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Taofikl
KOUMAKPAI
1
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1
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GEORGE
ELIOT,
ROMANCIERE HISTORIQUE
1
l CON5~ll' AFmCA1N ET MALGACHE 1
pOUR l'ENSEIGNEMENT SUPERlEUR \\
\\ c. A. M. E. 5. -
Q,v~'W'~UGOU 1
, Arr:ve2 '; 2,6· QLl..... ': ... '.' , , 1
" Eme::!,"'" sous n°#..D ·t :9 ·t2·~: 1
THESE DE DOCTORAT DE TROISIEME CYCLE
Dirigée par
Monsieur le Professeur JAUDEL
UNIVERSITE
DES
LANGUES
ET
LETTRES
DE
GRENOBLE
1980
.
1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . .. .1

· '( ,
~:\\'t.RSln:
DE
GE:..:n08:"E
III
St'rvice de 1;1. scolé'\\rité
,
Bureau des Doctorats
M. pi!; 1 ipll'.' .J/\\lJIJ1~L
.,
Directeur de Recherche,
1
i
Monsieur le Président
~ : Sout~nance de thèse
)
de l'Université de Grenoble III
~:
.'
Proposi tion de Jury de soutenance de thèse de Joctorat de 3e cycle..
concernant M ..y'()l..lH/~Y.PAL:.Taof j ki
à .ri heures 30 , en la Salle d~s Actes de l'Université de Grenoble III
3U Domaine
Universitaire de Saint Martin d·l~ares-Giires, sur le sujet
suivant:
Geor!?,p.
Fliot romancicre historique
devant : Nom
Grade
ou
titre
Etablissement
M Pi· cre !·10RERE
Professeur
à
GRENOI1LI: III
_ _..!L-
_
M
)""'l['
j'1·'HR1N
à
"
à
M
l'hi) iPI",
1ft!!!)!:'!
M,
_
à ---------
M
_
à
Date et signature
1) Président
21 Choisi en raison de sa com~êtence scierytifique
DECISION DU PRESIDENT
LA PROPOSITION EST ACCEPTEE ET LE JURY DESIGNE EN CONSEQUENCI
Date èt signature /
L.r. ~
/ ' ,
[..--l.-_..-'
.....
.'
.---
/
,.--"
3 ~\\ ~,
ESC J. L ;.',.T':"'R~~JE
De~;tinataires :
- MM.Llespmembres du Jury
1 ex.
chacun,valant CO~,OCATION
- Le candidat
1 ex.
valant CO~~OCATION
S~crétariat Génêr~l
1 ex.
pour Information
Service de la Documentation
l
ex.
1\\
"
- Bibliothèque interuniversitaire
1 ex.
Il
"
- U.E.R de
1 ex.
"
'1
- Servic~ accueil
1 ex.
n '
"
- Service information
1 ex.
"
\\1
- Affaires Générales
1 ex. pouç réservation et préparation de la
Sil.ll~ des Actes
- Aff1ch;-}J~e vitrine Scolarité
1 ex.
- Archi .... fO:S
1 ex.

A mes
parents,
A mon épouse.
,'-

-1-
INTRODUCTION
-----------------
En 181 1"
Walter Scott publie anonymement ~~!:leï
qui inaugure
la série de
ses vingt-neuf romans historiques,
ème
.,
dont une douzaine
situent
leur action au À~ III
slecIe,
dont certains utilisent des époques plus lointaines et
ème
remontent même
jusqu'au Xl
siècle.
Le succès de 1Va~Eley
est prodigieux et fait de son auteur le réel fondateur du
roman bistorique.
Walter Scott devient alors le
" père du
roman historique
11,
comme
on l'a souvent
appelé.
Non seule-
ment i l cr6e le roman historique,
mais
i l est
l'un des rares
auteurs,
et peut-~tre ].e seul,
~ savoir le rendre à la fois
passionnant et instructif.
Après
\\~Ia].ter :3cott.
les romans historiques
se mul-
tiplient.
De nombreux écrivains imitent Walter Scott dans
ce
genre qu'est le roman historique.
Depuis Wa~~, le roman historique connaît des
hauts et des bas. Et bien que le public le boude un peu,
à
partir de 1850, presque tous les romanciers qui possèdent
d'autres distinctions
littéraires
se laissent
tenter,
au
moins une fois,
par le roman historique.
Ecrire un roman
historique qui
soit enfin un chef-d'oeuvre demeure lU1e am-
bition générale même si elle
se
trouve
rarement réalisée.
George Eliot n'échappe pas à cette ambition. En effet,
elle choisit d'écrire Romola ( publié en 18G3
) dont l'action
se situe dans l'Italie~u x;ème siècle. Elle y dépeint l'é-
poque troublée de l'expédition de Charles VIII, des sermons

-2-
dE
Savonarole
à Florence, et des divisions qui opposent
le
parti
populaire au clan des Nédicis.
I!{0!!101~ ni est pas, et 11'?- jamais été l'un des romans
les
plus populaires de George Eliot.
Depuis la parution de
l'oeuvre,
bien
peu de
critiques
se
sont avérées
favorables
à George Eliot.
Nous devons cependant remarquer que George
Eliot
elle-même était
très
fortement
attachée
à son roman.
On se
demande
souvent
pourquoi R0IT1,21a fut
un échec
aussi désastreux quand i l parut pour la première fois
en
1863, et pourquoi i l ne soulève toujours pas beaucoup d'en-
thousiaSII\\e
parlni les
lecteurs d'aujourd'hui.
La réponse
n'est
pas
très. difficile à trouver.
Certes,
le roman n'est
pas
facile
à lire
i l
est
sérieux,
savant,
complexe et
exotique,
niais
pas
facile
à lire. Ensuite, c'était la pre-
mière
fois
que George Eliot
situait
l'action d'un roman
hors du Warwickshire
et
de
ses
environs;
En
1863,
les
lec-
teurs voulaient
encore du Warwickshire,
même
si
certains
d'entre
eux n'avaient
pas
la moindre idée de
l'endroit

se
situait
le
Warwiclcshire
i l s
étaient
am~~ement déçus
que
cet
auteur qui leur avait donn~ des romans
tr~s distray-
ants
sur la vie dans
les
r~gions rurales des Midlands, leur
présente un roman qui ne parlait que de l ' I t a l i e et des
Italiens d'autrefois.
L'insuccès de Ro~l~, de nos
jours,
est
peut-être
aussi dû au
fait
qu'à travers
les
années,
le
roman a
tou-
jours
été
considéré
comme un échec.
Alors
i l
est un peu
négligé
par les
critiques,
ce qui
explique
le manque de
recherches
.faites
sur Romola.
A notre
connaissance,
les
cri-
tiques les plus récentes viennent de Garole Hobinson,
George

-J-
Levine et Andrew Sanders.
Pour que :Rornol~ soit bien compris et apprécié, le
lecteur devrait avoir une connaissance assez bien détaillée
.
.
l
.
d
i d ' ,
' d
XV ème
de
l ' h l s t o l r e .f orentlne
ans
es
ernleres
alUlees
l i
siècle.
Peu de lecteurs veulent prendre la peine de faire
des
rechercJH~s avant de lire un roman
:
donc Romola se
- - - -
languit sur les rayons des bibliothèques et des librairies
où l'on vend des livres d'occasion.
Que le lecteur judicieux
descende Ramola de l'étagère,
le lise de nouveau ou pour la
première fois,
et espérons qu'il découvrira les trésors sans
prix qu'on peut trouver dans ses pages.
Le travail que nous nous proposons de faire dans les
pages à venir est à la fois tille analyse et une critique de
George Eliot,
en tant que romancière historique,
à travers
Romola.
Cette étude se propose donc de mieux faire connaître
George Eliot en tant que romancière historique, et,
pour cela,
H0.!:!!.2!.ê: n'est-il pas le meilleur moyen? Car George Eliot,
pour la plupart des lecteurs,
c'est surtout The Hill on the
Floss et Hiddlemarch. Hais que sait-on de George Eliot en
tant que romancière historique? Peu de choses.
Et ceci,
à
.(..'\\..
cause de l'oeuvre elle-mênJe.
Cette étude, q~i veut donc tenter de combler une cer-
taine lacune,
s'efforcera d'abord de discerner les origines
et de décrire brièvement les
premiers développements d'un
genre qui a fait
son apparition dans la littérature anglaise
en 1811j.
Après cette première partie,
l'essentiel des deux sui-

-4-
vantes
sera consacré à Romo1~l
d'abord en tant qu'oeuvre
romanesque~ puis en tant que roman historique.
Nous verrons
aussi
si cette
oeuvre répond à la définition du roman his-
torique.
Nous
essayerons de voir le mécanisme de l'histoire
L"-o
-dans Romola,
ce qui devrait,
d'ailleurs,
éclairer la concep-
tion que George Eliqt se fait de l'histoire.
Cette étude
s'attachera aussi à préciser un certain
ème
nombre d'idées ou d'attitudes de l'Italie du XV
siècle,
et
plus
précisément de Florence,
sur les
plans religieux,
politique,
moral et social.
Nous verrons
aussi quelles sont
les
similitudes entre
Florence au xv ème siècle et l'Angleterre du XIX ème siècle,
replaçant ainsi Romola dans
son contexte essentiel.
Nous verrons également dans quelle mesure George
Eliot introduit dans Ro~~la se9 idées et certaines questions
qu'elle se posait et auxquelles elle a
tenté d'apporter une
réponse dans
le roman.
Enrin,
cette étude
s'erîorcera de répondre à certaines
. ème
questions (lue
peuvent se
poser les
lecteurs du XX
si~cle
à propos de ce genre qui prête à tant de controverse : le
roman historique.

-5-

-6-
CHAPITRE
I .
LES ORIGINES ET LES PREMIERS DEVELOppE~ŒNTS
_
------_._-----------~ ... - - - - - - - - - - - - - -
Il nous semble logique de co~nencer notre travail
par cette rubrique pour démontrer que George Eliot fut une
r"omaricière his torique.
Et dans
cette
prerr.ière partie,
nous
ferons référence ~ la th~se de Michel Durand de l'Univer~
si té de Lyon,
qui a fait un travail qui nous est tr~s utile.
A.
LES ORIGINE" DU GENRE.
--------------_.
Ali d 'b
e li t
d l i XIX ème
,
.•
Slec 1 e,
on assiste
à plusieurs
manifestations du retour au passé dans les différentes
formes de l ' a r t anglais.
On se tourne de plus en plus
vers
toutes
les. cipoques du passé et
on s'intéresse au
moins autant
à l'~istoire des hommes et des nations qu'à
leur mythologie et leur héritage artistique.
La vogue
extraordinaire des romans historiques
est
l'tlne des conséquences de ce retour au pass~. On voit
alors
triompher le
" genre historique
I l ,
dans des domaines
aussi divers que
la peinture,
la musique,
l'architecture
ou les arts décoratifs.
En ce qui concerne la peinture historique,
des
per-
sonnages et des épisodes cél~bres de l'histoire sont repré-
.
sen t 'es.
P end an t 1 a
. .
prenl1cre
.
mOl t' '
le d
XIXeme
U.J.
.•
Slec 1 e,
d e
très nombreux artistes se consacrent aux fresques
et aux

-7-
portraits historiques.
Parmi eux se distinguent Joseph
Mallùrd Turner,
Sir David Wilkie,
Sir Charles Eastlake,
Daniel ~Iaclise. Les deux sujets qui inspirent le plus les
peintres anglais
sont sans
conteste les guerres napoléo-
niennes et la Révolution française de 1789. Et l'on peut
dire que le genre historique cormait son apogée en 18~1,
lorsque la COlllmission royale nommée
par Sir Robert Peel
et
placée sous la présidence du Prince Albert,
décide
que
la d6coration du nouveau Palais du Parlement sera
constitu6e
par des
peintures historiques et non all~go­
riques.
Quant à la musique,
une grande partie,
écrite ou
. ,
A I t
d
t
l
. ,
. t ' ' d
XI ème
Jouee
en
ng e
erre
pen an
a
premlere mOl
le . li
X
sièele
est elle aussi résolumment
tournée vers le
passé.
1
Les oeuvres les plus appréciées sont celles de Beethoven,
Schumann,
flummel,
~fendelssohn, Liszt,
Berlioz et Bellini.
Tou?
ces musiciens
s'inspirent
souvent de
personnages
ou de
thèmes historiques:
Berlioz,
par exemple avec
Le~_:!'E2:l::~~'
La musique populaire est
extrêmement vivante et,
très
souvent,
elle
s'oriente vers
le passé.
C'est ainsi
que Henry Bishop (
1786-1855),
musicien célèbre à l'épo-
que et presque oublié aujourd'hui,
se
spécialise dans
l'adaptation musicale des romans de Scott.
Les
parodies musicales
reprennent très
souvent
des thèmes de la mythologie classique,
de l'histoire an-
I·-~
.gla4.-se
ou continentale,
de
romans historiques
ou ct' opéras

-8-
qui
s'inspirent déjà eux-mêmes,
le plus souvent,
d1événe-
ments historiques.
C'est peut-être dans l'architecture que l'attrait
du passé est le plus évident et conduit aux réalisations
les plus spectaculaires.
Les deux principaux courants qui
se développent et s'opposent alors sont des renouveaux
ème
du style grec et du style gothique.
C'est au XIX
siècle
que
ces deux renouveaux se
sont vraiment
épanouis.
,(. :....
'Le renouveau grec est né au milieu du XVIII ème
siècle,
lorsque,
grâce aux recherches archéologiques,
1
la passion pour la Grèce antique
a fourni une nouvelle
inspiration à l'architecture et à la décoration intérieure.
\\
Nais le triomphe du renouveau grec ne dure pas,
ainsi,
en
!
18)6, le style grec se voit préférer le style gothique
l
pour le nouveau Palais du Parlement.
Sous l'influence des publications comme celles de
John Britton et de Thomas Rickman,
l'aristocratie anglaise
adopte bientôt le, style gothique.
L'année 18)6 peut être
considérée comme lm tournant décisif pour ce style.
En
effet,
la Comnlission
parlernelltaire qui a
~té chargée d'or-
ganiser la reCOllstruction du ]~alais de Westminster qui
avait brfilé au mois d'octobre 18)4, a choisi le style
gothique.
Le choix du style gothique pour le bAtiment
public le plus important d'Angleterre consacre son triomphe.
Le style gothique doit aussi son succès à Sir Walter Scott
qùi en parle dans l'atmosphère et dans la couleur locale
de
ses ronlans.
En mg me
temps,
le fait
qu'il ait
choisi
1
·1

-9-
d'habiter un ~dificegothique moderne, Abbotsford,
cons-
truit en 1812 par \\l'illiam Atkinson,
flatte l ' imagin6.tion
de
ses lecteurs et encourage la construction de villas
et de manoirs du m&me genre.
Les arts décoratiÎs présentent,
eux,
deux caracté-
ristiques assez évidentes Inais paradoxales:
d'une part,
ils sont à l'origine de l'utilisation de nouveaux maté-
riaux,
tels que le m~tal et le papier mâch~ pour l'ameu-
blement,
le parian pour la sculpture,
ou de nouvelles
techniques telles que,
par exemple,
l'impression multi-
colore pour la poterie;
d'autre part,
comme la plupart
des autres aspects du goût victorien,
ils manifestent
un retour au passé dans leur style aussi bien que dans
les thèmes qu'ils représentent.
La Grande Exposition de
1851
est bien repr~sentative des diff6rents styles qui
règnent alors sur les arts décoratifs.
Dans l'ameublement,
c'est le style grec qui l'em-
porte d'abord,
jusqu'aux environs de 1840
; mais i l est
ensuite très vite domil1~ par le style gothique, puis les
styles rococo et Renaissance connaissent à leur tour un
essor florissant
en rel~guant au second plan le style
gothique.
Le retour au passé se manifeste,
non seulement
dans les styles de l'ameublement,
mais encore dans le
choix de ses sujets décoratifs.
La sculpture se tourne aussi vers le passé
ainsi

-10-
la Il
grande
Il
sculpture sur marbre illustre
surtout des
scènes célèbres de
l'histoire d'Angleterre;
à la Grande
Exposition~ on remarque beaucoup une statue du roi Alfred
à qui sa mère apprend à lire,
ainsi qu'une
statue du duc
de Marlborough écrivant la dépêche annonçant sa victoire
à Blennheim.
Pour la poterie,
la porcelaine et le verre,
l'in-
fluence du passé est aussi manifeste.
Certains objets de
terre ou de grès sont de style étrusque.
Pour la poterie
et
en particulier les vases,
c'est
le
triomphe
indiscu-
table du style grec.
Pour les objets de porcelaine.
assez
rares à l'époque victorienne,
c'est d'abord le style
,l._'\\.,
rococo qui
s'impose,
suivi,
à partir du milieu du XIX ème
siècle,
par le style grec et le style Renaiss~lce.
Enfin,
cette réapparition du style ancien se mani-
feste aussi dans la plupart des vêtements féminins et dans
la coiffure.
Presque
tous
les vêtements
féminins emprun-
tent à dES époques
plus anciennes leurs détails de forme
et d'accessoires.
C'est ainsi que
l'encolure basse,
avec
ème
un col de dentelle imite celle du XVIl
siècle.
Quant
aux chaussures,
elles sont
copiées
sur~~9~~le du XIV ème
~t>..
<;,~/~,
slecle.
0 , \\
;;:
7_ ~
,-'
,\\
Pour la coiffure f'émin ine, ,~e ,rty1:e EQui 't~i t fureur,
de 1820 à 18J5, est celui de la " ciolffu~Jcq~e "
et
t
'.0 "t' t
'
/ " d
son signe
le
plus distinctif es
con~r' l~ ue-pa~,;~ eux grandes
'("(,/r:>
,~."0-9,
boucles que l'on appelle
" le noeud d·'-App).'},-on ".

l
"
-11-
Le ·passé s'exprime aussi dans l'essor des
études
historiques,
Et i l faut noter que le soudain développement
de cette discipline est dû, d'abord,
au sentiment général
d'insécurité éprouvé en Angleterre pendant
presque
toute
ème
la première moitié du XIX
siècle.
Il existe
également
des
causes
économiques,
sociales,
politiques,
religieuses
et morales,
De ce fait,
comme le dit Nichel Durand,
la
réaction psychologique la plus naturelle est alors de se
tourner vers les valeurs du passé dont la solidité a été
éprouvée et qui paraissent d'autant plus sûreS qu'elles
sont
éloignées.
Et
l'on comprend donc aisément
pourquoi
le début du succès des romans de Walter Scott, vers 1815,
correspond à la première grande crise économique et so-
ciale
; pourquoi la vogue des
romans historiques connaît
un déclin à
partir de 1850 lorsque le pays connait la
prospérité et la paix
pourquoi cette vogue connait un
nouvel essor après 1866 et 187J,
au moment ob réapparais-
sent les grandes
crises financières
et
économiques.
L'un des
signes
les
plus
évidents de l'intérêt
que l'on porte à l'histoire est l'extraordinaire floraison
de sociétés archéologiques et historiques qui,
le plus
souvent,
éditent
leur propre revue.
Les
études historiques
sur l'Europe moderne reçoivent de l'école allemande une
forte
impulsion,
qui ne
se fait
pourtant r~ssentir que
tardivement en Angleterre.
Léopold von Ranke,
qui est sans
doute
l'historien le.plus
important de la première moitié
ème
, ,
d li XIX
51ecle,
exerce
son influence dans
toute l1Europe

-12-
avec la publication de
son premier ouvrage,
Geschichte der
rO~ni~.9.he!:--!:o~_germanischenVolker, 14911-151 11, en 1824,
qul constitue le point de départ de la méthode historique
moderne.
Ranke
crée autour de
lui une école historique
où s'illustrent de grands noms comme Georg \\.[aitz ou Hein-
rich von Sybel.
L'engouement général
pour le passé n'a pas seule-
ment favorisé
la popularité des études historiques,
mais
i l inf'luence aussi tous les genres de la littérature,
qu'il s'agisse de la poésie, du théâtre ou du roman.
ème
En ce qui concerne la poésie,
au début du XIX
*sieéle,
presque tous les
poètes
écrivent à un moment ou
à un autre de leur carrière des poèmes historiques, le
plus souvent médiévaux ou encore orientaux'':
Parmi les
plus connus,
on peut citer certains poèmes de Southey
(
, The Battle of' Blennheim'
1798), de Scott
(
, The
Lay of' the Last Ninstrel
1865
) ..
Quant au théâtre,
i l apparaît que,
pendant la pre-
mière moitié du XIX ème siècle,
la plupart des pièces re-
présentées sont de simples adaptations de romans de Dickens,
de .Scott,
d'Aïnsworth.
Ainsi,
l'un des grands
succès de
l'année 18~O est la représentation d'Ivanhoe,
au
' Hay-
market Theatre
C'~st le roman historique qui,
par sa prolifération
extraordinaire illustre avec le plus d'éclat le phénomène

-1J-
du retour au passé et l'engouement général pour l'histoire.
Le propos du roman historique est de peindre les vies et
les émotions individuelles à une époque et dans des cir-
constances d'intérêt historique. Et pour qualifier cette
forme de roman,
les Anglais
emploient tantôt l'expression
de
' historical novel
"
tantôt celle de
' historical ro-
mance
A la fin du À~IIIème siècle, la différence entre
1
novel
'
et
1
romance
1
était
très claire.
Ainsi Clara
Reeve expliquait-elle,
dans
son Progress
of Romance écrit
en 1785, que
The Romance is an heroic fable,
which treats
of fabulous persons and things,
-- The Novel
is a picture of real life and manners,
and
of the times in which i t
is wri tten.
(1)
'1
.
XIX ème
.,
1
1
d'
t '
t'
t
1
D.J..S
nu...
Slec
e,
a
15
lnc
lOTI en re
es
deux termes devient de moins
en moins précise et finit
même souvent
par disparaître.
Le roman historique
a eu des précurseurs car depuis
l'Antiquité des oeuvres isolées répondant à la définition
de ce genre
ont
été écrites.
On pourrait,
par exemple;
presque remonter à la CyropaeE!ie de Xenophon.
~Iais il est
admis avec une rare unanimité que c'est Walter Scott qui
en est
le r&el fondateur.
Aussi l'a-t-on souvent appelé
le
11
père du roman historique
Tt.
Il a
pourtant commencé
(1) Heeve,
Clara, The Progress of Romance,
( New York, The
Facsimile Test Society,
p.
111).
1930.

_1 11_
par se consacrer à la poésie et a connu grâce à elle un
assez grand succès entre 1805 et 1810, depuis la publi-
cation de TllÙ~~.-Ehe_Last ~linstrel, jusqu'à celle
de The Lady of the Lake.
Mais à partir de 1812, la popu-
larité de Byron jette une ombre sur la sienne.
Abandon-
nant la poésie,
Scott se
tourne alors vers
le
roman et,
en 181 11,
i l publie anonymement Wa~~1~Y qui est le pre-
mier de la série de
ses vingt-neuf romans historiques.
Le succès des romans de Ivaverley est prodigieux lors de
la parution en 1814. Et c omTne le di t
~lichel Durand, non
seulement \\,talter Scott crée le
roman historique en sa-
chant
le rendre
à la fois passionnant et instructif, mais
en même temps qu'il donne un nouvel élan au genre roma-
nesque
et satis~ait le besoin d'évasion de ses lecteurs,
i l donne conscience à l'Angleterre de son histoire comme
aucun véritable historien ne réussit à le faire.
Il con-
tribue plus que tout autre au développement du mythe ou
de l'idéal de la chevalerie,
que l'on va retrouver si
souvent dans
la morale
et dans
la littérature victoriennes.
Quelle a donc été l'influence de Walter Scott sur
:::<es
successeurs
et
ses
imitateurs
et
quelles
ont
été les
difrérentes étapes par lesquelles est passé le roman his-
torique? C'est ce que nous
allons voir maintenant dans
le chapitre
intitulé
Il
Genéralités
sur le roman histo-
rique
" qui. se fonde
surtout
sur l'oeuvre de Georges
Lukacs, Le ~man his.!;.!2rique.
1
1
i

-15-
l._,,"-
CUAPITnE
II.
Georges Lukacs
(1)
a écrit un traité magistral sur
le roman historique,
intitulé Le roman historigue.
Nous
pensons qu'il est indispensable de raire le co",pte-rendu
des
principaux passages qui nous concernent
pour notre
étude.
Nous utiliserons la traduction du texte allemand
de Robert Sailley, bibliothécaire à la Sorbonne,
( Berlin,
Aufbau, Verlag ) 1956.
(1) Georges Lukacs, philosophe, critique et homme politique
est né à Budapest le 13 avril 1885.
Influencé par le
n~o-kantisnle et l'historisme, lors de ses ~tudes en
Allemagne,
i l s'est
progressivement
orient~ vers une
analyse sociologique,
structurale et historique de la
création et des genres
littéraires dans
ses
premiers
récits Sur l'esthétique: L'Ame et les formes,
1911
La T~~~E~~~~~~E' 1914-1915. Membre du parti commu-
niste hongrois,
i l f'ut vice-commissaire du peuple à
l'Instruction Publique dans le gouvernement révolution-
naire de Dela Kun
(1919).
Dans son principal ouvrage,
Histoire et Conscience de classe
( 192)
), Lukacs a
tenté d'actualiser l'aspect révolutionnaire de Marx
dans son interprétation de la révolution prolétarienne.
Accusé de déviationnisme en 1925,
i l fit
son autocritiql
Auteur de
travaux de sociologie et de critique littérai,
où i l formula les bases d'une esthétique marxiste, Lukac
fut membre du comité
central du Parti Communiste llongroj

-16-
1.
LA FOmlE CLASSIqUE
/JU ROHAN HISTOIUQUE.
Le roman historique est véritablement né au début
ème
du X:r.X
s i è c l e :
bien sûr,
quelques
romans
se veulent
ème
IIème. ,
historiques aux XVII
et XVI
slecles,
mais i l s ne
1
reflètent que l'ambiance
qui
régnait
au temps
où i l s
furent
1
é c r i t s :
i l leur manque le fait que la particularité des
1;·
personnages dérive de la spécificité historique de leur
~
temps.
En
France,
au siècle des
lumières,
on s'occupe
[.
surtout d'approfondir les causes de la grandeur et du
déclin des
états antiques.
En Angleterre,
la situation
est différente
bien qu'on y
saisisse l'histoire plus
concrètement qu'en France,
les
points de vue historiques
ne sont appliqués qu'épisodiquement.
Nais
comment
le'peuple,
les
masses,
vivent-ils
l'histoire?
Ils
en ~ont l'expérience pour la première
er
fois lors de la Révolution Française,
et sous Napoléon 1
.
A ce moment-l~, tout le monde est concerné;
tout
le monde
e-sL -affecté. La révolution apporte un peu d'égalité entre
les hommes,
certaines
barrières
tombent
les hommes
pren:'"
nent conscience que
l' histoire,
à ce moment-là, ce son t
eux qui
la ~OJlt. C'est de là que provient l'~veil du sen-
timent national qui
se
produit
en France
et dans
d'autres
pays d'Europe à cette époque .
.. ' / ' "
lors de l'insurrection de 1956, et ministre dans le
gouvernement d'Imre Nagy.
Déport~ en Roumanie, il reprit ses
travaux à Budapest enI95?
Parmi ses oeuvres les plus impor-
tantes,
citons:
Existentialisme
ou Marxisme,
1947
;
La~~~­
tr~i2!l-3~-1~-E~i~2!!, 195/1 ; ~ roman historique, 1955.
GeorgeslLukacs mourut à Budapest en·1??1.
\\.

-17-
Les
premiers romans historiques
furent
l'oeuvre de
(._"- Walter Scott qui a eu w'e immense influence sur les his-
toriens de
son époque et des
époques postérieures.
Scott
est un conservateur
;
i l est
proche des couches de la
société qui ont subi les effets négatifs de la révolution
industrielle.
Scott, dans
ses
romans,
ne fait
pas inter-
venir l'histoire du présent
i l est toujours un ou deux
si~cles en arri~re, au nloins. Son héros~ toujours un gen-
tilhomme
anglais,
poss~de toujours la sagesse, la vertu
morale,
mais
pas à un degré
très
élevé.
C'est un héros
" moyen"
De quelle façon Scott s'y prend-il pour représenter
l'histoire?
Ses
personnages représentent des
courants
so-
ciaux et des forces historiques,
par leur psychologie et
leur destin.
Ce sont les héros moyens qui représentent le
mieux la classe moyenne anglaise
c'est par leur biais
que nous
assistons
aux changements de l'histoire.
Le héros
est au centre de l'intrigue qui n'est elle-
même qu'un moyen de mettre en évidence la situation histo-
rique.
Mais
le héros
principal doit
toujours
pouvoir en-
trer en contact
avec
les deux camps qui s'opposent
de
cette façon,
i l forme W' lien.
Scott se rend très bien
l,
compte qu'il n'y a
jamais eu dans l'histoire de guerre
1
civile qui a été violente au point de faire de toute la
1
Il
population sans
exception des
partisans fanatiques de l'un
ou l'autre des camps en lutte.
1
Les grandes figures historiques sont toujours pré-
t
sentes dans
les romans de Scott;
pour qu'elles apparais-
fL

-18-
sent,
une mise en condition est nécessaire
Scott nous
fait d'abord assister à la nlont6e de la crise dans le
p~uple, nOllS îait comprendre les raisons de la crise et
après cela seulement,
le héros historique apparaît.
Chez
Scott,
le héros historique n'arrive qu'après que
toutes
les conditions sont réw1ies
11
Scott,
en montrant au
préalable l'encbev~trernent compliqué de la vie elle-même,
a figuré
au préalable son essence,
dont
le personnage his-
toriquement dirigeant doit donner la forme abstraite,
la
généralisation intellectuelle, la concentration dans un
fait
historique
".
(1).
Chaque persormage
a
ses caracté-
ristiques.
I l existe aussi un lien entre la psychologie
des hommes et
les circonstances économiques
et morales de
leurs vies~ et Scott nous fait bien sentir ce lien,
en
montrant que
l'interaction de ces deux
phénomènes
conduit
à la marche de l'histoire. Il nous montre également que
certaines crises historiques
ont de l'influence sur les
comportements
psychologique et moral de l'individu.
Plus la période historique est éloignée,
plus l'au-
teur doit se
concentrer pour rendre vivants
à nos yeux la
p6riod~. qu'il décrit, les réactions psychologiques des
1ndiv1dus
i l
îaut donc
faire
revivre d'une manière poé-
tique
les
individus de
cette
époque,
pour que nous nous
sentions directenlcnt concernés.
Chez Scott,
nous
trouvons
deux sortes d'individus
ceux
Il
qui entretiennent
",
qui
subissent les bouleverse-
ments de
l'époque dans
leurs vies
propres,
et les
individus
(1) Lukacs, Georges, Le roman historigue, ( Payot, Paris.
Ch.
l ,
p.
111
).
1972.

-19-
Il
mondialement historiques
'l,
qui influencent et guident
les actions des masses.
c~
Chez Scott, les grandes figures historiques ne sont
que des
personnages
secondaires dans
le récit
;
elles ne
sont
jamais
idéalisées,
mais.
au contraire,
possèdent
leurs qualités et leurs défauts.
Ces grandes figures his-
toriques ne
peuvent
agir que
lorsqu'elles
ont un raIe
important
dans
l'histoire.
Nous voyons
i c i une différence
avec
l'épopée
où,
au contraire,
le personnage historique
le plus important occupe la position centrale.
Pour Scott,
le
roman historique
est
le
seul moyen
de
rendre fidèlement
la réalité historique
ses héros
sont humanisés,
leurs attitudes
sont mises
en relatim
avec
l'époque

i l s vivent.
Lukacs nous dit
"Scott
représente
simultanément
la nécessité historique de
cette
individualité particulière et le rôle individuel qu'elle
joue dans 1 'histoire".
(1). Dans les romans de Scott,
l'atmosphère est créée
par les
interactions entre
les dif-
férentes classes,
entre le haut et le bas de la société.
Scott décrit d'abord les effets de l'histoire sur le peu-
ple,
puis leurs
conséquences
sur les
idéologies.
Scott recherche l'authenticité historique par la
qualité de la vie intérieure.
la morale,
l'héroïsme,
les
aptitudes au sacrifice particulières à une époque donnée.
El1
représentant des crises historiques,
Scott
montre la grandeur humaine qui est
libérée
par l'ébranle-
ment de
la vie
populaire en ses représentants
importants.
(1) Le roman historique,
Ch.
l,
p.
50.

-20-
Plus que Goethe, Scott met en 'vidence le caract~re his-
torique de l'h4roisme et i l le fait de mani~re artistique
i l nous montre que c'est pendant
les révolutions que les
réserves cachées d'héroïsme
sont mises à jour.
Dans tous
ses romans,
Scott nous permet de revivre
le passé dans
sa
vérité et
sa réalité.
Et Georges Lukacs nous dit que
Il
sans
une relation sentie ·avec
le
présent,
une
figuration de
l'his-
toire
est
inlpossible. rl
(1).
La vision de Scott
est
toujours
fidèle
au passé,
mais
i l
a l'art de nous
faire vivre ceS
monlents
comlne
s l i l s
étaient
présents.
Il nous montre la
vie véritable de la réalité historique qui,
pour lui,
est
constitu4e par la vie du peuple lui-même.
Scott est un grand poète de l'histoire parce qu'il
sent profond4ment la n4cessit~ historique. De plus, Scott
est fid~le à l'histoire, i l utilise les d'tails uniquement
dans le but de manifester sa fid4lit' historique, de même
que dans la représentation humaine et morale de ses per-
sannages
par leur psychologie,
ses personnages appar-
tiennent
erfectivement
à leur époque. §c·(rj;-;~'"';iEcontrairernent
/~\\~
,.--":-
à la pratique des auteurs de romans .ni>st'6ri-qu~~·~postérieurs
f~v /
' ' \\ ~:,\\
à 18118, ne modernise jamais la psych'bJ.logie de s,es\\ person-
l" 1 t) fi ME' \\ "~
nages.
I l dit
lui-même que
l ' auteur, ~edort~i'eh.=;tintro-
,," \\
/ d
duire d'incompatible
avec
les
manièl\\é';, ~p?~4e.
, ' -
9'e''/
"-.': '("'"
""nt':>'::~~'
'--~"
Scott
a
eu une
immense
influence
sur la littérature
europ'enne.
Cette influence qui se manifesta lors de la
parution de
ses
oeuvres
fut
immédiate
et
phénoménale.
C'est
(1) Le roman historique,
Ch.
I,
p.
56.

-21-
en France,
où les chiffres de vente de ses romans battent
tous les records,
qu'il est
accueilli
avec le plus d'en-
thousiasme et qu'il donne la plus grande impulsion au genre
du roman historique.
Celui-ci triomphe de 1825 à 18J1, avec
Alfred de Vigny,
dans Ci!!.'.l=~ars ( 1826 ) et ~!':1-lo ( 18J2 ),
avec Honoré de Balzac: Les Chou"-ns
( 1829), Prosper Néri-
mée
: Chro!!igu-"'-_>!~--E2zne de Charles IX ( 1829 ) et Victor.
Hugo: NotE~=!:l.9c~~_>!!':_.!:.9cris ( 18J1
),
puis i l continue de
façon assez fantaisiste mais
encore
plus vivante,
avec
Alexandre Dumas père qui,
entre autres,
é c r i t :
Les TEoi~
NO~.'.luetaires ( 18/14 ), Le Ch!':~.9c1-ier de ~.9cison-R2~~-"'- ( 1845 ),
La_Da!!1e de Nonsoreau (
18 115
) et Le Collier de la Reine ( 1848-
1850 ).
L'influence de Scott
.;:;e
fait
aussi
sentir en Italie,

Alessandro Nanzoni devient une gloire nationale avec
l-Prome~i-§E2si ( 1825-1827)
en Allemagne, où le genre
sera illustré par Wilhelm Adolph Becker,
Felix Dahn, Georg
Ebers, Ernst Eckstein ou Gustav Freytag :
et aux Etats Unis,
James Fenimore Cooper remporte bientôt un vif succès
avec The Pioneers
( 182J ) , The Last of the Nohicans ( 1826
- - - - - - - -
et The Prairie ( 18 2 7 ) . En Angleterre, les romans de Scott
----------
connaissent une vogue extraordinaire,
dans
les milieux aisés
comme dans
les classes
sociales défavorisées.
En 18J8, une
enqu@te menée
par la Il
London Statistical Society ",
sur le
contenu d'une dizaine de bibliothèques ambulantes dans les
quartiers
populaires de Westminster,
révèle que les volumes
les plus nombreux sont Ceux de Scott et de ses imitateurs.
(1)
(1) The English Common Reader.
A social Hi:!".toEY_of tE-",--~~!".!".
Readinfi-Public.
1800-1900.
The University of Chicago
Press,
Phoenix Books,
1957. Par Richard D. Altick.

-22-
~Iais d~j~ pendant les seules ann6es 1827 et 1828, le chirrre
de vente de
ses romans
atteint
au moins deux cent mille
livres
sterling.
Aucun de
ses nombreux imitateurs ne réussit
à devenir un véritable rival pour lui
et,
en mars
1827,
la Quarterly__ He~~ peut critiquer ces
writers or sorne talents,though not very elevated
either in kind or degree,
who seem to
think that
to illlitate the construction of his rable,
to
collect
sorne
scraps
of antiquarian lore,
and ta
introduce
ald names
at
intervals,
i5
ta write a
novel in the
style or ~verl~y. (1)
Tl n'existe qu'un seul successeur de
langue anglaise
à Scott
l'Américain Fenimore Cooper,
qui décrit l'histoire
de l'Amérique
le
capitalisme
colonisateur français
et
anglais détruit la soci~t~ des Indiens. Cooper décrit éga-
lement le héros moyen et,
par lui, repr6sente la tragédie
des
premiers colons qui,
pour préserver leur liberté,
ont
fui
l'Angleterre et d~truisent ~ leur tour la libert~ des
Indiens.
Goethe,
lui,
reste un auteur de la période anté-
rieure à Scott,
car i l
préserve la psychologie historique
des
personnages
jusque dans
les moments
les
plus impor-
tants de leurs vies.
Il
a
tendance à repr~senter les ~v~­
nelllents
selon leur caract~re purement historique.
En Alle-
magne,
les
conditions
idéologiques pour ~crire un récit
(1) Auteur anonyme,
, Historical Romance
(The Quart~!Y
Re~ie~, Vol. 35, pp. 518-566 ). Mars 1827.

-2J-
historique de grande classe n'existaient pas.
Dans certaines
oeuvres,
telles que Le Pri~3~~am~2~~ paru en 1810,
Kleist fait
intervenir des donn~es historiques mais ne mon-
tre
guère de trace de progressisme":
sa manière est épiso-
dique et donne des r~ponses r~actionnaires à d'ilnportantes
questions de l'histoire.
La ligne donlinante de la litt4rature historique en
Allemagne,
rut celle de la réaction romantique,
la glori-
L.:1."
__
_0-
fication apologétique du Moyen Age.
Le seul écrivain qui
se rapproche de Scott est Willibald Alexis,
conteur au ta-
lent réel pour ce qui est historiquement authentique dans
les moeurs et les sentiments des hommes.
Chez lui,
l'his-
toire,
plus que les costumes et les décors,
détermine réel-
lement la vie,
la pensée,
le sentiment et la conduite de
ses
personnages.
rotais
l ' h i s t o i r e
prussienne
est
pauvre
et
ses romanS en-souffrent.
En Italie,
se posent les mêmes problèmes, mais sur-
vient AlessDndro Nanzoni avec !-EEEmessi2~.!.
dans cette
oeuvre,
Nanzoni est même supérieur à Scott.
I l rejette à
l'arrière-plan les grands événements historiques mais i l
décrit ~ merveille la condition critique du peuple italien
par suite du morcellement de l ' I t a l i e ,
et par suite du
caractère îéodal et réactionnaire de ces parties morcelées.
Tout cela,
i l le îait à travers les aventures sentimentales
de deux je\\ll1es paysans qui s'aiment,
se séparent,
puis se
retrouvent
: leur destin devient la tragédie du peuple ita-
lien en général.
En Hussie,
la situation en ce qui concerne les pos-

sibilités du roman historique est différente.
L'rnlité
nationale existe et le
changement révolutionnaire appof'té
par Scott y
rut très vite compris.
Pouchkine dans des
oeuvres telles que La Pill~3~9~Eitaine engage la lutte
contre la modernisation de la figuration historique
i l
ne faut
pas représenter des
raits contemporains
sous un
costume his·torique.
Il décrit
aussi le héros moyen et le
personnage historique
important n1apparait qu'~pisodique­
ment.
I l
~ait participer ses héros moyens à des épreuves
extraordinaires
pour Inettre
en ~vidence leurs qualit~s
humainement vraies.
Conlllle
~Ianzoni, il surpasse Scott dans
la représentation artistique des êtres humains,
dans la
mise en farine
esthétique du r~cit : i l a le désir intense
de beauté, de
perfection artistique
i l élève tout évé-
nement dans la sphère de la beauté.
Tout en continuant la lignée de Scott, Gogol intro-
duit deux nouveaux éléments
la f'iguration grandiose,
épique~ des Cosaques qui peuvent agir d'tille manière indé-
pendante.
Dans Tarass B~~.:!ba, nous assistons aux transfor-
mations d'une
société primitive:
ces
transformations
sont
la consciq~ence du fait que cette société est entourée par
une civilisation plus développée.
En France,
à cette époque,
aucun roman historique
n'égale
ceux de Scott.
Après la Révolution,
la France,
qui a mûri,
jette un coup d'oeil rétrospectif sur les
erreurs de
lthistoire.
A propos des faits de llhistoire,
Vigny nous dit,
dans
son étude Sur la vérité dans
l'art
qui a
paru comme
préface à
son roman Cif!-g-NaE:2.
:
li
Il leur
.1..',,_

-25-
manque toujours un enchaînement palpable et visible qui
puisse amener sans divergence
à une conclusion morale."
I l proclame la liberté pour l'écrivain de
transformer
les faits historiques et les agents de l'histoire.
Pour
Vigny,
les grandes figures historiques de son époque
sont effectivement les héros de ses romans.
Victor Hugo
construit ses
romans
sur le même
principe.
Stendhal et Hérimée représentent la continuation
de la tradition des Lumi~res. Hérimée est opposé à la
conception selon laquelle les grandes figures de l'his-
toire doivent servir de héros.
I l veut tirer de l'his-
toire des enseignements généraux
toujours valables,
t
.L....
-dir<Jctement tirés de l'observation intense et détaillée
des faits
empiriques de l'histoire.
I l dépouille de leur
héroïsme
les
personnages historiques dirigeants,
mais de
cette façon,
i l rend privé
le cours de
l'histoire,
i l vise
à présenter les moeurs de l'époque.
Mais les
événements
privés ne
sont
pas assez étroitement liés
à la vie réelle
du peuple
le lien entre le grand événement historique
et
les destit15
personnels des h~ros n'est pas évident.
Balzac est tr~s influencé par Scott et i l le conti-
nue très bien.' Dans Le
Dernier Chouan,
i l montre,
ct' une
part,
le peuple primitif,
arriéré,
superstitieux et fana-
tique de la Bretagne, et d'autre
part le simple soldat
profondément convaincu,
tout naturellement héroïque de la
République.
Le roman est entièrement conçu dans l'esprit
de
Walter Scott.
Dans les romans qui suivent Le Derni~E
Ch~~~~ Balzac veut présenter l'histoire française moderne

-26-
sous la forme d'un cycle
cohérent de romans.
Il
se limite
à la période 1789-18~8
trhs rarement i l fait
allusion
à des époques p~us anciennes. La structure de La Comédie
-------
Humaine montre les liens qui
se
tissent de
génération en
généra tian.
~lai 5 é tan t donné le grand nombre ct 1 événémen ts
qui
se
succ~dent dans ses romans, Balzac doit donner à des
phases
tout à fait
courtes une atmosphère historique par-
ticulière
ceci fait que
certains
événements
ont l'air,
souvent,
beaucoup plus
importants qu'ils ne
l'ont été en
réalité.
Avec Balzac,
le roman historique revient à la
description de la société contemporaine.
Tolstoî se tourne d'abord vers les grands problhmes
historiques de la Russie
XIX~me..
D
G
d u "
slecle.
ans -J:!~!:E~~.!
Pai~, nous avons un roman historique d'un caractère abso-
lUITlent
particulier, qui retrace
les conditions réelles de
la vie dans cette période de transition.
C'est l'épopée
moderne de
la vie
populaire
,. i l montre que ceux qui,
en
d~pit des ~v6nements continuent à mener leur vie normale,
privée et égoIste font beaucoup plus pour le développement
que les h~ros consciemment agissants de l'histoire qui
sont des marionnettes
ridicules et malfaisantes.
I I .
LE J10~IAN IIIsToruquE ET LA
ClUSE DU REALIS~Œ
BOURGEOIS.
Après la révolution de 18 1'8, un changement s' op~re
dans les classes sociales et i l affecte tout0S les sphhres
de l'id6ologie bourgeoise .
. 1.:"",

-27-
Le problème central à propos duquel le changement
d'attitude envers l'histoire vient se manifester,
est celui
du progrès.
Certains pensent,
comme Ranke et
son école,
qu'il y
a un mouvement
éternel mais
sans direction.
L'his-
toire est maintenant modernisée
les historiens
partent
de la conviction que la structure fondamentale du passé
est 6conomiquemerlt et
id601ogiquement
la m@me que
celle
du présent,
nous dit Lukacs.
Cette tendance à moderniser se rattache au change-
ment philosophique de l'idéologie bourgeoise après 1848.
Nietzsche lutte contre la façon académique d'écrire
l'histoire,
contre
son isolement de la vie.
Pour lui,
cha-
que entité ne
peut
jamais
faire
l'expérience que de
5 0 i -
même.
LI
histoire nlexiste que comme reflet de
ce moi,
que
comme quelque chose qui convient aux besoins vitaux parti-
.c.'....
culiers de
celui-ci.
L'histoire
est un chaos,
qui en soi
ne nous concerne nullement,
mais auquel chacun peut
attri-
buer tul
Il
sens
" qui lui convient,
selon ses besoins.
Le
passé apparaît comme un gigantesque
chaos
aux
couleurs chatoyantes
: la subjectivité peut se rattacher
où elle veut et
comme elle veut.
L'histoire devient une
collection d'anecdotes
exotiques,
des traits
sauvages,
sensuels,
bestiaux apparaissent.
Nais la séparation du présent d'avec
l'histoire
crée un romWl historique qui est rabaissé
au niveau d'une
simple
lecture de divertissement.
Flaubert dans Sa1aITIb~ a voulu appliquer à l'Antiquité
la manière de
procéder du roman moderne.
I l est
intéressant

-28-
de noter que Flaubert se tourna vers l'histoire par dégoût
et haille du caract~re prosaique de la vie bourgeoise C011-
temporaine.
Dans
son roman,
i l
s'efforce de décrire fidè-
lement,
avec une foule
de détails,
le monde
exotique de
Carthage.
Hais ce monde ainsi représenté a-t-il une signi-
~ication vivante pour nous? Pas vraiment.
Sainte Beuve reproche à Flaubert la modernisation
des
personnages. historiques,
mais elle est
ici la seule
source du mouvement
et de la vie dans ce paysage
lunaire
et figé dans l'exactitude historique.
Chez Flaubert, i l
n'y a
pas de rapport total entre le monde extérieur et la
psychologie des personnages principaux.
La modernisation
détermine la structure de l'action;
l'action politique
est dépourvue de vie parce qu'elle n'a pas de rapport per-
ceptible avec une forme concrète quelconque de vie popu-
laire dont 110US puissions faire
l'expérience.
Tl i'aut ::tussi parler de la question de la langue.
Le
problème de l'anachronisme nécessaire
joue un rôle
décisif.
Les personnages ne doivent pas employer de for-
mules archaiques
: i l importe de rendre proche au lecteur
d'aujourd'hl.li une
période passée.
En principe,
les procé-
dés d'expression linguistique du roman historique ne
sont
pas différents de ceux du roman d'actualité.
La langue
ancienne ne doit
pas être
imitée;
i l serait absurde d'em-
ployer des archaïsmes car ce
sont les actes,
les pensées
d'êtres humains qu'on nous
communique et
ils doivent avoir
l'air vrais.
Comme
le dit Lukacs
Il
la langue est néces-
sairement celle du narrateur et non pas celle des personnages u (
(1)
Le roman historigue,
Ch.
III,
p.
221.

