UNIVERSITÉ JEAN MOULIN - LYON III
FACULTÉ DE PHILOSOPHIE
Mèdéwalé-Kodjo-Jacob AG 0 S SOU cjm
LA DIALECTIQUE
DEVI N TER 1 0 RIT É - EX TER 1 0 RIT É
L A VIE DEL 'E S P RIT
Thèse de Doctorat d'État en Philosophie
1990
Directeur de thèse
M. le Professeur Bernard BOU R G E OIS
MA TRI DILECTISSlMAE.
Yatio Mariae Magdalenae
Xo ma nyi mè dé gbé.
La Parole de vérité est plus vieille
que le monde et l'histoire
elle passe le temps
et l'espace.
1
l
N T R 0 DUC T ION
L'intériorité-extériorité de l'immédiat et du médiat
Aller loin c'est bien,
Revenir c'est mieux
(Proverbe Adja-Fon - Bénin)
Mon fils,
tu en as des connaissances
mais, tu n'en maîtrises pas l'esprit
(Idem)
Comme
l'indique
son
sous-titre,
cette
introduction
fera
connaître
le
développement
de
trois
grands
points
d'inégale
importance.
Tout
d'abord,
(A) ,
nous
poserons,
assez
globalement
d'ailleurs,
notre
problématique
et
cela
dans
une
approche
extérieure,
circonstanciée,
disons,
d'une
façon
historico-génétique .
Ensuite,
(B) ,
prendra
place
l'esquisse
des
vrais
mouvements
internes
à
notre
étude
une
sorte
de
mise
en
perspective
de
notre
thématique,
LA
DIALECTIQUE
DE
L'INTERIORITE-EXTERIORITE
ou
LA
VIE
DE
L'ESPRIT
DANS
LA
LOGIQUE
DE
HEGEL
perspective
où
s'indique
déj à
dans
son
commencement
le
but
poursuivi.
Enfin,
(C),
des
questions
d'ordre
pratique
méthode
ou
l'esprit
de
la
démarche,
sources, modèles de référence,
etc.
2
PRO BLE MAT I QUE
A - ACTUALITE
DE
HEGEL
1 - Une intuition encore vivante
Avoir
des
connaissances
sans
pouvoir
en
maîtriser
l ' espri t,
c'est
abri ter
des
fantômes
et
des
cadavres.
Mais
l'esprit de
la connaissance,
quel est-il
?
Lien ou mouvement
du
connaître 1
?
Esprit
ou
puissance
réflexive
?
Réfléchis,
fais
faire
à
ton esprit retour en lui-même pour se regarder
regardant
(do aïxo mè bo lin-kpon
sème en ton for interne
ton
esprit
et
suis
le
procès
de
son
mouvement
de
connaissance)
2.
Ces
réflexions
induisent
une
intuition
capitale,
intuition
surgie
des
propos
et
entretiens
pédagogiques
recueillis
de
feu
notre
père
alors
qu'il
nous
donnai t
des
leçons
sur
les
choses
de
la
vie;
intuition
que
confirme
auj ourd 'hui
notre
fréquentation
de
Hegel
depuis
une
dizaine d'années.
L'oeuvre du philosophe s'est imposée à
nous
comme le résultat d'un effort acharné et réussi en matière de
1 Pour le moment.
nous ne précisons pas ces termes dans leur signification technique
hégélienne.
2 "Do aïxo mè bo lin kpon".
dicton dont nous donnons ici la traduction la plus littérale
possible.
3
lecture
et
de
présentation
systématique
3
de
l'expérience
de
l'esprit 4
disons-le dans son vocabulaire,
"une présentation
systématique de la Chose-même" 5
Mais,
dira-t-on,
quel
intérêt
auj ourd ' hui
à
fréquenter
Hegel,
et surtout pour un Africain? Question aussi inévitable
et
embarrassante
que
difficile.
Plus
d'un
spécialiste
actuel
de la pensée du philosophe n'a pu l'éviter 6
Elle habite donc
le
coeur
du
présent
projet
et
nous
oblige
à
produire
les
raisons du choix que nous faisons du philosopher hégélien.
3 -
Système.
Ce terme est ambigu.
ou ambivalent.
Il désigne d'un côté Une construction morte.
une espèce d'abstraction ou d'analyse uniquement notionnelle,
évacuant la densité existentielle du vécu:
de
l'autre
côté.
il
exprime
le
lien
de
cohérence
nécessaire
structurant
les
éléments
d'un
ensemble
organique.
C'est ce second sens qui est le sens techniquement hégélien.
comme nous aurons à
le montrer
plus loin.
Cf "Encyclopédie des Sciences Philosophiques" § 14 rem.
Traduction de B.
BOURGEOIS pp.
180 -
181 (désigné désormais par le sigle:
Ency § •..
:
Tr.
BB) Cf aussi Pierre-Jean LABARRIERE "Introduction à
une
lecture
de
la
Phénoménologie
de
l'Esprit"
p.
14
note
2
(désigné
désormais
par
le
sigle:
P.J.
LABARRIERE Ileph.)
4 _ Expérience.
Aux yeux de Hegel.
l'Expérience et la Dialectique sont identiques:
l'une peut
définir l'autre.
Le procés ou le mouvement dialectique n'est rien d'autre que celui de l'expérience (die
Erfahrung) .
Cf
"La Phénoménologie
de l'Esprit"
p.
73.1-5;
traduction de
J.
HYPPOLITE
t.
l
p.75.
15-18
(désigné désormais par le sigle:
Ph.G.;
l
'"
).
Cf aussi Ency §§ 79-82 tr.BB pp.
342-344:
tout concept
comme
tout
ce
qui
est
vrai
en général
développe
le mouvement
dialectique
qui
est
également
celui
de
l'expérience
au
sens
hégélien du
terme.
Le
Philosophe
prend
soin
de
distinguer
ce
sens
de
celui
de
l'expérimentation: celle-ci est. dit-il.
toujours contingente (Ph.G. pp.
185sq;
l pp.
206sq.
: "La raison
observante".
L'expérience.
selon
Hegel.
consiste
précisément
en
ceci
"qu'en
soi
le
contenu
-
et
le
contenu est esprit -
est substance et donc objet de la conscience"
(Ph.G.
558.
28-35;
305.21-28).
Nous
reviendrons plus loin sur l'expérience philosophique au sens technique du terme.
5
-
La
"Chose-méme".
Il
s'agit
là pour
Hegel.
et
nous
y
reviendrons.
de
l' obj et
méme
dont
traite
la
philosophie
et
plus
spécialement
"La Science
de
la Logique".
à
savoir.
ce
qui
en
elle
est
essentiel.
le contenu.
l'esprit dont l'auto-mouvement est la dialectique ou l'expérience en vérité.
Par
là Hegel renonce.
comme il sera montré ci-dessous.
à
toute interrogation préalable pour s'attacher à la
"connaissance effectivement réelle de ce qui est en vérité"
(Ph.G. 64.3: 285.6:
l 66.2: 1.324.11).
Cf surtout "Wissenschaft der Logik" p.
23,2 Traduction de P.J. LABARRIERE et G.JARCZYK.
19.2
(désigné désormais par le sigle WL. SL.)
6 -
Il serait long et inutile de mentionner nommément.
sans commettre des oublis graves.
tous
les
spécialistes
de
la
pensée
hégélienne.
Notre
bibliographie
donnera
place
plus
large
à
ceux
qui
touchent
directement
notre
thème.
Déjà.
les
paragraphes
qui
suivent
indiquent
quelques
uns
des
plus
remarquables.
4
2 - Les raisons d'un choix
a)
Un
constat
indiscutable.
Notre
réponse,
dans
son
approche la plus extérieure de la question,
posera d'abord un
constat indiscutable: Hegel est un auteur important 7. Réputée
difficile de
lecture et
de compréhension
-
ce qui
ne manque
pas de vérité -
l'oeuvre de Hegel requiert
par conséquent de
celui
qui
l'aborde,
un
sérieux
effort
pour
saisir
et
comprendre
la profonde et géniale
intuition qu'elle porte et
qui
l'engendre.
Sous
raison
de
l'histoire,
Hegel,
situé
à
l'aube
des
temps
modernes,
représente
de
fait
un
témoin
hautement
supérieur,
réalisant
le
"passage
obligé"
entre
l'Antiquité gréco-romaine et la Modernité encore actuelle.
Il
assume,
mieux,
il sursume la première dans la seconde,
en même
temps qu'il annonce leur devenir dans les temps contemporains
et
présents.
Sa
lecture
du
présent
(Gengenwart)
et
des
événements qui
s' y
inscrivent
repose
fondamentalement
sur
la
signification de son génie dont l'effectuation consiste à lier
ensemble,
disons,
à
réconcilier
(vers6hnen)
tout
le réel,
en
apparence
déconcertant
par
sa
contingence dispersée
8
Voilà
pourquoi le type de réflexion philosophique ici déployé en un
système scientifique 9 s'enracine avant tout dans le sens et le
rôle
reconnus d'emblée à l'esprit par le philosophe.
L'esprit,
-
et pour le dire de façon ramassée -
est une
7 _ P.J.LABARRIERE Ileph p. 13
8 - P.J.LABARRIERE:
"Structure et Mouvement Dialectique dans la Phénoménologie de Hegel" p. 186
(désigné désormais par le sigle: StrMD).
9 _ Voir ci-dessus note 3 et plus bas note 87
6
dans le temps et comme temps" 16
Ainsi
conçu
et
compris,
i l
va
de
soi
que
l' espri t
"se
rebelle,
si
l'on
peut
dire,
contre
l'unilatéralisme
des
accentuations
partielles,
en
suscitant,
face
à
une
option
réductrice,
une option inverse et complémentaire" 17
L'oeuvre gigantesque
issue de cette
intuition de génie,
ainsi que la prise au sérieux de cette propriété de l'esprit,
est
le
fruit
de
la
gestion
d'un
rationalisme
des
plus
rigoureux,
déployé
pour
saisir
le
mouvement
en
tant
que
mouvement
dans
son
instantanéité
à
la
fois
a-chronique
et
u-topique.
Hegel
rend
perceptible
cette mobilité
de
l' espri t
jusque dans les termes qui la portent et qu'elle porte 18
Ces
termes,
comme
aussi
les
expérience
exprimées,
sont
effectivement
en
mouvement
quand
et
parce
que
chacun
d'eux
s'assume
lui-même
comme
l'autre
soi-même.
C'est
ce
que
démontre
le
"syllogisme
hégélien"
19
où
le
"contenu"
est
du
côté
du
moyen-terme,
les
extrêmes
constituant
l' extériori té
formelle.
Or
le moyen-terme est à
la fois
le médiatisé et
le
médiatisant.
Donc
le contenu est médiation de soi
par soi
et
par
l'autre
i l
est
esprit,
c'est-à-dire
Suj et,
puissance
16 - P.J. LABARRIERE: Ileph p. 269
17 _ id.
18 - Ph.G. 22.17-18:
20.19
19 -
"Le
syllogisme".
Au
sens
hégélien
du
terme.
c'est
le mouvement
méme
de
l'intériorité-
extériorité ou le mouvement de l'auto-diction de la plénitude du Concept dont les trois grandes figures
sont.
al
le
syllogisme
de
l'être-là
(réflexion
posante):
Etre:
hl
le
syllogisme
de
la
réflexion
(réflexion extérieure): Essence; cl
le syllogisme de la nécessité (réflexion déterminante); Concept. Nous
y
reviendrons.
ci-dessous.
dans la deuxiéme partie.
Cf aussi
l'ouvrage déjà cité de G.
JARCZYK.
SystL
ch. 3 pp. 89-132
7
réflexive,
mouvement du parcours de la connaissance et de son
"ressouvenir"
20
Tel
est
le
syllogisme
hégélien,
tel
aussi
celui
de
tout
le
système
par
quoi
s'indique
l'unité
ou
l' identi té de
"l'Idée absolue",
du "Savoir absolu de l ' espri t
absolu",
uni té de la réconciliation de la conscience et de la
conscience
de
soi"
21
disant
et
manifestant
le
Tout
de
la
Totalité au moyen d'un foisonnement maïtrisé ...
selon l'ordre
de strictes imbrications" 22
Par là,
Hegel s'avère être à la fois un précurseur et un
novateur
qui,
comme
un
passage
obligé,
s'impose
à
toute
volonté désireuse "d'aborder dans sa technicité le monde de la
philosophie
contemporaine
ou
même
plus
simplement,
de
s'efforcer de comprendre le temps dans
lequel nous vivons"
23
et cela aussi bien en Occident qu'en Afrique: car,
à ce double
point de vue, Hegel est aussi un auteur important.
b)
En
Occident
d'hier
et
d'aujourd'hui.
Quand
parut
Hegel,
le
monde
occidental
traversait
une
profonde
crise
au
double
plan
poli tique
et
culturel.
Par
opposition
globale
à
l'Ancien Régime écroulé,
la modernité naissante était
"encore
bien fragile à
la rationalité du principe démocratique"
24.
La
Préface
de
la
Phénoménologie
caractérise
les
principaux
éléments de cette crise comme étant fondamentalement une crise
20 -
voir note 8
21 _ id.
22 -
P.J.LAB~RRIERE: Ileph p. 70
23 -
id.
pp.13-14
24
-
id.
pp .17-18 et note 12:
J.
RITTER
"Hegel
et
la
Révolution
française",
ci té
par
P. J.
LABARRIERE; B.
BOURGEOIS:
"La pensée poli tique de Hegel".
également ci té par P. J
LAB~RRIERE, note 13
8
de
grave
perte
spirituelle
"L' espri t
est
sorti
de
la
vie
substantielle qu'il menait jadis dans l'élément de la pensée,
de
l'immédiateté
de
la
foi,
de
la
satisfaction
et
de
la
sécurité naissant de la certitude que la conscience possédait
de sa réconciliation avec l'essence et la présence universelle
intérieure
et
extérieure
de
cette
essence"
25
Quel
que
soit le caractère schématique de cette description -
Hegel en
étai t
du
reste
bien
conscient
on
y
perçoit
très
bien
le
visage
d'un
monde
déchiré,
éclaté
ne
sachant
plus
comment
concilier
son
aspiration
â
une
"Totalité-Sens"
avec
la
puissante
activité
de
"l'entendement
diviseur"
26,
en
même
temps que
les
exigences de
la
critique.
Le
résultat
en
fut,
écrit justement F. Guibal,
que "aux évidences métaphysiques et
religieuses
traditionnelles
l'être
stable,
le
divin
immuable,
l'intelligible
substantiel
et
transcendant
ont
succédé
les
antinomies
de
la
réflexion
et
de
l'entendement.
Centre de mesure de l'étant,
le Sujet rationnel reste enfermé
dans des oppositions qu'il ne parvient pas â surmonter: monde
de la finitude coupé du sens ontologique,
de la division sans
réconciliation,
de
l'entendement
incapable
d'accéder
à
la
raison.
Dans
ce monde marqué
apparemment
par le dessèchement
et
la
mort,
la
vie
peut-elle
surgir
et
le
sens
circuler
â
nouveau de manière souple et fluide ?
" 2 7
La réponse â cette
importante
interrogation
fut
toute
l'oeuvre
philosophique
de
Hegel.
Elle affronta cette terrible décadence du sens â
tous
les
niveaux
de
la
culture.
Il
suffit
d'une
lecture
même
25 Ph.G. 13.11-16;
l 9.18-24
26 - Ph.G. 29.24-27;
l
29.6-8.
9
simplement linéaire des grandes articulations de la Préface de
la
Phénoménologie,
d'une
part,
et
de
l'autre,
d'une
----------
particulière
attention
appliquée
au
mouvement
du
sens
des
différentes
structures
et
figures
offrant
leur
visage
achevé
dans
le
dernier
chapitre
(le
Savoir
absolu),
pour
se
rendre
compte
de
l'ampleur
de
la
crise
en
même
temps
que
de
la
qualité
extraordinaire
de
la
réponse
philosophique
proposée
par Hegel.
Une grave et profonde crise de cette ampleur est rarement
autre
chose
qu'une
lourde
perte
de
sens.
Aussi,
la
culture
(die
Bildung)
qui
est
"d'essence
spirituelle"
28
reçoit-elle
de
son
côté
de
sérieux
coups
mortels.
Hegel
s'interroge
en
même
temps
qu'il
cherche
les
conditions
possibles,
la
meilleure
démarche
nécessaire
permettant
à
la
réflexion
philosophique d'accéder au vrai
dans cette tourmente,
afin de
le
présenter
dans
sa
figure
véritablement
scientifique
29.
Il
se
trouve
que
le
vrai
ne
se
laisse
pas
simplement
exprimer
comme
"Substance
mais
précisément
aussi
comme
Suj et"
30
Il
suit
de
là
que
"l'effectivement
réel"
ne
peut
se
poser
que
comme
système
et
en
cela,
i l
faut
que
la
"Substance
soit
--l,\\
essentiellement Suj et"
§ Par conséquent s'impose la tâche de
"conduire
l'individu
de
son
état
inculte
jusqu'au
savoir
considérer
l'individu
universel,
l'esprit
conscient
de
soi
27 - F. GUIBAL : "Dieu selon Hegel" oc. p.
227
28 - Ph.G. 350.22;
II 54.20
29 - Ph.G. pp.
9-19;
1 pp.5-17. Cf aussi notre paragraphe B.3 ci-dessous et la note 3 ci-
dessus.
30 -
Ph.G. 19.26-27; 1 17.3-4. Ph.G.
24.7-12; 1 22.31-33;
23.1-2
10
dans son processus de culture" 31
Or,
la
culture
est
aux
yeux
de
Hegel
"l' espri t
devenu
étranger
à
soi-même.
c'est
donc
dans
cette
immédiateté
effective
de
son
être-là
que
le
philosophe
doit
le
saisir
comme
"le
Soi
de
la
liberté
absolue"
32 ,
par
quoi
l'individu
manifeste sa propre valeur réelle naturelle.
La Phénoménologie
devient
ainsi
histoire
de
la
conscience
naturelle,
de
la
culture
à
partir,
peut-on
dire,
d'une
herméneutique
du
présent 33
aussi se montre-t-elle comme le lieu où se donnent
à
connaître
la
logique
de
l'expérience,
la
logique
de
la
culture historique,
élevée au Savoir Absolu OUl:ç~C!lli:~~0,gique du
\\.'..
LÇ~
Concept
"esprit
vivant
dans
la réalité" ~~'~~~~l'être
,,0 Cc...A M E~. C~\\
et
de
l'essence,
de
l'immédiat
et
de
la l! lTe-:E-rex:ï:en- 3t·:
le
,
.
~
' 0
\\
J
~
Concept
étant,
comme
nous
le
verrons,
"li>;.-,.na~e gtf réel"
~l(;r)eme#
c'est-à-dire
le
retour
à
l'immédiateté
médra-t-i:s'ée
ou
la
médiation sursumée,
le retour à
l'immédiateté paradoxale d'un
présent
désormais
fondé
en
vérité
36.
En
d'autres
termes,
31 - Ph.G.
26.24-27
l
25.23-26.
32
-
Ph.G.
p.350
sq.
;
l
p.50
sq.
C'est
le
thème
de
ces
pages
consacrées
par Hegel
A
la
culture comprise comme le royaume de l'effectivité par où l'esprit devient étranger à lui-même. cf aussi
Ph.G.
pp.
420-422
;
II pp.13B-141 où Hegel développe les horreurs de la Terreur dont
la source est "le
soi de la liberté absolue" dans une activité elle aussi absolue. Ce processus de la liberté de soi absolu
en son effectuation connait en morale les trois développements suivants
: -
1.
La singularité ou le soi
qui agit:
-
2.
L'universalité ou la "belle àme qui
se refuse A l'action:
-
3.
La réconciliation ou le
mal et son pardon.
Cf Ph.G.
pp.445-472 ;
II pp,15B-200.
Nous y reviendrons ci-dessous.
dans le chapitre
4: section C "La dialectique de la liberté".
33 -
C'est ce que Hegel explique dans les pages de l'Introduction A la Phénoménologie.
par où
est
montré
que
la
Phénoménologie
de
l' Espri t
est
à
la
fois
le
déj à
et
le
pas
encore
de
la
Science
Philosophique. Cf Ph.G. 74.34-37 : l 77.11-13.
34 _ Ency. § 162 rem. Tr.
BB. p.409.
35 -
Ency.
§
162 rem. Tr.
BB. p.40B.
36 - Jenenser Realph.
Ed. Hoff. p.272-273.
11
disons que le Concept est finalement la Totalité qui "leste le
présent
de
tout
le
poids
du
périple
logique"
37
Or,
pour
l'heure,
le
monde
n'offre
point
le
spectacle
d'une
telle
unité,
encore
moins
celle
de
cette
Totalité
accomplie
de
l ' espri t
en
son
visage
culturel
38
La
France
des
Lumières
étai t
aux
yeux
de
Hegel
le
lieu
d' effectuation de
l ' espri t.
Avec Diderot,
Rousseau,
Voltaire
... , la raison critique, au
nom
d'un
"Universel
abstrait",
démolissait
toutes
les
garanties
et
certitudes
héritées
de
l'Ancien
Régime.
Pour
assagir cette
raison devenue
"la
folle
du
logis"
parut
donc
d'abord Kant.
Son oeuvre critique éveille l'esprit des jeunes
séminaristes
de
Tübingen.
Ils
s'enthousiasment,
dans
leur
grande majorité,
à
l'idée
de
voir
Kant
présenter
la
liberté
comme
"le
contenu
d'un
vouloir"
39
Dans
le
même
sens,
ces
jeunes s'enflamment pour la Révolution française,
en laquelle
ils voient l'avènement de la restauration de la cité antique.
Toutes
ces
ardeurs
juvéniles
tomberont
assez
vite
la
critique kantienne ne débouchera pas sur la réconciliation du
sujet
et
de
l'objet,
et
pire,
la
Révolution
française
se
prolongera en terrorisme.
Hegel,
quant à
lui,
veut promouvoir
la
"réconciliation de l'ordre et du progrès,
de
la tradition
et de la révolution,
de la nécessité et de la liberté,
de la
substance et de la subjectivité" 40
37 - P.J. LABARRIERE :
"Le Concept hégélien.
identité de la mort et de la vie"
in Archives de
Philosophie.
juillet-septembre 1970. T.33 p. 716.
38 B.
BOURCEOIS "La pensée politique de Hegel" PUF 1969 Ch. 1 p.27-36
39 id. p. 30
40 ibidem p.
32 sq.
12
Pour y arriver,
i l estime qu'on ne le peut qu'en faisant
naî tre la
liberté de l'intérieur et non l'imposer du dehors.
En
effet,
la
liberté,
pour
être
la
liberté
du
sujet
doit
s'anticiper
elle-même
du
for
interne
comme
"sens
de
la
liberté"
(40).
Sa démarche philosophique sera donc d'abord la
critique des différentes critiques et cela,
dans une sorte de
relecture
de
soi-même
et
surtout
de
la
culture
41
Ainsi,
relisant
l ' histoire
de
la
philosophie
occidentale,
sous
l'angle des
rapports entre le sujet et l'objet,
i l en dégage
trois
moments
importants.
Le
premier
et
le
plus
long,
vingt
siècles
environ,
est
marqué
par
la
prévalence
de
l'objet.
De Platon,
on apprend que les degrés de l'être et
du
savoir
sont
en
relation
parfaitement
parallèle.
D'Aristote,
jusqu'à
la
période
scolastique,
la
vérité
a
la
figure
de
l'adage
l'adéquation
de
la
chose
et
de
l'intellect.
Le
second moment se situe au tournant des XV O
et XVI O
siècles
;
le monde connu
jusque-là éclate
;
c'est l'époque des grandes
expéditions vers les terres lointaines:
l'Amérique,
l'Afrique
des
côtes.
L' homme
se
découvre
un
nouveau
visage
au
contact
avec
d'autres
peuples.
Dans
la
réflexion,
la
prévalence
du
sujet
domine.
Descartes
s'enferme
dans
son
poêle
sur
son
Cogito.
La foi chrétienne s'appuie sur le principe protestant.
L'enjeu déterminant
est
la révolution
copernicienne
de
Kant.
Le
philosophe
cherche
avant
tout,
par
la
voie
des
"Prolégommmènes
des
Critiques,
des
Fondements"
42
si
et
comment la raison peut connaître.
On nage dans
le phénomène,
41_ Ency
(1827 et 1830)
§§
19-79
tr.
BB pp.
283-342:
Concept préliminaire
42 - Il s'agit ici du Kant de l'époque des Prolégomènes et des Fondements de la Mètaphysique
des moeurs.
(1785).
13
sans espoir de la moindre rencontre avec la trace de la chose
en
soi
c'est
décidément
le
règne
du
sujet
avec
ses
catégories
a
priori.
Quant
au
troisième
moment,
c'est
Schelling qui
l'inaugure,
mais
i l en reste là,
comme le fera
remarquer
Hegel
qui
portera
le
mouvement
à
son
accomplissement.
Pour
le
caractériser,
P.J.Labarrière
le
formule
en
termes
de
"transcendance
réciproque
du
suj et
et
l'objet
;
l'un
et
l'autre
de
ces
termes
n'étant
que
l'expression,
dans
l'ordre
d'une
dualité
seconde,
de
l'uni té
fondamentale qui fait que l'homme n'existe que comme ce sujet-
au-monde engagé dans un devenir de liberté qui comporte de soi
sa propre traduction ... dans le monde de l ' obj ectivi té" 43
Cette
relecture
est
la
première
forme
du
philosopher
hégélien
;
ainsi
en donnent
connaissance
les
premiers
écrits
de
Iéna,
qui
annoncent déjà
la Phénoménologie de l'Esprit
44,
surtout celle de la certitude sensible.
Il
faut
immédiatement
préciser avant d'aller plus loin que ces moments
ne
sont pas
.
des
périodes
successives
ou
juxtaposées
,
ils
sont
plutôt
comparables
aux vagues marines
qui,
soulevées
et
portées
par
un
courant
interne,
se
déterminent
mutuellement,
les
précédentes disparaissant dans
leur reprise par les
suivantes
et
le
tout
dans
un
jeu
de
mouvement
continuel
qui
fait
la
vie de l'onde.
En Hegel s'achève donc un monde en même temps que s'ouvre
un
autre,
celui
de
l'uni té
des
dimensions
permanentes
de
la
réalité ainsi que nous la présente son système devenu la pomme
43 -
P.J.
LABARRIERE 11eph p.
19
44 -
id.
p.
19 et notes 15 et 16.
14
de
discorde,
même
entre
ses
meilleurs
disciples.
Très
vi te,
les héritiers se rangent en bataille pour le partage.
Les uns,
plus portés
à
conserver plutôt l'uni té
instituée de
la
forme
que celle du
sens du système,
seront nommés
les hégéliens de
droite,
tandis
que
d'autres,
plus
épris
de
progrès,
s'attaqueront
en
iconoclastes
aux
figures
et
autres
formulations
fixées:
on les appelera les hégéliens de gauche.
Or,
l'uni té de
l'oeuvre,
comme indiquée déj à
et
à
développer
plus
loin,
est
d'essence
spirituelle
;
elle
se
refuse
par
conséquent
aux
options
unilatérales
réductrices,
étant
de
nature
mobile
et
universelle.
On
ne
peut
donc
pas
choisir,
parmi ceux qui précèdent Hegel,
entre Descartes et Spinoza,
ni
entre Spinoza et Leibniz,
ni entre Leibniz,
Kant et Fichte, ni
entre Kant,
Fichte et Schelling.
Dans la postérité immédiate,
on
ne
peut
pas
davantage
choisir
entre
Marx
et
Kierkegaard;
encore moins parmi les modernes,
entre les structuralistes et
les philosophes du sens 45
Privilégier
la
notion
de
dialectique,
comme
l'a
fait
Marx,
en
l'appliquant
à
l'élément
de
la
condition
socio-
économique
de
l'existence
humaine,
ne
manque
pas
d'originalité.
Mais
l'élément
effectivement dialectique
peut-
il,
sans
préjudice
de
l'acte
spirituel,
ainsi
se
vider
du
suj et
qui
en
est
le mote@ Ne
tomberait-on
pas
purement
et
simplement dans une option réductrice où la dialectique n'est
plus
qu'un
instrument,
un
médium
appliqué
du
dehors
à
la
chose-même ?
45 - Cette grille s'inspire de P.J Labarrière oc.
Ileph.
14 sq.
15
De son côté,
Kierkegaard n'est pas sans nous toucher de
quelque
façon,
quand
il
proclame
bien
haut
l'intériorité
subjective de la vie de foi.
Il reste cependant à se demander
quel contenu peut avoir un vouloir individuel comme aussi une
liberté personnelle,
tous
deux
à
la
fois
ultra-transcendants
et
condamnés
à
gémir
impuissants
devant
les
nécessités
de
l'existence
historique
il
y
a
là,
sans
équivoque,
des
partialités
figées
qui
ne
peuvent
exister
en
vérité
que
réconciliées.
Les structuralistes et les philosophes du sens offrent à
l'observation
des
remarques
semblables.
Il
ne
fait
doute
à
personne
aujourd'hui
que
la
bonne
maîtrise
des
rapports
socio-économiques des réalités politiques et culturelles passe
par
l'étude
rigoureuse de
leurs
conditions
d' effectivi té que
sont
les
structures
par
lesquelles
ces
phénomènes
se
manifestent.
Inversement,
on
fera
difficilement
admettre
à
quelqu'un une prétendue liberté excédant toutes les conditions
nécessaires de son exercice pratique.
Des deux côtés,
on est
donc renvoyé à
l'uni té d'une structure en mouvement de sens.
Par conséquent,
il ne peut être question de prendre parti dans
le débat qui oppose les structuralistes et les philosophes du
sens,
car dans leur plénitude respective et respectueuse l'un
de l'autre, ces deux courants se déterminent mutuellement.
Nous
étendrons
bien
volontiers,
mais
à
titre
très
provisoire,
ces
énonciations
à
deux
grandes
oeuvres
philosophiques
actuelles
à
savoir
celles
d'Eric
Weil
et
d'Emmanuel Lévinas,
chez qui P.J.
Labarrière voit se dessiner
16
"une
promesse
philosophique
sérieuse"
46
dans
la
"réconciliation
des
deux
types
de
pensée
qui
sont
ici
à
l'oeuvre"
47
Le débat
reste donc
ouvert.
Toutefois et
sans
aucune volonté d'exhaustion,
à
force de schématisme,
ajoutons
y
encore
deux
noms
Nietzsche
et
Freud.
Il
est
aisé
de
montrer
la
profonde
concordance
logique
qu'il
y
a
entre
"l'Eternel
retour"
du
premier
et
le
mouvement
de
l'essence
dans
la
Logique
hégélienne.
L'entreprise
freudienne
et
le
procès
de
la
conscience
dans
la
~hénoménologie de
l ' Espri t
présentent,
de part et d'autre,
un mouvement d'intériorisation
et d'extériorisation.
Que dire enfin de
l'importance profonde de Hegel et de
son
actualité
toujours
vivante,
sinon
que
ce
philosophe
n'appartient plus au seul monde occidental.
Sa patrie est le
monde tout court en son universalité concrète. Cependant,
pour
être et
devenir
un
bon philosophe,
personne
n'est
obligé
de
(.hégélianiser.
Mais,
quiconque
aborde
le
projet
philosophique
1
avec
un brin de
sérieux ne
peut éviter ni
contourner Hegel.
Voilà
pourquoi,
même
pour
l'Afrique
d'aujourd'hui,
Hegel
\\ demeure un auteur important.
c)
Dans
l'Afrique
d' aujourd 'hui.
C'est
une
banalité
triviale,
très
irritante,
de
parler
de
crise
en
regard
de
l'Afrique
actuelle
une
crise
aux
visages
terrifiants,
dramatiques,
tragiques,
affectant
l'ensemble
à
tous
les
niveaux
de
la
vie
socio-politique
et
culturelle
du
Sujet
46 _ ibidem p. 16
17
africain 48.
Des
auteurs
de
talent,
aussi
bien africains
de
naissance
que
d'adoption,
n'ont
pas
ménagé
leur
plume
pour
décrire
et
présenter cette
triste
situation.
Notre
intention
n'est
pas
d' Y revenir
en
tant
que
telle,
mais
d' en
évoquer
simplement
trois
aspects
fondamentaux
eu égard
à
leur
impact
sur notre
problématique.
Cette crise est
essentiellement
une
dépersonnalisation
du
sujet
avant
d'être,
dans
ses
conséquences,
une
profonde
perte
de
sens
au
double
plan
politique et culturel.
D'abord
une
dépersonnalisation.
Trois
moments,
avec
chacun leurs
accentuations propres,
caractérisent cette forme
de crise.
En tout premier lieu vient la période pré-coloniale
qui
se montre marquée par la prévalence de
l'Autre avec tous
ses masques.
Le sujet
reçoit
son
soi
sous
mode
d'octroi.
Il
lui
faut,
pour
préserver
et
conserver
sa
vie
personnelle,
accepter de se soumettre aux impératifs, voire aux caprices de
l'Autre-tout-puissant,
ayant à sa disposition mille médiateurs
et
intermédiaires
(la
nature-cosmos,
la
communauté
ethnique
des vivants et des morts,
les esprits,
etc.)
qui
constituent
chacun,
à tour de rôle ou simultanément,
une menace permanente
de mort.
Dans une telle situation,
l'individu n'est soi qu'en
47 -
ibidem p.
16
48 - Quelques titres significatifs d'ordre indicatif:
F.
Eboussi BOULAGA :
"La crise du Muntu:
authenticitê africaine et Philosophie" Prês. Afr.
1977
Edem KODJO:
"Et demain l'Afrique ... "
René DUMONT:
"Pour l'Afrique j'accuse"
DIAKITE:
"L'Afrique malade d'elle-même".
18
étant toujours par et pour l'Autre,
par voie de services ou de
sacrifices
imposés
du
dehors.
Cette
extraversion
rémanente
annihile purement et simplement la personne du sujet.
Mais le
positif de cette négation de l'individu est le surgissement de
la
Communauté-Sujet,
comme
lieu
et
moment
d'être
et
d'avoir
ensemble ce qu'on est et ce qu'on a
l'harmonie unitaire est
à
ce
prix.
Mais
c'est
une
harmonie
de
groupe
recevant
son
identité du dehors par la médiation même de cette Communauté-
Suj et.
Les
structures
poli tiques,
culturelles
et
religieuses
manifestent
cette
prédominance
de
l'Autre
dans
tous
les
rapports sociaux de l'existence concrète, effective.
Ensuite,
cette
dépersonnalisation,
avec
le
phénomène
colonial,
prend figure dans la mise à mort non plus du seul
individu,
comme
i l
en
allait
auparavant,
mais
de
toute
la
communauté-Sujet
assimilation ou liquidation.
La Communauté-
Sujet est sommée de devenir l'autre-culturel ou de disparaître
en tant que telle et cela,
soit par déplacement dans l'espace
(esclavage des
Noirs
sous
la domination des Arabes,
IX 0,
X0_
XIII °
siècles,
à
travers
le
désert
ou
des
Européens
par
le
système triangulaire : XIV o -
XIX O siècles) 49,
soit par la mise
en
place
d'un
système
pédagogique
dont
la
finalité
vise
l'assimilation
progressive
ou,
ce
qui
revient
au
même,
l'annihilation totale de l'humanité noire.
Enfin,
le visage de cette action mortifère,
aux jours qui
49 - Commerce triangulaire.
ainsi dénommé en raison du trajet suivi:
Europe-Afrique-Amérique-
Europe.
Cf
Ch
de
la
RONCIERE:
"Nègres
et
négriers".
Ed.
des
Portiques
1983.
M.QUINTANA:
"Hombres
en
venta: el drama de la esclavitud à travès los tiempos" Ed. Bruguera S.S. 1946.
19
sont
les
nôtres,
se
déclinent
en
termes
d'apartheid
international avec ses formes locales de terreur et d'horreur:
une volonté délibérée de refus systématique d'intégrer l'autre
en tant qu'autre dans
la
relation du partenariat
responsable
ensemble de devenir de l'humanité.
Jamais époque n'a porté si
haut
l'expression
effective
du
triste
adage
bien
connu
l'homme est un loup pour l'homme.
Sous cette dernière figure,
l'uni té spirituelle de
l ' humani té vit
donc
très
profondément
une
crise
inédite
sans
qu'on
sache vraiment
et
comment
l'en
sortir,
ni
comment
elle
peut
s'en
sortir.
C'est
là
qu'une
lecture
régressive,
partant
de
l'immédiat
effectif
à
son
intériori té réflexive,
peut donner à
connaître la
logique du
mouvement ici en procès.
Sur
le
plan
politique,
le
royaume
de
l'Autre-tout-
puissant avec
sa
réconciliation apparente n'est
qu'un régime
fantoche,
car
l'harmonie
véritable
résulte
des
libertés
en
présence.
De la même façon,
une réconciliation authentique ne
se décrète pas ;
elle se conquiert dans le jeu conflictuel de
la
reconnaissance
mutuelle
des
consciences.
Le
Sujet
est
d'essence
spirituelle,
et
seul
l'esprit
parle
à
l'esprit.
Aucune
figure
matérielle
ne
peut
par
conséquent
en
être
l'expression véritablement achevée.
Voilà pourquoi la culture,
ce lieu privilégié d'émergence de l'esprit,
n'épuise jamais la
totale
puissance
de
mouvement
de
liberté
animant
les
formes
cul turelles,
quelle
que
soit
la
quali té
d'une
espèce
particulière.
Les cultures africaines anciennes,
marquées par
la mort de l'individu à
la Communauté-Sujet,
étaient donc en
soi
moribondes.
Leur
rapport
négatif
au
singulier
le
20
condamnai t
à
n'être
que
des
figures
impersonnelles
l'art
symbolique
y
était
expression
sans
que
quelque
chose
soit
expressément
dit
i l
ouvrait
à
toutes
les
conjectures
la
religion y
était une grandiose épiphanie figurative,
mimétique
et
dogmatique.
Fragiles
dans
leurs
appareils
matériels,
ces
cultures ont pu cependant offrir une résistance inattendue aux
chocs
des
cultures
conquérantes
à
prétention
universelle.
Aussi
ces
dernières,
malgré
leurs
forces
et
formes
sophistiquées,
n'ont-elles
pas
eu
barre
définitive
sur
les
premières pour
la raison bien simple que
l ' espri t
résiste au
rej et de soi
par soi.
L' espri t
est par nature intégration de
soi
par
soi.
Tant
i l
est
vrai
qu'une
identité
culturelle
participe
de
l'unité
spiri tuelle
des
différentes
cultures
"," t\\l.lé4ï~
une unité de sens qui ne fait pas nombre aVe~~d~Yên~~Odes
d'expression,
pas
plus
qu'elle
ne
s'enferme (a@nSAAu~
J.
f.i,.gure
r~ ~
C)
'VI
l , ;
particulière,
mais s'avère bien plutôt
SOu~~~}~n et
de cohérence individuelle et collective.
\\?<:;~ ".
ç"e".g"
~Cnernen\\'::>0
4:.:,
_
.
Voilà exposées,
très brièvement certes,
les raisons d'un
choix
raisons
qui
montrent
assez,
pensons-nous,
que
nos
interrogations
actuelles,
loin
d'aboutir
aux
solutions
préconisées par Hegel,
font cependant réellement partie de sa
problématique.
Il
nous
faut
maintenant
préciser
pour
cela
l'ordre des questions.
21
B - L'ORDRE
GENERAL
DES
QUESTIONS
1 -
Le point de départ
Ce qui précède aura suffisamment dégagé la voie pour nous
permettre
de
risquer
ici
la
formulation
de
notre
problème
principal
arriver,
du
mieux
que
nous
pourrons,
à
saisir,
pour
l'exposer
LE
MOUVEMENT
REFLEXIF
DE
L'INTERIORITE-
EXTERIORITE DE L'IMMEDIAT ET DU MEDIAT ou LA VIE DE L'ESPRIT,
tel que le développe le philosopher
hégélien.
Notre ambition,
exprimée sans_dé:tour ,
envisage d'accueillir pour comprendre,
à
-----------.-
.
l'école
de
Hegel,
le
mouvement
dialectique
de
la
Vie
de
l'Esprit,
un mouvement tel
qu'il exprime à la fois l'Intimité
et
l'Effectivité
réelle
de
la
Vie
du
conce~~
~uvement de
l'Esprit.
Ce
projet
soulève,
dans
son
principe
comme
dans
son
développement,
une
rumeur
de
questions.
La
dominante de ce bruit de fond laisse percevoir en tout premier
lieu
la
question
du
mode
d'approche
l'inévitable
et
incontournable problème du
"Commencement"
50
Il
est double
théorique et pratique.
a)
-
Sur le plan théorique.
Théoriquement parlant,
on a
pris l'habitude de chercher à
fonder
le départ
de la science
qu'on
veut
bâtir
on
en
définit
l'objet,
les
concepts
premiers et autres axiomes de base
;
la méthode,
les lois et
les
règles
de
composition
et
de
fonctionnement
en
sont
établies.
La
fondation
ainsi
posée,
on
invite. à
des
applications
par
des
exercices
à
opérer,
moyennant
quelques
50 - WL.
51.1;
SL.
l
39.1.
Ency de 1827 et 1830 § 17
Tr.
BB p.
183
22
indications
pratiques.
Ce préalable propédeutique obligatoire
s'impose au départ de toute démarche qui se veut scientifique.
Or,
Hegel entend ne pas procéder de la sorte dans
le domaine
de
la
Science
Philosophique.
Ici,
est-il
dit,
"on
ne
peut
présupposer
aucune de ces
formes
de
la
réflexion,
ou de ces
règles et lois du penser
car elles constituent une part de
son contenu et ne doivent être fondées qu'à l'intérieur de ce
qu'elle est"
51
Vouloir le contraire conduirait donc à
poser
au départ de la science une sorte de préalable étranger à
la
Chose-même.
De
plus
un
tel
procédé,
admis
en
philosophie,
présupposerai t
que
"la raison n'est pas capable de connaître
le rationnel" 52.
Il
faut
donc
commencer
par
le
commencement
de
la
"Chose-même"
53
telle que la donne à connaître le philosopher
hégélien.
Cependant,
tout n'est pas pour autant par là résolu
pour
nous.
Il
nous
faut
encore
préciser
ce
point
de
la
"Chose-même". Selon Hegel,
la Chose-même est ce dont traite la
Science
Philosophique,
à
savoir
l'auto-mouvement
de
son
contenu
qui
en
est
l'essentiel
véritable.
Par
ce
concept,
Hegel biffe d'un trait de plume toute recherche de préalable.
Son
objectif
se
pose
comme
"la
connaissance
effectivement
réelle de ce qui est en vérité" 54
il s'attaque par décision
à
ce
par
quoi
existe
le
réel.
Or
celui-ci,
aux
yeux
du
philosophe,
"est
donné
d'emblée
comme
totalité
de
cohérence
51 - WL.
l
23.15-18;
SL.
l
9.15-18
52 - WL.
l 38.34
SL.
l
28.34
53 - WL.
(1812)
l 9.2
SL.
l 9.2
+ note
2;
La "Chose-même" ou ce dont traite la Philosophie.
ce qui en elle est l'essentiel.
l'auto-mouvement de son contenu.
54 - Cf ci-dessus notes 5 et 53.
23
que la Logique analysera pour la poser librement à nouveau" 55
Bref,
la
"Chose-même"
est cette
Totalité dialectique
"qui
se
pose
et
se
détermine
dans
son
unité
même
comme
dialogue
d'elle-même
avec
elle-même
dans
l'affirmation
d'une
liberté qui est,
au creux de chaque chose,
ce par quoi cette
chose s'affirme comme chose" 56. Le point de départ ne doit donc
pas être autre chose que cette
"Chose-même"
l'immédiat tel
que le montre son procès dialectique. Voilà qui est clair.
Mais quant
à
nous qui prenons la décision d'étudier la
vie
du
Concept
dans
l'immense
monument
qu'est
le
Système,
pouvons-nous opérer de la même façon sans trop risquer ? Plus
de cent cinquante ans nous séparent de l'auteur du Système. De
nombreuses et excellentes études et analyses en existent.
Que
faire face à cette double distance ? Faut-il commencer par la
critique
des
critiques
de
Hegel
?
Un
préalable,
certes
passionnant,
mais qui nous conduirait à quoi ?
La visée,
même
honnête,
d'une
pareille
négation
appréciative
manquerait
son
but.
Où
trouver
Hegel
authentique
et
qu'est-ce
qui
nous
donnerai t
la
garantie
de
la
qualité
de
notre
découverte
?
Hegel,
à notre place,
s'amuserait d'une médiation de ce genre,
la
qualifiant
d'être
purement extérieure.
Il
en
est
de
même
d'une
démarche
qui
voudrait
rejoindre
Hegel
par
une
bonne
série de définitions préalablement bien élaborées : des sortes
d'unités de mesure pour Hegel.
Reste peut-être encore une mise en relation du Système
55 - P.J. LABARRIERE:
"Le discours de l'altérité" PUF 1982 p.
112
56 _ ibidem p. 113
24
par rapport à
nous pour y découvrir soit les aspects caducs,
soit ceux qui demeurent encore dynamiques et novateurs.
Aucune
de ces entreprises,
à
notre point de vue,
ne fera
progresser
notre projet.
Toutes manquent notre objectif par
leur
fixité
unilatérale
chose
dont
nous
sommes
prévenus
par
Hegel
lui-même,
comme
étant
toutes
des
présuppositions
inutiles,
voire dangereuses.
Ce sont premièrement
"celle de la validité
fixe
de
déterminations
d'entendement
bornées
et
opposées
en
général;
deuxièmement,
la présupposition d'un substrat donné,
présenté
comme
déj à
tout
prêt,
qui
doit
être
la
mesure
de
référence
pour
déterminer
si
l'une
de
ces
détermination
de
pensée
lui
convient
ou
non
troisièmement,
celle
de
connaissance
comme
d'une
simple
mise
en
relation
de
tels
prédicats
tout
prêts
et
fixes
avec
un
substrat
quelconque;
quatrièmement,
celle de
l' opposi tion du
suj et
connaissant et
de
son objet qui
ne peut être réuni
avec lui
opposition
dont
chaque
côté
doit
être
pour
lui-même
pareillement
quelque chose de fixe et de vrai" 57.
b) - Sur le plan pratique. En revanche, comment pratiquer
le
Système
pour
y
suivre
et
comprendre
la
Vie
de
l ' Espri t,
sans
autre
uni té
de
mesure
que
celle
que
le
Système
est
à
lui-même
?
Ecartant
toutes
ces
présuppositions
et
autres
jugements
traditionnels
sur
l'allure
globale
de
l'oeuvre
de
Hegel
(monisme,
optimisme,
panlogisme,
pantragisme)
58,
nous
estimons que le philosophe est à lui-même sa propre mesure.
Il
nous
faut
donc partir de Hegel
lui-même,
comme
le recommande
57 -
Ency de 1817 § 35
tr. BB p.198-199
58 - G.
LEBRUN:
"La patience du Concept" Gallimard 1972 p.17.
25
A.
Koyré;
cela s'impose pour les deux principales raisons que
sont
la
nouveauté
de
son
mode
de
pensée
et
celle
de
sa
terminologie :
"La philosophie de Hegel prétendant réaliser un
seul
mode
de
pensée
nouveau,
marquant
une
étape
nouvelle
et
supérieure de l'évolution de l'esprit,
un pas décisif
fait en
avant,
i l est clair qu'elle ne pouvait être comprise par ceux
qui,
d'après leur mode de pensée,
étaient restés en arrière et
n'étaient
pas
ses
contemporains
spirituels.
Il
est
clair que
ceux qui ne voient pas la nature positive de la négation et ne
peuvent penser que par des notions rigides et non dialectiques
ne peuvent pas comprendre Hegel.
Il leur faut d'abord acquérir
cette
faculté
de
penser
autrement
qu'ils
ne
l'ont
fait
jusqu 1 ici"
59.
Voilà qui nous ouvre grandes les portes d' accès
au
Système
sans
autre
médiation
impérative
que
le
Système
lui-même
60
Or
celui-ci,
dans
sa
forme
la
plus
extérieure
s'expose et se montre porté dans et par ce qu'il est convenu
d'appeler les "Quatre Grands Piliers" du Système.
· La Phénoménologie de l'Esprit
· La Science de la Logique
· Les Lignes fondamentales de la Philosophie du Droit.
· L'Encyclopédie des Sciences Philosophiques. 61
De
chacune
de
ces
oeuvres
comme
de
leur
ensemble
systématique émergent trois questions-clés qui
sont tout à
la
fois dans leur élément comme dans leur développement,
un lieu
59 _ ibid.
18
" - "n.' .•,",•••, ""'". an"',••• n. nn". '.,,'non, ,••"'.".n ,"·.n •••nn'. 'n.,an••. ')')
61 -
telles sont nos références premières de base
26
et
un
moment
très
importants
pour
l'articulation
de
notre
problématique
l
-
Le principe dialectico -
spéculatif,
ou la question
de l'auto-mouvement de l'esprit.
II
La
systématique,
ou
l'exposé
de
la
Science
Philosophique
dans
l'épure
de
son
mouvement,
ou
la
méthode
absolue de la Science absolue.
III
-
Et
son accomplissement achevé en Savoir,
Idée et
Esprit Absolu.
Ainsi s'indiquent,
après le problème du point de départ,
les
trois
grandes
questions
de
notre
propos.
Reprenons-les
brièvement, chacune pour elle-même.
2 -
Le Principe dialectico - spéculatif
Aujourd'hui encore, on ne manque pas d'entendre crier ici
et là des haros et des hourras sur la dialectique hégélienne . .----.- ..-- .
•••
• __ ••• _ ••
.~ _ _ ••• _._ ••• ".
'_0_'
_ ...~
•
_ .
• •_ . _ ~
~
.~._.~_._._.~n-.'~~'-
Les uns y
voient l'expression la plus hérétique de ce que la
réflexion philosophique ait jamais produit,
l'ambition la plus
abjecte d'un homme voulant tout seul énoncer le réel dans
sa
totalité à -la manière de Dieu avant la création.
D'autres,
en
revanche,
y
trouvent "l'art de mettre sa pensée au diapason du
monde,
de comprendre les choses telles qu'elles passent,
comme
une
totalité
dans
laquelle
s'effectuent
sans
cesse
des
différenciations
s'établissent
des
distinctions
et
dans
27
laquelle
aussi
ces
différences
et
ces
déterminations
qui
tendent chacune pour soi à se maintenir et à
se figer dans la
figure
une
fois
formée,
se
voient
reprises,
effectuées
et
toujours
finalement
récupérées
par
le mouvement
du
tout,
le
développement
interne
de
l'absolu Il
62
C'est
bien
connu
que
blâme et éloge accueillent bien souvent la nouveauté pour des
raisons
d'enthousiasme débordant,
laissant peu de place à
la
réflexion.
Or,
la
Dialectique
hégélienne,
plus
qu'une
nouveauté
à
la
mode,
plus
qu'un
artifice
amusant,
exige
un
effort
soutenu,
une
sérieuse
plongée
dans
son
intimité
spirituelle
pour
la
comprendre
pour
ce
qu'elle
est
IIltrinciPe
strictement
structurant du
Système Il
de
la Chose-
mê e 63. Lisons dans les textes :
"La conscience distingue précisément de soi quelque chose
à quoi,
en même temps, elle se rapporte" 64
Ce
par
quoi
le
Concept
lui-même
se
dirige
plus
avant
c'est
le
négatif
qu'il
a
en
lui-même;
cela
constitue
la
dialectique en vérité" 65
"Nous
nommons
dialectique
le
mouvement
rationnel
supérieur,
dans
lequel
des
termes
qui
paraissent
purement
et
simplement séparés passent par le truchement d'eux-mêmes et en
62 - J.
O'HONOT:
"Hegel.
textes et débats" Lib.
Gén. Fr.1984 p.
19
63 - B.
BOURGEOIS:
"Oia1ectique et structure dans la philosophie de Hegel" in Revue
Internationale de Philosophie" N" 139-140. 1982 p.165
64 _ Ph.G.
58.25;
1 72.32.
65 _ WL.
1 37.30-32;
SL 1 27-28.
28
cela
passent
l'un
dans
l'autre
;
c'est
dans
la
nature
dialectique
de
l'être
et
du néant
eux-mêmes
qu'ils
montrent
leur unité, le devenir,
comme leur vérité" 66
"Le logique
a,
suivant la
forme,
trois
côtés
:
le côté
abstrait ou relevant de l'entendement,
le côté dialectique ou
négativement-rationnel,
le
côté
spéculatif
ou
positivement-
rationnel.
Ces côtés ne sont pas trois parties de la Logique
mais
sont
des
moments
de
tout
ce
qui
a
une
réalité
logique,
c'est-à-dire de tout concept ou de ce qui est vrai en
général" 67
"
La
pensée
en
tant
qu'entendement
s'en
tient
à
la
déterminité fixe et à son caractère différentiel par rapport à
d'autre
Le
moment
dialectique
est
la
propre
auto-
suppression de
telles
déterminations
finies,
et
leur
passage
dans
leurs
opposés
Le
spéculatif
ou
le
positivement-
rationnel
appréhende
l'unité
des
déterminations
dans
leur
opposition,
l'affirmatif qui est contenu dans leur résolution
et leur passage en autre chose ... En tant que la dialectique
a un résultat négatif, celui-ci est précisément comme résultat
en même
temps
le
positif,
car
il
contient
en lui-même
comme
supprimé ce dont il résulte et n'est pas sans lui.
Mais c'est
là la détermination
fondamentale de
la troisième
forme
du
logique,
à
savoir
du
spéculatif
ou
du
positivement
66 _ WL.
l 92.5-10:
SL l 78.23-28.
67 - Ency. de 1827 et 1830 § 79
tr.
BB p.342-343
29
rationnel" 68
Accueillons
pour
les
comprendre
ces
textes
choisis
à
cause de leur impact précis sur notre propos,
le principe du
penser
spéculatif.
Pour
le moment,
nous
ne
releverons que
les traits fondamentaux de la
dialectique hégélienne ; traits
soulignés
par
J.
d' Hondt
dans
le
passage
ci-dessus
ci té
trois
caractéristiques
principales
le
mouvement,
un
mouvement libre et spéculatif.
a)
D'abord
le
mouvement.
Il
se
manifeste
dans
l'expérience de
l'auto-médiation de soi
de
la conscience.
Il
est dit qu'elle "distingue de soi quelque chose à quoi
... en
même temps elle se rapporte".
Par là,
la conscience se montre
capaci té
d'être
conscience
de
soi
et
de
toute
chose.
Cela
implique le mouvement,
un mouvement intérieur au Soi tel qu'il
est
raison de
son
progresser de
soi
à
soi
et
de
soi
à
une
autre
chose.
Hegel
qualifie
un
tel
mouvement
de
"l'âme
motrice"
de
la
dialectique,
c'est-à-dire
le
négatif
qui,
au
coeur
du
Soi,
permet
l'auto-suppression
de
ce
dernier
et
constitue (Macht) le dialectique en vérité. Une progression de
ce
type
présuppose,
dans
sa
structure
mobile,
l'auto-destruction (Zerstorung)
par quoi le passage est rendu
possible.
Ainsi,
nous
voyons
les
choses
particulières
se
présenter
sans
subsistance
véritable
;
elles
se
détruisent
elles-mêmes,
car,
et
selon
les
mots
de
J. d' Hondt,
"finies,
elles
doivent
finir"
69
Mais,
loin d'être
un
anéantissement
68 -
id. §§ 80 et 81 rem.
tr.
BB p.
343-344 Rem.513
69 - J.
D'HONDT:
"Le moment de la destruction dans la dialectique historique de Hegel" in
Rev.lntern. de Philosophie.
N" déjà cité p.
130
30
défini tif,
cette
fluidité
est
reprise
de
Soi
en
devenir,
un
devenir qui donne à connaitre que finalement
"tout finit sauf
le tout" 70
Voilà la vérité du Sujet : conservation de soi par
soi-même dans
sa propre destruction.
Il n' y
a
donc mouvement
dialectique
que
dans
cette
transition
et
transitivité
du
premier immédiat au second immédiat résultant de leur mutuelle
médiation,
condition
d'existence
de
toute
réalité
vraie
"Quand toutes les conditions d'une chose sont présentes,
alors
'elle entre dans l'existence" 71
De ces conditions d'existence,
la première est,
peut-on dire,
le mouvement,
le mouvement du
logique dialectique,
intérieur au réel,
par quoi celui-ci est
tout à la fois auto-conservation dans sa propre destruction et
passage de soi en son autre dans son identité devenue.
Ainsi
s'indique en cette
première
approche,
le
caractère dynamique
et constitutif du progresser dialectique.
Reste à en souligner
l'autonomie libre.
b)
- Un mouvement libre.
Le passage du premier positif au
second
par
le
médian
négatif
est
un
mouvement
libre,
libre
d'une
liberté
qui,
aux
yeux
de
Hegel,
n'est
pas
une
indépendance abstraite,
mais une réflexion en soi de l'absolue
Totalité objective et immédiate.
Et pour le dire dans sa forme
la plus compacte et massive,
c'est la liberté du Concept:
"Le
Concept est ce qui
est libre"
72
Par sa
liberté,
le concept
règne
en
l'ensemble
de
ses
figures
et
manifestations,
étant
70 -
ibidem.
p.128
71 _ WL.
II 99.20;
SL II 141.1-2
72 -
B.
BOURGEOIS artic .. cité p.173
.
La liberté est l'objet méme de la philosophie;
ainsi le
verrons-nous tout au long de cette étude;
pour Hegel.
la Philosophie elle-méme n'est rien d'autre que la
science de la liberté Cf Ency 1817 § 5.
31
"chez
soi
dans
le
particulier
où
i l
se
nie,
dans
la
singularité entièrement présente à elle-même,
dans la négation
infinie d'elle-même
73.
C'est
une
liberté
ornnilatérale
posant
le concept comme une négativité créatrice en le laissant aller
librement
(freientlasst)
hors de
soi.
Aussi,
le voit-on dans
le passage de l'Idée logique
(Concept achevé)
à
la Nature où
la
dialectique
expose
le
passage
intra-logique
(progression
entre
les moments de
l'Idée-logique)
régissant,
dans
la même
liberté,
le
passage
d'un
élément
à
l'autre
de
l'Idée,
tout
comme celui
de
l'Idée absolue
à
son Autre.
Cette
liberté du
Concept
qui
est
tout
à
la
fois
liberté
à
l'égard
des
êtres
comme
aussi
dans
les
êtres
garantit
l'unité
des
déterminations: le spéculatif ou le positivement rationnel.
c)
Un
mouvement
spéculatif.
La
dialectique,
comme
mouvement,
un
mouvement
du
tout
effectuant
librement
sans
cesse
ses
propres
différenciations,
allant
de
soi,
de
soi
à
l'autre-de-soi
en
d'autres
termes,
accomplissant
"le
syllogisme
ou
le
mouvement
de
l'universel,
à
travers
la
détermination,
vers la singularité aussi bien que le mouvement
inverse
de
la
singularité,
à
travers
la
singularité
comme
supprimée ou la détermination vers l'universel" 74 -
évoque par
ce
jeu
de
médiation
ou
de
réflexion
l'image
de
miroir
(speculum)
d'une
part
et
d'autre
part
celle
de
la
mémoire
historique.
Hegel
lui-même utilise volontiers la métaphore de
l'éther pour traduire ce mouvement" de la pure reconnaissance
73 - Ency § 160 tr. BB p.407.
74 - Ph.G.550.16-19;
II
294.27-31.
32
de soi dans l'être-autre absolu"
75
Mais,
comme i l en va dans
le
philosopher
hégélien,
i l
ne
s'agit
pas
de
figer
ni
de
durcir ces comparaisons
i l
faut
seulement en retenir l'idée
de
mobilité
et
de
réflexion
qu'elles
indiquent.
L'important
demeure,
à
ce
troisième
moment
du
progresser
dialectique,
l'affirmation
du
positivement
rationnel,
saisi
dans
l'unité
des
déterminations
dans
leurs
oppositions,
à
savoir
l'affirmatif de leur résultat.
Or,
aux
yeux
de
Hegel,
le
résultat
n'est
jamais
une
simple forme extérieure,
fût-elle celle du
"tout effectivement
réel",
mais
celle
de
l'actualisation du
tout
(Ausführung)
76
Le résultat est résultat seulement dans et avec
le devenir de
la
Chose-même,
ou
l'unité
des
différences.
Le
résultat
est
donc l'unité devenue de l'être-en-soi et de l'être-pour-autre-
.
chose
, il est ce que Hegel appelle la "Réalité" 77
c'est-à-
dire
l'unité
qui
implique
ces
deux
déterminations.
Le
résultat,
en un mot,
se pose comme ce qui a été véritablement
actualisé,
effectué
et,
par
là,
possède
en
soi
son
propre
pourvoir
d'effectuation
aussi
est-il,
comme
nous
les
verrons,
le positivement rationnel ou le spéculatif.
75 -
Ph.G.
24.31-32
l
23,21-23
76 _ Ph.G. 11.15;
17.15
77 - WL. 98.5;
9L l
83.13 et la note 1.
Hegel
développe
longuement ce
terme dans une
remarque inti tulée:
"Signification habituelle de
la réalité".
L'usage courant.
fait-il observer.
oppose le plus souvent l'aspect
extérieur dit concret à
celui intérieur dit seulement pensé ou imaginé.
Ainsi "Realitat" et "Wirklichkeit"
sont identiques.
Mais
Hegel distingue:
-
"Realitat" désigne l'étre-là réfléchi,
c'est-à-dire l'unité de l'être et néant:
être
sous
la
modali té
négative
de
l' être-en-soi;
et
néant
sous
la
modalité
positive
de
l ' être-pour-autre-
chose.
-
"Wi rklichkei t" signe une plus grande proximi té du Concept. exprime l' effecti vi té ou la pléni tude
la plus proche du Concept.
ainsi que nous le verrons plus loin (WL.
II 156sq.
II 227 où l'effectivité se
posera alors
comme un terme technique pour signifier l'unité de l'essence et de l'existence).
33
Une telle unité en réflexion d'elle-même,
progresse dans
un
"mouvement
d'expansion
et
de
contraction,
mouvement
de
diastole et de systole,
qui est comme la pulsion rythmique de
toute
réalité"
78
Le
spéculatif
montre
donc
l'uni té
de
réel
par
le
j eu
de
ses
différenciations,
développe
une
pluralité
d'expressions
toutes
solidaires
les
unes
des
autres
pour
dire sa propre unité qui est tout à la fois celle-même du réel
et de
la
Logique et de tout
le Système.
Ainsi
la dialectique
est-elle
finalement
le
"pur
mouvement
des
essentialités
79
pures"
c'est-à-dire
"ce
qui
détermine
la
substantialité
spiri tuelle
de
la
réalité
en
l'exposant
dans
les
catégories
d'une
rationalité
réflexive"
80
elle
expose
et
montre,
en
tant
que
principe
structurant,
que
"le
logique
pensé
absolument
a
pour
contenu
la
pensée-même
du
logique"
81,
à
savoir
la
"Science
de
la
Logique
qui
est
sa
figure
systématique.
3 - La systématique : le Tout absolument organisé
Ce qui précède s'indique dans
le système hégélien comme
en
sa
figure
véritable.
Dès
1801,
Hegel
pense
"Système
scientifique".
Sa
volonté
est
d'y
travailler.
philosophiquement
"La
vraie
figure
dans
laquelle la
vérité
existe ne peut
être que le système scientifique de cette vérité.
Collaborer à
cette
tâche,
rapprocher la
philosophie
de
la
science
(ce but
78 - P.J. LABARRIERE et G. JARCZYK : Présentation de la Science de la Logique. SL II p. XIII.
1-3
79 _ J.
D'HONDT
"Textes et débats" oc. p.30
80 -
P.J. LABARRIERE et G. JARCZYK:
"Hegeliana" p.
100.
81 -
B.BOURGEOIS: art. cité p. 181.
34
atteint,
elle
pourra déposer
son nom d' amour du savoir
pour
être
savoir
effectivement
réel)
c' est
là
ce
que
je
me
suis
proposé" 82.
Voilà
un
projet
qui
ne
manque
pas
de
donner
à
s'interroger:
d'abord
sur
ce
que
peut
être
un
savoir
philosophique
qualifié
de
scientifique;
ensuite
sur
le
mécanisme
ou
plus
exactement
sur
la
processuali té
d'un
tel
savoir
enfin
sur
les
rapports
mutuels
entre
le
Sujet
et
Système.
a) - La philosophie comme Savoir réel. Hegel entend faire
déposer
à
la
Philosophie
son
nom
traditionnel
d'amour
du
Savoir"
et
lui
donner
un
statut
nouveau,
celui
du
"Savoir
effectivement réel",
c'est-à-dire le savoir même de ce qui est
en
tant
qu'il
est
et
est
à
connaître.
Cela
implique
que
la
philosophie,
en
tant
qu'elle
ambitionne
être
un
tel
savoir
doit
se
démarquer
d'une
connaissance
d'ordre
intuitif,
sensible,
mystique
approche
par
laquelle
le
sujet
connaissant
se
colle,
voire
s'abîme
d'emblée
et
sans
retour
dans l'immédiat de l ' obj et 83.
Or le savoir ne peut mériter le
nom
de
savoir
du
réel
qu'en
étant
un
tout
rationnellement
organisé
sous
la
raison même du
réel
dont
il
est
le
savoir.
C'est
donc
en
fonction
de
cela
seulement
que
le
savoir
est
science.
Par conséquent,
un tel savoir ne sera la vraie figure
de la vérité que dans une expression systématique.
b)
Un
Savoir
scientifique
systématique.
L'objet
hégélien
de
première
importance
est
donc
de
montrer
que
la
82 -
Ph.G.
12.9-14;
1 8.15-25:
texte capital déjà cité.
sur lequel
nous
reviendrons encore à
cause de son importance pour la dialectique hégélienne.
83 - Cf JACOBI cité par B. BOURGEOIS dans sa traduction de la Logique oc. p.
326 note 4.
35
philosophie
doit
être un
Savoir
scientifique
cela
est
"la
nécessité
interne
de
sa
nature"
84
En
elle
réside
"l'explication
satisfaisante"
de
la
présentation
de
la
philosophie elle-même" 85,
explication et présentation montrant
le
savoir
réel
effectif
comme
un
tout
rationnellement
organisé, comme il vient d'être dit et,
en tant que ce qui s'y
déploie
est
le
tout
organisé
en-et-pour-soi,
ce
savoir
est
système:
la philosophie est le système de la science.
Elle est
le
mouvement
d'une
activité
d' intégration
spirituelle.
Faute
de
cette
forme
systématique,
l'entreprise
philosophique
se
condamne
à
être
"une
fuite
continuelle
devant
les
limi tations"
86
"une démarche philosophique sans
système ne
peut rien être de scientifique" 87
Voilà qui
est
fortement
affirmé.
Reste maintenant
à
en
comprendre la portée,
car il y
a système et système.
Il
faut
le préciser.
Dans ce contexte dialectico
-
spéculatif,
il ne
peut s'agir du système au sens d'une
"construction morte dans
laquelle
l'abstraction
de
l'analyse
notionnelle,
au
lieu
de
servir
l'immédiateté
du
vécu,
vient
à
l'enterrer
dans
des
.
cadres
réducteurs
,
dans
ce
sens
on
a
raison
de
vouer
un
système aux gémonies"
88.
En ce sens,
on ne peut justifier un
contenu comme moment de la Totalité. Tout au plus prendrait-on
ses convictions (Gesinnungen) subjectives pour des nécessités.
84 _ Ph.c. 12.15:
l 8.20
85 _ Ph.C. 12.16-17
l 8. 21.
86 - H.NIEL:
"De la médiation dans la philosophie de Hegel". Aubier 1945 p.69 note 7.
87 _ Ency. § 14 rem
tr.
180
88 _ Cf ci-dessus note 3.
36
Le
système
est,
aux
yeux
de
Hegel,
"le
principe
de
la
philosophie"
89
en
tant
que
ce
principe
est,
selon
P.J.
Labarrière,
"le nécessaire effort de cohérence qui consiste à
lier ensemble les éléments dispersés du vécu.
En ce sens,
il
n'existe point de philosophie en dehors de cet effort.
Ainsi
la philosophie est systématique par essence 90
A
ce
prix
et
à
ce
prix
seulement,
la
philosophie
véritable
atteindra
son
but
saisir
l'unité
du
divers,
car
c'est
"le principe d'une philosophie authentique de renfermer
tous les principes particuliers" 91.
Un tel système prendra la
forme
d'un
cercle
fermé
sur
lui-même,
pour
la
raison
tout
d'abord de l'absolu comme Totalité qui s'y expose; ensuite ce
système
total
résulte
des
systèmes
antérieurs
par
voie
du
mouvement
intérieur
de
la
réflexion.
Deux
fonctions
corrélatives caractéristiques de la structure de sens montrent
là
l'uni té
de
leur
application
"fonction
exercée
dans
un
tout
organisé"
indissociable
de
celle
"des
règles
d'organisation
de
ce
tout"
92
double
fonction
dont
la
philosophie est le système et la science.
Or ce savoir en son
unité réelle et effective est savoir de Soi du Sujet.
D'Où la
pointe capitale du projet hégélien
:
"appréhender et exprimer
le
vrai,
non
comme
substance,
mais
précisément
aussi
comme
89 -
Ency § 14 rem.
90 - P.J.
LABARRIERE Ileph.
p.14 loc.cit.
91 -
Ency.§ 14 rem.
loc.cit
92 - J.GAUVIN:
"Note sur les propriétés linguistiques du discours philosophique" in Arch.
de
philosophie
Juillet-Septembre 1965 p.
371
37
Sujet" 93
c)
-
Le Sujet et le Système.
Il revient au mécanisme de
la
réflexion
de
montrer
l t articulation des
liens
nécessaires
entre
les
déterminations
rationnelles
à
l'intérieur
du
mouvement
comme
aussi
en l'exemplification de
cette
uni té en
ses
figures
extérieures.
Le caractère spéculatif du mouvement
dialectique
nous
y
a
déj à
conduits.
En
effet,
avant
d'être
l'acte
du
Sujet
par
quoi
celui-ci
fait
retour
sur
lui-même
comme pour se re-saisir,
avant de prendre ou de se prendre,
la
réflexion est d'abord en première instance la relation simple
éclairée,
du Sujet
face à
un miroir
"qui
lui réfléchit cette
chose qu'il sait être lui-même" 94 ;
elle est le regard qui se
regarde
regarder.
Par
là
la
réflexion
effectue
un
jeu
de
dédoublement
de
dualité
ou
d'opposition
au
moyen
de
la
courbure qui
rejette le projeté vers ce qui
projette et pose
ainsi la relation éclairée de soi sur soi,
laquelle n'est rien
d'autre
que
le
rapport
de
l ' identi té
qui
se
reconnaî t
comme
identi té.
Ainsi
le
mouvement
de
réflexion
est-il
le
procès
intelligible de la relation du même et de l'autre dans l'acte
du
connaître.
Aussi
traduit-elle
en
seconde
instance
la
vie-même
de
l ' espri t.
Secret
ressort
de
l'idée
de
médiation
(comme
nous
le
verrons
plus
loin),
la
réflexion
est
le
mouvement
du
"devenir de
l ' espri t
vers
ce
qu'il
est
déj à
en
soi,
transformation de cet en-soi en pour-soi,
de la substance
en sujet,
de l'objet de la conscience en objet de conscience
93 _ Ph.G.
19.
26-27;
l 17.2-3.
94 - P.M.KLEIN:
"Introduction à la Science de la Logique:
concept général de la Logique" Coll.
Les Intégrales de Philosophie.
Nathan 1985 p.21
38
de soi" 95
Nous voilà,
peut-on dire déjà, de plain-pied au coeur de
cette
dialectique
de
l'Intériorité-Extériorité
où
la
réflexion,
partant
de
l'histoire
(expérience
de
la
conscience),
fait partie de l'absolu où l'esprit (Sujet) est à
lui-même son propre résultat.
Le mouvement de la réflexion est
donc le coeur du Sujet comme de tout le Système scientifique
de
la
philosophie,
ou
inversement
disons
que
la
philosophie
n'est rien d'autre que l'exposé en bon ordre scientifique de
la réflexion systématique.
Dans la prise en compte radicale de
ce mouvement,
par quoi
s'exprime
"le schème
le plus originel
qui
structure
la
pensée
de
Hegel
dans
ses
aspects
et
selon
tous
ses
attendus"
96
réside
l'essentiel
affirmé
de
notre
projet
saisir dans l'uni té de l ' Intériori té-Extériori té,
la
vie
de
l ' Espri t,
telle qu'elle
se donne
à
connaître
dans
la
Réflexion
posante,
la
Réflexion
extérieure,
et
la
Réflexion
déterminante.
Partir de
l'immédiat premier
(totalité première
dans
l'indétermination
de
l'en-soi),
mais
un
immédiat
se
médiatisant
essentiellement
pour
se
poser
dans
l'extérieur
comme extérieur,
immédiat second qui
fait
retour en
lui-même
dans
son
être-autre,
lieu
de
consistance
de
la
figure
plongeant en son essence intérieure;
immédiat tiers (totalité
devenue)
qui
est
détermination de
l'immédiat
premier,
preuve
de
la
concrétude
de
l'intériorité
prime.
Ces
différents
moments
constituent
la
traduction
des
dimensions
qui,
se
présupposant
mutuellement,
sont
l'une
à
l'autre
coextensives
95 _ H.NIEL oc.
p.
70;
note 10
96 -
P.J .LABARRIERE et G.
JARCZYK
"Hegeliana" p.
25
39
et
par
là,
manifestent
le
secret
ressort
de
la
logique
dialectique à l'oeuvre dans le Système comme en chacun de ses
moments.
L'idéalisme
et
le
réalisme
absolus
tout
comme
l'intériorité
et
l'extériorité
absolues
se
montrent
ainsi
comme des schèmes "corn-possibles et co-nécessaires qui vont de
l'extérieur
par
la
médiation
de
l' intériori té
(Logique
objective) et de l'intérieur à l'intérieur par la médiation de
l'extériorité (Logique subjective)" ~ : ainsi y a-t-il de l'un
à
l'autre de ces schèmes un accomplissement qui
fait que les
trois
déterminations-de-réflexion
se
retrouvent
toutes
trois
dans chacune des déterminations du Concept ouvrant accès à une
totalisation qui
fait de chaque moment du Concept
le tout du
Concept.
L'unité du Sujet et du Système est donc une unité de
communion
sous
la
modalité
d'une
fonction
de
contact
à
maintenir,
en dehors de
laquelle cette communion s'épuise et
disparaî t .
C'est
dire
que
cette
uni té
du
Système
se
crée
à
elle-même son propre mode d'expression en quoi il s'expose de
façon systématique.
Un tel Système qui épouse ainsi
"ad-venir
de l'homme à lui-même,
en l'accompagnant dans les méandres de
son
histoire"
98,
possède
en
son
coeur
le
secret
de
sa
plastici té
intérieure:
capaci té
à
la
fois
de
" s' auto-
construire
et
de
s'auto-détruire"
par
quoi
s'explique
sa
double
ouverture
vers
l'extérieur
(disciplines
nouvelles)
comme vers
l'intérieur
(reprise de
ses propres principes)
où
se
comprennent
les
exemplifications
du
Système
en
figures
97 -
idem p.
27
98 - ibidem p.28
40
(effectivités
concrètes)
pratiquées
par
Hegel
lui-même
lesquelles exposent toute la fécondité de sa dialectique.
4 - Effectivité absolue de l'Esprit absolu.
Cette
question
ne
rentre
pas
dans
notre
propos
de
façon
absolument
nécessaire.
Notre
thématique
étant
centrée
sur
la
Science de
la Logique,
elle n'exige donc pas
un développement
qui
s'étende
aux
textes
des
"Grandes
Leçons"
99
oeuvres
posthumes,
refondues
à
partir
des
manuscrits,
parfois
contestables,
et
des
notes,
souvent
peu
sûres,
prises
aux
cours
par
les
étudiants,
le
tout
sans
doute
mis
au
point,
certes avec beaucoup d'art et de compétence,
grâce aux efforts
conjugués
de
Karl
Hegel,
le
fils
du
grand
philosophe,
des
disciples
et
amis
de
son
père
100
;
les
éditions
et
les
traductions critiques
de ces textes sont encore en cours.
Il
n'est
pas
dans
notre
intention
de
leur
donner
la
même
importance qu'aux oeuvres majeures,
encore moins
de reprendre
ici
la
vieille
méthode
jadis
utilisée
par
H.
Niel,
A.
Koj ève . . .
pour
présenter
le
philosopher
hégélien
compilations non critiques des textes d'origine douteuse et de
traductions
approximatives
voire
fantaisistes.
Outre
qu'aujourd'hui la situation est bien changée,
vu l'état avancé
des
études
systématiques
des
oeuvres
majeures
du
philosophe,
99 -
Il
s'agit là des "Grandes leçons"
magistrales données par Hegel.
à Berlin,
entre 1821 et
1831; ces leçons n'ont pas reçu de l'auteur lui-même la mise au point définitive.
pour leur impression en
bonne
et
due
forme.
Cependant.
l'accueil
qu'elles
ont
reçu
du
public
et
des
amis
de
Hegel
est
très
important et montre la vitalité toujours actuelle de la pensée du grand philosophe.
100 -
"vorlesungen liber die Philosophie der Weltgeschichte". Traduction de J.
GIBELIN
(désignées désormais par le sigle: PhWel.
tr.JG)
41
les recherches critiques sur ces
leçons sont mieux
faites
et
assez
bien
diffusées.
L'accès
à
ces
trésors
de
la
science
philosophique
s'en
trouve
plus
facilité,
et
par
ailleurs
la
marge de doute et des hésitations très réduite.
Cependant, notre rapport à ces textes se veut simplement
ponctuel
montrer,
au
niveau
de
cette
introduction,
toute
l'ampleur
de
l'oeuvre
en
son
procès
rédupliqué
en
figures
concrètes,
historiques,
ses manifestations successives et
les
approfondissements possibles et progressifs du même mouvement
dialectique : dans "Les Lignes fondamentales de la philosophie
du Droit;
l'Esthétique;
la Philosophie de la Religion;
et
la Philosophie de l'Histoire".
a) - L'Idée du Droit.
"La science philosophique du droit,
écrit Hegel,
a pour objet l'idée du droit,
le concept du droit
et
son
effectuation"
101
C'est
par
ces mots
qu'est
présenté
l'objet
de
l'ouvrage,
qualifié
par
sa
Préface
en
termes
d'Esquisse
(Grundriss)
et
finalement
formulé
son
titre
de
"Lignes fondamentales"
(Grundlinien).
Hegel voulait par cette
précision
répondre
à
une
double
finalité
d'abord
"mettre
entre les mains de ses auditeurs un fil
conducteur"
pour ses
cours
donnés
"à
l'université
sur
la
Philosophie
du
droit"
;
ensui te
vient
le
second
motif
"donner
plus
d'ampleur
aux
remarques
souvent
brèves
et
allusives"
en
développant
celles-ci dans "une série de remarques plus étoffées que ne le
101 -
"Grundlinien der Philosophie des Rechts" Traduction de
R.
DERATE §
l
(désormais
désignée:
PhRech.
tr.
RD)
42
demandent
en
général
le
but
et
le
style
d'un
compendium"102.
Ainsi sa volonté de toucher un public plus important que celui
du cercle de ses étudiants transforma l'abrégé en un ouvrage
véritablement complet.
