimental et dans
des conditions particulières
(seules quelques écoles ont
été touchées par cette expérience).
Le premier à avoir critiqué cette politique a été 1.
Nacro (1982 : 27).
Pour ce dernier,
la tentative d'intro-
duction des
langues
nationales
dans
le
système
scolaire
était une planification épisodique qui ne cadrait pas avec
une
politique
d' ensemble
cohérente.
C'est
ce
manque
de
précision sur les objectifs
que
les
autorités
voulaient
atteindre
qui
a
été
à
la
base
de
l'échec
de
cette
expérimentation.
En
effet,
les
dirigeants
burkinabè
n'avaient rien dit
sur les objectifs
à
court et à
long
terme de cette réforme.
Nous
si tuant
dans
le
mème
courant de
pensée que 1.
Nacro, nous disons que l'Etat burkinabé n'avait pas défini
une vraie politique de promotion de ses langues. Il avait
appliqué
une
poli tique
linguistique
dictée
par
l'UNESCO
sans
tenir
compte
des
réalités
nationales.
Ainsi,
les
écoles
expérimentales
(moyens
à
partir
desquels
les
autorités
pensaient
valoriser
les
langues
nationales)
n'ont pas
pu atteindre
leur obj ectif .
L'enseignement de
ces
langues
visait
plutôt
à
préparer
les
enfants
pour
l'apprentissage
du
français
étant
donné
que
la
langue
française était introduite comme matière d'enseignement à
partir
du
cours
élémentaire
première
année.
Cette
situation
entravait
le
rendement
scolaire
de
l'élève.
29
Celui-ci
se
trouvait
pris
entre
deux
langues
qu'il
ne
maîtrisait pas correctement.
La
seconde
remarque
est
relative
à
l'absence
de
recherche sociolinguistique. Aucune étude de ce genre n'a
été
faite
en
vue
de
guider
le
choix
des
langues
à
enseigner.
Les critères de choix ont été empiriques. Est-
ce
parce
qu'une
langue
comporte
un
grand
nombre
de
locuteurs qu'il faut forcément l'imposer à tout le monde?
Nous pensons que cette idée n'est pas la bonne. Nous avons
à l'esprit que le choix d'une ou de plusieurss langues en
présence
sur
un
territoire
doit
se
faire
à
partir
de
l'examen de
la
dynamique
langagière
du
pays.
Ceci
doit
permettre
de
connaître
les
langues
véhiculaires
qui
servent
de
moyens
de
communication
inter-ethnique
entre
les
différentes
communautés
régionales
et
nationales
du
Burkina.
L'analyse
dont
il
est
question
est
très
importante dans la mesure où elle permet de déterminer les
rapports
de
forces
qui
existent
entre
les
langues
en
contact.
D'autre
part,
aucune
étude
épilinguistique
n'a
été
réalisée afin de connaître le sentiment de la population
vis-à-vis des langues choisies.
Le jugement d'un individu
sur une langue conditionne l'apprentissage de cette langue
par celui-ci.
En effet,
il est difficile pour quelqu'un
d'apprendre
une
langue
quand
il
ne
se
reconnaît
pas
à
travers elle. De cette idée, nous tirons la conclusion que
tout apprentissage non motivé est voué à l'échec.
En
l t absence
d'une
telle
étude,
il
apparaît
que
le
projet de réforme ne couvrait pas toutes les communautés
linguistiques
nationales.
La
division
de
la
société
en
trois
grandes
communautés
s'était
faite
de
manière
arbitraire.
Cette
attitude
montre
clairement
que
l'introduction des langues nationales dans l'enseignement
scolaire
s'est
accompagnée
d'une
double
oppression
30
linguistique
et
culturelle
du
français
et
de
quelques
langues nationales sur la majorité des langues burkinabè.
Une
autre
remarque
qu'il
convient
de
faire
est
la
non-présence de la sensibilisation avant la dite réfOrme.
Le
projet
d'introduction
des
langues
nationales
dans
l'enseignement
n'a
été
précédé
d'aucune
campagne
de
sensibilisation au Burkina Faso. Cela fut une erreur dans
la mesure où
les
autorités coloniales
avaient
longtemps
fait croire aux Africains que seul le français était apte
à
véhiculer
les
sciences
et
la
civilisation.
Quant
aux
langues africaines,
elles véhiculaient le folklore et la
sauvagerie.
Face
à
cette
péjoration
des
langues
natio-
nales,
une grande campagne de sensibilisation aurait été
nécessaire
pour
démystifier
tous
les
préjugés
d'origine
coloniale afin d'amener les uns et les autres à valoriser
leur langue maternelle.
La retombée de l'échec de cette réforme est le règne
sans partage du français dans l'enseignement scolaire dans
le pays.
En effet,
depuis
cette expérience malheureuse,
rien n'a été fait dans le pays en vue de la promotion des
langues
nationales.
L' atti tude
de
l'Etat
burkinabè
est
aujourd'hui défaitiste. L'on ne parle plus de l'avenir des
langues
nationales.
Au
contraire,
de
nouveaux
ouvrages
didactiques et pédagogiques sont constamment élaborés dans
le but de faciliter l'apprentissage du français au Burkina
Faso.
Du
coup,
le
doute
s'est
installé dans
la
société
burkinabè en ce qui concerne la capacité de ses langues à
véhiculer le savoir scientifique.
A
ces
observations
sur
l'intégration
des
langues
burkinabè
dans
le
système
formel,
nous
ajoutons
des
cri tiques
sur
l'alphabétisation fonctionnelle en
langues
nationales dans le pays.
31
1.1.3.2. - Les langues na~ionales e~ l'alphabé~isa~ion
fonc~ionnelle au Burkina Faso
L'alphabétisation fonctionnelle en langues nationales
connaît
certaines
limites
â
cause
de
la
politique
de
l'Etat burkinabè.
Cette alphabétisation,
loin de promou-
voir les
langues
nationales,
vise plutôt à
augmenter la
productivité des producteurs.
C'est l'application du mot
d'ordre
de
l'UNESCO
qui
veut
qu'il
ait
des
hommes
compétents pour promouvoir le développement.
Le
premier
élément
qui
nous
permet
de
soutenir
le
propos
est
le
caractère
sélectif
de
l'alphabétisation.
Elle s'adresse uniquement au monde rural.
Les différentes
campagnes
d'alphabétisation
en
langues
nationales
ne
s'intéressent qu'aux paysans.
Les autorités ont
justifié
ce fait par le désir d'éradiquer l'analphabétisme dans les
campagnes afin de permettre au monde rural de participer
au
développement
du
pays.
Cette
politique
a
plutôt
contribué â
accentuer l'écart qui existait entre la zone
rurale
(utilisation
des
langues
nationales)
et
la
zone
urbaine (propriété du français). Comment peut-on prétendre
valoriser une langue en l'imposant seulement â une partie
de
la
population.
A ce
sujet,
R.
Chaudenson
(1989:
4)
pense qu'il
"est important pour le maintien de l ' égalité
que
le
langage
cesse
de
partager
les
hommes
en
deux
classes".
Nous pensons que la promotion des langues nationales
passe par leur apprentissage par les fonctionnaires et les
paysans
si
l'on
veut
éviter
leur
rejet.
Les
désertions
très
fréquentes
enregistrées
dans
les
classes
d' alpha-
bétisation sont révélatrices du
sentiment de
frustration
qu'éprouvent les auditeurs.
Les désertions sont en partie
dues au manque d'intérêt que
les analphabètes
portent à
leur langue maternelle,
cette dernière ne leur permettant
32
pas
de
communiquer
dans
tous
les
secteurs.
D'après
certains
néo-alphabétisés,
beaucoup
de
leurs
camarades
refusent de se présenter à
l'alphabétisation en
langues
nationales
parce
qu'ils
veulent
plutôt
apprendre
le
français comme les fonctionnaires.
De plus, certains pro-
pos tenus par les intellectuels découragent les paysans.
Ainsi,
il
n'est
pas
rare
d'entendre
les
déclarations
telles
que
à
quoi
sert
l'alphabétisation
en
langues
nationales'?
Nous pensons qu'il faut oeuvrer à ce que les paysans
et les fonctionnaires soient tous alphabétisés en langues
nationales.
Cela
entraînerait
selon
nous
un
regain
d'intérêt
pour
la
revalorisation
des
langues
nationales
car
aucune
catégorie sociale
ne
se
sentirait
lésée
par
rapport à l'autre.
La deuxième remarque porte sur le choix des
langues
d'alphabétisation.
Ces
dernières
ont
été
choisies
sans
critères
précis.
Actuellement,
onze
langues
nationales
sont utilisées dans l'alphabétisation. Il s'agit du mooré,
du kasim,
du lyélé,
du nuni,
du bisa,
du gulmancéma,
du
dagara,
du
lobiri,
du
san,
du
bwaba
et
du
jula.
Ces
langues
ne
sont
pas
représentatives
de
l'ensemble
des
langues
du
Burkina
Faso
( une
soixantaine
environ) .
L'opération ne touche que quelques régions.
Cette situa-
tion explique le caractère régional de l'alphabétisation.
La
plupart
des
langues
utilisées
dans
l'alphabétisation
sont parlées au niveau local. Ainsi, un paysan alphabétisé
en nuni ne peut utiliser cette langue qu'en zone nuna. Une
fois
hors du domaine nuna,
seul
le recours
à
la
langue
française lui permettra de se faire comprendre du Mossi et
du Dagari.
Le dernier élément
sur
lequel
nous
nous
attarderons
est
la
non-utilisation
de
tous
les
acquis
de
l'alpha-
bétisation
après
la
formation.
Après
l'alphabétisation,
33
les alphabétisés
n'ont
pas
la possibilité d'utiliser la
langue nationale dans laquelle ils ont appris à lire et à
écrire
dans
l'administration.
Dans
l'administration
burkinabè,
"la
langue
de
travail"
est
le
français.
La
preuve est que les concours,
les tests se déroulent tous
dans
cette
langue.
Mème
dans
les
campagnes,
les
agents
encadreurs
conçoivent
généralement
leur
travail
en
français
et
ce
en
raison
de
leur
formation.
Formés
en
français,
ils
ne
comprennent
pas
souvent
la
langue
des
autochtones.
De
même,
lorsqu 1 un
alphabétisé écrit
une
lettre
en
nuni,
elle
ne
peut
pas
être
décodée
par
les
agents
de
l'administration
de
sa
localité.
De
plus,
il
ne
peut
prétendre
à
aucun
emploi
rémunéré
ni
à
une
quelconque
promotion sociale.
Au
regard
de
ce
qui
précède,
il
apparait
que
l'alphabétisation
fonctionnelle
en
langues
nationales
a
une fonction symbolique au Burkina Faso. Elle ne change en
rien le statut ni le rôle des langues nationales dans le
dit pays.
A la lumière de ce qui vient d'être dit sur le Burkina
Faso,
nous
pensons
que
pour
élaborer
une
politique
linguistique objective et réaliste,
il faut s'en remettre
à
la dynamique des langues en présence sur le territoire
burkinabè.
1.1.4. - La dynamique des langues au Burkina Faso
Le propos qui sera tenu ici,
viendra en complément de
ce qui a été dit sur la politique des langues au Burkina
Faso.
En effet,
dans une situation de plurilinguisme comme
c'est
le
cas
au
Burkina,
il
est
intéressant
de
voir
34
comment les rapports sont organisés entre les différentes
langues en contact.
Dans cette partie de
notre étude,
nous
tenterons de
savoir si les rapports entre les langues parlées sur le
territoire
burkinabè
sont
de
type
complémentaire
ou
conflictuel.
Notre approche de
la
dynamique
langagière
doit
nous
permettre
d'appréhender
le
statut
et
les
fonctions
des
différentes langues que l'on rencontre au Burkina Faso.
1.4.1.1.
- Le rapport entre le français et les langues
nationales
Nous parlerons d'abord du statut et des fonctions du
français
et
des
langues
locales
au
Burkina
car
nous
croyons que c'est à la lumière de ces éléments que l'on
pourra
définir
le
rapport
qui
existe
entre
les
langues
ci-dessus citées.
1.1.4.1.1.
- Le statut du français au Burkina Faso
L'on ne saurait évoquer le rôle sociolinguistique du
français
au
Burkina
sans
se
référer
à
la
politique
d'assimilation
qui
a
été
pratiquèe
par
le
colonialisme
français.
Durant
la
période
coloniale,
l'usage
d'une
langue
autre que le français était interdite à l'école.
A cela,
il faut ajouter les ordonnances déclarant illégitimes les
pratiques culturelles propres aux indigènes. Ainsi, l'on a
assisté à
une oppression et une répression culturelle et
ce, afin de prépar~r les aborigènes à entrer dans le monde
de
la
civilisation
moderne.
D.B.
Gisler
(1981:
131)
affirme que "dans cette oeuvre de salubrité et de sécurité
publique,
l'école jouera un grand rôle.
S'il est question
de faire connaître,
d'imposer la langue et la culture de
35
la classe dominante,
en fait,
i l s'agira d'instruire les
masses
de
leur
infériorité,
de
les
dépouiller
de
leur
parole, de les contraindre au respect du noble et du beau
langage" .
Les conséquences d'une telle politique ont été graves
pour les différents Etats après les indépendances. Pour ce
qui est du Burkina Faso,
l'action coloniale avait fait un
vide linguistique autour du français.
Cette langue avait
le
privilège
et
l'exclusivité
d'être
écrite.
Quant
aux
langues burkinabè elles étaient confinées dans le ghetto
de
l'oralité.
Face
à
cette
situation,
aucune
d'elles
n'était
en
mesure
d'assurer
la
relève
de
la
langue
française aux moments des indépendances.
Il importe également de signaler que cet état de fait
a été encouragé par les hommes politiques burkinabè qui ne
s'étaient
guère
préoccupés
des
problèmes
linguistiques.
Ces derniers
se
sont
intéressés
uniquement
à
l ' indépen-
dance
politique
en
oubliant
que
toute
indépendance
véritable doit être politique, linguistique, culturelle et
économique.
A cela,
il faut ajouter le désir de ne pas rompre le
cordon ombilical qui unit la France à ses ex-colonies. Ce
désir
a
été
matérialisé
avec
la
naissance
de
la
francophonie. Le but de la francophonie étant de perpétuer
l'influence de la langue française dans le monde et plus
singulièrement
en
Afrique.
Ce
qui
fait
dire
à
R.
Chaudenson
(1989:
10)
que
"l'Afrique est
l'avenir de
la
francophonie".
Cet
ensemble
de
faits
a
conduit
les
dirigeants
burkinabè à choisir le français comme langue officielle du
pays.
36
Cette
situation
a
des
répercussions
dans
la
vie
quotidienne
des
Burkinabé
quelles
en
sont
les
conséquences en ce qui concerne la répartition des rôles
de la langue française ?
1.1.4.1.2. - Les fonctions sociolinguistiques du fran-
çais au Burkina Faso
Le français occupe diverses fonctions au Burkina Faso.
Nous empruntons le terme de fonctions
et
les sigles qui
l'accompagnent
à
l.
Nacro
dans
son
cours
de
socio-
linguistique
citant
Fishman.
Le
schéma
de
J.
Fishman
repose sur la complémentarité des langues.
Les fonctions
peuvent être résumées de la façon suivante :
La fonction (0) ou fonction officielle.
Elle est
due au fait que c'est la langue française qui régit la vie
politique,
économique et sociale des pays.
Ainsi,
toutes
les
institutions
fonctionnent
exclusivement
en
français
(administration, radio, télévision, presse écrite, etc).
La
fonction
(E )
ou
fonction
d'enseignement.
Le
français est la seule langue de la scolarisation dans le
pays. Cette langue est utilisée comme matière et véhicule
de
l'enseignement
au
primaire,
au
secondaire
et
au
supérieur.
La
fonction
(l )
ou
fonction
internationale.
Le
français
assume
ce
rôle
car
i l
permet
au
Burkina
Faso
d'élargir
ses
échanges
économiques
et
culturelles
à
l'échelle mondiale.
En effet,
les Burkinabè ont besoin du
français
pour se
faire comprendre aussi
bien en Afrique
que dans le reste du monde.
La
fonction
(W)
ou
fonction
à
communication
étendue. Nous attribuons cette fonction au français car il
sert
de
trait
d'union
entre
les
différents
groupes
ethniques impliqués dans l'effort de construction du pays.
37
c'est une langue véhiculaire â
l'échelle nationale.
Elle
permet
au
Gulmancé
de
se
faire
comprendre
du
Nuna
et
vice-versa.
La
fonction
( C )
ou
langue
de
la
capi tale.
En
raison de sa situation politique, Ouagadougou constitue le
pôle
d'attraction
de
la
plupart
des
travailleurs
à
la
recherche d'un emploi rémunéré.
Cet afflux des gens vers
la ville fait de ouagadougou une cité composite où l'on y
retrouve les représentants de toutes les ethnies du pays.
Par rapport à cette configuration ethnolinguistique de
la
ville,
le
français
constitue
un
important
moyen
de
communication
à
même
de
permettre
aux
gens
de
se
comprendre les uns des autres.
La fonction (R) ou fonction religieuse.
Elle est
occupée
par
la
langue
française
car
le
français
est
utilisé
par
les
chrétiens
â
l'église
et
au
temple
pour
dire les messes.
Vu l'importance de la langue française dans le champ
communicatif burkinabè,
les langues nationales ont du mal
à s'imposer dans la communication sociale.
1.1.4.1.3. - Le statut des langues nationales au
Burkina Faso
La politique linguistique du Burkina Faso en matière
de promotion des langues locales est symbolique. En effet,
depuis
les
indépendances,
rien
n'a
été
fait
en
vue
de
l'adoption du statut des langues nationales.
Les
successions
des
déclarations
d'intention
sont
restées
lettres
mortes.
Pour
exemple,
l'on
peut
citer
l'article 3 contenu dans le titre de la constitution de la
troisième république qui stipule que "la langue officielle
de
la
Haute
Vol ta
est
le
français.
Une
foi
fixe
les
38
modalités de promotion des langues nationales" N.
Nikièma
(1980:
14).
A ce sujet
I .
Nacra
(1984:
80)
signale que
"depuis la promulgation de cette constitution jusqu'à sa
suppression
à
la
sui te
du
coup
d'Etat
qui
renversa
le
gouvernement Conombo en 1980,
aucune loi ou décret n'est
venu fixer quoi que ce soit".
Cette position attentiste n'a guère évolué.
L'article
3, dont i l a été question, a été repris à l'article 36 de
la constitution votée le 2 juin 1991.
Il n'a pas été non
plus
accompagné
de
précisions
sur
l'avenir
des
langues
nationales.
Nous voyons que le qualificatif de langues nationales
qui
est
attribué
à
toutes
les
langues
locales
est
symbolique. Il n'apporte rien en ce qui concerne le statut
de ces langues. C'est plutôt un moyen subtil utilisé pour
calmer
les
ardeurs
des
partisans
de
l'intégration
des
langues burkinabè dans le développement du pays.
En conclusion,
nous
disons
que
les
auto ri tés
natio-
nales ont conféré aux langues locales le statut de langues
interdites, infériorisées etc. Les langues nationales sont
interdites à l'école. Ainsi,
i l n'est pas rare d'entendre
des
instituteurs
dire
à
des
élèves
de
se
taire
parce
qu'ils ont utilisé des expressions locales en classe.
De
même les locuteurs des langues vernaculaires sont appelés
des analphabètes et occupent une position subalterne dans
la
société
par rapport
à
ceux
qui
maîtrisent
la
langue
française.
La
conséquence
de
cette
politique
est
le
rejet
systématique des différentes entreprises faites en langues
nationales
par
les
populations.
Face
au
français
qui
consti tue le marche-pied vers
la
promotion
sociale,
les
langues
nationales
ne
peuvent
qu'occuper
des
fonctions
marginales dans le pays.
39
1.1.4.1.4. - Les fonctions sociolinguistiques des lan-
gues nationales
Les
langues
locales
burkinabè de par leur statut de
langues vernaculaires, ont peu d'avantages pour ce qui est
de la répartition des fonctions au Burkina Faso.
Si nous prenons le cas des langues inter-ethniques que
sont
le
mooré,
le
jula
et
le
fulfuldé,
elles
occupent
uniquement trois
fonctions.
Il s'agit des fonctions
(W),
(E) et (R).
La
fonction
(W)
ou
fonction
à
communication
étendue.
Elles jouent ce rôle car elles sont des langues
véhiculaires régionales.
La
fonction
(E)
ou
fonction
d' enseignement
est
dévolue
à
ces
langues
car
elles
sont
utilisées
dans
l'alphabétisation fonctionnelle des adultes.
La fonction (R) ou fonction religieuse. Les trois
langues ci-dessus citées sont utilisées pour dire la messe
aussi bien en ville qu'en campagne.
Quant aux langues intra-ethniques, elles occupent deux
fonctions.
En
premier
lieu,
i l
y
a
la
fonction
(P)
ou
fonction provinciale.
Ce sont des langues qui
recouvrent
chacune toute une province.
Dans un
second
temps,
elles
sont
employées
dans
les
cérémonies
religieuses,
ce
qui
leur confère la fonction (R).
De par
les différentes
fonctions
qu'elle
assume,
la
langue française est en position de force par rapport aux
langues nationales.
40
1.1.4.1.5. - La diglossie français/langues nationales
au Burkina Faso
La
notion
de
diglossie
a
fait
l'objet
de
plusieurs
développements.
Mais
pour
ce
qui
concerne
le
cas
du
Burkina Faso, nous retenons la définition d'André Martinet
(1982:
10)
qui
insiste
sur
le
critère
sociologique
du
statut
différent
des
langues
en contact.
Selon
lui,
le
terme
de
diglossie
désigne
"une
situation
sociolinguis-
tique où s'emploient concurremment deux idiomes de statut
socio-culturel
différent,
l'un
étant
vernaculaire,
c'est-à-dire
une
forme
linguistique
acquise
prioritai-
rement et utilisée dans
la vie quotidienne,
l'autre une
langue
dont
l'usage,
dans
certaines
circonstances
est
imposée par ceux qui détiennent l'autorité".
L'examen de la situation du français au Burkina Faso
montre que cette définition rend mieux compte du rapport
de forces qui existe entre les langues locales et cette
langue.
En effet,
le français bien qu'imposé à
l'école,
dans
l'administration, bref dans la vie politique du pays jouit
d'un certain prestige aussi bien au niveau des lettrés que
des analphabètes. C'est la langue de la promotion sociale.
De ce fait,
parler français,
même médiocrement,
avoir des
diplômes est la clef de l'ascension sociale.
Le français
fait la loi du marché du travail. Entre deux Burkinabè qui
cherchent
un
emploi
manuel
dans
l'administration
par
exemple,
l'on
prendra
celui
qui
peut
s'exprimer
en
français même médiocrement.
Par rapport à -cela,
nous pensons que les analphabètes
sont rongés par le désir d'instruction. C'est pourquoi, il
est fréquent d'entendre les propos suivants de la part des
illettrés
"il
faut
parler
le
français
pour
se
faire
respecter" .
41
La non maîtrise du
français
expose
les
analphabètes
aux escroqueries des agents peu scrupuleux de l ' adminis-
tration.
Très souvent,
ces derniers exigent d'être payés
en
contre
partie
des
services
qu'ils
rendent
aux
non-
lettrés.
L'on voit donc qu'il
existe un conflit
aigu,
tacite
cependant entre les langues nationales et le français.
Ce
conflit
s'observe
aussi
bien
sur
le
plan
de
la
distribution fonctionnelle des langues que sur le plan des
avantages
sociaux
que
les
langues
procurent
à
leurs
locuteurs respectifs.
En résumé,
nous voyons
que
les
langues
locales
sont
les
moyens
d'expression
de
la
population
rurale
et
le
français
la
langue
de
l ' élite
intellectuelle
vivant
en
zone urbaine.
Le conflit qui existe entre le français et les langues
nationales
pourrait
tendre
dans
le
sens
de
la
normalisation
si
ces
langues
étaient
consacrées
langues
institutionnelles au Burkina Faso.
La domination du français
sur les langues nationales
n'est
pas
seulement
politique,
elle
est
également
culturelle.
En
effet,
de
nos
jours
l'on
assiste
à
une
aliénation
culturelle,
progressive
de
l'ensemble
de
la
population burkinabè.
Cela se traduit par un abandon des
valeurs
culturelles
traditionnelles
au
profit
de
celles
portées par la langue française.
C'est ce que A.
Batiana
(1985:
112)
citant
N.
Kremnitz
(1981:
67)
a
appelé:
"l'acculturation au modèle dominant:
la haine de soi qui
signifie
que
le
locuteur
impliqué
dans
le
conflit
linguistique et culturel en nie l'existence et essaye de
s'approcher
de
la
langue
dominante,
des
modèles
de
comportements
culturels
et
sociaux
qu'elle
véhicule
et
d'abandonner ses propres valeurs et son identité sociale".
42
Au plan culturel,
l'on assiste à
l'abandon des
bals
tradi tionnels
au
profit
des
bals
modernes.
Très
peu
de
Burkinabè sont à même d'exécuter convenablement des pas de
danses traditionnelles. Cela est très remarquable chez les
jeunes et surtout chez les fonctionnaires.
Cette forme d'acculturation a sa contrepartie au plan
linguistique.
Les contacts fréquents
entre les représen-
tants de la culture française
(fonctionnaires et élèves)
et les populations rurales provoquent l'introduction d'une
foule de réalités nouvelles dans les langues nationales.
La
nomination
de
ces
réalités
entraîne
souvent
une
modification
du
lexique des
langues
locales.
L' accul tu-
ration
lexicale
dont
i l
est
question
s'observe
surtout
dans le discours des jeunes.
Le rapport existant entre le français et les langues
nationales
est
différent
de
celui
qui
existe
entre
les
langues locales.
1.1.4.1.6. - Le rapport entre les langues intra et
inter-ethniques
La pratique
des
langues nationales
ne
procure
aucun
avantage social à leurs locuteurs.
Si nous prenons le cas
des langues inter-ethniques telles que le mooré,
le jula
et le fulfuldé,
elles facilitent certes l'intercompréhen-
sion
entre
les
di verses
communautés
sociolinguistiques.
Mais cela ne veut pas dire qu'elles occupent une position
dominante par rapport aux autres langues.
Loin
de
dominer
les
langues
intra-ethniques,
les
langues véhiculaires constituent un moyen de rapprochement
des différents
groupes
ethniques
en
présence
au Burkina
Faso.
De
fait,
nous
disons
qu'il
existe
une
certaine
complémentarité entre les deux types de langues ci-dessus
nommées. Cette relation est appelée bilinguisme.
43
Nous entendons par bilinguisme l'usage de deux langues
à
statut
social équivalent.
Au Burkina Faso,
la plupart
des locuteurs des langues minoritaires pratiquent au moins
une des langues véhiculaires du pays.
Le jula est utilisé
par
les
populations
de
l'ouest
dans
leur
interaction
verbale.
Le fulfuldé est parlé par les différents groupes
qui cohabitent dans le nord du pays. Il s'agit des Songhay
et
des
Touaregs
qui
vivent
avec
les
populations
peuls.
Quant
au
mooré,
i l
est
utilisé
par
les
ethnies
minoritaires qui co-existent avec les Mossi au centre et à
l'est du pays.
Le type de bilinguisme que nous venons de décrire est
un
bilinguisme
de
type
L
+
L
L
désigne
la
langue
1
2 0
1
maternelle
du
locuteur
et
L
la
langue
inter-ethnique.
2
C'est ce genre de rapport que M. Houis (1971: 145) appelle
bilinguisme africain qui est selon lui la situation "où à
l'intérieur d'une communauté linguistique des groupes plus
ou moins larges et homogènes utilisent deux langues avec
une
égale
ou
inégale
compétence.
L'une
est
la
langue
maternelle que nous préférons appeler langue première (L1 )
chronologiquement antérieure à la langue seconde (L2 )".
Signalons
cependant
que
les
langues
intra-ethniques
(langues à communication moins étendue) sont d'importants
éléments de cohésion sociale. Elles consolident l'unité et
renforcent la solidarité au sein des groupes ethniques °
Pour
terminer,
nous
insistons
sur
le
fait
que
les
rapports entre
les
langues
nationales
resteront
de
type
complémentaire
tant
que
les
langues
inter-ethniques
ne
seront pas intégrées dans le processus de développement du
pays.
Mais cette politique d'intégration des langues locales
sera-t-elle pour demain, compte tenu de l'attitude passive
des
dirigeants
burkinabè
en
matière
de
promotion
des
44
langues nationales 7 En effet,
depuis la suppression des
langues locales dans le système scolaire en 1984, rien n'a
été fait pour corriger les erreurs de cette expérience. En
regardant les choses de prés,
i l est important de savoir
pourquoi il y a une attitude passive de l'Etat burkinabé
vis-à-vis de ses langues.
L'analyse
de
la
dynamique
qui
a
montré
la
prépon-
dérance du français au Burkina Faso nous conduit â étudier
la
pratique
du
français
dans
le
pays.
Ceci
en
vue
de
connaître les différents contextes où les gens ont recours
à
la
langue
française
pour
satisfaire
leurs
besoins
de
communication.
1.2. - La pratique du français au Burkina Faso: les com-
portements langagiers des habitants de Ouagadougou
L'objet de la présente partie est de voir quelle est
la
place
du
français
dans
les
échanges
langagiers
au
Burkina Faso. Dans cette optique, nous nous efforcerons de
répondre â
là question de J.
Fishman (1971:
18) à
savoir
"qui
parle
quelle
variété
de
quelle
langue,
quand,
â
propos de quoi et avec quels interlocuteurs 7".
Nous
pensons
que
la
présentation
de
la
situation
sociolinguistique
du
français
au
Burkina
Faso
serait
incomplète si nous ne répondions pas à cette question.
Le
but étant de montrer
la vitalité de la langue
française
dans le pays, nous avons choisi pour cadre d'investigation
la ville de Ouadagoudou.
Le choix de cette localité s'explique par le caractère
composite de la ville. Nous estimons que les comportements
langagiers
observables
dans
cette
ville
sont
peut-ètre
susceptibles de
se
retrouver
dans
toutes
les
aggloméra-
tions du Burkina Faso.
Il n'existe pas de cité monolingue
dans
le
pays
en
raison
du
phénomène
de
la
migration.
45
Lequel est entretenu par l'arrivée des
fonctionnaires et
de personnes
à
la
recherche de meilleures
conditions de
vie.
L'observation du
dynamisme
du
français
sera
faite
à
partir de
l'analyse
de
quelques
situations
de
pratiques
langagières.
Cela nous conduira à examiner les habitudes
langagières des Ouagalais dans l'emploi qu'ils font de la
langue française.
Ainsi,
tour
à
tour,
nous
observerons
les
manifes-
tations sociolinguistiques des habitants de Ouagadougou en
famille,
au
marché,
dans
l'administration
et
dans
les
lieux de cultes.
1.2.1. -
Les comportements langagiers des habitants de
Ouagadougou en famille
Nous
aborderons
dans
cette
partie
les
usages
langa-
giers des non-lettrés et des lettrés dans leur famille.
Le choix des familles a été fait en tenant compte d'un
certain nombre de paramètres tels que :
- le niveau d'instruction,
- l'appartenance ethnique des conjoints,
- la présence d'enfants dans le foyer.
Les
critères
ci-dessus
énumérés
sont
à
notre
avis
autant de variables susceptibles d'influencer la pratique
linguistique des personnes en famille.
Nous avons choisi
des familles où i l y a uniquement le chef de famille,
ses
enfants et sa femme à titre de test.
L'observation proprement di te
a
porté
respectivement
sur
dix
familles
d'analphabètes
(quatre
familles
nuna,
trois foyers mossi et trois familles où la langue première
est
le
j ula)
et
dix
familles
de
fonctionnaires
(quatre
46
familles mossi, trois familles nuna et trois familles où
la langue première est le jula). Les analphabètes sont les
personnes
qui
ne
connaissent
pas
le
français.
Nous
retenons
ici
la
terminologie
classique
mais
impropre
utilisée au Burkina Faso.
1.2.1.1. - La pratique langagière dans les familles
des analphabètes
D'une
manière
générale,
les
pratiques
langagières
observables
dans
ces
familles
reposent
sur
un
certain
nombre
de
contraintes
qui
influent
sur
la
pratique
linguistisque dans le cadre familial.
Il Y ad' abord la distinction hommes/femmes qui
oblige ces dernières â parler la langue maternelle de leur
époux.
Au
plan
linguistique,
il
y a l e
désir
de
sauvegarder la langue du groupe ethnique de
l'influence
d'autres langues.
La conséquence d'une telle attitude est la prépondé-
rance de la langue première en famille.
Sur dix familles
visitées,
seuls
trois
chefs
de
famille
ont
déclaré
utiliser
souvent
le
français
dans
leurs
échanges
langagiers avec leurs enfants.
I l
s'agit de deux Nuna et
d'un Mossi.
Quant aux autres,
ils ne
font
recours
â
la
langue française que quand ils reçoivent des visiteurs ne
parlant
pas
la
même
langue
qu'eux.
Le
reste
des
interactions se déroule en langues nationales.
La partie précédente nous
a
permis de connaître
les
usages langagiers dans les familles des illettrés;
i l est
maintenant opportun d'examiner comment les fonctionnaires
communiquent dans leur foyer.
47
1.2.1.2. - Les comportements langagiers dans les fa-
milles de fonctionnaires
Tous
les
fonctionnaires
rencontrés
utilisent
le
français de manière courante dans leur foyer.
Ceci a pour
but
de
permettre
aux
enfants
de
se
familiariser
très
rapidement à la langue française. Cette situation facilite
du même coup l'établissement d'une continuité linguistique
entre l'école et le milieu originel des enfants. Cet état
de fait étant à même de stimuler le rendement scolaire des
écoliers.
De la même manière qu'ils s'efforcent d'amener leurs
enfants à parler le français,
les lettrés n'hésitent pas
également
à
les
encourager
à
la
pratique
des
langues
locales.
L'usage de la langue maternelle en famille vise selon
eux,
à
ne
pas
accélérer
l ' accul turation
des
élèves.
Au
Burkina Faso, la connaissance de la langue ethnique est un
facteur d'intégration sociale. Ainsi, toutes les personnes
qui
ne
parlent
pas
leur
langue
maternelle
ont
des
difficultés
pour
s'insérer
dans
leur
groupe
ethnique
d'origine.
Elles sont considérées comme des gens hybrides
à cheval sur deux cultures (occidentale et nationale).
Contrairement à la famille où le choix des langues est
réduit, le marché de par le nombre de langues qu'il met en
présence est révélateur de la gestion du plurilinguisme.
1.2.2.
- Les pratiques langagières au grand marché de
Ouagadougou
1.2.2.1.
- La présentation du marché
Le grand marché de Ouagadougou est situé au centre de
la ville.
C'est
le
marché
le
plus
important
du
Burkina
Faso.
Il
se
tient
tous
les
jours
et
rassemble
une
48
population hétérogène de vendeurs et de clients. Parmi les
clients,
l'on peut citer entre autres des Européens,
des
Africains et de nombreux nationaux.
Pour
ce
qui
concerne
les
vendeurs,
nous
avons
les
Burkinabè (Mossi, Gourounssi,
Bisa etc.),
des Sénégalais,
des Libanais, des Nigérians, des Togolais ...
Les Sénégalais sont de façon générale des vendeurs de
montres,
les
Libanais des vendeurs
de tissus.
Quant aux
Nigérians
et
Togolais,
ils
se
partagent
la
vente
des
produi ts de toilettes et des
ustensiles de cuisine.
Les
nationaux ont le monopole du reste des produits vendus sur
la
place
du
marché
(vêtements,
cassettes,
légumes,
chaussures, viande, épices, fruits, etc).
Lieu
géographique
et
social,
terrain
privilégié
d'échanges
économiques
et
communicationnels
entre
des
individus d'origine culturelle et linguistique variée,
le
grand marché de Ouagadougou offre au chercheur un vaste
champ d'observation.
1.2.2.2. - Les clients, les vendeurs et leur marché
De prime abord quand l'on parcourt le grand marché,
trois
langues
apparaissent
dans
les
échanges
langagiers
entre les clients et les vendeurs.
Ce sont le mooré,
le
français et le jula. Ces faits sont observables à travers
les
criées
ou
dans
les
interactions
entre
vendeurs
ou
entre vendeurs et acheteurs.
Tous les clients sont impliqués linguistiquement sur
le
marché
à
partir des
criées.
Selon
les
vendeurs,
la
criée est un moyen d'attirer la clientèle; mais elle sert
également
à
annoncer
ou
à
vanter
le
produit.
La
criée
varie
en
fonction
du
mode
vestimentaire
des
clients.
Ainsi,
quand· une
personne
est
bien
habillée,
elle
est
interpellée en français :
49
- monsieur, venez voir
- monsieur, qu'est-ce que vous voulez
- monsieur, c'est joli
- madame, c'est pas cher
Les
femmes qui
portent des boubous sont interpellées
en
j ula.
Cela
s'explique
par
le
fait
que
les
femmes
de
l'ouest
du
pays
ont
l ' habi tude
de
s' habiller
de
cette
manière.
Signalons cependant que c'est la langue mooré qui est
la
plus
utilisée
car
les
vendeurs
pensent
que
tous
les
Burkinabè résidant à Ouagadougou sont à même de s'exprimer
dans cette langue. Cette évidence est liée à l'histoire de
cette ville, capitale du pays mossi.
Le choix de la langue d'appel dépend également de la
race des passants. Toutes les personnes de couleur blanche
sont abordées en français.
En plus de l'observation globale,
nous avons mené une
enquête
par
point
de
vente
afin
de
mieux
voir
la
répartition
des
langues
suivant
les
lieux
des
transactions.
Dans
cette
optique,
quarante
interactions
ont
fait
l'objet de notre attention.
Il s'agit des points de vente
suivants: tissus,
légumes, viande et chaussures.
- Le point de vente des tissus
Dans
ce
lieu
de
transactions,
les
langues
mooré
et
française
apparaissent
dans
les
interactions
entre
les
clients
et
les
vendeurs.
Le
tableau
qui
suit
montre
comment se font ces échanges langagiers.
50
Vendeurs
Ethnie
Acheteurs
Ethnie
Langues ut i-
lisées entre
eux
Vendeur n° l
Mossi
Acheteur n° l
Mossi
français
Vendeur n° 2
Mossi
Acheteur n° 2
Gourounssi
français
Vendeur n° 3
Mossi
Acheteur n° 3
Lobi
mooré
Vendeur n° 4
Mossi
Acheteur n° 4
Mossi
mooré
Vendeur n° 5
Mossi
Acheteur n° 5
Mossi
mooré
Vendeur n° 6
Mossi
Acheteur n° 6
Dagari
mooré
Vendeur n° 7
Libanais
Acheteur n° 7
Mossi
mooré
Vendeur n° 8
Li banai s
Acheteur n° 8
Bobo
françai s
Vendeur n° 9
Libanais
Acheteur n° 9
Mossi
français
Vendeur n° 10
Mossi
Acheteur n° 10 Mossi
français
L'observation
du
tableau
montre
l'utilisation
du
français dans quatre interactions.
Le mooré apparaît dans
le reste des échanges langagiers.
- Le point de vente de la viande
Vendeurs
Ethnie
Acheteurs
Ethnie
Langues uti-
lisées entre
eux
Vendeur n° l
Mossi
Acheteur
n° l
Mossi
mooré
Vendeur n° 2
Mossi
Acheteur
n° 2 Mossi
françai s
Vendeur n° 3
Mossi
Acheteur
n° 3
Mossi
mooré
Vendeur n° 4
Mossi
Acheteur
n° 4
Mossi
mooré
Vendeur n° 5
Mossi
Acheteur
n° 5 Mossi
mooré
Vendeur n° 6
Mossi
Acheteur
n° 6
Peul
mooré
Vendeur n° 7
Mossi
Acheteur
n° 7
Samo
jula
Vendeur n° 8
Mos.si
Acheteur
n° 8
Mossi
mooré
Vendeur n° 9
Mossi
Acheteur
n° 9
Gourounssi
mooré
Vendeur n° 10
Mossi
Acheteur
n° 10 Mossi
françai s
51
L'usage du français n'est pas très développé ici car
la
plupart
des vendeurs
sont
des
analphabètes.
Dans
ce
lieu de transactions c'est le client qui doit chercher à
se faire comprendre du boucher et non le contraire. Cette
situation explique le recours fréquent à
la langue mooré
dans les interactions.
- Le point de vente des légumes
Vendeurs
Ethnie
Acheteurs
Ethnie
Langues uti-
lisées entre
eux
Vendeur n° l
Mossi
Acheteur n° l
Mossi
mooré
Vendeur n° 2
Mossi
Acheteur n° 2
Lobi
jula
Vendeur n° 3
Mossi
Acheteur n° 3
Mina (Togo)
français
Vendeur n° 4
Mossi
Acheteur n° 4
Yoruba
mooré
Vendeur n° 5
Mossi
Acheteur n° 5
Mossi
mooré
Vendeur n° 6
Mossi
Acheteur n° 6
Mossi
maoré
Vendeur n° 7
Mossi
Acheteur n° 7
Ashanti
mooré
Vendeur n° 8
Mossi
Acheteur n° 8
Français
français
Vendeur n° 9
Mossi
Acheteur n° 9
Mossi
français
Vendeur n° 10
Mossi
Acheteur n° 10 Mossi
françai s
Ce secteur commercial
est occupé
uniquement par des
femmes.
Les échanges se passent alors entre vendeuses et
clientes.
Dans
ce
lieu
de
commerce,
le
français
est
employé dans les différentes interactions. Nous expliquons
ce cas de
figure par le fait
que les
femmes
sont moins
gênées
dans
leur
appropriation
du
français.
De
plus,
pratiquer la langue française est un moyen de se valoriser
aux yeux du client. C'est pourquoi elles n'hésitent pas à
s'exprimer
en
français
devant
n'importe
quel
interlo-
cuteur.
52
- Le point de vente des chaussures
Langues uti-
Vendeurs
Ethnie
Acheteurs
Ethnie
li sées entre
eux
Vendeur n° l
Mossi
Acheteur n° l
Bisa
jula
Vendeur n° 2
Mossi
Acheteur n° 2
Mossi
mooré
Vendeur n° 3
Mossi
Acheteur n° 3
Mossi
français
Vendeur n° 4
Mossi
Acheteur n° 4
Mossi
français
Vendeur n° 5
Mossi
Acheteur n° 5
Mossi
mooré
Vendeur n° 6
Mossi
Acheteur n° 6
Ouolof
françai s
Vendeur n° 7
Ashanti
Acheteur n° 7
Mossi
français
Vendeur n° 8
Mossi
Acheteur n° 8
Mossi
mooré
Vendeur n° 9
Mossi
Acheteur n° 9
Bisa
mooré
Vendeur n° 10
Mossi
Acheteur n° 10 Mossi
mooré
Le français est utilisé dans les interactions dans ce
point de vente car la plupart des vendeurs de chaussures
sont des
exclus
de
l'école
primaire.
Ils
se
sont
alors
reconvertis dans
le
commerce.
Le passage
à
l'école
leur
confère un avantage au plan linguistique par rapport aux
autres commerçants qui n'ont pas fréquenté l'école.
Il importe de signaler que même les commerçants qui ne
parlent pas le français sont à même néanmoins de dire les
prix de leurs produits dans cette langue.
En définitive,
trois langues sont utilisées dans les
interactions au grand marché de Ouagadougou.
Ce sont,
le
mooré, le jula et le français.
Parmi elles, le mooré vient
en première
position
dans
les
échanges
langagiers.
Nous
attribuons ce fait à l'origine ethnique de la majorité des
vendeurs.
Sur quarante vendeurs,
trente six appartiennent
au groupe mossi. Quant aux autres langues à savoir le jula
et le français,
leur présence sur le marché est due à leur
53
véhicularité.
Le
français est pratiqué par les fonction-
naires et les élèves. Le jula sert à l'inter-communication
entre
les
commerçants
et
les
clients
originaires
de
la
région de
l'ouest en
raison du caractère véhiculaire de
cette langue dans cette partie du pays.
Disons pour terminer que l'apparition du français dans
les
comportements
langagiers
au
grand
marché
de
Ouagadougou,
témoigne une fois de plus de la vitalité de
cette langue au Burkina Faso.
Le marché n'est pas le seul cadre où le français est
en progression.
La langue française est employée dans les
institutions administratives.
1.2.3. - Les comportements langagiers des Ouagalais à
la mairie
Notre
observation
a
porté
sur
les
usages
langagiers
des habitants de Ouagadougou à la mairie de Bogodogo sise
au secteur 15.
Les Ouagalais se rendent généralement à la mairie pour
se
faire
établir
un
acte
de
naissance,
pour
légaliser
leurs papiers etc.
Dans ce
service administratif,
la plupart des agents
sont bilingues.
Ils parlent le mooré et le français.
Mais
l'usage de
l'une ou de l'autre de ces
langues dépend de
l'identité des interlocuteurs.
A l'arrivée des demandeurs
de services,
la stratégie de communication est toujours la
même. Ce sont ces derniers qui s'adressent en premier lieu
aux
agents.
Et
selon
leur
niveau
d'instruction,
ils
utilisent le mooré ou le français.
La
plupart
des
analphabètes
s'expriment
en
langue
mooré
quand
ils
ont
affaire
aux
fonctionnaires
de
la
mairie.
Mais l'on note des cas où certains ont recours à
54
des énoncés mooré truffés de termes empruntés au français
qui n'ont pas leur équivalent dans la dite langue:
Exemples :
-
[b~!Ur m data e galizasj'l
/bonjour/je/veux/égalisation
"bonjour, je voudrais légaliser mes papier"
-
[Pa zaam~ je
sE d~pi
l'a tr~hl
/ce n'est pas/hier/d'insistance/c'est/depuis/le/trente
"Ce n'est pas hier, c'est depuis le 30"
En ce qui concerne les lettrés,
ils
s'adressent
aux
agents en français.
La pratique de ce moyen de communica-
tion leur permet de réduire la distance sociale que les
fonctionnaires établissent entre eux et les illettrés.
Le
langage de cette catégorie de personnes varie en fonction
du niveau d'instruction de la personne à laquelle elle a
affaire.
Les
mots
durs
utilisés
à
l'endroit
des
non-
lettrés sont
remplacés
par des
expressions
souples
chez
les lettrés.
Certains
non-lettrés
n' hési tent
pas
à
s'exprimer
en
français
pour
montrer
aux
agents
qu'ils
possèdent
également ce moyen d'expression.
Ce type de français qui
est
un
français
basilectal
est
fréquent
à
la mairie.
A
titre illustratif nous avons relevé les exemples suivants:
- je veux timbre
- je veux déposer ma papier
- bonjour madame, c'est pour égalisation
- je veux égalisation
A la
lumière
de
ce
qui
précède,
i l
ressort
que
le
français
est
un
outil
de
communication
qui
est
très
employé dans
les
pratiques langagières
à
la mairie.
Les
énoncés
mooré-français
et
le
français
basilectal
des
analphabètes en sont les preuves.
55
Les comportements langagiers des Ouagalais à la mairie
sont
à
peu
près
les
mêmes
au
dispensaire.
Ce
qui
nous
condui t
à
présenter les habitudes langagières dans cette
dernière institution.
1.2.4
- Les habitudes langagières au dispensaire
A
la
recherche
des
comportements
langagiers
des
habi tants
de
Ouagadougou,
nous
nous
sommes
interessé
à
l'interaction médecin-patient au dispensaire de Gounghin.
Le dispensaire de Gounghin est un centre médical qui
est
réservé
aussi
bien
aux
fonctionnaires,
aux
élèves
qu'aux non-lettrés. Le centre accueille ainsi des malades
issus des différentes catégories socio-professionnelles en
présence dans la ville.
De fait,
plusieurs langues y sont
utilisées.
Les
mooré,
le
jula
et
le
français
sont
les
principales
langues
employées
dans
les
différentes
stratégies de communication. Sur cent consultations,
70 %
d'eritre elles sont faites en mooré,
20 % en français et
10% en jula.
Mais i l arrive des cas où le malade ne parle aucune
des
trois
langues.
A ce
moment,
l'on
fait
appel
à
un
interprète pour faciliter l'inter-communication.
Contrairement à la mairie,
où ce sont les demandeurs
de services qui engagent la discussion,
au dispensaire ce
rôle revient aux infirmiers et non aux malades.
D'après notre observation personnelle,
le choix de la
langue de l'interaction est fonction de l ' habillement du
patient. Quand une personne est bien vêtue, les infirmiers
s'enquièrent
le
plus
souvent
de
son
état
de
santé
en
français. C'est à l'intéressé de changer de langue s ' i l ne
peut pas s'exprimer en français.
56
Tout comme
à
la
mairie,
l'on
relève
des
énoncés en
langues
nationales
contenant
des
termes
techniques
français.
Exemples :
Mooré-français
[j a pikir bi)
/c'est/piqure/interrogation/
"Est-ce pour une piqure 7"
[a wata dfnje Ëz~ksj~)
/il/vient/dernière/injection/
"Il vient pour la dernière injection"
Jula-français
[a nana s~t toer)
/il/ venu/sept/heures/
"Il est venu à sept heures
[;~ 10 kif. malad)
"Qui est malade"
Les
pratiques
langagières
observées
dans
l'adminis-
tration sont
différentes de celles que
l'on relève dans
les lieux de cultes.
1.2.5
- Les habitants de Ouagadougou à l'église et à
la mosquée
Nous avons choisi de manière arbitraire d'observer les
habitudes
langagières
des
Ouagalais
à
l'église
de
Gounghin.
Deux
messes
ont
lieu
le
dimanche
dans
ce
lieu
de
culte.
La première débute à
sept heures et se déroule en
mooré.
La seconde à partir de neuf heures est célébrée en
français.
Tous
les
autres
jours,
il
y
a
des
messes qui
sont toutes dites en mooré.
57
Concernant le lieu de prière des musulmans, la mosquée
centrale
de
Ouagadougou
a
été
le
cadre
de
notre
investigation. A la mosquée, la prière est faite en arabe,
langue dans laquelle est rédigé le coran. Les bénédictions
données à la fin de chaque prière sont dites en mooré.
D'une manière générale, la mosquée est le seul domaine
où
la
langue
française
est
exclue.
Cela
est
due
à
l'analphabétisme de la majorité des fidèles.
En dehors de
ce cadre,
le français occupe une place importante dans la
vie quotidienne des Ouagalais. Ce qui est un témoignage du
dynamisme du français au Burkina Faso.
Pour terminer,
nous disons que le mooré est utilisé
dans tous
les contextes.
Quant au français,
i l
apparaît
dans
presque
tous
les
domaines
à
l'exception
de
la
mosquée. Le jula qui vient en dernière position a un champ
d'expansion
limité
à
la
famille,
au
marché
et
au
dispensaire.
Nous
avons
évoqué
rapidement
les
contextes
dans
lesquels les Burkinabè ont recours à
la langue française
pour
satisfaire
leurs
besoins
de
communication.
Il
convient
selon
nous
de
savoir
comment
se
fait
l'apprentissage
du
français
dans
le
pays
car
les
deux
points sont complémentaires.
1.3. - L'apprentissage du français au Burkina Faso
L' obj et du présent volet est de passer en revue les
modalités d'enseignement du français dans le pays. Ce qui
nous conduira à
jeter un regard sur le pré-scolaire,
le
primaire,
le
secondaire,
le
para-scolaire
et
enfin
l'extra-scolaire.
58
1.3.1.
- Le pré-scolaire
Il s'agit d'un secteur très peu développé au Burkina
Faso.
Il
comprend
les
garderies
populaires
et
quelques
écoles
maternelles.
Les
garderies
populaires
ont
été
créées en 1985 avec l'avènement de la révolution d'août.
Elles
existent
uniquement
à
Ouagadougou
et
à
Bobo-
Dioulasso en raison de la concentration des fonctionnaires
dans ces villes. En effet, la majeure partie des agents de
la
fonction
publique
burkinabé
résident
dans
ces
agglomérations.
Pour
revenir
aux
garderies,
signalons
qu'elles
accueillent tous les enfants quelle que soit leur origine
sociale.
En réalité,
seuls les enfants de salariés et de
quelques riches personnes ont accès à
ces écoles.
Cette
situation est due aux frais de garderie qui
s'élèvent à
quinze mille francs CFA par an et par enfant. Cette somme
n'est
pas
facile
à
réunir
par
les
parents
d'origine
sociale défavorisée.
Dans ces écoles,
les enfants apprennent d'une part à
vivre
en
collectivité
et
d'autre
part
à
parler
le
français.
De
ce
fait,
les
garderies
rendent
précoce
le
contact de l'enfant avec la langue française.
Mais c'est
surtout dans
les écoles maternelles que
l'on commence à
enseigner
le
français
aux
tous
petits
en
pensant
ainsi
leur
donner
une
avance
sur
leurs
camarades
issus
des
milieux défavorisés.
Dans cette optique,
l'accent est mis sur la pratique
orale. Cela explique pourquoi les élèves venant des écoles
maternelles sont généralement éveillés quand ils entrent
au
cycle
primaire.
Ce
sont
des
enfants
impulsifs
qui
prennent le risque de s'exprimer.
59
De manière globale,
l'on tente de présenter une image
favorable de la langue française aux écoliers afin de ne
pas les démotiver.
Il est à
noter que les élèves issus des maternelles
fournissent
de
meilleures
performances
au
primaire
par
rapport à leurs camarades qui ne sont pas passés par cette
étape.
Ce
fait
se
remarque
aussi
bien
à
l ' écri t
qu'à
l'oral.
En raison
du caractère
sélectif du pré-scolaire,
la
plupart des enfants burkinabè entrent directement au cycle
primaire sans savoir prononcer un seul mot de français.
Il
est
clair
que
le
petit
burkinabè
qui
va
à
l'école
se
trouve
dans
une
discontinuité
linguistique
entre
cette
institution et son milieu socio-culturel.
A la différence du pré-scolaire, ce cycle primaire est
ouvert à tous les enfants au Burkina Faso.
1.3.2. - Le cycle primaire
Les enfants entrent dans le cycle primaire à l'âge de
sept
ans
maximum
pour
une
durée
de
six
ans.
Dès
la
première
année,
c'est-à-dire
le
cours
préparatoire
première année,
les élèves
sont initiés à
la lecture,
à
l'écriture et au langage.
La
lecture occupe à
elle
seule
sept
heures,
dix
en
moyenne par semaine et les autres matières huit heures par
semaine.
Au cours préparatoire,
la lecture a
pour but de
munir l'enfant de mécanismes de lecture par assemblage de
lettres pour former des mots intelligibles qui permettent
une compréhension facile. D'après les documents officiels,
elle s'accompagne de la méthode syllabique.
C'est
une
méthode
qui
amène
l'élève
à
découvrir
le
son,
ensuite
la
syllabe
et
enfin
la
phrase.
Par
cette
60
technique,
les
écoliers
découvrent
les
signes
et
leur
association.
En
résumé,
cette
méthode
stimule
en
méme
temps la pratique orale et écrite.
Il faut signaler que cette méthode a été introduite au
Burkina Faso en 1989 en remplacement de la méthode CLAD
( Centre de
Linguistique Appliquée
de Dakar).
La méthode
CLAD
était
basée
sur
la
pratique
orale
qu' écri te.
Par
cette méthode on amenait les enfants plutôt à parler qu'à
écrire.
Elle va de la phrase clef au son que l'on veut
faire découvrir à
l'élève.
Avec ce procédé,
les maîtres
poussaient
les
écoliers
à
mémoriser
des
phrases
sans
connaître
les
différents
éléments
constructifs
de
ces
énoncés.
Pour
justifier
sa
suppression,
les
enseignants
ont
évoqué les mauvais résultats fournis par les élèves depuis
l'introduction de cette méthode au Burkina en 1970.
Pour revenir à la première année,
disons qu'elle met
également l'accent sur l'écriture. Au cours préparatoire,
l'écriture est liée à la lecture. Après avoir lu,
il faut
écrire.
Dans
cette
classe,
il
est
prévu
deux
leçons
d'écriture de quinze minutes par jour.
Après l'écriture,
il y a l e langage.
Il vise à amener
l'enfant à s'exprimer oralement. C'est une discipline qui
améliore l'expression orale.
Au cours préparatoire,
l'on
vise
l'emploi
actif
spontané
de
la
langue
tout
en
corrigeant
les
habitudes
verbales
et
auditives
déjà
acquises ailleurs.
La seconde année,
c'est-à-dire le cours préparatoire
deuxième année consolide les acquis de la première année.
A ce
ni veau
il
y
a
une
baisse
du
nombre
d' heures
de
français: sept heures, en moyenne pour la lecture) contre
sept heures, quarante minutes pour le reste des matières.
61
Au cours élémentaire première et deuxième années,
l'on
a
sept
heures
pour
la
lecture
et
six
heures
pour
les
autres leçons.
En ce qui concerne le cours moyen première année et le
cours moyen deuxième année, le nombre d'heures de français
est sensiblement le mème. Quatre heures sont consacrées à
la lecture contre six heures pour les autres disciplines
au CM 1. Au CM 2,
la répartition est la suivante :
trois
heures
pour
la
lecture
et
six
heures
pour
les
autres
matières.
Nous terminerons notre propos par un bref exposé sur
le cours moyen deuxième année. Cette classe marque la fin
du cycle primaire d'une part et d'autre part,
elle est la
charnière entre l'enseignement élémentaire et secondaire.
A ce stade,
i l est demandé à l'enfant d'écrire plutôt
que de
parler.
A cet
effet,
l'élève doit
comprendre
et
utiliser oralement et
par écrit
l'ensemble
des
procédés
orthographiques et grammaticaux de la langue française.
A
l'oral, i l doit ëtre apte à s'exprimer avec aisance devant
n'importe quel interlocuteur,
de rédiger de petits textes
corrects au plan orthographique et grammatical.
Pour
atteindre
cet
objet,
l'accent
est
mis
sur
les
séances d'élocutions et de rédactions.
L'élocution
est
la
manière
dont
on
s'exprime
oralement.
Elle
vise
à
améliorer
l'expression
orale
et
dure trente minutes.
Quant à la rédaction,
qui cherche à amener l'élève à
une
maîtrise
suffisante
de
la
langue
écrite,
elle
est
crainte
par
les
écoliers.
En
moyenne,
les
enseignants
donnent cette épreuve à leurs élèves une fois toutes les
deux
semaines
en
raison
des
effectifs
pléthoriques
des
classes.
Il se rencontre des classes de cent écoliers au
62
cours moyen deuxième année. Cette situation ne facilitant
pas
la
correction
des
copies,
les
instituteurs
évitent
beaucoup les rédactions.
A la fin du cycle primaire, seuls les enfants qui ont
eu la chance d'obtenir
le
certificat d'études
primaires
élémentaires entrent dans le cycle secondaire.
Les élèves
qui
ne
réussissent
pas
à
ce
diplôme
sont
exclus
de
l'école.
1.3.3. - Le cycle secondaire
Le
cycle
secondaire
est
di visé
en
deux
étapes;
le
premier cycle de quatre ans conduit au Brevet d'Etudes du
premier cycle, le second au Baccalauréat.
A ce stade,
le français est utilisé comme matière et
véhicule de l'enseignement. En tant que matière, i l occupe
cinq heures par semaine au premier cycle.
Au
secondaire
l'on
assiste
à
l'apparition
de
langues
telles
que
l'anglais,
l'allemand,
l'arabe et
le russe aux
côtés du
français.
Ces
langues
sont
enseignées
uniquement
comme
matières.
Le
nombre
d'heures
consacré
au
français
varie
en
fonction de la série dans laquelle l'élève se trouve dans
le
second
cycle.
Il
est
important
dans
les
séries
littéraires et moins élevé dans les séries scientifiques.
Outre
son
apprentissage
à
l'école,
le
français
est
appris dans le para-scolaire.
1.3.4.
- Le para-scolaire
Nous regroupons sous le nom de para-scolaire,
toutes
les activités directement liées au domaine scolaire mais
s'adressant
aux
personnes
qui
n'ont
pas
eu
la
chance
d'ètre scolarisées.
Il s'agit pour l'essentiel des cours
63
du soir qui se déroulent dans presque toutes les grandes
villes du pays.
Ces cours ont lieu de dix huit heures à vingt heures,
tous les jours sauf le dimanche et s'adressent aussi bien
aux personnes voulant s'initier à la pratique de la langue
française
qu'à
celles
désirant
approfondir
leurs
connaissances
afin
de
pouvoir
se
présenter
aux
examens
tels
que
le
Certificat
d'Etudes
Primaires,
le
Brevet
d'Etudes du Premier Cycle ou le Baccalauréat.
Aux cours du soir,
il y a l e cycle primaire qui dure
six ans
avec
à
la
fin
le Certificat
d'Etudes
Primaires
Elémentaires.
Nous
avons
également
le
cycle
secondaire
allant de la sixième à la terminale.
Vu le faible nombre d'heures des cours du soir,
l'on
pourrait penser que l'enseignement qui y est dispensé est
au rabais.
Mais,
heureusement,
ce
n'est
pas
le cas.
En
effet,
ces écoles obtiennent des
résultats satisfaisants
lors
des
différents
examens
et
concours.
Ces
résultats
s'expliquent par le fait que l'on retrouve les enseignants
des cours de la journée dans les cours du soir. La plupart
de ces personnes s'estiment insuffisamment
rémunérées et
recourent
à
cette
pratique
pour
arrondir
leurs
fins
de
mois.
Il y a également le courage et la détermination des
élèves qui
veulent obtenir les mêmes diplômes que leurs
camarades des cours du jour qui jouent dans les résultats.
A côté de ces apprentissages organisés,
i l existe des
acquisitions qui se font sur le tas,
c'est-à-dire dans la
rue. Nous appelons cet état de fait l'extra-scolaire.
1.3.5.
- L'extra-scolaire
L'apprentissage du
français
dans
le
contexte extra-
scolaire
est
lié
au
statut
du
français
et
à
ses
possibilités fonctionnelles au Burkina Faso.
64
Comme nous l'avons signalé plus haut,
le français est
dans
la
vie
quotidienne
des
Burkinabè
(administration,
presse,
famille,
cinéma,
lecture,
etc).
Cette
situation
conduit les analphabètes à chercher à
maîtriser ce moyen
de
communication.
En
tant
que
langue
de
la
formalité
écrite et orale, la langue de l'économie, du travail autre
que
manuel,
de
la
respectabilité
urbaine,
le
français
attire
tous
les
Burkinabè.
Chacun
désire
apprendre
et
pratiquer tous les jours cette langue.
Dans ce contexte,
le
français
devient
aux
yeux
des
acteurs
sociaux,
un
attribut valorisé,
un signe de statut.
Il se trouve alors
au centre d'enjeux de nature sociale.
Ce phénomène va
favoriser
la naissance d'un
type de
français que nous qualifions de français des non-lettrés.
Ce français est pratiqué par une frange de personnes qui
n'ont pas été scolarisées.
Il a été appris dans la rue au
contact des lettrés (élèves, fonctionnaires).
C'est
un
français
qui
se
construit
en
référence
au
français
standard
local
burkinabè.
Le
modèle
visé
par
l'apprenant
est
le
français
parlé
à
l'école
et
dans
l'administration.
Le
français
des
non-lettrés
est
très
développé
aujourd'hui
au
Burkina
Faso
à
cause
des
avantages socio-économiques que procure la connaissance de
la langue française (études, professions, revenus).
Avec l'extra-scolaire,
l'on assiste à
la division de
la société de la communauté francophone burkinabé en deux
groupes : les lettrés et les non-lettrés.
Face à cette réalité devenue incontournable, nous nous
sommes proposé d'étudier
le
français
des
non-lettrés
au
Burkina Faso.
Il importe de préciser que tous les travaux
faits
jusqu'à
présent
dans
notre
pays
ne
se
sont
intéressés
qu'à
l'apprentissage
du
français
dans
le
65
contexte scolaire.
Notre travail vise donc à
rompre avec
cette habitude.
La
langue
française
occupe
une
place
importante
au
Burkina
Faso
et
tout
concourt
à
l'indiquer.
Cela
est
remarquable
aussi
bien
au
niveau
de
la
poli tique
linguistique
du
pays
qu'au
niveau
des
pratiques
langagières des Burkinabè.
Mais nous pensons que le français peut voir sa place
s'élargir
encore
plus
s'il
y
a
un
aménagement
de
la
cohabitation avec les langues nationales.
A l ' issue de
cette
présentation
de
la
situation du
français au Burkina Faso,
nous nous intéresserons dans le
chapitre suivant au cadre théorique de notre étude.
66
CHAPITRE 2 - LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
2.1. - La notion de système
L'objet de
notre étude est de voir si
la notion de
système de Saussure est appropriée pour rendre compte des
caractéristiques linguistiques du français des non-lettrés
au Burkina Faso.
L'observation
des
performances
linguistiques
révèle
une
hétérogénéité
des
pratiques
langagières
de
nos
enquêtés. L'existence d'une telle situation nous conduit à
nous
poser
la question
suivante
le
français
des
non-
lettrés constitue-t-il un système?
A
travers
l'étude
de
la
notion
de
système,
nous
cherchons
également
à
nous
situer
par
rapport
à
deux
grandes
linguistiques
la
linguistique
unifiante
et
la
linguistique différentielle.
Mais nous pensons qu'en rapport avec ce qui précède,
il est important de connaître le point de vue des uns et
des autres sur la notion de système.
Ceci a pour but de
montrer la
difficulté que
l'on
a
à
définir
le
système.
Pour ce faire, nous présenterons dans un premier temps,
la
notion de système définie par Saussure et dans un second
temps les critiques qui ont été faites à propos de cette
définition.
2.1.1. - Le point de vue de Saussure
Saussure a orienté la linguistique vers la langue dont
il a
proclamé le caractère social.
Selon lui,
la langue
est
un
système
de
signes
qui
ne
connaît
que
son
ordre
propre,
un système dont
toutes
les parties doivent être
67
considérées dans leur solidarité synchronique. Il illustre
cette idée par une comparaison avec les jeux d'échecs "si
je remplace des pièces de bois par des pièces d'ivoire,
le
changement est indifférent pour le système
:
mais si
je
diminue ou augmente le nombre des pièces, ce changement_là
atteint profondément la grammaire du jeu"
(F.D. Saussure,
1985: 43).
Cette assertion est
reprise un peu
loin
(1985:
159)
"la langue est un système dont les termes sont solidaires
et
où
la
valeur
de
l'un
ne
résulte
que
de
la
présence
simultanée des autres".
Il
ajoute
également
que
"jamais
le
système
linguis-
tique
n'est
modifié
directement
en
lui-même
i l
est
immuable;
seuls certains éléments sont altérés sans égard
à la solidarité qui les lie au tout" (1985: 121).
Une des retombées de cette vision de la langue est la
naissance de la linguistique unifiante ou linguistique du
système.
Les
positions
saussuriennes
admettent
la
structure
unificatrice de la langue, de nature sociale et rapportent
la
variation
à
la
parole
de
nature
individuelle.
Elles
conduisent à considérer que ce qui différencie et oppose
des
locuteurs
doit
être
rej eté
dans
la
parole
et
est
indigne de recherche fondamentale et doit être classé sous
la rubrique de "variation libre".
Elles ont ainsi évacué
le changement du champ des linguistes,
ce qui a déclenché
un demi-siècle
de
linguistique du
système,
rejetant
les
locuteurs
réels
et
leurs
candi tians
de
vie
et
d' énon-
ciations avec toutes leurs différences.
Pour nous résumer,
nous disons que Saussure a défini
le système en se fondant sur trois principes qui sont:
68
l'immanence
pour
tenir
compte
de
la
cohérence
interne du système,
la synchronie dans l'étude du système,
la généralité des structures de la langue étudiée.
Nous conclurons sur cette partie en faisant
remarquer
que
la
notion
de
système
chez
Saussure
ne
fait
pas
l'unanimité au sein des linguistes actuels.
c'est pourquoi dans ce qui va suivre,
nous passerons
en
revue,
les
uns
après
les
autres,
les
différents
développements que connaîtra la notion de système.
2.1.2. - Le point de vue de Hjelmslev
Louis Hjelmslev est un des continuateurs de la théorie
structurale
saussurienne.
Pour
lui,
la
linguistique
structurale étudie
le
langage
pour en dégager
la
partie
essentielle
qui
est
une
entité
autonome
de
dépendances
internes. Cette partie essentielle est la langue.
Il donne les raisons suivantes pour justifier pourquoi
i l
admet
à
la
sui te
de
Saussure
que
la
langue
est
une
structure
1.
"une
langue
consiste
en
un
contenu
et
une
expression;
2.
une langue consiste en une progression au texte et
au système;
3.
contenu
et
expression
sont
liés
entre
eux
par
la
commutation;
4.
i l existe certaines relations définies à l'intérieur
des procès et à l'intérieur du système;
69
5.
i l n'y a pas de correspondance terme à terme entre
le contenu et l'expression,
mais les signes peuvent
être
composés
en
constituants
plus
petits"
(L.
Hjelmslev, 1971:39).
Tout en épousant l'idée de Saussure à
savoir que la
linguistique a
pour unique et véritable objet
la
langue
envisagée en elle-même et
pour
elle même,
Hjelmslev va
inaugurer
une
nouvelle
linguistique
dénommée
la
glossématique, terme qui vient du grec glossa "langue".
La science du langage que veut être la glossématique
est immanente,
elle se renferme dans la langue considérée
comme une
structure.
Elle cherche des constantes qui
ne
soient
pas
extralinguistiques.
Elle
cherche
également
à
déterminer ce qui est commun à toutes les langues humaines
quelles
qu'elles
soient
et
ce
qui
fait
qu'à
travers
diverses fluctuations une langue reste identique à elle-
même.
Dans
le
cadre
ici
présent,
la
notion de
système
de
Saussure a
trouvé un champ
favorable
à
son application.
Mais
nous
verrons
par
la
sui te
que
son
idée
n'est
pas
partagée par tous les chercheurs à commencer par le maître
de la psycho-systématique.
2.1.3. - Le point de vue de Gustave Guillaume
Avec la naissance de la psycho-systématique de Gustave
Guillaume,
l'on assiste à une première remise en cause de
la notion de système de Saussure.
La psycho-systématique a pour objet l'étude de ce qui,
dans le langage est systématique du côté de la pensée.
D'après son inspirateur
(1971:
14)
"elle rentre dans
la
linguistique
historique.
Mais
cette
rentrée
a
été
précédée,
ne
le
perdons
jamais
de
vue,
d'une
opération
70
constructive spéciale,
délicate qui est la reconstruction
par les voies combinées de l'analyse et de la synthèse,
d'un état de système correspondant à un moment donné de la
réali té
des
fai ts,
les
expliquant
bien
tous
sans
exception:
état de
système dont
il
n' y
a
plus dès
lors
qu'à
suivre
dans
le
temps
la
transformation
qui,
elle
aussi, est systématique".
Pour
atteindre
son
objet,
la
psycho-systématique
a
donc révisé la notion de système.
Pour son initiateur "la
langue est un système de systèmes"
(1971: 8). A ce sujet,
il
ajoute
que
la
langue
intègre
en
elle
des
systèmes
suffisamment clos qui peuvent être identifiés et étudiés
séparément.
La
langue
est
donc
constituée
de
plusieurs
sous-systèmes.
Cette
conception
se
différencie
de
l'option
saussurienne par le fait qu'elle admet l'existence de la
variation à l'intérieur du système qu'est la langue.
A la suite de Gustave Guillaume,
nous nous intéresse-
rons
au
chef
de
file
des
fonctionnalistes
c'est-à-dire
Martinet.
2.1.4. - Le point de vue de Martinet
La
linguistique
structurale
a
été
critiquée
par
beaucoup de chercheurs parmi lesquels, André Martinet.
Ce dernier lui reproche l'exclusion de l'évolution des
langues dans son observation. Il cherche, ainsi, à montrer
que
l'image
que
l'on donne
d'une
langue
ne doit
jamais
trahir cette dynamique permanente".
Si les usagers de la
langue n'en ont pas conscience,
c'est que pour que passe
la
communication,
il
en
est
indispensable
qu'ils
en
fassent constamment abstraction:
dans la bouche d'autrui,
nous acceptons tous sans y penser, des mots et des formes
que nous n'employons plus"
(1989 : 8).
71
Convaincu que toute langue change à chaque instant, le
chef
de
file
des
fonctionnalistes
juge
qu'il
est
nécessaire d'observer le changement en cours à condition
d'admettre que les changements qui affecteront finalement
la
communauté
dans
son
ensemble
puissent
se
manifester
tout
d'abord
dans
les
usages
individuels.
Ainsi,
l'observation doit porter sur les divergences qu'on peut
relever entre l'usage général et certaines déviations par
rapport à cet usage.
Pour
mieux
expliquer
cette
réalité,
Martinet
va
introduire
la
notion
de
synchronie
dynamique.
Cette
nouvelle discipline a pour objet,
l'étude du comportement
langagier
d'une
communauté
à
un
instant
précis
de
son
évolution.
Mais,
il
signale que
l'étude du
changement
linguis-
tique
en
synchronie
se
réalise
à
l'occasion d'enquêtes
portant sur le comportement d'un nombre assez considérable
de sujets et permettant de déterminer exactement quel est,
s'il existe cet usage général par rapport auquel on pourra
se prononcer sur ce qui est innovation ou archaïsme.
Il
ajoute
plus
loin
qu'une
étude
de
ce
genre
doit
prendre en compte l'âge des sujets car pour identifier un
processus évolutif,
il
faut
opposer le comportement
des
plus jeunes à celui des plus âgés.
De même,
l'on peut au
lieu
de
délimiter
arbitrairement
des
classes
d'âges,
partir des données de l'enquête,
regrouper les sujets qui
réagissent
de
la
même
manière
par
un
point
donné
et
déterminer l'âge moyen de chaque groupe.
Une
des
exigences
de
la
synchronie
dynamique,
importante à souligner est l'homogénéité de la population
enquêtée. En effet, celle-ci doit être homogène aussi bien
en ce qui concerne l'origine géographique que l'apparte-
nance à un groupe socio-culturel.
72
En
plus
de
ce
qui
précède,
l'on
peut
étudier
les
comportements d'une même population après quelques années
d'intervalles sans quitter le domaine de la synchronie car
d'après
A.
Martinet
( 1989:
51)
"il
serait
aberrant
de
faire
passer
la
frontière
entre
la
synchronie
et
la
diachronie entre les enquêtes réalisées auprès de sujets
d'âge
différent
et
celles
qui
permettent
d'étudier
les
comportements
linguistiques
d'une
population
à
quelques
années de distance".
A ces
discours
prônant
la
prise
en
compte
de
la
variation à l'intérieur du système, nous ajouterons celui
de
Noam
Chomsky
qui
est
le
précurseur
de
la
grammaire
générative.
2.1.5. - Le point de vue de Chomsky
Avec Noam Chomsky, l'on assiste à la réintroduction du
mentalisme
dans
la
linguistique.
Ainsi,
pour
lui,
le
linguiste aussi bien que l'enfant qui
apprend
sa langue
doit déterminer à partir des données de la performance, le
système sous-jacent des règles qui a été maîtrisé par le
locuteur auditeur.
A ce propos,
il souligne que "l'objet
premier de la théorie linguistique est un locuteur idéal
appartenant
à
une
communauté
linguistique
homogène,
qui
connaît parfaitement sa langue et qui,
lorsqu'il applique
en une performance effective sa connaissance de la langue,
n'est pas affecté par des conditions grammaticalement non
pertinentes,
telles
que
la
limitation
de
la
mémoire,
distractions,
déplacements
d'intérêt
ou
d'attention,
erreurs (fortuites ou caractéristiques" (N. Chomsky, 1971:
12) •
Une des conséquences de cette théorie est le rejet du
concept
saussurien
de
langue
comme
ensemble
d'éléments
reliés
entre
eux
par
des
rapports,
lequel
concept
est
73
abandonné
au
profit
de
la
grammaire
comme
ensemble
de
règles.
A en croire l'auteur de
la grammaire générative,
la
grammaire
d'une
langue
doit
être
une
description
de
la
compétence linguistique
intrinsèque du
locuteur auditeur
idéal. A ce sujet,
il ajoute que:
"si la grammaire est de
plus parfaitement explicite en d'autres termes,
si elle ne
fait
pas
simplement
confiance
à
la
compréhension
du
lecteur intelligent, mais fournit une analyse explicite de
l'activité qu'il déploie, nous pouvons non sans redondance
l'appeler grammaire générative" (1971: 15).
Outre
cette
assertion,
il
affirme
qu'une
grammaire
parfaitement adéquate doit assigner à chaque élément d'un
ensemble fini
de phrases une description structurale qui
indique comment cette phrase est comprise par le locuteur
- auditeur idéal.
Nous terminerons en soulignant que pour Chomsky,
une
grammaire particulière doit par le biais des règles qui la
composent engendrer les
phrases de
la
langue à
décrire.
Cette opération se fait en associant à chaque phrase une
représentation
qui
peut
prendre
la
forme
d'une
parenthétisation étiquetée ou d'un arbre.
Après Chomsky qui soutient que la linguistique a pour
objet
d'étude
adéquat
une
communauté
linguistique
abstrai te
où
chacun
parle
de
la
même
façon
et
apprend
instantanément la langue,
nous parlerons dans les lignes
qui suivront de la grammaire polylectale.
2.1.6. - Le point de vue de la grammaire polylectale
La grammaire polylectale remet en cause la notion de
système
telle
qu'elle
est
définie
par
Saussure
en
s'appuyant sur un certain nombre de faits.
74
Pour
elle,
le
fait
que
l'on
puisse
étudier
délibérément les pronons et l'accord,
les adjectifs etc.,
"bref des points isolés du système comme s ' i l s' agissai t
de sous-systèmes autonomes suffit à prouver que la langue
peut être envisagée non comme un tout solidaire au point
que chaque élément ne saurait être dissocié du reste mais
comme un ensemble de sous-systèmes qu'il est possible de
considérer
dans
une
relative
indépendance
les
uns
à
l'égard des autres" (A. Berrendonner, 1983 : 9).
Elle
reproche
ainsi,
à
Saussure
son
rejet
de
la
variation à l'intérieur du système qu'est la langue. Selon
la
grammaire
polylectale
la
variation
est
"un
principe
structural
pertinent,
un
mode
d'organisation
des
sous-
systèmes.
