UNIVERSITE PARIS V
"RENE DESCARTES"
SCIENCES HUMAINES - SORBONNE
Thèse présentée par Comlan Richard ABOKI
POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT
EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
1960-1987
en vue de l'obtention du Doctorat d'Etat
Sous la direction de Monsieur le Professeur Louis~V~ncent THOMAS
Année 1991

1
REMERCIEMENTS
Je tiens
à
exprimer ma profonde gratitude au
Professeur
Louis-Vincent
THOMAS
dont
la
disponibilité
et
l'appui
scientifique me sont acquis depuis vingt ans.
Je remercie également Madame Nathalie AVENEL,
Secrétaire,
qui
a
acce.pté,
sans hésiter,
de consacrer une partie de
son temps
libre à
la dactylographie et au traitement de
mon travail.

2
INTRODUCTION
GENERALE
Lorsque nous avions fixé en 1976 notre choix sur l'étude
des
politiques
de
développement
en
Afrique
au
Sud
du
Sahara,
un climat d'euphorie régnait dans
bon nombre de
pays du continent africain en raison de la montée des prix
des
principales
matières
premières
d'exportation
et
des
facilités
de
crédit
qu'offrait
le
système
bancaire
international.
Le recyclage des pétrodollars résultant du
premier
choc
avait
augmenté
les
liquidités
internationales:
aussi les banques n'hésitèrent-elles pas
à
octroyer des prêts aux pays Africains.
Ces derniers se
lancèrent dans des investissements ambitieux dans tous les
domaines
et
renforcèrent,
à
travers
les
créations
d'entreprises
publiques
le
contrôle
de
l'Etat
sur
l'Economie.
Puis
survint
le
second
choc
pétrolier
avec
ses
effets
désastreux
sur
la
balance
des
paiements
des
pays
non
producteurs de pétrole,
accentués par la baisse des prix
des matières premières.
L'espoir s'était alors porté sur
les
effets
probables
des
programmes
d'ajustement
structurels.
Mais dix ans plus tard,
alors que l'Europe,
le
japon
et
les
nouveaux
pays
industriels
du
Sud-Est
asiatique,
notamment
la
Corée
du
Sud,
Hong-Kong,
Singapour
et
Taïwan
1 ,
renouQ.l~t- avec
une
croissance
soutenue,
l'Afrique
au
Sud
du
Sahara
sombra
dans
le
marasme économique avec en prime une inversion des flux de
1. De 1970 ,
1980, le taux de croissance de ces pays a été de l'ordre de 5% par an. En 1988, il
étai t
de 9% contre 4,1% pour les pays de l' OCDE d' après
les
indications
fournies
par la
Banque Mondiale dans son rapport annuel de 1989.

3
capitaux
vers
les
pays
développés
et
les
institutions
financières internationales.
Nombreuses
sont
donc
les
menaces
qui
pèsent
auj ourd ' hui
sur
l'avenir
du
continent Africain.
Après
la
famine
de
1984
en
Ethiopie
contre
laquelle
la
Communauté
internationale s'était mobilisée grâce à des artistes de
la
chanson,
un
nouveau
danger
plane
aujourd' hui
sur
le
même pays où la vie de près de quatre cent mille êtres
humains risque d'en être affectée. A vrai dire, l'Ethiopie
n'est qu'un symbole.
Des côtes de l'Angola au Mozambique
en passant par le Botswana et le Lesotho, la sécheresse se
fait menaçante sur des populations relativement nombreuses
et
dont
les
besoins
en
produits
alimentaires
vont
s' accroî tre considérablement.
Cette sécheresse est elle-
même devenue
un
phénomène cyclique
puisqu'elle sévit
en
Afrique un peu avant le milieu du XIXe
siècle,
en 1833
pour l'Afrique orientale et en 1835-1837 pour le centre-
ouest
Atlantique.
Ainsi,
de
1833
â
1899,
l'Afrique
orientale a connu sept sécheresses qui se sont succédé en
moyenne tous les dix et vingt ans.
En revanche le centre
ouest atlantique a connu six sécheresses tous les dix ans
entre 1835 et 1888.
Au vingtième siècle,
l'Afrique a
subi quatre importantes
sécheresses
celle
de
1913-1914
qui
fit
plusieurs
millions de victimes dans le moyen Niger et qui décima le
bétail, celle de 1931 dont les effets furent renforcés par
la
grande
dépression
économique
que
connut
le
monde
2;
celle de 1972-1974 qui plaça le Sahel au premier plan de
l'actualité.
La
sécheresse
de
1984
toucha
l'Afrique
2. COQUERY-VIDROVITCH Catherine. Afrique Noire. permanences et ruptures. éd. Payot. Paris. 1985.

4
d'Ouest en Est,
depuis
le
Sénégal,
jusqu'à la corne de
l'Afrique.
Parmi
les
autres
difficultés
qui
secouent
l'Afrique,
l'accroissement
de
l'endettement
extérieur
occupe
une
place de choix de sorte que la Banque Mondiale,
a
écrit
dans
son
rapport
de
1989
que
la
dette
est
devenue
le
principal
obstacle
au
développement
du
continent.
Mais,
au-delà des questions économiques, comment pourrions-nous,
dans
le
cadre
de
notre
propos,
passer
sous
silence
la
menace que le SIDA fait peser sur l'Afrique?
Elle va se
traduire
par
des
coûts
financiers
supplémentaires,
économiques
et
sociaux.
Déjà
de
graves
inquiétudes
naissent
au
sujet de l'Afrique Centrale où
les risques
d'épidémie
seront
les
plus
forts
en Afrique
d'ici
l'an
2000.
A bien
considérer
l'évolution de
toutes
les
régions
du
monde, au cours de ces trente dernières années, l'Afrique
au sud du Sahara apparaît sans conteste comme la contrée
où les obstacles au développement se manifestent avec une
acuité
particulière
et

les
résultats
en
termes
de
croissance
relative
sont
les
plus
faibles.
Excepté
la
période 1960-1970 au cours de laquelle l'Afrique a connu
un taux de son secteur manufacturier plus fort que celui
du reste du monde,
8,3 % contre 8,1 % pour l'ensemble des
pays en développement et 5,9 pour les pays industrialisés,
la situation économique n'a cessé de se dégrader.
Dès lors la question se pose de savoir pourquoi de tous
les continents,
l'Afrique seule est à la dérive? Comment
s'explique une telle situation? Quels sont les facteurs
qui
expliquent
cet
échec
?
Quelle
est
l'importance

5
respective des facteurs externes,
tels que l'évolution du
prix des matières premières sur le marché international,
la hausse des taux d'intérêt dans les années 80,
et des
facteurs internes,
telles que les conduites individuelles
et collectives,
les mentalités et les structures sociales
particulières ?
En
tout
état
de
cause,
si
ces
dernières
ne
sont
pas
directement
responsables
des
difficultés
actuelles
du
continent,
du moins ont-elles exercé des contraintes sur
les politiques économiques des Etats.
La connaissance des causes de l'échec de ces politiques
revêt donc une importance stratégique capitale.
Qu'est-ce à
dire
sinon que le choix de
notre
suj et est
guidé
aussi
par
la
volonté
de
nous
livrer
de
façon
rationnelle à
une
analyse qui
restitue
au développement
toutes
ses
dimensions,
notamment
sa
perspective
historiciste.
Pas plus qu'il n'existe aujourd'hui de modèles universels
de développement,
il n'est de modèles
africains
au delà
des expériences historiques qui ont marqué l'évolution du
continent.
De Kwame N'Krumah,
à Julius Nyéréré en passant par Sekou
Touré et Modibo Keita,
le pragmatisme a
tenu lieu d'une
théorie
subjectiviste
du
développement.
Or
celle-ci
est
fondamentalement idéologisante,
déformante et invalidante
à tous égards.
Pour éclairer l'action, un bilan critique des expériences
passées
s'impose.
Mais
n'est-ce
pas

une
véritable

6
gageure quand on se réfère à l'étendue et à la complexité
de notre champ d'étude?
De
la présentation des
pays
d'Afrique
au
sud
du
Sahara
sont exclues la République Sud Africaine et
la Namibie.
Bien
qu'ils
disposent
d'importantes
potentialités
de
développement
agricole
et
industriel
et
qu'ils
occupent
une
position
géopolitique
et
géostratégique
clé
entre
l'Est et l'Ouest,
ces deux Etats ne se sont pas intégrés
en Afrique sur les plans poli tique et économique.
A cet
égard,
le
cas
de
la
Namibie
présente
des
différences
notables
par
rapport
à
celui
de
l'Afrique
du
Sud.
Au
sortir
de
la
première
guerre
mondiale,
la
Société
des
Nations l ' avai t
placée sous la tutuelle de l'Afrique du
Sud dans le cadre d'un mandat de type C 3;
mais pendant
longtemps,
l'Afrique
du
Sud
refusa
de
qui tter
ce
territoire en dépit de la résolution 435 des Nations-Unies
qui le lui recommandait expressément.
Par ailleurs,
bien qu'elle créât dès son indépendance en
1910 une union douanière regroupant le TRANSVAL, l'ORANGE,
le
CAP,
le
NATAL,
les
protectorats
Anglais
du
BECHUANALAND,
du BASUTOLAND et de NGWAME
(SWAZILAND),
la
codification
de
l'apartheid
par
le
Parti
national
Afrikanner
en
1948
lui
valut
d'être
mise
au
ban
de
la
communauté
internationale
et
d'entretenir
des
rapports
conflictuels avec le reste du continent.
3. La société des Nations avait crée trois types de mandat ;
le mandat de type A regroupait les
colonies Allemandes ou ottomanes qui devaient accéder immédiatement à
l'indépendance.
Ainsi
en a-t-il été de la Syrie et du Liban.
Le mandat de type B.
les Etats qui devaient accéder
progressivement à
l'indépendance
(Togo,
Cameroun).
le type C portait sur la Namibie (au Sud-
Ouest Africain dont l'indépendance a été renvoyée à plus tard en
raison de
la faiblesse de
l'émancipation politique des habitants de ce territoire.
j

7
Avec
une
population
estimée
en
1987
à
460
millions
d'habitants
et
une
superficie
de
22
millions
de
km 2 ,
l'Afrique
au
sud
du
Sahara
regroupe
45
Etats
indépendants. Elle se caractérise à la fois par une grande
homogénéité et une grande diversité.
Son
homogénéité
renvoie
à
une
civilisation
essentiel-
lement
orale
et
"rito1ogique"

les
liens
de
parenté
prédominent encore dans l'aménagement des rapports sociaux
fondamentaux;
l'autre aspect de cette homogénéité réside
dans
le
facteur
racial;
au
delà
des
types
sahé1o-
soudanièns,
nilotiques
et
bantous,
les
traits
négroïdes
consti tuent
des
dénominateurs
communs.
L'Afrique
subsaharienne présente une unité culturelle originelle que
les travaux de Cheik A~ta Diop et de Théophile Obenga ont
largement mise en évidence. C'est en Afrique orientale que
se
sont
développées
les
premières
civilisations
africaines.
Ce sont les civilisations de Nubie et de la
Haute-Egypte qui furent à l'origine du développement de la
civilisation égyptienne.
Les fouilles de la Haute Egypte
et
du
Soudan conduites
par
le
Professeur
Geus
semblent
témoigner
de
l'existence
d'une
culture
élaborée,
la
culture d'El Kadeda dans les régions où Nil Blanc et Nil
Bleu
se
rejoignent
pour
"former
le
cours
du
Nil
principal".
En
outre
les
civilisations
africaines
partagent la même vision du monde.
L'Univers africain est
régi par un Dieu créateur, tels Mawu chez les Ewe, 01erun
chez les Yoruba et par des divi ni tés
inférieures.
Elles
commandent de nombreux phénomènes
naturels,
tels
que
le
tonnerre, la maladie et servent d'intermédiaires entre les
hommes
et
le
Dieu
créateur.
Outre
les
divinités,
les
ancêtres
jouent également le rôle d'intermédiaires entre
les vivants
et
le
Dieu créateur.
Au delà des
religions

8
importées,
l'animisme demeure le fondement
principal des
croyances
africaines,
d'une
conception
à
la
fois
anthropomorphique et mythique du monde.
Outre ces particularités,
l'Afrique au Sud du
Sahara se
caractérise
par
la
faiblesse
des
indicateurs
du
développement économique et social
Taux de mortalité le plus élevé du monde, soit 16 %.
Taux de mortalité juvénile de l'ordre de 25 % contre
11
15%
en Asie du Sud et
1% seulement dans
les pays
o
Q
industrialisés.
Taux d'accroissement naturel le plus élevé du monde
soit 3,1% par an,
ce qui entraîne un doublement de
la population tous les 30 ans.
Espérance de vie,
à la naissance la plus faible du
monde soit
51
ans contre 57 en Asie du Sud et
76
dans les pays industrialisés.
Faiblesse du niveau de vie,
soit pour l'année 1987
un Produit National Brut par tête d'habitant de 330
dollars des Etats-Unis contre 14.670 pour les pays
de l'OCDE 4.
Dépendance
économique
et
financière
vis-à-vis
de
l'extérieur que traduisent la dépendance alimentaire
croissante,
l'augmentation
de
la
dette
extérieure
depuis le début des années 1970
par exemple les
importations de céréales sont passées de 5 millions
4. L'OCDE.
Organisation
de
Coopération
et
de
Développement
économique
regroupe
les
Etats
considérés comme les plus développés du monde.

9
de
tonnes
en
1970
à
15
millions
en
1984
5;
pour
l'année
1988,
elle est
descendue
à
9
millions
de
tonnes à
cause d'une meilleure pluviométrie;
mais
si
ces
tendances
lourdes
se
maintiennent,
c'est
environ
50
millions
de
tonnes
de
céréales
que
l'Afrique au
sud du Sahara devra importer en l'an
2000 ,
soit l ' équivalent de sa production totale en
1988 ou 5 fois et 1/2 ses importations de la même
année.
Mais
l'Afrique
se
caractérise
aussi
par
une
grande
diversité.
Celle-ci
tient
à
la
fois
de
la
géographie
physique
et
humaine,
de
la
dotation
des
Etats
en
ressources naturelles,
des influences extérieures et des
principes
qui
sous-tendent
les
politiques
de
développement.
En
effet
aux
sols
volcaniques
de
la
partie
orientale
s'oppose
dans
la
région
intérieure
de
l'Afrique
occidentale
la
zone
sahélienne
aride

le
maximum
de
1
précipitations
se
réalise
en
trois
mois
pendant
l'hivernage 6. De même aux immenses zones formées de sols
hydromorphes,
alluviaux et de bas-fonds,
qui couvrent les
vallées
de
la
plupart
des
cours
d'eau
et
des
bassins
lacustres
(Lac
Tchad,
Nil
Blanc
au
Soudan)
s'oppose
la
zone
forestière,
surtout
la
grande
forêt
équatoriale.
Ainsi
l'Afrique
présente
une
extrême
variété
de
zones
écologiques:
L'Afrique Centrale,
l'Afrique de l'Ouest humide
et l'Afrique Australe disposent de vastes terres
5. GIRl Jacques, L'Afrique en panne, Ed. Karthala, Paris. 1985.
6. L'hivernage dure de juillet A septembre.

10
cultivables
avec
une
densité
de
population
relativement faible.
En revanche, le Sahel, certaines régions à l'Est
s'ajoutent aux bandes arides allant des côtes de
l'Angola
au
Mozambique
en
passant
par
le
Botswana et
le
Lesotho;
ici
la
population est
plus nombreuse.
Enfin l'Afrique
regroupe de vastes
superficies
soi t
733
millions
d' hectares
de
terres
arable.S
mais seuls 30% de ces terres sont cultivées.
Certaines régions en Afrique de l'Est, de l'Ouest comme en
Afrique Australe sont enclavées : les pays des grands lacs
(Ouganda,
Rwanda,
Burundi),
le Burkina Faso,
le Niger,
le
Mali,
le Malawi,
le Zimbabwe pour ne citer que ceux-là :
d'autres disposent d'une façade maritime:
le Sénégal,
la
Côte d'ivoire, le Togo, le Cameroun, etc ..
Sur
le
plan
démographique,
d'importantes
disparités
existent entre les Etats; à côt,é du Nigéria qui compte en
1989 100 millions d'habttants ~nviron, le Togo,
le Gabon,
le
Congo,
le
Burund!
et
le
Rw~nda
font
figure
de
véritables petites provinces. Mais si l'on se réfère à la
répartition de la population dans l'espace,
des pays tels
que
le
Rwanda
et
le
Burundj
se
singularisent
par
des
densités élevées soit 125 h/km 2 contre 21 pour l'Afrique
subsaharienne
et
par
des
zones
de
1000
h/km 2
qui
les
rapprochent de certaines régions de fortes concentrations
humaines de l'extrême-orient.
La di versi té africaine tient également aux
langues
au
delà
des
clivages,
qui
se
rapportent
aux
langues
officielles,
celles des anciens colonisateurs et dont le
caractère
destructurant
n'échappe
à
personne,
l'Afrique
utilise
une
multiplicité
de
langues
et
de
variantes

I l
dialectales.
Les
difficultés
de
communication f entre
les
ethnies
nonobstant
le
dynamisme
des
langues
v1'èulaires,
témoignent de l'importance des obstacles linguistiques â
l'échelle
du
continent.
Or
l'existence
d'une
langue
commune est un puissant facteur d'unité; elle contribue â
forger
une
communauté
de
vie,
d'intérêts
et
de
destin;
elle permet de diffuser les connaissances scientifiques,
techniques
et
culturelles.
En
outre,
elle
renforce
l'identité historique, culturelle et sociale des peuples.
Au
plan
de
la
dotation
en
ressources
naturelles,
la
diversité du continent apparaît plutôt comme une source de
complémentarité.
Ainsi
les
pays
d'Afrique
Centrale
et
Australe
recèlent
d'importantes
quantités
de
matières
prem1eres énergétiques et minières.
Les potentialités de
l'ouest Africain restent dominées par l'uranium
(Niger),
les
phosphates
(Sénégal,
Togo)
et
le
pétrole
(Nigéria,
Benin, Ghana et Côte d'Ivoire). Dans le domaine agricole,
l'opposition est marquée entre les cultures industrielles
(café,
cacao,
coton,
etc ... )
et
les
cultures
vivrières.
L'Afrique
de
l'Est,
avec
le
Kenya,
le
Malawi,
le
Mozambique et la Tanzanie,
détient 10 % de la production
mondiale de
thé
alors
que
l'Afrique
de l'ouest
avec
la
Côte d'Ivoire,
le Ghana,
le
Nigéria,
le Cameroun et
le
Togo, atteint 52 % de la production mondiale de cacao. Ces
cultures,
dont les économies africaines sont tributaires
aujourd'hui,
constituent
â
bien
des
égards
des
témoignages,
des
influences
extérieures,
qui
se
sont
exercées sur l'Afrique.
Il
Y eut
d'abord
la
traite
arabe
et
surtout
la
traite
atlantique, â laquelle ont participé divers pays européens
(France,
Angleterre,
Portugal,
Espagne,
Hollande,
Danemark,
Allemagne).
Elle
a
affecté
différemment
les

12
régions de l'Afrique,
la partie
centrale ayant été plus
durement
touchée
sur
le plan démographique.
Ensui te,
la
colonisation a laissé de profondes séquelles dans tous les
domaines et accentué davantage la diversité de l'Afrique.
Influences
britannique,
française,
belge,
italienne,
portugaise,
espagnole,
autant
d'expressions
d'une
même
réalité de domination,
qui conduisit,
au morcellement de
l'Afrique sur les plans culturel, politique, monétaire et
économique;
les
administrations
africaines,
les
systèmes
monétaires
sont
étroitement
dépendants
des
modèles
des
anciennes
puissances
coloniales.
Encore
auj ourd 'hui
les
relations
économiques
et
commerciales
entre
les
Etats
Africains en sont largement tributaires.
Les principes qui sous-tendent ces politiques peuvent être
ramenés
aux
deux
grands
systèmes
économiques
qui
se
partagent le monde; le capitalisme et le socialisme.
Dans le premier cas, des Etats, tels que la Côte d'Ivoire,
le
Kenya,
etc...
ont
adopté
le
modèle
du
capitalisme
libéral
d'Etat.
Mais
dans
la
réalité,
ce
modèle
varie
selon les Etats en fonction de l'importance plus ou moins
grande
d'une
bourgeoisie
locale.
Ainsi
par
rapport
aux
pays
francophones,
les
pays
anglophones
disposent
généralement
d'une
classe
d'entrepreneurs
dynamiques;
C'est le cas du Nigéria, du Ghana, de l'Ouganda, du Kenya,
du Zimbabwe.
Au
capitalisme
d'Etat
libéral,
s'oppose
le
socialisme;
mais dans ce domaine,
on note une grande confusion. Entre
le
"communalisme"
de
Julius
Nyéréré,
le
"socialisme
scientifique" de Kwame N'Krumah, celui de Modibo Keita, et
de Mengistu d'Ethiopie, le trait commun et dominant réside

13
dans
la
personnalisation
du
pouvoir
et
le
cul te
de
la
personnalité.
Dans
ces
pays,
la
construction
du
socialisme
est
un
mélange
syncrétique
de
valeurs
traditionnelles
et
de
principes
juridico-politiques
qui
ont
pour
objet
de
conforter la position personnelle du leader et du parti au
détriment
d'une
véritable
démocratie
poli tique.
Au
plan
opérationnel,
de légères différences apparaissent suivant
les
époques
et
les
dirigeants
dans
les
stratégies
de
développement;
l'option
en
faveur
de
l'industrie
lourde
consti tue à
cet égard un facteur de
différenciation.
Le
Ghana s'était prononcé en faveur de ce modèle avec comme
instrument
principal
le
barrage
hydroélectrique
d'Akossombo
sur
la
Vol ta,
alors
que
la
Tanzanie
avait
accordé la priorité au développement agricole.
Mais en définitive,
les deux systèmes socio-économiques,
au delà des professions de foi des responsables politiques
et
des
alliances
extérieures,
se
rejoignent
dans
la
primauté accordée au secteur public dans le processus de
développement:
d'où
la
nécessité
de
définir
de
manière
précise l'objet de notre propos.
Par
"politiques",
nous
entendons
l'ensemble
des. types
d'interventions
conduites
par
les
pouvoirs
publics
en
Afrique subsaharienne, de 1960 à 1987 : ces interventions
sont articulées autour d'objectifs à
long,
à
moyen et à
court termes et de moyens,
coordonnés dans la perspective
de normes prioritaires sous la limitation des contraintes
physiques,
techniques,
économiques,
financières,institu-
tionnelles,
culturelles et sociales.
Les objectifs sont à
la fois quantitatifs,
définis en termes de croissance de

14
la
production
de
biens
de
consommation
et/ou
d'équipements, ou en termes qualitatifs si l'on se réfère
par
exemple
à
des
réformes
insti tutionnelles
dans
l'administration
en
vue
d'assurer
à
celle-ci
une
plus
grande efficacité.
Les normes prioritaires englobent les
règles
et
les
principes
dont
les
pouvoirs
publics
ne
sauraient
s'écarter
pour
une
gestion
rationnelle
de
l'économie
nationale,
notamment
le
respect
des
grands
équilibres économiques,
ceux qui intéressent l'épargne et
l'investissement,
les
dépenses
et
les
recettes,
l'équilibre de la balance des paiements.
Le
terme
"politique"
renvoie
en
outre
à
un
appareil
institutionnel dont les règles de fonctionnement reposent
sur
une
hiérarchie
constitutionnelle;
celle-ci
suppose
l'existence de plusieurs corps, un pouvoir de commandement
(gouverment, armée, police) une instance représentative et
délibérative
(Parlement),
un
organe
judiciaire
et
des
forces
poli tiques
(partis
poli tiques
et
des
groupes
de
pression
( syndicats,
Associations
religieuses,
ethniques
et culturelles) et leur rôle respectif dans la définition,
l'élaboration,
la
mise
en
oeuvre
et
le
contrôle
des
décisions
qui
intéressent
la
collectivi té.
Cet
appareil
institutionnel
fonctionne dans un cadre territorial dont
le contenu socio-politique peut être l'Etat-Nation ou la
Nation.
Ainsi
les
"Politiques
de
développement"
requièrent
un
appareil
institutionnel,
un territoire et une population
organisés selon des règles et des principes bien définis.
Quant au concept de développement,
il est souvent associé
dans
la
littérature
économique,
à
celui
de
croissance.

15
Certains
auteurs,
dont
François
Perroux,
confondent
les
deux; en effet pour ce dernier, la croissance s'accompagne
dans
les
économies
industrielles
de
modifications
de
structures
et
ne
saurait
être
par
voie
de
conséquence
distinguée du développement.
Si cette approche paraît pertinente dans le contexte des
économies industrielles,
elle devient caduque quand on se
réfère
aux
caractères
spécifiques
des
économies
africaines.
Ici
la
croissance
porte
sur
l'augmentation
quantitative
des
ressouces
disponibles
dans
une
collectivité au cours d'une période donnée qui peut être
annuelle ou pluri-annuelle selon les cas.
A l ' opposé
de
la
croissance,
le
développement,
à
notre
sens désigne l'ensemble des mutations qui affectent tous
les domaines de la vie d'une collectivité; i l est incarné
par un
mouvement
global
de
la
société,
qui
est
passage
d'une
structure
à
une
autre,
passage
à
double
sens,
c'est-à-dire,
à
la
fois
évolution
et
involution,
caractérisé par des états d'équilibre,
sans cesse rompus
et renouvelés,
par intégration synergétique des
facteurs
politiques, économiques, techniques, culturels et sociaux.
Dans
le cadre de cette définition,
i l est
indispensable
d'insister
sur
le caractère non
linéaire des
mutations,
sur
les
discontinuités
qui
affectent
les
phénomènes
de
changement dans la société globale.
C'est pourquoi,
nous
nous proposons d'étudier
l'ensemble
des types d'interventions socio-économiques conduites par
les pouvoirs
publics en Afrique subsaharienne de
1960 à
1987
et
qui
visent,
selon
diverses
modalités,
à
une
augmentation du produit réel global et à des modifications

16
de structure sur les plans économique, politique, culturel
et social.
Face à l'étendue de notre champ d'étude et à la complexité
de son objet,
quelles méthodes adopter pour rendre compte
des
spécificités
des
politiques
du
développement
en
Afrique au sud du Sahara ?
Notre premier souci
sur le plan méthodologique a
été de
définir une approche synthétique de ces politiques.
En
effet
traiter
de
quarante
cinq
Etats
(45)
c'est
s'interdire d'entrer dans les détails de l'analyse.
Nous
avons
donc
choisi
de
privilégier
les
principaux
traits
communs
à
ces
Etats
sous
l'angle
socio-économique.
Les
particulari tés
propres
à
certains
Etats
n'ont
pas
été
négligées
dans
la
mesure

elles
sont
suffisamment
significatives
de
la
problématique
générale
de
développement
en
Afrique;
ainsi
parler
du
programme
ambi tieux
d'investissement
d'un
Etat
comme
le
Gabon
au
tournant de
1974
lorsque
les
prix des
hydrocarbures
ont
été multipliés par 4 donne une indication significative du
comportement de la plupart des Etats Africains producteurs
de quelques
matières
premières et dont
les
prix
avaient
également
augmenté
à
la
même
époque.
De même
parmi
les
facteurs
explicatifs
de
l'échec
des
poli tiques
de
développement sectoriel,
i l est tout à
fait
judicieux de
mettre un accent particulier sur ceux qui ont été décisifs
au détriment des facteurs secondaires.
Autant nous serons
amené
à
élaborer
en
termes
de
comparaison
un
tableau
synoptique des huit regroupements économiques qui existent
à
l'heure actuelle en Afrique,
autant sur le bilan,
nous
ne
nous
attarderons
que
sur
le
cas
de
la
Communauté

17
Economique d'Afrique de l'Ouest
(CEAO) parce qu'elle est
la seule à avoir atteint des résultats concrets et que ses
difficultés de fonctionnement peuvent servir de référence
à
d'autres
regroupements.
Ne
sont-ils
pas
tous
des
organisations intergouvernementales d'où sont absentes des
instances
législatives
à
la
fois
communautaires
et
nationales
susceptibles
de
contrôler
l'action
des
gouvernements respectifs ?
Cette approche synthétique a comme corrollaire l'impératif
de
restreindre
dans
le
temps
la
période
au
cours
de
laquelle nous pouvions le mieux évaluer les politiques de
développement en Afrique. Il nous a donc paru judicieux de
choisir la période 1960-1987 soit presque trois décennies
pour diverses raisons :
Certes les interventions économiques en Afrique sont bien
antérieures
aux
années
60.
Avant
la
première
guerre
mondiale, la France avait créé sur le plan institutionnel
deux
grandes
fédérations
administratives,
l'Afrique
Occidentale Française et l'Afrique Equatoriale Française;
une zone monétaire avait été créée avec une pari té fixe
entre
le
Franc
français
et
le
Franc
de
la
Communauté
financière
Africaine
(FCFA)
à
partir
de
1947.
De
même
grâce
au
Fonds
d'Investissement
de
Développement
économique
et
social
(FIDES
en
1946)
divers
projets
d'infrastructure de développement agricole et
industriel
avaient
été
réalisés.
La
plupart
des
gisements
miniers
exploi tés
auj ourd ' hui
en
Afrique
d'expression
française
avaient
été
ouverts
avant
les
années
50.
Des
mesures
financières incitatives avaient été prises également pour
promouvoir la culture des arachides au Sénégal,
celle du
café et du cacao au Togo et dans d'autres pays.

18
De
son
côté,
le
Gouvernement
britannique
étendi t
à
ses
colonies africaines
"Le Colonial Development and Welfare
Act" pour le lancement de grands travaux. Ainsi le premier
plan
décennal
du
Nigéria
fut
lancé
le
1er
avril
1946,
tandis qu'au Ghana
(Gold Coast),
le cacao prit un essor
important à partir de 1950.
La Belgique jeta dès 1928 les bases d'une Union Economique
entre le Congo (Zaïre) et les deux territoires voisins, le
Rwanda
et
le
Burundi,
placés
sous
sa
tutelle
par
la
société des Nations (SDN).
Mais
ces
mesures
qui
s'intègrent
dans
le
cadre
de
politiques d'intervention économique avec pour principaux
centres
de
décision
les
gouvernements
occidentaux,
ne
sauraient en revanche être considérées comme des éléments
de
politique
de
développement
parce
qu'elles
se
déroulaient
dans
un
contexte
de
domination
globale
et
qu'elles servaient à défendre principalement les intérêts
économiques et commerciaux
des puissances coloniales.
De
même
qu'on
ne
saurait
parler
de
politiques
de
développement en Namibie sous occupation Sud-Africaine, de
même à l'époque coloniale,
ces mesures ne sauraient tenir
lieu
de
politiques
de
développement.
Tant
par
leur
inspiration, leurs méthodes que par leurs objectifs, elles
ont
oblitéré
le
facteur
humain
dans
ses
composantes
spirituelles et socio-culturelles.
L'année 1987 a été choisie comme le second pôle de notre
période
d'analyse
parce
qu'elle
témoigne
de
données
statistiques
les
plus
récentes;
dans
bien
des
cas,
les
chiffres de 1989
relatifs soit à
la population,
soit au
taux de croissance globale ou
sectorielle de
l'économie

19
représentent des
extrapolations;
du
reste entre
1987 et
1990 peu de changements majeurs,
ont affecté l'Afrique en
dehors de l'amélioration de la pluviométrie qui a permis
de bonnes récoltes de céréales et de tubercules en 1988 et
1989.
Cette
approche
synthétique
s'est
appuyée
principalement
sur
l'étude
documentaire,
l'observation
directe
et
participante. Nous avons eu recours de façon accessoire à
l'enquête par questionnaire.
Pour
être
une
méthode
indirecte,
portant
sur
des
informations
de
seconde main,
l'analyse
documentaire
ne
correspond pas moins à l'objet de notre étude. Traiter de
politiques
de
développement
renvoie
à
la
fois
à
des
réali tés
obj ecti ves,
des
proj ets
par
exemple
et
à
des
acteurs~ décideurs
politiques,
techniciens,
bailleurs de
fonds
dont
les
opinions
et
les
pratiques
sont
indispensables
à
la
compréhension
des
tenants
et
des
aboutissants
de
ces
poli tiques;
les
décalages
que
nous
avons souvent pu noter entre les théories officielles et
les
pratiques
concrètes
résultent
des
rapprochements
systématiques
entre
les
actes
et
les
paroles,
pour
lesquels
l'analyse
documentaire
constitue
un
recours
précieux.
Du reste,
faute de pouvoir visiter chaque Etat
Africain
et
observer
"in
si tu"
les
poli tiques
de
développement,
nous avons donc dû dépouiller de nombreux
documents,
rapports ou notes relatifs
à
ces
pays.
Notre
statut
d'Enseignant
dans
diverses
institutions
d'Enseignement
Supérieur
d'Afrique
et
d'Europe

nous
enseignons l'économie du développement depuis 1971 nous a
conforté
dans
le
choix
de
cette
méthode.
Préparer
un
cours,
c'est
dans
une
certaine
mesure,
faire
des

20
recherches
et
intégrer
à
la
réflexion
théorique
les
données
de
l'expérience
qu'elles
soient
directes
ou
indirectes.
Au
travers
de
la
direction
des
travaux
de
mémoire de
nos
étudiants
de
la
Faculté des
Sciences
de
Gestion de l'Université du Benin au Togo, de nos échanges
de
vue
avec
les
étudiants
africains
de
diverses
nationalités
de
l'Ecole
Africaine
et
Mauricienne
d'Architecture et d'Urbanisme (EAMAU),
du Centre Régional
d'Action Culturelle au Togo,
de l ' Insti tut
International
d'Administration Publique à Paris, de l'Institut Supérieur
Technique
d'Outre-Mer,
au
Havre,
de
l ' Insti tut
de
formation Internationale de Rouen et de Monterey Institute
of International Studies de Californie, notre connaissance
de
l'Afrique
s'est
enrichie
à
la
fois
sur
les
hommes,
leurs pratiques et leurs oeuvres.
Notre intérêt pour l'analyse documentaire a été renforcé
de 1981 à 1985 lorsque nous avions exercé les fonctions de
conseiller
technique
chargé
de
la
coopération
internationale au Ministère des Affaires Etrangères et de
la coopération de la République Togolaise.
Le Département de la Coopération internationale regroupait
trois
directions
la
coopération
technique
avait
en
charge
l'étude
et
la
négociation
des
proj ets
de
développement;
la
coopération
économique,
les
questions
monétaires et commerciales; la coopération culturelle, les
questions
de
formation
à
l'étranger.
Nous
avions
pour
mission
d'assurer
la
coordination
de
ces
activités
et
d'assister les décideurs politiques dans la définition, la
mise en oeuvre et le suivi de la politique togolaise de
coopération
internationale.
Nous
étions
donc
en
rapport
avec
divers
pays
d'Afrique,
d'Europe,
d'Asie
et

21
d'Amérique,
ce
qui
nous
a
permis d'accéder à
une
masse
importante d'information que nous n'aurions pu obtenir si
nous
étions
resté
uniquement
dans
l'Enseignement.
Le
département
de
la
coopération
intervenait
en
amont
des
opérations
de
développement
pour
les
soumettre
aux
bailleurs de fonds -
souvent il était question d'idées de
projets -
et assurer la négociation du financement
;
son
action se poursuivait en aval après
la réalisation pour
dresser le bilan et esquisser les perspectives d'avenir.
Nos
responsabilités
au
Ministère
nous
ont
permis
de
pratiquer
également
l'observation
participante.
Souvent
nos suggestions sur l'orientation à
donner à
des projets
de
développement
étaient
retenues
par
les
décideurs
politiques.
Nous
avions
donc
le
loisir
de
mesurer
l'importance des
pesanteurs
politiques,
financières
et
techniques.
Certaines provenaient du fonctionnement interne du système
poli tico-administratif;
d'autres
en
revanche
étaient
induites de l'extérieur. C'est ainsi que des propositions
que
notre
département
avait
faites
pour
l'utilisation
rationnelle
de
l'Assistance
technique
étrangère
ont
susci té
l ' hostilité
de
certaines
missions
diplomatiques
étrangères
et
n'ont
jamais
pu
être
appliquées
par
le
gouvernement togolais.
De même,
il nous est arrivé,
à
la
faveur d'une mission officielle à l'étranger en compagnie
.-
des plus hautes autorités de notre pays de constater que
des intérêts politiques immédiats pouvaient prévaloir sur
les exigences et les nécessités de développement du pays.
Puissions-nous rappeler,
à
l'appui du choix de l'analyse
documentaire,
notre
expérience
professionnelle
dans
un
cabinet
d'Etudes
et
de
Management
à
Paris,
KOST
INTERNATIONAL,

pendant
12
mois,
nous
nous
sommes

22
occupé,
en qualité de généraliste,
de l'étude de divers
projets
d'investissements
industriels,
agricoles
et
commerciaux
et

nous
avons,
à
travers
des
projets
réalisés ça et là sur le continent africain,
participé à
la
réf lexion
sur
les
divers
aspects
des
poli tiques
de
développement en Afrique?
Dans
le
domaine
de
l'observation
directe,
nous
avions
visité sur le terrain des projets agricoles et industriels
pour
nous
rendre
compte
par
nous
même
des
méthodes
d'exécution et de la qualité des travaux. Cette expérience
s'est
limitée au
Togo
et
n'a
pu
être
étendue
faute
de
moyens financiers à de nombreux pays africains, excepté le
Burundi, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le
Bénin.
Néanmoins
nous
avons
noté
des
observations
intéressantes sur le site de certains projets
matériels
de
culture
importés
non
adaptés
au
terrain,
manque
de
moyens (carburants), gaspillage de la récolte dû au retard
dans l'exécution des travaux,
conflits de compétence sur
le terrain, lenteur et tracasseries administratives.
Quant
à
l'enquête
par
questionnaire,
nous
l'avons
peu
utilisée parce qu'elle nous paraissait hors de portée en
raison de la taille de notre champ d'investigation.
Nous
avons
réalisé
une
enquête
pour
évaluer
un
projet
de
cul tures
maraîchères
dans
la
périphérie
de
la
ville
de
Lomé,
au TOGO,
avec pour objectif de mettre en évidence
ses dysfonctionnements.
Sans
doute
aurait-il
été
judicieux
de
réaliser
des
enquêtes
socio-économiques
dans
d'autres
pays
africains
auprès
des
populations
auxquelles
des
projets
étaient
généralement destinés ? Cette approche nous aurait permis
de
décoder
les
attitudes
et
les
discours
paysans,
de

23
mesurer
leurs
résistances
face
aux
interventions
de
développement qui leur étaient proposées;
or souvent les
réactions sociologiques nous sont parvenues sous forme de
témoignages,
avec
les
risques
de
déformation
qu'ils
pouvaient comporter dans certains cas. Mais pour avoir été
à
la
fois
un observateur et
un acteur privilégié,
nous
étions
en
mesure
d'apprécier
la
valeur
de
toutes
les
données écrites ou orales que nous pouvions recueillir.
Toutefois
nos
propres
analyses
ne
pouvaient
pas
passer
outre
les
diverses
théories
qui
ont
eu
pour
objet
de
proposer des explications cohérentes du fonctionnement des
économies
africaines.
A cet
égard,
deux
approches
nous
serviront de points de référence
:
celles qui
insistent
sur
les
facteurs
internes
et
celles
qui
privilégient
l'action
des
forces
externes
dans
le
processus
de
développement.
Les théories relatives à l'influence des facteurs internes
peuvent
être
regroupées
autour
de
trois
points
la
théorie
du
déterminisme
géographique,
le
déterminisme
sociologique et celle du déterminisme racial.
La théorie
du
déterminisme
géographique
met
l'accent
sur
les
contraintes climatiques et
physiques d'une
part,
sur
la
dotation
des
pays
africains
en
ressources
naturelles,
d'autre part. C'est ainsi que les pays du Sahel,
tels le
Mali,
le
Niger,
le
Burkina
Faso,
se
trouvent
confrontés à la sécheresse puisqu'ils reçoivent le maximum
de
leurs
précipitations
en
trois
mois;
les
régions
granitiques tels que les "réduits" Kabye au Togo, Coniagui
en
Guinée,
Dogon
au
Mali
sont
moins
propices
au
développement de
l ' agricul ture vivrière en
raison de
la
pauvreté des sols; de même les zones insalubres,
telle la

24
vallée de la Volta blanche, offrent de ce point de vue des
contraintes particulières pour le travail humain,
à cause
de
l'onchocercose
7
Par
ailleurs
on
peut
noter
que
certains
pays
en
Afrique
sont
mal
dotés
en
ressources
naturelles.
C'est
le
cas
du
Rwanda,
du
Burundi,
de
Djibouti, de la Tanzanie~ -
Quant
à
la
théorie
du
déterminisme
sociologique,
elle
insiste
sur
les
blocages
socio-culturels
internes
que
constituent
les
structures
sociales,
les
institutions
sociales,
les us et coutumes,
et le type mental propres
aux populations africaines.
Dans
cet
ordre
d'idées,
la
famille
élargie
ou
les
structures lignagères,
le système des classes d'âge ou de
castes,
la
conception
cyclique
du
temps
et
la
vision
anthropomorphique de
la nature qui
prédominent dans
les
sociétés africaines constitueraient autant de blocages qui
poussent ces dernières à tourner le dos au progrès
La troisième
théorie,
celle du déterminisme
racial
peut
être
décelée
à
travers
les
travaux
de
Gobineau
sur
"l' inégali té
entre
les
races"
et
dans
la
poli tique
de
développement
séparé
en
Afrique
du
Sud,
c'est-à-dire
l'apartheid.
Elle repose donc sur l'idée selon laquelle la race noire
se caractérise par des tares congénitales qui l'empêchent
de s'engager sur le voie du progrès. Selon cette théorie,
les pays développés sont peuplés en grande majorité par
les hommes de race blanche,
alors que les espaces sous-
7. Appe16e aussi "c6cit6 des rivières".

25
développés dans
le monde
sont
habités
par
les
races
de
couleur; cette dernière notion désigne principalement les
Noirs
d'Afrique.
Cette
assimilation
trouve
surtout
sa
justification dans la dégradation actuelle de la situation
économique
en
Afrique,
comparativement
aux
progrès
concomi ttants
enregistrés
dans
les
pays
d'Asie
et
notamment
par
les
pays
du
Sud-Est
Asiatique.
Certains
experts,
spécialistes du développement des pays du tiers-
monde,
en
sont
venus
à
établir
une
typologie
entre
populations réceptives à la notion de projet et celles qui
ne
le
sont
pas,
cette
seconde
catégorie
regroupant
les
populations noires d'Afrique subsaharienne.
A travers
toutes
ces
théories
on
retrouve
l'idée
selon
laquelle
les
difficultés
économiques
actuelles
de
l'Afrique
sont
les
manifestations
des
inégalités
naturelles entre pays développés et
sous-développés.
Ces
théories
caractérisent
l'Ecole
de
la
modernisation
dans
les années 50. A partir des postulats qui sous-tendent le
,
courant scientiste évolutionniste du XIXe siècle repr~enté
par
SPENCER,GUguste
COMTE, ..TqNliIES
et
DUR Ka~IM
et
la
théorie
fonctionnaliste
de
Talcott
PARSONS
et
de
SHILS,
cette
Ecole
tente
d'examiner
les
perspectives
de
développement
des
pays
du
Tiers-monde.
Or
pour
l'évolutionnisme du XIXe siècle,
le changement social est
unidirectionnel,
la
société
industrielle
alors
réalisée
est considérée comme la forme de société la plus avancée
vers laquelle devaient tendre toutes les autres sociétés;
le
progrès
est
considéré
comme
un
phénomène
linéaire,
c'est-à-dire une marche en avant vers un terme idéal;
le
changement
est
lui-même
conçu
selon
un
rythme
lent
et
graduel,
le passage de la société primitive à
la société
moderne
est
inscrit
dans
une
durée
très
longue,
en

26
l'occurrence
des
siècles.
Pour
le
fonctionnalisme,
la
société est d'abord un organisme biologique et peut être
étudiée
comme
tel.
Elle
doit
remplir
quatre
fonctions
cruciales sinon elle disparaîtrait. Ces fonctions sont:
l'adaptation
à
l'environnement
réalisée
par
l'économie,
la
poursuite
d'un
objectif
réalisé
par
le
gouvernement,
l'intégration réalisée par les institutions légales
et la religion,
la
permanence
des
modèles
culturels
transmis
de
génération en génération grâce à
la famille et par
le biais de l'éducation.
A cet égard,
pour Talcott
PARSONS,
on
peut
distinguer
les
sociétés
tradi tionnelles
des
sociétés
modernes
à
partir
de
cinq
modèles
dichotomiques:
personnalisation
et
"impersonnalisation;
particularisme
et
universalisme;
détermination
traditionnelle
et
autonomie;
assignation
et
réalisation;
relations
fonctionnelles
diffuses,
relations
fonctionnelles
spécifiques.
Enfin
la
société
se
caractérise
par
un
équilibre
homéostatique:
en d'autres termes,
si une des parties du
système change,
les
autres
parties
doivent
changer
pour
rétablir l'équilibre et réduire la tension. De ce fait,
la
société
recherche
avant
tout
l'harmonie,
la
stabilité,
l'équilibre et le statu quo.

27
A partir
de
ces
postulats,
l'Ecole de
la
modernisation
considère
la
modernisation
comme
un
processus
d'intégration
des
sociétés
traditionnelles
par
les
sociétés modernes~ LEVY affirme à ce sujet:
"Les
modèles
des
sociétés
relativement
modernisées, une fois développés, ont montré une
tendance
universelle
à
pénétrer
tout
milieu
social dont les membres sont entrés en contact
avec
eux ...
Une
fois
que
la
pénétration
a
commencé,
les modèles indigènes se modifient et
ils changent dans la direction des modèles de la
société relativement modernisée".
La modernisation des sociétés du Tiers-monde doit donc se
réaliser
par
imitation
des
modèles
socio-cul turels
des
sociétés techniciennes,
par modification de leurs modèles
propres
et
par
intégration.
Sans
méconnaître
les
inconvénients d'un tel processus pour les pays du Tiers-
monde, qui résident essentiellement dans les coûts sociaux
du changement, l'Ecole de la modernisation insiste surtout
sur
ses
avantages,
notamment
en
ce
qui
concerne
la
possibilité
offerte
aux
pays
du
Tiers-monde
de
faire
l'économie des coûts de l'invention,
de sauter certaines
étapes
non
essentielles
associées
au
processus
de
modernisation
et
de
connaître
le
modèle
vers
lequel
tendent leurs sociétés.
S'inscrivent dans une telle perspective,
les études de Mc
CLELLAND
portant
sur
le
désir
de
réalisation
des
entrepreneurs locaux dont le but n'est pas uniquement de
faire du profit,
celles de INKELESS relatives à
l'impact
de la modernisation sur les attitudes individuelles,
les
valeurs et les manières de vivre dans les pays du Tiers-
monde, notamment en Argentine, au Chili, au Pakistan et au
Nigéria
à
travers
lesquels
l'auteur
découvre
un
modèle

28
stable d'homme moderne,
une sorte de personnalité de base
de
l'homme
moderne
9
selon
la
terminologie
de
Mikel
Dufrenne,
celle$de Bellah qui,
à
l'instar de Max Webe~ 1~~t­
relati ves
à
l'influence
qu'exercèrent
les
valeurs
de
la
religion Tokugawa sur le développement économique rapide
du Japon,
et enfin les études de Lipset sur les rapports
entre
démocratie
poli tique
et
développement
économique.
Pour
ce
dernier,
c'est
le
développement
économique
qui
jette les bases de la démocratie.
L'Ecole de la modernisation considère donc,
à
l'instar de
W.
Rostow
11
le
développement
comme
un·
processus
unidirectionnel
orienté
vers
le
modèle
des
sociétés
occidentales
industrialisées
et

les
valeurs
de
la
société
tradi tionnelle
agissent
comme
des
obstacles
principaux.
Dans
ce
processus,
les
effets
des
facteurs
externes telle que la domination étrangère sont minimisés.
Les théories relatives à l'influence des facteurs externes
ont été formulées par l'Ecole de la dépendance chère à des
auteurs
latino-américains
tels
que
Celso
Furtado,
André
Gunder-Franck
et
à
Samir
AMIN.
De
même
Paul
BARAN
(le
colonialisme
en
Inde)
LANDSBERG
(l'impérialisme
manufacturier en Asie orientale) O'DONNEL (l'autoritarisme
bureaucratique
d'Etat
en
Amérique
latine),
GOLD
(la
dépendance
dynamique
à
Taïwan)
mettent
l'accent
sur
le
9. Les
principaux
traits
de
l'homme
moderne
sont
les
suivants:
ouverture
à
une
nouvelle
expérience:
accroissement de son indépendance vis-à-vis
des principales autorités:
parents.
autorités
politiques
et
religieuses:
croyance
en
la
science,
mobilité
professionnelle:
prévision à long terme: engagement politique.
10. WEBER Max. L'Ethique protestante et l'Esprit du capitalisme. 710'1\\1
\\'lb4
Il. ROSTOW Witman. Walter. Les étapes de la croissance économiques. Ed. du Seuil. 1963.

29
rôle des
influences
étrangères
dans
les
difficultés
des
pays du Tiers-monde.
Historiquement
ces
facteurs
externes
sont
au
nombre
de
deux
la
trai te
des
esclaves
et
le
développement
du
capitalisme à l'échelle mondiale.
Sans
remonter
jusqu'à
l'antiquité

les
historiens
signalent la présence de Noirs hors du continent africain,
notamment en Grèce, dans l'Empire Romain, au Proche-Orient
(Irak),
en Chine et en Inde,
c'est essentiellement,
à
la
fin
du
XV
et
au
début
du
XVIe
siècle
que
l'essor
du
capitalisme provoqua à
une échelle jusque là inégalée la
traite des Noirs.
Par
son
ampleur
quantitative
12,
la
traite
atlantique
a
entraîné
le
recul
démographique
du
continent
Africain:
ainsi de 1650 à
1850,
la population africaine est tombée
de 18 % à
7,5
% de
la population mondiale.
A partir de
1900,
sa part n'a cessé d'augmenter jusqu'à 1985 passant
de 8 % à
Il,5%,
pour l'an 2000,
la population africaine
représentera
14,2%
de
la
population
mondiale,
ce
qui
signifie que la traite fut l'une des causes principales de
son
recul
du
XVIe
au
XIXe
siècles.
Sur
le
plan
démographique, l'impact de la traite a porté également sur
le renouvellement de la population dans la mesure où elle
toucha les éléments en âge de procréer;
i l en est résulté
un déséquilibre par sexe et par âge et un sous-peuplement
du continent africain.
A cet égard,
l'Afrique Centrale a
12. Sur ce point les chiffres varient ~norm~ment d'un auteur A l'autre. OSENDE Afana. se fondant
sur les estimations des historiens.
avance le chiffre de
trois cents millions de personnes
alors
que
Catherine
Coquery-Vidrovitch.
celui
de
trente
millions
environ;
entre
Ces
deux
extr~mes se situent les estimations de S. AMIR qui fait ~tat de cent millions de personnes
pour
la
traite
atlantique
de
"St
Louis.
au
S~n~gal.
A Quelimane
au
l10zlllDbique
".
et
de
cinquante millions pour la traite orientale. endirection du Proche-Orient.

30
été
particulièrement
touchée
(le
Congo,
le
Gabon
par
exemple) .
Sur le plan économique,
le climat d' insécuri té lié à
la
trai te
a
entraîné
une
désorganisation
des
sociétés
africaines. En effet avant l'arrivée des Portugais sur les
Côtes Africaines,
les échanges du continent avec l'Europe
se faisaient par l'intermédiaire du Maghreb par caravanes
à travers le Sahara.
Les formations étatiques médiévales,
l'Empire du Ghana,
du
Mali
et de
Songhaï
tirèrent
leur
prospérité de ces échanges. Leur déclin résulta, outre les
guerres,
du
déplacement
des
routes
commerciales
de
l'intérieur vers la côte,
subséquent à l'établissement de
comptoirs. Les régions côtières participèrent activement à
la
traite;
des
royaumes
négriers
se
sont
constitués
notamment celui d'ABOMEY;
plus tard,
avec l'abolition de
la
traite,
la
main-d'oeuvre
servile
destinée
aux
plantations
de
coton,
de
café
et
de
canne
à
sucre
du
nouveau
monde
fut
utilisée
pour
la
création
de
la
palmeraie actuelle du Bénin.
De cette époque datent des
déséquilibres
entre
les
régions
côtières
et
celles
de
l'intérieur non seulement sur le plan démographique mais
également sur le plan économique.
Outre
la
traite,
le
développement
du
capitalisme
industriel a provoqué des déséquilibres dans les économies
africaines avec la création de structures hybrides.
En effet pour C.
Furtado 13 comme pour André Gunder Frank,
Développement et Sous-développement sont étroitement liés,
le second étant la face cachée de l'autre. Ils constituent
13. YURTADO Celso, D~ve1oppement et sou8-d~ve1oppement, ~d. PUY, Paris, 1966.

31
deux
aspects
contradictoires
d'un
même
processus
historique mondial

le développement
du
capitalisme a
entraîné le sous-développement.
L'irruption de l'économie
capitaliste dans les régions du monde où prévalaient des
organisations
de
nature
précapitaliste
a
induit
des
déséquilibres
économiques,
un
secteur
moderne
qui
fonctionne selon les lois de développement capitaliste et
qui se développe.
au détriment du secteur traditionnel.
Ces déséquilibres concernent les secteurs et les branches,
par
exemple
l'agriculture
vivrière
et
les
cultures
industrielles
destinées
à
l'exportation.
Ils
sont
également
géographiques
et
sociaux.
L'économie
sous
développée est donc le résultat d'une désintégration par
irruption
d'un
mode
de
production étranger,
le
mode
de
production
capitaliste
dans
les
formations
sociales
précapitalistes.
Pour
Samir
Amin
14
l'économie
sous-développée
est
à
la
fois désarticulée et extravertie, elle est désarticulée en
ce qu'elle est caractérisée par un
manque d' homogénéi té
entre
les
niveaux
de
vie
et
les
genres
de
vie,
par
l'incompatibilité
des
plans
des
différents
centres
de
décision
et
par
la
faiblesse
des
relations
intersectorielles.
C'est
cette
idée
qu'il
exprime
en
comparant
l'économie
sous-développée
à
l'économie
développée.
"L'économie
développée
constitue
un
ensemble
intégré
caractérisé par un flux d'échanges internes très denses,
le flux des échanges externes des atomes qui composent cet
ensemble
étant
dans
l'ensemble
marginal
par
rapport
à
14. AMIN Samir. Le développement inégal. ed. de Minuit. Paris 1973.

32
celui
des
échanges
internes.
Au
contraire,
l'économie
sous-développée
est
constituée
d'atomes
relativement
juxtaposées,
non
intégrées,
la
densité
des
flux
des
échanges externes de ces atomes étant beaucoup plus forte
et celle des flux internes beaucoup plus faible".
L'Economie sous-développée est en outre extravertie en ce
qu'elle "est constituée de secteurs, de firmes juxtaposé.:s
peu intégrés entre eux,
mais fortement intégrés dans des
ensembles dont
le centre de
gravi té
se
trouve
dans
les
centres capitalistes".
Il en résulte un certain nombre de
conséquences :
Le progrès économique localisé dans un secteur ne se
propage pas à l'ensemble de l'économie ou se propage
mal dans son environnement en raison des rigidités
économiques, financières,
techniques et sociales qui
caractérisent
l'économie
sous-développée.
En
outre
cette
situation
rend
inefficace
toute
politique
fondée
sur
les
pôles
de
développement
car
ils
accentuent les déséquilibres.
L'absence d'un marché interne intégré dans les pays
sous-développés.
La faiblesse de la cohésion nationale.
Les régressions économiques d'une région lorsque son
produit vient à perdre son importance sur le marché
international.
Si
ces
structures
économiques
désarticulées
et
extraverties
ont
été
créées
par
l'irruption
du
mode
de
production capitaliste dans les économies précapitalistes,

33
leur
maintien
en
vie,
leur
développement
et
leur
reproduction
sont
assurés
grâce
à
l'action
de
l'impérialisme
parce
que
la
pénétration
du
mode
de
production capitaliste s'est heurtée à la résistance des
structures
et
à
celle
des
hommes.
C'est
pourquoi
une
théorie
de
l'impérialisme
est
indispensable
à
la
compréhension de
la
situation économique des
pays
sous-
développés.
Si le point de départ de toute connaissance est un certain
niveau
de
la
théorie,
c'est-à-dire
des
connaissances
antérieures,
deux
thèses
nous serviront ici
de
point de
référence
la thèse d'inspiration libérale et
la thèse
d'inspiration marxiste-léniniste relatives à la définition
de
l'impérialisme;
nous
nous
proposons
de
résumer
brièvement
les
principales
idées
des
deux
thèses
et
de
manifester
leur
pertinence
par
rapport
à
la
réalité
contemporaine.
La
première
thèse
méconnait
l'importance
des
facteurs
économiques ou plus précisément des
intérêts économiques
dans la définition de l'impérialisme.
Si depuis toujours,
le phénomène existe,
il est perçu comme la volonté d'une
expansion
illimitée
par
la
force
qu'ont
toujours
manifestée
certains
Etats
à
travers
l'histoire.
Ainsi
depuis
l ' Antiqui té
jusqu'à
nos
jours,
l'impérialisme
a
toujours existé mais
i l s'explique soit par des
raisons
sociologiques
soit
par
des
raisons
politiques
et
stratégico-diplomatiques
(le
cas
de
la
France
après
la
guerre
de
1870).
En
évacuant
ainsi
de
l'histoire
les
motivations
économiques
qui
furent
à
la
base
des
impérialismes,
cette
conception
tend
par

même
à
légitimer
de
façon
subreptice
plusieurs
siècles

34
d'exploitation
coloniale
et
néo-coloniale:
le
développement économique de l'Europe s'est fait grâce à un
échange
inégal
avec
l'Orient
entre
le
XIIe
et
le
XVe
siècle
et
à
l'afflux
des
capitaux
résultant
de
la
découverte
du
nouveau
monde
et
de
l'exploitation
des
autres
régions à
partir du XVe siècle.
Quels que soient
les
mobiles
originels,
les
objectifs
économiques
se
révèlent à plus ou moins brève échéance prédominants dans
tout processus de domination incarné par les Etats.
Pour
la
seconde
thèse,
l'impérialisme
définit
essentiellement
un
type
de
rapport
de
production
entre
pays
dominants
et
pays
dominés
elle
assigne
un
rôle
prépondérant
aux
mécanismes
de
fonctionnement
de
l'économie
capitaliste
(exploitation,
maximisation
du
profit, rentabilité) à la violence politique et militaire.
Historiquement,
il
faut admettre que le développement de
l'économie capitaliste mondiale s'est bien réalisé selon
ce processus
;
entre 1830 et 1880,
période caractérisée
par la concurrence, se sont multipliées dans le monde, les
conquêtes
coloniales,
les
rivalités
entre
puissances
européennes autour de territoires "libres". Ces phénomènes
correspondent aux exigences de développement de l'économie
capitaliste.
A partir de 1890 jusqu'à la deuxième guerre
mondiale,
l'essor
prodigieux
de
l'économie
capitaliste,
même si son évolution a été ponctuée de crises,
n'a été
rendue possible que grâce à
l'extension des
rapports de
production capitalistes à l'échelle mondiale.
Elle
influence
donc
ces
poli tiques
selon
des
modalités
diverses qui s'expliquent par le rôle accru des sociétés
transnationales
et
par
celui
de
divers
mécanismes
de
domination.

35
En
effet
grâce
aux
innovations
technologiques
qui
ont
marqué
l'évolution
du
monde
après
la
seconde
guerre
mondiale,
l'internationalisation
de
la
production
des
finances
et
du
commerce
s'est
imposée
dans
la
vie
économique
mondiale
et
a
renforcé
la
rentabilité
des
activi tés
:
à
vrai dire ce phénomène a
été favorisé par
les
progrès
spectaculaires
du
transport
maritime
conteneurisé,
par
la
vitesse
des
opérations
grâce
à
la
création
d'un
réseau
complexe
de
communications
et
par
l'apparition de l'ordinateur.
La concentration du capital
a
été
facilitée
par
les
activités
des
banques
et
des
agences de publicité et l'interpénétration croissante du
capital
des
sociétés
et
de
l'Etat.
Après
la
deuxième
guerre mondiale, on peut distinguer chronologiquement deux
phases dans ce processus: de 1946 à 1960 et de 1960 à nos
jours.
Au cours de la première phase,
par exemple aux Etats-Unis
d'Amérique,
les
grandes
banques
ont
investi
d'énormes
ressources dans l'achat des sociétés industrielles: ainsi,
au
début
des
années
1970
les
49
plus
grands
banques
américaines
avaient
une
participation
de
5%
au
minimum
dans
147
des
500
sociétés
industrielles
les
plus
importantes
aux
USA.
Au
Canada,
de
129
en
1964,
les
fusions sont passées à 296 en 1974
elles ont atteint 313
en
1976
et
511
en
1979.
Les
cinq
plus
grandes
banques
(Royal Bank,
the Canadian Imperial Bank of Commerce,
the
Bank
of
Montréal,
the
Bank
of
Nova
Scott
et
Toronto
Dominion)
contrôlent
à
elles
seules
257
milliards
de
dollars soit 90 % de toutes les banques à Charte Fédérale

36
15
Ailleurs
en
Asie
( Japon
notamment) ,
en
Europe
( la
République
Fédérale
d'Allemagne)
le
mouvement
de
concentration a
suivi une courbe ascendante;
les banques
ont réussi à commander des branches importantes dans leur
pays
d'origine
et
à
l'étranger
relativement
à
l'augmentation rapide du cash-flow de l'industrie
:
dans
ce processus,
le marché de l'euro-dollars a
joué un rôle
décisif
autour des
années
60
parce qu'il
a
permis
à
la
grande
industrie
de
financer
ses
opérations
internationales.
A preuve,
les prêts en euro-dollars qui
se
montaient
à
100
milliards
de
dollars
en
1970
dépassaient
220
milliards
de
dollars
à
la
fin
de
cette
décennie 16.
Il importe de souligner qu'au cours de cette période,
les
sociétés
transnationales
n'étaient
pas
gênées
par
les
obstacles juridiques (loi antitrust aux USA par exemple);
au
contraire
dans
bon
nombre
de
pays,
le
mouvement
de
concentration
a
été
indirectement
favorisé
par
l'Etat;
ainsi
des
organismes
publics
tels
que
"l'Industrial
Reorganization Corporation"
au Royaume-Uni,
le Ministère
du Commerce International et de l'industrie au Japon ont
stimulé
dans
leurs
pays
respectifs
la
concentration
industrielle.
Aux
USA,
pendant
les
années
60,
les
opérations
des
sociétés
transnationales
ont
acquis
une
dimension
nouvelle.
Il n'existait que deux ou trois grandes sociétés
spécialisées
par
produits
dont
l'actif
atteignait
500
millions de dollars;
en 1971 elles étaient 111 au capital
15. CNULED.
Dimensions du pouvoir des Sociétés trsnsnationsles.
Nstions-Unies.
TD/B/C 1/219.
n'
1980.
16. Michael PERTSCKUK président de la Federal Trade Commission des Etats-Unis.

37
de
1
milliard
de
dollars
et
200
000
entreprises
individuelles fabriquant des articles manufacturés. Les 11
grandes sociétés détenaient au moins
51 % du capital et
récoltaient
66
% des
profits
de
toutes
les
sociétés
manufacturées;
en
1970,
les
deux
plus
grandes
sociétés
industrielles représentaient à elles seules un chiffre de
vente de près de 40 milliards de dollars -
presque aussi
important
(en
dollar
constant)
que
celui
des
plus
de
200000 manufactures existant en 1899.
Au Royaume-Uni,
la
part dans l'industrie manufacturière des 100 plus grandes
entreprises de ce secteur est passée de 22 % à 24 % entre
1980 et 1940, 27 % en 1953 et 40 % en 1970.
La
deuxième
phase
de
concentration
du
capital
est
caractérisée par ce qu'on appelle les fusions hétérogènes.
"Il
s'agit
de
l'acquisition
par
des
sociétés,
d'entreprises
n'ayant
avec
elles
aucune
relation
fonctionnelle; l'exemple le plus classique est celui d'ITT
(International Te1egraph an Telephone) qui selon le mot de
Michael PERTSCKUK,
déploie ses activités 24 heures sur 24
dans 67 pays sur six continents depuis l'Arctique jusqu'à
l'Antarctique et, pour ainsi dire, du fond des océans à la
lune"
les
fusions
hétérogènes
dans
le
mouvement
de
concentration au USA sont passées de 64 % en 1948 - 1965 à
75
% en 1976,
la différence essentielle par rapport aux
années
1946-1960
est
qu'au
cours
de
cette
période,
les
fusions
visaient
soit
une
expansion
de
la
gamme
des
produits,
soit
une
expansion
territoriale.
L'économie
mondiale est ainsi dominée par des conglomérats dont
le
pouvoir financier
devient
de plus
en plus
considérable;
avec
des
ressources
considérables
et
diversifiées
c'est-à-dire
provenant
de
marchés
différents,
ces
entreprises peuvent en imposer aux plus petites et dominer

38
entièrement
un
marché
grâce
aux
techniques
"des
subventions
croisées"
qui
consistent
à
utiliser
les
bénéfices réalisés dans d'autres
secteurs défaillants et
de
" la
réciprocité
commerciale"
par
laquelle on élimine
ainsi les nouveaux concurrents. Ce phénomène ne se limite
pas
seulement
aux
Etats-Unis
d'Amérique
mais
touche
également l'Europe,
l'Asie avec le Japon et la Corée du
Sud où le groupe SANSUNG représente à lui seul 4 % environ
du PNB,
certains pays en développement,
notamment l'Inde
et l'Amérique Latine.
Ainsi
le
niveau
d'intégration
particulièrement
élevé
auquel
est
parvenue
l'économie
capitaliste mondiale
lui
confère un pouvoir sans partage sur toutes les régions du
monde
désormais
soumises
à
ses
lois.
Il
en
résulte
un
certain nombre de conséquences :
l'effet de domination exercée par le capitalisme est
un
effet
de
système
disposant
de
sa
dynamique
propre,
c'est-à-dire d'un mouvement endogène.
Cette
dynamique est celle de l'internationalisation et de
l'accumulation capitaliste à l'échelle mondiale.
en tant
que
système,
le capitalisme
dispose
d'une
logique qui
lui
est
propre,
impersonnelle dont
la
nature
est
de
soumettre
à
ses
règles
tous
les
secteurs de la vie sociale.
dans son mouvement de développement,
i l intègre et
transforme
en
facteurs
de
cohésion
toutes
les
structures qui s'opposent à son expansion continue.
Rien
d'étonnant
dès
lors
si
l'économie
capitaliste
mondiale élabore constamment des mécanismes nouveaux qui

39
ont pour objet de créer, de multiplier et de renforcer les
rp.seaux de dépendance dans le monde.
Dans leur stratégie de domination,
les pays développés se
sont assuré une suprématie dans
le contrôle des
marchés
internationaux,
le processus de fabrication technologique
et les structures de financement international.
Sur
le
plan
financier,
le
flux
des
capitaux
des
pays
développés
vers
les
pays
sous-développés
se
caractérise
depuis
le début
des
années
70
par
une
prédominance
des
capi taux
privés
au
détriment
des
capitaux
publics.
Par
exemple les apports publics nets de ressources des pays du
Comi té
d'Aide
au
Développement
de
l'OCDE,
aux
pays
en
développement sont passés de 6,07 milliards de dollars en
1961-1962,
à
12
milliards
en
1973.
En
1977,
ils
atteignaient
17,77
milliards
de
dollars.
La
progression
des apports publics a été de l'ordre de 100 % entre 1961
et 1973 et 50 % de 1973 à 1977. Quant aux apports privés,
ils
sont
passés
de
2,78
milliards
en 1961-1962
à
12,81
milliards
en
1973,
en
1977,
ils
se
montaient
à
24,
38
milliards soit des progressions respectives de 360 % et de
90 % 17:
l'évolution de
la dette extérieure des
pays
du
Tiers-Monde
non
producteurs
de
pétrole
en
témoignent
largement.
De
48,3
milliards
de
dollars
en
1973
contre
49,1 milliards de dollars pour les créances officielles,
elle est passée à
245,3 milliards de dollars contre 180
milliards de dollars pour les créances officielles.
Quant
au service de la dette extérieure globale, i l est passé de
16,1 milliards de dollars en 1973 à 96,4 en 1981. Le poids
important de la dette extérieure des pays du Tiers-Monde
17. Les
pays du Comi t~ d' Aide au d~ve1oppement sont au nombre de 17.
dont
le
groupe
des
sept
pays les plus industrialis~s du monde. Source: Banque ,Mondiale: rapport 1988.

40
tradui t
l'importance
du
flux
des
capitaux
qui
se
sont
dirigés vers ces pays au cours des dix dernières années.
Mais
dans
la
plupart
des
cas,
ces
capitaux
n'ont
pas
permis
de
mettre
en
place
un
appareil
de
production
efficace;
les
raisons
de
cette
situation
se
si tuent
à
plusieurs niveaux.
Le capital étranger s'intègre quelquefois (surtout privé)
difficilement
dans
un
plan
cohérent
de
développement
national
: poussé par le profit,
il induit dans les pays
du
Tiers-Monde
les
structures,
les
activités
et
les
insti tutions
qui
répondent
à
cet
objectif.
Que
de
pays
sous-développés,
sous la pression ouverte ou occulte des
sociétés
transnationales
ont
rompu
l'équilibre
agro-
pastorale
des
régions
vi tales
de
leur
économie
par
de
nouvelles
cultures
imposées
de
l'extérieur
ainsi,
en
est-il par exemple de la vallée de l'Awash en Ethiopie où
les terres destinées à
l'élevage avaient été affectées à
la culture du coton.
Il est facile d'inventorier ce type
d'intervention dans beaucoup de pays du Tiers-Monde tant
il
est
vrai
que,
faute
d'une
accumulation
interne
de
capitaux et en raison de la pression des besoins sociaux,
ces pays sont condamnés à
s'ouvrir à
des investissements
qui ne coïncident pas toujours avec les exigences de leur
développement.
Les projets dont la rentabilité financière
est
incertaine
végètent
au
fond
des
tiroirs
des
administrations alors que leur réalisation est susceptible
de créer les conditions de possibilité du développement en
raison
de
leur
caractère
mul tidimensionnel.
Certes,
l'agriculture vivrière par exemple n'a jamais produit des
excédents monétaires
importants
dans
les
pays
du
Tiers-
Monde mais elle favorise les conditions de possibilité de
développement en ce qu'elle permet de créer un niveau de

41
consommation incompressible c'est-à-dire une "consommation
de développement".
Le capital étranger empêche dans certains cas la formation
du capital national en ce qu'il s'empare à titre permanent
des
secteurs
clé
de
l'économie
et
utilise
à
son
seul
profit
les
structures
de
financement
nationales
et
internationales.
Disposant
de
réseaux
d'information
particulièrement
efficaces
et
soutenus
par
le
marché
financier
international,
les
investissements
étrangers
sont à même d'imposer les activités qui répondent à leurs
obj ectifs
de
domination
dès
lors
que
la
dynamique
de
l'accumulation
capitaliste exproprie
les
pays
du
Tiers-
Monde
et
prive
les
classes
dominantes,
notamment
la
bourgeoisie nationale,
la bourgeoisie compradore de toute
initiative en matière de financement de développement.
Dans un autre ordre d'idées,
le capital étranger entraîne
des déséquilibres dans la balance des paiements des pays
du Tiers-Monde; ces derniers réussissent à améliorer leurs
comptes en capital,
mais à long terme,
ces mouvements se
traduisent
par
des
transferts
importants
à
l'extérieur,
dûs
au
remboursement
du
principal
et
des
intérêts
résultant de ces investissements.
Enfin,
l'inadaptation des mentalités et des attitudes aux
exigences du développement,
la structure de classes dans
certains
pays
du
Tiers-Monde
réduisent
l ' efficaci té
des
investissements
et
favorisent
gaspillages
et
fuites
de
revenus.
Sur le plan technologique,
l'amélioration de l'outillage
technique
est
une
pièce
maîtresse
dans
le
processus
de
développement.
Elle peut
se réaliser
selon deux voies

42
par modification ou transformation interne des techniques
locales
existantes
dans
des
divers
domaines
de
la
production, soit par diffusion à partir de l'extérieur, de
techniques
nouvelles
qui
viennent
s'intégrer
à
la
structure sociale et au processus de développement du pays
concerné.
L'une et l'autre de ces modalités n'ont pas les
mêmes implications économiques, politiques, culturelles et
sociales ni les mêmes exigences sur le plan technique : la
prem1ere est l'effet d'une transformation endogène propre
à la structure sociale et incarne de manière cohérente le
processus dynamique des changements socio-économiques qui
affectent
la
société concernée
la
seconde grâce
à
sa
force d'intrusion et en raison de son caractère étranger,
bouleverse
la
structure
sociale
du
pays
considéré
sans
produire
pour
autant
de
manière
globale
et
durable
les
transformations
nécessaires
au
développement
du
pays
18.
c'est
donc
en
fonction
d'une
conception
objective,
du
développement
qu'il
convient
d'apprécier
l'impact
du
transfert de technologie des pays développés vers les pays
sous-développés. Ce dernier prend des formes variées:
la vente d'équipements
les contrats de gestion
les services d'études
les contrats d'approvisionnement
la fourniture d'usines clé en main
18. L'exemple du Japon ne cont~edit nullement cette analyse ca~. cultu~ellement et socialement.
ce
pays
y
avait
modifié
sa
st~ctu~e sociale
(E~e Meij il
avant
d' adopte~ la
technologie
occidentale.

43
Il
s'oriente selon une étude de G.
GORM
19
surtout vers
les pays qui ont un revenu par tête d'habitant supérieur à
700 dollars c'est-à-dire le Brésil,
le Chili,
le Mexique
et
le Vénézuela en Amérique
Latine,
le
Koweit,
l'Arabie
Saoudite,
parmi
les Etats du Moyen-Orient,
l'Algérie,
le
Gabon,
le
Zaïre
en
Afrique:
le
premier
effet
de
ce
commerce est
l'endettement croissant
des
pays
du
Tiers-
Monde.
Le deuxième effet concerne le flux d'assistance technique
qu'il draine vers les pays sous-développés.
Le
développement
technologique
suppose
l'existence
de
compétences
technologiques,
d'établissements
technologi-
ques pour la formation de la main-d'oeuvre.
Or dans bien
des
cas,
ces
conditions
font
défaut
aux
pays
sous-
développés qui,
du reste,
ne sont pas en mesure d'évaluer
les
avantages
comparés
des
investissements
d'où
la
nécessi té
de
faire
appel
à
l'assistance
technique
étrangère
malheureusement
cette
dernière
entraîne
des
charges
récurrentes
élevées
en
outre,
elle
est
au
service
d'une
politique
donnée,
et
contribue,
grâce
à
l'influence
qu'elle
exerce
sur
les
cadres
locaux,
à
pérenniser les rapports de dépendance qui lient les pays
bénéficiaires
aux
pays
développés.
Le
transfert
actuel
provoque de nombreux effets
secondaires
(modification du
genre de
vie des
populations,
déséquilibres
et
conflits
sociaux dûs
aux
inégalités induites,
charges
récurrentes
entraînant une modification de l'allocation des ressources
au détriment du secteur social, éducation, enseignement et
santé).
Enfin,
la
technologie occidentale
ne
trouve
pas
19. GORM
Georges.
L' endettement
vertigineux
du
Tiers-Monde
et
le
Commerce
de
technologie.
in
Monde Diplomatique. Juin 1977. p.15.

44
dans
les
pays
sous-développés,
l'environnement culturel,
scientifique,
technique et économique qui lui permette de
diffuser le progrès.
Lorsque les techniques ne sont pas appropriées compte tenu
des
"besoins
en
main-d'oeuvre,
en
capi tal
et
en
ressources" ce sont les procédés qui ne sont pas adaptés
aux matières premières ou à l'environnement.
Le transfert
devient ainsi un puissant facteur de domination.
Dans
le
domaine commercial,
la
loi
de l'offre et
de
la
demande
est
supposée
régir
les
échanges
internationaux
mais
dans
la
réalité,
le
comportement
des
prix
des
produits de base résulte plutôt de la volonté des groupes
monopolistes.
Excepté le cas des
hydrocarbures,
produits
stratégiques,
pour
lesquels
une
action
des
pays
exportateurs,
a
contribué
à
améliorer
le
marché,
la
plupart des
produits
de
base,
présentent
des
caractères
particulièrement vulnérables.
Ils sont soumis à de fortes
fluctuations
sur le
marché international
:
par exemple,
le prix du cuivre a
baissé en monnaie constante de 1955 à
1973,
puis a connu
une augmentation brusque de 90 % durant l'année 1973,
de
même les prix des phosphates ont été multipliés par 5.
En 1974 passant de 15 dollars
la tonne à
75 et se sont
effondrés
l'année
suivante
à
21
dollars.
Enfin,
la
variation
des
prix
des
produits
de
base
résulte
dans
certains cas de la dévaluation des monnaies de référence
dans lesquelles ces derniers sont libellés
: c'est le cas
du fer notamment dont les prix sont exprimés en dollars.

45
"Rien ne révèle mieux,
l'ampleur des fluctuations des prix
des
produits
de
base
que
le
sort
récent
du
café
et
du
sucre
qui
représentent
une
part
importante
du
commerce
international.
Au
niveau
du
marketing
et
de
la
distribution,
les
entreprises
transnationales
contrôlent
directement
environ
70
% du
café
mis
sur
le
marché
mondial,
80 % du coton,
80 % du cacao,
75 % de la banane
et 50 % environ du sucre".
Les pays développés mettent en oeuvre différentes
stratégies
pour
lutter
contre
la
hausse
des
cours
des
produits de base,
entre autres le recyclage industriel de
certains produits tels que le cuivre (recyclé à
60 %,
le
fer 70 %, l'aluminium 48 %).
L'utilisation de produits de substitution (sucre
de
betterave
au
lieu
de
sucre
de
canne)
constitue
également
un
moyen
permettant
aux
pays
développés
de
contrôler le marché des produits de base.
Dans
tous
les
cas,
il
est
difficile
aux
pays
sous-
développés
d'intervenir
sur
le
marché
des
produits
de
base.
En cas de hausse des cours,
souvent conjoncturels,
donc de courte durée, les rigidités économiques (manque de
moyens
financiers)
technologiques
(délais
longs
pour
la
mise
en
place
de
nouvelles
machines,
main-d'oeuvre
peu
qualifiée),
bloquent
toute
initiative
en
matière
d'augmentation
de
la
production.
En
cas
de
baisse,
les
pays
sous-développés
n'ont
d'autre
alternative
que
de
vendre leurs produits étant donné leur importance décisive
dans
la
formation
du
revenu
i l
n'est
d'ailleurs
pas
exclu
qu'ils
vendent
une
quantité
plus
grande
pour
compenser le manque à gagner résultant de la baisse des

46
couY'S • Au
demeurant,
faute
de
moyens
financiers,
ils
ne
peuvent
pas
même
mettre
en
oeuvre
une
politique
de
stockage efficace,
l'exemple de la Côte d'Ivoire est assez
éloquent;
le financement du stockage de cacao,
à
la suite
de
l'Accord de
1980
jugé insuffisant
a
coûté cher
à
ce
pays.
En
outre,
des
raisons
techniques
liées
aux
caractéristiques du produit (caractère périssable,
volume
susceptible
occupé)
limi tent
toute
intervention
sur
le
marché.
Sans
doute
faut-il
intégrer
à
une
théorie
de
l'impérialisme
les
contradictions
internes
aux
pays
dominés,
leurs
faiblesses
économiques,
techniques
et
poli tiques,
les
rigidités
culturelles
et
sociales,
car,
pour paraphraser Wallerstein,
i l
existe
dans
le
système
capitaliste mondial beaucoup de phénomènes qui ne peuvent
pas être expliqués par la théorie de la dépendance.
Comme
l'ont
montré
bon
nombre
d'auteurs
20
la
tradition,
les
religions
et
les
transformations
sociales
notamment
l'émergence des classes moyennes dans les villes peuvent
contribuer
à
la
modernisation
des
pays
dominé,.s
sans
l'influence
du
système
capitaliste
mondial.
Ainsi
par
rapport
à
l ' "Economie-Monde"
capi taliste,
de
larges
secteurs
des
pays
dominés
conservent
une
autonomie
relative fondée sur les dynamismes économiques, politiques
et
sociaux
internes.
C'est
pourquoi,
la
formule
de
Wallerstein selon laquelle

la fin
du XIXe
siècle,
i l
20. WONG à propos de la gestion paternaliste des entreprises à Hong-Kong.
DAVIS réinterprète la
relation entre
la
religion
japonaise et
le
développement
à
la
lumière
de
la
théorie
des
barrières; BANUAZZI à propos du r61e joué par la religion shiite dans la révolution en Iran.
HUNTINGTON affirme que le développement du népotisme et d'une classe moyenne urbaine conduit
à la modernisation des systèmes politiques du Tiers-monde.

47
n'existait qu'un seul système sur le globe", autant que le
modèle
de
domination
par
arborescence
de
André
Gunder
Frank nous paraissent trop formels pour rendre compte de
la
complexité
des
interrelations
entre
systèmes
historiques différents et de leurs mouvements internes.
La
problématique
du
développement
en
Afrique
s'inscrit
donc pour reprendre une expression de G.
Balandier,
dans
"une dynamique différentielle" entre les forces du dehors
et
celles
du
dedans.
Cette
dynamique
différentielle
se
\\"'O ........ 'flA(..
révèle
"un
processus
constant
d'intériorisation
et
de
....
refus des
influences externes,
semblables à
l'accultura-
tion
pour
le
psychisme
humain"
21
Elle
s'intègre
toute
entière dans une séquence historique et sociale singulière
'YY\\ ,>-,'1
r
'-\\JU...
o..-r :
l'incohérence
entre
les
objectifs
et
les
méthodes
d'une
part,
les
logiques,
qui
sous-tendent
les
attitudes,
les mentalités et les
comportements des
différents
acteurs
du
développement
d'autre
part:
décideurs
politiques
et
administratifs
nationaux,
les
gouvernements
des
pays
développés
de
l'ouest
comme
ceux
de
l'est,
les
milieux
financiers
internationaux,
forces
vives
africaines,
c'est-à-
dire les élites intellectuelles et administratives,
fonctionnaires,
les
ouvriers,
les
artisans
et
les
paysans.
des
distorsions
aggravées
entre
les
cadres
étatiques
actuels,
promus
depuis
le
début
des
années 60 comme champs privilégiés des politiques de
21. RIVIERE
Jean-Claude,
Dynamique
de
la
s~ra~ifica~ion sociale
en
Guinée.
Thèse
de
doc~ora~
d'E~a~. Paris V. 1975. p.84.

48
développement et les espaces économiques et socio-
culturels virtuels qui sont susceptibles de fonder
la rationalité de ces politiques.
c'est cette double contradiction qu'il importe de résoudre
pour
construire
de
façon
durable
les
bases
du
développement
en
Afrique.
Or,
à
partir
du
bilan
des
expériences
réalisées
sur
le
Continent
depuis
trois
décennies,
à
grands
renforts
de
capitaux
et
de
moyens
techniques,
il apparaît de plus en plus qu'une stratégie
fondée
à
la
fois
sur
l'éclosion
d'une
révolution
intellectuelle
et
culturelle
et
sur
la
dynamigue
de
l'intégration
économigue
est
susceptible
de
réconcilier
l'Afrique avec des transformations structurelles dans tous
les domaines.
C'est donc par référence à cette stratégie qu'il convient
d'évaluer les politiques de développement en Afrique selon
les axes suivants :
Etude du cadre institutionnel et socio-économique du
développement en Afrique
au sud du Sahara.
Analyse des stratégies de développement et de leurs
effets.
Esquisse des perspectives de développement.

49
PREMIERE PARTIE
LE CADRE INSTITUTIONNEL ET SOCIO-ECONOMIQUE
DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE, AU SUD DU SAHARA
Le regain d'actualité que revêt aujourd'hui l'exigence de
libéralisme
économique
et
de
démocratie
libérale,
légitime,
s ' i l en est encore besoin,
la relation étroite
qui
existe
entre
le
cadre
institutionnel
d'un
pays
et
l'efficacité de sa politique économique.
A la suite de W.
Rostow
22,
on
peut
noter
l'influence
de
trois
facteurs,
dans le démarrage économique des sociétés occidentales :
Une
hausse
du
taux
de
l'investissement
productif,
qui
passerait
par
exemple de
51.. ou moins de 510 à
plus
de
10%
du
revenu
national
(ou
du
produit
national net).
La création d'un ou plusieurs importants secteurs de
l'industrie
de
transformation
ayant
un
taux
de
croissance élevé.
l'existence ou la mise en place rapide d'un appareil
.
politique,
social et institutionnel qui explo'L~
les
tendances
à
l'expansion
dans
le
secteur
moderne
ainsi que les possibilités, qu'offre le démarrage de
réaliser
des
économies
dans
l'achat
de
produits
étrangers
et
fasse
de
la
croissance
un
phénomène
durable" .
22. ROSTOW Walter. Withman.
Les étapes de la croissance économique. éditions du Seuil, Paris 1.
66. p.
63.

50
Poursuivant plus
loin,
Rostow soutient que
la
troisième
condition "suppose que la société est capable de mobiliser
des capitaux sur le marché intérieur" et qu'elle possède
une
structure
économique
qui
"permet
par
la
suite
d'atteindre un taux marginal d'épargne élevé.
Or pour les pays auxquels Rostow fait allusion, la Grande-
Bretagne de 1819 à 1848, les Etats-Unis d'Amérique de 1868
à 1893,
la Suède de 1890 à 1920, le Japon de 1900 à 1920,
la
Russie
de
1928
à
1940,
le
démarrage
a
été
rendu
possible
grâce
à
l'intervention
décisive
de
l'Etat.
Ce
rôle fut plus déterminant dans des pays tels que le Japon
et
la
Russie;
dans
le
premier,
les
réformes
opérées
à
l'ère
Meiji
ont
pesé
d'un
poids
important
dans
les
transformations
économiques
du pays;
quant
à
la
Russie,
nul ne saurait sous-estimer le rôle de premier plan que
l'Etat bolchévique a joué sous Lénine et particulièrement
sous Staline, avec la planification.
Il
existe
donc
une
relation
avérée
entre
le
cadre
institutionnel d'un pays et l'efficacité de sa politique
économique. Dès lors la question se pose de savoir si les
pays
d'Afrique
Sud
du
Sahara
se
sont
doté
des
cadres
institutionnels susceptibles de favoriser leur démarrage?
En d'autres termes,
peut-on déceler une adéquation entre
ces cadres et les politiques économiques? Comment se sont
consti tués ces cadres
?
Quelle est
la configuration des
forces sociales qui sous-tend les politiques économiques?
Quelles
sont
les
règles
et
les
principes
juridico-
politiques, qui orientent ces politiques?
Répondre
à
ces
questions,
c'est
étudier
le
processus
historique
de
la
formation
d4,l cadre
socio-poli tique
en

51
Afrique,
c'est-à-dire la naissance des Etats-Nations,
les
fondements socio-économiques de l'accumulation du capital,
les différents types de régimes socio-économiques et leurs
performances rspectives,
les principales ~aractéristiques
des systèmes politiques africains.

52
CHAPITRE l
-
LA NAISSANCE DES ETATS-NATIONS
Elle s'est réalisée selon un processus de destructuration_
restructuration
marqué
par
une
profonde
al tération
des
,
structures
politiques
anttcoloniales
et
par
le
développement
d'une
identité
culturelle,
politique
et
sociale.
Section 1 - Les structures politiques antécoloniales à
l'épreuve de la pénétration étrangère
Comme
le
note
Catherine
Coquery-Vidrovi tch
"l'Etat
apparaît lorsqu'un groupe social déterminé -
à
proprement
parler une classe - concentre en son sein le pouvoir et le
prestige
qui
lui
permettent
de
contrôler
la
production
sociale
avec
l'aide
mais
aussi
aux
dépens
des
autres
groupes" 23
Sous
cet
angle,
l'Etat
en
Afrique
n'est
pas
lié
à
la
colonisation,
loin
s'en
faut,
du
reste
les
témoignages
historiques
le
confirment.
Mais
l'Etat
moderne
postcolonial qui prend en charge le développement est un
héritage colonial.
Ce dernier s'inscrit dans un processus
historique et sociologique caractérisé par la prédominance
du pouvoir de commandement.
Comprendre
la
genèse
de
ce
déséquilibre,
c'est
d'abord
rendre compte des interférences entre des systèmes socio-
23. COQUERY-VIDROVITCH Catherine,
opus déjA cité. p.72.

53
politiques différents tant dans leur esprit que dans leur
fonctionnement réel.
l
- L'importance de la personnalisation des rapports dans
le fonctionnement des systèmes socio-politiques anté-
coloniaux
L'Afrique
précoloniale
présentait
deux
grands
systèmes
d'organisation socio-politiques: les systèmes lignagers et
les systèmes de type féodal.
Dans les deux cas,
l'élément
clé réside dans la place prépondérante de la parenté.
c'est elle qui conditionne les relations de domination et
de subordination,
les relations idéologiques,
l'crganisa-
tion
de
la
production
et
la
circulation
des
biens.
Le
système lignager est caractérisé à la fois par l'existence
d'un pouvoir relativement centralisé exercé par les chefs
de village et l'autonomie des groupements locaux à la tête
desquels se trouvent les chefs de lignage. C'est pourquoi,
au fur et à mesure que les lignages s'étendent sur le plan
démographique,
les relations de parenté se distendent et
finissent
par favoriser la
formation de grands ensembles
sociaux
que
sont
les
ethnies
et

apparaît
une
plus
grande homogénéité culturelle et linguistique.
c'est le cas des Ewé du Togo, des Masa du sud Tchadien. On
rencontre le même phénomène au Mozambique, en Tanzanie. De
même
"la
prééminence
lignagère
régi t
aussi
la
vie
politique des
éleveurs
nomades
noirs
du
Sahara
Tchadien
les
Toubou
:
i l
s'agit d'un ensemble changeant de clans
(ou lignages) qui naissent,
vivent et meurent et qui,
par
le
j eu
des
fractionnements
donnent
lieu
à
une
sorte
de

54
mosaïque territoriale caractérisée non seulement par son
apparente incapacité étatique, mais par son extraordinaire
capacité de résistance à toute domination centralisée".
Les
systèmes
de
type
féodal
sont
plutôt
fondés
sur
la
reconnaissance
d'une
autorité
étatique
territoriale
hiérarchisée.
Dans
ce
système
l'appareil
d'Etat
est
un
instrument
de
coercition
qui
s'impose
à
la
communauté
villageoise;
le souverain a
recours dans certains cas
à
des
chefs
de
province,
choisis
soit
parmi
la
famille
royale,
soit pprmi des guerriers.
Les royaumes d'Abomey,
de
l'Ashanti,
du
Buganda
par
exemple
relèvent
de
ce
système,
de
même
que
les
Empires
soudanais
médiévaux
d'Afrique occidentale (Ghana, Mali,
Songhai
) les espaces
Shona du
Zimbawé,
le
royaume
Luba
et
l'Empire
Lunda
au
XVIe siècle en Afrique centrale (Katanga).
A côté
de
ces
deux
systèmes
existaient
en
Afrique
des
structures
de
relations
de
dépendance
personnelle
qui
recouvrent les deux précédents par un
"réseau d'échanges
et ~'obligationlsoit horizontal - de lignage à lignage, ou
de village
à
village
soi t
vertical
depuis Je village
jusqu'à l' autori té
supérieure".
C'est
le cas
du
royaume
Agni de l'Indenie (Côte d'Ivoire) où les chefs étaient des
rassembleurs d'hommes;
des Bapunu et des Pigmées du Congo
entre lesquels existaient des relations de lignage-maître
à lignage-esclave;
de l'Etat de Nkore
(Ankole),
des rois
Tutsi au Burundi qui nommaient des chefs politiques à la
tête
de
divisions'
territoriales;
ces
derniers
constituèrent
à
leur
tour
des
réseaux
de
clientèle
foncière ou pastorale 24
24. On voit bien que la féodalité en Afrique recouvre des situations diverses:
système d'ordres
comme le suggère Georges Balandier dans Anthropologie politique.
p.105-107.
régime politique

55
Au-delà
de
la
diversité
des
systèmes
politiques
dans
,
l'Afrique
ant~oloniale,
ce
qui
prédomine,
c'est
la
personnalisation des
rapports
entre
les
groupes
sociaux
par l'entremise des
lignages ou des
liens de dépendance
personnelle,
c'est également l'équilibre difficile entre
la
centralisation
du
pouvoir
étatique
et
la
relative
autonomie des groupements locaux; c'est sur la base de ces
structures
que
s'édifie
un
ordre
nouveau,
celui
de
la
colonisation
dont
la
logique
de
domination
requerrait
avant tout une uniformisation des rapports politiques par
une forte tendance à la centralisation, un renforcement du
pouvoir de commandement;
il s'agit donc d'une rupture par
rapport au passé qui touche non seulement les institutions
politiques mais également les cadres territoriaux qui les
supportent.
2 - Le partage de l'Afrique ou la modification des cadres
territoriaux
A
partir
du
milieu
du
XIXe
siècle,
la
colonisation
accéléra
un
processus
de
désagrégation
socio-politique
amorcée dès le XVIe siècle par la traite des esclaves.
En effet l'un des éléments clé de tout système politique
est
sans
conteste
la
population.
Elle
influe
sur
l'organisation du pouvoir en fonction de sa
taille.
Par
exemple
dans
l'Egypte
ancienne

la
population
était
concentrée
dans
le
deI ta
du
Nil,
s'était
développé
un
pouvoir
de
haut
commandement
politique
et
économique
pour J.J.
Haquet.
pluralité de hiérarchies pour Gurvitch.
système d'allégeance
personnelle
et
d'appropriation des
terres.
existence
de
droits
et
privilèges
comme
le
signale
Claude
Rivière chez les Peul.

56
chargé d'assurer
la répartition des
terres et de
régler
l'utilisation des eaux du Nil. A ce pouvoir était li~une
bureaucratie constituée principalement par une noblesse de
fonction.
Le pouvoir de haut commandement était articulé à
un pouvoir idéologique qu'exerçaient
les grands prêtres,
détenteurs du savoir social 25.
Le pouvoir politique était
donc
centralisé
mais
il
s'exerçait
sur
des
communautés
paysannes qui jouissaient d'une autonomie relative.
Il
existe
ainsi
une
relation
fonctionnelle
entre
l'importance de la population et les formes d'organisation
du
pouvoir;
les
fortes
concentrations
humaines
ont
tendance
à
favoriser
un
pouvoir
poli tique
fort
et
qui
s'appuie sur une organisation administrative bien élaborée
pour la perception du tribut.
Or,
en Afrique,
les effets de la traite négrière ont été
dévastateurs sur les plans quantitatif et qualitatif. Vers
1650,
l ' Afr ique
aurai t
compté
parmi
les
zones
les
plus
peuplées du
monde
soit
cent
millions
d' habi tants
contre
cent treize en Chine et cent également en Inde,
mais en
1990,
elle
ne
représente
que
10
% de
la
population
mondiale contre 20 % vers 1650.
Dans
un
autre
ordre
d'idées,
la
traite
a
provoqué
un
climat d'instabilité dû aux guerres quasi-permanentes que
se
faisaient
les
populations
de
la
côte
et
celles
de
l'intérieur.
Si
des
royaumes
négriers
avaient
vu
le
jour comme ceux
d'Abomey,
de l'Ashanti,
d'autres tel le royaume du Kongo
,
J
25. Savoir
social
par
opposition
au
savoir
vital
directement
lié
A la
production
et
A
la
reproduction de la vie matérielle.

57
ont
totalement
disparu
en
raison
de
l'ampleur
démographique de la traite.
L'échec des tentatives d'unification politique en Afrique
par des
conquérants et
le
partage de
l'Afrique
au
XIXe
siècle,
témoignent
de
l'action
de
l'impéralisme.
En
Afrique de
l'Ouest,
l'entreprise du
royaume
Sarakolé de
Mamadou Lamine (1855-1887),
la Jihad de Ma Ba (1861-1867)
au Sénégambie, l'épopée Toucouleur d'Omar Tall (1852-1864)
l'Empire Peul d'Ousmane Dan Fodio,
celui de Samori Touré
(1870-1989),
le royaume Ashanti du Ghana
(1874-1904),
le
royaume
d'Abomey
(1890-1894)
furent
brisés
par
l'impérialisme
européen.
Ailleurs,
l'entreprise
de
Kabarega
au
Bunyoro
(1892-1896),
de
Rabah
au
Soudan
Central,
de Mirambo (1871-1884) en Tanzanie,
de Msiri au
Katanga (1860-1891) et surtout celle de Shaka (1816-1828)
en Afrique du Sud se soldèrent par des échecs.
Pour le partage de l'Afrique, le point de départ fut donné
par
la
conférence
de
Berlin
(15
novembre
1884
au
26
février 1885);
les traités aboutirent au morcellement du
continent et à
la constitution d'Etats artificiels.
Près
de six cents traités furent signés de 1869 à 1890 par les
puissances européennes pour régler le sort de l'Afrique.
La rupture historique a définitivement été consacrée par
le partage du continent entre les puissances européennes
de
1810
à
1914.
Du
12
janvier
1869
au
3
juin
1907,
l'Angleterre
passa
une
trentaine
de
traités
de
délimitation avec le Portugal,
25 avec l'Allemagne du 29
avril 1885 au Il juin 1907, 249 avec la France du 28 juin
1882 au 25 février 1908 portant sur l'Afrique occidentale

58
et
centrale
et
dont
quatre
intéressaient
Zanzibar,
le
Maroc et l'Egypte.
Quant à la France, elle conclut de 1819 à 1890 344 traités
de
souveraineté
ou
de
protectorat
avec
des
chefs
africains.
Mais,
comme
le
souligne
H.
Brunschwig
26
l'impérialisme
partageur
date
de
la
généralisation
après
1890
de
la
notion de sphère d'influence:
ainsi de 1890 à 1904,
trois
grands traités ont permis de sceller le sort de l'Afrique.
*
Le traité germano-britannique, du 1er juillet 1890 qui
entraîna
la
création
de
deux
sphères
d'influence
en
Afrique
orientale
l'Angleterre
occupe
l'Ouganda
et
Zanzibar en échange de l'Heligoland pour l'Allemagne dans
la mer baltique.
En Afrique occidentale,
fut consacrée la
délimitation du sud-ouest Africain (Namibie) au profit de
l'Allemagne,
tandis que l'accès
au
Tchad est
admis pour
les
Allemands
installés,
déj à
au
Cameroun
et
pour
les
Anglais qui eux, sont au Nigéria.
*
Le traité franco-anglais du 5 août 1890 complété par
une convention franco-allemande le 4 février 1894 permit à
la France d'assurer la jonction entre ses possessions du
Haut
Niger
et
du
Congo
par
le
Tchad,
tandis
que
les
Anglais recevaient Madagascar et Zanzibar.
*
Le traité franco-anglais du 8 avril 1904 qui résolut
trois
problèmes
par
des
compromis
qui
permirent
à
la
France
d'exercer
sa
souveraineté
sur
( les
douanes
de)
Madagascar,
les
îles
de
Los,
au
large
de
la
Guinée
et
26, BRUNSCHIWIG Henri. Le partage de l'Afrique Noire, éd. Flammarion. Paris 1971.

59
d'obtenir des rectifications de frontière entre le Sénégal
et
la
Gambie
et
au
Nord
du
Dahomey
(RPB).
La
France
obtenait également des droits sur le Maroc tandis que les
Anglais se voyaient reconnaître leurs droits sur l'Egypte
et
s'opposèrent
au
sud
du
Congo
aux
Portugais,
qui
tentaient de réunir l'Angola au Mozambique.
Par le compromis franco-germanique du 4 novembre 1911,
la
France
cède
à
l'Allemagne
le
Rwanda
et
le
Burundi
en
échange
de
la
reconnaissance
de
sa
protection
sur
le
Maroc.
Le
partage
de
l'Afrique
fut
subordonné
au
jeu
des
alliances et
des
rivalités
en Europe
sans
qu'il
ait
été
tenu compte de
l'homogénéité géographique,
économique et
culturelle
du
continent.
La
doctrine
allemande
de
l'Hinterland contribua
au morcellement
du
continent
dans
la mesure où elle admettait que:
"toute puissance européenne établie sur la côte
avait des droits spéciaux sur les populations de
l'intérieur et pouvait reculer indéfiniment les
frontières de ses possessions jusqu'à ce qu'elle
rencontrât
une
zone d'influence
voisine
ou
un
état organisé" 27
Ainsi par rapport à elle-même,
à
ses structures étatiques
et à son espace géographique et socio-culturel,
l'Afrique
a subi de profondes modifications.
Une telle situation faite d'agressions permanentes au nord
comme au sud,
à l'est comme à l'ouest ne pouvait favoriser
l'éclosion
d'ensembles
socio-économiques
homogènes.
L'importance des échanges à longue distance dans la genèse
27. BRUNSCHIWIG Henri. opus d~j' cit~. p. 158.

60
et les transformations des sociétés africaines les rendai~~t
vulnérables à toutes les influences extérieures.
En outre
par son caractère aristocratique et minoritaire,
l'Islam
n'a
pas
permis
de créer
des
sociétés
homogènes
sur
les
plan religieux et culturel.
3 - Les effets socio-politigues
Véritable syndrome de dépendance économique,
politique et
culturel, l'héritage colonial est incarné par le modèle de
développement capitaliste. Ce dernier, en tant que système
est
constitutif
de
la
naissance
de
tous
les
Etats
Africains,
excepté
l'Ethiopie
et
le
Libéria.
Mieux
il
était déjà là donné avant qu'ils n'existent.
Qu'elle soit
d'origine portugaise comme en Angola,
en Mozambique ou en
Guinée-Bissau,
espagnole,
comme
en
Guinée
équatoriale,
française
et
britannique
dans
la
majeure
partie
du
continent,
allemande
comme
au
Cameroun,
au
Tanganyika,
Rwanda,
Burundi
et
au
Togo
jusqu'à
la
première
guerre
mondiale,
belge
au
Zaïre,
italienne
en
Somalie,
la
colonisation
européenne
a
engendré
des
institutions
politico-administratives qui sont entrées en conflit avec
celles de
l'Afrique
ce sont
principalement
le conflit
entre l'ordre de la tradition et celui de la loi ou de la
règle
écrite
d'une
part,
entre
la
centralisation
administrative
et
l'autonomie
des
groupements
locaux
d'autre part.