Détachées certes de la troisième partie
de
l'Encyclopédie
(La
philosophie
de
l'Esprit,
deuxième
section
l'esprit
objectif),
les
"Lignes
fondamentales
du
Droit"
ont
consti tué,
dans
un
développement
spécifique,
une
autonomie
même
si
la
source
est
dans
le
fleuve,
celui-ci
n'est
plus
celle-là
et
réciproquement,
malgré
les
nouveaux
rapports mutuels de dépendance.
Or,
l'objet ici développé est l'Idée du Droit, le concept
du Droit et la réalisation de ce concept.
Précisons ces deux
termes.
D'abord
celui
de
Droit.
Hegel
l'entend
au
sens
du
"mouvement
de
réconciliation
entre
le
principe
et
l'effectivité (entre la théorie et la praxis,
entre la liberté
et ses conditions) que Hegel enclôt communément sous le terme
d' espri t"
103
Et nous
revoilà avec
l ' Espri t,
partout
présent
dans cette philosophie hégélienne.
La base du Droit est donc
aussi le "spirituel" dont l'essence est la liberté,
comme nous
l'avons montré plus haut et le verrons de
façon plus précise
dans
la
deuxième
partie
de
notre
développement.
Fondé
sur
cette base,
Hegel
peut écrire
"Le terrain du Droit est
le
spirituel
;
son lieu prochain et son point de départ sont la
volonté qui
est
libre,
de
sorte que
la
liberté constitue
sa
substance et détermination et que le système du Droit est le
royaume de la liberté effectuée,
le monde de l'esprit produit
102 _ PhRech. tr.RD "Présentation" p. 7
103 _ Hegeliana pp. 220-221
43
à partir de lui-même comme une seconde nature" 104.
L'esprit et
la
liberté
effectuée,
voilà
le
Droit.
Le
concept
de
Droit
traduit
donc
dans
la
philosophie
hégélienne
une
activité
spirituelle portant en elle-même les conditions et les normes
de
sa propre expression en
figures
concrètes
le droit
est
une
manifestation
de
la
vie
de
l' espri t.
Aussi,
doit-on
le
comprendre comme un concept intégratif,
et du principe et de
l'effectivité,
et non comme une idéalité purement noétique et
abstraite.
Ensuite
et
conformément
à
la
logique
du
philosopher
hégélien,
l'Idée est l'unité du théorique et du pratique. Elle
se pose à la fin de la Science de la Logique comme le Concept
en
son
achèvement
et
concrétude.
Disons
que
l'Idée
est
le
Concept
dans
son
"retour"
réflexif
à
l'immédiateté
de
la
Nature
et
de
l ' Espri t
c'est
l'uni té
pleine
et
achevée
du
réel.
Ces
identifications
posées,
(Droit
==
Esprit
et
liberté
effectuée
Idée
==
Esprit
dans
l'unité
de
sa
concrétude
achevé)
on
est
à
même
de
suivre,
d'abord
dans
sa
globalité
externe,
le
mouvement
qui
gère
le
développement
de
cet
ouvrage
et
qui
en
est
le
principe
organisateur.
Trois
dimensions
structurent
dynamiquement
l'ensemble,
de
façon
à
rendre chacune coextensive au tout
et celui-ci
inversement à
chacune.
Au
degré
un,
peut-on
dire,
le
Droit
naturel
(ou
abstrai t )
s'expose
de
manière
à
montrer
la
nécessaire
concrétion de la liberté se faisant chose,
se
faisant
monde.
104 - PhRech § 4
44
Dimension
où
Hegel
ne
peut
éviter
l ' inévi table. confrontation
de
sa
nouvelle
invention
avec
les
normes
antiques
du
Droit
romain
par là aussi
se donne à connaître la liberté en son
sens
hégélien,
à
savoir qu'elle
n'est
jamais
réelle que dans
son
savoir
et
son
vouloir
avec
les
conditions
de
sa
réinscription
dans
l ' effectivi té
c'est
" le
Concept
parvenu
au monde présent et à
la nature de la conscience de soi"
105
En
cette
auto-diction
de
l'Idée
de
Droits 1 indique
l'uni té
spirituelle
de
tout
l'ouvrage
comme
de
toute
l'oeuvre
hégélienne
à
savoir
la
Liberté,
cette
liberté
qui
n'est
ce
qu'elle est
que dans
le mouvement de son effectuation,
comme
"créatrice
d' histoire"
106
Une
Liberté,
enfin,
par
quoi
l'Esprit se trouve partout chez lui dans le monde,
où rien ne
lui est jamais extérieur ni transcendant,
où le réel se montre
structurellement l'unité de l'intériorité et de l'extériorité,
un
monde
où
tout
rationnel
effectivement
réel
s'expose
identique dans tout réel rationnellement effectif 107 :
d'un tel
Universel concret, l'art est une figure particulière.
b)
-
L'Esthétique.
De l'Idée du Droit à
l'Idée du beau,
c'est
la
même
aventure
de
l ' Espri t
qui
continue.
La
figure
première
de
l'Universel
concret,
disons,
de
la
pensée
de
la
105 _ ibidem § 142
106 _
Hegeliana
p.
228.
107 - Nous paraphrasons ici
la célèbre formule de la Préface de la Philosophie du Droit:
"Ce
qui est rationnel est réel et qui est réel est rationnel",
formule sur laquelle Hegel est revenu en 1827
pour en préciser très longuement le sens,
Cf Ency § 6 tr.BB.
p,168-170
: précision qui articule l'idée.
partout
présente
dans
la
Philosophie
de
Hegel,
de
l'unité
du
Subjectif
et
de
l'objectif.
de
la
"Réconciliation de la raison consciente de soi avec la raison qui est.
avec l'effectivité:
cf note 77
ci-dessus.
45
Totalité
infinie
dans
le
fin
indéfini,
c'est
l'art
avant,
tout,
i l réalise l'unité du sujet et l'objet.
"Le Beau est la
manifestation sensible
de
l'Idée"
108
"
de
telle
sorte
que
cet
élément
sensible
soit
de
part
en
part
et
tout
à
fait
pénétré
par
l'élément
spirituel,
que
l'élément
sensible
n'existe
pas
pour
lui-même,
mais
n'ait
qu'une
signification
dans et par l'esprit et soit le signe"
lM.
Le beau est l'éclat
de l'unité concrète du sujet et de l'objet.
Pour en saisir la
vérité,
i l nous faut comprendre,
à l'école de Hegel,
la place
qu'occupe l'art dans le domaine de l'esprit,
de la philosophie
de
l'art
relativement
aux
autres
disciplines
philosophiques,
le tout sur la base de l'Idée générale de l'art.
L'Idée
du
Beau
se
donne
à
voir
dans
les
caractères
fondamentaux
de
l'oeuvre
d'art.
Tout
d'abord,
l'activité
artistique est une production de l'homme et non de la nature.
L'oeuvre
d'art
est
une
"re-création"
sous
mode
de
manifestation
spéciale
de
l'esprit,
une
forme
particulière
sous
laquelle
l' espri t
se
fait
connaître
l'art
émane
de
l'homme et s'adresse à l'homme.
Celui-ci y exprime en effet sa
conception et son expérience de la vie et de l'existence.
"Par
l'art,
l' homme
cherche
à
exprimer
la
conscience
qu'il
a
de
lui-même" 110.
Pour réussir une telle communication de son vécu,
l'artiste
a
recours
à
la médiation d'un matériau
sensible
par
là
sont
médiatisés
les
rapports
du
di vin
et
de
l' humain
108 - Esthétique [Désigné désormais par le sigle
Esth l p.
144)
cité par GARAUDY dans "Pour
connaître la pensée de Hegel" Bordas Paris 1966 p.164.
109 - Philosophie de la Religion (désigné désormais par le sigle PhRel.
p.
118)
traduction
de R.
GARAUDY
oc.
p.
164
110 _ Esth.
l
tr .. S. JANKELEVITCH p.
26
46
comme
ceux
de
l'infini
et
du
fini
"le
Concept
est
l'universel
qui
subsiste
dans
ses
manifestations
particulières"
111
C'est
ce
support
matériel
qui
a
servi
de
principe
à
Hegel
pour
la
classification
qu'il
a
donnée
des
différentes
formes
d'art.
Mais
de
tous
les
caractères
de
l'art,
celui
qui
le
distingue
le mieux
des
autres
activités
humaines
est
sa
totalité
organique,
image
de
la
liberté.
L'oeuvre
d'art
signale
en
elle-même
sa
propre
fin
qu'elle
réalise
par
l'unité
qu'elle
est,
et
de
l'Idée
et
de
son
support matériel objectif.
Ensuite,
i l faut dire de ces traits qu'ils ne sont rien
d'autre
que
ceux
de
l'Idée
"tout ce
qui
existe
n'est
vrai
qu'en
tant
qu'Idée,
car
seule
l'Idée
a
une
existence
véritablement réelle" 112. Ainsi,
la beauté comme la vérité est
l'Idée.
Mais
l'Idée
belle
est
"la
manifestation
sensible
de
l'Idée" tandis que
l'Idée vraie est véridique en "vertu de sa
nature et au point de son universalité".
Le beau est donc de
nature
spirituelle,
aussi
n'existe-t-il
pas
pour
"une
intelligence
privée de
liberté,
ni
pour
le vouloir
également
fini" 113.
Il
découle
de
là
que
l'artiste
de
génie
n'est
pas
celui
d'une
originalité
singulière,
mais
comme
celui
de
l'unité
du
subjectif
et
de
l'objectif.
"Car
la
vraie
originali té
de
l'artiste,
comme
de
l'oeuvre
d'art,
consiste
dans
la
rationalité
du
contenu
vrai
en
soi,
rationalité qui
doi t
animer
aussi
bien
l'artiste
que
son
oeuvre"
(ibidem) .
111 -
idem p.16D
112 _ ibidem p.16D
113 _
ibidem
47
Ainsi,
la
seule
grande
manière
d'être
un
artiste
de
génie
consiste
à
ne
pas
avoir
de
"manière"
114
mais
à
servir
simplement de médiateur vivant à l'Idée du Beau,
lui permettre
d'offrir
son
éclat
de
charme
et
de
vie.
Mais
c'est
à
l'expérience
religieuse
qu'il
convient
d'intérioriser
cette
unité ainsi extériorisée par l'oeuvre d'art.
c)
La
Philosophie
de
la
Religion.
L' espri t
est
de
nature mobile et libre; aussi se déplace-t-il de l'effectivité
esthétique
vers
l ' intimité
spirituelle
du
cul te
"dans
la
religion,
1 ' esprit qui se sait
soi-même est
immédiatement sa
propre conscience de soi pure" 115.
Ainsi,
la religion est-elle
à l'horizon de l'expérience du Beau comme de toute expérience
humaine.
La
religion apparaît,
écrit
F.
Guibal,
"lorsque les
questions
particulières
tendent
à
se
rassembler
et
à
se
recueillir
dans
une
Question
fondamentale
qui
porte
sur
le
tout de la réalité;
le mouvement est de type ascendant
c'est
la
conscience
de
l'esprit
qui
révèle
son
aspiration
à
la
conscience de SOi"116.
Cette élévation de l'esprit à la liberté
et à
la vérité absolue qu'est la religion confirme,
aux yeux
de Hegel,
l'identité de contenu de l'art,
de la religion et de
la philosophie,
la différence n'étant que dans la
forme
la
religion ou la conscience de l'uni té du fini
et de
l'infini.
Or,
cette identité et unité de contenu se fondent,
comme i l a
été dit plus haut,
sur la révélation de la structure intime de
l ' Espri t
penser c'est lier.
L' espri t
revient
sur
lui-même,
114 _ Esth.
p.
373
115 - Ph.G.474.39-40;
i i 205.8-9
116 _ F GUIBAL oc.
p.39.
48
saisit dans son procès,
à
la fois,
la fin d'une
relation et
le début de
la
suivante;
par là,
l'infini
s'atteint dans
son
immanence
au
fini.
Dans
un
tel
mouvement,
le
croyant
l i t
la
vie
de
Dieu
intervenant
dans
l'histoire
tandis
que
le
philosophe,
d'une conscience éveillée,
contemple
le mouvement
de l'Esprit
"savoir est un rapport,
en soi médiatisé ou bien
par
autre
chose
ou
bien
en
lui-même"
117
La
religion
est
conscience
de
la
présence
de
Dieu,
du
péché
elle
est
perception de la finité des choses et des êtres en même temps
que
saisie
de
l'infinité
absolue,
source
de
malheur
et
d'aspiration conjuguée à
la réconciliation.
Le salut est dans
l'uni té
concrète
avec
soi-même
la
foi
est
tout
ensemble
certitude
de
la
présence
divine
et
assurance
de
notre
justification,
c'est-à-dire la certitude de cette identité de
contenu avec le Sujet tandis que la vie de foi participe avec
l'acte par lequel Dieu se connaît lui-même.
Voilà la médiation
religieuse
absolue,
à
savoir
celle
de
l ' homme
et
de
Dieu,
médiation
qui
montre
comment
"leur
uni té
est
différente
de
leur
différence"
118
La
religion
tout
comme
l'expérience
religieuse,
au
niveau
individuel
et
collectif
est
donc
ampliation
en
figure
concrète
et vécue
de
la
dialectique
du
fini
et
de
l'infini
bref,
de
la
vie
de
l'Esprit.
La
philosophie
de
l' histoire
tout
comme
l ' histoire
de
la
philosophie offre une autre expression de la même dynamique de
l'Esprit.
d)
La
Philosophie
de
l'Histoire
et
1 'Histoire
de
la
117 _ PhRe1 207,
6-7 tr,
JG.
p. 176, 18-19
118 -
id.
207,25-26 tr.
176,35
49
Philosophie.
L'intention
de
Hegel
dans
ces
"Grandes
Leçons"
philosophiques
et
historiques
est
bien
claire
faire
comprendre
philosophiquement
à
ses
auditeurs
comment
un
caractère
national
s'explique
par
le
fait
que
la
pensée
est
l'Idée
motrice
des
peuples.
Par
là,
la
Philosophie
de
l'Histoire
recouvre
l'Histoire
Universelle
mais
elle
se
distingue des commentaires effectués sur des textes abstraits,
pour
des
raisons
précises,
déjà
développées
dans
la
Philosophie
du
Droit
(§§
341-360)
et
reprises
ici
la
Philosophie
de
l' Histoire
Universelle
est
la
"Réali té
spiri tuelle
dans
son étendue
d' intériori té
et
d' extériori té.
Elle est un tribunal parce que dans son universalité en soi et
pour soi,
tout ce qui est particulier,
les Pénates,
la société
civile,
les esprits des peuples dans leur réalité si riche en
couleurs,
n'existent
que
d'une
manière
idéelle
Le
mouvement de l'esprit dans cet élément consiste à mettre cela
en
évidence.
Mais
pas
seulement
un
tribunal,
car
l ' Histoire
universelle est l'histoire de l'Esprit non pas seulement comme
puissance
mais
aussi
et
surtout
de
la
raison.
Aussi
cette
Histoire est-elle
le développement
nécessaire
des
moments
de
la raison et,
par conséquent,
de la conscience de soi et de la
liberté
de
l'Esprit
elle
est
donc
l'explication
et
la
réalisation de l ' Espri t
universel"
119
Elle est donc histoire
philosophique
ou
philosophie
de
l' histoire.
D'une
façon
générale,
il
s'agit
du
mouvement
de
l'extériorisation
de
l r Espri t
dans
le
temps
à
la
manière de
l'Idée,
en
tant
que
Nature,
dans
l'espace.
Mais
la
question
demeure
de
savoir
119 - PhRech §§ 341-342;
tr.
RD pp. 334
passim.
50
comment
reconnaître
la
Nature de
l ' Espri t.· La
Philosophie de
l'Histoire
Universelle
sera
"la
représentation
de
l'Esprit
dans
son effort pour acquérir
le savoir de ce qu'il
est"
120.
L' Espri t
qui,
par
nature
est
capacité de
connaître
et
de
se
connaître
soi-méme,
est
aussi
"jugement
de
sa
propre
nature
l'activité
par
laquelle
i l
revient
à
soi,
se
produit
ainsi,
se
fait
ce
qu'il
est
en
soi"
id.)
La
Philosophie
historique est
donc
la
lecture du
progrès dans
la conscience
de
la
liberté.
La
tâche
du
philosophe
sera
de
repérer
les
liens
nécessaires
des
manifestations
successives
et
des
approfondissements
progressifs
de
ce
mouvement.
Selon
Hegel,
en effet,
les facteurs commandant les phénomènes de l'histoire
sont
de
deux
types
les
uns
d'intérêt
général,
universel, .-
appelés
vertus
(la
volonté
du
bien,
le
noble
amour
de
la
patrie,
la bravoure)
ont un champ d'action faible,
tandis que
ceux
d'intérêt
personnel
et
particulier
(la
passion
personnelle,
la satisfaction de l'égoïsme) sont fortement plus
puissants
parce
que
ces
facteurs
ne
considèrent
aucune
des
bornes du Droit ou de la Moralité.
Ensuite,
ils sont plus près
de l'homme que ne l'est l'éducation artificielle et
longue en
vue de l'ordre, de la modération, du droit et de la moralité.
Par
là
s'explique
donc
la
marche
de
l ' Histoire
universelle des peuples
figures
successives des passions et
des
libertés
humaines
luttes
sans
cesse
reprises
entre
la
volonté
du
bien
commun
(universel)
et
les
intérêts
égoïstes
individuels
les
plus
caducs.
Mais
cette
phase
négative
est
reprise dans
la posi tivi té de
l ' Histoire de
la Philosophie
120 - PhWe1 tr.
JO.
p.27
51
intériorisation
de
la
communauté
des
"nobles
esprits,
de
la
galerie des héros de la raison qui pense,
lesquels
grâce à
cette
raison,
ont
pénétré
dans
l'essence
des
choses
de
la
nature
et
de
l'esprit
dans
l'essence
de
Dieu,
et
ont
élaboré
pour
nous
le
trésor
suprême,
le
trésor
de
la
Connaissance
rationnelle"
121
Ce
point
de
vue
est
fondamentalement
concret
et
toujours
actuel
;
car
i l
montre
l'Esprit à
l'oeuvre dans l'histoire des hommes
l'Esprit qui
a guidé et continue de guider les événements du monde.
Le but
de
l ' Histoire
philosophique
s'indique
comme
l'acte
permanent
de la connaissance
"apprendre à connaître l'Esprit dans son
rôle de guide"
U2.
La Philosophie historique montre la Raison
comme
la
"substance et puissance
infinie,
la matière
infinie
de
toute vie naturelle ou spirituelle"
(id.),
"substance qui
est ce par quoi et en quoi toute réalité trouve son être et sa
consistance"
(ibid.).
L'Histoire philosophique est donc foi en
la
raison et
désir
de
connaître.
Son
principe
spirituel
est
celui
de
la
Totalité
de
tous
les
points
de
vue.
Si
la
Philosophie
de
l'Histoire
traite
d'un
individu,
c'est
de
l'Esprit,
l'Esprit
du
monde
(Weltgeist).
Il
est
celui
qui
produi t
et
conduit
les
événements.
Il
est
la
pensée
d'une
pensée
créatrice.
"La
nature
de
l'être
spirituel
(das
Geistige)
n'est
pas
d'être
une
abstraction
mais
un
être
vivant,
un
individu
universel,
subjectif,
se
déterminant
en
121 -
"Einleitung in Geschichte der Philosophie";
tr.
J. GIBELIN. Ed. Gallimard.
poche 1954
(désigné désormais par le sigle Geschph).
122 - PhWel I
"Oie Vemuft in der Geschichte"
tr. de K. PAPAIOANNOU;
Union gén. d'Edition.
1965 pp.
39.
47.
48
52
soi-même et
par
soi-même"
123
Une
telle
Histoire
se
déploie
donc
de
la
nature
de
l'Esprit,
de
Dieu
dans
un
élément
particulier
déterminé
elle
est
donc
une
théodicée
justification rationnelle de Dieu et saisie de la Raison dans
ses
déterminations,
dans
les
figures
de
la
vie
poli tique
et
religieuse de l'histoire des hommes.
Voilà
le
mouvement
d'ensemble
des
questions
dont
nous
précédons
le
développement
de
quelques
indications
d'ordre
pratique.
C - QUESTIONS D'ORDRE PRATIQUE.
Trois
types
de
questions
peuvent
ici
se
poser:
notre
méthode d'étude; nos sources et nos modèles de référence
a)
-
Méthode.
A cette première question,
ce qui précède
aura déj à
donné l'essentiel
de
la
réponse.
La
Science de
la
Totalité ne peut rien présupposer d'autre que le Tout réel.
La
Philosophie,
selon la conception que Hegel a voulu lui donner,
est
cette
Science.
Elle
ne
saurait
donc
s'encombrer
d'une
----._--
quelconque méthode,
une sorte d'outil,
un instrument préalable
Ù"'""-""'-....
r~
et
----
extérieur
à
la
-
Chose-même.
L'auto-détermination
de
cette
tu.:. fi,
dernière est sa seule vraie méthode,
à savoir le mouvement des
déterminations
de
réflexion
réflexion
posante
(scheinen)
réflexion
extérieure
(erscheinen)
;
réflexion
déterminante
123 _ ibidem p.o?
53
(sich
offenbaren)
C'est
par
ces
trois
moments
absolument
solidaires
que
le
réel
exprime
sa
structure
intemporelle
et
expressive
de
sens.
C'est
un
mouvement
de
regression-
progression,
d'analyse
et
de
synthèse,
par
quoi
l'immédiat
premier absolument indéterminé se médiatise et se pose en un
immédiat
second,
ad-venu
de
l'unification
des
moments
antérieurs.
Trois
prépositions,
disons
trois
espèces
particulières de
termes
relationnels,
marquent
chacun
de
ces
moments comme pour souligner en les précisant les étapes et le
résultat du parcours total
en-soi; pour-soi ; en- et- pour-
soi
(An sich ;
für sich
an- und-für-sich).
Il s'agit donc
avant
tout
d'une
logique
de
l'auto-détermination
du
réel
et
non
d'un' outil
de
mesure
ou
de
compilation de
connaissances
finies.
Aussi,
Hegel
n'a-t-il
pas,
à
vrai
dire,
donné
un
exposé magistral
ex professo de ce que l'on a
appellé,
après
lui,
la
dialectique
hégélienne.
Cependant,
trois
textes
d'importance
maj eure en expriment l ' espri t
"La
Préface
de
la Phénoménologie
de l'Esprit"
;
les textes de l'Encyclopédie
des
Sciences
Philosophiques,
relatifs
au
"Concept
Préliminaire"
;
et le texte de la Grande Logique
sur lequel
s'ouvre
la
Doctrine
de
l ' Etre
"Quel
doit
être
le
commencement
de
la
Science".
Au
sommet
de
la
Doctrine
du
Concept,
au
moment de
l'Idée
absolue qui
est
aussi
celui
où
l'Esprit
"trouve
le
concept
suprême
de
lui-même
dans
la
science logique" 124,
Hegel écrira :
"la méthode est le concept
pur qui n'est en relation qu'à soi-même;
elle est le rapport
124 _ WL.
II 506.
10-11
SL.
III 393.
16-17
54
simple à
soi qui est être" 125
;
c'est
donc
d'emblée que le
mouvement
dialectique,
comme
nous
le
verrons,
est
partout
présent
au
Système
et
dans
le
Système
qu'il
anime
jusqu'au
plus petit de ses moments; i l en est vraiment,
à la
fois,
le
principe
et
le
terme.
En cela
s'impose ce
que
doit
être
la
qualité de nos sources.
b)
-
Sources.
Pour ce travail,
nous
avons choisi
trois
types de textes-sources:
d'abord,
de Hegel
lui-même,
surtout
ceux
déjà
mentionnés,
appelés
les
Quatre
Piliers
de
l'hégélianisme;
ils sont pris dans leur présentation critique,
publiée chez Felix Meiner Verlag.
Pour les versions francaises
de ces mêmes textes,
nos références ont toutes,
pour origine,
sauf
indications
contraires,
les
traductions
par
P.J.
LABARRIERE et de G.
JARCZYK, de la Science de la Logique, dite
la
Grande
Logique,
parues
chez
Aubier
Montaigne.
Pour
l'Encyclopédie
des
Sciences
Philosophiques,
nous
utilisons
principalement,
les traduction et présentation de B.
BOURGEOIS
de la Science de la Logique et de la Philosophie de l'Esprit,
publiées
chez
J.
Vrin.
Ensuite,
les
autres
textes
de
Hegel,
ayant fait l'objet d'études thématiques,
sont utilisés à titre
complémentaire,
pour
leur
apport
ponctuel
dans
un
développement particulier.
Ils sont alors indiqués en lieu et
moment
de
leur
incidence
spécifique.
Mais,
en
plus
de
ces
textes,
nous nous faisons,
en outre,
le devoir de déclarer une
troisième dette: nos modèles.
125 - WL.
II 504.
33-35
SL.
III 391.
15-17
55
c)
enfin,
nos modèles de références.
Il s'agit ici,
à
la
fois,
de
textes et d'un type de
leur
traitement;
nous en
avons
trouvé
l'exemple
réussi,
d'abord
chez
B.
Bourgeois,
surtout
dans
son
ouvrage
"Le
Droit
naturel
de
Hegel
commentaire"
ensuite,
auprès G.
JARCZYK et P.J.
LABARRIERE,
dans
leurs
récentes
publications
sous
les
titres
: ~rLes
premiers combats de la reconnaissanc~-IDaîtrise_eI-ser~i±lld~
dans
la
Phénoménologie de
Hegel:<"; '~Hegel: le malheur de la
--"'-::.:-----------=--------=-::::.---
..... . . : : : : . . . _ - - - - - - - - - - - -
conscience ou
l'accès à
la
raison
-
texte
et
commentaire;~ ...!-
7'L~e~_~s~y~l~l~o~g~i~s~m~e=__~d~u~~P~O~u~v~o~iJr~-=--:llf
T--ââ,-4t;-'11-'"bl--uune-démocratie
hégélienn~~: ouvrages parus chez Aubier.
Ces
différentes
études,
renouvellent
très
avantageusement les chemins d'accès au penser hégelien
elles
donnent
enfin,
aux
futurs
lecteurs
du
grand
philosophe,
une
introduction
adéquate
au
mouvement
dialectique
séjourner
dans
le
texte
pour
en
saisir
le
mouvement
strictement
structurant et qui en est,
comme nous l'avons déjà dit,
à
la
fois,
le principe et le terme.
56
PRE MIE R E
PAR T l
E
LA MEDIATION DIALECTIQUE
Le Principe
"Le vrai est le tout"
Hegel.l
L'intériorité jusque dans l'extériorité
est l'intériorité plus intérieure que
l'intériorité dans la seule intériorité"
H. Suso 2
1 - Ph.G.
21, 3
l
18. 35
2
-
Henri
Suso
:
"oeuvres complètes"
La Vie
ch.
XLIX
;
tr.
de
Lavaud;
la
traduction
de J.
Ancelet-Hustache.
Seuil 1977;
p.
285.
donne du mème texte plutôt ceci
:
.. celui qui demeure intérieur
dans les choses extérieures devient plus intérieur dans les choses intérieures que celui qui ne demeure
intérieur que dans les choses intérieures" + note 5 : Parce qu'il est plus exercé à se détacher de tout.
57
De point de départ à
Hegel,
i l n'en existe pas d'autre
que
Hegel
lui-même,
précisions-nous
ci-dessus
dans
notre
introduction.
Or,
cet
"Hegel",
suj et-obj et
de
notre
étude,
s'offre à
nous
sous la figure grandiose d'une oeuvre immense
et
systématique.
Cependant,
notre
détermination
ambitionne
avec
prudence
de
saisir
réflexivement,
en
cette
première
approche,
le
"Commencement"
véritable
de
l'itinéraire
du
Système
en
d'autres
termes,
disons,
sa
Logique,
son
principe,
son
âme
motrice,
la
nature
du
mouvement
de
sens
qu'est la "Science philosophique" par là proposée,
tant en son
début principiel qu'aussi bien en tout son parcours figuré et
qu'en
son
but
final
achevé.
Bref,
quelle
est
la
nature
de
l'uni té
de
l'oeuvre,
de
la médiation
qu'elle
est
et
qui
la
porte
?
Or,
l'uni té
est,
par
définition,
"l'élément"
3
par
quoi les divers éléments d'un tout organisé sont des éléments
différents les uns des autre; cependant que l'identité de leur
unité
est
différente
de
leurs
différences
particulières
respectives. Une telle réalité unitaire se signale dès l'abord
premier
de
ces
lexies
dont
Hegel
a
le'
secret
et
qui
s'énoncent:
"Logique "',
"Principe" ,
"Mé thode
absol ue" ,
"Médiation
dialectique".
Pour en articuler le propos,
se consacrent
les
deux chapitres de cette première partie de notre étude
- La médiation dialectique : époque de Iéna.
- L'Esprit, Principe et terme du Système.
3 -
Elément désigne en général chez Hegel un milieu.
au sens où l'on parle de
l'élément marin
(Cf Ph.G.
l
5.13-14
:
"La philosophie est essentiellement dans l'élément de l'universalité qui inclut en
soi le particulier").
58
CHAPITRE 1
LAM E DIA T ION
DIA L E C T l
QUE
A
L'
E P 0 QUE
D E I ENA.
"La vérité de l'être est l'essence ...
C'est seulement en tant que le savoir
S'intériorise à partir de l'être immédiat
Que par cette médiation i l trouve l'essence"
4
Peut-on attribuer à Hegel 5 la paternité de l'idée et du
mot de Médiation,
de la médiation dialectique ?
La réponse est
certes non.
L'idée et son expression arrivent d'une
longue et
vieille
tradition
culturelle
marquée
par
la
philosophie
grecque
et
la
révélation
judéo-chrétienne.
Si
donc
en
cela,
Hegel
n'invente
pas,
les
lignes
qui
suivent
ont
la
tâche
de
montrer comment
le philosophe
innove de géniale manière
une
innovation qui eut pour son époque et encore pour la nôtre,
le
goût
de
l'inédit,
d'une
création
nouvelle.
Y a-t-il
de
quoi
s'en étonner
?
Ne
disait-il
pas
de
lui-même
avec
un
brin
de
4 - WL.
II 3.
1 et 13-14
;
SL
II 1. 1 et 11-13.
5
-
Nous utilisons pour ce chapitre
trois
références principales
:
al
-
Jenaer Systementwtirfe
II;
traduction
et
présentation
de
D.
SOUCHE-DAGUES
:
"Logique
et
Métaphysique
de
Iéna
1804-1805".
Gallimard
1980.
bl
-
Jenaer Systementwtirfe III
;
traduction et présentation de
Guy
PLANTYBONJOUR
:
"La
Philosophie
de
l'Esprit ...
PUF,
1982.
cl
-
Jenaer
Kritische
Schriften
l
traduction
de
M.
MERY.
"Premières
Publications
1"
.
Ed.
Orphrys.
1975;
"Premières publications
II''
:
traduction
de B FAUQUET.
chez J. Vrin 1972.
59
fierté bien compréhensible
"Tu ne pourras pas être mieux que
ton
temps
;
mais
ton
temps
tu
le
seras au mieux"
6
Cette
affirmation
trouve
sa
vérification
dans
l'immense
oeuvre
de
qualité
produite
par
l'auteur.
Ainsi,
l'influence
toujours
vivante
du
philosophe
fit
déclarer
à
Merleau-Ponty
"Hegel
est
à
l'origine
de
tout
ce
qui
s'est
fait
de
grand
en
philosophie
depuis
un
siècle
On
pourrait
dire
sans
paradoxe que donner une interprétation de Hegel,
c'est prendre
posi tion
sur
tous
les
problèmes
philosophique,
poli tiques
et
religieux de notre siècle" 7.
c Interpréter Hegel n'est cependant pas notre but. Il
existe de très grands maîtres en la matière 8
Nous voudrions
simplement
aller
à
l'école
de
ces
derniers
afin
d'apprendre
avec eux à comprendre la nouveauté suscitée par Hegel au coeur
de
la
tradition
philosophique occidentale
et,
peut-être
plus
largement,
de toute tradition PhilOSOPhiqUe~TrOiS mouvements
articulent ce premier chapitre
A - Origine de l'idée de Médiation chez Hegel.
B - Son élaboration progressive
C - Vers le rationalisme
dialectique
6 - Hegel
: aphorisme du temps de Iéna.
7 - M.
MERLEAU-PONTY "Sens et non-sens"
Ed. Nagel p. 110
8 - On peut mentionner quelques noms et centres de leur rayonnement.
-
France
:
Centre Sèvres
(Paris)
:
J.
Gauvin:
P.J
Labarriére:
G.Jarczyk:
Ecole
Normale
Supérieure
de
Saint-Cloud
(Paris)
:
J,
~~:;:i~r:;B~va:.~'~~:d:er:ve~~~~t~~:n:~~:g ~:;::::i~éA'deLe::~:ai:n ~.M·::~:::::s.' ~
H~ge~~::::
.;..A.
.
C;::::e
(Naples);
L.
Lugarini
(Rome)~·Suisse : Ph.Mu1ler (Neuchâtel). - Belgique : A.Leonard (Louvain) ... _
Angleterre
:
H.S.
Harris
...
-
Allemagne
Hegel-kommission
der
Rheinisch-WestfUlischen
Akademic
der
Wissenschaften (Düsseldorf)
: H.G.
Gadamer (Heidelberg).
60
A -
ORIGINE
DE
L'IDEE
DE
MEDIATION
Au
témoignage
de
R.
Krëmer,
Hegel
a
voulu
réconcilier
hellénisme et christianisme
:
deux courants dont
la rencontre
servit
d'origine
à
l'idée
de
médiation
hégélienne.
Du
côté
grec
vient
l'idée
de
Totalité
selon
laquelle
la
partie
ne
trouve
sa
vérité
que
dans
le
tout
organisé
auquel
i l
se
rapporte.
Par là,
l'existence de la partie est essentiellement
relation
à
l r autre,
au
tout.
Cette
existence
médiate
de
la
partie n'entraîne pas pour autant l'anéantissement complet de
celle-ci
;
elle
vit
de
sa
participation
au
tout
dont
elle
dépend
nécessairement.
L'individu
est
totalité,
c'est-à-dire
qu'il
est
une
réalité
relationnelle.
Aucune
expérience
ou
existence
humaine
n'échappe
à
cette
loi.
Cependant,
l ' humani té,
le
monde
ne
nous
offrent,
au
résultat,
que
le
visage de réalités entièrement fermées
sur elles-mêmes
:
pure
apparence
superficielle,
séparée,
enclose
sur
la
profonde
densité de sa subjectivité.
Les cultures séculaires foisonnent
d'exemples.
La
tragédie,
"ce
langage
supérieur"
9 ,
bascule
très
vite dans la comédie; celle-ci offre d'abord en spectacle "le
destin des dieux"
10
pour ensuite exhiber à
la dérision leur
nudité
"Puisque
disparaissent
la
détermination
contingente
et l'individualité superficielle que la représentation prêtait
aux essentialités divines,
celles-ci selon leur aspect naturel
ne
possèdent
que
la nudité de
leur être-là
elles
sont
des
nuées,
un
brouillard
qui
disparaît
comme
ces
9 - Ph.G.
510. 34.
II 246.
30.
10 - Ph.G.
517. 38.
II 254. 16.
1
,
représentations"
11
Cette
humanité
ridicule
des
dieux
grecs
donne
à
l' homme
une
idée
par
trop
éphémère
de
sa
condition
existentielle:
"La pensée rationnelle délivre l'essence de sa
figure contingente"
12.
L' ironie du peuple à
propos des idées
abstraites du Beau,
du Bien et Mal,
telles que les présentent
les sophistes,
par là se manifeste visible ;
elle montre toute
la légèreté superficielle de cette humanité immature.
Le christianisme apporte cette maturité attendue.
c'est
dans sa finitude même que le chrétien saisit la vérité de sa
relation essentielle avec Dieu
:
uni té vivante du
fini et de
l'infini
le
présent
procède
à
la
fois
du
passé
et
de
l'avenir
et
a
la
valeur
de
l ' éterni té.
La
totalité
finie
montre
au-delà
d'elle-même
elle
est
sursumée,
dira
Hegel.
Mais cette sursomption ne livre pas encore toute sa plénitude;
elle est un "déjà et pas encore".
Rédemption spirituelle,
elle
attend son accomplissement concret, particularisé.
Il
faut ouvrir ici une petite parenthèse pour souligner
le
fait
que
le
christianisme
sous-jacent
à
la
réflexion
cri tique
de
Hegel
est
celui
du
protestantisme
de
l'époque
Dieu
y
reçoit
la
figure
d'un
être
absolument
transcendant,
totalement
autre dans
son al téri té
inaccessible.
Le
salut du
croyant chrétien
"protestant"
est
soumis
à
la
condi tion d'un
regard
intérieur porté vers
cet
au-delà
ineffable dont
toute
conscience
obj ective
historique
détruirait
l'al téri té
pure
sa trace est sans trace,
aucun objet, aucun symbole ne peut en
11 -
Ph.G.
519,
22-27.
II 256. 9-14.
12 - Ph.G.
519,
13-14.
II 256.
1-2.
62
présenter
le
contenu en image.
A l ' endroi t
de· ce
Dieu,
tout
être fini doit confesser sans cesse sa vanité radicale à dire
de
lui
quelque
contenu
de
vérité.
Un
tel
christianisme
installe
lourdement
le
chrétien,
avec
l'idée
de
salut
au
coeur,
dans
l'angoisse
d'une
crise
sans
précédent
et
sans
issue.
Voilà les deux messages dont Hegel entreprit la synthèse
dans
l'idée
de
médiation
une
médiation
procédant
de
l' hellénisme
et
du
christianisme
protestant.
L'infini
et
le
fini
se déterminent mutuellement,
tout
comme
l'amour
de Dieu
et celui du prochain
voie de la communauté des
sujets sous
raison d'une dialectique agapétique,
celle surtout des "Ecrits
de
jeunesse"
de
Hegel
13.
Elle
prendra
progressivement
sa
figure
spéculative,
systématique
dans
les
grandes
oeuvres,
comme
nous
le
verrons
plus
loin.
Mais,
la
Phénoménologie
l'annonce déjà à l'oeuvre
"L'auto-conscience est en-et-pour-
soi en tant que et par le fait qu'elle est en-et-pour-soi pour
une
autre
auto-conscience
ce qui
est dire,
elle
n'est
que
comme
quelque
chose
de
reconnu"
14.
Là
se
manifestent
la
reprise
et
le
dépassement
en
même
temps
du
résultat
de
la
dialectique de la vie.
Le sujet auto-conscient n'est tel"
en-
et-pour-soi
véritablement
que
face
à
un
autre
sujet
auto-
conscient
et
cela
non
pas
dans
une
relation
de
simple
13
-
Il
s' agit
principalement
:
des
"Notes
sur
les
questions
religieuses"
(1793-1796)
des
"Questions poli tiques
et
religieuses"
et de
nombreux autres écrits
rassemblés
dans
"Hegels
théologische
Jugenschriften.
H.
NOHL.
TUbingen
1907:
de
"Dokuments
zu Hegels
Entwicklung"
J.
HOFFMEISTER.
Stuttgart
1936:
de "La vie de Jésus".
Traduction de D.
D.
ROSCA.
Paris 1928
14
-
G.JARCZYK
et
P.J.
LABARRIERE
:
"Les
premiers
combats
de
la
reconnaissance.
Maîtrise
et
servitude dans la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel"
Paris Aubier 1987 p.
45.1-4
(désigné désormais par
le sigle:
MS.PhE.)
63
"destination
finalisante"
15,
mais
comme
l'accueil
d'un
mouvement qui par là trouve son origine dans cet autre sujet,
où i l est montré que l'extériorité,
représentée par chaque soi
en
regard
d'un
autre
soi,
fait
partie
intégrante
de
l'intériorité
propre
de
chaque
soi.
La
reconnaissance
en
question
est
donc
traduction
d'un
mouvement
totalement
symétrique de
l'un à
l'autre,
et est inversement l'expression
de
" 1 ' identi té
du connai ssant et du connu"
16
la médiation
est pur mouvement,
celui
de
la
relation vraie
d'une
mutuelle
reconnaissance
authentique
entre deux
auto-consciences.
Telle
est
la
volonté
affirmée
chez
Hegel
opérer
cette
mutuelle
reconnaissance
entre
Socrate
et
Jésus-Christ.
Mais,
ce
n'est
que
très
progressivement que
cette
idée
de Médiation
prendra
sa forme.
B - SON
ELABORATION
PROGRESSIVE
Remarque préliminaire.
Tout commence vraiment à
l'époque
des années d'Iéna où arrive Hegel après Stuttgart,
en passant
par Tübingen,
Berne,
Francfort.
Le voici à pied d'oeuvre de sa
grande
révolution philosophique.
Lentement,
mais
sûrement,
i l
cesse
de
demander
à
la
dialectique
de
l'amour
le
secret
du
passage de
l'infini
dans
le
fini.
Que s'est-il
passé
?
Echec
dans
sa
vie
?
Cassure
dans
sa
propre
évolution
?
Les
hypothèses
ne
manquent
pas.
Pourquoi
pas
simplement
une
continuité
dans
la
discontinuité
progression
régressive,
dialectique
véritable
où
amour
et
connaissance
montrent
leur
15 - idem p. 76
16 - ibidem p. 77
64
réalité
vraie
dans
l'unité
effective
de
leurs
différences.
L'amour qui n'est que pur amour enferme dans la subjectivité.
Il
faut
donc
rendre
la connaissance
intérieure
à
l'amour
et
réciproquement.
Pour y parvenir,
Hegel donne la priorité à la
réflexion
sur
un
état
purement
extatique
où
l'individu-sujet
risque de s'abîmer dans le fleuve de la vie ou de l'amour.
Les écrits de ces années d'Iéna placent plus que jamais
Hegel face à la grave crise de la conscience philosophique de
l'époque
crise
semblable
à
celle
présentée
par
les
différentes
religions
un véritable désordre
17.
La volonté
de Hegel,
dans sa détermination la plus claire,
est d'intégrer
d'une part,
toutes ces religions figées,
soit dans la mauvaise
positivité,
soit dans le mauvais infini,
dans un même courant
vital,
salutaire,
et
d'autre
part,
dans
le
même
élan,
d'unifier tous les différents moments du rationalisme dans le
même processus qui les a produits. Ainsi,
l'activité réflexive
sera
chez
elle
au
coeur
de
la
vie
par
là
sera
réalisée
l'unité
des
différences
ou
leur
identité
dans
l'unité
l'unité,
cette saisie immédiate de la chose en tant que telle
en son immédiateté,
et la
différence ou cette présence de la
17 -
C'est là l'origine extérieure, peut-on dire,
des écrits critiques de cette époque dont la
plupart
sont
Un
peu
comme
des
esquisses
du
Système;
ces
écrits
sont
aujourd'hui
rassemblés
sous
les
titres de "Jenaer Systementwürfe"
(Tome 8 des Gesammelte Werke)
et de
"Jenaer Kritische Schriften" l
et
II, édités par F. Meiner Verlag Hamburg. 1979 et 1983.
65
référence à l'autre à l'intérieur de cette chose-même 18.
L'effort de Hegel
et son résultat
représentent,
on
l'a
dit,
un réel
tournant dans
l'histoire de cette grande crise
penser
dialectiquement
l'immanence
de
l'infini
au
fini.
Il
reprend donc critiquement les notions héritées de l'expérience
philosophique classique pour leur attribuer
leur signification
véritable.
Trois
moments
importants
de
sa
tâche
articulent
dans
"Logique et Métaphysique"
en particulier,
le mouvement de
sa réflexion critique
la relation simple,
la relation de l'être,
la relation du penser,
Relations dans lesquelles i l repense dans leur vérité les
rapports
du
fini
et
de
l' inf ini,
le
principe
de
l' identi té,
les
concepts
de
la
substance,
du
connaître
où
l'on
voit
18
Otto
POGGLER.
dans
une
étude
inti tu1ée
"L'interprétation
hégé1 ienne
du
judaïsme"
(Traduction de Pierre GARNIRON,
in Etudes hégéliennes.
Ed.
J.
Vrin
reprise Paris 1985).
apprécie cette
audace de Hegel et jette une bonne lumière sur l'influence encore actuelle des fruits de cette volonté du
philosophe:
réconcilier le christianisme et l'hellénisme. Volonté qui a été.
toute la vie de Hegel. "aux
prises aVec
l'énigme du judaïsme"
(p.
237)
"Il se pourrait que dans
la philosophie hégélienne et
dans
le
judaïsme
deux
puissances
entrent
en
contact
qui.
par
essence
ne
peuvent
pas
encore
ètre
conciliées"
(p.
41)
.
Il Y a sans doute un problème de finalité définie et visée.
"Tout peuple vise des
buts qui lui sont propres
;
c'est ainsi que les Grecs cherchent la sagesse et philosophent.
tandis que
les
Juifs
croient
;
mais
aujourd' hui
tout
peuple
doits' insérer.
avec
les
buts
qu'il
vise.
dans
la
civilisation mondiale qui commence"
(P.
193). B.BOURGEOIS : "Hegel à Francfort:
Judaïsme.
christianisme.
hégélianisme".
J. Vrin 1980 . La position de
Hegel vis-à-vis du judaïsme a connu bien des reprises
depuis les écrits de Francfort jusqu'à ceux de Berlin.
à cause précisément de cette énigme que fut pour
Hegel la religion du judaïsme comparativement à la religion grecque. Les analyses de Francfort présentent
"le côté négatif que Hegel.
qui
aspire à
la belle et heureuse
réconciliation.
dénonce dans
l'attitude
d'Abraham et de ses descendants.
tout entiére fondée sur la volonté de séparation et de domination
.,'
L'esprit judaïque est
la négation de l'esprit"
(p.
54)
:
l'esprit privé de liberté.
Or.
toute
sa vie.
Hegel a cherché "les moyens d'accéder à la vie libre dans un monde de servitude"
(P.
35).
Pour cela.
"la
grandeur
de
Hegel
est
de
ne
pas
avoir
voulu
abandonner
l' homme
...
sans
orientation
au
courant
de
l'histoire.
et d'avoir été toute sa vie.
dans le cadre d'un effort d'orientation
(Pëggler-Garniron.
oc.
p.
237) aux prises avec le cas précis du judaïsme.
66
surgir
et
prendre
forme
cette
médiation
dialectique
qui
est
certes, pour la période d'Iéna, encore à l'état d'ébauche.
1
-
La relation simple
Le
rapport
fini-infini
est
compris
par
le
rationalisme
comme
un
relation
d'extériorité
réciproque
aux
yeux
de
Hegel,
c'est
là
une
reprise
indéfiniment
répétée
de' la
contradiction,
sans
jamais
la
lever
19.
On
ne
pense
ainsi
l'infini
que
purement
et
simplement
comme
un
au-delà
absolument
coupé
du
fini,
alors
qu'il
s'offre
plutôt
comme
toujours ordonné à celui-ci par son achèvement le plus intime:
le fini passe dans l'infini où i l reçoit son achèvement. Mais,
à
raison
de
cet
au-delà
qu'il
inclut,
le
fini
est
affecté
d'une limite qui
est son rapport
négatif à
l'infini
limite
sursumée
par
le
fini
dans
le
mouvement
de
son
passage
dans
l'autre
qu'est
cet
au-delà
infini.
Inversement
celui-ci,
à
raison
de
la
présence
en
lui
du
fini
perd
sa
détermini té
absolue
double négation par où se trouve donc posée l'unité
du fini
et de l'infini,
et cela par un mouvement qui désigne
l'immanence
de
l'infini
au
fini
"Ceci
seulement
est
la
véritable nature du fini,
qu'il est infini,
se transcende dans
son
être.
Le
déterminé
n'a
en
tant
que
tel
aucune
autre
essence que cette inquiétude absolue,
de ne pas être ce qu'il
est
i l
n'est
pas rien,
puisqu'il
est
l'autre même,
et cet
autre
également
est
l'opposé
de
soi-même,
de
nouveau
le
premier
L'infini
en tant
que cette contradiction absolue
19 - HEGEL "Samtliche Werke" Jubilaumsausgabe Ed.
Lasson continuée par J.
HOFFMEISTER T IV 274-
275
(désigné désormais sous le sigle SWJ.L) Tr. cité par H.NIEL oc. p. 81
67
est par
là
l'unique réalité du déterminé,
et non un au-delà,
mais
relation
simple,
le
pur
mouvement
absolu,
l'être-à-
l'extérieur-de-soi
(Aussersichsein)
dans
l'être-en-soi
( Insichsein)
20
Au lieu de poser ainsi
la
finitude comme un
au-delà
saisi
pour
lui-même,
Hegel
laisse
le
mouvement
se
montrer lui-même à
l'état pur;
l'acte qui
pose l'infini est
le même en retour en soi.
Toutefois nous n'avons pas vraiment
en
ce
pur
mouvement
alternatif
appréhendé
l'infini,
mais
seulement le concept de l'infinité.
"A même l'infini (an sich)
se distinguent,
précise Hegel,
son unité et
son être
séparé,
son être-égal-à-soi-même absolu,
et
son être inégal
absolu
les
deux
sont
posés
à
même
lui,
en
d'autres
termes
en
son
concept"
21
Or,
la relation
simple n'établit
simplement que
le vide dans lequel l'un et le multiple se succèdent,
doit-on
dire,
en
l'occurrence
le
fini
et
l'infini.
Par
conséquent
l'infini n'est pas encore posé à partir de soi,
mais à partir
d'un autre soi,
la relation simple.
Pour que l'infini devienne
donc
un
infini
posé
comme
posé,
il
lui
faut
se
sursumer
soi-même
comme
son
autre-même,
engendrer
la
relation
de
l'être, en monstration d'elle-même
dans ce rapport.
2 - Relation de l'être
Au
niveau
de
l'être
en effet,
Hegel
reprend
la
notion
classique de
substance,
de contenu
de
l'être
(Verhi:il tnis
des
20 - HEGEL "Logik und Metaphysik"
(Iéna 1804-1805) Tr.
D. SOUCHE-DAGUES.
Ed.
Gallimard Paris 1980. pp.
55-56 (désigné désormais sous le sigle: LMI.
trSD).
Cf. SWJ.L Tome XVIII p.
31.
21 - HEGEL LMI trSD p.
60
68
Seins).
La substance est habituellement comprise comme le lieu
intime
des
accidents,
l'unité
positive
qui
donne
à
ces
derniers leur réelle consistance.
La substance serait ainsi la
possibilité intérieure des accidents,
et par là un universel,
une identité avec soi.
Or,
s'il en était vraiment ainsi,
nous
aurions affaire à un mauvais universel,
à
savoir une identité
vide
de
tout
contenu.
Hegel
entend
donc
promouvoir
un
universel
concret,
celui
justement qui
réalise
le passage de
l'espèce
dans
l ' individu
l'un
et
l'autre
étant
pris
dans
l'unité d'un même mouvement,
à savoir l'égalité à soi dans la
différence
ainsi
de
la substance et des
accidents.
Ceux-ci
n'ont
pas
d'être
autre
que
celui
de
la
substance
et
réciproquement.
Les
accidents
étant
par
définition
des
réalités
déterminées,
la
substance,
négation
des
déterminations,
est uniquement pensable eu égard à sa relation
à
l'être
singulier
qui
les
exprime
comme
négation
des
déterminations,
la substance
"est unité négative,
s'excluant,
le
point
vide
et
en
même
temps
la
possibilité
des
deux
ou
l'être
en
tant
que
sursumé"
22.
Ce
rapport
substance-être
implique,
par le mouvement de leur mutuelle co-détermination,
la nécessité de leur relation,
par oû "l'infini est,
au titre
de
substance,
autrement
dit
de
nécessité,
en
vérité
le
contraire de soi-même,
un non-simple,
bien plutôt le relation
des termes qui sont eux-mêmes l'unité de la possibilité et de
l'effectivité,
des
nécessaires,
en
d'autres
mots
des
substances,
et qui est posé,
c'est le rapport de causalité"23.
Ce
dernier
connaît,
dans
la
Logique
de
Iéna,
un
très
long
22 - SWJ.L XVIII P.
38. Tr.
cité par H.
Niel oc. 83 note 36.
23 - LMI.
trSO p.
65
69
développement
parallèle
à
ce
qui
vient
d'être
présenté.
Et
comme
Hegel
y
revient
encore
plus
longuement
dans
la
Grande
Logique,
nous
l'étudierons
en
ce
lieu,
au
moment
venu.
On
retiendra
simplement
pour
l 1 instant
que
le
rapport
de
causali té
étant
la
substance,
à
raison
"d'une
relation
d'opposés qui
sont eux-mêmes des nécessaires,
des substances"
(idem. ) ,
on
peut
ici
sans
discontinuer
passer
du
contenu
de
l'être (Verhaltnis des Seins) au contenu du penser (Verhaltnis
des Denkens), en d'autres termes au rapport du penser.
3 - Relation du penser
Celle-ci
a
également
affaire
à
l'affirmation
de
l'immanence
de
l'infini
au
fini,
telle
que
la
montre
la
dialectique
hégélienne
de
la
connaissance.
Selon
cette
dialectique,
déjà
présente
ici
dans
tout
son
germe,
la
connaissance,
ou
le
connaître
(Erkennen)
est
tout
à
la
fois
l'état et l'acte par quoi
l'uni té du fini
et de l'infini est
posée.
Le point de départ du mouvement du connaître surgit du
rapport originaire de l'homme au monde:
celui du sujet face à
l'objet.
Mais
contrairement
au
rationalisme
qui,
tout
en
reconnaissant cette bipolarité maintient
les extrêmes dans un
rapport
frappé
d'extériorité
exclusive,
unilatérale,
selon
Hegel,
la fonction spéculative de l'esprit est essentiellement
de dépasser cette extériorité par la sursomption des extrêmes
dans
leur
uni té
dialectique.
Un
tel
mouvement
spirituel
se
manifeste
capacité
d'analyse
et
de
synthèse;
en
d'autres
70
termes,
i l est pouvoir de déterminer aspects et- caractères des
différences
respectives
ainsi
que
le re-souvenir,
la mémoire
de
leur
unité
synthétique,
ou
leur
totalité
idéale.
Ce
connaître expose donc le passage mutuel
des
extrêmes
les
uns
dans les autres,
où l'on voit que le sujet est intérieurement
ordonné
à
Ir objet,
c'est-à-dire
une
sortie
de
soi
vers
son
autre,
sortie
qui
est
identiquement
rentrée
en
soi.
Le
connaître
spéculatif
qui
est
l'opération
par
laquelle
l'immédiateté
particulière
d'une
chose
passe
en
son
autre,
l'universel
absolu,
pose
du
même
coup
l'affirmation
de
l'immanence
de
l'infini
au
fini.
Aussi,
un
tel
connaître
n'est-il
rien
d'autre
que
l'auto-mouvement
du
contenu,
celui
de
l'être
ou
du
penser.
Voilà
qui
implique
le
principe
de
l'identité.
a)
Principe d'identité.
Dans le Système,
même déjà en
son
esquisse,
la
logique
et
l'ontologie
s'interprètent
mutuellement,
ce qui
en montre
l'unité et
la continuité sous
ses diverses figures comme en chacun de ses moments
Logique,
Nature,
Esprit
les trois moments du Système
24
et cette
uni té
est
celle
de
l ' intériori té
et
de
l ' extériori té,
caractéristique
véritable
de
tout
progresser
dialectique
et
partant
du
Système.
Hegel,
par
là,
n'a
voulu
montrer
rien
d'autre
que
la
structure même
du
réel
i l
le
fit
de
telle
manière que chez lui la connaissance pose en première instance
en
acte
principiel
et
originaire,
l'uni té
immédiate
de
son
objet
comme
une
unité
implicite,
c'est-à-dire
absolument
indéterminée
un pur
en-soi
(an-sich)
qui,
en cet
état,
ne
connaît encore aucune espèce de détermination,
ni au-dedans ni
24 - Hegeliana p.
205.
Cf aussi MS.Ph.E p. 90 note Il.
71
en dehors de soi, ce qui équivaut à un être pur et qui est par
là-même,
comme
nous
le
savons,
un
néant
pur.
Mais
cette
égalité
pure
à
soi
sera,
en
tout
d'abord,
une
unité
des
déterminations
intérieures
en-soi
(in-sich)
unité
des
différences internes à
soi . Cependant, ce n'est pas encore là
une
identité vraie,
celle-ci
étant
l'unité de
soi
et
de
son
autre.
C'est pourquoi,
ensuite,
la pure égalité à
soi
n.' est
vraiment déterminée que dans le rapport de la référence à son
autre.
En d'autres termes,
disons que le connaître,
aux yeux
de Hegel,
au niveau de l'être,
pose l'unité comme la négation
des termes indépendants et sur le plan de la pensée,
comme le
fait
que
ces
termes
"sont
seulement
posés
et
chaque
particularité n'est qu'une
spécification de l'universel"
25.
Cette
activité
réflexive
a
donné
naissance
au
principe
d'identité
activité
dans
laquelle
le
rationalisme
pense
saisir l'opération unificatrice du divers,
opération arrachée
malheureusement à son contexte et posée pour elle-même sous la
forme
d'une
fausse
identité
comme
celle-ci
A
A,
ayant,
toujours
selon
le
rationalisme,
une
existence
en-soi.
Telle
est donc la proposition du principe de l'identité,
tenue pour
la
suprême
loi
du
réel.
Or,
fait
remarquer
Hegel,
"A
A
exprime une diversité,
2 A" 26, expression dans laquelle cette
diversité ne paraît pas vraiment pour la raison que " les 2 A
ne doivent pas seulement être égaux ... A = A : c'est le même
A qui est des deux côtés;
il n'y pas d'inégalité du fait de
leur
si tua tion
il
n' y
a
pas
l'un des
deux
qui
serait à
droi te
et
l'autre
à
gauche
chacun
est
l'un
et
l'autre"
25 - HEGEL LMI.
tr50 p.276
26 -
idem. p.
154
72
( idem. ) .
Par
conséquent,
il
n'y
là
qu'une
apparence
de
détermini té,
soustraite
qu'elle
est
entièrement
au
mouvement
dialectique.
De part en part,
elle est
indifférente et n'est
qu'un pur en-soi,
un A qui n'est qu'un vide pur,
un implicite
indéterminé qui
ne vaut pas
plus qu'un néant
pur,
absolument
affecté par une double privation
celle de
sa détermination
pour-soi
intérieure
(in-sich)
et celle de
sa référence à
son
autre
(für
anderes).
Or,
la
détermination
de
l'identité
véri table
est
celle
de
relation
de
l'un
par
l'autre.
C'est
dire que
l ' identi té de A ne
peut
se poser qu'à
la condition
d'embrasser un contenu la présence de celui-ci dans
le même,
comme on le sait,
ne va pas sans la référence à un autre,
à la
différence.
Il
suit
de
là
que
poser
une
identité
signifie
affirmer par le même mouvement cette référence à l'autre;
tel
est
le
procès
dialectique
où
est
montrée
une
fois
encore
l'immanence
de
l'infini
au
fini.
Le
statut
du
concept
déterminé,
au
sens
hégélien
du
terme,
en
donne
une
belle
illustration.
b)
Le
concept
déterminé.
Ce
qui
précède
aura
déj à
indiqué
le
connaître comme
un
"se
réfléchir
égal
à
soi"
27,
lequel réfléchit en soi la Logique entière et pose le Système
dans
sa
totalité
;
cette Logique qui
est,
selon
les
mots
de
cette
remarque de
G.
Jarczyk,
"principe de
tout parce que,
essentiellement
identité
réflexive
de
l'origine
et
du
terme"28.
Dans
cette
Logique
hégélienne,
et
déjà
dans
les
écri ts
de
Iéna,
le concept
assume une définition renouvelée.
Il
se détermine à
partir de
la relation elle-même déterminée
27 -
idem.
p.
151
28 - Hege1iana p.
209
73
de
l'universel
et
du
particulier.
Or,
celui-là
est
"non pas
unité
pure,
mais
unité
remplie,
l'être
égal
à
soi-même
des
opposés
;
et celui-ci,
le particulier,
non pas une substance,
mais
bien plutôt
le
différent,
est-il
un terme posé comme
sursumé
comme
identi té
du
non-être
et
de
l'être
l'unité des deux" 29. De son côté l'universel n'est pas opposé
au
particulier
il
en est
la
forme
immédiate,
par
quoi
la
déterminité du concept, en tant que sursumée,
est réfléchie en
soi
;
et
l'universel est cette réflexion du concept.
L'uni té
du concept déterminé est donc cette unité de l'universel et du
particulier;
en d'autres termes,
"leur être-l'un dans l'autre
simple sans opposition est le concept déterminé,
déterminé au
ti tre
d'universel
réfléchi-en-soi
et
l'être
déterminé
a
reçu
une
toute
autre
signification
il
n'est
lui-même
en
véri té
rien d'autre que
le concept
déterminé"
(idem.)
Ces
précisions sont capitales pour la sui te
;
aussi
nous
faut-il
en souligner déjà l'enjeu très important sur un double plan.
Tout d'abord sur le plan de l'histoire et de l'héritage
philosophique,
il y a là,
manifeste,
la décision d'une option
nouvelle
où
Hegel
va
inscrire
son
originalité
géniale
qui
prend forme dans cette unité de l'universel et du particulier
reconnue
à
l ' identi té du concept
déterminé.
Par
là
Hegel
se
démarque
du
dualisme
classique,
du
rationalisme
qui
pose
l'universel et le particulier,
tout comme l'infini et le fini,
dans
une
opposition exclusive
insurmontable.
Cette
situation
de cassure,
de scission
(Entzweiung)
de l'uni té du réel,
et
en l'occurrence du concept,
fonde,
aux yeux de Hegel,
le vrai
29 - HEGEL LM!.
trSO p. 99
74
besoin de philosopher 30.
Voilà
pourquoi
(et
c'est
ici
le
second
plan
de
l'importance
du
nouveau
statut
du
concept)
le
philosopher
hégélien
est
entièrement
bâti
à
partir
de
ce
qui
ainsi
s'expose
déjà
dans
les
"Leçons"
de
la
période
de
Iéna.
L'universel et
le particulier sont pris dans une relation de
double subsomption selon laquelle le même terme est
soumis à
deux mouvements opposés:
"L'universel est une propriété de la
substance
à
côté d'autres
la
substance
est
un
particulier
posé
;
dans
l'universel à
côté d'autres
particuliers.
Chacun
est
subsumé
sous
l'autre
;
mais
ces
deux
subsomptions
sont
sous
mode
opposé
;
le
particulier
est
Un
négatif,
et
les
propriétés sont,
en vertu de leur déterminité,
et elles sont
opposées
;
l'universel
est
l'unité
positive
des
Uns
numériques"
31.
Suivons
le mouvement
au
premier
temps,
la
substance est le particulier subsumé sous l'universel: celui-
ci
en
réflexion
est
le
non-être
de
la
particularité
;
au
deuxième temps,
la substance subsume l'universel déterminé qui
est sa propriété: il y a bien une double subsomption que l'on
peut ainsi schématiser en mettant la substance au centre et on
peut
la
faire
fonctionner comme moyen terme
1)
l'universel
en
réflexion
(le
non-être
de
la
particularité)
2)
la
substance
;
3)
l'universel
déterminé
(la
propriété
de
la
substance,
le particulier).
Fonctionnant comme moyen terme,
la
substance porte tout le devenir du concept
lieu de passage
30
-
HEGEL
"Differenz
des
Fichteschen
und
Schellingschen
Systems
der
philosophie"
F. Meiner
Verlag,
Hambourg
1979.
Philosophische
Bibliothek
319
a
p.
10,
30-31
(désigné
désormais
sous
le
sigle
Differenz)
31 -
HEGEL LM!.
trSD.
p.
102
75
du mouvement d'unification des extrêmes dont le résultat sera
finalement
le
concept
déterminé,
unité
et
du
particulier,
propriété
de
la
substance,
et
de
l'universel,
substance
en
réflexion.
D.
Souche-Dagues
fait
remarquer
qu'il
Y a
là
une
ré-interprétation
de
la
subsomption
aristotélicienne
dans
le
cadre
du
rapport
qui
autorise
la
permutation
des
termes
32.
Ré-interprétation,
peut-être
on
assiste
plutôt
à
une
rigoureuse
re-définition,
véritable
création
nouvelle
des
termes hérités de la tradition philosophique,
comme vont nous
le confirmer ci-après les théories hégéliennes du Jugement et
du Syllogisme.
c)
-
Le Jugement.
Cette belle unité du concept déterminé
trouve
dans
le
jugement
le
moment
de
son
autre,
de
la
scission,
de
sa
division.
Hegel
prend
le
terme
en
son
sens
étymologique (Urteil)
division,
mais il ne s'agit pas d'une
quelconque
division
formelle,
superficielle,
simple
subdivision
extérieure
d'un
élément
lui-même
déjà
fragment
d'une
division
antérieure,
bien
plutôt
de
la
scission
première,
primitive même,
d'une unité fondamentale
celle du
concept déterminé. Aussi le jugement n'est-il pas à prendre au
sens d'une activi té purement mentale,
comme une opération ou
une forme
simple de la pensée consciente de soi,
mais plutôt
comme
"le
moment
de
l'être-autre
du
concept
déterminé
;
autrement
dit
sa mauvaise
réalité en
laquelle ce qui
en
lui
est posé comme un se
disjoint et est pour-soi différent"
33.
Le
jugement
montre
donc
les
déterminations
intérieures
au
32 - idem p.
222 plus la note.
33 -
ibidem p.
103
76
concept,
indique la qualité de leur relation :
une relation de
nécessi té
entre
le
suj et et
le
prédicat,
base
de
l'uni té
du
concept déterminé comme analysée ci-dessus,
à
savoir "un être-
en-uni té
simple et de
l'universel et du
particulier"
34.
Par
conséquent
on comprend
que
la
théorie hégélienne
du
jugement
se
développe
en
deux
principaux
mouvements
examinant
tour
à
tour
les
relations
prédicat-suj et
d' une
part
et
de
l'autre
sujet-prédicat,
telles
qu'elles
sont
présentées
dans
le
jugement.
a).
Le premier mouvement.
Il analyse l'être pour-soi du
prédicat, et la réflexion du sujet-en-soi-même :
o - la tautologie: A = A ; U = U. De telles énonciations
ne sont pas à
prendre pour des jugements
;
elles montrent la
possibilité
pure
de
renverser
les
rapports
sans
qu'aucune
modification survienne ;
que A soit à droite ou à gauche de la
relation n'entraîne aucune différence;
de part et d'autre est
posée
la
même
chose:
c'est
une
tautologie
elle
n'entre
vraiment pas en ligne de compte.
1 - Le jugement universel : Tous les A sont B : ou Tout A
est
B.
Dans
ce
type
de
jugement
appelé
aussi
de
la
somme
totale,
le prédicat n'est pas maintenu dans son universalité:
l'universalité du
sujet sursume
le sursumer du
prédicat
;
on
34 -
p.
104
77
ne
sait
pas
ce
que
sont
tous
les
B.
Comment . peut-on borner
l'universalité du sujet A?
C'est le cas suivant.
2 - Le jugement particulier : Quelques A sont B. La borne
ici posée au sujet A entraîne en lui la négativité ; on ignore
ce
que
sont
les
autres
A.
Le
jugement
particulier
pose
un
problème
il
n'est
de
part
en
part
qu'un
jugement
problématique
;
en effet
il
implique quelques
A qui
ne
sont
pas
déterminés,
ceux-là même qui
ne
sont
pas
B.
Le
problème
est précisément ceci: dans un sens ou l'autre on peut toujours
dire,
il y a relation et il n'y a pas relation. Par conséquent
le
jugement particulier est celui
d'un
"simple devoir-être
;
l'exigence que le sujet soit posé au titre d'Un négatif n'est
pas
remplie"
35.
Avec
de
tels
jugements,
on
se
perd
en
conjectures
et
finalement
dans
la mauvaise
infini té.
Comment
en sortir ?
3 - Le jugement singulier : Ceci est B.
Dans le jugement
singulier
se
sursume
le
simple
devoir-être
du
jugement
précédent
et
pour
se
transformer
en
un
Un
numérique,
un
singulier,
ceci.
Or,
le
sujet
ainsi
posé
en
universalité
entraîne en-soi
la destruction
de
la
singularité
et
du
coup
ceci
(sujet)
n'est pas posé comme un particulier.
A son tour
ce
jugement
se
montre
être
une
simple
exigence
de
poser
en
unité l'universalité et la singularité, car le moyen terme,
la
particularité,
est,
entre
la
singularité
et
l'universalité,
l'uni té
négative
de
celles-ci.
Comment
retrouver,
réaliser à
nouveau
la
véritable
unification
de
l'universel
et
du
35 -
ibidem p.
107
78
singulier,
en
d'autres
termes,
l'immanence
de
l'infini
au
fini?
Est-ce qu'une
autre
forme
de
jugement nous
offre cette
possibilité? Le jugement hypothétique s'y essaye.
4 -
Le jugement hypothétique
: Si ceci est,
alors B est.
Dans
ce
jugement,
le
sujet
se
montre
un
sujet
simplement
possible.
Son
être
possible
est
cependant
déterminé
par
l ' universali té
ainsi
qu'est
présente
en
lui
la
nature
de
la
particularité
pleinement
accomplie
;
toutes
ces
conditions
sont
réunies
par
une
exigence
de
nécessité,
nécessité
de
l'identité
des
termes
opposés
(ceci
différent
de
B).
Mais
malheureusement l'unification attendue n'est pas effectivement
réalisée
elle
est
seulement
exigée
de
nécessité
hypothétique;
donc elle est en fait négative.
Reste à
retenir
toutefois que cette exigence se pose comme le point ultime de
la
réalisation
du
sujet
et
celle-ci
est
aussi
condition
nécessaire
pour
que
soient
réalisés
le
prédicat
et
l ' universel.
Faute
de
quoi;
nous
restons
purement
et
simplement dans l'hypothèse.
Ainsi se solde donc par un point de non-retour à
l'unité
simple
du
concept
déterminé,
ce
premier
mouvement
à
quatre
temps articulant le procès de l'être-pour-soi du prédicat,
et
la
réflexion
du
sujet
en
soi-même.
Somme
toute,
nous
avons
récolté ceci
un devoir-être et une nécessité exigée que soit
réalisée
pour
le
concept
son
unité
disjointe,
déconstruite
dans
le
jugement.
Mais
avant
toute
conclusion,
examinons
le
second mouvement.
79
f3)
Le
second
mouvement.
Il
développe
les
rapports
de
L'être-pour-soi du sujet, et réflexion du prédicat.
1 - Le jugement négatif: B est A
C'est le jugement où A
est déterminé et posé comme non-A
;
ce jugement est aussi le
lieu d'un problème
;
B
étant non-A,
il peut
tout
aussi
bien
être C ;
i l résulte de là que B est l'unité de A et de C.
Le
jugement
négatif
fonctionne
tout
comme
le
jugement
particulier;
il
crée
l'équivoque
"le
négatif
est
l'équivoque,
le
ne
pas
en
général"
36.
Ce
jugement
est
par
conséquent
lui
aussi
problématique.
Son
sujet
n'est
pas
en
relation à un universel,
seule la forme de celui-ci est posée.
La
réalisation
du
prédicat
n'est
possible
qu'une
fois
l'équivoque levée.
Ce qui caractérise le jugement négatif est
le
fait
qu'il
cache
(en
ne
l'exprimant
pas)
une
relation,
celle précisément "de B non pas à A,
mais plutôt à
travers A
lui-même
à
non-A opposé à A,
pris comme C,
et à
la sphère
supérieure
englobant
A
et
C"
3 7 .
Comment
lever
cette
équivoque ?
2
-
Le
jugement
infini
C'est la
forme
dans
laquelle
bascule presqu'immédiatement le jugement négatif.
Le prédicat
étant complètement sorti de la subsomption sous
le sujet,
et
posé intérieurement pour soi,
laisse percevoir deux choses
1) que B a une couleur, quelle qu'elle soit;
2) que B possède
une
couleur
en
général.
Par
là,
le
jugement
négatif
se
transforme en jugement infini par lequel on peut aligner des
36 -
ibidem p.
110
37 -
ibidem p.
111
80
inepties du genre:
"Le sentiment n'a pas de couleur,
l'esprit
n'a pas six pieds de long" 38. On voit bien qu'une fois que le
prédicat
est
totalement
nié,
le
jugement
est
brisé
et
par
conséquent il
n' y
a
plus de
jugement du
tout
telle est
la
valeur de la mauvaise infinité. Où et comment peut-on réaliser
le prédicat ?
3
-
Le
jugement disjonctif
A
est
:
soit B:
soit c.
Sous
sa
forme,
ce
jugement
est
visiblement
symétrique
du
jugement hypothétique.
Ici le prédicat atteint à sa totalité ;
il est une déterminité entièrement réfléchie-en-soi (in sich);
il exclut totalement son opposé de la déterminité et se trouve
du même coup exclu par l u i ;
ils sont tous les deux
(sujet et
prédicat)
"sur le mode du
ni
l'un ni
l'autre et à
travers
eux le sujet est déterminé comme n'étant en relation qu'à leur
sphère donnée là sans être développée" 39
Ainsi,
au
terme
de
ces
deux
grands
mouvements,
le
jugement s'est accompli.
Hegel
l'a montré très rigoureusement
dans une démonstration sobre et serrée,
ne laissant place ni à
l'abondance,
ni à l'indigence de mots:
ce qu'il faut et rien
que
le
nécessaire
suffisant
à
la
démonstration.
Le
jugement
s'est déployé à
travers les deux subsomptions opposées,
celle
du sujet sous le prédicat et celle du prédicat sous le sujet,
signifiant par
là sa véritable fonction qui est de
présenter
l'autre
moment
du
concept,
le
moment
de
sa
scission
;
le
jugement
a
correspondu
en
tout
point
à
sa
définition
38 -
ibidem P.
112
39 - ibidem p.
114
81
(Urteilen)
montrer
les
détermini tés
intérieures
au
concept
déterminé.
Fonction
essentielle
qui
manifeste
et
contre-
indique
la
mauvaise
et
la
véritable
réalité
en
d'autres
termes,
ce qui se dissocie dans la présentation du jugement, à
savoir d'un côté la déterminité du concept et,
de l'autre,
sa
totalité.
Comment faire ad-venir à nouveau l'unité de départ?
Faire
retrouver
au
concept
son
identité
brisée
par
le
jugement?
La
réponse
surgira
de
la
médiation
réciproque
des
jugements
disjonctif
et
hypothétique.
Rappelons
le
disjonctif e s t :
A est,
soit B ,
soit C ;
l'hypothétique dit:
Si ceci est, alors B est.
Comme exposé plus haut,
dans le jugement disjonctif,
le
sujet et le prédicat sont sous le mode de "ni l'un ni l'autre,
tandis que le jugement hypothétique est celui de la véritable
unification et du singulier et de l'universel,
celui aussi du
point ultime de la réalisation du sujet,
laquelle est possible
à
la
condition
que
le
prédicat
soit
lui
aussi
réalisé.
Par
conséquent le rapprochement de ces deux jugements montre qu'il
y a en fait un jugement dédoublé à l'intérieur de soi,
dont le
moyen
terme
est
rempli
(universalité
développée,
l'uni té
du
particulier
et
de
l'universel
posée)
;
la
copule
est
(qui
n'est qu'un vide entre le prédicat et le sujet)
cède la place
au moyen terme,
leur unité ; par conséquent,
ils sont colligés
par
la
nécessité,
et
le
jugement
est
devenu
syllogisme
c'est-à-dire le concept revenu à soi; schéma du mouvement:
82
A
B
Ceci
A
B
ceci
ou encore:
A
ceci
= B ; où l'on voit ceci,
le moyen
terme,
accomplir sa fonction d'identité des extrêmes A et B ;
par là le syllogisme est posé et le concept revenu à son unité
déterminée.
d)
Le
syllogisme.
Le
syllogisme
donne
au
concept
déterminé
sa
figure
et
réalité
et
cela
dans
le
rapport
jugement-syllogisme,
rapport
développant
le
cycle
de
l'uni té
de
l'être et
du
penser
:
véritable affirmation d'un
passage,
où
une
même
réalité
se
reconnaît
comme
étant
à
la
fois
elle-même,
le ceci,
et l'autre d'elle-même,
l'universel.
Voilà
qui est encore une fois
l'occasion de vérifier l'immanence de
l'infini
au
fini.
Le
rapport
jugement/syllogisme est
bien
le
lieu,
peut-on
dire,
à
la
fois
de
construction
et
de
déconstruction
d'abord
dans
le
jugement,
l'uni té
simple
du
concept
s' y
déconstrui t,
réduite
à
la
ligne
et
montrant
son
moyen terme,
comme un cercle réduit et concentré en un point
entre
les
extrêmes
que
sont
l'universel
et
le
particulier
ensui te,
le
syllogisme
reconstruit
l'uni té
brisée et
pose
le
concept
revenu
à
soi
identi té
de
contenu
de
l'être
et
du
penser.
Relativement
à
la
substance,
le
syllogisme
accomplit
cette
reconstruction
en
trois
degrés
de
la
montée
et
de
la
descente qui sont posés :
83
1)
un
pur
ceci,
un
singulier,
(il
est
sujet)
2)
un
particulier;
i l est à la fois ceci et universel,
c'est-à-dire
un
négatif
accueilli
dans
l'unité
positive
déterminée
à
l'infini; 3) un pur universel.
Le
pur
ceci
et
le
pur
universel,
constituent
les
deux
extrêmes. Au milieu,
le moyen terme comprend le pur ceci et le
pur
universel
dont
il
est
l'unité
simple.
A
ce
titre,
sa
relation est
doublée,
développée
par
réflexion dans
les deux
extrêmes.
Par
conséquent
"dans
la
séparation,
le moyen
terme
n'est
que
l'intermédiaire
qui
n'est
pas
pour
soi-même,
mais
qui
est
le
point
de
passage dans
l'élévation du
singulier
à
l'universel,
ou
dans
la
descente
de
l'universel
au
singulier" 40.
Le
moyen
terme
exprime
donc
l ' intériori té
de
l'un et l'autre à savoir du singulier et de l'universel par ce
jeu
de
doublement
qui
le
caractérise.
Au
terme
de
son
accomplissement,
le syllogisme aura construit,
bouclé le cycle
de
l'unité
du
concept
et
réalisé
le
sujet
et
le
prédicat,
c'est-à-dire le singulier et
l'universel
par
la médiation du
particulier,
le moyen terme.
Cela Hegel
le montrera de
façon
plus
maîtrisée,
comme nous
le verrons
dans
la
Science
de
la
Logique
et
l'Encyclopédie,
où
le
syllogisme
posera
sa
détermination
comme
étant
vraiment
"le
rationnel
et
tout
rationnel"
41.
Ici
les
bases
en
sont
posées.
La
médiation
dialectique
prend
résolument
la
voie
d'un
rationalisme
des
plus rigoureux où le réel et
le rationnel
se meuvent dans un
rapport
de
permutabilité
fluide
ou
convertibilité
mutuelle
40 -
ibidem p. 119
41 - Ency § 181
tr. BB p.422
84
l'intériorité
la
plus
absolue
manifeste
son
auto-diction
jusque
dans
son
extériorité
tout
aussi
absolue
la
raison
connaît le rationnel.
C -
VERS
LE
RATIONALISME
DIALECTIQUE
Peu
à
peu
le monde de
" l'on"
s'écroule en même
temps
que
le philosophe s'éveille à
cet acte synthétique
par quoi
l'esprit réalise l'unité des oppositions:
fini-infini,
sujet-
objet,
singulier-universel ...