-29-
la modernisation de la langue est inévitable.
Avec Conrad Ferdinand Heyer,
nous voyons un nouveau
type de
roman historique,
où se rassemblent
les
tendances
antagonistes de la nouvelle phase du développement.
Pour
lui.
l'idéologie abstraite de la force et de la mission
mystique et
ratale de l'homme demeure inchangée.
Les indi-
vidus agissant dans l'histoire sont roncièrement solitaires
et non
pas
temporaireme11t
isol~s par suite des circons-
tances.
Plus un homme est grand,
plus sa solitude est grande.
Dans le roman historique,
Meyer exprime
ses
senti-
ments personnels.
Il place au centre de
seS
romans des pro-
tagonistes de l ' histoire et néglige presque co'"plètement
la vie du peuple,
les forces réelles de l'histoire. L'his-
toire est pour lui un ensemble de tableaux décoratifs, de
moments pathétiques où évoluent les héros solitaires et
e;(centriques.
Cette étude de l'oeuvre de Lukacs nous montre divers
traits
intéressants du roman historique:
ses
origines,
son
évortition et les tendances principales qui ont contribué à
cette évolution.
Hais dans quelle mesure Lukacs éclaire-t-il
Rom~la en tant que roman historique?
Clest une question à
laquelle nous répondrons ultérieurement.
Notons tout de suite,
cependant que certains traits que dégage Lukacs, notamment
chez Scott,
se retrouveront chez George Eliot.
Nous
pouvons faire un rapprochement entre les héros
moyens de Scott
et les
personnages de Romola.
Eux non plus
n'atteignent
pas toujours la perfection.
D'autre part,
le

-30-
personnage historique n'est
pas le personnage principal de
l'action.
I l est intéressant de remarquer ceci dans Romola
~ propos de Savonarole.
Pour George Eliot comme pour Walter
Scott d'ailleurs,
la grande personnalité historique, Savo-
narole dans
le cas de
nomo~~, est le représentant d'un
mouvement
important,
Si~1ificatir, qui embrasse une large
fraction du peuple.
Dans le cas de Romola,
le parti du
peuple créé
par Savonarole
en est un exemple.
Pour Georges
LlIkacs,
cette
personnalité historique résume
en elle-même
les aspects positifs et négatifs du peuple parce qu'il est
" l'expression la plus claire,
le
porte-drapeau de ces
aspirations
populaires en bien comme
en mal."
(1)
I l est naturel pour l'oeuvre historique de faire
apparaître comme réel,
comme
effectif l'événement raconté,
mais c'est tUle erreur de croire que cette
authenticité
puisse être produite par l'imitation de la langue ancienne.
Or,
le problème de la langue était doublement délicat pour
George Eliot.
Comme nous
le verrons,
elle ne pouvait,
cela
ème
va de
soi,
écrire
son roman en italien du XV
siècle.
r-lais
ème
elle a
tenté de faire sentir au lecteur anglais du XIX
siècle,
par ses
personnages,
tme
langue
étrangère et
archaï-
que.
A ce
propos,
Georges Lukacs
considère
l'archaîsme de
la langue dans le roman historique comme quelque chose de
particulièrement
absurde.
Car
Il
i l n'y a
pas
plus de raisons
pour qu'une
perSOlU1e dt.: ~loyen Age puisse être plus fidèle-
ment présentée dans une
oeuvre au moyen d'une
langue
archaï-
sante qu'un enfant au moyen de l'imitation linguistique de
- - - - -

-J1-
ses
premiers
balbutiements.
Pour cette
raison,
les
pro-
cédés d'expression linguistique du roman historique ne
sont
pas
en principe différents
de
ceux du roman d'actua-
lité."
(1)
Cependant,
nous
verrons que George Eliot
a
essayé de
faire
sentir que
ses personnages
parlent une
langue étrangère et archaïque.
Dalls
nOfllol~, nous
constatons que
les
rapports
entre
la réalitci,
c'est-à-dire
11histoire,
et
la fiction,
ne
sont
pas
aisés.
Car
Il
tout
imaginaire
apporte
avec
lui son
temps
et son espace propre" dit Georges Lukacs
(2).
Il est impos-
sible
à l'écrivain qui adapte l'histoire de traiter à sa
guise
la matière historique.
I l
faut
que
le
romancier his-
torique
sache faire
le dosage nécessaire entre les
événe-
ments
purement historiques
et
les destinées
purement
roma-
nesques des
personnages fictifs.
Ce dosage, George Eliot
n'a pas
su
le
faire
avec
le
personnage de Romola.
C' est
pourquoi i l est choquant de voir dans le livre que la souf-
france de tout un peuple n'a servi de prétexte qu'à la
conversion de
l'hdroine.
J:)ans
son livre,
Georges
Lukacs d~plore le fait que
,l.._'l..
,Les.--I"omanciers
historiques
modernes
prerment
souvent
plai-
sir à décrire des exécutions
et des
tortures
cruelles.
Cette remarque de l'auteur du no!!.'~_b.!st2Ei9.!:!~ à propos
de la figuration des traits
brutaux et cruels des temps
passés ne
s'applique
pas
à R0!!.l.9la. L'exécution de Savona-
role
est
présentée avec
W1e
grande
sobriété
et
l'écrivain
s'intéresse
aux conditions
préalables et
aux conséquences
(1) Le_ro!!.'~g_b.!§to!!gue, Ch. III, p. 219.
(2) Ibid.

-J2-
humaines de
l'exécution plutôt qu'au supplice lui-même.
Dans
son oeuvre,
Georges Lukacs considère Walter
Scott comme le maître du roman bistorique.
Or l'une des
raisons qui
a
poussé George Eliot à écrire Ro~~~, est son
d~sir d'imiter Walter Scott dans cette forme de litt~ra-
ture.
L'examen de
l'oeuvre de Georges Lukacs
éclaire Ro~ol~,
dans la mesure où on retrouve
chez George Eliot les préoc-
cupations
concernant les héros,
l'époque
et
la
langue.
Il nous reste à poser deux questions qui avaient
peut-être plus d'importance à l'~poque de George Eliot
qu'aujourd'hui
quel est le
lien qui existe entre le roman
historique et
la rédaction de l'~istoire elle-nlême ? et
aussi
: la lecture du roman historique est-elle pr~judi­
ciable à l'histoire?
III.
LE_~O}:AN_In~!OHIQUE_ETLA fŒD~.ÇTT9N D~!:-..:.1!ISTOlB~
ELLE-}fE}Œ.
S'il est vrai qulil n'y a
pas
eu beaucoup de romans
historiques réussis,
les
critiques
s'accordent
pour dire
que Scott,
Kingsley, Reade et Dickens ont ~crit quelques
romans historiques qci peuvent sembler encore excellents
aujourd'hui.
Cette réussite est dGe au fait
qu'ils sont
parvenus à traduire,
comme
le dit Sir Archibald Alison,
the truth of history without its monotony -~
the interest of romance without its unreality.
(1)
(1) Alison, Archibald,
'
The Historical Romance
dans le
N-,,!ckwood 1 s Edinburgh Nat:!'ô-,,~ne, ( Vol. 58, pp.
J/11-356).
Septembre 18/15.

-33-
Ainsi
le
roman historique,
qui peu"t
bénéf'icier de
l'avantage,
mais aussi
souffrir de l'inconvénient,
d'être W1
genre littéraire
aisément
captivant,
a
permis à maint auteur
.u. de donner du passé une
image plus vivante et plus complète
que n'aurait su le f'aire
un traité ingrat et
limité.
Comme
le notait en 1836 le
jeune Ruskin, qui
passait ses soirées
à dessiner tout en écoutant son père lire à haute voix des
romans de Walter Scott,
l'histoire
gives us only the skeleton of past times,
which the works of a great novelist clothe for
us with flesh and blocd, and endow with life and
motion.
(1 \\
La valeur historique des
romans historiques réside
donc dans
le rôle
important qu'ils ont
joué,
en ce
sens
qu'ils
ont
permis la vulgarisation réelle et efficace de
l'histoire.
En e~fet,
beallcoup de lecteurs qui n'auraient
jamais lu de
trait6s historiques,
se sont ainsi mis au
courant d'un certain nombre de faits historiques qu'ils
auraient ignorés autrelnent.
L'int~r~t que les gens ont
porté au rom8n historique est dû au caractère même du genre
qui
COITlbine la vérit~ historique avec l'imagination de l'au-
teur.
Ainsi,
le
lecteur d'un roman historique semble
joindre
l'utile
~ l'agr~able : il s'instruit et en même temps, il
se divertit.
Les romans historiques ont constitué aussi un sti-
mulant aux études plus sérieuses de l'histoire.
Ils ont
contribu~ ~ combler une lacune dans l'enseignenlent sco-
(1) EaElr-Prose Writin~~ ( Ess~-2E_~it~E~!~~' 1836 ); Vol. 1
de The Works of John Ruskin. Edité par E.T. Cook & Ale-
xander Wedderburn.
London, George Allen,
1903.

-J~-
laire et
universitaire.
Si
l'histoire
moderne
suscite
un
intérêt prodigieux pendant la première partie du XIX ème
siècle,
elle
reste
encore
généralement
absente
des
pro-
graml1les
acad(~miques. Ainsi, elle TI' est vraiment intro-
duite ~ Cambridge et ~ Oxford qu'en 18~8 et 1852. Lorsque
vers 18JO, Thomas Arnold a créé des cours d'histoire ~
Rugby,
i l
s'est agi d'une véritable
innovation dans
les
c'ôllè"ges anglais.
quand,
en 18/11,
i l est devenu
' Regius
Professor of Modern History
i l aurait été le premier
professeur de l'Université d'Oxford à
traiter réellement
ce
sujet,
s ' i l n'citait
pas
mort
alors
prématurément.
S'il est vrai que c'est le développement des études
historiques qui
a
permis
au
roman historique
de
connaître
une vogue,
i l est aussi
judicieux de dire
que
sans
le
roman historique,
les
études
historiques n'auraient
jamais
pu connaître
un tel
essor.
Le
roman historique
se révèle donc
être un très
bon instrument
éducatir,
car,
Ta
know the
past
or even a
section of the
past,
ls
ta add
a
dimension ta experience.
It dces
more ta the mind even than does travel,
and the
run o.f Illen who cannat
evoke
the
l i f e
of the
past
through reading i t s
chronicles,
or even Ïrom any
wide
acquaintance
with its
rnaterial remains,
fic-
tion will give what is needed.
(1)
écrivait Henry Belloc dans le Lo~~~~~~. Il apparait
--------------------------
(1) Belloc, Henry,
" The Character of an lIistorical Novel"
dans Tl1~Lo~90n ~ler.9~E1', novembre 192J, Vol. 9, pp'
J7-/12

-35-
donc que le roman historique peut être un complément à
l'étude de l'histoire.
IV.
LA LECTURE DU RONAN HISTORIQUE EST-EL",L",E~P",RE""JU!2~fr~!!!=~
A Li\\ VEI1ITABLE ETUDE DE L'HISTOIRE
?
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
A cette
question~ nous pouvons répondre oui et non.
Car le roman historique qui est vivant et qui restitue fid~­
lement
les
raits historiques
peut
être d'un bon enseignement
pour le
lecteur.
Alors
qU'Ull
roman historique
où la
vérité
est déformée peut être préjudiciable pour le lecteur non
averti qui
risque de conserver pendant longtemps des
idées
fausses
sur une
période donnée.
Ainsi,
l'image
que
l'auteur
d'Wl. tel roman historique donne de la société du passé est
aussi
fausse
que
the picture of modern English society conveyed
by a
French provincial
journalist who knows no
English and has never been ta England.
(1)
Nais I I est quand même relativement rare de voir que la
reconstitution du passé
soit
totaleillent
inexacte.
En effet,
l'histoire académique ne suffit pas à mettre
en évidence
la nature et
la puissance du génie d'un peuple,
d€,
ses
pensées,
de
ses haines
et de
ses amours.
Le
roman his-
torique,
étant un complément
essentiel de
l'histoire,
donne
.L_'\\..
(1) Belloc, Henry,"The Character of an Historical Novel "
Vol.
9,
pp.
JÎ-q2.

-36-
l'occasion de nous
familiariser avec la vie de
tous
les
jours de l'époque du pays où la scène est située.
L'auteur du roman historique fidèle au passé et l'his-
torien sont donc utiles
pour nous renseigner sur ce qui
était,
pour nOliS
montrer qu'à
travers
les
changements,
les
honlmes
se
mouvaient
efficaceillent
et
inexorablenlent vers
le
progr(-]s.
Le
romancier,
aussi
bien que
l'historien nous
mon-
trent que le passé est un autre monde et de même que les
cir-
constances
changent,
la vision du monde de l'individu change
gus~. Mais nous pensons que la tâche du romancier dans la
restItution du passé est plus difficile que celle de l'his-
torien,
car,
pour que son roman
int~resse, i l faut que le
choix de l'époque et des
personnages dont i l parle soit
judi-
cieux.
I l .faut que ces personnages et cette époque intéres-
sent
les lecteurs:
de plus,
son rôle de romancier ne doit
pas
silnplernent décrire l rhllmanité en g6néral,
mais
montrer
comment des hommes
spécifiques ont
été modelés par des ma-
nières historiques
spécifiques.
C'est dire que
l'on n'ob-
tient
pas
la résu.rrection du passé seulement
par lUle longue
suite cie phrases chargées de
termes techniques.
On l'obtient
par ce que Belloc appelle
11
the eye-opener
I l .
The diîference between the good and bad historian
is not
sa much the dirÎerence between a wide ,
regu-
lar,
well-ordered,
and a narrow,
irregular,
and
ill-ordered reading of record.
It lies much more
in the two qualities of proportion and imagination.
·'1'~·0 men,
ror instance,
may s i t down to write,
as

-37-
historians,
the events
of' an ancient battle.
The
one. by the use of a strong memory applied to in-
dustrious reading,
may make himself' acquainted
with a
thousand points where his
rival is acquainted
with ten.
But the space of each is limited, and
even i î each had an
wl1imi ted canvas
on which ta
paint,
the truth of the result would s t i l l depend
upon proportion -
upon the discovery of' the essen-
tial movements and
the essential moments
in the
action
:
and upon imagination,
the
power of seeing
the tlling as i t was
landscape,
the weather,
the
gcstures
and
the faces
of men;
yes,
and
tbeir
though ts wi thin.
(1)
Ainsi,
le
roman historique doit être vivant,
faire
impression sur l'imagination du lecteur,
et
le
faire vivre
dans
la scène qu'il décrit.
Sa valeur dépend de
la manière
dent l'auteur rend
le
passé.
Nous voyons donc
l'importance
de la qualit~ litt~raire, surtout pour le lecteur moderne
. .
t
' t
.
l i t
d
XIX ème
.'
1
qUl rl~que peu -e re mOlns que
e
ec eur
u
Slec e
de conîondre roman historique et histoire.
Nous verrons
qu'aujourd'hui
les mérites
et
les déîauts de
Romol~ en tant
qu'oeuvre historique
pèsent,
peut-être,
moins dans
la ba-
lance que ses qualit~s etees dérauts en tant que ro~an.
-------------------------
(1)
Belloc,
Henry,
11
The Chnracter of' an Historical Novel
Il
Vol.
9, pp.
37- /12.
L.1."

-38-
- - - - - - - - - - - -

(.
'1..,
-39-
CHAPITRE I l l .
---------
GENESE
DU
RmlAN
- - - - - - - - - - - - -
\\
Henry Jarres dans son essai sur The No:yel.:L2f Ge2E~
considère Rornola comme
- - - -
The most important of George Eliot's works
. . .
not the most entertaining nor the most readable,
but the one in which the largest things are
attempted and grasped
(1)
Après
ce compliment
équivoque,
i l
serait
intéressant
de tenter une
investigation du fondement historique sur
lequel est
construite cette
oeuvre historique et romanesque,
et d'essayer de découvrir quels matériaux ont été employés
pour la réaliser.
A,
CONPOSITION.
- - - - - - - -
Ro~~~~ marque un nouveau départ dans la carrière
ème
l '
l t t '
.
cralre d c G E
eorge l
. 'l t
a O
.
I
e " "ng1 eterre du XIX
"
.,
slecle,
elle s'est
tournée vers
le
passé,
du pays natal qu'est
le
l~arwickshire, vers l'étranger, du roman domestique vers le
roman historique.
(1) ,Tames. Henry, The N0:Y~1~-2f-S~2E~~_Eliot. ( The ~!1.ê!2!ioE
M0!2!hly.
octobre 1866
), Vol.
18, p.
479.

Pourquoi Marian Evans a-t-elle choisi le genre du
roman historique
pour no~ol~ ? A cette question, deux ré-
ponses nous viennent imm6diatement à l ' e s p r i t :
l'exemple
de Walter Scott et l ' a t t r a i t de Florence.
Si George Eliot
se tourne vers ce genre,
c'est aussi à cause d1une atti-
rarlce pour le pass& qui
traduit l'attitude générale de
, .
E
t
1
XIX ème
.

1
epoque.
'n e r f e ,
e"
siecle est une "poque qui
est très intensément préoccupée
par l'histoire.
I l croit
en l'efficacité de l'étude du
passé.
I l collectionne
ardemrnent les reliques et l ' a r t du pass~ ; et i l se r~jouit
à l'idée d'être enveloppé par le temps passé,
présent et
avenir.
Si le siècle est le témoin d'un changement d'une
dimension sans
précédent dans
la société et la politique
aussi bien que dans le domaine des sciences et des inven-
tions,
une grande partie de son art et de sa pensée se
tourne quelquefois avec nostalgie vers les traditions.
C'est un siècle de
progrès,
et l'idée de
progrès va être
éprouvée
par une reconsidération et un nouvel examen minu-
tieux de ce qui
s'est
passé avant pour former les attitudes
et les idées du présent.
Ainsi,
en Europe,
on assiste à un
mouveliient dans le dcrnaine industriel et aussi intellectuel,
et ll~tude de l'histoire est n6cessaire pour justifier ce
mouvement.
On assiste alors à un sentiment croissant de
nationalité qui exige W1e épopée moderne.
La tendance su-
bit alors une métamorphose dans le roman et surtout dans
le roman historique.
Rorno1~, de George Eliot, oÙ le nom
de l'héroïne suggère son rôle épique,
en est un bon exemple.
L'inrluence de "alter Scott sur George Eliot est pré-

pondéral1te.
Aucun autre grand romancier Victorien ne doit
autan t
à \\va~ ter Scott que George E~iot et peu ~'ont vénéré
avec autant de
conséquence.
er
Le 1
janvier 1860, George Henry Lewes présente
à George Eliot les romanS de Wa~~ley, dédicacés sur la
Ceuille de garde du premier volume
Ta r-Iarian Evans Le\\\\'es.
The best of Novelists,
and Wives, These works
of her longest -
vene-
rated and best-loved Romancist are given by
her greatCul liusband.
(1)
Vers la fin de la vie de George Eliot, Lewes Cait
remarquer dans une lettre à Alexander Hacl'Iillan, que Scott
est presque pour elle un nom sacré.
Et ~'année où e~le
écrit i'lidd~~!!!~ECh, George Eliot décrit el~e-même le déve-
loppement continu de son " adoration particuli~re rI
~ h
un de
seS
propres adorateurs,
Alexander f'.1ain
:
l
began ta read hi," \\o.o~hen T was
seven years
o~d, and aCterwards ",hen l
was grown up and
~iving alone with my Father,
l
was able ta
mnke the evenings cheerCul Cor him
..
by
reading aloud ta him Scott's novels.
No other
writer would serve as a substitute Cor Scott,
and my life at that time would have been much
more diCCicult without him.
It is a
personal
- - - - - - - - - - - - - - -
(1) Sanders, Andrew, The Victorian HistgLical Novel 18/'0-1880
( The Nacmillan Press Ltd,
1978
).
Ch.
8,
" Romol·a' s
Waking
: George Eliot's Historical Novel ",
p.
168.

grieî,
a heart-woWld
ta me when I
bear a depre-
ciating or slighting word about Scott.
(1)
Cette admiration pour les romans de Wav~Ele:r n'est
pas simplement le sentiment d'une adolescente.
Elle a eu
une influence vitale
sur la nature,
la forme
et
l'inten-
tion de ses propres romans.
En effet, dans ~~!!' Be9~, :!:g~
olill o~_!9~ Ylo~~ et MiQQle!!'arEg,
on peut sentir l'influ-
ence de Walter Scott dans la façon dont la société provin-
ciale anglaise est
dvoqu~e à travers les dialectes, les
détails du costume et du travail.
Walter Scott et George
Eliot
sont
tous
les deux fascinés,
et même 'préoccupés par
un sens de
la communauté humaine et
par les
liens existant
entre l'individu influençable et la société qui l'entoure.
Et i l semble que c'est par souci d'imiter son maître que
George Eliot a voulu écrire un roman historique.
Ce désir
avait
la faveur de Lewes qui,
dans un article du We~.!pinsteE
Re~~~, en 18/16, ( donc dix-sept aJ1S avant la publication
de R0!!'Ela
) avait censuré les
11
bastard species
Il
of novels,
loosely imitated
from Scott,
and
Il
crammed for Il
in bistory books.
(2
I l Y a trop de mauvais romans,
s'était-il plaint,
la plupart d'entre eux historiques, un genre dans lequel
" rnediocrity is at
its ease
11
Lewes souhaitait que George Eliot pût reprendre avec
(1) Sanders, Andrew, The·Victorian llistoEic~L!:!.2:Y!!.!-.l.§~Q.=..!§.§.
Ch.
8,
p.
168.
(2) Ibid.
[J.
170.

-43-
.1-_....
intelligence et
succès,
le roman historique anglais

Scott l'avait laissé.
I l avait pourtant écrit
For the domestic novel a man needs knowledge
of character,
power of truthful painting,
pathos and good sense.
For the art-novel he
needs imaginat.ion, style and a knowledge of
art. 'For the roman intime he needs
a rnastery
over mental analysis,
passion and lyrical
feeling.
For the satirical novel he needs wit
and Icnowledge of the world.
But for the histo-
rical novel,
as
i t
i5 generally written,
he
needs no
style,
no
imagination,
no fancy,
no
knowledge of the world, no wit,
no pathos.
(1)
L'histoire de Ro!!,ol~ se déroule à Florence, et
George Eliot a choisi cette vIlle parce que l'Italie a
toujours
rascin6 les
écrivains anglais
et George Eliot
est,
elle.
plus précisément fascinée
par Florence.
Aller
au maills Ulle
~ois en Italie est un but que se rixent
maints écrivains anglais.
Et George Eliot n'échappe pas
à cette r~gle générale. Et cet enthousiasme pour la
ville de Florence est partagé par beaucoup de ses compa-
triotes
cultivés,
à cause de sa relation avec l'histoire
de l ' a r t moderne.
Les Victoriens,
à la différence de ceux qui faisaient
(1) Sanclers, Andrew, Th!:_~E!.9riiill l[is.!2riEal_~::::el_l§!:!Q=l§§,!;
Ch.
,'3,
p.
170.

ème
le Grand Tour au XVllI
siècle,
avaient redécouvert le
gothique et le début de la Renaissance et ils étaient
enthousiasmés par Dante et la perspective d'une réunifi-
cation possible de l'Italie.
Pour ces italophiles Victo-
riens,
Florence était une rr6quente source d'inspiration.
En 1858, Blackwood faisait une légère allusion au fait
que George Eliot pourrait
écrire une" histoire italieIille
l i .
mais i l
semble bien que ce soit au courS de
leur séjour
dans la ville de Florence que les Lewes et plus particu-
lièrement George Eliot aient
pris la décision d'écrire
Romoln.
- - - - -
I l ne rait aucun doute que Florence
a exercé sur
les Lewes et surtout sur George Eliot une attraction qui
a
été pour elle une source d 1 inspiration pour la rédac-
tion de ROTol~. Car,
How many had read the chronicles of Florence
and studied the great drama of Savonarola
without even dreaming that against that histo-
rical background could arise,
pure and stately
as 8n antique statue,
the noble figure of
Romola ?
dit le Dr.
Guido Biagi qui
publia en 1907 une édition de
Romol~ en detlX volumes,
comç·renant une
introduction et
des notes.
Ainsi,
nous constatons qu'aucun autre écrivain
TI'a été suf.Cisamment impressionné
par Florence pour avoir
(1) Biagi,Guido,
(
éditée par ), ~it~gn o!-nomo1~, ( T.Fish
Londres,
1907 ), Vol.
1, p. xvi.

-/15-
l'idée d'y situer l'action d'un roman historique.
Hary Ann Evans est allée deux fois
à Florence
au mois de mai 1860 ainsi qu'au mois de mai 1861.
Le 21
mars 1860, George Eliot écrit cette phrase
dans
son
journal
th
l'e hope ta start f"or Rome on Saturday. the 2/,
Nagnit'icat
anima mea
(1 )
I l est intéressant de noter que ce n'est pas le
premier voyage en Italie de George Eliot.
En eff"et,
en
juin 1849, George Eliot venant de perdre son p~re et
cherchant à se changer les idées pour tenter d'oublier
son chagrin,
avait séjourné quelques
jours à Gênes avec
seS
amis,
les Bray.
Et elle avait gardé
après ce voyage
une tr~s grande impression de l'Italie. Et lorsqu'en 1860
George Eliot arrive à Gênes,
elle
écrit dans
son journal:
l
was here eleven years aga,
and the image
thnt visit had
lef't
in my mind was
surprisingly
raith.ful,
though fragmentary.
(2)
Le 17 mai 1860, George Henry Lewes et George Eliot
er
atteignent Florence et ils y restent
jusqu'au 1
juin de
la même année.
Et là,
au cours de ce premier voyage,
nous
savons que
pendant
les
premiers
jours passés
à Florence,
George Eliot
s'est rendue
à Fiesole d'où elle a admiré la
(1) Biagi. Guide, Edi~~-9f-~om~l~. Vol.
1.
p.
~vii.
(2) Ibid.
p.
xvii.

vue magnifique sur Florence, et comme le dit le Dr. Guido
l3iagi
Florence seems ta speak directly ta the heart
and mind of anyone who beholds ber,
on some
fair Spring morning,
from the ethereal height
of one or her verdant hills.
(1)
Sur cette colline, George Eliot a reçu l'appel qui
doit la pousser à écrire no~ol~. Car George Eliot a senti
imm~diatemDnt tout le charme suggestif du paysage floren-
tin.
Et comme on peut,le lire dans les pages de son jour-
nal, la topographie de Florence s'~tait ancr~e fermement
dans
la mémoire de l'artiste après la premi~re vue pano-
ramique qu'elle en a eu et la premi~re id~e sur le roman
rut développée
on the calm moonlight night when,
on the
arm of her beloved guide,
philosopher and
friend,
she stood on the heigJlts of Fiesole
gazing down in fertile admiration at the city
of ivory and stone,
and the silver streak or
the Arno stretching away westward down the
luminous valley like some bright diaphanous
dream of the Spring.
(2)
Voilà donc George Eliot prête à
se lancer dans
----------
(1) Biagi, Guido, Ed~}~~~-9!-B~ola, Vol. 1, p. xix.
(2) Ibid.
p.
xx.

l'avellture du roman hj.storique
pour ne
pas d~roger à
cette r~gle quj. veut que les grands ~crivaj.ns du XIX~lne
siècle écrivent au moins un roman historique.
Si elle
~- je-tte son dévolu sur Florence, c'est à cause de la fas-
cination que
la ville exerce sur elle.
~lais pourquoi donc
avoir choisi
la Florence du
xv ème
. ,
G E '
. .
1
d
XV ème
51cclc?
corge
~110t a
Cb01S1
la
~lorence
u
siècle.
parce que l'Italie de
la Renaissance a
toujours
exerc4 un charme
sur les
~crivains anglais du XIX~nle
siècle.
Et nous
savons que le
lieu privil~gi~ de la splen-
deur de
la Renaissance
~tait Florence OÙ s'épanouissait
le g~nie des grands maitres sous la protection des ~I~dicis
qui favorisaient et encourageaient le d~veloppement des
arts.
Le charme ql~'exerce Florence est d'autant plus fort
qu'elle n'a connu qu'une
civilisation,
qu'une
p6riode de
grandeur,
qu'une
floraison d'art et de po~sie.
Hers was
a single brilliant Spring of life
and
youtll,
through the lasting vigour of which the
robust and venerable trwùcs still
flourish and
from time
to time burst forth in blossom ;
i t
would almost seem that the great souls of her
n
makers
" s t i l l lived and breathed within those
creations of stone and lIlorble which glisten in
the
sun,
irnmortal witnesses
ta centuries of
thrilling history,
to imperishable
traditions

of art and
lire.
(1)
dit Biagi.
~lais j.l n'y a
pas
que
la ville de
Florence qui ait

pousse George
El'
:!J. ].0 t '
ème
a
c J
'
'
1Q151r l
X\\T
e"'
.,
5lec l e.
I l y a aussi,
en effet,
la carrière et le martyre de Savonarole qui fut
l'une des
plus grandes figures de l'époque .. I l ne fait
aUCWl doute que
c'est
un motif religieux et
moral qui a
poussé George Eliot à
s'intéresser à Savonarole.
Ce qui ne
nous
étonne
pas,
car la religion joue un grand rôle dans
la vie de
~lary Ann Evans.
Le personnage non historique de
Romola est d'ailleurs créé pour servir de
porte-parole aux
idées que
se fait George Eliot de la religion et de la mo-
rale d'une manière générale.
Clest ainsi que,
par exemple,
nous voyons Ronlola se
rebeller contre le mysticisme ardent
de Savonarole quand ce dernier déclare
The cause of illY
party is the cause of God's
k 'lngd 001
. " , (;»
_
A cela Romola répond
God's kingdom is something wider -
else let me
stand outside i t with the beings that l
love.
!J~
L'attrait du personnage historique de Savonarole est
-----------------
(1)
Di agi , Guido, Edit!E~~f_B2~!~, Vol. 1, p. xix.
(2) Eliot, George, Romola,
(
Oxford University Press,
London
1975 ) Livre ~~I, Ch. LIX, p.' 508.
(J) Ibid.

certainement un facteur déterminant dans
le choix de la
Florence du xv ème siècle. l'-1ais le prieur de Saint Narc
rera l'objet d'une étude plus approfondie dans un para-
graphe ultérieur de notre étude.
er
Le court
séjour de quinze
jours du 17 mai au 1
juin 1860,
lors du premier voyage de George Eliot est
enti~rement consacrci à explQrer la ville, ses églises,
ses édifices,
ses fresques,
ses galeries et à rassembler
WI
trésor consid~rable d'impressions et de souvenirs. Ces
impressions vraies
et vivantes de
la Florence de
1860,
ces
observations des choses qlle George Eliot a vues et
qui sont restées dans
le
souvenir de
l'écrivain ont pour
nous acquis une importance singulière parce qu'elles nous
permettent d'imaginer ce qu'était exactement la ville de
ème
Florence a~ XV
siècle.
Le profil et les couleurs de
son arrière-plan historique se sont alors
rixés dans l'es-
prit créateur de George Eliot et Florence a commencé à
faire
partie de
sa vie et à
prendre
possession de
ses pen-
sées de raçOJl constante et inconsciente.
Lors de ce
premier voyage,
nous savons que George
Eliot et G.li.
Lewes ont pris des chambres ~ la Pension
Suisse,
dans
la Via Tornabuoni,
à l'angle de la Via Vigna
Nuova,
en face
du Palazzo Strozzi.
Et quand.
112
soir du
er
1
juin 1860,
ils quittent Florence en diligence,
par la
route de Bologne" travelling aIl night,
until eleven the
next morning ",
on peut dire que le plan de nom~1:~ est
déj~ esquissé dans ses grandes lignes et George Eliot peut

-50-
cOJlfier au Major Blackwood
There ]18S been a
crescendo of enjoyement.in
our travels
for Florence,
from its relation
ta the history of Modern Art, has roused a
keener interest
in us even than Rome,
and has
stimulated me
to entertain an ambitious pro-
ject,
which l
mean
to be a secret rroln every-
one but you and Mr.
John Blackwood.
(1)
Et
quand un auteur se confesse de
la sorte à un
~diteur, il y a de fortes chances pour que l'entreprise
soit menée à bonne fin.
er
.
"
Le 1
JUlllet 1860, George Eliot retrouve sa
maison.
We
found
ourselves at home again,
after three
months of delightful travel,
(2)
dit-elle. Et George Eliot d'ajouter que ses pensées étaient
encore pleines de
cet
. ..
unspeakably delightful
journey one of those
journeys that
seem to divide
onels life
in two,
by the new ideas the y suggest and the new veins
of interest they open.
(J)
.(. _....
Ces IllOts de George Eliot montrent que
l'~crivain va"
(1) Biagi, Guido, Edition_~f Ro~ol~, Vol.
1, pp.
xxiv-xxv.
(2) Ibid.
p.
xxv.
(J) Ibid.
p.
xxv.

-51-
prendre un nouveau départ dans
sa carrière.
Romola n'est-
- - -
i l pas considéré comme un roman de maturité?
Ce
point
rera d'ailleurs l'objet d'un développement ultérieur.
Bientôt,
le plan vague du. roman prend une forme
définie et le secret n'en est plus un. En effet,
le 28
août 1860, George Eliot écri t
à Jorm Blackwood
1
think 1 must tell you the secret,
though 1
am distrusting my power te make i t gro'W into
a
published facto
"'hen we were in Florence, 1
was rather fired with the idea of writing a
historical romance -
scene,
Florence;
period,
the close of the rifteenth century, which was
marked by Savonarola1s career and martyrdom.
~fr.
Lewes has
encouraged me
ta persevere in
the project,
seeing that 1
should probably
do
something in historical romance rather dir-
.. ferent in character from what has been done
before.
(1)
projet d'écrire un roman historique.
Nais i l
serait utile
que
l'on rappelle qL'_'entre-temps,
l'écrivain a
commencé
et a publié Si1as ~l~~~E' En effet, le 10 mars 1861, Si12~
Na~g est terminé et George Eliot pense ardenunent à re-
tourner à Florence au printemps,
pour recueillir de nou-
velles inlpressions
pour son projet de
l'histoire
floren-
tine.
----------
(1) Cross,
J.W.(
édité par ), Ge~Eg~_Eli~!~~_~ife ~~late3
in_!!g_!~!~E~an~Li~~~~!~, ( 1hlliam Blackwood Cc Sons,
Eùinburgh f,. London, ~H>CCCLXXXV ). Vol.
Il,
p.
271.

-52-
Le 19 avril 1861,
les Lewes se mettent en route
pour leur deuxième voyage à }<....lorence,
à travers la France
et par la route de la Corniche.
" The weather was delicious,
a l i t t l e rain and they suffered neither from heat nor from
dust."
(1)
Pendant
cette
seconde visite,
i l y
el1t
moins de
proillena~es à l'aventure, ma.i.s plus de m~ditation et plus
de travail.
Ive have been indv.striously foraging in old
streets and old books.
(2)
écrit-elle,
dans
son journal.
Ce deuxième voyage à Flo-
rence n'est dcnc pas un voyage d'agrément mais i l est pres-
que entièrement
consacré au travail de recherches de maté-
riaux en vue de la composition de HO~2Ia. George Eliot se
prépare
ainsi
pour sa nouvelle aventure,
~~trant totale-
ment dans
la vie de
son sujet,
puisque,
comme
tous
les
vrais artistes,
elle.ne peut
pas
écrire quelque chose avec
lequel elle ne
s'est pas fallliliarisée
par le coeur,
l'es-
prit et l'âme.
Dans ce travail de préparation et de comparaison,
k'l...
__ G .·H."
Lewes
lui
est ct' un très grand secours.
He was in continuaI distraction by having to
attend to my wants,
going with me
to the Naglia-
becchian Library,
and poking about everywhere
(1) Biagi,
Guido, EditioE-2f-~~ola, Vol.
1, p. xxvi.
(2) Ibid.
p.
xxvii.

-5J-
on my behalf.
(1)
Il est, de ce fait,
à noter que George Eliot n'a
L'-
:t'a:i t
seule que
très
peu de recherches.
Au cours de ce
deuxième voyage,
i l s
passent donc
leur temps
à réunir
des matériaux et
des renseignements et
à admirer le pays
environnant.
Our morning hours were spent in looking at
streets, buildings,
and pictures,
in hunting
up old books at shops or stalls,
or in reading
at
the ~Iagliabecchian Library.
(2)
Le fait que George Eliot et G.H.
Lewes aient vrai-
ment ~tudi6 à la Biblioth~que Magliabecchian a conduit
le
Dr.
Biagi à penser qu'il pourrait encore
trouver là
quelque trace ou quelques bulletins de prêt de la biblio-
thèque,
signalant la visite de George Eliot.
Parmi les
reçus de
l'arInée
1861,
le Dr.
Biagi n'a pas
trouvé un
seul reçu de George Eliot
: mais i l en a trouv~ un gran.d
nombre
si.gnds G.ll.Lewes,
à qui la romanci~re laissait tout
le souci et tout le travail de faire ces recherches éru-
dites auxquelles elle n'était pas habituée.
La première visite des Lewes à la Biblioth~que
Magliabecchian a eu lieu le 15 mai 1861, et le premier
livre qu'ils
ont cherché
est
ql~elque ouvrage illustré qui
leur donnerait une
idée des
costumes de
l'dpoque.
On leur
(1) Biagi,
Guido, Edi!i2~!_~2mola,.Vol. 1, p. xxvii
(2) Ibid.
p.
xxviii.

-5~-
denne Cos.!~!!I~~!~EE_~_!!lOd~!,!:.2de Ferrario, dont ils exa-
minent le volume consacré à l'Italie.
De ce fait,
George
Eliot a
voulu
obtenir des
renseignements
sur l'arrière-
plan historique de son sujet et savoir de quelle façon
habiller ses personnages.
a
t\\
Le
jour suivant,
c'est-à-dire le
16 mai
1861,
à ce
1
que
Biagi nous
apprend,
i l s
durent
passer plus de
temps
à
1
la
Bibliothèque,
car leurs
recherches furent
plus
étendues
,
et n'auraient
pu être menées
à bien sans l'aide de l'un
des membres du personnel de la Bibliotbroque.
Ils consul-
tèrer.t le Na~!!'~~til!: de Lippi, un poème comique qui est
une vraie rnj.ne d'expressions,
de
proverbes
et de dictons
pittoresques,
complètement illustré et expliqué par le
chanoine A.~l.
Biscioni.
C'est
sans doute dans
ces notes
1
instructives que George Eliot trouva beaucoup des
plai-
santeries et des dictons qu'elle se plut à insérer dans
RO~E!~. pour que ses personnages puissent parler la langue
1
de
l'époque dont
i l s
portaient le
costume.
Mais
la recons-
111
truction historique et la scène ne pouvant pas être seule-
ment bornées
aux personnages de
l'histoire,
l'arrière-
1
plan du tableau et le décor devant correspondre à tout le
reste,
les Lewes consultèrent donc la Fi~~~_!l~~~tr~ta
de Leopoldo deI Higliore et dans Firenze an.!i~~~_!!'9g~
de Rastrelli,
nous
les
trouvons,
le même
jour,
en train
.tQ.' 4tudj.er l'aspect de
la ville de Florence à la fin du
,ème
,
,
X\\
siecle ~
sa topographie
e·t
ses diff'erents
changements.-
Outre
les
livres
inlprimés,
i l s consultèrent des
manuscrits.
Ainsi,
le
Priori~ta de Lucca Chiari leur donna
1
i,
1
l

-55-
une première idée de la splendide magnifi~ence avec la-
quelle on célébrait la Saint Jean,
avec l'hommage des dif-
f~rentes villes tributaires,
les voituree,
les courses
et les cierges peints, de taille extraordinaire.
Le 19 mai,
ils étudièrent Marietta de~_!3icci de
Agostino Amodello et les notes sur les familles de l'an-
.~~
C±CJ111e I~lorerlce
de Luigi Passerini.
C'est SatlS doute de
ces notes que George Eliot tira sa prem::.ère connaissance
de la famille Bardi,
à l'arbre généalogique de laquelle
elle ajouta la silhouette majestueuse de Romola.
Pendant quatre
jours, du 19 au 24 mai, ils n'allè-
rent
pas à la Bibliothèque.
Mais le 24,
ils retournèrent
étudier Marietta dei Ricci et chercher en vain dans le
-------------
livre des familles italiennes de Litta, Le F~!!!~li~-s!el
Lit!~, l'ascendance des Bardi.
C1est au cours de ce deuxième voyage que George
Eliot visita San Harco,
un couvent qui,
à cette époque,
avant la
suppression des
ordres religieux en 1865~ était
toujours un monastère dominicain et n'avait pas encore
été réduit à
un musée.
George Eliot visita ses cloîtres,
ses rérectoires,
ses couloirs et ses chapelles,
tous
ces
lieux 011 vivaient les héritiers et
les
successeurs de
Savonarole.
Nous pouvons donc dire qu'à partir de
ce deuxième
voyage à
Florence, George Eliot avait déjà créé le per-
sorulage de Romola et pouvait alors,
en Angleterre,
recons-
tituer autour de lui,
le costume,
l'environnement,
la
langue et l ' arr·ière- plan hi storique et généalogique qu'elle

-56-
avait étudiés à la Bibliothèque Nagliabecchian.
Cependant,
elle continuera h se documenter.
Ils étaient arrivés à Florence le 4 mai 1861
ils
la quittèrent le 7
juin de la même année
Thirty-four days of precious time spent there.
Will i t be all in vain?
(1)
était la question que se posait George Eliot quand ils
retournèrent à Londres au 16, Blandford Square. Toutefois,
elle était en parfaite santé et impatiente de commencer à
travailler de façon continue et effective.
En effet, elle commença immédiatement ses études
et les différentes lectures nécessaires à l'élaboration
de son livre.
Son travail était allégé par des promenades
avec George Henry Lewes pendant lesquelles, dit-elle,
Il
\\'le
talked
cf the Italian novel
".
Mais
la construction
du roman s'avéra pleine de difficultés,
llaccablant
sou-
vent d'anxiété et de découragement.
Elle manquait d'assu-
rance dans
ses capacités.
Elle avait l'impression de ne
plus savoir écrire, de ne
plus être capable d~inventer
une intrigue.
Elle avait aussi
l'impression qu'elle devait
abandonner
son travail. ·Aucun livre ne devait
jamais
lui
causer autant de
tracas que celui-ci.
Son journal est
plein de ces
selltiments d'espoir et
de d~sespoir.
Le 20 août 1861,
elle écrivait dans son journal
(1) Biagi, Guido. Ed~j;ion oi.-Ro!!,ol2-' Vol.
1, p.
xxviii.