61
a)
Conflit entre tradition et règle écrite
c'est à dessein que nous n'avons pas voulu associer, comme
cela
ressort
souvent
de
la
littérature
ethnologique,
tradi tion
à
changement
avec
une
connotation
péj orat ive,
voire négative pour la tradition : nous sommes en présence
de deux systèmes de valeurs et de symboles qui sont les
produits de deux cultures différentes où les signifiants
et les signifiés sont irréductibles les uns aux autres. En
effet
la
tradition,
pour
reprendre
une
définition
de
Georges Balandier,
est l'ensemble des valeurs,
des idées
et des symboles qui régle,.·
le comportement des individus
et des groupes sociaux et qui se justifie par référence au
passé.
Elle
trouve
sa
légi tir:1i té
dans
le
passé,
elle
suppose
l'adhésion des auteurs sociaux à cet ordre,
elle requiert
la
permanence
des
modèles
culturels
qui
se
répètent
de
génération en génération.
De ce point de vue,
l'ordre de
la tradition,
c'est principalement celui de la croyance,
de la vie végétative propre à la communauté, les pratiques
qui l'incarnent se perpétuent en raison de leur efficacité
matérielle et symbolique ou de leur valeur utilitaire et
rituelle. Les rapports entre les individus et la tradition
sont médiatisés par les ancêtres fondateurs.
Ainsi toute
référence à
la tradition est une référence à un ancêtre,
de même les ancêtres ne prennent véritablement corps que
par rapport
à
la
tradition
:
d'où
l'importance capitale
des
relations
directes
et
personnalisées
fondées
sur
le
vécu
et
l'empathie.
Est-ce
à
dire
pour
autant
que
la
tradition où domine l'oralité est de l'ordre de la nature

62
par
opposition
à
la
règle
écrite
ou
au
droit
qui
relèveraient de la culture?
Cette analogie a été suggérée par Claude Levi-Strauss dans
"Tristes tropiques" quand il rapporte la scène au cours de
laquelle
le
chef
des
Nambikwara
essaie
de
l ' imi ter
en
faisant
semblant
d'écrire
par
terre
devant
ses
suj ets:
l' écri ture
relèverai t
ainsi
de
la
cul ture,
de
la
civilisation alors que la tradition fondée essentiellement
sur l'oralité renverrait à la nature. Une telle vision est
entièrement contenue dans la violence coloniale fondée sur
la négation de l'autre.
C'est donc en s'inspirant d'une
conception
ethnocentriste
que
la
colonisation
tenta
d'imposer
ses
propres
valeurs
et
symboles.
De
par
sa
logique
même,
il
ne
pouvait
pas
en
être
autrement.
Le
droi t
est
une
construction,
donc
une
abstraction.
Son
objet peut être réel ou personnel et il demeure toujours
rationnel.
Il
privilégie
le contrat
au
détriment
de
la
croyance et de la confiance.
Ainsi
l'ordre colonial,
celui
de
la
règle écrite et
du
droit entre en conflit avec les valeurs et
les symboles
qui
organisent
l'ordre
de
la
tradition
et
provoque
de
nouveaux
clivages
dans
les
sociétés
africaines
les
élites traditionnelles dont la suprématie repose sur les
connaissances sociales perdent leur autorité au profit des
nouvelles élites formées à la civilisation de l'écriture.
Deux
systèmes
de
valeurs
vont
ainsi
se
télescoper
en
Afrique
avec
comme
résultat
la
domination
de
l'un
sur
l'autre.
Par
exemple,
le
colonisateur
utilise
le
droit
pour
exproprier
les
indigènes.
La
théorie
du
"domaine
éminent"
appartenant
à
l'Etat,
la
notion
de
"terres
vacantes et
sans
maitres"
ont bouleversé
les
structures

63
sociales, renforcé la compétition entre les individus, les
familles,
les lignages et les ethnies.
Elles avaient pour
but de favoriser l'extension de l'économie marchande.
La
terre est devenue ainsi un bien,
un objet de compétition
économique
qui
autorise
des
stratégies
individuelles,
d'appropriation et
accentue
les
tensions
au
sein
de
la
collectivité.
b) Conflit entre centralisation et autonomie
De même la centralisation administrative fut une source de
désordre social et politique.
L'administration a regroupé
dans
les
mêmes
unités
territoriales
des
lignages
différents entre lesquels existaient par exemple des liens
de dépendance, de domination et de subordination; certains
chefs
ont
perdu
leurs
prérogatives
politiques
et
administratives
car
la
création
des
cantons
n'a
pas
toujours respecté les clivages et les hiérarchies socio-
politiques traditionnelles. Il en est résulté des conflits
entre les villages et
les nouveaux chefs,
notamment
les
chefs
de
canton
promus
par
l'administration
coloniale.
Cette
centralisation
aboutit
à
la
création
d'entités
étatiques
artificielles.
En
outre
les
rivalités
entre
puissances
européennes,
la
nécessi té
de
se
ménager
des
sources
de
matières
premières
ont
entraîné
des
cloisonnements entre les Etats,
des barrières douanières
et
administratives,
des
frontières
artificielles.
C'est
ainsi
qu'on
retrouve
de
chaque
côté
des
frontières
en
Afrique les mêmes populations réparties entre les Etats;
c'est le cas,
entre autres,
des Ewe du Togo et du Ghana,
des
Abrons
de
la
Côte
d'Ivoire
et
du
Ghana
notamment.
Ainsi en imposant la centralisation et en regroupant dans

64
des
aires
géographiques
nouvelles
mais
non
moins
artificielles
des
populations
différenciées
le
système
colonial
a
désorganisé
les
structures
socio-
politiques
africaines.
Par rapport
au
reste
du
monde,
notamment
l'Asie et
les
Etats du Magreb,
l'Afrique au sud du Sahara s'est trouvée
dans une situation historique particulière.
L'ampleur des
bouleversements provoqués par quatre siècles de traite et
près d'un siècle de colonisation ne saurait autoriser une
quelconque comparaison avec ces régions :
"Ici
la
conquête
s'est
abattue
sur
des
Etats
déjà
constitués
dont
les
traditions
et
les
cultures ont dans l'ensemble résisté à tous les
assauts
le
cadre
national
à
tout
le
moins
existait
et
d'une
manière
générale,
le
colonisateur a dû s'en accommoder.
Les Etats du
Maghreb quand ils émergent de la nuit coloniale
renouent avec une histoire nationale qui a été
perturbée,
interrompue
mais
qui
ne
s'est
pas
laissé oublier".
Et Yves Benot poursuit
"Tout
autre
est
l'Afrique
noire
moderne.
Tous
les cadres anciens y compris géopolitiques ont
été réduits en miettes.
Les frontières ont été
partout
imposées
du
dehors
des
peuples
ou
ethnies
coupés
en
morceaux,
d'autres
administrativement jetés ensemble" 28.
L'héritage
colonial,
c'est
une
profonde
altération
des
structures
socio-politiques africaines,
c'est surtout la
création d'un pouvoir de commandement centralisé dont la
finalité est d'imposer un ordre étranger. C'est pourquoi,
entre les populations désorganisées et le système colonial
28. BENOT Yves,
Id~ologie des ind~pendances africaines, p. 25 ~d. François Hasp~ro, Paris, 1972.

65
l'Etat
Africain
s'inscrit
dès
sa
naissance
comme
un
relais,
un
instrument
de
domination
économique
et
politique.
Section 2 - Le développement du phénomène nationalitaire
Par rapport au nationalisme, qui désigne l'exaltation d'un
sentiment national,
la primauté des intérêts de la nation
vis-à-vis de l'étranger,
le phénomène nationali taire est
le
processus
par
lequel
divers
groupes
sociaux
tentent
grâce
à
des
moyens
culturels,
poli tiques,
idéologiques,
d'oeuvrer à l'affirmation d'une identité raciale, ethnique
ou culturelle.
c'est
à
partir
des
Etats
artificiels
issus
de
la
Conférence
de
Berlin
en
1885
que
les
élites
intellectuelles,
les
premiers
partis
politiques,
les
travailleurs,
les messianismes africains et l'Islam vont
tenter de donner corps à de véritables nations ..
1 - L'action des élites
Elle s'est développée après la première guerre mondiale,
dans
une
conjoncture
internationale
marquée
par
les
événements suivants :
Le retentissement international de la déclaration en
quatorze
points
du
Président
Wilson,
notamment
le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
l'espoir
engendré
dans
les
pays
colonisés
par
la
Révolution bolchévique de 1917.

66
La réunion de la 3e Internationale en 1921 : celle-
ci
recommandait
des
fronts
unis
des
diverses
communautés
qui
cohabitaient
dans
les
territoires
colonisés;
elle préconisait en outre la création de
la République Universelle des Soviets, un soutien et
une aide aux mouvements de libération,
notamment en
Chine et en Indonésie,
le droit à l'indépendance de
tous les peuples colonisés et dépendants avec comme
corollaire l'obligation faite aux partis communistes
des
pays
colonisateurs
de
soutenir
les
luttes
de
libération nationale.
La conférence anti-impérialiste de Bruxelles en 1927
qui
se
réunit
en
droite
ligne
de
la
troisième
Internationale
et
à
laquelle
participèrent
des
Africains tels que LAMINE SENGHOR et KOUYATE.
a) Les élites intellectuelles
C'est grâce à
cette nouvelle conjoncture que
les
élites
intellectuelles vont tenter de réhabiliter la race noire
en général
et de réclamer une participation plus
accrue
des Africains à la gestion des affaires du continent.
Grâce
à
l'influence
d'intellectuels
antillais
et
noirs
américains,
les
réactions
des
élites
africaines
vont
se
manifester à la fois dans les colonies françaises et dans
les colonies britanniques.
Avant
d'aborder
l ' action
des
élites
africaines
francophones
ou
anglophones,
i l
convient
d'examiner
d'abord
la distinction
réformisme-radicalisme à
laquelle
Catherine
Coquery-Vidrovitch
a
eu
recours
et
qui
nous
parait anachronique par rapport à l'époque.

67
- Les élites intellectuelles africaines étaient-elles
réformistes ou radicales ?
Dans un ouvrage consacré à l'histoire de l'Afrique Noire
29
Catherine
Coquery-Vidrovi tch
note
trois
orientations
dans les réactions politiques des pays colonisés.
L'action
réformiste
des
bourgeoisies
africaines,
c'est-à-dire
des
classes
moyennes
dont
les
élites
intellectuelles et administratives qui avaient pour
objectif
non
de
lutter
pour
la
destruction
du
système colonial mais de se faire les mêmes droits
que ceux dont jouissaient les blancs.
La
deuxième
orientation,
le
radicalisme,
bien que
minoritaire,
revendiquait
le
droit
pour
les
Africains
d'être
recrutés
dans
l'administration
coloniale à partir de 1940.
La troisième orientation ressortit à l'influence que
les Groupes d'Etudes Communistes exercèrent dans les
colonies à partir de 1943.
Ces groupes avaient été
créés
pour
soutenir
l'action
de
la
France
libre;
mais
ils
s'ouvriront
aux
Africains,
notamment
aux
enseignants,
aux
travailleurs
des
villes
et
des
campagnes.
La
distinction
entre
réformistes
et
radicaux
ne
nous
paraît pas pertinente pour rendre compte des différences
qui pouvaient caractériser l'action des élites africaines
entre les deux guerres.
29. COQUERY-VIDROVITCH Catherine, opus d~jA cit~, p.

68
D'abord,
ces élites n'avaient pas de programme politique
même
si
certaines
avaient
des
sympathies
communistes
marquées;
ensuite
et
c'est
l'élément
fondamental,
elles
avaient cherché à
réagir contre un ordre d'oppression en
réhabilitant
leur
race
et
en
affirmant
leur
identité
culturelle.
Sous
ce
double
angle,
ces
réactions
instauraient
une
situation
nouvelle,
inédite
à
maints
égards
et
partant
révolutionnaire;
elles
tendaient
à
modifier
l'image
du
colonisé
et
à
le
faire
exister
historiquement, culturellement et politiquement.
D'une manière générale l'action des élites africaines ont
eu
un
contenu
plus
poli tique
dans
les
pays
anglophones
tandis
qu'elle
prenait
les
allures
d'une
revendication
culturelle dans les colonies francophones.
- L'action des élites intellectuelles anglophones
Les
élites
intellectuelles
des
pays
anglophones
furent
largement influencées par le Panaricanisme.
Ce dernier a
été élaboré par des intellectuels Antillais et Américains,
tels
l'avocat de Trinidad Sylvester William,
l'historien
et philosophe afro-américain W.E.B. Dubois.
Il fut l'objet
de
plusieurs
réunions
internationales
en
Europe
et
aux
Etats-Unis
dont
celle
de
Londres
en
1900,
le
Congrès
Panafricain
de
Paris
en
1919,
de
Londres-Bruxelles
en
1921, de Londres-Lisbonne en 1923, de New-York en 1927 et
de Manchester en 1945. C'est à ce dernier congrès qui vit
la participation de
Kwame
N' KRUMAH
du
Ghana
et
de
Jomo
KENYATTA du Kenya que commença à
s'affirmer le souci de
l'unité politique de l'Afrique encore qu'il était question
à l'époque d'une seule région.

69
"Le
congrès
a
noté. . .
que
les
divisions
arbitraires
et
les
frontières
territoriales
délimitées
par
les
puissances
coloniales
constituent
autant
de
mesures
délibérément
prises pour
faire obstacle à
l'uni té poli tique
de l'Afrique occidentale" 30
Pour
la
première
fois
donc,
la
vocation
politique
du
panafricanisme fut
nettement affirmée.
Il est vrai qu'au
départ
Dubois
y
voyait
un
instrument
de
prise
de
conscience du
lien étroit entre la solution du problème
noir aux Etats-Unis et dans les deux Amériques et celui de
la domination coloniale sur les peuples noirs d'Afrique.
On comprend que Dubois fut aussi un des promoteurs de la
redécouverte de l'histoire des traditions de la culture de
l'Afrique précoloniale. De même Nandi AZIKIWE insista sur
la dimension culturelle du panafricanisme.
Dans son livre
RENASCENT
AFRICA
en
1937,
il
exalte
la
renaissance
culturelle de l'homme africain
"Dîtes
lui
qu'il
a
apporté
une
contribution
majeure à l'histoire de l'humanité" 31
Azikiwé
s'en
prend
à
la
fois
au
"paternalisme
intellectuel"
des
colonialistes
et
aux
" incongrui tés
du
communisme".
Vers
la
même
période
1936-1937
i l
mène
campagne dans le "WEST AFRICAN PILOT" à ACCRA puis à LAGOS
pour promouvoir
la
personnalité
africaine.
Plus
tard en
1943, i l revendique pour l'Afrique le droit "de choisir la
forme de gouvernement" :
30. BENOT Yves. opus d~jA cité p. 113-114. ed. F. Haspéro. Paris. 1969.
31. BENOT Yves. opus d~jA cit~ p. 115-116.

70
En 1944,
il fonde le "Conseil National du Nigéria et
du Cameroun (N.C.N.C.),
une sorte de front regroupant de
nombreuses organisations locales et professionnelles.
L'influence
des
idées
panafricanistes
a
touché
divers
milieux africains notamment les étudiants regroupés dans
la
"Fédération des
Etudiants d'Afrique
Noire en
France"
(FEANF).
Mais
ces
derniers
rejetèrent
les
inspirations
culturelles et sociales du début de sa naissance pour ne
mettre l'accent que sur sa vocation politique.
"Il
semble
que
les
panafricanistes
nous
proposent
dans
nos
alliances
une
simple
solidari té
de
race,
de
couleur.
Cela
est
inefficace...
mais,
plus
grave,
cela
est
dangereux
car
la
solidarité
raciale
peut
tourner facilement au racisme, au chauvinisme et
au
pannégrisme ...
D'autre
part,
c'est
une
mauvaise
façon
de
poser
les
problèmes
car
la
lutte ne se situe pas au niveau des races, mais
au niveau des exploiteurs et des exploités ... 32
Aux
vues
culturelles
et
raciales
des
débuts
du
panafricanisme,
le
FEANF oppose
"le principe de
l'uni té
africaine sur une grande échelle.
Cette unité préconisée
n' est pas une uni té sentimentale,
mais une
uni té dictée
par
des
considérations
d'ordre
poli tique
et
économique
inhérentes à notre époque".
En
dehors
du
panafricanisme
il
convient
de
signaler
l'action de ARCHIE CASELY-HAYFORD qui fonda en Go1d Coast
"le
Congrès
d'Afrique
occidentale
dès
1920
et
qui
revendiquait une représentation africaine dans le conseil
des gouverneurs.
32. in BENOT Yve•• opu. déj6 cité p. 117.

71
En 1940, DANQUAH organisa le "Gold Coast Youth Conference"
dont
l'objectif était d'envisager
un
statut
de
dominion
qui,
dans l'Empire britannique d'alors,
jouissait de plus
d'autonomie.
Son
programme
poli tique
comprenait
la
démocratisation du conseil législatif qui, sur 29 membres,
comptait uniquement neuf africains. DANQUAH proposait deux
chambres,
l'une
élue,
la
seconde
composée
de
chefs
et
dotée d'un pouvoir de véto;
enfin,
i l
revendiquait pour
les
africains
le
droit
d'être
recrutés
dans
l'administration coloniale.
- Elites intellectuelles francophones
La négritude avec SENGHOR apparaît comme l'expression la
plus élaborée et la plus achevée aussi des réactions des
élites africaines,
mais on ne saurait passer sous silence
l'influence de diverses autres formes d'action à caractère
plus local,
notamment au Dahomey,
au Sénégal, au Congo et
au Cameroun.
La négritude
Il n'est pas surprenant qu'on retrouve à
l'origine de la
négritude
l'influence
des
tentatives
faites
par
des
antillais pour réhabiliter la race Noire.
L'esclavage avait laissé de profondes séquelles chez ces
intellectuels qui, du reste, n'ont pas réussi à s'intégrer
dans
la
métropole.
On
peut
distinguer
trois
influences
dans la genèse de la négritude.

72
D'abord,
i l faut faire une place aux écrits de l'Haïtien
Victor
Schoelcher
qui
déjà
au
siècle
dernier,
avait
cherché à réhabiliter la race noire :
"Tout
homme
ayant
du
sang
africain
dans
les
veines ne saurait jamais trop faire dans le but
de
réhabiliter
le
nom
de
nègre
auquel
l'esclavage a imprimé un caractère de déchéance,
c'est
peut-on
dire
pour
lui,
un
devoir
filial ... " 33.
Ensuite i l importe de noter l'influence qu'exerça sur les
Noirs de Paris le Manifeste "Légitime Défense",
brochure
créée par les antillais de Paris en 1932 et dont la source
d'inspiration
se
trouve
dans
Marx
Freud,
Rimbaud
et
Breton.
Le
manifeste
s'en
prend
à
la
civilisation
occidentale taxée "d'abominable système de contraintes et
de
restrictions,
d'extermination
de
l'amour
et
de
limitation du rêve".
Il
s'attaque
aussi
à
la
bourgeoisie
antillaise
dont
i l
dénonce "l'hypocrisie humanitaire".
Enfin
les
auteurs
du
manifeste
s'attachent
à
affirmer
leurs différences culturelles par rapport aux Européens.
c'est donc, à la suite du manifeste "Légitime Défense" que
de
jeunes
antillais
et
africains
regroupés
sous
la
direction
d'Aimé
Cesaire,
Damas
et
Senghor
créèrent
"l'Etudiant Noir".
Il s'agit d'un "Journal corporatif et
de combat avec pour objectif la fin de la tribalisation du
système classique en vigueur au Quartier Latin. On cessait
d'être
un
étudiant
essentiellement
martiniquais-
guadeloupéen,
guyanais,
africain,
malgache
pour
n'être
33. SCHOELCHER Victor,
Esclavage
et colonisation,
PUF.
Paris,
1918,
cité
par Yves
BENOT.
opus
déjll cité.

73
plus qu'un seul et même étudiant noir.
Terminée la vie en
vase clos".
La brochure insiste sur les points suivants
priorité et primauté du culturel
exaltation des valeurs traditionnelles de l'Afrique
Noire
refus de l'assimilation
résurrection de la race Noire
nécessité de rester soi-même
Sur le plan politique, l'''Etudiant Noir" prône le refus de
s'inféoder à un parti,
fût-il international.
Il considère
le socialisme comme "une méthode de recherche et technique
d'une
révolution
poli tique"
mais
lui
refuse
toute
ingérence dans les domaines philosophique et religieux.
Sur le plan littéraire,
i l considère le surréalisme comme
un moyen et s'intéresse vivement à la poésie traditionnel-
le africaine. A cet égard, Senghor écrivait :
"Si
l'on
veut
nous
trouver
des
maîtres,
i l
serai t
pl us
sage
de
les
chercher
du
côté
de
l'Afrique" .
Sans doute la négritude eut davantage d'échos en métropole
qu'en
Afrique,
mais
i l
ne
constitua
pas
moins
dans
l'émergence de la prise de conscience par les africains de
leur
identité
culturelle,
l'expression complémentaire de
l'orientation politique du panafricanisme en Afrique.

74
Les autres réactions
L'expérience la
plus
significative
fut
celle
du
Dahomey
(Bénin);
les
premiers diplômes des
écoles de
Dakar dont
Louis HUNKARIN avaient créé en 1917 le premier journal
:
LE RECADERE DE BEHANZIN. A la suite de l'augmentation des
impôts en 1921 par l'administration en vue de compenser le
déficit commercial, une manifestation populaire se déroula
à Cotonou, suivie d'une grève qui paralysa le wharf. Cette
crise sociale vit la prolifération de journaux,
quatorze
environ; les plus importants furent le "GUIDE DU DAHOMEY",
"L'ECHO DES CERCLES
D'ALLADA",
la
"VOIX DU DAHOMEY".
Ce
dernier s'était
proclamé
organe
de
défense
des
intérêts
généraux
du
pays,
non
par
"révolution"
mais
par
"évolution".
Il
consacrait
35,6
% de
ses
articles
à
la
place
de
la
fonction
de
l'élite,
7
% à
la
politique
scolaire,
46,2 % à la défense des masses populaires (abus
de
l ' indigénat,
denis
de
justice),
11,5
% aux
questions
fiscales et économiques.
Le journal créa à l'intérieur du pays des comités locaux
avec
pour
objectif
de
regrouper
tous
les
soutiens;
en
1931, tous les cercles en étaient dotés.
C'est
pourquoi
face
à
l'influence
montante
des
élites,
l'administration
résolut
de
combattre
les
journaux
en
arguant de leurs sympathies communistes.
D'autres
éli tes
africaines
tentèrent
d'oeuvrer
pour
l'émancipation des africains.
Le Daboméen Kodjo Houenou,
Richard Manga Bell,
André
Mtswa.

75
Le
premier
fonda
en
France
"La
ligue
universelle
de
défense
de
la
race
noire"
doté
d'un
journal
dénommé
"CONTINENTS".
Le deuxième, l'association "France-Cameroun" et adressa en
1941
à
la
société
des
Nations
(SDN)
une
pétition
de
"Défense des citoyens nègres camerounais",
le troisième,
ancien travailleur de la guerre coloniale du
RIF
(1925)
fonda
à
Paris
en
1926,
"l'amicale
des
originaires
de
l'AEF.
Bien
que
modérées,
ses
revendications
qui
portaient
essentiellement
sur
la
"citoyenneté"
eurent
un
retentissement
important
à
Brazzaville,
Libreville et
à
Bangui. En 1929, il pouvait revendiquer 13000 adhérents et
les
manifestations
de
travailleurs
africains
sur
les
chantiers en 1930.
Mais
c'est
incontestablement
Lamine
SENGHOR
et
Tiémoko
Garan
Kouyaté
qui
firent
les
actions
les
plus
retentissantes. Animateur de l'UNION INTER-COLONIALE créée
dès
1920
par
le
Parti
communiste
pour
rassembler
les
travailleurs
et
anciens
combattants
indigènes,
SENGHOR
organisa en 1926
"La ligue de Défense de la race nègre"
devenue
l'année
suivante
"la
ligue
contre
l'oppression
coloniale et l'impérialisme" et son journal la "Voix des
Nègres".
Il tenta d'organiser également les Africains des
grandes villes de Province, notamment Marseille, Bordeaux,
le Havre mais sans succès.
Quant
à
Kouyate,
i l
déploya
à
la
fois
une
activité
syndicale
et
politique
intense
en
France
pour
l'indépendance des peuples colonisés. On le retrouve à la
CGT

il
milit~ pour
la
création
de
syndicats
noirs

76
autonomes,
au~ congrès de la 3e internationale et à côté
de Georges Padmore pour l'organisation du congrès mondial
nègre.
Il
créa
de
nombreuses
associations
dont
l'''Union
des
travailleurs Nègres"
la
"ligue de
lutte pour
la
liberté
des
peuples
du
Sénégal
et
du
Soudan",
la
"Fédération
française des jeunesses d'Afrique Noire" et l'Association
des étudiants de l'Ouest Africain.
Pour
prolonger
sur
le
terrain
son
action
en
faveur
de
l'émancipation
des
Africains
i l
créa
diverses
publications:
le "Cri des Nègres" à partir de 1931;
l"Histoire d'un Merle blanc",
texte-programme de la
ligue
de
lutte
pour
la
liberté
des
peuples
du
Sénégal et du Soudan;
le journal "Africa" (fin 1935).
et adressa au gouverneur général un
"plan de décolonisa-
tion" .
Entre les deux-guerres,
l'action des élites intellectuel-
les et administratives africaines a été favorisée dans une
large mesure par la troisième Internationale et le Parti
communiste français.
Sans
doute
ont-elles
subi
l'influence
de
l'idéologie
communiste
mais
elles
ont
dans
une
grande
majorité
privilégié la réhabilitation de la culture nègre dans leur
combat en faveur de l'émancipation politique du continent.

77
Les premiers partis politiques africains emprunteront le
même
schéma,
usant
d'alliances
tactiques
avec
le
Parti
communiste
français
sans
pour
autant
perdre
de
vue
la
spécificité
des
solutions
à
apporter
à
la
situation
coloniale du continent africain.
b) Les élites charismatico-religieuses
Par
rapport
à
l'action
des
élites
intellectuelles,
des
partis politiques et des travailleurs, les messianismes se
présentent
comme
des
expressions
mystico-religieuses
de
contestation de la légitimité de l'ordre colonial. Même si
ils débouchent quelquefois sur des soulèvements violents,
ils
se
circonscrivent
au
champ
idéologique
avec
pour
objectif
de
libérer
symboliquement
l'individu
et
la
collectivité
de
l'aliénation
culturelle,
économique
et
sociale qu'engendrent les rapports de domination dans la
société
coloniale.
Sous
cet
angle,
ils
apparaissent
solidaires de quatre sortes de phénomènes.
D'abord
ils constituent
la
manifestation
d'une
prise de
conscience, d'une identité culturelle;
ensuite ils reposent sur un ensemble de rites marqué s par
le syncrétisme et par le caractère hétérogène des objets
emblématiques.
ils exercent une fonction d'exorcisme et de régénération.
enfin ils visent la libération symbolique de l'individu et
de la collectivité.

78
Messianismes et identité culturelle
D'une
manière
générale,
la
prise
de
conscience
de
l'identité culturelle résulte de la situation de crise à
laquelle
sont
confrontés
les
individus
et
les
groupes
sociaux dans la société coloniale, mais elle procède selon
les cas de
facteurs
bien précis
ceux-ci
peuvent être
économiques, culturels et idéologiques.
La
place
des
facteurs
économiques
dans
la
genèse
des
messianismes
L'exemple le plus
significatif est celui du
soulèvement
XHOSA d'Afrique du Sud (1856-1857) qui avait pour but de
recouvrer les terres des populations BANTU de la colonie
du
Cap
refoulées
par
l'expansion
conjuguée
des
Boers.
L'échec de la résistance des XHOSA de 1779-1881 entraîna
au début du XIXe siècle l'apparition de devins mêlant à la
tradition fondée essentiellement sur le culte des morts,
l'enseignement des testaments: c'est ainsi que MAKANDA se
proclame en 1819 frère de Jésus-Christ,
pour organiser le
soulèvement
tandis
que
M.
LANGENI,
grand
chasseur
de
sorciers annonçaient l'échec prochain des blancs. Quant à
MHLAKAZA
il
organisa
un
soulèvement
exigeant
une
purification
radicale
et
qui
mêle
aux
pratiques
tradi tionnelles
une
vision
apocalyptique
héri tée
du
christianisme.
Ces
mouvements
de
révolte
sont
d'origine
économique mais
ils
sont sous-tendus
par un messianisme
prophétique.
C'est
donc
par
l'entremise
de
l'idéologie
religieuse que
la résistance se développe parce qu'elle

79
permet de dépasser la contradiction entre la supériorité
technique
des
blancs
et
les
moyens
quelque
peu
rudimentaires de la société traditionnelle.
Le rôle des facteurs culturels et idéologiques
Le KIBANGUISME en Afrique centrale et l'EGLISE ETHIOPIENNE
en Afrique australe constituent deux cas de messianismes
où les facteurs culturels et idéologiques ont joué un rôle
décisif dans la prise de conscience de leur identité par
la
population
noire.
Contrairement
au
XHOSA,
peuples
d'éleveurs pour qui
la terre est un moyen de travail et
dont l'appropriation par les colons blancs entraînait de
facto pour les populations autochtones des difficultés de
survie,
les populations Bakongo n'ont pas été totalement
expropriées. Mais elles ressentaient un décalage important
dans
le
contenu
de
l'enseignement
de
l'Evangile
et
la
façon dont elles étaient traitées par le pouvoir colonial,
c'est pourquoi Simon Kibangu , Mukongo de souche paysanne
et éduqué par les missionnaires entreprit à partir de 1921
de délivrer la race noire de
l'aliénation coloniale,
de
réaliser
l'uni té
de
son
peuple
et
l ' égali té
entre
les
hommes.
Par
sa
finalité,
~e
Kibanguisme
incarne
le
nationalisme BAKONGO en
réinterprétant
l'enseignement de
l'Evangile dans une perspective politique. L'égalité entre
les hommes devant Dieu,
l'amour du prochain et la charité
sont utilisés comme armes de combat contre un ordre qui se
contredit dans ses fondements spirituels et culturels.
Quant à l'Eglise Ethiopienne fondée en 1896
sur
les
compounds
sud-africains,
elle
opère
un
renversement
idéologique
en
substituant
à
la
tradition
chrétienne

80
fondée
sur
la
Bible,
celle
des
sociétés
africaines
considérée
comme
supérieure
et
plus
humaniste.
La
mobilisation ne se
fait
pas
à
partir des
valeurs
de
la
civilisation occidentale comme en témoignent les méthodes
utilisées par les messianismes XHOSA et kibanguiste mais
par une valorisation de la civilisation noire.
Syncrétisme et hétérogénéité des objets emblématiques
Pour
forger
l ' identi té
de
l'individu,
les
messianismes
empruntent
leurs
signes
et
emblèmes
à
la
fois
aux
religions chrétiennes et aux cultes
traditionnels;
c'est
ainsi
que
chez
les
XHOSA,
MAKANDA
se
proclame
en
1819
frère du Christ; de même la croix et l'encens constituent
des éléments essentiels des rites kibanguistes;
la vision
autonécroscopique de Simon Kibangu trouve son inspiration
dans
la
tradition
chrétienne

Jésus
annonce
sa
mort
prochaine pour délivrer les hommes de leurs péchés.
En
mêlant
symboles
chrétiens
et
traditionnels
liés
au
culte des morts et à celui des ancêtres,
les messianismes
visent dans leur démarche trois objectifs
affirmer
l'équivalence
des
cultures
pour
mieux
démultiplier
l'efficacité
de
leur
action
de
libération noire
dépasser la contradiction entre les deux cultures en
affirmant ainsi le caractère universel de toutes les
croyances religieuses dans
leur
fondement moral et
spirituel

81
affirmer
dans
l'ordre
spirituel
une
égalité
difficile à
atteindre dans
l'ordre
temporel
de
la
société coloniale.
Par
ce
biais,
les
messianismes
exercent
une
double
fonction
d'exorcisme
et
de
régénération;
ils
exorcisent
les
méfaits
de
la
société
coloniale,
l'aliénation
économique, culturelle et sociale, ils tendent à régénérer
la société africaine en la purifiant grâce à
des actions
sacrificielles et en lui restituant sa dignité.
Messianismes et libération
La
libération
à
laquelle
travaillent
les
messianismes
africains se situe avant tout au plan symbolique mais elle
concerne à la fois l'individu et la collectivité.
Sur
le
plan
individuel,
i l
s'agit
de
vaincre
l'ordre
colonial,
l'aliénation dont i l est porteur pour affirmer
sa personnalité,
la force de l'esprit sur la matière;
le
pouvoir
de
domination
établi
par
l'ordre
colonial
ou
l'oppression
ne
saurait
donc
entamer
la
liberté
spirituelle de l'individu;
i l importe donc de développer
et
d'entretenir
cette
liberté
qui
est
en
même
temps
libération
d'une
aliénation
culturelle
et
sociale.
Sous
cet
angle,
l'idéal
messianique
se
rapproche
des
philosophies de l'Europe antique/tel que le stoïcisme, qui
mettent
l'accent
sur
la
force
morale
et
spi ri tuelle
de
l'individu;
i l
vise
à
réconcilier
le
colonisé
et
le
colonisateur
puisqu'ils
sont
tous
les
deux
des
êtres

82
libres, mais cette réconciliation se fait dans la pensée.
F. Chatelet 34 note à ce propos :
"Hegel montrera que si
le stoïcisme réconcilie
le maître et l'esclave, il ne les réconcilie que
dans la pensée,
prenant ainsi pour
"la liberté
vivante elle-même"
ce qui n'est que le concept
de 1 iberté " .
Sur
le
pfan
collectif,
la
libération
demeure
toujours
symbolique en ce sens qu'elle s'opère dans l'imaginaire.
Ce dernier constitue un recours tactique déterminé par le
rapport
de
forces
entre
le
pouvoir
colonial
et
les
populations autochtones,
qui permet d'affirmer l'identité
et
l'homogénéité
du
groupe
en
dehors
de
toute
action
violente;
en outre i l exprime une contestation pacifique
de la légitimité,
du pouvoir colonial.
C'est pourquoi les
messianismes
sont
associés
quelquefois
à
la
sorcellerie
parce que
cette dernière
permet
d'éliminer
sans
preuves
matérielles
et
donc
en
toute
impuni té
devant
les
lois
coloniales,
tous ceux qui, de près ou de loin,
tentent de
collaborer ou qui trahissent les secrets sur lesquels sont
fondées ces sectes religieuses.
Si
les .messianismes
se
présentent
comme
des
formes
de
contestation
passive
du
pouvoir
colonial,
c'est
parce
qu'ils
sont
fondés
en
partie
sur
une
philosophie où
le
respect de la vie humaine occupe une place centrale.
En
outre,
ils
s'adressent
d'abord
à
l'individu
qu'il
veut
conforter
vis-à-vis
du
pouvoir
colonial
en
attendant
l'avènement de l'âge d'or.
En revanche,
l'Islam,
tout en
mettant
l'accent
sur
la
force
spi ri tuelle
de
l ' individu
34. CHATELET
François
(sous
la
direction
de).
La
philosophie
de
Platon
A St
ThomaR,
Ed.
Marabout, Paris, 1972.

83
l'exhorte
à
l'utiliser
pour
mener
contre
le
pouvoir
en
place la guerre sainte.
Le rôle des mouvements islamigues dans le développement du
phénomène nationalitaire en Afrique
Bien qu'il soit d'origine étrangère,
l'Islam n'a pas moins
exercé
une
influence
déterminante
sur
l'évolution
politique
du
continent
africain.
Les
raisons
de
cette
si tuation
sont
multiples
d'abord
l'ancienneté
de
son
implantation
lui
confère
une
place
de
choix
dans
les
soubresauts;
qui ont marqué le continent.
Ensuite,
l'Islam s'est bien adapté aux conditions de vie
des
populations
qu'il
avait
conquis
de
sorte
qu'il
est
devenu une composante essentielle de leur culture.
Enfin
par
sa
vocation
spirituelle
et
temporelle,
i l
a
servi
de
fondement
religieux
et
politique
à
diverses
tentatives
d'unification
politique
en
Afrique
et
d'idéologie de
combat
aux
mouvements
de
résistance
à
la
colonisation.
~ L'ancienneté de l'implantation de l'Islam en Afrique
De 639 jusqu'au XVe siècle,
l'Islam étendit son influence
sur toute
l'Afrique.
Il
conquit
le
pouvoir
poli tique
ou
assura la conversion des dirigeants
locaux;
il permit le
développement
d'un
commerce
florissant
en
produits
précieux
avec
l'Europe
méditerranéenne
et
la
traite
des
esclaves en direction des pays du Proche-Orient.

84
Exception faite
de
la Nubie,
convertie au
christianisme
vers
560,
toute
l'Afrique
a
été
marquée
très
tôt
par
l'influence de l'Islam. Sur le plan politique, dès 652, la
Nubie est reprise par les Arabes qui imposent un tribut en
esclaves. Vers la fin du siècle une tribu arabe s'installe
en Afrique de l'est chez les Zendj;
au VIlle siècle,
ils
menèrent
une
expédition contre
l'Empire du Ghana
tandis
qu'en
Afrique
de
l'est
ils
établissent
des
comptoirs
jusqu'à
KILWA
et
s'installent
à
PEMBA.
Ils
fondent
Magadiscio
et
se
livrent
activement
à
la
traite
des
esclaves en direction du Proche Orient.
A partir du IXe siècle apparaissent les premiers royaumes
mulsumans.
En Afrique de l'est se forme le royaume musulman de l'IFAT
tandis que des réfugiés persans fondent KILWA.
Les arabes
naviguent le long de la côte orientale où leurs comptoirs
sont menacés par des pillards malais.
Fin Xe siècle,
le
roi de Gao en Afrique centrale se convertit à
l'islam et
se forment les royaumes HAOUSSA et du KANEM-BORNOU.
Au
XIe
siècle,
en
Afrique
occidentale,
les
Toucouleurs
sont
islamisés,
le
musulman
IBN
YACINE
s'installe
au
Sénégal et
fonde
la secte des Almoravides.
Ces derniers
s'emparent du Ghana et fondent le royaume SOSSO tandis que
le
roi
du
KANEM
en
Afrique
centrale
se
convertit
à
l'Islam.
Du XIIe au XVe siècle,
l'islamisation de l'Afrique va se
poursuivre par la conversion des souverains africains et
par les attaques des Arabes contre les réduits chrétiens
en Afrique telle que la Nubie; les Arabes établissent leur
domination
jusqu'au
lac
Tchad.
En
Afrique
de
l'est,
la

85
Somalie est définitivement conquise tandi& que le commerce
entre
l'orient
et
l'occident
donne
lieu
à
d'âpres
rivalités entre arabes et chinois d'une
part,
arabes et
malais
d'autre
part.
Pendant
toute
cette
période,
les
directions
poli tiques
en Afrique
s'islamisent
ainsi
que
les
populations
mais
l'animisme
ne
disparaît
pas
pour
autant.
On
comprend
dès
lors
la
portée
des
tentatives
d'unification politique menées sous l'égide de l'Islam et
l'origine essentiellement islamique des résistances
à
la
colonisation européenne.
Sur le plan commercial,
déjà au VIle siècle un commerce
florissant s'était développé entre l'Arabie,
l'Inde et la
côte orientale de
l'Afrique;
avec
les
produits,
étaient
véhiculées
les
idées
islamistes;
les
premiers
comptoirs
arabes
apparaissent
au VIlle
siècle
tout
le
long
de
la
côte est de l'Afrique jusqu'à Kilwa.
Le commerce portait
sur les
esclaves
et
les
produits
précieux
tels
que
les
épices,
la
soie,
l'indigo et
l'or
et qui
sont
revendus
avec des marges importantes sur les
foires
en Europe et
qui
donneront
lieu
à
une
importante
accumulation
de
capitaux.
* L'Islam comme élément de culture des sociétés africaines
Une dizaine de pays en Afrique au sud 35 du Sahara relève
aujourd'hui de façon
majoritaire d'une culture islamique;
dans les autres,
l'Islam quoique minoritaire,
ne continue
pas moins de faire des progrès importants en raison de la
situation de crise dans laquelle se trouve le continent et
35. Il s'agit des pays suivants
SENEGAL, GAMBIE,
HALl, NIGER,
GUINEE,
TCHAD, SOUDAN,
SOMALIE,
DJIBOUTI, COMORES.

86
de
la
capacité
d'adaptation
dont
i l
a
fait
preuve
dans
l'histoire.
Si au départ sur les appareils d'Etat furent islamisés en
Afrique, progressivement de larges couches des populations
furent
touchées
par
l'influence
de
l'Islam.
Crest
notoirement
l'Islam
SOUFI
de
tradition
populaire
dont
l'origine
remonte
au XIIIe
siècle,
qui
s'est
répandu en
Afrique.
Il est constitué de deux grandes confréries : les
QADIRIYYA et les TIJANIYYA,
la première confrérie est la
plus ancienne,
c'est elle qui joua un rôle important dans
l'islamisation de
l'Afrique
au
sud
du
Sahara,
grâce aux
marchands
et
aux
savants
de
TOMBOUCTOU.
Leurs
centres
religieux se trouvent aujourd'hui à BOUTLIMIT,
NIMJATT en
Mauri tanie,
N' DIASSANE
près
de
TIVOUANE
au
Sénégal.
La
confrérie TIJANIYYA fondée par AHMED AL TIJANI originaire
du sud algérien a été introduite au Sénégal par les tribus
maures; elle est aujourd'hui la plus importante au Sénégal
par le nombre de ses adeptes.
Ses centres religieux sont
TIVOUANE,
KAOLACK,
CASAMANCE,
MABINA GOURNAIS dans
l'est
du Sénégal.
Quelles sont les caractéristiques de l'Islam soufi et quel
est son impact sur les sociétés africaines ?
* Les caractéristiques du soufisme
Le
soufisme
est
un
islam
d'essence
populaire
qui
privilégie
au
détriment
des
signes
extérieurs,
l'effort
d'intériorisation
de
la
révélation
coranique;
i l
repose
sur l'idée de la vanité des biens temporels et terrestres.
Le renoncement est donc au centre de la pensée soufi.

87
Si
l'Islam est présent en Afrique
au
sud
du
Sahara,
et
notamment sur les rives du Sénégal depuis le XIe siècle au
FaUTA-TORO,
i l
faut
attendre
la
fin
du
XVIIe
siècle et
surtout du XVIIIe siècle pour que
s'amorce
un mouvement
populaire en
faveur
de l'Islam
i l
ne
s'agit pas d'un
islam
venu
d'en
haut
mais
au
contraire
d'un
islam
de
révol tés,
lié
à
des
protestations
populaires
contre
les
aristocraties en place.
Sur
le
plan
organisationnel,
la
formation
musulmane
se
compose
des
ULEMAS
c'est-à-dire
les
lettrés,
le
maître
coranique villageois les saints et marabouts soufis, enfin
les disciples; l'enseignement islamique accorde une grande
place
à
la
mémorisation;
l'objectif
est
de
faire
connaître
le
coran
au
bout
de
huit
ou
neuf
ans
de
scolarité.
L'enseignement
est
néanmoins
réservé
à
une
infine
minorité
issue
des
groupes
dirigeants
de
la
société.
La
relation
marabout-taalibe
repose
sur
une
structure éminemment inégalitaire.
Comme l'a dit El Hadj
Omar:
"le disciple a besoin de son cheik comme l'aveugle
au
bord
de
la
rivière
a
besoin de
son
guide".
Quant
à
Amadou Bamba, i l souligne
"Abandonne-toi à ton marabout,
comme le cadavre entre les mains du laveur des morts,
et
tu seras heureux".
La
communauté
maraboutique
se
veut
une
association
d'entraide,
un lieu d'hospitalité.
Toute communauté soufi
constitue donc une fraternité indivisible.
Le MURID ou le
disciple est appelé "le fils du Sheik",
les disciples se
considèrent entre eux comme des frères. Ainsi la confrérie
devient dans certains cas une structure transethnique qui
fournit une identité nouvelle.
En TANZANIE par exemple la
QADIRIYYA de BAGAMOYO regroupe en majorité les africains

88
originaires
de
l'intérieur
et
qui
sont
hostiles
à
l'hégémonie des Arabes.
Au Sénégal,
la confrérie mouride
est
dans
une
certaine
mesure
la
manifestation
d'un
nationalisme
wolof.
De
même,
la
confrérie
assure
la
protection
de
ses
membres
confrontés
à
des
difficultés
économiques;
ainsi
les chefs des communautés musulmanes,
c'est-à-dire
les
marabouts,
les
mallams,
les
imams
perçoivent l'aumône légale, c'est-à-dire le ZAKAT mais en
retour
ils
sont
tenus
d'assister
économiquement
leurs
disciples
en
cas
de
besoin;
avec
le
développement
de
l'urbanisation, les associations musulmanes prolifèrent en
Afrique ~ elles sont autant de réseaux de solidarité et de
1
représentation du
groupe qui
viennent
dans certains cas
relayer les associations ethniques urbaines; par exemple à
LAGOS au Nigéria,
S. T.
Barnes a
pu noter que les groupes
religieux
sont
parmi
les
premières
organisations
que
recherchent
les
migrants
lorsqu'ils
arrivent
en
ville.
Mais
outre
son
influence
culturelle,
l'Islam
a
eu
un
impact politique en Afrique.
L'impact politique du soufisme
Ce rôle se situe au double plan interne et externe.
Dans les sociétés du Sahel,
l'Islam a été à l'origine de
la
modernisation
des
relations
poli tiques
;
l'image
du
marabout
s'oppose
à
l'arbitraire
des
monarchies
africaines.
Au
Fouta-Toro dans
le
Nord
du
Sénégal,
des
musulmans pieux (TOOROODE) renversèrent au XIXe siècle la
dynastie
en
place,
celle
des
"DENYANKE",
dont
l'Islam
était jugé trop tiède et syncrétique et dont la politique
faisai t
le
j eu
des
chefs
Maures
et
marocains
et
des

89
razzias
qu'ils
effectuaient
pour
obtenir
des
esclaves.
C'est
dans
ces
conditions
que
Souleymane
Bal
et
Abdul
Kader
prirent
le
titre
d'ALMANI,
c'est-à-dire
chef
de
prière de
la communauté des croyants et
instaurèrent
un
ordre politique nouveau basé sur la SHARIA. Mais très vite
leur
pouvoir
évolua
vers
une
sorte
"d'oligarchie
théocratique"
avec des privilèges importants sur le plan
économique,
notamment la distribution des terres fertiles
du WAALO
aux
soutiens du
régime.
Il
s'est donc créé un
régime de domination dont la fragilité sera accentuée par
les rivalités entre les chefs locaux.
Sur le plan externe, l'Islam a servi d'idéologie de combat
pour les tentatives d'unification politique en Afrique de
l'ouest. El Hadj Omar s'insurge à la fois contre la classe
dirigeante Toorodo et contre les français. Usman Dan Fadio
tenta
de
regrouper
les
territoires
Hausa
au
Nigéria
du
Nord; Samoury Touré,
Mamadou Lamine, Ma Ba en Sénégambie,
l'épopée
Toucouleur
d'Omar
Tall
furent
autant
de
mouvements
d'unification
et
de
résistance
dont
l'échec
n'en
diminue
pas
pour
autant
la
portée
politique
et
nationalitaire.
A
l'époque
coloniale
l'Islam
est
devenu
une
force
politique avec laquelle l'administration coloniale et les
hommes
politiques
africains
devaient
compter
à
cause
de
l'agitation prophétique dont il était porteur et du rôle
de
courtier
qu'il
pouvait
jouer
dans
les
compétitions
entre fractions rivale.
Au Sénégal,
les forces musulmanes
influencèrent
les
élections
des
hommes
politiques. et
intervinrent
notamment
dans
les
ri vali tés
entre
Léopold
Seddar Senghor et Lamine Guye;
tous deux utilisèrent les

90
marabouts comme un enjeu politique et c'est Senghor qui a
pu l'emporter aux élections législatives en 1951.
En
Mauritanie,
au
début
du
XXe
siècle,
les
marabouts
furent à
l'origine d'un soulèvement auquel
se rallia la
plupart
des
tribus
Maures.
Il
a
fallu
la
jonction des
troupes françaises de Tombouctou (Mali) et de Mauritanie
en 1912 pour vaincre cette résistance.
Dans
le
Soudan
nilotique
s'épanouit
le
mahdisme,
expression
d'un
mouvement
nationaliste
qui
réussit
à
contrôler le pays en 1885,
à l'exception des ports de la
Mer Rouge.
Il
sera écrasé en 1896-1898
par
la conquête
anglo-égyptienne,
mais le mahdisme se développa également
en
Afrique
de
l'ouest.
En
1908,
le
marabout
Alassame
Moumami
de
Ramongo
réussi t
au
nom
de
l'Islam
à
cristalliser
les
mécontentements
contre
l'administration
coloniale
française
en
Haute-Vol ta,
c'est-à-dire
au
Burkina Faso.
A la veille de la première guerre mondiale
et
dans
les
premières
années
qui
la
suivirent,
des
soulèvements
populaires
d'inspiration
islamique
eurent
lieu au Niger et au Tchad.
Au Mali,
en Guinée,
en Côte
d'Ivoire surtout après la seconde guerre mondiale, l'Islam
fit
alliance
avec
les
mouvements
politiques
pour
promouvoir la
libération poli tique et culturelle de ces
pays.
2 - L'action des premiers partis politiques africains
Excepté le "TRUE WHIG PARTY", dont la création remonte en
1860,
au
Libéria,
les
premiers
partis
politiques
poli tiques
apparurent
entre
les
deux
guerres.
Le
parti

91
communiste
sud
africain
fut
créé
dès
1929.
Dans
les
colonies françaises, virent le jour le Parti communiste de
la Région de Madagascar et divers partis au Sénégal dont
notamment
le
Parti
Républicain
socialiste
avec
Blaise
Diagne, le parti radical socialiste avec Marsat,
le parti
socialiste
indépendant
avec
Sabourault,
la
section
française de l'Internationale ouvrière (SFIO) avec Lamine
Gueye.
Ces derniers étaient des prolongements des partis
métropolitains et avaient de ce fait une influence limitée
en Afrique.
En
fai t
c'est
avec
la
naissance
du
Rassemblement
Démocratique
Africain
(RDA)
en
octobre
1946
que
se
développe
l'action
des
premiers
partis
politiques
africains.
Il s'agit d'un parti interterritorial couvrant
des
colonies
françaises
d'Afrique
occidentale
et
dont
l'action sera orientée vers une transformation de l'ordre
colonial.
Pour mettre en lumière le rôle du RDA dans le
développement du phénomène nationalitaire en Afrique après
la
seconde
guerre
mondiale,
il
importe
d'examiner
à
la
fois
la
genèse
de
ce
parti
et
ses
principales
orientations.
a) Le RDA
- Genèse du RDA
La naissance du RDA est étroitement liée aux bouleverse-
ments issus de la guerre mondiale en France tant sur le
plan politique que sur le plan économique. Certes, de 1917
à
1936,
diverses
conférences
furent
organisées
par
la
France sur les colonies: la conférence coloniale de 1917,

92
la conférence économique de
la
France métropoli taine
et
d'Outre-Mer de 1934,
la Conférence impériale de 1935,
la
Conférence des
gouverneurs
généraux de
1936,
mais
c'est
l'entrée en vigueur de la constitution du 27 octobre 1946
marquant en France le début de la IVe République qui donna
une impulsion décisive à la naissance du R.D.A.
Cette
naissance
avait
d 1 abord
été
préparée
par
la
conférence de Brazzaville initiée par le Comité français
de libération nationale
(CFLN)
en octobre 1943.
Par ses
recommandations,
la Conférence de Brazzaville favorisa le
développement de la vie politique dans les colonies.
Les
plus
importantes
recommandations
portent
sur
la
représentation
des
colonies
au
plus
haut
niveau
des
instances
politiques
de
la
France
métropolitaine,
l'évolution
administrative
et
des
changements
dans
le
domaine social dont notamment la suppression du code de
l'indigénat,
l'accès libre à tous les postes d'exécution,
l'amélioration de l'encadrement sanitaire.
En
dépi t
de
l ' hostili té
des
milieux
colonialistes
français, deux mesures triomphèrent et permirent de passer
de l ' associatisme qui
prévalait
avant
la
seconde
guerre
mondiale à l'émergence de partis spécifiquement africains:
le
décret
instituant
la
liberté
syndicale
dans
les
colonies d'Afrique Noire et l'ordonnance du 22 août 1945
organisant des élections législatives dans les colonies.
Ensui te
les
premières
élections
dans
les
colonies
permirent
de
désigner
des
parlementaires
africains
en
octobre
et
novembre
1945
pour
siéger
dans
l'Assemblée
constituante.
Mais
le
projet
de
constitution
soumis
à
référendum
le
13
octobre
1946
fait
une
impasse
sur
la

93
question
du
collège
électoral
unique
réclamé
par
les
élites africaines alors que les milieux français étaient
plutôt favorables à un double collège électoral.
Faute de pouvoir obtenir satisfaction sur ce point,
les
parlementaires africains rendent public un manifeste le 15
octobre 1946.
Le manifeste rappelle l'engagement pris par la France au
lendemain
de
la
seconde
guerre
mondiale
de
réaliser
l'égalité des droits dans les territoires d'outre-mer,
il
stigmatise les thèses des milieux colonialistes français,
notamment
le
parti
colonial
et
la
ligue
française
des
coloniaux
avec
à
leur
tête
Jean
ROSE
comme
président,
enfin le manifeste définit les objectifs de la lutte,
à
court
et
à
moyen
terme
dans
les colonies
d'Afrique.
Ce
texte
fut
adressé
à
toutes
les
organisations
d'Afrique
occidentale française,
d'Afrique Equatoriale française du
Cameroun,
du
Togo,
de
la
Côte
française
de
Somalie,
de
Madagascar et des îles françaises de l'océan Indien. Du 18
octobre au 21 octobre 1946 se tient à Bamako le premier
congrès
sur
le
sol
africain
et
qui
donne
naissance
au
Rassemblement
Démocratique
Africain
(RDA).
Mais
cette
victoire
politique
a
été
préparée
par
une
action
incessante sur le terrain auprès d'organisations diverses
africaines
comme
le
Comité
d'Etudes
Franco-Africaines
organisé en sous-comités urbains et implantés partout en
Afrique
occidentale
française
(AOF)
ou
les
Groupes
d'Etudes Communistes présents dans la plupart des colonies
d'Afrique Noire.
Elle a été également précédée de 1945 à
1946 par une intense activité parlementaire qui a abouti
aux résultats politiques suivants :

94
suppression du
code
de
l' indigenat
et
du
travail
forcé
adoption
de
la
loi
Lamine
Gueye
qui
octroie
la
nationali té
française
à
tous
les
sujets
africains
des colonies
promotion des libertés publiques par l'adoption des
lois sur la liberté d'association dont les décrets
d'application furent pris le 13 mars et le 16 avril
1946;
sur la liberté de réunion du Il
avril
1946,
sur la liberté d'expression et de la presse des 27
août et 21 novembre 1946
création du Fonds d'Investissement de Développement
Economique
et
social
pour
la
mise
en
place
de
l'infrastructure
économique
et
le
développement
économique et social dans les colonies.
- Les orientations du RDA
Devant la résistance des milieux économiques français et
d'une
partie
de
la
classe
poli tique
française
à
l'émancipation
rapide
des
pays
d'Afrique,
le
RDA
va
formuler une série de revendications précises.
Sur le plan politique,
les plus importantes
portent sur
les dispositions du projet de constitution du 27 octobre
1946, créant l'Union française.
Parmi celles-ci figurent
la
suppression du
travail
forcé
comme
disposition
constitutionnelle

95
les
garanties
sur
l' égali té
des
droits
avec
les
métropolitains
le
refus
de
l'intégration
dans
la
République
française
la
transformation
des
assemblées
territoriales
en
véritable
parlement
local
devant
lequel
est
responsable
l'exécutif,
c'est-à-dire
le
gouverneur
de la colonie
la
promotion
des
africains
dans
la
conduite
des
affaires publiques des colonies
Sur
le
plan
économique,
le
RDA
se
prononce
pour
la
modernisation
de
l'agriculture
sous
le
contrôle
des
assemblées
locales,
le
développement
de
l'élevage
du
commerce
et
de
l'industrie
et
pour
une
exploitation
rationnelle
des
richesses
du
territoire
au
profit
des
africains.
Il
dénonce
les grandes
concessions de
terres
octroyées aux colons et réclame le remembrement des terres
au profit des colonisés.
Enfin sur le plan social et culturel,
le RDA se prononce
pour la création d'une Université à Dakar en 1947-1948.
L'action
des
élites
africaines
s'est
manifestée
indifféremment dans les colonies françaises comme dans les
territoires britanniques entre les deux guerres mondiales
et
dont
les
expressions
les
plus
marquantes
furent
la
négritude et le panafricanisme.
A partir de
1945,
c'est
l'Afrique
francophone
qui
se
hisse
à
l'avant-garde
du
combat
d'émancipation
politique
du
continent.
Cette
situation est due
à
l'évolution constitutionnelle de
la

96
France de 1945 à 1958. Outre les nouvelles dispositions de
la constitution du
27
octobre 1946,
la
loi-cadre
du
23
juin
1956
créait
des
assemblées
et
des
conseils
de
gouvernement,
établissait
le
suffrage
universel.
Elles
permirent
non
seulement
au
Rassemblement
Démocratique
Africain
de
s'affirmer
comme
un
parti
interterritorial
mais à de nouveaux partis de s'éclore un peu partout dans
les colonies,
dont par exemple le Parti du Regroupement
Africain, créé en 1958 qui compte la plupart des sections
territoriales non affiliées au Rassemblement Démocratique
Africain
et
qui
adopte
le
mot
d'ordre
d'indépendance
immédiate,
la
constitution
d'un
Etat
fédéral
africain,
associé à la France dans une confédération multinationale.
b) Les autres partis politiques en Afrique
Dans
l'Empire
britannique,
l'évolution
constitutionnelle
et
politique
a
surtout
profité
aux
colonies
blanches.
Ainsi
déjà
en
1838
le
rapport
DURHAM
propose
que
les
colonies
s'administrent
elles-mêmes
à
condition
que
les
liens commerciaux et moraux entre elles et
la métropole
n'en soient pas affectés. En 1841, l'autonomie interne est
accordée au Canada,
en 1842,
à
l'Australie en 1856 à
la
Nouvelle Zélande et en 1872 à l'Afrique du Sud.
Pendant
ce
temps
les
possessions
britanniques
d'Afrique
Noire étaient
administrées
par
le
"Colonial
Office".
La
création du commonwealth en 1928,
de même que l'adoption
du
statut
de
Westminster
en
1931
qui
accorde
l'indépendance
aux
parlements
n'intéressent
que
les
colonies
blanches.
Il
faut
attendre
la
veille
de
la
seconde
guerre
mondiale
pour
voir
" l'Indirect
Rule"

97
~s'appliquer à des pays comme le Nigéria et le Kenya; dans
ce
système,
les
impôts
étaient
collectés
par
les
chefs
locaux,
la justice administrée par des tribunaux locaux.
Ce
n'est
qu'à
partir
de
1939
qu'apparut
l'idée
de
transformer
les
conseils
locaux
siégeant
aux
côtés
du
gouverneur en conseils législatifs élus par la population.
Sous l'influence de la charte atlantique et de la charte
des
Nations-unies,
le
gouvernement
travailliste
annonce
dans un "LIVRE BLEU" en 1948 son intention d'accorder aux
territoires coloniaux l'autonomie interne dans le cadre du
commonwealth:
i l s'agit de remplacer les membres nommés
des
conseils
par
des
membres
élus,
de
transformer
ces
conseils en organes législatifs,
d'instituer des conseils
exécutifs
élus
par
les
conseils
législatifs
et
responsables
devant
eux.
Ces
mesures
furent
rapidement
appliquées
en
Afrique
occidentale,
mais
moins
bien
en
Afrique
orientale
et
centrale
en
raison
de
la
présence
dans ces régions de fortes minorités blanches soucieuse de
préserver leur suprématie et leurs intérêts.
Dans
les
colonies
anglaises
d'Afrique,
les
partis
politiques sont donc apparus pour la plupart à partir de
1948 mais
contrairement
aux
partis
francophones,
ils
se
sont
constitués
sur
une
base
territoriale
et
parfois
ethnique comme le "KENYA AFRICAN NATIONAL UNION",
qui est
l'expression poli tique des KIKIYU,
le
"Northern People' s
congress,
celle
des
Haousa
du
Nigéria,
l ' "Afro
Shirazy
Party",
parti
à
forte
connotation
ethnique
opposé
aux
Arabes.
Dans les colonies belges et portugaises,
l'émergence des
partis politiques a été plus tardive et n'a pas pu éviter
l'écueil ethnique. De la confédération des Associations du

98
Katanga dans l'ancien Congo belge,
à
l'UNITA,
en passant
par
le
MPLA
(mouvement
populaire
de
libération
de
l'Angola,
et
le
FNLA
( Front
National
de
Libération
de
l'Angola) , on retrouve la même coloration ethnique.
Ainsi
les
élites
africaines
et
les
premiers
partis
politiques ont joué un rôle décisif dans l'affirmation des
valeurs culturelles du continent et dans l'émergence d'une
conscience poli tique
africaine.
Mais
c'est
la
lutte des
travailleurs qui prépara l'avènement des Etats-Nations.
3 - La lutte des travailleurs et l'avènement des Etats-
Nations
La
lutte des
travailleurs
fut
dominée
par
l'action des
mineurs d'une part,
celle des cheminots d'autre part.
Il
faut ajouter également des revendications de dockers et de
fonctionnaires.
a) L'action des mineurs
En
Afrique
du
Sud,
les
premiers
signes
d'éveil
de
la
conscience des travailleurs noirs apparurent vers 1913 où,
à
la
sui te
d'une
grève
organisée
avec
succès
par
les
Blancs, les Noirs se mirent à leur tour en grève. Celle-ci
toucha
près
de
neuf
mille
personnes,
des
mineurs
qui
cessèrent
le
travail
trois
jours
durant.
Elle
permit
d'obtenir
"une
augmentation
des
rations,
de
meilleures
conditions
de
travail
et
d'assistance
médicale,
une
amélioration de
l ' habi tat,
mais
la situation globale ne
s'améliora
guère
en
raison
de
l'effondrement
de
la

99
productivité agricole dans les réserves et de l'inflation
galopante.
En
1917,
les
travailleurs
organisèrent
sur
le
Rand
oriental
le
boycott
des
boutiques
de
compounds
36
qui
faisaient
grimper
les
prix
plus
vite
qu'ailleurs.
La
dégradation de la situation des travailleurs noirs était
accompagnée de la désorganisation de l'économie agricole à
la
campagne;
l'épidémie
de
peste
bovine
de
1912
avai t
provoqué l'afflux de près de soixante mille paysans;
les
sécheresses
de
1912-1913
suivies
des
inondations
catastrophiques
de
1915-1917,
l'épidémie
de
grippe
espagnole
et
les
nouvelles
sécheresses
de
1919
et
1920
furent déterminantes dans l'aggravation des conditions de
vie des
populations
noires
et permirent
d'alimenter
les
mécontentements sociaux.
En
février
1920,
une
autre
grève
dont
le
réseau
de
mobilisation fut ethnique et régionale ébranla l'Afrique
du
Sud.
Au
total
soixante
et
onze
mi Ile
mineurs
participèrent
à
la
grève
dont
trente
mille
tinrent
six
jours, vingt cinq mille autres au moins une semaine.
Mais
la
lutte
ouvrière
a
trouvé
un
relai
sur
le
plan
politique,
notamment sous l'influence de l'Internationale
communiste. En effet la situation politique en Afrique du
sud
est
caractérisée
par
le
durcissement
des
lois
de
ségrégation,
ce
qui
entraîna
une
collaboration
active
entre le mouvement ouvrier et la politique anticoloniale
animée
par
les
leaders
nationalistes
"issus
d'autres
classes
sociales.
Par
ailleurs,
le
parti
communiste
36. Compound.: enceinte.

100
s'intéresse de plus en plus à "l'INDUSTRIAL AND COMMERCIAL
WORKERS'UNION (ICWU) nouvelle organisation de travailleurs
noirs créée en 1919 et aux militants noirs de l ' AFRICAN
NATIONAL CONGRESS
(ANC).
Il
en résulte
un
rapprochement
interracial
des
militants
par
exemple
au
sein
de
la
"FEDERATION OF NON EUROPEAN TRADE-UNIONS" qui organise la
première
grève
mixte
importante,
celle
des
ouvriers
textiles de GERMISTON.
Sur le plan international, en écho
à la "Question nationale" soulevée par Lénine dès 1920, le
parti
communiste
devait
se
prononcer
pour
la
création
d'une République sud-africaine indigène indépendante".
Le
"PROFINTERN"
,
créé en 1921 en URSS pour encourager les
syndicats prolétaires dans le monde colonisé, avait établi
une
sous-section
appelée
"l'INTERNATIONAL
COMMITTEE
OF
NEGRO
WORKERS".
En
1928,
il
introduisit
the
"NEGRO
QUESTION"
lors
de
son
4e
congrès
à
Moscou

se
sont
distingués
des
communistes
noirs
issus
de
la
"YOUNG
COMMUNIST LEAGUE" tel que Albert N'ZULA qui devint en 1929
le premier secrétaire général africain du Parti communiste
sud-africain.
Dès
1929,
il
créa
la
"LEAGUE
OF
AFRICAN
RIGHTS"
pour
promouvoir
la
lutte
populaire
contre
les
"passes"
c'est-à-dire
les
permis
de
travail
exigés
des
travailleurs noirs.
Mais la crise de 1930,
les réticences
des
nationalistes
réformistes et l'évolution du Parti communiste soviétique,
l'ordre de dissolution de la LEAGUE OF AFRICAN RIGHTS par
Moscou
affaiblirent
le
mouvement
ouvrier
sud-africain
d'autant plus que l'action politique était confisquée par
une minorité,
moins un pour cent
(1 %)
de la population
noire,
c'est-à-dire
une
bourgeoisie
urbaine
de
petits
commerçants et de commis de l'administration.

101
L" INDUSTRIAL
WORKERS' S
UNION"
(1. W. U.)
se
désagrégea
de
même
que
le
Parti
communiste
mais
celui-ci
s'affirma,
comme
partie
intégrante
du
mouvement
de
libération
nationale.
Par la suite,
c'est-à-dire de 1930 à
1945,
la
multiplication des emplois industriels/consécutive au boom
de
l'or,
amorcé
dès
1933
entraîna
une
augmentation
du
nombre des
salariés africains du secteur privé.
De
10 %
entre
1930
et
1940,
i l
est
passé à
52
% entre
1939
et
1946,
mais
cette
augmentation
s'accompagna
d'une
dégradation des conditions de vie.
En effet
le
"LAND ACT"
de
1913
limitait
la
surface des
réserves à
13 % des terres et interdisait aux Noirs d'en
acquérir
ailleurs.
A
preuve,
les
Africains
classés
"paysans" sont passés de 2,4 millions en 1936 à 836 000 en
1946 et à 147 000 en 1951 soit en quinze ans une baisse de
80 %.
En 1943,
sur les
300 000 mineurs,
75 % touchaient
moins que le salaire minimum;
dans ces conditions,
i l ne
fut
pas
difficile,
à
l'initiative
des
militants
communistes de créer 1'" AFRICAN MINE WORKERS'
UNION dont
le rôle fut déterminant dans la grève de 1946. Entre 1911
et 1969,
le salaire des travailleurs blancs avait accusé
en valeur réelle une augmentation de 70 % tandis que celui
des Noirs se trouvait globalement diminué de 25%.
Plus de
60
000
travailleurs
se mirent
en grève
à
l'appel
de
la
fédération des
syndicats non européens du Transva1;
mais
cette
grève
s'est
soldée
par
un
échec
en
raison
de
1 ' hosti1i té des
travailleurs
blancs
et
de
la
répression
brutale exercée par le gouvernement du Général SMUTS;
la
grève
fut
assimilée
à
une
révolte.
A
partir
de
1949,
l'''AFRICAN NATIONAL CONGRESS"
(ANC) préconisa l'action de
masse sous forme de grèves,
boycotts et manifestations de
défiance;
l'année 1950 vit éclore sur le RAND la première

102
grève générale politique. En 1959, se détacha de l'ANC une
aide
radicale,
nationaliste
et
panafricaine
le
"Pan-
AFRICANIST CONGRESS"
(PAC)
qui
préconisa une campagne de
refus de "passes".ces manifestations furent à l'origine de
1
la répression sanglante de Sharpeville.
Nulle part ailleurs sur le continent qu'en Afrique du Sud,
ne s'est développée depuis la première guerre mondiale une
conscience syndicale et
poli tique aigue en
raison
de
la
conjonction de l'exploitation des travailleurs Noirs et de
la
négation
de
leur
dignité
d'hommes.
Si
la
lutte
syndicale et politique n'a pas pu déboucher sur une remise
en cause du système politique établi,
elle
la néanmoins
engendré
une
forte
dynamique
nationali taire.
Au-delà
de
l'Afrique
du
Sud,
celle-ci
a
influencé
les
luttes
politiques en favorisant une solidarité de
fait
avec les
autres
mouvements.
Elle
a
surtout mis
à
nu
le caractère
raciste de la colonisation et fait prendre conscience aux
Africains
de
la
valeur
cardinale
de
l'indépendance
politique comme moyen de libération de l'homme noir. Kwame
N' Krumah et sékou
Touré ont exprimé chacun à
sa manière
cette exigence fondamentale par des formules à l'emporte-
pièce:
"Recherchez l'indépendance politique et le reste vous sera
donné par sucroit"
ou
"~ous
préférons
la
pauvreté
dans
l'indépendance
à
la
richesse dans l'esclavage"
C'est
pour
conjurer
l'avènement
d'un
Etat-nation
"
ou
la
population
d'origine
européenne
perdrait
sa
suprématie
raciale
que
le
système
de
l'apartheid
a
créé
les
bantoustans en
leur accordant
une indépendance politique
fictive.
En Afrique Centrale,
les travailleurs réagirent également
aux pressions de l'ordre colonial.
Au Congo
Belge,
l'Union Minière du
HAUT
KATANGA,
occupa
une
place
de
choix
dans
l'exploitation
des
richesses
minières du pays,
les premiers travailleurs blancs furent

103
originaires
d'Afrique
du
Sud,
les
premières
grèves
éclatèrent en 1919-1920 et paralysèrent la production;
un
décret colonial
interdit aux travailleurs,
à
l'exception
de
ceux
de
l'Administration
le
droit
d'association.
Il
n'empêche qu'à la suite de la crise de 1930, trois émeutes
éclatèrent dans le pays.
En Zambie, la société la plus importante était représentée
par "l'ANGLO AMERICAN COMPANY".
La crise de 1929 entraîna
d'importantes
migrations
de
main
d'oeuvre.
De
8500
en
1929,
leur
nombre
passa
à
30
000
en
1930
soit
une
augmentation
de
252
%.
Blancs
et
Noirs
étaient
attirés
vers la ville,
les uns cherchant le confort de l'habitat,
les
autres
poussés
par
le
déclin
de
l'agriculture,
l'effondrement des prix et la hausse du taux de l'impôt.
D'autres grèves, au total trois, éclatèrent de 1929 à 1935
devant
l'aggravation de la situation socio-économique du
pays.
En
Afrique
de
l'ouest,
ce
sont
les
travailleurs
de
la
COMPAGNIE DE DEVELOPPEMENT DE LA SIERRA-LEONE (DELLO) qui
se
mirent
en
grève
en
1938
pour
des
revendications
salariales.
b) La lutte des cheminots, des dockers et des fonc-
tionnaires
La
lutte
des
travailleurs
en
Afrique,
c'est
également
l'action
des
cheminots
en
Afrique
de
l'ouest.
Aussi
paradoxale que cela puisse paraître,
"l'Afrique de l'ouest
et le milieu des cheminots constituèrent l'aile marchande
du
syndicalisme
africain".
Selon
C. Q.
Vidrovi tch,
cette
situation
pouvait
s'expliquer
par
plusieurs
facteurs
l'absence d'une législation raciale ségrégationniste même
si un code de l'indigénat définissait le statut des Noirs;
l'ancienneté des relations commerciales avec l'Europe et
surtout
l'existence
d'une
classe
moyenne
dynamique
composée de commerçants et des élites administratives et
intellectuelles.

104
Au
Nigéria,
au
Sénégal,
en
Sierra-Léone,
au
Ghana,
au
Bénin,
au
Togo,
partout
en
Afrique
de' l'ouest,
les
revendications
sociales
des
travailleurs
vont
marquer
l'évolution
économique
et
politique
du
continent,
obligeant les élites à faire écho, à la lutte syndicale et
les
autorités
coloniales
à
faire
des
concessions
qui
préparèrent la voie à l'indépendance.
Au Nigéria entre 1893 et 1945,
on décompte 25 arrêts de
travail
importants
dont
12
au
port
de
Lagos;
l'une
des
manifestations
les
plus
importantes
fut
la
création
en
1922 de la "NIGERIAN LABOUR CORPORATION" qui entreprit de
publier
un
bulletin
pour
défendre
la
cause
des
travailleurs.
En
1930,
fut
créée
"l'AFRICAN
WORKERS 'UNION"
sous
l'impulsion de wallace Johnson.
Sur
le
plan
politique,
le
relais
fut
assuré
par
le
"NIGERIAN NATIONAL DEMOCRATIC PARTY"
(N.N.D.P.) et par le
"LAGOS YOUTH MOVEMENT".
C'est au lendemain de la seconde
guerre
mondiale
que
la
rencontre
entre
syndicalisme
et
poli tique
sera
établie
avec
la
création
de
la
NATIONAL
COUNCIL OF NIGERIA AND THE CAMEROUNS (NCNC).
Au Sénégal,
la première grève fut menée à
Dakar en 1917
tandis
qu'au
Sierra-Leone
l'action
revendicative
commençait
dès
1919.
Le
Dahomey,
la
Guinée
n'ont
pas
échappé à ces mouvements entre 1917 et 1923; en 1925-1926,
la seconde vague de grèves déferla sur le continent.
En
fait,
un
peu
partout
en Afrique,
trois
facteurs
ont
joué
un
rôle
déterminant
dans
la
naissance
et
le
développement de l'action syndicale.

105
les effets de la première guerre mondiale
:
retour
des mobilisés,
taux d'inflation de l'ordre de 300 %
en moyenne,
alors
que
les
salaires
étaient
restés
inchangés,
augmentation
des
prix
des
biens
de
consommation courante importés dont
l'indice avait
grimpé jusqu'à 1222.
Le
rôle
du
FRONT
POPULAIRE,
notamment
en
ce
qui
concerne les colonies françaises.
Il donna un grand
élan au mouvement syndical outre-mer du moins pour
les Européens et les Assimilés.
Au total fin 1937,
près
de
8000
travailleurs
se
regroupèrent
en
42
syndicats
et
16
associations
professionnelles
représentant
10 à
13% des
salariés.
Cette
période
fut marquée par des conquêtes sociales important~~
journée de 8 heures au lieu de
neuf,
codification
des accidents de travail, réglementation du travail,
des femmes et abolition de celui des enfants.
Les
effets
de
la
seconde
guerre
mondiale
marquée
notamment
par
l'affaiblissement
des
puissances
coloniales, les diverses concessions qu'elles firent
à
leurs
colonies
dans
le
domaine
des
libertés
publiql!-es,
l'action
anti-colonialiste
des
premiers
partis
poli tiques,
tels
que
le
Rassemblement
Démocratique Africain en Afrique de l'Ouest.
C'est donc l'action conj uguée des élites intellectuelles
africaines,
des partis politiques,
des travailleurs et de
divers mouvements religieux, notamment les messianismes et
l'Islam,
qui
a
permis
la
naissance
et
le
développement
d'une
prise
de
conscience
culturelle
et
politique
en
Afrique du Sud du Sahara.

106
Dans
ce
jeu,
la
lutte
des
travailleurs,
l'action
des
partis
politiques
et
l'islam
occupent
une
place
prépondérante. En raison de sa double vocation spirituelle
et
temporelle,
ce dernier
s'est
révélé
particulièrement
actif
surtout
en
Afrique
de
l'Ouest

ses
tentatives
d'unification politique furent les plus nombreuses dans le
passé,'
on
ne
saurai t
non
plus
sous-estimer
les
transformations
sociales,
économiques
et
politiques
induites
par
l'ordre
colonial
dans
les
sociétés
africaines,
notamment
l'amorcet
d'une
différenciation
sociale
fondée
sur
de
nouvelles
valeurs
et
la
place
cardinale
qu'occupe
désormais
l'Etat
dans
la
dynamique
sociale globale.

107
CHAPITRE II -
L'ETAT-NATION ET L'ACCUMULATION PRIMITIVE DU
CAPITAL-ARGENT
La
question
de
l'accumulation
primitive
du
capital,
c'est-à-dire
des
sources
et
des
formes
originelles
du
capitaI-argent
est
au
centre
des
modifications
qui
affectent
toute
formation
économique
et
sociale.
Elle
renvoie non seulement aux rapports qui se nouent et qui se
défont entre les différents groupes sociaux mais également
à leur insertion dans un environnement plus large de type
sous-régional, régional ou international.
En
Europe
le
commerce
lointain
entre
l'Orient
et
l'Occident

étaient
revendus
à
des
prix
élevés
les
produits de luxe tels que la soie,
l'indigo,
l'apparition
des
bourgs
et
les
progrès
en
organisation
réalisés
par
l'artisanat
pour
la
transmission
du
savoir-faire,
l'endettement
des
seigneurs
féodaux
consécutifs
aux
guerres
incessantes,
l'augmentation de
la
rente
foncière
et
sa
conversion
en
argent
ont
entraîné
de
profondes
transformations
sociales,
affaibli
le
pouvoir
féodal
au
profi t
de
la
bourgeoisie.
D'abord
commerçante
et
financière
au
cours
de
la
première
phase
d'accumulation
primi tive,
elle est
devenue
industrielle
au
cours
de
la
seconde place grâce à la révolution industrielle.
En Afrique,
l'avènement
des
Etats-Nations
a
précédé
les
transformations économiques et
sociales
internes
d'où
la
primauté des politiques dans l'accumulation du capital et
la faiblesse de la bourgeoisie nationale.

108
Section 1 - La primauté de l'Etat dans l'accumulation pri-
mitive du capital
Le
contexte
sociologique
dans
lequel
s'affirme
l'Etat
africain est caractérisé par une grande hétérogénéité des
groupes
sociaux;
au-delà
des
clivages
biologiques,
lignagers,
ethniques et socio-professionnels,
des groupes
plus homogènes apparaissent sous forme de classes et dont
la
puissance
réfère
principalement
à
l'appropriation du
surplus économique.
L'accumulation primitive du capital a
donc engendré une stratification sociale de type composite
caractérisée
par
la
prééminence
de
la
bourgeoisie
comprador et par des glissements d'alliance de classes en
fonction
des
modifications
économiques
et
politiques
induites de l'extérieur.
1 -
L'Etat et la bourgeoisie comprador en Afrique au Sud
du Sahara
c'est sous l'angle de "l'articulation des diverses classes
entre elles, leurs interrelations socio-culturelles" qu'il
convient
d'analyser
la
nature
de
l'Etat
en
Afrique.
En
effet
la
stratification
sociale
en
Afrique
est
caractérisée par
la
coexistence de
systèmes
d'ordre,
de
statuts, de lignages, de castes et de classes.
Les
facteurs
de
différenciation
sociale
sont
donc
à
la
fois multiples et variés. Même si les inégalités sociales
s'accentuent en raison des transformations économiques qu
ont
affecté
les
formations
sociales
africaines
depuis
l'époque
coloniale,
le
facteur
économique
est
loin
de

109
jouer
un
rôle
déterminant
dans
la
structuration
des
groupes
sociaux.
Il demeure encore largement conditionné
par
les
relations
de
parenté.
Or
l'Etat
postcolonial
résulte,
non
pas
d'une
transformation
endogène
des
sociétés
africaines,
mais
d'un transfert d' insti tutions,
de valeurs et de symboles à une classe dirigeante issue en
grande partie des élites intellectuelles,
administratives
et politiques.
c'est pourquoi,
l'Etat est devenu le principal instrument
d'accumulation
primitive
du
capital.
Ain~i
que
l'a
souligné G.
Balandier,
"c'est l'accès
au pouvoir et
les
luttes autour de celui-ci qui contribuent à
la formation
de la seule classe dirigeante.
C'est
l'accès
au pouvoir
qui
donne
une
emprise
sur
l'économie
beaucoup
plus
que
l'inverse.
A cet égard,
l'Etat nouveau a
des
incidences
comparables à
celles de l'Etat traditionnel:
la position
par rapport à l'appareil étatique peut encore conditionner
le statut social, la nature de la relation avec l'économie
et la puissance matérielle" 37
L'Etat a donc engendré une bourgeoisie administrative et
politique; P.P.
Rey souligne que celle-ci n'a pas de base
propre d'accumulation du capital mais
agit
comme
simple
intermédiaire entre le capital étranger et les populations
locales.
De ce point,
dans
la structure économique,
poli tique et
idéologique des pays d'Afrique, elle joue le même rôle que
la
bourgeoisie
commerçante
des
villes.
C'est
donc
l'alliance
entre
la
bourgeoisie
administrative
et
37. BALAHDIER
Georges.
Problématique
des
classes
sociales
en
Afrique
Noire.
C. 1. S.
XXXVIII.
1965. p.14l.

110
poli tique
et
la
bourgeoisie
commerçante
qui
a
favorisé
l'émergence de la bourgeoisie comprador en tant que classe
dominante
dans
le
processus
d'accumulation
primitive
du
capital en Afrique au Sud du Sahara.
2 - L'Etat et les glissements d'alliance de classes
Par rapport au reste de la société globale, la bourgeoisie
comprador est mieux organisée,
parce qu'elle
dispose de
l'appareil
d'Etat;
elle
a
acquis
une
conscience
plus
élevée de
ses intérêts,
elle a
accru au
fil
des ans sa
capacité
à
contrôler
les
principales
sources
d'accumulation
du
capital
outre
l'agriculture
d'exportation,
c'est-à-dire le café,
le cacao,
le coton,
le thé, le sel, elle a établi son emprise sur les matières
premières
minérales
et
énergétiques.
Or,
de
par
la
structure économique des pays d'Afrique,
ces produits de
base
sont
pour
la
plus
grande
partie
exportés
sur
le
marché
international.
Les
modification
du
marché
international
en
l'occurrence
les
mouvements
erratiques
des
prix,
affectent
directement
les
recettes
d'exportation.
Dans
certains
cas,
notamment
en
ce
qui
concerne le pétrole, les recettes représentent près de 90%
des revenus de l'Etat.
Les
modifications
de
l'environnement
économique
international
entraînent
des
glissements
d'alliance
de
classes
au
sein
des
sociétés
africaines.
Tantôt
la
bourgeoisie
administrative
et
politique
s'allie
avec
partie
du
paysannat
pour
mieux
contrôler
le
processus
d'accumulation primi tive du capital;
c'est le cas de la
Tanzanie avec le socialisme UJAMAA,
du Mali
sous Modibo

111
Keita pendant les dix premières années de l'indépendance,
de l ' Ethiopie,
de
la Somalie;
ce type
dl alliance
repose
généralement sur une idéologie populiste.
L'alliance
entre
la
bourgeoisie
administrative
et
poli tique
et
la
bourgeoisie
commerçante
caractérise
le
procès d'ac~umulation primitive dans des pays tels que la
Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Kenya, le Nigéria, le Zaïr.
Ce second type d'alliance a été marqué par des tentations
de
création
par
la
bourgeoisie
politico-administrative
d'une
bourgeoisie
nationale,
c'est-à-dire,
celle
qui
détient
les
moyens
de
production,
en
vue
de
limiter
l'influence
poli tique
de
la
bourgeoisie
commerçante
et
d'élargi
par

même
les
bases
de
l'appropriation
du
surplus
économique.
Le
Zaïre,
le
Nigéria,
le
Togo,
le
Kenya,
la
Côte
d'Ivoire
ont
expérimenté
cette
solution
avec des fortunes diverses à
la suite de l'accroissement
des prix du cuivre, du pétrole, des phosphates et du cacao
dans les années 70.
Face à
un paysannat larg~ment inorganisé où les rapports
de
parenté
demeurent
encore
prédominants,
une
classe
ouvrière embryonnaire, un artisanat urbain et rural encore
tributaire de
flux,
de main-d'oeuvre familiale et
à
une
bourgeoisie
nationale
embryonnaire
et
dépendante
du
capital étranger,
la bourgeoisie comprador s'impose comme
la seule classe constituée et dont la puissance économique
et matérielle repose sur le contrôle de l'appareil d'Etat.

112
Section 2 - La faiblesse de la bourgeoisie nationale afri-
caine
Les
tentatives
de
création d'une
bourgeoisie
nationale,
après
les
indépendances
par
les
dirigeants
en
place
en
disent long sur la faiblesse de cette dernière.
Dans la
plupart
des
cas,
les
nouveaux
régimes
ont
cherché
à
développer
et
à
consolider
les
bases
sociales
de
leurs
pouvoirs, au-delà de l'appui de la bourgeoisie commerçante
et de la petite bourgeoisie.
Par bourgeoisie nationale,
nous entendons la fraction de
la
bourgeoisie
africaine
qui
détient
les
moyens
de
production.
En revanche la bourgeoisie commerçante et la
petite
bourgeoisie
que
P.P.
Rey
38
subsume
dans
la
bourgeoisie
comprador,
n'ont
pas
de
bases
propres
d'accumulation du capital mais opèrent comme de
simples
intermédiaires
entre
le
capital
étranger
et
les
populations locales sur les plans économique, politique et
idéologique.
La
question
est
donc
de
déterminer
les
causes
de
la
faiblesse de
la bourgeoisie nationale en Afrique.
Elles
sont
historiques,
liées
à
la
rigidité
des
structures
sociales
africaines,
à
l'inadaptation des
mentalités
et
des comportements.
38. REY Pierre-Philippe, Les alliances de classe, Ed. F. Maspéro, Paris.

113
1 - Les causes historigues
a - L'apparition d'une bourgeoisie commerçante au XIXe
siècle
Abstraction
faite
de
toute
connotation
idéologique,
la
bourgeoisie commerçante Africaine est issue du groupe des
anciens esclaves qui ont regagné les côtes d'Afrique,
qui
reçurent des concessions de terres et qui se livrèrent à
leur tour au commerce des esclaves,
et d'autres produits
tels que les objets rituels,
l'huile de parme,
etc ...
En
Afrique
de
l'Ouest,
en
l'occurrence
au
Nigéria
et
en
Afrique
de
l'Est,
notamment
à
Zanzibar,
la
bourgeoisie
commerçante s'est
rapidement développée et
a
commencé
à
jouer
un
rôle
de
plus
en
plus
important
dans
la
vie
politique et économique. A Petit Popo, actuellement Aného,
ville côtière en République
Togolaise,
Chacha
de
Souza,
riche
commerçant
Afro-brésilien
a
réussi,
par
ses
intrigues à contrôler le pouvoir politique en imposant le
chef de son choix. Au Soudan, un ancien esclave a créé une
raffinerie de canne à
sucre;
d'autres
ont
pu développer
des plantations
de vanille,
de
clou
de
girofle grâce
à
l'asservissement
sur
place
de
captifs.
La
création
des
palmeraies
d'Abomey
sous
le
Roi
Ghezo
relève
d'un
tel
processus. Un autre mode de recrutement était alimenté par
les aristocraties terriennes et les chefs de lignage qui
en raison du contrôle qu'ils exerçaient sur la circulation
des
biens
dans
la
société
traditionnelle
ont
acquis
un
pouvoir
économique
plus
élevé
lorsque
sous
l'effet
de
l'extension du mode de production capitaliste,
la valeur

114
marchande des biens était devenue le critère déterminant
dans les échanges.
Si
la
bourgeoisie
commerçante
africaine
ne
peut
être
assimilée à une véritable classe d'entrepreneurs,
i l n'en
reste
pas
moins
qu'elle
demeure
dans
l'histoire
du
développement du capitalisme en Afrique Noire,
le noyau à
partir
duquel
vont
se
recruter
les
entrepreneurs
à
l'époque coloniale.
b - Le développement de l'entreprise privée à l'époque
coloniale et les secteurs prioritaires
Le système colonial avait accordé aux entreprises privées
européennes le monopole du commerce; car il voyait dans le
développement de leurs activités
le gage de
son emprise
sur
les
territoires
occupés.
La
France,
l'Italie,
la
Belgique, la République Fédérale d'Allemagne consolidaient
leurs
conquêtes
coloniales
grâce
à
la
présence
sur
le
terrain de leurs maisons de traite respectives.
En outre
l'administration
leur
favorisait
l'accès
aux
matières
premières
et
à
une
main-d'oeuvre
bon
marché
grâce
à
l'impôt de capitation et au travail
forcé.
Le statut de
l'indigénat
dans
les
anciennes
colonies
françaises
et
l'asservissement
de
la
main-d'oeuvre
en
Angola
et
au
Mozambique
sous
domination
portugaise
avaient
pour
objectif de contraindre les populations à
fournir
à
bon
marché leur force de travail aux entreprises agricoles. La
collaboration
entre
l'administration
coloniale
et
les
maisons
de
traite
trouvait
un
domaine
d'application
privilégié en matière de création d'infrastructures:
la
construction des voies de communication
(routes,
pistes,

115
chemin de fer),
un peu partout dans les colonies grâce au
travail
forcé
permettait aux maisons de traite de
faire
des économies externes et de réaliser ainsi le maximum de
profit.
Au
cours
de
cette
période,
les
activités
économiques
étaient entièrement contrôlées par l'Etat colonial et les
maisons de traite.
Les intermédiaires étaient constitués
par
des
entreprises
privées
appartenant
à
des
Syro-
libanais,
à
des
indo-pakistanais.
Les
entreprises
autochtones
se
développaient
à
la
périphérie
de
la
vie
économique,
principalement
dans
le
secteur
artisanal
et
des transports.
Dans la plupart des colonies,
en Afrique
Noire,
elles
étaient
nombreuses
mais
n'avaient
pas
un
grand impact sur la vie économique.
Le
Kenya
constitue
un
exemple
particulièrement
significatif
à
cet
égard.
En
effet
pour
protéger
les
colons
britanniques
de
la
concurrence
du
capitalisme
indigène,
l'administration
coloniale
avait
imposé
des
restrictions à
la production des biens dans les réserves
grâce au système des licences et au contrôle de qualité:
le crédit était accordé avec beaucoup de parcimonie aux
autochtones
(Native
credi t
Ordinan~e-),
les
garanties
d'hypothèque
exigées
par
les
banques
étaient
quasi-
irréalisables
du
fait
de
la
propriété
collective
de
la
terre. De même, certaines cultures tel que le café, furent
interdites
dans
les
réserves
jusqu'en
1933.
Après
la
seconde
guerre
mondiale,
même
quand
l'administration
prenait des mesures en faveur du capitalisme indigène sous
la
pression
du
mouvement
nationaliste,
la
KENYA
ARICAN
NATIONAL UNION (KANU) et de l'augmentation de la demande
mondiale
de
matière
premières,
elle
les
entourait
de

116
diverses précautions.
Cette duplicité a été dénoncée par
OGINGA ODINGA dans les termes suivants:
"Loin d'encourager
les entreprises
africaines,
le Gouvernement semblait ériger à tout prix des
obstacles.
Le
Gouvernement
travailliste
au
pouvoir à l'issue de la seconde guerre mondiale
encourageait
les
coopératives,
mais
seulement
entourées
de
restrictions
et
de
contrôle.
Lorsque les Africains prenaient des initiatives
individuelles
pour
faire
marcher
les
coopératives,
les
autorités
travaillaient
à
entamer
leur
conf iance et
leur
capaci té.
Nous
avions des obstacles de tous
les côtés et peu
d'assistance.
Nous ne pouvions pas obtenir des
prêts
bancaires
car
dans
les
réserves,
la
propriété collective de la terre empêchait les
titres individuels qui pouvaient être offerts en
garantie et les banques ne voulaient pas d'autre
garantie...
Il
y
avait
un
ensemble
de
dispositions destinées à protéger les Africains
mais
qui
servaient
simplement
à
lutter
contre
leurs
ini tiatives
économiques
et
à
laisser
le
monopole
du.
commerce
dans
les
mains
des
Asiatiques et des Blancs" 39.
En tout état de cause,
le développement du capitalisme en
Afrique
ne
pouvait
pas,
aussi
paradoxale
que
cela
paraisse,
favoriser
le
développement
des
entreprises
privées.
En raison de
son caractère exogène,
l'économie
capitaliste ne pouvait s'imposer que grâce à des mesures
coercitives.
Les
lois
de
fonctionnement
de
l'économie
capitaliste,
dans
les
conditions
historiques
et
structurelles de l'époque coloniale ne pouvaient pas jouer
seules. Dès lors la violence politique et militaire était
devenue
l'élément
majeur
de
la
création
de
nouvelles
structures
dans
ces
pays,
avec
comme
corollaire
la
39. SWAISON Nicolas,
The development of Corporate Capitalism in Kenya,
1918-1977, University of
California Pre •• , Benkeley and Loa Angeles, 1980, p.140.

117
résistance ties populations locales.
Que ce soit dans les
colonies
d'exploitation
ou
dans
les
colonies
de
peuplement,
c'est le même schéma de domination que
l'on
retrouve : les populations autochtones étaient reléguées à
la périphérie de la vie économique. Ainsi historiquement,
c'est
le
système
colonial,
en
tant
que
phénomène
de
domination
globale
qui
constituait
un
frèin
au
développement
des
entreprises
privées
les
autochtones
n'avaient ni les moyens financiers,
ni les techniques,
ni
la
liberté
de
créer
des
uni tés
de
production
dans
les
secteurs clé de l'économie.
c - Le processus de décolonisation et le développement
de l'entreprise privée en Afrique
Au cours de cette période, le développement de l'entrepri-
se privée est subordonnée à un double processus ; on peut
distinguer les pays où la décolonisation s'est faite sans
heurts c'est-à-dire de manière plus ou moins pacifique, et
les
pays

la
violence
a
marqué
l'accession
à
l'indépendance.
1.
Dans le premier cas, les entreprises privées se sont
constituées
très
lentement
étant
donné
que
les
autochtones n'avaient pas été préparés à la gestion
d'uni tés de
production industrielles ou
agricoles;
comme nous l'avions déjà souligné ce sont les syro-
libanais, les indo-pakistanais qui constituaient les
principaux intermédiaires entre le capital étranger
et le capital national.

118
2.
Dans le second cas, le départ des colons européens a
précipi té
l'émergence
d'une
classe
d'entrepreneurs
qui ont dû prendre en main les unités de production
laissées par les premiers.
Ce fut notamment le cas
de l'Ouganda, du Zimbabwe. Dans ce processus, l'Etat
a
joué
un
rôle
particulièrement
actif
grâce
aux
facilités de crédit.
Dans les deux cas,
la décolonisation marque l'apparition
en Afrique d'une bourgeoisie nationale:
sa formation est
timide
en
Afrique
au
Sud
du
Sahara
en
raison
de
la
faiblesse des moyens financiers dont elle disposait
d - Les tentatives de création d'une bourgeoisie na-
tionale en Afrique
Les changements politiques survenus en Afrique après les
indépendances ont favorisé le développement d'une classe
d'entrepreneurs
Dans la plupart des cas,
les nouveaux régimes ont cherché
à développer et à consolider les bases sociales de leurs
pouvoirs au delà de l'appui de la bourgeoisie commerçante
et de la petite bourgeoisie.
Ainsi,
au Zaïre,
la politique de Zaïrinisation initiée à
partir
de
1974
a
permis
de
racheter
les
entreprises
étrangères;
celles-ci
furent
rétrocédées
à
des
entrepreneurs
zaïrois
avec
le
concours
de
l'Etat;
bien
qu'elle ait tourné court, cette expérience ne témoigne pas
moins
d'une
tentative
de
création
d'une
bourgeoisie
nationale.

119
Au Nigéria,
les décrets d' indigénisation de 1792
à
1976
avaient
pour
but
de
permettre
aux
hommes
d'affaires
Nigérians
d'accéder
à
la
propriété
des
moyens
de
production.
Ailleurs au Togo par exemple,
c'est sur
l ' ini tiative de
l'Etat
que
se
développent
les
petites
et
moyennes
entreprises grâce aux facilités de crédit et d'installa-
tion,
à
l'encadrement
technique.
Le
Centre
National
de
promotion
des
Petites
et
Moyennes
Entreprises
( CNPPME )
aujourd'hui
dissoute
est
une
société
d'Etat,
chargée
d'aider au développement des entreprises privées.
Des
expériences
similaires
ont
été
tentées
au
Kenya,
Sénégal, en Côte d'Ivoire. Alors qu'en Europe le concours
de l'Etat est beaucoup plus tardif dans le développement
des entreprises privées, en Afrique c'est l'Etat qui monte
en premières lignes pour promouvoir leur développement
:
cette situation s'explique par la structure économique des
pays Africains qui n'offre pas aux autochtones,
sauf dans
les
secteurs
du
transport
et
de
l'artisanat,
des
possibili tés
de
création
d'entreprises
rentables;
outre
leur faible taux de rentabilité,
des facteurs sociaux et
culturels
ont
affecté
le
développement
des
entreprises
privées en Afrique.
2 - Les effets de la rigidité des structures sociales
africaines sur le développement de l'entreprise privée
La
pénétration
du
capitalisme
n'a
pas
entraîné
une
dispari tion totale des anciennes
structures
i l
en est

120
résul té
une
coexistence
de
structures
d'âges
différents
peu favorables au développement de l'entreprise privée.
a -
Le premier effet est le conflit qui résulte de
l'exigence de l'accumulation pour l'entrepreneur
africain et l'exigence de solidarité vis-à-vis de
la famille
En effet la création d'une entreprise apparaît aux yeux de
la collectivi té
comme
une
réussi te
sociale
l ' individu
devient
le
point
de
focalisation
des
besoins
réels
ou
fictifs
de
la
famille
sous
la
pression
de
cette
dernière,
i l
est
contraint
de
prodiguer
des
libéralités
diverses à ses parents.
Il recrutera par exemple sur des
bases affectives une main-d'oeuvre dont i l n'a nul besoin.
Du
reste
de
nombreux
liens
de
dépendance
lient
l'entrepreneur africain au milieu traditionnel.
Pour
l'Africain,
la
réussi te
d'une
entreprise
n'est
pas
uniquement
fondée
sur
la
rentabilité
ni
sur
une
bonne
gestion;
l'individu
doit
se
munir
de
pouvoirs
magiques
susceptibles de le protéger contre ses concurrents;
cette
dépendance
se
traduit
par
les
cérémonies
occasionnelles
aux
forces
magiques,
l'adoption
d'un
comportement
(alimentaire,
sexuel,
vestimentaire,
professionnel)
qui
accentue sur lui l'emprise morale du milieu traditionnel.
En
Afrique,
la
réussi te
individuelle
n'est
tolérée
que
dans la mesure où elle profite à la collectivité familiale
ou villageoise.
Du reste,
pour l'entrepreneur qui veut se
protéger contre
les
actes
maléfiques,
i l
est
préférable
qu'il
s'entoure
des
membres
de
sa
famille
;
or
ces

121
derniers
pensent moins
à
la rentabilité de
l'entreprise
qu'à leurs propres intérêts.
La
réussite
sociale
est
perçue
comme
une
menace
à
l'équilibre social,
elle est donc combattue par tous les
moyens,
au besoin par la sorcellerie et l'empoisonnement.
Cette hostilité ouverte ou diffuse contribue à entretenir
chez l'entrepreneur un climat permanent d' insécuri té,
de
peur et de méfiance.
b - Le deuxième effet est le conflit qui résulte de la
contradiction entre la personnalisation des rapports dans
la société africains et les exigences de rationalité dans
la gestion des entreprises
L'environnement social de l'activité économique en Afrique
est caractérisé par des
rapports personnalisés.
Or
à
la
base des relations personnelles se trouvent des rapports
de
parenté;
dans
ce
contexte;
la
notion
de
demande,
d'offre, de rationalité, de prix, de profit sont empreints
de
subjectivité.
Il
est
parfois
difficile
de
tracer
la
démarcation entre un client qui est à
priori un acheteur
solvable
au
sens
capitaliste
du
terme
et
un
parent
éloigné.
Les
relations
de
parenté
préexistent
aux
relations économiques;
même dans la société urbaine,
les
ramifications de la société traditionnelle se développent
sous
forme
d'associations
de
solidarité
ethnique
et
exercent
des
contraintes
sur
le
développement
des
activi tés
économiques.
L'exigence
de
rationali té
économique
s'accommode
difficilement
de
la
prédominance
des
relations
personnalisées
dans
la
société
africaine
parce qu'elles obéissent toutes
les deux à
des
logiques

122
différentes. La rigueur dans la gestion entrera en conflit
avec le caractère laxiste,
des solidarités
familiales et
ethniques.
Les
relations
gérontocratiques
s'opposeront
aux
initiatives
individuelles
pour
peu
qu'elles
tendent
à
remettre
en
cause
la
hiérarchie
traditionnelle.
Un
tel
environnement
social
n'est
donc
pas
favorable
au
développement de l'entreprise privée.
3 - Les contraintes psycho-sociologiques au développement
de l'entreprise privée en Afrique
Outre
la
rigidité
des
structures,
des
obstacles
psycho-
sociologiques bloquent le développement privée en Afrique;
ils résultent eux-mêmes de l'influence de l'initiative du
milieu
social
sur
l'entrepreneur
qui
cherche
par
son
comportement à répondre à une demande sociale,
ou à créer
de lui-même une image conforme à des modèles étrangers. Le
comportement
ostentatoire,
la
confusion
entre
réussite
sociale et création d'entreprise,
la conception du crédit
et celle du temps, constituent des freins au développement
de l'entreprise privée.
a - L'ostentation
L'ostentation consiste,
de la part d'un individu ou d'un
groupe social donné à
faire montre de sa richesse.
Elle a
pour but d'accroître le prestige social.
En outre,
comme
elle se traduit par d'importantes dépenses,
elle contribue
à
assurer
la redistribution des
richesses
au
sein de la

123
collectivité.
Dans
le
cas
de
l'étude
de
l'entreprise
privée
en
Afrique,
elle
apparaît
à
la
fois
comme
la
réponse à une demande sociale,
et comme le mimétisme de
modèles étrangers.
Le développement du capitalisme en Afrique véhicule avec
lui
des
valeurs,
des
idées,
des
symboles
qui
ont
pour
fonction
d'adapter
les
comportements
individuels
et
sociaux à ses exigences, de légitimer sa domination et sa
supériorité; l'entrepreneur africain subit donc les effets
de la diffusion de ces valeurs nouvelles :
d'abord
l'image
de
l'entrepreneur
capitaliste
diffusée en Afrique n'est pas celle des capitaines
de l'industrie des débuts du capitalisme ou du "self
made
man"
de
la
société
américaine

transparaissent les difficultés, les sacrifices, les
échecs, mais celle d'une minorité en Europe dont les
affaires prospèrent: dès lors les signes extérieurs
de
la
richesse
deviennent
des
facteurs
sociaux
décisifs dans la définition de l'entreprise privée:
importance
quantitative
et
qualitative
du
parc
automobile,
adoption
de
modèles
de
consommation
étrangers,
voyages fréquents
à
l'étranger qui
sont
autant d'occasions qui imposent de lourdes dépenses
à l'entrepreneur africain.
Dans bien des cas,
l'entrepreneur subit cette image
parce
que
ses
interlocuteurs
étrangers
jugent
la
crédibili té
de
son
affaire
par
le
degré
de
ressemblance
qu'il
présente
avec
les
hommes
d'affaires européens et américains.
L'hôtel oü l'on
descend
ainsi
que
les
dîners
offerts
sont
des

124
étalons
importants
auxquels
i l
est
difficile
d'échapper.
En raison de son caractère exogène,
le développement
du
capitalisme
en
Afrique
secrète
une
classe
d'entrepreneurs qui sont conduits, dans la structure
économique,
poli tique
et
idéologique
des
rapports
entre
pays
développés
et
pays
sous-développés,
à
contribuer
à
la
reproduction
des
liens
de
dépendance.
Dans
ce
processus,
l'image
importe
autant que la réussite économique.
Par un paradoxe
apparent,
le développement de l'entreprise privée en
Afrique
ne
sert
pas
les
intérêts
du
capitalisme
occidental
parce
qu'elle
risque
de
créer
à
sa
périphérie
une
dynamique
de
l'accumulation
susceptible de
le
priver
des
avantages
qu'il
tire
actuellement
de
ses
rapports
de
domination
avec
l'Afrique.
Par
ailleurs
en
raison
de
la
persistance
des
valeurs
tradi tionnelles,
la
réussi te
individuelle
apparaît
comme
une menace à
l'équilibre social;
en même temps,
elle est
attribuée
non
pas
aux
qualités
individuelles
de
l'intéressé mais
à
la
bénédiction
des
ancêtres
ou
à
la
générosité des dieux protecteurs;
i l en résulte dès lors
des
rapports
ambivalents
entre
le
groupe
social
et
l'individu,
faits
à
la
fois,
d'admiration et
de menaces
diverses.
Au
demeurant,
la
pénétration
de
la
culture
urbaine en Afrique,
c'est-à-dire la diffusion des modèles
culturels européens confère à l'entrepreneur africain une
supériorité
quasi-mythique:
dans
ce
contexte,
créer
une
entreprise, c'est à la fois réussir à se hisser au sommet
de
l'échelle
sociale,
c'est
également
dépasser
les

125
contradictions
qui
affectent
sa
propre
société
par
les
mutations
économiques,
poli tiques et
sociales
provoquées
par
la
domination
du
mode
de
production
capitaliste
l'environnement social
manifeste vis-à-vis de
l'individu
des exigences orientées vers une situation "d'intégration
isolement"
;
intégration
à
une
société
nouvelle,
étrangère,
technicienne
et
prospère
isolement
d'une
société
soumise
encore
à
la
force
des
valeurs
traditionnelles.
L'ostentation
permet
à
l'individu
de
résoudre cette contradiction : elle rassure la société sur
l'efficacité
de
ses
mécanismes
de
défense
contre
le
changement.
b - La confusion entre réussite sociale, richesse per-
sonnelle d'une part, création d'entreprise d'autre
part
La création d'une entreprise donne à l'individu un nouveau
statut
social
au
demeurant
plus
valorisé.
Mais
ce
changement a dans la plupart des cas un caractère brusque:
en
d'autres
termes,
i l
n'existe
pas
généralement
une
tradition
d'entrepreneurs.
Les
nouveaux
venus
dans
ce
secteur
connaissent
au
départ
une
situation
matérielle
modeste. Ce sont des cadres de l'Administration, possédant
des
connaissances
techniques
et
dotés
d'une
solide
expérience professionnelle mais qui n'ont pas pu, après de
nombreuses
années
de
vie
administrative,
réussir
à
améliorer
de
façon
très
sensible
leur
situation
matérielle.
Les
nouveaux
entrepreneurs
se
recrutent
également parmi les commerçants, les transporteurs qui ont
pu augmenter la taille de leur entreprise et élargir leurs
activités
grâce
au
profit
accumulé
dans
le
passé.
Ces

126
derniers sont généralement plus exigeants envers eux-mêmes
dans la gestion de leurs affaires parce que leur réussite
a été plus lente et plus difficile.
La première catégorie d'entrepreneurs recrutés parmi les
cadres
de
l'Administration apparaît
plus
vulnérable
aux
sollicitations
de
la
vie;
le
changement
brusque
de
si tuation
professionnelle
avec
les
avantages
financiers
qu'il comporte provoque un déséquilibre psycho-sociologi-
que chez l'individu
:
la pression du milieu social,
les
exigences sociales des relations d'affaires,
les nouveaux
modèles
de comportement
qui
sont
imposés
par
le
milieu
professionnel
provoquent
chez
lui
des
perturbations
psychiques qui
sont difficilement maîtrisables
;
ici
le
changement
n'est
pas
le
résultat
d'un
long
processus,
riche de la diversité des situations économiques et de la
variété
des
épreuves
professionnelles,
mais
l'accession
sans transition à une nouvelle situation professionnelle;
ainsi
tendent
à
se
rapprocher
les
frontières
entre
réussite
sociale
et
richesse
personnelle
d'une
part,
création d'entreprise d'autre part.
Quoique conscient du
caractère particulier de son ascension,
l'individu arrive
difficilement
à
intérioriser
les
exigences
que
requiert
une bonne gestion; les erreurs s'accumulent rapidement et
l'entrepreneur est menacé de faillite pour n'avoir pas su
s'imposer les
sacrifices qui
sont
indispensables
à
tout
processus
d'accumulation;
les
avantages
personnels,
souvent
importants,
sont
considérés
comme
des
données
consti tutives
de
l'entreprise
et
non
le
résultat
d'une
bonne gestion.
Les dépenses improductives se multiplient,
des
investissements
nouveaux
apparaissent
très
vi te.
Le
capital
est
dissout
dans
les
circuits
multiples:
de
l'entreprise
de
production
de
petits
équipements

127
électriques,
on
en
vient
à
l'hôtellerie,
à
la
restauration,
au
transport
en
commun
etc. . .
Cette
diversification croissante des activités économiques n'est
pas
proportionnée
à
l'amélioration
des
résultats
mais
ressortit
à
des
motivations
personnelles
qui
poussent
l'entrepreneur
à
vouloir
améliorer
son
image
de
marque
dans
la
société.
Dans
ce
contexte
le
crédit
est
moins
perçu comme
un contrat
qui
oblige
que comme
une
faveur
personnelle;
cette
conception
est
renforcée
le
plus
souvent par les méthodes grâce auxquelles on y
accède
:
les
relations
personnelles,
les
pressions
familiales,
politiques,
la sorcellerie,
la corruption sont autant de
moyens qui ~~p1iquent l'attitude laxiste de l'entrepreneur
africain vis-à-vis du crédit bancaire. Lorsque des projets
à
rentabilité
douteuse
reçoivent
parfois
l'appui
des
banques
sur
des
bases
subjectives,
i l
est
difficile
d'admettre
que
les
mêmes
étalons
n'influencent
les
bénéficiaires, ces derniers en viennent à croire qu'il est
indéfiniment
renouvelable
sans
justification
économique.
Si cette attitude est significative de la confusion entre
richesse personnelle et création d'entreprise, elle dénote
également la place que l'entrepreneur africain accorde au
temps dans le processus d'accumulation.
c - La conception du temps et le développement de
l'entreprise privée
Le
temps
est
une
composante
essentielle
de
la
gestion
d'une entreprise: l'activité économique s'inscrit dans la
durée;
entre
l'investissement
initial
et
ses
effets
additionnels, s'écoule un temps plus ou moins variable, de
même
le
renouvellement
du
capital,
c'est-à-dire

128
l'amortissement
tient
compte
d'un
temps
plus
ou
moins
variable.
Or
le
comportement
de
l'entrepreneur
africain
est
en
contradiction avec les exigences du temps;
il
cherche à
tirer rapidement des avantages d'une activi té économique
qui
n'a
pas
encore
atteint
un
niveau
de
développement
suffisamment
élevé
la
durée
de
vie
de
l'entreprise
apparaît
ainsi
liée au cycle de
la vie
individuelle de
l'entrepreneur.
En
cas
d'absence
ou
de
maladie,
le
fonctionnement
de
l'entreprise est
perturbé
parce
qu'il
est
seul;
en cas
de
disparition brutale les
risques
de
mise
en
liquidation
sont
élevés
;
l'entrepreneur
ne
cherche
pas
à
perpétuer
une
tradition
familiale
encore
moins à faire en sorte que l'entreprise lui survive. C'est
pourquoi,
il ne conçoit pas de plans d'investissement à
long terme ni ne prend de grands risques;
il ne ressent
pas
la
nécessité
des
innovations
techniques,
et
commerciales. La routine constitue une méthode de gestion.
Cette situation s'explique dans une large mesure par la
prédominance de la propriété personnelle de l'entreprise;
généralement elle est créée et gérée par un individu qui
répugne
à
libérer
le
capital
social.
En
Europe,
le
développement des sociétés anonymes et de la production en
commandite ont joué un rôle décisif dans le développement
du capitalisme ;
les entreprises se sont développées sur
la base de la
promotion des
intérêts des
détenteurs
de
capitaux.
En
Afrique,
l'entreprise
est
souvent
individuelle;
ce
qui
éclaire
la
faiblesse
de
ses
ressources et l'étroitesse de son champ d'action.
Ainsi,
par son comportement ostentatoire et son attitude
vis-à-vis
des
facteurs
tels
que
le crédit et
le
temps,

129
l'entrepreneur africain ne peut réaliser des performances
économiques
susceptibles
de
favoriser
la
dynamique
de
l'accumulation,
caractéristique
du
développement
de
l'économie capitaliste.
La primauté de l'Etat en Afrique s'explique principalement
par le poids de l'héritage colonial et par son rôle dans
le
procès
d'accumulation
primitive
du
capital
mais
les
deux
phénomènes
sont
étroitement
liées
car
l ' espri t
du
système colonial
-
domination et exploitation des hommes
et des ressources -
était incompatible avec la formation
d'une bourgeoisie
nationale
puissante.


elle
s'est
développée,
notamment en Ouganda,
au Kenya,
au Ghana,
en
Côte
d'Ivoire
et
au
Nigeria,
elle
était
au
départ
essentiellement terrienne.
C'est
la
raison pour laquelle
la prise de conscience de
leur
identité
culturelle
et
politique
par
les
peuples
africains
fut
incarnée
essentiellement
par
les
élites
intellectuelles et administratives,
les partis politiques,
les
travailleurs,
les
autorités
spirituelles
et
religieuses.

