j
lJMlYDSr1'3 DI GINEV!. PACULTB DI PSYCHOLQGlB ST DIS SCD!NCE.S DI L'EDUCAnON
LES POLmQUES SCOLAIRES COLONIALES AU TOGO
./
18lM·1980
~ lia FIClIItI cie ~ et ciel
SciIaI:II cie I~ cie l'UIIimIiU cie GeaM
paar '*-ir la .... cie Doc:tar. sa-. cie 1'EcbII:IIlcG
\\\\\\ ..
..... ' .'
'
'
COUTANCES
OCEP IMPRIMERŒ
1982
/J
, 1

i
\\\\
\\
La Faculté de Psycho~ogie et des Sciences de ~'Education,
sur préaTis du profe•• eur M. P. Furter, directeur de ~a thèse -
Mme M. J. Darde~in, GenèTe
M. Â. Lema, autorise ~'impression
de ~a présente thèse, sana prétendre par ~à émettre d'opinion
sur ~es propositions qui y sont. énoncées.
GenèTe, ~e 2S NOTembre 1981
Le doyen
E. Bayer
Thèse nO 111.

A Abra mon Epouse
Au nom de tous les Miens

l
Avant-propos
Depuis l'indépendance politique du Togo obtenue en
Avril 1960, l'attention des dirigeants politiques et des responsa-
bles de l'éducation s'est portée sur la ré~orme de l'enseignement.
Le but visé est de concentrer tous les e~~orts sur les points ~orts
et les ~aiblesses du système éducati~ conventionnel hérité de la
période coloniale et d'évaluer la possibilité de son adaptation
aux besoins nationaux actuels en relation avec le développement
économique, social et politique. Cet examen critique se poursuit
toujours car il est apparu qu'une ré~orme réelle de l'enseignement
est un processus de longue haleine qui ne pourra s'accomplir
totalement sans une connaissance su~~isante de l'évolution
historique de l'ensemble du système de la période précoloniale
à l'époque actuelle.
Le but de ce travail est d'étudier les politiques
scolaires coloniales au Togo. Nous sommes convaincu de la nécessité
qu'il y a d'aborder cette étude qui permettrait de comprendre les
données essentielles des réalités scolaires contemporaines.
Le Togo actuel n'est qu'une partie de l'ancienne colonie
que l'Allemagne perdit à la suite de la première guerre mondiale
et qui ~ut partagée entre la France et la Grande Bretagne.
L'Allemagne ne ~ut pas cependant la première puissance
européenne à organiser l'éducation sous sa ~orme occidentale au
Togo. Bien avant que cette partie de l'A~rique occidentale ne ~ut

I I
annexée au nom de l'Empereur Bismarck, des sociétés missionnaires,
en particulier la mission de Bâle, la mission de l'Allemagne du
Nord, la mission de Wesley et la mission catholique de Lyon,
avaient commencé l'évangélisation des populations de cette région
et avaient mis sur pied des écoles dans lesquelles les en~ants
recevaient un enseignement essentiellement religieux.
L'avènement du colonialisme allemand ~aussa quelque peu
les plans des sociétés missionnaires. Habituées jusqu'ici à
travailler sans contraintes politiques, elles seront désormais
obligées de composer avec ~e administration autoritaire. En ~ait,
dans ce qui devint le Togo allemand, ne s'installeront que la
mission de l'Allemagne du Nord, la mission de Wesley et la congré-
gation catholique du Verbe Divin. La mission de Bâle et la mission
de Lyon se trouvant l'une en retrait, l'autre écartée pour des
raisons que nous ne manquerons pas d'expliquer plus loin.
Compte tenu de ce qui précède, l'on comprend qu'il est
impossible d'étudier convenablement ce que ~ut la politique
scolaire de l'Allemagne au Togo de 1884 à 1914 sans tenir compte
de l'oeuvre considérable des missionnaires sur le plan éducati~.
Ceux-ci marquèrent cette période de leur présence.
L'éducation sous sa ~orme occidentale ne ~t pas cependant
imposée par les sociétés missionnaires et les autorités coloniales
sur une table rase. A l'époque précoloniale les diverses popula-
tions habitant cette partie de l'A~rique étaient dotées de solides
organisations religieuses sociales et éducatives. La première