En
tout
cas
une
entité
de
forme
et
non
de
substance" (A. Berrendonner, 1983 : 13).
Après ces reproches,
la grammaire polylectale propose
une autre définition de la langue à savoir qu'elle est un
ensemble de sous-systèmes qu 1 i l est légitime d'envisager
synchroniquement et diachroniquement comme autonomes.
Dans cette entreprise de rénovation, elle se donne les
tâches suivantes :
1.
observer
et
recenser
tous
les
emplois
concurrents
dans la performance des locuteurs;
2.
reconstituer
à
partir
d'eux
le
système
de
lectes
dont ils sont les produits:
3.
prédire
des
emplois
qui
n'ont
pas
été
observés
à
priori,
mais dont la structure polylectale établie.
Les éléments qui
précèdent
ont été empruntés à
A.
Berrendonner (1983: 21).
75
En
résumé
la
grammaire
polylectale
s'intéresse
en
priorité à la causalité interne purement linguistique de
la variation.
Labov admet à
la suite de
la grammaire polylectale,
l'existence de la variation dans le système.
2.1.7. - Le point de vue de Labov
Les variationnistes et plus singulièrement Labov n'ont
pas manqué
de cri tiquer Saussure
en ce qui
concerne
sa
définition du système.
Pour
preuve,
Labov
a
remis
en
question
cette
définition à travers une réflexion faite dans son article
"The notion of system in creole studies".
A ce sujet,
il
souligne
que
les
diverses
composantes
d'un
système
linguistique
peuvent
être
relativement
indépendantes.
Ainsi
il
est
possible
selon
lui
que
l'une d'elles
soit
remplacée alors que les autres restent intactes.
Nous
voyons
donc
que
la
définition
du
système
de
Saussure à savoir que celui-ci est constitué d'un ensemble
d'éléments
qui
sont
hermétiquement
organisés
de
telle
sorte que l'on peut changer la position d'un élément sans
changer la position de tous les autres n'est plus valable
ici.
Mais il importe de signaler que l'auteur s'est servi
d'un certain nombre de thèses avancées par des chercheurs
pour réfuter la notion de système de Saussure.
Ainsi,
la
première
raison avancée est
l'évidence de
l'extrême similarité dans
les composantes des grammaires
créoles dans des endroits séparés très éloignés
l'un de
l'autre.
Cette dernière
s'appuie
sur
l'étude de
Douglas
Taylor.
Ce dernier en cherchant à
montrer les affinités
lexicales des
créoles
a
abouti
à
la conclusion que
les
76
créoles à base du français et les créoles à base d'anglais
font tous deux une distinction grammaticale inconnue ni de
l'anglais ni du français.
La
deuxième
évidence
citée
par
Labov
est
que
les
langues
en
contact
étroit
pendant
longtemps
peuvent
devenir
identiques
dans
certaines
composantes
mais
différentes dans d'autres. Le support de cette idée est le
travail de Gumperz à Kupwad :
lequel a été fait dans une
communauté
rurale
bilingue
dans
laquelle
deux
langues
génétiquement
différentes
étaient
en
contact
pendant
plusieurs centaines d'années.
Celui-ci
a
trouvé
que
les
deux langues,
le Kannada Dravidian et le Marachi
(langue
indo-européenne)
étaient
devenues
identiques
dans
leur
structure profonde et sémantique d'une part et dans leur
structure phonétique d'autre part.
Cependant,
elles sont
restées
distinctes
dans
leurs
formes
grammaticales
et
lexicales.
L'observation
de
ces
situations
a
conduit
Labov
à
souligner
que
la
variation est
un
principe
fondamental
d'organisation du système linguistique.
En
poussant
son
analyse
plus
loin,
il
arrive
à
la
conclusion
selon
laquelle
la
variation
permet
d'établir
l'existence de sous-systèmes et de systèmes coexistants et
ce en rapport avec la situation des langues en contact.
Pour corroborer cette idée,
il
s'est appuyé
sur les
travaux de Bailey
(1966)
et de Tsuzaki.
La recherche du
premier lui a permis de définir ce qu'est un sous-système.
Quant au travail de Tsuzaki
il a été à
l'origine de la
naissance de la notion de systèmes coexistants.
A partir
de
la
recherche
de
Bailey
sur
l'anglais
jamaïcain,
il remarque que l'on ne trouve pas de copules
au présent pour les adjectifs en fonction prédicat, ni de
77
copules obligatoires avec les noms en fonction prédicat,
ni
de
copule
optionnelle
avec
les
locatifs.
Il
note
l'absence de parallèle direct pour ceux-ci dans l'anglais
des Noirs.
Ainsi, dans n'importe lequel de ces environnements, la
forme de la copule au présent "is" et "are" peuvent être
abandonnés
là
où
l'anglais
standard
peut
faire
la
contraction. L'analyse de la langue utilisée par le groupe
de pairs montre que ces formes sont enlevées par une règle
de suppression dépendante de la contraction de l'anglais
standard.
Il conclut alors que l'anglais non standard des
Noirs est un sous-système de l'anglais standard.
Sur
la
base
du
travail
de
Tsuzaki
sur
l'anglais
hawaïen,
Labov
va
introduire
la
notion
de
systèmes
coexistants.
A
ce
sujet,
le
premier
a
montré
qu'il
existait un pidgin, un créole et un dialecte de l'anglais
dans l'anglais hawaïen. Il a pu rendre compte de ces faits
à
partir des
fluctuations
et
des
irrégularités
relevées
dans le mélange des dialectes.
Labov en affirmant que la
variation
est
un
élément
inhérent
à
tout
système
linguistique
rejette
du
même
coup
le
structuralisme
saussurien.
La
retombée
d'une
telle
attitude
est
la
naissance
de
la
sociolinguistique
ou
linguistique
différentielle.
Au bout de l'éventail des critiques qui ont été faites
à
la
notion de
système
se
trouvent
les
créolistes.
Ces
derniers ont remis en cause cette définition à travers la
création de la notion de continuum.
2.1.8. - Le continuum
La notion de continuum est apparue sous
la plume de
plusieurs chercheurs. Dans l'incapacité de les citer tous,
78
nous nous proposons de présenter quelques_uns qui ont été
à la base de sa diffusion à travers leurs travaux.
Ce mot
a
été
utilisé
pour
la
prem~ere fois
d'après
L.F.
Prudent
(1979
:
155) par John Reinecke,
pionnier de
la
créolistique
dans
l'océan
pacifique.
Celui-ci
en
essayant de décrire la situation hawaïenne s'est trouvé en
face d'un système dialectal continu dans lequel un réseau
de
variétés
intermédiaires
devenait
de
plus
en
plus
important entre l'anglais standard et le créole originel.
Face à une telle situation, une remise en cause de la
notion de
système
de
Saussure
s'imposait
af in
de
mieux
rendre compte de la réalité hawaïenne.
C'est ainsi que l'auteur a créé la notion de continuum
pour
expliquer
la
continuité
qui
existait
entre
les
différentes variétés du dialecte.
Créée dans l'Océan pacifique,
cette notion apparaîtra
dans la créolistique des Caraïbes en 1959 au Congrès de
Mona et ce grâce à D. Decamp. Ce dernier signale en effet,
l'existence d'une variation géographique assez importante
en
Jamaïque,
mais
surtout
des
phénomènes
importants
au
niveau
de
la
décréolisation
du
créole
et
l'apparition
"d'un continuum linguistique s'étendant du paysan le plus
attardé au citadin le mieux éduqué"
(traduction de
L. F.
Prudent 1979: 156).
Decamp souligne que chaque locuteur ne représente pas
un point dans le continuum mais dispose d' un éventail du
système
qui
lui
permet
d'orienter
son
discours
vers
l'anglais (le haut) ou vers le créole (le bas).
En 1968,
le même auteur va améliorer son analyse du
continuum
en
introduisant
la
notion
de
continuum
post
créole.
Il
démontre
qu'il
est
possible
de
ranger
les
énoncés d'un petit nombre de locuteurs dans un tableau où
79
apparaissent des
utilisations hiérarchisées de certaines
variables phonétiques et d'une variable lexicale.
La
nouveauté
de
son
approche
réside
dans
l'absence
"d 1 une
sociologie
adéquate
préalable
(à
la
manière
de
Labov)
tendant
à
proposer
un
calque
classificatoire
mécaniste" (L.F. Prudent, 1979: 156).
A
la
suite
de
Decamp,
Derek
Bickerton
fera
des
recherches
poussées
sur
la
notion
de
continuum.
Il
va
remettre en cause Saussure et ses dichotomies célèbres. En
effet,
voici une présentation de quelques supports de sa
réflexion.
Dans un premier temps,
i l pose la variation comme un
élément central
dans
toute
linguistique moderne.
Ce qui
est
un
rejet
de
la
notion
de
système
de
Saussure
mais
également
un
rejet
de
l'opposition
diachronie
versus
synchronie.
Il écarte du même coup la notion de locuteur
idéal de Noam Chomsky.
En dernier lieu, i l montre à partir de la situation du
guyana qu'on ne doit pas chercher à comprendre. pourquoi et
comment
une
grammaire
se
rattache
à
un
pôle
supérieur
(acrolecte)
ou à
un pôle
inférieur
(basilecte)
mais que
l'on
doit
chercher
ce
qui
fait
l' originali té
des
zones
intermédiaires (les mésolectes).
Mais compte tenu du fait qu'il est difficile de cerner
les mésolectes en raison de la dynamique du comportement
langagier,
le créoliste ne doit pas d'après lui,
repérer
seulement
quelques
variables
grammaticales
qu'il
pourra
toujours ranger dans des scalogrammes.
Pour terminer, nous pensons à la suite de L.F. Prudent
(1979: 156) "qu'à force de répéter à la suite de Labov que
la sociolinguistique est
une
linguistique
et
de
vouloir
ranger et de décrire les énoncés réels d'une population,
80
Bickerton (1975) a tendance à masquer sa sociologie dans
sa description de la situation guyannaise".
Ce long exposé sur la notion de système se révèle d'un
grand intérêt pour nous.
En effet,
la prise en compte des
propos tenus par les uns et les autres sur cette notion et
l'analyse des caractéristiques
linguistiques du
français
des non-lettrés au Burkina
Faso nous permettent
de
nous
situer par rapport à deux grands courants de chercheurs.
Il y a ceux qui admettent la notion de système de Saussure
et ceux qui la réfutent.
L'examen de la situation du français des non-lettrés
au Burkina Faso montre que la définition de Saussure n'est
pas applicable à ce moyen de communication. En effet, l'on
constate
que
ce
français
est
très
hétérogène
dans
sa
pratique.
Cette
variation
est
remarquable
à
tous
les
niveaux: phonologique, morphosyntaxique et lexical.
De ce fait,
nous pensons qu'une révision de la notion
de
système
du
père
de
la
linguistique
structurale
s'impose.
Ainsi,
nous admettons qu'à l'intérieur du système il
puisse exister,
d'une part la variation et d'autre part,
une certaine autonomie de fonctionnement entre les diffé-
rents
éléments
qui
le
composent
de
sorte
qu'un
élément
peut être absent sans que son absence ait une
incidence
sur le reste des éléments.
Notre
démarche
a
pour
but
de
contribuer
à
une
linguistique
qui
prenne
en
compte
la
variation
et
la
diversité
des
pratiques
ou
usages
dans
une
communauté
linguistique.
81
2.2.
- Quelques éléments de sociolinguistique
La
sociolinguistique
est
née
de
l ' incapaci té
de
la
linguistique formelle à rendre compte d'un certain nombre
de problèmes dans lesquels le langage était impliqué.
Il
s'agissait entre autres de la variation à
l'intérieur de
la
langue,
des
conflits
linguistiques,
des
problèmes
d'apprentissage de
la
langue.
J. B.
Marcellesi
( 1980:
4)
souligne que
"la linguistique formelle après avoir rendu
compte
d'un
grand
nombre
de
faits
linguistiques
se
trouvait incapable d'intégrer de manière satisfaisante la
variation et en même temps ne répondait pas réellement à
des questions qu'elle refusait de poser mais que
la vie
lui imposait, celles de la place et du rôle des phénomènes
langagiers
dans
la
société:
le
cumul
de
ces
deux
incapacités,
objectés
en
même
temps
ou
séparément
a
conduit à la mise en cause de la linguistique et au succès
de ce que les optimistes appelleront une discipline et les
pessimistes une étiquette: la sociolinguistique".
Mais
le
terme
"sociolinguistique"
est
imprécis
et
recouvre d'un auteur à l'autre,
d'une école à l'autre des
travaux et des programmes très divers.
Ainsi,
on est allé
jusqu'à
le
confondre
avec
la
sociologie
du
langage.
Le
flou qui entourait cette notion a conduit les linguistes à
faire des propositions de définition en vue de délimiter
le champ de cette discipline.
La
première
est
celle
de
Bright
(1966).
J.B.
Marcellesi
(1974:
13)
résume
la pensée de cet auteur en
ces
termes:
"la
linguistique
pour
être
sociale
devrait
intégrer
à
son
analyse,
à
savoir
à
l'état
social
de
l'émetteur,
l'état social du destinataire,
les conditions
sociales de la situation (genre de discours),
les buts du
chercheur,
la
différence
entre
les
manières
dont
on
utilise
la
langue
et
ce
qu'on
pense
du
comportement
82
verbal,
l'étude
de
la
variation
géographique,
les
problêmes de la planification linguistique~
Plus
tard,
J.
Fishman
(1971:
68)
donnera
une
autre
défini tion
de
la
sociolinguistique.
Il
désigne
sous
le
terme de
sociolinguistique
"l'étude des
caractéristiques
des variétés linguistiques,
des caractéristiques de leurs
fonctions et des caractéristiques de leurs locuteurs,
en
considérant
que
ces
trois
facteurs
agissent
sans
cesse
l'un sur
l'autre,
changent
se modi fient
mutuellement
au
sein d'une communauté linguistique".
La troisiême proposition tendant à englober toutes les
questions sociolinguistiques a été faite par Halliday au
XIe congrès des linguistes en 1974. Celui-ci reconnaît au
moins quinze secteurs de recherches sociolinguistiques qui
sont :
1)
macrosociologie
du
langage;
démographique
linguistique;
2)
diglossie,
multilinguisme,
multidialec-
talisme; '3)
planification,
développement
et
standar-
disation linguistique;
4)
phénomènes de pidginisation et
de créolisation; 5) dialectologie sociale, description des
variétés non standard;
6) sociolinguistique et éducation;
7) ethnographie de la parole; situations linguistiques; 8)
registres, répertoires verbaux, passage d'une langue à une
autre;
9)
facteurs sociaux du changement phonologique et
grammatical;
10) -langage
et
socialisation,
langage
et
transmission culturelle;
11) approches sociolinguistiques
et
développement
linguistique
de
l'enfant;
12)
théories
fonctionnelles
du
système
linguistique;
13)
relativité
linguistique;
14)
linguistique
ethnométhodologique;
15)
théorie du texte.
J.B.
Marcellesi
(1980:
12)
a
donné
une
autre
définition
de
la
sociolinguistique.
Pour
lui,
la
sociolinguistique tend à
regrouper toutes
les recherches
83
sur
le
langage
qui
touchent
aux
luttes
politiques
et
sociales. De ce fait,
cette discipline englobe toutes les
recherches
sur
le
langage
et
l'école,
le
discours
politique,
l'aliénation
linguistique
et
la
politique
linguistique.
Il importe cependant de signaler que la sociolinguis-
tique malgré les difficultés qu'elle a
pour définir son
objet est
une discipline dont
on ne peut
se passer car
elle
nous
informe
sur
les
problèmes
linguistiques
qui
influencent
la
vie
sociale
des
différentes
communautés.
Sur ce point J.B.
Marcellesi (1980
: 16) affirme que "le
tout
social
est
donc
concerné
constamment
par
la
sociolinguistique
dans
la
mesure
où
la
variation
linguistique
joue
un
grand
rôle
dans
les
pratiques
sociales".
La sociolinguistique après avoir rejeté la notion de
langue
comme
un
ensemble
homogène
où
tout
se
tient
va
proposer une autre vision de la langue.
2.2.1. - L'étude de la langue
Pour
mieux
rendre
compte
des
problèmes
qu'elle
se
propose d'étudier,
la sociolinguistique s'est forgée une
conception de la langue qui rejette :
l'organicisme
où
la
langue
organisme
vivant
se
suffit sans que les circonstances puissent l'influencer.
Cette théorie dissimule l'élimination des langues minorées
et passe sous
silence le
recours
à
la
surnorme dans
la
sélection scolaire.
la
technocratisme
qui
privilégie
la
fonction
communicatrice de
la
langue
et
évacue du même coup
les
aspects
culturels
des
problèmes
linguistiques.
Cette
théorie
impose l'idée que
le code
le plus
pratique,
le
plus
efficace,
le
plus
rationnel
qui
assure
la
84
communication
mérite
la
généralisation.
De
ce
fai t,
il
peut supplanter le autres langues ou variantes.
En
rejetant
l'organicisme
et
le
technocratisme,
la
sociolinguistique intègre la variation qui est un de ses
fondements.
Saussure reconnais sai t
bien
la nature
sociale
de
la
langue,
mais
la
linguistique
saussurienne
a
borné
le
système à des invariantes. De même, les structuralistes et
les générativistes veulent bien constater les différences
sociales
dans
l'emploi
de
la
langue.
Cependant
ils
rejettent
dans
l'extra-linguistique
des
circonstances
locales
ou
générales,
ponctuelles
ou
permanentes
qui
influencent
les
performances.
Quand
ils
étudient
les
emplois du
système,
ils
font
abstraction des
causalités
externes
de
ces
emplois.
Ils
laissent
ainsi
aux
sociologues,
aux
historiens,
aux
hommes
poli tiques,
les
études d'une part, du rôle des conditions sociales dans le
choix des performances et d'autre part du rôle social de
la langue.
En reconnaissant l'influence des candi tians
sociales
sur la langue, la sociolinguistique accorde une valeur aux
réali tés
sociales.
A ce suj et on peut ci ter les
travaux
destinés à l'étude de la communauté linguistique tels que:
"les recherches de
Joshua
Fishman,
John Gumperz
et
Roxana
Ma
(Fishman
et
al,
1968)
sur
le
bilinguisme
espagnol
-
anglais
dans
la
communauté
porto-ricaine
de
New-York et de Jerssey city et en particulier, l'étude des
variables espagnoles et anglaises par Ma et Herasimchuck"
(W. Labov, 1976: 286).
l'étude de Labov sur la stratification sociale de
l'anglais à New-York,
85
les
travaux
de
J.B.
Marcellesi
(1971 )
sur
l'analyse du discours politique en France.
Un des objets de la sociolinguistique est la recherche
des variations dans la langue. Une fois repérées,
celles-
ci
peuvent être utilisées
pour confronter des
variables
linguistiques et des variables sociales.
2.2.2. - La variation
La
linguistique
structurale
avait
exclu
du
langage
toute
variation.
Saussure
avait
ainsi
reporté
le
changement linguistique dans
la parole car la langue ne
reconnaissait pas son objet dans cette dernière. En effet,
compte
tenu
de
son
caractère
individuel
la
parole
ne
révèle que l'individualité du locuteur. Mais c'est oublier
que les énoncés peuvent être variés même dans un groupe
homogène.
Pour la sociolinguistique,
l'hètérogénéité appartient
à la structure de la langue ce qui la conduit à chercher
une systématicité des variations.
C'est
ainsi
que
de
nombreux
linguistes
se
sont
intéressés à l'étude de la variation.
Les
travaux
faits
par les chercheurs français et américains sur la variàtion
géographique et sur la variation sociale méritent d'être
cités. Toutes ces études ont cherché à montrer que, quelle
que soit la précision des critères sociaux ou géographi-
ques,
on
trouve
dans
chaque
communauté
linguistique
certaines variations linguistiques systématiques entre ses
membres.
Elles ont démontré également
que
chaque membre
d'une communauté a son propre idiolecte.
Parmi ces études on peut ci ter le travail de Labov.
Pour
celui-ci,
il
n 'y
a
pas
de
variation
uniquement
à
l'intérieur
de
la
société.
Elle
existe
au
niveau
individuel.
Chaque
locuteur
peut
faire
varier
ses
86
performances en fonction de la situation dans laquelle il
se
trouve.
C' est
ce
qu'il
appelle
"la
variation
stylistique" .
En ce qui
concerne
l'étude
de
la
variation dans
la
société,
il
utilise
les
méthodes
quantitatives
de
la
sociologie.
Il étudie ainsi la division de la communauté
en classes à partir de la combinaison d'indices tels que
la profession,
le niveau d'instruction,
l'âge,
le groupe
ethnique etc.
Les sociolinguistes ne se sont pas limités à l'étude
de la variation dans la langue.
Ils ont cherché à montrer
qu'il
y
avait
des
relations
étroites
entre
le
social
linguistique et le social extralinguistique.
2.2.3. - La covariance
Le
terme
de
covariance
a
été
employé
en
1966
par
Bright.
Il
s'agit
de
"mettre
en
évidence
le
caractère
systématique de la covariance des structures linguistiques
et
sociales".
Cette
assertion
a
donné
lieu
à
une
interprétation selon laquelle un changement précis dans le
social
extra-linguistique
provoque
immanquablement
un
changement dans le social linguistique.
Ce qui conduit à
établir des grilles de correspondances mécanistes tendant
à retrouver dans le discours des différences sociales non
linguistiques.
Cette conception
positiviste
de
la
covariance
a
été
critiquée par D. Maldidier, C. Normand et R. Robin (1972).
Selon
eux,
elle
comporte
des
insuffisances.
Pour
ces
auteurs,
"la
sociolinguistique
du
discours
étudie
le
problème de
la causalité....
elle
se condamne
à
mesurer
les covariances dans
une problématique qui
ne peut étre
que celle de
1 'homologie
et
non
de
la
causalité"
(J.M.
Danvy, 1984: 109).
87
Quant
aux
chercheurs
tels
que
J.
Dubois
(1962),
L.
Guilbert
et
J.B.
Marcellesi
(1971)
ils
posent
le
non-
isomorphisme entre le social non linguistique et le social
linguistique
mais
croient
cependant
à
leur
unité.
Il
existe selon eux,
entre les deux domaines
de nombreuses
interactions
et
des
rapports
complexes,
où
les
correspondances terme à terme sont l'exception alors que
les rapports de cause à effet sont fréquents.
Comme exemples d'études sur la covariance,
il y a les
travaux de J.B.
Marcellesi (1971) et de W.
Labov (1966).
Le
premier
a
cherché
à
montrer
que
le
comportement
linguistique
d'un
groupe
est
lié
nécessairement
à
la
culture de
ce groupe.
Pour ce qui
est
du
second,
il
a
démontré entre autres le purisme des femmes. Ces dernières
utilisaient en effet,
moins de formes stigmatisées (sous-
estimées) que les hommes car elles étaient plus sensibles
aux
modèles
de
prestige.
A
travers
l'étude
de
la
covariance
les
linguistes
vont
tenter
de
repérer
des
individuations.
2.2.4. - L'individuation
La
notion
d'individuation
a
été
définie
par
J.B.
Marcellesi et B. Gardin (1974:
231). Elle est "l'ensemble
des processus par lesquels un groupe social
acquiert un
certain nombre de particularités de discours qui peuvent
permettre de reconnaître sauf masquage ou simulation,
un
membre de ce groupe". Les particularités sont perceptibles
au niveau du lexique :
- des mots de substitutions (argots);
- termes professionnels;
- effacement de catégories ou d'unités;
- différences dans les stéréotypes, slogans, mots d'or-
dres dans le domaine de la politique.
88
L'individuation
peut
être
appréhendée
à
partir
de
l'étude de toute modification du signifiant.
D'après
J. B.
Marcellesi
et
B.
Gardin
(op.
cit),
il
existe deux types d'individuation: l'individuation absolue
et l'individuation relative. Pour que l'individuation soit
absolue,
"il faut que l'unité soit admise par les membres
du groupe,
qu'elle ne soit rejetée par aucun d'eux et que
son utilisation oppose les membres du groupe aux membres
d'autres
groupes,
c'est-à-dire
qu'aucun
groupe
ne
l'utilise comme sienne" (J.B. Marcellesi, 1970: 68). Quant
à
l'individuation
relative,
elle
conduit
le
chercheur
à
s'intéresser
"à ce qui
est
moins
assumé
dans
un
énoncé
donné"
(J.B.
Marcellesi et B.
Gardin
(1974:
235).
A cet
effet, l'on s'occupera des problèmes de reformulations, de
présentation, de discours ...
Les
auteurs
ajoutent
qu'il
est
intéressant
de
s'intéresser
aux
candi tians
de
l ' individuation
dans
une
étude sociolinguistique.
Celle-ci pouvant être volontaire
ou involontaire.
L' individuation volontaire se
rencontre
quand
un
groupe
recherche
de
manière
intentionnée
à
se
différencier d'un autre par les
tours et
les mots qu'il
emploie.
L'individuation
est
involontaire
quand
elle
provient d'un lent et sûr processus de différenciation.
Dans le présent chapitre, nous avons présenté quelques
éléments fondamentaux de la sociolinguistique.
Nous avons
ainsi tour à tour examiner la notion de système telle que
vue
par
les
linguistes
et
des
éléments
de
base
de
la
sociolinguistique.
Le volet qui suivra s'intéressera à la
description du français parlé par les non-lettrés.
89
CHAPITRE 3 - ANALYSE DES DONNEES DU FRANCAIS DES NON-
LETTRES
Nous
aborderons
dans
ce
chapitre
trois
points:
la
présentation des informateurs, l'exploitation du corpus et
enfin
les
faits
attestés
dans
le
corpus.
Ce
dernier
élément nous conduira à faire le recensement des problèmes
phonologiques,
morpho-syntaxiques
et
lexicaux
qui
apparaissent dans le français parlé par nos informateurs.
3.1. - Descriptif sommaire des enquêtés
3.1.1. La présentation des enquêtés
L'ensemble
des
non-lettrés
sur
lequel
nous
avons
travaillé est composé de sept nunaphones, sept mooréphones
et
sept
julaphones.
Les
principales
informations
concernant nos
informateurs ont été rassemblées
dans
le
tableau qui suit :
90
Locu-
Nom
Prénom
Age
Profession
Langue
teurs
(ans)
source
L 1
Nignan
Soumaïl a
33
Mécani ci en
nuni
L 2
Nignan
Boureima
28
Commerçant
nuni
L 3
Nignan
Batchapon
63
Tailleur
nuni
L 4
Nignan
Abou
29
Mécanicien
nuni
L 5
Nébié
Boureima
53
Chauffeur
nuni
L 6
Yago
Baloua
48
Chauffeur
nuni
L 7
Nignan
Loulouan
36
Commerçant
nuni
l 8
Kologho
Marcel
34
Commerçant
mooré
L 9
Compaoré
Boukary
49
Gardien de cycles
mooré
L 10
Ouédraogo
François
41
Chauffeur
mooré
L 11
Sinari
Abdoul aye
27
Cordonnier
mooré
L 12
Kangoué
Boukary
20
Maçon
mooré
L 13
Zongo
Modeste
21
Tailleur
mooré
L 14
Sawadogo
Hamidou
29
Mécanicien
mooré
L 15
Diarra
Abdoulaye
30
Tailleur
jula
L 16
Koné
Abdoulkader
24
Tailleur
jula
L 17
Dramé
abdoulaye
32
Mécanici en
jul a
L lB
Zon
Adama
30
Tailleur
jula
L 19
Dembélé
Sory
31
Tai lleur
jul a
L 20
Yamba
Issa
53
Chauffeur
jula
L 21
Coulibaly
Salif
21
Mécanicien
jula
91
La présentation des enquêtés serait incomplète si nous
ne parlions pas de leur langue maternelle.
3.1.2. - Les langues sources
Les
langues
parlées
par
nos
informateurs
sont
le
mooré,
le nuna et le ju1a.
Les deux premières appartien-
nent d'après la classification de J.
Greenberg
(1963)
au
groupe gur et la dernière au groupe mandé.
Le mooré est la langue la plus importante du point de
vue
démographique
au
Burkina
Faso.
Ses
locuteurs,
les
Mossi,
représentent
à
eux
seuls
"près
de
48
% de
la
population globale" (1. Nacro 1984: 48). Cette langue joue
le rôle de langue véhiculaire dans le centre et à l'est du
pays. Cependant elle commence petit à petit à élargir son
champ d'expansion.
Elle est parlée au sud-ouest en raison
de la migration très importante des Mossi vers cette zone
pluvieuse.
Le nuni est parlé au sud-ouest du pays,
plus précisé-
ment dans la province de la sissi1i.
La capitale du nuni
est Léo. C'est une langue régionale qui est réservée à la
communication
locale.
Le
nuni
est
utilisé
dans
les
relations
familiales
et
intra-ethniques
hors
de
sa
zone
d'expansion.
En ville,
i l consolide
les
liens
entre
les
membres du groupe ethnique nuna.
Le ju1a est la deuxième langue la plus importante au
Burkina Faso.
Il ne doit pas sa position au nombre de ses
locuteurs
mais
à
son
rôle
véhiculaire.
Il
sert
à
l'intercompréhension
entre
les
différents
groupes
ethniques
qui
cohabi tent
dans
l'ouest
du
pays
(Dafing,
Bobo, Marka ... ) . .
Nous
terminons
notre
propos
par une
présentation
de
quelques données éparses qui permettront de se faire une
idée
sur
la
distance
qui
existe
entre
les
deux
groupes
linguistiques.
92
Caractéristiques linguistiques
Langues gur
Langues mandé
Opposition singulier/pluriel
+
-
Forme canonique des radicaux
CV ou CVC
CV
SyntaQme de détermination
A/E
A/E
Structure syntaxique
SVO
SOV
Une des difficultés
qui
s'est posée à
nous concerne
l'exploitation du corpus.
Celle-ci n'a pas été facile en
raison
de
l ' hétérogénéi té
des
pratiques
langagières
des
enquêtés.
3.2. - L'exploitation du corpus
3.2.1. - La manière dont nous avons exploité le corpus
D'après J.L. Hattiger (1983:
48) citant Duponchel "le
caractère
incertain
du
français
d'Afrique
peut
ne
pas
constituer une entrave à
l'analyse si
l'on se donne les
moyens de délimiter ce qui est "fait de langue" et relève
d'une description, et ce qui est "fait de parole" et doit
être laissé hors du champ d'investigation du linguiste".
Pour notre part,
nous pensons au contraire que toute
étude objective du français en Afrique doit tenir compte
des variations qui affectent le discours des locuteurs si
l'on veut dépasser les vieux préjugés de la linguistique
structurale
qui
considère
la
langue
comme
un
tout
homogène.
Les faits de parole doivent être pris en compte
dans toute description au risque d'entraver la créativité
de la langue.
Nous concevons
les variations dans
le même sens que
J.L.
Hattiger (1983:
48) qui dit qu'elles englobent à
la
fois
les
différences
formelles
qui
peuvent
parfois
apparaître entre les différents discours de nos locuteurs,
ainsi que la concurrence,
au sein de chaque idiolecte, de
93
formes et de constructions structurellement différenciées,
et
qui
sont
employés
par
le
même
locuteur
dans
des
contextes
identiques,
et
sans
qu'aucune
différence
sémantique puisse être dégagée".
Ce qui nous a conduit à
relever toutes
les variations qui
sont attestées ou non
chez tous les enquêtés. Ces derniêres ont été répertoriées
en fonction du modèle du français standard burkinabè par
rapport auquel on a mesuré les tendances qui sont autant
d'approximations
plus
ou
moins
réussies.
Nous
avons
préféré le terme de "tendances" dans la mesure où il est
neutre et peut désigner aussi bien des formes conformes au
français
standard
et
des
formes
qui
se
construisent
indépendamment de ce parler. Cette situation nous amène à
définir la langue cible.
3.2.2. - La langue cible
Les
non-lettrés
au
Burkina
Faso
sont
des
locuteurs
natifs de
différentes
langues
locales que
nous
appelons
dans
la
situation de
contact qui
est
la
nôtre,
langues
sources.
Ils tentent d'acquérir les structures de ce qui
est pour eux une langue cible,
c'est-à-dire
le
français
standard
burkinabè.
Mais
ce
français
est
difficile
à
cerner avec précision.
Nous pensons qu'il
n' y
a
pas une
langue cible uniforme mais plusieurs variétés de langues
susceptibles de jouer tour à tour le rôle de langue cible.
D'après notre expérience personnelle, le français standard
regroupe trois variétés qui sont :
le
français
parlé
à
l'école.
C'est
un
bon
représentant
de
la
norme
locale
quand
on
connaît
l'importance sociale de cette institution au Burkina
Faso comme partout d'ailleurs,
le
français
des
élites,
apanage
de
la
classe
dominante,
composée en grande partie de diplômés de
l'enseignement supérieur,
94
le français parlé à la radio. En Afrique ce français
consti tue une
référence
pour
les
personnes
qui
ne
parlent pas la langue française qui pensent qu'être
locuteur
du
français,
c'est
s'exprimer
comme
les
journalistes de la radio.
La
présentation
de
la
langue
cible
étant
faite,
il
nous reste à expliquer comment nous avons transcrit notre
corpus.
3.2.3. - La transcription du corpus
Notre corpus a été transcrit de deux manières, phono-
logiquement
et
orthographiquement
en
fonction
de
nos
objectifs.
La partie phonologique a été transcrite selon
le
premier
modèle
de
transcription,
notre
objet
étant
d'inventorier les phonèmes du français des non-lettrés. En
ce
qui
concerne
les
interviews
faites
pour
étudier
des
éléments
morpho-syntaxiques
et
lexicaux
nous
les
avons
transcrites orthographiquement en raison de leur longueur.
En
effet,
il
ne
nous
était
pas
possible
d'adopter
une
transcription phonétique à cause de l'élément évoqué plus
haut
(interviews
longues).
Il
importe
cependant
de
signaler
que
dans
notre
analyse
nous
ne
tiendrons
pas
compte des éléments de l'oral (pauses, rires, hésitations,
etc.) notre but étant d'étudier des phrases et des mots.
En grammaire traditionnelle,
"la phrase est un assemblage
de mots
formant
un sens complet qui
se distingue de la
proposition
en
ce
sens
que
la
phrase
peut
contenir
plusieurs propositions
(phrase composée et complexe)"
J.
Dubois et alii (1973: 377).
Cet
aperçu
sur
le
corpus
achevé,
il
nous
reste
à
aborder dans le détail les faits attestés.
3.3. - Les faits attestés dans le corpus
Dans
cette
sous-partie,
nous
définirons,
dans
un
premier temps, les éléments de base qui sous-tendent notre
95
analyse
et,
dans
un
second
temps,
nous
exposerons
les
différentes
constructions
attestées
en
phonologie,
en
morpho-syntaxe et dans le lexique.
3.3.1. - Les éléments de base de l'analyse
Les
constructions
relevées
dans
le
discours
des
enquêtés permettent de les regrouper en plusieurs groupes
que nous appelons
"lectes".
Le terme
"de lecte"
recouvre
les
différences
formelles
qui
apparaissent
dans
les
énoncés des
locuteurs
du
français
des
non-lettrés,
mais
sans être une entrave à la compréhension des dits énoncés.
Ces
différences
formelles
répartissent
les
locuteurs
en
plusieurs groupes appelés lectes.
Nous avons recensé trois type de lectes :
un lecte conforme au français standard,
un lecte conforme aux langues sources,
un
lecte
intermédiaire
qui
n'est
ni
conforme
aux
langues locales ni au français standard.
Les trois lectes ont été classés sur une échelle de
manière hiérarchisée en allant du plus proche du français
standard au plus éloigné de celui-ci.
Ainsi,
le premier
lecte représente l ' acrolecte.
Le second est le basilecte
car marqué par l'interférence du substrat linguistique des
locuteurs.
Quant au dernier i l est le mésolecte car i l a
une norme implicite. Nous avons utilisé les concepts de D.
Bickerton (1975:
Ill) sans cependant nous placer dans une
hypothèse de continuum.
En ce qui concerne la classification des informateurs
dans tel ou tel lecte,
elle n'est pas aussi simple qu'on
pourrait le croire.
En réalité,
nous avons simplifié les
faits
pour
ne
pas
augmenter
inutilement
le
nombre
de
catégories,
car ces derniers ne sont pas stables dans le
corpus. La performance d'un individu est variable. Un même
96
locuteur peut être à
cheval
sur deux
lectes différents.
Une personne sera rangée dans un lecte si elle a recours
plus fréquemment aux éléments de ce lecte qu'à ceux des
autres lectes.
Exemple :
Si une personne utilise deux fois une forme conforme
au français standard et huit fois une forme non conforme,
nous
la
classerons
dans
le
système
non
conforme
au
français
standard
dans
la
mesure
où
elle
utilise
plus
d'éléments de ce lecte.
Par
contre
un
enquêté
sera
classé
dans
un
lecte
conforme
au
français
standard
s ' i l
ne
réalise
que
des
constructions conformes à ce parler.
S'agissant
des
hypothèses
pouvant
expliquer
l ' exis-
tence
des
lectes,
elles
sont
de
deux
ordres.
On
peut
souligner d'une part
l'influence des
langues
sources et
d'autre
part
le
degré
d'exposition
de
l'enquêté
à
la
langue française.
Nous
entendons
par
degré
d' exposi tion
à
la
langue
française,
l'ensemble
des
contextes
dans
lesquels
l'informateur
a
recours
à
la
langue
française
pour
satisfaire ses besoins de communication.
Ces indices ont
été obtenus en demandant aux enquêtés de citer les langues
qu'ils utilisaient dans les lieux tels que la famille,
le
travail,
le
groupe
de
pairs,
l'administration
et
les
loisirs. Ces contextes ont été répertoriés dans le tableau
suivant.
97
Locu-
Fami lle
Travail
Groupe de
Admini stra-
Lieux de
teurs
pairs
tion
loisirs
L l
N. F.
F. M.
F. N.
F.
F.
L 2
N.
F. M.
F. N. M.
F.
F.
L 3
N.
F.
F. N. M.
F.
F.
L 4
N.
F. M.
F. N. M.
F. M.
F. M.
L 5
N.
F. M.
F. N.
F.
F.
L 6
F. M. N.
F. M.
F. M. N.
F.
F.
L 7
N.
F.
F. N.
F.
F.
L 8
M.
F. M.
F. M.
F.
F.
L 9
M.
F. M.
F. M.
F. M.
M.
L 10
F. M.
F. M.
F. M.
F.
F.
L 11
M.
F. M.
F. M.
F. M.
F. M.
L 12
M.
F. M.
F. M.
M.
M.
L 13
M.
F. M.
F. M.
F.
M.
L 14
M.
F. M. .
F. M.
F. M.
M.
L 15
J.
F. J.
F. J.
F.
F.
L 16
J.
F.
F.
F.
F.
L 17
J.
F.
F. J.
F.
F.
L 18
J.
F. J.
F. J.
F.
F.
L 19
J.
F. J.
F. J.
F.
J.
L 20
J.
F.
F. J.
F.
J.
L 21
J.
F. J.
F. J.
F.
J.
F = le français
N = 1e nuni
M= le mooré
J=leju1a
98
L'observation du
tableau
montre que
nous
ne
pouvons
pas
utiliser
un
seul
contexte
pour
différencier
nos
informateurs.
De ce fait,
nous avons décidé de
combiner
tous les contextes d'usage du français.
Il a été affecté
la note 1 à chaque contexte où le français est utilisé.
Par la suite, on a additionné les notes de tout un chacun.
Cela
nous
a
permis
d'obtenir
sur
les
vingt
et
une
personnes, les notes suivantes
Celles qui ont 5 sur 5
L 1
L 6
L 10
celles qui ont 4 sur 5
L 2
L 3
L 4
L 5
L 7
L 8
L 11
L 15
L 16
L 17
L 18
celles qui ont 3 sur 5
L 9
L 13
L 14
L 19
L 20
L 21
celle qui a 2 sur 5
L 12
99
En
examinant
les
notes,
nous
avons
réparti
nos
enquêtés en deux groupes en fonction du degré d'exposition
à
la
langue
française.
Les
personnes
qui
ont
une
note
inférieure
ou
égale
à
3
sont
considérées
comme
peu
exposées au français.
Quant aux autres,
nous avons estimé
qu'elles
étaient
exposées
au
français.
Voici
la
composition des groupes:
personnes exposées à la langue française: L 1, L 2,
L 3,
L 4,
L 5,
L 6,
L 7,
L 8,
LlO,
L 11,
L 15,
L
16,
L 17,
L i8
personnes peu exposées à la langue française
L 9,
L 12, L 13, L 14, L 19, L 20, L 21.
3.3.2. - La phonologie
Cette partie
sera articulée
sur quatre
éléments
qui
sont l'objectif de l'analyse,
la méthode,
le questionnai-
re et enfin les résultats de l'analyse.
3.3.2.1.- Objectif de l'analyse
Le
but
de
l'analyse
est
de
voir
comment
se
fait
l'acquisition du système phonologique du français standard
burkinabé.
Dans
notre
étude
phonologique,
nous
nous
sommes
intéressé
à
l'analyse
paradigmatique,
l'objet
étant
d'identifier
les
unités
distinctives
à
partir
de
l'opération de commutation.
Le cadre de référence retenu
pour
cette
opération
est
le
mot.
Le
rapprochement
de
paires minimales c'est-à-dire de couples de mots dont les
signifiants
ne
diffèrent
que
par
une
seule
différence
phonique,
permet ainsi de décider si cette dernière est
pertinente
ou
non
pour
la
communication
et
de
dresser
l'inventaire des unités distinctives.
L'analyse
paradigmatique
est
une
méthode
de
la
phonologie
fonctionnaliste
qui
lui
associe
généralement
100
une
analyse
syntagmatique
ou
combinatoire.
Selon
la
théorie
fonctionnaliste,
l'analyse
phonologique
ne
se
limite pas à l'identification des unités pertinentes et à
leur
classement.
Chaque
phonème,
en
effet,
se
définit
aussi par les rapports de contraste qu'il entretient dans
la
chaine
avec
les
unités
voisines.
L'examen
de
ces
rapports, dans une langue donnée, permet de dégager,
pour
chaque
unité,
les
positions
qu'elle
est
susceptible
d'occuper,
les
combinaisons
dans
lesquelles
elle
peut
entrer,
les
séquences
possibles
dans
telle
position
et
celles qui ne le sont pas.
Pour
constituer
le
système
phonologique
du
français
standard,
nous avons eu recours aux travaux de plusieurs
linguistes.
3.3.2.2. - La méthode d'analyse
Pour élaborer le système de référence à partir duquel
on a fait les comparaisons,
nous nous sommes inspiré des
recherches de A. Martinet
(1971)
et de H.
Walter
(1977)
sur la communauté française.
Mais,
pour établir le système phonologique proprement
dit
du
français
standard
burkinabè,
nous
nous
sommes
référé au système du français de Paris présenté par J.P.
Makouta-MBoukou
(1973
110),
et
à
notre
expérience
personnelle. Le français de Paris, selon Makouta, comprend
17
phonèmes
consonantiques,
16
voyelles
et
3
semi-
voyelles. Ces phonèmes sont résumés dans les tableaux qui
suivent :
101
- Les phonèmes consonantiques français (p. Ill)
Caractéristiques acoustiques
Lieux articulatoires
labiales labio-
Alvéo-
Palata-
Vélaires
dentales dentales les
Sourdes
P
t
k
occlusives
Sonores
b
d
g
Nasales
m
n
j1.
Sourdes
f
s
J
Sonores
v
z
~
constrictives
Latérales
l
Vibrantes
R
-
Les phonèmes vocaliques français (p. 116)
Lieux articulatoires
Position des lèvres
Antérieures non Palatales ar-
Postérieures
arrondies
rondies
arrondies
Nasal ité/Oralité
orales
nasales orales
nasales orales
nasales
Fermées
i
y
u
mi-fermées
e
o (~l
0
"
,...
,...,
ouvertes
E
ê'
œ
œ
:l
~
très ouvertes
a
ô.
~
- Les semi-voyelles (p. 116)
Palato-antérieure
Palatale arrondie
Postérieure
j
~
\\Il
Après
avoir
éliminé
les
phonèmes
sur
lesquels
A.
Martinet
(1971)
et
H.
Walter
(1977)
ne
s'accordent
pas
102
avec Makouta et ceux jugés par nous mêmes comme ne faisant
pas partie de la pratique des élites et des agents de la
radio,
nous
avons
élaboré
le
tableau
phonologique
du
français
standard
burkinabè.
Les
sons dont
les
premiers
auteurs rejettent le statut de phonème sont \\f, W. Ils les
considèrent comme des variantes
des phonèmes
Iy1 et luI
devant voyelles.
Pour
notre
part,
nous
avons
supprimé
les
phonèmes
suivants:
~ car il est réalisé oe dans l'opposition
jeune/jeûne et dans les mots isolés peu et queue par les
élites d'après notre expérience,
l ' opposi tion
/a/
antérieure
et
/d /
postérieure
car nous avons toujours un seul a
au Burkina Faso et ce
dernier
est
central.
L'opposition
/al
I~ /
dans
patte/pâte n'apparaît pas ici,
le phonème ~ a été supprimé car il est réaliséE
dans l'opposition brun/brin d'après notre écoute.
A
partir
du
tableau,
i l
a
été
reconstitué
les
différentes
oppositions
qui
permettent
d'identifier
ces
phonèmes en les illustrant par des paires minimales très
simples.
Ce sont ces paires
qui
ont été
soumises à
nos
enquétés afin de savoir s'ils connaissaient ou non,
tous
les
phonèmes
du
français
standard
burkinabè.
Ce dernier
comprend
d'après
nous
18
phonèmes
consonantiques
et
12
phonèmes vocaliques.
Les
phonèmes
ont
été
recensés
dans
les tableaux qui suivent :
103
- Tableau phonologique des consonnes
Modes d'articu-
Palato-
lat i on
Labiales
Alvédaire alvédaire Palatales
Vélaires
Points d'articulations
occlusives
Sourdes
p
t
k
Sonores
b
d
g
Nasales
m
n
J"
fricatives
Sourdes
f
S
J
j
Sonores
v
z
~
Latérales
•
Vibrantes
r
- Tableaux phonologiques des voyelles
- Les voyelles orales
- Les voyelles nasales
Apertures
Antérieures Postérieu-
Apertures
Antérieures Postérieu-
res
res
l
i
Y
u
""
-v
moyenne
2
e
E.
0
.:>
3
'~
œ.
3
'a'
maximale
4
a
En nous fondant sur les tableaux,
nous avons élaboré
un
questionnaire
phonologique
qui
a
été
soumis
â
nos
informateurs.
3.3.2.3. - Le questionnaire
Il
comprend
l'ensemble
des
oppositions
permettant
d'identifier toutes
les uni tés phoniques distinctives du
français standard. Les paires minimales ont été soumises à
nos enquêtés en langues nationales en tenant compte de la
langue maternelle de chaque personne (soit en mooré,
soit
en nuni ou en jula). En plus des paires minimales i l a été
104
demandé aux enquêtés
de
traduire
des
mots
isolés
de
la
langue maternelle en français.
Il
importe
de
signaler
qu'avant
de
soumettre
le
questionnaire aux non-lettrés,
nous nous sommes entretenu
avec deux étudiants afin de savoir si nos phonèmes étaient
reconnus par ces derniers.
Pour ce qui concerne les oppositions,
elles sont les
suivantes :
a) Les phonèmes consonantiques
Le signe,;'OJ indique les oppositions phonologiques,
/ /
et // indiquent les phonèmes
1 - Le phonème /P/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
P/b
/Pul/
/bul/
/Poer/
/boer/
"poule"
"boule"
"peur"
"beurre"
PIF
/Pil/
/fil/
/pl/
/fl. /
"pile"
"fil"
"pain"
"faim"
Pit
/Po/
/to/
/pfr/
/tf.r/
"peau"
"tô"(farine)
"père"
"terre"
/P/ est une occlusive (P/f), labial (P/t), sourde (P/b)
2 - Le phonème /b/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
b/p cf P/b
....
~
b/m
/b~/
/mf,/
/bu/
/mu/
"bain"
"main"
"boue"
"mou"
b/d
/b'lf/
/d~/
/b~/
/d3/
"banc"
"dent"
"bon"
"don"
/b/ est une occlusive (b/m),
labial (b/d), sonore (b/p)
105
3 - Le phonème /t/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
t/d
/tu/
/du/
Ital
/d~/
"toux"
"doux"
"temps"
"dent"
t/S
/to/
/so/
/tur/
/sur/
"tô"(farine} "seau"
"tour"
"sourd"
t/K
/tu/
/ku/
/tar/
/kar/
"toux"
"cou"
"tard"
"car"
/t/ est une occlusive
(t/s),
alvéolaire (t/k)
sourde
1
(t/d)
4 - Le phonème /d/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
dit
cf. t/d
d/z
/do/
/zo/
"dos"
"zoo"
d/g
/d~/
/g'lt/
/du/
/gu/
"dent"
"gant"
"doux"
"goût"
/d/ est une occlusive (d/z),
alvéolaire
(d/g~ sonore
(d/t)
5 - Le phonème /k/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
K/g
/ku/
/gu/
/kar/
/gar/
"cou"
"goût"
"car"
"gare"
K/j
/pak/
/paj/
/bik/
/bij/
"pâques"
"paille"
"bic"
"bille"
kit
/kur/
/tur/
/ku/
/tu/
"cour"
"tour"
"cou"
"toux"
/k/
est
une
occlusive
(k/j ),
vélaire
(k/t) 1 sourde
(k/g)
106
6 - Le phonème /g/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes:
g/k
cf.
k/g
g/d
cf. d/g
/gu/
/'fu/
/g'a/
/;â'/
"goût"
"Joue"
"gant"
"gens"
/g/
est
une
occlusive
(g/z),
vélaire
(g/d),
sonore
(g/k) •
7 -
Le phonème /m/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
m/b cf. b/m
min
/mu/
/nu/
/murir/
/nurir/
"mou"
"nous"
"mourir"
"nourrir"
/m/ est une nasale (m/b)/ labial (m/n)
8 - Le phonème /n/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes:
-.J
nid
/nu/
/du/
/n":>/
/d:) /
"nous"
"doux"
Il nom Il
"don"
n/m
cf. min
/n/ est une nasale (n/d),alvéolaire (n/m).
9 - Le phonème /ft1
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
.Jt- /k
/pajll/
/pak/
"pagne"
"pâques"
.)\\-/n
/p~/
/pan/
/ptjV/
/ptn/
107
"pagne"
"panne"
"peigne"
"peine"
~/ est une nasale ~/k)/pa1ata1e ~/n)
la - Le phonème /f/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
...
f/v
/f?:./
/vf,/
/fil/
/vil/
"faim"
"vin"
"fil"
"ville"
v/b
/v';./
/b~/
/v:;,l/
/b:)l/
"vent"
"banc"
"vol"
"bol"
v/z
/kav/
/kaz/
Ivoi
/zo/
"cave"
"case"
"veau"
Il zoo"
/v/ est une fricative (v/b,labial (v/z~ sonore (v/f)
12 - Le phonème /s/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
s/z
/Pwas"5/
/Pwaz?f/
/kas/
/kaz/
"poisson" poison
"casse"
"case"
s/t
/sire/
/tire/
/sur/
/tur/
"cirer"
"tirer"
"sourd"
"tour"
s(f
/s1l/
J~/
/su/
;J'u/
"sang"
"champ"
"sou"
"choux"
/s/ est une
fricative
(s/t), alvéolaire
(s/J)/ sourde
(s/z).
13 - Le phonème /z/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
z/s cf. s/z
z/d cf. d/z
z/rz
/kaz/
/ka~/
Il
"case"
"cage"
108
/z/
est
une
fricative
(z/d), alvéolaire
(z/~)/ sonore
(z/s).
14 -
Le phonème / j /
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
j/ h.l /paj /
/pa1"/
/peje/
/peys/
J-
"paille"
"pagne"
"payer"
"peigner"
j/J' /kaje/
/kaJe/
/p~j/
/pE,J!
"cahier"
"cacher"
"paye"
"péche"
/ j / est une fricative (j1V),palatale (jJ) .
15 -
Le phonème /JÎ
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes:
J/'1 /1'a/
/za/
/Ju/
/zu/
"champ"
"gens"
"choux"
"joue"
J/k
/Ju/
/ku/
/S~/
/~/
"choux"
"court
"champ"
"quand"
j ' / t
/fu/
/tu/
/~/
/t~/
"choux"
"toux"
"champ"
"temps"
/f/ est une fricative
(f/t), palato-alvéolaire
(J/k),
sourde <]/z).
16 -
Le phonème /91
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
1/1' Cf.J/'J'
z/I
/zur/
/lur/
11~/
/l~/
o
"jour"
"lourd"
"gens"
"lent"
t'J'/z
cf.!Zi/,-
/11 est une fricative (1/1), palato-alvéolaire ('5'/z),
sonore ('fiJ) .
109
17 - Le phonème /r/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
l / r
/lir/
/rir/
/l~/
/r~ /
"lire"
"rire lt
"long"
"rond"
l/d
/lir/
/dir/
/11/
/da/
"lire"
"dire"
"lent"
"dent"
lib
/l~/
/b~/
/J3/
/b~/
"lent"
"banc"
"long"
"bon"
/1/ est une latérale (l/r),
(l/d),
(l/d).
18 - Le phonème /r/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
r/l cf. l/r
,.,
r/d
/rir/
/dir/
/r:J/
/d~/
"rire"
"dire"
"rond"
"don"
r/b
/ru/
/bu/
/râ/
/b~/
"roue ll
"boue"
"rang"
"banc"
/r/ est une vibrante (r/l),
(r/d),
(r/b).
b) Le système vocalique
1 - Le phonème /i/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
i/e
/ni/
/ne/
/krije/
/kreje/
"nid"
"nez lt
"crier"
"créer"
i/y
/vi/
/vy/
/ri/
/ry/
"vieil
t· vue "
"riz"
"rue lt
i/u
/ri/
/ru/
/bik/
/buk/
"riz"
"roue"
"bic"
"bouc"
/i/ est une voyelle antérieure (i/u), de premier degré
d'aperture (i/e), non arrondie (i/y) .
110
2 -
Le phonème Iyl
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
Y/i
cf. i/Y
yloe Isyrl
Isoerl
"sur"
"soeur"
Ylu
IbYI
Ibul
IpYI
Ipul
"but"
"boue"
"pu"
"pou"
Iyl est une voyelle antérieure (Ylu),de premier degré
d'aperture (yloe) arrondie (y/i).
3 - Le phonème lui
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
ulo
Ipul
Ipol
Imul
Imol
"pou"
"peau"
"mou"
"mot"
uly
cf. Ylu
uli
cf. ilu
lui est une voyelle postérieure (Ylu), de premier degré
d'aperture (ulo),arrondie (u/i).
3 - Le phonème lei
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
eli cf. ile
elo
Itel
Ital
Idel
Idol
"thé"
"tô" (farine)
"dé"
"dos"
e/f
Itel
It€1
Idel
IdEI
"thé"
"tes"
"dé"
"des"
lei est une voyelle antérieure (elo), de deuxième degré
d'aperture (e/i).
111
5 - Le phonème Joel
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes:
oe/a /poer/
/par/
/koer/
/kar/
"peur"
"part"
"coeur"
"car"
oe/:;) /poer/
/r;or/
/koer/
/k~r/
"peur"
"porc"
"coeur"
"corps"
oe/E: /poer/
/p€r/
/oer/
/~r/
"peur"
"père"
"heure"
"air"
Joel
est une voyelle antérieure
(oe/::J)
de
troisième
degré d'aperture (oe/a),arrondie (oe/~).
'
6 - Le phonème /0/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
o/u
cf u/o
o/~
/do/
/~t/
/so/
/s:Jt/
"dos"
"dot"
"sot"
"sotte"
ole
cf e/o
/0/
est
une
voyelle
postérieure
(o/e) 1 de
deuxième
degré d'aperture (u/o).
7 - Le phonème /EI
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
S /a
/p1~/
/p1a/
/gE,r/
/gar/
"plaie"
"plat"
"guerre"
"gare"
E/oe cf. oe/€.
f/;,
/f~r/
/f:>r/
/pE;.r/
/P':jr/
"fer"
"fort"
"père"
"porc
,.,
f/l /pl~/
/plf,/
/trf/
/trt/
"plaie"
"plein"
"trait"
"train"
/ E /
est
une
voyelle
antérieure
( ~ /,:) )
de
troisième
degré d'aperture (E/a) orale, (E/.E) non arrondie (~/oe) .
112
8 - Le phonème /~/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
-::J / a
/[f:)r/
/par/
/f:Jr/
/far/
"porc
"part"
"fort"
"phare"
:l/oe cf. oe/;,
:J/o
cf. o/:J
:>/3
/lIOd/
/m5'd/
/b:)l/
/b~/
"mode"
"monde"
"bol"
"bon"
/::J/ est une voyelle postérieure
(:;) /.s.) 1 de
troisième
degré d'aperture (:> /0 ), orale (:J /~) •
9 - Le phonème /a/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
ale
cf. f,/a
a/a
/1'a/
/ba/
/b~/
"chat"
"bas"
"banc"
/a/ est une voyelle de quatrième degré d'aperture (a/~,
orale (a/a).
10 - Le phonème /:>/
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes:
-':l/a
-
/r5/
/r';/
/b":)/
/b~/
"rond"
"rang"
"bon"
"banc"
,.,.,.,
'J/€,
/d/
/rl/
/b5/
/b!'/
"rond"
"reins"
"bon"
"bain"
3"/:l
cf. :;,;:5
/:J /
est une v0..xelle nasale
-
,.,
(';> /j )1 d'aperture
moyenne
(~/g) postérieure (~/€).
113
11 - Le phonème
-
lei
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
l'V
,.,
N
f,/~ Irf,1
Irâl
Ivll
Ival
"reins"
"rang"
"vin"
"ve"t"
'"
el:;
lb ri
Ib'51
Img'1
1m$1
"bain"
"bon"
"main"
"mon"
('li
EI~ cf Elt
1ri est une vox.,e11e nasale (ë If. )1 antérieure ('lIS) 1
d'aperture moyenne (~/â).
12 - Le phonème lai
Son
identité
phonologique
ressort
des
oppositions
suivantes :
....
y
""
a/f, cf. f/â
a/a cf. ala
I~I est une voyelle nasale (~/a), d'aperture maximale
(êtll)·
A
ces
paires
minimales,
nous
avons
ajouté
une
traduction de mots
isolés
afin
de
voir
si
les
enquétés
étaient en mesure de réaliser les phonèmes qui n'existent
pas dans leur langue maternelle.
1 IJI
chèvre [jE.vr]
chaud
[Jo]
2 l'}I
pigeon [Pif3]
page
[paf]
3 IYI
pure
[pyr]
mûr
[myr]
4 loe/. coeur
[koer]
beurre [boer]
114
3.3.2.4. - Les résultats de l'analyse
Tous les phonèmes consonantiques ont été bien réalisés
par l'ensemble des informateurs à l'exception des phonèmes
/j / et / ';/ . Ces phonèmes ne sont connus que par 14
personnes.
Cela
revient
à
dire
qu'ils
n'ont
été
correctement prononcés que par 66
% des enquêtés et mal
réalisés par le reste de la population cible.
En essayant de regrouper nos informateurs par identité
de systèmes, nous avons relevé l'existence de trois lectes
phonologiques dans le français des non-lettrés.
3.2.2.4.1.- La description des faits
Le
premier
lecte
est
le
plus
réduit
des
trois,
i l
comporte
16
phonèmes
consonantiques
et
9
voyelles
(6
voyelles orales et trois voyelles nasales). Il est utilisé
par un seul informateur à savoir L 12,
locuteur du mooré.
Il se présente de la manière suivante
- Les phonèmes consonantiques
Modes d'articu-
!Palato-
lation
Labiales
Alvédaire alvédaire Palatales
Vélaires
Points d'articulations
occlusives
Sourdes
p
t
k
Sonores
b
d
g
Nasales
m
n
Jt-
fricatives
Sourdes
f
S
j
Sonores
v
z
,
Latérales
Vibrantes
r
115
- Les phonèmes vocaliques
- les voyelles orales
- les voyelles nasales
Apertures
Antérieures Postérieu-
Apertures
Antérieures Postérieu-
res
res
1
i
u
..,
moyenne
IN
2
e
0
f
:>
,
a
maximale
-
~
j
3
:
1
4
a
Remarques:
Si
nous
observons
le
tableau
des
consonnes,
nous
constatons
qu'il
se
distingue
de
celui
du
français
standard par l'absence des phonèmes J et 1.
/~/ est réalisé [s] dans les oppositions choux/sous,
champ/sang.
De
même
il
est
prononcé
[s]
dans
les
mots
isolés
tels
que
chèvre
et
chaud.
Le
phonème
/ ' /
est
réalisé [z]
dans l'opposition cage/case et dans les mots
isolés; pigeon et page.
Sur
le
plan vocalique,
ce
système
est
différent
de
celui
du
français
standard
car
i l
ne
possède
pas
les
phonèmes antérieurs arrondis y et oe.
Le phonème /y/ est prononcé
[il
dans les oppositions
riz/rue, vie/vue et dans les mots comme pure et mûr. Quant
à
/oe/
il
est
réalisé
[ €
]
dans
les
paires
minimales
peur/père, heure/air et dans les mots beurre et coeur.
Nous avons décidé d'appeler ce lecte Lo car il est le
plus
éloigné
du·
français
standard.
Il
constitue
le
basilecte dans notre échelle de classification des lectes
constitutifs du français des non-lettrés.
Pour
ce
qui
est
du
deuxième
lecte,
il
comporte
16
phonèmes consonantiques et Il voyelles (8 voyelles orales
116
et 3 voyelles nasales.
Il est utilisé par 3
locuteurs du
mooré
(L 9,
L 13,
L 14) et 3
julaphones
(L 19,
L 20,
L
21).
- Les phonèmes consonantiques
Modes d'articu-
Palato-
lation
Labiales
Al védaire alvédaire Palatales
Vélaires
Points d'articulations
Sourdes
occlusives
p
t
k
Sonores
b
d
Q
Nasales
m
n
.]v
Sourdes
f
fricatives
S
.J
j
Sonores
v
z
'i'
Latérales
f
Vibrantes
r
- Les phonèmes vocaliques
Les voyelles orales
les voyelles nasales
Apertures
Antérieures Postérieu-
Apertures
Antér i eures Postérieu-
res
res
1
i
~
u
,...
moyenne
'"
2
e
0
f.
:>
,.,
i
3
i:-
l
::>
maximale
a
1
1
4
a
Remarques
L'observation du tableau des consonnes montre qu'il se
distingue
de
celui
du
français
standard
burkinabè
par
l'absence des phonèmes IJrI et 111 .
IJrI est réalisé [s] dans les oppositions et les mots
isolés
vus
en
50.
l'fI
est
réalisé
Izl
dans
les
paires
minimales et mots vus en 50.
Au plan vocalique,
ce lecte marque sa différence par
rapport au français
standard à
travers
la non possession
du
phonème
loe/.
Ce
phonème
est
prononcé
[E]
dans
les
oppositions et les termes isolés présentés en Lo •
117
Nous
appelons
ce
lecte
L
1
à
cause de
sa
position
intermédiaire entre les deux
autres
lectes.
Il
est plus
proche
de
S3
que
ne
l'est
So.
Il
représente
le
ni veau
mésolectal.
En ce qui concerne le troisième lecte, il est conforme
au
système
de
la
langue
cible.
Il
est
utilisé
par
14
personnes. Il s'agit respectivement de 7 nunaphones (L 1,
L 2,
L 3,
L 4,
L 5,
L 6,
L 7),
de 3 mooréphones (L 8,
L
10, L Il) et de 4 julaphones (L 15, L 16, L 17, L 18). Les
phonèmes de ce lecte sont représentés dans
les
tableaux
qui suivent
- Les phonèmes consonantiques
Modes d'articu- I l !Palato-
lation
Labiales
Alvédaire\\alvédaire Palatales
Vélaires
Poi nt s d'articulations
!
Sourdes
p
t
k
occl usives
Sonores
b
d
Q
Nasales
m
n
JI-
Sourdes
f
S
S
fricatives
j
!,
Sonores
v
z
'f
1
Latérales
1
!
Vibrantes
r
- Les phonèmes vocaliques
Les voyelles orales
les voyelles nasales
Apertu res
Antérieures Postérieu-
Apertures
Antérieures Postérieu-
res
res
l
i
Y
u
...,
,
moyenne
go
J
2
e
0
,
€
!
1
3
œi
:>
a
,,
maximale
1
1
4
a
Remarques
Le
troisième
lecte
constitue
le
stade
final
de
l'acquisition des phonèmes du français standard. Ce lecte
118
que nous appelons L 2 est l'acro1ecte car il est conforme
à la langue cible.
3.3.2.4.2. - Les hypothèses explicatives
A priori,
nous
pouvons
avancer deux
hypothèses
pour
expliquer les
fai ts
trouvés dans
le corpus.
La première
est que la constitution des lectes est liée à la langue
maternelle des apprenants.
En effet,
il n'existe
pas de
phonèmes S et ~ ni de phonèmes y et oe dans les langues
sources de nos enquêtés.
L'observation des lectes L
et L
nous amène à établir
o
1
un
parallélisme entre
les
systèmes
phonologiques de ces
lectes
et
ceux
des
langues
locales.
Les
enquêtés
ont
tendance à rapprocher les phonèmes qu'ils ne connaissent
pas
des
phonèmes
les
plus
proches
existant
dans
les
langues sources.
IJrI est réalisé [s] car Isl existe dans
les langues locales I~I est prononcé [z] car Izl est un
phonème
dans
les
langues
nationales.
De
même
Iy 1
est
réalisé ri] et loel est prononcé [~] car Iii et lei sont
des phonèmes dans les langues locales.
Les
phonèmes
dont
il
est
question
(S, '5"
y,
oe)
n'existent pas en nuni, en mooré et en jula.
119
Exemples
- Le système phonologique du nuni
- les consonnes
Points
labiales
al véol ai res
palatales
vélaires
Modes
Sourdes
occlusi-
P
t
c
k
ves
Sonores
b
d
j
g
...
nasales
m
n
n
n
frica-
Sourdes
f
s
y
w
tives
Sonores
v
z
latérales
f
vi brantes
r
- les voyelles
Apertures
Antérieures
Postérieures
l
tendues
i
y
lâches
Il
11
tendues
e
2
0
lâches
t
J
tendues
-a
3
lâches
a
120
- Le système du mooré d'après R. Kaboré (1985: 110)
-
les consonnes
Bila-
Labio-
Alvéo-
Palata- Vélaire Glott.
bi al~
dentale laire
le
Fortes
P
f
t
s
k
(
basses
b
v
d
z
g
h
nasales
m
n
l atéra les
l
vibrante
r
.
semi-cons
J
vJ
-
les voyelles orales
Aperture
Antérieure
Centrale
Postérieure
Fermées
l
i
u
Ouvertes
2
li
1)
3
e
0
4
a
-
les voyelles nasales
Aperture
Antérieure
Centrale
Postérieure
...
Fermées
<N
l
i
u
...,
Ouvertes
2
l
1J
4
r
121
- Le système du jula d'après nos cours de jula de 2e année
- les consonnes
Points
Labial Alvéol. Palatal Vél ai re Labio-
Glottal
Modes
vélaire
occlusives
orales
P
b
t
d
c ::3-
k
Q
kp
gb
( i' )
nasales
m
n
.h-
fri catives
f
v
s
z
j
w
h
latérales
l
vibrante
r
- les voyelles
Antérieure
Centrale
Postérieure
Bref
Long
Nasal
Bref
Long
Nasal
i
i :
~
AI
,
U
u:
u
2
e
e:
'"
e
0
0:
-0
3
e-
l:
l
:J
j :
5
4
a
a:
-a
La deuxième hypothèse est que l'acquisition du système
phonologique
du
français
standard
est
liée
au
degré
d'exposition
des
enquêtés
à
la
langue
française
(cf.
tableau
d'exposition
des
enquêtés
dans
la
partie
précédente ) •
Personnes exposées au français : L l,
L 2,
L 3, L 4,
L 5,
L 6,
L'7,
L 8,
LlO,
L Il,
L 15,
L 16, L 17, L
18
Personnes moins exposées
L 9, L 12,
L 13,
L 14,
L
19,
L 20,
L 21.
122
La corrélation des deux faits nous donne les résultats
suivants :
,
Réussites
Echecs
Total
Personnes exposées
14
0
14
Personnes moins exposées
0
7
7
Total
14
7
21
- réussites
système conforme au français standard
- échecs
système non conforme au français standard
5i
nous
examinons
les
réussi tes
et
les
échecs
nous
constatons
que
les
personnes
appartenant
au
groupe
l
réussissent mieux que ceux du groupe 2.
Remarques
Etant donné la faiblesse des effectifs, on ne peut pas
affirmer que ces chiffres sont statistiquement significa-
tifs
pour
notre
population.
Nous
nous
gardons
de
généraliser
l ' hypothèse
à
l'ensemble
des
non-lettrés
au
Burkina
Faso.
Cependant
les
résultats
semblent
montrer
qu'il
y
a
une
corrélation
positive
entre
le
degré
d' exposi tion
à
la
langue
française
et
l ' acquisi tion
du
système phonologique.
L'analyse des faits de phonologie terminée,
nous nous
intéresserons à l'étude de la morpho-syntaxe.
3.3.3. - La morpho-syntaxe
La morpho-syntaxe est la description (1) des règles de
combinaisons
des
morphèmes
pour
former
des
mots,
des
syntagmes et des phrases,
et
(2)
des affixes flexionnels
(conjugaison et de déclinaison). J.
Dubois et alii (1973:
326) .
123
Pour ce qui nous concerne,
nous nous intéresserons à
l'étude du syntagme nominal. Ainsi, nous aborderons quatre
points qui sont:
l'actualisation du nom,
la détermination
possessive,
le
syntagme
complétif
et
l'utilisation
des
pronoms
personnels
sujets.
Nous
terminerons
notre
étude
par une analyse implicationnelle intégrant les différents
faits énumérés plus haut.
3.3.3.1. - L'actualisation du nom
D'après
notre
expérience
personnelle,
le
français
standard burkinabè utilise deux types de déterminants: les
articles et les adjectifs démonstratifs.
L'analyse de notre corpus montre que ces éléments ne
sont pas
touj ours
utilisés
par
les
informateurs.
Ainsi,
l'on distingue 3 lectes :
un lecte qui efface souvent l'article et qui n'a pas
d'adjectifs démonstratifs,
un lecte où l'article est toujours présent mais qui
ne possède pas d'adjectifs démonstratifs,
un lecte conforme au français standard.
Nous examinerons les trois lectes dans les lignes qui
suivent.
3.3.3.1.1.- La description des faits attestés dans le
corpus
Les faits ne sont pas stables dans le corpus mais on
note
des
points
sur
lesquels
tous
les
informateurs
se
rejoignent dans l'analyse.
Il s'agit du fonctionnement du
système d'actualisation et de la possession d'un certain
nombre d'articles.
Pour expliquer le fonctionnement du système d'actuali-
sation du nom chez les non-lettrés nous avons eu recours à
124
trois
modèles
théoriques
le
modèle
traditionnel,
générique/spécifique
et
enfin
celui
de
M.
Wilmet
(partitif/non partitif).
L'utilisation du premier élément
est
liée
au
fait
que
l'on
a
tendance
à
dire
que
le
français
organise
de
manière
générale
ses
articles
en
défini/indéfini.
Nous
avons
fait
appel
au
second modèle
car D.
Bickerton affirme qu'il est universel.
Nous avons
utilisé le troisième modèle car
il
apparaît
à
nos yeux
comme le plus élaboré.
Le
modèle
classique
stipule
que
le
système
d'actualisation du nom fonctionne selon "l'ordre défini/
indéfini.
En
grammaire
traditionnelle,
l'article
défini
spécifie que
le
nom
qui
suit
désigne
une
chose
ou
une
personne précise.
L'article indéfini (non défini) indique
l'absence
d'une
spécification
précise.
En
français,
l'article défini est le,
l'article indéfini
est un",
J .
Dubois et alii (1973 : 135).
Cependant il Y a des exemples qui ne nous permettent
pas d'appliquer ce modèle à notre corpus.
Exemples
Dans les cas suivants "un" est indéfini mais "le" est
plutôt générique.
1) i l avait un véhicule
2) i l cherche un mot pour débrouiller
3) le mooré est très dur à parler
4) je parle le français
"Le"
est
générique
car
il
apporte
une
information
d'ordre général.
Cette situation nous conduit à
renoncer
au modèle traditionnel car le générique et l'indéfini sont
des niveaux différents qu'on ne peut pas opposer.
La deuxième hypothèse que nous avons formulée est que
le
lecte
qui
est
conforme
au
français
(l'acrolecte)
organise ses articles en partitifs et non partitifs.
125
Nous empruntons ces termes à M.
Wilmet (1986:
49) qui
a fait une étude sur la détermination nominale. La théorie
de cet auteur est basée sur la notion de quantification.
Pour
cette
théorie,
les
déterminants
du
substantif
circonscrivent
le
substantif
dans
son
extensité
et
son
extension.
Quantifier un substantif c'est lui associer un
déterminant indicateur d'extensité.
L'extension désigne l'ensemble des êtres ou des objets
auxquels un substantif, un adjectif ou un syntagme nominal
sont
applicables
hors
énoncés.
L' extensi té
désigne
l'ensemble des êtres ou des objets auxquels un substantif,
un adjectif ou un syntagme nominal sont appliqués.
Les articles sont des quantifiants bipolaires car ils
ont la particularité d'assigner à l'extensité une limite
inférieure et une limite supérieure un pôle (-) et un pôle
(+). L'article est dit partitif quand il a une extensivité
partitive
et
non
partitif
quand
il
a
une
extensivité
extensive.
L'extensivité est le rapport de l'extensité à
l'extension. L'extensivité est partitive quand i l y a une
infériori té objective de l ' extensi té à
l'extension.
Elle
est extensive quand i l y a un ajustement entre l'extensité
et l'extension.
Cela
dit,
voyons
comment
cette
théorie
nous
permet
d'expliquer les faits attestés dans le lecte 3.
1 - Le lecte 3
Ce lecte est conforme au français standard burkinabè
car
il
comporte
en
plus
des
articles,
des
adjectifs
démonstratifs.
Il comprend les éléments suivants: un, une,
des,
le,
la,
les,
ce,
cet,
cette et ces.
Il est utilisé
par L 2,
L 5,
L 8,
L 12,
L 15. En posant l'hypothèse que
les 5 enquêtés ont un lecte unique,
nous pouvons utiliser
des exemples
chez
n'importe
quel
enquêté
pour
illustrer
notre propos.
126
- Les art:icles
1) L'article un
Sa valeur de partitif est attestée dans les exemples
suivants
un /
le
L 15 Je travaille avec un Mossi
L 12 Le monde est difficile aujourd'hui
L 2
Je vais passer un concours
L 5
Le gourounssi est bon
Si
nous
prenons
les
deux
premières
phrases,
elles
peuvent être analysées de la façon suivante :
(1) Je travaille avec un Mossi
l'extension
de
Mossi
Mossi
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
l ' extensi té
(un Mossi)
:
un Mossi est appliqué à
un
élément d'un ensemble X de personnes
l'extensité est
inférieure
à
l'extension
"un"
est
article partitif
(2) Le monde est difficile aujourd'hui
L'extension
de
monde
monde
désigne
une
chose
abstraite
l'extensité (le monde)
le monde est appliqué à
une
chose abstraite
Il Y a un ajustement de l'extensité à l'extension "le"
est un article non partitif.
un/des
L 8
Il m'a donné un cadeau
L 5
J'écris avec des fautes
"un"
isole
un
élément
x
d'un
ensemble
X d' éléments
alors
que
"des"
isole
des
éléments
x
d 1 un
ensemble
X
d'éléments.
127
2) L'article une
Sa valeur de partitif est attestée dans les exemples
suivants :
une/la
L 5
J'ai une femme au village
L 2
La pluie pleut beaucoup
L 12 Je vis avec une fille
L 15 On voulait me mettre à la mécanigue
Les deux premières phrases peuvent être analysées de
la façon qui suit :
(1) J'ai une femme au village
l'extension
de
femme
femme
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
1 ' extensi té
( une
femme)
une
femme
est
appliquée
à
une personne d'un ensemble X de femmes
il y
a
une
infériorité de
l ' extensi té
à
l'extension
"une" est un article partitif
(2) La pluie pleut beaucoup
l'extension
de
pluie
pluie
désigne
une
chose
abstraite
l ' extensi té
(la pluie)
la
pluie désigne
une chose
abstraite
i l y
a
une égalité entre l ' extensi té
et
l'extension
"la" est un article non partitif.
3 - L'article des
Sa valeur de partitif est attestée dans les exemples
suivants : des/les
L 8
Ce sont des voleurs qui sont venus me voler
L 2
Les femmes me moquent
L 15 Je travaillais avec des blancs à Bobo
L 5
Les Africains sont jaloux
128
Nous pouvons interpréter les deux premiéres phrases de
la façon suivante :
(1) Ce sont des voleurs qui sont venus me voler
l'extension de voleurs (= voleurs est applicable à un
ensemble X de personnes)
l'extensité (des voleurs) = des voleurs est appliqué à
des personnes d'un ensemble X de voleurs
l'extensité est inférieure à l'extension "des" est un
article partitif
(2) Les femmes me moquent :
l'extension de
femmes
femmes
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
l'extensité (les femmes)
les femmes est appliqué à
un ensemble X de personnes
Il Y a un ajustement entre l'extensité et l'extension
"les" est un article non partitif.
4 - L'article le
Sa
valeur
de
non
partitif
est
attestée
dans
les
exemples suivants :
le/un (cf un/le)
le/les
L 12 Le monde est difficile aujourd'hui
L 5
Les Africains sont jaloux
"le" indique un nombre égal ou supérieur à 1 alors que
"les" additionne des éléments x pour former un ensemble X
d'éléments.
5) L'article la
Sa
valeur
de
non
partitif
est
attestée
dans
les
exemples suivants :
la/une (cf. une/la)
129
la/les
L 2
La pluie pleut beaucoup
L 8
Les doigts ne se ressemblent pas
"la" indique un nombre égal ou supérieur à 1 alors que
"les" additionne des éléments x pour former un ensemble X
d'éléments.