1
1
1
-57-
1
This Inorning l
conceived the
plot of my novel
"'i th new distinctness.
(1)
Puis le 4 octobre
~ly n1ind s t i l l worries about my plot,
and wi thout
any confidence in my abili ty to do what l
want.
(2)
Mais trois
jours plus tard,
le 7 octobre,
elle
·(e~rivart.
Began
the first chapter of my novel.
(3)
Cependant,
elle n'était pas satisfaite de ce début,
et elle reprit ses lectures de Nerli et de Nardi " so ut ter-
ly dejected that in walking with George in the park,
l
almost resolved to give up my Italian novel."
Mais le 10
novembre
1861,
une
perspective nouvelle semblait
s'ouvrir
devant elle,
et elle avait
a new sense
of things
ta be dane
in rny
novel,
and more brightness in my thought
1
,,
This morning the Italian scenes returned upon
me with fresh attraction.
(4)
1
1
,
Elle alla alors à la salle de lecture du British
Huseum,
pour la première fois.
Elle
passa son temps à
-----------------------------_._-------------------
(1) Biagi, Guido, Ed,! tion_.2LB2~.91a., Vol. 1, p. xxxii.
(2 ) Ibid.
p.
xxxii.
(3) Ibid. , p. xxxiii.
(4) Ibid. , p. xxxiii.

.l.."'-.
-58-
rechercher des détails
sur la mort de
Laurent de Médicis,
le retard possible de Pâques,
la fête de Corpus Christi
et
les
sermons de Savonarole
pendant
le Carême de
l'année
1492. Elle étudia cc qui devait lui servir de toile de
fond
pour son oeuvre dans des comptes-rendus de
l'époque.
Le dirnoJlchc 6 décembre 1861, alors qu telle mar-
chait avec Lcwes
in the morning sunshine, l
told my concep-
tion of my story,
and he expressed great delight.
Shall lever be able
ta carry out rny ideas
?
Flashes of hope are succeeded by long intervals
of dirn dis trust.
(1 1
Pendant ce
temps,
elle continuait
sa lecture des
livres
savants.
Elle avait
terminé les huit volumes de
~Q~~~rvatore_Fi9rentino, de Lastu, qu'elle avait presque
appris
par coeur,
et qui
sont
la source la plus
i~nédiate
de
ses renseignements
sur l'ancienne Florence.
Elle avait
commencé le Livre IX des Stori~ de Varchi, dans lequel
celui-ci donne un
exposé
très
exact
sur Florence.
Le
12
décembre 1861, elle écrivait dans son journal
Finished writing my plot,
of which l
must make
several other draughts before l
begin ta write
my book.
(2 1
Cependant,
George Eliot continua à se documenter.
Le
\\1)
Biagi,
Guido,
Edit!~~_O~_8~~sl~, Vol. p. x~xiii.
(2 1 Dennott. Joan, Ge9E~_!':1:iot, ( Tho Syndics of the Cam-
bridge University Press,
195~ l, Ch. VIII, p. 1J9.

-59-
17 d€cem~re, elle étudia la topographie de Florence. Elle
trouva un grand nombre de renseignements
sur Savonarole
et son époque dans La vi.!;~_~:!:_9i!,ol!!-!:'.9_Sa::~!'.91-!!-,qui fut
publié en Italie entre 1859 et 1861,
par Pasquale Villari,
à la fois homrr.e politique et historien italien.
C'est une
oeuvre qui a attiré l'attention de tout le monde cultivé
et qui
a
été reconnue comme un chef-d'oeuvre de critique
historique.
En vérité,
nOliS
devons attribuer à cette
oeuvre une grande
part de
l'inspiration qui a
conduit George
Eliot à 6crire sur Flor~nce et sur le martyr dominicain qui
est
l'une des
deux
principales
figures
du roman.
De" plus,
pour l'une des scènes des plus importantes -
celle dans
laquelle Baldassare Calvo fait
sa première apparition,
c'qll~l1d-il rencontre Tito Helema sur les marches de la cathé-
drale -
George Eliot doit beaucoup à Villari.
George Eliot-
s'est inspirée aussi de la querelle d6crite
par Villari
pour la libération des
prisonniers de Lunigiana,
scène
dont elle fit
un usage dramatique dans le deuxième chapitre
du Livre II
de
no~ol~, intitulé " The Prisoners '1. Et nous
savons que
cette libération des
prisonniers
joue un rôle
important dans
l'intrigue de l'oeuvre de George EIlat.
er
Le 1
janvier- 1862, George Eliot souligne un pas-
sage dans
son joOrnal
1
began again my novel of Ro!!,ol,!!-.
(1)
Vers le milieu de février,
c'est-à-dire le 17 février
1862, elle n'a écrit que les deux premiers chapitres en plus
du 11 Pro ème
" adn:irable qui
ouvre le roman,
mals elle oscille
_____________________________1
(1) Biagi, Guido, Editi.9~2!_Ro~~~, Vol. 1, p. xxxiv.

-60-
encore entre
l'espoir et
la crainte.
A la ~in du mois de mars,
elle avait
encore du
mal à avancer dans son travail.
Cette incertitude continua
en même
temps qu.e
l'oeuvre
prenait f'orme
petit
à petit.
l
ask myself, without being able ta answer,
whether l
have l'ver before :Celt sa chilled and
oppressed.
l
have written now about sixt y pages
of my romance.
Will i t ever be :Cinished ? Ever
be worth anything ?
(1)
écrivait-elle dans
son journal.
A la lumi~re de
toutes
ces informations,
nous cons-
tatons que George Eliot a eu beaucoup de mal à finir son
roman.
N'a-t-elle pas
6crit
elle-nlg'ne à son mari J.W.
Cross
en parlant de nop~l~ :
l
began i t a young woman, -
l
fini shed i t an
old wOlllan.
(2)
D~lS cette oeuvre~ il nous parait évident que la
romancière n'a pas
pu s'abandonner à son inspiration
CQllm:e dans
ses
autres romans
éeri ts
sous l'impulsion du
moment,
sous
la dictée de
son imagination créatrice et
poétique.
(1)
Oiagi, Guido, Edition_~f_!3~l~, Vol.
1,
p.
xxxv.
(2) Bennett, .Joan, Ge.<:?!:B"~2'lio.!, Ch. VIII, p. 1/,0.

-61-
Le 21
mai 1862, George Eliot accepte de Fublier
le roman dans un périodique,
le Cor!,!l:!,ll.2!~~~i~. Elle
devait recevoir en paiement,
sept mille
livres
sterling,
en douze verser!'~nts. En acceptant l'offre du r~dacteur
en chef, George Smith, du ~~~ill_Ma~2~i~~, George Eliot
abandonne son éditeur habi tuel,
Jolm Blackwo<:d qui préfé-
rait que le roman fût
publié en une seule fois,
plutôt
qlLe
sous
la forme d'un ·reuilleton.
There has been the regret of leaving Blackwood,
who has written me a letter in the most per-
fect spirit of gentlemanliness and good fee-
ling,
(1)
écrivait-elle.
C'est sur les conseils de G.H.Lewes que
George Eliot a choisi la publication en feuilleton.
Pour-
tant,
en mars
1862, elle avait refusé l'offre de George
Smith,
parce qu'elle ne pouvait pas consentir à
publier
avant d'avoir vu la
fin du travail ou presque.
En juillet 1862,
le roman commence à paraître dans
le COE~ill_~~~~i!'~ et de tous côtés arrivert des encou-
ragements et des louanges.
La publication de l'oeuvre se
termine en août 186J.
C.H.
Lewes, dans une lettre écrite du 16, Blandford
(1) Bennett,
Joan,
Ge~EE2_~liot, Ch.VIII, p. 140.

-62-
Square, en date du 5 juillet 1862, à de vieux amis de
George Eliot, fait les remarques suivantes à propos de
cette forme de
publication,
nouvelle pour George Eliot
Hy main
abject
in
persuading her ta ccnsent
to seriaI publication, was not the unheard-of
~agnificence of the author, but the advantage
for such a work of being read slowly and deli-
berately,
instead of being galloped through
in three volumes.
l
think i t quite Unique,
and
50
will the public when i t gets over the first
feeling of surprise and disappointment at the
book not being 8nglish,
and like its predeces-
sors.
(1)
Et quelques
temps
après,
i l écrit aux mêmes
amis
Marian lives entirely in the fifteenth century,
and i5 much cheered every now and then by hearing
indirectly how her book is appreciated by the
higher class of minds,
and sorne of the highest
though i t is not,
and cannot be popular.
In
Plorence we hear they are wild with delight and
surprise at such a work being executed by a
foreigner
: as i f an Italian had ever done any-
thing of the kind
(2)
Ces écrits de G.B.
Lewes nous amènent naturellement
(1)
Baight, Gordon,
edi ted by ), The Georg~~.!iot Letters,
(G.lI.
Lewes to ~Ir & ~Irs \\{.~I.H CalI, London, July 5,1862
Vol.
8,
18 1'0-1870.
(2) Blind, ~lathilde, Ge~rge_!2.!io!, ( Il'.H. Allen & Co, London,
1888
),
Ch.
XI,
p.
1~9.

-6J-
à l'accueil réservé à Romola.
-----
Dès
la parution de Ro~ola, on assiste à plusieurs
réactions aussi bien de la part du grand public que des
revues
et des
milieux littéraires.
Romola n'a donc
laissé
personne
indifférent.
Le roman
suscite
soit des commen-
taires
favorables,
soit des
critiques acerbes.
Ro~~la eut beaucoup d'adeptes aussi bien en Angle-
terre qu'à llétrilllger.
En Italie,
le roman fut
très favorablement accueilli
car George Eliot a particulièrement bien déorit les classes
les plus basses et les Italiens ont
jugé sa peinture confor-
me à la réalité.
Pasquale Villari,
auteur de La Vita di
Girolamo Savonarola,
dont nous avons parlé précédemment,
dit dans la deuxième édition de son oeuvre que parmi les
livres sur la Florence de Savonarole qui ont paru vers les
années 1860,
" The one which attracted the most attention
.L~as a-novel,
Ro~ol~, by George Eliot
but this admirable
work of art by tlle great English author added no new facts
to history, because as was only natural,
she accepted
unquestioningly the conclusions already arrived at."
(1)
En Angleterre~ la critique s'est manifestée aussi
dans les revues périodiques de l'époque
Athenaeum du 11
juillet 186J.
-
2Eectat~E du 18 juillet 186J.
-
Sa!~rd~~i~~ du 25 juillet 186J.
We8t~inst~E-B~~iew d'octobre 186J qui semble résu-
(1) Biagi, Guido, Editi2~!-Bomol~.

mer l'essentiel de
ce que
pensaient les
critiques lors de
la
parution de Ror.~ola
It cannot be denied
that Romol~ is less popular
than its predecessors, but we do not hesitate
to say that i t is its author's greatest work.
(1)
Mais
on peut &galen1ent lire dans le Saturdav Review
No reader of Ro~nla will lay i t down without
admiration,
and few without regret.
(2)
D'une manière g&n&rale,
ce qui impressionna le plus
les critiques de l'époque,
fut,
semble-t-il le ton profon-
dément moral du livre.
Aillsi,
à partir du moment de sa pu-
blication, une tendance se développa,
considérant George
Eliot COlllme un grand professeur de morale
et certains
n'hésitèrent
pas à faire remarquer une ressemblance phy-
sique entre George Eliot et Savonarole.
DDns
les milieux littéraires aussi,
les avis
sont
partagés.
Quand la publication sous forme de feuilleton
commence en juillet 1862, quelques amis de George Eliot,
notamment Anthony Trollope, Arthur Helps et Robert Brow-
ning :font quelques commentaires aimables.
Tl y
a
aussi
une opinion contraire dans une
lettre de Sarah Hennel
que Lewes
" perdit
Il
fort
à propos.
Mais,
apr~s le commen-
(1) Haight, Gordon S.
(
édité par
), A Century of George E11
Criticism,
( University Paperbacks,
1965 ), The Westmine
ne~~~,. Romola.,
p~' 25·.
(2) Ibid., The_Sat~!~~LRe~.!~~, Romola, p. 21.

-65-
cement de la publication du livre le 6 juillet 186), un
mois avant le dernier épisode du feuilleton,
les
juge-
ments défavorables semblent l'emporter.
Ainsi,
après la
b0nne impression qu'il a eu des deux premiers volumes
de
l'oeuvre,
Robert Browning condamne le troisième
l
told you what l
thought of the two first
volumes of Ro~ol~ as honestly, l
add now that
l
was much disappointed in the third and last
but,
as a work of art, l
want much.
Other people
like i t
l
heard Gladstone loud in its praise
the other day at dinner . . .
(1)
D'autres critiques nous viennent aussi de Henry
James,
par exemple, qui,
en 1866, considère Romola
as the most important of George Eliot's
\\\\Türks
the one in which the largest things
are attempted and grasped . . .
(2)
Certains considèrent Romola comme un écbec.
Ainsi
.L~ir Leslie Stephen dans san Ge9rge_Eliot dit qu'un déclin
s'est instauré dans
les capacités de production littéraire
de la romancière.
I l écrit,
toujours à propos de Romola,
en 1881. que
The remarkable power not only of many passages
--------_.
(1)
Baker, 1Villiam ( edi ted by
) Cri tiE~n Ge2Eg~_Elio!,
( George Allen & Unwin Ltd, London,
1973
) Robert Browninf
Disappointment,
p.
19.
(2) Ibid.,
lIenry James
1866, Romol~, p.
18.

1
1
1
,
!
1
-66-
i
J
1
but of the general conception of the book is
unable to blind us
to the fact
that,
after aIl,
i t is a magnificent
piece of cram.
(1)
Vingt an~ après la parution de Romola,
en 1886,
Francj.s Turner Palgrave disait
1
1
. ..
IJave read through Romol~ after many years.
l
A sense of gloom and heaviness
and anatomical
power remains with aIl the ability and bIOW-
ledge sbown . . .
(2)
Aujourd' hui nous
savons qV.e R0!!101~ a
peu de lec-
teurs
et
i l
est à prévoir quli~ en aura encore moins dans
l'avenir.
Ce qui
est compréhensible mais regrettable,
car,
considéré dans
son ensemble,
le roman n'est
pas du tout
illisible.
D'une manière générale,
aussi bien à l'époque de
G
E
'
'b
t
xx ème
. ,
,eorge
c110t qu'au de u
du
s1ecle, Romola est
considéré comme le début du déclin de la romancière.
Cette
opinion est confirmée par V.J.
Dawson, qui écrit en 1905,
dans The Makers of English_Fiction que
.f.._",-
For a
pcriod of four years in her life George
Eliot wrote with c0nsummate art.
Ro~la marks
her decadenc e.
(3)
(1) Haight, Gordon, A Century of George Eliot Criticism,
Leslie Stephen,
" George Eliot
",
p.
1~5.
(2) Ibid.
l'rancis Turner Palgrave
1886," George Eliot's
"
Limitations
I I ,
p.
20.
(3) Bennett,
Joan, ~orge Eliot, Préface, p.
10.

1
-67-
1
Parmi les critiques modernes,
nous
pouvons citer
Carole Robinson qui,
en 1962, d i t :
Perhaps finally we may consider RO~Ela, with
.4.. __....
its massive erudition camouflaging its uncer-
tainties,
a revealing achievement
of the Vic-
toriall spirit,
and a memorial
ta
i t s determi-
nation ta make labour compensate
for the ab-
sence of belief.
(1)
En 1970, George Levine dit aussi de Romola
-----
The initial and inescapable fact about Romola
is that of its failure.
There is no quarelling
with Henry James's argument that the novel
Il
does not
seem posi tively ta live
'1.
And yet
Romola is a far better -
at least far more
interesting -
book than the conventional and
ultimately correct placing of i t would suggest.
(2)
Si aujourd'hui ~~la reste généralement peu appré-
cié, Middl~ma~g apparait comme le chef-d'oeuvre de George
Eliot.
Mais,
faisons remarquer que le
jugement de Lévine
marque une réaction ou du moins nuance
Il
the
conventional
and ultimately
correct placing " de Romola.
Nous pensons que Romo.!~, malgré des imperfections
sur 1~squel1es nous aurons l'occasion de revenir,
est une
(1) Baker,
William,
Cri.!.!~~_E!!~2Etie Eliot. Carole Robinson,
" Rornola : A Reading of the Novel ",
p.
10J.
(2) Hardy, Barbara,
( edi ted by
), Cri tical Essays on Georg~
Eliot,
Ch.
V,
George Levine,~'Romola as Fable 11,
p.
78.

-68-
oeuvre de grande stature. Et si le roman a satisfait peu
de lecteurs depuis l'~poque ob i l a ~t~ ~crit jusqu'~ nos
jours, c'est peut-être en raison du d~clin du prestige du
rùman historique.
Cependant,
Ramola est un roman qui nia
pu être écrit que par un écrivain doué.
Nais
i l y
manque
quelque chose d'essentiel,
car l'int~rêt du lecteur fl~­
chit et
l'j.llusion n'est
pas soutenue au cours de la lec-
ture.
Lire Ro~ol~ est un exercice fascinant de
l'esprit,
plutôt qu'une exp~rience de l'imagination.

-
-69-
CHAPITRE
IV.
t.....
1.e . roman commence le 9 avril 1492, le
jour de la
mort de Laurent
le t-lagniîique,
et aussi le
jour où arrive
à
Florence un Grec
nauf'ragé,
Tito Helema,
qui ne
possède
rien d'autre que quelques
pierres précieuses.
Le
jour de
son arrivée,
i l rencontre une
jeune paysalUle, Tessa,
qu'il
courtise un peu.
Tito est un brillant érudit et i l fait rapidement
son chemin à Florence.
I l gagne la confiance de Bardo de
Bardi, un érudit aveugle qui vit avec sa fille Romola,
depuis que son fils Dino s'est fait moine.
Tito prend,
en
quelque sorte,
la place de Dino en aidant Bardo dans son
travail et épouse sa fille Romola.
La première crise de conscience de Tito naît d'un
choix qu'il doit faire
utiliser l'argent des bijoux pour
rechercher son père adoptiî,
Daldassare Calvo,
ou rester
à Florence. EJltre temps, nous avons appris que Baldassare
Calvo qui a
recueilli Tito quand i l était enfant et en a
fait un érudit,
a fait naufrage avec lui
en outre,
les
pierres
précieuses lui appartiennent.
Dans une rue de
Florence,
Tito rencontre un moine dominicain,
Fra Lucca,
qui est
en fait
Dina
: celui-ci lui reTnet le message de
Baldassare qui a été fait prisonnier et qui lui demande de
venir le délivrer.
Tito décide de ne pas
porter secours à
Baldassare,
prétextant qu'il n'est pas du tout certain que
, ,

-70-
Baldassare soit même encore
en vie.
Romola et Tito s'avouent mutuellement
leur amour.
Bardo reçoit la visite de Nonna Brigida,
sa cousine, qui
lui
parle de
Dino devenu Fra Lucca,
et qui est mourant.
Quand,
peu de
temps après les fiançailles,
Romola est appe-
lée au chevet de son frère mourant, Tito croit que la
vérité va lui
être révélée
et qu'elle perdra sa foi
en lui.
Dans cet
état d'esprit,
i l
renoue
ses
relations
avec Tessa
et,
par un simulacre de mariage,
qui dans l'esprit de Tessa
est réel~
" l'épouse Il, au cours dlune foire qui se tient
à Florence.
Sur son l i t de mort,
Fra Lucca dit à Rorr.ola qu'il
a eu une vision dans laquelle
i l
la voyait courir un dan-
ger après
son mariage.
Tito et Romola se marient;
cepen-
dant Tito ne se détache
jamais tout à fait de Tessa
et,
pendant
sa vie conjugale,
la considère oomme
sa seconde
fcmme et en a deux enfants.
La découverte par Romola de la véritable nature de
Tito se produit après la mort de son père,
quan~ Tito vend
la bibliothèque de Bardo.
Le voeu le plus cher du vieil
homme avait été de
préserver cette bibliothèque et i l vou-
lait qu'elle porte son nom après sa mort.
Dans sa colère
et sa déception, Romola essaie de quitter Florence, mais
elle est interceptée sur la route par Savonarole, qui était
I?r-Ës~!lt.)~-__ la mort de son frère et qui lui dit qu 1 elle essaie
de fuir ses responsabilités.
,
Peu de temps avant cela, Baldassare est revenu a
Florence et i l a accosté Tito qui refuse de le reconnaître

-71-
et le traite de fou.
A partir de ce moment, T~to porte
une cotte de mailles,
craignant que Baldassare n'essaie
de le tuer.
I l commence aussi
à prendre une part active dans
la lutte politique qui a suivi la mort de Laurent de N~­
dicis,
agissant
simultanément comme agent des
trois
par-
L""tis
: -les Médicé'ens,
les Arrabiati
ou vieux parti
aris-
tocratique,
et le Parti Populaire de Savonarole.
Auparavant,
les ~Iédicis avaient été chassés de Flo-
rence par le peuple et la noblesse avait fait appel à
Charles VIII de France, qui était arriv~ avec une forte
armée.
L'occupation française
provoque le mécontentement
des
Florentins.
C'est alors
que Savonarole,
grand ora-
teur et
prédicateur, qui
a le don d'émouvoir les
foules,
va jouer un rôle de premier plan.
Sous l'influence de Savonarole, Romola qui a
~té
élevée par son père dans
le mépris de
la religion,
entre
en communion avec
l'Eglise,
sans devenir exactement une
chr~tienne fervente, et elle prend une part considérable
dans les efforts de ceux qui soutie=1ent Savonarole pour
aider les gens qui souffrent de la famine et de la peste.
Alors que Tito n'appartient à aucun parti,
Romola
a des liens émotionnels à la fois avec le parti de Savo-
narole,
et
par son parrain Bernardo del Nero,
avec
le
parti médicéen.
Tito est l'instrument de la trahison et
de l'exécution d'abord de Bernardo puis de Savonarole.
La
mort de Bernardo accroit la tension dans les rapports entre
Romola et Savonarole qui,
pour des raisons
politiques
1
1

-72-
refuse d'intervenir en faveur de Bernardo.
Romola est inca-
pable de supporter les failles inévitables de l'intégrité
que sa réputation de
prophète et sa position de chef poli-
tique imposent à Savonarole.
C'est après la mort de Ber-
nardo et lorsque l'homme qu'elle admirait le plus l ' a déçue
que Romola quitte Florence une seconde fois.
Elle arrive
dons lJn village ravag~ par l.a peste
elle
s'y installe et
partage la vie des paysans;
mais elle revoit
son passé,
et au bout de quelques temps,
elle repart pour Florence.
La carrière de Tito arrive à son terme quand le
chef du troisième parti le soupçonne de trahir aussi ce
parti et lance la populace contre lui.
Pour s'enfuir, i l
saute dans l'Arno et après avoir nagé pendant quelques
temps est rejeté,
épuisé,
sur le rivage,
à quelques mètres
de Baldassare qui l'étrangle,
et meurt à son tour,
enfin
vengé.
De retour à Florence, Romola apprend l'arrestation
de Savonarole,
après
son excommunication,
et la mort de
Tito. Elle assiste à l'exécution de Savonarole, le 2J mai
'~98. Par la suite, elle recherche Tessa et sa famille et
leur donne un Îoyer.
Ainsi,
dans
le roman,
i l existe tule intéraction
des intrigues
privée et publique et le lien entre les deux
se
situe au niveau des principaux personnages du roman,
c'est-
à-dire
Romola, Tito et Savonarole.
Comme beaucoup de romans historiques,
Ilomola com-

.,
-7J-
prend à la fois des personnages de fiction et des per-
sonnages réels.
Au premier groupe appartiennent les per-
sonnages de Romola, Bardo de Dardi, Tito, Tessa et de
Baldassare.
Dans
le deuxième
groupe" nous avons une grande
procession d'hommes dont les noms sont familiers à l'étu-
diant de l'histoire florentine et dont le chef de file est
Fra Girolamo Savonarola.
Dans le roman"
ces deux groupes
se mélangent
leurs destins deviennent implacablement
entrelacés dans une intrigue brillamment construite qui
t.'la.
le pouvoir ct' intensifier le drame.
Parmi
les personnages fictifs"
deux,
Romola et Tito,
retiendront notre attention.
Romola.
Romola,
l'héroine qui donne
son nom à l'oeuvre,
est une femme à l'aspect physique agréable
a
tall maiden of seventeen or eighteen.
Ber
hair was of a
reddish colour
;
there was in
her face
a refinement o~ brow and nostril.
(1)
C'est aussi une femme complexe.
Elle est passionnée
et en mime temps intelligente,
intellectuelle.
Selon l'opi-
nion de
son p~re
Thou hast
a ready apprehension,
and even a wide-
(1) Romola,
Livre l ,
Ch. V,
p.
50.

glancing intelligence.
And thou hast a man's
nobility of soul.
(1)
Elle est réservée et toujours pleine de dignité.
Elle aime profondément son père et veut vraiment aider
l'érudit aveugle dans un travail qui a dû être très
ennuyeux
pour une
jeune f i l l e
Father,
said Romola,
with a sudden flush and
in an injured tane,
" l
read
anything you wish
me to read
; and :r will look out any l'assages
for you,
and make whatever notes you want.
(2)
Cer-endant, Bardo pense que son fils Dino lui serait
d'une plus grande aide que Homola,
parce que Romola est
W1e
îcmme et que,
selon lui,
une femme,
même
érudite,
ne
peut accomplir le même travail qu'un homme.
Il ne semble
donc pas apprécier les efforts de Romola h leur juste va-
leur.
Nais
cela n'empêche
pas Homola d'avoir pour son
père tille grande dévotion.
Son but premier dans la vie est
d'essayer de compenser les
pertes que Bardo a
subies
ses yeux et
son f i l s .
A cette dévotion,
elle
consacre
sa
jeune existence.
Et pour cela,
elle choisit de
renoncer
aux plaisirs de
l'existence
et de vivre,
en quelque
sorte,
retir~e du monde, avec son père.
Et pourtant. quand elle rencontre Tito,
elle tombe
amoureuse de lui,
à cause de sa belle apparence et de son
(1) Romola.
Livre I,
Ch. V,
p.
57.
(2) Ibid., Livre I, Ch.
V,
p.
54.
L_~

-75-
doux charme du sud
Homola's astonishment could hardly have been
greater i f the stranger had worn a
panther-skin
and carried a
thyrsus
Tito's bright face
showed i ts rich-tinted beauty . . . ; I t seemed
like a wreath of spring, dropped suddenly in
Homola's young but wintry life, which had inhe-
rited ~othing but memories --
memories
of
far-off light,
love and beauty,
that lay embed-
ded in dark mines of books,
and could hardly
give out their brightness again until they were
kindled for her by the torch of sorne known joy.
a pink flush overspread her face.
(1)
Dans la simplicité, la pureté et la tendresse de
Son jeune amour, RamaI a est toujours la même. Et au fond
ct' elle-même,
elle
a l ' impression qu'en épou-s8.nt Ti ta,
elle
redonnera à son père,
le f i l s
qui l'a abandonné.
lJien sûr,
Romola essaie de
se persuader que la
beauté physique de Tito est le signe d'un caractère moral
supérieur
:
And he is handsome,
tao: wby should l
not
love him the better for that ? I t seems ta me
be"uty is part of the finished language by
which goodness speaks.
(2)
(1) Romola, Livre l ,
Ch. VI,
pp.
61-62.
(2)
Ibid.,
Livre l ,
Ch.
XIX,
p.
201.

"
-76-
Mais,
quand elle comprend avec
stup~faction son
erreur,
le
cours
entier de
sa vie est changé
Homola 1 S mind ha.d been rushing wi th an impetuous
current towards this act
:
the act of quitting
a husband who had disappointed aIl her trust,
the act of breaking an outward tie that no lon-
ger represented the inward bond of love.
(1)
Ainsi,
Romola est tombée amoureuse de Tito,
parce
que,
naîvement,
elle pensait que beauté et bonté étaient
synonymes
en d'autres
termes,
son amour,
pour autant
que ce fut un amour sexuel,
était néanmoins
conçu dans
la dignité et soutenu par le respect pour son amant-mari.
Quand ce respect a
été tué par la mauvaise foi de Tito,
et que la dignité du mariage
s'est évanouie,
l'amour de
Romola pour ce cha.rmant garçon ne meurt
jamais tout à
fait,
bien qu'il existe entre les deux amants un fossé
qui
s~pare la v6rité du mensonge, le ciel de l'enfer.
Désespérée et désillusionnée,
Romola décide de
quitter Florence et de refaire sa vie ailleurs.
Aux por-
tes de la cité,
elle est arrêtée par Savonarole qui lui
dit
And to break that pledge you fly from Florence
Florence,
where
there are the only men and WQ-
men in the world to whom you owe the debt of
(1) Homola, Livre II, Ch. LXX,TI, p.
332.

-77-
a fellow citizen.
(1)
Ici, Savonarole met le doigt sur le thème de base
du roman
:
le devoir.
En suivant les conseils de Savonarole,
Romola re-
tourne donc
se
joindre au combat
pour préserver la liberté
de
Plorence contre les
envahisseurs étrangers
(
Charles
VIII ),
et pour aider à soulager l'état critique de ces
victimes infortunées de la famine
causée par le blocus
que l'envahisseur a
imposé à
la ville.
Romola retourne à
Florence pour reprendre sa croix en continuant à vivre
auprès de Tito
; elle retourne à ce qui va être pour elle
une quotidienne cricifixion,
et elle assume cet acte,
en
pleine connaissance de cause. Nais elle trouve une satis-
faction morale à aider ceux qui souffrent.
Un processus
<~sa- déroule donc en elle, qui lui permet d'atteindre la
perfection par la souffrance.
Silencieuse et solitaire,
Romala se dévoue aux autres avec une abnégation sans pa-
reil.
Elle devient
18. première héroine
comtierme de George
Eliot,
une disciple de la " religion de
llhumanité
l i .
I l est important de rappeler ici que les idées de
Comte avaient été diffusées en Angleterre par Lewes et
par Harriet Nartineau.
C'est ce qui explique que George
Eliot ait été influencée par J.a philosophie d'Auguste
Comte.
Cependant·, elle n'adhérait pas totalement aux idées
de Comte.
Elle partageait avec les Comtiens,
l'.idée cen-
trale de cette philosophie,
selon laquelle l'individu est
(1) Romol~, Livre II, Ch. XL, p. 371.

-78-
.L . .
sour-nis
aux
inîJuences ct 1 un
organisme
social
contemporain
et aux
personnages du pass6,
morts mais
toujours
vivants
dans les esprits.
Et selon les propres paroles du Dr.
Congreve,
Il
~lrs Lewes never accepted the details of the
system,
never beyond
the central idea."
Dans
l'ensemble,
George Eliot
ac~eptait le Il mystère de la science Il qui
avait
ramen~ le Il n~st~re II ~ une s4rie de processus
vérifiables.
H4rolne
comtienne,
llomola l'est
certainement.
Son
image correspond à une description que fait U.C.
Knoepfl-
macher
:
The
COllltean banner bore
the
emblem of a
woman
of thirty holding a child in her arms and the
inscription
II
We
live
for others
love
is our
principle,
order our method,
progress
our aim."
George Eliot's Ro~ola ends with a vision of
the widowed heroine carrying a foundling on
her arins
and spreading a
similar gospel
of
love.
(1)
Romala n'est
jamais une
chrétienne dévote,
elle ne
suit
jamais
vraiment Savonarole,
bien qu'elle
sympathise
beaucoup avec
lui dans
sa bataille contre la papaut6.
Assez
ironiquement,
toutefois,
c'est Savonarole qui llaide à se
trouver à
travers
l'aide qu'elle
apporte aux autres.
Bien
qu'elle se mêle d'abord avec appréhension à la foule du
(1
Knoepflmacher. U. C.,
Rel~ious Humanis:n and the Victorian
Novel,
(
Princeton,
New Jersey,
Princeton University Pres
,
Ch.
I I ,
p.
/10.

-79-
Mercato Vecchio de la Piazza de la Signoria,
elle ne rait
bientôt qu'un avec
son entourage et elle apprend à aimer
les masses
inîortunées et Èt les
soigner avec Wle véri table
compassion
She had no innate taste ror tending the sick
and
clothing the ragged 1 like
sorne WOlllen ta
whom
tl"le details
of
such work are
welcame
in
themselves,
simply as an occupation. Her ~arly
training had kept her aloo1' rrom such womanly
labours
and i r she had not brought them the
inspiration or her deepest reelings,
they would
have been irksome to her.
But they had come to
be the one unshaken resting-place or her mind,
the one narrow pathway on which the lights rell
clear.
(1)
Le motif du choix est essentiel dans
le
roman,
en
cc qui
concerne
les
persorlnages
de Ramola et de Tito.
Les
cJloix de Tito
sont
simples
:
entre le bien 6vi-
dent et le ITIal évident,
i l choisit le mal avec logique.
Mais les choix de ROlnola sont dir1'iciles parce qu'elle doit
elle-même déterminer de nouveau la valeur des
règles
éta-
blies ou autrement déterminer quelle autorité elle doit
accepter.
Ainsi,
vis à vis du contrat de mariage,
elle
quitte Tito,
pUls accepte
l'ordre de retourner que lui
donne Savonarole
puis elle quitte Tito de nouveau et
revient
ensuite
pour élever les
enfants
illégitimes de
son mari
indigne.
(1) Homola.
Livre r[1, Ch. XLIV,
p.
/100.

-80-
.t..~
A travers le rOlllan,
nous voyons que chacune des
d6cisions de Ramola nait d'une crise.
Et,
en rait,
nous
assistons
à deux crises successives de l'héroine
-
Ulle
prelTli~re crise lorsque Tito vend la biblio-
th~que de son p~re.
-
Une deuxième,
plus importante,
lorsque Savona-
role refuse d'intercéder en faveur de
son parrain.
Ici,
le christianisme ne lui
est d'aucun secours et
elle essaie
de
se
tuer.
A la fin du roman~ TIol1101a,
après
une
espèce
de bap-
tême de soufîrance et de travail dans tm village frappé
par la peste,
est guérie et elle peut retourner à Florence
pour se dévouer aux autres.
Elle n'a plus besoin du sou-
tien de l'idéologie.
Son humilité et son altruisme lui per-
mettent désormais d'assurer sa sauvegarde.
Ainsi,
nous
revellons
au
th~me central de l'oeuvre
de George Eliot qui est le choix moral de l'individu entre
l'égoïsme et
l'altruisme,
situé ici,
dans une
perspective
historique îournie par la Florence de l'époque de la Renais-
sance.
Et
comme le disait Henry James
the book strike~ me less as a work of art
than as a work of morals.
(1)
Dans Romola,
le problème du choix moral,
caracté-
ristique de George Eliot,
se
pose en termes d'action et
d'insertion dans
la vie
publique.
Ce n'était
pas le cas
(1)
Baker,
William,
( edited by ),
Critics 0n George Eliot,
Henry James
1866,
Il
no!:!!~la ", p. 18.

-81-
des romans de George Eliot écrits avant'Romola.
Cela peut
nous faire
comprendre
en partie,
pourquoi George Eliot a
choisi
le genre du roman historique.
En effet,
la roman-
cière,
en un sens,
est plus à l'aise avec une époque re-
culée et un pays dlf'îérent,
pour aborder ce
thème.
Néan-
moins,
par la suite,
ce thème
mêlant
la vie
privée à la
vie publique sera repris dans }liddl~Esh et dans Felix
Holt the Radical, donc dans des romans situés en Angle-
terre dans les années 18JO,
Dans Ro~ola, pour George Eliot,
la vie morale est
une série de conrlits entre
l'égoïsme et
l'altruisme.
C'est,
en fait,
le combat du bien et du mal,
La vie ni·orale est
donc un combat constant contre l'affirmation égoïste de sa
propre volonté,
Nous voyons très clairement cette préoccu-
pation dans le développement moral de Romola,
George Eliot
semble donc placer le salut dans l'énergie,
Elle semble
aussi nous demander,
d'ailleurs,
d'admirer Ramola à cause
~Qe_5a _droiture, de son désir de faire face à ses épreuves
avec dignité.
Elle est
entourée de ruines,
en proie aux
désillusions
tout ce qu'elle aime le plus l'abandonne
ou sombre dans le mal:
elle
perd sa famille,
son amour la
trahit,
sa foi elle-même ne lui apporte pas de réconfort,
Son père,
son frère
et
son tuteur sont morts,
le
pro~hète
de
sa foi n'est plus qu'une poignée de cendres éparpillées
aux quatre vents,
les deux factions rivales des Palleschi
et des Piagnoni sont éteintes,
et Romola reste avec Tessa,
}Ionna Brigida, Lillo et Ninna dans la calme maison de Borgo
Pinti,
à repasser dans sa mémoire son passé tumultueux et

-82-
~ enseigner aux enrants " that we can only have the highest
happiness by having wide thoughts and much recling for the
rest or the world as weIl as ourselves ".
(1)
Romola est une
incarnation de
sa créatrice.
Ell~ est
essentiellement le même genre de remllle que Haggie Tulliver
dans The ~lill on the Floss ou que Dorothea Casaubon dans
Niddlemarch,
c'est-~-dire qu'elle est le même genre de
îemme que George, Eliot elle-même.
Comme son auteur,
TIomola
a un esprit
pro.fondément
réceptif,
une dépendance affec-
tive et une tendance au culte du héros. Elle est le genre
de femme que George Eliot,
pour de bonnes raisons,
comprend
particulièrement bien.
Le conrlit, dans Romola,
entre les
grandes
infillences
sur sa vie,
son père,
son mari et Savo-
narole,
indique combien,
pour George Eliot,
est importante
la recherche des valeurs.
Nous concluerons cette étude du personnage de
Romola par ces mots du Dr.
Guido Biagi qui,
nous semble-t-il,
cernent bien Il]léroine
nc~ola stands out as a
symbol,
immaculate and
strong,
a
symbol of the woman who,
after having
hoped,
surrered and loved,
after aIl the foun-
tains of her affections have been dried up by
the
r8tal touch or disillusionment,
turns
the
stream of her unsatisfied feelings
towards those
in misery and
those who,
aIl unconsciously and
(1) Romola, Epilogue,
p.
598.

-8J-
involuntarily,
have
oîfended her
;
she i5 a
figure
sublime and statuesque,
and her name
is Charity.
(1)
2') Tito.
C'est un personnage unique,
aussi bien dans le
r0t11an que dans la production littéraire de George Eliot.
En eîfet,
ù.?JlS
la fiction de George Eliot,
nous ne
trou-
vons pas d'autre
personnage,
sauf' Grandcourt dans
Daniel
Deronda,
qui
soit
aussi dénué de
scrupules,
dont
l'âme
soit
si désespérément
perdue,
que ce beau Grec
~ouriant,
cultivé et populaire qu'est Tito Melema.
Et ~n dépit de
ses mauvais
côtés
et de sa décadence morale,
i l fascine
le
lecteur
tout
autant que
les hommes
et
les··-îerr'J;I~s de
son entourage.
I l nous apparaît plus vivant que Romola,
et.
avec ses défauts,
i l est plus crédible, et semble
mieux appartenir au commun des mortels.
Nous
suivons
l'histoire de Tito,
à partir du 8 avril
1492,
jour où i l arrive à Florence,
jusqu'au 8 avril 1498,-
jour où,
en
tant que Secrétaire des Dix,
i l est pourchassé
par les Compagnacci de Dolfo Spini,
s'échappe en plongeant
dans l'Arno,
ct est
étranglé par son père adoptiî,
Baldas-
sare,
sur les berges du fleuve
où i l est
arrivé,
épuisé.
Au débLlt de l'histoire,
peu après
son arrivée à
Florence, Tito produit une grande impression sur tout le
(1) Biagi,
Guido, Edition oÎ Romola, Vol.
1, p.
xli.

monde,
~ l'exception de Piero di Cosimo, et plus tard, ,de
Bernardo deI Nero. Cette forte impression qu'il produit
L-. vlenr·du
fait qu'il est doté de charme,
et d'une très
grande beauté
physique.
Il slexprime avec
facilité,
est
sûr de lui et i l s'adapte facilement à
toutes les situa-
tions.
Il fournit deux impressions différentes selon qu'il
évolue dans
sa vie privée ou dans
sa vie publique.
Il con-
vainc le
père de Romola de son érudition et i l
se conduit
de
façon
très
étudiée envers
lui
et envers Romola à qui i l
d6clare son amour.
Dans le m~me temps,
i l rencontre la
paysanne Tessa,
11
11 épouse
l'
dans lUle parodie de mariage
auquel elle croit,
mais
i l ne peut se résoudre à lui avouer
sa tromperie.
sa malhonnêteté.
La naïveté de Tessa est pour
nous une
sorte de révélation
:
elle nous
empêche de
trol1v~r
vraisemblable le personnage de Tito.
Car,
même à cette épo-
que-là, quelle est la jeune fille qui ne trouverait pas
pour le moins étrange l'attitude d'un tel époux?
Dans cette première partie du roman qui
correspond,
en îait,
au premier Livre, Tito est un personnage
très atti-
rant.
et cela nous
pousse Ft éprouver de la sympathie pour
luj.. Cependant, George Eliot nous laisse entrevoir quelles
seront ses faiblesses:
en quelque
sorte,
elle nous pré-
pare pour ce qui va suivre.
Ecoutons ce que dit Bernardo
deI Nero à
propos de Tito
That pretty Greek has a lithe sleekness about
him,
that seems marvellously fitted for slipping
easily into ony nest he fixes his mind on.
(1)
(1) Hornola,
Livre l , Ch.
VI, p.
78.