130
CHAPITRE III - TYPOLOGIE DES REGIMES SOCIO-ECONOMIQUES
AFRICAINS
Toute typologie étant une opération de définition et de
classification,
notre
première
préoccupation
est
de
proposer les critères,
à partir desquels on peut définir
un régime socio-économique.
Pour ce faire,
cinq critères
nous paraissent déterminants
le
type
de
propriété de
moyens
de
production
qui
prédomine dans la société. Avons-nous affaire à une
propriété
collective
ou
à
une
propriété
individuelle?
les
rapports
de
production
déterminants
qui
influencent la répartition des richesses produites.
A
cet
égard,
on
peut
distinguer
deux
types
de
rapports de production:
les rapports fondés
sur la
coopération
qui
renvoient
à
une
répartition
équitable
des
richesses
et
les
rapports
d'exploitation.
Dans ce cas,
une catégorie sociale
garde par devers elle une partie du fruit du travail
des travailleurs c'est-à-dire le surproduit,
le type d'organisation de la production:
s'agit-il
d'une
organisation
centralisée
ou
décentralisée?
Dans
les systèmes centralisés,
une autorité unique
fixe
à
l'ensemble
des
agents
économiques
des
objectifs
sous
forme
d'injonction:
les
indicateurs
d'allocation
de
ressources,
c'est-à-dire
les
prix
sont
fixés
par
l'autorité
centrale.
Dans
les

131
systèmes
décentralisés,
les
prix
résultent
de
la
confrontation de l'offre et de la demande,
la
nature
des
techniques
utilisées
en
vue
de
produire. A cet égard, il y a lieu de distinguer les
techniques
progressives
qui,
par
leur
efficacité,
permettent
d'obtenir
une
productivité
élevée
et
peuvent
avoir
des
effets
d'entraînement
dans
leur
environnement,
des
techniques
non
progressives,
artisanales
et
archaïques

la
force
de
travail
humaine joue un rôle prédominant,
le mobile fondamental
de l'activité économique;
le
but poursuivi est-il
la recherche du profit ou la
satisfaction des besoins individuels et collectifs?
Ce qui
permet de distinguer un régime économique,
c'est
essentiellement
les
rapports
de
production
déterminants
dans
la
société,
or
ces
derniers
sont
le
plus
souvent
fonction
de
facteurs
idéologiques,
c'est-à-dire
un
ensemble de valeurs,
d'idées et de symboles qui
règlent
les
attitudes,
les
comportements
des
individus
et
des
groupes sociaux.
En
Afrique,
aux
modèles
de
développement
capitaliste
adoptés
par
certains
pays,
se
sont
opposés
des
modèles
d'inspiration
socialiste.
Mais
au
fil
des
années
s'est
opérée
une
convergence
vers
un
modèle
de
gestion
centralisé et autoritaire.
C'est pourquoi outre l'analyse des principes qui fondent
ces
régimes,
c'est
par
l'épreuve
de
la
réalité
qu'il
convient de rendre compte de leur nature profonde.

132
Section 1 - Les fondements idéologiques des régimes socio
économiques, africains
1 - Les régimes d'inspiration socialiste
Le
socialisme
en
Afrique
a
été
marqué
du
sceau
de
la
diversité;
trois courants apparurent dominants:
humaniste
et
spiritualiste,
collectiviste
et
étatiste,
marxiste-
léniniste.
Comment
se
sont-ils développés
et
quels
sont
leurs contenus?
a - Les facteurs historiques et sociologiques qui ont
sous-tendu l'éclosion des "socialismes africains"
Au
premier
rang
de
ces
facteurs,
campe
la
révolution
d'octobre
1917
qui
engendra
le
premier
Etat
socialiste
dans l'histoire.
Or cette révolution,
de par l'idéologie
qu'il
l'a
inspirée,
s'est
montrée
essentiellement
dynamique. De par sa vocation internationaliste, le régime
issu de cette révolution devait apporter son soutien aux
peuples
colonisés
dans
le
monde;
cette
mission
fut
solennellement affirmée par la 3e Internationale en 1921
par la conférence anti-impérialiste de Bruxelles en 1927
et à laquelle participèrent des Africains.
Parmi les facteurs historiques, la seconde guerre mondiale
a joué un rôle important dans la mesure où elle a révélé
la
faiblesse
des
puissances
coloniales
et
le
caractère
décadent de l'Europe capitaliste où avait pris naissance
le nazisme.
Les atrocités commises au cours de la guerre

133
mondiale ont nettement dévalorisé le capitalisme aux yeux
des
Africains.
Du
reste
n'ont-ils
pas
été
eux-mêmes
victimes dans le passé,
à
l'époque de la traite d'abord,
de
la
conquête
impéraliste
ensuite
du
même
système
qui
continue encore à leur dénier toute dignité humaine.
Outre
les
facteurs
historiques,
l'état
des
structures
sociales,
des
us
et
coutumes
africains
a
renforcé
la
conviction de certaines élites africaines sur la vocation
socialiste
de
l'Afrique;
la
propriété
collective
des
terres détenues
par
les
groupes
lignagers,
les
réserves
communautaires hâtivement dénommées par les colonisateurs
"des
terres
vacantes
et
sans
maître",
l'existence
de
rapports de ~oopération, de groupes de travail comme le
FIDODO chez
les
EWE,
le Hara des
Kabye du
Togo,
le FAH
DYA,
le TYE FAH,
le TOH FAH,
le KO
FAH,
le NYERGUE FAH
chez
les
MANIANKA dans
la
région de
SAN
au
Mali
40,
la
répartition
des
biens
produits,
notamment
les
biens
alimentaires,
la
domination des
rapports
de
parenté,
la
personnalisation des rapports entre les individus et les
groupes,
la convivialité qui en résulte
sont autant de
facteurs
sociologiques
dont
certains
Africains
se
sont
autorisé pour affirmer à
l'instar de Senghor la vocation
socialiste de l'Afrique.
40. THOMAS
Louis-Vincent.
Le
socialisme
et
l'Afrique.
éd.
le
livre Africain.
t
1
et
2
Paris.
1966.
Le
FAH
DYA:
COllllDunauté
rassemblant
tous
les
travailleurs
mâles
du
village
dans
le
champ d'un membre:
TYE FAH: Association de jeunes célibataires: TOH FAH: Société de culture;
KO FAH:
Travailleurs de classe d'âge différent.
qui opèrent sur la base de la réciprocité:
NYERGUE FAH:
Contribution de travail
fourni
par les jeunes d'un quartier à
la demande d'un
paysan momentanément gêné dans ses activités.

134
b - Le courant humaniste et spiritualiste
Parmi
les
représentants
de
ce
courant,
Léopold
Sedar
SENGHOR
et
Julius
NYERERE
sont
ceux
qui
ont
le
mieux
systématisé
leur
pensée
et
qui,
en
plus
exercèrent
le
pouvoir
pendant
vingt
ans.
C'est
pourquoi
nous
nous
apesantirons tant soit peu sur leur cas;
toutefois,
nous
ferons quelques références à d'autres protagonistes,
tels
que Mamadou DIA, Gabriel d'Arboussier.
Comme l'a
souligné
Louis-Vincent
THOMAS
dans
un ouvrage
consacré
aux
socialismes
africains
41
le
socialisme
senghorien résulte d'une triple influence:
la négritude,
c'est-à-dire
"l'ensemble
des
valeurs
du
monde
noir:
le
marxisme
dont
Senghor
retient
principalement
l'aspect
humaniste et la pensée de Teilhard de Chardin. Pour avoir
tenté
avec
Aimé
Cesaire,
de
réhabiliter
à
travers
la
négritude,
"l'ensemble
des
valeurs
de
civilisation
du
monde noir,
i l eût été irrationnel que la formation de sa
pensée socialiste n'en fût pas tributaire.
La lecture de Marx par Senghor se fait donc à
la lumière
de
la
négritude.
Il
retient
chez
Marx
sa
méthode
dialectique
et
sa
rigueur
épistémologique
mais
conteste
que
le
facteur
économique
est
le
seul
déterminant.
En
s'appuyant sur une lettre de Engels,
à
Joseph Bloch,
un
social démocrate Allemand,
Senghor affirme donc que dans
la
réalité
la
superstructure,
c'est-à-dire
les
faits
culturels,
les
traditions
nationales
et
locales,
la
religion,
la
langue
sont
aussi
agissants
que
les
faits
41. THOMAS Louis-Vincent. opus déjA cité p.11-69. Paris. 1966.

135
économiques-bref les
faits
de civilisation revêtent pour
Senghor une' importance particulière dans
l'évolution des
sociétés et
notamment en Afrique d'autant
plus
que Marx
lui-même dans sa réaction à la lettre de Véra Zassoulitch
reconnaît que le mouvement vers le socialisme est limité à
l'Europe occidentale.
Pour Senghor,
l'intérêt du marxisme
pour l'Afrique,
c'est son caractère humaniste;
i l affirme
notamment :
"Le mérite essentiel de Marx n'est pas de nous
avoir
enseigné
l'Economie
politique
comme
on
pouvai t
le
croire,
mais
l ' humanisme,
de
nous
avoir révélé l'Homme dans et par delà l'Histoire
économiques
des
hommes
concrets
avec
leurs
besoins
matériels
et
spirituels
leurs
aliénations,
leurs
luttes,
leur
triomphe
futur
dans la liberté retrouvée" 42
Ce discours exprime clairement le souci de désaliénation
qui
est
celui
de
tout
colonisé,
dont
les
valeurs
de
civilisation ainsi que sa propre dignité ont été bafouées.
Si
Senghor
emprunte
à
Marx
l'humanisme
et
la
méthode
dialectique,
i l
en
rejette
l'athéisme
et
le
mépris
des
valeurs
spirituelles.
Il en relativise en même
temps
la
portée
car
pour
lui
la
pensée
marxienne
adaptée
à
la
situation de l'Europe du milieu du XIXe siècle n'est que
le rationalisme gréco-latin.
Quant au père Teilhard de Chardin,
i l défend à travers son
oeuvre le spiritualisme et
la croyance en Dieu,
ce qui,
pour Senghor,
permet de mieux comprendre la situation des
peuples
sous-développés.
Louis-Vincent THOMAS écrit à
ce
sujet :
42. in THOMAS Louis-Vincent. opus d~jA cit~. Paris. 1966.

136
"Grâce à
la pensée de Teilhard de Chardin,
la
négri tude
de
négative,
se
fait
positive,
elle
reste
toujours
l'ensemble
des
valeurs
politiques,
morales,
sociales,
culturelles
du
monde noir.
Mais elle est désormais fondée non
sur la seule race mais encore sur la "géographie
et
l'histoire"
histoire
politique
et
économique" 43
Il
s'agit
donc
pour
Senghor
d'adapter
le
marxisme
aux
caractères
spécifiques
de
l'Afrique
moderne.
Mais
sa
démarche
reste
superficielle
parce
qu'il
n'essaie
pas
d'étudier
les
relations
étroites qui
existent
entre les
faits
culturels
et
les
faits
économiques.
Reconnaître
qu'ils
sont
aussi
agissants
que
les
seconds
n'est
pas
original
en
soi
puisque
c'est
affirmer
leur
caractère
dialectique et donc enfoncer des portes déjà ouvertes par
Marx
lui-même,
et
les
néo-marxistes
tels
que
Louis
Althusser, Etienne Balibar et Roger Establet pour ne citer
que ceux-là. Il eût été plus pertinent de s'interroger sur
l'origine
des
faits
culturels,
les
différentes
déterminations
qui
les
constituent
et
les
modifications
qu'ils
subissent quand de nouvelles exigences s'imposent
aux individus et aux groupes sociaux.
En d'autres termes,
dans une société donnée,
les faits culturels ne sont pas
des
phénomènes
"sui
generi";
ils
s'expliquent
eux-mêmes
par d'autres facteurs.
Par exemple les Anthropologues Africanistes ont montré que
le Potlatch,
loin d'être un phénomène irrationnel exprime
à bien des égards, les limites à l'accumulation des biens,
ces derniers n'ayant pas de valeur marchande.
43. in THOMAS Louis-Vincent, opus déjà cité.

137
Il n'empêche cependant que la pensée de Senghor conserve
une
grande
originali té
l'importance
des
valeurs
culturelles
et
spirituelles
dans
la
définition
d'un
socialisme
négro-africain
spécifique.
Si
l ' homme
dl Etat
reconnaît que seul le socialisme peut offrir à
l'Afrique
un raccourci vers le développement,
dans la pratique,
la
voie
sénégalaise
ne
propose
pas
une
transformation
radicale de la société: l'humanisme,
la planification et
la justice sociale ne peuvent devenir réalité que dans la
mesure

les
rapports
de
production
existants
dans
la
société
sénégalaise
sont
transformés
et
que
les
producteurs exercent un contrôle effectif sur les organes
de
décision.
Or
sur
ces
points,
l'état
de
la
société
sénégalaise
après
vingt
ans
de
pouvoir
accomplis
par
Senghor est encore l'apanage du capitalisme exploiteur et
de féodalités rétrogrades.
Humaniste et spiritualiste,
le socialisme de Mamadou Dia
diffère légèrement de celui de Senghor en ce qu'il se veut
révolutionnaire. Il vise le rejet des anciennes structures
coloniales, des féodalités,
la suppression des inégalités,
la réduction des déséquilibres internes et externes. A la
différence de Senghor,
Dia est également très attentif à
la question de
l'uni té
régionale
et
interrégionale pour
mettre fin à
l ' hégémonie des nations-guides et accélérer
le développement économique.
Gabriel
d'Arboussier
se
prononce
également
pour
un
socialisme
communautaire
et
démocratique
fondé
sur
la
primauté
du
droit
et
non
sur
celle
de
la
dictature
du
prolétariat.
Pour
lui,
le
socialisme
doit
construire
l'avenir
dans
le
respect
et
le
dépassement
des
valeurs
authentiquement nègres :

138
"
nous pensons intégrer,
quant à
nous,
dans
les valeurs sociales du socialisme africain ou
de la voie africaine du
socialisme
toutes
les
valeurs spirituelles, intellectuelles et morales
qui
viennent
du
passé
africain
et
que
nous
considérons
aujourd'hui
comme
la
plus
grande
richesse
de
ces
pays
en
dehors
des
richesses
matérielles" 44
Pour Julius Nyerere,
le socialisme est un état d'esprit:
il
doit
donc
être
fondé
sur
l'esprit
communautaire
traditionnel
(UJAMAA
la
famille
agrandie
en est
à
la
fois la base et le but. Il écrit à ce sujet:
"Le
socialisme
africain moderne
peut
tirer
de
son héritage traditionnel
la reconnaissance de
la société comme un élargissement de la cellule
familiale de base" 45.
L'esprit communautaire traditionnel s'oppose à la fois au
capitalisme
et
au
socialisme
doctrinaire.
En
outre
le
champ
d'application
du
socialisme
est
le
continent
africain tout entier.
Nyerere s'oppose à cet égard à l'existence de classes et à
leur
lutte
puisqu'il
affirme
que
le
vrai
socialiste
africain considère tous les hommes comme ses frères, comme
les membres de sa famille toujours en expansion.
Sur le plan opérationnel,
le socialisme basé sur UJAMAA
devait donner la priorité à l'agriculture au détriment de
l'industrie,
à
la
création
de
coopératives,
à
l'investissement
humain
contre
l'importation
abusive
de
biens d'équipements.
44. d'ARBOUSSIER Gabriel. D~veloppeMent et socialisme in L.v, THOMAS. opus d~jà cit~. p. 196.
45. NYERERE Julius. opus d~jà cit~. p. 28.

139
Ainsi
dès
1962,
par
la
publication
du
document
UJAMAA,
Julius NYERERE jette les bases ethiques et doctrinales du
socialisme tanzanien;
mais
son application politique fut
limitée les premières années de l'indépendance;
en effet
les investissements occidentaux ont continué à représenter
une part importante des moyens de financement des premiers
plans quinquennaux tandis que le commerce était largement
dominé par la communauté indo-pakistanaise.
Cinq
ans
après
la
définition
du
socialisme
tanzanien,
Nyerere devait reconnaître son échec:
"L'expression: socialisme africain me paraît un
peu galvaudé et
ne veut
plus
dire
grand-chose
maintenant.
Nous
essayons
de
développer
une
économie socialiste en Tanzanie.
Notre économie
n'est
pas
socialiste.
70%
de
l'économie
de
ce
pays
est
encore
entre
les
mains
des
sociétés
privées, pour la plupart européennes" ... 46.
L'évolution
de
Nyerere
s'effectue
en
direction
du
socialisme tout court que réaffirme une résolution adoptée
par le comité exécutif national du parti unique (La TANU)
le 29 janvier 1967.
La
déclaration
d' ARUSHA
réaffirma
avec
plus
de
vigueur
l Lorientation
socialiste
du
pays.
A
l'inverse
d'une
idéologie prolétarienne, elle définit les fondements d'une
société
socialiste

tout
le
peuple
constitua
la
communauté des travailleurs; les moyens de production sont
contrôlés par les paysans à
travers
l'appareil d'Etat et
les
coopératives.
Leur
instrument d'expression politique
demeure le parti unique c'est-à-dire le "Parti des Paysans
et des Travailleurs".
46.
BENOT Yore,
opua déjà cité p.
184-185
rapportant
l'interview de NYERERE à
Jeune Afrique du
10 octobre 1965.

140
Sur le plan opérationnel,
la Déclaration d' ARUSHA
s'est
traduite par une extension du secteur public appuyé par la
création
de
la
"NATIONAL
DEVELOPMENT
CORPORATION";
des
secteurs tels que les banques, les assurances,
les mines,
l'industrie, les infrastructures économiques, le tourisme,
l'hôtellerie furent soumis au contrôle de l'Etat.
Ainsi
au
milieu
des
années
70,
80
% des
activités
économiques
de
moyenne
et
de
grande
échelle
étaient
contrôlés
par
le
secteur
public,
soit
44
% du
Produit
National
Brut;
par
ailleurs,
80
%. des
investissements
étaient
réalisés
par
ce
secteur.
A en
croire
Reginald
GREEN,
ancien
conseiller
économique
du
gouvernement
tanzanien
"Ces chiffres étaient plus élevés que ceux des
Etats
du
bloc
soviétique
à
l'époque
du
socialisme stalinien" 47
Entre
1967
et
1971,
les
avoirs
du
secteur
paraétatique
passèrent
de
326
millions
de
shillings
à
888
soit
une
progression de 172,39 %. Cette extension toucha également
le
domaine
foncier
urbain
qui
constituait
le
dernier
refuge du capital asiatique.
Dans
le
domaine
du
développement
rural,
le
socialisme
tanzanien fut marqué par l'expansion des villages UJAMAA
et
des
coopératives.
Ainsi
la
proportion
de
population
rurale vivant dans les villages UJAMAA passait de 0,7 % en
1968 à 19 % en 1974. Dès 1975, cette proportion atteignit
66,6 % grâce à
la poli tique de villagisation massive de
47. GREEN
Reginald,
Towards
socialism
in
Tanzania.
Ed.
Mwansasu
and
Pratt,
ci té
par CRAWFORD
Young, opus déjA cité. p.l06.

141
PRINCIPAUX PRODUITS D'EXPORTATION
1945-75, Tanzanie
PRODUITS
1970
1971
1972
1973
1974
1975
Si sa 1
200,2
181 , 1
156,9
155,4
143,4
120,5
Ce.fé
49,7
45,8
51,4
54,9
44,7
62,4
Thé
8,S
10,5
12,7
12,7
13,0
13,7
Tabac
11 , 1
12,0
14,2
13,0
18,2
14,2
Coton
76,4
65,3
76,9
65,1
71 ,5
59;2
Sucre
87,3
85,8
88,5
105, 1
96,2
103,2
Pyrethre
2,3
3,7
4,3
3,5
3,3
4,6
Noix de cajou
111 ,2
121 ,5
125,6
145, 1
121 ,7
80,3
Source
Joel Samoff in CRAWFORD Young, opus déjà cité.

142
sorte que l'année suivante 91,3 % de la population rurale
vivait dans ces villages.
En
revanche,
les
villages
UJAMAA
recensés
comme
coopération passèrent de 0,9 % à 7,8 % entre 1969 et 1974
48.
Mais la politique de villagisation massive se heurta à
la résistance des paysans qui faisaient semblant d'adhérer
à
la
politique du
régime et qui
dissimulaient une bonne
partie de la production.
Par exemple,
les
ventes de céréales
des
coopérations
au
gouvernement sont passées de 186 400 tonnes en 1970-1971 à
23 900 tonnes pour le maïs; celles de blé de 43 000 tonnes
à 14 400 tonnes et celles du riz de 93 600 tonnes à 22 700
tonnes.
Quant aux importations de céréales,
elles sont passées de
400 000 tonnes en 1974 à 500 000 tonnes en 1975.
Seules les cultures industrielles,
excepté le sisal et le
coton ont connu une progression notable entre 1970-1971 et
1974-1975 comme l'indique le tableau ci-contre.
48. YOUNG Crawford. opus déjà cité. p.
144.

143
Si
au
départ
le
socialisme
tanzanien
fut
d'inspiration
spiritualiste et humaniste en raison de la personnalité de
Julius NYERERE,
marquée par son "intégrité constante,
la
simplicité et la modestie de son style,
la générosité de
ses
sentiments",
les
difficultés
d'application
nées
surtout
de
l'étroitesse
de
la
base
de
développement
économique,
ici l'Agriculture,
ont entraîné une expansion
régulière
du
secteur
public.
L'incapacité
de
l'Etat
à
générer
un
surplus
pour
soutenir
sa
propre
croissance
comme
l'ont
confirmé
tant de pays
en Afrique
au
Sud du
Sahara,
a
conduit
à
une
crise
socio-poli tique
dont
la
paysannerie
tanzanienne
a
fait
les
frais.
Ainsi
la
fraction
du
revenu
national
collectée
par
l'Etat
sous
forme d'impôt passa de 15 % en 1961 à 35 % en 1974 alors
que
le
chiffre
calculé
par
le
Fonds
monétaire
international pour les pays du Tiers-monde était de 17 %
en 1970 49
c - Le courant collectiviste et étatiste
En Afrique,
ce
courant
fut
représenté
par
la
Guinée
de
Sékou Touré et le Ghana de Kwame N'Krusah notamment.
L'engagement
socialiste
du
leader
ghanéen
est
plus
manifeste que dans tout autre pays du continent.
"Au
Ghana,
nous
avons
pris
le
parti
de
nous
développer par une voie socialiste. Nous voulons
réaliser le plein emploi,
assurer des logements
décents à
tous
et
l ' égali té d'accès
de
tous
à
l'éducation et à
la culture jusqu'au plus haut
degré ...
Ce qui signifie que le revenu réel et
49. YOUNG Crawford. opus d~jA cit~. p.122.

144
le
niveau
de
tous
les
paysans
et
ouvriers
doivent notablement s'élever" 50.
L'option
du
Ghana
est
donc
claire.
Il
s'agit
d'un
socialisme planifié par l'Etat. Il implique que les moyens
de production et de distribution soient passés entre les
mains du
peuple.
Mais
construire le socialisme,
suppose
également des socialistes. C'est pourquoi le Ghana sous la
direction du parti unique, le "CONVENTION OF PEOPLE PARTY"
(CPP) s'engage dans une entreprise de transformation de la
société
sur
tous
les
plans
voire
idéologique
avec
la
création en 1961 de l'Institut de formation idéologique de
WINNEBA.
Sur le plan économique,
M' Krumah choisit de ménager les
transitions
dans
la
construction
du
socialisme.
Il
se
prononça
d'abord
l'étape
de
l' économie
mixte
comportant
cinq secteurs:
secteur public
privé étranger
mixte associant l'Etat au capital privé étranger
coopératif
privé ghanéen
Le secteur privé étranger demeura relativement important
puisqu'il toucha les ressources clé du pays notamment les
mines d'or,
les concessions de forêts pour l'exploitation
du
bois
d'oeuvre,
la
production
de
manganèse
et
de
bauxite,
les
brasseries
et
la
fonderie
d'aluminium
de
TEMA;
mais
l'expérience
ghanéenne
a
donné
lieu
à
des
luttes
intestines
au
sein du
parti
unique en raison du
50. H'KR1lMAH
Kwamé.
L'Afr,ique
doit
s'unir,
in
par
Benot
Yves.
Ideologie
des
indépendances
africaines, p.
217, Maspéro, Paris. 1969.

145
LE GOUVERNEMENT ET L'INDUSTRIE DU CACAO: QUELQUES INDICATEURS
Index (1960 = 100)
1960 1961
1962
1963
1964
1965
1966
1970
Indice des prix réels aux
producteurs
100
87
77
61
46
37
45
64
Indice de la valeur réelle
des paiements globaux aux
planteurs
100
80
76
t9
79
37
34
60
Pourcentage des paiements
aux planteurs par rapport
aux recettes d'exportation
du cacao
n*
58
60
57
71
41
55
37
Indice de la valeur réelle
des dépenses publiques bud-
gétisées grâce â l'indus-
trie du cacao
100
70
16
20
18
30
39
41
Indice des ventes d'insec-
ticide aux planteurs
100
63
67
86
63
2
9
118
* Figure based on fiscal year, rather than crop year: thus 1960 f 100.
Source: Tony Killick, Development Economies in Action (London: Heinemann,
1978), p. 119 in CRAWFORD Young, opus déjâ cité.

146
développement de
la
corruption
et
du
mécontentement
des
travailleurs regroupés au sein de la TRADE UNION COMPANY
(TUC). Malgré ses aspects bureaucratiques et autoritaires,
elle
s'est
néanmoins
concrétisée
par
des
réalisations
impressionnantes
par
exemple
de
1961
à
1963,
les
coopératives
sont
passées
de
800
à
1200
soit
une
augmentation de
50
% tandis
que
le
revenu
national
par
habitant
se
hissait
à
245
dollars
US
contre
130
au
Maghreb,
110 pour le reste de l'Afrique de l'ouest,
65 en
Afrique centrale et
orientale.
En outre
N' Krumah
a
jeté
les
bases
du
développement
industriel
du
pays
avec
la
construction
du
barrage
hydroélectrique
d'akosombo,
du
port de Téma et de diverses unités de production, de biens
d'équipement.
C'est dans le domaine agricole que l'expérience ghanéenne
s'est
révélée
moins
concluante.
Une
étude
comparée
des
performances des
fermes
d'Etat et de
celles
des
paysans
révèle un profond déséquilibre en
faveur des
fermes
des
paysans.
De 1963 à
1970,
les rendements de maïs,
de riz,
d'ignames
et d'arachides dans
les
fermes
d'Etat et
dans
celle des
paysans
furent
respectivement
de 0,26
tonne
à
l'hectare contre 0,49, 0,13 contre 0,49, 1,68 contre 2,63,
1,18 contre 0,40 51
Pendant ce temps,
sil
'on se réfère
aux
indicateurs
relatifs
au
cacao
qui
était
l'une
des
principales
sources
de
revenu
des
paysans
ghanéens,
la
part
versée
aux
producteurs
ghanéens
sur
les
revenus
provenant du
cacao
est passée
de
l'indice
57
en
1963
à
l'indice
37
en
1970,
l'année
1960
étant
prise
comme
référence (100); la part des dépenses budgétisées grâce au
cacao est passée de l'indice 20 à
41 tandis que les prix
51.
In GRELLET Gérard. opus déjà cité.
p.2.

147
des insecticides vendus aux paysans passaient de l'indice
86
à
118
52
Comme
ailleurs
dans
les
pays
Africains
à
économie socialiste,
la collectivisation de l'agriculture
s'est
traduite
par
une
dégradation
de
la
situation
matérielle du paysan africain.
L'expérience
guinéenne
s'apparente
beaucoup
plus
à
un
étatisme.
On
chercherait
en
vain
chez
Sékou
Touré
une
référence
explicite
au
socialisme.
Des
allusions
apparaissent ça
et

sous
la
forme
de
la
négation des
classes
sociales
en Guinée
et
de
la
lutte
des
classes,
mieux
certaines
formulations
ambiguës
laissent
penser
néanmoins
que
la
problématique
du
socialisme
est
sous-
jacente
dans
les
faits:
par
exemple
pour
Sekou
Touré,
"L'Afrique tout entière ne comporte qu'une seule et même
classe,
celle des
dépossédés.
De même
le
leader guinéen
manifeste un attachement à l'internationalisme prolétarien
même
s ' i l
se
garde
bien
d'utiliser
le
concept
de
If pro létaire"
quand
i l
désigne
la
classe
ouvrière
guinéenne.
Au
demeurant
Sékou
Touré
refuse
de
choisir
entre
le
capi talisme
et
le
socialisme
même
si
l'Etat
adopte
la
planification autoritaire comme technique de gestion et de
développement de l'Economie. A la différence de
N'krumah,
52. YOUNG Crawford. opus déjà cité. p.
160. Voir tableau ci-contre.

148
la volonté de systématisation idéologique est plus faible
chez Sekou Touré;
mais on retrouve
les
mêmes
déviations
autoritaires
et
répressives
ainsi
que
la
survivance
de
véritables enclaves capitalistes dans les secteurs clé de
l'économie,
notamment l'industrie minière.
Par exemple en
1963 l'accord de partenariat relatif au projet d'Aluminium
de
Boké
réservait
49
% du
capital
social
à
la
Guinée
contre 51 % aux investisseurs étrangers.
Parmi ceux-ci on
pouvait distinguer ALCAN avec 27 % du capital, ALCOA avec
27 % également, HARVEY ALUMINIUM 20 %, PECHINEY-UGINE 10%,
ALUMINIUM WERKE 10 %, MONTECATIN EDISON 6 %. La bauxite de
l'île de Los,
de Kassa et de Fria reposait en partie sur
le
financement
de
sociétés
étrangères,
c'est-à-dire
de
HARVEY
ALUMINIUM,
de
la
Pologne,
de
l ' AMERICAN
FIRM
OF
OLIN, Mathieson, PECHINEY-UGINE.
Les mines de fer de Guinée (MIFERGui) appartenaient à 50%
au gouvernement Guinéen.
Dans
le domaine des
transports,
SOTRAMAR,
la
Société de
transports
maritimes,
créée
pour
transporter
la
bauxite
guinéenne appartenait à concurrence de 65 % du capital à
la Guinée et à
l'Intermaritime BANK.
Les
investissements
réalisés dans ce projet de 1969 à 1973 soit 339 millions
de dollars ont été garantis par l'USAID,
l'United States
Agency
for
international
Development
et
la
Banque
mondiale.
L'expérience guinéenne s'est traduite par un étranglement
du
secteur
privé
et
par
une
ruine
de
l'agriculture;
diminution de
la production de
bananes en
basse Guinée,
recul
des
cultures
industrielles
dans
les
zones

149
forestières.
En outre la création de brigades de paysans
volontaires a entraîné un exode massif des paysans vers la
Côte d'Ivoire et le Sénégal 53
Le Mali de Modibo Keita constitue également un autre cas
de socialisme collectiviste et étatique en Afrique
dans
les années 60.
Après l'éclatement de la Fédération du Mali, le Congrès du
parti unique Malien, l'UNION DEMOCRATIQUE SOUDANAISE (UDS)
approuva
à
l'unanimité
la
voie
de
développement
socialiste.
Pour KOUYATE,
l'un des artisans du socialisme
malien,
"Les pays sous-développés ne peuvent pas suivre
la même voie que les pays Européens en matière
de
développement
économique
pour
des
raisons
évidentes:
la
lenteur
de
la
formation
du
capi tal,
la subordination de
l'intérêt général
et
du
bien
être
collectif
aux
profits
individuels.
C'est
pourquoi
la
seule
voie
permettant au Mali de se développer rapidement
et
harmonieusement
devrai t
être
l'économie
socialiste caractérisée par le rôle décisif de
l'Etat dans la vie économique" ~.
Ainsi
par
l'entremise,
la
bourgeoisie
administrative
et
politique
malienne
va
étendre
le
rôle
de
l'Etat
sur
l'économie socialisation du secteur paysan par la création
de groupements précoopératifs, nationalisation du commerce
extérieur par la SOMIEX (Société malienne d'IMPORT-EXPORT)
dont le contrôle passe de 26,5 % en 1961 à 90 % en 1967,
création de la monnaie malienne,
prédominance de l'OFFICE
du Niger créé en 1948 et qui continue sous le socialisme
53. RIVIERE Claude,
Guinea,
the mobilization of a people.
Cornell University Press.
Ithaca and
London. 1977.
54. KOUYATE cité par GRUNDY. African socialism Ed.
Friedland and Rosberg. pp.176-177.

150
de
Modibo
KEITA
d'absorber
près
de
la
moitié
des
investissements
prévus
au
plan,
telles
sont
les
différentes composantes de l'étatisme malien dont l'impact
sera négatif sur l'agriculture.
Par exemple seuls 5 % des 350 000 à 400 000 hectares de
terres coopératives avaient été cultivés en 1964-1965, ils
représentaient moins d'un tiers des superficies des lopins
familiaux.
Ainsi Modibo KEITA n'a pas pu ériger le Mali en modèle de
développement comme il l'affirmait dès 1964 en réponse à
l'instabilité politique qui commençait à se manifester en
Afrique au Sud du Sahara avec les coups d'Etat du Togo, du
Gabon,
les soulèvements populaires et ethniques du Congo-
Brazzaville et du Congo-Leopoldville, l'actuel Zaïre .
... "Je
suis
convaincu
que
tous
les
Etats
Africains
seront
obligés
de
suivre
notre
voie
s'ils
veulent
éviter
la
subversion,
la
révolution
et
les
coups
d'Etat
dont
ils
font
maintenant l'expérience".
Le socialisme
de
Modibo
KEITA
sera
emporté par un
coup
d'Etat militaire en 1968.
d - Le courant marxiste-léniniste
Ce
courant
est
représenté
par
le
Parti
Africain
de
l'Indépendance
(PAl)
au Sénégal,
l'Ethiopie,
la Somalie,
le Congo Brazzaville, l'Angola,
le Mozambique,
le Zimbabwé
et la République Populaire du Bénin.

151
Dès sa fondation en 1957,
le PAl entend devenir un parti
communiste,
un
détachement
du
mouvement
ouvrier
international. Son programme proclame notamment :
"Ce
parti
devra,
du
point
de
vue
économique,
socialiser
l'économie
industrialiser
complètement le pays collectiviser et mécaniser
totalement
l'agriculture.
Dans
l'immédiat,
i l
faut sur le plan industriel promouvoir une juste
politique
d'investissements
sans
calculs
machiavéliques
mais
en
établissant
un
système
rigoureux
d'avantages
réciproques".
A
la
campagne,
il
faudra
organiser
les
masses
paysannes sous des formes dynamiques multiples"
55
Le programme socialiste, du PAl ne pouvait donc pas éluder
la question des classes sociales en Afrique Noire.
C'est
ce
qu' avai t
fait
Majhemout
Dop
dans
sa
"Contribution
à
l'étude
des
problèmes
politiques
en
Afrique
Noire"
en
1956.
"L'erreur,
à notre avis consiste à déclarer que
là où i l n'y a pas une conscience de classe,
i l
n' y
a
pas de classe.
Car s ' i l est évident que
les
prolétaires
africains,
dans
leur
énorme
majori té ne
se voient
pas
encore comme classe
indépendante
et
ayant
un
rôle
historique
à
jouer, ils n'en sont pas moins objectivement, et
du point de vue scientifique,
des prolétaires"
56
Le PAl va donc s'attacher à faire une analyse des classes
sociales qui existent dans les sociétés africains; ce sera
l'objet de son programme adopté à son congrès de 1962. Il
distingue notamment :
55. BENOT Yves. opus déjà cité.
56. BENOT YVes. opus déjà cité p.266.

152
les
anciennes
classes
spécifiques
des
sociétés
précapitalistes; paysans,
féodaux,
artisans.
Les nouvelles classes : prolétariat urbain et rural,
petite
bourgeoisie,
bourgeoisie
industrielle
et
commerçante.
Pour le PAl la fraction bureaucratique et parlementaire de
la bourgeoisie qui est au pouvoir est entièrement inféodée
à
l'impérialisme;
elle
se
distingue
par
son
manque
de
conscience
nationale
tandis
que
"le
prolétariat,
la
paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine, la bourgeoisie
nationale
( commerçante
et
industrielle)
et
les
éléments
patriotes appartenant aux autres couches de la population
sont
asservis
et
exploités
à
des
degrés
divers
par
l'impérialisme étranger. L'analyse du PAl révèle donc dans
les
sociétés
africaines
une
double
contradiction
de
classes.
La
première,
la
contradiction
principale
oppose
l'impérialisme
étranger
représenté
par
la
bourgeoisie
internationale à toutes les classes sociales.
La
seconde,
la
contradiction
secondaire,
la
bourgeoisie
bureaucratique
et
parlementaire,
les
capitalistes
autochtones d'une part,
les autres classes d'autre part.
Dans
ces
conditions,
le
PAl
se
veut
le
parti
du
prolétariat
qui
peut
regrouper
en
son
sein
tous
les
éléments d'avant-garde de toute la société qui acceptent
son programme et sa doctrine.
Le PAl apparaît donc comme
un
Front
National
avec
comme
objectif
à
moyen
terme
la
révolution démocratique et nationale (suppression pour les
paysans
de
toutes
les
dettes,
interdiction
des
prêts
à

153
taux
usuraires,
suppression
de
toutes
les
dîmes
et
redevances
etc ... )
et
à
long
terme
l'instauration
du
socialisme.
Le programme du PAl n'a jamais été opérationnel puisqu'il
n'a jamais exercé le pouvoir au Sénégal.
Parmi
les
autres
expériences
marxistes-lininistes
en
Afrique,
ce qui frappe d'abord,
c'est le rôle de l'armée
dans l'avènement de ces régimes.
Au Congo-Brazzaville,
ou
Ethiopie,
en Somalie,
au Bénin,
ce sont des coups d'Etat
militaires qui engendrèrent l'Etat marxiste-léniniste.
En
Angola,
au
Mozambique
et
au
Zimbabwé,
la
position
dominante
des
armées
de
libération
nationale
s'explique
par
le
rôle
d'avant-garde
qu'elles
ont
joué
dans
l'avènement de ces Etats. A cet égard,
seul le Zimbabwé a
évolué
rapidement
vers
un
régime
civil
en raison de
la
présence d'une forte minorité européenne, propriétaire des
moyens de production et d'une forte opposition politico-
militaire incarnée par les NDEBELES et Joshua NKOMO qu'il
fallai t
à
tout
prix
désarmer
pour
renforcer
les
bases
politiques et sociales du nouvel Etat.
Le
second
facteur
commun
à
ces
expériences,
c'est
l'absence de partis communistes.
A aucun moment
de
leur
histoire,
ces
régimes
n'ont
fait
ce
choix en dépit
des
pressions qu'exerçait dans ce sens leur principale alliée,
l'Union Soviétique.
Or il n'y a pas d'Etat-marxiste sans
parti
communiste,
c'est-à-dire
l'avant-garde
révolutionnaire
qui
exerce
la
dictature
au
nom
du
prolétariat.

154
Il
existe
donc
dans
ces
pays
une
volonté
explicite
et
simpliste
d'adapter
le
marxisme-linénisme
au
contexte
poli tique et
socio-cul turel
africain.
Sur
ce
point,
les
professions
de
foi
des
dirigeants
Angolais
sont
assez
significatives:
en
1977,
l'un
des
dirigeants
angolais
faisait à Basil DAVIDSON la déclaration suivante:
"Nous
allons
former
en
Angola
un
parti
marxiste-léniniste.
Mais
qu'est-ce
à
dire
en
pratique?
Cela signifie que nous
allons
former
un
parti
révolutionnaire
regroupant
tous
les
militants qui ont assimilé les enseignements du
marxisme-léninisme en relation avec nos réalités
et
notre
expérience,
en
relation
avec
nos
besoins
et
les
possibilités
de
notre
peuple.
Nous
ne nous
intéressons
pas en
fin
de
compte
aux
personnes
qui
récitent
des
extraits
des
classiques
marxistes
comme
s ' i l
s' agissai t
de
quelque chose de magique.
Nous nous préoccupons
de
l'enrichissement
des
idées
et
des
méthodes
marxistes-léninistes
à
travers
l'expérience
et
les aspirations de notre pays maintenant" 57
Dans le même ordre d'idées, les justifications doctrinales
du socialisme somalien tentent de réconcilier l'islam et
le marxisme-léninisme.
"Il
n'y
a
pas
de
conflit
entre
Islam
et
socialisme dès lors que tous les deux respectent
les
principes
de
dignité
humaine,
de
respect
mutuel,
de coopération,
de progrès,
de
justice
et de bien être pour tous".
Mais
ces
justifications
contrastent
avec
la
pauvreté
idéologique
des
expériences
marxistes
léninistes
en
Afrique.
Contrairement à
la Chine Populaire ou à Cuba où
le marxisme-léninisme a
subi un enrichissement
théorique
tant en ce qui concerne l'analyse des rapports de classe
57. In YOUNG Crawford. opua déj6 cité. p. 85.

155
internes
que
celle
des
rapports
de
force
à
l'échelle
internationale
et
des
perspectives
de
développement
du
socialisme, nulle part en Afrique la pratique idéologique,
excepté la Guinée-Bissan,
avec Amilcar Cabral,
n'a dépassé
la
rhétorique
incantatoire
contre
l'impérialisme
international et ses suppôts locaux. Du reste, elle a rpis
les allures d'un mimétisme de pacotille en Ethiopie avec
l'affichage
des
portrraits
de
Lénine,
Marx,
Engels
et
Lénine l'érection de la statue de Lénine à Addis-Abeba, et
avec
la
Republique
Populaire
du
Bénin

l'''Internationale'' fut adoptée comme hymne national.
En fait,
excepté les anciennes colonies portugaises et le
Zimbabwé

des
luttes
de
libération
nationale
furent
menées,
les
expériences
marxistes-léninistes
africaines
traduisent l'exacerbation des rivalités à
l'intérieur des
classes
dominantes,
l'utilisation
d'une
phraséologie
révolutionnaire
et
de
l'armée
pour
masquer
les
contradictions
sociales
et
préserver
les
intérêts
particuliers.
Au
Bénin,
pendant
une
vingtaine
d'années,
l'idéologie
marxiste léniniste a
servi de référence unique.
Mais son
adaptation
aux
réalités
socio-économiques
du
pays
a
été
particulièrement
faible;
l'analyse
des
contradictions
de
classes
a
été oblitérée par
l ' unanisme
poli tique
et
une
idéologie
confuse
qui
masquait
mal
la
transposition
méanique
et
artificielle
d'un
schéma
d'analyse
à
une
réalité politique, économique et sociale complexe.

156
Les capitaux des pays occidentaux ne furent que partielle-
ment
remis
en
cause
au
Congo-Brazzaville,
au
Bénin,
en
Angola,
au
Mozambique
et
au
Zimbabwé.
Vingt
ans
de
marxisme-léniniste n'ont guère permis de transformer les
rapports d'exploitation internes ni d'entamer le pouvoir
des féodalités civiles et religieuses.
Sans
doute,
à
l'origine,
les
causes
de
la
révolution
éthiopienne de 1974, c'est-à-dire les profondes inégalités
sociales et économiques entretenues par un système féodal,
permettaien-elles d'engendrer un socialisme radical,
mais
très
vite
à
partir
de
1977,
l'armée
a
substitué
ses
"diktat",
sa
volonté
d'hégémonie
et
un
pouvoir
bureaucratique
à
l'expression
et
à
la
participation
révolutionnaire des masses.
Tout bien considéré, les "socialismes africains" comme les
expérience
marxistes-léninistes
en
Afrique
n'ont
pas
permis de construire des sociétés nouvelles,
performantes
sur le
plan économique,
démocratique
et
populaire.
Pour
une
large
part,
ils
revêtent
plus
tôt
les
traits
du
populisme:
le
nationalisme
qui
se
traduit
sur
le
plan
économique
par
la
nationalisation
des
moyens
de
production appartenant
aux capitaux étrangers;
par
la mise en oeuvre de réformes agro-foncières,
le
radicalisme,
c'est-à-dire
la
volonté
de
lutter
contre les injustices sociales et économiques et une

157
velléité
d'indépendance
vis-à-vis
des
pays
développés,
,
l' anti-capi talisme
qui
se
traduit
par
l'extension
croissante
du
secteur
étatique
considéré
comme
stratégique,
au
détriment
de
la
propriété
coopérative,
l'exaltation du peuple et des masses populaires sans
qu'il soit fait appel aux classes et à la lutte des
classes,
le syndrome idéologique fondé sur des inspirations
diverses
et
parfois
contradictoires,
animistes,
chrétiennes, islamiques, humanistes et fascistes.
2 - Les régimes d'inspiration libérale
Peu d'hommes politiques ou de dirigeants africains se sont
aventurés à faire l'apologie du capitalisme et à se lancer
dans
des
efforts
de
systématisation
théorique
sur
la
spécificité
d'un
capitalisme
africain.
Sur
le
plan
pratique, seule la Côte d'Ivoire par la voix de son ancien
Ministre
des
Finances
et
des
Affaires
Economiques,
M.
Konan Bedie a
franchi
le pas dans ce domaine;
en effet
celui-ci déclarait le 10 septembre 1966 devant le National
Press Club de Washington
"Parmi
les
nombreux
pays
africains
qui
ont
choisi
la
doctrine
d'un
socialisme
africain,
l'expérience
de
la
Côte
d'Ivoire
démontre
le
succès
du
système
capitaliste
et
de
la
libre
entreprise" 58
58.
In BENOT Yves, opus déjA cité, p.167.

158
Mais cette déclaration sera tempérée dix ans plus tard par
une autre affirmation d'Houphouet-Boigny:
"Nous ne sommes pas socialistes en ce que nous
ne
pensons
pas
donner
la
priori té
à
la
distribution
des
richesses
mais
encourager
la
création
et
la
multiplication
des
richesses
avant tout.
Notre plus grande préoccupation est
la croissance à visage humain.
Notre système ne
peut
pas
être
décri t
non
plus
comme
un
libéralisme
mais
i l
peut
être
comparé
à
une
économie planifiée" 59.
Et
pourtant
les
éléments
historiques
et
sociologiques
d'une théorie du capitalisme en Afrique existent:
Le
rôle
des
échanges
à
longue
distance
dans
les
changements
socio-économiques
qu'a
connus
l'Afrique
médiévale,
notamment
la consolidation des
premiers
Etats
ainsi
que
leur
déclin
à
la
suite,
entre
autres,
du
déplacement des routes commerciales de l'intérieur vers la
Côte

étaient
parvenus
les
marchands
portugais.
Au
demeurant
des
auteurs,
tels
que
Catherine
Coquery-
Vidrovitch,
Jean Suret-Canale,
P.P.
Rey et
G.
Dupré ont
mis en lumière l'importance du commerce à
longue distance
dans la définition du caractère spécifique des changements
qui
ont
marqué
l'évolution des
sociétés
africaines;
par
exemple,
C.
Coquery-Vidrovi tch
définit
ainsi
un mode
de
production africain spécifique.
"La spécification du mode de production africain
reposerai t
dans
la
combinaison
d'une
économie
communautaire
patriarcale
et
de
l'emprise
exclusive d'un groupe sur les échanges à
longue
distance" .
59.
In RONDOS Alexander.
"Ivory COast:
The priee of development. Afriea Report.
24 n"22
(Hareh-
April 1979).

159
Quant à J. Suret-Canale,
i l montra à partir du concept de
mode
de
production
asiatique
que
l'accumulation
d'une
richesse
très
mobile
et
la
constitution
de
classes
privilégiées
(noblesse
de
naissance
ou
de
fonction)
en
Afrique
précoloniale
étaient
dues
à
la
"pratique
de
l'agriculture, céréalière et à la nécessité imposée par le
rythme saisonnier de constituer des réserves". Dès lors la
transformation
du
surplus
en
marchandises
a
donné
naissance au commerce intertribal qui
était
le
fait
des
aristocrates.
En
particulier,
le
"commerce
de
l'or,
de
l'ivoire
et
de
peaux"
fut
un
élément
décisif
de
la
consolidation des premiers Etats d'Afrique tropicale.
Ici
la formation des Etats reposait non sur de grands travaux
mais
sur
le
contrôle
du
commerce
intertribal
ou
interrégional.
Dans sa thèse consacrée à Samory 60 Yves PERSON a mis en
évidence
l'existence
du
capital
commercial
et
financier
dans la société Malinké qui n'en était pas moins au stade
de
l'économie
de
subsistance.
La
capitalisation
s'effectuai t
en
marchandises
ou
en
poudre
d'or
et
les
bénéfices étaient
réintégrés
dans
le
commerce.
Le
prêt,
l'usure introduisaient au capital financier.
Parmi les autres éléments de réflexion,
l'émergence d'une
bourgeoisie commerçante en Afrique est suffisamment riche
d'enseignement en raison des contraintes extérieures qui
ont
pesé
sur
l'évolution
économique
et
sociale
du
continent
depuis
le
début
du
XVIe
siècle.
Elle
laisse
apparaître
que
l'existence
d'un
capital
commercial
et
financier
dans
une
société
n'engendre
pas
forcément
le
60. PERSON Yves,
Samor1, une r~volut1on dyula IFAN Dakar. 1968, 3 vol.

160
capitalisme. Sur ce point l'Afrique s'est trouvée dans la
même
situation
que
l'Asie
par
rapport
à
l'Europe.
Ici
l'éclosion du
mode
de
production capitaliste
achevé
est
due à
la conjonction de deux phénomènes:
l'existence du
capi taI-argent
et
l ' appari tion
du
travail
en
tant
que
marchandise.
Ce
second
phénomène
étant
lui-même
le
résul tat
d'un
ensemble
de
transformations
sociales
complexes.
Or dans
ce
domaine,
i l
n'existe
pas
de
lois
universelles
susceptibles
de
rendre
compte
de
façon
uniforme de l'évolution de toutes les sociétés.
L'inexistence de théories africaines destinées à légitimer
le
capi talisme
en
Afrique
est
donc
l'effet
d'une
méconnaissance par les premiers dirigeants politiques des
changements
socio-économiques
qui
se
sont
opérés
sur
le
continent.
Elle
résulte également de
la
faiblesse
de
la
formation intellectuelle des hommes politiques africains.
N'est-il
pas
symptômatique
que
les
tentatives
les
plus
intéressantes
de définition de
régimes
socio-économiques
spécifiques à l'Afrique aient été faites par Léopold Sedar
Senghor
et
Kwame
N'Krumah,
tous
deux
hommes
d'Etat
universitaires?
Au demeurant,
qu'ils
se
soient
intéressés
au
socialisme
donne,
à
l'évidence,
la
mesure
de
l'inconfort
moral
et
intellectuel
de
l'africain
qui
chercherait
à
faire
l'apologie du capitalisme en Afrique. Et pour causes
L'histoire du capitalisme en Afrique est également
celle de la violence politique et militaire en vue
de l'exploitation des hommes et des ressources.

161
Au
capitalisme
est
associée
la
colonisation
avec
tous
ses
effets
déstructurants
sur
les
plans
économique, géographique et social.
La
recherche
du
profit
engendre
des
inégalités
sociales et
renforce
l'individualisme;
ce
faisant,
elle détruit
les
valeurs
de
civilisations
propres
aux
sociétés
africaines
et
provoque
des
perturbations dans l'ordre social.
c'est
pourquoi,
les
tenants
du
capitalisme
en
Afrique
s'abri tent
derrière
le
pragmatisme
qui
est
sur
le
plan
théorique une idéologie de l'empirisme rationaliste et qui
joue,
sur
le
plan
politique,
de
la
confusion
entre
l'intérêt général et les intérêts particuliers.
Parmi
les
pays
d'Afrique
qui
ont
opté
pour
un
régime
socio-économique d'inspiration libérale, la Côte d'Ivoire,
le
Nigéria
et
le
Kenya
apparaissent
comme
les
plus
significatifs.
Ce
sont
trois
variantes
d'un
même
modèle
mais elles diffèrent entre elles si l'on se réfère au rôle
du
capital
indigène
et
à
la
nature
des
secteurs
sur
lesquels repose le capitalisme africain.
a) Le modèle Kenyan
Au Kenya,
l'origine de
la
formation
du capital
indigène
remonte à
1920 alors qu'elle est plus tardive au Nigéria
et en Côte d'Ivoire.
Comme dans ces derniers pays l'Etat
postcolonial
a
exercé
une
influence
décisive
dans
le
développement de l'économie capitaliste en favorisant à la
fois
l'agriculture et le secteur manufacturier.
Un essai
de
périodisation
de
l'histoire
du
développement
du

162
capi ta1isme au
Kenya
permet de distinguer
trois
étapes:
1900 à 1940; 1945-1963 et la période postco1onia1e.
- 1900 à 1940
Le
début
de
cette
période
coïncide
avec
le
peuplement
blanc
au
Kenya.
La
politique
britannique
de
l'Indirect
Rule avait permis de maintenir l'autorité des chtfferies;
mais à
partir de 1920,
une nouvelle classe émergea d'un
groupe de salariés,
notamment des instituteurs qui,
tout
en gardant leur emploi,
se livraient à
des activités de
production
agricole.
Mais
l'expansion
du
capitalisme
indigène
fut
limitée
par
la
poli tique
des
réserves
qui
interdisait
certaines
cultures
aux
autochtones
par
les
taxes et des mesures coercitives.
A partir de 1930, de nouvelles cultures furent introduites
dans les réserves,
notamment le tabac,
les noix de cajou
et la pomme de terre.
La culture du café fut autorisée à
titre expérimental dans certaines régions habitées par les
Africains.
Mais
pour
atténuer
la
concurrence
entre
indigènes
et
colons
européens,
réduire
la
demande
de
travail
salarié
dans
les
plantations
africaines
et
améliorer
le
flux
de
main-d'oeuvre
dans
les
domaines
européens,
l'administration
coloniale
émit
des
restrictions 61,
à
l'extension de la production des biens
dans
les
réserves
grâce
au
système
de
licences
et
au
contrôle
de
qualité.
Mais
l'augmentation
de
la
demande
internationale de produits tels que le coton,
le thé,
le
61. OUtre les licences,
les préts aux commerçants et producteurs africains étaient limités par
le biais des hyupothéques,
Une ordonnance de 1926 "The CREDIT TO NATIVES ORDINANCE"
impose
des limites au crédit octroyé par des non-Africains aux Africains,
de méme des restrictions
furent imposées aux associations africaines de collecte d'argent.

163
café,
le
sisal,
l'arachide
a
entraîné
une
croissance
notable
de
la
production
africaine.
Des
commerçants
africains et asiatiques collectaient ces produits et les
revendaient aux maisons de traite britanniques. Ainsi,
de
1922
à
1938,
la
valeur
des
exportations
des
zones
africaines passa de 175000 livres sterling à
498000 soit
une augmentation moyenne de 11,50% par an.
- 1945 - 1963
Après la seconùe guerre mondiale, le capitalisme Kenya fut
favorisé
par divers
facteurs
dont
notamment
l'impact de
l'accroissement de la demande mondiale de biens primaires
sur l'essor de la production africaine,
les revendications
politiques de la KENYAN AFRICAN NATIONAL UNION (KANU) qui
unit la bourgeoisie commerçante,
la petite bourgeoisie et
les masses dans la lutte pour l'indépendance,
les mesures
administratives
et
institutionnelles
adoptées
par
l'administration
coloniale,
telles
les
exemptions
accordées par le DISTRICT COMMISSIONER aux africains pour
l'obtention
du
crédit
et
la
création
du
Fonds
de
la
colonie
pour
les
artisans
et
les
commerçants
africains.
Outre la bourgeoisie commerçante et la petite bourgeoisie,
les soldats démobilisés se reconvertirent dans le commerce
grâce à
l'obtention de licences pour créer des boutiques
et des magasins de vente en gros,
dans les réserves.
Par
exemple d'août 1945 à novembre 1946, pour tout le district
de NYANZA 20 % des trois mille demandes de licences pour
le commerce de détail provenaient de soldats démobilisés.
En 1946,
sur
749
nouvelles
licences
délivrées
au Kenya,
632
soit
84
%
étaient
tenues
par
des
commerçants
africains.

164
De
1945
à
1955,
la
valeur
des
exportations
de
la
production africaine passa de 1 400 000 livres sterling à
4 400 000 soit une progression de 23 % par an.
Après la seconde guerre mondiale,
l'essor du capitalisme
indigène
fut
également
favorisé
par
l'accroissement
des
prêts
en
faveur
des
africains.
Par
l'intermédiaire
de
l'"Industrial Development Corporation" (IDC) un prêt total
de 121 000 livres sterling fut octroyé à 820 commerçants
individuels
en
1959;
en
1962,
17
481
livres
furent
accordés pour divers projets portant sur des boulangeries,
l'installation
de
moulins
et
d'unités
d'assemblage
de
radio.
Dans
le
domaine
agricole,
la
promotion
des
productions
africaines
fut
appuyée
par
la
"Colonial
Development
Corporation"
(CDC) et par diverses compagnies financières
britanniques.
D'autres sociétés,
telles que BOUSTEAD and
CLARKE,
British
East
African
Corporation,
Bata
Shoe
Company,
KETTLER,
ROY and TYSON,
British American TOBACCO
africanisèrent la distribution de gros de leurs produits
dans les réserves.
Par exemple en 1967,
plus de 60 % de
vendeurs
de
gros
de
produits
de
la
British
American
Tobacco étaient des Africains et plus de 90 % des magasins
de détail
étaient détenus par des Africains.
De même la
EAST AFRICAN
BREWERIES,
société appartenant
à
une
firme
bri tannique
et
à
des
colons
européens
africanisa
à
peu
près toute sa distribution en 1960 dans les districts de
montagne.
Ainsi
de
1900
à
1963
le
développement
du
capitalisme
indigène
s'est
fait
sous
la
pression
de
la
petite
bourgeoisie,
de
la
bourgeoisie
commerçante,
de
la

165
conjoncture économique
internationale
d'après
la
seconde
guerre mondiale, de l'administration coloniale britannique
entraînée par
l'arrivée
des
travaillistes
au
pouvoir et
de
l'adaptation
du
capi tal
étranger
à
l'évolution
politique du Kenya.
- La période post-coloniale
Cette période fut marquée par le renforcement du capital
indigène
et
l'accroissement
du
rôle
de
l'Etat
dans
l'accumulation du capital.
Dans ce domaine,
la stratégie
de la KENYAN AFRICAN NATIONAL UNION consista à transférer
le
contrôle
des
ressources
locales
des
mains
des
politiciens
locaux
dans
celles
de
la
bureaucratie.
Parallèlement
au
renforcement
de
son
emprise
sur
l'économie,
l'Etat favorisa
le capital indigène dans les
domaines immobiliers de l'agriculture, de l'industrie, des
transports et du commerce grâce à
une
série de mesures:
transfert
des
terres
de
la
RIFT
Valley entre
les
mains
d'un
petit
nombre
d' agricul teurs
capitalistes,
adoption
d'une législation sur le commerce (TRADE LICENSING ACT de
1967)
qui
exclua
les
non-citoyens
du
commerce
dans
les
zones rurales et urbaines périphériques et qui spécifia la
liste
des
produits
réservés
aux
commerçants
nationaux,
poli tique
d'octroi
de
crédit
de
la
Banque
Centrale
du
Kenya
favorable
aux entreprises
nationales qui
pouvaient
obtenir sur place 60
% des prêts alors que les sociétés
étrangères étaient limitées à 20 %.
Ainsi de 1946 à 1973,
le nombre d'entreprises privées au
Kenya passa de 162 à 885 soit un accroissement de 446%. Si
en 1946,
les entreprises africaines ne représentaient que

166
NOMBRE D'ENTREPRISES PRIVEES, AU KENYA ENTRE 1966 et 1973
Européens
Asiati-
Américains Toutes ori-
ANNEE
ques
gines
TOTAL
0:·)
(%)
(% )
(% )
No.
1946
44
40
t5
1
H2
1947
44
43
11
1
205
1948
60
30
6
3
239
1949
61
33
3
3
233
1950
66
28
1
5
221
1951
62
33
2
3
248
1952
65
30
2
4
244
1953
69
29
2
-
189
1954
64
33
-
3
243
1955
70
28
-
6
351
1956
63
54
1
3
324
1957
67
29
1
3
341
1958
57
37
1
5
231
1959
50
43
2
5
270
1960
50
42
4
4
300
1961
39
49
7
5
271
1962
38
50
8
4
233
1963
45
42
5
8
360
1964
35
34
19
11
427
1965
28
34
25
12
427
1966
30
36
19
15
458
1967
26
35
23
16
516
1968
20
30
33
16
561
1969
14
38
28
20
806
1970
13
37
30
20
866
1971
15
39
33
13
984
1972
17
30
37
16
825
1973
15
24
46
15
885
Source
5WAISON, opus déjà cité p. 195.

167
15 % contre 44 % aux européens et 40 % aux Asiatiques en
1973,
les entreprises africaines se hissent à 46 % contre
15 % aux européens et 24 % aux asiatiques.
La progression
des
entreprises
africaines
s'est
accélérée
à
partir
de
1964
donc
après
l'indépendance
comme
l'indique
le
tableau ci-contre.
L'évolution des entreprises africaines
a
été marquée par une régression continue
(15
% en 1946
contre 5 % en 1963).
Le développement du capitalisme d'Etat a été appuyé par la
création
de
diverses
entreprises
publiques
dans
les
domaines
de
l'industrie,
du
commerce
(INDUSTRIAL
and
COMMERCIAL
DEVELOPMENT
CORPORATION)
de
l ' agricu1 ture
(AGRICULTURAL
DEVELOPMENT
CORPORATION,
KEYA
TEA
DEVELOPMENT
AUTHORITY)
du
tourisme
(KENYA
TOURIST
DEVELOPMENT
CORPORATION)
des
finances
et
de
la
monnaie
(NATIONAL BANK OF KENYA, AGRICULTURAL FINANCE CORPORATION)
du logement et des Assurances.
Ainsi l'Etat intervient en
1976 dans
145 entreprises.
Il en possédait intégralement
42 soit 29 % contrôlait de façon majoritaire 28 soit 19 %
/
et avait une participation minoritaire dans 75 autres soit
52 % (voir tableau ci-contre).
D'une
façon
générale,
le
capitalisme
Kenya
s'est
appuyé
sur
l'agriculture
mais
i l
a
engendré
également
un
important
secteur
manufacturier
comme
en
témoigne
l'importance
relative
des
emplois
qui
y
ont
été
créés.
Ceux-ci représentaient en 1971 80 % des emplois de tout le
secteur industriel contre 2,5 % pour les mines,
et 7,5 %
pour
le
bâtiment
et
la
contruction
(voir
tableau
en
annexe) .

168
GOVERNMENT OWNERSHIP IN THE PRIVATE SECTOR,
1976
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III S'WAtSON, opus déjà cité.

169
Le
modèle
kenyan
de
développement
du
capitalisme
s'est
appuyé
au
départ
sur
l'accumulation
par
la
petite
bourgeoisie
(insti tuteurs,
fonctionnaires,
mili taires
démobilisés) d'un capital marchand qui a
pénétré dans la
sphère
de
la
production
après
l'indépendance
grâce
à
l'utilisation
du
pouvoir
d'Etat.
L'accroissement
des
entreprises de 1946 à 1973, 446 % soit en moyenne 17 % par
an
traduit
en
même
temps
que
leur
compétition,
l'interpénétration
entre
le
capital
national
et
les
intérêts étrangers. Parmi ceux-ci des groupes britanniques
américains,
japonais,
allemands,
indiens,
hollandais
et
danois.
L'agriculture
n'a
pas
été
négligée:
les
performances réalisées par le Kenya dans les années 60 et
70
le
placent
avec
la
Côte
d'Ivoire
et
à
l'opposé
du
Nigéria,
parmi
les
pays
africains

l'agriculture
a
permis le financement du secteur manufacturier.
b) Le modèle ivoirien
Comme
au
Kenya,
l ' agricul ture
servi t
de
base
au
développement
du
capitalisme
ivoirien
à
l'époque
coloniale.
l'Etat
post-colonial
a
renforcé
cette
option
par de nombreuses mesures techniques et institutionnelles.
C'est
entre
1940
et
1950
qu'émergea
une
classe
de
planteurs dont la prospérité était basétsur le café.
Ils
formèrent
le
noyau
du
mouvement
nationaliste,
le
Parti
Démocratique de Côte d'Ivoire constitué sous la direction
d' Houphouêt Boigny.
Par exemple en 1942,
les planteurs
européens produisaient 55 % du café,
dix
ans plus
tard,
ils représentaient seulement 6 % des exportations de café.
Parallèlement,
les surfaces cultivées en cacao et en café,

170
augmentèrent
rapidement;
elles
passèrent
de
273
000
hectares
en
1946
à
765
000
en
1960
soit
un
taux
de
croissance moyen de 13 % par an.
De 1946 à 1960,
le taux
de croissance des plantations de café a été plus fort que
celui des cacaoyères soit 16,57 % contre 7,8 %. A partir
de 1960,
l'évolution des deux cultures a été marquée par
une inversion en faveur du cacao,
20,21 % par an contre
9,64
% pour
le café.
Mais ces plantations
sont pour la
plupart de petite dimension. Par exemple Samir AMIN estime
qu'au milieu des années
70,
seuls quelques
centaines de
plantations étaient comprises entre 50 et 100 hectares et
employaient douze ouvriers ou plus.
De même,
seuls la 000
sur les 500 000 planteurs en 1976 gagnaient plus de 1000
dollars des Etats Unis par an.
Pour
appuyer
la
politique
d'accumulation
du
capital
à
partir
de
l ' Agricul ture,
l'Etat
créa
diverses
sociétés
publiques:
ainsi
virent
le
j our
la
SODEPALM
(huile
de
palme), la SOCATCHI (caoutchouc), la SODESUCRE (sucre), la
CIDT (coton) et la SODEFEL (fruits et légumes);
en 1975,
l'huile de palme et les ananas représentaient 25 % de la
production totale.
Dans
le
domaine
de
l'agriculture
vivrière,
la
Côte
d'Ivoire
réalisa
d'importants
progrès
depuis
l'indépendance. Alors que
la population avait augmenté de
27
%
de
1965
à
1975,
la
production
de
ressources
alimentaires s'était accrue de 42 %,
les importations de
biens
alimentaires
dans
les
villes
diminuèrent
de
200
kilos à 115.
Contrairement au Kenya et au Nigéria,
l'industrialisation
n'a
pas
permis
l'émergence
d'un
capitalisme
indigène

171
NOMBRE DE SALARIES DU SECTEUR INDUSTRIEL 1968
C~tégorie de personnel
Tota 1
Ivoirien
Autres
Européens
Africains
Cadres
503
20
4
479
Techniciens
792
31
13
748
Agents de maîtrise
1659
435
lS7
1067
Autres encadreurs
1233
581
230
422
Subalterne
2818
1759
1018
41
Travailleurs qualifiés
5668
3769
1831
68
Semi-qualifiés
15 638
9989
5647
2
Non qualifiés
1~ 751
6230
9515
6
Source
Bonnie Campbell "Ivory Corstin West African states: Failure and Pro-
mise, éd. John Dunos (Cambridge: Cambridge University Press, 1978)
p. 107.

172
efficace.
Elle est demeurée tributaire de l'Etat et d'une
lourde dépendance vis-à-vis de l'étranger.
Selon
une
enquête
réalisée
en
1968
(voir
tableau
ci-
contre),
les
Européens
constituaient
95
% des
cadres
dirigeants
des
entreprises
industrielles,
94
%
du
personnel technique,
64 % des agents de maîtrise,
34 % du
personnel
exerçant
des
activités
de
contrôle.
La
proportion d'Européens diminue quand on aborde les emplois
moins qualifiés; 1,45 % pour les tâches d'exécution,
1,20%
pour
la
main-d'oeuvre
semi-qualifiée
et
0,03
% pour
le
travail
non
qualifié.
En
dépit
des
inégalités
qu'il
a
engendrées,
entre
le
capital
étranger
et
le
capital
indigène, entre le NORD et le SUD du pays,
entre le reste
du pays et la capitale ABIDJAN où sont concenrées les 2/3
des
industries,
le
modèle
ivoirien
de
développement
capi taliste s'est manifesté par une efficacité relative:
le taux de croissance de l'économie a été de l'ordre de 7
à
8 % par an au cours de ces trois dernières décennies:
surtout
pendant
la
période
1960-1970,
le
taux
de
croissance
réelle
avoisinait
3,3
% par
an.
Qaunt
à
la
croissance industrielle, elle a été de l'ordre de 15 %,
la
plus
forte
en Afrique au Sud du Sahara
lors
des
quinze
années après l'indépendance.
c) Le modèle Nigérian
Le Nigéria est allé plus loin que la Côte d'Ivoire et le
Kenya
dans
la
promotion
du
capital
autochtone
privé
et
public après l'indépendance.

173
Si
au
départ,
c'est-à-dire
à
l'époque
coloniale
le
capitalisme nigérian semblait tributaire du développement
de l ' agricul ture,
l' exp10itation du
pétrole
à
partir de
1957-1958
et
le
premier
choc
de
1973
ont
complètement
inversé les bases de développement du modèle nigérian.
En
effet
le
Nigéria
était
le
premier
exportateur
mondial
d'huile de p1ame et d'arachides, le deuxième pour le cacao
après
le
Ghana.
Le
pays
exportait
également
du
coton,
cultivé dans le NORD,
le caoutchouc dans le Centre-ouest.
L'appareil
d'Etat
était
donc
financé
par
l ' agricu1 ture;
les
diverses
taxes
perçues
par
l'Etat
eurent
un
impact
négatif
sur
les
paysans
Nigérians.
Mais
c'est
incontestablement le pétrole qui a permis à
l'Etat de se
consolider et de favoriser la création d'une bourgeoisie
d'affaires.
Sous
l'effet
du
premier
choc
pétrolier,
les
revenus
de
l'Etat passent de 860 millions de do11êrs en 1971-1972 à
6,9 milliards représentant 87 % des
revenus et 93 % des
recettes
d'exportation
du
pays.
Cette
période
coïncide
avec l'expansion des activités de l'Etat.
Par exemple les
dépenses publiques sont passées de 2,4 millions de livres
sterling en 1966 à
2,7 milliards en 1976.
Elles ont été
ainsi mu1tip1iéeJ~2,60. Les effectifs des forces armées
lo..
passent de 10 000 hommes en 1968 à 250 000 en 1979.
A
partir
de
1970,
l'Etat
favorisa
les
entrepreneurs
indigènes
qui
s'étaient
constitués
dans
le
secteur
du
bâtiment
dans
les
années
50
et
les
fonctionnaires
qui
voulaient se reconvertir vers le secteur privé grâce à la
politique de nigérianisation. Les décrets d'indégénisation
de
1972
définirent
deux
catégories
d'activités
d'où
devaient
se
retirer
totalement
ou
partiellement
les

174
intérêts
étrangers.
Au
total
53
entreprises
étrangères
représentant
50
% de
la
valeur
ajoutée
du
secteur
manufacturier furent touchées.
En 1976,
un nouveau décret
imposa aux banques étrangères,
aux maisons de commerce et
à
certaines industries de céder 60 % de leurs actions à
des citoyens nigérians.
Le
modèle
nigérian
est
donc
caractérisé
par
une
interpénétration
assez
forte
des
intérêts
économiques
privés
et
publics
d'autant
plus
que
beaucoup
d'hommes
poli tiques
nigérians
étaient
au
départ
des
hommes
d'affaires tels que OBAFEMI AWOLOWO,
NANDI AZIKIWE, WAZIRI
et IBRAHIM.
Il est assez symptomatique de noter que contrairement à la
Côte d'Ivoire,
le Kenya et le Nigéria avaient flirté les
premières
années
de
l'indépendance
avec
les
sirènes
du
socialisme

l'accumulation
du
capital
est
étroitement
dépendante de l'action de l'Etat.
Section 2 - Les effets de convergence des régimes socio-
économiques africains
Les effets de convergence se situent à plusieurs niveaux:
tendance à l'étatisation des économies africaines
homogénéité
des
techniques
et
des
méthodes
de
développement.
L'importance des dysfonctionnements institutionnels.

175
1 - La tendance à l'étatisation
Elle se présente comme une tendance lourde commune à tous
les pays
d'Afrique;
elle s'explique par la
faiblesse
ou
l'absence de bourgeoisies nationales et par le caractère
induit
des
pouvoirs
politiques
issus
de
la
période
coloniale. Au terme de trois décennies d'indépendance, les
Etats d'Afrique
au
sud du Sahara comptent
environ
trois
mille entreprises publiques soit en moyenne 66 entreprises
par Etat.
Par exemple la Tanzanie possédait 80 entreprises publiques
en 1967. Ce nombre est passé à 400 en 1981 soit en quinze
ans une augmentation de 400 %;
le rythme de crédtion des
entreprises
publiques
s'est
poursuivi
à
un
taux
de
croissance de 27 % par an environ.
Le Sénégal ne comptait
pas moins de 188 entreprises publiques en 1982,
le Kenya
176, la Mauritanie 112 tandis qu'en Guinée on en recensait
170 un an après la disparition de Sékou Touré.
Cette étatisation s'exprime principalement par le contrôle
financier
public
dans
l'ensemble
du
secteur moderne
des
économies africaines.
L'exemple de la Côte d'Ivoire,
pays
ayant
choisi
ouvertement
la
"voie
de
développement
capitaliste" et celui du Sénégal paraissent significatifs
à cet égard.
En Côte d'Ivoire,
le contrôle financier public est passé
de
l'indice
100
en
1974
à
l'indice
549
en
1978.
En
milliards
de
FCFA
courants,
l'Etat
ivoirien
a
vu
sa
participation
financière
dans
l'Economie
passer
de
26
milliards de F CFA à 145,340 milliards. Sur l'ensemble du

176
REPARTITION DU CAPITAL PRODUCTIF EN COTE D'IVOIRE ENTRE LIETAT, LE SECTEUR
PRIVE ETRANGER ET LE SECTEUR PRIVE IVOIRIEN EN MILLIARDS DE F CFA COURANT
DE 1974 A 1978
~ 1974
1975
1976
1977
1978
SECTEURS
Public ivoi-
,
nen
- -
Total
26 453
49 497
73 556
131 442
145 349
Indice
100
187
278
497
549
%
22,27
31,68
32,58
47,96
46,58
-------------- ----------- ----------- ----------- ----------- -----------
Pri vé Etran-
~
Total
76 222
93 778
109 830
124 405
143 741
%
64,27
60,02
48,62
45,44
46,02
Indice
100
123
144
163
189
-------------- ----------- ----------- ----------- ----------- -----------
Privé Ivoi-
rien
- -
Total
18 058
12 944
42 384
18 185
22 910
Indice
100
81
263
113
143
%
13,52
8,3
18,8
6,6
7,34
Source
FAURE Y.A. et MEDARD: Etat et bourgeoisie en Côte d'Ivoire,
Ed. Karthala, Paris, 1982

Evolutions en % de chaque secteur
dans le capital productif
%
70 ~----
--
1
" f - - - -
~ ~
60 -1
50
-·-·------------·------------~---·*~-~~~~~=A~-~-------::-~~~~-=:-~=
-----~
40 _o.
.........
~--~
---{
- - -
30
..-----
1-'
------------
--J
--J
20
--~----'-'---'-:..-:.:.:..:..
10-1
o ~----­
---~
1
1""
1974
1975
1976
1977
19i
années
--.-- Privé ivoirien
-1--- Püblic ivoirien--*--- Privé étranger
Côte d'Ivoire

178
capi tal
productif
investi
en
Côte
d'Ivoire
la
part
de
l'Etat représentait 22,27 % en 1974; 31,68 % en 1975; elle
est passée à 32,58 % l'année suivante,
à
47,96 % en 1977
pour
descendre
à
46,58
% l'année
suivante.
Parmi
les
secteurs où le contrôle public le plus élevé est assuré se
hissent
en
tête
les
services

la
part
de
l'Etat
représente
63,25%;
ensuite
on
trouve
l'industrie
avec
50,87 %,
l ' agricul ture avec 13,72 % et le commerce avec
10,99 %.
L'autre face de ce contrôle public,
c'est la faiblesse de
la
pénétration
du
capital
national
ivoirien
privé
dans
l'économie;
outre
l'Etat
ivoirien,
le
secteur
privé
étranger est demeuré relativement important même s ' i l est
en perte de vitesse régulière depuis 1974.
De 64,27 % en
1974,
sa
part
est passée à
60,02
% en 1975,
à
48,62
%
l'année suivante.
En 1977 elle était de 45,44 % et elle a
accusé une légère hausse en 1978 où elle s'est hissée à
46,08 %.
Nous
sommes
donc
bien
en
présence
de
deux
tendances
contraires qui
traduisent
bien,
non
une
substitution de
l'Etat
ivoirien
au
capital
privé
étranger,
mais
un
rééquilibrage
de
leur
emprise
respective
sur
l'Economie
ivoirienne. A preuve, dans la même période, la pénétration
du capital
privé
ivoirien dans
l'économie
non
seulement
s'est réalisé~de façon erratique mais elle a baissé entre
1974 et 1978.
Ainsi,
en 1974,
il représentait 13,52 % du
capital productif total;
8,3 % en 1975;
18,80 % en 1976;
6,6
% en
1977
et
7,34
% en
1978
62
Or
d'importantes
mesures institutionnelles et financières avaient été mises
62. Voir tableau ci-contre. Voir également graphique ci-contre.

179
en place par les pouvoirs publics ivoiriens;
la création
de
divers
fonds:
avances
sur marché,
fonds
de
rachats,
fonds
de
garantie,
de
bonification
n'a
pas
permis
d'obtenir
des
résultats
satisfaisants.
Si
en
nombre
d'entreprises,
la présence ivoirienne privée est sensible
soit
781
entreprises
sur
2070
unités
agricoles,
industrielles
et
commerciales
(38%),
en
revanche
la
contribution ivoirienne aux fonds propres est inférieure à
30 millions de FCFA par firme alors que pour l'ensemble
des firmes sans participation ivoirienne privée,
l'apport
moyen public ivoirien et privé étranger est de l'ordre de
224 millions de FCFA pour chaque unité de production.
Au
Sénégal,
le
premier
Gouvernement
issu
de
la
période
coloniale
maintient
le
statut
des
institutions
para-
publiques
de
l'Etat
colonial,
tels
la
Régie
du
Transport,
la Régie des chemins de fer,
le Port Autonome,
l'Office des Postes etc...
mais il en crée de nouvelles
pour servir d'instruments de développement, notamment
La
Société
d'Aménagement
et
d'Exploitation
des
Terres du Delta du Fleuve Sénégal (SAED).
La
Société
de
Développement
et
de
mise
en valeur
agricole (SODEVA).
La
Société
Nationale
de
Promotion
Industrielle
(SONEPI).
L'Office Sénégalois de l'Artisanat (OSA).
Le Comptoir d'Exportation du Poisson (CEP).
L'Office
National
de
coopération
et
d'Assistance
pour le Développement
(UNCAD)
détenant
le monopole

180
de la commercialisation des arachides, du mil et des
importations de riz.
La
Banque
Nationale
de
Développement
du
Sénégal
(BNDS) .
L'Office des Habitations à Loyers Modérés (OHLM).
Mais
après
cinq
années
de
fonctionnement,
le
bilan
des
Etablissements
publics
laissait
apparaître
en
1966
une
dette de 4,4 milliards de FCFA "représentant alors 10% des
recettes de l'Etat.
Ce déficit a continué de se creuser
jusqu'en 1972.
D'après un rapport de la Banque Mondiale,
"le financement
des déficits d'exploitation des Etablissements Publics a
représenté,
entre
1966
et
1972,
une
perte
d'environ
2
milliards
de
FCFA
par
an
sur
les
caisses
du
Trésor
public" .
Sous la pression des événements,
la doctrine sénégalaise
selon
laquelle
les
établissements
publics
sont
des
instruments
de
l'organisation
socialiste
va
évoluer;
la
voie sénégalaise du socialisme,
notamment dans le domaine
du développement industriel est devenue selon les termes
de SENGHOR 63 une "voie médiane entre la libre concurrence
dans
le
cadre
du
marché
et
la
planification
dans
un
système fermé,
impossible à réaliser surtout pour un pays
sous
développé.
Il
est
une
planification
partielle,
indicative,
incitative et surtout participante ...
qui ne
nie pas le marché mais s'efforce de l'intégrer". Désormais
donc,
c'est le pragmatisme qui prévaut;
i l se traduit par
63.
In
ROCHE'l'EAU
Guy
(avec
la
collaboration de
ROCH
Jean).
Pouvoir
financier
et
indépendance
économique en Afrique: Le ca. du Sénégal.

181
la création d'une société d'économie mixte dans tous les
secteurs.
Cette
politique
se
réalise
soit
par
une
participation
de
l'Etat
dans
des
entreprises
privées
étrangères
soit
par
l'ouverture
du
capital
social
de
sociétés publiques au secteur privé:
unités de fabrication de matériel agricole,
société
de
gestion,
des
infrastructures
publiques
dans le domaine des industries animales,
complexe laitier de Saint-Louis,
société de distribution de marchandises,
usine de montage de véhicules Berliet
unité de transformation des métaux
raffinerie.
autant d'unités au sein desquelles l'Etat sénégalais est
associé
à
des
investisseurs
privés
et
étrangers
et
qui
connaissent des fortunes diverses.
C'est
pourquoi
à
partir
de
1972,
l'Etat
décide
d'intervenir dans la
fonction d'innovation,
estimant que
le contrôle financier des entreprises ne constitue plus un
moyen suffisant permettant de promouvoir le développement.
Cette nouvelle orientation est concrétisée dans le 4e plan
quadriennal
(1973-1977).
Celui-ci
s'oriente
vers
l'ingénierie de
développement,
en
amont
des
proj ets,
au
stade de la définition et de la conception,
recherche le
financement international et accorde sa garantie pour les
emprunts
réalisés
par
les
sociétés
mixtes
auprès
des

182
bailleurs de fonds
internationaux.
Comme le souligne Guy
Rocheteau 64 même
"le secteur agricole ne constitue plus
désormais
un domaine réservé aux expériences socialistes
de gestion de
l'Economie".
Par exemple,
l'ancien
casier
rizicole
de
Richard
Toll
passe
sous
le
contrôle
de
la
Compagnie sucrière sénégalaise à capitaux privés. De même,
"aux anciennes formules d'encadrement coopératif retenues
pour
le
développement
des
cultures
maraîchères
dans
la
zone
péri-urbaine
des
Niayes,
se
substitue
une
Société
d'Economie mixte".
Cette mesure a fait
baisser davantage
le degré de pénétration coopérative au Sénégal qui était
de 5% vers
le milieu des années
60.
Ce taux est
faible
pour un pays qui se voulait socialiste puisqu'il est peu
différent de celui de l'Ouganda qui connaît un taux de 4%.
Au total,
l'investissement public au Sénégal a plus servi
à
créer les conditions attrayantes pour l'investissement
privé en lui assurant une rentabilité élevée
code des
investissements
de
1972
accordant
des
avantages
importants,
création de
la
zone
franche
industrielle de
Dakar en 1974. Ailleurs, l'Etat est partout omniprésent au
Congo, en Ethiopie, en Somalie, au Bénin, au Ghana, etc ...
Toutes
ces
expériences
montrent
bien
que
capitalisme
libéral et socialisme africain se rejoignent dans un même
régime

l'initiative
privée
étranger
demeure
relativement important.
L'Etat africain participe ainsi à
l'exploitation
des
hommes
et
des
ressources
de
son
territoire. Il s'agit bien d'un Etat comprador qui joue le
rôle
d'intermédiaire
entre
le
capital
étranger
et
les
populations locales.
64. ROCHETEAU Guy, opus déjA cité.

183
2 - L'homogénéité des choix des techniques et des méthodes
de développement
Cette
homogénéité
s'est
manifestée
dans
trois
domaines
essentiels :
D'abord,
c'est
le
recours
à
la
planification
comme
technique de gestion et de développement de l'Economie. Si
dans
les
pays
d'Afrique
d'inspiration
socialiste,
la
volonté de planification a
été plus
forte,
notamment au
Ghana,
au Sénégal,
au
Mali,
en
Guinée,
en
revanche
une
évolution
vers
une
planification
souple,
incitative
a
réuni Etats Africains d'inspiration capitaliste et "Etats
socialistes parce que dans la plupart des cas,
ces plans
de
développement
étaient
des
"plans
conditionnels".
La
réalisation
des
objectifs
inscrits
au
plan
dépendait
à
plus
de
75%
des
sources
de
financement
extérieur,
notamment de capitaux en provenance des pays de l'OCDE et
d'autres pays capitalistes développés.
Durant la première
décennie
des
indépendances
africaines,
les
sources
de
financement
furent
essentiellement
publiques;
ce
n'est
qu'à partir de 1974 sous l'effet
de la hausse du prix des
matières que les pays Africains se sont endettés auprès du
système bancaire privé international.
Le
deuxième
aspect
des
tendances
communes
aux
pays
Africains dans le choix des méthodes concerne l'option en
faveur de grands projets pour l'industrialisation. Dans ce
domaine, deux périodes sont à distinguer : de 1960 à 1970,
seul
le
Ghana
a
concentré
ses
efforts
sur
l'industrialisation par la réalisation de grands projets:
le plan de développement (1963-1970)
donna la priorité à
ce secteur,
avec comme base,
le barrage hydroélectrique

184
d'Akosombo
sur
la
Vol ta.
Dans
le
domaine
agricole,
la
mécanisation a été considérée comme une panacée : à preuve
en 1966,
le parc d'engins agricoles du pays comptait près
de 4000 tracteurs même s'ils n'étaient utilisés qu'à 40%.
A
partir
de
1974,
pays
"socialistes"
comme
pays
"capitalistes" ont recours à de grands projets industriels
et agricoles.
Le secteur étatique s'est beaucoup renforcé
à
partir
de
cette
période
par
des
financements
publics
directs
et
par
l'octroi
par
l'Etat
de
sa
garantie
aux
investissements
privés.
Au
Zaïre,
cette
politique
s'est
tradui te
par
le
rachat
des
entreprises
étrangères
qui
furent rétrocédées ensuite à des entrepreneurs zaïrois. Au
Gabon,
la réalisation de grands projets d'infrastructures,
notamment
la
construction
de
la
voie
ferrée
le
"TRANSGABONAIS" reliant Libreville à l'Ouest à Franceville
à l'Est fut une illustration significative de la politique
des grands travaux en Afrique.
En Ouganda par exemple,
le
Gouvernement d' Idi
AMIN DADA
se
lança
dès
1972
dans
le
contrôle des grandes unités de production étrangères par
la
nationalisation.
Cette
mesure
toucha
les
intérêts
indiens
et
anglo-kenyan
qui
exerçaient
depuis
1952
une
véritable
domination
économique
condominiale
sur
l'Ouganda. Parmi les sociétés touchées, on comptait:
la British American Tabacoo
l'Uganda Breweries
Mitchell - Cotts pour la production du thé
Mahta et Madhvan deux sociétés indiennes qui con-
trôlaient la production de sucre
dus trie minière.

185
Mais toutes ces
sociétés
furent
dénationalisées
en
1982
sous
la
pression
de
la
Banque
Mondiale
et
du
Fonds
Monétaire
International
et
rendues
à
leurs
anciens
propriétaires.
La généralisation des coopératives agricoles fut également
utilisée comme méthode de développement par l'e~semble des
pays d'Afrique.
Or sur ce point,
cette expérience s'est
soldée
partout
par
des
échecs;
le
degré
de
pénétration
coopérative
n'a
guère
dépassé
les
10
% tous
régimes
socio-économiques
confondus.
Près
de
85
% des
Etats
avaient un degré de pénétration inférieure à 1 %. Seuls le
Cameroun
( 1
%) ,
la
Guinée
( 2 , 4
%) ,
le
Kenya
( 3
%) ,
l'Ouganda (4 %), le Tanganyika (5 %), le Sénégal (5 %), le
Mali (8 %) avaient franchi ce seuil qui, au demeurant, est
très faible si l'on se réfère au cas de pays capitalistes
développés comme la Grande Bretagne
(25,6
%),
la France
( 14,7 %),
la Finlande et le Danemark
(plus de 30 %)
65
L'échec des
coopératives
résulte en partie des
méthodes
d'encadrement administratif et autoritaire du monde rural
et qui laissaient peu de place aux initiatives paysannes
quant à
la définition des objectifs,
au choix des moyens
et à la destination des produits.
3 - L'importance des dysfonctionnements institutionnels
Cet esprit apparaît comme la résultante de l'interférence
entre
des
structures
sociales,
des
mentalités,
des
65. Le
degré
de pénétration coopérative est
le
rapport du nombre des
membres
des coopératives
africainea
A
la
population
totale.
in
Henri
Desroche.
coopératismes
africains-jalons
inductifs
d' une
recherche
comparée.
Archives
Internationales
de
Sociologie
de
la
Coopération. Paria 1964. p. 131-185.

186
attitudes et des comportements,
des stratégies politiques
caractérisés par un faible degré de cohérence.
Pour être invariante en Afrique, cette contrainte ne tient
pas moins aux manifestations suivantes
personnalisation du processus de décision,
centralisation du pouvoir de décision au niveau des
instances
politiques,
notamment
celles
du
parti
unique,
lenteur et lourdeur des procédures administratives,
légitimation
de
la
corruption
comme
critère
de
performance administrative,
faible
coordination
entre
les
différentes
administrations,
manque
de
sui vi
des
dossiers
administratifs,
économiques et financiers,
importance
relative
de
l'assistance
technique
étrangère qui infléchit les décisions des autorités
des
pays
d'Afrique
dans
le
sens
d'intérêts
contradictoires,
luttes d'influence entre les bailleurs de fonds sur
le
terrain,
chacun
cherchant
à
privilégier
ses
produi ts,
ses
méthodes
et
sa
philosophie
du
développement.
L'évolution
rapide
de
tous
les
pays
d'Afrique
vers
des
régimes
politiques
autoritaires
et
autocratiques
que
la
bourgeoisie
comprador
gère
au
profit
d'intérêts

187
contradictoires,
ceux du capital étranger principalement
et
des
populations
africaines
apparaî t
comme
l'une
des
spécificités en même temps que la contrainte fondamentale
de
ces
pays
sur
le
plan
institutionnel
et
socio-économique.
Mais
au-delà
de
cette
contrainte
des
logiques contradictoires se télescopent: elles relèvent de
la
méconnaissance
de
la
dynamique
interne
propre
aux
sociétés
africaines,
de
l'emprise
du
mythe
du
développement sur les dirigeants
politiques,
d'attitudes
et
de
comportements
liés
à
la
survivance
de
structures
sociales
et
mentales
précapitalistes
et
des
effets
asymétriques
résultant
du
dynamisme
des
économies
industrielles.
A considérer donc le caractère incohérent et hybride du
cadre
institutionnel
du
développement
en
Afrique,
les
dysfonctionnements
qui
le
caractérisent,
le
rôle
prédominant
des
intermédiaires
commerciaux
et
poli tico-
administratifs, les Etats d'Afrique, issus pour la plupart
du transfert du
pouvoir colonial,
se révèlent comme des
Etats
essentiellement
tributaires,
obj et
de
compétition
économique et sociale.
Or,
le développement suppose,
rationalité des choix,
des
attitudes
et
des
comportements,
cohérence
entre
les
objectifs et les moyens,
efficacité de l'organisation et
des
techniques,
intégration
synergétique
de
facteurs
économiques, politiques, sociaux et culturels.
Rien
d'étonnant
dès
lors
si
les
stratégies
de
développement
mises
en
oeuvre
sur
le
continent
depuis
trois
décennies
se
sont
révélées
inefficaces
et
ont
conduit à une crise généralisée dans tous les domaines.

188
CHAPITRE IV -
LES CARACTERISTIQUES DES SYSTEMES POLITIQUES
AFRICAINS
Le phénomène nationalitaire a, sans conteste,
joué un rôle
décisif dans l'émancipation du continent Africain. Mais, à
considérer
aujourd'hui
les
difficultés
politiques
et
économiques de la plupart des pays d'Afrique,
on se rend
compte
que
cette
dynamique
a
été
travestie.
Les
modes
d'exercice du
pouvoir
politique
témoignent
en
partie de
cet ajournement d'efficace: à preuve la personnalisation
du pouvoir et sa confiscation par des oligarchies civiles
et militaires.
Section 1 - La personnalisation du pouvoir
Quatre facteurs principaux se trouvent à
l'origine d'une
lecture et d'une pratique personnalisées des institutions
politiques en Afrique
:
le choix du régime présidentiel,
la
faiblesse
du
niveau
d'instruction
des
populations,
l'absence
de
tradition
démocratique,
la
stérilité
intellectuelle de l'intelligentsia africaine.
1 - Régimes présidentiels et personnalisation du pouvoir
Dès leur accession à l'indépendance,
la plupart des Etats
Africains choisirent le régime présidentiel au détriment
du
régime
parlementaire.
Même
les
pays
qui,
en
1960,
s'étaient
prononcés
pour
ce
dernier,
notamment
le
Cameroun,
le Tchad,
le Sénégal,
le Mali,
Madagascar lui

189
ont
rapidement
tourné
le
dos.
Quelles
sont
les
raisons
d'un tel engouement pour le régime présidentiel?
Aux yeux des dirigeants,
i l passe pour favoriser une plus
grande
concentration
des
pouvoirs
entre
les
mains
du
Président de la République;
ce dernier n'a-t-il pas pour
mission de prendre des décisions d'intérêt général et de
caractère complexé? Il importe donc qu'il soit libre de
toute
influence
perverse
venant
des
autres
organes
du
système politique établi et qui soit de nature à diminuer
l'efficacité de son action.
En outre,
les attributions du Président de la République
sont de nature à favoriser la personnalisation du pouvoir.
En
effet,
i l
incarne
l'unité
nationale,
garantit
le
respect de la constitution et représente le pays dans les
traités
internationaux.
Il
exerce
le
pouvoir
réglementaire,
nomme
les
fonctionnaires
civils
et
mili taires,
participe
à
l'exercice
de
la
fonction
législative.
Dans certaines institutions notamment celles
de
la
Côte
d'Ivoire,
du
Bénin,
du
Niger,
du
Togo,
du
Burkina
Faso ... ,
i l
dispose
du
droit
de
prononcer
la
dissolution
de
l'assemblée
nationale.
En
revanche,
le
Président de la République ne peut pas être censuré par
l'assemblée.
Enfin,
i l dispose de pouvoirs spéciaux dans
les circonstances exceptionnelles,
telles que les menaces
graves
pour
le
fonctionnement
régulier
des
pouvoirs
publics.
Dans
ce
cas,
i l
exerce
à
la
fois
le
pouvoir
législatif
et
réglementaire
pendant
une
période
déterminée.
De
toute
évidence,
les
Etats
Africains
furent,
dans
l'ensemble,
soucieux
de
créer
un
pouvoir
exécutif
fort

190
pour des raisons d'efficacité; mais ce déséquilibre ne fut
pas assorti d'un contrôle réel du pouvoir exécutif par le
législatif
et
le
judiciaire.
Cette
faiblesse
institutionnelle
trouve
son
origine
dans
le
contexte
sociologique
des
pays
d'Afrique
marqué
par
la
personnalisation,
des rapports entre les individus et les
groupes
sociaux.
En
effet
les
théories
officielles
du
pouvoir en Afrique établissent à juste titre une analogie
entre le statut du Président de la République et celui du
Chef
dans
la
société
antécoloniale.
Cette
analogie
est
fondée dans
la mesure où sur
le plan théorique
l'on se
réfère à la nature des modes de production dominants pour
expliquer
le
phénomène
poli tique.
Dans
la
société
tradi tionnelle
comme
dans
la
société
néo-coloniale,
le
pouvoir
politique
a
pour
fonction
d'assurer
la
reproduction
sociale
c'est-à-dire
les
rapports
d'inégalité.
Or
ces
rapports
renvoient
à
des
groupes
sociaux organisés avant tout sur le mode de la parenté.
Contrairement à des idées reçues,
le chef de lignage dans
les
sociétés
lignagères,
de
même
que
le
Roi
dans
les
sociétés
de
type
féodal
en
Afrique
représentaient
le
pouvoir des aînés et leur légitimité était moins assurée
par des règles instituées que par référence à une origine
sacrée et par conséquent idéologique.
Pour être ainsi des
intermédiaires directs entre les ancêtres et les groupes
sociaux,
ils furent donc investis d'un pouvoir éminemment
personnalisé.
L'analogie
avec
la
société
moderne
permet
de
mettre
l'accent
sur
le
rôle
de
l'élément
personnel
dans
le
fonctionnement
des
institutions
politiques;
outre
la
parenté, dont l'une des versions courantes en Afrique est

191
l'appartenance
des
dirigeants
à
l'ethnie
dominante,
des
facteurs
tels que
le charisme,
du
leader,
sa
légi timi té
historique,
c'est-à-dire sa contribution personnelle à la
lutte
pour
l'indépendance
expliquent
également
le
phénomène de la personnalisation.
2 - La faiblesse du niveau d'instruction générale et de
l'opinion publique
Vingt ans après la décennie où les pays d'Afrique avaient
défini l'objectif d'un taux de scolarisation de cent pour
cent, le taux d'analphabétisme demeure encore relativement
élevé soit 75 % en 1989. Que dire des élus du peuple des
années 60 si l'on se réfère à leurs capacités à participer
au fonctionnement des institutions dont s'étaient doté les
pays d'Afrique?
Le travail législatif requiert une bonne culture générale
que
les
députés
étaient
loin
de
posséder.
Il
suppose
également une capacité à traduire en propositions de lois
les
intérêts
des
populations
qu'ils
sont
censés
représenter. L'image du député analphabète avait hanté les
parlements de certains pays Africains lors des premières
années des
indépendances parce qu'il
a
fallu
prendre en
compte
uniquement
l'influence
qu'ils
exerçaient
sur
les
populations locales.
Outre
le
faible
niveau
de
formation
des
députés,
c'est
surtout
l'absence
d'opinion
publique
qui
a
favorisé
la
personnalisation
du
pouvoir
en
Afrique.
Celle-ci
est
indispensable pour le contrôle des actes du politique et
..
pour la limitation de sa tendance naturelle à l'hégémonie .

