Université de Paris IV - Sorbonne.
Centre d'études Francophones
APPROCHE DU
d'après
Les Traductions de Tsira
NDONG- Ndoutoume
THËSE PRËSENTËE PAR NANG-EYI
Sous fa direction du professeur
J.L. GORË
1982

•\\ \\
,] e dé die cet r a vail à "P APA 8 l YANG" qui est par t i
pour un voyage sans retour. Que ton âme repose en Paix.
A tous les "BEBOM-MVETT" disparus, nous vous devons
un riche héritage et nous ferons tout pour le conserver, le pré-
server et le mettre en valeur.

A mon père EYI-OBIANG.
A ma mère, née MEYE-ME-NGUEMA.
Ces deux pauvres personnes m'ont appris à supporter
les situations difficiles dans lesquelles je me suis souvent re-
trouvé durant toute ma scolarité. Je vous dois une grande partie
r
de ma réussite scolaire, et je vous serai
toujours reconnaissant
jusqu'au terme de ma vie.

A tous les Fils de pauvres,
J'adresse mes encouragements et leur souhaite une pleine réussite.

A tous ceux qui m'ont aidé durant toute ma scolarité.
A mon "frère de sang" MBA-MINTSA. Tes
conseils m'ont
été d'un précieux concours.
A mon enfant MEYE-ME-NANG Elivienne.
Tu es née pendant ma dernière année d'études Univer-
sitaires
J'espère que tu suivras les traces de ton père.

SOM MAI R E
Pages
AVANT PROPOS
, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
INTRODUCT ION GENERALE.......... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
PREMIERE PARTIE:
Les Fang ou Pahouins
et Le MVETT
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
10
CHAPITRE 1. LOCALISATION 9éu9r",:phigue et incertitudes
Sur l'origine du " grC'uye dit Pahouin".....................
10
CHAPITRE II.
: Le MVETT dans dans la société Fang.........
21
A.
Le MVETT Oral...... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
B. Le MVETT et sa traduction
'"
52
DEUXIEME PARTIE
Analyse des
"MVETT" de TSIRA
71
NDONG NDOUTOUME
.
CHAPITRE 1.
La Structure narrative des Récits
.
73
A.
-
Le récit d'OVENG NDOUMOU OBAME
73
~v~
.
/\\.~r ". ~~/I~<5>
73
1 .-
'-'-0\\'.",'
.
Les PersonnéYges·
t~
7",
2.-
~,~
An a lys e . . . (i .~€'A' • • • • • •
• • • • • • • • • • • • • • • •
80
~,
"------='_~
» \\
2.1.
-
La Présentat.i!on Q'--®ENG ~NDOUMOU OBAME .....
84
\\"S~/"'I'
~.',\\r'/;
l'
0'
",S'
{<J
a.
La naissanC~::"~\\iationd'OVENG
.
84
b.
Intronisation et mission chef
.
87
2.2-
Les victoires d'OVENG NDOUMOU OBAME
91
a.
OVENG NDOUMOU OBAME contre NKABE MBOUROU
91
b.
La bataille de MEKA-MEZOK
95

Pages
2.3.
Les défaîtès d'OV~N\\' NDOUMOU OBAME
.
97
2.4.
-
Le Jugement D'OVENG NDOUMOU OBAME
.
101
B. -
Le récit d'ASSENG MBANE ONA
.
110
1 . -
Les personnages
.
110
2.
-
Analyse
.
115
CHAPITRE II.
Lp travail littéraire
,
.
123
A.-
Les Formes Littéraires
.
124
-
La Description
.
126
-
Le monologue
.
138
-
Le dialogue
.
149
-
L'art théâtral au niveau du texte
.
166
B.
-
Le style du Conteur
Images et Poésie
.
173
TROISIEME PARTIE:
Le Monde des
"~1VETT" :
Image 1
207
et réalité .. o' •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
CHAPITRE 1
L'Histoire et l'Organisatio~sociale
.
209
0
-
a.
-
L' histoire
.
210
b
L'organisation sociale
.
214
0
-
-
Le "Conseil des Anciens"
'"
.
214
-
Les
"Associations"
: Le
"culte des Ancêtres"
oule
"BYERI"
218
CHAPITRE II. -
Ri.tes et c r o y a n c e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
221
CHAPITRE III.
-
Autres aspect~ sociaux FANG..
247
-
La g u 2 r r e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
247
X7- La Paix...................................
258
-
La "Circulation des femmes"...............
266
CONCLUSION GENERALE
276
_BIBLIQGRAPHIE
305

1.
A V A N T
P 'R 0 P 0 S
Le "Comité D'experts Gouvernementaux sur la Con-
servation du Folklore" s'est réuni à la "Maison de l'Unesco"
du 22 au 26 Février 1982.
Dans son "Projet de rapport" Présen-
té par 1"1.
BOUADI
KINDO, rapporteur général,
nous
lisonsnGtamment
ceci
" Cet t e r é uni 0 n a vait pou rob jet d' a na lys e r,
sur une
" base interdisciplinaire et dans une perspective glo-
" bale et commune, divers aspects du folklore, afin de
" définir les mesures tendant à préserver l'existence,
" le développement et l'authenticité du folklore et de
" la culture populaire traditionnelle et de les proté-
" ger contre les risques de déformation, le travail
du
" Comité englobant la définition du folklore,
son
" identification, sa conservation, sa préservation et
" son utilisation".
L'étude des anciennes traditions doit être encouragée.
Il
faut par conséquent les conserver et les préserver. Elles
constituent une mine d'enseignements multiple et intarissable.
Et les sauvegarder signifie faire connaître ces valeurs cultu-
relles aux autres peuples, apporter ainsi
une contribution à
l'édification du patrimoine culturel
de l'humanité.

2.
Si
les traductions, transcriptions ... empêchent la
littérature orale de se noyer à jamais, nous espérons que notre
présent ouvrage permettra d'apprécier le "MVETT" à sa juste
valeur et de le comprendre.
Je tiens à remercier
J. L. GORE, Professeur au Centre d'Etudes Francophones,
Université de Paris IV -Sorbonne, qui a accepté de diriger mon
travail.
Jacquel ine ARNAUD, Maître-Assistant à l'Université de
Paris XIII
pour tous les Conseils qu'elle m'a donnés.
Ma vive reconnaissance va à ma femme, née BRILLET
Marcelle, soucieuse de notre avenir et heureuse de découvrir
les valeurs authentiques de la culture Africaine en général et
FANG en particulier. Elle m'a toujours apporté un réconfort
mo ra l .
A tous mes amis qui m'ont été d'un précieux concours,
j'adresse mes sincères remerciements.

3.
1 N T R 0 DUC T ION
La tnansmissîon orale est le seul mode commun a tous
les peuples. Les récits oraux (contes, légendes,
épopéès ... )
ne sont pas des modes d'expression propres aux sociétés dites
archalques ou primitives. Ils ont existé aussi dans les socié-
tés orientales et occidentales, se sont conservés et transmis
ici et la, se chargeant de léguer aux générations successives
un héritage culturel.
La littérature de tradition orale est commune a tou-
tes les sociétés. Conter est un besoin universel.
lQutefois, çette littérature occ~p~ une place de
c~otx dans les sociétés négro-africaines. Ces sociétés, même
si certains chercheurs tel P. ALEXANDRE
afftrment qu'elles ont
eu des écritures(l), ont sans aucun doute "cristallisé leur
sagesse" dans celle-ci. En fait, l'écriture dont parle P. AllE-
XANDRE n'a pas donné naissance a des oeuvres littéraires con~
nues.
L'introduction de l'écriture occidentale en Afrique
Noire, engendre une nouvelle forme del:ilttérature : celle que
MAKOUTA MBOLIKOU appelle à raison la "littérature des minorités".
(1) - A propos de ceux qui parlent de l'Afrique en tant que con-
tinent sans écriture, P. ALEXANDRE apporte le démenti formel
suivant:
"l'ennui, c'est que l'Afrique a des écritures, qui
ont servi a la rédaction d'ouvrages littéraires, et que, n'en-
eOt-elle pas le terme, devenu tant soit peu péjoratif de "fol-
klore", on ne rendrait pas justice à la richesse et a la beau-
té de ces productions de l:art du verbe que nous restons nom-
breux à appeler "1 i ttératu're orale".

4.
[1 l e nie s. tac ces s i bl e qu' à c eux qui son t a 1. lés à l'" é col e des
Blancs", ceux que nous appelons dans nos sociétés africaines:
" i ntel l e c tue l s.", "s col a ris é s" 0 u "1 e t t rés. ". Les Fan 9 dés i 9ne nt
ces individus par l'expression "Beyem be sikole" (les connais-
seurs de l'école).
Cette "littérature des minorités" s'oppose justement
à
l a lit t é rat ure de t rad ft io n 0 r ale qui n'e s t l lob jet d' a ua une
influence étrangère et qui est essentiellement de caractère po-
pulaire. Cette dernière est la même pour tous et comprise par
tous. Elle est la "parole traditionnelle". La littérature ora-
le fatt partie du patrimoine culturel de l'Afrique profonde.
Une oeuvre littéraire orale "se dit" devant un audi-
toire, en présence d'un groupe de gens donné. Toute littérature
orale est une littérature de contacts. Ainsi, R. COLIN affir-
me : "l'écrit est un moyen de communication commode qu'entre
les 9e ns, qui: h.u mai nemen t, s 1 i 9n0 r e nt 1\\. L' 0 r a lit é mai nt i e nt un
dialogue direct entre les différents pôles de la communication,
un échange immédiat où nous avons un "émetteur" qui parle et
un "récepteur" qui entend et reçoit le message. En un mot, le
conteur et l'auditeur communiquent directement.
L'oeuvre écrite a un auteur, un public, sa diffusion
s e f a i, t e n lia bs: e nc e de lia ut e ur. Le rée i t 0 r ale s t lep r 0 dui t
de toute une collectivité. La littérature orale est la transmis-
sion par la parole des faits, des récits des temps immémoriaux

5.
dans le loi:ntain passé. Elle comporte tantôt des formesi'fixes,
tantôt des, formes, libres. Elle est dialectique.i~5a tendance
est didactique.
Aujourd'hui, le dépérissement de cette littérature
originale est manifeste. Sa survie est précaire. Ce dépérisse-
ment est dO ~ des causes externes et internes. D'une part,
nous avons l'influence des civilisations étrangères qui engen-
drent
la transformation du contexte social et éducatif, détour-
nant par conséquent les "nationaux" de leur propre culture,
de leur tradition. Celle-ci a donc fait place a l'éducation
européenne. Tout ce qui n'appartient pas a la "<!:ivilisation"
est négligé, même les langues vernaculaires. Ne voyons-nous
pas actuellement des individus réprimander leurs enfants pour
avoir parlé la langue "nationale" ou "vernaculaire" ? Ces
co mpQ rte men t s, de" Ci vil i s-é s" ab 0 nden t dan s nos vil les etc am-
pagnes.
D'autre part, des coutumes populaires concourent
d'une manière ou d'une autre a la disparition de certaines
littérature~ orales.
Parmi ces formes littéraires, il yale "r'1vett"
Fang. Dans l'abondante littérature Pahouine dans laquelle
nous trouvons les proverbes, les devinettes, les maximes, les
contes de tout
genre, les chansons, le "Nkul" ... , il existe
un genre o.i.en particul ier : 1 e Mvett.

6.
Ce genre littéraire pur et dont l'abord est d'une
très grande complexité est inaccess'ible à tous les individus.
Car, si plusieurs genres littéraires Fang sont le fait de;fem-
mes et d'hommes non professionnels, le mvett par contre est ré-
servé aux initiés. Le joueur de mvett est un professionnel. Nous
y
reviendrons.
Cette difficulté à pratique~l'art du mvett a poussé
certains chercheurs à se lancer dans la traduction des récits,
né g l i ge a nt a i ns i l ' a s pe ct mus i cal
(1).
Mê mes i t rad uire c J est
trahi r, il fa 11 ait choi sir : àccepter
que
le Mvett demeure ora l
et qu'il périsse,ou bien assurer sa survie en le soumettant à
l'épreuve de l' écri ture. Grâce donc à ces traducti ons, les ré-
cits du
~1vet
- et nous ne cesserons de le répéter - sont deve-
nus des documents de bibliothèque. Les "Mvett" (2) fixés ainsi
sur du papier sont l'objet de notre présent travail de recherche.
x
x
x
Notre ouvrage comporte trois grandes parties dont
voici la distribution interne:
La première partie de notre étude se consacre à un
bref exposé sur l'origine du peuple Fang et sur l'espace que ce
~
peu pl e 0 c c upeau j 0 urd 1 hui. Car, l e ~1 ve t _ est une pro duc t ion lit-
téraire et artistique exclusivement Fang.
--~-~-----~-~--.~.
( 1 ) - ~.
PEPPER, un Mvet de Zwé Nguéma.
Ts5 r aND QNG N0QUT QUM E, Le'\\ ,r~ ve t t (L i V rel e, t Li vr e rT), Pré-
sance Afrtcaine, Parts, 1970, 1975.
( 2 ) - Le Mvet ~ Sens de técit

7.
Cette brève présentation historico-géographique
nous permet de comprendre les conditions d'émergence du mvett.
Ce qui nous pousse à définir le II mve tt ll en tant que mot.
Après cette approche sur son origine et cet essai
de définition, nous nous penc~ons sur les problèmes de trans-
mission du mvett (llinitiation), sur le statut du II mbom-mvett ll ,
sur le "temps et l'espace du récit ll , sur le déroulement de la
séance (participants
à
l'acte de la communication
et style du conteur). Nous ne manquons pas de présenter les
différents genres du mvett, de présenter l'univers du livrai
mvett ll , de parler de sa fonction manifeste et d'évoquer ses
fonctions latentes.
Enfin, nous faisons une approche du passage de cet-
te tradition orale à la littérature écrite en essayaht de voir
les avantages, les inconvénients et les difficultés de la tra-
duction.
Quant
à
la deuxième partie de notre étude, elle
sec 0 nsac r e à l'a na lys e de ces rée i. t s t rad ui t s. N0 usa na lys 0 ns
les Il con tes: Il dan s. leu r spa r t i e seo ns t i tut ive set n0 use s s ayon s
de déterminer leurs types. structuraux.
Cette deuxième partie se termine par une analyse
de l'esthétique littéraire des récits. Nous étudions les formes
lit t é rat r e s em plo Yé e sai ns. i que les Il fig ure s du dis cou r s Il qui 0 n

8.
y t r 0 uve. En' un mot, no usa na ~IY son s 1e Il dis cou r s Il d 1 un ré c i t
de Mvett.
La troisième partie se situe au niveau de la réali-
té des récits. Nous essayons de relever certains aspects sociau)
du monde Fang que nous rencontrons dans les récits de notre
corpus. En dl autres termes, 11 ori gina 1i té des IIMi 1an-mi -mvett ll
(récits de mvett).
Notre conclusion slefforce de dégager les comporte-
ments sociaux des personnages et de révéler
ce que le mvett
enseigne aujourd'hui aux hommes en général, à 1 'homme Fang en
particulier. Clest un essai d'interprétation des textes.
Un corpus limité à deux II con tes ll constitue le maté-
riéu essentiel de cette étude.
Ces II con tes" ont été traduits par Tsira NDONG NDOU-
TOUME et pub.1iés aux éditions IIPrésence Africaine ll en 1970 et
en 1975. Ils sont respectivement consacrés aux IIhistoires ll
d'OVENG NDOUMOU OBAME et dlASSENG MBANE ONA.

9.
PREMIERE PARTIE
LES FANG OU PAHDUINS ET LE MVETT
"Le Mvett,' existe parce que les Fang existent
les Fang existent parce que le Mvett existe".

10.
CHAPITRE
1.-
LOCALISATION GEOGRAPHIQUE ET INCERTITUDES
SUR L'ORIGINE DU GROUPE DIT IIPAHOUIN II .
Dans tout le nord et le nord-est du Gabon s'étend
le peuple Fang. Ces pahouins des régions plus ou moins septen-
trionales du Gabon sont séparés par la frontière du Cameroun
d'un ensemble de populations parentes; ils sont également di~
visés par les frontières de la Guinée Equatoriale qui, de peu-
plement essentiellement fang, isole des groupes étroitement
apparentés.
Par conséquent, des auteurs tels Pierre ALEXANDRE
.....~
et Jacques BINET ont pu délimiter gétO\\g?~phti~~~ment le II pays
/.,..~:..----- ~' "\\
ri,,""
"\\ 9' Tl
Fang ll :1.~"Le pays pahouin couvre e.n:Viron 180.G,OO\\km2, de la mo-
g(CAME.
_ 1 '
yenne Sanaga (4 0 30 ' N) à l emDou~~hu~dg~6Ué
1
\\--~
/
~'v
(1° 20'S) en latitude, de l 'Atlanti(~U~ (~J0~ E) à la moyenne-
.selgnen;0
)(
x.Sangha (14° E) en longitude ll (1). Ses habitants ressortissent
politiquement au Cameroun, au Congo, au Gabon et à la Guinée
Equatoriale.
0'00 viennent ces ressortissants dù IIPays Pahouin ll ?
Si nous posons de nouveau le problème de l'origine
des pop~lations Pa~ouines, ce n'est nullement pour nous substi-
(1) - P. ALEXANDRE et BINET (Jacques) : Le groupe dit Pahouin
(Fang~aoulou-Béti), Paris, P.U.F. 1958.

11.
tuer aux ~istorien~ et ethnologues habitués a débattre des ques-
tions de ce genre, ni pour apporter de nouveaux éléments, c'est
tout simplement pour essayer de les situer historiquement. Comme
l'écrit a juste titre Louis PERROIS
IIL'origine des Pahouins
)(
est une de ces énigmes ethnologiques qui ont fait couler beaucoUp d'en-
cre pour bien peu de résultat ll (1). Et pourtant, la reconsti-
tution de leurs itinéraires et le mystère de leurs origines ont
provoqué, tant du côté européen que du côté africain, les spé-
culations les plus téméraires. LE R.P. TRILLES (1912) les fait
venir d'Egypte, et M. ALEXANDRE dénonce la un trait de IIroman-
tisme ethndlogique".
Que nous revèlent les sources écrites sur l'origi-
ne du IIgroupe dit Pahouin ll ?
François VALDI écrit:: IILes Pahouins s'appellent
eux-m~mes M'Fan, qu'on écrit aussi Fang. En vérité ce sont des
hommes.
A côté des races côtières finissantes et des races
du fleuve hétéroclites, clairsemées, sans grands liens entre
elles, la race pahouine donne vraiment l'impression d'être un
pe~ple
: un peuple de conquérants qui depuis des millénaires
peu t - ê t r e a pou r sui vi ur. e ma r c he i mpla cab. lever s l 1 0Uest e t ne
(1) - L. PERROrS : Statuaire Fan Gabon, ORSTOM, Paris, 1972,
p.
102.

12.
s'est arrêté qu'i la mer, après avoir tout submergé sur son
passage. Ils seront dans un avenir proc~ain les maitres du Gai
bon. Déja ils occupent une zone forestière du nord et du centre
et commencent a se répandre dans les savanes du sud. Leur teint
rouge clair, leur nez "Egyptien ll ,
leur bassin étroit trahissent
leur origine ~et les différencient nettement des autres races
nègres du Centre africain.
VIVIEN de Saint Martin disait d'eux qu'ils sont la
\\1
race "Blanche" africaine: Un peuple nomade qui de proche siest
étendu a l'ouest jusqu'au golfe de Bén~n et aux approches du
Gabon présente dans sa configuration les traits caractéristi-
ques de la race caucasique: le teint clair, la chevelure lon-
gue et douce, le profil européen. Ils appartiennent a la race
b1an c he
Af rie ai' ne"..
LeP ère TRI LLES v0 i, t dan s 1a r ace M'F an" und e s
chainons intermédiaires qui relient les races du Nil et de la
Lybie aux races chamitiques proprement dites".
Chassés vraisemblablement des régions nilotiques
par l'invasion musulmane, ils se heurtèrent, dans le Haut-Ouban~
gui aux rudes guerri ers Bandas" (1).
A[EXANDRE et BINET pour leur part écrivaient ceci
lil'histoire connue du groupe pahouin est celle d'une migration
(1) - François VALDI
Le Gabon, L'homme contre la forêt. Alexis
REDI.ER''Lditeur. Pari s. 1931.

13.
en direction de la mer, migration en train de s'achever sous
nos yeux.
0'00
est-elle partie? La question est trop contro-
versée. STOLL après SCHWEINFURTH, parle :de la Haute-Egypte, de
même que TRILLES; fondant cette opinion sur des arguments lin-
guistiques et culturels, tel l'usage de l'arbalète de guerre
et ;Ila forme du sabre (fa). C'est cette même forme qui pousse
TESMANN â parler d'une influence romaine. MARCHE et le Marquis
de Com~iègne,
puis LARGEAU parlent, plus modestement, d'une pa-
renté avec les Zandé et Mangbetu du Haut-Oubangui, ce qui reste
d u dom a i ne de l ' hy p0 th ès e .
En fait, la seule certitude raisonnable qu'on pos-
sède i
ce sujet fondée sur les traditions, les généalogies (15
â
20 générations devenant plus ou moins mythiques aux environs
de la dixième ou douzième) et les observations des premiers
voyageurs (notamment DU CHAILLU) et missionnaires européens et
américains, c'est que la migration qui s'achève a da commencer
vers la fin du XVIIIe siècle, dans la zone de savane située
sur la rive droite
de la Sanaga, quelque part au nord-est de
l 1 hab i ta tac tue 1 du gr 0 U Pe. Et ait - cel a Ha ute - San gha, ver s
Bouar, la région de B.albokoum, ~lus au nord, ou l'Adamaoua vers
Ngaoundéré ? C'est, dans 1 'état ac~uel de nos connaissances,
impossible â préciser. Les traditions parlent simplement d'une
zone "vers l'est" (M'Fa' ô ku), dans une région élevée où se
trou vaie nt des: lac S,OÙ vi vaie nt des l ton s (N gbwemg bwem) et,

14.
d'a pr ès: TRIL LES, des rh i no c é r 0 s' (A bvi? ), pr ès d 1 une pop u1a-
tion "rouge".
Les ancêtres des Pahouins furent chassés de cet ha-
bitat par une invasion. S'agissait-il des Fulbé d'Othman dan,
Fodio ou d'un de ses successeurs ..\\?"(l).
Georges BALANDIER, se reportant aux travaux de nom-
b r eux c h,e r c he urs sur les m; gr à t ion s Fan g arr ive .~ a ux con c lus ion s
suivantes . "
Al' 0 r i gin e, cet i mp0 r tan t mou ve men t hum a i n
se serait produit en contrecoup de la poussée des conquérants
peulh (Pl. Foulbé) qui eut lieu au Cameroun durant la seconde
moiti.é du XVIIIe siècle (2), et refoula les populations de la
savane vers la zone forestière (3). La plupart des légendes
situent très loin, au nord-est, le pays habité par les Fang
pays qui possède une faune très différente de celle du
Gabon,
qui est peuplé par des hommes blancs disposant de chevaux, et
maîtres dans le travail du fer (4). L'arr;vée dans la région
forestière serait symbolisée par la légende dite du trou de
l'adzap (Uza mbura), indiquant l'obl ;gation où se trouvèrent
tous les groupes de passer au travers d'un trou ~reusé dans
l'a r br e "a dz a p" . Ce r ta; ns Fan g tir en t 0 r gue il, a ct uelle men t ,
des origines rapportées par la traditi,on : mettant l'accent
sur la parenté linguistique existant entre les dialectes fang
( 1) - P. ALEX AND RE et J. BJN ET : p. 12.
(2) - DUGAST :. Essai sur le peuplement du Cameroun, in "Bull.
soc i été des: Et udes: Cam e r 0 unais es". 21- 22, 194 8 .
(3) - J. DESPors : Les genres de vie de~ populations de la fo~
rêt dans le Cameroun Oriental, in "Annales de géogrraphie",
297, 1946.
(4) -E. TREZENEM:
Notes ethnographiques sur les tribus fan
du Moyen-Ogooué, in "Journ. Soc. des Africanistes".T.VI, F.I.1936

15.
et Zandé (1), se raccrochant ainsi aux civilisations du Haut-
Nil
(e t par là, peu t - ê t r e à liE gYpt e ), é v0 qua nt
11 époque
où leurs ancêtres s'habillaient "exac tement comme des haous-
sali (2).(3).
A ces excès du subjectivisme étranger répondent les
multiples créations de la "pseudo-tradition" autochtone. ALlE-
XANDRE et BINET nous en donnent un exemple, avec la descendan-
ce d'Afiri Kara (Afri Kata), que sa diffusion par l'imprime-
rie a privilégié en pays Bulu, mais qui chez les voisins, Béti, Ntumu,
Fang ne paraît être qu'un cas de reconstruction pseudo-histo-
rique parmi tant d'autres. En effet ces deux chercheurs écri-
vent: "L'apport le plus intéressant de la pseudo-tradition
récente est sans doute la généalogie recueillie che~ les Ntou-
mou par lia dm in i s t rat e ur And rée t r é pan due sur t 0 ut par mil a
fraction linguistique fan du groupe pa~ouin. Elle part de l'an-
cêtre Afiri Kara, chef de la migration au moment de la traver-
sée de la Sanaga, mort après celle du Nlom Ajap. Afiri Kara
Il qui
a don nés 0 n nom à_ liA f ri que Il est l e fil s de Ka ra !(Ku ba ,
fils de Ku ba Ta, fils de Ta Ma' a, f i.l s de Mala Ngô Il qui est
lep ère de l a ra ce nè gr e ". Les fil s diA f i ri Ka ras 0 nt l e.s an-
cêtres des tribus actuelles auxquelles ils ont donné leurs noms,
noms ~qui sont en fait des sobriquets fondés sur des calembours.
Par exemple, Ntumu Afiri, ancêtre des Ntoumou, marchait avec
une canne (Ntum) ... " (4).
( 1) - Par e nt é r e. con nue par L. HO MBU RGER, Les l a ngue s
né gr 0 - Af ri - :
caines, Paris, 1941, p. 3 5 . -
i
(2) - Dans la version ~oderne de la légende relative à la tri-
DU Ndong
(diffusée au Woleu-Ntem).
( 3) - G. B.A LAN DlE R : Soc io log i e a c tue l l e de liA f ri qu e No ire,
P.U.F., Paris 1971. pp. 76-77.
(4) -P. ALEXANDRE et J. BINET p. 16.

16 .
S.'fns.pi~rant auss:i' de la Ips:eudo .. tradi.'tfQn"? Tsi.'ra
NDONG joueur de Mvett du Nord .. Ga~on parle de& Fang qut descen·
dent. selon le& contes et les récits des Anciens. des tiords
du Nil. d'où ils s;emblent avotr été pourchas.sés par les Mvélés
ouSa s sa.
Ceux - c i sui vire nt l 1 0 Ue l l é e t l' 0 uban gui.. arr i vère nt
dans la région de Kam-Elone (arbre gi.'gantesque qui leur barra
le passage pendant plusieurs années et qu'il fallut trouar
pour s'ouvrir un passage). La déformation du nom Kam-Elone
semble avoir donné celui de Cameroun. Après cette traversée
de Kam-Elone. plusieurs groupes se flormèrent. Aujourd'hui nous
avons des' 9YJoupes qui ont pour nom "Ewondo". Soulou, Ntoumou,
Okak, Mekeigne, Mvin-Eton ...
De cet amalgame d'hypothèses écrites et orales nous
tirons les conclusions suivantes:
Malgré les nombreux désaccords, bon nombre de cher-
cheurs et peut-être tous. s'accordent au sujet d'un éventuel
séjour des populations pahQuines. dans l'est de l'AdaJmaoua même
si on trouve des diversions sur l'itinéraire suivi.
Par contre. aucun des chercheurs ne nous doryne au-
jourd'hui une réponse p~écise en ce qui concerne l ,origfne des

17 .
populations
Fang. Deputs plusteurs années, nous sommes tou-
jours dans le domaine des hypothèses. ~avorgnan DE BRAZZA
semble bien avoir prévu ce genre de difficulté, lorsqu'il
écrit, lors de s:es contacts de 1876 avec les "M'Fans.", que
ces peuples peuvent J1 s 'accumuler, prospérer et dispattaitre sans
laisser d'autres traces de leur passage qu'une vague tradition
affaibli:e par le temps" (1).
Cependant nous possédons une certitude: le grou-
pe dit Pahouin est un peuple dont l 'histoire est celle d'une
longue migration en direction de la mer. Seule grande ethnie
a l'origine, les Fang sous la pression d'autres peuples ou a
cause d'autres facteurs destabilisateurs se séparent en plu-
sieurs groupes dialectaux dont la
dénomination est bien com-
Pl ex e e t par foi sim pré c i se. Les in ce r t i: t udes 9url '0 r i gin e
du groupe dit Pahouin subsistent. Par contre, même si certains
chercheurs (2) considèrent que l'exis.tence d'un peuple "Fang"
en tant que tel reste suspecte, les dialectes de la langue
fang forment une zone d'intercomprénens.i:on approximative très
étendue cons.tituant le groupe l:Iit "Pah_oui,n" dont l'unité de
nos jours est avant tout linguistique, mais également cultu-
rel le. Cet te Z 0 ne d' in ter c0 mph é h_e ns ion est peu pl ê eau j 0 urd' nu i
de plus d'un million de personnes.
----------------
(1) - Cité par Philippe LABURTE TOLRA : Minlaaba (Histoire
et société tra,diti:onnelles ch_e,z les B,eti du sud-Cameroun),
Thèse de doctorat, juin 1975.
(2) -cf. Ph-tlippe LAB.lIRTHE TOLRA : op. cft.

18.
Le groupe dit PAHOUIN
(d'aprê~ P. ALEXANDRE et J. BINET)
lliI aoUlOl;
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19.
Répartition des
tri:bus Fan
(1)
(d'aprê~ Loui~ PERRDIS)
~o Plle,elp,lles A Couranl
!
r -
tribus
d" expansion
C?]
[]]lUJ] Bulu
1
Elhnle Fal)
el Bell
G
A
B 0
1
[
o
100 km
-~-~-~~-.~-
(1) ~. LQutS. PERROr:S.
La. Sta,tuai,'re Fan,
ORSTQM, Pari:s 1972 ..

20.
Les migrations Fang (1)
(d'après Uouis PERROIS)
_ _
l l f l l l \\ f ' ( ' ) o : \\ r , - " l l t ' d l l
li'11lq)t'
Ij:d)~Hllll l'Jl 1~11'"
OC [A N
A T l A N T / o u r
G
A
B
/
-.-~-~-~-~--~--~-----~
(1) - Louü PERRQI.S
op. cft.

21.
CHAPITP.E II.
-
LE MVET DANS LA SOCIETE FANG
A.
- LE MVETT ORAL
Qulune littérature soft orale ou écrite, son
point de départ reste la parole, qu'une terminologie propre
a chaque langue permet de désigner, de définir et de bien
placer par rapport a l 'activité pratique et spéculative de
l 1 homme.
"Issue des profondeurs de l'homme, elle se fait
" gr 0 g ne men t, déc ri.' t u n l 0 ng che mi. nem e nt e t 5 1 0 r-
"ganise enfi'n en syllabes ch.argées de sens. Le
"mot
est né. Le discours est ensemencé.
Et la
"littérature prendra naissance au cours de l'ex-
:\\ pé rie nce de l a vi: e, des t â ton ne men t 5 des tee h.n i -
"ques, des vicissitudes: de la fortune, de la soif
"de connaître 11 ess:ence intime des choses, des
" ê t r e s e t l 1 0 r i g in e d u mon de"
(1).
La parole doit être consi.dérée comme un outil.
L'h.omme doi.t en apprendre le maniement car celle-ci. peut l'as-
s u jet tir 0 u l e dé l i v r e r.
La par 0 l e est lep r 0 pre d e l 1 h.o mme
dans. la mesure où toute société cOmmunique oralement.
(1) - ENa RELlNGA
Littérature et musique populaire en Afri-
que Noire, Cujas, Paris, p.
9.

22.
Cependant, ce procédé de communication est le
plu sut il i s é dan s les soc i' été s a f r i. ca i ne s à ca IJ s e de l' ab. sen ...
ce
d' écri ture. En effet, 1.' introduction de l'écriture en
Afrique Noire date de vers 19QO. Les sociétés africaines sont
des " s.oc iétés orales" car elles. fondent la plus. grande partie
de leurs éc~anges sur la parole.
Mai s l 1 0 ra lit é de ces soc i été ses t f 0 nda tri. ce
d'un type de s.ociété. Il y a éch.ange de messages dans l'i,ns';'"
tant élc'4uel mais aussi.' un écn'ange entre le passé et le pré ...
sent. Dans cette perspective, parlons plutôt de "sociétés à
tradition orale". La littérature ess,entielle de-:ces peuples
reste une "littérature orale" dont les principales sources
d'inspiration sont la nature humaine, la flore, la forme et
la force universelle génératrice de la vie.
Dans la société Fang en particulier et dans la
SQciété négro-africaine en général ~ la littérature orale est
une tradition populdi,re, commune a tous. Voila Pourquoi e.lle
fleurit et s'épanouit merveilleusement dans cette société
sans, caste. Même s,i cette poésie orale africai,ne, est li,ée a.
la vie de tous les. jours"
i.l existe des res:tri,cttons au ni:-
veau de sa "proliférati.on".
Dans la société Rang, il existe une littérature
légère qui peut être. l'oeuvre des profa,nes. Da,ns: cette pre ...
mière catégorie se rangent le conte, la satire, .la.poésie ly-

,.,. \\ .
\\
23.
rique, les devinettes et les proverbes.
Ensuite une littéra-
ture dite II s érieuse li ou IIsacréeli qui renferme les. mythes, les
légendes, la poésie lyrique sacrée, la poésie héroTque et
l'éloquence. Ce deuxième genre est pratiqu~ par des II pro fes-
sionnels ll parmi lesquels se trouve le II mbom-mvett li (joueur
de mvett).
1\\1 ais qu'es t -c e qu e ce Il mve t t Il: qui est qua l iJ i é
de" 9e nrem a jeu r de' l a lit t é rat ure 0 r a l·e Fan 9 ?"
En tant que mot, II mve tt li ou II mver " selon les dia-
lectes, désigne trois réalités distinctes mais complémenta;-
res : l'instrument utilisé, le joueur et le récit.
L'instrument est formé d'une branch~ de palmier-
raph.i a (nneÎl ou OyeFr) sécliée et légèrement incurvée.. Un che-
val e t (é n90 - mvet) fi xé s: url a b.ra ne h.e lad; vis e end eux par-
t ; es i. né gal es et s upp0 rte à. c h.a c une des e s qua t r e é c ha ncru -
v
res une corde tendue. Les cord~s (Nsan-mvet) sont la propre
écorce de la branc~e non libérées totalement. Ces cordes sont
fi.xées avec des anneaux (ekBt-mvet) qui règlent de c~aque
côté du c~evalet la tension de celles-ci. Servant de caisses
de résonance. des caleb.asses, séchées et vi.dées (B.ikpwas bi-
mvet) sont fixées au manche par des ligatures. Le nombre des
cal e bas ses var i e d 1 un ;n S t r ume nt à un au t r e. En po s i t i.o n
d'exécution correcte, le musicien tient son i.nstrument de bas

24.
en h.aut (jambe droite-épaule gauche)
la caleb.asse. si.tuée
sous le ch~valet, appuyée sur son coeur.
Aujourd'hui, le terme "mvett" dés:tgne la gui:tare
occidentale par analogie
(cordes, caisse de résonnance, mode
d' exécution ... ).
~~ais "mvett" si,gni.fi,e. également le mus.i.ci~en
c 0 mp l été par l e t e r me. fan g
ro
U a
Il
b.a mIl
uecu r) qui: vte n t ct u ver -
be Il a b0 mIl
(j 0 uer d 1 U n ;- ns t r ume nt).
Il M
b0 m- mve t t Il es t
par con ~
séquent le "joueur de mvett".
Enfin le terme " mve tt" désigne le. réci.'t l ui-mê-
me appelé "Nla'X-mvett"
(hi:s.·toi,re de mvett).
En tant que mot
don c, " mve t t" est l a fus i.o n de. l 1 i ns t r ume nt, dur é c i, t e t d u
j 0 ue ur.
Mai. s que l l e est son 0 r ;- 9 i' ne?
Nous disposons de très peu de renseignements sur
cet aS.pect du " pfLénomène mvett".
Les Fang, n'ayant rien fi:xé
sur lep api' e r e n c e qui. con ce r ne son 0 li: i 9 i: ne, l es que l que s
i,ndi.cations que nous pos.sédons. proviennent des
"beb.om mvett"
(joueurs de mvett).
Ainsi laissons Tsira NDONG~NDOUTOUME,
qui: est lui - mê me j 0 ue u r de mve t t, n0 use x pli: q uer ce que l a
tradition lui a appris sur ce sujet:

25.
"La découverte du mvett se situe à l'époque des
"migrations fang.
Les Fang descendent, selon les
" con tes e t les' ré c i t s den 0 san cie ns, des b0 r ds
"du Ni l, d'où ils semb.lent avoir été pourchassés
"par les mvélés ou Bassa. Au cours de leur fuite,
"l'un d'entre eux, Oyono Ada Ngono, grand musi'-
"cien et guerri!?fs'évanouit subitement. On por-
" tas 0 nI: 0 () r psi na ni mé pen dan t une s em a i ne de fui-
"te. Après ce coma, Oyono .·t'evin.t à la vie et
" a nnon ç a a ux f uy a rd s qui i l ven ait de déc 0 uv r i: r
" un m0 yen sûr pou r s e don ne r duc 0 ura ge. Ho mm es,
~femmes et enfants se groupèrent autour de lui
"et il haranga à peu près en ces termes:
"Mes
"frères, les h1vélés sont plus puissants que nous,
"ils nous pourchassent partout, mais nous devons
" n0 us ven ge r . Pui. s qu e n0 usne pou von s r i e n con -
~tre ces maudits Mvélés, allons toujours de l'a-
" van t, mai s à no t r e t 0 ur pou r c h.a s. s Q ns t 0 utes, les
"races, fortes ou faibles, que nous trouverons
" sur n0 t r e c h.e mi. n.
N0 uspi l 1er 0 ns. les vil l age s
" pou r n0 us r a vi: ta i l 1er,
fer 0 ns
a ux a ut r e s c e que
" les ~v é lés no uson t fa i t. No Li s SOm mes for t s ,
"ayons confiance en cette force
" Tou tes l es foi s que j e di. rai
"-i~Je s.ème le vent
"Vous répondrez
"- Oui
" J ediT a i. e nsui. t e

26.
"
J e t ire l' é l é P ha n t
"Vous répondrez
"- Oui
!
"Je dirai
encore:
"- Que les. oreilles
écoutent
"Vous
répondrez
:
"- Qu'elles écoutent le mvett
(tel
fut
le premier chant de mvett).
Nous suivrons le soleil
"dans sa course,
nous aurons
un beau pays
là-
",bas où
il
se couche.
Ce pays
sera
peut-être
"plus fertile,
plus
riche que celui. de
la
"Gran-
"de eau" que nous
venons
de quitter".
Il l l
prit une
tige de
pa l mier.,.bambou,
en déta.,.
" cha qua t r e cor des. san s
les
l i. bé r e r
en t i è rem e n t
"de la tige,
mit quatre anneaux de
liane à cha-
"que extrémité,
pour servir à
l'accord de l' ins-
" t r ume nt,
a u mi.l i. e u d e l a t i 9 ei: l
pla n tau n l e-
"vier servant à. supporte.r de
part e.t d'autre les
" cor des qui don n ère n t
des
son s
d i f f é r e n t s, sui. -
"vant une gamme assez compl ;quée.
Le mvet était
"né.
" Tou t e n j 0 U a n t
d e cet i. n s t ru men t,
0 y 0 iW A0 A
"NGONO s.e mit à raconter
les épopées d1un
peuple
" gue r rie r
i magi: nair e qu' il
b a p t i sad u nom d e
" p eu pl e d'E n 9 0 n9"
0 u
peu p l e de fer .
Ces épopées

27.
"eurent pour effet d'exciter les Fang.
Ils se
"ruèrent alors vers les peuplades du sud-ouest
"avec la violence des héros du mvet, pillant,
"saccageant tout sur leur passage" (1).
Dans son te~te, Tsira NDONG-NDOUTOUME nous ap-
prend deux faits en ce qui concerne l'origine du mvett : d'une
par t, c' est l a gue r r e qui a don né na i s san c eau mvet t j
d' au-
tre part c'est un certain OYONO ADA NGONO qui en est l'inven-
teur. Cependant, nous ne possédons aucune précision en ce qui
concerne la date de son invention dans la mesure 00 OYONO ADA
NGONO lui-même est un musicien non situé dans le temps. Les
explications concernant l'origine du mvett sont pleines d'in-
certitudes et de contradictions comme celles sur l'origine
des Fang.
L'histoire est donc à l'origine de la naissance
du mvet. Le fait est certain, même si ni
le lieu ni le temps
00
il est né ne se laissent déterminer. La notion de date
n'a guère de sens pour l'épopée orale.
Ce sont les conditions d'émergence du mvett qui
nous permettent de le considérer comme une épopée. En princi-
pe, celle-ci apparait dans les époques 00 l 'homme, selon les
conjonctures. politiques èt sociales, selon les progrès d'une
science ou d'une
croyance, se sent primitif, c'est-à-dire
(1) - Tsira NDONG-NDOUTOUME, Le Mvett.~ Présence Africaine, Pa-
ri. s 1 970. pp. 1 6·,-J 7 .

28.
quand sa condition est précaire, mal adaptée a ses besoins,
quand il se sent dépassé par les problèmes de toute nature
qui se posent a lui, quand la situation politique tourne a
l'anarchie. Les Fang vivent dans cette instabilité avant la
naissance du mvett.
Même si l'histoire connaît mal
le temps des ori-
gines du mvett, celui-ci appartient a un peuple particulier.
Le mvett est né chez les Fang, composé pour un public Fang,
en dialecte Fang et joué devant des auditoires Fang.
Il con-
vient néanmoins de préciser ceci
j
le mvett est en général
l'oeuvre des Ntoumou et des Okak.
x
x
x
Le ~"i Mve t t" nie s t pas s e ulem e nt r é c i t, h~ s toi r e ,
comme cela est démont~é dans les pages précédentes; il est
également musique. Toute ~istoire de mvett est toujours scan-
dée a l'aide de l'instrument "mvett". La musique apporte
l'essence mystique au musicien tandis que le "mvet" en tant
qu'instrument est une espèce de talisman: c'est lui qui dfc-
tel e ré c i. tau con te ur. San s i. nst r ume nt, le" mb0 m- r~ vet t!\\ est
dépourvu d'inspiration. L'instrument "mvet ll a donc une grande
i mpo r tan cee t lia c c 0 mpa 9nem en t mus f cal ré vè leu n a ut r e a s pe. c t
épique du IIMvet".
Contrairement aux autres genres littéraires
oraux qui peu ven t ê t rel ' 0 e uvr e den 1 im p0 rte qui, l e Il mvet" est

29.
réservé à des espèces de professionnels, aux initiés.
Pour jouer du "mvet", 11 faut être initié.
En
fait chez les Fang on dit "Adzi mvet"
(manger du mvet) ex-
pression qui signifie apprendre à jouer du mvet. Ce verbe
"adzi abok"
(manger la danse) pour dire "apprendre telle dan-
se ... " ... Lorsqu'un individu éprouve par conséquent le désir
de jouer du mvet~ il se rend auprès d'un maitre-initiateur.
Mais il ne suffit pas de se rendre chez ce der-
nier car celui qui veut s'initier au mvet doit d'abord être
un initié aux "sciences sacrées". Qu'entendent les Fang par
" s cie nces sac rée s ? ',,'
Selon les croyances traditionnelles Fang, il
existe deux espèces d'hommes au niveau de la connaissance:
le "Miomio" et le "nnem". La différence entre ces deux indivi-
dus réside en l'absence ou en la présence d'un élément de sys-
tème magico-rel igieux Fang
l'''evu'' ou l' "evur". Car, gi
le "t~iomio" est généralement considéré comme n'ayant pas d'''évu''
le" nne m" par con t r e e n est dé t e nt e ure tut i lis a te ur. Mais
la différence la plus importante réside principalement au ni-
veau de l'utilisation de l' "évur".
L '''évur'' que certains observateurs prétendent
avoir vu, a une morp~ologie différente selon les peuples. Par-
fois c'est un crabe, parfois une araignée (abop) ... Au Ga50n,

30.
les Fang prétendent que l '''évur'' se transforme en hibou pour
se rendre dans le monde dit "supérieur".
Quant à son siège dans le corps de l'homme,
l '"évu" loge soit dans les viscères mais généralement son 10-
gement de prédilection reste l'intérieur du ventre de son dé-
tenteur même s'il se déplace avec une facilité déconcertante
dans tout le corps humain.
L'''évu" est le principe d'où émane tout ce qui
est en rapport avec la magie et avec la sorcellerie.
Il per-
met au " nnem " d'accéder au monde de l'invisible, à la connai.s-
sance profonde.
Il
lui permet aussi d'être membre d'une asso-
ciation nocturne:
le "Ngbwè'l".
o' a pr è s les c h.e r c he urs (1) qui ses 0 nt pen ch é s
sur le problème de l'"évu", il existe des
"bivu" sociaux et
des "b'Ï'vu" anti-sociaux.
En un mot, être initié aux "sciences
sacrées" c'est posséder et uti liser l' "évu", participer aux
ré unf 0 ns deN gbwë 1. LIII é vu" con f ère à gO n dé te nte url e pou v0 i r
de mattriser l'espace et le temps, les arts et les techniques.
Grâce à son "évu", le "nnem" accède à un monde dit "supéri.eur",
à la connaissance profonde.
Il bénéficie de l'illumination,
de l'intuition et de la révélation. C'est un vrai connaisseur
des secrets de sa famille et de sa tribu, de l'uni'vers qui
(ï)-JlACeART.- L~ -~ -L~ -; édecin e t rad i t ion ne 11 e die z les Ev uz0 k
du Cameroun, Mémoire EPffE, 6e section, Paris, 1970.

31.
l'entoure.
Cet nomme aux "quatre
yeux"
apparatt comme celui
qui voit le visible et l 'invist~le.
Le futur joueur de Mvett doit être un connais~
seur des
choses caciftées.
Il
doit connaître l'his-toire de cna-
que c~ose de l'univers:
"( ... ) Jeune frère,
s.aïs-tu que tout a une füstoir
"Que le réci:t vient à_ la fi_n
une foi:s. le fait
faccomplt
"Comme le derrti,er d'unèliignée ?
"J'a; vu un drôle de toucheur~de-ci,th_are
"Il était fionteux,
h_ésitant et confus,
"Au lieu de diTe b_ardi:ment son propos.
" Don c,
j e l u i_ de lT1 and a i l e pou r quo ide s, e s, hé s i: -
! ta t i~o ns: .
"Tu chercnes
le th_ème de ton dts~cours? lui dis~je,
"Tu ignores
l a genèse des nuages, et des montagnes,
"A c e t 0 u che u r - de - c i t h.a r e j e dis, e n cor e
'"' Bea u f r ère,
i l e s t
b te n plu s fa c i:l e d e cELa n ter
fun récit
"Que de tirer un son d'une flûte?
" Que
ct 1 é t- a b l i r 1i a u gr and j 0 u r t 0 u s, l es sec r e t s
! duS ab b.a t" (l ) ,
Au cours de son initiation qui ~st une ~Qrt~ de
(1)
-
Cité par END BELINGA
op.
c i, t.
pp.
14 3 .,. l 4 4 .

32.
re-naissance, le futur artiste est l ·objet d'un traitement
magique de la part de son mattre~tnttiateur (artiste de ré-
put a t ion).
l 1re ça 1.' t une nsei gne men tés 0 t é r t que qui lui. pe r -
mettra de rattacher l 1 h.omme , la fami:lle et la tribu à llensem-
ble de la création, au cosmos infini. Jouer du Mvett exige
des connatssances et une aptitude particulières d'oO le long
et dur apprentissage. L'initiation au mvet COmporte bien sOr
une s é rie d' é pre uve s: m0 ra l es:, phys i que s, de cou ra ge e t die n-
durance. L'exercice de la mémoire tient une place importan-
te. Llinitiati'on élimine certaines facultés numaines' au béné-
fi' <t e d:', a ut r es fa cul tés.
El l e dé ve l 0 pp e che z l 1 i nit té d 1 une
part, l'éloquence, la dextérité, la!lmimique ...
, d'autre part
la réceptivité et la connaissance mystique.
En guise de contre-don à son mattre, le nouveau
joueur doit sacrifier, soit une partie de son corps, soit un
membre de sa famille, de préférence un parent qui lui est
cher, par conséquent son père ou sa mère.
Ce sacrifice nlest pas simplement symbplique
dan s s.o n e xécu t i. 0 n, mai s e f f e c t i:f. L' é l i min a t 1.'0 n pn.y s iqu e de
la personne à sacrifier s'effectue dans des conditions mysté-
rieuses. ; sa mort est réelle. Llopératéur se chBrge de faire
mou ri, r l a pers 0 nne qui lui a été l i. vrée sans bru i. t. Il ne
s'agit riullement d'une exécution publique ou du genre de sa~
crifice dont Isaac a failli être victime de la part de son
A
père ABRAHAM.

33.
En outre, cet acte ne doit pas être considéré
comme un crime. Car aux yeux des Fang n
n1y a pas crime.Même
s'il y a mort d'~omme, personne n'est capable de désigner le
coupable. En fait, la société Fang n'est pas la seule e.n ce
mon de à pra t i que r 1er i: te des a cri fic e hum a i: n.
Ll ex i: ste c h,e z
de nombreux autres peuples qui: le pratiquent selon les normes
de leurs cultures respectives.
La vi ctime ou la chos,e cons,a.crée as.s'ure, la, COmmu-
nicati:on entre le monde sacré et le monde profane. Le sacri:-
fic e i mpli que un ris que e t pou r lem 0 i, nsen t rel e f id è l e e t l e
génie; mais la parenté des âmes autorise une telle attitude
d'autant que la mise en 5ranle des forces implique le consen-
tement de Di,eu et Si effectue dans l' ordre des ch,oses. Dans.
le cas de l 'initiation au Mvet, le sacrifice ~umain est légi-
ti.me car réalisé selon les règles. La vie de l'i,ndividu sa-
crifié n'est pas anéantie, elle est sublimée. Bn accomplis~
san t l' a c tes yrll bol i que de Il tue r l a par e nt é ", l e j 0 ue ur de.
mvet acquiert un pouvoi:r reconnu par toute la communauté, il
s'engage à la servir au-delà, de toute cons,idération parentale.
Le mbom-mvet se situe au~dessus des clans et des sociétés re-
ligieuses d'tnitiation.
Ayant déjà, absorbé le repas magi,que, le jeune
initié reçoit de son mattre-initiateur un féti:c~e
tabup), qui:
le relie à, son génie, qui ampliffe
plus ou mOi,ns sa réputatton
et lui: i ns uf f l e l 1 i nspi rat ion . Au ter me de cet tei: ni, t i at i: 0 n ,

34.
l'élève devient joueur de mvet et n'a plus: qu'à. exercer son
t ale n t e t à a s seo i r d é f i' n i' t i: ve men t
son a u t 0 r i. té.
Jou e r d u mv e t
n'est donc pas héréditaire.
Mais quel
est le statut social
du conteur ?
x
x
x
Le récit épique et le chant lyrique constituent
la littérature didactique essenttelle des baladtns~c~anteurs,
des griots et conteurs professionnels. Même st le grtot~must~
ci,'en et le mbom-mvet sont des artistes dont le b,ut commun est
de bi,en séduire leur public grâce à. leur parfiaite maltri,s.e
de la parole,
il
ne faut pas les confondre.
Lem b0 m- mve t a u n s, t a tut soc i, a l
no b le.
Il
a p.,.
par t i e n t à t 0 ut e l a c 0 m· nu na u té.
l l
ne ven d pas; s: 0 n art, mêm e
si aujourd'h~i, jouer du Mvet est une activité écnnomique. 5 1 il
est professionnel
de la parole,
l'exercice de son art n'est
qu'une acti,vtté secondai're, s.ai'sonnière.
Sur le plan social,
le mbom-mvet exerce parfots une acttvité rémunérée ou n'est
qu'un patsible paysan qut vit des
produits de ses plantati'ons.
Dans la société Fang, on ne vtt pas seulement des revenus du
mvet.
Par contre l es, griots soudanais :sont des "habiles pané-
"gristes,'crieurs publics,
ils excelle,nt aus'si dans:
'" l'a r t
de l a 9 é né a log i. e ;
l 1 h.é r i, ta 9e fol k l 0 ri.'.,.,
"que qu'ils colportent de village en vtllage..

35.
" d 1 une c b.e f f er i. e à une a u t r e, r e c è l e des r é c i t 5
" de ge nè se? de f 0 n d a t iD n de f ami l les i l lus t r es,
" d e
clan s, , de tri. Dl us., der 0 y a ume sou die mpire 5 •
"Sur le plan ~ocial le griot soudanais est con-
"s.i.déré '. comme un homme de caste, souillé dlori-
" !g i. ne 1 1e i mpur e té,
cep end a n t S,on h 0 mol 0 gue pa -
"houin-bantou est un homme libre, jouisSGilnt de
" nQ111 b. r eux pr i y i. 1 è 9 es."
(1).
T Q u te f Q i: s. en ê rn e s, i: e n réa 1 i té, à, lit nté rie ur de
la caste du griots.,
il existe de~ s.ous-castes, il faut bien se
garder de considérer comme le montre C~ristiane SEYDOU que les
g rio t s., art i. san 5 d u en vete.t de lia r t mus i. cal, s. e r a n9 e nt dan 5
une caste inférieure aux côté~ de~ ~;joutiers? des forgerons,
des. artisans du bois, des cordonniers. et des tisserands.
En effet, aucun "mbom.,.mvet" au s.ens, pur du terme
n'e 5 t mé pris a b le.
Las 0 c i, été Fan 9 e s: t
une soc i été s. ans. bJ é r a r -
chie.
Le Mbom-mvet nia jamats s.u~; la déch~ance de tant d'au-
t r e s con te urs de lia; r e Af r ie a ; ne a ve c lia r r i vé e d e l'a r 9 e nt e t
le goût du profit.
Le m~om-mvet
n'est pas un rhapsode qui récite
des vers appris par coeur ou qut remâche les mêmes réctts.
Le
Mvet est un genre littéraire "hors du commun". Le jouA\\'.Ir nA rA-
lil.tA pas
vril.iment. un évènement. donné:
il
traduit. c;on émot.ion.
Il met continuellement en jeu dans l'exercice de son art: fa-
cultés d'impression- d'expression et de réa·lisation. Quand et 00
l'exerce-t... il ?
(1\\ -
ENO-BELINr.~
p. 111 {L i t t. e t
~1us i que Pdl Pu l a ire en Af ri que
Noire\\.