6) L'article les
Sa
valeur
de
non
partitif
est
attestée
dans
les
exemples qui suivent :
les/des (cf. des/les)
les/le
( cf.
le/les)
les/la
(cf. la/les)
En plus des articles,
le troisième lecte utilise des
adjectifs
démonstratifs
pour
actualiser
le
nom.
Les
adjectifs
démonstratifs
sont
utilisés
de
manière
anaphorique.
Ils
apparaissent
dans
les
anaphores
duplicatives où le second substantif repète simplement le
premier.
Les adjectifs démonstratifs
Les adjectifs
que possède ce dernier système sont
ce, cet, cette et ces.
Exemples
1) L'adjectif démonstratif ce
L 2
Le
métier
que
je
suis
en
train
d'apprendre
si
je
laisse ce métier je suis perdu
L 5
Je cherche du travail chez une femme si je gagne ce
travail c'est bon
L 8
J'ai mis mon fils à l'école, mais ce fils ne veut pas
130
L 12 Le coin de Bi1bambi1i c'est ce coin qu'on a arrangé
L 15 mon grand frère avait un copain,
il m'a confié à ce
copain
2) L'adjectif démonstratif cet
L 2
L'argent
que
je
cherche,
si
je
ne
gagne
pas
cet
argent, je ne peux pas rentrer au village
L 5
Je lui
ai donné l'argent pour qu'il
achète quelque
chose, il est parti avec cet argent
L 8
J'ai travaillé en Côte d'Ivoire pour avoir l'argent,
c'est avec cet argent que j'ai fait mon commerce
L 12 L'enfant que tu as envoyé cet enfant est mon petit
frère
L 15 L'argent
pour
le
mariage,
beaucoup
n'ont
pas
cet
argent en main
3) L'adjectif démonstratif cette
L 2
J'ai
fait
la vaccination au village,
cette vaccina-
tion était bien
L 5
J'aidais
la
femme
de
mon
frère,
Cette
femme
était
gentille
L 8
Si elle a la maladie du SIDA,
elle va souffrir avec
cette maladie
L 12 Une fille m'a mis la honte,
cette honte je ne peux
pas oublier
L 15 La femme du grand frère,
c'est cette femme qui
fait
la cuisine
131
4) L'adjectif démonstratif "ces"
L 2
Les gens qui n'aiment pas aller à l'hôpital, ces gens
n'ont pas l'argent
L 5
Les
enfants
qui
n'aiment
pas
l'école,
ces
enfants
sont des bandits
L 8
Les
gens
qui
vont
en
Côte
d'Ivoire,
ces
gens
ne
peuvent pas rester au village
L 12 Il casse les arbres pour se doucher,
ces
arbres ne
sont pas bons.
L 15 Tu
peux
coudre
des
chemises
et
puis
revendre
ces
chemises.
L'ensemble
des
éléments
de
ce
système
peuvent
étre
répertoriés dans un tableau
un, une des
Ce
Cet
le, la les
Cette
Ces
Le
troisième
lecte,
qui
est
conforme
au
français
standard correspond au niveau achevé de l'apprentissage de
l'actualisation
du
nom
par
les
non-lettrés.
Il
se
distingue du deuxième lecte par le fait qu'il possède des
adjectifs
démonstratifs.
Le
deuxième
lecte
est
le
mésolecte,
le troisième,
l'acrolecte et le premier lecte,
le basilecte.
2) Le lecte 1
Il comprend les articles suivants : un,
une,
des,
le,
la,
les,
; .
Il ne possède pas d'adjectifs démonstratifs.
132
Ce lecte est utilisé par L 4, L 7, L 13, L 14, L 17, L 19,
L 20,
L 21.
L'hypothèse que nous avons imaginée pour expliquer le
fonctionnement
de
ce
lecte
est
qu'il
répartissait
ses
articles selon le modèle générique/spécifique â cause de
l'effacement de l'article.
L'article est générique si l'information qu'il apporte
n'est pas précise.
Le spécifique repose sur le
fait que
l'information
apportée
est
précise.
Le
spécifique
peut
être défini ou indéfini. Il est défini quand l'information
qu'il apporte est partagée par celui qui
parle et celui
qui
écoute et
si
cette
information
est précise.
Il
est
indéfini quand
l'information n'est
pas
partagée
par
les
deux personnes.
Ces définitions ont été empruntées
à
D.
Bickerton
(1981:
249)
qui
a
analysé
le
système
d'actualisation du créole en Guyanne. Ce qui vient d'être
dit peut être résumé de la manière suivante :
articles
/
~
générique
spécifique
~
1
~
défini
indéfini
(+ P)
(+ P)
(- P)
(- S)
(+ S)
(+ S)
+ P
présupposé
-
P
non présupposé
+ S = spécifique
- S = non spécifique
En examinant notre lecte nous constatons que ce modèle
ne permet pas d'expliquer son fonctionnement.
Exemples
Dans les phrases suivantes
(1) je vais aCheter, vélo(s)
133
(2) i l achète ~ chapeau(x)
Nous pouvons dire que
l ' article
~ est générique car
l'information qu'il apporte n'est pas précise.
On ne sait
pas combien de vélos i l s'agit (un, deux, plusieurs, etc).
Par la suite on remarque que l'article "le" dans le 1ecte
peut être générique également.
Exemples
1
Le français est difficile
L'information apportée par
"le"
est d'ordre général,
elle n'est pas précise. Il en est de même dans
2
Le monde est difficile aujourd'hui
3
Le gourounssi est plus important que le français
Ces exemples ne nous permettent donc pas de poser la
distinction ~ (générique)/spécifique
(absence
(présence d'article)
(d'article)
pour expliquer le système d'actualisation du nom chez les
locuteurs du lecte 1.
Nous remarquons que ce lecte organise ses articles en
partitif/non
partitif
comme
dans
le
lecte
conforme
au
français standard.
1) Les articles
1 - L'article "un"
Sa valeur de partitif est attestée dans
les exemples
suivants
L 4
Je vais payer un vélo
L 13 Le français est difficile
L 7
Je cherche un mot pour débrouiller
L 20 Le français ivoirien n'est pas comme ici
134
Si
nous
prenons
les
deux
premières
phrases
elles
peuvent être analysées de la façon qui suit
(1) Je vais payer un vélo
l'extension de vélo
un ensemble X de choses
l'extensité un vélo est appliqué à un élément vélà
d'un ensemble de vélos
Le
nombre
de
choses
auxquelles
le
substantif
est
applicable
hors
énoncé
( l'extension)
est
supérieure
à
l ' extensi té.
L' extensité
étant
inférieure
à
l'extension
"un" est un article partitif.
(2) Le français est difficile
extension de français = français est applicable à une
seule chose
extensité = le français est appliqué à une seule chose
L'extensité étant égale à l'extension,
l'article "le"
a une extensivité extensive. Cet article est non partitif.
un/des
L 4
Je vais payer un vélo
L 13 Il travaille avec des femmes
"un"
isole
un
élément
x
d'un
ensemble
X d'éléments
alors
que
"des"
isole
des
éléments
x
d'un
ensemble
X
d'éléments.
2) L'article une
Sa valeur de partitif est attestée dans
les exemples
suivants :
une/la
L 13 Je vais chercher une femme pour marier
L 4
La femme doit bien s'habiller
L 4
Je pense construire une maison
L 13 ~~v~i~e~
La
est très chère aujourd'hui
135
Si
nous
prenons
les
deux
premières
phrases
elles
peuvent ètre analysées de la manière suivante
(1) Je vais chercher une femme pour marier
extension
de
femme
femme
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
l ' extensi té
(une
femme)
est
appliqué
à
une
personne
d'un ensemble X de femmes.
L'extensité
est
inférieure
à
l'extension
donc
"une"
est un article partitif.
(2) La femme doit bien s'habiller
l'extension
de
femme
= femme
est
applicable
à
un
ensemble X de femmes
l ' extensité
(la femme)
est appliquée à
un ensemble X
de femmes (toutes les femmes)
Il Y a
une égalité entre l'extension
et
l ' extensi té
"la" est un article non partitif.
une/des
L 4
Je peux construire une maison
L 20 J'ai des enfants à la maison
"une" isole un élément x d'un ensemble X d'éléments
"des" isole des éléments x d'un ensemble X d'éléments
3) L'article des
Sa valeur de partitif est attestée dans
les exemples
suivants :
des/les
L 20 On était avec des filles
L 21 Les femmes sont jalouses
L 20 J'ai des enfants à la maison
L 13 Les animaux qui sont en brousse sont beaucoup
136
Les deux premières phrases peuvent être interprétées
de la façon qui suit :
(1) On était avec des filles
l'extension
de
filles
filles
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
l'extensité (des filles)
"des" isole des filles d'un
ensemble X de filles
L' extensi té étant inférieure à
l'extension
"des"
est
partitif.
(2) Les femmes sont jalouses
l'extension
de
femmes
femmes
est
applicable
à
un
ensemble X de personnes
l'extensité (les femmes)
les
femmes est appliqué à
un ensemble X de personnes
Il Y a une égalité de l'extensité à l'extension.
"Les"
est un article non partitif.
4) L'article le
Sa valeur d'article non partitif est attestée dans les
exemples suivants :
le/un (cf. un/le)
le/les
L 7
Le mooré est dur à parler
L 13 Les animaux qui sont en brousse sont beaucoup
"le" exprime un nombre égal ou supérieur à 1 alors que
"les" additionne des éléments x pour former un ensemble X
d'éléments.
5) l'article la
Sa valeur d'article non partitif est attestée dans les
exemples suivants :
la/une (cf. une/la)
137
la/les
L 4
La femme doit bien s'habiller
L 21 Les femmes sont jalouses
"la" indique un nombre égal ou supérieur à 1 alors que
"les" additionne des éléments x pour former un ensemble X
d'éléments.
6) L'article les
Sa valeur d'article non partitif est attestée dans les
exemples suivants :
les/des (cf. des/les
les/la
(cf. la/les)
les/le
(cf.
le/les)
7) L'article i
Nous
considérons
~ (l'effacement de l'article) comme
un
article
parti tif
car
'Î peut être remplacé par des
articles
parti tifs.
~ est donc un article partitif. Les
enquêtés ont recours à ce procédé quand ils ont affaire à
un nom dont le référent est inanimé.
Exemples
L 4
Il achète
?chapeau (x)
L 7
Il lavait ,
vélo(s) au marché
L 13 Je peux payer ~ pagne(s) au marché
L 14 Je vais lui p;yer ~ habit(s)
L 17 Il y a i mot(s) que je me cale souvent
L 19 J'avais p problème(s) quand j'ai commencé
.
L 20 Il Y a ~ secret(s) tu peux dire votre enfant
L 21 Il y a ~ école(s) dans mon village
Tous
les
articles
peuvent
être
récapitulés
dans
un
tableau
138
une, une
0
articles partitifs
des
le, la
les
articles non partitifs
L'utilisation
de
l'article
en
lieu
et
place
de
l'adjectif démonstratif
Le 1ecte 1 ne possède pas d'adjectifs démonstratifs.
On remarque qu'à chaque fois que les enquêtés ont été mis
en situation d'utiliser les adjectifs démonstratifs,
ils
les ont toujours remplacés par des articles. Ce procédé de
substi tut ion
de
l'adj ecti f
par
un
article
se
rencontre
dans les anaphores
réduplicatives
(phrase dans
laquelle,
le
second
substantif
repète
simplement
le
premier
substantif).
Exemples
L 4
L'argent pour payer le médicament, c'est l'argent qui
manque
L 7
Tu peux prendre les sacs et puis tu vas vendre les
sacs gagner l'argent
L 13 Le travail de la nuit,
je n'aime pas le travail
L 17 L'argent de Kanazoé, je ne sais pas si l'argent c'est
pour lui
L 19 Si
le mari
de
la
femme
est mort,
les
gens
peuvent
prendre la femme
L 20 La vie que tu fais maintenant,
les gens n'aiment pas
la vie
139
L 21 La ville est vieille, il faut peinturer la ville.
En résumé,
nous disons que des trois lectes,
le lecte
1 est celui qui est le plus éloigné du français standard.
Il est le plus rudimentaire,
nous le considérons comme le
niveau basilectal de notre échelle de classification.
3 - Le lecte 2
Le deuxième lecte est plus proche du modèle standard.
Dans ce lecte l'article n'est pas effacé mais i l n'a pas
non
plus
d'adjectifs
démonstratifs.
Il
comprend
les
éléments
suivants
un,
une,
des,
le,
la,
les.
Il
est
utilisé par L 1, L 3, L 6,
L 9,
LlO, L 16, L 18.
Comme les deux autres lectes il organise ses articles
en parti tif/non parti tif.
Il
utilise également
l'article
en lieu et place de l'adjectif démonstratif.
A titre illustratif citons ces exemples :
- les articles
1) l'article un
L 1
J'ai acheté un vélo
L 3
Je cherche un emploi
L 6
c'est un voleur qui m'a fait ça
2) L'article une
L 9
On m'a donné une femme
L 16 J'ai cassé une table
L 18 Je cherche une femme pour marier
3) L'article le
L 1
Le nuni est ma langue
L 6
J'aime beaucoup le foot-baIl
L 10 Il peut parler le mooré
140
4) L'article la
L 3
La vie n'est pas pareille
L 6
La nuit,
je dors mal
L 11 Quand on brûle la brousse ce n'est pas bon
5) L'article les
L 1
Les élèves sont impolis
L 10 Les paysans souffrent beaucoup
L 16 Les hommes sont contents
6) L'article des
L 1
Mon oncle a des femmes
L 9
Il y a des patrons qui comprennent
L 10 Je conduis des français
Les articles de ce 1ecte peuvent être répertoriés dans
le tableau suivant
un, une, des
articles partitifs
le,
la,
les
articles non partitifs
L'utilisation
de
l'article
en
lieu
et
place
de
l'adjectif démonstratif
L 1
La ville de Ouaga, i l y a des voleurs dans la ville
L 3
Je peux gagner l'argent mais c'est pour m'amuser avec
l'argent
L 6
Il faut payer la cola et puis tu vas faire le mariage
avec la cola
L 9
Il a mis le feu dans la brousse et c'est le feu qui a
brûlé tout
Tous les faits relevés dans nos trois lectes méritent
d'être expliqués.
141
3.3.3.1.2. - Les hypothèses explicatives
Nous
avons
construit
deux
hypothèses
pour
expliquer
l'existence des lectes dans le corpus.
La première est que la présence des lectes est liée à
la
langue
maternelle
des
apprenants.
Dans
les
langues
sources le déterminant est toujours post-posé au nom. Cela
est remarquable en nuni, en mooré et en jula.
Exemples
a) L'actualisation du nom en nuni
Le nuni
est
une
langue â
classes et à
genres où
la
base du nom est marquée par un nominant suffixé.
Ainsi,
le
radical
j on
peut
être
intégré
à
un genre
dont la marque de classe est -u au singulier qui s'oppose
à - 'a au pluriel.
jonu "un esclave" j6n-à "des esclaves"
A
cette
opposition,
on
peut
ajouter
une
seconde
opposi tian
par
suffixation
aux
deux
formes
précédemment
présentées d'un morphème ayant valeur de défini
1
\\
,
jonut
"l'esclave" jon3t'3 "les esclaves"
En
plus
de
ces
déterminants,
i l
y
a
la
marque
du
démonstratif /wut~/
biu "enfant" biuwut3 "cet enfant"
b) L'actualisation du nom en mooré
Le
mooré
est
une
langue
à
classes
nominales.
Les
substantifs
y
sont
actualisés
au
moyen
de
suffixes
de
classe (singulier et pluriel) dont l'association forme un
genre.
Selon G.
Canu (1973:
86)
le radical /ba/ désigne:
"un animal de
l'espèce canine
(en tant
que)
concept
conçu
dans
sa
généralité
la
plus
absolue.
Lorsque
ce
142
radical est actualisé dans le discours,
i l s'intègre à un
genre dont la marque est -ga au singulier qui s'oppose à
la marque de classe du pluriel -se.
ba:ga "chien"
ba:se "des chiens"
A cette
opposition,
on
peut
ajouter
par
suffixation
aux deux formes un marqueur ayant la valeur de défini
""
ba:gana "le chien"
ba:sena "les chiens"
,.,
En mooré,
le démonstratif wa est identique au défini
bi:ga
"l'enfant"
bi :gÊl
"cet enfant"
....
bi:ga wa
"cet enfant"
c) L'actualisation du nom en jula
Nous empruntons le tableau du système d'actualisation
de cette langue à J.L. Hattiger (1983: 98).
Nom
générique~
spécifique
1
~
indéfini
défini
/~
SingUli~~riel singulier pluriel
nom + pr-d:>
nom + pr=d:>w
t
on
ton - w
Pour
l'indéfini
comme
pour
le
défini,
la
modalité
plurielle
est
toujours
exprimée
par
suffixation
du
morphème - w au pronom - d:> ou à la forme du défini (J.L.
Hattiger, 1983 : 99).
A
ce
sujet
il
donne
les
exemples
suivants
pour
illustrer son propos.
indéfini sg
muso d:) be yan
"une femme est ici"
143
indéfini pl
muso d:Jw be yan "des femmes sont ici"
défini
sg
muso be yan
"la femme est ici"
défini
pl
musow be yan
"les femmes sont ici"
A
ces
déterminants
on
peut
ajouter
la
modalité
démonstrative /-nin/ qui est marquée par suffixation
muso nin be yan
"cette femme est ici"
muso nin w be yan
"ces femmes sont ici"
L'observation des
faits
attestés dans le corpus nous
conduit
à
établir
un
parallèle
entre
l'effacement
de
l'article
devant
le
nom
dans
le
basilecte
et
l 1 absence
d'un déterminant antéposé au nom dans les langues locales.
La deuxième hypothèse est que l'acquisition du système
d' actualisation
du
français
standard
est
liée
au
degré
d'exposition
de
l'enquêté
à
la
langue
française
(cf.
tableau d'exposition des informateurs au français en début
de chapitre).
La répartition des enquêtés
selon ce
tableau est
la
suivante :
- Personnes exposées au français : L 1, L 2, L 3, L 4,
L 5, L 6,
L 7, L 8, LlO,
L Il,
L 15, L 16, L 17, L 18
- et celles qui sont moins exposées : L 9, L 12, L 13,
L 14, L 19, L 20, L 21.
La corrélation des deux éléments donne le tableau qui
suit :
144
Réuss ite
Echec
Tota 1
Personnes exposées
4
10
14
Personnes moins exposées
1
6
7
Total
5
16
21
Réussites
forme conforme au français standard
Echecs
forme non conforme.
L'observation des réussites et des échecs du groupe l,
permet d'obtenir les pourcentages suivants:
- réussites:
4 x 100 = 28 %
14
- échecs
10 x 100 = 69 %
14
Dans
le
groupe
2,
nous
avons
les
pourcentages
qui
suivent:
- réussites
1 x 100
14 %
7
- échecs
6 x 100 = 85 %
7
Remarques
Les résultats tendent également à montrer l'existence
d'une corrélation positive entre
le degré d'exposition à
la
langue
française
et
l'acquisition
du
systéme
d'actualisation.
Mais,
compte
tenu
de
ce
qui
a
été
dit
auparavant,
à
savoir
l'effectif
et
les
écarts
peu
importants,
nous
disons
que
les
résultats
ne
sont
pas
significatifs.
Nous parlerons également dans cette partie du statut
du
morphème
"là"
car
il
est
utilisé
par
certains
informateurs.
Nous avons choisi d'aborder ce problème de
145
manière isolée car nous considérons que "là" n'est pas un
déterminant.
3.3.3.1.3.- Le morphème "là"
a) Le statut de "là"
Le morphème
"là"
apparaît
très
fréquemment
dans
les
différentes variétés
de
français
parlées
en Afrique.
Il
est
considéré
comme
un
déterminant
par
J.L.
Hattiger
(1983:
107).
Pour notre part,
"là" n'est pas un déterminant car i l
ne possède pas les caractéristiques d'un tel morphème.
En
effet,
au plan distributionnel,
i l n'est pas antéposé au
nom dans les phrases de nos informateurs.
Il est toujours
post-posé
au
nom.
De
plus,
i l
ne
participe
pas
organiquement
à
la
construction
du
constituant.
Il
se
surajoute à des structures déjà formées.
On relève des formes où "là" est présent et des formes
où i l est absent chez un même informateur.
Exemples
L 4 ( 1 )
C'est la langue là qui est difficile
(2 )
C'est la langue qui est difficile
(3 )
C'est l'argent là qui me manque
(4 )
C'est l'argent qui me manque
L 7 ( 1 )
Je voulais le travail là
(2 )
Je voulais le travail
(3 )
Son maman là ne peut pas le voir
(4 )
Son maman ne peut pas le voir
L14 ( 1 )
Le français là est plus facile que le mooré
(2 )
Le français est plus difficile que le mooré
(3 )
Le maître là me chasse
(4 )
Le maître me chasse
146
L17 (1 )
Les accents là sont mélangés
(2 )
Les accents sont mélangés
(3)
C'est le monde là qui est comme ça
(4)
C'est le monde qui est comme ça
L18 (1 ) Le Coran là n'est pas facile à lire
(2 ) Le Coran c'est pas facile à lire
(3 )
L'arabe là,
je ne comprends pas bien
(4)
L'arabe,
je ne comprends pas bien
b) La valeur de "là"
En nous
référant
aux exemples,
nous disons
que
"là"
peut avoir deux valeurs
une valeur de déictique et une
valeur de thématisation.
1) "là" : valeur de déictique
" là "
a
une valeur de déictique quand
il est utilisé
pour établir une
distance dans
les
jugements de valeur.
Dans
certains
contextes
l ' énonciateur
utilisera
là
pour
signifier
le
caractère
positif
ou
négatif
du
jugement
qu'il porte.
Exemples
L 4
C'est l'argent là qui me manque
Ici,
l'enquêté
utïlise
là
pour
marquer
une
distance
entre l'argent et lui.
"là" est utilisé pour signifier le
caractère négatif du jugement porté sur l'argent.
Dans
les
exemples
qui
suivent,
on
note
que
là
est
également
utilisé
pour
marquer
le
caractère
négatif
du
jugement porté sur l'arabe et sur le coran.
L 18 (l) L'arabe là, je ne comprends pas bien
(2) Le Coran là c'est pas facile
147
2) là : valeur de thématisation
"là"
a
une valeur de thématisation car il
permet au
consti tuant qui
le précède de devenir le sujet à
propos
duquel on va dire quelque chose.
Exemples
L
7 (l)
Son maman là ne peut pas le voir
Cette
phrase
peut
être
interprétée
de
la
façon
suivante: son maman, elle ne peut pas le voir
(2)
Je voulais le travail là
Cette phrase peut recevoir l'interprétation suivante:
le travail,
je le voulais
Les
faits
ne
sont
pas
simples
partout,
on
s'en
convaincra en étudiant la détermination possessive.
3.3.3.2. - La détermination possessive
Nous nous intéressons ici à la détermination possessi-
ve c'est-à-dire aux constructions exprimant la possession
et dans
lesquelles
l'on
trouve
un
nom déterminé
par
un
adjectif possessif.
En
français
standard,
le
paradigme
des
adjectifs
possessifs révèle un grand nombre de formes qui s'opposent
en fonction
1)
de la personne du possesseur
2)
du nombre de possesseur
3)
du nombre du possédé
4)
du genre du possédé
L'ensemble des
formes
peut être
représenté
dans
les
tableaux suivants :
148
sg
un seul possesseur
pl
1ère pers.
(
mon
mes
(
ma
2e
pers.
(
ton
tes
(
ta
3e
pers.
(
son
ses
(
sa
plusieurs po.s~e~ur.s
1ère
pers.
notre
vos
2e
pers.
votre
vos
3e
pers.
leur
l eur5
En
français
standard
la
détermination
du
possédé
repose sur deux contraintes
la présence d'un
adjectif
possessif en fonction de déterminant et l'existence d'une
marque de genre qui affecte l'adjectif possessif.
On constate que ces deux exigences ne sont pas systé-
matiquement respectées dans notre corpus. Ce qui explique
l'apparition de trois lectes
un
lecte
qui
ne
respecte
aucune
des
deux
contraintes,
un
lecte
qui
utilise
l'adjectif
possessif
en
fonction de déterminant mais qui ne respecte pas la
marque du genre du possédé,
un lecte conforme au français standard.
Ces lectes sont
présentés en détail dans
les
lignes
qui suivent.
3.3.3.2.1. - La description des faits attestés dans le
corpus
Le premier lecte remplace l'adjectif possessif par un
pronom personnel en fonction de déterminant.
Dans ce cas
149
l'expression de
la possession est
marquée par
un pronom
personnel en fonction complétant.
Exemples
L 6
(1)
c'est lui véhicule
(2 )
On va connaître que c'est moi voiture
(3 )
Le jula prend lui langue
(4 )
C'est moi bic
Ce lecte est utilisé par un seul locuteur; L 6.
Il est
le plus éloigné du français standard.
Il est le basilecte
dans notre classification.
Il
importe
cependant
de
signaler
que
L
6
utilise
souvent des adjectifs possessifs mais dans ces cas,
ceux-
ci ne portent pas la marque du genre du possédé.
Exemples
(1)
C'est ma père qui va marier
(2)
Il peut aider son mère
Pour dire que L 6 a un système qui remplace l'adjectif
possessif par un pronom personnel,
nous avons tenu compte
de
la
fréquence
des
formes
qui
apparaissent
dans
son
corpus.
Sur quatorze situations où il
a
eu recours à
la
détermination
possessive,
il
a
utilisé
quatre
fois
des
adjectifs possessifs mais
sans marque de
genre.
Dans le
reste
des
cas,
i l
a
construit
des
formes
où
l'adjectif
possessif a été remplacé par un pronom personnel. L'examen
des fréquences nous a conduit à classer L 6 dans le lecte
1.
Pour
ce
qui
est
du
deuxième
lecte
i l
utilise
l'adjectif possessif en fonction de complétant mais il ne
possède pas la marque du genre du possédé.
Il est utilisé
par L l,
L 2,
L 3, L 4, L 7,
L 8, L 9,
L Il,
L 12, L 13, L
14, L 19, L 20, L 21.
Exemples :
150
L 1
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
3
ma ---> mon
3
ma
1
ta ---> ton
2
ton
2
sa ---> son
1
ta
1
son
2
ses
3
notre
1
leur
2
L 2
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
5
ma
---> mon
2
ma
1
ma
---> mon
1
ton
4
ta
---> ton
2
son
1
ton ---> ta
1
mes
1
sa
---> son
3
ses
1
son ---> sa
1
leur
1
L 3
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
3
ma
---> mon
2
ton
5
ta
---> ton
1
ta
1
soi ---> son
2
sa
1
son
3
tes
1
ses
1
notre
1
leur
1
151
L 4
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
3
ma ---> mon
2
ton
2
ta ---> ton
1
son
2
sa ---> son
2
tes
1
notre
1
L 7
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
10
ma
---> mon
2
ton
3
ma
---> mon
1
son
2
ton ---> ta
2
sa
2
ta
---> ton
1
mes
2
ses
2
son ---> sa
2
leur
2
L 8
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
10
ma ---> mon
2
ton
3
ma ---> mon
1
son
2
ta ---> ton
1
sa
2
son ---> sa
2
mes
2
ses
2
leur
2
152
L 9
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
6
ma
---> mon
4
ma
2
ta
---> ton
2
ta
8
son ---> sa
2
ton
2
sa
---> son
2
son
2
sa
1
mes
2
tes
2
notre
2
leur
1
L 11
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
6
ma
---> mon
2
ma
2
ta
---> ton
1
ton
1
sa
---> son
2
son
3
son ---> sa
2
sa
2
mes
3
leur
1
L 12
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
4
ma
---> mon
6
ma
1
ta
---> ton
6
ton
3
sa
---> son
5
ta
1
son
3
sa
3
mes
3
notre
1
votre
1
leur
2
153
L 13
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
5
ma
---> mon
2
ma
1
ta
---> ton
1
ton
1
sa
---> son
2
son
2
ses
1
nos
1
leur
2
L 14
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
8
ma
---> mon
7
ma
2
mon ---> ma
2
ton
2
sa
---> son
6
son
3
ta
---> ton
2
sa
1
notre
1
leur
l
L 19
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
4
ma
---> mon
2
ma
2
ton ---> ta
3
ton
2
sa
---> son
2
ta
1
sa
1
tes
2
ses
1
leur
1
154
L 20
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
4
ma
---) mon
8
ma
2
ta
---) ton
2
son
1
sa
---) son
5
mes
1
tes
1
votre
1
leur
1
L 21
Formes conformes
Nombre
Formes non
Nombre
au français
d'occur-
conformes
d'occurrences
standard
rences
mon
4
ma
---) mon
5
ma
1
ta
---) ton
2
ton
1
sa
---) son
3
ta
1
son
2
sa
2
tes
2
ses
3
leur
1
Nous
avons
regroupé
d'un
côté
l'ensemble
des
formes
conformes
au
français
standard
et
de
l'autre
celui
des
formes qui ne sont pas conformes. Ces dernières concernent
les cas où les enquêtés ont changé la marque du genre de
l'adjectif possessif. Nous avons également présenté toutes
les occurrences où les formes apparaissaient.
A ce sujet,
i l est nécessaire de montrer quelques exemples de
formes
non conformes au français standard recensés chez quelques
enquêtés
L 2
(1)
Je vais faire ma garage
(2)
Je vais connaître que ça c'est sa pays
L 3
(1)
J'ai marié mon femme
(2)
Tu ne connais pas ta village
4 7
(1)
Le gourounssi c'est mon langue
(2)
Il ne faut pas serrer ton figure
155
L 8
(1)
Le mariage forcé peut gâter ton vie
(2)
Il est parti chez sa frère
L 9
(1)
Mon soeur avait une mobylette
(2)
Il appelle son maman
L 11
(1)
Il ne connait pas mon force
(2)
Chacun a sa idée
Ici, les personnes emploient les pronoms possessifs au
hasard.
Elles
possèdent
les
formes
du
masculin
et
du
féminin mais elles ne savent pas les utiliser.
Le
deuxième
1ecte
que
nous
venons
de
décrire
est
intermédiaire entre le premier et le troisième 1ecte.
Il
constitue le méso1ecte.
En ce qui concerne le troisième 1ecte,
i l
révèle un
accord
en
genre
avec
le
possédé.
Il
est
conforme
au
français standard.
Il est utilisé par L 5,
LlO,
L 17,
L
18, L 15, 16.
Exemples
L 5
Formes conformes au français
Nombre d'occurrences
standard
mon
2
ma
3
ta
1
ton
2
son
2
sa
2
mes
3
ses
2
notre
3
leur
2
156
L 10
Formes conformes au français
Nombre d'occurrences
standard
mon
5
ma
2
ton
2
son
2
sa
3
mes
1
ses
2
L 15
Formes conformes au français
Nombre d'occurrences
standard
mon
2
ma
4
ton
1
ta
2
son
3
sa
2
mes
3
ses
1
notre
1
L
16
Formes conformes au français
Nombre d'occurrences
standard
mon
5
ma
4
ton
4
ta
4
son
3
sa
3
mes
4
ses
1
notre
2
leur
1
157
L 17
Formes conformes au français
Nombre d'occurrences
standard
mon
7
ma
5
ton
3
ta
1
son
2
sa
2
mes
3
tes
1
ses
1
leur
1
Ne pouvant pas présenter toutes les formes conformes,
nous
nous
contenterons
de
donner
quelques
exemples
illustratifs.
L 5
(1)
Il Y a ma femme à la maison
(2)
Tu ne connais pas mon village
L 10
(1)
Toute ma famille est gâtée
(2)
Je prends mon permis
L
15
(1)
Toute ma famille est contente
(2)
Mon père est là
L 16
(1)
Jusqu'à ma mort, je ne pense pas oublier ça
(2)
Je suis dans mon atelier
L
17
(1)
Il travaillait avec mon frère
(2)
Il n'a pas vu ma soeur
L 18
(1)
Je parle de mon patron méme
(2)
C'est ça qui m'a touché dans ma vie
En conclusion,
nous disons que le troisième lecte est
l'acrolecte.
Il
représente
la
dernière
étape
de
l'acquisition de la détermination possessive par les non-
lettrés.
Cela
di t,
examinons
l'origine
des
faits
répertoriés
dans le corpus.
158
3.3.3.2.2. - Les hypothèses explicatives
Nous
avons
retenu
deux
hypothèses
pour expliquer
la
présence de nos lectes.
La
première
est
que
leur
existence
est
liée
à
l'influence de la langue maternelle des enquêtés. Dans les
langues
nationales
l'expression
de
la
possession
est
marquée par un pronom personnel en fonction complétant. Ce
fait est commun au nuni, au mooré et au jula.
Exemples
1)
Le nuni
o
b '\\J a
"sa fille"
/lui/ /fille/
o
b V a
"sa fille"
/elle/ /fille/
2)
Le mooré
a
ba:ga
"son chien
/lui/ /chien/
a
ba:ga
"son chien
/elle//chien/
3)
Le jula
a
den
"son enfant"
/lui//enfant/
a
den
"son enfant"
/elle//enfant/
L'examen de ces faits montre qu'il y a un parallélisme
entre
la
structure
du
basilecte
et
celle
des
langues
sources.
La
deuxième
hypothèse
est
que
l'acquisition
de
la
détermination
possessive
est
liée
au
degré
d' exposi tion
des
enquêtés
à
la
langue
française
(cf.
tableau
d'exposition des enquêtés au français).
159
En nous
inspirant de ce tableau,
nous
obtenons deux
groupes :
- personnes exposées au français : 14 personnes
- personnes non exposées au français : 7 personnes
La
corrélation
des
faits
nous
donne
le
tableau
suivant:
Réussite
Echec
Total
Personnes exposées
6
8
14
Personnes moins exposées
0
7
7
Total
6
15
21
Réussites
formes conformes au français standard
échecs
formes non conformes
Si nous nous
intéressons au groupe l,
nous obtenons
les pourcentages de l'ordre de :
- réussites:
6 x 100 = 42 %
14
- échecs
8 x 100 = 57 %
14
En ce qui concerne le deuxième groupe,
on n'a aucune
réussite.
NB
Les
résultats
tendent
à
montrer
qu'il
y
a
une
corrélation
positive
entre
le
degré
d'exposition
à
la
langue
française
et
l'acquisition
de
la
détermination
possessive.
Mais
ils
ne
sont
pas
statistiquement
significatifs
pour
les
raisons
évoquées
au
niveau
de
l'actualisation du nom.
La détermination possessive n'est pas le seul fait qui
pose des problèmes aux non-lettrés.
Nous allons dans ce
160
qui suit étudier comment se fait l'acquisition du syntagme
complétif.
3.3.3.3. - Le syntagme complétif
Nous entendons par syntagme complétif l'association de
deux constituants nominaux qui entretiennent entre eux un
rapport de détermination.
Au sein du syntagme complétif,
l'un des nominaux est le déterminé ou complété et l'autre
le déterminant ou complétant.
Le
syntagme
complétif
en
français
standard
se
caractérise
par
l'existence
de
deux
contraintes
structurales.
La
première concerne
l'ordre
"déterminé
+
déterminant"
et la seconde la présence d'une préposition
obligatoire entre les deux éléments du syntagme.
Les
faits
que
nous
observons
dans
notre
corpus
montrent
que
ces
deux
conditions
ne
sont
pas
touj ours
respectées.
Pourtant,
elles
sont
dépendantes
l'une
de
l'autre
et
ordonnées.
L'acquisition
de
la
préposition
présuppose l'acquisition de l'ordre complété + complétant.
Ce qui
nous conduit à poser l'existence de trois lectes
possibles :
un
lecte
qui
ne
respecte
aucune
des
exigences
du
français standard,
un
lecte
qui
respecte
l'ordre
déterminé
+
déterminant mais qui rejette la deuxième contrainte,
un lecte conforme au français standard.
Nous verrons que ces trois lectes sont attestés dans
le corpus.
161
3.3.3.3.1. - La description des faits attestés dans le
corpus
Les faits ne sont pas stables dans le corpus en ce qui
concerne l ' acquisi tion du syntagme complétif du
français
standard.
Les
performances
des
informateurs
sont
variables.
Nous
avons
dû
recourir
aux
fréquences
d' appari tion
des
formes
chez
les
informateurs
pour
les
répartir
en
1ectes
(cf.
explications
en
début
de
chapitre) .
En partant de ce raisonnement nous avons trois 1ectes.
Le premier fonctionne selon l'ordre AIE c'est-à-dire
complétant
+
complété,
ordre
différent
de
celui
du
français standard.
Il est utilisé par trois informateurs : un locuteur du
nuni,
un
locuteur
du
mooré
et
un
locuteur
du
ju1a.
Il
s'agit de L 7, L 13 et L 21.
Nous avons considéré que ces enquétés utilisaient ce
1ecte car ils possédaient plus d'éléments qui respectaient
cette structure.
L 7 a
utilisé
6 fois
l'ordre AIE et 2
fois des formes conformes au français standard.
L 13 a eu
recours
à
l'ordre
AIE,
7
fois
et
deux
fois
aux
constructions conformes
au
français
standard.
Quant
à
L
21,
il a utilisé huit fois la structure AIE et 3 fois la
structure conforme. Compte tenu de la fréquence élevée de
la première structure chez nos enquêtés,
nous
avons di t
qu'ils sont utilisateurs du 1ecte 1.
Exemples
L 7
(1)
On est parti dans Koudougou ville
(2)
Quelqu'un qui se trouve à Léo hôpital n'est
pas content
(3)
Ouagadougou ville a bien changé
(4)
Il faut attendre mois fin pour venir
162
L 13
(1)
J'ai fait ramadan fête
(2)
Ouadagoudou affaires sont difficiles
(3)
C'est Dieu affaire
(4)
J'ai acheté riz sac pour ma femme
L 21
(1)
J'ai fait Abidjan ville
(2)
On nous a amené dans café plantation
(3)
Il est parti au train gare
(4)
Il a construit ciment maison
Le
1ecte
que
nous
venons
de
décrire
est
parmi
nos
trois
1ectes,
celui qui
est
le plus éloigné du
français
standard.
Il
ne
respecte
aucune
des
deux
contraintes
(l'ordre des éléments et la présence de la préposition).
Nous
le considérons
comme
le
niveau basilecta1
de
notre
échelle de classification.
Quant au deuxième
lecte,
i l
fonctionne
selon l'ordre
ElA mais
i l
n'utilise
pas
de
préposition entre
les
deux
noms du syntagme.
Il est utilisé par L 4,
un nunaphone,
L
14,
un
mooréphone.
Nous
avons
décidé
que
ces
enquêtés
utilisaient
ce
lecte
car
ils
possédaient
beaucoup
de
formes construites selon la structure présentée plus haut.
Ainsi,
L
4
a
fait
appel
à
cette
structure
six
fois
de
sui te.
Il
a
utilisé
seulement
deux
formes
conformes
au
français standard.
L 14 a
eu recours à
la même structure
dans
7
contextes et
à
la
structure du
français
standard
dans
trois
constructions.
Les
fréquences
élevées
d'utilisation de l'ordre ElA (sans préposition) ont donné
naissance à ce deuxième lecte.
Exemples
L 4
(1)
Je paye des sacs maïs pour envoyer
(2)
Je fais le commerce ignames à Léo
(3)
J'aime les joueurs foot-baIl
(4)
Avant,
i l y avait des maisons banco
L 14
(1)
J'ai travaillé dans une plantation cacao
163
(2)
La ville Ouagadougou ça bien changé
(3)
Je ne m'entends pas avec les gens villages
(4)
Je connais les secrets Ouagadougou
Notre deuxième lecte est intermédiaire entre le niveau
basilectal
et
le
niveau
acrolectal
car
il
tend
de
par
l'ordre
d'apparition
des
nominaux
à
se
rapprocher
du
français
standard.
Ce
qui
le
distingue
de
l ' acrolecte,
c'est
l'absence du morphème
relateur entre
les
noms
du
syntagme complétif.
Le troisième lecte fonctionne selon l'ordre ElA avec
présence d'une préposition.
Il est conforme au
français
standard. Cette structure est utilisée par 16 enquêtés. Il
s'agit de cinq Nuna (L 1, L 2,
L 3, L 5, L 6), cinq mossi
(L 8,
L 9,
LlO,
L Il,
L 12) et six locuteurs du jula (L
15, L 16, L 17, L 18, L 19, L 20).
Exemples
L 1
(1)
On a visité le marché de Léo
(2)
C'est un joueur de foot-baIl
L 2
(1)
J'ai un sac de voyage
L 3
(1)
On nous a pris dans la ville de Léo
(2)
L'alcool n'est pas rentable dans le corps de
l'homme
L 5
(1)
C'est pour construire une maison en banco
(2)
On a dormi dans un hôtel de Lomé
Le
troisième
lecte
représente
le
stade
final
de
l ' acquisi tion
du
syntagme
complétif.
Il
peut
être
considéré comme le niveau acrolectal dans la classifica-
tion que nous avons établie.
164
3.3.3.3.2. - Les hypothèses explicatives
Nous
pouvons imaginer deux hypothèses
pour
justifier
les faits trouvés dans le corpus.
La
première
est
que
la
constitution
des
lectes
est
liée
à
la
langue
maternelle
des
apprenants.
En
effet,
l'ordre A/E se rencontre dans les trois langues sources de
nos enquêtés. On le trouve en nuni, en mooré et en jula.
Exemples :
1) Le nuni
A
E
( 1 )
ali
lJ:J
"le sac d'Ali"
/Ali/
/sac/
(2 )
bva
j-ina
"le père de la fille"
/fille/
/père/
2) Le mooré
A
E
( 1 )
widi
naaba
"le chef des chevaux"
/chevaux/ /chef/
(2 )
biiga
ma
"la mère de l'enfant"
/enfant/
/mère/
3) Le jula
A
E
(1 )
ct~
muru
"le couteau de l'homme"
/homme/
/couteau/
(2 )
muso
"La femme de l'homme"
/homme/
/femme/
En
observant
les
faits,
nous
pouvons
établir
un
parallèle
entre
la
structure
du
basilecte
et
celle
des
langues
locales.
Ces
dernières
étant
construites
selon
165
l'ordre
AIE.
De
plus
elles
n'ont
pas
non
plus
de
préposition
servant
à
relier
les
noms
du
syntagme
complétif.
La deuxième hypothèse repose sur le fait que l'acqui-
sition du syntagme complétif est liée au degré d'exposi-
tion
de
l'enquêté
à
la
langue
française
(cf.
tableau
d'exposition des enquêtés au français).
La corrélation des deux faits nous donne les résultats
suivants:
Réussite
Echec
Total
Personnes exposées au français
12
2
14
Personnes moins exposées au français
4
3
7
Total
16
5
21
Réussites
formes conformes au français standard
Echecs
formes non conformes
Les
pourcentages
obtenus
par
le
groupe
l
sont
de
l'ordre de :
- réussites 12 x 100 = 85 %
14
- échecs
2 x 100 = 14 %
14
Dans le groupe 2,
nous obtenons les pourcentages qui
suivent :
- réussites
4 x 100 = 57 %
7
- échecs
3 x 100 = 42 %
7
166
Précautions par rapport à ces résultats
Les résultats ne sont pas significatifs ici également
pour
les
mêmes
raisons
évoquées
dans
les
parties
précédentes
(faiblesse des effectifs).
Cependant on note
une corrélation positive entre les pourcentages) entre le
degré d'exposition à la langue française et l'acquisition
du syntagme complétif.
Les
problèmes.
rencontrés
dans
l ' acquisi tion
du
syntagme complétif nous conduisent à prédire que les non-
lettrés éprouveront les difficultés dans l'utilisation des
pronoms personnels sujets.
3.3.3.4. - Les pronoms personnels en fonction sujet
Les pronoms ont pour fonction principale de remplacer
un nom ou un syntagme nominal.
En
français
standard,
les
pronoms
personnels
en
fonction sujet s'accordent en genre et en nombre avec le
nom ou le syntagme nominal qu'ils remplacent.
Nous
remarquons
que
ces
contraintes
ne
sont
pas
souvent
respectées
dans
notre
corpus.
Ainsi,
nous
avons
relevé l'existence de deux 1ectes :
un 1ecte qui ignore la marque de genre qui affecte
les pronoms,
un 1ecte qui possède la marque de genre qui affecte
les pronoms personnels
Nous présenterons ces 1ectes plus en détail dans les
pages qui suivent.
167
3.3.3.4.1. - La description des faits attestés dans le
corpus
Notre premier 1ecte ne possède pas la marque de genre
qui
affecte
la
troisième
personne
du
singulier
et
la
troisième personne du pluriel.
L'opposition de genre qui
affecte ces
pronoms
en
français
standard
n'apparaît
pas
ici.
Le pronom (il)
se substitue à (elle).
De même
(ils)
se substitue à (elles).
Les pronoms qui composent ce lecte sont
singulier
pluriel
première personne
je
nous, on
deuxième personne
tu
vous
troisième personne
i l
ils
Le lecte est utilisé par L 1, L 2,
L 3, L 4,
L 5, L 6,
L 7, L 9,
L 11, L 12, L 13, L 14.
Au lieu de nous contenter de vous présenter quelques
faits,
nous exposerons le lecte dans sa totalité.
1 - Le pronom de la première personne du singulier
Le
pronom
est
attesté
en
fonction
sujet
chez
nos
enquêtés.
Exemples
L 1
( 1 )
Je ne peux pas parler ma langue nationale
terminer
L 2
( 1 )
Je ne peux pas lire en français
L 3
( 1 )
Je parle en gourounssi
L 4
( 1 )
Je suis venu ici en 1980
168
2 - Le pronom de 1~ première personne du p1u~ie1
a) Le pronom "Nous"
Il est attesté en fonction sujet dans le corpus.
Exemples
L 1
(1) Nous sommes arrivés â deux heures du matin
L 2
(1)
Nous sommes sous la machine
L 3
(1)
Nous sommes arrivés, notre âge a atteint la
retraite
L 4
(1)
Nous sommes allés à Léo
b) Le pronom "on"
Le
pronom
"on"
a
une
valeur
de
"nous",
première
personne du pluriel car il inclut le locuteur et d'autres
personnes
présentes
ou
non
au
cours
de
l'acte
de
communication.
Dans
ce
cas
on
peut
remplacer
"on"
par
"nous" .
Exemples
L 1
( 1 )
On a fait trois jours là-bas
L 2
( 1 )
On est parti ensemble
L 3
( 1 )
On a pris le petit déjeuner
L 4
( 1 )
On parlait entre nous
L 5
(1 )
On était parti au Ghana
L 6
( 1 )
On travaillait ensemble à Bobo
En plus de cette valeur de nous,
"on" peut avoir une
valeur
d'indéfini.
Dans
ce
cas,
il
est
utilisé
pour
désigner
une
personne
déterminée
ou
des
personnes
déterminées qu'on ne veut pas pour une raison ou une autre
nommer directement.
L'emploi de
"on" peut être considéré
comme un signe de discrétion, de retenue.
L 1
(1)
on m'a dit de ne pas venir
169
L 2
( 1 )
on m'a attrapé au grand marché
L 3
( 1 )
on m'a montré ce que je dois faire
L 4
( 1 )
on peut te donner une fille à marier
L 5
( 1 )
on a retiré mon argent sur la route
L 6
( 1 )
c'est ici, on m'a fait payer six mille
francs
3 - Le pronom de la deuxième personne du singulier
Le pronom "tu" est attesté en fonction sujet chez nos
informateurs.
Il
peut
avoir
deux
valeurs:
une
valeur
allocutive et une valeur générique.
a -
"tu" à valeur allocutive
"Tu"
a
une
valeur
allocutive
dans
le
cas
où
le
locuteur s'adresse à l'enquêteur.
Exemples
L 1
(1 )
tu étais venu à moteur avant ?
L 2
( 1 )
toi même, tu vois que c'est pas bon
L 3
( 1 )
Est-ce que tu vois ?
L 4
( 1 )
tu sais que dix neuf cent soixante deux,
c'est pas soixante deux jours
L 5
(1)
tu fais ça pourquoi?
L 6
(1)
si tu pars à Bobo, tu vas voir qu'il pleut
b -
"Tu" à valeur de générique : "on"
Le "tu" générique a pour fonction de personnaliser des
énoncés
impersonnels
à
valeur générale
en
remplaçant
le
sujet universel "on" par un "tu".
Exemples
L 1
(1)
quand tu bois l'alcool c'est pas bon
L 2
(1)
si tu connais écrire, on a pas besoin de
quelqu'un
L 3
(1)
si tu maries beaucoup de femmes c'est pas
170
bon
L 4
(1)
si tu bois l'alcool, on fait hasard
L 5
(1)
si tu ne travailles pas c'est dur en ville
L 6
(1)
quand tu pars quelque part, tu ne peux pas
dormir
4 - Le pronom de la deuxième personne du pluriel
Le pronom vous est attesté en fonction sujet dans le
corpus. Son apparition est liée à la relation de politesse
que les informateurs établissent entre eux et l'enquéteur.
Exemples
L 1
( 1 )
vous dites la vérité
L 2
( 1 )
vous venez avec nous ?
L 3
(1 )
vous êtes gentil avec nous
L 4
( 1 )
vous qui sait parler français,
vous peut ai-
der le Burkina Faso
5 - Le pronom de la troisième personne du singulier
Au singulier les pronoms "il"
et "elle"
se ramènent à
une seule forme "il".
Le pronom ne possède pas la marque
de genre qui l'affecte en français standard.
Exemples
L 1
(1)
Il Y a un client, i l a voulu me prendre du
n'importe quoi
(1)
En tant que une fille,
i l ne peut pas me
frapper
L 2
(1)
Si, le Mossi parle, i l ne peut pas ne pas
mettre un seul mot de Mossi là-bas
(2)
La femme,
i l faut qu'il soit bien habillé
L 3
(1)
L'homme, i l peut bien travailler
(2)
La femme,
il ne peut bien faire le commerce
L 4
(1)
Il Y a Abdoulaye, i l parle mieux que moi
171
(2)
La fille,
i l doit aider son maman
L 5
(1)
Il Y avait un blanc à la cica,
i l a voulu me
moquer
(2)
La femme,
i l peut faire la couture
L 6
(1)
le patron, i l rentre,
i l mange bien
(2)
La femme,
i l doit bien préparer
L 7
( 1 )
Petit l'enfant,
i l est mort
(2 )
La femme,
i l n'a pas la force
L 9
( 1 )
Le français,
i l n'est rien sans le français
(2 )
La femme,
s ' i l n'a pas compris, c'est grave
6 - Le pronom de la troisième personne du pluriel
Au pluriel,
les pronoms "ils" et "elles"
se ramènent à
une seule forme "ils".
Le pronom ne possède pas la marque
de genre qui l'affecte en français standard.
Exemples
L 1
( 1 )
Les hommes,
ils ne sont pas biens
(2 )
Les femmes,
ils peuvent s'habiller en blanc
L 2
( 1 )
Les hommes,
ils sont contents
(2 )
Les femmes,
ils s'en vont prier
L 3
( 1 )
Les militaires,
ils sont sur place au-
jourd'hui
(2 )
Les femmes, i l faut qu'ils s'habillent pro-
pre
L 4
( 1 )
Les hommes, i l faut qu'ils soient bien
habillés
(2 )
Les femmes,
ils n'aiment pas travailler
L 5
( 1 )
Les enfants,
ils parlent avec leur copain
(2 )
Les femmes,
ils s'amusent bien
172
L 6
(1)
Il Y a des fonctionnaires,
ils ne parlent
pas le mooré
(2)
Les femmes,
ils s'habillent bien
L 7
( 1 )
Les musulmans, ils portent de grands boubous
(2 )
Les femmes, i l peut porter complet
-
L 9
( 1 )
Il Y a d'autres hommes,
ils t'envient jalou-
sisement
(2 )
Les femmes,
ils sont nés comme ça
Le
lecte que nous venons de décrire se distingue du
français standard par l'absence de la marque du genre qui
affecte les pronoms personnels.
Quant au deuxième lecte, i l possède la marque de genre
des pronoms personnels sujets de la troisième personne du
singulier et du pluriel.
Au singulier nous avons le pronom "il" qui renvoie au
genre masculin et "elle" qui renvoie au genre féminin.
Au pluriel "ils" désigne le genre masculin et "elles"
indique le genre
féminin.
Ce
lecte comprend
les
pronoms
suivants :
singulier
pluriel
premiêre personne
je
nous, on
deuxième personne
tu
vous
troisième personne
i l ,
elle
ils, elles
Le lecte est utilisé par L 8,
LlO,
L 15,
L 16,
L 17,
L 18, L 19, L 21.
Nous
ne
présenterons
ici
que
les
pronoms
personnels
sur lesquels les deux lectes ne s'accordent pas. Il s'agit
des
pronoms de
la troisième personne du
singulier et du
pluriel.
Quant
aux
autres
pronoms
étant donné qu'ils
se
présentent de la même manière dans les deux lectes,
nous
pensons qu'il n'est indispensable de les exposer ici.
173
Pour revenir aux pronoms de la troisième personne,
ils
se présentent de la façon qui suit dans le deuxième lecte.
1 - Les pronoms de la troisième personne du singulier
Ici,
le
pronom
possède
la
marque
de
genre
qui
l'affecte en français standard.
Exemples
L
8
(1)
J'ai un frère,
i l travaille avec moi
(2)
Ma femme,
elle ne comprend pas le français
L 10
(1)
Mon frère,
i l n'a rien fait pour moi
(2)
La fille,
elle a cherché un autre mari
L 15
(1)
L'ami,
i l m'a trahi sur l'argent
(2)
C'est ma copine, elle a refusé
L 16
(1)
Le patron,
i l m'a dit que je ne peux pas
partir
(2)
La femme,
elle doit aider son mari
L 17
(1)
Il Y a un ami,
i l venait me poser ses pro-
blèmes
(2)
Ma femme,
si elle peut vendre quelque chose
c'est bon
L 18
(1)
J'étais avec un frère,
mas i l a voyagé
(2)
Si j'aime une femme, elle peut devenir ma
femme
2 - Les pronoms de la troisième personne du pluriel
Les pronoms "ils" (masculin" et "elles" (féminin) sont
attestés dans le corpus.
Exemples
L 8
(1)
Les voleurs, ils ont enlevé le bois de la
porte
174
(2 )
Les femmes, elles peuvent nous aider
L 10
(1)
Les enfants, ils s'habillent bien
(2 )
Les femmes,
elles peuvent faire la cuisine
L 15
( l )
Les hommes,
ils sont contents
(2 )
Les femmes, elles payent des robes
L 16
(1)
Les hommes,
ils aiment beaucoup travailler
(2)
Les filles,
elles doivent faire aussi la
cuisine
L 17
(1)
Les musulmans,
ils s'habillent en boubous
propres
(2)
Il Y a certaines femmes,
elles sont conten-
tes
L 18
(1)
Les élèves eux,
ils ont fait l'école
(2)
Les femmes, elles sont jalouses
La différence entre le premier et
le
deuxième
lecte
réside
au
niveau
de
l'accord
de
genre
qui
affecte
les
pronoms
de
la
troisième
personne
du
singulier
et
du
pluriel.
3.3.3.4.2. - Les hypothèses explicatives
Nous avons pris en compte nos deux hypothèses que nous
avons formulé pour l'ensemble du corpus.
La première montre que l'existence des lectes est liée
à la langue maternelle des apprenants.
En effet,
i l n'existe pas dans les langues sources de
marque de genre affectant les pronoms personnels sujets.
On le note en nuni, en mooré et en jula.
Exemples :
1) Le nuni
,a,
"je"
n
tu
175
,
0
i l (elle)
".
n
"nous"
".
a
"vous"
B
ils (elles)
2) Le mooré
Forme brève
Forme longue
m
" je"
maam
"je"
f
"tu"
foom
....
"tu"
a
il (elle)
ye
il (elle)
d
(nous)
tondo
"nous"
y
vous
yti'mba
"vous"
b
ils(elles)
b~mba
ils(elles)
3) Le jula
\\n
"je"
i
"tu"
,
il (elle)
~
u nous "
".
a
"vous"
,u
ils (elles)
La
prise
en
compte
de
ces
éléments
nous
permet
d'établir un parallélisme entre la structure du lecte 1 et
celles des langues locales.
Ces dernières ne
faisant pas
une
distinction
de
genre
entre
pronoms
de
la
troisième
personne.
La deuxième hypothèse était que
la
possession de
la
marque
du
genre
du
pronom
personnel
sujet
est
liée
au
degré d'exposition de l'enquêté à la langue française (cf.
tableau d'exposition des enquêtés au français).
La corrélation des deux faits nous donne les résultats
suivants :
176
Réussite
Echec
Total
Personnes exposées au français
4
10
14
Personnes moins exposées au français
2
5
7
Total
6
15
21
Réussites
formes conformes au français standard
échecs
formes non conformes.
L'examen des résultats montre que les pourcentages de
réussites et les pourcentages d'échecs sont les mêmes dans
les deux groupes; 28 % et 71 %.
Remarque
Compte tenu de la faiblesse de nos effectifs nous ne
pouvons pas dire que nos résultats sont significatifs.
Mais les faits montrent qu'il n'y a pas de corrélation
entre le degré d' exposi tion à
la
langue
française
et la
possession
de
la
marque
du
genre
du
pronom
personnel
sujet.
L' acquisi tion
des
différentes
variables
du
syntagme
nominal
suit
un
certain
ordre.
Il
existe
des
stades
d'acquisition.
Nous
examinerons
ces
faits
à
travers
l'analyse implicationnelle.
3.3.3.5. - L'analyse implicationnelle du français des
non-lettrés
L'analyse implicationnelle a deux intérêts:
- montrer que ce n'est pas le désordre mais qu'il y a
des stades d'acquisition;
- situer les locuteurs sur une échelle de stratifica-
tion.
177
3.3.3.5.1 - La méthode d'analyse des données
Notre méthode d'analyse des variables du français des
non-lettrés
procède
directement
des
travaux
de
R.
Chaudenson et de M.
Carayol (1979).
Ces derniers sont une
tentative d'analyse d'un continuum linguistique (français-
créole réunionnais)
à
l'aide d'une méthode de traitement
des données communes (analyse implicationnelle).
Il s'agit à partir d'un ensemble de variables (formes
non
conformes
au
français
standard)
de
procéder
à
un
classement
de
ces
variables
fondé
sur
les
relations
d'implication qu'elles pouvent avoir entre elles. On fait
ainsi
un
classement
des
variables
et
des
témoins
sans
faire
appel
aux
variables
socio-économiques,
culturelles
ou ethniques.
Nous
avons
choisi
d'utiliser
le
signe
(+)
pour
désigner une variante non conforme au français standard et
le signe (-) pour une variante conforme.
Par rapport à cela,
nous pouvons à la fois déterminer
l'ordre des variables (par exemple,
l'usage de la variante
(+) en B implique nécessairement l'usage de cette variante
en C, en D, et en E mais n'implique pas son utilisation en
A)
et un classement des
témoins.
Le modèle parf ai t
doit
donc être du type
A
B
C
D
E
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
Nous poserons pour A,
la variable qui a le plus de (-)
formes
conformes
au
français
standard.
Ce
qui
nous
permettra de faire le classement des autres variables par
rapport à A.
Ainsi,
la variable E serait celle qui aurait
le moins de (-).
178
3.3.3.5.2 - Les données brutes
Les variables que nous avons relevées dans
le corpus
sont les suivantes:
l'effacement de l'article,
l'absence
d'adjectif démonstratif,
une détermination possessive non
conforme,
un syntagme complétif non conforme et l'absence
du genre du pronom personnel sujet.
Nous
avons
créé
une
catégorie
"possessif"
et
une
catégorie "syntagme déterminatif" dans notre analyse pour
les raisons suivantes :
Pour le possessif,
on avait deux variables:
(1)
l'existence
du
possessif
et
(2)
l'accord
du
genre
du
possessif.
Il
va de
soi
que
(2)
n'a
de
sens
que
si
(1)
existe. Donc entre (1) et (2) l'implication est évidente.
Mais ce qui
n'est pas évident à priori c'est que
(1)
et
(2) soient deux étapes successives.
Pour le syntagme déterminatif,
i l n'y a même pas,
à priori toujours,
d'implication entre les deux variables
(ordres des mots et préposition). La simplification a pour
but de ne pas compliquer l'analyse car les deux variables
sont successives sur l'échelle implicationnelle.
Pour
rendre
notre
analyse
plus
simple,
nous
avons
regroupé
sous
la
dénomination
forme
non
conforme,
l'ensemble des
formes
déviantes
par
rapport
au
français
standard.
Il importe également de signaler que,
dans le cas où
une personne utilise à la fois une forme conforme et une
forme
non
conforme
(cas du
syntagme complétif),
nous
la
rangeons
parmi
les
personnes
utilisant
les
formes
non
conformes car,
en ce qui concerne le syntagme complétif,
tous les informateurs ont utilisé ne serait-ce qu'une fois
une forme conforme. De ce fait,
l'apparition de formes non
conformes chez certains permet de distinguer les enquêtés.
179
Après
ces
précisions,
voilà
comment
se
présente
le
tableau de l'uti1isation des variables par nos enquêtés.
Variables
1
2
3
4
5
Effacement
Absence du
Détermina-
Syntagme
Absence du
de l' arti-
démonstra-
tion posses- compl éti f
genre du
Témoins
cle
tif
sif non
non confor- pronon per-
conforme
me
sonnel sujet
B
E
D
A
C
L 1
-
+
+
-
+
L 2
-
-
+
-
+
L 3
-
+
of
-
+
L 4
+
+
+
+
+
L 5
-
-
-
-
+
L 6
-
+
+
-
+
L 7
+
+
+
+
+
L 8
-
-
+
-
-
L 9
-
+
+
-
+
L la
-
+
-
-
-
L 11
-
+
+
-
+
L 12
-
-
+
-
+
L 13
+
+
+
+
+
L 14
+
+
+
+
+
L 15
-
-
-
-
-
L 16
-
+
-
-
-
L 17
+
+
-
-
-
L 18
-
+
-
-
-
L 19
+
+
+
-
-
L 20
+
+
+
-
+
L 21
+
+
+
+
-
180
Commentaires sur le tableau
- désigne une forme conforme au français standard
+ désigne une forme non conforme au français standard
Au départ nous avons donné à nos variables les numéros
suivants : l,
2, 3, 4,
5.
1 = effacement de l'article
2
absence de démonstratif
3
détermination possessive non conforme
4 = syntagme complétif non conforme
5
absence du pronom personnel sujet
Après cette numérotation nous avons affecté le symbole
A à
la variable qui
avait
le plus de
(-)
et nous
avons
fait
un
classement
par
ordre
décroissant
jusqu'à
la
dernière variable. Ce classement a donné les combinaisons
qui suivent :
A = 4 [syntagme complétif non conforme au français
standard]
4 = 16 (-)
B
1 [effacement de l'article] 1 = 13 (-)
C
5 [absence du genre du pronom personnel sujet]
5 = 8 (-)
D = 3 [détermination possessive non conforme]
2 = 6 (-)
E = 2 [absence du démonstratif] 2 = 5 (-)
Les éléments ainsi réunis nous permettent de faire un
classement des variables et des témoins.
181
A -
Le classement des variables et des témoins
Variables
A
B
C
D
E
Témoins
15
-
-
-
-
-
10
-
-
-
-
+
16
-
-
-
-
+
18
-
-
-
-
+
8
-
-
-
+
0
,5
-
-
+
<:)
<:)
6
-
-
+
+
+
12
-
-
+
+
6)
2
-
-
+
+
<9
9
-
-
+
+
+
11
-
-
+
+
+
1
-
-
+
+
+
3
-
-
+
+
+
17-
-
+
0
Q
+
19
-
+
G
+
+
20
-
+
+
+
+
21
+
+
0
+
+
4
+
+
+
+
+
13
+
+
+
+
+
14
+
+
+
+
+
7
+
+
+
+
+
182
Remarques :
On remarque que la relation implicationnelle n'est pas
parfaite car i l y
a des aberrations
(signes entourés par
un
cercle)
qui
apparaissent
dans
le
tableau.
Dans
une
relation implicationnelle parfaite on ne doit pas avoir un
( - )
après
un
( + ) •
Ce
qui
nous
conduit
à
étudier
les
relations entre les variables.
B - Etablissement de relations entre les différentes va-
riables
1 - Variables A et B
Variable A
variante
+
-
variante
variable B
+
5
3
-
0
13
-
5 témoins utilisent des variantes non conformes au
français standard en A et en B.
-
Trois témoins
utilisent des variantes conformes au
français standard en A et des variantes non conformes en
B.
Aucune
personne
n'utilise
des
variantes
non
conformes
au
français
standard
en
A
et
des
formes
conformes au français en B.
13
témoins
utilisent
des
formes
conformes
au
français standard aussi bien en A qu'en B.
183
2 - Variables A e~ C
variable A
variante
+
-
variante
+
4
9
variable C
-
CD 7
3 - Variables A e~ D
variable A
vari ante
+
-
variante
+
5
10
variable D
-
0
6
4 - Variables A e~ E
variable A
variante
+
-
variante
+
5
11
-
vari ab le E
0
5
5 - Variables B e~ C
variable B
variante
+
-
variante
+
5
8
vari ab le C
-
® 5
184
6 - Variables B et D
variabl e B
variante
+
-
, variante
+
7
8
variable D
-
(D
5
7 - Variables B et E
variable B
variante .+
-
variante
+
8
8
variable E
-
0
5
8 - Variables C et D
variàble C
variante
+
-
variante
+
12
3
variable D
-
(j)
5
185
9 - Variables C e~ E
variable C
variante
+
-
variante
+
la
6
variable E
-
G>
2
10 - Variables D e~ E
variable 0
variante
+
-
variante
+
12
4
variable E
-
@
2
La
présentation
des
données
montre
que
la
relation
implicationnelle entre
les
variables
n'est
pas
parfaite
car l'on a des ~moins qui utilisent des formes conformes
au français standard après des formes non conformes.
Pour
preuve, voir les chiffres encerclés.
Nous terminons notre anal~se des données par une étude
de la validité de notre scalogramme.
Selon Guttman (1944,
140),
la validité du scalogramme se mesure par le calcul
de
son
coefficient
de
reproductivité.
D'après
R.
Chaudenson
(1979:
101)
citant
Togerson
la
formule
de
calcul est la suivante :
1 - nombre de déviances
nombre de variables x nombre de témoins
soit pour notre tableau 1
9
= 0,92
5 x 21
186
Comme
Guttman
admet
que
la
validité
du
modèle
est
satisfaisante pour un pourcentage égal ou supérieur à 85%,
le modèle obtenu peut être considéré comme valable.
Conclusion
L'analyse permet de montrer qu'il Y a
deux
systèmes
différents:
la caractérisation du nom et le substitut du
nom.
La
relation
implicationnelle est
parfaite quand
on
extrait le substitut du nom de l'analyse c'est-à-dire (C).
Dès que l'on introduit cette variable,
on constate que la
relation n'est
plus
parfaite.
Il
Y a
des
personnes qui
utilisent
des
formes
conformes
après
des
formes
non
conformes.
Cependant
on
peut
admettre
qu'une
personne
puisse
avoir une compétence plus élaborée dans la caractérisation
du nom que dans le sous-système des substituts du nom.
En
ce
qui
concerne
la
caractérisation
du
nom,
elle
nous
permet
de
classer
nos
témoins
sur
une
échelle
de
classification dans une zone globalement mésolectale entre
L 7 (locuteur idéal basilectal); aucune forme standard et
L
15
(locuteur
idéal
acrolectal);
aucune
forme
non
standard. Ainsi, L 1, L 2, L 3, L 5, L 8, L 9,
LlO,
L Il,
L 12,
L 16,
L 17,
L 18,
L 19,
L 20 sont situés dans la
zone mésolectale tandis que L 13,
L 14,
L 4,
L 21
sont
dans la zone basilectale.
L'analyse
a
permis
également
de
montrer
que
A
(syntagme complétif non conforme au français standard) est
à
la
base
de
la
relation
d'implication
entre
les
différentes
variables.
Elle
montre
également
que
la
relation,
bien
qu'imparfaite,
reste
néanmoins
valable
d'après la théorie de Guttman.
L'étude
du
syntagme
nominal
nous
a
permis
de
voir
l'ensemble des difficultés qui
se posent aux non-lettrés
dans
l' acquisi tion
des
variables
du
français
standard.
187
Dans ce qui suit, nous nous intéresserons à la composition
et
au
fonctionnement
du
lexique
du
français
des
non-
lettrés.
3.3.4. - Le lexique
L'étude
du
lexique
se
fera
selon
trois
axes
prin-
cipaux:
- Dans un premier temps,
nous nous intéresserons à la
composition et au fonctionnement du lexique des locuteurs
analphabètes,
- Dans un second temps, nous comparerons le lexique du
français
standard
burkinabè
à
celui
du
français
international,
-
En dernier lieu,
nous parlerons de la structure du
lexique des langues nationales de nos témoins
(le mooré,
le nuni et le ju1a).
3.3.4.1. La composition et le fonctionnement du lexique
3.3.4.1.1. - Objet et méthode d'analyse
Le but ici est de montrer, d'une part,
la composition
du lexique et la variation qui l'affecte, et d'autre part,
d'examiner le fonctionnement de ce lexique.
Tout parler né du contact de langues a ses lexèmes qui
lui
sont
propres.
Ceux-ci
peuvent
avoir
des
origines
diverses.
On
peut
trouver
entre
autres
des
lexèmes
à
sémantisme divergent avec la langue cible et des emprunts
à la langue source.
Mais étudier
la
composition du
lexique
de
personnes
qui ne savent ni lire ni écrire n'est pas chose aisée. On
ne peut pas leur proposer un document écrit. Le seul moyen
qui nous reste est l'image.
188
Ainsi, nous avons présenté des images représentant des
objets
ou
des
personnes
en
train
d'effectuer
certaines
opérations de cuisine à nos enquêtés.
Les images ont été
accompagnées
de
commentaire
en
langues
nationales
afin
d'aider
les
enquêtés
à
nommer
tous
les
éléments
qu'ils
avaient sous les yeux.
Nous nous sommes intéressé à la cuisine car c'est le
seul domaine qui n'est étranger à aucun de nos interlocu-
teurs.
Le choix d'un autre thème aurait posé beaucoup de
problèmes en raison du caractère composite de notre public
cible (mécaniciens, chauffeurs, tailleurs, commerçants).
En
ce
qui
concerne
l'étude
du
fonctionnement
du
lexique,
elle vise à montrer les particularités lexicales
du
français
des
non-lettrés
par
rapport
au
français
standard burkinabè.
Le lexique d'un parler peut s'éloigner de celui de la
langue cible par la création de néologismes. Ce qui est un
moyen de montrer la vitalité de ce parler.
En effet,
les
locuteurs d'une
langue créent
souvent des mots
nouveaux
afin de satisfaire à leurs besoins de communication.
Ce
désir de création peut être lié au fait que la langue ne
possède pas un élément pour nommer une
nouvelle
réalité
qui
vient
d'être
introduite
dans
la
communauté.
De
ce
fait,
la nécessité de la nommer s'impose aux locuteurs.
Pour revenir à la composition du lexique,
nous avons
soumis
un
questionnaire
composé
de
58
images
à
nos
informateurs.
3.3.4.1.2. - Le questionnaire
Le questionnaire comprend des
images et les enquêtés
devaient produire le terme correspondant à chaque image en
français.
Il
était
accompagné
d'explications
en
langues
locales (nuni,
mooré et ju1a) visant à aider les enquêtés
dans leur tache d'identification des différents éléments.
Les images renvoient aux lexèmes suivants :
189
1
- un plat
2
- une assiette
3
- un bol
4
- une cuillère
5
- une fourchette
6
- un couteau
7
- une cuisine
8
- un canari
9
- un pilon
10 - une marmite
11 - un poêle
12 - un couvercle
13 - une tasse
14 - un seau
15 - une barrique
16 - un petit plat
17 - une petite marmite
18 - un grand plat
19 - une casserole
20 - une petite cuillère
21 - une bassine
22 - un petit couteau
23 - un fourneau
24 - un petit seau
25 - un grand seau
26 - une calebasse
27 - un mortier
28 - une louche
29 - un réchaud à gaz
30 - une bouilloire
31 - un grillage
32 - une grande assiette
33 - un panier
34 - une cuisinière
35 - un plateau
36 - un gobelet
37 - une bouteille
38 - un verre
39 - un sachet
40 - un bidon
41 - une cuvette
42 - un four
43 - un foyer amélioré
44 - un foyer tradidionnel
45 - couper
46 - ramasser
47 - frire
48 - rôtir
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - quitter
55 - chauffer
190
56 - éplucher
57 - allumer
58 - partager
Les
enquétés
ont
eu
beaucoup
de
difficultés
pour
nommer
les
images
(nous
présenterons
les
dessins
en
annexe). Nous avons réussi cependant à recueillir quelques
données
qui
permettent
de
se
faire
une
idée
sur
la
composition de leur lexique.
3.3.4.1.3. - Les résultats de l'analyse
A - La composition du lexique
Nous
présenterons
ici,
l'ensemble
des
lexèmes
qui
composent
le
lexique
à
partir
de
l'observation
des
lexiques individuels des informateurs.
a - Présentation des vingt et un lexiques
L'examen de notre corpus montre que la composition du
lexique est la même chez nos vingt et un témoins.
Ce
lexique
est
constitué
essentiellement
de
trois
éléments :
des
lexèmes
qui
renvoient
au
même
référent
en
français standard,
des lexèmes dont le référent n'est pas le même en
français standard,
des trous.
Il s'agit de lexèmes que les non-lettrés
ne connaissent pas. Ce qui nous conduit à présenter
nos
vingt
et
un
lexiques.
Les
lexèmes
mis
entre
parenthèses dans nos tableaux sont les lexèmes que
l'enquêté devait trouver.
191
Composition du lexique du locuteur n° l
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent di-
divergent avec le fran-
Les trous
vergent avec le fran-
cais standarc!
cais standard
l - pl at
28 - louche
10 - canari (marmite)
2 - assiette
30 - boui 11 oi re
11 - casserole (poèle)
3 - bol
34 - cuisinière
12 - couverture (couver-
4 - cuillère
35 - plateau
cle)
5 - fourchette
41 - cuvette
13 - bol (tasse)
.6 - couteau
43 - foyer amélioré
17 - petit canari (pe-
7 - cuisine
44 - foyer traditionnel
tite marmite)
8 - canari
48 - rôtir
33 - sac à main (panier)
9 - casserole
56 - éplucher
14 - seau
15 - barrique
16 - petit plat
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - mortier
29 - réchaud à 9~7
31 - grill age
32 - grande assiette
37 - boutei lle
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
~5 - couper
46 - ramasser
47 - frire
49 - préparer
50 - mettre
51 - 1aver
52 - pi 1er
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
192
Composition du lexique du locuteur n° 2
Lexèmes à reférent non
Lexèmes à référent di-
divergent avec le fran-
Les trous
vergent avec le français
cai s standard
standard
2 - assiette
9 - pi lon
l - assiette (plat)
3 - bol·
el - bassine
10 - canari (marmite)
4 - cuillère
26 - calebasse
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
28 - louche
12 - couvert ore (couver·
6 - couteau
39 - sachet
cle)
7 - cuisine
41 - cuvette
16 - petite assiette
8 - canari
43 - foyer amê li oré
(petit pl at)
13 - tasse
44 - foyer traditionnel
18 - grande assiette
14 - seau
30 - bouilloire
(grand plat)
15 - barrique
34 - cuisinière
17 - petit canari
19 - casserol e
35 - plateau
(petite marmite)
20 - petite cuillère
48 - rôtir
4è - prêparer (frire)
22 - petit couteau
56 - éplucher
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
29 - réchaud à gaz
31 - grillage
32 - grande assi ette
33 - panier
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
40 - bidon
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - pil er
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
193
Composition du lexique du locuteur n' 3
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
2 - assiette
9 - pilon
l - assiet~e (plat)
3 - bol
28 - Jouche
12 - couverture (couver-
4 - cuillère
30 - boui 11 oi re
cle)
5 - fourchette
34 - cuisiniëre
16 - petit plat (pet He
6 - couteau
35 - plateau
assiètte)
7 - cuisine
39 - sachet
18 - grand plat (grande
8 - canari
41 - cuvette
assiètte)
10- marmite
43 - foyer amél ioré
47 - griller (frire)
11- pôele
44 - foyer traditionnel
13- tasse
48 - rôtir
14- seau
56 - éplucher
15- barri que
17- petite marmite
19- casserole
20- petite cuillëre
21- bassine
22- petit couteau
23- fourneau
?4- pet it seau
25- grand seau
26- calebasse
27- mortier
29- réchaud à gpz
32- grande assiet+.e
33- panier
36- gobelet
37- bouteille
38- verre
40- bidon
42- four
45- couper
46- ramasser
1·
49- préparer
50- mettre
51- laver
52- pi 1er
53- goüter
54- griller
55 - chauffer
57 - allumer
58- partager
194
Composition du lexique du locuteur n° 4
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cai s st andarr:
standard
2 - assiette
28 - louche
l - assiette (plat)
3 - bol
30 - bouilloire
la - canari (marmite)
4 - cuillère
34 - cuisinière
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
35 - plateau
12 - couverture (couver-
6 - couteau
41 - cuvette
cle)
7 - cuisine
43 - foyer amélioré
13 - bol (tasse)
8 - canari
44 - foyer traditionnel
17 - petit canari
9 - pilon
48 - rôtir
(petite mar:'li7:p.\\
14 - seau
50 - mettre
18 - grande assiètte
15 - barrique
56 - éplucher
(grand plat)
16 - pet it pl at
47 - gri 11er
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - mortier
29 - réchaud à gaz
31 - grillage
32 - qrande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
51 - laver
52 - pi 1er
53 - goûter
54 - griller
55 - éhauffer
57 - allumer
58 - partager
195
Composition du lexique du locuteur n° 5
Lexèmes à référent non
Lexèmes â référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
2 - assiette
9 - pi lon
l - assiette (plat)
3 - bol
26 - calebasse
10 - canari (marmite)
4 - cuillère
27 - IOOrtier
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
28 - louche
12 - couverture (couver
6 - couteau
30 - boui 11 oi re
cle)
7 - cuisine
31 - gri 11 age
13 - verre (tasse)
8 - canari
34 - cuisinière
16 - petite assiette
14 - seau
35 - plateau
(petit pl at)
15 - barrique
41 - cuvette
17 - petit canari
19 - casserole
43 - foyer amélioré
(petite ~ar~ite)
20 - petite cuillère
44 - foyer traditionnel
18 - grande assiette
21 - bassine
46 - ramasser
(grand plat)
22 - petit couteau
48 - rôtir
29 - gaz (réchaud à gaz)
23 - fourneau
50 - mettre
33 - sac (panier)
24 - petit seau
52 - piler
39 - plastique (sachet)
25 - grand seau
56 - éplucher
47 - griller (frire)
32 - grande assiétte
58 - partager
36 - gobelet
37 - boutei 11 e
38 - verre
40 - bidon
45 - couper
49 - préparer
51 - laver
53 - goûter
54 - gr; 11er
55 - chauffer
57 - allumer
196
Composition du lexique du locuteur n° 6
Lexèmes à rèfèrent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
2 - assi~tte
34 - cuisinière
l - assiette (plat)
3,- bol
35 - pl ateau
3 - tasse (bol)
4 - cuillère
41 - cuvette
10 - canari (marmite)
5 - fourchette
43 - foyer amélioré
16 - petite assiétte
6 - couteau
44 - foyer traditionnel
(petit plat)
7 - cuisine
48 - rôtir
17 - petit canari
8 - canari
56 - éplucher
(petite marmite)
9 - pilon
33 - sac (panier)
11 - poèl e
39 - plastique (sachet)
12 - couvercle
13 - tasse
14 - seau
15 - barrique
19 - casserole
20 - petite'cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - mortier
29 - réchaud à ~az
31 - grillage
32 - grande assie~te
36 - gobelet
37 - boutei lIe
38 - verre
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
47 - frire
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - pil er
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
197
Composition du lexique du locuteur n° 7
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent di ver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
2 - assie":.te
3 - bol
l - assiette (plat)
4 - cuillère
9 - pil on
8 - marmite (canari)
5 - fourchette
10 - bassine
11 - casserole (poèle)
6 - couteau
~8 - louche
12 - couverture (cou-
7 - cuisine
30 - boui 11 oi re
vercle)
10 - marmite
34 - cuisinière
16 petite assiette
13 - tasse
41 - cuvette
(petit plat) \\
14 - seau
43 - foyer amélioré
18 - grande assiette
15 - barrique
44 - foyer traditionn.