Il en résulte pour la réflexion
philosophique
qu'elle
doit
se
donner
pour
tâche,
pour
but
décisif,
d'acheminer
l' homme
vers
cette
découverte
capitale
qu'est
la
médiation,
expression
vivante
du
rationalisme
dialectique
par
où
prend
corps
l'unité
de
l 'intériorité-
extériori té,
comme synthèse vivante de la nécessité et
de
la
liberté.
La
prise
de
conscience
de
cette
identité
entre
les
rapports
"sujet-objet"
objectif
et
"sujet-objet"
subjectif
implique de reconsidérer le couple classique "puissance-acte",
et
par
là
d'examiner
au
coeur
de
la
médiation ·la
vie
de
l'esprit par rapport à lui-même.
1 -
Médiation sujet-objet objectif
(rapport Ansich-Fürsich)
Dès 1804, la médiation se présente comme la vie réelle de
l'esprit,
comme
la
médiation
de
soi
;
c'est-à-dire
qu'est
essentiel
à
l'esprit,
le
mouvement
par
lequel
celui-ci
se
retire
de
son
immédiateté
pour
se
poser
en
son
autre
85
traduction
du
passage,
en
ses
termes
classiques,
de
la
puissance
à
l'acte,
principe
du
développement.
Hegel,
tout
comme les Grecs,
n'a pas de difficulté à montrer le mouvement
d'un tel passage objectif du sujet.
Que ce soit au niveau de
la plante,
où tout le devenir de celle-ci se trouve déjà donné
en germe dans la graine,
ou au niveau du développement humain
où
tout
ce
que
sera
demain
l ' adul te,
en
son
intelligence,
volonté
et
raison,
procède
de
l'enfant.
Le
moment
de
la
puissance,
de la possibilité abstraite,
de la substance comme
substrat du devenir,
est d'abord par là posé,
posé en-soi (an-
sich) en attente de l'épanouissement de toutes ses virtualités
latentes
dans
un
premier
temps,
actualisées
ensuite
entièrement
dans
un
temps
second
en
pour-soi
(für-sich).
Relativement à
la chose,
à
l'objet,
l'en-soi et pour-soi
(An-
und-für-sich)
expriment
la
prise
de
conscience
du
progrès
effectué et la saisie de l'objet connu.
Ce parcours expose le
développement
de
la
chose
(die
Sache)
comme
l'actualisation
des déterminités intérieures à
la chose,
tout en montrant que
cette
dernière
ne
devient
rien
d'autre
que
ce
qu'elle
était
déjà en son état de l'en-soi
la plante était toute entière
dans le germe,
tout comme la raison de l'adulte cultivé était
dans celle de l'enfant.
Voilà qui illustre la thèse hégélienne
selon
laquelle
la
fin
du
développement
coïncide
avec
le
commencement
de
celui-ci
le
but
de quelque
chose
est
dans
son début.
Ainsi en est-il de la permanence de l'immanence de
l'esprit
à
lui-même
dans
l'acte
où
i l
se
rend
présent
à
l'objet.
Mais cette présence de soi à
soi et de soi dans l'autre
86
tradui t
bien
sûr
un
mouvement.
Toutefois,
ce
n'est
là
qu'un
premier
mouvement
tout
à
fait
insuffisant,
comme
on
va
le
voir,
à
assurer
l'actualisation
absolue
de
cette
personne
subjective.
S'impose
donc
à
l ' espri t
la
nécessité
de
montrer
sa capacité à
maîtriser par exemple
le royaume
des
images
de
l ' intui tion
où,
bien
volontiers,
i l
se
laisse
enfoncer.
La
maîtrise
de
ce
monde
des
images
consiste
en
une
double
libération,
celle
de
l'esprit
lui-même
d'une
part,
et
de
l'autre,
celle
des
images
en
d'autres
termes,
rendre
les
images
indépendantes
est,
en
retour,
pour
l ' espri t
lui-même,
sa propre libération.
Cette oeuvre libératrice est assurée par
la médiation du langage.
Grâce au langage,
l'esprit se libère
des images en leur imposant des noms,
par quoi s'établit tout
à
la
fois
un
rapport
de détermination et
de
différenciation.
Cependant,
ce
rapport
n'acquiert
consistance
que
par
la
fonction
de
la
mémoire
permettant
quant
à
elle,
d'instaurer
entre le nom et l'image un ordre,
voire une hiérarchie stable.
La
stabilité de
l'ordre dans ce
règne des
images va dépendre
du
pouvoir
de
l'entendement.
Non
seulement
ce
dernier
di vise
afin
de
mieux
s'imposer
aux
images
et
aux
représentations,
bien
plus
permet-il
à
l ' esprit
d'appréhender
la
dualité
"j e-
chose"
;
le je,
à l'état pur,
et la chose,
elle aussi à
l'état
pur,
sont deux réalités en opposition.
Quand le je,
l'esprit,
se
pose
pour-
soi,
et
par
là
s'oppose
à
la
chose,
i l
est
l'intelligence,
tournée
vers
son
intérieur
tandis
que
la
volonté,
pure
puissance
formelle
et
vide
en
ses
débuts
(an-
sich),
détermine
progressivement en-soi
(in-sich)
son contenu
à
partir
de
la
pure
impulsion
(Trieb),
milieu
(Mi tte)
vide
reliant
l'individualité
singulière
à
l'universalité
du
but
87
poursuivi.
Dans
ce
processus
vital
d'auto-détermination
spirituelle,
le
travail
( die
Betrieb)
marque
une
étape
importante.
Instrument et médium entre l'homme et la chose,
i l
aide
à
la
réalisation
du
désir
(Begierde)
étant
l'unité
des
deux,
à savoir du désir et de l'objet désiré.
Par la médiation
du
travail,
l'être-pour-soi
du
je
s'exprime,
"s'extériorise
lui-même
(redira
Hegel
plus
tard
dans
la
Phénoménologie)
et
passe dans
l'élément de
la
permanence"
42.
Le
travail
expose
ainsi
en
la
réalisant,
une
première
uni té
de
la
conscience
théorétique et de la conscience pratique 43.
Cependant dans ce
rapport de l ' homme à
la chose désirée,
la relation
"je-chose"
reste encore marquée
par
l ' extériori té
des
deux
termes.
Avec
l'amour
entre
l'homme
et
la
femme,
chacun
découvre,
dans
l'acte même de leur union,
qu'il est déjà l'autre de lui-même.
Mieux que dans le travail,
l'homme et la femme saisissent dans
le don mutuel le caractère spirituel du mouvement immanent qui
les porte l'un vers l'autre.
Aussi,
les étapes de réalisation
de
l'amour
sont-elles
le
mariage,
l'enfant,
la
famille,
la
possession,
la
lutte
pour
la
reconnaissance
(der
Kampf
des
Anerkennens).
Dans
cette
rencontre
de
soi
dans
l'autre
soi,
qui
traduit
l'uni té
et
la
vérité
de
l'auto-détermination
de
l'en-et-pour-soi
du
je
qui
n'est
tel
que
pour
un
autre
je,
l'esprit franchit une étape capitale,
celle par laquelle i l se
saisi t
et
se
sait
comme
puissance
d'auto-détermination,
une
puissance
qui
n'est
donc
pas
seulement
passivité,
mais
bien
plus
aussi
activité
c'est-à-dire
"en-soi
comme
l ' identi té
42 -
Cette dialectique du désir et du travail a
fait l'objet de plusieurs reprises par Hegel:
SW.L.
tome VII p.
425-432 "Système der Sittlichkeit";
tome XIX p.220 ;
tome XX p.197
;
Ph.G 1.
165 note
30
43 - Hegel LMI.
trSD pp. 182-190
88
simple de la possibilité et de l'effectivité,
essence absolue
contenant dans soi toute effectivité et possibilité ; pour-soi
cette
identité
comme
puissance
absolue
ou
négativité
se
rapportant à soi purement et simplement" 44.
Mais cette possibilité ou identité en-soi simple n'est pas
pour autant purement formelle car en elle l'esprit effectif se
montre comme l'intelligence qui est volonté.
Celle-ci se veut
universelle,
aspire
à
se
poser
comme
telle
et
être
ainsi
reconnue.
Ce
droit
qu'elle
réclame
pour
sa
reconnaissance
implique la réciproque du côté de son opposé;
le droit d'être
et de posséder va se poser alors comme l'acte par lequel
les
autres renoncent à
se placer entre moi et ce qui est à moi
;
l'expression de cette volonté prend figure dans le contrat par
quoi
les
deux
parties
se
donnent
de
manière
expresse
le
contenu
commun
de
leur
volonté.
En-soi,
le
contrat
est
un
moyen
(un
médium)
entre
deux
libertés
individuelles
qui
s'outrepassent
l'une dans
l'autre
il
est
l'uni té
des
deux
volontés
et
non
une
simple
limitation
des
virtualités
individuelles
comme
on
pourrait
le
penser.
Aussi,
doit-on
préciser
immédiatement,
en
le
contre-distinguant,
la
liberté
qui s'engage et le contenu qu'elle se donne; ainsi n'ira-t-on
pas confondre
le contrat vrai
avec toutes
les
actualisations
de
la
volonté
d'une
part,
et
de
l'autre,
oublier
que,
sous
raison de sa nature,
le contrat est toujours révisable;
c'est
dire que la médiation de la chose est nécessaire pour qu'il y
ai t
un
vrai
contrat.
On
comprend
alors
que
Hegel
refuse
de
concevoir
le
mariage
à
la
manière
d'un
contrat
les
partenaires
dans
le
mariage
sont
des
personnes,
vecteurs
de
44 - WL Il 214.
29-34
SL III 37. 11-15
89
volonté universelle.
Certes,
cette volonté .universelle se doit
de
s'exprimer,
de
se
donner
un
statut
concret,
état
dans
lequel
la
personne-sujet
accomplit
sa
nécessité
de
s'objectiver.
La volonté universelle instaure par là le monde
des
lois,
en
l'occurrence celui
de
la Constitution.
Aux yeux
de
Hegel,
ce
monde,
dans
son
en-soi,
est
l'Esprit
absolu.
Aussi est-il à
lui-même sa propre fin.
A l'homme,
en tant que
personne-sujet,
i l
assure existence et
liberté.
Mais
cet
en-
soi
du
monde
des
lois
n'atteint
à
son
pour-soi
que
sous
la
mouvance
active
et
créatrice
des
individus,
par
quoi,
ces
derniers
accèdent
à
l'auto-détermination,
à
l'exercice
de
la
liberté.
Ainsi,
le monde des lois révèle son en-soi
(l'Esprit
absolu) dans l'esprit du peuple qui en est la figure concrète.
Ce peuple (tantôt foule,
tantôt volonté universelle constituée
en
l'uni té
des
volontés
particulières)
exprime,
à
partir
de
soi,
pour-soi,
la volonté universelle,
laquelle,
comme
l'epos
(ce
langage
primordial)
sommeille
dans
l'intime
de
tous
les
individus.
C'est
donc
en
cette
volonté
universelle
que
la
volonté rationnelle égale à soi trouve son fondement.
Une fois
posée
cette
égalité
ou
identité
à
soi
de
la
volonté
rationnelle,
peut
s'expliquer
le
problème
des
classes
sociales.
Celles-ci
étant de
fait
l'expression de
la
société
poli tique
et
de
la
conscience
que
cette
dernière
a d ' elle-
même,
i l
découle
de
là,
selon
Hegel
que
la
solution
aux
problèmes
des
classes
sociales,
est
à
chercher
dans
l'intégration
étroite
du
politique
et
de
l'économique.
En
effet
la
Constitution
fait
apparaître
et
progresser
la
vie
éthique.
D'extatique
qu'était
celle-ci
dans
la
pure
éthici té
(Sittlichkeit) elle devient ainsi moralité (Moralitat),
c'est-
90
à-dire l'esprit conscient de soi-même 45
Tel est le résultat
de l'objectivation progressive du principe subjectif (Sitten).
2 - Médiation sujet-objet subjective
(An-und-für sichsein)
La
vérité
de
la
médiation
sujet-objet
objective
est
l'esprit en tant qu'il a fait retour en soi pour véri-fier la
consistance
essentielle
de
son
objectivation,
sa
propre
effectivité phénoménale.
En effet,
la totalité n'est totalité
absolue qu'en ne laissant rien en dehors d'elle-même
;
aussi
le
rapport
sujet-objet
subjectif
traduit-il
ce
mouvement
de
retour qui boucle le cercle.
L'universel concret s'intériorise
et devient rapport ontologique,
"l'en-soi est lui-même ce qui
parcourt son propre cercle.
Le connaître formel,
en tant que
le cercle qui
se distingue de ce qui constitue le cycle,
est
pour-soi,
fermé
en-soi,
indifférent
à
l'égard
de
la
déterminité de son contenu
c'est une monade,
peut-on dire,
ou une
idée qui
n'est
pas
affectée par sa détermini té,
mais
.
qui est déterminée pour autant qu'il y en a plusieurs ,
et il
y
en
a
plusieurs
pour
autant
que,
n'étant
en
relation
qu'à
soi-même
au
titre
des
en-soi,
elles
sont
passives,
ont
la
détermini té
au
titre
d'une
détermini té
extérieure"
46
Le
mouvement ici présenté est bien celui du Concept ou de l'Idée.
Les métaphores de cercle,
de cycle et de sphère apparaissent
45 - Voici.
selon Hegel. le schéma de la société d'après les différents degrés de la conscience
:
-
le paysan:
cette classe représente la plongée immédiate de l'individu dans l'universel:
-
l'artisan
et l'ouvrier:
ils ont déjà par rapport aux paysans.
la conscience de leur importance et de
leur valeur
professionnelle:
conscience individuelle
:
-
le fonctionnaire:
c'est la classe
qui entend passer de la
conscience
individuelle
au
stade
supérieur
de
l'unité
de
l'individuel
et
de
l'universel
;
-
les
gouvernants: cette classe se veut l'expression achevée de l'intégration de l'individuel à l'universel.
91
déj à
et
signalent
l'une
des
caractéristiques
essentielles
au
penser
hégélien,
la
circularité
du
procès
réflexif
47.
On
y
perçoi t
le
lien
du
Système
à
l' histoire
de
la
philosophie,
lien
déterminé
au
même
titre,
par
un
morphisme
interne
du
Concept
48.
Le Concept
comme Absolu-Unique,
Substance,
Monade
même,
s'articule donc
suivant
une
pluralité dont
le mouvement
circulaire
évoque
tantôt
le
cercle,
tantôt
la
sphère
ou
le
moment,
expression
en
figures
de
la
fluidité
spirituelle
de
l'Idée.
Le
connaître
est
l'Idée
de
l'en-soi
en
tant
que
négation
de
l'extérieur
et
par
conséquent
rapport
de
substantiali té
en
sa
totalité,
elle
est
rapport
de
l'être
en
général
;
c'est
le
moment
dans
lequel
la
négation
est
non
point
le
nier
un
autre,
mais
bien plutôt
le
se
nier
soi-même
comme un singulier
processus du maintien de soi,
le sur sumer
de l'extériorité,
du devenir-genre,
cette essence suprême.
Or,
celle-ci
est
la
singularité
;
mais
en
tant
que
détermini té
simple
et
pure,
absolument
égale
à
soi-même,
elle
n'est
rien
d'autre que le je
un je non-déterminé pour
soi-même qui est
l'Idée
ou
sa
détermini té
originaire.
Par
là,
la
singularité
disparaît
donc
dans
l'universel;
elle
s'intériorise
par
ce
mouvement
qui
instaure
l'universel
déterminé
un
universel
déterminé
dans
le
singulier
lequel
se
connaît
comme
47
-
Cette
lexie
-
cercle et circularité.
a
fait
l'objet de nombreuses études dans
le Système
hégélien.
soit directement.
soit
indirectement
;
nous en mentionnons quelques unes:
a)
-
Denise SOUCHE-
DAQGUES
:
"Le cercle
hégélien"
oc.
D.
MJ\\HNKE
:
"Unendliche sphare und Allmittelpunkt"
Sttutgart
1966.
J. van
der
MEULEN
:
"Hegel.
die
gebrochene
Mi tte"
Hamburg
1958.
F.
GERAETS
:
"Les
trois
lectures
philosophiques de l'Encyclopédie ou la réalisation du concept de la philosophie chez Hegel"
Hegel Studien
B.
10.
b)
-
G.
POULET
:
"Les
métamorphoses
du
cercle"
Paris
Flammarion
1979
.
J. P.
LABARRIERE
et
G.
JARCZYK
:
Notes
très
éclairantes dans
SL
l
note
36 et
(Ph.G.
20.
16-19;
l
18.
7-10):
le
cercle
comme
accomplissement de
la médiation dans
l'immédiateté devenue
(Cf.
dernières pages du Savoir absolu.
Logik
II
504.
17sq.
et
505.
20
sq.
B.BOURGEOIS
:
"L'idéalisme
de
Fichte"
PUF
1968.
C.BRUAIRE
:
"Logique
et
Religion chrétienne dans
la philosophie de Hegel"
Seuil
1964.
Ch.
13
D. DUBARLE
:
"Logique formalisante
et logique hégélienne"
in "Hegel et la pensée moderne".
PUF 1968 pp.1l3-159.
48 -
D.DUBARLE. Art.
cité (note 47)
p.
128.
92
essentiellement infini.
Par conséquent,
le
je
"trouve ce qui
lui est opposé à l'intérieur de soi comme soi-même,
comme en-
soi"
49.
Ainsi,
le
sujet-objet
subjectif,
au
terme
de
son
parcours accompli,
se trouve soi-même ; un tel parcours est le
recourbement de
la
ligne sur elle-même
il
est cercle,
"il
est
le
cercle
fermé
de
la
réflexion,
il
est
Esprit,
i l
est
raison"
50
cercle,
réflexion,
raison,
Esprit,
autant
de
termes différents,
accumulés
ici dans ce passage pour
rendre
compte
d'une
fonction
unique,
le
caractère
circulaire
du
mouvement
dialectique.
Le
cercle évoque
en effet,
à
la
fois
l'image et mouvement réflexif sans trace de l'Esprit ou de la
raison.
Ainsi,
s'esquisse déjà,
dans "Logique et Métaphysique"
de
Iéna,
le
cycle
absolu
de
l'Esprit
absolu,
montrant
la
relation
sujet-objet
subjective
comme
celle
du
mouvement
de
l'Esprit
absolu.
En
l'infini té
simple,
égale-à-soi-même,
"l'Idée de l ' Espri t
s' intui tionne soi-même dans l'autre comme
soi-même,
est
immédiatement
à
nouveau
l'Esprit
qui
est
en
relation à soi-même en tant qu' Espri t
absolu"
51.
Sommes-nous
encore
très
loin
du
principe
de
la
Science
absolue
?
de
l'Absolu unique, de l'Un, du Concept?
3 - Le jeu de l'unité et de la différence
Ce
qui
précède
se
laisse
apprécier
de
façon
assez
triviale peut-être,
en termes de jeu, mais du jeu au sens d'un
mouvement
qui
porte
et
emporte
une
structure
de
sens_La
médiation s'expose en posant l'unité dans la différence.
Elle
49 -
LMI trSO p.
197
50 -
idem.
51 -
ibidem p
.203
93
annonce
en même
temps
qu'elle
l'énonce cette conciliation du
fini et de l'infini,
objet du projet hégélien.
L'intention de
la volonté du
philosophe n'était rien d'autre que de
laisser
ad-venir
la vérité,
en
la montrant
procédant
du
sujet
et
de
son autre,
comme le jeu de l'unité et de la différence:
image
concrète de la vie de l'esprit.
Aussi,
la médiation n'est-elle
pas
seulement
passage
simple
du
moi
dans
l'autre,
mais
bien
également l'introduction du l'autre dans le moi;
c'est-à-dire
le mouvement mutuel d'un se porter
l'un dans
l'autre de deux
extrêmes.
Un
tel
mouvement
suppose,
voire
pré-suppose
un
milieu
objectif,
le
moyen-terme,
lieu
où
s'antécède,
pour
ainsi dire,
l'unification du résultat,
de la conciliation,
de
la vie qui
surgira de la mort consentie par
l'un et
l'autre
des
opposés
antérieurs.
Par conséquent
la relation de
simple
passage
à
l'autre
n'est
qu'un
rapport
du
fini
au
fini;
elle
est
relation
d'extériorité,
tandis
que
l'intériorité
réciproque ne s'atteint que dans le passage absolu de soi par
soi,
l'auto-mouvement
qui
est
l'expression
de
l'essence
de
l'esprit,
la
liberté.
La
médiation
absolue
est
donc
le
recourbement
du
je
pratique
sur
le
je
théorique,
véritable
infini tisation
du
fini
en
lui-même.
Hegel
en
suggère
l'idée
dans
l'image
du
cercle
image
concrète,
mais
en
fait
invisible,
donnée
non
point
comme
exemple
ou
symbole,
mais
plutôt comme fonction pour évoquer
la liberté,
ce "cercle qui
n'est
nulle
part
avant
d'être
tracé"
52
Le
mouvement
dialectique ici à
l'oeuvre en son surgissement originaire est
décidément
celui
de
l'auto-médiation.
Il
porte et
anime
tout
le
Système
jusqu'à
son
total
accomplissement
c'est-à-dire
52 - D.SOUCHE-DAGUES "Le cercle hégélien" PUF 1986 p.
178.
94
jusqu'à l'infinitisation du fini.
Ainsi
s'annonce
tout
le
Système,
comme
taillé
à
la
serpette
dans
un noeud de chêne,
sous la figure de ce qui
est
désormais
qualifié
comme
étant
son
esquisse
(Systementwürfe)53:
les
écrits
de
la
période
de
Iéna.
La
médiation dialectique montre
déjà
ici
qu'elle
est
à
la
fois
principe et méthode de la Science absolue.
53 - Cf.
note 5
95
CHAPITRE 2
P R l
N C l
P E
D U
s y STE M E
L' E S P R I T .
"La
conscience
est
l'esprit
comme
objet
;
mais
le
mouvement
par
lequel
elle
se
meut
en
avant
repose
uniquement, comme il en va de toute vie naturelle et
spirituelle,
sur
la nature
des
essentialités
pures
qui constituent le contenu de la logique ... Ce sont
des
pensées
pures,
l ' espri t
qui
pense
son
essence.
Leur
auto-mouvement
est
leur
vie
spirituelle,
elle
est ce par quoi la science se constitue et ce dont
elle est la présentation. l
L'esquisse
du
Système pendant
la
période
de
Iéna
prend
fin sur la fameuse triade:
Art,
Religion et Science.
C'est la
première fois,
semble-t-il,
que l'on retrouve ainsi regroupées
ces
trois
activités
fondamentales
de
l'esprit.
Par
rapport
â
1 - WL. 1
7.
10-24 ;
SL
1 7. 13-24
Ph.G.
561. 37 à 562. 31
Il
309. 19 à 311.
2
Ency §§
236 et 577
Les
reprises par Hegel de cette idée
fondamentale.
dans
ses oeuvres
logiques
majeures.
sont
capitales.
savoir que
le principe et l'unité de
tout
le Systême est
"l'Esprit qui
pense
son essence".
c'est l'objectif principal de ce chapitre.
ainsi que celui du prochain:
voir ou faire
saisir l'esprit
être. à la fois.
conscience.
raison, contenu et liberté.
96
ce qui
précède et
à
ce qui
va
suivre on peut déj à
qualifier
cette dernière partie du
"Systementwürfe"
de résultat et cela
au
sens
hégélien
du
terme
une
négation
déterminée,
une
figure qui
"a sa propre négation comme résultat de ce qu'elle
est"
2
Ainsi
"l' espri t
immédiatement conscient de soi" 3
est
l'art;
dans
sa
vérité,
celui-ci
est
à
son
tour
religion
tandis
que
la
philosophie,
science
absolue,
vérifie
(verwahren)
"l'assurance sans intellection"
(versicherung ohne
Einsicht" 4 que donne la religion. Ce résultat est donc repris
et
développé
par
l'esprit
dans
et
à
travers
les
figures
concrètes de la conscience (la Phénoménologie de l'Esprit)
et
jusque dans l'éther de la pure pensée "des essentialités pures
qui
constituent
le
contenu
de
la
Logique"
5
Ainsi
s'intuitionne,
dans les écrits de Iéna,
l'unité spirituelle et
principielle
de
la
science
absolue
qu'exposera
très
rigoureusement
le
Système,
parvenu
à
sa
maturité,
dans
son
identité
avec
sa
méthode,
elle
aussi
absolue.
Cette
unité
dialectique du Système dans laquelle
"le logique s'élève pour
l'esprit subjectif
comme l'universel qui saisit en soi la
richesse
du
particulier
le
résultat
de
l'expérience
des
sciences
la vérité universelle
l'essence de
tout"
6
le
fondement
capital
de
la
logique
réellement
posée
comme
science absolue.
Alors se comprend la recommandation faite à tout lecteur
2 -
WL 1
XX:
SL
1
25,
4
:
la négation déterminée est une négation qui
s'est posée comme
négation.
Nous
y
reviendrons
plus
loin avec la cicularité de l'esprit,
la négativité ou la mobilité de
l'esprit étant la nécessité de sa liberté d'auto-progression.
3 -
l
Syst I I I
252,
16;
trad.
109.
4 -
id.
260,
33 :
119
5 - Cf ci-dessus la note 1.
6 - WL
1 40,
24-40
;
SL
1
31,
7-26
97
éventuel de
la
Logique,
par Hegel
lui-même
lorsqu'il
écrit
"La
Logique,
sans
contredit,
doit
d'abord être
apprise
comme
quelque chose que l'on entend sans doute,
et que l'on pénètre,
mais où,
d'entrée de jeu,
font défaut,
ampleur,
profondeur et
signification de plus de portée" 7.
Voilà le but assigné à ce chapitre
:
apprendre à
saisir
le
logique,
l'esprit,
le spirituel
(das
Geistige)
à
l'oeuvre
dans
cette
Médiation
Dialectique
du
Système
en
d'autres
termes,
repérer
le
pur
mouvement
de
l'esprit
dans
son
surgissement
initial
par
quoi
vient
au
jour
l'identité
principielle de la Science, de la Méthode et de la Liberté.
A - QUESTIONS REMANENTES
La réflexion philosophique aura toujours à donner réponse
ou à
repenser sa réponse au sujet des questions fondamentales
relatives
à
son
objet
propre
la
vérité.
Qu'est-ce
que
la
vérité? Comment s'assurer de la saisir vraiment? Qu'est-ce-
que connaître en vérité la vérité? Le rapport du philosophe à
la vérité est-il
véritablement
différent
de celui
des
autres
démarches
humaines
de
la
pensée
relatives
au
sens,
à
la
signification
?
Le
sens
(le
vrai)
fait-il
nombre
avec
les
structures diverses,
voire différentes,
de la quête de sens ?
Quels rapports y
a-t-il entre le vrai et le faux ? Qui ou quoi
permet
à
l'homme
dans
sa
réflexion
de
con-naître
ou
de
reconnaître
les
liens
et
les
rapports
nécessaires
entre
le
contenu et
la
forme,
entre le sujet et
l'objet
?
Pourrait-on
7 - id
l 40.
24-26 :
SL
l
31.
7-11
98
tenir
un
discours
vrai,
véridique,
en
dehors
de
la
relation
originairement
duelle
(ou
bilatérale)
par
quoi
l'idée
et
la
réalité,
le monde et la pensée,
la logique et l'histoire,
la
parole
et
le
vrai,
le
sujet
philosophant
et
le
discours
de
vérité,
etc,
se trouvent d'emblée posés dans un mouvement qui
les suscite réciproquement?
Selon la perspective choisie,
varient les réponses à ces
questions
permanentes.
Décider
de
présenter,
de
l'extérieur,
l'analyse minutieuse de la réalité ou de la décrire,
avec un
souci tout aussi minutieux,
en vue de l'exposer sous sa forme
la
plus
parfaite
possible,
ne
nous
fournit
pas
le
tout
de
l'objet
donné.
Prendre
inversement
l'option
d'une
analyse
complète
préalable
des
conditions
subjectives
possibles
a
priori
et
les
qualifier
de
prolégomènes
nécessaires
à
toute
prétention à
la connaissance véritable,
nous crée un problème
second
a
priori
qui
est
celui
du
mode
de
passage
des
catégories
subjectives
aux
catégories
éventuellement
présupposées objectives.
Hegel trouve,
quant à lui,
que chacun de ces choix,
pris
isolément,
tombe sous le reproche de vues et de présentations
unilatérales,
incapables
de
rendre
compte
de
l'unité
différenciée
de
la
relation
sujet-objet,
l'intériorité
mutuelle
de
leur
dualité
étant
d'emblée
immédiatement
donnée
comme résultat de leur rapport corrélatif.
Indissociables l'un
de l'autre se posent et se reçoivent le sujet et l'objet;
on
ne
peut
donc
les
appréhender
respectivement
en
vérité
"que
selon
l'ordre
d'une
autonomie
d'origine"
8
Le
ressort
du
8 - Hegeliana p.
206
99
philosopher
hégélien
repose
là,
essentiellement
fondé
sur
le
mouvement,
l'énergie,
peut-on
dire,
de
faire
se
converger
réflexivement
le
sujet
et
l'objet,
l'universel
et
le
particulier,
au
point
que
l' activi té
réflexive
du
philosophe
n'est rien d'autre que celle du "connaître et du reconnaître"9
des liens nécessaires entre le contenu et la forme.
L'idée de
la
philosophie
en
acte
est
ainsi
perçue
comme
étant
l'Idée
même
qui
se
pense
en
pensant
l'unité
originaire
de
toute
objectivité subjective et de toute subjectivité objective.
Or,
i l
se
trouve
que
cette
unité,
d'essence
spirituelle
par
nature,
signifie son identité libre par l'auto-mouvement de sa
propre vie.
Il
en
résulte
que
la
philosophie
est
tout
à
la
fois
logique
et
histoire
de
l'esprit,
que
la
réflexion
philosophique
systématique,
géniale,
d'un
sujet
philosophant,
reste,
dans
l ' histoire
de
la
pensée,
l'effort
d'un
individu
pour
comprendre
au
mieux
son
temps.
Cependant,
cette
compréhension
ne
demeure
pas
moins,
même
dans
cette
forme
particulière,
l'oeuvre
de
la
raison
qui
se
connaît
et
qui
pense
le
particulier
dans
l'élément
du
logique
universel
l'esprit.
La
vérité
est
la
vie
de
l'esprit.
Elle
paraît,
apparaît,
se manifeste dans le mouvement de sa diction,
tantôt
comme
un
point
central
(intuition) ,
tantôt
comme
une
figure
complète
(discours
systématique
du
vrai)
véritable
"cercle
revenant sans cesse sur lui-même" 10
Que l'oeuvre de Hegel ait réalisé une telle performance
9 -
Ency. §§ 572-574
10 - Ency. § 17.
100
de
façon réussie
et
que
l'on
puisse
après
lui
prétendre,
en
saisir
l'unité
du
principe
et
de
la
méthode,
comme
étant
d'emblée l'identité du Système et de la Liberté,
voilà qui n'a
pas
manqué
de
faire
couler
beaucoup
d'encre
Il
Interrogeons
tout d'abord et très brièvement deux des principales positions
et objections.
B - POSITIONS ET OBJECTIONS TOUJOURS RENAISS~TES
L'unité du Système et de
sa méthode,
comprise en termes
de
"principe
strictement
structurant",
de
mouvement
libre
de
l'auto-conscience,
de
Totalité
se
différenciant
n'a
pas
11 - Nous n'indiquerons ici, bien sommairement certes,
que les auteurs effectivement consultés
à
ce propos:
- J.D'HONDT : Hegel et l'hégélianisme" PUF 1986 pp. 80-81
- L. Bruno
PUNTEL
"Darstellung, Methode und Structur". Hegel-Studien,
Beiheft 10;
- Gunther MALUSCHKE
"Kritic und absolute Methode und Hegels'Dialektik", Hegel-Studien Beiheft
13.
-
Dieter
HEINRICH
:
"Die
Wissenschaft
der
Logik
der
Reflexion",
Hegel-Studien
Beiheft
18.
première partie.
surtout "Einführung in den Problem bereich einer speculativen
Logik" pp.
9-39,
et la
troisième partie:
"Analysen zur Logik des Wesens" pp.
173-339.
H.F.FULDA
"Das
Problem
einer
Einleitung
in
Hegels
Wissenschaft
der
Logik".
Ed.
V.
Klostermann, Frankfurt an Mein 1965 XII315 9
-
J.
GAUVIN
:
Compte rendu du précédent in Hegel-Studien N'
4
(1967)
"Besprechungen" pp.
244-
250.
- P.J. LABARRIERE
StrMD oc. ch. 1 pp.
17-30 ; Ileph. oc. pp. 47-60
-
P.J.LABARRIERE et G.
JARCZYK
SL
I I
Présentation,
pp.
IX-XXV;
SL
III
présentation
pp.
11-21.
-
S.OPIELA
:
"Le
réel
dans
la Logique
de Hegel
Développement
et
auto-détermination".
Ed.
Beauchesne, Paris 1983. p. 366 sq.
- E. FLEISCHMANN : "La Science universelle ou la Logique de Hegel".
Ed. Plon;
1968.
101
manqué de susciter des objections tenaces,
des attaques et des
critiques sans cesse reprises,
ou tout au moins de
"sérieuses
réserves",
même
parmi
les
hégéliens
modernes
12
Traité
de
"Système monolithique"
du type
"univers-bloc",
de
"monisme du
sujet",
d'organisme indivisible (manières de parler conduisant
toutes à
la tentative,
toujours renaissante,
de ramener ou de
réduire
Hegel
à
Schelling,
à
Leibniz,
à
Spinoza
et
pourquoi
pas
également
à
Aristote),
l ' héri tage
hégélien,
certes,
ne
laisse personne indifférent.
Mais peut-on réellement appliquer
séparément
"la dialectique hégélienne,
au prix de ce que Hegel
aurait
certainement
tenu
pour
une
amputation
cruelle
et
sacrilège" 13 ? Une réponse affirmative à cette question irait
pour
le
moins
dans
le
sens
d'une
"rupture
absolue
de
l'hégélianisme avec tout ce qui le précéda et tout ce qui lui
a succédé" 14. On l'a cependant osé.
On
a
tenté
de
distinguer
(pour
faire
bien,
en voulant
purger
le
Système
des
erreurs
scientifiques
de
l'époque)
le
procès
purement
dialectique
de
ses
résultats,
tout
comme
si
l'on
pouvait
isoler,
séparer
vraiment
l'accomplissement
du
mouvement,
son développement de ce qui
par
là
s'accomplit et
ainsi
se
pose
dans
sa
déterminité
en
devenir.
Peut-on
en
véri té briser le travail de
"l' espri t
de progrès progressant"
et espérer sauver l'uni té du Système ?
Victor Cousin s' y
est
essayé,
mais
pour
le
résultat
qu'on
connaît
en
réalisant
"une
production
exacte
du
faux
Système"
( 14).
Certes,
Hegel
12 -
Errol E.
HARRIS:
"Nature et Science moderne" Coll.
Raison dialectique.
Ed.
l'Age d'homme.
Lausanne 1979 p.
240.
et p.
484
13 -
J.
O'HONOT :
"Hegel et l'hégélianisme" oc.
p.
101
14 -
id.
p.
102
102
lui-même indique la possibilité d'une certaine distinction.
Il
le
fit
à
propos
de
Kant
et
de
Platon en
précisant
cela
non
seulement
comme
une
simple
possibilité
mais
comme
étant
un
devoir
de
ne
pas
confondre
la
lettre
et
l'esprit
"la
philosophie kantienne a
besoin que
son esprit
soit distingué
de la lettre et que le principe spéculatif soit dégagé de tout
le
reste"
15
Il
s'agit
par
conséquent
de
comprendre
le
refuge dans
la
lettre par crainte de perdre quelque chose du
bel
édifice
hégélien,
tenu
pour
un
dogme
ne
varietur,
tue
l ' espri t
dialectique
en
revanche
un
recours
intelligent
à
celui-ci
offre
l'occasion d'introduire à
la vraie vie,
celle
qui survit à
sa propre mort et qui est la vie de l'esprit.
Le
monoli thisme
d'une
lettre
jalousement
conservée
comme
celui
d'une
structure
morte
et
figée
n'est
ni
dialectique
ni
hégélien; i l est purement et simplement source d'amertume.
Demeure
cependant
le
redoutable
problème
de
comment
saisir
et
comprendre
le
procès
dialectique
qui
s'accomplit
dans le Système? Comme nous l'avons indiqué plus haut,
i l n'y
a pas de moyen d'accès plus efficace que Hegel lui-même.
Tout
dépend de la qualité de la relation à
son Système.
Mais,
une
fois écarté le dogmatisme monolithique de la lettre,
relationnisme situationniste: deuxième position.
Quittant le sanctuaire fétide du monolithisme, nous voici
sur
la
fertile
et
vivifiante
agora
du
relationnisme
situationniste.
L'historien de la philosophie se donne ici une
double
tâche
saisir
et
découvrir.
Dans
une
première
approche,
i l
s'agit de comprendre d'abord ce qui
se passe et
15 - G.W.F. HEGEL
"Premiêres publications".
Tr. citée p. 79
103
comment
le
tout
s'ordonne
et
se
déroule
suivre
l'unité
intelligible
en
procès
d'elle-même
est
primordial.
Vient
ensuite,
sans suite chronologique toutefois,
la fonction de la
découverte
chercher
et
examiner
les
conditions
à
la
fois
historiques
et
géographiques
dont
procède
la
production
de
l'oeuvre.
En effet,
si,
au résultat,
le premier travail livre
l'uni té
interne,
le
fil
conducteur
de
l'ensemble,
dans
son
être-là
posé,
tout
n'est
pas
en
cela
terminé
reste
la
reprise
commentée
des
conditions,
du
jeu
des
effets
et
des
influences
qui
sont
autant
de
facteurs
médiateurs
plus
que
nécessaires
à
la
compréhension
approfondie
du
Système
hégélien.
Tout philosophe s'inscrit dans une culture donnée;
et il appartient à son époque. Comme ses grands prédécesseurs,
Hegel
était
lui
aussi,
avec
ses
contemporains,
"fils
de
son
temps"
16
;
un temps qui lui ~rrivait chargé d'une longue et
riche
tradition
philosophique
dont
il
enseigna
lui-même
l'histoire.
En grand dialecticien qu'il était,
il a su saisir,
comprendre
et
découvrir
comment
les
différents
systèmes
philosophiques
s'étaient
construits
en
procédant
dialectiquement
les
uns
des
autres.
Sa
conscience
philosophique
assuma
cet
héritage
pour
le
réélaborer
de
magistrale
façon
grand
génie
ayant
la
modestie
de
reconnaî tre qu'il
n'était
pas
l'inventeur
de
la dialectique.
"La
dialectique
n'est
rien
de
nouveau
en
philosophie"
disai t-il
17.
Il
en
reconnaissait
la
pratique
même
réussie
16 - HEGEL
PhRech.
tr. RD p. 57
17 - Ency § 80
tr. BB. p. 513
104
chez
nombre
de
ses
précurseurs
et
non
des
moindres
18
Par
conséquent,
la
dialectique
survit
aux
dialectiques.
Ainsi,
justice doit être rendue à l'adage:
"vivre et laisser vivre",
comme le recommandait Hegel lui-même 19
Notre
démarche
ici
en
acte
s'inspire
de
cette
double
tâche:
parvenir
dans
un
rapport
direct
aux
textes
à
la
compréhension
de
cette
unité
du
Système
sans
jamais
nous
déprendre
des
apports
induits
par
l'examen
des
conditions
de
sa
production.
Aussi
nous
faut-il
maintenant
examiner
le
rapport
qu'entretient
la
dialectique
avec
les
dialectiques
afin de mieux l'apercevoir dans sa figure hégélienne.
Si
la vraie dialectique
authentique vit
et
laisse vivre
les
dialectiques,
i l
faut
s'attendre
à
la
voir
présenter
son
caractère immortel comme un trait spécifique de sa nature,
par
quoi
elle
apparaît
et
disparaît
dans
et
sous
les
figures
qu'elle
instaure,
sans
jamais
s'y
laisser
enchaîner,
se
manifestant
ainsi
au creux des choses
et des
êtres
comme
"la
loi
diversifiée
de
leur
apparition
et
de
leur
disparition,
l'analyse
des
manières
de
naître
et
mourir,
l ' itinéraire
des
passages
Quand
tout
meurt,
la
mort
immortelle
triomphe.
Quand
tout
se
querelle
avec
soi-même,
la
discorde
devient
l'accord universel"
20
la dialectique est la loi du devenir;
loin d'être
cependant
un
destin
fatal
qui
anéantit,
elle
est
une
manière
vivante,
consciente
et
méthodique
qui
assume
les
18 - Héraclite. Aristote.
Spinoza. Diderot.
Kant.
La théologie trinitaire
etc. Hegel imprimera
à
cet héritage un élan inédit:
il pensera le mouvement de l'unité
synthétique de
la Totalité dans
la
rigueur d'une analyse précise.
19 - Ency. § 81 Add.
tr.
BB. p.
513.
20 - J.
D'HONDT : "Hegel et l'hégélianisme" oc. p. 106
105
abstractions
absolutistes
et
dogmatistes,
les
identités
indifférenciées
dans
leur
uni té
différenciée.
Aussi
est-elle
le mouvement
complexe et
contrasté de
toute
réalité,
la
loi
universelle de la contradiction sans cesse renaissante et sans
cesse résolue" (20).
Un tel mouvement expose à partir de lui-même ce qu'il est
et
ce qu'il
présuppose
la
transcendance
et
l'immanence du
tout aux parties et des parties au tout.
Le procès dialectique
véritable
est
en
effet
développement
et
accomplissement
intégral de la totalité absolue,
immanente et présente tout au
long du parcours,
faute de quoi ce mouvement n'est point celui
d'un
processus
d'accomplissement.
Or,
nous
voyons
Hegel
réaliser,
de façon maîtrisée,
cette unité dialectique,
malgré
le
foisonnement
déroutant
d' espèces
diversifiées.
Ni
fusion,
ni
confusion,
ni
amalgame,
ni
uniformité,
cette
unité
dialectique
est
une
unité
concrète,
lieu
de
conciliation
vivante
des
moments
subsistants
dans
et
par
leur
opposition
même qui les unit.
Rendant
compte
de
la
Totalité
absolue,
le
mouvement
dialectique pose en s'exposant comme "uni té et principe de sa
propre
auto-différenciation
dans
la
direction
d'une
mul tipI icité
systématiquement
liée
le
tout
rationnellement
organisé" 21.
Aussi,
ses différents aspects (comme critique du
sens commun,
comme cri tique des
déterminations de
la
logique
de l'entendement
se comprennent-ils tous sous la raison
de cette force motrice qu'est
le Tout
immanent
et présent
à
chaque
moment,
à
savoir
l'esprit,
"le
principe
absolument
21 - Errol E. HARRIS
oc. p.
242
106
premier" 22
L'intérêt
principal
offert
ici
à
nous
qui
décidons
de
prendre pour comprendre la nature d'un tel principe,
d'essence
spiri tuelle,
à
la
fois
force
et âme motrice d'unification et
de différenciation,
"va aux naissances et aux disparitions
au continuel glissement des contraires l'un dans
l'autre,
aux
synthèses originales,
à la vie ... le tout idéal en mouvement"
23.
En d'autres
termes,
disons,
en reprenant
ces
mots
de
Y.
Belaval
à
ce même
propos,
selon
lesquels
la nature
de
cette
"Bewegung"
dialectique ressemble fort bien à
celle du premier
moteur
d'Aristote
(Ttpoton
Xinon
) ,
ci té
du
reste
par
Hegel
dans le même contexte
la nature de "l'acte pur,
principe de
vie
où
l'intelligence
se
pense
elle-même
en
devenant
l'intelligible qu'elle pense"
24
Mais avec Hegel,
on va plus
loin
dans
l'unification
du
premier
avec
le
dernier
moteur,
pour
ainsi
parler,
en
raison du
fait
que
la
fin
n'est
rien
d'autre que l'accomplissement du commencement. Ainsi en est-il
du rapport de l'interne/externe,
rapport dans lequel la force
motrice du passage de l'une à
l'autre forme ne change pas de
nature
;
elle est
spirituelle
(eine geistige Kraft)
et n'est
donc
pas
seulement
une
force
physique
leur
contenu
est
absolument le même et de même nature:
l'esprit qui est force,
force qui intuitionne,
raisonne
veut,
découvre et invente 25.
Par là se manifeste une fois encore l'identité du Système,
de
la méthode et de la liberté.
22 -
Ency.
(1830) § 381
23 - J.
O'HONOT : "Hegel et l'hégélianisme" oc. p.
109
24 - y,
BELAVAL : "L'essence de la force dans la logique de Hegel",
in Hegel-Studien;
8eiheft 18, p.
338.
Cf aussi du méme auteur "Etudes leibniziennes" Ed, Gallimard,
Paris 1976
25 -
id.
p.
337
Cf.
Ency. §§ 136-137
107
Cette méthode dialectique est le parcours,
l ri tinéraire
de l'esprit qui prend en soi le "commencement du progresser et
du
développement"
26.
La
Totalité
accomplie
n'arrive
à
cet
être-là
devenu
qu'étant
à
la
fois
"en-et-pour-soi"
et
pour
"l'autre-soi".
La méthode absolue ... ne se comporte pas comme
réflexion
extérieure,
mais
prend
de
son
objet
lui-même
le
déterminé,
puisqu'elle est elle-même son principe immanent et
son
âme"
27
par
quoi
se
réalise
la
plénitude
concrète
et
unifiée du système logique tout entier. Ainsi c'est "la nature
de
la
Chose,
le
Concept,
qui
se
meut
vers
l'avant
et
se
développe,
et
ce
mouvement
est
aussi
bien
l'activité
du
connaître,
l'Idée
éternelle
étant
en-et-pour-soi
se
met
en
oeuvre,
s'engendre et jouit de soi éternellement comme esprit
absolu" 28
La
méthode
absolue
de
la
science
absolue
montre
le
connaître logique comme "le se reconnaître" de l'esprit.
Aussi
est-elle
"ce
mouvement
spirituel"
(geistige
Bewegung)
29
comme
progression
de
la
médiation
dialectique
qui,
dans
son
parcours absolu,
ne
laisse rien en dedans,
et
rien en-dehors
de
soi.
Elle
est
d'emblée
totalité
de
passage
de
l'un
dans
l'autre et de
l'autre dans
l'un
ou si
l'on veut,
elle est
relation dynamique de l'identification de la différence et de
l'opposition
dans
l'unité,
mouvement
sans
rupture
de
l'universalisation de la particularité et de la singularité;
bref
la
médiation
dialectique
est
l'activité
réflexive
de
l'unification
mutuelle
de
l ' intériori té
et
de
l ' extériori té.
26 - WL Il 490. 32-33 ; SL
III
375,
20
27 - WL 11 491.
5-8:
SL
III
376. 1-4
28 - SL : Présentation p. XXI CF Ency § 577
29 - WL
1 7.
2-3;
SL
1
7, 4-5.
108
Voilà
pourquoi
l'exigence que
porte ce moment
de
l'oeuvre
du
philosophe,
moment de
"l' acquisi tion et
[de]
l'affirmation du
principe dans
son intensité non développée"
30 nous
presse de
maintenir et
de
restituer en même
temps
"les
connexions,
les
interdépendances
(Zusammenhang),
les
actions
réciproques
(Wechselwirkung)
pour
relier
ce
tout
à
la
totalité
spirituelle,
à l'absolu" 31.
Par
là,
s'impose
un
changement
de
perspective
pour
adopter
une
attitude
d'esprit,
celle
faite
avant
tout
d'investissement
de
soi
dans
le
système
hégélien,
et
surtout
de refus d'absolutisation de ce qui n'est pas absolu,
afin de
laisser vivre et aller librement l'unique absolu,
l'esprit:
"Ainsi charge le
Présent
Le poids du principe
Et fait retour
Au lieu de sa naissance et résolution.
Tout est là
Déjà
Dans l'illumination des ténèbres et du
Terme" 32.
30 - WL
l
5. 32-33 ; SL l
5.
11-12
31 - J.D'HONDT : oc. p.
111
32 - P.J LABARRIERE : "Odes à la nuit"
Ed. St Germain des Prés. Paris 1984 p.
21
109
C - MOUVEMENT GLOBAL DU NOYAU
MEDIATION SUJET-OBJET
Ce
tout
du
principe constitue
le
noyau
du
Système.
On
peut le formuler en une expression à la fois concise et vague:
"connaissance de soi conceptuellement saisie,
objectivation de
sujet
conceptuellement
saisie,
relation
sujet-objet
historiquement cherchée" 33.
L'oeuvre
entière,
dans
son
être-là
immédiat,
corpus
achevé,
aujourd'hui
à
notre
portée,
articule,
dans
sa
globalité
générale
comme
dans
ses
unités
de
degré
et
de
niveaux
précis,
cette
médiation
constante
du
sujet-objet,
l'unité de l'interne/externe comme enjeu capital de l'objectif
poursuivi par Hegel dont le philosopher jamais ne se départit:
porter au jour l'activité de l'esprit,
sa vie qui n'est qu'à
se
rendre
"maîtresse
du
contenu
qu'elle
produit
et
que
ce
contenu se rende maître du sujet
jusqu'à ce que tout soit
prêt pour l'être-soi de la connaissance de soi,
jusqu'à ce que
cette fille de l'Elysée ait achevé de gravir les degrés de la
connaissance,
les
degrés
du
monde
avec
elle
médiatisé.
Lors
coïncident
moi
et
chose,
dans
le
laconisme
du
bonheur
et
théoriquement - de la réconciliation" (33).
Réconciliation,
unification,
coïncidence,
autant
de
termes
pour
désigner
le
résultat
de
la
médiation,
comme
l'identité
procédant,
en
toute
première
instance
de
la
33
-
E.
BLOCH
:
"Sujet-Objet
:
Eclaircissements sur Hegel"
Ed.
Gallimard.
Paris 1977 p.
32.
Cette affirmation est capitale pour la compréhension du penser de l'unité et de l'unification du Sujet-
Objet comme va le montrer le développement de ce troisiéme point du chapitre en cours
;
on y expose le
mouvement.
condensé
dans
cette
proposition
hégélienne
:
"Ich
habe
die
Gewisshei t
durch
ein
anderes.
namlich die Sache : und diese ist ebenso in der Gewissheit durch anderes. namliche durch Ich"
(Ph.G.
80.
28-30 ; l
82. 31-32.
110
Logique,
de
l'identification
d'opposés
l'être
et
le
néant
dans le devenir.
Mais ce résultat,
le "devenir",
est une lexie
bien révélatrice du type d'identité ainsi que du mouvement qui
là
s'origine.
Mure
qualifie
d'élégante
façon
cette
triade
initiale
en
termes
de
"minimum
rationale"
34 ,
une
unité
minimale
surgie
d'un mouvement
tout
à
fait
spécial,
fait
de
progression-régression
ou,
inversement,
de
régression-
progression,
qui
est
l'avancée
propre
à
la
médiation
dialectique.
Une
telle unité,
toujours
en devenir,
anime,
de
manière
a-temporelle
et
a-spatiale,
tout
le
Système
dans
la
totalité de son être-là immédiat : un être-là où se mire toute
la vie qui l'a produit,
son esprit toujours vivant:
un esprit
qui
"n'est
pas
ce
qu'il
fait,
pas
ce
qu'il
oeuvre,
ni
le
langage communiqué,
ni l'exposition de l'idée,
ni
le fruit de
son
animation
mais
ce
par
quoi
est
et
paraît
l'idée
intelligible,
en la pensée qui se
forme et s'incarne,
se met
en discrète réserve de soi, quand éclôt le sens manifeste"35.
Ainsi
le
sens
massif
du
Système
complet,
déj à
visible
dans
la
triade
"Etre
Néant
Devenir" ,
fonctionne,
tout
autant dans
la grande partition
"Logique
-
Nature
-
Esprit",
portée par le même mouvement,
sans cesse en devenir et faisant
de
la
Logique,
à
la
fois
le
commencement,
le
centre
et
le
terme 36.
Pour saisir les grands axes d'un tel développement,
s'impose
une
double
libération
de
l'extériorité
et
de
l'intériorité comprises de façon purement unilatérales.
34 - MURE "A study of Hegel's Logik" Oxford 1950 p.34
35 - C. BRUAIRE : "L'être et l'esprit" PUF 1983 p. 30
36
-
Ency.
§§
575.
576
577
:
paragraphes
três
importants
sur
lesquels
nous
reviendrons
au
chapitre suivant.
I I I
D'abord,
une extêrioritê simplement unilatêrale.
L'unitê
de
l'être-là
du
Système,
saisie
dans
une
approche
qui
se
voudrait seulement historique,
a connu bien des mises en ordre
à
distance
du
mouvement
unitaire.
Il
faut
dire,
en
toute
vêritê,
que
Hegel
lui-même
ne
facilite
pas
la
tâche
aux
historiens.
Il
prêsente
ici
et
là
aux
lecteurs
des
explications
et
des
excuses
à
propos
des
changements
et
des
rêajustements des titres ou des parties de son système.
C'est
au
point
qu'on
n'a
pas
manquê
de
lui
reprocher
qu'il
ne
maîtrisait
pas
du
moins
au
dêpart
son
sujet,
ni
sa
mêthode,
ni son vocabulaire 37.
Le foisonnement remarquê dans
la Phênomênolo~ même s'il s'impose en seconde lecture comme
"'--::.-=---=-----
un
"foisonnement
maîtrisê"
38,
ainsi
que
le
dêmontre
P. J.
Labarrière,
est à tout le moins dêroutant,
dêconcertant, voire
dêcourageant en une première lecture. Certes,
là-dessus,
Hegel
s'explique
aux
libraires
et
aux
amis.39
Il
en
donne
des
raisons
comprêhensibles;
mais
qui
n'excusent
pas
tout.
De
fait,
on
s'embrouille
parfois
dans
l'ordre
des
diffêrentes
parties du système;
des difficul tês
non nêgligeables
sont
là
êvidentes aujourd'hui,
qui trouvent leur source dans bien des
lectures
erronêes
des
textes
de
Hegel.
P.J.
Labarrière
a
consacrê à ce problème le tout premier chapitre de son ouvrage
~::uctures et Mouvement Dialectique dans la Phênomênologie de
de
He e~ D'importants êlêments de rêponse y sont
exposês,
en rêplique ordonnêe aux thèses qui nient purement et
simplement,
ou
mettent
en
de
sêrieuses
difficultês,
l'unitê
dialectique du système,
et cela,
à
commencer par sa première
37 - H.S.HARRIS :
"Le développement de Hegel" T.
Il p.
12
38 - P.J.LABARRIERE :
lleph p.
68 sq.
39 - Prospectus aux'libraires.
octobre 1807. Cf.
SL pp.
7-8: SL III p.
31.
112
partie:
la Phénoménologie de l'Esprit 40.
La fine pointe de la
réponse
de
Labarrière
culmine
dans
la
réfutation
rationnelle
de toute prétention à saisir cette unité de l'extérieur; cette
tentative
sera
toujours
vaine,
parce
que
étrangère
à
l'intériorité structurante du mouvement dialectique de tout le
système.
En effet,
prises isolément,
les
indications
fournies
par le philosophe,
dans ses introductions et ses avant-propos,
sont insuffisantes,
si ne les
"vérifie"
pas une compréhension
à
la fois
interne/externe de l'ensemble total et systématique
de son oeuvre.
L'unité recherchée est de l'ordre dialectique;
elle est un résultat.
Toute considération qui ne prend donc en
compte qu'un des termes du procès tombe en dehors du coeur de
l'oeuvre,
et partant,
manque son unité.
Aussi,
ne serons-nous
pas plus avancés avec la seule face interne, subjective.
Ensuite,
une
intériorité
subjective
unilatérale.
On
a
également
tenté
de
ramener
cette
identité
à
celle
produite
dans
l'unité
du
Je
transcendantal,
de
type
kantien
ou
schellingien
deux
types
de
formalisme
combattus
par
Hegel
avec
une
égale
énergie,
comme
étant
de
pures
catégories
de
l'entendement,
spécialement
" l ' identi té
primi ti ve du Moi dans
la pensée (unité transcendantale de la conscience) de soi" 41.
Cette autre uni latéralité est aussi vaine;
i l faut donc s'en
libérer
comme
de
la
première,
non
pas
dans
un
acte
de
pur
40 - H.F.FULDA : Oc.
Recension du même livre par J.GAUVIN in Hegel-Studien N" 4 1967.
L. Bruno
PUNTEL:
"Dastellung,
Methode
und
Strucktur"
H . S.
Beihefts
10
;
compte-rendu de
la
même étude in Hegel-Studien N'12 par Walter JAESCHKE (Bochum)
Th. F. GAMETS
:
"Les
trois
lectures
philosophiques
de
l'Encyclopédie
ou
la
Réalisation
du
Concept de la philosophie chez Hegel" in H.S 10
41 - Ency. § 42.
tr.
Gibelin.
113
rejet,
mais dans celui d'un mouvement de sursomption des deux
aspects
qui
est
l'opération
caractéristique
du
procès
dialectique véritable,
objectif principal de Hegel
but déj à
manifeste
dans
le
développement
interne/externe
de
la
Phénoménologie,
où
l' espri t
ne
vise
rien
d'autre
qu'à
"conjoindre
le
plus
singulier
au
plus
universel
en
le
soumettant
au
long
chemin
de
la
culture"
42
chemin
que
refait,
à
nouveaux
frais,
la
conscience
philosophique
individuelle,
en
s'identifiant
au
parcours
effectué
par
l'Esprit du monde,
dans sa marche vers la conscience de soi,
le savoir absolu de l'Esprit absolu: un savoir par conséquent
de portée universelle.
Or,
même sous la forme d'un "minimum rationale",
un tel
objectif s'atteint à tous les niveaux du Système
: aussi bien
dans
sa
figure
générale
que
dans
ses
moments
particuliers,
voire singuliers.
Car l'enjeu principal,
partout présent,
est
bien
l'unité,
l'unification
dialectique
du
Sujet
et
de
l'Objet.
1 -
L'identité Sujet-Objet dans le mouvement global
La réflexion,
entendue comme le mouvement du devenir de
l'esprit,
nous y a déjà conduits,
savoir que par la médiation
de soi par soi la substance devient sujet
l'en-soi en pour-
soi,
et l'objet de conscience en objet de conscience de soi.
Dans
un
tel
mouvement
s' intui tionnent
les
grands
moments
du
Système,
annonçant
ainsi
la
rationalité
dialectique
que
développera ensuite l'ensemble de l'oeuvre.
42 - P.J.LABARRIERE
StrMD p.
28-29. Cf. Ph.G. 55. 11
1 58.
20-22.
114
L'être-là de cet ensemble achevé est un grand monument.
On le divise en deux grands groupes de textes ; le premier est
consti tué des écrits proprement authentiques
dont
la mise au
point
nous
vient
directement
de
Hegel
lui-même
le
second
groupe
résul te,
comme
nous
l'avons
dit
plus
haut,
des
manuscri ts du philosophe et des notes
prises à
ses cours par
ses auditeurs;
l'ensemble de ces deux catégories de textes a
été soigneusement arrangé, mis en forme et publié en l'honneur
et
grand
souvenir
de
Hegel.
Mais,
pour
une
recherche
systématique su~ le thème qui nous occupe et particulièrement
sur
l'uni té
du
Système,
il
nous
a
fallu
retenir
surtout
ce
qu'il est convenu de considérer comme
"les Quatre Piliers de
l'Hégélianisme"
43
mais
en
fait
et
en
seconde
lecture,
chacun
de
ces
piliers
est
une
figure
singulière
de
cette
identité.
Cependant,
pour
lire
le
mouvement
global
de
l'ensemble
de
l'oeuvre,
suffisent
....6La
Phénoménologie
de
l ' Espri~, ..KLa Science de la Logiqu~ et '''.''1' Encyclopédie des
Sciences Philosophiques~
Tout
d'abord,
et
selon
l'indication
fournie
par
Hegel
lui-même
et
que
traduit
l'ouvrage,
la
Phénoménologie
de
~ est bien à
la
fois
l'Introduction
et
la
Première
Partie du Système.
Cette considération permet une lecture de
relation d'enchaînement linéaire.
La conscience prend son élan
à
partir
de
l'immédiateté
phénoménale
de
l ' Etre-là,
(simple
rapport
immédiat
au
monde)
tout
à
fait
extérieure,
de
la
certitude
sensible
et
conscientielle,
pour
aboutir
à
une
extériorité
nouvelle,
~/L'Encyclopédie~ ad-venue par la
43 -
"Hegeliana" pp.121 sq.
115
médiation de la
"Science de la Logique".
Mais,
l'Encyclopédie
est,
à
son
tour,
dans
son
économie
propre,
l'uni té
différenciée
des
trois
grands
moments
du
Système
Logos,
Nature,
Esprit.
La Science de
la Logique constitue,
en elle-
même et pour elle-même,
le Tout systématique du Savoir absolu
porté
jusqu'à
son
complet
développement
dans
la
figure
de
l'Idée
absolue
procédant
de
la
logique
objective
et
de
la
logique
subj ective.
Mais,
ce
n'est
là
qu'une
approche
trop
rapide et superficielle.
Prenant en compte chacun de ces trois moments,
véritables
éléments
constitutifs
du
Système,
et
dans
le
procès
du
mouvement qui en anime l'unité dialectique respective,
on voit
s'accomplir
un
parcours,
fait
de
descente-montée-descente
et
inversement
: un rythme à trois temps; mais dans lequel chaque
temps
articule
en-soi-et-pour-soi
un
syllogisme,
au
sens
technique hégélien du terme:
La
Phénoménologie
commence
avec
la
conscience
;
c'est
l'esprit immédiat,
concret;
i l s'auto-médiatise,
s'intériorise
dans la raison,
prend conscience de lui-même,
dans la religion
manifeste;
i l
se
reconnaît
dans
le
Savoir
absolu
de
soi.
Celui-ci est le point de départ de la Science de la Logique.
Le
Savoir
absolu
ou
le
savoir
pur
n'est
rien
d'autre
que
l'Etre-pur
immédiat
sur
lequel
s'ouvre
la
Science
de
la
Logique
dont
l'unité
achevée,
Idée
absolue,
est
l'ultime
moment
de
l'uni té
de
la
logique
objective
et
de
la
logique
subjective.
Dans l'Encyclopédie,
la Logique qui est au départ,
est
elle-aussi
l'être
pur
ou
le
Logique
en
son
surgissement
immédiat;
i l
se médiatise dans la Nature pour
ad-venir à
son
116
unité devenue,
Esprit absolu auprès de soi comme Esprit.
Ainsi,
pour
Hegel,
la
philosophie,
activité
réflexive,
"l'idée se pensant,
la vérité en acte de
savoir"
44,
est un
mouvement
syllogistique,
développant
les
structures
référentielles essentielles que "la Logique,
à l'origine de ce
procès,
thématise
déjà
sous
la
forme
principielle"
45.
Le
résultat de cette activité n'est rien d'autre que cette unité
du
sujet-objet,
de
l'interne/externe,
exprimée
au
paragraphe
236
et
reprise
dans
les
derniers
(§§
575,
576,
577)
de
l'Encyclopédie,
sous
la
forme
de
récapitulation,
de
conjonction
dialectique
des
termes
strictement
corrélatifs,
savoir
le 'sujet
et
l'objet.
Dès
lors
le
problème
capital
devient
celui
du
commencement.
Quel
doit
être
le
premier
syllogisme,
quels en sont les termes et dans quel ordre ?
La
question est
fondamentale et incontournable.
Hegel ne pouvait
y
échapper.
Il
l'a
posée
dès
le
début
de
la
Science
de
la
Logique
dans
un
texte
décisif
que
nous
avons
déj à
évoqué
"Quel
doit
être
le
commencement
de
la
Science
?"
46.
L'argumentation,
en
son
départ,
reprend
l'aboutissement,
le
résultat de la Phénoménologie de l'Esprit,
"le Savoir Absolu",
en termes de savoir pur :
44 - Ency. § 574. Tr. G. JARCZYK in Hege1iana p.
285.
45 - "Hege1iana" p.
286
46 - WL (1812) pp.35-45 ; SL l pp.
39-53
- id. p. 35. 5-14;
SL
l
p. 39. 5-11
117
"Le savoir pur est la certitude sensible parvenue à
la vérité,
ou la certitude qui n'est plus en face de
l'ob-jet,
mais
l'a
intériorisé,
le
sait
comme
elle-même et qui,
tout aussi bien,
de l'autre côté,
a abandonné le savoir de soi comme quelque chose qui
serait en face de ce qui est ob-jectif et ne serait
que
son
anéantissement,
s'est
extériorisé
et
est
unité avec son extériorisation" (id.
46).
Ce texte,
d'une extrême densité,
résout en son principe
le problème de
l'immédiat premier,
point de départ obligé de
la
réflexion
dialectique.
Il
importe
donc
de
le
comprendre.
D'abord, deux remarques préliminaires:
La première concerne le renvoi fait à
la.~m€mQJ agie
ou
"science
de
l ' Espri t
en
son
apparaître"
47.
On
sait
que
cette
expérience
de
l'esprit
prenant
en
compte
l'immédiat
absolu,
ou la certitude sensible
(première figure de l'esprit
concret)
conduit
jusqu'au
"Savoir
absolu",
ainsi
que
nous
venons de voir,
comme autre expression pour désigner le savoir
pur.
Or,
ce résultat procède de
l' itinéraire complet
réalisé
par
l' espri t,
comme
conscience
et
conscience
de
soi,
et
se
reprenant derechef dans sa vérité,
comme raison consciente de
soi
en
tant
qu r uni té
concrète
"d'être
toute
réalité Il
48.
Ce
faisant,
la raison consciente se montre comme
l'uni té
active
dont l'élément objectif, d'une part "n'est rien d'autre que le
pur savoir que le Soi a de soi" 49 et,
d'autre part,
du soi et
de
l'autre
soi
ainsi,
la
certitude
sensible,
premier
47 - ibidem. p. 35. 1-2 ; SL l p. 39. 1-2
48 - Ph.G. 176. 23-24
l
196, 30
49 - id. 552. 12-13:
II
297, 13-14
118
immédiat,
s'est
trouvé
médiatisée
par cette double
réflexion
de
soi-à-soi
(intérieure)
et
de
l'autre
soi
(extérieure)
réalisant par là l'identité différenciée du soi comme "l'autre
d'un autre" 50.
La
deuxième
remarque
nous
fait
porter
attention
à
la
double
détermination
du
résultat
final
de
l'expérience
celui-ci est qualifié à la fois de Savoir absolu et de savoir
pur,
expressions
sur lesquelles
nous
reviendrons
plus
loin
mais
il
nous
faut
cependant
dès
maintenant,
brièvement
en
préciser
la
signification
et
la
portée
dans
ce
contexte
du
commencement
absolu.
Chez
Hegel,
ce
qui
est
dit
absolu
ne
désigne jamais l'autre du relatif,
pas davantage ce qui serait
soustrait
au
devenir
ou
à
la
contingence.
Ce
qualificatif
(absolu)
signifie
ordinairement
la
Totalité
sous
sa
forme
première et
indéterminée;
comme tel,
l' absol u est
en attente
de sa propre expression et de sa propre vérification dans des
figures
concrètes.
Ainsi
le
savoir
absolu
est
ici
dans
l'attente
d'une
relecture
systématique
du
contenu
qu'effectuera la Science de la Logique. Aussi le savoir absolu
se
pose-t-il
à
la
charnière
de
la
Phénoménologie
et
de
la
Science de la Logique,
science pure
il est donc à
la
fois
résultat,
"point d'aboutissement de la première de ces oeuvres
... le principe et le fondement de la seconde" 51.
Voilà
pour
les
remarques.
Quant
au
passage
ci té,
sa
compréhension en appelle au travail de la médiation réflexive;
il
en
découle
trois
considérations
la
vérité
de
la
50 - WL II 496. 3-4;
SL
III 381. 11-12. Proposition qui énonce. dans une très grande économie de
forme.
toute la densité de l'unité dialectique.
51 - SL l 39 note 3.
119
certi tude;
le
passage
à
l'autre,
le
Soi
comme
l'autre
d'un
autre.
a)
La
vérité
de
la
certitude.
Comme
i l
vient
d'être
dit,
le concept de la vérité est très étroitement lié à
celui
de
la
philosophie
"en
acte de
savoir",
la
vérité
connote
toujours,
en contexte hégélien,
la
réflexion et
l'altérité
elle est
le
procès
du mouvement
en activité
réflexive
propre
au concept de la philosophie ;
son auto-mouvement libre est la
vie
spirituelle
des
essentiali tés
libres,
mouvement
qui
est
"ce par quoi
la
science se constitue et ce dont
elle est
la
présentation"
52.
Ce
mouvement
développe
le
double
aspect
caractéristique
de
la
réflexion
dialectique
la
réflexion-
dans-soi et la réflexion-dans-l'autre ;
un mouvement de va-et-
vient,
de dédoublement-redoublement.
C'est
bien ce que montre
la
vérité
de
la
certitude
sensible.
Elle
procède
du
rapport
absolument simple de l'homme au monde,
rapport de l'expérience
de
la
sensation,
par
quoi
"le
sentir
est
la
communication
originelle
avec
le
monde;
c'est
l'être
au
monde
comme
corps
vivant.
Le
sentir
est
le
mode
de
présence
à
la
totalité
simul tanée
des
choses
et
des
êtres.
Le
sentir
est
le
corps
humain en tant que compréhension primordiale du monde.
L'homme
n'est pas soi par dérivation ou progressivement par étapes.
Il
est d'emblée
lui-même en étant chez soi
auprès
des choses et
des
êtres,
dans
l'actualité
du
monde.
Le
sentir
est
la
correspondance
à
cette
présence.
Il
signifie
l'appartenance
mutuelle
de
l ' homme
et
du
monde,
avant
tout
discours,
avant
tout
aj ustement
aux
normes,
avant
que
le
monde
n'apparaisse
52 - WL l
IX ; SL
l 7,
27
120
comme
le
lieu
de
la
déchéance
et
de
la
déréliction,
avant
toute
médiation.
Par
le
sentir
du
corps
l ' homme
n'est
pas
seulement au monde,
mais celui-ci est en lui.
Il est le monde.
Parler du sentir,
c'est percevoir l'homme comme le même que le
monde" 53.
Cette expérience est
fondamentale,
voire
fondatrice de
toutes
les
autres
déterminations
futures,
ultérieures.
En
effet,
les deux altérités ici en relation originelle immédiate
sont
l ' homme
et
le
monde,
ou
le
je
et
la
nature,
ou
la
conscience
et
la
nature,
etc
C'est
de
leur
réflexion
mutuelle
qu'advient
la
connaissance
sensible,
l'identité
différenciée
de
leur
unité.
Cette connaissance
s'offre,
dans
une première instance comme ce qu'il y
a de plus riche,
étant
d'emblée la totalité la plus compacte
:
totalité Homme-Monde,
un
rapport
de
conjonction
la
plus
totale
dans
une
.
compréhension
primordiale
absolument
complète
,
cette
unité
commune ne laisse rien en dehors de chaque terme respectif
;
chacun est soi par l'autre et réciproquement.
Cependant,
cette certitude
sensible
est
la
pl us
pauvre
des
connaissances
elle
est
donnée,
avant
toute
détermination,
dans
un entrelacement
simple
des
deux
termes,
comme dans un état de repos ou de sommeil de la conscience et
de
la
raison.
De
tout
ce que
cette certitude
sensible
sait,
elle peut seulement dire
"Ceci"
d r une part,
et d'autre
part,
de toute la conscience (un pur moi),
cette connaissance ne dit
pas plus qu'un pur celui-ci:
"le singulier sait un pur ceci".
Il en découle que le contenu de la certitude sensible est donc
53 -
F.Eboussi BOULAGA oc.
p.
211
121
l'unité médiatisée du ceci et du celui-ci:
"J'ai la certitude
par la médiation d'un autre,
la chose précisément,
et celle-ci
est
aussi
dans
la
certitude
par
la
médiation
d'un
autre,
précisément
le
moi"
54.
Un
mouvement
est
ici
à
l'oeuvre
et
opère le passage,
et cela déjà dans ce commencement fondateur
tout à
fait absolu.
Il s'agit du "mouvement de la conscience"
(Bewegung
des
Bewusstseins)
55,
mouvement
initial
que
nous
retrouve aussi
au début de la Science de
la
Logique.
Or,
un
tel mouvement qui initie de la sorte le savoir immédiat pose
seulement
le
ceci,
savoir
l'être de quelque
chose.
Ainsi
la
vérité de la certitude sensible n'est-elle rien d'autre que le
pur
ceci
et
le
pur
celui-ci
la
réflexion
de
l'un
dans
l'autre fait que chaque terme est tout à
la fois
médiatisant
et médiatisé
;
chaque immédiat est toujours un médiatisé et,
en réalité,
"aucune véritable immédiateté n'est présente" 56 :
réellement donnée.
Par conséquent la conscience est ce en quoi
tombe
la
distinction
du
"ceci/celui-ci",
du
sujet-objet
distinction
reprise
par
le
mouvement
réflexif
auto-suffisant
que déploie la conscience dans le processus d'unification qui
est un mouvement de passage.
b)
Passage.
La réflexion,
le progresser de soi-à-soi,
pose le Je pur comme un pur celui-ci ; de la même manière est
posée la totalité-monde comme un pur ceci
;
mais le ceci est
le
ceci
d'un
autre,
précisément
le
celui-ci
le
ceci
est
passé
dans
son
autre,
celui-ci
;
inversement
ce
dernier
est
celui-ci
d'un
autre,
précisément
ceci
ceci
est
passé
dans
54 - Ph.G. 80. 28-30;
1
82. 31-32
(CF note 33 ci-dessus).
55 - WL (1812) 36.12 ; SL 1 41. 10
56 -
id. 36. 27;
id.
42.
2
122
celui-ci.
Ainsi les deux termes s'appartiennent mutuellement;
chacun est
d'emblée chez
soi
auprès
de
l'autre de
l'autre et
réciproquement.
Mais la nature de ce processus réflexif,
comme
nous verrons
plus loin,
signe déjà son essence spirituelle.
A
l'absolu,
cette
réflexion
est
le
"mouvement
de
rien
à
rien"
(Bewegung
von
Nichts
zu
Nichts)
57
"l'essence
paraissant
dans
elle-même,
et
par
rapport
à
soi
ne
présuppose
que
l'apparence"
58,
ce qui est à comprendre comme un pur passage
de
soi
à
soi
et
qui
ne
"produi t
absolument
que
la
seule
actuali té
du
paraître
de
soi
et
opère enfin
le
retour
de
ce
paraître à
l'essence"
59.
C'est le "cercle logiquement premier
des
fonctions"
( 59 ) ,
origine
et
lieu
spécifiques
de
la
médiation
dialectique
la
réflexion
posante.
Celle-ci
engendre immédiatement la réflexion extérieure,
laquelle porte
donc
ces
" fonctions
de
la
négativité" .
Ces
dernières
présupposent
les
premières.
L'application
réciproque des
deux
fonctions explique le mouvement de l'apparence-parution,
comme
relation
constitutive
de
l'essence
l'extérieur
présuppose
l'intérieur.
Le
moteur
de
ce
j eu
réflexif,
de
ce
passage
mutuel
est
"l'énergie
de
la
négativité"
60,
une
énergie
de
qualité spirituelle.
c'est un tel
passage réciproque qui
pose
donc
l'uni té
de
la
double
al téri té
du
ceci
et
du
celui-ci
uni té
du
mouvement
du
devenir
de
l'étant;
mouvement
qui
est
comme
au
repos
dans
l'entrelacement,
l'interconnexion,
la
compénétration
cosmo-théandrique
mutuelle
des
êtres
et
des
57 - WL
II 14, 9 '
SL
II
19. 1-2
58 - WL
II 17. 2-3
SL
II
24. 1-2
59 -
D.
DUBARLE :
"La Logique de la rêflexion et la transition de la Logique de l'être à celle
de l'essence" in Hegel-Studien, Beiheft 18, p. 176.
60 - id. p. 177.
123
choses,
en
attente
de
leur
devenir
respectif, .. où
chaque
soi
est l'autre d'un autre.
c)
"Le
soi,
l'autre
d'un
autre"
61.
Les
deux
considérations
qui
précèdent
(la
vérité
de
la
certitude,
le
passage
ou
le
progresser
véridique)
indiquaient
déjà
ce
troisième
point
comme
l'aboutissement
logique
d'une
compréhension
correcte
du
paragraphe
que
nous
étudions.
En
effet,
le
"pur savoir"
dont
nous
avons
analysé
la
vérité
au
niveau de la connaissance sensible est également l'objet de la
Logique
ou
de
la
"Science
pure" .
Or,
"l'ampleur
de
l'extension"
de
celle-ci
porte
au
jour
chaque
soi
comme
l'autre
d'un
autre
l'autre
en
soi-même
est
l'autre
d'un
autre
(das Andre an sich selbst,
das Andre des eines Andern)
(id).
Le savoir pur en question est tout à
fait quelque chose
de simple;
i l est "l'élément" de la Science,
l'unité brute de
la dualité de
la conscience
;
en lui,
"l'esprit a
conquis le
pur
élément
de
son
être-là,
le
concept"
62.
Mais,
cette
ampleur
(Umfang) ,
toute
la
profondeur
des
attendus
intelligibles
et
compréhensibles,
comme
"l'extension"
(Ausbreitung"
l'étendue
infinie des
champs
possibles
de
ce
savoir,
constituent
l'objet
de
la
"Science pure"
une
science
qui est,
comme nous l'avons déjà montré,
un systématique ou le
tout
absolument
organisé,
en
quoi
et
par
quoi
la
réflexion
philosophique
expose
le
réel
comme
un
système,
un
savoir
scientifique.
Dans un tel système,
le soi (en-soi-et-pour-soi)
"n'a pas
61 - WL
Il 496.
3-4 : SL III 381. 11-12
62 - Ph.G. 561. 37:
Il
309. 19
124
affaire
à
ce
qui
serait
présent
intérieurement,
mais
à
l'être-là
que
l'intérieur a
dans
le
savoir"
63
la
science
porte,
dans
sa
profondeur
intérieure
la
plus
absolue,
la
totalité
tout
aussi
absolue
de
son
être-là
la
science
absolue
montre
que
l'extériorité
et
l'intériorité
sont
identiques;
l'en-soi-pour-soi" est ainsi ouverture à l'autre-
s o i ;
chaque soi est ainsi traversé par l'autre-soi.
Hegel ne
manque pas de préciser le mode,
mieux la nécessité essentielle
que porte au coeur cette médiation dialectique
i l le fait à
propos
de
l ' intui tion
intellectuelle
"conçue
et
concevante"
(Begriffenes
und
begreifendes
Anschauen)
64
l'intuition
intellectuelle
(l'essentialité
psychologique
la
plus
subjective
de
l ' espri t)
pose
et
énonce
"un
concret,
quelque
chose qui contient en soi des déterminations diverses"
65.
Or,
le commencement,
nous le savons,
doit être un immédiat simple;
c'est
à
partir
de
celui-ci
et
seulement
de
lui
que
le
mouvement
sort
et
progresse
de
façon
nécessaire
dans
les
déterminations
ultérieures,
afin
d'être
le
mouvement
auto-
suffisant
du
tout
organisé
à
la
fois
de
l'intérieur
et
l'extérieur qui est l'unité du sujet-objet.
Ce mouvement,
dans
son "ampleur et extension",
embrasse et comprend,
extériorise
et
intériorise
le
réel
dans
cette
rationalité
dialectique
une rationalité ouverte.