192
Or,
il
lui
était
difficile
de
connaître
les
textes
législatifs
et
réglementaires
de
s'imprégner
de
leur
esprit et d'en faire l'économie. C'est pourquoi l'adhésion
à une décision relevait moins d'une démarche rationnelle
que
de
la
confiance
accordée
aux
dirigeants;
dès
lors
toutes
les
déviations
étaient
possibles
depuis
le
monnayage
du
soutien
aux
hommes
politiques
jusqu'au
régionalisme en passant par le népotisme.
Si au cours de
la lutte pour l'indépendance,
l'opinion publique avait pu
être facilement mobilisée, la raison résidait surtout dans
la simplicité des mots d'ordre
qui tournaient autour de
l'indépendance nationale;
il pouvait être compris de tout
le monde
d'autant
plus
qu'il
était
connu
sous
forme
de
slogans simples dans les langues nationales
:
ABLODE par
exemple signifiant liberté au Togo a
servi de
slogan au
Front nationaliste qui conduisit le pays à l'indépendance.
3 - L'absence de tradition démocratique
En
Europe,
la
tradition
démocratique
est
devenue
aujourd'hui
une
composante
essentielle
de
la
culture
notamment dans les pays d'Europe occidentale; l'origine de
cette culture démocratique remonte au XVIIIe siècle avec
la révolution française de 1789 qui donna naissance à
la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août
1789.
Celle-ci
affirma
divers
principes
relatifs
à
l ' égali té
entre
les
hommes
devant
la
loi,
à
la
souveraineté de la nation,
au caractère exécutoire de la
loi, au caractère inviolable et sacré de la propriété. Ces
droits se sont enrichis et élargis au cours des années au
travers d'une série de conquêtes sociales de sorte qu'ils
apparaissent
aujourd' hui
comme
le
produit
d'un
héritage

193
commun à
toutes les classes sociales et qu'ils sont par
ailleurs constamment défendus par les forces politiques en
Europe, notamment les syndicats et les partis politiques.
En Afrique au sud du Sahara,
l'introduction des libertés
démocratiques a été tardive et remonte dans la plupart des
pays à la seconde guerre mondiale. Du reste, elles ont été
largement
impulsées
par
la
Déclaration
universelle
des
Nations-Unies
en
1948,
qui
reprend
en
partie
celle
de
1789.
Ici,
la tradition démocratique est relativement nouvelle.
De plus elle a
été contrariée au cours de ces quarante
dernières années par la répression qui s'est exercée sur
les
forces
poli tiques
à
l'époque coloniale
et
par
leur
démantèlement
à
partir
des
prem~eres
années
des
indépendances africaines. Au demeurant les changements de
régimes poli tiques
en Afrique n'ont
pas
été accompagnés
d'une
véritable
révolution
intellectuelle
profonde
qui
favorise l'idéal de liberté,
l'attachement à la promotion
et au respect des droits de l'homme.
4 - La stérilité intellectuelle de l'intelligentsia
africaine
Les
pratiques
constitutionnelles
qui
caractérisent
l'exercice
du
pouvoir
politique
en
Afrique
semblent
témoigner
d'un
vide
poli tique,
d'une
absence
de
forces
démocratiques,
capables
d'imposer
des
limites
à
l'arbitraire.
Partout
des
pouvoirs
personnels
se
sont
développés
en
trois
décennies
et
même


plusieurs
partis
politiques
et
des
syndicats
réellement
libres

194
existent,
l'exécutif
est
devenu
à
la
fois
source
et
finalité de tout pouvoir.
Les élites intellectuelles ont
largement contribué à cette évolution par une absence de
contestation intellectuelle.
Si elles ne choisissent pas
de
renforcer
les
pouvoirs
en
place
en
leur
servant
d'idéolog~es,
au
demeurant
confus,
comme
au
Bénin,
au
Zaïre ou au Togo,
elles se réfugient dans un attentisme
dont profitent largement les dirigeants actuels.
Dans le
passé,
c'est-à-dire dans l'entre-deux-guerres et jusqu'en
1960
les
élites
africaines
avaient
mené
le
combat
i~éologique
avec
l'appui
des
milieux
progressistes
d'Europe pour l'émancipation politique du continent.
Les
étudiants
africains
n'avaient
pas
été
en
reste
la
Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France (FEANF)
fut
à
cet égard un aiguillon efficace face aux pouvoirs
coloniaux et aux premiers dirigeants politiques africains.
Mais
sur
le
terrain,
le
débat
d'idées
politiques,
les
recherches
politiques
et
leur
diffusion
faisaient
cruellement défaut.
Peut-être faut-il invoquer,
à l'appui
de cette carence, l'absence de libertés démocratiques dans
bon nombre de pays africains et le caractère arbitraire de
la censure et de la répression ? De même le niveau élevé
d'analphabétisme impose des limites à
la diffusion de la
pensée,
mais
ces
deux
facteurs
ne
sauraient
servir
d'excuses valables.
Il
semble
que
dans
le
contexte
socio-économique
et
politique et
idéologique des
pays d'Afrique,
les
élites
intellectuelles
se
comportent
davantage
comme
la
bourgeoisie Comprador.
En Europe par exemple la production et la diffusion de la
pensée
ont
joué
un
rôle
non
négligeable
dans
les

195
changements qui
ont affecté tous
les
secteurs de
la vie
sociale
à
l'époque
de
la
Renaissance
et
au
siècle
des
Lumières.
Ici
les
élites
ont
su
ménager
une
liberté
de
pensée et d'action et quand elles étaient persécutées par
les
autorités
politiques
et
religieuses,
elles
n'en
poursui vaient
pas
moins
le
combat
d'idées
depuis
leur
exil. En s'inféodant directement aux pouvoirs en place en
leur apportant leur caution intellectuelle et morale ou en
se réfugiant dans un mutisme passif,
les élites africaines
ont
laissé
le
champ
libre
à
toutes
les
déviations
autoritaires
en
Afrique
et
favorisé
indirectement
l'avènement de régimes politiques anti-démocratiques.
Section 2 - La confiscation du pouvoir
Si
elle
résulte
en
partie
de
la
personnalisation
du
pouvoir,
elle
n'exprime
pas
moins
une
réalité
socio-
politique qui renvoie à deux types de questions :
Quelle est la configuration des forces politiques en
Afrique?
Comment a
évolué depuis trois décennies en Afrique
la relation gouvernants-gouvernés?
1 - Confiscation du pouvoir et configuration des forces
politiques
La confiscation du
pouvoir en Afrique
s' inscri t
dans
le
cadre des rapports
que les dirigeants entretiennent avec
toutes les forces politiques de leurs pays. Compte tenu du
rôle
de
premier
plan
que
les
éli tes
modernes
et

196
traditionnelles
ont
joué
dans
le
développement
du
phénomène nationali taire,
i l convient
de distinguer leur
cas de celui de toutes les autres catégories sociales.
a - L'Etat et les élites
Il
existe
en
Afrique
au
sud
du
Sahara
une
forte
imbrication
entre
les
élites
et
la
classe
dirigeante;
cette dernière trouve sa source dans les élites modernes
ou traditionnelles; mais d'une façon générale, ce sont les
élites
modernes
qui
prédominent,
elles
détiennent
le
savoir,
le
pouvoir
administratif
et
technique
alors
que
l'autorité
est
dans
bien
des
cas
reconnue
aux
élites
traditionnelles: d'où la collaboration librement acceptée
ou forcée entre ces deux groupes qui accaparent l'appareil
d'Etat.
Issues des écoles coloniales,
des universités européennes
et
américaines,
les
élites
modernes
vont
hériter
du
pouvoir politique avec l'appui des élites traditionnelles;
dans
bien
des
cas
c'est
grâce
à
l'autorité
que
ces
dernières
exercent
sur
les
populations
que
les
élites
modernes
ont
pu
les
mobiliser
pour
appuyer
leurs
revendications face au pouvoir colonial.
En Côte d'Ivoire par exemple,
Houphouët-Boigny avait très
tôt
compris
qu'il
fallait
s'appuyer
sur
les
planteurs
parmi
lesquels
i l
y
avait
une
majorité
de
chefs
traditionnels.
Au Sénégal,
Léopold Sedar Senghor s'est longtemps appuyé
sur
les
marabouts,
chefs
spirituels
des
confréries
mourides.
De
nos
jours,
le
pouvoir
poli tique
ni est
pas

197
moins tributaire de l'autorité des chefs religieux.
Dans
des
pays
comme
au
Niger
et
au
Mali

l'influence
de
l'islam est prépondérante,
la prière du Vendredi a revêtu
un
caractère
politico-spirituel.
A
cette
occasion,
se
développent
différentes
stratégies
qui
ont
pour
but
de
provoquer une redistribution des positions des élites dans
la hiérarchie administrative et politique. C'est un moment
privilégié
parce
que
réunissant
les
plus
hautes
instances
de
l'Etat
-
qui
offre
aux élites modernes et
traditionnelles
l'occasion
de
se
reconnaître
et
de
célébrer symboliquement leur appartenance au même groupe.
Dans
certains
pays
comme
en
Guinée,
il
y
eut
sous
le
régime de
Sékou Touré
un conflit
ouvert avec
les
chefs
traditionnels qui aboutit à la suppression de ces derniers
à
cause
de
l'influence
qu'ils
exerçaient
sur
les
populations.
C'est
pour
éviter
cette
situation
conflictuelle
que
la
plupart des pays d'Afrique ont tenté d'utiliser comme des
relais obligés
les chefs
traditionnels
et
les
autorités
religieuses.
Ainsi
en
Tanzanie,
le
socialisme
s'est
accommodé de l'autorité des chefs de villag~; c'est grâce
à
ces
derniers
que
le
pouvoir
poli tique
pouvait
faire
accepter les orientations du système politique établi.
Avec
l ' appari tion des
régimes militaires
en Afrique,
la
collaboration entre élites modernes et traditionnelles n'a
pas été pour autant rompue;
elle a
pris des formes
plus
contraignantes
mais
non
dépourvues
d'intérêts
matériels
pour
les
secondes
octrois
de
subventions
diverses,
institutionnalisation des indemnités des chefs de cantons,
autonomie
dans
l'exercice
de
la
justice
coutumière
et

198
surtout dans la définition et l'application des sanctions,
dans la collecte des taxes et impôts divers sur lesquels
elles perçoivent des ristournes.
Ces avantages matériels
ont
pour
contrepartie
l'appui
religieux,
moral
et
spirituel qu'elles apportent au pouvoir politique. Au Togo
par
exemple,
le
parti
unique
a
suscité
la
création
de
l'Union
des
chefs
tradi tionnels
(UNCTT),
véri table
courroie de transmission des mots d'ordre du parti auprès
des
populations
locales.
Si
les
élites
traditionnelles
n'adhèrent
pas
toujours
à
ces
mots
d'ordre,
elles
ne
cherchent
pas
moins
à
utiliser
leur
relation
avec
le
pouvoir pour créer un réseau d'influence dont elles tirent
profit le moment venu pour elles-mêmes ou pour des membres
de leur famille.
Dans un autre ordre d'idées,
les rapports entre l'Etat et
les élites sont déterminés par l'importance démographique
et
poli tique
de
chaque
groupe
ethnique
dans
la
société
globale.
L'ascension
sociale dépend
certes
des
qualités
que
confèrent
à
l'élite
ses
diplômes
mais
elle
est
également
conditionnée
par
une
certaine
légitimité
ethnique. La réussite politique de l'individu est associée
à
celle
de
son
groupe
ethnique
et
entraine
une
modification de tous les rapports au sein de la société,
la
confiance
politique
qu'inspire
un
dirigeant
nait
d'abord
de
la
solidarité
que
lui
manifeste
son
groupe
ethnique;
elle
s'étend
aux
autres
groupes
selon
les
diverses
affinités
linguistiques,
géographiques
et
historiques,
elle
touche enfin les
autres
individus
sur
des
bases
subjectives,
c'est-à-dire
dans
le
cadre
de
rapports d'allégeance personnelle.

199
Ainsi l'ethnie est un élément sociologique important qui
intervient dans la promotion des élites modernes, elle est
le lieu où se développent toutes sortes de solidarités,
matérielles,
morales
et
spirituelles.
Si
les
élites
naissent de leur accès à la culture moderne,
occidentale
et technicienne,
en revanche elles ne
peuvent
prospérer
politiquement
qu'en
symbiose
étroite
avec
leur
groupe
ethnique.
Mais
elles
sont
loin de
constituer
un
groupe
homogène;
elles se regroupent autour de deux tendances principales:
les
nationalistes
réformistes
et
les
nationalistes
révolutionnaires. La première catégorie englobe les élites
pour qui le libéralisme économique et politique constitue
l'une des
conditions de possibilité du
développement
en
Afrique.
D'une manière générale,
ce
sont des démocrates
dont
l'action
politique
vise
à
créer
en
Afrique
les
conditions suivantes :
instauration des libertés démocratiques notamment le
recours
aux
élections
libres
en
tant
que
mode
d'expression de la vie politique,
le respect de la
liberté de réunion, d'association et d'expression,
respect
des
droits
de
l'homme
comme
condition
indispensable à
la
libération et
à
l'éclosion des
initiatives individuelles et collectives,
création
d'un
système
socio-économique
moderne,
libéral,
qui
tienne compte des
valeurs
morales
et
spiri tuelles
des
sociétés
africaines,
c'est-à-dire
qui placent avant tout l'homme au centre de toutes
les préoccupations,

200
création d'espaces économiques qui reposent sur des
poli tiques
économiques
concertées
entre
les
Etats
aux plans régional et sous-régional.
L'objectif
des
nationalistes
réformistes
est
la
construction
d'une
société
bourgeoise

la
fraction
éclairée de la bourgeoisie "comprador" est appelée à jouer
un
rôle
d'avant-garde;
celle-ci
donnera
l'impulsion
nécessaire
au
développement
de
l'Afrique
en
favorisant
l'accumulation
du
capital;
généralement,
ces
élites
nourrissent une vision technocratique du développement en
Afrique.
Les principales idées des nationalistes radicaux
ont été exprimées par E. Kodjo, ancien secrétaire général
de
l'organisation
de
l'Uni té
Africaine
dans
un
ouvrage
intitulé
ET
DEMAIN,
L'AFRIQUE
66
Il
s'agit
d'un
véritable
plaidoyer
en
faveur
de
l'unité
africaine
envisagée à travers plusieurs étapes dont la première est
la création d'une confédération des Etats actuels assortie
d'une rénovation de "l'organisation de l'Unité Africaine"
actuelle,
qui
serai t
dotée
d'un
plus
grand
pouvoir
de
coordination.
Pour
atteindre
cet
objectif,
l'auteur
préconise
un
panafricanisme
rationalisée,
qu'il
définit
ainsi:
"Considéré non comme une idéologie de domination
des autres peuples,
mais comme une philosophie
politique tendant à
réunir tous les peuples du
continent en une grande communauté d'intérêts,
le panafricanisme parait l'unique moyen pour les
Africains
d'exploiter
dans
leurs
intérêts
propres
les
avantages
que
leur
offre
l'importance géopolitique du continent".
66. KODJO Edem.
Et Demain l'Afrique.
Ed. stock,
Paris, 1985.

201
Sur le plan économique,
i l préconise la création de zones
de libre-échange et d'unions douanières protégées par des
tarifs
extérieurs
élevés,
une
nouvelle
"Economie
politique"
fondée
sur la vision d'une société solidaire,
une
nouvelle
conception
de
l'activité
économique
qui
prenne
en
compte
l ' homme
dans
ses
principes
et
dans
sa
finalité.
La
seconde
catégorie,
c'est-à-dire
les
nationalistes
révolutionnaires se prononcent pour un projet de société
défini à partir des idées suivantes
l'uni té
africaine
est
une
nécessi té
pour
le
développement
de
l'Afrique
et
elle
requiert
la
création
immédiate
d' insti tutions
poli tiques
à
l'échelle continentale,
le
système
socialiste
est
le
meilleur
gage
de
développement du continent,
le système monopartit
a
des effets intégrateurs et
permet
de
renforcer
l'uni té
africaine
face
à
la
domination exercée par l'impérialisme international,
les
droits
de
l ' homme
sont
subordonnés
au
proj et
politique de l'unité nationale et africaine,
la lutte des classes est le moteur du développement
socio-économique,
elle
repose
sur
l'alliance
entre
les masses, c'est-à-dire les travailleurs des villes
et
des
campagnes
et
la
petite
bourgeoisie,
d'une
part contre la bourgeoisie comprador et la féodalité
d'autre part. Cette seconde tendance est loin d'être
homogène,
elle recouvre des sensibilités politiques

202
diverses: trotkystes, maoïstes, marxistes-léninistes
et intellectuels, démocrates qui ont une conscience
aigüe des contradictions sociales et politiques qui
caractérisent les sociétés africaines.
De
ces
deux
tendances,
seule
la
première
occupe
une
position
dominante
dans
la
structure
politique,
idéologique et économique du continent avec l'appui de la
vieille
génération
des
leaders
politiques
et
des
militaires.
La
seconde
dont
la
plupart
des
éléments
avaient été des militants de la puissante Fédération des
Etudiants Noirs
en
France
( F. E. A. N. F.)
est
rej etée dans
une
opposition
ouverte
ou
clandestine
aux
pouvoirs
en
place;
mais dans
tous
les cas,
leur
influence politique
paraît
limitée
excepté
les
rares
pays

ils
sont
au
pouvoir comme en Angola,
au Mozambique,
au Bénin jusqu'en
décembre 1989. Ainsi partout en Afrique, l'appareil d'Etat
se
trouve
sous
la
domination
des
élites
alliées
à
la
bourgeoisie
comprador
contre
les
forces
productrices,
c'est-à-dire les paysans et les ouvriers. Or les élites et
la
bourgeoisie
comprador
constituent
partout
en Afrique
une
minorité
;
ce
qui
dénote
une
base
sociologique
du
pouvoir
particulièrement
étroit.
Les
références
aux
paysans
et
à
la
classe
ouvrière
dans
les
discours
officiels masquent en réalité la prédominance de pouvoirs
politiques oligarchiques.
b - L'Etat et les autres catégories sociales
On chercherait en vain en Afrique au sud du Sahara des
pouvoirs politiques dont la base sociologique repose sur
la paysannerie et les ouvriers.

203
Si
les
ouvriers
forment
une
catégorie
socio-profession-
nelle embryonnaire, en revanche
la paysannerie représente
dans la population active africaine un poids considérable
soit une moyenne de 80%; or nulle part les relations entre
les
pouvoirs
poli tiques
et
la
paysannerie
ne
reflètent
l'importance
numérique
de
cette dernière.
Depuis
trente
ans,
les
mouvements
sociaux
qui
ont
affecté
ces
pays
furent
essentiellement
d'origine
urbaine
et

les
fonctionnaires,
les cheminots et les dockers jouèrent un
rôle
déterminant.
Ainsi
s'expliquent
en
partie
les
politiques économiques,
des
Etats
qui
ont plus
favorisé
les
forces
urbaines
et
par
voie
de
conséquence
porté
atteinte aux intérêts de la paysannerie africaine.
A l ' encontre
de
cette
thèse,
on
pourrait
invoquer
les
diverses
expériences
de
création
de
coopératives
de
production et de commercialisation de produits agricoles
qui ont marqué l'évolution économique du continent depuis
1960.
Le Sénégal,
le Niger,
le Mali,
le Burkina Faso,
le
Ghana,
le Togo et le Bénin par exemple ont connu à des
degrés divers ces expériences; mais dans l'ensemble elles
se sont soldées par des échecs en raison, entre autres, de
la
tutelle
administrative
et
politique
qui
pesait
sur
elles. Dans certains cas, comme au Ghana sous le régime de
Kwame N'Krumah, elles étaient utilisées comme des organes
d'embrigadement
de
la
population
paysanne.
En
d'autres
termes,
le
fonctionnement
interne
de
ces
structures
laissait
peu
de
place
à
des
initiatives,
venant
des
paysans eux-mêmes; en outre ils n'étaient pas représentés
dans
les organes de décisions et de consultation de ces
pays.

204
Seule la Tanzanie échappe à ce schéma.
Elle donne à
cet
égard
la
preuve
d'une
expérience
originale
de
création
d'un
Etat

la
problématique
de
développement
est
principalement conditionnée par les rapports entre l'Etat
et la paysannerie.
C'est pourquoi l'option socialiste de
la Tanzanie repose sur 1 "UJAMAA",
c'est-à-dire l ' "Espri t
de famille". Julius Nyerere écrit à ce sujet:
"Le
socialisme
africain
moderne
peut
tirer
de
son héritage traditionnel
la reconnaissance
de
la société comme un élargissement de la cellule
familiale de base" n
Cette cellule familiale de base est bien entendu d'essence
paysanne.
En
effet,
dans
son
programme
politique,
la
TANGANYIKA
AFRICAN
NATIONAL
UNION
(TANU)
rejette
l'industrialisation
en
raison
de
la
faiblesse
des
ressources financières et du niveau peu élevé de formation
technique du pays.
De ce fait,
i l accorde la priorité à
l'agriculture comme base de développement. C'est pourquoi,
selon
la
T.A.N.U.
les
principaux
moyens
de
production
doivent
passer,
sous
le
contrôle
des
paysans
et
des
travailleurs:
la création de coopératives doit permettre
au gouvernement de participer directement au développement
économique et de poursuivre une politique favorable à
la
propriété collective des moyens de production.
Sur le plan politique,
la démocratie socialiste implique
que le gouvernement soit élu par les travailleurs et les
paysans.
Si l'expérience tanzanienne a
tourné court en
raison de
difficultés
économiques
internes
aigues
et
d'une
67. NYERERE Julius, Socialisme, d~mocratie et unit~ africaine, p.28, ~d.

205
conjoncture internationale défavorable,
elle ne constitue
pas moins en Afrique au sud du Sahara,
le
seul
exemple
d'Etat
qui
entretienne
des
rapports
étroits
avec
la
paysannerie.
En optant objectivement pour la bourgeoisie comprador,
la
majorité
des
Etats
en
Afrique
au
sud
du
Sahara
ont
sensiblement
limité
la
base
sociologique
des
pouvoirs
politiques
et
ouvert
la
voie
aux
avatars
anti-
démocratiques
que
sont
le
parti
unique
et
les
régimes
militaires.
2 - L'Evolution de la relation gouvernants-gouvernés en
Afrique: le parti unique et les régimes militaires
Sous la pression des changements politiques qui ont marqué
les pays d'Europe orientale au cours de l'année 1989 et
d'une
partie
importante
de
leurs
opinions
publiques,
quelques
gouvernements
africains
dont
notamment
ceux
du
Bénin,
de la Côte d'Ivoire,
du Gabon,
de l ' Ethiopie,
du
Congo,
de la Zambie et du
Zaïre se sont
lancés dans de
timides tentatives de démocratisation avec pour objectif
d'instaurer le multipartisme. Partout sur le continent les
partis uniques et les régimes militaires sont confrontés à
d'énormes
difficultés
économiques
et
financières
qui
traduisent
à
l'évidence
la
faillite
des
régimes
autoritaires ~t dictatoriaux qui ont confisqué le pouvoir
politique depuis trois décennies.
Loin
d'être
des
innovations,
les
tentatives
actuelles
consti tuent
une
sorte
de
retour
aux
sources
de
la
vie
politique,
la réactivation d'institutions qui ont fait la

206
preuve de leur efficacité dans le passé.
C'est pourquoi,
il
convient
de
rappeler
l'état
des
institutions
à
la
veille
des
indépendances
pour mieux
cerner
le
rôle
des
partis
uniques
et
des
régimes
militaires
dans
la
confiscation du pouvoir.
a - La prédominance du multipartisme à la veille des
indépendances en Afrique
A
l'instar
d'autres
forces
politiques
les
partis
poli tiques
ont
joué
à
l'époque
coloniale
un
rôle
déterminant
dans
l'accession
des
Etats
africains
à
l'indépendance.
En dépit de la diversité ethnique des Etats,
les partis
politiques furent dans l'ensemble constitués sur des bases
politiques
c'est-à-dire
en
fonction
de
revendications
politiques. Quelques exceptions existent cependant;
c'est
le cas du Nigeria,
du Congo ex-belge (Zaïre) de l'Angola
où l'élément ethnique servit de base à
la formation des
partis.
Dans
tous
les
cas,
plusieurs
partis
poli tiques
concourraient à l'expression de la vie politique dans tous
les pays Africains.
Au Cameroun, en 1958, cinq partis étaient en compétition:
L'Union des Populations Camerounaises
(UPC)
fondée
en
1947
sous
la
direction
de
RUBEN
UM
N' YOBE
et
Félix
MOUNIE
comme
section
du
RDA
(Rassemblement
Démocratique Africain.
Déclaré illégal en 1955,
il
prit le maquis l'année suivante en pays Bamiléké.

207
Le
Front
Populaire
pour
l'Uni té
et
pour
la
paix
(F.P.U.P.)
fondé en 1958 sous la direction de Mayi
Matip.
Le mouvement d'Union Camerounais (M.U.C.)
fondé par
Ahmadou AHIDJO.
Le
Parti
des
Démocrates
Camerounais;
anciennement
Bloc Démocratique Camerounais fondé en 1951 par le
Docteur Anjoulat.
Le Groupe des Progressistes Camerounais (G.P.C.).
Au
Congo-Brazzaville,
trois
partis
dominèrent
la
vie
politique jusqu'en 1960
Le
Parti
Progressiste
Congolais
( P. P. C.)
fondé
en
1946,
comme
section
interterritoriale
du
Rassemblement
Démocratique
Africain
sous
la
direction de Félix TCHICAYA.
Le
Mouvement
Socialiste
Africain
(M. S.A. )
fut
d'abord
une
section
congolaise
de
la
S.F.I.O.
(Section
Française
de
l'Internationale
Ouvrière)
avant de devenir un parti interterritorial comme le
R.D.A.
L'Union
Démocratique
de
Défense
des
intérêts
africains
(U.D.D.I.A.)
créée
en
1956
par
l'Abbé
Youlou et recrutant dans l'ethnie BAKONGO.
Au
Bénin
( anciennement
DAHOMEY)
cinq
partis
s'étaient
distingués avant 1958-1959:

208
L'U~ion Progressiste
Dahoméenne
(UPD)
naquit
en
1946-47 sous l'action de Sourou MIGAN APITHY et de
Hubert MAGA.
Le Rassemblement Démocratique Dahoméen (R.D.D.).
L'Union
des
Indépendants
du
Dahomey
( UNIDAHO )
apparut en avril 1958.
L'Union Démocratique Dahoméenne (U.D.D.).
Le
Parti
Populaire
du
Dahomey
fondé
en
1959
par
Emile ZINSOU.
Au Togo, la vie politique fut dominée par cinq partis:
Le
Comité de
l'Unité
Togolaise
( CUT )
constitué en
parti politique en avril 1946 par Sylvanus OLYMPIO.
Le
Parti
Togolais
du
Progrès
(P.T.P.)
dont
la
création remonte à 1946 sous la direction de Nicolas
GRUNITZKY.
La JUVENTO ou mouvement de la Jeunesse togolaise qui
joua
un
rôle
décisif
dans
la
victoire
des
nationalistes aux élections de 1958.
L'Union
des
chefs
et
des
populations
du
Nord
(U. C. P. N.)
parti
à
base
ethnique
et
d'inspiration
coloniale
suscité
par
l'administration
coloniale
française pour faire pièce à
l'influence du CUT et
de la Juvento.
Le
Mouvement
Populaire
Togolais
(M. P. T.)
créé
en
1954 par le docteur Pedro Olympio et qui regroupait
des personnalités influentes de la ville de Lomé.

209
En Guinée, trois partis existaient avant 1958
Le Parti Démocratique de Guiné (P.D.G.) créé en 1947
et dirigé par Sékou TaURE.
Le Bloc Africain de Guinée (B.A.G.) né en 1954.
Démocratie
Socialiste
de
Guinée
( D. S. G.)
fondé
en
1954 et regroupant les Peul du Fouta-Djalon.
Au
Burkina
Faso,
anciennement
Haute-Vola,
trois
partis
marquèrent aussi la vie politique du pays avant 1960 :
Le
Parti
Démocratique Voltaïque
( P. D. V.)
fondé
en
1948.
Les
Indépendants
de
l'Union
Française
(I.U.F.)
proche du Rassemblement du Peuple Français.
Dirigé
par le Français Michel DORANGE,
le parti change de
nom en 1956 au moment de la loi-cadre pour devenir
Mouvement
Démocratique
Vol taïque
(M. D. V. )
puis
Mouvement du Regroupement Voltaïque en 1959.
Le
Mouvement
Populaire
d'Evolution
Africaine
(M.P.E.A.) fondé en 1954 par Nazi BONI.
Tandis qu'au Sénégal,
à
Madagascar on comptait également
trois principaux partis, le Niger,
le Tchad, la Mauritanie
étaient
dominés
respectivement
par
quatre
partis
politiques.
Les
anciennes
colonies
d'Afrique
sous
domination
britannique,
portugaise
et
espagnole
n'échappent
à
la
règle
du
multipartisme
avant
leur
accession
à
l'indépendance.

210
Au Kenya,
les élus africains aux premières élections qui
virent
la
participation
des
africains
en
1957
se
regroupèrent dans l'African Elected Members Organization.
A l'issue de la conférence constitutionnelle de Lancaster
House en février 1960,
cette organisation donna naissance
à
deux grands
partis
:
le Kenyan African National Union
(KANU) et le Kenyan African Democratie Union (KADU).
En
Ouganda,
quatre
partis
poli tiques
dominèrent
la
vie
politique à partir de 1952 :
L'uganda National Congress créé en 1952 qui
fut la
première
force
politique du
pays
après
la
seconde
guerre mondiale.
Le Democratie Party,
d'obédience catholique,
fondé
en 1956.
L'Urganda
People' s
Congress
sous
la
présidence
de
Milton OBOTE, créé en mars 1960.
Le Kabaka Yekka,
parti traditionnaliste ganda,
créé
en
décembre
1960
pour
appuyer
la
déclaration
unilatérale d'indépendance du Bouganda.
En Tanzanie qui était constituée auparavant du Tanganyika
et
de
l'île
de
Zanzibar,
on
pouvait
dénombrer
jusqu 1 en
1964, six partis politiques
La Tanganyika African Association créée en 1930 dont
sera
issue
en
1954
la
Tanzanyika
National
Union
(TANU) •
L'United Tanganyika Party (U.T.P.) créé en 1956.

211
Le Zanzibar National Party, parti nationaliste arabe
créé en 1956.
L'Afro-Shirazi Party (A.S.P.) en 1957.
Le Zanzibar Progress and People Party (le Z.P.P.P.)
en novembre 1959.
Au
Ghana
ce
sont
deux
grands
partis
poli tiques
qui
se
disputèrent les suffrages des électeurs jusqu'en 1957:
il
s'agi t
de
la
Gold
Coast
Convention' s
People
(G. C. C. P. )
fondé en 1948 par le Docteur DANQUAH et de la Convention
of People Party (C.P.P.) créée par Kwame N'Krumah en 1951.
On peut donc noter que la vie politique en Afrique au sud
du
Sahara
a
été,
au
départ
largement
dominée
par
le
multipartisme.
Les raisons
tiennent à
plusieurs facteurs
les réformes constitutionnelles opérées par les puissances
coloniales
française
et
britannique
après
la
seconde
guerre
mondiale
et
tendant
à
instaurer
les
libertés
démocratiques,
la
diversité
ethnique
et
une
différenciation sociale poussée induisant des expressions
divergentes,
l'adoption et le respect du consti tutionna-
lisme par les premiers dirigeants Africains. Sans doute le
poids
de
l'environnement
international
et
l'influence
politique
des
anciennes
métropoles
ont-ils
exercé
de
fortes
pressions
en
faveur
du
constitutionnalisme
en
Afrique? mais très vite l'aspiration des populations à une
amélioration
rapide
de
leurs
conditions
matérielles
d'existence s'est traduite par des pressions politiques de
plus en plus fortes,
des ingérences étrangères ayant pour
objectif
de
préserver
des
intérêts
économiques
et
stratégiques.
Aussi
la
bourgeoisie
comprador
a-t-elle
monopolisé le pouvoir à son profit grâce au parti unique

212
et à l'armée. Toutefois dans cette marche en avant vers le
parti unique, certains Etats sont passés par le bipartisme
dont deux modalités ont existé en Afrique. Des pays comme
le
Congo-Brazzaville,
le
Burkina-Faso,
la
République
Centrafricaine,
le
Tchad,
le
Niger,
le
Togo,
connurent
entre
1959
et
1962
le
système
bipartisan
assorti
d'une
représentation de l ' opposi tion au parlement.
En revanche
au Mali,
en Mauritanie,
l'opposition ne disposait d'aucun
siège
à
l'Assemblée.
Dans
tous
les
cas,
ce
système
consti tua
une
étape
transitoire
vers
l'instauration
du
parti unique.
b - Le parti unique et le régime militaire comme
instruments de la confiscation du pouvoir
Sur 46 Etats indépendants en Afrique au sud du Sahara en
1990, 28 ont adopté le système du parti unique soit 60%; 9
n'ont pas du tout de partis politiques soit 20%,
9 autres
soit
20%
connaissent
le
multipartisme.
Au
total
le
pluralisme politique qui favorise davantage la libération
des initiatives individuelles et collectives n'existe que
dans un Etat sur cinq en Afrique. Quelles sont les raisons
d'une telle évolution et que faut-il en penser?
Trois
séries
d'arguments
ont
été
avancés
par
les
dirigeants
africains
pour
justifier
l'instauration
du
parti unique :
le parti unique a
un effet intégrateur et favorise
l'uni té
nationale:
le
journal
"l'Essor"
du
Mali
n'écrivait-il
pas
en 1964 cette
formule
pleine de
sens:

213
"Nous saluons encore une fois le parti,
mère de la
République du Mali,
creuset de l'unité nationale et
de
nos
valeurs
nationales
au
service
de
l'Unité
africaine
et
d'une
Afrique
libre,
indépendante
et
prospère" 68
Il permet de mieux mobiliser l'ensemble des forces
vives
du
pays
en
vue,
de
promouvoir
le
développement.
Une
variante
plus
restrictive
de
cette thèse a été formulée par Kwame N'Krumah et qui
tend à assimiler le sous-développement et la lutte
anti-impérialiste
à
un
état
de
guerre
permanente.
Cette dernière requiert par conséquent un seul parti
si
l'on
veut
mobiliser
toutes
les
énergies
nationales.
de
l'avis
des
tenants
de
la
construction
du
socialisme en Afrique,
le parti unique représente un
instrument approprié à cette fin.
Si les arguments officiels relatifs à la finalité du Parti
unique se
justifient en raison de la
diversité ethnique
des Etats Africains, des contraintes socio-économiques qui
pèsent sur eux et de la logique politique qui sous-tend le
socialisme, dans les faits ils demeurent spécieux quand on
interroge la genèse des partis uniques en Afrique et leur
fonctionnement réel.
En Union Soviétique où le socialisme
a été instauré historiquement pour la première fois dans
le monde en 1917,
le Parti communiste est né d'une lutte
révolutionnaire qui a détruit l'ordre féodal existant.
680 LAVROFF.
Dimitri.
Georges,
Les
pertis
politiques
en
Afrique
Noire,
QSJ,
6do
PUF
po
46.
Peris.
1978.

214
c'est au cours de la lutte qu'il a
acquis la capacité et
le statut d'avant-garde du prolétariat.
Rien
de
tel
dans
les
pays
d'Afrique;
généralement
les
partis
uniques
furent
décrétés
du
jour
au
lendemain
quelques années après que les anciens colonisateurs eurent
transféré
le
pouvoir
politique
dans
des
conditions
pacifiques
aux
nouveaux
dirigeants
africains,
sauf
au
Mozambique,
en
Angola,
au
Zimbabwe
et
en
Namibie.
Dans
certains pays d'Afrique,
l'indépendance a été même imposée
par
l'ancienne
puissance
coloniale,
comme
en
Côte
d'Ivoire.
D'autres
facteurs
favorisèrent
également
l'avènement des partis uniques: c'est notamment le système
électoral
appliqué
dans
la
plupart
de
ces
pays
dans
la
période de transition à
l'indépendance;
ce système était
fondé sur le scrutin majoritaire uninominal ou de liste et
favorisai t
les
grands
partis
au
détriment
des
petites
formations
politiques;
en
outre
l'idéologie
étatiste
à
laquelle
avaient
été
formés
la
plupart
des
hommes
politiques les prédisposait à appuyer les interventions de
l'Etat sur le parti dominant et à confondre l'Etat et le
Parti, le Parti et la Nation.
Dans
les
faits,
des
différences
assez
marquées
apparaissent
entre
les
justifications
officielles,
relatives au parti unique et son fonctionnement.
On
serait
par
exemple
tenté
de
suivre
Julius
Nyerere
lorsqu'il affirme que "là, oü i l existe un parti unique et
que
ce
parti
s'identifie
à
la
nation
toute
entière,
la
démocratie est enracinée sur des bases plus solides que là

vous
trouverez
deux
partis
ou
plus
ne
représentant
chacun qu'une
fraction de la communauté".
On chercherait

215
en vain en Afrique un seul parti unique qui ait favorisé
la démocratie en trente ans d'existence.
Partout,
ils sont
devenus
des
instruments
au
service d'un
seul
honune,
des
organes
d'embrigadement
de
toutes
les
couches
dr~s
populations,
de
répression
et
d'étouffement,
de
toute
velléi té
d' opposition.
Du
Parti
Démocratique
Guinéen
au
Mouvement Populaire pour la Révolution du Zaïre en passant
par le Rassemblement du Peuple togolais,
les atteintes aux
libertés
publiques
et
aux
droits
de
l'homme
se
sont
multipliées.
A
la
faillite
politique
que
symbolisent
l'apathie
politique
et
toutes
les
formes
diffuses
de
contestation du pouvoir politique s'ajoute aujourd'hui une
crise économique et financière aigue où la corruption,
la
gabégie,
les
détournements
de
fonds
publics,
l'incompétence et l'incurie des dirigeants se disputent la
première place.
c - Régime militaire et confiscation du pouvoir
Sur
46
Etats
indépendants,
l'Afrique
compte
en
1990
30
Etats soit près des 2/3 où l'armée détient officiellement
le pouvoir. Parmi les raisons invoquées pour justifier son
intervention dans
la vie politique figurent
notanunent la
violation
des
libertés
démocratiques
par
les
anciens
dirigeants
civils,
la
corruption
et
les
divisions
internes. En fait les causes de cette intervention varient
d'un Etat à un autre.
Le cas togolais diffère de ceux du
Bénin,
du Zaïre et du Ghana.
A l'origine des coups d'Etat
militaire en Afrique,
se manifestent un effet de contagion
provoqué
par
l'assassinat
du
premier
Président
de
la
République Togolaise,
Sylvanus Olympio et des motivations

216
d'ordre
matériel
résultant
du
statut
dévalorisant
de
l'armée dans la mentalité des populations africaines.
En
quoi
le
coup
d'Etat
togolais
du
13
janvier
1963
constitue-t-il un précédent en Afrique et dont bon nombre
d'armées
vont
s'inspirer
?
Pour
répondre
à
une
telle
question,
il convient de rappeler les erreurs qui ont été
commises par l'ancien régime.
Al' issue des élections du 27
avril
1958 qui
virent la
victoire
du
Front
nationaliste comprenant
le
Comité
de
l'Unité Togolaise et la Juvento, se dessina rapidement une
politique
togolaise
de
coopération
internationale
mais
celle-ci n'eut pas
tout de suite les moyens nécessaires
pour traduire dans
les
faits
les options politiques qui
avaient
servi
de
plate-forme
de
lutte
au
cours
de
la
période coloniale.
La principale contrainte résultait du
poids
de
l'héritage
colonial
et
de
l'interférence
des
rivalités étrangères sur l'évolution politique interne du
pays.
En effet, deux ans après leur accession à l'indépendance,
un
certain
nombre
d'anciennes
colonies
françaises
d'Afrique
occidentale
s'étaient
lancés
dans
une
réforme
monétaire sous l'égide de la France.
Par la convention du
"compte
d'opérations",
la
France
et
ses
partenaires
aménagèrent au sein de la zone franc de nouveaux rapports
de
coopération
monétaire,
mais
l'essentiel
était
sauvegardé,
c'est-à-dire
les
rapports
commerciaux
privilégiés entre partenaires africains et français.
Le gouvernement de Sylvanus Olympio avait décidé de créer
une monnaie nationale;
il voulait avoir les coudées plus
franches
pour développer ses relations commerciales avec

217
tous
les
pays
y
compris
les
pays
socialistes
d'Europe
centrale et orientale. C'est pourquoi i l décida de ne .pas
donner
une
sui te
favorable
à
la
proposition
française.
Après avoir accepté le Il avril
1962 d'étudier le texte
des Accords que la France lui proposait et qui étaient peu
différents
de
ceux
passés
avec
les
autres
Etats
francophones
de
la
sous-région,
le
Togo
présenta
à
la
partie française le 3 janvier 1963 des contre-propositions
dans le domaine monétaire et commercial.
Or en matière de défense,
le gouvernement olympio avait
hérité d'une convention signée entre le Togo et la France
le 25 février 1958 soit deux mois avant les élections qui
devaient porter Olympio au pouvoir. Tout en cherchant à se
rapprocher
des
pays
anglo-saxons
et
des
Etats-Unis
d'Amérique
dans
les
domaines
économique,
commercial,
monétaire et financier, le nouveau régime avait sauvegardé
les accords militaires; au début de l'année 1962, le Togo
était
confronté
à
des
menaces
du
côté
de
son
puissant
voisin,
le Ghana de Kwame N'Krumah. Mais la France saisit
" l ' éventuali té
de
la
mise
en
j eu
de
l'Accord
sur
la
défense"
pour réaffirmer que la coopération forme un tout.
En
d'autres
termes,
refuser
les
nouveaux
accords
monétaires mais vouloir conserver les accords de défense
relèvent d'une incompatibilité politique radicale aux yeux
du
gouvernement
français.
Les
contradictions
du
gouvernement togolais faisaient peser des incertitudes sur
l'avenir des relations entre les deux pays.
Or sur le plan interne le climat politique n'a pas cessé
de se dégrader en raison du caractère autoritaire de plus
en plus marqué du régime olympio et du développement du
culte de la personnalité.

218
Une lutte d'influence s'engagea entre le Comité de l'Unité
togolaise et la Juvento avec comme résultat l'éviction de
cette
dernière
des
élections
législatives
de
1961
qui
attribuèrent
tous
les
sièges
au
CUT
et
permirent
l'avènement du Parti Unique.
Aux arrestations arbitraires
des nationalistes togolais,
se succédèrent des manoeuvres
d'intimidation
politique
à
l'encontre
des
populations:
délation,
répressions
aveugles
exercées
par
le
parti;
corruption,
comportements arrogants des dirigeants du CUT
finirent par accroître l'impopularité du régime olympio.
C'est dans cette conjoncture politique externe et interne
explosive
que
survint
le
Coup
d'Etat
militaire
du
13
janvier
1963.
La
facilité
avec
laquelle
des
militaires
s'emparèrent du pouvoir pour la première fois en Afrique
surprit plus d'un observateur et sonna le glas des régimes
civils
en
Afrique.
Comme
le
souligne
Dimitri
Georges
Lavroff,
"depuis
cette
date,
les
coups
d'Etat
se
sont
mul tipliés .
Vingt
deux
Etats
connurent
des
putsh
militaires
qui
ont
pour
la
plupart
réussi;
certains
d'entre
eux
en
subirent
plusieurs",
en
l'occurrence
le
Burundi,
la
République
Populaire
du
Congo,
le
Bénin,
l'Ethiopie,
le
Ghana,
le
Burkina
Faso,
le
Nigéria,
le
Soudan et le Togo 69.
Partant la réaction des militaires a
été
de
supprimer
les
partis
poli tiques
existants
et
de
gouverner par décrets-lois.
Aujourd'hui les neuf pays en
Afrique où les partis politiques ne sont pas tolérés sont
tous
des
régimes
militaires.
Vingt
et
un
Etats

les
militaires
détiennent
le
pouvoir
sont
fondés
sur
le
système du parti unique.
69. LAVROFF Dimitri Georges, opus déjà cité p. 56.

219
Outre
l'effet
de
contagion
provoqué
par
la
réussi te
du
coup
d'Etat
togolais
du
13
janvier
1963,
ce
sont
des
raisons
matérielles
qui
expliquent
principalement
l'irruption des militaires sur la scène politique.
A cet
égard,
le mot de Georges Balandier selon lequel
"Je suis
riche parce que
j'ai
le
pouvoir"
ne
s'applique
mieux
à
toute autre groupe social qu'aux militaires africains.
Si
dans
certains
pays
ils
ont
bénéficié
de
complicités
étrangères
pour
réussir
leur
coup,
généralement
ils
n'étaient
pas
animés
d'un
idéal
poli tique.
De
par
leur
origine
sociale
modeste,
généralement
peu
instruits,
retraités des armées des anciennes puissances coloniales à
des grades subalternes, ils considèrent pour la plupart le
pouvoir comme le seul moyen de monter rapidement dans la
hiérarchie sociale.
Plus que jamais le pouvoir est devenu
en
Afrique
un
obj et
de
compétition
économique,
ce
qui
explique la succession des coups d'Etat dans certains pays
et
dans
d'autres
une
longévité
poli tique
fondée
sur
un
appareil
répressif
efficace
et
sur
des
méthodes
d'embrigadement
dignes
de
tous
les
totalitarismes
que
l'histoire ait jamais produits.
La
création
de
Nations
en
Afrique
a
été
obérée
depuis
trois décennies par des systèmes politiques autocratiques,
de
sorte
qu' aujourd' hui
l'intégration
nationale
demeure
partout
faible.
L'Etat-parti
qui
a
servi
d'instrument
d'exercice et de sauvegarde du pouvoir n'a pas permis à
l'Etat-Nation d'évoluer vers de véritables Nations.
Faute
d'un
contenu
sociologique
homogène
les
Etats
Africains
apparaissent bien plus
comme des
fictions
juridiques et
poli tiques;
les
représentations
que
s'en
font
les
dirigeants et les différents groupes sociaux n'étant pas
identiques.

220
Quel
impact
les
socialismes
africains
peuvent-ils
avoir
dans
le cadre des
Etats-Nations
?
Comment
développer
le
capitalisme
dans
des
espaces
territoriaux
et
culturels
éclatés ?

221
DEUXIEME
P A R T I E
L E S
S T R A T E G I E S
DE
DEVELOPPEMENT
EN
A F R I Q U E
AU
SUD
DU
SAHARA

222
Trente ans
de
poli tiques
économiques
ont-ils
permis
aux
pays
d'Afrique
d'atténuer
les
effets
pervers
de
la
coloni.sation
et
de
provoquer
les
modifications
de
structure nécessaires au changement?
Il est permis d'en
douter
aujourd'hui,
tant
les
difficultés
auxquelles
le
continent
est
confronté
traduisent
l ' inefficaci té
sinon
l'échec
des
stratégies
de
développement.
Leur
analyse
portera sur les principaux axes d'impulsion des politiques
de développement en Afrique.
Aussi n'aborderons-nous
pas
les secteurs de l'éducation, de la santé et de la culture,
non que nous en minimisions l'importance dans le processus
de
développement,
mais
parce
que
ce
sont
autant
de
secteurs
auxquels
les
Etats
ont
affecté
des
moyens
relativement
faibles
et
sur
lesquels
des
perspectives
claires et cohérentes n'ont guère été définies. Sans doute
peut-on
admettre
l'existence
d'une
prise
de
conscience
internationale
quand
on
se
réfère
à
la
décennie
de
l'éducation
proclamée
par
les
Nations-Unies
pour
la
période
1960-1970
au
terme
de
laquelle
le
taux
de
scolarisation en Afrique devrait atteindre 100 %. Mais les
volontés nationales ont fait défaut.

223
Là où des tentatives ont été faites,
ce sont souvent
la
faiblesse
des
moyens
financiers
surtout
et
l'ampleur
des difficultés à résoudre qui ont compromis les efforts
engagés.
Bien des réformes de l'enseignement furent mal engagées et
ne furent pas conduites jusqu'à leur terme.
La Guinée,
le
Bénin,
le Togo,
le Sénégal,
le Ghana se sont engagés dans
cette voie avec des fortunes diverses mais les résultats
en
disent
long
sur
la
démission
des
responsables
poli tiques.
Sous
Kwame
N' Krumah,
le
Ghana
avait
mis
en
oeuvre
une
poli tique
cohérente
mais
le
coup
d'Etat
de
février
1966
sonna
le
glas
des
choix
qui
avaient
été
exercés dans
ce
domaine.
L'étude
des
langues
nationales
avait
retenu
l'attention
des
pays
comme
le
Togo

l'expérience a tourné court en raison des choix politiques
inadéquats
qui,
au
départ,
avaient
guidé
l'action
des
responsables politiques. C'est au Sénégal que l'expérience
la plus rationnelle et la plus soutenue a été réalisée en
Afrique de l'ouest avec la création du Centre Linguistique
Africain de Dakar. En revanche, d'autres pays dont la Côte
d'Ivoire notamment n'ont défini
aucune politique dans ce
domaine.
La politique culturelle se confond souvent avec le sport
et le folklore.
Loin de viser à une véritable intégration
nationale
et
d'élever
le
niveau
des
connaissances
générales
des
populations,
les
actions
culturelles
tendaient plutôt à véhiculer l'idéologie officielle, celle
du parti unique et à
renforcer la propagande officielle.
Les
diverses
manifestations
culturelles
que
l'Afrique
a
organisées durant ces trois décennies
(festival des Arts
Nègres
de
Dakar,
festi val
de
Lagos,
les
rencontres
du

224
cinéma africain)
visent plus une audience internationale
qu'à sensibiliser les Africains eux-mêmes à la place de la
culture dans la construction nationale.
Dans
le domaine de
la
santé,
divers
programmes ont été
réalisés
en
Afrique
en
relation
avec
l'Organisation
Mondiale de la Santé
les campagnes de vaccination,
la
protection maternelle et infantile,
la généralisation des
soins de santé primaire,
la santé pour tous en l'an 2000
ont
ponctué
l'évolution
des
politiques
sanitaires
sans
qu'une liaison étroite avec des objectifs de développement
économique
soi t
touj ours
définie et
assurée.


une
évolution
sensible
vers
des
actions
intégrées
s'est
dessinée,
diverses contraintes mal évaluées au départ en
ont atténué la portée 70
Si
comme
nous
le
pensons,
une
politique
sanitaire
interfère
logiquement
avec
une
poli tique
de
population,
comment ne pas s'étonner de la carence des gouvernements
africains dans ce domaine ?
Certes à la Conférence des Nations-Unies sur la population
organisée en 1974,
à
Bucarest
(Roumanie)
la plupart des
Etats africains s'étaient prononcés contre la limitation
des
naissances
mais,
en
dehors
du
canal
du
Programme
International
de
planification
familiale
71
peu
de
programmes d'action ont vu le jour en Afrique.
Les phénomènes de population entretiennent des relations
étroites
avec
l'emploi
dans
tous
les
secteurs,
les
70. La
lutte
contre
l'onchocercoce
ou
la
"cécité
des
rivières"
dans
la
vallée
de
la
Volta
Blanche:
(Togo,
COte d'Ivoire,
Bénin, Burkina-Faso)
rentre dans ce cadre.
Cette action sera
ex~inée plus loin.
71. IPPF est une association internationale privée dont le siège se trouve à Londres.

225
phénomènes migratoires et le développement économique.
La
persistance
de
l'exode
rural
en
Afrique,
l'accélération
des
concentrations
urbaines,
les
déséquilibres
qui
en
résultent,
les
problèmes
sociaux
qu'elles
engendrent
témoignent moins de l'inefficacité des politiques que de
leur inexistence.
Dans le domaine de la création des emplois,
les plans de
développement renferment des objectifs clairement définis
mais
bien
souvent
ils
ne
sont
pas
coordonnés
dans
la
perspective des
changements que nécessitent
les
systèmes
éducatifs.
En fait cette démarche caractérise les aspects culturels,
sociaux
des
politiques
de
développement
en
Afrique
de
sorte
qu'il
est
difficile
d'en
cerner
la
logique
d'ensemble.
Dès lors,
notre intérêt sera orienté sur les principales
actions
autour
desquelles
s'articulent
les
stratégies de
développement des pays d'Afrique. Celles-ci visent à
:
promouvoir
le
développement
des
secteurs
exportateurs,
créer
en
Afrique
des
structures
industrielles
internes
pour
la
valorisation
des
ressources
locales,
moderniser
l'agriculture
en
vue
d'assurer
l'autosuffisance alimentaire et son intégration dans
le processus de développement.

226
harmoniser
les
politiques
nationales,
créer
des
marchés
sous-régionaux
et
régionaux
en
vue
de
promouvoir l'intégration des économies africaines.

227
CHAPITRE l
-
LA PROMOTION DES SECTEURS EXPORTATEURS COMME
FACTEUR DE DEVELOPPEMENT
L'importance des secteurs exportateurs,
ceux des matières
premières
d'origine
végétale
et
minérale
demeure
une
tendance lourde dans les économies africaines.
Trente ans
après leur
indépendance,
les Etats continuent à
dépendre
fortement de ces produits.
Quelles
sont
les
raisons
d'une
telle
situation et quels
moyens ont
permis de
la créer
?
Répondre à
cette double
question,
c'est
interroger le passé des
Etats africains,
c'est également rechercher les justifications économiques
de
cette
orientation,
et
examiner
les
moyens
mis
en
oeuvre à cet effet.
Section 1 - Le poids du passé
Pour la plupart des pays d'Afrique,
le début de l'exploi-
tation industrielle des produits de base remonte au XIXe
siècle, mais c'est à l'issue de la seconde guerre mondiale
et
de
l'accroissement
des
besoins
des
économies
européennes que des efforts plus intenses ont été réalisés
dans ce sens.
Deux exemples illustrent parfaitement cette
politique.
En effet,
par la loi du Il avril 1946, la France abolit le
travail
forcé
en
raison
de
son
impopularité
dans
les
colonies
et créa
le
30
avril
de
la
même
année le
Fonds
d'Investissement et de Développement Economique et Social
FIDES) .

228
Au 1er janvier 1959,
ce fonds avait accordé un crédit de
150 milliards de F CFA à l'Afrique francophone dont 93 à
l'Afrique occidentale française (l'AOF) pour le lancement
de
grands
travaux,
notamment
l'infrastructure
de
communication:
construction
du
port
en
eau
profonde
d'Abidjan
inauguré en 1953,
prolongation du chemin de fer Abidjan-Niger,
percement du canal de VRIDI en Côte d'Ivoire,
construction du pont sur le WOURI au Cameroun,
construction
d'une
voie
ferrée
pour
évacuer
le
minerai de la Guinée,
construction des premiers grands aérodromes en 1952,
1953,
réalisation de travaux à Douala, Comakry et Abidjan,
construction de 30 000 kms de routes.
Dans
le
domaine
minier,
les
années
1946-1956
virent
la
mise
en
exploitation
des
ressources
des
territoires
coloniaux.
création
de
la
compagnie
minière
de
Couakry
en
Guinée en 1949,
construction
de
la
compagnie
électrique
et
de
l'usine de FRIA en Guinée, entre 1950 et 1954

229
mise en exploitation des mines de fer de Mauritanie
(MIFERNA), en 1952
création de la compagnie minière de l'Ogoué au Gabon
(COMILOG), en 1953
création
de
l'uni té
de
fabrication
d'aluminium
du
Cameroun
"ALULAM"
et
mise
en
exploitation
des
phosphates du Togo en 1954. Trois ans plus tard, les
gisements de phosphates de TAIBA au Sénégal étaient
également exploités,
développement
de
la
recherche
pétrolière
un
peu
partout en Afrique vers l'année 1955 en Angola,
au
Nigéria,
au Gabon et au Congo.
L'inventaire réalisé
dans l'UNION FRANCAISE par le Bureau de recherche du
pétrole
(BRP)
a
favorisé
de
fructueuses
explorations, notamment en Afrique Equatoriale.
Ainsi
entre
1938
et
1955,
la
production
minière
de
l'Afrique
passa
de
un
milliard
de
dollars
US
à
5,44
milliards 72
Dans
le
domaine
agricole,
une
poli tique
de
soutien
et
d' inci tation financière
permit aux puissances coloniales
de
renforcer
les
bases
de
l'Economie
de
traite;
par
exemple,
au Sénégal,
le prix de l'arachide au producteur
fut régulièrement augmenté passant de 3,50 F CFA le kilo
en 1946 à 12,50 F CFA trois ans plus tard et à 14,50 F en
1949 73. Au Togo, à la suite de la maladie de la "rouille"
qui
avait
détruit
les
caféiers
en
1953,
une
prime
à
72. ALIBERT Jacques. L'Evolution Economique de l'Afrique Subsaharienne de 1945 à 1984.
73. ALIBERT Jacques. in Marchés Tropicaux. 9 mars 1984.

230
l'exportation de 10 F CFA fut
accordée aux paysans pour
encourager
cette
culture.
Dans
la
même
optique,
l'administration
coloniale
avait
distribué
près
d'un
million de jeunes plants aux paysans pour la régénération
des plantations détruites.
De son côté,
la Grande-Bretagne étendit à ses colonies le
"Colonial Development and Welfare ~ct" une sorte de plan
de développement équivalent au fonds d'investissement créé
par le gouvernement français en 1946. Près de 210 millions
de livres sterling furent investis entre 1945 et 1955 dans
les domaines
agricole et
minier.
Grâce
à
ce
fonds,
fut
lancé
le
premier
plan décennal
du
Nigéria
le 1er avril
1946.
Au Ghana,
i l permit le développement de la culture
du
cacao
dont
le
"Ghana
Cacao
marketing
board"
tira
d'énormes ressources de 1951 à 1956.
La Belgique suivi t
également la même poli tique dans les
territoires placés sous sa tutelle.
Introduit
au
début
du
siècle
par
les
missionnaires
catholiques,
le
café
connut
une
diffusion
rapide
au
Burundi sous la période du mandat (1921).
Sa culture fut
rendue obligatoire et accompagnée à
partir de
1933 d'un
train
de
mesures
diverses
qui
vont
de
l'encadrement
technique des paysans jusqu'aux amendes en passant par les
châtiments corporels. Ainsi, dès 1938, près de 22 millions
de
caféiers
furent
plantés.
En
1945,
la
Belgique
créa
l'office
des
cultures
indigènes
du
Rwanda
Urundi
qui
deviendra plus tard après l'indépendance du pays l'office
des cultures indigènes du Burundi (OCIBU).
Ces
mesures
aboutirent
à
un
accroissement
rapide
de
la
production de café du pays; de 7842 t
en 1948, elle passa

231
à 27 279 tonnes· en 1958 soit une augmentation de 248 % sur
10 ans 74.
On peut observer la même évolution pour d'autres cultures
tels
que
le thé et en Afrique orientale et
le coton en
Afrique occidentale où l'action de la "Compagnie du Niger"
et
celle
de
la
"Compagnie
des
fibres
et
des
textiles"
(CFDT) ont été déterminantes.
A tout le moins,
l'action ainsi engagée par les puissances
coloniales répondait à leurs besoins en matières premières
et
contribuait
de
ce
fait
à
renforcer
les
bases
d'une
économie
de
traite,
c'est-à-dire
une
division
internationale du travail fondé sur l'échange de matières
premières contre
des produits manufacturés.
L'Indépendance
politique
allait-elle
remettre
en
cause
cette orientation économique?
Il est permis d'en douter
car plusieurs facteurs militaient en 1960 en faveur d'une
politique de continuité.
Section 2 - Les raisons d'une politique de continuité
Elles
sont
de
deux
ordres
des
raisons
liées
à
la
conjoncture internationale d'après
guerre qui
se termine
par
le
premier
choc
pétrolier
de
1974;
ensuite
des
facteurs
socio-politiques
liés
à
la
nature
de
l'Etat
Africain issu de la colonisation.
74. GVICHAOVA André
(sous la direction),
l'Afrique des Grands
lacs,
revue Tiers-monde,
T.XXVII,
n"106. ed.
PVF, avril-juin 1986,

232
a - La conjoncture internationale de 1945 à 1970
Cette
période
fut
marquée
par
une
forte
expansion
des
économies industrielles dont
le taux de croissance était
de l'ordre de 6 % par an en moyenne.
Les
nécessités
de
la
reconstruction
des
économies
euro-
péennes
avait
au
sortir
de
la
seconde
guerre
mondiale,
exercé une pression à la hausse sur la demande de matières
premières minérales
et
végétales.
Si
les
pays
européens
achetaient
les
biens
d'équipements
aux
Etats-Unis,
en
revanche,
ils se fournissaient en matières premières dans
les pays en développement.
Cette situation contribua à
stimuler la demande mondiale
et à engendrer des prix suffisamment rémunérateurs.
Par la suite, à partir de 1953, la guerre de Corée a donné
une nouvelle impulsion à l'offre de matières premières.
Ces
effets
de
stimulation,
de
l'offre
des
pays
en
développements
s'intègrent
dans
une
évolution
dont
l'origine remonte au XIXe siècle.
En effet on a pu noter
que pendant les périodes de guerres internationales,
les
termes de
l'échange
se sont
toujours
améliorés
pour les
pays en développement. Par exemple en 1958, avec une tonne
de café,
un paysan africain pouvait acheter 18 tonnes de
ciment;
en 1965,
i l ne pouvait acquérir que 12 tonnes 75
Le pouvoir d'achat du café exprimé en ciment étai t
d'un
tiers
plus
élevé
en
1958
que
sept
ans
plus
tard.
D'une
façon générale,
la croissance économique de l'Afrique au
sud du Sahara a été de l'ordre de 3,4 % dans les années 60
75.
En 1930,
il fallait d'après J.
ALIBERT.
4 t.
de café pour acheter un camion et 15 tonnes en
1970. Pour un Land Rover's,
il fallait en 1960 145 t.
de minerai de fer.
260 tonnes en 1970.

233
76,
ce qui a permis un léger accroissement des revenus par
tête d'habitant. Par exemple,
le PIB en Afrique au Sud du
Sahara et à Madagascar s'est accru de 130% entre 1947 et
1957 soit 8,7% par an en moyenne.
Entre
1946
et
1958,
les
exportations
ont
quadruplé
en
volume et en valeur passant de 905 000 tonnes à 3 757 000
tonnes et de 145 millions à 636 millions de dollars 77.
Parmi les raisons conjoncturelles figure également l'offre
importante de capitaux publics venant des pays du Comité
d'aide
au
développement
( CAD )
en direction
des
pays
en
développement
entre
1960-1970,
ce
n'est
qu'à
partir
de
1974-1975 que
les
flux
privés
de capitaux,
c'est-à-dire
les emprunts bancaires, les crédits privés à l'exportation
et
les
investissements
directs
deviennent
prédominants
dans
le
financement
des
économies
en
pays
en
développement.
L'une
des
conséquences
directes
de
l'importance
de
l'offre
internationale
publique
de
capitaux
est
que
les
systèmes
financiers
des
pays
en
développement avaient adopté dans les années 50 et 60 une
politique de crédit assez
souple;
celle-ci
avait
permis
d'octroyer aux opérateurs économiques des crédits à court
terme
pour
le
commerce
extérieur
et
intérieur;
des
facili tés de paiement aux administrations publiques pour
le
financement
de
leurs
déficits
budgétaires,
et
des
besoins
des
entreprises
publiques.
L'importance
des
disponibilités
financières publiques a
entrainé dans
les
pays
en
développement
la
création
de
nouvelles
institutions
notamment
les
banques
nationales
de
76. In Jeunes Afrique. aoOt 1980. n' 1545-1546.
77. ALI BERT Jacques. opus d~jl cit~.

234
développement,
les caisses nationales de crédit agricole,
chargées de financer à de faibles taux d'intérêt diverses,
actions
de
développement
aides
à
la
création
d'entreprises,
avances
aux
paysans
sur les
campagnes de
récolte de produits agricoles notamment le café, le cacao,
le thé et le coton.
2 - Les raisons socio-politiques
Par
delà
la
conjoncture
internationale
d'après
guerre,
c'est
la
nature
de
l'Etat
africain
qui
commande
fondamentalement
les
stratégies
africaines
de
promotion
des secteurs exportateurs. Confronté à la problématique de
l'accumulation primitive, l'Etat issu de la décolonisation
s'est
appuyé
dès
les
années
60
sur
la
bourgeoisie
comprador
(bourgeoisie
commerçante
et
politico-
administrative)
dont
les
intérêts
financiers
étaient
fortement indexés sur le commerce international.
Là où la problématique de l'industrialisation a fortement
influencé dès les premières années de l'indépendance les
stratégies
de
développement
comme
au
Ghana
au
temps
de
Kwame
N'Krumah,
les
réponses
apportées
par
les
responsables
politiques
furent
administratives;
les
aspects
socio-économiques
tels
que
la
modernisation
de
l'artisanat,
les modifications des rapports de production
à
la
campagne,
l'émergence
d'une
classe
d'entrepreneurs
n'ont pas pesé sur les choix des gouvernements.
Du reste, c'eüt été une véritable gageure que de viser des
mutations
aussi
complexes
qui
ailleurs,
notamment
en

235
Europe,
se sont opérées dans
le
long terme et de
façon
endogène.
En
Europe
par
exemple,
selon
Ernest
MANDEL
78 ,
l'accumulation
primitive
c'est-à-dire
originelle
est
passée par trois phases:
Au départ,
elle s'est réalisée grâce à
un échange
inégal entre l'occident et l'orient:
les foires de
champagne en France où les marchands revendaient à
des
prix
élevés
les
produits
de
luxe
achetés
en
Orient,
de
même
que
les
croisades
entre
autres,
témoignent de ce mouvement.
La deuxième phase est celle de l'afflux de l'or du
Nouveau
monde
en
Europe
avec
comme
corollaire
l'augmentation du niveau général des prix. Au cours
de
cette
phase
l ' exploitation
de
l'Afrique
et
de
l'Amérique,
notamment
les
effets
du
commerce
triangulaire
a
favorisé
l'accumulation
des
richesses.
La
troisième
phase
est
celle
de
la
révolution
industrielle
caractérisée
entre
autres
par
la
pénétration
du
capital
dans
la
sphère
de
la
production.
Ce
processus
s'est
développé
grâce
à
la
bourgeoisie
commerciale et industrielle mais aussi et surtout grâce à
des transformations socio-économiques décisives
: progrès
de
l'artisanat,
accroissement
démographique,
révolution
agricole,
libération du
facteur
travail
à
un
niveau
de
78. HANDEL Ernest. Accumulation primitive et industrialisation du Tiers-monde in "En partant du
capital" ed. Anthropos. Paris 1970.

236
productivi té
élevé
et
appari tion
du
travail
libre
c'est-à-dire en tant que marchandise. En Europe,
donc des
transformations
sociales
et
économiques
ont
précédé
la
révolution
industrielle
et
ont
contribué
par
voie
de
conséquence à l'accroissement de l'influence politique et
économique de la bourgeoisie industrielle.
L'Afrique au sud du Sahara n'a pas connu un tel processus
de
transformations
endogènes
et
progressives.
Des
structures économiques et politiques furent
impulsées du
dehors
sans
qu'il
y
eût
des
transformations
sociales
internes:
domination
des
liens
de
parenté
dans
l'organisation
des
sociétés
africaines,
survivance
des
rapports
de
production
de
type
féodal
et
lignager,
conception
du
monde
archaïque,
largement
tributaire
de
l'action des forces de la nature. Dans un tel contexte, la
question de l'accumulation du capital ne dépend
pas des
rapports entre l'Etat et les classes sociales constituées,
mais
d'une
répartition
du
pouvoir
d'exploitation,
donc
d'un
rapport
de
distribution
entre
la
bourgeoisie
internationale et
l'Etat
africain.
Le profit
du
capital
investi par les compagnies étrangères dans les économies
africaines servent à verser à la bourgeoisie comprador une
rente en vertu du contrôle qu'elle exerce sur l'appareil
d'Etat.
Ainsi,
les
changements
politiques
des
années
60
intervenaient
dans
un
contexte
économique,
social
et
institutionnel hybride et d'âge différent. Cette situation
révèle,
en
même
temps
que
le
caractère
formel,
des
indépendances
politiques,
le
poids
des
blocages
socio-économiques qui pèsent sur l'accumulation primitive
du capital en Afrique au sud du Sahara.

237
Section 3 - Les méthodes, les instruments et les résultats
de la stratégie de promotion des secteurs ex-
portateurs
Dans
ces
domaines
le
secteur
agricole
présente
des
différences par rapport au secteur minier.
1 - Dans le secteur agricole
a - Les méthodes
Sur
le
plan
institutionnel,
les
Etats
se
sont
orientés
vers la régionalisation des structures d'encadrement. Dans
certains pays comme au Burundi ou au Togo, cette politique
de
régionalisation
s' inscri t
en
droite
ligne
dans
les
initiatives qui avaient été prises à
l'époque coloniale.
Aux
sociétés
indigènes
de
prévoyance
créées
en
1933
succédèrent
en
1959
les
sociétés
publiques
d'action
rurale,
ensuite les
sociétés
régionales
d'aménagement et
de
développement
en
1964
(SORAD);
ces
dernières
furent
transformées
à
partir
de
1980
en
offices
régionaux
de
production
vi vrière
( ORPV ) ;
cette
extension
de
la
régionalisation des structures d'encadrement des cultures
vivrières est commune à bon nombre de pays africains, mais
elle a été tardive et imposée par la situation alimentaire
de plus en plus critique du continent.
Au
Burundi
la
régionalisation
a
donné
naissance
à
des
sociétés
régionales
de
développement
(SRD)
tandis
qu'au
Burkina-Faso,
les
pouvoirs publics
ont mis
en place des
offices régionaux de développement (ORD).

238
Outre
la
régionalisation de
l'encadrement,
l'action
des
pouvoirs
publics
vise
l'intensification
de
la
recherche
scientifique,
notamment
en
ce
qui
concerne
la
lutte
phytosanitaire,
la mise au point de variétés sélectionnées
permettant
d'obtenir
des
rendements
plus
élevés.
Cette
action
est
largement
soutenue
par
les
sources
de
financement
extérieur ,dont
les
Instituts
de
recherche
entretiennent
d'étroites
relations
avec
les
instituts
africains.
Le café,
le cacao et le coton jouissent à cet
égard d'une situation privilégiée.
La recherche scientifique exerce des effets stimulants en
amont
de
la
production;
mais
étant
donné
au
départ
le
caractère paysannal
de certaines cultures
d'exportation,
en
l'pccurrence
le
coton,
le
palmier
à
huile,
les
arachides,
les
administrations
africaines
ont
opté
rapidement
pour
la
rationalisation
des
structures
de
production.
A cet effet des
actions
spécifiques
ont été
conçues tendant à un meilleur entretien des plantations et
des champs. Par exemple des baisses de rendements observés
dans les plantations de café et de cacao résultent entre
autres,
d'un mauvais entretien.
De même
le recours
à
la
fumure compostière ou aux engrais chimiques constitue un
élément
important
du
dispositif
de
rationalisation.
Par
exemple,
80%
des
engrais
consommés
au
Kenya
dans
les
années 80 étaient destinés à la culture du thé et du café.
En Ouganda, cette proportion représentait 84 % pour le thé
et
le
sucre,
tandis
qu'au
Sénégal,
la
culture
de
l'arachide
absorbait
52
%
des
engrais
chimiques
consommés79 •
79. GAKOU Lamine. La crise de l'agriculture africaine. Ed. Silex.
Paris. 1964.

239
En
relation avec
le développement
de
la
production,
des
programmes
d'alphabétisation
fonctionnelle
sont
venus
renforcer dans les années 70 les actions de promotion des
cultures
d'exportation
avec
le
concours
de
l'UNESCO.
L'objectif visé est d'améliorer dans
les langues
locales
les connaissances agronomiques,
techniques et économiques
des
producteurs.
Des
actions
de protection des
sols,
de
désenclavement des zones de production par l'amélioration
ou la création de routes de desserte,
des réformes visant
â
adapter
les
législations
agro-foncières
aux
impératifs
économiques
appartiennent
également
au
registre
des
interventions des gouvernements africains.
Enfin,
les
méthodes
de
mobilisation
se
sont
de
plus
en
plus développées
avec
le renforcement des partis uniques
en Afrique.
b - Les instruments de cette politique
Au
sommet
du
dispositif
mis
en
place
par
les
Etats
Africains
depuis
les
premières
années
de
l'indépendance
campent les sociétés d'Etat chargées de la commercialisa-
tion des cultures d'exportation.
Leur création marque une
évolution dans
les rapports de
forces
entre les intérêts
privés étrangers représentés en Afrique par les anciennes
compagnies
concessionnaires
coloniales
(compagnie
française
de
l'Afrique
occidentale,
société
générale
du
golfe de Guinée),
les syro-libanais,
les indo-pakistanais
d'une part et
la bourgeoisie comprador africaine d'autre
part.
Les
sociétés
privées
n'ont
plus
accès
au
marché
international dans cette nouvelle redistribution des rôles
mais
conservent
le
statut
d'acheteurs
agréés
dont
les

240
marges
sont
définies
par
l'Etat.
Pendant
plus
de
deux
décennies, seule la COte d'Ivoire versait plus de 50 % des
recettes d'exportation de café et de cacao aux producteurs
alors que dans le plupart des pays d'Afrique,
cette part
se situe autour de 30 %.
Selon les pays, ces sociétés d'Etat qui jouent le rôle de
caisse de stabilisation couvrent l'ensemble des
produits
d'exportation;
c'est
le cas du
Togo et du Mali
avec
la
création de l'office des produits agricoles du Togo (OPAT)
et de l'office des produits agricoles du Mali (OPAM); dans
d'autres
pays,
leur champ d'intervention se
limite
à
un
seul ou deux produits
ainsi au Ghana,
le cacao a
fait
l'objet de la création du Ghana cacao Marketing board; au
Togo,
le coton dispose d'une société d'Etat
(la
société
togolaise de coton: SOTOCO; en Côte d'Ivoire la caisse de
stabilisation et de soutien du prix des produits agricoles
(CSSPPA) exercent principalement ses activités sur le café
et le cacao.
Enfin,
certains pays ont adopté un système
d'intervention plus compliqué,
qui consiste à
spécialiser
pour
un
même
produit
diverses
sociétés
en
fonction
des
différents stades de préparation; au Burundi les activités
d'usinage, de triage, et de calibrage relèvent de l'office
des cultures industrielles du Burundi
(OCIBU)
tandis que
le
transport
du
café,
de
Bujumbura
à
Dam-es-Salam
est
assuré par le Burundi Coffee Company (BCC), enfin le fonds
de stabilisation veille en relation avec le Trésor public
sur la politique de répartition des revenus du café entre
l'Etat, le producteur et tous les intermédiaires.
Outre les caisses de stabilisation, les Etats ont créé des
institutions de financement de la production des cultures
industrielles.
Leurs
activités
ont
été
étendues
aux

241
cultures vivrières dans les années 70 au moment où le mot
d'ordre
de
"révolution
verte"
fit
l'objet
d'une
recommandation des Nations-Unies;
mais de toute évidence
ces institutions consacrent la plus grande part de leurs
ressources au
financement des cultures d'exportation.
Au
Togo,
c'est la Caisse Nationale de Crédit Agricole qui a
en charge cette politique tandis qu'au Burundi ce sont des
coopératives
d'épargne
et de
crédit
qui
fournissent
aux
producteurs le financement agricole.
Enfin
la
création
de
coopératives
de
production
et
de
commercialisation
a
été
utilisée
pour
un
meilleur
encadrement des producteurs et une meilleure utilisation
des
facteurs
de
production,
mais
dans
ce
domaine,
les
résultats
ont
été
décevants
en
raison
du
prix
peu
rémunérateur que
les
Etats
paient aux producteurs
et du
poids de l'encadrement administratif et poli tique qu'ils
subissent.
2 -
Dans le domaine minier
Dans
ce
domaine,
l'indicateur
le
plus
significatif
qui
traduit
l'intérêt
vital
de
ce
secteur
pour
les
Etats
Africains concerne la propriété des moyens de production.
Contrairement
à
ce
qu'on
pourrait
penser,
les
Etats
Africains
ne
se
sont
pas
tous
rendu
mai tres
de
leurs
ressources
nationales.
A
cet
égard
deux
grandes
orientations se partagent la faveur des Etats
: dans les
pays â
orientation socialiste,
des entreprises publiques
furent créées pour la production et la commercialisation
des ressources minières,
l'expérience ghanéenne de 1957 à
1968 relève d'un tel schéma.

242
Dans les pays à orientation libérale,
les capitaux privés
étaient
prédominants
les
premières
années
de
l'indépendance;
progressivement les Etats ont accru leur
part sociale,
certains ont pris le contrôle total de ces
unités
de
production;
enfin,
certains
pays
africains
demeurent
minori taires
dans
le
capi tal
social
des
entreprises.
Ce
second
groupe
de
pays
africains
se
caractérise donc par une diversité de situation.
Au
Togo,
l'unité
de
production
de
phosphates
a
été
nationalisée
à
100
% en
janvier
1974,
à
la
suite
d'un
différend avec les principaux actionnaires étrangers.
En
revanche,
au
Sénégal,
le
capital
de
la
société
d'exploitation des phosphates de TAIBA est détenu à parts
égales
(50
%
50
%)
par
le
Sénégal
et
des
sociétés
françaises.
En Guinée,
des sociétés françaises
(Pechiney)
et
américaines
sont
associées
au
gouvernement
pour
la
production de l'aluminium.
Le Gabon,
par exemple,
détient
une
participation
minoritaire
(25
%)
dans
la
société
pétrolière
ELF-GABON.
Au
Zaïre,
les
mines
de
diamant
opèrent avec des capitaux provenant de
façon majoritaire
du groupe anglo-sud africain de Beers,
l'Etat ne détenant
que
25
% du
capital
social.
La
diversité
des
formes
d' exploi tation des
ressources
minières
africaines
dépend
de divers
facteurs
notamment les hausses conjoncturelles
des
prix
sur
le
marché
international,
la
qualité
des
relations
de
coopération
avec
l'ancienne
métropole
dont
les sociétés opèrent dans ce secteur et des
rapports de
force politique internes aux pays africains.

243
PRINCIPALES MARCHANDISES EXPORTEES PAR LES PAYS
D'AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
COMBUSTIBLES
PETROLE
MINERAUX ET METAUX
cuivre, cobalt
fer,
uranium
bauxite
phosphate, diamant,
or
manganèse
zinc
étain
plomb
ALIMENTS ET BOISSONS
café
cacao
sucre
thé
arachides
huile d'arachide
boeuf -viande)
huile de palme
bananes
maïs
ananas
EXPORTATIONS NON ALIMENTAIRES
bois
coton
tabac
caoutchouc
sisal
Source
:
banque mondiale
le développement
accéléré en
Afrique au sud du Sahara.

244
TAUX DE VARIATION DE LA PRODUCTION DE MATIERES PREMIERES D'ORIGINE
MINERALE ET AGRICOLE ENTRE 1961 ET 1970 (AFRIQUE AU SUD DU SAHARA)
en mi 11 i ers
~ 1961
1970
%
PRODUITS
Cacao
830
1115
+ 34 %
.
Café
780
1322
+ 69
Sucre
1533
2602
+ 70
.
Bananes
441
394
- 11
Huile de palme
3E?
178
- 52
Thé
54
119
+ 120
Coton
379
715
+ 86,65
Cuivre
930
1140
+ 22,80
Bauxite
1575
3290
+ 109
Phosphate
200
2740
+ 1270
Feu
9,8
41 ,2
+ 320
Pétrole (en millions de
1,75
64,7
+ 3597
tonnes)
--
Source:
GIRl
Jacques,
l'Afrique en panne,
éd.
Karthala,
Paris,
1986.

245
3 - Les résultats de cette politique
L'évolution
de
la
production
des
matières
premières
végétales et minérales en Afrique a été très contrastée de
1960 à nos jours. De même les revenus qu'elle a engendrés
ont
suivi
une
évolution
irrégulière
en
raison
de
la
fluctuation des prix sur le marché international.
Sur
le
plan
quantitatif,
la
gamme
de
ces
matières
est
assez
diversifiée
(voir
page
ci-contre
la
liste
des
principaux
produits
exportés).
L'évolution
de
la
production a été très inégale de 1960 à 1980.
La
première
décennie
1960-1970
a
été
marquée
par
une
augmentation spectaculaire de la production de la plupart
des matières premières sauf pour les bananes et l'huile de
palme; de 441 000 tonnes en 1961, la production africaine
est passée,à 394 000 tonnes soit une diminution de Il %;
l ' huile
de
palme
a
subi
une
baisse
de
52
% passant
de
367000 tonnes en 1961 à 178 000.
Entre 1960 et 1970,
le café a accusé une hausse de 34 %,
le cacao,
69 %,
le sucre 70 %,
le thé 120 %,
le coton a
augmenté de 88,65 %.
La
même
tendance
à
l'accroissement
de
la
production
caractérise l'évolution des
matières premières
minérales
parmi elles le pétrole et les phosphates se sont nettement
améliorés avec des taux d'augmentation de 3597 % et 1270%.
La production de cuivre,
de bauxite,
de fer s'est accrue
respectivement
de
22, 60
%,
de
109
% et
de
320
% (voir
tableau ci-contre).

246
La décennie 1970-1980 a
été moins spectaculaire pour les
cultures
industrielles,
excepté
le
sucre
dont
la
production
a
augmenté
de
30
% mais
deux
fois
et
1/2
moindre et le thé qui a accusé une hausse de
51
%,
deux
fois moindre qu'entre 1960 et 1970.
Parmi les matières premières minérales,
les pho5phates, la
bauxite et le pétrole ont réalisé des bonds spectaculaires
de
1970
à
1980
(voir
tableau
ci-contre),
soit
respectivement 76 %, 346 %, 97 %.
La stratégie de promotion des secteurs exportateurs s'est
traduite par des progrès spectaculaires au cours des dix
premières années de l'indépendance sauf pour les bananes
et
l'huile
de
palme
dont
la
production
continuera
à
baisser
au
cours
des
années
70
puisqu'elle
régresse
respectivement de 40 et 65 %.
Il s'agit de deux produits
qui étaient cultivés de façon paysannale et sensibles aux
aléas climatiques.

247
EVOLUTION DE LA PRODUCTION EN MILLIERS DE TONNES DE MATIERES PREMIERES
D'ORIGINE MINERALE DE 1960 A 1984 (AFRIQUE AU SUD DU SAHARA)
~ 1960 1970 1980 1984
PRODUITS
Cuivre
930
1140
1140
1960
Bauxite
1575
3290
14480
13960
Phosphates
200
2740
4815
4980
Fer
9,8
41 ,2
29,9
27,6
Pétrole
1,75
64,7
127,7
89,5
(millions de tonnes)
Source
Giri Jacques, opus déjà cité.

248
Evolution
de
la
production
en
milliers
de
tonnes
de
matières
premières
d'origine
végétale
de
1961
à
1980
(Afrique au sud du Sahara).
~ 1961 1970 1975 1980
PRODUITS
Cacao
830
1105
996
927
Café
780
1322
1320
1151
Sucre
1533
2602
2684
3374
Bananes
441
394
354
272
Huile de palme
367
178
212
129
Thé
54
119
148
180
Coton
379
715
706
626
Source
Giri Jacques, opus déjà cité.

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250
Mais
l'accroissement
de
la
production
des
matières
premières végétales
et minérales
a-t-il
permis
aux
pays
d'Afrique
d'accroître
leurs
revenus
dans
les
m~mes
proportions ?
A l'augmentation de la production des matières premières
correspond depuis 1960 une évolution erratique des cours
mondiaux.
Si l'on prend pour référence l'année 1975 pour
l'évolution des indices prix des matières premières brutes
d'origine agricole
(voir graphique ci-contre),
les cours
sont
passé
à
l'indice
140
au
1er
trimestre
de
l'année
1979, 159 au 3e trimestre pour descendre légèrement à 157
au
4e
trimestre,
de
la
même
année.
Mais
après
avoir
atteint l'indice 170 au 1er trimestre de l'année 1980, ils
sont descendus à 135 au 1er trimestre de l'année 1983. Les
prix subissent donc non seulement des variations annuelles
mais également mensuelles.
Parmi ces produits, certains voient leurs prix accuser une
évolution
plus
chaotique.
Après
avoir
connu
une
augmentation de
1974
à
1977,
le cours mondial
du
cacao
diminue de 45 % entre 1977 et 1981, et de 38 % entre 80 et
87. Alors que dans la même période,
les prix des facteurs
de
production
augmentent.
La
tonne
d'engrais
passe
de
16000 F en 1975 à 25000 en 1980, soit une augmentation de
56%
;
la
charrue
passe
de
14
276
F
à
18
987
soit
un
accroissement de 33 %. A partir de 1981 les prix du cacao
accusent
une
remontée
favorisée
par
l'utilisation
de
stocks
régulateurs
prévus
par
l'Accord
international
de
1980.
Ils
vont
subir
de
nouvelles
baisses
à
partir
de
1984,
ils tombent au début de l'année 90 à
leur plus bas
niveau
depuis
quatorze
ans,
avant
d'entamer
en mai
une

251
remontée de 40 % par rapport à la fin du mois de février
90.
Les cours du café ont suivi à peu près la même évolution.
Les cours diminuent de 50 % entre 1977 et 1981 et de 41 %
entre 1980 et 1987.
Il en est de même pour les arachides;
après
avoir
connu
une
hausse
de
100
% en
1974,
en
s'établissant
à
1060
dollars
la
tonne,
les
cours
de
l'huile d'arachide subissent deux baisses consécutives de
25 % et de Il
% en 1975 et 1976,
à
partir de 1977 les
cours ont été plus ou moins stables avant de s'effondrer
de 56 % entre 1981 et 1982.
A partir de 1983 les cours
sont marqués par une envolée s'établissant à 1000 dollars
la tonne contre 875 en moyenne entre 1979 et 1980.
Entre
1980 et 1987 les prix du sucre,
du bois et des noix de
palme diminuent respectivement de 16,6 %,
80 % et 57,4 %
80
Les
recettes
d'exportation
des
pays
d'Afrique
aura
chuté de 2,77 milliards de dollars soit 2% de leur dette
extérieure actuelle.
Cette situation est d'autant plus néfaste que les recettes
d'exportation
de
certains
pays
dépendent
d'un
seul
produi t:
ainsi
l'économie du
Burundi
dépend
à
89
% des
recettes d'exportation du café, celle de l'Ethiopie à 65%,
d'autres
pays
tels
que
la
Côte
d'Ivoire,
le
Sénégal
connaissent des
difficultés
financières
en raison de
la
tendance à
la baisse des prix du cacao et des arachides.
D'une
façon
générale,
si
l'on
prend
comme
référence
l'année 1980,
la valeur uni taire des
produits
agricoles
n'a cessé de baisser en moyenne de 15 % de 1981 à 1985 81
80. Achille HBEHBE. Honde Diplomatique.
81. 1980 : indice 100 : 1981 : 90 ; 1982 : 85 : 1983
84
1984
86; 1985
80.

252
Pour
les
produits minéraux,
les
prix
ont
suivi
la même
tendance
entre
1979
et
1985
de
135
au
1er
trimestre
1979, l'indice est passé à plus de 170 au 1er trimestre de
l'année 1980 avant de redescendre à 130 au 1er trimestre
de l'année 1983. Par exemple le prix du cuivre a baissé en
monnaie
constante
de
1955
à
1973
puis
a
connu
une
augmentation brusque de 90 % durant l'année 1973.
En 1974,
les prix des phosphates ont été multipliés par 5
passant
de
15
dollars
la
tonne
à
75
dollars
avant
de
s'effondrer à
21 dollars au début de l'année 1975.
Dans
les années 80, la baisse a été de 47 % entre 1980 et 1987.
Ces mouvements erratiques résultent de l'action de divers
facteurs
la
dévaluation
de
certaines
monnaies
de
référence
dans lesquelles les prix sont
libellés
c'est le
cas du fe~ notamment dont les prix sont uniquement
libellés en dollars;
le
quasi-monopole
détenu
par
les
sociétés
transnationales
qui
contrôlent
directement
70%
du
café mis sur le marché mondial,
80 % du coton et du
cacao, 75 % de la banane et 50 % du sucre environ;
l'utilisation de produits de substitution (sucre de
betterave au lieu de sucre de canne),
le
recyclage
industriel
de
certains
produits
tels
que le cuivre
(recyclé à
60
%) ,
le fer
(70 %)
et
l'aluminium (48 %).
Dans
tous
les
cas,
il
est
difficile aux pays
africains
d'intervenir sur le marché des produits de base. En cas de

253
hausse
des
cours,
souvent
conjoncturel,
donc
de
courte
durée,
les
rigidités
économiques
(manque
de
moyens
financiers)
technologiques
(délais
long pour
la mise en
place de nouvelles machines, main-d'oeuvre peu qualifiée),
bloquent toute initiative en matière d'augmentation de la
production.
En
cas
de
baisse,
les
pays
sous-développés
n'ont
d'autre
alternative
que
de
vendre
leurs
produits
étant donné leur importance décisive dans la formation du
revenu;
il n'est d'ailleurs pas exclu qu'ils vendent une
quanti té
plus
grande
pour compenser
le
manque
à
gagner
résultant de la baisse des cours.
Au demeurant,
faute de
moyens
financiers,
ils
ne
peuvent
pas
même
mettre
en
oeuvre une politique de stockage efficace, l'exemple de la
Côte
d'Ivoire
est
assez
éloquent;
à
cet
égard
le
financement du stockage de cacao,
à
la suite de l'Accord
de 1980 jugé insuffisant a coûté cher à ce pays. En outre,
des
raisons
techniques
liées
aux
caractéristiques
de
produit (caractère périssable,
volume susceptible occupé)
limitent
toute
intervention
sur
le
marché.
Les
pays
Africains
ne
peuvent
donc
pas
compter
sur
des
revenus
stables pour financer
leurs programmes de développement;
la
stratégie
de
promotion
des
secteurs
exportateurs
se
heurte
ainsi
depuis
1960
à
la
baisse
tendancielle
des
cours des matières premières végétales et minérales.
Si
au
cours
de
la
décennie
60-70,
la
plupart
des
pays
d'Afrique tropicale ont accru en termes réels
leurs taux
d'exportation
et
d'importation
82
en
revanche
ces
82. Le
taux
d'exportation
ou
d'importation
en
termes
réels
est
le
rapport
du
volume
des
exportations
ou
des
importations
à
la
production
intérieure
brute.
Selon
Patrick
Guillaumont,
de
1960 à
1970 sur 39
pays Africains.
24
avaient connu un
accroissement.
De
1970
à
1980,
la
diminution
du
taux
d'exportation
touche
presque
tous
les
pays
non
producteurs
de
pétrole.
Les
taux
d'importation
diminuent
également
sauf
pour
les
pays
d'Afrique
de
la
zone
france
qui
ont
une capacité
à
supporter les
déficits
extérieurs
(in
Guillaumut Patrick, opus déjà cité, p.
229).

254
derniers
diminuent
au
cours
de
la
période
70-80.
Cette
évolution
témoigne,
outre
les
difficultés
liées
aux
déficits
extérieurs,
d'un
développement
tourné
vers
l'intérieur
à
l'effet
d'opérer
une
substitution
aux
importations,
c'est-à-dire
de
créer
et
de
mobiliser
l'appareil
de
production
pour
la
fabrication
de
biens
destinés principalement
au marché intérieur et de
façon
accessoire au marché extérieur.

255
CHAPITRE II - LES POLITIQUES D'IMPORT-SUBSTITUTION ET DE
PROMOTION DU SECTEUR MANUFACTURIER
A la différence de la promotion des secteurs exportateurs,
le développement du secteur manufacturier en Afrique fut
l'objet
dès
le
début
des
années
60
de
débats
entre
partisans de l'agro-centrisme et de l'industrio-centrisme.
A vrai dire une certaine confusion régnait à cette époque
sur le rôle respectif de l'agriculture et de l'industrie
dans le processus de développement. Certains voyaient dans
les pays africains des régions à vocation agricole.
"Cette
conception
avait
prévalu
dans
de
petits
pays,

pour
mieux faire des mesures de ruralisation des secteurs comme
l'éducation avaient été mises sur pied.
En revanche,
des
pays
comme
le
Ghana
s'étaient
prononcés
en
faveur
de
l'industrie
lourde
considérée
comme
le
moteur
du
développement.
Quoi qu'il en soit,
l'Afrique avait hérité
de
la
colonisation
d'embryons
d'industries
de
transformation
légère,
notamment
les
textiles,
les
huileries,
les
brasseries,
les
minoteries,
les
unités
d'égrenage
de
coton,
de
traitement
du
tabac,
de
la
fabrication de chaussures,
de vêtements
etc...
Mais
ces
unités
étaient
davantage
tournées
vers
le
marché
extérieur.
A l'économie de
"traite simple"
avait succédé
l'économie de "traite complexe" suivant la terminologie de
Samin AMIN.
C'est
pourquoi
la
création
du
secteur
manufacturier
s'imposai t
à
l'Afrique
comme
une
nécessité
stratégique
permettant à terme de développer le marché interne. Or, ne
pas tenir compte de la concurrence internationale,
celle
des
économies
industrielles
d'une
part,
des
contraintes

256
internes
liées
à
l ' étroitesse
et
au
cloisonnement
des
marchés
africains
d'autre
part,
c'est
engager
dans
une
impasse la politique de développement industriel.
Assurer
donc l'autonomie des
Etats
vis-à-vis
de
l'extérieur
par
une
poli tique
de
substitution
aux
importations
tout
en
rendant les produits africains compétitifs tel est le défi
auquel les Etats étaient confrontés.
c'est
donc
le
choix
des
types
d'industries
qui
conditionnera l'efficacité des politiques de développement
industriel.
Quelles
sont
les
branches
susceptibles
de
promouvoir
le
développement
industriel
?
Quelle
est
la
situation de l'Afrique à cet égard?
Section 1 - Les types d'industries dynamogènes
Le choix des types d'industrie joue un rôle décisif dans
le
processus
de
développement
industriel
d'un
pays.
Il
s'avère donc indispensable de créer des branches ayant un
taux
de
croissance
élevé
et
susceptibles
d'exercer
des
effets
en
amont
et
en
aval
suffisamment
forts
afin
de
favoriser
l'intégration
des
différents
secteurs
d'activité.
Eu égard aux caractéristiques structurelles des économies
africaines,
l'industrialisation doit être conçue non pas
comme
une
simple
juxtaposition
d'une
collection
d'industries sans liens les unes avec les autres ou leur
environnement
mais
plutôt
comme
un
processus
global
de
restructuration de l'ensemble de la société. A cet égard,
les
industries
,. industrialisantes"
présentent
trois
caractéristiques essentielles :

257
elles sont de grandes dimensions
l ' horizon de
temps
à
prendre
en considération est
extrêmement long
elles exigent des investissements élevés
C'est
du
moins
les
traits
qui
ressortent
d'un
rapport
établi
par
De
Bernis
pour
la
mise
en valeur
du
fleuve
Sénégal
par
les
Etats
riverains,
notamment
le
Mali,
la
Guinée,
la Gambie et le Sénégal.
Ces industries ont pour
objet
d'entrainer
dans
leur
environnement
"un
noircissement systématique de la matrice industrielle" et
de transformer les fonctions de production grâce à la mise
à la disposition de cet environnement d'ensembles nouveaux
de
machines
ou
de
produits
qui
accroissent
la
productivité.
Les
transformations
induisent
à
leur
tour
une
restructuration
économique
et
sociale
et
des
changements de comportement.
Sous
cet
angle,
l'industrie
sidérurgique
ou
chimique
bénéficient
d'une
place
stratégique
au
sommet
des
processus
de
production
et
favorisent
dans
une
grande
mesure la propagation du progrès. De même l'industrie des
métaux non
ferreux,
le cuivre par exemple,
les produits
pétroliers,
le
textile,
l'imprimerie
et
l'édition
entrainent des liaisons en amont et en aval élevés.
Ces
branches
rentrent
dans
la
catégorie
des
industries
manufacturières intermédiaires dont les échanges avec les
autres secteurs sont particulièrement denses.

IMPLANTATIONS INDUSTRIELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
CI
SG
GC
ML
MR
H
NR
T
B
GH
GA
SL
GB
C
L
NA
Minoteries
X
X
X
X
X
X
X
X
Rizerie (décortiquage)
X
X
X
X
Oléagineux
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Sucre
X
X
X
X
X
X
Industrie fruitière
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Café (traitement)
X
X
Cacao (traitement)
X
X
Brasseries
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Tabac
X
X
X
X
X
X
X
Industrie pêche
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Industrie laitière
X
X
X
X
Cuirs et peaux
X
X
X
X
X
X
X
X
Textiles
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Industrie forestière
X
X
X
sidérurgie
X
X
0
0
X
X
X
X
X
N
11l
Ind. métalliques et mécaniques
ex>
(matériel agricoles, cycles ... )
X
X
X
0
X
X
X
X
X
Industries chimiques
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Industrie caoutchouc (pneuma-
X
tiques)
Ciment
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Raffinage pétrole
X
X
0
X
X
X
X
X
Ind. électrique et électroni-
X
X
X
X
X
que
Source: Journal de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
Légende: X = réalisation; 0 = projet; CI = Côte d'Ivoire; CG = Sénégal; GC = Guinée conakry; ML = Mali;
MR = Mauritanie; H = haute-Volta; NR = Niger; T = Togo; B = Bénin; GH = Ghana; GA = Gambier;
SL = Sierra Léone ~ GB = Guinée-Bissau; C = cap-Vert; L = Libéria ; NA = Nigéria.

259
Parmi les branches où les liaisons en amont comme en aval
sont faibles,
se retrouvent les activités de transport,
le
commerce
et
les
services
en
général,
entre
les
deux
catégories précédentes se situent diverses branches dont
les
coefficients
de
liaison
sont
assez
contrastés;
par
exemple, les activités de meunerie, l'industrie du cuir et
du bois,
les équipements de transport
et
les industries
alimentaires ont un coefficient de liaison en amont élevé
mais
faible
en
aval;
en
revanche,
les
productions
primaires
intermédiaires
telles
que
les
industries
extractives,
celles
des
minerais
non
métalliques
(phosphates),
l' agricul ture,
la
forêt,
la
pêche
ont
un
coefficient en amont faible mais élevé en aval. C'est donc
en fonction des liaisons que l'on veut privilégier, qu'on
choisit les types d'industrie.
Quelle~ est donc la situation des pays africains au regard
de ce critère?
Section 2 - Les implantations industrielles en Afrique au
sud du Sahara
D'un échantillon expérimental constitué par les 16 Etats
(voir
liste
ci-contre)
de
la
Communauté
Economique
des
Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO),
on peut tirer les
observations suivantes :
les industries ayant un coefficient de liaison élevé
en amont comme en aval sont largement représentées
au sein de cette communauté.

260
11
Etats
sur
16
soit
69
% détiennent
des
unités
de
fabrication de textile,
10 Etats soit 63 % des industries
métalliques et mécaniques,
les industries chimiques sont
présentées dans 10 autres Etats.
Les produits pétroliers
sont fabriqués dans 9 Etats de la communauté.
Les
industries
ayant
un
coefficient
de
liaison en
amont élevé et
faible en aval,
c'est-à-dire celles
qui
favorisent
les
produits
destinés
à
la
consommation
finale
donc
susceptibles
de
faire
l'objet
d'une
substitution
aux
importations
antérieures
constituent
de
par
leur
fréquence
le
second
groupe
des
unités
de
productions
industrielles de la CEDEAO.
Ainsi 11 Etats sur 16 soit 69 % possèdent une industrie
alimentaire en l'occurrence les brasseries,
10 Etats soit
63 % détiennent des unités de fabrication de cuirs et de
traitement
de
peaux,
8
soit
50
%
des
unités
de
transformation d'oléagineux.
De
ce
qui
précède,
i l
résulte
qu'une
majorité
de
pays
africains
possèdent
des
types
d'industries
susceptibles
d'avoir un effet d'entraînement sur l'environnement et de
favoriser une politique de substitution aux importations.
Parmi ces industries figurent principalement
les industries alimentaires (69 %),
les industries textiles (69 %),
les industries métalliques et mécaniques (63 %),
les industries chimiques (63 %),

261
les industries sidérurgiques (56 %),
les cimenteries (56 %),
les industries de raffinages de pétrole (50 %).
En outre sur les 16 Etats,
6 ont un secteur manufacturier
plus dense que les autres, ce sont :
la
Côte
d'Ivoire

sont
représentées
20
branches
industrielles sur un total de 21 pour la sous-région
soit 95%,
le Nigéria, avec 19 branches (90,50 %),
le Sénégal avec 17 branches soit 81 %,
Le Ghana avec 17 branches soit 81 %,
Le Mali et le Togo avec Il branches chacun soit 52%
de la totalité des branches.
De prime abord,
tout laisse à penser que les conditions de
possibilité
d'un
développement
industriel
cohérent
existent
en
Afrique
de
l'ouest
au
regard
des
choix
des
Etats. Or, bien des obstacles ont atténué la portée de ces
unités.
2 - Les obstacles au développement industriel
Ces
obstacles
sont
de
type
structurel,
financier,
technique et institutionnel.
Sur
le
plan
structurel,
les
unités
de
production
industrielle ayant un fort coefficient de liaison en amont

262
comme
en
aval,
en
l'occurrence
les
industries
sidérurgiques,
les
activités
de
raffineries,
les
industries chimiques entretiennent en général des liaisons
assez faibles avec leur environnement. Ainsi en est-il au
Togo
pour
la
plupart
des
industries
de
nature
capitalistique
qui
virent
le
jour
de
1976
à
1980
construction d'une raffinerie de pétrole alors que la pays
ne produit pas la matière première,
d'une acierie pour la
fabrication de fer à béton principalement à partir de la
ferraille de récupération;
d'une unité de fabrication de
noix de
cajou
à
partir d'une production essentiellement
paysannale, partant irrégulière et mal conditionnée.
De
même,
parmi
les
industries
alimentaires,
les
différentes
brasseries
africaines
opèrent
à
partir
de
matières
premières
importées,
notamment
le
houblon
au
détriment
du
maïs
et
du
mil,
qui
font
l'objet
de
transformation artisanale ~.
Sur le plan financier,
la survivance de la dépendance de
l'Afrique
vis-à-vis
du
capital
privé
étranger
n'a
pas
véritablement
favorisé
une
politique
d'import-substitu-
tion.
Au
milieu
des
années
70,
les
firmes
étrangères
ne
continuaient pas moins de jouer un rôle prédominant dans
la mise en place des industries africaines : Au Cameroun,
57,5
%
du
capital
social
du
secteur
industriel
appartiennent à des intérêts privés étrangers contre 42,5
aux intérêts nationaux dont 39 % à l'Etat.
83. Le Rwanda produit de la bi6re A partir de la banane locale.

263
En
1976,
le
Congo
"socialiste"
se
trouvait
dans
une
situation plus incohérente, en effet près de 87,5 % (dont
75,5
% à
la
France)
du
capital
social
industriel
sont
détenus
par
des
intérêts
étrangers
entre
12,5
% aux
nationaux (11,5 % à l'Etat).
En Côte d'Ivoire,
la répartition est de 38,4 % pour les
intérêts nationaux dont 27,2 % à l'Etat,
40,90 % pour les
intérêts français et 20,7 % représentant les intérêts des
Etats-Unis d'Amérique de la Grande Bretagne,
de la Suisse
et du Bénélux.
Les
intérêts
étrangers
demeurent
prédominants
et
représentent 60 % du capital social industriel dont 57 %
pour la France.
Le Gabon,
le Sénégal,
le Togo se trouvent
dans
la même
si tuation marquée
par
une
forte
dépendance
vis-à-vis
de
l'étranger 84.
80,47 % contre 19,53 pour le Sénégal;
71,5
contre 28,5% pour le Gabon.
Il serait aisé de multiplier ces exemples en Afrique.
Des tentatives de nationalisation sont apparues ça et là
notamment en Ouganda mais elles ont été remises en cause
en 1982 avec la chute du régime d'Amin Dada. Après le coup
d'Etat de
février 1966,
le Ghana s'est retrouvé dans
la
même
situation
vis-à-vis
des
intérêts
britanniques
et
américains.
Sur le plan technique,
la plupart des uni tés du secteur
industriel
ne
tournent
pas
à
leur
pleine
capacité
de
84. GRELLET G~rard,
Les structures
~conomiques de l' Afrique Noire,
pp.95-100,
ed,
pur, Paris,
1982.

264
production,
ce qui se traduit par un renchérissement des
coûts de production.
En
République
Centrafricaine,
sur
15
branches
industrielles, 40 % tournaient en 1976 en dessous de 50 %,
33 % entre
50-80
%,
27
% entre
80
et 100
%,
seule une
entreprise de boissons gazeuses tournaient à
100 % de sa
capacité de production.
Au Congo-Brazzaville, sur 6 branches industrielles, aucune
unité ne tournait à plus de 54 %.
Au Cameroun,
la limite
atteint 66 % 85
Sur le
plan
institutionnel,
la multiplication
de
moyens
d'organismes de promotion du secteur industriel notamment
en matière de financement n'a pas permis d'atteindre les
résultats escomptés. Les codes des investissements souvent
libéraux
ont
davantage
profité
aux
investisseurs
étrangers; c'est le cas des grands pays manufacturiers en
Afrique en l'occurrence la Côte d'Ivoire,
le Nigéria,
le
Sénégal, l'Ouganda, le Kenya. Défavorisés au départ par la
faiblesse des moyens financiers,
les entrepreneurs privés
se
sont
heurtés
à
d'autres
contraintes
tels
que
la
mauvaise qualité de l'infrastructure de communication,
la
concurrence des produits importés, le coût des facteurs de
production,
la
lenteur des procédures administratives et
la corruption.
85. GRELLET Gérard. opus déjà cité.
pp. 93-94.