I I I
partie de notre étude commence par une analyse de certaines de ces
données traditionnelles qui peuvent nous permettre de comprendre
la suite de nos développements qui s'articulent autour des questions
suivantes : Quels furent les fondements de l'oeuvre d'évangélisation
des sociétés missionnaires au Togo? D'où vient cette nécessité
pour les missionnaires de scolariser des populations de tradition
orale? Pour un tel travail, on s'en doute, les pionniers de
l'éducation qu'étaient les missionnaires avaient rencontré des
difficultés tant du caté des indigènes que du c6té de l'administra-
tion allemande. Comment ont-ils mené leur politique scolaire en
face d'une administration autoritaire? Comment caractériser la
politique scolaire du gouvernement colonial? Quelle fut la
situation de l'oeuvre scolaire allemande à la veille de la
première guerre mondiale ? Telles sont les questions que nous
avons essayé d'éclaircir dans la premi0.re partie de cette étude.
La première guerre mondiale se termina par la défaite
de l'Allemagne. Le Togo allemand fut partagé entre la Grande
Bretagne et la France.
La partie britannique fut purement et
simplement rattachée à la Gold-Coast (le Ghana actuel).
L'a'ltre
partie, le Togo actuel, fut administrée par la France avec le
contra1e de la Société des ~ations tout d'abord comme pays sous
mandat ensuite comme pays sous tutelle.
La défaite de l'Allemagne et l'arrivée des Français au
Togo provoquèrent l'expulsion des missionnaires allemands q"i
furent remplacés par leurs collègues français.
les principales
sociétés missionnaires furent alors la mission de Paris associée

IV
avec les pasteurs togolais ~ormés par la mission protestante de
l'Allemagne du Nord et la congrégation catholique des missions
~ricaines.
Comment s'organisa la reconversion de l'enseignement
allemand sur le modèle ~rançais ? Quelles ~urent les nouvelles
règles qui gouvernèrent les écoles privées con~essionnelles et
les rapports entre les sociétés missionnaires et l'administration
~rançaise ? Dans quelle mesure la France tint-elle compte des
observations du conseil permanent des mandats et de celui de la
tutelle pour mener sa politique scolaire dans le territoire?
Quelle fUt la situation de l'oeuvre scolaire ~rançaise à l'indé-
pendance du Togo en 1960 ?
Compte tenu de toutes ces questions, de l'évolution des
idées durant cette période et du poids des évènements intérieurs
et extérieurs à la colonie nous avons divisé l'histoire de la
politique scolaire ~rançaise au Togo de 1914 à 1960 en trois grands
chapitres.
- De 1914 à 19)2. C'est le début de l'installation de
la France au Togo et de la mise en place d'un nouveau
cadre pour l'éducation. La reconversion de l'enseigne-
ment allemand en enseignement ~rançais a posé des
problèmes que nous ne manquerons pas de souligner.
De 19)) à 1945. Cette période est caractérisée par
certaines tentatives d'adaptation de l'enseignement"

v
au contexte togolais. L'on parle volontiers d'enseigne-
ment populaire et d'écoles rurales. qu'en est-il
exactement? Il Y a également certains con~lits entre
les sociétés missionnaires et l'administration ~rançaise
concernant l'âge des élèves, la ~ormation du personnel
enseignant et d'une manière générale l'organisation de
l'enseignement privé con~essionnel.
De 1946 à 1960. Le Togo, malgré son statut juridique
de pays sous tutelle, se voit intégré dans la communauté
de l'Union ~rançaise. Dans son préambule,
la constitution
~rançaise de 1946 dé~init les principes et les buts
de l'éducation aussi bien dans la métropole que dans
les autres colonies de la France dont le Togo.
L'ensei-
gnement est dès lors calqué sur le rnodêle ~rançais
malgré de nombreux problèmes que pose cette uni~ormisa­
tion.
Cette longue période qui va des premières initiatives
scolaires des sociétés missionnaires jusqu'à l'avènement du colo-
nialisme et aux e~~orts répétés de l'administration coloniale pour
contraler toute l'organisation de l'enseiP,nement a laissé des
survivances. Dès lors toute compréhension des données éducatives
contemporaines doit obligatoirement s'y ré~érer. C'est la raison
pour laquelle, en dehors de certains points que nous avons soulevés
dans les deux premières parties de notre travail, nous avons essavé
dans notre conclusion d'analyser dt~~érents problèmes qui sont
des traces laissées par les politiques scolaires coloniales au
Togo dont nous sommes originaire.

VI
Remerciements
Parmi tous ceux qui nous ont aidé dans la préparation
de cette thèse, nous voudrions remercier tout particulièrement
le Professeur Pierre Furter, de l'Université de Genève, qui a été
notre conseiller et dont l'intérêt pour cette recherche a été une
source de- stimulation pour nous. Il n'a pas seulement lu toutes
les pages à plusieurs reprises; i l s'est aussi efforcé de nous
guider quant au style et à la forme de cette thèse. Nous remercions
également tous les autres membres du jury dont les observations
nous ont été très précieuses. Nos remerciements vont enfin à tous
ceux qui de près ou de loin nous ont aidé dans l'achèvement de
cette thèse.