-85-
Un peu plus tard,
après que Nello l ' a vu en compa-
gnie de Tessa,
dans la foule, George Eliot nous d i t :
Tito had an inIlate love of reticence -
let us
say a
talent for i t -
which acted as other im-
pulses do,
without any conscious
motive,
and,
like aIl people to whom concealment is easy, he
would now mld then conceal something which had
as l i t t l e the nature of a secret as
the fact that
he had seen a flight
of crows.
(1)
Par ces deux simples
phrases,
nous avons appris
deux
" faiblesses
Il
de Ti ta
: l'opportunisme et 11 art de
dissimuler.
Un fait
émerge de la per~onnalité de Tito: i l fait
fi
de toutes valeurs
~ pour lui rien ne semble sacré, pas
rlus dans sa vie
priyée que dans
sa vie
po}_iti~ue. Son but
unique~ crest la recherche du plaisir; il évite tout ce
qui
pourrait avoir un caractère de désagrément.
C'est ce
qui le conduit à négliger ses devoirs envers son père adop-
t i f ,
à vendre les bijoux qui auraient pu lui permettre de
sauver Baldassare et
enfin à renier ce dernier,
en le re-
~~~~~ant bien en face, lorsque le vieil homme arrive à Flo-
rence.
A ce moment-l3.,
i l Y a deux ans que Tito vit à Flo-. __
rPJ1CC
0~ il c0Jln~it le succ~s et il a ~pous4 Romola depuis
reconnaissait
Baldassare maintenant? Le seul fait d1envi-
(1) TIomola, Livre l , Ch.
IX,
p.
99.

-86-
sager cela lui dicte,
une fois de
plus,
sa conduite
i l
renie Baldassare sans
aucun remords.
Aprè~ cet événement, Tito se détériore petit à
petit,
se détache de Romo1a,
surtout après la vente de la
bib1i0thèque de Bardo,
et s'engage dans une intrigue po1i-
t..,.,
__
' - " ,
. - tique
ou i l est
,
en quelque
sorte,
un agent
" triple
",
puisqu'il sert
e11
même
temps,
les
trois
partis
à la fois.
Tito se révèle être un personnage d'une
ambiguité véri-
table.
Après
avoir renié Baldassare,
lors du souper dans
les
jardins Ruce11ai, Tito réfléchit,
et George Eliot nous
dit
Nay,
so distinct sometimes is the working of
a double consciousness within us,
that Tito him-
self, whi1e he triumphed in the apparent verifi-
ca.tion of 11is
l i e ,
wished that he had never made
i t necessary to himse1f -
wished he had recogni-
zed his father on the steps -
wished he had gone
to seek him -
wished everything had been diffe-
ren t.
(1)
Beaucoup de lecteurs et de critiques considèrent
Tito comme le
personnage le
plus
intéressant du roman,
si-
non le plus admirable.
peut-être parce que les beaux gre-
dins plaisent
plus au lecteur de romans que les f'enunes
pieuses.
Nous
pouvons
penser que la principale raison qui
fait
(1) Romo1a,
Livre II,
Ch.
XX-'(IX, .p.
366.

-87-
que tant de lecteurs considèrent Tito comme le personnage
le plus attirant du roman,
vient peut-être aussi du fait
que George Eliot a
eu des difficultés à punir le person-
nage,
à cause de l'aîfection presque maternelle qu!elle
éprouvait
pour ce tout
jeune homme qui ne
peut résister
à l'attrait de l'or et de la réputation. Mais enfin, Tito
a
péché,
i l faut bien qu'il expie sa faute.
De plus,
le
rigorisme de George Eliot l'empêche de permettre à Tito
d'échapper à son châtiment,
quelle que
soit
la mauvaise
influence de la société sur le personnage.
A notre avis,
la partie la meilleure de Romola se
situe dans les chapitres qui procèdent le moment où Romola
quitte Florence pour la deuxième fois.
Dans ces chapitres
i l y a une analyse complète de l'attitude machiavélique
de Tito,
suivie d'une dernière confrontation avec Romola,
au cours de laquelle elle lui dit qu'elle veut le quitter.
Tito est,en fait,
la créature des circonstances.
I l
est peut-être le personnage le plus frappant de George Eliot
aux yeux des
psychologues.
Nous
avonS
l'impression de voir
le pouls de
la machine humaine mis
à nu, de voir les effets
corrosifs de l'indulgence pour soi-même et de l'horreur de
la douleur sur une nature qui n'était
pas vraiment mauvaise,
de .voir,
enfin,
comment,
petit à petit,
la faiblesse
a con-
duit à la fausseté et la fausseté à l'infâmie. Et cependant,
cette créature qui,
sous nos yeux,
va aller jusqu'au crime,
est
si richemellt dotés de qualités rares,
qu'en dépit de sa
dégénerescence morale,
elle fascine
le
lecteur.
Sa beauté

-88-
est très bien décrite
Tito's bri~1t face
showed its rich-tinted beauty
without any rivalry of colour
(1)
George Eliot Illet
très bien en valeur ~_e chaud rayon-
nement du visage parfaitement modelé de Tito,
avec
ses bou-
cles brunes et
ses yeux pareils à des agates
son aspect
lumineux,
la douceur veloutée de
ses manières
envers
les
gens de son âge ou les vieillards sont dépeints de façon
aussi vivante que le
sont
sa bonne humeur et
l'acuité de
s~n_~?~elligence qui~ au besoin, n'hésite pas à prendre
.t _"-
le
pas
sur les sentiments.
Les dilemmes de Tito sont
tr~s bien traités et nous
n'avons
pas vraiment la sensation que Tito est fondamenta-
lement mauvais;
au contraire,
nous
sentons qu'après
ses
premiers manquements à la vérité et à la bonté,
i l suffi-
rait de peu de
chose pour qu'il s'améliore
bien sûr,
i l
ÎaLldrait
que
sa nature
port~e sur le plaisir n'ait pas la
crainte et l'horreur de la honte et de la souffrance.
Car,
écrit George Eliot
Tito was experiencing that inexorable law of
human sauls,
that we prepare aurselves
for
sudden deeds by the reiteratedchoice of good
or evil which gradually determines character.
(2)
(1) "omola. Livre I, Ch. VI, p. 62.
(2) Ibid.,
Livre II,
Ch.
XXIII,
p.
2J1

-89-
Alors que Homola va vers trne compréhension mûre
du concept de devoir, Tito se dirige dans la direction
opposée.
En effet,
i l sait qu'il a un devoir envers Bal-
dassare,
son père adoptif,
mais
i l ne l'accomplit
pas.
Il
a un sens bien éclairé du bien et du mal,
mais i l
choisit d~lj.bérélnent le mal.
Car la vie est trop agr~­
able
et
trop rémunératrice
pour ceux qui ne
51 embarr8.B-
sent
pas de
leur devoir envers le prochain.
Dans le coeur
corrompu de Tito,
nous ne
trouvons qu1un sentiment un peu
plus
pur
son amour pour Homola.
Cependant dès le début,
ce
sentiment est
tâché d'égoïsme.
Tito
se rend bien compte
que
ses rapports avec Romola lui donneront une
certaine
position dans
la ville
et
i l
s'aperçoit aussi qlJe
son in-
telligence et son tact lui permettront de progresser rapi-
dement dans
la vie florentine.
Tout au début de
ses relations avec Tessa, Tito ne
cherche rien de plus qu'une distraction passagère et i l
appréc~e le fait que Tessa, en quelque sorte, ll a dlnire et
le vénère
avec
toute son ing~nuité et .;:;a naïveté.
Hais
au
bout de quelque temps,
i l est perplexe et ennuyé,
car i l
se dit qu'il ne faudrait
pas que ses relations avec Tessa
lui
soient
prcijudiciables dans
ses relations
avec Ronlola
i l insiste donc auprès de Tessa pour qu'elle garde leurs
rapports secrets.
Nais bientôt,
i l se sent plus à l'aise
avec
sa maîtresse,
puérile et soumise qu 1 en présence de
sa femme dont
l'âme
est
si élevée et le coeur si
pur.
Ainsi~ Tessa,
comme Baldassare,
est un personnage
secondaire qui n'a d'iml~ortance que pour mettre en relief

-90-
la bassesse de Tito
i l ~aut, en ef~et, être bien vil
pour agir de cette ~açon envers une jeune paysanne inno-
cente.
Il convient de dire que la présentation du person-
nage de Tessa,
la
Il
seconde f'emme
11
de Ti ta est
bien étu-
diée,
sous
les
traits d'une
jeune paysanne
très naîve
et
aveuglée par sa confiance en Tito. Elle est une victime
de Tito,
mais une victime
innocente,
qui,
du début
jus-
qu 1 à la fin du roman ne
siest pas
rendu coml-..'te de la gra-
vité de
sa situation.
Quand i l
est arrivé à Florence avec son manuscrit
et
ses bijoux,
Tito
s'est vice
rendu compte qu'un vieil
érudit comme Bardo n'avait
pas vu tout
le
travail qu'il
avait fait
pour les Humanités récompensé à sa juste va-
leuF":
pas plus sur le plan intellectuel que sur le plan
financier.
~Iais i l constate,
au contraire,
que d'autres
hommes.
moins
talentueux et cependant plus ambitieux,
qui
poss~dent le sens de la politique et par-dessus tout
l'obliquité morale,
se sont élevés rapidement dans la répu-
tation et la fortune.
Tito observe aussi que les hommes
qui contrôlent les a~faires politiques de Florence, ne
sont
pas,
en grande partie,
inspirés
le moins du monde
par des motifs altruistes ou par le devoir civique.
Après
avoir abandonné
toute
idée de
respecter la promesse
sacrée
~aite à Daldassare et plus tard à Romola, Tito pense qu'il
a
trouvé à Florence l'endroit idéal pour un habile oppor-
tuniste tel que lui.
Toutes les trahisons de Tito n'ont qu'un seul mo-
t i f
sa satisfaction pr~sente, sa sécuritci du moment,
et
son culte du nIai.
I l aurait
pr~f~r~ ne pas trahir la con-

-91-
fiance du père de Romola,
s ' i l avait
pu atteindre le but
qu'il s'était fixé autrement que par une telle trahison.
Quand i l complote avec Dolfo Spini pour mettre Savonarole
aux mains de
ses ennemis,
i l n'a pas d'autre but que d'en-
lever de sa route un obstacle indirect à sa propre progres-
sion.
I l n'y a
pas de sentiment de revanche dans le rôle
qu'il
joue dans la mort de Bernardo deI Nero. En effet,
ce
n'est
pas
parce qu'il ressent
l'antagonisme de Bernardo
que Tito le trilllit, mais parce que sa propre sécurité et
son but ultime exieent la mort de Bernardo et de ses amis.
Nous voyons donc que
toutes
les mauvaises actions de Tito
n'ont qu'un seul but
arriver par tous
les moyens,
même
les plus bas.
Il s'est fait une loi, qui ne s'applique
qu'à lui-même,
l'auto-satisfaction,
et
son dieu,
c'est le
moi.
Bien avant sa mort,
nOliS
sentons que Tito est une âme
perdue, que.
pour lui et en lui,
i l n'y a pas de place pour
le remorrls.
Dans Romola, George Eliot montre le rapport qui
existe entre la vie politique florentine et le développe-
ment de la nature de Tito Melema.
Il est assez significa-
tir de voir Que
c'est l'environnement de Tito qui a contri-
bué à sa dépravation,
ce qui
fait de lui une victime.
A
certains égards,
on peut dire que Tito est
comme Florence,
car i l est cultivé.
érudit et attirant comme Florence, bien
qu'il soit égoïste.
Les deux sont
intimement liés dans leurs
succès comme dans leurs
échecs.
D'une part,
nous avons
l'image
d'une Florence avec
ses rivalités,
ses
factions
politiques,
ses médisances et sa tradition de perfidie,
et d'autre part,
.< ....

-92-
nous avons le
personnage de Tito.
ambitieux,
traître,
inîi-
d~le, qui est adopt6 par la ville.
Ainsi,
en Tito
GeorGe Eliot a
personnifié un thème
t
qui
l'int~resse beaucoup: l'influence corruptrice d'une
société immorale
sur un
jeune homme impressionnable.
Tito
est la représentation par George Eliot d'un aspect de la
politique et de la moralit6 de la Henaissance qui a,
à la
fois,
fasciné
et épouvanté.
I l est assez significatif de
voir que
la ronlanci~re parle de Machiavel et a aussi inclus
un l'-lachiavel dans
ses
personnages t
Ti ta.
En effet,
l' atti-
tude de Tito en ce qui concerne les affaires publiques est
aussi d~tachée, amorale et cynique que le sont ses senti-
ments envers sa famille
i l fait du mal dans les deux
domaines
sans
être
jamais vraiment conscient de ce qu'il
fai t.
Chez Tito,
i l Y a Dll mélange de faiblesse et d' ambi-
tion et un
certain degré d'égoïsme pur qui
lui
a
permis.
ct 1 ailleurs l
rle
traJlir son père adoptif'.
C'est un homme qui
a une aversion invincible
pour tout ce qui
est désagréable
la dOllceur de
sa nature
exige que tout chagrin soit
tenu
éloigné de lui.
Apr~s avoir expliqué cela, George Eliot
montre comnent agit le personnage dans le roman.
Quand le
moine apporte à Tito le message griffonné de Baldassare,
avec la nouvelle qu'il est captif,
et explique qu'il tient
cette bande de parchemin d'un homme mourant,
la réaction de
Tito est vraiment
en accord aveC
son personnage
, Ile is dead,
then ?'
said Tito,
wi th a boun-
aing of the beart.

-93-
,
Not
the writer.
The
man who gave it me was
a
pilgrim,
like myself,
to whom the writer had
entrusted
it,
because he was
journeying ta
Ttaly.'
(1)
I l ne rait aucun doute que Tito est le représentant
le
plus
accompli du processus de dégénérescence morale
dans
tous les romans de George Eliot.
Le fait
est ~ue c'est
Tito Melema qui est le principal centre d'intérit du roman.
On comprend donc pourquoi Tito a
trahi,
bafoué et
m~lne 11umilié Baldassare Calvo qui est, en quelque sorte,
l'instrument de
la vengeance de Dieu.
Bien qu'il s'agisse
d'un personnage de second plan,
le rôle de Baldassare dans
l'intrigue n'est pas moindre.
George Eliot ayant toujours
su raconter une histoire,
le
thème Tito-Baldassare est
très
bien mené dans
le roman.
La rencontre de Tito et de Baldassare devant
le
Duorno est
l'un des meilleurs moments du livre
Thc
two men looked at each other,
silent as death
Baldassare with dark fierceness
and a
tightening
grip of the soiled worn hands
on the velvet-clad
arm
;
ru1d Tito,
with cheeks and
lips all blood-
less,
fascinated by terror.
I t seemed a long
while to them -
i t was but
a moment
1
This
is
another escaped prisoner, ,
said Lorenzo
Tornabuoni.
\\f.ho
i5 he,
l
wonder
?'
(1) Romola. Livre I, Ch. X,
p.
119.

, Sorne madman,
surely,'
said Tito.
He hardly kne\\; how the words had comme to his
lips
:
there are moments when our passions
speak and decide for us, and we seem to stand
by and wonder. They carry in them an inspira-
tion of crime,
that in one instant doas the
work of long premeditation.
The two men had not
taken their eyes off each
other,
and i t saemed to Tito, when he had spo-
ken,
that sorne magical poison had darted through
his veins.
(1)
La dernière rencontre des deux hommes
a lieu dans
l'herbe au bord de l'Arno.
Là. les ultimes forces de Bal-
dassare sont utilisées pour étrangler son fils
adoptif
qui est devenu son enllemi.
Tito a trahi et i l a payé de
sa v);e. sa traîtrise.
Baldassare siest
substitué à Dieu
,t. " ..
pour punir le corrompu de
toutes les
souffrances qu'il
a inrligées volontairement et involontairement à son
entourage.
I l nous semble que la conclusion de cette étude
de Tito revient à Romola elle-m6me. Ecoutons ce qu'elle
qu'elle dit à Lillo,
le fils de Tito et de Tessa, dans
l'Epilogue du roman
:
There was a man to whom J: was very near,
50
(1) Romola,
Livre II, Ch. XXII,
pp.
228~229.

-95-
that l
could see a great deal of his life,
who
made almost
everyone rond of him,
for he was
young,
and clever~ and beautiful,
and his man-
ners to aIl were gentle and kind.
l
believe
when l
first knew bim, he never thought of any-
thing cruel or base.
But because he tried to
slip away from everything that was unpleasant,
and cared Tor nothing else sa TIluch as his own
safety, he came at last to commit sorne of the
basest deeds
-
such as make men infarnous.
He
denied his fatber,
and left him to misery
; he
betrayed every trust tbat was reposed in him,
that he might keep himself safe and get rich
and prosperous.
Yet calamity overtook him.
(1)
En changeant de sujet, George Eliot n'a pas changé
les
tendances
Fortement prononcées qui
sont la base de
ses
prciccidents romans.
Nous
avons vu plus haut que Ho~ola est un roman
d'une grande
érudition,
mais cela suffit-il pour faire un
bon roman?
Pour répondre à cette question,
nous allons
voi.r quels
sont les mérites
et les faiblesses de l'oeuvre.
Nanifestement,
le roman présente des qualités. Et
à ce propos, il faut d'abord rendre hommage au génie de
(1) Romola, Epilogue,
p.
599.

-96-
conteur de George Eliot.
Elle sait rendre une description
vivante et intéressante.
La description qu'elle nous fait
de Florence dans le Prélude en est un exemple
Even if, instead of following the dim daybreak,
our imagination pauses
on a
certain historie al
spot,
and awaits
the
fuller morning,
we may
see a world-famous city, which has hardly chan-
ged its outline since the days of Columbus,
seeming ta stand as an almost unviolated symbol,
amidst the flux of human things,
ta remind us
that we s t i l l resemble the men of the past more
than we differ from them
though he misses the seventy or more towers
that once surmounted the walls,
and encircled
the city as with a regal diadem, his eyes will
not dwell on that blank ;
they are drawn irr-:sis-
tibly ta the unique tower springing,
like a tall
flower-stem drawn towards the sun from the square
.L ' -
turreted mass of the Old Palace in the very heart
of the city -
the tower that looks none the wôrsé
for the four centuries that have passed since he
used ta walk under i t .
The great dame,
tao, great-
est in the world,
.
raises its large curves,
eclipsing the hills.
And the well-known bell-to-
wers - Giotto's,
with its distant hint of ri ch
colour,
and the graceful-spired Badia,
and the rest.
(1) Homola,
Proem,
pp.
1-2-J.

-97-
A travers ces lignes,
i l nous devient facile d'ima-.
,
1
f '
xv ème
.,
1
t
giner la ville
a
a l T I
du
Blec
e,
e
nOUS
ressen-
tons
par cette description un peu de ce que George Eliot
a dû ressentir en contemplant Florence depuis les hau-
teurs de l~iesole. La ville de Florence est donc un lieu
où de grandes réalisations architecturales
ont été accom-
plies.
Ces
grandes réalisations montrent
l'importance de
la période de la Renaissance qui a vu naitre tant de chefs-
dl oeuvres.
LB critique traditionnelle de Romola veut que le
roman soit fastidieux et savant. Le livre est peu atti-
rant.
Les personnages sonnent faux et on est
presque ré-
duit à dire que la seule qualité de Romola est d'avoir
été écrit par une grande romancière.
Cependant,
Homola est un livre d'images dans la
mesure
OÙ nous
voyons,
de manière très vivante,
les
scènes
décrites
et nous nous plaisons à les voir comme nous ai-
mons voir des personnages
sur une
scène.
Mais dans Romola,
tout se déroule
à l'avant-scène.
Nous ne
sommes
jamais
pris dans la vie des
personnages de
façon à ce qu'ils de-
viennent
plus vrais
pour nous que notre voisin de palier.
Nous continuons à lire l'oeuvre~ nous annotons et nous
admirons m~me. mais nous sommes tr~s rarement absorb~s.
Romola manque d'ironie
et de complexité et ne traite
pas complètement le sujet.
La tendance à l'épique et le
manque général de complexité apparaissent dans la construc-
tion de l'intrigue.
De tous les romans de George Eliot,

-98-
RomaIn est
celui qui a
le moins de
personnages bien déve-
loppés et c'est le seul qui n'a qu'une seule ligne d'in-
tri gue.
Silas Narner, ~liddlemarch et Daniel Deronda ont
des
intrigues doubles
et presque
parrallèles,
chacune
nuançant et
illuminant
l'autre.
Romola est vue de trop près et cela a
pour résul-
tat qu'elle n'est pas vue complètement. Une intrigue sup-
plémentaire ou un développement plus complet de celle-ci,
aurait
peut-être placé le personnage de Romola de façon
plus satisfaisante.
Il n'existe pas dans le roman d'autre
persoIU1age qui lui
soit égal,
ni même quelqu'un qui s'en
approche de loin.
Romola existe dans une sorte d'isolation
splendide.
En eîîet,
nous ~ '_e voyons aUCllil .groupe humain
dans lequel Romola peut être
située.
Nous ne voyons pas,
non plus,
les détails insignifiants qui lui donneraient
l'authenticité de la vie quotidienne.
Néanmoins, Romola reste une
oeuvre de grand inté-
rêt,
par le fait même, que George Eliot a
toujours su
bi~n raconter. Nous avons cité précédemment le passage où
Tito et Baldassare se rencontrent
juste devant le Duomo
et nous pouvons dire que c'est un des meilleurs moments
du livre.
Nous ne redonnerons
pas ici l'intégralité du
passRge
citons
seulement
la fin de cette rencontre
The two men had not
taken their eyes off each
other,
and i t seerned to Tito, when he had spo-
ken,
that sorne magical poison had darted rrom
Daldassare's eyes,
and that he felt i t rushing

-9,]-
through his veins.
Dut
the next
instant
the
grasp on his arm had relaxed,
and Baldassare
had disappeared within the church.
(1)
A travers ces quelques lignes, nous sentons toute
la
tension et
l'intensité du moment
où les
deux hon~es se
trouvent
îace
à Lace.
Et
l'on devrait mettre
cette
scène
en parrallèle avec la dernière rencontre de Tito et de
Baldassare,
au bord de
l'Arno,
rencontre qui verra slassou-
vir la vengeance de Baldassare.
Chaque scène est un bon
exemple de George Eliot dans ses meilleurs écrits
ces
deux scènes
sont rendues de
façon directe,
dramatique,
plausible et profonde.
Dans chacun des cas,
les effets ont
été préparés.
Lu romancière
croyait
fermement
en la rela-
tion inévitable des causes et des conséquences et elle a
très bien réussi à nous
faire
partager cette croyance
par
son récit.
Alors
pourquoi,
en dépit de toutes ses qualités,
Romol~ continue-t-il à être considéré conune un échec ?
Quand nous le lisons,
nous sentons que l ' a r t et l'intel-
ligence sont très proches de nous. Pourtant Romola appar-
tient à cette classe spécifique des échecs significatifs
chez les écrivains de premier rang.
Il y a dans Romola
des
longueurs
qui affaiblissent
les ressorts de
l 1 action
In
tllis very
November,
l i t t le lTIore
than a
week
1
- - - - -
J
(1) Romola, Livre II, Ch. ~'{IIT, p. 229.

-100-
ago,
the spirit of the old centuries seemed to
have re-entered the breasts of Florentines.
The
great bell in the palace tower had rung out the
hammer-sound of alarm,
and the people had mus-
tered with their rusty arms,
their tools and
impromptu cudgels,
to drive out the Medici. The
gate of San Gallo had been fairly shut on the
arrogant,
exasperating Piero,
galloping away
towards Bologna with his hired horsemen frigh-
tened behind him,
and on his keener young bro-
ther,
the cardinal,
escaping in the disguise
of a Franciscan monk . . .
(1)
I l est certain que,
avant de commencer la rédac-
tion de no~la, George Eliot a tenté de mettre toutes les
chances de son côté en se livrant à des recherches appro-
fondies,
dans
tous
les domaines.
sur Florence et la vie
qui s 'y déroulait à la:fin du XI,ème siècle.
Ces recher-
ches ont fait l'objet d'une étude dans un chapitre pré-
c6dcnt
et nous n'en reparlerons
pas ici en d~tail. Nous
avons déjà vu au cours de cette étude que George Eliot
L'l." e§pé12ai.t
ne rien avoir laissé au hasard en ce qui concer-
nait sa reconstruction du passé.
Il n'est malheureusement
pas
toujours
suf'îisant de posséder une masse de détails
et d'érudition pour réaliser un chef-d'oeuvre.
George Eliot
s'est donc beaucoup documentée.
Nous
pouvons relever quelques passages où la couleur locale est
(1) Ro~, Livre II, Ch. LXI, p. 21J.

-101-
bien rendue,
lors de la ~oire des paysans,
par exemple
At each of the opposite inlets he saw people
s truggling into
tl~e piazza 1 while above them
paper lanterns, held aloft on sticks, were
waving uncertainly to and fro.
Certain
ragged men, darting a sharp glance around them
while
their tangues rattled merrily,
were invi-
ting country people to game with them on fair
and open-handed terms
two masquerading figures
on stilts, who had snatched lanterns from the
crowd were swaying the lights to and fro in
meteoric
i'ashion
;
a
sage
trader was doing
a profitable business at a small covered staIl,
in hot berlingozzi,
a
favourite
farinaceous
delicacy
:
One man standing on a barrel
was selling efficacious pills
warranted to
prevent toothache and death by drowning ;
while a hand~ul of
'prentices, despising the
slack ent~Ttainment oi' guerilla stone.i..throwing,
were having a private concentrated match o~ that
i'avourite Florentine sport at
the narrow entrance
of the Via de'
Febbrai.
(1)
Des
passages
colnnle
celui-ci sont ~videmment pitto-
resques,
mais
i l s
sont rares dans le roman,
et
jamais nous
ne nOllS
r8.isons une
idée
exacte de
l'ambiance qui
régnait
(1) ROlllo1~, Livre l, Ch. XIV, p. 145.

-102-
à Florence à cette époque troublée. En effet, George Eliot
ème
,
"V""'IT
. ,
.
peut reconstituer Florence a la fin du AV
slccle,
malS
la faire vivre est une autre affaire.
Et on a
pu,
à ce
sujet,
comparer défavorablement George Eliot à Walter Scott
ou à ~'cinhold
D.G.
Rossetti ne pensait pas que le ton et
la cOlllcur de
la vie
.
l .
d
~,ème
..
l
P t '
lta lenne
U
AV
slec e
~ussen
Eal-
sis avec
la perception intuitive des époques
passées,
ca-
ractéristiques d'un Walter Scott ou d'un ~Ieinhold.
Dans
Romol~, le dialogue est généralement sans vie
et n'est
pas animé par les l'ragments d'italien- les feddi-
dio,
giovane
mio,
anlico Inio
-
que la romanci~re introduit
dans la conversation pour ~aire couleur locale.
Ceci nous
amène à dire que tout dialogue littéraire est toujours un
peu artiriciel.
Aucun dialogue n'est
jamais réaliste,
n'est
jamais un enregistrement
pris
sur le vif,
pas même ceux des
romans
où George Eliot a
si bien " rendu
Il
le dialecte des
~lidlands. ~lais I1omola soulevait des difficultés presque in-
surmontables.
L'artifice y
est trop apparent pour être de
l ' a r t
les dialogues ne créent pas l'illusion de la réalité.
Les allusions ~l des personnages historiques, bien
qu'elles soient inévitables
à cause du genre,
sont fasti-
dieuses.
Des gens comme Nichelangelo Buonarotti,
l'inno-
cent et
laborieux ~Iarcilio Ficino, devaient être présen-
t.-,,--
-tég-=- Ils sont habillés magnifiquement,
et
parfois,
ils
par-
lent bien:
Illais
i l s ne surrisent pas à créer de la sympa-·--
thie pour une époque autre que la nôtre.
En dépit de ses eI'forts infatigables pour rendre la

-103-
couleur locale
et historique,
George Eliot ne nous
pr~-
sente
pas des personnaGes qui sont de purs Italiens du
ème
Xv

.
A
.
d
XIX ème
.•
l
siecle
;
ce
sont
auSSl
des
ngla15
li.J
_
Ble c
e
d6~lisés pour ressembler à leur rôle. Romola ~vo].lJe bien
au milieu de
Florentins du xv ème siècle mais ce
sont des
~~r~~nnages qui nous paraissent îroids et dénués de vita-
.t..'1...
l i té.
Prenol1s,
par exemple.
la sc;~ne qui
se
passe dans
la
boutique du barbier,
lorsque
le barbier,
Nello,
s'adresse
à Tito
And,
first
of aIl,
in the matter of your hair.
That beard, my fine young man,
must be parted
with,
were i t as dear ta you as the nymph of
your drcams.
Here
at
Florence,
we
love not
ta
see a
man with his
nose
projecting over a cas-
cade
of haire
Dut,
remember,
you will have
passed
the Rubicon,
when once
you have been
shaven
i f you repent,
and let your beard
grow aîter i t bas acquired
stoutness by a
struggle with
the razor,
your mouth will by-
and-by show no longer what ~Iesser Angelo calls
the divine prerogative of lips, but will appear
like a dark cavern fringed with horrent bram-
bles.
(1)
Que de
Inots
ponlpellx pour dire
si
peu de
choses.
Comme beaucoup de
critiques
l'ont
fait
remarquer,
ces
per-
- - - - - - - - - - - - -
(1) Homol~, Livre l, Ch. III,
p.
32.

sonnages ont l ' a i r et le pp.::ler de gentlemen anglais du
hme
XIX
si~cle, alors que dans l'Italie de cette cipoque,
~poque o~ vivaient les Borgia, on ne se comportait peut-
être pas de raçon aussi guindée,
et les
moeurS étaient
tr~s relAch4es. Il y a bien quelques allusions à ce sujet,
dans
les
sermons de Savonarole.
par exemple
The cup of your iniquity is full.
Behold,
the
thunder oC the Lord is gathering,
and i t shall
fall and break the cup,
~1d your iniquity,
which seellls to you as pleasant wine,
shall be
poured out upon you,
and shall be as molten
lead.
(1)
Comme nous
l'avons dit
précédemment,
George Eliot
croit bien faire
en incorporant des
locutions
italiennes.
Prenons quelques exemples
It seems to me a
thousand years t i l l 1 can be
oC service to a bel erudito like yourselC.
(2)
ou bien encore
1
have i t
on the authori ty of our Y0W"lg Niccolo
NacclJiavelli,
himself keen enough ta discern
i l
pela nell'uovo,
as
we
say
. . .
(J)
~fais des expressions de ce genre ne suffisent pas ~
( 1 )
Homola.
Livre II, Ch.
XXIV,
pp.
23'1-235.
- - - -
(2 ) Ibid.
Livre l ,
Ch.
III,
p.
32.
(J) Ibid.
Livre l ,
Ch.
III,
p.
37.

-105-
rendre
parfaitement la couleur locale et l'atmosph~re de
l'époque.
Uien que Romola nous fasse cOlnprendre quelque chose
de la nature des institutions politiques ou de la foi et
de l'art de
l':ltalie du xv~me si~cle, le roman vaut plus
par ses personnages que
par sa Il
couleur locale
I l ,
Au
travers de l'expérience des
personnages,
nous voyons clai-
rement dans
leurs vies
privées et dans leurs pensées,
sur-
f~u~'ieurs pens~es de la vie quotidienne, leurs espoirs
et leurs
actions.
Mais George Eliot ne
s'en tient pas là
le comportement de
ses
personnages montre aux hommes com-
ment
se connaître
et se
situer par rapport
aux autres
et,
m~me. à l'univers. Tout ceci est Cait dans une attitude
de solennité
peu souriante
et d'inquiétude douloureuse.
Chez
les personnages de Romol~, et donc chez George Eliot,
on
sent une
obsession du problème moral.
Ainsi,
chez Tito,
par exemple,
la romancière ex-
plique le mélange de faiblesses et d'ambition,
le degré
d'égoïsme
pur,
en lui,
qui
lui
ont permis de
trahir Bal-
dassare.
Et ayant expliqué et illustré Tito,
George Eliot
passe du particulier à l' w1iverse1,
voyant
le personnage
à la lumi~re de la loi morale. Citons ce passage qui illus-
tre bien ceci
Having once begun ta explain away Baldassare's
claim, Tito's thought showed itself as active
as a virulent acid,
eating its rapid way through
aIl
the tissues of sentiment.
Ilis mind was des-

-106-
titute of that droad which has been erroneously
decried as i f i t were nothing higher than a man's
aninlal care
for 11i5
own skin
:" that
a\\\\'e
of the
Divine Nemesis which was
Îelt by religious
pa-
gans,
and,
though i t took a more
positive form
undor Christi'.lJlity, is s t i l l felt by the mass of
mankind
simply as
a vague
fear at
anything which
is called wrong-doing.
Such terror of the unseen
is so far abovo sensual cowardice that i t will
annihilate
that
cowardice
: l t
i5
the initial
recognition or a moral law restraining desire,
and checks the hard bold scrutiny of imperfect
thollght into obligations which can never be pro-
ved
ta have
any sanctity in the absence
of feel-
ing.
'
It
i5 good, 1
sing the
oid Eumenides,
in
Aeschyllls,
that fear should sit as
the guar-
dian of the soul,
forcing i t into wisdom -
good
that men should carry a threatening shadow in
their hearts under the full sunshine
: else, how
should they learn to revere the right ?
(1)
Ce passage est très typique de l'esprit et de la
méthode de George Eliot
gravité du style, ~ulture et pro-
fonde
sensibilité morale.
Dans
le
personnage
dc Romola,
on sent
un déséquilibre
radical
i l y
a
trop de
sainteté et
trop peu dlhumain~ parce
qu'elle est fondamentalement
en dehors de
la vie créée autour
(1) Romol~, Livre I, Ch. XI, p.
122.

-107-
d'elle.
I~omola 111 es t
cependant
pas un personnage
statique.
Elle est capable de grandir moralement, de mûrir, de tout
remettre en cause et de grandir de nouveau.
Quant au personnage de Savonarole, bïen que George
Eliot le voie comme un sujet
elle ne peut
le réaliser
l
en tant qu'homme. Elle ne peut se glisser en lui. I l est
analysé,
i l est
éloquent,
mais i l nlest
jamais vivant.
Il
trahit,
cornille Romola,
un manque de
conviction.
Ainsi,
à l'exception de Tito, le livre ne selnble pas vivre posi-
.l. .....
__tiv-ement.
Nous arrivons maintenant
au dernier point de ce
chapitre, qui est peut-être le plus important.
Les diffi-
cultés essentielles et les raisons principales de l'échec
de 11omola résident dans la conception des
personnages prin-
cipaux et,
en
particulier,
du personnage de Romola.
George
Eliot a voulu idéaliser le caractère et le personnage,
et
elle a voulu faire
prendre conscience du mal dans le por-
trait de Tito.
Nais ces deux tendances sont en conflit
le mal
semble extérieur et
mélodramatique,
le bien est
traité
avec
sensiblerie.
Le problème technique le plus central qui a sans
doute donné le plus de difficultés à George Eliot fut la
façon de traiter l'analyse psychologique.
Dans Romola,
George Eliot devient de plus en plus concernée par l'évo-
lution spiri tuelle,
notamment celle de Romola, de 1 '~Iuma­
nism€
au Christianisme
puis
à l'Altruisme.
Le
problème avec le
personnage de Romola,
par exemple,

-108-
ce n'est
pas qu',elle
soit trop bonne,
bien qu'en fait,
elle le soit.
Le proLl~me, c'est que tout ce qui la con-
cerne,
orgueil,
sentiments nobles,
humilité,
n'est vu que
du
point de vlIe d'un idéal qui
se
situe au-dessus du com-
mun des
mortels.
Tout
en elle
est
id~ali~~. Avec Romola,
tous les
sentiments
sont
écrits' avec des
lettres majus-
cules.
Ainsi,
Romola n'est
jugée que d'apr~s les critères
l~s plus élevés
on dirait que George Eliot n'est pas
satisfaite de
la considérer comme lUl être humain.
Le roman
se
concentre
sur les
aspects de
son histoire qui
peuvent
être nobles,
tragiques
ou édifiants,
pour que
nous ne
ju-
gions Romola qu'en termes de très hautes qualités.
En un
mot, Romola est trop épique. Elle n'est pas un personnage
de chair et de sang. Elle est considérée comme un ~déal
vers
lequel
les
~tres humoj.ns doivent tendre.
Ceci est
d'autant
plus vrai que
la
jalousie est un sentiment que
Romola ne cannait pas.
En effet,
tout autre que RamaIs
aurait
pu être
jalouse de Tessa qui a donné deux enfants
à Tito.
Et quelle est la réaction de Romola vis-à-vis de
'ressa ?
Seulement de la compassion
Elle va m€me
jusqul~
h~berger 'ressa et ses enrants pour s'occuper dIeux et de
leur avenir.
C'est vraiment un geste qui n'est
pas
à la
portée de tout le monde
,[
Une indication de la faiblesse fondamentale du
roma.n nous
est donnée par un exemple
la pre'mière
tenta-
tive de Romola pour quitter Tito.
La seule raison qui la
pousse ~
à part un vague" sentiment de déception dans sa vie
conjugale,
est le fait que 'rito ait vendu la biblioth~que

-109-
de
son p~re. A ce mOlnont-lh,
elle
cesse
imm~diatement
d'aimer Tito.
Ceci,
à notre avis,
est
un peu exagéré et
parait manquer de
réalisme.
Romola nous apparait.
à ce
moment-là,
comnle
une
Îemllie
qui
place les
principes rigides
avant
1 1 aîîection.
Ce
sont d'ailleurs
les
mêmes
principes
rigides
qui
l'empêchent de
faire un eîi'ort
pour comprendre
son ma.ri.
Tito.
lui,
bien qu'il ne
soit pas
l'une des
créa-
tions les plus originales de George Eliot,
est un person-
nage unique dans
le roman.
1'-1algré
sa décadence morale
et
seS mauvais
côtés,
c'est
un personnage
fascinant
et le
lecteur se delllande
toujours
jusqu'Où i l va aller.
Et,
ayant
~_pol1sé Homola, cet te femme ct 1 une grandeur ct 1 âme sans égal,
i l se sent peut-être en position d'infériorité:
i l la
redoute et a
peur de son jugement, ce qui le conduit à
mentir et à 8dopter des attitudes équivoques.
Nais i l nous
:faut hien admettre que personne autant que George Eliot n'a
si complètement compris
la grande vérité
selon laquelle
personne ne
peut
échapper aux conséquences de
sa conduite,
que
toute
action n'a pas
seulement un caractère
propre,
mais
aussi une
in~luence sur le
caractère
de
l'acteur,
à la~uel1e
i l est impossible d'échapper. Et cela, George Eliot nous le
:fait bien sentir dans le personnage de Tito.
Par contre
i l nous
faut bien reconnaître que
l'e5-
1
p~cc de déguisement qtle porte Ramola l'a handicapée lour-
dement.
C'est Homola qui
parle et qui agit,
mais derrière
elle,
c'est George ]~liot que nous voyons
et
entendons,
et
tout ceci manque de naturel et est un désavantage de plus

-110-
dans le roman.
Tito n'est
pas toujours naturel non plus
et par sa sècheresse spirituelle et physique,
i l nous ~ait
souvent
penser à un mari impitoyable de l'ère victorienne.
Cependant,
la
li
conversion" de Homola est
l 1 échec
central du livre.
Q.uand nous voyons Romala dans
ses bonnes
;)ctions
ou ses
bonnes
oeuvres,
elle
obéit
à un illlpératif
nloral,
sans
convictj.on religieuse.
Ce
comportement est
ème
. ,
assez caractéristique des
agnostiques du XIX
slecle,
mais
i l ~st moins convaincant dans le cadre d1un person-
ème
nage du Xv
siècle.
Elle a
besoin d'abnégation mais elle
ne croit pas irrésistiblement en la divinité du Christ.
Et
tout l ' a r t de George Eliot ne peut pas convertir cela en
une
foi
surnaturelle.
Prenons ce
passage en exemple:
She had no innate taste ~or tending the sick
1
,
and clothing the ragged,
her early training
"
had kept her aloo~ ~rom such womanly labours
and i~ she had not brought ta them the inspira-
tion her deepest feelings,
they would h;:lve
been
irksorne
ta her.
Dut they had come ta be
the one unshaken resting-place o~ her mind,
the
one nnrrow pathway on which the light Ïell clear.
(1)
Ce passage nous montre clairement que les bonnes
oeuvres de Romola étaient un refuge,
pœutôt qu'un des fruits
dc
la contemplation.
En conclusion,
nous
~ouvons dire que ~~, malgré
(1) Ro~~la, Livre III, Ch. XLIV, p. qOO

tous ses défauts,
est un roman qui a une grande
importance
aussi bien dans la carrière de George Eliot que dans la
littérature anglaise.
D'après notre
étude,
c'est un roman de valeur iné-
gale.
C'est aussi un romQn qui
sent l'huile.
Il lui manque
un certain élan.
I l est trop artificiel.
C'est l'oeuvre
d'une intellectuelle plutôt que celle d'un génie. George
Eliot a fait,
comme nous
l'avons vu plus haut,
un travail
considérable pour rendre fidèlement
tous les aspects de
la ville de Florence à l'époque de Savonarole, mais
la
saveur et l'effervescence de la vie italienne font défaut
à l'oeuvre.
Cependant,
~~la est l'oeuvre d'un esprit qui a
atteint une grande maturité dans sa démarche intellectuelle.
C'est donc un roman très
important pour comprendre l'évolu-
_tiQn .de George Eliot.
C'est une oeuvre qui n'a pas le char-
me de Sila~~arneE, mais elle cst plus mûre,
plus ambitieuse.
Avec Ho!!!ola, .George Elint est
comme un peintre qui passerait
de la miniature à la fresque.
Culture et sagesse imprègnent les pages du livre.
I l
y a des passages écrits magnifiquement
la description du
carnaval et le
jugement par le feu anticipé
l'effet pro-
duit sur la foule par Piero Capponi
The effect on the crowd was remarkable
; they
parted with soîtening,
dropping voices,
subsiding
into silence,
-
and the silence beca,"e sa perfect
that the tread of the syndics on the broad pave-

-112-
ment,
and the rustle of their black silk gar-
ments,
could be heard,
like rain in the night.
(1)
ou encore le départ de la bibliothèque de Bardo
It was
a cloudy day,
and nearing dusk.
Arno ran
darlc and shivering ;
the hills were nJournful
;
and Florence with its girgling stone towers had
that silent,
tomb-like look,
which unbroken sha-
dow gives ta a city seen from above.
Santa Croce,
where her father lay, was dark amidst that dark-
ness, and slowly crawling over the bridge,
and
slowly vanishing up the narrow street,
was
the
white load,
lilce a cruel, deliberate Fate carrying
away her fatller's lifelong hope to bury i t in an
unmarked grave.
(2)
La maturité de l'esprit de George Eliot est montrée,
par-dessus
tout,
dans
son refus de simplifier,
dans une
recol111aissance de cette"
mixed condition of things which
is the sign,
not of hopeless confusion, but of struggling
arder.'! La conscience de la romanci~re qui est sensible
aux valeurs morales ne devient
jamais didactique.
Elle
reste comme Homola elle-même d'ailleurs,
souple et interro-
gatrice
jusqu'à la fin.
Et le lecteur sensible ne trouvera
pas grand chose à dire contre l'appréciation de George Eliot
(1) Romol!,!, Livre TI, Ch.
LXIX,
p.
27/1.
(2) Ibid., Livre IT,
Ch. XXXVI,
p.
327.

- l l J -
elle-même sur Romola
. . . not that l
have achieved anything, but -
that great,
great facts have struggled to find
a voice through me,
and have only been able to
speak brokenly.
(1)
En dépit de son manque de sang, Ro~ mérite de
survivre dans
le souvenir des hommes,
par seS qualités
propres,
mais
plus encore,
peut-être,
parce que le lec-
teur attentif peut y déceler l'annonce du réel chef-
d'oeuvre qu' est ~Iiddlemarch.
:1
(1) Speaight, Robert, George Eliot
( Arthur Baker Ltd, London
Lettre ~ Roger Hutton.

CJIAP:[TRE V.
nONOLA EN TANT QUE RONAN HISTORIQUE.
,
XIX ème
.•
1
HU
,
51CC
e,
lors de la vague romantique,
l'histoire connaît soudainement une extrême faveur ct les
ouvrages historiques
se multiplient.
Don nombre d'auteurs
ont écrit des romans historiques ou des biographies roman-
cées,
mais
i l faut
recorulaître que ces ouvrages,
s ' i l s
peuvent avoir des mérites littéraires,
sont néilllmoins
étrangers à l'histoire,
la plupart du temps.
Peut-on clas-
ser Homola dans cette catégorie d'ouvrages qui nlont sou-
vent rIen à voir avec l'histoire?
L'histoire n'a pas eu à
jouer un rôle particulier
dans la vie
personnelle de George Eliot avant que la roman-
cière n'écrive Homol~. Ses études historiques n'ont pas été
sérieuses ou,
en tous cas,
systématiques.
Certes, elle pos-
s~dait une culture g~n~rale : mais lIon peut dire que c'est
au moment où elle décide d'écrire Ro~ que l'histoire de
la Renaissance entre dans sa vie. Et pour la première fois,
elle se livre avec ardeur et de façon systématique à des
recherches historiques approfondies sur la vie politique et
religieuse de la Florence du xv ème siècle.
Dans quelle mesure no!!!-~.!..ë est-il un roman historique 7
Romola est un roman historique par le rait qu'il ressuscite
le passé. Ce'passé, dans le cas de cette oeuvre est l'Italie

r~Mwrr:'I""-_'~--~--
-115-
,
,
.
,
d
V"'r eme
de la Renaissance,
et plus prec1sement la Florence
u A'
siècle,
celle de Savonarole.
Tout le roman,
à l'exception
de l'arrivée de Romola dans un village frappé par la peste,
~e situe à Florence dans les années 1490 et il traite sur-
tout des luttes politiques qui ont suivi la mort de Laurent
de r-lédicis,
et qui vont de
pair avec l'ascension et la chute
de Savonarole.
Le roman est historique aussi par la présence
de Charles VIII,
roi de France qui a
envahi la ville de Flo-
rence avec
ses troupes
par la pr~sence de Pierre de ~Iédicis
qui aurait dû succéder à Laurent mais qui a
ét~ chassé de la
v i l l e :
par les conflits qui existent entre Savonarole et le
Pape Alexandre VI.
Ro~~la est aussi un roman historique avec ses paysans