265
3 - Les résultats de cette politique
Ils
ont
été
variables
au
cours
de
ces
trois
dernières
décennies :
Pendant
les
années
60,
l'Afrique
a
connu
un
développement de son secteur manufacturier au moins
équivalent
à
celui
du
reste
du
monde.
De
1960
à
1970,
son
taux
de
croissance
a
été de
l'ordre
de
8,3% par an alors que pour l'ensemble des
pays en
développement,
il a été de 8,1% et de 5,9% pour les
pays
industrialisés.
Certains
pays
comme
la
Côte
d'Ivoire avaient atteint des taux de l'ordre de 11%;
l'activité industrielle passait de 13,8 milliards de
F
CFA
en
1960
à
48
milliards
en
1968
soit
une
augmentation de 248%.
De
1971
à
1980,
on
assiste
à
un
renversement
de
tendance excepté les
pays africains
producteurs de
pétrole
qui
ont
gardé
des
taux
de
croissance
industrielle élevés:
12,4% pour
le Nigéria et 7,7%
pour
le
Cameroun
alors
que
le
taux
moyen
pour
l'Afrique
subsaharienne
passai t
à
4,9%.
Dans
l'ensemble des
pays
en
développement,
i l
était
de
l'ordre
de
7,3%
contre
3,1%
pour
les
pays
industrialisés.
A partir de 1980,
la situation s'aggrave pour tous
les
pays
en
raison
des
effets
persistants
de
la
récession
économique
mondiale.
Le
Nigéria
par
exemple
a
été
contraint
de
fermer
près
de
700
entreprises
représentant
20%
de
la
production
industrielle tandis que les autres unités tournaient
de
30
à
50%
de
leur
capacité
de
production.
En
Tanzanie,
la
chute
de
la
production
industrielle

266
avai t
atteint
17%
en
1980,
28%
en
1981.
L'année
suivante la plupart des usines tournaient à
50% de
leur
capacité.
En
Côte
d'Ivoire,
le
recul
de
la
production industrielle a été en moyenne de 8% par
an de 1982 à 1984 avec une pointe de 15% au cours de
l'année 1983.
Enfin,
selon une
enquête du
"Centre
NORD-SUD"
de l ' Insti tut de l'Entreprise et publiée
en
mai
1985,
sur
343
entreprises
industrielles
analysées en
1984,
79
soit
23%
étaient
totalement
arrêtées,
195
soit
57%
fonctionnaient
dans
de
mauvaises conditions,
n'utilisant qu'une partie de
leur capacité de production et 20% utilisaient leur
capacité en dessous d'un seuil satisfaisant.
Ainsi,
la
vague
de
création d'entreprises
industrielles
amorcée dans les années 50 et poursuivie avec succès dans
les
années
60,
n'a
pas
pu
résister
aux
effets
de
la
récession
économique
et
déboucher
sur
une
véritable
industrialisation pour causes
elles
étaient
pour
la
plupart
paradoxalement
tournées vers l'extérieur,
elles
étaient
contrôlées
par
des
capitaux
privés
étrangers.
Au Zaïre,
la nationalisation du capital
productif
inauguré
en
1973
sous
le
titre
de
la
"zaïrinisation"
a
été
vite
abandonnée.
En
Côte
d'Ivoire, l'ivoirisation de l'Economie a été plus un
thème
politique
qu'une
réalité
économique,
elle
confondait
la
multiplication
des
moyens
institutionnels avec les résultats concrets,

267
la
mauvaise
gestion
des
entreprises
publiques
a
gravement obéré les finances des Etats et contribué
à leur endettement,
les études parfois mal faites,
les
investissements
étaient
surdimensionnés
par
rapport au marché national, voire sous-régional,
les
charges
financières
des
entreprises
étaient
élevées en raison de l'étroitesse des marchés,
les
technologies
utilisées
inadaptées
et
fort
coûteuses,
enfin
le
cadre
institutionnel
et
juridique
était
parfois lourd,
trop bureaucratique pour rendre aux
entreprises leur flexibilité.

268
CHAPITRE III - LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT DE L'AGRI-
CULTURE VIVRIERE
Si, comme nous avons tenté de le montrer,
la configuration
des forces politiques en Afrique subsaharienne est dominée
par
la
bourgeoisie
comprador depuis
trois
décennies,
la
problématique
du
développement
agricole
reste
autant
suspendue aux rapports de pouvoir interne,
aux rapports de
distribution internationaux qu'aux conditions matérielles
et techniques de la production.
En effet pour l'Etat, c'est la nécessité de consolider son
assise politique et économique qui fonde ses rapports avec
la paysannerie grâce à des prélèvements systématiques.
Au plan mondial,
les politiques agricoles,
guidées par la
logique du profit recourent à diverses pratiques qui ont
pour
effet
d'enfermer
l'agriculture
africaine
dans
une
dépendance sans cesse croissante :
exportation
des
surplus
agricoles
des
pays
développés,
notamment
les
céréales
qui
reviennent
trois fois moins cher que le maïs et le mil produits
localement,
accroissement
de
l'aide
alimentaire
qui,
dans
certaines conditions, vient décourager la production
africaine et nourrir la spéculation,
faiblesse
des
prix
agricoles
internes
qui,
de
ce
fait,
ne sont pas suffisamment rémunérateurs et qui
combinée à
la
surévaluation,
d~ monnaies aggravent
les conditions de vie des paysans,

269
taux
de
protection
nominale
négative
pour
les
cultures
industrielles,
ce
qui
dénote
bien
l'existence de distorsions chroniques à
l'encontre
des revenus des paysans.
Tels sont les éléments d'une politique marchande globale
qui
conditionne
depuis
trois
décennies
la
situation de
l'agriculture africaine et qui entre en contradiction à la
fois avec les mentalités et les pratiques paysannes.
Entre la modernisation de
toutes
les
branches
agricoles
imposée par la logique du profit et la nécessité de survie
du
pouvoir
politique
d'une
part,
et
l'intégration
de
l'agriculture vivrière dans le processus de développement
d'autre part,
c'est-à-dire sa transformation en relation
avec
le
substratum
social,
quelles
sont
les
réponses
apportées à
l'agriculture africaine et quels en sont les
effets économiques et sociaux ?
Section 1 - L'agriculture africaine entre la modernisation
et l'intégration
Faute
d'avoir
saisi
les
liaisons
étroites
qui
existent
entre
le
milieu
socio-culturel
et
ses
capacités
de
changement,
bon nombre de
proj ets dits
de développement
agricole se sont soldés par des échecs. Il apparaît ainsi
qu'au stade de la définition de ces projets, les pouvoirs
publics
en
Afrique
aient
confondu
modernisation
et
intégration.
La
modernisation
a
pour
objet
l'amélioration
des
techniques
et
des
méthodes
de
production de
toutes
les
branches
agricoles
elle
porte,
entre
autres,
sur

270
l'introduction de
la
culture
attelée,
l'utilisation des
machines, l'amélioration des méthodes de fumure, notamment
l'utilisation de l'engrais chimique,
l'intensification de
la recherche scientifique pour la protection des sols,
la
mise au point de nouvelles variétés à haut rendement,
la
lutte
contre
les
parasites
et
les
prédateurs;
elle
concerne également
l'encadrement du
monde
paysan par la
création de groupements précoopératifs et coopératifs,
la
vulgarisation
des
techniques
et
l'alphabétisation
fonctionnelle. Dans cette perspective, la modernisation de
l' agricul ture
vise
un
progrès
en
outillage
et
en
organisation.
L'autre aspect de la modernisation,
c'est l'amélioration
des structures d'encadrement de l'agriculture, par exemple
les équipements villageois: l'hydraulique villageoise sous
le double volet de l'irrigation et de l'alimentation des
populations
en
eau
potable,
l'électrification,
la
construction
de
pistes
de
desserte,
de
routes
et
de
ponts ...
En revanche l'intégration de l' agricul ture vivrière dans
le processus
de développement vise
la
transformation de
l' agricul ture non
seulement en relation
avec
les
autres
secteurs,
l'industrie,
le tertiaire,
la santé mais aussi
en liaison étroite avec le substratum social : les formes
d'organisation
traditionnelle
de
la
production
les
groupes d'entraide dans le travail,
sociétés de culture;
les
rapports
de
production
salariat,
métayage;
les
relations
de
l'individu
à
la
terre
sur
les
plans
métaphysique et juridique ...

271
L'intégration va donc au delà des facteurs matériels pour
engendrer une dynamique
sociale qui
permette d' aceroi tre
la capacité du milieu à provoquer des changements internes
et à réagir de façon appropriée à ceux qui sont induits de
l'extérieur.
En
Afrique
subsaharienne,
ce
sont
les
politiques
de
modernisation
qui
ont
prévalu
depuis
trois
décennies;
quant aux tentatives d'intégration, elles furent à la fois
partielles et incohérentes.
1 - Les politiques de modernisation agricole
Elles ont été conditionnées à la fois par les spécificités
du milieu naturel et par la nature des rapports que l'Etat
entretient avec la paysannerie.
a - Le poids du milieu naturel sur l'agriculture
africaine
Dans une étude consacrée à la différence fondamentale des
encadrements
entre
les
parties
non
sahéliennes
de
l'Afrique Noire et
l'Asie tropicale pluvieuse,
P.
GOUROU
86
tente d'analyser les causes du déficit alimentaire plus
prononcé de l'Afrique. Au premier chef,
s'imposent:
les contraintes naturelles qui
résultent de l'absence en
Afrique
d'immenses
deltas
comme
i l
en
existe
en
Asie
notamment
ceux
du
Godavari,
du
Krishna,
du
Gange-
86. GOUROU Pierre.
l'Asie et l'Afrique tropicales:
la diff~rence fondamentale des encadrements
in Asie-Afrique. Greniers vides. greniers pleins. ed. Economica. p. 13 et 59. Paris. 1985.

272
Bramajouptre,
du Mékong,
du fleuve Rouge etc . . .
et de la
trop grande étendue des surfaces d'érosion.
Ces dernières
sont constituées de sols superficiels chargés de silicates
d'aluminium
et
de
fer,
alors
que
l'Asie
a
une
large
proportion de montagnes récentes et de plaines alluviales.
En
Afrique
les
immenses
plateaux
d'Afrique
centrale
et
méridionale (Angola,
Zaïre,
Zimbabwe,
Mozambique,
Zambie,
Tanzanie)
appartiennent
au
même
continent
GONDWANA
que
Madagascar
et
l'Inde
péninsulaire,
mais
ils
sont
peu
peuplés. L'Afrique compte en 1989 460 millions d'habitants
pour 46 Etats soit en moyenne 10,76 millions d'habitants
alors
que
l'Asie
tropicale
regroupe
1800
millions
d'habitants pour 16 Etats,
soit 115 millions en moyenne.
Ici la population se concentre dans les vallées alluviales
et dans les deltas alors qu'en Afrique la population est
beaucoup
plus
dispersée,
l'agriculture
étant
pratiquée
dans
les
interfluves
sous
forme
d'essartage
et
les
dépressions humides négligées, en l'occurrence les vallées
nigérianes du Niger,
de la Benoué,
le delta intérieur du
Niger,
les
marais
d'Okawango
et
les
fonds
humides
du
Burundi et du Rwanda. En outre le déboisement progresse en
Afrique à
un rythme 29 fois plus élevé que la plantation
de nouveaux arbres.
Les sols sont surexploités en raison
du surpâturage et du raccourcissement des jachères.
Enfin
l'Afrique subit depuis le milieu du XIXe siècle une suite
de
sécheresse
contre
lesquelles
l'intensification
de
l'irrigation aurait pu agir comme un contre-poids.
Or
l ' agricul ture
africaine
est
caractérisét depuis
trois
décennies par la faiblesse des techniques hydrauliques.
De 1960 à 1989,
l'irrigation a peu progressé:
les terres
irriguées
sont
passées
de
1,1
million
d'hectare~ à
2

273
millions en 1985 et à 5 millions en 1989 sur 20 millions
d'hectares de
terres
irrigables,
soit
25%.
En outre sur
les terres irriguées,
70% sont répartis entre Madagascar,
le Nigéria, le Soudan.
Faute de norias, de chadouf, de dalot, de moulins à eau ou
à vent, d'écope 87,
l'utilisation rationnelle de l'eau est
pratiquement prohibée là où des potentialités existent.
Dans un dernier ordre d'idées et non le moindre,
P. Gourou
signale que le poids des techniques d'encadrement propres
au
milieu
paysan
n'est
pas
assez
fort
en
Afrique
pour
autoriser l'aménagement de digues,
de barrages,
de canaux
de dérivation comme ce fut le cas dans l'Egypte ancienne
pour la régulation des
eaux du Nil;
l'absence d'un haut
pouvoir de commandement économique due à la dispersion de
l'habitat
et
à
l'autonomie
des
groupements
locaux
par
rapport
au pouvoir lignager ou de type
féodal
ne permet
pas une telle organisation.
Aux contraintes du milieu naturel sont associées la sous-
exploi tation
des
potentialités
en
terres
arables
et
la
faiblesse des rendements agricoles. Par exemple, l'Afrique
subsaharienne
dispose
de
733
millions
d'ha
de
terres
arables contre
570 à
l'Amérique latine et
629
à
l'Asie,
soit 25% des potentialités mondiales mais seules 27,8% de
ces terres sont mises en culture;
entre 1974-76 et 1985,
le rendement céréalier en Afrique est passé de 1005 kg/ha
à 1086 soit un accroissement de 9,05% alors qu'en Asie i l
passait de 1823 kg/ha à 2509 soit une augmentation de 38%.
87. Noria:
"machine
hydraulique
6
godets
qui
sert
6
61ever
l'eau":
chadouf:
"appareil
6
basculer servant 6 tirer l'eau d'un puits":
dalot:
"aqueduc pratiqu6 dans un remblai pour
l'6coulement des eaux": 6cope:
"pelle de bois 6 longue manche servant 6 puiser l'eau ou à la
vider" •

274
Si
en
1974-76
les
rendements
céréaliers
sont
81
%
supérieurs à ceux de l'Afrique, en 1985,
ils représentent
plus du double soit 128%.
Dans un tel contexte, comment s'articulent les intérêts de
la
paysannerie
africaine
avec
la
politique
de
modernisation agricole?
b - Les rapports Etat-paysannerie à travers la poli-
tique de modernisation
Deux
éléments
permettent
de
définir
ces
rapports:
le
système de fixation des prix agricoles et de répartition
des
prélèvements,
l'organisation
des
circuits
de
commercialisation.
- Le système de fixation des prix et de réparti-
tion des prélèvements
Les
politiques
de
modernisation
agricole
en
Afrique
n'échappent pas à
la logique de la politique extravertie
que
pratiquent
d'une
façon
générale
les
pays
en
développement;
par
exemple
entre
1970
et
1979,
les
exportations agricoles du Chili ont été multipliées par 7,
celles du Brésil par 2,3 et celles de l'Argentine par 3,5.
En
Afrique
le
déséquilibre
en
faveur
des
cultures
industrielles
n'a
cessé
de
croître
depuis
le
début
des
années
50.
Entre
1948
et
1972,
le
taux
de
croissance
annuel de la production des denrées alimentaires de base
(céréales,
tubercules,
légumineuses)
se
si tue
autour de
2,5% contre 4 % pour les cultures industrielles.
Dans le
même
temps,
la
part
de
l'Afrique
dans
la
production
mondiale des denrées alimentaires de base passe de 20% à

275
Indice des prix d'achat minimaux au producteur
Juin 1967 = 100
Le cas du Zaïre
Juin 1960
Juin 1970
Dès 1974
Maïs (Shaba-Kasaï)
100,7
96,0
Manioc (Shaba-Kasaï)
98,5-114,3
64,8
30,8
Coton sur qualité
172,4
85
63
Huile de palme
191,6
44,1
36
(Bas Zaïre)
Café (Robuta:
Bandandu
195,4
90,7
64,8
Equateurs
GRELLET Gérard, opus déjà cité, p. 56.

276
14,5% contre 12,5% et 27% pour le café,
65 et 72% pour le
cacao, 9 et 11% pour le coton.
Le recul de l'agriculture vivrière est la contre-partie de
la mobilisation des facteurs de production en faveur des
cultures industrielles,
mais le contrôle de la production
agricole par l'Etat s'exerce de façon globale et pénalise
surtout les petits exploitants qui sont généralement les
plus nombreux;
au Mali par exemple 75% des exploitations
en
1970
avaient
moins
de
5
ha.
770
000
petites
exploitations avaient une superficie comprise entre 0,5 et
10
ha
tandis
que
le
nombre
des
grandes
exploitations
n'était
que
de
3175.
Au
Kenya
en
1971
70
%
de
la
population du monde rural
(90 % de la population totale)
vivaient sur des petites exploitations.
Par exemple de 1965 à 1974,
le prix de l'arachide sur le
marché
international
augmenta
de
108
%;
dans
la
même
période,
i l n'augmente que de 16% au Tchad contre 13% au
Sénégal.
Pour le coton,
l'augmentation des prix a été de
118% sur le marché international contre 23% au Tchad,
6%
au Sénégal,
13% au Niger et 3% au Burkina-Faso. Au Zaïre,
d'après le tableau ci-contre,
entre juin 1967 et décembre
74,
les prix aux producteurs de maïs ont baissé de 49%,
ceux
du
manioc
de
69%,
du
coton de
37%,
de
l ' huile de
palme de 64% et du café Robusta de 35%.
Si
l'on
compare,
pour
différentes
pays
subsahariens
et
pour des années différentes les coefficients de protection
des produits tels que l'arachide,
le coton,
le café,
le
cacao et le riz,
i l apparaît que ces taux sont inférieurs
à
1
dans
la
plupart
des
pays
africains;
le
système
de
fixation des prix pénalise les producteurs africains aussi

277
Coefficients
nominaux de
protection pour quelques
grands
produi ts
agricoles
dans
des
pays
africains
de
la
zone
franc et hors zone franc (fin des années 70)
(sont indiqués entre parenthèses les coefficients ajustés
du taux de change)
PRODUITS
Arachide
Coton
Café
cacao
Riz
PAYS
Zone franc
Cameroun
0,79
0,51
0,91
0,64
(1971-80; riz : 1979)
(0,62)
(0,40)
(0,32)
(0,50)
Côte ct 1 Ivoi re
0,88
0,92
0,52
0,47
1, 17
(71-80 ; riz-arach.
1972 )
(0,73)
(0,36)
(0,43)
(0,39)
(0,97)
Burkina-Faso
0,79
(76-80)
(0,67)
Mal i
0,50
0,50
(71-80 )
(0,48)
(0,48)
Sénéga1 (71-80)
0,57
0,65
coton : 71-75
(0,46)
(0,52)
Togo (71-80)
0,71
0,33
0,38
0,88
(0,57)
(0,26)
(0,30)
(0,70)
Hors zone franc
Ghana (71-80)
0,44
0,56
riz : 1980
(0,29)
(0,31)
Kenya (71-75)
1,07
0,94
1,64
riz : 1978
(0,85)
(0,74)
(1,30)
Malawi (71-80)
0,65
0,72
(0,65)
(0,72)
Soudan (71-80 )
0,76
0,69
(0,53)
(0,48)
Tanzanie (71-80)
0,70
0,41
riz: 81-82
(0,39)
(0,18)
Zambi e (71-80)
0,78
(0,58)
Source
P. et S. Guillaumout, zone franc et développement africain, p. 238 ed.
Economica, Paris, 1984.

278
bien pour les cultures d'exportation que pour les cultures
vivrières
(voir
tableau
ci-contre).
Les
coefficients
ajustés du taux de change sont encore plus faibles, ce qui
traduit bien la surévaluation de la plupart des monnaies
africaines
et
la
dégradation
interne
des
termes
de
l'échange
entre
villes
et
campagnes.
En
Gambie,
la
situation financière de la caisse de stabilisation s'est
traduite
par
un
net
redressement
entre
1967
et
1973,
passant d'une perte de 1,5 million de "dalosis" â un gain
de
9,7
millions;
mais
le
revenu
des
producteurs
n'a
augmenté que de 39 %. Au Sénégal, dans la même période la
valeur
de
la
production arachidière
est
passée
de
22,1
milliards de F CFA â 20,5 la part des producteurs a baissé
de
66
% â
43
%,
tandis
que
les
revenus
allant
aux
organismes étatiques augmentaient de 7% â 41 % 88
L'importance des
prélèvements
se manifeste par
les
taux
d'intérêt
élevés
que
les
paysans
doivent
payer
pour
le
crédit : dans les années 70,
il était de 25 % au Sénégal
payable en
fin
de
campagne.
Au Mali
les
taux d'intérêt
n'étaient que de
3
% mais
des
prélèvements
forcés
sous
formes
de
redevances
et
de
ventes
obligatoires
représentant plus de la moitié de la production du paysan
venaient s'y ajouter.
Il en était de même au Togo pour le
coton dans les années 70 où les prélèvements et les ventes
forcées opérées par la société togolaise du coton (SOTOCO)
représentaient plus de 100 % des revenus du paysan dans
certaines régions.
L'importance
des
prélèvements
en
Afrique
entre
en
contradiction avec
les
intérêts
des
paysans.
C'est donc
88. GAKOU Lamine, opus d~j6 c1t~.

279
grâce
à
ces
derniers
que
les
appareils
d'Etat
peuvent
entretenir une administration pléthorique et financer des
systèmes politiques basés
sur le clientélisme.
Dans
bon
nombre
de
pays
africains,
certains
investissements
d'infrastructure,
de
communication,
qui
ne
sont
pas
en
relation
avec
le
développement
agricole,
ainsi
que
des
dépenses
de
fonctionnement
sont
réalisés
par
des
organismes
d'Etat
chargés
de
la
promotion
des
produits
agricoles.
Dans
la
répartition des
prélèvements,
l'Etat
est étroitement associé dans certains pays africains aux
sociétés étrangères.
Ces dernières interviennent dans la
production et la commercialisation.
Il en est ainsi de la
société BUD 89,
au Sénégal pour l'irrigation des cultures
d'exportation
et
des
légumes
de
contre-saison,
de
la
société allemande MAROX au Togo qui exerce des activités
intégrées d'élevage bovin et de commercialisation. En Côte
d'Ivoire
par
exemple,
la
SODEPALM
(Société
de
développement
du
palmier
à
huile)
constituée
autour
du
groupe étranger BLOHORN détient près de 42000 hectares de
plantation et emploie des ouvriers agricoles.
Le
système
de
fixation
des
prix J de
répartition
des
prélèvements engendre une contradiction entre les intérêts
de
la
paysannerie
africaine
d'une
part,
l'Etat
et
les
sociétés étrangères d'autre part,
il induit également une
contradiction
entre
les
cultures
industrielles
et
les
cul tures
vivrières.
Ces
dernières
sont
généralement mal
protégées
contre
la
concurrence
internationale
des
produits
agricoles
qui
reviennent
moins
cher
dans
les
villes africaines.
89. "DUD" Groupe am6ricain et hollendais.

280
Les
surplus
céréaliers,
lai tiers,
carnés
des
pays
développés
sont
déversés
dans
les
pays
africains
et
entraînent une baisse des prix internes et d'importantes
disparités de revenus (1 à
4) entre les zones rurales et
les villes. Par exemple, de 1974 à 1984 les cours mondiaux
de
riz
sont
passés
de
42
F
le
kilo
à
33
F
soit
une
diminution de 21 %,
de 1981 à
1988 les cours du blé,
du
maïs et
du
sucre
ont
accusé
des
baisses
respectives
de
plus de 10 % et de 17 % 90
L'organisation des circuits de commercialisation
La
commercialisation
des
produits
agricoles
en
Afrique
repose sur une
relation
triangulaire dans
laquelle
sont
impliqués
l'Etat,
les
paysans
et
divers
intermédiaires
nationaux et étrangers.
Le renforcement de l'étatisation dans le secteur moderne
s'est
traduit
en
Afrique
au
cours
des
deux
premières
décennies
de
l'indépendance
par
un
contrôle
étroit
de
l'Etat sur la commercialisation des cultures vivrières. La
justification
officielle
de
cette
politique
est
généralement
fondée
sur
une
meilleure
protection
des
intérêts,
des paysans victimes des spéculateurs nationaux
et
étrangers
et
sur
la
nécessité
d'assurer
la
sécurité
alimentaire.
A cet effet,
les Etats ont étendu le champ
d'activité
des
sociétés
d'Etat
chargées
de
la
commercialisation des cultures industrielles; d'autres ont
créé des organismes d'Etat distincts.
Dans tous les cas,
l'irruption de l'Etat dans le domaine vivrier se traduit
90. In Jeune Afrique Bis n'15l8 du 5 février 1990.

281
par une baisse des revenus des paysans en raison du poids
des
charges
d' exploi tation
relativement
élevées
de
ces
sociétés.
Dans
ces
conditions,
les
intermédiaires
nationaux
en
concurrence
avec
l'Etat
sont
conduits
à
exporter
à
l'extérieur
la
production
locale.
Ce
faisant,
ils
aggravent les pénuries locales et exercent une pression à
la hausse sur les importations de céréales et sur l'aide
alimentaire.
Ces intermédiaires opèrent avec beaucoup de facilité parce
qu'ils acceptent d'octroyer des
avances sur récoltes aux
paysans et que
les
frontières
entre les
Etats
africains
sont
relativement
"poreuses".
Dans
ce
domaine,
la
situation des pays africains varie suivant la conjoncture:
une sécheresse ou une bonne pluviométrie fait
apparaître
des écarts de production entre les pays et entraîne des
phénomènes
de
transfert
au
détriment
des
intérêts
des
producteurs.
En outre,
l'inadéquation entre la production
et la consommation renforce ces mouvements de transferts
et une augmentation des importations de céréales;
même en
période d'augmentation de la production locale, bon nombre
de
pays
africains
continuent
à
importer
des
denrées
alimentaires en raison de
la pesanteur des
habitudes
de
consommation;
par exemple le mil,
le maïs,
le sorgho ne
représentent que la % de la ration céréalière quotidienne
d'un Dakarois; en 1989 au Mali,
près de 360 000 tonnes de
mil
ont
été
considérés
comme
des
excédents
que
le
gouvernement cherchait à exporter alors que l'augmentation
de
la
production
était
purement
conjoncturelle.
Vu
le
caractère cyclique de la production africaine de cultures
vivrières,
ces excédents pourraient contribuer en période

282
de difficultés à assurer la sécurité alimentaire du Mali.
En
outre
le
choix
du
gouvernement
malien
entre
en
contradiction
avec
la
politique
d'autosuffisance
alimentaire
proclamée
en
Afrique
depuis
le
milieu
des
années 70.
3 - Les tentatives d'intégration de l'agriculture
vivrière dans le processus de développement
Face
à
l'échec
relatif
des
poli tiques
de
modernisation
agricole,
notamment
en
ce
qu 1 elles
n'ont
pas
permis
de
réduire la dépendance alimentaire de l'Afrique vis-à-vis
de
l'extérieur
et
d'augmenter
le
niveau
de
bien-être
général
des
populations
rurales,
les
gouvernements
africains
adoptèrent
la
politique
d'autosuffisance,
au
demeurant recommandée par les Nations-Unies en 1975, comme
une
alternative
visant
à
une
meilleure
intégration
de
l'agriculture vivrière dans le processus de développement.
Cette
politique
s'est
réalisée
selon
deux
modalités
complémentaires: la réalisation de projets de productivité
sectorielle ayant
pour objet l'amélioration quantitative
et qualitative des denrées alimentaires de base (céréales,
tubercules,
légumineuses,
viande,
poisson)
et de projets
de développement intégré qui prennent en compte tous les
paramètres qui caractérisent le milieu rural.
a - Les projets de productivité sectoriels
A partir du milieu des années
70,
la politique agricole
des
pays
d'Afrique
subsaharienne
s'oriente
dans
quatre
directions que G.
Palier résume assez bien dans une étude

283
consacrée
aux
"pays
intérieurs
de
l'Afrique
occidentale" 91.
accroître la production de cultures vivrières sans
porter
préjudice
aux
cultures
de
rente
d'où
l'association des deux types dans les mêmes projets:
par exemple
le coton et les cultures vivrières en
Afrique, le thé au Kenya, le tabac en Tanzanie,
mieux
utiliser
le
milieu
naturel
par
le
développement de la pêche et de l'élevage,
peupler et mettre en valeur
des
zones
inoccupées,
particulièrement en Afrique de l'ouest:
delta mort
du Niger par exemple, vallée de la Volta,
accroî tre
les
appuis
financiers
et
techniques
au
monde rural:
fourniture de crédits,
aménagements de
barrages hydro-agricoles,
introduction de nouvelles
méthodes
culturales
et
de
nouvelles
variétés
de
semences.
L'ensemble
de
ces
mesures
visent
principalement
le
développement
de
petites
exploitations.
Mais,
"la
différence
de
situation
en
Afrique
tient
à
l'extrême
diversité des zones écologiques" 92.
L'Afrique centrale de
l'ouest et l'Afrique australe disposent de vastes terres
cultivables et
la densité de la population y est
faible
alors que la majeure partie du Sahel,
l'Afrique de l'Est
ainsi que la bande aride qui s'étend des côtes de l'Angola
jusqu'au
Mozambique
en
passant
par
le
LESOTHO
et
le
91. PALIER
Ginette.
Les
probl~mes de
développement
dans
les
pays
intérieurs
de
l'Afrique
occidentale, th~se d'Etat en Lettres t1 et t2, 1984.
92. FALI Elimane. Recettes pour un secteur prioritaire. in Jeune Afrique n'1518, 512, 1990.

284
BOTSWANA sont relativement peuplés. C'est dans ce contexte
que divers projets vont voir le jour avec pour objectif
d'augmenter la production agricole.
En
Afrique
de
l'ouest,
la
pêche,
les
cultures
maraîchères, le mil et le sorgho,
le riz et le ~ucre
firent l'objet d'intenses efforts.
Au Mali,
le gouvernement décida en 1970 dans le cadre de
la
politique
d'autosuffisance,
alimentaire
de
réaliser
l'OPERATION PECHE MOPTI, en s'inspirant des rapports d'une
mission qui s'est déroulée en 1963-1964.
Mopti est le siège malien du service des pêches,
des eaux
et forêts,
où est implanté un laboratoire d'hydrobiologie
et

se
trouve
la
plus
grande
place
commerciale,
de
poisson
de
rivière
séché
et
fumé
de
toute
l'Afrique
occidentale.
Localisé dans
le deI ta
intérieur du Niger dans une
zone
privilégiée
de
pêche,
le
projet
visait
les
objectifs
suivants :
organiser la pêche dans toute la région de Mopti,
promouvoir et améliorer la production des
pêcheurs
encadrés
grâce
à
la
vulgarisation
de
nouvelles
techniques de pêche et de conservation du poisson,
accroître
la
productivité
et
si
possible
la
commercialisation
tant
sur
le
plan
national
que
régional
c'est-à-dire
reconquérir
les
marchés
des
Etats
de
la
Côte

le
poisson
de
rivière
est
concurrencé par le poisson de mer.

285
A
l'appui
de
ces
objectifs
diverses
réalisations
d'infrastructure
et
techniques
ont
été
effectuées
dont
notamment :
l'allongement de la digue du port de Mopti,
le
doublement
de
la
capacité
de
stockage
des
magasins,
la construction d'un centre de finition du poisson
comportant
un
tunnel
de
"désinsectisation"
par
la
chaleur et 12 fours de fumage,
un
atelier
pour
l'entretien
du
matériel
et
la
construction des pirogues,
une fabrique de glace,
une salle de conditionnement du poisson,
une
conserverie
d' alestes
et
un
laboratoire
pour
l'analyse des productions.
Ce projet a introduit diverses innovations dans le milieu,
en l'occurrence
l'utilisation d'un
four
solaire
pour
la
désinsectisation de 50 à
60 kg de poisson par heure avec
une diminution des pertes de 49 % par rapport aux méthodes
traditionnelles,
le séchage par suspension du poisson ce
qui
entraîne
une
diminution
des
pertes
de
20
%,
la
commercialisation
sous
glace
grâce
à
l'utilisation
de
pirogues munies de moteurs hors bords et à
l'utilisation
de camions isothermes.
En termes
de
résultats
ce
projet
s'est
traduit
par une
augmentation de
la
production de
134
% passant
de
3578

286
tonnes
à
7635
dès
les
premières
années.
Mais
les
innovations technologiques introduites par le projet ont
été abandonnées au profit des méthodes traditionnelles en
raison de leurs coûts relativement élevés et de la faible
réceptivité
des
pêcheurs.
Sur
le
plan
social,
la
commercialisation qui
était une activi té essentiellement
féminine,
a été détournée par les hommes qui craignaient
une émancipation des femmes de leur tutelle en raison de
l'accroissement de leurs revenus.
A l'instar de la pêche,
un projet de développement de la
production de fruits et légumes a été réalisé au Mali en
1972 avec pour objectif l'accroissement des exportations
du
pays
et
l'approvisionnement
de
l'usine
SOCOMA.
Ce
projet localisé à BAGUINEDA a vu croître sa part dans les
exportations
totales
de
poivrons
verts
de
l'office
des
produits agricoles du Mali (OPAM). Cette part était de 90%
en 1971-1972,
70 % la deuxième année,
48
% la troisième
année et 55 % la quatrième année. Mais les prix payés aux
producteurs par l'OPAM furent irréguliers; ils sont passés
de 75 francs maliens à 126 F maliens le kilo,
la première
année
du
projet,
c'est-à-dire
en
1971-1972
soit
une
augmentation de 68 %,
puis ils sont descendus à
120 F M
les
troisième et quatrième années.
Mais ce
sont surtout
les
difficultés
techniques
de
l'usine
SOCOMA
pour
la
transformation
des
tomates,
les
prix
faiblement
rémunérateurs payés aux maraîcheurs et la concurrence du
Burkina-Faso qui ont compromis le projet.
D'autres projets portant sur le mil et le sorgho furent
réalisés
au
Burkina-Faso
avec
l'appui
de
la
culture
attelée pour augmenter les superficies ensemencées;
là de
bons rendements furent obtenues dès 1964.

287
Production agricole de la Tanzanie (en milliers de tonnes)
1969-1971
1979
Blé
65
65
Riz
172
200
Maïs
817
400
Sorgho
156
240
Racines et tubercules
3675
4729
Coton, graine
209
182
Canne à sucre
1141
1467
Café
48
49
Source
F.A.O. G. Gre11et, p. 62, opus déjà cité.

288
Un
autre
projet
réalisé
au
Mali
avec
le
concours
de
l'USAID s'est traduit par une augmentation des rendements
du mil de l'ordre de 60 %.
Concernant la culture du riz,
les rendements à
l'hectare
se
sont
accrus
de
1,55
% par
an
de
1970
à
1980
alors
qu'ils progressaient à
un rythme de 0,15
% par
an 93 au
cours de
la première décennie.
Les projets
rizicoles de
SEDHIOU au Sénégal, de Ségou et de Mopti ont joué un rôle
décisif dans ces progrès rizicoles en Afrique de l'ouest
même si la politique de l'office national de coopération
et d'assistance
au
développement
(ONCAD)
au
Sénégal
qui
s'octroyait un taux d'intérêt de 25 % sur les crédits, et
des
organismes
maliens
tels
que
l'OPAM
et
la
SCAER
(Société de crédit
agricole et d'équipement
rural)
pour
les fournitures pénalisaient lourdement les paysans.
En
Afrique
orientale,
la
Tanzanie
a
fait
des
progrès
significatifs
au
cours
de
la
décennie
70
(voir
tableau
ci-contre).
Excepté le blé,
le coton et le café dont la
production est demeurée plus ou moins stable,
les autres
cul tures ont connu
des
taux
d'accroissement
plus
élevés
soit 16,27 % pour le riz,
10,15 % pour le maïs,
54 % pour
le sorgho,
29
% pour les racines,
les
tubercules
et la
canne à sucre.
D'une
façon
générale,
les
superficies
cultivées
en
céréales,
la production totale ainsi que les rendements à
1 'hectare ont augmenté en Afrique à
partir de
1974-1976
par rapport
au début
des
années
50,
soit
respectivement
93. BRUNEL Sylvie. opus d~j6 cit~. p. 170.

289
63%,
117%
et
33%
ce
qui
traduit
bien
l'impact
de
la
généralisation des projets sectoriels.
b - Les projets de développement intégré
Ils
sont
conçus
comme
une
approche
complémentaire
d'amélioration
de
la
production des
cultures
vivrières;
aussi
visent-ils
le
développement
de
l'agriculture
en
relation
avec
les
autres
secteurs,
non
seulement
sous
l'angle
de
l'accroissement
des
échanges
intersectoriels
mais également dans la perspective de la satisfaction des
autres
besoins
du
milieu:
santé,
éducation,
hydraulique
villageoise, etc ...
Au
Burundi,
la
politique
d'autosuffisance
alimentaire
s'est
réalisée
selon
une
approche
multisectorielle:
diverses actions furent définies portant notamment sur :
la protection des sols,
la fumure des sols,
l'application d'un plan semencier par la culture du
riz, du maïs, du blé, des haricots, du manioc, de la
patate douce et de la pomme de terre,
l'hydraulique
villageoise
et
l'électrification
rurale,
l'action sanitaire par l'application d'une médecine
sociale
et
préventive,
la
formation
du
personnel
médical,

290
l'alphabétisation des paysans dans la langue locale,
c'est-à-dire
la
"KIRUNDISATION"
pour
élever
leur
niveau de connaissances directement liées au progrès
de l'agriculture.
De nombreux plans élaborés à partir de 1970 témoignent de
la nouvelle approche adoptée par les pays africains pour
le
développement
de
l ' agricul ture
mais
loin
de
rechercher les synergies qui permettent de provoquer des
effets d'entrainements
entre l'agriculture et
les
autres
secteurs,
ces stratégies débouchèrent la plupart du temps
sur la juxtaposition de diverses actions conduites en même
temps
et
dont
les
coûts
étaient
élevés
sans
que
l'efficacité globale ne fût réalisée.
Dans ce domaine,
le projet de mise en valeur de la vallée
de la Volta blanche,
au Burkina Faso apparait à
ce jour
comme la meilleure approche de développement intégré.
Ce projet avait pour objet de mettre en valeur une série
de vallées infestées par "l'onchocercose" appelé également
"la
cécité
des
rivières"
en
vue
de
développer
l'agriculture vivrière,
notamment le mil et le sorgho.
A
cet
égard,
i l
a
été
prévu
d'installer
dans
la
zone
du
projet des exploitations familiales de taille moyenne (14
ha)
"soigneusement
encadrées
par
des
agronomes
et
des
moniteurs.
Diverses
études
sociologiques
et
pédagogiques
furent effectuées pour mieux évaluer la problématique de
développement de la région.
Si, sur le plan sanitaire, le projet s'est traduit par des
résultats
positifs,
notamment
en
ce
qui
concerne
l'éradication,
de
l'onchocercose,
en
revanche
les
"-
résultats économiques furent moins probants.

291
"
Alors qu'on pensait qu'il y aurait foule de
candidats pour cette opération de mise en valeur
qui
offrait
des
conditions
exceptionnellement
avantageuses
(les
migrants
étaient
pris
en
charge la première année et ils n'avaient pas à
payer
l'exploitation
ni
les
services
qu'ils
recevaient)
on
dut
bientôt
constater
que
le
nombre des paysans qui s'implantaient réellement
sur les périmètres de développement était três
inférieur
aux
prévisions.
Outre
diverses
difficul tés
sociologiques
dues
à
l'éloignement
de leurs villages d'origine et à la dissociation
de la grande famille,
il s'avéra bien vite que
le
travail
que
l'on
attendait
d'eux
pour
des
productions
vivrières
était
trop
peu
rémunérateur
en
comparaison
de
ce
qu'ils
pouvaient
gagner
en
allant
travailler,
comme
bien d'autres, en Côte d'Ivoire" 94
Si la relation entre action sanitaire et développement des
cultures vivrières a été bien cernée dans le cadre de ce
projet,
en
revanche,
tous
les
paramètres
de
l'environnement socio-économique du pays Mossi n'ont pas
été
bien
évalués,
notamment
l'attraction
que
les
zones
cacaoyères de Côte d'Ivoire ont toujours exercée sur le
paysan mossi.
Faute
d'avoir
tenu
compte
de
la
concurrence
que
les
cultures industrielles exercent à l'encontre des cultures
vivrières,
les promoteurs du projet n'ont pas su définir
de
manière
adéquate
le
type
d'incitation
qui
devait
permettre aux paysans Mossi de s'installer dans la zone du
projet.
Dans le cas d'espèce,
les incitations financières
furent
insuffisantes
d'autant
plus
le
rapport
coût-
bénéfice était défavorable aux cultures vivrières compte
tenu de l'importance des dépenses d'investissements.
94. LACOSTE
Yves.
Un
exemple
des
difficultés
du
développement
en
Afrique
tropicale
:
les
problèmes
de
mise
en
valeur de
la
vallée
de
la
Vol ta
blanche
au
Burkina-Faso
in
Brunel
Sylvie. opus déj' cité. p.lla.

292
En
tout
état
de
cause,
les
stratégies
de
modernisation
agricole et d'intégration de l' agricul ture vivrière dans
le
processus
de
développement
en
Afrique,
se
sont
tradui tes
par
des
résultats
socio-économiques
variables
dans l'espace et dans le temps.
De 1960 à 1970, les performances les plus remarquables ont
été réalisées par 17 pays dont notamment : le Burundi, la
Côte
d'Ivoire,
le
Soudan,
le
Malawi,
le
Rwanda,
le
Cameroun,
le
Swaziland,
la
Tanzanie.
Dans
ces
deux
derniers
pays,
la
production
alimentaire
a
augmenté
respectivement de plus de 50 % et de plus de 40 %.
20 pays ont connu des baisses importantes allant de 5 % à
35
%;
les
déclins
les
plus
significatifs
ont
été
enregistrés au Sénégal près de 35
% au Tchad
(25
%)
au
Congo
( 20
%),
au
Mali
et
au
Nigéria.
13
pays
ont
été
marqué sur le plan de la production alimentaire par une
relative stagnation.
De 1970 à 1980,
la situation d'ensemble s'est dégradée:
8
pays ont maintenu des
taux de croissance allant de
5 à
30%;
ces taux ont été enregistrés notamment au Cameroun,
en Zambie, au Soudan, au Burundi et en Côte d'Ivoire.
29 pays ont connu des baisses variant de 5 à
25 %.
Les
performances les plus mauvaises ont été enregistrées par
les pays suivants : Ghana, Togo, Nigéria, Niger, Ethiopie,
Angola,
Mali,
Ouganda.
De 1980 à
1990 l'évolution de la
production alimentaire en Afrique est assez contrastée
:
la production de céréales est passée de 54,6 millions de
tonnes
en
1982
à
46,1
en
1984
soit
une
diminution
de
15,60%; en Afrique australe par exemple la production de
céréales est passée de 22,5 millions de tonnes en 1981 à

8
Expansion démographique el producllon vivrière eri Afrique, 1973-1984
(indices 1974·1976 ,,100)
135
130
125
120
115
:....
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Production vivrière _90
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par habitant
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1973 1974
1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984
~
Source: F.A.O. 19R5.
'"~:;''"

293
10,4 en 1984 soit une baisse spectaculaire de 54 % 95.
La
situation
alimentaire
s'est
redressée
en
1988
et
1989.
Selon
la
commission
économique
des
Nations-Unies
pour
l'Afrique, la production totale de céréales en 1989 est de
15,1 % plus élevée que celle de 1987 et de 1,1 % moins
élevée qu'en 1988.
Des pays
tels que
la Tanzanie et le
Kenya ont connu des surplus de céréales en 1988 tandis que
la
situation
s'améliorait
nettement
au
Mali
avec
une
production de 2 millions de tonnes.
Mais globalement
la
situation alimentaire en Afrique
au
sud
du
Sahara
n'a
cessé
de
se
dégrader
depuis
1960
en
raison de l'action conjuguée de plusieurs facteurs:
concurrence exercée par les cultures
industrielles
auxquelles les gouvernements africains consacrent la
plus grande partie des ressources productives '. d'où
faiblesse
du
financement,
faiblesse
de
la
consommation des
intrants,
du
taux d'accroissement
des superficies consacrées aux cultures vivrières et
à l'irrigation
importance
du
taux
d'accroissement
naturel
de
l'ordre
de
3,1%
ce
qui
entraîne
une
diminution
sensible
de
la
production
vivrière
par
habitant
comme l'indique
le
graphique
ci-contre.
à
l'accroissement
du
taux
d'accroissement
naturel
viennent
s'ajouter
les
contraintes
naturelles,
notamment
la
sécheresse
et
la
menace
que
représentent
les
criquets.
Il
en
résulte
une
dépendance
alimentaire
de
l'Afrique
vis-à-vis
de
95. GAKOU Lamine. opus d6jA cit6.

294
l'extérieur;
par
exemple,
les
importations
africaines de céréales sont passées de 2 millions de
tonnes en 1960 à 7 millions en 1970 pour culminer à
15 millions de tonnes en 1984 96; elles sont tombées
à 9 millions de tonnes en 1988,
les politiques de fixation des prix-agricoles et de
prélèvements
qui
pénalisent
les
producteurs
africains et découragent la production,
la
concurrence
internationale
des
pays
développés
qui exportent leur surplus dans les pays africains.
Derrière tous ces facteurs,
ce sont les choix politiques
exercés
par
la
bourgeoisie
d'Etat
et
la
bourgeoisie
commerçante au pouvoir en Afrique depuis trois décennies
qui ont conduit au retard de l'agriculture africaine par
rapport à celle du reste du monde. En fondant la stabilité
politique,
donc
la
reproduction
du
pouvoir,
sur
l'approvisionnement à
bon compte des zones urbaines,
les
gouvernements
africains
ont
accentué
les
déséquilibres
économiques
au
détriment
de
la
paysannerie.
Sans
doute
cette
paysannerie
n'est-elle
pas
homogène
en
raison
du
processus
de
différenciation
sociale
qui
l'a
marquée.
Entre le planteur africain de café, de cacao, de thé et de
coton, les petits exploitants de cultures vivrières et les
ouvriers agricoles qui sont rémunérés soit en nature, soit
en argent,
des différences économiques notables existent
mais
en
définitive,
c'est
une
seule
et
même
logique
marchande qui les soumet à la domination des intérêts des
96. GIRl Jacques. opus d!j6 cit!.

295
classes dominantes et qui accentue la marginalisation des
petits paysans.

296
CHAPITRE IV -
LES EXPERIENCES D'INTEGRATION ECONOMIQUE,
COMME STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT
Dès les premières années de leur indépendance,
les Etats
Africains
se
sont
lancés
dans
des
expériences
de
regroupements
économiques
en
vue
de
surmonter
les
contraintes
qui
hypothèquent
leur
développement
et
de
dynamiser
leurs
complémentarités.
Mais
trente
ans
plus
tard,
la
question
de
l'intégration
économique
demeure
encore au coeur
de
la
problématique
de
développement
du
continent africain.
Pour
rendre
compte
de
cette
situation,
i l
convient
d'examiner
le
contexte
historique
et
politique
de
la
naissance
des
regroupements
économiques
en
Afrique,
les
types d'intégration choisis par les Etats comme bases de
leur stratégie,
les divers obstacles qui ont pesé sur les
dynamiques communautaires.
Section 1 - Le contexte historique et politique de la
naissance des groupements économiques en Afri-
que subsaharienne
Trois facteurs ont exercé une influence marquante dans la
naissance des
regroupements
économiques
en Afrique
:
les
effets
induits
du
contexte
colonial,
les
idéologies
politiques
et
le
jeu
des
rivalités
entre
les
leaders
africains,
l'organisation
de
l'uni té
africaine
créée
en
1963 à Addis-Abeba (Ethiopie).

297
1
-
Les effets induits du contexte colonial
Historiquement,
ces
effets
ont
engendré
des
expériences
diverses selon les régions.
c'est
pourquoi,
il
convient
de
distinguer
le
cas
de
l'Afrique Australe, de la Région des Grands Lacs (Burundi,
Rwanda,
Zaïre)
et
de
l'Afrique
orientale,
de
celui
de
l'Afrique Centrale et occidentale.
Dès
sa
création
en
1910,
l'union
Sud-Africaine
qui
regroupe le TRANSVAL,
L'ORANGE,
le CAP et le NATAL,
forma
une
union
douanière
avec
les
protectorats
Anglais
du
BECHUANALAND,
du
BASUTOLAND
et
de
NGWAME
(Swaziland).
Cette
union
douanière
a
continué
à
fonctionner
après
l'indépendance des
Etats
en raison de
l'existence d'une
monnaie commune,
le RAND;
ce n'est qu'à partir de 1976
avec
le
BOTSWANA
qui
sortit
de
l'union
pour
créer
sa
propre monnaie et
en 1980 avec la création de
la SADCC
(Southern Africa Development Conference and Coordination)
que disparut l'ancienne union douanière;
mais les liens
de dépendance des anciens Etats vis-à-vis de la République
Sud Africaine sont demeurés assez forts.
En Afrique orientale c'est entre 1917-1922 que les bases
d'une
communauté
Est-Africaine
furent
jetées
celle-ci
reposait sur deux éléments principaux:
l'Union douanière créée entre 1917 et 1922,
les
services
communs
aux
Etats
membres
dans
les
domaines de chemins de fer,
des transports aériens,
des
postes
et
télécommunications,
de
l'administration
des
impôts
et
des
douanes.
Elle

298
éclata en 1977 et déboucha en 1981 sur la création
de la zone d'échanges préférentielle pour les pays
d'Afrique orientale et australe (ZEP).
Dans la région des Grands Lacs, la Belgique qui avait reçu
de
la
Société
des
Nations
(SDN)
la
tutelle
du
Rwanda-
Urundi
constitua
sous
sa
tutelle
une
union
économique
entre
ce
territoire
et
le
CONGO,
c'est-à-dire
le
ZAIRE
actuel.
Certes
cette
union
répondait
principalement
à
des
préoccupations administratives mais elle se voulait aussi
un espace économique intégré ;
sous cet angle le barrage
de la RUZIZI construit à l'époque coloniale alimentait le
RWANDA, le BURUNDI et l'Est du ZAIRE.
La
création
par
les
trois
Etats
de
la
CEPGL
en
1976
(Communauté
Economique
des
pays
des
Grands
Lacs)
fut
l'aboutissement
ancien
et
qui
a
été
marqué
à
partir de
1967 par des accords trilatéraux de coopération en matière
de sécurité et de développement économique.
En
Afrique
occidentale
et
centrale,
la
constitution
française
du
27
octobre
1946
et
le
"Livre
Bleu"
du
Gouvernement
travailliste,
adopté
en
1948
jetèrent
dans
une certaine mesure les bases des groupements africains.
Par
la
loi
du
30
avril
1946,
la
France
créa
le
FIDES,
Fonds d'Investissement et de Développement Economique et
Social pour assurer la mise en place de l'infrastructure
de
communication
et
le
développement
des
cultures
industrielles.
L'une
des
conséquences
directes
de
cette
donnée constitutionnelle a
été en Afrique francophone la

299
création de partis politiques interterritoriaux
le RDA le
Rassemblement Démocratique Africain en juillet 1958.
Du côté britannique le "livre bleu" visait â accorder aux
territoires coloniaux le self_government dans le cadre du
commonwealth
crée
en
1926;
en
outre
le
gouvernement
bri tannique
étendi t
â
l'Afrique
noir
le
"colonial
development and welfare act"
pour le lancement de grands
travaux.
Historiquement,
les
pouvoirs
coloniaux
ont
exercé
sans
conteste une influence décisive dans la création des bases
administratives,
politiques
et
économiques
des
regroupements économiques en Afrique.
Si les premières esquisses furent antérieures en Afrique
Centrale,
dans
les
Etats
sous tutelle Belge,
en Afrique
orientale
et
australe,
en
revanche,
c'est
en
Afrique
occidentale
et
centrale
que
les
expériences
de
regroupements
ont
été
les
plus
nombreuses
et
les
plus
solides en raison de l'expérience politique que les futurs
responsables
politiques
ont
acquise
dans
le
cadre
des
institutions
créés
en
1946
par
la
France
et
aussi
de
l'absence de fortes minorités européennes susceptibles de
s'opposer
comme
ce
fut
le
cas
en
Afrique
orientale
et
australe
â
l'émancipation
politique
et
économique
des
Africains.
2 - Le rôle des idéologies et le jeu des rivalités entre
les leaders africains
Le découpage
de
l'Afrique
à
la
conférence
de
Berlin de
1885,
la
balkanisation
de
l'Afrique
occidentale
et
centrale entre 1956 et 1960 par la loi-cadre de 1956 ont

300
engendré
chez
les
leaders
politiques
africains
des
réactions
diverses
quant
à
l'unification
politique
du
continent. Elles s'appuient à la fois sur des principes et
des projets bien définis.
a - Les théories de l'unité
Elles
peuvent
être
regroupées
autour
de
quatre
pôles
l'unité économique,
politico-culturelle,
l'unité d'action
et l'unité continentale.
L'unité économigue
La thèse de l'unité économique a été surtout défendue par
Mamadou Dia; en effet, pour cet ancien leader africain,
si
"l'Afrique doit
devenir
un Etat moderne",
i l
lui
faudra
"une
économie
de
complément
d'abord
interne
entre
les
grandes
zones
de
production
africaines
ramenées
à
de
grands
ensembles
économiques
grâce
à
une
refonte
des
frontières
plus
respectueuses
de
la
géographie
que
l'arbitraire découpage politique de la France" 97.
Mamadou Dia
s'appuie
ainsi
sur
la
réalité
historique et
sociologique
pour
justifier
la
nécessité
d'une
unité
économique
l'Afrique
n'est-elle
pas
marquée
par
la
dispersion des
peuples
entre
différents
Etats
les
EWE
entre le Togo et le Bénin, d'une part,
le Togo et le Ghana
d'autre part,
les Abron et les Agni entre la Côte d'Ivoire
et le Ghana; les Haoussa entre le Niger et le Nigéria,
les
Bakongo
entre
le
Congo-Belge
(Zaïre)
et
le
Congo
97. cité par Benot Yves, opus déjà cité, p.
121.

301
Brazzaville,
les Somalis entre le Kentya
-
l'Ethiopie et
la
Somalie;
les
Wolof
le
Sénégal
et
la
Gambie
;
les
Toucouleur : le Sénégal et la Mauritanie.
Outre Mamadou Dia,
l'économiste Sénégalais Mamadou
Touré
insiste
également
sur
la
nécessité
de
la
création
de
grands
espaces
économiques
susceptibles
de
favoriser
l'industrialisation de l'Afrique et l'expansion d'un vaste
marché intérieur.
L'unité politico-culturelle
Dans ce domaine,
Léopold Sedar Senghor et Cheik Anta Diop
exercèrent des
influences notables,
le premier à
travers
la
négritude
le
second,
en
tirant
les
conséquences
pratiques des travaux qu'il effectua sur les civilisations
africaines.
"Il est indispensable de préciser le cadre dans
lequel'on se situe en parlant de culture. Cette
notion est
liée
dans
mon esprit
à
l'émergence
d'un
Etat
multinational
embrassant
la
quasi
totalité
du
continent,
c'est-à-dire
que
les
problèmes
culturels
ne
se
poseront
avec
toute
leur acuité que le jour où nous
aurons réalisé
l'indépendance
nationale
à
l'échelle
du
continent
par
une
lutte
victorieuse
contre
le
colonialisme" 98.
L'unité politique continentale
Outre les thèses fédéralistes du RDA ce sont les idées de
Majhemout
Diop,
Sekou
Touré
et
surtout
celles
de
Kwame
N'Krumah qui
expriment le mieux l'aspiration des peuples
africains à l'unité.
98. Cheik Anta Diop cité par BENOT Yves. opus déjà cité, p. 148.

302
En effet,
à son troisième congrès réuni à Bamako en 1957,
le RDA adopta la motion suivante :
"Le
congrès
donne
mandat
à
ses
groupes
parlementaires
de
déposer
dans
les
meilleurs
délais
une
proposition
de
loi
pour
la
consti tution d'un Etat
fédéral,
organe
suprême
de l'Etat unifié ... il donne mandat aux élus de
déposer
une
proposition
de
loi
tendant
à
la
démocratisation
des
organes
exécutifs
fédéraux
existants".
Pour Majhemout Diop,
l'unification politique de l'Afrique
se situe au niveau continental :
"Il n'y a pas un instant de doute que le jour oü
naîtront
des
Etats-Unis
d'Afrique,
ces
E~ats
auront tôt fait de balayer toutes ces frontières
et
d'en
établir
d'autres
plus
rationnelles
et
moins étanches".
Quant à
Sekou Touré,
il s'est prononcé dès 1959 pour la
création
d'un
marché
commun,
mais
il
insiste
sur
la
nécessité
de
l'unité
du
continent;
celle-ci
passe
par
l'indépendance
mais
elle
comporte
une
double
dimension,
l'unité
continentale
et
l'unité
des
aspirations
des
peuples. C'est ce qu'il traduit dans les termes suivants:
"Au delà
de
la Guinée,
s'étend
l'Afrique
avec
l'Organisation de l'Unité Africaine. Mais il est
vrai
aussi
que
tous
les
Africains
n'ont
pas
choisi de se fondre en une seule nation et ainsi
la volonté des
Guinéens
ne peut
s'exprimer de
manière absolument libre que dans le cadre de la
nation guinéenne".
Yves
Benot
99
note à
juste ti tre une
contradiction dans
les diverses déclarations de l'ancien chef d'Etat guinéen
lorsque celui-ci affirme notamment :
99. Opus d~j4 cit~ p. 149.

303
"Quant à nous,
rien ne nous empêche de créer un
Etat
continental
africain
si
ce
n'est
les
égoïsmes
personnels,
la déloyauté poli tique et
une
insuffisante
élaboration
de
la
conscience
africaine.
Si
nous
avions
la volonté
ferme
de
faire
de
l'Afrique
un
Etat
continental,
nous
pourrions le réaliser immédiatement".
Donc pour Sekou Touré,
l'unité continentale est possible
mais à cause des obstacles politiques qui s'y opposent, il
est donc nécessaire de consolider les nations en attendant
cette échéance.
Mais de tous les théoriciens de l'unité africaine,
c'est
sans
conteste
Kwame
N'Krumah
qui
a
exprimé
des
vues
claires à ce sujet et qui joignant les actes aux paroles,
oeuvra concrètement pour l'avènement de l'unité africaine.
Les principales idées de N'Krumah peuvent être articulées
autour de quatre points :
l'unification
politique
faisant
de
l'Afrique
une
seule nation avec un seul gouvernement central.
le gouvernement continental est un moyen permettant
à
l'Afrique
de
devenir
une
grande
puissance
mondiale.
l'unité
africaine
doit
être
totale
à
la
fois
politique
et
culturelle,
englobant
également
les
Etats Arabes.
enfin,
l'unité
africaine
et
en
cela
réside
la
différence essentielle entre la pensée de N' Krumah
et celle des autres protagonistes
-
doit
avoir un
contenu anti-impérialiste.

304
A
l'appui
de
ces
thèses
sur
l'unification
politique
continentale
kwame
N'Krumah
apporte
une
série
de
justifications :
Pris
individuellement,
les
Etats
Africains
sont
faibles
face
aux
grandes
puissances
d'Europe
et
d'Amérique,
cette faiblesse
les amène à
rechercher des accords
de
protection
avec
les
grandes
puissances
ce
qui
1
risque de renforcer la domination de ces dernières
sur le continent,
les
frontières
artificielles
héritées
de
la
colonisation constituent des sources de conflit,
en
étant
isolés,
les
Etats
africains
peuvent
difficilement sortir du sous-développement,
l'industrialisation de l'Afrique requiert de grands
ensembles économiques
ayant
la planification comme
technique
de
gestion
et
de
développement
de
l'Economie.

305
b - Les tentatives d'unification politique en Afrique
Les théories
d'unification politiques
furent
appuyées de
1958
à
1963
par
différentes
tentatives
d'unification
politique
limitée
à
deux
ou
trois
Etats;
mais
elles
se
sont toutes soldées par des échecs à
cause des rivalités
politiques qui
se
sont
développées
entre
les
dirigeants
africains ou des difficultés concrètes de mise en oeuvre.
Ainsi
les
unions
Ghana-Guinée,
Ghana-Guinée-Maline,
la
fédération du Mali
firent
long
feu.
Parallèlement
à
ces
regroupements
poli tiques
limités,
le
continent
africain
était
divisé
en
deux
blocs
politiques:
le
groupe
de
Casablanca regroupant les "radicaux" et celui de Monrovia

s'étaient
rassemblés
les
Etats
dits
modérés;
cette
division
sous-tendait
en
mai
1963
la
création
de
l'organisation de
l'uni té
africaine
au
sein de
laquelle
triomphèrent les thèses des Etats modérés selon lesquelles
l'unité
africaine
devait
se
réaliser
par
étapes
successives
à
partir
de
regroupements
purement
économiques,
telle
l'Union
Douanière
de
l'Afrique
Oçc±dentale en 1959 regroupant la Côte d'Ivoire,
le Mali,
la Haute-Volta,
le Niger,
le Bénin,
la Mauritanie.
Elle
~era transformée en UDEAO en 1966 et débouchera en 1973
sur
la
création
de
la
CEAO
(Communauté
Economique
de
l'Afrique de l'Ouest).
Dans la même sous-région, s'est constituée parallèlement à
la
CEAO,
la
CEDEAO
(Communauté
Economique
des
Etats' de
l'Afrique de l'Ouest) regroupant 16 Etats dont les six de
,.
la CEAO et dont l'existence s'explique en partie par les
rivalités politiques entre la Côte d'Ivoire et le Nigéria.

306
En
Afrique
Centrale
après
l'échec
de
la
tentative
de
création en octobre 1958 des ETATS-UNIS d'AFRIQUE LATINE,
fut
créée
le
17/01/1959
l'Union
Douanière
Equatoriale.
Celle-ci
se
transformera
en
Union
Douanière
des
Etats
d'Afrique Centrale (UDEAC) à partir de 1964.
En
Afrique
Orientale
ce
sont
les
rivalités
politiques
entre l'OUGANDA et la TANZANIE par l'intermédiaire d'IDI
AMIN et de Julius NYERERE qui sonnèrent le glas en 1977 de
la.Communauté Economique de l'Afrique de l'Est et partant
des
organismes
communs
des
services
en
matière
de
transport
aérien,
de
chemin
de
fer,
de
postes
et
télécommunications.
3 - Le rôle de l'OUA dans la formation des regroupements
économique en Afrique
Aux termes des dispositions de l'article 2 de la charte,
l'OUA
a
pour
mission
de
promouvoir
la
coopération
économique entre les Etats membres.
C'est pourquoi elle a
fait
adopter
en avril
1980 par
les
chefs
d'Etats
et de
gouvernement le plan d'action de LAGOS.
Ce
plan
vise
à
créer
d'ici
l'an
2000
une
communauté
économique
africaine
afin
d'assurer
l'intégration
économique,
culturelle
et
sociale
du
continent.
A
cet
effet ont été définies les actions suivantes
Au cours de la décennie 1980 :
*
Renforcer
les
communautés
économiques
existantes
et
créer
d'autres
groupeménts
,
économiques dans les autres régions d'Afrique
de manière à couvrir l'ensemble du continent.

307
*
Renforcer l'intégration sectorielle au niveau
continental.
* Promouvoir la coordination et l'harmonisation
entre les groupements économiques existants et
futurs en vue de la création progressive d'un
marché commun africain.
Au cours de la décennie 90 :
*
Poursuivre
le
renforcement
de
l'intég~?tion
sectorielle
par
une
harmonisation
des
stratégies de développement,
la réalisation de
projets communs l'harmonisation des politiques
monétaires et financières.
* Poursuivre l'établissement d'un marché commun
Africain
et
d'une
communauté
économique
africaine.
C'est donc en application du plan d'action de LAGOS qu'ont
été
créées
la
SADCC
( Southern
Africa
Development
Conference
and
Coordin?tion) ,
en
1980
la
ZEP
(Zone
d'Echanges
Préférentielle)
pour
les
pays
d'Afrique
orie-ntale
et
australe
en
1981,
la
CEEAC
(Communauté
Economique des Etats d'Afrique Centrale en 1983) .
Ainsi
trois
décennies
après
son
indépendance,
l'Afrique
comporte huit regroupements économiques :
la CEAO
la CEDEAO
la MANO-RIVER UNION
'.
l'UDEAC
la CEEAC

308
la CEPGL en Afrique Centrale
la ZEP
la SADCC en Afrique orientale et australe
Outre
ces
regroupements,
elle
est
partagée
entre
de
nombreux organismes de développement dont les chevauche-
ments et
les doubles
emplois constituent
des
sources de
difficultés financières et techniques pour les Etats.
Une
telle
situation
ne
présage-t-elle
pas
dans
une
large
mesure des performances réalisées par l'Afrique au 'sud du
Sahara
dans
le
domaine
de
l'intégration
économique
au

cours de ces trente dernières années ?
Section 2 - L'union douanière, comme mode d'accès privilé-
gié à l'intégration économique
Parmi les modalités d'intégration par le marché,
l'union
douanière est celle qui se caractérise par la suppression
des
droits
de
douane
entre
les
pays
membres
et
par
l'existence
d'un
tarif
extérieur
commun
applicable
aux
pays
tiers
100
Mais
en
Afrique,
elle
n'a
pas
été
intégralement
appliquée,
les
Etats
étant
soucieux
de
.sauvegarder
leurs
recettes
douanières
et
de
développer
entre
eux
une
solidarité
économique
en
vue
d'accélérer
leur développement.
100.
Les
modes
d'intégration
par
le
marché
sont
au
nombre
de
cinq:
-
la
zone
de
préférences
douanières où les droits de douane ne sont pas supprimés mais seulement abaissés;
-la zone de
libre échange au sein de laquelle les droits de douane sont supprimés pendant que chaque pays
membre reste ma1tre de sa politique vis-à-vis des pays tiers;
l'union douanière;
-le marché
commun qui repose sur la libre circulation des marchandises et des facteurs de production;
il
suppose une harmonisation des politiques dans certains domaines pour éviter les distorsions
entre
les
Etats;
-l'Union économique
étape
supréme
de
l'interprétation
et
qui
repose
sur
l'utilisation par les pays membres d'une monnaie commune dont
ils partagent
la gestion,
ln
DIOUF Makhtar.
Intégration économique perspectives africaines HEA/Publisud.
Dakar. 1984.

309
Pourquoi les Etats africains ont-ils opté pour les unions
douanières ? Comment ces dernières ont-elles été adaptées
aux conditions spécifiques du continent africain?
1 - Les justifications des choix des unions douanières
Elles sont à la fois historiques et théoriques.
a - Justifications historiques
Historiquement,
les expériences d'union douanière ont eu
pour objectif de réaliser l'unité des Etats.
Ce fut
par
exemple le cas en 1833 du "DEUTSCHER ZOLLVEREIN.
L'union
douanière
allemande
fut
un
instrument
d'unification
du
pays,
constituée
contre
la
zone
de
libre
échange
que
l'Angleterre avait suscitée en 1828 avec certains Etats de
la
Confédération
germanique.
Le
"Zollverein
Allemand"
assura la protection des industries allemandes naissantes
contre
les
produits
manufacturés
britanniques.
Plus
récemment,
l'Europe des six avait réalisé en 1968 l'union
douanière
avec
deux
années
d'avance
sur
le
calendrier
prévu
afin
de
mieux
protéger
les
industries
et
l'agriculture européenne contre les produits américains et
japonais. Du reste la création de la communauté économique
européenne
a
eu
un
effet
de
contagion
en
Afrique.
Au
moment de la signature du traité de Rome en 1956 certains
territoires
coloniaux
se
sont
vu
octroyer
le
statut
d'Etats associés avant de conclure plus tard en 1964 la
première
convention
avec
la
communauté
économique
européenne dite convention Yaounde 1. Limitée au départ à
18
Etats
africains
et
malgache,
tous
francophones,
la
convention
devait
susciter
l'intérêt
de
divers
Etats
africains anglophones notamment le Nigéria, le Kenya.

310
Avec
l'entrée
de
la
Grande
Bretagne
dans
la
Communauté
Economique
Européenne
en
1972,
la
convention
de
Yaoundé
fut élargie aux anciennes possessions britanniques; ce fut
l'origine des conventions ACP-CEE 101 à partir de 1975.
Il
est
donc
indéniable
que
l'expérience
européenne
a
influencé les choix des dirigeants politiques africains.
b
-
Les justifications théoriques
La
théorie de
l'intégration par le marché a
été
surtout
développée
par
les
Economistes
néo-classiques' dont
notamment
J.
VINER,
F.
GEHRELS,
R.
LIPSEY,
J.
MEADE,
H.
JOHNSON et R. MUNDELL,
SCITOVSKI 102
Elle a pris naissance
avec la théorie des unions douanières avec laquelle elle
s'est d'ailleurs longtemps identifiée.
Pour
J.
VINER,
le
fonctionnement
d'une
union
douanière
entre
deux
pays
("produisant
un
seul
produit,
les
dotations
en
facteurs,
la
technologie,
la
demande,
la
population étant considérées comme données)
va engendrer
un effet de production qui peut être décomposé en effet de
création
de
commerce
et
en
effet
de
réorientation
de
commerce.
Le premier effet, c'est la création d'un courant
cpmmercial
nouveau
entre
les
deux
pays
sur
la
base
des
coûts
comparés
relatifs
au
produit.
Le
second
effet,
c'est-à-dire
la
réorientation
du
commerce
résulte
de
l'existence d'un tarif extérieur commun qui enlève toute
compéti tivi té
aux
mêmes
produits
fabriqués
par
des
pays
tiers;
dit autrement,
le tarif extérieur commun rend les
..'
101. ACP : Afrique, Caraïbe, Pacifique,
102. DIOUF Hakhtar, opus déjà cité.

311
produits des Etats membres meilleur marché par rapport aux
mêmes en provenance de l'extérieur.
Si
J.
Viner
raisonne
à
partir
d'un
seul
produit,
en
revanche,
F.
GEHRELS,
R.
LIPSEY,
J. MEADE font intervenir
au
moins
deux
produits
de
façon
à
faire
apparaître
le
phénomène de substitution inter-produits" entre différents
pays.
Ainsi
l'industrie textile naturelle se développera
davantage,
du moins les ventes,
à
l'intérieur d'une union
douanière au détriment des textiles synthétiques fabriqués
par- des
pays
tiers.
Il
en
résultera
par
conséquent
une
augmentation de l'effet de création de commerce.
H.G.
JOHNSON
et
R.
MUNDELL,
des
économistes
canadiens
introduisent dans leur analyse l'hypothèse de variabilité
des termes de l'échange: dit autrement,
pour eux, l'union
douanière
provoque
une
amélioration
des
termes
de
l'échange des pays membres au détriment de ceux des autres
pays
du
monde
en
raison
des
effets
combinés
de
la
compétitivité des exportations et du caractère bon marché
des importations réalisées dans l'union douanière.
Enfin SCITOVSKI introduit la notion d'économies d'échelles
q~i se traduisent par une baisse importante des coUts de
production
et
en
conséquence
par
une
rentabilité
supérieure des investissements;
en d'autres
termes,
plus
le marché devient grand en termes d'augmentation du nombre
des consommateurs, plus le coût unitaire moyen des valeurs
produites diminue. L'effet de concurrence et les économies
d' échelle
qu'engendre
la
création
d'une
union
douanière
sont principalement liés aux activités de production
in-
,.

t'I
CD
en
LES REGROUPEMENTS ECONOMIQUES EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
'1
CD
(Q
'1
Regroupement
C.E.A.O.
M.R.U.
C.E.D.E.A.O U.D.E.A.C.
C.E.E.A.C.
C.E.P.G.L.
Z.
0
E. P.
S.A.D.C.C.
C
Dcnnées
'0
CD
:3
Date de création
17/04/73
3/10/73
28/05/75
8/12/67
18/10/83
20/09/76
01/81
80
CD
::3
Siège
OUAGADOUGOU
FREETOWN
LAGOS
BANGUI
BANGUI
GISENYI
LUSAKA
GABERONE
rt
(Rwanda)
(Botswang)
en
(t)-
Nombre d'Etats
7
3
'16
6
9
3
15
9
0
0
Superficie en Km2
4.440.000
42,8.966
6.140.000
3.020.000
5.419.000
2.399.000
5.011.363
4.885.463
::3
0
Population en millions
50,3
15,2
191
22,38
66,389
44
152
74,55
:3
.....
Dens Hé au Krr.2
11 ,32
35,43
31 ,10
9,77
12,25
18,34
30
15,26
.0
C
PNV/Ha en US
$ 1987
381
357
350
1004
715
233,33
406
437,5
CD
en
w
......
INSTITUTIONS
Conf. chefs conf. chefs C'Jnf. chefs
conf. chefs
conf. chef
N
CD
d'Etat
d'Etat
d'Etat
d'Etat
d'Etat
::3
conseil mi- cansei 1 mi- consei 1 mi-
IfJEM
conseil mi-
conseil mi
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nistres
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Hl
secr. géné. secr. exé-
Sfcr. exé-
C.E.E.A.C. secr. exé-
secre. exé
'1
.....
cour arbi-
cutif
cutif
eut if
eut if
.0
trale
tribunal
C
CD
INSTRUMENTS DE COOPERA-
TCR (1)
FCCD
BEAC (1)
BDEGL (1)
BCD (1)
Pl
TION FINANCIERE ET
FCD
COMITE DES
FONDS CO~'-
C. C. 1.
C.C. P.
C
t·l0NET A1RE
FOSIDEC
BANQUES
MUN
(compensa.
CENTRALES
BDEAC
du paiem.)
U'J
C
CCAO
CCAC
0-
INSTRUMENTS DE COOPE-
BCDA (1)
COMMISSIONS
COMMISSIONS
0-
RATION TECHNIQUE
BCDI
TECHNIQUES
TECHN IQUES
C
OCBV
SECTORIELLE
SPECIALISEE
U'J
BCPP
Pl
::r
OCPE
Pl
'1
Pl
(1) Voir la signification des sigles en annexe.

313
dustrielle.
L'union
favorise
donc
le
développement
industriel.
Mais
ces différents
effets ne sont
pas
automatiques;
si
les pays membres de l'union douanière fabriquent les mêmes
produits
manufacturés
ainsi
que
nous
l'avions
noté
à
propos
des
industries
alimentaires,
des
textiles,
des
cimenteries
dans
les
pays
d'Afrique
et
s'ils
sont
producteurs de matières premières,
ces différents effets
ne "pourront pas
jouer;
l'union douanière n'aura
pas
les
effets induits escomptés si les Etats membres ne sont pas
dotés d'appareils
de production efficaces et spécialisés
dans la fabrication de certains produits à l'intérieur du
territoire de l'union.
Faute d'appareils de production efficaces et spécialisés,
les pays d'Afrique ont tenté de trouver un compromis entre
la sauvegarde de leurs recettes douanières menacées par la
suppression
des
droits
de
douane
à
l'intérieur
du
territoire de l'union
et l'exigence d'intégration à terme
qui permette de valoriser leurs ressources naturelles.
2 - Les caractères spécifiques des unions douanières en
Afrique
La
diversité
des
regroupements
économiques
en
Afrique
n'est
qu'apparente
car
sur
les
huit
intégrations
qui
existent aujourd'hui en Afrique,
5 répondent autant à des
préoccupations
douanières
qu'à
des
impératifs
de
développement économique.
r

314
a - Le cas de la SAnCe, de la ZEP et de la CEPGL
La
SADCC
(Southern
Africa
Development
Conference
and
coordination) est plutôt fondée sur une harmonisation des
politiques
sectorielles
(transports,
communications,
énergie, politique de main d'oeuvre) afin de recentrer les
économies des Etats membres et de réduire leur dépendance
vis-à-vis de l'Afrique du Sud.
La _ ZEP
(Zone
d'échanges
préférentielle)
regroupant
15
paysl03 d'Afrique Orientale et Australe et qui
fonctionne
comme une zone de préférences douanières:
ici les droits
de douane ne sont pas supprimés mais
seulement abaissés.
Mais
les
entreprises
éligibles
aux
droits
de
douane
préférentiels doivent être contrôlées à
au moins
51% par
des
investisseurs
locaux
pour
prétendre
bénéficier
des
tarifs douaniers réduits:
or cette disposition
pénalise,
excepté le Kenya et le Zimbabwe qui disposent d'un secteur
manufacturier
relativement
développé,
les
autres
Etats
membres
qui
aimeraient
voir
cette
clause
modifiée
pour
attirer
les
investisseurs
étrangers.
A
l'origine
en
Afrique Orientale, une union douanière avait été instituée
en 1967 par l'accord de KAMPALA; mais une dérogation avait
été accordée à l'OUGANDA et à la TANZANIE,
grâce à la TAXE
DE TRANSFERT DANS LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DE L'AFRIQUE DE
L'EST;
c'est
une
taxe
perçue
par
un
pays
membre
qui
enregistre
un
déficit
dans
son
commerce
de
produits
manufacturés avec les deux autres et dont le taux ne devra
pas excéder la moitié du TARIF EXTERIEUR COMMUN (TEC) .
. '.
103. Voir la liste dea paya membres de la ZEP et de la SADCC en annexe.

315
La
CEPGL
(Communauté
Economique
des
Pays
Grands
Lacs)
fonctionne sur le modèle d'une zone organisée,
fondée sur
une
étroite
coopération
entre
les
Etats
membres.
Ses
objectifs ont été ainsi définis :
Assurer d'abord et avant tout la sécurité des Etats
et de leur population de façon qu'aucun élément ne
vienne troubler l'ordre et la tranquillité de leurs
frontières respectives.
--
Concevoir,
définir et
favoriser
la
création et
le
développement d'activités d'intérêts communs.
Promouvoir et
intensifier les
échanges
commerciaux
et la circulation des personnes et des biens.
Coopérer de façon étroite dans les domaines social,
économIque,
commercial,
scientifique,
culturel,
politique,
militaire,
financier,
technique
et
touristique plus spécialement en matière judiciaire,
douanière,
sanitaire,
énergétique,
de transports et
de télécommunication.
Ainsi
dans
le
premier
groupe,
la
SADCC
et
la
CEPGL
constituent avant tout des zones organisées fondées sur la
~oopération entre les Etats membres alors que la ZEP est
une zone de préférences douanières qui à
l'origine avait
expérimenté non sans difficultés la modalité d'une union
douanière aménagée de 1967 à 1977.
b -
Les autres regroupements
La
MANO
RIVER
UNION
regroupant
le
Libéria,
la
Sierra-Léone,
la Guinée et qui a opté en 1973 pour
l'Union douanière. Celle-ci n'a jamais été appliquée

316
en
raison
de
l ' étroi tesse
des
marchés
des
Etats
membres.
La CEDEAO
:
regroupe 16 Etats.
Les dispositions du
traité instituant la CEDEAO vont dans le sens d'une
zone de libre échange,
où les droits de douane sont
supprimés dans les échanges commerciaux pendant que
chaque
pays
membre
reste
maître
de
sa
poli tique
douanière
vis-à-vis
des
pays
tiers.
Mais
l'application
des
traités
s'est
heurtée
à
des
difficultés,
notamment
dans
le
domaine
de
la
consolidation des tarifs douaniers. La CEDEAO aurait

devenir
une
union
douanière
en
mai
1989.
Cet
objectif a été repoussé en 1994 et vise à supprimer
les barrières intra-communautaires et à instaurer un
tarif extérieur commun applicable aux pays tiers.
La
CEAO
(Communauté
Economique
de
l'Afrique
de
l'Ouest) .
La
création
de
la
CEAO
est
passée
par
plusieurs
étapes.
Au
départ,
en
1959,
avait
été
créée
l'UDAO
(Union
Douanière
d'Afrique
Occidentale),
transformée
en
1966
en
UDEAO
(Union
Douanière des Etats d'Afrique Occidentale).
Dans ce
regroupement,
les produits introduits dans
un Etat
membre sont soumis
à
une taxation fiscale
dont le
total est égal à 50% du taux global de la fiscalité
la
plus
favorable
est
entendue
au
sens
de
celle
applicable aux produits en provenance de France.
Avec la création de la CEAO,
fut crée une taxe de
coopération régiona~e (TCR) perçue et liquidée dans
l'Etat
membre
importateur
au
lieu
et
place
des
droits et taxes d'entrée auxquels elle se substitue.
Les moins-values subies par les Etats font l'objet

317
de versements compensatoires:
les 2/3 sont réservés
aux Etats
importateurs en compensation des valeurs
résultant de l'application de la TCR,
le 1/3 réparti
entre
les
Etats
les
moins
favorisés
pour
le
financement de leurs projets de développement.
L'UDEAC
(Union
Douanière
des
Etats
d'Afrique
Centrale).
Au sein de l ' UDEAC,
i l existe une taxe
unique qui est un impôt à la production perçue au
profit du pays de consommation du produit:
le tarif
extérieur
commun
(TEC)
applicable
aux
pays
tiers.
Ici le TEC est composé de trois éléments :
*
le droit de douane
* le droit fiscal d'entrée
* la taxe commune sur le chiffre d'affaires à
l'importation.
Ces droits sont perçus de façon commune par des
bureaux
communs
qui
en
font
la
répartition
selon
le
critère du
lieu de destination des produits.
Le pays bénéficiaire en
reçoit 80 %, 20 % étant affectés à un fonds de solidarité.
En plus du TEC, les produits tiers sont frappés d'une taxe
complémentaire perçue directement et intégralement par les
Etats membres à des taux variables :
o à
5 % au GABON
5 à 20 % au CAMEROUN
20 à 30 % en REPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE
Juridiquement
l ' UDEAC
n'a
pas
été
dissoute:
elle
a
été
élargie à cinq autres Etats d'Afrique pour constituer en
1983 la CEEAC
(Communauté Economique des Etats d'Afrique

318
Centre).
Elle
vise
l'unification
des
tarifs
douaniers,
l'élaboration
de
statistiques
communes
et
l'intégration
économique,
c'est-à-dire
la
création
d'un
marché
commun
d'ici l'an 2000.
A la
lumière
des
diverses
expériences
de
regroupements
économiques
tentées
en
Afrique
au
sud
du
Sahara
depuis
trois décennies, on peut établir la typologie suivante :
Les
zones
organisées
avec
la
SADCC
et
la
CEPGL,
fondées sur la coopération entre les Etats membres.
Les zones de préférence douanières avec le ZEP.
Les zones de libre échange restreint avec la CEDEAO
dont
l'objectif
intermédiaire
demeure
l'union
douanière.
Les zones d'union douanières formelles avec la MANO
RIVER UNION.
Les zones d'union douanières aménagées avec la CEAO,
l'UDEAC et la CEEAC.
Il en résulte que dans la r~alité, i l n'ait jamais existé
d'unions
douanières
intégrales
en
Afrique
en
dépit
des
appellations et de l'esprit des différents traités.
C'est
pourquoi,
l~s expériences africaines se rapprochent plus
des zones de préférences douanières.
Qu'est-ce à dire? Sinon que les expériences africaines se
sont heurtées à divers obstacles.
Parmi ceux-ci,
les plus
importants sont d'ordre politique,
technique, monétaire et
financier.

319
Section 3 -
Les obstacles à la promotion de l'intégration
économique
1 -
Les obstacles monétaires
La
situation
monétaire
des
regroupements
économiques
en
Afrique est caractérisée par une grande diversité
deux
groupes
de
pays
s'opposent
à
cet égard;
les
pays
de
la
zone franc liés à la France par des Accords de coopération
monétaire et les autres pays qui ont leur propre monnaie.
La diversi té monétaire
ne constitue
pas
en
elle-même
un
obstacle
à
l'intégration
économique;
des
exemples
étrangers
le
montrent,
notamment
celui
de
la
communauté
économique européenne.
Mais dans le cas
de l'Afrique,
la
diversité
s'accompagne
d'une
absence
de
souveraineté
monétaire
et
de
l'inconvertibilité
des
monnaies
nationales.
a -
L'absence de souveraineté monétaire et ses effets
Sur 46 Etats indépendants en Afrique au Sud du Sahara,
14
pays africains 1~ appartiennent à la zone franc créée par
la ~rance au lepdemain de la seconde guerre mondiale pour
se ménager une zone d'influence commerciale et financière
pans ses colonies.
Les
pays
membres
de
la
zone
franc
situés
en
Afrique
occidentale,
au nombre de sept sont regroupés
au sein de
l'Union monétaire ouest-africaine, disposant d'un Institut
d'Emission,
la Banque Centrale des Etats de l'Afrique. de
104. Afrique
de
l'Ouest
:
BENIN.
BURKINA
FASO,
COTE
D'IVOIRE,
NIGER,
MALI.
SENEGAL.
TOGO:
-Afrique
centrale
:
CAMEROUN.
CONGO.
REPUBLIQUE
CENTREAFRICAINE.
TCHAD.
GABON.
GUINEE
EQUATORIALE: Afrique de l ' e s t : LES COMORES. DJIBOUTI.

320
l'ouest
(BCEAO).
En
Afrique
centrale
le
Cameroun,
le
Congo,
le
Gabon,
la
Guinée
Equatoriale,
la
République
Centrafricaine et le Tchad possèdent en commun la Banque
des Etats d'Afrique centrale (BEAC) qui joue également le
rôle
d'Institut
d'émission.
En
vertu
des
accords
de
coopération,
les
relations
entre
la
France
et
ses
partenaires touchent les domaines suivants :
La
France
participe
à
la
gestion
des
banques
centrales africaines;
elle est représentée dans les
conseils d'administration de ces deux Instituts.
Comme le note Makhtar Diouf 105.
"
Les quorums requis nécessitent la participation
française,
soit pour que le conseil d'Administration
puisse se réunir (sauf à la BCEAO) soit pour prendre
des
décisions.
C'est
le
cas
pour
des
opérations
.
d'escompte ou des reescomptes d'effets publics à
10
ans d'échéance et pour la participation des banques
centrales
au
capital
d' insti tutions
financières
de
développement.
Elle
détermine
la
politique
monétaire
de
la
zone
franc
par
les
restrictions
à
la
distribution
de
crédits à l'Economie,
la limitation des avances aux
trésors publics,
la politique des taux d'intérêt.
Elle
contrôle,
par
le
mécanisme
du
compte
d'opération
106
les
avoirs
extérieurs
des
pays
105. DIOUF Makhtar, opus déj4 cité, p,188-189.
106. Le
compte
d'opération est
un compte
ouvert
dans
les écritures du Trésor
français
par le
. BCEAO ou
la
BEAC
au
nom
de
leurs
Etats
membres
respectifs
et
dans
lequel
ces
derniers
déposent leurs disponibilités en devises.

321
membres de l ' UMOA 107 et de la BEAC et les échanges
des Etats membres avec d'autres zones monétaires.
Elle impose une parité fixe entre le F CFA et le FF,
et ceci depuis 1947, empêchant les Etats de procéder
à des ajustements monétaires par la dévaluation
ou
la réévaluation de leurs monnaies.
Cette situation engendre des dysfonctionnements dans
les
regroupements
économiques
tels
que
la
Communauté
économique des Etats de l'Afrique de
l'ouest
(CEDEAO)
et
dans la communauté économique des Etats d'Afrique centrale
(C.E.E.A.C.)
au sein desquelles coexistent des Etats liés
à la France sur le plan monétaire et des Etats ayant leurs
propres monnaies.
La garantie dont jouit le F CFA et la relative stabilité
monétaire
qui
caractérise
les
pays
membres
de
la
zone
franc
affaiblissent en période de difficultés économiques
la solidarité entre les Etats.
En
cas
de
dévaluation
d'une
monnaie,
celle-ci
subit
de
fortes spéculations dans l'Etat voisin membre de la zone
franc,
de même les exportations illicites et clandestines
prennent de l'ampleur,
pénalisent ainsi le pays qui a
sa
propre monnaie; i l en fut ainsi à une période donnée entre
le Togo et le Ghana,
le Bénin et le Nigéria. Ces périodes
se
caractérisent
généralement
par
un
recul
de
la
construction
communautaire
dans
le
mesure

les
Etats
sont amenés à renforcer les contrôles douaniers.
107. UHOA: Union Monétaire Ouest-Africaine.

322
b - Le problème de l'inconvertibilité
L'inconvertibilité
de
la
plupart
des
monnaies
africaines en devises fortes:
yen,
dollar,
deutschemark,
franc français etc ..
a engendré partout,
sauf au sein de
la SADCC et de la CEPGL, de chambres de compensation pour
le règlement des opérations commerciales et
financières.
Or
devant
les
difficultés
persistantes
de
la
récession
économique en Afrique,
des Etats tels que le Nigéria,
le
Ghana,
la Gambie éprouvent plus de difficultés à honorer
leurs engagements que les Etats de la zone franc.
Si nous
prenons le cas de la communauté économiques des Etats de
l'Afrique
de
l'ouest
(CEDEAO),
le
mouvement
des
transactions
de
1976-1977
à
1980-81
révèlent
les
déséquilibres suivants: les pays membres de la BCEAO (zone
franc)
ont mieux exécuté les paiements ordonnés
que
les
Etats ayant leurs propres monnaies,
notamment le Nigéria,
la Guinée-Bissau,
la Guinée,
le Ghana et la Gambie.
Pour
le premier groupe de pays,
les pourcentages
d'exécution
dépassent
les
60
% alors
que
les
pays
du
second
ne
dépassent
guère
Il
%;
le
Nigéria
et
le
Ghana
dont
les
paiements
ordonnés
représentent
en
moyenne
77
% de
la
totalité des ordres de la CEDEAO, de 1976 à 1977, n'en ont
exécuté en moyenne que 14 %.
En
valeurs
absolues,
la
position
débitrice
nette
du
Nigéria est passée de
17.553.164,04 unités de compte en
1976-1977 à 55.920.499,33 en 1979-1980, tandis que dans la
même
période,
le
débit
net
du
Ghana
passait
de
14.178.658,62
à
87.471.555,21.
Dans
ce
contexte,
la
promotion
des
échanges
commerciaux
à
l'intérieur
de
la

323
communauté devient problématique puisque
les Etats
n'ont
pas les devises nécessaires à cet effet.
A
preuve,
de
1976
à
1980,
les
exportations
intra-
communautaires
de
la
CEDEAO
n'ont
guère
dépassé
4%,
traduisant du
reste une étonnante stagnation par rapport
aux années précédant la création de la communauté.
Les difficultés monétaires qui marquent le fonctionnement
de la CEDEAO se retrouvent à la communauté économique des
Etats d'Afrique centrale (CEEAC) ou coexistent pays de la
zone franc et pays ayant leurs propres monnaies tel que le
Zaïr. Ailleurs,
à la ZEP et à la SADCC,
les pays dont les
ressouces économiques sont plus fortes tels que le Zimbawe
et
le
Kenya
ont
tendance
às
acrifier
les
intérêts
communautaires à long terme,
au profit de leurs avantages
commerciaux et financiers immédiats 108
2 - Les obstacles technigues
Ils
tiennent
à
la
faible
densité des
infrastructures
de
communication,
au
chevauchement
et
au
double
emploi
des
organismes de développement.
a - La faible densité de l'infrastructure de communi-
cation
Dans
la
mesure

l'élargissement d'un marché
dépend
en
partie
de
la
qualité
de
ses
infrastructures
de
communication,
les Etats Africains ont programmé pour la
108. Voir liste des monnaies africaines en annexe.

324
décennie
1978-1988,
grâce
à
l'appui
de
la
commission
économique des
Nations-Unies
pour l'Afrique,
450 projets
pour un coût total de 8,3 milliards de dollars américains
(de 1980) selon la répartition suivante
1,8
milliard
pour
les
routes
et
les
transports
routiers,
3,2 milliards pour les chemins de fer,
2,2 milliards pour les ports
Ce
vaste
programme
avait
pour
objectif
de
redresser
l' héri tage
colonial
de
l'Afrique
dans
ce
domaine
en
effet
les
réseaux
de
transport
sont
essentiellement
concentrés
sur
le
littoral
et
les
lignes
transversales
font cruellement défaut.
Dans le domaine des transports routiers sur 9 routes
transafricaines
prévues
seules
5
présentaient
en
1987
un
bilan
de
réalisation
avancée
LAGOS-
MOMBASSA
(63l3km),
Dakar-N'Jamama
(4633km);
Lagos-
Nouakchott
(48l2km);
Le Caire-Gaberome au Botswana
(9l60km); Alger-Lagos (660lkm).
Dans
celui
des
transports
ferroviaires,
l'Afrique
demeure sous-équipée soit 2,74km pour 1000km2 alors
que le rapport est de 60km pour 1000km2 en Europe.
Mais


ils
existent,
les
réseaux
ferrés
souffrent d'incompatibilités et de la concurrence de
la route.
Quant aux transports aériens, maritimes et fluviaux,
ils reviennent relativement cher compte tenu de la
faiblesse
du
trafic
des
passagers
et
des

325
marchandises.
Les
transports maritimes
sont
plutôt
orientés vers les pays développés et les capacités
de
navigation
fluviale
du
continent
sont
mal
exploitées.
Les grands
fleuves:
le Sénégal,
Niger,
Zaïr,
Oubangui,
Zambèze;
les
grands
lacs:
Tchad,
Malawe,
Tanganyaka,
Victoria,
loin de
favoriser
la
circulation interafricaine et de rapprocher les pays
sont plutôt des sources de conflits et de divisions.
b - Le chevauchement et le double emploi des organis-
mes de développement
En
plus
des
différents
regroupements
économiques
qui
existent
en
Afrique,
les
Etats
ont
créé
depuis
les
premières années de l'indépendance de nombreux organismes
de
développement
dont
peu
d'entre
eux
ont
défini
une
orientation générale cohérente
et dont les stratégies de
coopération économique
sont hétérogènes,
intraverties et
mal
coordonnées".
C'est
en
Afrique
de
l'ouest
que
la
mul tiplication
de
ces
instruments
de
coopération
a
été
systématique. Elle est donc significative de l'incohérence
et de l'inefficacité de ces organismes.
Au total,
l'Afrique de l'ouest possède 32 organismes créés
entre 1959 et 1976. Si l'on se réfère à une classification
par secteur 1~ l'agriculture fait l'objet de 17 organismes
de développement,
la mise en valeur des
ressources,
14;
l'industrie,
12; les transports et les communications, 10;
la mise en valeur de la main d'oeuvre,
7;
les questions
financières,
4;
la monnaie,
3. Certains de ces organismes
ont
des
objectifs
multiples
couvrant
plusieurs
secteurs
109. Voir en annexe la liste de Ces organismes

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326
d'où
un
risque
de
dispersion
des
efforts
et
l'alourdissement des coûts de fonctionnement.
En
outre
la
dispersion
des
mêmes
Etats
dans
divers
organismes à la fois entraîne des charges élevées pour les
budgets
nationaux
et
la
faiblesse
de
la
coordination
administrative
et
technique
de
ces
instruments
de
coopération.
Selon un rapport de la commission économique
des
Nations-Unies
pour
l'Afrique 110,
sur
16
Etats
de
la
Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'ouest,
10 ont atteint un degré de saturation,
si l'on se réfère à
leur
participation
à
des
organismes
de
développement.
Ainsi le Niger appartient à 25 organismes, le Burkina-Faso
22; Le Sénégal, 20; La Côte d'Ivoire,
19; le Bénin,
18; le
Mali
et
le
Togo,
17;
La
Mauritanie,
12;
La
Gambie,
Le
Nigéria, 10.
3 - Les obstacles politiques
Au premier
rang de ces
obstacles
figurent
les
rivalités
entre les dirigeants politiques et l'absence réelle d'une
volonté
politique
en
vue
de
promouvoir
l'intégration
économique en Afrique.
a - Les rivalités politiques et leurs effets
Plus que des considérations idéologiques,
ce sont plutôt
des
querelles
de
"leadership"
qui
ont
affecté
la
construction
effective
de
grands
ensembles
économiques;
dans
certains
cas,
les
rivalités
politiques
étaient
entretenues de l'extérieur par les anciennes puissances en
Afrique;
les
rivalités
en
Afrique
de
l'ouest
entre
110. CEA.
Propositions
visant
,
renforcer
l'int~gration ~conomique en
Afrique
de
l'ouest.
Addis-Heba.

327
l'ancien chef d'Etat sénégalais et le Président Houphouët-
Boigny
depuis
la
création
du
Rassemblement
Démocratique
Africain
en
1946
s' inscrit
dans
une
telle
perspective.
Pour
assurer
leur
influence
sur
les
autres
Etats
de
l'Afrique occidentale,
ils étaient conduits
â
multiplier
les
initiatives
tendant
à
créer
des
organismes
de
développement.
Ainsi,
lorsque
l'UNION
AFRICAINE
ET
MALGACHE
(UAM),
organisme de concertation politique créé
en
1961
fut
transformée
en
1964
en
un
organisme
à
caractère
économique
sur
l ' instiga tion
de
Léopold Sedar
SENGHOR
et
dénommée
UNION
AFRICAINE
ET
MALGACHE
DE
COOPERATION
ECONOMIQUE
(UAMCE):
le
Président
Houphouet-
Boigny ne trouva d'autre alternative que de la boycotter.
Du reste,
il s'empressa de créer avec les mêmes Etats un
autre regroupement dénommé ORGANISATION COMMUNE AFRICAINE
ET MALGACHE (OCAM).
Ce sont également les rivalités entre Houghouët-Boigny et
le
Général
GOWON,
ancien
chef
d'Etat
du
Nigéria
qui
expliquent la création en Afrique de l'Ouest à
partir de
1974-1975
de
deux
regroupements économiques,
poursuivant
les
mêmes
objectifs
;
en
effet
lors
de
la
guerre
de
sécession
du
Biafra
en
1967,
la
Côte
d'Ivoire
avait
soutenu activement
les
partisans
de
la
sécession
contre
les autorités
fédérales
qui
tenaient
à
maintenir
à
tout
prix l'intégrité territoriale du Nigéria. Après l'échec du
mouvement secessionniste, le Général GOWON lança le projet
de
création
d'un
vaste
regroupement
économique
auquel
participeraient
Etats
francophones
et
anglophones
et
lusophones;
Pour
faire
pièce
au
leadership
de
GOWON· et
partant
à
l'influence
d'un
grand
Etat
anglophone
en
Afrique de l'ouest, Houphouët-Boigny s'employa à réactiver
l'UNION DOUANIERE DE L'AFRIQUE OCCIDENTALE créée en 1959

328
mais
qui
n'a
jamais
fonctionné
en
raison
des
soupçons
d'officine
néo-coloniale
française
qui
pesait
sur' elle.
Cette
union
douanière
fut
transformée
en
communauté'
économique de l'Afrique de L'ouest
(CEAO)
pendant que le
Nigéria constituait de son côté
"la communauté des Etats
d'Afrique
de
l'ouest
dont
sont
d'ailleurs
membres
les
Etats de la CEAO.
En Afrique,
les
rivalités
poli tiques
entre
le
Président
Julius NYERERE et
Idi
AMIN,
engendrèrent l'éclatement de
la
communauté
économique
de
l'Afrique
de
l'est
et
la

dissolution
des
entreprises
communes
aux
trois
Etats
OUGANDA,
TANZANIE,
KENYA
la
compagnie
aérienne
de
transport,
"East African Airlines~ l'office des Postes et
télécommunications, l'office des chemins de fer.
b - L'absence réelle de volonté politique
Elle tient à la prédominance des réflexes de type national
qui caractérisent le comportement politique des dirigeants
et
à
leurs
refus
d'associer
étroitement
les
populations
africaines au processus de décision.
Autant
les
Etats
cherchent
à
tirer
profit
des
avantages
économiques et
financiers
liés
à
l'extension des marchés
africains
et
à
la
promotion
des
échanges,
autant
ils
hésitent
à
faire
montre
de
solidarité
envers
leurs
partenaires les plus défavorisés quand leurs intérêts sont
en jeu. Par deux fois le Nigéria a violé les Accords de la
CEDEAO
relatifs
à
la
liberté
de
circulation
et
d'établissement
des
personnes
en
expulsant
de
son
territoire des ressortissants des Etats de la CEDEAO pour
des
raisons
économiques.
De
même
au
sein
de
la
zone

329
d'échanges préférentielle,
qui regroupe 15 pays d'Afrique
orientale et australe,
dont le ZIMBABWE et le KENYA sont
les
seules
à
disposer
d'un
secteur
manufacturier
relativement développé,
les autres Etats acceptent mal la
clause
portant
sur
les
conditions
d' éligibili té
111
des
entreprises
aux
droi ts
de
douane
préférentiels
et
souhaitent
donc
la
modifier
pour
pouvoir
attirer
des
investisseurs étrangers.
Ainsi,
en dépit des
dispositifs
des
traits,
des
Etats
sont
tentés
de
sauvegarder
les
intérêts nationaux.
Quant aux populations africaines, elles sont peu associées
aux expériences de regroupements économiques.
Dans
les
Etats

la
vie
politique
est
fondée
sur
des
normes
constitutionnelles,
les
décisions
communautaires
n'ont jamais fait
l'objet de référendum populaire.
Nulle
part
en
Afrique,
i l
n'existe
dans
les
regroupements
économiques
des
instances
législatives
chargées
de
contrôler les décisions des gouvernements.
C'est pourquoi
les
changements
de
régime
en
Afrique,
lorsqu'ils
sont
l'oeuvre
de
coups
d'Etat
militaires
se
sont
souvent
tradui ts
par
des
incertitudes,
voire
des
reculs
sur
le
plan de la construction communautaire. Les frictions entre
~ouphouët-Boigny et l'ancien chef d'Etat du Burkina-Faso,
Thomas
SANKARA
ainsi
que
la
guerre
entre
le Mali
et
le
Burkina-Faso
en
1984
s'inscrivent
parfaitement
dans
une
telle logique.
111. Pour
atre
êligibles
aux
droits
de
douane
prêfêrentiels.
les
entreprises
doivent
atre
contrôlées à au moins 51 % par des investisseurs locaux.

330
En dépit
des
atouts dont
dispose le continent africain,
les expériences de regroupements économiques piétinent par
manque de volonté politique.
Le bilan de trois décennies dans ce domaine se révèle donc
particulièrement mince.
Seules la CEAO et la ZEP peuvent
se prévaloir de résultats tangibles.
La
création
de
la
taxe
de
coopération
régionale
s'est
traduite
par
l'accroissement
des
échanges
intra-
communautaires de 1970-1977;
en volume ils ont progressé
de l'indice 100 à
117 alors que de 1976 à
1981 ils sont
passés de l'indice 230 à 846; en valeur ils sont passés de
100
à
129
et
de
232
à
2070
pour
les
périodes
susmentionnées.
Le
nombre
d'entreprises
agrées
à
la
TCR
est passé de 91 en 1975 à 224 en 1981. Quant aux produits,
ils
sont passés de 179 en 1975 à
405 en 1981;
pour ces
derniers,
il
s'agit
en
grande
partie
de
produits
alimentaires, de textiles, et de produits chimiques.
Par ailleurs la CEAO a
réalisé en 10 ans divers projets
pour les Etats, dits projets nationaux: 2,7 milliards de
Frs
CFA
pour
le
développement
rural
et
261,6
milliards
pour l'industrie.
Divers
proj ets
communautaires
ont
été
réalisés
pour
un
montant total de 65 milliards de Frs CFA.
Au
sein
de
la
ZEP,
l'existence
de
droits
de
douane
préférentiels
s'est
traduite
depuis
4
ans
par
une
augmentation des échanges intra-communautaires.

331
La
CEDEAO
compte
à
son
actif
la
réalisation
de
projets
dans
le
domaine
des
communications
;
i l
s'agit
du
"PROGRAMME INTELCOM" qui comporte 4 volets
Station terrienne de
télécommunications
à
PRAIA au
Cap-Vert.
Liaisons
de
télécommunications
par
faisceaux
hertziens
au
nombre
de
12
(Ghana,
Côte
d' Ivoi.re,
etc ... ) .
Centres
internationaux
de
commutation
automatique
( Freetown) .
Centres locaux de commutation automatique (ex. Kayes
au Mali).
Il serait difficile de reprocher aux dirigeants politiques
africains d'avoir manqué de lucidité en créant à la veille
des
indépendances
des
regroupements
économiques
et
poli tiques.
A cet
égard,
ils
ont
été
influencés
par
la
création de la Communauté Economique Européenne à laquelle
leurs territoires furent associés de fait dès 1956 lors de
la
signature
du
Traité
de
Rome.
En
outre,
bien
que
minoritaires,
les
thèses
fédéralistes
de
Léopold SENGHOR
et d'APITHY avaient néanmoins conservé chez les Africains
une
charge
affective
tant
en
Afrique
de
l'ouest
qu'en
Afrique de
l'Est
en
raison
des
brassages
interétatiques
que favorisèrent les principales institutions de formation
des
premiers cadres Africains:
le
lycée Victor
Balot de
Porto-Novo
au
Bénin,
l'Ecole
Normale
William
PONTY
et
l'Université de Dakar, le MAKERERE Collège d'Ouganda.
Les
idées panafricanistes n'ont pas été en reste non plus.