(grand plat)
17 - petite marmite
48 - rôti r
23 - foyer (fourneau)
19 - casserole
50 - mettre
27 - marmite (mortier)
20 - petite cuillère
52 - piler
29 - gaz (réchaud à gaz)
22 - petit couteau
56 - éplucher
33 - sac (panier)
24 - petit seau
49 - griller (frire)
25 - grand seau
26 - calebasse
31 - ~rillage
,
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - boutei lle
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
51 - laver
53 - goûter
54 - gri 11er
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
198
Composition du lexique du locuteur n° 8
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
l - plat
3 - bol
10 - canari (marmite)
2 - assiette
9 - pilon
11 - casserole (poêle)
4 - cuillère
28 - louche
12 - couverture (couver-
5
fourchette
30 - boui 11 oi re
cle)
6 - couteau
34 - cuisinière
13 - verre (tasse)
7
cuisine
35 - plateau
29 - gaz (réchaud à gaz)
8
canari
41 - cuvette
39 - plastique (sachet)
14 - seau
43 - foyer amélioré
47 - griller (frire)
16 - petit plat
44 - foyer traditionnel
18 - grand plat
48 - rôtir
19 - casserole
56 - éplucher
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - mortier
31 - grillage
32 - grande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51
laver
52 - piler
53 - goûter
54 - gri 11er
55
chauffer
57 - allumer
58 - partager
199
Composition du lexique du locuteur 0° 9
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cai s standard
standard
2 - assiette
27 - mortier
l - tasse (plat)
3 - bol
28 - louche
8 - marmite (canari)
4 - cuill ère
30 - boui 11 oi re
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
34 - cuisinière
12 - fermeture (couver-
6 - couteau
35 - plateau
cle)
7 - cuisine
41 - cuvette
13 - verre (tasse)
9 - pilon
48 - rôtir
16 - petit bol (petit
10 - marmite
56 - éplucher
pl at)
14 - seau
18 - grande bassine
15 - barrique
(grand plat)
17 - petite marmite
25 - gros seau (nrand
19 - casserole
seau)
20 - petite cuillère
29 - gaz (rêchaud à gaz)
21 - bassine
32 - grosse assip~te
22 - petit couteau
(grande assi~tte)
23 - fourneau
33 - sac (panier)
24 - petit seau
49 - griller (frire)
26 - calebasse
31 - grillage
36 - gobelet
37 - boutei 11e
38 - verre
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
39 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - gri 11er
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
200
Composition du lexique du locuteur n° 10
lexèmes à référent non
lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
les trous
gent avec le français
cais standard
standard
2 - assiette
26 - calebasse
l - assiette (plat)
3 - bol
27 - mortier
10 - canari (marmite)
4 - cuillère
28 - louche
11 - casserole (poèle)
5 - fourchette
30 - bouilloire
12 - couverture (couver-
6 - couteau
31 - grillage
cle)
7 - cuisine
34 - cuisinière
13 - verre (tasse)
8 - canari
35 - plateau
17 - petit canari (peti-
9 - pilon
39 - sachet
tite marmite)
14 - seau
41 - cuvette
18 - grande assiette
15 - barri que
43 - foyer amélioré
(grand plat)
19 - casserole
44 - foyer traditionnel
33 - sac (panier)
20 - petite cuillère
48 - rôtir
21 - bassine
56 - éplucher
22 - petit couteau
23
fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
29 - réchaud à gaz
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - bouteille
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goüter
54 - griller
55 - chauffer
57
allumer
58 - partager
201
Composition du lexique du locuteur n° I l
lexèmes à référent non
lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
les trous
gent avec le français
çais standard
standard
2 - assiette
9 - pi lon
l - tasse (plat)
3 - bol
26 - calebasse
10 - canari (marmite)
4 - cuillère
30 - bouilloire
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
34 - cuisinière
12 - couverture (couver-
6 - couteau
35 - plateau
cle)
7 - cuisine
39 - sachet
13 - verre (tasse)
8 - canari
41 - cuvette
16 - petite tasse (petit
14 - seau
43 - fioyer amélioré
pl at)
15 - barrique
44 - foyer traditionnel
17 - petit canari (peti-
19 - casserole
48 - rôti r
te marmite)
20 - petite cuillère
52 - piler
18 - grande tasse
21 - bassine
56 - éplucher
(grand plat)
22 - petit couteau
33 - sac (panier)
23 - fourneau
46 - prendre (ramasser)
24 - petit seau
47 - griller
25 - grand seau
29 - réchaud à gaz
31 - grillage
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
40 - bidon
42 - four
45 - couper
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
202
Composition du lexique du locuteur n° 12
lexèmes à référent non
lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
2 - assiette
9 - pilon
l - assiette (plat)
3 - bol
27 - mortier
10 - canari (marmite)
4 - oui 11 ère
28 - louche
11 - casserole (poèle)
5 - fourchette
33 - panier
12 - couverture (cou-
6 - couteau
34 - boui 11 oi re
vercle)
7 - cuisine
35 - plateau
13 - verre (tasse)
8 - canari
41 - cuvette
16 - oetite assiètte
14 - seau
43 - foyer amélioré
(petit plat)
15 - barrique
44 - foyer traditionnel
17 - petit canari
19 - casserole
52 - piler
(petite marmite)
20 - petite cuillère
56 - éplucher
18 - grande assi~tte
21 - bassine
(grand plat)
22 - petit couteau
29 - gaz (réchaud à gaz)
23 - fourneau
39 - caoutchouc (sachet)
24 - petit seau
47 - griller (frire)
25 - grand seau
26 - calebasse
31 - !lri 11 age
32 - grande assiette
37 - boutei 11 e
38 - verre
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
203
Composition du lexique du locuteur n° 13
Lexèmes'à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
2 - assiette
3 - bol
l - assiette (plat)
4 - cuillère
9 - pilon
10 - canari (marmite)
5 - fourchette
26 - calebasse
11 - casserole (poèle)
fi - couteau
27 - mortier
12 - couverture (couver-
7 - cuisine
28 - louche
cle)
8 - canari
30 - boui 11 oi re
16 - petite assiette
13 - tasse
34 - cuisinière
(petit plat)
14 - seau
35 - pl ateau
17 - petit canari
15 - barrique
41 - cuvette
(petite marMite)
21 - bassine
43 - foyer amélioré
18 - grande assiette
22 - petit couteau
44 - foyer traditionnel
(grand plat)
23 - fourneau
52 - piler
29 - gaz (réchaud à gaz)
24 - petit seau
56 - éplucher
47 - griller (frire)
25 - grand seau
31 - grillage
32 - grande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
204
Composition du lexique du locuteur n° 14
,..----------..,-------- ---r-------------
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çai s standard
standard
l - plat;
9 - pilon
10 - canari (marmite)
2 - assiette
26 - calebasse
11 - casserole (poêle)
3 - bol
27 - mortier
17 - petit canari (petite
4 - cuillère
28 - louche
marmite)
5 - fourchette
34 - bouilloire
29 - gaz (réchaud à gaz)
6 - couteau
35 - plateau
33 - sac ( panier)
7 - cuisine
41 - cuvette
49 - griller (frire)
8 - canari
43 - foyer amélioré
12 - couvercle
44 - foyer traditionnel
13 - tasse
48 - rôtir
14 - seau
52 - piler
15 - barrique
56 - éplucher
16 - petit pl at
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
31 - gri 11 age
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - 1aver
53 - goûter
54 - gri 11er
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
205
Composition du lexique du locuteur n° 15
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
2 - assi eUe
9 - pilon
l - tasse (plat
3 - bol
26 - calebasse
10 - canari (marmite)
4 - cuillère
27 - mortier
11 - casserole (poêle)
5 - fourchette
35 - plateau
13 - couverture (couvercle
6 - couteau
41 - cuvette
16 - petite tasse (petit
7 - cuisine
43 - foyer amélioré
pl at)
8 - canari
44 - foyer traditionnel
17 - petit canari (petite
13 - tasse
48 - rôtir
marmite)
14 - seau
52 - piler
18 - grande tasse (grand
15 - barrique
58 - éplucher
pl at)
119 - casserole
28 - petite calebasse
20 - petite cuillère
(louche)
21 - bassine
29 - gaz (réchaud à gaz)
22 - petit couteau
33 - sac (panier)
23 - fourneau
47 - griller (frire)
24 - petit seau
25 - grand seau
31 - grill age
32 - grande assiette
34 - cuisinière
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - a11 umer
58 - partager
206
Composition du lexique du locuteur n° 16
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
l -plat
9 - pil on
10 - canari (marmite)
2 - assiette
26 - calebasse
11 - casserole (poêle)
3 - bol
27 - mortier
12 - couverture (couver-
4 - cuillère
30 - bouilloire
cle)
5 - fourchette
34 - cuisinière
17 - petit canari (petite
6 - couteau
35 - plateau
marmite)
7 - cuisine
41 - cuvette
29 - gaz (réchaud à gaz)
8 - canari
43 - foyer amélioré
47 - griller (frire)
13 - tasse
44 - foyer traditionnel
14 - seau
48 - rôtir
15 - barrique
52 - piler
16 - pet i t plat
56 - éplucher
18 - grand pl at
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
31 - grillage
32 - grande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
207
Composition du lexique du locuteur n° 17
Lexèmes
à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran- Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
l - plat
9 - pil on
10 - canari (marmite)
2 - assiette
27 - mortier
11 - casserole (poêle)
3 - bol
28 - louche
12 - couverture (couver-
4 - cuillère
30 - bouilloire
cle)
5 - fourchette
34 - cuisinière
13 - bol (tasse)
6 - couteau
35 - plateau
17 - petit canari (petite
7 - cuisine
41 - cuvette
marmite)
8 - canari
43 - foyer amélioré
29 - gaz (réchaud à gaz)
14 - seau
44 - foyer traditionnel
33 - sac (panier)
15 - barrique
48 - rôtir
49 - griller (frire)
16 - petit plat
56 - éplucher
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
31 - grillage
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - bouteille
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - gri 11er
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
208
Composition du lexique du locuteur n° 18
Lexèmes à référent non
Lexèmes à rêférent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
cais standard
standard
1 - plat
27 - mortier
11 - casserole (poêle)
2 - assiette
28 - louche
13 - bol (tasse)
3 - bol
30 - bouilloire
33 - sac (panier)
4 - cuillère
34 - cuisinière
47 - griller. (frire)
5 - fourchette
35 - p1at.eau
6 - couteau
41 - cuvette
7 - cuisine
43 - foyer amélioré
8 - canari
44 - foyer traditionnel
9 - pilon
48 - rôtir
10 - marmite
56 - éplucher
12 - couvercle
14 - seau
15 - barrique
16 - pet it plat
17 - petite marmite
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuil1êre
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
29 - réchaud à gaz
31 - gri 11 age
32 - grande assiette
36 - gobelet
37 - boutei 11 e
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
209
Composition du lexique du locuteur n° 19
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
.standard
l - plat
30 - boui 11 oi re
6 - coupe-coupe (couteau)
2 - assiette
34 - cuisinière
11 - casserole (poêle)
3 - bol
35 - pl ateau
12 - couverture (couver-
4 - cui 11 ère
41 - cuvette
cle)
5 - fourchette
43 - foyer amélioré
22 - petit coupe-coupe
7 - cuisine
44 - foyer traditionnel
(petit couteau)
8 - canari
48 - rôtir
29 - gaz (réchaud à gaz)
9 - pilon
56 - éplucher
47 - griller (frire)
la - marmite
14 - seau
15 - barri que
16 - petit plat
17 - petite marmite
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - mortier
28- louche
31 - gr; 11 age
32 - grande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - boutei 11 e
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - gri 11 er
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
210
Composition du lexique du locuteur n° 20
Lexèmes à référent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
Les trous
gent avec le français
çais standard
standard
l - plat
30 - boui 11 oi re
11 - casserole (poële)
2 - assiette
31 - gri 11 age
12 - fermeture (couvercle)
3 - bol
34 - cuisinière
13 - verre (tasse)
4 - cui 11ère
35 - plateau
2B - petite calebasse
5 - fourchette
41 - cuvette
( louche)
6 - couteau
43 - foyer amélioré
29 - gaz (réchaud à gaz)
7 - cuisine
44 - foyer traditionnel
49 - griller (frire)
8 - canari
48 - rôtir
9 - pi lon
56 - éplucher
10 - marmite
14 - seau
15 - barrique
16 - petit plat
17 - petite marmite
18 - grand plat
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassi ne
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
27 - morti er
32 - grande assiette
33 - panier
36 - gobelet
37 - boutei 11 e
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
52 - piler
53 - goûter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
211
Composition du lexique du locuteur n° 21
Lexèmes à rèférent non
Lexèmes à référent diver-
divergent avec le fran-
les trous
gent avec le français
çai s standard
standard
1 - plat
9 - pilon
10 - canari (marmite)
2 - assiette
27 - mortier
11 - casserole (poéle)
3 - bol
28 - louche
12 - couverture (couver-
4 - cui 11ère
30 - boui 11 oi re
cle)
5 - fourchette
34 - cuisinière
13 - verre (tasse)
6 - couteau
35 - plateau
17 - pet it canari (petite
7 - cuisine
41 - cu~ette
marmite)
8 - canari
43 - foyer amélioré
47 - griller (frire)
14 - seau
44 - foyer traditionnel
15 - barrique
48 - rôtir
'
16 - petit plat
52 - pi l er
18 - grand plat
56 - éplucher
19 - casserole
20 - petite cuillère
21 - bassine
22 - petit couteau
23 - fourneau
24 - petit seau
25 - grand seau
26 - calebasse
29 - réchaud à gaz
32 - grande assi~tte
33 - panier
36 - gobelet
37 - boutei 11 e
38 - verre
39 - sachet
40 - bidon
42 - four
45 - couper
46 - ramasser
49 - préparer
50 - mettre
51 - laver
53 - goüter
54 - griller
55 - chauffer
57 - allumer
58 - partager
212
Observations :
L'observation des différents lexiques montre qu'aucun
de
nos
informateurs
ne
possède
tous
les
lexèmes
du
français standard.
A titre illustratif,
voici
le tableau quantitatif de
la performance des enquêtés.
Nbre de l exemes a
référent conforme
Locuteurs
Pourcentage
au français stan-
dard
L 1
41
70
L 2
35
60
L 3
41
70
L 4
40
67
L 5
28
47
L 6
42
72
L 7
33
56
L 8
38
65
L 9
35
60
L 10
34
56
L 11
33
56
L 12
33
56
L 13
33
56
L 14
39
67
L 15
34
56
L 16
39
67
L 17
39
67
L 18
44
75
L 19
42
72
L 20
43
74
L 21
39
67
213
Observations :
Au
départ
nous
avons
formulé
deux
hypothèses
pour
expliquer les résultats obtenus par les informateurs.
La première était que la possession de la totalité des
lexèmes â référent conforme au français standard est liée
au degré d'exposition de l'enquêté à la langue française.
Nous la rejetons actuellement car l'examen du tableau des
performances
montre
qu'aucun
informateur
ne
possède
la
totalité
des
lexèmes
à
référent
conforme
au
français
standard.
La
deuxième
hypothèse
repose
sur
le
fait
que
la
difficulté
des
enquêtés
à
produire
les
termes
correspondant
aux
images
est
liée
au
fait
que
notre
questionnaire
n'a
pas
trait
à
l'activité
socio-
professionnelle.
Nous
supposons
que
si
le
questionnaire
avait pris en compte l'activité des enquêtés on aurait eu
des performances meilleures.
Cependant cette hypothèse ne
peut ëtre vérifiée dans
le cas du présent travail,
mais
peut faire l'objet de recherches ultérieures.
En
observant
la
composition
du
lexique
on
constate
qu'une même image peut ëtre nommée de plusieurs manières.
Ce qui
indique que
la variation
affecte
le
lexique
des
non-lettrés.
b) La variation lexicale
Les
faits
attestés
dans
le
corpus
montre
que
la
variation touche un certain nombre de lexèmes.
Les termes qui sont affectés par la variation sont
:
plat,
couteau,
petit
couteau,
canari,
marmite,
petite
marmite, poêle, couvercle,
tasse, panier,
frire,
réchaud à
gaz,
petit plat,
grand plat,
grand seau,
grande assiette,
fourneau,
ramasser; soit un total de 19 lexèmes.
214
Pourcen-
Lexèmes
variantes
Locuteurs
taoe
1 - plat
plat
L l, L 8, L 14, L 16, L 17
48
L 18, L 19, L 20, L21
ass; ette
L2,L3,L 4, L 5, L 6, L 7
38
L 9 L la
tasse
L11,L15, L 12, L 13
14
2 - couteau
couteau
L l, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6
96
L 7, L 8, L 9, LlO, L 11,
L 12, L 13, L 14, L 15, L 16
L 17, L 9, L 20, L 21
coupe- ooupe
L 18
3 - petit cou-
pet; t couteau
L l, L 2, L 3, L 4, L 5. L 6
96
teau
L 7, L 8, L 9, LlO, L 11,
L 12, L 13, L 14, L 15, L 16,
L 17, L 19, L 20, L 21
,petit coupe-coupe
L 18
4
4 - canari
canari
L l, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6
L 8, LlO, L 11, L 12, L 13,
91
L 14, L 15, L 16, L 17, L 18,
L 19, L 20, L 21
marmite
L 7, L 9
9
5 - marmite
canari
L l, L 2, L 4, L 5, L 6, L la
L 11, L 12, L 13, L 14, L 15,
72
L 16, L 17, L 21
marmite
L3,L7,L 9, L 18, L 19,
28
L 20
6 - petite
petit canari
L l, L 2, L 4, L 5, L 6, L 8
marmite
LlO, L 11, L 12, L 13, L 14,
72
L15,L16,l 17, L 21
petite marmite
L3,L7,L 9, L18,L19,
28
L 20
7 - poële
casserole
L l, L 2, L 4, L 5, L 7, L 8
L 9, LlO, L 11, 1 12, 1 13,
91
L 14, L 15, L 16, L17,L18,
L 19, L 20, L 21
IDoële
L 3, L 6
9
8 - couvercle
fermeture
L 9, L 20
9
couverture
LI, L2, L 3, L 4, L 5, L 7,
L 8, LlO, L Il, L 12, L 13,
82
L15,L16, L17,L18,L19
couvercle
L 6, L 14
9
215
9 - tasse
bol
L l, L 4, L 17, 1 18, L 19
27
tasse
L 2, L 3, L 6, L 7, L 13,
L 14, L 15, L 16
38
10 - frire
frire
L 1, L 3, L 6
14
préparer
L 2
4
gri 11 er
L 4, L 5, L 7, L 8, L 9, LlO
L 11, L 12, L 13, L 14, L 15
82
L 16, L 17, L 18, L 19, L 20,
L 21
11 - réchaud à
réchaud à gaz
L l, L 2, 1 3, L 4, L 5, L 6
gaz
LlO, L 11, L 18, L 21
48
gaz
L 7, L 8, L 9, L 12, L 13,
L 14, L 15, L 16, L 17, L 19
52
L 20
12 - fourneau
foyer
L 7
4
fourneau
L 1, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6
L 8, L 9, LlO, L 11, L 12,
96
L 13, L 14, L 15, L 16, L 17
L 18, L 19, 1 20, L 21
13 - ramasser
prendre
L 11
4
ramasser
L l, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6,
L 7, L 8, L 9, LlO, L 12,
96
L 13, L 14, L 15, L 16, L 17,
L 18, L 19, L 20, L 21
14 - petit
petite assi~tte
L 2, L 3, L 5, L 6, L 7, L 10
plat
L12,L13
38
petit bol
L 9
4
petite tasse
L 15, L 11
9
petit plat
L 1, L 4, L 8, L 14, L 16,
L 17, L 18, L 19, L 20, L 21
47
15 - grand
gros seau
L 9
4
seau
grand seau
L 1, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6,
96
L 7, L 8, LlO, L 11, L 12,
L 13, L 14, L 15, L 16, L 17,
L 18, L 19, L 20, L 21
16 - grand
grand plat
L l, L 8, L 14, L 16, L 17,
plat
L 18, L 19, L 20, L 21
42
grande assiètte
42
grande bassi ne
L 9
4
grande tasse
L 11, L 15
9
216
17 - grande
grande assiette
L l, L 2, L 3, L 4, L 5, L 6
96
assiette
L 7, LB, LlO, L 11, L12,
L 13, L 14, L 15, L 16, L 17,
L lB, L 19, L 20, L 21
IQrosse assiètte
L 9
4
lB - panier
sac à main
L 1
4
sac
L5
L
i 16, 171' 1.9, UO, L11, U4, U5
47
7, L
8
panier
L 2, L 3, L 4, L B, L 13,
42
L 16, L 19, L 20, L 21
Remarques:
Les données que nous avons présentées montrent que la
variation existe au sein du
français des non-lettrés.
Ce
qui nous conduit à nous intéresser aux facteurs entrant en
jeu dans la variation.
La première hypothèse que nous
formulons
est que
la
variation
lexicale
est
liée
au
fonctionnement
de
la
société
burkinabè.
En
effet
cette
société
interdit
aux
hommes de
faire
la cuisine.
De ce fait,
la
cuisine est
l'affaire des femmes.
Compte tenu de cette situation,
les
hommes ont des difficultés pour nommer les ustensiles et
les
opérations
de
cuisine,
n'étant
pas
en
contact
permanent avec ces éléments. Cela se vérifie à travers les
réponses négatives données par les enquêtés aux questions
suivantes :
- Est-ce que tu fais souvent la cuisine ?
- Est-ce que tu serais prêt à apprendre à faire la
cuisine ?
La deuxième hypothèse est que la variation est liée à
l'apparition
des
artefacts
importés
dans
la
société
burkinabè. Ainsi,
les informateurs n'arrivent pas à nommer
ces nouvelles réalités.
217
Avant la colonisation,
on avait dans cette société la
calebasse comme principale ustensile de cuisine.
Auj our-
d' hui
cette
réalité
est
rej etée
au
profit
du
plat
qui
vient de l'occident. De même,
la casserole,
la poêle sont
des éléments qui n'existaient pas au Burkina Faso.
Il ne
faut
donc pas
s'étonner que
les non-lettrés
ne puissent
pas les nommer.
A ces réalités, on peut en ajouter d'autres telles que
tasse, bol, verre, etc.
La deuxième hypothèse que nous construisons est que la
variation
est
liée
aux
conditions
d'apprentissage.
Les
locuteurs
analphabètes
ont
acquis
leur
français
sur
le
tas. Ils construisent donc leur système par approximations
successives.
L'objet
étant
l'acquisition
du
français
standard burkinabè.
De ce fait,
ils ne pourront produire
les
termes
qui
correspondent
à
certaines
images
que
lorsqu'ils
auront
atteint
un
certain
stade
d' apprentis-
sage.
Mais
en
raison
du
contexte
d'apprentissage,
il
serait surprenant que tout le monde puisse avoir les mèmes
connaissances à un moment donné.
Il est arrivé des cas où certaines oppositions entre
lexèmes ont été neutralisées.
C'est ce que
nous verrons
dans ce qui suit.
c) La neutralisation des oppositions entre certains
lexèmes
On observe l'apparition d'un phénomène de neutralisa-
tion des oppositions entre certains lexèmes chez certains
informateurs
Cette
neutralisation
affecte
respective-
ment,
plat. canari. marmite et assiette. L'opposition qui
existe
entre
canari
et
marmite
et
celle
entre
plat
et
assiette sont neutralisées chez les enquêtés.
Le terme canari est utilisé pour désigner une marmite.
218
Le terme marmite est utilisé pour désigner le canari
par L 7 et L 9.
De même le plat est appelé assiette et
assiette est utilisé pour désigner le plat par L 2 et L 3.
Dans le premier cas L 7 et L 9 appartiennent respecti-
vement au groupe nuna et au groupe mossi.
Dans
le
deuxième
cas
L
2
et
L
3
sont
tous
des
locuteurs du nuni.
On constate que les groupes nuna et mossi ont tendance
à
neutraliser
les
oppositions
entre
certains
lexèmes.
Quant
aux
locuteurs
du
jula,
ils
ignorent
cette
neutralisation.
Nous ne sommes pas en mesure d'expliquer le phénomène
de manière sociolinguistique car dans le premier exemple
canari
et
marmite
renvoient
à
des
réalités
différentes
dans les trois langues et sont nommés différemment.
Cela
revient à dire que tous nos enquêtés savent ce qu'est une
marmite et un canari dans leur langue d'origine ethnique
respective.
Dans
le
second
exemple,
l'assiette
n'est
pas
une
réali té qui
existe dans
la culture des
informateurs.
De
prime abord aucun groupe ethnique n'est donc favorisé par
rapport à un autre. Aussi ne comprenons nous pas pourquoi
les locuteurs du jula ne font pas de neutralisation alors
qu'elle est fréquente chez les autres.
Tout au plus,
nous pensons que la neutralisation des
oppositions
entre
les
lexèmes
est
due
à
l'état
psychologique dans lequel se trouvaient les 3 locuteurs du
nuni et du mooré au moment de l'entretien.
Nous supposons qu'ils étaient peut être distraits le
jour de
l'entretien,
ce
qui
les
a
conduits
à
faire
la
confusion entre les images à nommer.
Les informateurs ont eu également des difficultés pour
lire certaines images.
219
d) Les difficultés de lecture des images
Les difficultés rencontrées par les témoins pour lire
les images sont liées d'une part à leur situation sociale
et d'autre part aux dessins qui ne sont pas três réussis.
Les
images
suivantes
foyer
amélioré.
cuvette.
plateau.
cuisinière.
éplucher ont posé des problèmes aux
informateurs.
Les difficultés rencontrées pour la lecture de l'image
du
foyer
amélioré
sont
dues
au
fait
que
cet
outil
de
cuisine n'est pas
utilisé par les enquétés en raison de
leur situation sociale (faible revenu).
Cet ustensile est
utilisé par les
fonctionnaires
qui,
compte
tenu
de
leur
si tuation socio-professionnelle,
connaissent
son
utilité
dans
la
lutte
pour
l'économie
du
bois
de
chauffe.
Le
plateau.
la
cuisinière,
etc
sont
des
ustensiles
avec
lesquels
ils
ne
sont
pas
en
contact
permanent
pour
la
raison évoquée plus haut.
Ils ont eu des difficultés pour la lecture des images
d'éplucher et de couper car nos deux dessins se ressem-
blaient.
A
cela,
on
pourrait
aj outer
d'autres
images
telles que partager.
goûter
qui
n'ont
pas été
facile
à
nommer.
La variation ne touche pas uniquement le lexique dans
sa composition, elle affecte son fonctionnement.
B - Le fonctionnement du lexique
L'analyse des particularités lexicales du français des
non-lettrés montre que ce parler présente d'une part des
points communs à tous les informateurs et d'autre part des
variations
individuelles.
Elle
fait
ressortir
également
que
l'emprunt
aux
langues
nationales.
la
néologie.
les
citations, et les expressions de type argotique sont les
quatre
procédés
de
créativité
lexicale
utilisés
par
le
lexique des locuteurs analphabètes.
220
Quand
nous parlons
de
points
communs,
il
s' agi t
de
toutes
les
unités
lexicales
qui
sont
utilisées
par
l'ensemble
des
informateurs.
Nous
exposerons
ces
uni tés
dans la partie qui suit.
a) Les points communs à tous les enquêtés
1 - Les emprunts aux langues nationales
Nous
entendons
par emprunts
aux
langues
nationales,
l'ensemble des termes appartenant aux langues locales et
qui
sont
utilisés
par
nos
informateurs
conformément
au
modèle morpho-syntaxique du français.
Exemples
Dans les cas qui suivent les marques du genre et du
nombre sont utilisés
- le gourounssi / les gourounssi
- le jula
/ les jula
le mossi / les mossi
Ici
les locuteurs actualisent des termes appartenant
aux langues locales suivant le modèle du français.
2 - Les néologismes
La néologie est le processus de formation de nouvelles
unités lexicales. On distingue la néologie de forme et la
néologie de sens. Dans les deux cas,
il s'agit de dénoter
une réalité nouvelle (nouvelle technique, nouveau concept,
nouveaux realia de la communauté linguistique concernée.
La néologie de forme consiste à fabriquer pour ce faire de
nouvelles unités;
la néologie de sens consiste à employer
un signifiant existant déjà dans
la langue considérée en
lui conférant un "contenu qu'il n'avait pas jusqu'alors que
ce contenu soit conceptuellement nouveau ou qu'il ait été
jusque-là exprimé par un autre signifiant"
(J.
Dubois et
alii,
1973: 334).
221
Quant au néologisme,
i l désigne tout mot de création
récente
ou
emprunté
depuis
peu
à
une
autre
langue,
ou
toute acception nouvelle d'un mot déjà ancien.
Dans
notre
corpus,
nous
distinguons
deux
types
de
néologismes:
les
néologismes
morphologiques
et
les
néologismes sémantiques.
- Les néologismes morphologiques
Le procédé utilisé est la dérivation
différencer (différence)
tôler
(tôle)
- Les néologismes sémantiques
1) Le changement de référent
Il s'agit là d'un transfert de sens
- griller (frire)
2)
La restriction du sens
Elle consiste à une spécialisation du sens
- rentrée
(rentrée scolaire)
- payer
(acheter)
- moteur
(cyclomoteur)
- moyens
(moyens financiers)
- charbon
(charbon de bois)
- certificat
(certificat d'études primaires)
En
plus
de
ces
lexèmes,
qui
sont
utilisés
par
l'ensemble
des
personnes,
i l
existe
d'autres
unités
lexicales
qui
appartiennent
au
lexique
de
quelques
individus.
b) Les variations individuelles
Elles
comprennent
les
citations
et
les
néologismes,
qui sont utilisés par quelques personnes.
222
1) Les citations
Il s'agit de l'emploi dans le discours de l'enquêté de
mots
burkinabè
ne
sont
connus
que
par
les
locuteurs
parlant la même langue que ce dernier.
Nous avons emprunté ce terme à P. Dumont (1983b: 169).
La citation est utilisée par les informateurs suivants:
L 2 [nwa] comment on appelle ça en français
/beurre en nuni/
L 4 Les musulmans portent le [kasa]
/boubou/ en nuni
Les femmes mettent leur [jikwala]
/foulard/ en nuni
L 5 Il cherche un [~rkia] quoi
/boubou/ en nuni
J'ai dit mon [~ina]
(père/ en nuni
L 9 Il porte un gros [lakana]
/turban/ en mooré
LlO Il peut faire le [fura] pour vendre
/boule d'accassa/ en mooré
pour vivre, c'est [kataga]
/difficile/ en mooré
Lll Je vends du [jugujugu]
/friperie/ en mooré
L12 Tu vas préparer le [capalo]
/bière de mil/ en mooré
L17 Les [wahabiha], ils s'habillent en noir
/dénomination d'une confrérie musulmane/ en jula
L19 Ils s'habillent en [delekeba]
/grand boubou/ en jula
2) Les néologismes
Les néologismes morphologiques
- biler
(bile)
L 1
- maquiser
(maquis)
L 1, L 19
- peinturer
(peinture)
L 2
223
- graver
(grave)
L 2
- briquer
(brique)
L 3
- bringuer
(bringue)
L 4,
L 11,
L 14, L 15, L 17,
L 18
- enceinter
(enceinte)
L 5, L 13, L 18
- caler
(cale)
L 6, L 7,
L 16,
L 17
- sciencer
(science)
L 7,
L 8
- louanger
(louage)
L 9,
L 10,
L 12, L 20,
L 21
- honter
(honte)
L 9,
L 11, L 12,
L 16,
L 20
- ambiancer
(ambiance)
L 17
Les néologismes sémantiques
1) Le changement de référent
- canari
(marmite)
L 1, L 2,
L 4,
L 5,
L 6,
L 8,
L 10, L 11, L 12, L 13, L 14,
L 15, L 16,
L 17,
L 21
- casserole
(poêle)
L 1, L 2,
L 4,
L 5,
L 7,
L 8,
L 9, LlO, L 11, L 12, L 13,
L 14, L 15, L 16, L 17, L 18,
L 19, L 20,
L 21
- bol
(tasse)
L 1, L 2,
L 6, L 17, L 18,
L 19
- sac à main
(panier)
L 1
- sac
(panier)
L 5,
L 6,
L 9,
LlO,
L 11,
L 14, L 15, L 17, L 18
- marmite
(canari)
L 7,
L 9
- foyer
(fourneau)
L 7
- tasse
( plat)
L 9, L 11, L 15
- fermeture
(couvercle)
L 9, L 20
- véranda
(salon)
L 1
- petit canari (petite marmite) L 1, L 2, L 4,
L 5,
L 6,
L 8,
LlO,
L 11, L 12, L 13,
L 14, L 15,
L 16, L 17, L 21
- couverture
(couvercle)
L 1, L 2,
L 3,
L 4,
L 5,
L 7,
L 8, LlO,
L 11, L 12, L 13,
L 15, L 16,
L 17,
L 19, L 21
224
- assiette
(plat)
L 2,
L 3,
L 4,
L 5,
L 6,
L 7,
L 10,
L 12,
L 13
- petit bol
(petit plat)
L 9
- petite tasse (petit plat)
L 11
- grand tasse
(grand plat)
L 11,
L 15
- petite calebasse (louche)
L 20
2)
La restriction du sens
- engin (véhicule à deux roues) L 1
- véhicule (automobile)
L 2,
L 3,
L 4,
L 6,
L 12
- char
(cyclomoteur)
L 2
- gaz
(réchaud à gaz)
L 5,
L 7,
L 8,
L 9,
L 12,
L 13,
L 14,
L 15,
L 16,
L 17
L 19,
L 20,
L 21
- mouchoir (mouchoir de tête) L 5
3) La métaphore et la métonymie
La métaphore
La métaphore "consiste dans l'emploi d'un mot concret
pour exprimer une notion abstraite,
en
l'absence de tout
élément
introduisant
formellement
une
comparaison"
J.
Dubois et alii (1971: 317).
- maquis : ensemble des lieux douteux de la ville
L l,
L 19
- brousse: pour désigner le village
L 8,
L 13,
L 14,
L 20
La métonymie
La métonymie est un simple transfert de dénomination.
- goudron
route goudronnée
L 7,
L 10
- saisonnier:
employé saisonnier par opposition à un
225
permanent L 7
4) Les expressions de type argotique
Nous entendons
par
expression de
type
argotique
des
mots qui ne sont pas compréhensibles
par
tout
le monde.
Ils ne peuvent étre compris que des initiés.
- vieille pour désigner la mère : L l, L 11, L 13,
L 16, L 17
- vieux pour désigner le père
L 11, L 14,
L 16, L 17
- gros-dos : faire le malin
L 10
- gros-cul (riche) : L 11
- baron(riche)
: L 11, L 21
- go (amie) : L 13
- carré (parcelle) : L 14
- grands types (intellectuels)
L 16
- machin (chose) : L 19
Remarques:
Nous ne pouvons
pas
faire une
étude quantitative en
raison du caractére réduit de notre corpus.
Les parties précédentes nous ont permis de connaître
la composition et le fonctionnement du lexique du français
des non-lettrés. Nous pensons qu'il serait intéressant de
savoir comment la cuisine est organisée au Burkina Faso.
Pour
ce
faire,
nous
comparerons
le
lexique
du
français
standard
burkinabé
à
celui
du
français
standard
international.
Cette
comparaison
sera
faite
dans
les
lignes qui suivent.
3.3.4.2.
- Comparaison des lexique du français stan-
dard burkinabé et du français standard
international
L'objet
ici
est
de
montrer
quels
sont
les
objets
utilisés et comment ces objets sont désignés en français
standard burkinabé et en français international. Nous nous
226
sommes appuyé sur la liste de 58 lexèmes ayant trait à la
cuisine que nous considérons comme appartenant au français
standard burkinabè.
Nous
avons
tenté
de
voir
si
les
objets
étaient
désignés de la même manière en français standard interna-
tional.
Cette
vérification
a
été
faite
à
partir
du
dictionnaire Petit Robert.
Il
ressort de l'observation qu'il
existe
des
points
communs et des différences entre les deux lexiques ; celui
du
français
standard
burkinabè
et
celui
du
français
international.
3.3.4.2.1. - Les différences
A - Les trous
Il s'agit de lexèmes qui existent en français standard
local
mais
qui
n'apparaissent
pas
en
français
standard
international.
- canari: indique un récipient en terre cuite utilisé
pour conserver l'eau
Cet instrument n'existe pas dans la culture française.
C'est une réalité essentiellement locale.
-
calebasse:
c'est
un
fruit
de
plante
utilisé
pour
conserver de l'eau ou des mets.
Ce
lexème n'existe pas
en
français
international
en
raison
de
l'absence
de
cet
objet
dans
la
culture
française.
- foyer amélioré
- foyer traditionnel
Ces
deux
lexèmes
n'appartiennent
qu'au
français
standard
local
car
ils
ne
renvoient
qu 1 à
des
réalités
locales.
227
Une
des
différences
entre
les
deux
lexiques
réside
dans le
fait
que
le
français
standard
burkinabè tend
à
nommer des objets en fonction de leur taille.
Ce fait ne
se
retrouve
pas
en
français
international.
Il
est
essentiellement local.
Exemples :
Quand une personne parle d'un "seau",
il faut qu'elle
lui associe un adjectif pour que son interlocuteur puisse
savoir de quel type de seau i l s'agit (seau dont la taille
ou la hauteur est supérieure à la moyenne au seau dont la
taille est
inférieure
à
la
moyenne.
Selon
la
taille du
seau,
son utilisation n'est pas la même.
"Le petit seau"
sert à se laver les mains tandis qùe le "grand seau" sert
à transporter ou à conserver de l'eau.
-
le
petit
couteau sert â
couper
les
légumes et
le
grand couteau la viande;
- la grande assiette sert â conserver les mets tandis
que
la
petite
assiette
est
utilisée
pour
la
table
à
manger;
-
la petite marmite est utilisée pour la préparation
de la sauce et la grande marmite pour le riz ou le të;
le
petit
plat
est
utilisé
pour
servir
les
repas
alors
que
le
grand
plat
sert
à
la
conservation
de
la
farine.
B - Les différences sémantiques
Il s'agit de
lexèmes qui ne renvoient pas aux mèmes
référents dans les deux lexiques.
Exemples :
1)
grillage
en
français
standard
local
désigne
un
treillis métallique utilisé pour griller la viande. C'est
l'équivalent du grill.
228
grillage
:
en français
standard international désigne un
treillis métallique qu'on met aux fenêtres,
aux portes à
jour.
2)
bassine
en
français
standard
local
désigne
un
récipient large à oreilles servant à la vaisselle
bassine
en
français
international
désigne
un
bassin
large et profond servant
à
divers
usages domestiques et
industriels.
Il existe des différences entre les deux lexiques mais
i l
y
a
également
des
lexèmes
sur
lesquels
le
français
standard local et le français international se rejoignent.
3.3.4.2.2. - Les points communs
Beaucoup
de
lexèmes
renvoient
aux
mêmes
référents
aussi en français standard local qu'en français
standard
international.
1.
allumer: enflammer, mettre le feu à
2.
assiette: pièce de vaisselle individuelle servant à
contenir des aliments
3.
bidon
récipient
portatif
pour
le~
liquides,
généralement en métal et que l'on peut fermer avec
un bouchon ou un couvercle
4.
bol
p~ece
de
vaisselle,
récipient
individuel
hémisphérique servant à contenir certains liquides
5.
barrique: tonneau d'environ 200 litres
6.
bouilloire
récipient métallique pansu,
muni d'un
bec et d'une anse destiné à faire bouillir l'eau
7.
bouteille
:
récipient
à
goulot étroit,
souvent
en
verre,
destiné
à
contenir
du
vin
et
d'autres
liquides
8.
casserole
ustensile
de
cuisine
de
forme
cylindrique à manche
9.
couteau
instrument
tranchant
servant
à
couper,
composé d'une lame et d'un manche
229
10.
cuillére
:
ustensile de
table
ou de
cuisine
formé
d'un
manche
et
d'une
partie
creuse
qui
sert
à
transvaser
ou
â
porter
â
la
bouche
des
aliments
liquides ou peu consistants
Il.
cuisine
pièce d'une
habitation
dans
laquelle on
prépare et fait cuire des aliments pour les repas
12.
cuisinière: fourneau de cuisine servant â chauffer,
â cuire les aliments
13.
cuvette
:
récipient large,
portatif,
peu profond à
bords évasés arrondis
qui
sert principalement à
la
toilette
14.
couper: diviser un corps solide avec un instrument
tranchant
15.
couvercle
p~ece mobile qui s'adapte à l'ouverture
d'un récipient pour le fermer
16.
éplucher: nettoyer en enlevant les parties inutiles
ou mauvaises (en coupant, grattant)
17.
four
: ouvrage de maçonnerie généralement voûté de
forme circulaire muni d'une ouverture par devant et
oû l'on fait cuire le pain
18.
fourchette
ustensile de table à quatre dents dont
on se sert pour piquer les aliments
19.
fourneau:
appareil
fixe où l'on brûle du bois,
du
charbon et sur lequel on fait chauffer l'eau,
cuire
les aliments
20.
frire:
faire cuire par immersion dans un corps gros
bouillant
21.
gobelet: récipient â boire, généralement plus haut
que large et ordinairement sans pied
22.
goûter: percevoir, apprécier par le sens du goût la
saveur d'un aliment, d'une boisson
23.
griller
faire cuire
24.
louche
grande
cuillère
à
long
manche
et
à
cuilleron hémisphérique
avec
lequel
on
se
sert
le
potage
25.
laver
nettoyer
avec
un
liquide
et
spécialement
avec de l'eau
230
26.
marmite
récipient
muni
d'un
couvercle
et
généralement
d'anses
(ou
oreilles)
dans
lequel
on
fait bouillir l'eau, cuire les aliments)
27.
mettre:
faire passer (une chose) dans un lieu, dans
un endroit à une place où elle n'était pas
28.
mortier
récipient
en
matière
dure
résistante
servant à broyer certaines substances
29.
panier: réceptacle fait à l'origine de vannerie et
servant à contenir,
à
transporter des marchandises,
des provisions
30.
partager
diviser
un
ensemble
en
éléments
qu'on
peut distribuer, employer à des usages différents
31.
préparer
:
mettre par un travail
préalable en état
d'être utilisé
32.
piler
:
réduire
en menus
fragments,
en
poudre,
en
pâte par des coups répétés
33.
pilon: instrument de forme cylindrique, arrondi sur
une face,
servant à piler
34.
plateau
support
plat
servant
à
poser
et
à
transposer divers objets
35.
plat
pièce
de
vaisselle
plus
grande
que
l'assiette, dans laquelle on sert les mets à table
36.
ramasser:
prendre par terre des choses éparses et
les réunir
37.
rôtir: faire cuire la viande à feu vif
38.
sachet: petit sac
39.
seau: récipient cylindrique muni d'une anse servant
à transporter des liquides ou des matières diverses
40.
tasse: petit récipient à anse à oreille, servant à
boire
41.
verre
récipient à boire en verre, en cristal.
Remarques :
Toutes les définitions ont été empruntées au diction-
naire
Petit
Robert
que
nous
considérons
comme
représentatif
du
français
standard
international.
Chaque
défini tion
a
été
par
la
sui te
confrontée
à
la
réalité
231
locale pour savoir si elle est valable pour
le
français
standard burkinabè.
La comparaison des deux lexiques nous a permis de voir
la différence qui existe entre les deux types de français.
Nous pensons qu'il serait intéressant à la suite de cette
présentation de
nous
intéresser aux
problèmes
linguisti-
ques que crée le contact de langues
français
et langues
nationales au Burkina Faso.
Dans
une
situation
de
contact
de
langues,
il
y
a
toujours des emprunts. Ainsi, une langue A en contact avec
une
langue
B,
peut
lui
emprunter
des
éléments
et vice-
versa. Les langues locales étant en rapport de dépendance
vis-à-vis du français,
l'on peut s'attendre à ce qu'elles
empruntent des termes à cette langue dominante en vue de
nommer
des
réali tés
nouvelles
introdui tes
par
la
civilisation occidentale.
3.3.4.3.
- La structure du lexique des langues na-
tionales
L'étude de la structure du lexique des langues a pour
objet de montrer la créativité des langues nationales que
sont le
nuni,
le
jula et le mooré.
Il
s'agit pour nous
également d'examiner comment ces langues structurent leur
lexique en fonction des nouveaux besoins de communication
qui s'imposent à leurs locuteurs respectifs.
Pour ce faire,
nous avons demandé à nos informateurs
de
nous
donner
la
traduction
de
58
lexèmes
du
français
standard
burkinabè
ayant
trait
à
la
cuisine
en
langues
nationales.
L' analyse
des
données
montre
que
les
trois
langues
locales organisent leur lexique de deux manières :
- soit par emprunt au français
- soit par création propre
232
Nous prenons le terme d'emprunt au sens le plus large
à savoir l'utilisation d'un élément d'une langue 8
alors
que l'on se trouve dans une langue A.
Nous entendons par
création propre la capacité des langues nationales à créer
des
termes
locaux
pour
rendre
compte
de
réalités
qui
n'existent pas dans la culture burkinabè.
Cela
dit,
voici
comment
se
présente
le
lexique
du
jula, du mooré et du nuni.
3.3.4.3.1. - Le jula
1) Les lexèmes propres au jula
1 - plat
[tasa]
2 - couteau
[muru]
3 - canari
[ J-idaga]
4 - pilon
[kol3'kala]
5 - marmite
[daga]
#v
6 - couvercle
[datugna]
7 - petit plat
[tasa deni]
8 - petite marmite
[daga deni]
9 - grand plat
[tasa ba:]
10 - barrique
[barg~]
11 - casserole
[fug1:tasa]
12 - petit couteau
[muru deni]
13 - calebasse
[fij( ]
14 - mortier
[ko1~]
15 - louche
[kodu]
... ",
16 - panier
[sisi]
17 - foyer traditionnel
[gba]
18 - couper
[tig(.]
19 - laver
[ko]
20 - ramasser
[c~]
21 - frire
[j irâ"]
22 - griller
['*~]
23 - rôtir
[XnE.]
24 - préparer
[tobi]
233
25 - mettre
[do]
26 - piler
[susu]
27 - chauffer
[gb~]
28 - éplucher
[w~J::) ]
29 - allumer
[mana]
30 - partager
[tU~]
31 - seau
[palâ']
32 - petit seau
[pal~ deni]
33 - cuisine
[gbabugu]
34 - gobelet
[30ifle ]
35 - foyer amélioré
[tubabu gba]
36 - bouilloire
[barada.fi]
37 - cuillère
[duru]
38 - petite cuillère
[duru bia]
2) Les emprunts à coloration jula
Il
s' agi t
de
lexèmes
empruntés
au
français
standard
burkinabè
et
qui
sont
accompagnés
d'une
intégration
phonétique.
La voyelle finale e du français est remplacée
par la voyelle i
du jula à
la fin du mot car la plupart
des mots du jula se terminent par i
1 - assiette
[asjE.ti]
2 - bol
[~li]
3 - fourchette
[fUJjtti]
4 - poéle
[pwali]
5 - tasse
[tasi]
6 - bassine
[basini]
7 - réchaud à gaz
[gazi]
8 - grillage
[grijaJ i ]
9 - cuisinière
[kuzinjE ri]
10 - bouteille
[buteli]
11 - verre
[vEri]
12 - cuvette
[kuvE.ti]
234
3) Les emprunts non intégrés
Ils ne sont pas accompagnés d'une
intégration phoné-
tique.
l
- bidon
[bid~]
2 - four
[fur]
3 - fourneau
[furno]
4 - plateau
[plato]
4) Les mots composés
Il s'agit de l'association d'un
lexème français
â
un
lexème jula pour constituer un lexème.
l
- petite cuillère
[kujE.ri deni]
2 - grande assiette
[asjtti-ba]
3.3.4.3.2. - le nuni
1 - Les lexèmes propres au nuni
1 - plat
[zu~]
2 - couteau
[sb]
3 - canari
[wuru]
4 - pilon
[zabuna]
5 - marmite
[nakana]
6 - couvercle
[Z1Iâ'nipwa]
7 - seau
[câbo]
8 - petit plat
[zabia]
9 - petite marmite
[nak~bia]
10 - grand plat
[zuf;)o]
11 - petit seau
[cabobia]
12 - grand seau
[cabo f;) l':) ]
13 - calebasse
[zapona]
14 - mortier
[z::>:]
15 - louche
[ dak'lla]
16 - panier
[b:>lgatia]
17 - couper
[goOi]
235
18 - ramasser
[p~]
19 - frire
[puri]
20 - rôtir
[wa]
21 - mettre
[ka]
22 - laver
'"
[si]
23 - piler
[ zlla]
24 - goûter
[l~]
25 - griller
[wa]
26 - chauffer
[la,i]
27 - éplucher
[fw1]
28 - allumer
[suri]
29 - partager
[tari]
30 - cuisine
[wodiudia]
31 - gobelet
[wuruzu~]
32 - foyer amélioré
[nasara kura]
33 - préparer
[s~]
34 - bouilloire
[kwara]
35 - petit couteau
[sÏ.:>bfa]
36 -
foyer traditionnel
[kura]
37 - sachet
[1:): ]
38 - cuillère
[duru]
39 - petite cuillère
[duru bia]
2 - Les emprunts non intégrés
1 - assiette
[asjf.,t]
2 - bol
[b.::Jl]
3 - fourchette
[furS~t]
4 - poêle
[pwal]
5 -
tasse
[tas]
6 - barrique
[barik]
7 - casserol~
[kas~r:) 1]
8 - bassine
[basin]
9 - fourneau
[furno]
10 -
réchaud à gaz
[gaz]
11 - grillage
[grijaf]
12 - cuisinière
[kuzinj~r]
13 - plateau
[plata]
236
14 - bouteille
[but6.j]
15 - verre
[v~r]
16 - bidon
[bid3]
17 - fur
[fur]
18 - cuvette
[kuv~t]
3 - Les mots composés
1 - petite assiette
[asj~t - bia]
3.3.4.3.3. - Le mooré
1) Les lexèmes propres au mooré
1 - plat
[la:ga]
2 - couteau
[su:ga]
3 - cuisine
[ri:b ro:go]
4 - canari
[ju: rel
5 - pilon
[tore bila]
6 - marmite
[ru:ko]
7 - couvercle
-
[la11ga]
8 - petit plat
[labila]
9 - petite marmite
[ruk bila]
10 - grand plat
[la-be dre]
11 - petit couteau
[su bila]
12 - calebasse
[wamde]
13 - mortier
[to:re]
14 - louche
[sutugu]
,.J
15 - bouilloire
[ko widga]
16 - panier
[pe: go]
17 - sachet
(jo1go]
18 - foyer amélioré
[nasar tompe glm do:go]
19 - foyer traditionnel
[tompeg1m do:go]
20 - couper
[!)wage]
21 - ramasser
[wuke]
22 - frire
[ki:me]
23 - rôtir
[ ""
sf.]
24 - préparer
[ sE,gle]
,..
25 - mettre
[nige]
237
26 - goûter
[lembe]
27 - laver
[peke]
28 - piler
[to]
29 - griller
[sl]
N
30 - chauffer
[wige]
31 - éplucher
[pidge]
32 - allumer
[11.:>g le]
33 - partager
[pwi]
, J
34 - gobelet
[ko}- udga]
2)
Les emprunts à coloration mooré
La voyelle e
finale en français est souvent remplacée
par la voyelle é du mooré car la plupart des mots du mooré
se terminent par é
1 - poéle
[pwale]
2 -
tasse
[tase]
3 - cuillère
[kujE,re]
4 -
bouteille
[butfle]
5 - verre
[v~re]
6 - grillage
[grijaJe]
7 -
réchaud à gaz
[ga,e]
8 - casserole
[kasc1r,:)le]
9 - fourchette
[furje. te]
10 - cuisinière
[kuzinj&re]
11 -
assiette
[as je te]
3) Les mots composés
1 - petite cuillère
[kuj~r-bila]
2 - petit seau
[so-bila]
3 - grande assiette
[asj~t - bedre]
4 - grand seau
[so-bedre]
4)- Les emprunts non intégrés
l
- bol
[b;,l]
2 - seau
[sol
238
3 - fourneau
[furno]
4 -
four
[fur]
5 - bidon
[bid~]
6 - cuvette
[kuvf.t]
7 - barrique
[barik]
8 - bassine
[basin]
9 - plateau
[plato]
Conclusion
L'observation
des
lexiques
des
trois
langues
nationales montre que les langues telles que le mooré et
le
j ula
ont
tendance
à
intégrer
phonétiquement
certains
lexèmes
du
français.
En
ce
qui
concerne
le
nuni,
i l
n'utilise pas ce procédé.
L'analyse
fait
ressortir
également
que
quand
deux
langues
sont
en
contact,
la
langue
dominée
emprunte
souvent des
éléments
à
la
langue dominante
pour pouvoir
nommer
les
réalités
nouvelles
véhiculées
par
cette
dernière.
239
CHAPITRE 4 - LES OPINIONS SUR LE FRANCAIS DES NON-LETTRES
Dans ce chapitre nous tenterons, d'une part de définir
le
statut
sociolinguistique
du
français
des
non-lettrés
et, d'autre part, de présenter les jugements de valeur que
les gens portent sur ce système de communication.
En ce qui concerne le premier point,
nous pensons que
l'étude des variétés de français parlé en Afrique s'insère
dans le cadre plus vaste des études relatives aux pseudo-
sabirs,
sabirs,
pidgins
et
créoles.
On
sait
de
manière
générale
que
ces
parlers
sont
issus
d'une
situation
de
contact de langues.
Le français parlé par les non-lettrés au Burkina Faso,
né du contact entre le français et les langues nationales,
possède
les
caractéristiques
d'un
des
parlers
énumérés
plus haut.
Mais, avant de proposer une définition de ce français,
i l
est
nécessaire
de
rappeler
quelques
termes
utilisés
pour rendre
compte de différents
parlers
nés
du
contact
entre langues indo-européennes et langues africaines.
4.1. - Sabirs, pseudo-sabirs, pidgins, créoles
Ces
parlers
se
sont
constitués
au
contact
d'une
population
autochtone
avec
un
groupe
immigré.
Dès
les
premiers contacts entre les Européens et les Africains,
la
nécessi té
de
l ' intercompréhension
s'est
posée
entre
les
deux
groupes.
Les
premières
tentatives
de
communication
ont
donné
naissance
aux
sabirs.
D' après
J. L.
Hattiger
(1983:
2)
citant
Perego
les
sabirs
avaient
les
caractéristiques
suivantes:
"langues
de
relation,
nées
d'un
besoin
d'intercompréhension
consciemment
utilisées
comme
telles
et
bilatérales".
"Faits
pour
des
échanges
240
ponctuels
et
rédui ts
â
des
situations
sans
doute
stéréotypées comme celle du marchandage,
ces parlers sur
lesquels
n'existent
que
peu
d'informations
présentaient
vraisemblablement
des
structures
syntaxiques
simples
et
figées et un inventaire lexical extrêmement réduit"
(J.L.
Hattiger, 1983: 3).
Avec l'expansion coloniale,
la nécessité d'apprendre
les
langues
indo-européennes
est
apparue
compte
tenu
du
prestige
social
de
ces
langues.
On
va
assister
â
une
modification de ces langues importées.
L'on a recours â ces langues partout où l'utilisation
de
la
langue
locale
est
impossible.
"Ces
variétés
de
langue,
le
plus
souvent
appelées
"petit-nègre"
ou
petit
français",
Perego
se
propose
de
les
appeler
"pseudo-
sabirs"
afin de les différencier des vrais sabirs prati-
qués antérieurement" (J.L. Hattiger, 1983: 3).
Cette différence d'appellation ne recouvre pas sur le
plan
linguistique
de
grandes
différences
structurales
entre sabirs et pseudo-sabirs,
mais elle permet de ne pas
confondre
deux
parlers
s'exerçant
dans
des
conditions
sociolinguistiques qui sont assez nettement différenciées.
Dans
le
cas
du
sabir,
l'utilisation
de
la
langue
est
bilatérale.
Le pseudo-sabir se distingue du précédent par
le fait qu'il est un parler unilatéral résultant d'efforts
fournis
par
les
Africains
pour
reproduire
le
modèle
linguistique
qui
prévaut
(français
normé
des
administrateurs,
des
enseignants,
etc).
J.L.
Hattiger
(1983: 4) signale "le caractère instable et multiforme" de
ces états de langue qui peuvent soit évoluer dans le sens
de la conformité au modèle soit,
au contraire,
suivre des
voies propres". Dans le premier cas on aboutit à ce qu'on
pourrai t
considérer comme des variantes régionales d'une
langue importée.
241
"La syntaxe comme la morphologie ne sont pas altérées
à l'exception de rares constructions qui ne remettent pas
en cause
l'organisation générale
du
système.
Le
lexique
s'enrichit de néologismes,
d'emprunts aux langues locales
mais
la
majorité
des
lexèmes
se
conservent
dans
leur
acception
originale;
au
niveau
phonétique
les
réalisa-
tians,
si
elles
s'écartent de
la
norme,
ne
le
font
pas
dans
une
mesure
susceptible
de
troubler
l'intercom-
préhension entre locuteurs locaux et locuteurs d'une autre
variété de la même langue.
Dans tous les cas la variété
obtenue
reste
analysable
dans
les
mêmes
termes
que
la
variété originale" (J.L. Hattiger, 1983: 4).
Pour l'auteur i l en va autrement quand le pseudo-sabir
évolue selon ses voies propres.
Il ajoute que le pseudo-
sabir,
après
stabilisation
et
relative
homogénéisation,
peut
devenir
une
langue
de
relation
entre
différentes
communautés
tout
en
restant
langue
seconde
pour
ses
locuteurs qui conservent leur langue maternelle.
Ce type
de
langue
est
appelé
pidgin.
Il
suffit
que
le
pidgin
devienne la langue première d'une génération et qu'il ait
un
champ
d'emploi
plus
étendu
pour
que
l'on
soit
en
présence d'un créole.
4.1.1. - Sabirs, pidgins et créoles existant aujour-
d'hui en Afrique
Il existe en Afrique un assez grand nombre de créoles,
pidgins et autres variétés de langues européennes dont le
statut n'est pas encore
fixé.
Beaucoup d'études
ont été
faites sur les créoles au Cap-Vert et en Sierra-Léone. Les
pidgins par contre ne sont pas très connus. Leur caractère
fluctuant rend leur étude difficile.
D'après J.L. Hattiger (1983: 5) les principaux créoles
et
pidgins
existant
en Afrique
se
rencontrent
dans
les
pays suivants :
242
1.
Alger
français
populaire
d'Afrique
du
Nord
répertorié
comme
"Pidgin
French"
ou
"Petit
Mauresque" .
2.
Cap-Vert: créole à base portugaise.
3.
Sénégal
créole à base très proche de 2.
4.
Gambie
créole à base anglaise.
5.
Guinée-Bissau
créole à base portugaise.
6.
Freetown: créole à base anglaise.
7.
Libéria:
a)
anglais
du
Libéria,
variété
du
créole
à
base
anglaise
parlé
par
les
noirs
américains
du
1ge
siècle venus s'établir au Libéria.
b) pidgin à base anglaise des
"Krumen"
utilisé par
les navigateurs kru sur la côte.
8.
Côte d'Ivoire: pidgin à base française utilisé dans
la quasi-totalité de l'Afrique francophone et parlé
surtout par les soldats à l'époque coloniale.
9.
Fernando Po : créole à base anglaise issu du créole
de Sierra-Léone.
10.
Sao Tomé et Principe
créole portugais du golfe de
Guinée.
11.
Cameroun
pidgin
à
base
anglaise
principalement
parlé à Douala.
12.
Ethiopie: pidgin à base italienne qui ne survit que
dans la région d'Asmara.
13.
Afrique
du
Sud
répertorié
comme
"rudimentary
creole" à base afrikaan.
243
4.1.2. - Le statut sociolinguistique du français des
non-lettrés au Burkina Faso
Le français parlé par les non-lettrés au Burkina Faso
peut être situé par rapport aux différents parlers évoqués
plus haut (sabirs,
pseudo-sabirs,
pidgins et créoles).
Au
plan
linguistique,
ce
français
est
instable
et
mul tiforme
et
évolue
dans
le
sens
de
la
conformité
au
modèle
cible
(c'est-à-dire
le
français
standard
burkinabè).
En phonologie,
i l y
a
certaines réalisations
qui
s'écartent
du
français
standard
sans
pour
autant
altérer l'intercompréhension entre les non-lettrés et les
scolarisés.
Au
niveau
de
la
morpho-syntaxe,
i l
existe
certes
quelques
constructions
non
conformes
au
français
standard
mais
elles
ne
remettent
pas
en
cause
l'organisation générale du système.
Quant au
lexique,
i l
s'enrichit
de
néologismes
et
d'emprunts
aux
langues
nationales mais la grande partie des lexèmes se conservent
dans
leur
acception
originale.
On
peut
donc
dire
qu'il
s'agit d'une variété sociale du français.
Au
niveau
social,
ce
français
est
utilisé
par
des
Burkinabè
qui
n'ont
pas
eu
la
chance
d'être
scolarisés
afin de satisfaire à leurs besoins de communication. C'est
un
moyen
d'expression
unilatéral
utilisé
par
un
groupe
social
qui
tente
de
reproduire
le
français
standard
burkinabè.
Outre sa fonction de communication, ce français permet
à
ses
locuteurs
d'aspirer
au
bien-être
social
et
économique
(emploi
rêmunérateur,
possibilité
d'établir
plus
facilement
ses
papiers et enfin plaisir de
se dire
francophone).
L'ensemble des
traits
ainsi
dégagés,
nous
permet
de
dire
que
le
français
parlé
par
les
non-lettrés
est
un
pseudo-sabir.
244
1
Après cette présentation du français
des
non-lettrés
l
au Burkina Faso,
nous examinerons à
titre de comparaison
la situation du français en Afrique.
4.2. - Le français en Afrique
La
plupart
des
études
portant
sur
le
français
en
1
Afrique
se
sont
pendant
longtemps
intéressées
à
l'apprentissage
du
français
dans
le
contexte
scolaire.
Depuis
les
indépendances,
la
maj eure
partie
des
études
menées
sur le
français
sont essentielement contrastives.
Elles
se
donnent
pour
objet
l'identification
des
interférences
des
langues
nationales
sur
le
français,
voire leur prédiction dans un but pédagogique. A ce sujet
on
peut
citer
les
travaux
du
Centre
de
Linguistique
Appliquée de Dakar.
Ce centre a élaboré une méthode pour
parler le
français
en usage au
Sénégal
de
1965
à
1980,
période
à
laquelle
elle
était
généralisée
dans
ce
pays
mais
également
expérimentée
au
Togo,
au
Bénin
et
au
Burkina
Faso.
La
méthode
pour
P. P. F.
est
fondée
sur
la
comparaison des
langues en présence au Sénégal:
français
et
langues
africaines
appartenant
au
groupe
sénégalo-
guinéen ou
au
groupe
mandingue.
Les
études
contrastives
menées
par
le
( C. L. A. D.)
ont
permis
de
programmer
les
difficultés
spécifiques
des
élèves,
d'élaborer
des
progressions tant phonétiques que grammaticales, allant du
connu à
l'inconnu,
de la langue source à
la langue cible
en prévoyant les zones interférentielles.
En plus des
études
contrastives,
des
recherches ont
été
faites
sur
les
africanismes
ce
qui
aboutit
à
l'établissement d'inventaires lexicaux des particularités
du français en Afrique noire francophone.
On peut citer à
titre indicatif, l'inventaire des particularités lexicales
du français
en Afrique noire fait
par
l'A.U.P.E.L.F.
en
1983.
245
En
revanche
peu
d'enquêtes
ont
été
menées
sur
le
français
hors
du
contexte
scolaire.
Parmi
les
quelques
études qui ont été faites on peut citer les travaux de S.
Lafage
et
de
J. L.
Hattiger.
Lafage
a
travaillé
sur
le
français
parlé
au
Sud-Togo.
Quant
au
second,
il
s'est
intéressé au français populaire ivoirien.
4.2.1. - Le français au Sud-Togo
A en croire S.
Lafage
(1976),
le
français
parlé
au
Sud-Togo
peut
être
composé
de
plusieurs
strates.
Elle
distingue
quatre
couches
sociales
dans
la
société
sud-
togolaise et quatre variétés de langue leur correspondant.
Les
éléments
sont
répertoriés
dans
un
tableau
dans
sa
thèse (1976 : 62).
Classe sociale
Attribut linquistique
1) classe dirigeante "élites"
usage du français standard norme acadé-
mique
2) classe moyenne "lettrés"
usage d'une variété régionale de fran-
lçais (norme locale)
3) classe populaire "peu ou pas
usage occassionnel d'un français "dia-
lettrés"
lectal"
4) classe inférieure "non-let-
usage exclusif du parler africain local
trés
etlou véhiculaire
En
ce
qui
concerne
la
situation
du
sud-Togo,
J.L.
Hattiger pense que nous sommes en présence d'une diglos-
sie,
c'est-à-dire d'une situation dans laquelle les deux
langues principalement utilisées, en l'occurrence l'éwé et
le
français,
ont
des
emplois
spécialisés.
"Les
spécialisations respectivement attribuées au français et à
l'éwé placent généralement les deux langues en position de
complémentarité
sans
pour
cela
leur
donner
un
statut
équivalent car le français,
tout au moins jusqu'à présent
est la langue officielle,
c'est-à-dire celle qui est liée
aux fonctions sociales estimées supérieures
:
(politique,
administration,
enseignement,
sciences,
technologie,
246
relations
internationales)
alors
que
l ' éwé
en
principe
recouvre tout autre communication moins prestigieuse"
(S.
Lafage, 1976: 63).
Face à cette situation,
Lafage dit que l'on se trouve
dans
un
état
de
discontinuité
linguistique
et
de
continuité
linguistique.
Il
existe
une
discontinuité
linguistique entre l'éwé et le français
"la séparation
fonctionnelle
de
l ' éwé
et
du
français
est
réelle
mais
relative
et
l'étanchéité
des
codes
est
loin
d'être
absolue. Cependant, il n'y a jamais de continuité entre le
français et la langue africaine, par degrés imperceptibles
dont les premières étapes aboutissent à
des réalisations
totalement
incompréhensibles
pour
un
francophone
non
averti
puisqu'il
s'agit
d'une
sorte
de
parler
mixte
où
quelques mots
français plus ou moins déformés s'agencent
selon
des
structures
morpho-syntaxiques
relevant
de
la
langue africaine" (S. Lafage, 1976: 67).
Quant à la continuité intralinguistique, elle s'obser-
ve entre les différentes variétés de français.
A ce sujet
S.
Lafage
(1976
:
67)
dit que
"les variétés de
français
par contre ne sont pas discontinues entre elles.
Il n'y a
pas
de
variétés
spécifiques
de
telle
ou
telle
fonction
(véhiculaire
inter-ethnique
par
exemple)
comme
dans
les
quartiers populaires d'Abidjan".
Pour
ce
qui
est
du
français
dialectal,
Lafage
dit
qu'il
peut
par
certains
côtés
se
confondre
avec
le
français "pidginisé" servant de véhiculaire dans quelques
pays
africains
francophones,
mais
qu'il
en
diffère
par
l'influence
sous-jacente
d'une
norme
référentielle
qui
empêche la dislocation des structures profondes.
Sur la
situation décri te
au
Sud-Togo,
J. L.
Hattiger
(1983:
Il)
pense
que
"le
principal
frein
à
la
pidginisation
du
français
est
l'existence
d'une
langue
africaine l'éwé qui assume la quasi-totalité des fonctions
247
véhiculaires
réduisant
l'utilisation
du
français
à
des
situations
de
communication
ayant
le
plus
souvent
un
caractère officiel".
4.2.2. - Le français populaire d'Abidjan
Cette variété du français,
qui a été étudiée par J.L.
Hattiger
(1983),
est
en
passe
de
devenir
la
langue
maternelle de certaines personnes dans certains quartiers
populaires
d'Abidjan.
Ce
français
est
utilisé
par
des
personnes
non-scolarisés
qui
tentent
de
reproduire
la
variété standard (français parlé dans l'administration,
à
la
radio).
Ce
français
d'après
J.L.
Hattiger,
(1983)
paraît
relativement
se
stabiliser
et
a
ses
tendances
propres.
La
plupart
des
constructions
relevées
dans
ce
français
sont
influencées
par
les
langues
véhiculaires
telles que le jula et le kru. Ce système de communication
est
en
passe
d' étre
utilisé
par
des
personnes
qui
ont
fréquenté l'école. C'est pourquoi J.L. Hattiger dit que ce
français est un pidgin.
Ce bref survol de la situation du français en Afrique
avait pour but de situer le français des non-lettrés par
rapport à d'autres variétés de
français
qui
existent en
Afrique francophone.
Pour rendre notre travail plus complet nous parlerons
des jugements de valeurs portés sur le français parlé par
les non-lettrés au Burkina Faso.
4.3. - Les jugements épilinguistiques sur le français des
non-lettrés
Nous
nous
intéresserons
aux
jugements
de
valeur
que
les gens
portent
sur
le
français
des non-lettrés.
A ce
sujet, A.
N'Dao (1984:
100) fait remarquer que "la langue
est le reflet des antagonismes culturel et idéologique que
l'épilinguisme met en évidence".
248
Dans le cadre de notre travail,
nous avons recueilli
les
réponses
apologiques
et
dépréciatives
que
les
gens
font
de
cette
langue
en
la
comparant
au
français
des
lettrés.
Les
réponses
obtenues
nous
permettent
de
structurer notre analyse sous deux rubriques :
-
dans un premier temps,
nous présenterons l'opinion
des non-lettrés sur leur parler,
-
dans un deuxième temps,
nous exposerons à titre de
comparaison les avis des enseignants sur le français des
personnes qui n'ont pas été scolarisées.
4.3.1. - Le point de vue des non-lettrés
Nous présenterons dans
cette partie
les
réponses
de
nos 21 informateurs.
A ce sujet voici
les questions qui
ont été posées à nos témoins afin de recueillir leur point
de vue :
1.
Que
pensez-vous
du
français,
est-il
difficile
ou
facile à apprendre ?
2.
Selon
vous,
quels
sont
ceux
qui
parlent
le
"bon
français"?
3.
Existe-t-il une différence entre le français de ceux
qui ont fait l'école et celui de ceux qui n'ont pas
été scolarisés?
4.
Penses-tu
parler
un
bon
français,
un
mauvais
français?
- pourquoi ?
5.
Est-ce
que
tu
es
gêné
quand
tu
parles
français
devant quelqu'un qui a été à l'école?
Si oui, pourquoi ?
Si non, pourquoi ?
249
6.
Comment peux-tu
savoir
si
quelqu'un parle bien au
mal français?
7.
Est-ce que tu es en mesure de savoir si un individu
a
été
ou
non
à
l'école
à
travers
sa
manière
de
parler?
8.
Est-ce
que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
été
à
l'école?
Si oui, pourquoi?
Si non, pourquoi ?
9.
Es-tu
en
mesure
de
reconnaître
l'appartenance
ethnique de quelqu'un à travers sa manière de parler
français?
10.
Est-ce
qu'il
y
a
des
avantages
à
savoir
parler
français?
Il.
Est-ce qu'il t'arrive de t'énerver quand quelqu'un
te corriges ?
Si oui, pourquoi ?
Si non, pourquoi ?
12.
Au début quand tu parlais le français et maintenant
est-ce qu'il y a un changement?
13.
Est-ce
que
tu
penses
parler
mieux
français
que
d'autres personnes qui n'ont pas été à l'école comme
toi?
14.
Selon toi, est-ce qu'il y a une différence entre le
français
parlé
à
Abidj an
et
le
français
parlé
à
Ouagadougou?
Le
questionnaire
ainsi
élaboré
nous
a
permis
de
connaître les opinions de nos enquêtés sur leur parler.
250
4.3.1.1. - Le mythe du français
La
première
question
que
nous
avons
posée
aux
non-
lettrés
avait
pour
but
de
les
si tuer
par
rapport
à
la
langue
française
car c'est
en
référence
à
cette
langue
idéale que toute langue parlée paraît moindre ou mauvaise
à
des
degrés
divers.
la
question
a
été
libellée
de
la
manière
suivante
Que
pensez-vous
du
français,
est-il
difficile
ou
facile
à
apprendre
?
Les
vingt
et
une
réponses
de
nos
informateurs
développent
l'idée
selon
laquelle
le
français
est
une
langue
difficile,
voire
impossible à
apprendre.
Les
adjectifs
utilisés
dans
ces
réponses sont "difficile,
"dur ...
L 2 (1)
Pour
moi,
le
français
est
difficile
mais
pas
trop.
L 6 (1)
En
tout
cas
c'est
difficile
comme
je
n'ai
pas
fait l'école.
L 7 (1)
Le français c'est très difficile
L 10 (1) Comme on a
pas
fait
l'école,
le
français
c'est
dur.
L Il (1) Le français est difficile à apprendre.
L 13 (1) Je peux dire que le français est difficile parce
que je n'ai pas été à l'école.
L 15 (1) Le français c'est dur,
c'est plus difficile que
le jula.
L 16 (1) Même
ceux
qui
ont
fait
l'école
disent
que
le
français est difficile.
L 17 (1) Le français est difficile parce que ce n'est pas
mon langue.
251
L 18 (1) Le français est difficile car je ne suis pas né
avec ça.
L 20 (1) C'est
un
peu
difficile
parce
que
nous,
moi
personnellement je n'ai pas fait l'école.
Nous voyons que le mythe du français
langue dure et
difficile qui
résiste même à
l'apprentissage scolaire et
met à défi tous ses sujets est présent dans la conscience
linguistique de nos témoins.
4.3.1.2. - Les représentants de la langue française
Dans cette partie,
nous avons cherché à
savoir quels
sont,
selon
nos
enquêtés
les
locuteurs
qui
sont
censés
représenter la communauté francophone
au Burkina Faso.
A
ce sujet la question qui leur a été posée se résume en ces
termes:
selon vous,
quels
sont
ceux
qui
parlent
le
bon
français ?
Pour nos informateurs seules les personnes scolarisées
parlent
le
"bon
français".
De
ce
fait,
elles
sont
les
représentants
de
la
communauté
locutrice
de
la
langue
française dans le pays.
L 1 (1) celui qui a fait l'école, sa causerie est bien.
L 6 (1) celui
gui
a
fait
l'école
prononce
bien
le
français.
L 7 (1) celui gui a fait l'école parle bien le français.
L 8 (1) celui gui a fait l'école parle correctement.
L 9 (1) celui
gui
a
fait
l'école,
son
langage
tient
debout.
Lll (1) les gens gui ont
fait
l'école quand
ils parlent
c'est correct.
L12 (1) ceux gui ont fait l'école ne se trompent pas.
252
L14 (1) si tu as fait l'école ton français est clair.
Les adjectifs tels que bien,
clair,
correct
sont
utilisés
pour
qualifier
la
manière
de
parler
des
scolarisés.
Pour
les
personnes
non
scolarisées,
aller
à
l'école est synonyme de maîtrise de la langue française.
Cette
vision
des
choses
prédomine
en
Afrique.
Cette
méconnaissance
des
problèmes
liés
à
l'apprentissage
du
français entrave toute initiative personnelle de la part
des locuteurs non-lettrés.
Pour eux,
l'école est le seul
cadre
approprié
où
l'on
peut
apprendre
correctement
le
français.
C'est
pourquoi
ils
sont
genes
de
s'exprimer
devant ceux qui ont fréquenté l'école.
4.3.1.3. - L'image de la langue concrète
Pour caractériser leur langue concrète,
les
informa-
teurs indiquent la présence d'une population quinécessai-
rement n'ayant pas accès "au vrai français" se fabrique un
français subalterne pour se faire comprendre.
L 1 (1) ceux qui
n'ont
pas étudié ne
parlent
pas
le
bon
français.
L 5 (1) ceux qui n'ont pas fait l'école parlent du mauvais
français.