-
1 -
INTRODUCTION
------------
CHAPITRE l
DONNEES DE BASE
1. His torique
Le Togo actuel que l'on compare volontiers à la
silhouette d'une nvielle femme debout n est l'un des plus petits pays
d'Afrique de l'Ouest (S6.000kmZ). Situé entre le 6ème et le 11ème
degré de latitude Nord, ce territoire constitue une bande de terre
longue de 600 km et large d'environ ZOO, allongé entre le Bénin à
l'Est et le Ghana à l'Ouest, tandis que la Haute-Volta le limite au
Nord. Il s'ouvre sur l'Océan Atlantique par une cete de près de 50 km.
Mais en fait,
cette brève présentation, que nous
venons d'esquisser, n'est que l'image du Togo actuel (1). Il faut en
effet souligner, pour la suite de nos développements que le Togo a été
successivement colonisé par l'Allemagne (1884-1914), occupé en partie
par les Anglais (1914-1920) et enfin placé sous le mandat de la
France (1914-1960). Ce n'est pas une mince perfon~ance. Autant dire
tout de suite que cette succession de puissances coloniales, n'a pas
manqué d'influencer ni les habitudes, ni le genre de vie des habitants
du pays.
Notre première démarche va 3tre d'insister quelque
peu sur l'évolution h~storique et politique du Togo,
en commençant
par les mouvements migratoires qui ont été à l'origine de son peuple-
ment. Ce point nous semble indispensable pour la bonne compréhension
de la suite.
1. Voir carte nO 1.
- - - - _ . _ - - -

-
2 -
TOGO
11' N
LimIte de r,;glon
@ @)
Chef-I.eu de r.9ion
o
Yi Iles de pluS d. 10000 h

Autres ogglomlfrolions
Ch.mln d. tu
~Oulu prinCIpales
\\l''-l-
nicho--
--r----------- -------J
1 __ LOME:~ ~pême
~'r<
ECHElLE
o
1
25
sa
100 km
MG
_
_ 2· EG

- J -
A l'époque précoloniale, on peut diviser les populations
de ce qui allait Itre le Togo en trois groupes principaux :
1. Les populations du Nord qui viennent pour la plupart des régions
vol talques. Elles sont apparentées au groupe linguistique Tem
et occupent la moitié du territoire.
Les auteurs qui ont étudié les populations du Togo septentrional
les répartissent en trois groupes (1)
:
le groupe Kotocoli - Bassar -
Tchamba et Komba.
installé dans
les circonscriptions administratives de Bafilo. de Bassar et
de Sokodé.
le groupe Kabyé
Losso -
Lamba. que l'on rencontre dans les
monts Kabyé et en partie dans l'Atakora.
le groupe Hossi et apparenté Tyokossi. Hoba. Gounna. élit
domicile dans les régions de Mango et de Dapaon, mais s'étend
sur la partie septentrignale du Ghana.
La première impression qui se dégage de cette première
division. c'est que nous sommes en présence d'une mosaIque d'ethnies.
2. Il existe une zone de transition. la région montagneuse
d'Akposso.
entre les populations du Nord et celles du Sud.
Cette zone intennédiaire comprend les Akpossos.
les Anas. les
Akebous etc.
1. Cornevin Robert. Les Bassari du Nord Togo. Paris. Berger Levrault.
1962, 156p.
Froelich J.C •• Les Populations du Nord Togo, Paris. P.U.F ••
196J.
200 p.

- 4 -
J. Il faudra insister davantage ici sur les populations méridionales,
car c'est à partir d'elles que la pénétration européenne' s'est
effectuée. Ces populations méridionales avaient leur origine dans
la grande migration venue au cours des siècles du Royaume du Bénin.
On les désigne habituellement sous le nom des Ewé. Trois faits
principaux les caractérisent: l'unité de culture, l'unité de
langue et le souvenir de l'ancltre commun 1 i,enya (1).
L'histoire de ces populations révèle qu'elles étaient
établies à Notsié (Nuatja). Elles avaient un roi qui ne ressemblait
en rien à ses prédécesseurs. La cruauté de ce dernier fut à l'origine
d'une vague de migrations qui amena pour toujours l'éclatement du
groupe en trois rameaux principaux. Un rameau dans sa course vers le
Sud, après avoir fondé plusieurs villes et villages (Aweta, Agoènyivé,
Tsévié etc), s'établit au sud du Ghana, dans la région de Kéta, c'est
le rameau Aulon. Le second rameau est constitué des Ewé du centre du
Togo, et a fondé des villes comme Gbi, Péki, Kpandu, Kpalimé etc.
Enfi.n le dernier groupe, la rameau Ouatchi., donna naissance aux
villes de Ho, Akovia, Hodzo, Adaklu etc (2).
Comme on pouvait s'y attendre, les Ewé dans leurs migrations
fondèrent une multitude de cités, mais semblent garder le souvenir
du temps passé à Notsié qu'ils appellent "Amedjofé" (l;l.eu d'origine).
1. Aglémagnon N'sougan ;
"Le Concept de' crise appliquée à une
société africaine: les Ewé n • Cahiers internationaux de Sociologie
Vol XXIII. Juillet-Décembre 1957 p. 159.
2. Akué Messavussu Adokué ; Aperçu histOrique du Togo, Lomé
Imprimerie de l'Ecole professionnelle. 1978 p. 18.