qui sont bien décrits, dans leur façon de s'habiller, de se
distraire.
Leurs animaux sont également décrits;
et,
au
dcibut du roman,
ce
sont les
paysans que nous voyons d'abord,
lorsque Tessa et Tito se rencontrent pour la première fois.
,
Les paysans
parcourent souvent de longues distances pour
venir vendre leurs produits h Florence qui,
bien sar,
ne
peut se suffire à elle-même en ce qui concerne son ravitail-
lement. George Eliot nous décrit bien ces paysans
and better than aIl,
there Were young,
softly
t .."-.
rounded cheeks and bright eyes,
freshened by the
start îrom the îar-off castello at daybreak, not"
ta speak oî aIder îaces with the unfading charm
or honest good-will
in them,
such as are never
wanting in scenes of human industry
.. ,
(1)
(1) Romola, Livre I, Ch.
I,
p.
15.

,
'1
-116-
Les querelles politiques qui divisent le peuple flo-
rentin constituent aussi
l'arrière-plan. historique du roman..
Ainsi,
i l existait à Florence,
à cette époque,
trois partis
aIl ready to fly at each other's throats.
(1)
Romola décrit les
~êtes religieuses qui tiennent une
grande place dans la vie de Florence et qui constituent une
SOUTce
de réjouissance
pour le
peuple
:
To the Florentine of the fifteenth century ...
the ringing of the bells. '-'as articula te , and
declared i t to be the great summer festival of
Florence,
the day of San Giovaruli.
(2)
L'histoire est
aussi
présente dans Ro~~ avec la
renaissance religieuse que provoque Savonarole qui critique
le clergé dont i l ne peut supporter les abus et la déprava-
tion alors que le peuple souffre
That very Quaresima,
or Lent of 1 1192, he had
listened in San Lorenzo to the preaching of a
Domenican F'riar,
named Girolamo Savonarola,
who denounced with a rare boldness the world-
Ij_ness and vicious habits
of the
clergy,
and
insisted on the dut y of Christian men not to
live for their own ease when wrong was
trium-
(1) Homol~, Livre II, Ch. XXXII, p, 293.
(2) Ibid.,
Livre I, Ch.
VIII,p.
85 .


-117-
phing in high places,
and not ta spend their
wealth in out ward pomp even in the churches,
when their fellow-citizens were
suffering from
want and sickness.
(1)
Ro~la abonde en renseignements
sur la politique de
Florence dont lc peuple inconstant se trouve quelquefois
du côté du pape et d'autres fois du côté de Savonarole
qui veut r~former la papaut~. L'incinstance dL! peuple est
d'autant plus manifeste et plus grave, qu'elle est,
en
partie,
la c~use de la mort de celui qui!
pourtant voulait
aider les déshérités
Have you corectly seized the Frate's position?
How i t
tha.t he has become· a lever;· and made
himself worth attacking by an acute man like
his Holiness ? Decause he has got the ear of
the people
because he gives them threats and
promises, which they believe come straight from
Gad,
Ilot ollly about hell,
purgatory and paradise,
but about Pisa and our Great Council.
But let
events go against,
sa as to shake the people's
faith,
and the cause of his power will be the
cause of his fall.
He is accumulating three sorts
of hatred on his head -
the hatred of average
mankind against everyone who wants ta layon
them a
strict yoke of virtue
the ha.tred of
(1) Ilorno~~, Proern, p. 7.

-118-
stronger powers in ltaly who want to farm Flo-
rence
for
their Qwn purposes
and
the hatrcd
of the people
to whom he has ventured to pro-
mise good in
this world Instead of conCining
his pronlises
ta
the next.
If a
prophet
is
ta
keep his power, he must be a prophet like Maho-
met,
wi th an army a t
his
back,
that
,,",'hen the
people's faith is fainting i t may be frightened
into liCe again.
(1)
Dans
son oeuvre,
George Eliot nous donne
aussi beau-
coup de
renseignements
sur la culture et la vie de tous les
<ome
..
jours dans
la Florence d li XV
...
s~ecle.
Nous
continuerons notre
étude de Romola en tant que
roman historique par le
personnage sans
lequel l'oeuvre
n'aurait
pas
&t~ 6crite. Il s'agit de Savonarole qui a mar-
ème
qué de son empreinte la Florence du xv
siècle.
D'ailleurs
le
sous-titre de Romol8. est Florence
et Savonarole.
C'est,
en eîfet,
la fascination
exercée
sur George Eliot
par le
per-
sonnage historique de Savonarole qui
a
poussé la romancière
à écrire Ro~.
llour la présentation de
J6r6me Savonarole,
George
Eliot s'est
largement inspirée de La-Y!.~LGiro.!~!!!.2..-Sav2.­
narola,
( 1859-1861), de Pasquale Villari.
George Eliot avait
lu aussi Machiavel qui voyait en Savonarole W1 démagogue
am-
bitieux qui
aspirait à diriger Florence.
Bien que la roman-
(1) Ro~la, Livre nI, Ch. XLV,
p. 1,09.

-1 19-
ci~re pa,rtageât l'admiration de Villari pour le prieur de
Saint Marc,
elle ne pouvait pas le vdndrer aveugldment.
Savonarole est certainement la figure la plus impo-
sante du X'y è m e .
T t ·
Et
1
t
G
.
siecle en .. aIle.
~
comme
e
mon re
eorge
Eliot dans
son
l~Olllan~ c'était un réformateur moral. Il fit
des efforts considdrables pour purifier les moeurs du cler-
gé,
pour restaurer la discipline de
l'Eglise,
et
pour rani-
mer chez les Florentins, l'amour de la libert6 et les ver-
tus
chrétiennes.
Et les moyens d'action dont disposait Savo-
narole
~taient ses écrits et surtout ses sermons. Savonarole
avait
acquis
aussi,
par ses
prophéties,
un ascendant extra-
ordinaire sur la population florentine
pendant le carême
de
1~91, le Frère avait d6clar6 que le pape et le roi de
Naples ne
tarderaient pas
à mourir, et la mort Îrappa Lau-
rent de ~16dicis, le 8 avril 1 ~92, et Innocent YIII, le 2S
avril de la même année.
Durant
le carême de
1 119'1, Savonarole
insista avec
un redoublement d'éloquence
sur l'imminence des
châtiments qui allaient frapper la patrie et annonça la
venue du
roi de lrrance.
Ce rurent
les circonstances et
la force des
choses
qui amenèrent
Savonarole
Èl
s'occuper de
politique.
En effet!
lorsque
Charles VIII
arriva à
Florence,
avec 'ses
troupes,
~avonarole rut choisi comme ambassadeur par les Florentins,
non seulenlcnt
parce quiil
~tait cher au peuple, mais aussi
parce qu'il
était considéré comme l'envoyé de
Dieu.
Auprès
de Charles YIII,
i l s'acquitta brillamment de sa mission.
Savonarole,
comme
on peut
le
constater,
se
trouvait donc
mêlé-"sans le vouloir à la poli tique. Et l'impuissance des

-120-
citoyens à diriger les a:ffaires publiques le poussa d'une
manière plus décisive vers
la politique.
Désormais,
Savo-
narole,
tout
en recommandant dans
ses
prédications la cha-
rité,
l'union~ l'observation des principes évangéliques,
témoignait de
son
sincère
intérêt
pour le renouvellement
des
institutio115
politi~ues de Florence. Ainsi donc, la
réforme morale et
la rérorme politique sont désormais
inti-
mement
liées.
li
Faites
régner à Florence,
la simplicité,
l'humilité et la charité ensei~lées par Jésus-Christ. Avec
·L.~ce~s vertus, la justice est mieux rendue, les impôts sont
moins lourds,
la richesse publique est plus grande et la
paix r~gne dans l'Etat."
(1 l
Savonarole fut
donc bien inspiré de réformer,
au
point de ~Je moral,
l'Eglise et la société de son temps.
I l fit
:face à la mort par la pendaison avec courage,
puis
son corps fut brfi16 sur un bacher.
Que dire du Savonarole de George Eliot dans Ro~ ?
Si George Eliot à respecté les
sourceS de
ses
matériaux en
ce qui concerne Savonarole,
i l n'en demeure pas
moins que
la romancière
a modelé le personnage historique de Savona-
role selon ses
propres
idées.
Savonarole croyait qu'il était de
son devoir solen-
nel de prendre une part active dans les a:ffaires politiques
de
Plorence ~ qui étaient embrouillées et sans espoir de sta-
bilité et d'indépendance.
Or George Eliot ressent moins de
sympathie pour Savonarole dans
son rôle de politicien ~n,
(1) Vi11ari, Pasquale, Jérôme Savonarole et son Te.!!!.E..ê..,
(
Pari
187~, Trad. de Gustave Gruyer l, Etude préliminaire par
le
traducteur,
p.
xiv.

,
1
!
1
-121-
raison de
son
fanatislne.
C'est ce que Romola d6couvre avec
horreur et consternation quand elle implore Savonarole de
sauver la vie de son parrain, Bernardo deI Nero,
et qu'il
ref'use
The cause
of' my
party i5
the
cause
of Gad 1 5
kingdom.
(1)
di t
Savonarole.
Cc
à quoi r{olIIola répond
l
do nat beJ.ieve i t
said Romola,
her whole
frame
sJ"]uken w"i th
passionnate
repugnance.
Gad' 5
kingdoIll i5 sornething wider -
eIse,
let me stand
outside i t with the beings that l
love.
(2)
Comme nous le voyons,
George Eliot montre que Savo-
narole a
ses propres buts à servir et i l ne se serait
ja-
mais laissé émouvoir par les arguments,
justes d'ailleurs
et sans
passion,
d'une simple femme
ou de n'importe quel
autre individu.
Nous devons reconnaitre qu'~ travers le
livre.
Savonarole est vu comme une figure protestante,
plus
pr60ccupée d'activités sociales et
politiques que de dévo-
tion et de contenlplation.
Nais à la .fin,
i l meurt d1une mort horrible,
pour
ses croyances.
Et comme fioillola est rig~e dans une horreur
e.f.farouchée devanl le corps de Savonarole qui ~se réduit en
cendres sur la Piazza della Signoria, George Eliot conclut
(1) ROl1lo1~, Livre Ill, Ch. LIX, p. J08.
(2) Ibid.

.... "',.'\\i-Io."'-'I'~"'''"'.-:'';
,- :
,
- ••
-122-
qu'en dépit des
îaiblesses qui l'avaient amené
à commettre
beaucoup d'erreurs et à prononcer en chaire beaucoup de
paroles souvent mal interprétées,
son âme noble et
passionnée
~'efforçait de soulager les blessures qui affligeaient l'hu-
Jll:Jnité.
Savonarole est un personnage qui se pr~sente comme
l'adversaire remarquable de la puissance agressive de la
papauté. ~lais i l convient de dire que Savonarole n'est pas
un réformateur hérésiarque,
cherchant à renverser les Îon-
dements du catholiscisme.
Savonarole aime l'Eglise avec
passion
i l veut
seulement lui rendre
sa Îorce et sa vertu
en la ramenant ~ l'observation rigoureuse de l'Evangile.
~~ pespecte la papauté et ses attaques ne s'adressent qu'à
Alexandre VI.
I l tient aussi à l'unité de l'Eglise et c'est
pour préserver cette unité qu'il s l eÎÎorce d'opérer des
ré-
formes.
C'est parce que l'envergure du personnage avait beau-
coup frappé George 81iot qu'elle décida d'écrire un roman
décrivant sa vie et
l'époque dans laquelle
i l avait vécu.
Car, dès la première visite des Lewes à Florence,
i l leur
fut difficile d'échapper au souvenir de l'impact de Savo-
narole sur la .culture et l'histoire de Florence.
Tout au
long du roman,
Savonarole est vu comme un homme dont l'in-
tensité et la spiritualité sont profondes.
Nais en tant que
personnage historique
principal du roman,
i l semble à peine
exister au-delà de
Son moi public.
En effet,
en lisant le roman,
on sent que George Eliot
n'a pas ré,:!.ssi à rendre vivant le personnage de Savonarole

-12J-
et ce,
en dépit de son objectivité historique et de sa ten-
tative de le présenter tel qu'il était.
Le personnage de
Savonarole se révèle être le portrait scrupuleux et intel-
ligent d'une figure historique.
Cependant,
i l n'a pas de
réali té dramatiqlle.
Seuls trois personnages non historiques
ont d'ailleurs cette réalité dans le roman:
Tito,
comme
nous l'avons déjà vu,
Dardo de Bardi,
le père de Romola,
l'érudit honnête et distingué,
aigri par sa c4cité et aussi
par l'ingratitude de son fils qui l ' a abandonné pour se
consacrer à la vie religieuse,
et Baldassare Calvo,
le père
adoptif de Tito le traître.
Ainsi,
les personnages de fic-
tion éclipsent le personnage historique.
Et dans l'histoire
de George Eliot,
l'intérêt principal de Savonarole est son
influence sur l'évolution spirituelle de Romola.
Roman historique,
H0.!!!.2!~ l'est avec ses peintres,
ses érudits,
ses soldats,
ses écclésiastiques,
ses commer-
çants
et
ses étrangers
itinérants.
Nous
sommes aussi,
bien
renseignés
sur la ville de Florence divisée,
prise dans un
conflit qui est autant
théologique et esthétique que poli-
tique.
Au début du deuxième
livre,
nous arrivons à l'an
1~9'1, et on nous rappelle que l'Europe qui entoure les per-
sonnages centraux est discordante.
corrompue,
relâchée
moralement,
mais que les opportunistes peuvent y prospérer
Altogether this world,
with its partitioned
empire and i ts roomy uni versaI Ch'lrch,
seemed ta

,
J
1
-12~-
be a handsolllc establishment for the few who were
lucky or wise enough to reap the advantages of
hum<ll1 folly
: a \\,orld in which lust and obsceni ty,
lying and treachery,
oppression and murder,
were
pleasant,
useful,
and when properly managed,
not
dangerous.
And as
a
sort of fringe
or adornment
to the substantial delights of' tyranny,
avarice,
and lasciviousness,
there was the patronage of
poli te learning and the fine arts, 'so that flattery
could always be had in the choicest Latin to be
commanded
at'that
time,
and sublime artists were
at hand ta paint the holy and the unclean with
impartial skill. The Church,
i t was said, had
never been sa disgraced in its head,
had never
5:l1.0"olTI
so
1ê''9W
s:i.gns of' r'9novating,
vital belief in
its
lower mernbers
; nevertheless i t was much more
prosperous than in sorne past days.
The heavens
were
îair and smiling above
; and below there
were
no signs
of earthquake.
(1)
Hais
comme
le montre le roman,
le
tremblement de
terre
prédit par Savonarole se produit.
Ce tremblement de terre
marque le début de la décadence de Florence et,
en fait,
de
l'Italie
tout e~tière. Alors,
on assiste à une prise de cons-
cience nationale de l'Europe du nord,
ouverte à la réforme
et à de nouveau..x types de gouvernement et de commerce.
Si le roman montre une société en effervescence,
ou
(1) Romola,
Livre II, Ch. ~~I, p. 217.

':"25-
qui
se détruit
elle-même,
i l place un espoir réel dans
l'ave-
nir,
en la personne de
Homola,
dont
le
chemin vers la conver-
sion peut signifier celle de l'humanité dans son enscmble.
Ainsi, du particulier, George Eliot aboutit au général.
I l nous semble que la civilisation florentine est
bien saisie dans le roman,
dans
la scène angoissante
et même
émouvante du souper dans les
jardins Rucellai.
George Eliot
y
rassemble des brins de
sa thèse historique que nous déve~
lopperons plus loin,
et des aspects de la pensée contempo-
raine du XIX~me si~cle, et elle y ajoute les émotions et la
gêne caus6es par l'j.ntrusion soudaine de Baldassare.
Parce que Ro~ola est un roman historique,
nous voyons
qu'il y a une disparité entre les personnages et l'action.
En effet,
un tel roman amène à
traiter beaucoup d'événements
qui se produisent tout à fait indépendamment des actes des
1
principaux personnages.
Ainsi,
Laurent de Médicis
serait
1
mort,
que Tito vienne ou non à Florence
les Français au-
raient
envahi
Florence.
même
si Romala ou même Savonarole
avaient été des
personnes différentes;
Savonarole serait
mort, même si Tito n'avait pas pris part au complot contre
lui
la peste aurait sévi à Florence, même si tous les pro-
tagonistes du roman n'avaient
pas v~cu ~ ce moment-l~. C'est
à travers la vie de Tito que nous prenons connaissance de
Florence et de son histoire.
Son genre particulier de corrup-
tion
par exemple,
est un reflet de la corruption florentine.
1
Ainsi,
les
rapports de Tito avec les
événements historiques,
par exel1:ple 1
sont
symboliques.
C'est dire que Ti to nia aucune

-126-
influence sur les ~v~nements historiques à proprement par-
ler~ sinon qu'il sert de miroir reflétant quelques aspects
de la vie de Florence au X ème
.'
... ':\\1
slecle.
L'auteur du roman
historique se sert donc des
événements historiques,
sur
lesquels
i l n'a aucun pouvoir de changement,
pour nous
parler des
choses qui l'intéressent en tant qu'individu.
Pour l'auteur du roman historique,
les
événements du passé
constituent lil fait accompli,
i l les subit et,
par la même
occasion,
i l fait
subir ces
événements à ses personnages
fictifs
c'est ainsi que Romola affronte la peste et en
subit
les conséquences,
alors qu'elle-nlême n'a jamais
existé;
c 1 est ainsi,
aussi,
que Tito doit
subir l~s consé-
quences de sa trahison vis à vis des trois partis de Flo-
rence,
alors qu'historiquement,
i l n'a jamais appartenu à
aucun.
D'autres aspects font de Romol~ un roman historique
l'arrière-plan géographique et l'évocation des institutions
l.-'èt--des·· jnoeurs
locales.
11.
VAL8UR DE LA
rŒCONSTITUTION DES INSTITUTIONS,
OES
~EUR~ET DE LA GEOGH;\\PIUE DU PAYS.
Comment George Eliot s'y est-elle prise pour tenter
de reconstituer avec
la maximum d'exactitude
possible
llar-
rière-plan florentin de la fin du ~~ème siècle ? Nous avons
déjà vu au cours de notre étude que George Eliot.
au cours

-127-
.L"-.
de deux voyages à Florence s'était livrée
à des recherches
considérables pour s'imprégner au mieux de
ce qui se
pas-
.
X\\,ème
salt
au ..
siècle.
A-t-elle réussi dans
son entreprise
et surtout,
l'a-t-elle fait dans tous les domaines de la
même façon?
C'est ce que nous allons essayer de voir main-
tenant.
1) Géogr~hie-Ehysigue et économique.
Après avoir connu une population de 100'.'000 habi-
ème
tants à la fin du XIV
siècle,
la ville de Florence ne
dépassait guère les 50.000 habitants au moment

se
si-
tue l'action de Ho~ola, Cette baisse de la population
était dûe,
en grande partie,
aux épidémies qui avaient
ravagé le monde à cette époque-là.
La Hépublique de Florence avait, à ce moment-là,
2
,
une superficie de 15.000 km
environ et
s'ét9ndait depuis
,
les alentours de Uologne
jusqu'à l'Ombrie.
1
Ces détails ne nous
sont
pas donnés dans Homola,
1
bien que George Eliot en ait
très
certainement pris connais-
i'
sance lors de
ses recherches
à Florence. En ce qui concerne
la géographie physique de Florence,
sa tâche a
probablement
été facilitée
par le fait qu'elle avait séjourné dans la
ville,
qu'elle en connaissait
les
environs.
D'ailleurs dans
le Prélude,
par le biais du îantôme du xv ème siècle reve-
~
ème
. "
nant a Florence au XIX
s~ecle, elle
se permet de nous
!,
décrire la ville depuis la colline de San ~liniato au sud de
Florence,
Elle nous parle de Fiesole,
petite ville située à
'.
"
:t1"

-128-
190 m~tres d'altitude,
~ huit kilom~tres au nord-est de
Florence
ces
précisions ne nous
sont
pas données dans
le roman,
pas
plus qu'on Hf] nouü dit que
Fiesole f'ut un
l'oyar de
la cj.viJ.i.sation 6trusque puis romaine
maïs
ceci~
bien sûr,
n'était
pas le
propos de Jlomola.
;~~r contr8~ la situatj.on de la ville de Florence
est assez bien décrite,
avec
l'~rno, le fleuve qui la
traverse,
les collines verdoyan';es qui
l'entourent
The mountains and the westward-bending
river . . . : not only the dark sides of" Mount
Morello and the long 'Jalley of' the Arno that
seems
ta stretch its grey low-tufted luxu-
riel,nce ta
the far-off' ridges of' Carrara
: and
the stecp height of" Fiesole, with its crown
of monastic walls
and
cypresses
(1 )
Nous
avons
aussi
une description des
principa1.1X
édifices de Florence qui tiendront une place dans le ro-
man
: le Duomo,
le Campanile de Giotto,
le Palazzo Vec-
1. ..<2.hi_o, __1.a.Piazza
della Signoria,
le Ponte Vecchio;
mais,
par contre,
Dt1
ne
nous décrit pas les maisons des
Flo-
rentins.
. ..
his
eye.5 arc drawTl irresistibly ta
the
unique to'wer 8 pringiJJ(:-,
like a
tall flawer-
stem drawll towards the sun,
from the square
Bomola.
-----
Praem,
p.
2 .

-129-
turreted massof the Old Palace in the very
heart of the city -
the tower that looks none
the worse for the four centuries that have
passed since he used ta walk under it. The great
dame ~
too,
greatest in the
world,
. . .
raises i ts
large curves,
eclipsing the hills.
And the well-'
known bell-·towers - Giotto' s, wi th i ts distant
hint of rich colour,
and the graceful spired
Badia . . .
And here,
on the right,
stands the long dark
mass of Santa Croce
... And there flows
the Arno,
with its bridges just where they used ta be -
the Ponte Vecchio,
least like other bridges in
the world,
laden with the Same quai nt shops
... That great palace which messer Lucca Pitti
set a building with huge stones got from the Hill
of Bogoli
.,.
(1)
Et nous devons dire que,
pour le
lecteur qui ne
cOlmait
pas
Florence~ il est assez facile "de se ~aire une
id~e de la ville d'apr~s ces descriptions. Ajoutons que la
plupart de ces descriptions se situent dans le Prélude
nous avons
ainsi
l'impression que George Eliot veut
aider
le lecteur à se faire une idée exacte de l'endroit où va
se dérouler l'1l.ction,
avant de mettre en marche son roman.
George Eliot ne nous parle pas tellement du climat
qui règne à Florence
nous
savons par expérience pers on-
-----_.
(1) Romol~, Proem, pp.
3-4.

-1JO-
nelle que c'est un climat assez chaud
la seule fois,
à
notre avis,
où nous avons une idée du climat de
Florence,
c'est lors de l'épreuve du
feu qu'une averse violente,
caractéristique d'un climat méditerranéen,
rend impossible
Neanwhile the clouds were getting darker,
the
air chiller ...
And the rain,
which had already
been felt in scattered drops,
began ta fall with
rapidly growing violence;
wetting the f"uel,
and
rurming in streams off" the platform, wetting the
weary hunrrry people ta the skin
. . .
(1)
Qu'apprenons-nous en ce qui concerne l'économie de
Florence? Quand Laurent de ~1édicis mourut en 1/192, l'Italie
jouissait d'une
paix et d'une
prospérité économique que rien
ne
semblait menacer;
la
famine n'était
pas à craindre car
la terre avait produit abondamment le blé,
le vin et l'huile.
Ceci, George Eliot nous le dit dans !3.2~01~. De même, elle
nous parle également des difficultés qui vont ~urgir, quatre
ans plus
Lard,
au cours de l'année 1496.
D'abord, c'est la
îarnine,
car des vents contraires
empêchent
les bateaux d'ar-
river à LivourJle
For those terrible gales had driven away from the
coas L of Leghorn certain shi ps f"rom ~Iarseilles,
.L ' -
freighted with soldiery and corn;
and Florence
(1) Homol!!o, Livre III,
Ch.
LXV,
pp.
552-55J.

-1}1-
was in the direst need,
Cirst oC Cood,
and second-
ly of fighting men.
Pale famine was in her streets.
(
Ceci nous montre
l'exactitude historique des rensei-
gnements donnés
par George Eliot dans
son roman.
Seulement,
nous
savons
aussi,
que
ce n'était
pas uniquement à cause des
vents que Florence
souffrait de
la famine,
mais
aussi
parce
... ",-qu~. l~.s Véni tiens,
les f.'lilanais
et
I l empereur Maximilien
bloqlJaient
étroitement Florence.
~Iais ces renseignements-l~
ne nous
sont
pas
îournis
par George Eliot.
Par contre,
elle
nous dit bien que c'est vers la fin octobre que les vents du
sud-ouest
permirent à plusieurs navires
français d'apporter
quelques
secours à Livourne et,
par conséquent
à Florence
l
have to deliver to you the
joyful news that the
galleys
from France,
lad en with corn and men have
arrived safely in the port of Leghorn, by favour
oC· a
strong wind,
which kept the enemy' s
fleet at
a distance.
(2)
George Eliot nous porle de la peste qui ravage Flo-
rence ainsi que les villages
alentour
:
Pestilellce was hovering in the
track or famine.
Not only the hospitals were full,
but the court-
yards of private houses had been turned into
refuges and infirmaries
; and s t i l l there was
(1) Romola. Livre III,
Ch.
XLII,
p.
(2) Ibid.,
Livre III, Ch.
XLIII,
p.

-1J2-
unsheltered want.
And early this morning,
as
usuaI,
members or the various f'raternities who
made i t
part of their dut Y ta bury the illlfrien-
ded dead, were bearing away the corpses that had
sunk by the ways ide .
(1)
Tl est un autre point que George Eliot n'aborde pas
ou très peu
celui de l'industrie ou de l'artisanat.
L'ar-
tisanat est certainement la :forme propre de ll~conomie flo-
rentine aux XIV ème et xv ème siècles. Le secteur dominant de
la production est l'activité textile et surtout lainière.
La confection,
la finition des
tissus de laine sont fragmen-
tées dans un grand nombre de
phases distinctes
les arti-
sans,
répartis en différents ateliers,
exécutent des tâches
diverses
certains ateliers s'occupent du lavage, d'autres
du tissage,
par exemple.
I l est tr~s int~ressant de remarquer que cette indus-
trie rlorentine a des caractères particuliers.
Les entre-
preneurs,
bourgeois pour la plupart,
peuvent s'assurer la
solidarité des patrons des entreprises complémentaires
ils importent les matières
premières,
rever,dent et placent
le produit fini.
Ces hommes avaient Wle importance capitale
et l'on a pu dire que Florence ne vivait pas grâce à des
grandes institutions religieuses ou culturelles
la base
exclusive de sa puissance résidait dans son éccnorr:ie.
Ceux
qui détenaient les commandes ne pouvaient manquer de cons-
tituer sa classe dirigeante.
<.'--=-=-------------------------------------
(1) Romola,
Livre lIT, Ch.
XLII,
p.
J84.

-1JJ-
Si tout va pour le mieux pour les entrepreneurs,
i l
n'en est
pas de même
pour les ouvriers
les grèves
se suc-
cèdent,
l'exode des
travailleurs ne s'arrête pas.
Nous avons
obtenu ces renseignements dans le livre d'Alberto Tenenti,
consacr6 à Florence ~ l'époque des M&dicis.
(1) ~lais nous
pensons qu'il est dommage que George Eliot ne s'attarde
pas plus longtemps sur ces faits qui démontrent l'existence
ème
d'une crise sociale à la fin du XV
siècle à Florence.
Pourtant, George Eliot sympathisait d'habitude avec les
ouvriers
elle s'était sentie très touchée par la condi-
l.'\\.,
__
tian des tisseurs du Lancashire.
Nous
pensons que cette
étude de la crise sociale fait un peu défaut dans Romola
où nous rencontrons des
érudits,
des commerçants,
des nobles,
des pays ~.nS mais où,
pour autant que nous
le
sachions,
nous
ne faisons
pas connaissance aVec des
ouvriers.
2) Institutions et moeurs locales.
Quelles étaient les institutions politiques en vi-
gueur au moment de 1" mort de Laurent de Médicis.
Jusqu'en
1/,80, les magistratures qui régissent Florence ne changent
pas
elles sont caractérisées par la très courte durée des
fonctions et l'exercice collégial du pouvoir.
Les citadins
à part entière ne représentent qu'une faible minorité 8
l'intérieur de la ville.
Les habitants des
campagnes envi-
ronnantes n'ont aucune
participation au pouvoir;
pour être
(1) Tenenti, Alberto, Florence à l'époque des Médicis, De la
cité à l'état~
( Questions d'histoire,
Flammarion,
Paris~
1968
).

-1 J 11-
électeur,
i l
faut .être inscrit à l'un des arts
ou métiers
et,
pour ceux qui en paient,
être en règle
avec
les impôts.
Nous pouvons citer un passage de Romola où George Eliot
nous montre qu'elle cOlmaît bien les façons d'agir des Flo-
rentins.
el1
ce qui concerne les
~lections, 'par exemple
And first the great bell was sounded,
ta calI
the citizens ta a
parliament in the Piazza de'
Signori
; and when the crowd was wedged close,
and hemmed in by armed men at aIl the outlets,
the Si~loria ( or Gonfaloniere and eieht Priors
for the time being ) came out and stood by the
stone lion in front of the Old Palace,
and pro-
posed that twenty chief men of the city should
have dict:o'ltorial
authority
given
thern,
by
L'oree
of which they should for one year choose aIl
maeistratcs,
and
set
the frame
of government
in
arder.
And the people shouted their assent,
and
Îelt themselves
the electors of the Twenty.
This
kind or
1
parliament
r
was
a
very old Florentine
fashion,
by whicll
tlle
will
of
the
few was
made
to seem the choice of the many.
(1)
Les magistrats sont désignés par tirage au sort et
tous les
cinq ans,
on renouvelle
les candidats.
La durée des
charges politiques est très brève. A Florence,
les neuf mem-
bres de la Seigneurie ont un mandat de deux mois
seulement
(1) Romola, Livre Ir, Ch. xxxv, p. J25.
'", .....

- 1 ) ) -
ils s'appellent Prieurs et représentent les arts au gou-
vernement.
Parmi eux,
le Gonfalonier porte
l'étendard de
la commune,
con~ande la force armée citadine et préside
le conseil des Prieurs.
Dans Romola, George Eliot nous
parle effectivement de
IT~lection du Gonfalonier qui re-
vêt une grande importance dans
le roman
; et nous voyons
ainsi que George Eliot connaît
avec exactitude les insti-
tutions politiques de Vlorence.
Citons un bref' passage où
l'on nous parle du Gonîalonier
Bernardo deI Nera had been elected Gonf'aloniere.
By great exertions the Hedicean party had sa f'ar
triumphed
...
(1)
Par contre,
nous n'apprenons pas dans le roman que
le gouvernement est
collégial et que les décisions de la
Seigneurie ne sont valables qu'à la majorité des deux tiers.
I l existe deux conseils restreints
: le Collège des Bons-
hommes,
composé de douze membres ct le Collège des Gonfa-
loniers,
COlllposé de
seize membres.
Bernardo deI Nero,
le
parrain de Homola,
appartient au collège des Gonfaloniers.
Les choses devaient
changer après
la conjuration
des Pazzi, le 26 avril 1478. En 1/180, rompant avec la tra-
dition,
Laurent de Médicis
se f i t désigner,
avec trente-
quatre de
ses principGux parti5ans,
pour former une
assem-
blée dont
les soixante-dix membres étaient nommés à vie.
~Iais cette oligarchie n'était pas suffisante pour Laurent
(1) Bomola, Livre III, Ch.
LII, p.
453.

-136-
de Médicis qui,
en 1 1190,
enlevai t
aux Soixante-dix, la
nomination de la Seigneurie,
la réservant à un comité de
dix-sept personnes.
Ce système était toujours
en vigueur
quand i l mourut en 11192.
Quel a
été le rôle
joué par Savonarole sur le plan
politique? Il
fut,
c'est certain,
très
important.
Les cir-
constances et la îorce des
choses
l'amenèrent
à s'occuper
de
politique.
Apr~s la mort de Laurent de M~dicis, le 8
avril 1 1192,
son fils Pierre lui succ~da ;
Lorenzo the magnificent and subtle was dead,
and
an arrogant,
incautious Piero was come in his
room,
an evil change for Florence,
unless,
indeed,
the wise horse pre fers
the bad rider,
as more
easily thrown from the saddle
and already the
regrets for Lorenzo were getting less predomi-
nant
Qver the murmured desire for government on
a broader basis, in which corruption might be
arrested . . .
(1)
Pierre de M~dicis glta tout par son ineptie et sa
lâcheté,
et
le 4 novembre de la même année,
la Seigneurie
le d~clara incapable de gouverner et reconnut que la Répu-
blique ~tait forc~e de pourvoir elle-même à son propre
salut.
Savonarole fut
choisi
comme un des
ambassadeurs qui
devaient traiter avec Charles VIII.
George Eliot nous parle
de cela dans Romola, de même qu'elle nous décrit bien la
( 1) J1 omol a,
Livre l ,
Ch.
V II l ,
p.
88.

-137-
îaçon dont,
le 8 novembre,
Pierre de Médicis sera chassé
par la 1'oule
:
The great bell in the palace tower had rung
out the hammer-sound 01' alarm,
and the people
had mustered with their rusty arms,
their tools
and impromptu cudgels,
to drive out the Hedici.
The gate 01' San Gallo had been 1'airly shut on
the arrogant,
exasperating Piero, galloping
away towards Bologna with his hi~ed horsemen
1'rightened behind him, and on his keener young
brother,
the cardinal,
escaping in the disguise
01' a Franciscan monk.
(1)
Après cela,
i l 1'allut organiser la vie politique de
Florence et Savonarole
témoigna de son sincère intérêt pour
,l.:'_
le renouvellement des institutions politiques de Florence._
Et,
en consentant à indiquer au peuple 1'lorentin une 1'orme
particulière de gouvernement,
i l entendait surtout établir
la constitution
IR plus favorable
au per~ectionncment spi-
rituel des citoyens.
I l appuya l'établissement d'une constitution ana-
logue
~ celle qui avait procur~ h Venise la paix et la
prospérité.
George Eliot 1'ait allusion à cette constitu-
tion de Venise dans Homola
. . .
was Florence
ta have a Great Caunei! after
(1) Romola,
Livre I l , Ch.
XXI,
p.
213.

._.
.....
-,.'. -". ,.. .,. .--,...... --.-,
,.- - . 1:1
~.f
.-
"_. • ~'_·,~-..,• • q,~1'" ."'...-. . . . .~
~,-.;o-.-
~
-~
~.
-138-
the Venetian mode, where aIl the officers of
government might be el~cted, and aIl laws voted
by a wide number of citizens of a certain age
and of ascertained qualifications,
without ques-
tion or ranl<: or party?
(1)
Savonarole fit adopter la fondation du Grand Conseil
et du Conseil. des' Quatre-Vingts
; ce dernier était une sorte
de
sénat dont les membres
élus
pour six mois
par le Grand
Conseil devaient avoir au moins quarante
ans.
C'étaient eux
qui élaboraient les lois que devait sanctionner le Grand
Conseil.
Ils nommaient les ambassadeurs,
décidaient la guerre
ou la paix,
jugeaient les affaires les plus importantes de
l'Etat.
Le Grand Conseil,
lui,
choisissait les principa~~
magistrats et sanctionnait les lois.
Cette constitution
fut adoptée le 22 décembre 1494, et sa promulgation devait,
selon le voeu de Sa.vonarole,
être suivie d'une amnistie
générale qui fut proclamée le 18 mars 1/195
Ta Savonarola,
the Great Council was
the
only
practicable plan for giving an expression to the
public will,
large enough to counteract the vi-
tiating influence of party interests
: i t was a
plan that would make honest impartial public
action at least possible.
And the purer the go-
verl1ment oî Florence would become,
the nearer
would the Florentine people approach the charac-
(1) 110mola, Livre II, Ch. XXV,
p.
325.

-139-
ter oI' a pure community . . .
(1)
Une r6~orme s'imposait: la r~forme des imp8ts. En
1427, les Hédicis avaient établi un cadastre arbitraire et
capricieux selon lequel les emprunts
forcés
étaient répar-
tis
sur chacun,
d'après l'évaluation de tous les biens.
Cette évaluation,
appliquée au conunerce et à l'industrie,
était devenue un instrument de tyrannie.
Cet état de faits
ne pouvait
pas continuer.
Savonarole î i t adopter l'impôt
foncier par le Grand Conseil, le 5 février 1495
tous les
citoyens indistinctement devaient payer chaque année le
dixième du revenu de leurs propriétés immobilières,
sans
avoir droit
à aucune restitution. Notons avec intérêt que
ce système était conçu avec tant de sagesse et de prudence
que son application s'est perpétuée presque
jusqu'au début
d
XIX ème
. .
l
1 .
l i
4 .
...
51ecle,
en
ta le.
Savonarole
prit aussi d'autres mesures
très impor-
tantes
-
Il proposa de rédiger un code de commerce destiné
.c.. ......
~ mettre d'accord les lois divergentes~
I l fit établir,
le 28 décembre 1485, le Hont de
Piété,
pour éviter les excès
scandaleux des usuriers.
-
Il obtint l'abolition des assemblées populaires que
réunissaient
sur la Place de la Seigneurie,
tous
ceux qui voulaient renverser le gouvernement et
s'emparer du pouvoir.
Conune nous pouvons le voir,
le rôle de Savonarole fut
(1) Romola,
Livre
.. ; Ch.
XXV,
p.
325.

1
1
-1 ~O-
primordial dans l'élaboration de la constitution de 1~9~.
~Iais nous avons tiré tous ces renseignements de Pasquale
Villari
(1) et nous trouvons r~grèttable que George Eliot
n' y ait pas fait allusion dans Homola,
sauf en ce qui
concerne
la f'ondation du Grand Conseil.
A notre avis,
cela
aurait
perlnis
au lecteur de
se faire une id~e plus pr~cise
de ce que fut l'importance de Savonarole au point de vue
politique,
et de se rendre compte,
étant donné ses quali-
tcis,
des dangers "qu l i1 allait
repr~senter par la suite pour
la papauté
et
tous
ceux qui visaient la prise du pouvoir.
J) Les moeurs.
Préoccupons-nous tout d'abord de la façon dont sont
habillés les personnages de Homola.
Nous voyons bien évo-
ème
luer ces
Florentins du Xv
siècle,
mais nous ne
savons
pas vraiment
comment i l s
sont vêtus.
La seule fois
OÙ George
Eliot nous décrit les costumes des habitants de Florence
se
situe dans
le
Prélude
The Spirit is clothed in his habit as he lived
the folds of his well-lined black silk garment
or lucco hang in grave unbroken lines from neck
to ankle
; his plain cloth cap, with its becchetto,
or long hanging strip of drapery,
to serve as a
scarf in case
of need,
surJnolUlts a
penetrating
face
(2)
(1) Villari, Pasquale,
Jérôm~ Savonarole et son temps.
(2) Romolo.,
Proem,
p.
2.

'1
1
1
~lais on ne nous d~crit pas, par exemple, la fa~on
dont
sont vêtus
les
paysans
au cours des réjouissances.
Ceci
est un peu dommage,
~l. notre avis, car il est toujours inté-
r~.':isant de voir cOnTInent sont vêtus les personnages ct' une
(~poque cl onnée .
De même,
en lisant le récit des fêtes
ou des récep-
.
l
d
XV ème
, ,
tlons dans
a Florence
li
~
slecle,
nous pourrions
espérer avoir une idée des repas que prenaient les Flo-
rentins
;
nous ne les voyons manger qu'une
seule fois,
dans
l'O!
chapitre
intitulé
11
A supper in the Hucellai Gardens
11
mais George Eliot ne nous décrit pas ~ellement la façon
dont se déroule le repas,
ni ce que dégustent les convives
elle
se borne
~ nous dcicrire les préoccupations i~nédiates
d'une
certaine catégorie de Florentins
And while the silver forks were
just dallying
with the appetizing delicacies that introduced
the more
serious
business
of the
supper -
such
as morsels
of liver -
cooked to
that
exqu~site
point that they would melt in the mou th -
there
was time to admire the designs on the enamelled
silver centres
of the brass
service,
and ta
say
something,
as usual,
about
the
silver dish for
con:fetti
I î this pretty war with Pisa goes on,
and
the revoIt only spreads a l i t t l e to our other
towns,
i t is not
only our silver dishes
that are
likely to go
; l
doubt whether Antonio's silver

,.. ';
i
1
1
J
saints round the altar of San Giovaru1i will not
sorne day vanish frorn the eyes of the faithful
···--to be worshipped more devoutly in the form of
coin. '
, The Frate is preparing us for that already, ,
said Tornabuoni.
' He is telling the people
that
1
i
God will not have silver crucifixes and starving
1
1
stomachs
; and that
the church is best adorned
1
1
,j
with the gems of holiness and the fine gold of
:,
brotherly love.'
(1)
II
George Eliot nous décrit
très bien cela.
Nous avons
cependant l'impression qu'elle cherche plus à nous montrer
la richesse des hôtes que ce qu'ils peuvent offrir à man-
ger à leurs invités.
Et ceci manque un peu de
précision~
car nous aurions aimé savoir si ce que
l'on .mangeait à l'é_
poque se rapprochait de ce que les Florentins actuels dé-
gustent.
Un détail est intéressant: George Eliot mentioru1e
l'usage de la fourchette.
Un autre point important est celui qui
concerne les
fltes.
Sous le r~gne de Laurent de Médicis,
tout avait
pris
une apparence
prospère et heureuse;
les citoyens qui refu-
saient de se plier à la domination des Médicis avaient été
emprisonnés,
exilés ou mis à mort et le calme régnait par-
tout.
Les danses,
les
tourllois,
les
f~tes occupaient l'acti-
vité populaire
: mais les Florentins semblaient avoir oublié
le nom mime de liberté.
(1) Romola, Livre TI, Ch. XXXIX, pp. J51-J52.

Dans Romola, George Eliot nous décrit bien ces pro-
cessions, ces CItes dont elle a da lire les récits en con-
sultant
ses sources
011 the city,
from the white-haired man to
the stripling,
and Îrom the matron to the lis-
ping child,
should be clothed in its best to do
honour to the great day, and see the great sight
and that again,
when the sun was sloping and the
streets were cool,
there should be the glorious
race or Corso, when the unsaddled horses clothed
in rich trappings,
should run right across the
ci ty,. from the Porta al Prato on the north-west,
through the i'iercato Vecchio,
ta the Porta Santa
Croce,
on the south-east, where the richest of
Palii,
or velvet and brocade banners with silk
linings and fringe of gold,
such as became a
city that half-clothed the well-dressed world,
rnolUlted
on a . triumphal
car awai ting the
\\",ilUler
or winnerls
owner.
(1)
Mais à notre avis,
elle ne r~ussit pas toujours trbs
.t. ~ b±en-à- rendre
la couleur locale,
à faire vivre devant nous
ces gens de tous rangs qui se distrayent.
D'antre part,
si George Eliot nous parle abondam-
ment des
égarements du clergé,
elle n'en fait
pas
toujours
autant en ce qui concerne
les habitants de Florence,
les
nobles ou mime la classe dirige~lte. Jusque vers la fin de
(1) Romola,
Livre 1, Ch.
VIII,
pp.
87-88.

sa vie,
Laurent de Nédicis avait été mêlé à tous les plai-
sirs
i l en imaginait toujours de nouveaux.
I l alla même
jusqu'à composer des chants carnavalesques,
qui étaient
chantés pendant le carnaval,
pendant que la jeunesse noble
parcourait la ville à graIld bruit. Ces chants étaient par-
.l..~
~_
_,-
ticulierement osés et de nature à offenser la décence pu-
blique.
Laurent de Hédicis volait les biens de la commune
pour subvenir à ses dépenses extravagantes
i l était
très
débauché; Hachiavel disait de lui
" I l fut
plongé d'une
f'açon surprenante dans les plaisirs sensuels
".
Nous n'avons
pas pu apprendre cela en lisant Romola
; i l est vrai qu'il
ne fallait
peut-Itre pas choquer les esprits de l'Angleterre
victorienne.
Cependant,
i l faut bien reconnaître que Florence
était devenue sous la direction de Laurent de Médicis,
un
lieu de fêtes et d'orgies.
Au point de vue intellectuel, une chose était très
ème
. ..
frappante dans Florence au XV
slecle
l'instruction
étai t
lmi versellement répandue.
En général,
on connais sai t
le latin et le grec
on admirait les classiques; =1 grand
nombre de femmes étaient réputées pour l'élégance de leurs
vers grecs et latins.
George Eliot nous parle de ceci dans
Pomola
; nous y voyons des érudits et des gens du commun
qui" connaissent le latin.
Prenons
pour exemple
la scène
dans la boutique clu barbier :
. . . He, l
gatl,er, had his bile as much stirred
by the swarm of Greeks as our Hesser Angelo, who
is fond of' quoting some passage about their incorri-

-145-
gible impudence -
audacia perdita.
, Poch
the passage is a compliment,'
said
the Greek, who had recovered himself,
and seemed
wise enough to take the matter gaily -
Ingenium velox,
audacia perdita,
sermo
Promptus,
et Isaco torrentior.
(1)
Un grand nombre de personnes avaient des
connaissances
dans le domaine de la musique et pouvaient
jouer d'un ins-
trument.
Citons à cet égard un passage de la scène dans les
jardins Rucellai
1
Ho'\\v rnany minstrels
are
there among us
? 1
he
said, when there had been a general rallying
round the table.