L 6 (1) notre
français,
c'est
pour
faire
connaître
ce
qu'on veut dire.
L
7 (1) celui qui
n'a
pas
fait
l'école
ne
comprend pas
bien le français.
L 9 (1) nous,
on
se
débrouille
parce
qu'on
n'a
pas
fait
l'école.
LlO (1) nous aussi,
on se débrouille un peu pour avoir à
manger, on ne peut pas bien parler.
253
Lll (1) ce n'est pas du français que nous parlons,
c'est
pour avoir à manger seulement.
L12 (1) ceux
qui
n'ont
pas
fait
l'école
tamponnent
le
français.
L17 (1) ceux qui n'ont pas fait l'école causent du mauvais
français.
LIB (1) ceux qui
n'ont pas
fait
l'école
parlent
du
faux
français.
L19 (1) on sait gue c'est pas du bon français.
L2l (1) nous on parle le français populaire.
Des
termes
dépréciatifs caractérisent
leur
français:
faux français,
mauvais français,
français populaire,
pour
avoir à manger etc.
Nous
rencontrons
également
chez
nos
témoins
une
expression technique qui est utilisée pour qualifier leur
parler,
"se faire comprendre".
L 6 (1)
Notre français c'est pour se faire comprendre.
L13 (1)
On se débrouille pour se faire comprendre.
L14 (1)
On force pour se faire comprendre.
Un autre terme utilisé pour qualifier la forme basse
du français est
"avoir à manger"
(cf.
LlO,
L Il).
Cela
est dû au fait que l'apprentissage de la langue française
par
les
non
scolarisés
est
liée
essentiellement
à
des
raisons
économiques
(désir
d' avoir
un
emploi,
faciliter
les échanges langagiers avec les clients etc.).
4.3.1.4. - Le deuxième français,
l'autre langue
Existe-t-il une différence entre le français de ceux
qui ont fait
l'école et celui de ceux qui n'ont pas été
scolarisés ?
254
En
posant
cette
question
notre
objectif
était
de
savoir si ces deux
types de
français
constituaient deux
entités
séparables.
Les
réponses
des
témoins
montrent
clairement qu'on
a
affaire
à
deux
langues
indépendantes
l'une de l'autre.
L 1 (1)
celui qui a fait l'école, sa causerie est claire,
celui qui n'a pas fait l'école ne sait pas faire
la distinction entre le masculin et le féminin.
L 5 (1)
il
Y a
une
différence,
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école fait
des
fautes
alors que celui
a
fait
l'école parle correctement.
L 7 (1)
celui qui a
fait l'école parle du bon français,
celui qui n'a pas fait l'école parle mal.
L 9 (1)
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
sa
langage
ne
tient pas debout comme celui qui a fait l'école.
L Il (1) celui qui a
fait l'école lui il parle bien mais
celui qui
ne rentre pas
à
l'école,
il
y
a
des
mots qui tournent à droite gauche.
L 12 (1) ceux qui n'ont pas fait l'école se fatiguent pour
parler,
c'est
pas
correct,
il
y
a
des
fautes
dedans.
Ceux qui ont fait l'école leur français
c'est doux, c'est bon à écouter.
L 13 (1) celui qui
a
fait
l'école parle bien mais celui
qui n'a pas fait l'école ne parle pas bien.
L 14 (1) si
tu
as
fait
l'école
ton
français
est
clair.
Celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
son
langage
ne
tourne pas comme ceux qui ont fait l'école.
L 19 (1) ceux qui ont fait l'école,
eux ils parlent bien,
ce qu'eux, ils n'ont pas besoins c'est ça nous on
est dans ça.
255
L 20 (1) celui
qui
a
fait
l'école
~p~r~0~n~0~n~c~e__~b~1~'e~n~~1~e
français,
mais
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
parle du mauvais français.
L 21 (1) celui qui n'a pas rentré à l'école son français
n'est pas clair, il y a des défauts dedans, celui
qui a fait l'école ne se trompe pas.
Il
apparaît
à
travers
les
opinions
que
les
informateurs
ont
une
conscience
commune
de
parler
une
langue
différente
du
français
enseigné
à
l'école.
Leur
français est une langue au rabais. Les termes qui résument
cette situation sont:
les fautes,
mauvais français,
parle
mal, faux français,
défauts.
On assiste à une minoration de leur parler par rapport
au français des lettrés.
Certains vont même jusqu'à comparer leur langue à un
être humain malade,
incapable de se tenir debout
(cf.
L
9) •
4.3.1.5. - Le sentiment de parler une langue commune
Pour nos témoins,
tous les non-lettrés parlent de la
même manière.
Cette attitude a pour but de marquer d'une
part,
une
différence
avec
le
français
des
lettrés
et
d'autre
part,
un
moyen
d'affirmer
la
solidarité
de
ce
groupe.
A ce sujet,
on peut citer la
réflexion
de
L 5
"Pour nous,
notre français n'est pas cuit parce que nous
n'avons
pas
étudié.
Notre
français
c'est
pour
faire
connaître ce qu'on veut dire".
Cette conscience commune de parler une langue traduit
ce que J.B. Marcellesi (1987:
6) appelle "l'individuation
sociolinguistique".
La langue est construite à
partir de
la concience communautaire.
Son existence est
fondée sur
la décision massive de ceux qui la parlent. Avec ce point
de vue,
l'on assiste à la naissance d'une langue sous nos
yeux.
Le français parlé par les non-lettrés constitue un
256
système
linguistique
unique
fondé
sur
le
sentiment
linguistique
communautaire.
Ce
français
sert
à
1 'inter-
compréhension et à la recherche d'un emploi rémunérateur.
4.3.1.6. - Le complexe d'infériori~é des non-le~~rés
vis-à-vis des le~~rés
Tous les informateurs rencontrés disent qu'ils parlent
mal
le
français.
Cette
situation
est
liée
au
complexe
d'infériorité que la langue française instaure entre les
non-lettrés
et
les
lettrés
au
Burkina
Faso.
Pour
les
premiers, seuls ceux qui ont été scolarisés parlent le bon
français.
Toute
acquisition
du
français
en
dehors
du
contexte scolaire n'est pas digne d'intérêt.
Ce qui les
conduit à s'effacer eux-mêmes au profit des lettrés. cette
attitude
accentue
le
complexe
de
supériorité
des
scolarisés sur les locuteurs qui n'ont pas été à l'école.
C'est ce que résume J.P. Makouta Mboukou (1973: 79) en ces
termes:
"dans
la
société
africaine
francophone,
savoir
parler,
lire et écrire le français,
c'est
s' assurer une
promotion
dont
l'importance
varie
avec
la
manière
de
parler,
de lire et de l'écrire. Ce sont ceux qui parlent
le mieux,
qui
lisent le mieux,
qui écrivent
le mieux la
langue
française,
ceux
qui
sont
parés
de
hauts
titres
universitaires
qui
occupent
les
meilleures
places;
celles-ci
leur
reviennent
de
droit,
ils
sont
prioritaires".
Le
complexe
de
supériorité
des
uns
et
le
complexe
d' infériori té des autres constituent des candi tians pour
que
s'érige
un
mur
entre
les
deux
catégories
sociales.
Dans cette lutte entre les groupes sociaux,
la catégorie
sociale scolarisée sort vainqueur.
Le
fait
d'apprécier
négativement
leur
manière
de
parler
peut
s'expliquer
également
par
le
sentiment
d'insécurité
linguistique
qui
existe
chez
nos
informateurs.
Ce
sentiment
est
lié
au
fait
qu'ils
ont
257
affaire
à
un
interlocuteur
scolarisé.
En
effet,
i l
est
très facile pour nous de vérifier les écarts qui existent
entre ce que le gens disent et ce qu'ils font.
4.3.1.7. - Le sentiment de la compétence linguistique
L'objet ici est de voir comment les non-lettrés jugent
leur propre compétence linguistique par rapport à d'autres
personnes qui n'ont pas été scolarisées.
Rappelons d'emblée qu'il
ne
s'agit point d'apprécier
la compétence
linguistique
réelle,
mais
le
jugement
que
s'en font les sujets interrogés.
Pour nos
informateurs,
leur compétence est meilleure
que celle d'autres personnes qui n'ont pas été à
l'école
comme
eux.
Les
termes
utilisés
pour
caractériser
leur
compétence sont perçus à travers les réponses.
L 1 (1) Je parle mieux que certaines personnes qui n'ont
pas fait l'école parce que je peux distinguer le
féminin et le masculin
L 4 (1) Mon français est bien par rapport à d'autres,
les
autres ne peuvent pas parler fort comme moi
L 7 (1) Je
suis
fier
parce
qu'il
y
a
quelqu'un
qui
n'arrive pas à parler comme moi.
L 8 (1) Il Y a des gens qui n'arrivent pas à causer comme
moi.
Ll1 (1) Les gens qui n'ont pas fait l'école,
i l faut que
je commence à corriger.
L12 (1) Je
parle
mieux
que
d'autres
qui
n'ont
pas
fait
l'école, comme moi.
L14 (1) Il Y a d'autres personnes qui parlent moins bien
que
moi,
i l
m'arrive
de
corriger
d'autres
personnes.
258
On note une surévaluation de leur pratique langagière.
4.3.1.8. - La variation de la pratique linguistique
Les
informateurs
ont
conscience
que
leur
parler
constitue
un
système
approximati f
de
communication.
En
effet,
ils affirment tous que leur pratique linguistique
s'améliore
au
fil
des
années.
Cette
amélioration
est
remarquable selon eux à
travers
leur manière
de parler.
L'ensemble
des
éléments
qu'ils
avancent
pour
argumenter
leur propos sont les suivants
L 7
Au départ e parce que i l y a des mots que avant je
ne peux pas:
parler ça maintenant je vois que je
peux parler.
L 3 (1) ah,
maintenant,
ce
n'est
pas
la
même
chose
je
parle mieux plus que avant.
L 6 (1) Aujourd'hui ma français est mieux.
L 7 (1) Mon
français
s'est
modifié
je
parle
"'b..::i'-'ec-n_.....p'-l_u_s_
qu'avant,
avant je ne peux pas parler trois mots
maintenant je peux parler trois mots.
L 8 (1) Au début
et puis maintenant ce n'est
pas
pareil
maintenant je parle un peu bien.
L12 (1) Mon français est en train de se développer un peu
un peu.
L14 (1) Maintenant,
je comprend un peu,
je vois
que mon
français a changé, si tu me sabotes je comprends.
L19 (1) Je trouve que je peux me débrouiller un peu mieux
qu'avant,
avant
il
y
a
des
mots
que
je
ne
connaissais pas bon maintenant je connais ça.
L20 (1) J'ai
constaté
avant
que
si
je
parle
mon
langue
c'est un peu lourd mais maintenant je parle un peu
un peu maintenant ce n'est plus lourd.
259
Les
informateurs
sont
unanimes
à
dire
que
leur
pratique langagière varie en fonction du nombre d'années
d'apprentissage.
Selon
eux,
plus
le
nombre
d'années
de
pratique de la langue française est important,
plus on a
de
chance
de
mieux
parler
le
français.
D'après
un
informateur il faut environ dix ans d'apprentissage à un
non-lettré pour maîtriser la langue française.
Pour notre part,
nous
pensons que ce
jugement n'est
pas objectif car on peut déclarer parler français depuis
une dizaine d'années sans pour autant être en mesure de
s'exprimer dans cette langue. Nous estimons plutôt que la
maîtrise
orale
de
la
langue
française
est
liée
à
son
utilisation
quotidienne
dans
différents
contextes
de
communication
(famille,
travail,
lieux de loisirs,
etc).
Selon nous,
on ne peut pas maîtriser une langue en ayant
recours à elle que de manière occasionnelle.
4.3.1.9. - Attitudes face aux variétés de français
Dans cette partie,
nous avons cherché à savoir si les
enquêtés
étaient
en
mesure
de
reconnaître
différentes
variétés de français en usage au Burkina Faso et hors du
pays. De ce fait, nous leur avons posé des questions ayant
trait à la manière dont on peut faire pour déterminer les
variétés
de
français
suivantes
le
français
des
non-
lettrés,
le
français
des
groupes
socio-ethniques
et
le
français ivoirien.
4.3.1.9.1. - Le français des non-lettrés
Tous les informateurs ont déclaré être en mesure de
reconnaître
une
personne
qui
n'a
pas
fait
l'école
à
travers
sa
manière
de
parler.
Les
traits
distinctifs
qu'ils font ressortir sont:
L 1 (1) Celui qui n'a pas l'école ne peut pas cause le
français sans mélanger son langue maternelle.
260
L 2 (1) celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
a
un
accent
bizarre.
L 3
( 1 ) celui qui n'a pas fait l'école mélange les mots.
L
6 ( 1 ) celui qui n'a pas fait l'école sa ton est lourd.
L
8 (1) celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
cause
avec
des
fautes.
Pour nos témoins on peut reconnaître un non-lettré à
partir
des
éléments
suivants
le
ton,
l'accent,
les
fautes,
l'alternance de codes, etc.
- Le ton et l'accent
Notre
observation
quotidienne
montre
qu'il
est
difficile
de
dire
avec
certitude
que
telle
ou
telle
personne
n'a
pas
été
scolarisée
à
partir
du
ton
et
de
l'accent.
Nous pensons que ces traits de différenciation
avancés
par
nos
témoins
méritent
d'être
pris
avec
une
certaine réserve.
- Les fautes
Nous
partageons
ici
l'opinion
des
enquêtés
dans
la
mesure où l'apprentissage d'une langue seconde se fait par
approximations successives.
Il n'est donc pas étonnant de
remarquer
que
les
énoncés
des
apprenants
sont
souvent
truffés de fautes grammaticales.
Il importe cependant de signaler que ce point de vue
est plutôt influencé par l'opinion des lettrés.
En effet,
ces
derniers
ne
cessent
de
rappeler
aux
personnes
qui
n'ont
pas
fréquenté
l'école
que
leur
français
comporte
beaucoup
de
fautes.
Face
à
cette
pression
sociale,
les
non-lettrés ont intériorisé le fait que leur pratique du
français n'est pas parfaite.
261
- L'alternance de codes
L'al ternance de codes ne permet pas à notre avis de
distinguer
un
lettré
d'un
non-lettré
car
ce
procédé
de
communication peut être utilisé par tous les locuteurs du
français.
4.3.1.9.2. - Le français des Mossi
Aux
dires
de
nos
enquêtés
on
peut
reconnaître
un
mooréphone à travers sa manière de parler français. Ce qui
n'est
pas
le
cas
avec
les
locuteurs
des
autres
groupes
ethniques. Les éléments qui permettent de savoir qu'un tel
appartient au groupe mossi sont les suivants :
L 4 (1) Si, un Mossi parle,
il mélange son langue dans le
français.
L 6 (1) Si, un Mossi parle tu connais, i l y a des restants
de mooré dans sa français.
L12 (1) Un
Mossi
quand
i l
parle
i l
mélange
son
langue
dedans.
L13 (1) Un Mossi dit espécial.
Selon nos informateurs,
i l est facile de reconnaître
un Mossi car ce dernier a tendance à alterner le mooré et
le
français.
Nous
pensons
qu'il
ne
s'agit
pas
d'une
al ternance
de
codes.
I l s ' ag i t
plutôt
d'un
problème
de
modification de certains termes français en fonction de la
structure de la langue mooré.
On peut parler d'influence
du mooré sur le français.
Exemples
spécial est réalisé [espesial]
stade
est réalisé [~stad]
262
car le mooré n'admet pas une succession de deux consonnes
en début de mot.
4.3.1.9.3. Le français ivoirien
Le
français
parlé
en
Côte
d'Ivoire
a
reçu
des
dénominations diverses. Quand on parle du français dans ce
pays tout le monde a le regard tourné vers la variété de
français qui est utilisé par les personnes non scolarisées
et
qui
est
souvent
utilisé
par
les
lettrés.
Si
pour
certains i l s'agit d'un pidgin, pour d'autres on a affaire
à un mauvais français.
D'une manière générale les Burkinabè voient à travers
le français parlé en Côte d'Ivoire une forme simplifiée du
français qui ne respecte aucune règle.
Cette
attitude
des
Burkinabê
vis-à-vis
du
français
ivoirien se retrouve à travers les réponses des enquêtés.
L 5 (1) Notre ton est clair,
leur ton est lourd,
ce n'est
pas la même chose.
L 8 (1) Ici, le français est bon quand j'ai quitté en Côte
d'Ivoire venir
ici
je
parlais
le
français
ivoi-
rien, on m'a dit que c'est pas bon. C'est après ça
je
me
suis
corrigé
un
peu
un
peu,
le
français
ivoirien n'est pas bon à cause du langage.
Lll (1) Les
ivoiriens
qui
viennent
ici,
ils
parlent
le
français mais c'est pas correct.
L13 (1) Le
français
en
Côte
d'Ivoire
et
le
français
au
Burkina Faso c'est pas la même chose c'est la voix
gui change.
L17 (1) A Abidjan on parle en fantaisie à Abidjan on parle
façon,
celui qui n'a pas fait l'école on ne peut
pas
savoir,
tout
le
monde
parle
de
la
même
manière.
263
L20 (1) Le
français
â
Abidj an
et
puis
le
français
ici
c'est pas la méme langue parce que e
le français
d'Abidjan c'est facilement par rapport pour nous,
ici,
pour nous c'est un peu difficile.
L21 (1) Le français â Abidjan ce n'est pas comme ici,
ce
n'est pas bon.
Les
propos
tenus
sur
le
français
ivoirien
sont
dépréciatifs.
Les
termes
tels que:
n'est
pas bon,
c'est
pas correct,
c'est facilement,
français
façon,
fantaisie,
lourd,
sont utilisés pour désigner ce français.
Cependant
nous
disons
que
les
dires
de
nos
témoins
ne
sont
pas
objectifs car ils n'ont pas été â l'école.
Ils n'ont pas
alors
la
possibilité de
savoir
s' i l
Y a
réellement
une
différence
entre
le
français
parlé
en Côte
d' ivoire
et
celui
qui
est
parlé
au
Burkina
Faso.
Selon
nous,
leur
opinion a été surtout influencée par les arguments avancés
par
les
lettrés
en
ce
qui
concerne
la
situation
du
français en Côte d'Ivoire.
Un
témoin
a
ajouté
qu'en
Côte
d'Ivoire,
les
gens
mélangeaient
des
termes
locaux
au
français
pour
s'exprimer. Nous estimons que ce fait n'est pas spécifique
â ce pays.
Il est vérifié dans tous les pays francophones
où
la
langue
française
est
superposée
aux
langues
nationales.
4.3.1.9.4. - Les attitudes face aux corrections
Pour nos
informateurs,
toute
personne qui
cherche
â
apprendre
une
langue
ne
doit
pas
s'énerver
face
aux
moqueries
des
uns
et
des
autres.
Pour
eux,
celui
qui
s'énerve ne peut pas apprendre une langue.
Il
faut étre
patient.
C'est la connaissance de ces réalités
qui
fait
qu'ils sont impassibles devant les railleries des lettrés.
Ils acceptent
facilement
la correction car celle-ci
est
constructive.
Ils
ne
se vexent pas
non plus quand
des
personnes mal intentionnées les provoquent.
264
D'après
nos
enquêtés,
ils
sont
souvent
l'objet
de
moqueries et de plaisanteries de mauvais goût de la part
de
certaines
personnes
scolarisées.
Cette
atti tude
accentue le sentiment d'insécurité linguistique qui existe
chez les non-lettrés. Ce qui explique le refus de beaucoup
de gens de s'exprimer en face d'un interlocuteur qui leur
est proche.
Les
témoins
que
nous
avons
interrogés
sont
des
individus qui ont pu se libérer de cette insécurité créée
par
leur
entourage.
Leurs
réponses
confirment
notre
assertion.
L 5 (1) Je ne me gêne pas,
je dois parler pour me faire
comprendre.
L 7 (1) Il Y a des gens qui me moquent mais je m'en fous.
L 8 (1) Quand une personne se moque de moi je (ne)
fâche
pas.
Lll (1) Si tu veux comprendre quelque chose i l ne faut pas
t'énerver si tu t'énerves tu ne comprends pas.
L17 (1) Je ne suis pas gêné devant quelqu'un qui
a
fait
l'école car on n'a pas le même niveau.
L19 (1) Moi je ne suis pas gêné devant quelqu'un partout
je parle comme je veux.
4.3.1.9.5. - La diglossie français/langues nationales
Dans l'ensemble,
les non-lettrés regrettent de n'avoir
pas
été
à
l'école
à
cause
des
avantages
sociaux
que
procure
la
connaissance
de
la
langue
française
(langue
parlée et
écrite).
En
somme
l'apprentissage
du
français
est plus motivé par la recherche d'avantages sociaux que
pour le plaisir de parler une langue véhiculaire. Un autre
élément avancé est l'insuffisance de la pratique orale du
français dans le monde moderne.
De nos jours,
seules les
265
personnes qui
savent
lire et écrire peuvent
prétendre à
une promotion sociale. De ce fait,
on ressent un sentiment
d'amertume à travers les propos de nos informateurs.
Les premières personnes auxquelles ils en veulent sont
leurs
parents
qui
ne
les
ont
pas
scolarisés.
Ils
souhaitent que tous
les enfants fréquentent
l'école afin
de relativiser la domination des personnes qui n'ont pas
été à
l'école par une minorité d'individus.
A ce sujet,
J. P.
Makouta
MBoukou
( 1973:
24)
di t
que
"l' espri t
de
domination est
une
des
caractéristiques
de
la
catégorie
sociale scolarisée".
A
travers
les
jugements
des
informateurs
c'est
le
problème de
la diglossie
français/langues
nationales qui
est posé.
Au Burkina Faso on a,
d' une part,
le
français
langue de la promotion sociale et de la civilisation et,
d'autre part,
les langues qui ne procurent aucun avantage
social à leurs locuteurs.
La diglossie est décrite de la façon suivante :
L 2 (1) Si j'avais fait l'école,
j'allais avoir du boulot,
comme
je n'ai
pas
fait
l'école,
je
ne
peux
pas
travailler dans une société.
L 5 (1) Si tu veux travailler avec les blancs,
il faut le
français.
L 7 (1) Je
regrette
de
n'avoir
pas
fait
l'école,
aujourd'hui si tu n'as pas ton certificat,
tu ne
gagnes rien.
L12 (1) Il faut connaître écrire pour trouver du travail.
L13 (1) Ca me fait mal comme je n'ai pas fait l'école mon
papa i l a mal fait.
266
L14 (1) Je
regrette
beaucoup
que
à
l ' heure
actuelle
si
j'avais été à l'école,
je n'allais pas être comme
les autres.
Au lieu de nous limiter uniquement aux jugements des
non-lettrés,
nous avons demandé,
à titre de comparaison,
le point de vue de quelques enseignants sur la situation
du français de notre population cible au Burkina Faso.
4.3.2.
- Les opinions des enseignants sur le français des
non-lettrés
Nous parlerons ici tour à tour de la manière dont les
enseignants se représentent le français des non-lettrés et
de ce qu'ils pensent de l'avenir du
français
au Burkina
Faso.
Mais
avant
de
passer
aux
jugements
des
uns
et
des
autres,
il
convient de présenter
les
personnes que nous
avons interrogées.
4.3.2.1. - Descriptif sommaire des enquêtés
Nous avons jugé utile de présenter nos témoins dans la
mesure où nous pensons qu'il est nécessaire de connaître
les personnes qui donnent leur point de vue sur un thème
bien déterminé.
L'ensemble des informations ayant trait à
nos informateurs sont regroupées dans le tableau qui suit:
267
Locu-
NOM
Prénom
Age
Profession
teurs
1
SANOU
Tibeus
30
Instituteur
2
OUEORAOGO
Ousmane
29
Instituteur
3
NANA
Romuald
26
Instituteur
4
KAOIOGO
Maxime
27
1nst ituteur
5
ZI!'A
Babou
25
Instituteur
6
OUEORAOGO
Sibiri
27
Instituteur
7
NONGUIERMA
Joseph
42
Instituteur
8
NAPON
Ousmane
27
Instituteur
9
OUEORAOGO
Pauline
33
Institutrice
10
KABRE
Albertine
30
Institutrice
En ce qui
concerne les questions posées aux témoins,
elles sont les suivantes :
1.
Selon
vous,
est-ce
qu'il
existe
un
français
des
non-lettrés au Burkina Faso ?
2.
Selon vous,
est-ce qu'il y a une différence ou non
entre
le
français
des
non-lettrés
et
celui
des
lettrés?
3.
D'après
vous,
est-ce que ce
français
a
un
intérét
pour ses locuteurs?
4.
Quelle
est
votre
attitude
à
l'égard
de
ceux
qui
utilisent ce français ?
5.
Vous est-il déjà arrivé de corriger des non-lettrés?
6.
Selon
vous,
doit-on
encourager
ou
interdire
la
pratique de ce français ?
7.
Etes-vous d'accord ou non avec ceux qui disent que
le français des non-lettrés est du charabia ?
268
8.
D'après
vous,
que
doit-on
faire
pour
permettre
à
beaucoup de Burkinabè de parler français ?
9.
Selon vous,
quelle est l'importance du français
au
Burkina Faso ?
10.
Que pensez-vous de l'avenir du français
au Burkina
Faso?
Après ces préliminaires, nous allons présenter dans un
certain ordre les grandes tendances qui se dégagent d'un
groupe de
locuteurs
assez
homogène
dans
ses
représenta-
tions.
4.3.2.2. - Le mauvais français des non-lettrés
Pour nos informateurs,
le français parlé par les non-
lettrés est une réalité dont on ne peut nier l'existence
auj ourd 'hui
au
Burkina
Faso.
Ce
français
permet
à
une
frange de la population qui n'a pas eu la chance d'être
scolarisée de satisfaire à ses besoins de communication.
L'émergence
de
ce
système
a
été
facilitée
par
la
diglossie français/langues
nationales qui
existe dans
le
pays.
De ce
fait,
le
recours
à
la
langue
française
est
devenu
indispensable
pour
tout
citoyen
burkinabè
qui
voudrait
participer
d'une
manière
ou
d'une
autre
au
développement national.
La nécessité de parler français a
contribué à la naissance du français des non-lettrés dont
la finalité est "de faire passer son message". C'est cette
idée
qui
est
développée
à
travers
les
réponses
des
enseignants.
Sanou Tibeus
:
Ce n'est pas du charabia car ce
français
permet aux gens de se faire comprendre.
Napon Ousmane: Ce français n'est pas du charabia,
quelque
soi t
le niveau
de
la
personne
on
arrive
à
la
comprendre.
269
Nana Romuald
:
Pour moi la finalité du langage c'est la
compréhension si on arrive à
les comprendre ça
suffit ce n'est donc pas du charabia.
Kadiogo Maxime
:
Je pense que c'est du mauvais français,
c'est
du
débrouillé
mais
ce
n'est
pas
du
charabia.
Ouédraogo
Ousmane
Pour
moi,
je
dirais
que
c'est
du
français
dans
la
mesure
où
ils
arrivent
à
se
faire
comprendre mais
ça
ne
répond
pas
à
des
normes
grammaticales,
ce
n'est
pas
du
bon
français.
Ouédraogo
Sibiri
Dans
la
mesure
où
ils
se
font
comprendre dans
cette
langue on peut dire que
c'est du français, ce n'est pas du charabia.
Les
témoins
rejettent
tous
le
qualificatif
de
"charabia" que nous avons voulu attribuer au français des
non-lettrés.
Ils estiment qu'en ce qui concerne ce moyen
de communication,
on ne doit pas parler de charabia dans
la
mesure
où
ce
français
est
compréhensible
par
les
lettrés.
Pour eux,
ce français né dans la rue est plutôt
"un mauvais
français".
Ce qui
les conduit à
définir les
caractéristiques de ce français.
4.3.2.3. - Les caractéristiques du français des non-
lettrés
D'après nos enquêtés,
le français des non-lettrés est
différent de celui des
lettrés.
Ce français
ne respecte
aucune règle grammaticale et comporte beaucoup de fautes
(prononciation, syntaxe, etc.).
Ouédraogo
Ousmane
Dans
ce
français,
les
mots
sont
déformés les phrases ne sont pas bien structurées,
les gens
utilisent des
contractions qui
ne
sont
pas recommandées.
270
Mme Kabré
Le français
de
la rue
comporte beaucoup de
fautes.
Napon Ousmane
Le français de la rue n'a pas de règles.
Nana Romuald
Sur
le
plan grammatical ce
français
est
sans corps et sans âme il n'a pas de structure,
c'est
un
français
facile
qui
ne
demande
pas
un
effort.
Sanou
Tibeus
C'est
un
français
sans
articles,
sans
verbes,
il ne respecte aucune règle grammaticale,
chacun parle comme il veut.
En
résumé,
les
termes
utilisés
pour
définir
ce
français sont : français déformé,
français comportant des
fautes,
français
sans
structure
et
sans
règles
grammaticales.
D'autres
personnes
le
personnifient
en
parlant de français "sans corps et sans âme".
Cette conscience selon laquelle le français parlé par
les locuteurs qui n'ont pas eu la chance d'aller à l'école
est sans règles est très répandue dans la société par les
non-lettrés.
C'est pourquoi il n'est pas rare d'entendre
ces derniers dirent qu'ils parlent "un mauvais français".
Le
jugement
des
enseignants,
qui
est
normatif,
consti tue
une
négation
de
ce
système
de
communication.
Nous
pensons
que
toute
forme
construite
par
les
non-
lettrés
est
du
français
dans
la
mesure
où
nous
avons
affaire à un système approximatif de communication. De ce
fait,
toutes les formes réussies ou non sont des éléments
consti tutifs
de
ce
français.
Il
ne
faut
pas
non
plus
perdre de vue
le
fait
que ce système peut au
fur
et
à
mesure qu'il se construit s'éloigner de la langue cible en
développant ses structures propres.
271
Malgré le rejet par les témoins de ce français,
ils
reconnaissent
au
moins
qu'il
est
très
utile
au
Burkina
Faso.
4.3.2.4.
- L'intérêt du français des non-lettrés
Le français parlé par les non-lettrés a deux intérêts
au Burkina Faso. Aux dires des informateurs,
il facilite,
d'une part,
l ' intercompréhension entre les scolarisés et
les
non
scolarisés
et,
d'autre
part,
i l
permet
à
ses
locuteurs
d'aspirer
au
bien
être
économique
et
social.
Dans un pays multilingue comme le Burkina Faso,
seule la
pratique du français peut permettre à un Nuna de se faire
comprendre du Mossi et vice-versa.
Langue née du besoin de communication, le français des
non-lettrés aide ses
locuteurs dans
la
vie quotidienne.
Selon
nos
enquêtés,
i l
permet
à
certains
d'écouler
facilement
leurs
produits
(commerçants,
tailleurs,
cordonniers, etc) et à d'autres de prétendre à des emplois
rémunérés
tels
que
gardiens,
chauffeurs,
manoeuvres.
De
nos jours,
l'obtention d'un quelconque emploi est liée à
la
pratique
du
français
au
Burkina
Faso.
C'est
ce
que
résume un informateur en ces termes:
"on gagne son pain
avec le français".
Outre les deux éléments avancés,
nos enquêtés pensent
que
ce
français
permet
de
relativiser
la
barrière
linguistique
qui
existe
entre
ceux
qui
n'ont
pas
été
scolarisés
et
ceux
qui
ont
été
à
l'école.
De
plus,
la
naissance de
ce
système
de
communication
aide
les
non-
lettrés
à
entrer
dans
le
monde
moderne
et
dans
la
civilisation occidentale.
Ces
deux
privilèges
étaient
jusque _là
réservés
aux
scolarisés.
En
dernier
lieu,
les
enseignants
soulignent
que
ce
français
peut
contribuer
à
la
réduction
du
taux
272
d'analphabétisme qui règne dans le pays s ' i l est amélioré.
A ce
sujet,
ils proposent
que
des
cours
du
soir soient
organisés à l'intention des locuteurs de ce français.
Face
aux
efforts
fournis
par
les
non-lettrés
pour
maîtriser
la
langue
française,
les
enseignants
estiment
qu'ils ont un rôle important à jouer.
4.3.2.5 .
. Le rôle de l'enseignant au Burkina Faso
D'après nos
témoins,
l'enseignant,
en tant
qu' éduca-
teur,
se doit d'aider les non-lettrés dans l'apprentissage
de la langue française.
Il doit les encourager à parler.
Pour ce faire,
il faut être souple avec les apprenants. On
doit les corriger sans les vexer et éviter également de se
moquer d'eux quand ils parlent.
L'objectif
visé
à
travers
ces
recommandations
est,
d'une part,
de permettre aux non-lettrés de maîtriser le
français
et,
d'autre
part,
de
protéger
le
français
des
lettrés
de
l'influence
du
français
de
la
rue.
Pour
les
enseignants,
le
risque
que
les
scolarisés
cherchent
à
parler comme les personnes qui n'ont pas été à l'école est
grand
en
raison
de
la
simplicité
du
français
extra-
scolaire.
A
cela,
i l
faut
ajouter
le
fait
que
les
personnes
non
scolarisées
sont
plus
nombreuses
que
le
reste
de
la
population
burkinabè.
De
ce
fait,
leur
français a des chances de se propager plus vite que celui
des lettrés.
Ce risque du passage de la forme valorisée à
la forme dévalorisée inquiète beaucoup les éducateurs.
Si
cela
arrivait
l'enseignant
aurait
perdu
son
rôle
de
représentant et de défenseur de la langue française.
Malgré cette
inquiétude,
nos
témoins
pensent
que
le
français a
encore sa place,
et pour longtemps au Burkina
Faso.
273
4.2.3.6.
L'avenir du français au Burkina Faso
La
cohabitation
français
des
lettrés/français
des
non-lettrés est
très
mal
vécue
par
les
enseignants.
La
tâche de l'enseignant en Afrique francophone en général et
au
Burkina
Faso
en
particulier
étant
d'amener
l'enfant
africain à manier le français comme les
Français,
on ne
peut pas encourager la pratique du français de la rue dans
le pays.
De
l'avis
de
nos
informateurs,
il
faut
protéger
le
français
normé.
Cette
protection
passe
par
l' améliora-
tion du français des non-lettrés à travers la proposition
de cours du
soir
aux
locuteurs
non scolarisés.
Il
faut
travailler à homogénéiser les compétences des locuteurs du
français. Aucun droit de cité n'est reconnu au français né
sur le tas.
Outre
le
problème
de
la
coexistence
de
ces
deux
français,
les enquêtés dénoncent la baisse du
niveau de
l'enseignement
du
français
dans
le
pays.
Ils
imputent
cette situation à l'inadaptation et au manque de documents
didactiques
et
à
l'insuffisance
de
la
formation
des
enseignants. Ce problème de la baisse du niveau des élèves
en français n'est pas particulier au Burkina Faso.
Il se
rencontre dans la plupart des pays francophones d'Afrique
noire. Et c'est à ce titre que P. Dumont (1987) se pose la
question de savoir si l'Afrique noire peut encore parler
français
en
raison
de
l'échec
des
différentes
méthodes
utilisées pour
l'enseignement du
français
dans
les pays
francophones.
Les différents problèmes que soulève
la pratique du
français dans le pays ne sont pas de nature à décourager
nos
informateurs.
En
effet,
ils
sont
unanimes
à
reconnaître
que
les
Burkinabè
continueront
à
parler
français
car
cette
langue
est
le
ciment
de
l'unité
nationale.
La
langue
française
'facilite
l' intercom-
274
préhension
entre
les
différents
groupes
ethniques
impliqués dans l'effort de construction du Burkina Faso.
275
CHAPITRE 5 -
PROPOSITIONS GLOTTOPOLITIQUES
Une
étude
sociolinguistique
ne
peut
échapper
à
une
prise de position comme le confirment les travaux de
B.
Berstein et de Labov sur les codes sociolinguistiques aux
Etats-Unis et cette réflexion de J.B.
Marcellesi
(1980b:
136) :
"faire de
la
sociolinguistique,
c'est
aussi
d'une
manière
ou
d'une
autre
prendre
parti
et
aider
à
la
recherche de solutions".
En décidant d'étudier le français parlé par les non-
lettrés
au
Burkina
Faso,
notre
objetif
est
d'attirer
l'attention des
uns
et
des
autres
sur la diglossie
qui
existe entre le français et les langues nationales. Celle-
ci
est
entretenue
par
la
coexistence
de
deux
systèmes
éducatifs aux finalités différentes:
"l'éducation formel-
le" et "l'éducation non formelle" (termes que nous emprun-
tons à 1. Nacro (1984 : 201).
Ce
dernier
qualifie
l'alphabétisation
des
adultes
d'éducation
non
formelle
par
apposi tion
à
l'école
(éducation formelle). L'école fournit un passeport pour la
ville, voire pour l'étranger,
à ceux dont elle sanctionne
la réussite. l'étude de l'alphabétisation fonctionnelle en
langues nationales
montre que
ses
prometteurs
n'ont
pas
analysé
en
profondeur
la
question
centrale
du
réin-
vestissement
autonome
des
connaissances
et
des
savoir-
faire
acquis
en
langues
nationales.
La
plupart
des
évaluations
s'attardent
à
mesurer
le
niveau
des
compétences
atteint
en
lecture,
écriture
et
calcul
et
mettent en évidence le fait que l'apprentissage au travers
la langue maternelle est plus rapide et mieux maîtrisé.
Mais,
à
notre avis,
l'apprentissage de l'écriture en
langues nationales doit
prouver
son utilité
sociale car
l'écriture en français a une fonction sociale évidente. La
276
langue nationale, dans son contexte de civilisation orale,
couvre
tous
les
besoins
de
communication
d'une
seule
communauté.
Créer
une
écriture
et
la
faire
apprendre
(opérations
qui
relèvent
d'une
intervention
externe),
suppose
en
même
temps
que
l'on
découvre
et
que
l'on
prévoie
avec
les
intéressés
la
dynamique
de
son
réinvestissement.
En l'absence d'une telle poli tique,
on
aboutira à une désalphabétisation qui dévalorisera encore
plus la langue nationale par rapport à la langue dominante
qu'est
le
français.
Il
importe
donc
que
les
langues
nationales puissent trouver une utilité sociale différente
et
complémentaire
à
celle
de
la
langue
française
au
Burkina Faso. C'est pourquoi pensons-nous que tout projet
d'alphabétisation en langues nationales doit
intégrer un
apprentissage du
français
selon des
formes
adéquates et
des contenus et objectifs appropriés.
En d'autres termes,
l'introduction
des
langues
nationales
dans
le
système
éducatif et la définition de leur champ
social d'utili-
sation questionnent inévitablement le rôle social et les
registres d'utilisation de la langue française au Burkina
Faso.
A la suite de ce qui vient d'être dit,
il convient de
présenter l'articulation du
chapitre.
A ce
sujet,
notre
réflexion prendra deux directions
dans
un
premier
temps,
nous
décrirons
les
fonctionnements
de
l'éducation
non
formelle
et
de
l'éducation formelle au Burkina Faso,
dans un second temps,
nous proposerons une nouvelle
politique d'alphabétisation.
S.l. - L'éducation non formelle et l'éducation formelle
au Burkina Faso
Pour
mieux
comprendre
l ' opposi tian
qui
existe
entre
l'alphabétisation en langues nationales et l'école, il est
important de connaître leurs finalités respectives.
277
5.1.1. - L'alphabétisation fonctionnelle en langues natio-
nales
Nous nous sommes longuement étendu sur l'éducation non
formelle dans le premier chapitre consacré à la politique
linguistique du
pays.
Nous
avons
également expliqué
les
différentes
difficultés
auxquelles
les
néo-alphabétisés
sont
confrontés
après
les
campagnes
d'alphabétisation.
Pour
ne
pas
nous
répéter,
nous
nous
contenterons
ici
d'analyser l'impact de l'alphabétisation fonctionnelle en
langues nationales dans la société burkinabè en général et
plus
singulièrement
dans
le
milieu
rural.
Dans
cette
optique
nous
examinerons
ses
effets
au
plan
socio-éco-
nomique.
Mais au moment de parler de l'impact socio-économique,
une
réflexion
de
G.
Belloncle
(1981:
96)
nous
vient
à
l' espri t :
"tout le problème est maintenant de
savoir ce
que
l'on
fera
de
ces
nouveaux
alphabétisés.
Qu'on
les
utilise et
l'alphabétisation
se
propagera
de
village
en
village.
Qu'ils
ne
trouvent
aucune
utilisation
à
leurs
nouvelles compétences, et le peu qui existe disparaîtra".
Dans cette partie nous nous référons au travail de S.
Sanwidi
(1989
290)
qui a
fait des enquêtes de terrain
afin
d'appréhender
l'action
des
auditeurs
après
leur
formation.
Il propose d'apprécier l'action de l'alphabétisation à
partir de l'inventaire des acquis instrumentaux (lecture,
écriture, calcul) et des acquis économiques.
5.1.1.1. L'utilisation des acquis instrumentaux
En matière d'application "des savoirs écrire et lire",
S. Sanwidi (1989: 291) cite les faits suivants:
Les
alphabétisés
adressent
souvent
des
correspon-
dances à l'agent alphabétiseur,
au chef de service
278
de
la
cellule
alphabétisation
et
à
d'autres
alphabétisés des villages voisins.
L' écri ture et
la
lecture
sont
également
utilisées
pour conserver ou
communiquer des
notes
secrètes:
négociations
en vue
d'un
mariage,
présentation de
problèmes financiers, notes de dépenses ou de prêts.
Les
alphabétisés
transcrivent
des
contes,
des
proverbes,
des formules de pharmacopée africaine et
des faits de tradition.
On assiste à la transformation en alphabétiseurs de
nombreux adultes ayant appris à lire et à écrire que
dans
les
centres
d'alphabétisation
en
langues
nationales.
Les
néo-alphabétisés
tiennent
des
postes
médicaux
infantiles
villageois
et
des
centres
de
soins
de
santé
primaire
après
avoir
suivi
des
stages
de
formation de secouriste et d'agent communautaire.
En ce qui concerne le calcul, il est très peu utilisé.
Mais l'auteur signale des cas où les paysans ont recours
aux techniques opératoires écrites.
Les
néo-alphabétisés
notent sur un cahier les montants des
crédits agricoles
accordés
par
l'organisme
de
développement
pour
les
équipements.
Ils gèrent aussi des stocks de
facteurs
de
productions,
des
banques
de
céréales
et
des
moulins
villageois.
Les acquis instrumentaux ne sont pas les seuls faits
importants
de
l'alphabétisation,
il
y
a
également
la
"formation conscientisation".
5.1.1.2. La formation conscientisation
L'ensemble
des
comportements
inventoriés
considérés
comme ayant été provoqués par les cours d'alphabétisation
sont les suivants :
279
les
paysans
sont
sensibilisés
à
la
lutte
anti-érosive.
De
ce
fait,
on
assiste
à
des
plantations d'arbres, à des levées de diguettes et à
l'aménagement de retenues d'eau,
les
néo-alphabétisés
exploitent
eux-mêmes
les
documents techniques en agriculture et en élevage,
les
conseils
de
santé
sont
appliqués
avec
une
certaine ampleur car ici, aussi les néo-alphabétisés
lisent et exploitent
personnellement
les
documents
sanitaires
rédigés
en
langues
nationales.
Les
conseils
et
lectures
personnels
conduisent
à
la
pratique
de
1 'hygiène
alimentaire
(protection
des
aliments,
filtrage
de
l'eau),
corporelle,
de
l'habitat etc.
L'éducation non formelle n'a pas la même finalité que
le
système
scolaire.
On
s'en
convaincra
en
examinant
l'éducation formelle au Burkina Faso.
5.1.2. L'éducation formelle
Le projet de scolarisation au Burkina Faso a pour but
d'atteindre
rapidement
l'ensemble
des
enfants
burkinabè
afin de leur permettre de participer au développement du
pays. A ce sujet, P. Erny (1977: 10) souligne que "pour la
première 'génération des responsables politiques africains,
par
exemple,
issus
pour
la
plupart
de
l'enseignement
colonial,
l'école était une institution quasiment sacrée,
intouchable,
dont
il
fallait
bien
entendu
"africaniser"
les
programmes,
mais
dont
l'action
ne
pouvait
être
que
bénéfique. On attendait d'elle une contribution directe au
développement et une impulsion décisive vers le changement
et le progrès. On en promettait la généralisation à brève
échéance sans remettre en cause en profondeur les modèles
hérités
de
la
colonisation
ou
d'autres
formes
plus
substiles d'hégémonie".
280
Cette
politique,
qui
est
toujours
en
vigueur
au
Burkina Faso, absorbe 1/4 du budget national. Cependant on
note
qu'il
est
mathématiquement
impossible
d'étendre
le
bénéfice
de
l'instruction
moderne
à
l'ensemble
de
la
population
enfantine
en
raison
de
la
faiblesse
des
ressources financières du pays.
La
scolarisation
ne
pouvant
pas
atteindre
tous
les
enfants,
on
en
vient
à
officialiser
une
institution
inégali taire
et
anti-démocratique
qui
refuse
aux
uns
la
chance qu'elle accorde aux autres d'une manière totalement
arbitraire. On assiste alors à une répartition inégale des
écoles dans les pays.
Ainsi,
la majorité des écoles sont
concentrées dans les grandes villes que sont Ouagadougou,
Bobo-Dioulasso et Koudougou.
Les enfants vivant dans les
villages
ne
peuvent
être
scolarisés
que
dans
les
chefs
lieux de départements.
Nous constatons que
seule une
petite minorité de
la
population est
scolarisable.
Le
jeu
est
alors
gravement
faussé car l'école devient un facteur de différenciation
sociale.
Elle
favorise
une
promotion
individuelle et
la
mise en place de classes privilégiées et de bourgeoisies
administratives.
Par
l'école,
on
arrive
à
reproduire
la
structure sociale existante et à maintenir chacun dans le
statut que son origine lui assigne. C'est pourquoi P. Erny
(1977:
15)
citant
J.
Ki
Zerbo
parle
"d'école
poudrière
sociale,
de
plus
anti-démocratique".
Au
Burkina
Faso,
l'école creuse un
fossé
entre
les
non-scolarisés
et
les
lettrés.
En effet,
il
faut
aller à
l'école pour pouvoir
prétendre à un emploi rémunéré ou à une promotion sociale.
En
résumé,
l'éducation
formelle
apparaît
comme
le
seul
moyen
à
même
d'apporter
les
bienfaits
des
sociétés
modernes,
lesquels ne peuvent être acquis que grâce à
la
connaissance de la langue française. C'est pourquoi chaque
famille délègue un de ses membres à l'école en pensant que
celui-ci
sera l'élément sauveur qui,
par
l'intermédiaire
281
de
son
salaire,
leur
apportera
les
bienfaits
de
la
civilisation occidentale.
En
définitive,
nous
notons
que
l'opposition
entre
l'éducation formelle et l'éducation non formelle est très
nette
dans
le
pays.
La
première
institution
impose
ses
auditeurs aux commandes de la société burkinabè.
Ce sont
ces
derniers
qui
possèdent
les
pouvoirs
politique
et
économique du pays.
La
deuxième
institution confine
les
alphabétisés dans leur communauté d'origine les empêchant
du même coup de s'ouvrir à la modernité.
C'est
ce
que
nous
tenterons
de
démontrer
dans
les
pages qui suivront.
5.1.3. Les langues nationales et le français sur le ter-
rain au Burkina Faso
L'objet de cette partie est de montrer les insuffisan-
ces et les limites de l'alphabétisation fonctionnelle en
langues
nationales
à
travers
les
jugements
épi1inguis-
tiques
des
alphabétisés.
Pour
ce
faire,
nous
nous
appuyerons sur le travail de V.
de P.
Sawadogo (1989) et
sur les conclusions des enquêtes que nous avons menées.
Aux
dires
des
alphabétisés,
certains
de
leurs
camarades
qui
reviennent
dans
les
villages
après
les
campagnes
d'alphabétisation
perdent
souvent
très
rapidement le rudiment qu'ils ont acquis. Cela s'explique
par le fait
qu'après
la
formation,
ils
n'utilisent plus
jamais la langue nationale dans laquelle ils ont appris â
lire et à écrire. Cette idée est corroborée par V.
de P.
Sawadogo (1989 : 30) qui affirme que les alphabétisés lui
ont exprimé en toute sincérité leur insatisfaction vis-à-
vis de
l'alphabétisation.
Ce qui
le conduit
à
présenter
les
opinions
d'un
certain
nombre
d'auditeurs
qu'il
a
rencontrés dans certaines provinces du pays
lors
de ses
enquêtes de terrain.
A titre illustratif,
voici quelques
exemples donnés par l'auteur.
282
Province de la Gnagna
A Pièla,
les
alphabétisés
ont
exprimé
les
souhaits
suivants:
"nous
souhaitons
pouvoir
accéder
plus
tard
au
français.
Beaucoup
de
nos
camarades
ne
se
sont
pas
présentés
à
cet
enseignement
parce
qu'ils
voudraient
parler français".
Province du Gurma
D'après
V.
de
P.
Sawadogo,
les
réactions
des
alphabétisés étaient similaires à celles du Pièla. Les uns
disaient "les centres d'alphabétisation seraient pleins si
l'on enseignait le français et le gulimancéma".
Province de Sanematenga
A Korsimoro,
les femmes de l'alphabétisation bantaaré
disaient
ceci
"pour
nous
le
mooré
est
insuffisant
lorsque nous quittons les communautés mooréphones".
A
cela
i l
faut
ajouter
d'autres
réactions
indivi-
duelles:
Exemples
Odile Sawadogo "Je ne pense pas que le mooré est suffisant
pour
l ' homme.
Il
faut
apprendre
une
autre
langue.
Je
veux
apprendre
aussi
le
français.
Si,
je voyage à Bobo-Dioulasso ou
à
Abidjan,
l'alphabétisation
en
mooré
ne
peut pas me servir là-bas".
Marie Ouédraogo
"Je
veux
apprendre
le
français
mais
comment?
Qui
va
me
l'apprendre
sinon,
je
reconnais l'utilité de cette langue surtout
dans la recherche des emplois en ville.
Je
voudrais
aussi
apprendre
le
français
pour
m'ouvrir à d'autres régions".
283
Un autre auditeur
"Je pense que le mooré est insuffisant pour
l ' homme.
Je
dois
apprendre
une
autre
làngue.
Le
mooré
est
utilisé
à
Korsimoro.
Si je veux aller dans les villes,
le mooré
n'est pas nécessaire.
Je veux apprendre le
français,
i l
est
nécessaire.
Il
Y
a
des
régions du Burkina et des pays limitrophes
où
le
mooré
n'est
pas
parlé.
Là-bas,
je
peux m'exprimer en français".
L'impression
qui
ressort
de
ces
différentes
inter-
ventions est que
l'alphabétisation fonctionnelle
n'a pas
pris en compte
la motivation des
gens
à
s'alphabétiser.
L'éducation non formelle apparaît alors comme une action
qui leur est imposée.
Ils n'ont pas été consultés.
C'est
dans cet ordre d'idées que P.
Erny
(1977:
59)
citant R.
Maheu
dit
que
la
motivation
est
essentielle
dans
toute
campagne d'alphabétisation;
"il faut que les personnes et
les masses que l'on veut faire accéder à l'alphabétisation
comprennent de
quoi
i l
s'agit
et
le
veuillent.
Il
faut
d'abord
qu'il
Y ait
un
mouvement
spontané,
une
demande
constante,
je dirai
même une pression de
l'opinion pour
que
l'alphabétisation
puisse
être
entreprise
avec
des
chances
de
succès ...
i l
faut
arriver
à
un
stade
où
l'alphabétisation
sera
prise
en
charge
par
les
analphabètes
eux-mêmes.
C'est
en
effet
à
ce
moment
seulement que nous serons sûrs de
la victoire.
Tant que
l'alphabétisation
restera
l'affaire
des
gens
qui
savent
lire, elle demeurera,
pour ceux que nous voulons aider et
sauver,
quelque
chose
d'extérieur.
Or
on
ne
sauve
pas
l'homme de l'extérieur: l'homme se sauve de l'intérieur".
Pour
revenir
à
la
situation
burkinabè,
on
note
l'existence
d'un
désir
de
bilinguisme
chez
les
alphabétisés.
Dans
la
mesure
où
ils
réclament
à
grands
cris
l'apprentissage du
français,
on ne peut
pas
rester
indifférent à
leur appel si on veut créer une société de
284
promotion
collective
c'est-à-dire
une
société
dans
laquelle on doit viser le bien-être de l'ensemble de la
population et non la promotion individuelle.
C'est
pourquoi
nous
préconisons
l'instauration
d'un
enseignement
bilingue
français/langues
nationales
au
Burkina Faso.
La langue
française doit cesser d'être
la
propriété
d'une
minorité
de
personnes,
car
elle
est
indispensable aux jeunes à
la recherche d'un emploi,
aux
commerçants
et
aux
agriculteurs
en
contact
avec
des
personnes
ne
parlant
pas
les
langues
nationales
ou
régionales.
La proposition que nous faisons peut à notre
avis
permettre
à
tous
les
citoyens
du
Burkina
Faso
de
participer à
la vie poli tique,
sociale et économique du
pays, en un mot au développement de la nation.
5.2. Propositions pour une nouvelle politique d'alphabéti-
sation au Burkina Faso
La
promotion
des
langues
nationales
burkinabè
est
aujourd'hui perçue comme partie intégrante de l'insertion
du
pays
dans
le
monde
moderne.
C'est
pourquoi
beaucoup
d'efforts
sont
faits
par
les
autorités
en
vue
de
l'intégration
des
langues
nationales
dans
le
système
éducatif burkinabè.
Mais ces tentatives de revalorisation
des
langues
locales
rencontrent
un
certain
nombre
de
problèmes que nous avons soulevés dans la première partie
de notre travail (choix arbitraire des langues, absence de
promotion
sociale
liée
à
leur
apprentissage,
manque
de
sensibilisation etc).
Face à
cette situation certains linguistes burkinabè
tels que 1. Nacro,
B.
Ouoba et V.
de P.
Sawadogo avaient
expliqué
pourquoi"
il
était
nécessaire
que
l'alphabé-
tisation
en
langues
nationales
soit
accompagnée
d'une
alphabétisation en français.
Le premier nommé
(1984: 46)
affirmait que les alphabétisés ne sont pas enthousiastes
285
car le type d'alphabétisation qu'on leur propose ne répond
pas à leurs besoins.
Nous si tuant dans
le même courant de pensée que ces
chercheurs,
nous
proposerons
un modèle d'alphabétisation
bilingue, mais qui, à notre avis, ne peut s'élaborer qu'en
deux étapes: une étape régionale et une étape nationale.
S.2.1. Alphabétisation de promotion collective: les gran-
des lignes d'une politique
Pour que les langues nationales soient perçues comme
les instruments d'une
promotion collective,
il
faut
les
utiliser simultanément dans l'alphabétisation des adultes
et dans
l'éducation primaire.
Cette simul tanéi té devrait
empêcher
de
considérer
les
langues
locales
comme
des
langues au
rabais
utilisées
uniquement
par
les
laissés-
pour-compte de l'éducation scolaire.
Elle éviterait,
dans
la mesure où
il
y
aurait
convergence de
finalités,
une
rupture
entre
adultes
et
enfants
et
renforcerait
la
cohérence
et
la
puissance
d'initiative
de
chaque
communauté. Cette alphabétisation devrait être accompagnée
d'une
initiation
à
la
langue
française.
Ce
qui
nous
permettrait
d'avoir
deux
systèmes
de
communication
complémentaires.
Les langues nationales serviraient alors
à
la
connaissance
du
patrimoine
culturel
et
à
sa
perpétuation.
Le
français
serait
alors
la
langue
de
communication
internationale
et
d'ouverture
à
la
modernité.
La
poli tique
que
nous
proposons
n'est
pas
facile
à
mettre
en
oeuvre
en
raison
du
mul tilinguisme
qui
caractérise le Burkina Faso.
C'est compte tenu de cette
situation
que
nous
voulons,
à
moyen
terme,
une
alphabétisation régionale.
286
5.2.1.1. L'alphabétisation régionale
L'alphabétisation au niveau régional que nous prônons
ne peut pas prétendre résoudre le problème de la diglossie
qui
existe entre le
français
et
les
langues
nationales.
Elle
ne
vise
pas
à
agir
sur
les
rapports
entre
les
langues.
Elle cherche plutôt à
construire une société où
chacun
serai t
à
même
de
satisfaire
à
ses
besoins
tout
seul, dans différents contextes de communication.
Dans cette optique, nous présenterons les éléments que
doivent
désormais
contenir
l'éducation
non
formelle
et
l'éducation
formelle
au
Burkina
Faso,
si
l'on
veut
atteindre l'objectif que nous nous fixons.
Il s'agit pour
nous
de
faire
de
l'école
et
de
l'alphabétisation
des
adul tes
deux
systèmes complémentaires c'est-à-dire
qu'il
faut jeter un pont entre les deux institutions.
L'idéal aurait été que chaque personne soit alphabéti-
sée dans sa langue maternelle et en français.
Mais cette
idée
ne
peut
pas
être
appliquée
en
raison
du
nombre
important de langues que compte le pays. De ce fait,
nous
préconisons que
tous
les
paysans
apprennent
à
lire et
à
écrire dans la langue régionale de leur localité.
Ce qui
est
possible
quand
on
sait
que
le
pays
compte
30
provinces.
Dans
chaque
province
on
aura
alors
une
alphabétisation langue régionale/français.
L'apprentissage de la lecture et de l'écriture dans la
langue régionale doit précéder celui de l'initiation à la
langue française. On ne doit passer à l'alphabétisation en
français
qu'une
fois
qu'on
sera
sûr
que
les
acquis
du
premier système de communication sont consolidés.
Cette
entreprise
ne
sera
pas
facile,
si
certaines
modifications ne sont pas apportées au mode de fonctionne-
ment
de
l'éducation
non
formelle.
Ce
n'est
pas
en
six
mois,
encore moins en 48
jours,
qu'on
pourra amener des
287
audi teurs à
la maîtrise de deux moyens
de communication
aux
structures
totalement
différentes.
Nous
faisons
allusion aux deux stratégies d'alphabétisation des adultes
qui sont utilisées dans l'alphabétisation fonctionnelle en
langues
nationales.
La
première
stratégie
appelée
formation
étalée
stipule
qu'on
peut
alphabétiser
les
paysans
en
six
mois.
La
deuxième
qui
est
la
formation
intensive
consiste
à
alphabétiser
les
auditeurs
en
48
jours en langues nationales.
Pour
notre
part,
nous
pensons
que
l'éducation
des
adultes doit cesser d'être une opération ponctuelle pour
devenir
une
institution
permanente.
On
doit
créer
un
centre
d'alphabétisation
dans
chaque
village.
Dans
les
localités
où
il
y
a
déjà
des
écoles,
ces
dernières
pourront servir à la fois à l'éducation des enfants et des
adultes. Dans la journée, les classes seront réservées aux
écoliers et le soir aux paysans.
Pour
ce
qui
est
de
la
durée
de
la
formation,
nous
estimons
qu'elle
peut
durer
au
maximum
deux
ans.
Nous
faisons cette suggestion en nous appuyant sur les travaux
qui ont été faits par F. Midy (1981:
55) en Haïti. Celui-
ci a montré qu'il avait réussi à alphabétiser des adultes
en créole et en français sur une période de deux ans. Nous
sommes
également
convaincu
qu'il
est
possible
d'alpha-
bétiser les paysans burkinabè en deux ans s'ils sont très
motivés.
La
première
année
doi t
être
consacrée
à
l'apprentissage
de
la
langue
régionale
et
la
deuxième
année,
à celui du français.
L'alphabétisation en français
doit tenir compte des problèmes quotidiens qui se posent
aux auditeurs. C'est un français de type fonctionnel qu'il
faut aux apprenants. On doit leur donner des rudiments qui
leur
permettent
de
satisfaire
à
leurs
besoins
de
communication
dans
l'administration,
dans
la
recherche
d'un emploi, dans la vie quotidienne
etc.
288
Cette initiation à
la
langue
française
nécessite
la
mise en place d'un certain nombre d'outils pédagogiques.
L'alphabétisation en français
doit permettre aux adultes
d'apprendre
à
utiliser
la
langue
française
de
manière
rapide et efficace (maîtrise des mécanismes de la lecture
et
de
l'écriture).
Elle
doit
également
aborder
les
problèmes
de
la
vie
de
tous
les
jours
à
partir
de
la
situation
de
classe.
Compte
tenu
du
fait
que
l'alphabétisation présuppose un apprentissage de la langue
parlée,
la méthode que nous préconisons est
fondée avant
tout sur la pratique de la langue.
Elle demandera de la
part des alphabétiseurs et des alphabétisés,
d'importants
efforts
afin
de
chercher,
dès
le
début
à
parler,
à
discuter le plus possible en français
(même s'ils doivent
faire
appel
à
la
langue
régionale
pour
terminer
leurs
phrases) .
L' écri ture
et
la
lecture
auront
un
rôle
de
soutien dans l'apprentissage de la langue parlée.
L'ensemble
de
la
progression
doit
être
constitué
d'indications
pédagogiques
concernant
la
phonétique,
le
graphisme et les tests de progression de structures pour
la
compréhension
et
l'expression
orale.
Nous
pensons
qu'après un an de travail le paysan sera en mesure de lire
et écrire correctement des phrases courtes en français.
Disons pour terminer qu'au début de l'alphabétisation,
les alphabétiseurs doivent avoir une idée sur les mobiles
qui poussent les paysans à s'alphabétiser en français.
Ce
qui permettra d'instaurer un climat de confiance au sein
du centre.
Des
éléments
très
importants
dont
il
convient
de
parler
sont
les
méthodes
pédagogiques.
En
effet
de
nombreux chercheurs ont montré que, dans l'alphabétisation
des adultes,
les méthodes pédagogiques utilisées détermi-
nent sa réussi te.
C'est pourquoi
nous
pensons
qu'il
est
nécessaire de
proposer quelques
indications
pédagogiques
afin de faciliter l'enseignement du français aux paysans.
289
La
méthode
d'apprentissage
du
français
que
nous
préconisons
est
basée
sur
la
comparaison
des
systèmes
différents,
à
savoir
langue
régionale/français.
A
ce
sujet,
nous
pensons
que,
pour
mieux
alphabétiser
les
adul tes,
i l
faut
connaître
les
structures
de
la
langue
régionale et du français.
Cela aidera à cerner les diffi-
cultés que les paysans rencontreront dans l'apprentissage
de cette dernière langue.
En raison de la nature de notre
méthode (contrastive), nous nous référons au travail de F.
Oury (1973:
96).
Celui-ci propose une méthode contrast ive
pour l'enseignement du français aux travailleurs immigrés
en
France.
Les
éléments
que
F.
Oury
présente
en
application de sa méthode nous paraissent utilisables dans
le contexte burkinabè dans la mesure où nous avons affaire
à
des
personnes
qui
parlent
une
langue
autre
que
le
français.
Leur
désir
de
parler
français
est
lié
à
l'importance qu'occupe la langue française dans le milieu
où
ils
vivent.
Oury
propose
quatre
indications
pour
faciliter l'apprentissage du français:
une introduction à
la
phonétique,
une
introduction
au
graphisme,
l'utilisation
des
images,
l'emploi
d'une
méthode
syllabique.
Une introduction
à
la
phonétique
est
nécessaire
car
parler une langue, c'est d'abord savoir prononcer les sons
qui
caractérisent
cette
langue.
Une
initiation
à
la
phonétique est indispensable selon lui aux alphabétiseurs,
s'ils veulent aider les apprenants à
se faire comprendre.
En effet,
i l est utile de savoir quels sont les phonèmes
caractéristiques
du
français
et
quels
sont
ceux
des
langues
parlées
par
les
paysans.
Les
paysans
doivent
connaître les phonèmes des deux types de langues.
Ce qui
rendra
la
correction
plus
facile
dans
la
mesure
où
on
saura
les
points
qui
poseront
des
difficultés
aux
auditeurs.
A
titre
d'exemple,
on
s'attendra
à
voir
prononcer le phonème /i/ à la place de /y/ car ce dernier
phonème
n'existe
pas
dans
la
plupart
des
langues
290
nationales.
Une fois
les difficultés relevées,
i l
faudra
faire des exercices de correction phonétique. La technique
proposée
par
F.
Oury
est
l'utilisation
des
oppositions
entre phonèmes.
Il recommande d'apposer le son inconnu au
son
le
plus
près
déjà
connu
en
servant
du
tableau
des
consonnes.
Exemples: l'étude de y = lui et I i i
- mots choisis:
"salut" et "sali";
"rue" et "riz"
- deux images peuvent servir de support visuel;
-
reconnaître
les
sons dans différents
mots
proposés et
les faire classer en montrant l'image de départ.
Après
le
travail
d'audition,
faire
le
travail
de
reproduction
pour
passer
de
Iii
à
lui
projeter
les
lèvres en avant.
Pour l'auteur,
les exercices d'oppositions permettent
de montrer qu'il n'est pas évident de dire l'un ou l'autre
phonèmes.
Mais
ils
permettent
aux
apprenants
d'exercer
l'oreille et d'acquérir ces distinctions.
Nous
aurions
pu
présenter
à
titre
explicatif
les
systèmes phonologiques de certaines langues nationales et
celui
du
français
et
montrer
les
différents
problèmes
auxquels
les
paysans
burkinabè
seront
confrontés
dans
l'apprentissage de
la
langue
française.
Nous
ne
l'avons
pas fait car ces faits ont été abordés dans la troisième
partie de notre étude.
La réussi te de l'alphabétisation passe également par
une introduction au graphisme.
En effet,
l'apprentissage
de
l' écri ture
n'est
pas
facile.
Il
nécessite
un
développement de la précision des gestes au niveau de la
main et des doigts.
Cette souplesse doits' acquérir par
différents exercices, dont le graphisme.
291
Lors de nos visites dans des centres d'alphabétisation
en
langues
nationales,
nous
avons
constaté
que
les
auditeurs rencontrent énormement de difficultés en ce qui
concerne
la
maîtrise
de
l'écriture.
Certains
terminent
souvent la formation sans pouvoir écrire. Ce fait ne nous
étonne pas car ce sont des gens qui n'ont jamais écrit.
Ils
n'ont
pas
l ' habileté
à
écrire.
C'est
pourquoi
nous
estimons
que
la
proposition
de
F.
Oury
(1973:
109)
d'instaurer
des
exercices
de
graphismes
est
d'intérêt
capital pour les paysans. Les grandes étapes de l'étude du
graphisme sont les suivantes :
Exercice 1
sens de rotation pour l'écriture.
Exercice 2
sens de rotation et alignement horizontal.
Exercice 3
sens de rotation pour les chiffres et certai-
nes lettres.
Exercice 4
les hauteurs de l'écriture.
Exercice 5
graphisme pur.
Exercice 6
alignement vertical.
Pour mieux comprendre le fait même de l'écriture,
il
est souvent utile d'utiliser les images. Un échange n'est
jamais suffisamment illustré. L'utilisation des images est
donc indispensable; outre le fait qu'elle permet de rompre
la monotonie d'un échange,
elle favorise la mémorisation.
Elle
permet
également
aux
apprenants
d'établir
une
association
nécessaire
à
la
compréhension
même
de
l'écriture.
A ce sujet,
F.
Oury conseille d'utiliser des
images différentes: dessins, photographies etc. pour aider
les auditeurs.
En
ce
qui
concerne
la
lecture,
elle
nécessite
l'utilisation
d'une
méthode
d'enseignement
efficace.
La
méthode est déterminante dans la maîtrise de la lecture.
D'une manière générale,
deux méthodes sont utilisées pour
l'enseignement du
français
en Afrique
noire:
la méthode
globale et la méthode syllabique. Mais pour ce qui est de
l'alphabétisation
des
adultes,
F.
Oury
recommande
la
292
deuxième car elle est
plus
simple,
plus
rapide
et
plus
adaptée à l'apprentissage des mécanismes de la lecture par
les personnes âgées.
Les
auditeurs
doivent
apprendre
à
utiliser
un
ou
plusieurs sons,
ainsi que leurs représentations écrites,
que ce soit une voyelle ou une syllabe.
Des mots doivent
être pris comme
point
de
départ.
On demandera
alors
un
travail d'analyse aux auditeurs.
Ils devront chercher et
découvrir la syllabe,
ou la voyelle qu'ils ne connaissent
pas
encore
parmi
celles
qu'ils
savent
déjà
lire.
Ils
comprendront peu à
peu que chaque syllabe représente un
son, que plusieurs syllabes associées forment une suite de
sons qui peuvent représenter des mots.
C'est sur la base
des
syllabes
que
les
auditeurs
doivent
être
amenés
à
acquérir les mécanismes de la lecture.
Sur ce problème de choix de méthodes F.
Oury
(1973:
121)
dit
qu'il
faut
éviter
la
méthode globale
pour les
raisons suivantes :
- la conséquence de cette méthode est que l'apprenant
porte
généralement
son
attention
sur
la
phase
d'acquisition globale (perception globale des mots et des
phrases) mais qu'il la relâche dans la phase de l'analyse.
Par conséquent, l'auditeur croit lire le livre alors qu'il
le
récite
par
coeur.
Ainsi,
une
difficulté
d'ordre
psychologique
peut
résulter
d'une
telle
approche.
L'apprenant peut être déçu lorsqu'il s'aperçoit qu'il ne
sait
pas
lire.
Cet
échec
peut
conduire
à
un
blocage
définitif et à un abandon des séances d'apprentissage.
- on ne peut pas non plus associer la méthode globale
et la méthode syllabique car,
dans ce cas,
il faudra que
chaque phase d'acquisition soit parfaitement assurée avant
de
passer
à
la
suivante.
Cette
exigence
de
régulari té
n'est pas compatible avec des travailleurs qui ne peuvent
pas
toujours
être
présents
pour
des
raisons
diverses
293
(mariage, décès, maladies etc.). En définitive,
la méthode
globale
s'avère
plus
lente
et
plus
compliquée.
Avec
la
méthode
syllabique,
on
fait
l'économie
d'une
première
phase qui,
selon F. Oury (1973:
121) se révèle dangereuse
souvent pour la compréhension ultérieure des mécanismes de
la lecture.
Les indications que nous venons de présenter ne sont
pas
exemptes
de
toute
critique.
Elles
sont
une
contribution que nous apportons aux efforts des pédagogues
en vue de trouver le moyen de faciliter l'apprentissage du
français par les adultes.
Nous
pensons que ces
éléments
seront
utiles
car
ils
ont
fait
les
preuves
de
leur
efficacité dans l'alphabétisation de nombreux travailleurs
immigrés
en
France.
De
même,
en
Haïti,
ils
ont
été
utilisés dans
l'alphabétisation des
paysans créolophones
par F. Midy (1981 : 55). Le bilinguisme que nous réclamons
pour
l'éducation
non
formelle
est
nécessaire,
également
dans
l'éducation
formelle
pour
le
bien
de
tous
les
Burkinabè.
5.2.1.1.2. L'éducation formelle
Comme
nous
l'avons
dit
dans
la
première
partie
de
notre étude,
la langue française est l'unique véhicule de
l'enseignement au Burkina Faso.
De ce fait,
le français,
outre
son
utilité
immédiate
d'outil
d'appropriation
des
connaissances techniques, sert d'indicateur aux employeurs
quant
au
niveau
d'éducation
générale
atteint
par
les
candidats à l'emploi.
Le rôle de l'école comme lieu de promotion sociale ne
cessera
de
s'accroître
du
fait
de
l'absence
d'emplois
accessibles sans connaissance du français. Cette puissante
insti tution entretient ainsi un conf li t
social entre les
paysans et
les
fonctionnaires.
Le mieux que
l'on puisse
faire pour réconcilier les deux catégories sociales, c'est
d'aménager
le
transfert
des
langues
nationales
vers
les
294
langues modernes. Celui-ci doit se produire sans heurts et
sans désaffection totale pour les langues locales qui ont
surtout
une
fonction
identi taire.
C'est
cette
préoccupation qui nous conduit à proposer un enseignement
bilingue français/langue régionale dans le pays. Ainsi,
à
Ouagadougou on enseignera le mooré et le français dans les
écoles,
à
Léo,
le
nuni
et
le
français
etc.
La
langue
régionale doit être introduite comme matière à
partir de
la
troisième
année
du
primaire
au
même
titre
que
la
géographie
et
les
sciences
naturelles
enseignées
en
français.
Elle
continuera
à
jouer
son
rôle
dans
le
secondaire
dans
la
mesure
où
il
existe
au
moins
un
établissement
secondaire
dans
chacune
des
provinces
du
pays.
L'alphabétisation
que
nous
préconisons
au
niveau
régional aura à notre avis des avantages non négligeables.
5.2.1.1.3. Les avantages de la nouvelle alphabétisa-
tion
A - Au plan social
Le
modèle
d'alphabétisation
que
nous
proposons
doit
permettre
aux
paysans
de
s'épanouir
sur
tous
les
plans
aussi
bien
moral
que
psychologique.
Ainsi,
ils
verront
qu'ils ne sont pas abandonnés dans la mesure où même les
élèves
apprennent
à
lire
et
à
écrire
en
langues
nationales.
Ils pourront accéder à la langue française qui
jusqu'à présent leur est inaccessible.
Ils jouiront d'une
plus large situation de communication dans
la mesure où
ils communiqueront
plus
facilement
avec
les
lettrés.
De
même,
ils
auront
la possibilité de prétendre
à
certains
emplois
qui
nécessitent
une
connaissance
minime
du
français.
Ils
n'auront
plus
besoin de
l' écrivain public
pour la lecture ou l'écriture de leurs lettres.
A cela,
il
faut
ajouter
que
la
connaissance
de
la
langue française leur permettra d'avoir accès aux messages
295
écri ts.
Ce
qui
les
aidera
â
connaître
leurs
droits
et
devoirs
de
citoyen
burkinabè.
Au
prix
de
ce
confort
linguistique et culturel, ils pourront participer â la vie
politique et sociale du pays.
Cette
alphabétisation
présentera
également
des
avantages au plan économique.
B - Au plan économique
La connaissance de la langue française aidera les gens
à
identifier leurs problèmes et â
imaginer les moyens de
les
résoudre.
Au
plan
agricole
les
paysans
pourront
combiner
les
techniques
de
cultures
modernes
et
traditionnelles
afin
d'améliorer
leurs
productions.
La
lecture
des
documents
aidant,
les
cul tivateurs
en
viendront
â
développer
une
vision
critique
de
leur
société.
Ils comprendront,
par exemple le rôle de
leurs
besoins en
bois dans
la dégradation de
l'environnement.
Ils
pourront
également
promouvoir
des
activités
collectives:
élevage
de
bovins,
maraîchages.
Cette
diversification des activités leur procurera des revenus
nécessaires â la résolution de leurs problèmes quotidiens.
En
ce
qui
concerne
les
commerçants
burkinabè,
la
pratique
du
français
facilitera
leurs
voyages
dans
les
pays francophones tels que la Côte d'Ivoire,
le Togo,
le
Mali
etc.
Ce
qui
les
aidera
â
écouler
plus
rapidement
leurs produits.
En
résumé,
nous
pensons
que
l'alphabétisation
en
français donnera aux populations burkinabè les moyens de
s'atteler â leurs problèmes de développement.
D'une
manière
générale,
les
propositions
que
nous
faisons
sont
des
solutions
â
court
terme
visant
â
permettre à tous les burkinabè de s'ouvrir à la modernité.
Si on veut réellement revaloriser les langues nationales,
beaucoup
d' ef forts
restent
encore
â
faire.
A ce
suj et,
296
nous estimons que seule une action sur les rapports entre
les
langues
nationales
et
le
français
peut
aider
à
résoudre le problème de la diglossie qui existe entre les
différents
moyens
de
communication
en
contact
dans
le
pays.
Ce
n'est
qu'à
ce
prix
que
l'on
élaborera
une
politique linguistique adaptée aux réalités de la société
burkinabè.
Pour
ce
faire,
il
nous
revient
en
tant
que
linguiste de guider par nos recherches nos dirigeants dans
leur décision.
5.2.1.2. L'alphabétisation au plan national: l'instau-
ration d'un Etat bilingue
L'alphabétisation
au
niveau
national
que
nous
préconisons
est
une
opération
à
long
terme.
Elle
est
difficile à
entreprendre et nous en sommes conscient en
raison du multilinguisme qui existe au Burkina Faso.
Elle
défend
l'idée
selon
laquelle
la
promotion
des
langues
nationales passe nécessairement par leur officialisation.
En d'autres termes,
elle demande l'instauration d'un Etat
bilingue.
Nous
réclamons
un
bilinguisme
officiel
français/langues nationales dans le pays. Vu le nombre de
langues locales on ne peut pas prétendre les élever toutes
au rang de langues officielles. Une telle politique serait
irréalisable compte tenu des moyens financiers,
matériels
et humains qu'elle nécessiterait.
Cette situation ne doit pas pour autant nous conduire
à "baisser les bras". La solution la moins mauvaise serait
d'officialiser les deux langues véhiculaires que sont le
mooré et le jula.
Mais cette proposition n'aurait aucune
chance de réussite à cause de l'irrédentisme linguistique
qui existe dans la plupart des groupes ethniques.
En
définitive,
nous
pensons
que
la
promotion
des
langues nationales passe par l'officialisation d'une seule
langue nationale à travers laquelle tous les Burkinabé se
reconnaissent.
Ce
qui
veut
dire
que
le
choix
de
cette
297
langue
interpelle
l'ensemble
de
la
population
du
pays.
Cependant
nous
estimons
que
la
réussite
d'une
telle
opération
nécessite
un
certain
nombre
de
recherches
en
sociolinguistique;
d'où
l'intérêt de
la glottopoli tique.
En effet,·la glottopolitique en tant que réflexion sur la
planification
et
la
standardisation
est
un
préalable
nécessaire dans le cadre d'une politique.
J.B.
Marcellesi
(1986:
6)
souligne
que
"les
poli tiques
linguistiques
sont
vouées
à
l'échec
si
deux
conditions
ne
sont
pas
remplies:
une
réflexion
de
fond
sur
la
recherche
de
l'information langagière,
et d'importants progrès dans la
connaissance du changement linguistique".
Pour
ce
qui
concerne
l'Etat
burkinabè,
il
est
important de voir comment la glottopolitique peut aider à
guider le choix de la langue nationale à
promouvoir.