- 5 -
Les Ghen (Guin ou Mina) qui habitent aujourd'hui le littoral
du Togo et les régions lagunaires (Aneho, Glidji) ne seraient venus
que plus tard d'Accra et d'Elmina (Cape-Coast) à partir de la seconde
moitié du XVIIe siècle (1).
Tous ces groupes étaient répartis sur l'ensemble du territoi-
re selon les ressources naturelles et les facilités d'existence. Mais
à aucun endroit, i l n'y avait une autorité puissante, contrairement
aux royaumes Ashanti à l'Ouest ou d'Abomey à l'Est, qui puisse
s'opposer à une pénétration étrangère ou européenne.
Cependant si on fait un retour sur la ce te du Bénin et ce
qui a fait sa réputation "sinistrement célèbre", i l y a lieu de
distinguer deux périodes.
De 1600 à 1850 cette zone était appelée la cete des esclaves
en raison de l'intense activité de ce genre qui y règnait. Ses
organisateurs étaient primitivement des Danois et des Hollandais
vinrent ensuite les Portugais, les Anglais et les Français. Les
empreintes de ces puissances étaient sensibles dans les noms passés
dans les langues locales, ou les noms des villes : Porto-Seguro,
Porto Novo, Christianborg, El-Mina etc.
En 1850, à la suite de la suppression du commerce esclava-
giste sur les cetes africaines, les commerçants Danois cédèrent aux
anglais tous leurs biens et installations cetières_ Les Hollandais
et Portugais se retirent du jeu, voyant dans ce changement, leurs
intér8ts nettement compromis (2).
1. TCwakumé
H. Précis d'histoire du peuple E'.é, Lomé, Imprimerie de
l'Ecole professionnelle 1948 p. 19.
2. Voir carte nO 2.

- 6 -
.- .-.-
III
.-
:;)
al
..,
0;)
1:
s:
III
0
'tl
....
-(J
(J
0
4,
3
~
d:
III
..,
l-
~
<0
(J
'/'l
al
~
...
0
s-
:::l
t)
<Il
<Il
1:
III
LJ)
'0
~
$:'.
::l
.)
A
0
<Il
0
~
s-
....
0
..,
"
ô
(J
<Il
0
'tl
;::
.~
0
...,
""<
....
...
r
<Il
1/)
0
III

C.
'tl
a::
1
0
1:
i
0
V
'"
Cl
<:)
c.>-
.J
III
o
..,
:1.
0
s-
ai
~
(J

- 7 -
Anglais et Français se reconvertirent et s'adonnèrent au
commerce industriel intense sur les cetes du Bénin. Pour avoir une
idée de la façon dont se présentaient leurs positions, i l faut faire
remarquer que la France règnait en ma!tre à l'Est tandis que la
Grande Bretagne occupait l'Ouest. Une bonne partie de la cete se
trouvait plus ou moins vacante au centre et i l n'est pas faux d'avouer
que les deux puissances lorgnaient de ce ceté. La possession de cette
partie par l'une serait une menace pour l'autre et surtout pour un
dernier, venu, l'Allemagne, qui était représentée par des firmes
comme Vietor, i~lber und Brohm et C. Goedelt.
Mais si en fait, tien ne prédestinait l'Allemagne de
Bismarck à l '
wCourse aux colonies w en raison surtout de sa politique
d'hégémonie en Europe, elle parviendra cependant, à se faufiler entre
la France et la Grande Bretagne au grand étonnement de tous. Ce
revirement politique est dG essentiellement aux pressions multiples
de groupes commerciaux et d'armateurs (1).
1. wL'union coloniale allemande w groupant des commerçants et négociants
des villes de Hambourg et de BrIme, et présidée par le prince
Hohenhole Langeburg, se proposait de soutenir les aspirations
coloniales du peuple allemand. En 1887, l'union coloniale allemande
par sa fUsion avec la Société pour la colonisation allemande de
Carl Peters, devint la société coloniale allemande (Die Deutsche
Kolonialegesellschaft). Par ailleurs les prétentions de l'union
coloniale allemande ressortent très nettement d'un article extrait
du wpost" du 2) Avril 1880. wS'il existe un peuple propre à la
colonisation, c'est le peuple allemand. Une grande partie du
commerce du monde est dans ses mains. Il nous faut des marchés et
des débouchés assurés par le développement de notre commerce et de
notre industtie ; i l nous faut des déversoirs ou plutet des •••