La
logique
hégélienne
par
là
se
montre
comme
la
conciliation
singulièrement
réussie
de
Parménide
et
d'Héraclite d'Ephèse,
à
partir du Logos
un logos qui est à
la fois analyse et synthèse,
"avant de signifier le langage et
63 - WL
(1812)
43.
13-15
SL
l
51. 3-4
64 - Ph.G.
558.
17-18 ;
I I
305. 11-12
125
la
raison
66.
Parménide
avait
une
ontologie
tautologique
l'être est,
l'être est l'être.
Une telle assertion énonce une
clôture,
une
identité
exclusive.
Héraclite
d'Ephèse
et
les
stoïciens,
à
sa
suite,
exposent
en
revanche
une
ontologie
dialectique,
"une pensée du rassemblement de l'expérience"
67.
Des
deux
courants
antiques,
Hegel
fait
surgir,
de
géniale
manière,
son système scientifique
sur la base de l'identité
de l'être et du néant
"l'être pur et
le néant pur sont
la
même chose
la même
absence de
détermination"
68.
Pris
séparément,
l'être et
le néant manquent de vérité
le néant
est le néant de l'être, en fait,
un certain néant (pè on t i
),
déterminé par son rapport à l'être.
En d'autres termes,
disons
avec A.
Doz,
que
" le néant,
identique à l'être,
partage avec
l'être
une
universalité
non-prédicative
et
une
virtualité
de
développement qui fonde son propre se dire de multiple façons,
(nollaXQs lé~ècreai) qui accompagne celui de l'être"
69. Aussi,
comme
l'écrit
Hegel
lui-même,
"leur
vérité
est
donc
ce
mouvement
du
disparaître
immédiat
de
l'un
dans
l'autre,
le
devenir"
70
synthèse
dynamique
et
spirituelle,
unité
différenciée
des
contraires
qui
n'est
pas
le
simple
"rassemblement"
ni la somme des résultats d'expériences,
mais
le paradoxe vivant de la nature de l'esprit.
55 - WL (1812) 43.
25-27 ; SL
l
51. 14-15
55 - M.
FATTAL : "Pour un nouveau langage de la Raison" Ed. Beauchesne. Paris 1987 p. 8
57 - id. p.
35
58 - WL
l 57. 18-20
+ 15;
SL l 59. 12 + 8
59 - A.nOZ : "La Logique de Hegel et les probl~mes traditionnels de l'Ontologie" Ed. J. Vrin. Paris 1987.
p.51
70 - WL
l 57.
27-28;
SL
l
59. 17-18
126
2 - L'unité de la conscience
l'esprit
Une telle synthèse logique (qui est la logique du sujet,
à
la
fois
"en-soi et pour-soi"
et l'autre d'un autre)
libère
des unilatéralités psychologiques et idéologiques
;
elle ouvre
à
la
fécondité
inépuisable,
solide
et
valide
de
l'esprit,
libre
dans
son
mouvement
dont
l'ampleur
et
l'extension
s'abiment
dans
les
profondeurs
abyssales
et
remontent
jusque
dans les hauteurs infinies
Certes,
la
logique hégélienne plonge
ses
racines
jusque
dans
le logos
parthenaisien et héracli téen,
mais
on doit
ici
rappeler
un
fois
encore ses redevances à
Platon et surtout à
Aristote.
Platon percevait le logos comme un complexe d'idées:
communauté
des
genres,
compossibili té
des
qualités
physiques
opposées
sa
dialectique
n'articulait
pas
vraiment
(ou
très
peu)
l'unité
des
contraires
c' étai t
une
dialectique
sans
contradiction
véritable
et
le
dialecticien
faisait
plutôt
montre
d'un
pouvoir
synoptique
et
non
synthétique.
Héraclite
de son côté fonde,
certes,
la philosophie du devenir,
mais i l
en
reste
sur
le
plan
physique
des
choses
et
le
devenir
de
l ' espri t
en est
absent
"il ne
suffit pas
de
dire
que
tout
s'écoule -
philosophie de la nature -
pour épuiser la vérité"
-
philosophie spéculative du concept 71.
Des trois aspects de
la
dialectique
antique
(la
négative,
la
subjectivité
et
la
contradiction) ,
Hegel
perçoit
et
pose
le
lien
solidaire
qui
est la mobilité,
mais une mobilité qui croit en raison directe
de
l'augmentation
de
la
valeur
d'être,
par
où,
selon
Hegel,
Aristote
fait
"coïncider,
au
niveau
suprême,
l'être
et
la
71 - G.PALNTY BONJOUR: art. cité p. 18
127
mobilité"
72
la
subjectivité.
Ce
lien
d'unité
et
d'unification qu'est la mobilité rend celle-ci "coextensible à
la totalité du réel" (72).
De cette découverte,
Hegel
tire toutes
les conséquences
dont
l ' intui tion
fondamentale
s'exprime
en
ces
brefs
mots
l'être est sujet,
"ce sujet est aussi la substance" 73 ; c'est
là
poser
que
le
réel
est
contradictoire,
et
établir
l'uni té
dialectique,
au-delà
des
unilatéralités
exclusives
les
unes
des
autres,
mais
plutôt
dans
leur
sursomption
accomplie.
Le
contexte
où
Hegel
développe
cette
intuition
mérite
d'être
entièrement lu dans le texte :
72 -
id.
p.
11
73 - Ph.G.
560. 28-29
II
308.
5
128
"L'esprit
n'est
ni
le
seul
retrait
de
la
conscience
de
soi
dans
sa
pure
intériorité,
ni
le
seul engloutissement de cette conscience de soi dans
la
substance et du non-être de sa différence,
mais
l'esprit
est
ce mouvement du soi
qui
s'aliène
soi-
même
et
s'enfonce
dans
sa
substance
:
qui,
comme
sujet,
est allé de cette substance en soi-même et la
fait
objet
et
contenu
Mais
la
substance
de
l'être-là
pour
soi
est
le
concept
posé
dans
la
déterminabilité,
et
est
donc
aussi
bien
son
mouvement
en
lui-même,
celui
de
descendre
dans
la
substance simple qui n'est sujet qu'en tant qu'elle
est cette négativité et ce commencement ...
La force
de l'esprit consiste plutôt à conserver son égalité
avec soi-même dans son aliénation,
et,
comme ce qui
est en soi et pour soi,
à
poser aussi bien l'être-
pour-soi
comme
moment
de
l'être-en-soi
;
le
moi
n'est pas non plus un tertium quid qui rejette les
différences
dans
l'abîme
de
l'absolu
et
dans
cet
abîme énonce leur égalité :
mais le savoir consiste
plutôt dans cette inactivité apparente qui considère
seulement
comment
ce qui
est
différent
se meut
en
lui-même et retourne dans son unité.
129
Dans le savoir, l'esprit a donc terminé le mouvement
de
son
développement
en
figures
L'esprit
a
conquis le pur élément
de son être-là,
le
concept.
Le contenu est selon la liberté de son être le soi
qui s'aliène ou l'unité immédiate du savoir de soi.
Le pur mouvement de cette aliénation,
considéré dans
le
contenu,
constitue la nécessité du contenu même
La
nécessité
donc
ou
la
diversité,
comme
ils
sont
l'être
libre,
sont
également
le
Soi,
et
dans
cette
forme
du
Soi,
dans
laquelle
l'être-là
est
immédiatement
pensée
:
le
contenu
est
concept.
L'esprit
ayant
atteint
le
concept,
i l
déploie
l'être-là et le mouvement dans
cet
éther de sa vie
et est science" 74.
Ce texte est capital. Son rythme traduit à
lui tout seul
ce
que
nous
pouvons
déj à
appeler
le
vrai
mouvement
de
la
dialectique hégélienne,
savoir celui de l'esprit,
de l'esprit
absolu dans sa vie,
ayant la propriété de se mouvoir soi-même,
d'avoir
en
soi-même
son
propre
commencement
et
sa
fin
a)
l' esprit
est "mouvement de soi",
capable de descendre dans sa
propre substance qui n'est rien d'autre que
lui-même en tant
que sujet;
b)
la "force" de son mouvement le montre identique
ou égal
à
lui-même
son
"
être-pour-soi"
n'est
autre
qu'un
moment de son
"être-en-soi"
c)
le savoir
"considère"
cette
mobilité de l'esprit,
mobilité nécessaire et essentielle à
sa
liberté spirituelle par quoi le concept est posé comme concept
74 -
Ph.G.
56L
5-13 . . .
,20-24 . . .
II
308,23-28
27-42
. . .
.
II
309,
2-6. 9-17
... 28
562,
1-5 . . . ,
7-13
. . .
;
II 30L
1-10
130
et est "science".
Pour Hegel, ce mouvement est expressif du savoir, compris
comme
un
connaître
médiatement
direct
du
Soi
simple,
se
prouvant
d'une
part
comme
"être-en-soi
et
pour-soi",
et
d'autre
part
comme
Soi
qui
est
un
autre
"1 ' autre
d'un
autre"
l'esprit
par
là
manifeste
sa
capacité
propre
de
s'opposer à soi-même,
de se scinder,
de se contredire tout en
demeurant égal à
soi-même,
parce que cette force qui le porte
et
qu'il
est,
garde
et
conserve
de
part
et
d'autre
la
même
nature;
l'esprit est pur mouvement,
négativité pure;
i l est,
peut-on
dire,
présence. intérieure
à
l'être
sur
tout
le
parcours
aller
des
figures
de
conscience,
tout
comme
l'être
est présence intime à l'esprit dans le mouvement de son retour
à
soi
;
i l
n'est
pas
un
"tertium
quid"
de
son
propre
mouvement.
Cette
intimité
mutuelle
de
l'être
et
de
l ' espri t
fait
que,
dans
la
force
qui
se
meut,
l'être
n'est
que
l' espri t
et l r espri t
n'est que l'être
;
mais cet
"esprit qui
n'est que l'être",75
c'est lui
"le sujet du mouvement et i l
est aussi
le mouvoir même ou la substance à
travers
laquelle
le sujet passe" (hindurchgeht) 76.
Ce texte articule donc le même mouvement que celui de la
certi tude
sensible,
dialectique
initiale,
parvenue
ici
à
son
degré ultime,
dans la figure de l'esprit,
du savoir absolu,
un
savoir qui est celui de "l'esprit qui se sait soi-même dans la
figure de
l ' espri t,
ou est le savoir conceptuel"
77,
l ' auto-
75 - C.
BRUAIRE : "L'être et l'esprit" oc.
p.
179
76 - Ph.G.
546.
40 :
II
288.
9-12.
547. 1-2
77 - id.
556. 19-20 :
II 302.
21-23
131
conception
de
soi.
En
outre,
ce
texte
charnière
résume,
ramasse
l'itinéraire
parcouru
par
la
conscience
dans
son
phénomène,
en même temps qu'il annonce déjà,
ainsi que nous le
verrons,
la doctrine hégélienne de la négativité dont traitera
la
réflexion
de
l'essence.
78.
Pour
l'instant,
précisons
brièvement
les
deux axes de ce mouvement
spirituel
du Soi
se
concevant soi-même.
a)
-
Le Soi dans son concept.
Nous sommes d'emblée dans
le
contexte
du
Savoir
absolu
l ' espri t
est
posé
dans
son
immédiateté
absolue.
Dans
un
premier
mouvement
de
soi-à-soi,
i l
se
dédouble,
se
scinde
i l
est
sujet-substance;
mais
en
tant
que
sujet,
i l
est
capacité
de
mobilité
libre;
i l
a
la
possibili té
de
faire
retour
en
soi,
et,
de
sa
substance,
i l
fai t
l'objet
et
le
contenu
de
cette
relation
de
soi-à-soi,
relation oppositionnelle et absolue,
dans
laquelle
le projeté
(substance)
est
aussi
ce
qui
projette
(esprit)
autrement
dit,
le scindé est ce qui se scinde et qui n'est rien d'autre
que
l ' identi té
qui
se
sait
négation
de
la
négation
ou
la
négation redoublée de l'esprit qui est,
en sa figure posée,
le
Moi,
lequel n'est donc pas
"un tertium quid".
Ainsi
"l'esprit
a
conquis le pur élément de son être"
son concept,
le soi.
En effet,
cet être-là résulte de la médiation du soi-à-soi et
pour-soi,
et
est
donc
un
immédiat
devenu,
un
être-là
déterminé,
une vraie différence donc au sein de la substance.
Cependant,
ce
"Dasein"
demeure
encore
pour
le
moment,
un
déterminé intérieur: le Moi 79.
78 - WL II 7.7 : 12.
2-8;
SL II 7. 7 ; 15. 18-26 ; 19. 7-10 ;
27.
14-17
79 - Ainsi.
le Moi hégélien diffère-t-il de celui de Fichte (une pure intériorité) et aussi de celui de
Schelling (un pur engloutissement de la conscience)
132
b)
- Le retour à l'immédiateté extérieure:
la Science de
la Logique.
Le Soi est,
dans son être-là intérieur,
immédiat,
concept posé
i l est donc
l ' identi té de l ' identi té et de la
différence
i l
est
liberté
et
nécessité.
La
nécessité,
diversi té
déterminée
au
sein
du
contenu,
oblige
celui-ci
au
mouvement,
au pur mouvement de la négativité,
du devenir et du
passage.
Le
Soi,
concept,
va
donc
déployer
cet
être-là
sien
dans
son
passage
à
la
Science
de
la
Logique.
Mais,
le
Soi
demeure
toujours
libre
en
soi-même
dans
la
différence
(diversi té)
absolument
déterminée
seulement
comme
le
négatif
en soi, comme apparence 80.
Ainsi la Logique sera la science des liens et connexions
de
séquences
nécessaires
ses moments
seront des
moments
du
contenu
total,
conscient
de
soi
et
non
plus
des
moments
de
conscience,
parce
que
son
contenu
est
le
Soi
ou
l'unité
immédiate du Savoir absolu de soi-même.
La Logique à
son tour
reprendra
donc
ce
savoir
pour
en
conduire
le
contenu
de
déterminabilités en déterminabilités,
jusqu'à l'Idée absolue;
La
Phénoménologie
et
la
Logique
sont
donc
en
relation
de
reprise
l'une dans
l'autre par
la
force motrice de
l'esprit.
Dans
la
Phénoménologie,
l ' espri t
est dans
la
figure
concrète
de
la
conscience
le
Moi
est
conscience
;
or,
dans
la
Logique,
au
contraire,
le Moi
déterminé et devenu
"ce Moi-ci
et pas
un autre" 81 bascule dans
l'immanence du
contenu et en
est le mouvement négatif.
Chaque moment déterminé porte,
peut-
80 - WL II
97, 100:
SL II pp.137-l43
Toute cette partie montre la concrétion.
au niveau de l'essence~ des correspondances entre la
Phénoménologie et la Logique:
"à chaque moment abstrait de la Science correspond une figure de
l'esprit
phénoménal en général"
(Ph.G.
562,
31-33;
II 310,
21-23)
: ainsi s'exprime et vient au jour la vérité
du Système ou ce qu'est le Système comme Totalité s'auto-déterminant.
81 - Ph.G.
556, 36-37:
II
303, 10.
133
on dire,
l'inquiétude et le mouvement pour rejoindre le Tout.
Cela est
l'uni té et
la vie du Système
savoir que
"1 ' espri t
se
parcourt
soi-même,
et
se
parcourt
pour
soi
comme
esprit,
parce qu'il
a
la
figure du concept dans
son objectivité"
82.
Ainsi
se
détermine-t-il
d'abord,
dans
son
extériorité
phénoménale et
conscientielle,
il développe de façon linéaire
le mouvement allant de la Phénoménologie à
l'Encyclopédie par
la
médiation
de
la
Science
de
la
Logique.
Ensuite,
dans
l'économie
respective
de
chacune
de
ces
oeuvres,
dans
un
procès
de
dédoublement
redoublement
de
soi,
l ' espri t
conduit
le
mouvement
nécessaire
des
déterminations
immédiates
et
extérieures
à
leur
ultime
achèvement
en
leur
extériorité
déterminée
a)
de
la
conscience
immédiate
au
Savoir
absolu
grâce
à
l'intériorisation
spirituelle,
religieuse;
b)
de
l'Etre
pur,
immédiat
et
objectif,
à
l'Idée
absolue
par
l ' intériori té
subjective
conceptuelle;
c)
de
cette
extériori té
nouvelle de
l'Idée
absolue
à
l ' Espri t
absolu
par
la médiation des sciences réelle et spirituelle : au total,
un
rythme de descente-montée-descente,
décrivant une courbe faite
de
bascules
et
de
sursomptions,
véritable
circularité
de
l'esprit dans
l'unité de son
paraître et de son disparaître.
3 -
La circularité de l'esprit
Ce
mouvement
qui
porte
ainsi
l ' espri t,
de
soi
à
soi,
décrit un cercle.
Nous l'avons déjà observé dans l'esquisse du
Système
de
Iéna.
En
toute
logique,
nous
le
retrouvons
ici,
parvenu
à
son
complet
développement,
à
sa
détermination
82 - Ph.G.
557. 7-10
II
303,
20-22
134
maîtrisée.
Ce mouvement est la circularité de l'esprit,
de cet
espri t
absolu
dont
Hegel
fait
le
contenu
et
l'uni té
de
la
conscience philosophique 83,
la vérité du Système
"L'esprit
est
contenu,
ainsi
est-il
dans
la
figure
de
sa
vérité"
84.
Mais la figure initiale et originelle de l'esprit émerge de la
dialectique
de
la
Négativité
l'épure
du
mouvement
en
son
surgissement originaire.
a)
La
Négativité.
En
position
absolue
de
cette
circularité de l'esprit,
s'inscrit le schéma dialectique de la
Négativité
:
"cellule rythmique"
du Système global.
Avant,
et
afin
de
bien
comprendre
la
médiation
dialectique
comme
un
"Bau"
(un "construire" de l'esprit par soi-même en son propre
parcours,
i l
faut
entendre
le
terme
structure
dans
la
compréhension
dynamique
d'une
structure
de
sens,
et
donc
de
structure en mouvement. C'est bien ce qu'expose le parcours du
négatif:
"La négativité est la négativité en soi
;
elle
est
son rapport à soi,
ainsi est-elle en soi immédiateté
85
mais
elle
est
rapport
à
soi
négatif,
acte-de-
nier
d'elle-même
qui
se
repousse,
ainsi
l'immédiateté étant en soi est-elle le négatif ou le
déterminé
en
regard
d'elle.
Mais
cette
détermini té
est
elle-même
la
négativité
absolue,
et
ce
déterminer,
qui est immédiatement,
comme déterminer,
le sur sumer de soi-même, retour dans soi" 86
83 - Ency. § 572 ;
tr.
BB p. 360
84 - Ph. G.
532. 25-26;
II
271.
21-22
85 - C'est nous qui soulignons.
86 - WL
II
12. 2-8 ; SL
II
15, 18-25
135
Cet
enseignement
hégélien
sur
la
négativité,
livré
en
cette
facture
dense
et
compacte,
articule
deux
idées
principales,
solidaires
l'une
de
l'autre
la
nature
du
négatif et la mobilité libre de cette nature.
Il est important
de
relire
ce
passage
dans
son
contexte
;
i l
se
trouve
au
centre
du
premier
chapitre
sur
la
"Doctrine
de
l'Essence",
chapitre
divisé
en
trois
parties
A.
"l'Essentiel
et
l'Inessentiel"
B.
"l'Apparence"
C.
"la
Réflexion.
Nous
lisons
le
passage
cité
au
coeur
du
développement
de
la
dialectique de l'apparence
celle-ci est qualifiée en termes
de
"négatif
posé comme négatif"
87,
en d'autres
termes
comme
"l'essence elle-même dans la déterminité de l'être"
88
;
cette
essence est
"l'autonome qui est comme se médiatisant avec soi
par sa négation qu'elle est elle-même:
unité identique de la
négation
absolue
et
de
l'immédiateté"
89.
C'est
ici
précisément que se situe le texte sur la négativité,
comme une
reprise
synthétique
et
explicative
en
même
temps
de
tout
ce
qui précède.
On comprend alors qu'il comporte
les marques des
étapes
du
parcours
dialectique
de
l'apparence.
Ainsi
la
Négativité
est-elle
posée
en
sa
nature
déterminée
comme
inunédiateté-en-soi,
une
immédiateté
qui
procède
du
mouvement
"paraître-parution"
qui
n'est
rien
d'autre
que
celui
de
la
réflexion,
objet de
tout
le chapitre
mais,
pour
le moment,
nous
n'en
sommes
qu'au
niveau
de
l ' "en-soi"
absolu
immédiat,
du
"Nichts" .
Il
en
découle
immédiatement
donc
que
la
87 - WL
II 9.
15-16
SL
II
Il.21
88 - WL
II Il. 34-35 ; SL II
15.12
89 - WL
II Il. 39-40; 12. 1 ; SL
II 15. 15-16
136
Négati vi té
est
le
moment
lemmatique
immédiat
du
mouvement
90
et
partant
de
la
circularité
de
l'esprit
sa
position
commande
donc
tout
le
procès
médiatique
de
la
Totalité
réflexive
ultérieure
dont
la
partition
s'annonce
déj à
en
ce
début absolu.
En voici la structure dynamique.
1)
Rapport
de
soi-à-soi
du
Nichts
91
Le
"Nichts",
"néant
réel",
énergie
pure,
source
et
origine
de
toutes
les
opérations de cette énergie,
se pousse de soi à soi
la forme
du mouvement
peut
se matérialiser dans
la
figure
d'une
flèche
qui revient à son point de départ.
(Nichts)
N.
Mais ce Nichts qui
se médiatise de la
sorte par soi est
un
immédiat
absolu
on
peut
le
montrer
par
un
point
à
l'opposé du point de départ
Nichts
Immédiat (N = I)
0
N
l
(Inunédiat)
90
-
Nous
prenons
ce
terme
dans
le
sens
où
Hegel
lui-même
désigne
la
force
Comme
"l'uni té
négative dans laquelle s'est résolue la contradiction du tout et des parties"
(WL II 144. 13-14 ; SL
II
209,
14-15),
Il
s'agit
de
comprendre
ici
le
terme
"lemme"
comme
une
unité
qualitative
prise
à
l'expérience philosophique et non à l'expérience mathêmatique
(WL l
247
; SL l
275,
25-26)
;
le moment
lemmatique du mouvement dialectique
signifie donc
ici
l'unité différenciée du mouvement diastolique et
systolique au sens où P,J,Labarriére et G. Jarczyk. parlent de "cellule rythmique".
Dans tous les cas. on
vise
à
faire
comprendre
la
négativité
du
Nichts
comme
une
uni té
sui
generis
qui
est
un
va-et-vient
al ternatif.
mais
où
l'aller
présuppose
le
retour
et
le
retour
présuppose
l'aller;
le
contenu
de
ce
mouvement
est
l'uni té
lemmatique
par
quoi
ce
mouvement
est
lui-méme
absolu.
mouvement
de
négativi té
absolue ou "la négativité en soi"
91 - Les lignes ci-aprês s'inspirent de l'étude déjà citée de D.
Dubarle, art. cit, p, 183
137
2)
Le trajet de l'énergie du Nichts
:
Il est dit que le
Nchts
est
énergie
de
négation
et
puissance
de
toutes
les
opérations
de
cette
énergie
le
verbe
utilisé
par
Hegel
(abstossen)
traduit
bien cet
élan heurté
du
mouvement
en
figure sur le schéma,
c'est le diamètre du cercle,
sous forme
de flèche allant d~ ~
N
il- -+" l
\\.J
3)
Résultat
de
(1)
et
(2)
Le
résultat
dans
sa
déterminité accomplie donne ceci:
Essence
Essence
Nichts comme N
l
comme der Schein
Négativité
Immédiateté
Ce
résultat
est
bien
un
déterminé
unité
de
la
négativité
et
de
l'immédiateté
mais
i l
est
un
"en-soi-
déterminé",
par rapport au Nichts (1),
absolument indéterminé,
le Nichts
(3)
est le Nichts du Nichts,
savoir la négation de
la
Négativité
elle-même,
ce
qui
fait
de
ce
résultat
un
positif;
mais
un positif qui
a
l'existence d'un univers
brut
des
déterminations
du
paraître-parution.
Aussi
cette
positivité,
qui est au coeur de cette immédiateté déterminée,
est-elle
tout
à
la
fois
négativi té
absolue
et
action
incessante "de retour dans soi"
;
posi tivi té traversée par sa
propre
négativité
(Nichtigkei t)
d'origine,
elle
est
résultat
de
cette
unité
différenciée
en
laquelle
s'inscrit
son
instabilité,
marque
de
son nécessaire
se-pousser
hors
de
soi
qui fait d'elle-même sa propre capacité de retour à soi,
à son
138
énergie
d'origine
(le
Nichts absolu)
et mouvement
sans
répit
d'anéantissement des figures par elle venues au jour.
Dans
l'absolu,
ce
mouvement,
fait
de
va-et-vient,
de
paraître-parution (où le regardé est aussi bien le regardant)
s'accomplit dans l'instant éternel.
C'est pourquoi on peut le
lire
au
niveau de
l'être et
de
l'essence.
Dans
la
sphère de
l'être,
il
est
le
mouvement
de
"l'extériorité
et
de
l ' accidentali té"
92 et dans
la
sphère de
l'essence,
celui
de
"l'immanence et de la parfaite essentialité" (92)
Tel
est
l'esprit
dans
le
mouvement
absolu
de
sa
négativi té,
mouvement
à
l'oeuvre
dans
le
Système,
ou
que
le
Système
expose
dans
sa
globalité
comme
en
ses
figures
particulières: des moments de l'expérience philosophique.
b) - L'expérience philosophique. Hegel lui-même considère
le
premier
titre
de
la
Phénoménologie
comme
"Science
de
l'expérience de la Conscience"
(Wissenschaft der Erfahrung des
Bewustseyns) 93.
La position hégélienne à propos de ce concept
exige
trois
remarques
importantes
concernant
les
sens
habituel,
scientifique et hégélien du terme.
Habituellement,
l'expérience s'entend de deux manières
d'abord
et
en
général
de
toute
connaissance
de
valeur
éprouvée,
quel
qu'en soit
le
domaine
ensuite,
l'expérience
se
di t
de
tout
acte
ou
épreuve
par
quoi
est
produi te
une
connaissance.
Or,
et
c'est
ici
la
deuxième
remarque,
à
l'époque
de
92 -
D.DUBARLE : art.
cité.
p.
183
93 -
P.J.LABARRIERE : StrMD p.
25 et la note 23.
139
Hegel,
la connaissance scientifique était déjà dominée par une
tendance
héritée
de
quelques
penseurs
de
génie
Descartes,
Kant,
Newton
une
expérience
n'était
scientifique
que
mathématique,
technique
et
opératoire.
Afin
d'éprouver
sa
seigneurie sur la nature et la matière,
le savant soumettait
celles-ci
à
l'expérimentation.
Le
résultat
fournissait
la
connaissance des
lois
fonctionnelles
et
pratiques
issues
des
rapports quantitatifs de la matière brute.
Pour Hegel,
et dans
la
perspective
de
la
philosophie
nouvelle
qu'il
entendait
promouvoir,
une telle connaissance était superficielle
;
elle
ne fournissait pas la vérité.
Alors,
et c'est la troisième considération,
Hegel décide
de
donner
au
concept
expérience
un
contenu
beaucoup
plus
dynamique.
"L'expérience,
chez
Hegel,
n'est
en
rien
une
réduction à mesure anthropocentrique ;
certes il n'est pas de
vérité pour l'homme qui ne doive passer par son expérience et
s'offrir
à
sa
connaissance
mais
le
propre
de
l'expérience
est précisément qu'elle porte l'ouverture à l'altérité"94.
Ce
dynamisme
et
cette
ouverture
sont
spécifiques
à
l'expérience
telle
que
Hegel
l'entend.
La
Négativité,
comme
caractéristique fondamentale au penser dialectique hégélien en
porte déjà les marques,
partout présentes d'un bout à l'autre
du
Système.
C'est
pourquoi,
l'expérience,
l'expérience
philosophique,
est
chez
Hegel
une
autre
expression
pour
désigner le mouvement dialectique
"Ce mouvement dialectique
dont use la conscience en elle-même,
aussi bien en son savoir
qu'en son objet,
dans la mesure où pour elle le nouvel ob-jet
94 - F.GUIBAL : "Dieu selon Hegel" oc? p. 19.
140
. '
Jal. l l '
l.t
d e
la- ,
est
a-
proprement
parler
ce
que
l'on
nomme
expérience"
95.
Cette définition engage tout le Système comme
lieu et milieu o~ "se lit la vérité" 96.
Par là,
l'expérience
de la conscience est tout à la fois chemin et science.
"Un tel
chemin
vers
la
science
est
lui-même
déj à
science,
et,
selon
son
contenu,
est
la
science
de
l'expérience
de
la
connaissance"97.
Ainsi
est
posée
dans
un
rapport
corrélatif
l'uni té
du
contenu du système et de sa méthode.
Une telle expérience est
celle d'une totalité,
d'une vérité absolue ne laissant rien en
dehors d'elle,
ni en plus ni en moins.
Hegel va jusqu'à donner
à
l'expérience
philosophique,
ainsi
entendue,
la
même
compréhension
que
celle
qu'il
assigne
au
concept
"l'expérience que la conscience fait de soi ne peut,
selon le
concept de l'expérience même,
comprendre rien de moins en elle
que le système total de la conscience ou le royaume total de
la
vérité
de
l ' espri t"
98.
Le
contenu
du
savoir,
du
savoir
absolu
de
l'esprit
absolu,
et
celui
de
l'expérience
philosophique sont donc
absolument
identiques
"L'expérience
consiste
précisément
en ceci
qu'en soi
le contenu
-
et
le
contenu
est
l ' esprit
est
substance,
et
donc
objet
de
la
conscience.
Mais
cette
substance
qui
est
l'esprit,
est
le
devenir
de
l ' espri t
pour
atteindre
ce
qu'il
est
en
soi,
et
c'est seulement comme ce devenir se réfléchissant soi-même en
soi-même qu'il est en soi en vérité l'esprit" 99.
95 - Ph.G. 73.3 ;
l
75.
5.
96 - Ph.G. 189. 24-25
l
211-
6-7
97 - Ph.G
74.
34-37
l
77,
11-13
98 - Ph.G. 74. 37-40 ;
l
77.
14-17
99 - Ph.G. 558. 33-38
l
305.
25-31
141
L'expérience
philosophique
est
le
cheminement
de
l'esprit,
d'un
esprit
qui
est
la
vérité
de
ses
propres
figures.
Il n'y a donc pour Hegel que cette expérience-là qui
soi t
complète et vraie et qui
fonde toutes
les autres.
Aussi
sa Logique se pose-t-elle comme la Logique fondamentale ; elle
"engage
le procès où elle se constitue en articulant les
uns aux autres vécus et dits,
particuliers et universels" 100.
De
cette
philosophie
ou
de
cette
logique
fondamentale,
deux
figures
particulières
se
laissent
esquisser
la
première
matérialise
l'expérience
de
la
conscience
telle
que
nous
venons de
l'exposer ci-dessus à
propos de l'uni té de
l'objet
et du suj et
la seconde visualise
"la nature dialectique et
l'unité spéculative du réel",
selon les mots de P.J.LABARRIERE
à qui nous devons, pour l'essentiel, ce qui suit.
1)
L'unité
spéculative
de
la
conscience.
De
ce
qui
précède,
la
conscience,
à
la
fois
raison
et
esprit,
est
l'unité du contenu de l'expérience philosophique; elle est ce
en quoi tombe la distinction sujet-objet; l'ob-jet en soi est
ainsi
objet pour
la conscience.
La vérité du
savoir qu'a
la
conscience d'un tel ob- j et est une vérité de miroi tement,
un
miroitement
non
de
surface
simplement,
mais
et
surtout
de
corrélation,
de
présupposition
mutuelle.
On
ne
prend
jamais
l'un
des
termes
sans
l'autre.
Aussi,
cette
dialectique
de
présupposition
réciproque
engendre-t-elle
l'unité
d'unification spéculative de la conscience.
La déterminité de
cette
unité
est
la
sursomption
sujet-objet
subjective
et
inversement
objet-sujet
objective.
La
conscience
opère
ainsi
100 -
P.J.LABARRIERE:
..
Le Discours
....• oc.
p.
79
142
le mouvement incessant de l'expérience
de son propre savoir
et du savoir de son ob-jet. En voici la figure schématique.10l
'ob-jet en soi
Etre
ou
conscience
objet
objet pour la
esprit
conscience
Savoir
1
'10--------- _-=-;-'-:""__":'""'"""':"_;-:-~~=~=O--....
Subjèctivité
2) L'unité spéculative du réel.
Le schéma ci-dessus peut
se retrouver en tout domaine.
Il
faut et il suffit pour cela
que
soit
honorée
la
structure
de
deux
termes
en
rapport
de
présupposi tion
médiatement
nécessaire.
Alors
les
deux
termes
s'engendreront
mutuellement,
c'est-à-dire
que
"chacun
d'eux
n'atteint
sa
pleine
signification et
son développement
total
que
lorsqu'il
se
trouve
médiatisé
par
le
contenu
de
l'autre"102
Soient
les
termes
X et Y,
représentant
les
deux
pôles
d'une
totalité
en
relation
médiatique
de
présupposition
réciproque.
L'analyse directe livre les éléments constitutifs
de
chacun
d'eux
en
posant
l'affirmation
unilatérale
de
leur
prévalence respective en X'
et Y'
(relation en pointillé sur
la figure).
Ce premier résultat enferme chacun des termes dans
101 - P.J.LABARRIERE : lleph. p. 57
102 - P.J.LABARRIERE : "Le Discours
"204
143
une
"autonomie
oppositive",
en
somme
en
une
"singularité
abstraite"
103.
Dans
cette
déterminité,
les
deux
termes
s'ignorent absolument dans une opposition oppositive.
Pour les faire s'articuler en vérité l'un à
l'autre,
il
faut
et
il
suffit
de
faire
atteindre
X et
Y,
chacun
à
la
plénitude
de
son
propre
contenu,
par
le
chemin
plus
long
certes de la médiation,
par lequel chacun est conduit de soi à
soi,
à
la fois par soi et pour l'autre soi (trait plein sur la
figure) .
Ce
second
résultat
est
l'unité
spéculative
en
laquelle le réel,
tout réel,
réalise sa plénitude de forme et
de
contenu,
de
l' extériori té
et
de
l' intériori té
identité
différenciée
caractéristique
de
l'uni té
spéculative
de
toute
réalité en sa structure rationnelle.
En voici la figure schématique
104
Cette
expérience
capitale
qu'expose
cette
Logique
103 -
id.
p.
205
104 -
id.
p.
204
144
fondamentale
est
le
lieu
et
milieu
d'une
rationalité
onto-
logique
qui
est,
en
même
temps,
selon
la
volonté
et
la
décision de Hegel, une Logique dialectique.
145
D EUX lEM E
PAR T l
E
LA
LOGIQUE
FONDAMENTALE
La méthode absolue
"Comme tout, l'objet est le syllogisme
ou le mouvement de l'universel".l
1 Ph.
G.
550, 16-17
II 294.
27-28
146
CHAPITRE 3
LA RATIONALITE DIALECTIQUE
LE
SYLLOGISME
"Tout ce qui est rationnel est effectif,
Et tout ce qui est effectif est rationnel"2
Préliminaire
Raison et Réalité
Cette circularité de l'esprit - de l'esprit entendu comme
le contenu du
Système,
par conséquent
son origine
et
terme
accomplit l'unité spéculative du réel
(Wirklich).
Cet esprit,
qui,
par
nature,
se
donne
"tout
de
suite
tout
entier
lui-même"3,
s'est
montré
déjà
à
l'oeuvre
dans
"Logique
et
Métaphysique
de
Iéna" ,
comme
le
moteur
du
rationalisme
dialectique
en
son
surgissement
originaire.
Le
voici
dans
toute la force de sa plénitude.
Dans sa lumière,
le philosophe
constate
et
déclare
tout
réel
est
rationnel.
Cette
affirmation
de
Hegel
a
suscité
bien des
réactions,
réactions
interrogeant,
pour
les unes,
sur
la nature respective du réel
et
de
la
raison
pour
les
autres,
sur
le
rapport
de
la
2 -
PhRch.
Préface:
traduction de BB dans SL.
p.169.
à
comparer avec celle qui a prévalu longtemps dans
l'ignorance du sens
technique que Hegel donne au mot Effectif(Wirk1ichl
que fera connaitre
la suite de
notre développement.
Voir aussi à ce propos R.
BERTHELOT
"Liberté.
Nécessité et Finalité chez Hegel" in
Soc. Française de Philosophie.
avril 1907. séance d'ouverture du 31 janvier
3 - B. QUELQUEJEU : "La volonté dans la philosophie de Hegel". Ed. du Seuil, Paris 1972.
p.
50
147
Logique
de
Hegel
avec
la
métaphysique
traditionnelle,
des
Présocratiques
à
Kant
4.
Notre
intention
n'est
pas
de
reprendre
ici
cette
double
question.
Pour
notre
propos,
i l
importe seulement de savoir ce que Hegel
lui-même entendu par
réel et raison.
Réel
(Wirklich),
Effectivi té
(Wirklichkei t ) ,
comme
nous
le
verrons
au
chapitre
suivant,
traduit
l'être-là
immédiat,
dans
toute
sa
concrétion,
l'effectif
en
vérité,
unité
de
l'être et de
l'essence,
et non
une réalité de pure
apparence
qui
ne
serait
qu'apparence,
vide
de
contenu,
ainsi
qu'il
en
irai t
des
lois
et
des
coutumes
qui
auraient
perdu
tout
leur
esprit
5
une
connaissance
effective,
réelle,
est
vraie,
c'est-à-dire est une connaissance dont
le
"contenu est plutôt
à
lui seul,
le vrai absolu
...
la matière véritable"
6.
En un
sens
donc,
on
pourrait
imaginer
des
réalités,
qui
n'ont
"aucune
effectivité"
7,
alors
que,
pour
Hegel,
la
réalité
effective est
Totalité
identité différenciée de
l'intérieur
et
de
l'extérieur.
Un
tel
réel
est
rationnel
parce
qu'il
procède du "Syllogisme total" 8
de la médiation.
Ainsi
donc
cette
affirmation
porte,
condensée
dans
ce
terme
réel
la
systématique
de
tous
les
moments
du
concept.
c'est
en
ce
sens
que
Hegel
peut
dire
que
sa
Logique,
la
Logique
objective
surtout,
prend
la
place
de
l'ancienne
ontologie,
et aussi du "reste de la Métaphysique
. . .
substrats
particuliers
l'Ame,
le
Monde,
Dieu,
considérés
dans
leur
4 - A.
DOZ
:
"La Logique de Hegel et les problèmes traditionnels de l'Ontologie" Paris.
J. Vrin.
1987.
5 -
SL
l
2 : c'est nous qui paraphrasons cette page de la prèface de la Logique.
6 - SL
l
19.
19-21
7 - idem
89.
27
8 -
SL III 270.
21
148
nature et leur valeur en et pour soi-même"
9,
par où l'uni té
de l'être et de l'essence constitue la réalité véritable;
la
Logique de Hegel est la critique ordonnée,
rigoureuse de cette
ancienne
Métaphysique,
en
même
temps
que
celle-là
est
la
nouvelle élaboration de celle-ci.
Désormais,
la différence du
sujet et de
l'objet,
ne se présente plus dans une opposition
oppositive,
puisque le concept (Logique subjective)
"se montre
comme l'unité de l'être et de l'essence"
10.
Mais
"le concept
adéquat est
l'Idée
[il]
connaît le monde objectif sien
dans sa subjectivité et celle-ci dans celui-là" 11.
Par conséquent,
quand Hegel écrit cette affirmation dans
la
Préface
de
la
Philosophie
du
Droit,
le
terme
réel
(Wirklich) récapitule tous les moments du concept,
selon toute
la rationalité syllogistique de sa Logique,
"science pure
unité du subjectif et de l'objectif,
qui est savoir absolu,
et
à laquelle l'esprit s'est élevé comme à sa vérité absolue" 12.
Or,
si
l'esprit
est
à
la
fois
principe
et
terme
du
Système,
"la raison qui est la sphère de l'Idée est la vérité
dévoilée
à
soi-même"
13.
Ainsi
le
rationnel
est
le
fruit
immédiat
de
cette
raison,
en
tant
que
celle-ci
est
cette
vérité à
soi-même révélée,
tandis que le concept,
en tant que
qu'uni té
réelle
de
l ' obj et
et
du
suj et,
est
la
"Chose-même
étant
en
et
pour
soi"
14,
parvenue
à
son
effectivité
véri table.
Le
procès
qui
établit
un
tel
syllogisme,
est
la
9 - SL l
37 passim.
10 - SL III 61. 2
11 - idem. 64.1-5
12 - SL l
33. 6-8
13 - SL III 64. 1-2
14 - idem.
63. 14-15
149
médiation du réel,
d'un réel compris comme Totalité,
à
savoir
un
"réel
qui
opère
par
rapport
à
lui-même
une
médiation
du
même au même ...
[qui est] une affirmation du même comme autre
que soi"
15
"une sortie de soi comme acte permanent d'auto-
production" 16. Dans sa perfection, un tel mouvement est celui
de la pensée se pensant elle-même librement.
Or,
selon Hegel,
penser c'est
concevoir
(Begreifen)
comprendre,
engendrer et
rassembler.
Il
Y
a
entre
ces
trois
termes
un
lien
de
dépendance
une
pensée
qui
se
pense
elle-même
s'engendre
nécessairement
et
pourtant
se
développe
et
puisqu'elle
se
développe,
et
point
ne
se
disperse,
elle
est
à
même
de
se
recueillir,
de se rassembler,
de se saisir,
en se corn-prenant,
en
tant
qu'elle
est
le
sens
"une
orientation
circulaire
parfaite"
17.
De
cette
opération
le
syllogisme
restitue
l'unité totalisante dans le concept.
Ainsi la vie de l'esprit
n'est rien d'autre que la vie du concept,
une vie d'union et
d'unification
des
différences
dans
l'unité.
Cela,
Hegel
l'appelle
"le mouvement rationnel
supérieur"
18.
C'est en un
tel
procès,
précise-t-il
ailleurs
"que
la
dialectique
est
développement et progrès immanent" 19.
Cette rationalité du concept,
comme procès absolu,
c'est
la réflexion de l'essence,
dans son ensemble structuré,
qui en
donne
la
préfiguration
comme
moment
central
de
la
médiation
parce
que
"l'essence
se
tient
entre
Etre
et
Concept
et
consti tue
leur
moyen-terme"
20
dans
le
syllogisme
de
cette
15 -
G JARCZYK.
oc.
p.
36
16 -
SL l
171. 9-10
17 - A. STANGUENNEC? art.
cit.
p.
323
18 - SL l
78.
23-24
19 -
PhRech § 31
20 - SL Il 6. 1-2
150
Totalité logique.
Aussi,
cette rationalité médiatique est-elle
principalement :
A - Le Fondement
B - La Force
C - Le Syllogisme.
A -
LE
FONDEMENT
Avec
la
dialectique
du
fondement
se
poursuit
et
d'une
certaine façon se termine le mouvement médiatique instauré au
moment
de
la
Négativité de
l'essence,
en
tant
que
réflexion
dans
elle-même
mouvement
du
paraître-parution
(Scheinen-
Scheinung).
Le
fondement-fondé
reprend
et
continue
cette
cellule
rythmique
qui
par
là
s'est
dégagée,
pour
montrer
l'essence
dans
sa
déterminité
posée,
posée
comme
condition
(Bedingung)
de
l'existence
(Existenz)
ou de la venue au
jour
de
la Chose dans
l'existence.
Cette dialectique achève,
pour
ainsi dire,
de fonder le fondement de l'être et, par là,
porte
à la déterminité complète le fondement réel fondamental.
Hegel
récapitule
le
travail
effectué
dans
un
passage
dense qui mérite d'être analysé de façon approfondie:
"Le
rapport
fondamental
dans
sa
totalité
est
ainsi
essentiellement réflexion présupposante
;
le
fondement
formel
présuppose la détermination-de-contenu immédiate,
et celle-ci,
comme
fondement
réel
présuppose
la
forme.
Le
fondement
est
donc
la
forme
comme
liaison
immédiate;
mais
de
telle
sorte
151
qu'elle
se
repousse
de
soi-même
et
présuppose
plutôt
l'immédiateté,
se rapporte en cela à soi comme à un autre.
Cet
immédiat est la détermination-de-contenu,
le fondement
simple;
mais comme tel,
à
savoir comme fondement,
i l est pareillement
repoussé
de
soi
et
se
rapporte
à
soi
également
comme
à
un
autre.
Ainsi
le
rapport
fondamental
total
s'est-il
déterminé
en médiation conditionnante" 21.
Avant
l'analyse
et
la
compréhension
approfondie
de
ce
texte,
i l nous faut ici faire deux remarques:
l'une à
propos
de la raison et de la rationalité,
l'autre à
propos de poser
et de présupposer.
1 - Remarques préliminaires
a)
-
Raison et Rationalité. Comme i l vient d'être montré
à
propos
du
rapport
raison-réalité,
la
relation
relation-
rationalité,
à son tour,
n'est pas à prendre non plus comme un
simple caractère formel extérieur affectant le réel rationnel,
pas
davantage
comme
des
contingences
historiques,
accidentelles,
certes compréhensibles dans le meilleur des cas
comme des unités des moments du concept.
La rationalité,
selon
toute la noblesse que Hegel accorde à la raison,
a affaire aux
liens
nécessaires,
aux
liaisons
de
nécessité,
à
"l'enchaînement
nécessaire
des
différentes
catégories,
c'est-à-dire
des
différents
moments
du
concept"
22
Hegel
exprime,
à
plusieurs reprises,
une
telle concaténation qui
se
21 - WL II 91. 14-25 ;
SL
II 128. 29
129. 1-11
les soulignements sont de nous.
22 - WL l
35 ; SL l 24 note 91
152
reproduit
à
différents
niveaux
entre
la
'Logique
et
la
méthode 23,
entre les différents moments du concept,
entre la
forme extérieure et son auto-mouvement intérieur.
La
Philosophie,
l'expérience philosophique,
aux
yeux
de
Hegel,
n'a
pas
d'autre
rationalité,
ni
d'autre
méthode
que
celle
de
"liaison
nécessaire,
de
passage
d'une
forme
à
une
autre"
24.
La
raison
logique
et
philosophique
implique
par
conséquent la présentation complète et cohérente du contenu de
la
totalité
rationnelle
mais
i l
s'agit
d'une
raison
spécifiée
comme
étant
"la
certitude
de
la
conscience
d'être
toute chose"
25,
d'être l ' espri t,
et l ' espri t
est
le contenu.
Cette
raison est
fondamentalement
"le
substantiel
ou
le
réel
qui
maintient
rassemblées,
unifiées
en
lui
toutes
les
déterminations
abstraites
et
en
est
l'unité
compacte,
absolument concrète" 26.
Une telle rationalité est absolument celle de la totalité
et
non
celle
d'un
bon
critère
permettant
de
déchiffrer
correctement
les
significations
d'un
corpus
codé.
La
vérité
philosophique est la pure conscience de soi dans
la figure de
soi.
Et
disons-le
avec
cette
concision
hégélienne
"ce
qui
est en soi est le concept et le concept est ce qui est en soi"
27
C'est cela
la
rationalité véritable,
une
rationalité de
l ' identi té
advenue
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur,
le
Je
23 - WL l
6-7 ; SL l 39 sq.
WL I I 487 sq.
SL I I I 370 sq.
Ph.G ..
40. 1-7 ; l
41.
6-11
24 - Hegels Briefe l
p.
316 ; .tr. Carrère l
p.
283
25 - Ph.G. 176. 23;
l
196. 30
26 - WL l
29.
11-14
SL
l
17. 15-18
SL
I I I 154 n.
5
27 - WL l
31. 1-2;
SL
l
19. 15-16.
153
médiatisé
par
l'objectivité
et
réciproquement.
En
cela
s'indique
cette
rationalité
dialectique
comprise
comme
étant
celle du contenu,
de la vérité universelle qui n'est telle que
parce
qu'elle
ne
peut
rien
présupposer
d'autre
que
le
tout,
dans sa totalité absolue ; et nous voici conduit à la deuxième
remarque.
b)
- Poser et présupposer (setzen,
voraussetzen). Ce sont
là
deux
catégories
de
très
grande
importance
pour
l'intelligence complète de
cette
rationalité médiatique,
dans
la figure
de
la
"vérité en acte de savoir"
28
ou
dans l'acte
du
raisonnement,
pour
le
dire
d'un
terme
tout
à
fait
classique.
Or,
si
le
raisonnement
(Vernuftschluss),
d'une
manière
générale,
vise
"l'opération discursive par laquelle on conclut
qu'une
ou
plusieurs
propositions
(prémisses)
impliquent
la
vérité,
la probabilité ou la
fausseté d'une autre proposition
(conclusion)
29
l'auto-détermination
médiatique
de
la
totalité
invite
à
préciser,
en
contexte
hégélien,
ce
que
devient
le
statut
du
raisonnement
dans
son
rapport
à
la
rationalité
dialectique.
Comment
qualifier
le
propre
du
progresser
de
la
Totalité,
d'une
"Totalité
concrète
qui
fait
le
commencement
et
a
comme
telle
dans
elle-même
le
commencement du progresser et du développement"
30 ? Autrement
dit,
qu'est-ce-qui,
dans
ce
progresser,
passe,
fait
retour
à
soi
à
partir
d'un
autre
et
ainsi
se
développe
?
Comment
le
résul tat
d'une
négation
est-il
positif
parce
qu'il
est
posé
28 - Ency §§ 236 et 574
: nous y reviendrons dans la troisième partie de ce chapitre.
à la section C.
29 - A.LALANDE : "Vocabulaire technique et critique de la Philosophie". 16ème Ed.
Paris 1988.
30 - WL
Il 490. 31-33
SL
III
375. 19-20
154
comme négation déterminée ?
Les chapitres précédents nous permettent déjà de dire que
nous avons affaire ici au mouvement réflexif de l'esprit dont
le rythme d'auto-progression,
paraître-parution,
anime tout le
système
à
ses
différents
ni veaux.
Dans
cet
aller
et
venir,
qu'est-ce
donc
qui
passe
et
comment
?
C'est
alors
que
les
catégories de passage (übergehen),
de paraître
(scheinen),
de
développement
(Entwicklung)
trouvent
à
dire
leurs
complètes
déterminations dans et celles de poser, et de présupposer : En
effet,
"la
présupposition
est
le
point
où
culmine
la
réflexion,
en déterminant le jusqu'où de la médiation négative
elle
est
à
la
fois
le
moment
où
s'abîme
l'immédiateté
ini tiale et celui où prend origine l'immédiateté devenue"
31.
Cependant,
qu'est-ce donc qui,
en dernière analyse,
bouge et
ainsi
passe
de
la
première
immédiateté
à
l'immédiateté
devenue?
La réponse de Hegel à une telle question dénonce ce que
celle-ci cache dans sa visée dualiste,
séparant inconsciemment
peut-être
le
mouvement
de
son
contenu
un
contenu
posé
en
face
de
son
mouvement.
Pour
Hegel,
c'est
d'emblée
que
"l'immédiateté est
seulement ce mouvement même"
32
Il
n' y
a
donc
pas
un quelconque
substrat
au mouvement
le
mouvement
est
le
mouvement
de
l'immédiat
initial.
Ainsi
la
présupposition montre son caractère paradoxal d'être à la fois
médiate et immédiate,
caractère double,
présent dans la forme
même du
terme
pré-supposer
(voraus-setzen)
"qui
rassemble et
31 - G. JARCZYK. oc.
P. 36
32 - WL II 13. 34-35;
SL
II 18. 13-14
155
uni t
des
éléments
apparemment
contradictoires··
primauté
de
voraus,
et
caractère
second
qu'implique
le
fait
de
poser,
setzen"
33.
Dans
l'immédiat
premier
se
trouve
déj à
posé
par
pré-position implicative ou supposition (position implicative)
tout
l'immédiat
devenu
posé.
La
présupposition
réflexive est
donc
un
se
nier
qui
est
en
même
temps
un
s'affirmer.
Pour
Hegel,
i l
n' y
a
donc
pas
à
se
demander
ce
qui
passe,
dans
l'intention d'aller un sujet face à un objet. Ou bien,
si l'on
tient
à
savoir absolument
qui
(ou quoi)
passe,
i l
n'est
pas
d'autre
réponse
à
donner que celle du
fait
de passer,
ou
le
seul
mouvement de l'auto-négation qui est à la fois une auto-
posi tion
par
sursomption
(Aufhebung)
médiatique.
On
voit
par
là
que
la
négation
hégélienne
n'est
point
une
"dissolution"
suppressive 34,
mais bien plutôt le mouvement du sursomption.
Hegel en donne une illustration dans l'exemple de l'espace et
du temps
"L'espace est cet être-en-dehors-de-soi absolu
...
un
perpétuel
être-autre
(ein Anders-und-Wieder-Anders-sein)
qui est identique à
soi
le temps,
un sortir-de-soi absolu,
un dévenir-néant
...
de sorte que cet acte par lequel le non-
être s'engendre est tout aussi bien égalité et identité simple
à soi" 35.
La
présupposition
par
là
se
montre
comme
un
terme
d'importance capitale pour la
saisie et
l'intelligence de
la
rationali té
dialectique
de
type
hégélien,
une
rationalité
en
laquelle
la
démonstration
et
l'argumentation
articulent
des
analyses
synthétiques
et,
inversement,
des
synthèses
33 - G.
JARCZYK. oc.p. 33-34
34 - WL
Il 493.
22-23
:
SL
111 378. 12-13 et la note 32 avec le commentaire de LEBRUN. oc. p.
229
35 - WL
1 (1812)
132. 3-9:
SL 1 171. 10-16 : nous nous référons ici au texte allemand de l'Edo
Felix
Meiner Verlag.
HAMBURG.
1986
156
analytiques
:
"Le premier terme universel considéré en et pour
soi,
se
montre
comme
l'autre
de
soi-même
il
est
essentiellement
conservé
et
maintenu
dans
l'autre
le
positif dans son négatif,
le contenu de la présupposition dans
le
résultat
c' est
là
le
plus
important
dans
le
connaître
rationnel" 36. Mais la dialectique posée d'elle-même exige une
seconde
détermination
qui
est
à
la
fois
négative
(le
médiatisé)
et
positive
(la
médiatisante),
"l'autre
en
soi-
même,
l'autre d'un autre"
(id.)
;
elle est
"la contradiction
ou la dialectique posée d'elle-même" (ibidem).
Un tel discours ou raisonnement donne tous ses droits à
l'al téri té
il
montre
que
les
pôles
en
relation
(Nature-
Esprit)
tout en se déterminant respectivement chacun,
jusqu'à
son
plus
profond
abîmement,
ne
se
délaissent,
ni
ne
se
délestent
jamais
de
la
force
de
leur
présupposi tion
médiatique.
La présupposition exprime et produit à
la fois le
mouvement
et
le
résultat
de
la
contradiction
médiatique
de
l'immédiateté médiatisée,
l'aller au gouffre (Zu Grunde gehen)
du
mouvement
essentiel
de
l'auto-production,
de
l'auto-
réalisation que développe tout le Système et singulièrement la
Logique, dans le rapport fondamental.
36 - WL
II
pp. 495-496
SL III
pp. 379-380.
157
2 - Compréhension du texte
Ces
deux
précisions
apportent
leur
lumière
à
la
compréhension de la dialectique du rapport fondamental.
a)
Le
fondement
ou
l'uni té
simple
de
l'essence.
Le
passage qui nous occupe prend place au dernier chapitre de la
première
section
de
la
Doctrine
de
l'Essence,
chapitre
inti tulé
"Le
fondement"
et
consacré
à
l ' ul time
détermination
de
l'essence
"Le
fondement
est
une
des
dernières
déterminations de réflexion de l'essence,
mais la dernière ...
sursumée"
37.
Avec
la
détermination
du
fondement
l'essence
devra
donc
se
trouver
posée,
posée
comme
"médiation
conditionnante" 38,
condition de la "venue au jour de la Chose
dans
l'existence"
39.
Aussi,
le
fondement
est-il
affirmé
d'abord comme
l ' identité
simple
de
l'essence.
C'est
pourquoi
cette identité simple qu'est le fondement devra développer les
moments de son unité.
Il est fondement absolu (Grund),
raison,
"ultime
abimement
de
l'essence
dans
son
pouvoir
d'auto-
détermination
intérieure
et
donc
dans
son
pouvoir
de
rej aillissement
dans
l ' extériori té
retrouvée
de
l'existence"
40
il
est
l'uni té de
la
forme
et de
la matière et
par
là
pose son contenu.
Ce fondement est simple
c'est-à-dire qu'il
n'a
pas
encore de
détermination
précise
pour ce
faire,
le
rapport-fondamental,
par
l'auto-détermination
de
cette
base
(Grundlage)
qu'est cette identité simple,
doit accomplir tout
le mouvement par quoi il se posera dans sa totalité complète;
37 - WL
II 63_
18-20 ;
SL
II 89_
1-3
38 - WL
II 9l.
25
;
SL
I I
129_
10
39 - WL
II 97.
7 ;
SL
II 137. 10
40 - SL II 88.
note 1
158
le
texte
résume
le
mouvement
dialectique
de
cette
détermination
un
véri table
raisonnement
de
réflexion
présupposante
meut
ce
rapport
fondamental
jusqu'à
sa
détermination" en médiation conditionnante" 41.
h) - Rapport-fondamental (Grundebeziehung).
Tout
d'abord,
au
premier
mouvement,
ce
rapport
fondamental
se
donne
comme
une
totalité
immédiate
l'auto-
détermination de celle-ci expose ses moments divers,
forme et
contenu,
qui se présupposent mutuellement ;
ainsi le fondement
a-t-il
deux
côtés
la
forme,
ou
l'immédiat
premier,
est
liaison
elle
est
forme
du
contenu
celui-ci
présuppose
immédiatement la forme et la détermine comme son autre
;
leur
identité
différenciée
est
le
fondement
simple
fondement
formel.
-
Ensuite,
au second mouvement,
ce fondement
simple se
détermine
à
son
tour
il
se
dédouble,
se
scinde
et
se
rapporte
à
soi
i l
est,
d'une
part,
le
contenu
essentiel,
c'est-à-dire l'identité simple
immédiate du
fondement-fondé
d'autre
part,
i l
est
le
quelque
chose,
ou
le
rapport
du
contenu indifférent. Mais ces deux aspects divers sont la même
chose qui est,
une fois comme terme essentiel,
une autre fois
comme posé; leur unité est fondement réel.
Au
troisième
mouvement,
le
fondement
formel
et
le
fondement
réel
se
médiatisent
et
posent
l'identité
du
fondement
(base)
et
du
fondé
(réel)
d'où
surgit
le
rapport
fondamental
complet
uni té
du
formel
et
du
réel.
Celle-ci
41 - WL
Il 91,
24-25
SL
Il 129, 10-11
159
contient
par
conséquent
les
déterminations
de
contenu ,
comme
le
fondement,
un
contenu
propre
ayant
la
forme
en
lui.
Ce
contenu
est
donc
double
ou
redoublé
i l
est
médiation
et
immédiateté
i l est une auto-négation qui est en même temps
une auto-production.
Ainsi le rapport-fondamental total est-il
le fondement
et
le
fondement
du
fondement.
Il
est
"déterminé
en médiation conditionnante" 42.
Le
raisonnement
que
développe
cette
dialectique
est
schématiquement le suivant
:
une première immédiateté est A ;
elle présuppose l'autre d'elle-même,
comme son égalité à
soi,
B
;
celle-ci n'est rien d'autre que A médiatement déterminé et
posé
en-et-pour-soi,
par
soi
en
son
autre
B
;
A
et
B,
respectivement
déterminé
se
sursument
ils
posent
c,
l'identité différenciée de leur unité devenue,
ou le résultat
de
leur
mutuelle
sursomption.
Cette
uni té
est
une
nouvelle
immédiateté,
D:
Existence.
Ainsi
A et
B,
des
différences
en
soi indépendantes "passent immédiatement dans leur unité C,
et
leur
unité
immédiatement
dans
leur
déploiement
et
ce
déploiement
à
son
tour
dans
la
réduction
à
l'uni té"
43.
Ce
cycle est force.
42 -
id.
43 - Ph.G.
105. 9-11
1 112.
10-13
160
B - LA
FORCE 44
Le cycle
complet de
cette mobilité
"c'est
ce mouvement
précisément
qu'on
nomme
force"
45.
La
force
est
ainsi
une
autre
lexie
pour
désigner
la
réflexion,
le
mouvement
et
finalement
l'esprit
lui-même,
en
acte
de
passer,
de
se
connaî tre
dans
son
propre
parcours
dynamique.
La
vérité
de
l'esprit,
c'est
cette
liberté
de
son
auto-mouvement.
La
dialectique
de
la
force
donne
à
connaître
cette
mobilité
spirituelle d'abord dans la relation du tout et des parties;
ensuite dans la relation de la force et de son extérioration,
et finalement dans la relation de l'identité de l'intérieur et
de l'extérieur.
1 -
Le Tout et les parties
Hegel
énonce
le
rapport
du
Tout
et
des
parties
d'une
manière
quasi
identique à
celle de
l ' espri t
et
du
contenu
"le contenu
est
le tout et consiste dans
les
parties
le
contraire de
lui-même"
46
Ce
rapprochement
est
significatif.
Il indique que le concept développé par tout le chapitre de la
Science de la Logique consacré à
la "Relation essentielle",
a
affaire à
la troisième figure de la Conscience de soi
Force
et
entendement
(Phénoménologie).
Par
conséquent,
la
dialectique qui est reprise ici est l'épure de celle que nous
connaissons déjà dans sa figure phénoménale conscientielle.
Il
44 -
- Ph.G. pp. 102-129 ; l pp. 109-141
WL
II pp. 144-150
SL
II
209-217
Ency. §§ 135-139.
45 - Ph.G. 105. 10
l
112. 14
46 - Ency § 135 ; tr.
BB. 388
Ph.G. 532. 25-26
II 271.
21-22.
Ph.G. 558. 34-35;
II 305. 25-27
161
s'agi t
de
l'uni té
de
la
relation à
soi
et
à
l'autre
soi.
La
vérité de
la relation du Tout et des parties réside donc dans
leur
médiation.
Le
contenu,
le
Tout,
devra
déployer
la
plénitude de sa totalité.
Or,
le Tout est d'abord
"l'autonomie réfléchie dans
soi
de
l'existence"
47
Ainsi
n'est-il
qu'une
forme
simple
qui
présuppose
immédiatement
son
autre,
la
variété
multiple,
les
parties.
Mais
celle-ci
présuppose
aussi
son
autre,
savoir
l'uni té
réfléchie.
De
la
sorte,
la
relation
du
Tout
et
des
parties montre ses deux côtés,
deux autonomies
:
le Tout ou la
totalité-monde
en-et-pour-soi
et
les
parties,
l'existence
immédiate
du
monde
phénoménal.
Mais
la
vérité
de
chacune
de
ces autonomies
"a en elle l'autre qui parait et n'est en même
temps
que
cette
identité
des
deux"
48.
Chaque
autonomie
condi tionne
l'autre
de
telle
sorte
que
la
vérité
du
Tout
et
des parties est dans leur médiation
i l Y a donc passage des
moments
l'un dans
l'autre,
de
telle manière
que
leur
rapport
constitue une structure essentielle,
logique,
celle du concept
de
la
relation.
C'est
ce
que
développe
la
dialectique
de
la
force.
2 - La Force et son extériorisation
"La force,
dit Hegel,
est l'unité négative dans laquelle
s'est résolue la contradiction du Tout et des parties"
49.
La
dialectique
de
la
négativité
nous
a
déj à
fait
connai tre
ce
47 - WL
II 138, 30;
SL II 202, 6-7
48 - Id
139, 11-12
id.
202, 22-23
49 - WL
II 144, 13-14 ;
SL
II 209. 14-15
162
qu'est
une
uni té
négative,
à
savoir une
posi tivi té
traversée
par sa négati vi té d'origine,
une uni té instable en raison de
sa double connotation
la force a donc les deux versants qui
se sont dégagés : le Tout et les parties.
En
tant
donc
qu'elle
est
une
unité
négative,
le
négativement rationnel,
la force est une réflexion-en-soi,
une
forme
simple,
vide
celle-ci
n'est
connue
que
par
son
"extérioration"
50.
qui
n'ajoute
rien
à
celle-là
i l
Y
a
identi té
de
nature
de
part
et
d'autre
c'est
donc
un
pur
rapport
négatif
à
soi
qui
n'est
qu'un
mouvement
de
simple
transposition, une auto-production.
Cette unité réfléchie qui est rapport négatif à
soi est
un immédiat
il présuppose médiatement son autre par
lequel
"il
se
trouve
sollibité
et
un
autre
à
partir
duquel
il
commence"
51.
L'uni té
négative
qu'est
la
force
fait
d'elle
l'unité
de
deux
moments
la
force
est
à
la
fois
force
sollicitée et force sollicitante
elle est passive et active,
une
passivité
immédiatement
active,
et
réciproquement
une
activité
tout
aussi
immédiatement
passive
"Le
poser
de
l'impulsion
ou
de
l'extérieur
est
lui-même
le
sursumer
de
cette
même
impulsion,
et
inversement
le
sursumer
de
l'impulsion est le poser de l'extériorité 52.
Par là s'expose
"le jeu des
forces"
53,
jeu de la finité et de l'infinité de
50 - SL l
209.
note 99
: Extérioration (Auesserung)
est simple mouvement de scission initiale
du
concept
à
l'intérieur
de
sol.
sans
précision
d'une
authentique
détermination
de
soi:
tandis
que
Extériorisation
(Entauesserung)
est
mouvement
de
reprise
dans
le
terme
initial
et
allant
de
la
sorte
jusqu'au
bout
de
la
réflexion
déterminante
ou
à
une
perte
sans
retour
dans
l'altérité
étrangère
(Entfremdung) aliénation qui demeure fixée dans le moment de la réflexion extérieure
51 - WL II
145. 9-10 ; SL
II
210.
26-27
52 - WL II
149. 27-30 ; SL
II
216. 15-17
53 - Ph.G.
108,5: l
116. 1
163
force
1'une
n'étant
que
l ' une
est
immédiatement
l'autre,
simple rapport
du paraître-parution que nous
connaissons déjà
avec la dialectique de la négativité ;
"la force extériore le
fait que son extériorité est identique à
son intériorité"
54.
Sur
le
chemin
de
l'identité
recherchée,
savoir
celle
de
l'unité du concept et de l'effectivité,
la force,
transparence
vide
et
apparence
à
soi,
devra
vérifier
son
uni té
simple,
"réfléchie
avec
soi-même"
55
par
le
détour
revitalisant
de
l'extérieur:
déterminer et révéler en effectivité la relation
essentielle
par
l'identité
immédiate
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur.
3 -
L'unité de l'intérieur et de l'extérieur
Cette
nouvelle
immédiateté
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur résulte de l'unité de la simple relativité qu'est
le rapport immédiat du Tout et des parties et de l'apparition
en
général
qu'expriment
la
force
et
son
extérioration
(Auesserung).
En
effet,
i l
s'est
dégagé,
d'une
part,
que
l'uni té simple,
absolument
identique à
soi
de
la
force
n'est
rien d'autre que "le fait que le déterminer présupposant et le
déterminer
faisant
retour
dans
soi
sont
une
seule
et
même
chose"
56,
et d'autre part,
que
"l'extérieur est
seulement un
intérieur,
parce
qu'il
est
seulement
un
extérieur"
57.
Nous
avons
ainsi
développé
l'être
purement
et
simplement
formel
d'une Chose
une telle chose est seulement dans son essence.
54 - WL II
150. 12-13
SL
217. 1-3
55 - id.
150. 25 ;
id.
217,
15
56 - ibidem. 151. 28-30
ibidem.
219. 11-13
57 - WL
II
151. 39-40
SL
I I
219. 22-23
164
Par là s'est aussi trouvé posé l'intérieur comme l'achèvement
de
l'essence
selon
la
forme"
58
l'unité
du
seulement
intérieur et seulement extérieur est donc une unité négative,
sans épaisseur.
Le raisonnement est incomplet,
étant un simple
recouvrement des extrêmes
:
A = B ;
B = A.
Où A,
comme base,
est
un contenu
indifférent;
B,
comme différence
absolue,
est
forme pure.
A et B sont donc les deux côtés d'une totalité
;
ce qu'est
l'un,
i l
l'est par l'autre et réciproquement,
cela
est
"la totalité de la relation"
59
cette totalité est ici
celle de l'essence,
déterminée de telle sorte à n'être que "le
fait
d'être
ce
qui
se
révèle"60
Cette
uni té
de
l'intérieur et
de
l'extérieur est
le
sursumer
de
l'un
et
de
l'autre
côté
de
la
Totalité
relationnelle
essentielle
d'où
surgit l'effectivité.
Cependant,
l'effectif qui a
ainsi surgi,
n'est pas
"une
réalité quelconque
mais bien
ce qui existe comme ayant
été
effectué
et
comme
ayant
en
soi
son
propre
pouvoir
d'effectuation"
61.
Mais
cette
puissance
d'effectuation
au
coeur du réel
ou qu'est
le réel
rationnel,
qu'est-il
d'autre
que "la force de l'esprit"
(die Kraft des Geistes)
62,
pouvoir
de conj oindre,
dans
l'uni té
différenciée,
l'identique
et
le
non-identique: c'est l'oeuvre du syllogisme.
58 - WL
II
152. 26-27;
SL
II
220.
27
59 - WL
II
155. 15 ;
SL
II
224.
21
60 - WL
II
155. 30;
SL
225. 5
61 - SL
II 227
n.
1 passim.
Nous reviendrons sur ce concept d'effectivité.
62 - Ph.G. 561.
27 ;
II 309. 9
165
C - LE SYLLOGISME
L'acte de ce pouvoir de l'esprit,
dans sa vérité,
est le
syllogisme.
Du syllogisme,
il en a
déjà été question 63
;
il
en
est
de
nouveau
question,
et
nous
y
reviendrons
encore
c'est
dire
l'importance
de
cette
activité
réflexive
dans
le
procès
de
l ' espri t
en
acte
de
savoir;
c'est
dire
aussi
que
dans le système hégélien le syllogisme est partout présent,
au
point
qu'il
n'en
est
pas
un
simple
mécanisme
formel
de
raisonnement,
mais
bien
plutôt
le
système
tout
entier,
dans
son auto-développement rationnel.
Considéré dans
son nécessaire rapport de médiation avec
le jugement,
qui en montre les moments
(dans les relations de
l'être
et
du
penser)
avant
de
les
poser
dans
leur
unité
conceptuelle,
le syllogisme développe tout à la fois la raison
(le fondement intérieur) et la raison d'être de la Totalité en
mouvement
sa
nécessaire
mobilité
libre.
Ainsi
est-il
l'expression même de la rationalité dialectique.
Il traduit la
cohérence
de
l ' intériori té
intérieure
qu'a
la
totalité,
dans
son
aptitude
à
rendre
raison,
à
partir
de
soi,
de
son
extériorité effective. Voie et accès au réel véritable dont i l
exprime
l'enchaînement
rigoureux
des
figures
plurielles,
diverses,
le syllogisme présente le mouvement médiatique comme
"un
processus
qui
consiste
essentiellement
à
traduire
l'extension
en
compréhension
(ou
à
laisser
l'universalité
extensive
se
charger
de
tout
le
poids
d'une
universalité
intensive
un
jeu de distinction et d'identification entre
l'intériorité
et
l'extériorité
constitutives
de
la
réalité
63 - Ci-dessus ch.
1 note 44
166
une" 64.
L'importance
du
syllogisme,
comme
langage
même
de
la
rationalité,
est
telle
que
Hegel
n'a
pas
manqué
de
lui
consacrer
d'amples
développements
65.
Dans
la
cohérence
développée de l'actuel chapitre (la rationalité dialectique du
Système) trois références principales s'imposent
- L'Encyclopédie § 181
le syllogisme dans son concept.
-
L'Encyclopédie § 574 et la Science de la Logique
: pp.
67-99
le
rapport
du
syllogisme
avec
le
concept
de
la
philosophie.
- L'Encyclopédie §§ 575,
576,
577 : la reprise de l'unité
du Système en forme des trois syllogismes fondamentaux.
1 -
Le Syllogisme dans son concept
c'est dans le syllogisme que la force médiatique qui pose
le
fondement
comme
fondé,
expose
toute
la
cohérence
rationnelle de
son mouvement dialectique parvenu dans
l'unité
de son concept
64 - G. JARCZYK
oc.
p.
103
65 - Ency. §§ 181-194
tr.
BB
421-335
WL
II 308-353;
SL III 153-206
167
"Le
syllogisme
est
l'unité
du
concept
et
du
jugement
:
il
est
le
concept
en
tant
qu'il
est
l'identité
simple
en
laquelle
les
différences-de-
forme
du jugement sont retournées,
et
jugement pour
autant qu il
est en même
temps
posé en sa réalité,
1
c'est-à-dire
dans
la
différence
de
ses
déterminations.
Le
syllogisme
est
le
rationnel
et
tout le rationnel" 66
Cette
définition
du
syllogisme
pose
ce
dernier
comme
l'unité
de
la
diversité
le
syllogisme
a
ainsi
deux
côtés
différents (le concept et le jugement) dont il exprime l'unité
différenciée: aussi est-il le rationnel.
a)
L'unité
de
la
diversité
(Verschiedenheit).
La
rationalité
syllogistique
a
affaire
à
la
diversité
dans
laquelle
"l'identité
se
décompose"
67
en
distinguant
ses
moments différents. Ainsi l'unité du syllogisme est bien celle
de l'identité de l'identité et de la différence.
Le divers en
effet n'est divers que dans son contraire,
la différence
; et
celle-ci
nous
montre
ses
moments
dans
"l'identité
et
la
différence elle-même"
68 de telle sorte qu'on ne peut parler
de cohérence sans présupposer la diversité. Mais "la diversité
que pose de
soi
une telle présupposition a
pour
loi
et pour
exigence
propre
de
s'ordonner
et
de
se
rassembler
en
un
mouvement
qui
mène
à
une expression supérieure
de
son uni té
66 - Ency. § 181 : Tr. BB 422
67 - WL
II 34. 6 :
SL
II
49. 1
68 - id.
II 34. 23-24 : id.
II
49. 16-17
168
originaire"
69
par où l'unité devenue du syllogisme est celle
de
l'unité
simple
(sujet-prédicat)
du
concept
dans
le
jugement.
b)
-
L'Unité du jugement.
Le rapport
sujet-prédicat est
déjà lui aussi -
nous l'avons vu dans le système de Iéna -
une
certaine
uni té
;
mais
à
cette
identification
fait
défaut
le
rôle
très
important
du
moyen-terme.
En
effet,
la
copule
effectue
certes
un
rapprochement
des
deux
extrêmes,
sujet-
prédicat,
mais elle le fait de façon simplement extérieure,
au
point que l'unification est ici une unité de surface et non de
profondeur;
la copule est donc vide,
sans contenu 70.
Or,
de
la copule,
la rationalité syllogistique exige un réel contenu
d'unité.
c)
-
L'unité du syllogisme.
Le moyen-terme
(die Mitte),
quant
à
lui,
constitue
un
véritable
centre
i l
contient
l'unité des extrêmes;
i l est l'un et l'autre et en tant que
tel dans cette unité instable,
i l est pour ainsi dire le coeur
vivant du
mouvement qui
le rend co-extensible aux extrêmes
i l est le lieu de transition et de passage des extrêmes l'un
dans
l'autre
réciproquement
et
de
façon
structurelle
le
moyen-terme,
au sens hégélien,
est donc l'unité en devenir de
l'intérieur
et
de
l'extérieur
dont
le
procès
syllogistique
articule
la
structure
du
mouvement
en
montrant
sa
cohésion
rationnelle.
Force
et
mouvement
de
la
cohésion
du
divers,
telle
est
la
nature
et
la
fonction
du
syllogisme.
Le
syllogisme
permet
de
lire
et
d'appréhender
sous
les
divers
69 - G.
JARCZYK
oc.
P.
102
70 - WL
II
PP:
24-25
:
SL
II
35-36
169
modes
et
figures
l'uni té
du
réel
dans
sa
totalité
d' auto-
diction
aussi
est-il
le
langage
privilégié
de
la
rationalité, en raison de quoi il a affaire au premier chef au
concept même de la philosophie.
2 - Le syllogisme et le concept de la philosophie
Le
syllogisme
porte
donc
l'identité
en
devenir
de
l'identique
et
du
non-identique,
en
montrant
que
tout
réel
véritable est un syllogisme ;
or inversement,
le concept lui-
même, dans sa vérité déterminée, est totalité.
Comme tel,
le concept hégélien est partout présent dans
le
Système,
son
vrai
royaume
réalité
essentiellement
en
mouvement,
il est cette totalité en devenir,
dans
"l'acte de
son auto-différenciation
et cela dans
la prise en compte
d'une altérité proprement contradictoire,
prise en compte qui
s'efforce
librement
de
dire
l'intelligibilité
des
choses
jusque dans leur contingence inaliénable,
c'est-à-dire dans ce
qui
fait
que
le monde existe pour moi de
façon
autonome
dans
sa
nécessité
propre"
71.
Chaque
moment
du
Système
est
ainsi
figure
et
détermination
particulières
de
l'identité
conceptuelle. Aussi,
ne doit-on pas s'étonner de ses reprises,
en apparence répétitives,
dans le procès de l'oeuvre.
Dans ce
paragraphe
574
de
l'Encyclopédie,
le
concept
accomplit
le
passage
du
concept
de
la
philosophie
à
l'Idée
de
la
Philosophie
aussi
se
présente-t-il
dans
une
telle
densité
synthétique que le sens ne manifeste toute sa richesse qu'en
71 - G. JARCZYK.
oc.
p.
262
170
référence
à
ses
multiples
implications
et
présuppositions.
Lisons
d'abord
dans
le
texte,
un
texte
qui
comporte
trois
versions assez contrastées.
-
1817
:
"La
science
est
ainsi
retournée
dans
son
commencement
et
Logique
est
son
résultat
:
la
présupposition
du
concept
de
celle-là
(ihres)
ou
l'immédiateté de son (ihres)
commencement et le côté
apparition
(Erscheinung),
dont
elle
était
de
cette
façon (darin) affectée, est levé (aufgehoben).
-
1827
:
"La
science
est
ainsi
retournée
dans
son
commencement
et
le Logique
est
son résultat,
comme
le spirituel,
lequel s'est montré comme la vérité en
et
pour
soi,
et
s'est
élevé
(erhoben)
au-dessus
(aus)
du juger présupposant de celle-là
(ihrem),
au-
dessus
de
l'intuition
concrète
et
de
la
représentation
du
contenu de
celle-là
(ihres)
dans
son
(sein)
pur principe,
à
la fois
(Zugleich)
comme
dans son (sein) élément".
171
1830
:
"La
science
est
ainsi
retournée
dans
son
commencement et le Logique est de telle manière son
résultat,
comme
le
spirituel,
qu'il
s'est
élevé
(erhoben)
au-dessus
du
juger
présupposant
dans
lequel
le
concept
n'était
qu'en
soi,
et
le
commencement un immédiat,
et par conséquent
(hiemit)
au-dessus
( aus)
de
l'apparition
(Erscheinung)
dont
il
(es)
était
de
cette
façon
(darin)
affecté
dans
son
(sein)
pur principe,
à
la
fois
comme dans
son
(sein) élément".72
a)
Première
lecture
l'unité
différenciée.