Ce
qui
nous conduira tour à
tour à
parler de l'information
langagière et du rôle du linguiste.
5.2.1.2.1. La politique d'information langagière
Au Burkina Faso,
l'information sur les problèmes des
langues ne circule pas en dehors du milieu universitaire
et de celui des médias. De ce fait,
toutes les politiques
linguistiques qui ont été jusque là élaborées n'ont guère
tenu compte du point de vue des locuteurs des différentes
langues concernées.
Ce qui est une grave erreur si on se
réfère aux résultats obtenus.
Nous pensons que tous les usagers doivent participer à
l'enquête,
à
la discussion
et
à
la décision.
Ces
faits
sont
très
importants
comme
en
témoignent
les
propos
de
J.B.
Marcellesi
(1986:6)
"une vaste politique d'informa-
tion
langagière
est
nécessaire,
afin
d'ébranler
des
certi tudes
trop
commodes
et
susceptibles
de
bloquer
le
débat;
la négation d'autrui à
la parole,
par exemple est
largement
acceptée,
or
puisque
chacun
est
usager
du
langage,
tous
peuvent
dire
leur
mot
sur
les
besoins
298
langagiers,
et il
serait important que tous
puissent se
forger
leurs représentations langagières dans
la liberté
de la connaissance".
Au Burkina Faso,
il s'agira d'amener l'ensemble de la
population
â
se
prononcer
sur
la
nécessité
d'une
telle
politique
et
sur
le
choix
de
la
langue
nationale
â
officialiser.
Pour ce faire,
les enquêtes doivent couvrir
l'ensemble
du
territoire
national.
Au
niveau
de
chaque
province,
ville
ou
village,
des
réunions
doivent
être
organisées
afin
de
sensibiliser
la
population
sur
l'intérêt social de la politique linguistique qui leur est
proposée.
Cette
tâche
ne
sera
pas
facile
pour
deux
raisons: le mythe de la langue française et la question de
la formation des sensibilisateurs.
Pour le premier point il faut préparer les gens â
se
libérer des vieux préjugés selon lesquels seule la langue
française
est
en
mesure
de
véhiculer
le
savoir
scientifique. Ce mythe du français ne peut pas disparaître
de
lui-même.
C'est
pourquoi
nous
souhaitons
que
la
population
reçoive
une
préparation
psycho-sociologique.
Cela l'aidera à mieux accepter la réforme.
Quant au problème des sensibilisateurs,
il peut être
résolu en demandant aux étudiants de bien vouloir apporter
leur contribution
à
cette oeuvre de
conscientisation du
reste des Burkinabè.
C'est
â
partir
des
résultats
de
cette
campagne
d'information langagière que l'on pourra se faire une idée
sur
les
chances
de
réussi te
de
notre
proposition.
Dans
cette
entreprise,
les
linguistes
burkinabè
ont
un
rôle
important à jouer.
5.2.1.2.2
• Le rôle gottopolitique du linguiste
Les linguistes ont un rôle déterminant à jouer dans la
réussite de la politique linguistique que nous proposons.
299
En tant que spécialistes des questions des
langues,
ils
doivent
guider
les
autori tés
poli tiques
dans
leur
décision.
Ils
doivent
leur
expliquer
l'intérêt
de
la
réforme, ses conséquences au plan socio-économique dans le
pays.
C'est
à
eux
que
revient
le
devoir
d'expliquer
pourquoi une politique linguistique doit inclure tous les
actants de la société car une langue ne s'affirme pas à
coup de statuts, elle s'affirme de l'intérieur.
En ce
qui
concerne
l'action
sur
la
langue
qui
sera
choisie
par
les
Burkinabè,
ils
devront
travailler
à
résoudre
le
problème
du
multidialectalisme.
En
effet,
compte tenu de la multitude de dialectes,
ils auront un
mot à dire sur le choix des formes.
Faut-il choisir l'une
des
formes
ou
créer
une
forme
nouvelle
empruntant
aux
différentes variantes ? Ce travail de recherche reviendra
de droit aux dialectologues. En bref, nous disons qu'aucun
linguiste
quelle
que
soit
sa
spécialité,
ne
devra
être
oublié:
descriptivistes,
sociolinguistiques,
dialectolo-
gues,
pédagogues etc,
auront leur point de vue à donner.
Ce n'est qu'à la lumière de cet ensemble de travaux qu'on
élaborera
une
politique
linguistique
cohérente
et
démocratique.
Si
notre
objectif
est
atteint,
cela
pourra
donner
naissance
à
un
bilinguisme
officiel
langue
nationale
français.
La
langue
locale
devra
à
ce moment
accéder
à
tous
les
domaines
qui
étaient
jusque
là
réservés
uniquement à la langue française.
Le partage des terrains
devra
être
équitable
entre
les
deux
langues.
Dans
cet
ordre
d'idées,
la
langue
française
et
la
langue
locale
seront
introduites
dans
l'enseignement
formel
et
dans
l'éducation
non
formelle
au
Burkina
Faso.
C'est
ce
que
nous appelons "alphabétisation au niveau national".
Les propositions que nous avons faites,
malgré leurs
insuffisances,
visent
à
résoudre
les
antagonismes
linguistiques
qui
existent
entre
le
français
et
les
300
langues
nationales
dans
la
plupart
des
pays
d'Afrique
francophone
et
en
particulier
au
Burkina
Faso.
Elles
invitent
singulièrement
les
dirigeants
Burkinabè
à
réfléchir sur le problème de la valorisation des langues
nationales. A ce sujet,
nous disons que l'intégration des
langues nationales dans le développement d'un pays ne peut
réussir que
si
elle
s'accompagne
d'avantages
sociaux
et
économiques.
Dans
le
même
ordre
d'idées
J. B.
Marcellesi
(1986
19)
citant
J.M.
Spina
dit
que:
"le
conflit
linguistique n'est qu'un accompagnement d'un problème plus
fondamental,
l'inégalité économique". Nous avons également
montré
que
l'épineux
problème
de
la
multiplicité
des
langues nationales dans un pays peut être résolu si l'on
fait
appel
à
la
conscience
communautaire
de
tout
un
chacun.
Dans
le
présent
chapi tre,
nous
avons
présenté
l'opposition
qui
existe
entre
l'éducation
formelle
et
l'éducation non formelle au Burkina Faso.
Cela avait pour
but
de
montrer
les
raisons
pour
lesquelles
i l
faut
réformer ces deux institutions dans l'intérêt du bien-être
de
l'ensemble de la population burkinabè.
Ce qui
nous a
conduit alors à faire des propositions glottopolitiques.
301
CONCLUSION
GENERALE
Le travail
que
nous
venons
d'achever
avait
pour
but de décrire le français
parlé par les non-lettrés au
Burkina Faso. Il visait surtout à montrer que la notion de
système telle qu'elle a été définie par Saussure n'est pas
applicable à ce moyen de communication.
En effet,
compte
tenu du caractère hétérogène de ce parler, nous avons jugé
nécessaire
de
réviser
la
notion
de
système
comme
un
ensemble
homogène.
Cela
nous
a
conduit
à
introduire
la
variation dans le système.
Notre
étude
sur
le
français
des
non-lettrés
a
été
articulée
autour
de
cinq
chapitres:
la
situation
du
français en général au Burkina Faso,
le cadre théorique du
travail,
l'analyse des données,
les jugements épi1inguis-
tiques et enfin les propositions glottopolitiques.
Au premier chapitre,
nous avons examiné la politique
linguistique
du
pays
de
1960
jusqu'à
nos
jours,
la
dynamique
des
langues
en
contact,
les
comportements
langagiers des Burkinabè dans
la vie quotidienne
et
les
différents modes d'apprentissage de la langue française.
Dans le premier cas,
on constate que le français est
la
seule
langue
officielle
du
pays.
Les
dirigeants
ont
justifié ce choix par la multitude des langues nationales
en
présence
sur
le
territoire
national,
ce
qui
rend
difficile la mise en place de toute politique linguistique
prenant en compte les langues burkinabè.
Le français,
en
raison de sa situation
(langue d'aucun groupe ethnique),
est
le
seul
moyen
qui
permet
de
résoudre
les
problèmes
ethniques.
Mais
cette
situation
a
un
impact
sur
les
rapports
entre
la
langue
française
et
les
langues
locales.
On
constate qu'il y
a
un conflit
linguistique
latent entre
cette langue étrangère et les langues nationales.
302
L'examen des comportements langagiers a permis quant à
lui
de
montrer
que
le
français
occupe
une
place
très
importante dans les interactions verbales au Burkina Faso.
Cela
se
remarque
en
famille,
au
marché,
dans
l'administration et mème dans certains lieux de cultes.
En ce qui concerne l'étude des modes d'apprentissage
du français,
elle a
fait ressortir l'idée selon laquelle
l'école n'est pas
le seul
lieu où on peut apprendre la
langue
française.
Il
Y a
également
le
para-scolaire
et
l'extra-scolaire.
Dans le deuxième chapitre,
nous
avons
abordé tour à
tour
la
notion
de
système
telle
que
la
présentait
différents chercheurs et quelques éléments fondamentaux de
la
sociolinguistique.
Nous
avons
vu
que
la
notion
de
système ne fait pas l'unanimité au sein des linguistes. Si
certains proposent
sa
révision par
l'introduction de
la
variation dans la langue, d'autres, en revanche, préfèrent
son remplacement pur et simple dans certains cas par la
notion de continuum.
Au
troisième
chapitre,
nous
avons
analysé
les
caractéristiques linguistiques du
français
parlé par les
non-lettrés.
Cela
a
été
fait
aux
trois
niveaux
phonologique,
morpho-syntaxique
et
lexical.
Dans
cette
partie nous
avons eu à définir notre
langue cible et à
expliquer
de
quelle
manière
il
fallait
exploiter
le
corpus.
Nous
avons
ainsi
regroupé
nos
informateurs
en
lectes.
Ce
qui
nous
a
amené
à
utiliser
les
termes
de
basilecte,
de mésolecte et d'acrolecte de Derek Bickerton
sans
pour
autant
nous
placer
dans
l ' hypothèse
du
continuum.
Quel que soit le niveau dans lequel on se trouve,
on
note
que
la
variation
est
présente
dans
les
pratiques
langagières
des
témoins.
Nous
avons
montré
que
dans
la
plupart
des
cas
les
variations
avaient
deux
origines:
303
l'influence des langues sources des enquêtés et le degré
d' exposi tion des
informateurs
à
la
langue
française.
Au
niveau
du
lexique on constate
que
le
français
des
non-
lettrés
fonctionne
par
création
de
néologismes
et
par
emprunts aux langues locales.
Au quatrième chapitre, i l a été question des jugements
épilinguistiques
portés
sur
le
français
des
non-scola-
risés.
L'examen des caractéristiques linguistiques de ce
parler
nous
a
permis
de
dire
qu'on
avait
affaire
à
un
pseudo-sabir. Quant à l'interrogation de nos informateurs,
elle a révélé que ces derniers ont une conscience commune
de parler une langue. La recherche des jugements de valeur
portés
sur le
français
parlé par les non-lettrés
nous
a
conduit
à
recueillir
le
point
de
vue
des
enseignants
burkinabè.
Les
personnes
rencontrées
ont
toutes
reconnu
l'existence de ce parler dans le pays.
Dans
le
dernier
chapitre,
nous
avons
abordé
le
problème de la coexistence de l'éducation formelle et de
l'éducation
non
formelle
au
Burkina
Faso.
Nous
sommes
arrivé à la conclusion qu'il fallait établir un pont entre
les deux institutions si l'on voulait permettre à tous les
Burkinabè
de
participer
au
développement
du
pays.
Nous
avons alors proposé l'introduction de la langue française
dans
l ' alphabéti sation des
adultes.
En
d'autres
termes,
nous réclamons un enseignement bilingue dans l'éducation
formelle et l'éducation non formelle dans le but d'aména-
ger
la
diglossie
français/langues
nationales
pour
le
profit de tous.
Beaucoup d'efforts restent encore à faire dans l'étude
du français dans le contexte extra-scolaire.
Nous pensons
qu'il faut de plus en plus orienter les recherches vers ce
domaine et ne
plus se limiter aux
analyses contrastives
fai tes
à
partir
de
copies
d'élèves.
A
ce
sujet,
nous
suggérons aux linguistes de mettre l'accent,
d'une part,
sur
l'analyse
des
différentes
variétés
de
français
qui
304
existent
dans
le
pays
et,
d'autre
part,
de
définir
de
manière précise
le
statut
de
chaque
variété.
En
ce qui
concerne le premier point,
on pourra par exemple essayer
d'imaginer
l'existence
d'un
continuum
entre
les
différentes variétés de français parlées au Burkina Faso.
Les investigations sur le statut des diverses variétés de
français nous permettront de savoir si on peut prédire la
naissance de certains systèmes de communication autonomes
au Burkina Faso.
Dans cette optique,
on s'interrogera sur
l ' éventualité de
l ' appari tion de
phénomènes
tels
que
la
pidginisation et
la créolisation de certains parlers.
Il
faut
également
accentuer
les
recherches
sur
le
lexique
afin d'inventorier
les particularités
lexicales du
fran-
çais du Burkina
Faso.
On pourrait envisager à
terme une
monographie
consacrée
au
Burkina
Faso
sur
le
modèle
du
travail mené par D.
Baggioni et D.
de Robillard
(1990) à
l'Ile Maurice.
Tous ces efforts doivent permettre de mieux connaître
comment
les
Burkinabè
s'approprient
la
langue
française
dans la vie quotidienne. Cela est utile quand on sait que
cette langue étrangère est le ciment de l'unité nationale
et le vecteur principal d'ouverture internationale.
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Champion, Paris, 663p.
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domaines.
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les
états
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langue,
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(dir.),
1985
:
Problèmes
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glottopolitiques,
Cahiers de Linguistique Sociale n07, Rouen, 247p.
316
TABLE
D E S
MATIERES
INTRODUCTION
2
CHAPITRE 1 -
LA SITUATION DU FRANCAIS AU
9
BURKINA FASO
1.1. La politique linguistique au Burkina Faso
9
1.1.1. L'héritage colonial
10
1.1.2. L'introduction des langues nationales dans
12
le système éducatif au Burkina Faso
1.1.2.1. L'introduction des langues nationales
14
dans l'enseignement
1.1.2.1.1. Le choix des langues à enseigner
14
1.1.2.1.2. Les modalités d'application des langues
16
nationales dans l'enseignement
1.1.2.1.3. Les problèmes liés à l'utilisation des
18
langues nationales
1.1.2.2. L'alphabétisation fonctionnelle en langues
21
nationales au Burkina Faso
1.1.2.2.1. Historique de l'alphabétisation fonction-
23
nelle en langues nationales au Burkina Faso
1.1.2.2.2. Les stratégies d'alphabétisation
25
1.1.2.2.3. Les méthodes et la pédagogie
25
1.1.2.2.4. Les résultats qualitatifs
26
1.1.2.2.5. Les résultats quantitatifs
27
1.1.3. Critique de la politique linguistique au
27
Burkina Faso
1.1.3.1. Les langues nationales et le système
28
scolaire
1.1.3.2. Les langues nationales et l'alphabétisation
31
fonctionnelle au Burkina Faso
1.1.4. La dynamique des langues au Burkina Faso
33
1.1.4.1. Le rapport entre le français et les
34
langues nationales
1.1.4.1.1. Le statut du français au Burkina Faso
34
1.1.4.1.2. Les fonctions sociolinguistiques du
36
français au Burkina Faso
1.1.4.1.3. Le statut des langues nationales au
37
Burkina Faso
1.1.4.1.4. Les fonctions sociolinguistiques des lan-
39
gues nationales
317
1.1.4.1.5. La diglossie français/langues nationales
40
au Burkina Faso
1.1.4.1.6. Le rapport entre les langues intra et
42
inter-ethniques
1.2.
La pratique du français au Burkina Faso:
les
44
comportements langagiers des habitants de
Ouagadougou
1.2.1.
Les comportements langagiers des habitants de
45
Ouagadougou en famille
1.2.1.1.
La pratique langagière dans les familles des
46
analphabètes
1.2.1.2.
Les comportements langagiers dans les familles
de fonctionnaires
47
1.2.2. Les pratiques langagières au grand marché de
47
Ouagadougou
1.2.2.1.
La présentation du marché
47
1.2.2.2 .. Les clients,
les vendeurs et leur marché
48
1.2.3.
Les comportements langagiers des Ouagalais â
53
la mairie
1.2.4.
Les habitudes langagières au dispensaire
55
1.2.5. Les habitants de Ouagadougou à l'église et
56
à la mosquée
1.3.
L'apprentissage du français au Burkina Faso
57
1.3.1. Le pré-scolaire
58
1.3.2. Le cycle primaire
59
1.3.3. Le cycle secondaire
62
1.3.4. Le para-scolaire
62
1.3.5.
L'extra-scolaire
63
CHAPITRE 2 -
LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
66
2.1.
La notion de système
66
2.1.l.
Le point de vue de Saussure
66
2.1.2.
Le point de vue de Hjelmslev
68
2.1.3.
Le point de vue de Gustave Guillaume
69
2.1.4.
Le point de vue de Martinet
70
2.1.5.
Le point de vue de Chomsky
72
2.1.6. Le point de vue de la grammaire polylectale
73
2.1.7. Le point de vue de Labov
75
2.1.8.
Le continuum
77
2.2. Quelques éléments de sociolinguistique
81
2.2.1.
L'étude de la langue
83
2.2.2.
La variation
85
318
2.2.3. La covariance
86
2.2.4. L'individuation
87
CHAPITRE 3 - ANALYSE DES DONNEES DU FRANCAIS DES
89
NON-LETTRES
3.1. Descriptif sommaire des enquêtés
89
3.1.1. La présentation des enquêtés
89
3.1.2. Les langues sources
91
3.2. L'exploitation du corpus
92
3.2.1. La manière dont nous avons exploité le corpus
92
3.2.2. La langue cible
93
3.2.3. La transcription du corpus
94
3.3. Les faits attestés dans le corpus
94
3.3.1. Les éléments de base de l'analyse
95
3.3.2. La phonologie
99
3.3.2.1. Objectif de l'analyse
99
3.3.2.2. La méthode d'analyse
100
3.3.2.3. Le questionnaire
103
3.3.2.4. Les résultats de l'analyse
114
3.3.2.4.1. La description des faits
114
3.3.2.4.2. Les hypothèses explicatives
118
3.3.3. La morpho-syntaxe
122
3.3.3.1. L'actualisation du nom
123
3.3.3.1.1. La description des faits attestés dans
123
le corpus
1 - Le lecte 3
125
2 - Le lecte 1
131
3 - Le lecte 2
139
3.3.3.1.2. Les hypothèses explicatives
141
a) L'actualisation du nom en nuni
b) L'actualisation du nom en mooré
c) L'actualisation du nom en jula
3.3.3.1.3. Le morphème "là"
145
a) Le statut de "là"
b) La valeur de "là"
3.3.3.2. La détermination possessive
147
319
3.3.3.2.1. Les faits attestés dans le corpus
148
3.3.3.2.2. Les hypothèses explicatives
158
3.3.3.3. Le syntagme complétif
160
3.3.3.3.1. La description des faits attestés dans
161
le corpus
3.3.3.3.2. Les hypothèses explicativ~s
164
3.3.3.4. Les pronoms personnels en fonction sujet
166
3.3.3.4.1. La description des faits attestés dans
167
le corpus
3.3.3.4.2. Les hypothèses explicatives
174
3.3.3.5. L'analyse implicationnelle du français des
176
non-lettrés
3.3.3.5.1. La méthode d'analyse des données
177
3.3.3.5.2. Les données brutes
178
A - Le classement des variables
181
B - Etablissement de relations entre les
182
différentes variables
3.3.4.
Le lexique
187
3.3.4.1. La composition et le fonctionnement du
187
lexique
3.3.4.1.1. Objet et méthode d'analyse
187
3.3.4.1.2. Le questionnaire
188
3.3.4.1.3. Les résultats de l'analyse
190
A - La composition du lexique
190
a) Présentation des vingt-et-un lexiques
190
b) La variation lexicale
213
c) La neutralisation des oppositions entre
217
certains lexèmes
d) Les difficultés de lecture des images
219
B - Le fonctionnement du lexique
219
a) Les points communs à tous les enquêtés
220
1) Les emprunts aux langues nationales
220
2) Les néologismes
220
b) Les variations individuelles
221
1) Les citations
222
2) Les néologismes
222
3) La métaphore et la métonymie
224
4) Les expressions de type argotique
225
320
3.3.4.2.
Comparaison des lexiques du français stan-
dard burkinabè et du français standard
225
international
3.3.4.2.1. - Les différences
226
a) Les trous
226
b) Les différences sémantiques
227
3.3.4.2.2. - Les points communs
228
3.3.4.3.
La structure du lexique des langues
231
nationales
3.3.4.3.1.
Le jula
232
1) Les lexèmes propres au jula
232
2) Les emprunts à coloration jula
233
3) Les emprunts non intégrés
234
4) Les mots composés
234
3.3.4.3.2. Le nuni
234
1) Les lexèmes propres au nu ni
234
2) Les emprunts non intégrés
235
3) Les mots composés
236
3.3.4.3.3. Le mooré
236
1) Les lexèmes propres au mooré
236
2) Les emprunts à coloration mooré
237
3) Les mots composés
237
4) Les emprunts non intégrés
237
CHAPITRE 4 - LES OPINIONS SUR LE FRANCAIS DES NON-
239
LETTRES
4.1. Sabirs, pseudo-sabirs, pidgins, créoles
239
4.1.1. Sabirs, pidgins et créoles existant en Afrique 241
4.1.2. Le statut sociolinguistique du français des non-
lettrés au Burkina Faso
243
4.2. Le français en Afrique
244
4.2.1. Le français au sud-Togo
245
4.2.2. Le français populaire d'Abidjan
247
4.3. Les jugements épilinguistiques sur le français
247
des non-lettrés
4.3.1. Le point de vue des non-lettrés
248
4.3.1.1. Le mythe du français
250
321
4.3.1.2. Les représentants de la langue française
251
4.3.1.3. L'image de la langue concrète
252
4.3.1.4. Le deuxième français,
l'autre langue
253
4.3.1.5. Le sentiment de parler une langue commune
255
4.3.1.6. Le ca-plexe d'infériorité des non-lettrés
256
vis-à-vis des lettrés
4.3.1.7. Le sentiment de la compétence linguistique
257
4.3.1.8. La variation de la pratique linguistique
258
4.3.1.9. Attitudes face aux variétés de français
259
4.3.1.9.1. Le français des non-lettrés
259
4.3.1.9.2. Le français des Mossi
261
4.3.1.9.3. Le français ivoirien
262
4.3.1.9.4. Les attitudes face aux corrections
263
4.3.1.9.5. La diglossie français/langues nationales
264
4.3.2.
Les opinions des enseignants sur le français des
non-lettrés
266
4.3.2.1., Descriptif sommaire des enquêtés
266
4.3.2.2.
Le mauvais français des non-lettrés
268
4.3.2.3.
Les caractéristiques du français des non-
269
lettrés
4.3.2.4.
L'intérêt du français des non-lettrés
271
4.3.2.5.
Le rôle de l'enseignant au Burkina Faso
272
4.2.3.6.
L'avenir du français au Burkina Faso
273
CHAPITRE 5 - PROPOSITIONS GLOTTOPOLITIQUES
275
5.1. L'éducation non formelle et l'éducation formelle 276
5.1.1. L'alphabétisation fonctionnelle en langues
277
nationales
5.1.1.1. L'utilisation des acquis instrumentaux
277
5.1.1.2. La formation conscientisation
278
5.1.2. L'éducation formelle
279
5.1.3. Les langues nationales et le français sur le
281
terrain au Burkina Faso
5.2. Propositions pour une nouvelle politique d'al-
284
phabétisation au Burkina Faso
5.2.1. Alphabétisation et promotion collective: les
285
grandes lignes d'une politique
5.2.1.1. L'alphabétisation régionale
286
5.2.1.1.1. L'éducation non formelle
5.2.1.1.2. L'éducation formelle
293
322
5.2.1.1.3. Les avantages de la nouvelle alphabéti-
294
sation
A - Au plan social
294
B - Au plan économique
295
5.2.1.2. L'alphabétisation au plan national: l'ins-
296
tauration d'un Etat bilingue
5.2.1.2.1. La politique d'information langagière
297
5.2.1.2.2. Le rôle glottopolitique du linguiste
298
CONCLUSION GENERALE
301
BIBLIOGRAPHIE
305
TABLE DES MATIERES
316
ANNEXES
A N N E X E S
1
- Présentation du corpus
II
- Conventions de transcription
III -
Interviews des non-lettrés
IV
- Interviews des enseignants
V
- Dessins présentés aux non-lettrés dans le cadre de
l'étude de la composition du lexique
2
1
-
PRESENTATION DU CORPUS
Dans le cadre du présent travail nous ne serons pas en
mesure
de
présenter
tout
notre
corpus
en
raison
de
la
longueur
des
interviews.
L'étude
de
chaque
point;
phonologie,
morpho-syntaxe
et
lexique
a
nécessité
l'élaboration de plusieurs questionnaires. Si nous prenons
le
cas
de
la
morpho-syntaxe
nous
avons
soumis
trois
questionnaires différents à nos témoins afin d'aboutir à
nos
résultats,
ce
qui
revient
à
dire
que
nous
avons
réalisé trois interviews différentes.
Le
premier
questionnaire
a
trait
aux
jugements
épilinguistiques de nos informateurs sur le français.
Ce
questionnaire a été par la suite complété par deux autres
qui
s'intéressent
respectivement
à
un certain nombre de
champs si tuationnels et aux problèmes qui
se
posent aux
Burkinabè dans la vie quotidienne.
Compte tenu de l'importance de notre corpus nous ne
présenterons qu'un échantillon de nos interviews afin de
permettre
aux
lecteurs
d'avoir
une
idée
sur
la
manière
dont nos entretiens
se
sont
déroulés.
A ce
suj et,
nous
examinerons deux interviews épilinguistiques.
La première
s'adresse aux non-lettrés et la seconde aux enseignants.
3
II - CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION DES INTERVIEWS
Transcription orthographique
note une pause même brève
(,
/
, , /
" , /)
selon la
durée de la pause
e
note
ce
qui
désigne
euh
dans
la
graphie
traditionnelle
()
les caractères notés entre parenthèses signalent des
éléments
qui
n'ont
pas
été
prononcés
et
qui
sont
destinés à faciliter la lecture
• ? !
servent
â
marquer que
ce
qui
précède
a
été
perçu
comme assertif ou interrogatif ou exclamatif par le
transcripteur
les
points
de
suspension
indiquent
qu'il
n'a
été
fait qu'une transcription partielle de l'énoncé
/-/
note un silence /-/,
/--/ selon la durée du silence
allongement d'un son;
plus i l y a des points plus
l'allongement est important (: /
::/)
[ ]
nous
avons
transcri t
phonétiquement
tous
les
éléments qui ont été prononcés de façon particulière
et qui sont de ce fait difficiles â transcrire
A
Enquêteur
B
Enquêté
4
III - INTERVIEWS DES NON-LETTRES
5
1 - En~re~ien avec L 1 Nignan Soumalla
A l
Quelles langues parles-tu ?
B 2
Je parle le gourounssi je parle le mooré et puis le
français,
je parle le jula.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
Ca fait longtemps.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Quand
je
suis
en
famille
j'utilise
ma
langue
nationale et le français,
le nuni est ma langue.
A 7
Quelles langues parles-tu quand tu vas à la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Si
je
vais
là-bas
pour
mes
papiers
je
parle
en
français.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Quand je suis avec mes copains je parle souvent le
français souvent le nuni,
je ne peux pas parler ma
langue nationale terminer
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Au travail je parle français et puis le mooré.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le français souvent.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Jamais.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Beaucoup
même,
parce
que
si
j'avais
fait
l'école
j'allais travailler dans un bureau.
A 19
Selon toi
est-ce que le
français
est
difficile ou
facile à apprendre ?
B 20
Pour moi le français est difficile à apprendre.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
B 22
Je (ne) peux pas dire que je parle du bon français"
même ceux qui ont étudié plus loin que moi je peux
6
dire qu'ils parlent du bon français mais je sais que
je me défends,
avec la langue française je peux me
défendre correctement mais je (ne) peux pas dire que
je parle du bon français.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
Mais je ne suis pas gêné, parce que je cherche à me
faire comprendre.
A 25
Mais, est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
B 26
Celui qui a fait l'école"
si quelqu'un est en train
de causer si
c'est
en
français,
celui
qui
a
fait
l'école sa causerie même et celui qui n'a pas fait
l'école
leur
causerie
est
un
peu
différente
partout"
pourquoi il y a une différence celui qui
n'a pas fait
l'école il ne peut pas distinguer le
mot masculin et le mot féminin,
lui il mélange tout
e
quand c'est un garçon il va dire que c'est une
garçon qui est passé,
si c'est une femme qui est -
c'est là maintenant on peut savoir si
quelqu'un a
fait
l'école ou
pas,
celui
qui
a
fait
l'école
sa
causerie
est
claire,
celui
qui
n'a
pas
fait
pas
l'école ne sait pas
faire
la distinction entre le
masculin et le féminin.
A 27
Pour toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont été à l'école et celui de
ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 28
Je peux dire il y a une différence"
celui qui n'a
pas
fait
l'école
il
mélange
tout,
là
où
il
doit
employer le mot le il emploie le mot
la là où il
doit employer le mot elle il emploie le mot il ---
parce
que,
il
a
une
grande
difficulté
à
employer
certains
mots,
e
ceux
qui
n'ont
pas
étudié
ne
parlent pas le bon français.
A 29
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 30
Beaucoup même,
mais ce sont mes amis mais ça ne me
dit rien.
A 31
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 32
Non,
il
y
a
un
petit
changement,
au
début
je ne
pouvais pas bien parler mais maintenant je parle un
peu mieux même si je fais encore certaines fautes.
7
A 33
Mais
est-ce
que
tu
penses
que
tu
parles
mieux
français que d'autres personnes qui n'ont pas fait
l'école comme t o i :
B 34
En effet je trouve que je parle mieux que certains
qui
n'ont pas
f ai t
l'école comme moi
parce que
je
peux savoir celui qui a
fait l'école ou pas,
quand
quelqu'un parle si il a fait ou n'a pas fait l'école
je sais parce que je peux distinguer le mot masculin
et le mot féminin.
A 35
Est-ce que tu es fier de savoir parler français :
B 36
Beaucoup
même
parce
que,
il
y
a
des
gens
qui
ne
peuvent pas parler comme moi.
A 37
Mais comment tu as fait pour apprendre le français:
B 38
J'ai appris ça avec mes copains j'ai des copains qui
sont
des
élèves
d'autres
qui
sont
des
étudiants,
j'ai appris ça avec eux.
A 39
Mais
est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
est
Gourounssi ou Mossi à travers sa manière de parler
français :
B 40
Si
c'est
un
Mossi
je
sais
parce
que
les
Mossi
parlent
mal
le
français,
c'est-à-dire
qu'ils
mélangent leur langue dedans.
A 41
Depuis que tu es au Burkina Faso,
est-ce que tu as
déjà voyagé :
B 42
Oh
'"
j'ai
parti
au
territoire
ghanéen plusieurs
fois mais ce n'est pas dans
la capitale mais
j'ai
fait le territoire ghanéen plusieurs fois.
A 43
Entre
le
gourounssi
et
le
français
quelle
est
la
langue la plus importante pour toi :
B 44
Oh de toute façon e le gourounssi c'est ma langue je
ne peux pas dire que ma langue n'est pas bonne, mais
le
français
est
plus
important
que
le
nuni
pourquoi"
auj ourd ' hui
cel ui
qui
veut
i l
n'a
qu'à
étudier le gourounssi casser sa tête où il va aller
avec ça, où il va aller avec ça nulle part pourtant
la
langue
française
on
peut
dire
que
c'est
une
langue internationale ça nous sert même à chercher
du pain à bouffer.
A 45
Entre
le
français
et
le
gourounssi
quelle
est
la
langue la plus difficile :
B 46
Je
peux
dire
que
c'est
le
français
parce
que
ce
n'est pas ma langue maternelle.
8
A 47
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir.
B 48
e : c'est le temps,
je descends tard.
A 49
D'après toi
qu'est-ce
qu'on doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 50
Pour moi, i l faut ouvrir les cours du soir pour eux.
A 51
Mais
est-ce
que
tu
sais
lire
et
écrire
en
gourounssi?
B 52
Non.
A 53
Mais est-ce qu'il te plairait d'apprendre à lire et
à écrire en gourounssi ?
B 54
Parce que e
: je peux dire que ça ne me plait pas -
ça me plaît parce que c'est ma langue mais ça ne
plaît
pas
parce
que
mon
temps
ne
permet
pas
d'étudier ça, et puis je ne sais pas à quoi ça va me
servir ?
A 55
Mais depuis que tu travailles est-ce que tu as déjà
eu
un problème
qui
t'a
beaucoup
touché et
que
tu
n'arrives pas à oublier?
B 56
Oh ça,
j'ai eu
un problème,
en Afrique
ici
tu
ne
peux pas échapper à ça, tu ne peux pas échapper à ça
parce que tu sais il y a certains tu arranges leur
engin pour qu'ils te payent même c'est un problème,
par finir
ça
se termine
par
la
bagarre
-
je peux
dire que c'est plus de dix ans i l y a un client il a
voulu me prendre du n'importe quoi,
même ce qu'il
m'a fait ça
(ne)
m'a pas plu,
i l est venu me dire
d'aller payer une pièce pour venir monter
sur son
engin moi j'ai enlevé mon propre argent aller payer
ça venir monter en attendant qu'il
part
en voyage
pour venir il est venu c'est un chauffeur i l dit que
e i l va aller et puis revenir régler,
aller revenir
régler j'ai poursuivi le gars jusqu'à nos jours"
i l
m'a eu comme un idiot,
c'est le seul problème que
j'ai mis à l'idée -- parce qu'il m'a pris comme un
idiot,
j'ai
failli
l'amener
à
la
gendarmerie
pour
lui la pièce que j'ai mis, la pièce même était usée.
A 57
Mais qu'est-ce que tu comptes faire plus tard?
B 58
Je fais la mécanique pour me défendre mais plus tard
je veux être un chauffeur,
j'ai déposé ma demande au
PNUD les hommes du PNUD, ils ne sont pas sérieux ...
9
2 - Entretien avec L 2 - Nignan Boureima
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
8
2
Je parle le français le gourounssi et le mooré,
ce
sont les trois langues.
A 3
Ca fait combien de temps que tu parles le français?
8
4
J'ai commencé à parler le français depuis: soixante
dix huit.
A 5
Mais
quand
tu
es
en
famille
quelles
langues
tu
parles?
8
6
En famille je parle le gourounssi.
A 7
Quand
tu
vas
à
la
mairie
ou
au
commissariat
pour
faire tes papiers quelles langues tu parles ?
8
8
Je parle le français.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
8
10
Avec
mes
copains
je
parle
souvent
le
français,
souvent le nuni et le mooré.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
8
12
Je parle le français et le mooré.
A 13
Quelles langues tu parles dans le lieux de loisirs?
8
14
C'est le français.
A 15
Mais est-ce que tu as fait l'école?
8
16
J'ai fait l'école rurale"
mais de là-bas je n'avais
rien puisque nous méme on était pas intéressé de ça,
maintenant en venant à
Ouagadougou en quatre vingt
(et)
un
c'est
là
j'ai
grouillé
pour
apprendre
le
français,
je vois maintenant que le français est bon
arrivé il y a des coins où si tu ne comprends pas le
français
pour
avoir,
pour
demander
quelque
chose
c'est difficile c'est pas tout le monde qui comprend
le mooré c'est
pas
tout
le monde qui
comprend
le
gourounssi
aussi,
il
faut
aussi
grouiller
pour
parler le français.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 18
Ouais: ça franchement je regrette.
A 19
Pourquoi tu regrettes ?
10
B 20
Parce que je vois que bon,
là où je suis si j'avais
fait l'école même au moins si j'avais mon certificat
en tout cas,
j'allais avoir un boulot même si c'est
pas
beaucoup
mon
pain
j'allais
gagner
ça,
mais
maintenant je vois comme je ne sais pas lire je ne
sais
pas
écrire
pour
pouvoir
travailler
dans
une
société
maintenant
c'est
difficile,
je
vois
maintenant que le français est bon.
A 21
Pour
toi
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre ?
B 22
Pour moi
:
le français c'est pas
:
aussi difficile
comme ça je peux dire que c'est difficile pas trop,
comme pour moi hum je m'intéresse ça beaucoup e
je
vois que si tu n'as pas fait l'école tu ne peux pas
parler
comme
ceux
qui
ont
fait
l'école,
sinon
le
français je vois que e c'est une langue qui est trop
intéressante et
puis
pour
pouvoir
parler
ça
aussi
c'est facile comme toutes les langues"
pour moi, le
français est difficile mais pas trop.
A 23
Mais
actuellement
tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français ou du mauvais français ?
B 24
Je sais que c'est pas du bon français mais e
: comme
je ne connais pas,
pour moi ah, c'est quelque chose
que je me débrouille pour me faire comprendre je ne
peux pas dire que c'est bon je ne peux pas dire que
c'est mauvais aussi.
A 25
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 26
Non, parce que je sais que je n'ai pas fait l'école.
A 27
Pour toi,
est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a
fait l'école ou non à travers sa manière de parler
français ?
B 28
Ouais ça c'est facile mème les mots,
quelqu'un qui
n'a
pas
fai t
l'école
même
s ' i l
comprend
bien
le
français tu peux savoir qu'il n'a pas fait l'école.
A 29
Comment le sais-tu ?
B 30
Bon quand i l parle,
bon les accents des mots si tu
écoutes bien tu
sais qu'il
n'a
pas
fait
l'école"
celui qui n'a pas fait l'école a un accent bizarre.
A 31
Pour toi est-ce qu'il Y a
une différence entre le
français
de ceux qui ont fait
l'école et celui de
ceux qui n'ont pas fait l'école?
11
B 32
En
tout
cas
(toux)
pour
moi
y
a
une
très
grande
différence pourquoi, celui qui a fait l'école lui il
peut parler
toi
tu
n'as
pas
fait
l'école
tu
(ne)
peux pas écrire, et puis celui qui a fait l'école si
celui
il
parle
il
y
a
des
mots
aussi
tout
qu'il
parle
ça
tu
ne
peux
pas
comprendre,
tu
peux
connaître e si tu e calcules bien dans ton coeur tu
peux hum,
connaître que
quand
il
a
parlé
il
veut
dire ça donc celui qui a fait l'école et celui qui
n'a pas fait l'école c'est pas la même chose"
leur
français c'est pas la même chose.
A 33
Depuis que tu parles le français est-ce qu'il Y a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 34
Ca y a beaucoup de gens (rires).
A 35
Mais quand les gens se moquent de toi est-ce que tu
t'énerves?
B 36
Non: je n'ai jamais énervé parce que quelque chose,
que tu l'a appris,
si on se moque de toi si tu veux
énerver tu ne vas rien comprendre il faut que e les
gens moquent de toi
là toi aussi
tu vas grouiller
pour comprendre plus,
mais si tu es là à parler et
puis
les
gens
ne
te
moquent
de
toi
d'autres
ne
disent il faut ce que tu as parlé,
c'est pas bon il
faut parler comme ça c'est ça qui est bon"
tu ne
peux pas comprendre mais si il y a des gens camarade
ce que tu as parlé c'est pas comme ça il faut parler
comme ça comme ça c'est ça le français donc comme ça
toi aussi tu arrives à comprendre facilement.
A 37
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
B 38
Non c'est pas la même chose,
au départ e,
parce que
il y a des mots que avant je ne peux pas : parler ça
maintenant je vois que je peux parler donc même si
c'est pas juste,
c'est ce que j'ai dit celui qui a
fait l'école et celui qui n'a pas fait l'école c'est
pas la même chose même si il y
a
des
mots que je
peux parler avant
pour
dire
ça
même c'est
un
peu
difficile avec moi e maintenant je vois que c'est un
peu facile.
A 39
Mais est-ce que tu penses que tu parles mieux que
d'autres personnes qui n'ont pas fait l'école comme
toi ?
B 40
Ah, oui je peux corriger d'autres personnes.
A 41
Mais
est-ce
que
tu
es
content
de
savoir
parler
français ?
12
B 42
Bon pour moi quand comme je sais parler le français
un peu un peu c'est bon, mais maintenant bon si : je
peux
avoir
quelqu'un
auprès
de
moi
qui
va
me
corriger et puis qui
va me
faciliter
à
comprendre
plus,
en tout cas
ça
sera
bon plus
que ce que
je
parle actuellement.
A 43
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Gourounssi à travers sa manière de parler français?
B 44
Ouais parce que,
un Gourounssi qui parle français et
un Mossi
qui
parle
le
français
c'est
pas
la
même
chose,
pourquoi
parce
que
si
le
Mossi
parle
le
français i l ne peut pas ne pas mettre un seul mot de
Mossi dedans.
A 45
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé ?
B 46
Oui,
je suis parti au Ghana.
A 47
Pour toi,
entre le français et le gourounssi quelle
est la langue la plus importante ?
B 48
Le français est important pour moi.
A 49
Pourquoi?
B 50
Parce
que
tu
sais
pourquoi
moi
j'ai
dit
que
le
français est plus important pour moi,
aujourd'hui y
a pas un coin où tu vas aller et puis c'est pas le
français"
pour
demander
l'eau,
pour
chose,
pour
chercher
un
travail
pour
gagner
un
bon
boulot
i l
faut
parler
le
français,
donc
c'est
pourquoi
le
français hum m'intéresse beaucoup.
A 51
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 52
Bon c'est vrai les cours du soir je m'intéressais à
ça
mais
ce
sont
les
moyens"
en
tout
cas
bon,
quand
j'aurais
les moyens
pour
faire
les
cours du
soir je travaille chose e
de
sept heures
à,
vingt
deux heures,
quelqu'un qui travaille de sept heures
à vingt deux heures i l (ne) peut pas faire les cours
du soir"
tu vois c'est pour cela je n'ai pas fait
les cours du soir.
A 53
Mais est-ce que tu sais lire et écrire en nuni ?
B 54
Non.
A 55
Mais est-ce que tu serais prêt à apprendre à lire et
à écrire en nuni ?
13
B 56
En tout cas si j'ai eu quelqu'un qui va m'apprendre
je serais d'accord.
A 57
Pourquoi tu seras d'accord?
B 58
Bon"
si
j'ai eu à apprendre si
je peux écrire ça
aussi c'est bon,
par exemple si
j'ai un frère à la
maison et puis
lui
aussi
il
peut
lire ça et puis
écrire si je peux écrire une lettre pour lui et puis
c'est pas tout le monde qui sait lire ça,
i l peut
prendre ça regarder comme ça et puis il ne peut pas
lire e il y
a beaucoup des gens qui peut parler le
français et puis il ne peut pas lire façon du truc,
si moi
je connais ça et puis mon frère connais ça
aussi si i l veut m'écrire c'est facile.
A 59
Depuis que tu travailles, est-ce qu'il y a quelqu'un
qui t'as déjà fait quelque chose
qui t'a touchée et
que tu n'arrives pas à oublier?
B 60
(rires) ça c'est beaucoup, ça je veux dire que si .,
tu as eu i l y
a quelqu'un qui t'a fait du mal,
et
puis
d'autres
a
eu
à
te
faire
ça
jusqu'à
trois
quatre personnes tu peux dire que c'est beaucoup"
pour moi depuis que j'étais à Ouaga on était là à
creuser un fossé
il y
a
un de nous qui a
dit que
j'ai volé son argent on m'a amené au commissariat,
donc
on
a
discuté
là-bas
depuis
deux
jours
malheureusement on ne m'a pas enfermé donc que e ça
m'a touché,
jusqu'à ma mort je ne peux pas oublier
ça"
et puis il y avait mon ami aussi je cherche un
boulot avec un peinturier,
le gars a eu un travail
il est venu dire à mon ami pour que je vais venir on
va faire le travail mon ami il a refusé il a dit au
gars de l'amener parce que lui aussi il cherche un
travail"
quand
j'ai
appris
ça
ça
aussi
ça
m' a
touché - donc j'ai eu ça plusieurs fois mais dans la
vie i l faut ça aussi,
si tu ne gagnes pas ça"
tu
n'arrives pas à être malin.
14
3 - Entretien avec L 3 - Nignan Batchapon
A 1
80n, quelles sont les langues que tu parles ?
8 2
Je
parle
le
gourounssi,
le
mooré
et
puis
le
français.
A 3
Mais,
ça
fait
combien
de
temps
que
tu
parles
français ?
8 4
e
j'ai commencé à
apprendre
à
parler
le
français,
c'était en quarante sept.
A 5
Tu es un ancien combattant alors ?
8 6
Oui.
A 7
Quelles langues tu parles en famille ?
8 8
En famille je parle le gourounssi avec mes enfants
A 9
Mais quelles
langues
tu
parles quand
tu
vas
à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers ?
8 10
Là-bas je parle le français.
A 11
Mais quand tu es avec tes copains,
quelles langues
tu parles ?
8 12
Je parle le français le gourounssi, et puis le mooré
souvent.
A 13
Mais quelles langues tu parles au travail ?
8 14
Au travail c'est toujours le français.
A 15
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
8 16
Je parle le français.
A 17
Est-ce que tu as été à l'école?
8 18
Non je n'ai pas fait l'école.
A 19
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 20
Ah oui, si j'avais fait l'école j'étais un patron.
A 21
Pour
toi,
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre ?
8 22
e le français c'est peu difficile mais, ce n'est pas
difficile aussi.
A 23
Pourquoi ?
15
B 24
Va attaquer quelqu'un dans
le champ de
mars
venir
mettre dans un service"
au bout de deux ans trois
ans le type commence à comprendre ce qu'on lui dit
de faire donc on peut dire que c'est facile,
c'est
pas tellement difficile comme les autres langages.
A 25
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
B 26
Pour moi
c'est pas du
bon français,
c'est pour se
faire comprendre seulement.
A 27
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 28
Non,
je
ne
suis
pas
gêné
parce
que
je
cherche
à
apprendre,
si tu as honte tu ne peux pas apprendre
vite.
A 29
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
B 30
e
:
oui je sais,
celui qui n'a pas fait l'école ne
peut pas bien prononcer les mots,
i l cause avec des
fautes.
A 31
D'après toi est-ce qu'il y a une différence entre le
français
de ceux qui
ont
fait
l'école et celui
de
ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 32
Ca
c'est
sûr,
e
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
mélange les mots celui qui a fait l'école parle bien
le français.
A 33
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi,
parce que tu
parles du mauvais français ?
B 34
Ah,
même
si
quelqu'un
nous
a
moqué
c'est
pas
de
notre faute on ne peut pas fâcher contre ça aussi,
celui qui a
fait l'école et celui qui n'a pas fait
l'école
votre
parole
ne
peut
aller
sur
le
même
chemin.
A 35
Quand tu parlais français avant et maintenant est-ce
que c'est la même chose?
B 36
Ah, maintenant,
ce n'est pas la même chose je parle
mieux plus que avant je ne peux pas oublier au début
je
ne
comprenais
rien
du
tout"
bon
jusqu'à .nos
jours i l y a des changements.
A 37
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme t o i ?
16
B 38
Ouais,
je parle bien que d'autres personnes ce que
je peux dire d'autres ne peuvent pas dire ça.
A 39
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 40
Ah oui,
ça c'est sûr parce que je peux me défendre
avec ça.
A 41
Comment tu as fait pour apprendre le français?
B 42
Pour prendre le français, c'est un peu un peu tu vas
parler
petit
à
petit
tu
vas
arriver
dix
ans
tu
comprends, tu peux parler au moins.
A 43
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
est
Gourounssi ou Mossi à
travers sa manière de parler
français ?
B 44
Ah ouais,
on peut connaître quand un Mossi parle je
sais i l mélange le mooré dans le français.
A 45
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé ?
B 46
J'ai
fait
le
Ghana,
l'Indochine,
Le
Maroc
et
l'Algérie.
A 47
Entre
le
gourounssi
et
le
français
quelle
est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 48
La plus
importante c'est"
le
français
qui
est
le
plus important pour moi,
parce que c'est une langue
je n'ai jamais compris e avec le service j'arriverai
à comprendre avec le Blanc,
donc
je peux dire que
j'ai un avantage dans ça"
quelqu'un qui sait parler
le français peut aider le Burkina Faso, actuellement
il faut savoir lire et écrire ici si tu ne sais pas
lire et écrire on ne peut pas t'embaucher"
c'est ce
qui
nous
vois auj ourd 'hui
i l
n' y
a
pas un emploi
sans passer un concours.
A 49
Pourquoi tu n'a pas cherché à
lire et à
écrire en
français ?
B 50
Ah oui, parce que le temps m'a passé.
A 51
Donc tu penses que tu es vieux pour apprendre à lire
et à écrire ?
B 52
Ah ouais.
A 53
Est-ce que tu sais lire et écrire en nuni ?
B 54
Non,
je ne veux même pas"
oû tu vas aller avec le
nuni ?
17
A 55
D'après toi
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 56
Je pense qu'il faut construire des écoles pour eux.
A 57
Tu dis que tu es un ancien combattant, est-ce que tu
peux me décrire comment se faisait le recrutement?
B 58
Pour le recrutement,
l'armée
avait
un docteur,
le
docteur visitait les gens les gens qui ne sont pas
malades on sait,
on enléve la même personne si
le
docteur voit que le type ça (ne) va pas on le met à
côté on ne le prend pas.
A 59
Mais, où a eu lieu votre recrutement ?
B 60
On nous a
pris dans la ville de Léo amené à Ouaga
faire six mois"
et puis on a continué en Indochine
arrivé là-bas y en a qui se croient que nous sommes
des
recrues donc le chef de bataillon n'était pas
d'accord qu'on nous envoie dans la brousse parce que
c'est mauvais,
parce que ce sont des
recrua&s on va
tout tuer là-bas comme des poulets"
alors le chef
de détachement lui aussi n'était pas d'accord il dit
qu'il ne reste pas en ville avec sa personnel tant
qu'il n'est pas allé là où se trouve le feu,
donc on
lui a donné un accord on a continué maintenant allé
plus loin -
-
c' étai t
vraiment chaud hein mais ce
n'est pas tout le monde qui est resté là-bas.
A 61
Pourquoi tu n'est pas resté dans l'armée burkinabé.
B 62
Quand
nous
sommes
arrivés
notre
âge
a
atteint
la
retraite donc on nous a mis libéré.
A 63
Combien de temps on peut rester dans l'armée?
B 64
Quinze ans"
mais c'est pas aujourd'hui, aujourd'hui
ils sont le droit de faire trente ans"
ah mais à
notre
niveau
c'était
quinze
ans
si
tu
complètes
quinze ans tu dois aller à la retraite.
A 65
Pour toi est-ce que l'armée d' aujourd 'hui et celle
d'avant, est-ce que c'est la même chose?
B 66
e
:
l'armée d'avant et l'armée d' aujourd' hui c'est
pas
la
même
chose"
ça
ne
peut
pas
être
la
même
chose -- i l Y a une grande différence qui est là -
dans -- maintenant c'est plus facile qu'avant parce
que maintenant où ils vont les militaires ils sont
sur
place
étant
donné
avant
ce
n'était
pas
la
question tu ne t'arrêtes pas, i l faut aller là où on
ne te connaît pas voilà où i l y a une différence.
18
4 - Entretien avec L 4 Nignan Abou
A 1
Bon qu'est-ce que tu fais actuellement?
B 2
Je suis un mécanicien.
A 3
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 4
Je parle le gourounssi.
A 5
C'est tout?
B 6
et puis le mooré, e
: puis le français.
A 7
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 8
Ca vaut, à peu près trois ans.
A 9
Est-ce que e
tu es né à Ouaga ?
B 10
Non,
je suis venu ici.
A I l
En quelle année tu es venu ici ?
B 12
Je suis venu ici en, quatre vingt.
A 13
Quelles sont les langues que tu parles en famille?
B 14
Je parle le gourounssi.
A 15
Quand
tu
vas
au
bureau
pour
faire
tes
papiers
quelles langues tu parles ?
B 16
Si je pars au bureau je parle le mooré,
et puis,
un
peu le français.
A 17
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 18
C'est le français,
le gourounssi et puis souvent le
mooré.
A 19
Quelles langues tu parles au travail ?
B 20
Je parle le français et puis le mooré.
A 21
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 22
C'est le français et puis le mooré.
A 23
Pourquoi tu n'as pas été à l'école?
B 24
C'est, c'est mon parent qui m'a pas envoyé là-bas.
A 25
Est-ce
que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
été
à
l'école?
19
B 26
e: bien sûr, je regrette.
A 27
Pour
toi
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre?
B 28
e:
c'est
un
peu
difficile
hein,
c'est
pas
facile
comme ça, le français est difficile.
A 29
Pour toi
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais
français ?
B 30
Est-ce que y
a un mauvais français --
(rires)
tout
ça c'est du français.
A 31
Pour toi tu parles alors le bon français ?
B 32
C'est pas très bon mais je me débrouille.
A 33
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 34
Je ne suis pas gêné parce que je veux apprendre.
A 35
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 36
Ouais, je connais.
A 37
Comment tu fais pour le savoir ?
B 38
C'est la parole là si tu parles -- moi même si je
parle je sais que c'est pas direct - avec toi c'est
pas la même chose.
A 39
Pourquoi tu dis que c'est pas la même chose?
B 40
Moi même je vois que c'est pas bien français.
A 41
Pour toi,
est-ce qu'il y
a une différence entre le
français de ceux qui ont l'école et le français de
ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 42
Beaucoup même -- moi même je parle comme ça je sais
que c'est pas correct.
A 43
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 44
Oui hum mais ça ne me dit rien.
A 45
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
20
B 46
Je sais
que
c'est
pas
pareil,
maintenant
je parle
fort fort avant je peux pas parler fort comme ça.
A 47
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 48
Ah, bien sûr,
je content bien.
A 49
Mais
:
tu penses que
tu parles mieux
français
que
d'autres personnes qui n'ont pas fait l'école comme
toi ?
B 50
Oui,
ça moi-même je le sais,
mon français est bien
par rapport à d'autres ...
A 51
Mais comment tu fais pour le savoir ?
B 52
e:
-
e:
les autres ils ne peuvent pas parler fort
fort comme moi je parle, c'est pour cela.
A 53
Comment tu as fait pour apprendre le français?
B 54
e:
je
vois
les
gens
parlent
quoi
"
moi
aussi
j'écoute un peu un peu,
hum moi aussi je commence à
parler un peu un peu.
A 55
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Nuna à travers sa manière de parler français ?
B 56
Oui,
e:
quand
je
parle
comme
ça
e:
les
autres
peuvent dire e:
si
on dit
programme
le Mossi
peut
dire
porogramme
toi
même
tu
vois
que
c'est
pas
pareil
(rires),
si
un
Mossi
parle
i l
mélange
son
langue dans le français.
A 57
Depuis que tu es
au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 58
Ouais j'ai été à Ghana, à Niamey c'est tout.
A 59
Entre
le
français
et
le
gourounssi
quelle
est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 60
En tout cas"
je e:
je préféré parler le
français
mais,
comme
je
(ne)
peux pas bien parler c'est
le
gourounssi je vais parler.
A 61
Entre
le
gourounssi
et
le
français
quelle
est
la
langue la plus difficile ?
B 62
C'est le français qui est difficile.
A 63
Pourquoi tu dis ça ?
21
B 64
e:
parce que en gourounssi je peux parler ça,
vite
vi te
ça
là
je
ne
peux
pas
bien
parler,
c'est
la
lang~e là qui est difficile.
A 65
Pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 66
C'est
les
moyens
là"
tu
sais
les
cours
du
soir
c'est de l'argent"
si je n'ai pas l'argent comment
je vais faire les cours du soir,
c'est l'argent là
qui manque.
A 67
Donc pour toi i l faut de l'argent hum pour pouvoir
faire les cours du soir ?
B 68
Il faut l'argent,
bien sûr -- si c'est toi qui est
chose, qui était chose -
un professeur je peux dire
que je vais venir faire un peu un peu comme tu me
connais tu vas dire que comme je n'ai pas l'argent
là tu vas me laisser débrouiller.
A 69
Pour toi, qu'est-ce qu'on doit faire pour aider ceux
qui n'ont pas fait l'école?
B 70
e:
on
doit
nous
apprendre
à
lire
un
peu
un
peu,
voilà,
mais vous qui sait parler le français,
vous
peut aider le Burkina Faso.
A 71
Est-ce que tu sais lire et écrire en nuni ?
B 72
Non je ne sais pas.
A 73
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en nuni ?
B 74
Non,
je ne veux pas ça ne peut pas me servir,
toi
même tu sais maintenant c'est le français si tu vas
pour chercher quelque chose comme un boulot comme ça
-- il
faut parler un peu le français
pour avoir -
pour pour régler tes affaires.
A 75
Tu penses qu'avec le nuni on ne peut pas régler les
problèmes ?
B 76
Comment tu vas régler ça ?,
c'est pas tout le monde
qui comprend ça -- i l Y a les Jula,
les Peuls,
les
Mossi
si
tu
parles
eux
ils
ne
comprennent
pas
le
gourounssi,
il
faut
débrouiller
quand
même
un
peu
parler le
français,
même
les
gourounssi
aiment
le
français.
A 77
est-ce
qu'on
t'a
déj à
fait
quelque
chose
qui
t'a
beaucoup marqué et que tu n'arrives pas à oublier?
B 78
Ah,
je (ne)
peux pas ne pas eu,
tu sais que mille
neuf
cent
soixante
deux
c'est
pas,
c'est
pas
22
soixante
deux
jours
hein,
je
l'ai
eu
beaucoup
je
peux pas dire beaucoup hein mais je l'ai eu.
A 79
Est-ce que tu peux me raconter un problème qui t'a
beaucoup marqué ?
B 80
En tout cas"
je
(ne)
peux pas montrer,
quelqu'un
peut te
faire
quelque chose mais
tu
(ne)
peux pas
expliquer ça à quelqu'un hum.
A 81
Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on a fait et tu as
été content ?
B 82
e : oui, bon maintenant ce n'est pas comme avant ils
sont en train de construire en étage quoi quoi,
et
puis
voilà
notre
marché
on
a
construit,
avant
ce
n'étai t
pas
comme
ça
je
peux
dire
que
j'ai
content de ça.
A 83
Quand tu vas à Léo qu'est-ce que tu achètes?
B 84
On paye chose
(hum)
des
sacs maïs
pour envoyer on
achète des ignames des patates"
en tout cas c'est
beaucoup e,
je fais le commerce ignames à Léo.
23
5 - Entretien avec L 5 Nébié Boureima
A 1
Quel âge as-tu ?
8 2
e : maintenant j'ai cinquante trois.
A 3
Qu'est-ce que tu fais comme métier?
8 4
Je suis un chauffeur.
A 5
Quelles sont les langues que tu parles ?
8
6
Moi je parle le mooré un peu le français et puis le
gourounssi.
A 7
Mais quelles langues tu parles en famille ?
8 8
En famille je parle toujours le gourounssi.
A 9
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
8 la
Pour moi,
je parle le français.
A 11
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
8 12
Je parle le français et le gourounssi avec eux.
A 13
Quelles langues parles-tu au travail ?
8 14
Au travail c'est
le
français que
je parle plus le
mooré.
A 15
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
8 16
Là-bas c'est le français.
A 17
Mais est-ce que tu as été à l'école?
8 18
Non.
A 19
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 20
Ah je regrette beaucoup parce que si
j'avais
fait
l'école je n'allais pas être comme ça, on m'a amené
pour faire le Coran.
A 21
Pour
toi
le
français
est
facile
ou
difficile
à
apprendre?
8 22
Pour moi en tout cas le français est difficile parce
que c'est pas ma langue.
A 23
Mais tu penses que tu parles du bon français ou du
mauvais français ?
24
B 24
Pour moi le français n'est pas cuit,
c'est pour te
faire comprendre ce que moi
je dis,
notre français
c'est pour faire comprendre ce qu'on veut dire.
A 25
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 26
Non"
on s'exprime e:
je dois lui parler pour que
lui aussi il connaît ce que je veux dire -
je ne me
gêne pas.
A 27
Est-ce que tu es en mesure de savoir si quelqu'un a
fait l'école ou non à
travers sa manière de parler
français ?
B 28
Oui, parce que celui qui n'a pas fait l'école il y a
des mots qu'il
parle ce n'est pas ça
celui
qui
a
fait l'école lui il parle bien.
A 29
Pour toi est-ce qu'il Y a
une différence entre le
français de ceux qui ont été à l'école et celui de
ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 30
Oui il y a trop des différences parce que celui qui
a fait l'école il a des phrases qui sort toi tu n'as
pas fait
l'école tu ne peux pas sortir ça -
c'est
pas la même chose (rires)"
ceux qui n'ont pas fait
l'école parlent du mauvais français.
A 31
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui s'est déjà moqué de
toi depuis que tu parles français ?
B 32
Moi,
il y avait un Blanc à
la CrCA je lui ai parlé
il a essayé de me moquer un peu.
A 33
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme toi?
B 34
Ca
moi
même
je
le
sais
il
y
a
des
gens
qui
ne
peuvent parler comme moi.
A 35
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 36
Oui,
je
suis
content
de
parler
comme
les
autres
parce
que
e
si
on
est
en
groupe
si
c'est
le
gourounssi
on
parle
le
gourounssi
si
c'est
le
français on parle le français.
A 37
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 38
j'ai appris ça moi-même.
A 39
Mais
est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
est
Gourounssi ou Mossi à travers sa manière de parler
français ?
25
8
40
Oui ça se voit aussi.
A 41
Comment, à quel niveau ?
8 42
e:
sur le niveau e
si un Mossi te parle,
il a
une
façon de agir parce que,
i l parle e:
faire hum tu
vois ici le mossi peut venir dire lui aussi [V ] ici
mais
i l
y
a
toujours
quelque
chose
c'est
au
niveau du ton,
la langue.
A 43
Est-ce que tu as déjà voyagé hors du pays ?
8 44
Moi
j'ai
été en Côte d'Ivoire
une
fois
pour
deux
jours, j'ai conduit parce que i l y a notre président
et ses amis qui doit partir au Caire pour une foire,
ils ont manqué l'avion et puis ils sont venus je les
ai déposé en Côte d'ivoire et puis retourner.
A 45
Selon
toi,
est-ce
que
le
français
parlé
en
Côte
d'Ivoire et le français parlé ici est-ce que c'est
la même chose ?
8 46
Non,
parce que leur langue,
ça dépend le ton n'est
pas le même,
notre ton est trop clair pour eux leur
ton est trop lourd ce n'est pas la même chose.
A 47
Pour toi entre le français et le gourounssi,
quelle
est la langue la plus importante ?
8 48
Maintenant, le français c'est une langue commerciale
et le gourounssi,
c'est une langue familiale donc,
c'est pas
la même chose,
ça c'est
une
- -
tu sais
notre
langue
maintenant
c'est"
nous
aussi
on
ne
peut pas laisser tomber notre langue pour suivre le
français
au côté
français
on parle
le
français
au
côté africain on parle l'Afrique, mais le gourounssi
est bon aussi.
A 49
Entre
le
français
et
le
gourounssi
quelle
est
la
langue la plus difficile ?
8 50
Pour
moi
en
tout
cas
c'est
le
français,
le
gourounssi
est
facile
comme
c'est
ma
langue
maternelle.
A 51
Serais-tu prêt à apprendre le français ?
8 52
Oui mais pourquoi"
ça dépend du temps si le temps
me permet je vais faire
A 53
Selon toi qu'est-ce qu'on doit faire pour aider ceux
qui n'ont pas fait l'école à parler français?
8 54
Je pense e qu'il faut faire des écoles pour ceux qui
n'ont pas fait l'école, c'est ce que je vois.
26
A 55
Est-ce que tu sais lire et écrire en gourounssi ?
B 56
Non"
pour
lire
j'ai
essayé
de
l'apprendre
mais,
celui
avec
qui
j'étais c' était
un ghanéen
mais
i l
est parti.
A 57
Mais est-ce qu'il te plairait d'apprendre à
lire et
à écrire en gourounssi ?
B 58
Non,
parce
que
on
ne
peut
rien
faire
avec
le
gourounssi,
c'est pour parler en famille seulement.
A 59
Mais qu'est-ce qu'on peut faire si l'on sait parler
français ?
B 60
Si tu veux travailler avec les Blancs i l te faut la
langue pour pouvoir t'exprimer à eux ce que tu veux
mais
pour
bien
travailler
i l
faut
que
tu
comprennes le français,
les gardiens ne parlent pas
le
français
mais pour
un autre
travail
i l
faut
le
français.
A 61
Mais,
depuis
que tu es chauffeur est-ce qu'il
Y a
quelque chose qui t'est arrivé et que tu n'arrives
pas à oublier ?
B 62
Oui i l y a trop des choses qui marquent parce que tu
sais c'est maintenant tout a changé"
tu sais avant
tu amènes ton patron au grand lieu i l sort i l rentre
i l
fait
ce qu'il veut
i l mange bien là-bas toi
tu
restes dehors
dormir"
ça
(ne)
manque
pas
i l
sort
trop tu l'amènes i l rentre i l ferme
la porte allé,
toi tu es là dormir tu gardes la voiture,
ça marque
toujours ça
(rires),
vous êtes partis pour le même
travail comme tu conduis c'est un boulot mais lui i l
rentre là-dedans i l parle le français
[aja],
i l y a
du café petit café e:
du coca cola eux ils prennent
ça toi tu restes dehors e si c'était avant même i l y
avai t
des
brochettes
i l
sort
ça
i l
mange
bien
et
puis toi tu es dehors, donc ça nous marque.
27
6 - Entretien avec L 6 - Yago Balloua
A 1
Quel âge as-tu ?
B 2
e c'est mille neuf centre quarante deux.
A 3
Qu'est-ce que tu fais actuellement?
B 4
Je suis un chauffeur.
A 5
e
: quelles sont les langues que tu parles ?
B 6
Je parle le gourounssi,
je parle un peu le ghana,
je
parle un peu le français.
A 7
Ca fait combien de temps que tu parles français?
B 8
Ca a duré en tout cas.
A 9
Mais : quelles langues tu parles en famille ?
B 10
En famille on parle le mooré on parle le gourounssi
on parle le français.
A l !
Quand tu vas pour faire tes papiers à la mairie ou
au commissariat, quelles langues tu parles ?
B 12
En tout cas je débrouille pour parler le français en
tout cas ouais.
A 13
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 14
Je parle le français
je parle le gourounssi et
le
mooré
A 15
Quelles langues tu parles au travail ?
B 16
Je parle le français et puis le mooré.
A 17
Mais
quelles
langues
tu
parles
dans
les
lieux
de
loisirs ?
B 18
Je parle le français.
A 19
Est-ce que tu as fait l'école?
B 20
Non.
A 21
Est-ce
que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
été
à
l'école?
B 22
En tout cas moi je regrette,
c'est mes parents qui
m'ont pas envoyé à l'école toi tu connais c'est le
village
c'est
l'école
ils
(ne)
veulent
pas
que
l'enfant parti.
28
A 23
Selon toi
est-ce que
le
français
est difficile ou
facile à apprendre ?
B 24
En tout cas c'est difficile comme je n'ai pas fait
l'école je parle un peu,
mais i l y
a des gens qui
parlent si tu vois même tu sais que eux ils ont fait
l'école,
comme
moi
comme
ça
si
je
parle
je
débrouille
quoi
voilà,
i l
y
a
des
patrons
qui
comprend pas le mooré ils ne comprend pas le jula,
c'est
le
français
seulement
ils
parlent,
donc
maintenant tu es complètement obligé pour comprendre
le français.
A 25
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
B 26
Pour
moi"
e:
notre
français
c'est
pour
se
faire
comprendre, ma français n'est pas bon.
A 27
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 28
Ah ouais
parce que
si
tu
parles
le
français
avec
quelqu'un je connais si tu n'as pas fait l'école, si
quelqu'un
i l
n'a
pas
fait
l'école
moi
même
je
connais.
A 29
Comment fais-tu
pour reconnaître quelqu'un qui
n'a
pas fait l'école?
B 30
Je connais mais je (ne) peux pas l'expliquer"
notre
français c'est
pour
faire
connaître
ce
qu'on veut
dire.
A 31
Selon toi,
est-ce qu'il y
a une différence entre le
français
de
ceux
qui
ont
été
à
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 32
En tout cas ça c'est sûr comme moi je suis là quand
je parle tu sais que je n'ai pas fait l'école"
donc
c'est ça
tu vas voir,
e
celui qui
a
fait
l'école
prononce bien le français.
A 33
Est-ce qu'il y
a quelqu'un qui s'est déjà moqué de
toi depuis que tu parles français ?
B 34
Beaucoup même,
mais
comme
je ne comprends
rien
je
parle seulement.
A 35
Est-ce que tu
penses que
tu
parles
mieux
français
que d'autres
personnes
qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
B 36
En tout cas moi je connais il y
a quelqu'un qui n'a
pas fait l'école,
je connais je parle mieux que lui.
29
A 37
Comment tu fais pour le savoir ?
B 38
Comme moi je vais dire i l ne peut pas dire comme ça.
A 39
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 40
En tout cas avant et puis auj ourd ' hui moi même
je
connais c'est mieux.
A 41
Est-ce que tu es fier de savoir parler français. ?
B 42
Ouais moi je suis content parce que pour trouver un
travail i l faut le français.
A 43
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 44
J'ai appris ça comme ça.
A 45
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Gourounssi à travers sa manière de parler français?
B 46
Ouais,
si
je vois
un
Mossi
parler
le
français
je
connais
-
comme moi
je
parle
le gourounssi
si
un
Mossi
parle
je
connais"
si
un
mossi
parle
tu
connais
i l
y
a
des
restants
de
mooré
dans
sa
français.
A 47
Comment tu fais pour le savoir ?
B 48
C'est l'accent.
A 49
Est-ce que tu as déjà quitté le Burkina Faso?
B 50
Oui,
moi j'ai été au Mali,
j'ai été au Ghana,
j'ai
été au Togo.
A 51
Entre
le
gourounssi
et
le
français
quelle
est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 52
En tout cas maintenant,
le français c'est bon pour
nous,
i l y a des gens qui ne parlent pas le mooré,
et puis maintenant si tu cherches un travail il faut
parler le français.
A 53
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir ?
B 54
C'est à cause du travail y a pas le temps.
A 55
Selon
toi,
qu'est-ce
qu'on
doit
faire
pour
vous
aider à parler français ?
B 56
Ah c'est vous qui doit connaître comment vous allez
faire
nous
on
va
parler
le
français
i l
y
a
30
quelqu'un i l
va
montrer ou bien vous
allez
donner
quelqu'un pour montrer le français.
A 57
Mais
e
est-ce
que
tu
peux
lire
et
écrire
en
gourounssi ?
B 58
Non
A 59
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en gourounssi ?
B 60
En tout cas je serais content parce que c'est moi,
langue,
le jula prend lui langue aussi.
A 61
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en français ?
B 62
En tout cas moi je veux.
A 63
Pourquoi?
B 64
Parce que e: pour parler le français c'est bon.
A 65
Depuis que tu es chauffeur est-ce qu'il y a quelque
chose
qui
t'a
marqué
et
que
tu
n'arrives
pas
à
oublier ?
B 66
En tout cas"
quelque chose qui
marque
c'est
avec
les
patrons,
tu
peux
partir
avec
ta
patron
à
une
réunion le patron i l rentre i l mange et puis i l te
laisse,
si i l sort tu le prends aller déposer or i l
a mangé là-bas te laisser si i l sort maintenant i l
sait qu'il est venu avec toi -
c'est ça je ne suis
pas d'accord.
31
7 - Entretien avec L 7 - Nignan Lou1ouan
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Je parle un peu le gourounssi,
le mooré c'est comme
ça, et puis le jula ça aussi c'est tenté si on parle
je comprends un peu un peu.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
e ça fait longtemps.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
c'est le gourounssi.
A 7
Mais quand tu vas
à
la mairie ou au
commissariat
pour
faire
tes
papiers
c'est
quelle
langue
tu
parles?
B 8
Oh: à la mairie je
débrouille avec le français.
A 9
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Je parle le français et puis le gourounssi.
A Il
Quelle langue tu parles au travail ?
B 12
Je parle le français.
A 13
Mais
quelles
langues
tu
parles
dans
les
lieux de
loisirs ?
B 14
C'est le français.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non.
A 17
Mais: pourquoi tu n'as pas été à l'école?
B 18
e
:
ce sont les parents qui m'ont pas mis là-bas
c'est ma soeur qu'on a
met,
lui
aussi
il
n'a pas
duré il est parti.
A 19
Mais
est-ce que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
fait
l'école?
B 20
Beaucoup méme, beaucoup.
A 21
Pourquoi?
B 22
Parce que e:
si
j'avais fait ça au moins j'allais
avoir
mon
certificat
aujourd'hui
même
si
tu
32
travailles
quelque
part
si
tu
n'as
pas
ton
certificat tu n'avances même pas, tu ne gagnes rien,
on dit signé ton signature même tu ne peux pas"
je
regrette
beaucoup
de
n'avoir
pas
fait
l'école,
aujourd' hui
si
tu
n'as
pas
ton
certificat
tu
ne
gagnes rien.
A 23
Selon
toi,
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre ?
B 24
Oh, le français c'est très difficile.
A 25
Pourquoi tu dis que c'est difficile?
B 26
Parce
que
je
ne
peux
pas
comprendre
le
français
finir,
c'est beaucoup,
les mots sont trop beaucoup
tu sais comme chez nous des fois on peut parler le
français gourounssi, quand tu vas parler le français
mélanger le gourounssi si ce n'est pas un gourounssi
il ne peut pas comprendre.
A 27
Mais actuellement toi tu penses que tu parles du bon
français ou du mauvais français ?
B 28
Ah, moi je dis que c'est du débrouillé c'est pas du
bon français en tout cas.
A 29
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 30
Oui
je
peux
savoir,
celui
qui
a
fait
l'école
il
parle
bien
le
français
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école l'école parle du mauvais français.
A 31
e
: pour toi est-ce qu'il y a une différence entre
le français de ceux qui ont fait l'école et celui de
ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 32
Il Y a une différence,
tu as vu,
ça dans le papier
les
gens
qui
n'ont
pas
fait
l'école
ils
parlent
seulement parce qu'ils ont entendu parler maintenant
ils prend tout ça grouper essayer de e: chercher un
mot pour avoir débrouiller,
celui qui n'a pas fait
l'école ne comprend pas bien le français.
A 33
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi, parce que tu
parles du mauvais français ?
B 34
Beaucoup même,
il y a des gens qui me moquent mais
je m'en fous.
A 35
Mais
quand
on
se
moque
de
toi
est-ce
que
tu
t'énerves?
33
B 36
Je (ne) m'énerve pas parce que c'est mon degré aussi
si i l veut comprendre i l faut qu'il comprend,
pour
moi je vais pas : parler ce que il veut que je parle
parce que moi aussi je (me) débrouille pour parler"
même hier j'ai eu à causer avec une fille e je parle
de quoi
je dis que la vitamine Cc' est
le mil on
arracher son peau là il voulait me dire que c'est
pas comme ça qu'on parle moi aussi j'ai refusé.
A 37
Quand tu parlais français avant et maintenant est-ce
que c'est la méme chose?
B 38
Il Y a un changement.
A 39
Comment le sàis-tu ?
B 40
Parce que mon français carrément c'est modifié c'est
pas comme avant je trouve que je parle bien plus que
avant"
maintenant je peux parler trois mots or que
avant je (ne) pouvais pas parler comme ça.
A 41
Est-ce que tu penses que
tu
parles mieux
français
que d'autres
personnes
qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
B 42
Ouais moi aussi j'ai eu à corriger des autres.
A 43
Mais
est-ce
que
tu
es
fier
de
savoir
parler
français?
B 44
J'ai
fier
parce que i l y
a
quelqu'un qui
n'arrive
pas
à
parler
ça,
il
y
a
des
gourounssi
qui
ne
veulent pas parler le français.
A 45
Mais comment tu as fait
pour apprendre le français
étant donné que tu n'as pas fait l'école?
B 46
J'ai
appris
ça
avec
des
gens
si
je
parle
le
gourounssi deux fois je parle le français - essayer
de
trouver
quelque
chose
pour
que
ça
confonde
le
gourounssi même.
A 47
Est-ce que tu es en mesure de savoir si quelqu'un
est
Mossi
ou
Gourounssi
à
travers
sa
manière
de
parler français ?
B 48
Ouais
je
sais,
le
Mossi
ne
peut
pas
parler
sans
mettre un mot mossi dans le français.
A 49
Mais depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu
as déjà voyagé hors du pays ?
B 50
Beaucoup même.
A 51
Où tu as été ?
34
B 52
Mon
premier
voyage
j'ai
fai t
ici
le
Ghana,
deuxièmement j'ai venu,
troisième j'ai quitté aller
en Côte d'Ivoire.
A 53
Mais quand tu as été en Côte d'Ivoire est-ce que le
français qui est parlé là-bas et celui qui est parlé
ici est-ce que c'est la même chose?
B 54
Non,
là-bas c'est plus facile plus qu'ici.
A 55
Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
B 56
Parce
que
là-bas
tous
les
mots
ne
sont
pas
contrôlés"
tous
les
mots
ça dépassent
or
que
ici
les gens parlent bien le français parce que,
eux y a
pas de [moke]
là-bas or ici on moque,
quand je suis
parti là-bas on m'a dit [kabato]
le tô simple là moi
je dis
je veux
le tô je ne veux pas
[kabato]
j'ai
duré là-bas,
tu vois le machin or que ici on dit le
tô.
A 57
Entre
le
français
et
le
gourounssi
quelle
est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 58
C'est
le
français,
avec
le
français
je peux
aller
partout mais le Gourounssi non, par exemple quand je
suis venu nouvellement ici on m'a attrapé une fois
comme ça,
pour me voir parler i l
faut
qu'il
amène
quelqu'un qui est un gourounssi,
or que si c'était
le
français
c'est
facile
parce
que
tout
le
monde
peut
me
défendre,
prendre
mon
secours
quoi
comme
c'est le gourounssi c'est obligatoire de faire venir
un
policier
qui
comprend
le
gourounssi
pour
venir
m'interroger,
donc c'est difficile.