36.
Originellement. les séances de mvet .ont tou-
jours eu lieu pendant les temps forts de la vie communautai-
re. Jadis c'était souvent la guerre. Ainsi, stimulant quer-
rier autrefois, le mvet est aujourd'hui joué au cours des ma~
nifestations culturelles fang; la querre ayant pratiquement
disparu. On organise les séances de mvet pendant les périodes
creuses, quand chaque individu peut participer à. la vie de la
communauté. Par conséquent le moment le plus propice à. l'or-
ganisation d'une séance de mvet reste Te jour de repos. Trop
souvent, le mvet a l teù le dimanche.
On joue du mvet après la mort d'un notafile,
lors de son retrait de deufl.
Il fait partie intégrante des
funérailles d'un ancfen joueur. Car l'orqanisati.on dela séan ...
ce de mvet permet à. l' artfste présent de recueill ir l"IEyeng ll
0totem) du conteur disparu.
oet te ma. nt f es ta t ion cul tu rel l- e fan 9 peu t é gal e ...
ment s~e dénouler pendant l e décès d'une femme ayant vte i.'ll i
dans l e clan de son ma r i' jusqu à
1
ce que mort s'ensufve. [1 l e
a de ce fa ft a c qu ts l e statut de notable du clan. Le
mvet eS,t Il d i: t Il (Adjo mvet
d fre. l e mvet) le jour comme l a
nuit. La séance commence généralement le jour.
Fréquemment organisée en milieu rural, la séan~
ce de mvet, 9é né ra l em e nt, a l feu dan s: l l " a O. é " (c as e de. gar de

37.
fang) en toute saison. Parfois, les villageois ont recours a
un "élig" (tente de oranchages) construit pour la circonstan-
ce.
En milieu urbain, les citadins utilisent de
grandes salles aménagées a cet effet. HBbituellement, le mvet
est joué dans des endroits sp~cieux pouvant contenir un grand
nombre d'auditeurs et permettant une exhibition oorporelle ~u
conteur.
L'endroit d1une séance de mvet est
acco~odê de
la façon suivante: les auditeurs sont assis sur deux lits de
bambou (ou longues plancfl.es ... ) parallèles. Ces auditeurs sont
par conséquent face a face. Cette disposition des lits ou des
bancs est celle que nous trouvons dans tous les "mebè" (plu-
rie l d', " ab. è) des. vil l age s fan g .
Quant au mbom-mvet, il est souvent assis sur
une c h.a t s e (d u m0 in s. a van t l e dê but pro pre men t d t t de las é a n-
ce) ou sur un tabouret a l'une des extrémités de la case de
garde.
Il se déplace au cours de son exhi,bition suiva.nt un
itinéraire parallèle aux deux rangées d'au.tteurs. Ces ran-
gées d'auditeurs. se trouvent donc à sa gauche et a. sa droite.
I.l e.s.t formellement interdi.'t à. quiconque de se placer derrière 1
le s.i.ège du mb.om-mvet. Dans le même ordre d' idée, i:l n' es.t pas
permis
à
celui-ci d'aller se soulager avant la ftn de la séan-

38.
ce. Toutes ce~ dispositions ayant été prises, le m~om-mvet
entre en action. Comment se déroule donc la séance?
x
x
x
Assister à un "Mvet", donne l'impression d'être
devant un ensemble musical dont le mbom-mvet est le ch~f d'or-
ch.estre. Ensemble musical dans la mesure 00 on trouve une
grande variété d'instruments de musique. Si le conteur joue
de son instrument "mvet", s'il fai t son récit et entonne les
c~ansons, il est généralement accompagné par son auditoire.
Et, cet auditoire forme non seulement un chDeur, mais joue éga-
lement des "bipkwara" (morceaux de bois avec lesquels les audi-
teurs frappent sur une palme de ~ambau séchée) et du grelot.
Il arrive
parfois qu'au cours d'une séance de
mvet, le récitant (Ndzo mvet) soit accompagné par l'instrumen-
tiste (mbi-mvet). Mais fréquemment,
le mbom-mvet authentique
est complet.
Il es~t en même. temps narrateur et musicien.
Outre son rôle de narrateur et de musicien~
le
conteur est également acteur. La séance de mvet est une es-
pèce de spectacle, une sorte de scène th~atrale.
Cet aspect t~éatral du mvet se trouve avant tout
dans; l'accoutrement du conteur. Au cours des. grandes. mantfes-
ta t ion s t rad i. t ion ne l les, cel ui. - c ~ sep rés; en te dan s s- a "t en ue.
d'apparat"
: un pagne enroulé autour de la tatlle, une ~up-
pe de plumes d'oiseaux (de préférence celles du toucan) sur la

39.
t~tè'" des b.rassières en peaux de genette aux bras y des grelots
("megong"
plurie~1
d'Agong)
attaclJ,és aux chevilles sans ou-
x
blier son mvet qu'il
tient en mains.
La séancelcommence quand
le conteur place son instrument dans sa position d'exécution.
Les e con d a s pe c t
5: p e c tac u lai r e
d' un" mVet" est
constitué par la
prestation gestuelle du conteur
pendant sa
narration.
Le Mvet est récité devant un auditoire composé
~énéralement d'hommes. Le Mb.om-mvet est comparab.le devant cet
auditoire,
a un professeur qui donne un cours magistral a ses
étudiants.
Deux pôles de la communication existent donc
le
Mbom-Mvet est l' émet-teur,
l'auditoire est le récepteur.
Comme
pour toute énlission de "parole traditionnelle",
la présence
de ces
deux pôles ~st impérative.
Pour mener a b.ien son récit, le conteur et son
auditoire doivent se faire une confiance mutuelle.
L'artis~
te qui se présente devant un auditoire doit être authentique,
un "vrai joueur de Mvet".
Par ailleurs?
l '''émetteur'' et le
" r é cep te ur"
0 n t
é gal e men t
u n r a p p 0 r t
d e l i, ber té ré c i pro que .
Au dé b, u t
de cfLa que s é a n ce de mv et,
l e con te u r
s,onde son a,uditoi:re
: i:l
l ut propose trois, quatre, ci nq ré-
C:::its ou davantage et l'invite ainsi a, faire le cfLoix. C'est
le réci:t ayant recuei,lli le plu~_~e'swjifrages qui est continué
par le mbom~mvet. En fait,
le conteur ne propose pas des ti-

40.
t r e s c 0 mme que l qu' un l e fer a i. t a ve c les. "F a D. les de l a Fon t a i -
ne" ; i l pro c è de à son son da ge a pr è s a v0 i r dé but é c n.a c und es
contes.
Il interrompt chacune de ses narrations déjà. commen-
cées.
Par respect réciproque de la liberté du joueur,
l 'audi.toire ne peut lut en imposer, sous quelque prétexte
que ces. 0 i t. Car, par foi s l' un des, ré ci t s pro p0 s:é s a d é j à.
été apprécié par une grande partie des auditeurs au cours
d'une autre séance.
Au cours de sa narration, le m&om~mvet diversi-
fie les tons selon. les situations du récft et les personna-
ges qui parlent.
Il accompagne
sa narration de mimiques, de
chants et de pas de danse. Parfois, le conteur peut simuler
la démarch.e de tel ou tel personnage, les gestes des
combat-
tants....
C'èst
cette prestatfon du narrateur qui entretfent
lia t m0 S Ph.è r e d' in te ns e vit al i: té dan s l aque l les e dé r 0 ul e l e
mvet.
Grâce. à sa parole, à ses intonations, à. s'es mt-
mi:ques., à s:es cn.ants et à. s,es si.lences, le mbom .. mve.t agtt
sur son auditoire et réciproquement :
" Lor s que j e c n.a nge de. ton dan sun ré c i: t, c 1 es t

41.
Il q. u e
j e me. t r Qu Ve d an S, une s. i. tua, t i. 0 n d Q n née. La par 0 -
Il 1 e
do;: t
s: 1 a d a pte r a u x 9 est e s ;
j e c h.a n9 e d e ton
" par c e que j' a n i me.
Le 9 es t e a p p0 rte à 1 a par ole son
"appui et celle-ci
va à l'appui du geste.
Quant au
"ton, celui-ci joint à. la parole et aux ges:tes monte et
Il déc 0 u vr e
1a réa 1 ;: té.
C' est ce que l' 0 n a pp elle ha r-
" mon ie"
(1).
Le Mbom-mvet doit joui.r d'une voix
forte et mélodieu
se comportant plusieurs registres:
l'aigu,
le grave et toutes
les autres
nuances.
Il
doit avoir un ton
pour le drame,
un
ton
pour le lyrique ...
Détenteur de ces qualités,
le conteur à la
faveur de ses tons et de ses mimiques fait vivre les évènements
de son récit à ses auditeurs.
Il
recrée en quel que sorte l' é-
vénement qu'il
a vécu ou qu';:l
vit et le transmet à son public.
III
Cep u b 1; c j ugel e Il NKU t .,,·0 yen Il
(f r a pp eu r de pal me de
bambou-raphia)
dans sa manière de tradui.re son émotion,
en un
mot dans sa manière d'exercer son art.
Le Mvet Fang est un spec
tac 1 e p 1 e i n :
gest e,
par ole,
cha n t
e t
dan ses 0 nt i n d f s s oc ; a b 1es.
Le mvet est un art littérai.re et musical
et le R,P.
TRILLES écrit justement
"Au p ays Fan g, b te n peu de 9 e n s, s a ven t
con ter,
e t
"ce talent fort goûté de nos NQi.rs est presque réser.,.
"vé à quelques
tndividus, qui par leur lirio,
leur mé-
(1) -
Ts:i:ra
NOONG:
Interview, Libreville, septemb,re 19]9..

42.
"mémoi're,
leur s'ci:ence très
réelle de. diction et de
"mise en scène ont su capter
les
faveurs
du public
" d i:f f i: cne" .
Le lion narrateur dQi:t connaître
la flore et la fa.une
de. s;on milieu, ai:nsi, que la
pS.ych.ologi:e h.umafne.
n doit être
i.mprègné de traditi:ons et sa lii,enséance cQns.iste à. respecter
les moeurs et les coutumes qui ont cours dans la société 00
le récit est dit.
L'~uditQire du Mvet est tQujQur~ transporté
d an sun mon des u r rée l
gril c e à. l a pre s. t a. t ion duc 0 n te ur.
Ts.i: r a
NDON G é cri t
c e c t à jus: t e t i.' t r e
"Le joueur de mvet e.s.t à. l afiQis
l'auteur,
le metteur
" en s. c è ne,
l e déc 0 r,
les a c t e urs,
lem u sic i. en? en un
"mot,
le monde mervetlleux tout entier oÙ se produi-
"s,ent l es épopées qu' i:l
interprète
.
" Lor s que p ar ex e mp l e i l
con te et mi me les.
"actes et faits
de
ses h.éros,
ses gestes revêtent aux
"yeux et dans: l'espri:t des. a.uditeurs
une ampleur à. la
"mesure du surréel.
Pour l' audi.teur du mU ieu ce. ne
" son t
pas d e s ' f mp les 9 est e s qui
sep r 0 d u i. sen t
de van t
~ui accompagnés de vulgaires paroles e~pli.'cattves!
"n s. 1 agi. t de lat r ans p0 5 i: t ion, de van t lut dan 5, l e
"réel, des évènements
autrement fantasti.ques.?
autre.,.
" men t
f a b u leu x qui, s. e s,on t
pro d u i, t s, d a. n sun mon de.
"supérieur,
un monde mervei.l'leux,
un monde surrLumai,n,
"surréel.
Et le conteur n'est plus
le simple conteur

43.
" p 0 è t e m\\Il et, \\mai s
l' i, n car n a t ion,
l a man i f est a t i.o n
"tangible de ces. évènements.
"Qu'importe pour l'auditeur si
les conséquences
"des comb.ats
narrés
ne se produisent pas dans
la sal-
"le ou
le village où se tient la séance de [l)vet.
1.1
" n e s e t r 0 u v e plu s dan s cet t e s a l l e 0 u c e v i'l l age mai. s
"dans
le monde où se produi sent ces comb.ats
! Auss.i
" s i. so n a t te n t ion es t
cou Pé e bru s que men t
par une cau -
"se quelconque, c'es.t une véri:tab.le redes,'cente qu'i.l
" e f f e ct u e a l 0 r S
dan s
l a réa l it é 0 rd in air e " (1).
x
x
x
'V
E.n ce qui concerne le schAma du récit du mvet
(n1an-
mv et),
i.l c 0 mp0 rte une car a c t é ris t i que qui 1er a p pro c h.e d u g e n-
re épique.
C'est un récit très long.
A ce propos, signalons que
les deux récits
tradui'ts par Tstra NDDNG-NDDUTOUME, qui
parais-
sent longs a première vue, sont écourtés volontêirement. Géné-
ra l e [l) e nt,
un ré ci t
de mv e t
n' a j am ais de fin.
l l
peu t
ê t r e
déclamé par le MbOm-mvet pendant ~n jour, deux jours et même
davantage.
Le récit de mvet qui est un récit oral
vivant, a
se.s, loi:s de créati:vi:té e.t de récitati,on qui: en facUttent
l'ef-
fort créateur et narrattf.
La
poésie héroïque a. laquelle appar.,.
t i.'e n t
lem v e t e s. t
co mp0 sée 0 ra lem en t
par des a è des e t c ha n té e
-------~------~------
(1)
- Jsirél~rDlb:'r~G-N[jOUTOLJME "
Communi.cati,on,
Festi:val
des Arts.
Né~rQ~Africains, Lagos, janvier 1977.

44.
devant un auditoire. Sa form~ comporte, comme tratt caractérfs-
tique, la répétition fréqu~nte de~ mêmes phra~es,
vers ou grou-
pes entiers de vers. st l~ lever du jour est pre~que toujours
rendu ch.ez Homère par l'expression:
"Quand parut l'aurore aux
do i 9t s der 0 se, f i:l l e du mat r n... ," les f 0 rm ules dit nt r 0 duc t i. 0 n
du récit de mvet sont stéréotypées, ~ermétiques et c~antées
sous une forme responsoriale même s.t les paroles: de. celles:-cf
varient d'un conteur a un autr~. Tsira Ndong Ndoutoume utilise
la suivante:
Il
Je s'ème le vent
"
O .
1
Ul

" - Je tire lié l é Pfian t
"
Oui
!
" - Ce jour es:t un d i:ma nc h.e
"
Ou i. 1
"Que les: orenles; écoutent
"Qu'elles' écoutent le mvet 1" (1).
C~tte formule d'fntroduction est précédé~ d'un ~Qlo
de cithAre et de vocalts~s :
"Le joueur de mv~t comm~nce tout douc~ro~nt, esqutsse
" une mé l 0 dte, a u ry t hm e ma rte l é de l ' un, puts. de.S·
"deux pieds, balance la tête, les yeux mi·...,·clos:. En."
(1)
- Ts,iraNLJD:NG ... NDOUTOUML, Le lV1vet';"Présence A.frXc.a:tne, Paris,
19.70,
p.
21.
.

45.
"fin,
,la voici
dans, s.es doigts.,
cette ritournelle
"qui
accompagnera d'un Dout à. l'autre la récitation
chantée"
(1).
Ces pre mie r s é l é men t s d e l ' i n t r 0 duc t i. 0 n son t sui: v i, s
par la présentation généalogique du
peuple d'Engong.
Premier
monologue du nattateur après le dialogue de la formule d'in-
t r 0 duc t i, 0 n,
l a g é n é a log i: e est l e fa i t
d' u n r é c i tan t
nâI n t i, d' une
bonne connaissance ésotérique.
Aucun rl1bom~mvet auth.enti,'que ne
"
commence son récit sans
dire
cette présentation généalogique
du peuple des
Immortels.
Dans cette même introduction,
l'artiste peut se pré~
.
senter à. ses auditeurs.~ Il
leur révèle son nom, sa tribu,
les
noms de ses~maitreshet de ceux qui l'ont précédé
dans
l'art
du mvet.
E,n agissant de la sorte,
le conteur-ch~nteur s'affirme
vis,-à.-vi"s de son "publi:c".
Mai's
le poète..,.chanteur peut aussi,
se révéler à. l' auditotre à. tl~3Ve,r5 les chants de s.on réci,t
La narration elle..,.même se compose d'une exposition,
de la présentation des personnages, des péripéties, des chBnts
èt, access:oirement, des scènes mi,mées et des, vocali,ses.
Quant! la conclUsion, elle fait appar~ttre le mer~
ve;lleux qui
transcende tQute
la pièce récitée et chantée.
(1) - Cité par Eno Beltnga dans Uittérature et musique, populai-
re
en Afrique Noire.
p.
137.

46.
Comme
pout toute poé~te ~é
(que, l'expression for-
mulaire est nécessaire au MO.om.,.mvet
'lui-ct compose direc-
tement devant son auditoire. Un tel e~
oit (réct~ation trop
longue) exige une tnten~e concentratf(
aussi ~ien de la part
du poète que de son auditoire. Sa rêu~
te tient aU fait que
lep 0 è te dis pose d' uns c h.é ma dur é ci t
suivre, des noms des
principaux personnages et des lieux d'
tion, des formules et
de touts de p~rases dont il ne faut pl
s'écarter, tout au
long du récit. Par exemple, pendant sc
récit, le mbom-mvet a
souvent recours à la formule liminaire
~spèce de temps mort
pendant lequel
il prépare son récit ta
's que l' auditoi,re
s'apprête à l'écouter.
n dispose d' un
latière premi'ère né-
cessaire : une foule d'évènements, un
sor de formules ac-
cumulé par les générations des conteur
,ui l'ont précédé. I.l
a des formules appropriées à tel type
vènement. Ainsi Tsira
NDONG NDOUTOUME utilise souvent les one
topées
"B.amane !
Tà t ônestd i ng !" pou r é v0 que r l'a t ter r
3ge ~ruyant
de tout
homme puissant.
Disposant de ces "re.cettes dl
? t i~ er ",
lem ho m- mVet
i,ntègre aujourd 'hui au récft ancien, te
un arsenal fa;:-t d' 00+
jets du monde moderne tels que les vott
,s e. t les a, vi:Q ns, des
mots des langues occidentales dans son
:ort de r~création
et d'actualtsation, selon le goût de so
:poque.
En un mot, le mbom~mvet vérit
e procède avec ordre
et méthode. Ces paroles ailées qu'Ulyss
au f r a gé a dr e 5 s. a à_ l a

47.
ta b.l e dur 0 ide s Phé a c te ns.
à l'a è d e Dé m0 k0 dos. con s t i tue nt
également son credo.
" De m0 k0 dos, j e t ' e s. t i'm e b. i. e n au.,. des. sus d e t 0 us. les,
" m0 rte l s : 0 u c 1 est l a Mus. e, f il l e de Zeus, qui t' e n-
"seigna tes chants, ou c'est Apollon; car tu chantes
"avec une trop b.elle ordonnance le maln.eur des Ach.éens
Il t 0 u t
c e qu' i. l son tac c 0 mpli, t 0 u t c e qui i. l s. 0 nt sou f -
Il fer t,
t 0 us leu r s t r a vau x ; 0 n d ira i. t que tué ta i. s.
Il pré sen t
e n pers 0 nne, 0 u b i e n tua sen te ndu l e. r é c i t
" d ' un té m0 -j n. Al l 0 ns, cha n9 e des u jet, c h.an t e l 1 a. rra n"1
IIgement du ch.eva l de boi s, qu 1 [pétos. construi.S.it
avec
Il l'a ide
d' At hé né, et que par rus e l 1 i. l lus t r e Ulys s e
Il in t r 0 d u i s i t
dan s l'A c r 0 pol e, a pr è s l' a v0 i. r rem pli
IId'hommes, qut mtrent Elios à sac. Si
tu me contes cet
lite aventure dans un détail exact, je proclameraili.aus-
Il S i tôt
de van t t 0 us les ho mmes, que l a f a veu r d 1 und i. e u
"t'a octroyé ton chant divin ll •
Il Ain s f
par lai t - i l ; e t
l' a è dei: ns p fr é par un
IIdieu comme.nçai.t et déroulait son ch.ant. .. " (1).
x
x
x
De pu i. s l a fin d es mi 9 rat ion s Fan g, lem ve t 0 r i g i: ne l
/.
a inspiré d'autres danses du monde fang.
Il existe de.s conver-
gences
entre le mvet et des danses telles que le "Nl oup ll ou
1I1'Assiko ll
(2).
(1)
-
HDMERE : L'Odyssée, Traduction nouvelle de Médérfc DUFOUR
et Jeanne RAISON, Classiques Garnier, Parts, 1954. p. 117.
( 2) - o. B1NET : Les soc i é tés d e dan sec he z les Fan 9 d u Ga bon ,
O.R.S.T.O.M.
1972.
.

48.
Au niveau littéraire, le mvet doit être classé
en trois genres.
. - Le genre lyrique
"Mvet bibon"
Ce "Mvet" est désigné au sud-Cameroun par "Mvet-
bibon" (mvet des amoureux ou des fiancés).
Ici, ce sont des
joueurs de mvet non spécialistes. Leur jeu se réduit a une
dextérité toute manuelle.
Ils n'ont reçu aucune formation par~
ticulière et, surtout, ils ne peuvent se réclamer d'aucun "pè-
r e", d' au c une écol e. 0 n les a ppel l e l es " ba rd es: dus 0 i' r " . Ces
~faux-artiste~Js'accompagnent de leurs instruments et chantent
leurs amours.
Ils expriment leurs sentiments personnels, ils
s é pan c h.e nt. Ces
1
0 nt
des mus ie i e ns qui f 0 nt dan s e r mai. s. qui
ignorent l'art de discourir, qui i:gnorent le.s vrais récits de
mvet (milan-mi-mvet). Personnages principaux de leurs c~ansons,
ces "bardes du soir" crient leur joie ou leur peine au sujet
de l'amour.
. - Le genre romanesgue
"Olala"
Il faut regrouper dans: ce igenre : l a chronique,
la ~égende, le conte merveilleux. [n un mot, toute littératu-
re moralisatrice et exaltatrice. Le poète-conteur actualise
ou mythif~e les évènements vécus ou imaginés. Les personnages
imaginaires de son récit appartiennent au monde humain et au
monde animal. Dans sa narration, les évènements réels sont
romancés. Dans la région du Woleu-Ntem (Gabon) et plus préci-

49.
s.ément dans. le district d'Oyem, ce genre est nommé "Olala"
dont l'un des derniers grands artistes reste ELA MONE MBONE(I).
- Le genre épique
"Mvet
'"
oyen" ou "Angone Mane"
Le "Mvet Oyen" es t le "1"1vet" dans l' accepti on
Fang du terme. Les autres genres apparaissent comme de sim-
ples analogies ou de simples abus de langage.
Cependant, le J~
ge n r e épi que du" Mvet" peu t
ne g r 0 u pe r les deux ge n r es pré c i tés .
"'-
Dès lors, le "Mvet Oyen" reste le genre le plus important, une
forme littéraire qui
peut être rapprochée des épopées gréco-
latines (L'Iliade et l'Odyssée), du Moyen-âge français (la
...
chanson d(f"Roland), du "Mahabharata" hindou et des épopées afri-
cai.nes (Soundjata, Da Monzon ... ). Ce rapprochement se situe
au niveau formel
du texte (principes et mét~odes de la créatf-
vit é et de l a ré c i ta ti 0 n ), au ni v eau de",1 a l 0 ng ueu.r de s ré c i t s ,
au niveau des valeurs véhiculées par le récit: hérolsme, bra-
voure ...
En un mot, l'épopée est le genre littéraire occiden-
tal
auquel se rapproche le Mvet Fang.
Gardons-nous d'affi.rmer
que cel ui - cie s t une é pop é e san s d' ab 0 rd che r che r à. fa i. rel a
part des choses.
~
Le "Mvet Oyen" est un genre li.ttérafre dont l'a-
b,ord est d'une très grande complexité. Aujourd 1 h.u;' le Myet
a uthe n t i que e t
le" fa ux - Mvet" son t t r 0 p sou ven t con f 0 ndus' . 0ù
se. s.i.tuent les réci.ts du "Mvet auth.entique" et qui. sont ses
personnages ?
(1) -
ELA MONE ~lBONE
(= Ela ori,ginaire de la tribu "Mbone).
Clest son nom d'artiste en quelque sorte.

50.
L'univers du mvett e~t un univers imaginaire. Les
pay~ et les ~ommes sont tous des créations des conteurs.
Les pays du Mvet occupent les quatre points car-
dinaux : .Narp, Est, Ouest et Sud. Géographiquement, ces "ter-
ritoires" se répartissent de la manière suivante: au Nord, à
l'Est et à l'Ouest se regroupent trois pays (Eton~ Abandzik~
Me~~HMengone, Mikour-Megnoung-Ek~mbegn, Edoune-Zok~Envene Oba-
me), a u sud "E n90 ng- Z 0 k- Me be 9he - me. - Mba Il •
Ces quatre pays sont occupés par deux peuples:
cel ui d 1 0 ku
( peu pl e des '1 ~·1 0 rte l s) et cel uid' En 90 n9 (p eu ple
<
~
des Immortels). Si le peuple d'Oku
~abite le nord, l'Est et
l'ouest de cet univers, celui: d'Engong occupe entièrement
la partie sud.
Même si ces deu~ peuples présentent globalement
des convergences, il exi1te toutefots des dtvergences tmpor-
tantes. . [ l est peut-être ban a l de di: r e que l t un es t con s t t tué
de Mortels: et que l'autre est constitué
d'Immortels. En de-
hors de cette banalité, disons que le peuple d'Oku
qu'on
doit normalement désigner par "les p·euples d'üi<i1." correspond
à
une myriade de tribus. Par contre, le peuple d'Engong (peu-
ple des Immortels) est formé d'une seule tribu.
Quelles sont les fonctions du Mvet ?

51.
Jadis stimulant guerrter d'après les conteurs,
mais aujourd'hui
les guerres tribales n'existent pratiquement
plus. Dès lors, on s'interroge sur l 'utilité du mvet dans la
société Fang contemporaine. Disons immédiatement que, malgré
les b0 ulever sem en t s duc 0ntex tes 0c i a l fa ng, leM vet a t 0 uj 0 urs
son utilité. Associé a des manifestations culturelles tradition-
ne l les, l e ~1 ve t deme ure un rit e e t une dis t r a ct i. 0 n .
Quant au discours des récits, il possède plu-
sieurs portées: politique, didactique, reltgteuse et surtout
philosophique. Car le Mvet comporte un humanisme. L'ti~mme doit
cherch~r a atteindre sa plénitUde qu10n appelle dans le jargon
du Mvet : "l'immortalité". Mais le ch.emin a parctourir est sou-
vent pénible,plein d'embQches. En un mot~
le Mvet révèle que
la vie est un combat.
Il évoque les problèmes de la condition
humaine.
Le Mvet reste toujours un c~ant-récit
satirique,
histortq ue, une compos i tion dia 11 ure didactique ou pl'ü l osopl:i.t-
que, un poème lyrique, hérolque, mythologique, une d~nse, un
spectac,le•.•.. ün texte fonctionnel. Le Mbom_mvet auth.entiq.ue. n'est
pas un simple déclamateur de récits lyrico-épi.'ques, i.l véhtcu-
le des mess:ages et des nouve.lles. d'actualité de mani:ère tmpli-
c i te. Le con te ure s t ma î t r e dan s lia r t du dis. cou r s 0b l iq ue
et de. l'approche indirecte. Nous y revie.ndrons:.

52.
D~aBtre part, les récits d~ mvet ne sont pas fi-
gés mai.s sont des narrations qui o~étssent aux tribulations
de la vie. Chacun dieux révèle et traite un aspect particulier
de la société, un fait vécu bi.en dét~rminé.
Act uel lem en t, à. cau se des
mu l t i ples t r ans. for ma-
tions sociales fang
dues à l'tnfluence de la civilisati.on
étrangère~ à l léducation traditionnelle qui a fait et fait
place à l léducation européenne, nous assistons au déclin du
Mve t.
y a-t-il
d~s effiorts pour le sauv~garder ?
x
x
x
B. • -
LEM VET ET S.A TRA DUC T rD N
Le peuple fang comme bi:en d'autres peuples "sans
écriture" a longtemps bâti sa vi.e s.ur l'ensemble des doctri-
nes, des coutumes, des l égen(es, des arts, des fai.ts: hJstori.",
ques et des moeurs transmts d'âge en âge et qui s~ sont con·
servés en passant de bouc~~ ~n bouc~e? de génération en géné-
ration.

53.
Dans~ ce mQnde de, l' qral i:té, l es, Qcci~dentaux i.n.,.,
t r 0 dutsen t
leu r s
l a n gue s: d e, l a " c t v n t s, a t i' 0 n" e t u n no u v eau
mode de communication:
l'écriture.
Les Fang apprennent donc,
non seulement à s'exprimer en
Fran,ç,ais, en
Anglais et en
Al-
lemand,
mais également à écrire ces
langues.
L Ji ntroducti,on de
l' écr;:ture dans cette communau-
té s'effectue g~àce à l 'tmplantation de~ écoles par les Occi-
dentaux.
L'enseignement scolaire engendre
le
"Lettré" dans le
pays pahouin.
Ainsi,
cette soci.été commence à connaitre des
...
. . "
instituteurs,
des moniteurs,
des
"certifi.és", des commls ...
Le passage d'une société Fang détentrice et fon-
dé e sur l' 0 ra l i t é à une s: 0 c i. été Fan g dé te n tri ce de
l 1 0 ra l i: té
mais fondée
sur l'écriture s:'annonce par des
si.gnes multi,ples.
Il
est principalement amorcé par la
publi,ca,t;o-n en langue
locale des
titres
tels
"Mefoé"
(nouvelles) réali.sée par la
mission
protestante américaine d'Elat
(Cameroun).
D'autres
transcripttons,
oeuvres de missions
chrétiennes,~ sont faites
pour faire
passer le message évangélique.
Mai s
les
Il Let t rés, Il
Fan g von t
s 1 i. n s é r er d a van ta g e
dans cette société qui
ne
les accepte pas très bten en fixant
par é cri, t
l a Il l é g end e d' 0 r i gin e"
(N d u l u bon e b 1AIf t r t
Ka r a =
la marc~e des enfants d'Afiri Kara)
et les compte~_randus
des réunions
tribales.
Par cette fixation sur
papier en
lan-
gue du
pays des faits
anciens,
les Occidentaux mettent en re-
l i,ef l 'iimportance de l J écri. ture.

54.
Devenu~ dét~nt~ur~ de la langue du colonisateur,
les "Lettrés," Fang cherche,nt à, s'affirmer auprès: du coloni-
sateur en écrivant dans la langue de celui~ci, mais égale-
ment auprès des ruraux "illettrés," en tant qu'''évolués''. Que
vont-ils fixer par écrit?
Leur tradition'lQrale, leur ltttérature. En effet,
les "Lettrés," Fang disposent d' une ahondante l tttérature ora-
le (fables, devinettes, proverhes, énigmes, récits de mvett ... )
dont ils prédisent involontairement le déclin, puis la dtspa-
rition. Leur mouvement de revendication, d'afftrmation face
aux Occidentaux et aux ruraux "i:llettrés" se transforme en
une action de sauvegarde de la ltttérature orale. Parmi ces
"nouveaux Fang" on trouve Tsira NDONG NDOUTOUME,traducteur
d u mve t t. Qui. est - i l ?
P~ilippe NDONG-NDOUTOUME~ de son surnom Mvett
"Tsira"
(Père) est né à Engogame (Oyem)
(1) en 1928.
Issu
d'une famtlle nombreuse de la trihu Yengu
(les sangliers),
Tsira NDONG est Fang d'origine
Ntoumou.
En mai 1937, i.l es t r a vi à ses par en t s: :. ND 0 UT 0U...
ME Medzo (Père). et ZOUGA (Mère), puis conduit à_ l'école fran-
çafse d'Oyem. Septième enfant de S,on père, il
fut, avant son
d ~ par t à l J é col e 0 cci den t ale, i. n1. t t é à l a vie d u vt l l age, a ux
-.-~.-~----~--~-~-----------
(1) -
Chef'""l ieu-de la 'provi:nE:e. du Koleu-Ntem (Gab.on)'. "

55.
coutumes, a. la tradition orale. Car, dit-on , il était consi-.
déré par son père, grand initié des, IIsh~noes :sacrées ll comme
son successeur présumé. Par conséquent~ il détenait les se-
crets de sa famille et de sa tribu.
Après ses études primaires et secondaires, Tsira
NDONG devient éducateur de profession. Muté dans sa ré~ion
na t ale, Phi l t ppeN DON G ira s, e r e t rem pe r dan s lia mbi a ncet ra.,.
ditionnelle et approfondir ~es connaissances dans le domaine
ancestral.
Sa profession, ses connaissances sur la tradition
orale, ~uf offrent la possibilité de rédiger plusieurs arti-
cles sur la littérature de son terroir. HDrmis ces articles,
Tsira s'intéresse a des genres littéraires tels que ~ la
nou-
velle, la
poésie ...
Pendant quelque. temps, il dirige diverses re-
vues: "Réalités Gabonaises ll ,
IIMessage ll ? •• Par ailleurs., il
s'occupe du secrétariat de la Commission ~ationale Gabonaise
pour l'U.N.E.S.C.O.
Toujours attaché a 1a profession, Tsira NDONG
obt i e nt lep r i x Il L,i ais 0 nIl de liA f r i que Eq uat 0 r t ale Fra nç~a i. s e
en 19g2 avec Il Sou ven i r Sil. Ce pr t xl ui. a peut-être ouvert sa
vraie carrière d'écrivain.
Car, après une courte appari.tton
sur ~.a scène pol itique, Tsira NDONG NDOUTOUME puD.l te en 197Q.
et en 1975 aux Editions IIPrésence Africaine ll a Pari:S deux
I

56.
t rad u c t i: 0 ns d u Mvet. Cel les - c i. qui. con s t i tue nt
l e Il Mve t Il
( tom e 1': ) e t l e Il ~1 ve. t Il (t 0 me II )
son t con sac rée s a ux r é c i t s
d'OVENG NDOLIMOU
OBAME puis
d' ASSENG MBANE ONA.
Aujourd'hui, la publication de ces deux ouvrages
fait de cet homme doublement cultivé, un écrivain parmi tant
d'autres qui appartiennent a la jeune littétature écrite Ga-
b0 na i s e die xpre s s i 0 nF ra nça i se. Ma i s. Ts i.r a NDO NG sie s t d'a-
bord initié au Mvet avant de se lancer dans sa traduction.
Pourquoi a-t-il décidé de s'initier au Mvet ? Pourquoi: a-t-il
décidé de le traduire?
A cette première question Tsira NDONG NDQUTQUME
répond sans façon
Il J e
sui. s né a u mi:l i e u des" j 0 ue urs de mve t ; l e
"frère de mon père était lui-même joueur de
Il mv e t t.
0 n m1 a a p pr i: s à j 0 uer d u mve t t é tan t
Il t 0 u t
pet i t
; cap t i vé par les ré c it s, j 1 a i d é -
Il cid é
de j 0 uer d u mve t t, j 1 aie ume s; in i t i: a -
teurs ... " (1).
Cette expl i:catiQn de Ts5ra NDQNG est;:tout a. fait
superficielle. Car, pour s'initi.er au mvett,
i.l
ne suffit pas
d'être captivé par les récits et de décider ensuite de jQuer
( 1) -
Il Pré s. e n c e
Fra nc 0 pho ne Il
(R ev ue), n 0
19 , Au ù 0 mne 1 9] 9 ,
Sh~rbrook~, Québec, Canada.

57.
du mvet. Comme nous l lavons démontré dans nos pages précéden-
tes et comme il llaffirme lut-même. Tout individu qui veut
slinitier au mvet doit d'abord être initié aux II sc iences sa-
crées ll . D1autre part, on n'apprend pas à jouer du mvet comme
on apprend une présentation généalogique qu'on répétera en-
suite. Si Tsira NDONG a décidé de s'initier au Mvet, clest
par amour de la tradition et surtout grâce ~ sa connaissance
des II sc iences sacrées ll . Il existait déjà en lui une lIénergie
lat e ntell, une Il pré dis p0 s i t ion Il
qu' i. l f a l lai. t t 0 ut sim plem e nt
exciter.
En ce qui concerne sa deuxième démarch~ (la tra-
duction du Mvett), Tsira NDONG s'explique en ces termes:
Il Mon
0utes t d 1 i nté r e s s e r lep ub lie ga Don a i. s a u Mve t t é tan t
il don né
l a mu l t i pli c i té eth ni que ; mai s é gal e men t lep ul>.l i c e x-
"térieur ( ... ). Jlai trahi
la tradttion orale en écrivant des
',\\choses sur le papier pour la conservation, mais. je me suis
Il e f for c é
dia v0 i r l'a ut 0 ris a t ton de mes. mai t r es qui mIon t di. t
~que les choses ayant changé, ils ne voyaient plus d1inconvé-
llnient à ce que je publie certaï.nes choses seulement Jl (1).
La deuxième démarche de Tsira NDONG est positi-
ve en dehors de toute constdératicin politique~ ltngutsttque~.•
En un mot en dehors de toute considération partisane. La tra-
duction du Mvett
par Tsira NDONG met en relief la complémen-
(1)
-
IIPrésence Francophone Jl op. cit.

53.
tari:té des, de,ux s;oci.'étés~ en prés,ence l,
l a ~,ociété (ranç,a ï:s'e
avec son écrtture et la soci,'été Fang avec s,a tradttton orale.
D'une part,
la pédagogï:e du Mvett, et par con~é­
quent de toute ltttérature orale ~frtcatne, n'est viable ac-
tuellement que grâce â la coextstence pactfï:que de~ langues
africai'nes et des
langues occidentales
(Angla;s, Français ... ).
D'autre part,
la traduction du Mvett
permet
la conservation,
la sauvegarde des textes,
des message~ et
sa diffusion a l'étranger. Car, compte tenu des condtttons
d e t r ans 111, t s s ton d u Mve t t
dan s
l a s 0 c ; été Fan g,
lem v e t tau t o,e n-
tique est appelé a dtsparattre. Tsira NDONG paratt plus opti-
miste quant a l'avenir du Mvett quand il déclare
" L'a ven i r
d u mVe t t e s t
d é j a, a s sur é. Car, s i: l e
" Mv e t t
a pus u r v i v r e jus, quI au j a uri d ' h,u t, cie s t
1\\ qu' t l
po s s è d e en lui - même lIe s sen c e de iJ. te f 0 n -
"damefitale,
par conséquent le Mvett ne peut
"disparaître.
Puisqu'il
ne peut disparaître,
il
"impose à ceux qut vivent et à ceux qui
vivront
"après moi,
un devoir impérieux:
le répandre,
"le diffuser;
non seulement comme je llaï: fait
:'1 par les
l t v r es, mat spa r
l' art t rad; t ion nel,
l'art oral"
(1).
La première partie du voeu formulé par l'auteur
( 1) -
"p ré se n ce Fra n co p h,o ne", 0 p.
c it .

59.
de cette cttation a savoir la diffu~ion du mvett par les
l;-ijres e~t 6ten raisonna&le et même"réalisa&le. Par contre,
lad eux t ème par t te des 0 n v0 e u qua nt a. lad if fus ion du Mve t t
par l'art oral nous sem61e b;-en utopique et vouée à l'éch.e.c
a cause des motifs évoqués précédemment.
Cependant, l'aspect positif de toute traduction
en mat i. ère ~ é .1: ~ t té rat ure ne dot t pas é c l i ps e r co mpl è t eTI1 e nt
l'aspect négatif.
Qu'est-ce que "traduire" ? "Traduire",
c'est
tout simplement fatre pass,er u.n texte d'une langue dans une
autre; qu'il soit oral ou écrit. La traduction devient ainsi
lac 0 e xi ste nc e de deux l a ngue s. à. t r a ver sun mê met e x te. El l e
est donc, sans contestation possible. le lien d'un contact
en t r e de ux l an gue sem plo Yé(5 a l ter na t 1. ve men t par lem êm e in di. -
v id u. mê Ille s i. les e ns dan s l e que l il emplo i e a l ter na t i vem en t
les deux langues est un peu particulier.
L'influence de la langue qu'il traduit sur la
langue dans laquelle il traduit est vite décelée ~ cause des
e r r e urs 0 u f a utes de t rad uc t ion. 0 u b. i end e s co mp0 r t em e nt s
ling~istiques tirès marqués c~ez le traducteur: le 900t des
néologismes étrangers. la tendance aux emprunts. aux calques.
aux citations non traduites en langues étrangères, le matntien
dans le texte une fois traduit des mots et expressions
non traduits, c'est-a.dire des termes intraduisi51es.

60.
La 1a ngue e s. t
par. (; il nSé que nt
lié 1é men t mot e ur
de toute traduction.
Elle fait partie inté~rante de la
culture d'un peuple dont elle n'est qu'un des aspects. car
clest la parole qui. dans un groupe social
donné, s'organise
en langue. Llimportance de la langue pour un peuple nlest
plus a démontrer:
"La culture d'un peuple est en effet par défi-
" nit ion 1e lie u des é d i men ta t ion d es man i ère s
"de faire et de penser de ce peuple, et c'est
"en étudiant sa langue et sa grammatre que l'on
"parvtent pour
une large part a en satsi.r les.
"articulations et la logique interne. On s'aper-
"çoit que non contente de communiquer la pensée,
" 1a 1a ngue pyi é s ide é t roi t e men t a s 0 n é 1a b0 rat i. 0 n
"Ainsi, le fait d'utiliser une langue dlemprunt
"pour ex~r~mer sa propre culture aboutttfil non
"seulement a une transformation du message mais
ua une véri'tab le trahison" (1).
Ces propos de Jacques CHEVRIER mettent l'accent
s ur 1 1 in f i. d é 1 t t é de t 0 ute traduction. J e a n GUE NET cl e. 5 (') n côté
aj 0 ut e c e c i :
"
La langue est bonne conductrice de la sen-
" s i b il i té. de lié mot ion. mai s a us si de 1a pen sée
"Traduire de notre langue dans une autre, c'est
"prendre la mesure des. différences entre la
(1) - J.
CHEVRIER, Littérature Nègre, Paris, Armand Co1~n,
Paris, 1974 (Seconde éd.) pp.
241-242.

61.
II nô tre
et cette autre langue. Lorsque nous
II c hangeons
de langue la démarche n'est pas la
même ll (1).
Tout système linguistique possède donc une ana-
lyse du monde extérieur qui lui est propre, et qui diffère
de celle d'autres langues ou d'autres étapes de cette même
langue. Toute traduction est infidèle car elle trahit la pen-
sée du texte original.
Par conséquent, l'interprétation d'un
récit,
exige que celui qui effectue cette opération SQit familiari-
s é a ve c l a l a ngue d' 0 r i gi. ne dan s, l aque l lei. l SfiO nt Il dits Il, car
les concepts qui y sont contenus ne peuvent être compris que
quand celui qui interprète le texte connait assez bien la
structure de la phrase qui révèle l'évolution de la pensée,
par la possession du vocabulaire dont les termes renvoient
aux agencements sociaux. En un mot, on ne peut comprendre un
message émis dans une langue que dans la mesure 00 l 'on
mai~
trise parfaitement cette
langue.
En tant que texte littéraire, quels sont les
pro bl ème s que po sel e Fan g -, ~ a ngue d ' 0 r i gin e du ~1 vet t - a ux
traducte'urs?
"
, \\
De ~r~me abord, le Fang comme bien d'autres
(1) - Cité par Tsira NDüNG, Communication au Festival des
A~ts Négro-Africaine, Lagos, Nigéria, 1977.

62.
langues africaineS,est une langue a tons. A ce propos Samuel
GALLEY écrit précisément :
ilLe Fang se chante plus qu'il ne se parle, et
"l es tons employés ne le sont pas au hasard,
limais d'une mani.ère très précise. Certains mots
Il son t
t 0 uj 0 urs dit s s. ur un ton plu S· é lev é qu e
"le reste du discours, d'autres sur ton plus
"bas. Cela aide souvent à distinguer des homo-
l\\ nymes.
Il s e rai. t é videm men t t rè s util e d 1 i ndi -
~i que r ces di f f é r en ces: dan s l f é cri t ure, mai s
" ce l a est impossible. C'est seulement par l'usa-
lige qu'on pourra parvenir à se mettre ces tons
lia l'oreille ( ... ). En négligeant de connaître
Il les.
ton s des mot s, les Bl an c s qui é t udi en t l e
" ra ng s' exp 0 s e rai en t à ne pas ê t r e co mpris
"des Noirs" (1).
En e f f et, dan s l a l an gue ra ng, c n.a qu e. mot, se.-
lon sa prononciation avec un ton haut, avec un ton moyen, avec
un ton bas et les tons intermédiaires, change automatiquement
de sens. Le traducteur du
Mvett doit donc se méfier des ~o-
monymes au niveau de l'6rthograph.e des mots. Malgré s,on or-
thograph~ figée, un même terme peut avoir deux, trots, qua-
tre sens différents ou davantage. Pour étayer notre ~rgument,
r~portons~nous a l'exemple suivant:
(1) - S. GALLEY, Dictionnaire Fang-Franç.ais. et Franç,ats1Fa,ng,
Ed i: t i: 0 ns Re n r i: Mes s, e il 1er, Ne uc h.â tel, l 96 4, p. 562 .

63.
- Mot fang
: IIAbi ll
- PreriTi'er sens: Ahi
= cui.s,s.e d' h.omme ou de bête
- Deuxi.'ème sens: Abi = mal, péché
Troi'sième sens
Abi
= mauva ts, méchant
Quatrième sens
Abi
= sei n, marnme11 e
Cinquième sens
Abi = beaucoup
- Sixième sens
: Ab; = excréments ....
Des mots de ce genre abondent dans la langue
fang.
Les étrangers qui étud;-ent cette 1angue_ prov-oquent
parfois le rire quand ils prennent la parole devant les Fang
...
eux-mêmes. Trop souvent,
ils d;-sent des grossiéretés quand
ils pensent bien dire.
Dlun autre côté, le rang est une langue plus
évocatrice que descriptive.
Il cont;-ent beaucoup de symboles
et d' i ma ges.
Ain si, 10 r s que dan sun rée i t de Mve-tt , l e p0 è te
co nt eu rem plo i e l ' ex pre s s ion : Il Aku t Nku k Il
(s e f r a ppe r 1a
poitrine), cette expression ne décrit rien mais évoque une
image, un symbole. Clest l'évocation d'un voyage qu'un homme
" do ub1e" e f f e c tue dan s son in té r i. eu r. C' est une a 11 us io n
à l'appel
que tout individu "puissant ll lance à son "évu" qui
doit lu; permettre l'accès au monde dit "supérieur".
Dans Bon récit oral, le mhom-mvett emploie le
" J a van ais ", s.o rte d e 1a ngue i. n t rad u i s i b1e que Tsir aND 0 NG
désigne par le "parler por-épic" et que le défunt MVOMO

64.
[KO (1) appelait le "parler Fano". Ce "parler porc-épie" est
constitué essentiellement d'onomatopées. une des principales
caractéristiques de la langue Fang. Ces onomatopées sont pra-
tiquément intraduisibles.
D'autre part, certaines traductions des expres-
sions imagées fang apparaissent comme des non-sens pour des
lecteurs étrangers. Dans les textes de Tsira NDONG, nous
avons ainsi par exemple la traduction de l 'expression Fang
"tHkour-Megnoung-n'Ekomb.ègn" par "Lointain-brumeux, pays de
tam-tam". Traduite donc, cette expression typiquement Mvett
perd tout son sens initial.
Ensuite, le poète-conteur, qui cherche avant
tout a mettre en relief son esprit créateur et son éloquence,
e mplo i. e une l a ngue di. te" arc ha ï qu eU .
11
prèfère ~tili-
ser les mots et les expressions d1usage peu fréquent. Par
exemple, le célèbre conteur AKUE OBIANG (2) utilise le ter-
me" Ang0 ne man e " à l a pla ce dut er me pop ulai r e "Mve t t " .
Toujours attaché a. ce langage "noble", ce même poète-conteur
uti'lise "Nsolbong" a la place de "Etsotso" pour désigner un
oiseau du milieu ~quatorial. En fait, le traducteur aura sans
doute recours a un seul terme dans sa traduction pour nommer
la même réalité.
(1)
- MVOMO EKO : Ancien grand joueur de mvett originaire
du Roleu~Ntem
(Gabon).
(2) - AKUE OBIAI~G : Joueur de mvett originaire du W.oleu-Ntem
(Gabon).
L

65.
En fin, l a po és. i. e Fa n9 ne s 1 a ppui e nul lem e nt
s:ur une ri'me structurale mais principalement sur des asso-
nances et des répétitions. Elle est incapable de passer
dans ~ne autre langue sans qu'elle ne devienne une platitude.
Pour appuyer notre argument, prenons l'exemple
suivant tiré d'un récit de mvett fait par MVOMO EKO :
- Version originale de la chanson:
IV
"( ... )Ngbwël éto b.eyem ébu (1)
N
" Ngbwë l ~ (d e ven u) con na i. s s e urs ne uf (c hi f f r e )
"Osü mekokh mesokh ébu
"Cours d'eau pierres chutes neuf
I\\f
"Nkole ô bele mewola éb.u
"Mo nt r e (r éve il) a he ure sne uf
"Min e~ga "n bo be va kh é bu ...
"Femme une dotéuns neuf".
- Tnaduction littéraire
IV
'\\ Le Ngwë l a ma in te na. nt ne uf con na i s se urs
"Un cours dl eau pierreux a. neuf chutes
" Le ré ve i l ma r que ne uf ne ure s
"Une seule femme à neuf prétendants".
Comme nous le constatons a travers les tra~
ductions littérales et littéraires de cette chanson, l'as-
pect poétique de cette mélodie n'.est pas transposable au
(1)
- éD.u : prononcer "ébou" car le "u" est prononcé "ou" en
Français.

66.
ni.veau de la traducti.Qn en
Français.. Sans contestation POS7
s:t51e, toute traduction de cette cn.anson abandonne le ton
et le génie de la langue Fang.
Le joueur de mvett e~t avant tout un beau par-
leur. Son but manifeste est l'esthétique. Ses qualités ne
seront pas la précision ni l'exactitude mais le beau lan-
gage.
Il doit charmer (delectare) l'oreille et l'esprit. La
traduction du Mvett pose donc d'énormes problèmes quel que
soit le sens dans lequel elle eat faite.
Mais que devient le ~vett apr~s sa traduction?
LeM ve t tes t lie x pre S s. ion de t 0 ute une col l e c -
tivité. En tant que tradi.tion oral~, le Mvett véhicul~ et
conserve le précieux capital des créations socio-culturelles
du peuple Fang. [1 englo~e toute la culture Fang et en cons-
titue aujourd'hui sa base. Le Mvett allie la littérature
e t l a mus i que, lever be e t les 0 n, car san s mus i que, i' les t
inconcevable. C'est un chant-récit ou un réci~c~anté.
La traduction du mvett privilégie un des as-
pects de cet art
la littérature. Mais il ne faut pas ou-
blier ~u~ le Mvett est un spectacle plein, au cours duquel
geste, parole, c~ant ~t danse sont complémentaires et indts-
soc i a b. les co mm e le, S 0 rltt e t d0 iv e nt l' ê t rel e j 0 ue ur, 1er é -
cit et l'instrument. La littérature trouve dans la musique

67.
un regain de force expressive, persuasive, et une raison fon-
damentale de sa beauté. Pour mieux apprécier les effets néga-
tifs de la fixation :du Mvett sur du papier, nous laissons
Tsira NDONG NDOUTOUME, initié St traducteur, s'exprimer sur
ce sujet :
"0 Il1vett que viens-tu faire sur du papier? Sur du
"papier qui t 1 é t 0 uf f e, te f l é tri t, t'~ é t r e i nt? Sur
"du papier sans vie, sans expression, sans rythme
"Mvett où-tu. Où sont les mélodies qui enchantent,
"les mélodies qui bercent, les mélodies qui ryth-
"ment? ô père ZUE ! (1) 0 Grand poète! Le Mvett
"se meurt ! ( ... )
"Tsira NDONG joue du Mvett sur du papier
"Mvett ! Mvett ! t·1vett ! tu te meurs
!
"Tsira NDONG joue du Mvett sur du papier
"Les mélodies se meurent et je pleure le Mvett
"Tsira NDONG joue du Mvett sur du papier
"0 t~vettgQul'les-tu
venu chercher sur du papier?
"Tsira NDONG joue du Mvett sur du papier
"ô Mvett où sont les
cordes, où sont les calebasses
"Tsira NDONG joue du ~lvett sur du papier
" QU' est de ven ue l a n_u ppe de plu mes d loi s eau x
"qui paraît jadis la tête du joueur de Mveti; ?
( 1) - ZLI E NGLI Et'1 A : Ancie ni: j 0 ue ur de t~ ve t t 0 r l gl nair e de l a mê me
tribu que Tstra NDONG, il fut l'un de ses initiateurs, sinon
son initiateur.

68.
"Tsi:ra NDONG joue du mvett sur du papi:er
"Que sont de.venues. les b.rassi ères en peaux
"de genette qui ornaient ses tiras?
"Tsira NDONG joue du mvett sur du papier
"Où sont les grelots métalliques qui tintinnabu·
"laient à ses pieds?
"Tsira NDONG joue du mvett sur du papier
"Où est le village, où est le corps de garde?
I~O mye tt
"Qu'es-tu donc venu faire sur du papier?
"Tsira NDONG joue du mvett sur du papier!
"J 1 a i vu que l q u • un à. lia ncie n vil l age ; cie s t
"-.Tsfr"a.NDONG NDOUTOUME, fi.ls de NDOUTOUME
MEDZO'O METOUUOU
" Del a tri b. u yen gU.
Il j 0 uait du mve t t.
"Tsira NDONG jôue du mvett sur du papier
"Quel scandale! A-t-on jamais vu quelqu'un
"jouer du mvett sur du papier! ( ... )
"Tsira NDONG joue du mvett sur du papier
"Mais les Blancs n'ont pas compri"s le mvett
les Blancs
"Peuvent- il s comprendre le mvett ? Le Mvett a'::
t- il été
" f a i. t Pa l:J r que les. Bl a nc s l e c 0 mpre nne nt? '( ( 1) .
Ce passage lyrtque du poète-conteur Tsira NDONG
NDOUTOUME met l'accent sur la "désacralisation" du mvett par
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett, (Livre 2), pp. 68-70

69.
le~ traducteurs; Dans ~a ver~ton écrite, le mvett est de-
venu une simple légende. L'écriture a tué la vie du mvett
en conservant le texte et l'lIhis.toire ll • Le texte jadis sa-
cré devient un morceau d'et~nologie, pittoresque fossile
de musée, document. Les traducteurs ont par conséquent pro-
duit des oeuvres littéraires qui' sont de nos jours les su-
jet s den 0 mD. r eux t r a vau x der e c he r che .
x
x
x
Disons, en conclusion, que cette première par-
tie de notre ouvrage nous permet de faire plusieurs décou-
vertes plus QU moins intéressantes:
Au niveau de l'origine du groupe Pahouin,
auteur des récits. de Mvett, les hypothèses fantaisistes
et cQntr~dtctoires sont abondantes.
Ces incertitudes sur
l'origine de ce groupe etnnique engendrent d'autres con-
ce r nan t l 1 0 r i gin e d u mve t t.
En un mot, l 1 0 r i gin e des Fan g
et celle du mvett sont à vrai' dire de l'ordre du mythe.
Nous ~ommes incapables de dater le début des migrations
Fang et de fi.xer l'espace de leur point de départ; tout
comme OYONQ ADA NGO~O,
l 'inventéun du mvett, est un musi-
cien non s'ftué dans. l'espace nt dans le temps avec préci-
sion. Tout relève de la légende.

70.
Ensuite, nous apprenons les conditions d'ap-
prentfss~ge du mvett, les conditions de déclamation, les
différents genres du mvett, l~déroulement de la séance
les c b_é ma gé né ra l d' un" nl a n- mve t t ". No us s a von s dés 0 r mai s
que pour apprendre le mvett, il faut en manifester le dé-
s i-r, ê t r e uni ni' t té des "s cie nc es sac rée s" e t ê t r e i nt r 0 -
duit auprès d'un arttste de réputation; que cette initia-
tion au mvett se termine par un sacrifice, que le mvett est
joué pendant des cérémontes traditionnelles, que le mbom-
mvett suit un sc~éma bien déftni pour faire son récit, que
le mvett n'est pas un art gratuit mais fonctionnel ... En
un mot, le mvett est un art codé.
Enfin, nous ~vons découvert que le mvett,
resté naguère une ltttérature orale, un domaine inviolé,
est traduit actuellement en langues étrangères. Cependant,
ces traductions ne dégagent jamais l'essentiel. L'écritu-
re réduit le mvett à un seul aspect: l'aspect littéraire.
Le mvett est devenu tout simplement une oeuvre littéraire.

71.
DEU XI EJv1 E PART IE
ANALYSE DES "MVETT" DE TSIRA NDONG
NDOUTOUME
Il Las 0 C ; été
C l'La n gel e
Mv e t t e t
leM v e t t
veut di.a n9 e r
las 0 C i. été Il •

72.
Le~ deux te~te~ de Mvett qui constituent
notre
cor pus' S'Q nt con s'a c rés' a ux r é c i't s d' 0VEN G NDO U~1 0U 0 BA MEe t
d'A SSE NG MB:A NE 0 NA. Ces: deux na r. rat ion sap par t i en ne ntau ré-
pe r t 0 tr e t l l 1:m;-t é d u Mve. t t. Car, 0 nad é j à vu que les r é c i t s
de Mvett o5éissentaux afflictions de la vie.
Il
n'existe pas
un récit de Mvett (nlan Mvett), mais des récits de Mvett
(Milan mi Mvett).
Qui en est l'auteur?
n est gé néra l em en t ad r:J i s au j 0 ur d 1 hui que lia u-
teur d'une oeuvre orale, li'ttéraire ou musicale, est celui
qui, l' a l a nc é e lep rem te r dan s lep ub l i c. Dan s l a gra nde ma -
jortté des' cas, le nom de ce promoteur initial de l'oeuvre
orale e~t inconnu. Cette opini'on qui est devenue une règle
~ouffre une exception dans le cas du Mvett. Car, la généalogie
du m50 m- /Tl ve t t Pe r met de re mon t e.r jus qu' à 0 YON 0 ADA NGO NO i-n-
venteur
légendaire ou mythique du Mvett.
Cependant, si l'inventeur du mvett reste l'au-
teur du premier récit de cette oeuvre orale, on peut affirmer
que les réci'ts de mvett n'ont pas d'auteurs déterminés: ils
sont tous la propriété commune de tous les bebom-mvett authen-
t i.'q ues. Ces i, nit i' é s r ecu e i l l e nt t 0 us. leu r s t hème s dan sun
l feu et au même moment i'nconnus des. profanes.
Pour servir de référence au lecteur dans les
étude.s; q,ut S:LY:fvront,\\/voici
une. analyse des deux narrations de notre
corpus; deux narrations très inégales de longueur.