332
Mais
par
manque
de
volonté
politique
et
à
cause
des
interférences
des
influences
extérieures
et
aussi
en
raison du premier Coup d'Etat militaire survenu en Afrique
dès 1963, les préoccupations de sécurité, même si elles ne
sont
pas
officiellement
proclamées
par
les
dirigeants
semblent
avoir
pris
le
pas
sur
la
volonté
réelle
de
construire
des
espaces
économiques
régionaux
et
sous-
régionaux
intégrés.
L'Union
Douanière
d'Afrique
Occidentale
dont
sera
issue
la
Communauté
Economique
d '~frique
Occidentale
(CEAO)
ne
regroupait-elle
pas
uniquement en 1959 des Etats francophones,
très proches de
la France?
La naissance de
la Communauté
Economique des
Pays de Grands Lacs,
n'était-elle pas,
au départ,
dominée
par des considérations de sécurité de la Tripartite ?
Si,
dès
sa
création
en
1959,
le
Conseil
de
l'Entente
affirma nettement son caractère politique,
qu'il conserva
du
reste
jusqu'à
la
fin
des
années
70,
en
revanche
la
transformation de l'Union Africaine et Malgache
(UAM)
en
Union
Africaine
et
Malgache
de
Coopération
économique
(UAMCE) ,
de
l'Organisation
Commune
Afrique
et
Malgache
(OCAM)
en Organisation Afrique et Malgache de coopération
économique
pour
revenir
ensuite
à
l'OCAM
cachent
mal
-l'importance
du
fait
poli tique
et
sécuritaire
dans
les
regroupements économiques Africains.
A l'évidence,
ces expériences,
pas plus que la promotion
des
secteurs
exportateurs,
la
création
de
structures
industrielles internes,
la modernisation de l'agriculture
vivrière
et
les
tentatives
pour
l'intégrer
dans
le
processus
de
développement
n'ont
permis
à
l'Afrique
de
réaliser des performances économiques significatives.

333
Pour judicieuses qu'elles soient,
ces stratégies manquent
de cohérence
entre elles,
par
rapport
â
l'environnement
socio-culturel
du
continent
et
aussi
en
regard
de
l'environnement
international.
Ce
ne
sont
pas
tant
les
ressources productives qui font défaut aux pays d'Afrique
que
les
capitaux
puisque de
1960 â
1985
les
sources de
financement publiques et privées se sont relayées dans les
apports extérieurs mais plutôt la capacité d'organiser les
sociétés
africaines
en
fonction
de
choix
politiques,
techniques
et
économiques
parfaitement
intégrés
â
une
dynamique
sociale.
Or
l'émancipation
politique
de
l'Afrique â partir de 1960, a engendré la domination de la
bourgeoisie
comprador
dont
la
vocation
n'est
pas
de
transformer
la
société
mais
de
s'accommoder
de
ses
structures,
de
vivre
à
ses
dépens
et
par
voie
de
conséquence
de
servir
tous
les
intérêts
qui
peuvent
contribuer
à
sa
propre
reproduction
poli tique
et
à
sa
survie.
C'est
pourquoi
elle
a
imposé
une
orientation
purement
mercantile
aux
poli tiques
économiques
sans
chercher
à
élever
durablement
le
niveau
des
forces
productives matérielles et humaines.
Depuis
1960,
les politiques économiques de modernisation
n'ont pas été appuyées par des actions de transformation
sociale,
appropriées
de
sorte
tout
progrès
économique
engendré dans un secteur finit par devenir inopérant, d'où
la
situation
économique
critique
qui
secoue
l'Afrique
aujourd'hui.
Dépendance
alimentaire
accrue
vis-à-vis
de
l'extérieur
en
dépit
des
efforts
de
modernisation
agricole opérés à partir des années 70 mais dont les
effets ont
été
compromis
par
l'importance du
taux

334
d'accroissement
naturel
(3,1%
par
an),
par
les
contraintes
liées
aux
aléas
climatiques,
à
des
systèmes
de
fixation
des
prix
Bgricoles
et
de
prélèvement peu incitatifs.
Echec
des
politiques
de
développement
industriel
axées
sur
la
promotion
des
industries
d'import-
substi tution .
Ces
dernières
ont
souffert
non
seulement
de
la
concurrence
des
grandes
sociétés
internationales dont les prix sont plus compétitifs
en raison des
économies d'échelle caractéristiques
des
économies
industrielles,
mais
également
de
dysfonctionnements internes; ces dernières sont à la
institutionnels/dus à la lourdeur administrative et
à
une
tutelle
étatique
pesante
qui
portaient
atteinte à l'autonomie des entreprises publiques,
Economiques} résultant
d'une
mauvaise
appréhension
des
marchés
et
au
surdimensionnement
des
unités
industrielles
avec
comme
corollaire
des
résultats
déficitaires.
Financières} dus
à
l'inadaptation des mécanismes de
financement,
par exemple, les entreprises africaines
en particulier celles relevant du secteur étatique,
recourent
de
façon
permanente
à
des
ressources
d'emprunt,
à
court
terme
pour
le
financement
des
besoins
en
fonds
de
roulement
et
supportent
des
coûts de gestion élevés.
En
matière
de
gestion,
résultant
de
structures
d'encadrement
rigides,
hiérarchisés,
inspirés
de
modèles administratifs
inadaptés
à
des
entreprises
dont
la
mission
est
de
réaliser
du
profit;
d'effectifs pléthoriques souvent peu qualifiés et de

335
systèmes peu fiables de comptabilité pour le calcul
des prix de revient et de contrôle de gestion.
Diminution
spectaculaire
du
niveau
de
vie
qui
représente en 1990 un peu moins de la moitié de ce
qu'il était trente ans
plus tôt:
de 3,3% au cours
des années 70,
le PIB réel passe à
0,2% de 1980 à
1987. Les projections de la Banque Mondiale pour la
période
1987-1995
se
situent
entre
3,2
et
3,9%.
Quant au PIB par tête d'habitant,
il passe de 0,5%
de 1973 à
1980 à
-2,9% au cours des années 80.
Il
serait compris entre 0 et 0,7% entre 1987 et 1995112
Aggravation des
inégalités
sociales
et
dégradation
des
conditions
de
vie,
notamment
dans
les
zones
rurales,
avec pour corollaire l'accélération de la
croissance
démographique
des
villes

se
développent
de
nombreuses
et
variées
activités
de
petite production marchande, c'est-à-dire un secteur
informel.
Regroupant
près
de
60%
de
la
population
active
urbaine,
i l
apparaît
dans
la
structure
économique des pays d'Afrique,
comme l'exutoire par
où s'épanchent les difficultés
du
secteur agricole
et
des
industries
manufacturières.
Le
secteur
informel
intervient
pour
12%
au
ma~imum
dans
la
production
des
pays
d'Afrique,
ce
qui
traduit
la
faiblesse des revenus de ce secteur.
Dans le domaine de l'emploi, l'aggravation des difficultés
sociales a été d'autant plus forte qu'en Afrique au sud du
Sahara 20 à 75 % des emplois du secteur moderne relèvent
112. Banque Mondiale. Rapport sur le développement dans le monde, p.
45,
année 1998.

336
du
secteur
public
dont
les
effectifs
ont
continué
à
progresser dans les années 70,
de l'ordre de 15 % par an
au Ghana et au Nigéria,
5 à 80 % au Mali,
au Malawi,
au
Sénégal,
alors que les recettes budgétaires accusaient de
fortes
baisses
113
Dans
le
secteur
privé,
la
création
d'emplois a
été plus
faible,
représentant
9%
du secteur
moderne.
Dans
ces
conditions,
le
taux
de
chômage
s'est
rapidement accru,
atteignant 25% de la population active
africaine, compte non tenu du chômage déguisé qui affecte
de~açon permanente les zones rurales.
Alourdissement de
la dette extérieure qui
représente
près de 240 milliards de dollars en 1990 soit 18 % de la
dette
totale
du
tiers-monde,
la
plus
élevée
par
tête
d'habitant soit 530,43 dollars.
Par exemple de 1970 à 1987, l'encours de la dette publique
extérieure de
l'Afrique
subsaharienne passa
de
13,1%
du
produit national
brut à
80,8%
tandis que
les versements
d'intérêt passaient de 1,2% à 4,1% du PNB 114.
Face à
ce bilan global,
financier,
économique,
politique
et
social,
quels
types
de
réponses
l'Afrique
peut-elle
apporter à la situation de crise à laquelle elle se trouve
aujourd'hui
confrontée
?
En
d'autres
termes,
quelles
peuvent
être
les
perspectives
de
développement
du
continent ?
113. OYOWE Augustin,
Dossier: L'EMPLOI in le Courrier n'110,
juillet-août 1988; publication des
Communautés Economiques Européennes.
114. Source: Banque Mondiale, rapport 1989.

337
T R O I S I E M E
P A R T I E
L E S
P E R S P E C T I V E S
DE
DEVELOPPEMENT
EN
AFRIQUE
AU
SUD
DU
SAHARA

338
Face au drame qui se joue aujourd'hui en Afrique et dont
les
véritables
causes
se
situent
au
delà
de
la
simple
médiocrité des performances économiques du continent,
la
pratique
scientifique se doit d'interroger
la pertinence
des
remèdes
proposés
depuis
le début
des
années
80 qui
visent la restructuration des économies africaines sous le
couvert des "Programmes d'Ajustement structurel", du "Plan
d'Action
de
Lagos"
et
du " Programme
Prioritaire
de
Redressement
économique
de
l'Afrique"
pour
la
période
1986-1990; d'ausculter la coopération internationale, sous
l'angle des rapports
"nord-sud" et de donner corps à une
théorie
qui
fonde
les
conditions
de
possibilité
de
développement en Afrique.

339
CHAPITRE l
- LES LIMITES DE LA STRUCTURATION ECONOMIQUE
C'est par
une
série
de
mesures
inspirées
par
la
Banque
mondiale
et
le
Fonds
monétaire
international
et
par
le
souci de promouvoir l'intégration économique du continent
que
les
Etats
africains
vont
engager
des
actions
de
restructuration économique.
Section 1 - Les programmes d'ajustement structurel
Ils ont pour objet de répondre à un triple déséquilibre:
celui
qui
caractérise
l'épargne . et
l'investissement
en
Afrique,
les
recettes
et
les
dépenses
de
l'Etat,
le
déséquilibre
de
la
balance
courante.
Appliqués
systématiquement
depuis
le
début
des
années
aD,
ils
comportent
deux
types
de
mesures
ayant
pour
objectif
d'assurer
la stabilisation
financière
des
pays
africains
et de relancer leur appareil de production.
Du bilan provisoire,
des expériences auxquelles l'Afrique
a été soumise, on peut inférer une théorie de l'ajustement
qui permet d'éclairer les enjeux de la restructuration des
économies africaines.
1 - Définition et théorie de l'ajustement
a - Définition
La notion d'ajustement structurel désigne à l'origine une
pratique
économique
des
pays
de
l'organisation
de

340
coopération et
de
développement
économique
(OCDE)
qui
a
pour
but
d'adapter
leur
"structure
industrielle"
à
la
concurrence internationale, notamment à celle des produits
manufacturés en provenance des pays en développement, soit
en
abandonnant
la
production
de
certains
biens
manufacturés pour lesquels les pays en développement sont
plus compététifs, soit en exportant ces activités vers ces
mêmes pays; une troisième issue consiste, pour les pays de
l'OCDE, à mettre l'accent, grâce au progrès technologique,
sur
des
activités
qui
leur
confèrent
une
suprématie
incontestable.
Il
en
est
ainsi
de
l'industrie
des
textiles naturels
que ces pays ont exportée en Afrique et
en particulier en Asie pendant qu'ils se sont assuré une
suprématie dans la fabrication des tissus synthétiques.
A la suite des deux chocs pétroliers,
de 1974 et de 1978,
la
notion
d'ajustement
structurel
a
été
importée
en
économie
du
développement
pour
désigner
"un
ajustement
durable de la balance des paiements, obtenu au moyen d'une
adaptation des structures économiques de production".
Dit
autrement
"l'ajustement
structurel
est
l'adaptation
des
structures
économiques qui
permet de
limiter durablement
le
défi ci t
de
la
balance
des
paiements
courants,
à
un
niveau
correspondant
à
un
recours
raisonnable,
aux
capi taux
extérieurs
et
sans
réduction
du
taux
de
croissance économique"
115.
Comme le note
P.
Guillaumont,
l'ajustement structurel présente trois caractères:
c'est une action durable,
c'est-à-dire à moyen ou à
long terme plutôt qu'à court terme pour répondre à
un choc externe,
115. GUILLAUMONT Patrick. Croissance et ajustement.
Ed. Economica. Paris.
1985.' p.l?

341
i l repose sur l'adaptation de l'offre,
aux exigences
de la concurrence internationale et à l'évolution de
la demande interne,
i l
implique
une
réal location
des
ressources
au
profit des
secteurs productifs et la réduction des
déséquilibres
macro-économiques,
c'est-à-dire
ceux
qui
caractérisent
les
recettes
et
les
dépenses
de
l'Etat,
l'épargne
et
l'investissement,
la
balance
des paiements courants.
Pour
l'essentiel,
ces
programmes d'ajustement
structurel
comportent des mesures à moyen et long termes "qui varient
peu d'un apys à
un autre quelles que soient la cause du
déséquilibre
externe
et
les
structures
économiques
et
sociales du pays" 116
b - Théorie de l'ajustement
A la suite de G.
Grellet,
on peut
noter trois
postulats
fondamentaux à la base de ces politiques.
"Tout déséquilibre extérieur a
son origine dans
un
excédent de la demande globale sur l'offre globale;
i l est provoqué par une augmentation de la masse des
moyens de paiement plus rapide que celle des biens
et
services
réels" 117 •
Dans
les
deux
cas,
le
déséquilibre
se
traduit
par
une
augmentation
des
importations.
116. GRELLE! Gérard, opus déjà cité.
éd. PUF,
Paris.
1987.
117. GRELLE! Gérard, opus déjà cité.

342
"Toute
correction
d'un
déséquilibre
nécessite
une
réduction de la demande nominale et une réal location
des
facteurs
de
production
de
façon
à
augmenter
l'offre globale.
Elle suppose un réajustement de la
parité monétaire de façon à rééquilibrer l'offre et
la demande de devises, un encadrement de la création
monétaire afin de contrôler la demande nominale, une
réal location des ressouces de façon à augmenter les
exportations
et/ou
approfondir
le
processus
de
substitution à l'importation.
La politique d'ajustement n'est pas déflationniste;
son
objectif
est
de
parvenir
à
un
équilibre
extérieur de
plein emploi
en modifiant
le
système
des prix et l'allocation des ressources.
Ces trois postulats portent sur les causes du déséquilibre
extérieur,
sur les mesures susceptibles de la corriger et
sur la finalité de la politique d'ajustement, c'est-à-dire
les effets attendus.
Si l'analyse des causes du déséquilibre extérieur qui se
tradui t
dans
les deux cas
susvisés par une augmentation
des importations paraît fondée, en revanche, i l est permis
de
se
demander
si
les
mesures
préconisées
permettent
d'atteindre
l'équilibre.
Dans
quelles
conditions
la
réduction
de
la
demande
interne,
la
réallocation
des
ressources au profit du secteur productif, le réajustement
de
la
pari té
monétaire
et
l'encadrement
de
la
création
monétaire
peuvent-ils
contribuer
au
rétablissement
de
l'équilibre? Par exemple,
la dévaluation a pour objectif
de
redistribuer
les
ressources
d'un
pays
en
faveur
des
secteurs
exportateurs
et
de
limiter
le
recours
aux

343
importations.
Mais
dans
une
économie
désarticulée
et
extravertie,
les
effets
distributifs
dépendent
de
plusieurs, facteurs,
tels
que
les
mécanismes
de
la
formation
des
prix
(prix
administrés
par
l'Etat
ou
résultant du jeu du marché),
de la politique du contrôle
des
prix
et
des
revenus
et
du
ni veau
de
l'endettement
extérieur du pays.
Si
"ajustement
et
croissance"
sont
étroitement
liés
en
théorie,
dans
la pratique,
les effets escomptés
ne
sont
pas automatiques: en outre,
ils varient selon les pays et
selon
les
secteurs
en
raison
de
la
diversité
des
situations
économiques,
technologiques,
monétaires
et
financières des pays d'Afrique.
c - Le contenu des programmes
Ils
ont
été
conçus
en
fonction
d'un
double
objectif:
assainir
la
situation
financière
des
pays
d'Afrique,
relancer l'appareil de production.
Autour
du
premier
objectif
s'articulent
les
mesures
suivantes:
réduction des déficits budgétaires,
dévaluation
des
monnaies
africaines
considérées
comme surévaluées par raport à l'extérieur,
excepté
les pays membres de la zone franc,
qui
ne peuvent
pas dévaluer,
rééchelonnement
des
dettes
publiques
et
privées
garanties par les Etats,

344
augmentation
des
prix
des
denrées
d8
première
nécessité
par
suppression
des
subventions
aux
importations,
augmentation
des
impôts
directs
et
indirects
et
amélioration de leur système de recouvrement,
création d'un double marché de changes dans certains
pays tel que le Nigéria,
Suppression du recrutement dans la fonction publique
et réduction des effectifs.
Quant aux mesures de relances de l'appareil de production,
elles visent les domaines suivants :
Augmentation
des
prix
aux
producteurs
de
cultures
vivrières et industrielles.
Suppression
des
organismes
d'Etat
de
commercialisation de produits vivriers.
Encouragement
de
l'investissement
privé
par
une
réforme des codes des
investissements dans le sens
d'une plus grande libéralisation.
Défini tion
de
nouvelles
priori tés
dans
le
domaine
des investissements productifs et limitation de ces
derniers à un niveau compatible avec un endettement
extérieur raisonnable.
Réforme
du
secteur
public
par
la
liquidation
des
entreprises
non
viables,
l'amélioration
de
la
gestion de celles qui sont susceptibles de demeurer
dans
le
portefeuille
de
l'Etat
en
raison
de
leur

345
caractère stratégique pour
l'économie
nationale et
par la privatisation de certaines entreprises.
Réformes institutionnelles tendant à une plus grande
rationalisation des
structures
d'encadrement
de
la
production.
Par ces mesures,
la Banque mondiale et le Fonds monétaire
international
ont
cherché
à
engager
les
pays
africains
dans deux directions :
réduire
la
demande
interne
et
améliorer
les
exportations en vue d'accélérer le remboursement des
dettes,
libéraliser
les
économies
africaines
par
le
désengagement de l'Etat du secteur de la production
et par la promotion de l'initiative privée,
Quelles
en
sont
les
implications
socio-économiques
et
quels en sont les effets sur les économies africaines ?
2 - Les implications socio-économiques des programmes d'a-
justement structurel
a) Réduction de la demande interne et amélioration des
exportations
A
la
sui te
du
boom
des
prix
des
principales
matières
premières
d'exportation
en
1974,
l'augmentation
des
recettes
a
engendré
une
augmentation
rapide
de
l ' ofrre
internationale de
capitaux
en
direction de
l'Afrique
et
par
voie
de
conséquence
une
augmentation
rapide
de
la
demande interne.
Or le second choc pétrolier de 1978 est

346
venu affecter gravement les coûts de production alors que
les recettes d'exportation se sont effondrés du fait de la
diminution spectaculaire des prix des matières premières.
Face à
cette situation,
les réactions des pays Africains
ont
été
tardives;
dans
certains
pays
comme
en
Zambie,
l'Etat a
continué à
importer des biens de
consommation,
alors que les ressources financières du pays commençaient
à se dégrader.
Pour
les
pays
Africains
qui
ont
leur
propre
monnaie,
l'augmentation des moyens
de paiement,
donc de
la masse
monétaire
a
servi
de
recours
engendrant
une
inflation
interne et une dévalorisation de la monnaie.
En revanche,
les pays
africains
membres
de
la
zone
france
ont
mieux
résisté au phénomène inflationniste mais la limitation des
concours
des
banques
Centrales
à
20
% des
recettes
fiscales
de
l'année
précédente
en
même
temps
qu'elle
induisait une forte propension à l'endettement extérieur,
exerçait
des
effets
à
la
baisse
sur
l'évolution
des
importations.
C'est donc à
la fois par la dévaluation et la réduction
des importations que la demande interne a été contenue en
Afrique.
Or en raison des rigidités économiques et techniques qui
affectent
l'appareil
de
production,
les
importations
de
biens
intermédiaires
destinés
au
secteur
manufacturier
sont pénalisées,
comme au
Nigéria,
en Côte d'Ivoire,
au
Sénégal ou en Tanzanie,
entraînant par là une diminutïon
de la capacité de production industrielle.
La limitation
des
importations
des
biens
de
consommation
finale
par

347
l'augmentation des
prix accentue les
inégalités
sociales
parce qu'elle porte sur les denrées de première nécessité.
Sous
l'angle de la réduction de la
demande
interne,
les
programmes d'ajustement structurel
se sont donc traduits
par des effets récessionnistes, la dévaluation généralisée
des monnaies africaines n'ayant pas
permis contrairement
aux effets
escomptés
de promouvoir
les
exportations.
Au
demeurant divers
facteurs
sont venus contrarier l'effort
de
production
des
pays
africains
le
comportement
des
prix des matières premières sur le marché international et
la fluctuation du dollar. Alors que le prix de revient du
coton
malien
était
en
1984,
de
630
F
CFA
le
kilo,
le
marché mondial n'offrait que 450 F soit un manque à gagner
de
28
%
annihilant
ainsi
l'effort
accompli
par
les
paysans. De même la baisse des prix du café, du cacao, des
arachides de l'uranium,
du cuivre a été préjudiciable aux
programmes d'ajustement structurel.
Ainsi selon la Banque
mondiale,
de 1980 à
1985,
les prix réels des produits de
base non prétroliers ont accusé une diminution de 40 %, le
renversement du marché pétrolier à
partir de 1985-1986 a
rendu plus aiguës les difficultés économiques de pays tels
que le Nigéria,
le Congo.
En outre,
la
"dollarisation de
l'endettement
les
9/10e
du
marché
bancaire
étant
constitués au début des années 80 par les euro-dollars -
la hausse des taux d'intérêt conduisant à une valorisation
des
créances
bancaires
ont
accru
les
difficultés
financières des pays africains.
Il ne fait aucun doute que l'endettement constitue par son
ampleur,
l'une des sources de difficulté du continent.
Or
le phénomène résulte du procès dialectique de deux autres
phénomènes:
l'augmentation de l'offre internationale des

348
capitaux à partir de 1975 et l'accroissement de la demande
interne.
Dans
ce
processus
de
puissants
intérêts
économiques et financiers se sont déployés.
L'alliance objective entre la bourgeoisie comprador et les
milieux
financiers
internationaux
reposait
sur
la
distribution plus ou moins justifiée de commissions et de
pots-de-vin
et
a
permis
de
renforcer
le
pouvoir
de
la
bourgeoisie locale: cette dernière a maintenu une pression
élevée sur la demande interne, qui porte sur des produits
de luxe importés. Ainsi,
alors que les cours des matières
premières
continuaient
à
se
dégrader,
l'Afrique
ne
finissai t
pas
d'importer
des
biens
de
consommation
en
attendant
de
j ours
meilleurs.
En
conséquence
le
niveau
d'endettement a augmenté de même que les prix internes des
biens
et
services.
Cette
situation
a
imposé
de
lourds
sacrifices aux catégories sociales les plus défavorisées,
notamment
les
paysans;
non
seulement,
ils
subissent
la
dégradation des termes de l'échange interne en raison de
la surévaluation des monnaies africaines,
mais aussi,
ils
souffrent
de
l'augmentation
des
prix
des
denrées
de
première
nécessité
importées
et
de
la
suppression
des
subventions aux engrais.
Quant au rééchelonnement des dettes,
il apparaît comme une
mesure
salutaire
permettant
d'alléger
à
court
terme
le
poids
de
la
dette
sur
des
économies
exsangues,
mais
i l
renvoie
à
plus
tard
des
difficultés
financières
dont
l'accumulation
risque
de
compromettre
durablement
la
croissance
globale
des
pays
d'Afrique.
Par
exemple
au
cours de
la
période
1984-1988
l'Afrique subsaharienne
a
remboursé au titre de la dette 5,5 milliards de dollars en
principal
et
4,5
en
intérêt.
De
1987
à
1989,
ils
ont

349
déboursé 9,9 milliards de dollars et 5,6 en intérêts.
Or
selon le calcul des experts des Nations-Unies, i l faudrait
à
ces
pays
un
apport
supplémentaire
de
5
milliards
de
dollar par an d'ici à
la fin de la décennie en plus des
apports
internationaux
pour
maintenir
un
statut
quo
précaire.
b - Le désengagement de l'Etat et la privatisation des
entreprises publiques
Les
mesures
de 'libéralisation
des
économies
africaines
visent
des
domaines
variés,
notamment
les
prix
internes
des
denrées
alimentaires
par
le
démantèlement
des
organismes
d'Etat
de
commercialisation,
la
réforme
des
codes
des
investissements
dans
un
sens
plus
libéral
concédant des avantages fiscaux en vue de promouvoir les
investissements
privés
nationaux
et
étrangers,
le
désengagement
de
l'Etat
du
secteur
productif
par
la
privatisation
des
entreprises
publiques.
Parmi
ces
mesures,
cette
dernière
revêt
un
caractère
stratégique
parce qu'elle est associée à une idéologie de l'efficacité
et de progrès économique.
En effet c'est sous l'impulsion
des Etats-Unis d'Amérique que la doctrine de privatisation
s'est
étendue
au
reste
du
monde
en
1979,
en
Grande-
Bretagne et en France,
en Amérique latine,
avec le Chili
notamment,

les
pouvoirs
publics
ont
réussi
à
vendre
près
de
quatre
cents
entreprises,
en
Asie,
avec
le
Bengladesh

environ
sept
cents
entreprises
ont
été
privatisées.
En Afrique, les privatisations résultent certes de l'échec
des politiques de développement industriel mais elles ont
également été encouragées par les Etats-Unis d'Amérique;

350
ces derniers
n'ont-ils
pas
créé en
1984,
dans
le
cadre
d'un programme dénommé "ECONOMIC PRIVATE INITIATIVE" (EPI)
un fonds de 550 millions de dollars à la disposition des
pays africains qui a?cepteraient d:~pp~iquer une politique
libérale en la matière ? Coïncidence ou manipulation ? En
tout
cas,
la
volonté
américaine
de
faire
triompher
le
libéralisme économique ne fait aucun doute.
Depuis 1982,
les privatisations ont été réalisées selon des mbdalités
diverses,
comprenant la vente pure et simple,
la mise en
bail,
la
privatisation
de
la
gestion,
la
création
de
sociétés d'économie mixte.
De toutes ces formes,
les cas
de mise en bail ont été les plus nombreux en Afrique.
Entre 1984 et 1988, dans quinze pays en Afrique au sud du
Sahara et
totalisant
1460 entreprises
publiques,
70
ont
été
privatisées
pour
101
fermetures.
L'écart
entre
les
intentions et les réalisations est assez marqué puisqu'il
est de 1 à 5.
Au Togo,
huit sociétés non réhabilitables
ont été fermées:
parmi les 12 sociétés privatisées,
5 ont
été
cédées
à
100
%,
5
mises
en
location
gérance
et
2
transformées en société d'économie mixte.
Le Nigéria n'a
pas hésité à démanteler les "offices de produits de base
(the commodities and marketing boards) ..
Or,
compte
tenu
de
la
faiblesse
de
la
bourgeoisie
nationale en Afrique au sud du Sahara, la privatisation ne
favorise
pas
les
entrepreneurs
locaux
mais
les
groupes
privés
étrangers,
dont
la
mainmise
sur
les
économies
africaines
s'était
largement
développée
dans
les
années
70.
Du
reste
la
situation
financière
et
technique
de
bon
nombre
d'entreprises
est
telle~
que
les
repreneurs

351
nationaux n'ont pas les moyens financiers nécessaires ni
les compétences technologiques pour les réhabiliter. Ainsi
d'après
des
données
de
la
Banque
mondiale
et
du
Fonds
monétaire international,
les entreprises fermées
par les
Etats
sont
plus
nombreuses
que
celles
qui
ont
été
privatisées soit 101 contre 70.
Par exemple,
la remise à niveau de l'outil industriel de
la
société
sénégalaise
d'abbatage
aurait
coûté
200
millions de F CFA 118 à un repreneur national.
Dans
ces
conditions,
la
privatisation
affaiblit
l'Etat
vis-à-vis
du capital
étranger,
notamment
son pouvoir
de
coordination
et
d'orientation
de
l ' activi té
économique.
Enfin
la
privatisation
s'accompagne
de
coûts
sociaux
élevés;
souvent les repreneurs privés rechignent à garder
le
personnel
pléthorique
des
entreprises
publiques
et
l'Etat
lui-même
n'est
pas
en
mesure
de
financer
des
mesures
sociales:
reconversion
de
la
main-d'oeuvre,
redéploiement
vers
des
activi tés
similaires,
aide
à
la
création
d'entreprises
artisanales,
allocations-chômage,
formation de la main-d'oeuvre, etc ...
3 - Quelques études de cas
le Nigéria, le Kenya, Mada-
gascar et la Tanzanie
Des
raisons
liées
à
la
différence
des
régimes
socio-économiques
et
à
l'importance
respective
des
potentialités de développement militent en faveur du choix
de
ces
quatre
pays.
En
effet
le
Nigéria
et
le
Kenya
118. Source :Science et vie 6conomique. n· 38. avril 1988.

352
représentent
deux
pays
ayant
le
même
régime
socio-économique, marqué par le capitalisme d'Etat libéral
et
disposant
à
cet
égard
d'une
classe
moyenne
d'e:1trepreneurs
constituée
déj à
à
l'époque
coloniale
et
qui
apparaît
donc
comme
un
atout
pour
la
réussi te
des
programmes d'ajustement structurel inspires de l'idéologie
du
libéralisme
économique.
En
revanche,
la
Tanzanie
et
Madagascar
constituent
deux
petits
pays
dont
le
régime
socio-économique
s'inspire
du
modèle
de
l'économie
socialiste
et
dont
les
potentialités
de
développement
sont limitées.
Il est donc intéressant de confronter les
diagnostics,
les mesures et les résultats pour mettre en
évidence
l'enjeu
que
représente
la
restructuration
économique
imposée
par
les
poli tiques
d'ajustement
structurel.
a - Le Nigéria
Au Nigéria,
une série de distorsions économiques internes
et
externes
a
engendré
une
situation
économique
et
financière
cri tique.
Fin
1984,
la
dette
totale
du
pays
dont
le
1/3
représentait
la
dette
à
court
terme,
se
montait
à
20
milliards
de
dollars
US,
sous
forme
de
. créances
bancaires.
Parmi
les
facteurs
explicatifs
internes et externes de cette situation, prennent place:
une politique monétaire et fiscale laxiste,
une
croissance
des
salaires
plus
rapide
que
la
productivité,

353
une politique d' import-substi tution qui
a
favorisé
surtout les secteurs non compétitifs, notamment les
produits de luxe (alcool, tabac, voiture),
la
mise
en
oeuvre
de
mesures
défavorables
à
l ' agricul ture,
par
l'importation
massive
de
biens
alimentaires.
D'exportateur
d' huile
de
palme
dans
les années 60,
le Nigéria est devenu importateur en
1980,
une
politique
de
subvention
aux
engrais
et
aux
machines agricoles très coûteuse pour l'Etat,
soit
respectivement 85% et 50%,
une
poli tique
d'octroi
des
licences
complexes
qui
combinée à la surévaluation du taux de change de la
monnaie
nationale
(La
Naira)
a
fortement
accentué
les déficits extérieurs tout en générant des rentes
importantes sur le plan interne,
une diminution des recettes pétrolières passant de
plus de 20 milliards de dollars US en 1980 à moins
de 7 milliards en 1984.
Face à
cette situation,
le Nigéria conclut en septembre
1986
un
accord
de
crédit
avec
le
Fonds
monétaire
international
dont
la
contrepartie
lui
imposait
les
mesures suivantes
diminution
du
budget
d'investissement
de
5,3
milliards de dollars en 1986 alors qu'il avait déjà
baissé de 4 milliards en 1984 et de 5,8 en 1985.
réduction des subventions aux entreprises publiques
de 80% dans le budget de 1986.

354
rationalisation
et
simplification
des
tarifs
publics,
notamment
ceux
de
l'eau
et
de
l'électricité.
augmentation des taux d'intérêt.
relèvement des prix agricoles aux paysans.
suppression des subventions des produits pétroliers.
réduction des salaires de 20 % en 1986.
baisse
de
la
participation
de
l'Etat
dans
les
banques.
privatisation des investissements dans les secteurs
non stratégiques.
Présenté le
20
janvier 1988,
le
programme de privatisation porte sur 96 entreprises
publiques
classées
en
cinq
catégories
(49
entreprises
à
privatiser
de
façon
totale
et
regroupant
des
hôtels,
des
sociétés
agro-
alimentaires,
des
compagnies
d'assurance
et
des
sociétés de transport.
20 entreprises à privatiser partiellement,
c'est-à-
dire les banques,
les
journaux et
les entreprises
parapubliques telles que le Nigéria Airways.
9
sociétés
à
transformer
en
sociétés
d'économie
mixte
dont
la
compagnie
nationale
des
pétroles,
l'office des télécommunications.
18
sociétés
à
privatiser
partiellement,
l'Etat
conservant un droit de regard sur leur gestion.
Les revenus attendus des privatisations soit 35 millions
de dollars étaient loin de combler le déficit budgétaire
de
1988
qui
s'élevait
à
la
somme
de
deux
milliards
de

355
dollars US.
Mais la remontée du prix du baril du pétrole
brut
en
1990
offre
des
chances
d'amélioration
de
la
situation économique et financière du pays.
b - Le Kenya
Au Kenya,
les
années
70
se
caractérisent
par
la
montée
d'une série de difficultés:
l'industrie s'essouffle tombant en-dessous
des 9%
de la croissance de la décennie précédente.
les
cultures
vivrières
stagnent
ainsi
que
les
exportations des cultures industrielles.
la dette extérieure ne cesse de croître passant de
+5% des exportations en 1975 à + de 15% en 1981 pour
se situer à + de 25% en 1983.
En raison donc de la crise de la balance des paiements, le
gouvernement adopte une série de mesures dont notamment:
le contingentement de fait des importations ce qui
va
asphyxier
le
secteur
manufacturier
qui
dépend
pour
son
fonctionnement
de
l'importation
d'inputs
intermédiaires.
la protection de l'industrie nationale par élévation
des barrières douanières.
la
dévaluation
du
shilling
soit
trois
fois
en
l'espace de deux ans.

356
Les effets de ces mesures seront renforcés par la remontée
en 1986 des cours du café, de sorte que l'économie kenyane
a
retrouvé
une
croissance
rapide.
Le
secteur
agro-
exportateur, et le secteur industriel se modernisent grâce
aux multinationales et aux entrepreneurs locaux,
le plus
souvent associés dans des opérations de joint-ventures ou
de sous-traitance.
c - Madagascar
L'explosion de la dette extérieure du pays à
concurrence
de
2
milliards
de
dollars
en
1986
résulte
de
l'action
combinée de plusieurs facteurs:
i l y eut d'abord les mutations politiques internes
marquées
par l'avènement d'un régime socialiste et
de la nationalisation de l'appareil de production,
ensuite
le
départ
de
la
zone
franc
a
tari
les
sources
de
financement
publics
extérieurs
et
favorisé un recours à des emprunts bancaires dont le
taux d'intérêt étaient très élevé.
De juillet 1980 à
juillet 1986,
le gouvernement malgache
va mettre en oeuvre une série de mesures avec le concours
du Fonds monétaire international
dévaluation du franc malgache de 15% en 1982,
puis
de 25% en 1986 et 50% en 87.
augmentation de 15 % des prix du riz au producteur.
hausse des prix des produits pétroliers de 80%.

357
réduction des salaires de 10 % en 1984.
arrêt des investissements nouveaux;
libéralisation
de
l'économie
avec
la
promulgation
d' un
nouveau
code
des
investissements
le
18
juin
1985.
Le
système
du
compte
dit
des
Entreprises
publiques
industrielles
permet
à
celles-ci
de
disposer
d'une
partie
de
leurs
recettes
d'exportation.
En
termes
de
résultats,
le
déséquilibre
des
opérations
globales est
passé de
18,2
% du
PIE
en 1980
à
4,7%
en
1985; le déficit de la balance commerciale de 252 millions
de Droits de tirage spéciaux en 1980 119 a été totalement
résorbé
en
1985,
enfin
les
capacités
de
financement
du
service de la dette sont passées de moins 108 millions de
DTS en 1982 à plus de 112 millions en 1985.
d -
La tanzanie
Après une décennie marquée par l'application d'un modèle
de développement original
basé
sur
les
"UJAMAA"
le pays
connaîtra à partir de 1974 une crise marquée par :
la chute des rentrées de devises et l'épuisement des
réserves,
le recours aux crédits extérieurs et à l'importation
de biens de consommation,
119. Les
DTS
r~sultant
de
ls
r~forme mon~taire internstionale
sont
des
unit~s
de
compte
circulant entre Banques centrales et dont ls vsleur est constitu~e par la moyenne pond~r~e
de 14 monnsies appartenant à des pays dont la valeur des exportations repr~sente plus de 1
% du commerce mondial.

358
la mise en oeuvre de la stratégie des industries de
base
(Basic
industrial
strategy)
qui
entraJ:ne
la
création
d'un
secteur
national
de
biens
de
production complémentaire à la réforme agraire,
la guerre contre l'Ouganda en 1979 dont le coût est
évalué à un million de dollars.
A partir
de
septembre
1980,
la
Tanzanie réagit
à
cette
situation par différentes
mesures,
d'abord
par . le' "plan
national de survie économique" par lequel elle a cherché à
mobiliser,
mais
en vain,
ses
ressouces
internes
pour
le
substituer
aux
apports
extérieurs;
ensuite
à
partir
de
1984, le pays s'engage dans une politique d'ajustement qui
sera appuyé par le FMI en avril 1986 :
dévaluation du shilling de 33 %
réduction des dépenses sociales
suppression des subventions des denrées de première
nécessité
augmentation des prix au producteur de 80 % pour les
cultures vivrières de base,
libéralisation du commerce intérieur.
A
partir
de
ces
études
de
cas,
on
peut
tirer
les
conclusions suivantes :
Quel que soit le régime socio-économique en vigueur
dans
le pays,
les causes
des
difficultés
des pays
africains
proviennent
à
partir
de
1974
de

359
déséquilibres
extérieurs
et
de
distorsions
économiques internes.
Les
mesures
appliquées
avec
le
concours
du
Fonds
monétaire
international
et
de
la
Banque
mondiale
varient peu d'un pays à un autre; elles vont dans le
sens
d'une
plus
grande
libéralisation
par
la
politique
des
prix,
des
investissements,
de
promotion des secteurs exportateurs.
La
corrélation
entre
politique
d'ajustement
et
assainissement
financier
est
plus
forte
dans
tous
les
cas
que
celle
qui
existe entre
aj ustement
et
croissance économique; dans cet ordre d'idées, seuls
les pays comme le Nigéria et le Kenya qui
ont un
secteur
manufacturier
plus
développé
et
qui
ont
bénéficié dans l'intervalle de la hausse inattendue
des
cours
de
matières
premières
(pétrole
pour
le
Nigéria,
café
pour
le
Kenya,
ont
pu
réaliser
des
performances économiques notables;
en fait,
ils ont
été aidés à cet égard par leur degré d'ouverture sur
l'extérieur.
4 - Les effets des programmes d'ajustement structurel
D'après
les
indications
de
la
Banque
Mondiale
pour
les
années
85
et
87,
les
effets
varient
selon
les
pays et
selon
les
secteurs;
les
pays
producteurs
de
pétrole
se
trouvent
dans
une
situation plus
ou
moins
favorable
en
dépi t
de
la
baisse
du
brut
à
10
dollars
le
baril
en
juillet
1986.
Mais
à
partir
de
septembre
1990,
la
situation
devait
s'améliorer
pour
les
pays
africains
producteurs de pétrole avec des prix du brut atteignant

360
les
40
dollars.
Par
exemple,
selon
certains
experts
120
avec un baril à 25 dollars,
le gain pour un pays comme le
Gabon pourrait
atteindre
les
150
milliards
de
F CFA
en
1991
par
rapport
à
1990;
en
revanche,
les
perspectives
économiques
paraissent
peu
encourageantes
au
Bénin,
au
Burkina-Faso,
au
Mali,
au
Niger,
en
République
Centrafricaine,
au Tchad et en Mauritanie.
Au Malawi,
à
l'Ile Maurice et au Togo où les réformes se sont succédé,
on note une
amélioration de la si tuation~
les
résultats
sont plus mitigés au Soudan, en Somalie et au Zaïre,
mais
la situation de ées pays risque de s'aggraver si les prix
du pétrole venaient à se maintenir à un niveau élevé.
Les résultats les plus sensibles ont été obtenus dans les
domaines suivants
Réduction
des
déficits
budgétaires
et
des
transactions courantes.
Au Sénégal,
le déficit budgétaire général est tombé
de
4,6%
du
PIB
en
1983/84
à
2,3%
en
1985/86;
le
défici t
de
la
balance
courante
transferts
publics
non compris,
a décru de 30% passant de 183 millions
de dollars en 1983 à 128 millions en 1986.
Au Togo,
fin 1985,
le déficit global a été ramené à
6,61% du PIB alors qu'il était de 8,7% en 1982: mais
si l'on tient compte des dons,
le déficit est passé
de
6,9%
à
l, 7%,
quant
au déficit
des
transactions
courantes (dons exclus),
i l a été ramené de 17,5% à
14,9% et compte tenu des dons de 9,2% à 6,4%.
120. ln le Quotidien le Monde du 26 Septembre 1990. p.
10.

361
Réduction
des
taux
d'inflation:
par
exemple
au
Sénégal,
on est passé de 12,60% en 1980 à
7,5% en
1986.
Relance de la production industrielle de l'ordre de
4% pour l'année 1986 au Sénégal.
Rationalisation
de
la
gestion
des
entreprises
publiques
stratégiques
et
amélioration
de
l'environnement institutionnel.
Amélioration
du
recouvrement
des
impôts
et
accroissement subséquent des recettes fiscales.
Mais
ces
résultats
positifs
se
sont
accompagnés
de
nombreux effets pervers :
Diminution des capacités de financement consécutive
au remboursement
de
la dette extérieure.
Ainsi
le
transfert net de ressources est devenu négatif pour
les
pays
importateurs
de
capitaux
depuis
1983
et
représente,
selon
les
statistiques
de
l'ONU,
31
milliards de dollars pour l'année 1985 alors qu'il
était de 0,3 milliard de dollars en 1983 contre 12,5
en
1984,
de
même
vis-à-vis
du
Fonds
monétaire
international,
le
flux
net
de
prêt
est
devenu
négatif et est évalué à 0,2 milliard de dollars.
Stagnation ou diminution du
taux de croissance du
PIB réel.
Accroissement du chômage urbain dû au ralentissement
de la croissance et aux mesures d'austérité touchant
les fonctions publiques. Par exemple au Sénégal, les

362
délestages prévus dans la fonction publique d'ici à
1992 pourraient toucher 13000 personnes 121.
Dégradation des conditions sociales: en Gambie,
par
exemple, la part des dépenses consacrées à la santé
dans
le budget est revenue de
9,7% en 1985-1986 à
5,7%
en
1987-1989,
soit
moins
de
2%
en
PNB.
En
revanche,
le
service
de
la
dette
représentait
en
1989 plus de 30% du budget,
la conséquence directe
de
cette
situation,
s'exprime
par
l'arrêt
de
la
construction
d'hôpitaux
et
de
dispensaires;
l'entretien
et
le
fonctionnement
des
équipements
sanitaires
existants
ont
été
réduits
de
35%,
le
recrutement et la formation du personnel suspendus,
l'approvisionnement en médicaments fondamentaux pour
la
lutte contre la mortalité infantile,
compromis.
En Afrique
les dépenses de
santé par habitant ont
diminué
dans
47%
des
pays,
celles
relatives
à
l'éducation
dans
43%.
Parmi
les
pays

les
réductions les plus sévères sont intervenues de 1979
à
1983
dans
les
domaines
de
la
santé
et
de
l'éducation on trouve:
*
Le Ghana,
avec -15,8 % pour la santé et -9,5%
pour l'éducation.
Le PIB lui-même a
subi une
régression de 4,4% de 1980 à 1985.
*
Le Malawi avec respectivement -9,8% et +7%; le
PIB étant de -1%.
*
Le Soudan,
avec -9,5% et -16,8% entre 1980 et
1985, le PIB a accusé une baisse de 2,6%.
121. Le Monde. 12 Décembre 1989. p. 30.

363
* Le Togo: -7,5% et +3,3% et -3,7% pour le PIB.
* Le Libéria
-6,9% et -0,6%
;
-7,1% pour le
PIB.
* Maurice: -6,6% et - 7,7 % 122
Dans l'ensemble si des résultats positifs ont été obtenus
dans
le
domaine
de
la
stabilisation
financière,
en
revanche
la
situation
économique
et
sociale
des
pays
d'Afrique s'est nettement détériorée.
C'est pourquoi des
mesures
complémentaires
d'accompagnement
économiques
et
sociales ont été testées et mises en oeuvre dans certains
pays.
5 - Les mesures d'accompagnement économiques et sociales
Ces mesures sont d'ordre économique, financier et social.
Au cours de l'exercice 1987,
la Banque mondiale a accordé
des
facilités
supplémentaires
pour
les
pays
les
plus
endettés
dont
la
Côte
d'Ivoire
et
le
Nigéria
pour
un
montant de 789 millions de dollars.
Des
mesures
spécifiques
ont
été
prises
depuis
ou
sont
actuellement
envisagées
dans
un
certain
nombre
de
pays
tels que la Guinée,
le Sénégal,
le Mali,
le Bénin et le
Niger, avec l'appui de la Banque Mondiale,
l'USAID, de la
Banque
africaine
de
développement,
du
Programme
des
Nations-Unies
pour
le
développement
et
de
la
Caisse
Centrale
de
coopération
économique:
il
s'agit
122. Source: ONU (1985).

364
principalement
d'assurer
la
reconversion
des
fonctionnaires
vers
le
secteur
privé
en
favorisant
la
création de nouvelles entreprises et de mieux déterminer
l'impact
des
programmes
sur
les
différentes
couches
sociales.
a - L'expérience guinéenne
Avec
une
population
évaluée
à
5
millions
et
1/2
d'habitants,
la
Guinée
comptait
environ
20000
à
30000
agents dans les entreprises publiques,
60000 à 70000 dans
l'administration
et
15000
à
20000
personnes
dans
les
Forces Armées soit au total entre 95000 et 120000 agents.
Pour l'année 1985,
les
dépenses de
personnel
ont accusé
une augmentation de 40%,
passant de
4,9 milliards à
6,9
milliards de silys 123
C'est
pourquoi
le
pays
a
pris
des
mesures
en
1987
destinées à réduire les effectifs de la fonction publique
et à
assurer au besoin leur reconversion dans le secteur
privé.
Les éléments du programme guinéen
Le
PSDV
(le
programme
spécial
des
départs
volontaires)
Le BARAF (le bureau d'aide à la reconversion des
agents de la fonction publique).
123. sylia équivalait l 10 F CFA.

365
Le PSDV
Il
comporte
des
dispositions
réglementaires
et
une
procédure
administrative
spéciale
pour
organiser
la
radiation définitive
des
agents
de
la
fonction
publique
ci-après :
Les
agents
en
disponibilité
spéciale
c'est-à-dire
des
entreprises
publiques
dont
les
acti vi tés
sont
arrêté~s ou dissoutes et qui continuent à percevoir
leur salaire pendant un an avant leur licenciement.
Les agents en situation de pré-retraite.
Les
agents
en
activité
mais
qui
sont
volontaires
pour quitter la fonction publique.
Les dispositions
prévues pour ces différentes catégories
s'articulent autour des points suivants:
Les
agents
perçoivent. une
prime
de
départ,
selon
deux formules échelonnées dans le temps, équivalente
à
60
fois
leur
dernière
solde;
le
tiers
de
cette
enveloppe
est
versée
à
l'agent
au
moment
de
son
départ.
Les
2/3
sont
versés
partiellement
ou
totalement lorsqu'il s'agit de constituer un apport
personnel
et
de
l'investir
dans
un
projet
de
création
d'une
activité
économique
comportant
une
demande de prêt bancaire.
Lorsque ces projets reçoivent le visa du BARAF,
les
promoteurs bénéficient des avantages suivants :

366
*
Exonération sur les BIC,
TPS,
TCA 1~ et taxe
d'enregistrement pendant une période de trois
ans.
* Exonération
des
droits
et
taxes
sur
les
importations de biens d'équipement sur 18 mois
pour
les
projets

l'investissement
est
inférieur
ou
égal
à
10
millions
de
francs
guinéens.
* Procédure allégée de délivrance des agréments.
Un système de
financement et de garantie
pour
les
prêts qui
seront consentis par les banques privées
aux anciens agents de la fonction publique
(lignes
de crédit mises en place par les bailleurs de fonds:
IDA, CCCE, MEF, BANQUE.
Le BARAF
Institué par décret
présidentiel,
le BARAF a
été ouvert
officiellement
le
4
mai
1987
et
exerce
les
fonctions
suivantes:
Accueillir
les
agents
de
la
fonction
publique
candidats
à
la
réalisation
de
projets
d'investissements,
examiner
la
viabilité
de
leur
projet
et
proposer
éventuellement
de
meilleurs
orientations.
124, BIC:
Bénéfices Industriels et Commercisux;
TPS:
Taxe de Prestation de Services;
TCA:
Taxe
sur
le
Chiffre
d'Affaires;
IDA:
Agence
Internationale
de
développement;
CCCE:
Caisse
Centrale de Coopération Economique; MEF: Minist~re de l'Economie et des Finances.

367
Vérifier la
conformité des
dossiers
de
demande
de
financement
tout
en
apportant
une
assistance
technique à la confection des dossiers.
Suivre les dossiers et assister les promoteurs par
des conseils.
Le BARAF bénéficie d'une assistance technique extérieure
confiée à un groupe de consultants (SEDES, EUROSEPT,
ICA).
Sur le plan financier,
l'opération guinéenne est soutenue
principalement
par
l'IDA
et
la
Caisse
centrale
de
Coopération économique respectivement pour 4170000 de DTS
et 45000000 de FF.
Les
fonds
de
l'IDA
servent
au
refinancement
des
prêts
accordés
par la BICIGUI
125
aux
petites entreprises
pour
l'acquisition de biens d'équipement ou pour des besoins de
fonds de roulement en devises;
la taille des projets doit
varier
de
100000
à
300000
dollars;
sont
exclues
du
bénéfice
de
ce
refinancement
les
activités
agricoles,
immobilières et commerciales.
Les
crédits
de
la
Caisse
Centrale
de
Coopération
Economique
sont
prévus
pour
des
projets
plafonnés
à
1
million de FF; les activités immobilières en sont exclues.
En plus de ces fonds,
i l existe un Fonds de contre-partie
mobilisé
par
la
Banque
centrale
pour
permettre
le
refinancement de
la
composante en monnaie
nationale des
projets d'investissements;
i l a été doté au départ de 500
125. Banque Internationale pour le commerce et l'industrie en Guinée.

368
millions de francs guinéens et devra être ensuite alimenté
par un prélèvement de 5% sur le montant des prêts.
Au 16.11.87 c'est-à-dire après six mois de fonctionnement,
le BARAF a obtenu les résultats suivants:
Il a
accueilli
883 agents de la
fonction publique
concernés par le PSDV soit 15% des effectifs traités
par
le
sous-commission
technique
des
départs
volontaires.
Il
a
aidé
à
la
préparation
de
282
dossiers
de
projets d'investissements transmis aux banques pour
un investissement moyen de 10,8 millions de francs
gu~neens
par
entreprise
et
5
emplois
créés;
les
principaux secteurs
représentés
se répartissent de
la façon suivante:
Transport : 44 %
Agriculture-élevage
16 %
Pharmacie : 8 %
Briqueterie
4 %
La
Banque
centrale
a
donné
son
accord
pour
les
142
premiers
dossiers
présentés
par
une
ligne
de
crédit
de
9250000 FF de la Caisse Centrale de Coopération Economique
et 122 millions de francs guinéens.
Enfin, on peut noter que sur un effectif de 200000 agents
éligibles
aux
prestations
du
BARAF,
15
%
de
cette
populations ont contacté le BARAF dont 95 % ont une idée
précise de projet.
Au
15.03.88,
le
bilan des
activités
du
BARAF
s'établit
comme suit:

369
1404 dossiers ont été étudiés dont
590 ont été transmis
aux
banques
soit
42%
des
dossiers
ouverts
représentant
2800 emplois potentiels et un investissement global de 5,6
milliard de
francs
guinéens dont
4,5
d'emprunt.
Sur ces
dossiers,
344
ont
été
financés
soit
60%
qui
se
répartissent selon les secteurs de la manière suivante:
Transports
42,7 %
Aviculture
12,5 %
Bar-restaurant
7 %
Pharmacie
6,6 %
Parpaing
4,7 %
Pêche
2,6 %
Agriculture
2,3 %
Décorticage
2,3 %
Il apparaît que l'action du BARAF n'a touché que 3 % des
effectifs à
réduire et que
les crédits octroyés
l'aient
été
à
concurrence
de
42,7
%
dans
le
secteur
des
transports;
de
12, 5
%
dans
l'élevage
c'est-à-dire
l'aviculture et de 2, 3% dans l'agriculture.
L'importance du secteur transport aurait eu pour origine,
entre
autres,
la
préférence
des
organismes
financiers
impliqués dans le BARAF pour des opérations où des "gages"
pouvaient
être
pris
à
titre
de
garantie.
La
faiblesse
relative
des
projets
agricoles
témoigne
des
distorsions
qui
caractérisent
les
objectifs
et
les
réalisations;
en
effet
depuis
juin
1987,
près
de
243
dossiers
agricoles
avaient été initiés par le BARAF soit 21,5 % de l'ensemble
des dossiers déposés. Or seuls 45 ont été agréés soit 18 %
environ.

370
Plus
de
la
moitié
de
ces
projets,
intéressaient
l'aviculture,
7% c'est-à-dire 3 projets
l'agriculture et
20 % pour l'agro-industrie principalement l'acquisition de
décortiqueuses.
Or,
il
semble
que
dans
le
domaine
avicole,
plusieurs
grands projets prévus à court terme soient susceptibles de
contribuer
non
seulement
à
améliorer
les
conditions
de
production, mais aussi à réduire la part de marché qui est
actuellement réservée aux futurs promoteurs du BARAF.
Dans le domaine agricole, une attention soutenue aurait dû
être accordée à
divers proj ets de production de café et
d'huile
de"
palme
en
zone
forestière,
aux
cultures
maraîchères
qui
sont
d'un
bon
rapport,
aux
productions
frui tières en
Guinée maritime et
aux
cultures
vivrières
tels que le riz,
le manioc,
et le maïs d'autant plus que
les
investissements
dans
ce
secteur
sont
relativement
moins
élevés
( 10
millions
de
francs
guinéens
par
fonctionnaire pour les plus importants).
Apparemment, en 1985, la solution reposait sur une réforme
administrative

l'éducation
et
la
santé
primaires
seraient
décentralisées
et
prises
en
charge
au
niveau
territorial.
Mais
cette
réforme
n'a
pas
vu
le
jour,
les
effectifs
n'ayant
pas
été
abaissés
selon
les
prévisions
des
programmes d'ajustement.
b - L'expérience malienne
Dans le cadre de son programme de réforme économique,
le
Mali
a
décidé
de
réduire
les
dépenses
de
personnel
qui

371
représentent pour l'année 1987 la somme de 41,2 milliards
de F.CFA soit 62,9% des dépenses budgétaires. Près de 1200
personnes sont concernées par des mesures de réduction et
de reconversion dans
le secteur privé.
Engagée
en 1987,
cette
opération
a
touché
210
fonctionnaires
de
la
catégorie B;
396
autres
départs
sont prévus
d'ici
à
fin
juin 1988 soit au total 600 personnes.
Appuyé
par
un
financement
de
l'USAID,
ce
programme
comporte des me5ures d'incitation financières au départ et
un
dispositif
de
crédit
visant
à
faciliter,
sans
le
garantir
l'accès
au
crédi t
des
fonctionnaires
qui
souhaitent obtenir un financement pour un projet.
le financement de l'USAID comporte trois volets:
Un "fonds d'indemnisation de départ et de sécurisation de
la retraite" permettant de verser des primes de départ aux
fonctionnaires
volontaires;
cette
prime
varie
selon
la
catégorie du fonctionnaire elle est de :
4 millions de F CFA pour la catégorie A
2,5 millions pour la catégorie B
1,7 millions pour la catégorie C.
A cette
prime
s' aj oute
soit
le
remboursement
en espèces
des cotisations versées à la Caisse Malienne de retraite,
soit la garantie de versement de la pension à
compter de
l'âge de la retraite.
Un fonds d'étude pour le financement à concurrence de 50%
des frais d'étude nécessaires à la préparation d'un projet
de création d'entreprise (250000 CFA par bénéficiaire).

372
Un fonds de garantie à concurrence de 50% pour les crédits
consentis par les banques aux fonctionnaires
(5 millions
de F.CFA par bénéficiaire).
Il
semble
qu'un
grand
nombre
de
ces
fonctionnaires
souhaitent créer des petites entreprises notamment dans le
secteur agro-pastoral mais la réussite de l'opération se
heurte à deux difficultés majeures:
La mauvaise préparation des projets et les réticences des
banques en raison des
défauts de maîtrise
technique,
de
l'absence d'encadrement et de formation des intéressés à
la gestion.
Il est prévu par le Ministère français de la coopération
un programme d'appui
de
20.000.000
FF
(1
milliard
de
F
CFA) pour le financement de cette année de 300 départs.
Ce nouveau projet
a
pour objet d'amplifier le
flux
des
départs
dès
cette
année,
de
mieux
les
préparer,
d'améliorer l'accueil,
l'orientation et la formation des
partants à la gestion.
c - L'expérience sénégalaise
Le Sénégal s'est engagé depuis
le début des
années
1980
dans
une
politique
de
réinsertion
des
immigrés
et
de
création
d'emplois
en
faveur
des
victimes
des
mesures
d'ajustement structurel et des chômeurs.
A cet
effet
trois
types
de
programmes
ont
été
mis
sur
pied; le premier comporte des mesures de réinsertion avec
l'aide de
la Caisse Centrale de Coopération économique;
deux lignes de crédit d'un montant total de 13 millions de
FF ont permis de financer une trentaine de projets sous le

373
couvert
de
la
Banque
Nationale
de
développement
du
Sénégal.
Parmi
les
mesures
d'accompagnement
mises
en
place, il faut noter
la création d'un Fonds de garantie et d'études,
l'investissement pour le fonctionnement d'un Bureau
d'appui,
d'orientation et de
suivi
des
actions
de
réinsertion, rattaché au Ministère des Emigrés,
les
concertations
périodiques
sur
le
plan
institutionnel
entre
les
organismes
français
et
sénégalais concernés par la réinsertion.
Ce
programme
a
touché
500
personnes
qui
ont
bénéficié
chacune d'une indemnité de 5 millions de F CFA.
Le deuxième programme qui couvre la période 88-90 porte
sur près de 12.000 personnes et a pour objet la création
d'emplois
en
faveur
des
victimes
des
politiques
d'ajustement
et
des
chômeurs;
cette
population
est
hétérogène et se répartit de la façon suivante:
650 à 1000 jeunes diplômés
1700 à 1800 déflatés des Sociétés de Développement
Régional (SDR)
300 à 400 émigrés sénégalais
3000
personnes
menacées
par
les
mesures
de
restructuration
3000
fonctionnaires
à
réinsérer
dans
le
secteur
privé.

374
Sur le plan institutionnel,
ce programme s'appuie sur les
éléments suivants
Création d'un FONDS NATIONAL POUR L'EMPLOI
Mise en place de
la
DELEGATION
AL' INSERTION,
A LA
REINSERTION ET A L'EMPLOI auprès du Secrétaire général de
la Présidence
Le coût global de ce projet est évalué à 28 milliard de F
CFA pour assurer la réinsertion de 3750 personnes et la
reconversion
de
4000
autres.
La
Banque
Mondiale
et
la
Banque africaine de développement affecteront 13 millions
de dollars à ce projet.
Actuellement, 3000 personnes ont été déjà recensées et le
Gouvernement sénégalais a
identifié un volet priori taire
dont
le
coût
est
estimé
à
5,3
milliards
de
F
CFA,
correspondant
à
900
projets
qui
ont
déjà
fait
l'objet
d'étude.
Pour
assurer
la
réussite
de
l'opération,
c'est-à-dire
favoriser la création des PME,
les dispositions suivantes
ont été prises:
Réforme
du
système
bancaire
et
surtout
simplification de la procédure de mobilisation des
financements.
Concertation
entre
les
institutions
financières
spécialisées (SONEPI, SOFISEDIT, SONAGA, BNDS) 126
Mise en oeuvre du nouveau code des investissements
126. BNDS:
Banque Nationale de D~veloppement du S~n~gal; SONAGA: Soci~t~ Nationale de Garantie;
SOFISEDIT: Soci~t~ Financi6re S~n~galai8e.

375
Mise en oeuvre de la réforme du code de travail
Extension des domaines industriels;
Si l'on évalue les programmes sénégalais à partir du bilan
du
FONDS
NATIONAL
D'EMPLOI,
i l
apparaît
que
les
financements ont été surtout concentrés sur les transports
et
la
boulangerie
soit
60
% de
l'ensemble
des
crédits
(4,333 milliards de F. CFA).
En outre les modalités des
refinancements
ont
imposé de
lourdes
charges
à
l'Etat
qui
en
supporte
30%
et
qui
subventionnent la SONAGA à plus de 30 % des financements
globaux;
or il
semble que le montant des
projets SONAGA
ait
connu
une
progression
croissante
qui
ne
paraît
résulter que de ses propres initiatives.
Le troisième projet a été financé par le PNUD, la BAID 127,
et
la
BANQUE
MONDIALE,
dans
le
cadre
de
la
"FACILITE
REGIONALE" au cours de l'année 87. Ce projet visait trois
buts principaux :
Réaliser
une
enquête
auprès
des
ménages
en
vue
d'appréhender les conditions de vie des différents groupes
de la population et à en suivre l'évolution.
Réaliser
une
série
d'études
socio-économiques
en
profondeur avec un accent sur les aspects suivants:
Profil de
la
pauvreté et
identification des
groupes
cibles.
Nutrition et sécurité alimentaire.
127. PNUD
:
Programme
des
Nations-Unies
pour
le
développement;
BAD:
Banque
Africaine
de
développement.

376
Relation
éducation.
Revenue
et
demande
de
service
d'éducation.
Rôle des femmes dans le développement, etc ...
Mettre en place un programme de réformes de politique
sociale comportant des actions prioritaires à court terme
pour les catégories les plus vulnérables de la population
et
des
actions
à
long
terme
pour
favoriser
la
participation des catégories à bas revenu au processus de
croissance économique.
d - Le projet beninois
Pour renforcer le tissu économique à travers la promotion
de
petits
investissements
productifs
et
injecter
des
liquidités
dans
l'économie,
le
Gouvernement
béninois
envisage
de
reconvertir
entre
1988
et
1991
2500
fonctionnaires dans le secteur privé selon le rythme ci-
après :
300 en 1988
800 en 1989
800 en 1990
600 en 1991
Ce projet sera financé par la BM,
Le PNUD et la BAD pour
un montant de 11,3 milliards de F CFA.
Sur
le
plan
institutionnel,
i l
sera
créé
une
structure
légère à caractère professionnel et qui serait en relation
avec un centre d'aide à
la gestion.
Par cette mesure de
reconversion
l'Etat
béninois
réaliserait
une
économie
budgétaire de 2,5 milliards de F CFA.

377
e - Le projet nigérien
Pour relancer le secteur privé, le Gouvernement nigérien a
mis sur pied "le PROGRAMME D'APPUI AUX INITIATIVES PRIVEES
ET A LA CREATION D'EMPLOI (PAIPCE).
Ce
programme
a
pour
objectif
de
moderniser
le
secteur
informel, d'apporter des appuis aux industries en place et
d'assurer
la
formation
des
futurs
entrepreneurs.
Depuis
mars 1988,
le Niger met l'accent sur la reconversion des
agents
de
la
fonction
publique.
Sur
200
départs
prévus
pour cette année,
42
projets
ont
été examinés
pour
les
secteurs des services,
de l'agriculture,
de l'élevage,
et
les actions commerciales.
Le dispositif institutionnel chargé de conforter le projet
se compose des éléments suivants:
Le
centre
d'Animation-Formation
qui
assure
à
tout
candidat au départ de la fonction publique ou à tout
,
jeune diplômé un stage de 4 mois;
le CAF travaille
en
collaboration
avec
le
centre
national
de
perfectionnement à la gestion.
La Compagnie d'Ingénierie financière qui a pour rôle
de
favoriser
la
création
et
le
développement
d'activités
agro-pastorales,
commerciales,
industrielles,
financières
et
de
services
en
renforçant
l'assise
financière
des
entreprises
existantes ou
nouvelles.
Le fonds d'aide aux études destinées à préfinancer
les
frais
d'études
des
proj ets
à
concurrence
de
600.000 F CFA.

378
Le
fonds
de
garantie
destiné
à
garantir
partiellement
les
risques
d'investissements
consentis par les banques;
ce fonds interviendra à
concurrence de 50% du crédit accordé et ne pourra
garantir une somme supérieure à 5 millions de F CFA
par promoteur.
l'office de promotion de l'Entreprise nigérienne.
d'après les premières évaluations, il semble que le PAlPCE
présente
un
certain
nombre
de
lacunes
et
de
fonctionnements:
Des divergences entre le Ministère des Finances,
le
Ministère du Plan sur le rôle que doit assumer la
Chambre de commerce.
La multiplication des intervenants.
La création d'un nouvel établissement financier (le
ClFlN) ne s'impose pas.
Sur le plan financier,
le projet n'est pas bouclé;
par
exemple
l'aide
canadienne
reste
encore
incertaine pour le financement du fonds de garantie.
Qu'il
s'agisse de
la Guinée,
du Sénégal,
du Mali
et du
Niger,
les divers programmes d'accompagnement des mesures
d'ajustement
structurel
et
qui
visent,
au
delà
de
l'insertion de la réinsertion ou de la
reconversion des
travailleurs,
des
jeunes
diplômés
et
des
chômeurs,
à
développer
le
tissu
productif
de
ces
pays
semblent
se
heurter à diverses contraintes qui requièrent de ce fait
une attention particulière en amont de tout processus de
réajustement :

379
La
réticence
des
banques
privées
à
financer
des
projets productifs comme en témoigne la prédominance
des transports dans le bilan des réalisations.
Le manque et l'absence de formation des partants à
la gestion.
Le manque de maîtrise technique des projets par les
promoteurs.
L'absence de bureaux d'études locaux pouvant aider à
la définition,
à la conception,
et à la réalisation
des
projets
en
tenant
compte
des
réalités
socio-économiques africaines.
Le
manque
de
souplesse
des
procédures
administratives.
Le coût relativement élevé de ces programmes.
Les charges que supportent les Etats directement ou
indirectement
pour
les
refinancements
des
crédits
accordés par les banques privées.
Les taux élevés des prêts octroyés aux promoteurs de
PME.
Outre
ces
difficultés,
l'absence
de
réformes
globales
visant
les
systèmes
éducatifs africains,
la
reconversion
des mentalités,
la création de nouvelles attitudes vis-à-
vis du
travail,
la réduction des
inégalités
sociales et
régionales, la création d'espaces d'interpénétration entre
les élites administratives et économiques,
accédant ainsi
au même langage et à
la même éthique professionnelle,
le
redéploiement des ressources matérielles et humaines vers

380
les
centres
d'impulsion
de
la
croissance
économique,
l ' harmonisation
des
poli tiques
de
développement
sur
les
plans
régional
et
sous-régional
paraissent
limi ter
singulièrement
la
portée
des
programmes
et
des
mesures
envisagées.
Il
importe
donc
d'évaluer
les
perspectives
de
développement ouvertes à l'Afrique par le Plan d'Action de
Lagos
et
le
Programme
Priori taire
de
redressement
économique
pour
la
période
1986-1990.
Adopté5
dans
les
années 80 grâce à une volonté politique bien affirmée, ces
programmes
sont-ils
porteurs
d'une
dynamique
de
restructuration
plus
puissante
que
les
programmes
d'ajustement structurel?
Section
2
-
Le
plan
d'action
de
Lagos
et
le
programme
priori taire de redressement économique de l'Afrique pour
la période 1986-1990"
Les réactions collectives des Etats Africains,
aux effets
persistants
de
la
récession
économique
engendrée
principalement par les deux chocs pétroliers de
1974 et
1978 sont nées en même temps que les mesures d'ajustement
structurel
inspirées par
la Banque .Mondiale et le Fonds
monétaire
international.
Elles
furent
préparées
par
une
série de rencontres: d'abord par le "colloque de Monrovia
sur
les
perspectives
du
développement
de
l'Afrique
à
l ' horizon
2000"
par
la
"Déclaration
de
Monrovia
d'engagement
des
chefs
d'Etat
et
de
gouvernement
de
l'organisation
de
l'unité
africaine
sur
les
principes
directeurs à respecter et les mesures à prendre en faveur
de
l'autosuffisance
nationale
et
collective
dans
le

381
développement
économique
et
social
en
vue
de
l'instauration
d'un
nouvel
ordre
économique
international " .
De
ces
deux
rencontres,
sont
issus
le
"Plan d'Action du Lagos" pour le développement économique
de l'Afrique adopté par la conférence des chefs d'Etat et
de gouvernement en avril 1980 et le "Programme prioritaire
de redressement économique" adopté en juillet 1985.
Quelle
est
la
philosophie
de
ces
documents
?
Quelles
mesures préconisent-ils? Quel est leur degré d'adéquation
aux
exigences
de
développement
du
continent
Africain
?
tels
sont
les
principaux
axes
de
réflexion
qu'appelle
l'évaluation
des
nouvelles
stratégies
adoptées
par
les
Etats africains.
1 - Le Plan d'Action de Lagos et la nouvelle philosophie
de développement de l'Afrique
A la différence des programmes d'ajustement structurel, le
"Plan
d'Action
de
Lagos
et
le
programme
priori taire
de
redressement économique" traduisent une volonté collective
des Etats Africains indépendants de faire face ensemble au
défi du développement par une stratégie concertée dans le
cadre
de
l'organisation
de
l'Unité
Africaine.
Cette
nouvelle
stratégie
procède
de
trois
phénomènes
une
nouvelle approche théorique du développement, une nouvelle
définition du cadre politique et d'action, et la nécessité
de la construction de la communauté économique africaine.
Ces
nouvelles
perspectives
marquent
sans
conteste
un
tournant dans l'histoire de l'OUA; aussi convient-il d'en
manifester
l'importance
par
un
bref
rappel
des
actions
antérieures de cette organisation.

382
a - Bref rappel historique
Lors de la création de l'OUA en mai
1963 à
Addis-Abeba,
l'importance
de
la
coopération
interafricaine
dans
le
processus
de
développement
n'a
pas
échappé
aux
Etats
fondateurs.
Mais
l'organisation
panafricaine
qui
était
assistée par la
"Commission Economique des Nations-Unies
pour l'Afrique" n'avait ni les pouvoirs nécessaires
(les
Etats
étant
entièrement
souverains)
ni
les
moyens
financiers
pour
remplir
la
mission
de
coordination
et
d'exécution qui
lui était dévolue.
Du reste,
elle était
directement
en
concurrence
avec
des
organisations
régionales
et
sous-régionales,
créées
par
les
Etats
en
fonction d' affini tés
poli tiques,
de
sorte que depuis
sa
création jusqu'en 1980 les préoccupations politiques ont
pris
le
pas
sur
la
volonté
d'oeuvrer
de
concert
au
développement
du
continent.
Au
cours
de
cette
période,
diverses
actions
furent
menées
dans
les
domaines
économique et culturel mais on y chercherait en vain un
plan d'ensemble
cohérent
tant
elles
étaient
disparates.
Parmi les plus importantes figurent :
la
déclaration
sur
l'industrialisation
en
Afrique
adoptée en 1971,
celle qui définit les principes de bases de l'action
collective ou individuelle des pays africains sur la
coopération,
le
développement
et
l'indépendance
économique,
la déclaration relative au droit de la mer,

383
l'adoption en 1976 à Port-Louis (Ile Maurice) de la
charte culturelle de l'Afrique,
la
signature
en
1979
de
la
convention
portant
établissement de l'Agence Panafricaine d'information
devenue opérationnelle en 1983,
la création d'un fonds culturel africain,
la
création
de
la
Commission
africaine.
pour
l'aviation
civile
en
1969,
de
la
commission
scientifique et technique de la recherche,
la création en 1972 de l'union africaine des chemins
de fer,
l'institutionnalisation
de
la
coopération
arabo-
africaine en novembre 1973 à Alger.
Le
Plan
d'Action
de
Lagos
marque
un
tournant
important
dans
l'évolution
de
l'organisation.
Il
donna
à
l'OUA
l'occasion
de
définir
une
nouvelle
stratégie
de
développement à l'échelle du continent.
b - Une nouvelle approche théorique du développement
Que l'Afrique cherche vers la fin des années 70 à traduire
dans
les
faits
une
nouvelle
approche
théorique
du
développement
n'est
pas
chose
étonnante.
En
effet
les
années
70
furent
marquées
par
un
renouvellement
de
la
théorie du développement grâce à des économistes latino-
américains
qu'on
peut
regrouper
sous
l'appellation
de
l'"Ecole
de
la
dépendance
et
qui
ont
influencé
la
Commission
Economique
des
Nations
Unies
pour
l'Amérique
latin
(CEPAL)
et
partant
la
Commission
Economique
des

384
Nations-Unies pour
l'Afrique,
deux
institutions
chargées
d'assister
les
Etats
de
ces
régions
du
Tiers-monde
à
améliorer la définition,
la conception et l'exécution des
programmes
de
développement
économique
à
l'échelle
régionale.
Cette nouvelle approche s'appuie sur une double exigence:
le refus d'imiter les pays développés et la nécessité de
prendre en compte les spécificités socio-culturelles comme
éléments des stratégies de développement, l'exigence d'une
meilleure
définition
de
l'appareil
conceptuel
qui
sous-
tend les politiques de développement.
Le refus des modèles étrangers
Cette position a été clairement exprimée par le Secrétaire
Exécutif
de
la
Commission
Economique
des
Nations-Unies
pour
l'Afrique
lors
des
travaux
préparatoires
à
l'élaboration du plan d'action de Lagos.
Se poser la "question fondamentale"
relative au
"type de
développement"
dont
l'Afrique
a
besoin
et
à
la
manière
dont elle peut l'assurer, suppose, affirme-t-il:
"Une hypothèse de base,
à
savoir,
que nous ne
nous contentons plus d' imi ter d'autres pays ou
d'autres
systèmes
économiques,
que
nous
avons
pris
conscience
que
les
pays
africains
ne
pouvaient pas continuer à suivre des politiques
et
des
stratégies
économiques
avec
le
seul
objectif
de
devenir
de
pâles
imitations
des
Etats-Unis
d'Amérique,
de
la
France,
de
l'Angleterre,
de
l'URSS
ou de
la
Chine,
qu'il
est grand temps pour nous de penser sérieusement
à mettre au point une stratégie de développement
qui
soit authentiquement africaine qui
ne soit
pas tournée vers l'extérieur qui ne consiste pas
essentiellement à
imiter servilement ce qui
se
fait
dans d'autres sociétés et qui ne débouche

385
pas
sur
une
modernisation
orientée
vers
une
accul turation" 128
Dans ce refus,
le secrétaire exécutif de la CEA dénonce
toute stratégie de développement tournée vers l'extérieur
c'est-à-dire qui s'inspire des deux grands modèles qui se
partagent
le
monde,
les
systèmes
capitaliste
et
socialiste.
Tout en prônant une stratégie authentiquement
africaine,
il
laisse
la
porte
ouverte
à
des
emprunts
extérieurs
à
condition
qu'ils
n'engendrent
pas
une
acculturation
des
sociétés
africaines.
Or
tout
emprunt
culturel entraîne nécessairement une acculturation qu'elle
soit par juxtaposition,
par réinterprétation comme ce fut
le cas
du
Japon,
à
l'ère Meiji,
par
opposition
et
par
destruction
comme
c'est
le
cas
des
civilisations
précolombiennes
et
africaines.
Sur
ce
point,
seule
l'histoire
permet
d'éclairer
la
problématique
de
développement de l'Afrique;
la traite des esclaves et la
colonisation
ont
profondément
altéré
les
sociétés
africaines sur les plans économique,
politique et socio-
culturel.
Au demeurant,
elles sont entraînées depuis la fin de la
deuxième
guerre
mondiale
dans
le
tourbillon
de
la
mondialisation,
du
modèle
de
développement
capitaliste
grâce
à
un
réseau
complexe
de
moyens
financiers,
technologiques et politiques.
Dans
ces
conditions,
la
stratégie
de
développement
"authentiquement
africaine"
consisterai t
à
réinterpréter
128. ADEDEJI
Adebayo,
Perspectives
de
développement
et
de
croissance
économique
en
Afrique
jusqu'4
l'an
2000
in
rapport
final
du
colloque
de
Monrovia
sur
les
perspectives
du
développement
de
l'Afrique,
4
l ' horizon
2000.
Organisation de
l'unité
africaine/institut
international d'études sociales, Lausanne, 1979.

386
en
fonction
des
valeurs
de
civilisation
africaine
les
principes
qui
sous-tendent
les
modèles
capitaliste
et
socialiste.
C'est
ce
que
confirment
les
propos
suivants
qui
s'inscrivent en droite ligne dans la nécessité de définir
une stratégie africaine.
"Autrement di t,
la question posée
implique que
le temps est venu pour les gouvernements et les
peuples
africains
de
commencer
à
élaborer
des
modes
de
développement
et
des
styles
de
vie
proprement
africains,
fondés
sur
leur
riche
patrimoine culturel,
leur
structure
sociale et
leurs institutions économiques en tirant partie
de
leurs
ressources
naturelles
considérables
-
modes
de
développement
et
styles
de
vie,
qui
tout en faisant des emprunts à d'autres sociétés
et pays, ne soient pas des imitations et ne nous
obligent
pas
à
renoncer
à
notre
patrimoine
cul turel" 129
La Commission Economique des Nations-Unies pour l'Afrique
tente donc d'accréditer une vision du développement plus
active
de
la
part
des
pays
africains
et
en
étroite
relation avec leur potentiel économique et culturel; i l ne
s'agit pas de répéter les processus de développement qui
ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde mais de s'en
inspirer
en
laissant
l'initiative
aux
valeurs
socio-
culturelles,
aux
institutions
et
aux
ressources
que
possèdent les sociétés africaines.
Pour ce faire,
i l faut
rompre avec les théories étrangères que les gouvernements
africains ont appliquées jusqu'ici et qui se sont révélées
inopérantes;
ces théories accordent une grande importante
à
des
paramètres
tels
que
"l'épargne
et
les
129. ADEDEJI Adabayo. opus déjà cité.

387
investissements,
l'aide et les investissements étrangers"
mais
minimisent
le
rôle
des
facteurs
tels
que
les
"ressources naturelles
disponibles",
les compétences des
entrepreneurs
africains,
la
main-d'oeuvre
qualifiée,
la
technologie locale,
la dynamique du marché intérieur, dans
le processus de développement".
En somme la valorisation
des
facteurs
internes
est
généralement
faible
dans
les
stratégies
de
développement
des
pays
d'Afrique.
Si
les
théories
étrangères
sont
pernicieuses,
i l
convient
donc
d'opérer une véritable rupture épistémologique pour mieux
définir le développement.
Une meilleure définition de l'appareil conceptuel
relatif au développement
A cet égard, les travaux préparatoires du plan d'Action de
Lagos insistent sur "la rupture avec un certain nombre de
concepts et
d' habi tudes,
en commençant
par un mimétisme
observé dans
tous
les
domaines".
Cette
rupture commence
par la définition du concept de développement
en tenant
compte de sa finalité
... "L'objectif ultime du développement doit être
le
développement
de
l'homme,
c'est-à-dire
la
réalisation et l'actualisation de son potentiel
créateur grâce non seulement à l'amélioration de
ses conditions matérielles de vie lui permettant
de
satisfaire
ses
besoins
physiologiques
mais
aussi
grâce
à
la
satisfaction
de
ses
besoins
psychiques".
A partir de cette finalité,
la CEA formule la définition
suivante du développement :
"En
d'autres
termes,
le
développement
est
un
processus qui met en valeur la personnalité de
l 'homme
tout
entière.
Et
le
développement
au

388
service de la société signifie le développement
de la personnalité collective de celle-ci".
Il en résulte donc,
comme l'affirme du reste la CEA,
que
le
"développement
économique
ne
saurait
être
considéré
comme
une
variable
indépendante,
distincte,
de
ses
coordonnées sociales et politiques. Le développement d'une
société n'est autre que le développement social,
c'est-à-
dire un processus dans lequel les éléments économiques et
non
économiques
exercent
les
uns
sur
les
autres
une
interaction organique.
Les tentatives visant à isoler les
éléments
économiques
et
à
les
insérer
dans
un
modèle
hypothétique quelconque de "développement économique sont
dénuées de tout caractère scientifique" 130.
Le
développement
est
donc
décrit
comme
un
phénomène
global, multidimensionnel comportant des aspects à la fois
quantitatifs et qualitatifs.
C'est pourquoi,
sur le plan opérationnel,
le secrétariat
exécutif de la CEA se livre à une série de projections de
variables socio-économiques,
dont dépend le développement
de
l'Afrique
à
l'horizon
2000.
Parmi
ces
variables,
figurent
la population active,
la croissance urbaine,
le
produit
intérieur
brut,
le
commerce
extérieur,
l ' agricul ture,
la croissance du
secteur manufacturier et
la
situation
de
l'emploi.
Par
exemple
sur
le
plan
démographique, la population de l'Afrique doublerait en 25
ans et passerait de 401 millions d'habitants en 1975 à 813
millions en l'an 2000,
ce qui signifie que le taux annuel
moyen de croissance passerait à 2,9 % en l'an 2000 au lieu
de
2,65
% en
1975.
La
population
active
(15-65
ans)
130. ADEDEJI Adebayo. opua d~jA c1t~. p. 87.

389
passerait
de
212
millions
à
437
millions.
Quant
aux
tranches
d'âge comprises entre 5 et
15 ans,
leur 'nombre
augmenterait de 100 % d'ici l'an 2000, ce qui entraînerait
une augmentation des constructions scolaires à un rythme
moyen de 5 % par an.
La
population
urbaine
augmenterait
de
5
% par
an
en
Afrique et la population rurale de 2 % alors que ces taux
ne seraient que de 3,20 % et 1,3 % sur le plan mondial. En
l'an
2000,
37, 7
% de
la
population
africaine
soit
307
millions
d'habitants
vivraient
dans
les
villes
et
la
moitié seulement de la population active aurait un emploi
rémunéré,
l'autre moitié serait composée de chômeurs soit
113 millions d'habitants.
Pour ce qui est du produit intérieur brut,
le CEA prévoit
pour l'Afrique dans son ensemble une augmentation de 4,3 %
jusqu'en
l'an
2000.
Les
exportations
des
produits
africains n'augmenteraient que de 5 % par an.
Quant,
à la
production alimentaire africaine, elle ne pourrait couvrir
que
60
à
68
% des
besoins
en
l'an
2000
tandis
que
de
fortes
disparités
continueraient
à
marquer
la
part
relative
de
l'Afrique
dans
la
production
mondiale
du
secteur
manufacturier
et
celle
des
autres
pays
en
développement.
Ces
proj ections
indiquent
pour
l'Afrique
des
perspectives
sombres
notamment
sur
les
plans
alimentaire
et
social
eu
égard
à
l'accélération
de
la
croissance
démographique;
elles
indiquent
de
ce
fait
l'ampleur
des
mesures
à
prendre
dans
le
domaine
des
investissements sociaux pour la santé,
l'éducation et la
création d'emplois.

390
Mais on chercherait en vain dans ces projections, un essai
d'analyse prospective de l'évolution politique et sociale
des
pays
d'Afrique
comme
composante
essentielle
du
développement
et
permettant
de
coller
davantage
aux
prémisses
relatives
au caractère global
du
processus
de
développement.
Seules des
références
superficielles à la
démocratisation
du
développement
émaillent
les
travaux
préparatoires. En outre elles n'abordent pas les questions
aussi décisives que celles relatives à l'état des rapports
de
production
internes
aux
sociétés
africaines,
à
la
condition sociale de la femme,
aux libertés démocratiques
et aux
droits
de l ' homme.
Aussi
la démarche de
la CEA,
demeure-t-elle superficielle lorsqu'elle se prononce pour
la rénovation du cadre politique et d'action en Afrique.
c - La rénovation du cadre politique et d'action en
Afrique
Recherche
de
l'autonomie
individuelle
et
collective,
nécessité d'un développement et collective, nécessité d'un
développement endogène et auto-entretenu, désaliénation de
l'Africain, telles sont les stratégies préconisées par les
travaux préparatoires à l'élaboration du plan d'action de
Lagos,
mais
elles
requièrent
un cadre
poli tique
nouveau
fondé sur deux conditions essentielles: la démocratisation
du
processus
de
développement
et
l'exercice
de
la
souveraineté
des
Etats
Africains
sur
leurs
ressources
naturelles.

391
La souveraineté sur les ressources
Au sujet de la souveraineté des Etats sur les ressources
naturelles,
l'accent est mis uniquement sur le rapport de
forces entre les Etats et les pays développés sans que des
indications
précises
aient
été
formulées
sur
la
répartition interne des recettes d'exportation. Or de plus
en plus la souveraineté ne joue plus un rôle stratégique
dans
le
processus
de
développement.
Ce
sont
plutôt
les
processus de fabrication technologique et le contrôle des
marchés
internationaux
et
des
structures
de
financement
international qui
constituent les
éléments décisifs dans
les relations économiques internationales.
Même le cartel
des
pays
producteurs
de
pétrole
regroupés
au
sein
de
l'OPEP n'a pas pu imposer de façon durable sa loi aux pays
consommateurs. Que dire des pays africains dont la plupart
exportent
sur
le
marché
international
des
matières
premières d'origine agricole et minérale dont l'importance
dans leur économie est plus grande qu'elle ne l'est pour
les pays développés ?
Si le Zaïre est le premier producteur mondial de cobalt,
produit hautement stratégique en raison de son utilisation
dans l'industrie aéronautique,
le Zaïre n'a pas su imposer
le prix de vente aux pays consommateurs à la fois pour des
raisons techniques et politiques.
En
fait
la
question
de
la
souveraineté
est
secondaire
compte
tenu
du
degré
assez
faible
de
développement
technologique
et
de
l ' étroi tesse
des
marchés
nationaux.
Par exemple l'Ouganda,
le Ghana furent contraints, sous la
pression
des
pays
occidentaux,
de
rétrocéder
à
leurs


392
anciens
propriétaires
des
unités
de
production
nationalisées quelques années plus tôt.
De même,
lorsque
le Togo nationalisa ses phosphates en 1974,
l'un de ses
principaux
clients,
la
France,
diminua
brusquement
ses
importations
de
50
% pour
lui
créer
des
difficultés
financières.
Au demeurant la nationalisation juridique de
l'outil
de
production
n'a
pas
pour
autant
diminué
la
mainmise technologique de la France sur l'exploitation des
phosphates togolais.
Dix ans plus tard sous
la pression
conj uguée de
1 r effondrement des
prix orchestrés
par
les
Etats-Unis d'Amérique, de la mévente des phosphates sur le
marché
international,
le
Togo
devait
s'adresser
à
la
France et négocier avec elle un appui
technique pour la
promotion de ses exportations et pour la mobilisation de
capitaux internationaux à des conditions de faveur.
La question essentielle est donc celle de la répartition
des
revenus
dans
le
processus
de
développement
pour
promouvoir
le
marché
intérieur,
c'est-à-dire
le
pouvoir
d'achat
des
consommateurs.
Or
partout
en
Afrique,
la
corruption
et
les
détournements
de
fonds
publics
ont
atteint
des
niveaux
jamais
égalés
entre
1974
et
1980,
engendrant
l'endettement
extérieur
actuel
de
l'Afrique.
Quand ces prélèvements ne sont pas directs,
ils s'opèrent
par le biais de projets
improductifs et
somptuaires qui
donn~nt lieu à d'importants pots-de-vins. Ainsi en est-il,
de la plupart des projets réalisés au Togo entre 1976 et
1980, notamment l'hôtel dit du 2 février,
la raffinerie de
pétrole,
l'acierie,
l'armement
naval
de
la
société
togolaise
de
navigation
maritime
(SOTONAM),
dont
la
rentabili té
est
douteuse
et
qui
ont
entraîné
une
dette

393
extérieure
de
450
milliards
de
F
CFA
131
Au
Zaïre
les
recettes
d'exportation,
générées
par
les
principales
matières premières minérales du pays ont pendant longtemps
alimenté un compte dépendant directement de la présidence
de la République et sur lequel aucun contrôle ne pouvait
s'exercer
de
sorte
que
le
Fonds
monétaire
fut
amené
à
exiger
la
"libération"
de
ce
compte
et
le
contrôle
du
budget zaïrois lorsque ce pays fut contraint en 1978 sous
le poids de la dette de demander l'assistance financière
du FMI.
En
Côte
d'Ivoire,
selon
des
indications
fournies
tout
récemment
par
le
"Monde",
le
chef
de
l'Etat
dispose
en
permanence d'un quota personnel de 100 000 tonnes de cacao
qui
est
vendu
de
façon
priori taire
au
détriment
de
la
production nationale.
La propriété juridique des ressources nationales n'a donc
pas d'impact
bénéfique si
le système poli tique en place
n'incarne
pas
réellement
l'intérêt
général
mais
des
intérêts
particuliers,
ceux
d'une
classe
sociale
donnée
et/ou
d'une
ethnie
dominante.
C'est
pourquoi
l'autre
condition
politique
fondamentale
pour
rénover
le
cadre
poli tique
en
Afrique
réside
dans
la
démocratisation
du
processus de développement.
La démocratisation du processus de développement
Par
démocratisation
du
processus
de
développement,
les
travaux préparatoires entendent
131. Chiffre donn~ par le pr~sident de 1. R~pub1ique Togolaise au cours d'une s~ance de travail
avec la
d~l~g.tion française conduite par son homologue
français
en
janvier
1983

Lomé
(Togo) .

394
"La
participation
active
de
la
population
au
processus
de
développement
c'est-à-dire ·à
la
conception,
à
la
planification,
à
la
programmation
et
à
la
mise
en
oeuvre
des
programmes" 132.
En outre cette démocratisation est ramenée à
la défense
des
intérêts de la population rurale
le développement
rural s'identifie donc avec le développement national; les
travaux
préparatoires
dénoncent
également
le
caractère
"élitiste"
du développement en Afrique et l'obstacle que
représentent l'analphabétisme des populations et les coups

d'Etat militaires".
"Comment
pouvons-nous
parler
sérieusement
de
démocratie
et
de
démocratisation
du
développement tant que les trois quarts de nos
populations sont analphabètes ... ?"
Et le rapport ajoute :
"Un
développement
ordonné
n'est
pas
possible
sans
la
mobilisation
de
la
masse
qui
assure
d'une
part
la
pleine
participation
de
tous
à
l'effort
de
développement
d'autre
part
la
continuité de l'action entreprise en mettant les
gouvernements
à
l'abri
de
pressions
internes
incontrôlées ainsi qu'à l'abri de coups d'Etat!
Or la masse ne peut être sérieusement mobilisée
si elle ne se sent pas concernée et en intimité
avec les leaders poli tiques" 133.
Dans le domaine de la démocratisation, le rapport final ne
va pas au-delà de la réthorique mystificatrice des régimes
autocratiques
africains qui
font constamment référence à
la
participation
des
masses
ou
du
peuple,
à
la
mobilisation des énergies collectives dans le processus de
132. ADEDEJI Adebayo. opus déjà cité. p. 91.
133. 000
Kingue
Michel,
Quel
développement
pour
l ' Afrique.
in
rapport
final
du
Colloque
de
Monrovia,
p.
III et 112.

395
développement
pendant
que
dans
la
réalité
ce
sont
des
intérêts
individuels,
clientélistes
ou
ethniques
qui
sous-tendent les politiques de développement.
Or la rénovation du cadre politique en Afrique suppose des
transformations politiques profondes touchant la nature de
l'Etat,
les
institutions
politiques
africaines,
la
conception de l'autorité et l'exercice du pouvoir tant au
niveau de la société globale qu'à l'échelle des villages
et des cantons. Aucune critique n'a été faite relativement
aux méfaits du parti unique en Afrique. Ni la question des
libertés
démocratiques,
ni
celles
du
contrôle
des
décisions
des
gouvernements
par
des
instances
législatives, ni celles des droits de l'homme, constamment
et délibérément
bafoués
par
les
régimes
africains
n'ont
fait
l'objet
de
réflexions
approfondies
et
de
recommandations
particulières
dans
le
rapport
final
du
colloque
de
Monrovia.
Or
le
caractère
arbitraire
des
régimes
politiques
africains,
la
nature
idéologique
de
l'autorité traditionnelle constituent des obstacles à
la
démocratisation
du
processus
de
développement.
Bien
des
projets
se
sont
soldés
par
des
échecs
relatifs
parce
qu'ils. étaient
susceptibles
d'induire
des
changements
sociaux dans le milieu traditionnel,
notamment en ce qui
concerne la condition de la femme.
Au Mali,
pour éviter
que les
femmes
n'acquièrent une plus
grande
autonomie à
leur
égard,
les
hommes
se
sont
approprié
la
commercialisation
du
poisson,
alors
que
cette
activité
était traditionnellement réservée aux femmes tant que la
pêche
dans
la
région
de
Mopti
avait
un
caractère
artisanal. De même la relation aîné cadet fondée sur l'âge
et
qui
autorisait
en
même
temps
des
rapports
d'exploitation dans les sociétés africaines, la survivance

396
de
structure
de
type
féodal,
en
l'occurrence
chez
les
Lamido
du
Nord
Cameroun,
les
bariba
du
nord
du
Benin,
l'existence
de
relations
de
dépendance
personnelle
dans
les
sociétés
lacustres
d'Afrique
centrale
constituent
autant d'obstacles qui empêchent l'individu de se réaliser
en tant qu'individu et
qui
ne
favorisent
pas
l'éclosion
des initiatives individuelles et collectives.
Si le rapport a eu le mérite d'aborder la question de la
rénovation du cadre politique de développement en Afrique
en
revanche
i l
n'a
pas
su
mettre
à
nu
les
obstacles
insti tutionnels
et
socio-poli tiques
qui
s'opposent
à
la
naissance d'une véritable dynamique sociale orientée vers
le changement.
Mais le développement ne saurait se construire à l'échelle
d'un
seul
pays;
le bilan économique et
social des
Etats
africains après trente ans d'indépendance milite en faveur
d'une coopération africaine plus active.
d
- La nécessité de construire une communauté
économique africaine
Par
rapport
aux
expériences
passées,
l'Organisation
de
l'Uni té
Africaine
et
la
Commission
Economique
des
Nations-Unies
pour
l'Afrique
préconisent
la
rationalisation
de
la
coopération
africaine
et
son
extension aux pays du Maghreb.
Cette
rationalisation
porte
sur
l ' harmonisation
des
structures
existantes.
La multiplicité
des
regroupements
économiques
et
le
nombre
particulièrement
élevé
des
organismes
de
développement
sectoriels
ont
entraîné
une
dispersion
des
efforts
et
des
coûts
financiers
assez

397
lourds pour les budgets nationaux. En outre la coopération
interafricaine
doit
être
modulée
en
fonction
de
la
situation
particulière
des
Etats
ainsi,
les
Etats
insulaires
ou
enclavés,
ceux
dont
les
ressources
naturelles
sont
faibles
devraient
bénéficier
d'une
attention plus soutenue de la part du reste de l'Afrique:
i l s'agit donc de développer chez les Etats africains une
vision
plus
solidaire
à
l'échelle
sous-régionale
et
régionale en vue d'assurer l'autonomie collective. Pour ce
faire,
le
rapport
final
réaffirme
le
rôle
moteur
de
l'Etat-nation
dans
la
construction
de
la
communauté
économique
africaine
sans
préconiser
en
même
temps
des
réformes institutionnelles
"Quoique
battu
en
brèche,
d'une
part
par
ses
sous-groupes internes,
et d'autre part par des
aspirations,
des
préoccupations
et
des
organisations qui le transcendent, l'Etat-nation
demeure le moteur principal de l'action humaine
organisée.
Pour
une
partie
importante
de
la
population mondiale, que cela n'a jamais été le
cas,
l'Etat-nation représente quelque chose que
le peuple peut considérer comme son bien propre,
quelle
que
soit
la
mesure
dans
laquelle
i l
désapprouve
les
politiques
ou
même
subisse
l'action
répressive
de
l'Etat-nation".
En
conséquence, l'Etat-nation doit assumer une très
grande
part
de
responsabilité
pour
aider
ses
citoyens
à
satisfaire
la
plupart
de
leurs
besoins en fait d'amélioration des conditions de
vie" 134.
La
référence
à
l'Etat-nation
ne
permet
pas
de
faire
avancer
le
débat
sur
les
dysfonctionnements
institutionnels qui en ont résulté dans le passé; outre la
personnalisation
du
pouvoir,
la
floraison
de
régimes
autori taires et dictatoriaux
en Afrique
ont
contribué à
134. ADEDEJI Adebayo. opus d~j6 cit~. p. 95-96.

393
entraver
le
développement
du
continent,
à
enfermer
les
peuples d'Afrique dans des micro-nationalismes étroits.
Il eût mieux fallu au terme d'une évaluation critique du
rôle de l'Etat-nation dans le processus de développement,
préconiser un nouveau cadre institutionnel qui
soit plus
compatible
avec
les
exigences
de
la
restructuration
de
l'espace économique.
Il
est
pour
le
moins
surprenant
que
des
institutions
poli tiques,
de
type
supranational
n'aient
pas
été
préconisées,
permettant
de
dépasser
le
cadre
exigu
des
terri toires
actuels
et
d'associer
davantage
les
peuples
d'Afrique
à
la
construction
d'une
communauté
économique
africaine;
Cette
perspective,
aurait
été
en
adéquation
avec
le
principe
de
démocratisation
du
processus
de
développement. Dans tous les cas, la vision que le rapport
final
suggère
reste
étroitement
dépendante
d'une
conception
bureaucratique
du
développement

le
rôle
moteur est dévolu à l'Etat dont le moins qu'on puisse dire
est
qu'il
s'est
construit
en
Afrique
durant
ces
trente
dernières années sur des bases fragiles tant sur le plan
sociologique que sur le plan géographique.
Comment
renforcer
la
coopération
arabo-africaine
si
l'Etat-nation continue à
régenter dans sa nature et dans
son
fonctionnement
actuels
la
construction
de
la
communauté économique
africaine
?
Ne
risque-t-il
pas
de
reproduire à l'échelle interrégionale son inefficacité?
La
coopération
arabo-africaine
a
pris
un
caractère
institutionnel à la suite de la guerre du Ramadan en 1973.
Elle repose sur huit principes fondamentaux :

399
respect
de
la
souveraineté,
de
la
sécurité,
de
l'intégrité
territoriale
et
de
l'indépendance
politique de tous les Etats;
égalité de tous les Etats;
souveraineté
des
Etats
sur
les
ressources
naturelles;
non-ingérence
et
de
l'inadmissibilité
de
l'occupation ou de l'annexion de territoires par la
force;
non-ingérence
dans
les
affaires
intérieures
des
autres Etats;
sauvegarde des
intérêts mutuels
sur
la base
de
la
réciprocité et de l'égalité;
réglement pacifique des différends et conflits;
lutte commune contre
la
domination,
le
racisme
et
l'exploitation
sous
toutes
les
formes
pour
sauvegarder la paix et la sécurité mondiale.
Parmi les actions retenues figurent :
l'encouragement
des
institutions
financières
nationales
et
multinationales
à
fournir
des
assistances
techniques
et
financières
en
vue
de
procéder à des études de faisabilité des projets de
développement et d'infrastructure en Afrique,
le
renforcement
des
ressources
des
institutions
financières multinationales et nationales,

400
le
renforcement
des
ressources
financières
de
la
banque africaine
de développement
et
de
la
banque
arabe
de
développement
en
Afrique
( BADEA)
par
le
moyen
des
emprunts
émis
auprès
des
marchés
financiers arabes aux conditions le plus favorables
possible,
l'encouragement
des
investissements
arabes
par
la
réalisation en commun de projets africains et arabes
et la mise en oeuvre d'un système de garantie des
investissements dans les pays africains,
la
promotion
des
aides
bilatérales
des
fonds
nationaux
arabes
tel
que
le
fonds
Kowéitien
de
développement,
le fonds d'Arabie saoudite aux pays
africains.
En termes de bilan,
de 1976 à 1981,
44 % des engagements
financiers
de
la
Banque
Arabe
pour
le
développement
économique
en
Afrique
(Badea)
135
sur
un
total
de
140
milliards de F CFA sont allés aux pays les moins avancés
et 56 % aux autres pays africains.
Sur le plan sectoriel,
45 % des prêts et des dons ont été
destinés
aux
infrastructures
de
communication,
25
% au
développement agricole et 110 % au secteur énergétique.
Tout bien considéré,
les engagements des pays arabes en
Afrique au
sud du Sahara sont demeurés en-deçà de leurs
possibilités si l'on tient compte des énormes capitaux qui
ont été recyclés dans les pays industrialisés.
135. La BADEA est le principal instrument de la coop~ration arabo-africaine.

401
Or
les
perspectives
envisagées
par
les
Etats
africains
s'en
tiennent
uniquement
aux
considérations
purement
économiques et financières sans que l'on cherche à évaluer
les obstacles culturels et politiques qui ont entravé dans
le
passé
le
développement
de
la
coopération
arabo-
africaine.
Le premier obstacle est celui de la langue:
l'Arabe est
peu développé en Afrique au sud du Sahara et n'est même
pas utilisé comme langue de travail de l'Organisation de
l'Unité Africaine; les échanges culturels entre le Nord et
le Sud sont relativement faibles,
excepté avec
les pays
qui
sont proches du Maghreb et du Proche-Orient et dont
l ' histoire
a
été
marquée
par
une
forte
influence
islamique.
Parmi
les
obstacles
poli tiques,
les
conflits
internes
à
des
pays
comme
le
Soudan,
la
Mauritanie,
l'Ethiopie,
et qui opposent Arabes et populations noires,
l'épineuse
question
de
l'autodétermination
du
peuple
Saharaoui,
la
guerre
entre
la
Libye
et
le
Tchad
ont
compliqué
les
relations
entre
les
deux
parties
du
continent. Au demeurant l'Afrique, du Nord subit l'attrait
de l'Europe méditerranéenne et du Proche-Orient,
de sorte
qu'en
Afrique
au
sud
du
Sahara,
des
Etats
tels
que
le
Zaïre en viennent
à
appeler
de
leurs. voeux
la
création
d'une
organisation
poli tique
africaine
qui
regrouperait
uniquement les Etats d'Afrique subsaharienne.
c'est par le biais d'une stratégie axée sur la promotion
d'une intégration culturelle et politique qu'il eût fallu
développer le processus d'intégration économique.
Or
d'un
côté
comme
de
l'autre,
les
tentatives
d'unification
politique
restent
le
plus
souvent
sans

402
lendemain
et
ne
favorisent
guère
une
dynamique
de
rapprochement.
C'est
pourquoi
le
Plan
d'Action
de
Lagos
a
revêtu
les
allures
d'un
catalogue
d'actions
et
de
mesures
à
la
réalisation
desquelles
les
conditions
politiques,
culturelles et financières n'étaient pas réunies.
2 -
Evaluation des mesures de restructuration du plan
d'action
de
Lagos
et
de
redressement
du
programme
prioritaire
a - Le plan d'action de Lagos
Ce plan définit la stratégie de développement de l'Afrique
à
l'horizon 2000 et un ensemble de programmes sectoriels
touchant l'alimentation et l'agriculture, l'industrie, les
ressources
naturelles
et
humaines,
la
science
et
la
technologie,
les
transports
et
les
communications,
les
questions commerciales et financières.
Il aborde également
certaines
questions
spécifiques,
qui
ont
trait
à
l'environnement et
le
développement,
à
la
situation des
pays africains les moins avancés, à l'énergie, au rôle des
femmes
dans
le
développement,
à
la
planification
du
développement, aux statistiques et à la population.
Comme stratégie, le Plan préconise
"La
création
d'ici
l'an
2000,
sur
la
base
d'un
traité
à
conclure,
d'une
communauté
économique
africaine
afin
d'assurer
l'intégration
économique,
culturelle et sociale du continent; cette communauté
a pour but de promouvoir le développement collectif,
accéléré,
autodépendant
et
endogène
des
Etats

403
membres,
la
coopération
entre
eux
et
leur
intégration
dans
tous
les
domaines,
économique,
social et culturel.
Les
mesures
destinées
à
atteindre
cet
objectif
ont
été
réparties
respectivement
sur
les
deux
décennies
qui
séparent l'an 2000 de 1980. Ainsi au cours de la décennie
des années 1980, les états s'engagent à :
"renforcer les communautés économiques existantes et
à
créer
d'autres
groupements
économiques
dans
les
autres
régions
de
l'Afrique
de
manière
à
couvrir
l'ensemble du
continent
(Afrique centrale,
Afrique
orientale, Afrique australe, Afrique du nord),
renforcer
l'intégration
sectorielle
au
niveau
continental et en particulier dans les domaines de
l'agriculture,
de l'alimentation,
des transports et
communication, de l'industrie et de l'énergie,
promouvoir la coordination et l'harmonisation entre
les groupements économiques existants et
futurs en
vue de
la
création progressive d'un marché
commun
africain" .
Au cours de la décennie des années 1990
"poursuivre
les
mesures
visant
à
une
plus
grande
intégration
sectorielle
par
l'harmonisation
des
stratégies,
politiques
et
plans
de
développement
économique,
la
promotion
de
projets
communs
en
particulier dans les domaines économiques mentionnés
ci-dessus
et
l'harmonisation
des
politiques
monétaires et financières,

404
poursuivre
les
mesures
préparant
la
voie
à
l'établissement
d'un
marché
commun
africain
et
celles susceptibles de permettre la réalisation des
buts
et
objectifs
de
la
communauté
économique
africaine.
Parmi les programmes sectoriels,
le Plan met l'accent sur
ceux
qui
lui
paraissent
prioritaires
eu
égard
à
la
situation particulière du continent dans ces domaines.
A
cet
égard,
i l
nous
a
été
déjà
donné
de
manifester
l'urgence
des
questions
liées,
à
l'agriculture,
aux
transports et à
l'industrie.
Outre ces secteurs,
le Plan
se penche sur la question de l'énergie dont le caractère
crucial s'est révélé à la suite des deux chocs pétroliers
de
1973
et
1978.
Dans
le
domaine
financier,
les
chefs
d'Etat
et
de
gouvernement
préconisent
la
création
d'un
fonds
monétaire
africain
à
l'instar
du
fonds
monétaire
international.
En revanche les questions culturelles,
sociales
(excepté
la formation) et politiques furent totalement passées sous
silence alors qu'elles avaient été analysées dans le cadre
des travaux préparatoires.
En outre,
les Etats africains n'ont jamais évalué le coût
financier du Plan d'Action de Lagos de manière à mobiliser
les
moyens
internes
et
externes
à
cet
effet.
Ils
enlevaient par là même à ce plan tout caractère impératif.
C'est pourquoi face à l'échec relatif de son
application,
ils
furent
contraints
à
partir
de
1985
de
définir
un
programme prioritaire de redressement économique.