A
une
première
approche
de
ces
trois
éditions
on
constate
globalement
la
présence d'éléments
communs
aux
trois
textes,
communs
à
deux
et
propres
à
un
seul.
Les
éléments
communs
portent l'unité de l'intention de Hegel.
L'uni té
de
l'intention.
Ce
qui
caractérise
tout
ce
paragraphe 574,
c'est son intention
elle est claire
dire
le
concept
de
la
philosophie.
Les
premières
lignes
du
paragraphe n'autorisent aucun doute,
aucune équivoque sur "ce
concept de la philosophie qui se pense,
la vérité qui sait le
logique
avec
la
signification qu'il
est
l' universali té
ayant
fait
ses
preuves
dans
le
contenu
concret
comme
dans
son
effectivi té"
73.
A cette
intention
se
rattachent
d'abord
en
toute
logique
les
éléments communs
aux trois éditions,
comme
pour en souligner aussi l'unité de mouvement:
72
-
Textes
et
traduction
empruntés
à
l'étude
de
Th.
F.
GERAETS
:
"Les
trois
Lectures
Philosophiques
de
l'Encyclopédie
ou
la
Réalisation
du
Concept
de
la
Philosophie
chez
Hegel".
in
Hegel
Studien Bd.
10,
pp.231-254.
73 -
id.
p.
237
172
"ainsi"
(auf
diese
Weise)
traduit
et
indique
le
caractère identique du mouvement de retour de la science.
Cet
élément sert en outre à
marquer le lien (ou
la limite)
de la
première partie du paragraphe avec la suite où les précisions
déterminatives du concept de philosophie viennent dans le même
ordre d'une version à
l'autre
son commencement,
le logique,
son résultat.
"son
commencement",
i l
s ' agit
bien
sûr
de
l'immédiat
absolu,
l'absolument vide de détermination,
état du concept au
départ
de
l'activité
réflexive
philosophique;
mais
ce
commencement porte déjà toute la charge dynamique du logique.
"le logique"
(das
Logische)
ou
"le pur principe",
comme
déjà
précisé,
n'est
rien
d'autre
que
le
contenu
de
la
conscience philosophique,
identique à lui-même au commencement
comme
à
la
fin
avec
la
seule
différence
qu'au
terme
i l
est
enrichi de son auto-détermination et est alors,
ainsi que nous
le verrons,
l'Idée absolue,
"le concept pur se comprenant"
74
; c'est ce qu'exprime autrement ici le terme résultat.
"son
résultat"
l'Idée
absolue
est
l'ultime
développement achevé de la Logique;
c'est elle qui est,
peut-
on dire,
le résul tat
authentique de
tout
le mouvement;
ainsi
que
nous
la
verrons,
elle
procède
de
tout
le
parcours
médiatique
et
dialectique
qui
l'a
élevée
et
produite
comme
l'uni té
absolue de
la double
al téri té de
l'idée
théorique et
de
l'idée
pratique
une
sursomption
véri-fiante,
un
retour
prospectif.
74 - WL
II 506.10-11
SL
III
393. 17
SL
III
36. 7-8
173
Ainsi,
à
cette
première
instance,
ces
quatre
éléments
indiquent déjà,
l'unique enjeu de ces trois textes
poser le
concept de la philosophie en termes de "l'Idée qui se pense".
Mais,
c'est
dans
les
versions
de
1817
et
de
1830,
que
ce
mouvement
d'auto-détermination
de
l'Idée
se
voit
le
mieux
pris
en
compte
dans
cette
définition
et
de
façon
plus
explicite, en termes de "apparition".
-
"Apparition"
(Erscheinung)
cette expression connaît,
chez
Hegel,
un
usage
technique,
au
point
que
sa
traduction
française
n'est
pas
sans
poser
quelque
problème.
Dans
la
logique médiatique,
"apparition"
traduit un mouvement
second,
le premier étant exprimé par
"parution"
(Scheinung)
et les
deux
termes
constituent
le
couple,
paraître/apparaître,
qui
exprime,
d'une
part,
l'unité
extérieure-intérieure
de
l'essence,
dans l'abstraction de son intériorité,
pour ensuite
"se
révéler"
(sich
offenbaren) ,
d'autre
part,
"dans
l'immédiateté
retrouvée
de
l'être
désormais
fondé
explicitement dans sa raison essentielle"75.
c'est alors que,
selon Hegel,
le concept s'est élevé au-dessus de l'apparition;
il a
surgi de son pur principe pour être désormais la vérité
qui
sait,
en
d'autres
termes,
le concept
posé
comme
concept
qui est le concept se comprenant, le concept véri-fié.
Mais,
le terme "apparition" est explicite seulement dans
les
deux
éditions
de
1817
et
de
1830
;
en
revanche,
ses
harmoniques sont bien présentes dans la version de
1827 sous
les
formes
de
"juger présupposant",
et de
"représentation du
75 - SL
II 6, note 17 in fine.
Cf aussi SL III pp.
35-36 note.
1 où infini prend le sens de
"l'apparaitre d'un être-médiatisé, lequel récapitule toute son histoire conceptuelle",
174
contenu"
qui
sont
toutes
les
deux
expressives
de
la
même
mobilité que "paraître/apparaître".
Ainsi
se
trouve
honorée
cette
unité
d'intention
de
l'auteur,
en dépit des textes où, certes,
se révèlent quelques
difficultés d'ordre formel.
b)
Deuxième lecture
difficultés
formelles.
On n'a
pas
manqué
de
regretter
certaines
anomalies
grammaticales
"la clarté grammaticale de la première édition et l ' obscuri té
extrême
de
la
seconde"76.
A
l'évidence,
il
y
a
là
des
problèmes
de
construction
qui
ne
facilitent
pas
la
compréhension;
le lecteur peut s'embrouiller dans les renvois
et
les
références
aux
développements
antérieurs,
à
cause
précisément du genre des
pronoms
relatifs
lequel
(welches)
ne
peut
s'antécéder
que
dans
le
spirituel
(das
Geistige),
d'une part,
et d'autre part,
les adjectifs possessifs
(ihrem)
et
(ihres)
ne
peuvent
déterminer
que
la
science
(die
Wissenschaft)
etc.
Mais
de
telles
fragili tés
de
forme
n'enlèvent rien à la rigueur du raisonnement et à la droiture
de
l'intention
;
une
lecture
approfondie,
comprenant
le sens
premier et technique des termes assortis de leurs harmoniques,
a vite rétabli la forme dans sa norme,
et par là,
a
saisi le
contenu.
c)
-
Le contenu
:
le concept de la philosophie.
Ce qui
précède
nous
y
aura
conduit.
Le
paragraphe
574
de
l'Encyclopédie
pose
le
concept
de
la
philosophie,
dans
sa
détermination la plus absolue,
comme le concept de concepts
:
76 - Th.F. GERAETS art.
cit. p.
239.
175
"et ceci est
la philosophie même que de connaître le concept
de
ce
qui
par
ailleurs
est
simple
représentation"
77.
Quel
doi t
être
le
concept
?
A
cette
question,
le
texte
qui
nous
occupe autorise la réponse suivante :
=
"Il est l'Idée qui se pense".
Nous
savons
par ce qui
s'est
dégagé
au
paragraphe
236,
auquel
le
574
renvoie
explicitement,
que le concept de l'Idée est "l'unité de l'idée
subjective
et
de
l'idée
objective;
cette
Idée
qui
se
pense
articule donc l'unité du sujet et de l'objet en quoi est posée
la
totalité
du
réel
dans
tous
ses
attendus
d' intériori té
et
d' extériori té.
La
vérité
qu'elle
se
sait
être
théoriquement
fait ses preuves dans le bien; elle n'est authentique vérité,
absolument vraie que sous la forme de bien
"ob-jet absolu de
la philosophie,
non pas simplement le but visé
par elle"
78.
c'est
pourquoi
le
concept
de
la
philosophie,
posé
comme
avènement de la vérité absolue,
arrive,
à
la fois,
de loin et
de
près.
Il
est
tout
aussi
bien,
d'une
part,
la
vision
de
l'entendement
diviseur
de
l'ancienne
Métaphysique,
que,
d'autre part,
l'identité spéculative de la raison dialectique,
"l'unité
compacte,
absolument
concrète"
79.
c'est
que
finalement,
cette
Idée
qui
se
pense,
c'est-à-dire
détermine
ses
propres
essentiali tés
réelles,
est
le
commencement
"de
part en part
immanent dans ses déterminations ultérieures
un
noeud
du
monde,
justement
dans
la
plus
immanente
des
immanences"
80.
Cette
Idée
fini tise
l'infini
dans
le
fini.
77 - SL
III
213.
3-4
.
La preuve de cette affirmation sera donnée ci-dessous dans le moment du
syllogisme du concept ou de l'Idée (3.b.)
78 - Ency.
1827 § 25 et paralléles §§ 80-82
79 - SL l
17. 17-18
80 -
E.
BLOCH oc.
455
176
Aussi Hegel la précise-t-il immédiatement comme le Logique.
= Le Logique (das Logische) est au commencement de tout
le
procès
dont
il
sera
le
résultat.
Pour
cette
raison,
sa
première émergence immédiate comme son accomplissement achevé
est
qualifiée
par
Hegel
d'absolu
c'est-à-dire
qu'au
commencement,
le logique,
étant en soi, est une totale absence
de
détermination;
elle
est
forme
première
de
la
totalité
universelle
pure,
abstraite,
en
attente
de
sa
propre
vérification
concrète
qu'il
atteindra
dans
le
Savoir
Absolu
(au terme de la Phénoménologie), dans l'Idée Absolue (à la fin
de
la Science de
la Logique),
et dans
l ' Espri t
Absolu
(à la
fin de
l'Encyclopédie)
81.
Un tel commencement qui est aussi
bien
le
terme
de
l'auto-diction
de
la
Totalité
est
ce
qui
s'est
déj à
dégagé
pour
nous
comme
le
contenu,
le
spiri tuel
(das Geistige) ou le logique (das Logische)
"Tout ce qui est
vrai
en
général" 82
et
qui
est
le
contenu
de
la
conscience
philosophique,
son pur principe,
dans lequel l'esprit pense en
se
pensant.
Or
ici
également,
penser,
au
sens
hégélien
du
terme
n'est
point
calculer,
ni
ratiociner.
Le
premier
n'a
prise que sur les rapports de l'ordre purement et simplement
extérieur,
tandis
que
le
second est
" la
liberté
détachée du
contenu,
la
vanité
errant
sur
ce
contenu"
83.
Selon
Hegel,
penser,
se
penser
surtout
(sich
denken),
c'est
le
penser
spéculatif, celui de la nécessité logique : "elle seule est le
rationnel
et
le
rythme
de
la
totalité
organique
elle
est
savoir du contenu au même titre que ce contenu est concept et
81 - Ci-dessous, notre 3ème partie
La Science Absolue
82 -
Ency. § 79
83 - Ph.G. 48.
25:
l
51, 14.
177
essence,
en
d'autres
termes,
elle
seule
est
l'élément
spéculatif"
84
Penser,
c'est
différencier
l'identité
en
identifiant les différences de la Totalité
;
c'est
le soi se
pensant
en
pensant
toute
réali té
c'est
une
"marche
engendrant
en
elle-même
le
cours
de
son
processus
et
retournant
en
soi-même"
85.
Seul
un
tel
penser
peut
se
qualifier d'être dialectique
;
aussi,
le concept d'une
telle
philosophie
doit-il
être
le
Logique,
mais
avec
en
plus,
et
toujours
dans
ce
paragraphe
574,
la
détermination
d'universalité vérifiée.
Ce trait
affirmé
ici
n'est
pas
sans
évoquer ce que les auteurs ont appelé le problème de la double
élévation
du
concept
d'abord
une
première
élévation
à
la
production
(Hervorbringung)
du
concept
du
Savoir,
qui
serait
la voie de
la
Phénoménologie où Hegel
donne
l'exemple de
la
formation de
l'individu à
la
Logique,
formation comparable à
celle de l'assimilation progressive de l'esprit de la culture
d'un peuple,
à travers les règles de la grammaire de sa langue
86
ensuite,
la
seconde
élévation
et
production
intra-
logique,
où "la science conclut de cette manière en saisissant
le
concept
d'elle-même
comme
Idée
pure
pour
laquelle
est
l'Idée" 87,
voie et terme en quoi le Concept de la philosophie
s'affirme
et
se
pose
comme
Concept
des
concepts,
vérité
de
l'Art et de la Religion,
qui est l'Idée de la philosophie.
Et
le Logique est son résultat.
84 -
Ph.G.
47.
1-16;
l
46.
27-31-
85 -
Ph. G.
53.
15-17;
l
56.
14-15
86 - SL
l
pp.
29-30 passim
87 -
Ency § 243
;
tr.
BB.
463.
178
= Son résultat. L'Idée de la philosophie est le Logique-
spirituel-résultat,
trois
termes
expressifs des
trois
moments
de la méthode spéculative
1)
le
commencement
ou
l'immédiat
premier,
"le
concept
encore
indéterminé
est
tout
autant
universel
le logique"
;
il peut tout aussi bien
être un universel qu'un étant,
quelque chose que le
concept
se
présuppose,
qu'immédiatement
celui-ci
même" 88 ;
2)
le mouvement de la réflexion où "la progression
est
le
jugement
posé
de
l'Idée
moment
de
la
réflexion ...
aussi bien analytique ...
synthétique"
( id.)
;
88 - Ency § 238
tr.
BB. 460-461
Ency § 239
tr.
BB. 461
Ency § 242
tr.
BB. 462 et ci-dessus
note 74
179
3)
le
moment
du
résul tat
:
"la
contradiction
en
elle-même dans
le progrés infini,
qui
se résout
en
la fin,
à
savoir que le différent est posé comme ce
qu'il est dans le Concept
...
Le Concept qui,
ainsi
à partir de son être-en-soi,
moyennant sa différence
et la suppression de celle-ci,
s'enchaîne avec lui-
même est le Concept réalisé,
c'est-à-dire le concept
qui
contient
dans
son être- pour-soi
l'être
posé
de
ses déterminations,
-
l'Idée pour laquelle,
en même
temps,
en
tant
qu'elle
est
seulement
ce
qui
est
absolument
premier
cette
fin
est
seulement
la
disparition
de
l'apparition
de
l'apparence
selon
laquelle le commencement serait un immédiat et elle
un résul tat
;
-
la connaissance que l'Idée
est
la
Totali té une" (ibidem).
Ces
trois
textes apportent
donc un éclairage décisif
à
l'intelligence complète du paragraphe 574 de l'Encyclopédie
savoir
que
les
trois
moments
du
mouvement
dialectique
constituent
la
force
qui
entraîne
et
pose
l'Idée
comme
résultat.
On y suit la progression depuis l'immédiat premier,
l'être-là,
jusqu'au
second
immédiat,
le
concept
posé
comme
concept,
par
la
médiation
de
l'essence,
le
moment
de
la
réflexion.
Ou,
si l'on préfère,
il y a comme deux sphères qui
s'articulent de manière inséparable:
la sphère de l'objet et
celle du sujet.
La première développe le mouvement abstrait de
la réflexion,
de l'être paraissant dans son autre,
l'essence;
le
mouvement
complet
fonde
le
concept
dans
son
en-soi
;
la
deuxième
sphère
développe
la
relation
des
termes,
d'abord
180
opposés,
contraires
(progrès
infini)
qui
se
résout
parleur
mutuelle
sursomption
en
bouclant
le
cercle,
et
pose
le
concept:
d'abord,
la réalisation du périple de
son
"être-en-
soi par la médiation de sa différence,
ensuite,
l'enchaînement
avec son être-pour-soi, enfin,
le résultat de tout le parcours
pose
le
concept
comme
concept,
qui
est
"la
connaissance que
l'Idée est la totalité une" (87).
Le commencement et la fin doivent donc coïncider
;
cela
est une nécessité; tout comme on dirait qu'il y a nécessité à
ce que la liberté soit libre ou elle n'est pas la liberté;
le
commencement qui est relation au sujet en tant que celui-ci se
décide
à
philosopher,
est
rapport
nécessaire
du
sujet
à
la
pensée,
en
tant
que
celle-ci
est
objet
en
relation
obligée
avec celui-là.
Le
but
de
l'activité
réflexive
ainsi
engagée
est de parvenir à l'unité différenciée du sujet et de l'objet
qu'est le concept posé, ou l'Idée qui se sait. Voilà fondée la
rationalité des trois syllogismes.
3 -
Les trois syllogismes
Ce concept
de
la philosophie est pratiquement
le
point
d'aboutissement
des
dialectiques
de
l'être
et
de
l'essence.
Hegel,
dans
le
troisième
livre
qu'il
y
consacre
dans
la
Science de la Logique
(La Doctrine du Concept),
opère,
avant
les
syllogismes,
des
reprises
du
contenu
des
deux
premiers
livres,
qui
ont
respectivement
traité
de
l'être
et
de
l'essence.
Ainsi
retrouvons-nous,
au
début
de
la
première
section
(la
Subjectivité),
d'abord
les
grands
moments
de
l'uni té
de
l'Idée
qui
se
sai t
(le
concept,
le
jugement,
le
181
syllogisme)
89,
ensuite,
au
début
de
la
deuxième
section
(l'Objectivité),
l'être-l'essence-le concept,
et cela comme un
appel
à
l'Idée,
"le concept adéquat,
le vrai
objectif
ou
le
vrai comme tel"
90.
Dans l'Encyclopédie,
Hegel se contente de
reprendre
seulement,
sous
forme
de
trois
syllogismes,
les
"trois modes selon lesquels le savoir absolu
(l'Idée absolue)
appréhende son propre processus fondateur,
sa propre médiation
absolue" 91.
Nous
en
verrons
donc,
dans
un
premier
temps,
les
structures parallèles et,
en un second temps,
leur reprise en
syllogismes.
a)
-
Les
structures parallèles
du concept.
On peut
les
lire
sous
deux
modes
le
premier,
à
partir
de
chacun
des
grands
moments
du
devenir
du
concept;
le
second
avec
le
principe de la présupposition.
= Base de l'être. A partir de ce moment, le devenir du
concept présente les étapes suivantes comme manières possibles
d'exposer la structure absolue de toute réalité:
1) L'être est
le concept immédiat,
simple,
n'ayant que l'indéterminité comme
sa seule détermini té
là
le concept est
simplement
posé en
cette étape seulement initiale,
vide ;
c'est le moment,
peut-
on
dire,
de
la
réflexion
posante
premier
immédiat,
l'Universel abstrait.
2)
L'essence,
c'est le jugement,
moment
du rationnellement négatif ;
le concept opposé au concept lui-
même
... 92
expose,
extériorise
l'unité
de
sa
diversité
en
89 - SL
III 61 sq. et note 1.
90 - SL
III 273.
1
91 - Ency.
l SL tr. BB. 91
92 - SL
III
99. 1
182
distinguant
les
différences
.
réflexion
extérieure
(médiation).
3) Le concept,
c'est le syllogisme,
ou l'unité de
l 'Etre et
de
l'Essence
le Concept
atteint
ici
à
son uni té
extérieure-intérieure
il
est
déterminé
réflexion
déterminante ou le second immédiat.
= Base de l'Essence. Nous sommes ici au point focal de la
Science de la Logique.
1)
La réflexion posante est le concept
simple,
condition
du
mouvement
réflexif
absolu.
2)
La
réflexion
extérieure,
c'est
le
jugement,
l'existence
ou
l'extériorisation absolue;
3)
enfin la réflexion déterminante
syllogise
les
deux
précédentes
réflexions
et
en
pose
"l'égalité-à-même-de-la-réflexion,
une
substance
authentique" 93
=
Base
du
Concept
Comme
réflexion
pleinement
déterminée,
le concept se reprend,
pour ainsi dire,
en termes
de
syllogismes.
Il
est
d'abord
le
syllogisme
de
l'être-là,
moment
parallèle de celui de
la réflexion posante
i l
est
ensuite
le
syllogisme
de
l'essence
ou
de
la
réflexion
extérieure
enfin i l
est le
syllogisme du concept
ou de
la
réflexion déterminante, autrement appelé, de la nécessité.
Base
de
la
présupposition
Chacun
de
ces
trois
syllogismes
articule,
par
présupposition,
les
trois
moments
constitutifs
de
toute
réalité
universalité,
particularité,
singularité.
Ainsi se retrouve sur cette base une autre forme
de
parallélisme
structurel.
L'universalité,
en
tant
que
concept
simple,
traduit
l'unidimensionalité
de
surface,
93 - 5L
II 31, 16-17.
183
autrement
di t
l'universalité
abstraite
;
tandis
que
la
particularité, en tant que jugement, moment où les extrêmes se
font
face
dans
la
plus
grande
distance
qui
soit
(streben),
exprime
la
forme
de
l'extériorité
réciproque,
en-tension.
Quant à
la singularité,
moment du syllogisme de la nécessité,
elle est l'instance
de l'auto-médiation du concept,
parvenu à
son
accomplissement
achevé,
et
qui
est
désormais
capable
de
parcourir
librement
à
nouveau
tous
les
moments
de
son
être
devenu, son contenu de sens.
b)
La Signification des trois syllogismes
l'organon
du
Système
Ces
différents
parallélismes
de
structures
du
Concept
préfigurent
déj à
le
sens
général
et
spécifique
des
trois
syllogismes
qu'il
faut
maintenant
apprécier.
Ni
trois
figures
du
savoir
absolu
(ce
qui
placerait
la
Logique
. hégélienne
sous
le
mode
réducteur
d'une
logique
simplement
analogique) ,
ni
trois
types
d' exposition de
la
Science
1 0
l'Encyclopédie,
la
Phénoménologie,
les
Grandes
Leçons)94,
ces
trois
syllogismes
constituent
plutôt
l'expression de l'unité organique du Système.
On ne peut donc
pas les prendre séparément
ils développent
les trois modes
d'appréhension,
par
le
Savoir
absolu
(l'Idée
absolue)
comme
Totalité,
de
"son
propre
processus
fondateur,
sa
propre
médiation"
95.
Pour cette raison,
on peut donc
les qualifier
d'organon
du
Système.
Malgré
leur
importance
capitale
pour
l'accès à
la philosophie hégélienne,
il ne sera cependant pas
question de reprendre ici une étude déjà faite 96.
L'intention
94 - Th.
F.
GERAETS art.
cit.
p.
231 et note 1
95 - Ency.
1 SL "Prêsentation" de B.
BOURGEOIS oc.p.
51.
96 G.
JARCZYK oc. p.
105-138
Th.F. GERAETS art. cit.
B.
BOURGEOIS Ency.
1 SL Traduction et Prêsentation.
184
que
porte
l'exposé
qui
suit
vise
simplement
à
dégager
la
signification de ces trois syllogismes,
en illustration de la
rationalité
dialectique
qui
est
la
pointe
de
ce
chapitre.
Chacun
de
ces
syllogismes
est
le
syllogisme
de
l'un
des
moments
du
devenir
du
concept
l'être-là,
l'essence,
le
concept, avec son point de vue propre.
=
Le syllogisme de l'être-là ou le règne de la Nature
L.N.E.
(§
575).
Dans
ce
premier
syllogisme,
on
est
d'emblée
dans
le
règne
du
premier
immédiat,
la
Nature,
qui
fonctionne
comme
moyen-terme,
déterminé
comme
le
point
de
passage
;
la Nature enchaîne alors
le Logique
(le
fondement)
placé
quant
à
lui
au
point
de
départ,
avec
l' Espri t
le
Logique devient la Nature et celle-ci devient l'Esprit.
Le
mouvement
ainsi
engagé
développe
une
processualité
simplement linéaire; c'est la suite infinie des êtres-là (les
étants)
se
succédant
les
uns
aux
autres,
la
Nature
leur
assurant
le
passage
à
celui-ici,
la
médiation
du
concept,
son
auto-détermination,
demeure
extérieure
et
formelle.
La
science ne sépare pas ses contenus,
car le logique qui est au
départ immédiatement est "aussi bien un universel qu'un étant
. ..
un commencement aussi bien synthétique qu'analytique" 97
;
seul
l'un
des
extrêmes
contient
la
liberté-nécessité
du
mouvement.
Ce
syllogisme est donc bien celui de
l'empirisme,
critiqué
au
paragraphe
26,
d'une
part,
et
de
la
philosophie
kantienne,
elle
aussi
critiquée
au
paragraphe
27,
d'autre
part.
Le savoir absolu qui s'élève ici est celui de l'Esprit,
97 - Ency. § 238
tr.
88 461
185
qui
atteint
à
son
principe
et
élément
où
i l
se
comprend
en
comprenant
la
Nature
l'esprit
se
montre
ainsi,
mais
de
manière
intuitive,
comme étant la vérité du logique et de
la
Nature.
Le premier syllogisme est donc une intuition de soi du
savoir
de
soi
absolu.
Cela
est
bien
le
premier
moment
du
savoir auquel succède celui de la réflexion
Le
syllogisme
de
la
réflexion
ou
le
règne
de
la
représentation
L.
EN.
( §
576 ).
Le
texte
qui
expose
ce
deuxième syllogisme est frappant par sa longueur relative qui
cache
mal
sa
densité,
signalée
par
la
présence
du
schème
paraître-apparaître,
caractéristique
de
la
réflexion
de
l ' essence. 'D' emblée,
i l est
dit
que
l ' apparaître
premier,
ou
la
simple
intuition
de
soi
du
concept
est
ici
sursumé
(aufgehoben),
mais
que
la
science,
la
connaissance,
apparaît
comme
une
connaissance
subj ective
c'est
donc
le
règne
de
l'esprit,
de la représentation,
ou de l'unilatéralité :
simple
apparaître
de
l'esprit
à
soi-même.
Il
est
clair
que
ce
syllogisme de la réflexion développe la médiation de celui de
l'immédiat premier,
l'être-là;
le savoir du phénomène montre
ici son intériorité subjective et,
dans cette forme,
le savoir
est
tout
aussi
abstrait
que
dans
le
premier
syllogisme.
En
effet,
l'esprit
fini,
jouant
ici
le
rôle
de
moyen-terme,
enchaîne
la
nature,
présupposée
comme
substrat
et
obj et
de
lui-même avec le logique,
"le sens où le sujet et l'objet sont
identifiés
dans
la
liberté
de
la
connaissance
infinie
que
l'esprit
croit
médiatiser
en
tant
que
fini"
98.
Avec
le
syllogisme de
la
réflexion
nous
sommes véritablement
dans
le
98 -
id.
tr.
BB.
p.
53.
186
point de vue de l'esprit où l'absolu est pour soi,
savoir de
soi
en
d'autres
termes,
disons
que
dans
la
réflexion
le
savoir absolu est la connaissance par et pour soi de l'esprit;
ce
qui
est
de
toute
évidence
une
abstraction
(cette
fois
subj ective )
dont
le
mouvement
manifeste
le
dynamisme
de
la
liberté
comme
libre
force
d'auto-production,
comme
il
sera
montré
au
prochain
chapitre.
L'entreprise
philosophique
présente
ici
deux
visages
différents
d'un
côté,
l'effort
personnel de quelqu'un pour comprendre son temps â
partir de
l'héritage
philosophique
objectivement
acquis
et
disponible
(lecture historique),
de l'autre côté,
l'acte et
l'action de
reprise
de
sens
touj ours
autrement
répétable
par
un
travail
innovateur dans
la liberté.
Si ces deux versions ou lectures
sont
opposées,
elles
ne
le
sont
que
dans
leurs
apparences
formelles.
Car
elles
montrent
l'unilatéralité
que
comporte
encore
ce
deuxième
syllogisme,
uni latéralité
qu'il
faut
sursumer dans
le seul point de vue
"véritable pour toujours"
aux yeux de
Hegel,
savoir
le point de vue
de
l'Idée
99,
de
l'Idée spéculative ou du troisième syllogisme.
= Le troisième syllogisme
le point de vue de l'Idée.
E.L.N.
(§
577).
Introduisant
au
nécessaire
passage,
au
point
de
vue
de
l'Idée,
â
cause
de
la
double
unilatérali té
affectant
le
savoir
des
deux
premiers
syllogismes,
le
Professeur B.
Bourgeois écrit ceci
"Mais la vérité du savoir
de soi de l'absolu n'est pas d'être savoir intuitif de soi ou
savoir réflexif de soi, elle n'est pas d'être un savoir de soi
sur le mode de l'être ou sur le mode de l'essence,
ces deux
99 - WL
l
29;
SL
l 17. 25-26.
187
modes constituant les deux formes du pur apparaître abstrait -
immédiat
ou
médiat
-
du
savoir
absolu
à
lui-même,
la
double
phénoménalité
du
savoir
absolu
la vérité
du
savoir
de
soi
est
d'être
savoir
conceptuel
de
soi,
c'est-à-dire
vraiment
savoir de soi" 100.
Le troisième syllogisme nous ramène donc à
l'Idée
de
la
philosophie
telle
qu'elle
s'est
dégagée
ci-
dessus,
à
savoir
la
raison qui
se s a i t ;
cette
raison passe
désormais aux fonctions de moyen-terme,
dont les extrêmes sont
l'Esprit et la Nature.
Or,
nous savons par ce qui précède que
l'Esprit est l'activité subjective de l'Idée dans
le deuxième
syllogisme
et
que
la
Nature
est
le
processus
objectif
de
l'Idée
étant
en
soi
(premier
syllogisme
dans
une
double
apparition,
s'exposant
comme
la
raison
en
acte
de
se
connaître.
Voici
désormais
réunies
dans
elle
ses
propres
manifestations
à
savoir la nature de la Chose
(le Concept)
et
son
propre
mouvement
(le
connaître).
Le
point
de
vue
de
l'Idée
que
développe
ainsi
ce
troisième
syllogisme
articule
l'uni té
organique
et
finale
"des
deux
termes
en
eux-mêmes"
101,
en quoi
leur unilatérali té
respective est
sursumée dans
la
forme
nouvelle
de
leur
identité
différenciée
"l'Idée
éternelle
en et
pour soi
qui
s'engendre
et
joui t
de
soi éternellement" 102. Ainsi,
seul le savoir qui se sait lui-
même
à
partir
de
son
propre
concept,
lieu
de
son
pouvoir
fondateur
et
médiateur,
accomplit
absolument
en
totalité
son
savoir absolu,
et cela en vertu de la liberté que le concept y
atteint parce que contenant
"l' opposi tion la plus dure"
103
100 - Ency.
SL 1 tr. et Présentation de BB. p. 54
101 - Ency. § 241;
tr. 461-462.
102 - Ency. § 577 in fine.
103 - WL
II 412.
22;
SL
III 280.
Il.
(den hartesten Gegensatz in sich).
188
celle
du
système
objectif
et
celle
de
la
réflexion
personnelle, ou tout simplement du sujet et de l'objet.
Telle
est
la
détermination
finale
de
la
Science
spéculative
dans
son
uni té
médiatique
faisant
apparaître
la
Nature
comme
processus
de
l'Idée
qui
est
en
soi
(obj et
posé
comme
extrême
universel),
le
concept
comme
Nature
et
de
la
Chose qui avance et se développe (l'Esprit),
l'Idée éternelle,
comme
sens
et
vie
de
ce
qui
est
vrai,
sans
que
jamais
l'histoire s'arrête (Idée absolue ou raison qui se sait et qui
est
déhiscence
originaire
(sich
urteilen)
mouvement
de
vie,
à
la fois de la Nature de la Chose et de l'Esprit absolu,
le
Logique-Résultat
de
la
Science,
est
l'âme
de
la
Réconciliation
et
de
l'unification.
Telle
est
aussi
cette
rationalité
plénière
du
réel,
en
sa
forme
achevée.
Alors
disparaît le syllogisme dans la lumière de l'unité de contenu.
Unité
totalement
accomplie
dans
l'intériorité
extérieure
et
l ' extériori té
intérieure,
que
donneront
à
connaître
d'autres
formes
spontanée
et
tout
aussi
immédiates
de
sa
vie
spiri tuelle
impulsion
et
pulsation
de
la
Science
absolue,
comme de sa méthode tout aussi absolue.
189
CHAPITRE 4
LA MEDIATION
DIALECTIQUE:
PROCESSUS
ABSOLU
DE LA SCIENCE
ABSOLUE.
UII y a nécessité ~ ce
que soit ce qui est" l
Cette
impulsion-pulsation
manifeste
la
vérité
du
concept:
"le
royaume
de la "Subjectivité ou de la Liberté"2.
Cette
liberté
spirituelle
qui
s'est
dégagée
déjà
comme
principe
strictement
structurant
du
mouvement
dialectique,
s'est
montrée
à
l'oeuvre
dans
le
syllogisme,
en
particulier
dans
le syllogisme du concept,
celui de
l'uni té différenciée
de
la
liberté
et
de
la
nécessité.
L'auto-mouvement
de
ce
résultat
présentera
cette
fois,
sous
le
mode
de
la
subjectivité
"la façon dont le concept forme dans
et hors de
soi
la
réalité
qui
a
disparu
dans
lui"
3
Il
importe
de
comprendre
que
ce
résultat
n'est
pas
un
achèvement
final,
définitif
et
sans
appel
à
la
manière
d'un
verdict
de
la
Judiciaire,
mais bien plutôt un nouvel immédiat,
prêt pour un
périple
nouveau
dont
le
mouvement
s'indique
dans
l ' activi té
signifiée
par
les
termes
ici
employés:
une
forme
(Bildung)
dynamique s'effectuant dans un déploiement intérieur-extérieur
1 SL
I l
268
n.
1
2 WL
I l
205,
17-18
SL
I l
296, 14-15
190
et
extérieur-intérieur
également
pareils
une
formation
qui
est
tout
aussi
bien
une
présentation
(Darstellung)
soulignée
par le jeu des particules ad hoc
("in und aus "
:
dans et hors
de
expressif
du
mouvement
dialectique
par
quoi
le
concept
forme
et
construit
l'uni té
toujours
en
devenir
qu'il
est,
à
savoir
une
réalité ouverte.
Un
tel
résultat,
dans
l'économie
de la Logique Objective
(Doctrine de l'Etre et de l'Essence),
s'est posé pour nous dans l'effectivité:
vérité de l'essence
et
de
l'existence.
La
Logique
Subjective
(La
Doctrine
du
Concept),
à
son tour,
commence avec ce résultat;
i l est pour
elle
un
immédiat
dont
la
médiation
présentera
les
déterminations
propres
qui
se
poseront
dans
l'Idée,
ou
le
Concept adéquat.
Or,
ce
vaste
redéploiement,
au
reste,
en
sa
figure
absolue,
n'est que l'auto-redéploiement
total de
la liberté.
La
façon,
la
manière,
le
mouvement
de
cette
auto-exposi tion-
position,la
médiation
de
l'immédiat,
voilà
ce
qui
est
à
considérer de
pl us
près dans ce chapitre,
au
rythme des deux
syllogismes ou dialectiques suivantes :
A -
La Dialectique de l'Effectivité.
B - La Dialectique de l'Idée.
3 WL
II
229. 38-39
SL
III
54 n.
52
191
A - LA DIALECTIQUE DE L'EFFECTIVITE
PREMIERE EMERGENCE DE LA LIBERTE.
L'effectivité
est
l'aboutissement
du
procès
de
la
troisième
section
de
la
Doctrine
de
l'Essence,
section
consacrée,
comme
nous
allons
le
voir
ci-après,
sous
un
jour
nouveau,
à
l' extériori té
intime
du
réel.
En
effet,
Hegel
y
développe
les
catégories
classiques,
bien
connues
en
philosophie,
telles
que
l'absolu,
la
possibilité,
la
contingence,
la
nécessité,
la
substance,
la
causalité
etc ...
autant de termes différents les uns des autres,
mais articulés
spéculativement
dans
celui
qui
fait
leur
uni té
et
qui
est,
peut-on dire,
bien propre
à
Hegel,
à
savoir
l'Effectivité
4.
Mais cette effectivité est d'abord l'absolu comme tel.
1.
L'absolu,
ou la liberté étant-en-et-pour-soi.
Au terme du double mouvement,
paraître-apparaître(schein-
erschein)
développé
dans
les
deux
premières
sections,
nous
entrons
ici
avec
l'absolu
comme
tel,
dans
un
nouveau
procès,
celui
de
la
première émergence réelle
de
la
liberté.
L'unité
et la vie de celle-ci,
en quoi l'essence s'ouvre,
se manifeste
4
Effectivi té
est
un
terme
technique
élaboré
par Hegel
;
i l
ne
désigne
pas,
écrit
p, J,
LABARRIERE
"la
simple
réalité
sensible
immédiate:
i l
connote
cette
méme
réalité
en
tant
qu'en
elle
apparaît
et
se
trouve
reonnu
le
mouvement
de
son
origine
essentielle.
Dire
alors
qu'elle
est
rationnelle
relève
du
pléonasme:
elle
n'est
en effet
ce qu'elle est
que
dans
la mesure
où elle accueille
en
elle
la parole
risquée d'une liberté qui se hasarde à déchiffrer son sens" Hegeliana p.
219-220 note 7. CF aussi WL
Il
156,
21-22
SL
I l
228,4
+
N.
5
à
propos
de
l'Absolu
hégélien
et
de
la
Substance
spinoziste; cf aussi Ency.
§
34 Tr.
BB add.
p,
488
192
(sich manifestieren),
se révèle (sich offenbaren)
5
à
savoir
que
cette
effectivité
possède,
en-et-pour-soi,
"son
propre
pouvoir d'effectuation" 6.
Cependant,
cette existence effective demeure encore trop
globale;
elle
est
la
détermination
simple
d'un
immédiat
absolu,
un
immédiat
premier:
"l' identi té
simple,
massive
de l'essence et de l'existence,
ou de l'être en général,
aussi
bien que
de
la réflexion"
7.
Aussi
son exposition
n'est-elle
rien
d'autre
qu'un
simple
paraître.
Tout
comme
i l
en
va
de
l'essence,
l'absolu comme tel n'a rien d'autre à
montrer ou à
développer
que
l'absolu
lui-même
ou
bien,
si
l'on
veut
trouver dans cette forme,
un quelconque attribut,
une certaine
qualité,
on n'y verrait "qu'une apparence extérieure ou simple
manière d'être"
8·
Ainsi l'attribut est-il à
la fois
l'absolu
et
la
négation:
"deux
extrêmes
de
l'attribut
dont
le
moyen
terme est lui-même,
en tant qu'il est,
aussi bien l'absolu que
la déterminit9.
Comme
tel,
dans
cette
immédiateté
initiale,
l'absolu
n'est donc
que
"ce mouvement de
l ' exposi tion se
portant
lui-
même,
comme manière d'être ... son identité absolue à soi-même,
non
pas
en
regard
de
quelque
chose
d'autre,
mais
est
seulement
comme
acte
de
se
manifester
pour
soi-même;
i l
est
effectivité"lO.
Mais celle-ci,
entendue comme modalité absolue
de
l'absolu,
se
détermine
maintenant
comme
une
effectivité
5 WL
I I
6
SL
I I
6 Existence de l'essence qui est un avec son phénomène.
6
WL
I I
156
SL
I I
227. n. 1
7
WL
I I
157. 8-11
SL
I I
229, 1-3
8
WL
I I
162, 162,17 SL
I I
235,
20
9
WL
I I
162,
23-24
SL
I I
235,
24-25
10 WL
I I
164.
8-12
SL
I I
238, 7-11 + n. 4 4
193
possible, contingente, nécessaire.
2 - La Contingence
passage à la particularité 11
a)
-
possibilité et contingence.
La contingence est tout
d'abord
une
effectivité
possible
l'effectivité,
en
tant
qu'elle
n'est
que
seulement
immédiate,
pas
encore
réfléchie,
est possibilité
"ce qui est effectif est possible"
12.
Mais
la
possibilité
présente
deux
moments,
l'un
positif,
l'autre
négatif;
le premier a
la forme simple de l'identité à
soi;
une
forme
de
la
proposition
tout
est
tout
et
sans
limitation.
Ainsi
la célèbre formule de Spinoza vaut
ici son
pesant
d'or
"Toute
détermination
est
négation".
c'est
affirmer
là
le
principe
véritable
de
toute
unité
absolue,
positive ou négative ;
mais cette affirmation est aussi vraie
que
son contraire.
"Par conséquent
Tout
est
tout
aussi
bien
quelque
chose
de
contradictoire,
et
par
conséquent
quelque
chose
d'impossible
13.
Le
possible
intérieur
n'est
pas
seulement
formel
comme
fondement
de
l'effectif,
il
est
impossible.
La possibilité est donc en elle-même traversée par
son
contraire.
C'est
ce
que
montre
l'exemple
utilisé
à
ce
propos
par
Hegel
lui-même,
à
savoir
que
A
A
est
aussi
possible
que
son
opposé
-
A =
A "dans
le
A possible est
aussi contenu le non A possible et c'est ce rapport
lui-même
qui
détermine
les
deux
comme termes
possibles
14.
Ainsi
la
possibilité
et
l'impossibilité,
en
relation
structurelle
d'opposition,
se
suscitent
mutuellement
comme
deux
termes
11 SL
I I
240.
n. 58
12 WL
I I
171, 9
SL
I I
249. 6-7
13 \\oIL
I I
171, 35-36
SL
I I
250. 8-10
14
\\oIL
I I
172. 37-40
SL
I I
251, 28-31
194
possibles;
l'un
est
aussi
son
autre.
Cela
est
une
uni té
de
réflexion,
mieux
de
"réversibilité
réflexive"
15,
caractéristique du penser hégélien,
absolument manifeste
dans
l'uni té de
l ' effectivi té et de la possibilité,
uni té qui est
ici
celle
de
la
contingence
une
effectivi té
possible
ou
simplement contingente.
Mais,
ce
résultat
contient
les
deux
moments
(l'effectivité
positive
et
l'effectivité
négative)
dont
i l
résulte;
aussi est-il,
d'une part,
une relation sans fondement
qui,
pour
cette
raison,
peut
donc
ne
pas
être,
et,
d'autre
part,
une relation qui est et existe d'une existence pour le
moins
formelle.
A
cause
de
cette
double
possibilité
(ou
possibilité
redoublée),
la
contingence
présente,
dans
son
immédiateté,
la
forme
instable
du
mouvement
de
"non-repos
absolu
du
devenir
16,
à
la
fois
positivement
nécessaire
et
stable,
parce que
fondé,
et négativement
possible,
parce que
sans fondement
:
alternance de fait montrant le devenir de la
contingence dans
la nécessité et
inversement de
la
nécessité
dans
la
contingence
mouvement
expressif
de
l'unité
de
l ' effectivi té,
comme
identité
à
soi-même
dans
sa
différence,
la possibilité.
Cette constante de la logique spéculative est
la nécessité. Mais celle-ci est d'abord la nécessité relative.
b) - La Nécessité. Comme résultat, elle est immédiatement
formelle,
relativement
dépendante
des
conditions
de
son
effectivité;
pur mouvement de passage de l'un dans l'autre de
15
G. JARCZYK P.J. LABARRIERE:
"Les Premiers combats de la reconnaissance: maîtrise
et servitude dans la Phénoménologie de Hegel". Ed. Aubier Montaigne. Paris 1988. p. 34.
16
WL
Il
174. 33
SL
Il
254. 14
195
ses deux moments,
la nécessité est unité
simple,
indifférente
en regard de
ses différences
elle contient
la
forme
;
mais
étant
effectivité
formelle,
déterminée,
elle
a
aussi
un
contenu
qui,
comme
identité
simple,
lui
est
tout
aussi
indifférent
ainsi
avons-nous
"comme
des
déterminations
simplement diverses
contenu varié en général
17
infinie
diversité des choses et variété tout aussi
infinie des
formes
des
êtres
existants.
Dans
leur
immédiateté,
les
étants
sont
les
uns
par
rapport
aux
autres
dans
une
relative
autonomie,
consécutive
à
cette
extériorité
d'indifférence
des
moments
(effectivité extérieure et possibilité intérieure).
Mais comme
i l
en
va
dans
les
syllogismes
de
l'être-là
et
de
l'essence,
l'autonomie
du
terme
extrême
recourbe
sur
lui-même
le
développement linéaire,
pour rendre le mouvement circulaire et
poser ainsi
la relation de nécessité réelle.
Mais avant cela,
cette immédiateté qui est un double (ein Gedoppeltes)
18 doit
se dédoubler,
quitter le régime de la particularité pour celui
de
l'absolu
universel
et entrer donc
dans
la
relation
réelle
de la nécessité absolue.
c)
La
Nécessité
absolue
elle
est
la
vérité
de
la
nécessité
relative,
"la
vérité
dans
laquelle
reviennent
effectivité et possibilité en général,
tout comme la nécessité
formelle
et
la
nécessité
réelle
19.
Que
l'effectivité
en
17
WL
I l
175. 33-35
SL
I l
255. 17-18
18
WL
I l
178.
1-2
SL
I l
259.
2.
+(id. 259.
24-28) dont la note 53 vaut d'être
reprise
ici:
"Le principe de
rêa1ité
est donc sursomption redoub1êe de
l'immédiat
et de
l'en-soi.
Non
plus
seulement
au
sens
où
l'un
passerait
dans
l'autre
et
vice
versa
(fùt-ce
essentiellement
et
structurellement).
mais
au
sens
où
chacun devient
en
lui-même
l'autre
soi,
autrement
dit
s'êpuise
et
s'accomplit
sans
reste
dans
cette
altération de
soi
qui
le
fait
ce
qu'il
est.
L'être
de
ce
qui
est
effectivement
(de méme que la possibilité de ce qui est réellement possible)
en vient à coïncider.
dans
la différence. avec sa propre raison d'être.
19
WL
I l
182. 16-18
SL
I l
264.27-29 cf aussi
Ency.
tr. BB .. p.
234 n.4.
196
vienne ainsi à ne plus être autrement qu'effectivité,
elle est
alors
l'effectivité
absolue
ou
la
nécessité
absolue.
Le
mouvement
qui
a
conduit
à
ce
résultat est
lui
aussi
absolu,
étant
l'uni té d'un double développement
l'un,
un mouvement
linéaire,
(celui des effectivités libres,
contingentes,
où la
nécessité
s'enferme
comme
essence
dans
l'être
effectif),
l'autre,
un mouvement circulaire,
(celui de l'essence et de la
réflexion).
Mouvement
au
total
absolu
qui
signe
l'absolue
identité
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur,
l'unité
de
la
relation à soi-même ou la relation absolue : la substance.
3)
- La Substance. Elle est,
écrit Hegel
:L'être qui est
parce qu'il est, l'être comme la médiation absolue de soi avec
soi-même
l'uni té
ul time
de
l'essence
et
de
l'être,
elle
est dans
tout
être
l'effectivité
immédiate
elle-même,
et
celle-ci comme être-réfléchi dans soi absolu,
comme subsister
étant en et pour soi" 20.
Ce texte appelle,
pour sa situation contextuelle et une
bonne compréhension,
trois brèves remarques préliminaires :
la
substance
en
général,
la
substance
spinoziste,
la
monade
leibnizienne.
1- Remarques préliminaires
a)
-
La
Substance
en
général.
Le sens
habi tuel
que
le
20
WL
I l
186, 30-37
SL
I l
270,
2-9
197
langage
courant
donne
à
la
substance
la
rapproche
de
l'universel,
du
rapport
de
l'être
(das
Allgemeine,
das
Verhaltnis des Seins)
mais le contenu de cet universel est
absolument
abstrai t,
vide
la
logique
formelle,
tradi tionnelle
nous
a
habitués
à
considérer
une
telle
abstraction,
acte de la représentation,
comme le domaine d'une
activi té
subjective,
une
science
dont
"Aristote
est
le
fondateur"
21.
Mais
cette
conception
de
la
substance,
montrera
Hegel,
introduit
au
mauvais
infini,
l'infini
défilement
des
êtres
finis.
De
fait,
cette
visée
de
la
substance suppose dans les êtres et les choses quelque chose
de
permanent,
de
non soumis
au changement
et
ce
permanent
est
un
sujet,
support
des
qualités
éventuelles
l'affectant
successivement sans le modifier jamais. Ainsi la substance est
un être
immobile,
immuable
d'une existence de
soi
par
soi.
Or,
un tel être, c'est Dieu,
selon l'enseignement traditionnel
qui est par-là obligé de distinguer Dieu,
substance première,
des créatures,
substances secondes ; celles-ci ont besoin pour
exister
du
concours
ordinaire
de
Dieu.
Il
Y a
donc
là
une
lourde ambiguïté
un terme unique qui désigne deux
réalités
très différentes,
substance incréée et substance créée.
Cette
ambiguïté est la source des grands problèmes à rebondissements
au
cours
de
l'histoire
de
la
métaphysique
traditionnelle
depuis Aristote jusqu'à Hegel.
En revanche, la substance au sens de l'universel concret,
ou
le
bon
universel,
reconnaît
à
la
substance
une
capacité
d'automédiation,
telle
que
l'exprime
l'amour.
En
effet,
21
Ency. § . 20
Tr.
BB
285 + add; p. 470
198
l'amour
montre
sa
vérité
dans
l'uni té
conj uguée
du
rapport
perte-gain
le sujet se retrouve
lui-même dans
l'acte où i l
semble
se
perdre
dans
l'autre,
et
vice
versa.
Ainsi
de
l'universel
concret
il
n'est
universel,
c'est-à-dire
identité avec soi,
que
dans la mesure où il est passage dans
l'autre,
l'autre étant
individuel,
existence objective saisie
dans son immédiateté.
Il en est un peu de même de la liberté.
Elle n'existe véritablement que dans l'acte de sursomption de
soi et de l'autre soi.
La vie donne aussi à
connaître un tel
universel .
Un
individu
est
vivant
non
seulement
en
tant
que
tel individu mais surtout en tant que l'espèce s'actualise en
lui,
dans
son individualité.
L'individu est ainsi
l'universel
lui-même.
L'universel
et
l'individu
n'existent
pas
de
façon
extérieure l'un à
l'autre;
ils sont fondus dans l'unité d'un
même
mouvement,
celui
du
passage
de
l'un
dans
l'autre.
Ce
mouvement
permet,
comme
l ' intui tion de
Bergson,
de
saisir
la
di versi té
dans
l'uni té,
c'est-à-dire non comme
un
agrégat
de
caractères
hétérogènes,
mais
en
tant
que
cette
diversité
procède d'un unique point.
Ces deux acceptions de la substance,
surtout la deuxième,
ont
connu
des
reprises
élaborées
avec
plus
ou
moins
de
réussite.D'abord avec Spinoza.
b)
-
La substance spinoziste
"Par substance,
écrit Spinoza,
j'entends
ce
qui
est
en
soi
et
ce
qui
est
conçu
par
soi,
c'est-à-dire
ce
dont
le
concept n'a besoin de rien d'autre qui serve à le former"22.
22
SPINOZA,
Ethique,
l,
Of. 3.
199
La substance de Spinoza est un en soi,
conçu par soi et
se suffisant totalement à
soi-même ;
c'est un absolu.
Mais ce
genre d'absolu est unique,
c'est Dieu,
l'Infini absolu qui est
cause de soi,
en dehors de qui rien n'existe,
ne peut
exister
ni
se
concevoir.
En
lui
point
d'altérité,
ni
de
finalité
possibles
une substance d'existence nécessaire et éternelle,
possédant
une
infinité
d'attributs.
Parmi
ceux-ci,
la
connaissance humaine ne peut en saisir que deux
l'Etendue
et
la
Pensée.
L'attribut-étendue
manifeste
la
substance-
essence daOns la totalité de tous les corps matériels ;
tandis
que l'attribut-pensée l'exprime
idéalement
distinction pour
le
moins
formelle
;
car
elle
laisse,
dans
la
Substance,
"l'ordre
et
la
connexion
des
idées"
et
"l'ordre
et
la
connexion
des
choses
23
représenter
une
seule
et
même
réalité,
sous
deux
aspects
différents,
appelés
modes.
"Par
modes,
écrit
Spinoza,
j'entends
les
affections
de
la
Substance,
autrement dit ce qui est en autre chose,
par quoi
il
est
aussi
conçu
24
Substance,
attributs
et
modes
sont
les
points
sur
lesquels
portera
l'essentiel
de
la
cri tique
hégélienne
du
système
spinoziste.
Tout
en
disant
que
"toute
détermination
est
négation"
Spinoza,
aux
yeux
de
Hegel,
ne
dédui t
pas
tout
du
seul
principe dont
tout
doit
dériver
par
auto-médiation.
La
substance
spinoziste
reste
immobile,
rigide,
figée
elle
ne
porte
pas
"le
concept
de
l'uni té
négative du Soi,
la subjectivité 25
Le mode,
selon Spinoza,
n'est
pas
l'expression
de
soi
de
la
substance
il
n'est
qu'une affection.
La négation spinoziste est donc tout au plus
23
II.
7.
scolie.
24
l
déf.
5
25
WL
l
220
SL
249.
13-14
200
" une négation simple,
ramenant le divers à
une unité qui ne
se différencie
pas de l'intérieur d'elle-même"
26.
Ce manque
de la réflexion dans soi qu'accuse l'absolu de Spinoza est
"
comblé dans
le concept de
la monade
leibnizienne"
27
d'où
notre troisième remarque.
c)
-
La monade leibnizienne
"La monade dont nous
parlons ici,
écrit
Leibniz,
n'est
autre
chose
qu'une
substance
simple
qui
entre
dans
les
composés;
simple,
c'est-à-dire
sans
parties ...
Et
il
faut
qu'il
y
ait
des
substances
simples,
puisqu'il
y
a
des
composés;
car
le
composé
n'est
autre
chose
qu'un
amas,
ou
aggregatum des simples"
28
Le point nodal de cette définition est bien,
comme nous
l'avons souligné,
la notion de simplicité op-posée à celle de
la
complexité,
du
composite.
La
monade
participe
de
la
composition d'autres corps
mais rien de ceux-ci
n'entre en
elle
à
aucun
titre
elle
est
simple,
c'est-à-dire
sans
parties
"Monas
est un
mot
grec
qui
signfie l'unité, ou
ce qui est
un 29.
Mais elle n' st pas pour autant
un élément
mort;
elle est capacité d'action
:
"La substance est un Etre
capable d'Action" 29.
La monade est donc un "Un actif"
deux
26
SL
II
238. n.
46.
27
SL
II
242.
24.
28
Lettre à A.Bierling 12.8.1711. E 678 b; GP VII 502.
29
Principe de la nature para. 1 E. 714a GP VI 598: Robinet 27.
201
aspects très importants:
l'unité et vie.
Pour Leibniz,
selon
les
commentateurs,
seule
compte
l'unité
qui
n'est
pas
un
agrégat
;
mais cette unité véritable est observable seulement
chez
les
êtres
vivants.
Par conséquent,
l'unité
au
sens
fort
du
terme
est
une
unité
vivante.
Sans
entrer
dans
les
subtili tés
des
monades nues ou
endormies,
savoir
les
monades
inorganiques qui ne
sont qu'un unum per accidens,
disons net
que la monade capable d'action est un unum per se.
L'unité
demeure
donc
l'affirmation
fondamentale
de
la
théorie des
monades.
Or,
l'unité est
l'autre
de
la
totalité.
Alors,
de
quelle
totalité
la
monade
est-elle
donc
l'uni té,
puisqu'elle est
simple,
c'est-à-dire sans parties?
La
réponse
de Leibniz renvoie à
l'unité de l'homme,
en la distinguant de
celle de
Dieu qui
est,
dit-il,
une monade
sui generis,
l'Ens
realissimum. Selon Leibniz,
l'homme est l'unité au sens propre
du terme
"
1 'homme
fût
unum per se,
un Estre doué d'une
véri table
uni té.
30
Tout
le
problème
réside
ici,
dans
la
question
de
savoir
la
nature
du
statut
de
l'uni té
vivante
qu'est
la monade
leibnizienne.
Comment passe-t-elle de
l ' unum
per accidens,
materia prima,
à
l'unum per se,
l'un substantié,
organique
et
vice
versa?
En
réponse,
Leibniz
introduit,
renouvelé d'Aristote,
l'ancien concept de force,
du mouvement-
processus.
Ainsi,
i l renoue avec la théorie de la monade,
avec
la
notion de
force,
sans
l'exercice
de
laquelle
la
réalité
matérielle
n'est
qu'un
"amas",
un
"aggregatum"
de
materia
prima.
La force est le tout réel d'une multiplicité;
elle est
toute
dans
son
effet,
en
vertu
du
principe
de
continuité,
30
NE
Il, 6,24 E 317 b; GP v, 297; AK,VI, 6, 317.
202
principe à
l'oeuvre dans le mouvement dialectique.
Mais,
pour
Hegel,
la force ainsi comprise,
tient son origine de l'Esprit,
puissance
du
concept,
vérité
du
fondement,
uni té
vi vante
de
cette pulsion-pulsation qui est la vie de l'esprit,
identique
à
soi dans sa différence.
C'est lui qui réalise la continuité
qu'il est,
à
la fois,
en soi comme soi,
et comme l'autre d'un
autre.
Voilà qui passe les limites de la monade,
comme simple
réflexion
dans
soi,
pour
une
compréhension
de
la
substance,
comprise comme sujet,
une capacité d'auto-détermination ou la
substance au sens hégélien du terme.
2- La Substance hégélienne.
Ces trois remarques nous y auront conduits.
Selon Hegel,
la substance est essentiellement sujet :
"La substance vivante
est
l'être
qui
est
sujet
en
vérité,
l'être
qui
est
effectivement
réel
en
vérité...
en
tant
que
cette
substance
est
le mouvement
de
se-poser-soi-même,
ou
la médiation entre
son propre devenir-autre et soi-même. Comme sujet,
elle est la
pure et simple négativité"
31;
ça sonne comme du déjà vu ou
entendu
c'est
bien
ce
qui
nous
est
en
effet
apparu
ci-
dessus,
dans
le
chapi tre consacré à
l ' espri t,
compris
comme
le principe de la médiation dialectique,
retrouvé à
propos de
l'uni té
négative
entendue comme
la
pulsion-pulsation,
ou
la
vie de l'esprit et du sens.
Telle s'indiquait donc déjà,
dans
ce
qui
précède,
la
conception
hégélienne
de
la
substance.
Voici
venu
le
moment
d'en
donner
une
présentation
plus
systématique.
Nous
la
ferons
en deux
temps
d'abord,
situer
le texte dans l'économie de la Doctrine de l'Essene;
ensuite,
31
Ph.G. 20.5-10
II
17.20-24
203
exposer
la
signification de
l'analyse qu'en donne
Hegel
dans
les relations substantielles.
a) - Le texte dans son contexte.
La
définition
hégélienne
de
la
substance
ouvre
le
premier
paragraphe
du
troisième
et
dernier
chapitre
de
la
troisième
section
de
la
Doctrine
de
l'Essence
section
entièrement consacrée
à
la dialectique de
l ' Effectivi té.
Par
conséquent ce chapitre,
intitulé
"La Relation Absolue"
arrive
ici comme l ' appari tion à
soi de la vérité de l ' Effectivi té
la
substance
absolument
déterminée,
avant
sa
transition
au
"royaume de la subjectivité ou de la liberté" 32 dont traitera
la Doctrine du Concept.
Il y a un parallélisme frappant,
entre
ce
développement
sur
la
relation
absolue
substantielle
et
celui
exposant
le
"Fondement
fondamental"
dont
le
résultat,
couronnant la première section,
posait de façon déterminée la
condi tion
condi tionnante
de
l'existence
première
uni té
du
devenir
de
l'être
et
de
l'essence.
La
réflexion
de
l'Effectivité,
un aller à
son propre fondement,
expose celle-
ci,
la développe et l'établit,
déterminée,
comme "unité ultime
de
l'être et de l'essence 33
en d'autres
termes,
c'est la
substance
;
c'est elle qu'il
faut maintenant comprendre
avec
l'analyse du texte~
32
WL
205,
17
SL
II
296,
16
33
WL II 185, 32-33.
SL
II
270. 4.
204
b) - La compréhension du texte:
D'une façon générale disons que ces neuf
lignes,
citées
ci-dessus,
juste en
introduction à
ce troisième
mouvement
de
la dialectique de l'Effectivité,
donnent le ton du sens,
bien
hégélien,
de
la
substance.
Celle-ci
paraît
d'abord
dans
sa
relation absolue
:
elle est un immédia ;
ensuite,
celui-ci se
médiatise,
s'apparaît à
soi-même et,
en troisième lieu,
comme
substance
déterminée,
elle
est
un
immédiat,
médiatisé
le
concept,
ou
la première émergence de
la liberté.
Reprenons,
l'un
après
l'autre,
chacun
de
ces
trois
mouvements
inscrits
dans le texte ou que celui-ci développe.
b.
1
"La
substance comme
telle"
elle
est
d'abord,
dans
sa
première
immédiateté,
écrit
Hegel,
" l'être
qui
est
parce
qu'il
est".
Pour
le
dire,
de
cette
façon
massive,
immédiate
et
indéterminée,
Hegel
renoue
avec
la
relation
de
nécessité
absolue
dont
i l
vient
d'établir
la
vérité
comme
"uni té de
l'être et de
l'essence,
immédiateté simple qui
est
négativité
absolue"
34.
Immédiat
aveugle,
auquel
on
a
l ' habi tude,
à
ses
yeux,
de
réduire la substance,
comme étant
quelque chose d'immobile,
de
figé:
un substrat mort.
Certes
est-elle,
dans
cette
indétermination
première,
le
néant
de
toutes
les
déterminations,
leur
unité
simple,
négative
mais
ce
point,
apparemment
vide,
est,
en
même
temps,
la
possibilité
de
l'être,
en-soi-réfléchi
c'est
l'état
de
contradiction
selon
lequel
le
réel
est
un
possible,
comme
nous l'avons vu ci-dessus,
où l'effectif (das Wirkliche) s'est
34
WL II 182. 34-35.
SL
II
265. 16-17 et note 77
205
montré
l'unité du
réel
(die Realitat) et du possible (das
Mëgliche) .
Dans
cette
relation
immédiate
et
absolue,
la
substance
se pose donc comme une
totali té,
comme
i l est dit,
quelques
lignes
plus
loin
" le
subsister
étant
en
et
pour
soi. ..
uni té
de
l'être et de
la
réflexion
35.
Dans
le
poser
simple de soi,
la substance est donc sous le signe du devenir,
tension
entre
le
possible
et
le
réel.
Ainsi
n'est-elle
que
"totalité-qui -paraî t,
l ' accidentali té"
36
;
pur
mouvement
de
paraître,
l'accidentalité
n'est
autre
chose
que
le
"calme
venir
au
jour
d'elle-même"
37
de
la
substance.
Et,
conformément
au
principe
de
continuité,
caractéristique
du
mouvement
dialectique,
la
substance
paraît
entièrement,
et
sans reste,
dans
l'accidentalité
mouvement par quoi celle-
ci
montre
toute
la
puissance
de
celle-là.
Ainsi,
d'un
côté,
étant-pour-soi,
puissance,
et de
l'autre côté,
accidentalité,
la substance est rapport de causalité.
b. 2 - Le Rapport de causalité : ce rapport comprend tout
d'abord
les
deux
côtés
la
substance
et
l'accidentalité,
savoir la cause et l'effet (die Ursache und die Wirkung).
Mais
la
cause
n' est
rien
d'autre
que
la
substance
réfléchie
dans
soi
et,
dans
cet
état
de
sa
pui$sance,
elle
est
ce
qu'elle
35
WL II 185. 37; 186.1-3.
SL
II
270. 8-10
36
WL II 186. 6.
SL
II
270. 14
+N.6:
"La substance c'est l'étre.
mais l'étre qui est â
lui-méme
sa
propre
médiation.
Ce
qui
importe.
en
elle.
c'est
l'accomplissement
de
l'identité
différenciée.
en soi
articulée.
de l' étre et de
la raison.
Non au sens d'une création de
soi.
mais â
celui. plus simple.
qui fait de l'être le mouvement par quoi est ce qui est.
Dans le jeu médiateur d'une
altérité radicale. mais qui n'est telle. en effet.
que parce qu'elle s'identifie non moins radicalement â
l'étre de ce qui est ... Ainsi la substance est-elle rapport.
-
relation d'identité entre la substance en
son
fondement
(l'essence.
ou
la
réflexion)
et
la
non-substance
par
quoi
la
substance
est
substance
(l'étre. ou les accidents).
37
WL
II
186. 30
SL
II
271. 17
206
fai t,
ou
fait
ce qu'elle est
c'est-à-dire qu'elle pose ses
propres déterminations en les différenciant de soi
"Cela est
ainsi
en
général
la
substantialité
sursumée,
le
seulement
posé,
l'effet
38
La
note
explicative
qui
accompagne
cette
référence
citée
apporte
ici
un
éclairage
très
important
sur
les
transpositions
des
développements
antérieurs,
en
même
temps
qu'elle
indique,
par
avance,
le
mouvement
qu'instaure
cette relation de causalité. Celle-ci est d'abord formelle.
b.
3
-
LA
causalité formelle.
Nous connaissons bien ce
type de relation,
développé déjà,
dans le rapport de la
forme
et du contenu.
Appliqué ici à celui de la cause et de l'effet,
i l
montre
cette
réversibilité
réciproque
de
l'un
à
l'autre,
des deux termes,
formellement distingués,
mais corrélatifs,
et
ayant
exactement
le
même
contenu
aussi
est-il
dit
"La
cause
est,
dans
l'effet,
manifestée
comme
substance
totale,
savoir comme réfléchie dans
soi en l'être-posé
lui-même comme
tel"
39
elle
est
causa
sui.
Dans
l'Encyclopédie,
au
paragraphe
153
et suivants,
ainsi que dans
la Science de
la
Logique,
Hegel développe très longuement,
ce rapport de cause-
effet,
avec force exemples,
à titre d'illustration du principe
de la totalité
deux passages
de ces textes méritent d'être
mis en rapport comparatif :
38
WL
II
189.
5-7
SL
Il
275.
6-7 Note 25:
"La cause est.
bien sûr.
la
totalité ...
mais
elle
est
d'abord l'héritière
directe
de
la
substance
(seulement)
intérieure.
Quant à
l'effet.
il est la transposition de ce qui.
précédemment.
était déterminé comme accident.
Sous ce terme
d'effet.
il
faut
entendre
la
désinence
active
de
mème
que
la
parenté
étymologique
(Wirkung
/
Wirklichkeit) qui font de lui
tout autre chose qu'un simple résultat:
l'effectivité qui est à elle-mème.
par la médiation de son autre.
sa
proprer cause.
39
WL
Il
190. 5-7
SL
Il
276.
24-26.
Ency. §
.
153
Tr.
BB
400-401.
207
Encyclopédie
paragraphe
153
"La
cause,
en
tant
qu'elle est la Chose originaire,
a la détermination d'absolue
substance-par-soi
et
d'une
consistance
se
manifestant
face
à
l'effet,
mais
dans
la
nécessité,
dont
l'identité
constitue
cette
originari té
elle-même,
elle
n'a
fait
que
passer
dans
l'effet.
Il n'y a aucun contenu -
dans la mesure où il peut à
nouveau être
question d'un
contenu déterminé
-
dans
l'effet,
qui ne
soit
pas
dans
la
cause
;
-
cette
identité-là
est
le
contenu
absolu
lui-même
;
mais
de
même
elle
est
aussi
la
détermination-de-forme,
l'originarité
de
la
cause
est
supprimée dans
l'effet,
dans
lequel
elle
fai t
d'elle-même
un
être-posé.
Mais la cause, par là, n'est
pas disparue de telle
sorte que l'effectif serait
seulement l'effet.
Car cet être-
posé est aussi bien immédiatement supprimé,
il est bien plutôt
la réflexion en
soi-même de la cause,
son originarité;
c'est
dans l'effet seulement que la cause est effective et cause.
La
cause est par suite en et pour soi causa sui".
- Science de la Logique pp. 277-278.
"L'effet ne contient
par
conséquent
absolument
rien
que
ne
contient
la
cause.
Inversement,
la
cause ne
contient
rien
qui
ne
soit
dans
son
effet.
La
cause
est
seulement
cause
dans
la
mesure
où
elle
produit
un
effet
;
et
la
cause
n'est
rien
que
cette
détermination qui
consiste
à
avoir un effet,
et l'effet rien
que
ceci
:
avoir
une
cause.
Dans
la
cause comme
telle
elle-
même se trouve son effet,
et dans l'effet la cause:
dans la
mesure où elle aurait cessé d'agir,
elle ne serait pas cause;
- et l'effet,
dans la mesure où sa cause a disparu,
n'est plus
effet, mais une effectivité indifférente".
208
L'identité de la forme et du
contenu de ces deux textes
confirme,
une
nouvelle
fois,
et
à
propos
d'un
problème
capital,
hérité
de
la
tradition
philosophique
(le
rapport
substantiali té-accidentali té,
cause-effet),
le
point
vraiment
diacri tique de
l' hégélianisme
le penser du mouvement de
la
totali té,
de son passage et de la continuité du contenu dans
sa transition.
Par là,
Hegel se démarque nettement de Spinoza
comme de
Leibniz.
La cause,
si cause il y
a,
est
totalement
dans
son
effet
comme
celui-ci
n'est
rien
d'autre
que
sa
cause.
Les
deux
termes
sont essentiellement en relation l'un
avec
l'autre
on
ne
peut
prendre
l'un
sans
l'autre
commencer
par
l'un
c'est
passer
immédiatement
à
l'autre,
de
telle sorte que celui-ci n'est second qu'autant qu'on y arrive
en
venant
de
celui-là,
le
premier.
La
cause
et
l'effet
se
présupposent et se déterminent mutuellement.
b.
4
-
Le Rapport de détermination.
Mais cette identité
formelle
de
la
cause
et
de
son
effet
se
doit
de
dire
son
contenu réel;
il lui faut se déterminer. C'est-à-dire que la
cause doit se montrer réellement
cause
effective,
et non se
contenter d'être simplement une cause
contingente,
formelle,
seulement
capable
d'une
progression
ou
régression
infinie;
elle dira
sa
vérité
dans
un effet
tout
aussi
déterminé,
le
singulier
il en est de même inversement
de l'effet.
Voilà
ce
que
vérifie
la
relation
de
la
passivi té-activi té,
ou
de
l'action et de la réaction.
La substance passive est cause;
mais elle n'est posée ou maintenue telle que par la puissance
active.
Ce que
ne
peut
faire
celle-ci
qu'en
étant
elle-même
sursumée,
c'est-à-dire
en
coïncidant
avec
soi-même,
par
un
209
mouvement
unique,
fait
d'unification
et
de
dédoublement
de
soi,
celui
par
lequel
"le
devenir-posé
par
un
autre
et
le
devenir
propre
est
une
seule
et
même-chose
40.
Un
tel
processus montre la substance être,
d'un côté,
cause-passive,
et,
de
l'autre
côté,
effet-actif
double
dimension
de
la
substance par quoi,
elle se détermine comme "puissance causale
qui
fait
la
cause
comme
cause
effective
41.
Cette
détermination respective de part et d'autre déploie le rapport
de causalité comme
un
"faire
présupposant,
42 condition du
rapport
action-
réaction,
qui,
au
ni veau
ds
causes
et
des
substances
individuelles
et
finies,
entraîne
une
progression
indéfinie:
le mauvais infini. Mais en tant que chaque terme se
sursume dans son autre,
autre qu'il présuppose en lui,
par là
est
supprimée
sa propre présupposition;
chacun se pose comme
totalité
effective:
ainsi
"la
négation
réciproque
des
deux
termes
devient
alors
leur
inter-action
43,
une
action-
réciproque.
b.
5
L'Action-réciproque.
Celle-ci
est
la
vérité
du
rapport de causalité.
C'est le point d'aboutissement de cette
dialectique
44,
comme l'unité du disparaître et du surgir, de
"l' originali té entendue comme se médiatisant
avec
soi
par
sa
négation"
45.
C'est
le moment,
peut-on dire,
du
recourbement
de la progression rectiligne dans elle-même
le moment,
non
plus
de
simple
bascule
de
l'un
à
l'autre
des
termes
en
relation,
mais
de
la
profonde
unification
de
la
cause
avec
40
"IL
I l
20l.
6-7
SL
I I
290.
24-25
41
SL
I I
290 note 99.
in fine.
42
WLII
198. 37
SL
II
287.
22
43
SL
I I
292 note 111. in fine.
44
Ency.
§
:
156-159
Tr.
BB
402-405
45
WL
I I 202.
25-26
SL
I l
293.
4-5
210
l'effet,
et
de
celui-ci
avec
celle-là
car
selon
Hegel,
et
c'est
là
sa
très
grande
différence
avec
Spinoza
et
Leibniz,
"la cause
n'a
pas
seulement un effet,
mais
dans
l'effet elle
se
tient
comme
cause
en
rapport
avec
elle-même"
46.
Cette
uni té
de
deux
termes
différents
comme
différents,
voilà
le
concept.
Ainsi
dans
l'action-réciproque,
la
causalité
atteint
son
concept
lieu
sans
lieu
de
l'accomplissement
de
la
nécessité absolue ou
forme
totale de la
substance absolue qui
n'est
rien
d'autre
que
l'uni té
de
la
nécessité
et
de
la
liberté
47.
L'action
réciproque
est
donc
le
moment
de
l'explicitation de la causalité en causalité réciproque;
elle
montre la sursomption identitaire des termes différents
elle
manifeste le déploiement des relations de substantialité,
dans
l'effectivité
auto-déploiement de la totalité,
aboutissement
achevé
du
procès
de
la
Logique
Objective
et
transition
à
la
Logique
Subjective,
la
Doctrine
du
Concept
royaume
de
l'Idée.
46
WL
II 203. 19-20
SL
II
294. 3-4
47
Ency:
§ . 158 Tr. BB "Cette vérité de la nécessité est par conséquent la liberté. et la
vérité de la substance est le concept.
-
la substance-par-soi qui est l'acte de se repousser de soi en
des
termes subsistants-par-soi
différents.
qui est en tant que cette
répulsion.
identique avec soi.
et
qui est ce mouvement d'échange réciproque - restant auprès de soi-mème - avec soi seulement.
211
B. DIALECTIQUE DE L'IDEE:
L'AUTO-DEPLOIEMENT DE LA LIBERTE.
Cette circularité complète qu'est l'action-réciproque est
le
nouvel
immédiat,
terme
auquel
nous
a
conduits
la
dialectique de
l' effectivi té
en ce nouveau
résultat qu'est
le Concept,
"l'Idée est le concept adéquat,
le vrai objectif,
ou
le
vrai
comme
tel"
48
En
cette
affirmation
capitale,
s'ouvre la troisième et dernière section de la Science de la
Logique.
Son développement exprime en premier lieu,
la vie en
tant qu'elle est l'Idée immédiate, ensuite, le connaître et le
vou1.oir comme Idée du vrai et du bien,
enfin l'Idée absolue,
en
tant
qu'elle
est
l'esprit
connaissant
l'Idée.
Ainsi
la
dialectique de l'Idée est-elle ici tout d'abord le syllogisme
de la vie.
1.
LE SYLLOGISME DE LA VIE.
Que
l'idée de la vie développe un syllogisme,
voilà ce
qu'expose son concept selon sa puissance structurante
48
WL
II
407,
1-2
SL
III
273,
1-2
212
"Considérée ...
de façon plus précise dans son idée,
la
vie
est
en
et
pour
soi
universalité
absolue;
l'objectivité
qu'elle
a
en
elle
est
purement-et-
simplement pénétrée par le concept,
elle n'a que lui
pour
substance.
Ce
qui
se
différencie
comme
partie
ou selon une réflexion extérieure autre a le concept
total
dans
soi-même
;
i l
Y
est
l'âme
omniprésente,
qui demeure rapport
simple à
soi-même,
et une chose
dans
la
variété
qui
survient
à
l'être
objectif . . . 49. "La
vie,
par
conséquent,
est
à
considérer .
En
premier
lieu
comme
individu
vivant
qui
est
pour
soi
la
totalité
subjective,
et
est
présupposé
comme
indifférent
en
regard
d'une
objectivité
qui
lui fait face comme indifférente.
Deuxièmement,
elle
est
le
processus-vital
de
sursumer
sa présupposition,
de poser comme négative
l'objectivité
indifférente
en
regard
de
cette
vie,
et
de
s'effectuer
comme
sa
puissance
et
son
uni té
négative.
Par
là
elle
fait
de
soi
l'universel
qui
est l'unité de soi-même et de son autre.
La vie est,
par conséquent,
49
WL
II
416.
13-20
SL
III
286. 16-23
213
Troisièmement
le
processus
du genre
de
sursumer
sa
singularisation,
et d'être en relation à son être-là
objectif
comme
à
soi-même.
Ce
processus,
du
même
coup,
est d'un côté le retour à
son concept,
et la
répétition de la division première, le devenir d'une
nouvelle
individualité,
et
la mort
de
la
première
individualité immédiate;
mais,
d'un autre côté,
le
concept
de
la vie,
concept
qui
est
allé
dans
soi,
est
le
devenir
du concept
en relation
à
soi-même,
existant
comme
universellement
et
librement
pour
soi, le passage dans le connaître" 50.
50 WL II 416-418
SL II l
286- 288
214
Remarques
préliminaires
Idée
logique
et
vie
logique.
Quand Hegel nous précise ici la qualité nouvelle de l'Idée,
en
termes
de
"Concept
adéquat",
i l
résume,
d'une
part,
un
parcours effectué,
et,
d'autre
part,
i l
annonce celui
qui
va
commencer
;
en
effet,
les
deux
premières
sections
de
la
Doctrine
du
Concept
ont
traité,
tour
à
tour,
de
la
Subjectivi té
et
de
l ' Objectivi té;
la
troisième
section,
qui
s'ouvre maintenant,
va
se consacrer à l'Idée.
Or,
avec Hegel,
celle-ci
implique
un
contenu
bien
spécifique.
Plus
que
la
simple
forme
primitive
de
la
représentation
(Urbild)
de
l'essence
en
soi (Wesen
an
Sich)
de
type
platonicien,
l'Idée
véritable est l'Idée logique absolue
"elle est l'objet et le
contenu uniques de la philosophie"
51
Ainsi
s'est-elle déjà
montrée
ci-dessus
avec
le
syllogisme
de
la
nécessité,
celui
du
point
de
vue
de
l ' Iée
52.
En
tant
que
telle,
l'Idée est
l'unité du sujet et de l'objet;
aussi est-elle tout à la fois
"raison,
raison
dialectique,
éternelle
vitalité,
et
éternel
esprit"
53
le
concept
adéquat.
Or,
nous
le
savons,
le
concept est une
totalité absolue
;
par conséquent,
l'Idée de
la vie,
le concept de la vie
est aussi totalité absolue,
ou,
si l'on veut,
les deux sont une seule et même chos
logique,
une universalité absolue
51 WL II 484.
21
SL III 368.
14
52 cf.
ch.
3 notes 99 et 100.
53
Ency.
§
:
214
Tr.
BB 447
"L'Idée peut
étre
saisie
comme
la
raison.
puis
comme
le
sujet-objet.
comme
l'unité de
l'idéel et du réel.
du fini
et de l'infini.
de
l'âme et du
corps comme
la
possibilité qui
a.
en elle-même.
son effectivité.
comme ce dont la nature ne peut être conçue que comme
existante . . . , parce qu'en elle sont contenus tous les rapports de l'entendement.
mais dans leur infinie
rentrée
et
identité
en
eux-mêmes...
l ' Idée
est
elle-même
la
dialectique
qui
éternellement
sépare
et
différencie
l'identique
à
soi
du
différent.
le
subj ectif
de
l ' obj ectif.
le
fini
de
l'infini.
l'âme
du
corps.
et n'est que dans cette mesure éternelle création.
éternelle vitalité et éternel esprit".