73.
CHAPITREr. -
LA. STRUCTURE
NARR/HrVE DES RECITS
A. - LE. RE.C IT D' avEN G NDO UMOU aRA ME
On a déjà dit que les épopées de Mvett sont in-
nom~ra51~s. Par conséquent, il existe une multitude de per-
sonnage~ et d'intrtgues selon le récit considéré. Même si
tous mettent généralement aux prises le peuple des Immortels
(descendant de Kare-r~e5egue)etle.\\peuple
des Jt10rtels (descen-
dant de Zal1)e.,.-y-e.,.Hie5.egue (?)), les personnages qui s'affron-
tent, les causes des conflits et les déroulements des intri-
gues présent~nt plus ou moins une grande variété au niveau
des dtfférents récits.
Dans le premier (OVENG NDOUMOU OBAME), qui sont
les: personnages? Quel eS,t le déroulement de l'intrigue?
1.
-
LES. PERSONNAGES.
Au niveau des personnages, le récit d'OVENG
NDOUMOU OBAME met en scène des "actants" qui appartiennent au
peuple d'ENGONG (peuple des. 'Irnmortels) et à une tribu d'Okij
(peupl~ des Mort~ls) ~ celle des Flamm~s. Dans la présenta-
t i Qn des: pers. Qnnage s, nQU s: 1n0 us in té r e s se r 0ns plu s part i cu-
li:èrement à ceux qui participent à. l'action de notre conte.

74.
Duc ôté d' 0 ktJ (p eu p l e des Mor tel s ), i.l ex i ste
des.' persQnnages qui' apparti'ennent à la tribu des Flammes et
à. la tri'b.u des Orages d'une
part, au monde des vivants et au
monde d~s. Pantômes (~ek~n) d'autre part. Cette deuxième caté-
go rie des' par tic i pan t s à l' a c t ion (1 es Fan t ô mes)
i nt r 0 du i t
le mervetlleux dans nos réci.ts.
Dans le camp de la tribu des Yemikabe (tribu
des. Flamm~s.), se trouvent les personnages suivants:
-
OBAr~E NOONG
Pat r ;- arc fie d u peu p l e des Ye mi ka be,
i les t
l e
grand-père d'OVENG NOOUMOU OIiA~lE.
C'est lui
qui décide de l'in-i-
t 1:a t i: 0 n de ce fut ure he f des Fla mm es. Enfin,
i l s e sac r i fie
pou r
l a, "fi a 5rte a t i' 0 n " des' 0 n pet i t - fil s :
" 0 a ns' d eux j 0 urs ,
a u vil l age, dit 0 BA /,1 END 0 NG,
"je mourrai d'un rhume. Au lendemain de mon in-
" hu mat i, 0 n,
l a nui. t, v0 Il S r e tir e r e z mon cor ps de
"la fosse,
l'apporterez ici. Vous savez ce que
"vous devrez en faire"
(1).
- NDO UMQU 0 B.AME
Il est l~ fils d'OBAME NOONG et pêre d'OVENG
NOOUMOU
OBA,ME.
C'est lui-même qui. doit présider l'intronisa-
(1) - Ts;i:ra NDONG, Le Mvett (Li,vre 1), op, cit.
p.
31.

75.
tiQn de son ftl~ doué de put~~ance auparavant.
- OVE~G NDOOMOU ORAME
Fils de NDOUMOU OBAME ~t de NTSAME ONDO, petit-
fils d'OBAME NDONG, OVENG NDOUMOU OBAME est le chef incon-
te~té et tncontesta5le de la tribu Yemikabe. C'est un homme
bea u e t pui's san t.
l'l
est levai nque ur deN KA BE MB0LI ROU de l a
tri.Du des Grages, ravisseur d'EYENGA NKABE, fille du même
NKABE MB.OUROU et de deux lmmortel s, mai s ce pui ssant homme
des Flammes e~t vatncu par les tmmortels. OVENG possède un
squelette en fer. C'es·t un nomme "hors du commun".
- ELA MI:N Ka M' (1 Bl'A NG
Descendant direct de MINKO M'OBIANG, le plus
grand magicien du monde des Flammes, ELA MINKO est le parti-
s,an d'OVENG NDOUMOU. l'l est son seul et son principal émissai-
re. Vainqueur de NFOUMOU ANGONG ONDO de la tribu des Bilè
(les Ar~res), il est sévèrement corrigé ~our a tour par NKABE
MBOUROU de la trtbu des Orages et par NTOUTOUMOU MFOULOU du
peuple des Immortels.
Duc ôté de l 1 au t r e t r ib u d' 0 kU - cel le.
des
Orages? on dénombre deux personnages actifs:
.,. NKABE MBOUROU
Il est le ch~f de la tribu des Orages. Sur le

76.
plan généalogique,
NKARE. est descendant de MBOUROU EZEMA.
Vainqueur d'ELA MtNKÜ de la trfou des Flammes,
i l
sera vain-
cu à. S'O n t 0 u r
par 0 VEN G ND 0 Ur~ 0U 0 B,A ME mai s s 1 a l lie r a a u x
rmmortels~ par l'intermédiaire de sa fille EYENGA NKAB.E.
Faut-fl
enCOre répéter que cette "fée des eaux"
es t
l a pro pre fi' l l e deN KA B, E ~~ BD UROU ? Cep end a nt, i l
con vie n t
de d i' r e que cet te jeu ne per son ne des 0 r age ses t
l 1 und es
enjeux,
~tnon l'enjeu principal des combats qui opposent
OVENG NDOUMOU OBAME aux I~mortels. EYENGA MKABE est le seul
pers·onnage fémi'ni'nin surhumain du conte d'OVENG NDOUMOU.
Parmi les personnages
qui appartiennent au mon-
de des Fantômes apparaissent
:
c'est le fantôme
(kône)
d'OBAME NDONG,
grand-
père d' OVENG NDOUMOU OBAME.
Il
sert pendant longtemps de
cons~fll~r et de défenseur ac~arné de son petit-fils au cours
d~ ses démêlés avec d'autres p~uples. Cependant, c'est lui
qui,
e n sa qua l i t é de c h.e.f
des Fan t ômes
des a tri bue t
de
g~ôlt~r d'ENGOUANG ONDQ (p~uple des Immortels), dévoile à
l ' fiQ mil) e d'EN GQNG,
les: sec r et s de
l a pu i s san ce des 0 n pro-
tégé.

771
Cette "rei.'ne du D,out du monde" habite un pays
où i:l ne fai.'t ni.' jour, nt nuit. L'aspect surnaturel de son
royaume a sans aucun doute engendré son portrait de circons-
tan c es . D' a D,or ct "u ne v te i'l l e f e mm e à 1a peau gal eus e, a ux
jam~es rongées par les plates putrides,
aux cheveux ébourif-
Il
fés sales et pletns de poux( ... ), elle devient ensuite:
"une s;upe.rD.e jeune fille aux cheveux abondants, à la gorge
tri 0 mpfian te".
Par ée ct e br ace 1e t s ct' 1v0 ire qui lui sen t ct ans
l' obscurtté, ELENGA AKENA doit être considérée comme le
personnage le plus changeant de ce monde des
Fantômes. ELEN-
GA AKENA, non seulement se change, mais change également
tout ce qut l'entoure. On peut affi rmer qu' ELENGA AKENA
est une espèce de Circé. Gràce à ce personnage, le mbom-
mvett nous, fntrodutt dans un monde étrange, un monde mer-
vei'lleux, dans un univers en mouvement. L'une des caracté-
risti'ques épiques de notre réctt est mise en relief.
En ce qui concerne l'action proprement dite,
c'est cette créature polymorphe qui permet aux guerriers
d'ENGONG de trouver le chemin ~ui mène à Nkobam, village
ct ' 0VEN G NDO LI MO LI 0BAME qui' les a 0 f f e ns é s .
x
x
x
x
Q,uant au parti, des tmmortel s, il compte ci nq
parttsans qut sont

78.
-
ENGOUANG ONDO
EN GO UANG QND0 e.s. t
l e. f i~ l s d' QNDQ MB.A et d 1 EL ElS 0 ~
GHE
BENDOME.
Certains; l'appelle.nt BLKO ONDQ
QU
l'A.lti:er tan ..
dis
que d'autres
le
surnomment NANG ONDO
ou
le Magnifique.
Jouissant d'une puissance. magique
i:lli'mitée~ EN~OUA,NG ON DO
est
l e c he f
d e l ' a r mé e d'EN G0 N~.
"L l
v 0 i t
l a nui, t ~ i: l
V0 i:'t
l e
jour~ il voit l'invisi.ble"
;
par cons:équent~ i:l
est un pers.on-
nage
surh.umain.
C'est à. lui. ENGOUANG ONDO que NKAB.E adres.se
son message
d'alliance après
sa défaite contre QVENG.
Mais
tl
sera
à la fois
l 'ennemi farouch~ d'O~ENG NDOUMQU OB~ME
et son
s a u ve ur.
Car
i.l levai. ncau co mb a, t mai s sa uv e l a t ê te duc he. f
des
Fl ammes
devant l e " tribuna 1"
d' ENGQNG.
-
NTOUTOUME MFOULOU
Descendant d'ANGONE
EVINE
ETSANG?
U es.t l'aijlné
de
la
fami:lle
de MFQULOU
ENGQUANG MEYE. ~~'ANGO.
Cet n.OITIIlJe qui.
n e ~ ure que : " Par lac a l vit i. e d :'\\ A K0 IVI A MB.A Il e t
don t
les
s iJ -
flotements
sont de perpétuels
défis
à. la, mort~ est stlnnornmé
NYEB,E MFQULQU
(le
"oui: de Mfoulou")
ou MONE LaO.
Mai,'s i:l
porte
a u s, s i l e nom d'" 0 SSOU MM1 E"
( l e Vo l 0 n ta i r e ).
Adj 0 i nt diT e c t
d'E NG0 UANG 0 ND0 a use i n d e l ' a r mé e d 1 EN G0 NG ~
c' est lui q u t
vai,nc ELA MINK(i)
et qui. libère ZE MEDANG et OB.IA,NG MEDZA~
ses
deux
frères
pris
en
ot~ge par OVENG NDOUMOU OBAME.

79.
- ANGONE ZOK
Originâire du village Bingokom, fils d'ENDONG
OYONE et d'OFOYENG ASSOUMOU de la tribu Yebekône (les Fantômes
ou les Revenants). ANGONE ZOK ou ANGONE ENDONG porte les sur-
noms de "'ODZA~1E NSUGHU BIKIA'A ébu" (l'Ecureuil-de-la-saison-
des-pluies-aux neuf-:nids) et de "Fourche" car, il vit chez les
vivants et chez les morts. ANGONE ENDONG fait partie de l'ar-
mée d'ENGONG.
Il a sacrifié sa mère OFOYENG ASSOUMOU lors de
son initiation. C'est un personnage surhumain. Après d'autres
combats contre OVENG NDOUMOU et ses a11iés,;c'estMGONE ENDONG qui
reprend EYENGA NKABE au chef des Flammes.
- OBIAI~G MEDZA
Appartenant à la jeune génération des guerriers
d'ENGONG, son père est MEDZA M'OTOUGHOU. Après avoir vaincu
1e s bê tes f é roc e s v0 mi. e spa rEL AMI NKO, i 1 est pris e n 0 t age
par OVENG NDOUMOU OBAME.
- NZE MEDANG
Autre j~une guerri~r d'ENGONG, fils de MEDANG
BORŒ~et d'une femme issue de la tribu Yememan (les joues
p1e i: nes), i.l s ubit 1e mê mes 0 r t qu' 0 Bl ANG ME0ZA, a pr è sun
com~at farouc~~ contre ELA MINKO.

80.
2. - ANALYSE
Avant de pa~~er au compte-rendu analytique, ré-
s umon s br i è ve men t l' hj s toi r e :.
"Devenu ch.ef puis,s,ant de. la trib.u des Fl ammes
au terme d'~ne initiation et d'une intronisation, OVENG
NDOUMOU ORAME décide d'anéantir le fer sur toute
la surface
du globe terrestre afin que la patx y règne. Car, pour ce nou~
î,\\o.mr.Jlb
veau chef des Yemikab.e, le fer est l a cause de ;tous l es maux '.
don t sou f f rel ' hu man i té. Mai s. les au t r est r i bus (M 0 rte l s) ne
l'entendent pas de cette oreille et la lutte est terrible: 30-
li résultat pour un pacifiste! Celui-ci sera d'ailleurs vain-
cu, mais arrivera a ses fins, puisqu'il épousera la soeur de
son pr i nc i pal e t far 0 uc he a dver s. air e et que l' ami t i. é r è gne ra ...
jusqu'a la prochaine génération".
Quelle est la structure du texte et quel e~t le
sc hé ma de l'a c t ion ?
Comme tout récit de mvett oral, le taxte con-
sacré au conte d'QVENG NDOUMOU OffAME s'ouvre par un pa~~age
qué nous intitulons :. ilL ivre
du COlîlmencement). Dans. ce livre

81.
sont accumulées les légendes concernant le premier récitant
du mvett mais,' principalement celles concernant les origines
du monde et du peuple d'EKANG-NA. C'est cette descendance de
.1KA RE. MEBEG UE qui
no us i: nt é r ess e dan s t 0 us. 1e s Il Mve t t Il •
Ce "livre du. commencement" doit être considéré
comme le mythe Fang de la Création.
Il permet au mbom-mvett de
ra ttacher 1 1 homme au cosmos i:nfi.ni:. Dans cette es pèce d' intro-
duction au récit proprement dit, il y a la présentation des
principaux partis ennemis des co~frontations armées qui sui-
vront : les immortels et les Mortels.
Quant au récit lui~même, il possède une struc~
ture qui se répartit en une introduction, en un déroulement
de 11 acti:on et en une conclusion.
L'introduction regroupe les séquences consacrées
a la présentation générale du personnage d'QVENG NDOUMQU QBAME.
Les c hémad' a c t ion de l ' -j nt r 0 duc t ion es t 1e sui van t :.
1° -
Naissance et initiation dlOVENG NDOUMQU OaAME
A Nkoba.m au pays. de.s. Fl ammes, dans une cuistne
du vi:1l age, une femme du nom de IHSAME ONDO accouche d'un
garçon. Plus tard, toujours a, Nkob.a.m mats sur une montagne
rocheus-e, ce nouveau-né sub.it le rite de l'inï:tiatton.

82.
2° - fntrontsation et mission du ch~f
Un jour sur la place publique de Nkobam, le
~ouveau-né qui a déj8 six lunes d'age ~~t intronisé.
Il se
montre 8 son peuple et définit sa mission: anéantir le fer
( mé t al) sur las ur f ace de l a t e r r e. Par con s éque nt, i l c [LQ i.•
sit un émissaire.
x
x
"A
x
Le déroulement d~ l'action pure peut se répar-
tir end eu x mou vemen t s : les
vic toi: r e set l e. s dé fa i tes d' 0VEN G
NDOUMOU OB.AME.
Le premi.er de ces: deux mouvements, 8. savoi:r
1/
les "victoires
d'OVENG compr~nd deux séquences:
- OVENG NDOUMOU OBAME tontre NKAaE MaOUROU
Au pays des Ojrage.s, OVENG NDOLIMOU OB.AME 8. l 1 is-
sue d'un combat farouche contre NKAaE MaOUROU c~ef de cette
tribu, remporte un~ victoire sur celui-ci en lui fracturant
une jambe.
- La.' b.atai,ll e de ME.KA-MEZOK
A Meka-Mezok, village de NDOUTOUME ALLOGQ MrN~
KO, OVENG NDOUMOU QaAME et son adjoint ELA MINKQ affront~nt
l es guerriers dl EN GONG . Fi na l ement? OVENG NDOUMOU OBAME ra-

83.
vit EYENGA
NKABE~_qui assiste aux affrontements - a sas
ennemis.
Il prend également deux Immortels en otage tt rega-
gne son pays en compagnie de son émissaire.
Quant au deuxième mouvement que nous intitu-
lons les. "défaites' dlOVENG
NDOUMOU~ il se rédui.t a la seu-
le séquence ci-après:
- Les batailles de NKoaAM
A NkDbam, village d'OVENG NDOUMQU OaAME, celui-
ci affronte les Immortels. Ces guerriers d'ENGONG reprennent
EYENGA NKAaE et délivrent leurs deux compagnons. Enfin, ils
remportent une victoire décisive sur le chef des Flammes.
En ce qui cQncarne la conclusion, cette derniè-
re qui se résume égalemant a une saule séquance, doit être
considérée comme un épilogue judiciaire.
- La jugemant d'OVENG NDOliMQU OaAME
A Wor-ZDk au pays das Immortels, OVENG NDOUMOU
OBM1E eS,t jugé par le
Consel
des. Anctens d'ENGONG. Une ma.,
jeu r e par t i:e des "J ur é s." sep r 0 non cep 0 urs a con dam na t i. 0 n a.
m0 r t, mats i:l est fin a l em e ntac qui t té.

84.
La présentation du récit que nous venons de
faire laisse apparaftre un perpétuel changement des lieux
et des actions du récit. Nous nous trouvons ainsi face à un
chapelet d'actions. En un mot, cette présentation du sché-
ma des actes des person nages met en re l ief l 1 ex i stence de
nombreuses péri~éties dans l '~istoire du chef des Wlammes.
C'est un récit aux multiples rebondissements, et a. l~ction
multiple.
Pour mieux comprendre le déroulement de cette
action multiple, nous suivrons le compte-rendu analytique.
En effet, cette analyse détaillée de la narration nous per-
met de prendre connaissance des principaux évènements de
l'histoire. L'analyse séquentielle du récit d'OVENG se pré~
sente comme suit :
2.1.- LA PRESENTATION D'QVENG NDOUMOU OBAME (pp.
26-40)
a. - "La nats.sance et l'-initiation d'OVENG" (Le ciel éta:it
beau ... êtres invisib.les) (pp. 26-31).
1\\ Le cie l é ta i, t
b,e au, les 0 lei l s p l end ide . .. Il
C'est dans cette atmosp~ère surc~auffée qu'OBAME NDONG, pa-
triarch~ des Flammes et père de NDQUMOU OBAME décide de fai-
re du futur nouveau-né de son fils, le chef incontesté et
incontestable de s.a tribu. Tandis que NDOUMOU OBAME sur or~
dre de son père lance un appel tambouriné aux initiés,

85.
"Dans la case envahte de vieilles femmes', IHSAME
"ONOO, l'épouse de NOOUMOU OBAME, râ l ait. Dans ses
Il en t rai l les
l e bé b é 5.0 u9 e ait.
l l vou lai t sor tir
Il de
cet te é ter nel l e nui t c h.a ude.
Il en a va i tas -
lisez de se sentir pris.onnier dans un monde où
"lbn ne patlait point.
Il voulait voir ce qu'on
1I1 u i avait raconté au pays des esprits d'où il
"venait: la terre, le soleil, les étoiles, la
"lune et surtout les l'tommes.
Il
Mais diantre où était le chemin conduisant
"à c e mon d e mer ve i l 1eux ? Fa l lai. t - i l
plo n9e r de
"la tête, déch.i.rer cette carapace gluante dont
"les contractions devenaient de plus en plus
" é ne r van tes ? Il
bon d i. t.
NTSAr~ EON DO pou s s e u n
IIhurlement atroce.
Deux vi.eilles femmes
la sou-
Il t i e n ne nt,
lui
pro d igue n t for ce
c ares ses e t
Il par 0 les
dés 0 b l i 9e a n tes"
(1).
Alors que dans un endroit de NkD5am, OBAME
NOONG joue à l'orateur devant les autres initiés,
"A ce m0 men t d es cri s de j 0 i e r ete ntir e. nt dan s
"la cas.e de NTS}H~E ONOO. Un beau b.élié piaffait,
" te nu par une vie il l e f e mm eau x j 0 ues creu ses .
"NTSAME ONOO étatt lib.érée"
(2).
(1) - TSIRA NOONG, Le Mvett (1),
op. cit"
p.
27.
( 2) - TS IRA NDON G, LeM ve t t
(1),
0 p"
c it. ~ p". 28 "

86.
Après cette 1I1ibération ll de la femme de NDOUMOLI
OBA~~E,
que vont ;flaire les initiés du nouveau-né?
Au mmment 00 les femmes sont encore sous le coup
d e lié vè nem e nt qui v ; e n t des e pro d u i. r e e t que c e r t a i ne s j u-
bilent, OBAME NDONG s'empare immédiatement du garçonnet et se
dirige sur une montagne rocheuse en compagnie des autres in;-
tiés.
Sur ce roc~er des environs de Nkobam, les initiés, sous
la conduite du plus grand magicien de la tribu, en l'occurren-
ce MINKO M'OBIANG,
procèdent à_ l' ;ni,'tiation du nouveau-né.
Pendant que les magici~ns sont à l'oeuvre, OBAME NDONG est
en pleine incantati.on :
" J 8 ,S: U ; S 0 BA MEN DON G, j e sui s. 0 BA MEN DON G,
" J e sui s aB.A. MEN DON G de lat r i bu des Fla mmes.
"a Esprits invisibles, écoutez-mot
"Puissances nature.lles regardez-moi
IIFleuves grondants cess:ez de mugir.
"Foudre du ci.el
arrête ta colère.
"Je vous convie, Ô mystère des mystères,
"A fa; r e d' avEN G ND 0 LI M0 LI 0 BA ME
"Une !T'oree, une Energi:e, un Immortel.
"Que sa ri:cliesse soi.t i:ll imitée
" Et sap u i, s san c ~ in vin c ib le!
" Que nul d e van t
lui, ne rés i ste
"Et que partout dans l'uni,'vers. il commande" (1).
(1) - TSIRA NDONG,
Le Mvett (1), p. 30.

87.
La Ke~ogne a parfaitement réussi car OVE~G NDOU
MOU OBAME. a acquis des puissances, il est devenu un h~mme
doQble (fer et ~omme) dans un même corps. A la ftn de leur
beso1ne, les initiés en compagnie d'OBAME NDONG leur 6~te~
rentrent dans la montagne qui s'est fendtllée et qui s'est
refermée sur eux et accueillent joyeusement ces paroles
d'OBAME NDONG :
"Dans deux jours, au village, dtt OBAME NDONG,
" j e mou r ra i,' d 1 U n r ttu me.
Au l end ema in de' mon
"inhumation, la nuit, vous retirerez mon corps
nde l a f 0 s se, l' a pp0 rte r e z i. ci, vou s s a vez ce
"que vous devrez en faire"
(1).
OVENG NDOUMOU OBAME, doué de puissance et des-
tiné à la foncti.on de ch.ef du peu~le;des
Flammes, attend son
heure pour prendre en mai.n les destinées de sa tribu et par
conséquent définir sa mission.
b. - ','Intronis,atiQn et mi.ssi,on du cnef OVENG. :"NDOUMOU QBAME
pé né t ra ..•.. . cou c he r dus 0 l e i'l" (p p. 31 - 40 )
A Nkobam, au pays des Yemikabe, tout le peu-
ple attend impatiemment l'intronisation du nouveau chef OUENG
~);' .
NDOUMOU oaAME. Son père NDOUMOU OBAME, grace au physique
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett (1), p. 31

88.
extraordinatre d'QVENG) ~ &a santé de fer et a sa force pro-
digieuse, dé6ide de procéder a son intronisation.
Pour ce
faire) NDOUMOU OBAME se met a con&etller calmement son der-
nie r - né a van t de le" r env oye r a s a f 0 nc t ion \\1.
1 l s 1 ad r es se
a son fils en ces termes
"Mon fil s,
( ... ) l'ère de ton règne a sonné.
"Dans quelques jours toute la trfbu des: Flammes
\\1 S e
ré uni. rad a ns, ce vil l age pou r t e s a lue r e t
IIrecevoir tes consignes.
Sois un ch.ef autori-
IItaire.
Un b.on cnef pardonne rarement mais châ-
"tie fréquemment.
Il
défend sa tribu et sa na-
~tion, soumet les autres peuples.
Il
ne craint
" ni
l e feu duc i e l n t l a co l ère des homme s
! i l
"incendi e les vill ages reb.e 11 es) massacre sans
"merci ceux qui violent sa loi. Tout ce qui
"lui plaît
lui revi.en.t, n'e.n déplaise au pro-
II pr iétaire., Un chef crache, hurle, gronde et
Il tempête comme l'orage
! il
renverse des rég i-
"ments) provoque de calamités ll
(1).
A ces paroles virulentes a l'adresse de son
fil s, NDO UMOU 0 BA M[ :' pou r sui t son d i. s. cou r spa r des par 0 les
pl us modérées"
Il Lem and e est p lei n d' em b. Ûc h.e s,. Tou t e n r è g na nt)
Ille chef doit être prudent et sage.
Les jalou-
(1) - Tsira NDüNG, Le Mvett, Livre 1, pp. 31-32.

89.
"s;ies
, le désir,de vengeance,
les ambitions
"corrompent les peuples, les poussent aux pro-
"grès qui
les dotent d'une puissance insaup-
"çonnée et dangereuse. On n'est jamais unique
" en son gen r e dan s; cet uni ver s. Les for ces my s -
I~ té rie use s de l a na tu r e s,on t pe r f ide set cor r up-
"trices comme des femmes.
Ce qu'elles te don-
"nent aujourd'hui, elles
le donneront demain à
" d ' autres . Ne leu r accorde qu' une confiance r e -
" lat ive. Mai n te na nt, mon fil s, r e j 0 i ns ton h,a -
"bitation. C'est cette grande case en pi.erre
"que tu aperçois au bout du vi llage. Tu y trou-
"veras toutes tes armes, depuis la foudre du
" cie l jus qu' a u s -j rn p l e a nneau decu iv r e, e n pas-
"sant par la fougue des Fantômes,
la violence
~, des es prit s, t 0 ut ce qui b les se, é c ras e, a t-
" tac he, br û le, a s ph,y xie, cre use, a né a nt i t. Ain -
"si mon fils,
tu as :lIa vie dans tes mai,ns ... " (1)
Devenu officiellement chef du peuple Yemikabe,
le fi,ls de NDOUMOU OBAME devient le sujet de toutes les con-
versations et
l'idole des jeunes filles, ces jeunes personnes
qui chantent la force,
la beauté, en un mot les louanges de
ce nouveau gui:dede la nation. Cependant, QVENG NDOUMOU nia pas
encore fait une grande apparition publique, et surto~t,son'
"programme politique" est totalement inconnu.
Par conséquent,
la tribu des Flammes doit se réunir pour saluer et prendre
(1) - Tsira
NDONG
Le Mvett (Livre 1) p.32.

90.
connat~~ance de la mt~ston de leur nouveau chef.
Dans la grande cQur de Nkoham, devant le domtct-
le du chef, une très importante réunion publique a lteu. Ac-
cueilli a son apparition par un torrent de clameurs.
OVENG
NDOUMOU OBAME tient son premter discours à son peuple; dans
celui-ci, le nouveau chef des Flammes définit sa mtsston~ son
"orientation politique ll en déclarant en substance:
"
Homme~, femmes, enfants de la trthu des Flam-
"mes, 0 uVr e z les 0 r e. i'l les e t écou t e z . 'I Vot r e t r i.7
" bu man qua i t de c h.e f ; cel ui. qui vou spa r l e est
" lev ô t r e. Une tri. b. usa ns che f est une fa mil l e
"sans joie. Réjouissez-vous,
car je sl:ds la 1
.. ma; s, ch e f égal e dis c i pl t ne. Sui vez mes 0 rd r es,
"vous vous en trouverez bien! Dorénavant aucune
"pèrsonne dans le pays, a l'exception de votre
"chef et de ses émissai res, ne doit s'e servir de
" to ut ce qui es t fer (1) ... " (2).
Son émissaire e~t ELA MINKD M'OBIANG. Celui-ci
en possessi.on d'un sifflet et d'un grelot métalliques, ohjets
qui lui 0 nt été rem i. s. par s.o n ch.ef , et qui lut pe r met t e nt
l'anéanti:ssement du fer, si:llonne les pays v6is.tns. Après l'a-
néantissement de ce métal chez le~ Mtlong (Les Liane~), les
Yen ko ur (1 e Br 0 ui l l a rd) et l es Bi'l é (1 es Ar D. r es), EL A MLN KD
M'OBIANG se heurte a NKABE MBOUROU ch.ef de la triD.u des' Orages.
(1) - Fer : le mot a lCl, comme son synomyme en
Fang
le s:ens
de métal.
Il rend mieux la penslée.
(2) - Tsira, Mvett (I), p. 34.

91.
Celui-ci
vafnc llémis:saire dlOVENG NDOUMOU OBAME qui se met à
p leu r e r
e n t n v 0 qua n t
s,on c h,e f
:
" 0 VEN G ND0 UMOU 0 B,A ME! Re v i v ra; - je? J e n e r e -
"verrai. prob,ab.lement pas
le coucher du
soleil.
" . ..
! "( 1 ) .
En cette situation désespérée comment va réagir
le chef de la tribu de~ Flammes?
2.2.
- Les v;ctoire~ d'OVENG NDQUMOU QBAME (40-139)
a.
-
OVENG NDOUMOU OBAME contre NKA,B.E MBOUROU
:
"un coup au
co e ur .. ,
EYEN GAN KA BE fa i. t
par t i e du voy age"
(p p . 40- 5 6 ) •
Entendant le chant de 11 "oiseau annonc;ateur de
malheurs:~OVENG NDOUMOU ORAME a le pressentiment d'un malheur.
Il
découvre la triste vérité en se penchant sur une mare lim-
pide située dans sa case.
Car~ au fond de cette mare, l'image
de son émi$,sa;re ligoté apparaît; NKABE
MBOUROU l'auteur de
ce drame, administre à
SQn
vaincu une correct;on sévère.
(rrité par ce spect~~le tns~lent, le chef des
Fl~mmes se rend au pays de~ Orages après consultatton du Fan~
t ôme d e $0 n d éfun t gra n d - Père.
n es t déc i dé à. Puni: r "lIé ner-
gUliI1ène" qui a osé affronter son adjotnt.
NKABE sera préci:s:éll)ent
-----------------
'-'
( 1) - Ts ir aLr ND 0 NG, L e ~1 ve t t (r), 0 p. c t t., p. 40.

92.
vic t tm e de cet tep uni t ion, car, a u ter me duc 0 mDa t qui' l' 0 p-
pose a son ~omologue des Flammes, il est pratiquement battu.
Il sien sort d'ailleurs avec la jambe droite fracturée. Ce-
pendant, l 'homme des drages ne s'avoue pas complètement vain-
cu.
Il veut s e ven 9e r. Ain si, s 1 ad r e s. s e - t - i l à son va in que ur
en ces termes :
"Homme de la tri,bu des Flammes, tu es:: putss'ant.
"Cependant je vais me venger. Tu es loin d'avoir
Il l a
paix e,t tu nef e ras pas dis par ait rel e fer
~1 de ~ a sur f ace de l a t e r r e Il
(1).
Que va donc faire NKABE MBPQUROU pour mettre
à e xÉ!:c ut ion s:e s pro po s ven 9e urs
?
x
x
x
x
Le chef de la tri~u des Orages va s'employer
de tout son ~tre, de toute son énergie et de toute sa mali-
gnité.
NKABE MBOURQU ~andtcapé p~ysiquement
par sa
jamb.e .malade, siffle dans une corne d'anti:lope sorti'e~de
sap 0 i tri ne. Au s s. i tôt, sa. f i:l l e EY EN GAN KA B. [ a ppar a t t à
l'entrée d'une maison sortie du fond du fleuveMveng -Metué.
C' e s, t à, cet te" fée des. eau x Il q ut pnov 0 que l e cou P de fou dr e
sur OVENG, que son père tntime l'ordre suivant:
( 1) - TSIR A, Le t1 v e t t
(1),
p.
4 2 .

93.
"Ma
fi.'ll e,
( ... )
cesse de parl e.r avec cet h.om-
"me de ma.l fLeurs..
Venge-·moi: de cet i:mpudent.
Tu
"es:
mon s:ang,
EYENGA NKAB:E MBOUROU,
tu es mon
"s:ang et mon sang
vient de subir la plus
abomi-
" naD l e des
i:n j ure s.
Par s d 1 i: ci:,
t r a ver sel e
"pays: des mys.tères et atte;-ns
le pays des
!mmor-
"te l s
V0 i: s EN GO UA NG 0 NDO,
f i l s d tON DOM BA et
"d'ELESSOGHE- B.ENDOME (1),
l'nomme qui
possède
'rle plus pui:s.s.ant vampire du monde,
l'homme que
" s: e s f r ères a p pel l e n t
BEK0 0 ND0 0 u l ' A l t i e r
e t
"l es jeu n e s~ fi: l les NAN G 0 NDO 0 u l e 1"1 a 9 nif i que,
" n. e cne f gue r rie rd' EN GO NG, l' r mm 0 rte l des lm -
"mortels.
Dis-lui' qu'OVENG NDOUMOU OBAI'1E de la
"trib.u des
Flàmmes m'a
brisé une jambe et anéan-
" t i ma pui:ssance.
Dis-lui
que
l'nomme de
la tri-
"b.u d.es Fla mmes
pré te n d d é t r u ire
l e fer d e l a
"surface de
la
terre.
Par son arrière-grand-pè-
"re EVI:NE ETSANG s'il
ne vient pas me venger,
"c'es,t qu'il
sera incapable de devenir ton
"époux"
(a).
oVEN G NDO UMOU 0 B.A ~1 E qui est amou r eux de l a jeu-
nef i l l e des 0' ra 9 es,
ne peu t
s e. r ete n i: r
e n e n te n dan t
les
der -
nièr~~
paroles de NKABE MROUROU.
C'est lui: qui: veut devenir
l'époux d'E~ENGA NKABT.
Car,
l'a.lliance que
l'h.omme des Ora-
ge~ cn~rcn~ a conclure av~c les hommes d'ENGONG aura pour
(1)
-
EL ESSOGHE_ BENDOME :
Nom de
l a mère de ENGOUANG ONDO
(2)
-
T~nra , Le Mvett (1), p. 43.

94.
contre don
le mariage d'EYENGA NKABE avec ENGOUANG ONDO.
Quelle est la réaction de la fille des Orages?
Malgré son penc~ant récip~oque envers Ile beau
chef des Flammes, EYENGA NKABE part pour le pays d'ENGONG.
Tourmentée intérieurement par la lutte de deux sentiments
contradictofres, la fille des Orages accomplit sa mission au
terme d'un voyage aux nombreuses péripéties. Le devoir fi-
lial lia emporté sur le sentiment d'amour. Les hommes d'EN-
GONG après consultation des Ancêtres acceptent l'alliance.
Ils vont donc combattre OVENG
et venger NKABE MBOUROU. Mais
ils sont mis en garde par AKOMA MBA (chef sup~~me des Immor-
tels) en ces termes;
"Les espri.ts ont parlé.
Ils ont reconnu la
"beauté èt la pureté de la fill>e des orages.
"EYENGA NKABE, selon le désir de son père, est
"dorénavant la femme d'ENGOUANG ONDO. Mais
"
ils ont ajouté qu'OVENG NDOUMOU OBAME est
" pu issant, qulil convoite cette jeune fille et
" qu'il fera tout pour l'épouser. Ordre vous
"es t donné d'aller le joindre à Meka-Mezok,
Il ch,ez
NDOUTOUME ALLOGO MINKO. EYENGA NKABE
fa f t par t f e d u v0 y ag e ... Il (1).
(1) - Tsira, Mvett (L), p. 56.

95.
b. . - Lli bat a i. l l e de Me ka - t~ e z 0 k Il NiIl 0UT 0 UME MFOU LOU nia t te ndit
pas- .... le désastre paraissait irréparable ll (pp. 56-70).
Sans plus tarder et justifiant son surnom Il
d 11
,11
0SSOU MA MEil ( le volon t air e ), NTOU T0 LI ME MF0LI LOU part pour ZE
Meka-Mezok ~uivi immédiatement d'ANGONE-ZOK, de Zé MEDANG
et d'OBIANG MEDZ/-\\o ENGOUANG ONDO, leur chef, arrive plus tard
au village de NDOUTOLIME ALLOGO MINKO en compagnie dlEYENGA
NKABE. Entre temps, OVENG NDOUMOU OBAME et son adjoint ELA
MINKO arrivent au~~i
a Meka-Mezok~
Ils annoncent en quelque
sorte leur arrivée dans ce village ~n procédant a l'anôantis-
sement de tout ce qui est fer.
NTOUTOUME MFOULOU qui perd par conséquent son
sabre, rentre dans une grande colère et incendie le village
en y faisant exploser une boule incandescente jaillie de sa
boudhe. NDOUTOUME ALLOGO MINKO de ~on côté éteint cet incen-
die' ~a11umé par Mone EBO. Se rendant enfin compte du malheur
dont il est victime, le chef de Meka·Mezok s'épanc~e
110 Nature!
Que t'ai-je encore fait?
IIS o 1e il qui' me regarde, écoute mes pleurs
IIS uis,-je victime de la cnarité,
"~}e la cnarfté qui me rend populai1re.?
Il Sui. s - j e
vic t i'm e de lia mou r de mes S e.m bl a bles ,
Il (lIe
cet am 0 ur qui m1 a t tir e des ami t i é s ?
Il Que
do i s: - je' fa ire pou r que l e bi e n tri 0 mphe?
'\\La bonté, en ce monde., a perdu sa place.

96.
"S eu l le mal commande l'univers.
"0 Nature! Que t'ai-je
encore fait?
"S o1e il qui me regarde, écoute mes pleurs". (1)
Si de son côté la nature demeure sourde aux
pleu~s de ce pauvre nomme, les deux partis d'ENGONG et de la
trihu des Flammes se retrouvent près du pleureur. Tandis
qu'OVENG NDOUMOU regarde ~afneusement et a
tour de rôle
les guerriers
d'ENGONG et qu'il s'apprête a leur bondir des-
sus, il aperçoit EYENGA NKABE a la hauteur des Immortels.
L'enjeu de la hataille est bien la.
~~ a l gré une volon té de (di. a log. ue che z ITN GO UANG
DNDO, le chef de la tribu des Flammes s'entête a provoquer
l 1 affrontement pur et s im ple.
Le combat a bi en l i eu entre
les Immortels et les hommes du peuple des Flammes. OVTWG
NDOUMOU OBAME sort vainqueur de cette rude bataille. En ef-
fet, il ravit la femme convoitée aux Immortels et prend éga-
lement en otage deux de leurs compagnons: lE MEDANG et
OBIANG MEDlA. Après ce coup de maitre, le c~ef des Orages
regagne son pays. Les Immortels sont ridiculisés et sincère-
ment. déftés. ('est la cons:ternation chez les trois res-
capés
Il Les
t roi sfio mmes diE NGO NG, ENGO UA NG 0 NDO. :'
"NTOUTOUME MFOULOU et ANGONE lOK regardèrent
" au tour d'eux. L'émotton les étreignit. Plus
(1) - Tsira , le Mvett (1), pp. 61-62

97.
"'d'T~ Efi GAN KA BE, plus de ZE f\\1 E0 ANG,
plus
d' 0 Bl ANG
"r·1EDZA.
Le désastre paraissait irréparable"
(1).
Les
Immortels peuvent-ils
laisser un tel
affront
irréparable? OV[NG NDOUMOU OaAME va-t-il
rester un offen-
seur impuni: alors qu'i'l
vient précisément
d'ouvrir les hosti-
lités entre
les
Immortels et son peuple? Une bataille aux
conséquences
fncalcula51es
semble inévitable.
2.3. -
Le.s défaites d'OVENG NDOUMOU OBAME.
"ANGONE ZOK plon-
9 e a l a ma in. ..
e t
ma in te na n t
e n r 0 u tep 0 urE li 9 0 n 9 " (
(pp.
70-139).
AN GO NEZ 0 K vic t im e de l ' hum i lia t ion don t
l ' au te u r
est OVEN~ NDOUMOU OBAME, décide de le dénicher 00 i l
se trou-
ve,
de
lui
"faire sucer des cannes
amères
et fumer du
tabac
~i.quant". En compagnie de ses deux compagnons, ANGONE ZOK
va à. la reclierche du pays- des Flammes.
Après
avoir vainement
f Qu ;: 11 é,
c ha c und e son c ôté,
levas tep ay s d' 0 k U,
les t roi s
hommes d'Engong se retrouvent
égalem~h~ sans nourriture -
Il
faut en trouver dans
l'immédiat.
C'est au cours de son
furetage dans
ce
territ~ire
très
étendu du monde des
Mortels qu'ENGOUANG ONDO arrive au
p ay s d' EL EI~ GA AKIN A,
l a " r e i ne du
b0 u t
du mon d e ".
Cie st d' ail -
leur~ cette énigmatique personne qui indique au chef de l'ar-
(1)
- Tsira NDC)NG,
le Mvett
(1'),
p.
70.

98.
mée d'ENGONG le c~e~in qui mène a NkoDam. Les Immortels at-
teignent leur Dut grâce a la complicité
involontaire d'ASSA-
ME, beau-frère d'OVENG NDOUMOU OBAME. Clest au crépuscule que
les [mmorte1s sous la conduite
d'ASSAME entrent dans Nkobam.
Dans tout le village, on célèDre le mariage d'OVENG et d'EYEN-
GA NKAB,E.
Pendant ce temps, ZE MEDANG et
OBIANG ~1EDZA sont
t 0uj 0urs pris 0 nnte r 5 des \\1 ta mDO urs ma g i que 5 Il •
Comment les immortels pourront-ils r~prendre la
fille
des Orages et délivrer leurs deux compagnons? C'est
au poète-conteur qu ' i1 faut laisser la parole.
IIENGOUANG ONDQ dicta ses ordres :
liA toi', NTOUTOU~~E MFOULOU, de l i5érer èE ~1EDANG
lI e t
OB.IANG ~1EDZA de leurs tam50urs magiques. Je
II r éveillerai et affolerai
les dormeurs au moment
II pr écis où OVENG NDOUMOU OBAME sortira de sa case.
ilLe désordre, dans tout le village, sera indes-
Il cri, p t iD le.
ANG0 NEZ 0 K, tus ais ira 5 EYEN GAN KA BE
lI e t
l'expédieras à Engong. La bataille sera dure
II car OVENG NDOU~10U OBM~E Va enfin se révéler sous
Il son
vrai' j 0 ur. J 1 a i par lé.
11[15 sortirent.
NTOUTOUME
MFOULOU fit un 50n prodigieux, atterrit
II sur le toit de la case d'OVENG NDOUMOU OBAME,
IIpoussa un cri strident, traversa la toiture et
lI a 1la
se tenir entre ZE ~lEDANG et OBIANG MEDZA,
lise frotta la poitrine, en retira un morceau de

99.
II rac ine imbibé d'une huile noirâtre, puis traça
IIdes ronds sur les tamBours.
Instantanément, com-
lime propulsés par des ressorts d'une puissance in-
~ooncevable, les deux prisonniers, suivis de leur
IIl"ibérateur, s'élancèrent hors de la chambre, pla-
II nèrent un moment au-dessus des cases, se rabattirent dans
Il lac 0 ur.
Ace m0 me. nt aVEN G ND OUM 0 U aBA ME par ut
II s:ur la véranda. ENGOUANG siffla. Ce fut un chaos
lIépouvantable. Comme mue par un coup de baguette
II mag ique, toute la foule sléveilla brusquemment.
Il A l a
vue des Lm m0 rte l s, les f emmes pou s s ère nt
IIdes cris effarés qui.' affolèrent irrésistiblement
IIl es hommes. Dans un désordre tumultueux,' tous ceux
"qui, pendant des semaines, s'étaient voués corps et âme à
"la danse. tous ceux qui avaient adoré le chef de la tribu
IIdes Flammes comme un dieu et chanté ses louanges, "accusè-,
II ren t d'avoir voulu modHier le cours normal de l'existence,
"le maudirent, puis di'sparurent derrière les cases ...
Il
.,.
ANGONE ZOK bondi;t, décrivit une trajectoire
IIdans les airs, traversa de part en part la case
IIde la nouvelle mariée, raflant EYENGA NKABE au
IIpassage, se frotta la poi'trine, en sortit une
Il den t
d 1 é l é Pf1 a n t de l aque l lei. l f r a ppal e dos de
"la jeune femme.
Un plomB sortant du canon d'un
Il fus i l
nia urai t pa s, été pro pu l s é a ve cau tan t de
IIforce que ne le fUt cette
fille des Orages qui,

100.
"transformée en un véritable météore,emb,rasa
"l'atmosphère et, quelques instants plus tard,
"atterris:sait à ENGONG, sur la véranda d'AKOMA
"MB.A"
(1).
Cette extraordinaire démonstration de puissance
par les hommes d'Engong dans le village d'OVENG provoque une
colèresans
précédent ch.ez le chef des flam.mes ..
~~aints combats
singuliers opposent OVENG NDOUMOU
dux guerriers d'ENGONG. Mal-
gré des cou ps' d' é cl a t à l'a c t f f de cha que cam p, i l n ' y a
ni vainqueur, ni vafncu au terme de ces duels.
Toutefois:, c'est à l'issue d'un ultime combat qui
oppose à. Nko5.am, ENGOUANG ONDO ift. OVENG NDOUMOU OBAME, que le
c~ef des Flammes perd sa guerre contre les hommes d'ENGONG.
Le conteur luf-même paratt le plus habile pour nous narrer
cette chute fantaSima~orique de l' l'Lomme des Fl ammes.
"( ... ) ENGOUANG ONDO siffla.
Une bague de cuivre
"s,e matérialisa autour de son index gauche.
Il
se
"frappa la poi'trine, en sortit un oeuf de crocodile
"qu'il fit di'sparattre dans la bouche entrouverte
"d'OVENG NDOUMOU OB.AME.
Puis il
fit
tourner la
"bague deux fois sur elle-même. L'oeuf explosa dans
"1 a gorge de 11 homme de l a tribu des Fl ammes.
(1) - Tsira, Le Mvett (1:), pp. 86..,87

la 1.
"Une ti:édeur engourdissante envahit OVENG NDOUMOU
"OBAME, lui
brouilla la vue et les idées.
Un mo-
"ment il
resta immobile dans cette demie-incons-
"cience.
ENGOUANG ONDO s'était levé.
( ... ) OVENG
"NDDUMOU OBAME ouvrit un oeil, puis l'autre ...
Il
"vi t
1es trois hommes debout près de 1ui,
llobser-
"vant en 5avardant.
Il
se redressa à demi, s' as-
"sït. Son dou5le de fer avait disparu.
Dans sa tête
'\\ a 10 u rd i e, mille t am - t am s rés 0 nnaie nt.
D1 i nt olé r a -
"5les~ crampes lui: brassaient llestomac. Il essaya
"dêse lever mais ni y parvint pas.
ENGOUANG ONDO
"le soutint par les aisselles et le mit debout.
"Un tourbillon verti:gineux le saisit et il se serait
"écroulé si: l'homme d'Engong ne lui avait servi
"d'appui:"
(1).
2 . 4.
-
. LE J UGEMENT DIO VEN G ND 0 UMOU a B,A ME.
"E t
il s sem ire nt
en marcne ... VIa
!"
(pp.
139-155)
Les immortels ont repris la femme qui
leur a été
ravi.e par l'homme des Flammes, puis
li:béré leurs deux compa-
9 no n s pri son n i' ers d u même homme, e nfi n, ils l' 0 nt
va i nc u mi 1 i -
tai'rement,
puis llont fait prisonnier.
(1)
- Ts.ira ;'Mvett (1),
p. 138.

102.
Q,uel s,ort l u'~iTés;erve~t""Qn à. [ngong ?
OVENG NOOUMOU OBAME a été amené ~ lor-loi par ses
vainqueurs pOur être jugé par le Conseil des Anciens d'[ngong.
Il est debout devant ses jurés.
Tous participent à cette séance excepttonnelle
du Consetl des Anciens présidée par AKDMA MBA. Parmi tant
d'autres, notons la présence de MEOANG BDRO, MFOULOU ENGOUANG,
ME Dl AM' aTOU GHO U. Les. gue r rie r s va i nque urs de lia c c uS· é son t
également présents.
Que doit_on
faire d'OVENG NOOUMOU ?
Aussitôt deux camps s'opposent, deux avis s'af-
frontent : le camp de MEOANG BORa, de MEDlA M'OTOUGHDU, de
MFOULOU ENGOUANG et celui d'E~GOUANG ONOO vainqueur d'OVENG.
Lep rem i e r cam pop tep 0 url a con dam na t i: 0 n à. m0 r t
du chef de la tribu des Flémmes. Cette intervention de MEDANG
BORa, défendant cette première t~èse e~t bien explicité:
II
_
Te v0 i. cie nfin, 0VEN G NDO UMOU a BA M[ ! Tut e
II c r 0 y a i. s.
san s d0 ute i nvi. nc i. ble. J' e s père que tua s
" pume sur e r à s. a j. uste val e urt a pré t end ue pui s -
"sance. Tu as dO te rendre compte qu'elle ne re-
"posait que s;ur une montagne de sa51e, sur des

103.
"illusions créées de toutes pièces par ton grand-
"père et ses
fantômes. Je conclus en consentant
"à t'offrir tout ce que tu voudras manger avant
"d'aller grossir le nombre des morts de ta
'L tri bu. "
!. " (1).
Pour MEOANG BORD, MFOULOU ENGOUANG et I~EOZA M'OTOUGHOU, OVENG
NOOUMOU OBAME "doit être décapité".
AKDMA MBA se lève,parcourt l'assistance des yeux,
ébroue son chasse-mouches, annonce la décision des Anciens,
mais donne la parole à ENGOUANG ONOO. Celui-ci saute de son
siège, se plante devant les Anciens et oppose son avis à ce-
lui donné par ses pères. OV8NG NOOUMOU OBAME mérite de la con-
sidération et de l'estime, et non pas la mort. ENGOUANG ONOO
défend son idée ainsi
" - Tout peuple/si puissant soit-il, doit avoir
"de bons rapports avec d'autres peuples et compter
"des amis sérieux parmi
les hommes qui les diri-
"gent. Je veux qu'on naus·~enlève l'épithète de
" san gui nair e s i. r é pan due à t r a ver s 1e mon ct e e t
"qui sert défavorablement nos bonnes intentions.
"ENGONG, avec toute sa puissance, ne serait qu'i-
"gnomin ie et décadence Si i 1 ne cu 1 ti ve pas l' en-
"tente entre les peuples et l'amour de l'homme
"pour son gemblable" (2).
(1) - Tsira, Le Mvett (1), p. 150.
(2) - Tsira, Le ~'vett (L), p. 151

104.
ENGOUANG ONDO parle calmement, il désire avant
t 0 ut
l a pa i, x, cet tep a i x q u f é cha ppe à t 0 u s les ho mm es.
l l
n'a pas de peine à faire approuver son avis par les jeunes
d'ENGONG.fl va mème plus loin dans son désir de paix en pro-
posant à son ennemi d'hjer, la main de sa jeune soeurtH!NGUE
WONDO.
Après ce plaidoyer d'ENGOUANG ONDO, AKD1~A donne
l a par 0 l e à lia c c usé 0 VEN G NDO UMOU 0 BA IVI E.
L 1 h0 mme des Fla mm es
se justifie par l'argumentation suivante:
~~ommes d'Engong, ne jugez pas ma personne, jugez
"mes intentions.
Ce quf me vaut de comparaître
"aujourd'hui devant ce tri5unal, c'est d'avoir com-
" pri s d ès mon jeu ne âge que l e bon he ur de l' ho m-
" me dép end ait un i,q ue men t de l a pa i x ; que les gue r-
"res rui,naient le monde. Je conçus un projet: éli-
"miner l a guerre de,s préQccupations de l' homme.
"Mais il
fallait remonter le courant de l'histoire.
"II Dan s
les pro p0 S s:e ra pp0 r tan t à l a gue r r e que me
"tenai,t chaque s.oir au corps-de garde mon père
"NDOUMOU ORAME, l'usage abusif du métal
revenai,t
"souvent ... " (1),
L'homme des Flammes développe longuement son ar-
9 ume nt a t ion ce nt rée sur l e t fLè me de l a pa i x.
[ l
lac 0 nc lut
(1) - Tsfra, Mvett (1), p. 152.

105.
par l'acceptation de la proposition que vient de lui faire
ENGOUANG ONOO.
I [
déclare
"Je suis prêt à tout accepter sauf la mort complète
"de ma tribu, et c'est avec un grand plaisir que
"je me marierai avec la soeur de mon ennemi d'hier,
"aujourd'hui mon ami et défenseur, si le tribunal
" l e déc id e " (1).
Le Tribunal d'Engong décidera effectivement comme
le ~ouhaite le chef de la tribu de~ Flammes. Car après s'être
retiré pendant quelques instants, puis consultation des jurés,
AK0MA MBA r end un ver d t c t f a v0 rab l e à 0 VEN G., 1 l déc l are
"Je rends, exécutoire la proposi ti on d' ENGOUANG
"ONOO"
(2).
Enfin, à l' iS,sue d'une. émouvante cérémonte à, la
grande place publtque de Wor~Zok, OVENG NOOUMOU ORAME s'envole
vers son pays en compagnie de son épouse MENGUE M'ONOO. Ainsi,
il vient d'acquérir l'Immortalité.
x
x
x
x
OVENG NOOUMOU OBAME a été vaincu militairement.
Cependa nt U
a réa l isé s,on rêve, ca r;' ,entre ce peuple et ce'lui, ,des
Immortels existe désormais une alltance, un état de patx.
(1) - Tsira,_Mvett (1), p. 153.
( 2)
- Tsir a ,[1 Mve t t
(1),
p.
1 53 .

106.
NKABE MBOUROU de son côté a été vengé grâce à cet-
te victoire des guerriers d'Engong sur le chef des Flammes.
Quant à ces vaillants combattants, ils ont obtenu
la mai.n d'EYENGA NKABE en remplissant leur mission, puis ont
introduit des idées nouvelles dans la société d'Engong.
En un mot, tous les partis sont satisfaits a la
fin du récit. Chacun d'entre eux a accompli une quête positi-
ve malgré les oppositions. Cependant, le repos des guerriers
d'Engong semble bien précaire. Toujours prêt pour le combat,
NTOUTOUME MFOULOU sifflote nerveusement
"Vi '!ioli ! Violi ! Vio
Vi! Vi
"Saturê de force et de puissance,
"Je voudrais rencontrer un égal
il
Vi
! Ilioli
! Violi
! Vio ! Vi
Vi
"Que la mort me tue
il
' ) i
elle en est capable
"Via! Vio ! Vi
! Violi
! Vio"
(1)
x
Dans
sa morphologie donc, l'histoire d' OVEI'~G
NDOUMOU OBAME présente une structure narrative qui comporte
une s é rie de" s i tua t ion s JI, ne pas s age d' une s i tua t i. 0 n à l a
(1) - ïsira, ::vett (1), p.
155.