A 59
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 60
Quand je suis venu
je dis vais
faire
les cours du
soir,
je dis bon les cours du soir ça demande un peu
l'argent"
or que tu est venu pour trouver quelque
chose pour que au moins pour travailler,
si tu t'en
vas
pour
faire
les
cours
du
soir
i l
y
a
des
gens
qu'on a
met
à
l'école qui
n'ont pas un boulot
toi
tes
cours
du
soir
ça
va
faire
quoi,
j'ai
trouvé
comme ça or si
j'étais pensé que les cours du soir
ça me bénéficier . . .
A 61
Selon toi qu'est-ce qu'on doit faire pour aider ceux
qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 62
Par exemple e:
comme
i l
y
a
des
écoles
chez
nous
comme ça on peut inventer des écoles pour nous pour
parler le français,
par exemple i l y a un vieux qui
était amené,
Boureima quand i l a
amené e mon petite
soeur à
l'hôpital,
de fait qu'on a dit que ma soeur
35
est mort i l ne connait pas il croit que e:
non son
petit
enfant qu'on a
fait
sortir on dit qu'il est
mort
i l
ne
connaît
pas,
i l
est
obligé
de
sortir
dehors
attendre
jusqu'à
deux
jours
moi
j'ai
demandé ta femme que tu l'as amenée mais son enfant
là tu n'es pas le voir méme"
je demande pour voir
celui qui a fait l'opération c'est le deuxiême jour
que j'ai vu on a dit que petit l'enfant i l est mort
i l ne vit pas i l est mort sur le ventre,
quand on
est parti pour trouver l'autre il a dit qu'on a dit
que e:
l'enfant là son maman ne peut pas le voir je
dis non faut dire que tu ne comprends pas.
A 63
Est-ce que tu sais lire et écrire en gourounssi ?
B 64
En gourounssi, ah non.
A 65
Mais est-ce que tu accepterais d'apprendre à lire et
à écrire en gourounssi ?
B 66
Ouais parce que je sais si on m'a appris à lire et à
écrire
en
gourounssi
je
peux
modifier,
je
peux
sciencer avec ça.
A 67
Depuis que tu es né est-ce qu'il y a quelqu'un qui
t'as
fait
quelque
chose
que
tu
n'arrives
pas
à
oublier ?
B 68
Ouais quand je suis venu pour travailler au SOFITEX
i l y a quelqu'un qui a posé un travail chez les eaux
et forêts machin,
Adama dit que le type quand i l a
vu que si
je parté
là-bas,
le temps
là
lui
i l ne
travaille pas i l part aux campagnes six mois i l s'en
va poser,
maintenant
on voulait
me
prendre
là-bas
comme un saisonnier on m'a dit si je voulais aller,
le gars dit demain je n'ai qu'à préparer pour aller
le gars dit non i l m'a trouvé un travail i l m'a pris
ma carte d'identité aller poser au SOFITEX jusqu'à
pendant
quarante
jours
là-bas
aussi
j'ai
couru
laisser,
je suis parti là-bas on a barré mon nom moi
je veux le travail là voilà pourquoi vous m'a pris
mon
carte
d' identi té
venir
poser
jusqu'à
je
suis
venu chez
moi
un
j our
on est venu
m'appeler
pour
aller remplacer un type,
quelques quatre mois on me
dit que le travail est fini,
comment je vais faire
pour oublier ça c'est Adama qui m'a fait i l a voulu
que
je reste
comme
lui,
i l
lavait vélo
au
marché
maintenant i l a eu un coin.
36
8 - Entretien avec L 8 Kologho Marcel
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Bon,
je parle le mooré le français et puis le jula
aussi un peu un peu.
A 3
Ca fait combien de temps que tu parles français 7
B 4
Ca a duré en tout cas.
A 5
Mais quelles langues tu parles en famille ?
B 6
C'est le mooré que je parle,
ma femme elle ne parle
pas le français.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Quand
je
pars
pour
aller
faire
mon
papier,
si
j'arrive je dis la langue nationale en mooré si la
personne me cause en mooré je cause en mooré si la
personne me cause en français
je cause en français
avec lui.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains 7
B 10
Quand
je
rencontre
mon
copain
si
i l
cause
en
français
je
cause
en
français
si
il
cause
en
français,
mais de
fois
je n'arrive
pas
à
beaucoup
causer
parce
que
mon
français
n'est
pas
bon,
je
parle aussi le mooré.
A Il
Mais quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Quand un client vient si il cause en mooré je cause
en
mooré
si
il
cause
en
français
je
cause
en
français.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le français je parle le mooré.
A 15
Mais est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Beaucoup méme, si j'avais fait l'école j'allais être
dans un service.
A 19
Mais
depuis
que
tu
apprends
le
français
c'est
difficile ou c'est facile?
37
B 20
e
:
depuis que j'apprends le français,
je vois que
e: c'est difficile un peu avec moi parce que je n'ai
pas
fait
l'école,
de
fois
j'ai
envie
de
parler"
mais moi-même je comprends pas comment i l faut dire
pour que ça soit correct au départ je cause i l y a
des
gens
qui
me
moquent
que
c'est
pas
bon"
donc
c'est difficile avec moi.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
B 22
En tout cas
:
pour moi mon français est mauvais --
quand je parle comme ça on cannait que je n'ai pas
fait l'école.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
Non
:
je ne
suis
pas
gêné parce que
je cherche à
prendre le français.
A 25
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 26
Je sais, quand je cause avec une personne qui a fait
l'école
je connais,
quand
je cause
aussi
avec
une
personne qui n'a pas fait
l'école aussi
je connais
parce que le langage n'est pas la même chose.
A 27
D'après toi,
est-ce qu'il Y a
une différence entre
le
français
de
ceux
qui
ont
été
à
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 28
Oui"
celui qui a
fait l'école i l cannait corriger,
celui
qui
a
fait
l'école
parle
correctement
celui
qui n'a pas fait l'école il cause avec des fautes,
i l
parle
ça
comme
ça"
i l
ne
contrôle
pas
sa
français e: donc i l y a des fautes dedans.
A 29
Depuis
que
tu
parles
français,
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 30
Beaucoup,
beaucoup mais quand une personne se moque
de moi
je
(ne)
me
fâche
pas,
quand
i l me moque je
demande pourquoi i l me moque,
i l dit que c'est ton
français
qui
n'est
pas
bon"
je
demande
qu'est-ce
qu'il faut dire la personne me corrige.
A 31
Quand on te corrige est-ce que tu t'énerves?
B 32
Je (ne) m'énerve pas du tout.
38
A 33
Quand
tu
parlais
français
au
début
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
B 34
Au début et puis maintenant c'est pas pareil.
A 35
Comment tu sais que c'est pas pareil?
B 36
Bon
e
au
début
hum
quand
je
parle
ma
français
celui qui m'écoute i l dit que ma français n'est pas
bon,
même
si
i l
n'a
pas
dit
moi
même
je sais
que
c'est
pas
bon"
c'est
mauvais"
au
début
et
puis
maintenant ce n'est
pas
pareil maintenant
je parle
un peu bien.
A 37
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme t o i ?
B 48
Moi
je
parle
le
français
mieux
que
d'autres
qui
n'ont pas fait l'école, parce que e:
i l y a des gens
qui n'arrivent pas à parler comme moi.
A 49
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 50
J'ai content j'ai trop content de mon français parce
que
quand
j'arrive
dans
un
bureau
je
cause
en
français.
A 51
Mais, comment tu as fait pour apprendre le français?
B 52
e
le
français
j'ai
apprené
ça
avec
des
camarades
comme ça,
parce que je n'ai pas eu à
faire l'école,
quand
j'étais
petit
je
voulais
faire
l'école,
je
suis parti là-bas on a
dit que y a
pas de e
:
mon
acte
de
naissance"
je
suis
allé
voir
mon
pêre
d'aller
cherché
ça
pour
moi
i l
a
crié
sur
moi
d'aller venir planter parce que les élèves sont des
fénéants
et
e
des
voleurs,
jusqu'à
présent
quand
j'arrive à
causer avec mon père vers cela"
je le
dis ça parce que façon que tu m'as fait ça me plait
pas
de
fois
mon
père
me
demande
des
excuses
parce que
lui-même i l
ne savait pas que ça allait
devenir comme ça aujourd'hui, que de lui pardonner"
je lui ai pardonné,
après ça i l y a mon grand frère
qui m'a amené en Côte d'Ivoire bon"
j'ai travaillé
en brousse pendant deux ans je voulais pas venir au
village
je
suis
resté
en
Côte
d'Ivoire
Abengourou
j'ai fait
apprentissage tailleur au moins deux ans
et demi"
c'est
là-bas que
j'ai eu à
apprendre
le
français
--
après ça
je suis venu au
Burkina Faso
j'ai commencé à faire le commerce.
A 53
Le français
parlé en Côte d'Ivoire et
le
français
parlé ici est-ce que c'est la même chose?
39
B 54
C'est
pas
la même
chose
ici
le
français
est
bon,
quand
j'ai
quitté
en
Côte
d'Ivoire
venir
ici
je
parlais le français de Côte d'Ivoire on m'a dit que
c'est pas bon -- c'est après ça je me suis corrigé
un peu un peu"
le français ivoirien n'est pas bon à
cause du langage.
A 55
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 56
Si c'est un Mossi je connais c'est le langage.
A 57
Entre le mooré et le français quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 58
Pour moi le français est plus important par rapport
au mooré parce que e
i l y
a
des personnes qui ne
comprend pas le mooré.
A 59
Mais il paraît que pour avoir du travail maintenant
i l faut parler le français, est-ce que c'est vrai?
B 60
C'est
vrai,
i l
faut
connaître
le
français
pour
connaître à lire, c'est ça si tu ne connais pas pas
ça -- on ne peut pas te prendre.
A 61
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 62
Je
voulais
ça
comme
je
suis
un
commerçant
chaque
soir j'ai pas le temps pour aller aux cours,
c'est
pourquoi j'ai pas fait ça.
A 63
D'après
toi
qu'est-ce
qu'on
doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas été à l'école à parler français?
B 64
Tous ceux qui n'ont pas fait l'école e: il faut leur
donner des livres c'est par manque de moyens.
A 65
Ben e
: est-ce que tu sais lire en mooré ?
B 66
En mooré je peux lire un peu un peu j'ai une bible
en catholique.
A 67
Comment tu as appris à lire en mooré ?
B 68
Pour apprendre à
lire en mooré je pars à
l'église,
il y
a
l'évangile là-bas,
j'apprends à
lire un peu
un peu.
A 69
Depuis
que
tu
fais
le
commerce
est-ce
qu'il
Y a
quelque chose qui t'a touché et que tu n'arrives pas
à oublier ?
B 70
Oui,
bon depuis que j'ai commencé mon commerce bon,
si un client vient pour payer quelque chose si il me
40
cause mal je ne dis rien parce que c'est ma boulot"
mais ce qui m'a touché jusqu'à ma mort je (ne) peux
pas oublier ce sont des voleurs qui
sont venus me
voler,
ils sont monter en haut couper des tôles,
les
voleurs ils ont enlevé le bois de la porte entrer"
les voleurs sont méchants.
A 71
C'était en quelle année?
B 72
C'était le douze août"
quatre vingt quatre.
A 73
Est-ce qu'on a retrouvé les gens?
B 74
On a retrouvé les gens on a fermé les gens mais les
gens ont refusé que c'est pas eux -- mais on a
eu
des preuves que c'est eux parce que quand ils sont
rentrés i l y avait un petit tableau bon,
on a posé
un papier de cigarettes un type a posé son pied là-
bas.
41
9 - Entretien avec L 9 Compaoré Boukary
A 1
Quelles langues tu parles ?
B 2
Je parle le mooré et puis le français un peu.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
e :
le temps que j'ai commencé à parler le français
c'était
e:
ça
valait
trente
cinq
ans
parce
que
lorsque
j'ai
été
à
l'école
coranique
j'avais
mes
collègues qui sont des enfants comme moi qui part à
l'école"
alors
nous
sommes
vécus
ensemble,
ils
parlent le français de temps à autre moi j'écoute je
connais petit à petit donc e:
je crois que ça vaut
trente cinq comme
ça
que
je commence à
parler
le
français.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
C'est le mooré.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Quand je pars à la mairie je parle mon langage
je
parle le mooré, et le français souvent.
A 9
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Je parle le mooré et je parle le français.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Là-bas c'est le français.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le mooré.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non,
je n'ai pas fait l'école.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Ouais,
ça
c'est
sûr"
si
j'avais
fait
l'école
je
n'allais pas ètre comme ça si j'avais fait l'école
j'allais avoir un travail.
A 19
Pour
toi,
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre?
B 20
Quant à moi e:
je ne peux pas dire que c'est facile
je ne peux pas dire que c'est difficile parce que e:
42
quand tu comprends les mots c'est facile mais quand
tu ne comprends pas c'est difficile.
A 21
D'après toi tu parles du bon français ou du mauvais
français ?
B 22
Moi je me débrouille c'est pas bon.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
Non je ne suis pas gêné"
parce que je n'ai pas fait
l'école.
A 25
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 26
Oui,
si
la
personne
i l
a
fait"
i l
connaît
le
français
où
si
i l
ne connaît
pas
-
c'est ça vous
voulez savoir ?
A 27
Oui.
B 28
Ca
dépend
de
sa
langage
sa
langage
ne
tient
pas
debout
logique
comme
celui
qui
a
fait
l'école
--
donc
pour
connaître
il
faut
être
un
enfant
des
anciens quoi"
qui a fait à côté des bons hommes qui
montrent qui te donnent des bons conseils est-ce que
vous voyez ?
A 29
D'après toi,
est-ce qu'il y a
une différence entre
le français de ceux qui ont été à l'école et celui
de ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 30
Ouais, e celui qui a fait l'école son langage tient
debout, celui qui n'as pas fait l'école son langage
ne tient pas debout comme celui qui a fait l'école,
e:
nous on se débrouille parce qu'on n'a
pas
fait
l'école.
A 31
Mais: depuis que tu parles français est-ce qu'il y
a quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 32
Ca c'est beaucoup,
si quelqu'un me moque je ne dis
rien je parle seulement parce que je veux apprendre
le français.
A 33
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 34
e
il
y
a
un
peu
des
différences
par
les
mots
nouveaux - les mots changent e les mots ils changent
donc moi aussi je prends ça avec les collègues, donc
43
les anciens ah,
la différence n'est pas beaucoup"
mais envers moi le français c'est le français.
A 35
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme toi?
B 36
Oui, oui ça dépend ça dépend si tu as vécu au milieu
des
hommes
qui
te
comprennent
ils
te
montrent
comment
on
parle
et
e:
toi
aussi
tu
écoutes
tu
prends
parce
que
tout
le
langage
tu
écoute
tu
prends,
moi
j'ai
vécu
à
Bobo
j'ai
grandi
là-bas
alors donc e: dans une seconde e: i l y a des mots de
français
de
fois
ils
me
obligent
à
parler
le
français
et quand
je parle ils rient
ça
fait
leur
rire,
moi
ça
me
dit
rien
comme
je
n'ai
pas
fait
l'école
je
continue
à
me
engager
écouter
leurs
réactions
avec
leurs
mots
pour mieux
garder ça
parce que si tu as honte de parler qu'est-ce que tu
vas comprendre,
les Français ne sont pas nés avec le
français,
ils
sont
nés et
puis
ils
sont
blancs et
puis
ils
sont
devenus
français
sinon
si
on
leur
avait parler en mooré à leur naissance ils allaient
parler
le
mooré,
le
français
n'est
rien
sans
le
français,
est-ce que vous voyez ? e: pour le langage
moi je peux parler sauf que je ne peux pas écrire --
mais j'ai été avec des hommes qui ont fait
l'école
alors on promène ensemble y en a d'autres mêmes qui
sont devenus
des
gros culs,
mais
aussi
je ne
suis
pas devenu
comme
leur place moi
aussi
je
remercie
Dieu pour la place que Dieu m'avait donné et jusqu'à
présent
je
ne
suis
pas
encore
crevé,
je
remercie
Dieu beaucoup pour ça et je remercie mes amis aussi
qui sont vivants jusqu'à maintenant.
A 37
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 38
Carrément je suis très content puisque j'arrive à me
débrouiller avec ça.
A 39
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Gourounssi à travers sa manière de parler français?
B 40
Si
c'est
un
mossi
i l
mélange
son
langue
avec
le
français.
A 41
Est-ce que tu as déjà voyagé hors du Burkina Faso?
B 42
Non.
A 43
Entre le français et le mooré quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 44
Entre le français avec le mooré en tout cas -
tout
ça
part
ensemble"
parce
que
le
mooré
c'est
mon
langage,
je
suis
né
avec
mais
le
français
c'est
44
d'autre race mais c'est pas que d'autre race,
si tu
as pris seulement tu peux parler.
A 45
Mais qu'est-ce qu'on peut
faire
si
on
sait
parler
français ?
B 46
Si tu sais parler le français
si
tu sais écrire e
les
mots
si
tu
comprends
le
français
si
cela
te
donne à un travail ça fait du bien, actuellement moi
je crois que e
:
i l faut savoir écrire"
je ne vous
recule pas tu peux être avec un Européen e
i l faut
que tu comprends si i l veut t'envoyer e:
i l peut te
parler et puis tu peux lui répondre correct pour que
ça lui plaît cela aussi ça peut aider"
sinon ce que
moi je vois c'est pour écrire ça prolonge.
A 47
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 48
Je n'ai pas le temps, c'est tout.
A 49
Selon toi qu'est-ce qu'on doit faire pour aider ceux
qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 50
Pour moi, i ! faut faire des écoles pour nous.
A 51
Est-ce que tu sais lire et écrire en mooré ?
B 52
Non.
A 53
Serais-tu prêt
à
apprendre
à
lire
et
à
écrire
en
mooré ?
B 54
Carrément je suis content.
A 55
Pourquoi ?
B 56
Parce que le temps que nous sommes nés on a
pas eu
la
chance
d'avoir
l'école"
mais
aujourd' hui
avec
des bons hommes ah qui veulent nous
faire apprener
ça,
vraiment
on
ne
peut
que
souhaiter
du
courage
avec du succès envers eux,
puisque vraiment ça fait
du bien.
A 57
Depuis
que
tu
travailles,
est-ce
qu'il
y
a
un
problème qui t'est arrivé et que tu n'arrives pas à
oublier ?
B 58
Non"
ça se trouve à
n'importe quel service i l y a
des
gens
qui
comprennent
i l
y
a
des
gens
qui
ne
comprennent
pas
i l
y
a
des
patrons
qui
te
comprennent
pas,
si
on
te
donne
un
patron
qui
comprend tu es complètement aisé mais si on te donne
un patron qui ne cherche pas à te comprendre ah qui
ne cherche même pas à savoir ce qu'il y a envers toi
tu es complètement gêné,
est-ce que vous voyez ?
-
45
parmi dans ton service e:
il y a des gens qui tient
à
te mélanger qui tient tu vas commis une faute et
puis on va dire que c'est toi qui a
fait alors que
tu n'as rien fait"
c'est une sorte de jalousie quoi
mais ça ne
manque
pas
mais
grâce
à
Dieu
vraiment
vraiment si le même type a
pu voir qu'avec ce que
lui il s'accroche ça ne vaut rien i l va laisser et
puis
vous
allez
continuer,
ça
ça
ne
manquera
pas
parce que au milieu des gens i l y a des querelles y
a des paroles c'est comme un homme de la famille si
tu as un foyer e: c'est pas tous les hommes qui font
que ça te plait y en a même tes enfants qui veulent
que
tu
crèves
e:
i l
y
a
des
enfants
qui
te
comprennent,
i l
y
a
des
enfants
qui
a
besoin
e
vraiment que mon papa m'emmerde,
ta femme i l ne te
comprend pas et puis ça amène des difficultés,
i l
faut
tout
accepter
parce
que
i l
faut
tout
mettre
dans la main de Dieu parce que un homme ne peut pas
garder
le
foyer
sans
avoir
le
mal
dans
le
foyer,
parce que à toi tu n'as pas cherché le mal c'est ta
propre
famille
qui
crée
le
mal
pour
te
rejoindre
vous voyez 7,
dans le service c'est toujours comme
ça il faut tenir comme tu tiens ton foyer on ne fait
pas des bêtises, moi je demande à Dieu de me donner
un
coeur
joie
--
comme
je
suis
un
homme
croyant
comme je suis un homme qui croit à Dieu,
si tu me
fais du mal c'est Dieu qui a voulu que tu me fais le
mal je me tais et puis je ne dis rien.
46
10 - En~re~ien avec L 10 Ouédraogo François
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Je parle le mooré et puis le français.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
e ça a duré en tout cas,
mais comme nous on n'a pas
fai t
l'école on
se
débrouille
un
peu
un
peu
pour
avoir
à
manger
(rires) ,
on
ne
peut
pas
dire
des
grands mots.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Je parle le mooré et puis un peu le français parce
que ma femme a fait l'école.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au Commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Je parle en français même si
i l dit que c'est pas
bon
simplement
je
veux
qu'il
comprenne
ce
que
je
veux dire.
A 9
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Je parle souvent le français mais c'est le mooré que
je parle beaucoup.
A Il
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
C'est le français et puis le mooré.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Moi je parle le français.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Je
regrette
beaucoup"
parce
que
si
j'avais
fait
l'école j'allais avoir mon certificat.
A 19
D'après toi est-ce que le français est difficile ou
facile à apprendre ?
B 20
Franchement
dit
je
ne
peux
pas
dire
que
c'est
facile,
j'ai toujours des difficultés pour parler,
le langage n'est pas correct e souvent i l faut qu'on
mélange en mooré vous voyez quoi ?, comme on n'a pas
fait l'école le français c'est dur.
47
A 21
Est-ce que tu penses que tu parles du bon français
ou du mauvais français ?
8 22
y
a pas moyen je ne peux pas dire ça que c'est bien,
c'est pas bon c'est pas bon.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
8 24
e,
pas tellement mais souvent y en a quelqu'un qui
est
plus
grand
que
moi
comme
le
directeur
le
ministre,
il peut dire que mon français
n'est pas
bonne
donc
j'ai
un
peu
honte
quoi
(rires)
vous
voyez?
A 25
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
8 26
Hum,
hum,
on
peut
savoir
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
parle
mal
celui
qui
a
fait
l'école
parle
bien,
e
nous
aussi
on
se
débrouille
un
peu
pour
avoir à manger ou ne pas bien parler.
A 27
D'après toi est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont été à l'école et celui de
ceux qui n'ont pas été à l'école?
8 28
Oui il y a une différence, ceux qui ont fait l'école
parlent bien ceux qui n'ont pas fait l'école parlent
au hasard.
A 29
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
8 30
Ca, ça ne manque pas,
mais moi je ne dis rien parce
que je cherche à comprendre le français.
A 31
Au
début
quand
tu
parlais
le
français
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
8 32
e c'est pas la même chose comme avant ça vient un
peu un peu.
A 33
Mais comment tu sais que c'est pas la même chose?
8 34
e
si
je
parle
avec
quelqu'un
qui
parle
bien
le
français je demande si c'est correct,
si c'est pas
correct il me corrige.
A 35
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme toi?
48
B 36
Ah oui,
ça c'est clair
i l
y
a
des
gens
qui
(ne)
peuvent pas parler comme moi.
A 37
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 38
Je suis très
très content,
je gagne mon pain avec
ça.
A 39
Comment as-tu fait pour apprendre le français?
B 40
J'ai
appris avec ma
femme,
comme ma femme aussi a
fait l'école mais elle n'a pas eu son certificat.
A 41
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 42
Par exemple comme moi,
si
je parle le
français
tu
sais que je suis un mossi.
A 43
Comment je peux le savoir ?
B 44
C'est le ton, quand un Mossi parle tu sens le ton du
mooré
A 45
Mais depuis
que
tu
es
chauffeur
est-ce que
tu
as
déjà été à l'extérieur du Burkina Faso?
B 46
Oui
j'ai
fait
le
Mali,
mais
premièrement
avant
d'avoir
mon
permis,
j'ai
fait
le
Bénin,
la
Côte
d'Ivoire et le Togo,
j'ai fait tous les quatre
A 47
Est-ce que le français parlé en Côte d'Ivoire et le
français parlé ici, est-ce que c'est la mème chose?
B 48
Ce n'est pas la même chose le langage n'est pas la
même chose,
ici le français est correct là-bas tout
le monde parle au hasard.
A 49
Entre le mooré et le français quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 50
e,
je peux dire que le français est très important
avec
nous,
mais
on
ne
sort
pas,
c'est
à
Ouaga
seulement de fois
si
on va en mission au Mali
au
Togo, les pays voisins qui on parle le français.
A 51
Mais pourquoi tu n'as pas essayé d'apprendre à lire
et à écrire en français ?
B 52
C'est que c'est par manque de temps et d'expérience
ce que les Blancs disent vous voyez? (rires)
A 53
D'après toi
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
49
B 54
Je pense qu'il faut mettre les gens à l'école.
A 55
Est-ce que tu sais lire et écrire en mooré ?
B 56
Je ne sais pas.
A 57
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en mooré ?
B 58
Pour moi hum,
je ne suis pas d'accord on ne gagne
rien avec le mooré.
A 59
Depuis que tu es chauffeur est-ce qu'il y a quelque
chose
qui
t'es
arrivé
et
que
tu
n'arrives
pas
à
oublier?
B 60
Non"
sauf quand
je
faisais
l'apprentissage de
la
mécanique, une fois j'ai mis une voiture les quatre
roues en l'air je rentré dedans pour réparer la câle
est
tombée
la
voiture
est
tombée
sur
moi"
la
deuxiême fois
j'avais déposé un moteur j'ai enlevé
la
culasse
pour
roder
la
soupape,
pour
roder
la
soupape il faut de l'essence pour laver la soupape
avant
de
remettre,
comme
je
fume
j'ai
oublié
l'essence
quand
j'ai
fait
un
brin
d'allumette
ça
pris feu,
j'ai fait un mois à l'hôpital,
j'avais un
tissu
nylon
l'essence
m'a
brûlé,
les
chauffeurs
souffrent beaucoup.
50
11 - Entretien avec L 11 Sinaré Abdoulaye
A 1
Qu'est-ce que tu fais actuellement?
8 2
Je fais la cordonnerie.
A 3
Quelles langues parles-tu ?
8 4
Je parle le mooré et le français.
A 5
Depuis combien de temps tu parles français ?
8 6
Ah depuis"
je commencé à parler le français depuis
soixante
dix
sept
depuis
j'ai
commencé
l'apprentissage,
je prends ça un peu un peu avec les
clients.
A 7
Quelles langues tu parles en famille ?
8
8
Le mooré.
A 9
Quand
tu
vas
à
la
mairie
ou
au
commissariat
pour
faire tes papiers, quelles langues tu parles ?
8
la
e
:
parce que comme i l y a des gens à la mairie au
commissariat qui parlent le mooré,
si je pars je dis
bonsoir avec les gens si ils disent en tout cas si
tu
vas
continuer
à
parler
le
français
toutes
les
mots ne prennent pas directement,
i l faut que je e
ajoute le mooré.
A Il
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
8 12
Même
avec
mon
voisin
je
parle
le
français
mais"
tous
mes
copains
qui
rentrent
à
l'école
je
parle
avec lui un peu un peu seulement.
A 13
Quelles langues tu parles au travail ?
8 14
Avec mes clients je parle en mooré et en français.
A 15
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
8 16
Moi
je
parle
le
français,
mais
je
parle
le
mooré
beaucoup.
A 17
Est-ce que tu as été à l'école?
8
18
Non.
A 19
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 20
Oui,
parce
que
dans
le
monde
maintenant
c'est
le
français,
partout les gens parlent le français.
51
A 21
D'après toi,
le français est difficile ou facile à
apprendre ?
B 22
En tout cas c'est difficile mais si tu prends ça un
peu
un
peu
tu
vas
comprendre
mais
doucement
quoi
hum,
le français est difficile à apprendre.
A 23
Mais
actuellement
tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français ou du mauvais français ?
B 24
En tout cas c'est pas du français (rires) c'est pour
qu'on gagne à manger seulement.
A 25
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 26
Non
:
si tu
fais
comme ça tu ne comprends pas,
i l
faut que e:
tu parles comme ça e:
i l y
a
des gens
qui
parlent
e:
i l
y
a
des
gens
qui
veulent
pour
comprendre le français,
et puis ils (ne) veulent pas
pour prendre"
i l Y a
des gens qui
viennent si
tu
dis que tu (ne) parles pas tu ne comprends rien il
faut que tu parles seulement.
A 27
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 28
Oui si il y a quelqu'un qui parle le français"
je
connais
les
gens
qui
ont
été
à
l'école
parce
que
quand
ils
parlent
le
français
c'est
correct,
ceux
qui
n'ont
pas
été
à
l'école
quand
ils
parlent
le
françai s,
quand
on
regarde
les
mots
c'est
pas
la
même chose.
A 29
Selon toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français
de
ceux
qui
ont
été
à
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 30
Il Y a une différence,
une grande différence même
si tu trouves quelqu'un qui a
fait
l'école"
si tu
parles
avec
les
gens
qui
rentrent
pas
à
l'école
c'est pas la même chose.
A 31
Pourquoi ce n'est pas la même chose?
B 32
Celui qui rentre à l'école parle bien,
quand celui
qui rentre pas à l'école quand tu écoutes i l y a des
mots
qui
tournent
gauche
à
droite
ouais
moi
je
trouve c'est comme ça.
A 33
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déj à moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
52
B 34
Beaucoup,
mais moi je (ne)
m'énerve pas,
parce que
je
veux
pour
comprendre
si
je
m'énerve
je
ne
comprends pas, e si tu veux comprendre quelque chose
i l
ne
faut
pas
t'énerver
si
tu
t'énerves
tu
ne
comprends pas.
A 35
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 36
Moi je trouve que c'est pas la même chose, parce que
i l
y
a
des
mots
avant
moi
je
ne
comprends
pas
maintenant i l y a des mots que je comprends.
A 37
Est-ce que
tu penses que
tu parles
mieux
français
que d'autres
personnes
qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
B 38
Ah,
moi
je
trouve
que
c'est
mieux,
les
gens
qui
n'ont
pas
fait
l'école
i l
faut
que
je commence
à
corriger maintenant.
A 39
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 40
Oui,
si tu comprends
le
français
si
tu veux
faire
tes papiers c'est pas difficile c'est correct même
si tu veux écrire ton lettre c'est correct,
moi je
trouve
le
français
c'est
bien"
moi
même
je
fais
tout
possible
pour
entrer
en
cours
du
soir
pour
comprendre bien quoi.
A 41
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 42
Je prends ça avec les gens qui vient ici avec mon
patron tout [k3s~r].
A 43
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Gourounssi à travers sa manière de parler français?
B 44
e
:
si i l y a un Mossi qui parle e français moi je
connais parce que moi je trouve i l y a des mots qui
traversent long long,
mais le mossi quand i l parle
le français tu sais.
A 45
Mais comment tu fais pour le savoir ?
B 46
Moi je regarde la langue
la langue c'est pas la
même chose.
A 47
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 48
Oui,
j'ai été au Togo pas en ville quoi,
j'ai resté
à Dapango Sakinssé, après le Ghana Tamali j'ai fait.
53
A 49
e
entre
le
français
et
le
mooré
quelle est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 50
Tous
les
deux
c'est
bien
tous
les
parents
comprennent le mooré,
moi
je trouve tout est bien
avec moi"
même pour le moment je comprends un peu.
A 51
Entre le français et le mooré quelle est la langue
la plus difficile ?
B 52
Le mooré est tellement difficile,
moi je trouve le
mooré trop trop difficile parce que le français, moi
je
trouve
que
si
tu
fais
attention
tu
vas
comprendre,
mais
en
mooré
il
y
a
des
gens
qui
viennent ici ils disent que le mooré est difficile.
A 53
Pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 54
Parce que il n' y
a
pas de temps et pui s
comme je
fais
l'apprentissage
avec
le
patron,
le
patron
descend
jusqu'à dix
neuf
heures,
i l
n'y a
pas le
temps
pour
aller
là-bas,
les
cours
du
soir
commencent à dix huit heures,
de fois commencent à
dix huit heures trente si je descends ici c'est loin
tu vas gagner de l'eau à laver y a pas un vélo c'est
dur quoi,
mais maintenant comme c'est moi même seul
je vais débrouiller pour rentrer en cours du soir
parce que tu as vu j'ai reçu une lettre ah bon, il y
a une blanche qui a dit que i l n'a qu'à faire tout
possible pour qu'on puisse écrire parce que e: entre
le
quatre
vingt
onze
qu'elle
va
voir"
si
elle
trouve une porte vide bas on va partir en Allemagne
pour qu'on puisse apprendre le travail un tout petit
peu.
A 55
D'après toi,
qu'est-ce qu'on doit faire pour aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 56
Il faut faire des écoles pour eux.
A 57
Est-ce que tu sais lire et écrire en mooré ?
B 58
e: non.
A 59
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en mooré ?
B 60
Non parce que je connais déjà le mooré,
et puis tu
(ne) peux pas gagner un travail avec le mooré.
A 61
Depuis que tu fais la cordonnerie,
est-ce qu'il y a
quelqu'un
qui
t'a
fait
quelque
chose
que
tu
n'arrives à oublier?
54
B 62
En tout cas c'est un seul jour seulement c'est une
seule femme seulement ouais, hum.
A 63
Comment ça s'est passé?
B 64
Parce que le patron il était malade,
il est parti à
la
maison
bon
ça
resté
moi
avec
les
deux
apprentissages quoi
je dis ils n'ont qu'à regarder
toutes
les
chaussures
qu'on
a
posées
je
pars
au
centre de tanage pour chercher le cuir amené,
ils
ont
laissé y
a
deux
filles
qui
rentrent chez
moi
notre atelier,
ils ont volé
une
seule
chaussure"
donc
quand
la
femme
est
venue
elle
dit
que
la
chaussure coûte cher à vingt quatre mille cinq cent,
il
faut
qu'on
paye
il
a
amené
au
moins
deux
ordonnances moi je ne pars pas au commissariat, il a
amené deux,
trois maintenant je pars i l dit que je
n'a qu'à donner l'argent moi je dis que si il paye
quelque chose à vingt quatre mille et poussière il
faut amener le reçu,
si je trouve le reçu je vais
payer s~ je ne trouve pas le reçu je ne paye pas --
la femme a dit qu'il y a une Blanche qui a payé ça
amené à
l ' hôtel
central,
alors
moi
je di s i l n' a
qu'à tout faire pour amener le reçu si je trouve le
reçu je vais payer"
si tu n'amènes pas le reçu je
ne paye pas -- maintenant il a
fait
tout possible
pour collaborer avec les policiers ils sont venus un
seul jour pour m'attraper enfermer quand moi je sors
je dis je (ne) paye pas, je dis ,quand on ferme comme
ça
je
ne paye
pas"
on m'a
laissé
il
a
amené un
papier vide sans un tampon que ça c'est le reçu moi
je
dis
que
non,
j'ai
refusé
de
payer,
i l
est
retourné amené une autre convocation au commissariat
warango je suis parti encore ils m'ont demandé moi
je dis qu'il n'a qu'à amener le reçu si i l amène le
reçu je vais payer,
le commissaire lui-même lui a
dit,
i l n'a qu'à amener le reçu,
depuis i l n'a pas
amené
le
reçu"
c'est
une
garce
qui
circule
en
ville.
A 65
C'était une Burkinabè ?
B 66
e : c'est une Burkinabè mais i l est jusqu'au Ghana,
hum c'est une femme, mais i l est au Ghana.
55
12 - Entretien avec L 12 - Kangoué Boukary
A l
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Moi je parle le mooré quoi,
je (me) débrouille aussi
en français.
A 3
Mais depuis quand tu parles français ?
B 4
Depuis quatre vingt cinq.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Quand je suis en famille je parle le mooré.
A 7
Mais quelles
langues
tu
parles
quand
tu
vas
à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Je parle le mooré.
A 9
Mais quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Je parle le mooré et le français.
A Il
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Au travail je parle le français je parle le mooré.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le mooré.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école ?
B 16
Non.
A 17
Mais: est-ce que tu regrettes de n'avoir pas été à
l'école?
B 18
Je regrette beaucoup.
A 19
Pourquoi tu regrettes ?
B 20
Je regrette parce que à l'heure si j'étais à l'école
je n'allais pas être comme les autres parce que e un
enfant de soixante dix i l doit avoir au moins"
même
si i l n'a pas son Bac i l doit avoir son B.E.P.C. si
il gagne son B.E.P.C. i l peut travailler à la police
ou
la
gendarmerie,
quelque
part
comme
ça
maintenant je regrette aussi je ne parle pas bien le
français
je me débrouille de
fois
si on écrit mon
nom même je ne peux pas lire"
hum i l faut connaître
écrire pour trouver un travail.
56
A 21
Selon
toi,
le
français
est
facile
ou
difficile
à
apprendre ?
B 22
En
tout
cas
c'est
difficile,
moi
j'ai
essayé
d'apprendre
le
français
les
gens
me
riaient
ils
voulaient que
je cause,
les gens qui
comprend
ils
(ne) voulaient pas me corriger ils veulent seulement
que je cause ils vont rire,
donc moi j'ai fermé mes
yeux et puis causer si tu as honte des gens et puis
tu n'as pas fait l'école tu ne peux pas comprendre
le français.
A 23
Présentement
e
tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français ou du mauvais français ?
B 24
Non avec moi c'est du mauvais français,
parce que,
par rapport, c'est entre nous ici que je peux causer
le français si je sors dehors je (ne) peux parler,
on ne va pas me comprendre.
A 25
Est-ce que
tu
peux
savoir
si
une
personne
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 26
Ouais
ça
je sais,
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
parle mal le français celui qui a fait l'école parle
le
gros
français
son
français
est
bon"
ceux
qui
n'ont
pas
fait
l'école
tamponnent
le
français,
e
ceux qui
n'ont pas
fait
l'école se
fatiguent
pour
parler,
c'est pas correct il y a des fautes dedans
ceux qui
ont fait
l'école
leur
français
est doux,
c'est bon à écouter.
A 27
D'après toi,
est-ce qu'il y
a une différence entre
le
français
de
ceux
qui
ont
fai t
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 28
Ouais il y a une grande différence dans ça, ceux qui
n'ont pas fait l'école, pour parler le français même
comme ça ils se fatiguent il y a des mots qu'ils ne
peuvent pas parler,
ceux qui ont fait
l'école pour
parler le français c'est leur travail c'est correct
et puis c'est doux à écouter,
mais ceux qui
n'ont
pas fait l'école même si ils vont parler partout on
sai t
qu'ils n'ont pas
fait
l'école et
puis encore
leur français
n'est pas correct il y
a
des
fautes
dedans,
ceux
qui
ont
fait
l'école
ne
se
trompent
pas.
A 29
Mais depuis que tu parles français, est-ce qu'il y a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 30
Ah beaucoup, ça c'est pas quelqu'un il y a beaucoup,
il y a des coins même où moi je ne peux pas partir
57
là-bas,
parce
que
quand
je
pars
là-bas
ils
me
provoquent à causer des faux mots pour que eux ils
rient seulement.
A 31
Quand on se moque de toi est-ce que tu t'énerves?
B 32
Non je (ne) m'énerve pas,
parce que chaque personne
n'est pas née avec le français parce que le français
on prend ils peuvent me rire aujourd'hui mais demain
je peux débrouiller aussi,
quand tu dis les gens te
rient tu ne vas pas parler le français c'est toi qui
te perds et puis tu perds ton temps aussi donc e il
faut que tu fermes les yeux et puis parler un peu un
peu.
A 33
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
B 34
C'est
pas
la
même
chose,
avant
tu
pouvais
me
demander où
sont tes grands
frères
sont
partis
je
peux dire ils sont tous partis tout court, personne
ne connaît pas où ils sont partis, maintenant si tu
viens me demander ton grand frère i l n'est pas là je
peux dire
qu'il
vient
de
sortir,
je vois
que
mon
français est en train de se développer un peu un peu
jusqu'à monter.
A 35
Actuellement, tu penses que tu parles mieux français
que d'autres
personnes
qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
B 36
Ouais ouais
je parle mieux que d'autres
qui
n'ont
pas fait l'école,
parce que il y a d'autres ils ne
peuvent
même
pas
parler
parce
que
e
eux
ils
ne
comprend pas
eux,
eux
ils
ont
peur des
filles
de
causer pour moi en tout cas je cause même si vous me
[rije]
je cause je cause souvent jusqu'à ce que les
gens rient
ils ne peut même plus
travailler,
mais
moi
je continue à
causer si
tu n'as pas quelqu'un
pour te prendre i l faut prendre toi même.
A 37
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 38
Oui parce que je me débrouille avec ça.
A 39
Mais comment tu as fait pour apprendre le français
étant donné que tu n'as pas fait l'école?
B 40
Pour
moi
c'est
mes
copains
parce
que
tous
mes
copains qui ont fait l'école si on part causer leur
français
c' étai t
--
hum je ne sais pas comment
je
vais dire ça quoi,
leur français eux aussi
ils ne
voulaient pas me montrer quoi
c'est en
causant un
peu un peu que moi aussi j'ai compris ...
5B
A 41
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 42
Je peux connaître un langage de Mossi mais le Jula
et puis les autres je ne connais pas.
A 43
Comment
tu
fais
pour
reconnaître
le
langage
des
Mossi ?
B 44
Un Mossi même si i l a fait l'école si i l parle il y
a
des
mots
de
mooré
dedans
si
il
est
chaud
pour
parler i l ne peut jamais dire parler, i l dit pagler
si tu vois quelqu'un qui dit ça c'est un Mossi,
un
Mossi quand i l parle il mélange son langue dedans.
A 45
Depuis que tu es au Burkina est-ce que tu as déjà
voyagé hors du pays ?
B 46
Ouais
j'ai
déjà
voyagé"
j'ai
été
à
Tripoli
en
Arabie Saoudite [mistral aussi.
A 47
Entre le français et le mooré quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 4B
Avec moi l'important c'est le français,
en mooré où
tu vas aller avec ça si c'est pas à l'intérieur du
Burkina.
A 49
Mais qu'est-ce qu'on peut faire si l'on sait parler
français ?
B 50
Si
tu
sais parler
le
français
tu
peux
trouver
un
travail partout mais si tu ne sais pas parler tu ne
trouves rien.
A 51
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 52
Les cours du soir,
je suis parti écrire mon nom e:
je suis
parti
plus
de
quatre
jours quand
nous
on
part
là-bas
y
a
pas
des
professeurs"
i l
y
a
d'autres
qui
viennent
là-bas
draguer
les
petites
filles"
moi
j'ai dit comme
il
n' y
a
pas
l'école
j'ai laissé tomber.
A 53
D'après toi
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 54
Si c'est pas les cours du soir moi je (ne) vois pas.
A 55
Mais : est-ce que tu sais lire et écrire en mooré?
B 56
Non,
je ne peux pas.
A 57
Serais-tu prêt
à
apprendre
à
lire et à
écrire en
mooré ?
59
B 58
Hum moi je ne vais pas faire.
A 59
Pourquoi?
B 60
Parce
que
moi
je
( ne )
vois
pas
l'intéressant
le
mooré"
en mooré c'est pas intéressant si c'est pas
ici j'ai entendu on parle le mooré et le jula jamais
je
n'ai
entendu
ça
ailleurs,
mais
le
français
je
peux laisser mon parole de famille et puis causer le
français.
A 61
Dans
ta
vie,
est-ce
que
quelqu'un
t'a
déjà
fait
quelque chose qui t'a touché et que tu n'arrives pas
à oublier ?
B 62
Ouais y en a beaucoup au niveau du travail y en a,
on peut aller travailler chez quelqu'un ensemble moi
avec mon patron on peut s'entendre aller travailler,
bon
comme
je
ne
connais
pas
écrire
lui
i l
part
s'entendre
avec
le
type
i l
va
signer
les
papiers
engager payer par mois, quand le travail va finir il
va payé au lieu que chaque fin du mois, dans, moi je
travaille jusqu'à la fin du boulot maintenant quand
le travail
va
finir
le type va dire qu'il
a
déjà
payer l'argent hum tu le convoques à la gendarmerie
aussi on va dire que c'est vous qui avez travailler
ensemble,
l'argent on a
liquidé ça comment comment
tu n'es pas au courant à
la fin on va dire allez-y
vous régler là-bas ensemble hum,
tu peux travailler
un travail de quatre cent mille à la fin tu restes
avec
vingt
cinq
mille
-
donc
moi
je
connais
mon
erreur
c'est
parce
que
je
n'ai
pas
fait
l'école
qu'il me prend comme un con.
60
13 - Entretien avec L 13 - Zongo Modeste
A 1
Quelles langues parles-tu ?
B 2
Je parle le mooré et puis le français et le jula.
A 3
Depuis combien de temps du parles français ?
B 4
e
: ça vaut"
cinq ans comme ça à peu près.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Je parle le mooré.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
C'est le français que je parle.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Je parle
le
français
un
peu
et
je parle
le mooré
beaucoup.
Al!
Mais
quelles
langues
tu
parles
dans
les
lieux
de
loisirs ?
B 12
J'utilise le mooré.
A 13
Quelles langues tu parles au travail ?
B 14
Il Y a des gens si ils viennent ils parlent le mooré
i l
y
a d ' autres
si
ils
viennent
ils
parlent
le
français,
je parle les deux langues avec eux.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Ah je regrette, c'est quelque chose qui m'intéresse.
A 19
D'après
toi,
est-ce
que
le
français
est
facile
ou
difficile à apprendre ?
B 20
Pour moi le français est très difficile.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
A 22
Ce
que
moi
je
parle
je
peux
dire
qu'il
Y
a
des
fautes dedans parce que"
je (ne) peux pas prononcer
tous les mots donc
je vois que e:
i l y
a
toujours
61
des
fautes,
i l
Y
a
mot
qu'on
ne
peut
pas
tout
prendre"
on se débrouille pour se faire comprendre.
A
23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
e
:
actuellement moi je suis gêné parce que i l y a
un
français
quand eux
ils
parlent
je
ne comprends
pas -- comme je n'ai pas fait l'école ça me fait mal
dans ça, mon papa a mal fait.
A 25
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
B 26
Oui oui si quelqu'un commence à parler seulement je
sais que celui-là i l a
fait l'école c'est pas comme
moi.
A 27
Comment tu fais pour le savoir ?
B 28
Parce
que
des
fois
e:,
les
mots
qu'il
utilise
à
parler je sais déjà hum.
A 29
Selon toi,
est-ce qu'il Y a une différence· entre le
français
de
ceux
qui
ont
été
à
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas été à l'école?
B 30
C'est
pas
la
même
chose
parce
que
e
i l
y
a
des
fautes dans notre français i l y
a des mots on (ne)
peut
pas
tout
prendre
voilà
e,
celui
qui
a
fait
l'école
parle
bien
mais
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école ne parle pas bien.
A 31
Depuis
que
tu
parles
français,
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 32
Oui,
parce que,
i l y a des fois je parle je fais des
fautes,
et puis au lieu de me corriger les gens se
moquent de moi.
A 33
Quand
tu
parlais
français
au
début
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
B 34
Maintenant je parle un peu mieux qu'avant.
A 35
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme toi?
B 36
Moi oui, ça c'est sûr i l y a des gens ils ne peuvent
pas parler comme moi.
A 37
Mais
est-ce
que
tu
es
content
de
savoir
parler
français ?
62
B 38
Oui je suis très content,
parce que avant quand je
(ne)
parlais
pas
le
français
quand
je
vois
mes
copains qui parlent si je regarde j'ai envie même de
pleurer parce que,
je (ne) comprends pas e: des fois
on fait des palabres parce que moi je dis pourquoi
tu
m' insultes,
parce que
nous
on
est en
train de
causer en mooré
toi
tu es venu,
tu
as
commencé à
parler le français"
donc on peut faire une bagarre
facilement.
A 39
Comment tu as fait pour apprendre le français?
B 40
J'ai pris ça avec mes amis.
A 41
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 42
Ah oui, quand un Mossi parle i l mélange des mots du
mooré dans son français,
un Mossi dit espécial.
A 43
Mais depuis que tu es au Burkina Faso, est-ce que tu
as déjà voyagé hors du pays ?
B 44
Oui je suis parti en Côte d'Ivoire.
A 45
D'une manière générale, est-ce que le français parlé
en Côte d'Ivoire et
le français
parlé
ici,
est-ce
que c'est la même chose?
B 46
Le français en Côte d'Ivoire c'est la voix des gens
qui n'est pas la même"
les gens en Côte d'Ivoire
parlent façon c'est pas bon.
A 47
Entre le mooré et le français quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 48
Pour moi c'est
le
français
qui est plus
important
malheureusement je n'ai pas fait l'école qui me
A 49
Pourquoi
tu
dis
que
c'est
le
français
qui
est
important pour toi ?
B 50
Le français est important,
e:
actuellement partout
00 tu rentres e:
même les petits enfants c'est le
français, même dans le travail i l faut comprendre le
français sinon c'est un peu difficile.
A 51
Pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 52
Quand je viens de Abidjan,
je voulais faire ça même
on
m'a
dit
que
c'est
en
retard,
donc
l'année
prochaine moi j'ai laissé ça,
si on fait ça ici moi
je sais que je serai présent parce que c'est quelque
chose qui m'intéresse beaucoup.
63
A 53
D'après toi
qu'est-ce
qu'on
doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
8 54
Si le gouvernement peut construire des écoles pour
eux c'est bon"
c'est tout
A 55
Est-ce que tu sais lire et écrire en mooré ?
8 56
Non.
A 57
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en mooré ?
8 58
Moi
je
ne
veux
pas
parce
que,
on
ne
peut
pas
travailler avec le mooré.
A 59
Est-ce
que
dans
la
vie
i l
y
a
quelque
chose
qui
t'est arrivé et que tu n'arrives pas à oublier?
8 60
Quelque chose qui m'est arrivé"
quelque chose que
je ne
peux
pas
oublier
au
début
j'étais
avec
une
fille elle même elle a fait un enfant avec moi après
ça je lui ai laissé ici aller en Côte d'Ivoire, dans
quelques
mois
moi
j'ai
entendu
que
l'enfant
est
décédé après ça moi je suis débrouillé que ma femme
vienne
chez
moi
après
ça
j'ai
entendu
encore"
qu'elle
a
cherché
un
autre
mari
donc
j'ai
laissé
donc c'est quelque chose que je ne peux pas oublier.
A 61
Que faisais-tu quand tu étais en Côte d'Ivoire?
8 62
Quand j'étais en Côte d'Ivoire j'étais avec un grand
frère,
i l
avait
un
magasin
de
cacao
(toux)
à
mon
arrivée j'ai trouvé i l y a un frère même nous on a
fait
l'enfance ensemble,
c'était lui qui est parti
avant moi quoi je suis parti le trouver là-bas c'est
lui
qui
pesait
c'est
lui
qui
est
le
commis
de
magasin donc e:
moi
j'étais avec lui pour regarder
son travail,
après ça j'ai fait un an moi aussi on
me donne l'argent je rentre en brousse,
je pèse le
cacao je paye l'argent j'envoie à la maison.
A 63
Pourquoi tu es revenu au pays ?
8 64
Mon grand frère m'avait chassé,
en même temps i l y
avait mon vieille aussi qui m'avait appelé donc moi
j'ai trouvé l'argent et je suis venu.
64
14
- Entretien avec L 14 - Sawadogo Amidou
A l
Quelles sont les langues que tu parles ?
8 2
Je comprends le français le gourounssi le mooré,
le
jula
aussi
un
peu
un
peu,
si
tu
parles
le
jula
j'entends un peu un peu mais je ne peux pas répondre
hum.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
8
4
Ah
quand
je
suis
né
j'ai
pas
fait
l'école,
j'ai
appris un peu un peu avec les gens.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
8
6
Je parle le mooré.
A 7
Mais quelles
langues
tu
parles
quand
tu
vas
à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers ?
8
8
J'utilise
le
mooré
mais
je
force
pour
parler
le
français parce que moi je n'ai pas honte.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
8
10
Je parle le français et le mooré.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
8
12
Je parle le mooré et puis le français.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
8
14
Je parle le mooré.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
8
16
Non,
quand
[ma]
né
i l
n' y
avait
pas
mon
acte
de
naissance,
je
suis
les
enfants
aller
à
l'école
(toux)
il
me
chasse
que
je
n'ai
pas
mon
papier
( toux)
sans
ça
là,
chaque
jour
je
pars
à
l'école
mais le maître là me chasse,
moi je vois que comme
il
n' y
a
pas
mon
papier
je
ne
peux
pas
faire
de
manière
encore
c'est
pourquoi
je
n'ai
pas
fait
l'école.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 18
En tout cas je regrette, i l faut voir ma français là
si
j'étais
rentré
à
l ' école
ça
n'allait
pas
être
comme ça"
je regrette beaucoup parce que à l'heure
actuelle si j'avais été à
l'école,
je n'allais pas
être comme les autres.
65
A 19
Selon toi,
le
français
est
difficile
ou
facile
à
apprendre?
B 20
Pour moi le français c'est trop difficile avec moi
parce que ça fait longtemps mais mon français là je
débrouille en tout cas.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
B 22
Si
c'est
moi
je
sais
que
je
parle
du
mauvais
français,
les
gens
me
disent
que
j'ai
fait
une
faute, oh i l a fait une faute, quand moi je vois mon
français c'est pas un bon français, on force pour se
faire comprendre.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
Non,
parce
que
si
j'ai
honte
je
ne
vais
pas
comprendre
mais
si
je
parle
même
si
je
fais
des
fautes
il
va
me
corriger,
donc
demain
je ne
vais
plus faire ça.
A 25
Est-ce que tu es en mesure de savoir si quelqu'un a
fait l'école ou non à travers sa manière de parler
français ?
B 26
Je
peux
savoir,
celui
qui
a
fait
l'école
son
français est bien"
celui qui n'a pas fait l'école
lui son causerie avec pour moi c'est la même chose
quoi hum i l faut voir mon causerie,
si tu as fait
l'école ton
français
est clair,
celui
qui
n'a
pas
fai t
l'école son langage ne tourne
pas comme ceux
qui ont fait l'école.
A 27
Est-ce qu'il y a une différence entre le français de
ceux qui ont été à
l'école et le français de ceux
qui n'ont pas été à l'école?
B 28
Ce n'est pas la même chose parce que si tu as fait
l'école toi avec mon français"
quand tu vas parler
ton français est clair"
si tu as fait l'école ton
français
est
clair,
déj à
moi
hum
je vois
que
mon
langue là ça ne tourne pas comme tu as fait l'école,
c'est
dans
ça
les
gens
disent
que
j'ai
fait
des
fautes hum.
A 29
Depuis
que .tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 30
Beaucoup même hum, moi je dis que je n'ai pas renré
à
l'école si vous vous moque
aussi
je ne m'énerve
pas parce que je veux appris le français.
66
A 31
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 32
C'est pas
la même chose maintenant
je vois que
je
comprends
un
peu
un
peu,
si
tu
me
sabotes
je
comprends, maintenant je vois que ça changé ce n'est
pas comme avant.
A 33
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme t o i ?
B 34
Oui,
parce que moi
je vois que mon
français
c'est
clair.
A 35
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 36
En tout cas j'ai beaucoup content.
A 37
Pourquoi tu es content ?
B 38
Quand j'ai appris un peu un peu c'est pourquoi j'ai
content.
A 39
Comment tu as fait pour apprendre le français?
B 40
J'ai appris ça avec les gens qui ont fait l'école.
A 41
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Gourounssi à travers sa manière de parler français?
B 42
En tout cas je peux savoir si i l est un Mossi ou si
i l n'est pas un Mossi.
A 43
Comment peux-tu le savoir ?
B 44
Quand i l va lancer son mot quand i l va parler avec
quelqu'un
qui
a
fait
l'école
c'est
pas
la
même
chose.
A 45
Est-ce que tu as déjà voyagé hors du Burkina ?
B 46
J'ai été à Oua Tachina jusqu'à à
Accra ville,
j'ai
continué venir à
Ouaga,
j'ai
gagné
un
ghanéen qui
parle comme moi.
A 47
Entre le mooré et le français quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 48
Si c'est moi en tout cas
je veux le français
plus
que le mooré.
A 49
Pourquoi tu préfères le français ?
B 50
Je vois en tout cas maintenant dans le monde c'est
le
français
qui
est beaucoup,
si
tu vois
un
petit
67
enfant
il
laisse
son
langue
et
puis
i l
parle
le
français"
donc
nous
tous
on
veut
parler
le
français,
tu as vu ?"
par exemple tu vas gagner un
travail au chantier les patrons parlent le français
comme tu me comprends pas le français,
bon tu vas
demander aux gens"
si tu comprends le français tu
( ne )
vas
pas
demander
à
quelqu'un
encore,
c'est
pourquoi
je dis
que
le
français
est
important
il
faut une école pour nous -- et puis il y a des gens
qui ne comprend pas le mooré.
A 51
Entre le mooré et le français quelle est la langue
la plus difficile ?
8 52
Ah,
le mooré est plus facile que le français comme
je n'ai pas .fai t
l'école je vois que le mooré est
plus facile que le français hum,
le français là est
plus difficile que le mooré.
A 53
Pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
8 54
En tout cas c'est les moyens pour faire les cours,
je sais qu'on ne part pas à l'école les mains vides,
le
type
qui
va
t'appris
lui
aussi
il
doit
avoir
l'argent pour le savon.
A 55
Est-ce que tu sais lire et écrire en mooré ?
8 56
Non.
A 57
Est-ce que tu serais prêt à apprendre à
lire et à
écrire en mooré ?
8 58
Non,
parce
que
si
tu
arrives
quelque
part
on
ne
parle pas le mooré comment tu vas faire ?
A 59
Depuis que
tu
fais
la
mécanique
est-ce qu'il Y a
quelque chose qui t'est arrivé et que tu n'arrives
pas à oublier ?
8 60
Ca un accident de travail ça m'a déjà eu,
une nuit
comme ça moi
je douché
finir,
je sors
je vois un
type qui vient avec son fokker il dit que c'est le
cable
accélérateur
là
qui
est
cassé
quand
moi
je
vais
réparer maintenant
l'autre
chose
aussi
s'est
cassée"
donc
il
a
nervé
partir
à
lendemain
il
a
laissé le moteur avec moi à lendemain je suis parti
au grand marché j'ai réparé venir le donner aussi"
c'est ça seulement qui me fait mal sans ça je n'ai
jamais gagné un accident dans mon travail.
A 61
Est-ce que tu travailles seul ?
8 62
Je
travaille
avec
un
ami
ça
vaut
un
an
qu'on
travaille ensemble.
68
15 -
Entretien avec L 15 - Diarra Abdoulaye
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Je parle le jula.
A 3
C'est tout?
B 4
Hum je me débrouille aussi en français.
A 5
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 6
Depuis en soixante dix hein,
que ce soit bon oh que
ce soit pas bon oh je parle.
A 7
Quelles langues tu parles en famille ?
B 8
C'est le jula toujours.
A 9
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 10
Toujours le même français.
A Il
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 12
C'est le jula et le français.
A 13
Quand tes clients viennent quelles langues tu parles
avec eux ?
B 14
C'est
touj ours
le même
français"
mais
i l
y
a
des
clients
qui
ne
comprennent
pas
le
français
ni
le
j ula,
on
parle bizarrement
entre
nous
si
i l
n' y
a
pas
quelqu'un
qui
peut
intervenir
entre
nous
on
arri ve à
se
comprendre
en
faisant
des
gestes
plus
quelques mots.
A 15
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 16
C'est le français.
A 17
Est-ce que tu as été à l'école?
B 18
Non.
A 19
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 20
Beaucoup même,
si j'avais fait l'école j'allais être
comme toi.
A 21
D'après toi,
le français
est difficile ou facile à
apprendre ?
69
B 22
Le français c'est,
c'est plus difficile que le jula
en tout cas.
A 23
Pourquoi dis-tu ça ?
B 24
Ca fait longtemps je parle le français mais jusqu'à
présent je ne parle pas le bon français.
A 25
Tu penses que tu parles du bon français ou bien du
mauvais français ?
B 26
En tout cas moi
je dis c'est pas bon,
parce que"
d'après
ceux
qui
ont
fait
l'école
pour
que
tu
puisses savoir parler le français i l faut que e:
tu
fais l'école.
A 27
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 28
Non je ne suis pas gêné.
A 29
Pourquoi?
B 30
Parce
que
pourquoi
même
en
jula
i l
y
a d ' autres
mêmes qui peuvent me rectifier en jula même que le
jula
c'est
ma
langue,
je
peux
connaître
le
jula
finir,
donc c'est comme dans l'autre langue aussi si
je parle je n'ai pas le sang froid aux yeux.
A 31
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
B 32
Ah oui,
celui
qui
a
fait
l'école ne
fait
pas
des
fautes celui qui n'a pas fait l'école parle avec des
fautes.
A 33
Selon toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont fait l'école et le français
de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 34
Oui i l Y a une différence"
celui qui a fait l'école
son
français
est
clair,
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école parle du mauvais français.
A 35
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 36
Ca, ça ne manque pas mais moi je ne dis rien.
A 37
Quand
tu
parlais
français
au
début
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
70
B 38
Je
trouve
que
e:
présentement
c'est
encore
plus
mieux que avant.
A 39
Comment tu arrives à le savoir ?
B 40
(toux),
mes
amis
comme
mes
clients
en
causant
le
français
si
j'ai
fait
des
fautes
au
lieu
de
se
moquer de moi directement ils me rectifient et puis
à travers ça j'avance en même temps.
A 41
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas été à l'école comme toi?
B 42
Oui en causant même
je rectifie d'autres personnes
et puis on se sabote quoi "
d'autres qui n'ont pas
fai t
l'école en causant
le
français
ils
ont honte
moi que c'est bon que c'est pas bon je cause,
c'est
à travers ça je m'en sors un peu.
A 43
Es-tu content de savoir parler français ?
B 44
Bien sûr bien sûr,
si j'ai besoin de quelque chose
j'arrive à m'en sortir dans un milieu où on ne parle
pas le jula.
A 45
e : comment tu as fait pour apprendre le français?
B 46
Comme
j'ai beaucoup d'amis qui
sont des
élèves e:
c'est
à
travers
de
ça
e:
je m'en
sors
un
peu en
français.
A 47
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 48
Enfin je peux savoir,
si un Mossi parle devant moi
je sais.
A 49
Comment tu arrives à le savoir ?
B 50
C'est au niveau de sa langue.
A 51
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 52
Oh non.
A 53
Mais
entre
le
jula
et
le
français,
quelle est
la
langue la plus importante pour toi ?
B 54
Enfin"
avec l'évolution du monde c'est le français
qui est important, tu peux arriver dans un milieu ou
bien tu as besoin de quelque chose au marché tu pars
le commerçant ne comprend pas le jula il faut que tu
parles le français.
71
A 55
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 56
J'avais ça en idée depuis longtemps,
mais c'est le
courage qui m'a manqué,
i l y a longtemps j'ai ça en
idée mais c'est le courage
A 57
Pourquoi?
B 58
Parce que, aller demander des renseignements comment
on fait les cours du soir j'ai demandé ça (toux) en
gros
dans
mon
atelier
ils
m'ont
donné
comment
on
doi t
passer pour débuter
les
cours
du
soir
(toux)
mais
pour
me
lever
aller
payer
le
matériel
des
élèves c'est le courage qui m'a manqué.
A 59
D'après toi,
qu'est-ce qu'on doit faire pour aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 60
Est-ce que moi je peux savoir ça (rires) ah pour moi
si
c'est
pas
les
cours
du
soir
je
ne
peux
pas
savoir.
A 61
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
B 62
Non.
A 63
Est-ce que tu serais content d'apprendre à lire et à
écrire en jula ?
B 64
Si bien bûr.
A 65
Qu'est-ce que ça peut t'apporter?
B 66
Ca
peut
m'apporter
ce
que
le
français
peut
m'apporter (rires).
A 67
Qu'est-ce que le français peut t'apporter?
B 68
Si c'est
au
ni veau de
mes
mesures
le
j our
de mes
rendez-vous etc,
et puis le jour où je veux envoyer
une
lettre,
et
puis
je
sors
si
j'arrive
dans
un
milieu je sais ce que je dois faire.
A 69
Depuis que
tu es
tailleur
est-ce
que
tu
as
eu un
problème qui t'a beaucoup touché?
B 70
e : j'ai eu beaucoup de problèmes.
A 71
Est-ce que tu peux me raconter un ?
B 72
Ca ça
m'est
arrivé
à
Bobo,
à
Bobo
je
travaillais
avec
un
type
comme
un
contrat
bon
on
a
reçu
le
travail
des élèves de Matourkou"
on a
fait
à
peu
près cinq mois sur le travail après le travail l'ami
72
i l m'a trahi au niveau de l'argent donc on ne s'est
pas entendu.
A 73
Qu'est-ce que tu as fait par la suite?
B 74
J'ai laissé tomber je travaillais avec un autre type
à
Bobo je ne l'ai pas convoqué je l'ai laissé avec
sa conscience.
73
16 - Entretien avec L 16 - Koné Abdoulkader
A 1
Qu'est-ce que tu fais actuellement?
B 2
Actuellement moi je fais la couture.
A 3
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 4
Moi je parle le mooré le jula,
le français,
le peul
je comprends mais je ne peux pas parler.
A 5
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 6
Ca
duré
j'ai
fait
mon
enfance
à
Abidjan
j'ai
commencé
à
parler
le
français
vers
les
années
soixante
cinq,
j'étais
à
franco-arabe,
moi
mon
erreur seulement je suivais des arabes les cours de
français
je
ne
pars
même
pas
actuellement,
je
regrette pourquoi je n'ai pas fait le français.
A 7
Quelles langues tu parles en famille ?
B 8
En famille je parle toujours le jula.
A 9
Quand
tu
es
avec
tes
copains,
quelles
langues
tu
parles?
B 10
Mais
si
c'est
dans
l'atelier
moi
avec
mon
ami
on
parle le français.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Je parle toujours en français.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le français.
A 15
Mais quelles
langues
tu
parles
quand
tu
vas
à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 16
C'est toujours le français.
A 17
Est-ce que tu as été à l'école?
B 18
Non.
A 19
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 20
Oui.
A 21
Pourquoi tu regrettes ?
B 22
Ce
sont
mes
parents
qui
m'ont
pas
mis
à
l'école,
puisque dans notre
famille
même y
a
pas quelqu'un
74
méme
qui
a
fait
l'école,
tout
c'est
l'école
coranique,
bon
entre
temps
je
voulais
faire
les
cours du soir"
mais l'heure du cours du soir c'est
bizarre,
pour
avoir
le
temps
pour
aller
c'est
bizarre -- d'autres croient que j'ai fréquenté mais,
je n'ai
pas
fréquenté
aussi
mais
en
français
dire
que moi j'ai honte pour parler dans un bureau ou au'
grand marché comme ça non hum,
moi
j'ai pas honte,
je peux parler moi je sais que j'ai fait une erreur
mais après ça j'ai retenu que j'ai fait une erreur
même"
je n'ai jamais fait le français.
A 23
Mais: selon toi le français est difficile ou facile
à apprendre ?
B 24
Le français c'est difficile.
A 25
Pourquoi tu dis que c'est difficile?
B 26
Parce que, i l y a des gens mêmes qui sont fréquentés
mais pour parler le français c'est difficile,
mais
ça dépend
des
pays
en
Afrique
aussi
comme
le
cas
d'un pays par exemple tu vas voir un élève,
i l est
bien instruit mais en français pour parler il n'est
pas fort"
même ceux qui ont fait l'école disent que
le français est difficile.
A 27
Mais tu penses que tu parles du bon français ou du
mauvais français ?
B 28
En tout cas quant à moi c'est pas du bon français -
je me
débrouille
comme ça"
parce que
i l
y
a
des
mots que je ne peux pas parler.
A 29
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 30
Moi je n'ai pas honte.
A 31
Pourquoi tu n'as pas honte?
B 32
Pour moi quand tu es un Français i l faut tout faire
pour comprendre le français,
quand tu es un Mossi i l
faut tout faire pour comprendre le mooré"
même les
Français qui sont au Burkina ici quand ils parlent
le mooré ou le jula nous même on sait que c'est pas
bon mais on comprend ce qu'ils disent,
mais si
tu
dis que tu as honte pour parler or que tu n'es pas
la
même
race
que
les
autres
c'est
pas
possible
-
donc ça ce n'est pas une honte.
A 33
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
75
B 34
En
tout
cas
généralement
je connais,
celui
qui
a
fait
l'école
parle
bien
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école i l fait des fautes.
A 35
Selon toi, est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont fait l'école et le français
de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 36
Oui
c'est
pas
le
même
français,
celui
qui
a
fait
l'école son français est correct alors que nous on
parle en haut en haut.
A 37
Depuis
que
tu
parles
français,
est-ce
qu'il
Y a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 38
Ca ne manque pas"
mais quand quelqu'un se moque de
moi je ne me fâche pas parce que je veux apprendre
le
français,
si
tu
as
honte
tu
ne
peux
pas
comprendre.
A 39
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 40
Ah
oui,
i l
y
a
beaucoup
des
gens
en
Afrique
au
Burkina ici qui
ne comprend pas
le
français,
mais
même le journal parlé ils ne comprend pas, or moi je
comprends.
A 41
Est-ce que
tu penses que tu parles mieux
français
que d'autres
personnes
qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
B 42
Moi,
moi
aussi
je
parle
mieux
que
d'autres
personnes,
des
fois
moi
je
n'ai
pas
fait
l'école
mais je corrige des gens.
A 43
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 44
Maintenant je parle mieux plus que avant.
A 45
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 46
Comme
j'ai des
amis qui ont
fait
l'école
je parle
avec eux.
A 47
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Jula ou
Mossi à travers sa manière de parler français?
B 48
Ouais, si c'est un Mossi je connais,
parce que e i l
ne peut pas parler sans prononcer un mot de mooré
dans le français.
A 49
Mais est-ce que tu as déjà voyagé hors du Burkina?
76
B 50
Oui, je suis parti en Côte d'Ivoire.
A 51
Est-ce qu'il Y a
une différence entre le français
parlé ici et le français parlé en Côte d'Ivoire?
B 52
Oui, le français d'ici c'est clair plus que la Côte
d'Ivoire parce que la Côte d'Ivoire n'importe quel
français
que
tu
veux
parler
il
faut
parler
seulement"
tu fais une erreur oh tu ne fais pas une
erreur ça ne fait rien là-bas.
A 53
Entre le français et le jula,
quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 54
En tout cas si tu comprends le français et le ju1a
c'est
plus
bon
que
le
mooré,
parce
que
le
mooré
c'est parlé ici seulement or si tu sors du Burkina
Faso le jula on parle le jula en Côte d'Ivoire,
au
Sénégal
en
Guinée"
parce
que
après
le
français
c'est le jula.
A 55
Qu'est-ce
qu'on
peut
faire
si
on
sait
parler
français?
B 56
Avec
le
français
tu
peux
te
défendre
oh comme
au
travail,
sur la route quelqu'un peut te croiser il
ne
comprend
pas
le
mooré
ni
le
jula,
i l
peut
te
demander un renseignement tu peux lui expliquer en
français
-- en français aussi
il y
a
beaucoup des
gens qui parlent le français.
A 57
D'après
toi
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 58
Pour moi i l faut faire des écoles pour les aider.
A 59
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
B 60
Non, si c'est pas en arabe je ne connais pas.
A 61
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en jula ?
B 62
Si je peux gagner un travail avec ça je veux, si ça
ne donne rien je (ne) veux pas.
A 63
Depuis que tu es tailleur est-ce qu'on t'a déjà fait
quelque chose qui t'a beaucoup marqué?
B 64
En tout cas j'ai eu ça, des fois il y a des gens qui
amènent
leurs habits alors que toi
tu n'a pas les
moyens, tu demandes une avance le type va croire que
tu veux l'argent pour bouffer"
toi tu es obligé de
lui
donner
un
rendez-vous
dix
jours
comme
ça
en
pensant que tu vas avoir l'argent pour faire ça si
77
tu ne trouves pas l'argent la personne peut venir te
causer mal.
A 65
Tu
n'as
pas
eu
un
autre
problème
en
dehors
de
l'atelier?
B 66
Oui j'ai eu un problème (toux) avec un ami jusqu'à
ma
mort
je
ne
peux
pas
oublier
ça
on
a
fait
l'enfance ensemble tout tout"
c'était au moment de
août même,
en tout cas ça vaut sept ans je faisais
l'apprentissage
de
la
couture,
il
a
amené
son
appareil nous on était en train de causer en même
temps il dit qu'il va rentrer,
nous on a dormi on
n'a pas fermé la porte après la personne est venue
prendre son appareil aller vendre et puis venir nous
accuser"
elle dit que nous on a pris son appareil
pour vendre dans deux mois il y a quelqu'un qui a vu
l'appareil avec un type il lui a demandé il dit que
c'est Dri qui a
vendu ça",
comment tu vas amener
ton appareil aller vendre et puis tu reviens accuser
les gens,
depuis
je me méfie des gens,
jusqu'à ma
mort je ne peux pas oublier ça.
78
17 - Entretien avec L 17 - Zan Adama
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
8
2
Je parle le jula le français et puis le bobo.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
8
4
Depuis à mon enfance.
A 5
e, quelles langues tu parles en famille ?
8
6
e,
le jula parce que c'est le jula que la vieille
parle.
A 7
Mais,
quelles
langues
tu parles quand tu vas à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers?
8
8
C'est le français.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
8
10
Avec eux je parle le jula et le français souvent.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
8
12
C'est en
français,
c'est
le
français
qui
est plus
parlé dans l'atelier.
A 13
Mais,
quelles
langues
tu
parles dans
les
lieux de
loisirs ?
8
14
e la plupart c'est le français.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
8
16
Non"
je n'étais pas avec le vieux j'étais avec un
petit frère du vieux,
j'ai fait mon enfance là-bas,
lui
i l
m'a
largué
au
franco-arabe,
c'est
là-bas
maintenant
j'ai vu que ça
n'allait
pas
bon"
j'ai
cherché à coudre.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 18
Oui,
ben,
tu
sais
bien qu'il
Y a
des
gens qui
ne
comprennent pas le jula"
tu pars trouver un Mossi
tout de suite il ne comprend pas le jula il va te
parler en mooré vous n'allez pas vous comprendre"
on peut se comprendre avec une seule langue c'est le
français.
A 19
D'après toi,
est-ce que
le français
est
facile
ou
difficile à apprendre ?
79
8 20
Le français est difficile parce que c'est pas mon
langue.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
~rançais
ou
du
mauvais français ?
B 22
Moi non e"
je sais que c'est pas du bon, parce que
e
il
y
a
des
mots
que
je
me
cale
souvent,
les
accents sont mélangés.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
8 24
Non je ne suis pas gêné parce que je sais que si je
fais une erreur il peut me corriger,
je ne suis pas
gêné devant quelqu'un qui a
fait
l'école parce que
on n'a pas le même niveau.
A 25
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'écale
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
8 26
Si"
la différence est que celui qui a fait l'école
et
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
leur
français
c'est pas la même chose"
celui qui n'a fait l'école
lui il parle à la hâche, ,
c'est pas bon il ne sait
pas comment
placer les
mots,
tu
vois
non
?,
mais
celui qui a
fait
l'école parle correctement"
ceux
qui
n'ont
pas
fait
l'école
causent
du
mauvais
français?
A 27
D'après toi,
est-ce qu'il y
a une différence entre
le
français
de
ceux
qui
ont
été
à
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas été à l'école?
8 28
Oui il y a une différence, ceux qui ont fait l'école
parlent
bien
ceux
qui
n'ont
pas
fait
l'école
se
débrouillent pour se faire comprendre.
A 29
Mais, depuis que tu parles français est-ce qu'il y a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français.
8 30
Oui,
mais
moi
je
ne
m'énerve
pas
parce
que
je
cherche à comprendre le français.
A 31
Le
français
que
tu
parlais
au
début
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
8 32
Non"
maintenant
ça
augmenté
parce
que
j'ai
l'occasion de parler chaque fois.
A 33
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personne qui n'ont pas fait l'école comme toi?
80
B 34
Ouais,
moi même je sais ça il y. a des gens qui ne
peuvent pas parler comme moi.
A 35
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 36
Oui
je
suis content
parce
que
je peux
régler
mes
affaires avec ça.
A 37
Comment tu as fait pour apprendre le français?
B 38
e"
je
faisais
la
franco-arabe
et
puis
toute
la
famille
fréquente"
à
la
maison
on
parlait
le
français aussi.
A 39
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Jula ou
Mossi à travers sa manière de parler français ?
B 40
Si.
A 41
Comment tu fais pour le savoir ?
B 42
L'accent quoi l'accent du jula et puis l'accent du
mooré c'est pas pareil"
tu vois bon quand vraiment
un Mossi parle tout de suite avec toi,
tu sais que
e,
tu vois mon e les accents là sont mélangés façon
quand méme"
quand c'est un Jula ou bien un Ivoirien
tu (ne) peux pas savoir"
c'est l'accent.
A 43
e depuis que tu es au Burkina Faso, est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 44
J'ai
fait
le
Mali
et
puis
j'ai
fait
cinq
ans -à
Abidjan.
A 45
Est-ce qu'il Y a
une différence entre
le
français
parlé en Côte d'Ivoire et le français parlé ici?
B 46
Ben"
c'est que e,
il y a un peu de différence eux
ils
parlent
en
fantaisie,
tu
vois
ben
ben
là
on
parle
correctement
mais
là-bas
tu
sais
bien
que
c'est en fantaisie quoi"
tu vois hum je ne sais pas
comment dire, ils parlent façon quoi (toux).
A 47
Tu penses qu'ici les gens parlent mieux le français?
B 48
Ouais
même
à
Abidjan
celui
même
qui
n'a
pas
fréquenté
tu
ne
peux
pas
savoir"
tout
le
monde
parle de la même manière,
or là cel ui qui n' a
pas
fai t
les bancs et qui
ne comprend pas
le
français
s ' i l veut te parler immédiatement tu sais que e bon
il veut tout simplement se faire comprendre"
sans
quoi il ne comprend pas, tu vois ?
A 49
Entre le jula et le français quelle est la langue la
plus importante pour toi ?