215
La Vie-Logique. Comme idée pure,
elle est à différencier
de la vie naturelle qui
se trouve traitée dans
la philosophie
de
la
Nature et
de
la vie en
lien avec
l'esprit
54
La vie
dans
l'idée,
ou
la
vie-logique
présuppose
seulement
le
concept;
elle est "l'être-dans-soi simple qui,
dans l'Idée de
la vie,
a atteint son extériorité qui lui correspond vraiment"
55.
En
revanche,
la
vie
dans
l'esprit
présente,
au
sens
général,
une double signification;
elle est,
une fois,
moyen
pour l'esprit,
une autre fois,
individu
vivant
56.
Mais,
la
vie
logique
n'est
pas
davantage
à
considérer
comme
"le
moment
de
l'idéal
et
de
la
beauté"
57
La
vie
logique
est
libre de toutes ces
figures vivantes
elle est
leur principe
pur.
Pour cette raison,
lorsqu'elle est saisie en et pour soi,
la
vie-logique
est
seulement
"universalité
absolue"
(nur
absolute Allgemeinheit)
58
ainsi
l'idée pure de la vie est-
elle liberté pure,
pur mouvement de soi à soi.
54 WL II
415
SL III 264-285:
"la vie de la nature"
55 id "
id
"
285. 9-10 + Note Il:
"il y a donc une distinction fonnelle entre la
vie naturelle et l'Idie logique de la vie".
56 WL II
415-416 passim.
SL III 266 passim.
57 Loc. cit.
Loc. cit. cf. notes 13 et 15
56 WL II 416.
14
SL III 286.18.
216
a)
-
La vie
: une mobilité absolue.
La
vie,
dans son
idée,
est "universalité absolue",
dit Hegel
cela
veut tout
simplement
dire
qu t elle est
un
syllogisme
un
mouvement
de
procès,
allant
de
soi
à
soi
en
déterminant
ses
propres
rapports essentiels,
constitutifs,
lesquels posent dans leur
unité l'autre soi,
à
savoir la déterminité du premier soi.
La
vie dans son concept concret développe un tel mouvement. Ainsi
le laisse voir
le rythme même du texte de
sa définition.
Au
premier temps,
il est dit que la vie,
universalité absolue,
a
le
concept
pour
substance
ensuite,
dans
sa
réflexion
extérieure,
elle est l'âme omniprésente qui a le concept total
en elle;
enfin,
l'âme est Ir uni té du simple rapport de soi à
soi,
"Une-chose
dans
la
variété
qui
survient
à
l'être
objectif" 59. Ce mouvement ternaire d'auto-détermination et de
mobilité absolue développe un syllogisme caractéristique de la
vie
;
un tel
mouvement anime le vivant,
le processus-vital
.,
il
est,
par
conséquent,
le
processus
du
genre.
D'abord
le
vivant :
59 cf.
ci-dessus note 49.
217
b) -
Le vivant.
L' individu vivant est
"pour soi Wle
totalité subjective ; une totalité intérieure,
un sujet
dont
le rapport
immédiat à
soi,
est
"la vie comme âme
;
comme le
concept
de
soi-même
qui
est
parfaitement
déterminé
dans
soi,
le
principe
commençant,
se
mouvant
soi-même"
60
ensuite, elle se détermine dans un objet extérieur qui estpour
elle comme son objectif,
"la fin ou le moyen immédiat,
61 qui
est
à
la
fois
comme
"prédicat
et
moyen
terme
du
syllogisme" 62 ,
enfin,
la
corporéité
permet
à
l'âme
de
syllogiser "avec l'objectivité extérieure"
63
le syllogisme
âme-corps-objectivité
extérieure
donne
ainsi
à
l'individu
vivant sa dimension universelle:
il est l'unité du singulier
et de l'universel. Mais cette unité tombe encore à l'intérieur
de l'individu; elle est une unité individuelle,
ayant donc en
elle
les déterminations que sont Wliversalité,
particularité,
singularité.
Relativement à
chacune de ces notes et
toujours
au
niveau
de
l'individu vivant,
se déterminent,
sensibilité,
ou
"le
pur
acte
de
frémir
seulement
dans
soi-même
de
la
vitalité",
irri tabili té,
ou la
"force de résistance vivante",
reproduction,
ou
"Wlité
négative
dans
son
objectivité
extérieure"
64.
Si chacune de ces déterminations est un tout
d'abord
formel,
ensemble
elles
constituent
une
totalité
réelle,
l'individu
vivant
;
celui-ci,
avec
toute
cette
mobilité
renfermée en lui,
pose le moment de sa déterminité
et son rapport à l'altérité:
le processus-vital.
60 WL II
419, 8-10
SL III
289.
32-34.
61 WL II
15
SL III
290.
3
62 WL II
16
SL III
290.
3-4
63 WL II
419.
18
SL III
290.
6
64 id. passim
id. passim.
218
c)
-
Le processus-vital est la totalité du mouvement de
la vie,
mais en tant que
la mobilité vi tale y
décompose
ses
moments
divers
en
les
différenciant.
D'abord,
elle
pose
négativement
l'objectivité;
ensuite,
à
l'égard de celle-ci,
se comporte comme étant le dynamisme de l'objectivité; enfin,
de
ces
deux
moments,
la
mobilité
réalise
l'uni té
négative
telle
est
en
gros
plan,
la
structure
mobile
et
uni taire
du
processus-vital
65.
Ce
mouvement
global
différencie
ses
divers moments,
de la façon suivante. Tout d'abord,
le vivant,
comme sujet en et pour soi,
se pose comme étant "la fin à soi"
(der Selbstzweck) 66 se suffisant à soi-même.
Ainsi a-t-il en
face
de
lui,
le
monde
extérieur
comme
quelque
chose
de
négatif,
d'indifférent
du
moins
telle
est
la
certitude
qu'il
en
a.
Mais
pour
vérifier
le
contenu
de
celle-ci,
le
sujet
dispose,
pour
ainsi
dire,
de
sa
tendance
(sein
Trieb)
qui est le "besoin de sursumer cet être-autre"
67.
Le besoin
(das
Bedürfnis),
comme
le
moment
de
la
négation
du
suj et,
fai t
de
celui-ci
l'instance
de
sa
monstrance
comme
l'autre
d'un autre
le sujet est rapport à
l'objet.
Cependant,
pour
le sujet,
cette relation n'est pas pour
autant une perte
de
soi,
un
aller
au
gouffre
purement
et
simplement;
bien
au
contraire,
dans
cette
relation,
le
sujet
conserve
son
égalité totale à soi-même ;
mieux,
il va même faire de cette
extériorité un monde pour soi;
il va l'intériorise; c'est le
mouvement de
l'appropriation qui
développe un véritable
jeu
de
l 'extériorisation-
intériorisation,
usant
au
besoin
de
65 cf.
ci-dessus. note 50.
66 WL Il 423.
21-22
SL III 295. 1
67 WL Il 423.
29-30
SL III 295. 7
219
"violence sur l'objet
68
le processus-vital
se montre,
de
la
sorte,
force
de
scission
et
de
sur sompt ion.
Ainsi
cette
dialectique
du
besoin
en
vient
à
appliquer
la
loi
de
la
continuité
dans
la discontinuité,
telle
qu'elle
s'est
dégagée
ci-dessus
dans
la
dialectique
de
la
force;
en
effet,
ici
également,
le
sujet
s'auto-déploie
totalement
et
entièrement,
de
façon
identique
à
soi-même,
dans
chacune
de
ses
propres
divisions
ou
déterminations;
c'est dire que
le vivant
y
garde
son
"identité
absolue".
Il
en
résulte
que
la
douleur
(der
Schmerz),
qui
est
le
sentiment
de
cette
contradiction,
est,
aux
yeux
de
Hegel,
"le privilège
de natures
vivantes
parce
qu r elles
sont
le
concept
existant
(uni té
première
du
devenir
de
l'être
et
de
l'essence),
elles
(ces
natures
vivantes)
ont
une
effectivité
de
force
infinie
en
sorte
qu'elles
sont
dans
soi la négativité d'elles-mêmes,
que cette négativité leur est
pour elles,
qu'elles
se maintiennent dans
leur
être-autre"69:
dans
le
vivant
la
douleur
est
donc
bien
plus
que
la
simple
contradiction;
elle
y
est
"une
existence
effective"
70.
Ce
devenir
sujet
de
l'objet
est,
par
le
mouvement
de
l'appropriation-assimilation
de
celui-ci
par
celui-là,
le
68 WL II 425, 21
5L
III
297, 2
Cf aussi
"parce
que
le
vivant
est
tendance.
l'extériorité
vient
en
et
dans
ce
même
vivant
seulement dans
la mesure
où elle est déj à en et pour soi dans
lui",
Il
n' y
a
pas à
chercher
ici une
quelconque harmonie préétablie entre le sujet et l'objet.
La relation "dit seulement que le vivant étant
ce
qu'il
est.
c' est-à-di re
totalité particuliére et
réflexive.
son
rapport
à
soi
implique
qu'il
dise
l'extériorité en forme d'intériorité"
(5L III 296.
22-24 et la note 78 in fine)
69 WL II 424,
20-24
5L III 295. 33-36
70
WL
II
424,
26-27
5L
III
296.
1. +
note
73:
"Le
besoin
dit
à
la
fois,
pour
l'individu, dépendance par rapport à l'extériorité et existence en lui-méme hors de cette extériorité; il
est donc la contradiction absolue.
La douleur,
quant à elle.
est l'expression adéquate de l'effectivité
existentielle de cette contradiction.
C'est en elle,
par conséquent que commence le procès gràce auquel
l'individu
se
pose
en
vérité
comme
individu,
c'est-à-dire
comme
une
autonomie
de
particularité,
en
relation de complémentarité essentielle avec l'extériorité.
La douleur est donc l'instance
révélatrice:
c'est dans le manque que le besoin lui-méme vient à la conscience.
220
rapport de
production-reproduction de soi,
une réduplication
de soi,
par où l'individu vivant
se conserve dans
l'être,
en
utilisant,
pour cela,
jusqu'aux éléments le menaçant de mort,
voire
d'anéantissement:
"il
a
sursumé
sa
particularité
et
s'est élevé à l'universalité"
71,
comme genre.
71 WL II 426,
24-25
SL III 298, 8-9
221
d) - Le genre est la vérité de la vie, son mouvement de
sursomption pour poser l' identi té essentielle du suj et vivant
comme un autre soi-même
aussi est-il,
d'un côté,
le retour
ou l'aller dans soi du concept,
qui est,
d'un autre côté,
son devenir universel et libre
:
passage dans le connaître72 .
En
cette
uni té
de
redoublement
de
soi
du
suj et
vivant,
la
véri té
de
la
vie,
ou
le
concept,
atteint
à
1 ' universel.
Du
fait
de
ce
redoublement,
qui
a
posé
l'unité
générique,
l'individu est à même de reconnaître tout autre individu,
dans
la relation de l'unité différenciée de soi et d'un autre soi;
c'est
la
contradiction
en
forme
d'autonomie
particulière,
relative,
contradiction
de
l'uni té
de
fondement
qui
est,
en
d'autres termes,
l'unité de l'abîmement et du surgissement.
Le
genre
ainsi
déterminé
est
résultat
effectif
"une
figure
singulière"
73
ayant
le
genre
en
soi.
Comme
tel
le
genre
n'est pas pour l'individu;
il est ce que celui-ci a en commun
avec un autre individu; c'est un lien commun. Par conséquent,
à l'égard des individus vivants,
le genre est l'unité de soi à
soi,
une identité universelle.
Celle-ci est d'abord,
identité
"intérieure ou subjective,
ou
le
germe d'un
individu vivant,
la forme intérieure du concept"
74
Le germe
(der Keim)
est
le
genre
en
soi
réfléchi,
le
vivant
total.
Ensui te,
comme
réflexion
extérieure,
il
est
"propagation
des
générations
vivantes"
75
enfin,
comme
genre
réalisé,
concrétion
72 cf ci-dessus note 50
73 WL II 427,
26-27
SL III 299,
16
74 WL II 427,
36
SL III 299,
25
222
spirituelle,
lieu
d'abîmement
(mort
des
individualités
singulières)
qui est aussi celui du surgissement de l'Idée,
en
toute liberté spirituelle
l'Idée du connaître.
2.
LE CONNAITRE
l'intériorité fondée en liberté.
"La
vie
dans
son
jugement
est
le
connaître
en
général"
76
Si
la
vie,
comme
cela
s'est
précisé
ci-dessus,
est le concept immédiat,
le connaître va maintenant en montrer
l'auto-médiation.
Le
connaître
est
l'auto-différenciation
du
concept immédiat.
"Le connaître,
au titre du se-réfléchir égal
à
soi-même,
réfléchit
en
soi
la
Logique
entière"
77
Le
connaître
consiste
donc
dans
le
différencier
de
l'uni té
des
différences.
Comme
tel,
i l
est
d'abord
un
différencier
pour-
soi
de
la
vérité
de
l'individu,
l'esprit
singulier,
un
immédiat encore
subjectif en quête du vrai
l'idée
théorique
du
vrai,
analytique
et
synthétique
i l
est
ensuite
l'idée
pratique du
bien.
75 WL II 428.
22
SL III 300.
23 cf p.
299 note 91:
"Le genre est l'identité de soi
à
soi comme identité universelle ...
qui s'exprime dans l'effectivité idéelle.
une première fois
dans ce
que
l'on peut dire ètre le microcosme du genre ou
son principe (l'infiniment peti t
du
germe.
ou
trouve
origine
toute
croissance),
une
seconde
fois
dans
le
macrocosme
des
gênêrations
qui
s'engendrent
et
se
remplacent l'une l'autre.
76 WL II 429. 11-13
SL
III 303. 1-3 • note 1:
Le chapitre où Hegel aborde le connaitre est le deuxième des trois qu'il consacre à l'Idée. Le
terme jugement employé ici pour qualifier d'entrée de jeu le connaître est significatif de l'intention de
Hegel:
instituer "un rapport structurel.
terme à
terme.
entre la vie et le concept.
le connaître et le
jugement". Ainsi "l'Idée absolue, ..
est de l'ordre du syllogisme.
Les deux premiers moments.
la vie et le
connaître.
sont
des
étapes
sur le
chemin de
la réalisation du
Concept:
totalité
en
soi
tout
d'abord;
différenciation pour soi ensuite. mais sans que la réalité seulement intérieure rejoigne encore un être-
là effectif. Cette unité réelle de l'întérieur et de l'extérieur sera justement l'Idée absolue"
77 Hegel LMI.
tr. SO p.
151
223
a)
L'Idée
théorique
du
vrai.
Dans
son
immédiateté
donnée,
"l'idée
subjective
est
d'abord
tendance"
78
Cette
formulation
pose
d'emblée
la
double
dimension
de
l'idée
du
vrai,
à
savoir celle du
sujet et de l'objet,
de l'essentiel
et
de
l ' inessentiel
l'universel
concret
qu'est
l'individu
singulier.
Cependant,
le terme tendance pourrait prêter à une
interprétation erronée
en
effet,
il
ne
porte
pas
ici
sa
charge
psychologique
habituelle
il
exprime
plutôt
le
mouvement
du
concept
vers
l'objectivité
extérieure
qui
s'indique dans
ce
dernier.
La
tendance
traduit
donc
dans
ce
contexte
le
pur
mouvement
de
continuité
de
soi
à
soi
du
concept,
pour
se poser en pour-soi,
face
à
un étant en-soi;
ainsi
fait-il
"de
sa
propre
réalité
d'abord
abstraite
la
réalité
concrète
et
de
l'emplir
avec
le
contenu
du
monde
présupposé
par
sa
subj ectivi té"
79
par
là,
la
certitude
absolue
de
soi-même
pour
laquelle
le
monde
objectif
est
l'être-autre
indifférent,
l'inessentiel,
est aussi
tendance à
sursumer
ce
monde
qui,
pour
le
moment,
est
simplement
présupposé
ce double mouvement réflexif
pose déj à,
certes
de
façon
encore
formelle,
une
identi té
déterminée,
celle
d'un
contenu,
un
contenu
placé
sous
mode
d'un
immédiat
simplement
donné,
mais
dont
l'auto-médiation
réflexive
complète
dira tous les attendus.
La tendance,
ainsi comprise,
78 WL II 439.8
SL III 315.12
79 WL Il 439.15-16
SL III 315.19-20
224
se
montre
mouvement
de
la
vérité
80
qui
est,
en
d'autres
termes,
tout
le
mouvement
du
connaitre,
celui
qui
porte
tout
le
Système
et
que
celui-ci
développe
jusque
dans
la
figure
dernière de sa vérité
l'Idée absolue,
intégration achevée de
tout
l'intérieur
et
de
tout
l'extérieur.
Ce
mouvement
du
connai tre
qui
s'est
dégagé
ci -dessus
en
termes
du
"jeu
de
l'unité
et
de
la
différence"
81,
va
préciser maintenant
ses
propres
déterminations.
En
tant
que
l'idée
du
connai tre
est
considérée d'une
façon générale,
dans
son phénomène,
d'emblée
immédiat,
dans une communication toute aussi directe,
elle est
simple
"acte-d'accueillir et de
saisir
des
déterminations
comme trouvées-déj à
là"
82
C'est ce commencement
absolument
indéterminé
du
premier
immédiat
que
Hegel
qualifie
d'analytique
à savoir une plongée,
sans entrave,
ni obstacle
aucun,
du sujet dans l'objet
un pur entrelacement de l'un et
de
l'autre.
Il
ne
s'agit
donc
pas,
en
tout
cas
pas
pour
l'instant,
d'une
analyse,
au
sens
habituel
du
terme,
mais
de
80 Mouvement de vérité.
c'est bien celui du procés dialectique.
ou de l'auto-détermination du
contenu:
la vérité en est le prix. et la philosophie l'entreprise. Engagé dès le tout début de la Logique
objective.
avec l'étre.
le premier immédiat indéterminé.
ce mouvement de vérité va redéployer ici.
dans
ce chapitre sur l'Idée du connaître.
dernière étape avant l'Idée absolue.
tous les acquis par le concept
au
cours
des
étapes
précédentes.
Hegel
multiplie
les
reprises
et
les
renvois
aux
développements
antérieurs. non point par besoin de simples remplissages. mais plutôt pour leur redéploiement au coeur de
l'accomplissement
du
concept:
quelques
exemples
sont
significatifs
dans
ce
sens:
l'évocation
de
l'ancienne
métaphysique (Ency. §
34):
le
retour.
une
fois
de
plus.
à
sa
cri tique
de
Wolf
et
de
Kant.
critique
sans
cesse
reprise
à
propos
de
la
vérité
du
concept(Ph.O
48/25:
l
51/14):
nous
retrouvons
également
les grandes
lignes de
l'Encyclopédie.
consacrées à
"L'Esprit Subjectif"(Ency.§§ 388 et
suiv:
l'âme:
§§
413
et
suiv:
la
conscience:
§§
440
et
suiv:
l'esprit.).
Hegel
précède
aussi
le
traitement
logique de l'Idée du connaître
de "L' Espri t
Objectif".
dans
les premières
figures de celui-ci (Ency. §§
483
et suiv.l.
figures
tout autant marquées comme celles de l'Esprit Subjectif.
par la finitude.
D'une
plume.
il rappelle les formes supérieures de l'Esprit Objectif(Ency. §§ 552 et suiv:
Ethicité.
l'Etat et
l'Histoire
universelle)
et
ensuite
l'unité
structurelle
du
Système
en montrant
la
place
mèdiane
qu'y
occupe
la
Logique.
venant
aprés
la
Phénoménologie
et
avant
les
"Sciences
réelles"
naturelle
et
spirituelle (Ency. § 577).
Ces rappels portent tous l'unique intention qui est celle de signifier l'unité
du même mouvement:
celui de la vérité.
81 cf ci-dessus ch. 1 note 53
82 WL II 442.22-23
SL III 319.16-17
225
cette
relation
immédiate
qui
s'est
montrée
ci-dessus
comme
celle du commencement absolu,
relation dans et par laquelle le
sujet est d'emblée au monde.
"Le connaître analytique a
... en
général cette identité pour son principe,
et
le passage dans
autre
chose,
la
liaison de
termes divers,
est
exclu
de
lui-
même,
de
son
activi té"
83.
Dans
ce
sens
général,
initial,
l ' identi té
ici en question est
purement et simplement
posée;
comme
telle,
elle est
une
tâche,
en tant
que
tout
le
posé,
objet
en
elle
"présupposé"
ou
"représenté" ,
devra
se
déterminer,
se préciser. Mais,
cette tâche s'effectuera sur la
base d'une processualité de la totalité conceptuelle,
à savoir
comme
déploiement
et
distinction
des
moments
divers
et
constitutifs
de
cette
identité
première.
Car
"Il
est
tout
aussi
unilatéral
de
représenter
l'analyse
comme
si
dans
l'objet rien n'était qui ne se trouve inséré dans lui,
qu'il
est
unilatéral
d'être
d'avis
que
les
déterminations
qui
se
dégagent
se
trouvent
seulement
tirées
de
lui".
Ainsi,
Hegel
précise,
une
fois
de
plus,
que
la vérité
est
à
tout
jamais
l'identité
d'un rapport d'altérité,
"unité de déterminations
différentes"
84 ,
unité
s'opérant
dans
et
par
le
mouvement
d'unification
des
différences,
sans
intervention
"d'autres
intermédiaires
85.
Mais,
à
ce
niveau d'immédiateté
première,
le progresser du connaître est simple répétition et n'est pas
un progresser véritable.
On est dans
le pur
formel du
"déjà-
là-par
avance"
86
des
relations
de
principe:
sujet
et
objet
sont
encore
dans
une
autonomie
quasi
immobile,
de
type
83 WL Il 443.16-20
SL III 320,23-25
84 Ency.
§
82
Tr.
BB 344.
85 WL Il 444.24-25
SL III 322.2-3
86 WL II 445.15
SL III 323,1
226
monadique.
La
médiation
proprement
di te,
la
négation,
n'est
pas encore présente de façon active.
Avec
elle
seulement
commencera
l'analyse
véritable,
à
savoir
le
mouvement
du
différencier
des
moments
divers
du
concept
la
vérité
en quête
d'elle-même
87.
Or
le
mouvement
de
celle-ci
se
doit
d'être
total
et
intégral
aussi
son
analyse
doit-elle
être
immédiatement
sa
synthèse
car
de
"l'acte
de
saisir
ce
qui
est"
(analyse)
et
de
"l'acte
de
concevoir ce qui est"
(synthèse)
dépend la vérité du connaître
théorique
vrai.88
s'impose
donc
le
passage
de
cette
immédiateté de
l'analyse,
une
analyse qui pourrait
s'en
tenir
à
la
fixité
des
termes,
à
la
médiation,
à
la
réflexion,
moment
de
la
différence
qui
est
ici,
dans
l'économie
du
concevoir,
le moment de la définition et de la division
87
cf
ci-dessus
ch.
2
note
27.
Hegel
prend
ainsi
soin
de
distinguer
entre
le
connaitre
analytique et l'analyse: celle-ci s'est déjà signalée comme le premier moment de tout procès dialectique.
L'analyse se montre par là comme mouvement de remontée.
de retour vers la source de l'immédiat premier.
de
l'universel
simple:
la
synthèse
est
son
autre:
la méthode
absolue,
la
dialectique
est
leur uni té
différenciée. (cf WL II 491-492 SL III 376-377}.
88 WL II 450.24-26
SL III 328.27-28
227
a. 1 - La définition a affaire,
tout d'abord,
avec ce qui
est,
ce
qui
est
saisi,
l ' obj ectivi té
encore
immédiate,
dans
" la
forme
du
concept" ,
89
dont
les
moments
sont
"l'universalité,
la
particularité
et
la
singularité
90
La
fonction
synthétique
de
la
définition
est
de
poser,
d'unifier le singulier donné,
sous le genre,
l'universel,
par
la médiation de l'espèce
particulière (la division:
par là
l'objet singulier est reconduit à
son concept.
Il
suit de là
que
la
définition authentique qui
a
rapport
à
cette
finalité
conceptuelle
ne
peut
se
contenter
d'être
une
simple
description
(die
Beschreibung)
présentant
l ' obj et,
de
façon
purement
extérieure
"la
description
est
pour
la
représentation"
91
: mais la définition
ne doit pas non plus
être
une
abstraction,
pas
même
du
genre
des
définitions
de
type
géométrique
par
ailleurs,
la
comparaison
(die
Vergleichung) ,
simple
mise
en
relation
par
juxtaposition
extérieure
"d'objets concrets de
la nature
aussi
bien que de
l'esprit" 92,
n'est pas davantage une définition conceptuelle.
Car
celle-ci
exige
un
vrai
mouvement
d'auto-détermination
de
l'objet
par
quoi
la
totalité de
celui-ci
en vient
à
dire
sa
propre
universalité
concrète.
Le
concept
simplement
énoncé
n'est
donc
pas
un
concept
défini.
Aux
yeux
de
Hegel,
on
ne
saisit,
en vérité,
l'immédiat donné qu'au travers du mouvement
de sa propre médiation.
"La définition ne peut par conséquent
saisir
son
objet
que
par
la
détermination
op-posée,
et
doit
89 IoIL II 451.33
SL III 330.12
90 lac.
cit.
91 IoIL II 452.14-15
SL III 330.28
92 IoIL II 454.8-10
SL III 332.36
228
par
conséquent
passer
à
la
division"
93
a.
2
La
division
trouve
sa
nécessité
dans
l'universel,
lequel doit montrer sa vérité dans
le particulier.
En effet,
tant que l'op-position ne s'est pas précisée,
bien déterminée,
la déf ini tion de l' obj et ne pouvait pas non pl us être posée.
La division est l'instance privilégiée de ce travail; elle est
le moment
de
la
particularité.
Or,
le
statut du
particulier
est
cela
justement
qu'il
est
traversé
par
son
autre,
l'universel qu'il présuppose et qui le détermine
la division
(die Einteilung)
prend donc en compte cette situation,
cette
base à
partir de laquelle elle "se présente comme disjonction
de
l'universel,
entendu
comme
le
terme
premier"
94
ou
l'immédiat premier.
S'instaure alors tout un mouvement allant
de l'universel au particulier et inversement,
par la médiation
du
singulier,
mouvement
dont
la
vérité
sera
le
théorème,
mouvement
qui
"est
fondement
et
possibilité
d'une
science
synthétique,
d'un
système,
et
d'un
connaître
systématique. 95
Or,
l'évocation d'un tel connaître permet à Hegel de faire le
point,
comme
s'il
en
était
besoin,
sur
le
concept
du
commencement,
par un retour critique qui est en même temps une
reprise rapide de son texte
" Quel doit être le commencement
de
la
Science
?
"96
Mais,
dans
l'économie
présente
de
la
division,
il précise
que le commencement ici en question est
d'abord dans
la
"forme d'un
universel"
97
;
il est ensuite,
ajoute
Hegel,
un
universel
concret,
à
savoir
que
cet
universel
ne
saurait
prendre
ni
la
forme
abstraite
d'un
93 WL II 458.1-3
SL III 336.12-14
94 WL II 458.16-17
SL III 336.26-27
95 WL II 458.23-25
SL
III 37
96 WL 1
51 sq.
SL 1
39 sq.
97 WL II 458.27
SL III 337.
7
229
universel
purement
objectif
(la
nature),
ni
celle
d'un
universel purement subjectif
(l'esprit).
En effet,
chacune de
ces
formes,
prise
de
façon
unilatérale,
conduirait
à
"un
idéalisme subjectif qui passerait d'un universel vide,
valant
d'abord pour soi,
à une concrétude historique seconde"
98.
Le
seul ordre à prévaloir ici comme ailleurs et toujours est donc
l'ordre logique,
celui dans lequel "l'universel est le premier
moment-conceptuel,
parce
qu'il
est
le
simple,
et
le
particulier
est
seulement le moment
suivant,
parce qu'il
est
le médiatisé
et à
l'inverse,
le simple est
le moment
plus
universel,
et
le
concret,
entendu
comme
le
différencié
dans
soi,
partant le médiatisé ; ce qui présuppose déjà le passage
à partir d'un premier"
99.
L'universel,
le particulier et
le
singulier,
en d'autres termes,
l'identité,
la différence et la
contradiction,
telles
sont
les
déterminations
simples
de
la
pensée,
catégories premières,
les seules à pouvoir "être tout
entières
tirées
et
déduites
de
l'acte
simple
par
lequel
l'esprit se rapporte à
sa propre objectivité"
100
Faute de
respecter
cet
ordre
logique
du
réel
ou
dans
le
réel,
on
s'embarque dans des divisions qui accuseront des insuffisances
qui,
à
leur tour,
produiront des définitions inconsistantes à
cause
de
cette
déficience
au
niveau
de
la
division.
Cependant,
il n'a pas manqué de sciences, même
parmi des plus
respectées
de
leur
histoire,
à
tirer
gloire
d'un
pareil
résultat
101.
Par
conséquent,
il
importe
alors
de
bien
98 SL III 338 note 155.
99 WL II 459.18-23
SL III 337.32-37
100 SL III 323 note 104 in fine cf aussi Ph.G 179.16-180.9;
l
200.15-201.16.
101 Hegel
fait.
en passant.
la critique de certaines de ces sciences(la géométrie.
la physique
... ) en l'état où elles se trouvaient au 19ème siècle.
230
préciser
de
quoi
on
parle,
quand
il
est
question
de
l'universel dans son rapport au particulier,
et cela à propos
de
la
division.
Si
l'on
considère,
comme
cela
se
trouve,
l'universel
dans
sa
différence
d'avec
le
particulier,
comme
déj à déterminé,
mais de
façon abstraite,
on en
fait
purement
et
simplement
un
membre
de
la
division
alors
que
la
déterminité "ne doit être qu'une marque,
c'est-à-dire un moyen
en
vue
de
la
connaissance
extérieure
à
l'objet,
seulement
subj ective"
102. A un tel
universel abstrait se trouvera un
autre
universel
supérieur;
et
ainsi
de
sui te;
on
s'en
irait
donc
développant
un
faux
infini.
Or,
la
connaissance
vraie
exige au
contraire
un universel
concret,
totalité
immédiate,
dans
la
forme
du
concept,
c'est-à-dire,
possédant
par
conséquent en soi
le principe de
sa propre médiation,
de
sa
division
ou
de
sa
différenciation.
Cela
signifie
que
la
déterminité exigée pour le connaître analytique véritable est
donc
de
l'ordre
de
l'immédiateté
concrète
;
ainsi
la
bonne
division,
le moment
de
la particularisation
(deuxième moment
du
concept),
doit
se
montrer
comme
étant
le
moyen-terme,
c'est-à-dire,
l'instance à la fois de la différence pressentie
et du passage à la singularité tout aussi concrète,
ou l'accès
au troisième moment du concept,
qui est ici,
en l'occurrence,
aussi
la
troisième
et
dernière
étape
de
la
connaissance
de
l'idée du vrai: le théorème.
102 Ency.
§
229
Tr.
BB.
456
231
a.
3
-
Le Théorème
(der Lerhsatz)
est la vérité du
connaître
analytique
et
synthétique
"Dans
la
singularité concrète,
et d'une manière telle que la
déterminité
simple
dans
la
définition
est
appréhendée
comme
un
Rapport,
l'ob-jet
est
une
relation synthétique de déterminations différentes
;
- un théorème Leur identité, parce qu'elles sont des
déterminations
diverses,
est
une
identité
médiatisée.
L'acte
d'apporter
les
matériaux
qui
consti tuent
les
moyens-termes
est
la
construction,
et
la
médiation
même
d'où
surgit
la
nécessité
de
cette
relation-là
pour
la
connaissance,
est
la
preuve".
103
Hegel condense dans ce paragraphe de l'Encyclopédie,
tout
le long développement consacré aux
problèmes du théorème et
de la preuve
dans la Grande Logique. Aussi,
ce texte résume-
t-il
l'argumentation
exposée
dans
la
Logique.
Le
théorème
étant
la
définition
posée
comme
définition
de
l'objet
est
l'expression de la Singularité concrète.
Celle-ci est donc un
Rapport d'identité médiatisée,
la construction. Mais l'acte du
connaître doit
développer le mouvement du concept,
celui de
la
nécessité,
appelé
ici
la preuve.
Reprenons
chacun
de
ces
moments de l'argumentation,
véritable jeu de l'identité et de
la différence, de l'intériorité et de l'extériorité.
La
singularité
concrète,
au
niveau
du
théorème,
c'est
103 Ency.
§
231
Tr.
BB.
456
232
l'objet défini et posé comme tel.
Or,
nous le savons,
l'objet
n'en
vient
à
un
tel
statut
qu'une
fois
posées
et
réunies
toutes les conditions de son existence. Aussi est-il identique
au mouvement dont il résulte,
à
savoir l'uni té du contenu de
celui-ci
en effet,
"selon l'essence,
l'objet
est
la même
chose que le mouvement.
Le mouvement est le déploiement et la
distinction
des
moments
1 ' obj et
est
leur
rassemblement
et
leur unification"
104.
Ainsi le singulier se trouve être la
figure
concrète de
l'universel,
la définition de celui-ci et
ce
en
tant
que
l'unité
du
mouvement
d'unification
de
déterminations
différentes
par
conséquent,
" le
théorème ...
est
le
synthétique
proprement
dit
de
l'objet"
105 ,
et
la
singulari té
se montre,
être,
à
la
fois,
le mouvement
et
le
contenu
du
théorème.
Celui-ci
articule
donc
en
et
pour
soi
cette double dimension sienne
:
"la déterminité se rapportant
à
soi ... " et le "rapport les unes aux autres des déterminités
diverses"
106.
Dans
et
par
cette
double
dimension,
le
théorème doit précisément, pour être vrai, montrer plus que le
simple
jeu
du
mouvement
des
différents
moments,
mais
bien
démontrer aussi
leurs liens nécessaires
ainsi en vient-il à
être
le
procès
médiatique
authentique,
en
développant
le
rapport
de
détermination
conceptuelle,
qui
est
le
seul
à
pouvoir fonder,
en vérité,
le synthétique,
dans l'identité du
concept.
Or,
dans
la
définition
et
la
division,
cette
"liaison assumée extérieurement"
107
réussit
tout
au plus à
montrer le contenu théorique,
sans pouvoir le démontrer,
ni le
104 Ph.G. 89,25-28
l 93,15-17
105 WL II 464,30-31
SL III 343,18-19
106 WL II 464.14-17
SL III 343,4-6
107 WL II 464,34-35
SL III 343,22
233
prouver,
alors
que
s'impose,
pour
cette
exigence,
une
liaison
assumée
dans
toute
son
extension
extérieure
et
intérieure.
La
définition
pose
le
concept
dans
sa
forme
universelle
la
di vision
exprime
une
détermini té
en
regard
d'autres déterminités ;
la singularité articule l'extériorité-
réciproque dans
soi-même et est
le concept dans
son être-là.
Mais
leur
unité
vérifiée,
prouvée,
n'est
pas,
pour
autant,
réellement connue:
le connaître étant encore "dans l'acte-de-
chercher"
108
Cependant,
on
a
cru,
ironise
Hegel,
pouvoir
éviter de s'obliger à
"prouver ...
ces mêmes relations que les
théorèmes expriment,
et se contenter de la perception"
109
;
alors, qu'en fait, on a seulement réussi à construire.
La
construction
( die
Konstruktion),
au
sens
que
Hegel
donne
à
ce
terme,
"acte
d'apporter
les
matériaux
qui
consti tuent
les
moyens-termes"
110
ressortit
au
formalisme
que
Kant,
aux
yeux
de
Hegel,
contribua
à
répandre
dans
l'univers de la mathématique surtout.
Ce qu'il y a
là en fait
de construction n'est
rien d' autre
si
ce n' est
"d' abstrai tes
déterminations
d'intuitions
sensibles
tirées
de
la
perception,
avec
évitement du
concept"
111
Mais
la
simple
perception
a
affaire
à
la
représentation
;
tandis
que
le
connaître vrai s'occupe du concept; par là le "prouver devient
donc ici nécessaire à ce connaître lui-même"
112
La
preuve
(der
Beweis) ,
est
le
moment
de
la
108 WL II 464.26
SL III 343.14
109 WL II 465.3-6
SL III 343.27-28; 344.1
110 Ency. § 231
Tr.
BB. 456
III Ency. § 231.rem.
Tr.
BB.
456
112 WL II 465.20-21
SL III 344.12-13
234
démonstration.
Prouver
c'est
faire
voir
et
saisir
le
traitement de la diversité dans l'unité du théorème;
c'est en
somme exposer
les
liens
nécessaires
conduisant
la di vision à
l'unité
théorique
la
preuve
est
donc
le
mouvement
de
l'unification
du
divers.
Comme
telle,
la
preuve
est
"la
médiation
même d'où surgit la nécessité de cette relation-là
pour
la
connaissance"
113
Or,
comme
nous
le
savons,
le
rapport
de
nécessité
a
deux
formes
l'une,
extérieure
et
formelle,
ressortit à
la connaissance finie;
l'autre,
réelle
et
vraie,
conduit
le
mouvement
"du
concept
se
rapportant
à
soi"
114
Il
convient
donc
de
bien
discerner
les
détérminations de l'objet: celles relevant de la définition et
celles
relevant
du
théorème
les
premières
développent
naturellement
la
ligne
infinie
des
connaissances
finies
tandis
que
les
secondes,
moment
du
recourbement
sur
soi
de
l'évolution linéaire,
mènent le procès de la preuve à l'unité
différenciée de la définition et de la division,
unité qui est
la
vérité
du
connaître
théorique.
Telle
est
la
nécessité
spéculative
par
quoi
et
en
quoi
se
réalise
l'unité
du
mouvement
et
de son contenu
l'idée
subjective,
en et
pour
soi
déterminée,
ou
la
liberté
fondée
en
intériorité
ainsi
déterminée,
elle passe maintenant dans
l ' extériori té,
"l'idée
pratique, l'opérer 115:
l'Idée du bien.
113 Ency loc.cit.
114 Ency § 232
Tr.
BB. 458
115 Wt II 477.26-27
St III 358.15
235
b) -
L'Idée du Bien.
Avec
l'idée de
bien et
le mouvement
de
son
unification
avec celle du vrai,
le penser hégélien montre
son originalité
et
sa
fécondité,
dans
l'une
de
ses
figures
et
expressions
optimales.
Ce
point
est
capital
i l
nous
faut
précéder
son
développement d'une introduction.
b.
l
-
Introduction
Les déterminations de l'esprit.
Que l'esprit soit le principe et la vie du mouvement de
tout
le
système,
voilà qui
s'est
dégagé déjà
pour nous.
116
Mais,
le moment
de cette dernière
étape de
la
Logique,
avant
l'Idée absolue,
est
l'instance,
privilégiée entre
toutes,
où,
plus que jamais,
Hegel donne à voir la vérité de la loi de la
continuité du principe dans le mouvement de différenciation et
d'unification
de
ses
déterminations
diverses
dans
l'unité
dialectique de ces dernières.
La circularité de l'esprit nous
a
déj à
montré
ceci
la
force
qui
meut
le
système
et
que
celui-ci
développe
est
de
nature
spirituelle.
Maintenant,
l'esprit va
se montrer à
la
fois
intelligence et volonté,
en
se
déterminant
pensée
voulante
et
vouloir
intelligent.
La
force
qu'il
est,
va
se préciser
en
termes
de
tendance
de
et
désir,
c'est-à-dire
essentiellement
d'activité.
De
cette
activité,
la
connaissance
théorique
s'est
montrée
désir
de
savoir,
désir posé dans sa déterminité intérieure,
subjective,
comme le savoir fondé en liberté;
l'activité pratique est la
réciproque
extérieure,
objective,
du
même
mouvement
de
116 cf ch.
2 note 1 et l'Ency.
§§ 236 et 577.
236
l'esprit.
Ainsi
l'esprit
se
montre-t-il,
à
la
fois,
le
principe et le mouvement de l'unification de l'idée théorique
et
de
l'idée
pratique.
Deux
textes
majeurs
en
formulent
l'enseignement
d'abord
celui
de
l'expérience
de
la
conscience percevante
117.
Là,
dans l'immédiat de l'objet,
la
conscience
le
saisit
d'abord
comme
un
"purement
Un",
un
singulier
mais
en
celui-ci
la
conscience
intui tionne
une
propriété universelle faisant de ce singulier quelque chose de
plus
que
ce
qu'il
paraît
l'objet
est
donc,
à
la
fois,
ce
qu'il est et ce qu'il n'est pas
mais cette non-vérité de
l'objet,
la conscience la reconnaît comme étant de son côté à
elle
c'est
elle
en
somme
qui
a
introduit
cette
dimension
universelle
à
cause
de
celle-ci,
la
conscience
interprète
l'essence
objective
comme
une
communauté
en
général.
Pour
cette
raison,
l'objet
est
maintenant
à
la
fois,
"propriété
déterminée,
opposée
à
un
autre
et
excluant
cet
autre" 118:
ainsi ce qui paraissait être une communauté n'était réellement
pas
une
communauté
vraie,
puisqu'en
elle
est
présente
l'opposition excluante ; on voit là qu'un tel rapport articule
une
relation
faite
de
continuité
et
de
discontinuité
;
d'un
côté
l'Un,
exclusif,
rassemble
de
nombreuses
propriétés
mais celles-ci demeurent indifférentes les unes aux autres;
ce
caractère ramène au point initial,
celui
de
la continuité en
général,
et
le présente comme
"un milieu commun universel
où
aucune
des
déterminations
n r a
un
ici
différent
des
autres,
mais chacune est pourtant dans le même ici où les autres sont"
119.
Cependant,
de l'autre côté,
n'est pas perçu
"un milieu
117 Ph.G.
93.19-40: 94.-24
1 98.1-34; 99.1-8
118 Loc. cit.
119 Loc cit
1 95.23-25
237
universel,
mais
la
propriété
singulière
pour
soi"120.
Que
s'est-il
passé
?
La
conscience
est
tout
simplement
devenue
"seulement
visée
du
ceci"
121
et
voilà
la
perception
revenue au point de départ; elle s'est sursumée.
De
cette expérience de la conscience,
expression vraie
de
l'implication
mutuelle
du
sujet
et
de
l'objet,
nous
trouvons
formulé
le
principe
dans
l'Encyclopédie;
c'est
le
second texte :
"Les
productions
de
l'esprit
sont
conformes
à
la
détermination de la raison,
à
savoir que le contenu
soit aussi bien le contenu étant en soi que,
suivant
la
liberté,
le
sien.
Ainsi,
en
tant
qu'il
est
déterminé
dans
son
commencement,
une
telle
déterminité est la même déterminité doublée,
celle
de l'étant et celle du sien;
suivant celle-là,
il a
à
trouver dans lui-même,
quelque chose comme étant,
suivant
celle-ci
à
le
poser
seulement
comme
le
sien"
122
Ce texte traduit de façon incontournable et fondamentale
cette même
unification du
sujet
et
de
l'objet,
en
termes
de
l'identité de l'étant et du sien,
du "Seinende et du Seinige":
mouvement de déterminité redoublée que nous connaissons déjà.
Mais
la
différence
avec
les
autres
formes,
c'est
que
nous
sommes
ici
au
coeur
même
des
propres
déterminations
de
l'esprit,
dans
et
par
lesquelles,
celui-ci
est
à
la
fois
120 lb.
l
98.28-29
121 lb.
l
99.3
122 Ency. § 443
Tr.
BB 238
238
intelligence et volonté,
c'est-à-dire comme le ..principe actif
d'un
vouloir
intelligent.
Déjà,
"Aristote
affirmait
que
le
boulétikon
est
toujours
dans
le
noétikon:
mais
ce
qui
n'apparaissait point dans la philosophie d'Aristote,
c'est que
la converse est vraie elle aussi et qu'il faut penser vouloir
et
intelligence
comme
réciproquement
immanent
l'un
à
l'autre"123.
Pour
Hegel
l'esprit
est
l'unité
concrète
de
l'intelligence
et
de
la
volonté,
uni té
qui
différencie
ses
divers éléments constitutifs :
a) l'esprit théorique a affaire avec le rationnel; il le
pose
comme
le
sien
ainsi
libère-t-il
le
savoir
de
la
présupposi tion,
lequel
est
du
coup
rendu
subjectif
dans
sa
déterminité,
posé
en
et
pour
soi.
En
tant
que
libre
intelligence,
l'esprit
est
p)
volonté
ou
esprit
pratique;
celui-ci,
pareillement,
a un contenu comme étant le sien ;
il
est désir,
tendance,
vouloir. De ce contenu volitif subjectif,
l'esprit
se
libère;
il
devient
alors
r)
espri t
libre:
sursomption de la double unilatéralité d sujet de l'objet124 :
l'esprit
libre,
précise
encore
Hegel,
est
"la
raison
telle
qu'elle
se
scinde,
d'un
côté,
en la
forme
pure,
infinie,
le
savoir sans
forme,
et,
de l'autre côté,
en l'objet
identique
avec celui-ci
Le principe de l' espri t
libre est de poser
l'étant
de
la
conscience comme
un être
appartenant
à
l'âme,
et,
inversement,
de
faire
de
l'être
appartenant
à
l'âme
un
être objectif.
Cet esprit se tient,
comme la conscience,
face
à l'objet en tant que l'un des côtés,
et il est,
en même temps
123 B. Quelquejeu "La volonté dans la philosophie de Hegel" oc. p.
158.
124 Ency. § 443
passim
Tr.
BB 238
239
les deux côtés,
donc totalité". 125.
Le procédé ·actif d'un tel
esprit est l'enjeu de l'idée du bien dans le syllogisme de sa
réalisation pratique.
b.
2
Le
syllogisme
de
la
réalisation.
Le
traitement
logique de l'agir implique,
nous le savons,
la distinction du
but
du
moyen
et
de
l'oeuvre
126
d'abord
dans
l'agent
est
présent
le
but,
comme
objet;
ensuite,
le
mouvement
ou
le
passage
du
but
à
la
réalité
effective
est
le
moyen;
enfin,
l'oeuvre
accomplie,
unité
effective,
est
pour
l'agent
opérateur comme un Autre. L'exigence de cette unité est la loi
de
la
continuité,
de
telle sorte qu'entre
le sujet
actif et
l'objet
ne s'introduise aucune différence,
ni entre le moyen
et l'oeuvre conduite à sa réalisation effective
telle est la
règle du rapport de finalité,
à savoir que l'un,
le but,
doit
être la vérité de l'autre, l'oeuvre,
et vice versa
127
Dans le syllogisme de la réalisation, nous retrouvons ces
trois moments
le premier est celui de la première prémisse
qui porte l'idée du bien;
le deuxième moment ou celui de la
seconde
prémisse
est
l'instance
de
la
contradiction
;
le
troisième moment
pose le bien comme bien,
c'est-à-dire comme
réalisation
effective
de
l'idée
théorique
et
de
l'idée
pratique
Idée
absolue.
En voici
l'analyse plus
déterminée,
plus approfondie.
La première affirmation pose le bien; celui-ci résulte de
l'idée
subjective
il
est
"déterminé
en et
pour
soi
et
le
125
id
§
440 add.
Tr.
BB 537-538.
126 Ph.G.pp.
286 sq.
l pp.326 sq. cf aussi WL II 384
sq.
SL III 248 sq.
127 WL II loc. cit
SL III loc. cit.
240
contenu
égal
à
lui-même"
128.
Mais
comme
tel,
le
bien
(das·
Gute) ,
c'est
la
"Totalité
du
concept
dans
soi
incluant
dans
soi
l'exigence
de
l'effectivité
extérieure
singulière"
129
;
i l est donc effectivité subjective,
tendance et activité
à
déterminer
son
but
propre,
le
monde
trouvé-là:
activité
en
vue
de
sursumer
les
déterminations
de
ce
monde
extérieur.
Ainsi déterminé,
le bien est le vouloir
(das Wollen)
immédiat,
c'est-à-dire
un
résultat
qui
a
"
d'un
côté,
la
certitude
du
caractère de néant de l'objet présupposé,
d'un autre côté,
en tant que réalité finie,
i l présuppose en même temps le but
comme Idée seulement subjective et la subsistance- par- soi de
l'objet"
130.
Comme
telle,
cette
unité
du
vouloir
est
contradictoire,
en
tant
qu'en
elle
le
rapport
de
finalité
s'atteint
dans
l' op-posi tion
des
extrêmes
le
but
du
bien
est à la fois réel et possible.
Cette contradiction est le moment du moyen
:
instance de
la
deuxième
prémisse.
Par
conséquent,
l'activité
de
la
fin,
"l'idée-de-volonté,
(die
Willensidee)
entendue
comme
l' auto-
déterminant,
a
pour soi
le contenu dans
soi-même"
131.
Moment
de
la
particularité,
la
volonté,
force
d'auto-détermination
intérieure,
est
alors
absolue
en
tant
"qu'elle
implique
en
elle-même
la
nécessité
de
s'exprimer
comme
contingence"
132.
Là s'indique déjà tout le rôle du moyen,
entendu comme moyen-
terme,
"déterminé et plein de contenu"
(bestimmte inhaltsvolle
Mi tte)
133
intériori té
mutuelle
des
extrêmes
l'intérieur
128 Ency § 233
Tr.
BB 458.
129 WL II 478.
14-16
SL III 359.17-20
130 Ency. § 233
Tr. BB.
459
131 WL II 478.32-33
SL III 360.7-8
132 SL III 360 note 258 in fine.
133 WL II 314.1
SL III 160.1
241
et l'extérieur.
Mais,
cette situation est instable;
le but et
l'oeuvre
se
médiatisent,
sont
en
rapport
de
présupposition
mutuelle
le moyen est aussi bien la fin et réciproquement.
Mais
le
bien,
en
tant
qu'il
est
seulement
bon
du
côté
subjectif,
a
un
être-là
contingent
qui
ne
correspond
pas
vraiment
à
son
idée.
L'être-là
n'est
pas
celui
qu'il
faut;
l'être-là et le "devoir-être"
sont en quelque sorte des biens
"bornés"
en rapport conflictuel
134
Car
le bien en et
pour
soi,
est
un
simple
"devoir-être"
abstrait
;
de
son
côté
l'être,
déterminé
de
manière
également
unilatérale,
est
lui
aussi un
"non-être"
;
deux mondes
subjectif et objectif
sont
ainsi en opposition
"l'un un royaume de la subjectivité dans
les espaces purs de la pensée transparente,
l'autre un royaume
de
l'objectivité
dans
l'élément
d'une
effectivité
extérieurement variée qui est un royaume clos des ténèbres 135 .
Telle
se
donne
à
connaître
la
figure
de
la
contradiction
résolue de la finalité du simple devoir-être,
"expression des
discordances
entre
la
visée
morale
et
sa
traduction
en
effectivité"
136.
L'idée
est
ici
la
conscience-de-soi
déterminée ;
mais sa déterminité est de telle manière que son
uni té
subj ective est seulement traversée
par
la
référence en
elle
de
l'objet.
Or,
pour
être
une
unité
parfaitement
accomplie
et
effective,
il
lui
faut
s'affirmer,
à
la
fois,
comme
suj et
conscient
de
soi,
en
et
pour
soi,
et
pour
un
autre.
Faute
d'être
l'unité
de
cette
double
altérité,
le
procès
de
la
réalisation
offre
le
triste
spectacle
d'un
134 SL III 361 n.
261 cf aussi Ph.G. 331.36:
Il 3l.l0:"collision du devoir avec le devoir" Division
radicale de la conscience d'avec elle-même que Hegel considère comme le principe de la folie{PH.G.
271.5:
1 308.14
135 WL Il 480.14-18
SL III 362.1-4
136 SL III 362 n.
264 in fine
242
mouvement
d'oscillation
entre
l'idée
théorique
et
l'idée
pratique:
"l'idée
du
bien
peut
par
conséquent
trouver
son
complément
seulement dans
l'idée du vrai"
137
par
là elle
vient à sa vérité.
La vérité du bien ou la réalisation effective,
accomplie
est "l'unité de l'idée théorique et de l'idée pratique"
138
;
c'est le bien posé comme bien,
en d'autres termes,
disons que
le vrai
n'est vrai que sous
la
forme de bien et vice versa.
Tel est le rapport du concept,
à savoir une relation de liens
nécessaires par quoi le syllogisme pose la vérité des termes,
(d'abord
en
rapport
d'op-position,
puis
de
présupposition
mutuelle et corrélative) dans l'unité de l'oeuvre parfaitement
réalisée.
Mais,
pour
atteindre
à
un
tel
résultat,
celle-ci
devra
travailler
à
l'unité
différenciée
de
la
double
unification du
sujet
(le bien),
déterminé en et
pour
soi
et
pour un autre,
d'un côté,
et de l'autre côté,
de l'objet
(le
but) en et pour soi et pour un autre ; car "la réalisation du
bien en regard d'une effectivité autre qui
se
tient
en
face
est la médiation qui essentiellement,
pour le rapport immédiat
et
l'être
effectué
du
bien,
est
nécessaire"
;
cela
est
seulement
l'être autre du concept
la négation
mais
pour
que
le
concept
soit
posé
comme
concept,
c'est-à-dire
en
l'occurrence
le
bien
et
le
but
sursumés
dans
l'oeuvre
réalisée,
l ' activi té
de
la
sursomption
doit
être
à
la
fois
celle
du
poser
du
vrai
et
du
bien.
Le
résultat
en
est
un
nouvel
immédiat,
ad-venu
de
la
conjonction
du
sujet,
comme
identité
à
soi-même,
universelle,
libre,
et
de
l'objet,
137 WL II 481.9-11
SL III 363.6-7
138 Ency.
§
235
Tr.
459
243
déterminé en et pour soi.
Dans un tel résultat le vrai et le
bien
trouvent
leur
unité
comme
oeuvre
objective
"dont
le
fondement intérieur et le subsister effectif sont le concept.
c'est là l'idée absolue" 139.
De
la
sorte,
la
science
absolue
confirme
sa
méthode
absolue
et
la
très
riche
fécondité
de
celle-ci.
Mais
le
devenir,
pour
autant,
n'est
pas
éteint
dans
l'idée
absolue.
Là, en elle,
la Logique saisit seulement,
son concept propre,
comme son propre objet pur,
en et pour soi.
Elle le fait dans
ce
moment,
à
la
fois
d'accomplissement
et
de
retour
à
l'immédiateté
de
l'être,
uni té
de
l'être
et
du
devenir
"où
rien ne se passe qui ne se soit passé et se passera encore"
140 : totale mobilité et liberté de l'esprit.
139 WL II 483,31-32
SL III 365,19-20
140 F. Cambon et P.M.
Klein oc. p 45.
244
CHAPITRE
5
LA DIALECTIQUE DE LA LIBERTE :
OU LA MOBILITE ABSOLUE DE L'ESPRIT.
"La philosophie est la connaissance
de la raison ...
la science de la liberté"l
Introduction
mouvement et liberté.
Cette mobilité et liberté de l'esprit est l'essentiel du
procès
dialectique
;
elle en
est
l'âme
motrice,
le
principe
strictement
structurant.
Ainsi
s'est-elle
révélée
dans
l'expérience
de
la
conscience.
Dans
le
syllogisme,
elle
a
montré
l'unité
des
trois
côtés
du
logique
l'universel
abstrait,
le négatif rationnel et le positif rationnel.
Mais,
peut-on tenter de saisir le mouvement en tant que
mouvement
?
Parler de la dialectique de
la liberté,
n'est-ce
pas chercher la quadrature du cercle ? Le propre du mouvement
n'est-ce
pas
d'être
pure
mobilité,
tout
comme
le
propre
du
changement
est
continuité,
fluidité
pure
?
Décider
donc
de
vouloir
les
saisir
ne
conduit-il
pas
à
ne
réussir
qu'à
les
fixer,
à les découper en morceaux et,
au bout du compte,
à les
dénaturer
?
Le
mouvement
peut-il
se
montrer,
en
soi
et
pour
soi,
une fois dégagé de nos habitudes de le calculer et de le
1 Ency.
(1817
Introduction) § 5.
245
mesurer ? Nous intuitionnons la durée et percevons des étapes
successives.
Mais,
Hegel a gagné,
si l'on peut dire,
le pari
de penser le mouvement.
En
concevant
le
mouvement
comme
la
vie
de
l' espri t,
Hegel est parvenu à le comprendre en termes de l'esprit et de
la liberté. Or la liberté, ainsi qu'on va le préciser,
est, de
façon immédiate,
cette pure mobilité du réel et dans le réel ;
le mouvement est donc vie et liberté,
une réalité spirituelle.
Le concept de mesure,
au niveau de l'être,
en est la première
expression ou
manifestation.
La
mesure,
pensée comme mesure,
est
mesure
réelle
et
vraie.
Elle
n'est
rien
d'autre,
tout
d'abord,
que
la
conjonction
immédiate
du
qualitatif
et
du
quantitatif
"c'est
un
quantum
qui
a
signification
quali tative et est comme mesure"
2
or,
en tant que tel,
ce
quantum
qualitatif
"est
[quelque
chose]
d'autonome"
(als
Selbstandige) 3
;
c'est une unité immédiate qui doit dire ses
éléments
divers.
Mais
ensuite,
ces
quanta
spécifiques
et
qualitatifs,
qui,
dans cet état premier,
n'entretiennent entre
eux
que
le
rapport
du
simple
passage
l'un
dans
l'autre,
se
médiatisent
"la
mesure,
dans
le
sans
mesure,
va
au
gouffre"4.
La
mesure
prend
ainsi
sa
propre
mesure
., en cet
abîmement
dans
soi-même,
elle
se donne
son
fondement.
Aussi
devient-elle,
enfin,
la mesure
"posée comme relation inversée
de
mesures"
5
Ces
trois
moments
traduisent
en
réalité
le
rapport
de
continuité
du
mouvement
dans
sa
propre
discontinuité
à
savoir,
en
d'autres
termes,
le
mouvement
2 WL l
340.12-13
SL l
294.1-2
3 WL l
340.16
SL l
294.8
4 WL l
340.23-24
SL l
294.19-20
5 WL l
340.27-28
SL l
294.17-78
246
dans
son
propre
repos,
la
durée -égale
à
soi
dans
le
changement
et
vice
versa.
Qu' est-ce-qui
s'est
passé
?
Tout
simplement
qu'une
fois
de
plus
est
vérifiée
la
proposition
hégélienne selon laquelle tout réel est un syllogisme,
et que
penser
vraiment
c'est
différencier
en
identifiant
la
différence.
Le
concept
de
mesure
l'authentifie
"l'être
quantitatif se fait mesure,
et en tant qu'il est cette mesure,
il
se
fait
indif-férence
étant
pour
soi
celle-ci
est
justement le fait de déterminer l'être immédiat en tant qu'il
est le fait
de ne pas être ce qu'il est,
et d'être ce qu'il
n'est pas"
6;
une auto-destruction qui est en même temps une
auto-conservation,
tel est le mouvement comme mouvement.
Dans
son
procès
absolu,
il
est
passage
libre
et
nécessité
réflexive
il est liberté.
Tout ce qui précède a
montré le
mouvement dans
ses différentes
formes
de passage linéaire et
circulaire,
en
termes
de
nécessité
réflexive,
de
l'uni té
du
surgir
et
du
disparaître,
d'unité
d'une
double
altérité
subjective et objective.
Il
nous
faut
à
présent
déterminer
davantage cette liberté
qui est la vérité du mouvement.
La
conscience
philosophique
affronte
l'irrépressible
question de
la
liberté
sur le chemin de
la raison et
de
la
vérité.
Mais,
l'aventure de la vérité est riche en péripéties
et
théories
de
tout
genre
le
dogmatisme,
l'empirisme,
la
6 WL l
(1812)
274,39:
275,1-5
SL l 362, 25-30
247
philosophie
cri tique,
les
philosophies
du
savoir
immédiat
7.
Or,
pour
Hegel,
la
liberté
est
l' obj et
et
le
suj et
même
de
l'entreprise philosophique
la philosophie est
"la Science de
la
liberté"
8
;
son
concept
est
donc
d'importance.
c'est
l'objet de ce chapitre
A
L'Idée de la liberté.
B
La philosophie comme science de la liberté
C
Le droit,
l'être-là de la liberté
A -
L'IDEE DE LA LIBERTE:
L'esprit libre
Sous
le titre de
"l'esprit
libre",
dans
les paragraphes
482-483 de l'Encyclopédie (1827 et 1830),
Hegel exprime,
en un
condensé
assorti
d'une
longue
remarque,
le
très
riche
développement consacré à l'esprit subjectif 9
7 Hegel expose le traitement critique de ces différentes formes de la pensée à deux endroits de
son
oeuvre:
au
début
de
L'encyclopédie
des
Sciences
philosophiques.
sous
le
titre
du
"Concept
préliminaire"
: au début de la Science de la Logique.
sous le titre de "Ouel doit étre le commencement de
la Science".
Mais ces formes de pensée demeurent la toile de fond.
toujours reprise ici et là.
dans ses
développements ultérieurs.
pour marquer
leurs différences avec sa position personnelle:
c'est
le
cas en
particulier
dans
la
Phénoménologie.
sous
le
titre
de
"Liberté
de
l'auto-conscience:
Sto~cisme.
Scepticisme et la Conscience Malheureuse".
et surtout lorsqu'il en vient.
peut-on dire.
à exposer pour
elle-même l'Idée de la Liberté.
d'une part.
dans les termes de "l'esprit libre"
(der freie Geist" Ency.
§§
481-482.
d'autre part.
dans l'Introduction aux "Lignes Fondamentales de la Philosophie du Droit":
§§
1-34. Ce sont là autant de textes-clés auxquels référent les développements qui suivent.
8 Ency.
(1817) § 5. Cf ci-dessus la note 1.
9 La place des paragraphes 482 et 483 n'est pas sans poser des problèmes.
selon les Editions de
l'Encyclopédie. Nous nous inspirons de la solution de B. BOURGEOIS. exposée dans sa traduction citée. aux
pages 277-278 note 1.
248
"L' esprit,
qui
se
sait
libre
et
se
veut
comme
cet
ob- jet
sien,
c'est-à-dire
qui
a
son
essence
pour
détermination et pour but,
est,
tout d'abord,
d'une
manière générale,
la volonté rationnelle,
ou en soi
l'Idée,
[et,]
de
ce
fait,
seulement
le
concept
de
l'esprit
absolu.
En tant qu'Idée,
abstraite,
l'Idée
n'est,
à
son
tour,
existante,
que
dans
la
volonté
immédiate,
elle
est
le
côté
de
l'être-là
de
la
raison,
la volonté singulière en tant que savoir de
cette
détermination
sienne
qu'on
a
dite,
qui
constitue son contenu et but,
et dont cette volonté
n'est que l'activité formelle.
L'Idée apparaît ainsi
seulement dans la volonté qui est une volonté finie,
mais qui est l'activité de développer celle-là et de
poser
son
contenu se déployant,
comme
[un]
être-là
qui,
en
tant
qu'être-là
de
l'Idée
est
[l']effectivité,
- [tel est l'J esprit objectif.
249
D'aucune
Idée,
on
ne
sait
aussi
universellement
qu'elle
est
indéterminée,
équivoque
et
susceptible
[d'être
l'objet]
des
plus
grands
malentendus,
et,
pour
cette
raison,
effectivement
assujettie
à
eux,
que l'Idée de la liberté,
et
aucune n'est
courante
avec aussi peu de conscience [d'elle-même]
...
Mais
cette
liberté,
qui
a
le
contenu
et
le
but
de
la
liberté,
n'est
elle-même,
tout
d'abord,
qu'fun]
concept,
un
principe
de
l'esprit
et
du
coeur,
et
elle est destinée à se développer en ob-jecitivité,
en
effectivité
du
droit,
de
l'éthique
et
de
la
religion,
ainsi que de la science" 10
La compréhension du texte.
Ces
deux
paragraphes
posent
une
question
préalable
à
toute
tentative
de
saisir
leur
signification
approfondie
leur contexte et
les
déplacements
dont
ils
ont
fait
l'objet
d'une édition à l'autre.
Préliminaires
Le
contexte
de
ces
deux
paragraphes.
L'édition
de
1830
leur
confère
une
rubrique
formellement
nouvelle,
en comparaison avec celle de 1817
(§
402).
Sous le
ti tre de
"l' espri t
libre",
Hegel
exprime l' ul time moment de
l' espri t
subj ectif,
dans
les
termes
de
l'uni té de
l' espri t
théorique
et
de
l' espri t
pratique
mais,
sous
cette
forme
subjective absolue,
"l'esprit ne peut se poser,
se réaliser ou
se
développer
à
partir
de
lui-même,
se
donner
son
contenu,
qu'en se niant comme esprit subjectif et en s'affirmant comme
10 Ency.
§ 482 et rem.
Tr.
BB.
278-289
250
espri t
en
tant
que
tel
objectivé
ou
objectif"
I l
ainsi,
l ' esprit
libre
anticipe
formellement
le
sens
positif
de
son
auto-négation qui sera réalisé dans et comme esprit objectif,
dans
la
deuxième
section
de
la
philosophie
de
l'esprit
"L' espri t
Objectif".
La Logique du Système,
comme on le sai t,
se
montre
de
la
sorte,
comme
le
patient,
paisible
et
libre
venir au jour du concept de l'esprit.
Les correspondances sont
faciles
à
relever,
d'une
oeuvre
à
l'autre
Ainsi,
dans
l'Encyclopédie,
la Logique qui ouvre le Système,
est déjà tout
le Système ;
De la sorte,
elle anticipe et contient à la fois
la Philosophie de la Nature et de l'Esprit,
parce qu'elle est
l'unité de
la
Logique objective et de
la Logique Subjective.
Là
se
développe,
comme
on
l' a
vu,
le
procès,
d'abord,
d 1 un
mouvement
simplement linéaire dans le syllogisme de l'être-là
; ensuite,
celui de la réflexion
ou du dédoublement ;
enfin,
celui
de
l'unification
de
son
propre
dédoublement,
le
concept.
Toujours dans l'économie de cette même Encyclopédie,
celle des éditions de 1817 et de 1830 surtout,
en son rapport
à
la phénoménologie se voit aussi,
comment en celle-ci,
Hegel
précède
pour
ainsi
dire
l'Esprit,
dans
la
Raison,
comprise
comme
certitude
et
vérité
de
la
conscience
de
soi
;
i l
en
expose
le
mouvement
d'unification
en
termes
de
l'uni té
pré-
éthique qu'est l'individualité qui se sait elle-même réelle en
soi
et
pour
soi-même.
12.
A
son
tour,
la
Philosophie
de
l'esprit pose et développe ce même processus d'anticipation ou
de présupposition;
l'esprit libre s'y expose comme l'unité du
théorique
et
du
pratique,
l' espri t
objectif,
volonté
libre,
Il Ibidem;
p.
278 note 1
12 Ph.G V.
tr.
l
pp 322 sq:
"certitude et vérité de la raison"
251
vie éthique
De
la
sorte,
la
vérité
d'un
moment
devient
"son
épaisseur,
son
mystère,
sa
dimension
en
profondeur.
Et
la
vérité du tout,
c'est la récapitulation de tous ces moments en
relation
de
transcendance
mutuelle
:
l'intérieur
est
la
profondeur
de
l'extérieur,
mais
l'extérieur
est
aussi,
paradoxalement,
la
profondeur
de
l'intérieur
:
et
l'un
et
l'autre,
dans
leur
identité
réflexive,
constituent
le
réel
comme
science,
c'est-à-dire
comme
structure
et
comme
sens,
comme système et
comme liberté,
comme nécessité et puissance
de création effective" 13.
Voilà
qui
donne
aux
deux
paragraphes
toute
leur
importance
et
nous
introduit
à
une
compréhension
plus
approfondie.
Celle-ci
s'ordonne
en
trois
considérations
l'esprit libre est d'abord la volonté rationnelle,
ensuite,
i l
est
l'idée
abstraite,
et
enfin,
un
principe
d' effectuation
objective.
a)
La
volonté
rationnelle.
Ce
mouvement
fait
d'anticipation
et
de
reprise
de
soi
par
l'esprit
fait
connaître celui-ci,
d'une façon générale,
ainsi que cela s'est
déjà précisé,
tout d'abord comme
"la volonté rationnelle".
Son contenu n'est
rien d'autre qu'elle-même
l ' espri t
libre
est
à
soi-même
l'objet
de
son
propre
vouloir
libre.
Dès
l'introduction aux
"Lignes Fondamentales de la Philosophie du
Droit",
Hegel
pose
les
concepts-clés
de
la
science
13 G. JARCZYK oc.
p. 276
252
philosophique du droit':
le droit,
la volonté,
et la liberté.
Or,
le droit n'est pas étranger à l'esprit;
i l en fait partie
intégrante ; mais sa place précise est dans la volonté.
Celle-
ci ne prouve sa réalité vraie que dans la liberté "à ce point
que la
liberté constitue sa substance et sa destination"
14.
Selon
Hegel,
la
liberté
est
donc
à
la
volonté
ce
que
la
pesanteur est à la matière :
"Une volonté sans liberté est un
mot vide de
sens,
et la
liberté n'est
réelle
qu'en
tant que
volonté, en tant que sujet"15.
Sans revenir sur ce qui a été traité plus haut concernant
les
rapports
de
l'idée
de
bien
et
de
la
volonté
libre,
il
importe de bien comprendre qu'il
s'agit plus
précisément ici
dans ce contexte du droit,
de la volonté et de la liberté, des
relations
concrètes
entre
la
volonté
et
la
liberté.
C'est
pourquoi
la
volonté
rationnelle
prend
alors,
premièrement
toute sa liberté formelle,
l'indétermination
absolue
;
mais,
comme i l en va selon la dialectique hégélienne,
ce moment n'a
de liberté que le mot.
A ce niveau général,
la volonté n'est
que
"la pure
pensée de soi -même"
16
elle est
seulement le
concept de l'esprit ou la volonté simplement universelle
à
ce stade n'existe en elle ni
pour elle aucune détermination,
aussi
est-elle
privée
de
contenu
concret
sa
liberté
est
seulement négative
:
"la liberté du vide"
dit Hegel 17.
C'est
ce que la tradition,
aux yeux de Hegel,
a
qualifié de libre-
arbitre
mais
celui-ci
n'est
qu'une
liberté
fantôme
puisque
14 PhRech §
4
tr.
RD p.
70 et la note 16 "La liberté consti tue
la substance et la
destination du droit (so dass die Freiheit seine
Substanz un Bestimung ausmacht)
15 idem § 4. add.
tr.
RD p. 72
16 ibidem § 5
tr.
RD P. 73
17 Ibidem.
§
5 rem.
tr.
id. p. 73
253
son contenu n'est pas déterminé conformément à la nature de la
volonté,
à
savoir
une
puissance
spirituelle,
intelligente et
libre.
Comment
celle-ci
pourrait-elle
dépendre
d'un
contenu
qui lui est étranger ou qu'elle ignore absolument ?
"C' est là
précisément
qu'est
la
contradiction
qui
est
incluse
dans
le
libre-arbitre"
18
Pure
possibilité
et
contingence
sans
visage,
la volonté du libre-arbitre en tant que telle est par
conséquent l'Idée abstraite.
b)
-
Une
Idée
abstraite.
La
deuxième
considération
de
l' espri t
libre,
tel
qu'il
vient
de
se dégager
de
la
volonté
rationnelle,
la voit dans cette immédiateté universelle,
comme
être-là de la raison,
l'être-là d'une
"volonté
singulière"
et
cela à cause du fait de cette abstraction même.
En effet,
la
raison semble trouver,
dans ce savoir immédiat qui est le sien
propre,
son
contenu
et
son
but
mais,
ce
n'est
encore
là
qu'un savoir formel
;
celui-ci n'a pas encore posé un contenu
déterminé comme étant le sien. Néanmoins,
en tant que telle et
bien qu'elle soit
une volonté
finie,
cette activité
formelle
est capacité de création
de son propre contenu
:
un principe
d'effectuation.
c)
-
Un principe d' effectuation.
La volonté
simplement
générale est pure illusion
;
en tant que libre-arbitre,
elle
demeure dans la simple possibilité,
la pure contingence.
Cet
état d'indétermination et d'inaction ne suffisent donc
pas à
définir
la
volonté.
Celle-ci
demeure
une
pure
velléité,
une
pieuse intention,
tant qu'elle ne
s'est pas donné un
contenu
18 Ibidem. § 15 add.
tr.
p.
82
254
effectif,
propre
à
sa
nature.
Pour
ce
faire,
devra
alors
s'affirmer
le
Moi,
comme
l'instance
du
passage
de
l'indétermination
indifférenciée
à
la
différenciation
spécifique,
à
l'instauration effective d'une détermination qui
soit le contenu et
l'objet précis désiré
"c'est le moment
absolu de la finitude
ou de la particularisation du moi"
19.
c'est
le
moment
aussi
pour
la
volonté
de
poser
un
"être-là
qui,
en tant qu'être-là de l'Idée est l'effectivité"
20.
Mais
la
volonté
doit
y
arriver
comme
volonté
libre,
c'est-à-dire
par un engagement et une action lucides i
c'est-à-dire dans la
jouissance de son autonomie entière et totale,
libérée de
la
représentation subjective et de toute oppression objective.
La
véri té de la volonté est à
ce prix et seulement
au
terme de
cette double libération. Mais,
il ne s'agit pas d'un terme qui
serait une pure fuite en avant,
car elle tomberait alors dans
l'unilatéralité subjective ou
objective.
Pour
la volonté,
ce
troisième
moment
est
donc
celui
d'une
effectuation
spécifiquement autonome i
le sujet y
réalise l'unification des
deux
premiers
moments
dont
le
résultat
est
la
vérité
de
sa
volonté réelle,
concrète.
c'est en ce résultat positivement
spéculatif que la volonté "est la particularité réfléchie sur
soi et,
par là,
ramenée à l'universel ou la singularité.
Elle
est
l'auto-détermination du
moi,
opération qui
consiste
pour
lui,
à
la fois et en même temps,
à se poser comme le négatif
de
soi-même,
c'est-à-dire
comme
déterminé
et
limité,
et
à
rester auprès de soi,
c'est-à-dire dans son identité avec soi
et
dans
son
universalité,
donc,
dans
la
détermination,
à
ne
19 PhRech § 6
tr.
RD p.
74
20 Ency.
§
482
tr.
88.
278
255
s'unir
qu'avec
elle-même"
21
Ainsi
la
volonté,
dans
la
conception
hégélienne,
contrairement
à
celle
de
Kant
et
de
Fichte,
"n'est pas quelque chose d'achevé et d'universel avant
sa
détermination
et
la
suppression
et
l'idéalité
de
cette
détermination.
Elle
n'est
volonté
que
comme
activité
médiatisante
de
soi
à
soi,
comme
retour
à
l'intérieur
de
soi" 22.
Or,
cette
acti vi té
de
l'auto-détermination
est
celle
de
l'intelligence
libre.
Celle-ci,
par
nature,
ne
désire
vraiment
que
ce
qui
est
déterminé.
Mais,
ce
travail
de
détermination
provient
de
l'intelligence
pensante
et
libre
"Dans le penser,
Je suis libre,
parce que je ne suis pas dans
un
autre
et
mon
mouvement
dans
les
concepts
est
un
mouvement dans moi-même"
23.
La véritable dignité de l'homme
pose
là
son
concept
en
terme
de
liberté;
mais
une
liberté
encore dans l'instance de l'Absolu sensible au coeur.
d)
l'Absolu
sensible
au
coeur.
L'homme
connaît-il
sa
vraie
nature,
inscrite
de
toute
évidence
dans
sa
liberté
laquelle est sa dignité spécifique,
selon la loi
de l'esprit,
de l'esprit qui est ce qu'il y a de vrai de l'homme? Ce n'est
pas
évident.
En
effet,
l'oracle
delphique
"connais-toi,
toi-même"
traduisait
aux
yeux
de
Socrate
non
pas
une
connaissance particulière de l'homme,
mais bien plutôt
la
loi
même de
l' espri t.
"Que
l' homme
sache dans
lui-même
ce
qu'est
le
vrai,
qu'il
regarde
dans
lui-même"
24
voilà
l'unique
tâche
de
la
connaissance.
Le
débat
vient
donc
de
loin
et
21 PhRech § 7
tr.
RD. p. 75.
22
Ibidem.§ 7 rem.
Ibidem.
p. 76
23
ph.G.
p.
152.
16
tr.
de G.
JARCZYK et
P.J,
LABARRIERE
Hegel:
le
malheur de
la
conscience ou l'accès à la raison" oc. p. 23
Cf aussi PhRech. § 21 rem.
24 Ency § 377
tr.
BB 175 et note 4.
256
tourne autour du fait de la liberté et du sens que l'homme lui
donne.
"C'est
parce que
l' homme est
libre qu'il
a
besoin et
qu'il doit,
pour exister d'une manière humaine,
croire en des
valeurs,
en
des
valeurs
qui
le
dépassent,
qui
justifient
l'usage alors reconnu de sa liberté.
Ces valeurs ont bien sûr
non
seulement
une
porté
anthropologique,
mais
une
porté
métaphysique.
Ne
sont-elles
pas,
toutes,
peu
ou
prou,
des
avatars du Glauben an der Freiheit,
de la foi dans la liberté,
qui est bien la définition métaphysique de l'être humain" ? 25
Mais
cette
liberté
se
montre
d'abord
comme
un
principe
de
l'esprit et du coeur.
Telle
est
en
soi,
dans
cette
immédiateté
sensible,
la
liberté ou la foi qui la prend pour appui ;
aussi est-elle la
source
"des
plus
grands
malentendus"
parce
que,
"d'aucune
Idée,
on
ne
sait
aussi
universellement
qu'elle
est
indéterminée ...
courante avec peu de conscience d'elle-même".
Aucun pays,
aucun peuple ne peut prétendre l'avoir connue ou
la connaître.
"Les Grecs et les Romains,
Platon et Aristote,
.
également
les
Stoïciens
ne
l'ont
pas
eue
,
ils
savaient
seulement,
au
contraire,
que
l ' homme est effectivement
libre
par
la naissance,
ou par la
force
du caractère,
la
culture,
par la philosophie"
26
C'est du christianisme que
les temps
modernes ont reçu cette idée de la liberté,
et cela en termes
de
"l'Absolu
comme
Esprit
ou
le
concept
le
plus
élevé
25 R.
POLIN in "Le senS du sens:
Présences réelles" Librairie Philosophique J. Vrin Paris 1988. p.
29-
30.
26 Ency.
482 rem.
tr.
BB.
279
257
appartenant
au
temps
moderne
et
à
sa
religion"
27.
Nous
retrouvons
donc,
certes,
autrement
reprise,
cette
même
affirmation
mais,
Hegel
apporte
ici
une
précision
capitale
au
texte
de
la
Préface
de
la
Phénoménologie
;
précision
suivant laquelle,
selon le message chrétien,
"l'individu comme
tel
a
une valeur
infinie,
en tant qu'il
est
ob-jet
et but de
l'amour de Dieu . . .
l'homme est destiné en soi à la plus haute
liberté"
28.
Mais,
pour
atteindre
à
sa
plus
parfaite
détermination,
ce
principe
du
coeur
a
besoin
de
tout
le
travail
de
l' espri t
pour
"se
développer
en
ob- jectivi té,
en
effectivité
du
droit,
de
l'éthique
et
de
la
religion,
ainsi
que de la science" 29
27 Ph.G.
24.
10-11
II 23.
1-2 :
texte déjà cité plus haut dans notre introduction note
15;
"l'Absolu
COlDJDe
Esprit
-
le
concept
le
plus
élevé
(der
erhabenste
Begriff)
appartenant
au
temps
moderne et à sa religion"
28 Ency,
482 rem.
tr. BB,
279
29 Ency,
482
tr.