107.
sui,vante étant rendu pos;s,;:b.1e par une "mo di'fi:cation".
OVENG NDOUMOU OBAME dans ces épi~odes qui se suc-
cèdent, est considéré comme le ~éros qui en est l'élément prin-
cipa1, placé au centre de l'action qu'il affronte l'aventure
ou la subisse.
Il est l'anfmateur de l'action même si parfois
dans le r&cit, il est relégué à l'état de témoin ou d'allié.
Le récit d'OVENG présentant fondamentalement un
combat entre les Immortels et les ~ortels (peuple d~s Flammes),
se résume ainsi:
- OVENG NDOU~,10U veut anéantir le fer
- OVENG NDOUMOU veut épouser EYENGA NKAIlE
- OVENG NDOUMOU anéantit le fer, enlève EYENGA
NKABE et deux Immortels.
OV ENG NDOLIMOU est vaincu et fait pris 0 nn i, e r
OVENG NDOUMOU est jugé, acquitté pu i s' récompensé.
Le conte d'OVENG possède une morphologie de type
ascendant,
car le héros principal, qui au début de l 'histoi-
re souffre d'un manque de patx, améliore entretemps sa situa-
t ion i nit i ale, pui s v0 i, t fin ale men t son man q ue corn blé. 0 n a r-
rive au schéma suivant:
PAIX A OBTENIR ----.~
PROCESSUS D'OBTENTION --~) PAIX OBTENUE
x
x
x
""

108.
Cependant, mê.me s.. ï: QVENG NDOUMOU OBAME est le
pri ncipal
personnage de l' n.istoire, chaque personnage doit
être considéré comme le néros' d' une"histoire bien déterminée. En tant
que récit aux multiples acteurs, la structure du conte
d'Oveng est celle d'un IIroman à tiroi'r". Le texte de Mvett
apparaît comme un espèce de "Commedia dell'arte".
Mai s c h.a c une des tu: s.- toi' r e s sec 0 nda i' r e s dur é c i t
s'intègre parfaitement ~u schéma général, a l'action princi-
pale. Schématiquement, l'évolutfon de l'action dans le réctt
d'Oveng est celle-ci:
Premi er confl t t
ELA MINKO 1
MFOUMOU ANGONG (éliminé)
-V
Deuxième conflit: NKABE MROUROU 1 ELA MINKO (éliminé)
.lt
Troisième conflit: OVENG NDOUMOU 1 NKABE MBOUROU (éliminé)
Première alliance
NKABE MBOUROU + Immortels
(EYENGA NKABE)
Qu at rième confli.t
IgUerriers d'Engong, oVEN G ND 0U~10 U (é l i min é )
ou conflit principal Gu Immortels
1 Mortels
(éliminés)
J,
D~U~ième alliance
0VENG + Gue r r i ers diE ngon g
ou alliance finale
[
ou Tri5u des Flammes + peuple des Im-
mortels.
Le sc~éma ci~dessus
met en relief à la fois l'exis-
tence des récits secondaires dans cette légende d'Oveng, des

109.
relatton~ d~ cQm~at put~ d'alltanc~ entre les p~r~onnag~s.
En ce qui. concerne le premter type de relattons
o n con s t a te cee i
: s;- dl ans: l-e p rem ter con f lit, El AMI NK0
~1'0BIANG et MFOUMOU, qut appartiennent tous les deux à diffé-
r e ntes t r t bus d 1 0 k U
S 1 0 pp 0 s:e nt,
c' est par c e que l' un, ELA
I~II~KO,
veut anéantir le fer et l'autre, NFOUMOU ANGONG s'y
o PP0 se.
Plu s t a rd,
lem ê me ELA M1: NKD l i' vr e u n a ut r e c 0 mbat
contre NKABE MB.OUROU à caus.e du même motif.
Le personnage
d'ELA MINKO eff~ctue
une quête positive quand il vainc MFOU-
MOU ANGONG, mais celle-ct se transforme en quête négative
lors de sa défa i te face à. NKA BI. MB:OU ROU.
Quant au type de relati:on'
5asé sur l'alliance,
il symbol~se la quête positive d'un personnage. La première
alliance d~ notre ~istoire ~st conclue entre deux peuples fon-
damentaleme~t opposés:
le peuple d~s Mortels (tribu des Orages)
et celui
des Immortels. La signature de ce premter traité d'a-
mi.ti.é forme un récit secondaire. Le personnage principà"l est
EYENGA NKABE, seul personnage-'/fémtnill actif de notre, histoire. La jeu-
ne femme des Orages .. auteur de l'alliance entre 50n peuple
et celui. d'Engong ~ffectue une quête positive.
Chaque rapport entre des personnages donne ntis-
sance à un nouv~au
récit, car i.l y a intervention de nouveaux
acteurs.
L'abondance de c~ux-cf dans une narration de
Mvet
met e n rel i e f lIe x i 5 te nc e de mt c r 0 - rée i t s;. Cha c und e ces mi: c r 0 -

110.
récits· développe un t~ème particulier. D'autre part, les per-
sonnages secondaires disparaissent au fur et a mesure pour
laisser la place aux principaux. Les divers comportements
des actants permettent de voir les différents neeuds du récit.
Enfin, on con~tate que les rôles et les rapports
des personnages ne sont pas statiques mais dynamiques.
x
x
x
x
B. - LE RE Cn D'A S. SEN G t~ B.A NEON A
La structure narrative du récit d'Oveng, présen-
tant plusieurs points communs avec celle du conte d'ASSENG
~BA~E aNA,
le lecteur ne doit pas s'attendre a un~ analyse
~tnutieuse de ce second récit. Par conséquent, sans faire le
compte rendu analytique, nous. présentons les acteurs, résumons
l 1 hi s toi r e avan t des c h.é mat i s e r l' a c t io net dé gag e r lety pe
morp~ologique de la narration.
1.
- LES PERS a Nl'j AGE S
Rappelons qu'ils &~ répartissent entre le peuple
des Immortels et celui d~s. Mort~ls. Cette répartition fonda-
men t ale s e r e ncon t r e dan s t 0 us l es "M ve t t ". Mai s duc ôté d u
peuple des Mortels, les acteurs ressortissent au pays d~s
Yeme~em ~t a celui des Bibao.

111.
Les partisans du monde Y~mebem portent les noms
de
- MB.AN E 0NA
Père d'ASSENG MBANE üNA et instigateur de son ini-
tiation. ('est lui qui permet a celui-ci de devenir l'homme
]e plus puissant des Yeme5em et c~ef de ce peuple.
- ASSENG MBANE ONA
Douzième
garçon de MBANE ONA
et vingt-septième
e nfa nt des a fa mil le. ( he f pui: s san t de lat r i: bu Yem e be m, son
frère jumeau loge dans un anneau de cuivre. ASSENG MBANE ONA
est le ravisseur d'OYANE MEDZA, une fille d'ENGONG.
- EYA MBANE ONA
Frère jumeau d'AS.SENG enfermé pendant longtemps
dans un anneau de cuivre. Il réside dans le gouffre de vie (1)
de son frère. C'est EYA MBANE ONA qui détient toutes les puis-
sances d'ASSENG. I.l ne se nourrit que de sang. Les Immortels
le feront prisonnier avant de lé faire vomir.
(1) - Gouffre de vie: trou fait sous l 'Oveng (espèce d'arbre)
où l' i.nitiateur d' ASSENG MBAi~E O~H\\ enterra l'anneau de cui vre
dans lequel réside EVA MBANE ONA. Les bains de sang périodiques
d'ASSENG MBANE ONA se font dans ce trou.

112.
- AYANGOUM
Il est le célèbre magicien du pays Yemebem et l'un
ces plus grands du monde d'Oku. C'est lui
l'accoucheur
d'AYETEBE (mère d'Asseng), l'initiateur et le pr~ncipal con-
seiller d~~SS8NG. AYANGOUM est le révélateur des secrets de
la puissance de son favori aux Immortels.
Quant a la tribu Bibao, elle n'est représentée
que par deux personnages principaux
- BIKUEKUE BI-LOROTO
C~ef puissant de la tribu Bibao.
Il est l'instiga-
teur du combat qui oppose ElONE KAM-AFE a ANVAM EYEGHE BONG.
Mais auparavant, BIKUEKUE BI-LDROTD est peut-être le tra~tre
du même ELDNE auprès d'ASSENG MBANE ONA.
Il meurt a Maane
Meni au cours d'un affrontement avec les guerriers Immortels.
- ELüNE KAM-AFE
Fils du défunt KM1-AFE, frère de 8iIKUEKUBBI-LOROTO,
ELONE est la victime d'ASSENG MBANE ONA qui lui ravit sa futu~
re épouse OYANE MEDZA.
Il venge toutefois son père en tuant
son meurtrier ANVAM-EYEGHE BONG. Ce jeune homme
YD1EB~M est;
le gendre des Immortels, l 'homme qui a vaincu la forêt de