' }Ielema, 1
think you are the
chief'
Matteo will give you the lute.'
The servant put
the lute into Tito's hands,
and th en said something in an under-tone to his
master.
A l i t t l e subdued questioning and ans-
wering went on between them,
while Tito touched
the lute in a preluding way to the strain of the
chorus,
and there was a confusion of speech and
musical humming aIl round the table.
(2)
Sur les visages des
Florentins,
Se peignaient la
< [i~ess_e.,
la sub t i l i té de l'intelligence
ce qui dominait
dans tous les domaines,
c'était une indifférence totale
(1) Romola, Livre 1, Ch. III, p. 40.
(2) Ibid., Livre I l , Ch.
XXXIX,
p.
361
1

J
. : ,
-146-
pour tout principe.
La philosophie était réduite à l ' érudi tiOl~. La perte
de la liberté n'avait pas été dénuée de profit pour les
lettres et
les
arts
puisque plus rien,
dans
les domaines
politique ou civil, ne pouvait plus se produire au grand
jour,
les
rorces qui restaient
se
tournèrent vers
les
arts
et les lettres
besoin d'apprendre des langues nouvelles
d,t.icrire-des
livres,
de peindre des
oeuvres originales.
La
ville avait l'apparence d'une grande école; i l fallait
réunir des manuscrits,
parler d'érudition.
Pour cela i l
nous suffit de voir Bardo de Bardi, le p~re de Romola :
Yes, he went on.
l
might have had my due share
in the triumphs of this century
:
the names of
the Dardi,
father and son,
might have been held
reverently on the lips of scholars in the ages
to come
; not
on account
of frivolous verses
or
philosophical treatises, which are superfluous
and presumptuous
a"tteillpts
to imitate
the
inimi-
table,
such as allure vain men like PaTÙ)ormita
and îrom which even the admirable Poggio did not
keep himselî sufficiently free.
For why is a
young man like Poliziano to have a glorious me-
mory as a commentator on the Pandects -
why is
Ficino,
whose Latin is an offence
to me,
to
descend to posterity as the very high priest of
Platonism ...
(1)
1
(1) Romola, Livre I,
Ch. V,
p.
55.

Les Grecs
étaient accueillis à Florence avec enthou-
siasme et nous
pouvons penser que ce n'est
peut-être pas un
hasard si Tito Melema se trouve être grec
George Eliot
devait
savoir que les Grecs
~taient tr~s en raveur ~ cette
~poque ~ J~lorence et c'est une exactitude de plus que nous
devons mettre à son actir.
Les Grecs provoquaient l'amour
des
anciens~ le désir de connaître la Gr~ce, de creuser le
sol
pour y
trouver des
choses
antiques.
Ceci nous conduit à parler d'un point que George
Eliot n'aborde pas du tout dans Romola
nulle part, elle
ne nous
parle des nombreuses
expéditions qui furent
entre-
prises
en Orient pour
II
interroger " les
terres classiques
de la Grèce.
Et c' f5tai t
lUl
des rares domaines dans lesquels
la liberté était laissée aux citoyens.
De leur côt~, les beaux arts cOIUlurent W1e période

XV ème
. ,
.
heureuse a Florence au ..
slecle.
Partout les pelntres,
les sculpteurs ou les architectes étaient bien accueillis
la sculpture et l'architecture firent de grands progrès
i l suf:fit de rappeler les nOllls de Brunelleschi, Ghiberti ou
Donatello.
i-lais
leur génie se développa sans
l'intervention
des Nédicis.
Cependant,
les Médicis eurent l'adresse de seconder
cet état de choses et de le Illettre k profit
: Laurent de
~Iédicis exploita tr~s bien la sociét~ de son temps. Tr~s
intéressé par la poésie,
i l consacra ses
loisirs à la l i t -
térature
; puis i l mit
sa demeure à la disposition des
génies et protégea les savants et les artistes.
C'est chez
lui que Michel Ange traça ses premières ébauches et qu'il

-1 ~ 8-
trouva l'hospitalité.
Ceci s'étant passé peu de
temps avant
que ne se situe l'action de Homola aurait peut-être pu Taire
l'objet d'une allusion de la part de George Eliot. En fait,
elle nous parle peu du mouvement artistique dans son roman
elle le mentionne quand Nenico Cennini fait le portrait de
Tito sous les
traits d'un traître
(1)
ou bien encore,
lorsque
Piero di Cosimo fait celui de Bardo
:
And she was impatient to visit Piero di Cosimo.
A copy of her father's portrait as Oedipus which
he had long ago undertaken to make for her, was
not yet f'inished
;
and Piero was
50
uncertain in
u ..
his work -
sometimes when the demand was not
peremptory,
laying as ide a picture for months
sometimes
thrusting i t
into a corner or carrer,
where i t was likely to be utterly forgotten -
that
she felt i t necessary to watch over his progress.(2)
En conclusion à cette partie de notre
étude,
i l nOliS
faut dire que la reconstitution historique de Florence au
ème
. .
~
~
d'
D
Xv
S l ',cIe
presente des quali tes et des
efauts.
es qua-
lités,
en ce sens que George Eliot fidèle
à ses sources re-
late bien dans Homo la les événements historiques de cette
fin du Àyèllle
siècle et
particulièrement la carrière reli-
gieuse de Savonarole.
La chronologie est bien respectée
par George Eliot)puisqu'elle
fait allusion aux prédications
Romola,
J li "e I, Ch. IV, p. 1,2.
,
Ibid., Livre II,
Ch. XXVIII,
p.
263.

-1~9-
apocalyptiques de Savonarole de 1/190 à 1 ~ 91
; le 8 avril
1/192, ft la mort de Laurent de Nédicis,
le roman débute
le 9 novcnilire 1~94, les ~lorentins chassent Pierre de
~Iédicis. Du 17 novembre au 28 novembre 1494, Charles VIII
s~journe à Florence avec ses troupes
et,
enfin,
le roman
s'achemine vers
sa fin avec la mort de Savonarole,
le 2)
mai 1 ~ 98.
Nais i l est des défauts qui sont évidents et qui ne
manqueront pas de décevoir le lecteur.
Il s'attend à ce que
l'auteur consacre une grande
partie de la reconstitution
historique aux moeurs du pays ou de la ville qu'elle décrit,
parce que cet aspect de l'histoire s'intègre bien dans un
récit
et contribue à le rendre vivant.
!'-'1alheureusement,
c'est
ce que George Eliot a le plus mal réussi dans Romola :
jamais
nous n'avons l'impression de vivre la vie des Florentins
nous
aurions
aimé voir des êtres de chair et de
sang vivre,
manger,
boire,
penser,
ailller et
tout
ce que nous voyons
sont des
personnages de roman qui ne
prennent
pas vie
sur
le papier et dont i l nous est bien difficile d'imaginer
l'existence.
Ces lacunes qui existent dans le roman sont indubita-
blement dûes
au problème inhérent
au roman historique,
qui
fait que l'écrivain ne peut
pas se permettre de se lancer
dans de longues descriptions qui seraient fastidieuses.
Il
appartient au lecteur de mieux approfondir ses
connaissances
d'une époque
évoquée d;;lns un roman historiql."oe donné,
par la
lecture de livres d'histoire.
C'est cela qui,
d'ailleurs,
nous
a amené
à parler précédemment de la complémentarité du

-150-
du roman historique et de l'~tude de l'histoire elle-mime.
Dans
ses
romans historiques,
Walter Scott s'est,
d'ailleurs,
~galement abstenu de se lancer d~lS des
des-
cl'iptions rastidieuses qui risqueraient de couper le r~cit.
Et dans le premier chapitre de !l'averley, i l nous rourni t
W1e explication :
" The object or my tale is more the
descr:Lption of' men than rnanners"
(1)
C'est bien ce que
George Eliot a
essayé de
faire,
à sa manière, dans Rornola.
C.
AVEC HO~IOLA,
GEORGE ELIOT A-T-ELLE REUSSI UN ROHAN
HISTORIQUE ?
I l nous paraît maintenant utile d'examiner Romola
en le replaçant dans le genre qu'il illustre et en s'error-
I;ànt"-de-'r~pondre à deux questions importantes
L'auteur a-t-elle r~ussi à ~chapper aux d~rauts
habituels de ce genre?
-
Lui a-t-elle apport~ quelque chose de nouveau ?
Le roman historique est un genre ambigu.
La dirricult~
de ce genre réside dans le fait
qu'il essaie d 1 allier deux
choses
inconciliables
le roman qui est fiction et l'his-
toire qui est science.
S'il a eu tant de vogue vers 18JO,
c'est que la science historique ~tait encore peu sûre, et
ses méthodes peu exigeantes.
Ou l'auteur du roman historique se contente de pein-
(1) Scott,
l1'al ter,
l1'averley,
( Everyman' s Library,
1969),
Ch.I;
p.
64.

-151-
dre un arrière-plan historique crédible,
ou i l
trllilsplante
dans Wle vie
passée des
êtres humains
crédibles
empruntés
à sa propre époque.
Telle est l'alternative qui
se présente.
Et George Eliot, dans son roman historique,
a adopté la
deuxième solution.
En ef"f"et, dans Romola,
en dépit de tous
leurs déguisements,
les
personnages,
corrune
lia fait remar-
quer Lord David Cecil, ne sont pas du tout des Florentins
vivant à l'époque historique de la Renaissance,
mais des
jeunes gens
sérieux et pondérés,
nés quelque part près de
Warwick vers 18/10.
Dans la langue,
i l Y a quelque chose de
guindé.
Ainsi,
lorsque Tito s'adresse à Romola,
sa façon
de parler n'est pas naturelle
elle ne représente pas très
ème
bien le parler du XV
siècle,
et nous fait plut6t penser
à celui d'un Anglais du XIX~me
..
1
P
1
~
~
51ec
e.
renons que ques
exemples
Romola,I wish you would give up sitting in this
library.
Surely our own rooms
are pleasanter in
this chilI weather.
(1)
Ou bien encore
Yes, dearest,
of course, l
should feel i t on a
point where your father's real welfare or happi-
ness was concerned
; but
there is no question
of that now.
(2)
Et
i l Y a des moments
où Tito adopte un ton où s'ex-
(1) Romola,
Livre II, Ch.
XXVII,
p.
256.
(2) Ibid., Livre II, Ch.
X;('",(II,
p.
295.

-152-
prime
toute
la s~chcresse d'un mari impitoyable de l'~poque
victorienne
,
At
least, 1 he
added,
in a
slightly harder tone,
,
you will endeavour ta base
our intercourse on
sorne other reasonings than that,
because an evil
deed is possible, l
have done i t .
Am l
alone to
be beyond the pale
of your extensive charity?'
(1)
George Eliot
a aussi
lourdement handicapé
son héroine
Romola,
en lui
faisant
porter un déguisement.
Ainsi,
la des-
cription que fait George Eliot de l'attitude de Romola n'est
ème
pas
celle d'une
femme du xv
siècle mais celle d'une femme
ème
du XIX
siècle,
quand l'héroîne essaie de
fuir Tito et
qu'elle consent à revenir" vers
lui sur les
instances de Savo-
narole.
George Eliot a une
compréhension subtile de ce genre
de situation.
N'a-t-elle pas elle-même défié les conventions
de
son époque
en allant vivre
avec un homme qui n'était pas
·t:;bn -marï .. Seulement,
comme Homola,
elle
savai t
que dans des
circonstances
particuli~res d'un monde qui n'est pas parfait-;
l'amour et la loi apparaissent
souvent en contradiction:
She îelt that the light abandonment of ties,
whether
inherited or voluntary,
because they had ceased to
be
pleasant,
was
the uprooting oî social and
per-
sonal virtue.
(2)
Et
le raisonnement mené pa.r Romola dans
le
passage
(1) Romola,
Livre III,
Ch.
LVIII,
p.
1197.
(2) Ibid.,
Livre III, Ch.
LVI,
p.
~8J.

-153-
suivant n'es·t pas
celui d'une
femme de la Renaissance mais
(. :~..
celui d'une femlne d
XI ème
..
l
l i
~
X
Slec
e.
Car i c i ,
Ramola se ré-
volte
contre ce qu'est devenue
sa vie
et nous
avons
du mal
h
imaginer une fe~ne de cette époque-l~, remettant en cause
sa vie conjugale,
et quittant
son mari.
Il est
bien évident
que~ par l'internl~dj.aire de ROlllola, George Eliot exprirne
ses idées
personnelles
AlI her efforts at union had only made its impos-
sibility more palpable and the relation had become
for her simply a degrading servitude.
The law was
sacred.
Yes,
but rebellion might be sacred too.
I t flashed upon her mind that
the problem before
her was essentially the same as
that which !lad
Iain be:fore Savonarola -
the problem where
the
sacredness of obedience ended,
and where the sa-
credness of rebellion began.
To her,
aS
ta him,
tllere !lad corne
one
of those
moments
in
l i f e when
the
soul must dare
ta act on its
own warrant,
nat
only without external law ta appeal to,
but in the
face
of a
law which i5 nat unarmed with Divine
lightnings -
lightnings that may yet fall i f the
warrant has been false.
(1)
Généralement,
la plupart des écrivains de romans his-
toriques
commettent l'erreur qui consiste
à introduire dans
leur oeuvre certains aspects des
préoccupations de l'époque
où i l s
écrivent.
Mais alors,
est-il possible d1écrire un
(1)
Homola.
Livre III,
Ch.
LVI,
pp.
~8J-~8~.

roman historique qui sutis:ferait l'esprit critique du lec-
teur scirieux,
~ la fois du point de vue de l'histoire et
du point de vue de l'intérêt littéraire? I l nous est impos-
sible de répondre catégoriquement par l'affirmative ou par
la négative.
En effet,
i l est di:fficile à un auteur quelconque
d'écrire
sur des mondes qu'il n'a jamais vus et de donner
vie
à des personnages dont i l a
seulement
entendu parler
dans les
livres d'histoire et les vieux manuscrits.
Ceci
est vrai de Savonarole dans nornola.
Au mieux,
l'auteur
est lU1 étranger,
séparé
par le temps
et par la distance
des gens et des ~vénements dont i l parle. Et dans cette
condi tian,
conllncnt
un
auteur peu t - i l écrire 'au sujet dl évé-
nements comme s ' i l les avait vraiment vécus,
ou au sujet
de personnages comme s ' i l les
avait vrairnent côtoyés? Ces
problèmes, George Eliot les a
rencontrés pendant qu'elle
rédigeait Pamola. Elle a eu du mal à allier réalité et fic-
tion,
ce qui
l'a forcée
à nOliS montrer des marionnettes
déguisées et empruntées à un autre âge, aVec les habitudes
d'un autre
telnps.
I l ne fait
aucun doute que George Eliot n'a pas
,t.l;éussi--à· égaler hfalter Scott dans ce genre qu'est le roman
historique.
Car Walter Scott,
avec
Waverley,
en introdui-
sant l'histoire dans
le roman a
su allier la réalité et la
fiction,
comme
cela n'avait
jamais été fait
auparavant,
et
comme cela a
rarement été fait depuis.
Car aucun écrivain
de roman historique nia su l'imiter correctement.
Et,
en
parlant de
ses
imitateurs,
i l dit dans
son

-155-
Journal
One advantage, T think, l
still have over aIl
of thern. They rnay do their fooling with a
better
grace,
but I ,
like Sir .Andrew Aguecheek,
do
i t
more natural.
(1)
Ce
rI
naturel
",
George Eliot fi' a
pas su 11 introduire
dans Romola qui
est~ certes, un roman historique, mais qui,
bien qu'il cOlnlJorte bewlcoup d'61~Jncnts positifs,
est un
roman historique non réussi.
Il nlest
pas
exagéré de dire que George Eliot
~tait
oblig~e d'~chouer en s'~loignant de son Warwickshire natal.
Car,
The world of a writer's childhood is his home
and
the world
of a
remote
past i5
a
îoreign
country.
The first
i5 instinctively understood,
the second is investigated with curiosity and
discovered vith surprise.
(2)
De plus,
nous pensons que le but drun roman histo-
rique
est de distraire.
mais nous
constatons que dans ROIIlola,
George Eliot a fait un roman s~rieux qui exige toute la con-
centration des facult~s intellectuelles du lecteur. Dans le
roman,
i l y
a des
scènes
inoubliables,
quelques personnages
convaincants
et i l y
a
surtout
l'étude impitoyable de la
(1) Dramley,
J.A.,
" The Historical Novel ",
( The Contempo-
rary Review, Aofit 1954
), Vol.
186, pp.
105-108.
(2) Bcrmett, Joa", George l'Iiot, Ch. VITI, Romola,
p.
151.

-156-
dégénérescence morale,
qui va de la lâcheté au crime
mais
le roman n'est ni une reconstruction réussie de la vie flo-
ème
rentine du Xv
siècle,
ni une oeuvre d'art capable de réa-
liser ce que George Eliot elle-même pensait être nécessaire,
quand elle affirmait que
i f a,rt doesn't enlarge men's sympathies,
i t
does nothing morally.
(1)
.t._....
(1)
Bennett,
Joan, George Eliot,
Ch.
VIII,
p.
151,
d'après
J.W.
Cross,
Vol.
II,
p.
118.

-157-
ème
CHAPITHE VI.
SHIILITIJDES ENTRE LA FLORENCE DU TI
ème
SIECLE ET L'ANGLETEHRE DU XIX
SIECLE.
Il est ind~niable que lorsque George Eliot a choisi
de placer le lieu et l'~poque de Romola à Florence, elle
était,
sans doute,
attirée par les
ressemblances apparentes
L~u1- existaient entre Florence à l'époque OÙ vivai t Savona-
role et l'i\\ngleterre du cardinal Newman.
I l y avait un cli-
vage semblable de pens~e entre les humanistes de la Renais-
sances
et
les
réîormateurs religieux,
comme i l y
en avait
ème
au XIX
siècle entre les rationalistes et les partisans
d'une religion du renouveau.
J\\UX
deux ~poques, i l Y avai t un espoir et une croy-
ance drulS le d~veloppement de la puissance et de la con-
naissance humaines
i l Y avait aussi
chez les
cllrétiens
des deux époques; la prise de conscience dtun relâchement
et m~llle d'une corruption dans les enseignements de l'Eglise
et,
en conséquence,
une détérioration dans la conduite hu-
maine.
Tout cela amènera un désir empressé de réformer
l'Eglise.
L'intelligence sceptique de George Eliot,
combin~e
avec Wle compréhension compatissante de l'expérience reli-
gieuse,
lui permettaient de
sympathiser,
à la fois,
avec
le rejet fanatique et austère par Bardo du surnaturel ( com-
parable dans
sa Îerveur morale à celui des libre-penseurs
ème
du XIX
siècle tels que John Stuart ~Iill ou Thomas Huxley),

-158-
et
avec le
zèle religieux de Savonarole comparable à celui
de Keble ou de Newman. Elle a dû souhaiter faire passer
dans
son roman,
en même
temps,
la ressemblance et
les dif-
férences entre l'arrière-plan intellectuel de son époque
et celu:L' d
X"ème
.'
l
• 1'1
li
, \\
Slec
e
a
i
orellce.
ème
A. ETUDE DE L'ANGLETERRE RELIGIEUSE DU XIX
SIECLE.
Nous
pouvons faire quelques rapprochements entre
les courants d'idées qui
se propageaient en Angleterre au
XIX ème
.•
l
t
l '
.
.
. t S I C
51ec
e
. J . L
~
e
ce Ul qUl
anlrnal
avonaro e.
es cou-
rants
sont,
principalement,
le mouvement
évangélique,
et
ensuite le mouvement d'Oxford.
1) Le mouvement évangélique.
La haute société anglaise du XVIII ème siècle et des
bme
IJrernj.hres ann6es dl] XIX
sibole manifestait
ouvertement
son scepticisme et
son incrédulité.
Certains honutles poli-
tiques se flattaient de ne pas être croyants
; dans le
ministère Ifhig de 1832,
on disait qu'il n'y avait qu'un
seul ministre, Charles Grant,
qui croyait à l'existence
de l'âme
; et l'évêque d'Oxford disait que Lord Ilolland
avait une Îemme
athée et"que lui-même n'était pas
loin de
l'être,
que Lord Landsdowne était unitarien et
Brougham
déiste.
Nais,
à côté de ces leaders, de nouvelles généra-

-159-
tions comme celles dc lvilberlorce, de Eldon puis celle de
Gladstone
sont,
en revanche,
très pieuses.
Le mouvement
piétiste,
d'origine allemande et du
~'IIèlJle
,
,
.\\....
siecle,
reprit vigueur en Angleterre,
apres
les
guerres du Premier Empire;
i l atteignit d'aborcl les mi-
lieux dissidents,
par exemple le physicien Faraday qui
était aussi prédicateur
·puis ce courant de
piété émotive
et
sincère,
et décidé à agir,
atteignit
les milieux angli-
cans,
en particulier les milieux
II
evangelical
I I .
Ces mi-
lieux eurent une action sociale et philanthropique qui a
{'li t ..leJ,lr. célébri té et a fini par les imposer.
Parmi les évangéliques,
certains
pensaient à faire
le bien en utilisant l'Etat.
Pour eux,
l'Etat,
comme une
Eglise, devait encourager au bien et protéger les faibles.
Par exemple,
William \\Vilberforce, dont un des fils,
Robert
Isaac îut un théologien tractarien,
finalement
converti
au catholiscisme.
William Wilberforce consacra sa vie à
la lutte contre l'esclavage.
I l obtint,
en 1807, l'aboli-
tion de la traite des Noirs et,
en 18JJ. l'abolition de
l'esclavage même déUlS les
colonies anglaises.
Ce long com-
bat,
i l l'a mené essentiellement au nom de
ses convictions
religieuses.
Sur le plan intérieur, Lord Ashley, député conserva-
teur,
a
surtout consacr6
son temps et
son activit~ h faire
protéger les enlants travaillant dans les mines,
à faire
voter des lois limitant la durée du travail.
Le rapport de
18112. da à la ténacité de Lord Ashley, a permis de faire
voter la loi interdisant le travail des femmes et des en-

-160-
f'ants de moins de
treize
ans dans les mines.
Les évangéliques ont
joué aussi un rôle considérable
à l'intérieur mS me de l'Eglise, grâce à la Church Pastoral
Aid Society,
fondée en 18J6, qui avait pour but d'aider
matériellement et
spirituellement les pauvres
" curates
"
Cette société mettait également à la disposition du clergé,
des
locaux non consacrés pour servir de lieu de culte.
Ces
différentes pratiques n'allaient pas sans provoquer de la
part des autorités traditionnelles de l'Eglise d'Angleterre
de vives protestations.
Les évangéliques avaient encore d'autres moyens d'ac-
tion tels que les Sunday Schools,
les clubs pour distribuer
des vêtements,
et les bibliothèques de prêt.
Ils fondèrent.
en 1840, la Parker Society,
pour réimprimer les
textes des
~rands
ème
réformateurs du XVI
siècle.
Cette piété et cette volonté de faire le bien avec
l'aide de l'Etat,
si besoin était,
et dans l'Eglise, n'allait
pas sans étroitesse dlesprit~ rigorisme,
parti pris.
Ce cou-
rant était empreint d'intransigeance en ce qui concernait
la
morale et la théologie. Et contrairement à ce qu'on pouvait
espérer,
cette intransigeance
en morale et
en théologie pou-
vait aller à l'encontre des buts premiers et fervents des
évangéliques.
Le périodique The Hecord créé en 1828 et qui
devait disparaître en 1849 traquait le clergé aux moeurs
11
douteuses
fi
étaients considérés corrune ayant des moeurs
douteuses,
les membres du clergé qui assist8.ient à des pièces
de th6âtre,
qui participaient ou assistaient à des parties
de cricket,
qui chassaient,
:fumaient ou jouaient aux cartes
!'

-161-
Mais ces d6fauts ne doivent pas masquer l'efficacit~
r~elle et le t~moignage important de ce mouvement qui tra-
duit la vie religieuse de toute une famille d'esprits.
2) Le mouvement d'Oxford.
Les r~formes faites par les pouvoirs publics et l'ac-
tion philanthropique ne satisfaisaient pas d'autres angli-
cans
ils n'~taient pas non plus satisfaits de la façon
dont ces r~formes avaient ~t~ faites.
Ils les ressentaient
comme une tra11ison par rapport à l'esprit et la lettre de
l'Ecriture et des lois de l'Eglise.
En effet,
était-il normal que l'Eglise anglicane fût
gér~e par un Parlement où siégeait un grand nombre de d~pu­
t~s qui n'~taient pas fidèles de l'Eglise anglicane? Le
_~~XVXI~~me siècle, siècle des Lumières, et les progrès scien-
tifiques avaient fait naître le doute,
notamment chez les
intellectuels qui sentaient qu'il fallait r~agir. D'autre
part,
à cette ~poque, l'Angleterre était la première des
nations
industrielles,
conllncrciales et bancaires du monde
ces pr60ccupations ne risquaient-elles
pas d'6touffer la
vie spirituelle ?
Ce sont ces raisons qui expliquent le mouvement d'Ox-
ford.
~lais il y a encore une raison plus imm~diate : le vote
par le Parlement du Pluralities Act,
en 1833
; par ce texte,
le gouvernement supprimait dix sièges ~piscopaux en Irlande.
Considérée globalement,
l'Irland.e comptai t
à peine 10 % d' an-
glicans,
et la mesure ~tait donc logique. Mais était-il nor-

._----- .. ,. -, -. ......
-162-
mal que le gouvernement en prenne l'initiative?
C'était
vraiment llile
ingérence dans
les affaires de
l'EglIse.
La réaction à cette mesure de suppression des sièges
épiscopaux en Irlande et à cet état d'esprit qui subordon-
nait l'Eglise à l'Etat, vint de Jolm Keble et de ses amis.
En 18J1, Keble est nommé professeur de poésie à Oxford et
i l y
retrouve
ou s'y fait des
amis qui,
comme lui,
pensent
que les réformes faites avant le ministère libéral de Grey,
puis par lui,
sont dangereuses pour l'indépendance de l'Eglise
d'Angleterre.
Peu de
temps après la suppression des évêchés
irlan-
dais,
le grand juge vint à Oxford pour présider les assises
pour co~nencer cette session, Keble était chargé de pronon-
cer un sermon au cours de la cérémonie religieuse.
Il
prit
un ton menaçant et virulent de prophète pour dénoncer,
le 5
juillet 18J3,
l'apostasie nationale;
i l condamnait l'éman-
cipation des catholiques,
et le bill sur les diocèses irlan-
dais
i l opposai" à ces abandons la doctrine de Laud ( 157J-
16 115
selon laquelle l'Eglise anglicane,
à la dif'férence des
autres Eglises issues de la Réforme,
est d'origine aposto-
lique
; elle est née de la mission confiée aux apôtres par le
Christ et non du caprice ou même de la loi d'illl roi,
et
le
pouvoir nia pas de prise
sur elle,
pas plus qu'il n'en a
sur
la parole de Dieu.
Ce sermon est considéré comme
le début du mouvement.
John Henry Newman vint se
joindre à Keble. Ensemble,
ils rédi-
gèrent une adresse affirmant que les signataires croyaient à
la succession apostolique et promettaient de se soumettre à

-163-
toute mesure r6tablissant
la discipline des anciens
temps
cette adresse fut signée par un grand nombre de clergymen.
Ce
sermon et cette adresse
ne
furent
pas
sans
suite
Kt:::ule,
Newman et quelques
autres décidèrent de
rappeler Inlas-
sablernent la doctrine des pères et des grands théologiens
anglais.
Ils utilisèrent alors une méthode très fréquente en
Angleterre
publier des brochures et les vendre très bon
marché
ce furent les tracts qui ont donné le nom de mou-
vernent
" Tractarian 11 au mouvement d'Oxford.
Selon Keble
et
Newman,
l'essentiel de l'Histoire d'avant et d'après la Ré-
forme
était une
lutte incessante mais continue
pour rappeler
à l'homme sa responsabilité personnelle, pour remettre en
place
les
grandes vérités de
l'Ecriture:
dill15 cette
lutte
l'Eglise d'Angleterre était l'héritière de l'Eglise primi-
tive îondée
par le Christ.
Newman pensait que
l'Eglise avait été brisée par les
fautes,
les péchés et la sottise des hommes
l'orgueil,
les
.(..-~
-- --'-
querelles
politiques,
l'aveuglement avaient
rompu l'Eglise
universelle en trois tronçons:
Home,
Constantinople et Can-
terbury
;
chacune des trois grandes divisions de
la
Il
catho-
licité
Il
au sens
propre du mot devait
se débarrasser de
ses
1'alblesse,c;
pour retrouver le
chemin de
l'lUlité.
Pour Newman,
l'Eglise d'Angleterre était la mieux placée pour servir de
lien entre Rome et les orthodoxes et entre Rome et les pro-
testants.
Parrallèlement aux tracts,
les hommes du mouvement
d'Oxrord réagis~aient contre les empi~tements de l'Etat,
qu'ils
jugeaient exagcirés. Gladstone,
qui n'était pas encore

premier ministre,
revendiquait dans son livre Helations bet-
ween Church and State, le droit pour l'Eglise de se gouver-
ner elle-même.
A.P.
Perccval, qui était théologien et aumô-
nier royal affirmait que dans l'Irish Temporal Act de 18JJ,
l'Etat s'était attribué une autorité qui ne lui appartenait
pas,
et que c'était l'Eglise qui avait fait participer le
roi à sa propre autorité sans lui conférer d'autorité légale
en matière ecclésiastique.
Entre 18J9 et 1845,
le mouvement d'Oxford devait con-
naître une troisième période.
L'idée de Newman selon laquelle
l'Eglise pourrait servir d'intermédiaire,
fut
mal accueillie
et d'une manière générale,
l'ensemble des conceptions et du
ton des tractariens épouvantait ou inquiétait les autorités
politiques,
les évêques,
les chefs de lluniversité
;
on leur
reprochait d'écarter l'Etat, de
tendre à l'ascétisme, d'avoir
des tendances pas assez protestantes
et sans doute, dans
les tracts,
l'Eglise ronlaine était-elle souvent et
sév~rement
maltraitée.
Seule une partie du jeune clergé était enthousiaste
l'opinion publique en général mesurait bien qu'il s'agissait
d'Wl débat particulièrement important.
D'autre p:::lrt,
certains des amis de Newman commençaient
à se défier de ses efforts pour atténuer les différences entre
les Eglises.
Devant cette attitude, Newman voulut définitive-
ment clarifier la situation.
En 18J9, i l rédigea le tract
nO 90 qui était une analyse des J9 articles, base dogmatique
de l'Eglise d'Angleterre.
Newman essayait de démontrer que
les J9 articles étaient moins protestants qu'on ne le disait
en général,
qu'ils ne condamnaient pas la doctrine catholique,

-165-
mais certaines déformations
très répandues de
cette doctrine.
A ce moment-là,
le but de Newman n'était pas de se diriger
vers l'Eglise
catholique~ mais au contraire, d'arrêter le
mouvement de conversions qui commençait.
Ce
tract
provoqua une r6action violente et g6n~rale.
Depuis plusieurs années,
en effet,
les responsables de l'épis-
copat et de l'université étaient inquiets:
l'ensemble des
tracts n'était-il pas une sorte de complot contre l'Eglise
d'Angleterre?
Le tract nO 90 n'était sans doute pas un des meilleurs
et la démonstration de Ne\\;man paraissait très artificielle.
A Oxford,
les autorités universitaires
condamnèrent le
tract
nO 90,
en considérant qu'il constituait une interprétation
fausse et malhoru1ête des J9 articles.
L'évêque d'Oxford de-
manda à Newman de ne plus faire paraître de tracts et pres-
que
partout,
les évêques attaquèrent le tract nO 90 et les
autres.
Newman se soumit en 1841, puis démissionna en 184J de
l'église anglicane Saint ~Iary à Oxford dont i l était pasteur,
t.. '1..
__
-_--
et i l s'imposa une longue méditation avant de prendre une
décision.
hrilliam George
\\\\fard,
qui était un théologien laie
très brillant,
prit la défense du tract N°
90 et publia,
en
18/1/1,
un ouvrage encore plus favorable à l'Eglise catholique
The Ideal of Christian Church
; mais le livre fut condamné
et Hard f'ut
privé de
ses grades universitaires
pour hérésie.
Après avoir mûrement réfléchi et vécu un débat de
conscience dramatique,
Ne\\vman décida,
en octobre
18 ltS, de se
convertir au catholiscisme.

-166-
l......
-+T..e
mouvernen t
trac tarien ou mouvement ct 'Oxford étai t
terminé.
Hais~ bien que la conversion de Newman ait été très
importante,
en raison de sa personnalité extraordinaire de
théologien et d'écrivain,
nous ne devons pas penser que le
l110uvement d'Oxîord s'est dirigé vers le catholiscisme.
C'est
d'abord et avant
tout un mouvement interne à l'Eglise angli-
cane.
I l avait été la plus vigoureuse protestation contre
la politi.que des gouvernements pour subordonner l'Eglise à
leurs int6r~ts. Malheureusen1ent,
le dcisaccord des autorités
anglicanes et enï.in la condamnation qu'elles infligèrent au
mouvement d'OxÎord fut une chance pour le gouvernement
i l
continua ~ gérer l'Eglise,
comlne
s ' i l en était le m~itle.
B.
RAPPROCIŒ~IENTS
ENTHE L' ANGLETERHE RELIGIEUSE AU XIX ème
ème
SIECLE ET l"LORENCE AU Xv
SIECLE.
I l est certain, d'après l'étude que nous venons de
ème
.,
.
faire!
que l'Angleterre connaissait au XIX
slecle une crlse
religieuse sérieuse. notamment en ce qui concernait les rela-
tions entre l'Eglise et l'Etat.
D'autre part,
après bien des
moments où la foi
avait perdu de la vigueur,
on assistait à
un renouveau de la foi.
NOliS
pouvons dire la m~lne chose de la Florence du
xv ème siècle avec J<5rôme Savonarole qui, à lui seul, par ses
actions,
préfigure le mouvement des évangéliques et celui d'Ox-
ïord.
Nous avons déjà vu quelle fut
l'importance de Savona-

-"167-
raIe dans le domaine politique,
aussi,
bornons-nous à consi-
dérer quelle fut son influence dans le domaine religieux et
nous verrons
aussi dans quelle mesure nous pouvons
le compa-
rer au cardinal Ne~nan. Mais, notons
tout d 1 abord,
que les
actions de Savonarole se rapprochent beaucoup de celles des
évangéliques.
ème
A la fin du Xv
siècle, l'Eglise était dans Wl
état terrible de décadence et de corruption.
Le doute et le
scepticisme avaient envahi la plupart des âmes
on niait
la vie future,
on se moquait de la religion,
la supersti-
tion avait
remplacé la foi.
En ce qui concernait
le clergé,
i l étalait au grand jour une conduite scandaleuse et Wle
incroyable avidité;
en fait,
le sacerdoce n'était plus
considéré que comme Wl métier lucratif.
Le pape Alexandre VI,
qui appartenait à la famille Borgia, n'était pas en reste
souillé de crimes abominables,
i l n'avait dû le trône ponti-
fical qu'à un trafic de choses saintes et de biens religieux.
Tout ceci constituait un état de fait que le moine
dominicain .JérÔme Savonarole ne pouvai t
tolérer.
I l commença
d'abord,
dans
son couvent de Saint Marc,
situé
tout près de
L~Frorence, à instaurer la réforme dont il rêvait. Puis, il
s'attela à une tâche beaucoup plus importante: essayer de ~
ramener
l"larence à la vertu morale.
Pour ce faire,
i l
se mit
totalement
au service de
ses contemporains et
surtout de ses
concitoyens,
en montrant un coeur d'apôtre et une merveilleuse
~loquence. Pour preuve de son éloquence, citons l'exemple de
son sermon auquel assistent I~omola et Daldassare à l'int~rieur

'. ,
-168-
de la cathédrale
AlI ye in Florence are my witnesses,
for l
spoke
Ilot in a corner.
Ye are my witnesses,
that four
years
ago,
when there were yet no
signE of war
and tribulation,
l
preached the coming of the
scourge.
l
lifted up my voice as a trumpet ta
the prelates and princes and people of ltaly and
said, The cup of your iniquity is full.
Dehold,
the thlillder the Lord is gathering,
and i t
shall
raIl and break the cup,
and your iniquity, which
seems ta you as pleasant wine,
shall be poured out
upon. you·,
and shall be as mol ten lead.
And you,
0
priests,
who
say,
Ha,
ha
!
there is no Presence in
the séUlctuary -
the Sheehinah is naught -
the ~lercy­
seat is bare
: we may sin behind the veil, and who
shall punish us 0
(1)
Da.ns ce
passage,
Savonarole nous fait vraiment penser
aux évangéliques, quand i l parle du manque de foi des fidèles
et du manque de sérieux du clergé. En nous appuyant sur ce
même exemple, nous pouvons apprécier quels étaient les effets
de ses prédications sur les fidèles
la plupart d'entre eux
ne résistaient guère à ses exhortations véhémentes et pathé-
tiques,
aux allégories,
aux anecdotes,
aux dialogues qui
te-
naient tout le monde en éveil.
Et Romola nouS donne une idée
du genre de personnes qui
composaient l'auditoire de Savona-
(1) Romola,
Livre II, Ch.
XXIV,
pp.
23 11-235.

-169-
role
The multitude was of aIl ranks,
frolll magistrates
and dames of gentle nurture to coarsely clad arti-
sans and country people.
(1)
Savonarole se servait aussi des émotions de ses audi-
teurs
et i l n 1 était pas rare de lui voir verser des larmes
en même
temps que
les assistants.
Une fois de
plus,
citons
George Eliot
During the last appeal,
Savonarola had stretched
out his arms and lifted up his eyes to heaven ;
his strong voice had alternately trembled with
emotion and risen again in renewed energy
; but
the passion with which he offered himself as a
victim became at last too strong to allow of fur-
ther speech,
and he ended in a
sob. Every chan-
ging tone, vibrating through the audience,
shook
them into answering emotion.
There were plenty
among them who bad very moderate faith in the
Prate's prophetie mission,
and who in their cooler
moments loved him l i t t l e
; nevertheless,
the y
too
were carried along by the great wave of feeling
which gathered its force from sympathies that lay
deeper than aIl theory.
A loud responding sob rose--
at once rrom the wide multitude, while Savonarola
(1) Romola,
Livre II,
Ch. XXIV,
p.
2JJ.

-170-
had fallen on his knees and buried his face in
his
mantle.
(1)
En agissant ainsi,
i l voulait surtout tenter de ren-
dre à l'Eglise sa pureté primitive, la rétablir dans son
L""- a.r1cie-i~~~ discipline.
Et nous
pouvons dire qu 1 i c i ,
Savona-
Tale
et "Newman se
rejoignent.
Toute la puissance de la parole de Savonarole venait
du fait qu'il avait étudié l'Ecriture de façon tr~s appro-
fondie
;
i l connaissait parîaiternent le Bible.
Nous avons
vu précédemment que Newman avait
lui aussi une bonne con-
naissance de l'Ecriture et des textes religieux en général.
Quant à Savonarole,
i l disait de
lui-m~me
o Florence, si mes ennemis sont assez puissants
pO\\lr me chasser de
tes murs,
je n'en serai point
abattu
; car je trouverai bien quelque part un
désert

je
pourrai me réfugier avec ma Bible
et
jouir d'un repos qu'il ne sera plus
au pou-
voir de
Les citoyens de troubler.
(2)
En lisant ceci. nous voyons que Savonarole avait déjà
comme une prémonition de ce qu'aurait pu être
la fin de sa
vie.
Savonarole fut un réformateur,
non un novateur,
et en
dépit des
persécutions d'Alexandre VI,
i l resta fermement
attaché à l'Eglise dont l'unité lui était ch~re. Au bout de
(1) Romola, Livre n:, Ch. XXIV,
p.
238.
(2)
Villari,
Pasquale,
Jérôme Savonarole
et
son temps, Etude
préliminaire par le
traducteur,
p.
xxxiv.

-171-
quelques
temps,
on arriva à soupçonner l'orthodoxie de
Savonarole,
tout comme,
quatre
siècles plus
tard,
on douta
des intentions de Newman qui se battait aussi pour l'unité
dp. l'Eglise.
On peut reprocher à Savonarole d'exalter la
grâce aux dépens des oeuvres et de ne penser qu'à elle,
mais en ~ait, selon lui,
le croyant n'est pas L~ instrument
passif dans
la main du Seigneur.
Nous voyons dans Romola
quelles sont les raisons qui provoquèrent l'excommunication
de Savonarole.
Si nous relisons
le compte-rendu du procès,
ou plut6t de la
Il
confession Il
de Savonarole,
nous n'appre-
nons pas grand chose sur ce qui lui était reproché
Not a shadow of political crime had been proved
against him.
Not one stain had been detected on
his private conduct.
(1)
Nous devons reconnaître qu'à beaucoup d'égards,
la
position de Savonarole était bien différente de celle de
Luther.
Par exemple,
Savonarole affirme que
le baptême efface le péché originel.
régénère
les hommes dans le Christ et leur donne le commen-
cement et la forme de la vie spirituelle.
(2)
.u..
_.Luther est opposé à cela ; de même que Luther rejette
la transsubstantiation alors que Savonarole
l'admet.
Lors de
son procès~ i l lut mis en évidence que Savo-
(1) Homola, Livre III, Ch.
L~XI, p. 586.
(2) Villari,
Pasquale,
Jérôme Savonarole et son temps, Etude
préliminaire par le
traducteur,
p.
x l i ,
d'après Jérôme·
Savonarole et la statue de Luther à 1Vorms, par le père
Pie Harie Rouard de Card,
p.
67,
( Poussielgue, 1867.

-172-
narale ne voulait pas diviser l'Eglise.
Bien que
son procès
ait été instruit à l'aide de la torture par les commissaires
apostoliques,
i l fut impossible de lui arracher des réponses
compromettantes h cet égard,
et
i l déclara:
Je n'ai
jamais voulu diviser l'Eglise du Christ.
(1)
C_"'-
----Les
efforts
que
f'aisai t
Savonarole ne
pouvaient
abso-
lument pas être secondés par un pape tel qu'Alexandre VI
Rome
s'opposa avec véhémence à Savonarole et cela dégénéra
bientôt en une véritable persécution. La religion n'était
pas
la seule raison des
persr~cutions ct' Alexandre VI ; la
politique jouait un plus grand rôle dans Ce domaine.
Alexan-
dre VI finit
par ne voir en Savonarole que le partisan des
Français et le soutien d'une forme de gouvernement qu'il
voulait renverser à tout prix.
Les motifs
politiques furent
adroitement dissimulés sous les prétextes religieux et le
pape entreprit une lutte acharnée dans
laquelle Savonarole
devait succomber.
Après diverses péripéties, Alexandre VI
interdit
à Savonarole de prêcher et,
au début,
ce dernier
se
soumit
à cette décision.
Nous voyons bien dans Romola
comment cela s'est
passé,
de même que nous voyons bien com-
ment i l fut
incité par le peuple et par la Seigneurie à
recommencer à prêcher
:
Every day the distress became sharper
: every day
tbe murmurs became louder.
And,
to'crown the dif-
(1) Villari,
Pasquale,
Jérôme Savonarole et son temps, Etude
préliminaire par le traducteur,
p.
1.

---,---
-17J-
ficulties
o~ the government,. for a mon th and more
-
in obedience to a mandate from Rome -
Fra Giro-
lamo had ceased to preach.
But on the arrivaI of
the terrible newS that the ships from Marseilles
had been driven back,
and that no corn waS coming,
the need for the voice that could infuse faith and
patience into the people became too imperative to
be resisted.
In defiance of the Papal mandate the
Signoria requested Savonarole to preach.
And two
days ago he had mounted again the pulpit of the
Duomo
. . .
(1)
Dès qu'il se remit à prêcher,
Savonarole dénonça les
vices du clergé en général et de la cour pontificale en par-
ticulier et i l armonça les malheurs épouvantables qui mena-
çaient l'Italie et surtout Rome
. . .
Savonarola was preaching -
preaching the last
course
of Lenten sermons he was ever allowed ta
finish in the Duomo
:
he knew that
excornmunication
was
imminent,
and he J1ad reached
the -]Joint
of de-
fying i t . He held up the condition of the Church
in the
terrible mirror of his unflinching speech,
which called things by their right names and dealt
in no poli te periphrases; he proclaimed with heigh-
tening confidence the advent of renovation -
of a
moment when there would be a general revoIt against
corruption.
(2)
(1) Romola, Livre III, Ch. XLII, pp. J82-J8J.
(2) Ibid., Livre III,
Ch.
LIl,
p.
45 11.

Alexandre Vi entra dans une violente colère et i l
r0uni t
qUé:l.torze
théologiens
gu 1i l chargea ct' examiner la
conduite
et
la doctrine de Savonarole,
mais
on ne
trouva
que peu de choses à retenir contre lui.
Savonarole déclara
qu'il
se
soumettait à l'autorité du Saint Siège.
Savonarole
reprit la parole le 28 octobre 1496,
au moment o~ la ville
connaissait la famine
et i l eut le mérite de faire repren-
dre confiance
aux plus découragés.
Le 12 mai 1/197, Alexandre VI lança contre Savonarole
t..'1.tn- bref' ct 1 excommunication qui fut publié solennellement le
22
juin.
Savonarole était
accusé d'avoir propagé WLe perni-
cieuse doctrine qui favorisait le scandale et la perte des
âmes
simples.
Le Frate refusait d'accepter ces raisons
et
nous devons reconnaître qu'il aurait mieux. fait de se
sou-
mettre même
5 1 iJ_
était injustement frappé,
car i l donnait
à Ses conternporai115 1! impression qu 1i l bravait Il autori té
du pape et c'est certainement cela qui déplaisait profondé-
ment à Alexandre VI.
Il manquait
sans doute de mesure et,
peut-être,
n'aurait-il pas
connu une fin aussi
tragique
s ' i l
avait modéré
ses
réactions.
Tout l'espoir de Savonarole
était maintenant
placé dans
la réunion d'un concile qui per-
mettrait,
peut-être,
d'anéantir l'autorité d'Alexandre VI.
Au début du mois de mai
1498,
Savonarole écrivit au roi de
France
pour lui démontrer la nécessité de ce concile;
i l
écrivit
également
aux rois d'Espagne,
de Hongrie,
d'Angle-
terre.
:r-lais
son courrier fut