405
b
Le
programme
prioritaire
de
redressement
économique de l'Afrique pour la période 1986-1990
Ce
programme comporte un bilan provisoire de la mise en
oeuvre
du
plan
d'action
de
Lagos
de
1980
à
1985
"un
programme
spécial
pour
l'amélioration
de
la
situation
alimentaire
et
la
réhabilitation
de
l'agriculture
en
Afrique",
une
liste
de
mesures
destinées
à
résoudre
le
"Problème
de
la
dette
extérieure
de
l'Afrique
et
une
"plate-forme commune d'action entre les Etats membres de
l'OUA.
Cinq ans après l'adoption du plan d'action de Lagos,
les
progrès les plus significatifs ont été enregistrés dans le
domaine
institutionnel
création
de
la
communauté
économique
des
Etats
d'Afrique
centrale
sans
que
disparaisse
pour
autant
l'union
douanière
des
Etats
d'Afrique centrale dont les 3/4 des Etats sont membres de
la
nouvelle
communauté;
création
en
1981,
de
la
zone
d'échanges préférentielle d'Afrique orientale et australe;
création
de
la
conférence
pour
la
coordination
du
développement
en
Afrique
australe
(SADCC) ,
i l
est
difficile
d'attribuer
au
bénéfice
du
plan
d'action
de
Lagos seul la naissance de ces nouveaux groupements tant
des facteurs externes spécifiques ont également agi dans
le même sens. Ces facteurs sont d'ordre politique pour les
Etats de la SADCC confrontés à l'agressivité du régime de
l'apartheid
d'Afrique
du
Sud
vis-à-vis
duquel
ils
voulaient rompre leur dépendance économique notamment dans
le
domaines
des
transports
et
communications,
et
de
l'énergie.

406
La
zone
d'échanges
préférentielle
a
été
créée
sur
l'instigation
du
secrétariat
de
la
conférence
des
Nations-Unies sur le commerce et le développement.
Il convient également de mettre à l'actif du plan d'action
de Lagos les projets de la CEA visant à une harmonisation
des groupements économiques existants notamment en Afrique
de l'ouest où la communauté économique des Etats d'Afrique
est
appelée
à
regrouper
tous
les
organismes
de
développement créés par les Etats depuis 1959.
Quant
au
programme
spécial,
i l
comporte
cinq
types
de
mesures :
lutte contre les crises alimentaires,
réhabilitation de l~agriculture africaine,
des réformes structurelles à long terme portant sur
la
recherche,
la
technologie
et
le
système
de
distribution en
Afrique,
la
formation
de
la
main-
d'oeuvre qualifiée et l'amélioration du cadre de vie
en milieu
rural,
les
surfaces
cul t ivables
dans
le
sens
de
leurs
extensions,
les
habi tudes
alimentaires,
l'amélioration des infrastructures en
milieu
rural,
le
renforcement
de
la
capacité
institutionnelle et de la gestion,
le développement
des
activi tés
de
soutien
au
secteur
agricole
par
d'autres secteurs,
le rétablissement de l'équilibre
écologique et la mise en oeuvre d'une politique en
"matières organiques",
lutte contre la sécheresse et la désertification,

407
les mesures en
faveur
des
réfugiés,
des
personnes
déplacées et victimes des catastrophes naturelles.
Au sujet de la dette extérieure de l'Afrique, le programme
priori taire
de
redressement
retient
la
nécessité
d'une
conférence
internationale
pour
discuter
des
mesures
d'urgence à court,
à
moyen et long termes en vue de son
allégement; Quant à la plate-forme commune d'action,
elle
a
pour objet de
"dynamiser la coopération sous-régionale
et régionale"
et de mobiliser les ressources fi~anciêres
extérieures pour .le redressement de l'Afrique.
Tout
bien
considéré,
les
perspectives
de
développement
qu'offrent
à
l'Afrique le
plan d'action
de
Lagos et
le
programme
prioritaire
du
redressement
économique
paraissent
bien
limitées.
Plutôt
que
d'apporter
des
changements
radicaux
de
cap
dans
tous
les
domaines
et
surtout de définir une nouvelle stratégie globale oü la
véri table problématique de développement est déclinée en
un
ensemble
d'actions
articulées,
ils
se
contentent
de
focaliser les efforts des pays d'Afrique sur les domaines
traditionnels
qui
ont
toujours
fait
l'objet
d'interventions partielles et isolées.
La création d'une
communauté économique africaine sous
l'angle d'un marché
commun n'est pas une réponse appropriée à
la spécificité
des économies africaines qui ont besoin, pour se dynamiser
d'une
intégration
des
appareils
de
production
sur
les
plans sous-régional et régional
et d'une restructuration
globale des espaces territoriaux actuels. Or la dynamique
de
l'intégration
par
la
production
renvoie
à
une
intégration politique culturelle et sociale.

408
Certes,
ces
aspects
n'ont
pas
échappé
aux
experts
africains lors des travaux préparatoires, mais ils ont été
évacués du Plan d'Action de Lagos en raison des inerties
politiques qui pèsent sur les politiques de développement
:
les régimes politiques actuels ne sauraient,
au risque
de se saborder eux-mêmes, modifier le rôle de l'Etat ni le
fonctionnement
des
insti tutions
politiques
dans
le
processus de développement. C'est pourquoi,
les références
à
l'intégration politique et culturelle se présentent de
façon elliptique dans le Plan d'Action de Lagos.
La
démocratisation
du
processus
de
développement,
la
question du respect des droits de l'homme,
celle relative
à une meilleure répartition des richesses produites ainsi
que les valeurs de civilisation africaines n'ont pas été
prises
en
compte
dans
la
stratégie
de
développement
de
l'Afrique à l'horizon 2000.
Rien d'étonnant
dès
lors
si
le Programme
Priori taire de
Redressement ne se cantonne que dans le domaine économique
et
en
particulier
sur
la
question
essentielle
de
l'alimentation
et
de
l'agriculture.
Or
les
difficultés
principales de l'Afrique dans ce domaine relèvent moins de
questions techniques et financières que de blocages liés à
l'environnement politique et socio-culturel.
Au demeurant
aucune allusion n'apparaît dans ce programme aux espaces
africains
qui
recèlent
d'importantes
potentialités
de
développement
agricole
et
qui
imposent
par
leur
configuration géographique une intégration des ressources
de production,
une restructuration de l'espace social et
cul turel
les
bassins
des
fleuves,
les
deI tas
dont
la
mise en valeur permettrait de créer de véritables greniers
en
Afrique
n'ont
pas
fait
l'objet
d'une
attention

409
particulière et de mesures spécifiques. C'est pourquoi le
bilan
du
Programme
Prioritaire
de
redressement
s'est
révélé aussi
faible que celui du Plan d'Action de Lagos
parce
que
le
diagnostic
des
difficultés
auxquelles
l'Afrique
se
trouve
confrontée
a
été
mal
fait.
Comment
pouvait-il
en
être
autrement
quand
une
conspiration
d'intérêts
particuliers
à
la
fois
internes
et
externes
exercent
une
domination
poli tique
sans
partage
sur
les
forces
productives
humaines
et
matérielles
du
continent
africain?
Dans
ces
conditions,
une
coopération
internationale
rénovée
peut
permettre
de
créer
un
environnement international plus ouvert à
la spécificité
de la problématique de développement en Afrique;
l'amorce
d'une stratégie nouvelle s'est réalisée depuis 1973 dans
le cadre de l'instauration d'un nouvel
ordre économique
international mais
ce dernier est
loin d'avoir engendré
les
changements
que
requiert
le
développement
des
pays
d'Afrique.

410
CHAPITRE II - COOPERATION INTERNATIONALE ET PERSPECTIVES
DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
Pour
avoir
mis
à
nu
la
fragilité
des
économies
industrielles
et
la
situation
critique
des
pays
en
développement,
les deux chocs pétroliers de 1974 et 1978
avaient imposé à la communauté internationale la nécessité
de réformer
l'ordre économique
international,
à
la
fois
sur
le
plan
mondial,
c'est-à-dire
dans
le
cadre
du
"Dialogue Nord-Sud" et sur le plan interrégional en ce qui
concerne
la
coopération
entre
l'Europe
et
les
Etats
d'Afrique,
des
Caraïbes
et
du
Pacifique.
Peut-on
se
satisfaire
des
résultats
de
cette
coopération
internationale au regard des exigences de développement du
continent africain ?
Section 1 - Le "dialogue Nord-Sud" et le "Nouvel ordre
économique international"
Il
serai t
fastidieux
d'entrer
dans
le
détail
des
ini tiatives
qui
ont
été
prises
depuis
le
premier
choc
pétrolier
pour
réaménager
les
rapports
entre
pays
développés
et
pays
sous-développés
tant
de
nombreuses
réunions à l'échelle internationale se sont succédé et ont
condui t
à
de
nombreuses
résolutions
dans
le
cadre
des
Nations-Unies.
Mais
pour
l'essentiel,
deux
questions
importantes méritent d'être examinées:
la restructuration
du
commerce
international
et
la
réforme
du
système
monétaire international.
Avant
de
les
examiner,
un
bref
rappel historique s'impose.

411
1 -
Les origines du dialogue Nord-Sud
a)
L'impact des deux chocs pétroliers
Les mutations
engendrées
par
la
seconde
guerre mondiale
devaient
donner
rapidement
au
fonctionnement
du
système
capitaliste un caractère très agressif.
La bipolarisation
du
monde
suivie
vers
les
années
54
de
l'émergence
du
Tiers-Monde introduisait désormais la notion de rapport de
forces
dans
la
genèse
et
le
développement
des
crises
économiques:
l'appareil de production militaro-industriel
s'est
constitué
comme
le
noyau
principal
du
système
capitaliste:
les
progrès
réalisés
dans
l'industrie
de
l'armement
et
leurs
retombées
sur
les
économies
développées témoignent de cette évolution. A l'ouest comme
à l'est,
on s'engage dans la course aux armements;
tandis
que les Etats-Unis d'Amérique réalisent par ce biais des
progrès économiques importants parce qu'ayant pratiquement
le
monde
entier
comme
espace
économique,
l'économie
de
l'Union
Soviétique
se
heurte
à
des
rigidités
dues
en
partie
à
l'étroitesse
de
son
marché
mondial:
cette
situation
éclaire
de
façon
pénétrante
la
politique
mondiale
des
grandes
puissances
dans
le
domaine
du
commerce
des
armes
conventionnelles
et
la
stratégie
d'expansion
de
l'Union
Soviétique
à
l'échelle
mondiale
jusqu'en
1985:
bloquée
sur
ses
frontières
occidentales,
elle n'a d'autre alternative que de descendre vers le Sud;
d'abord
en
Europe,
puis
dans
les
pays
anciennement
colonisés,
en Asie,
en Amérique Latine et en Afrique:
de
1947 à 1970,
le système capitaliste mondial a tiré profit
de
cette
si tuation
de
crise
larvée:
les
progrès
enregistrés en Europe et au Japon en sont des conséquences

412
directes:
mais
l'euphorie
de
la
croissance
capitaliste
commençait à s'estomper en raison des désordres engendrés
par une suraccumulation de capitaux et de la manipulation
excessive
à
laquelle
étaient
soumises
les
principales
institutions
de
régulation
monétaire
et
financière
du
système
capitaliste;
une
crise
aux
effets
multiples
commençait à se dessiner et allait se précipiter avec la
guerre Israélo-Arabe d'octobre 1973.
Contrairement à certaines thèses,
la crise énergétique de
1974 ne saurait être considérée comme l'effet d'un éclair
qui traverse le ciel d'Est en Ouest ni comme un coup de
tonnerre dans un ciel
serein:
en réalité,
elle n'a
fait
que
précipiter
une
tendance
dépressionniste
dont
les
premiers
signes
ont
commencé
à
se
manifester
vers
le
milieu
des
années
60:
financement
de
la
croissance
capi taliste
grâce
à
l'inflation
en
Europe,
augmentation
continuelle
du
déficit
de
la
balance
des
paiements
des
Etats-Unis d'Amérique aggravée par la guerre du Vietnam,
crise de confiance dans le système monétaire international
fondé sur le Gold Exchange Standard,
autant de phénomènes
qui
ajoutaient
davantage
d'inquiétude
aux
craquements
divers de l'ordre international.
Cette
conjoncture
internationale
a
pris
un
relief
particulier
avec
la
fin
de
la
guerre
du
Vietnam;
la
défaite
américaine
a
eu
des
répercussions
politiques
importantes au Proche-Orient où pour la première fois,
les
pays
arabes
brandirent
l'arme
du
pétrole
pour
faire
pression sur les puissances occidentales alliées de l'Etat
d'Israël et particulièrement les Etats-Unis d'Amérique. En
décidant
de
traduire
en
termes
de
pouvoir
poli tique
la
puissance économique
que
leur
conférait
le
pétrole,
les

413
pays
arabes
ont
permis
de
rééquilibrer
le
rapport
de
forces entre pays développés et pays sous-développés.
Le
quadruplement
du
prix
des
hydrocarbures
en
1974,
la
nouvelle
hausse
de
1978
ont
considérablement
accru
le
pouvoir
économique
et
poli tique
des
Etats
arabes
alors
même qu'ils mettaient à nu la fragilité et la dépendance
de
l'occident
vis-à-vis
des
pays
du
Tiers-Monde.
Politiquement, les pays occidentaux avec les Etats-Unis en
tête ne pouvaient admettre un tel déplacement du rapport
de
forces
qui
entérinait
objectivement
l'avènement
d'un
ordre
international
nouveau,
avec
comme
corollaire,
l'accélération de
l'uni té du monde
arabe,
la montée des
forces démocratiques et populaires dans le Tiers-Monde, le
renforcement
de
l'influence
soviétique
et
l'affaiblis-
sement
de
l'occident:
i l
fallait
donc
conjurer
cette
perspective par tous les moyens:
le remède fut d'aggraver
le
mal
pour
mieux
contrôler
l'économie
mondiale:
le
renchérissement
du
loyer
de
l'argent
et
la
hausse
vertigineuse des prix des biens d'équipement,
le recyclage
des
pétrodollars par les banques occidentales ont permis
de
compenser
rapidement
la
montée
des
prix
des
hydrocarbures;
parallèlement
la
baisse de
la
demande
et
des
prix
des
matières
premières
minérales
et
agricoles
produites
dans
le
Tiers-Monde
a
permis
de
détériorer
gravement la situation des pays non producteurs de pétrole
et d'accentuer l'appauvrissement des pays du Tiers-Monde,
que traduit leur endettement actuel,
la persistance de la
crise économique actuelle apparaît à bien des égards comme
le
résultat
de
visées
stratégico-poli tiques
qu'exercent
les pays capitalistes développés pour mieux contrôler les
mécanismes
de
fonctionnement
de
l'économie
mondiale
et
pour rétablir de façon durable la suprématie occidentale

414
sur le reste du monde;
les divergences entre les Etats-
Unis et l'Europe d'une part,
les Etats-Unis et le Japon
d'autre part,
notamment dans
le domaine monétaire et en
matière de commerce,
cachent mal leur volonté commune de
maintenir les déséquilibres actuels qui caractérisent les
relations économiques internationales.
b)
Les principales étapes
Les premiers pas vers le "Dialogue Nord-Sud" ont été faits
lors
de
la
6e
session
extraordinaire
de
l'Assemblée
Générale des nations-Unies tenue à
New-York en avril-mai
1974. Il s'agissait d'une session extraordinaire convoquée
à
l' ini tiative
de
l'Algérie
au
nom
des
pays
en
développement à la sui te du Sommet d'Alger du "Mouvement
des Non-Alignés"
avec pour objet de recherches les voies
et
moyens
pour
faire
disparaître
le
déséquilibre
des
rapports économiques entre le Nord et le Sud.
A l ' issue
des
travaux,
une
Déclaration
et
un
Programme
d'action
concernant
l'instauration
d'un
nouvel
ordre
économique
international
furent
adoptés.
Dans
la
même
foulée,
l'Assemblée
générale
des
Nations-Unies
tint
en
septembre
1975
une
7e
session
extraordinaire
sur
le
"Développement
et
la
coopération
économique
internationale"
après
avoir
adopté
un
an
plus
tôt
une
"Charte des droits et devoirs économiques des Etats". Par
la
sui te,
le
Gouvernement
français
organisa
à
Paris
en
1976
une
conférence
sur
la
coopération
économique
internationale,
appelée "Dialogue Nord-Sud" et qui laissa
son
nom
aux
négociations
et
consultations
relatives
à
l'instauration d'un nouvel ordre économique international
entre pays développés et pays sous-développés.

415
Les principales actions préconisées par les Nations-Unies
à cet effet tournaient autour des points suivants:
Procéder
à
une
véritable
restructuration
de
l'économie
mondiale
dans
le
but
d'atteindre
une
meilleure
division
internationale
du
travail
et
d'assurer
la
participation
effective
des
pays
en
développement à la prise des décisions.
Encourager
le
développement
du
commerce
international sur des bases justes et équitables qui
élimineraient en particulier le déséquilibre entre
les prix des matières qu'exportent les pays pauvres
vers
les
pays
riches
et
ceux
des
produi ts
manufacturés
que
ceux-ci
leur
vendent
et
qui
renverseraient la tendance continue à
la situation
ou à la baisse du prix réel de plusieurs produits de
base.
Mettre fin aux mesures protectionnistes prises par
les
pays
développés
et
qui
constituent
un
frein
sérieux à
l'effort d'industrialisation des pays en
développement.
Veiller au transfert de ressources réelles vers les
pays
en
développement
et
à
leur
octroyer
une
assistance
active
en
vue
de
leur
développement,
conformément
à
la
Stratégie
Internationale
du
Développement adopté par l'ONU.
Résoudre le problème de l'endettement croissant des
pays
pauvres.
A
cet
effet,
procéder
à
la
renégociation
des
dettes,
cas
par
cas,
en vue
de
conclure
des
accords
prévoyant
l'annulation
des

416
dettes,
des
moratoires,
le
réaménagement
des
échéances ou des
subventions
pour
le paiement des
intérêts.
Améliorer les pratiques des institutions financières
internationales
en
ce
qui
concernent
notamment
le
financement
du
développement
et
les
problèmes
monétaires internationaux.
Accélérer
la
réforme
du
système
monétaire
international
en
vue
de
stabiliser
les
taux
de
change
des
principales
monnaies
et
d'assurer
une
meilleure
répartition
des
liquidités
internationales.
Remédier aux abus des sociétés transnationales.
Promouvoir
la
coopération
économique
et
technique
entre pays en développement afin de leur assurer une
autonomie
économique
collective
et
un
plus
grand
pouvoir de négociation avec les pays développés.
Promouvoir
l'industrialisation
des
pays
en
développement
et
la
transformation
sur
place
de
leurs matières premières.
Assurer le transfert de technologie vers les pays en
développement
et
adopter
un
code
international
de
conduite pour le transfert de technologie.
Quinze ans plus tard, ces mesures n'ont pu être réalisées.
Non seulement,
elles mettaient en cause la suprématie des
pays développés mais aussi elles impliquaient sur le plan
international
une
nouvelle
division
internationale
du

417
travail
qui
tienne
compte
de
l'interdépendance
avérée
entre le Nord et le Sud.
2 - La restructuration du commerce international
La division
internationale du
travail
engendrée
au
dix-
neuvième siècle par les débuts de l'industrialisation de
l'Europe
n'a
cessé
de
se
renforcer
jusqu'à
la
Seconde
Guerre
mondiale.
Excepté
les
périodes
de
guerres
internationales,
les
termes de
l'échange
des
pays
sous-
développés
se
sont
détériorés
depuis
1880
et
ce,
au
détriment des matières premières agricoles et minérales.
Cette tendance n'a pas fait l'objet de mesures spécifiques
au
sortir
de
la
guerre
mondiale.
Sur
le
plan
international, deux philosophies incarnées respectivement
par le GATT et la CNUCED 136 s'opposent et n'ont pas réussi
à
réconcilier
les
intérêts
contradictoires
des
pays
industriels et des pays sous-développés.
a) L'esprit du GATT et l'avenir des échanges des pays
sous-développés
Après les années de crise, c'est-à-dire la période de 1930
à
1938,
marquées
par
la
diminution
de
la
valeur
du
commerce international
(-
61
%)
par
rapport
à
celle de
1929)
la baisse des prix des marchandises en moyenne de
50% entre 1929 et 1932, la réduction en volume de 27 % du
commerce
international
et
par
la
chute
des
matières
premières, la création du GATT en 1947, a contribué outre
la croissance des
pays
industriels
au développement
des
échanges
internationaux.
De
1945
à
1970,
la
valeur
des
136. GATT:
General
Agreement
ou
Tarrifs
and
Trade.
cr~~ en en 1947.
CHUCED:
Conf~rence
des
nations-Unies sur le Commerce et le développement cr~~e en 1964 A Genève.

418
exportations mondiales a progressé de 7 % en moyenne (8 %
entre 1960 et 1970).
Par ses objectifs,
le GATT vise à favoriser davantage le
développement des pays industrialisés, notamment en ce qui
concerne
la
réduction
progressive
des
barrières
tarifaires,
l'élimination progressive des restrictions non
tarifaires (dumping,
subventions).
En outre l'application
de la clause de la nation la plus favorisée 137 impose des
restrictions aux pays sous-développés.
Pour ces derniers,
la
protection
de
leurs
industries
naissantes
par
des
droi ts
de douane élevés
sur
les
produits
concurrents en
l
provenance
des
pays
industriels
peut
contribuer
à
la
croissance
de
leurs
économies.
De
même,
les
avantages
tarifaires
réciproques
entre
pays
sous-développés
d'une
même
région
peuvent
favoriser
un élargissement
de
leurs
marchés et par voie de conséquence stimuler la production.
Or,
du KENNEDY ROUND à l'URUGUAY ROUND en passant par le
TOKYO ROUND (1974-1979) c'est le libéralisme en matière de
commerce international qui a prévalu: réduction des droits
de douane de 35 % en moyenne entre les Etats-Unis et la
Communauté
Economique
Européenne
à
l'issue
du
KENNEDY
ROUND,
réduction de 33 % au TOKYO ROUND entre les Etats-
Unis,
la CEE et le Japon.
Parmi les pays sous-développés,
ce sont la Corée du Sud,
Taïwan,
Hong-Kong
et
Singapour
qui
ont
bénéficié
des
premières
mesures
de
libéralisation.
En
effet
les
importations
de
textile
des
pays
de
l'OCDE
avaient
137. Elle
conaiste
6
~tendre
automatiquement
6
toute
nation
membre
du
GATT
dea
avantages
commerciaux accord~a 6 une autre.

419
augmenté de 8 % par an pendant les années 60 et de 22 %
par an de 1970 à 1974 138
Mais à partir de 1974, sous l'effet de la crise économique
internationale les principes du GATT et la libéralisation
des échanges furent
remis en cause.
Les pays industriels
ont rétabli, dans le cadre de l'accord multifibres (coton,
laine,
textiles
synthétiques,
habillement)
en
1973
des
quotas
à
l'importation pour se protéger des exportations
des pays du tiers-monde.
Par
leur
inspiration
libérale,
les
principes
du
GATT
étaient
susceptibles
de
contrarier
le
développement
du
secteur manufacturier des pays sous-développés.
En outre,
dans l'application, ces derniers n'ont pas tiré profit des
dispositions du GATT pour les branches dans lesquelles ils
sont compétitifs.
b) La CNUCED et le nouvel ordre économique internatio-
nal
Par rapport au GATT,
c'est le principe de la double norme
de moralité qui
a
présidé à
la naissance de la CNUCED à
Genève en 1964.
On est donc passé de
la réciproci té des
avantages tarifaires entre tous les pays sans exception à
l'affirmation de mesures
spécifiques
pour
l'amélioration
du commerce des pays sous-développés.
Ainsi,
en vertu du
"système de préférences généralisées"
( SPG)
mis en place
en
1963,
" les
pays
industrialisés
doivent
réduire
unilatéralement
les
taxes
à
l'importation
des
produits
originaires du tiers-monde,
sans réduire conjointement les
138. GRELLET G~rard.
Les relations Nord-Sud,
notice n"
2,
p.
4,
in les cahiers français n"229,
L.F. 1987, La Documentation Française, Paris, 1987.

420
droits de douane sur les importations originaires d'autres
pays"
139
Outre
ce
système,
d'autres
mesures
ont
été
prises, notamment les accords par produits, la création du
fonds commun pour les produits de base,
les dispositions
spéciales en faveur des pays les moins avancés (PMA).
Quelle est donc la portée de ces mesures ?
Le système de préférences généralisées
Pour
ce
qui
concerne
le
système
de
préférences
généralisées, ses applications sont propres à chaque pays,
mais
la
Communauté
Economique
Européenne
a
adopté
une
procédure unifiée pour tous les pays. Cette position a été
approuvée par les Etats-Unis d'Amérique.
En 1989 la CEE imposa des plafonds tarifaires individuels
pour
76
produits
relevant
du
secteur
manufacturier
y
compris
les
textiles
et
les
vêtements:
en
outre
71
produits
sensibles
firent
l'objet
de
contingents
tarifaires 140. Bien qu'aucun pays Africain ne figure parmi
les pays auxquels ces restrictions furent imposées, il y a
tout lieu de souligner l'attitude des pays développés sur
l'importante question de l'ouverture de leurs marchés,
en
relation avec les dispositions du GATT.
Les Etats-Unis,
à
l'instar des autres pays développés,
soutiennent que
"le
processus d'intégration devra se fonder sur des règles et
disciplines
du
GATT
renforcées,
mais
ils
proposent
un
espace de dix ans pour intégrer pleinement le secteur des
textiles
et
des
vêtements
dans
le
cadre
d'un
GATT
139. ln GRELLET G~rard.
opus d~jA cit~. p. 4.
140. Les
produits
sensibles ~taient les suivsnts
:
conserves
d'ananas.
produits
chimiques
et
p~tro-chimiques.
peaux
dites
·allong~es·.
panneaux
de
fibres
de
bois.
r~cepteurs
de
t~l~vision. produits textiles. etc ...

421
renforcé.
Cet espace pourrait commencer le 1er août 1991
et s'achever le 31 juillet 2001.
Ce système est loin de créer les conditions favorables à
la
promotion
du
secteur
manufacturier
des
pays
sous-
développés.
En Afrique,
l'un des secteurs clés demeure le
textile et les vêtements où s'investissent aujourd'hui des
capitaux de nouveaux pays industriels telle que la Corée
du Sud .
Or les restrictions des pays développés risquent
de
limiter
cet
apport
de
capitaux
dont
le
Continent
Africain a tant besoin aujourd'hui compte-tenu du poids de
la dette extérieure et de la tendance négative du flux net
de capitaux en provenance des pays développés.
Les accords par produit
Parmi
les
autres
mesures,
les
Accords
par
produits
consti tuent
des
moyens
permettant
de
favoriser
la
production et le commerce des matières premières d'origine
minérale et végétale.
Par exemple,
pour remédier aux écarts brusques des cours
du cacao,
la CNUCED a
proposé à
la
fin des années
60 un
accord
international
qui
tienne
compte
à
la
fois
des
intérêts
des
pays
producteurs
et
de
la
nécessité
de
maintenir
le
prix
des
produits
transformés
à
un
niveau
acceptable pour
le
consommateur.
C'est
ainsi
que
quatre
accords successifs ont été conclu en 1972,
1975,
1980 et
1986.
Pour
l'essentiel,
ils
reposaient
sur
un
stock
régulateur
permettant
à
l'intérieur
d'une
fourchette
de
prix,
de
réguler
le
marché.
Ces
accords
n'ont
pas
bien
fonctionné
du
fai t
de
l ' opposi tion
des
Etats-Unis
d'Amérique et du premier producteur,
la Côte d'Ivoire.
En
outre lorsque le stock achète,
i l officialise les risques

422
d'une baisse des cours. Du reste les cours n'ont cessé de
baisser depuis 1980 en raison des excédents qui encombrent
les marchés.
Pour le café,
un accord avait été institué en 1962 sous
l'égide
de
l'organisation
internationale
du
café
(OIC)
regroupant
74
pays.
L'accord
consistait
en
un
système
d'ententes réciproques sur le niveau des exportations et
sur une
fourchette
de
prix.
Chaque
pays
avait
un quota
d'exportations
à
respecter.
L'ensemble
des
exportations
consenties
était
établi
en
fonction
de
la
consommation
mondiale.
Les prix variaient dans une fourchette décidée
en commun.
Par un système de balancier,
on régulait à la
fois
les exportations et les prix.
En cas de baisse des
cours
en
dessous
du
seuil
fixé,
à
cause
d'une
surproduction,
les quotas
d'exportation étaient réduits.
En
cas
de
hausse
l'OIC
augmentait
les
quotas.
L'application de ces mesures était
soumise à
un certain
nombre de timbres correspondant au quota d'exportation de
chacun des membres.
Ces derniers n'achetaient que du café
porteur de ces timbres.
Lorsqu'un pays ne remplit pas ses
obligations vis-à-vis de l'OrC,
son nombre de timbre est
réduit.
Mais cet accord a
connu des
fortunes
diverses.
Par deux
fois,
en 1970 et 1986,
suite à
une sous-production,
les
prix
avaient
augmenté
d'une
façon
importante
et
les
producteurs avaient été tentés de reprendre leur liberté.
En
outre
les
pays
producteurs
écoulaient
leur
surplus
auprès
des
pays
non
membres
de
l'OrC
(Pays
de
l'Est,
Algérie, etc ... ) â un cours inférieur de 30 â 40 % â celui
concédé
aux
membres
de
l'organisation.
Les
pays
non
membres, notamment les pays de l'Est qui avaient besoin de

423
devises
revendaient ensui te ce café
oUX
pays
membres de
l'OIC.
Face à cette situation, le système des quotas fut supprimé
le 3
juillet 1989 entraînant une baisse considérable des
cours. En octobre 1989, la tonne de café valait 679 livres
à
Londres
contre
1236
livres
au
mois
de
mai
soit
une
baisse de 55 % en six mois. La baisse des cours a entraîné
une
exacerbation
de
la
concurrence
entre
les
pays
producteurs.
La
si tuation
actuelle
du
marché
est
\\\\
catastrophique pour bon nombre de pays d'Afrique dont les
exportations dépendent du café à concurrence de 60% à 80%.
La baisse des cours et la diminution des parts de marché
de
ces
pays
en
raison
du
déclin
du
ROBUSTA
dans
la
consommation mondiale et de la percée des pays du Sud-Est
Asiatique
(Indonésie)
risquent
de
compromettre
les
politiques d'ajustement structurel en cours d'exécution.
Pour
ce
qui
est
des
autres
produits,
en
dehors
du
caoutchouc,
aucun
accord
n'a
pu
être
négocié.
Les
pays
développés
tels
que
les
Etats-Unis
d'Amérique
et
l'Allemagne
mettent
des
obstacles
et
tentent
ainsi
de
compromettre
le
Programme
Intégré
pour
les
Produits
de
base adopté par la CNUCED à Nairobi (Kenya) en 1976 et qui
avait prévu la création d'un Fonds Commun.
"Le "Fonds commun" pour les produits de Base
Outre ces accords,
un fonds
commun pour les produits de
base
a
été
créé
en
juillet
1980
à
Genève
et
doté
d'un
capital de 450 millions de dollars pour les opérations de

424
stabilisation des prix des matières premières Hl et de 350
millions
pour
les
opérations
de
commercialisation et
de
distribution.
Ce
fonds
vise
à
facili ter
la
conclusion
et
le
fonctionnement d'accords ou arrangements internationaux de
produits,
en
particulier
les
produits
de
base
qui
présentent
un
intérêt
spécial
pour
les
pays
en
développement.
A cet effet,
i l est appelé à
:
contribuer
au
financement
de
stocks
régulateurs
internationaux et de stocks nationaux coordonnés au
niveau international,
financer des mesures autres que le stockage dans le
domaine des produits de base,
favoriser
la
coordination
et
les
consultations
relatives
autres
que
le
stockage
et
leur
financement.
ratifié
avec
beaucoup
de
retard
par
les
2/3
des
pays
membres des Nations-Unies,
en 1984 ce fonds
s'est heurté
en outre
aux
difficultés
persistantes
de
la
conjoncture
économique internationale.
Les mesures spéciales en faveur des PMA
Mais
depuis
1981,
la
CNUCED
accorde
une
attention
particulière
à
la
si tuation
des
pays
les
moins
avancés
141. Douze
produits
agricoles
et
6
produits
minéraux
(bananes.
coton.
fibres
dures,
jute,
viande,
sucre,
caoutchouc
naturel,
thé,
bois
tropicaux,
huiles
végétales
et
graisses
oléagineuses, café, cacao, bauxite, cuivre. minerai de fer,
manganèse, phosphates, étain,

425
(PMA) cette catégorie regroupait à la deuxième conférence
des Nations-Unis sur les PMA 42 pays en développement dont
28 situés en Afrique au Sud du Sahara soit 62 % des Etats
de la région.
En moyenne,
les PMA ont un produit national
brut par tête d' habi tant inférieur à
300 dollars
US par
an,
le secteur manufacturier y représente moins de 10 % de
la
production
intérieure
brute,
enfin
la
balance
des
paiements
de
ces
pays
est
marquée
par
un
déficit
chronique.
Au cours de la décennie 1980-1990,
des mesures spéciales
ont été appliquées en faveur des PMA.
Entre 1981 et 1988,
les ressources
allouées
par le PNUD
aux
PMA
ont
augmenté de
43,4
% en
dollars
courants des
Etats-Unis. De 1986 à 1988, la part des PMA dans le total
du décaissement du PNUD pour les pays en développement est
passée de 44,8 % à 49,5 %;
les flux nets d'aide publique
au
développement
fournie
en
1986
par
les
donateurs
bilatéraux et multilatéraux aux PMA représente 22,1 % de
l'ensemble des dons.
Dans le domaine de la coopération technique,
la part des
pays dans les dons internationaux en 1986 représente 26,6%
142
Pour
la
décennie
90,
la
CNUCED
vise
à
développer
les
actions suivantes
142. NATIONS-UNIES.
R~union
d'experts
gouvernementaux
de
pays
donateurs
et
d'institutions
multilat~rales et bilat~rales d'assistance financière et technique. avec les repr~sentants
de pays les moins avanc~s. Genève 22 mai 1989.

426
renforcer
le
partenariat
entre
pays
donateurs
et
pays moins avancés pour une meilleure exécution des
programme de développement,
améliorer le cadre macro-économique global
des PMA
pour une croissance durable et des
transformations
structurelles.
Pour
cela,
i l
faudra
renforcer
les
liens entre les divers secteurs d'activité,
élever
l'aide
publique
à
0,20
% du
PNB
des
pays
donateurs,
alléger les dettes bilatérales et multilatérales,
porter
une
attention
particulière
aux
secteurs
"aussi
vitaux
que
le
développement
rural,
l'agriculture,
la
sécurité
alimentaire,
le
développement
de
l'industrie
et
des
services,
la
constitution
d'une
base
scientifique
et
technologique,
la
mise
en
place
d'infrastructure"
143 ,
aider
les
PMA
à
centrer
le
développement
sur
l'homme, notamment en ce qui concerne le respect des
droits de l'homme,
la démocratisation et le respect
de la règle de droit,
l'amélioration de la situation
de
la
femme
et
de
l'enfant,
une
poli tique
démographique compatible avec les disponibilités en
ressources et l'environnement.
En
dehors
des
mesures
spécifiques
prises
en
faveur
des
pays
les
moins
avancés
la
coopération
économique
143. BERTHELOT Yves.
les pays les moins avancés:
un bilan de la conférence de Paris.
in Afrique
2000. n'3. oct-nov-déc 1990. Bruxelles. 1990.

427
internationale, notamment en ce qui concerne les échanges,
reste encore largement dominée par le protectionnisme et
par la défense d'intérêts contradictoires. En fait au-delà
des
pouvoirs
publics,
les
centres
de
décision
appartiennent au marché: les sociétés transnationales, les
bourses
de
commerce
de
Londres
et
de
New-York
principalement,
les
effets
en
longue
période
de
l'ajustement de l'offre à la demande 144
3 - La réforme du système monétaire international
Le système monétaire international,
tel qu'il
fonctionne
depuis
sa
création
à
Breton-Woods
en
1944
apporte
des
avantages
substantiels
aux
pays
industrialisés
et
particulièrement
aux
Etats-Unis
d'Amérique;
or,
le
développement économique est largement conditionné par la
réparti tion
des
liquidités
internationales
145
entre
les
nations.
La
suprématie
des
pays
industrialisés
dans
ce
domaine,
renforce leur domination économique sur le reste
du
monde;
d'où
la
nécessité
d'une
réforme
globale
du
système
actuel
qui
tienne
compte
des
exigences
de
développement des pays sous-développés.
144. c~rard Crellet note que si un "cartel oligopolistique peut fixer un prix sup~rieur A celui
qui
r~sulterai t
d' un
lDarch~ de
concurrence
pure
et
parfaite.
un
prix
~lev~ attirera
de
nOUVeaux
producteurs
et
incitera
les
consommateurs
et
les
producteurs
A effectuer
des
substitutions.
145. On inclut habituellelDent dans les liquidit~s internationales:
les r~serves officielles des
banques
centrales
(or.
les
DTS,
les
positions
au
FMI
et
les
avoirs
en
devises
dont
certaines
sont
plac~s sur le lDarch~ des
eurodevises):
les
avoirs
priv~s en devises;
les
tr~soreries des
groupes
lDul tinationaux:
certaines
cr~ances A court
tenDe
sur
l ' ~tranger;
lDêlDe
certains
placelDents
boursiers
(liquidit~
internationale:
pouvoir
d'achat
liquide
susceptible
de
se
porter
brusquelDent
et
lDassivement
sur
n' importe
quel
produit.
Cette
d~finition est la lDême que celle de lDasse lDon~taire A l'int~rieur d'un pays).

428
a) La suprématie américaine après la deuxième guerre
mondiale
la
deuxième
guerre
mondiale
a
engendré
un
nouvel
ordre
international dominé par les Etats-Unis d'Amérique;
alors
que
les
économies
européennes
étaient
détruites,
l'économie américaine était hyperdéveloppée par
l'effort
de guerre.
Cette
situation
consacrait
par
voie
de
conséquence
la
suprématie du dollar sur les autres monnaies du monde:
la
livre sterling a
ainsi perdu son contrôle de monnaie de
réserve internationale au profit du dollar.
Au
demeurant,
le
Plan
Marshall
créait
au
dollar,
par
l'intermédiaire du
nouveau monétaire
international
fondé
sur
le
gold
Exchange
Standard
146
l'environnement
économique nécessaire à son rayonnement: en effet, i l créé
des
débouchés
aux
produits
américains,
oblige
les
pays
européens
à
exporter
leurs
propres
produi ts
pour
équilibrer leurs balances de paiements et à dévaluer leur
monnaie
par
rapport
au
dollar
en
cas
de
difficultés
persistantes.
Grâce au plan Marshall, les autres pays, devaient s'ouvrir
aux investissements américains.
Cette politique a permis aux Etats-Unis de 1950 à 1970 de
contrôler l'économie mondiale, par le contrôle des sources
d'approvisionnement
des
matières
premières
minérales
146. Le Gold Exchange Standard définit le nouveau système monétaire issu des accords de Breton-
Woods
(USA)
en 1944 et qui faisait du dollar américain et de l'or les bases de ce système:
le dollar était convertible en Or et valait un certain gramme d'or fin.

429
énergétiques et par les investissements massifs dans les
industries
manufacturières
des
autres
pays
industriels.
Les
Etats-Unis
étaient
devenus
le
seul
pays,
après
la
deuxième
guerre
mondiale
dont
le
système
bancaire
assurait, en quelque sorte le fonctionnement de l'économie
mondiale.
Mais,
l'effet
combiné
de
l'augmentation
des
investissements américains en Europe,
et de l'importation
des
matières
premières
et
des
biens
de
consommations
devait
conduire
rapidement
à
un
déficit
sans
cesse
croissant de la balance des paiements des
Etats-Unis:
à
partir de
1971,
le
déficit
auquel
n'est pas
absente
la
guerre
du
Vietnam,
fut
définitivement
consommé.
La
détérioration
de
la
balance
des
paiements
des
USA
a
entraîné une série de désordres monétaires internationaux
dont les importants furent :
- la spéculation sur le dollar
- le cours forcé décrété en 1971 par le président Nixon
- les dévaluations de décembre 1971 et de mars 1973.
Le dollar ne pouvait donc plus
prétendre à
son rôle de
monnaie
de
réserve
-
le
flottement
des
autres
monnaies
consécutif à l'affaiblissement du dollar avec les risques
d'effondrement économique qu'il comportait pour certaines
nations industrialisées, rendait nécessaire une réforme du
système monétaire international.
b) L'accord de la JAMAIQUE et les nouveaux mécanismes
de fonctionnement du système monétaire internatio-
nal
L'accord de la Jamaïque en janvier 1976
fut
le résultat
d'un processus amorcé depuis 1971. En effet,
"la décision
de
mettre
en chantier
une
réforme
du
système
monétaire

430
date de décembre 1971.
Le Comité des Vingt 147 chargé de
cette réforme fut créé en septembre 1792: i l esquisse dès
mars 1973 les grandes lignes:
Choix
de
"parités
stables
mais
ajustables"
avec
possibilité du flottement.
Contrôle du volume de la liquidité internationale.
Renforcement du rôle des DTS 148 destinés à remplacer
les balances dollars 149
Possibili tés
de
recourir
au
contrôle
du
mouvement
des capitaux.
Reconnaissance du caractère spécifique des problèmes
monétaires des pays en développement.
Deux
nouveaux
comités
prirent
le
relais
du
comité
des
Vingts;
leurs travaux servirent de base à
l'Accord de la
JAMAIQUE dont les objectifs sont les suivants:
Placer
le
DTS
au
centre
du
système
monétaire
international.
147. Comité
spécial
du
gouvernement
du
FMI
chargé
de
la
réforme
du
système
monétaire
international constitué en 1972, il travaille jusqu'en septembre 1974.
148. Créés
en
1967 lors
de
l'Assemblée générale
du
FMI,
à
Rio
de
Janeiro,
les
DTS
sont des
facilités
supplémentaires
que
le
FMI
mettait
à
la
disposition
des
pays
qui
le
souhaiteraient.
Ils
étaient
échangeables
uniquement
entre
banques
centrales
et
consti tuaient
de
véritables monnaies.
A l ' origine,
un
DTS
valait
120635
dollar
(février
74), mais les monnaies s'étaient mises à flotter.
il a été dédidé à partir de juin 1974 que
le DTS évoluerait comme la moyenne pondérée des plus importantes monnaies rattachées au FMI
(celles qui interviennent pour plus de 1% dans les exportations mondiales ... ).
149. Les balances dollars sont la contrepartie sous forme de lignes de crédits dans les comptes
d'une banque de
réserve ou d'une banque commerciale américaine des dollars qui
circulent
aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde.

431
Adopter
un
nouveau
régime
de
change
en
modifiant
l'article
IV
des
statuts
du
Fonds,
celui
qui
définissait le principe des parités de change fixe.
Assurer
une
nouvelle
répartition
des
responsables
des pays membres au sein du FMI:
par exemple,
les
quote
parts
payées
par
les
pays
exportateurs
de
pétrole furent doublées.
Permettre
aux
pays
en
voie
de
développement
de
récupérer
une
partie
de
la
plus-value
qui
sera
dégagée lors des transactions sur l'or.
Elargir des facilités du financement compensatoires
du
FMI
pour
pallier
les
inconvénients
des
fluctuations des recettes d'exportations des pays en
développement.
Le
nouveau
système
monétaire
international
conférait
désormais un rôle de premier plan aux DTS et mettait par
voie de conséquence fin au Gold Exchange Standard: les DTS
devaient
évoluer
comme
la
moyenne
pondérée
des
seize
monnaies
les
plus
importantes,
c'est-à-dire
celles
des
pays
dont
la
part
dans
le
commerce
international
représente plus de 1% ; par ce biais,
le FMI donnait plus
de
stabilité
au
système
monétaire
international.
Mais
est-ce à
dire qu'il
remédiait aussi au déséquilibre qui
caractérise les relations
entre pays
développés
et pays
sous-développés sur le plan monétaire?

432
c) La portée du nouveau système monétaire dans l'amé-
nagement des relations économiques internation.-Ies
Parmi
les
objectifs
fixés
au
nouveau
système
monétaire
international,
trois
principaux
visent
les
intérêts
des
pays en développement:
il s'agit de l'augmentation (100%)
de la quote-part des responsabilités des pays membres au
sein du FMI,
l'élargissement des facilités de finaQcement
compensatoire
pour
pallier
la
fluctuation
des
recettes
d'exportation de 'ces pays, le transfert à ces derniers par
l'entremise du Fonds fiduciaire de la plus value qui sera
dégagée lors des transactions sur l'or.
Ces
nouvelles
dispositions
ont
pour
but
de
mettre
des
ressources
supplémentaires
à
la
disposition des
pays
en
développement
mais
elles
ont
une
portée
limitée
sur
l'articulation
entre
la
demande
de
liquidité~
internationales
de
ces
pays
et
leurs
exigences
de
développement:
d'abord
la
création des
DTS
entérine
une
situation de fait:
la suprématie monétaire et économique
?es pays industriels;
ensuite le développement rap~de du
marché
des
eurodevises
largement
dominé
par
le
système
financier
et
bancaire
du
dollar
accentue
"l'intégration
des nations
industrielles entre elles et l'isolement des
pays du Tiers-Monde".
a - Les DTS et leurs effets sur les relations économiques
internationales
En prenant pour base de référence des DTS seize monnaies
qui interviennent pour plus de l
% dans les exportations
mondiales, le nouveau système monétaire conférait une base

433
plus
large,
plus
solide
et
plus
stable
aux
échanges
internationaux.
Les
effets
liés
à
la
fluctuation
des
recettes
d'exportation
par
le
jeu
monétaire
se
trouvent
ainsi
rédui ts
mais
dans
la
réalité,
il
n'est
pas
à
même
de
corriger l'instabilité des marchés des matières premières

se
si tue
le
principal
goulot
d'étranglement
pour
le
développement des exportations des pays du Tiers-Monde.
C'est pourquoi nous pensons,
à
la suite de Pierre-Mendès
FRANCE
qu'un
système
fondé
mi-partie
sur
les
DTS,
mi-
partie sur
la moyenne pondérée des
prix
des
principales
matières premières minérales et énergétiques exportées par
les
pays
du
Tiers-Monde
aurait
permis
à
ces
derniers
d'avoir des recettes stables et d'opérer un transfert de
ressources des
pays développés vers
les sous-développés.
Dès lors que le système monétaire serait en partie fondé
sur
les
principales
matières
premières
exportées
par le
Tiers-Monde,
i l
en
serait
résulté
une
plus
grande
stabilité
de
leurs
prix
et
un
niveau
de
rémunération
ajustable
par
rapport
aux
DTS.
C'est
à
ce
prix
qu'on
aurait
apprécié
une
véritable
solidarité
entre
pays
industriels
et
pays
en
développement;
or
la
multinationalisation de l'économie mondiale consécutive à
celle
de
l'économie
américaine
entre
1950
et
1970
va
réactiver
à
partir
de
1970
le
marché
international
des
eurodevises dont les 9/10e sont représentés par le système
financier et bancaire du dollar.

434
b - Le marché des eurodevises et le développement capita-
liste mondial
Selon la
définition
proposée par
Robert
PELLETIER,
"les
eurodevises sont des créances en une monnaie convertible
détenues
par un non résident gérée
par un établissement
installé hors du pays d'émission de la devise,
converties
en crédits utilisés en dehors de ce pays". Ce mécanisme de
financement
de
l'activité
économique
international
a
permis
aux
Etats-Unis
de
financer
leurs
opérations
sans
grands risques; ils n'avaient plus besoin d'un dollar fort
dans
la
mesure

ils
pouvaient
s'approvisionner
facilement en eurodollars 150; ainsi ils ont pu au cours de
la décennie accroitre rapidement
la part de leurs biens
d'équipement à l'exportation.
Parallèlement la tactique du dollar
faible
ainsi
que
le
signalai t
Francis
KERN
151
rend
plus
difficile
l'exportation
des
biens
de
consommation
sur
le
marché
américain.
Elle
limite
ainsi
leur déficit
commercial
et
pénalise les recettes d'exportation de matières premières
agricoles et minérales des pays du Tiers-Monde.
Si à
cette nouvelle tactique les entreprises européennes
et japonaises répondent en investissant directement dans
l'économie américaine les pays du Tiers-Monde en revanche
furent
obligés
de
s'endetter
pour
combler
leur
déficit
150. Eurodollar est un
dollar déposé dans
une banque
hors
des
Etats-Unis par un
résident non
américain.
151. F.
KERN.
l'or.
le dollar et l'intégration capitaliste;
in le monde diplomatique n'314.
mai
1980.

435
commercial,
lourdement
aggravé
par
le
second
choc
pétrolier de 1978.
Face
aux
difficultés
économiques,
pays
développés
et
en
développement
réagissent
en
fonction
de
leurs
intérêts.
Les droits de tirage spéciaux furent
supprimés depuis la
récession
de
1982-1985;
désormais
chaque
pays
tente
de
défendre
se
monnaie
par
une
poli tique
de
maintien
des
grands équilibres économiques internes et externes.
L'endettement
des
pays
d'Afrique
a
entraîné
des

dévaluations
dont
les
effets
escomptés
ne
se
sont
pas
toujours produits, notamment en ce qui conçerne la relance
des exportations et des appareils de production.
Le Franc
CFA 152 est soumis depuis quelques années à la pression du
fonds monétaire international qui vise sa dévaluation et à
terme
le
démantèlement
de
la
zone
franc.
Le
proj èt
de
création d'un fonds monétaire africain a déjà fait l'objet
de
nombreuses
études
et
de
diverses
réunions
de
concertation
au
plan
continental
sous
l'égide
de
la
Commission
Economique
des
Nations-Unies
pour
l'Afrique
mais
les
difficultés
économiques,
financières
et
politiques
auxquelles
les
Etats
sont
confrontés
font
passer ces préoccupations au second plan.
Section 2 - La rénovation de la coopération entre l'Europe
et l'Afrique à travers les relations ACP-CEE
Parallèlement
aux
tentatives
de
réformation
de
l'ordre
économique international dans
le cadre des
Nations-Unies
152. CFA: Coopération financière africaine.

436
des
initiatives
nouvelles
apparaissent
avec
l'élargis-
sement
de
la
coopération
de
la
Communauté
Economique
Européenne
à
la
grande
majorité
des
Etats
d'Afrique
subsaharienne,
des Caraïbes et du Pacifique. Depuis 1975,
ces
nouvelles
relations
font
l'objet
d'une
série
de
conventions 153 dont la quatrième version a été signée en
décembre 1989 au Togo.
1 - Les origines de la coopération ACP-CEE
a) Historique
Historiquement
la
coopération
ACP-CEE
est
le
produit
de
dix
années
d'association
entre
la
Communauté
Economique
Européenne et dix huit Etats Africains et Malgache.
En
effet
au
moment
de
la
signature
du
trai tG
de
Rome,
quatre
des
six
Etats,
parties
au
Traité
avaient
des
responsabilités coloniales.
Les deux autres Etats étaient
le Luxembourg et la République Fédérale d'Allemagne.
Pour
des raisons commerciales et financières,
la France surtout
avait
exigé
de
ses
partenaires
l'octroi
d'un
statut
d'Etats
Associés
à
ses
colonies
sans
consul tation
préalable
des
principaux
intéressés.
Au
moment
des
indépendances
a
été
renégocié
lors
de
deux
grandes
réunions,
la Réunion Euro-africaine de Rome,
du 24 au 26
janvier et la Conférence de Strasbourg en juin 1961.
Des
rencontres
au
niveau
des
Ambassadeurs
eurent
lieu
à
Bruxelles et un mémorandum fut publié par la Commission de
la CEE
le
13
juillet
1961.
La
première
Convention dite
Yaounde
l
entrait en vigueur
le
1er juin 1964 pour une
153. Convention de LOHE.

437
période
de
cinq
ans;
la
seconde
Convention
couvrit
la
période 1949-1974.
Ainsi
de
1958
à
1974,
on
est
passé
d'un
régime
d'association
empirique
hérité
de
l ' histoire
à
une
poli tique d'association plus consciente dotée d'un cadre
juridique relativement cohérent.
b) Les objectifs des conventions de Yaounde
Ces
objectifs
furent
circonscrits
à
trois
domaines
prioritaires:
les échanges
commerciaux,
le développement
rural et l'industrie.
Sur
le
plan
commercial,
le
développement
des
échanges
entre la CEE et les dix huit Etats Africains et Malgache
associés
(EAMA)
154
devait
conduire
à
la
création
d'une
zone de libre-échange par:
l'instauration
d'un
régime
de
préférences
réciproques, par suppression des droits de douanes à
l'importation
des
marchandises
de
l'un
des
partenaires sur le territoire douanier de l'autre,
la
suppression
des
restrictions
quantitatives
ou
contingents d'importation là où il en existait,
la
non-discrimination
c'est-à-dire
l'égalité
de
traitement accordé par chacun des associés à chacun
des Etats membres de la Communauté.
154. Burundi,
Cameroun.
Congo-Brazzaville.
Congo -
Léopoldville
(Zaire),
Côte d'Ivoire,
Dahomey
(République Populaire du Bénin). Gabon,
Haute-Volta
(Burkina Faso), Madagascar. Mauritanie,
Mali, Niger,
République Centrafricaine, Rwanda. Sénégal. Somalie, Tchad, Togo.

438
Ainsi
une
mise
en
place
accélérée
de
la
préférence
communautaire
a
été
décidée
par
certains
au
profit
des
Etats associés.
Taux du nouveau tarif
Taux anciens
Café
9,6 %
16 %
Cacao
5,4 %
8 %
Ananas
9
%
12 %
Girofle
15
%
20 %
Poivre
17
%
20 %
Vanille
Il,5 %
15 %
Coco
4
%
5 %
Thé
10,8 %
18 %
A la lumière de ce tableau,
on s'aperçoit que les droits
de douane des produits tels que le café,
le cacao et les
ananas frais ont été sensiblement abaissés. Théoriquement,
les
différentes
mesures
inscrites
dans
les
conventions
devaient
aboutir
dans
la
pratique
à
des
résultats
salutaires
pour
les
importations
des
pays
africains
et
malgache.
La
multiplication de
leurs
fournisseurs
et
de
leurs
sources
d'approvisionnement
devait
exercer
une
pression
salutaire
sur
les
prix
locaux.
Pour
les
exportations de matières premières,
un
libre accès
à
un
marché
en
expansion
de
160
millions
de
consommateurs
constituait
à
priori
un
élément
favorable.
En
réalité
l'expansion des
échanges
s'est
faite
d'une manière
très
inégale entre 1958 et 1967.
Dans les
premières années,
les échanges ont
régressé de
184 millions de dollars soit de 12 %. La cause essentielle
incombai t
à
la
dévaluation
du
franc
intervenue
le
1er
janvier 1959; en effet les échanges entre la France et les

439
pays d'Outre-Mer de sa zone ont diminué de 215 millions de
dollars c'est-à-dire de 20 % soit à peu près le taux de la
dévaluation du franc.
Il faut cependant remarquer que tous
les autres partenaires avaient accru leurs importations:
L'Allemagne
de 17 %
L'Italie
de 33 %
Les Pays-Bas de
9 %
l'U.E.E.L.
de 19 %
Entre 1964 et 1967, les importations des Etats associés en
provenance
de
la
C.E.E.
(non
compris
la
France)
ont
augmenté de 50 %,
ce qui représente 15 % des importations
totales
de
ces
pays.
Leurs
exportations
vers
la
C. E. E.
n'ont augmenté que de 33 %. Au cours de cette période,
le
montant des préférences dont bénéficient les 18 E.A.M.A.
est évalué à
210 millions de
francs
français
contre 395
millions
aux
Etats
membres
de
la
Communauté.
Cette
inégalité choquante,
selon le mot de Robert Lemaignen,
en
dit
long
sur
les
inconvénients
que
comporte
pour
les
E.A.M.A. une association fondée sur le libre-échange.
Cette situation fut aggravée par un certain nombre de cas
particuliers qui ont été prévus dans le traité de Rome et
maintenus ensuite par les deux Conventions successives de
Yaoundé. En effet,
lors de la signature du traité de Rome,
un accord était intervenu entre les Etats membres sur le
"protocole
de
la
banane" ;
celui-ci
accordait
à
la
République Fédérale d'Allemagne,
la possibilité d'importer
en provenance des pays tiers et en exemption des droits de
tarif
douanier
correspondant à
l'année 1956 et

440
l'évolution
de
la
communauté.
Pour
les
oléagineux
la
C.E.E. assurait la protection de ces huiles et instaura un
système de subvention à la production en ce qui concerne
les
graines.
Enfin,
toute
importation
de
sucre
dans
la
C.E.E. était interdite.
Ainsi
par
le
système
des
"clauses
de
sauvegarde",
les
produits
homologues
et
concurrents,
en
provenance
des
E.A.M.A.
furent exclus des avantages de la Communauté. Les
conséquences de cette politique ont été fâcheuses pour les
E.A.M.A.
En effet le jeu de l'exception touchait une part
extrêmement importante de leurs produits d'exportation.
De leur côté,
les E.A.M.A.
pouvaient prendre des mesures
de
protection
en
faveur
des
secteurs
économiques
qui
seraient menacés.
Ils pouvaient d'autre part conclure des
unions douanières ou des zones de libre échange entre les
Etats associés et les pays tiers à condition que celles-ci
ne fussent pas contraires aux principes et dispositions de
la Convention d'association.
Ces mesures
se
justifiaient
dans
la mesure où
les
E. A. M. A.
étaient confrontés
à
des
difficultés dues à
la structure interne de leur économie
et
aux
effets
de
domination
des
pays
industriels.
Les
contraintes d'ordre politique,
technique et social jointes
à
la
dégradation
des
termes
de
l'échange
et
à
la
fluctuation des cours des matières premières n'étaient pas
de nature
à
favoriser
leur
développement
économique.
Il
était
donc
impérieux
que
dans
la
perspective
d'un
développement
limité
des
mesures
protectrices
fussent
prises
pour
juguler
les
effets
négatifs
d'une
zone
de
libre-échange.
En
définitive,
ces
différentes
mesures
constituaient de simples palliatifs à des
problèmes dont

441
la
solution
eut
nécessité
un
véritable
changement
de
structures et par là même, une négation de l'association.
Il
semble qu'au-delà de ces
garanties,
les
Etats
de
la
Communauté Economique Européenne aient voulu favoriser les
initiatives
tendant
à
promouvoir
les
regroupements
régionaux et l'unification africaine. Or au cours des dix
années
d'association,
les
échanges
inter
africains
n'avaient guère évolué.
En dehors de quelques organismes
régionaux tels que l'O.C.A.M. 155, l'U.D.E.A.C. qui étaient
soumis aux aléas des politiques nationales,
il n'existait
véritablement
pas
de
relations
économiques
coordonnées
entre
les
Etats
associés;
d'ailleurs
l'inégalité
qui
existait
entre
eux
bloquait
toute
initiative
en
ce
domaine.
Les clauses de sauvegarde apparaissent beaucoup
plus destinées à désamorcer les critiques du libéralisme
et de la nouvelle forme de pacte colonial que constituait
l'Association.
Le
circuit
classique
de
l'échange
de
matières premières contre les produits finis se perpétue
ainsi:
les
différentes
formes
d'aide
de
la
C. E. E.
aux
E.A.M.A.
tendaient
à
favoriser
le
développement
des
produits
de
base
au
détriment
d'une
véritable
industrialisation.
Dans le domaine agricole,
la libéralisation des échanges
conduisit
les
E.A.M.A.
à
développer
la
production
des
produits vendables immédiatement sur les marchés des pays
européens; c'est le cas du café,
du cacao, des palmistes,
de
la
banane
et
des
ananas.
Cette
politique
était
préjudiciable
aux
cultures
vivrières.
"Les
productions
agricoles de l'Afrique, selon le mot de Guy Caire, ont été
155, Organisation commune africaine et malgache. Union douanière des Etats d'Afrique Centrale.

442
conçues en fonction des besoins extérieurs implantées ou
inspirées par les Européens apportant leurs capitaux,
une
technique et
les
orientant vers
leurs
propres
marchés".
Dans
le cadre de
l'Association C.E.E.
-
E.A.M.A.,
cette
forme
de
développement
agricole
fut
encouragée
par
une
aide
financière
orientée
quant
aux
secteurs
d'intervention.
Le montant de l'aide globale accordée par la C. E. E.
aux
E.A.M.A. avait augmenté depuis le traité de Rome mais elle
n' avai t
pas
s'1ffi
à
satisfaire
les
exigences
de
développement des Etats africains dont les besoins avaient
plus augmenté dans la même période. L'aide communautaire a
porté sur la diversification et sur la régularisation des
cours des matières premières.
Le financement des investissements était assuré par deux
organismes:
le
Fonds
Européen
de
Développement
et
la
Banque Européenne d'Investissements.
Le premier gérait 666
millions d'unités de compte dont 620 pour les subventions
et
46
pour
les
prêts
spéciaux.
La
B.E.I.
gérait
64
millions d'unités de compte,
"elle accorde les prêts aux
Etats associés ou à des entreprises ressortissant de ces
Etats après
un avis
favorable
de
l'Etat
intéressé".
230
millions
d'unités
de
compte
étaient
affectés
au
financement des actions de commercialisation. Ceci devrait
permettre les prix compétitifs sur l'ensemble des marchés
de la Communauté par deux moyens:
d'abord,
par la rationalisation des cultures et des
méthodes de ventes,

443
Aide à la production et à la diversification
230
Aide à la production et à
Aide à la diversification
diversification
lB3
47
Etats
Etats
SENEGAL
46,7
BURUNDI
5
MALI
5,6
RWANDA
5,25
NIGER
6,5
CONGO-LEe
15
COTE D'IVOIRE
46,7
SOMALIE
6,50
DAHOMEY
5,5
MAURITANIE
5,00
TOGO
5,7
HAUTE VOLTA
6,00
CAMEROUN
15,8
GABON
4,00
TCHAD
5,7
Rtp. Cent.
6,8
CONGO BRAZZAVILLE
6,4
MJ\\DAGASCAR
31 ,6

444
ensuite,
en
facilitant
aux
producteurs
les
adaptations nécessaires.
L'amélioration des structures agricoles et la réforme des
structures
devaient
permettre
de
remédier
aux
inconvénients de la monoculture; en réalité,
ces mesures,
outre
qu'elles
revenaient
chères,
ne
résolvaient
pas
entièrement
les
problèmes
socio-économiques des
E.A.M.A.
et
ce
pour
deux
raisons:
d'abord,
la
production
et
la
diversification
étaient
conçues
en
vue
d'une
adaptation
aux exigences d'une commercialisation aux prix mondiaux;
ensui te
des
efforts
sérieux
étaient
épargnés
en
vue
du
développement
des
cul tures
vivrières
qui
devraient
répondre
aux
besoins
locaux
et
à
l'augmentation
de
la
population.
Les
aides
à
la
production
et
à
la
diversification
furent
réparties
comme
suit
156
dans
le
tableau ci-contre.
Ce
tableau

sont
représentés
les
dix-huit
Etats
africains
et
malgaches
associés
met
en
évidence
l'inégalité
dans
le
montant
de
l'aide
accordée
aux
différents
pays.
Le
Sénégal,
la
Côte-d'Ivoire
et
Madagascar viennent largement en tête. Même dans le cadre
de la politique de la diversification,
les Etats les plus
défavorisés au départ constituent le groupe qui reçut le
moins de moyens de financement.
Dans le domaine industriel,
outre l'aide à
la production
des
matières
premières,
les
Etats
de
la
communauté
s'étaient engagés à
promouvoir la prise de participation
des entreprises européennes dans des entreprises existant
156. Association E.A.M.A. - C.E.E. Documentation fiscale page 24.

445
en Afrique pour leur
apporter
à
la
fois
les
ressources
financières et la technologie.
Dans l'ensemble, les résultats de dix années d'association
furent décevants:
à
cause de la politique agricole commune des Etats
de
la
Communauté
Economique
Européenne
qui
protégeaient le marché communautaire contre certains
produits agricoles africains,
à
cause
du
comportement
de
certains
Etats
de
la
communauté qui préféraient acheter à des pays tiers,
en
l'occurrence
l'Amérique
latine
des
produits
concurrents tels quel es bananes ou qui instituaient
des taxes
locales
sur
la consommation de
produits
africains tels que le café,
en
raison
des
inégalités
manquées
qui
ont
caractérisé les relations commerciales entre la CEE
et les 18 E.A.M.A. qui accordèrent plus d'avantages
tarifaires à leurs partenaires qu'ils n'en ont reçu,
en raison de l'insuffisance de l'aide financière.
C'est
pourquoi
les
nouvelles
conventions
de
Lomé
vont
apporter
des
innovations
dans
les
relations
entre
la
Communauté
et
l'Afrique
tant
dans
leur
esprit
que
dans
leur contenu.
2 - Les perspectives de développement liés aux conventions
ACP-CEE
Cette rénovation se caractérise par deux traits principaux
une
meilleure
protection
des
recettes
d'exportation
des

446
ACP
et
notamment
des
pays
d'Afrique,
un
dépassement
de
l'optique
marchande
même
si
cette
volonté
d'adapter
la
coopération
aux
exigences
d'un
développement
global
se
heurte encore à divers obstacles.
a) Une meilleure protection des recettes d'exportation
Depuis
1975
quatre
conventions
portant
le
nom
de
Convention de Lomé ont marqué les relations de coopération

entre
la
Communauté
Economique
Européenne
et
les' Etats
d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique.
L'une des évolutions marquantes au cours de cette période
porte sur
la
libéralisation des
échanges.
En effet pour
garantir
des
débouchés
stables
aux
Etats
ACP,
sur
un
marché européen de 200 millions de consommateurs,
la CEE
accorde la suppression totale des droits de douane et des
restrictions
quantitatives
à
l'importation
des
produits
industriels.
Une
préférence
est
accordée
pour
96
% des
produi ts
agricole
exportés
par
les
ACP.
Pour
les
4
%
restants,
des droits moindres que ceux qui sont appliqués
au pays tiers sont accordés.
En
plus
de
ces
avantages,
la
protection
des
recettes
d'exportation
des
ACP
a
été
améliorée
au
cours
de
ces
quinze dernières années,
par le biais de deux mécanismes:
le STABEX et le SYSMIN 1~
Le STABEX est un système de stabilisation des recettes
tirées
de l'exportation par les ACP à
destination de la
CEE de produits dont leurs économies sont tributaires et
qui
sont
touchés
par
des
fluctuations
de
prix
et/ou
de
157. STABEX: Stabilisation des recettes d'exportation: SYSMIN: Système minier.

447
quantités.
Il
est
doté
d'un
fonds
qui
transfère
des
ressources
aux
ACP
en
fonction
d'une
liste
de
produits
agricoles et sur la base de trois critères principaux:
le
seuil
de
dépendance,
c'est-à-dire
la
part
du
produit ou du groupe de produits couverts dans les
recettes d'exportation
totale
du
pays
au
cours
de
l'année précédant le transfert,
le niveau de référence,
c'est-à-dire la moyenne des
recettes
d'exportation
du
produit
au
cours
des
.
quatre années précédant l'année d'application,
le
seuil
de
déclenchement,
c'est-à-dire
le
pourcentage de diminution des recettes d'exportation
du produit par rapport au niveau de référence.
Ce système a été amélioré au fil des quatre conventions:
la
couverture
des
risques
offerte
par
le
STABE
a
été
constamment élargie à de nouveaux produits pour couvrir la
presque totalité de
la gamme des
produits
agricoles des
ACP. De 46 dans la convention de Lomé II,
ils sont passés
à
plus
de
50
dans
Lomé
IV.
Ensuite
les
seuils
de
dépendance et de déclenchement ont été abaissés
de
10 %
dans Lomé l,
à
6,5 % dans Lomé II,
à
6 % dans Lomé III,
pour se situer à 5 % dans Lomé IV.
Pour les pays ACP les
moins
avancés,
enclavés
et
insulaires,
ces
seuils
sont
passés de 2 % à 1 %.
Quant à la période de référence, elle est passée de quatre
années
à
six
moins
les
deux
résultats
extrêmei.
La
dotation
financière,
même
si
elle
demeure
insuffisante
compte tenu de l'accroissement des besoins des ACP s'est

448
renforcée:
elle est passée de 550 millions d'Ecu 158 dans
Lomé II à 1500 millions dans Lomé IV.
Par rapport 'à Lomé
III,
l'accroissement du STABEY est de l'ordre de 62 %.
Le SYSMIN constitue l'une des innovations de Lomé II.
Il
couvre
des
produits
miniers
tels
que
le
cuivre,
le
cobalt,
les
phosphates,
la
manganèse,
la
bauxite
et
l'aluminium,
l'étain,
le
minerai
de
fer.
De
nouveaux
produits ont été inclus dans le système par la convention
de Lomé IV: l'uranium et l'or.
A la différence du STABEX,
le SYSMIN ne procède pas à des
transferts
budgétaires
mais
accorde
des
prêts
spéciaux
servant
à
financer
des
programmes
ou
projets
pour
renouveler
l'outil
de
production
ou
la
capacité
d'exportation
du
pays
ACP
du
fait
d'une
baisse
substantielle de la production et de l'exportation.
Cette
baisse doit résulter de sérieux incidents techniques ou de
graves . événements
politiques
internes
ou
externes.
Par
rapport
à
Lomé
III,
la
dernière
convention
signée
en
décembre 1989 a renforcé le concept de viabilité;
mais le
SYSMIN
pourra
également
intervenir
lorsque
les
recettes
â' exportation
totales
du
pays
seront
affectées
pa-r
des
perturbations.
L'introduction du STABEX et du SYSMIN dans la coopération
ACP-CEE
a
permis
de
pallier
en
partie
les
difficultés
économiques et financières des ACP.
La décennie 1975-1985
a été marquée par deux chocs pétroliers et par une réces-
sion économique en 1982-1985.
Alors que la croissance du
PNB par habitant de l'Afrique au Sud du Sahara était de
158, Unitè de Compte Europèenne.

449
20% par an au cours des anénes 1961-1973, elle est tombée
à une moyenne de 0,1% par an de 1973 à
1980.
Dans cette
conjoncture
internationale
difficile,
i l
était
devenu
nécessaire de dépasser
l'optique marchande des
premières
conventions
de
Yaoundé
pour
embrayer
davantage
la
coopération ACP-CEE sur le développement global.
b) Le dépassement de l'optique marchande
Cette tendance s'est nettement affirmée avec Lomé IV.
Les
grands domaines
de
la
coopération
prennent
désormais
en
compte les obstacles auxquels les ACP sont confrontés dans
le processus de développement.
Sur le plan agricole et de la sécurité alimentaire, la
nouvelle
stratégie
des
conventions
de
Lomé
consiste
à
affirmer la dimension régionale des
solutions et à faire
de
l'aide
alimentaire
non
plus
seulement
une
assistance
humanitaire
mais
également
un
élément
d'appui
à
la
réalisation de projets agricoles.
sur
le
plan
financier,
l'appui
à
l'ajustement
structurel, à l'allégement et à la gestion de la dette des
ACP rénove la coopération ACP-CEE,
dans
le
domaine culturel
et
social,
le champ
de
la
coopération a été élargie à des thèmes comme la nutrition,
la
population
et
la
démographie
avec
pour
objectif
de
parvenir à
"un meilleur équilibre entre la population et
les ressources".
Les dispositions relatives à la santé, -à
la
promotion,
des
identités
culturelles
et
au
dialogue
interculturel ont été également renforcées,

450
dans
le
domaine
des
libertés,
les
dispositions
relatives
aux
Droits
de
l'Homme
et
au
respect
de
la
dignité humaine ont été renforcées.
Elles font désormais
partie intégrante de la Convention et visent également la
question
de
l'apartheid,
la
situation
des
travailleurs
migrants et des étudiants ACP dans la Communauté.
Par
rapport
aux
tentatives
de
réformation
de
l'ordre
économique
international
que
connai t
la
communauté
internationale
depuis
le
premier
choc
pétrolier,
la
coopération ACP-CEE marque sans conteste un progrès dans
le cadre du dialogue Nord-Sud, mais force est de constater
que
l'Afrique
au
Sud
du
Sahara
connait
des
difficultés
économiques
accrues.
Les
perspectives
de
développement
pour
les
années
à
venir
sont
teintées
d'un
grand
pessimisme.
Si trente ans d'interventions économiques,
financières et
technologiques
se
sont
traduites
par
des
performances
insuffisantes
voire
catastrophiques,
i l
importe
de
repenser
la
problématique
de
développement
des
pays
d'Afrique
au
Sud
du
Sahara
par
un
questionnement
de
l'environnement socio-culturel et politique.

451
CHAPITRE III - ESQUISSE DES CONDITIONS DE POSSIBILITE DE
DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE
Face
à
l'échec
des
politiques
de
développement,
une
reprise d'initiative s'impose aujourd'hui;
elle doit être
menée
à
la
fois
sur
le
plan
théorique
et
sur
le
plan
opérationnel en vue de mieux formuler la problématique de
développement
et
par
voie
de
conséquence
d'établir
une
hiérarchie
entre
les
types
d'intervention.
Ce
renouvellement de la pensée et de l'action doit s'opérer
dans trois directions :
le refus de l'idéologie du développement,
la nécessité de réaliser l'intégration politique du
continent,
la
nécessité
de
promouvoir
une
révolution
intellectuelle culturelle.
Section 1 - Le refus de l'idéologie du développement
"Il
est
essentiel
que
nous
soyons
nourris
de
notre
culture
et
de
notre
histoire
si
nous
voulons créer cette personnalité africaine qui
doit être la base intellectuelle de notre avenir
panafricain".
Par ces lignes,
Kwame N'krumah définit bien l'antidote à
l'idéologie du développement.
En effet elle a pour effet
l d'occulter l'histoire et la culture,
de
l'Afrique
en
s'interdisant par la même de comprendre la complexité de
l'évolution économique,
poli tique,
culturelle et
sociale
du
continent.
Elle
a
également
pour
effet
de
figer
la

452
conception du développement dans un mimétisme intellectuel
et
culturel
qui
privilégie
les
modèles
étrangers
au
détriment des dynamismes internes.
Refuser
l'idéologie
du
développement,
c'est
d'abord
réhabiliter l'histoire du continent Africain, non pas dans
un
souci
d'exaltation
du
passé,
mais
pour
montrer
le
caractère
universel
du
changement,
l'importance
des
dynamismes internes dans l'évolution, de toute société. Il
est essentiel de montrer qu'à l'instar des autres régions
du
monde,
l'Afrique
avait
connu
de
brillantes
civilisations
depuis
l'Antiquité
dont
le
déclin
a
été
principalement précipité par des causes externes.
Pendant
que le reste du monde se construisait,
l'Afrique ne fut-
elle
pas
le
théâtre
d'une
saignée
sans
précédent
dans
l'histoire qui dura près de cinq siècles et demi?
C'est ensuite circonscrire ses fondements théoriques,
son
impact sur
les mentalités et
les
comportements.
Refuser
l'idéologie
du
développement,
c'est
enfin
formuler
une
problématique
nouvelle
qui
restitue
aux
dynamismes
internes
leur
importance
décisive
dans
le
processus
du
changement.
1 - Réhabiliter l'histoire africaine
A l'instar des civilisations indienne, chinoise, arabe et
européenne, les civilisations africaines ont très tôt subi
des influences extérieures; d'abord celle du monde judéo-
chrétien par la christianisation du royaume de Nubie en
560 qui avait lui-même au VIlle siècle avant Jésus-Christ
conquis
l'Egypte
et
devint
la
XXVe
dynastie,
dite
Ethiopienne; ensuite celle de l'Islam.

453
Ces
constats
et
les
échanges
commerciaux
qui
en
ont
résulté
ont
eu
un
impact
décisif
sur
l'évolution
des
sociétés africaines de l'Antiquité et du Moyen-Age.
Dans le Nord-est Africain de la vallée du Nil
à
la mer
Rouge
avaient
prospéré
les
Etats
les
plus
anciens
du
continent.
Les populations qui y vivaient furent coupées
dès le VIIe siècle de la Méditerranée et du Proche-Orient
par la Conquête arabe. C'est le cas du royaume de Dongola
qui signa vers 650 avec l'Egypte musulmane un traité qui
sera respecté jusqu'en 1315; de celui d'Aloa, au confluent
du nil blanc et du nil qui résistera jusqu'en 1504.
Sur
les bords de la Mer Rouge le royaume d'AXOUM fut conquis
par les Arabes,
Adoulis,
son grand port détruit au VIIIe
siècle.
En Afrique orientale,
le MONOMOTAPA fut détruit
par les
portugais au début des
temps modernes.
Cet
Etat compris
entre le port de SOFALA et la grande courbure du Zambèze
exploitait de l'or à ciel ouvert,
des mines de fer et de
cuivre.
La
description
qu'en
firent
les
voyageurs
portugais
témoigne
du
degré
d'élaboration
qu'il
avait
atteint
avant
le XVIe
siècle.
Il
est
intéressant
à
cet
égard, de rapporter le témoignage suivant de De Barros.
"On
aperçoit
au
milieu
d'une
plaine
dans
le
royaume de BOUTOUA près des plus anciennes mines
d'or
un
fort
quadrilatère
et
très
bien
construi t,
à
l'extérieur,
comme à
l'intérieur.
Les murailles composées d'énormes pierres
sans
ciment entre leurs assises ont une épaisseur de
vingt cinq palures.
Leur hauteur n'est pas très
considérable
en
comparaison
de
leur
largeur.
Au-dessus de la porte est une inscription que ne
purent
lire
ni
les
marchands
maures
ni
les
autres
interprètes
qu'on
consulta.
Les
caractères
mêmes
leur
étaient
inconnues.
Les

454
tours du fort avaient plus de cent trente mètres
de hauteur" 159.
En
Afrique
centrale
rayonnait
le
Royaume
de
Loango,
compris entre l'Equateur et les rives du Zaïre et composé
de
plusieurs
provinces.
Tous
les
explorateurs
qui
le
visitèrent
ont
mis
l'accent
sur
sa
richesse
et
son
organisation.
Plus au sud,
les ruines de Zimbabwé témoignent également
de
l'existence
avant
l'arrivée
des
portugais
d'une
brillante civilisation. Outre les objets locaux en or, les
sculptures,
les vases de pierre,
les armes,
les poteries
diverses,
les perles,
on y découvrit également des objets
importés:
faïences
persanes,
porcelaines,
chinoises,
verres arabes.
En
Afrique
occidentale
divers
Etats
se
sont
développés
entre
le
XIe
et
le
XVIe
siècle.
Après
avoir
connu
des
périodes
fastes,
ils
ont
périclité
du
fait
des
guerres
internes et surtout de l'invasion européenne.
Dans la zone des
savanes et des steppes
aux confins du
Sahara entre le Sénégal et le lac Tchad, le Soudan d'alors
constitua
un
puissant
foyer
de
développement
avec
le
Ghana, le Mali et l'Empire SONGHAI. Par exemple Tombouctou
consti tuai t
une ci té marchande prospère au
VIle
siècle,
"édifiée
par
un
roi,
nommé
MANSA
SOULEYMANE
en
610
de
l'hégire,
poche
d'un
bras
du
fleuve
Niger,
garnie
de
boutiques de marchands et artisans, tisserands de toile de
coton" .
159. In Baba Kak~. Ibrahim, opus d~jà cit~, p. 104.

455
Selon les historiens,
" l'importance de Tombouc",:ou venait
du
fait
qu'elle était
stratégiquement
bien
placée.
Elle
commandait le cours du Niger et permettait de surveiller à
la
fois
le
Sahara
et
le
Soudan.
C ' étai t
le
point
de
rencontre des nombreuses routes suivies par les caravanes
qui
sillonnaient
le
Soudan
et
portaient
au
Soudan
les
produits du Nord de l'Afrique en échange des esclaves, de
l'ivoire, des bestiaux qu'ils transportaient dans les pays
barbaresques 160. Outre Tombouctou, il y avait DJENNE, à la
fois métropole commerciale,
avec le trafic de
l'or,
des
céréales, de la Kola,
de l'indigo et du beurre de Karité,
centre religieux et intellectuel.
Au contact de deux civilisations,
le monde
blanc arabo-
berbère
des
éleveurs
nomades,
le
monde
noir
des
cultivateurs sédentaires,
les pays du Niger ont connu la
stabilité et l'indépendance jusqu'au jour où attirés par
les richesses du Soudan,
notamment l'or,
les conquérants
arabo-berbères provoquèrent leur désagrégation.
Sur
le
plan
intellectuel,
même
si
l'instruction
fut
réservée à une élite surtout urbaine,
les pays du Niger
comptaient
un
grand
nombre
de
lettrés,
notamment
le
Soudanais
Ahmed
Baba,
"Subtil
théologien,
remarquable
juriste,
astrologue,
historien
et
ethnologue".
C'était
l'honnête
homme
bien
disant,
pourvu
de
belles
connaissances et de ces bonnes manières qui permettent de
faire figure dans le monde.
Il n'a pas écrit moins d'une
cinquantaine
d'ouvrages
sur
le
droi t
maliki te,
la
grammaire et divers sujets".
160. Baba Kake. Ibrahim, opus d~j' cit~. p. 85.

456
Dans la région du lac Tchad, s'était développé l'Empire du
Kamen-Bornou
qui atteignit son apogée au XIIIe et au XIVe
siècles.
Il avait développé des relations d'échanges avec
l'Afrique du Nord et le Proche-Orient.
Au Sud de la Boucle du Niger, l'Empire Mossi et le royaume
Haoussa au nord de l'actuel Nigéria,
le royaume du Bénin
dans le Golfe de Guinée témoignent du degré d'organisation
politique des sociétés africaines au Moyen-Age.
L'arrivée
des
Portugais
au
XVe
siècle
a
inversé
le
cours
de
1 ' histoire
de
ces
sociétés
dans
tous
les
domaines
par
l'effet dévastateur de la traite.
Lorsqu'elle se termine,
vers le milieu du XIXe siècle,
la
colonisation
était
déjà
en
marche
et
les
dernières
tentatives d'unification politique n'ont pas pu résister à
la supériorité militaire des nations européennes.
L'ordre
colonial
s'établit
donc
sur
des
civilisations
anciennes dont certaines avaient atteint leur apogée avant
1 ' arri vée
des
portugais
mais
qui
ont
été
toutes
profondément
al térées .
Ainsi
lorsque
les
Africains
accèdent
à
l'indépendance
en
1960
ils
avaient
perdu
la
plus grande partie de leur mémoire passée et avaient été
contraints de se percevoir à
travers le prisme déformant
de la civilisation occidentale.
Les tentatives de réhabilitation des cultures africaines
et
de
l ' homme
noir
qu'incarnèrent
la
négritude
et
le
panafricanisme eurent un impact limité sur les populations
africaines parce qu'elles
s'exprimèrent dans
les
langues
des colonisateurs.

457
De
même
l'oeuvre
des
Missionnaires
portant,
sur
la
transcription
et
l'étude
des
langues
africaines
n'a
eu
qu'un
caractère
limité
puisqu'elle
s'est
heurtée
à
la
prédominance
institutionnalisée
des
langues
européennes.
Au total,
l'Afrique aborde l'ère des indépendances dans un
contexte
socio-culturel
profondément
altéré

des
structures et des valeurs différentes se télescopent.
C'est
au
mépris
de
cette
réali té
historique
que
l'idéologie du développement impose à
l'Afrique à
partir
de la deuxième guerre mondiale,
une conception réductrice
du développement.

458
2 - Les fondements théoriques et l'impact de l'idéologie
du développement
a)
Les fondements théoriques
Après la seconde guerre mondiale, on peut distinguer trois
périodes
dans
les
méthodes
d'approche
du
phénomène
du
sous-développement.
De
1945 à
1950,
les
causes purement
économiques,
ont
été
privilégiées;
sur
le
plan
opérationnel,
la
panacée
consistait
à
répéter
dans
les
pays sous-développés
les
types d'intervention économique
qui ont fait
leur preuve dans les pays industriels.
Les
experts
soutiennent
que
c'est
le
manque
de
capitaux,
l'absence
d'entrepreneurs
locaux
entre
autres
qui
constituent
les
goulots
d'étranglement
dans
les
pays
sous-développés.
De
1950
à
1960
s'impose
une
approche
globale
qui
prend
en
considération
les
facteurs
extra-économiques
tels
que
la
population,
les
facteurs
historiques, culturels et sociaux.
A partir de 1960, s'ouvre la période de "l'élaboration de
politiques spécifiques aux pays sous-développés à
partir
du bilan de quelques expériences réalisées ça et là". Elle
s'est
matérialisée
aux
Nations-Unies
par
la
définition
d'objectifs
considérés
comme
prioritaires
dans
le
processus
de
développement.
Ainsi
après
la
décennie
de
l'Education
(1960-1970)
celle de
l' Agricul ture ou
de
la
révolution verte
(1970-1980)
et celle des
transports
et
communications (1980-1990),
force est de constater que la
situation
globale
des
pays
africains
ne
s'est
guère
améliorée.

459
Derrière ces méthodes d'approche du sous-développement se
dessinent
des
transferts
mimétiques
selon
l'expression
d' Ignacy SACHS 161.
Ces transferts sont ceux de la pensée
de Keynes,
de Schumpeter, de Harrod Dormar et du marxisme
dogmatique pour définir les solutions applicables aux pays
sous-développés.
Pour SACHS
"bâtir une politique de développement
â
long
terme
à
partir
des
préceptes
Keynesiens
de
politique
conjoncturelle à court et moyen termes,
c'est fermer les
yeux
sur
les
différences
fondamentales
entre
le
sous-
emploi des
capacités
de production et
l'absence même de
ces capacités; entre l'aptitude de l'économie développée à
répondre
â
l'accroissement
de
la
demande
globale
et
l'effet
paralysateur,
des
goulots
d'étranglement
des
économies
sous-développées".
En
raison
donc
de
la
spécifici té des
structures
économiques,
désarticulées
et
extraverties
des
pays
africains,
l'effet
multiplicateur
par
exemple
cher
â
Keynes
se
traduit
plutôt
par
des
poussées
inflationnistes
internes
et
des
transferts
au
profit de l'extérieur.
-La pensée de Schumpeter est à la base de la doctrine des
pays
industrialisés,
de
la
Banque
Mondiale
et
du
Fonds
monétaire international.
Elle s'est réactivée depuis 1980
avec les programmes d'ajustement structurel.
L'accent est
mis sur la création d'entreprises privées locales pour le
développement du tissu productif.
161. SACHS Ignacy.
La découverte du tiers-monde. ed. Flammarion.
Paris.
1971.

460
A cet
effet
diverses
mesures
fiscales,
financières
et
éducationnelles sont mises en oeuvre par les gouvernements
africains.
Quant
aux
modèles
de
Harrod
Domar
qui
privilégient
les
liens
de
cause
à
effet
entre
l'investissement
et
la
croissance
du
revenu
national,
ils
ne
prennent
pas
en
considération les conditions institutionnelles propres aux
pays Africains. Aujourd'hui la Banque mondiale continue de
sensibiliser
les
gouvernements
à
la
mobilisation
de
l'épargne qui
alimente les réseaux
financiers
informels,
notamment
les
tontines,
ou
qui
est
thésaurisée.
Or
les
banques en Afrique n'offrent pas
de
mesures
incitatives
aux épargnants et n'inspirent pas confiance aux nationaux
soit pour des raisons politiques
(le cas du Burkina-Faso
sous
Thomas
Sankara)
soit
en
raison
de
leur
mauvaise
gestion (le cas du Bénin sous Kérékou).
L'impact du marxisme dogmatique en Afrique, c'est l'option
en
faveur
de
l'industrie
lourde
au
Ghana
sous
Kwame
N'Krumah,
la
collectivisation
des
terres
en
Tanzanie,
l'interventionnisme
étatique
au
Congo-Brazzaville
et
la
ruine de l'agriculture vivrière.
Ainsi
depuis
bientôt
un
demi-siècle
la
théorie
du
développement s'enferme dans un "européocentrisme" stérile
qui
se
traduit
dans
les
pays
africains
par
" le
recours
exclusif
au
transfert
mimétique
des
connaissances
sous
forme de produits intellectuels et procédés technologiques
finis".
Ce
raccourci
vers
la
modernité
est
fallacieux
parce
qu'il
ne
prend
pas
en
compte
la
complexité
et
surtout la spécificité de la situation des pays africains

461
par rapport
aux modèles qui
ont
fait
la
preuve de
leur
efficacité dans les pays industriels.
La
théorie
du
développement
est
donc
par
essence
historiciste.
C'est
le
contexte
propre
à
l'Afrique,
en
tant que produit d'une histoire complexe et mouvementée,
comme champ d'interaction actuel,
de dynamismes
internes
et d'influences
étrangères
qui
doit
faire
l'objet
d'une
théorie de développement.
Or,
à
l'inverse,
la pratique économique s'acharne depuis
un demi-siècle à
introduire en Afrique tous
les modèles,
ceux
du
capitalisme
occidental,
du
Japon,
de
l'Etat
d'Israël,
des
quatre dragons
du
Sud-Est Asiatique
162
et
des pays socialistes.
Le Japon offre l'exemple de l'interventionnisme de l'Etat
dès
le
début
de
l'ère
MEJI.
En
effet
" les
clientèles
féodales
de
la
Cour
ont
été
mutées
en capitalistes
par
l'Etat
lui-même qui
joua le rôle de
pionnier
industriel
pour vendre ensuite à vil prix aux capitalistes privés les
entreprises
nouvellement
établies
dès
qu'elles
étaient
consolidées". Cette politique s'accompagne d'une ouverture
du pays à la science et à la technologie occidentale grâce
à
la
formation
des
japonais
à
l'étranger
et
à
l'importation temporaire de professeurs et de cadres.
La
réussite
du
Japon
ne
tenait
pas
seulement
à
la
modification de
la structure sociale et
à
l'ouverture à
l'occident au XIXe siècle; elle s'était réalisée dans une
conjoncture
favorable:
épidémie du
mûrier
en
Europe,
ce
qui
a
favorisé
les exportations
japonaises,
indifférence
162. Corée du Sud. Hong-Kong. Singapour. Tarwan.
/

462
du
capitalisme
pr~ve
et
étranger
qui
s'intéressait
davantage à la Chine mieux dotée en ressources naturelles
et
aux
opportuni tés
d'investissement
qu' offrai t
le
continent américain, impérialisme japonais vis-à-vis de la
Chine et de la Corée. Après les destructions de la seconde
guerre
mondiale,
l'économie
japonaise
a
pu
redémarrer
grâce à une main-d'oeuvre déjà qualifiée,
le niveau élevé
des besoins de reconstruction,
la haute conjoncture créée
par les guerres de Corée et du Vietnam,
les dépenses de
l'armée
américaine
et
les
retombées
financières
de
la
politique américaine en Asie orientale visant à contenir
l'influence de la République Populaire de Chine.
De
telles
conditions
n'ont
jamais
été
réunies
dans
les
pays Africains. La marginalisation croissante de ces pays
est due autant à l'incompétence des dirigeants politiques
qu'à
l'absence
d'une
main-d'oeuvre
qualifiée,
d'une
révolution
scientifique
et
technique,
à
une
structure
sociale
et
mentale,
inadaptée
qu'à
une
conjoncture
internationale

s'exerce
la
domination
des
pays
industriels.
Quant au modèle israélien,
il continue de faire illusion
dans bon nombre de pays d'Afrique qui envoient en Israël
des
stagiaires
et
des
étudiants
pour
des
formations
agricole, syndicale et artisanale.
La situation particulière de cet
Etat
au
Proche-Orient,
ses relations privilégiées avec les Etats-Unis d'Amérique,
dues à des intérêts stratégiques et financiers,
le niveau
de
formation
élevé
des
cadres
isréaliens
qui
au
départ
venaient d'Europe interdisent toute analogie avec le cas
des pays d'Afrique au sud du Sahara.

463
En Asie du Sud-Est, la Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour,
Taïwan
sont
autant
d'enclaves
capitalistes
qui
ont
bénéficié en raison du coOt extrêmement bas de la main-
d'oeuvre, de la politique de "délocalisation" de certaines
activités
notamment
le
textile,
opérée
par
les
pays
industriels dans les années 60, et de nombreuses activités
de sous-traitance.
Ce
modèle
rencontre
depuis
le
début
des
années
aD des
difficultés
croissantes
en
raison
de
la
montée
du
protectionnisme
dans
les
pays
industriels.
S'il
faut
comparer l'Afrique à
des
pays
en Asie,
la
référence au
Bengladesh aurait plus de sens qu'avec tout autre parce
qu'il
présente
les
mêmes
caractéristiques
physiques,
économiques et
socio-cul turelles que bon nombre de
pays
africains.
b) L'impact de l'idéologie du développement
Telle qu'elle résulte de la pratique économique instituée
par
les
intérêts
financiers
dominants
dans
le
monde,
l'idéologie du
développement constitue un obstacle
à
la
connaissance des dynamismes qui sont à l'oeuvre dans les
sociétés africaines. Par voie de conséquence, elle empêche
l'émergence d'une théorie opérationnelle du développement
adaptée à l'Afrique.
En
effet,
toute
pratique
théorique,
c'est-à-dire
tout
processus
cognitif
qui
permet
de
produire
des
connaissances scientifiques est confrontée à l'idéologie.
Elle est l'obstacle que l'esprit doit vaincre grâce à des
méthodes
données
avant
de
déboucher
sur
le
réel
scientifique.
Ainsi
"toute
science
est
principiellement
science
de
l'idéologie
dont
elle
se
détache".
Il
en

464
résul te,
que
l'idéologie
se
donne
dans
le
processus
de
connaissance
comme
"l'irréfléchi
préscientifique"
sur
lequel
doi t
faire
fond
une
cri tique
décisoire
et
systématique:
les
idées
premières,
les
préjugés,
la
connaissance
spontanée
conçue
comme
une
relation
transparente entre
le
sujet
et
l'objet
de
connaissance,
l'ethnocentrisme de groupe ou de classe et
les
symboles
commodes constituent ses expressions diverses.
L'idéologie agit sur la conscience de l'individu dont les
rapports
avec
le
corps
social
tout
entier
en
sont
conditionnés;
en d'autres termes,
dans un groupe social,
ethnique ou une classe sociale donnés,
tout
individu est
le
support
d'un
système
de
valeurs,
d'idées
et
de
symboles.
L'idéologie
est
déjà

donnée,
avant
que
l ' individu
n'existe
et
tout
le
cycle
de
la
vie
individuelle
et
sociale
est
marquée
par
une
lutte
permanente
entre
des
idées
contraires,
anciennes
ou
nouvelles
selon
un
processus
discontinu,
sans
cesse
renouvelé au terme duquel une idéologie chasse une autre
et ainsi de suite.
Dans cette perspective,
l'Afrique apparaît comme le-champ
privilégié

se
télescopent
des
idéologies
contradictoires dont chacune se donne comme le référentiel
le mieux adapté aux exigences de la production de la vie
matérielle
et
sociale.
Dans
la
complexité
des
interférences,
l'idéologie
du
développement
apparaît
dominante.
Elle
est
à
la
fois
productiviste
et
consumériste;
elle
vise à obtenir des productivités de plus en plus grandes,
donc une augmentation des biens produits;
mais le produc-

465
tivisme suppose l'utilisation de technologies'performantes
que
les
pays
africains
n'ont
pas
souvent
les
moyens
d'acquérir et pour lesquelles ils n'ont pas ~GS ressources
humaines nécessaires: ainsi sous cet angle,
l'idéologie du
développement renvoie à
la dépendance extérieure et à la
supériorité technologique des pays développés. Cela est si
vrai que les Experts internationaux occultent dans
leurs
études l'immense effort de production réalisée en Afrique,
dans
certains
secteurs,
notamment
les
peti tes
exploi tations
agricoles.
Quant
au
consumérisme,
i l
est
extraverti: l'Afrique doit consommer tout ce qui vient de
l'extérieur:
les biens matériels,
les valeurs,
les idées
et
les
symboles;
i l
détourne
les
populations
de
leurs
propres productions considérés comme de mauvais aloi.
Elle est matérialiste et rationaliste:
matérialiste en ce
qu'elle "réifie" ou "chosifie" les rapports sociaux et les
valeurs;
rationaliste parce qu'elle est logocentrique;
or
c'est au nom de cette métaphysique que l'occident a depuis
longtemps exclu de "l'humanité" toutes les autres cultures
fondées
sur des valeurs différentes.
En privilégiant les
condui tes
rationnelles,
notamment
la
rationali té
économique,
l'idéologie du développement se refuse par là
même à comprendre de l'intérieur les sociétés africaines.
Elle
a
une
structure
téléologique
externe
c'est-à-dire
orientées
vers
des
fins
données:
rentabilité,
maximisa-
tion, du profit, satisfaction des besoins collectifs.
Elle est conflictuelle, c'est-à-dire à la fois porteuse de
violence
et
génératrice
d'inégalités
sociales
et
économiques.

466
Pour légitimer sa domination l'idéologie du développement
se
donne
à
la
fois
comme
seule
grille
permettant
de
décrypter
la
réalité
sociale
et
comme
moyen
d'action;
ainsi
elle
refoule
les
idéologies
locales
et
"tradi tionnelles",
dans
la
catégorie
des
manifestations
sociales
irrationnelles:
les
cosmogonies
africaines,
le
culte
des
ancêtres,
les
pratiques
rituelles,
la
sorcellerie,
la divination;
par voie de conséquence elle
pousse les africains à se détourner de leurs propres modes
de
connaissance.
L'alchimie,
l'observation
des
astres
(considérer: cum (avec) sideribus: les astres) n'ont-elles
pas
été
les
premiers
balbutiements
de
la
chimie
et
de
l'astronomie chez les GRECS? Et les variations du niveau
des eaux du Nil,
l'origine de connaissances mathématiques
chez les Egyptiens ?
Dans les faits,
l'idéologie du développement véhicule des
mythes:
ceux de l'industrialisation,
de l'alphabétisation
forcée dans les langues étrangères, de la scolarisation à
cent pour cent,
de la modernisation à tout prix de tous
les secteurs de la vie sociale.
L'idéologie
du
développement
impose
à
l'Afrique
les
modèles
culturels
secrétés
par
d'autres
types
de
développement:
adoption de genres
de vie étrangers
sans
modification interne des facteurs familiaux,
individuels,
professionnels
et
sociaux qui
les
conditionnent.
Ainsi,
dans une même famille,
coexistent deux mondes différents:
l'un moderne,
occidentalisé,
largement pourvu de tous les
attributs de la modernité: villas et voitures climatisées,
téléviseurs en couleur et magnétoscopes;
le tennis et le
jogging
le
week-end
comme
les
symboles
de
l'image
de
marque du cadre évolué;
l'autre archaïque où
le minimum

467
vital
n'est
pas
assuré.
Dès
lors
les
deux
mondes
en
viennent
à
se
détester;
la
solidarité
familiale
est
menacée,
l'équilibre social
rompu,
la
paix
interethnique
compromise.
C'est dans ce contexte que se manifestent les
mécanismes
de
défense
des
catégories
sociales
les
plus
défavorisées:
la
sorcellerie,
l'envoûtement,
l ' empoison-
nement
deviennent
des
armes
de
régulation
sociale;
la
calomnie,
les médisances et la délation:
la rançon que la
société prend sur ceux qui par l'effort et leur travail,
cherchent à se hisser, au sommet de la hiérarchie sociale.
Ainsi
ébranlée,
dans
ses
fondements
moraux,
la
société
globale perd sa cohésion, elle reste bloquée et vulnérable
à
toutes
les
agressions
extérieures.
De
tous
les
continents,
l'Afrique
n'est-elle
pas
celui
qui
a
cessé
d'exister depuis
le XVe siècle,
de s'assumer pleinement,
de mai triser
l ' histoire et de
forger
son
propre destin?
Depuis
les
indépendances
des
années
60,
le
capitalisme
d'Etat,
les
socialismes
scientifique
et
africain,
le
communalisme ne
l'ont-ils
pas
conduite
dans
une
cruelle
impasse ?
Une
reprise
d'initiative
s'impose
donc
sur
le
plan
scientifique afin de
mieux
formuler
la
problématique
de
développement en Afrique.
3 - Quelle problématique de développement en Afrique au
sud du Sahara ?
A
l'inverse
de
la
modernisation,
le
développement
en
Afrique
doit
résulter
des
dynamismes
internes.
Comment
mettre à profit la volonté et les tentatives de changement
du monde paysan ? Intégrer les connaissances scientifiques
et techniques à la structure sociale des pays d'Afrique?