'lH.•
Nkol-Endoum (1).
Par~i toutes ces troupes, celle du peuple d'ENGONG
est sans aucune contestation la plus nombreuse avec notamment
ENGOUANG ONDO NTOUTOUME MFOULOU, ANGONE ZOK, NZE MEDANG et
OBIANG MEDZA (frère d'OYANE MEDZA). A ces principaux guerriers
dont nous connaissons ~lus ou moins la généalogie et les at-
tributions sociales il faut ajouter
, - ONDO B,IYANG
I. l f ait par t i. e de l a jeu ne gé né rat ï 0 n des gue r -
riers d'Engong. R~doutable fils d'AKOMA MBA, on l'appelle
aussi BIYANG BI MBA.
- NGUEMA NSING BERE
Autre jeune guerrier d'Engong, NGUEMA NSING BERE
MB,A est descendant de NSING BERE MBA. Il est l '''al'iiasseur
des pa ;'h ab r es." et 0 n l' a ppel l e les "He r bes" (2).
(1) - NKDL END OUM ; forêt mystérieus~ d'Engong. Ses arbres ont
l'.~abitude de se relever après avoir été abattus. ELONE KAM
~~~ fut chargé de la débrousser pour obtenir la main d'OYANE
t'lIEDZA.
I.l y parvint malgré les dïfficultés.
(2) - Les "Herbes" ; on appelle ains.i NGUEMA NSING BERE car
il s'amourach.e des femmes qui allaitent ce qui rend les
fants malades~) lPour les soigner, on a recours aux "herbes"
des guérisseurs (En général, les remèdes des guérisseurs sont
constitués d'herbes).

114.
- MEDZA ME MFOULOU
Descendant de MFOULOU ENGOUANG MEYE et frère ca-
det de lillirascible ll NTOUTOUI"1E MFOLlLüU. Son surnom est EVINE
aA MFOULOU. C'est également un guerrier d'Engong.
- AGNENG NDONG
Son premi~r nom est ANGOLING
BERE MBA. Frère
d'AKOMA MBA, sa mère porte le nom de : NZEFOt:JM'OU-
BIYANG- ANGO OSSOK.·AGNENG NDONG est le grand magicien d'ENGONG
Il est le II pr être" d'Engong et II vit parmi les vivants comme
il vit parmi les fantômes et les esprits ". Clest lui qui ob-
tient d'AYIANGOUM les secrets de la puissance d'ASSENG pour les
dévoiler ensuite aux guerriers de son peuple.
- OYANE MEDZA
Seul personnage féminin actif du récit.
Elle est
l a fi l l e de IVI EDZA i'1' 0TOU GO U Il l ' homme l e pl us riche du mon de Il
et soeur d'OBIANG MEDZA.
Future épouse d'ELONE KAM AFE, elle
subit le même sort qulEYENGA NKABE en devenant l'otage d'ASSENG. Ce-
pendant, elle est destinée au rite du sacrifice par son ravis-
seur. OYANE MEDZA est l'enjeu réel
du combat qui oppose AS-
SENG MBANE aux guerriers d'Ekang.
Comme pour le récit d'OVENG, les personnages que

115.
nous venons de présenter brièvement sont tous
surhumains.
Les mêmes personnages du récit d'Oveng qui appartiennent au
peuple des Immortels reviennent dans ce second récit. Chacun
d'entre eux joue un rôle qui permet la progression de l ~intri­
gue.
Fondamentalement, leurs rapports sont régis par des
relations de combat.
Quel est le schéma de leurs actions?
x
x
x
x
2. - ANALYSE
Le rée i t d' 1 AS SEN G ~'I BA IH 0l'J A co mm e no usos 0 nsin t i -
tuler notre deuxième narration met aux prises le peuple des
Immortels et celui des Mortels (peuple des Yemebem). Le thè-
me principal reste l'immortalité. En un mot, ASSENG veut et
doit sacrifier un ressortissant d'Erigong j ceux-ci s'y oppo-
sent farouch~ment. Avant de passer au schéma de l'action,
résumons notre narration.
"ASSENG MBANE ONA, fils de MBANE ONA de la tribu
Yemebem est né puissant. Mais, ~ur la demande de ses initia-
teurs, ce fils Yemebem, pour parfaire son initiation et acqué-
rir l'immortalité, doit immoler, au lieu même 00 s'accomplis-
sent les rites sacrés, un ressortissant d'Engong.

116.
Mis au courant par son père du séjour d'une Immor-
telle (OYANE MEOZA) a Maane Ment, il s'y pr~cipite et arrache
la jeune femme a son fiancé ELONE KAM AFE originaire de la
tribu Bibao. Mais cet enlèvement
'lue l~.homme YEMEBEM fait en-présen-
cè des frères de son otage lui vaut des représailles de la part de ceux-ci.
Plu sie urs co mbat s 0 pp0 sen t 1es a nta g0 ni' ste s dan s
ce vaste pays d'OkU et principalement a Assia, village d' AS-
SENG MBANE
ONA. ASSENG
MBANE ONA malgré sa persévérance est
vaincu par les guerriers d'EKANG-NA et condamné aux travaux
forcés a perpétuité a Bika1ik chez BEKA
b'OYONO non sans
avoir perdu OYANE MEOZA (reprise par les Immortels et remise
.} son mari
ELONE) et son père MBANE ONA tué lors des affron-
tements" .
Quant a la structure du texte et au schéma de
l'action de ce deuxième récit, ils sont les sui'vants :
- Chapitre 1
Naissance d'ASSENG MBANE ONA. Homme puissant a sa
naissance, il doit pour parfaire cette puissance immoler une
personne d'Engong selon les dires de ses initiateurs. Ce jeu-
ne homme Yemebem devient ch~f de sa tribu sur proposition de
son [lère aux initiés. Son bain heod8madaire est
fait de
sang humai,n. Ses premières victimes sont ABOGHE MEKONE (Tri-
bu Ye me be m) et E~~ ANET 0UNG ~1FAin (Tribu Ye 0 i ~ 0 u n )~I C'e s t la

117 .
pro~pértté au pays Yeme~em.
ELONE KAM AFE, j~une homme at~ao part de son pay~
pou r a l 1er che r che r f e rn me, l, à. En90 ng. Arr i' vé à En90 n9 au ter me
d ' un l 0 n9 voy age, t l s' é pre nd d' 0 yAÎ~ E ~1 E0ZA. Le" jeu ne Py t h0 n"
Bi~ao enlève sa fiancée après avoir ~bàttu la forêt de Nkol
Endoum, tâche que lui impose son beau-père. Ensuite ELONE
~eprend
le chemin de son pays.
10:
Chapt tre III
ELONE KAM AFE ~t sa fiancée séjournent à Maane Meni.
D'autre part, NZE MEDANG et OBIANG MEDZA frères d'OYANE arri-
ven t eux a us s i dan s ce vi, l l age. 0eux c 0 mbat s s' y dé r 0 u l e nt.
D'un côté ELONE KAM AFE tue ANVAM EYEGHE BONG le meurtrier de
son père.
D'unilautre côté, OBIANG~IEDZA et NZE r~EDANG exécutent BElIE-
KUE-BI-LOROTO.
Enfin, ASSENG MBANE ONA parti de son pays at-
terri,t à Maane entre temps, enlève OYANE MEDZA, puis 'le re~3~ne.
Les frères d'OYANE MEDZA en compagnie d'ELONE KAM
AFE son fiancé,
poursuivent ASSENG. A ASSIA, des combats ti-
tanesques opposent les antagonistes. Les Immortels reprennent
,OYANE et valident son mariage avec ELONE. MBANE ONA, père
d'ASSENG, est tué au cours des affrontements.
Ensutt~, la
fureur d'ASSENGoblige
[~s deux jeunes guerriers d'Engong à

us.
regagner précipitamment leur pays.
- Chapitre IV.
ASSENG MBANE ONA se rend a Engong pour être dédomma-
gé après la disparition de son père dont les Immortels sont
les auteurs.
Il présente ses doléances devant le Çonseil des Ancien
des BKANG.Cette institution suprême sàtisfait habilement ASSENG.
Car, le Conseil
lui tend un;)piège en lLii offrant en guise de
dommages et intérêts, deux redoutables guerriers d'Engong
ANGONE ZOK et NTOUTOUMEi "MFOULOU. ASSENG se réjouit de l'accueil
et regagne son pays avec son fardeau.
Les Immortels derrière ASSENG demandent a d'autres
guerriers de se rendre a Assia et de ramener vivant le c~ef
de l a t r i bu des YE~1 {B EM. A Ass i a par con t r e, AS SEN G MBAN EON A
refuse de croire ~u'il a été piégé par les ~ommes d'Engong,
idée que soutient justement sa femme.
- Chapitre V
A Assia, ASSENG s'apprète a immoler ses deux ota-
ges. Curieusement, ceux-ci s'opposent violemment a leur géô-
lier. Ces combats titanesques et sur~umains provoquent des dé-
sastres. D'autres guerriers immortels s'engagent aux côtés de
leurs compagnons.
Ils découvrent les puissances d'Asseng après
con sul ta t i. 0 n ::l' AGN6NG NDON G. Ils s' e n ace a par e nt. Que l que s
instants après, le chef des Yemebem est vaincu par ses enne-

119.
mis puis condamné sans procès.
Malgré une répartition du texte en chapitres inégaux
en longueur, le conte d'ASSENG MBANE ONA, au niveau du dérou-
lement de son intrigue, viole cette structuration faite pour
les besoins de lecture. En un mot, sa structure narrative
est la suivante:
a. - "L e Cha pi: t r e 1:" qui pré sen tel a na i s san cee t lia c ces s ion
d'ASSENG a la tête de sa tribu constitue une espèce d'introduc-
t ion.
b. - Trois autres chapitres forment le corps du récit propre-
ment dit: l'action pure qui se divise en deux grands mouve-
men t s. LiU n que n0 us~ i nt i,' t ul 0 ns la" Vic toi r e d' ASSEN G" ( AS-
SENG enlève OYANE MEDZA (cb.api:tre rn.)), l'autre "la défaite
d'ASSENG" (ASSENG perd son père, les Immortels reprennent
OYANE puis il est vaincu militairement par ses ennemis). Les
actions de ce mouvement s.e situent aux quatrième et
. cinquiè-
me chapitres.
c. - La conclusion du récit, constituée par le dernier paragra-
phe du
texte est un épilogue judiciaire. C'est la "condamna-
tion d'ASSENG".
Cependant, la structure du texte et celle de l'bis-
tQi.re mettent en relief l'existence, dans le. réci.t principal,
d'un récit secondaire purement autonome qui s'y intègre par-

120.
faitement.
Cette narration qui occupe entièrement le deuxième
chapitre du texte a
pour héros ELONE KAM AFE. Ce personnage
effectue une quête positive (il comble son manque de femme
en épousant
OYANE MEDZA).
Ce n'est pas le cas de notre prin-
cipal
personnage. Quel est donc le type morphologique du ré-
cit d'ASSENG MBANE aNA?
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x
x
La structure narrative de l'histoire d'ASSENG est
dynamique comme pour tous les récits de Mvett. Le schéma de
l'action dégagé auparavant nous permet de faire ce tableau
des principales actions accomplies par le héros.
- ASSENG MBANE aNA veut et doit sacrifier une person-
ne d'Engong.
- ASSENG MBANE aNA enlève OYANE MEDZA devant son
fiancé et devant ses frères
Immortels~
- ASSENG MBANE aNA s'oppose aux Immortels.
- ASSENG MBANE aNA est vaincu par les Immortels.
- ASSENG MBANE aNA est jugé et condamné.
Le schéma que nous venons de dégager fait ressortir
que le récit d'ASSENG MBANE aNA est celui d'un échec. Echec,
car ce personnage n'acquiert pas l 'Immortalité ~u'il désire.
Sa quête est négative.Le chef YE~lEIJEf\\1
ne voit
pas son destin s'accom-
plir car il est incapable d!accomplir la "tâche difficilè" qui lui est

121.
imposée.
Cer récit est donc de type "descendant" et se ré-
sume à deux "contes"principaux.
Le premier est de type "ascendant". Car, ASSENG
HBANE ONA qUi souffre d'un "manque de ressortissant
Immortel
à sacrifier",
parvient à combler ce "manque" en enlevant
OYANE MEDZA.
Quant au deuxième "conte", il est plutôt de type
"descendant". En fait, la situati.on de l'homme Yemebem se dé-
tériore : OYANE MEDZA lui est reprise. Ensuite, ce personnage
considéré jusqu'alors comme un héros, est vaincu par les Im-
mortels et condamné par ses vainqueurs.
Il devient un "anti-
héros". Nous reviendrons sur l es causes et le sens'
de l'échec
de ce personnage dans notre conclusi.on.
x
x
x
Pour mettre un terme à l'analyse structurale de nos
récits, nous retiendrons ~éci :
Les récits de notre corpus relèvent d'un même type
morph.ologique fondamental. Tous. partent d'une "situation de
manque" pour aboutir à un racha~ (cas d'OVENG NDOUMOU) ou à
un éch~c (cas d'ASSENG MBANE ONA).

122.
Ces récfts sont des compositions par t~êmes. t~ê­
mes qui comportent de nomo.reux motifs
(enlêvements
de femme~.
combats singuliers ... ). Toutefois. ces longues scênes qui
doivent être consfdérée~ comme des contes finis en eux-mêmes
ne sont pas de simples énonciations d'une suctession de faits
-j nco 0 rd 0 nnés.
une sim pl e c hr 0 n0 log f e. Ces Il mi c r 0 - r é c i t S Il
s'intêgrent parfaitement dans l'action principale du récit.
En fin. cet t e a na l y se m0 r ph_o log i que des ré ci t s fa i t
a ppar ait rel e s pr i nc i pau x pô les d' 0 pp0 s i t ion de t 0 ut Il t~ ve t t Il
sans oublier de mettre en relief les dififérents types de rap-
ports entre les personnages. Les Immortels et les Mortels
n'entretiennent pas forcément des rapports de combat pas plus
que les Mortels n'entreti:ennent entre~eux que des rapports
d'alliance.

123.
CHAPITRE 2. - .LE TRAVAIL LITTERAIRE
Les récits de mvett sont des compositions sponta-
nées des conteurs, qui procèdent avec ordre et mét~ode. Mais
pour aes,la'rtisans de la parole, I~GGlmposer n'est pas seulement
disttibuer une matière: c'est, en
".Une acception supérieure du terme, organiser un sujet
"c'est lier les idées entre elles, selon leurs af-,
"finités intimes et non)pas seulement d'après des
" con ven a nces s upe r f ie i e l les " ( 1 ) .
Si le récit d'OVENG et celui d'ASSENG se laissent naturellement
diviser en plusieurs parties, ces qualités d'ordre ne sont
pas les seules qui créent l'admiration. C'est par des mérites
d'une espèce plus rare que se recommande le Mbom-mvett. Il
sait composer au sens le plus élevé du terme. Le joueur de
mvett met continuellement en jeu dans l'exercice de son art
facultés d'impression, d'expression et de réalisation. Après
l'analyse dans le chapitre précédent de la bonne distribution
des parties d'un récit, il est intéréssan~ d'analyser ici
l'ensemble des autres qualités formelles d'une oeuvre de mvett
les formes littéraires et les qualités du style (les images).
--~----~-.-~--.-~.---~-~.-~
(1) - E. FARAL, La Chanson
de, RQland, coll. "Les c~_efs-d'oeu­
vre.sde .1 a, lfttérature expli;qués", Méllottée
, Edi.teur, Paris,
1967,
p.
251.

124.
A.
- li ES FOR MES LnT ERA LR ES
" Ce n'e s. t
pas e nef f e.t
par art, mai spa r i nspi: r a -
"tion et suggestfon di:vi:ne que tous les grands poè-
"tes épiques composent tous des Deaux poèmes ; et
"les grrands poètes lyriques de même. Comme les Cory-
"bantes ne dansent que lorsqu'ils sont hors d'eux-
" mê mes ~' ai nS l' les· p0 è tes . ly r i que sne son t pas e n
"possession d'eux-mêmes quand ils composent ces beaux
"chants que l'on connaît; mais quand urne fois
ils
~ sont entrés dans le mouvement de la musique et du
"ry h
tme ,
ils sont transportés et possédés comme les
" bac cha n tes qui
pu i sen tau x f leu ve s l e lait et l e
"miel, sous. l'influence de la possession, mais non
"quand elles sont -de sang'froid"
(1).
L'inspiration d'une oeuvre orale exprime non seule-
ment l'attitude, mais aussi
l'intention, consciente ou incons-
ciente, de l'auteur initial et des auteurs traditionalistes,
vis-a~vis du thème abordé. Le M~om-mvett met en relfèf les
d i. f f é r e ntes for III es d' in s p t rat ion don t i les t
l' 0 b jet gr â c e à
l'utilisation de diverses formes d'expression.
Celles-ci peu-
vent être directes, quand il s'agit de décrire, raconter, et
exp l i que r, 0 u i. nd ire ete s,
l 0 r s que l'a ute ur pre nd dur ecu l e t
s'expri:me a travers. un ou pl us-ieurs personnages.
(1) - PLATON:
Ion, 534e~535e, trad.
E. CHAMBRY, Garnier, édi-
teur.

126.
- La description
La faculté d'organi~ation du mbom-mvett se révèle
dans
l'art d'exploiter les: ressources de la description au
profit de son des:sein principal.
Ces présentations des êtres
et des choses sont soit extérieures,
les description~ pures,
soit de~ analy~es intérieure~ ou des portraits moraux.
Dans le premier type de/description,
l'imagination
du conteur e~t amie du pittore~que et du grotesque.
La pres·
tance d'ANGONE ZOK est l'un des passages
les plus signif~ca­
tifs à cet égard:
IIANGONE serre sa femme contre sa poitrine,
puis la
IIdépose dél icatement sur le sol.
Ensuite il
ouvre
lI une vieille malle en bois,
prend une culotte kaki
lIà
trois boutons,
la met,
encore une culotte kaki
11
à trois
boutons,
puis encore une culotte kaki à
Il t roi s
b 0 l!J ton s . ..
Lor s'q u e t 0 u tes ces c u ,1) 0 t tes
ka k i.
1I 0n t
formé un énorme bourrel et autour de ses hanch.es,
~il passe une large ceinture de peau de &uff1e, une
II ce i:nture
de peau de panth.ère, et une cei:nture de peau
Il d e
c a ï man. ( . . . ) Pre nd u n p a g ne der a p tU:a,
lie n r 0 u l e
Il au t 0 u r
de s.a tan le?
pu ï:s. un pa g ne d 1 é cor ce, un
Il pa g n e
de p ea u d e pan ULè r e. ,
u n pa g ne de. peau de:l
II gor i:l1é:'et couvre le tout d'un pagne de'peau d'Homme( ...

127.
1111
l'ajuste avec une peau de python ( ... ), sai-
il s i t
u n b ra cel e t d e té' tic: h f ~
Il bis sil e
nz e ne Il
(d e -
Il ma nd e l e c hem in), 1e pa s s eau bra s 9a uche, un br a-
1\\ ce 1 et
de f é t i che s 1\\ es s 0 vé ? il
(d 1 0 Il ça vie nt), l e
Il pas se au br as 9a uc ne, un br ace 1et de f é t i' che s
Il :ab:'o nd zan 9Il
(p i e d d is pa ru ), 1e pa s s eau b: ras 9 a u-
liche.
( ... )11
saisi't alors un bracelet de fétiches
IIbor b.a bo me dzé?1I
(que m'importent les hommes),
Ille passe au bras droit.
( ... ) Il saisit un étui
lien peau de porc-épie II m' akam qyong ll (je défends
" 1a tri bu) sel'a c c roc n.e a u cou, u n é t u ide peau
Il d e ci ve t te Il lab i. ri z 0 k Il
(a t t r a pe é 1é Pha nt). sel'a c-
II croc he au cou, un étui
"~(1zene esse oné"
(pas de
" bhem in par ici,), sel'a c c roc heau cou;,J u n é tu i e n
"peau daman II mor ase fe adzal ll
(plus personne au
" villa 9 e),
5 e l ' a c croc he
au c ou, un é t u i en peau
IIde genette II mor ke mare"
(que personne ne
fuit),
" sel ' a c c roc he a u cou...
( ... ) I l s 1 a ppro ahe d 1 un
II mur hérissé d'énormes patères d'oEn pendent toutes
"sortes de choses.
Il y décroche un amas de sabres,
"les pend sur sa hanch~ droite, un amas de sabres,
"les pend sur sa hanche gauche.
Il
prend un bonnet
~'de'tynocéphale, se l'enfonce sur la tête, un bon-
"net de boa, se l'enfonce sur l a tête, un bonnet
IId 1 unau, se 1 1 enfonce sur l a tête, un Bonnet de gi b-
"bon ~ se 11 enfonce sur 1a tête et couvre 1e tout

128.
IId ' un b.onnet de plumes multicolores. La tête d'une
IIgrosse vipère émerge de cette huppe et se penbhe
II sur le front d'ANGONE. I:l prend un énorme manteau
Il n0 i' r
a ux é pau let tes: é toi.' l é e set l' end 0 s: se, e nsui -
lite i.l se chaus.se de lourdes bottes à. talon de i
IIfer ll (1).
D'inspiration comique, cette première vi.'ston du
narrateur est une petnture d'un être surhumai.'n en mouvement
une pro S0 P0 9ra phi. e. Car i l s 1 agi t d 1 une des cri pt i. 0 n de l ' e x-
térieur d'un être animé qui est ici de pure imagination.
Celle-ci se développe selon un ordre purement lo~'
gi que. Ain s i., e l l e n0 us pré s; e nt e t 0 ur à. t 0 ur:
les culot tes ,
les pagnes, les bracelets, les étuis, les sabres, le manteau,
les lourdes bottes. Au niveau de la perspective spatiale,
l'angle de vue du conteur va de bas en ~aut, avec un retour
au bas. Le narrateur situe les c~aussures ~ la fin de sa
description; clest pour bien mettre en relief l'ordre logi-
que de l 'acooutrement du personnage.
D'autre part, cette prosopographie se développe
spatialement selon des ~lans, selon des vues. On passe des
9 r 0 s, pla ns (p a 9ne s, c IJ lot tes.? ce in t ure s ... ) à. une vue pan 0.,.
ramtque, à un personnage entièrement h~billé.
-----------.-------
( 1) - TSIR AND 0NG, Mve t t ( I. 1), pp. 242_. 243 .

129.
Le conteur multiplie abondamment les énumérations
( une culot te ka ki. à. t roi s D.O uton s, e ncor e une culot t e à
trois boutons, puis encore une culotte kaki à trois Doutons ... )
celles-ci sont mf~es en relief par les nombreu~es vir-
gules et point-virgules sans oublier la conjonction de coordination"e:
core" et la locution adverDiale "puis". Mais on trouve éga-
lement beaucoup de détails dans cette description. Celle-ci
a pour mission de montrer, à travers cette tenue d'apparat
d'ANGONE, l'importance de la réunion à laquelle il est in-
vité mais aussi celle du personnage lui-même.ANGONE appa-
rait comme une personne imposante, un guerrier redoutable,
qui, avant de quitter son domicile, s'arme minutieusement.
A la fin de la description, ANGONE est plutôt un monstre,
un ~Dmme surnaturel, un personnage des fables.
Cependant, on trouve rarement des descriptions de
cette longueur dans les récits de mvett et même de cette
nature.
En effet, le narrateur aime surtout des descriptions
qui con cou ne nt; à lac 0 mpré fLe ns ion des fut ure sac t ion s des
personnages.
Par conséquent, il évoque la beauté d'EYENGA
NKABE.: cette jeune fille des Orages au "teint cuivré, au
regard étincelant, au nez fin, aux lèvres arrondies, aux
dents plu~ blanc~es que les grains d'un épi de mals, aux
seins nus. de la grosseur d'une. papaye". C'est cette beauté
s~ ans par e i. l qui a l l ume l e feu de l'a m(j ur dan s l e c 0 e ur
d'OVENG NDOLIMOU OB.AME. [11 e pous~se enfin ce derni.er à par-
ler sans retenue :

130.
"C'est moi qui
serai son époux et non l'homme
IId'Engong ll
(1).
Par ailleur~, on trouve de paisibles discriptions,
telle celle retraçant la vie sereine du village de Nkobam
ilLe ciel
était beau,
le soleil splendide. Dans
III 'atmosphère surchauffée, des bandes de papillons
'1 à
la rob e t rn mac u l é e vol t i 9e aie nt, des pi 9e 0 ns
IIroucoulafent derrière les cases. A l'ombre des
II vérandas,
les moutons broutaient l'herb~ conser-
Il V é e
l a mat i. née a u pâ t u r age, tan dis que les pou-
1I1 es s'ébrouaient dans la poussière que la saison
lI ava it
rendu
grise.
"
Sous les b.ananiers, des enfants bedonnants et
Il cri a rd s
j 0 uaie n t
à. cac he - cac he.
Au loi n, dan s l a
Il mon ta 9 ne
he r b.eu s e r ete nt i s s, aie nt
les ab 0 i e men t s
IIdes chiens,
le son des grelots et les hui! hui
IId'un chasseur poursuivant le gibier. Quelque part
"dans la forêt environnante la cognée frappait
IIdurement contre un arb.re.
La sécheresse avait
lI a tteint
son apogée ll
(2).
C~tte topographi~ du village de Nknbam comporte
des détail~ ~t des contrastes. Faisant appel au sens de la
vue, e l l e é v0 que l e de gré de l umIii ri 0 s i t é à t r a ver s les con -
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett (1), p. 43
(2) - Tsira NDONG, Le Mvett (1), p. 26

131.
trastes de lumière (le soleil splendide) et d'ombre (a l'om-
bre des vérandas). Mais il y a également des détails qui
f 0 nt a ppel a_ l 1 0 u~i' e (1 e sen fan t s cri a r ds, les hui
! hui
d'un chasseur, la cognée qui frappe contre un arbre, le son
des greTots ... ), au toucher avec l'évocation de la sensa-
t i on de cha ud (l'a t m0 s phè r e sur cha uf fée,
l' a po gé e de las é-
cheresse ... ). Cette peinture
du village
des Flammes est
faite a l'aide des phrases plus ou moins courtes et des mots
aux sonorités voilées, assourdies.
Comme dans "la chanson de Roland" où l'écrivain
peint:
la belle prestance de GANELON, vêtu de son bliaut de soie
~t de son grand manteau de peaux de martres; la noble statute de ROLAND,
r.lonté sur son destrier veillantif, le visage pur et clair, sa lance dres-
sée vers le ciel, avec son gonfanon blanc dont les franges battent jus-
qu'a son poing; ce PINABE'U, au corps agile et puissant; ce petit
THIERRI, grêle, brun\\et ardent ... notre, texte abonde en autant de
visions.
Mais chacun des traits descriptifs du récit, même
les ~lus rapides notations du narrateur, l'esquisse d'un
paysage aussi
bien que le tableau d'une bataille, le por-
trait physique d'un personnage, servent a éveiller ou a
renforcer ch~z l'auditeur les sentiments nécessaires au
dess~in du conteur, admiration, rire, terreur, dégoQt ...
Cep end a nt c ha c une de, s es des cr i pt ion s ne
vie nt
sur t 0 ut
que pour motiver ou accompagner de_
concordances expressi-

132.
ves les action~ et les sentiment~ des héros. Cette descrip-
tion d'OBAME NDONG:
Il
Dans le corps-de-garde, couché sur le côté à
~même un lit de 5ambous vernis, la tête appuyée
II sur
la paume
de sa main gauche, un vieillard
Il,
o'3cripit fumait tranquillement sa pipe. Sa barbe
Il
blanche" encadrait un visage au regard impénétrablell(J
a pour but de donner à ce patriarch~ l'aspect d'un homme
pensif, d'un ~omme inq~ièt. Elle met en relief le calme du
personnage.
La peinture des caractères est le point sur lequel
se concentrent l'attention et l'intérêt. Car ce sont les
idées qui ont ins~iré le conteur, qui constituent le prin-
cipe vital de son récit. Ce sont elles quidonnent
parfois
des dénouements
inat~endus1 aux intrigues. L'action du ré-
cit est commandée par les caractèreS·La merveille a beau
jouer son rôle, ce sont les hommes engagés ~ans l'action
qui créent;: des situations et c'est leur attitude qui sert
à
l'établissement de l'idée finale.
Un grelot qui ~appe et
qui volatilise le fer, une femme qui change de physique
et multiplie les vivres, un poignard qui extermine des bêtes
féroces, un h.omme qui loge dans un anneau de cuivre: sans
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett,
(1),
p. 26

133.
doute sont.,.ce là des fi.cttons imaginées au mépris des possibi-
lit é ste r r est r e s: e t des: don née s de l ' exp é rie nce. Les vi. c t 0 ir e s
des Immortels sur OVENG et sur ASSENG sont assurées grâce a
leurs puiss-ances magiques,:\\et surtout à leur nature. Dans cha-
cune des confrontations qut opposent Immortels et Mortels, ce
sont les Immortels qui sortent victorieux.IN,'iempêche que, si
l
"d
f , .
,
l '
d
.
t
d
l
t -
e
rame eXlste, c est par
e Jeu
es passlons e
es vo on es
des personnages. Chaque personnage poursuit un but bien déter-
miné, défend une cause, un idéal. A l'origine de la défa,te
d'ELA MINKO se trouve le courage de NKABE MBOUROU ; à l'origi-
ne de l'alliance de NKABE MBOUROU avec les rmmortels, la déter~:
mination d'EYE~GA NKABE ; à l'origine du combat entre OVENG et
les Immortels, la volonté de puissance de chacun des partis
à
l 1 0 r i gi. ne de lac 0 ndam na t ion d' AS SEN G son 0 r gue i l e t sac upi -
dité.
Et ainsi tous les temps forts des récits.
L'intérêt Profond du récit
réside en somme dans une
étude d'âmes. Le narrateur ne décompose pas; il ne juge pas
i l pré sen tel e s pers 0 nnage ste. l s qu' ils son t. S 1 i l n0 t e une
fois, qu'ENGOUANG ONDO est un homme de "faveur et violence"
mais
"paix et bonté", c'est pour mieux mettre en relief que
le comportement de ce personnage n'est pas définitif, et que
son rôle dans le récit l'es.t encore moins. Le MBom-mvett fait
plus souvent les analyses intérieures ou des portraits moraux.
Ch~cune de ses présentations fait apparattre la psychDlogie du
personnage en question. Parlant d'ELONE KAM AFE,
le narrateur
di.t ceci

134.
"Il
ne marc ha i, t
pas c 0 mmec e lui
qui
v a che r che r d u
" vin de pal me à. l' an cie n vil l age.
Il
ne ma r c n.a i t
" pas co mmec el u i. qui
a r eç u ~I a no uv el l e ct e l a m0 r t
"de son oncle maternel
et qui
sait qu'on l'attend
"pour procéder aux interminables palabres qui pré-
"cèdent l'inhumation.
Il
ne marchai t
pas comme cel ui
"dont la femme s'est évadée du domicile conjugal
par
" sui te de ma uv ais t rai, te men t s e t qui
c rai n t que ses
"b.eaux-parents. ne le rabrouent en lui. remboursant
" sad 0 t
pen dan t
qu' i' 1 s c è ct e nt
l a mai n d e leu r fil l e

un rival
plus fortuné.
Il
ne marchait pas comme
"celui. qui a vi.olé un interdi,t sacré et qui
s'attend
"à chaque instant à subir le châtiment déclenché par
"les foudres des esprits.
Il
ne marchait pas comme
" qui
a é c hou é a u x é p r eu v e s de IIi nit i a t ion et qui
"sait que toute sa vie il
sera la risée des autres.
"Il
ne marchait pas
comme celui qui
a réussi
à en-
" fer mer u n t r 0 u peau des a n9 1 i ers ct ans s a bar r iè r e -
" pi è ~ e et qui r et 0 ur neau vil l age a p pel ers es f r ère s
"pour une battue monstre.
Il
ne marchait pas
comme
" cel u i, qui
vie n t
d 1 é pou s e r
une bel l e f e mme e t
qui
"pense
que la vie est toute
ta~iss'ée de rose, quoi.
" qu' e n ct i sen t
les
i, n for t u 171 é s.
1 l
ne marc h a t t
pas
"comme un homme qui
se sait puissant et qui. s'i.'n-
" fa, tue des e s a vQ tr tel.
I: l a l lai t t Q u t s' i mp lem e nt,

135.
"comme un jeune tigre entre deux repas qui ne pense
"ni au bien ni au mal, d'une dêmarche volontairement
"indolente, prêt à se changer en ouragan au moindre
"danger, dêmarche de fauves et de chasseurs de fau-
"ves" (1).
ELONE
KAM AFE dans cette présentation est mis à nu
au niveau de sa psychologie. La peinture de la simple démarche
de ce personnage met en relief ses qualités physiques et psy-
chologiques comparables à celles d'un fauve, à celles d'un
cha s s e ur de fa uv es. EL 0NE KA M AFE à t r a ver s cet te a na lys e du
narrateur apparatt comme un guerrier redoutable.
Cette peinture d'ELONE est une interprêtation de sa
dêmarche. Clest une vision du narrateur lui-même. D'inspira-
ti.on poétique, ce passage abonde en comparaisons de différen-
ces et de ressemblances. Le premier ty~e ~ue nous désignons
par le terme "dissimilitude", a pour source d'expêrience, les
activités et la condition ;humaines. Quant au deuxième type
que nous appelons "similitude", 1.1 fait rêfêrence au monde ani-
mal, aux fauves en situation. Ces nombreuses comparaisons con-
tribuent infiniment à la beautê du discours et en sont les
ornements les plus magnifiques. Leurs sources dlexpêrience sont
plus connu~s que le personnage fictif que le narrateur veut
faire mieux connattre. Ces rapports de diffêrence et de res-
semblance prêsentent à l 'imagination quelque chose de neuf,
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett (II), pp. 87-88.

136.
d~éclatant, d'intéres~ant
rien par conséquent de bas, d'ab-
ject, ou même d'usé et de trivial. Ce~ rapports sont imprévus
et frappants, en même temps que sensibles et aisés à ap~rcevoir.
Ce tableau qui met en relief certains aspects de la
vie sociale Fang, est fait dans
,un style emphatique et solen-
nel, grâce à l'abondance des comparaisons tirées des situations
importantes. Par ailleurs, les multiples parallèles successifs
de différence font naître chez l'auditeur ou le lecteur un
sentiment d'exaltation, un élan d'admiration. Car cette présen-
tation d'ELONE KAM AFE est une exaltation
des qualités psy-
chologiques de ce personnage. Le passage, d'inspiration poé-
tique, est également épique.
Mais dans notre récit, on trouve au~~i des portraits
moraux proprement dits. Par exemple celui de NTOUTOUME MFOU-
LOU :
"NTOUTOUME MFOULOU, l' homme sans peur et que nul ne
"peut surprendre.
Irascible
comme le serpent python,
".~ mpetueu,-1( comme un fl euve
~êrissé de rapides,
"bruta 1" comme Il "Jouragan, NTOUTOUME MFOULOU es t la
"rage d'Engong et la terreur des peuples" (1).
Ce portrait moral de l'adjoint d'ENGOUANG est d'ins-
Pira t ion épi que. Cel l e - cie s t mis e e n rel i e f par l es c 0 mpar a i -
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett (1), pp. 23-24.

137.
son s gr and i 0 ses tir ée s de l a fa une e. t de 11 al na tu r e. En 0 ut r e ,
le conteur use
d'un vocabulaire pompeux et emphatique: "Iras-
"
cible, "impétueux", "la terreur", etc. On retrouve également
des termes et expressions qui concourent à l'exaltation du
personnage et à son admiration: "l'orage", "l'homme sans
peur et que nul ne peut surprendre", "la rage" ; et plus loin
"force de Dieu", "courage de Diable", le volontaire de toutes
les missions périlleuses. NTOUTOUME MFOULOU nous est présen-
té à travers ses qualités physiques et psychologiques.
Dans sa narration, le Mbom-mvett
utilise la des-
cription. Mais son art de la description est plus explicatif,
plus évocateur. Même si parfois il décrit des décors, des pa-
n0 r amas, c' est sur t 0 ut sur l a pré sen t à t ion i nt,é r ïe ure. dCe s pe r -
sonnages qu'il concentre son attention. Souvent avec ces pré-
sentations, le narrateur cède la place au peintre des carac~
tères. Le conteur devi.ent psychologue. Grâce à l'abondance
des images, des répétitions et bien d'autres procédés de com-
position, ces différentes descriptions
deviennent. poétiques. f'·1ais
au niveau de la peinture des caractères, l'auteur ne ~ous 1i-
vre nullement toute la psyc~ologie d'un personnage; celle-
ci nous est révélée grâce aux diverses situations que celui-ci
a f f r 0 ntee t sur t 0 ut gr â ce à. ses réa c t ion s. Au c une pei ntu r e
de caractère n'est définitive. Même si le mbom-mvett utilise
la description, celui-ci est avant tout conteur. Par consé-
que nt, i 1 fa i t
par 1er ses pers 0 nna 9es, les mon t r e en a c t i. 0 n .

138.
- Le monologue
Les paroles des personnages abondent dans les ré-
cits de Mvett. Cette mise en scène des acteurs s'effectue
grace aux monologues et aux dialogues. Par les monologues
d'abord car, avant de dialoguer avec d'autres personnages,
chacun d'eux se trouve face à l ui.,.mème, s-eul. Ces acteurs
méditent, invoquent, analysent, d'oO les différents types de
monologues que nous rencontrons dans les textes de notre cor-
pus.
Parmi les nombreux monologues que nous rencontrons
dans les narrations de Tsira NDONG, on a ceux d'EYENGA NKABE,
d'OBAME NDONG et de NDOUTOUME ALLO GO MINKO.
l~ Le monologue intérieur d'EYENGA NKABE
"A quoi b.on, se di.t-elle ? Ai-je le choix? La vo-
"lonté de mon père seule compte! D'ailleurs son
"fantôme me poursuivrait toute ma vie et me ren-
"drait la vie impossible. Aussi mon devoir filial
" fil ' est - i l
pas d'a i.m e r mes. par e nt s, de. les ven ge r
1\\ e n
cha t i. an t cel ui q ui.l es a 0 f f e ns és ? Je va i s
"donc à Engong 00 je ferai ce que mon devoir me
"commande ( ... ). Une femme ne doit pas avoir peur
"des hommes, finit-elle par conclure. Une femme
"doit profiter du moment 00 un homme reçoit un

139.
"coup au coeur en 1 1 apercevant pour la
séduire
IIjusqu'à la moë11e des os. Je ferai de mon mieux
"si ces monstres sont sensibles au charme des fem-
limes. Cependant j 1 a i me l' homme de 1a tribu des
"Flammes" (1).
Le personnage qui fait le monologue ci-dessus est
un être humain vivant. Son monologue constitue un des norn-
breux motifs de la longue scène que nous avons intitulé IINKABE
MBOUROU s'allie aux Immorte1s ll • En effet, clest pendant
qu'elle est sur le chemin d'Engong, sur ordre de son père
qui vient d'être vaincu par OVBNG, que EYENGA NKABE livre
ses sentiments profonds.
La jeune fille des Orages doit résoudre deux pro-
b1èmes que lui pose cette situation d'émissaire de son père
auprès des immortels: amoureuse_
du vainqueur de son père,
doit-elle se rendre à Engong comme celui-ci le désire? Peut-
elle, en tant que femme, affronter victorieusement les 1m-
mortels? EYENGA NKABE est victime d'un drame intérieur, son
c0 e ure s t bal a nc é e nt rel ' amou r e t 1 1 h0 nne ur. Mai s '.e 11e est
aussi
inquiète.
Ce monologue se divise en deux parties correspon-
dant aux deux situations du personnage. Cependant, clest le
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett (1), pp. 46-47.

140.
narrateur qui, après l 'exposé de c~acune d'elles, met son
personnage en scène.
Il use, pour introduire les discours
de la jeune fille des Orages, d'un lise dit-elle ll et d'un
"finit-elle".
Au ni,veau de ses fonctions, ce ~oliloque sert a fai-
re connaitreaux lecteurs les sentiments d'EYENGA NKABE. Par
ailleurs, il constitue un apport d'information. On apprend que
la fille des Orages se rend a Engong, qu'elle tient a rencon-
trer et a convaincre les Immortels, mais qu'elle aime l'agres-
seur de son père. Son monologue est un triple aveu: aveu d'unE
mission, aveu d'une force, aveu d'un amour.
Ainsi, après avoir longuement hésité sur la décision
a prendre, après avoir dissimulé ses véri.tables sentiments dans
sa scène di.aloguée avec OVE~G, EYENGA NKARE nous révèle ses
décisions et exprime son amour pour OVENG.
Mjis ce mo~o~ogue sett aussi et surtout a exprimer
les tourments
du
drame intérieur de cette jeune femme qui
doit accom~lir une action plus ou moins contraire a son senti-
ment profond. Cependant, cet entretien avec soi nlest pas une
l a men ta t i, 0 n sté r i, le, mai. sun e
a na lys e
e t une
réf 1e xi,o n
qui
a b.o ut 1. s s en t a des sol ut ion s :
Il J e
va i, s don c a. EN G0NG 0 ù je fer ai, ce que mon de v0 i r
lime commande.
C••. ) Je ferai de mon mieux si ces

141.
"monstres sont
sensi.bles au cnarme des femmes".
Grace a ces deux décisions, le monologue d'EYENGA
NkABE devient un élément de l'intrigue au même titre qu'une
scène d'action dialoguée. Le devoir filial prend le dessus
sur le choix sentimental personnel, le courage prend le des-
sus sur la peur, l'angoisse. Le monologue intérieur d'EYENGA
NKARE est une méditation qui aboutit a une prise de position.
L'apport de ce monologue réside, non dans le sentiment qu'il
exprime, mais dans le fait qu'il révèle.
Au niveau de sa forme, on s'aperçoit qu'il est dans
uns t y l e dire c t gr â ce a. lie mplo ide s pro nom s po s ses s ifs " mon,
ma, mes ... " et surtout du pronom personnel de la première per-
sonne du singulier: "je" ; ce monologue procède par alterna-
tives. Car, comme nous le savons, le personnage est partagé
e nt r e dl e sim pé rat ifs 0 PP0 s é set in CQne il i a bles. 0ans
sap r e-
mière partie, les alternatives sont mises en relief par les
\\'
phrases interrogatives: A quoi bon ... ? Ai-je le choix? Aus-
si mon devoir fi.lial
n'est-il pas d~a;mer mes parents, de les
ven ge r en c hâ t i an tee lut qui les a 0 f f en s és .. ? ':' et pEI r l a phr a-
se ex cl amat i. ve : "1 a volon té de mon père se u1e co mpte !". Si
l'interrogation sert ici a la délibération, l'exclamation mar-
que l'abandon brusque du discours ordinaire. Celle.ci met en
rel i. e f l'e xpre s s ion d' uns en t i. men t vive t s ubit. L' ex C l ama.,.
tian exprime un mouvement du coeur de notre personnage. En
prononç~ant
cette ph.rase exclamative, EYENGA NKABE se dé5ar-
rasse de ses "sombres pensées".

142.
Dans la deuxième partie de son monol09ue,
l'alter-
native est marquée par des
développements
antithétiques et
symétriques.
Ainsi,
IIje ferai
de mon mieux si
ces monstres
sont sensibles au charme des
femmes ll s'oppose à IIcependant
j'aime l'homme de la tribu des
Flammes".
Ce monologue que nous
pouvons considérer comme passionné ~ cause des alternatives
doit
être rapproché de celui
d'AGENOR.
"Ah
misère
si je fufs devant le puissant Achille
IIdu côté où tous
les autres
se bousculent, affolés,
Il j en' e n
s e rat pas moi, n s sap roi e, e t
i 1 mec 0 u pe -
lira la gorge,
sans que je puisse me défendre ...
Et,
Il s. i.
j e 1 ais s a t s 1 e s a u t r e s ê t r e b 0 u s cul é spa r
IIAchille,
le fils
de Pélée,
pour fuir moi-même à
Il t 0 u tes
j a mb es,
ail leu r s
loin dur e mpar t,
ver s 1 a
II p l a ine d'Ilion,
jusqu'au moment où j'atteindrais
1I1 es gorges de l' lda et plongerais dans leurs tail-
IIlis
! Alors,
le soir
venu, après m'être baigné
IIdans
les eaux du fleuve,
après avoir étanché ma
"sueur,
je regagnerats Ilion . . . Mais qu'a besoin mon
IIcoeur de disputer atnsi ? N'est-il
pas
à craindre
Il qu' i, l
ne m' a p e r ç 0 i: v e, d é t a 1 a n t
ide 1 a c t t é ver s
"la plaine et,
lancé à ma poursuite,
ne m'atteigne
Il d e
se spi, e d s
r api: des ? Au rai' - j e
alors
aucun mo-
Il ye n
d' é v i te r m0 r t e t
t r é pas
? l l
es t
d 1 une v i gue u r
Il qui
dép a s s e t r 0 p celle d es
au t r e 5 ho mme s.
-
Et s;,
lI a l ors ,
j'allats ~ lui, bien en face,
devant la vil-
II
le ? Il
a, comme
l~s autres, une peau qu'~ntaille

143.
1I1 a pointe du bronze~
une vie semblable à la nôtre,
Il
tous les bumai.ns le disent mortel - n'était Zeus,
Il fil s
de Cr 0 nos, qui lui: ace 0 r de l a Il gloi r e Il (1).
Comme EYENGA NKARE, AGENOR apercevant Ach~lle devant
Troie s'adresse à. son coeur; c'est un personnage partagé
entre un sentiment et son contraire, entre deux attitudes op-
po sée s. Do i. t - il i/ï ui r 0 u do i' t - il af f r 0 nter Ac hi l le? AGEN 0R
s'interroge, il délibère. Son
,monologue procède ainsi par
alternatives. Les procédés d'expression qui mettent en relief
celles-ci et les déchirements qu'elles provoquent cbez ce
personnage sont les phrases exclamatives qui traduisent la
pas s ion, e t les phr ases i nter r 0 ga t ive s qui s e r ven t à lad é 1i -
bérati.on. Comme la jeune fille ides Orages, AGENOR analyse
les conséquences de ch~cun de ses actes. Enfin, il prend sa
décision, il affrontera Acbille. Celle-ci vient donc après
une longue argumentation.
Si le monologue intérieur d'EYENGA NKABE doit être
considéré à l'instar de celui d'AGENOR, comme une analyse
et une réflexion conduisant à une fssue, on peut constater
que la premi.ère fonction du monologue reste l'expression des
se.ntiments. Mais celle-ci peut être lyrique et pathétique,
ce qui donne encore naissance à une autre forme de monologue
l ' in v0 c a t ion, pro c é dé l y r i:q ue par ex cel l en ce.
(1)
- HO MERE,
Il i a de, t rad. Pa. ulM AZ0N, coll. Le Li Vr e de
Poch.e class.i:que, Paris, 1963, p. 505.

144.
- Le monologue de NDOUTOUME ALLOGO MINKO
"0 Nat ure ! Que t 1 ai. - j e en cor e fa i t ?
"Soleil qui me regarde, écoute
mes pleurs,
IIS uis-je victime de la charité~
"De la charité qui me rend populaire?
"5 ui s - j e vic t i. me de lia in 0 ur de mes sem bl ab les ,
"De cet amour qui m'attire des amitiés?
IIQue dois-je faire pour que le bien triomphe?
"La bonté, en ce monde, a perdu sa place.
"Seul, le mal commande l'Univers.
"0 na t ure :!\\ Que t 1 a i: - j e enct 0 r e f ait ?
"Solei.l qui me regarde., écoute
mes pleurs" (1).
Dans son monologue qui est purement une plainte,
NDOUTOUME ALLOGO M1NKO parart ~ncapable de dissimuler sa souf-
france.
I.l expr-ime pas:sionnément
ses sentiments. Le style de sa
prière est direct
grâce a l'emploi de la p~emière personne.
Comme pour le monologue d'EYENGA NKABE, l'auteur use ici de
l ' in spi. rat ion dra mat i qu e end 0 nna nt l a par 0 l e a u n a ut r e pe r -
son nage fi. c tif.
Avant le développement de l'état émotif (la pti:ière),
ce passage met en relief la création d'un climat affectif.
NDOUTDUME ALLOGO MINKO apostrophe la nature et le soleil:
Il 0
Nat ure ! Que t' a i -. j e e ncor e fa i. t ?
Il 50 l e il
qui mer e ga rd e ~ é cou t e - moi' Il •
(1)
- Tsira NDONG, Le Mvett (1), p.
61

145.
NDOUTOUME ALLQGO MINKQ e~ante
les passions ~umaines,
und es p r in ci pau x t h.è mes s:o u r c e de l y r i' s me:
lac h.a ri. t é et
lia mou r, ces val e urs. quI il a vou l u é ter n i s e r, qui n a vou l u
diviniser.
Le personn~ge
crie sa douleur.
A travers cette priè-
re, le narrateur vise ~eaucoup moins ~ intéresser la curiosi-
té qu'à fai.re naltre une éniotion, fl
v.eut que l'auditoi:re
s'émeuve. ~u'il partage la douleur de NDOUTOUME ALUOGO MINKO.
Son
invocation est un cri pathétique: elle créé un sentiment
de pftié.
Sentiment de pitié pour NDOUTOUME ALLOGO MINKO.
cet homme qui Si aperçoit qu il
1
est ma l récompensé.
Passionné-
men t a t tac hé a ux val e urs de lac h~a rit é e t d e lia mou r, 1. les t
victime du mal
; comme prix de sa chBr1.té et de son amour en-
vers les autres. il
perd tout ce qui le rendait heureux:
"S on chasse-mouches. restaurateur de la vie avai.t
Il br Û l é
dan s sac a se. s.es f em mes. ses e nfan t s pé ri.
1\\' Tou s
ses b.i. en s: é t a le n t
pe rd us Il
(1).
Cependant, le gémi:ssement de ce personnage torturé
ne modi.fie en rien s.a psych.ologi.e
sa lamentation est
donc stéri le car NDOUTOUME ALLOGO MINKO se retrouve à la fin de sa,
prière dans le même état ~u'au début. -Cet aspect stéri le du monologue
est mi.s en relief par les phrases internogatives qui: corres-
pondent ici à des affirmati:ons.
Il est évident que l'homme
(1) - Ts.ira NDONG. Le Mvett (1:). p. 61.

146.
de MEKA-ME10K parle de la manière la plus positive, la plus
a&solue. Non seulement il n'attend point de réponse a ce qu'il
dit, mais il ne croit même pas qu'il puisse y en avoir. L'in-
terrogation sert, dans cette plainte, a exprimer le dépit,
l'indignation, et la douleur. Les déc~irements dont le person-
nage est victime sont mis en relief par les oppositions entre
des p~rases_ :
" Sui s - j e vic t i. me de lac na rit é ,
"De la charité qui me rend populaire?
" Sui: s - j e vic t i: me de l ' amou r de mes sem blaD les ,
"De cet amour qui m'attire des amitiés ?"
Le monologue de NDOUTOUME ALLOGO MINKO est un épan-
c he men t, c e qui. ~: mp0 rte, cen' est pas tan t les e ns des th è -
mes qui y sont développés mais son contenu pathétique. La to-
nalité du passage, marquée par les points d'interrogation,
classe ce monologue dans le registre attendri. Le personnage
ne maudit pas, il ne lance pas des invectives, il se plai.nt,
il invoque. Le narrateur a travers cette plainte veut qu'on
partage la douleur de son personnage.
Cependant, si le monologue de NDOUTOUME ALLOGO MIN-
KO est un lamento, on trouve dans notre récit d'autres tex-
tes d' épa.nch.ement qui sont des prières adressées à des puis-
sances invisibles en faveur de quelqu'un. Cé sont de~ bériédic-
t i 0 n5 que no usa pp e l 0 ns. in ca nta t ions; cel les - c i. son t f 0 nc t ion -
nelles et ont lieu avant ou au cours d'un acte important,

147.
avant la prise d'une décision importante.
Par exemple, il y a
l'incantation d'OBM~E NDONG (1) pendant que les initiés
" fa b r i que nt" son pet; t • f ; l s av ENG.
I l s ' agi t d' une c ha nson
pathétique, d'un appel
path.étique que celui-ci adresse aux
puissances mys.téti"ieuses pour que son;petit-fils soit pùissant et
immortel. OB.AME NDONG en s'adressant aux forces de l'univers
cherche a les émouvoir. Mais son émouvant appel provoque la
h.aine ou l'amour, le mépris ou l'estime.
Cette incantation d'OBANE NDONG doit être rappro-
c hé e de cel l e d'ut y 55 E é mer 9 e an t des f lot s e t s e t r 0 uvan t
dans un
estuaire.
"Exauce-moi, seigneur, qui que tu sois
je viens
"vers to;, que mes prières ont tant appelé, fuyant
" hors de l a me r l es mena ce s de Pos é i don.
l.l es t
" v é né rab l eau x Lm m0 rte l s mê mes, l' li 0 mm e e rra nt qui
"s'approche, comme aujourd'hui, je viens suppli,er
"ton coeur, e,t embrasser tes genoux, après tant
"de souffrance! Accorde-mot pitié, seigneur; je
"me déclare ton suppliant"
(2).
Dans cette prière q~'Utysse naufragé adresse au
fleuve,
ce fleuve qui est une dtvtntté, il demande la pitié.
Le thème prtncipal de cette incantatfon reste le desttn.
Ulysse veut éch~pper a la mort que Posé~don fatt planer sur
(1) - Tsi:ra NDONG, Le Mvett (1), p.
30.
( 2) - HO M[RE, L' ady s sée, trad.' de Méd é r i, c DUFOU Ret J e a nne
RA 15 ON, Clas s i,q ues Ga r nie r, éd i t.
Par i s, 1954, pp.
79- 8 a.

148.
lui. Si le chant pathétique d'OBAME NDONG aboutit, si sa
prière o~ttent satisfaction, ULYSSE de son côté cannait le
mê mes uc c è s.. Car, a pr è s. sap li: i ère : "1 e 17 leu veau s s i tôt sus-
pendit son cours, abaissa sa barre, et faisant le calme de-
vant lui, le sauva en le recevant dans son estuaire" (1).
Dans sa narration donc, et comme tous le.s autres
aèdes, le mbom-mvètt utilise le monologue. Ces monologues,
qui, selon la tonalité, appartiennent au registre attendri
ou au registre passionné sont souvent fonctionnels.
La fonc-
t ion e s sen t i e l l e est l' exp r e s s to n l y r i. que d' uns e nt i men t •
En échappant a ses interlocuteurs, le personnage échappe
a la nécessité de dissimuler, i.l peut dire les élans de son
coeur.
Le monologue permet au conteur, non seulement de
faire connattre les sentiments de ses héros - faein.i.té que
lui. offre tout dialogue - mais de les chanter.
Les person-
nages dans le~ récits chantent leur amour ou leur
,douleur,
leur désespoir, leur colère, leur angoisse ou leur joie. Le
mon 0 log ue peu t se r vi. r a fa i. r e con na i: t r eau l e c te ur 0 u à lia u-
diteur un élément de l'action, sentiment d'un personnage ou
fait récent.
Parfois, l'apport du monologue réside, ndn dans
le sentiment qu'il exprime, mais dans le fait qu'il révèle.
Mais. en général, cette forme d'expression est le fait des
personnages plus ou mdtns tourmentés. Car, le
héros triom-
(1)
-
HOMERE, L'Odyssée, op. cit., p. 80.

149.
Phan t nia pas be S,o i n d' exp r t mer l 0 ngue men t s a j 0 i e dan sun
monologue. Le monologue est un "lamento" bien plus souvent
qu'un cri de joie. Toutefois, il met en relief un retour
sur soi, une prise de conscience par rapport a uné ~itua­
tion.
x
x
x
- Le dialogue
Le narrateur poursuit la mise en scène de ses
pers 0 nnage sen e mplo yan t le" dia log i s' me".
l l ra pp0 rte d ire c -
tement, tels qu'ils sont censés sortir de la bouc~e, des
dis cou r s qui i 1 pr ê te a ses pers 0 nna ges. Ain s i, i l fa i t par-
1er des personnages entre eux. Cependant, la foule de dia-
logues que nous rencontrons dans nos récits offre des exem-
ples variés. Ces différences sont mises en relief par leurs
fonctions.
Par atlleurs, le mv~tt en tant que poésie chantée
a_ for mer e s: p0 nsor i ale, es t con s t ru i t
c 0 mme und i a log ue
e nt rel e s,o l i: ste e t l' a s s is tan c e qui r é p0 nden c h,o e ur. Mai s
nous nous intéressons plus particulièrement aux entretiens
entre les acteurs.
Dans ce~ conversations, les interlocuteurs ne
ch,antent plus longu~ment leurs s~ntiments, mais cherchent

150.
à_ s'affiTmer vertialement.
Parfoi:s ;:ls; dés.irent imposer leur
o pin ion s.
les dia log ue s s-e f Qnt sou ven t e nt r e des c he f s
de tribus, entre des guerriers, entre l'émissaire d'un chef
et le chef d'une autre tribu.
En un mot, ces conversations
se déroulent entre
p~rtis'ans ou entre ennemis.
Néanmoins, ces dialogues sont parfois des conversatio
entre les Humains et les Fantômes.
- l'les dia l ogues entre partis.ans"
Ce ge n r e die nt r et i en a sou ven t p0 ur bu t
l'a pp 0 r t
d'une information. Mais le premier orateur cherche surtout
à convaincre ceux qui
l'écoutent. Car, non seulement il
révèle un fait, mais propose une solution, donne son opi-
n io n .
1 l f a ~I t und i s cou r s. Au pays des Fla mm es, 0 BA MEN DON G
s ' e nt r e t i e nt. a i nsi a ve c les a ut r e sin i t i é s .
"- C'est moi qui vous ai appelés.
Depuis que le
Il mon d e
est mon de. , l a t r i bu des Fla mm e s p0 s s è de des
" mag iciens comme toutes les autres tribus.
Mais
"nous n'avons jamais eu un chef
capable de com-
" man der, de di r i ge r é ner 9 i que men t
n0 t r e tri bu. N0 us
"sommes la risée des autres peuples du globe. J'ai
"pensé qu'il
fallai:t remédier à. cet
état de cho,-
"ses et cela sans tarder - voilà - NTSAME ONDO,
"1 a femme de mon fil 5 NDOUMOU OBAME, es t
en tra-
" va il. El leva met t r eau mon de un ga r ça n.
No usd e-

151.
lOvons en faire un géant, un chef, un homme de
"cran, une Energie.
" - Et que mangerons-nous en retour, questionne
"un vieillard centenaire?
"NDOUMOU OBAME tressaill it
il pensait à sa fem-
"me.
" - Moi-même, répondit OBAME NDONG sans hésiter
",mais pas avant d'avoir réalisé ce que je vous
"propose.
" - D'accord, répondirent en choeur les troi.s
"cents magiciens," (1).
Dans le dialogue ci.-dessus, i.l n'y a pas heurt
de volontés_.
Il s'agit d'une di:!;:lcussion sérieuse <> de OBM~E
NDONG transmet une informati.on, fait une proposition et ré-
pond aux questi.ons posées par 1es invités prestigieux. Si
l ' 0 rat e urOBA MEN D(1 NG s' exp l i que plu s l 0 ngue men t a van t de
donner la parole
à
ses convives, la fin de l'entretien est
plus rapide car elle se réduit à des questions très brèves
et à des réponses directes,
préci.ses.
Il ne s'agit nulle-
ment de longues discussi.ons p~i.losophiques. A travers ce
di.alogue, le conteur nous apprend un fait important du ré-
cit : la tribu des Flammes va se doter d'un chef pui.ssant.
C'est une scène très importante pour la compréhensi.on du
déroulement de l'action. Cet entretien qui ne comporte ni
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett,' (1.), op.
cit. ~ p. 28.

152.
aigreur, ni violence, aboutit a un accord entre les
participants.
Cependant, certaines discussions entre partisans
mettent a jour
des divergences entre personnages. Ceux-ci
s'affrontent au sujet d'une politique a suivre, d'une déci-
s io n a pre ndr e. Cha c und e sin ter l 0 c ute urs con tes tel 1 id ée
de lia ut r e. Des a vis s' 0 pp 0 sen t .
Dans le récit d'ASSENG MBANE ONA, deux avis s'op-
posent au sujet de la proposition de MBANE ONA de faire de
son fils le ch~f puissant des YEMEBEM. L'actuel responsa-
ble de cette tribu YEMEBEM pense donc que la présence a sa
tête d'un homme puissant est essentielle. Mais il s'agit
de savoir ce que ce chef puissant apportera aux YEMEBEM.
Ainsi, doit-on accepter la proposition de MBANE
ONA ou la rejeter?
D~abord, deux avis: s'affrontent : celui de Père
OFOBO, de Père MENGUIRE et celui d'un jeune YEMEBEM d'une
trentaine d'années.
Père OFOBO, le premi:er, s;e lève et s,e plante au
mi,li,eu du cercle formé par les: l'nitfés. Il parle en racon-

153.
tan t l' h i s toi r e duV, San g1re r a ven t Lift e ri! (1 ), qui i l con c lut
en ces termes :
"Voilà ce qu'on récolte lorsqu'on rompt avec la
"sagesse traditionnelle. Les YEMEB.EM nagent jus-
" qu'à pré sen t dan s, l e 0.0 nheu r . 1 l son t l a pa i x que
"recherchent vainement les peuples qui se disent
:', pLi i s san t s.
1 l sn' 0 nt pas bes 0 i n de m0 di fie r l e
"chemin que leur ont tracé nos ancêtres.
Nous ne
"céderons pas aux tentations d'un mauvais esprit,
"jaloux et égoïs.te, qui veut semer la ruine et la
" mis ère dan s l a t ri. bu des YU~ EBEW'
(2).
Aussitôt Père MENGUIRE a~onde dans le sens de
Père OFOBO et déclare:
"Nous. ne sommes pas sourds.
Nous venons· d'enten-
" d relia vis des b.o nses prit spa r l a v0 i x d u Père
( 1) - Une jeu ne san g lie r (E ton g Ng Ü'\\) v i vait a ve c son c l a n
au fond d'un fourré épais sur les bords du grand fleuve
ASSOUMAMI.
Il était fort et agressif.
Devenu chef de son clan
après la mort du père sanglier (ESSIA NgU ), il s'attaqua
aux màles de son clan et ensuite à ceux des autres clans. Ses
nom~r~us~s.u~bto~res
lui permi~ent de ~rossif son clan. Il
oonstitua finalement une horde sangliers imbattables. Elle
terrorisait les clans voisins et connaissait la prospérité.
Jus qui
a l 0 r S:, cet t e h0 r de fou i l l a l t
l a vas e e t les ter r e s
molles la nuit pour se procurer de la nourriture.
Un beau jour, ETONG Ngü
découvrît un grand champ
de manioc. Sa horde se gava de manioc jusqu'au matin. Cer-
tai.ns sangliers cons~illèrent ~ ETONG de regagner les fourrés
mais c~lui-ci recommanda à ses sujets d~ passer la journée
dan s l e c h.a mp jus qU'à. l a nui t pr oc hai ne.
Entre temps, l es t'tommes découvrirent l es dégâts
causés par les s~nglfers et décidèrent une grande partie de
c ha s, s e. . Mal gré leu r é nerg i: e d u dés e s p0 f r, plu sie urs san g lie r s
fur e n t a bat tus.
ETON G :N gLi'
qui a vait r é us s f
à
é c fi a p pe r a u
chasseur, Uconstataft avec amertume que plus de la moitié
de son clan (NKOUNA) avait été décimée, qu'il y avait plusieurs blessés
~armi les. re..scapés et q.u'i.l avait lui-même une patte cas.s.ée".
(2) - TsiX9: NDONG, Le Mvett(Livre II), p. 31.

154.
"OFOBO, le plus vieux de tous les YEMEBEM. Il ne se-
"ra pas question pour notre tribu d'avotr à sa tête
"un homme puissant. Les hommes puissantsressemblent
"aux femmes prostituées. Elles atti'rent tous les as-
"soiffés et n'ont ni ch~ix ni limite. Après? viennent
" 1a mal a di, e, 1e f 1é t r f s sem e nt e t 1a m0 r t. N0 usne
""8:ll'lO'n~. pas de cette v;e .pe-rtul"bée- qui - ne sera que
"l'anéantissement de la tribu YD1EBEM.
"
D'ailleurs, j'ai une importante contre-proposi-
"tion. Pour écarter tout danger, il nous faut faire
l'disparaitre le fils de notre frère MBANE ONA. Oui,
"je le dis, tuons ASSENG ~~BANE ONA et enterrons-le
" au pie d de 1 Gven g'"
1
(1).
La proposition de MBANE ONA n'est pas a~réable pour
les deux patriarches. [1 faut, d;sent~ils, continuer à vi.vre
c0 mmeau par av a nt. Les c h,e f s pui s san t s a t tir e nt des dés a s t r e s
et des calamités sur leurs peuples. Ils sont assoiffés de
gloire et provoquent des guerres aux conséquences fncalculables.
Trop souvent aventuriers, ces chefs puissants causent l'anéan-
tfssement de leurs tribus. Par conséquent, Père OFOBO les com-
pare au jeune sanglier aventuri,er qui cause
la iilort dans
son clan. Par conséquent, que les YEMEBEM restent sans chef
pui,ssant, qu'on tue ASSENG MBANE ONA.
Or, un jeune
hommed'une tre~ta;ne d'années se lève
---------------------------
' .
.
(1) - Tsira NDONG, Le Mvett CU), op.
cit. p. 31

155.
à
~on
tour et se place
. lui
aussi
du milieu
du cer-
cle formé par les convives.
Il oppose son avis à ceux de Père
OFüBO et de Père MENGUIRE : MBANE üNA propose un chef puissant
aux YEMEBEM, ceux-ci doivent l'avoir. Pour donner son avis et
le soutenir également, le jeune orateur fait le récit de
u
\\\\1' aigle et du
léopard (l).qu'il termine par les proverbes sui-
vants :
"Ce nlest pas en restant au chaud dans sa case
" qu' 0 n fa i. t pou s s e r lem a ni 0 c dan s 1es pla nta t ion s
"( ... ) Si le ~erger n'avait pas pris de risques
"le fauve aurait ravagé son troupeau de moutons"(2).
Ce dialogue entre ressortissants d'une même tribu
rappelle les pa~abres africaines souvent très animées, vives
mais nullement acerb.es. Les interlocuteurs ne se disent pas
(1) -
Perldant un temps, le léopard était le maitre de la forêt.
n t:'ègnait sur toute la faune. C'était le "Roi" des animaux,
tous lui o&éissaient sans
la moindre hésitation. Le léoparcl
possédait un'~effroyable o.ec recouro.é, des croch.ets énormes,
coupants et démontables qui lui permettaient de faire la dif-
férence aux combats.
Il était le plus fort et terrorisait les
autres bêtes.
E~cédé par cette attitude du léopard, l'aigle
rassembla tous les siens et leur annonça son intention de
s'opposer à. cette terreur des forêts.
Il voulait défier le
léopard.
Il était décidé à le vaincre au cours d'un combat
singulier.
Pour ce faire, il conseilla au serpent d'aller vo-
ler les armes reclouta~les du léopard et de venir les lui remet-
tre. C'est ce que le serpen~ fit.
Détenteur de ces armes, l'aigle tint tête au léo-
par d e t l' a ncie n roi des a nim a ux se t r a uvan t dému ni, r e fus a
le combat et renonça à son trône. Les bêtes retrouvèrent ainsi
1eu r l i. ber té.
(2) - Tsira NDONG, Le Mvett (rI), op. cit., p. 31.

156.
leur ~aine. Toutefois, ils opposent ~assionnément leurs con-
s e i l s, car Père MEN GUI RE va jus qui à pro p0 s e r l' h 0 mi' ct ide.
l l
s'est exprimé avec irritation.
Dans cette discussion,
les
interlocuteurs ri.valisent d'éloquence, dloO cet échange de
corn t è s Plei ns die nsei: gne men t s . Les pers 0 nnage s é cha nge nt des
discours, ce qui met en reli'ef le style et l 'inspiration ora-
toires. Chacun des orateurs défend une cause, exprime son
i. dé e a ve c pas s. ion,
pou r con va in cre, pers ua dé r .
Pourtant, malgré cet affrontement verbal entre
les personnages,
la discussion se termine par un accord.
Il
n'y a pas de combat proprement dit, mais victoire de l'un des
consens.
Les initiés adoptent finalement l'avis du jeune YEME-
REM appuyant la proposition de MBANE ONA. Cette adoption après
une longue discussion est facilitée par l'intervention d'ABA,
un /lmessé-me-Lougou/l
(l'initié des Initiés) qui déclare:
/1 No u s
pe rd 0 ns i: nu t il em e nt no t r ete mpsen des pou r -
/1 par 1er s
fut i: les. ASSEN G MBAN EON A est d é j à un
Il ho mm e
p ui. s san t.
Les Es p rit sni 0 n t - ils pas as sis -
/1 té
à
san a i:s san c e dan s. l a nui t d' hie r ? MBAN E
/lONA, n1a-t-;:l
pas. eu un entretien
mystétieux
/1 a v e c
l e g r and ma 9 i c te n AYANGO UM des AYAK0MA?
/lNous sommes, placés' devant un fait accompli et
/1 nia von s.
plu s qu" à no us f ncl in e r.
Ce que je ne
/lcomprends pas, c'est cette réunion ridicule 00
/Il 'on traite. un prob.lème déjà résolu. Si notre

157.
"frère MB.ANE ONA a autre. cflose à nous apprendre,
" qu' i l n0us l e d ts~ e" (l ) .
Cet affrontement entre des ressortissants YEME-
BE.M au sujet d'une poltttque ~ sutvre, doit être rapproché
de celut qui oppose Roland et Ganelon pendant le Consei.l de
l'empereur.
Devant l'empereur, Roland fait savoir que la
position du paten ne lut agréé pofnt : tl faut, dit-il, la
repousser et mener une guerre jusqu'au &out. Marsi.lle ne mé-
ri.te aucune confï:ance. Sa trattrise s'est déjà révélée quand,
précédemment, i.l a adressé à l'empereur qutnze de ses cheva-
liers, tous porteurs, eux ausst, de rameaux d'olivier, et qui
tenaient les mêmes discours que ses nouveaux messagers à Basan
et à B.asti,lle, - les deux comtes envoyés par l'empereur
pour répondre à. cette am&.assade ..,., il a fait trancher la tête.
" Fa i: tes l a guex r e co mm e vou s l' a vez en t r e pris e ,
"menez à Saragosse votre armée rassem&lée,
"mettez .. y le stège, toute la durée de votre vie,
"vengez ceux que le traître fi t tuer" (2).
Or voici Ganelon qut se lève et oppose &rutalement son con-
s, e i.l à cel ui, de. R0 l and : Mar sil lep r 0p0sel a pa i x ? QUi 0n
l'accepte donc! C'est la sagesse, et stlence aux fous! il
di, tau ro t :
_._~-~.---~-------~~-
(1)..,. TS.ï:ra NDONG, Le Mvett UT), op.
ctt. p. 38
(2) -La chBnson de Roland, te~té ortgtnal et traduction par