BB.
278
258
B -
La philosophie comme science de .. la liberté
L'esprit objectif
Introduction
L'objet objectif de la Science,
le Tout.
Cette détermination intérieure de l'esprit libre devra se
dire
en
extériorité
effective,
comme
preuve
de
sa
concrétude
véri table,
et
cela,
en
termes
de
l'esprit
objectif,
dans
la
figure
de
la
science comme science
de la
liberté.
Mais
cette
diction de soi,
en existence extérieure et historique,
qu'est
"la
liberté,
configurée
en effectivité
d'un monde,
reçoit
la
forme de la nécessité,
dont la connexion substantielle est le
système des' déterminations de la liberté et dont
la connexion
phénoménale est,
en tant que
la puissance,
l'être-reconnu
[de
celles-ci],
c'est-à-dire
leur validité dans
la
conscience"30.
Ce
texte
montre
bien
les
deux
moments
du
mouvement
d'extériorisation
effective
de
l'activité
spirituelle
la
première
destination
a
une
objectivité
intérieure,
c'est
la
liberté dans
ses déterminations de réflexion
;
mais celles-ci
doivent
vérifier
leur
validité
dans
une
"objectivité
extérieure
trouvée
là"
31
Mais
l' obj ectivi té
vraie
doit
se
poser,
comme
concept
réalisé,
dans
le
côté
extérieurement
30
Ency.
484
tr,
BB.
281-282 cf aussi
la note 1 où B.
Bourgeois donne
la
variante B, du même paragraphe que nous reproduisons ici pour l'intêrêt qu'apporte sa composition à notre
à
compréhension du texte:
"Ces deux moments peuvent,
à
cause de leur uni1atéra1i té.
étre nommés le côté
subjectif de la volonté objective.
L'objectivité vraie de celle-ci est que son concept.
la liberté.
soit
réalisé dans le côté extérieurement objectif.
le matériau fini.
que celui-ci
soit
en
tant qu'un monde
déterminé par une telle volonté.
de sorte qu'elle soit en lui auprês d'elle-même.
enchainée avec elle
.
La
liberté.
configurée
en un
monde
d'existence
extérieure.
reçoit
la
forme
de
la
nécessité.
dont
la
connexion substantielle est constituée par les déterminations de
la
liberté.
de méme
que
la connexion
phénoménale.
la connexion comme propre puissance d'elle-même.
l'est par l'être-reconnu;
de ce fait.
la
volonté rationnelle n'est pas seulement en soi. ni intérieure. ni simplement - comme ce qui est naturel -
immédiate. mais son contenu est su et a validité.
est en tant que
lois positives et que coutume éthique
les concernant".
31 Ency. 483
tr. 281
259
• objectif, où la liberté reçoitla·forme de sa nécessité. Tel
est,
nous le savons,
le mouvement du syllogisme qui se montre
ici,
encore
une
fois,
être
la
vie même
de
l ' espri t
dans
sa
propre
diction
comme
de
celle
du
Tout
unité
de
la
détermination-destination;
l'objet objectif de la Science est
donc le Tout.
Car celui-ci dans sa vérité,
"ne peut être ni la
chose
inerte,
ni
le
concept
inerte,
mais
doit
être
le
mouvement de détermination interne de ses propres différences
qu'on
appelle
espri t"32
lequel
est
le
contenu
du
mouvement
total.
La
philosophie,
comme
le
penser
vrai,
est
le
développement en système de cette mobilité de l'esprit,
en et
par quoi la science vient au jour comme science de la liberté.
en effectivité objective.
Or,
"l'esprit objectif est l'Idée absolue" 33 et le tout
de
la
science
en est
l ' exposi tion
"dans
les
trois
parties
que sont 1)
la Logique,
la science de l'Idée en et pour soi,
2) la philosophie de la Nature,
en tant qu'elle est la science
de l'Idée en son être-autre,
3) la Philosophie de l'Esprit, en
tant que l'Idée qui,
de son être-autre,
fait retour en soi" 34
Il
faut
ici
rappeler
tout
d'abord et
brièvement
le
parcours
qui
a
conduit
à
cette
affirmation.
L'esprit
objectif
suit
immédiatement l'esprit subjectif qu'il présuppose.
Toutes
les
déterminations
de
celui-ci
vont
à
vérifier
leur
concrétude
intérieure,
en objectivité effective. Ces déterminations,
dans
32 B.
ROUSSET in
"Le Savoir absolu:
Introduction.
commentaires,
notes"
oc.
p.
135.
Cf aussi
Ph.G 550, 10-15
II 294,
21-30 :" Comme tout,
l'objet est le syllogisme ou le mouvement de l'universel, à
travers la détermination,
vers la singularité.
aussi bien que le mouvement inverse de la singularité.
à
travers
la
singularité
comme
supprimée
ou
la
détermination.
vers
l'universel.
_
Selon
ces
trois
déterminations donc la conscience doit savoir l'objet comme soi-même",
33 Ency. § 483
tr.
281
34 Ency. § 11
tr.
161
260
l'élément naturel immédiat,
-
objet de l~Anthropologique, sous
le
régime
de
l'être
(Naturgeist)
35 ,
posent
tout
d'abord
la
liberté
dans
son
immédiateté
absolue,
qui
serait
seulement
concept.
Ensuite,
dans
l'élément
de
la
conscience
(Bewusstsein),
- objet de la Phénoménologie 36,
sous le régime
de
l'essence,
cette
liberté
immédiate
s'auto-détermine
en
exposant
toute
sa
puissance
de
libération.
Enfin,
l'esprit
subjectif
pose
son
propre
concept
(Begriff),
objet
de
la
Psychologie
37 ,
son
unité
totalement
déterminée
en
extériorité
intérieure
comme
esprit
libre,
ou
la
liberté
véritable,
en tant qu'elle est l'unité de l'intelligence et de
la volonté.
Ainsi l'esprit est à soi-même son propre "objet et
contenu,
aussi
bien
qu'il
supprime
cette
différence
de
l'objectivité et du contenu" 38. Avec Hegel,
i l est impossible
de comprendre l'esprit en intériorité et extériorité séparées;
l'esprit
est
tel
que
ses
déterminations
extérieures
sont
connues
comme
déterminées
par
le
moyen de
son
intériorité
détermination
et
destination
se
présupposent.
La
science
philosophique
par
là
se
pose
comme
le
penser
vrai
et
le
mouvement
d'un
se
déterminer
vrai
en
intériori té-extériori té
effective.
"Le vrai est résultat
le concept présuppose
la
représentation,
dont
i l
est
la
négation,
et
la
philosophie
présuppose
la
religion,
dont
elle
pense
véritablement
le
contenu qui,
en tant que pensé,
n'est plus à proprement parler
religieux"
39
Ainsi est-il dans
l'unité de son objet et de
son mouvement,
comme dans l'existence et la vie des nations;
35 Ency, §§ 388-413
tr.
185-221
36 Ency. §§ 413-440
tr.
221-235
37 Ency. §§ 440-482
tr.
235-278
38 Ph.G. 56l.
13
tr.
I I 308.
28
39 Ency.
Introduction de l'Edition de 1830 § 1 tr BB. p.163 note 5
261
le
vrai
est
la
nui t
du
monde
sur·· le
monde
totalité
indéterminée
de
toutes
les
choses,
la
nuit
est
cependant
l'espérance
du
jour
qui
renaît
chaque
matin.
La
nuit
est
parole-silence d'oü émerge la vie que nul ne peut arrêter et
qui
poursuit
son
cours
dans
l'histoire
des
hommes
et
des
peuples
les
enfants
continuent,
à
leur .manière,
l'oeuvre
commencée
par
les
parents
ils
la
reprennent
et
la
développent
aussi
bien
dans
la
visibilité
matérielle
(on
construit les murs de la famille et de la cité),
que dans la
réali té
quasi
invisible
des
relations
interpersonnelles
les
plus
diverses.
L'homme
est
aussi
comme
la
nuit,
un
vide
fertile d'oü peut surgir la lumière,
l'effectivité de l'unité
de
l'essence
et
de
l'existence.
Déj à,
à
l'époque
de
Iéna,
Hegel
écrivai t
"C'est
cette
nuit
que
découvre
le
regard
quand
on
regarde
l' homme
dans
les yeux
dans
une
nuit
qui
devient terrible;
ici,
face à quelqu'un,
se tient la nuit du
monde"
40.
De
cela,
P.J.
Labarrière
donne
le
sens
quand
il
commente
"L'homme,
en
effet,
a
pouvoir
de
nier
toute
extériorité pure ; réassumant toute représentation en laquelle
il risque de se fixer,
il peut alors rejoindre le mouvement de
ce qui
est,
ce rythme
immanent
du
concept
qui
conj ugue
la
rigueur
du
schéma
logique
avec
la
souplesse
de
l'expérience
vécue"
41.
Ainsi
l'histoire
des
hommes
développe
l'unique
histoire de la liberté comme le lieu et le moment
oü celle-ci
trouve son être-là et sa réalité effective.
Là réside "le Tout
de
la
Science,
l'exposition
de
l'Idée"
42
dont
la
40 Jenenser Realphilosophie.
II Die Vorlesungen von 1805-1806. Hoffmeister XX. p.
180-181
41 P.J.
LABARRIERE in "Archives de philosophie" oct - déc. 1970.
tome 33 p. 711
42 Ency.
(1817) § 11
tr.
BB. 161
262
connaissance
est
celle
de
la
raison,
une
raison
qui
est
"consciente
d' elle-même
comme
de
tout
être"
43
aussi
son
objet est-il
le tout de la
liberté,
dans
la
figure
du droit
comme science de la liberté.
C - Le Droit
"l'être-là de la volonté libre" 44
a) - Le terrain immédiat du droit. Ce tout de la liberté,
dans toutes les déterminations de celle-ci,
relativement à
la
volonté
libre,
tel
est
le terrain du droit en général
"le
système
du droit est
le royaume de la
liberté effectuée,
le
monde
de
l'Esprit
produit
à
partir
de
lui-même
comme
une
seconde nature"
45.
Il n'est pas seulement le droit juridique
qui
n'en
est
qu'une
toute
petite
partie
;
la
science
philosophique
du
droit
prend
toute
l'extension
et
la
compréhension
de
la
liberté
dans
son
être-là
entièrement
déterminé.
Or,
ces déterminations,
en tant qu'elles
sont des
oeuvres
de
la
volonté
du
suj et
libre
qui
a
le
pouvoir
et
l'obligation
de les actualiser,
de leur donner "leur être-là,
elles sont le devoir"
(Pflicht) 46. Mais quand celui-ci reçoit
sa
consistance
en
valeur,
de
la
concrétude
intérieure
subjective qui
le dispose et le détermine de manière
stable,
habituelle et permanente,
le devoir est "une coutume éthique"
(Si tte)
47.
Où l'on voit encore une
fois
que
le droit et
le
devoir
articulent
aussi
ce
mouvement
toujours
rémanent
de
43 Ency.
(1817) § 5
tr. BB. 156
44 Ency.
(3ème.
Ed.) § 486
tr. BB. 282
45 PhRech § 4
Tr. P.J LABARRIERE. in Hegeliana oc. p.
221
46 Ency. § 486 B.
Tr. BB
283 note 3.
47 Ency. § 486
Tr. BB
283
263
l 'intériori té-extériori té
de
totale et.-mutuelle '.' réversibili té
des termes corrélatifs,
au point que Hegel peut écrire :
"cela
même qui
est un droit est aussi
un devoir,
et ce qui
est un
devoir
est
un
droit
c'est
le
même
contenu
que
la
conscience subjective reconnaît comme devoir et qu'elle amène
en elle,
à
l'être-là"
48.
Toute la cause est dans l'effet;
et
celui-ci n'est rien d'autre que l'être-là de celle-là;
ainsi
en est-il aussi du droit et du devoir,
des termes corrélatifs.
Le
droit
des
parents
sur
leurs
enfants
signe
le
devoir
des
premiers
à
donner aux
seconds
toute
l'éducation
requise
;
ce
droit à
l'éducation exigé par les enfants implique inversement
pour
ces
derniers
l'obligation
d'obéir
aux
parents
Mais
cette
double
relation
(ou
relation
redoublée)
instaure
la
vérité
des
rapports
de
libération
mutuelle
des
sujets
respectivement
libres
ainsi,
en
tant
que
des
volontés
libres,
ils
travaillent
à
la
libération
de
leur
propre
liberté.
Il
en est
de même
entre
l'Etat
et
les
citoyens.
Le
droit de punir ces derniers,
détenu par la juridiction pénale,
implique en même temps,
pour celle-ci
le
devoir de protéger
les citoyens
;
cette protection est le droit de ces derniers;
mais
cette
protection
est
totale
elle
couvre
leur
vie
et
leur bien
:
"protection de leur propriété privée et de la vie
substantielle
universelle
dans
laquelle
ils
ont
leur
racine" 49.
Voilà
pourquoi,
on
ne
doit
point
trop
pousser
la
comparaison des
rapports,
entre la cause et l'effet,
et entre
le droit et le devoir ;
si la similitude de la corrélation se
vérifie sous le régime de l'être-là phénoménal,
dans
le champ
48 Ibidem.
Ibidem.
49 ibid. rem.
Ibidem.
264
du
paraître-apparaître,
sous
le
régime - de '-la
vérité
du
concept,
le
rapport droit-devoir précise
les deux moments
du
sujet et de l'objet et en
développe les implications logiques
en termes de possession (Besits) et de propriété
(Eigentum)
"mon droit à une Chose n'est pas simplement
[une]
possession,
mais comme possession d' une personne,
il est
[une]
propriété"
50.
En effet,
c'est dans la chose possédée,
la propriété,
que
le
syllogisme
du
droit
trouve
son
moyen
terme
(Mitte)
51 ,
lequel
s'étend,
comme il
se doit,
aux extrêmes que
sont
les
personnes,
à
savoir
entre
le
sujet
propriétaire
jusqu'au
devoir qui oblige un autre sujet à respecter cette chose. Dans
cette mesure,
vient au
jour la différence
des
droits
et des
devoirs.
Mais
cette
relation
de
la
Chose
aux
personnes
est
placée sous la forme de l'extériorité; un sujet libre ne peut
vraiment pas être chez-lui, dans une chose privée de liberté;
cela
est
une
contradiction
;
cependant,
celle-ci
est
vi te
surmontée pour autant que l'être-là du sujet,
intériorisé dans
cet objet subjectif,
est
relation infinie à soi,
et,
en tant
que
personne,
est
en
même
temps
capacité
de
s'extérioriser
dans
l'autre
propriétaire.
Cette
double
possibilité
est
le
signe de la contingence du lien entre une volonté libre et une
chose
donnée.
La
réalité
effective
de
celle-ci,
posée
comme
propriété d'un sujet donné,
ne vient au jour que dans et par
la reconnaissance d'autres volontés libres
;
cette médiation
qu'est cette reconnaissance engendre le contrat (Vertrag).
Mais cet accord, né de deux volontés libres, comme unité
de
deux
intériorités
dans
l'effectivité
d'une
"Chose
50 Ibidem.
rem.
Ibidem.
51 Ency.
491
Tr.
BB 287
265
contingente,
contient en même temps l'·être,·posé· de la volonté
accidentelle"
52.
Cependant,
le
contrat,
parce
qu'il
est
l'objectivation effective de la liberté,
est donc lui aussi du
droit
mais
parce
qu'il
résulte
également
des
volontés
singulières
lesquelles
sont
intéressées
par
une
chose
toute
aussi singulière,
le contrat peut faire face
"à la différence
de ce qui
est en et pour soi
universel,
du droi t
comme
tel,
face au non-droit" 53. Ainsi le contrat,
en tant qu'il traduit
le
droit,
comme
l'être-là
extérieur
de
la
liberté,
est
multilatéral
i l
comporte
une
diversité
de
relations,
tant
aux
choses
qu'aux
personnes.
Le
droit,
par
là,
montre
la
différence entre son idéalité et sa réalité effective,
et cela
dans le rapport du droit contre le non-droit 54
Le
rapport
de
cette
différence,
entre
l'idéalité
et
l'effectivité
du
droit,
va
développer
trois
figures
de
déterminations.
Tout
d'abord,
"le
droit
en
soi
un" ,
55
qui
s'oppose
à
l'apparence
du
droit,
à
savoir,
"la
volonté
particulière des personnes-ci" 56;
la reconnaissance qui fonde
l'un et l'autre,
fait alors connaître le "non-droit ingénu,
le
litige civil"
(den bürgerlichen Rechtsstreit)
57
lequel énonce
un
jugement
du
type
de
la
négation
simple
mais,
la
conciliation
de
celle-ci
exige
l'intervention
d'un
tiers
jugement,
rôle
du
juge qui
assure
en
l'assumant,
de
manière
désintéressée,
l'autorité
du
droit
en
soi
en
effet,
ce
dernier,
en tant que simple puissance,
est
indifférent à
la
52 Ency. 3ème édit. § 495 C
TI'.
BB
289
53 Ency.
"
§
495 B
TI'.
BB
289 note 1.
54 Ency. § 496
TI'.
BB
289
55 Ency. § 496 B
TI'.
BB
290
56 idem.
idem
57 Ency. § 497
Ibidem.
266
Chose, . objet du li tige et source des titres. de.,droi t . Ensui te,_.-
si
maintenant
l'apparence
af~irme
une
simple
reconnaissance
extérieure
du
droit,
et,
par
là,
vide
celui-ci
de
tout
son
contenu
le
droit
se
trouve
lésé,
et
la
volonté
de
l'apparence est alors mauvaise
cela donne
le
"non-droit de
la tromperie"
58.
En fait,
ce rapport n'exprime rien d'autre
que
le
jugement
infini,
en
tant
qu'identique,
lequel
ne
contient aucune vérité,
sinon de simples pensées subjectives,
en
complète
inadéquation
avec
"l'être-autre
qualitatif
des
termes mis en relation"
59.
Enfin,
dans le cas d'une absolue
et
totale négation,
affectant aussi bien le droit en soi que
son apparence,
"[ c'est là ... la] volonté violente du mal,
le
crime"
(gewalttêtig-b6ser Wille
-
das Verbrechen
60.
A son
tour,
cet
infini
négatif
se
surdétermine.
Tout
d'abord,
i l
désigne
le criminel,
qui,
en
tant qu'il
agit en être
libre,
opère
selon
une
loi,
laquelle,
en
l'occurrence,
niant
le
droit,
est elle-même un néant.
Cette loi
criminelle négative
doit
donc
elle
aussi
être
niée,
c'est-à-dire
montrer
son
néant, eu égard à la loi qui est son principe. Ainsi,
l'infini
négatif
devient-il,
ensui te,
la
restauration
du
droit
lésé.
Mais,
cette
action,
accomplie
de
façon
immédiate
par
"une
volonté
singulière
et
subjective,
est
la
vengeance"
(die
Rache)
61
Mais,
parce
qu'elle
est
l'action
immédiate
d'un
sujet
particulier,
la
vengeance
n'est
rien
d'autre
qu'une
nouvelle
violation
du
droit,
capable
elle
aussi
d'un
développement
infini
que
seul
peut
infléchir
"un
tiers
58 Ency. § 498 B
Ibidem.
59 Ency.
SL § 173 rem.
Tr.
BB 418
60 Ency. § 499 B
Tr.
BB 290
§
499. et les notes 2 et 3.
61 Ency. § 500
Tr.
BB 291
267
jugement,
qui est libre de tout
intérêt,·· dans,·· la peine"
(der"
Strafe)
62.
Ce
rapport
du
crime et du
châtiment
déploie
lui
aussi
un
mouvement
dialectique,
semblable
à
celui
observé,
ci-dessus,
dans
le conflit entre le droit
en soi
et
le non-
droit.
La vérité recherchée ici,
à savoir,
"le se-faire-valoir
du
droit-en-soi"
se
manifeste
alors,
dans
le
passage
de
l'identique
dans
la
différence,
par
la
médiation
d'un
tiers
jugement,
éventuellement
la
loi.
Il
s'agit
tout
d'abord
de
produire
l'unité
de
l'intention
et
de
l'accomplissement
du
crime,
face à
son opposé,
la vengeance ou le châtiment.
C'est
le rôle de la loi,
qui,
grâce à sa double fonction (l'ordre et
la défense,
le châtiment et la protection) assure le mouvement
du
passage
un
rapport
médiatique dans
lequel
le
criminel
reconnaît
le
crime,
comme
son crime,
ainsi
que
le
châtiment
prévu.
Dans
ce
mouvement
d'intériorisation
va
se
trouver
fondée l'extériorité essentielle au droit: la moralité.
b)
La
moralité,
ou
l'instance
de
l ' intériori té
subjective.
Le
devenir
pour-soi
de
la
personne,
à
partir
de
cette extériorité objective,
en provenant plus précisément de
la
Chose,
voilà le point de vue de la moralité ; ce moment de
la
personne,
devenue
sujet
et
posant
son
être-là
sien
dans
l'intérieur,
redéploie en intériorité les déterminations de la
volonté libre.
Cette volonté expose une double détermination ;
elle est
"pour
une
part
ce
qui
est en
soi
conforme
au
droit (et l'éthique),
-
pour une autre,
l'être-là présent dans
l'extériorisation de fait,
se déployant en elle et entrant en
rapport
avec
elle"
63
La
moralité
est
l'unité,
ou
le
52 Idem
idem.
53 Ibidem.
§
503
Ibidem. p.
293.
268
mouvement
de
l'unification
de
ces
deux' déterminations.
Ainsi
que
cela
s'est
précisé
ci-dessus
avec
l'idée
du
vrai
et
du
bien,
l'action
ici
concernée
doit
résulter
elle
aussi
de
l'opération conj uguée de l'intelligence et
de
la volonté.
La
volonté
lucide
et
libre
s'estime
seulement
responsable
de
l'action
qu'elle
reconnaî t
avoir
été
"en
son
savoir
et
vouloir"
64
L'action
morale,
le Bien et
le Mal,
déterminés
comme
tels,
signe
l'unité
différenciée
du
propos,
de
l'intention et du bien propre.
Dans le propos
(der Vorsatz)
qui est le projet du sujet
libre,
celui-ci
connaît
seulement
l'être-là
immédiat
de
son
vouloir et le considère "comme ce qui est sien"
65.
Mais,
le
contenu
vrai
de
cette
action
morale,
à
savoir
ce
qui
est
essentiellement
su
et
voulu,
c'est
l'intention.
C'est
elle
qui,
en
tant que
l'uni té
particulière et
subjective,
subsume
toutes les déterminations objectives singulières du contenu de
l'action
:
"c'est
là le droit de l'intention"
66
Toutefois,
cette
action
qui
procède
de
l'opération
solidaire
de
l'intelligence et de la volonté,
doit exprimer le bien propre,
à
savoir
la
propre
particularité
du
sujet.
Cependant,
l'intériorité
morale
n'est
pas
pour
autant
totalement
accomplie
à
travers
l'intention
et
le
bien
propre
pour
la
raison que l'universali té de ces
derniers
n'est
qu'une
"pure
forme niée ainsi par le contenu particulier qu'elle consacre"
67
en
d'autres
termes,
disons
que
l'intention
et
le
bien
64 Ibidem.
§
504
Ibidem. p.
294
65 Ibidem.
§
504
Ibidem.
p.
294
66 Ibidem. § 505
Ibidem. p.
295
67 B.
BOURGEOIS In "Ency.
Ph.
de l'Esprit : Trad. et Présentation p.75
269
propre nee-trouvent finalement leur vérité. que ~'dans la loi de
toute détermination,
le Bien en soi,
le but
final
du
monde,
que
le
sujet
doit,
par
conséquent,
se
faire
un
devoir
de
discerner,
de
vouloir
et
de
réaliser"
68
Or,
ce
Bien
universel,
saisi
comme
tel,
contient
en
lui-même
sa
particularité
propre
qui
fait
face
à
celle
essentiellement
constitutive du
sujet moral;
surgit
alors,
entre
le
Bien en
soi et
la volonté du
sujet
libre,
"la contradiction
la plus
profonde" 69.
a)
-
D'un côté,
le Bien en soi,
dont la détermination
n'est autre que son indétermination absolue,
offre,
pour cette
raison,
une gamme infinie de maints aspects de biens possibles
faisant face à une pluralité toute aussi infinie de devoirs en
collision;
à
charge au sujet moral
un de décider
"en
faveur
d'une combinaison de [certains de ces] devoirs en excluant les
autres, et par là en supprimant cette validité absolue" 70
~)
D'un
autre
côté,
le
sujet,
qui
doit
trouver
son
intérêt et son bien propre dans un but qui est en même temps
son
devoir,
est
confronté
avec
le
but
universel
du
Bien
absolu,
en-et-pour-soi.
Mais,
le sujet,
en tant qu'il
est un
être
singulier,
ne
vient
à
réaliser
son
identité
une
qu'en
devenant le lieu où ces deux déterminations s'harmonisent.
r) -
Par
ailleurs,
le
suj et,
en
tant
qu'il
est
aussi
l'être-là de
la
liberté réfléchie en soi-même,
est aussi
une
certitude
abstraite,
qui,
en
face
de
l'idéal
du
Bien,
peut
réduire
celui-ci
à
une
pure
apparence,
à
quelque
chose
de
68 Idem.
69 Ency.
508
Tro.
BB 296.
70 Idem
Idem
270
contingent.
Il est alors capable de!~se,.décider pour quelque
chose d'opposé au Bien, être mauvais" 71.
6)
-
Enfin,
devant procéder à la fois de la singularité
réelle et de l ' universel
idéal,
l'un et l'autre opposés à
la
réali té
universelle
du
monde,
"l'action
dont
le
sens
exige
leur
réunion,
ne
peut
qu'être
en
sa
réalité
la
négation
d'elle-même
comme
la
réalisation
du
sens,
c'est-à-dire
de
l'objectivation
de
l'esprit
dont
elle
est,
à
ce
stade
du
développement, le mode propre" 72.
Tel
est
le visage contrasté de cette contradiction,
au
total,
omnilatérale
et
multiforme,
que
revêt
le
devoir-être
73.
Mais,
cet
état
de
chose
est
aussi
une
révélation,
expressive
de
la
manifestation
de
l'infinité
de
cette
contradiction,
en tant que celle-ci est la pure abstraction
de la certitude subjective ; cela montre la pure vanité de la
volonté libre,
opposition d'elle-même comme conviction morale
( Gewissen)
d'un
Bien
abstrait
et
d'elle-même
comme
le
Mal.
Dans cette abstraction,
le Bien est par conséquent,
quant au
sens,
total abandon de soi à
la singularité décidante,
et la
décision va se dénoncer elle-même comme une simple apparence.
Cependant,
ce
qui
par
là
se
fait
connaître
n'est
autre
que
l'identité
vraie,
la
moralité
objective
ou
"l'Idée
de
la
liberté
en
tant
que
bien
vivant"
74
Mais,
l'identité
différenciée
de
celui-ci
et
de
la
subjectivité
absolue
"est
seulement
la
forme
infinie,
la
manifestation
active
et
le
71 Ency.
§
509
Tr.
BB 297
72 B.
BOURGEOIS.
locus citatus.
p.
76.
73 Ency.
§
511
Tr.
BB.
297
74 PhRech § 142
Tr. A.
KAAN P.
189
271
développement de ce Bien" 75 ou la vie éthique .-.
c)
- La vie éthique est l'unité accomplie du droit et du
bien.
En
d'autres
termes,
elle
est
l'immédiateté
nouvelle
advenue
du
droit
(premier
immédiat)
par
la
médiation
de
la
morali té.
C'est
l ' effectivi té
absolue
ou
"l'apparence
posée
comme apparence"
76.
L'uni té effective du paraître-apparence,
à
savoir
du
droit
et
de
la
moralité,
la
vie
éthique
est
l'identité
réalisée
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur,
la
convergence
concrète
de
la
personne
juridique
et
du
sujet
moral dans l'objectivité de son ethos.
Elle n'est rien d'autre
que
"l'idée
de
la
liberté,
[entendue]
comme
le
bien
vivant
qui, dans la conscience de soi,
[a] son savoir et son vouloir,
et
[qui]
par
son
agir
[a]
son
effectivité,
tout
comme
cet
[agir]
a dans l'être éthique sa base étant en et pour soi et
[son]
but moteur -
le concept de la liberté parvenu au monde
présent et à la nature de la conscience de soi" 77. Dans cette
effectivi té
générale,
le
sujet
singulier,
en
tant
qu'il
est
cette
liberté
consciente
de
soi,
participe
de
la
vie
collective
intégrale
;
il
Y
est
membre
actif,
engagé
avec
toute
la
communauté,
dans
l'être
et
le
devoir-être
des
coutumes
éthiques,
aux
trois
niveaux
solidaires
que
sont
la
famille,
la
société
civile
et
l'Etat.
La
famille
c'est
l'esprit immédiat ou naturel,
l'être-là de la substance; elle
s'affirme
dans
"le
sentiment
pratique
comme
l'intuition
éthique
d'une
totalité
finie" 78
où
"1' intimi té
substantielle
75 Ency. § 512
Tr.
BB.
p.
298
75 WL II 184.29-30
SL II 258. 9-10
77 PhRech § 142
Tr.
P.J LABARRIERE in Hege1iana p.
225
78 Ency.
Philosophie de l'Esprit: Trad. et Présent.
par B.
BOURGEOIS P.
77
272
fait
du
mariage
un
lien
indivise
des.personnes"
79
et
la
propriété
confirme
leur
intérêt
éthique
commun.
Mais
cette
immédiateté de
la
"substance sentante"
80
qu'est
la
famille,
place
celle-ci
sous
le
régime
de
la
fini té
contingente,
et
fait procéder sa vérité du "Rapport des personnes,
relevant du
droi t"81.
Ainsi
la
famille
trouve-t-elle
son
identité
vraie
dans
la
société
civile,
"l' identi té
éthique
de
la
substance
universelle
et
de
la
subjectivité
singulière"
82
"Totalité
développée dans
elle-même"
83,
la
société ci vile
est
le
lieu
et
le
milieu
où
s'articulent
de
façon
solidaire
les
trois
degrés
que
sont
le
système des besoins,
de
l'administration
de la justice et de la police et corporation.
De
cette
totalité,
ainsi
déterminée
en
soi,
l'Etat
est
l'être-là
effectif,
substance
éthique
consciente
de
soi,
en
tant que celle-ci est l'unité et le fondement de la famille et
de
la
société
civile.
L'Etat
s'accomplit
dans
les
lois
et
autres
institutions
par
lesquelles
i l
enracine
et
organise
concrètement
cette
différence
identitaire
dans
le
droit
politique (intérieur et extérieur) et dans la constitution.
En
effet,
dans
leur
fonction médiatique,
en tant qu'elles
sont
l'être
posé
de
la
liberté
objective,
sous
la
nécessaire
garantie
d'une
constitution,
les
lois
donnent
aux
individus,
"toute
la
densité
et
l'épaisseur
d'une
médiation,
grâce
à
laquelle
le
sujet
singulier
peut,
dans
la
reconnaissance
idéale
de
tous,
en
venir
à
s'exprimer
réellement
comme
79 Ency § 519
Tr.
BB.
p.
301
80 Idem § 522
Idem
p.
302
81 Ibidem
Ibidem.
82 B.BOURGEOI5 OC.
p.
77
83 Ency.§ 523
TR.
BB.
p. 302
273
universel" 84
Ce
vaste
mouvement
traduit,
pour
le
dire
encore
une
fois
cette
dialectique
de
l ' intériorité-extériori té,
sous
la figure
particulière qu'est ici
"le chemin de la libération
de
la
substance
spirituelle
"
85
L' espri t
en est
à
la
fois
l'acteur
et
le
moteur
principal
i l
s'y
discerne
et
s'y
réalise,
d'abord en soi
puis,
"il devient
à
lui-même aussi
esprit
extérieurement
universel,
esprit
du
monde
(WeI tgeist) 86.
C'est
lui
qui,
en
tant
qu' espri t
pensant
au
sein de la réalité éthique singulière,
dissout celle-ci aussi
bien en idéalisant sa réalité mondaine qu'en universalisant sa
singularité éthique,
et s'élève au savoir de l'esprit absolu:
la Science absolue.
84 G. JARCZYK
SystL. p. 301
85 Ency. § 549
Tr. 327
86 Idem
Idem.
275
T ROI S I E ME' PAR T l
E
LAS CIE NeE ABSOL UE:
L E T R A V AIL
DEL' E S P RIT
A B SOL U
"Le Tout de la Science
est l'exposition
deI1dée"(lfege~1
•
1 Ency.
§ 11
276
INTRODUCTION
L'Absolu hégélien.
Quel
peut
être
ce
Savoir
ainsi
qualifié
d'absolu
et
auquel
s'élève l' espri t
qui est lui aussi déterminé absolu
?
Voilà l'ultime question à laquelle nous a conduit tout ce qui
précède.
Cette
interrogation n'est
pourtant
pas
à
proprement
parler
nouvelle
en
toute
logique
dialectique,
elle
s'antécède et
se présuppose dans
tout
le parcours
antérieur.
Mais,
c'est
ici
et
maintenant,
en
cette
dernière
étape
de
notre cheminement,
qu'elle devra,
espérons-nous,
livrer,
pour
ainsi
dire,
la
totalité
de
son
contenu
déterminé,
toute
sa
portée spéculative.
De fait,
tout le Système tient et repose
sur le sens que porte ce déterminatif "absolu" affectant trois
termes
différents
sur
lesquels
prend
fin
chacune
des
trois
oeuvres majeures de Hegel :
"Le Savoir Absolu", pour "La Phénoménologie de l'Esprit";
"L'Idée Absolue",
pour "La Science de la Logique"
;
"L'Esprit
Absolu",
pour "L'Encyclopédie des Sciences Philosophiques".
Le
terme
absolu
est
une
lexie
de
la
Métaphysique
traditionnelle. On lui connaît trois emplois principaux ;
soit
qu'il est pris comme adjectif ou comme adverbe,
il qualifie et
détermine
une
réalité
qui
ne
tombe
sous
le
coup
d'aucune
restriction
ni
réserve
et
qui
se
trouve
donc
parfaitement
achevée;
soit qu'il est pris comme un substantif,
il connote
un double sens
l'absolu désigne,
d'une part,
l'être qui
ne
dépend d'aucun autre et qui
est ainsi coïncidence parfaite de
277
son
être
et
de
sa
raison
d'être
d'autre
part,
l'absolu
indique aussi une nature spécifique,
sui generis,
indépendante
de toute connaissance qu'on en a
ou que
l'on peut en avoir.
Comme tel
l'absolu exprime alors une entité pleine et lourde
de sens. Mais cette plénitude trouvée-là n'est autre que de la
pure
représentation,
quelque
chose
de
simplement
supposé.
Cependant,
Hegel
accueille
cette
ontologie
des
plénitudes
indéterminées,
simplement supposées,
mais pour la soumettre à
un
traitement
radicalement
logique.
Derechef,
il
l'oblige
alors
à
exposer
toute
son
extension
et
compréhension
réflexives.
En tout premier lieu, et sous le régime de l'être,
Hegel
fait coïncider dans le commencement absolu,
"l'unité de l'être
et du
non-être"
2.
Toutefois,
il
prend soin de
prévenir des
méprises possibles que pourrait engendrer cette définition qui
signifierait par exemple "l'éternel,
le divin" 3. Aussi,
Hegel
pose-t-il l'être tel qu'il est,
à savoir le pur devenir comme
expression et vérification de soi dans des figures concrètes.
Ainsi,
la
première
détermination
de
vérité
de
l'être
absolu
est-elle,
ensui te et sous
le régime de
l'essence,
"l'essence
comme
vérité
de
l'être"
4 .
Cette
identité
entre
l'être
et
l'essence va donc se laisser comprendre sous le double rapport
à la fois de plénitude et de mouvement d'auto-détermination:
de plénitude au sens positif de "concept intégratif de toutes
les
réalités"
5,
de
mouvement
d'intégration
de
toutes
les
2 WL 1.
40,
1-2
SL 1.
46.
14
3 WL 1. 63,
3 et 25
SL 1.
51,
6 et 24
4 WL II 3.
1
SL II 2,
12
5 WL l
99,
8-13
SL l
96.
8-13
278
négations
6.
Enfin,
sur le plan de
l'expression catégorielle
et conceptuelle,
l'absolu dit l'unité différenciée,
proprement
déterminante
de
la
réflexion
posante
et
de
la
réflexion
extérieure
;
aussi
sa signification ontologique trouve-t-elle
son aboutissement,
au terme de la logique objective,
dans
le
concept
de
l'existence
comme
unité
première
du
devenir
de
l'être
et
de
l'essence
"Tout
ce
qui
est
existe
Car
l'existence est
l'immédiateté venue au
j our hors
du
sursumer
de la médiation établissant-un-rapport par le fondement et la
condi tion,
[immédiateté]
qui
dans
le
venir
au
jour
sursume
justement ce venir au jour lui-même"
7.
Tel cela s'est dégagé
plus
haut
comme
la
meilleure
justification
de
l'argument
ontologique,
à
savoir
sa
compréhension
logique.
L'absolu
hégélien est
donc cette
"Totalité-mouvement qui
atteint
dans
son
terme
le
principe
de
son
redéploiement
en
un
périple
nouveau"
8
Procédure rationnelle,
l'absolu,
au sens logique
et dialectique hégélien du terme,
n'est autre qu'un "acte-de-
montrer
ce
qu'il
est"
9
exposition
en
effectivité
extériorisant sa propre intériorité comme savoir de soi. Ainsi
est-il
dans
la
figure
de
la
Science
véritable
qu'expose
le
Système
comme
le
Savoir
absolu
de
l'Esprit.
D'abord
comme
science du phénomène.
6 WL
(1812)
76.
13
SL l
112.
5
7 WL II 102.19
SL II 148.
4-5 et 9-12
8 G.
JARCZYK OC.
P 171
9 WL II 157.29
SL II 229.21
279
CHAPITRE 6
LA SCIENCE DU PHENOMENE.
"Der Schein, was ist er,
dem das Wesen felt ?
Das Wesen, war'es
wenn es nicht erscheine"10
Le
phénomène
est
l'existence
en
tant
que
celle-ci
est
cette
première
immédiateté
venue
au
jour
comme
l'unité
de
l'être
et
de
l'essence
" le
phénomène
est
l'existant
médiatisé par sa négation laquelle constitue son subsister"ll.
Comme tel,
il a
sa vérité
"dans la relation essentielle"
12,
unité formelle de l'essence et de l'existence exprimée par la
loi
celle-ci,
en
tant
que
l'immédiateté
réfléchie
du
phénomène,
est
"la reproduction en repos du monde existant ou
phénoménal"
13
Ainsi,
le phénomène montre
sa propre base
comme un rapport de "contenu qui se continue ...
dans la loi,
le contenu de la loi et du phénomène" 14 : image constante de
l'instabilité
que
déploie
le
phénomène,
la
loi
est
donc
l'essentiel de celui-ci; mais leur vérité vient au jour dans
l' effectivi té
de
la
science,
en
tout
premier
lieu
dans
les
limites du phénomène comme Savoir absolu.
Aussi la science, dans son immédiateté première, est-elle
10 Goethe.
cité in Ph.G p.
VII
11 WL II 124.16-17
SL II 181.5-6
12 WL II 136.32-33
SL II 199.1
13 WL II 127.38-39
SL II 186.2-3
14 WL II 127.16-17
SL II 185.10-11
280
la science du phénomène ;
elle se détermine d'abord comme le
syllogisme de l'objet
(A),
ensui te comme le Soi
se concevant
(B), enfin comme le retour à l'immédiateté existante (C).
A -
La définition de l'objet.
Le
Savoir
absolu
est
l'aboutissement
de
la
Phénoménologie,
ou la Science de l'Expérience,
de l'expérience
de
la
conscience,
première
figure
du
Soi
spirituel,
de
la
Raison,
sa deuxième figure,
de la Liberté,
ou le Soi spirituel
véritable. Quand Hegel aborde le problème du Savoir absolu,
i l
vient de terminer le très long développement qu'il consacre à
la Religion manifeste
;
il
Y a
exposé
les
déterminations de
l'Esprit certain de soi. Mais, dans cette forme,
la conscience
de
soi
de
l'esprit
demeure
encore
dans
la
figure
de
la
représentation.
Il
lui
faut
s'accomplir
en
vérité
dans
la
sursomption
de
la
totalité
de
ses
moments
en
réalisant
le
mouvement
de
l'unification
absolue,
mouvement
dans
et
par
lequel
son
auto-négation
est
aussi
son
affirmation
de
soi.
Ainsi,
l'objet ou
le contenu religieux,
sans disparaître,
est
identifié au Soi,
et celui-ci se trouve en lui.
Ainsi chemine
le
mouvement
qu'est
l'objet
véritable,
comme
objet
scientifique
un
syllogisme
authentique.
Voilà
ce
que
récapi tule
Hegel
dans
ce
texte
déj à
évoqué
et
dont
i l
nous
faut maintenant apprécier la portée décisive dans ce contexte
du Savoir absolu :
281
Le syllogisme de l'objet
"L'objet est
-
a)
en partie être immédiat,
ou une
chose
en
général
ce
qui
correspond
à
la
conscience
immédiate;
en partie un devenir-autre de soi,
sa relation ou
son être
pour autre-chose
et
être-pour-soi,
la
déterminité
-
ce
qui
[correspond]
à
la
perception
-
en
partie
essence
ou
comme universel,
ce qui correspond à l'entendement. b) Il est,
comme tout,
le syllogisme ou le mouvement de l'universel,
par
la
détermination,
à
la
singularité,
comme
le
[mouvement]
inverse de la singularité, par elle en tant que sursumée ou la
détermination,
à
l'universel.
Selon
ces
trois
déterminations
donc il faut que la conscience le sache comme elle même.
c) Ce
n'est là pourtant pas le savoir comme acte pur de comprendre-
conceptuellement
l'ob-jet
dont
il
est
question
;
mais
ce
savoir
doit
seulement
se
trouver
mis
en
évidence
dans
son
devenir ou dans
ses moments,
selon l'aspect
qui
appartient
à
la
conscience
comme
telle,
et
les
moments
du
concept
proprement dit ou du savoir pur mis en évidence dans la forme
de
figurations
de
la
conscience.
d)
C'est
pourquoi
l'objet
n'apparaît
pas
encore
dans
la
conscience
comme
telle
comme
essentialité
spirituelle
telle
qu'elle
vient
de
se
trouver
énoncée par nous,
et son
comportement à son endroit n'est pas
la considération de ce même [ob-jet] dans cette totalité comme
telle ni dans
sa forme-conceptuelle
pure,
mais
pour
une part
figure de la conscience en général,
pour une part un nombre de
telles figures que nous prenons ensemble et dans lesquelles la
totalité
des
moments
de
l'ob-jet
et
du
comportement
de
la
conscience ne
peut
se
trouver mise
en
évidence
que
dissoute
282
dans ses moments"15
Ce
texte
reprend
et
confirme
ce
que
nous
connaissons
déjà,
à savoir que l'élément du vrai est le concept,
une unité
dynamique
entièrement
articulée
comme
telle
en
elle-même
et
hors
d'elle-même
telle
est
la
vraie
figure
de
la
vérité,
telle
est
aussi
l'exigence
(die
Forderung)
que
porte
la
science,
établie
par
Hegel
dans
la
Préface
de
la
Phénoménologie.
Ainsi
les
retrouvons-nous
maintenant
dans
ce
passage que,
d'une façon générale, on peut considérer comme la
définition
de
l'objet
scientifique.
En
effet,
cette
considération
donne
le
ton
à
tout
le
paragraphe,
et
elle
inspire
le
mouvement
des
quatre
parties
qui
l'articulent.
D'abord l'objet scientifique.
a)
-
L'objet
scientifique.
Il est en tout premier lieu
être immédiat;
mais, dans cet état d'absolue indétermination,
i l
ne
vaut
pas
plus
que
la
chose
en
général
que
rien
ne
détermine
ni
du
dedans,
ni
du
dehors.
Pur
être-là,
cet
immédiat
premier
est
donc
totalité
indifférente,
simplement
déterminable.
Hegel
rappelle
alors
qu'il
n'est
rien
d'autre
que la conscience immédiate de la certitude sensible. Mais,
en
second
lieu,
pour
dépasser
ce
stade,
l ' obj et
doit
devenir-
autre,
prendre
connaissance
de
sa
relation
percevoir
pour
s'apercevoir qu'il est tout
à la fois,
être-pour-autre-chose
et
être-pour-soi,
double
rapport
qui
pose
sa
propre
déterminité
(Bestimmtheit)
contre-distinguée
de
sa
simple
déterminabilité
(Bestimmbarkeit) seulement possible.
En effet,
15 Ph.G 550, 10-37
Trad. G. JARCZYK et P.J. LABARRIERE. à paraitre. Nos prochaines références au
texte du Savoir absolu prendront cette traduction pour une raison d'unité de ton de structure et
d'analyse.
283
ce moment de la relation,
en d'autres termes,
de la médiation,
s'est
montré
dans
la
figure
de
la
perception,
comme
étant
l'étape où l'être exprime son identité dans
le double rapport
d'être
à
la
fois
pour-soi
et
pour-un-autre
identi té
dans
laquelle l'être pour-soi est aussi chez-soi auprès d'un autre.
Cependant,
l'être
dans
une
telle
relation
n'est
pas
encore
déterminé totalement en lui-même.
Il n'y advient,
en troisième
lieu,
que dans
la
forme
de
son essence propre,
c'est-à-dire,
au
moment
où
i l
accède
à
l ' universali té,
à
l'uni té
de
la
totalité devenue,
ou la conjonction absolue du principe et du
terme;
i l est alors l'universel déterminé,
défini;
c'est là
l'oeuvre
de
l'entendement
dont
les
objets
sont
la
force,
le
monde
des
lois,
l'infinité
bref
une
activité
universalisatrice
de
l ' espri t
dont
résulte
l'objet
comme
un
tout syllogistique.
b)
L' obj et
total
et
véritable
est
un
syllogisme.
Envisagé dans cette totalité définie,
l'objet,
comme tout est
l'uni té
de
l'être
immédiat
singulier
et
de
l'essence
universelle.
Or,
le syllogisme est l'unité d'un tel mouvement
à
savoir,
la
médiation
réciproque
de
l'universel
immédiat
et
du
singulier
par
le
moyen
de
la
réflexion,
mouvement
par
lequel l'objet est posé comme objet,
et est objet défini dans
sa vérité posée
dans la loi
comme
l'expression de l'équation
universelle du mouvement.
C'est donc en termes
logiques
que
Hegel
exprime
ce
que
le
physicien
expose
sous
la
forme
d'équation
universelle,
simplement
formelle.
Telle
est
l'exigence,
ou
la
règle de
toute
connaissance
scientifique à
laquelle doit se soumettre toute démarche du savoir,
ainsi que
284
le savoir de soi
de la conscience .
c)
Le
savoir
de
soi
de
la
conscience.
Il
doi t
à
l'instar du savoir de l'objet,
développer lui-aussi ces trois
moments
par
lesquels la conscience
se pose,
au
terme de
ses
trois étapes d'auto-détermination,
dans son unité égale à
soi
comme
conscience
en-soi,
pour-soi,
en-et-pour-soi.
Cependant, à ce niveau du phénomène,
le savoir ne vient pas au
jour comme
acte
pur de
comprendre-conceptuellement
ce sera
l'objet de la Logique dont le mouvement global
s'indique ici
en termes de être,
devenir,
essence.
Pour l'instant,
et
par
la décision du philosophe,
la science demeure encore dans les
figures
de
la
conscience,
dans
les
limites
de
la
Phénoménologie.
d)
un
savoir
dissout
dans
les
limites
de
la
Phénoménologie.
Nous
avons
bien
le
syllogisme
de
l ' obj et
et
cependant l'objet,
dit Hegel,
"n'apparaît pas encore".
L'objet
dans
sa
pure
essentialité
spirituelle
comme
totalité
conceptuelle viendra avec la Logique.
Il en est de même pour
le
savoir
absolu
qui
ne
prendra
véritablement
place
qu'au
terme
non
seulement
des
figures
concrètes
de
la
conscience,
mais
aussi
à
l ' ul time développement de la Phénoménologie,
au
moment
précis où toutes
les déterminations de
l'objet,
ainsi
que
le
comportement
de
la
conscience,
seront
intégrées
dans
"cette
inactivité
apparente"
16
dans
laquelle
la
science
saisit
son
but
propre,
comme
"l'esprit
se
sachant
comme
16 -
Ph.G 561.34
Tr.
P.J LABARRIERE et G. JARCZYK.
285
esprit"
17.
Pour
le
moment,
nous
accueillons"
le
mouvement
corrélatif
de
l'objet
et
de
la
conscience
où
se
dit
leur
véri té
à
tous
deux
comme
le
mouvement
de
détermination
des
différences
qui
est
la
vie-même
de
l'esprit
c'est-à-dire
"l'essence étant en-soi et pour-soi,
qui se sait en même temps
effective
comme
conscience
et
se
représente
soi-même
à
soi-
même"
18,
mouvement
qui
assure l'autonomie
et la
sécurité de
la science, comme le Soi se sachant.
B - La Nature du Savoir absolu
Cette science,
en tant
qu'elle est ainsi parvenue "dans
la
figure
d'une
autoconscience"
19
est
maintenant
le
Soi
se
sachant,
ou
le
savoir se conceptualisant
c'est
le
savoir
absolu. Dans cet élément,
l'absolu va donc produire son propre
savoir. Quant à
la nature de ce savoir,
elle se fait connaître
comme
celui
de
l ' esprit,
en
tant
que
celui-ci
se
montre
1)
sujet,
un
soi-logique,
2)
jusque
dans
la
forme
du
temps,
3)
finalement un sujet autonome et en sécurité dans le mouvement
de sa propre science.
L'Absolu.
"La nature,
les moments et le mouvement de ce savoir se
sont donc dégagés de telle sorte qu'il est l'être-pour-soi pur
de l' autoconscience
;
a)
il
est
Je,
qui
est
ce Je
et
aucun
autre,
et qui
pareillement est
immédiatement médiatisé ou Je
17 - ibidem 564. 23-24
ibidem.
18 - ibidem 314.2-4
II 10.57
19 - Ph.G 556.13
Nouvelle tr. cit.
286
universel
sursumé.
b)
Il
a
un
contenu
;
car
il
est
la
négativité pure ou l'acte de se scinder ;
il est
conscience.
Ce contenu est
dans
sa
différence même le Je,
car il
est le
mouvement de se sursumer soi-même,
ou la même négativité pure
qu'est Je.
Je
est,
dans lui
comme différencié,
réfléchi dans
soi
;
le
contenu
est
compris-conceptuellement
du
fait
seulement que Je,
dans
son être-autre,
est près de
soi-même.
c)
Ce contenu étant indiqué de façon plus déterminée,
il n'est
-rien
d'autre
que
le
mouvement
lui-même
qui
vient
d'être
énoncé;
car
il
est
l'esprit
qui
se
parcourt
lui-même
et
se
parcourt pour soi
comme esprit du fait
qu'il
a
la
figure
du
concept dans son ob-jectivité" 20.
La
compréhension
de
ce
texte,
évoqué
plus
haut,
21
appelle
deux
remarques
préliminaires
la
première
concerne
son lien avec le paragraphe 2 analysé ci-dessus qui exposait
la
définition
de
l'objet
scientifique
la
deuxième
vise
l'enjeu même de ce nouveau paragraphe et ses rapports avec les
suivants.
En effet,
on peut dire que
les paragraphes
2 et 12 du
chapitre
consacré
au
Savoir
absolu
développent
une
même
logique
à
propos
de
deux
choses
différents
le
premier
a
exposé,
pour
le
compte
de
l'objet,
le
même
mouvement
syllogistique
absolument
identique
à
celui
qu'articule
ici
l'Absolu en tant que Sujet ou le Soi-Logique; Au reste, Hegel
le signalait comme condition nécessaire à l'avènement de toute
vraie science.
Ce que fait la conscience dans le connaître de
20 - Ph.G. 556.34-41 et 557.1-9
21 - Cf Le ch. 2
notes 81 et 82
287
l'objet elle doit se l'appliquer à elle-même dans
fIla mise en
évidence de son propre devenir" 22. Voici donc venu le moment.
Hegel y
arrive
au terme d'un long développement
récapitulant
les
figures
concrètes de ce devenir de
la conscience
jusqu'à
l' ul time
figure de
"1' être-pour-soi de l ' autoconscience" dont
il
va maintenant
présenter
la
nature,
en d'autres
termes
la
défini tion.
Et c'est ici qu'intervient
la seconde
remarque
l'enjeu de cette définition
La
portée
de
ce
paragraphe,
le
douzième
du
chapitre,
s'étend
à
tout
le
reste.
En
effet,
de
ce
qui
est
dit
de
l'Absolu,
tel que Hegel le conçoit,
découle toute la validité
de
la
Logique
spéculative
cependant
celle-ci
n'est
encore
qu'à sa naissance.
Toutefois,
pour s'honorer dès maintenant de
la qualité de science absolue,
la science doit connaître comme
science sa propre naissance. C'est pourquoi,
la Phénoménologie
est
aussi
bel
et
bien
science
car
"le
savoir
doit
se
reconnaître
dans
son
histoire
dès
sa
première
racine,
le
logique
dans
l'épistémologique
(ne
fût-il
d'abord
que
psychologique
et
sociologique),
le
structural
dans
l'anthropologique,
ce
qui
est
schelligien
dans
ce
qui
est
fichtéen,
sans
quoi
le
savoir
vrai
subsisterait
hors
de
la
conscience
et
hors
du
monde,
sans
quoi
la
conscience
existerait et le monde s'imposerait hors d'un vrai savoir" 23.
Tel est le véritable travail de l'esprit:
se connaître en se
reconnaissant,
et comprendre en comprenant le monde comme son
monde.
Voilà qui introduit à
la nature de ce savoir qui est,
ainsi
qu'il
s'est
dégagé,
l'uni té
de
la
double
al téri té
du
22 -
CF ci-dessus note 15.
23 -
Bernard ROUSSET oc.
p.
232
288
sujet et de l'objet
aussi,
sa nature est-elle d'abord celle
d'un Soi-Logique.
a)
"Un
Soi-logique".
Dire
que
l'absolu
est
sujet
implique
qu'il
est
essentiellement
résultat,
en
d'autres
termes
"Il est à la fin seulement ce qu'il est en vérité
;
en
cela
consiste
proprement
sa
nature,
qui
est
d'être
[un]
effectif,
[un]
sujet,
ou
[un]
devenir-soi-même"
24.
Ainsi
s'exprime Hegel dans la Préface que reprend ici pour le fond
le texte du Savoir absolu. Aussi,
les mots clés de paragraphe,
sont-ils
:
Je,
contenu,
mouvement.
L'absolu-sujet est donc un
soi-logique,
c'est-à-dire
"un principe d'immanence du concept
à
chacun des
moments de
son devenir
le
procès
essentiel
d'effectuation
qui
accompagne
l'éveil
d'une
réalité
à
la
totalité qu'elle porte"
25.
Le Je de l'autoconscience est un
résultat posé comme ce Je et qui par là se distingue de tout
autre Je
il est en-et-pour soi.
Mais,
il est immédiatement
médiatisé
i l est l'''ici et maintenant" du Je universel;
ce
Je,
à la fois en-et-pour-soi et pour un autre, est l'universel
concret, un singulier. Il a donc un contenu.
b) - Un contenu. Ce Soi-Logique qui est résultat porte en
toute logique ce dont il procède et qui est donc son contenu ;
réfléchi
dans
soi,
le
Je
est
comme
différencié
dans
ce
contenu;
en
effet,
le
Je
est
conscience,
c'est-à-dire
qu'il
est le mouvement,
la négativité ou l'acte de se scinder; mais
le
résultat
de
ce
mouvement,
le
travail
ainsi
effectué
et
posé,
c'est
le
contenu
compris-conceptuellement.
Or,
le
24 -
PH.G.
19.14
I I 19.
2
25 -
P.J.
LABARRIERE in Hege1iana.
p.3D8.
289
concept compris et posé comme concept n'est rien d'autre que
le mouvement lui-même.
c)
Le
mouvement,
ainsi
que
nous
le
savons,
est
lui
aussi un résultat,
l'unité du surgir et du disparaître.
Hegel
peut
alors
écrire
"il
(le
mouvement)
est
l'esprit
qui
se
parcourt lui-même et se parcourt pour soi comme du fait qu'il
a
la
figure
du
concept
dans
son
ob- jectivité"
26.
Telle
se
fait
connaître
donc
la
nature
du
Savoir
absolu,
à
savoir
qu'elle est le travail de l'esprit dans son unité,
une unité
toujours
en
devenir
de
soi
pour-soi,
et
pour-un-autre,
une
unité
appelée
à
se
dire
véritablement
comme
identité
dialectique de
l' intériori té-extériori té qui
est
l'expression
adéquate
de
la
nature
de
ce
Savoir
absolu.
Mais,
pour
le
moment,
un
tel
savoir
est
encore
seulement
"l'acte
de
comprendre-conceptue11ement
en
général"
27
une
intuition
vide qui n'a pas encore compris conceptuellement ses moments,
Ainsi est-il d'abord dans la forme du temps.
26 - Cf ci-dessus note 15.
27 - Ph.G.557.20
Nouvelle tr. cit.
290
2 -
Le Savoir absolu dans la forme du temps
"a)
Le
temps
est
le
concept
même
qui
est
là
et
se
représente à la conscience comme intuition vie ; b)
pour cette
raison,
l'esprit
apparaît nécessairement dans
le
temps,
et i l
apparaît dans le temps aussi longtemps qu'il ne saisit pas son
concept pur,
c'est-à-dire n'abolit pas le temps.
Il
est le pur
Soi
extérieur
intuitionné
non
saisi
par
le
Soi,
le
concept
seulement
intuitionné;
en
tant
que
celui-ci
se
saisit
lui-
même,
i l
sursume
sa
forme
temporelle,
comprend-
conceptuellement
l' intui tionner,
et
est
intuitionner
compris-
conceptuellement et comprenant-conceptuellement.
c)
Le temps
apparaît
par
conséquent
comme
le
destin
et
la
nécessité
de
l'esprit
qui
n'est
pas
achevé
dans
soi
la
nécessité
d'enrichir qui n'est participation qu'a l'autoconscience
à
la
conscience,
de mettre en mouvement l'immédiateté de l'en-soi
la
forme
dans
laquelle la
substance
est
dans
la
conscience
ou inversement
de réaliser et de
révéler l'en
soi
pris
comme
l'intérieur,
ce
qui
est
d'abord
intérieur,
c'est-à-dire
de
le gagner à la certitude de soi-même 28.
Ce
texte,
comme
le
précédent,
appelle
une
remarque
28
-
Ph.G.558.10-28
Nouvelle
trad.
cit.
Cf aussi
ce
texte
de
l'Esthétique
Tr.
S.
JANKELEVITCH OC.
346.
"Mais
le
temps
...
n'est
pas comme l'espace.
un côte-à-côte positif:
i l
est.
au
contraire.
une
extériorité
négative
;
en
tant
que
suppression
du
côte-à-côte.
de
la
gauche
et
de
la
droite.
i l est punctiforme et.
en tant qu'activité négative,
i l est la suppression de
tel point du temps
et sa substitution par un autre.
qui est supprimé à
son tour.
pour céder la place à un autre encore.
et
ainsi de
suite.
Dans
la succession de ces moments du
temps,
chaque son particulier se
laisse
en partie
fixer COmme une Unité,
msis peut aussi en partie être mis en rapports quantitatif avec d'autres moments.
ce qui
rend
le
temps numérable.
D'autre part.
cependant.
comme
le
temps
représente
la naissance
et
la
dispari tion
ininterrompues
de
ces
moments
qui.
pris
comme
simples
moments.
sont
des
abstractions
non
particularisées,
ne
différant
pas
les
Uns
des
autres,
le
temps
apparai t
tout
aussi
bien
comme
un
écoulement régulier et une durée indifférenciée"
291
préliminaire pour bien situer son importance.
Hegel aborde ici
un
problème
capital
et
dont
la
solution
complexe
et
très
difficile
cache
de
nombreux
pièges,
s'agissant
en
effet
des
rapports
du
Savoir
absolu
avec
la
temporalité.
Le
Savoir
absolu
apparaît
avant
sa
réalité
effective
et
historique,
telle
qu'elle
sera
développée
dans
l'Encyclopédie.
Par
conséquent,
Hegel
peut
déjà
écrire
"La
substance
sachante
est là plus
tôt que la
forme ou figure-conceptuelle de cette
même substance"
29.
Certes,
dans l'économie de la Science de
la
Logique,
il
a
montré,
ainsi
que
nous
l'avons
exposé
ci-
dessus,
que la Substance est la relation absolue ou
"plutôt
l'absolu comme relation à soi-même" 30. Mais,
dans le contexte
de la Phénoménologie,
le Savoir absolu est déjà la Substance;
c'est
pourquoi
son
rapport
au
temps,
n'est
pas
sans
poser
question pour la raison de cette antériorité à son effectivité
historique
car
ce
qui
est
là maintenant,
relève,
pour
le
moment,
de
la
représentation
intérieure
laquelle
n'a
pas
encore atteint
sa propre construction effective,
concrète.
A
ce problème classique,
le penser hégélien va fournir l'une des
réponses. les
plus
radicales.
Mais,
pour
des
raisons
souvent
extérieures
au
Système,
elle
n'a
pas
toujours
été
bien
comprise.
De là est née la fameuse question de la suppression
du
temps
Hegel
a-t-il
vraiment
arrêté
l' histoire
à
lui
?
Certes,
des traductions approximatives,
peu rigoureuses,
comme
nous allons le voir,
n'ont pas aidé à
la bonne compréhension
de la solution proposée,
et qui
représente pourtant l'un des
sommets de
la philosophie hégélienne.
Selon Hegel,
en effet,
29 - Ph.G.557.23-24 :
" In der Wirklichkeit ist nun die wissende Substanz frUher da.
aIs die Porm oder
Begriffsgestalt derselben"
30 - WL II 157.5-7
SL II 228.15-17
292
la
partition
du
temps,
relativement
au
Savoir
absolu,
actualise un rythme ternaire:
d'abord,
comme intuition vide,
où,
ensuite,
apparaît
nécessairement
l'esprit,
comme
le
pur
Soi extérieur jusqu'à
l'abolition du temps; enfin,
comme le
destin et la nécessité de l'esprit.
a)
-
Le temps comme
intuition vide Hegel condense en
ces termes,
le résultat de ses longues critiques relatives aux
conceptions antérieures,
selon lesquelles le temps et l'espace
sont purement et simplement des formes pures et immédiates de
la
conscience.
Kant
est
dans
son
collimateur.
Mais,
ce
qui
importe pour nous,
ne vise pas le débat lui-même en tant que
tel,
mais plutôt la position personnelle de Hegel,
et surtout,
la cohérence de
sa réponse
avec
l'ensemble du
Système.
Cette
réponse
étend
sa
fécondité
jusqu'au
fondement
de
l'Esthétique
de
Hegel,
en
l'occurrence,
à
l'art
musical,
un
art
qui,
aux
yeux
du
philosophe,
"sert
à
communiquer
l r intériorité,
reste subjectif même dans
son extériorité"
31.
Ainsi
met-il
la
temporalité
en
rapport
avec
la
sonorité,
le
son,
qu'il
qualifie
de
simple
tremblement
vibratoire
pure
intériorité,
le
temps
est
le
Soi
pur,
la
forme
vide
de
la
subjectivité dans sa relation simple à soi
"Seule,
écrit-il,
l'intériorité sans objets,
la subjectivité abstraite se laisse
exprimer par des sons" 32.
Forme vide et intuition tout aussi
vide,
le
temps
apparaît,
d'un
côté,
comme
l'unité
indifférenciée
d'un
pur
écoulement
des
instants,
et
de
l'autre,
comme
le
mouvement
de
négativité,
d'exclusion
réciproque
de
ces
mêmes
instants.
La
temporalité
exprime
le
31 - HEGEL.
Esthétique.
Trad. S. JANKELEVITCH Ed.
Flammarion col. Champ Philosophique t.
III p.
347 sq.
32 -
Idem. p. 322
293
mouvement
intérieur
de
la
totalité,
le
dynamisme
interne
du
pur
Soi
lié
à
son
nécessaire
passage
dans
l'extériorité,
comme temps.
b)
-
Le temps,
nécessaire extériori té du pur Soi
Ce
dynamisme
d'auto-diction
du
Soi
se
tradui t,
apparaît
nécessairement dans le temps (erscheint der Geist notwendig in
der
Zeit)
aussi
longtemps
que
l'esprit
ne
saisit
pas
son
concept comme concept pur,
c'est-à-dire n'abolit pas
le temps
(nicht die Zeit tilgt).
Ces deux expressions,
-
l'apparaître
nécessaire et l'acte d'abolir le temps -,
ont connu une très
mauvaise
fortune.
Plus
d'un
a
compris
qu'il
s'agissait
là
d'une
ambition
insupportable
;
Hegel
aurait
voulu
arrêter
à
lui
le
cours
du
temps.
Or,
même
si,
à
la
lettre,
le
verbe
tilgen signifie effacer,
exterminer,
rien n'autorise,
dans la
logique du Système,
de comprendre,
de la part du philosophe,
une
quelconque
volonté
d'arrêter,
de
fixer
ou
d'annuler
purement
et
simplement
le
temps.
Dans
ce
sens,
l'important
travail
de
B.
ROUSSET,
déjà
mentionné,
accuse
quelques
glissements assez caractéristiques 33.
L'auteur donne
la même
traduction,
le sens de "manifester-manifestation",
aux termes
techniquement
contre-distingués
par
Hegel
scheinen-
erscheinen-offenbaren
:
paraître-apparaître-manifester
de
façon effective.
La réduction de toutes ces nuances à l'unique
terme de manifester bloque B.
Rousset,
obligé alors de rendre
"Offenbarkeit"
par révélabilité,
concept pour le moins ambigu
pour
ne
pas
dire
très
éloigné
de
celui
de
l'effectivité
qu'appelle ici en toute logique la dialectique hégélienne dans
33 B.
ROUSSET "Le Savoir absolu.
Introduction.
commentaires.
notes" op.
ci t.
pp.
106-108.
294
les
termes
de
"offenbar-offenbarkeit",
dans
le
sens
de
"manifeste-manifestité".
Par ailleurs,
B.
Rousset traduit
"die
Verborgenhei t"
par occul ta tion,
en lieu et place d' obscuri té.
Tout
cela
crée
bien
évidemment
dans
le
même
paragraphe,
de
fâcheuses inexactitudes,
des hésitations embarrassantes,
voire
des contresens flagrants.
L'enjeu du problème exige plus de précision,
s'agissant
de la fixation du vrai dans sa double extériorité de l'espace,
ou "le Soi dans son repos" et du temps,
ou "le concept pur, le
Soi
intuitionné
vide
dans
son
mouvement"
34,
en
d'autres
termes,
c'est
l'importante
question des
rapports
de
l ' espri t
avec
le
monde
de
l'effectivité,
rapports
traditionnellement
perçus sous modes de donnés immobiles et fixes,
en opposition.
De cette opposition,
et dès la Phénoménologie,
Hegel entreprit
la
réduction,
en
déterminant,
comme
essentiellement
constitutives
de
son
rapport
à
soi,
la
profondeur
et
l ' intériori té
"antérieure"
de
ce
qui
est
ici
et
maintenant
dans le présent immédiat.
Toute fixation ou arrêt sur l'un ou
l'autre des termes en relation relève de la représentation et
implique,
aux
yeux
de
Hegel,
deux
risques
pour
le
concept
d'un
côté,
le
risque
de
se
poser
dans
la
perfection
d'une
intériorité
vide
et
formelle
35,
et
de
l'autre
côté,
le
risque,
toujours
pour
le
concept,
d'apparaître
dans
l'extériorité
d'un
contenu
pleinement
valable,
achevé
pour
soi,
mais non assimilé et compris conceptuellement comme tel.
Il
revient
alors
au
Savoir
absolu
d'unifier
ces
deux
34 - Ainsi s'exprimait déjà Hegel. dans la Jenenser Realphilosophie.
Ed. Hoffmeister XX 273 et le reprend
dans la figure de la Belle Ame.
35 - Cf la fin de la section de l'Esprit dans la Phénoménologie.
295
"réconciliations" extérieures et unilatérales en sa plénitude
ultime en présentant le concept comme concept.
Or,
avant
cette
dernière
étape,
le
temps
n'est
rien
d'autre
que
le
concept
simplement
là
et,
en
lui,
doivent
nécessairement
s'exprimer
tout
l'enchaînement
et
le
parcours
concret
de
ses
différents
moments,
en
leur
linéari té
successive et logico-chronologique et cela jusqu'à l'abolition
du
temps
qui
est
leur
accomplissement
en
vérité
Ainsi
ce
fameux arrêt ou abolition du temps ne détruit pas ce dernier,
mais
le
confirme
plutôt
dans
sa
plénitude
véridique
et
effective.
Et
nous
retrouvons
une
fois
encore
cette
loi
dialectique,
partout
présente
dans
le
Système,
loi
selon
laquelle l'auto-négation est toujours la condition de l'auto-
affirmation
où l'on voit que s'abolir,
c'est s'accomplir.
Il
importe
donc
de
comprendre
cette
suppression
du
temps,
d'une part,
comme
le signe de
son accomplissement,
au
sens
que
la
vérité
du
concept
ne
s'arrête
pas
à
l'un
de
ses
moments,
mais
doit
plutôt
aller
jusqu'à
la
totale
récapi tulation
de ces
derniers,
et,
d'autre
part,
comme
le
signe de l'affirmation du concept dans sa dimension historique
véritable.
Ainsi,
"le
temps
existe
comme
histoire,
une
histoire
qui
n'est
pas
simple
succession
d'événements
extérieurs les uns aux autres
;
mais succession intelligible,
une histoire
conçue
(begriffne Geschichte),
une
histoire
qui
rassemble
la
contingence
de
l'imprévisible
grâce
au
fil
d'Ariane découvert en ce parcours que l'esprit a
fait de lui-
même" 36 ; la suppression du temps et la naissance à la vérité
36 - P.J.
LABARRIERE in Archives de Philosophie tome 33 1970 p.
595 sq.
296
de
l' histoire
sont
identiquement
une
seule
et
même
chose,
à
savoir,
l'unité différenciée de l'intérieur et de l'extérieur,
le
concept
réalisé
comme
histoire
véritable,
histoire
non
point
achevée
et close,
mais
posée comme
telle
sur
l'axe
de
son imprévisible et nécessaire développement,
par où le temps
devient le destin et la nécessité de l'esprit.
c)
Le
temps,
"comme
le
destin
et
la
nécessité
de
l'esprit".
Cet
ultime
accomplissement
du
temps
montre
la
véri té
de
l ' espri t
dans
la
nécessité
de
son
destin.
Ce
qui
veut
dire
trois
choses
fondamentales
nécessité
d'enrichissement,
de mouvement et de réalisation de son en-soi
comme son pour-soi véritable.
L'en soi comme conscience est la conscience en général,
quelque chose
de
simplement autre,
sans
aucune
détermination
particulière.
Pour accéder à celle-ci,
s'impose à
l'esprit la
nécessité d'enrichir la participation qu'a l'autoconscience à
la
conscience,
articuler,
pour
ainsi
dire,
et
en
les
explicitant leurs mutuelles corrélations.
En somme,
i l s'agit
de passer de la conscience générale qui est en soi vide,
à
la
conscience plus précise de ceci.
L'esprit opère un tel travail
par la progressive et lente assimilation qui
n'est autre que
l'intégration
réflexive
de
la
culture,
de
la
représentation
religieuse,
dans
la
conscience
philosophique.
En
cette
dernière
se
donne
à
connaître,
grâce
aux
ressources
particulières de la rationalité,
l'identité effective de leur
contenu commun,
l ' espri t.
Pour cela
s'impose la nécessité du
mouvement.
297
L'esprit doit mettre en mouvement l'immédiateté de l'en-
soi
afin
de
pouvoir
conduire
celui-ci
au
statut
de
l' être-
pour-soi,
oeuvre
de
son
propre
mouvement.
Ce
mouvement
de
détermination se doit d'être autonome,
c'est-à-dire
identique
à lui-même dans le double procès de l'aller et du retour,
afin
d'exprimer
le propre mouvement du concept qui
actualise,
en-
et-
pour-soi,
comme
son
propre
savoir,
la
définition
de
la
science véritable,
dans
l' autodiction de
soi
comme
soi,
pour
un autre soi.
Réaliser ainsi l'en-soi pris comme l'intérieur,
c'est le
gagner à la certitude de soi-même.
Or, ce gain capital ne peut
s'effectuer
que
dans
et
par
la
nécessité
pour
l' espri t
de
syllogiser cet en-soi de la conscience immédiate et
formelle
avec cette certitude de soi-même de l' autoconscience
et ce
gain
qui
n'est
autre
chose
que
le
retour
à
la
certitude
sensible,
signe l'accès de l'esprit à sa propre liberté,
ainsi
qu'à sa vraie sécurité.
298
C - "La science, liberté et sécurité suprême"
de
l'esprit.
En
effet,
a)
"la
science
contient
dans
elle-même
cette
nécessi té de
s'extérioriser de la forme
du concept
pur et le
passage
du
concept
dans
la
conscience.
b)
Car
l'esprit
se
sachant
lui-même,
pour
la
raison
justement
qu'il
saisit
son
concept,
est,
lui,
égalité
immédiate
avec
lui-même,
laquelle
dans
sa
différence
est
la
certitude
de
l'immédiat
ou
la
conscience
sensible,
le
commencement
dont
nous
sommes
partis:
c)
cet acte de se délivrer de la forme de son soi est
la liberté et sécurité suprême de son savoir de soi" 37.
Dans ce destin qu'est le temps pour le concept,
s'indique
déjà la nécessité pour celui-ci de s'extérioriser:
le passage
(den
Übergang)
du concept dans
la
conscience,
un passage qui
le
ramène
au point de départ,
pose
l'unité
accomplie,
comme
l'expression
de
la
liberté
et
de
la
sécurité
suprême
pour
l'esprit.
a)-
La
nécessité
de
s'extérioriser
le
passage.
La
nécessité
de
mouvement
commande
toute
la
validité
de
la
Science
comme
Système
autonome
ainsi
cela
s'est-il
dégagé
dès
le principe et se confirme maintenant dans
son terme.
Le
concept possédant en lui-même le pouvoir de détermination,
de
réflexion de soi à
soi,
est pure mobilité.
Cette capacité lui
permet
de
passer
de
la
forme
du
concept
pur
dans
la
conscience.
Mais,
ce passage de simple réflexion n'est pas en
37 - Ph.G.
563. 9-10
Nouv.Tr. cit.
299
fait
un vrai
passage
;
il n'est que le mouvement du même au
même,
égalité de soi à
soi,
égalité immédiate de l'esprit se
sachant.
b)
L' espri t
se
sachant.
Cette
immédiateté
doit
donc
devenir
son propre savoir
;
car il
n' y
a
de
l'immédiat vrai
que
le
savoir
de
l'immédiat.
L'esprit
doit
se
dire
comme
esprit afin d'accéder au savoir de soi.
Voilà qui exige tout
le périple de
la médiation.
Dans
cette immédiateté,
l ' espri t
se sait égal
à
soi,
pour la raison qu'il
saisit
son concept
dont la différence est la conscience sensible
;
ainsi,
savoir
vraiment,
c'est
reconnaître
sa
différence.
L'esprit
comme
esprit s'atteint donc dans la certitude sensible qui était le
point de départ.
Cet esprit qui
se saisit de
la sorte,
pose
l'identité universelle du Soi logique en face de tout et dans
tout.
Son
travail
réalise
l'unification
du
Je
sens,
du
Je
pense,
du
Je
qui
est
Nous.
Par
là
et,
dans
un
premier
déploiement,
l'esprit
s'accomplit,
peut-on
dire,
d'un
côté,
comme
l'autoconscience,
ordonnée
à
la
raison
;
d'un
autre
côté,
cette
raison,
comme
telle,
en-et-pour-soi,
n'est
pas
seulement raison,
mais
raison en tant qu'uni té de la raison
subjective
(rapport
au
monde)
et
de
la
raison
objective(le
monde
précisément
comme
esprit).
Dans
une
autre
forme
de
redéploiement
uni taire,
cette
même
raison,
à
son
tour,
se
détermine comme esprit,
comme religion et comme Savoir absolu.
Ces
deux
mouvements
articulent
l'uni té
de
la
Phénoménologie,
unité
dans
laquelle
se
permutent
les
termes
conscience,
raison,
esprit et liberté,
y
montrent,
comme à
l'oeil nu,
la
nécessaire mobilité de la Chose-même: l'esprit,
en acte de se
délivrer librement.
300
c)
-
acte
se délivrer
(sich entlassen).
Cette mobilité
actualise
le mouvement
par quoi
le Soi
logique
accède à
la
liberté du
savoir de
soi,
un savoir qui
se
différencie d'un
savoir à
partir de soi
(von sich).
De fait,
ce mouvement de
passage
traduit,
en
le
posant,
l'accomplissement
de
tout
le
périple
de
la
médiation
spirituelle,
comme
pur
acte
de
transiter en réflexion de soi
telles s'expriment la liberté
et la sécurité du Soi logique dans son savoir de soi
: égalité
à soi de l'esprit se sachant.
Ce devenir de l'esprit se médiatisant 38,
le savoir en
acte de la vérité,
en acte de se savoir,
expose sa différence
en
face
du
devenir
simplement
immédiat et
vivant.
En effet,
cette extériorisation au second degré pose le négatif comme le
.
négatif
de
soi-même
,
elle
libère
l'esprit,
le
délivre,
l'arrache,
pour ainsi dire,
à
l'absoluité figée et figeante du
premier immédiat,
et le remet à la négativité du devenir.
Tel
est
le
but
de
l'entreprise
philosophique,
réaliser
l'unité
paradoxale
de
l'histoire
événementielle
et
sa
compréhension
intelligible dans
"l'histoire
conçue"
Tel est aussi
le but
de
la
Science,
recommencer,
en
se
libérant
de
l'immédiat
devenu,
pour refaire à nouveaux frais l'expérience du savoir.
Il n' y
a
pas de recette.
L' espri t
n'a pas d'épaisseur,
aussi
dissout-il
les
préjugés
aliénants,
en
libérant
la
création
éternelle.
Liberté de voir la nouveauté,
il se refuse au cumul
quanti tatif
et
s'élève au qualitatif
mouvement
de
rien à
rien,
profondeur
de
l'auto-révélation
et
extension
de
soi,
38 - Ency. § 574
301
telle se manifeste sa suprême liberté dans la pleine sécurité
de son savoir de soi.
Se
délivrer
ainsi
de
la
forme
de
soi,
libère
aussi
de
l'inquiétude,
de l'insécurisante ignorance de soi qui engendre
et entretient la morosité,
pousse au délire et à
l'égarement.
Or,
seul
l'esprit
certain
de
soi,
assuré
de
la
totale
possession
de
soi,
auprès
de
soi,
et
chez
soi,
auprès
d'un
autre,
savoure
l'assurance nécessaire d'être l'esprit vrai du
monde;
il est certain d'être le monde et assuré que le monde
est lui.
Un tel Savoir est joie
il est la joie de l'esprit,
la
paix
du
coeur
et
le
goût
de
la
vie
un
mouvement
permanent,
toujours
remanent.
Aussi,
au
terme
de
la
Phénoménologie
(cette science du phénomène),
l
ce Savoir absolu
impose-t-il,
la
connaissance
scientifique
de
son
Idée
la
science de l'Idée absolue
302
CHAPITRE 7.