468
Aider
les
groupes
sociaux
à
répondre
aux
besoins
de
la
collectivité
dans
des
domaines

ils
disposent
de
compétences réelles
?
Faire de l'Etat le catalyseur des
initiatives individuelles et collectives ?
Tels sont les
principaux axes d'une stratégie qui
prend pour obj et la
transformation interne des sociétés africaines.
A
l'encontre
donc
des
théories
ethnocentristes
qui
engagent
la
problématique
du
développement
dans
une
impasse théorique, il importe d'explorer de l'intérieur le
mouvement propre à nos sociétés: dans cette perspective la
pratique du développement s'inscrit moins, dans une vision
linéaire et préconçue du devenir de nos sociétés que dans
un processus discontinu.
S'il devait exister une théorie
du
développement,
elle
ne
pourrait
servir
qu'à
rendre
compte
de
la
complexité
du
mouvement
historique
des
sociétés africaines en terme de passage d'une structure à
une autre,
passage à double sens,
c'est-à-dire à la fois
évolution et involution, d'équilibre provisoire sans cesse
rompu et renouvelé, d'intégration synergétique en fonction
des
besoins
du
corps
social.
Face
aux
perversions
de
l'idéologie
du
développement,
le
rôle
de
la
pratique
scientifique
est
de
contribuer
à
la
production
d'une
théorie de la connaissance du développement de la société.
Mais cette exigence doits 1 accompagner d'une
"révolution
de la prise de conscience" pour une meilleure utilisation
de nos
potentialités,
pour une
libération accélérée
des
capacités créatrices des individus et des groupes sociaux.
Répondre
à
ces
exigences
suppose
que
nous
refusions
de
nous
enfermer
dans
cette
prétendue
"civilisation
de
l'universel"

le
droit
à
la
différence
n'est
guère
tolérée,

la
diversité
culturelle
est
intentionnelle-

469
ment,
assimilée
â
la
folklorisation".
Grâce
aux
influences,
qu'ils
exercent
sur
nos
pays,
les
modèles
cul turels secrétés par certains types de
"développement"
continuent d'inhiber les initiatives collectives parce que
la perception de nos propres valeurs se fait à travers le
prisme
déformant,
de
l'idéologie
du
développement.
Affirmer donc
le caractère irréductible de
nos
cultures
dans la diversité des modèles historiquement connus, c'est
assumer
pleinement
dans
le
temps
et
dans
l'espace
les
valeurs dont nos sociétés sont forgées
et
les
fonctions
dont elles peuvent être investies. Contre le mimétisme et
le fatalisme,
la prise en compte des dynamismes internes
aux sociétés africaines demeure une exigence fondamentale
parce qu'elle est susceptible de libérer nos sociétés du
complexe
du
"mal-développement
et
de
renforcer
leur
autonomie. Dans cette perspective, l'intégration politique
apparaît
plus
que
jamais
nécessaire
face
aux
nombreux
défis auxquels les pays d'Afrique sont confrontés.
Section 2 - La nécessité de réaliser l'intégration politi-
tique du continent
La question de l'unité politique du continent africain a
été
posée
dès
la
fin
de
la
seconde
guerre
mondiale,
notamment au congrès panafricain de Manchester
en 1945.
Jusqu'en 1963,
date de la création de
l'organisation de
l'unité
Africaine
(OUA)
de
nombreuses
tentatives
de
regroupements politiques eurent lieu mais elles n'ont pas
survécu aux vissicitudes de l'histoire.
L'opposition entre les partisans de l'unité immédiate et
les
tenants
de
l'intégration
régionale
comme
étape
nécessaire
s'est
soldée
au
profit
des
seconds
mais
le

470
bilan d'un quart de siècle de coopération économique est à
l'image de la situation critique,
actuelle de l'Afrique.
Il faut donc renouveler l'approche de l'unité africaine en
tenant compte des principaux obstacles au développement de
l'Afrique.
Dans
cette
perspective, t~(~
orientations
apparaissent nécessaires et réalisables à court et à moyen
termes sans qu'il n'y ait des bouleversements politiques
importants.
Elles s'inscrivent du reste dans le mouvement
général de besoins de changement qui
touche l'Afrique et
sont par conséquent susceptibles de rallier les Africains
eux-mêmes d'abord et la Communauté internationale ensuite.
créer
dans
les
pays
Africains
actuels
l'état
de
droit,
promouvoir et renforcer la démocratie locale,
revoir
la
question
des
frontières
héritées
de
la
colonisation
et
entérinées
en
1963
lors
de
la
création de l'organisation de l'Unité Africaine,
1) Créer l'état de droit en Afrique
l'Etat de droit a pour objet de faire prévaloir la loi ou
la
coutume
légitimée
comme
telle
sur
les
méthodes
subjectives
et
arbitraires;
i l
vise
à
régler
le
comportement
des
individus
et
des
groupes
sociaux
en
fonction de critères objectifs et à
assurer l'égalité de
tous
devant
les
règles édictées par
la
collectivité.
Vu
les
antécédents
de
l'Afrique
depuis
une
trentaine

471
d'années,
deux domaines fondamentaux feront l'objet de la
promotion de l'état de droit: la protection de l'individu
et du citoyen vis-à-vis des pouvoirs publics;
le respect
des biens individuels et collectifs.
a) La protection de l'individu et du citoyen
Cette condition est une exigence universelle, valable pour
toutes les sociétés: elle repose sur des fondements moraux
et
philosophiques
qui
constituent
l'héritage
commun
de
l'humanité
depuis
la
proclamation
en
1948
par
les
Nations-Unies de la Déclaration universelle des droits de
l'homme. Dans ce domaine, l'Afrique accuse un grand retard
par rapport
au
reste du monde.
Ce n'est qu'en
1983 que
l'organisation
de
l'Unité
Africaine
adopta
la
charte
africaine des droits et des peuples. Mais son application
reste encore timide et soumise dans bon nombre de pays à
la volonté des gouvernements en place.
L'introduction de la notion des droits des peuples dans la
charte
Africaine
témoigne,
s'il
en
est
besoin,
de
la
volonté des régimes autocratiques africains de limiter la
portée
politique
de
la
charte
et
de
masquer
leurs
responsabilités dans la violation des droits de l'homme en
Afrique.
En
Ouganda,
sous
le
régime
d'Idi
AMIN,
en
République
Centrafricaine
avec
Bokassa,
au
Zaïre
avec
Mobutu,
au Togo sous le férule d'Eyadema,
en Guinée sous
le règne de Sekou Touré,
les droi ts de l ' homme subirent
d'importantes violations. Ils le sont encore aujourd'hui à
des degrés divers dans beaucoup de pays en Afrique.
Or
ces
pratiques
ne
favorisent
guère
la
paix
civile,
indispensable aux
individus
et
aux groupes
sociaux pour
participer
à
l'accroissement
du
potentiel
économique,

472
culturel et social de leurs pays.
Elles provoquent l'exil
des
élites
intellectuelles
généralement
vers
les
pays
développés
et
privent
ainsi
le
continent
africain
des
ressources
fondamentales
dont
i l
a
besoin.
Les
arrestations
arbitraires,
les
tortures,
les
assassinats,
l'étouffement des libertés démocratiques, c'est-à-dire les
libertés d'opinion de réunion, d'association,
s'inscrivent
dans la logique des systèmes politiques autocratiques qui
ont marqué l'évolution politique du continent depuis 1960.
Il
importe
de
protéger
l'individu
vis-à-vis
du
pouvoir
politique
et
des
responsables
administratifs;
mais
la
promotion
des
droits
de
1 'homme
vise
également
à
moderniser
les
rapports
entre
les
individus
dans
les
sociétés
africaines;
à
cet
égard,
une
attention
particulière doit être portée à la protection de l'enfant
et de la femme.
La protection de l'enfant, c'est par exemple l'élimination
du travail précoce des enfants dans les zones urbaines;
il
s'agi t
également
d'enrayer
dans
les
pays
islamisés
la
mendicité
des
enfants
comme
relevant
de
méthodes
de
formation islamique.
Plus dans ces pays que sur le reste
du continent,
on retrouve les mariages forcés et précoces
dont
les
conséquences
biologiques
et
sociales
sont
désastreuses pour les filles.
La
protection
des
droits
de
l ' homme
nécessite,
en
même
temps
qu'une
transformation
des
mentalités,
la
création
d'institutions
judiciaires
indépendantes
des
pouvoirs
publics.
Le
principe
fondamental
de
la
présomption
d'innocence doit être introduit et effectivement respecté
par les tribunaux africains. De même,
les citoyens doivent

473
pouvoir attaquer les décisions des pouvoirs publics devant
des juridictions appropriés.
b) La protection des biens individuels et collectifs
Parmi
ces
biens
figurent
les
moyens
de
production,
la
terre,
les
entreprises,
les
capitaux
mais
également
les
maisons d'habitations.
Sur le plan foncier,
i l s'agit de
lutter
contre
l'expropriation
abusive
des
paysans
par
l'Etat. Cette pratique courante en Afrique se réali~e dans
certains cas sans indemnisation.
Des
terres
appartenant
à
des
collectivités
villageoises
sont
souvent
cédées
par
la
bourgeoisie
d'Etat
à
des
sociétés étrangères
pour des
opérations économiques dans
lesquelles
elle
a
elle-même
des
intérêts
privés.
Bon
nombre
de
pays
d'Afrique
connaissent
une
spéculation
immobilière
effrenée,
largement
favorisée
par
les
responsables politiques.
Pour
ce
qui
est
des
entreprises,
les
relations
entre
l'Administration et le secteur productif privé et public
doivent débarrasser l'Afrique de l'écueil de la corr~ption
et de
la
concussion;
l'attribution
des
marchés
publics,
l'octroi de crédit, la fiscalité méritent également d'être
modernisés sur des bases objectives.
A cet effet,
la création d'organes
de
contrôle indépen-
dants des pouvoirs publics s'avère indispensable.
Dans le domaine de l'emploi,
le principe de l'égalité de
tous les citoyens d'un pays constitue un puissant facteur
de cohésion sociale, au regard des pratiques actuelles qui

474
reposent
sur
la
préférence
ethnique,
clientéliste
ou
religieuse.
Ces mesures de protection interne peuvent être réalisées à
court
terme
avec
le
concours
de
la
communauté
internationale.
Leur
application
permettra
de
créer
en
Afrique
un
espace
homogène
de
droit
et
de
liberté,
susceptible de
favoriser
l'intégration sous-régionale et
régionale.
2 -
Promouvoir la démocratie locale.
Dès leur accession à
l'indépendance,
les Etats Africains
ont
cherché
à
contrôler
les
pouvoirs
politiques
tradi tionnels .
Quand
ils
ne
sont
pas
purement
et
simplement supprimés comme en Guinée sous Sekou Touré, ils
sont
totalement
intégrés
aux
nouveaux
pouvoirs
pour
lesquels ils deviennent des courroies de transmission. Or
les
systèmes
politiques
antécoloniaux
assuraient
l'autonomie des groupements locaux et leur participation à
la vie de la collectivité.
Après
avoir
dénoncé
les
méfaits
de
la
colonisation,
notamment en ce qui concerne les institutions politiques
et socio-culturelles africaines, les dirigeants politiques
africains se sont bien gardé de promouvoir des
systèmes
poli tiques qui
tiennent davantage compte des
valeurs
de
civilisation
africaine.
C'est
dans
l'articulation
des
systèmes traditionnels aux institutions et aux structures
héri tées
de
la
colonisation
que
réside
l'un
des
défis
auxquels l'Afrique est confrontée.
A l'inverse des méthodes centralisées actuelles, l'Afrique
nécessite
un
système
politique
et
administratif
plus

475
souple,
plus
ouvert,
susceptible
de
favoriser
les
initiatives locales.
Ce système doit laisser aux autorités traditionnelles le
soin
d'animer
la
vie
poli tique
locale,
de
prendre
des
décisions
d'intérêt
collectif.
La
décentralisation
requiert
de
ce
fait
des
structures
de
décision
et
de
participation
à
tous
les
échelons
depuis
le
village
jusqu'à
la
région
en
passant
par
le
canton,
la
circonscription ou la préfecture.
Au parlement chargé de
légiférer,
pourrait
être
associée
une
haute
assemblée
émanant
des
collectivités
traditionnelles
locales,
cantonales et régionales,
et qui pourrait mieux refléter
les préoccupations de la grande majorité des populations,
éclairer le pouvoir exécutif et exercer conjointement avec
l'Assemblée le contrôle de la conformité des décisions des
pouvoirs publics à l'intérêt général.
3 - Revoir la guestion des frontières actuelles des pays
d'Afrique en créant des espaces socio-culturels et
économigues plus homogènes
A Addis-Abeba
en
1963,
le
charte
de
l'organisation
de
l'Unité
africaine
a
enterriné
les
frontières
de
la
colonisation.
Des
dirigeants
poli tiques étaient
soucieux
d' évi ter les l itiges entre les Etats et de préserver la
paix sur le continent.
Le principe de l'intangibilité des
frontières lU a été donc accepté par tous les Etats. Mais
dans la réalité,
i l entraînait la séparation de certaines
populations entre plusieurs Etats:
sur le plan politique,
l'intangibilité
des
frontières
a
eu
pour
effet
de
163. L'art de la charte de l'organisation de l'Unit~ Africaine stipule:

476
renforcer
les
micronationalismes
et
de
limiter
la
circulation des biens et surtout des personnes.
La révision des frontières a donc pour objectif de créer
des espaces socio-culturels et économiques homogènes.
Il
ne s'agit de regrouper les ethnies jadis séparées dans des
ensembles étatiques, ce qui conduirait à l'effet contraire
qu'exige le développement du continent, mais d'ouvrir les
frontières
entre
plusieurs
Etats
d'une
même
sous-région
pour faciliter la circulation des personnes,
des idées et
des
biens.
En
outre,
sur
le plan
poli tique,
les
Etats
concernés
devaient
se
doter
également
d'institutions
poli tiques
communes,
notamment
d'un
pouvoir exécutif
et
d'un pouvoir
législatif.
Ce
faisant,
ils
pourront mieux
renforcer
la
coopération
régionale.
Dans
le
domaine
agricole,
il
convient
d'exploiter
au
mieux
les
potentiali tés
en
terres
arables
dont
dispose
l'Afrique
pour créer de véritables greniers susceptibles d'alimenter
d'autres
régions.
Par
exemple
l'Afrique
de
l'Est,
le
bassin du Lac Tchad,
l'Afrique de l'ouest pour ce qui est
des Delta des grands fleuves exploiteraient au mieux leurs
avantages comparatifs pour laisser de façon prioritaire à
l'Afrique
centrale
et
australe,
le
développement
industriel.
Dans
le
domaine
de
la
formation
et
de
la
recherche
scientifique,
les
Etats ont tout à gagner en mettant en
commun leurs ressources. Aujourd'hui la part du budget que
les Etats réservent à
la recherche scientifique est pour
le moins dérisoire voire inexistante. Or,
relever le défi
du développement,
c'est dans
une
large mesure
augmenter
les
capacités
des
populations
africaines
dans
tous
les

477
domaines
en
tenant
compte
des
particularités
socio-
culturelles et éconmiques du continent.
Depuis trente ans,
les politiques d'intégration régionale
se sont heurtées à une absence de volonté poli tique des
dirigeants
politiques;
par
ailleurs,
les
populations
africaines
n'ont
pas
été
associées
dans
le
cadre
d'institutions
représentatives
aux
différentes
constructions
communautaires.
Mais
en
défini tive
l'intégration
poli tique
ne
pourrait
être
renforcée
sans
une transformation des mentalités et des comportements.
Section 3 - La nécessité d'une révolution intellectuelle
et culturelle
c'est sans conteste l'une des exigences fondamentales pour
la transformation des sociétés africaines.
Elle touche en
effet l'environnement
socio-culturel,
les croyances,
les
mentalités
les comportements et les structures sociales.
Or c'est dans ces domaines de la vie des civilisations que
les résistances
aux changements se révèlent généralement
les
plus
fortes.
Par
rapport
aux
deux
impératifs
précédents,
c'est-à-dire
le
refus
de
l'idéologie
du
développement
et
la
nécessité
de
réaliser
l'uni té
politique du continent africain,
qui s'inscrivent à court
et
à
moyen
termes,
la
révolution
intellectuelle
et
cul turelle requiert
des
actions
à
long
terme.
Celles-c~
s'articulent autour de deux axes fondamentaux:
changer
la
vision
du
monde
des
populations
africaines,

478
promouvoir
le
progrès
scientifique
et
technique
grâce
au
développement
et
à
la
diffusion
de
la
pensée.
1 - Changer la vision du monde des sociétés africaines
Des
raisons
à
la
fois
historiques
et
philosophiques
militent en faveur d'une telle exigence.
a) Les raisons historiques
Contrairement aux autres régions du monde,
l'Afrique n'a
pas
pu
bénéficier
dès
l'Antiquité
de
la
fécondation
réciproque des cultures dans le domaine des connaissances
scientifiques
et
techniques;
isolée
des
autres
civilisations
à
partir
du
deuxième
millénaire
avant
Jésus-Christ par la désertification du Sahara,
jusque là
irrigué et fertile, elle a plutôt développé son artisanat,
la métallurgie notamment les tissus de coton,
les fibres
de
palme
du
Congo
et
de
Guinée,
les
cuirs
tannés
et
décorés des Haoussa du Nigéria, le cuivre de Katanga et de
la Zambie,
le fer de Sierra-Léone,
les gisements d'or du
Zimbabwe,
les bronzes du Bénin qui étaient plus fins que
ceux des canons portugais au XVe siècle; elle a développé
également
ses
institutions
politiques
à
preuve
les
différents empires et royaumes qui,
avec ceux d'Extrême-
Orient
du
Proche-Orient,
et
de
l'Amérique
du
Sud
se
partageaient le monde à l'aube du XVIe siècle.
En
Afrique,
on
pouvait
dénombrer
les
espaces
Shona
du
Zimbabwe recouvrant une partie des Etats du Zimbabwe et du
Mozambique actuels;
le royaume Luba et l'Empire Lunda en
Afrique
centrale
c'est-à-dire
le
Katanga;
les
Empires
soudanais
médiévaux
d'Afrique
occidentale
qui
se
sont

479
succédé
du
XIe
au
XVIe
siècles,
Ghana,
Mali,
Songhai,
"caractérisée par leur appareil d'Etat
islamisé dominant
une masse rurale encore très largement animiste"
164
les
royaumes
négriers
du
Kongo et du
Bénin du
XIIe
au XVIe
siècles;
le royaume d'Abomey qui prit son essor à
partir
du XVIe siècle.
En Extrême-Orient,
on pouvait distinguer
l'Empire chinois des MING,
l'Empire Moghol
formé au nord
de l'Inde aux dépens du sultanat de Delhi, l'Empire Perse.
Au Proche-Orient,
l'Empire Ottoman gouvernait une grande
partie de la méditerranée.
En Amérique, ce fut le règne des Empires Aztèque et Incas.
Toutes
ces
régions
étaient
de
grands
foyers
de
civilisations.
La civilisation de l'INDE n'avait-elle pas
atteint son apogée vers la fin du VIlle siècle? Dans le
domaine
des
connaissances
scientifiques,
l'Inde
connaissait
le
système
décimal
au
Ve
siècle
qu'elle
transmit
plus
tard
aux
Arabes.
Elle
connaissait
la
circulation
du
sang
quinze
siècles
avant
Harvey.
En
métallurgie,
les Indiens du Ve siècle étaient parvenus à
épurer le fer
à
un degré que l'Europe n' atteignit
qu'au
XIXe siècle 165.
Les découvertes chinoises ne furent pas moins importantes:
Boussole
et
théorie
des
marées,
triangle
de
Pascal
en
1300,
papiers
et
imprimerie
sept
cents
ans
avant
Gutemberg,
gouvernail
avec
un
millénaire
d'avance
sur
l'Europe,
ce qui
leur permit de circuler du Kamtchaka à
Madagascar; poudre à canon utilisée au Xe siècle.
164. Coquery Vidroviteh Catherine. opus déjA cité. ed. Payot. Paris. 1984.
165. GARAUDY Roger. Histoire des civilisations7 (sous la direction de).

480
Quant à la civilisation islamique, elle va s'étendre en un
demi-siècle
de
la
mer
de
Chine
à
l'Atlantique:
Omar
Khayyam
résout
les
équations
du
3e
degré,
cinq
siècles
avant
Descartes;
Farghani
écri t
en
860
un
trai té
d'Astronomie
qui
fit
autorité
en
Europe
jusqu'au
XVIe
siècle;
Birouni
qui
vécut
de
973
à
1048
calcula
le
diamètre
de
la
terre.
En
médecine,
l'iranien
RAZI
(860-921)
rédige
un
traité
qui
fit
autorité
dans
tout
l'occident médiéval au VIlle siècle;
les médecins Arabes
savaient opérer la cataracte par succion au
moyen d'une
aiguille creuse et suturer les plaies.
En
sociologie,
Ibn
Khaldoun,
trois
siècles
avant
Montesquieu recherche les lois du développement.
L' histoire des
connaissances
scientifiques et
techniques
révèlent
aussi
des
emprunts
entre
les
civilisations.
L'arrivée des arabo-berbères en Afrique était motivée au
départé
par
des
raisons
essentiellement
commerciales
à
partir
du
VIlle
siècle
seulement,
mais
l'hostilité
du
milieu naturel africain leur interdisait leur installation
définitive en Afrique au Sud du Sahara: d'où la faiblesse
de la diffusion en Afrique des
progrès
scientifiques et
techniques de l'Antiquité.
Mais de
toutes
les
civilisations,
c'est
la
civilisation
occidentale judéo-chrétienne qui bénéficia le mieux de la
fécondation réciproque des cultures et réalisa des progrès
décisifs à partir de la renaissance. Dans cette évolution,
le
fait
historique
marquant
a
été
la
révolution
copernicienne au XVIe siècle,
c'est-à-dire la découverte
d'un
monde
heli.centrique
et
non
géocentrique.
Mais
la
renaissance
a
éclaté
d'abord
en
Italie
dans
le
bassin

481
méditerranéen. Ce dernier a été dans l'histoire une région
tourmentée
en
raison
de
sa
situation
géographique
privilégiée
par
rapport
à
l'Europe,
à
l'Asie
et
à
l'Afrique.
Il a été tour à tour dominé par les Hyksos,
venus d'Asie,
les
Pheniciens,
les
Grecs
et
les
Romains.
Ces
derniers
détruisirent la puissance maritime de Carthage.
Après avoir été unifié par les Romains en l'an 146 avant
Jésus-Christ,
le
bassin
méditerranéen
servit
pendant
quatre siècles de centre de gravité d'un Empire à la fois
terrestre et maritime, au contact de l'Europe méridionale,
de l'Afrique septentrionale et de l'Asie occidentale.
Il
passa ensuite sous le contrôle des Arabes qui en firent la
base d'un commerce florissant entre l'Europe,
l'Afrique et
l'Asie.
Il
attira
la
convoitise
des
notions
européennes
qui,
sous couvert des croisades,
réussirent à éliminer la
domination arabe. De cette histoire mouvementée des villes
comme Venise,
Gènes,
Florence,
entre autres tirèrent leur
prospérité. C'est pourquoi avec la chute de Constantinople
occupée
en
453
"et
l'expansion
des
Turcs
dans
la
Méditerranée orientale et dans
la plus grande
partie de
l'Afrique
septentrionale",
l'Atlantique
prit
de
l'importance parce que les villes Européennes cherchèrent
à
contourner
l'Afrique
pour
développer
leurs
échanges
commerciaux
avec
l'Asie.
C'est
à
partir
du
bassin
méditerranéen
que
le
capitalisme
commercial
prit
son
essor,
se
renforça avec la découverte de
l'Amérique par
les Espagnols et les Portugais avant de déboucher sur la
première révolution
industrielle en Angleterre au milieu
du XVIe siècle.
Outre
l'apport des
richesses
des
autres
régions
du
monde
qui
suscitèrent
des
guerres
entre
les

482
nations
européennes,
la
Hollande,
l'Angleterre
et
la
France, des transformations sociales internes notamment la
ruine
de
la
paysannerie
et
l'apparition
d'une
main-
d'oeuvre
libre
contribuèrent
à
la
naissance
du
mode
de
production capitaliste achevé.
Si
des
facteurs
historiques
ont
permis
aux
sociétés
occidentales
de
développer
pour
affirmer
leur
puissance
économique, scientifique et technique, les découvertes des
autres
régions
du
monde
et
leurs
ressources,
des
transformations
socio-culturelles
internes
y
ont
joué
également
un
rôle
important.
Les
progrès
de
la
civilisation
occidentale
ont
été
en
partie
rendues
possibles
grâce
à
une
vision
du
monde
fondé
sur
le
rationalisme gréco-latin,
sur les valeurs de civilisation
judéo-chrétienne.
Par rapport à l'Europe,
l'Afrique s'est trouvée dans une
situation
défavorable;
non
seulement,
elle
n'a
pas
pu
bénéficier de
la
fécondation
réciproque
des
cultures en
dépit des progrès scientifiques qui avaient été réalisés
dans l'ancienne Egypte et qui
furent
transmis
plus
tard
aux Grecs. Mais à partir du VIlle siècle jusqu'à la fin du
dix-neuvième siècle,
elle s'est trouvée confrontée à des
invasions
extérieures
qui
s'opposèrent
à
des
transformations
endogènes
notamment
sur
la
plan
socio-
culturel.

483
b)
Les raisons philosophiques
Poser la question de la modification de la vision du monde
des
sociétés
africaines,
c'est
montrer
en
quoi
les
croyances,
les représentations,
les cosmogonies empêchent
l'homme de dominer la nature.
Sur le terrain,
toutes les
civilisations
conçoivent
la
relation
homme-nature
selon
des
modes
différents.
Samir
note
166
que
les
religions
sémites
(christianisme,
judaïsme et islam)
proclament la
séparation
d'origine
de
l'homme
et
de
la
nature,
la
supériorité de l'homme,
image de Dieu et la soumission de
la
nature.
Dans
l'Ethique
Protestante
et
l'Esprit
du
capitalisme, Max Weber étudia l'influence que les valeurs
religieuses notamment l'Ethique protestante d'inspiration
calviniste
exercèrent
sur
le
progrès
du
capitalisme
occidental. Ce sont des valeurs tels que l'ascétisme moral
avec
comme
corollaire
la
nécessité
de
travailler
pour
retrouver "le paradis perdu", la vie austère, l'obligation
de
savoir
lire
pour
connaître
l'oeuvre
de
Dieu
et
le
glorifier
qui
donnèrent
une
"impulsion
unique
et
singulière au capitalisme".
Il a donc fallu une vision du
monde favorable à des conduites économiques rationnelles.
Cette rationalité était d'origine gréco-latine et s'était
affirmée dans la civilisation occidentale avec Copernic,
Galilée, Descartes et Newton.
En revanche dans
les
croyances
africaines
l ' homme
reste
dominé par
la
nature;
c'est
ce
qui
explique
sans
doute
pourquoi
l r Egypte
ancienne,
en
dépit
des
connaissances
scientifiques
et
techniques
accumulées
n'a
jamais
pu
166. AMIN Samir. Imp~ria1isme et d~ve1oppement in~9a1, ~ditions de Minuit. Paris, 1976.

484
opérer une véritable révolution scientifique.
La science
était
entourée
de
pratiques
mystico-religieuses
qui
faisaient
des
Dieux
"la
source
de
l'intelligence
pratique". Du reste ces dieux étaient considérés comme des
"créatures vivantes, qui sous-tendaient les manifestations
de l'être et expliquaient les phénomènes observés".
Dans
les
civilisations
africaines,
la
conception
anthromorphique de l'univers soumet entièrement l'homme à
la nature où divers dieux sont censés se manifester.
Un
Dieu
suprême
dont
les
appellations
varient
selon
les
cultures
a
créé
des
divinités
inférieures
qui
correspondent aux phénomènes de la nature (la tonnerre, la
maladie, la mort interviennent dans la fertilité des sols,
la pluie, etc ... ).
Ainsi
par
exemple,
la
maladie
est
considérée
comme
une
puni tion
des
dieux
et
la
guérison
du
malade
requiert,
outre l'administration de thérapeutiques empiriques,
des
cérémonies au cours desquelles on implore le pardon des
dieux. De même les rites agraires ont pour objet d'attirer
la
bienveillance
des
esprits
qui
habitent
la
terre,
ou
d'apaiser leur courroux. Dans ce contexte, l'homme ne créé
rien par lui-même. Tout lui vient des dieux d'où la place
cardinale
que
le
ri te
occupe
dans
la
vie
de
tous
les
jours.
Les connaissances,
les techniques de production de
la vie matérielle et sociale sont soumises à des pratiques
magico-religieuses
qui,
en
définitive,
bloquent
toute
issue vers une révolution scientifique et technique.
Les
conséquences
de
la
domination
de
l'idéologie
dans
les
mentali tés
et
les
comportements
se
traduit
sur
le
plan
pratique par une sous-exploitation de toutes les facultés
intellectuelles et physiques de l'homme et par une grande

485
conformité à un univers régi par des dieux et qui ne peut
être modifié qu'avec leur assentiment.
Cette
conception
limite
les
capacités
d'initiative
de
l'individu
et
des
groupes
sociaux
et
par
voie
de
conséquence leurs capacités à provoquer des changements de
façon
autonome,
à
s'adapter
aux
nombreux
défis
de
la
nature de façon consciente et appropriée. Elle empêche le
développement
des
connaissances
scientifiques
et
techniques.
Or
dans
ce
domaine,
"le
vecteur
épistémologique
va
du
rationnel
au
réel"
selon
l'expression
de
Gaston
Bachelard.
Sans
révolution
scientifique
et
technique,
il
n'y
a
pas
de
progrès
possible, mais pour qu'elle se réalise, l'esprit doit être
libéré de l'emprise des mythes et des esprits.
2 - Promouvoir et diffuser la pensée scientifique et
technique
Dans
la
conjoncture
actuelle
des
pays
d'Afrique,
la
promotion et
la
diffusiçm de
la
pensée
scientifique
et
technique constitue un puissant moyen en vue de changer la
vision
du
monde
des
sociétés
africaines.
Elle
devra
s'orienter dans quatre directions:
intégrer
les
apports
extérieurs
au
milieu
socio-
cul turel
par
une
ouverture
raisonnée
de
l'Afrique
sur le monde,
promouvoir
les
connaissances
scientifiques
endogènes,
renforcer
l'étude
des
langues
étrangères
et
promouvoir les langues africaines véhiculaires,

486
modifier
les
rapports
sociaux
pour
libérer
les
initiatives individuelles et collectives.
a) Le rôle des apports extérieurs
Sur le plan scientifique et technique, les pays développés
ont pris sur l'Afrique une avance considérable.
Celle-ci
ne
cesse
de
s'agrandir
depuis
les
révolutions
industrielles du XVIIIe et XIXe siècles.
L'Afrique a donc
besoin de s'ouvrir au monde pour tirer profit des diverses
expériences
réalisées
çà
et
là.
Certes,
les
pays
développés cherchent à protéger leurs inventions pour des
raisons
économiques,
pour
sr assurer
une
suprématie
dans
les
domaines
qui
concurrencent
directement
les
matières
premières des pays du Tiers-Monde.
De même le commerce de
technologie
se
limite
le
plus
souvent
à
la
vente
d'équipement sans qu'il soit tenu compte des spécificités
du
milieu
culturel
et
socio-économique
africain.
Il
n'empêche qu'une politique rationnelle est susceptible de
produire des effets bénéfiques à moyen terme.
Dans cette
perspective,
le
flux
d'assistants
techniques
qui
interviennent
dans
des
domaines
divers
dans
les
pays
africains serait limité à la catégorie des experts de haut
niveau
pour
des
missions
de
courte
durée
assorties
de
possibilités
de
"revisite".
Or
dans
la
conjoncture
actuelle,
l'assistance technique étrangère tend à devenir
une composante essentielle des politiques de développement
et à se substituer ainsi aux initiations locales. Par des
accords
de
partenariat
avec
l'étranger
les
instituts
de
recherche
africains
pourront
élever
leur
niveau
de
compétences
scientifiques.
L'ouverture
de
l'Afrique
se
fera
sans
exclusive
aucune
mais
en
tenant
compte
des

487
domaines qui ont une relation directe avec les besoins du
milieu africain.
Dans
le
même
esprit,
i l
conviendrait
d'intensifier
la
formation des Africains à l'étranger dans des spécialités
pour
lesquelles
les
pays
industrialisés
disposent
d'avantages comparatifs.
Mais l'ouverture sur l'extérieur
doit
s'accompagner
de
la
promotion
de
la
recherche
scientifique interne.
b) Promouvoir la recherche scientifique interne et
diffuser la pensée scientifique
Vu
le coût élevé des programmes de recherche,
les Etats
Africains devraient commencer par renforcer la coopération
interuniversitaire.
Celle-ci
consisterait
en
une
spécialisation des Universités dans des domaines précis de
manière à établir des relations de complémentarité entre
elles dans le domaine de la circulation des hommes comme
dans celui des idées.
Vers la fin des années 60, le Togo et le Bénin avaient le
même Centre d'Enseignement Supérieur avec les disciplines
littéraires" à Lomé et les sciences à Cotonou; c'est vers
ce
type
de
coopération
que
les
Etats
doivent
revenir
rapidement sur les plans régional et sous-régional.
Mais
les
résultats
de
la
recherche
scientifique
doivent
être
largement
diffusés
dans
tous
les
milieux
socio-
professionnels africains, ce qui implique une politique de
formation intensive et populaire.

488
c) Le rôle des langues étrangères et des langues véhi-
culaires africaines
c'est en renforçant l'enseignement de toutes les grandes
langues
étrangères
que
l'Afrique
pourra
promouvoir
la
recherche scientifique et technique.
L'alphabétisation en Français et en Anglais mérite d'être
poursui vie
grâce
à
une
poli tique
de
scolarisation
rationnelle.
Mais
les
principales
langues
véhiculaires
africaines,
le Haoussa,
qui est parlé au Togo,
au Niger,
au Bénin, au Burkina-Faso, le Wolof au Sénégal, le Bambara
ou
le
Dioula
(Mali,
Burkina-Faso,
Sénégal,
Gambie,
Sierra-Leone,
Guinée-Bissan,
Ghana,
Libéria,
Guinée,
Côte
d'Ivoire)
le
Swahili,
dans
toute
l'Afrique
de
l'Est
et
l'Afrique
Centrale
doivent
être
promues
et
enseignées.
Comme l'a souligné Paulin Djité 167
Les
"linguae francae"
peuvent en effet accélérer le processus de diffusion et de
divulgation des nouvelles techniques dans les domaines de
la santé, de l'agriculture et de l'éducation".
d) Modification des rapports sociaux pour libérer les
initiatives individuelles et collectives
C'est
également
par
une
éducation
rénovée
que
l'Afrique
pourra accélérer la révolution scientifique et technique.
Celle-ci
requiert
une
éducation
des
individus
à
la
liberté,
à
l'affirmation
de
soi
par
rapport
au
groupe
familial,
professionnel, ethnique,
politique ou religieux.
C'est
d'abord
au
sein
de
la
famille
que
l'enfant
devra
faire l'expérience de la liberté et de la responsabilité;
la
modification
du
statut
de
l'enfant
implique
une
transformation des
relations entre
les parents,
une plus
grande autonomie de
décision de
la
femme
notamment
dans
167. DJIET Paulin,
Langues et Développement en Afrique,
in Afrique 2000, n'3,
nov. 90,
IPRI.

489
les pays d'influence islamique,
la possibilité d'hériter
directement des biens fonciers et de les transmettre à ses
enfants.
La
transformation
des
rapports
dans
la
société
suppose
également la liberté de la femme de choisir son fiancé et
de
se
séparer
de
son
mari
quand
les
condi tions
matérielles,
morales et psychologiques d'une vie commune
ne sont plus remplies.
Dans
le
même
ordre
d'idées,
les
rapports
de
dépendance
personnelle,
en
l'occurrence
dans
les
régions
interlacustres,
en Ouganda,
au Rwanda,
au Burundi doivent
disparaître.
Les rapports de type féodal,
notamment chez les Bariba du
Nord du Bénin, les Lamido du Nord du Cameroun, les Haoussa
au Nord du Nigéria doivent évoluer vers la reconnaissance
de
la
contribution
des
individus
et
des
groupes
à
la
production de la vie matérielle et sociale. Les réseaux de
solidarité qui constituent le fondement social de l'Islam
Soufi en Afrique de l'ouest devront être gérés de
façon
plus équilibrée par tous leurs membres et non dépendre de
façon
discrétionnaire
de
la
seule
autorité
du
marabout
pour éviter
leur manipulation poli tique comme ce
fut
le
cas au Sénégal sous le pouvoir de Léopold Sedar Senghor.
Dans
la
confrérie
Mouride,
le
travail
du
"taalibe"
lui
reviendra
en
priori té
et
ne
servira
pas
à
enrichir
le
marabout.
De même les féodalités religieuses d'inspiration animiste
devront
libérer
leurs adeptes des
servitudes matérielles
sous forme de prestations en nature ou en argent et servir

490
d'institutions de formation
intellectuelle et morale des
adeptes.
Tous ces changements qui s'inscrivent dans le long terme
devront être conduits dans un esprit de tolérance et dans
un climat de confiance réciproque o~ la pédagogie de la
persuasion,
le
souci
de
la démocratie devront
prévaloir
sur
les
méthodes
autoritaires
et
autocratiques
de
ces
trente dernières années.

491
CONCLUSION
GENERALE
Le bilan de trente ans d'indépendance en Afrique révèle de
nombreux
acquis
dans
divers
domaines:
amélioration
de
l'infrastructure de communication et de télécommunication;
l'exemple
de
la
Communauté
Economique
des
Etats
de
l'Afrique de l'ouest est significatif avec la création du
réseau
PANAFTEL
168.
des
voies
de
communication
interafricaines
sont
réalisées
et
d'autres
en
cours
en
relation avec des projets de mise en valeur des ressources
minières
et
agricoles
du
continent .
Divers
ports,
notamment
ceux
de
Dakar
au
Sénégal,
d'Abidjan
en
Côte
d'Ivoire, de Tema à Accra, de Lomé au Togo,
de Cotonou au
Bénin, de Douala au Cameroun, de Magadiscio en Somalie, de
Quelimane
au
Mozambique
jouent
un
rôle
économique
important
dans
les
échanges
extérieurs
du
continent
et
apportent
aux
régions
enclavées
de
l'intérieur
des
services
de
qualité
pour
leurs
échanges
internationaux.
Des
infrastructures
économiques
tels
que
le
barrage
d'Akosambo sur la Volta qui alimente depuis 1966 le Ghana,
le Burkina Faso,
le Togo et le Bénin, celui du Mono entre
le
Bénin
et
le
Togo
pour
la
production
de
l'énergie
hydroélectrique à
l'irrigation des
terres
de
la
région,
ceux de Cabora-Bassa entre le Mozambique et l'Afrique du
Sud, de Mantali au Niger, d'Inga sur le fleuve Zaïre dont
la
puissance
en énergie hydroélectrique
est
de
loin
le
plus
élevée
du
continent,
constituent
des
instruments
efficaces de développement au profit de l'Afrique.
168. Panafricaine de Télécommunications

492
Sur le plan économique l'Afrique s'est doté d'un important
appareil de production industrielle et agricole.
La Côte
d'Ivoire,
le Nigéria,
le Kenya,
le Ghana,
entre autres,
ont donné une impulsion décisive à leurs économies grâce à
la
création d'un
secteur manufacturier
important.
N'eût
été la crise économique persistante en Afrique,
l'impact
des
diverses
unités
créées
ça
et

aurait
accru
la
production
de
la
valeur
ajoutée
du
secteur
secondaire
africain.
La dynamique du développement s'est manifestée
de façon plus efficace chaque fois qu'elle a été appuyée
par
une
politique
d'intégration
régionale
soutenue.
L'accrois-
sement
des
performances
des
entreprises
ivoiriennes
et
sénégalaises
au
sein
de
la
Communauté
Economique de
l'Afrique de
l'ouest,
les
exportations de
produits manufacturés du Rwanda,
tels que les produits en
plastique,
les
tôles,
sur
le
marché
communautaire
des
Etats
des
Grands
Lacs,
les Verreries
du
Burundi
et
les
produits laitiers du Zaïre témoignent au même titre qu'en
Afrique de l'ouest de l'efficacité relative des politiques
d'intégration régionale.
En Afrique de l'Est la création
de
la
zone
d'échanges
préférentielle
en
1981
s'est
traduite par un accroissement des échanges interafricains.
La dynamique de l'intégration suscitée par la création en
1980
de
la
"Conférence
pour
la
coordination
du
développement en Afrique Australe" peut se renforcer avec
la fin de l'apartheid en république sud-africaine et la
naissance d'une politique de bon voisinage plus positive.
A l'appui des politiques de développement économique,
de
nombreux organismes techniques ont été créés depuis 1960
dans des domaines aussi variés que ceux de l'énergie de
l'agriculture,
de
l'industrie,
de
la
finance,
de
la
monnaie,
de la santé,
de l'éducation,
des
transports et

493
des communications.
Depuis 1980,
la Commission Economique
des Nations-Unies pour l'Afrique à Addis-Abeba a entrepris
des études en vue de la rationalisation de la coopération
technique entre les pays africains.
Solidement arc boutée
sur
les
quatre
centres
de
programmation
de
projets
multinationaux
qu'elle
a
créés
dans
les
quatre
sous-
régions
africaines
de
l'ouest,
de
l'est,
du
nord
et
du
sud,
la CEA fournit
une assistance technique efficace au
continent et participe ainsi A la naissance d'une vision
africaine
du
développement
dont· témoigne,
s ' i l
en
est
besoin,
le
projet
relatif
A
la
création
d'un
fonds
monétaire africain.
Dans
le
domaine
social,
c' est-A-dire
de
la
santé et
de
l'éducation,
les progrès initiés depuis l'époque coloniale
se
sont
poursuivis
même
si
par
ailleurs
le
rythme
d'accroissement
naturel
n'a
pas
toujours
permis
une
amélioration du
bien-être
général.
Le
taux
de
mortalité
infantile,
quoique
plus
élevé
par
rapport
A celui
des
autres continents,
est plus faible aujourd'hui que trente
ans plus tôt en raison de la généralisation des soins de
santé
primaires
et
d'une
politique
de
protection
maternelle
et
infantile
plus
adaptée
aux
ressources
du
milieu africain: l'huile de palme,
le beurre de karité, le
gombo,
les
haricots
sont désormais
reconnus,
grâce
A un
effort
de
recherche
concerté
entre
l'Afrique
et
la
communauté
internationale
comme
des
produits
locaux
A
haute
valeur
nutritive
pour
la
croissance
de
l'enfant.
Cette poli tique
résulte
A l ' évidence
d'un
changement
de
mentalité
indispensable
dans
le
processus
de
transformation des sociétés africaines.

494
Certes
les
écoles
africaines
forment
en
partie
des
chômeurs
en
raison
de
la
faiblesse
des
transformations
économiques
internes,
mais
elles
ont
augmenté
en
trois
décennies,
les compétences
techniques et administratives
du
continent.
Dans
cette
évolution,
les
universités
étrangères
européennes
et
américaines
et
surtout
les
universités africaines ont exercé une influence décisive.
Dans
les
pays
africains
anglophones,
les
universités
telles que Makerere College en Ouganda,
l'université de
Legon,
l'Institut universitaire de technologie d'Achimota
au Ghana,
les universités de Ibadan et d'Ife au Nigéria,
celle de Dakar ont fourni au continent des cadres dans des
. domaines variés.
Le prix Nobel de littérature décerné en
1988 à l'écrivain Nigérian Wole Sonyika constitue en même
temps
que
la
reconnaissance
de
mérites
personnels,
un
hommage à
la qualité de la formation que dispensent les
universités
du
Nigéria.
Dans
les
autres
Etats,
on
ne
saurai t
sous-estimer
les
efforts
qui
ont
été
accomplis
dans ce domaine,
au Togo,
au Bénin,
en Côte d'Ivoire,
au
Zaïre,
au Gabon,
etc ... même s'ils restent dans bien des
cas, en-deçà des besoins de ces pays. A former les cadres
dans leur milieu socio-culturel,
on crée un enseignement
mieux
adapté
avec
comme
corollaire
des
rendements
socio-économiques plus élevés. En outre la circulation des
étudiants
agit
comme
un
puissant
facteur
d'intégration
africaine
et
favorise
la
prise
de
conscience
par
les
éli tes
intellectuelles
de
la
nécessaire
complémentarité
dès Etats du continent.
L'Afrique a amorcé sa modernisation depuis 1960 avec des
résul tats
inégaux
selon
les
secteurs,
elle
a
créé
sans
conteste,
les
bases
d'une
économie
moderne
mais
il
lui
reste
à
promouvoir
une
transformation
globale
de
la

495
société.
C'est
pour
avoir
manqué
de
cohérence
que
les
politiques de développement n'ont pas permis à l'Afrique,
à
l'instar des autres régions du monde,
de s'adapter aux
difficultés économiques et financières actuelles.
Plus de
cohérence
aurait
permis
d'évaluer
les
limites
de
l'industrialisation, les contraintes physiques et humaines
à
l'autosuffisance
alimentaire,
le
rôle
capital
des
transformations de mentalités et de comportement dans le
processus de développement.
Elle aurait permis de faire de l'intégration économique et
poli tique
régionale
et
sous-régionale
une
nécessi té
absolue. En dépit de toutes les potentialités matérielles,
notamment
en
ressources
matérielles
et
humaines
dont
l'Afrique
dispose,
les
performances
économiques
de
ces
trente
dernières
années
ne
répondent
à
l'ampleur
des
besoins
du
continent.
La
famine
constitue
encore
auj ourd 'hui une menace alors que la Chine et l'Inde ont
réussi à la maîtriser depuis bon nombre d'années.
Toutes
les
économies
sans
préjudice
des
options
des
gouvernements,
sont
caractérisées
par
d'importants
dysfonctionnements
internes,
voire
une
désorganisation
avancée. La Côte d'Ivoire,
le Nigéria,
le Kenya le Zaïre,
le
Togo
ont,
avec
le
capitalisme
bureaucratique
et
étatique,
sombré dans les mêmes difficultés que les pays
qui ont opté pour un modèle de développement socialiste.
Au-delà
du
choix
des
systèmes
économiques,
c'est-à-dire
des
facteurs
institutionnels qui permettent de dynamiser
l'activité économique, de provoquer des changements et de
relever
les
divers
défis
de
l'environnement,
c'est
fondamentalement
l'homme
qui
est
en
cause
dans
les

496
difficultés
économiques,
financières
et
sociales
du
continent africain.
Qu'est-ce à dire?
"Comparaison
n'est
pas
raison".
Aimons-nous
à
répéter
après
le
philosophe.
Néanmoins
les
enseignements
de
l'Histoire
des
nations
peuvent
nous
éclairer
sur
les
destinées des peuples africains.
En Europe, c'est grâce à une direction politique éclairée
que
des
progrès
décisifs
ont
été
réalisés,
et
que
des
transformations
économiques,
poli tiques,
sociales
et
culturelles
furent,
non
sans
difficultés
parfois,
conduites à terme.
Les souverains d'Italie,
de France, de
Prusse, de Russie ont contribué grâce à leur clairvoyance
au progrès de leurs pays.
FREDERICH II de Prusse,
Pierre le Grand de Russie,
Louis
XIV en France et plus tard Napoléon,
Bismarck,
Disraeli,
Jules
Ferry,
De
Gaulle
marquèrent
de
leur
empreinte
l'histoire de leurs pays.
En Afrique, excepté Léopold Sedar Senghor, Kwame N'Krumah,
des
hommes
politiques
sans
idéal,
peu
instruits
et
incapables de ce fait d'évaluer correctement les enjeux de
la construction de sociétés modernes prirent la direction
de l'Etat.
Du Togo au
Zaïre en passant par le Bénin,
le
Niger,
le
Mali,
le
Gabon,
le
Congo,
la
République
Centrafricaine entre autres, la liste est longue des Etats
sans direction politique clairvoyante où la politique se
réduit à la gestion patrimoniale de l'Etat et où elle est
subordonnée
aux
intérêts
personnels
immédiats.
D'Où
la
prédominance en Afrique de ia logique de la reproduction

497
du ..pouvoir parce qu'il permet non pas de transformer la
société mais d'accumuler des richesses. Dans ce contexte,
les
institutions,
les
choix
économiques
et
politiques
importent moins que la longévité â
la tête de l'Etat au
prix de lourds sacrifices imposés aux peuples africains.
Les
plans
de
développement
ne
sont
que
des
habillages
d'intentions
inavouées,
d'incompétence,
de
condui tes
subjectives et autocratiques dans le domaine de la gestion
de
l'économie;
les
socialismes
africains,
le
marxisme-
léninisme:
de
tristes
parodies
idéologiques
et
intellectuelles
dont
le
caractère
suranné
contraste
fortement
avec
les
spécificités
socio-culturelles
du
continent africain,
avec les adaptations des expériences
dont elles prétendent tirer leur vertu.
Dans
ces
conditions,
l'Etat
est
devenu
un
puissant
instrument
de
répression
politique
et
un
objet
de
compétition
économique
entre
les
mains
d'oligarchies
civiles
et
militaires.
Selon
les
circonstances
et
les
pays,
c'est tantôt l'alliance entre la petite bourgeoisie
d'Etat
et
la
bourgeoisie
commerçante
qui
confisque
le
pouvoir
â
son
profit
au
détriment
de
la
paysannerie
exploitée, c'est tantôt celle de la petite bourgeoisie et
d'une
partie
de
la
paysannerie comme
ce
fut
le
cas
en
Tanzanie qui monopolise et le pouvoir et une partie des
richesses nationales.
En Côte d'Ivoire, au Kenya,
en Ouganda, au Nigéria, c'est
l'alliance
entre
la
petite
bourgeoisie
d'Etat
et
la
bourgeoisie
commerçante
appuyée
sur
les
gros
planteurs
pour ce qui est des trois premiers pays,
qui prédomine;
ailleurs, au Togo, au Zaïre, au Niger, au Bénin, au Gabon,
la
petite
bourgeoisie
d'Etat
et
la
bourgeoisie

498
commerçante,
nationale
ou
étrangère
dirigent
ces
pays
à
leur profit.
Compte-tenu de
la
structure désarticulée et extravertie,
des
économies
africaines,
la
configuration
interne
des
forces politiques se modifie en fonction des modifications
de
la
conjoncture
économique
internationale.
Toute
la
politique
d'accumulation
du
capital
repose
sur
l'exportation sur le marché international de produits de
base favorisant ainsi la naissance et le renforcement d'un
Etat
tributaire.
Or
l'économie
de
traite,
c'est-à-dire
l'échange
de
matières
prem1eres
contre
des
produits
manufacturés conduit à
une impasse dans la mesure où les
forces du marché échappent totalement aux pays africains.
Mais
elle
profite
aux
classes
dominantes.
L'échec
des
politiques
dans
les
domaines
industriel
et
agricole,
l'alourdissement de la dette extérieure,
le développement
des
migrations
interafricaines,
l'accélération
de
la
croissance urbaine,
l'accroissement du chômage des jeunes
diplômés ou non,
la dégradation des conditions sociales en
sont des conséquences directes.
Outre l'incompétence des directions politiques africaines
ce
sont
des
intérêts
de
classe
qui
orientent
les
politiques économiques en Afrique.
Pour sauvegarder les
intérêts des classes dominantes,
la
violation permanente des droits de l'homme fut érigée en
méthode de gouvernement. A des degrés moindres,
le Sénégal
et
la
Côte
d'Ivoire
peuvent
être
considérés
comme
des
espaces de liberté en Afrique au Sud du Sahara au cours de
ces
trente dernières
années.
Les cas
les
plus critiques
concernent
l'Ouganda,
le
Zaïre,
la
République

499
Centrafricaine, le Togo, le Burkina-Faso, où les droits de
l'homme
sont
constamment
bafoués.
Quant
aux
libertés
démocratiques qui furent octroyées sous le régime colonial
par une
série de dispositions
à
partir de
1946,
par la
France et à
partir de 1948 pour les colonies anglaises,
elles
ont
été
partout
suspendues
peu
de
temps
après
l'accession
des
Etats
d'Afrique
à
l'indépendance:
les
conséquences
poli tiques
économiques
et
sociales
des
nouveaux systèmes autocratiques furent désastreuses: exode
des cerveaux vers les pays développés,
apathie politique
des
populations
africaines,
résistance
des
paysans
aux
mesures d'extorsion arbitraires qui s'est traduite par des
diminutions,
des
dissimulations
voire
l'exportation
clandestine de la production vers des Etats voisins.
Par
peur
de
la
répression,
tout
le
monde
fait
semblant
d'acquiescer
aux
injonctions
du
parti
unique
entraînant
ainsi un gaspillage d'énergie, de temps et de moyens.
L'autre lacune des directions politiques africaines, c'est
leur incapacité
à
évaluer les
enjeux
internationaux qui
condi tionnent
l'avenir
du
continent.
Que
d'énergie
dépensée
et
de
temps
perdu
depuis
la
conférence
Afro-
asiatique de Bandoeng (18-25 avril 195~) où la question de
la
stabilisation
des
prix
des
matières
premières
fut
soulevée pour la première fois,
à
vouloir convaincre les
pays consommateurs d'acheter les matières premières à des
prix
rémunérateurs.
Face
à
la
résistance
des
forces
du
marché
et
à
leurs
effets
pervers
sur
les
économies
africaines une stratégie de création de marchés internes
intégrés en Afrique
s'imposait
comme
l'une des
réponses
appropriées.
Mais
par
intérêt
d' abord
et
par
manque
de
volonté politique ensuite, les responsables politiques ont
donné
la
préférence
à
des
palliatifs
qui
entretenaient

500
leur image populiste auprès des populations africaines et
leur
dépendance
sécurisante
vis-à-vis
des
gouvernements
des
pays
développés.
Pour
n'avoir
pas
compris
que
le
protectionnisme
peut
aider
des
unités
de
production
naissantes à prospérer dans les pays sous-développés sous
réserve de l'harmonisation des politiques industrielles et
agricoles
sur
les
plans
régional
et
sous-régional,
bon
nombre de
pays
africains ont
compromis
l ' efficaci té des
importants investissements qui ont réalisés depuis trois
décennies. Tous les pays industriels à de rares exceptions
près protègent aussi leurs industries au risque de violer
les
accords
internationaux;
à
cet
égard,
l'accord
multifibre du GATT est particulièrement significatif.
Avec
ses
ressources
matérielles
qui
font
d'elle
le
continent de l'avenir,
la jeunesse et le dynamisme de sa
population,
l'Afrique porte en elle toutes les conditions
d'une amélioration progressive des conditions matérielles
et
humaines
d'existence.
Mais
faute
de
systèmes
politiques,
ouverts
et
efficaces
qui
favorisent
le
dialogue fécond,
la liberté d'expression,
les initiatives
individuelles
et
collectives,
et
d'une
révolution
intellectuelle et culturelle, elle est condamnée comme par
le passé à subir l'histoire plutôt qu'à l'écrire.
Dans cette perspective,
les défis extérieurs résultant du
dynamisme
des
économies
industrielles
et
de
la
menace
militaire sont des composantes essentielles des stratégies
de développement.
Le gap technologique ne cesse de s'élargir entre les pays
industrialisés et l'Afrique:
dans les domaines nucléaire,
de la fusion thermo-nucléaire,
des biotechnologies et de

501
l'informatique,
de l'électronique et de la communication,
Européens,
Américains
et
Japonais
renforcent
leur
suprématie sur le reste du monde et s'imposent comme les
principaux
centres
d'impulsion
de
la
vie
économique
mondiale.
Ces progrès technologiques relèguent au second
plan
les
produits
de
base
dans
les
processus
de
fabrication
industriel.
En
outre
l ' exploi tation
des
ressources
des
fonds
marins,
notamment
les
nodules
polymétalliques,
celles
de
l'Antarctique
risquent
de
marginaliser
davantage
le
continent
africain
et
d'accroître
sa
dépendance
vis-à-vis
de
l'extérieur.
Aujourd'hui,
la
nationalisation
n'est
plus
considérée
comme
une
menace
pour
les
capitaux
étrangers
tant
le
contrôle
des
marchés
internationaux
et
des
processus
technologiques
de
fabrication
ont
acquis
une
valeur
stratégique dans l'économie mondiale.
Au dynamisme des économies industrielles, est associée la
menace
militaire.
A
la
faveur
de
la
guerre
froide,
l'Afrique était devenue après la seconde guerre mondiale
un enjeu stratégique pour les grandes puissances et pour
l'Europe.
Les
rivalités
américano-soviétiques
dans
la
corne
de
l'Afrique
dans
les
années
70
autour
de
la
Somalie, de l'Angola, du Mozambique, en Guinée et dans une
moindre mesure en Afrique occidentale autour du Ghana,
du
Togo,
du
Bénin
et
du
Burkina-Faso
ont
affaibli
politiquement les
Etats d'Afrique,
opposés
les
un;s
aux
autres pour des intérêts étrangers au continent.
L'organisation de l'Unité Africaine n'a pas été épargnée
par ces rivalités, incapable dans les années 80 de prendre
des
décisions
dès
lors
que
les
intérêts
poli tiques
et
stratégiques des grandes puissances étaient en jeu.

502
La France maintient son empire en Afrique non seulement
par le biais économique,
linguistique et politique,
mais
également par des moyens militaires. Au Sénégal, au Gabon,
en République Centrafricaine,
au Tchad,
à
Djibouti,
elle
entretient des bases militaires d'où ses soldats peuvent
intervenir
rapidement
sous
le
couvert
des
Accords
de
coopération militaire dont les clauses secrètes autorisent
l'appui
à
des
gouvernements
en
difficulté
vis-A-vis
de
leurs propres populations.
Tel fut le cas au Gabon en 1964, au Zaïre par deux fois en
1976
et
1977,
au
Tchad
depuis
1976
en
République
centrafricaine depuis la chute de Bokassa.
Ces dernières
années,
elle
est
intervenue
militairement
au
Togo
pour
soutenir un régime en proie A une rébellion politique,
au
Gabon
sous
le
couvert
de
protéger
les
ressortissants
français.
Avec
l'effondrement
de
l'Union
Soviétique
qui
faisai t
contrepoids
à
la
volonté d' hégémonie
des
autres
nations
industrielles
dans
le
monde,
les
menaces
extérieures apparaissent plus lourdes pour les forces de
changement
en
Afrique.
Le
nouvel
ordre
international,
c'est d'abord
celui
des
puissances
occidentales
sous
la
direction des
Etats-Unis
d'Amérique.
C'est
un ordre qui
n'admet
pas
de
puissances
régionales
susceptibles
de
fédérer les pays les plus faibles et de contrebalancer la
puissance de l'occident.
Face à ces défis extérieurs, économiques et technologiques
et aux menaces militaires,
l'avenir de l'Afrique ne peut
être assuré que si des puissances économiques,
politiques
et militaires émergent sur le continent. Le Nigéria, comme
pôle
de
fédération
des
Etats
de
l'Afrique
de
l'Ouest,
l'Ethiopie,
en
Afrique
Orientale,
le
Zaïre,
en
Afrique

503
Centrale et Australe. Ils auront pour vocation d'assurer à
terme
l'uni té
économique
et
poli tique
de
l'Afrique
subsaharienne,
pour
optimiser
la
mise
en
valeur
et
la
gestion
des
ressources
et
restituer
aux
espaces
socio-
culturels leur profonde unité.
C'est
à
ces
conditions
que
l'Afrique
pourra
relever
au
mieux tous les défis, internes comme externes et s'imposer
comme
un
partenaire
à
part
entière
à
l'échelle
internationale.
Il s'agit d'une réalité à construire hic
et nunc et d'un pari collectif sur l'avenir de la jeunesse
africaine et la destinée des peuples du continent.

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Ministère
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SEDES:
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2.
CNUCED: rapport annuel,
Nations Unies, Genève;
3.
Notes
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statistique
de
la
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Centrale des
Etats
de
l'Afrique
de
l'ouest
(BCEO,
Dakar) .
4.
Marchés tropicaux et méditerranéens.
5.
Jeune Afrique économie.
6.
Revue Tiers-monde, PUF,
Paris.
7.
Le mois en Afrique.
8.
Afrique 2000 IPRI Bruxelles.
9.
Sciences et vie économique.
Journaux
1.
CEDEAO: Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (journal de la)
2.
Jeune Afrique
3.
Le Monde
4.
Le Monde diplomatique

524
REMERCIEMENTS
1
INTRODUCTION GENERALE
2
1 - Définition du champ d'étude
,
2 - Définition de l'objet d'étude
3 - Méthodologie
4 - Problématique
PREMIERE PARTIE - LE CADRE INSTITUTIONNEL ET SOCIO-
ECONOMIQUE DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE AU SUD DU
SAHARA
49
CHAPITRE l
- LA NAISSANCE DES ETATS-NATIONS
52
Section 1 - Les structures politiques africaines à
l'épreuve de la pénétration étrangère
52
1 - L'importance de la personnalisation des
rapports dans le fonctionnement des systèmes
politiques antécoloniaux
53
2 - Le partage de l'Afrique ou la modification
des cadres territoriaux
55
3 - Les effets socio-politiques
60
a - Conflit entre tradition règle écrite
61
b - Conflit entre centralisation et auto-
nomie
63
Section 2 - Le développement du phénomène nationa-
litaire
65
1 - L'action des élites
65
a - Les élites intellectuelles
66
b - Les élites charismatico-religieuses
77
2 - L'action des premiers partis politiques

525
africains
90
a - Le Rassemblement Démocratique Africain
91
b - Les autres partis politiques africains
96
3 - La lutte des travailleurs et l'avènement des
Etats-Nations
98
a - L'action des mineurs
98
b - La lutte des cheminots, des dockers et
des fonctionnaires
103
CHAPITRE II - L'ETAT-NATION ET L'ACCUMULATION PRI-
MITIVE DU CAPITAL ARGENT
107
Section 1 - La primauté de l'Etat dans l'accumula-
tion primitive
108
1 - L'Etat et la bourgeoisie comprador en Afrique
au Sud du Sahara
108
2 - L'Etat et les glissements d'alliance de
classes
110
Section 2 - La faiblesse de la bourgeoisie nationale
africaine
112
1 - Les causes historiques
113
a - L'apprition d'une bourgeoisie commer-
çante au XIXe siècle
113
b - Le développement de l'entreprise privée
à l'époque coloniale et les secteurs
prioritaires
114
c - La période de décolonisation et le
développement de l'entreprise privée en
Afrique
117
d - Les tentatives de création d'une bour-
geoisie nationale
118
2 - Les effets de la rigidité des structures so-
ciales africaines sur le développement de
l'entreprise privée
119
a - Le premier effet
120
b - Le deuxième effet
121

526
3 - Les contraintes psycho-sociologiques du dé-
développement de l'entreprise privée en
Afrique
122
a - L'ostentation
122
b - Confusion entre réussite sociale et
richesse et création d'entreprise
125
c - La conception du temps
127
CHAPITRE III - TYPOLOGIE DES REGIMES SOCIO-ECONOMI-
QUES AFRICAINS
130
Section 1 - Les fondements idéologiques des régimes
socio-économiques africains
132
1 - Les régimes d'inspiration socialiste
132
a - Les facteurs historiques et sociologi-
ques qui ont sous-tendu l'éclosion des
socialismes africains
132
b - Le courant humaniste et spiritualiste
134
c - Le courant collectiviste et étatiste
143
d - Le courant marxiste léniniste
150
2 - Les régimes d'inspiration libérale
157
Section 2 - Les effets de convergence des régimes
socio-économiques africains
174
1 - La tendance à l'étatisation
175
2 - L'homogénéité du choix des techniques et
des méthodes de développement
183
3 - L'importance des dysfonctionnements insti-
tutionnels
185
CHAPITRE IV - LES CARACTERISTIQUES DES SYSTEMES
POLITIQUES AFRICAINS
188
Section 1 - La personnalisation du pouvoir
188

527
1 - Régimes présidentiels et personnalisation
du pouvoir
188
2 - La faiblesse du niveau d'instruction générale
et de l'opinion publique
191
3 - L'absence de tradition démocratique
192
4 - La stérilité intellectuelle de l'intelligentsia
africaine
193
Section 2 - La confiscation du pouvoir
195
1 - Confiscation du pouvoir et configuration
des forces politiques
195
a - L'Etat et les élites
196
b - L'Etat et les autres catégories
sociales
202
2 - L'évolution de la relation gouvernants-gou-
vernés en Afrique: le parti unique et les
régimes militaires
205
a - La prédominance du multipartisme à la
veille des indépendances
206
b - Le parti unique et le régime militaire
comme instrument de la confiscation du
pouvoir
212
c - Régime militaire et confiscation du
pouvoir
215
DEUXIEME PARTIE - LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT
EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
221
CHAPITRE l
- LA PROMOTION DES SECTEURS EXPORTATEURS
COMME FACTEUR DE DEVELOPPEMENT
227
Section 1
Le poids du passé
227
Section 2 - Les raisons d'une politique de conti-
nuité
231

528
1 - La conjoncture internationale de 1945 à 1970 232
2 - Les raisons socio-politiques
234
Section 3 - Les méthodes,
les instruments et les
résultats de la stratégie de promotion
des secteurs exportateurs
237
1 - Dans le secteur agricole
241
2 - Dans le secteur minier
241
3 - Les résultats
245
CHAPITRE II -
LES POLITIQUES D'IMPORT-SUBSTITUTION
ET DE PROMOTION DU SECTEUR MANUFAC-
TURIER
255
Section l
- Les types d'industrie dynamogènes
256
Section 2 - Les implantations industrielles en
Afrique
259
1 - Tableau des industries africaines
260
2 - Les obstacles au développement industriel
261
3 - Les résultats de cette politique
265
CHAPITRE III - LES STRATEGIES DE MODERNISATION DE
L'AGRICULTURE VIVRIERE
268
1 - L'agriculture africaine entre la moder-
nisation et l'intégration
269
2 - Les politiques de modernisation agricole
271
a - Le poids du milieu naturel sur l'agri-
culture africaine
271
b - Les rapports Etat-paysannerie à tra-
vers la politique de modernisation
274

529
3 -
Les tentatives d'intégration de l'agricul-
ture vivrière dans le processus des dévelop-
pements
282
a -
Les projets de productivité sectoriels
282
b -
Les projets de développement intégré
289
CHAPITRE IV -
LES EXPERIENCES D'INTEGRATION ECONO-
MIQUE COMME STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT 296
Section 1 - Le contexte historique et politique de
296
la naissance des groupements économiques
en Afrique subsaharienne
1 - Les effets induits du contexte colonial
297
2
Le rôle des idéologies et le jeu des riva-
lités entre les leaders africains
299
a - Les théories de l'unité
300
b -
Les tentatives d'unification politique
305
en Afrique
3 -
Le rôle de l'OUA
306
Section 2 -
L'Union douanière comme modes d'accès
308
privilégié à l'intégration économique
1 -
Les justifications des choix des unions
309
douanières
a -
Justifications historiques
b - Justifications théoriques
310
2 - Les caractères spécifiques des unions
313
douanières
a -
Le cas de la SADCC, de la ZEP et de
314
la CEPGL
b - Les autres regroupements
315
Section 3 - Les obstacles à la promotion de l'inté-
319
gration économique
1 -
Les obstacles monétaires
319

530
a - L'absence de souveraineté monétaire et
319
ses effets
b - Le problème de l'inconvertibilité
322
2 -
Les obstacles techniques
323
a -
La faible densité de l'infrastructure
323
de communication
b -
Le chevauchement et le double emploi
325
des organismes de développement
3 -
Les obstacles politiques
326
a -
Les rivalités politiques et leurs
326
effets
b - L'absence réelle de volonté politique
328
TROISIEME PARTIE -
LES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT 337
EN AFRIQUE, AU SUD DU SAHARA
CHAPITRE l
-
LES LIMITES DE LA RESTRUCTURATION
339
ECONOMIQUE
Section 1 -
Les programmes d'ajustement structurel
339
1 - Définition et théorie de l'ajustement
339
a - Définition
339
b - Théorie de l'ajustement
341
c - Le contenu des programmes
343
2 - Les implications socio-économiques des pro-
345
grammes d'ajustement structurel
a - Réduction de la demande interne et
345
amélioration des exportations
b -
Le désengagement de l'Etat et la pri-
349
vatisation des entreprises publiques
3 - Quelques études de cas:
le Nigéria,
le Kenya,
351
Madagascar et la Tanzanie
a -
Le Nigéria
352
b -
Le Kenya
355
,

531
c - Madagascar
356
d - La Tanzanie
357
4 -
Les effets des programmes d'ajustement
359
structurel
5 -
Les mesures d'accompagnement économiques
363
et sociales
a - L'expérience de la Guinée
364
b - L'expérience malienne
370
c -
L'expérience sénégalaise
372
d -
Le projet béninois
376
e -
Le projet nigérien
377
Section 2 -
Le plan d'action de Lagos et le program- 380
me prioritaire de redressement économique
de l'Afrique pour la période 1986-1990
1 -
Le Plan de Lagos et la nouvelle philosophie
381
de développement de l'Afrique
a - Bref rappel historique
382
b - Une nouvelle approche thématique du
383
développement
c - Le rénovation du cadre politique et
390
d'action en Afrique
d -
La nécessité de construire la commu-
396
nauté économique africaine
2 - Evaluation des mesures de redressement
402
a -
Le plan d'action de 1agos
402
b -
L'absence d'évaluation des implications 405
financières du Plan d'Action de Lagos
et du Programme Prioritaire de redres-
sement économique
c - L'absence de mesures politiques et
405
socio-culturelles
CHAPITRE II -
LA RENOVATION DE LA COOPERATION IN-
410
TERNATIONALE
Section 1 -
Le "Dialogue Nord-Sud et le nouvel ordre 410
économique international

532
1 -
Les origines du "Dialogue Nord-Sud"
411
a - L'impact des chocs pétroliers de 1973
411
et 1978
b - Les principales étapes
414
2 - La restructuration du commerce international 417
a - L'esprit du GATT et l'avenir des échanges
des pays sous-développés
417
b - Le CNUCED et le Nouvel Ordre Economique 419
International
- Les Accords par produit
421
- Le "Fonds Commun" pour les produits
423
de base
- Les mesures spéciales en faveur des
424
PMA
3 -
La réforme du système monétaire internatio-
427
nal
a - La suprématie américaine après la
428
seconde guerre mondiale
b - L'Accord de la Jamaïque
429
c - La portée du nouveau système monétaire
432
Section 2 - La rénovation de la Coopération entre
l'Europe et l'Afrique à travers les re-
435
lations ACP-CEE
1 -
Les origines de la coopération entre l'Europe436
et l'Afrique
a - historique
436
b - Les objectifs des conventions de
437
Yaoundé
2 - Les perspectives de développement liées aux
445
conventions ACP-CEE
a - Une meilleure protection des recettes
446
d'exportation
b - Le dépassement de l'optique marchande
449

533
CHAPITRE II - ESQUISSE DES CONDITIONS DE POSSIBILITE 451
DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE AU SUD DU
SAHARA
Section 1 -
Le refus de l'idéologie du développement 451
1
-
Réhabiliter l'histoire africaine
452
2 - Les fondements théoriques et l'impact de
458
l'idéologie du développement
a - Les fondements théoriques
458
b -
L'impact de l'idéologie du développement463
3 -
Quelle problématique de développement en
467
Afrique
Section 2 - La nécessité de réaliser l'intégration
469
politique du continent
l
- Créer l'état de droit en Afrique
470
a - La protection de l'individu et du
471
citoyen
b - La protection des biens individuels et
473
collectifs
2 - Promouvoir la démocratie locale
474
3 -
Revoir la question des frontières actuelles
475
des pays d'Afrique en créant des espaces
socio-culturels et économiques plus homogènes
Section 3 ~ La nécessité d'une révolution intellec-
477
tuelle et culturelle
l
- Changer la vision du monde des sociétés
478
africaines
a - Les raisons historiques
478
b - Les raisons philosophiques
483
2 - Promouvoir et diffuser la pensée scientifi-
485
que et technique
a - Le rôle des apports extérieurs
486

534
b - La recherche scientifique africaine
487
c - Le rôle des langues étrangères et des
488
langues véhiculaires africaines
d - Modification des rapports sociaux pour
488
libérer les initiatives individuelles
et collectives
CONCLUSION GENERALE
491
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
504
TABLES DES MATIERES
524

535
L I S T E
D E S
TABLEAUX
p. 141 - Principaux produits d'exportation
p. 145 -
Le gouvernement et l'industrie du cacao: quelques
indicateurs
p. 166 - Nombre d'entreprises privées,
au Kenya entre 1966
et 1973
p. 168 - Government ownership in the private sector,
1976
p. 171 - Nombre de salariés du secteur industriel 1968
p. 176 - Répartition du capital productif en Côte d'Ivoire
entre l'Etat,
le secteur privé étranger et le
secteur privé ivoirien en milliards de F CFA cou-
rant de 1974 à 1978.
p. 177 - Evolutions en % de chaque secteur dans le capital
productif
p.
243 - Principales marchandises exportées par les pays
d'Afrique au Sud du Sahara
p. 244 - Taux de variation de la production de matières
premières d'origine minérale et agricole entre
1961 et 1970 (Afrique au Sud du Sahara) en mil-
liers
p. 247 - Evolution de la production en milliers de tonnes
de matières premières d'origine minérale de 1960
à 1984 (Afrique au Sud du Sahara)
p. 248 - Evolution de la production en milliers de tonnes
de matières premières d'origine végétale de 1961
à 1980 (Afrique au Sud du Sahara)
p. 249 -
Indices mensuels des prix sur le marché libre
p.
258 -
Implantations industrielles en Afrique de l'Ouest
p.
275 -
Indice des prix d'achat minéraux au producteur
p.
277 - Coefficients nominaux de protection pour quelques
grands produits agricoles dans des pays africains
de la zone franc et hors zone franc (fin des an-
nées 70)

536
p.
287 -
Production agricole de la Tanzanie (en milliers
de tonnes)
p. 312 -
Les groupements économiques en Afrique au Sud du
Sahara
p.
442 -
Aide à la production et à la diversification

537
LISTE DES DOCUMENTS ANNEXES A LA THESE
Expansion démographique et production vivrière en Afrique
1973-1984
Indice de la production alimentaire par tête 1961-1965 à
1983
Part de la production minière africaine dans la production
mondiale
Indice
des
prix
des
produits
primaires
autres
que
le
pétrole (1975=100)
Taux d'exportation (en % du PIB) des pays africains de la
zone
franc
en
1979:
taux
effectifs
et
taux
estimés
"ou
normaux"
Principaux
producteurs
africains
de
matières
premières
agricoles et minérales
Statistiques industrielles
nombre d'employés 1968, 1969,
1970, 1971 Kenya
Secteur
d'activités
de
485
entreprises
privées
(année
1974) Kenya
Les monnaies africaines
Indicateurs de base
Date
de
création
et
composition
des
organisations
intergouvernementales de l'Afrique de l'Ouest
Coopération ACP-CEE

't1
Indire de ln produC'lIon nllmenlnlre por lêle, 1961-65 Il 19113
~
(moyenne 1?li1-1i5 = 100)
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125
g
7
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1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
75
1
1
70
75
80
83
84
85
Moyenne
1961-65
S""r('(' : D'~pr~.\\ c1~\\ donn~c\\ rOllrni~\\ p~r le D~parlemenl d~ l'agricull\\lr~ des Etals-Unis,
I\\"'''l"r MII'lflinlr ri l'An.
-.J

540
Part de la production minière africaine dans la production mondiale
BAUX ITE (1977)
(en milliers de tonnes métriques)
Production mondiale
79 600
Production Afrique noire
11 829
Ghana
244
Guinée
10 841 (l'on estime qu'elle possédait 30 %
des réserves mondiales)
Sierra Leone
737
Production Afrique noire/Production mondiale: 14,8 %
Source : US Bureau of Mines
---------------------------------------------------------------------------------
CHROME (1977)
(en milliers de tonnes métriques)
Production mondiale
4 200
Afrique du Sud
l 460
Zimbabwe
300
Soudan
14
Madagascar
65,9
Production Afrique noire/Production mondiale : 0,9 %
Source: US Bureau of Mines
COBALT (1976)
(en tonnes)
Production mondiale
23 627
Zaïre
10 686
Zambi e
l 657
Production Afrique noire/production mondiale: 52,2 %
Source: US Bureau of Mines
CUIVRE (1977)
(en milliers de tonnes métriques)
Production mondiale
8 000
Botswana
11 ,8
Mauritanie
4,8
Namibie
50, 1
Ouganda
70,8
Zaïre
472,2
Zambie
819,2
Zimbabwe
33,0
Production Afrique noire/Production mondiale : 18,2 %
Source: US Bureau of Mines
DIAMANTS (1977)
(en milliers de carats métriques)
Production mondiale
40 360
Production Afrique noire
20 600
Production Afrique noire/Production mondiale: 51 %
Source: US Bureau of Mines

541
---~--------------------------------------------------
--------------------------
ETAIN (1979)
(en milliers de tonnes métriques)
Production mondiale
201 300
Nami bi e
l 000
Nigéria
2 750
Rwanda
1 400
Zaïre
3 300
Zimbabwe
600
Production Afrique noire/Production mondiale: 4,4 %
Source: International Tin Couneil Londres
FER (1977)
(en milliers de tonnes métriques)
Production mondiale
482 800
Libéria
11 960
Mauritani e
4 734
Swaziland
915
Production Afrique noire/Production mondiale
3,6 %
Source: US Bureau of Mines

TABLEAU
- Indice des prix des produits primaires autres que le pétrole (1975 = 100)
Valeur nominale (exprimée en dollars E.U.)
Valeur ajoutée (au moyen des prix des produits manu-
facturés
ANNEE
Ensemble
A1imenta-
Matières
Ensemble
Al imenta-
Matières
des pro-
tion
Boissons
premières
Métaux
des pro-
tion
Boissons
premières
Métaux
duits
agricoles
duits
aqrico1es
1970
58
45
70
55
78
108
84
130
103
145
1971
56
46
65
55
67
97
80
113
96
118
1972
63
53
71
72
68
101
85
113
116
109
1973
97
82
87
129
99
134
113
121
178
136
1974
124
131
104
125
124
140
148
118
143
142
1975
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
1976
115
84
192
124
106
114
84
189
123
105
1977
139
83
332
128
114
127
76
304
117
104
1978
133
96
241
138
120
106
76
192
109
95
C.J1
~
1979
155
109
255
168
156
108
76
178
117
109
N
1980
169
141
224
175
172
106
89
141
110
108
1981
144
122
174
158
148
95
81
115
105
98
1982
127
97
178
136
135
86
66
122
93
92
1983
135
105
192
149
135
95
74
134
105
94

Valeur nominale (exprimée en dollars E.U.
Valeur ajustée (au moyen des prix des produits ma-
nufacturée
ANNEE
Ensemble
Alimenta~
Matières
Ensemble
Alimenta-
Matières
des pro-
tion
Boissons
premières
Métaux
des pro-
tion
Boissons
premières
Métaux
duits
agricoles
duits
agricoles
VARIATIONS EN POURCENTAGE
1970
3,4
5,3
13, 1
- 8,8
5,4
-
2,3
-
0,5
6,8
- 13,9
- 0,4
1971
- 4,8
2,0
- 7,6
- 0,5
- 13,6
- 10,6
- 4,2
- 13,3
-
6,5
- 18,9
1972
13,3
14,4
9,3
30,8
0,2
4,6
5,6
0,9
20,7
-
7,5
1973
53,2
54,8
23,5
79,2
48,8
31 ,8
33,2
6,2
54,2
26,3
1974
28,0
59,7
19,3
- 3,5
25,0
4,6
30,5
- 2,5
- 21,2
2,1
1975
-19,2
- 23,5
- 3,8
-19,8
19,4
- 28,5
- 32,3
- 14,9
- 29,0
- 28,6
1976
14,8
- 15,6
91 ,8
24,3
6,0
13,9
- 16,2
90,3
23,3
5,2
1977
21 ,2
- 1,8
73,2
3,2
7,5
11 ,4
-
9,7
59,3
- 5,1
-
1,2
1978
- 4,1
15,8
-27 ,4
7,6
5,4
- 16,8
0,5
37,0
-
6,6
- 8,5
01
~
1979
16,3
13,4
5,8
21 ,9
29,8
2,4
-
0,2
- 6,8
7,4
14,4
w
1980
8,7
30,0
-12,2
4, 1
10,6
-
2,2
17,0
- 21,0
- 6,3
- 0,4
1981
-14,6
- 13,6
-22,3
- 9,7
- 14,0
- 9,9
-
8,8
- 18,0
- 4,8
-
9,3
1982
-12, 1
- 20,8
2,5
- 13,7
- 9,2
- 10,0
- 18,9
4,9
- 11,9
- 7,4
1983
6,2
8,7
6, l
8,6
0,2
8,6
11 ,3
8,6
11 ,1O
2,5
Source: SFI ; Primary Commodity Markets - Commodity Division, p. 2 (étude qui a été effectuée par la Division des pro-
duits du FMI et qui paraîtra bientôt)

544
Taux d'exportation (en % du PIB) des pays africains de la zone france en 1979
taux effectifs et taux estimés ou "normaux"
Exporta-
Exportations de biens et services
tions mar
Taux "normaux" 1979
chandises
Taux ef-
Différence 1979
fectifs
par rap-
par rap-
Taux d'ex- 1979 (1980) port à
port à
portation
1 1 ensemb. l'ensemb. (2)-(3)
(2)-(4)
effecti fs
des PVD
des pays
1979 (ou
africains
1978 )
(1)
(2)
(2 bis)
(3)
(4 )
Pays de 1a zone
franc
BCEAO
Bénin
22,35
27,00 (28,00)
27,52
25,80
-
0,52
-
1,20
Côte
d'Ivoire
27,55
35,00 (33,00)
31,53
33,68
+
3,47
+
1,32
Haute volta
9,42
15,00 (14 ,00)
21,95
19,78
-
6,95
-
4,78
Niger
-
25,00 (25,00)
25,24
23,96
-
0,24
+
1,04
Sénégal
(16,98)
34,00 (21,00)
28,08
27,92
+
5,92
+
6,08
Togo
25,10
32,00 (41,00)
32,14
30,99
-
0,14
+
1,01
BEAC
Cameroun
21 , 18
25,00 (29,00)
27,26
27,97
-
2,96
-
2,96
Centrafrique
12,50
18,00 (29,00)
32,05
30,34
- 14,05
- 12,34
Congo
( 10,62)
(--)
(--)
Tchad
33,00 (33,00)
20,14
16,68
+ 12,86
+ 16,32
MALI
14,51
16,00 (19,00)
18,83
16,30
-
2,93
- 0,30
Pour mémoire
Madagascar
14,02
17,00 (15,00)
22,48
21,68
-
5,48
- 4,68
Mauritanie
31,28
38,00 (38,00)
34,21
32,59
'3,79
5,41
Moyenne non pondérée
Ensemble des PVD
26,22
26,22
0
Ensemble pa. Afri.
23,54
24,56
23,54
-
1,02
0
Pays zone franc
26,00 (28,20)
26,48
25,34
-
0,48
0,66
1
Pays à faible revenu
Ensemble des P.V.O!
18,07
18,65
-
0,58
Ens. pays africains
20,43
23,43
21 ,94
- 3,00
- l,51
Pays zone franc
23,71
25,42
23,41
-
1,71
0,30
1
pays à rev. intermé.
non exportateurs de
pétrole:
1
Ensemble des P.V.D.
31,77
30,49
1,28
Ens. pays africain~
32,86
27,95
28,34
4,91
4,52 .
Pays de 1a zone F. 1
31,33
28,96
29,86
2,37
1,47
Source
Les taux effectifs ont été calculés (col. 1) à partir de ou extraits (col.
2) de Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 1981 (1982
pour colonne 2 bis). Les taux "normaux" ont été estimés de la façon indiquée
au texte.
in GAUILLAUMONT, opus déjà cité paqe 225.

545
PRINCIPAUX PRODUCTEURS AFRICAINS DE MATIERES PREMIERES
AGRICOLES ET MINERALES
(Afrique au Sud du Sahara)
HOUILLE ( 1986)
Zimbabwe
4 047 000 t
PM 3,20 G
0,12 %
URANIUM (en t. métriques - ressources)
R.C.A.
8 000
Gabon
16 720
Namibie
104 000
Niger
180 000
T.
308 730
Ressources mondiales
1 584 000
19 %
PETROLE (en 1000 t. métri ques 1986)
Angola
14 140
Bénin
372
Cameroun
8 050
Congo
5 950
C. I.
1 350
Gabon
8 350
Ghana
20
Nigéria
72 805
Zaïre
1 651
T.
112 688
PM 2 813 902
3,86 %
CHROME (1000 t - 1986 )
Magadascar
17
Zimbabwe
233
-
1.
250
M4 484
COBALT (t. métriques - 1986)
Zaïre
13 528
Zambie
4 344
1.
18 872
M
CUIVRE (1000 t)
Zaïre
506,1
Zambie
543,5
- -
T.
1049,6
M
8 502,6
ETAIN (t. métriques)
Niger
100
Zaïre
1 900
1.
2 000
M181 000
MANGANESE (1000 t)
Gabon
1 159
Ghana
147
Zaïre
188

546
CACAO (1000 t - 1986)
Cameroun
120
C. I.
580
Ghana
212
Nigéria
125
Togo
1.
1 037
M 2002 t soit 51,80 %
MINERAI DE FER (1000 t fer contenu - 1974)
Angola
3 328
Libéria
14 920
Mauritani e
7 582
Sierra-Léone
1 269
Swezil and
1 314
Zimbabwe
384
T.
28 797
PM 513 800
% 5,6
ALUMINIUM (en 1000 t métriques - 1986)
Cameroun
81 , 1
Ghana
124,6
T.
205,7
PM 15 520
13 %
BAUXITE (1000 t - 1986)
Ghana
204
Guinée
14 656
S.T.
1 242,2
T.
16 102,2
PM 91 199,3
10,96 %
ALUMINE ( 1986 - 1000 t)
Guinée
571
M 33 536,6
1,7 %
OR (en kilogrammes - 1986)
Ghana
8 941
Zaïre
2 752
Zimbabwe
14 853
T.
26 546
M 1 500 000

547
CAFE (1000 t - 1986)
Cameroun
122
C.1.
280
Ethiopie
225
Kenya
125
Madagascar
82
Ouganda
195
Tanzanie
49
Zaïre
90
Angola
Togo
Bénin
T.
1168
M5188
THE (en 1000 t métriques - 1986)
Kenya
140
Malawi
42
Mozambique
15
Tanzanie
14
T.
211
M 2296
ARACHIDES (1000 t métriques - 1986)
Cameroun
140
R.C.A.
142
Gambie
124
Ghana
121
Malawi
180
Mali
120
Nigéria
616
Ouganda
115
Sénégal
720
Soudan
457
Zaïre
400
B.E.
T.
3 143
M21 792
CAOUTCHOUC NATUREL
Libéria
50
Nigéria
60
Zaïre
23
-
T.
172
M4372
RIZ (1000 t métriques - 1986)
C.1.
460
Madagascar
2 230
Nigéria
1 540
S.L.
525
1.
4 755
M476 302
MAIS (1000 t métriques - 1986)
Kenya
2 650
Nigéria
3 230
Zimbabwe
2 540
T.
8 426
M483 604

548
S~ATISTIQUES INDUSTRIELLES: NOMBRE D'EMPLOYES 1968, 1969, 1970, 1971
INDUSTRIE
1968
1969
1970
1971
Mine et carrière
- Recherche minière et pétrolière
596
486
355
329
- Extraction minière non métalli-
que et carrière de pierre
1560
1704
1880
2065
TOTAL
2156
2230
2235
2389
Industri~manufacturières
- Viande et produits laitiers
3259
3294
3662
4177
- Conserves de fruits et légumes
1799
2051
1661
1777
- Meunerie
1705
1761
2080
2285
- Boulangerie
701
703
699
960
- Sucre et dérivés
2285
2523
2772
2894
- Alimentations diverses
931
937
1021
1107
- Bière, malte et tabac
2763
2806
2703
2888
- Boissons
439
514
633
809
- Textil es
6442
6479
6627
7621
- Chaussures et vêtements
2347
2781
4096
4339
- Boi s de sei age
3925
4451
4990
5383
- Meuble et installation
725
870
905
1243
- Papier et papeterie
1178
1262
1427
1535
- Imprimerie et publication
1732
1834
2075
2290
- Cuirs et produits en cuir
486
797
990
1052
- Industries chimiques et pétro-
1i ères
732
718
818
824
- Peinture, savon et huile
853
929
1090
1261
- Extraction de pyrethre
216
205
101
366
- Produits chimiques divers
787
1028
112
1199
- Claie et verrerie
557
596
740
929
- Cimenterie
980
1064
1100
1181
- Autres produits non métalliques
442
474
563
829
- rroduits métalliques
2752
3038
4087
4673
- Machines non électriques
408
555
565
409
- Machines électr.
2292
3193
3645
4145
- Construction et réparation
navales
1296
1127
1243
1390
- Matériel roulant de chemin
dc' fer
7215
7ft 17
10756
10725
- Carrosserie
623
639
999
1257
- Réparation automobile
3557
3514
3874
4251
- Réparation aéronautique
951
991
1053
1228
- Manufactures diverses
643
847
1190
1312
TOTAL
54971
59398
69277
76336

549
Batiment et corstruction
- Electricité, plomberie et cana-
lisation forage
1446
1885
1806
1827
. - Construction
7062
7842
8049
10510
1 - Génie civil
peinture et répara-
i
1
tion
1486
1489
3834
4508
i1
1
TOTA:"
9994
11261
13689
16845
Source: Bureau Central des statistiques, Ministère des finances et du
plan
in
SWAISON, p.245-246.

550
SECTEUR D'ACTIVITES DE 485 ENTREPRISES PRIVEES (année 1974)
%
%
%
SECTEURS
Asiati-
Afri-
ElIro -
TOTAL
ques
cains
péens
- Production agricole
6
46
10
77
- Mine et carrière
2
1
4
8
- Industries agro-alimentaires
3
1
1
8
- Vêtements et textiles
7
2
2
18
- Produits chimiques, plastiques
et bois
3
-
4
9
- Métaux, fer et sidérurgie
3
-
2
8
- Ingérierie générale
10
1
11
31
- Transport -terr~, air, eau-
-
2
7
11
- Investissement et finance
3
2
16
25
- Immobilier
7
7
8
20
- Bâtiment et construction
2
1
8
30
- Import-export
10
7
11
39
- Voyage, tours operator, hôtel
et restauration
4
5
8
20
- Marchands de gros
10
14
-
37
- Détaillants et services
26
10
5
18
- Imprimerie
5
2
4
8
- Di vers
-
-
-
1
TOTAL
%
100
100
100
TOTAL NOMBRE
198
123
101
422
Source
SWAISON Nicolas, opus déjà cité

551
LES MONNAIES AFRICAINES
en 1990
A
unite~ monétaire le FRANC CFA (Cao ération finan-
-::!..::;...~~.::.-.-.r;;..::L':::'-:':":":":~:";:":-",,,-=-:":"':""::,;,,,,:':":":":'~~-xn~---..:....::..:.=---r:------...:...;~.I:...-.------­
a valeur de 0,02 francs
rançais
BENIN
BURKINA-FASO
CAMEROUN
CONGO, COMORES
COTE D'IVOIRE
GABON
GUINEE EQUATORIALE
MALI
NIGER
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
SENEGAL
TCHAD
TOGO
B - MADAGASCAR
Franc Malgache a la même parité que le F CFA par rapport
au Franc Français
c - Pays Africains ayant leur propre monnaie
PAYS
Un Hé monétaire
Contre-valeur en
franc français
Algérie
Dinar
1,42
Angola
Dwanza
0, 15
Botswana
Pula
6,62
Burundi
Franc Burundi
0,048
Cap Vert
Escudo
0,15
Djibouti
Franc D..'ibouti
0,032
Egypte
Line
8, 16
Ethiopie
Binr
2,77
Ghana
Cedi
0,045
Guinée
Sil ly
0,23
Guinée-Bissau
Peso
0,15
Kenya
Shi 11 ing
0,56
Lesotho
Maloti
6
Libéria
0011 ar 1 ibérien
5,33
Libye
Dinar libyen
19,40
Malawi
Kwacha
6, 19
Maroc
Di rham
1, 11
Mauritanie
Ouguiya
0,11
Mozambique
tiét i ca 1
0, 19
Ni9éria
Naïra
9,10
Ouganda
Shilling Ougandais
0,057
Rwanda
Franc rwandais
0,051

552
Sierra-Léone
Leone
4,22
Somalie
Shilling somalien
0,12
Soudan
Livre Soudan ai s.
5,81
Swazil and
Li l angeni
6
. Tanzani e
Shilling tanzanien
0,40
Tunisie
Dinar tunisien
11
R.S.A.
Rand
6
Zaïre
Zaïre
0,18
Zambie
Kwacha
6,32
Zimbabwe
Dollar zimbabwe
7,64
D - Pays non mentionnés
Gêmbie
Dalasi
l 3,7 D =l l ivre
Namibie
Rand
l R = 100 Cents
R.A.S.D.
Sao ~ome
et Principe
DOBRA
$= 122,48
Seychelles
Rupée
SR = 100 Cents

553
INDICATEUR DE BASE
Population
Superficie
PNB/ha
en millions
en km
US Dollars
1987
1987
CEAO
BENIN
4,3
113.000
310
BURKINA-FASO
8,3
274.000
190
COTE D'IVOIRE
Il,1
322.000
740
MALI
10,9
1,240.000
210
NIGER
6,8
1,267.000
260
MAURITANIE
1,9
1,031.000
440
SENEGAL
7,0
196.000
520
50,3
4,440.000
381 Dollars US
CEDEAO
CEAO
50,3
4,440.000
381
CAP VLRT
0,325
4.000
430
GAMBIE
0,797
Il.000
220
GHANA
13 ,6
239.000
390
GUINEE-BISSAU
0,922
36.000
160
GUINEE
6,5
246.000
320
LIBERIA
2,3
111.000
450
NIGERIA
106,6
924.000
370
SIERRA-LEONE
6,4
26.000
300
TOGO
3,2
57.000
290
191
6,140.000
350
MRU
GUINEE
6,5
246.000
370
LIBERIA
2,3
119.000
450
SIERRA-LEONE
6,4
26.000
300
15,2
429.966
357

554
INDICATEURS DE BASE
Popu la tion
Superficie
PNB/ha
en millions
en km
US Dollars
1987
1987
UDEAC
CAMEROUN
10,9
475.000
970
CONGO
2,0
342.000
870
GABON
1,1
268.000
2,700
REPUBLIQUE CA
2,7
623.000
330
16,7
1,708.000
1217 ,5
CEE AC
UDEAC
16,7
1,708.000
1217,5
BURUNDI
5,0
28.000
250
GUINEE EQUATORIALE
0,389
28.000
N.C.
RWANDA
6,4
26.000
300
TCHAD
5,3
1,284.000
150
ZAIRE
32,6
2,345.000
150
66,389
5,419.000
715
CEPGl
BURUNDI
5,0
28.000
250
RWANDA
6,4
26.000
300
ZAIRE
32,6
2,345.000
150
44,0
2,399.000
233.33

555
INDICATEURS DE BASE
P(lpulati(ln
Superficie
PNB/ha
en mi IIi (lns
en km
US D(lllars
1987
1987
BURUNDI
5,0
28.000
250
COHORES
0,426
22.000
370
DJIBOUTI
0,372
22 .000
N.C.
ETHIOP lE
44,8
1,222.000
120
KENYA
22,1
583.000
300
LESOTHO
1,6
30.000
360
t1ALAWI
7,9
118.000
160
HAURICE
1,02
N.C.
1,470
RWANDA
6,4
26.000
310
SOHALIE
5,7
638.000
290
SWAZILAND
0,757
17.363
700
TANZANIE
23,9
945.000
220
UGANDA
15,7
236.000
260
ZAMBIE
7,2
753.000
250
ZIMBABWE
9,0
391.000
590
152
5,011.363
406
SADCC
ANGOLA
8,5
1,246.700
N.C.
BOTSWANA
1,1
582.000
1,050
LESOTHO
1,6
30.000
360
MALA\\<II
7,9
118.000
160
t-10ZAMB l QUE
14,6
802.000
170
SWAZILAND
0,757
17.763
700
TANZANIE
23,9
945.000
220
ZAMBIE
7,2
753.000
250
ZIMBABWE
9,0
391.000
590
74,55
4,885.463
437,5

556
Tableau 3. i -
Date de crélltion et composition des organisations intergouvernementales de l'Afrique de
l'Ouest
Nombrede
membres app-
Nom de
Date de
Nombre total
artenant à j' A-
l'Org:mj s:?tion
crè2.rion
de membres
frique
Membres
A.
oIGmultila!:: alesou~'f!T­
,es uniqu mnte eauxpays
ùut.'s:ajri::ains
1.
COn5e!l ce l'entente
1959
5
5
Bénin, Côte d'Ivoire, Haute
Volta, Niger, Togo
2.
Organ.is.:-.tion de coordina-
1960
8
8
Bénin, Côte d'Ivoire, Hau-
tion ct de coopération
te-Volta, Mali, Mauritanie,
pOi.!: 1d lutte contre les
Niger, Sénégal, Togo
gr2..."ldcs endémies (OCC
GE;
.).
.3ê.nque centrale des Etats
1962
6
6
Bénin, Côte d'Ivoire, Hau-
lie l'A:rique de j'Ouest
te-Volta.,
Niger,
Sénéga~
(3CEAO)
Togo
A 'Jtorité de déve1oppe-
1970
3
E:1Ute-Volta, ~1aji, ~ig~r
::1c:nt intégré de la région
\\2l.! Liptûo-Gourma
C:om.Cl'J.:l.au1é éconol1"...ique
1970
Bénin, Côte d'Ivoire, Hau
d11 b~uil ::t de la vian.àe
te-VoIla, Niger, Togo
(CEB"V)
, .
·5.
,·\\.:\\2~",:1.3:ticD. pour le dé--
)4
....
B~ni:l, Côte d'IVo~re, Gam-
'J~ ~ ·)~"\\~e~.~:1t è.~ la rLZÏ-
:'il:, Guinb:, Gt'jnC:e.Bis~ll.,
:-o~i,:<~e eD- ?jriq:Ie ck
Haute- volta, Libériê., t-.-f.>11.
~ ·~Jti.;:S:: (./~DMO)
~'lawitanie, Ni~r, ~igé~2.,
~'<:J.é~d.1, Si~rr2 Lcc"(~":=': T:j:s~

557
j·-...·:.:r"o:e:; ~?;;.
D~~ ck
Nomb~ totJ>J
U'~~ L
c:-6<.tiO!.
c..:: ,!:~;:;"t.rc:;:
;' ,.6,f:7,-!lJ,:' 6c
;'~~~
7.
CO!nmunauté éronomique
1972 (mais
{;
(,
Côte c'Jyoin-, P.f.uu.-Voh"
cie l'Afrique de l'Ouest
!"emon.te à
Mali,
Mz.urita!iic.,
NI~~\\
(CEAO)
l'UDEAO
Séoéga!
, (Ct::I>,.O)
'qui était
. créée en 1960)
~.
O:t;a:lisatioll pour II:
1972 (mais
3
3
Mali, Mat:..~tanic, Sér-..i:gz1
rni~ en yaleur dl!. fleuve
remonte i.
Sénégal (OMVS)
l'OERS)
9.
Banque ouest-africaioe
1972
6
6
B.énin, CÔ~ d 'Ivoire, Hat:.~
de dévelop~ment (BOAD)
VoltE., Niger, Sénégal, To~o
JO.
Coromunauté s.an.îtaire
1971
(;
6
Gambie, Ghana,
G;;jn.é:t,
de l'Afrique àc l'Ouest
Libéria, Njz~:ia, Siem. U;.
one
Il.
Union du fleuve Mano
1973
3
3
GuiLéc, LiDéja, Sirn:a Le-
one
12-
Uaion monétaire ouest-
1973
6
6
Bénin, Cote ci '1 voire, Haute
africaine
Volta, Niger, Séüég-oti, TC'go
13.
Communauté économique
1975
16
16
Bénin, D.p-Vert, Côte.è'I.
des Et~ts de l'AfriQue de
voire, Gambie, Gha.n.a, Gu-
l'Ouest (CEDEAO)
inée, Gt:.inéc-Bis..'>atl, Hatr..ç
Volta, Libéria, Mali, Mal>-
ritanie, Niger, Nigéria, $.6.-
négal, Sier.p- Leone, Tog::>
14.
Cn.ambre de com;:>ens.a
1975
15
15
Banques cer.t.!-ales des sU
tion de l'Afrique de
pays m~mbTe$ do: );: BC:::'A
l'Ouest (1975)
0, Gunbie, Ghz.u.., Guinér
Guinée-Bissz,.C-, Libéria., 111.
li, Maurjt~c, Ni~rja., SIC>-
rra Leo~
15.
Org2JÙS2.tion pou; ia mi~
19ï8
3
3
Guobic, Guinlc, Sér.éZ2;
en valet:,; du fieuve Gam:>ie
R.
OlG bi!aural~~ ou\\'~rtes'
lDliquement aux pays ouest-
aJricain.J
16.
Orga.cis.a.tion comm une
1959
2
2
Bé:lin et Nig-:r
béninonigéric:nn.e ?Our Je
t:-ansport fcrroYiaire
17.
Secrétaria~ pe~~ de
;%7
:i
Z
Gtlnl>;e e'~ Sé:lizd
la. ~~punb)e
18.
Com:nun.a.ut:: de : 'élea
:970
:2
2
~d. Tc~o
rieite: du B64'-:l
l6

558
Nombre d.e
wc:m.bres ayp
2.-"'t:l:nant à·
Nom de
Date de
Nombre total
"Afrique de
l 'Organisation
cré2.tion
de membres
l'Ouest
Memb~
19.
Commission mixte de
1971
2
2
Niger et NigériA
coopération nigéro-ùigé.
riane
.
C.
OIG multilaterales dont
la moitie des membres au
moins appert iennent à
l'Afrique de l'Ouest
20.
Org;?-uiS3.tion intel1l:!.tio-
1952
17
17
COùgo, Côte d'Ivoire, Ga-
nale de lutte .;ontre le
mbie, Ghana, Haute-Voita,
criquet migrateur cn
Mali,
Mauritanie,
Niger.
/\\irique (OICMA)
Nigéria,O'Jgaada, Répub-
lique-Unie du Cameroun.,
République ~ntrafricaiDe.
&;:légal, Sierra Leone, Te-
had, Togo, Zaïre
21.
Association pour la
1959
l~
8
Bénin, Congo. Côtl~ d'Ivo-
>.~rité de la ll2.vigation.
ire,
Gabon,
Haute- Volta,
aérienne en ,A,Jrique
Madagascar, Mali, Mauri-
(ASECNA)
tanie,
Niger,
République-
Unie du CG.meroun, R~pu-
blique <..cntrafricaine. Sén
gal, Tchad, Togo
22.
Comité inter-africain
1%0
12
8
Bénin, Congo, Côte d'Ivo-
d'études hydrauliques
ire,
Gabon,
Haute-Volta,
(CIEH)
Mali,
Mauritanie,
Niger,
République-Unie du Cam-
ero~ Sénégal, Tch.ad., Tog
23.
Alliance des pays proda-
1962
4
Brésil, C5!e d'rvoire. Gab-
ctèurs .ie C2.C2.0
oD., Ghana, Nigéria, Rép-
uolique-Unie du Cameroun
Togo
24.
Con..seiJ afriC?in è~
1964
7
6
Cë.mbie. Haute-Volta, Ma-
l'arachide (CA_.1.)
li, Nige:-, Nigéri:t, Sé:lég.al,
Soudar:
,...
. .
"1':
-.J.
,,-Or:n..ŒlS$1Cn de 11c Tchaà
1964
-4
2
Nige:-, Nigéria, R~?ubljque
Dnie du Ca..c:J.e:cun., Tchad
~é.
O~garJsé.:jcn ccm.;nJ.:ne de
1965
JO
8
Bé::.::'.., C6t;:: d'Ivoire, Gam-
l~~(r": ë.r~~i .. 2.c::ié.i::: !l.De e~
bie, n::ute- Volta. Mali, Ma
~~~i-a·"·lû.:;-;;
;,:.c;L~:1i~. ~.,'iger, R=pbliq-
:'i..~-~~:~ie C",.1 c.a..œ~r:,)~ï.., ~
Ii~~~i,. -(chaJ
::".
{):.~a...:l.i':..1:";·:Jr. ::~:.I~lIt'\\nl'''':
1966 (~la:s
3~!1in'l '::ôt~ d'IYoi~, H~­
::.;.:·..-:c:.:.:~:..: ~~ ~~,::.:.:·;..:jë~.e
"''Cill.O'2~e à
J.I.·-"'~/c:~a, ~·,l?.:"":'l'iç::, N~,gC:J
::~ .: ~ ~: :, ~::: :.1~; r~ :"',:.:- ~~ r: C':~i:'.ll.
;"t: .:r;-:.:. ~"':.'';:' :':';.J..'.:- -r .":~':)

559
meU:.bres c:v;,).-
~U:i..z...Z..r..~ i
D2.:~ à.e
~~o~br~ tot.z!
;~l&_;;icu~ cit
Ct:ê.to~
de m.eœbr.:::;
J'O~t
Membre~
1i;.
Sociét~ afriClô.inc pou.:
1972
Ha1.!.te-Volr.a., Mali, MaU!.
le développement des in-
it.a!lie, Niger, Souci.<:w
èustri::s al:mer:.taires à
b~ de mil et de sorgho
29.
Comité pc~en.t inter-
1973
8
7
Cap-Vert, Gambie, Haute-
Etats àe iutte contre la
Volta,
Mali,
Maurjt2Jli~"
sécheresse dans je Sahel
Niger, Sénégal, Tchz.d
(CILSS)
30.
Autorité du bassin. du
1980 (mais
8
7
Bénin, Côte d'Ivoire, Gui-
Niger
remonte au
née, Haute-Volta, Mali. Ni-
b2.Ssi;"! "du
ger, Nigéria, Répubilque-
Niger cr&é
Dnie àu Carnero1.!.ll
en ! 96;')
D.
OIG multilaterales copmtant
de nombreux membres de
r Afrique de r Ouest et doM
le siege est en Afrique de
l'Ouest
31.
Conseil africain et
1968
17
7
Bénin, Burundi, Côte d'Iv-
maigache de l'enseigne-
oire,
Haute-Volta,
Mali,
ment
supérieur
Niger,
République-Unie
di.!. Car:neroun, Sénégal, T 0-
go.
32
Fonds africain. de solidarité
1976
16
7
Béuin., Burundi, Côte d'!'"·
oire, France, Gabon, H3t;.Ie
Volta, Mali, Maurice, NIge:
République
ccntrafricaif~t.
République-Unie du Cam-
eroun..
R wanà.a,
Séuép.:
Tchad, Toge, Zajre

560
COOPERATION ACP - CEE
Total financier
1
{millions d'ECUSI
~
~
......
~
UCE
(1)
E
~
z:
en
c:
......
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(1)
.D
~
>
E
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CONVENTION
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VI
......
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c: lU X
-
VIVI
(fonds)
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a.
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...... 0
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UJ
0
W~
Cl
0.. ~
l.J...+U
CO a.
-
Traité de Rome (Parti 1V)
1. 1.58
31
55
581
1cr HO
Yaounde 1
1.7 .64
18
69
666
64
(2e FEO)
Yaounde II
1.1.71
19
80
843
90
De FED)
LOME 1
1. 4.76
46
250
3129
390
(4e FEO)
LOME II
1. 1.81
57
348
4754
685
(5e FEO)
LOME 1II
1.5.86
66
413
7754
1100
(6e FED)
LOME IV
1.6.90
69
460
10800
1200
(le FED)
Source
Le courrier n° 120,
mars-avril 1990, p. 26.