Gérard ~10ignet, 3e éd. Revue et corrtgée, Bordas, 1972, v. 210-
213.

158.
"Mal heur s:i: VQus. croyez un coqui:n,
"r~ 0 i: 0 u un a ut r e, s i:non dan s vot r e i nt é r ê t.
"Quand le rot Marstlle vous mande
"Que, les mai.'ns joi:ntes, il deviendra votre homme,
"rt qu'il
ti:endra toute l'Espagne de votre faveur,
"Puis recevra la reli'gion que nous observons,
"Celui: qui' vous conseille que nous rejetions·
'cet accord,
" t l ne l u~( i mp0 rte, Sir e, de que l lem 0 r t n0 us
pourrions mourir.
"Il ne faut pas qu'un conseil d'orgueil
l'emporte
" l.a i s son s l es fou s, te non s ~ n0 us., en a l.j ~ sa ges" ( 1 ) .
Dans ce pathétique débat, deux t~èses s'affron-
tent naturellement; l'écrasement ou la négociation, car le
con s. e i.l de l ' empe r e ur di' s c ut e des 0 f f r e s de Pa i x ct 1 U nad ver -
saire, au terme d'un sanglant confli't. Ce qui est importan~
c'est de voir que, comme pendant la réuoion des Initiés YE~EBEM
les ressortiss~nts d'un même camp sont aux prises. Roland et
Ganelon défendent pas~~onnéffient, c~acun de son côté, une
thèse valable. Le pacifi'S'me prati'que de Ganelon compan~ble a
celui. d'OFOBO, s'oppose a l 'i:déalfsme chevaleresque de Roland
semb.lab.le à. la soif de pui.ssance du jeune orateur YEMEBEM. Par
a;lleurs, on constate que Ganelon a parlé avec i'rritation,
tout comme père MENGUIRE.
Ce qui est essentiel et que le narrateur veut
mettre en reli:ef, c'est le compromi:s qui: découle de ces dé-
(1) - La Chanson de' Roland, op. cit. V. 220-229.

159.
bats houleux entre partisans. Même s'il y a tension, elle n'est
pas' dictée par la jalousie, grande cause des combats. Les
deux personnages qui mettent ftn aux différents débats sont plus
ou moins de même nature.
Lls occupent des rangs sociaux envia-
b les : ARA dan s 1er é c i t d' AS SEN G est un" Mes s é..,. me - Lou g0 u
(l' I:nftié des Lni:ti,és)l e sage Duc des Nai'mes est le meilleur
vassal de la cour du roi. AB,A approuve MB,ANE DNA soutienu par
le jeune YEI"1EBEM, NAIMES approuve Ganelon. Chacun de ces deux
personnages prestigieux parle
modérément',pour faire compren-
dre l' as,semb,l ée.
Les dialogues entre partfsans sont avant tout ex-
plicatifs et informatffs. Grâce ~ eux, on découvre les senti-
ments profonds des personnages, on prend connaissance de leurs
opi,nions à_ propos d'une s,ituation, d'une démarche à sui,vre, d'une
action à accomplir.
En fait, ce sont des conversations plus ou moins vi-
ves, faites avec un ton ~lerte et sans raideur, nullement acerbe,
même st parfois cert~ins tnterlocuteurs parlent avec irrita-
ti,on. I.l ne s'agit pas de long~dé5,atsd'idées
purement abstrai-
tes, mats de discussfons sur des principes ou des faits ayant
des r a ppo r t s é t roi, t $' a ve c l'a c t fo n dur é c i t.

160.
Trop souvent et même cflaque fois,
la s.uite du ré<t'it,
l a progression de li action dépendent de ces entretiens. Cha-
que conversation est une scène très importante pour la compré-
hension du déroulement de li intri'gue.
Entre alliés, les dialogues sont surtout une occa-
s ion der i val i. s e rd' é l 0 que nce.
Il s s e dé r 0 u l e nt dé m0 c rat i que-
ment, chacun pouvant s'exprimer librement, sans aucune pres-
sion extérieure. Parfois, ces con~ersations se réduisent a des
que s t io nset a des ré p0 nses ii ait e s dan sun s ty }e tél é gr a phi que
ou militaire.
Ce sont en fait des délibérations publiques. Impré-
gnées dlun esprit de construction, de courtoisie et d'intérêt
partisan, celles-ci aboutissent a des résolutions, a des com-
promis malgré les alternati'ves. Quand ces divergences dlopinions
sont ~ala~~es, quand le~ orateurs sont tombés dlaccord, ce gen-
re de conversation disparatt du récit. Car les acteurs ne s'en-
tretiennent pas souvent gratuitement. Au terme de ces entretiens
délibératoires, les personnages doivent passer a l'action. Mais
l laccomplis~ement des actions rencontre souvent des obstadles
extérieurs, i.l faut donc ch.e.rcner à dialoguer avec l'antagoniste.
'"' ilLe dtal Qgue entre. antagoni:stesll
Contrairement aux dialogues entre partisans, ceux
entre antagoni~tes sont le plus souvent animés par le désaccord.

161.
Une tension late,nte régit les rapports entre les
tnterlocuteurs. La négociation apparaft imposstble, car il y a
heurt de deux volontés; les personnages s'affrontent à pro-
pos d'une action que l'un souhaite accomplir tandis que l'au-
tre Si efforce de l' ernpêch.e,r.
Ces querelles opposent fréquemment des c~efs de tri-
bus et aboutissent toujours à des duels; dans celles-ci, les
personnages se disent leur haine, se déftent, se lancent des
injures. La tension accumulée par un tel dialogue de plus en
plus violent finit par se résoudre et se satisfaire en une acti
brusque et spectaculaire qu'elle aura préparée; ainsi, la dis-
cussion entre ELA MINKO et MFOUMOU ANGONG ONOO se termine par
la mort du deuxi"ème
nommé :
" - J e sui s MFOU ~·1 0 U AN GO NG 0 N00 de l a t r i, bu des Ar br
IIComment te nommes-tu?
Il
_ .
ELA tHNKa M'OBIANG de la tribu des Flammes, ré-
Il P0 nd i, t
l' a ut r e. Mami s s ion ? Fair e dis par a î t rel e
Il f eT
de 1a sur fa c e de l a t e r r e .
Il
_
Je te conseille de retourner immédiatement chez
Il toi,
s' i: t une veux pas de ven i, r une ada v. r e à l 1 i, ns tan
" -
Tu sais plaisanter, homme de la tri'bu des Arbres
"Qu'appelles-tu cada:vre?1I (1).
Cette dispute est un échange de menaces fait dans un
style laconique; aucun des deux interlocuteurs ne cherc~e
~------~-----~-----~--
( 1) - Ts; ira N0a NG, Le 1\\1 ve t t
(I)? 0 P. c i, t. pp.
62., 63

162.
l 'apaisem~nt.
Leurs propos mettent en relief leur animosité
réciproque; personne ne cherche a convaincre, ch,acun ch~rche a
imposer sa volonté; diacun des antagoni,'stes 'tend a ridiculi-
ser l' autre en p'laisantantsur l es propos
d' autrui.
Min i mis e r
les menaces de son adversai,'re devi,'ent a la mode.
Dans dlautres scèn~s, l 'antagonisme des i.'nterlocu~.
teurs est dfcté par la jalousi,'e, grande cause des combats.
OVENG NDOUMOU OB.M1E affronte l es Immortel s
parce qu 1 il est
~moureux d'EYENGA NKABE ~
"ENGOUANG ONDO : - Bi'en! t~aintenant, homme de la
"tribu des Flammes, allons au sommet de la montagne
" q uè no usa pe r c e von s d 1 ici, loi n de lié ne r v emen t de
"nos hommes, pour discuter sérieusement et aboutir
"à. une con c lus ion f r u ct ueus e .
" aVEN G ND aLI MOU : ..,. Lad i s eus S ion est - e l lev rai, men t
"nécessaire pour un homme qui
se dit Lmmortœl
?
"EN~OUANG ONDO : - Elle 11 est pour tout le monde
"et s.urtout pour les nati.'fs
d'Okii
"OVENG NDOUMOU OB'AME : .., Evitons les pertes de temps
"et les, dtscours ïÏthutïÏt1:es.
Mon objectif est simple:
"épous'er EYENGA NKAB.E et faire évanoutr le fer de la
"surface du glolie.
Y trouves-tu a redire?
" EN GO UAN G 0 NDO: .,., Tes. ré p0 nses c a val i ère sri. s. que nt
"de, décftai.ner ma, colère et dé' te perdrel,l h.omme des
"Flammes. Ma pati,'ence a des
li,'mites que ije nlat aucu-
Il ne
env 1: e de f r an crLi: r. J 1 a va i.' s pen s é que n0 us pou r -
rions nous entendre sur la questfon du fer.
Mais il

163.
" s:em b.l e que. tes, ore.tll es. préfèrent se boucher à ce
" s.ujet.
pour t'apprendre à. être moi'ns tnsolent,
IItl
ne me reste plus qu'à t'expédter au pays des
Il ~
tA
r-an ornes.
1I0VENG NDOLlMQU OffAME
: ~ Le sangli.er ne se di.t ja-
Il mat s
gras paS' plu s que l' é l é Pha nt
ne s. e van te
Il d ' ê t reg r 0 s. Il
(1).
Cette querelle comme chacun le sai.t se termfne par
un pugilat entre les Immortels: e.t les représentants des Flammes.
Dans' cette dis;cussi'Qn, ENGOUANG QNDO cherche à éviter l'af-
frontement tandis qu'OVENG cfLerch.e la querelle et par consé-
quent le combat; si le c~ef de l'armé d'ENGONG fait des pro po-
sitions à son interlocuteur, celui-ci au contrai.re veut impo-
se r.
Ses
intervetltions; lirèves, provocatrices et souvent
int~rrogativ~s contrastent avec les: longs développements d'EN-
GOUANG ONDQ.
Les propos de l'homme des Flammes mettent en re-
li.ef son insolence et son orguei'l. La maxi.me : ilLe sanglier ne
s e. d ft· j a mai. s. 9ras,
pas plu 5 que. l' é l é Ph.a. nt
ne s e van t e
d 1 ê t r e
9 r 0 s Il dan s l Cl. que l l e
0 VE NG t r 0 u ve son sou t i.e n est une i nsul te
qui équtvaut au IIjeune présomptueux Il du Comte dans 'IL:e Cid ll de
Cornei:lle. QVE~G défie purem~nt e.t stmplement ENGOUANG QNDO.
Le déo.at est e.nveni.mé dans. le cas présent par l'arrogance et
~-'~.--.~------------~-~-~
(1 ) -
Ts; ira N00 I~ G, LeM ve t t
(r ) 0 p.
c i. t. p. 6 4 .

164.
l' i nsol e nc e duc h.e f de l a. tri b. u des Fla rn mes ; il ne s 1 agi t plu s
d1un éch.ange d'avis mats: plutôt d'l1n h.e.urt. Ce ne sont plus
le.s opinions qui dtvtsent les personnages, ce sont les in-
térêts tnconciliables.
Ces disputes pendant lesquelles les hommes se lais-
s. e nt e mPQ rte r par lac 0 l ère e t l' 0 r gue il, san s· r ete nue ni pu-
deur, et se lancent des tnsultes, se trouvent également dans
des poèmes tél
"llI:liade". Par exemple la querelle entre Achille
e t Agame mnon : Ac hi:l l e t rai t e Agam em non de" sac à vin, mis ér a -
ble. tmpudent, âme cupi:de, n.omme sans scrupules, face de chien"
tandis qu'Agamemnon le. tratte de "plus odieux des rois
nourris-
sons
de ZEUS ... " Ce qui rapproche ces dialogues entre antago-
nistes, c'est la violence des propos qui y sont tenus.
Ils en-
gendrent des rapports de combat entre les personnages, ils
sont donc destructifs ..
x
x
x
Ll Y a donc, dans les récits de mvett, des dialogues
calmes et des dialogues
Violents. On peut avoir l'expression
de sentiments les plus nobles, la générosité ou l'amour, au
lieu d'opposer deux ambft~cns, deux jalousies, deux rancunes,
deux égolsmes. Parfois, les personnages discutènt des évènements
qui: n'ont aucun rapport étroit avec l'action du récit; ce gen-

165.
re de discussions est bien rare car les acteurs ne sont pas
souvent disposés a le faire.
Tou t di. a log ue a ppel l~ e l'a c t ion ; par 1er cie s t agi r .
Par l'art du dialogue, le narrateur ne cherch.e pas seulement
a. faire vivre ses personnages, il nous informe, il nous expli-
que. Si certaines informations sont connues dés auditeurs ou
des lecteurs, elles ne le sont pas toujours du côté des person-
nages.
Les dialogues nous permettent de connaître les tem-
péraments ainsi que les opinions des interlocuteurs
on peut
également découvrir les causes et les effets de tel ou tel
évènement.
En fait, quand des discussions ont abouti a une appro-
bat i,o n d' und e s a vis a nt i thé t i que s, qua nd les que rel les 0 nt
créé des mDments de haute tension dramatique, le dialogue dis-
paraît du récit. Les personna~es ne s'expriment plus verbale-
ment mais~militairement~ Des combats violents ont lieu et le
'1bom-~1vett devient narrateur.

166.
Il L1 art
thé ât r a l au ni vea u d u texte
Les scènes entre les
héros ll •
Nous venons de montrer que, sous le coup de l'ins-
pira t ion d r amat i que, 1e mfi Qm~·m ve t t fa i t par 1ers e s pers 0 nnage s ,
ceci est une façon de suggérer une présence vivante:
les per-
sonnag~s discutent et s~ qu~rellent. Les scènes des récits
mettant l~ plus souv~nt aux prises des héros antagonistes, et,
l~s récits de mvett dominés par les combats entre Immortels
et Mortels, ce ne sont pas des discussions qui mettent aux pri-
ses les héros, mais des disputes 00 chacun cherche à l'emporter
sur l'autre par les menaces, ensutte,
dans un combat.
Ainsi, au cours des scènes entre antagonistes, ces
créations surhumaines, avant de se jeter les unes sur les au-
t r es, t i, e nne nt des dis cou r s, sep rés e nt e nt, l a nce nt der e d0 u-
tables défis. Les paroles des personnages au style direct, pré-
f i. g ure nt l' am pleu r dus pe c tac l e à ven i r, l a lut tes ans mer c i
par 1à, 1er é c i. t de. mve t t s' a ppar e nte a u thé â t r e. 0 n peu t
présenter typographiquement le conte de mvett comme on le fait
pour le théâtre, avec les noms des personnages en marge.
Putsque le son n'existe pas a l'écrit, qu'on ne peut
r e. nd r e. vrai men t ni 1a v0 i)(, ni 1a dan se, ni 1a rïi i.l1J i que, c' est
par les yeux que se jouent les effets. Ainsi, le conteur met
son art théâtra 1 par l' uti'l tsatton des tirets, l'i:ntroducti.on
des incises, la ponctuation, sa partic~pation personnell~, son
h.umour et sa fantaisie:
i'l ani.me ainsi son texte.

167.
Le MhQm-mvett fatt
parler;
il
montre aus~i ses per-
sonnages en pleine actton -
préparant une attaque ou se battant.
Les récits de mvett ~ont avant tout des récits de combats. L'ins-
ptratton fondamentale
es:t éptque.
Comme beaucoup d' autres ar-
tis·tes,
le mb.om.,.mvett,
.." même st son récit regorge de person-
nages.,. s'intéresse parttcultèrement aux combats individuels
entre
héro~. En effet, on trouve dans nos contes de mvett,
une multitude de scènes guerrtères oQ
les héros s'affrontent
les mêlées générales sont rares;
l'exploit individuel
a une
grande importante.
Cbmment le mbom-mvett mène-t-il
sa narration
des fa tts. ?
POU r
met t r e e n rel te f
lia r t
d u n arr a t e u r dan 5 5 a
présentation des scènes de combat entre les ~éros, analysons
la scène entre lE MEDANG et ELA MINKO m'OBIANG.
" l E ~1 ED ANG bon dit. Il e n l a ça des e 5 l 0 n g 5 b ras ELA
"MtNKD M'OS.fANG,
l'a.tttra vers
lui,
le serra contre
"sa poitrtne, ftt un croc-en.,.jambe,
poussa un hurle-
" me. n t
f é roc e .
0 eux f i' l 5 d e fer j ail l ire n t
des e 5
"narines, entourèrent leurs. jambes,
les
lacèrent for-
"tement.
ELA MI'NKQ M'OBJ:ANG sats.it à. son:.tour lE
" f~ ED ANG des. e s. b r· as. mus clé s.
Les d eux a d ver 5 air es,
"les pieds
ltés s'étré~tgni'rent. Us étaient mainte-
" n a, n t
l t und ans.
l 1 au t r e.
tl S 5 1 é t r e tg n i.. r e n t e ncor e .
"Il s.
1
5.
étretgnixent s·t fortement que
leurs os s,e
"mi:rent à. vtbrer.
ZE MEDANG siffla du
nez.
Un

168.
II gron dement éclata.
Soulevés de terre, ils furent
II pro jetés vtQlemment dans l'ai'r.
Le vampire blanc
IIde ZE MEDANG remua dans sa poitrine et cracha.
IIZE MEDANG éternua, deux grosses pointes de cuivre
lIémergèrent de ses genoux, frappèrent ELA MINKO en
II p l e tne poitri:ne. L'nomme nurla de douleur.
Il
sif-
Il fla.
Les. fil s e t les p0 i ntes dis par ure n t.
Lib é r é
Il des e s
lie ns , ;: l sep r 0 pu l S· a dan s l'a t m0 s phère
IItandis que ZL MEDANG se raoattai't sur le sol. Tel
"un épervier s:ur s·a proi'e, ELA MINKO M'OBIANG,
le
"grelot magique à, la main, fondit sur l'homme d'EN-
"GONG et lui assena un effroyable coup sur la nuque.
Il ZE
MED ANG sen t i t s a t ê tes e vide r. Ses j am bes;
"un i.nstant refusèrent de le porter.
ELA ~lINKO
Il r e v i, n t
à. lac n.a r ge,
lut env 0 yan t dan s lie s tom a c
"un furi'eux coup de gourdin.
Une éti,ncelle
brûlante
Il t r a ver s. a
l a m0 ë l le de ZE !MED ANG.
Ses yeu x s e b r 0 uil -
" l ère nt, des é t 0 i.l e s dansèrent dans sa tête.
Mais
"n s e f r a ppal a pot t r ;:n e, sec 0 ua son vampire bl a nc
II qu i fit entendre un si'fflement.
Une limace tomba
Il des
nua ges, arr 0 s a ELA MIN KO M' 0 Bl AN G d 1 U n l i q u id e
" glu a nt.
Sou S s: e s. pi: e ds les 0 l s e r a mol lit, de vin t
IIboueux.
Il s'y enfonça jusqu'aux ai.sselles. ZE
IIMEDANG arracna. de terre un gros rocher qu n
1
brisa
Il sur
l a t ê te d 1 EL A. MIN Ka.
Les 0 l se dur ci t.
ELA MIN-
"Ka éta.it pri,sonn;:er.
ZE MEDANG s'e mit à rire:
" - Homme de la trto.u des Flammes, es-tu toujours

169.
"décidé à détruire le fer de la surface de la ter-
"re ?
"
Plus qu~ jamais. répondit E.LA MINKQ M'OBIANG
"le corps en feu.
" - S.urvei:ll etes' paral es. ami ELA MrNKO. Le pays
"des fantômes est prêt à t'accueillir honorablement
1\\ S t
tu net 1 en tac n.e S· pas de pé <t: n.é s" (1).
Dans le passage ci-dessus. le conteur n'analyse
pas. tl relate un évènement; il fait le récit dlun combat
siÎlngul;er. Les: verbes sont chez lui plus fréquents que les subs-
tant;fs : tous ces verbes d'actton sont au passé-simple. temps
de la narration. Le récit évoque par des mots une action qui
nl~st point représentée sur la scène. Cependant. dans nos ré-
ci.ts. clest le mbom-mvett qui fait le récit; ;1 joue le rôle
de c~roniqueur sportif. L~ combat qui oppose ZE MEDANG à ELA
MINKü M'QalANG nous est relaté comme. un comb.at de boxe. Si au
cours d'autr~s scènes le narrat~ur fait surtout parler ses per-
sonnages. dans l~ cas présent. il
l~s m~t en scèn~ à travers un
duel. Les partic~pants dialoguent par les actes; ils ne discu-
tent pas sur le combat. ils le font.
Dans ce combat individuel. il y a alt~rnance des
attaques des personnages et de l~urs paroles. Ainsi. on a la
de.scrtption de llattaque de ZE MEDANG suivie de la contre at-
taque dIELA, MtNKO qui: donne naiss.ance à. une nouve.lle offens.ive
--~.-~-~--~.-~.--.------
( 1) - Ts i: r aND QNG, Le ~1 Ve. t t (r ), 0 p. c i t . pp. 64 - 65 .

170.
de l '~Qmme d'EN~QNG.
Chaque fots,
l'attaque est différente,
et différente aussi la contre~attaque, il en est de même
des('effets pro\\1oqués' par les attaques et les ripostes. Par
cette alternance des actes,
le conteur passe d'un personnage
â
un autre.
Il y a un perpétuel mouvement du regard du nar-
rateur ; ainsi, il
nous offre tour â tour différents tableaux.
En ce qui concerne l'alternance des paroles, on trou-
ve des
échanges de défis; mais le mbom-mvett prend soin de
céder la parole â ses deux personnages grâce aux tirets et
aux incises.
Le narrateur ne développe pas gratuitement un récit
de combat. Chaque passage narratif ajoute un intérêt â l \\ac-
tion CJj'looale ; il
parti'cipe au développement de 11intrigue.
Grâce â, ces
passages le rnbom .. mvett ralentit ou précipite le dé-
nouement d'un récit. Les scènes entre les ~éros doivent être
considérées
comme des "bottes, noires" du récit princi pa l ,; ce
sont des' motifs qui s.'ervent â~ la comprénensi.'on de l'i,ntrigue.
Dans les. récits de combats de mvett, le mbom-mvett
rapporte souvent les. paroles qui provoquent et accompagnent
l'a c t i,o n.
En sui te i l no us: fa tt par t des sig ne s pré cu r s eu r s de
l'a t t a qu e, de. l' a t t a qu e pro prem e nt dt tee t de si es c on s é que nces
immédiates. ... Le narrateur â. l' tntérfeur de cette forme fixe
qu'es.t le récit des batailles, met en reltef son art de met-
teur en s.cène grâce à. l a variété des' personnages et de leur
ps:y'cn.ologie, des actions, des intrigues et des décors. Aucune

171.
scène entre les h~ros n'~st l~ dou51e d'une autre
toutes
sont variées mais fnt~rdépendant~~.
L'art th.éâtral au ni'veau. du texte est mis en re-
lief par l'introduction dans le conte de scènes entre les hé-
ros. Celles-ci engendrent des rebondissements au niveau de
l 1 ac t io n pr in c i pal e ; ce s'o nt ces "c 0 ups de thé â t r e" qui don-
nent de l'intérêt au conte. Le narrateur dans son récit
des scènes entre les héros n'explique pas, ne raisonne pas
il se retranche de son oeuvre comme s'il
redoutait de défor-
mer la réalité en l'analysant, comme s'il voulait lui conser-
V~r la fraicheur de la vie et cette vie ce sont les héros mis
en scène qui
l'entretiennent. Le conteur devient un dramatur-
g~ ; il offre aux lecteurs la réalité intacte, riche de ses
couleurs naturelles et de son mouvem~nt. Les personnages par-
l e nt e t agi, s sen t, san s que j amai s i l i nt e r vie nne par une 9 l 0 -
se interprétative. Tous l~s évèn~m~nts sont inattendus;
tout se passe sous les yeux du lecteur
rien n'est dit d'avan-
ce. Le "style scénique" est prédominant, mais l'art du joueur
de mvett est concret et vari'é.
Le texte d~ mvett doit être considéré comme un ~é­
lange de genres littéraires.
Il est tour ~ tour un~ description,
un mon 0 log ue, und i a log ue, une exp l i c a t i,o n, une narr at i, 0 n , ;
ce mélange de g~nr~s met en r~ltef celui de multiples inspira-
ti,ons. dont le cQnte.ur e.s;t l'objet. Cependant, l'une de.S ;nspi,-

172.
na t i' 0 ns e s sen t i el l es
r est e l ' i n spi rat ion po é t i que
; e l lep eut
être
lyrique, épique,
tragique ou comique.
Le t,1bom-mvett veut
surtout bien raconter:
son but est est~étique ; ses qualités
ne seront ni
la précisi'on ni
l'exactitude, mais
le beau langa-
ge.
C'est ce qu'on appelle le style du conteur.
x
x
x
x
x

173 .
B. -
LE STYLE DU CONTEUR
IMAGES ET POESIE
Le Mbom-Mvett en variant les thèmes, varie aussi les
motifs. Par cette variation des,ldéveloppements,il
recherche les
contrastes et le concret, évite par conséquent la monotonie. Mê-
me si dans sa description des combats singuliers on retrouve des
expressions toutes faites, nous avons découvert que toutes les
scènes sont différentes les unes des autres. Pour illustrer ce
goût de l'alternance, le Mbom-Mvett qui est avant tout poète uti-
lise un langage imagé, poètique.
Il
ne crée pas seulement des mo-
nologues et des dialogues, il
a recours a d'autres procédés de
composition.
Parmi ces procédés de composition, on trouve la com-
paraison, figure de style par rapprochement; ces comparaisons
qu'elles soient des similitudes ou des dissimilitudes sont cour-
tes, mais prennent souvent une ampleur considérable, car parfois,
le narrateur use d'une kyrielle
de comparaisons. Elles sont -in-
troduites par: "Comme ... , aussi ... que". Mais le "comme ... " peut
e ngend r e r l a ju xta p0 s i t ion
de plu sie urs i ma ges. Par e xe mple, l a
panthère sur laquelle est montée EYENGA NKABE est "légère comme
une feuille dans un tourbillon, infatigable comme le vent dans

174.
les arbres". L'emploi de ces images contribue doublement à mettre
en relief la souplesse et la rapidité du félin
; ~lles attirent
l'attention sur lui, sur sa détemination et son ardeur.
Dans nos récits, on trouve de multiples comparaisons
inspirées de sources différentes; ainsi, certaines sont inspi-
rées du règne végétal
ou plus précisément de la nature: 1a chute
des tribus puissantes est comparée à celle des grands ,arbres de
la forêt.
Cette comparaison qui attire l'attention sur les catas-
trophes similaires que ces deux chutes provoquent met en relation
deux mondes différents. Si dans cette similitude la comparaison
se fait des hommes aux objets, elle peut également avoir lieu
entre l es objets
- une route aussi épineuse qu'un buisson-, -ou
d'un animal
à un objet:
- une panthère qui galope comme une feuil-
le dans un tourbillon -
D'autres rapprochements sont faits entre les hommes et
les astres ou d'autres phénomènes naturels. Parlant d'EYENGA
NKABE, le conteur compare sa beauté à celle d'une "lune ronde dans
le firmament étoilé" (T.l P. 51), puis il compare la rapidité
d'ENGOUANG ONDO à celle de la foudre (T 1. P.
101)
; enfin il
compare la longueur et la largeur du regard d'ABA au clair de
lune (T. 2. P. 38). Ces images hors du
commun
mettent en relief
les caractéristiques physiques des trois personnages concernés.
Par ailleurs, des comparaisons sont inspirées du
règne animal, de la gente ailée (oiseaux de proie), des activités

175.
humaines, de la légende, de la géographie ... OVENG NDOUMOU OBAME
se jette sur NKABE MBOUROU comme un fauve sur sa proie (T 1. P.42),
ANGONE ENDONG tue comme le tigre (T . 2 P . 124) , ELA MINKO s 1 a ba t
sur ZE MEDANG tel
un épervier sur sa proie (T 1. P. 65) , ELONE KAM
AFE ne marche pas comme celui qui va chercher du vin de palme à
l'ancien village (T . 2. P . 87), devant ASSAME, la forêt s'illu-"'.
mine
comme dans un conte de fée
(T 1. P. 78), enfin, Evua NAM est
comparé à
Libreville (T. 2. P.
118).
Toutes ces comparaisons frappantes,
ilTlprévues~ concou-
rent à la beauté du discours du narrateur; elles combinent les
spectacles rares et grandioses avec les spectacles familiers;
elles mêlent des mondes et des états différents. Grâce aux com-
paraisons, le conteur nous parle de la paix et de la guerre, de
l'immobilité et du mouvement, de la beauté et du laid.
Elles
permettent au poète de mêler le temps du mythe et son
propre
temps.Cette sorte de contrepoint
donne aux faits une présence con-
crète plus sensible, et un écho plus largement humain. Toutes les
c om par ais 0 ns s'a ppui en t sur des ch 0 ses con c r ê tes
; à c ôté des a c-
tions surhumaines, celles-ci nous ramènent à la vie ordinaire.
Si les comparaisons inspirées du règne animal
sont souvent violente
celles inspirées de la vie quotidienne ne le sont pas. Ainsi on
a d'un côté la vie quotidienne, de l'autre le monde animal et sau-
vage. Dans ce deuxième monde, on peut faire rentrer toutes les

176.
images de violences naturelles, évoquant le feu.
x
x
x
En dehors des comparaisons plus ou moins simples, plus
ou moins grandioses, le conteur utilise des expressions imagées
plu s po è t i que s pour une bon ne ex pre sos ion de l a pen sée. Les idée s
sont traduites par des métaphores, des périphrases et des pro-
verbes. Certaines images sont populaires et simples, d'autres
savantes.
La plus importante et la plus utilisée de ces images
poétiques reste la métaphore, trope par ressemblance
" la métaphore est la reine des figures; elle est l'exercice
" le plus haut de l'esprit humain; car l'intelligence consiste
" à associer des
notions éloignées; or, c'est précisément la
" fonction de la métaphore de voir dans un seul mot plusieurs
" objets, passer en un vol rapide d'un genre à un autre, de
" prendre une chose pour une autre ll •
(1) Le Mbom-Mvett est souvent
(1) - J. ROUSSET, La Littérature de l'age baroque en France
(Circé et le paon), José CORTl, Paris 1954 (neuvième réim-
pression), p.
186.

177.
Il métaphoriste ll
car
i l
est de ceux qui
IIn'appellent jamais
les choses
par leur nom
Il
de ceux qui
fardent tout,
qui
enflent
tout.
Cependant,
les métaphores
ne
sont pas
d'absurdes ba-
vardages,
ce
sont des
symboles,
c'est-à-dire des
comparaisons
plus
ou moins grandes
inspirées par la nature et
principalement
-
1er è g ne an i mal.
A in si,
ZE f'!1 E0 A;~ G est Il
l a pan t h ère
sou p l e d 1 EI~-
GONG Il
;
AGONE
ZOK
est 1I1 ' écureuil-de-la-saison-des pluies-aux
neuf-nids ll ;: ENGOUANG
ONDO est le
IItaureau des batailles ll
;
Elone
KAM AFE
Ille
jeune
python de
la tribu BIBAO II
;
NTOUTOUME ~IFOULOU
1I1loragell
; OVENG NDOUMOU OBAME
est
IIhomme_ Crocodile,
Arbre_
Epineux,
Poils-planté-dans-la mâchoire,
montagne qui-porte-des-
versants ll .
Tous ces
surnoms
doivent être considérés
comme des
grandes allégories
ésotériques;
ils sont en quelque
sorte les
présentations psychologTques
des
personnages.
En
un mot,
les mé-
taphores
sont des énigmes,
des minuscules charades
proposées à
l 'ingéniosité du lecteur.
Le Mbom-Mvett à l laide de ces
surnoms
peint des
caractères.ANGONE
se nomme
IIL ' écureuil-de-la
saison-
des-pluies-aux-neuf-nids ll
à cause de l'instabilité de son carac-
tère comparable à l'écureuil
toujours
en perpétuel
changement de
nids; 8NGOU,ll,NG
ONDO est Ille
taureau des
batailles ll car i l
est un
guerrier redoutable,
un fonceur ...
Toutes
ces métaphores physiques
ou morales qui
trans-
portent à une chose animée
ce qui
est le propre d'une chose animée,
ou à une chose animée
ce qui
est le propre d'une chose
inanimée

178.
sont souvent des évocations de mystères.
Ainsi. quand le conteur
dés i g n e NTOU TOU IV, E NFOU LOU par
'Il' 0 r age,
l a r age Il.
i l n 0 u s l i vr e
tout son portrait moral.
son rôle à jouer dans le récit.
Par
ailleurs. ces métaphores nées des accouplements inhabituels sont
inspirées par le mouvement.
le tumulte et la violence.
Ces images
mettent en rel ief l'état de guerre qui
règne dans les récits de
Mvett et que les noms des tribus en présence évoquent également
tribu des Flammes. tribu des
Orages. ENGONG (le fer) ...
'
x
x
x
Toujours dans
le but de charmer l'oreille et l'esprit.
le conteur emploie une autre catégorie d'expressions
imagées:
la
périphrase.
En effet. il
utilise cette figure de style par emphase
pour donner à son récit un caractère passablement bizarre. c'est-
à-dire baroque.
Ainsi.
il
emploie des mots au sens figuré:
IILes
coupeurs de route ll
(T.1.
P. 44)
pour signifier les
IIbrigands ll • la
IItête du ciel
( T.
1.
P. 59)
pour dire le "soleil ll • lichasse ta
faim"
(T.
1.
P.
72)
pour signifier IImangell,
IIFils de ma mère ll
(T.
2.
P.
113)
pour "frère ll • II cor beille blanche des nuits
(T.2.P.5~
pour 1I1 une ll .
Même si certaines de ces périphrases apparaissent comme des
pro nom i na t ion s,
i l con vie nt des i g nale r que l a plu par t d e ces i ma -
ges
sont rendues comme elles sont senties dans le milieu culturel.
Il
s'agit d'une traduction mot-à-mot du traducteur.
Cepèndant,
' )

179.
p1autres périphrases sont plus poètiques : par exemple 1I1 a corbe"il
le blanche des nuits ll pour 1I1 une ll que nous pouvons rapprocher au
II c hantre d'Achille, d'ENEE II pour IIHomère ll . En un mot, le poète
opte pour un stYle pompeux, noble; il refuse la langue
ordinai-
re, les mots couramment employés; il
part d'expressions rares
qu'il valorise.Ainsi, il utilise Ille malheureux qui grille son
bout de manioc au feuil
(T.
1. P.
27) à la place de II c élibataire ll
ou 1I1 a saison de poussière, la saison des étrangers ll au lieu de
Il gra ndes ais on s è che Il
( 0yon ). n' a LI t r e pa r t, ces exp r es s ion s i ma -
gées marquent le rejet de
l'abstraction; ce sont des espèces de
tableaux, de peintures du concret, du réel. Mais les périphrases
sont sans doute des images curieuses.
x
x
x
Avec les proverbes, nous quittons le domaine des images
indiscrètes, du charme de l 'esprit et des oreilles proprement dit.
Il
s'agit d'une autre catégorie d'images poètiques à travers
laquelle le conteur cherche à capter l 'intelligence de ses audi-
teurs ou lecteurs par des allusions les concernant ou concernant
leur vie quotidienne.
Le proverbe est la forme littéraire la plus
riche, elle est figée,
immuable et très poètique.
Dans IIlntroduction à la littérature Negro-Africaine ll
MAKOUTA-f'lIBOUKOU définit le IIproverbell comme le IIsupport d'un poten-
tiel philosophique, d'un fond de pensée immuable ... Par sa conci-
sion, par sa précision, le proverbe frappe, tranche et convainc;

180.
il emporte l' adhésion ll • En Fang, le proverbe se dit lINkane" qui
vient du verbe lIAkane" qui signifie\\\\raconter~ Quarid on cite un
proverbe, on raconte. Ainsi, le Fang ne cite pas le proverbe pour
un jeu intellectuel mais pour prouver. Le proverbe est utilisé
dans les discussions, pour apporter un poids certain à ce que l'on
dit ou défend, en face d'une situation, d1un évènement, les expli-
quer ou tout juste donner son avis, de façon allusive.
Il arrive
que dans une discussion, on assiste à une cascade de proverbes entre
les différentes parties. C'est pourquoi
il faut avoir un certain
âge pour posséder la maîtrise d'un assez grand nombre de proverbes.
Celui-ci ne doit pas être cité à tort dans une discussion même
s'il
possède plusieurs significations parfois contradictoires;
il est toujours en "situation".
Cette formule imagée apparaît comme une expérience con-
densée en paroles; une parole strictement règlée ne pouvant être
utilisée que dans des cas précis.
Une parole, une formule dont le
but est llaction. Mais il apparaît également comme une parole qui
se, définit elle - même par rapport à un ordre très ancien dont
elle se veut l'image, une parole qui
introduit à la connaissance
au sens large, une formule qui condense, résume, explique, commente
la sagesses des Anl1 iens et qui définit des structures sociales, des
types sociaux stéréotypés, des comportements sociaux. Excellent
moyen laconique de communication, le proverbe pousse à la compré-
hension mutuelle. C'est une mine inépuisable concernant le fait
social, religieux, mythologique, historique et la sagesse pratique.

.:
'1
~ • l ,
.1
181.
Toutes ces formules didactiques, nous les trouvons dans
les récits du Mvett malgré leurs différentes formes. Ainsi, de par
leur forme, certaines sont appelées sentences tandis que d'autres
sont désignées par le terme "proverbes". Cependant, cette forme
littéraire, cette forme d'expression est désignée par un seul mot
en Fan g : " Nkan e ". Par con s é que nt no usa pp el 0 ns "p r 0 ver b~' les
expressions de la famille des dictons, maximes, sentences et pro-
verbes proprement dits.
En ce qui concerne la structure du proverbe, elle fait
apparaitre une idée souche et une conséquence. Prenons ce proverbe
cité par Milang :
" Celui qui veut gravir une montagne
ne doit pas
" craindre la sueur"
(1).
Dans le proverbe précité, l'idée souche est constituée
par la première proposition qui énonce l'acte :" celui qui veut
gravir
une montagne ... " tandis que la conséquence de l'acte se
trouve dans la deuxième
" ... ne doit pas craindre la sueur." A
travers ce proverbe, on a une allégorie car le conteur exprime
son idée par une image, une espèce de tableau.
Il
nous introduit
dans le monde quotidien, dans le monde concret.
Nous savons que pour gravir une montagne il faut des
efforts physiques
qui font suer. La sueur est ici la conséquence
(1)
- T5IRA NDüNG, Le Mvett (II), op. cit. P.
18.

182.
logique de l'acte de gravir une montagne. En citant ce proverbe,
Milang traduit son idée par une image quotidienne; il l'inscrit
dans le réel. En principe, Milang veut faire comprendre à Mbane
ONA que celui qui veut accomplir une tâ'che doit accepter toutes
les conséquences qui en découlent.
Les proverbes, dictons, maximes ou sentences de nos
récits ont une couleur très prononcée: Leurs sources d'expérience
sont souvent le monde animal, le monde humain, ainsi que le monde
végéta 1.
Dans nos récits, de nombreux proverbes font référence
au monde animal. Par exemple:
IILa gazelle n'est pas le bébé de l'éléphant Il
(T.1.P.68)
ilLe Sanglier ne se dit jamais gras, pas plus que l'é-
Il l é Phan t
ne se vante d ' être gr c s Il (T. 1. P.6 4 ) Il • Pl u"-
sieurs autres proverbes pourraient s'ajouter à ceux que nous ve-
nons de relever. Mais les registres des proverbes qui font réfé-
rence aux activités humaines ou au monde végétal sont aussi bien
fournis.
Parmi tant d'autres relevons quelques uns:
" "On n'est jamais unique en son genre dans cet univers'
" (T.l. P. 32), "ce n'est pas en restant au chaud dans
Il
sa case qu'on fait pousser le manioc dans les plan-
" tations" (T.
2. P.37). Si le berger n'avait pas pris

183.
" €le
risques, le fauve aurait ravagé son troupeau
" "(T.2.P. 37), "s'il y a une montagne très haut dans
" ton pays, sache qu'il
peut y en avoir une autre plus
" haute dans un autre" (T.2. P.231)1I.
Toutes ces formules condensées qui nous renseignent
sur la faune, la végétation, et les activités humaines du monde
Fang sont en réalité des représentations allégoriques des person-
nages humains' La vie sociale reste la source essentielle de
J
l'expérience que nous communiquent les proverbes. Les images des
proverbes sont réparties en métaphores et images tirées
de l'hom
me et de la nature. En Afrique Noire, ils expriment en termes
concrets, en réalités de la vie quotidienne, ce que le rrançais
exprime en termes abstraits. Ce sont des références significa-
tives et la force du proverbe en dépend. En tant qu'expression
imagée, le proverbe met en rel ief l'aspect poètique du discours
du narrateur. Son utilisation nécessite, chez celui qui l'emploie
l'intelligence et surtout l'a-propos.
x
x
x
Le conteur utilise par ailleurs d'autres allégories
qui sont les scènes de consultation des Ancêtres. Au cours de
ces cérémonies de magie ou de sorcellerie, les participants uti-
lisent un langage ésotérique, un langage symbolique. Mais les
ancêtres répondent aussi aux questions des initiés par un langage

184.
tout aussi
symbolique; ce sont les devins qui comprennent sou-
vent ce langage. Ces individus possèdent un certain nombre de
connaissances sur les symboles, les animaux, insectes, plantes,
é c ail les, ai nsi· que. sur l 1 in te r pr ê ta t ion des réa c t i on s .~ des. bes-
tioles ou l'arrangement des objets inanimés. Tout est symbolique
dans ces cérémonies initiatiques:
les gestes, les couleurs, les
paroles. Si le rouge est l'emblème de la gloire, de la satisfac-
tion ... le blanc est celui du deuil, de la tristesse ... Les sym-
boles ont été choisis pour aider les hommes à entrer en communi-
cation avec les puissances cachées. Leur nature importe finalement
peu; ils ne sont qu'un langage adapté aux cultures de nos peuples
" AKOMA se lève, pré<t:édé
du sorcier et suivi de tous le
" vieux de la tribu.
Ils disparaissent derrière les cas
" bientôt rejoints par le troupeau.
"
Entrant dans une grotte rocheuse, ils s'asseyent en
" rond. Au milieu du cercle le sorcier ANGOUNG BERE
" dispose les crânes de quelques ancêtres morts au
" temps où le peuple d'ENGONG n'avait pas encore décou-
" vert le secret de l'immortalité. Ces crânes sont pein
" en rouge. ANGOUNG BERE égorge une vingtaine de mouton
" dont il verse le sang sur les crânes. Ensuite il ré-
" pand une poudre magique sur le tout tandis qu'AKOMA
" MBA macule de rouge une statuette d'ébène coiffée de
" plumes d'oiseaux multicolores. ANGOUNG BERE entonne
" un chant que l es autres reprennent en choeur ( ... )

185.
Il
Et, en silence, chacun plonge son index dans la mare
Il
de sang, trace un rond sur sa figure et dans la paume
Il
de la main. Puis tous se lèvent, suivent le sorcier
Il
qui s'enfonce plus avant dans la grotte, s'arrêtent
Il
devant une bougie de résine allumée. A cette lumière
Il
diffuse, on distingue debout dans une anfractuosité,
" un énorme cyl i ndre de boi s sculpté
surmonté d'un crâ-
" ne de gorille verni. ANGOUNG BERE ôte le crâne tandis
" qu'un gigantesque boa jaillit du cylindre vite saisi
"
à la gorge
par le sorcier.
"
"Un mouton !l' commande ANGOUNG BERE qui fait des
" efforts inouis pour maîtriser ce reptile
furieux.
\\1
MEDZA METOUGOU, le père d'OB1ANG ~IEDZA, jette un
\\1
bouc que l e serpent happe au vol. Avec des con tor-
\\1
sions terribles, i l avale sa proie pendant que le
\\1
sorcier trace un rond sur sa tête avec une pâte
\\1
rouge, soulevant ensemble le reptile repu, les hommes
\\1
l' emportent dans un ruisseau qui ronronne tout au
\\1
fond de la grotte, l'allongent dans l'eau et atten-
\\1
den t . . ." (1)
Cette cérémonie d'offrandes aux ancêtres a lieu au
moment où les hommes d'ENGONG doivent prendre une décision très
(1) - T51RA NDONG, Le Mvett (1), op. cit. PP. 54-55.

186.
importante: répo"dre a la demande d'alliance de NKABE MBOUROU.
Ce qui nous intéresse dans cette cérémonie c'est de constater que
le dialogue entre les initiés et les ancêtres se fait par l' inter-
médiaire des symbo1e~. La présentation de cette séance de magie ou
de sorcellerie est une manière pour le conteur de mettre en relief
l'existence chez les Fang de ce langage qui ne peut être décodé
que par certains individus.
Le mbom7mvett
abandonne un instant le langage ordinaire,
le langage purement littéral. L'homme en général et le Fang en
particu1 ier disposent aussi de signes annonciateurs d'évènements
qui leur servent d'oracles; ainsi, a la suite de la défaite de
son émissaire face a NKABE MBOUROU, OVENG NDOUMOU OBAME entend
chanter "l'oiseau annonciateur de malheurs" (T.1. P. 40)
; par
ailleurs, dès la naissance d'ASSENG MBANE aNA, "A ENGONG l'arse-
na 1 des f é tic he s d' AKa MA MBAs e met en t r ans es" (T. 2. P. 2 1 ). Le
symbole n'est pas seulement un signe visible:
il est un signe
opérant. 1 'homme est un décrypteur des signes émis par les forces
cachées.
Cependant, le Mbom-Mvett n'utilise pas uniquement cette
forme de langage a travers la description des cérémonies rituelles.
Dans sa narration, il
use abondamment d'un langage ésotérique que
certains n'hésitent pas a taxer de "langage archaïque". Il est
vrai que le joueur de Mvett a une préférence pour un vocabulaire
recherché, mais en tant qu'initié des sciences sacrées, il utilise
un parler ésotérique et symbolique fort en honneur dans sa II con -
frérie".
Un homme qui se frappe la poitrine, qui vole dans les

187.
airs, qui se transforme en animal, ou qui se rend invisible à
volonté, qui se rend chez les morts et autres manifestations étran-
ges sont sans doute un langage codé.
Ces initiés que nous considèrons comme parvenus au
sommet des connaissances de l'univers, qui
nI ignorent rien des
vertus des plantes, des relations avec les hommes ... s'adressent
aux profanes dans un langage simple et imagé qu'il
ne faut pas
toujours prendre à la lettre. C'est un langage énigmatique que
les Fang désignent par "FALE BEYEM" (le français (langue) des con-
naisseurs) .
En un mot, le vocabulaire de la langue Fang ne possède
peut-être pas une gamme de termes précis permettant de traduire
symbole, métaphore, allégorie ... , mais il est capable d'exprimer
ces concepts et les exprime en effet, puisque le symbolisme et
l'ésotérisme ne sont pas qu'implicites dans le discours du con-
teur, il Y recourt intentionnellement. Devons-nous rappeler une
nouvelle fois que la la~gue Fang évoque beaucoup plus qu'elle ne
dit. La langue utilisée par l'artiste est souvent voilée et par
conséquent poétique.
x
x
x
1
Compte tenu de la longueur de ses récits, le MBDM-
Mvett en dehors de l'utilisation des formules-leitmotiv, n'hésite

188.
nullement à détendre l'atmosphère par l'introduction du comique
de fantaisie dans sa narration.
Il suspend donc la narration à
proprement parler pour se livrer à une simulation et plus préci-
sement à un décodage du langage des animaux et des oiseaux. Le
récit devient ainsi un mélange de lyrisme et d'inspiration comique.
Dans la tra<rti ti on Fang, on trouve de nombreuses berceuses, i nspi-
rées par la 1I1ittérature ll de la gent ailée. On peut penser que les
femmes habituées à bercer leurs enfants, ont été les premières à
être charmées par le chant des oiseaux
ces berceuses sont sou-
vent imprégnées de couleur locale. Par exemple cette berceuse
Fang et ~ulu : le pigeon et la tourterelle, examinée profondément
par ENO BELINGA (1).
CertainsBebom-·Mvett tel
le poète-conteur AKUE OBIANG
peuvent être considérés comme des spécialistes du décryptage du
langage des bêtes. Citons des exemples de chants d'oiseaux ou de
IIparolesll d'animaux empruntées à cette surprenante 1I1ittérature ll .
1.
Exemple
Le chant du coq
(nnom ku)
Après un battement d'ailes, il dit au hibou
IIHibou
aux gros yeux! Il
(1)
-
ENO BELINGA, Littérature et musique populaire en Afrique
Noire, op. cit., PP. 29-30-31.

189.
2.
Exemple
Chants des Hiboux
(MEKUNG (-pluriel), AKLING (singu-
lier) .
Le premier répond au coq en ces termes
"Et toi tu as
des barbillons !"
Le deuxième hibou enchaîne
"En mangeant, il faut pen-
ser au matin !"
Le troisième hibou s'exclame
"Par Jésus, c'est la
maison de Dieu!
(église)"
Et le quatrième lui répond en écho
" Passe rapide-
ments
1"
(1)
3.
Exemple
chant du pigeon sauvage de BITAM (2)
ZUM ou AFEP
"Je vois du côté de NFA'A, je vois également du côté
de MVEZE !" (3)
( 1) -
D'après les explications du conteur à ses auditeurs, le
hibou a ~eur des église~. Il ne se pose donc p~~ sur les
toits de ces édifices. Ainsi, quand la chouette qui lui
tie~t compagnie se pose sans le savoir sur une église et
sIen aperçoit, elle s'exclame, celui-ci lui conseille de
déguerpir.
( 2)
-
BITAM : ville d 1 or1gine du cbnteur, située au nord du
GABON.
( 3)
-
NF A1 A et rWEZE
son t de ux cou r s die au si tué s a ux con fin s
de BITAM.

190.
4.
Exemple
chant du pigeon domestique
ZUM NTANGANE (Pigeon
des Blancs)
Il Les
hab i tan t~ de c e vil l age don ne nt de lia mpleu r à cha-
"que évènement! (ébruitent toutes les histoires)."
5.
Exemple
Paroles du bouc à sa
chèvre
EKELA KABANE
Il
Par la tête de mes enfants (je jure par mes petits),
Il
tu as commis des adultères
I "
etc ...
Ces récitations du conteur, même si elles ont une por-
tée culturelle, tendent dans le cas du Mvett, à provoquer le rire.
En employant par exemple le pidgin dans ses passages récitatifs,
le conteur souhaite que la déformation de ce langage d'emprunt
soit considérée comme une forme de style. Ces fantaisies
sont là
pour chasser l 'ennui, pour détendre l'auditoire ; celui-ci oublie
rendant un instant le récit traumatisant de guerre et de violence.
Le conteur possède donc cet art de ramener le récit aux banalités
imprégnées d'humour et de gaiété. Pour apprécier ce Mvett que nous
pouvons qualifier sans aucun doute de comique, il faut assister
à une séance de Mvett du célèbre conteur AKUE OBIANG et observer
au moins les réactions des auditeurs.
Parfois, - comme clest le cas dans l ·un des récits de
notre corpus- le conteur transforme en mélodie, le cri d'une bête~

191.
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC 1 Hé KOLENYOC
(1)
" ceux qui
se
promènent sans but, écoutez
" le chant de l'unau:
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
!
" Le coeur de ceux qui
pleurent se dessèche
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
l Hé KOLENYOC
" Pense à ton frère dans sa solitude:
Il
Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
" L'arbre frissonne et le chant s'envole:
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
" Le chant s'envole porté par le vent:
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
" Et du village
les tam-tams répondent:
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
Hé KOLENYOC
" Hommes qui
dansez,
pensez à l'unau:
" à
l'unau qui
chante dans
l'arbre solitaire
" Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
! Hé KOLENYOC
!."
(2)
x
x
x
Dans les
texte$de Mvett abondent des chansons qui
ne
sont pas toujours des chants
d'oiseaux ou des cris d'animaux.
La
(1)
-
Hé KOLENYOC
: chant de l'unau.
(2)
- TSIRA NDONG, Le Mvett (II),
PP.
14-15.

192.
chanson est un genre littéraire à part entière; elle occupe une
place non négligeable dans les traditions folkloriques Africaines
en général et Fang en particulier. Le chant introduit la musique
dans les récits, cette musique qui est le troisième attribut du
verbe.
Il
Dans l'univers noir, organisé et hièrarchisé par la
Il
Connaissance, la musique tient une place importante,
Il
car le matériel
sonore qu'elle met en branle a des
Il
répercussions_ sur-la ... marche du monde, aussi bien sur
Il
le plan cosmique que-sur celui, de. l 'activité hu,...
Il
maine."
(1)
Type de discours trop souvent poétique, le chant peut
être:
un chant profane de distraction et d'amour, d'exaltation
et de guerre, de bravoure et de défi, de souvenirs et de rappels,
de compétition et de conflits. Même si certains individus excel-
lent dans l'art des chansons, celles-ci sont répandues dans toute
la société: chez les hommes, chez les enfants, chez les femmes.
A propos de celles des récits de notre corpus, on peut
affirmer qu'elles ne sont nullement distrayantes mais plutôt fonc-
tionnelles ; elles mettent en relief le déroulement de certains
évènements, nouent av dénouent certaines actions.
(1)
END BELINGA , Littérature et musique populaire en Afri-
que Noire, op. cit., P. 19.

193.
Le répertoire proposé par T5IRA NDONG se compose de chants d'ini-
tiation, de chants lyriques, de chants satiriques, de chants guer-
riers, de chants d'amour etc.
Ces chants de louange et de travail, ces chants histo-
riques, légendaires, humoristiques ... véhiculent des thèmes et
des messages implicites ou explicites. Finis en eux-mêmes et iso-
lables, ils sont les oeuvres du conteur et des personnages. Mais
ils doivent être considérés comme servant souvent de tremplin au
narrateur pour l'expression de ses sentiments.
Toutefois, les chants apportent au récit de Mvett un
charme certain. END BELINGA écrit notamment à ce propos:
IIl a
littérature trouve dans la musique un regain de force expressive,
persuasive, et une raison fondamentale
de sa beauté. 1I (1) Dans
ses cha nson s, l e ~;J[i 0 m- ~,1 vet i: no us l i vr e que l que sas pee t s des 0 n
style. Prenons pour exemple cette chanson d'offrandes, et exami-
nons-là au niveau stylistique:
Il
Nous sanctifions
1
nous sanctifions
1
Il
Nous sanctifions les mânes de l a tribu
Il
Nous santtifions 1 nous sanctifions !
Il
Nous sanctifions l e vent et la parole
Il
Nous purifi.ons
Nous:lpurifi ons
Il
Nous purifions
nos femmes et nos enfants
(1)
- ENO BELINGA, Lit\\érature et musique populaire en Afrique
Noire, op. cit., P; 22.

194.
Il
Nous purifions
Nous purifions
l
Il
Nous purifions
le peuple d'ENGONG
Il
Sanctifions
.Purifions
Il
Opèrons des miracles. 1I (2)
Cette mélodie rituelle, grâce aux nombreux points
d'exclamation, met en rel ief l'expression d'un sentiment vif et
subit de l'âme, un mouvement du coeur. Le conteur abandonne le
discours ordinaire. Mais ces exclamations concourent également
au rythme de la chanson.
Nous trouvons ensuite les répétitions de phrases qui
doivent être considérées comme des espèces de refrains; procédé
lyrique et élément musical
par excellence, la répétition a sa
place dans le chant. Toutefois, cette chanson est aussi pleine
d'assonances et d'allitérations. En un mot, elle est d'inspira-
tion poètique et lyrique. Le lyrisme de ce chant conduit à ce que
J.
CHEVRIER appelle une IIsorcellerie évocatoire ll car il ne s'agit
pas d'une simple expression lyrique du moi mais d'une activité
magique. En dépit de la signification surperficielle, l'accent
est mis une fois de plus sur le sens caché des choses.
Les chants de nos récits appa~tiennent à cette poésie
traditionnelles Africa-ine en général et Fang en particulier II qu i
recourt volontiers à l'image - symbole, aux rapprochements inso-
( 2 )
TSIRA NDONG, Le Mvett (I),
op. cit., PP. 54-55.

195.
lites des mots et à la métaphore .... " (1) Ils sont des invocations,
des incantations, des exaltations, lyriques et pathétiques. Ils
ont généralement la forme d'un poème. Cependant, la bouche fermée,
il arrive qu'un soliste fredonne une chanson, abandonnant ainsi
le langage articulé, mettant ainsi en relief d'autres formes de
langages.
x
x
x
La première de ces formes reste l'onomatopée: une des
caractéristiques de la langue Fang. Il arrive donc que la voix
humaine renonce à la parole articulée pour se limiter à l 'onoma-
topée.
Des exemples abondent dans les textes de notre corpus.
Ceux-ci nous permettent de constater que le narrateur utilise des
on'@ll1alto;pèes,,";inspirées par les activités humaines:
"TCHIDUH" pour
l'éternuement, "hui
! hui
!"
pour évoquer l es cri s d' encourage-
ment d'un chasseur à courre; les cris des bête:
"Mê ! Mê" pour
le bêlement d'un mouton, " Hé kolényoc !" pour le chant d'un unau
enfin les bruits produits par des objets
"kuo 00" pour le coup
de fusil, "king! king!
king !" pour le son du tam~tam.
Ainsi,
chaque éternuement, chaque gifle, chaque arrivée bruyant, chaque
cri de bête ... est évoqué par une onomatopée.
(1)
-
J.
CHEVRIER,' op. cit. p. 223.

196.
Autre forme de langage utilisée par le MBOM-Mvett et
qui renonce à la parole humaine articulée: Le langage du IINKUL"
ou langage tambouriné. Qu'est-ce que le "NKUL" et à quoi sert-il?
La description du "NKUL II faite par ENO BELINGA me sem-
ble la plus complète pour définir cet instrument de musique Fang:
" Le NKUL, tambour d'appel ou tambour-téléphone,
" est une bille de bois évidée; c'est un instrument
" de musique à corps solide vibrant et non susceptible
" de tension. Dans la position convenable au jeu, il
" est placé horizontalement, montrant à sa partie su-
" périeure une fente longitudinale entre deux lèvres
" d'écartement variable (5-10 cm).
"
Une languette médiane termine chaque lèvre. La
" lèvre supérieure, correspondant au côté du plus
" gros épaississement de la paroi de l'instrument,
" donne un son aigu. La 1 èvre i nféri eure, du côté où
" la paroi de la bille évidée est plus amincie, donne
Il
le son grave. Les deux languettes servent à accorder
Il
le tambour au moment de la fabrication:
il s'agit
Il
d'obtenir une tierce approximative (tierce majeure
" ou tierce mineure) en frappant l'une, puis l'autre
Il
languette.

197.
" Le "NKUL" produit une gamme de sons assez étendue
" dominée par deux sons principaux distants d'une
" tierce. Les autres sons dépendent surtout de la
"manière dont l'instrument est percuté: ils sont
" donc extrêmement variables du fait qu'il font essen-
"tiellement intervenir un facteur psychologique ...
"
Le "NKUL" est frappé avec deux baguettes en bois;
" on utilise parfois des baguettes fabriquées avec des
" branches de palmier "raphia". Le joueur frappe
" alternativement les deux lèvres au niveau des lan-
" guettes, de temps en temps il
touche l es deux lèvres
" d'un seul coup pour produire un glissé caractéris-
"tique." (1)
Cette longue et minutieuse présentation du '~NKUL"
montre bien que le "NKlIL" est un instrument de musique. On uti-
lise son accompagnement parlé ou rythmique dans de nombreuses
danfies. Fang:
"NLlIP", "rneburu", "bitsang", etc.
Cependant dans
les récits de notre corpus, il joue surtout son rôle de tambour-
téléphone auquel se rattache une partie importante de la litté-
rature orale frappée ou rythmique.
Le "NKlIL" en tant que tambour-téléphone sert à trans-
mettre des messages de joie ou de tristesse. Il sert à l'annonce
(1)
-
ENO BELINGA, op. cit.
PP. 188-190.

198.
des évènements plus ou moins importants. Grâce à lui, les Fang
ont toujours véhiculé des nouvelles plus rapidement. Dans le
monde Fang, il existe le "NKUL AKONG" (le tambour de lance),
le "NKLIL awu"
(le tam-tam de mort), le "NKUL bitè" (le tam-tam
de guerre) et bien d'autes genres encore.
Le premier genre cité est le message tambouriné annon-
çant le décès, quand au deuxième, il annonce l'imminence d'un
retrait de deuil bien déterminé, enfin le troisième annonce l'ar-
rivée d'ennemis. La différence entre ces genres d'appels se situe
au niveau de la manière de jouer.
Dans les textes de TSIRA NDONG, on trouve en majeure
partie des messages impersonnels annonçant des évènements ou des
appels d'individus. Parmi les exemples qui abondent dans ces tex-
tes, il yale message tambouriné par NDOUMOU OBAME (1) invitant
les initiés à une importante réunion, celui émis par ONDO MVE (1)
à
l'adresse des hommes d'ENGONG pour leur annoncer l'arrivée pro-
chaine d'EYENGA NKABE, et enfin le message tambouriné parABIERE
l,j M1 E (2)
à
l 1 i nt en t ion des h0 mmes pu i s san t s d' EN G0NG. '. Dan s nos
récits, le tambour sert donc à informer mais non à distraire.
Il
a un usage spécial.
L'encodage et le décodage des messages tambourinés
restent l'apanage de certains individus de la société. On apprend
(1)
- TSIRA NDONG, Le MVETT (1), op. cit., PP. 48-49.
(2)
- TSIRA NDONG, Le MVETT (II), op. cit.
PP. 234-235.

199.
à
jouer du tambour et à interprêter les messages frappés. Le
langage du NKUL est basé sur les tons, et les devises des person-
nages forment son code principal. Ainsi, quand ABIERE NAME énonce
la devise suivante: "Une maison a des tuiles, un éléphant des
défenses, un village, lui, doit avoir un homme puissant pour le
défendre !" (3) - celui qui a réussi' a décoder le message, sait qu'il s'a-
git de MEDANG ENDONG - Trop souvent donc, on di t le nom!' honorifi que" d'un per-
sonnage à qui le message est adressé.
Toutefois, les tons compliquent la lecture du message
tambouriné. Le joueur-tambourineur utilise une sorte d'alphabet
dl i déog rammes à base de ton s.
Il convert i t son idée en proverbe-
idéogramme, ensuite le proverbe-idéogramme est joué musicalement.
Ce qui est intéressant concernant l'emploi du langage
frappé par TSIRA NDONG, c'est la mise en rel ief d'une véritable
écriture orale. C'est l'un des aspects importants de l'oralité
que nous rencontrons dans les textes de TSIRA NDONG. La musique
est donc utilisée pour transmettre intégralement une pensée. Le
langage musicalisé unit la musique, la parole et la pensée. En
tant que musique, le langage du "NKUL" a pour but l'expression
esthétique des sentiments.
Dans cette même catégorie de langage non articulé, il
y a le
langage sifflé qui, dans les textes de notre corpus, est
(3)
- TSIRA NDONG, Le MVETT (II),
op. cit. P. 234.

200.
l'oeuvre de NTOUTOUME MFOULOU.
Il
Vi
! violi
vio
vi
Il
Saturé de force et de puissance,
Il
Je voudrais rencontrer un égal
Il
Vi
l violi
! vio
! vi
! vi
!
Il
Que la mort me tue
Il
Si elle en est capable
Il
vio ! vio l vi
! violi
vio 1. 11 (1)
Cet extrait des sifflotements de ce guerrier d'ENGONG, abonde
surtout en onomatopées. En fait c'est un chant de défi à la mort,
une provocation sans détour. Le personnage se glorifie lui-même,
.--:
c'est une espèce de culte de la personnalité. Néanmoins, ce
lan-
gage sifflé porte le nom de "MEGUK II chez les Fang. Si ce terme
désigne l'art de ifrenorn.nellt' des airs chez les femmes, il
indique
celui des sifflotements chez les hommes. En effet, les hommes
au cours de leurs randonnées dans la forêt se mettent à siffloter
pour alerter leurs Il am ies ll de leur présence dans les parages.
Dans le même but, les femmes fredonnent certaines mélodies.
Il
convient de souligner que ce langage qui permet à l'individu de
se signaler a souvent été employé par les personnes qui violent
la foi conjugale.
(1)
- TSIRA NDüNG, Le MVETT(I)
op. cit. P. 88 ..

201.
Enfin, TSIRA NDONG dans ses textes énumère -Comme
c'est le cas dans les présentations généalogiques-, fait jurer
ses personnages ("Par mon père MFOULOU II , IIPar les Morts de ma
tribu, IIPar la calvitie d'AKOI"1A MBA II ... ), mais interpelle égale-
ment les auditeurs devenus
lecteurs:
"Mets-toi, ami auditeur, à
la place de nos fantômes ll • Par cette parabase, le conteur cherche
à
capter l'intelligence de ses auditeurs; cette interpellation
est une allusion qui concerne leur vie quatidienne. TSIRA NDONG
n'hésite d'ailleurs pas à se lancer dans une longue réflexion
personnelle sur la vie de l'homme.(l)
Parfois, il
interrompt son récit principal comme dans
l'oralité, pour se lancer dans une autre narration. Ne suspend~
il pas le combat qui oppose à NKOBAM, OVENG NDOUMOU OBAME à
ENGOUANG ONDO pour faire le récit d'EYUMANE OLE, la jeune fille
prisonnière du Crocodile?
Le MBOM-MVETT utilise donc une grande variété de pro-
cédés qui expriment de façon authentique: L'apostrophe, la sus-
pension, l'énumération· ..
Le MVETT est un genre littéraire qui utilise des thè-
mes variés dont certains s'accommodent avec l'actualité et le
(1)
- TSIRA NDONG, Le MVETT (1) op. cit PP. 129-130-131.

202.
langage quotidien, tandis que d'autres sont réservés au langage
plus ou moins poétique. Celui-ci aime user d'images et reste ra-
rement abstrait; c'est le langage de pure tradition orale.
Le MVETT est poésie. Son discours tout comme la poésie
est un art du langage. Certaines combinaisons de paroles peuvent
produire une émotion que d'autres ne produisent pas. Le langage
du MVETT exprime la nature car le MVETT est un art et la vérité
de l'art ne réside pas dans une reproduction exacte de la nature.
L'oeuvre de IVlVETT exprime par nature une idée, ou "sentiment-
image"
: un symbole.
" L'image naît de la force de suggestion du signe
" employé:
du signifiant. Car l'image, ici n'est pas
" une image-équation, mais une image-analogie, où le
" f:1ot suggère plus qu'il
ne dit. Le tour de force est
" d'autant plus aisé que les langues négro-Africaines
" sont des langues concrêtes, dont tous les mots, par
" leurs racines, sont chargés d'un sens concret émotif-
" Au-delà du signifiant, "il faut voir le signifié. "(1)
Le joueur de MVETT Fang est avant tout un charmeur des
oreilles et des esprits. C'est un vrai
poéte, un artiste de la
(1) L. S. SENGHOR:
"N2GITUDE, arabité et Francité" (1969).

203.
parole. Son "discours" met en relief les principales caractéris-
tiques de la langue Fang.
x
x
x
La deuxième partie de notre ouvrage nous permet de
faire les découvertes suivantes.
Au niveau des personnages des récits, on note une mise
en scène d'un nombre important d'acteurs principaux ou secondaires.
Parmi ceux-ci on trouve des Etres humains vivants, des
Fantômes et même des bêtes. Participant tous aux actions des récits
ce mélange d'Etres
(sur) humains vivants et de Fantômes nous in-
troduit dans un monde merveilleux, surnaturel
pour ne pas dire
fantasmagorique.
De la même façon que le monde homérique mêle et
rapproche les hommes et les Dieux, le monde du MVETT mêle et rap-
proche les hommes et les fantômes.
Ces fantômes servent donc de conseillers aux hommes
ou plus précisément d'alliés. Les humains les consultent chaque