- 8 -
La position des Allemands que d'aucuns jugeaient très
diEEicile au départ, allait s'améliorer grtce à l'utilisation de
moyens jusqu'alors inédits, pour vaincre les oppositions des uns et
des autres. Devant les luttes d'inEluence qui séVissaient entre les
Européens, et la sympathie des cheEs locaux soit pour la France,
soit pour la Grande Bretagne ou pour l'Allemagne, Stubenrauch,
capitaine du navire ftSophie ft et cheE de Eile des commerçants allemands
sur la ce te du Bénin, commença par prendre en otage, le CheE Lawson III
de Petit Popo ainsi que ses principaUX conseillers. Cette mesure
d'intimidation a eu curieusement pour résultat, d'amener les otages,
à demander à leur libération, la protection de l'Allemagne (1).
L'arrivée à Anecho le 2 Juillet 1884 du Dr Nachtigal marque
le début de l'impérialisme allemand sur cette partie de la ce te ouest
aEricaine (2) •
••• réservoirs pour le trop plein de notre population. Nous sommes
désormais une nation puissante, i l nous Eaut des colonies allemandes ft •
ftpostft du 2) Avril 1880 cité par Decharme Pierre, Compagnies et sociétés
coloniales allemandes, Paris, Masson 190) p. )8
1. Napo
Ali; La Formation territoriale du Togo, Paris I Panthéon
Sorbonne 1976 (Thèse de )0 Cycle d'histoire) Tome I
p. 426.
2. Gustav Nachtigal, Docteur en médecine, appartient à la première
génération des explorateurs allemands en AErique. C'est en 1862 que
pour des raisons de santé, i l se rend à Tunis où i l séjourne
plusieurs années, devenant ainsi le Médecin du Bey. Au moment où
i l stapprOtait à retourner en Allemagne, i l Eut nommé consul général
de l'Empire pour l'AErique de l'Ouest par Bismarck, avec pour
mission de ftprendre pour le compte de l'Empire allemand, des
territoires encore vacants sur cette cete ft •

- 9 -
Car à p~ir d'un premier traité signé entre Nachtigal et
Mlapa III roi du Togo, les ~lemands, partis de la cete allaient
parcourir le pays pour recueillir des signa~es d'autres chefs
locaux et aboutir en fin de compte à annexer au nom de Bismarck
un territoire d'une superficie de 90.000 km2 (1).
1. Pour bien comprendre l'~portance de ce premier traité, i l convient
de tenir compte du fait que Mlapa III, roi du Togo, de par sa
position, avait un wleadershipw sur les chefs des localités
avoisionantes comme Bè, Glidji, Agbanakin, Baguida. Le traité
qu'il venait de signer engageait automatiquement les autres chefs.
L'article premier de l'accord ainsi conclu stipule :
~icle 1er 1 Le roi Mlapa du Togo, désireux de protéger le
commerce légitime exercé dans le pays, principalement par
les commerçants allemands, et de leur garantir une entière
sécurité de leur vie et de leur propriété, demande la protection
de Sa Majesté l'Empereur d'~lemagne pour pouvoir devenir
capable de maintenir l'indépendance de son territoire situé
sur la ce te d'~rique, depuis la frontière Est de Porto-Seguro
jusqu'à la frontière Ouest de Lomé ou plage de Bè.
C'est en souvenir de ce succès diplomatique que les
~lemands donnèrent le nom du Togo à tout le territoire qU'il
vont conquérir. Togo n'étant à l'origine qu'un village situé
sur la cete du Bénin.
Attignon H. wLe Togow ; Revue française d'études politigues
africaines nO 82, Octobre 1972 p. 28

-
10 -
Sur le plan diplomatique, le traité de Samoa (1896) donnait au
territoire sa limite occidentale, cependant que le traité de Paris
(1897) fixait ses frontières du Nord et du Sud. On peut pratiquement
considérer que l'occupation était acquise dès 1884 et que le Togo sera
une colonie allemande durant près de JO ans, c'est-à-dire jusqu'en
1914.
Que peut-on dire de ces trente années de présence
allemande au Togo ?
Certains auteurs ont divisé l'histoire de l'administration
allemande dans toutes ses colonies en trois parties
(1).
1. La période des compagnies à charte (1884-1890)
2. La gabégie (1890-1897)
J. La colonisation rationnelle ou l'tge d'or (1907-1914)
Cette division ne semble pas 3tre valable pour le Togo.
en raison de sa superricie, de ses richesses naturelles et du calme
relatir de ses habitants. Contrairement à ce qui s'est passé au
Tanganyika, par exemple, où, au départ,
la charge de la colonie rut
confiée à une société,
(tPlil, ia~'~':e,1'rj,ca company), au Togo, il n'y
r> l'
,'.
",) '-. ,~.'
.- -_.- ~--
, ""''''.
eut pas de sociétés co"~s~~onnaires, ~~is des commissaires impériaux.
L'erpansion Outre Mer ~~:'t e;\\~~::~liem~1t motivée par des considé-
rations économiques, \\~) ~r souc~ d~$ autorités administratives
1I.\\j
.,
rut la mise en place d',8/,s~c1;ur~/n:4èessaires pour parvenir à
'\\.,o('r
',-_....
,,~,.
leurs fins. Il est possi'6~{.d,~ cli.rl'~er l'histoire de l'administration
-:l.\\=..
allemande au Togo en deux périodes :
Il s'agit essentiellement des auteurs suivants:
Towsend Hary. The Rise and Fall or Germany' s colonial Empire
(1884-1918). New York, St Martin's Press 19JO 424 p.
Brunschwig Henri ; L'Expansion allemande Outre-Mer du XVe siècle
à nos jours, Paris, P.U.F. 1957, 208 p.