intercepté et
la lettre à
Charles VIII
fut livrée au duc de Milan qui la remit au sou-
verain pontife.
C'est ce qui précipita la perte de Savonarole.

-1ï8-
CHAPITRE VII.
L'ANGLETERRE DU XIX ème SIECLE ( CELLE DE
1830-1832
) VUE AU TRAVERS DE LA FLORENCE
DU xv;"me SIECLE.
Con~e nOliS l'avons vu tout au long de notre étude,
Romola est un roman dont le récit se situe dans la Florence
du Àyème siècle. Cependant,
à travers cette Florence de la
Renaissance, George Eliot fait une projection de l'Angleterre
du XIX ème siècle, et plus précisément celle de 1830-1832.
En effet,
le roman est d'un intérêt tout aussi moderne
ème
_~~ue~~é~iéval. Le passé, représenté par le XV
siècle,
et
le
présent,
représenté par l'époque précédant immédiatement celle ..
OÙ George
Eliot écrivait nomola,
s'unissent dans ce roman his-
torique.
l\\insi,
Florence fournit Wle analogie de la société
de George Eliot, celle de 1830-1832.
Dans Romola,
la scène florentine
fournit
à George
Eliot,
à la fois une analogie et Wl critère de la société
ème
de l'Angleterre du XIX
siècle.
Par intermittences, George
Eliot trouve dans Florence un exemple de communauté fruc-
tueuse
a
narrow scene of corporate action ;
only ta
the members of a community shut in close by the
hills and by walls
of six miles'
circuit,
where
men ~lew each other as they passed in the street,
set their eyes every day on the memorials of their

-179-
commonwealth . . .
(1)
Les rituels de la commune,
accentués à dessein par
l'auteur correspondent 8liX descriptions qui nous
sont faites
dans certains romans anglais qui traitent de la vie rurale
:
des foires;
des
sermons,
des rassemblements
politiques, des
processions en l'honneur de
célébrations religieuses ou de
supplications
There has been no great people without proces-
sions,
(2)
nous dit George Eliot dans Romola.
I l y a donc,
dans le
roman,
une nostalgie de
la part de George Eliot,
dans
sa
représentation de Florence comme une communauté attachée
aux cérémonies,
et possédant une voix commtmautaire.
Mais
une autre
tendance
plus réaliste se révèle aussi,
qui dé-
peint une société de tempérament plus proche de la société
victorienne.
Cette société dépeinte dans Romola est une
société matérialiste,
compétitive et pleine de contradic-
tions internes,
comme celle de l'ère victorienne.
Ainsi,
dans les
passages qui vont
suivre,
nous discernerons le
sens de la suffisance victorienne de la romancière,
et sa
prémonition,
également victorienne,
du grand changement
de la société
At the close of 1 1192,
the year in which Lorenzo
(1) Pomola,
Proem,
p.
q.
(2) Ibid., Livre I, Ch.
VIII,
p.
96.

-180-
de!
~fedici died and Ti ta Melema came as a wande-
rer to Florence, Ttaly was enjoying a peace and
prosperity unthreatened by any near and definite
danger.
There was no fear of famine,
for the
seasons had been plentuous in corn,
and wine,
and
oil
: new palaces had been rising in aIl fair
cities, new villas on pleasant slopes and summits
and the men "ho had more than their share of these
good tbings were in no fear of the larger number
who had less.
(1)
Dans ce passage, George Eliot utilise un langage bi-
blique.
Florence est présentée comme un modèle de la Terre
Promise
George Eliot nous
invite presque à lire ce passage
comme une
parabole,
mais nous y décelons,
pourtant,
de l'iro-
nie.
Le second passage nuance un peu cette description de la
1:er:r:e Promise
Altogether this world,
with its partitioned empire
and its roomy universal Church,
seemed
ta be
a
handsome establishment for the few who Here lucky
or wise enough ta reap the advantages oî human
folly
: a world in which lust and obscenity,
lying
and treachery,
oppression and murder,
were plea-
sant,
useful,
and when properly managcd, not dan-
gerous. And as a sort of fringe or adornment ta
the substantial delights of tyranny,
avarice and
(1) Romola, Livre
.. , Ch. XXI,
p.
216.

-181-
L'~
lasciviousness,
there was
the patronage of poli te
learning and the fine arts,
so that flattery could
always be had in the choicest Latin to be commanded
at that time,
and the sublime artists were at hand
to paint the holy and the unclean with impartial
skill. The Church,
i t was said, had never been so
disgraced in its head,
had never shawn 50 fe", signs
oî·renovating,
vital belieî in its
lower members
nevertheless i t was much more prosperous
than in
sorne past days. The heavens were fair and smiling
above
: and below there were no signs of earth-
quake.
(1)
Ce second passage,
avec les expressions telles que
n
partitioned empire
l i ,
"
roomy universal Church " et
Il
hand-
sorne establishment
TI,
tend à con~irmer les associations vic-
toriennes dont nOuS parlions précédemment.
Florence est,
con~e 1 tAngleterre ,
assaillie par Mam-
mon,
le dieu de l'argent. Et ce bourgeois florentin dépeint
dans le
Prélude dl? Romola,
aurait pu être un Anglais de
l'époque de George Eliot
Ife loved his honours and his gains,
the business
of his counting-house, of his guild,
of the pu-
blic council-chamber . . . He loved to strengthen
his farnily by a good alliance
...
(2)
I l Y a aussi des analogies politiques.
La mort de
(1) Homola. Livre I l , Ch. XJCI,
p.
217.
(2) Ibid .•
Proem,
p.
5.

-182-
Laurent le Magnifique a laiss' un vide dans l'appareil de
l'Etat,
et
parmi les
~actions concurrentes qui se manifes-
tent se trouve le parti populaire de Savonarole qui exige
un Grand Conseil donnant une expression à la volonté pu-
blique,
assez grande
pour contrecarrer l'influence vicieuse
des intérêts de parti.
Dans le roman,
la façon dont George
Eliot traite la politique florentine reflète les appréhen-
sions
politiques de l'époque victorienne
After aIl the talk of the scholars,
there are
but
two sorts
of government
:
one wh8re men
show their teeth at each other,
and one where
men show their tongues and lick the .feet of the
strongest.
(1)
En dépit de
son admiration pour Savonarole, George
Eliot semble
souscrire au conservatisme politique qui
se
dégage de la citation pr'cédente.
Notons aussi que les
_L'".gens _,de
Florence
sont avides de
11
sorne unknown good which
tbey called liberty n.
(2)
Plusieurs fois
alors qu'elle écrivait ROlnola,
en
1862, George Eliot mentionnait dans des lettres aux Bray,
son intérêt pour la détresse des travailleurs du textile
b Coventry,
affectés
par la famine du coton~ caus~e par la
guerre civile américaine.
Et dans une lettre à Monsieur
d'Albert Durade,
traducteur de Homola,
elle disait qu'elle
souhaitait
li
t'or
the
sake of' Lancashire weavers out of work
(1) Homola, Livre II, Ch. XXXIX, p.
357.
(2) Ibid.,
Livre II,
Ch. XXIX,
p.
272.

-183-
that the winter will not be severe.
(1)
Cette compassion que George Eliot avait pour Ces
pauvres
travailleurs qui
se
trouvaient dans
la misère,
se
matérialise par les visages que Tito voit dans la foule
qu'il harangue,
ces visages qui
sont ceux des
tisserands
et des teinturiers
:
when suddenly his glance met that of a man
who had not at aIl the amusing aspect of the
exulting weavers,
dyers and woal-carders.
(2)
Et dans un épisode du roman, Romola doit se défendre
contre une populace de travailleurs af'f'amés et impatients.
(3
Un autre exemple dans lequel George Eliot fait passer
ème
dans
X~,ème . .

F
le ù,
s1ecle a
lorence des idées du XIX
siècle
anglais,
se situe lors de la fête de la Saint Jean.
DilllS ce
chapitre,
nous
relevons
le conunentaire de George Eliot,
selon
lequel
Therc waS aIl the more reason that the Republic
should kcep its religious festivals.
(l,)
Ce commentaire rappelle
l'hypocrisie victorienne qui consis-
tait
Èl
raire
jouer à l'Eglise
le rôle de rempart
social contn
le soul~veJnent possible des masses.
Ainsi,
ces fêtes reli-
gieuses
joueraient le rôle de l'opium du peuple qui endormi-
(1 ) Haight, Gordon S. , ( edited by ) , The George Eliot Let1:T
( New Haven, 1955 ) , IV, 68.
(2 ) Romola, Livre II, Ch. x..'IX, p. 273.
( 3 ) Ibid. , Livre III, Ch. XLII, pp. 387-388.
( l, )
Ibid.
Livre 1, Ch VII,
p'.
88.

rait celui-ci pour qutil ne prenne pas conscience de ses
souffrances,
de la façon dOllt i l est exploit~.
Nous venons donc de voir que SLlr la Florence du À\\T~me
si~cle, George Eliot projette des pr~occupations du XJ:X~me
si~cle. Cette projection se manifeste par l'attitude de la
romancière dans
l'oeuvre,
par Sa voix.
Ainsi,
le
passé et
le
présent sont liés
le passé,
incarné par la Florence
ème
du XV
siècle,
et le pr~sent constitu~ par les pr~occupa­
tions de l'Angleterre victorienne.

-18(,-
CHAPITHE VIII.
D;\\NS HüMOLA,
QU'ADVIENT-IL DES THEHES
HABITUELLE~IENT CHERS A GEORGE ELIOT ?
Dans TIomola,
comme dans
ses autres romans,
on trouve
des idées morales qui
sont
la charpente même de toute l'oeu-
vre de George Eliot.
nomola est une oeuvre pleine de propositions morales
qui sont très fortement énoncées.
Quelles sont donc ces pro-
positions morales?
1) Le choix moral.
Dans ses romans,
George Eliot présente des
personnages
qui,
la plupart du temps,
doivent îaire face
à un choix moral.
Et une fois que le choix est fait,
ils doivent en supporter
les conséquences.
Dans Homola,
ce choix moral
se situe au ni-
veau de
trois
personnages
: Tito,
Romala et Dina.
Les choix de Titn,
comme nous
l'avons déjà vu,
sont
simples
entre ce qu'il est convenu d'appeler le bien,
et
ce qu'il est convenu d'appeler le mal,
Tito choisit le mal
avec une lucidité déroutante.
Et ce faisant,
i l va jusqu'au
bout de
sa décision et assume
pleinement son destin.
Il
a
décidé,
en toute objectivité,
de devenir riche,
envers et
contre tout.
Est-il besoin de dire qu'il a abandonné son père
<c>dopti.f-dans son état d'esclave ? Cet abandon peut être consi-
déré comme un crime,
qu'il paiera au prix de
sa vie.
Il n'hé-
site pas,
non plus,
à trahir la confiance de sa îemme et à

-187-
se
jouer de
la naîveté de
la pauvre paysanne,
Tessa.
Ainsi,
Tito dans
ses choix moraux décide de vivre
avec
le mal,
pourvu
qu'il soit heureux.
I l a délibérément choisi d'aller en enfer.
Tl est intéressant de noter que, dans Romola, Tito
incarne
llhistoire
et
l~ vie de Florence
I t is through Tito's life that most of George
1
Eliot's knowledge of Florence and its history
1
finds expression.
(1)
l.:'l_
1
Q.uant
Èl
Homola,
les choses ne
sont
pas aussi
simples.
Dans
ses
choix,
l'héroîne mène un combat qui est
celui d1une
femme intelligente.
Le combat moral de Romola est d'une si
grande
illtensité qu'on pourrait le rapprocher de celui d'une
sainte.
D'ailleurs,
dans
le
roman,
Romola est considérée
comme une madone.
Cette
idéalisation de Ramola est consciente
de
la part de George Eliot.
La romancière
reconnait d'ailleurs
qu'elle a
idéalisé
l'héroïne,
dans Wle
lettre adressée à
Sara HenneIl qui disait que
Il
Remola i5
pure
idealism
rI.
Et
George Eliot de lui répondre
" You are right,
in seeing
that Romola is ide",l."
(2)
Presque
tous
les
autres
personnages du roman voient
en Romola plus qu'un fitre humain.
Pour les citoyens de Flo-
rence et pour les h",bitants du village frappé
par la peste,
elle es t
une
Il
madonJla
11.
!'-Iême Tito,
au début,
la voit comme
une déesse
Ile :fclt :for the first
time, without defining i t
(1) Hardy,
Barbara,
( edi ted by
), Cri tical Essavs on George
Eliot,
" Romola as fable
" par George Levine,
p.
9J.
(2) Ibid ..
p.
82.

-188-
to hilnself,
that loving awe in the
presence of
noble womanhood, which is perhaps something like
the worship paid of old to a great nature-goddess,
who waS not all-knowlng, but whose life and power
were sOlnetlling deeper and more
prinlordial
than
knowledge.
(1)
Romola est le seul personnage du livre dont le choix
II
moral devient absolument libre et spontané quand elle perd
conriance el~ Savonarole.
Con~e le dit George Levine,
1
'\\l1en sIte
loses her
t'ai th in Savonarole t
the
ine-
vitable crisis of the fable
is achieved.
She is
free to choose.
(2)
Dina,
le frère de Homola,
en abandonnant
son père,
a
fai t
(~'galement lm choix moral en allant vers le mysticisme
et le fanatisme religieux.
I l a
tralli aussi,
en quittant la
maison paternelle,
car son père comptait
sur lui
pour mener
à bien son oeuvre.
De plus,
cette
trallison va même au-delà
d'une
limite
supportable quand,
slIr
son l i t de mort,
i l re-
îuse de
parler de son père
ou même de considérer Romola comme
une
soeur plutôt que comme l'objet d'une vision.
Et Savona-
ro·le
semble
justif'ier ce
choix de Dino quand Homola se
révolte
en disant
How then,
could Dino be right ? Ile brol<e ties.
Ile
(1) ROnlola,
Livre l ,
Ch.
IX,
p.
100.
L:,.,
-( 2) IIardy,
Barbara. Cri tical Essays on George Eliot,
" Romola
as fable
" par George Levine,
p.
82.

-189-
Corsook his place.
(1)
Ce
à quoi Savonarole répond
Ile was constrained ta depart,
else he could not
have attained the higher liCe.
It wouid have been
stiCled within him.
(2)
2) La prise de conscience.
L~
C€tte
prise de conscience est la cons~quence m~me
du choix moral de Romola.
Ainsi,
Romola,
c'est aussi
le choix
moral de
l'individu entre l'égoïsme et l'altruisme,
qui nous
est montré dans une perspective historique.
En combattant
pour ses
croyances,
dans un monde qui lui est contraire,
11h~_
raine se
présente à nous comme une femme de volonté et
pleine
d'énergie.
Le combat mené par H011lo1a dans le roman est
pré-
senté comme le
progrès de l'individu vers une
prise de cons-
cience qui
peut être
considérée
comme le mouvement vers
l'avant de
l'humanité:
Romola enacts
a fate which i5 neither Renaissance
nor Victorian, but human.
(3)
De ce fait,
nomola devient Wl personnage universel.
Pour George Eliot,
le combat du bien et du mal chez un person-
(1) Romola, Livre II, Ch. XL,
p.
374.
(2) Ibid.,
Livre II, Ch.
XL,
p.
374.
(3) Hardy,
Barbara,
Critical Essays
on George Eliot,
" Romola
as .fable
11
par George Levine,
p.
90.

,.
-190-
tlage
se
ram~ne, habituellement! h Il opposition entre une
moitié du
tS
li
moi
Il
et
l'autre moitié.
La vie morale est
donc
un combat
constant
contre
l'afrirmation égoïste de
sa propre
volonté.
Elle
est
la représentation d 1 une
série de
conflits.
nSi,
Nous VOYOIlS
très
clairement cela dans le développe-
nlent moral de Romola,
qtli
part de la crise pour aboutir à
la conversion,
à l'altruisme.
t
Au début du roman,
nomola se présente à. nous comme
une
fière
humaniste,
î i l l e d'un homme qui méprise le
chris-
tianisme,
mai:s à ses moments de crise,
comme nous
l'avons
vu précédemment,
l'humanisme ne
lui donne aucune réponse
sur
la signification de la vie.
Puis elle est désenchantée par
son mari
et
elle
se
trouve
sous
l 1 inrluence de
l'ascétisme
de
Savonarole.
Pour un
temps,
elle éprouve alors de
la satis-
raction à s'accomodcr de son Jnariage malheureux et à aider
les malades et les
pauvres.
~lais quand elle reçoit d'autres
x
chocs,
le christianisme ne
lui est d'aucun secours.
Alors~
elle
pense à
se
su~cider, bi.en que l'id~e du suicide n'ait
pas été très clairement explicitée par l'auteur:
The clear waves
seenled
ta invite her
:
she wished
she could lie down to sleep on them and pass from
sleep into death.
But Romola could not directly
seek death
the fullness of young liÏe in her
forbade
that she could only wish that death would
come.
(1)
. ,
Ici,
contrairement à ~Iaggie Tulliver dans Tlle Nill on
(1) Romol",
Livre 111, Ch.
LXI,
p.
517.
l,
1

-191-
the Floss, Romola ne trouve
pas la mort dans les f'lots.
Dans
Romola,
l'absence d'un acte définitif est peut-être le signe
de l'incertitude de George Eliot à trouver une solution qui
résoudrait une
fois
pour toutes les problèmes de la vie.
Ainsi,
Romola se ressaisit
et elle décide de
se dévouer aux autres.
Bien que
ses
croyances aient changé,
sa conduite est restée
constante:
humilité et altruisme.
Dans Romola, George Eliot
semble placer le salut dans la volonté, dans l'énergie et
nOliS demande dt admirer Romola à
cause de
la dl~oi ture de sa
volonté.
J) Le th~me de Némésis.
Ce th~me s'applique spécialement à Tito. Dans Romola,
Tito a mal agi envers
tous les autres
personnages qui ont eu
L'-
af'I'aire à lui.
C'est pourquoi i l a été puni.
Lorsque le choix _..
est
fait
par un personnage,
ce
persorulage en supporte les
conséquences
; George Eliot nous montre aussi que certains
facteurs
interviennent dans le choix
:
le
libre-arbitre et
les
circonstances extérieures.
Dans le premier cas,
le per-
sonnage ayant agi délibérément mérite
son sort,
qu'il
soit
bon ou mauvais.
Dans le
second cas,
la vie du personnage
est modelée par son milieu.
Une place et un rôle sont donnés à chaque individu
dans
le milieu qui l'entoure
i l doit
s'y conformer.
Des
r~gles sociales, morales et religieuses le guident et il doit,
soit obéir,
soit être
puni
; malgré cela,
Our deeds carry their terrible consequences.
(1)
(1) Eliot, George, Adam Bede,
( Everyman's Library
), Livre I,
Ch. XVI,
p.
168.

-192-
Ce
thème de N4mésis
se retrouve
aussi bien dans Adam
Bede et Felix Iiolt the Padical que dans Hiddlemarch.
Dans
Homola,
avec le personnage de Tito, George Eliot présente
ce
th~me de N6nlésls, en montrant sa compréhension de la psy-
chologie,
à la rois de la traîtrise et de la vengeance. Tito
est
l'incarnation du mal,
parce qu'il
a
trahi
aussi bien
BEl.ldassare que nomola et que Savonarole.
Nous
avons déjà vU
en quoi consistaient ces difîérentes trallisons.
Et c'est parce
qu'il a tralli qu'il a îallu qu'il paie,
car i l a
péché. Et le
prix de sa trahison est la mort.
Our deeds
deterrnine us
as much as we determine
our de ed s,
(1)
dit George Eliot dans Adam Bede.
La même idée se retrouve
dans Niddlelllarch
Our deeds s t i l l travel with us îrom aîar.
And ,,,ha t
\\v8
have been makes
us wha t
we
are.
(2)
Telle est,
en îait,
la leçon morale qui se dégage de
l'attitude de Tito.
La romancière nous montre dans Homola que
l'associé
le
plus
intime d'un homme
est
sa propre vie
consti-
tuée par son présent et son passé. Et George Eliot semble
îaire écho à cette parole de la Bible
: Tu récolteras ce que
tu auras
semé.
C'est aussi l'opinion d'Henry James,
quand i l
dit que
i î he
(
a man
) builds up his career oî timid and
(1) Adam Bede, Livre IV, Ch.
XXIX, p.
302.
(2) Eliot, George, ~Iiddlemarch ( Penguin Books )
, Ch.
LX-X,
p.
G112.

-19J-
base actions,
they cling to him like evil compa-
nions,
to sophisticate,
to corrupt,
and to damn
him.
(1)
Ceci s'applique tr~s bien à Tito.
Ainsi, George Eliot croyait fermement à l'idée selon
laquelle le passé l,ante le présent;
et l'individu doit sup-
porter les effets de ses actes.
4) Le d~terminisme.
George Eliot voit le monde comme une entité complexe
où rien n'est vraiment
isolé.
Dans un tel univers,
rien ne
peut être compris
sans
référence
au temps et au lieu où le
fait a lieu et où i l existe.
Ce qui signifie que persorule
ne
peut faire une coupure nette et radicale avec
son propre
passé.
L'individu est psychologiquement et socialement dé-
terminé.
George Eliot croit en ce déterminisme que reflète
.4.._'....
~-
- - '
l'histoire de Tito.
En erret,
l'histoire de Tito montre comment nos
ac-
tions dépendent de notre propre passé.
Dans le roman,
tout
ce que fait Tito est inexorablement une conséquence du dé-
terminisme
;
toutes
les fois qu'il essaie de
se libérer de
ce d~terminislne, i l est inévitablement vaincu.
Car
Dut our deeds are like children that are born to
us
they live and act apart from our own ,<ill.
(1)
Baker,
l,rilliam,
Cri tics
on George Eliot,
Henry James,
Romola,
1866,
p.
18.

Nay~
children may be
strangled,
but deeds never
:
they have an indestructible life botb in and out
of our consciousness
; and that dreadful vitality
or deeds was pressing hard 011 Tito for the first
time.
(1)
Ce
passage montre que le
combat mené par Tito pour se
libérer de
son passé est un combat inutile;
c'est un combat
dans lequel i l est à
jamais vaincu.
Car personne n'échappe
à SeS propres actes.
Le contexte
social détermine aussi
les
individus
leur
sort est modelé par le pouvoir des conditions
extérieures.
Dans
le
plupart de
ses
romans,
et plus spécialement dans Domola:
George Eliot met l'accent sur l'importance et les effets de
la société sur le développement de la persoIU1alité de l'indi-
vidu.
Tito est corrompu parce que la ville de Florence l'est
aussi.
Ainsi,
la société qui entoure
l'individu contribue à
la ré81isation de ses choix moraux.
Il y
a,
alors, une
inter-
action entre l'individu et la société dans
laquelle i l vit.
Dans les romans de George Eliot,
on montre les persoIU1ages
d~pendanL de leur nlilieu social : leurs vies sont modelées
auparavant et déterminées en dépit d'eux-mêmes.
En plus de l'in~luence de la société sur l'individu,
on trouve aussi que les persoIU1ages dépendent des actions des
autres.
Très
souvent,
les personnages des romans de George
Eliot doivent payer pour les fautes de leurs parents ou de
leurs amis.
Ainsi, dans ~la, Baldassare paie pour les
(1) Romola,
Livre L, Ch. XVI,
p.
170.

-195-
îautes de Tito, en restant prisonnier un certain temps;
Tessa
paie pour les .fautes de Ti ta,
en restant seule avec ses deux
enfants
Romola paie pour les fautes de Tito,
en devenant
Ulle femme désabusée,
trahie,
trompée.
EJ~ conclusion, la soci~t~ n'est pas la cause du succ~s
ou de l'échec, mais elle est toujours la condition et le
moyen par lesqueJ.s l'indivj.du rait son chemin.
C'est ce que
nous avons vu avec Tito dans Romola.
George Eliot croit que
la société a une influence inévitable sur l'individu. Elle
voit le monde comme un mécanisme dans lequel l'individu est
surtout passif;
i l est
très réceptif aux impressions, modi-
fié par le monde extérieur mais rarement capable de le modi-
fier.
Dien sûr,
la romancière admet que l'individu est libre
de prendre certaines décisions morales,
mais très souvent,
i l
est prisonnier del3
contraintes de la société dans laquelle i l
évolue.
Dans Homola,
comme dans la plupart des romans de George
Eliot,
la romancière considère l'individu comme étant à la
merci du monde qui l'entoure
mais, d'autre part, dans
ses
romans,
elle permet à
ses personnages d'être punis et les
tient ainsi pour responsables de ce qu'ils font.
Si l'individu
.-l_'"",
n'est pas libre de choisir,
i l peut utiliser sa îorce morale
pour résister aux faiblesses de son esprit.
5) Les symboles.
Les symboles qui existent dans le roman rendent plus
complexes les problèmes morauX qui se situent au niveau des

-196-
persolU1ages.
I~n ef'f'et,
chaque relation importante dans Romola est
r8pr~sent6e par Il one or more outwarcts symbols
Il
dit George
cLevine:- (1) Ainsi, on trouve le symbole des bagues
celle
du mariage de Romola,
celle de Baldassare que Tito a vendue.
La première symbolise les relations entre Tito et Romola et
la seconde,
les relations qui existent entre Tito et Daldas-
sare.
La croix que Ramola a
prise des mains de
son frère
mourant
a
îini par symboliser pour Romola une autre vie que
celle qu'elle
avait au début du roman.
Cette croix est aussi
le lien qui lie Homola à Savonarole.
Quand Tito rompt les
liens
avec Baldas·sare
en vendan t
sa bague,
i l
cons trui tune
vie nouvelle avec Ramola
et quand Ramola se
s~pare de Tito,
elle se déf'ait de son alliance et la remplace,
en mettant à
son cou,
la croix de
son {'rère.
De ce
rait,
en a.gissant de
la sorte,
elle renoue avec
le passé:
For
Dina 1.'3
sake,
she
said ta herself.
(2)
Nais c'est Savonarole qui lui donne la pleine
signification
du crucifix
Conf'orrn your lif'e to that image, my daughter ;
make your sarrow an oÏÎering
:
and when the Îire
of' Divine charity burns within you,
and you be-
ho Id the need of' your f'ellow-men by the light of'
(1)
Baker,
\\Ifilliam!
Cri tical
es says
on George Eliot,
Il
Remola
as l'able"
par George Levine,
p.
87.
(2) Romola,
Livre II,
Ch.
XXXVII,
p.
JJ9.

...:"....... -~-
-197-
that 1lame, you will not calI your ofrering
great.
(1)
Ainsi,
à l'image du Chris-t, Rornola va se d~vouer
corps et âme aux autres.
Désormais,
elle a besoin du bon-
heur des autres pour être heureuse.
Elle prend en charge
Tessa et ses enrants
écoutons
ce que Carole Robinson
nous dit
à ce propos
Heassuming aIl obligations,
she reigns at the
end oÎ the novel,
,
a
queen without a
consort
and like George Eliot herself
(
oddly called
"
i,
f-1adonna in her later l i f e ,
and
11
Nutter
Il
te
the sons of Agnes Lewes
),
a childless Mother.
T~e epilo~le is
as
calm as
the novel was agita-
ted.
A female
placidity prevails with Romola
the
presiding matriarch.
(2)
G) La religion.
La conception de la vie de George Eliot est profon-
dément religieuse. Et l'émotion caractéristique qui se dé-
gage de
ses romans
est d'ordre
spirituel.
Ainsi, dans Adam
Bede,
on voit l'intérêt qu'elle a manifesté pour le mysti-
l._~
- - -
cisme à
Lravers
le p~J:"'sorulage de Nr. Tryan : dans The 1'-lill
on the ]~loss et Silas Narner, nous voyons des luttes men~es
(1) Romola, Livre II, Ch. XL, p. 373.
(2) Baker,
lVilliam,
(
edited by
) Critics on George Eliot,
( Allen ~d Unwin Ltd ), "Homola, a reading of the novel
par Carole Robinson,
p.
102.

'.
-198-
~ j
par des âmes
troublées pour aller vers la
Il
lumière
Il
inté-
rieure.
Le
jaillissement de cette lumière exige le courage
stoïque de
la libre-pensée,
comme George Eliot l'écrivait
à Nadame Bodichon :
/\\.S
îOT
the
îorrns
a.nd ceremonies,
l
reel no regret
that any shou1d turn to them for comlort i f they
can lind comfort in them ;
sympathetica11y l
en-
joy tllell1 myselî.
But l
have fai th in the ,;orking
out Ol higher possibi1ities than the Catho1ic
Churcll or any other CllUrch has presented
; and
those who have strength to wait and endure are
bound to accept no formula which their who1e sou1s
-
their intellect as we11 as their emotions -
do
no t
embrace \\vi th entire reverence.
The
1
highest
calling and
election
i s
ta do \\o/i thout
opium
and live
through aIl
our pain \\o,rith conscious,
c1ear-eyed endurance.
(1)
Cependant,
les lil:,.rnes
qui
suivent,
adressées
à la
même correspond8nte,
montrent
son tenlpérarnent naturellement
religieux
:
Pray don't ever asle me
again not
ta rob a. man of'
his religious be1iel,
as i f you thought my mind
tended
to s11ch robbery.
l
have tao profàund a
(1) SpeBight, Robert, George Eliot,
( Arthur Barker Ltd,
London,
1954
), Ch. VI,
p.
77.

-199-
conviction of the ef:îicacy th",t lies in all sin-
cere faith,
and the spiritual blight that cameS
\\...'ith no
faith~ to have any negative
propagandism
in me . . . . Icare only ta know,
i f possible,
the
lasting meaning that lies in all religious doc-
trine,
from the begining t i l l now.
(1)
Dans Ramola,
George Eliot nous
fait
d~couvrir une
nouvelle religion de l'homme,
basée
sur l'altruisme.
Ainsi,
la conversion de Romola est purement morale. George Eliot
semble nous demander de
prendre
sa
piété pour acquise,
mais
nous ne croyons
pas aux prières de Homola.
Elle suit Savona-
role~ non pas parce qu'elle a une intuition irrésistible en
la divinité du Christ,
mais parce qu'elle a un besoin f:on-
damental d'abnégation.
Ainsi,
le Christ au nom duquel elle
effectue ses oeuvres de charité
est un exemple
éthique.
Elle
suit Savonarole pàrce que cela constitue pour elle une com-
pensation aux échecs de
sa vie conjugale.
Dans Ramola,
COIJUlle
dans
ses autres romans t
les mots
compréhension et amour reviennent souvent sous
la plume de
l'écrivain,
et
ceS
mots
sont répétés avec Îorc~. C'est ainsi
que nous voyons que Romola a un besoin désespéré d'amour:
Be thankful,
my daughter,
i f your O\\<n soul has
been spared pelplexity ; and judge not those ta
whom a harder lot has been given.
You Bee
one
.t.~
(1) Speaight, Robert, George Eliot, Ch. VI, pp.
77-78.

-200-
ground of action in this matter.
l
see many.
(1)
Dans cette remarque de Savonarole, nous sentons la
tolérill1ce,
le
compromis qui
sont nécessaires ~ans lm monde
où les relations humaines sont si complexes,
un monde

nous apprenons à nos dépens que l'énergie,
la pureté des
intentions,
la sincérité ne
sont pas
suffisantes,
et que
faire le bien exige une capacité à Si accommoder aux circ·ons-
tances
et à agir à travers elles.
C'est ce qui ressort des
relations entre Tito et Romola.
,'-
Plus explicitement que les autres romilllS de George
Eliot,
Romola soul~ve des probl~mes sur la nature de l'ho~ne
et offre une
occasion d'explorer l'univers Inoral de la ro-
mancière.
Cet univers que nous montre George Eliot n'est ni
pessimiste ni
optimiste.
Elle
se dit
l'
mélioriste
l':
c'est
d'ailleurs l'attitude de ses h~ros. Tous ont foi en l'am~-
lioration graduelle mais certaine du monde
tous croient
au progrès dans
tous les domaines.
Dans Romola,
comme dans
ses autres
oeuvr~s, George Eliot a donné à ses héros une
énergie pour" l'action et elle les
a dotés aussi des vertus
ùu renoncement.
Elle écrivait ces
lignes à Hrs Lytton
:
J'essaie de me réjouir à la pensée du soleil qui
brillera quand
je ne le verrai plus
et
je crois
que cette sorte de vie impersonnelle peut attein-
dre une grande
intensité
;
je crois que nous pou-
vons nous rendre beaucoup plus
indépendant qu'on
(1) Homola,
Livre III, Ch.LIX,
p.
507.

-201-
ne le croit généralement du petit agrégat de faits
qui constitue notre propre personnalité.
(1)
Pour conclure cette partie de notre
travail,
nous
dirons que George Eliot a
su utiliser 1 1 histoire comme tul
moyen d'exprimer seS propres
idées politiques,
morales,
de
montrer la complexité qui
existe entre les rapports humains,
de montrer aussi le lien qui existe entre les idéologies et
les relations humaines.
Dans Romola, George Eliot traite effectivement ses
thèmes habituels,
comme nous venons de le voir.
En tant que
roman historique, Romola gagne, du fait que les thèmes mo-
raux caractéristiques de George Eliot y prennent beauco1\\p
d'importance;
d'une part,
parce qu 1 à travers:ces· thèmes
moraux,
on retrouve
la grande romancière que
l'on connait,
et d'autre
part,
parce que ces
thèmes
constituent,
à notre
avis,
la charpente m~me de llomola.
t..' .....
__
(1--)- Cazamian, N.L., Le roman et les idées en Angleterre,
Librairie Istra, Strasbourg, Paris,
1923
), Ch.
II,
" George Eliot", p.
170.
D'après Scientif'ic 1'leliorism
and the Evolution of Happiness,
1885, Letter ta Hrs R.
Lytton,
July 8 th , 1870.

-202-
CHAPITRE IX.
L'HISTOIRE DANS LES AUTRES ROMANS DE
GEOHGE ELIOT.
Nous avons vu que Romola marquait une
étape impor-
tante dans la carrière de George Eliot.
C'est le seul ro-
man historique ~ proprement parler de l'auteur.
Mais
on
constate que l'histoire occupe désormais une place impor-
tante dans les romans qui succèdent à Homola .

" - _ " " -
_ _
_
_ _
0
Dans
les romans qui précèdent Romola,
i l n'y a
que
dans Adam Bede que l'on relève quelques allusions histo-
riques
proprement dites.
Par contre,
dans les romans pos-
térieurs à Romol".
surtout dans Felix lIol t
the Radical,
(1866),
et à un moindre degré,
peut-être,
dans Middlemarch
(
1872
),
l'histoire est to~jours présente.
I l y a,
cependant, des
dif.férences .fondamentales entre Pomola, Felix lIolt et ~lid­
dlemarch. En ef.fet,
l'action de Ronlola est située dans la
d
XV ème
"
\\'ddl
Florence
u
s1ecle,
alors que Felix liaIt et ~1
e-
march,
dont les'actions
se
situent en Angleterre dans la
, ,
, t"
j
premlcre mOl
le (U XIX èmc
" 1
,_,
Slec
e,
sont b eaucoup
l
pus proe h es
de George Eliot qui a vécu cette période et qui,
par consé-
que nt , en a des souvenirs vivants.
L'action de Felix Holt the Radical se situe après
le premier Re.form Bill de 1832
cette loi élargissait le
corps électoral et stipulait que les sièges seraient redis-
tribués à la Chan~re des Communes. Elle doublait le nombre
des -électeurs
: un citoyen mâle sur sept était autorisé à

l. ·0••
-20}-
voter d~s qu'il avait atteint la majorit~. Felix HaIt traite
des consciquences de.cette rdforme et nous ne devons pas
ou-
blier qu'au moment où George Eliot écrivait ce roman,
le
deuxième Heform Bill était imminent.
L" ~poque
de la promul-
gation du premier Reform 8ill, qui voyait le d~but des trans-
formations
de la société britannique, ne pouvait manquer
d'être
intéressante pour un écrivain de l'envergure de George
Eliot.
Bien que Middlemarch ait ~t~ ~crit après Felix HaIt,
l'action du roman se situe avant
le premier Reform Bill.
Dans Middlemarch, George Eliot nous montre les bouleverse-
ments politiques~ mais c'est surtout une étude magistrale de
la vie de province.
1 0 )
Felix 1101 t
the Radical.
On ne peut pas manquer de remarquer le rôle essentiel
.
l ' h'
t
.
l '
d
XIX ème
.•
1
que
Joue
1S
Olre éLng a1se ru.L.L
Slec e dans l'arrière-
plan de Felix liaIt.
On y
retrouve des allusions aux person-
nages et aux événements.
On y
trouve beaucoup d'allusions à
la m~canique ~lectorale. Il est parfois difficile pour le
nages dont
on parle dans le roman 50nt réels
ou bien s ' i l s
sont le produit de l'imagination cr~atrice de George Eliot.
Cornille
pour son pr(;cédent romaJ."l,
Romola,
George Eliot
a entrepris des
recherches
très approfondies
avant de rédiger
.C'l..

Felix Holt
the !ladical. Hais i l est bien évident qu'elle a
éprouvé beaucoup moins de difficultés cette fois-là,
étant
donné que
ses
souvenirs étaient encore vivaces~ bien qu'elle
n'eût qu'une dizaine d'années
au moment où se
produisirent
les
événements qu'elle relate dans
son oeuvre.
De
plus,
la
plupart des acteurs qui avaient pris part à cette ~re de
réformes étaient encore vivants
; elle
a donc
pu recueillir
des
témoignages d'une importance capitale
pour son oeuvre
et elle
a pu égalom~nt ·consulter les
journaux de l'époque.
Nous voyons dans
t"elix Hol t
une grande quanti té de
personnages historiques tels que George III,
lVellington,
Hobert Peel,
\\hlliam IV et Charles II.
En parlant de ces
1..."-
personnages ~
George Eliot
suppose que 1 'histoire des
années
1820 est aussi vivace dans l'esprit de ses lecteurs qu'elle
l'est dans
ceux de
seS
personnages.
Les différentes références historiques que l'on trouve
dans Felix Holt nous donnent un aperçu des
techniques utili-
sées par George Eliot pour traiter son arrière-plan politico-
]listorique.
La ronlanci~re n'explique
jamais ses
références,
pas
plus qu'elle ne donne de dates,
sauf une
f'ois,
dans le
cas du Catholic Emancipation Bill.
(1). Elle suppose que le
lecteur cultivé 'et qui a beaucoup lu est familier avec
les
nom.8 qu'elle
place dans
la conversation.
Certains personnages
tels que Wellington, Peel et George III apparaissent plusieurs
fois dans le livre, et sont habituellement mentionnés par le
même
personnage,
soi t
~!r. Lingon l Nr Wace ou le Révérend Lin-
gan,
par exempJ.e.
George Eliot ne
se consacre
jamais
à des
(1) Eliot, George,
Felix lIol t
the Radical,
( Everyman' s Li-
brary,
1967), Ch.
XX,
p.
192.

1
1
,
-205-
1
,!
,
d8tails
sur W1
personnage historique dans un
seul paragra-
phe révélateur.
Au lieu de cela, elle éparpille des allu-
sions dans tout le texte.
Cette technique,
utilisée dans
Felix liaIt
en ce qui concerne certains
politiciens et bom-
mes d'état,
est considérablement développée dans Niddlemarch.
DBTIS
Felix HaIt,
George Eliot n'évoque pas
seulement
des
personnages historiques de premier plan,
mais aussi cer-
tains
événements historiques
importants·qui se sont produits
entre la Hévolution Française et la promulgation du premier
ReCorm Bill de 18J2.
De ce fait,
elle veut nous faire com-
prendre la nouvelle prise de conscience politique qui se
développait petit à petit dans les esprits des provinciaux
elle nous parle des difficultés que rencontrent les gens ~
des campagnes, des problèmes électoraux. Elle ne cesse d'in-
former le
lecteur sur la signification des Corn La1\\Ts
;
elle
nous rappelle le vote sur l'émancipation des catholiques et
bien sûr, le ReîoTm Bill de 18J2 qui fit
plus que doubler
le nombre des
électeurs.
Dans Felix lIaIt, George Eliot essaie, d'abord et
avant
tout,
de saisir l'atmosphère politique véritable d'une
élection provinciale dans les années 18)0 et ensuite, de mon-
trer le
lien indissoluble qui existe entre la vie d'un indi-
vidu et l'éducation de la société dans laquelle i l vit. George
Eliot nous dit dans le troisième chapitre de Felix Holt
. . . This llistory is chiefly concerned with the
private lot of a few men and wornen
: but there i.s
no pri vate life which has not beell' determined by

-206-
a wider public lire,
from the
time when the pri-
meva1 mi1kmaid had to wander with the wanderings
of her clan,
because the cow she milked was
one
of the herd which had made the pastures bare.
(1)
Ce th~me de la vie d'un individu li~e à celle de son
milieu se retrouve dans
la plupart des romans de George Eliot
et
plus particu1i~rement dans Romola.
Le courant de l'histoire et le milieu qui environne
les
personnages de George Eliot déterminent les destinées
de ceux-ci et c'est pour cette raison qu'elle attachait au-
tant d'importance à l'exactitude et à l'authenticité de
l'arrière-plan politique ou social dans
ses romans.
Et ceci
est ~galement tout à fait vrai en ce qui concerne Ilomola et
plus particulièrement le
personnage de Tito,
conditionné par
.~~
~a ~oci~t~ qui l'entoure. ])ans son journal, nous trouvons
le commentaire
suivant,
à propos de Ramola
It i8 the habit of my imagination to strive after
as
fu1.l
a
vision
of' the
medium in which a
charac-
ter moves as of the character itself'. The psycbo-
logica1 caUSeS which prompted me ta give such de-
tai1s of' Florentine 1ife as l
have given are pre-
cisely the sarne as
those which determined me in
givine the detai1s
of English village lire in Silas
Marner or the Dodson life out
of which were deve-
loped the destinies of' po or Tom and Naggie.
(2)
(1) Fclix Ho1t tbe Radical, Ch.
III,
p.
~5.
(2) Cross,
~.J. ~ George Eliot's Lire as Related in her Lette]
and Journals,
( Edinburgh & London
: Blackwood & Sons·,
1885
), Vol.
II,
p.
JG1.

-207-
Dans Felix Holt,
l'intensitd des dvdnen~nts fictifs
est accrue par ce que Jerome Deaty appelle " technics of
history by indirection 11.
L'histoire est à
jamais présente~
comme pour rappeler l'époque dans laquelle
les
personnages
évoluent. Elle détermine le destin des protagonistes.
C'est
la promulgation du premier Reform DilI qui occasionna la
décision d'Harold Transome de
se présenter aux élections
parlClllentaires dll cornt~ du North Loamshire.
C'est cet
év6ne-
ment qui f i t que les chemins diamétralement opposés de deux
hon~es se crois~rent. Avant de présenter Felix HaIt à ses
lecteurs, George Eliot présente l'histoire dans son rôle de
catalyseur
:
For i f the mixed political conditions of Treby
i'lagna had not been acted on by the passing of
the Reform DilI, i'lr.
Harold Transome would not
have presented himself as a
candidate for North
Loamshire, Treby would not have been a polling-
place, i'ir.
i'iatthew Jermyn would not have been
on affable terms with a Dissenting preacher and
his flock . . .
i t was through these conditions that a young
man named Felix Holt made a eonsiderable diffe-
rence in the life of Harold Transome,
though
nature and fortune seemed to have done what they
could to keep the lots of the two men quite aloof
from each other.
(1)
(1) Felix lIolt
the Radical,
Ch.
III,
p.
45.

-208-
Ainsi,
l'histoire détermine dans une grande mesure
la vie des
protagonistes maj.s
elle n'est
jamais
Llne
en-
trave ~ la fiction. En fait, George Eliot utilise relati-
vement
peu de
personnages et dl~vénements ; mais c'est la
dext&rit& avec laquelle elle introduit ses allusions per-
tinentes qui
joue pour l'authenticité de
la mise
en scène.
L'histoire fournissait
à George Eliot un moyen d 1 intégrer
ses
personn~ges, c'est-a-dire, de mettre en contact diffé-
rentes classes de la soci&t&.
Dans Felix HaIt,
la roman-
cière
présente
l'élection comme
étant W"l lien pratique
entre les dif'férents
personnages qui ne
se
seraient
jamais
rencontrés dans des circonstances différentes.
Les réf'érences
à l'histoire en tant que technique l i tt&raire dnnnent tille
certaine unit& au roman.
George Eliot a pu penser que des
allusions aux personnages,
aux événements,
aux faits,
aide-
raient
ses
lecteurs à visualiser la période concernée.
Le
th~me h~storiq~e a servi aussi de v~hicule pour certaines
de ses propres id&es politiques sur des sujets tels que la
r4f~rm~__ sociale, le rôle de l'6ducation et le scrutin se-
cret. En.fin, George Cliot Itlontre dans Felix Holt the Radical
le
rôle que
jOlie
l'h:i.stoire
erl
d6terminant
le destin de
chaque
être humain,
quelle que
soit
la voie
qu'il
s'est
tra-
c~e dans la vie. Tout bien consid~r~, ce fut la principale
contribution de
GeorG'e El iot
au
d0veloppl':Hlll?nf; dn
romnn
ro.1.:i.-
tique.
2') Middlemarch.
Quand noùs
lisons
Niddlemarch,
nous
voyons
"lm certain

.....,".,.~ --'.. -.
-209-
nombre de
personnages qui ont
participé à la vie politique
ème
de l'Angleterre du XIX
siècle. Nous y
rencontrons des
gens COlnme Robert Peel,
11illiam Wilberforce,
Sir Samuel
Romilly,
liilli"m Huskinson et Lord John Russell.
Il est
également intéressant de noter que des allusions
sont
raites
aux personnalités politiques en même
temps qu1à des
personnalités du monde littéraire,
du monde dé la recherche
médicale ou de la. religion
: Dr.
'vare, Raspail, Middleton
ou encore De Quincey.
Nous
faisons aussi
la connaissance de
personnalités étrangères aussi bien que britanniques.
Comme dans Felix I!olt, George Eliot dans Middlemarch
n'explique
jamais ses rérérences et elle ne donne pas,
non
plus, de dates.
Dans ~dlemorch, on sent que George Eliot
ne veut pas que les événements politiques et historiques
prennent le pas sur les événements de fiction,
mois au con-
traire qu'ils aillent de
pair avec eux.
Les personnages his-
toriques ne nous rappellent que l'époque concernée.
]Jlus
encore dans ~Iiddlemarch que dans Felix Holt,
l'histoire est