81
B 50
Tous
les
deux
c'est
important
de
sa
manière
quoi
hum.
A 51
Est-ce que tu peux t'expliquer?
B 52
e
le
jula
est
important
pour
moi
quand
je
veux
parler avec la famille c'est important que
je leur
parle en jula"
si je peux parler le français aussi
c'est bon"
c'est avec ça qu'on travaille non?
A 53
Entre le français et le jula quelle est la langue la
plus difficile ?
B 54
Ben"
c'est le français qui est difficile parce que
c'est pas ma langue"
je
( ne ) comprends pas ça au
fond si c'est le jula je peux parler ça au fond.
A 55
Entre l'arabe et le français quelle est la langue la
plus difficile à apprendre ?
B 56
Je trouve que l'arabe est plus difficile e"
parce
que
j 1 ai
toujours
eu
des
difficultés
pour
parler
l'arabe"
quand
on
parle
je
comprends
mais
je
ne
peux pas parler,
alors si c'est le français
ça ne
peut pas me caler.
A 57
Mais
hum
pourquoi
tu
n'as
pas
fait
les
cours
du
soir?
B 58
e,
c'est que mon temps ne me permet pas de fois je
descends tôt de fois je ne descends pas tôt"
alors
que j'ai trop aimé mon métier même si je fréquente
maintenant ça ne me dit plus rien quoi.
A 59
D'après toi,
qu'est-ce qu'on doit faire pour aider
ceux qui n'ont pas l'école à parler français?
B 60
I l faut les apprendre à lire et à écrire.
A 61
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
B 62
Non.
A 63
Est-ce que tu serais prêt à apprendre à lire et à
écrire en jula ?
B 64
e
:
je peux aller si mon temps me permet"
si mon
temps ne me permet pas je préféré travailler, c'est
le monde là qui est comme ça c'est le monde qui est
comme ça.
A 65
Depuis que tu es tailleur est-ce qu'il y a quelque
chose
qui
t'a
touché
et
que
tu
n'arrives
pas
à
oublier?
82
B 70
Bon"
c'est trop long quoi,
entre-temps je marchais
avec des amis"
c'est ça même qui m'a forcê à venir
ici je marchais avec des amis mes amis m'ont trahi
bêtement,
parce que on faisait tout à
la maison si
je dis qu'on faisait tout c'êtait moi le fondateur"
c'est chez moi qu'ils dormaient c'est chez moi qu'on
prend
le
thé
et
puis
le
vieux
est
là
la
vieille
aussi est là"
et puis bon hum on les dérange parce
que
il
faut
qu'on
vient
jusqu'à
quatre
heures
du
matin
on
les
dérange
beaucoup
mais
j'ai
supporté
quand même"
bon mes amis m'ont trahi bêtement moi
bon, à cause de ma fille"
c'est-à-dire que je n'ai
pas
pris
ça
en
considération
quoi
je
suis
revenu
toujours pour qu'on marche ensemble ils ont cherché
à
se
bagarrer
avec
moi
bon"
voilà
pourquoi
moi
aussi j'ai dit que je ne veux plus un ami quoi"
si
je marche avec un ami
tout de
sui te
je sais quel
espr i t
je marche avec toi"
j'ai mon esprit tu as
ton esprit je ne t'empêche pas de ne pas faire ça tu
peux
le
faire
si
tu
veux"
c'est
moi
qui
ne
t'empêche pas de le faire,
ne m'empêche pas de faire
la
mienne
aussi
ouais
ouais"
jusqu'à
présent
je
n'ai pas un ami je préféré qu'on marche ensemble, on
se regarde comme des amis mais moi au fond je sais
que je n'ai pas d'ami bon.
83
18 - Entretien avec L 18 - Dramé Abdoulaye
A 1
Bon, quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Bon,
je parle le jula et puis le français.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
Depuis : en quatre vingt.
A 5
Mais quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Je parle le jula.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Ouais
en
principe
c'est
le
français
que
je
parle
ouais ouais.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Quand je suis avec eux,
je parle le français et puis
le jula.
,
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
c'est le français et puis un peu le jula.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
B 14
Je parle le français.
A 15
Mais e est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non non je n'ai jamais parti à l'école.
A 17
Est-ce
que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
été
à
l'école?
B 18
Je suis très très regrette.
A 19
Pourquoi tu regrettes ?
B 20
Parce que e,
parce que dans
le monde
actuellement
bon tu vois je crois que tout le monde doit bon e,
une fois si Dieu t'a aidé si tu as gagné un enfant
tu dois lui mettre à l'école.
A 21
Selon toi,
est-ce que le français est difficile ou
facile à apprendre ?
B 22
Le français est difficile car je ne suis pas né avec
ça.
84
A 23
Mais
actuellement
tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français ou du mauvais français ?
B 24
C'est pas bon"
présentement il y a certains mots je
me e
trompe de ça mais i l y a certains mots
je me
débrouille quand même"
moi même en tout cas je sais
ça hum.
A 25
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 26
Des
fois
je
peux
avoir
peur
mais
c'est
pas
tellement,
parce que
bon c'est
la
chance,
si Dieu
m' avai t
aidé
j'allais partir"
bon ça vaut
pas le
coup d'avoir honte.
A 27
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
B 28
Ouais des fois je peux connaitre,
bon là où je suis
je n'a
pas
parti
à
l'école mais une
fois
que mes
camarades causent,
je m'éteins quoi, d'écouter leurs
paroles
jusqu'à
j'ai
commencé
à
parler
un
peu
un
peu.
A 29
Mais comment fais-tu pour savoir si quelqu'un a fait
l'école?
B 30
Bon tu
sais
par
exemple
par
exemple
si
une
femme
passe en
principe
on
doit
dire
elle,
si
c'est
un
garçon on doit dire il, donc si quelqu'un ne dit pas
ça je sais qu'il n'a pas fait l'école.
A 31
Selon toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont fait l'école et le français
de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 32
Ouais i l y a une très très grande différence,
parce
que bon e:
moi je n'ai pas eu la chance de partir à
l'école
je me
débrouille quand même,
ceux
qui
ont
fait
l'école
ils
parlent
correctement"
ceux
qui
n'ont pas fait l'école parlent du faux français.
A 33
Mais depuis que tu parles français, est-ce qu'il y a
quelqu'un qui
s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 34
En tout cas bon,
ça c'est mon copain,
actuellement
il est parti en Libye c'est mon meilleur ami en tout
cas on a duré ensemble, si je parle du faux français
il me moque des fois, c'est comme ça.
A 35
Mais
quand
il
se
moque
de
toi,
est-ce
que
e
tu
n'énerves?
85
B 36
Je m'énerve bon après i l me dit de me pas m'énerver
c'est comme ça je te dis ça bon, pour te corriger de
ne plus parler ça"
donc moi aussi j'ai commencé à
prendre ça un peu un peu.
A 37
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
B 38
Il Y a
des changements beaucoup même parce que e:
bon,
avant
bon
par
exemple
bon
si
je
parle
le
français
on me
corrigeait
bon
mais
maintenant
je
parle un peu mieux oui oui.
A 39
Tu penses que tu parles mieux français que d'autres
personnes qui n'ont pas fait l'école comme toi?
B 40
Ouais i l y a des gens qui ne peut pas parler comme
moi.
A 41
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 42
Ah ouais je peux régler mes affaires ça.
A 43
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 44
J'ai pris ça avec mes.amis,
j'ai fait l'arabe mais
l'arabe
là,
je ne
comprends
pas
bien,
c'est
vrai
l'arabe je ne comprends pas bien.
A 45
Est-ce que tu sais lire le Coran 7
B 46
Le coran"
je peux lire un peu e le Coran c'est pas
facile à lire.
A 47
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Jula
ou Mossi à travers sa manière de parler français ?
B 48
ça e
je connais
ça
par exemple
e
c'est,
si
un
mossi parle on sait c'est la manière de parler sa
langue.
A 49
Depuis que tu es au Burkina Faso,
est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 50
Oui bon, j'étais parti en Côte d'Ivoire mais j'étais
petit.
A 51
Entre le français et le jula,
quelle est la langue
la plus importante pour toi ?
B 52
C'est le français qui est important.
A 53
Pourquoi tu dis que c'est le français?
86
B 54
Bon là où je suis si
je me soulève,
tout de sui te
aller
à
la
police
ou
bien
à
la
gendarmerie
pour
aller faire,
tu vois bon pour que e
i l faut parler
le
français,
tu peux parler ton
langue mais ça va
être c'est-à-dire ils ne vont pas te satisfaire vite
voilà quoi.
A 55
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 56
Bon pour les cours du soir en tout cas je voulais
partir mais je n'avais pas le temps,
vous même vous
avez vu notre travail c'est maintenant qu'on vient
de descendre du travail arrivé à la maison i l faudra
te doucher te habiller tu es déjà fatigué,
donc il
faudra
dormir
donc
le
matin
tu
viens
au
travail,
c'est
le
temps
seulement
sinon
en
tout
cas
j'ai
envie de faire l'école.
A 57
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
B 58
Non.
A 59
Est-ce que tu serais prêt à
apprendre à
lire et à
écrire en jula ?
B 60
Non e parce que je vois que ça ne sert pas.
A 61
Pourquoi tu dis que ça ne sert pas ?
B 62
Parce
que
e:
la
langue
j ula
c'est
entre
nous
en
famille qu'on peut parler quoi si i l y a des secrets
on
peut
parler
ça,
mais
dehors
bon,
on
parle
la
langue française ça c'est la langue majorité e: i l y
a des pays où on ne parle pas le jula.
A 63
Mais
depuis
que
tu
travailles
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un t'a déjà fait quelque chose qui t'a fait
mal et que tu n'arrives pas à oublier?
B 64
Bon même,
au lieu de parler d'une autre personne je
parle de mon patron"
donc parce que e:
voyons en
quatre
vingt
huit
j'avais
un
ami
bon
i l
a
eu
la
diarrhée donc on l'a hospitalisé bon,
j'ai demandé à
mon patron si je peux avoir la permission pour aller
rendre visite mon voisin à l ' hôpi tal, "
mon patron
m'a dit
clairement
tant
que
je
n'ai
pas
fini
mon
travail
je
(ne)
peux pas aller,
bon
je vois qu'on
n'est pas parenté moi avec mon voisin mais c'est un
étre humain comme moi, donc si mon patron m'a montré
de
ne
pas
partir
tant
que
je
n'ai
pas
fini
mon
travail vraiment ça m'a trop touché dans ma vie.
87
19 - Entretien avec L 19 - Dembêlê Sory
A 1
Quelles sont les langue que tu parles ?
B 2
Moi
bon,
c'est-à-dire
que
moi
je
parle
le
jula
maintenant en deuxième c'est le français.
A 3
Mais depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
Je peux dire que c'est en soixante douze que
j'ai
commencé à parler le français un peu un peu"
et là
même je connaissais faire tout si je dis tout c'est
pas que
je connais écrire machin non hum --
parce
que
quand
on était
petit
on
était
trois
qui
ont
debout ensemble jusqu'à à l'âge de l'école les deux
sont
partis
â
l'école,
on
était
pas
de
la
même
famille quoi on était machin quoi,
donc quand
ils
viennent le soir ils s'assoient causer bon e écrire
leur machin je suis â côté d'eux,
bon je savais ce
qu'ils machinent mais
je ne pouvais
pas
parler le
français"
c'est quand
j'ai voyagé un peu aller à
Bobo,
je vendais un bar quoi je parlais le jula, il
y a un vieux qui vient tout le temps causer avec moi
lui aussi il ne comprenait pas le jula"
c'est lui
qui
me
disait
Dembélé
il
faut
forcer
parler
le
français un peu un peu donc je parle je cale il me
dit de parler même si je cale de continuer il va me
montrer"
donc ainsi de suite j'ai parlé un peu un
peu.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
C'est-à-dire que e ., je parle le jula.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Ca je débrouille en français.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
C'est-à-dire que e:,
eux ils parlent le jula,
leur
jula est beaucoup plus que le français,
moi si
je
suis
avec
eux
je
parle
le
jula et
je
mélange
le
français dedans - je peux commencer quelque chose en
jula et puis terminer en français donc ça les fait
aussi parler sinon y a
pas longtemps
je suis avec
eux,
à
force
de
me
promener
avec
mes
amis
j'ai
habitué à parler le français.
A Il
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Là-bas je parle le jula et le français.
A 13
Quelles langues tu parles dans les lieux de loisirs?
88
8 14
C'est le jula que je parle beaucoup.
A 15
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
8 16
Oui beaucoup,
si j'avais fait l'école j'allais être
un fonctionnaire.
A 17
Selon toi,
est-ce que le français
est difficile ou
facile à apprendre ?
8 18
Ah
le
français
est
vraiment
difficile,
vraiment
c'est difficile.
A 19
Pourquoi tu dis que c'est difficile?
8 20
Tout
d'abord
c'est
pas
quelque
chose
qui
est
populaire -
on peut dire que tout est venu dans le
français
savoir
écrire
en
mooré
savoir
écrire
en
jula tel que [mali balikokala] à cause du français à
cause
de
l'école
tout
ça
est
venu
dedans"
le
français a montré que tout doit apprendre c'est dans
le français qu'on a vu ça donc si tu dis à quelqu'un
faut faire ça ou bien ne pas faire ça c'est que tu
as
fait
une
fois
fait
ça
va
pas
tu
as
vu?
C'est
comme le français est difficile.
A 21
Tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français
ou
du
mauvais français ?
8
22
e
c'est
pas
du
tout
bon"
à
force
de
e:
bon
actuellement
où
nous
sommes
i l
faut
le
français
obligatoirement,
à cause de ça nous même on fait ça
même si c'est pas bon i l faut t'engager dedans si tu
fais une faute on va te montrer -
comme ça tu peux
machiner un peu
sinon nous
même on
sait que c'est
pas
un
bon
français
que
nous
on
parle,
on
se
débrouille
quand
même
pour
qu'on
puisse
se
comprendre.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
8 24
Non
:
même quoi
devant
les auto ri tés
même
je suis
là-bas je parle -
c'est à eux de savoir que lui i l
n'a
pas
fait
les
bancs,
moi
je
ne
suis
pas
gêné
devant quelqu'un,
partout je parle comme je veux.
A 25
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français ?
8 26
Oui
je
connais
celui
qui
a
fait
l'école
parle
correctement celui qui n'a pas fait l'école prononce
mal,
i l fait des fautes.
89
A 27
Selon toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont fait l'école et le français
de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 28
Y a beaucoup des différences parce que e:
eux ils
ont fait
l'école,
commencer jusqu'à l'âge de vingt
deux"
il est dans la même chose le matin et le soir
toi tu te promènes ou bien tu fais un autre travail
ce qui est dans, ça lui il connait ça et pour parler
même il parle bien plus que toi -
i l a tout habitué
il parle bien"
c'est par eux nous on a su parler ce
que eux ils n'ont pas besoin encore c'est ça nous on
est dans ça, on sait que c'est pas du bon français.
A 29
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi,
parce que tu
parles du mauvais français ?
B 30
Ouais, mais moi ça me dit rien.
A 31
Est-ce que tu t'énerves quand on te corriges?
B 32
Moi non"
i l y a des gens quand tu les dis comme ça
ils se
plaignent
pourtant c'est
quelque
chose qui
donne
des idées, par exemple un jour nous on a été
dans un maquis comme ça on était là avec des filles
donc d'un seul coup moi je suis debout je dis à mon
ami moi je m'en vais me dormir ils ont tous [rigolo]
là-bas moi-même
je ne savais pas ce que
j'ai di t,
mon ami aussi ne m'a rien dit bon j'ai salué tout le
monde et puis je suis parti c'est quand il est venu
à la maison i l s'est rappelé de ça et puis il avait
eu honte parce qu'on était avec des filles,
que tu
avais dit que tu t'en vas te dormir"
qu'on ne dit
jamais ça de dire que tu t'en vas te coucher au lieu
de
je
m'en
vais
me
dormir
-
moi
ça
me
plaît
de
comprendre comme ça.
A 33
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 34
C'est pas
la même chose,
je trouve que
je peux me
débrouiller un peu mieux que avant.
A 35
Comment tu as fait pour savoir que tu parles mieux
qu'avant?
B 36
Parce que e: je trouve que je peux me débrouiller un
peu mieux qu'avant"
avant il y a des mots que je ne
connaissais'pas bon maintenant je connais ça donc ça
me donne des machins de temps en temps,
je trouve
des idées
dedans,
même
demain même
aujourd'hui
je
peux connaître ça.
90
A 37
Mais,
est-ce
que
tu
penses
que
tu
parles
mieux
français que d'autres personnes qui n'ont pas fait
l'école comme toi?
B 38
Oui
oui
il
y
a
des
gens
que
moi
aussi
je
peux
corriger.
A 39
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 40
En tout cas je suis content,
parce que j'ai compris
un
peu
même
que
ça
soi t
bien
seulement
je
suis
content pour ça e
:
je cherche aussi
à
comprendre
toujours
de
plus,
donc
je
peux
dire
que
je
suis
content là où je suis parce que je sais que je sais
parler avec quelqu'un même si c'est pas bon"
il y a
mot que je me cale souvent.
A 41
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Jula ou
Mossi à travers sa manière de parler français ?
B 42
Si c'est un Mossi on, sait ça, i l a un accent ...
A 43
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 44
Non,
je n'ai pas voyagé.
A 45
Entre le français et le jula quelle est la langue la
plus importante pour toi ?
B 46
Moi c'est le français que moi j'aime, méme ma langue
ça (ne)
plaît pas comme le français,
quand je suis
avec un jeune jula je préfère parler le français - à
moins que je trouve que tu ne machines pas en tout
cas même si on fait n'importe quoi c'est le français
- donc le français me plaît plus que tout.
A 47
Entre le français et le jula quelle est la langue la
plus difficile ?
B 48
Le jula est plus facile que le français.
A 49
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 50
Je n'ai pas le temps"
bon i l y a au moins cinq ans
je travaille
avec
des
femmes
même
actuellement
je
suis dans la main d'une femme"
depuis que je suis à
Ouaga je travaille avec une femme à Koulouba,
vous
êtes ici hum vous connaissez madame Palm?,
c'est la
femme d'un capitaine.
A 51
D'après toi
qu'est-ce qu'on
doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont fait l'école à parler français?
91
B 52
Pour moi,
je pense que si le gouvernement ouvre des
écoles pour eux c'est bon.
A 53
Mais est-ce que tu sais lire et écrire en ju1a ?
B 54
Non.
A 55
Mais est-ce que tu serais prêt à apprendre à lire et
à écrire en jula.
B 56
Non,
parce que ça ne m'intéresse pas je préfère le
français.
A 57
Mais depuis que tu es tailleur est-ce que tu as déjà
eu un problème qui t'a beaucoup marqué?
B 58
Non je n'ai jamais eu ça,
parce que je n'ai jamais
travaillé seul c'est quand tu travailles seul que tu
auras des problèmes"
je travaille avec des gens on
me paye donc je n'ai jamais eu un problème.
A 59
Mais dans la vie tu n'as pas eu un problème qui t'a
marqué ?
B 60
Ca ça m'a beaucoup eu.
A 61
Est-ce
que
tu
peux
me
raconter
comment
ça
s'est
passé ?
B 62
Ouais c'est par la même couture, j'étais en aventure
quoi
j'étais
parti
resté
avec
un
vieux
il
a
eu
confiance en moi me laisser son tout,
et il a
des
enfants qui sont plus âgés que moi au moins cinq"
tous
étaient
comme
ça
ils
ne
font
rien
de
bon
d'autres
peuvent
faire
quatre
ans
sans
venir chez
lui c'est-à-dire que le vieux n'est pas content de
ses enfants et leur maman est là,
il m'a tout donné
et puis laisser ses enfants.
92
20 - Entretien avec L 20 - Yamba Issa
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
e :
en français"
je parle le français et puis en
jula et puis le samogho.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
Moi j'ai parlé en français depuis en cinquante cinq.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Dans ma famille
je parle le jula avec ma famille"
dans la famille il faut parler votre langue dans la
famille
par
rapport
votre
enfant
doit
comprendre
votre langue pour ne pas perdu.
A 7
Quelles langues tu parles quand tu vas à
la mairie
ou au commissariat pour faire tes papiers ?
B 8
Si je parti là-bas si c'est le matin je dis bonjour
monsieur,
si
i l
dit
bonjours
monsieur
c'est
là
maintenant
je
dis
je
viens
faire
mon
papier
en
français"
à
la mairie ou au commissariat je parle
le français.
A 9
Mais: quelles langues tu parles avec tes copains?
B 10
e
:
par rapport avec mes amis,
c'est
le j ula nous
sommes utilisés par rapport au français.
A Il
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Au travail comme tout le monde,
ne comprend pas le
jula c'est le français que je parle.
A 13
Mais
quelles
langues
tu
parles
dans
les
lieux
de
loisirs ?
B 14
Je parle le jula.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non.
A 17
Est-ce que tu regrettes de n'avoir pas fait l'école?
B 18
Oh,
plus
tard
j'ai
regretté
un
peu
mais
pas
totalement"
chacun est né avec son chance partout,
parce que Dieu a donné à chacun son chance.
A 19
Mais pour toi le français est difficile ou facile à
apprendre ?
93
B 20
Vraiment c'est un peu difficile parce que e
: nous,
moi personnellement
je n'ai
pas
fait
l'école mais
pour prendre j'ai pris un peu un peu c'est pourquoi
j'ai compris ...
A 21
Présentement,
tu
penses
que
tu
parles
du
bon
français ou du mauvais français ?
B 22
Ah
je
parle
mais
c'est
pas
bon"
je
ne
peux
pas
parler comme ceux qui ont fait l'école,
je ne peux
parler
comme
ça
je
peux
parler
me
défendre,
au
milieu des gens.
A 23
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
B 24
Non, je cherche à parler.
A 25
Mais, est-ce que tu peux savoir si quelqu'un a fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
B 26
Si
tu
as
fait
l'école
si
tu
parles
en
français
immédiatement
tu
sais
que
lui
il
est
rentré
à
l'école même
si
il
n'est
pas
rentré
à
l'école tu
sais que ah, lui il n'est pas rentré à l'école.
A 27
Mais comment tu fais pour le savoir ?
B 28
Parce que c'est la langue,
la langue"
celui qui a
fait l'école il connaît
lire les mots
sont biens,
celui
qui
n'a
pas
fait
l'école
si
il
parle
le
français un peu il y
a des défauts un peu dedans,
celui qui a fait l'école ne peut pas se tromper.
A 29
D'après toi,
est-ce qu'il y
a
une différence entre
le
français
de
ceux
qui
ont
fai t
l'école
et
le
français de ceux qui n'ont pas fait l'école?
B 30
Oui,
il
Y a
une
différence
e
ceux
qui
ont
fait
l'école parlent bien ceux qui n'ont pas fait l'école
se débrouillent, c'est pas bon.
A 31
Depuis
que
tu
parles
français
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
B 32
Oui e
au début les gens se moquaient de moi parce
que
e:
je
ne
comprends
pas
le
français
mais
maintenant ils ne peuvent pas me moquer.
A 33
Est-ce que tu penses que tu parles mieux
français
que d'autres
personnes qui
n'ont
pas
fait
l'école
comme toi ?
94
B 34
Ouais ça moi même je connais i l y a quelqu'un il ne
peut pas parler comme moi.
A 35
Est-ce que tu es content de savoir parler français.
B 36
Oui je peux régler mes affaires avec ça.
A 37
Mais comment tu as fait pour apprendre le français?
B 38
J'ai pris ça avec mes copains,
e mes copains sont à
l'école"
j'ai appris le français petit à petit.
A 39
Mais est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Jula
ou Mossi à travers sa manière de parler français ?
B 40
Ouais
ça
c'est
facilement,
un
Mossi
ne
peut
pas
parler sans mettre un mot mossi dans son français.
A 41
Depuis que tu es au Burkina Faso,
est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 42
J'ai fait quatre ans à Abidjan.
A 43
D'après toi est-ce qu'il y a une différence entre le
français parlé en Côte d'Ivoire et le français parlé
ici ?
B 44
Oui le français à Abidjan avec le français ici c'est
pas
la
même
langue
parce
que
e
le
français
à
Abidjan,
c'est
facilement
par
rapport
pour
nous
ici"
pour nous c'est un peu difficile parce que e:
i l
y
a
beaucoup
des
gens
étudiants
qui
viennent
étudier ici parce que par rapport pour nous c'est un
peu difficile le français,
e
le français
à
Abidjan
ce n'est pas comme ici, ce n'est pas bon.
A 45
Entre le français et le jula quelle est la langue la
plus importante pour toi ?
B 46
Pour
moi
c'est
le
jula
qui
est
important,
si
tu
laisses ta langue par un jour tu vas envoyer votre
enfant il ne comprend pas,
donc tu as
perdu votre
enfant ne peut pas comprendre votre langue si toi tu
es
[mury] , ,
c'est
toi
qui
a
fait
votre
enfant
a
perdu son langue, votre enfant doit comprendre votre
langue i l y a secret tu peux dire votre enfant avec
votre langue.
A 47
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
maintenant
est-ce que c'est la même chose?
B 48
Au
début
c' étai t
un
peu
difficile
avec
moi
mais
maintenant je parle mieux que avant.
A 49
Mais comment tu le sais ?
95
8 50
Parce que e
je sentis,
j'ai constaté que avant que
si
je
parle
mon
langue
c'est
un
peu
lourd
mais
maintenant je parle un peu un peu,
avant que si je
parle
je peur si vais parler en français
comme ça
les gens va
leur rire quoi"
c'est
à
cause de ça
j'ai e
:
j'ai laissé la honte maintenant je parle,
là maintenant je parle mieux plus que avant.
A 51
Mais
entre
le
jula et
le
français
quelle
est
la
langue la plus difficile ?
8 52
C'est le français,
le jula c'est facilement avec moi
parce que j'ai né j'ai s'amuse avec un enfant jula"
parce que
le
français
je ne
suis
pas
né
avec des
gens
qui
parlent
le
français
-
parce que
je suis
prends
quand
j'étais
grand
quoi,
c'est
ça
c'est
difficile un peu par rapport au jula.
A 53
Mais pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
854
Avant
il
y
avait
un
enfant
chez
nous
qui
voulait
nous apprendre par finir il dit que lui il ne fait
pas encore.
A 55
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
8 56
Non"
je ne veux pas,
ça va me servir à quoi"
rien
e on ne peut rien gagner avec ça.
A 57
Depuis que tu es chauffeur est-ce que tu as déjà eu
quelque chose qui t'a beaucoup marqué?
8 58
e : depuis moi j'ai commencé mon chauffeur en mille
neuf cent soixante deux, au jour aujourd'hui je n'ai
jamais tamponné une voiture,
je n'ai jamais fait mon
moteur éclaté je n'ai jamais eu ça,
je n'ai jamais
eu des pépins"
ça fait dix neuf ans maintenant.
A 59
Mais dans la vie tu n'as pas eu un problème qui t'as
beaucoup marqué ?
8 60
Non hum.
96
21 - Entretien avec L 21 - Cou1ibaly Salif
A 1
Quelles sont les langues que tu parles ?
B 2
Je parle le jula et le français.
A 3
Depuis combien de temps tu parles français ?
B 4
En tout ça a duré hum.
A 5
Quelles langues tu parles en famille ?
B 6
Je parle le jula.
A 7
Mais
quelles
langues
tu
parles
quand
tu
vas
à
la
mairie ou au commissariat pour faire tes papiers?
B 8
Si je pars,
je parle là-bas,
je me débrouille pour
parler le français.
A 9
Quelles langues tu parles avec tes copains ?
B 10
Avec mes copains c'est le français et puis le jula.
A 11
Quelles langues tu parles au travail ?
B 12
Au travail je parle le français et le jula.
A 13
Quelle langue tu parles dans les lieux de loisirs.
B 14
Là-bas c'est le jula.
A 15
Est-ce que tu as été à l'école?
B 16
Non j'ai
f a i t e
[halkurana]
terminé ça
je me suis
intéressé à travailler j'ai abandonné ça.
A 17
e
est-ce
que
tu
regrettes
de
n'avoir
pas
fait
l'école?
B 18
Je regrette beaucoup.
A 19
Pourquoi?
B 20
Parce
que
je
vois
des
gens
qui
ont
mon
âge
qui
travaillent quelque part ou bien ils sont en train
de faire l'université,
je vois eux je regrette quoi,
depuis j'ai honte d'approcher eux pour parler"
eux
ils parlent mieux le français que moi.
A 21
D'après toi,
le français est difficile ou facile à
apprendre ?
B 22
e le français est très difficile pour moi.
97
A 23
Mais e,
présentement tu penses que tu parles du bon
français ou du mauvais français ?
8 24
C'est mauvais c'est pas mauvais,
parce que là où je
suis je me débrouille pour me faire comprendre.
A 25
Est-ce
que
tu
es
gêné
de
parler
français
devant
quelqu'un qui a fait l'école?
8 26
J'ai
gêné,
je
parle
mais
je
diminue
mon
voix
je
parle un peu un peu.
A 27
Est-ce
que
tu
peux
savoir
si
quelqu'un
a
fait
l'école
ou
non
à
travers
sa
manière
de
parler
français?
8 28
Je
peux savoir,
celui qui
a
fait
l'école
i l
parle
bien celui qui n'a pas fait l'école parle mal.
A 29
Selon toi,
est-ce qu'il y a une différence entre le
français de ceux qui ont fait l'école et le français
de ceux qui n'ont pas fait l'école?
8 30
Il Y a
beaucoup des différences,
les mots qui sont
trop gros si tu n'as pas fait l'école tu ne peux pas
dire ça,
e nous on parle le français populaire,
e
:
celui
qui
n'a
pas
rentré
à
l'école
son
français
n'est pas clair i l y a des défauts dedans, celui qui
a fait l'école ne se trompe pas.
A 31
Depuis
que
tu
parles
français,
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un qui s'est déjà moqué de toi parce que tu
parles du mauvais français ?
8 32
Oui, mais je m'énerve pas.
A 33
Pourquoi tu t'énerves pas?
8 34
Je vais lui dire"
toi tu es en train de te moquer
de moi le français que moi je dis c'est Dieu qui m'a
donné ça parce que je n'ai pas fait l'école, donc tu
es en train de te moquer de moi"
donc je vais te
laisser s ' i l ne veut pas me corriger au lieu de se
moquer
de
moi
bon
je
vais
le
laisser
à
son
conscience.
A 35
Au
début
quand
tu
parlais
français
et
puis
maintenant est-ce que c'est la même chose?
8 36
C'est différent,
i l y a beaucoup des changements.
A 37
Comment tu le sais ?
8 38
Je peux savoir que e, parce que si j'écoute la radio
les mots qu'ils ont dit là-bas au début si je pars
98
demander à
quelqu'un
i l
va
m'expliquer
mais
d'ici
quatre jours cinq jours je vais oublier, i l faut que
après je vais aller me renseigner mais maintenant il
y a
des mots que moi même
je peux comprendre sans
demander à quelqu'un"
donc je vois que je suis en
train de progresser un peu.
A 39
Mais
est-ce
que
tu
penses
que
tu
parles
mieux
français que d'autres personnes qui n'ont pas
fait
l'école comme toi?
B 40
Ah oui,
je peux corriger des gens maintenant.
A 41
Est-ce que tu es content de savoir parler français?
B 42
Ouais quelqu'un ne
peut
pas
m' insul ter
encore,
je
comprends le français maintenant.
A 43
Mais
comment
tu
as
fait
pour
apprendre
le
français?
B 44
je voyais des gens parlent je pars m'asseoir là-bas
et puis si ils ont parlé je demande un type tel mot
ils ont parlé il me répond,
j'écoute la radio si ils
ont dit mot je demande quelqu'un"
de fois j'écoute
le journal je comprends mais c'est pas tout quoi, e
je comprends quelques mots et puis i l y a des mots
que je ne comprends pas.
A 45
Est-ce que tu peux savoir si quelqu'un est Mossi ou
Jula à travers sa manière de parler français ?
B 46
Oui je sais, les Mossi parlent mal le français e ils
mettent le mooré dans le français.
A 47
Depuis que tu es au Burkina Faso est-ce que tu as
déjà voyagé hors du pays ?
B 48
Oui j'ai été au Mali et puis en Côte d'Ivoire,
j'ai
fait Abidjan ville.
A 49
Mais
est-ce
qu'il
y
a
une
différence
entre
le
français parlé en Côte d'Ivoire et le français parlé
ici ?
B 50
Oui c'est différent,
en Côte d'Ivoire on parle du
mauvais français celui qui a
fait
l'école et celui
qui n'a pas
fait
l'école ils parlent
tous de même
façon, hum ici on parle du bon français.
A 51
Entre le français et le jula quelle est la langue la
plus importante pour toi ?
B 52
Selon
moi,
si
je
comprends
le
français
bien,
hum
pour
parler
le
jula
si
c'est
pas
en
famille,
si
99
quelqu'un veut me parler en jula je vais lui dire,
hum
le
jula
faut
pas
me
parler
de
ça
hein
tu
comprends
le
français
je
comprends
parce
que
à
Ouagadougou ici si tu parles le jula hum, si tu pars
pour
payer
quelque
chose
si
tu
parles
le
jula
quelqu'un vient parler le mooré ils vont le servir
et puis te laisser"
or si c'est le français on ne
peut pas dire tel type il est telle race.
A 53
Pourquoi tu n'as pas fait les cours du soir?
B 54
Maintenant je fais la couture,
la couture avec les
cours du soir il y a des moments tu dois travailler
alors que tu veux aller à
l'école,
tu ne peux pas
laisser ton boulot pour aller à lécole il faut que
tu termines ton boulot d'abord alors que à l'école"
si
tu
chômes
quelques
jours
seulement
pour
te
rattraper encore c'est pas facile.
A 55
D'après toi
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour
aider
ceux qui n'ont pas fait l'école à parler français?
B 56
Il faut e faire les cours du soir pour eux, c'est ce
que moi je vois.
A 57
Est-ce que tu sais lire et écrire en jula ?
B 58
Je peux écrire un peu un peu si quelqu'un fait une
écriture
me
donner
je
peux
lire
parce
que
je
comprends le jula très très bien même.
A 59
Mais est-ce que tu serais prêt à apprendre à lire et
à écrire en jula ?
B 60
Je suis d'accord parce que comme tout change on peut
dire si tu veux régler ton problème il faut parler
le jula,
à cause de ça je vais aller à
l'école en
jula"
mais
hum
si
c'est
pour
aller
apprendre
le
jula parce que tu ne comprends pas le jula,
hum si
c'est à cause de ça je ne pars pas.
A 61
Mais
depuis
que
tu
travailles
est-ce
qu'il
Y
a
quelqu'un
qui
t'a
fait
quelque
chose
que
tu
n'arrives pas à oublier?
B 62
Oui, c'est, quelqu'un m'a fait enfermé j'ai fait une
seule nuit là-bas,
il m'a fait enfermé vers vingt
trois heures e ils m'ont laissé le lendemain midi,
parce
que
c'est
un
jour
hum
je
parti
là
où
je
travaille
(toux)
quelqu'un
il
veut
quelque
chose
pour payer, alors que mon patron il a payé ça avant
comme il m'a laissé une clé ils sont venus me dire
qu'ils veulent des chambres à air pour payer, bon un
apprenti a dit que il va aller boire du café quoi
moi
je part pour ouvrir notre atelier un type est
100
passé il me voyait, i l me connaît parce que là où on
loge y a son famille là-bas comme c'est un agent il
est
parti
chercher
les
COR c'est
le
temps
de
Tom
Sank
pour
m'amener
aller
enfermer,
le
lendemain
maintenant
lui-même
i l
est
venu
expliquer
à
mon
vieille que
lui
il
me prend aller enfermer pour"
que
les
enfants
d'aujourd'hui
ne
sont
pas
intelligents que ce sont des bandits
-- donc c'est
ça qui m'a fait mal,
et puis le lendemain même mon
patron même
i l est venu
à
la
police,
on m'a
fait
sortir, mais ça m'a fait très très mal.
101
IV - INTERVIEWS DES ENSEIGNANTS
102
1 - Entretien avec L 1 - Sanou TIBEUS
A 1
Au 8urkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français
des non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
8 2
80n, , effectivement on remarque e: il y a deux types
de
français
le
français
que
nous
enseignons
à
l'école et le français bon que,
compte tenu du fait
les écoles n'arrivent pas à recruter tout le monde"
bon il y a des enfants qui bon,
par le fait qu'ils
n'ont
pas
été
recrutés
essayent
de
e:
s'intégrer
dans la société cette intégration suppose un bagage
la
langue
française
étant
la
langue
officielle
il
faut
l'apprendre
d'une
manière
ou
d'une
autre"
c'est
ce
qui
amène
l'acceptation
de
ce
type
de
français qui
n'est pas correct mais qui
permet au
moins
l'expression,
il
permet
de
communiquer
avec
les autres.
A 3
Mais
comment
on
peut
distinguer
le
français
des
lettrés du français des non-lettrés ?
8 4
80n,
la
distinction
est
aisée
bon"
c'est
un
français
sans
articles
sans verbe,
il
ne
respecte
aucune
règle
grammaticale,
chacun
parle
comme
il
veut,
quelques fois il y a un mélange de la langue
maternelle dedans"
tandis que le français enseigné
est plus soutenu il a des règles grammaticales.
A 5
Mais
: est-ce que vous êtes d'accord avec ceux qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia ?
8 6
e :
bon
je vais dire que
je ne
suis pas d'accord
dans un certain contexte,
si
nous
partons
du
fait
que le français est une langue étrangère quelqu'un
qui
arrive
à
parler
cette
langue
sans
aller
à
l'école on ne peut pas dire que c'est du charabia"
parce
que
le
charabia
c'est
ce
qu'on
ne
comprend
pas, ce n'est pas du charabia car ce français permet
aux gens de se faire comprendre.
A 7
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non-lettrés ?
8 8
Oui il y a une différence de par même l'expression
parce
que
les
non-lettrés"
ils
utilisent
des
phrases sans verbes - il Y a des moment quand ça ne
va pas"
le français des non-lettrés il n'y a pas de
règles chacun parle comme l'apprentissage qu'il a eu
à faire.
103
A 9
Mais quelle est votre
attitude
à
l'égard
des
non-
lettrés qui parlent français ?
B 10
Moi mon attitude personnelle"
bon je e:
j'essaye en
tout
cas
de
les
encourager
parce
que
je
sais
que
pour apprendre une langue i l faut la parler donc que
e
: un non-lettré qui se trompe je dois lui apporter
mon petit concours en les corrigeant"
mais si e
i l
se
trompe
et
puis
on
se
met
à
rire
ça
peut
les
décourager.
A Il
Est-ce qu'il
vous
est déjà arrivé de
corriger des
non-lettrés ?
B 12
Oui parce que j'ai des camarades qui n'ont pas eu la
chance
d'aller
à
l'école
mais
c'est
un
peu
délicat, c'est un peu délicat parce que e
:
i l faut
une attitude qui présente un visage de quelqu'un qui
veut aider.
A 13
Mais quelle est la réaction des non-lettrés quand on
les corrige ?
B 14
y
en a
qui acceptent y en a
aussi e
:
qui
pensent
que le milieu est mal choisi ça dépend de tout
un
chacun,
y
en
a
qui
acceptent
y
en
a
aussi
qui
pensent qu'on veut se moquer d'eux.
A 15
D'après vous quel est l'intérêt de ce français pour
ceux qui l'utilisent?
B 16
Bon
le
plus
souvent
c'est
des
gens
qui
veulent
pénétrer un milieu e
:
compte tenu du
fait que la
langue
officielle
c'est
le
français
i l
faut
absolument pouvoir dire quelque chose surtout si tu
reçois des étrangers, surtout chez les commerçants"
c'est peu par soucis professionnels qui amènent les
gens à parler le français.
A 17
Mais d'après
vous
est-ce
qu'on
doit
encourager ou
interdire la pratique de ce français ?
B 18
e : interdire non"
maintenant encourager non,
je ne
sais pas très bien ce que je vais dire parce que si
nous ne pouvons pas venir en aide à ces gens"
si au
niveau de l'Etat on ne peut pas créer des structures
pour assurer le besoin de communication en français
de ces gens"
on ne peut pas dire aux gens de ne pas
apprendre comme ça, être autodidacte mais maintenant
on peut demander à ce que les gens ne s'arrêtent pas
à
l'apprentissage des mots seulement,
i l
leur faut
un vrai apprentissage.
A 19
Selon vous qu'est-ce qu'on doit faire pour aider les
non-lettrés ?
104
B 20
Moi
je propose qu'on
fasse des cours du
soir pour
les adultes,
pour cela il faut former les gens pour
ça parce que l'enseignement aux adultes c'est pas la
même chose que chez les enfants.
A 21
Selon vous
quelle
est
l'importance du
français
au
Burkina Faso ?
B 22
Le
français
est
important
car
il
permet
aux
Burkinabé de se comprendre,
sans le français on ne
peut pas communiquer avec les gens qui ne sont pas
de son groupe ethnique.
A 23
Mais
que
pensez-vous
de
l'avenir
du
français
au
Burkina Faso ?
B 24
Le
français
est
important
pour
notre
pays
car
i l
permet aux gens de se comprendre, on ne peut pas le
remplacer par une autre langue"
mais à
l'école le
niveau
des
élèves
baisse
à
cause
du
manque
de
matériels
didactiques
et
de
l'insuffisance
de
la
formation des enseignants.
105
2 - Entretien avec L 2 - Ouêdraogo Ousmane
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français,
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français
des non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
Bon d'une manière oui dans ce sens que e :, bon dans
ce
sens
que
ceux
qui
se
disent
intellectuels
s'expriment de manière correcte, par contre ceux qui
ne sont pas
instruits bon ont"
un
autre
français
qui
leur
permet
de
communiquer
bon,
la
perfection
n'est pas bonne.
A 3
Donc pour vous il existe un français des non lettrès
au Burkina Faso ?
B 4
Si, si dans la mesure que pour eux c'est une manière
de se faire comprendre ils ont même un vocabulaire
propre"
bon par contre e
:
ceux qui
sont allés à
l'école s'expriment avec
un
français
qui
répond
à
une
certaine
norme
quant
à
ceux
qui
ne
sont
pas
allés à l'école pour eux, c'est se faire comprendre,
ils
ont
un
français
propre
adapté
à
chaque
situation.
A 5
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés?
B 6
Bon
d'accord
c'est
surtout
au
niveau
de
l'intonation,
deuxièmement
il
y
a
des
mots
aussi,
les mots sont déformés,
bon e
: les phrases ne sont
pas bien structurées,
on a des contractions qui ne
sont pas recommandées,
tout ça démontre que
le ou
les camarades n'ont pas fait l'école.
A 7
Est-ce que vous étes d'accord avec ceux qui disent
que le français des non-lettrés est du charabia ?
B 8
Oh, ça dépend des points de vue,
pour moi je dirais
que c'est du français dans la mesure Où ils arrivent
à se faire comprendre,
mais ça ne répond pas à des
normes grammaticales, ce n'est pas du bon français,
c'est du français qui n'est pas correct.
A 9
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non lettrés ?
B 10
Si, il Y a une différence dans la mesure où les uns
utilisent
le
français
correctement
et
les
autres
incorrectement"
c'est
surtout
au
niveau
de
l'utilisation qu'il y a une différence.
A Il
Mais quelle est votre attitude à
l'égard des
non-
lettrés qui s'expriment en français?
106
B 12
J'encourage les gens à parler, vous n'êtes pas sans
oublier que je suis un enseignant à cette occasion
j'essaye d'éduquer"
je dis
que
l'école c'est pas
seulement
entre
les
quatre
murs,
bon
à
chaque
occasion j'essaye de corriger je fais du vocabulaire
occasionnel pour les aider à parler.
A 13
Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de corriger des
non-lettrés ?
B 14
Non.
A 15
A votre avis est-ce que
ce
français
a
un
intérêt
pour ses locuteurs ?
B 16
Un intérêt si, dans la mesure où ils l'utilisent je
dirais que ce français a un intérêt dans ce sens que
e:
ça
leur
permet
de
communiquer,
puisque
la
fonction
de
la
langue
c'est
pour
communiquer
ils
l'utilisent avec ceux qui sont sensés lettrés"
donc
voilà l'intérêt de la chose comme ça, c'est pas une
langue
qu'ils
utilisent
dans
leur
famille
c'est
circonstanciel.
A 17
D'après
vous
est-ce
qu'on
doi t
encourager
ou
interdire la pratique de ce français ?
B 18
Bon moi je e
: je n'aimerais pas qu'on encourage ce
français, ce français que nous disons incorrect si e
il n'est pas correct je ne vois pas pourquoi il faut
l'encourager,
moi
je préconiserais qu'on essaye de
donner
en
tout
cas"
c'est
mieux
qu'on
essaye
de
former ces camarades si cela était possible"
sinon
l'encourager
c'est
détruire
le
français
tu
vois
c'est dans ce sens que je vois qu'il ne serait pas
bon qu'on généralise ça, il faut l'améliorer.
A 19
Selon vous,
quelle est l'importance du français au
Burkina Faso ?
B 20
Le français est indispensable pour notre pays car il
nous permet de communiquer avec les pays voisins"
sur le marché du travail aussi il faut le français.
A 21
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 22
Je dis en tout cas que le français fera long feu au
Burkina
ou
du
moins
le
français
sera
toujours
enseigné ici"
car c'est une langue internationale,
mais
il
faut
signaler
une
chose
il
manque
la
formation moi je parle en tant qu'enseignant, il n'y
a
pas
de
formation
ni
de
matériels,
i l
faut
améliorer
la
formation
si
on
veut
sauvegarder
le
français.
107
3 - Entretien avec L 3 - Nana Romuald
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français des non-lettrés"
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
Cette affirmation est bien
fondée,
quand i l s'agit
des non-lettrés c'est une frange
de la société que
nous devons accepter,
et les lettrés compte tenu de
l'école
ce
groupe
aussi
existe"
donc
ces
deux
groupes
sociaux
cohabitent
ensemble"
cette
affirmation est belle et bien fondée.
A 3
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés ?
B 4
B
ce·
français
comme on
l'appelle vulgairement,
on, ,
,
les
lettrés
l'appellent
du
charabia,
c est
un
français non soutenu la différence est nette"
sur
le point du vocabulaire de la grammaire la structure
syntaxique de
ce
français
est
inadéquate"
sur
le
plan
grammatical
c'est
un
français
sans
corps
et
sans âme i l n'a pas de structure, c'est un français
facile qui ne demande pas un effort.
A 5
Mais
est-ce
que
vous
êtes
d'accord
avec
ceux
qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia ?
B 6
Je
ne
suis
pas
tout
à
fait
d'accord
avec
cet
adjectif qualificatif parce que quand i l s'agit de
communication,
chaque
langue
a
sa
structure
sa
philosophie"
pour moi la finalité du langage c'est
la compréhension si
on arrive à
les
comprendre ça
suffit ce n'est pas du charabia"
c'est un langage a
part
entière
mais
du
charabia
moi
je ne
suis
pas
d'accord.
A 7
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non-lettrés?
B 8
Oui i l y a une différence,
le français des lettrés a
des
règles
mais
le
français
des
non-lettrés
n'a
aucune règle est-ce que vous voyez ?
A 9
Mais quelle est votre attitude
à
l'égard
des non-
lettrés qui s'expriment en français?
B 10
Moi mon attitude en tant que enseignant, de sont des
gars,
c'est
une
école
parallèle
qui
contribue
à
dénaturer
les
fondements,
les
principes
que
nous
inculquons à
nos enfants à
l'école"
donc après la
classe
les
enfants
se
frottent
à
ces
individus,
c'est
un
français
facile
qui
ne
demande
pas
:
une
108
grande réflexion e
: qui ne demande pas un effort,
donc l'enfant qu'est-ce qu'il veut,
la facilité donc
il va utiliser ce français au détriment de ce qu'on
lui enseigne à
l'école"
je suis inquiet en ce qui
concerne
l'avenir
de
ce
français"
dans
notre
société
on
parle
de
99
% d'analphabètes
donc
ils
risquent de fagocyter les 1 % de lettrés"
c'est un
peu dangereux ...
. A Il
Mais est-ce qu'il vous est arrivé de corriger des
non-lettrés ?
B 12
Oui,
parce
que
nous,
notre
devoir
c'est
de
participer
à
l'alphabétisation
de
notre
société
d'arriver à ce que e:
ces individus e
:
même s'ils
ne deviennent pas des intellectuels qu'ils arrivent
au moins à communiquer avec nous, à s'autogérer donc
que e:
il faut se dire que e:
nous organisons des
cours du soir dans
nos secteurs dans
les villages
même autour de nous pour les aider.
A 13
Mais quelle est la réaction des non-lettrés quand on
les corrige ?
B 14
Bon,
il
faut
dire
que
ce
sont
des
gars
qui
sont
prêts
pour
recevoir
la
correction d'un
professeur
donné,
d'un maître donné de quelqu'un qui a évolué
dans cette structure linguistique"
ils te trouvent
savant donc ils sont contents quand on les corrige.
A 15
D'après vous quel est l'intérêt de ce 'français pour
ses utilisateurs ?
B 16
Pour
moi,
il
y
a
un
intérêt
il
leur
permet
de
s'autogérer et de communiquer avec les autres.
A 17
Selon vous,
quelle est l'importance du français au
Burkina Faso ?
B 18
Ce que
je pense"
que,
c'est dans
le
concert des
nations cette langue nous permet de communiquer avec
les autres.
A 19
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 20
Je
pense
que
pour
que
le
français
puisse
rester
longtemps
au
Burkina
il
faut
qu'il
accepte
de
cohabi ter
avec
les
langues
nationales
sinon
à
la
longue,
il
risque
d'avoir
une
révolution
linguistique,
je pense
aussi
qu'il
faut
améliorer
les méthodes et la formation des maîtres si on veut
enseigner correctement le français,
actuellement le
niveau des élèves ne fait que baisser.
109
4 - Entretien avec L4 - Kadiogo Maxime
A l
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français,
à
savoir
un
français
des
lettrés
et
un
français
des
non-lettrés
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
e : pour ma part je suis entiêrement d'accord ans la
mesure où"
ces deux manières de parler sont très
distinctes
e
quelqu'un
qui
a
fait
l'école
parle
aisément le français mais quelqu'un qui n'a pas fait
l'école, a des difficultés de parler français, c'est
un français appelé français débrouillard e
: il dit
souvent
des
mots
l'accent
c'est
pas
ça
quoi
mais
c'est à celui qui écoute de comprendre ce qu'il veut
dire",
je suis entièrement d'accord qu'il y a deux
types de français.
A 3
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés ?
B 4
La distinction est que e,
celui qui a fait l'école
parle correctement le français c'est-à-dire il y a
les accents e en plus des accents il y a l e manque
de mots que celui qui n'a pas fait l'école a, il y a
aussi les agencements des phrases et des mots aussi.
A 5
Est-ce que vous êtes d'accord avec ceux qui disent
que le français des non-lettrés est du charabia ?
B 6
Du
charabia
vraiment
(rires)
dire
que
c'est
du
charabia,
je
ne
suis
pas
d'accord
que
c'est
du
charabia parce que les gens les comprennent, donc je
pense qu'à partir du moment qu'on les comprend ce
n'est pas du charabia"
on peut dire que c'est du
mauvais français,
c'est du débrouillé mais ce n'est
pas du charabia.
A 7
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non-lettrés ?
B 8
Si il Y a une différence,
le français des lettrés a
des règles mais le français des non-lettrés est sans
règles c'est du débrouillé.
A 9
Quelle est votre attitude à l'égard des non-lettrés
qui s'expriment en français?
B 10
Moi
je suis
très
content
et
j'aime causer
avec
ceux qui n'ont pas fait
l'école et qui
parlent le
français"
par
exemple
si
je
suis
en
face
de
quelqu'un qui n'a pas fait l'école, moi mon rôle est
de le pousser à parler parce que e une fois que tu
te moques de lui
il
ne va pas continuer il va se
taire"
parce que,
il va se dire que lui il essaye
110
de parler et toi tu te moques de lui donc il va se
reculer.
A Il
Mais est-ce qu'il vous est déjà arrivé de corriger
des non-lettrés ?
B 12
Oui.
A 13
Quelle est la réaction des non-lettrés quand on les
corrige ?
B 14
Il va de soi qu'ils s'énervent,
qu'ils
se
sentent
vexés
pour
eux
ce
qu'ils
sortent
c'est
correct,
parce que e
ils ne savent pas ce que c'est qu'un
verbe
un
sujet
etc"
donc
il
y
a
des
gens
qui
acceptent
la
correction
c'est
ceux-là
qui
ont
le
souci
d'apprendre
mais
il
y
a d ' autres
qui
s'énervent, donc il y a deux types de réactions.
A 15
Selon vous quel est
l'intérêt de ce
français
pour
les non-lettrés ?
B 16
Les non-lettrés bon, en fait e : je veux dire que e:
en ce qui concerne les non-lettrés,
ils ont besoin
également du français pour communiquer avec les gens
pour avoir du travail.
A 17
Selon
vous
doit-on
encourager
ou
interdire
la
pratique de ce français ?
B 18
Est-ce qu'on peut interdire ce français? Dites vous
bien le français des non-lettrés parce qu'ils n'ont
pas été à
l'école"
il Y a
le souci de parler il
faut
trouver
plutôt
un
moyen
de
les
corriger
à
savoir
les
cours
du
soir"
autrement
dit
les
interdire
de
parler
c'est
leur
faire
du
tort,
il
faut corriger ce français pour qu'il ne détruise pas
le français des lettrés.
A 19
Selon vous,
quelle est l'importance du français au
Burkina Faso ?
B 20
C'est une langue qui est trés
importante car elle
nous
permet
de
communiquer
avec
l'extérieur"
il
faut
ajouter aussi que c'est grâce à elle que les
Burkinabé communiquent entre eux.
A 21
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 22
Selon moi,
le français
ne peut pas disparaître au
Burkina Faso car c'est une langue internationale, il
faut l'améliorer il faut faire de sorte que tout le
monde parle le français au Burkina mais cela passe
111
par
l'adaptation
des
méthodes
d'enseignements
aux
réalités du pays.
112
5 - Entretien avec L 5 - Ziba Babou
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français,
à
savoir
un
français
des
lettrés et un
français
des non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
Bon,
effectivement
au
Burkina
Faso
i l
y
a
un
français
des
lettrés
et
un
français
des
non-
lettrés",
je dis ça parce que e
: cette différence
réside dans la manière de s'exprimer, puisque, quand
c'est
un
non-lettré
qui
parle
on
sait
automatiquement qu'il n'est pas rentré à l'école si
on a affaire à quelqu'un qui a fait l'école il parle
correctement, quand i l fait des fautes i l est un peu
gêné"
pour les illettrés ils ne font pas attention
ils n'ont pas honte.
A 3
Mais
est-ce
que
vous
êtes
d'accord
avec
ceux
qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia ?
B 4
Moi, quand j'ai affaire à un non-lettré, l'essentiel
c'est que je le comprenne hein"
bon sa manière de
s'exprimer n'est pas correcte mais
on arrive
à
le
comprendre,
pour
moi
c'est
du
français,
mais
sincèrement dit c'est pas du bon français.
A 5
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non-lettrés ?
B 6
Oui
i l
y
a
une
différence
les
lettrés
parlent
correctement
le
français,
les
non-lettrés
parlent
avec des fautes,
ils se débrouillent pour se faire
comprendre.
A 7
Mais quelle est votre attitude
à
l'égard des
non-
lettrés ?
B 8
Moi quand je les rencontre j'essaye de les corriger
sans les vexer.
A 9
Est-ce qu'il
vous
est déjà
arrivé de
corriger des
non-lettrés ?
B 10
En tout cas plusieurs
fois
j'ai eu à
corriger des
non-lettrés.
Al!
Mais quelle est la réaction des non-lettrés quand on
les corrige ?
B 12
Il Y a certains qui en tout cas quand on les corrige
ils sont contents, mais i l y a certains aussi quand
on les corrige ils s'énervent,
i l y a certains qui
113
n'acceptent pas
qu'on
les
corrige en public parce
qu'ils se disent qu'ils connaissent le français.
A 13
D'après vous quel est l'intérêt de ce' français pour
ceux qui l'utilisent?
B 14
L'intérêt
de
ce
français"
son
intérêt
pour
les
non-lettrés c'est de se faire comprendre,
pour eux
l'essentiel
c'est
de
pouvoir
s'exprimer
devant
un
lettré"
et qu'en retour ils puissent comprendre les
lettrés aussi.
A 15
Mais d'après toi, doit-on encourager ou interdire la
pratique de ce français ?
B 16
Ah
vraiment
ce
français,
si
on
pouvait
l' évi ter
c'est mieux,
si on pouvait le corriger c'est mieux,
parce que ces gens parlent devant les élèves il y a
certains même pour se moquer de
leur camarade qui
utilisent ce
français,
on dit
généralement
que
ce
sont
ceux
qui
reviennent
de
la
Côte
d'Ivoire
qui
s'expriment
de
cette
manière,
je
pense
que
si
on
peut le corriger, c'est mieux parce que c'est pas du
bon
français,
ça
peut
jouer
sur
le
français
des
lettrés parce que les non-lettrés sont plus nombreux
que ceux qui sont rentrés à l'école.
A 17
Selon vous qu'est-ce qu'on doit faire pour aider les
non-lettrés à parler français ?
B 18
Je pense que e
il y
a
des cours du soir,
si on
pouvait
organiser
des
cours
d'adultes
dans
les
secteurs e: je pense que ça peut les aider.
A 19
Quelle est l'importance du français au Burkina Faso?
B 20
Ah,
le
français
nous
aide à
nous
instruire,
celui
qui
ne comprend
pas
français
aujourd 'hui
est
sous
informé"
le français est la langue officielle - au
Burkina
il
y
a
plusieurs
langues
nationales
donc
sincèrement quelle langue il faut imposer aux autres
c'est
vraiment
difficile,
donc
le
français
est
important.
A 21
Que pensez-vous de l'avenir du français
au Burkina
Faso ?
B 22
L'avenir du
français
ah
- -
présentement on essaye
d'alphabétiser tout
le monde en
français
je pense
que c'est
le but actuellement
la plupart
des gens
mettent
leurs enfants
à
l'école
pour
apprendre
le
français"
donc
l'avenir
du
français
est
bon
au
Burkina - sauf que le niveau des élèves ne cesse de
baisser il faut régler ce problème aussi.
114
6 - Entretien avec L 6 Ouédraogo Sibiri
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français des non-lettrés,
j'aimerais
savoir
si
vous
êtes
d'accord
ou
non
avec
cette
affirmation ?
B 2
Au Burkina Faso,
il existe un français des lettrés
et
un
français
des
non-lettrés,
si
on
entend
par
non-lettrés ceux qui n'ont pas été à
l'école"
car
eux aussi ils ont besoin de s'exprimer par ce moyen
de communication universel.
A 3
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés ?
B 4
Bon,
e
ce
français
des
non-lettrés
a
un
point
particulier c'est-à-dire,
il y a l e non respect de
certaines règles élémentaires du
français du point
de vue grammatical ce n'est pas suivi comme on le
souhaite.
A 5
Mais
est-ce
que
vous
êtes
d'accord
avec
ceux qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia ?
B 6
Bon,
dire que c'est du charabia c'est trop dire il
est
bien vrai
que
ce
français
n'est
pas
correct,
mais dans la mesure où les gens se font comprendre
dans
cette
langue
on
peut
dire
que
c'est
du
français, ce n'est pas du charabia.
A 7
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et le français des non-lettrés?
B 8
Oui il y a une différence,
au niveau des lettrés il
y a l'emploi correct des mots il y a l'emplacement
des mots qui est normal",
mais chez le non-lettré
on sent on sait à travers sa parole qu'il n'est pas
allé à l'école car il ne sait pas placer le mot là
où il le faut.
A 9
Mais quelle est votre attitude à
l'égard des non-
lettrés qui parlent français ?
B 10
Souvent quand j'entends ça ça m'amuse (rires), parce
que c'est un moyen de communication universel"
ils
en
ont
besoin,
donc
quand
il
y
a
des
fautes
ça
m'amuse
c'est
comme
un
enfant
qui
apprend
aujourd'hui à parler le mooré, il tâtonne.
A Il
Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de corriger des
non-lettrés ?
115
B 12
Bien sûr.
A 13
Mais quelle est leur réaction quand on les corrige?
B 14
Ils sont contents par exemple dans les villages où
j'ai
eu
à
servir
ils
sont
contents,
pour
eux
l'enseignant vient à leur secours l'enseignant veut
que eux aussi ils connaissent quelque chose donc ils
sont
contents,
ce
n'est
pas
comme
en
ville
vous
corrigez quelqu'un dans un milieu i l est choqué donc
i l peut se plaindre, mais dans les villages ce n'est
pas comme ça ils sont contents.
A 19
D'après vous quel est l'intérêt de ce français pour
beux qui l'utilisent?
B 16
Bien
sûr
l'intérêt
est
capital
allons-y
chez
un
menuisier qui est gourounssi qui a en face de lui un
mossi
qui
doivent
se
communiquer
pour
passer
une
commande, mais i l faut un moyen de communication qui
puisse
leur
permettre
de
se
comprendre,
donc
l'apprenti menuisier en utilisant son français qu'on
appelle charabia
fait
son
affaire,
parce
qu'il
va
s'en sortir, donc ça a un intérêt capital pour lui.
A 17
D'après
vous
doit-on
encourager
ou
interdire
la
pratique de ce français ?
B 18
On ne doit pas l'interdire on ne doit pas l'encoura-
ger,
on doit essayer de l'améliorer en essayant de
créer des écoles comme e
:
le bantaaré l'alphabéti-
sation commando"
mais l'interdire c'est empêcher à
nos jeunes qui n'ont pas été à l'école de s'exprimer
c'est les marginaliser même.
A 19
Quelle est l'importance du français au Burkina Faso?
B 20
Le français est un moyen de communication universel
dont le Burkina a besoin pour son développement,
de
plus
i l
permet
à
tous
les
Burkinabè
de
se
comprendre.
A 21
Que pensez-vous de l'avenir du français
au Burkina
Faso ?
B 22
Le français est très important au Burkina Faso,
on
aura
toujours
besoin
du
français
pour
communiquer
avec les pays voisins"
de plus i l y a
beaucoup de
langues nationales donc on aura toujours besoin du
français
pour
l'enseignement"
on
ne
peut
pas
prendre
une
langue
nationale
à
cause
du
régionalisme,
mais i l
faut dire aussi que nous les
enseignants actuellement on a
des
problèmes manque
de
matériels
didactiques,
inadaptation
des
pro-
116
grammes
qui
contribuent
à
la
perte
du
niveau
des
élèves en français.
117
7 - Entretien avec L 7 ~ Nonguierma Joseph
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français des non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
C'est
effecti f"
e
nous
avons
ces
deux
types
de
français
-
le français de la rue également,
parce
que
à
l'école
nous
avons
la
grammaire
nous
enseignons aux enfants mais une fois que les enfants
quittent l'école dans la rue eux même ils parlent,
ils
rencontrent
des
gens
à
qui
ils
font
des
conversations ce qui fait que les gens qui n'ont pas
fréquenté
ils
disent
comme
ils
peuvent"
ils
se
débrouillent, c'est ça que nous appelons le français
de la rue parce qu'ils se débrouillent pour se faire
comprendre. .
A 3
Mais
comment
on
peut
utiliser
ce
français
du
français des lettrés ?
B 4
Ce français simplement c'est dans le langage,
quand
on rencontre quelqu'un qui n'a pas fait
l'école et
qui parle parce que e,
il y a les accords qu'il n'a
pas appris"
celui qui n'a pas fréquenté on le sent
c'est dans son langage qu'on sait qu'il n'a pas fait
l'école -
par contre celui qui a
fait
l'école,
il
fait attention les accords qu'il a appris en classe
i l essaye de mettre
ça
en pratique,
il
fait
tout
pour se corriger lorsqu'il fait une faute.
A 5
Mais
est-ce que
vous
êtes
d'accord
avec
ceux
qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia?
B 6
Pas
totalement
d'accord,
e
ils
se
débrouillent
puisqu'ils
n'ont
pas
fréquenté,
ils
se
débrouillent"
on
ne
peut
pas
dire
que
c'est
du
charabia parce
qu'il
Y a
certains
qui
arrivent
à
force de parler à
force de s'entraîner à
force de
converser
avec
des
gens
qui
sont
bien
dans
le
langage
du
français
ils
arrivent
à
assimiler
certaines choses qui ne sont pas mal.
A 7
Selon vous, est-ce qu'il y a une différence entre le
français des non-lettrés et celui des lettrés ?
B 8
e
il y
a
une
différence,
puisque le
français
des
non-lettrés celui qui
n'est pas
lettré on
le sent
déj à"
celui qui
est
lettré quand
il
parle on
le
sent
également
car
bon,
i l
a
une
connaissance de
base, i l respecte certaines règles grammaticales et
i l fait attention celui qui n'a pas fait l'école y a
une totale différence.
118
A 9
Mais quelle est votre attitude à
l'égard des non-
lettrés qui s'expriment en français?
B 10
e : on ne fait que les encourager parce que"
ils se
débrouillent,
admettons
qu'on
rencontre
quelqu'un
par exemple,
un Français bon"
il veut
quand même
avoir
des
informations
sur
certaines
choses
il
rencontre n'importe qui celui qui arrive à l'aider à
se si tuer,
je pense que c'est mieux"
c'est mieux
parce que actuellement il faut se débrouiller.
A Il
Mais: est-ce qu'il vous est dêjà arrivé de corriger
des non-lettrés ?
B 12
Si,
si mais il faut être souple parce que quelqu'un
qui
fait
une
faute
il
ne
faut
pas
lui
dire
tout
[kryma]
qu'il a
fait une faute"
étant donné qu'il
n'a pas fait l'école il faut être souple pour ne pas
le vexer,
il ne faut pas se moquer de lui quand il
se trompe.
A 13
D'après vous quel est l'intérêt de ce français pour
ceux qui l'utilisent?
B 14
Ca aide en tout cas à donner certains renseignements
ça permet aux gens de se si tuer,
ce français
a
un
intérêt ça les aide à se faire comprendre.
A 15
D'après
vous
est-ce
qu'on
doit
encourager
ou
interdire la pratique de ce français ?
B 16
Il ne faut pas l'encourager,
je pense plutôt qu'il
faut
chercher
à
l'améliorer
je
pense
qu'il
faut
faire des cours pour les aider à se perfectionner.
A 17
Selon vous,
quelle est l'importance du français au
Burkina Faso ?
B 18
Le français c'est une langue internationale,
on ne
peut
se
communiquer
qu'avec
cette
langue"
moi
personnellement je suis Mossi je ne comprends pas le
gourounssi les autres langues mais admettons que je
veux
causer
avec
les
autres
je
suis
obligé
d'utiliser la langue véhicule,
le français qui est
notre langue véhicule je suis obligé de l'employer"
je pense néanmoins que le niveau du français baisse
de
plus
en
plus
car
les
méthodes
ne
sont
pas
appropriées,
la formation des enseignants aussi,
je
pense
qu'il
faut
chercher
à
améliorer
son
enseignement car cette langue est importante.
A 19
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
119
8 20
Je
pense
que
e
le
français
on
ne
peut
pas
le
supprimer parce que c'est une langue véhicule si on
supprime
le
français
comment
les
gens
allaient
faire"
par
exemple
leur
contact
comment
ils
allaient
causer,
comme
c'est
une
langue
véhicule
tout le monde apprend cette langue je pense qu'on ne
peut pas supprimer cette langue.
120
8 - Entretien avec L 8 - Napon Ousmane
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français,
à
savoir
un
français
des
lettrés
et
un
français
des
non-lettrés
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
Je suis d'accord qu'il existe deux types de français
au
Burkina
Faso
le
français
des
lettrés
et
le
français
des
non-lettrés,
à
savoir
en
ce
qui
concerne le français des lettrés à l'école on parle
de
grammaire
de
conjugaison"
donc
à
l'école
en
voulant
parler
on
suit
ces
règles
tandis
que,
en
ville ce n'est pas le cas quelqu'un peut employer le
masculin à
la place du féminin"
donc ce sont des
choses qui se passent en ville.
A 3
Est-ce que vous êtes d'accord avec ceux,
qui disent
que le français des non-lettrés est du charabia ?
B 4
Enf in je ne suis pas d'accord parce que e
:
c'est
pour se faire comprendre de leur manière aussi"
ce
n'est pas du charabia quel que soit le niveau de la
personne on arrive à la comprendre,
donc je ne suis
pas
d'accord
avec
ceux
qui
disent
que
c'est
du
charabia.
A 5
Selon vous est-ce qu'il y a une différence entre le
français des lettrés et celui des non-lettrés ?
B 6
Il Y a très bien une différence, à l'école c'est une
langue
soutenue en
ville
ce
n'est
pas
une
langue
soutenue.
A 7
Est-ce
que
vous
pouvez
expliquer
ce
que
vous
entendez par langue soutenue ?
B 8
La
langue
soutenue,
il
y
a d ' abord
l'emploi
des
articles,
il y a la concordance des temps pourtant
en ville ce n'est pas le cas,
le français de la rue
n'a pas de règles.
A 9
Mais quelle est votre attitude à
l'égard des non-
lettrés qui s'expriment en français?
B 10
Quand je les vois parler je suis content j'essaye de
les encourager à parler.
A 11
Mais: est-ce qu'il vous est déjà arrivé de corriger
des non-lettrés ?
B 12
Oui,
enfin
sur
l'emploi
de
certains
articles,
il
arrive que je fasse des corrections.
121
A 13
Mais quelle est la réaction des non-lettrés quand on
les corrige ?
B 14
Ceux qui ont la volonté d'apprendre i l n'y a pas de
réaction
négative
par
contre
ceux
qui
se
disent
qu'ils connaissent,
ils ont tendance à,
à faire une
revendication ils pensent que c'est pour les saboter
-- c'est en forgeant qu'on devient forgeron donc que
e
: donc celui qui veut apprendre n'a pas ces idées.
A 15
Selon vous quel est
l'intérêt de ce
français
pour
ceux qui l'utilisent?
B 16
Je pense que e
:
du moment où nous sommes dans un
pays où le français est la langue officielle et, est
utilisé partout que ce soit dans le commerce que ce
soit dans l'administration et autres"
je pense que
même pour aller faire des pièces à la préfecture si
la personne ne parle pas le français elle aura des
difficultés
pour
s'exprimer
devant
les
autorités
pour satisfaire ses besoins.
A 17
Mais d'après vous doit-on encourager ou interdire la
pratique de ce français ?
B 18
e
selon moi,
on ne doit pas
les
décourager,
il
faut apporter une amélioration à leur niveau.
A 19
Qu'est-ce
que
vous
proposez
pour
améliorer
cette
situation?
B 20
Je pense que e : il faut organiser des cours du soir
partout pour ceux qui s'intéressent au français.
A 21
Quelle est l'importance du français au Burkina Faso?
B 22
Le français est très important car i l permet à tous
les
Burkinabè
de
se
comprendre,
i l
est
utilisé
partout.
A 23
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 24
Le français,
ne peut pas disparaître au Burkina mais
il va
falloir qu'on
l'améliore"
i l
faut
des
gens
bien formés pour enseigner le français
i l
faut des
formateurs dans tous les lycées"
i l faut renforcer
le français à la base aussi c'est-à-dire au primaire
si on ne veut pas que le français disparaisse car le
niveau des élèves baisse de plus en plus.
122
9 - Entretien avec L 9 - Mme Ouédraogo Pauline
A 1
Au 8urkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un français
des non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous étes d'accord 'avec cette affirmation?
8 2
Oui"
je suis d'accord --
A 3
Selon vous est-ce qu'il existe un français des non-
lettrés au 8urkina Faso ?
8 4
C'est un français type comme ça, c'est au niveau du
langage qu'il existe la différence
A 5
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés ?
8 6
C'est
que
e
c'est
un
français, ,
ils
se
débrouillent en parlant quoi généralement,
c'est du
argot
ce
n'est
pas
du
bon
français"
ils
se
débrouillent seulement.
A 7
Mais comment vous
faites
pour savoir que c'est du
mauvais français ?
8 8
8en
(rires)
la manière de parler,
bon
ils parlent
avec
des
fautes
sans
articles
on
sent
qu'ils
se
débrouillent
quoi"
ce
n'est
pas
du
bon
français
hum.
A 9
Mais
est-ce
que
vous
êtes
d'accord
avec
ceux
qui
disent
que
le
français
des
non-lettrés
est
du
charabia ?
810
Non
(rires)
ce n'est
pas
du
charabia
à
partir
du
moment
où
ils
parlent,
ils
essayent
de
se
faire
comprendre"
on arrive à les comprendre.
A 11
Quelle est votre attitude à l'égard des non-lettrés
qui s'expriment en français?
8 12
C'est une bonne chose.
A 13
Mais
est-ce
que
vous
avez
déjà
corrigé
des
non-
lettrés ?
8 14
Pour le moment"
si on s'entretient comme ça"
lui
en
parlant
s ' i l
fait
des
fautes
j'essaye
de
reprendre sans le vexer.
A 15
Quelle est la réaction des non-lettrés quand on les
corrige ?
123
B 16
Ils trouvent que c'est une bonne chose"
il
n' y
a
pas de problèmes.
A 17
D'après vous, quel est l'intérêt de ce français pour
ceux qui l'utilisent?
B 18
L'intérêt
c'est
de
pouvoir
s'exprimer
avec
les
autres"
pour
la
grammaire
ils
ne
tiennent
pas
compte de ça,
l'intérêt c'est de pouvoir s'exprimer
avec les autres c'est surtout à ce niveau.
A 19
D'après
vous
doit-on
encourager
ou
interdire
la
pratique de ce français ?
B 20
Enfin,
l'interdire c'est trop dire (rires) à partir
du moment où on cherche à ce que tout le monde soit
alphabétisé
bon"
je
ne
crois
pas
qu'on
puisse
interdire ça comme ça.
A 21
Selon vous qu'est-ce qu'on doit faire pour aider les
non-lettrés à parler français ?
B 22
Bon"
e ce qu'on pourrait faire pour les aider pour
réhausser
le niveau,
c'est organiser
des
cours
du
soir -- des cours d'adultes plus précisément.
A 23
Quelle est l'importance du français au Burkina Faso?
B 24
Le français est très important car il permet à tous
les Burkinabè de se comprendre.
A 25
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 26
En tout cas le français ne peut pas disparaître au
Burkina,
'liais
i l
faut
signaler
que
le
niveau
des
enfants baisse
de plus en plus en français.
124
10 - Entretien avec L 10 - Mme Kabrê Albertine
A 1
Au Burkina Faso on entend souvent dire qu'il existe
deux
types
de
français
à
savoir
un
français
des
lettrés et un
français
des
non-lettrés,
j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation?
B 2
Effectivement i l existe deux types de
français,
le
français
de
la
rue
et
puis
le
français
de
nos
élèves"
le
français
de la rue e
ce sont des
mots
terre à terre.
A 3
Mais
comment
peut-on
distinguer
ce
français
du
français des lettrés ?
B 4
Enfin le français de la rue e
:,
quand les gens de
la rue parlent leur français i l y a trop de fautes,
les lettrés parlent correctement le français.
A 5
Est-ce que vous êtes d'accord avec ceux qui disent
que le français des non-lettrés, est du charabia?
B 6
En tout cas
(rires) ce n'est pas du charabia parce
qu'on arrive à les comprendre.
A 7
Mais
selon
vous
est-ce
qu'il
Y
a
une
différence
entre
le
français
des
lettrés
et
celui
des
non-
lettrés ?
B 8
e :
entre ces deux français
i l y
a
une différence
quand même
-- en tout cas quand le
français de la
rue est
parlé on
sent que
ces gens
n'ont
pas
des
notions claires du français.
A 9
Quelle est votre attitude à l'égard des non-lettrés
qui parlent français ?
B 10
Quand je me retrouve face à quelqu'un qui parle mal
le français
j'essaye de le corriger sans le vexer,
parce que e
:
i l y a certains quand tu les corriges
ils s'énervent.
A Il
Est-ce qu'il
vous
est déjà
arrivé de
corriger des
non-lettrés ?
B 12
e : pour moi non.
A 13
D'après vous quel est l'intérêt de ce français pour
ceux qui l'utilisent?
B 14
Pour ceux qui
l'utilisent ça un intérêt puisqu'ils
arrivent
à
s'exprimer
avec
ça"
le
plus
souvent
quand
ils
s'expriment
on
arrive
à
les
comprendre
bien
qu'ils
fassent
des
fautes,
on
arrive
à
les
comprendre ils gagnent leur pain avec ça.
125
A 15
D'après vous est-ce qu'on doit encourager ou inter-
dire la pratique de ce français ?
B 16
Interdire c'est trop dire parce que
tout
le monde
n'a pas eu la chance d'aller à
l'école par exemple
nos
parents,
mes
parents
ils arrivent à
parler
le
français terre à terre parce qu'ils n'ont pas eu la
chance d'aller à
l'école,
l'encourager aussi c'est
détruire
le
français,
je
pense
e
i l
faut
l'améliorer.
A 17
Selon vous,
qu'est-ce qu'on doit
faire
pour
aider
les non-lettrés à parler français ?
B 18
Pour moi, 'e i l
faut
organiser des
cours d' adul tes
pour eux.
A 19
Mais, quelle est l'importance du français au Burkina
Faso ?
B 20
Le français a une importance au Burkina parce qu'il
permet à tous les Burkinabé de se comprendre", sans
cette langue on allait avoir des difficultés pour se
comprendre
car
i l
y
a
beaucoup
de
langues
nationales.
A 21
Que pensez-vous de l'avenir du français au Burkina
Faso ?
B 22
Le français va continuer à
rester au Burkina parce
que tout
le monde cherche aujourd' hui
à
parler
le
français"
par exemple i l y a des gens qui font des
cours du soir pour améliorer leur français, dans les
écoles i l y
a
de plus en plus d'élèves
-
mais
je
pense qu'il faut chercher du matériel pour faciliter
l'apprentissage du français car actuellement i l n'y
a pas de matériel.
v - LES DESSINS PRESENTES AUX ENQUETES DANS LE CADRE DE
L'ETUDE DE LA COMPOSITION DU LEXIQUE
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