-
11 -
1) La phase d'aménagement du territoire (1884-1902).
Cette période correspond à la mise en place des organis-
mes de base, au découpage du territoire en cercles
administrati~s et cercles de postes, à l'introduction
des législations en matière de travail, d'imp3ts, etc.
2) La colonisation intensive (1903-1914)
Un ~ait marquant de cette période a été le qualificatif
de "Musterkolonie" (colonie modèle) accordé au territoire
en 1906. Ce quali~icatif ne vient pas d'une administration
bénévole, mais d'une politique financière. En e~fet
contrairement aux autres colonies, où l'aide de l'Empire
était toujours indispensable, le Togo réussit l'exploit
d'équilibrer tout seul son budget.
L'histoire a enfin révélé certaines atrocités commises par
les autorités coloniales allemandes dans les territoires comme le
Sud-Ouest Africain ou le Cameroun. On ne peut pas dire que ces méfaits
ne se sont pas produits au Togo. Car si le Sud-Ouest Africain avait
connu son "Trotha", le Cameroun son "Puttkamer", l'Afrique Orientale
son "Carl Peters", le Togo ne pouvait pas on plus se féliciter de
l'administration de Von Horn (1). En quatre ans, de 1897 à 1901, on
compta dans le Nord du territoire 35 opérations de police et plus de
50 combats.
1. Le général Von Trotha fut le grand "héros de la guerre dans le
Sud-Ouest Africain". Des dizaines de milliers de Hottentot et de
Herero furent massacrés par ce "grand général du puissant empereur".
Von Puttkamer, après 6 années d'administration coloniale au Togo
fut muté au Cameroun. Là i l fit expulser les indigènes de leurs
bonn~s terres et réprima violemment les révoltes locales.
Carl Petera fut d'une rare cruauté en Afrique Orientale.

Le dernier gouverneur au Togo, Adol~ Friedrich von
MeckJ.emburg, était en vacances, quand éclata la guerre de 1914
en Europe.
En ~ait, l'Allemagne ne souhaitait pas voir cette guerre
s'étendre jusque dans se. colonies. Ce voeu ne fut pas exaucé, car
le 7 Aont, les troupe. ~ranco-anglaises pénétrèrent dans le terri-
toire. Après trois semaines de campagne militaire, ce fut la
capitulation de Kamina, le premier succès allié de la grande guerre
et la ~in du "rive colonial allemand".
Sur le plan diplomatique, l'Allemagne renonce à ses
territoires en signant le Traité de Versailles. Un premier partage
du Togo eut lieu entre la Grande Bretagne et la France. Ce partage
s'est purement et simplement e~~ectué selon la position des troupes
respectives. La Grande Bretagne avait alors occupé Lomé (la capitale)
et les riches terres de cacao de Kpalimé ; la France gardant Anécho,
Sokodé, Bassari et Mango.
Avec la déclaration ~ranco-britannique de 1919, on procéda
à une nouvelle délimitation plus ou moins équitable de. zones. La
partie accordée à la Grande Bretagne, d'une supe~icie totale de
32.000 km2 environ, sera purement et simplement annexée au Ghana par
le plébiscite de 1956, malgré un certain nombre de problèmes que
posait cette annexion. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect
particulier de la question •
••• Von Horn fut très vite rappelé du Togo à cause de ses maladresses
et de ses punitions exemplaires. I l fit fouetter un che~ indigène et
le laissa ench&1ner pendant six heures au mat d'un drapeau jusqu'à
ce que mort s'en suive.

-
lJ -
Quant à la France, elle reçut une partie de 56.000 km2, le
Togo actuel, qu'elle va administrer jusqu'en 1960, soit près d'un
demi-siècle, en tant que mandataire de la Société des Nations.
Compte tenu des évènements intérieurs et extérieurs, on peut diviser
l'histoire de l'évolution du Togo depuis cette date en trois parties
le ~~dat 1919-1946
la Tutelle 1946-1956
l'Autonomie interne 1956-1960
La période mandataire
Aux termes de l'article 119 du traité de Versailles,
l'Allemagne renonce à tous ses droits et titres sur les possessions
d'OUtre-Mer. En ce qui concerne le Togo, la France va l'admLnistrer
en tant que mandataire de la S.D.N.
Il est indispensable de conna!tre ce que signifie ce régime
de mandat pour nous permettre d'apprécier l'oeuvre de la France au
Togo durant cette période (1).
1. Les territoires placés sous le mandat de la Société des Nations
(S.D.N.) sont classés en J catégories
Mandat de type A : Pays à conduire rapidement à l'indépendance
ceux du Moyen-Orient.
~Iandat de type B : Pays à conduire progressivement à l'indépendance;
ceux d'Afrique excepté le Sud-OUest AfricaLn.
Mandat de type C : Pay. pour lesquels rien n'a été décidé, vu leur
niveau d'évolution. Il s'agit du Sud-OUest africain et des
Archipels de l'Océan Pacifique.