fois qu'ils ont une décision importante à prendre; mais parfois
ils font appel à eux quand ils se retrouvent dans des situations
inconfortables.

204.
Par ailleurs, nous apprenons que ces personnages
(humains ou fantômes) appartiennent à deux peuples qui se dif-
fèrent radicalement par le fait que les uns sont Immortels et les
autres Mortels. Cependant, malgré cette différence fondamentale,
on découvre que les personnages entretiennent soit des rapports
de combat, soit des rapports d'alliance.
En ce qui concerne la structure
des deux récits,
par
leur composition d'ensemble, ils se présentent chacun comme un
tout ayant son unité d'action. Constituées de micro-récits, ces
"milan-miMVETT" (histoires de MVETT), de par leur structure, nous
permettent de voir que tout récit de MVETT possède deux principaux
"pôles d'opposition:
les Immortels et les Mortels, chacun cher-
chant à anéantir l'autre. Les batailles constituent les temps
forts de ces récits.
En outre, l'enjeu des combats reste à proprement parler
l'acquisition de l'immortalité. Cependant, la structure des contes
laisse apparaitre que si OVENG NDOUMOU OBAME acquiert l' immorta-
lité, ASSENG MBANE ONA reste toujours mortel. Le premier récit
est en quelque sorte l 'histoire d'une réussite, tandis que le
deuxième est celle d'un échec.
D'autre part, les "histoires secondaires", même si elle~
sont finies en elles-mêmes, participent à la compréhension de
l 'histoire principale. Elles se présentent en son sein comme des
espèces d'''étages''. Ces récits secondaires qui montrent une struc-

205.
ture épique, nous permettent de voir
les grandes fl uctuations drama-
tiques des récits.
En un mot
"L'analyse morphologique n'est
" pas une fin en soi, mais un moyen pour comprendre la démarche
"de l'esprit humain tel qu'il
s'exprime à travers une création
" par ticulière, qui est ici l'oeuvre littéraire" (1).
Enfin quant au style du conteur, notre analyse nous
a permis de prendre connaissance des genres littéraires et des
procé~és de composi"tion utilisés par le Mbom-Mvett. On a décou-
vert le Mvett est un mélange de genres et d'inspirations. Dans
le Mvett se trouvent donc réuni"s tous les talents; le récit de
Mvett est tour à tour description, explication, épanchement,
monologue, dialogue, narration. Le style du conteur est à la
fois poétique, didactique, dramatique, romanesque, philosophique,
comique ...
Par l'analyse du style du Mbom-Mvett, on voit que
celui-ci uti"lise abondamment les" comparaisons, les métaphores,
les allégories, les onomatopées ,et les proverbes.
En un mot le
con t e ur a s 0 uven t r e cou r s à l n° mage.
Il y a a us s i l 1 ut ~I 1i s a t ion
des cha nt s, d u 1a ngag e t a m00 uri" née t du 1a ngag e s i f f 1é qui con s -
tituent des genres littéraires Pang.
Gr ~ c e à~ l' e x fs te nce" den 0 mbr eux pers 0 nnage s, et
à
leurs multiples apparitions, aux changements de lieux d'actions
(1) - D.
PBAULME, La mère dévorante, Gallimard, Paris, 1976,
p.
44.

206.
a la vatiété des thèmes et des inspirations, aux changements
de tonalités, a l'existence d'un leitmotiv, le récit de Mvett
apparait comme une musique qui a ses motifs, ses refrains ...
le style du mbom-mvett reste dominé par l'alternance, par 1e
rythme.

207.
TROISIEME
PARTIE
LEM 0 NDEDE S "M VETT'1 :
l MAG E ET REA LITE.
"En matière de tradition orale,
la
"morphologie est stérile, à moins que
"l'observation ethnologique, directe ou
"indirecte,
ne vienne la féconder".
(Claude Levi-STRAUSS,
"La Structure et la Forme".)

208.
Toute littérature est évidemment tributaire de son
.
environnement sociologique, et révélatrice d'une manière ou d'une
autre de certains de ses aspects.
En matière de littérature orale-
de tradition orale plus précisément-l'oeuvre littéraire appartient
"en commun au groupe social
pour lequel
elle a vu le jour". Reflet
plus ou moins fidèle de la réalité, elle a logiquement un aspect
documentaire.
En tant que "parole traditionnelle", toute littéra-
ture orale est le reflet de la tradition d'un peuple c'est-à-dire
son histoire, ses institutions, ses rites et ses croyances, ses
valeurs. En un mot, elle véhicule le fond culturel d'un peuple
bien déterminé. Le MVETT par conséquent est le reflet de la tra-
dition du peuple Fang. Quels aspects de cette tradition nous révè-
lent les récits de notre corpus?

209.
CHAPITRE 1. -
L'HISTOIRE ET L'ORGANISATION SOCIALE.
Nous savons que l'univers des récits de Mvett est
purement imaginaire comme le sont également les deux grands peu-
ples qui y habitent. Toutefois, ces deux peuples qui ont incon-
testablement un ascendant commun à l'origine ont une histoire et
une organisation sociale qui
rappellent étrangement celles des
Fang pour ne pas dire que ce sont celles du peuple Fang.
Comme nous l'avons peut-être dit, les Immortels et
les
Mortels ne sont que deux faces du monde Fang. En un mot, leurs
luttes mettent en relief la lutte du Fang contre lui-même mais
aussi la lutte du Bien et du Mal dans la vie.
Pour revenir à notre analyse de l 'histoire et de
l'organisation du monde du Mvett, il est nécessaire de
rappeler
que pour cette partie de notre ouvrage, nous prendrons le peuple
des Immortels comme source de référence. En effet, seules l 'his-
toire et l'organisation sociale de celui-ci sont ies mieux détail-
lées dans les textes de notre corpus. Voyons d'abord le chapitre
de l'histoire.

210.
a.
-
L'histoire
~ propos de l 'histoire du peuple d'ENGONG/TSIRA NDONG
->
NDO UT 0 UME
éc r i t
c e c i :
Ces
hommes
du
sud,
ces
hommes
d'Ehgong
zok Mebeghe
"~1E MBA, viennent
de
très
loin,
du
côté d'où
se
lève
le
soleil.
"Leurs
ancêtres
habitaient
le
village
MEKO,
au
bord
d'un
grand
"lac
appelé ATOK
ENING,
lac de
Vie,
qui
est
large
et
profond
"comme
une mer.
On dit que c'est
à MEKO,
au
bord
d'ATOK
ENING
" que
vit
l e j 0 u r
NA - 0 T SE,
f i l s d' 0 T SE ZAME, f i l s de
ZAME - 0 LA,
"fils d'OLA-KARE,
fils
de
KARE
MEBEGHE,
et qu'il
vécut.
"
NA-OTSE donna
le
jour
à ETSANG-NA ou EKANGA NA.
" ~as de vivre au bord du lac et de ne se nourrir que de poisson,
"EKANG NA,
qui
n'aimait pas
les
promenades
sur l'eau
abandonna
"MEKO et
s'en
alla
à OBA'A,
en
suivant
le
soleil
dans
sa
"course;
à OBA'A i l
engendra
EVINE EKANG
(ou
EVINE
ETSANG),·
"OYONO EKANG, MEYE M'EKANG ET NGAr1E EKANG. NGAI\\1E EKANG, lep lus jeune, ayant
"remarqué q~e ses frères avaient un grand penchant pour les palabres, se sépare
"d'eux à cause de sa nature douce et joviale et alla
plus
au
nord
"habiter Bidou
bi
NDZEM,
pays
de
la
poésie où
les
femmes
sont
"plus
belles
que
des
pintades
dans
leur terrain
de
jeu
au
lèver
"du
soleil.
I l
a fondé
à
bi
NDZEM une
famille
grande et

211.
Il
puissante.
Il
NA OTSE mourut a OBA'A. ( ... )
IlEVINE EKANG et ses frères abandonnèrent OBA'A.
Ils suivirent
1l1 a route du soleil, que suivait également une grande rivière Wouél
IlArrivés au confluent de Wouélé et de BOMO, rivière qui sortait
Ilde la droi~~, ils furent reçus parEFOU ANZEtfl,E MfNVENE, chef
Ildu village MESSAME ANENG d'ANGO'O EDOU.
EFOU J1NZEME
IlMENVENE avait une soeur: EYENGHA ANVENE.
MEYE M'EKANG
1l1 ' épousa avec une dot de barrettes de fer. Il eut d'elle un
Ilfils : MFOULOU ENGOUANG MEYE.
Il
Poursuivant toujours sa route, la decendance d'EKANG - NA
1l1ongea le Wouélé, devenu MBANG, après sa rencontre avec BOMO, puis
Il qui t tac e
cou r s die a u qui plo n9e ait s ubit e me ri t ver s les uct, Pi qua
Iltoujours vers le soleil
couchant. Après avoir traversé les grands
l'fleuves
EBIGHLIBI, ABONONG, ils bifurquèrent vers le sud,
Il
traversèrent
Mveng-Metué et Ndzam Anene.
Ils s'installèrent au
Ilbord de ce dernier fleuve et donnèrent a l'emplacement le nom
Ild ' Engong Zok Mebeghe me Mba ... 11
(1).
Indubitablement, cet extrait se rapportant a l'his-
toire du peuple d'EKANG révèle la Il pro tohistoire ll du peuple Fang.
(1)
- TSIRA NDONG, Le Mvett (II), op. cit.
PP. 94-96.

212.
Tout d'abord, leur histoire comme celle des Fang
est dominée par les migrations.I~'avons-nous pas dit que les mi-
grations Fang se sont poursuivies jusqu'au moment de la pénétra-
tion européenne, c'est-à-dire de la colonisation? Nous n'allons pas
revenir sur les convergences et les divergences des hypothèses
concernant le point de départ de ces mouvements du groupe PAHOUIN e
Cependant, certaines sources orales ou écrites - la
deuxième s'inspirant de la première - situent très loin ce point
de départ.
l'Hypothèse la plus répandue et souvent reprise par
les conteurs le situe aux abords du Nil, hypothétique premier pays
habité par les Fang. Les Immortels à l'origine, n'habitaient-ils
pas le village MEKO, lI au bord d'un grand lac appelé ATOK ENING,
lac de vie, qui est large et profond comme la mer ll ? Ce lac 1I1 arge
et profond comme la mer ll est le Nil dont parlent les légendes d'o-
rigine, en un mot du grand cours d'eau qui sillonnait le premier
pays Fang, la II gran de eau ll dont parle TSIRA NDONG.
Ensuite nous avons d'autres éléments de la II pro tohis-
toire ll du groupe PAHOUIN. Ainsi, comme eux, les Immortel s suivent
le soleil dans sa course, course
du
soleil que suivait également
la grande rivière Wouélé. Les migrations du peuple Fang se font
de l'amont à l'aval du Wouélé que suivent également les hommes
d'ENGONG.
TSIRA NDONG écrit à propos des migrations Fang: IIIls
(les Fang) suivirent l'Ouélé et Oubangui Il
Il
(1), Ouélé n1est
que la déformation orthographique de Wouélé.
(1)
- TSIRA NDONG, Le Mvett (1), op.
cit. P.
17.

213.
Enfin, il Y a la dislocation du groupe Fang dont cel-
le du peuple d'EKANG est le symbole:
IIPlusieurs groupes se formèrent.
Les uns montèrent au Nord-Ouest
II(EWONDO), d'autres piquèrent à l'Ouest et au Sud (BOULOU,
IINTOLIMOU, OKAK, MEKE1GNE), tandis que le groupe MV1N-ETON
II pr it possession du terrain le plus proche (.50UANKE
-NDJOllM).
IIQuelques uns d'entre eux suivirent le cours de L'AII~A ou
Il l VIN DO
et s' i ns ta l l ère nt dan s l a ré gion de MA K0 KOU - B0 LI EIl.
(1)
Lorsque. nous savons que le fleuve qui baigne le
territoire géographique Fang porte le nom de Wouélé ou Woleu,
lorsque nous savons que la province septentrionale du Gabon
exclu-
sivement
peuplée
de Fang a pour nom Wouélé-NTEM, nom des deux
fleuves qui
l'arrosent, nous pouvons affirmer que l'histoire du peuple
"-
- de ses migrations-révèle celle des migrations Fang.
De nombreux exempl es abondent dans nos> milan-mi mvett et
étajent notre affirmation mais nous sommes incapables de tout re-
lever, chaque récit de Mvett ne révélant qu'un aspect de cette
histoire des Fang, que quelques uns des aspets. Toutefois, le Mvett
n'est pas seulement de l'histoire, il évoque aussi l'organisation
sociale Fang.
(1) - TS1RA NDONG, Le Mvett (1), op. cit. PP.
17-18.

214.
b. -
L'Organisation Sociale.
Le
Consei 1
des Anciens"
(EKOANE BENYA BORO).
Le héros forme le sujet de la poèsie épique. C'est
un homme qui a sa façon propre d'agir; par son courage et sa
bravoure, il
poursuit des buts déterminés. Cependant, celui-ci
vit au sein d'un système et d'une culture qui
le modèlent, et ses
actions sont compréhensibles seulement par référence à ce système
et à cette culture. Le MB~M-MVETT,
même s'il met en scène une mul-
titude de personnages, s'intéresse plus particulièrement aux com-
bats des héros.
En dehors du champ de bataille apparaissent des cen-
taines de petits détails absolument indépendants du récit et de
l'action des héros: L'initiation de MEDZA M'OTOUGHOU et d'AKOMA
MBA par exemple. En fait, ces détails n'apportent rien à la pro-
gression du récit, mais le conteur en introduit souvent.
dans sa narration. L'art du récit comme son pouvoir d'évocation
sont dus à ces incidences. Elles soulignent ou explicitent la
conduite des personnages, donnent de la couleur aux actions et
rappellent sans cesse aux lecteurs la véracité de la narration.
Pour nous, ces anecdotes présentent aujourd'hui un autre intérêt
elles nous permettent l'accès à une organisation sociale complexe,
organisation sociale qui symbolise celle .des Fang mais qui
n'en
est pas la copie.

215.
Llautorité politique et l 'autorité judiciaire de la
société Fang sont bien présentes dans nos récits. Avant de donner
une réponse à ASSENG MBANE ONA, le Conseil des Anciens
se réunit.
"AKOMA MBA parla alors porc-épie et OYONO MBA dit:
"- Les anciens vont se retirer en conseil.
Dès qu'ils auront déli-
" béré,'réponse te sera donnée, ASSENG MBANE ONA" (1).
Par ailleurs, il
se réunit également en session extra-
ordinaire pour décider de la réponse à donner à EYENGA NKABE.
"-Le conseil des Anciens va se réunir. Mais au préalable
" sac he que les anciens ne délibèrent jamais les mains vides." (2)
Dans les deux cas précités, le Conseil des Anc4ens
joue le rôle d'autorité politique; clest une espèce d'Assemblée
qui
ne saurait être jugée en termes de vie Parlementaire. Dans la
société Fang, clest le "conseil de la communauté" que nous pouvons
traduire par le licol lège des BENYA BORO" (collège des Anciens)
:
il groupe dans le cadre du village ou d'une tribu tous les Anciens.
Il faut avoir les qualités d'un NYAMORO pour faire partie de ce
collège des Anciens. En fait, ce sont les aînés des MENDA-ME-BOT
(1) - TSIRA NDONG, Le Mvett (II), op. cit. PP. 259-260
(2) - TSIRA NDONG, Le Mvett (1),
op. cit. P. 54.

216.
(lignages) qui sont admis dans ce"Conseil". Cependant, les guer-
riers renommés ou les hommes riches en sont aussi les membres.
Font partie du Conseil des Anciens d'ENGONG : AKOMA MBA, MEDANG
BORO, MFOULOU ENGOUANG, MEDZA METOUTOU, ANGOUNG BERE
MBA, NSING BERE MBA.
Cette Assemblée momentanée joue également le rôle
d'autorité judiciaire-OVENG NDOUMOU OBAME qui vient d'être vaincu
par les Immortels et fait prisonnier est jugé par ce conseil.
" A Wor-ZOK, tous étaient là : des vieillards qui
ne connaissaient
"plus le nombre de saisons sèches et· de saisons de pluies perdues
"dans la nuit des temps depuis leur venue au monde, jusqu'aux
" jeu ne s g en s fou gue ux qui a pp r en aie nt en cor e leu r mé t i e r de gue r ri
"Ils étaient là et observaient tous un silence religieux.
"
On savait naturellementqu'ENGOUANG ONDO avait vaincu
"OVENG NDOLIMOU OBAME. On savait aussi que celui-ci n'était pas
"mort et qu'il allait à nouveau se présenter devant le tribunal
"populaire d'ENGONG. La première fois il avait échappé à la
"sentence de ce tribunal.
( ... )
"
Tout à coup les guerriers se raidirent
ENGOUANG
1I0NDO et ses "compagnons arrivaient sur place.
( ... )
"
Ils;s'arrêtèrent au milieu de la foule, saluèrent les
"anciens et
les guerriers.
( ... )

217.
"ENGOUANG ONDO, ANGONE ZOK et NTOUTOU~1E MFOULOU
"s'assirent sur des sièges pivotants réservés aux guerriers
• va i nque urs.
0 BIA NG
MEDZA et ZE MEDANG se tenaient en retrait
\\\\ derri ère
eux. OVENG NDOUMOU OBAME restait debout au milieu du
"cercle.
AKOMA MBA présidait .... " (1)
AKOMA MBA accorde la parole à chacun des membres du
Conseil des Anciens avant d'annoncer la décision finale.
Dans le
conseil des BENYA BORO, la décision est prise à l'unanimité. L'as-
semblée ne vote pas et ne prend jamais de décision. Sa fonction est
double: confronter les arguments pour et contre et exprimer 1'0-
pinion publique. Les acclamations représentent le seul moyen de
jauger l'opinion.
Chacun des membres du conseil émet une opinion per-
sonnelle. Toutefois, s'il y a divergence d'opinions entre eux, il
faut chercher un compromis car la décision finale peut être des-
tructrice ou bénéfique. Toute décision demande donc
réflexion.
Aucun des membres du conseil ne peut imposer son opinion aux autres
san s qu' i l ne pro uve son è'l~iD q usn ne e t l a log i que des e s a r gume nt s .
Néanmoins dans le collège des BENYA BORD, les guer-
riers de renommée à l'instar des hommes bien éloquents peuvent
influencer la décision finale du conseil. ENGOUANG üNDD chef guer-
rier d'ENGONG est de ceux-là. Malgré la condamnation à mort
(1)
TSIRA NDONG, Le MVETT (1), op. cit. P. 149.

218.
d'OVENG par la majorité du conseil, son avis sauve OVENG de la
mort. L'une des "-institutions" sociales du peuple Fang révélée
par le MVETT est donc le conseil des Anciens ou collège de BENYA
BORO.
- Les "associations"
Le culte des Ancêtre ou le "BYERI".
Si
autrefois le conseil des BENYA BORO jouait le
rôle d'autorité politique et judiciaire temporaire, les décisions
de cette assemblée pouvaient être modifiées par l '''association''
du Byéri. Le conseil des BENYA BORO entretenait la cohésion interne
du groupe; le Byéri était un culte affirmant la continuité de la
lignée et révélait périodiquement la profonde
unité que constituait
la suite des générations. Il
requèrait des sacrifices (réguliers
et circonstanciels) et demandait a être consulté avant toute action
d'intérêt commun: guerre, mariage ...
Ainsi
les Immortels organisent le culte des Ancêtres
pour obtenir l'avis des ancêtres défunts sur l'opportunité d'un
mariage entre ENGOUANG ONDO et EYENGA NKABE, de l'intervention de
leurs guerriers aux côtés de N~BE
MBOUROU contre OVENG NDOUMOU
OBAME.
Le :~~~m·Mvett
ne se limite pas a la simple évocation
du rite, de la cérémonie, il
nous transporte au coeur des cérémo-
nies; sa longue description apporte un témoignage de première main

219.
sur cette "association"
"AKOMA MBA se lève, précédé
du sorcier et suivi
"de tous les vieux de la tribu.
Ils disparaissent derrière
"les cases, bientôt rejoints par le troupeau.
" Entrant
dans une grotte rocheuse, ils s'asseyent en
"rond. Au milieu du cercle le sorcier ANGOUNG BERE
"dispose les crânes de quelques Ancêtres morts au temps
"où le peuple d'ENGONG n'avait pas encore découvert le secret
"de l'immortalité. Ces crânes sont peints en rouge. ANGOUNG
"BERE égorge une vingtaine de moutons dont il verse le sang
"sur les crânes. Ensuite il répand une poudre magique sur
"le tout tandis qu'AKOMA MBA macule de rouge une statuette
"d'ébène coiffée de plumes
d'oiseaux multicolores. ANGOUNG
"BERE entonne un chant que les autres reprennent en choeur,
( ... )
"
Et en silence, chacun plonge son index dans la mare de
"sang, trace un rond sur sa figure et dans la paume de la
"main. Puis tous se lèvent, suivent le sorcier qui s'enfonce
"plus avant dans la grotte, s'arrêtent devant une bougie de
"resine allumée. A cette lumière diffuse, on distingue, debout
"dans une anfractuosité, un énorme cylindre de bois sculpté,
"surmonté d'un crâne de gorille verni. ANGOUNG BERE
ôte
"le crâne tandis qu'un gigantesque serpent boa jallit du
"cylindre vite saisi à la gorge par le sorcier ... " (1)
(1) - TSIRA NDONG, Le Mvett (,1), op. cit. PP. 54-55.

220.
Le narrateur voit et décrit tout.
Il
note tout avec
une précision scrupuleuse. l'association du BYERI jouait un rôle
très important dans la société Fang. Son rôle qui ,est présenté
comme complémentaire du conseil des Anciens et même comme force
antagoniste met en relief le caractère démocratique du système
social. A ce propos Georges BALANDIER écrit:
"La société Fang, par ce jeu de forces plus ou moins
"antagonistes, variables en intensité selon les conjonctures,
"est préservée à l'encontre de toute concentration excessive
"du pouvoir; cela explique qu'elle niait pas permis,
"malgré son caractère de société militaire conquérante,
"l'apparition d'une féodalité au moins rudimentaire." (1)
L'organisation sociale du peuple
ENGDNG
et par consé-
quent du peuple Fang met en relief la participation des vivants et
des morts à la cohésion des membres de la communauté.
Il y a non
seulement cohabitation des vivants et des morts, mais aussi de
l'autorité pol itico-judiciaire que représente le conseil des An-
ciens
avec l'autorité "religieuse" détenue par les "associations"
d'initiés.
(1) -
G. BALANDIER, Sociologie Actuelle de l'Afrique, op. cit.
P.
141.

221.
CHAPITRE II. -
RITES ET CROYANCES.
Les réunions d'initiés, les cérémonies d'initiation,
les hommes qui volent ou se métamorphosent, qui utilisent toutes
sortes d'amulettes et de gris-gris protecteurs, font partie de la
réalité profonde du monde
Fang
Le pays Fang avec ses rites et ses croyances, appa-
rait dans nos récits. Grâce à ses personnages initiés des sociétés
secrètes, des "sciences sacrées", nous sommes au coeur des céré-
monies d'initiation.
Dans ses récits, le conteur - traducteur TSIRA NDONG
utilise à maintes reprises le terme d'''initiation'' sans pour au-
tant oser le définir. Généralement, l '''initiation'' est définie
comme:
"cérémonie par laquelle on était admis à la connaissance
de certains mystères dans les religions anciennes et qui accompa-
,
gne aujourd'hui
l'admission dans les différentes sociétés secretes.
Action de donner à quelqu'un la connaissance de certaines choses
qu'il
ignorait".
Ellé appartient donc au domaine des croyances; toute
initiation permet d'accéder à la connaissance; elle est une Re-
naissance pour le sujet. La connaissance semble être le but de tou·
te initiation.

223.
L'''AKIA'' est une obscure cérémonie sans contrôle de
l'un des parents de l'intéressé. L'enfant est en quelque sorte
transformé en victime; on lui
impose un pacte et se trouve en-
detté envers celui qui
lui a donné un "AKIA". Ainsi, trop souvent,
l'''initié'' doit, pour que le destin qu'on lui promet ne soit pas
faussé, accomplir une tâche; il doit sacrifier un être humain.
En général, l'''AKIA'' appelle un homicide.
Confiant donc dans la croyance que l 'homme peut con-
trôler son propre destin, le Fan9 recourt très souvent à plusieurs
mes ure s pra t i que s : "A K0 ~1 ENGA", "AK1A", 9ris - g ris, bé né di c t ion s . . .
Ce qui nous semble très important dans le domaine de
l'initiation, c'est la confiance que le Fang met dans le pouvoir
créateur de la parole humaine. Car les initiations de l 'AKOMEGA et
de l 'AKIA sont à proprement parler des bénédictions rituelles v'er-
bales, même s'il y a des supports matériels. L'initiateur fait
avant tout confiance à ses dires et l'initié également.
Au cours de l'initiation d'AKOMA MBA et de MEDZA
M'OTOUGHOU, NANG NDONG, leur initiateur prononce des paroles ri-
tuelles à leur endroit:
"~1EDZA M'OTOUGHJ
la terre peut s'assécher, une pluie peut
"provoquer le déluge, des désastres de toutes sortes peuvent

224.
"tourmenter le monde, mais au nord comme au sud nul
ne pourra
lite surpasser en richesse.
Tu auras des femmes a ne plus en
"savoir le nombre.
( ... ) La terre peut s'assécher, une pluie
"peut provoquer le déluge, des désastres de toutes sortes peuvent
"tourmenter le monde, mais au nord comme au sud personne
"ne pourra te (AKOMA MBA)
surpasser en puissance ni en
"sorcellerie. Tu ni ignoreras aucun secret au monde des
"vi vants ou des fantômes.
Dès aujourd 1 hui, tu sauras ce que
"le f)rand magicien d'ENGONG, ANGOLING BERE, garde dans ses
"ses sacs.Toi aussi,
tu épouseras autant de femmes que tu pourras
"toi aussi, on pourra t'appeler riche."
(1)
D'autre part OBAME NDONG invoque les puissances
invisibles en faveur de son fils.
On remarque que les désirs des
i nit i a te urs von t s e réa lis e r . ~~DZ A
M'OTOUGHOU ne dévient-il
pas
le plus riche d'ENGONG ? AKüMA MBA est "l'homme dont le "secret
n'a pas de secrets",
puissance invincible;
pouvoir créateur illi-
mité,
sagesse inimaginable ... ". Quant a OVEI~G, il devient homme
et fer,
puissant et riche; ASSENG ne sera jamais
Immortel
car il
a failli
a sa tâche.
Combien de fois entendons-nous que tel
est riche
parce qu' il
a un "AKOMENGA" ? que tell e personne n'a pas de chance
dans la vie parce qu'elle a raté son "AKIA"
(avus Akia) .... ? Pour
l 'homme Fang,
les magiciens ou sorciers détiennent le secret de la
(1) -
TSIRA NDONG~ Le Mvett (II), op. cit. P. 103.

225.
fortune
et de la réussite sociale mais aussi de l'échec
ce sont
en somme les maîtres du destin.
Le Fang "fabrique" (AKOM)
l'autre comme Dieu le
Créateur. Ne désigne - t-il
pas le Dieu des Chrétiens par "NKOM
BOT"
(celui qui fabrique les hommes) ? N'établit-il
pas un pacte
avec sa "fabrication" comme Dieu avec .l\\DAM et EVE?
Le comportement des initiateurs - la manière de pro-
céder des magiciens- fait apparaître l'absence de la notion du
hasard dans la mentalité Fang et surtout le pouvoir de l 'homme sur
son destin. Tout semble déterminé par avance:
MEDZA M'OTOUGHOU
sera plus riche, AKOMA MBA sera un homme puissant, OVENG NDOUMOU
OBAME un chef puissant et riche ....
Croyant donc en cette ma î tri se des forces de l'uni vers
et du destin, l 'homme Fang est responsable de ce qui arrive, à
lui-même et à autrui.
Il ne croit nullement à la mort naturelle,
c ' est t 0 uj 0 urs l' 0 e uvr e des "B EYEM'~ TSIR AND 0 NG é cri t à jus t e
titre
"Si un homme riche de beaucoup de femmes et d'enfants,
"bon et juste meurt, c'est qu'il
a été victime de la
"Jalousie
et de l'envie des autres, de la sorcellerie etc.
Si

226.
"un homme méchant,
jaloux
égoïste, sorcier, meurt, c'est que
"les bons fétiches se sont vengés de lui." (1)
Toute mort est par conséquent suspecte. OBAME NDONG,
après la besogne des magiciens, déclare:
"Dans deux jours, au village ( ... ), je mourrai d'un rhume.
"Au lendemain de Illon inhumation, la nuit, vous retirerez
"mon corps de la fosse,
l'apporterez ici- vous savez ce
"que vous devez en fa i re."
(2)
Les initiations dont nous venons de parler nous
introduisent dans le domaine de la magie Fang
entendons par
magie:
"un pouvoir, un savoir et une technique de caractère
occulte, possédés par certaines personnes et qui
leur permet de
dominer les forces de la nature, sinon Dieu lui-même."
L'''AKOMENGA'' et l'AKIA" supposent chez le sujet,
l'existence d'une énergie latente, d'une prédisposition qu'il
s'agit d'exciter, d'orienter et de confirmer. Les Fang admettent
un pouvoir secret dont disposent certaines personnes et qui leur
permet de dominer les forces de la nature. Elles ont un ascendant
( 1) -
TSIRA NDONG, Le Mvett (1), op. cit. PP.
14-15.
( 2) -
TSIRA NDONG, Le Mvett (1), op. cit. P.
31.

227.
sur les personnes et les choses.
L' "AKOMENGA" et l' "AKIA" mettent en rel ief 11 impor-
tance de la parole dans la société Africaine en oénéral et Fang
en particulier. Elle est l'une des armes les plus redoutables de
la sorcellerie. La parole est par conséquent douée d'une force
mystérieuse; elle réjouit, réconforte, enthousiasme, ou au con-
traire blesse, déprime, abat.
Elle peut être une bénédiction ou
une malédiction. En un mot, toute parole est créatrice.
x
x
x
Le MBOM-MVETT décrit les cérémonies d'initiation-cé-
.
/
rémonies de transmission de l'"évu"- dans un langage esoténque.
Toutefois, il
nous fait pénétrer dans les milieux les plus secrets,
les sociétés les plus fermées,
les associations les dangereuses.
~ous sommes ainsi trabsportée dans le monde du merveilleux, c'est-à-dire de
la sorcellerie.
Nous avons dit précédemment que les magiciens Fang
sont capables de ma1triser le destin des hommes grace à leurs
puissances surnaturelles. Cependant, ces "BEYEM" continuent à sé-
vir dans la communauté et troublent certainement l'ordre social.

228.
Les Fang redoutent les forces surnaturelles maléfi-
ques, les esprits
mystérieux qui circulent de nuit et dont on ne
cesse, encore aujourd'hui, de rapporter les méfaits.
Les plus ter-
ribles sont les "BEYEM" comme on les appelle chez les PAHOUINS.
Qui de nous n'a pas entendu les histoires les plus déroutantes sur
l'anthropophagie sorcière, les buveurs de sang, le vampirisme, en
un mot sur les méfaits du
NGBWEL
Le Fang redoute donc l '''evu'' que détiennent les "BEYEfV
et que Meinard P. HEBGA appelle aussi
le "Mal-Au-De-Dans-De-Nous".
Tout ce qui
trouble c'est-à-dire qui atteint ou compromet le bon
ordre, la santé, la paix, l'équilibre social., la prospérité, est
imputable à l'intervention d'un agent invisible, d'un évu. Géné-
ralement, l~vu est considéré comme un être étrange maléfique ainsi
que son détenteur (le NNEM) et la société secrète à laquelle il
appartient (le NGBWEL).
Tout prétendu associé du Ngbwël est souvent considéré
comme responsable des malheurs de ses voisins. L"'évu" n'est pas
un ornement, une parure, mais un équipement pour l'action, un dy-
namisme tendu vers le bon ou le mauvais:
"Courroucé, MFOLIMOU ,h\\NGJNGONDO se frappa la poitrine.'
(1) Le geste de MFOUMOU ANGONG ONDO signifie l'appel de ses puis-
sances intérieures, de son "évu", de son
NDZOM
(machin, chose).
Il se dédouble.
(1)
- TSIRA NDONG, Le lV1vett (1), op. cit. P. 36.

229.
Les personnages du Mvett comme les "BEYEM" des Fang,
possèdent en eux toute la puissance qui
leur est nécessaire. Ils
peuvent attaquer ou contre - attaquer, il volent à travers les airs
ils se métamorphosent, ils accompl i ssent les prodi ges
; ils se suf-
fisent.
C'est cette auto-suffisance, dont jouissent les héros du
Mvett- et symbol iquement des Beyem- qui est 11 un des aspects im-
portants du "merveilleux Fang".
Pour se protéger contre ces êtres souvent malfaisants,
le Fang fait confiance aux guérisseurs, magiciens et sorciers qui
distribuent amulettes et gris-gris protecteurs. Elone KAM AFE avant
de partir pour ENGONG puise quelques gris-gris qulil enfouit dans
sa gibecière qui pend à son cou. La description des préparatifs
de BIKUEKUE-bi-Loroto pour son voyage à mikour-MEGNOUNG NIEKO
MBEGNE est un témoignage très important
"Il au'Vrit une grosse hotte enfumée, ramassa des
"fétiches protége-poitrine, des fétiches protège-
"crâne et protège-jarnbes, qu 1 il mit autour des bras,
"des grelots magiques qu'il accrocha aux chevilles.
"Il prit un étui en peau de genette, un étui en peau
"dlunau, un étui
"mon père mla appris à fuir à temps",
"un étui en peau de caméléon "je vis de prudence",
"les avala ... " (1)
(1)
TSIRA NDONG, Le Mvett (II), op. cit. P. 160.

230.
Tout au long de la vie, devant les dangers multiples,
c'est la perpétuelle recherche de la protection. On recourt aux
gris-gris et aux sacrifices pour lutter contre les malheurs. On
invente des recettes magiques pour anéantir les évu anti-sociaux,
pour conjurer le sort, pour être à l'abri des beyem.
"Les esprits
le protègeront" déclarent les BIBAO découvrant la menace qui pèse
sur Elone Kam Afé.
x
x
x
Nous venons de voir que l'homme Fang se considère
comme "libre", comme un individu qui a sa vie entre ses mains.
S'il se sent capable de maîtriser son destin, de le déterminer,
s'il
peut bénir ou maudire, sauver ou tuer, enthousiasmer ou at-
trister, jeter les sorts ou les conjurer ... le PAHOUIN a conscien-
ce de l'existence d'un Etre qui
lui est supérieur. Comme tous les
autres Noirs, il
ne se considère pas comme le "Roi" de la création,
mais plutôt comme l'élément central d'un système auquel~il imprfme
une orientation centripède.
Il a de l'ascendance par rapport au
reste du monde grâce à sa position centrale au sein du cosmos.
L'homme Fang croit avant tout qu'il est une création
de Dieu parmi
tant d'autres. Pour étayer notre argumentation, re-
portons-nous à ce mythe de la création récitée par les Gabonais'
Gabon :

231.
"Enslildte
Dieu
créa
les
hommes.
Cette création
nul
"
ne
peut l'expliquer:
c'est ce que
nous
appelons
"un mystère.
Dieu,
tout
seul,
sans
Compagnon
sans
"
femme,
sans enfant,
sans mère,
sans
père,
sans
"
commencement,
ni
fin,
nous
ne
pouvons
le comprendre.
"
Dieu
lui-même est seul
à le comprendre ...
(1).
L'homme,
création de
Dieu,
les milan-mi-Mvett rév~-
lent également cette
conception
Fang.
La
longue
généalogie du
peu-
rle
d'Ekang
e~ est une belle démonstration.
"
OYONO ADA NGONO,
dans
son coma,
entra
dans
le
"
néant.
Il
ne voyait rien,
i l
n'y avait rien.
Puis
"
soudain Aki
NGOSS
(oeuf de
cuivre)
se
forma
avec
"
quatre
faces.
Il
grossit démesurément devant OYONO
"ADA
ahuri,
explosa
et donna
naissance à
MIKOUR
"mi-Aki
(l'infini).
"
MIKOUR-mi-AKI
engendra BIYEM-YEMA-Bi-NKOUR
(né-
"
buleuse)
BIYEM-YEMA
engendra
DZOP-BIYEM-YEMA (le
"
-
ciel)
DZOP engendra BIKOKO-Bi~;'DZOP (les cieux)
"
BIKOKO engendra NGWA BIKOKO
(1er esprit)
( 1)
-
Ci té
par EN 0 BEll NGA J
0 p.
ci t.
P.
130.

232.
"
NGWA BIKOKO engendra MBA NGWA (2e esprit)
Il
MBA NGWA engendra ZOKOMO MBA (3e esprit)
"
ZOKOMO MBA engendra NKWA ZOKOMO (4e esprit)
"
NKWA ZOKOMO engendra r::EBEGUE-ME-NKA . (5e esprit)
"
MEBEGUE-ME-NKWA engendra trois esprits:
" a. - ZAME-YE-IV1BEGUE
(Dieu de la terre, des hommes
"
et du souffle)(6e esprit)
" b. - KARE-MEBEGUE (Dieu ascendant des Immortels,
" - habitant d'un monde inconnu des hommes) (7e esprit:
" c. - ZONG-MEBEGUE (8e esprit dont on ignore les
"
attributions)
( ... ) - KARE MEBEGUE engendraZAME
" - OLA - ZAME OLA engendra OrSE ZAME
" - orSE ZAME engendra NA-OrSE qui fut très prol ifiqUI
" On l'appelle aussi EKANG NA".
(1)
Création de Dieu, l 'homme Fang semble animé par cette
aspiration fondamentale commune aux hommes de toutes les civili-
sations dont parlent la Bible, les stoïciens, Saint-Augustin,
Pascal: "être des dieux". Ainsi, les combats qui opposent les
(1) -
rSIRA NDONG, Le Mvett (1), op. cit. PP. 21-22.

233.
hommes d'ENGONG à ceux d'OKü ont pour enjeu l'immortalité. Ces
combats sont Un affrontelilent
dans un terrible corps à corps de la
Vie et de la Mort.
Dans la communauté Fang, l 'homme qui est présenté
comme un être libre doit s'efforcer à accéder à la plénitude. Pour
cela, il doit agir en conformité avec toutes règles qui excluent
toute sanction de l'autorité dite supérieure.
Il doit déterminer
qu'il possède en lui ZAME (Dieu)
autrement dit EYô (le créateur,
le reproducteur). Le Fang est invité à déterminer cette présence
divine par:
" la pensée
la pensée, qui est l'instrument de
""t'intelligence
établit le rapport entre l'homme et
" Dieu, c'est-à-dire entre le petit homme (mone moth)
" et le divin (moth : llhomme). Ainsi l'initié sait
" que la chair est seulement habitée par l'homme,
" l'entité divine appelée à regagner les sommets aprè5
" son expérience sur terre. Et le but de toute ini-
" tiation est d'établir entre l 'homme et le petit
" homme une liaison consciente de manière que le pre-
" mier prenne en main le second, lui enlève son man-
" teau d' orguei l dans l'ignorance où il végète et qui
" se caractérise par la poursuite irraisonnée et

234.
" aveugle des plaisirs de ce monde matériel, la
"poursuite des illusions, ensuite que le second
" accepte cette prise en charge par le premier, ce
" r e t 0 u r dan s san a t ure vé rit a b l e e n ;fa i san t
l'e f -
" fort de volonté nécessaire à cette opération inverse
" Cette mutation ne s'effectue pas sans difficulté
" car, persuadé qu'il
doit atteindre les hauts sommets
" de richesse et de gloire dans ce monde-ci,
il
se
" rebelle, se cambre, refuse de s'aventurer dans ce
" qu'il
considère comme l'inconnu.
Entre les deux
" s'installe alors la dualité, cette dualité que
" symbolise la lutte entre le peuple d'ENGONG ou les
" Immortels et le peuple d'OKü ou les mortels.
C'est
" la lutte de l'homme contre lui-même".
(1)
Pour le Fang, ce qui
existe dans l 'homme c'est le
divin, c'est-à-dire l'immortalité, que tout homme s'efforce d'ac-
quérir. L'immortalité est le thème principal de tous les récits
de Mvett comme l'affirme TSIRA NDOI~G lui-même:
"Le thème principal
du Mvett est la lutte continuelle
"de l'homme contre toutes les forces visibles ou in-
"visibles, proches ou lointaines pour la domestication
(1)
- TSIRA NDONG.
Communication au Festival de Lagos, op. cit.
PP. 4-5.

235.
de la vie, l'accès à la survie
et l'acquisition de l 'Immortalité~
( 1)
A propos de l'acquisition de l'immortalité par le
peuple d'EKANG NA, les Bebom Mvett disent qu'elle est l'oeuvre
d'AKOMA MBA.
D'après eux, c'est cet homme
mystérieux
qui, au
cours de la séance de sorcellerie organisée par BISSIGA Bi-NDONG
le Pygmée, profita du combat opposant l'organisateur à l'intrus
de la séance EVOUNG TOM OBIANG, pour s'accaparer des fétiches qui
dispensent aujourd'hui l'immortalité aux hommes d'ENGONG. Acte
de courage disent certains, vol
qualifié r~pliquent d'autres.
Cependant, lorsque nous lisons la généalogie des
peuples d'ENGONG et d'OKU, nous apprenons que les Immortels des-
cendent de KARE-MEBEGUE, tandis que les Mortels ont pour ascen-
dant
ZAME-YE-MEBEGUE; mais en fait, ces deux peuples ont le même
ancêtre: MEBEGUE-ME-NKWA. Nous pouvons par conséquent affirmer
que chacun de ces peuples est une variante de l'autre symbolique-
ment. Si les Immortels existent, c'est parce que les Mortels
existent et vice-versa. Les Fang nous parlent d'eux-mêmes, de
leurs deux images, de la dualité de la vie c'est-à-dire du Bien
et du Mal, du Spirituel
et du matériel. Ils nous parlent du mone
Moth (petit homme) et du moth (l'homme, le divin).
Si on se réfère à l'acquisition de l'Immortalité par
les descendants d'EVINE EKANG, on constate que ceux-ci ~ccèdent
(1) - TSIRA NDONG, Le Mvett (1), Op. cit. P.
12.

236.
la plénitude. Les mortels, animés par ce même désir d'ascen-
sion emploient tous les moyens qui sont à leur disposition.
Qu'est-ce donc que l'Immortalité à laquelle veulent
accéder les hommes d'OKU ?
L'immortalité en tant que terme sigr1ifie' ia qualité
ou l'état de ce qui
n'est point sujet à la mort. Cette définition
nous amène à nous demander ce que signifie la mort pour le Fang.
Le terme "mort" désigné en Fang par "AWU" évoque au-
tomatiquement le terme "vie"
Ening
• Il est bien difficile de
définir la mort dans le contexte Africain en général et Fang en
particulier. Il existe dans ces sociétés une conception bien ori-
ginale à ce sujet. En général, ces peuples croient fermement que
la mort n'est pas une rupture de la vie mais sa continuation à
un autre niveau. Si Diderot dans le "Rêve de d'Alembert" affirme
"naître, vivre et mourir, c'est changer de forme", 1es Africains
en général et les Fang plus particulièrement s'exclament vivement
avec Birago DIOP:
"Ceux qui sont morts ne sont jamais
partis
"ils sont dans l'ombre qui s'éclaire
"et dans l'ombre qui s'épaissit ...

2370'
" ils sont dans l'ombre qui frémit,
" ils sont dans l e bois qui !J émit ,
Mil s sont dans l ' eau qui coule ...
" ils sont dans l a cave, ils sont dans l a foule
" l 8 S morts ne sont pas morts. " ( 1 )
Ces morts-vivants, ce sont les manes, c'est-a-dtre
ceux qui, ayant vécu sur terre comme personnes humaines, sont de-
venus invisibles par la mort, déambulent tranquillement dans les
mêmes lieux que nous vivants. Comme l'écrit a juste titre Domique
ZAHAN
"Vie et l\\1ort sont toutes "données" a l'être humain
"par le créateur; elles sont des connotations fon-
"damentales de l'existence et se trouvent si intime-
"ment liées entre elles que l'une ne peut se concevoir
"sans l'autre".
(2)
Les Fang savent que la mort est la conséquence iné-
vitable de la vie, toutefois ils acceptent mal celle des nouveaux-
nés, car, pour eux, les nouveaux-nés n'ont pas encore vécu. L'ori-
gine de la mort semble liée a l'incapacité de l 'homme d'acquérir
l'immortalité. Cette incapacité est elle-même liée a la possession
(1) - B. DIOP : Souffles.
(2) - U. ZAHAN, Religion Spiritualité et Pensée africaines, PAYOT,
Paris, 1970, P. 62.

238.
d1un évu car d1après
certains mythes
est lié à l'origine de la
mort.
Il ne respecte aucune forme de parenté ou d'alliance.
L'Akia est un genre d'homicide, c'est l'échange d'une vie humaine
contre un évu. ASSENG MBANE ONA doit sacrifier un être humain
pour utiliser ensuite son évu.
Manifestement, les Fang pensent que la mort physique
n'est qu'un changement de statut pour le sujet.
Ils croient ferme-
....
ment que certa-ins "morts ne sont pas morts ll , que certains morts
ne sont jamais partis", que malgré la mort physique de certains
êtres, ceux-ci sont immortels. Ces hommes, ce sont les Ancêtres.
Pour montrer que ceux-ci ne sont pas morts, les Fang organisent
des cérémonies d10ffrandes qui leur permettent de communiquer
avec eux. Cé
ri te est appel é "Byeri".
Le Byéri qui a complètement disparu aujourd'hui
était constitué de crânes (siège de l'intelligence) d1aîeux ; il
était consulté, nous l'avons déjà dit, avant toute entreprise
importante, avant toute décision d'intérêt commun. Les Immortels
organisent à maintes reprises ce culte des Ancêtres. Au cours de
l lune de ces cérémonies ils se mettent à chanter en choeur:
" Nous sanctifions ! Nous sanctifions !
" Nous sanctifions les mânes de la tribu
" Nous sanctifions ! nous sanctifions !
Il
Nous sanctifions le vent et la parole

239.
" Nous purifions ! Nous purifions !
" Nous purifions nos femmes et nos enfants
" Nous purifions!
nous purifions!
" Nous purifions le peuple d'Engong
" Sanctifions!
Purifions!
" Opérons des miracles! " (1)
Les Immortels divinisent leurs ancêtres, leur pré-
sence spirituelle se renforce.
la frontière entre le monde des
vivants et celui des morts est permêable. OVENG NDOUMOU OBAME se
rend au pays des Fantômes consulter son grand-père OBAME NDONG.
Le culte du Byéri met en relief la participation des
Ancêtres morts à la vie de la communauté; ils sont symboliquement
immortels. Mais qui sont ces Ancêtres?
Chez les Fang, tous ceux qui meurent ne sont pas tous
des Ancêtres et par conséquent ne sont pas l'objet d'un culte.
N'est donc pas ancêtre tout mort Fang. D'autre part, tout culte
ayant comme support matériel
des crânes d'hommes morts n'est pas
appelé byéri par les Fang.
Dans la société Fang traditionnelle,
l'homme "est responsable", il
"a sa vie entre ses mains et en fait
(1) -
TSIRA NDONG, Op. cit.,
'(II), P. 55.

240.
ce qu'il
veut", il est libre. A ce propos Tsira Ndong précise
"Pourquoi mourrait-on jeune ou adulte alors qu'on
"acccomplit régulièrement et consciencieusement tous
"ses devoirs, alors que la vieillesse, terme de la
"vie sur terre, t'attend pour le "passage du mur"? ( ..
"
En dehors des cas particuliers et fort rares où
"ils peuvent se livrer au fétichisme homicide, les
"vieillards jouissent de l'immortalité à leur mort.
"c'est pourquoi
ils sont vénérés de leur vivant car,
"en plus de leur expérience et de leur sagesse, ils
"sont appelés à servir d'intermédiaires entre hommes
"et Dieu." (1)
Pour le Fang, aucun mort souillé d'impureté ne peut
être considéré comme ancêtre, par conséquent ne peut servir d'in-
termédiaire
entre les vivants et le Créateur. Cette conception
Fang doit être rapprochée de celle de la Bible, car l'Ecriture
Sainte affirme
"l'âme qui
pêche sera celle qui mourra".
(2) En
un mot, tout pêcheur ne peut acquérir l'immortalité et ses actes
ne sont pas immortels. Tout individu qui meurt' vieux dans le monde
( 1) -
TSIRA NDONG, op. cit, T.
1.
PP. 14-15.
( 2)
-
EZECHIEL
18 : 4, 20.

241.
Fang, s'il
ne s'est pas livré à des actes -portant
atteinte à la
vie des autres membres de la communauté, doit être considéré com-
me un ancêtre, un Immortel.
Il a été le garant de la paix et de
la prospérité du groupe, il devient le guide du clan.
Pour terminer avec l'immortalité, nous pouvons affir-
mer que tout comportement qui respecte les valeurs positives de la
tradition, qui concourt au bonheur et à la prospérité du clan, con-
duit à l'immortalité. L'homme Fang est donc appelé à choisir entre
les valeurs négatives et positives de la tradition.
Cependant,
il convient de considérer la tradition
plutôt comme un ensemble
des acquisitions accumulées par les générations successives d'un
groupe social depuis l'aube des temps, dans le domaine de la vie
de l'esprit et de la vie pratique. Elle est la somme de la sagesse
détenue par une société à un moment donné de l'existence. C'est
l'ensemble des valeurs de civilisation de la race noire en géné-
ral et Fang en particulier; elle n'est pas statique; elle pro-
tège seulement les bons acquits; c'est un moyen de communication
entre les défunts et les vivants car elle représente la "parole"
des Ancêtres.
Les Fang comme tous les autres peuples de civilisation
traditionnelle, trouvent la justification et le sens de leurs
actions non pas dans le futur, mais dans un temps déjà écoulé
"Je fais ceci parce que mes pères l'ont fait.
Et eux l'ont fait

242.
parce que notre Ancêtre lia fait. 1I Quand il
s'agit de valeurs
positives, ce raisonnement immortalise les comportements des
défunts.
L'acquisition de l'immortalité dépend de l'intégrité
physique, psychique et morale d'un individu. C'est en remplissant
cette cond i tion que l' homme Fang accède au rang d'ancêtre et de-
vient l'objet d'un culte. Car, comme l'écrit Dominique ZAHAN
" .... N'e s t pas An c ê t r e qui
lev eut. Las 0 c i été des
Il
vivants ne IIdirige ll vers ce IIparadisll que les morts
Il
qui remplissent certaines conditions bien déter-
Il
minées ll . (1)
L'ancêtre chez les Fang est un homme parvenu à un
grand àge, ayant accumulé avec longévité une grande expérience
des hommes et des choses. Ainsi
OBAME NDONG est l'Ancêtre de la
tribu des Flammes, il est consulté par son petit_fils chaque fois
que ce dernier a un problème important à résoudre. L'avis de l'An-
cêtre peut modifier la première
décision intéressée.
(1)
D. ZAHAN, of'. cit., P. 82.

243.
Les récits de Mvett de notre corpus nous permettent
de prendre connaissance de l lanthropologie religieuse des Fang.
En un mot, le Mvett véhicule les rites et croyances des Fang.
Ainsi, a travers nos récits, nous apprenons que l 'hom-
me Fang est toujours a la recherche de la maîtrise des éléments de
la nature et de son destin. Les multiples cérémonies d'initiation
lui permettent en somme de devenir maître de son avenir, de le con-
naître. Elles servent le plus souvent a "façonner" l'individu.
Elles lui rév~lent la face cachée de la vie et le sacré. Car,
pour l'Africain en général et pour le Fang en particulier, ce qui
est caché est plus profond et plus vrai que ce qui est visible.
C'est ainsi que l'accession a la connaissance profonde s'effectue
par un long et pénible chemin.
" C'est grâce a la valorisation de l 'homme intérieur
" que l'être humain se hisse au-dela de ses limites
" pour ainsi dire naturelles, et accède aux dimensions
" des dieux.
Il devient autre en refusant la valori-
" sation des apparences, pour exploiter en profon-
" deur son être secret. Cela ne va pas sans l'acqui-
" sition d'un véritable "sens du dedans", d1une
"science de l'âme. fit. cel a ne va pas, non plus sans une

244.
"transformation totale de la personnalité qui se
"réalise au cours d'initiations marquées principale-
"ment par la mort du"vieil
homme"
et la résurrection
"d'un être nouv~au. C'est en cela que consiste, à
~ proprement parler, le passage de l 'homme à la
"connaissance. Ainsi, l'être humain se dépasse dans
"la mesure où il acquiert une nouvelle vision de lui-
"même." (1J
Nous avons donc découvert que les Fang organisent
des cérémonies variées pour cette accession à la connaissance.
Par ailleurs, elles sont organisées par les devins, les sorciers,
les magiciens ...
En outre, on a vu que certaines de ces initiations
peuvent être maléfiques. Ainsi, les Fang redoutent les forces sur-
naturelles maléfiques, les esprits
mystérieux
qui circulent de
nuit et dont on ne cesse, encore aujourd'hui, de rapporter les
méfaits. Les plus terribles sont les sorciers qui
logiquement,
possèdent un "évu" ou le "mal-au-dedans-de nous". Mais Evu est
ambivalent:
il
n'est pas seulement porteur de malheur', mais aussi
de bonheur.
Ce que rév~lent nos récits c'est que les Fang croient
fermement que l 'homme possède en lui des forces surnaturelles dont
(1)
O. ZAHAN, op. cit., P. 89.

245.
l' "évu".
Il
n' e'st pas un ornement, une parure, mais un équipement> Q()UJ>'
l'action.
Les prodiges faits
par nos personnages le sont grace 8
l'''évu''.
Son existence met en relief celle de l'association secrètE
du Ngbwel.
. Comme l'écrit notamment Meinrad P.
Hebga
:
" L' homme doué de hu
(évu) est avant tout cel ui qui
" voit l'invisible,
le monde du Ndimsi, qui évolue
" avec aisance,
comme en plein jour, dans
le monde
" de la nuit.
Il
jouit d'une double vue;
il
a quatre
" yeux, c'est-8-dire une intelligence hors du commun,
" une pénétration, une intuition et un flair absolu-
"ment exceptionnels.
Un homme,
un animal
déjouent-
"ils tous les pièges, éventent-ils tous les complots,
" on dira avec une admiration mêlée de crainte et
" d'envie :"il
a un hu
!"
(1)
Le Fang croit donc que l 'homme se suffit et qu'il
suffit que celui-çi exploite suffisamment ses trésors intérieurs.
Les héros du Mvett ne le font-ils
pas assez quand ils se "frappent!
la poitrine", quand ils se métamorphosent ou qu'ils s'envolent .. ?
(1)
- Meinrad P. Hebga, Sorcellerie chimère dangereuse .. ?,
Inades'
Abidjan,
1979, P.
106.

246.
Ils jouissent de pouvoirs surhumains qui
leur permettent d'agir
comme des dieux.
Il
Peuple ou individu, clest en soi même, en son
Il
for intérieur, aux sources authentiques de sa valeur
Il
réelle, que chacun de nous doit trouver l'énergie
Il
pour résoudre ses propres problèmes et dominer son
Il
des tin. Il (1)
Enfin, dernier aspect de l lanthropologie religteuse
Fang que nous révèle le ~'vett : La croyance à la perméabilité
des frontières entre les vivants et les morts. Cette perméabilité
des frontières est mise en relief par l lorganisation des cérémo-
nies ésotériques rel igieuses tel
le culte des Ancêtres ou le
"byéri ll Fang. La cérémonie organisée par les Immortels pour ré-
pondre à tYE;J~i\\ NKABE est justement le rite Fang du IIByéri". Car
chez les Fang, toute décision importante est prise en accord avec
les défunts.
Ils sont les médiateurs\\'entre les vivants et Dieu à qui
l 'homme Fang ne peut sladresser directement. En un mot, le culte des Ancêtres
i:lontre bien que les limites entre la vie H la mort sont, en réalité inexis-
tantes. La vie naît de la mort et celle-ci, à son tour est le prolongement
ae la vie; dloù le thème de l'immortalité. Quand un hQmme est mort, il ne
devient pas une âme séparée comme disent les Européens, mais change de nom
et donc de statut personnel. Il est désormais un mâne et entre dans la caté-
gori~ des Ancêtres.
(1)
- Président Léon MBA, 17 août 1961.

247.
CHAPITRE III.
AUTRES ASPECTS SOCIAUX FANG
Les récits de Mvett, de nouveau, témoignent: guerre
et paix, deux faces de la société Fang, deux éléments importants
du comportement de l' homme Fang.
- La guerre
Le Mvett est né dans la guerre, pour la guerre et
il
raconte les guerres.
Ses conditions de naissance et de décla-
mation, ses récits qui mettent continuellement aux prises les Im-
mortels et les Mortels
font du Mvett un" récit guerrier" pour ne
Da s d ire une "é pop é e ". En f ait, un r é c i t de Mve t t dan s l e qIl e l i l
n'y a pas de violents combats n'est pas un vrai récit de Mvett.
La guerre est l'âme des "milan-mi-Mvett". Elle joue un rôle con-
sidérable souvent prépondérant dans les littératures dites "Pri-
mitives". Elle cont-inue à être l'un des thèmes les plus importants.
Elle n'est pas seulement thème, elle est également
sujet, prétexte et toile de fond.
Imaginez l'''Iliade'' sans la
guerre de
Troie..>
la "chanson de Roland" sans Roncevaux,
le récit
d'OVENG
sans la bataille de MEKA-ME-MEZOK ... L'homme organisé en
société a toujours fait la guerre et il en a toujours parlé. Le
thème de la guerre est un thème universel qui a fait couler beau-
cou P die ncre e t qui con tin ue d' e n f air e cou 1er. Pou r quo ire vie nt- i l
inlassablement dans tous les Mvett ?

248.
En fait,
peu de documents nous sont parvenus concer-
nant les guerres livrées par les Fang. Cependant, cette absence
des documents n'est pas totale. Les Fang ou Pahouins ont encore
à l'esprit les guerres d'Obane.
LVGbane se situe aux environs de
1885 et coïncide donc avec la pénétration Européenne. C'est une
guerre généralisée opposant des ligues de clans. En fait, c'est
un mouvement de pillards: des bandes armées arrivent subitement
dans un village faisant fuir les habitants de par leur grand nom-
bre. Ensuite, ils sont libres de s'accaparer de toutes sortes de
richesses qui leur sont abandonnées, même les femmes et les enfants
qui
n'ont pas pu fuir les assaillants. Dans certains cas, des con-
trées informées de l'arrivée éventuelle des pillards, s'organisent
efficacement pour leur faire face. L'Obane a été un grand événe-
ment dans l 'histoire des Fang. Il demeure dans la mémoire sociale
de ce peuple. L'Obane est une guerre économique. Le comportement
d'Emane Toung Afane à travers les tribus Yebikoum et les autres
peuplades des abords du fleuve Bevuyeng est une preuve incontes-
table. Emane Toung Afane fait une randonnée de rapines. Nos récits
font état des
razzia
opérées par des puissants guerriers.
D'a ut r es hy pot hè ses con ce r na nt l' a ban don
pa r les
Fang de leur premier territoire, font état des guerres livrées par
ce peuple vers le 17e siècle
contre les troupes Fulbé d'Osman
Dan FODIO ou contre les guerriers Bavuté. Les Fang ne sont pas un
peuple introverti.

249.
De nombreux auteurs ont qual ifié les Fang de "con-
quérants" et ont insisté par ailleurs sur leur caractère "farouche"
Pour arriver sur les terres qu'ils occupent aujourd'hui, ils ont
sans aucun doute livré des combats contre d'autres peuples. Tsira
NDONG confirme:
" Les Fan g f uy aie n t sur t 0 u t
les Mvè lés 0 u
Ba s sa
" habitant actuellement le Cameroun ( ... ) La décou-
" verte du Mvett se situe à l'époque des migrations
" Fang.
Les Fang descendent, selon les contes et les
" réci ts de nos anci ens, des bords du Ni l, d' où ils
" semblent avoir été pourchassés par les Mvèlés ou
" Bassa.
Au cours de leur fuite,
l'un d'entre eux,
Il
OYONO P..DA NGONO, grand musicien et guerrier, s'éva-
"nouit
subitement. On porta son corps inanimé pendant
" une semaine de fuite.
Après ce coma, OYONO revint à
" la vie et annonça aux fuyards qu'il
venait de décou-
" vrir un moyen sûr pour se donner du courage.
Hommes,
" femmes et enfants se groupèrent
autour de lui et il
" harangua à peu près en ces termes:
"Mes frères,
" les Mvèlès sont plus puissants que nous,
ils nous
" pourchassent partout, mais nous devons nous venger.
" Puisque nous ne pouvons rien contre ces maudits
" Mvèlés, allons toujours de l'avant, mais à notre

250.
" tour pourchassons toutes les races, fortes ou
" faibles, que nous trouverons sur notre chemin.
" Nous pillerons les villages pour nous ravitailler,
" ferons aux autres ce que les ~1vèlés nous ont fait".
( 1 )
Ce sont les souvenirs de ces luttes qui hantent les
récits de Mvett. La guerre est en quelque sorte la première préoc-
cupation des peuples de nos récits. Les Immortels s'opposent aux
Mortels
les Yemikabe s'opposent aux orageS ... Les appellations
de ces tribus mettent aussi en relief la place que la guerre oc-
cupe dans ces sociétés: tribu des nammes
tribu des Orages, tri-
bu des Magnans, tribu des Yebikoum (les souches), tribu des Yebi-
lop (chenilles venimeuses) .... La rivalité est toujours la cause
des guerres qui mettent ces peuples aux prises.
Les Fang font la guerre pour piller les biens d'au-
trui, pour avoir des richesses,
pour avoir des femmes et des en-
fants. La guerre est à la fois un moyen de s'enrichir de dominer.
i
L'intérêt économique et l'intérêt politique sont indissociables
et passent l'un dans l'autre: Commander un groupe soumis, c'est
en même temps le posséder, c'est immédiatement contrôler ses ri-
chesses. Les victoires "militaires" d'Emane Toung MFane sur les
tribus Yebilop, Yekang, Yessom et Yefire permettent à cet homme
puissant Yebikoum de razzier les villages traversés et d'aller
(1)
-
T5IRA NDONG, op. cit., T.
1.
PP.
15-16.

251.
grossir sa tribu. Après la victoire des Yemebem sur Emane Toung
MFAne, l'un des guerriers Yemebem s'écrie:
" -
Nous sommes devenus des hommes, mes frères. Di re que j 1 au-
" rai ,au moins trois femmes,
et avec des enfants, pour
" un effort aussi
bénin!
Riche,
je vais devenir ri-
" che. As-tu vu la jolie fille qui courait en tête
"du convoi? Elle a des seins aussi
gros que des
"avocats, un de ces visages ... J'en frisonne encore
" de plaisir ...
Et elle est allée tout droit dans ma
" case
!"
(1)
Outre l'Obane,
il
existait, comme nous l'avons affir-
mé précédemment, de nombreuses guerres opposant des tribus Fang
entre elles.
Le marquis de Compiègne évoque une de ces expéditions
punitives:
"Les hommes armés jusqu'aux dents, et pei nts en guerriel
"dansaient à grand renfort de tam-tam devant une sta-
"cbl1ci:ttè-[''grossièrement sculptée qu'ils voulaient sans
"doute
'. rendre favorable.
J'appris ensuite ... qu'il~
"(Osyebas) se préparaient à partir pour attaquer un
"village voisin dont le chef avait enlevé deux femmes

leur village".
(1)
T5IRA
NDONG, op.
cit., T.
2.
P.
51.

252.
Chez les Fang, les rapts de femmes mariées, les adul-
tères ont souvent été causes de conflits. L'alliance dont la fem-
me était l lune des pièces maitresses s'inversant en conflit. A ce
propos Balandier écrit:
"... Très tôt, les rapports administratifs ont signalé
" la fréquence des "palabres dues à des questions de
,'7
" femmes".
(1)
Avoir une femme dans la société Fang apporte le pres-
tige personnel, se la faire ravir constitue un défi qu'-j1
faut
obligatoirement lever. Mais n'oublions pas que
la femme fait par-
tie des richesses de l'homme Fang, c'est un bien "économique". En
avoir plusieurs c'est être riche.
NANG NDONG dit à MEDZA M'OTOU-
GHO U :
" MEDZA WOTOUGHOU, la terre peut s'assècher,une
pluiE
" peut provoquer le déluge, des désastres de toutes
" sortes peuvent tourmenter le monde, mais au nord
Il
comme au sud nul
ne pourra te surpasser en richesse.
Il
Tu auras des femmes à ne plus en savoir -le bon
" nQmbre"
(2).
(1)
G. BALANDIER, op. cit.
P.
l2I.
(2)
T5IRA NDONG, op. cit., ;T. 2 . . P.. 10I.

253.
D'autre part, les deux principaux conflits qui oppo-
sent les Immortels aux mortels dans nos récits ont pour cause.
des
rapts de femmes. Les Immortels entrent véritablement en guerre con-
tre OVENG parce que le chef des Flammes leur a ravi EYENGA NKABE.
Les hommes d'Engong se considèrent lèsés par ce ressortissant
d'OKü. Ne jouissant d'aucune personnalité juridique dans la so-
ciété Fang, elle "appartient" à la communauté, à la tribu et doit
être protégée par son nouveau clan, c'est-à-dire la tribu de son
ma ri.
EYENGA NKABE qui d'après la coutume est considérée
comme l'épouse d'un ressortissant d'Engong est défendue par ce
peuple.
Quant au G:o_mbat'entre ASSENG MBANE et l es Immortel s,
il a pour cause le rapt d'OYANE MEDZA par le chef YEMEBEM. Dans
ce cas, la femme est protégée par sa tribu d'origine,
par ses frè-
res. En un mot, la femme est souvent cause des conflits. Elle est
en même temps sous la protection de la tribu de son mari et de sa
tribu d'origine. Le Mvett met en relief l'un des rôles de la fem-
me dans la société Fang en tant que cause de conflits. Il révèle
donc l'importance que les Fang accordent à celle-ci.
Enfin, la société Fang a su également réagir aux agres-
sions extérieures venues d'autres continents. Elle s'est révoltée

254.
contre les Européens. BOURDARIE rapporte la révolte de Ouesso
(Congo), habitée par les Fang. Dans la région Beti, on note l'hos-
tilité des Beti aux allemands notamment le rassemblement Beinë
contre les Allemands, la ligne Mvog Manzë contre Zenker (Allemand)
en 1891
. Tsira Ndong révèle à ce sujet:
"
L'occupation du pays Fang par les occidentaux ne
" s'est pas passé sans ,accrocs.
De sanglants combats
" ont marqué la pénétration européenne et, souvent
" la solution se trouvait dans la négociation, l,é-
,
" tranger préferant traiter que d'utiliser la force
" dont il était, en l'occurence, peu sûr. A armes
" égales, il fallait renoncer à combattre les Fang.
"t~ais ce bon vieux temps appartient déjà à l'his-
Il
toire."
(1)
Ce "bon vieux temps" de l 'histoire de ce peuple, le
Mbom-Mvett s'efforce de ne pas l'oublier. L'épisode concernant
la rencontre d'Angone Endong et du chef blanc est l'un des sou-
venirs de ces échauffourées opposant les Fang aux Européens.
BALANDIER à ce propos témoigne:
" Les Fang n'ont renoncé que tardivement à une po1i-
" tique de conquête à laquelle ils excellaient du
(1)
T5IRA NDONG, op. cit.,
T.1.
PP. 15-16.

255.
"fait de leur valeur combattante et de leur capacité
" assimilatrice. Jusqu'à la veille de 1914, l'admi-
" nistration siest heurtée à des associations guer-
" rières, les Bizima (miliciens), opérant aux abords
" de la rivière Okano ; et un rapport de 1922 précise
" encore que l'indigène n'est pas encore en main".
(2)