LA SCIENCE DE L'IDEE.
"L'idée absolue seule est être, vie
vérité se sachant,
et est toute vérité"1
Cette Science n'est autre que la Logique :
la science ou
"l'auto-mouvement
de
l'Idée
absolue
seulement
comme
le
mot
originaire,
qui est une extérioration,
mais une extérioration
qui a disparu immédiatement à nouveau comme extérieur,
en tant
qu'elle
est
;
l'idée
est
donc
seulement
dans
cette
auto-
détermination de
s'entendre,
elle est dans la pensée
pure où
la
différence
n'est
pas
encore
un
être-autre,
mais
est
et
demeure parfaitement transparent à soi"
2.
Aussi,
la Logique,
dans
son
économie
propre,
se
termine-t-elle
sur
l'Idée
absolue. Pour cette raison, ce chapitre développe trois points
caractéristiques
majeurs
la
ré-élaboration
d'éléments
déj à
connus,
tels
que
"le
commencement,
qui
est
l'être
ou
immédiat",
3
avec
le
souci d'apporter
toutes
les
précisions
attendues et exigées par l'Idée Absolue,
en tant que celle-ci
est "l'ob-jet et le contenu uniques de la philosophie" 4
(A)
;
1
SL III
368, 12-13
2
WL II 485.
4-11
III 369. 9-14
3
Ency
§
238
tr.
BB. p.460
4
WL II 484.
21
III 368. 14
303
la
progression,
l'articulation
entre
l'immédiat
et
la
médiation,
ou
le
mouvement
d'auto-détermination,
"dans
l'uni versel de sa forme. c'est-à-dire la méthode"
5
:
moment de
la réflexion
(B)
le résultat,
(le concept),
l'émergence ici
et
déj à
de
l'Idée
absolue,
"dans
la
science
de
l ' Espr i t"
6
(C) ,
en
figure
de
l'unité
du
terme
conceptuel,
advenant
de
cette
articulation,
feront
l'objet
de
notre
dernière
considération.
A -
L'IDEE ABSOLUE:
"objet et contenu uniques de la
philosophie".
La nature de l'Idée absolue arrive à
la plénitude de son
développement dans le chapitre-conclusion de la Science de la
Logique.
Dans
une
reprise
qui
en
élargit
le
sens,
dans
la
totalité
de
son
unité
advenue
du
mouvement
de
son
auto-
détermination dialectique,
Hegel y
précise tous
ses
aspects
déj à
connus
identi té
véritable
du
concept
et
de
l ' obj et,
accomplissement
du
sens spéculatif de
la vérité,
"l'Idée,
en
tant qu'unité de l'Idée subjective et de l'Idée objective, est
le concept de l'Idée pour lequel l'Idée comme telle est l'ob-
jet,
pour
lequel
l'objet
est
elle-même;
un
objet
dans
lequel
toutes
les
déterminations
sont
venues
se
rassembler.
Cette
unité
est
par
là
la
vérité
absolue
et
toute
vérité,
l'Idée
se
pensant
elle-même,
et,
à
vrai
dire,
ici
en
tant
5
WL II 485.
30-31
III 370. 10-11
6
WL II 506.
8
III 393.
14-15
304
qu'Idée pensante, en tant qu'Idée logique" 7. En cette unité se
pose,
doit-on dire,
l'identité du savoir et de l'esprit,
comme
expression
du
"sens
du
Système
et
raison
dernière
de
sa
cohérence"
B ,
Savoir
et
Esprit
qui
sont
"deux
façons
de
désigner,
selon des
formalités
di verses,
ce
que
l'Idée,
pour
sa part,
rassemble dans la totalité principielle qu'elle e s t :
elle-même et d'elle-même,
achevée en elle-même dans
la mesure
où elle ne trouve signification que hors d'elle-même" 9
En cela,
se comprend que l'achèvement et la satisfaction
qui en découlent
sont relatifs,
en raison du fait que l'Idée
absolue exprime l'unité de l'idée théorique et pratique et par
là
fonde
la
vérité
et
la
liberté
constitutives
de
l'objectivité
vraie.
Là
aussi,
se
trouve
posée
une
égale
fondation à
l'unité du vrai et du bien;
car,
seule,
l'Idée
absolue articule le point du vue de la vérité de ces derniers.
En
effet,
l'idée
du
connaître,
moment
du
jugement,
de
l'oscillation
entre
vérité
et
liberté,
extériorité
et
intériorité,
objectivité
et
subjectivité,
moment
de
la
contradiction et
de
la nécessaire
scission de
l'Idée,
montre
le vrai et le bien sur le mode de la tendance 10 ;
seule l'Idée
absolue
exprime
en
vérité
leur
unité
différenciée.
De
celle-ci,
la
vie est
l'être-là,
tout
d'abord
comme
l'idée
étant
immédiatement
en-soi
;
tandis
que
la
connaissance
7
Ency. § 236
tr.
BB. p.
460
B
Hegelisns p.312
9
Idem p. 313
10 SL III 367 4-5
l'idée du bien et l'idée du vrai sont unilatéralement chacune une synthése
de l'acte-de-tendre"
305
traduit
ensuite
le
mouvement
de
son
rapport
pour-soi
"L'unité et vérité de ces deux idées est l'Idée qui est en et
pour soi et là absol ue"
11
Ainsi
l'Idée absolue sursume la
destination de la vie et de la connaissance
;
elle s'affirme
comme
leur
vérité
elle
fonde
la
vérification
de
leur
identi té différenciée,
en tant qu'elle est aussi
la capacité
du devenir de la diversité des êtres et des choses.
En tant qu'elle sursume donc toute
la processualité de
son mouvement d'auto-détermination,
l'Idée absolue
s'affirme,
aux
yeux
de
Hegel,
comme
Toute
Vérité.
Elle
est
la
vérité
absolue pour la raison qu'elle est la Totalité en mouvement et
identité processuelle.
A la fois vérité et vérité se sachant,
elle est l'esprit qui "connaît l'idée comme sa vérité absolue,
comme la vérité qui est en et pour soi;
l'idée infinie,
dans
laquelle connaître et faire
se
sont égalisés,
et qui
est
la
savoir
absolu
d'elle-même"
12
l' espri t
absolu
qui
est
vie
absolue
est
seul
le
savoir
absolu
ainsi
est-il
dans
l'universel de la forme de l'Idée absolue
la méthode.
11 Ency § 236 add.
tr.
BB. p.
622.
12 WL 413.
23-26
SL.
III 281.
14-18
306
B -
LA METHODE.
A cette instance finale de la Science de la
Logique,
Hegel
apporte
de
précieux
approfondissements
à
la
notion de
la méthode,
qui achèvent,
pour ainsi
dire,
de bien
caractériser
son
type
de
penser
la
détermination
plus
précise de la méthode,
dans son double rapport à la logique et
à
la
dialectique
le
commencement
et
le
progresser
du
commencement
;
le
développement
et
l'accomplissement
de
la
triplicité processuelle.
1 -
La forme universelle de la science
la méthode.
La méthode,
en tant qu'elle s'affirme tout d'abord et de
façon générale,
comme la forme universelle du savoir,
connaît
ici une reprise approfondie,
qui relève d'une refonte totale. 13
Hegel
prend
donc
toutes
les
précautions
requises.
Dans
la
Préface de la Phénoménologie,
prenant position contre le faire
de la démarche mathématique,
i l avait identifié la méthode et
la Logique et réservé à celle-ci la présentation systématique
de celle-là; car,
à ses yeux,
la méthode est "la structure du
tout exposé dans sa pure essentialité"
(der Bau des Ganzes in
seiner reinen Wesenhei t ) 14
Par conséquent,
même si elle peut
apparaî tre
tout
d'abord
comme
" la
simple
manière
d'être
du
13
A l ' époque
de
Hegel.
l'idée
de
la
méthode
était
déjà
devenue
une
notion
centrale
en
philosophie.
et cela depuis le XVI ème siècle.
pour aboutir au formalisme
de Kant
(Cf
La critique de la
Raison Pure.
B.
pp.
735-736 Trad.
p.
489
:
"La théorie transcendantale de la méthode.
les déterminations
des conditions formelles d'un système complet de la raison pure",
14 Ph. G.
40,
6-7
l
41.
11.
307
connaître",
15,
ce qui ne manque pas de vérité,
elle est bien
plus que cela seulement.
Cette modalité,
certes,
est
déjà et
de
fait,
"l'âme
de
toute
objectivité,
et
où
tout
contenu
déterminé par ailleurs a sa vérité seulement dans la forme"
16.
La méthode ne peut donc pas être en vérité simplement du seul
côté du connaître ni de l ' ê t r e ;
elle conjugue ces deux côtés;
aussi,
est-elle
l'âme
immanente
au
contenu
dont
elle
est
le
mouvement et
le cheminement.
Il
faut
cependant éviter ici
le
danger
de
penser
en
extériorité
ce
chemin
et
son
point
d'aboutissement
qui
est
le
résultat.
En
effet,
la
démarche
même
qui
a
conduit
à
l'être
pur
et
a
posé
celui-ci
au
commencement de la Logique "est un mouvement d'intériorisation
(Erinnerung)
grâce
auquel
les
différences
concrètes
(celles
qui
peuplent
l'univers
de
la
conscience
naturelle)
sont
recondui tes
à
leur
principe
et
fondement,
libérées
de
l'hypothèque que faisait peser sur elles l'opposition première
entre
l'intérieur
et
l'extérieur,
le
sujet
et
l'objet,
l ' universali té
du
vouloir
et
la
détermination
singulière
du
faire"
17
Avant tout,
l'idée de méthode exige donc
attention
au mouvement de médiation dont le siège se trouve au coeur de
toute
réalité
immédiate
et
ouvre
la
conscience
à
la
contingence
du
monde
historique.
C'est
ce
mouvement
de
médiation
qui
articule
le
développement
du
progresser
de
l'unification
du
sujet
et
de
l'objet,
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur,
de
la
forme
et
du
contenu
mouvement
15 WL.
II 485,
32-33
II 370. 12-13
16 idem.
idem.
17 SL Présentation p.
XIX-XX.
308
d'unification
"nécessaire
à
l'affirmation
de
la
liberté"
18
C'est pourquoi
la Logique assure et déploie
"selon sa texture
propre
comme
une
expression
vraie
et
pleinement
auto-
suffisante de la libre totalité conceptuelle"19.
Cette compréhension de la méthode pose déjà la science de
l'idée comme lieu et moment de la conscience partout présente,
de
la
conscience
à
propos
de
la
forme
et
de
son
auto-
mouvement
intérieur
et
extérieur,
au
point
de
départ,
au
résultat,
à
l'universel de la forme et de
l'Idée
absolue.
Par
là,
la
science de
l'idée devient
aussi
celle
de
la méthode,
le
savoir
de
soi
du
mouvement
du
concept,
du
concept
de
la
philosophie
dont
nous
connaissons
déjà
la
nature.
Il
reste
cependant à
considérer ici la méthode en tant que
telle,
dans
sa
signification
plus
précise,
non
pas
seulement
comme
"la
simple
manière
du
connaître"
20,
mais
bien
plutôt
comme
"le
mouvement
du concept
lui-même"
21
Or
le mouvement,
ainsi
que
nous
le
savons
22,
implique,
commencement,
progression
et
résultat,
comme expression de la vie même de l'esprit libre.
18 id. p.XX
19 ibidem.
loc.
cit.
20 WL Il 486.
32-33
SL III 370. 12-13
21 WL II 486.
16-17
SL III 371, 1-2
22 Cf ci-dessus ch.
5
introduction: mouvement et liberté.
309
2 -
Le commencement et sa progression.
a - Le commencement.En tant qu'elle est le mouvement même
du
concept,
la
méthode
commence
véritablement
"avec
la
signification
que
le
concept
[est]
tout,
et
[que]
son
mouvement est l'activité universelle absolue,
le mouvement se
déterminant et se réalisant lui-même" 23.
En tant que telle,
la
méthode
se
soumet
tout
rien
n'est
donc
compris
et
su
en
dehors
d'elle
en
elle
réside
"le
sens
véritable
de
son
universalité;
c'est selon l'universalité-de-réflexion qu'elle
se trouve prise seulement comme la méthode pour tout"
24,
une
méthode qui est donc tout aussi bien celle du concept.
Et pour
le montrer,
Hegel
condense
ici
tous
les
termes
clés
de
son
penser
(méthode,
concept,
idée,
universalité,
connaître
et
activité,
subjectivité et objectivité ou substantialité)
dans
l'intention bien explicite de montrer l'unique identité qu'ils
expriment tous,
à savoir l'unité en advenir de l'intérieur et
de
l'extérieur du concept
"uni té intérieure de
l'intérieur
et de l'extérieur" 25
Cependant et inversement au regard de l'Idée absolue,
la
méthode
est
également
la
manière
d'être
du
connaître,
à
la
·fois
sur
le
plan
subjectif
et
objectif,
une
manière
par
laquelle la méthode apparaît comme la substantialité même des
choses,
et
se
pose
aussi
de
la
sorte
comme
la
"tendance
suprême et unique" 26 de la raison ;
en tant que celle-ci est
23 WL II 486.
18-20
SL III 371. 3-5
24 WL II 486. 31-32
SL III 371.
15-16
25 SL III p.
386 note 69 in fine.
26 WL II 487.
1
SL III 371.
24-25
310
la
force
suprême
de
la
quête
de
soi,
elle
cherche
à
se
trouver;
aussi
poursuit-elle
par
soi
et
pour
soi
cette
connaissance de soi- même dans tout. Ce faisant,
la méthode se
démarque
du
concept
elle
devient
par
là
l'instrument,
le
moyen
particulier
qui
permet
au
connaître
d'aller
à
la
recherche
de
soi.
Dans
cette
nouvelle
détermination
de
la
méthode,
se
manifeste,
sous
un
jour
nouveau,
ce
que
nous
savons
par
ailleurs,
le
syllogisme
du
connaître
27,
avec
la
signification que le sujet et l'objet s'articulent
en ayant
la méthode pour moyen terme.
Ainsi,
tant que le concept n'est
pas posé dans son identité une,
le syllogisme demeure formel
:
les extrêmes que sont le sujet et l'objet restant extérieurs
l'un
à
l'autre.
Dans
ces
conditions,
le
procès
développe
seulement
"les déterminations
de
la
forme,
de
la définition,
de
la
division
comme
des
faits
trouvés-déjà-là
dans
le
suj et" 28.
Mais,
dans sa vérité,
la méthode ne se limite pas à
cette
multitude
de
déterminations
particulières
du
concept,
elle doit s'étendre à
l'unité entière et totale du concept
le concept posé comme concept.
Ainsi,
la méthode qui est à la
fois
les
déterminations
du concept
et
leurs
rapports,
porte,
en son
uni té
immédiate,
le
sens
et la
forme
du
commencement
authentique,
à savoir celui du penser,
un penser dores et déjà
lesté
du
poids
de
tout
le
devenir
ultérieur
du
connaître
conceptuel.
En effet,
"ce qui
qualifie
le commencement comme
commencement
conceptuel,
c'est
que
de
lui
procède
cela
même
qui
pourra
l'authentifier.
Autrement
dit,
l'immédiat
est
27 Cf ci-dessus le chapitre 4 note 77.
28 WL II 487.
23-24
SL III 372. 13-15
311
toujours un médiatisé,
et c'est le procès qui naît de lui qui
le
montrera"
29
c'est
pourquoi,
dans
cette
immédiateté
première,
la
méthode n'est
rien d'autre que
la
conscience
du
concept,
de son universalité non encore déterminée en et pour
soi ;
pour
l'instant,
elle
demeure
une
totalité
concrète
et
libre,
ayant
l'être-là du
germe du vivant
et celui
de la fin
subjective en général
30
des tendances à la progression.
b
-
La progression.
Cette "totalité concrète,
qui fait le
commencement,
a comme telle dans elle-même,
le commencement du
progresser
et
du
développement.
Elle
est,
comme
concret,
.
différenciée
dans
soi
,
mais
en
raison
de
son
immédiateté
première,
les
premiers
termes
différenciés
sont
tout
d'abord
des
termes
divers"
31.
Dans
cette
logique
dialectique
de
l'auto-détermination
de
la
totalité,
cette
diversité
des
termes en leur immédiateté première est l'autre de l'universel
qui
est
l'uni té
de
cette
di versi té.
Or
le
rapport
de
cette
uni té
et
de
cette
diversité
est
la
réflexion,
une
réflexion
qui constitue
ici
le
premier degré
du
procès,
mouvement
dans
et par lequel
la diversité montre la différence:
"le venir au
jour
de
la
différence,
le
jugement,
le
déterminer
en
général" 32.
C'est en
cela que la science de l'idée ex-pose le
29 SL III p. 373. note 19 in fine.
30 Hegel rappelle ici ce que nous savons déjà de la qualité du commencement ainsi compris:
il
le fait dans un texte qui fait
image et mérite d'être c i t é :
"le commencement.
qui
est en soi
totalité
concrète.
peut
comme
tel
être également
libre.
et
son
immédiateté avoir la détermination d'un être-là
extérieur:
le germe du vivant et
la fin subjective en général
...
tous deux sont par conséquent eux-
mêmes des tendances
31 WL II 490.
29-35
SL III
375. 19-23
"La progression est le jugement posê de
l'Idée - moment de la réflexion"
Ency. 239 tr.
BB. 461.
32 WL II 490. 38-40
SL III
375.
25-26
312
moment
de
l'auto-différenciation
du
concept
comme
lieu
et
moment
essentiel
où
"la
méthode
absolue
trouve
et
connaît
l'auto-détermination
de
l'universel
dans
lui-même" 33.
La
totalité
de
son
mouvement
y
accomplit
une
sursomption
redoublée de l'immédiat et de l'en-soi,
ainsi qu'il en va dans
la relation de nécessité,
caractéristique,
nous l'avons vu ci-
dessus,
du
principe
de
réalité
dialectique34 •
En
d'autres
termes,
disons
que
l'extériorité
mutuelle
de
cette
universalité et de ce contenu concret et divers se sursume au
travers
du
procès
redoublé,
conduisant
le
concept
à
sa
réalisation et à
sa réémergence au sein de
l ' obj ecti vi té.
En
effet,
"c r est
seulement l'auto-suppression de
l ' unilatérali té
de
deux
termes
en
eux-mêmes,
qui
empêche
l'uni té
de
devenir
unilatérale"
35
faute
de
ce
procès
redoublé,
le
connaître
fini
laisse
l ' universel extérieur au contenu et
l ' obj et à
la
méthode.
En revanche,
la progression véritable de
la méthode
absolue "prend de son objet lui-même le déterminé,
puisqu'elle
est
elle-même
son
principe
immanent
et
son
âme"
36
Aussi
est-elle,
à
la
fois,
analyse
et
synthèse
mouvement
de
remontée à
la source,
au point de départ,
et position de son
objet
comme
un
autre,
l'autre
.
de
soi
,
ce
moment,
déclare
Hegel,
"doit être nommé le dialectique" 37
33 WL II 491.
1
SL III
375.
27-28
34 Cf.
ci-dessus chapitre 4 note 18.
35 Ency § 241
Tr.
aa 462.
36 WL II 491.
6-8
SL III 376.
2-3
37 WL II 491.
29-30
SL III 376.
23
313
c
-
Le
(ou
la) dialectique.
Dans le chapitre qu'il
consacre à
l'Idée absolue,
et dans le contexte précis de la
méthode,
Hegel
apporte
à
l'idée
de
dialectique
toute
la
lumière
attendue.
Tout
ce
qui
précède
l'aura
suffisamment
.
montré
,
cette
lexie
constitue
avec
celle
de
la
Logique
le
coeur de notre étude.
Jusqu'à présent,
Logique et Dialectique
s'interprètent
voici
venu
le
moment,
où,
toutes
les
deux
entrent
en
rapport
serré
et
absolu
avec
la
méthode.
Si,
en
schématisant
les
choses,
l'on
peut
dire,
d'une
part,
que
le
logique (das Logische)
a affaire avec tout ce qui est vrai en
général,
c'est-à-dire
le
conceptuel,
le
contenu
de
la
connaissance philosophique en général,
et d'autre part,
que la
logique
(die Logik)
constitue la science particulière qui ex-
pose ce contenu philosophique,
à
l'état pur,
on ne bénéf icie
plus de
la même
facilité de distinction aussi
aisée et nette
avec
l'expression,
le
ou
la
dialectique.
Certes,
dans
le
Système,
le concept de la dialectique connaît avec celui de la
logique,
deux emplois fondamentaux
;
i l est employé à
la fois
comme substantif et comme adjectif.
Mais,
sur le double plan
de l'extension et de la compréhension,
le ou la dialectique,
avec si l'on peut dire,
son bascule dans la notion de méthode,
revêt et implique plus que des distinctions ; on se trouve ici
face à plusieurs entrées et sorties 38.
Tout d'abord,
le dialectique (das Dialectische)
s'offre,
nous le savons,
comme "le principe de tout mouvement,
de toute
vie
et
de
toute
manifestation
active
dans
l ' effectivi té
...
38 Cf.
L'étude de A.
STANGUENNEC :
"Le dialectique,
la dialectique.
les dialectiques".
déj à
citée et
à laquelle.
se réfère l'essentiel des lignes qui suivent.
314
l'âme
de
toute
connaissance vraiment
scientifique" 39.
Mais,
cette mobilité du principe,
prise unilatéralement,
caractérise
le scepticisme qui ne retient du dialectique que le moment de
l'auto-suppression des déterminations finies
"un système de
bascule subjectif" 40.
Mais la philosophie n'en reste pas à ce
résultat simplement négatif de la dialectique.
La dialectique
(die
Dialektik)
authentique
et
véritable
"a
un
résultat
positif parce qu'elle a un contenu déterminé
une unité de
déterminations
différentes"
41
Aussi,
"la
dialectique
supérieure du concept,
c'est de produire la détermination,
non
pas comme pure limite et un contraire, mais d'en tirer et d'en
concevoir le contenu positif et le résultat,
puisque c'est par
là seulement que
la dialectique est développement
et progrès
immanent"
42
Ainsi,
la dialectique prenant à
la fois
acte et
sens
du
mouvement
de
développement
et
d'unification
des
déterminations
du
concept,
s'identifie
avec
la
notion
de
méthode
elle
englobe
et
déploie
les
trois
phases
du
développement
conceptuel
commencement,
progression
et
résultat.
Dans
l'Encyclopédie
du
paragraphe
81,
c'est
la
seconde
phase,
le moment de
la négation
du
commencement
qui
est mise en relief
;
cependant,
la remarque du paragraphe 82
désigne déj à
la
troisième
phase,
en terme de
Résul tat,
qui,
dans le même contexte,
est aussi dénommé le Spéculatif ou le
Positif-rationnel.
En
outre,
dans
la
Préface
de
la
39 Ency § 81 add.
Tr.
BB.
513
40 idem § 81 rem.
Tr.
BB.
343
41 ibidem § 82 rem
Tr. BB.
344
42 Texte déjà cité de la Philosophie du Droit § 31.
repris ici pour la cohérence du paragraphe
315
Phénoménologie,
la
dialectique
exprime
et
signifie,
de
façon
très
liée
et
très
explicite,
les
trois
phases
du
procès
dialectique
or,
celui-ci n'est autre que le mouvement total
du concept;
l'élément de la philosophie,
la dialectique,
est
"le processus qui engendre et parcourt ses moments"
43
elle
est,
précise
Hegel,
un
peu
plus
loin
dans
la
même
Préface,
"cette marche
engendrant elle-même
le cours
de
son processus
et
retournant
en
soi-même"
44
Marche
et
démonstration
du
mouvement
dans
toute
la
signification
de
celui-ci,
uni té
du
surgir et du disparaître.
Voilà qui rapproche,
voire identifie
la
dialectique
à
l'idée
de
la
méthode,
entendue
comme
une
structure de sens,
une structure "du tout exposé dans sa pure
essentia1i té" 45.
Dialectique,
méthode ou
"cheminement du concept"
46 ,
par
là,
nous
renouons
avec
l'étymologie
grecque
du
terme,
Dia-1ectique
(ôia-1o~os)
où
le
premier
élément
indique
et
justifie bien,
dans le mouvement de la marche,
le passage d'un
lieu à
un autre
;
en l'occurrence,
le passage d'un concept à
un autre concept,
moment donc de la négativité ;
tandis que le
second élément précise ce qui ainsi
passe,
à
savoir le sens,
la signification.
En outre,
ce moment négatif permet le pas ou
la
traversée
vers
un
autre
concept.
Des
trois
moments
du
mouvement
dialectique,
celui-ci
est
donc
vraiment
décisif.
Aussi
l ' a-t-on
appelé,
pour
cette
raison,
"la
cellule
43 Ph.G 39. 16-17
l
40.
15-18
44 idem. 53.
15-17
idem.
56. 13-15
45 Ph.G 40.
6-7
l
41.
11
46 WL l
35. 17
SL l
24.
22
316
rythmique" ou encore
"la puissance de déduction nécessaire et
immanente"
47
Dialectique
et
méthode
rappellent
toutes
les
deux le cheminement et la possibilité d'une déduction qui est
tout
autant
"enchaînement
nécessaire
des
différentes
catégories,
des différents moments du concept" 48.
Aussi,
est-
elle
coextensive
à
toute
la
Logique,
et
à
tout
le
Système,
pour faire de celui-ci une Encyclo-pédie,
c'est-à-dire l'être-
en-cercle des choses que l'on peut enseigner.
De la sorte,
la
méthode
et/ou
la
Logique,
épuisant
tout
le
contenu
particulier,
prend
pour
objet
sa
propre
forme,
"le
savoir
déterminé
de
la
valeur
de
ses
moments"
49
la
science
de
l'Idée,
celle où le sujet est,
à la fois,
l'objet de lui-même
et la pensée pensante indissociable du contenu,
de ce qui est
pensé.
Mais,
l'essentiel
de
ce
type
de
penser
demeure
la
négativité
c'est
elle
qui
réalise
diversement
l'unique
dialectique,
par sa fonction irremplaçable intervenant dans la
triplicité des déterminations.
3 - La triplicité.
Le
formalisme
n'a
pas
manqué
de
s'emparer
de
la
triplici té.
Mais
il
n'a
réussi
qu'à
la
figer
en
un
schéma
vide,
thèse-antithèse-synthèse,
appliqué
mécaniquement
à
47 A.
STANGUENNEC.
arti.
cité p 315.
48 SL l
24 note 91.
49 Ency.
§
237
Tr.
BB.
460
317
"n'importe quel matériau pris dans son empirici té immédiate"50.
Mais
la valeur première de la triplicité réside,
écrit Hegel,
dans le fait
"qu'on ait d'abord découvert ne serait-ce que la
figure non-comprise du rationnel"
51 ,
et ce,
à
travers
surtout
le
syllogisme,
ainsi
que
nous
l'avons
montré
plus
haut,
et
allons
le
faire
maintenant,
de
façon
plus
précise,
par
la
triplicité des déterminations
Les critiques de Hegel contre le formalisme trouvent leur
fondement dans
le fait que le philosophe tient en très grande
estime
la
triplici té.
Il
Y voit
l'instance
dont
la
fonction
est d'expliciter
la binarité.
En effet,
la
relation ternaire,
ETRE-ESSENCE-CONCEPT,
manifeste
la
même
nature
paradoxale
quand
elle
se
contracte
à
son
tour
dans
une
opposition
binaire.
Or,
nous l'avons vu ci-dessus,
cette relation binaire
est
elle-même
l'expression
originaire
du
rapport
réflexif
du
réel
à
lui-même.
De son côté,
cette binarité requiert donc,
à
son
tour
d'être
explicitée
dans
une
relation
quaternaire,
laquelle
rend
plus
visible
la
force
contradictoire
du
terme
médiateur
et
fait
apparaître
la
structure,
triplicité-
binarité-quadruplicité.
La
binarité
y
exprime
le
rapport
originaire
et
réflexif
du
réel
à
lui-même
tandis
que
la
triplicité
y
devient
l'instance
d'explicitation
de
la
binarité,
et la quadruplicité,
le moment lumineux où se laisse
50 11SL
p.
498 et
la note 85 que nous
reproduisons
:
"Si
la formalisation
du schéma
thése-
antithése-synthése
est
due
à
Fichte.
et
si
ses
usages
les
plus caricaturaux.
ici
dénoncés.
sont
sans
doute dus à des épigones. c'est principalement Schelling que Hegel vise lorsqu'il dénonce. au sujet de la
triplicité. <l'usage d'après lequel nous la voyons réduite à un schéma sans vie. à proprement parler à un
spectre>
(Ph.G.
41
:
1 Ph.E.
1. p.
42).
Quand Schelling fait entrer les représentations naturelles dans
des oppositions bipolaires pour les identifier à un absolu où s'abiment
les différences.
Hegel ne voit
que
la
<répétions
informe
de
l'identique.
qui
est
seulement
appliqué
de
l'extérieur
à
des
matériaux
divers et obtient par là une fastidieuse apparence de diversité'> (Ph.G. p.
18 ; Ph.E ..
1 p.
15)
..
51 WL II 498 33-34
SL III
384. 21-22
318
mieux
voir
la
puissance
contradictoire
du
moyen
terme.
La
méthode
absolue
expose
de
la
sorte
sa
forme
abstraite
dans
cette
quadruplici té
immédiat
premier
/
médiatisé
/
médiatisant /
second immédiat.
Ainsi
se
caractérise
un
système ouvert en centrant
" le
regard
sur
l'uni té
qui
est
sienne,
dans
la
souplesse
et
la
fluidi té
de
l ' auto-posi tion"
52
Est
alors
rendue
possible
la
saisie de
la
Totalité-Mouvement qui
est
l'uni té
du
réel,
et,
par
là
aussi,
l'intelligence
du
Sens
et
de
tout
le
Système,
où,
d'un bout à
l'autre,
l'Idée absolue s'expose dans toute sa
concrétude
logique,
objective
et
subjective.
La
subjectivité
revient
à
l'objectivité,
à
l'intérieur
même
du
procès
subjectif.
Ce schéma oppose et rapporte,
tout à
la fois,
l'une
à
l'autre
la
Logique
objective
et
la
Logique
subjective,
en
instituant cette dernière en lieu et
fonction de la médiation
première.
Or
celle-ci
est
la médiation de
l'immédiat
;
aussi
s'inscrit-elle
donc
à
l'intérieur
de
cet
immédiat-même,
en
donnant
l'explication
en
ternarité
du
schéma
binaire.
L'Essence
(seconde
partie
de
la
Logique
objective)
se
donne
alors
comme
le
lieu
où
l ' obj ectivi té
première
de
l ' Etre
se
médiatise
avec
la
subj ectivi té
qu'il
est.
On
passe
donc
de
deux
termes
à
trois,
sans
possibilité
d'un
mouvement
à
l'infini.
Le schéma ternaire et son ampliation en quaternaire
(être /
essence /
substance /
concept)
accomplissent par là le
retour de la binarité,
sujet-objet,
dans l'unité du réel,
sous
la raison de son immédiateté-même.
Cette unité est celle de la Totalité,
une totalité non au
52 SL Ill.
Présentation.
p.
12.
319
sens
d'une
"somme",
mais
plutôt
d'une
Totalité-Mouvement,
c'est-à-dire
en
réflexion
d'elle-même.
Elle
n'est
cependant
pas un monisme au sens réducteur de l'altérité.
Elle n'est pas
davantage
une
monade
au
sens
leibnizien
de
la
substance,
cri tiqué
ci-dessus.
Le
propos
de
Hegel
est
du
côté
de
"ce
dialogue
de
la
réalité
avec
elle-même
dont
i l
sait
gré
à
Platon
d'avoir
tracé
les
voies,
même
s ' i l
regrette
à
son
propos qu'il n'ait pas trouvé à inclure dans sa philosophie la
négation
ou
la
réflexion
authentique
qui
l'eussent
mise
en
mouvement"
53.
Seul le j eu spéculatif de la dualité
(Zweihei t)
qu'elle
comporte,
explicite
l'unité
hégélienne
contenu
/
forme
;
intérieur
/
extérieur
sujet
/
objet
Logique
/
histoire
Logique
/
Sciences
réelles.
Telle
se
manifeste,
pour Hegel,
la vérité de
l'intériorité,
dans
ce mouvement
de
l'extraversion;
or,
"cette
«extraversion»
(extériorisation
/
intériorisation)
ne
trouve
sens
que
dans
le
mouvement
d'une
unité
en
ressource
d'elle-même
l'autre
n'est
réellement
autre
que
lorsqu'il
est
posé
tel
par
le
jeu
réflexif
du
même"54.
Ainsi,
le sujet connaissant n'a de
relation vraie
au
savoir que
par
la
médiation
de
la
vérité
objective,
de
même
que
l'objet
ne
peut
livrer
son contenu ou
vérité
que
par
la
médiation
du
savoir
subjectif
le
contenu
de
l'identité,
c'est
la
différence
le
contenu
de
la
différence,
c'est
l'identité.
C'est
dire
que
chaque
immédiateté
n'est
vraiment
déterminée
qu'en étant
à
la
fois
médiatisée
et
médiatisante,
grâce
à
cette
force
contradictoire
du
terme
médiateur.
A ce
53 idem
p.
13
54 ibidem p. 13
320
prix,
et
à
ce
prix
seulement,
s'impose
la
radicali té
de
la
prise en compte de l'autre comme autre
en effet,
la binarité
n'est rationnellement intelligible que dans la ternarité dans
laquelle
s'opère
la
réversibilité
réflexive
du
rapport
à
l'autre,
dans la mesure où la trip licité distingue en elle, en
son
moment
de
la
médiation,
dans
la
forme
d'une
double
négation,
l'immédiat extérieur qui est,
d'une part,
le point
d'aboutissement
du
procès
d'extériorisation
(négation
positive:
le
médiatisé),
et
d'autre
part,
est
également
le
point
de
départ
de
l'intériorisation
médiatisante
(négation
négative
le
médiatisant).
Il
découle
de
cette
double
articulation dialectique du réel que l'enjeu capital de cette
logique est l'immédiateté; elle est toujours un résultat.
C -
Le Résultat.
Tout
d'abord,
ce
résultat
est
le
troisième
terme
ensui te c'est quelque chose de déduit et de
prouvé
enfin,
il constitue un nouveau commencement.
l
-
Le troisième terme.
Ce troisième terme est "l'immédiat,
mais par sursomption
55
de
la
médiation"
,
"le
concept
réalisé,
c'est-à-dire
le
concept
qui
contient
dans
son
être-pour-soi,
l'être-posé des
ses
déterminations
la
connaissance
que
l'Idée
est
la
totali té une" 56
55 WL Il 498.
35-36
SL III 384. 23-24
56 Ency. § 242
Tr.
BB.
p.
462
321
Ce
triple
caractère
qui
définit
le
troisième
terme
affirme
de
la
logique
hégélienne
l'un
de
ses
trai ts
d'importance
capitale
pour
sa
parfaite
compréhension
la
permanence du mouvement dans l'apparence de repos.
L'Idée est
essentiellement mobile;
son procès d'auto-négation expose une
auto-production
;
la progression qui
a
conduit du
premier au
second
immédiat ne s'épuise donc pas dans
le
résultat
elle
s'y conserve.
Ainsi advenu du premier,
le second terme est-il
traversé "de part en part par tous les moments du syllogisme"57
de l'universel initial indéterminé,
et de celui-ci,
procède le
résultat;
i l en résulte par la double négation de celui-là en
sursumant la différence.
Aussi,
son caractère positif traduit-
i l
l'immédiateté
de
la
réalité
et
de
la
réémergence
du
concept,
comme
l'uni té,
à
la
fois
du
commencement
et
de
la
progression.
L'unité
de
toutes
les
déterminations
particulières
de
l'universel,
le
résultat
exprime
donc
la
réalité absolue du concept et la pose dans "son rapport simple
~ soi"
58,
un rapport d'unification qu'anime "la pure fluidité
d'un réel à
lui-même immanent dans le parcours de ses propres
déterminations"
59
En
outre
et
relativement
à
l'universel
indéterminé
qui
constitue
le
commencement,
le
résultat
n'est
autre que ce même universel, mais,
cette fois,
en tant que son
autre "le singulier,
le concret,
le sujet" 60.
De la sorte,
le
résultat se montre donc être le venir au
jour de l'en-soi et
57 WL II, 499, 16
SL III,
P,
385, 5-6
58 WL II, 498, 40
SL III,
P.
385, 27
59 SL III. 384 note 60.
60 WL II. 499. 9
SL III.
384. 35
322
du pour-soi de l'universel qui était posé seulement en soi,
au
commencement
voici ce commencement dénoncé maintenant
comme
quelque
chose
d' imparfai t
et
de
simplement
formel,
quand
se
manifeste la vérité, comme la non-vérité du non vrai.
Par là,
"le résultat, entendu comme le tout allé dans soi
et identique à soi,
s'est donné à nouveau maintenant la forme
de
l'immédiateté",
de
"la
nouvelle
base",
de
"l' obj et
actuel"
;
et sa déterminité n'est par conséquent plus quelque
chose de simplement assumé, mais de déduit et de prouvé" 61
2 - La déduction et la preuve.
Que ce résultat se manifeste ainsi comme quelque chose de
déduit et de prouvé,
la vérité du connaître théorique nous l'a
déjà enseigné 62 :
preuve et déduction montrent la nécessité de
la
relation
entre
les
deux
immédiats.
Ils
se
présupposent
mutuellement.
Certes
le
résultat
est
la
"nouvelle
base"
de
l' obj et
actuel
il
est
identique
à
l' obj et
précédent.
La
définition et la division trouvent dans le résultat leur unité
différenciée.
L'on
saisit
donc
par
là
l'exigence qu'implique
tout commencement,
à
savoir qu'il
est
toujours quelque chose
de médiatisé et de déduit
:
capacité de mouvement,
soit vers
l'arrière,
soit
vers
l'avant,
étant
l'unité
des
deux.
La
progression vers
l'avant porte l'objet vers sa détermination,
61 WL
II
499,
22-24
;
500,
3-4,
11.
SL
III 385,
10-11;
29-30:
386.6.
Nous
retrouvons dans
ces
derniers
développements
de
l'Idée
absolue
les
passages-clés
de
la
Préface
de
la
Phénoménologie
à
propos
du
concept
de
résultat
:
"La
chose
n'est
pas
épuisée
dans
Son
but,
mais
dans
son
actualisation;
le
résultat non plus n'est pas le tout effectivement r é e l ;
i l l'est
seulement avec son
devenir
-
sondern es
zusammen mit
seinem Werden".(ph.G
1114-16)
et
aussi
"De
l'Absolu
i l
faut
dire
qu'il
est
essentiellement
résultat.
c'est-à-dire
qu'il
est
à
la
fin
seulement
ce
qu'il
est
en
vérité"
(id.
21.
4-6).
62 Cf.
ci-dessus Ch.
4 notes 113 et 114.
323
sa définition,
posée dans l'objet nouveau qui
se trouve ainsi
déduit.
Ce résultat étant donc déduit,
son commencement l'est
aussi
tel
le
montre
ce
double
mouvement
vers
l'avant
et
vers
l'arrière,
faisant
de
l'extension
du
contenu
son
égale
compréhension
où
"chaque
pas
du
progrès
dans
l'acte-de-
déterminer-plus avant,
en tant qu'il s'éloigne du commencement
indéterminé,
est aussi un rapprochement régressif" 63
Mais se
laisserait-on prendre â
ce
jeu dans
un cercle qui
tournerait
en rond? C'est ici qu'il importe de distinguer entre méthode
et méthode 64.
La méthode dialectique développpe la Logique de
la Totalité et du sens et non celle des sciences particulières
où préside avant
tout un système hypothético-déductif et qui,
pour cette raison,
connait une progression infinie.
L'unité de
la
double
progression
linéaire
et
circulaire
empêche
un
mouvement
de
fuite
en
avant
ou
en
arrière
"le
fonder
régressif
du
commencement
et
le
déterminer-pIus-avant
progressif de ce même commencement,
tombent l'un dans l'autre
et sont la même chose"65: commencement et progression de raison
se
présupposent
dans
la
méthode
absolue
aussi
celle-ci
présente-t-elle
la
science
de
l'Idée
comme
un
cercle
de
cercles.
63 WL rr 503. 1-3
SL ru 389. 6-8
64 Nous retrouvons ici l'une des très grandes difficul tès déjà abordées ci-dessus ch. 2. à
propos du probléme du commencement et de la progression et de
la circularité de l'esprit.
CF aussi Hegel
"Samtliche Werke" von H.
Glolckner 21 Band pp 13 sq.
65 WL rr 503. 5-7
SL rrr 389. 10-12 + note 86 "Si le commencement logique d'un procés
de
raison
est
autre
chose qu'une
simple
hypothèse
qui,
par le
résultat.
pourrait
être
ou
confirmêe
ou
infirmée.
c'est
que
l'universalité
simple
qui
le
constitue
est
elle-méme
le
résultat
d'un
mouvement
d'in tériorisa tion
qu'elle
présuppose.
et
qui,
dans
son
indétermini té
même.
le
cons ti tue
en
puissance
d'auto-détermination.
324
3 -
"Un cercle de cercles".
La
Science
de
la
Logique
prend
fin
sur
cette
image
de
cercle
nous
l'avons déjà rencontrée
tout au
début à
propos
de
l ' espri t
comme
principe.
C'est
donc
en
toute
logique
que
nous
la retrouvons
ici,
au moment où l'Idée
absolue se donne
un
nouveau
commencement.
Le
mouvement
de
cette
méthode
qui
s' entrelace
dans
soi,
nous
y
ramène.
Mais
le
cercle
que
décrit la Science est dit ucercle de cercles" 66 ,
c'est-à-dire
l'unité différenciée d'un ensemble de cercles
"dont chacun est
un moment
nécessaire,
de
telle sorte que le
système de
leurs
éléments
propres
constitue
l'Idée
tout
entière,
qui
apparaît
aussi
bien
en
chaque
élément
singulier" 67.
La
Science
de
l'Idée,
par
là,
se
montre
nécessairement
système,
comme
le
tout des sciences particulières qui se suscitent les unes les
autres
selon
l'ordre
du
mouvement
de
l'avant
et
de
l'après;
mais
"ce
qui
est
vrai
dans
une
science
l'est
par
l'intermédiaire
et
en
vertu
de
la
philosophie
dont
l'encyclopédie
embrasse
toutes
les
sciences
véri tables"
68
exposer
le
Tout
de
la
totalité,
voilà
en
quoi
consiste
la
Science
de
l'Idée qui
n'est
autre
que
le
savoir de l'esprit
absolu.
66 WL II 504.19-20 "Kreis in Kreis von Kreisen"
SL III 391.3.
CF ci-dessus ch.
1
les notes 46
et 47.
67 Ency.
§
6 rem.
Tr.
BB.
157.
68
id.
§
10
Tr.
BB.
158
325
CHAPITRE 8
CONCLUSION:
LA SCIENCE
DE L'ESPRIT ABSOLU.
"La science seule est le vrai savoir
que l'esprit a de lui-même"l
Ce cercle de cercles ou la science de l'Idée constitue le
Savoir absolu de l'esprit,
la Totalité déterminée et fondée en
intériori té
intérieure
et
identique
à
soi
jusque
dans
son
extériorité
effective
et
systématique.
Cette
science
qui
pose le savoir ou le savoir vrai est la science que l'esprit a
de lui-même.
Cet esprit,
partout présent dans
toute
l'oeuvre,
surgi
et
apparu
en
première
instance
dans
la
forme
de
la
conscience,
s'est montré à
fois la raison et la raison d'être
du
Système
qu'il
parcourt
en
son
extension
comme
en
sa
compréhension.
L'essentiel
de
son
travail
réside
dans
ce
mouvement
permanent qu'il est
sa force suprême consiste à se conserver
égal
"avec soi-même dans son aliénation,
et,
comme ce qui est
en-soi-et-pour-soi,
à
poser
aussi
bien
Ir être-pour-soi
comme
moment
que
l ' être-en-soi"
2
Ce
travail
réalise
sa
propre
définition,
et,
en tant que l'esprit est ce qui devient de soi
à
soi,
i l
observe,
s'observe
et
conçoit
son
objet
en
même
1 Ph.G.
556. 18-19
II 306. 18-19:
2
id.
561.
27-32
Il 309. 10-17. CF ci-dessus ch.
2 note 74.
326
temps qu'il se conçoit
acteur et auteur de la pièce qu'il
joue
pour
soi
il
parcourt
son
propre
procès,
expose,
accomplit,
pose et reprend son savoir de soi;
rien n'échappe
à
son ardeur
aussi,
est-il toujours dans
tout le mouvement
qu'il effectue le devenir de soi,
devenir dont l'ultime figure
traduit
le Savoir absolu,
c'est-à-dire
"l'esprit qui
se sait
soi-même
dans
la
figure
de
l'esprit,
ou
est
le
savoir
conceptuel" 3
D'une trilogie,
datant de l'époque de Iéna,
Hegel résume
l'intégral du champ de ce savoir
l'art,
la religion,
et la
philosophie
il
réserve
à
celle-ci
de
signer
l'unité
conceptuelle
de
sens,
de
l'unique
sens
qui
s'indique
dans
l'art,
comme figure immédiate de l'esprit absolu,
reflet de la
beauté du savoir tout aussi absolu 4. Mais,
l'esprit n'est lui-
même "que dans la mesure o~ il est pour l'esprit,
et,
dans la
religion absolue,
c'est l' esprit
qui
manifeste,
non plus
des
moments
abstraits
de
lui-même,
mais
lui-même"
5
Dans
son
immédiateté extérieure et universelle,
il est Créateur du ciel
et
de
la
terre,
en
même
temps
que
Père-origine
inengendré,
totalement
donateur
au
Fils
engendré
une
relation
de
don
total
qui
implique
et
présuppose
une
restitution
réflexive
tout
aussi
totale,
dans
le
rythme
binaire
et
bipolaire
d'échange de soi à soi en l'identité du Père se prononçant en
la Parole de soi qu'est le Fils,
le Verbe.
Réfléchi en soi,
3 Ph.G.
556. 19-20
II 302. 21-23
4
Il
n'est
pas,
nous
l'avons
di t,
dans notre
intention de
présenter ici
dans
ce
travail
une
étude complète de cette trilogie.
mais de montrer seulement la forme du mouvement de pulsion dialectique
qu'elle exprime.
5 Ency. § 564
Tr.
BB.
354
327
dans
sa
particularité,
celui-ci
resti tue
infiniment
au
Père
le don originaire de soi qui le constitue Fils du Père.
Don et
resti tution,
l'uni té
de
la
présence
immédiate
à
soi
et
du
savoir de
soi,
l'uni té de
l'un et de
l'autre,
c'est
l ' Espri t
personnel
et
du
Père
et
du
Fils.
L'Esprit,
médiateur
coextensif
au
Père
et
au
Fils
en
sa
différence
singulière,
confirme
en
différenciant
l'acte
générateur
de
l'engendré.
C'est
dire,
en
d'autres
termes,
que
prendre
l ' Espri t,
c'est
corn-prendre
le
Père
et
le
Fils
;
tout
comme
comprendre
le
sens,
c'est
saisir
la
présence
unitaire
de
la
différence,
l'Idée
de
sens,
l ' espri t
éternel,
vivant
et
présent
dans
le
monde
6.
Cependant,
c'est
à
la
philosophie
qu'il
revient
de
restituer l'unité différenciée de l'art et de la religion.
Mais,
la
philosophie
est
tout
d'abord
le
Royaume
de
l'esprit,
entendu comme ce Savoir ou cette Science absolue que
l'esprit a
de
lui-même et du phénomène.
"Les deux aspects de
ce
royaume,
compris
en
termes
de
"1 'histoire
conçue,
forment
la
récollection
et
le
calvaire
de
l'esprit
absolu,
l'effectivité,
la
vérité
et
la
certitude
de
son
trône,
sans
lequel
i l
serait la
solitude
sans vie
:
seulement
-
aus dem
Kelche dieses Geisterreiches schaümt ihm seine Unendlichkeit"7.
Ce royaume de l'infini té de l ' espri t,
la philosophie en
considère
tout
d'abord
et
de
façon
générale,
le
contenu
concret,
Dieu,
Nature,
Esprit
comme
faisant
partie
de
son
domaine
propre.
Aussi
s'est-elle
imposé
la
très
importante
6 Ency. §§ 470 et 569
Tr. pp. 170 et 357
7 Ph.G 564 31-34
II
313.
3-8
(" du calice de ce royaume des espri ts écume jusqu' à lui
sa propre infinité.
328
tâche
de
saisir
pour
comprendre
avant
tout
comme
la
vie
de
l'esprit
cet
auto-développement
irrépressible
de
l'Idée
éternelle ;
là réside ce qui constitue le caractère spécifique
du travail de l'esprit
à partir de son pur concept,
laisser
l ' espri t
se
déployer.
La
science est donc cette connaissance
conceptuelle
qu'a
de
soi-même
l ' esprit
absolu
"le
concept
qui a
soi-même pour contenu et se conçoit lui-même
" 6
Telle
est,
aux yeux de Hegel,
la vérité de l'art et de la religion,
vérité en
figure
et
figuration dans celui-là,
pour
se donner
en représentation présupposante dans celle-ci.
"En
conséquence,
écrit
Hegel,
la
philosophie
se
détermine de façon à être une connaissance de la nécessité du
contenu
de
la
représentation
absolue,
tout
comme
de
la
nécessi té
des
deux
formes,
d'un
côté,
de
l ' intui tion
immédiate,
avec
sa
poésie,
et
de
la
représentation
présuposante,
de
la
révélation
objective
et
extérieure,
de
l'autre côté,
d'abord,
de l'aller-dans-soi subjectif,
puis du
mouvement
subjectif vers
le dehors
et de
l'identification de
la foi
avec la présupposition.
Une telle connaissance est,
de
la
sorte,
la
reconnaissance
de
ce
contenu
et
de
sa
forme,
ainsi
qu'une
libération
d'avec
l ' unilatérali té
des
formes
et
l'élévation de celles-ci en la forme absolue,
qui se détermine
elle-même
de
façon
à
être
le
contenu,
et
reste
identique
à
lui,
et,
en
cela,
est
la connaissance
de
cette
nécessité-là
qui est en et pour soi.
Ce mouvement,
qui est la philosophie,
se
trouve
déj à
accompli,
en
tant
qu'elle
saisi t,
en
conclusion,
son
propre
concept,
c'est-à-dire
ne
fait
que
6 G.
W.
F.
HEGEL
"PhUosophische Propadeutik".
Werke Band 3 p. 227.
329
ramener
son
regard
en
arrière
sur
son
savoir"
9
Ainsi
se
résume
donc
le
travail
de
l' espri t,
un
savoir
de
soi
comme
esprit qui est le savoir absolu,
et,
de la même manière aussi
prend
fin
l'itinéraire
de
notre
étude
la
science
du
phénomène y
montre
la
figure
de
l' espri t
celle de
l'idée,
l ' intériori té
déterminée
et
fondée
pour
sa
réémergence,
Nature-esprit
l'unité
dialectique
de
l'intérieur
et
de
l'extérieur du réel,
partout présente dans
le Système ou que
le
Système
développe,
dans
et
au
travers
de
ce
mouvement
permanent du sujet qui est à la fois pour-soi et l'autre d'un
autre.
De cette logique fondamentale l'esprit est le principe
et le terme; mais,
en tant que mouvement expressif de l'auto-
déploiement
de
ce
même
esprit,
cette
dialectique
exprime
la
structure mobile de
son auto-construction-déconstruction
de
celle-ci
la
figure
vraie
existe
seulement
dans
la
systématique,
la science du savoir de soi de l'esprit.
Par là,
cette logique se pose en forme de l'auto-diction de l'être, de
l'être qui est esprit;
mais,
le devenir de celui-ci vers ce
qu'il
est,
est
déj à
en-soi
l'accomplissement
de
cette
détermination du sujet de l'objet de la connaissance,
en objet
de la conscience de soi.
Cette unité intérieure extérieure du
tout
absolument
organisé
donne
racine
et
fondement
à
l'immédiat
dans
ses
structures
intemporelles,
en
d'autres
termes au présent,
compris,
peut-on dire,
comme ce qu'il y a
de
plus
élevé,
l'éternelle
présence
du
sens,
instance
et
moment sans durée où le passé se souvient dans l'acte même qui
porte son devenir;
présence donc de ce qui est,
et n'est tel
9 Ency.
§
573 rem.
Tr.
BB.
p.
360
330
que
parce
qu'il
a
été
et
"cet
a
été"
(gewesen)
est
l'essence,
présence
absolue.
Ainsi
s'exprime
la
fluidité
permanente de l'esprit qui porte et se porte lui-même jusqu'en
son
autre
pour
montrer
que
la
parole
de
vérité
est
plus
vieille que le monde et le temps ; car elle passe le temps et
l'espace; elle dit et signifie dès toujours,
en toute vérité,
le rapport vrai
du même-autre dans une unification allant de
l'intériorité
la
plus
intérieure
à
l'extériorité
la
plus
extérieure.
Seule une
logique
dialectique
en vient
à
un
tel
résultat.
En effet,
dès le commencement, elle pose que le vrai
est
le
tout,
un
tout
en
cercle,
ayant
déjà
sa
fin,
son
objectif et son but dans son début.
L'immédiat du commencement
n'est là que médiatisé par lui-même.
Le concept et l'existence
se
médiatisent
de
la
même
façon
dans
la
mesure
où
l'un
et
l'autre
sont
pris
selon
leur
signification
concrète
et
pleinement
médiatisée.
Par
le
même
mouvement
dialectique,
l'essence et
l'existence entretiennent
un
rapport
tel
qu'est
résolue l'aporie qui interdisait à Kant de relier l'existence
au concept.
Selon la dialectique hégélienne,
"l'existence est
essentiellement la médiation identique à
soi,
elle a
en elle
les
déterminations
de
la
médiation,
mais,
de
telle
manière
qu'elles sont en même temps des déterminations réfléchies dans
soi et sont le subsister essentiel et immédiat.
Entendue comme
l'immédiateté se posant par le sursumer,
l'existence est unité
négative et être-dans-soi
;
elle se détermine par conséquent
immédiatement comme quelque chose d'existant et comme chose 10.
Ainsi,
le
fondement
fondateur,
l'absolu,
s'il
n'est
pas
une
10 WL rr.
105,
27-32
SL 153. 9-16.
331
ruse
de
la
raison,
mais
bien
plutôt
la
réalité
absolument
fondatrice,
est celui qui existe dès toujours et veut "être en
soi et pour soi depuis le début près de nous" 11
Il reste donc
à
la connaissance à s'accorder avec cette réalité,
qui est sa
propre
réalité
et
la
loi
de
son
exercice.
Le
rapport
d'altérité
circule
dès
l'origine
du
sens
dès
le
commencement,
Hegel concilie la tautologie formelle du Même et
l'hétérologie empirique.
La différence pure n'existe pas.
"La
différence est le tout et son propre moment
comme l'identité
tout aussi bien est son tout et son moment" 12
La
relation
du
même
à
l'autre
est
au
coeur
de
chaque
même. Ainsi,
la parole de vérité n'engendre qu'elle-même,
elle
dit le vrai en acte de se saisir comme vrai
aussi avons-nous
décidé
de
la
rejoindre
dans
sa
logique
même,
cette
Logique
spéculative
de
la
Totalité
qui
n'est
autre,
en
vérité,
que
cette auto-diction de l'esprit absolu dans le parcours de son
propre savoir.
11 Ph.G.
64.
20-21
1.
66.
15-16.
12 WL II 33,
22-24
SL II 48,
2-4
332
BIBLIOGRAPHIE
Les
notes
renvoient,
après
le
titre,
à
la
page
de
l'édition allemande,
puis
à celle de la
traduction
française.
Ne
figurent
pas
ici
les
livres
et
articles
cités
avec
référence au bas des pages dans le cours de l'étude.
I
HEGEL.
A
Editions allemandes.
G, Hegel, Samtliche Werke, Jubi1aumsausgabe in XX Banden, in neuer Anordnung herausgegeben von Hermann
Glockner. Vierte Ausgabe der Jubi1aumsausgabe. Stuttgart-Bad Cannstatt 1965. Friedrich Frommann
Verlag.
(GUnther Holzboog)
(cité sous le sigle Werke).
BP, Hegel. Gesamme1te Werke. herausgegeben von Buchner und O. Pëgge1er, von J. Hoffmeister
von G.
Lasson, Ver1ag von F. Meiner in Hamburg:
Phanomeno1ogie des Geistes BP band 114 Sechste Auflage 1952
Wissenschaft der Logik von G.
Lasson erster Teil. BP 56. unveranderter Nachdruck 1975 des Textes der
zweiten. und eine verg1eichende Seitenübersicht erweiterten von 1932
zweiter Teil.
BP. band
57. Auf1age von 1934. und Oas Sein (1812)
BP Band 375 Hamburg 1986.
Enzyk10padie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse 1830) Herausgegeben von F.N u. O.
pôgge1er.
BP band. 33 ;
Vorlesungen Uber die Philosophie der We1tgeschichte : Die Vernunft in der Geschichte.
BP Band 171a Felix.
Meiner,
Hamburg 1955. und Band 171 b-d Hamburg 1968.
Vor1esungen über die Philosophie der Religion erster band von G. Lasson BP Band 59 Hamburg 1966.
zweiter
Band BP.
Band 61 Hamburg.
1974.
Grund1inien des Phiosophie des Rechts vierte Auf1age von F. Meiner.
BP Band 124a unveranderte Nachdruck
1967 der vierte Auf1age von 1955. Ein1eitung in die Geschichte der Philosophie von J.
Hoffmeister BP Band 166. unveranderte Nachdruck 1966.
Jenaer Systementwürfe 1 Oas System der speku1ativen Philosophie.
Neu herausgegeben von Klaus OUssing und
Heinz Kimmerle.
BP.
Band 331 Felix Meiner Ver1ag, Hamburg 1986.
Jenaer Systementwürfe II Logik. Metaphusik, Naturphi1osophie.
Neu herausgegeben von Rolf-Peter Horstmann.
BP.
Band 332.
F. M. Ver1ag,
Hamburg 1982.
333
Jenaer Systementwürfe III Naturphilosophie und Philosophie des Geistes.
Neu Herausgegeben von Rolf-Peter
Horstmann.
BP Band 333. F. M. Verlag. Hamburg 1987.
Jenaer Kritische Schriften l
: Differenz des Fichteschen und Schellingschen Systems des Philosophie.
Rezensionen, Maximen des Journals der Deutschen Literatur. Neu herausgegeben von Hans Brockard
und Hartmut Buchner BP.
Band 319 a F. M.Verlag. Hamburg. 1979.
Jenaer Kritische Schriften II: Wesen der Philosophischen Kritik. Gemeiner Menschenverstand und
Philosophie , Verhaltnis des Skeptizismus zur Philosophie. Wissenschaftliche Behandlungsarten
des Naturrechts. Neu herausgegeben von Hans Brockard und Hartmut Buchner.
BP.
Band 319 b. F. M.
Verlag.
Hamburg.
1983.
Vorlesungen über die Aesthetik. Werke 13. 14. 15,
suhrkamp taschenbuch Wissenschaft 613,
614.
615.
surhkamp Verlag Frakfurt am Main 1970:
B
Editions Françaises.
Phénoménologie de L'Esprit.
Tomes l
et II. Trad. par J. Hyppolite.
Paris, Aubier,
Editions Montaigne
1939-1941 Réimpression Photomécanique Les Procédés Dorel Paris N" 54'952.
54 953.
(cité sous le
sigle l
et II).
Science de la Logique. premier tome.
Premier livre:
L'Etre.
Edition de 1812. Tra.
Prés. et Notes par P.
J Labarrière et G. Jarczyk. Paris. Aubier Montaigne 1972 (cité SL I)premier tome.
Deuxième
livre Paris Aubier Montaigne. 1976 cité SL II); Deuxième tome. Aubier-Montaigne 1981.
Encyclopédie des Sceinces Philosophiques : La Science de la Logique. Trad.
Prés. annot. par B.
Bourgeois.
Paris Librairie Philosophique J. Vrin.
1970: Philosophie de l'Esprit. Trad. Prés.
annot. par B.
Bourgeois. Paris Librairie Philosophique J. Vrin 1988.
Précis de l'Encyclopédie des Sciences Philosophiques: la Logique, La Philosophie de la Nature.
La
Philosophie de l'Esprit. Trad. par J. Gibelin 3ème. Ed.
Paris Librairie Philosophique J. Vrin
1970.
Principe de la Philosophie du Droit ou Droit Naturel et Science de l'Etat,
En Abrégé. Texte présenté.
traduit et annoté par R. Derathé. Paris. Librairie Philosophique J. Vrin 1975
Principes de la Philosophie du Droit. Trad. par A. Kaan et préfacé par J. Hyppolite. Paris. Gallimard
col.
Idées) 1940. Le Droit naturel trad. par A.
Kaan.
Paris Idées 1 Gallimard. 1972.
Leçons sur la Philosophie de l'histoire trad. par J. Gibelin Paris 3ème édit.
Librairie Philosophique J.
Vrin 1979.
La Raison dans l'Histoire:
introduction à la Philosophie de l'Hisotoire. Trad. nouvelle et notes par K.
·Papaioannou Paris 10 1 18 Union Générale d'Editions 1984
Leçons suer l'Histoire de la Philosophie en 6 tomes trad.
annot.
reconst. par P. Garniron Paris Librairie
Philosophique J. Vrin.
Leçons sur la Philsophie de la Religion en 5 tomes.
trad. par J. Gibelin Paris Librairie Philosophique J.
Vrin.
~sthétique en 4 volumes. trad. par S. Jankélévitch. Paris 1979.
334
La positivité de la Religion Chrétienne.
publié sous la direction de Guy Planty-Bonjour.
Paris.
PUF 1983
La Philosophie de l'Esprit de la Realphilosophie 1805. Trad.
par Guy Planty-Bonjour.
Paris PUF 1982.
Vie de Jésus.
Trad.
introd. par D.D.
Rosca Paris,
Editions d'Aujourd'hui 1977
La Différence entre les Systèmes philsophiques de Fichte et de Schelling. précédé de K.
L.
Reinhold -
Eléments d'un Tableau de la Philosophie au Début de XIXè Sisècle (extrait) suivi de
F.W. J.
Schellin ou G.W.
F. Hegel - De la Relation entre la Philosophie de la Nature et la Phil sophie
en général.
Présentation et trad. par B.
Gilson.
Paris. Librairie Philosophique J. Vrin 1986.
Les Orbites des Planètes (Dissertation de 1801) Trad .•
Intr et Notes par F.
De Gandt. Préface de D.
Dubarle.
Foi et Savoir - Kant - Jacobi - Fichte.
Introd. par A.
Philonenko.
trad.
par A.
Philonenko et C.
Lecouteux. Paris.
Librairie philosophique J. Vrin 1988.
Hegel à Francfort ou Judaïsme - Christianisme - Hegelianisme par B.
Bourgeois.
Paris.
Librairie
Philosophique J. Vrin 1970.
Hegel et L'Orient suivi de la traduction annotée d'un essai de Hegel sur la Bhagavad-Gîtà.
trad.
par M.
Hulin.
Paris.
Librairie Philosophique J. Vrin.
1979.
Fragments de la Période de Berne (1793 - 1796)
Introd. par R.
Legros
trad.
par R.
Legros et Fabienne
Verstraeten.
Paris. Librairie Philosophique J. Vrin 1987
Textes Pédagogiques traduction et présentation par B.
Bourgeois. Paris. Librairie Philosophique J. Vrin.
197B.
Des Manières de Traiter Scientifiquement du Droit Naturel. Traduction et notes par B. Bourgeois. Paris.
Librairie Philosophique J. Vrin 1978
L'Esprit du Christianisme et son Destin. Trad. de J. Martin et intr. de J. Hyppolite.
Paris Librairie
Philosophique J. Vrin 1971
Relation du Scepticisme avec la Philosophie suivi de l'Essence de la Critique Philosophique. Trad.
et
Notes par B.
Fauquet. Préface de J.P.
Dumont.
Paris. Librairie Philosophique J. Vrin.
1972.
Logique et Métaphysique
(Iéna 1804 - 1805) Présentation. Traduction.
et Notes par D.
Souche - Dagues avec
un commentaire d'André Kaan. Paris Gallimard 1980
C
Liste récapitulative des principaux sigles utilisés.
Ency § tr.
BB.
Encyclopédie des Sciences
Philosophiques.
Traduction de B.
Bourgeois.
Esth.
Esthétique
Geschph
Einleitung in Geschichte der
Ileph
Introduction à une Lecture de la
Phénoménologie de l'Esprit,
par
335
P.
J.
Labarrière
IlSL
Introduction à la Lecture de la
Science de la Logique de Hegel:
l,
II,
III.
Ph.G.
La Phénoménologie de l'Esprit
Traduction de J.
Hyppolité
PhRech tr.
RD
Grundlinien der Philosophie
des Rechts.
Traduction de Derathé.
PhRel
Philosophie de la Religion
phWel tr.
JG
Vorlesungen über die Philosophie
Weltgeschichte
Traduction de J.
Gibelin
SL
Science de la Logique.
Traduction
et Présentation par
P.J.
Labarrière et G.
Jarczyk.
StrMD
Structures et Mouvement
dialectique dans la Phénoménologie
de Hegel par P.J.
Labarrière.
SystL
Système et Liberté dans la Logique
de Hegel.
Par G.
Jarczyk.
WL.
SL.
Wissenschaft der Logik
Traduction par P.J.
Labarrière
et G.
Jarczyk.
II - Auteurs et ouvrages principaux cités.
Collectif: Introduction à la Lecture de la Science de la Logique de Hegel en trois volumes l
L'Etre.
II.
La Doctrine de l'Essence;
III.
La Doctrine du Concept. par J.
Biard. D.
Buvat. J.-
F.
Kervegan.
J.- F. Kling. A.
Lacroix. A. Lécrivain. M. Slubiki. Paris Aubier- Montaigne 1981.
1983. 1987.
B.
BOURGEOIS :
-
L'Idéalisme de Fichte.
Paris.
PUf 1968.
- La Pensée politique de Hegel.
Paris PUF.
1969
- Le Droit Naturel de Hegel.
Commentaire.
Paris.
Librairie Philosophique J. Vrin 1986.
P.J.
LABARRIERE :
- Structures et Mouvement Dialectique dans la Phénoménologie de Hegel.
Paris. Aubier - Montaigne 1968.
336
.. Le Discours de l'Altérité
Une logique de l'expérience Paris PUF.
1983 .
.. Introduction à une Lecture de la Phénoménologie Paris. Aubier - Montaigne 1979.
G. JARCZYK.
P.J. LABARRIERE
- Hegeliana
Paris PUF 1986.
- Les Premiers combats de la Reconnaissance: Maitrise et Servitude dans la Phénoménologie de l'Esprit de
Hegel. Paris. Aubier - Montaigne 1987.
- Hegel
Le Malheur de la Conscience ou l'Accès à la Raison "Liberté de l'Autoconscience ; Stoïcisme.
Scepticisme et La Conscience Malheureuse" Texte et Commentaire.
Paris. Aubier - Montaigne.
1989.
- Le Syllogisme du Pouvoir
y
a-t-il une Démocratie Hégélienne? Paris Aubier - Montaigne 1989.
G. JARCZYK.
Système et Liberté.
dans la Logique de Hegel.
Paris. Aubier - Montaigne 1980.
H. SCHOLZ. Esquisse d'une Histoire de la Logique.
Paris. Aubier - Montaigne.
1968.
E. BLOCH Sujet .. Objet
Eclaircissements sur Hegel. Paris Gallimard 1977
G.
LEBRUND La Patience du Concept
Essai sur le Dicours hégélien. Paris Gallimard 1972.
G. LUKACS Le Jeune Hegel. 1 et II. Paris Gallimard 1981
Y. BELAVAL
Etudes Leibniziennes. Paris. Gallimard 1976.
D. SOUCHE -
DAGUES
Le Cercle hégélien Paris. PUF 1986.
J. HYPPOLITE
Genèse et Structure de la Phénomenologie de l'Esprit de Hegel 1 et II Paris. Aubier -
Montaigne.
1946.
H. NIEL De la Médiation dans la Philosophie de Hegel. Paris Aubier 1945.
S. OPIELA
Le Réel Dans la Logique de Hegel
développement et auto-détermination,
Paris.
Beauchesne
1983.
J.
D'HONDT
- Hegel.
Philosophe de l'Histoire Vivante 2ème Ed,
PUF 1987.
- Hegel Secret. Recherches sur les Sources cachées de la Pensée de Hegel.
2ème Ed.
PUF 1986.
- Hegel et l'Hégelianisme PUF.
2ème 1986.
- Hegel.
Textes et Débats.
Librairie Générale Française Paris 1984.
C. BRUAIRE
- Logique et Religion Chrétienne dans la Logique de Hegel. Paaris Seuil 1964.
- L'Etre et l'Esprit.
Paris PUF 1983.
- Philosophie du Corps.
Paris Seuil 1968.
337
- La Raison Politique.
Paris.
Fayard 1974.
H.
MARCUSE.
L'Ontologie de Hegel et la Théorie de l'Historicité,
Paris.
Ed. Minuit.
1972
F. GUIBAL.
Dieu selon Hegel:
Essai sur la problématique de la Phénoménologie de l'Esprit.
Paris. Aubier
- Montaigne.
1975.
B. QUELQUEJEU.
La Volonté dans la Philosophie de Hegel. Paris. Seuil 1972.
B.
LONGUENESSE. Hegel et la critique de la Métaphysique.
Etude sur la Doctrine de l'Essence.
Paris.
Librairie Philosophique J. Vrin 1981,
D. JANICAUD,
Hegel et le Destin de la Grèce.
Paris.
Librairie Philosophique J. Vrin 1975.
A.
Doz.
La Logique de Hegel et les Problèmes Traditionnels de l'Ontologie.
Paris.
Librairie
Philosophique J. Vrin.
1987.
H. S. HARRIS Le Développement de Hegel tome 1. vers le Soleil 1780-1801. Ed.
L'Age d'Homme 1981 -
tome 2
Pensées noctures Iéna 1805 -
1805 Ed.
L'Age d'Homme 1988.
E. E. HARRIS
- Nature.
Esprit et Science Moderne Ed. L'Age d'Homme 1979.
- Lire la Logique de Hegel Commentaire de la Logique de Hegel. Ed. L'Age d'Homme 1987.
A.
LEONARD Commentaire Littéral de la Logique de Hegel.
Paris. Librairie Philosophique J.
Vrin.
1974.
338
T A BLE
D E
MAT 1ER E S
l
N T R 0 DUC T ION
1
L'intériorité-extériorité de l'immédiat et du médiat
1
PRO BLE MAT l
QUE
2
A - ACTUALITE
DE
HEGEL
2
1 -
Une intuition encore vivante
2
2 -
Les raisons d'un choix
3
a) - Un constat indiscutable
3
b) -
En Occident d'hier et d'aujourd'hui
7
c) -
Dans l'Afrique d'aujourd'hui.
16
B -
L'ORDRE
GENERAL
DES
QUESTIONS.
21
1 -
Le point de départ
21
a) - Sur le plan théorique.
21
b) - Sur le plan pratique.
24
2 -
Le Principe dialectico - spéculatif
26
a)
- D'abord le mouvement.
29
b) - Un mouvement libre.
30
c)
- Un mouvement spéculatif.
31
3 -
La systématique
le Tout absolument organisé
33
a) -
La philosophie comme Savoir réel.
34
b)
- Un Savoir scientifique systématique.
34
c) -
Le Sujet et le système~
37
4 - Effectivité absolue de li~s~~ft~a~solu.
40
a) -
L'Idée du Droit. ,h~<':',
(y~~>
41
b)
-
L'Esthétique
1/J_ C
/ ,
44
c) -
La Philosophie dë~]à~R~~igion .
47
~Î():J'
,..'>.-
Il
1
d)
-
La Philosophie dé!~'Histàire et l'Histoire de
1\\
\\"
la Philosophie\\"
.7
48
C - QUESTIONS D'ORDRE PRATIQUE\\'.
"'~._-_/,
52
a) - Méthode
",.
" I I
S,,\\·~..·/
52
b)
-
Sources
......_ ..-
54
c) -
enfin, nos modèles de références
55
PRE MIE R E
PAR T l
E
56
LA
MEDIATION
DIALECTIQUE
56
Le Principe
57
CHAPITRE 1
58
LAM E DIA T ION
DIA L E C T l
QUE
58
A
L'
E P 0 QUE
D E I ENA
58
A - ORIGINE
DE
L'IDEE
DE
MEDIATION
60
B - SON
ELABORATION
PROGRESSIVE
64
1 -
La relation simple
66
2 -
Relation de l'être
68
3 - Relation du penser
70
a) -
Principe d'identité
71
b)
-
Le concept déterminé
73
c) -
Le Jugement
75
a).
Le premier mouvement
76
o - la tautologie
76
1 -
Le jugement universel
77
2 -
Le jugement particulier
77
3 -
Le jugement singulier
78
4 -
Le jugement hypothétique
78
a) Le second mouvement
79
1 -
Le jugement négatif
79
2 -
Le jugement infini
80
339
3 - Le jugement disjonctif
80
d) -
Le syllogisme
83
C - VERS
LE
RATIONALISME
DIALECTIQUE
84
1 - Médiation sujet-objet objectif
85
2 - Médiation sujet-objet subjective
91
3 - Le jeu de l'unité et de la différence
93
CHAPITRE 2
95
P R l
N C l P E
DUS y STE M E
95
L'
E S P RIT
95
A
QUESTIONS REMANENTES
98
B - POSITIONS ET OBJECTIONS TOUJOURS RENAISSANTES
101
C
MOUVEMENT GLOBAL DU NOYAU
MEDIATION SUJET-OBJET
110
1 - L'identité Sujet-Objet dans le mouvement global 115
a) -
La vérité de la certitude
120
b) - Passage
123
c) -
"Le soi,
l'autre d'un autre"
125
2 - L'unité de la conscience
l'esprit
128
a) -
Le Soi dans son concept
133
b) -
Le retour à l'immédiateté extérieure
134
3 -
La circularité de l'esprit
136
a) -
La Négativité
136
a) Rapport de soi-à-soi du Nichts
138
b) Le trajet de l'énergie du Nichts
139
c) Résultat
139
b) - L'expérience philosophique
141
a) L'unité spéculative de la conscience
144
b) L'unité spéculative du réel
145
D EUX lEM E
PAR T l
E
LA
LOGIQUE
FONDAMENTALE
145
La méthode absolue
146
CHAPITRE 3
146
LA RATIONALITE DIALECTIQUE
LE
SYLLOGISME
146
Préliminaire
Raison et Réalité
147
A - LE
FONDEMENT
151
1 - Remarques préliminaires
152
a) - Raison et Rationalité
152
b) - Poser et présupposer
154
2 - Compréhension du texte
158
a) -
Le fondement ou l'unité simple
158
b) - Rapport-fondamental (Grundebeziehung)
159
B - LA
FORCE
161
1 - Le Tout et les parties
161
2 - La Force et son extériorisation
163
3 -
L'unité de l'intérieur et de l'extérieur
164
C - LE SYLLOGISME
166
1 - Le Syllogisme dans son concept
168
a) - L'unité de la diversité
169
b) -
L'Unité du jugement
169
c) -
L'unité du syllogisme. Le moyen-terme
170
2 - Le syllogisme et le concept de la philosophie
170
a) - Première lecture
172
b) - Deuxième lecture
175
c) - Le contenu
176
3 - Les trois syllogismes
182
340
a) -
Les structures parallèles du concept
183
b) - La Signification des trois syllogismes
185
CHAPITRE 4
189
LA MEDIATION
DIALECTIQUE
189
processus
absolu
de la science
absolue
189
A - La Dialectique de l'effectivité
191
première émergence de la liberté
.
191
1. L'absolu, ou la liberté étant-en-et-pour-soi
192
2" -
La Contingence
passage à la particularité
193
a) - possibilité et contingence
194
b) - La Nécessité
195
c) - La Nécessité absolue
196
3) -
La Substance
198
3.1- Remarques préliminaires
198
a) -
La Substance en général
198
b) - La substance spinoziste
200
c) - La monade leibnizienne
202
3.2 -
La Substance hégélienne
204
a) -
Le texte dans son contexte
205
b) - La compréhension du texte
206
a) 1 -
"La substance comme telle"
206
b) 2 - Le Rapport de causalité
208
c) 3 - LA
causalité formelle
209
d) 4 -
Le Rapport de détermination
211
e) 5 - L'Action-réciproque
212
B. DIALECTIQUE DE L'IDEE
214
l'auto-déploiement de la Liberté
214
1.
LE SYLLOGISME DE LA VIE
214
a) -
La vie
une mobilité absolue
219
b)- Le vivant
220
b) -
Le processus-vital
222
c) - Le genre
225
2.
LE CONNAITRE
l'intériorité fondée en liberté
226
a) - L'Idée théorique du vrai
227
a) 1 - La définition
231
b) 2 - La division
232
c) 3 - Le Théorème
235
b) -
L'Idée du Bien
239
a) 1 - Introduction
Les déterminations de l'esprit
239
b) 2 - Le syllogisme de la réalisation
243
CHAPITRE
5
244
LA DIALECTIQUE DE LA LIBERTE
244
La Mobilite Absolue De L'esprit
244
Introduction
mouvement et liberté
245
A - L'IDEE DE LA LIBERTE
248
L'esprit libre
248
La compréhension du texte
250
a) - La volonté rationnelle
252
b) - Une Idée abstraite
254
c) - Un principe d'effectuation
254
d) -
l'Absolu sensible au coeur
256
B - La philosophie comme science de la liberté
C - Le Droit
341
l'être-là de la volonté libre
263
a) - Le terrain immédiat du droit
263
b) - La moralité
269
c)-La vie éthique
273
T ROI S I E M E
PAR T l E
275
LAS CIE N C E
A B SOL U E
INTRODUCTION
L'Absolu hégélien.
276
CHAPITRE 6
279
LA SCIENCE DU PHENOMENE.
279
A - La définition de l'objet.
280
Le syllogisme de l'objet
281
a) - L'objet scientifique
283
b) -
L'objet total
284
c) -
Le savoir de soi
284
d) - un savoir dissout
285
B - La Nature du Savoir absolu
286
l
- L'Absolu.
286
a) -
"Un Soi-logique"
288
b) - Un contenu.
289
c) - Le mouvement,
....'~
289
2 - Le Savoir absolu d~sCldt~0Eme du temps
a) - Le temps co~~~{~~f~~ ~id~ _
293
b) -
Le temps, necessalre extgTlorlte
294
c) - Le temps,
i2o~e~~eEdè~t{h et la nécessité de
.
l'esprit1';:';~\\~) ~/
297
C -
"La science, liberté' ~e,sécur~té~
299
a) -
La nécessité 'de s-lextêr"Î''oriser
-":-.,
,(.,.i" .;'
le passage.
. '",.. fFn,e.:';.-,/
299
a) - L'esprit se sachant.
300
b) - acte
se délivrer
301
CHAPITRE 7
328
LA SCIENCE DE L'IDEE
328
A
L'IDEE ABSOLUE
objet et contenu uniques de la philosophie
330
B - LA METHODE
332
l
-
La forme universelle de la science
la méthode
333
2
Le commencement et sa progession
335
a - Le commencement
335
b - La progression
338
c - Le( ou
la) dialectique
339
3 - La triplicité
343
C -
Le Résultpt
347
l
-
Le tro~ième terme
347
2 -
La déauction et la preuve
349
3 -
"Un cercle de cercles"
350
CHAPITRE 8
CONCLUSION