constamment présente pour nous rappeler l'époque dans la-
quelle les pcrsonn3ges évoluent.
George Eliot,
comme
le dit
Jerome Deaty,
dans
son article
intitulé
Il
History by indi-
rection:
the Era of Reform in Niddlemarch, Il
presents history dramatically, within the story
as part oC the lives of the eharacters
: she
rarely offers i t directly ta the render as his-
tory.
(1)
Nous pouvons dire que dans Middlemarch,
George Eliot
(1) Reaty, 'Jerome,
" History by indireetion :
the Era of
Heform in Niddlemarch "
Victorian Studies I,
décembre
1957
),
p.
175.

-210-
cherc]1C à donner une certaine couleur historique à l'atmos-
ph~re, à rappeler à ses lecteurs le contexte politique dans
lequel ses personnages évoluent.
Cependant,
elle prend soin
de ne p~s laisser l'histoire prendre une trop grande impor-
tance,
ce qui distrairait le lecteur.
Il est vrai qu'elle
ne parle pas du monde des membres du Parlement et des mi-
nistres dans
la capitale,
mais
plutôt des événements qui
accompagnent une élection provinciale. Elle choisit de re-
présenter l'histoire comme elle aurait
pu être vécue dans
une petite ville des ~1idlands britanniques. Elle trai te
l'histoire de manière indirecte,
aveC
subtilité et ceci con-
tribue,
dans une grande mesure,
à donner une valeur véri-
table à la peinture de la mentalité plutôt rétrograde, et
effrayée par les grands bouleversements de l'ère de la
réforme, des provinciaux de cette époque.
En conclusion, notre
~tude lIOUS am~ne à dire que
~mola marque un tournant dans l'oeuvre de George Eliot,
en
ce_gens que c'est à partir de ce roman que l'histoire est
présente de manière constante dans les autres
oeuvres de la.
romancière.
["elix lIolt et Niddlemarch sont-ils des romans
historiques? Nous
pensons que non.
Mais l'histoire y
est
présente et
joue w) rôle déterminant dans la vie des per-
sonnages.
Il y
a eu W1e évolution certaine,
corrune
le mon-
tre notre étude. dans l'utilisation de l'histoire par George
Eliot.
C'est aussi l'avis d'Andrew Sanders,
quand i l dit que
After Romola,
there is a new feeling for history

-211-
. < . ' . - i n George Eliot 1 s work, wi th the life of the fie-
tional eommunity related outwards ta politieal
events of more than paroehial signifieanee. This
relationship, built up by means of eareful de-
tailing,
and sometimes over-exact reference,
is
established in Romola in mueh the same way as i t
is in Felix 110lt and ~1j.ddlemareh, though i t strikes
most readers
as
lac king the same immediacy and
familiari ty.
(1)
C'est sans doute la préparation et la composition de
Romola qui ont appris à George Eliot à utiliser ainsi l'his-
toire.
Cela nous confirme l'opinion "elon laquelle Romola
marque un tournant dans la vie de
l'auteur.
(1) Sanders, Andrew, The Victorian Historieal Novel,
1840-1880
Ch.
VIII, pp.
169-170.

-212-
ClIAPITHE X.
COJ'ol]lTI;;NT GEOnGE ELIOT CONÇOIT-ELLE L'IlISTOIRE ?
Au cours du XIX ème siècle,
l'histoire connaît une
évolution.
On considère d1abord,
assez longtemps,
qu'il
s'agit d'une discipline appartenant aux lettres et non aux
sciences.
Ceux qui
s'y consacrent sont des écrivains,
sou-
vent talentueux,
mais qui demeurent des historiens amateurs.
C'est seulement avec l'inlluence de naru<e et de l'école alle-
mande,
que succédera à l'histoire littéraire
et narrative
une école plus critique et scientifique. Et tout le monde
ème
s'accorde à dire que l~ XIX
siècle est le
" siècle de
l l histoire
".
Thomas Dabington J'olacaulay et Thomas Carly'le sont,
en
Angleterre,
les deux historiens les plus célèbres.
Dans la
première moitié du XIX ème siècle, Thomas J'olacaulay connaît
une popularité et une influence qui font de lui,
avec l ' é -
cole \\~lig, l'historien le plus célèbre de toute l'époque
victorienne,
avec son History of England dont les cinq tomes
SIo,Rt .putrliés de 18/,8 à 1861.
A cette époque,
seule l'oeuvre de Thomas Carlyle appro-
che la popularité de "elle de Macaulay.
Carlyle,
calviniste
écossais,
utilise l'histoire
pour illustrer ses croyances
éthiques et son programme de réformes sociales.
Son History
of the French Revolution,
publié en 18J7,
est un avertisse-
ment donné aux Anglais et un appel à la lutte contre l'insou-
ciance,
l'injustice et la corruption. Et son History 01 Fre-

-213-
deric the Great,paru entre 1858 et 1865, sera, du point de
vue de l'érudition et de l'exigence
critique,
son étude his-
,torj.que
la
plus
sérieuse et
la plus
importante.
Hacaulay et Carlyle
songent beaucoup moins à relater
les événements dans leurs détails qu'à les expliquer,
à
rechercher leurs
causes
et
à ,établir des lois historiques.
Plut8t que de vouloir recr~er la vie du pass~, leurs ouvra-
ges
invitcllt
le
lecteur h r&f16chir sur le
sens de
l'his-
toire.
Dans
ces
circonstances,
on comprend bien que George
Eliot ait une conception personnelle de l'histoire et donne
à cette derni~~e 11n sens bien pr~cis.
George Eliot commence Homola par un prélude auquel
elle donne le titre de Proem.
Ce prélude nous prépare à
quelque chose de plus général, de plus universel. En effet,
la vue de la ville de Florence depuis la terrasse est par-
t
'
î
t '
d
X'· ème
., l '
d . t
d •
agee par un
an' ome
li
v
J.
SlCC
e
qUl,
nous
l
-on,
e-
couvrira peu de
cbangements
dans
les
rues
et
les
églises
qu'il connaissait autrefois.
En fait,
tout le prélude insiste
maintenant stlr le rait que nous devons voir l'histoire
en
termes de détails f'amiliers,
non pas comme un panorama ou
comme un monde étranger.
Le lecteur est
invité à voir des
similitudes
et non des di.f:fôrences entre la condition humaine
d'alors et celle de maintenant.
Ainsi,
le prélude établit un
lien entre le passé et le présent en une humanité commune.
La terre demeure:
le soleil de 1492
sa,·; the
same great mountain shadows on the
same

-21 11-
village.
(1)
et la continuité du paysage souligne,
par extension analo-
gi,que,
la continuit6 de l'homlue
The great river-courses which have shaped the
lives of men have hardly changed
and those
other streams.
the life-currents that ebb and
flow in human hearts,
pulsate to the same great
needs,
the
same
great loves and terrors.
As our
thought follows close in the slow wru<e of the
dawn,
we are
impressed with the broad
sarneness
of the human lot,
which never alters in the
main headings of its history -
hunger and la-
bour,
seed-time and harvest, love and death.
(2)
George Eliot ne se contente pas de cette image, car
l
.
t
'
V-'Ir ème
. ,
e le cvoque l ' espri
d un Florentin du A'
s~ecle, et
lui fait survoler cette ville quatre cents ans apr~s sa
mort, de sorte que le pont entre le passé et le présent est
établi.
Plus
encore que
la plupart des autres romans histo-
riques anglais, Romola est une étude des personnages et de
4-_.....
.
l'environnement,
pas une
thèse politique ou sociologique
concrétisée.
Bien que nous
en venions à comprendre quelque
chose de la nature des institutions politiques,
de
la foi
.
ème
. ,
et d e
l ' art d e
l ' 1
_ talie du XV
s~ecle
au travers des
si-
tuations que vivent les personnages du roman,
nous voyons
(1) Romola,
Proem,
p.
1
(2) Ibid.,
Proem, p.
1.

-
.. ..... ..
_"---..
-~.
~_
;
~
~.~~~_ ..
-,", ..
. ~".,,.wn W'tTmDlQ'pJ-" 1.. "
-2"15-
aussi dans leurs vies
privées et dans leurs
pensées surtout
non-historiques
-
exception faite de Savonarole
-
leurs
espoirs et leurs actions.
A ce
sujet,
nous
avons tille com-
L~
.pr~lension de l'histoire à travers des détails humains
choisis.
Ainsi,
du particulier,
George Eliot nous
amène au
général.
Dans Romola,
nous voyons l'histoire comme un mou-
vement,
mais
sa signification doit être appréciée seulement
à travers les vies passionnées d'till petit groupe de Floren-
tins.
Il est vrai que,
comme nous le dit Avrom Fleishman,
Homola est semblable à tous les autres romans historiques
de cette 6poque, dont la rorme est celle de la qu@te.
Cette
quête
peut avoir plusieurs motif's,
mais en principe~ le mo-
tif' est surtout religieux.
Cependant, la qu@te de l'h6roïne
du livre de George Eliot est celle d'une puret6 spirituelle.
La conversion de Romola est une conversion qui doit être
appréci(5e
sur le plan purement humaniste.
Cette conversion
est noble,
mais ce n'est
pas à proprement parler une conver-
sion reli[d.euse.
La péninsule italienne est
souvent le lieu de prédi-
lection choisi par les
~crivains pour y situer l'action de
leurs romans.
Comme d'autres écrivains historiques de l'épo-
que,
tels que Heade ou Shorthouse, George Eliot a choisi
l'Italie comme un écran sur lequel elle pouvait projeter les
réponses qu'elle était susceptible d'apporter aux problèmes
qui la touchaient et qui concernaient également
ses contenl-
porains.
Dans Pomola,
George Eliot accorde tille importance
primordiale à la Renaissance qui a été un facteur,
selon

----....~............
-216-
elle, dans le développement intellectuel de l'individu en
particulier et de
l'humanité en général.
Nous assistons
R
une sorte dtaccroissement
parallèle entre l'individu et
I 1 humanit6 en g~n~ral :
l
want something different from the abstract
treatment which belongs 100 grave history from
a doctrinal
point of vicw,
and
something dirre-
rent
from the
schemed picturesqueness of ordi-
nary historical fiction.
l
want brief,
severely
conscientious reproductions,
in their concretc
incidents,
oî pregnant movements
in the
pasto
(1)
Pour George Eliot,
l'imagJ.nation historique est cette
capacité d 1 aller du fait
historique
isolé
jusqu'à sa place
dans la toile plus Rrande de la réalité. Ainsi, dans le ro-
man,
la boutique du barbier est un microcosme de
la société
de Florence.
Dans cette boutique, la société Îlorent~ne,
avec ses
idées,
ses valeurs,
ses personnalités et
ses riva-
lités est représentée.
A travers
le
persoru~age de Savonarole, nous voyons
comment le
privé et
le public sont liés,
conunent
l'histoire
dirige
les vies humaines et est,
à son tour. dirigée par
elles.
Ainsi,
par exemple, l'état de décrépitude et de dégé-
né'r'l?scence morale dans lequel se trouve J<'lorence à
la mort
de Laurent de Nédicis conduit Savonarole à intervenir dans
l'histoire de l'époque.
La mentalité ayant évolué,
et l'Eglise
(1) Fleishman, Avrom, The English Historical Novel, Ch.VI,
p.
157.
D'après
li
Leaves
Îrom a notebook ",
Essars
on
George Eliot,
ed.
Thomas Pinne y , London,
1963
),
pp.
4116
4 117.

-217-
et la papauté se l~B·'.lant contre. lui ,Savonarole a dû payer
le lourd tribut de ses actes.
Romola est écrit selon un concept de développement
historique.
C'est l'expression d1une vue comtienne de
l'his-
toire,
consistant au passage d'une domination théologique
det..'i 'humani té à sa libération dans une religion ct 'humani té.
En erîet,
autrefois,
l'Eglise avait la mainmise
sur toutes
les
affaires
politiques et
économiques du monde.
Nais comme
l ' a dit Comte,
l'humanité se dégage petit à
petit de cette
empri~e. C'est peut-être ce qui explique l'échec de Savona-
role,
homme d'Eglise, dans les affaires politiques de Son
époque.
Mais i l e~t impossible de douter de la pureté des
motifs de Savonarole bien que le prieur de Saint Marc ait
commis une erreur en imaginant qu'on pouvait arriver à tlll
gouvernement
sage et prospère
par des mesures
législatives.
I l ne faut donc
pas chercher des explications à l'échec de
Savonarole ailleurs que dans ses idées qui expriment la
religion médiévale dans
sa :forme la plus élevée et
la plus
pure,
mais une forme qui était
sans vie parce qu'elle n'ap-
partenait
pas h la société de l'époque
d'esprit
séculier.
La conception de l'histoire de George Eliot n'est
pas providentielle.
Pour elle,
l'histoire de l'humanité dé-
pend de lois
politiques et de dOIDlées économiques,
même si
dans Romola,
Savonarole semble dire,
dans
ses
sermons,
que
les malheurs qui frappent
l ' humani té,
que l'es moments som-
bres de l'histoire s'expliquent
par une
punition divine.
George Eliot ne souscrit pas h cette façon de considérer
l'l1istoire comme une science morale.
Corrunent
pouvait-il en

-218-
être
autrement,
étant donné que
la romancière
était
agnos-
tique?
Pour elle, l'histoire est la manifestation
d'un
progrès constant,
d'un progrès matériel,
d'un progrès mo-
ral.
Le développement du sens moral des hommes doit aller
de pair avec l'amélioration des conditions dans lesquelles
i l s vivent.
C'est ce qui ressort d 1 ailleurs de l'~tude de
Romola.
flour George Eliot,
l'histoire qui importe vraiment
est celle des ma.sses mais :surtout celle des individus .-·"}!)tu-
dier l'histoire,
c'est d'abord
étudier les
biographies des
hommes
qui
l'onL:
raite
et
aussi de ceux qui
la subissent.
Il y
a chez l'auteur un grand intérêt pour les héros,
pour
des perSOnJ1ages
exceptionnels
comme Savonarole.
Nous voyons
ici l'inf'lllence de Carlyle et une manifestation des préoc-
cupations de certains intellectuels de l'époque de George
Eliot. En effet,
à partir de 18110 surtout, les j.déalistes
victoriens
essaient d'insuffler à une société où le travail 1
l'économie
et l'argent
jouent un rôle
si
important,
un es-
prit
plus noble
et hérolque.
En même temps,
beaucoup d'au-
teurs,
comme George Eliot,
devenus agnostiques
ou possédant
une
foi
imprécise et hésitante,
tentent de remplacer l'image
divine
par les
personnages héroïques de l 'his·toire ou des
légendes.
Le développement du nationalisme accentue encore
l'admiration pour les héros en Angleterre où le chef de file
de ce mouvement est Thomas Carlyle.
Ses écrits exercent,
en
effet,
W1e influence considérable sur beaucoup d'écrivains
ct sur une p::>.rtie du grand public. En 18/11, dans son étude
. ' On !le_rocs, H'Oro-'Morship and the Heroic in Historx.,
i l expose

-219-
sa conception du grand homme
lie is the living light-fountain, wh±ch i t is good
and pleasant to be near.
The light which enlightens,
which has enlightened the darkness of' the world
and this l10t as a kindled lamp only, but rather as
a natural luminary shining by the gif't of' Heaven.
(1)
_, Ainsi,
l'importance que George Eliot donne à l'action
des individus exceptionnels
s'inscrit dans une
tendance
l i t -
téraIre de
l' époque ~
et n'est
pas
sans avoir des
points
COI11-
muns avec celle de Carlyle.
D'ailleurs,
cette exaltatiGl1
des
héros n'est pas un fait
nouveau chez George Eliot.
La vie
des masses ne m0rite une attention particulière qu'à travers
les
actions des héros qui,
au prix de grands
sacrifices et
de combats moraux agissent pour le progrès et le bien de
l'humanité.
George Eliot pense
aussi~ comme les ge~s de son épo-
que,
que l'6tude de l'histoire doit reposer sur des faits
précis et certains,
afin de dégager un sens.
Ceci explique
d'ailleurs les recherches minutieuses qu'elle a
effectuées
avant d'écrire Ramola aussi bien qu'avant d'écrire Felix
lIolt the Hadical et ~liddlemarch.
A "
, t
t
'
1
<' •
d
X\\T ème
.'
1
lnsl,
en 51
uan
son roman a
a
~ln
li
Slec e,
à une 6poque où Florence est le théâtre de plusieurs boule-
versements~ George Eliot,
au travers d'attitudes morales~ nous
(1) Carlyle, Thomas,
On Heroes. Heroworship and the Heroic
in IIistory,
(London, Chapman and IIall,(18~1) 18~6 )
The IIero as Divinity.
Odin.
Paganism
Scandinavian
Mythologie.
( conf6rence donnée le 5 mai 18~0.

-220-
démontre que l'histoire peut avoir un sens.
En d'autres
termes~ la romancière pense que la recherche d'une sorte
de
progrès spirituel,
incarnée d'ailleurs par Romola,
peut
Fournir une signification à l'histoire.
Nous
pouvon~ donc
dire que la philosophie de l'histoire de George Eliot est,
à la fois,
politique,
sociale,
économique et
surtout huma-
niste.

-221-
CHAPITHE XI.
QUEL JUGEHENT D'ENSENBLE PEUT-ON POHTEH
SUH nONOLA ?
Avant de
juger Ramola,
i l serait intéressant de faire
d'abord un rappeJ. des· caractères d'un roman historique.
1.
QIJEL JUGE~1ENT D'ENSEHBLE PEUT-ON POHTER SUR CE GENRE?
La vogue du roman historique est grande de 1815 a
18 115 et ne disparaît
pas complètement au cours des vingt
années
suivantes.
En eff'et,
depuis \\{averIey,
le
roman his-
torique a
continué de prospérer et
s'est avéré être IllIDe
des formes de lecture la plus populaire.
Nais
très peu de
romans historiques
ont
ét6 des rciussites.
Ces
échecs sont
o
dQs
peut-etre
au genre
lui même qui
implique une
contradiction~
puisque si un livre
est une
oeuvre de
fic_tion,
comment
peut-
i l être de l'histoire,
et
inversement,
s ' i l traite de l'his-
toire,
comment
peut-il être une
oeuvre de fiction?
Tl est donc difficile de combiner la vérité de la
11ature humaine,
qui
est
la partie inlaginative de
l'oeuvre,
avec la réalité de l'l1istoi.re.
En erret,
ou l'auteur peint
un arrière-pla.n historique qui
est crédible et qui est rem-
pli de
perSOntHlges
qui
parlen t
la langue de l'époque,
mais
risquent d'être dénués de v i e ;
ou alors,
l'auteur trans-
pose dans une vie passée des êtres humains qui sont crédi-

" . _ - , , - -
-222-
bles nIais qui
sont de
son ~poque ~ lui.
Est-il alors impossible d'écrire un roman historique
réussi,
Ilaverley. mis à part,
qui satisferait le lecteur du
point de vue de l'histoire et du point de vue de la litté-
rature
?
A cette question,
i l est impossible de répondre oui
ou non.
En ef~et, i l est impossible ~ quelque auteur que
ce soit d'~crire de façon conforme ~ la r~alit~ sur des
mondes qu'il n'a jamais vus et de rendre vivants des
per-
sonnages dont i l a
seulement entendu parler dans les livres
d'histoire.
Car i l existe un grand ~ossé entre cet auteur
et
les gens et
les
événements qu'il décrit.
Ces événements
et ces gens,
i l ne peut pas les voir objectivement par-des-
sus la brume des âges.
I l y
a donc une faille dans son appré-
hension du temps passé.
Il est donc difficile de nlarier l'ima-
gination avec la vérité historique.
L'imagination de l'auteur
n'est pas libre lorsqu'il emprunte à l'histoire des person-
nages,
des événemonts et des décors pour sa création litté-
raire.
Quand i l introduit des personnages historiques dans
des
aventures qui r8lèvent de la fiction,
ou qu'il utilise
des personnages fictifs
dans des événements historiques,
l'imagination de l'auteur dispose d'une plus grande liberté.
~tais dans ce cas, l' exacti tude historique n'est plus de ri-
gueur.
Les films.
dits historiques,
souffrent d'ailleurs
du même mal.
Il Y a donc une distinction à faire entre le roman
historique dont les personnages
principaux sont historiques,

-22J-
tel est par exemple,
le cas de Cing-Hars d'Alfred de Vigny,
et le roman historique dont les personnages principaux,
rictiî8,
évoluent sur un arrière-plan historique.
Homola
appartient ~l cette deuxième catégorie.
Dans les deux -cas,
le romancier éprouve des difficultés.
En effet,
en ce qui
concerne la première catégorie,
l'invention de l'écrivain
est limitcie.
I l peut extrapoler,
COlnpléter à
sa mani~re la
relation de ce qu'ont été la vie et la carrière de ces per-
sorulages historiques.
I l ne peut
pas s'écarter des données
de l'histoire,
en tout cas,
i l ne peut pas la contredire.
Q.uant à la deuxième catégorie,
celle où les person-
nages principaux sont fictifs,
l'écrivain éprouve un manque
d'expérience vécue du passé lointain.
Cette difficulté~ est
très évidente dans Homola où George Eliot n'arrive pas
très
bien à rendre vivant le personnage de Tito et à reproduire
c.. 't...
--
--'
ème
. ,
la couleur locale de Florence au À\\r
slecle.
Quelles doivent être les qualités d'un roman histo-
rique ?
Il ce problème qui a
tant
préoccupé les critiques de
l'époque~ qui n'ont cessé de prodiguer reproches ou conseils
et se sont efforcés d'établir des règles précises permettant
d'écrire un bon roman historiql.le~ nous donnerons en guise de
réponse ce qu'a ~nOJ1C~ Sir Archibald Alison à propos des
quatre impératifs de la réussite d'un roman historique
The rirst requisite
o~ the historical ronlance is
El subject \\"hicll shall be elevated and yet inte-
resting.
(1)
(1) Alison~ Archibald,
" The Historical Homance
l i ,
dans le
Blackwood's Edinburgh ~'Elgazine, ( septembre 18~5 ), Vol.
58,
p.
J118.

incidents cousin-german nt least to those of
i ts
own national existence.
(1)
the story should be su:ffieiently simple,
and
a
certain degree of unit y preserved in the inte-
rest and ernotion which are to be awakened
. . .
in
human passion and feeling.
(2)
characteristic or national manners,
especially
in middle or 10\\'1 life,
should,
wherever i t is
possi-
ble,
be drawTl îrom real li:fe.
(J)
Si Scott et m@nle Kingsley,
Reade ou Dickens ont cicrit
quelques romans historiques qui
peuvent encore sembler excel-
lents de nos
jours, c'est parce qu'ils ont su combiner
tlle tru th or history wi thout i ts monotony -- the
interest of romance without its unreality,
(~)
pour reprelldre les terrnes d'Archibald Alison.
Leurs idées ou
leurs descriptions ont pris un tour plus concret et plus
convaincant en s'appuyant sur l'histoire
et surtout,
la
forme du genre leur a
permis de donner tille image
plus vi-
vante et
plus complète de l'histoire que n'aurait su le
faire un traité d'histoire.
(1) Alison, Archibald,
li
The Historical Romance\\ Il
Vol 58,
p.
J119.
(2 ) Ibid .• p. 351 , J5 1, .
(J) Ibid. , p. J55.
( II )
Ibid.
pp.
JI'1-J56.
u ..

-225-
I l .
QUEL JUG~~HENT D'ENSEHBLE PEUT-ON PORTER SUR RmlOLA ?
Apr~s avoir pass& en revue les &l&ments qui caract~­
rj ,:,ent un bon roman historique,
i l nous
parait maintenant
utile d'examiner Romola en le replaçant dans le genre qu'il
illustre.
Les m~rites litt~raires de Romola sont loin d'Itre
n~gligeables et ils ont d~jà fait l'objet d'une ~tude daIls
un chapitre précédent.
L'intrigue slappuie sur des ressorts
historiques~ politiques, économiques, religieux, familiaux
et sentimentaux.
Les personnages ne sont pas trop nombreux.
Dans Romola~ George Eliot a su a.lterner ou même mêler le sen-
ti.ment et l'action,
la r~fJ.exiol1 et les périp~ties. Mais ce
qui constitue la plus grande réussite litt~raire dtl roman,
ce sont les riches descriptions qu'on y
trouve.
I l n'est que
de penser aux rencontres de Tito et de Baldassare, d'abord
devant le Duomo,
et ensuite sur les bords de l'Arno.
En donn<:l.nt le rôle essentiel à des personnages in-
vent&s,
c'est-h-dire Romo].a et 'fito, George EJ.iot ne s'expose
pas au risque de
présenter la grande figure historique que
repr8sentc Savonarole,
sR.lon son optique personnelle. Elle
se rei'use à faire un port rai t
his torique.
De la sorte,
elle
voit mieux la di.fTérence qui SfJpare un roman historique d 'Wl
ouvrage d'llistoire. En somme,
elle mesure très exactement
les diffieult~s du genre et elle en ~vite certains ~cueils.
Nous devons. maintenant étudier Romola en tant que
roman historique.
Nous avons vu précédemment quels étaient,
selon Sir Archibald Alison,
les principes à
respecter pour
rciussir un bOll roman historique.
Malheureusement.
très peu

-226-
. l "-..
de romans observent ces règles théoriques et ROIllola en est
un exemple îrappant. En e:ffct, la seconde règle de la réus-
site d'un roman historique est respectée dans ROlllola,
car
ème
la
I,'lorence du Xv
siècle
peut être considérée comme assez
proche dLt moment o~ George J~liot ~crivait le rOlnan.
Dans
Homala,
i l existe une unité dans le récit.
Bien que nous
ayons deux catégories de
persormages -
ceux qui sont fictifs
et Ceux qui
sont historiques -
ces personnages ne
sont pas
trop nombreux et i l n'y a qu'une seule intrigue.
Le troisième
principe est n~annloins ignor6.
Dans Romola,
le cours de l'his-
toire est quelque~ois interrompu par des digressions et dans
son récit, George Eliot introduit des éléments de ses recher-
ches minutieuses.
I l y a
beaucoup de descriptions et
trop
peu de
Il
passion and îeeling Il dans Romola.
QU8nt
au quatrième
principe,
i l n'est pas respecté non plus.
I l est d'ailleurs
rarenlent respecté après Scott. Et l'on COllstate que la plus
grande
faiblesse des romans historiques réside sans doute
dans leur manque cle vie.
A Ce
propos,
en parlant de Romola,
llenry James disaii;
. . .
i t does not seenl positively to live.
I t is
ovcrladen ,;i th learning, i t
smclls of the lamp,
i t tastcs
just perceptibly of pedantry.
(1)
Un autrc reproche que l'on peut faire
à George Eliot
dans Homola,
est,
comme nous l'avons vu,
sa façon de trans-
ème
poser d;:ms la Florence du Xv
siècle des Anglais du XIX ème
siècle. I l convient à cet égard de rendre honunage à Sir \\valter
(1) lIarvey,
\\;. J.,
The Art ot' George Eliot '. ( Chatto & lHndus,
London,
1969
),
Ch.
l ,
p.
2J.

-227-
Scott dont la grande originalité COll5i5te à ne pas traiter
l'histoire comme un simple décor,
mnis à la mettre en action
par le
jeu des personnages qlli,
tout en ~tant tr~s indivi-
dualisés,
représentent les
tendances,
les forces,
les groupes
humains qui,
à une époque déterminée, ont pu se trouver aux
prises.
[\\lalgré
le
travail de recherches
considérable accom-
pli par George Eliot, elle n'est pas arrivée à bien rendre
la couleur locale et l'ambiance de la ville de Florence.
Cela s'explicLue par son désir d'éviter toute inexactitude
qu'aurait pu engendrer son imagination. George Eliot n'a pas
su brosser Uil décor intéressant et convaincant de 1a Flo-
ème
rence du XV
siècle,
et de
plus,
elle nIa pas su,
souvent,
ass:inliler les moeurs du pays choisi.
En dépit des intentions de la romancière,
de tous ses
eîÎorts et d'une relative réussite, Romola,
considéré dans
sa totalité,
ne peut prétendre être un roman historique accom-
.l....
__
_,_.
plj..
Ains~, du point de vue llistorique,
George Eliot est par-
tiale!
parce qu'elle n'a donné qu'une vision limitée des évé-
ème
llerllents ct des
tendances de l 'histoire religieuse du Xv
siècle à Florence.
La reconstitution historique de George Eliot est in-
complète et
parîois dés6quilibrée
aj_nsi,
lorsque ses sour-
ces sont prolixes,
ce qui est par exemple la cas pour la
description de
la ville,
George Eliot l'est aussi et procède
h de longues descriptions.
Par exemple,
la visite de Florence
dans laquelle est entrain~ le lecteur est int4ressante. Au
contraire,
lorsque ses sources sont réduites,
elle reruse de

-228-
prendre le risque de les
compléter au moyen de
son imagina-
'-'-
tian et c'est ainsi qu'elle ne dit presque rien sur les
ème
moeurs florentines du XV
siècle.
L'érudition déployée
dans Romola est parfois inutile et pédante
les d:i.gressions
sont fréquentes et l'emploi des mots latins et italiens n'ap-
porte rien au roman et ne
fait qu'alourdir les dialogues.
Une autre limite à laquelle s'est heurtée George Eliot
est une limite de romancière.
Elle a été amenée à déformer
volontairement des faits
historiques parce qu'elle 6crivait
un roman et qu'il lui fallait une certaine liberté pour cons-
truire une
intrigue ou repr~senter des personnages et leurs
sentiments.
C'est ainsi que Romola et Tito,
n'ayant
jamais
existé:
n'ont
pu intervenir de quelque façon que ce soit dans
la vie et
la carrière de Savonarole.
Enfin,
dans Ramola,
comme nous l'avons déjà vu, George
Eliot met l'histoire au service de sa façon de concevoir la
religion.
Cet état de chose correspond
à une tendance géné-
rale de l'époque,
qui consiste ù donner un ton religieux,
moral ou social à
toutes les
formes de
l'art, de la litté-
rature et de
l'histoire.
Au milieu du XIX~me si~cle, l'ar-
tiste,
l'homme de
lettres et l'historien doivent avoir une
philosophie et l'exprimer dans
leurs
ouvrages.
Les romans
historiques n'échappent pas
à la règle.
Ils
tentent d'expli-
quer, de
juger et d'orienter le présent en ressuscitant le
pass~. Ils montrent de la sorte que les racines du présent
se trouvent dans le passé et qu'elles préparent le futur.
Il
s'agit maintenant d'instruire,
d'inciter à l'action et
à la réforme. Homola de George Eliot doit être compris dans

-229-
cette optique,
avec la religion de l'humanité qui se dégage
de la philosophie de la romancière.
Le propos didactique peut nuire à la qualité l i t té-
rail'e.
Ramola n'a pas
6chapp~ ~ cet ~cueil. Cependant, Ramola,
comme
les autres romans historiques,
présente des qualités
r6elles et durables,
parce qu'il rait apparaitre,
sur l'ar-
. ,
I l '
l
l '
XIX ème
. ,
Tlere-p
an
11storique,
es prah
emes du -"
....
51ecle
et
subordonne ainsi la réalité ou l'exigence historique à leur
fonction de
sonnette d'alarme
pour une
prise de conscience
plus responsable de la part de leurs contemporains.
Nous pensons que cette
opinion d'Andrew Sanders résume
bien la réaction des lecteurs de Romola :
Romola has something of the feel of a great Victo-
rian public building,
like G.E,
Street's Law Courts
in the Strand:
i t shares with them a majesty,
a
sobriety,
a completeness and a
scholarship, but i t
remains
somehow bloodless
and u..Tl10vable, perhaps,
given the nature
of its ferm and flll1ction,
neCessa-
rily unlovable.
(1)
En dét'in.i. tive,
George
(~liot s'est essayée à un genre
auquel elle n'a rien apport~ de nouveau. Mais,
en m@me
temps
t.'1..,
_"
que ce genre
a servi de charni~re entre les deux p6riodes

la carrière de
la romancière,
i l lui a permis d'élargir
son horizon en tant qu'écrivain.
(1) Sand"rs, Andrew, The Victorian l1istorical Novel,
18/10-1880
Ch.
8,
p.
1 96 .

-2JO-
CONCLUSION
GENERALE
Nous
arrivons maintenant
au terme ct 'Wle étude qui
vl~ai~ à faire connaître George Eliot en tant que rornancière
:bistorique.
Tout au long de cette étude, nous avons pu constater
que Ronlola mérite l'appellation de roman historique.
Nous
avons vu aussi
que
sa rédaction avait été particulièrement
difficile pour George Eliot.
Romola est probablement le seul
de ses
romans
qui lui ait
causé
autant
de
problèmes dans
la
composition,
et aussi celui pour lequel elle dut entrepren-
dre des recherches considérables et tr~s approfondies. Et
cependant,
nous avons vu que
ce
roman est
l'un des moins
apprécié de George Eliot,
aussi
bien du grand public que de
la critiqlle.
Ses contemporains
f'urent
très durs
pour son
ambitieuse aventure italienne
et~ jusqu'à ce jour, la criti-
que
n'a pas
acclamé
cc
roman que
1 1 auteur elle-mGme,
tenait
en haute
estil1le
et
afl'cctiolt.
Cet
insuccès
s'explique,
à la
îois,
par les faiblesses de l ' oeLlvre en tant que roman his-
torique et
par ses faiblesses
proprement littéraires.
Notons
enfin qu'aujourd'hui,
le d6c1in du roman historique peut
créer un préjugé défavorable à Romola et diminuer ses chan-
ces d'être reconsidér6.
Toutefois,
bien que
le roman ne soit
pas
facile
à
lire,
ni
très
passionnant,
et
en dépit de
tous
ses défauts,
nous pensons que Romola ne mérite
pas
totalement
son insuccès.

-2J1-
En efîet,
comme nous
l'avons déjà vu,
i l est des moments
OÙ nous
retrouvons dans nomola~ la grande romancière que
nous avons
eu l'occasion de connaître
et d'apprécier dans
s~s autres romans. C'est ainsi qu'à notre avis, pour lire
Romola et en tirer le meilleur,
i l îaut le lire simplement
comme un roman.
C'est de cette ~açon-là que nous pouvons
le mieux apprécier cette oeuvre.
Romola est un roman qui
pr'sente des qualit's certaines dans les 'tudes des per-
sonnages de Tito et de Baldassare.
Du point de vue psycho-
logique,
ces deux personnages sont t r a i t ' s de îaçon magis-
trale.
JIu 1'il des pages de Homola,
le lecteur se demande
jusqu'où ira l'avilissement de Tito qui
est un personnage
passiormant,
intéressant et
impressionnant,
dans
la voie
machiavélique qu!il s'est tracée.
Ainsi,
bien que George
Eliot se
soit intéressée à l'histoire, qu'elle nous per-
mette de mieux prendre conscience de
la personnalit' de
Savol1~role dont la vie et la carrj.~re ne sont pa.s toujours
très bien connues des proîanes de
l'histoire
ita.1ienne,
l ' i n t ' r ê t psychologique pr'domine dans Romola.
I l rau·t aussi
lire Ronlola pour mieux comprendre George
Eliot et
son évolution dans
sa carri~re d'6crivain.
C1est
ainsi que Homola a marqué li"} tournant dans la "vie d'écrivain
de George Eliot,
'tant donn' que c'est à partir de ce roman
que l'histoire est
pr'sente de îaçon syst'matique dans les
autres
romans
écrits
apr~s Homo1a, sans que ces romans soient
pour autant des romans historiques.
Par le biais du roman
historique,
nous
prenons connaissance de
la manière dont
L:{:eorge-'E1iot conçoit l'histoire,
l'histoire qui
sera aussi

-2J2-
présente dans Felix HaIt the Radical,
mais mieux utilisée,
et qui îera de Felix HaIt lm plus grand succès que Romola.
Et l'apothéose viendra aveC Niddlemarch dans lequel George
Eliot utilise l'histoire à la perfection, et met l'histoire
au service de l'imagination créatrice.
George Eliot,
en s'essayant avec Romola dans le genre
du roman historique,
a
cependant montré l ' u t i l i t é de cette
t'orme littéraire,
en apportant ainsi
sa contribution à la
Li t(éra_ture anglaise en particulier mais aussi à la li tté-
rature en général.
Car les plus belles pages de Romola sont
celles d'une grande dame cie la littérature.

-2J:l-
DTBLIOGllAPHIE

-2JII-
I.
TEXTES
ET
DOCUNENTS
1.
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(Everyman's Library.
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1972.
Felix 1101 t
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~1iddlemarch, ( Penguin Books, Harmondsworth, England )
197J .
Romola,
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New York-Toronto)
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J'lomola, '(
cidit~ par Guido Diagi, London, Fisher &
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Dent
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-2J5-
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1955,
notamment Vol.
4
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1862-1868 et Vol.
8 :
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25, pp.
383-
392.

ADDITIFS

-2~2-
La page suivante nous montre le plan de Florence
-,
dans la forme actuelle de la ville.
Il est cepen-
dant intéressant de remarquer les principa~~ mo-
numents ainsi que la colline de San Miniato d'où
le fantôme,
dans le prélude,
contemple la ville.

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i
1
1
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1
1

Les pages suivantes sont la photocopie du " Note-
book Il
de George Eliot que nous avons consult~
lors de noS recherches
au British Museum.
Dans
ce
n carnet
Tl,
George Eliot a
consigné beaucoup
de renseignements
sur Florence et
sur Savonarole,
qui lui seront très utiles, par la suite, dans
la rédaction de son roman.

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-25 2 -
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,
,
"
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.1

-25J-
INn8X
Aguecheek,
Andrew (
Sir
),
155.
Ainsworth,
12.
Albert
( Prince
),
7.
Alexandre VI
(Pape),
115, 122,
167, 170, 172, 17 11, 175.
Alexis,
Willibald,
2J.
Alfred ( Roi
),
10.
Alison, Archibald
( Sir
),
J2, 22J, 224,
225,
Amodello, Agostino,
55.
Arnold, Thomas,
J4.
Ashley ( Lord
),
159.
Atkinson,
William,
9.
Balzac,
]'Ionor~ de, 21, 25, 26.
Beat y,
Jerome, 207,
209.
Becker,
Wilhelm Adolph,
21
Deethovert,
L1Jdwig von,
7.
Bellini,
Vincenzo,
7.
Belloc, Henry,
JII,
J6.
Berlioz, Hector,
7.
Biagi, Guido (
Dr.),
44,
46,
48,
5J, 54, 82.
l3iscioni
( Chanoine
),
54.
Bishop, flenry,
7.
Blackwood,
John, 114,
50, 51, 61.
I3lackwood ( ~lajor ), 50.
Dodichon,
Barbara,
198.

....
Borgia ( Famille
),
1011,
167.
Britton,
John,
8.
Brougham ( Lord
),
158.
B,unelleschi,
Filj.ppo,
1117.
Buonarotti, Michelangelo.
102,
1 1'7.
Byron, Ge orge
( Lord
),
1 11.
Cal'poni, Piero,
111,
Carlyle, Thomas,
212,
21J,
218,
219.
Cennini,
~fenico~ ,118.
Charles II
( Roi
),
201,.
Charles VIII ( Roi
),
1, 71,
77,
115. 119,
lJ6,
149,
174,
Chiari,
Lucca~ SIl.
Comte, Auguste,
77.
217.
Congreve
( Dr.
),
78.
Cooper,
James
~el1ilnore, 21,
22.
Cosimo,
Piero di,
148.
Cross,
J.W .• 60.
Dahn,
Felix ~
2"1.
D'Albert-Durade, A..F .•
182.
Dante. l,II,
Dawson,
V,J.,
66.
Dickens, Charles.
12,
)2,
224.
Donatello,
1 117.
Dumas,
Alexandre,
21.
Durand. Michel, 6,
11,
1/'.
Eastlake,
Charles ( Sir
),
7.

-2]5-
Ebers.
George,
21.
Eckstein,
Ernst,
21.
Eldon,
159.
Faraday, ~Iichael, 159.
Ferrario,
SI,.
Ficino, Hareilio,
102,
1 116.
Flaubert, Gustave,
27. 28.
Fleishman, Avron!,
215.
Freytag,
Gustav,
21.
George III ( Roi
),
20~.
Ghiberti,
Lorenzo,
1 117.
Giotto,
96,
129.
Gladstone, "illiam Evart,
65, 16).
Goe the, Johann lVolrgang von,
;20,
22, 6 11.
Gogol,
Nicolas, 2~.
Grant, Charles,
158.
I~ Grey. ( Lord ), 1(,2 •
;.t,.....
Helps, Arthur,
6~.
Hennel,
Sara, (,11,
187.
Holland
( Lord ),
158.
lIugo, Victor,
21, 25.
Hummel,
Johann Nepomuk,
7.
Huskinson, 1Hlliam, 209.
Huxley. Thomas,
157.
Innocent VIII
(·Pape
),
119.

-:25G-
James,
Ilenry,
J9,
65,
67.
80.
Kcble.
John,
158,
162,
16J.
Kingsley,
Charles,
J2,
22~.
[Heist,
2J.
Knoepflmacher. V.C.,
78.
Landsdowne.
158.
Lastu,
58.
Laud,
',hlliam,
162.
Levine,
George,
J,
67,
188,
196.
Le~es, Agnes,
197.
Lewes,
George Henry,
~1, 112, ~~, ~5, ~9, 51, 52,,5J, 56, 58';
61,
62,
6 ~, 77,
78.
Lippi,
51~ .
Liszt,
Frantz,
7.
Litta,
55.
Lukacs, Georges,
1 l~ l
15,
19,
20,
27,
28,
29,
JO,
J1,
J2.
Luther,
Nartin ,
171.
Lytton
( 1'1.1:"5 ), 200.
Machiavel,
Nicolas,
92,
10~.
Naclise,
Daniel,
7.
Macmillan,
Alexander,
~1.
Mahomet,
118.
Main,
Alexander,
~1.
Hanzoni,
Alessandro,
21 l
2J,
2 lr.
Jllarlborough (
Duc de
),
10.
Hartineau, Harriet,
77.
.,

-.'2·57-
~Jaxi.lnilien ( ElllperCllr ). 1J1
Hédicis (
!,[twille
),
2,
71.
Nédicis,
Laurent de,
5, 8,69,71,115,119,125,130,133,
1 J5,
1 J6,
1/12,
1/1/1,
1/17, 1119,
179, 182, 216.
i'lédicis, Pierre de,
115, 1J6,
137,
1/19.
NeirùlOld,
102.
~fendelssohn, Molse~ 7.
Mérimée,
Prosper ~
21,
25.
~leyer~ Conrad Ferdinand,
29.
Higliore,
Leopoldo del,
54.
Nill.
John Stuart,
157.
,
er (
Napoleoll l
EmlJereUr
), 16.
Newman,
John ]"lenry,
157,
158,162,163,164,165,166,167,
170, 171, 176, 177 .
Nietzsche,
Friedrich, 27.
Palgrave,
Froncis Turner,
66.
PaTÙl0rmita.1 116.
Passerini~ Luigi, 55.
Peel, Robert
( Sir
), 7,
~ Perceval, A.P., 164.
'~l"'-
Pitti,
Lucca,
129·
Poggio,
120.
Poli ziano,
1/16.
Pouchkine,
Alexandre~ 2 11.
J1anke,
Leopold von,
11,
12, 27,
212.
na~pail, François-Vincent,
209.
Rastrelli,
125.
Read,
Charles,
32, 215, 224.
Reeve,
Clara,
13.

-258-
..,
Rickman,
Thomas,
8.
Robinson. Carole.
2, 67, 197 .
.:Iii
.
.
iliffRomilly,
Samuel ( Sir ),
209.
'. Ressetti, D.G., 54.
Ruskin,
John,
JJ.
Russell, John ( Lord
),
209.
Sailley, Robert,
15.
Sainte Deuve, Charles Auguslin,
28.
Savonarole~ Jérôme.
2,
JO, L, l, , 48, 58, 59, 70, 71 , 7 2 , 7J,
7G, 77, 78, 79, 107, 1 1 1 , 115 , 116, 117 , 1 18, 119,
120,
121 , 122, 123, 121, , 125, 136, 1 J7 , 138, 139,
1 LIS,
li, 9,
15J, 157,
158,
166, 167, lG8,
169,
170,
171 , 172, 1 7J , 17 11 ,
175, 176,
177,
188, 189, 190,
19G, 199, 200, 215, 216, 217, 218, 225, 227.
Schuman,
Robert, 7 .
Scott, Valter ( S i r ) ,
1 , 7 , 8 , "Il, 12, 13,
14, 17,
18, 19,
20,
21,
22, 2J, 2 L"
25, 29, JO, 32, J3,
40, 41,
L'2,
L, S, 102, 150. 1 SI"
22 1"
226.
Shorthouse,
215.
Smith,
J. IV.,
GI.
Southey, Robert,
12.
Stendhal,
25.
Stephen,
Leslie
( Sir l, G5.
Sybel, Heinrich von,
12.
Tenenti, Alberto,
133.
Tolstoï, Léon,
26.
Tornabuoni,
11.12.
Trollope, Anthony,
64.
Turner, Joseph Mallord,
7.
Varehi,
58.

-259-
Vigny, Alfred de,
2·1,
2 11, 25,
22J,
Villari,
Pasquale, 59, GJ.
118,
119, 1110,
\\\\ra1.tz~ Georg.
12.
Ward,
\\{illiam George,
165.
Wellington, Arthur,
20~,
Wilberforce, Rubert Isaac,
159,
Wilberforce,
William,
159, 209,
Wilkie, David ( Sir ), 7,
William IV ( Roi
), 20~,
Xenophon,
1:J,
U,U]tifM.i\\" ... LLhiAZ
:::

-260-
TABLE
DES
NATIEHES
1
PREMIEJ1E PARTIE.
5
Chapitre I.
LES ORIGINES ET LES PREMIEHS
DEVELOPPE~mNTS DES ROMANS
HISTORIQUES.
6
Â.
Les origines du genre.
6
B. L'extraordinaire développement des
études historiques.
1 ,1
C.
Le roman historique.
12
Chapitre II.
GENERALITES SUR LE nONAN
JUSTOIUqUE.
15
J.
La t'orme classique du roman
lli s torique.
16
II.
Le roman historique et la crise
du réalisme bourgeois.
26
III.
Le roman historique et la rédaction
de l'histoire elle-même.
J2
IV. La lecture du roman historique
est-elle préjudiciable à la
véritable étude de l'histoire?
J5

-261-
DEUXIEHE
1'AI\\TIE.
J8
Chapi tre TTT.
GEt-ŒSE DU not-lAN.
J9
A.
Composition.
J9
B.
Publication et accueil de Romola.
61
Chapitre
IV.
ROH~ OEUVRE ROHANESQUE.
69
Chapitre
V.
RO~!oLA EN TANT QUE RONAN
HISTORIQ\\il; .
1 1 l,
A.
FQits
et personnages historiques
dans Romola.
1 1 4
B.
Valeur de la reconstitution des
institutions,
des nloeurs,
et de
la géographie du pays.
126
C.
Avec Romola, George Eliot a-t-elle
réussi un roman historique
?
150
Chapitre YT.
SHIILTTU1)CS ENTTlE FLORENCE
ème
AIJ Xy
:"IECLE ET L' ANGLE-
'x?:>me
Tl,11HE
DU
X j
~ .."
SIECLE.
15ï
A.
I~tllde de lTAngleterre
religieuse
ct
,["ème
..
1
u X
.. _.•\\.
S ~ cc
e.
B.
Rapprochements entre l'Angleterre
ème
religieuse au XTX
siècle et
~nle
. ,
66
Florence au ,,\\1
s~ecle.
1 '

-262-
ème
Chapitre VTT.
L 'J\\ NG I~ETERRE DU XIX
sn~CLE ( CELLE DE 18JO-18J2
VUE AU 'l'HAVERS DE FLORENCE
èrne
AU ;(V
SIECLE.
178
TROISIEHE
l'AnTIE
185
Chari tre VIII.
DANS
IlmIOLA,
QU'ADVIENT-IL
DES TIIEMES HABITUELLEHENT
CHERS A GEORGE ELIOT ?
186
1.
Le
choix moral.
186
2.
La prise de
conscience.
189
J.
Le
thème de Némésis.
191
Il.
Le déterminisme.
19J
5. Les symboles.
195
6. La religion.
197
Chari tre
IX.
L' InSTOIHE
DANS LES AUTHES
RO~~NS DE GEORGE ELIOT.
202
1.
Felix Hol t
the Hadical
20J
2.
Niddlernarch.
208
Chapitre X.
CON~IENT GEOHGE ELIOT
CONÇOIT-ELLE L'HISTOIRE
?'.
212
Chapitre XI.
QUEL JUGE~IENT PEUT~ON
PORTER sun RONOLA ?
- - -
221

I-
Quel jugement d'cnsemble peut-on
porter sur ce e;enre ?
221
IT.
quel
jugement d'ensemble peut-on
porter sur Homola ?
225
- - -
CO\\lCLUSION GENEI1ALE.
230
BIBLIOGRAPHIE.
23J
l~
..ADD-ITIFS.
------
INDF;X.
- - - -
25J
TABLE DES i'lATIERfi;S.
260.

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