De son côté, les récits de Mvett témoignent à propos
de ces guerres coloniales
"
laissant NDENGHBE NKA derrière eux, ils (guer-
" riers d'Engong) parviennent au pied du mont ODOK
" où Angone Endong avait combattu les Blancs.
"
Angone Endong Oyono, soufflet ramollisseur des
" métaux, l'écureuil-de-la-saison-des-pluies-aux-
" neuf-nids, était en train de limiter la zone d'in-
" fl uence du peupl e d' EirtlgàrflaZok Mebeghe me- Mba,
" l'olivier dressé sur la colline que toutes les tri-
" bus voient, lorsqu'il rencontra les Blancs pour la
" première fois.
Ils étaient nombreux, armés de fusil~
" et de longues épées, montés
sur des chevaux,
(2) -
G. BALANDIER, op. cit., P.
131.

256.
Il
coiffés de casques d'acier et la poitrine
Il
protégée par un bouclier de fer.
Une multitude de
Il
guerriers Noirs les accompagnaient. Leur chef, le
Il
chef Blanc, montait une grande machine à quatre
Il
roues qui n'avançait que sur route préalablement
Il
apprêtée pour son passage.
Et quand on devait tra-
Il
verser un grand fleuve, on démontait la machine,
Il
mettait les pièces dans les pirogues et la remon-
" tait de l'autre côté.
Il
Angone Endong envoya un émissaire demander au
Il
chef Blanc d'où il venait et ce qu'il faisait dans
" le pays. Le chef Blanc répondit qu'il arrivait du
"Nord, qu'il
cherchait du bien aux populations ren-
Il
contrées, qu'il
possédait beaucoup de marchandises
Il
qu'il échangeait contre les richesses du pays,
" principalement contre de l'ivoire, et que" si Angone
Il
voulait, il était disposé à discuter avec lui des
Il
modalités d'une alliance éventuelle. Angone ENDONG
Il
demanda à voir le chef Blanc en personne.
Ils se
Il
rencontrèrent sur une éminence, au moment où le
Il
soleil
vient de s'affirmer dans le ciel.
( ... )
"
Ce Blanc utilisait des Noirs pour conquérir leurs
" frères Noirs, comme le chasseur use des chiens pour
" chasser les animaux ... " (1)
(1) -
T5IRA NDONG, op. cit., T. 2.
PP.
184-185.

257.
Cette rencontre entre ANGONE ENDONG OYOI~O et l' hom-
me blanc s'achève par des combats meurtriers. Pour les Bebom-Mvett,
elle constitue un "nlan-Mvett" à part entière.
De multiples détails
que contient l'extrait précité témoignent sur les échanges com-
merciaux entre les colonisateurs et les autochtones Fang, sur la
présence aux côtés des colonisateurs des "tirailleurs Sénégalais".
Personne n'ignore que les Européens étaient souvent accompagnés
de Sénégalais au cours de leurs expéditions coloniales:
"Malami-
ne était un Noir Sénégalais que Brazza avait recruté à Dakar lors
de son deuxième voyage",avons -nous appris au cours primaire.
Le conteur-traducteur TSIRA NDONG a lui-même vécu
sous la colonisation, a lu des livres et entendu des légendes à
ce sujet. Nous pouvons nous douter qu'il a.
gardé certains sou-
venirs de cette époque.
La guerre chez les Fang apparaît comme un élément
du comportement et comme un fait historique.
Les guerres du Mvett
doivent être considérées comme une réminiscence des batailles li-
vrées par ce peuple à l'intérieur et à l'extérieur; c'est-à-dire
des combats qui ont opposé les tribus Fang entre elles ou le peu-
ple Fang contre des "Etrangers". Ces guerres de la "protohistoire"
Fang sont transformées en légendes et sont embellies par les Bebom·
Mvett.

258.
Elles ont souvent pour causes la soif de puissance
e t las 0 i f des r i che s ses. Tou t co mm e les Fan g» ~,@:s
pers 0 nnage s d u
Mvett font la guerre pour assouvir leurs désirs, pour se défendre.
Le thème de la guerre met en relief les formes de
violence, de répression ou d'oppression que comporte l'organisa-
tion sociale Fang. La permanence de ce thème dans le Mvett lui
donne le caractère d'une histoire tronquée. Cependant, le Mvett
est autre chose que l 'histoire. Nous y reviendrons dans notre
conclusion finale.
Enfin, la guerre pour le Fang signifie l'échec de la
"palabre", de la négociation. Cependant, toute guerre Fang débou-
che:
soit sur l'alliance, le gage de la paix étant l'échange des
femmes,
le don d'une femme ou le don d'un vivant pour un tué;
soit sur une condamnation à mort. Qu'elle allie ou qu'elle con-
damne, la sentence est prononcée
unanimement par les vivants en
communion avec les esprits des Ancêtres.
x
x
x
La paix.
Si nous considérons le terme Fang désignant la paix,
nous constations qu'il
est synonyme de prospérité, de santé. Paix

259.
en Fang se dit IIMvoghe ll • Le sens que ce mot a dans cette langue
est donc vaste. Car, la santé est certainement une paix physique
et morale. En un mot, la paix désigne un état de stabilité, de
prospérité, l'absence de confl its. Manifestement, elle est l'état
contraire de la guerre.
x
x
x
Le thème de la paix est un thème universel. Tous les
peuples du monde en général veulent la paix et les Fang en parti-
culier. Ce désir de paix, cette soif de la fraternité entre les
peuples, le premier récit de notre corpus en apporte une démons-
tration : "l'anéantissement
du fer amènera la paix sur le globe ll
déclare le héros principal de ce récit. Car, pense-t-il, le fer
qui
sert a la fabrication des armes, est la cause de la destructior
de l' homme par l' homme.
Ce thème de la paix comporte deux motifs dans cette
première histoire: l'anéantissement du fer et le mariage. Le
Mbom-Mvett par ces deux motifs, pose le problème de la vraie voie
qui conduit a la paix durable. Comme nous le verrons plus tard,
l'anéantissement du fer, synonyme du désarmement unilatéral des
ennemis virtuels est cause de guerre et de conflits:

260.
" Ne devais-tu pas apporter le bonheur a ta tribu,
" quitte aux autres de solliciter des largesses sans
" histoires ?" demande übame NDONG a son petit-fils
venu lui
rapporter les malheurs de son peuple. Le peuple Fang,
même s'il
est un peuple conquérant certainement cruel veut éga-
lement vivre en paix avec les peuples voisins.
Chaque tribu si
puissante soit-elle cherche a établ ir des relations avec d'autres.
Les tribus Fang ne sont donc pas assoiffées
de puissance même si
tuer un homme (1) est un acte honorable.
Le Mvett témoigne sur ce
désir de paix
" Tout peuple,
si
puissant soit-il, doit avoir de bons
Il
rapports avec d'autres peuples et compter des amis
" sérieux parmi
les hommes qui
les dirigent.
Je veux
" qu'on nous enlève l'épithète de sanguinaire si
ré-
" pandue a travers le monde et qui sert
défavorabl e-
" ment nos bonnes intentions.
Engong, avec toute sa
Il
pu i s san ce, ne se rai t qui i g n Dm in i e et déc a den c e
" s'il
ne cultive pas l'entente entre les peuples et
"l'amour de l'homme pour son semblable". (2)
Ce passage confirme que la cruauté du PAHOUIN est ra-
rement irréfléchie et ne s'exerce pas
pour le plaisir. Ces paroles
( 1) -
Homme : Etrang~r = "celui dont on peut se frotter le sang
sur la cuisse sans enfreindre aucun interdit ll •
( 2) -
TSIRA NDONG, op.
cit., T.
1.
P.151.

261.
d'Engouang ONOO au cours du procès d'OVENG NOOUMOU OBAME qu'il
vient de combattre farouchement et de vaincre mettent en relief
la volonté d'alliance~ le désir de coopérer avec les autres.
Nous avons dit que l'autorité judiciaire qu'est le
Consei'l des Anciens dans la société traditionnelle ne prend pas
de décision finale sans confrontation des opinions.
Cette
décision finale est prise à l'unanimité. Ces deux affirmations
révèlent que la société Fang utilise abondamment la palabre~
c'est-à-dire la négociation. Tant que l'adversaire après une
guerre~ n'est pas anéanti ~ asservi ou enfui
la paix entre adver-
saires souverains ne peut résulter que d'un accord mutuel. Pour
aboutir à ce compromis~ chacune des parties en présence s'expl i-
que:
c'est la négociation de paix. Celle-ci est en fait'..-un épilo-
gue judiciaire dans notre premier récit; elle se réduit aux discours d'ENGOUANG
O~JO et d'OVENG NOOUMOU OBAME :
" ENGOUANG ONOO :. Il ne m'est malheureusement pas
"possible
d'accéder au désir de mon ami OVENG NOOU-
Il
MOU OBAME d'épouser EYENGA NKABE. Je tiens à res-
Il
pecter la volonté de mon beau-père NKABE MBOUROU.
" Kien
d'ailleurs~ à regretter de ce côté car je
" propose à l'homme de la tribu des Flammes la main
" de ma soeur MENGUE M'ONOü qui en beauté n'a d'égale
" qu'EYENGA NKABE (1)
( ... )
(1)
TSIRA NOONG, op. cit., T.
l.~
P. 152.

262.
>:
Il
OVENG NDOMOU OBAME
: Hommes d'ENGONG, ne jugez pas
" ma personne, jugez mes intentions.
Ce qui
me vaut
" aujourdlhui devant ce tribunal, c'est d'avoir voulu
" couvrir de paix l'humanité entière. C'est d'avoir
" compri s dès mon jeune âge que le bonheur de l' homme
" dépendait uniquement de la paix; que les guerres
" ruinaient le monde.
Je conçus alors un projet:
" éliminer la guerre des préoccupations de l'homme.
" Mais il
fallait remonter le cours de l'histoire.
"
Dans les propos se rapportant à la guerre que
" me tenait chaque soir au corps-de-garde mon
," père NDOUMOU OBAME,
l'usage abusif du métal
reve-
" nait souvent. Et, comme vous pouvez le constater
" les tribus qui
n'emploient le métal
que pour sa-
" tisfaire leurs menus besoins naturels sont toujours
" brimées par celles qui
les utilisent à des fins
" de domination. Débarrassez tous les hommes du métal
l' e t vou s ver r e z que leu r s que rel les ne dép a s s e r 0 nt
" jamais le niveau de simples frictions de familles.
" ( ... ) Et alors,
j'ai agi ... Vous connaissez la
" suite ...
"
Le hasard a voulu qu'un homme puissant, ENGOUANG
" ONDO, qui a toute mon admiration, entrave mon oeu-
" vre à cause d'une histoire de femme partie de la
" tribu des
Orages. Mais là n'est pas le point grave

263.
" de la situation. Il
s'agit surtout de ma tribu
" des Flammes. Accepteriez-vous qu'elle disparût
" à jamais de
la surface du globe? Je suis prêt à
" tout accepter sauf la mort complète de ma tribu,
" et c'est avec grand plaisir que je me marierai
" avec la soeur de mon ennemi d'hier, aujourd'hui
" mon ami et défenseur, si le tribunal
le décide.
" J'ai parlé." (1)
Dès que la guerre totale s'avère impraticable pour
le Fang, on instaure la négociation
car
elle apparaît comme la
procédure la plus commode pour règ1er les conflits entre les hom-
mes. ENGOUANG ONDO avant d'entrer en guerre contre OVENG lui pro-
pose une discussion sérieuse qui doit leur permettre d'aboutir à
une "conclusion fructueuse".
Victoire ou défaite, les palabres pour la paix sont
engagées pour établir une paix plus ou moins durable entre les
ennemis d'hier. Pour 1 'homme Fang, les tribus pour éviter la
guerre doivent s'allier par l'intermédiaire des échanges matrimo-
nia ux : " Le Fan g, é cri t 1e R. P. TRI LLES,
é pou s e rad 0 nc une jeu ne
fille pour se procurer des alliances dans les autres tribus, ac-
quérir ainsi plus d'influence, ayant plus d'hommes rattachés à
(1) - TSIRA NDONG, op. cit., T.
1.
PP. 152-153.

264.
lui par les liens du sang." Le mariage est source. d'''alliances ll
et de parenté; "il crée des liens qui
lIaccrochent" entre eux
les groupements familiaux et
c~aniques.
Ainsi, les mariages d'Elone KAM AFE avec OYANE MEDZA
jeune fille d'ENGONG, d'EYENGA NKABE du monde des Orages avec
ENGOUANG ONDO chef de l'armée d' ENGONG allient leurs peupl es respec-
tifs. Les risques de (guerres sont
minimes. Le mariage rapproche
des gr 0 u pe men t s d "' Et r a ngers"
; car, l' Il Et r an ge r" est dé fin i par
le Fang "comme celui dont on peut se frotter le sang sur la cuisse
sans enfreindre aucun interdit ll
Le mariage concourt à l'instauration de la paix dans
le groupe PAHOUIN. Car, si un ressortissant de la tribu Essangui
( 1) de Mi Yé l é (2), é pou s e une fil l e NKODJ E
(3) d'ANGANG,·(4) il naît
un "Abègnë~ c'est-à-dire que les deux villages et dans une large
mesure les deux tribus sont i1accrochésll
entre eux. Ces nouveaux
liens imposent des devoirs et des droits aux deux pôles de l'union
les ressortissants de Miyélé-Essangui et ceux d'ANGANG-NKODJè. Les
enfants nés de cette union et qui appartiennent
au village de Miyélé
ne doivent pas faire la guerre aux ressortissants
ANGANG
. Leur
père est soumis au même devoir de réserve. Cependant, si un conflit!
(1) - ESSANGUI
tribu NTOUMOU que l'on rencontre dans le ~IOLEU­
NTEM.
( 2 ) . -. M1 YEL E
village des environs d'OYEM.
( 3) - N~aDJE
a ut r e tri bu NTOU MOU d e l a r é g ion d u Wo leu - NiE em .
(4)
- ANGANG
village des environs d'OYEM.

265.
met~\\1X prises le village de leur père, qui est aussi le leur, et celui
de leur mère, ils sont, en compagnie de leur père, les médiateurs
attitrés.
D'autre part existe à côté de cette "alliance" tribale,
la parenté. Les Fang respectent beaucoup la parenté et tout af-
frontement entre hommes du "même sang" est interdit, ou plus pré-
cisément est à éviter. Ainsi ,les héros de nos récits déclinent
toujours leurs identités,s'efforcent
d'éviter un affrontement
sanglant entre frères du "même sang".
Enfin, pour marquer la fin des hostilités, les Fang
font le don d'un vivant pour un tué ou le don d'une femme, celle-
ci étant l'élément le plus important d'une alliance, d'une paix
durable. ASSENG MBANE ONA reçoit deux
Immortels en réparation du
rréjudice que les hommesd'ENGONG. lui ont causé en tuant son père.
Quant à OVENG NDOUMOU OBAME, l es
descendants
d' Ekang Na font la
paix avec lui en lui offrant Mengué M'ONDO.
Le Mvett nous révèle donc que le peuple Fang a bien
une autre face qui est celle de la paix. Cette paix passe par
l'alliance des peuples dont le mariage est l'une des formes les
plus répandues. Par le jeu du mariage, les hommes s'allient,

266.
créent de nouveaux liens de parenté: NKABE NBOUROU devient l'a1-
lié des Immortels en leur donnant EYENGA NKABE comme épouse, E10ne
KAMAFE
n'est pas combattu par les Immortels car il désire se maril
avec OYANEMEDZA )la fin des hostilités entre OVENG et les hommes
d'Engong est marquée par une union matrimoniale.
La paix est donc fondée sur la fraternité entre les
peuples dont le jeu du mariage dans lequel
se manifestent les sen-
timents d'amour et d'alliance est l'une des voies. L'union matri-
moniale chez les Fang ne doit pas être considérée uniquement comme
une façon de s'enrichir mais comme un facteur de paix et d'amour.
Les guerres viennent de l'incompréhension des hommes, la paix et
l'amour viennent de leur compréhension. La femme doit être consi-
dérée comme une ambassadrice
qu'un clan accrédite auprès d'un
autre. L'ensemble de ce que nous appelons relations internationa-
les et diplomatie, dans leurs manifestations pacifiques, est régi
en temps de guerre ou en temps de paix par les mariages.
x
x
x
La "circulation des femmes"
Nous venons de voir que la guerre, dans la mesu·re
"
00 elle procure les richesses est un élément de l'économie pour
le Fang traditionnel, que la paix a pour gage l'offre d'une femme

267.
c'est-à-dire que le mariage est un jeu d'alliances. Cependant, le
Mvett nous révèle un autre aspect social
Fang, celui de la "cir-
culation des femmes" pour ne pas dire la procédure du mariage chez
les Fang.
Nous affirmons, et au risque de nous répéter que le
mariage est un élément de l'économie Fang. La femme fait partie
des biens de l' homme. Avoi r beaucoup de femmes c'est être "NKu-
kuma
(riche) car, si les femmes sont fécondes, elles donnent
naissance à plusieurs enfants.
"MEDZA M'OTOUGHOU est un homme
assis, un homme riche.
( ... ) On dit qu'il a plus de neuf centaines de
milliers de femmes qui déversent des enfants à ENGONG comme des
reines fourmis"
(1) affirme le conteur par la voix de ZE MINKO.
,
Par ailleurs, ASSENG MBANE ONA replique à sa femme
NKENE MESSIE rendue jalouse par l'arrivée d'OYANE MEDZA en lui
déclarant:
" - Allons, cesse de divaguer. Tu sais très bien que
" je suis forcé d'épouser beaucoup de femmes pour
" montrer aux hommes que je suis riche." (2)
Des propos identiques sont encore tenus aujourd'hui
par de nombreux hommes Fang.
-(1)
- TSIRA NDONG, op. cit., T.
2.
PP. 99-100.
(2) - TSIRA NDONG, op. cit., T. 2.
P. 202.

268.
Les récits de notre corpus apportent des
preuves
en ce qui concerne la procédure du mariage chez les Fang. Pour
ce qui est de la quête amoureuse, le jeune homme Fang qui cherche
à se marier doit aller chercher femme ailleurs.
Tout mariage se
fait en dehors de son clan. Les Fang pratiquent le système de
l'exogamie. Ainsi, ALONE KAn AFE est invité à quitter sa tribu
Bibao pour les pays du sud:
"
Tue sun h0 mme, .(L 0 l'~ E KM·1 AFE. Tue sun h0 mm e e t
" un grand homme. Pas seulement un grand homme, mais
" aussi un homme puissant.
( ... )
"Maintenant,
-il est temps pour toi de prendre femme.
" Nous, les Bibao, nous avons toujours eu pour habi-
" tude de nous marier avec les filles des tribus du
" sud. El les son t b i en éd uq ué e set t r è s f i dè les . " ( 1 )
Toutefois, le fait de base de la procédure du mariage
est la "dépendance" initiale de la fille:
"Une fille est sous la
dépendance de son père, de sa mère, de son frère ou de tout autre
proche de cette famille.
En fait, ce sont les parents qui distri-
buent les femmes, et c'est à eux qu'il faudra donc les demander:
"si tu ne connais ni le frère, ni le père de la fille, tu tues le
(~)
- TSIRA NDONG, op. cit., T. 2.
PP. 64-65.

269.
mariage", dit un proverbe. ILONE KM1 AFE s'adresse à II1EDZA M'O-
TOUGHOU pour obtenir la main d'OYANE MEDZA :
"
Tenant .BLONE KM1 AFE par la mai n, OBIANG MEDZA
" l'emmena au corps-de-garde. fYlEDZA WOTOUGHOU, un
" homme immense, à la tête toute blanche, êtait al-
" longé dans un long siège en lianes. A la vue d'Elone
" KAM AFE
il se redressa. ELONE
alla s'asseoir sur
" ses cuisses, puis revint prendre place à côté
" d'OBIANG MEDZA. Il dit:
"
-
ELONE KAM, fils de KAM AFE, de la tribu Bibao.
" Je suis venu voir ta fille qu'on nomme OYANE MEDZA
" pour l'épouser si elle consent à être ma femme. "
Cette dépendance a pour effet que l'accord des pères
ou frères de la fille suffit a valider le mariage. Le consentement
de la fille ne compte pratiquement pas. A Miyélé, on a le souvenir
des filles livrées de force à, leurs maris. Dans la société tradition-
nelle, un père peut décider de donner sa fille à un danseur, à un
grand chasseur, à un garçon aux bonnes manières ou bien taquin avec
une pointe d'insolence qu'il a envie d'avoir pour gendre, parce que
ce garçon lui rendra un service qui sera de son ressort. L'alliancE

270.
avec un chef riche est avantageuse car elle procure biens et
protection en cas de palabre. NKABE MBOUROU offre sa fille
EYENGA NKABE à ENGOUANG ONDO parce que celui-ci "possède le vam-
pire le plus puissant du monde" afin qu'il
puisse le venger d'O-
VENG
NDOUMOU son agresseur. Si les Immortels accordent la main
d'OYANE MEDZA à ELONE KAM
AFE. Cl est parce qu 1il a prouvé sa pui s-
sance en abattant la forêt de NKOL-ENDOUM.
Néanmoins, il
ne suffit pas d'être beau danseur, grand
chasseur ou guerrier de renom pour acquérir des femmes. Le mariage
chez les Fang est à dot. C'est la
forme la plus répandue et peut-
être la seule valable. Car, même s'il
existe des mariages par
rapt (alug abom : fuite des fiancés grâce à un philtre d'amour
mettant les parents devant le fait accompli), des mariages par
prise de guerre (razzia), les mariages instantanés (à l 'homme de
belles moeurs donne ta fille), les Fang considèrent que seul le
mariage avec compensation matrimoniale est règlementaire. Tout
gendre est appelé à verser une dot à ses beaux-parents pour va-
lider son union, pour avoir un "N'Fang alug"
(vrai mariage).
ELONE KAM AFf doit abattre la forêt de Nkol-Endoum pour obtenir
la main d'OYANE MEDZA :
"
Tu me plais, Elone Kam AFé, et je ne cherche pas
" à
t'accabler. Je n'exigerai de toi qu1une toute
"petite chose. L'année dernière tout Engong a eu une
" abondante récolte de courges, sauf ma famille.

271.
"
J'ai
été
obligé
d'envoyer mon
fils
OBIANG MEDZA
"
acheter
des
courges
à r·ti nkour-Megnoung i~' Ekombè"'jil;~
"
gne.
Cette
année
je
suis
décidé à cultiver les
"
courges;
et comme
elles
ne
poussent que dans
les
"
grandes
forêts,
tu
vas
donc
en débrousser
et abat-
.'"
tre
une.
Ton
beau-frère
OBIANG MEDZA
te
conduira
Il
à Nk 0 l
End 0 u m,
une
for ê t
qui
set r 0 u v e en t r e de u x
"
grandes
rivières,
à une portée
d'appel
du
tam-tam
"
d'ici.
I l
te montrera
l'endroit choisi
Je
ne
te
"
l imite
pas
le
temps;
tu
mettras
pour accompl i r
"
ce
travail
autant de
jours
qu'il
te
plaira.
Je
"
veux
seulement
que
le
champ
soit abattu"
(1)
re-
commande
MEDZA M'OTOUGHOU au
nouveau
prétendant de
sa f i l l e .
Quant
à ENGOUANG ONDO,
son mariage
avec
EYENGA NKABE
devient
un
IlIin'fang;'a lug
(vrai
mariage)
après
son
succès militaire
sur OVENG,
tâche
que
lui
a
imposé NKABE
MBOUROU
:
" -
Mes
frères,
vous
savez
tous
que
j'ai
(NKABE MBOU-
"
ROU)
envoyé ma
fi 11 e EYENGA I~KABE à ENGONG épouser
"
ENGOUANG ONDO
afin
que celui-ci
me
venge
d'OVENG
"
NDOUMOU OBAME.
( ... )
Je
suis
heureux de vous annoncer
(1)
-
TSIRA
NDONG,
op.
cit.,
T.
2.,
P.
128.

272.
" que je suis vengé et que j'ai pour gendre l'homme
" le plus puissant de la terre."
(1)
En un mot, ce sont les hommes qui distribuent les
femmes et qui réclament la dot symbolisée dans le cas de nos deux
héros par les tâches difficiles qu'on leur demande d'accomplir.
Mê mes i
ELON E KA 11 AFE 0 Père un ra pt am 0 ure ux a pr è s sa" co r vé e" ,
son union avec OYANE est ensuite validée par les frères de ce11e-
ci:
" - ELONE KAM AFé, je (OBIANG MEDZA) te remets ma
" soeur OYANE MEDZA, en présence de ZE MEDANG..
Emmè-
" ne-là-
dans ta tribu.
Elle est maintenant ta
" femme".
(1)
On aimerait pouvoir tout relever sur la "circulation
des femmes".
Toutefois, nos deux récits mettent en relief la
principale condition posée au futur gendre, certaines formes de
mariage (mariage par fuite, mariage par prise de guerre, mariage
instantané .... ).
Ils ne manquent pas de nous révéler qu'étant
(1) - T5IRA NDONG, or. cit, T. 2,
P. 214.

273.
considérée comme un bien pourtant précieux, la femme peut être
prêtée ou cédée. Medang demande à Ekola de lui prêter sa fem-
me:
"Prête-moi ta femme pour la nuit. Je te la rendrai avec un
large pourboire demain matin." (1)
Le Mvet nous révèle la situation particulière de la
femme dans la société Fang traditionnelle; principale cause des
guerres, élément d'alliance et gage de la paix et enfin personne
dont la "circulation" est controlée par les hommes. Ces derniers
"partagent" leurs filles. Car la langue dit originairement "AKAB
NGONE" (partager la fille) à la place de "donner"
(Ave).
x
x
x
C'est une banalité
de rappeler que le pays Fang
ou plus exactement, que le peuple Fang est l'auteur du Mvett.
Cependant, même si le Mvett prend naissance dans le monde Fang,
sa mise en scène se fait dans un monde purement imaginaire. Ses
personnages sont tout aussi imaginaires. Ces pays du Mvett qui
portent les noms d'''Eton-Abandzik-Meko-Mengone, Mikour-me-gnoung-
n ' Ek0 mbè gne, End 0 une lo k- Anven e- 0 ba me, Eng0 ng - lo k- Me be gheM e - Mba "
ne se trouvent nulle part en pays Fang (Cameroun, Congo, Gabon,
Guinée-Equatoriale). Il Y a un vide dans le passé et dans le
-.:....'-.,- - -- -"- .. - - - - - - - - - - - - - - - --
(1)
-
TSIRA NDONG, op. cit., T. 2, P. 180.

274.
présent historiques et géographiques du peuple Fang en ce qui les
concerne. Les Bebom
Mvett nous parlent des pays dont ils sont les
seuls à connaître la géographie et l'histoire.
En outre, les personnages qui ont pour noms: AKOMA
MBA, ENGOUANG ONDO, NTOUTOUME MFOLILOU, OVENG NDOUMOU OBAME ...
ne sont nullement des figures historiques du peuple Fang mais
plutôt des personnages qui relèvent de la mythologie.
Néanmoins, même si le Mvett baigne dans l'invrai.-
semblable, dans le merveilleux, ses histoires sont non seulement
possibles, mais pour la plupart une "mythologisation" du réel.
Le Mvett puise les évènements de ses récits dans
la vie quotidienne
et nous rend l'imaginaire: l'histoire du peuple d'Ekang, l'or-
ganisation sociale des peuples du Mvett, le recours aux prati-
ques magiques, les incessantes communications avec les morts, le
système des mariages, les principes de la guerre et de la paix
sont certains des aspects de la vie du peuple Fang.
Disons en somme que le Mvett nous révèle la tradi-
tion du peuple Fang même si
notre analyse ne doit pas être con-
sidérée comme exhaustive. Pour créer des actions et des intri-
gues de leurs récits, les Bebom-Mvett n'ont pas besoin de cher-
cher en dehors de leur propre milieu local.
Il
leur suffit de
porter leur regard sur les évènements qui se produisent dans leur
propre société traditionnelle.

275.
Mais le Mvett qui est une espèce de grande soeur
du conte n'est pas seulement un document d 1 ethno1ogie grâce a
1 lapport d'une mine de renseignements sur le pays et le peuple
Fang, il véhicule des messages. Même si le Mvett distrait, il
enseigne également.
Il mêle l'utile a l'agréable. Dans le Mvett,
la société est "démontée" et "jouée". Le Mvett est un théâtre
fonctionnel
pour l' homme Fang.
x
x
x

276.
CON C LUS ION
" Le Mvett,
nourriture du coeur, des oreilles et de l'esprit,
" par les dimanches ensoleillés
"
à
travers les forêts et les rivières,
" par les villages grouillants et attentifs
" fait palpiter les poitrines, dissipe les craintes
" enseigne le courage et la sagesse,
" et coule dans les veines des courants musicaux
" et ressuscite la tradition qui
se fourvoie dans la nuit de
l'oubli
1\\
la voici; la tradition, qui rejaillit de l'ombre
1\\
elle fait de nouveau vibrer les sens des hommes,
1\\
et les hommes chantent.
" Ils acclament le Mvett, la tradition et le poète
" chantons en cadence
! "
(TSIRA NDONG, Le Mvett T.
1.)

277.
Au terme de notre ouvrage, il apparaît que le Mvett
est une oeuvre de tradition orale très riche et très vaste. Cette
richesse est due, d'une part, aux multiples genres littéraires
et formes d'expressions qulon y rencontre, d'autre part à son
contenu.
Apparaissant comme le genre majeur de la littérature
Fang, le Mvett a incontestablement une valeur littéraire. On a
sou ven t t end a nc e a pT i vil é g i e r lia r t d u Mb0 m- Mve t tau dé tri men t
de la signification des récits. Cependant, même si celui-ci veut
avant tout plaire, ses récits sont des miroirs où la société
Fang se reconnaît, se complaît, se justifie et se glorifie. Le
Mvett propose des modèles, des héros, des valeurs, des anti-valeurs
Il
véhicule implicitement des messages. Le Mvett n'explique pas,
il montre; il ne raisonne pas, il
résonne.
Il
La bouche ne peut tout dire 1
Il
la bouche parle avec des mo ts
Il
le coeur seul sait parler,
Il
le coeur seul sait tout dire.
Il
Ah si l e coeur était la bouche,
Il
les hommes comprendraient le Mvett ... " (1)
(1)
TSIRA NDONG, op. cit., T.
1.
P.39.

278.
Les récits de Mvett doivent êtredécryptés
comme des
cryptogrammes". Comme nous l'avons déjà dit, ils sont fonction-
nels mais le commentaire de chacun des récits exige la connais-
sance de l'arrière-plan sociologique. Car, dans chaque récit, il
y a transgression et respect de la tradition. Le joueur de Mvett
loue ou dénonce; il faut aller à l'école du Mvett pour "appren-
dre ce qui est beau, ce qui est vrai ce qui est défendu, ce que
la société vous défend de dire, vous le direz tout haut avec le
Mvett" ...
Dans notre conclusion, nous essayons de voir
quelles
sont les valeurs que véhiculent les personnages ou groupes de
personnages dans les récits de notre corpus. En un mot, nous
abordons l'éclairage sociologique des récits. Que propose le
Mvett au peuple Fang?
x
x
x
Apporter un éclairage sociologique aux récits de notre
corpus, c'est analyser les comportements sociaux des personnages
ou groupes de personnages.

279.
- OVENG NDOUMOU OBAME
Sans revenir sur le résumé de llhistoire, récapitu-
lons ses principales actions:
De prime abord, ce nouveau chef des Flammes veut
anéantir le fer sur toute la surface de la terre pour instaurer
la paix. Dans son entreprise qui passe par la guerre, il
vainc
NKABE MBOLIROU et décide par la suite de devenir l'époux d'EYEI~GA
NKABE. Plus tard, il enlève celle-ci aux Immortels auxquels elle
a été destinée par son père. OVENG est finalement vaincu par ses
rivaux.
Comment faut-il
interpr~ter la première action
d'OVENG NDOUMOU OBAME ?
Traditionnellement, et notamment dans le domaine des
ma ri' age s , l e fer, dés i gné par l e t e r me Fan g li EkŒë g ng (p l uri e l b i -
kiegn) signifie la marchandise, la dot versée par le futur époux.
En effet, avant l'introduction de la monnaie occidentale dans la
société Pahouine, la principale composante de la compensation
versée aux beaux-parents par la famille du prétendant était cons-
tituée de barrettes de fer appelées "bikwela" (singulier: Ekwela).
Ces lamelles de fer essentiellement réservées aux échanges matri-
moniaux étaient la nature matérielle de la dot. Le fer était par
conséquent signe de richesse car posséder plusieurs femmes

280.
signifiait être capable de verser plusieurs dots. Ainsi, dans la
société traditionnelle ou même rurale contemporaine, on entend
les personnes âgées signifier aux prétendants de leurs filles
"Vak me bikiegn Ngue Wa Kom aluk e ngone
ndzam
(traduction
Donne-moi des fers si tu veux épouser ma fille).
Actuellement, et surtout avec l'introduction dans la
société Fang du machinisme, le terme l' Ekiegn" est synonyme de
machine, en rapport globalement avec la matière première qui sert
à leur fabrication.
Les Fang désignent également les pièces de
monnaie par le même terme à cause du bruit qu'elles produisent
quand on les malaxe.
Traditionnellement donc et. d'une manière explicite,
le fer (Eki'egn) chez les Fang est synonyme de richesses, de mar-
chandises et de développement. Ne l'ont-ils pas utilisé pour fa-
briquer leurs lances, leurs couteaux ... ? Mais le fer n'est-il
pas aussi l'une des étapes importantes de la civilisation humaine
,
Sim a nife ste men t' E' Id e g n"
est synonyme de marchandise,
symboliquement, il est synonyme de "pouvoir politique", d'insti-
tutions politiques. En fait,
l 'homme Fang a toujours considéré
le pouvoir comme quelque chose de durable, d'inébranlable, d'é-
nergique, capable de résister aux intempéries, tout comme le fer.
Les Fang de Guinée Equatoriale n'ont-ils pas toujours clamé au

281.
temps de MESSE-ME-NGUEt·1A (1)
: IIngomane âne o:kok,
ngomane ane
IIEkiegn ll (traduction littérale:
le chef (pouvoir) est de pierre,
le chef est de fer)
faisant ainsi allusion à la force des insti-
tutions et à leur pérennité.
En un mot, 'IIEkiegn ll pour l' homme traditionnel
Fang
est synonyme du pouvoir économique aujourd'hui. Les propos d'OBAME
NDONG au cours de l'initiation d'OVENG étayent notre argumenta-
tion ci-dessus
Il
Je suis Obame Ndong, je suis Obame Ndong,
Il
Je suis Obame Ndong de la tribu des Flammes
Il
0 Esprits invisibles, écoutez-moi
Il
puissances naturelles regardez-moi
Il
Fleuves grondants cessez de mugir.
Il
Foudre du ciel arrête ta colère.
Il
Je vous convie, ô mystères des mystères,
Il
A fa i:re d' OVENG NDOUMOU OBA~1E
Il
une force, une Energie, un Immortel ...
Il
Que sa richesse soit ill imitée
Il
et sa puissance invincible!
Il
Que nul devant lui ne rési ste
Il
Et que partout dans l'univers il commande
III
(2)
(1) -
MESSE-ME-NGUEMA:
1er Président de la République de
Guinée Equatoriale.
(2) - TS]RA NDONG,
op. cit., T.
1., P. 30.

282.
"Commander" les autres peuples, clest implicitement
le désir de l'homme des Flammes. En slaccaparant du fer des tri-
bus voisines, OVENG NDOUMOU OBAME domine économiquement celles-ci.
Le pouvoir politique et le pouvoir économique sont indissociables.
Llambition du chef de la tribu des Flammes est implicitement la
conquête du pouvoir. Comme nous pouvons le constater, le thème
principal de notre premier récit reste le pouvoir.
Sur le plan de la constitution politique, OVENG NDOU-
MOU OBAME rejette la conception Fang. Car, lorsque nous nous pen-
chons sur son système politique nous
constatons
qulil
nly a au-
cun partage du
pouvoir. Par contre dans la société tradition-
nelle Fang, il
n'y a eu ni monarchie, ni dictature. La société
Pahouine a toujours eu un système démocratique. OVENG se comporte
comme un dictateur rejetant les lois de bon voisinage; il est
le chef incontesté et incontestable de son peuple.
" Hommes, femmes, enfants de la tribu des Flammes,
" ouvrez les oreilles et écoutez,
Votre tribu manquait
" de chef; celui qui vous parle est le vôtre.
Une
" tribu sans chef est une famille
sans joie. Réjouissez
" vous, car je suis là ! mais chef égale discipline.
" Suivez mes ordres, vous vous en trouverez bien!
" Dorénavant aucune personne dans le pays, à 11 exceptior

283.
" de votre chef et de ses émissaires, ne doit se
" servir de tout ce qui est fer
(1)
( ... ) Malheur à
" quiconque transgressera ma loi. Je n'ai pas besoin
" de vous signifier la façon dont il sera châtié."(2).
Ce discours du chef de la tribu des Flammes montre
bien que celui-ci est l 'homme qui décide de la guerre ou de la
paix chez lui, du malheur ou du bonheur de son peuple. Les res-
sortissants des Flammes sont ses sujets et il
prend ses décisions
sans consultation ni du Conseil des Anciens, ni des défunts
(culte des Ancêtres). Nous pouvons affirmer que ces deux autori~
tés n'existent pas chez les Flammes. Ainsi, lorsque nous savons
que traditionnellement toutes les grandes décisions à prendre
par les Fang font l'objet d'un Conseil des Anciens ou d'un culte
des Ancêtres, le système social du peuple des Flammes appara9t
comme l'antithèse de celui des Fang. Le Chef de la tribu des
Flammes appara9t comme une caricature des dictatures.
OVENG NDOUMOU OBAME est un homme assoiffé de pouvoir
slil échoue contre les Immortels, c'est à cause de son système
politique. En effet, ce fils de NDOUMOU OBAME est l'homme le
plus puissant de sa tribu; il entreprerid une action qui n'est
nullement d'intérêt collectif, et cherche tout simplement à sa-
tisfaire son ambition personnelle. Son action par contre embrase
(1) -
FER: Le mot fer a ici, comme son synonyme en Fang, le
sens de métal.
Il rend mieux la pensée.
( 2) - Ts i'r aND 0 NG, LeM ve t t
(1), 0 p.
ci t.
p. 34 .

284.
le peuple des Flammes tout entier. L'échec d'OVENG NDOUMOU OBAME
est celui de la politique de cumul des pouvoirs. Le chef des
Flammes n'associe pas son peuple au pouvoir; 11 n'a pas d'ar-
mée et perd sa bataille contre les hommes d'ENGONG:
IlUn seul
doigt ne peut laver toute la figure ll dit un proverbe Fang.
A travers l'échec d'OVENG face aux Immortels le
Mbom-Mvett met en rel ief l'échec d'un système social: 1e sys-
tème autocratique. Ce système politique du monde des Flammes a
des tares. Le Mbom-Mvett met donc les Fang en garde contre la
disparition de leur organisation sociale d'origine.
Cependant, la dénonciation d'une certaine forme de
pouvoir, d'une certaine organisation sociale n'est pas entre-
prise par les,;Bebom-Mvett uniquement, c'est une question d'ac-
tual i té.
N'avons-nous pas aujourd' hui des mouvements qui dénon-
cent les régimes autoritaires et anti-démocratiques ? Ce que
le Mbom-Mvett veut signifier, clest la chute inévitable des
pouvoirs qui s'apparentent à celui d'OVENG, ces pouvoirs qui as-
sujettissent
leurs peuples, les exploitent et provoquent des
guerres.
Dans le contexte du thème de l'immortalité, thème
principal du Mvett, l'échec d'OVENG NDOUMOU OBAME et par consé-
quent l'échec de son système politique, montre,
bien que celui-
ci ne peut devenir immortel. Sa soif de puissance est cause de
destruction de la race humaine. La dictature est donc présentée
comme une anti-valeur et doit être bannie.

285.
OVENG NDOUMOU OBAME a perdu la guerre contre les Im-
mortels, mais il
n'est pas un guerrier lâche et peureux; cet
homme a sa grandeur.
Le Mbom-Mvett ne veut pas qu'il ne soulève que du
mépris.
Il
ne dit pas qu'OVENG NDOUMOU OBAME est un mauvais chef
il semble condamner le système politique plutôt qu'OVENG NDOUMOU
OBAME. L'échec militaire de cet homme aux puissances
illimitées
et protégé des fantômes est symboliquement celui du système uti-
lisé.
Détenteur d'un pouvoir qui comporte des tares, le chef du
monde des Flammmes ne peut accomplir sa mission.
Toutefois, OVENG NDOUMOU OBAME est avant tout guerrier,
héros. Sa vie s'organise autour de deux thèmes fondamentaux:
le
courage, l 'honneur. Le courage est la vertu essentielle du héros,
l' honneur son but essentiel.
Le chef du peuple des Flammes est un guerrier redou-
table, un héros qui accomplit des exploits, des faits de force
et de rapidité dans le domaine qui est le sien. Le Mvett montre
cette vaillance du héros. OVENG NDOUMOU OBAME est un chef coura-
geux ; sa décision d'anéantir le fer sur toute la surface du
globe le prouve. Mais ce sont surtout les exploits, les actions
téméraires qu'il accomplit qui engendrent l'admiration chez les
~ns et la haine chez les autres. De l'admiration incontestable-
ment quand ce chef s'accapare d'EYENGA NKABE qui se trouve aux

286.
côtés des redoutables guerriers d'ENGONG à la tête desquels se
trouve ENGOUANG ONOO, l'homme qui possède le vampire le plus puis-
sant du monde; il pousse sa témérité jusqu'à la prise en otage
de deux de ses guerriers et même jusqu'à l'emprisonnement d'EN-
GOUANG ONOO lui-même. On aimerait tout citer.
Par ailleurs, OVENG NOOUMOU OBAME défend son honneur,
honneur qui se confond avec l' orguei 1. Il se rend au pays des
Orages
combattre NKABE MBOUROU malgré les avertissements de son
défunt grand-père:
"Ce pays (1) est pourri d'hommes puissants et
je n'ai aucune envie de te voir garroté comme une antilope capturée
par un chasseur".
(2) Ces propos d'OBAME NOONG sont considérés
par son petit-fils comme une plaisanterie:
" - Quelle plaisanterie, grand-père! A titre d'exemple,
" veux-tu que je démontre à tes fantômes à l'-instant
" que je suis la puissance même ?" (3)
Le chef des Flammes entre en guerre contre NKABE
MBOUROU parce que celui-ci
l'a
défié en maltraitant son émis-
saire interrompant ainsi sa mission. Mais n'oublions pas le ser-
ment qu'OVENG NOOUMOU OBAME a pr~té devant son peuple à son émis-
saire.
Il lui a donné sa parole d'honneur.
( 1 ) - Rives du fleuve Mveng Metué où ELA MINKO l'émissaire dJOVENG
a été va i i1CU pa r NKAB E MBOUROU.
( 2)
- TSIRA NDO NG '; op. ci t. , T. 1. ,
P . 41.
( 3 }
TSIRA NOONG, op. ci t . , T. 1. , P. 41.

~88.
et jusqu'à sa défaite. OVENG NDOUMOU OBAME sait qu'un "seul doigt
ne peut laver toute la figure" mais il
lutte jusqu'à ses dernières
forces.
Il
préfère la défaite au combat plutôt que la capitula-
tion ; il emprunte la voie de l'honneur. Le chef de la tribu des
Flammes cherche la gloire et fuit la honte
attachée à la lâcheté
c'est un guerrier, un héros.
Qui fait pareille figure n'attire pas le mépris. OVENG
NDOUMOU OBAME est un héros isolé parsO n entourage.
. On le trouve
imprudent et peu réaliste.
Il est le seul
à combattre les Immor-
tels, le seul à être vaincu; cette solitude correspond à la
grandeur même du héros. Le chef de la tribu des Flammes s'identi-
fie à l'idéal au nom duquel
il agit. Son action implique une rare
lucidité. OVENG NDOUMOU OBAME a le sens du devoir et c'est le plus
important. Le Mvett exalte les qualités morales majeures: 1 a
bravoure, le sens de l 'honneur, le sens du dévouement, la fidéli-
té à un pays, aux compagnons d'armes,
à
la parole donnée,
l'horreur
de la lâcheté et de la trahison.
Ce sont ces qualités que tout
jeune homme Fang souhaite acquérir. Ces qualités morales se re-
trouvent également chez les Immortels.
x
x
x

289.
Les Immortels.
C'est avant tout dans leur présentation psychologique,
c'est-à-dire dans ·la peinture des caractères, que le Mbom-Mvett
évoque les valeurs morales ou les anti-valeurs.
Cependant, nous
préférons parler de qualités morales car le conteur met surtout
l'accent sur l'orgueil et la vaillance de ces héros. ENGOUANG
ONOO est le "taureau des batailles", NTOUTOUME MFOULOU est" l'hom-
me sansp~ur et que nul ne peut surprndre. Le volontaire de toutes
les missions périlleuses"
; ANGONE ZOK ENOONG est "l'homme dont
la témérité dépasse la raison rr
;
MEOANG BORO ENOONG est" le brave
des br a ves"
; AK0MA ~1 BA est "l' h0 mm e don t le" sec r e t n' a pas de
secrets, puissance invicible ... ". Quel jeune homme n'aimerait pas
s'identifier à ces héros? Leurs surnoms ne sont-ils pas des va-
leurs sociales? ne mettent-ils pas en relief le sens du courage,
du mérite guerrier et de l'honneur?
Le peuple Fang, au cours de ses migrations a dû li-
vrer de multiples combats contre les tribus rivales
il
lui
fallait donc des modèles de combattants pour donner du courage
aux siens. Comme nous l'avons peut-être déjà dit, en temps de
guerre, le Mbom-Mvett est un habile statège. Ces attributs des
Immortels qui mettent en relief leur volonté de puissance, leur
soif de domination, donnent naissance au sens de l'honneur.
Les Immortels sont tenus, chaque fois qu'une occasion
se présente, d'attester aux combats leurs valeurs incomparables.

290.
Ils doivent défendre leur honneur d'où leurs
i nterventi ons "m il i -
taires".
Dans nos deux récits, ils entrent en guerre contre
OVENG car celui-ci leur a ravi EYENGA NKABE-future épouse d'EN-
GOUANG ONDO, ensuite contre ASSENG MBANE ONA qui a enlevé leur
soeur OYANE MEDZA pour la sacrifier. Ces deux actions du chef des
Flammes et du chef des YEMEBEM portent un coup à l' honneur des Im-
mortels.
Ils sont défiés et le défi se relève
l'insulte ne se
guérit que dans le sang. Les deux chefs du monde des Mortels
sont
châtiés à cause de leur témérité.
Les Fang sont chatouilleux sur le chapitre de l'hon-
neur. Ainsi, lorsque la femme par rapt abandonne le lignage où
1
elle s'est mariée, celui-ci, se considèrant lesé, réagit dans
son ensemble et avec violence; c'est la cause de conflits, d'en-
lèvements et de pillages au détriment du village ravisseur. Les
Immortels agissent identiquement contre OVENG NDOUMOU OBAME et sa
tribu.
Un proverbe Fang concernant ce chapitre de l'honneur dit
en substance :
" Bobe ,nya ,foa" te ,ni,rlzi alumane akal
nlo OKPONG 0 b ~
nnen"
(traduction: les frères ne se sont pas battus à cause de
la grosseur de la tête de la gazelle).

-
,
1
291.
Comme ce proverbe
le met bien en relief, tout individu
dont l 'honneur subit un coup dans le monde Fang craint d'être
l'objet d'un effondrement moral
pour l'éviter, il est tenu de
le défendre. Les Immortels en combattant farouchement OVENG NDOU-
MOU OBAME et ASSENG MBANE ONA, ont défendu leur honneur sur tous
les plans. Ils ont agi de la façon la plus conforme à leur hon-
neur et en donnant plus d'éclat à leur vaillance; en effet, en
remportant une victoire sur OVENG et en le rachetant, les hommes
d'ENGONG font preuve de lucidité.
Sur le chapitre de l 'honneur, de l 'héroîsme et des
actes de bravoure, le monde du Mvett ou plus précisément celui
des Immortels est compétitif; chaque héros s'efforce de surpas-
ser les autres. Et, puisque les héros sont des guerriers, la ri-
valité culmine là où est en jeu l 'honneur le plus grand, dans le
combat singulier, sur le champ de bataille. C'est là que la va-
leur authentique d'un héros, le sens de sa vie, se trouvent sou-
mis à une épreuve décisive, sur trois points: qui
il combat,
comment il combat et comment il
se comporte. Dans nos récits,
nous voyons chacun des guerriers Immortels s'efforcer d'accomplir
un exploit; ils se mesurent tour à tour aux redoutables guerriers
d'OKü : OVENG NDOUMOU OBAME et ASSENG MBANE ONA. Aucun d'eux ne
veut être considéré comme passif mais plutôt comme actif.
Cette compétitivité qui règne entre les guerriers
nous la rencontrons avant tout dans leurs surnoms, dans leurs
devises. Ces attributs se méritent; ils ont été choisis en vue

292.
d'un programme après une décision personnelle ou après un exploit.
Ils renvoient à un fait passé, à une vision de la vie, ils sont
orientés vers l'avenir; en un mot ils sont fonctionnels. Ainsi,
ENGOUANG ONDO est le "taureau des batailles" tandis que NTOUTOUME
MFOULOU est le "volontaire de toutes les missions périlleuses".
A chaque fois donc, chacun de ces héros cherche à justifier son
nom. ENGOUANG ONDO lutte farouchement contre OVENG et ASSENG
jusqu'à leurs défattes, quant à NTOUTOUME MFOULOU, il est le pre-
mier à se rendre à MEKA - ME ZOK à la recherche d'OVENG :
" NTOUTOU~1Er~FOULOU n'attendit pas la fin de ce
" discours. (1) Dès qu'AKOMA MBA eût prononcé le nom
" de MEKA - ME - ZOK, il
prit les airs, immédiatement
" suivi d'ANGONE ZOK, de ZE MEDANG et d'ôBIANG
" MEDZA".
(2) Le Mvett montre donc la vaillance des
héros dans le domaine qui est essentiellement le leur- à savoir
la guerre.
Il exhalte l 'héroïsme et les actes de bravoure.
Toutefois, il convient de souligner que ces héros du
Mvett qui appartiennent au peuple des Immortels ne sont pas en
quête d'une gloire personnelle. Car, même si NKABE MBOUROU lance
une espèce de défi, ultimatum
à ENGOUANG ONDO, ce dernier n'est
pas le seul concerné par la mariage d'EYENGA NKABE.
Il
s'agit
en fait d'une affaire d'intérêt communautaire. Chez les Fang,
toute femme, tout enfant est la propriété de toute la communauté.
( 1 )
- AKOMA MBA, après consultation des esprits, révèle leur
réponse aux initiés.
( 2)
-
TSIRA NDONG,
op. cit., T. 1.,
P.56.

293.
Dans cette communauté, toute décision importante deman-
de réflexion, consultation des Anciens et des Ancêtres. Ainsi,
avant de répondre aux doléances de NKABE MBOUROU, les Immortels
se réunissent et consultent les esprits. Mais nous ne devons pas
perdre de vue que cette fille des Orages
est également convoitée
par OVENG NDOUMOU OBAME. Un conflit semble inévitable. Les Immor-
tel s cherdlent
donc à SI assurer de l a faveur
des mânes, de l a béné-
diction des Ancêtres morts. En un mot, ils interrogent le Byeri
du clan.
Par ailleurs, si les guerriers d'ENGONG combattent
farouchement OVENG, c'est parce que celui-ci s'est accaparé du
bien économique des Immortel s, en l'occurence EYENGA NKABE. De la
même façon,
ils s'opposent à ASSENG MBANE ONA car ce chef des
Yemebem a osé porter atteinte à lavie j'un membre du clan des Im-
mortels.
L'attitude des Immortels face aux deux ravisseurs met
en relief la primauté du clan. Le Mvett rappelle
à
l'homme Fang
que chaque individu est membre d'un clan et à ce titre, doit dé-
fendre les biens de celui-ci et le protéger également des atta-
ques extérieures. L'homme Fang doit donc défendre sa collectivité
contre toute agression possible. C'est cette menace extérieure
qui engendre la cohésion du groupe.
Dans nos récits, les Immortels abandonnent leurs dis-
sensions internes pour s'opposer à l'étranger qui est défini par

294.
les Fang comme celui-qui-n'a-pas-de-prix, celui dont le meurtre
non seulement n1est pas un crime, mais encore vous procure la
gloire. En un mot, l'intérêt du clan doit être primordial
pour
.J
l 'homme Fang. La cohésion du goupe doit toujours regner
c'est
l'une des leçons que donne le Mvett à l'homme Fang.
Nous venons donc de voir que c'est l'honneur, - une
des valeurs du Moyen-âge qui n'a plus cours dans nos sociétés
m0 der ne s - que vé hic ul en t les hé r 0 s du Mvet t.
Il L ' ho nn e u r
é l i min e
les actes et
les sentiments:
Il
sentiments jugés indignes, tels:
lâcheté et crainte,
Il
mensonge, fuite devant l'ennemi, acceptation de la
Il
servitude. L'honneur, c'est encore la fidélité à
Il
l'ami jusqu'à la mort incluse, et le respect sacré
Il
d'une parole donnée ll •
(1)
Il Y a bien, à côté du mérite guerrier, le mérite de
bonnes décisions, que l'on prend au conseil et après consultation
des Ancêtres morts; mais ces différents conseils semblent être
des conseils de guerre. La rivalité qui règne entre les Immortels
et les Mortels fait que toute tribu vit dans l'insécurité; cha-
que peuple doit être capable de se défendre contre les menaces
extérieures venant d'autes peuples qui cherchent à l'opprimer ou
à l'anéantir; il recourt par conséquent à une action militaire
si l'agression est du même genre.
( 1) -
Da MONZON de Segou (épopée Bambara), Textes recueillis
par 'Ltlyan KESTELOOT avec la collaboration de AMADOU TRAORE),
Jean-Bapciste TRAORE, - Fernand NATHAN, Paris, 1978, T.1.
.
P.
21.

295.
On a vu que les Immortels dans nos récits entrent en
guerre quand ils sont sollicités (NKABE MBOUROU les appelle au
secours) ou quand ils sont défiés. Mais nous pouvons nous inter-
roger sur les raisons de leurs succès. En effet, si les Immortels
sortent victorieux des guerres qui les opposent aux deux chefs
Mortels, ce n'est pas qu'ils soient les plus puissants à propre-
ment parler, mais ils possèdent la meilleure organisation sociale.
Le peuple des Immortel s comme no.us l 1 avons peut-être
déjà dit, dispose d'institutions démocratiques. En
un mot, il
existe un partage
du
pouvoir. Ainsi, si AKOMA MBA préside le
Consei'l
des Anciens, ~~EOZA WOTOUGHOU détient le pouvoir économi-
que tandis qu'ENGOUANG ONOO dirige l'armée. Par ailleurs, ANGOUNG
Bé rée s tin con tes ta t blem en t l e Il pr ê t r e" d' EN GO NG. Con t rai r e III e nt
à OVENG NOOUMOU OBAME et à ASSENG MBANE ONA qui détiennent tous
les pouvoirs dans leurs pays respectifs, les Immortels se le par-
tagent ; ils sont tous complémentaires. OVENG NOOUMOU OBAME et
ASSENG MBANE ONA sont aussi des hommes puissants à l'instar
de NTOUTOUME MFOULOU, d'ENGOUANG ONOO, d'ANGONE ZOK ... , mais ils
ne disposent pas d'institutions démocratiques
ils sont les plus
puissants de leurs peuples et ne peuvent être secourus. Quant aux
Immortels, au cours des combats qui les opposent à ces chefs
d'OKü, ils se relayent, se concertent. En un mot, l'union fait
la force et c'est ce que le Mvett rappelle aux Fang. Cependant,
cette union et cette force sont les purs produits des institu-
tions démocratiques. A travers les succès des Immortels, le Mbom-
M\\\\Aeti.veut faire comprendre que l'efficacité dans la guerre dépend

296.
du nombre, de l'organisation politico-militaire et magico-reli-
gieuse. L'inefficacité naît de la confusion dans les diverses
sphères du pouvoir.
Il y a dans nos récits présentation de deux
régimes politiques:
un régime de puissance incarné par les deux
chefs d'Okü
,
un régime démocratique
qui est celui des Immor-
tels.
Néanmoins, ces peuples ne vivent pas que dans la guerre:
les Immortels ne livrent pas toujours des combats aux autres peu-
ple d'Okü. Cet aspect a sans doute été privilégié aux dépens des
autres; il est le plus manifeste:
i l
n'est pas le seul, ni le
plus original dans un récit de Mvett.
La société du Mvett a deux faces:
la guerre et la paix,
que nous trouvons dans nos deux récits:
les Immortels s'opposent
farouchement à OVENG et font ensuite la paix avec lui; ils com-
battent ASSENG MBANE ONA et accordent la main de leur fille à
ELONE KAM AFE. Même en tant que guerriers chevronnés, les héros
.,
du Mve t t pra t i que nt des ver tus mer ve i l leu sem e nt h.u mai ne s. 0 n peu t
parler d'un idéal
humain.
Les plus attaché à ce chapitre de la paix reste EN-
GOUANG ONDO, cet homme de "paix et de bonté."
"Er~GOUANG ONDO
était un chef bon et juste. Il re-
" connaissait à chacun le droit de vivre.
Il se

297.
" disait que
posséder l'immortalité ne l'autorisait
" pas à disposer à sa guise du restant de llunivers.
" Il
désirait ardemment que la
paix règnât parmi
les
" hommes.
Il
était
pourtant puissant.
Il
commandait
" aux êtres et aux choses -
seule
la paix
lui
résis-
" tait encore.
La
paix délicieuse et fragile,
la paix
" fuyante et ironique,
la
paix demeurait insaisissable.
" Engouang Ondo se sentait inférieur à cette chose si
" douce et si mystérieuse,
cette chose dont
l'humanité
" avait
tant besoin:
la
paix.
Que devait-il
faire
" pour la domestiquer,
la
répandre
partout dans le
" monde? Sa
puissance n'était-elle pas une illusion?
"La vie ne devait-elle pas
lui
obéir?
"
Un
peu
partout dans
l'univers, des
hommes
jaloux
" complotaient contre lui
et son
peuple.
Des troubles
" éclataient,
semant la
ruine et la mort.
Et,
pour
" redresser ces torts et apaiser les esprits,
il
fallait
" se battre.
Il
se battait donc à contre coeur.
Puis,
" après chaque combat,
il
avait des
remords.
Ces mil-
" liers d'hommes de femmes
et d'enfants morts
pour
" une cause
inconnue paraissaient,
au fond de
leurs
" tombes,
lui
adresser des
reproches et implorer
sa
" pitié
pour le reste de l'humanité.
Et,
chaque fois
" encore accablé par le feu de la
récente
bataille,
" la
tête lourde d'indignation,
il
rentrait chez lui,
" l'appétit perdu,
le sommeil
introuvable.
C'était

')98.
Il
cela son éternel
devoir de chef.
Ou chef qui
veut
Il
donner un sens à la vie.
(.,.)
Il
ENGOUANG ONOO
pensa tout à coup à OVENG NOOUMOU
Il
-
OBM1E. Au fait,
se demanda-t-il,
pourquoi
cet homme
Il
a-t-il
entrepris de détruire le fer?
Encore un
Il
semeur de troubles! Quel
but poursuit-il? Avant
" de lui
livrer combat,
il va falloir discuter avec
Il
lui
pour connaître ses desseins.
C'est la meilleure
Il
solution",
(1)
J
Ces reflexions et
paroles du chef de l'armée d'En-
gong mettent en relief son attachement à la paix, sa répugnance
pour la guerre. ENGOUANG
ONOO de par ses réflexions veut établir
la paix entre les peuples par la voie de la négociation.
Il
s'ef-
force de donner un sens à la vie. Cette paix à laquelle il
rêve
depuis toujours, il
lloffre à OVENG NOOUMOU OBAME son
ennemi
d'hier.
Il
Tout peuple, si puissant soit-il, doit avoir de bons
Il
rapports avec d'autres peuples et compter des amis
Il
sérieux parmi
les hommes qui
les dirigent.
( ... ) Je
Il
propose à l'homme de la tribu des Flammes la main
Il
de ma soeur MENGUE M'ONOO qui, en beauté n'a d'égale
Il
qu'EYENGA NKABE
! I I
(2)
( 1) -
TSIRA NOONG,
op.
cit., T.
1.,
pp 57-58.
( 2) -
TSIRA NOONG, op. cit.
,T. 1., PP.
151-152.

299 .

Nous savons qu'en cas de victoire ou de défaite, la
loi guerrière Fang veut normalement que le vaincu soit exécuté,
que les prisonniers soient anéantis. Cependant, ENGOUANG ONDO
laisse la vie sauve à OVENG et conclut la paix avec lui. A tra-
vers ce comportement de l' homme d' Engong, et en terminant son
récit par une espèce d'hymne à la paix, le Mbom-Mvett enseigne
à l'homme Fang l'amitié
entre les peuples. Si ENGOUANG ONDO par
cet acte introduit des idées nouvelles à fngong le Mbom-Mvett
lui s'efforce de valoriser cette forme de relation entre les
peuples.
Seule l'amitié entre les peuples peut contribuer à la
préservation de l'espèce humaine. La paix est donc la seconde
face du monde du Mvett et peut-être l'une des valeurs les plus
recherchées. Mais
l e ~·I t,1 b0 m- ~1 v e t t
ne parle pas seulement
de la guerre et de la paix, c'est-à-dire de la cohésion intérieure
du groupe, de la vaillance des héros, de l'amitié entre les peu-
ples, à travers ses récits,
il censure les moeurs.
x
x
x
ONA
ET OVENG NDOUMOU OBAME.
Ces deux chefs du monde d'Okü qui doivent être consi-
dérés comme des chefs autocrates commettent
deux actes identiques
ASSENG MBANE ONA enlève OYANE MEDZA, épouse d'ELONE KAM AFE pour

300.
l a sacrifier, quant à OVENG, il
ravit EYENGA NKABE aux Mortels
pour l'épouser. L'un et l'autre échouent dans leurs entreprises
respectives. Quelle est la signification de ces échecs?
En ce qui concerne ASSENG MBANE aNA, son initiateur
lui a donné une tâche difficile à accomplir:
sacrifier un 1W\\t?\\
mortel. Mais pour bien comprendre la portée de son acte, situons_
le dans le contexte magique
Fang. ASSENG MBANE ONA doit commettre
un homicide pour devenir puissant. Pour l 'homme Fang, il
possède
un "évu" maléfique qui
se nourrit du sang humain, une espèce de
vampire, une puissance destructrice.
A travers l'échec d'ASSENG MBANE ONA et sa condamna-
tion par les Immortels, le Mbom-Mvett dénonce cette forme d'ini-
tiation, condamne les "évus" anti- sociaux.
Quant à OVENG NDOUMOU OBAME, son échec dans son entre-
prise d'épouser EYENGA NKABE fait apparaître une condamnation
d'une certaine forme de mariage. Pour bien condamner le comporte-
ment d'OVENG, le conteur dans son second récit montre la réussite
d ' EL 0 NE .KAM AFE. 1 l nef au t pas 0 ublie r que les Fan g 0 nt t 0 uj 0 urs
été les adeptes des "razzia" de femmes et de biens matériels.
L'échec de l' homme des Fl ammes sert à condamner cette forme d' ac-
quisition des richesses, cette forme de mariage.

301.
A pro ps du ~Ji a r i ag e don c, t 0 ut pré t end a nt d0 i t a v0 i r
des obligations envers sa future belle_famille et verser une dot
.,
pour valider le mariage. Si ELONE KAM AFE accomplit convenable-
ment ces tâches, OVENG NDOUMOU OBAME quant à lui frappe sur NKABE
MBOUROU, décide par la suite d'épouser sa fille par la force. Son
échec est celui d'un comportement qui rejette la tradition tandis
que le succès d'ELONE rappelle aux Fang les voies traditionnelles
du mariage.
x
x
x
Nous aimerions tout dire mais le Mvett a des fonctions
multiples pour l'homme Fang: fonctions rTl1anifestes et fonctions
latentes. S'il
participe aux cérémonies traditionnelles et aux
rituels, il
ne manque pas de distraire. Cependant, le Mvett est
aussi l'école de la vie, une pédagogie par l'exemple, par l'image,
qui "enseigne le courage et la sagesse", qui
"ressuscite la tra-
dition qui se fourvoie dans la nuit de l'oubli".
1
Il est une matière à reflexion. L'homme doit s'amé-
l iorer mais le chemin à parcourir est long et pénible. La vie de
l 'homme est dominée par le combat que se livrent le Bien et le
Mal. Il
pose par conséquent le problème de la condition humaine,
de l'acquisition de 11 immortalité. Quelles sont les vraies voies
qui peuvent conduire l'homme jusqu'à l'immortalité?

302.
Par ailleurs, le Mvett exalte l'idéologie religieuse
des Fang qui permet d'assurer et de perpétuer l'ordre social. Il
exalte donc le passé et les Ancêtres mais l'une de ses fonctions
latentes reste la censure des moeurs
" C'est pitoyable
é
é
é
II
La nuit revient
é
é
é
" Tsira Ndong Ndoutome, fils de Ndoutoume Medzo'o de
"la tribu Yengii, la tribu des Sangliers, je me sacrifie pour
II
le Mvett
"
C'est pitoyable
é
é
é
" La nuit revient! é
é
é
é
" Je vais par les chemins et les villages, criant le
II
Mvett à toutes les oreilles!
II
C'est pitoyable! é ! é ! é
"
La nuit revient! é ! é ! é !
"
Tout mon corps respire le Mvett et je me demande
"
pourquoi les jeunes gens d'aujourd'hui
ne comprennent
"
ils pas le Mvett ?
"
C'est pitoyable
é
é
é
" La nuit revient ! é
é
é
II
n'est-ce pas l'héritage sacré qu'OYONO ADANGONp
a
" laissé à son peuple Fang comme un père mourant laisse
II
à
son fils sagaie, fusil
et dot qui feront de lui un
" homme dans la vie?

303.
"
c'est pitoyable
é
é
é
" La nuit revient
é
é
é
" Les jeunes gens dlaujourd'hui tournent le dos aux
" mélodies,ils se fourvoient dans le monde surexcité
" et tumultueux, cherchant en vain la pureté d'autrefoi
"
C'est pitoyable
é
é
é
"
la nuit revient
é
é
é
" Au lieu de se désaltérer à la source fraîche qui
" coule dans la fraîcheur des arbres tanquilles, ils
" se brûlent les lèvres, le gosier et l'estomac avec
" des liquides méchants et coûteux, emprisonnés, on ne
" sait où, dans des bouteillesl
"
(lest pitoyable.
é
é
é
"
La nuit revient
é
é
é
" Tout est tumulte ! tout est désordre
!
tout est
" déroute! 0 mon père! A-t-on jamais vu acheter sa
" propre maladie?
"
C'est pitoyable
é
é
é
Il
La nuit revient
é
é
é
'1
Qua nd co mpre nd r e z - vou s, jeu ne s ge ns dia uj 0 ur d 1 hyi,
" que ces impuretés vous voilent l 'héritage que vous
Il
détient le Mvett ?

304.
"
C'est pitoyable
é
é
é
"
La nuit revient
é
é
é
" Oubl iez-vous qu' OYONO ADA NGONO a condui t héroïquement
" son peuple du grand lac Ening aux montagnes verdoyante
" qui
surplombent le grand Océan qui
flamboie,
le soir,
" quand le soleil
se couche et que les mélodies apaisent
" les esprits au corps-de-garde ?
"
C'est pitoyable
é
é
é
"
La 'nu it revi'eniIJ
é
é
é
" Quel
compte rendrez-vous, jeunes gens d' aujourd' hui,
" à OYONO ADA NGONO quand,
ayant terminé cette vie
" d'égarés,
vous vous retrouverez face à face avec lui
" au pays des morts?
"
('est pitoyable
é
é
é
"
La nuit revient
é
é
é
"
(1)
Considéré comme le "formateur de l'esprit belliqueux
des hommes
d'EngOn g;. fin scul pteur de toutes leurs moeurs et père
des mélodies chez les Fang", OYONO ADA NGONO est le père de la
tradition pour l'homme Fang.
Par conséquent,
le Mvett est Ja base
de la culture Fang.
(1)
T5IRA NDONG, op.
cit., T.
2.,
PP.
107-109.

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