-
14 -
Le Mandat B en vigueur au Togo, est applicable aux
populations dont le développement social exige que le mandataire
assume lui-même l'administration du territoire. Ce serait cependant
une erreur de croire que la puissance mandataire est libre d'agir
à sa guise
certaines prescriptions lui créent des obligations et
limitent ses droits. C'est ainsi par exemple, qu'elle doit : garantir
la liberté de conscience et de réligion ; ne pas donner aux indigènes
une instruction militaire, si ce n'est pour la police ou ladé~ense
du territoire etc.
L'article II du mandat rend le mandataire responsable de
la paix
du bon ordre et de la bonne administration du territoire.
Il lui impose d'accrottre le bien-être matériel et moral des
habitants et de ~avoriser leur progrès social.
En~in l'article X, prévoit le contrele de la S.D.N., sous
~orme d'un rapport annuel à ~ournir à sa commission des mandats.
On peut diviser cette période mandataire en quatre phases
distinctes.
1) La phase d'aménagement provisoire (1919-1921)
C'est la mise en place des textes en vue d'assurer un
système administrati~ économique et juridique.
2) La ~telle directe du Ministère des colonies. Cette
phase, comprise entre 1921 et 1934 est le prélude à
une assimilation du Togo aux colonies. Durant cette
période, on notera la présence du gouverneur Bonnecarrère
qui a ~ait le plus long séjour au Togo (1922-1931). C'est
sous ce gouverneur que l'enseignement, dirigé par
M. Imbert, che~ de service, sera réorganisé sur le
modèle ~ançais.

-
15 -
3) L'union personnelle entre le Togo et le Damhomey.
Aux termes du décret du 23 Novembre 1934, les deux
territoires seront sous les ordres d'un mIme gouverneur
et bénéficieront des mImes services publics (1).
4) Le décret du 19 Septembre 1946.
Malgré les protestations de la S.D.N., l'administration
commence l'intégration du Togo dans le système
administratif élaboré pour la Fédération de l'A.O.F.
(2).
Le régime du mandat, dans sa définition fondamentale n'est
pas une institution immuable. La situation du Togo allait changer.
Avec la de~ème guerre mondiale et ses conséquences, une révision
des relations de la France avec ses colonies s'imposait. C'est ainsi
que le Togo s'est vu octroyer un nouveau régime, celui de la
tutelle (3).
La Période tutellaire
L'objet de la tutelle est l'émancipation politique des
indigènes. Ce régime diffère du mandat en ce qu'il a pour but de
favoriser l'évolution progressive des populations vers la capacité
de s'administrer elles-mlmes.
1. Selon la France, cette mesure était diotée par des raisons
budgé1oaires. La S.D.N. a fait savoir à la France que cette un.ion
au regard du droit internation~ était incompatible avec le
statut du Togo.
2. Blanc Pierre,
Les Rég;i,m':I du mandat et dA la tutelle
lour
application au Cameroun, Paris, Ed. Pédone,
1953, pp 29-30.
3. Le 13 Décembre 1946, l'assemblée générale de l'ONU ratifia l'accord
passé en vertu de l'article 79 de la Charte de San Francisco,
plaçant le Togo sous le régime international de la Tutelle.

-
16 -
Sous ce régime, le Togo est inclu dans la réforme de la
Constitution française de 1946 en tant que territoire associé au sein
de l'Union Française et dispose d'une Assemblée Représentative dont
les compétences sont analogues à celles des conseils généraux des
colonies de l'A.O.F.
Deux faits marquants dominent cette période
a) La naissance des partis politiques
b) Le problème Ewé
a) La naissance des partis politiques
Durant la période mentionnée, est apparu ce qu'on pourrait
appeler "la naissance d'une prise de conscience nationale". L'une
des manifestations de cette nprise de conscience n a été la formation
de partis dont le premier a été le Comitéde l'Unité Togolaise (CUT).
Au départ ce parti a donné l'apparence d'un parti officia-
liste. Ce qui fait que curieusement l'administratio~ française l'a
d'abord favorisé (1). Mais très rapidement, le CUT, animé principa-
lement par Augustino de Souza et Sylvanus Olympio, a adopté une
attitude nationaliste qui déplut à l'administration. Son objectif
étant alors la réunification des deux Togo (français et anglais)
dans le cadre d'un état autonome.
L'administration s'employa dès lors à susciter de nouveaux
rivaux au CUT (2). C'est ainsi qu'apparaissent:
1. Gonidec P.F., L'Evolution des territoires d'O.H. depuis 1946,
Paris, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence,
1958, p. 45.
2. ibid p. 69

- 17 -
Le Parti Togolais du Progrès (P.T.P.) avec le docteur
Pédro Olympio et Nicolas Grunitzky. L'objectif de ce parti est
l'indépendance, mais dans l'amitié avec la France. Son éclatement
en 1952 donnera naissance au Mouvement Populaire Togolais (H.P.T.).
Enfin l'Union des Chefs et populations du Nord (U.C.P.N.)
dont le programme n'est pas différent de celui du P.T.P., correspond
essentiellement à une réaction de défense des chefs coutumiers,
inquiets, semble-t-il, de l'activité du CUT, dans laquelle ils
voyaient une tentative de domination du Sud sur le Nord ; or ils
étaient désireux de conserver leurs positions traditionnelles.
b) Le problème Ewé
Le problème Ewé consti~. le deuxième fait marquant de
cette période. Dans notre présentation des populations du Togo, nous
avons insisté sur les Ewé, en faisant remarquer que ces popu~ations
avaient créé de nombreux villas et villages qui se trouvaient jusque
dans le Ghana ac~el. Lors du partage du Togo allemand entre la
France et la Grande Bretagne, i l n'a pas été tenu compte de la
si~ation géographique des Ewé qui fUrent divisés en deux, une partie
dans la zone anglaise et une autre dans le Togo français. Ces popu-
lations a~laient lutter pour l'unification des deux Togo sous une
administration unique. Elles créèrent un mouvement, le "AlI Ewé
Conference" qui se chargea d'envoyer des délégués auprès du conseil
des Nations Unies, en vue de présenter et de soutenir leur revendi-
cation. Mais, malgré l'tpreté des débats, on n'aboutit finalement
qu'au protocole franco-anglais du )1 Hars 1952, protocole qui
reconnaissait que les deux Togo doivent évoluer respectivement dans
le cadre des institutions britaniques et françaises. Cet état de
fait fUt validé par le plébiscite du 9 Mai 1956 qui consacra
l'annexion de cette partie du Togo au Ghana.

-
18 -
Cette question a eu de nouveaux rebondissements en 1973, lorsque
les Ewé du Ghana envoyèrent une pétition au Sécretaire Général des
Nations Unies. Aucune solution satisfaisante n'a été trouvée à ce
problème à ce jour.
L'autonomie interne
Par la loi du 23 Juin 1956, appelée Loi-cadre, le Togo
s'est vu octroyé un nouveau statut. Le 30 AoQt 1957, la République
autonome du Togo est proclamée. A la session des Nations Unies de
Novembre 1957, la délégation française accepte le principe d'élections
contrelée~ par l'O.N.U. De ces élections qui eurent lieu le
27 Avril 1958, la victoire revint au comité d'union togolaise.
L'un des dirigeants influents de ce parti, Sylvanus Olympio, fut
chargé de constituer le premier gouvernement togolais. Les négociations
engagées avec la France dès le mois de Septembre 1958, permirent de
fixer la date de l'indépendance au 27.Avril 1960.
L'évolution politique depuis cette date comprend trois
périodes : le gouvernement de Sylvanus Olympio jusqu'au coup d'Etat
militaire du 13 Janvier 1963, celui de Nicolas Grunitzky jusqu'au
13 Janvier 1967 et enfin le gouvernement d'Eyadema depuis cette date.
On ne peut étudier les données des différents systèmes
éducatifs appliqués au Togo in abstracto, ces données s'insèrent dans
un contexte économique, politique social et religieux qu'on ne peut
ignorer. I l serait interessant de présenter brièvement les structures
sociale, démographique et réligieuse au Togo. Cette présentation
nous permettra de mieux saisir l'impact des différentes politiques
scolaires durant la colonisation et après l'indépendance.

-
19 -
2. Milieu social et éducation traditionnelle
Les sociétés traditionnelles togolaises présentaient trois
caractéristiques fondamentales : elles étaient des sociétés paysannes
la réligion était partout J enfin la notion de famille débordait
largement celle de la famille européenne pour regrouper en un seul
bloc l'ensemble des descendants d'un mOme ancOtre.
Les sociétés togolaises, qu'il s'agisse des populations du
Sud, du Centre ou du Nord étaient des sociétés paysannes, et c'est
sous l'angle des rapports entre l'homme et la terre, bien dont i l
tirait l'essentiel de sa subsistance qu'il faut se placer pour les
étudier (1). D'une manière générale, les populations fondaient sur
la première occupation, les droits qu'elles exerçaient sur la terre,
autrement dit la terre vacante devenait le bien de la collectivité
qui l'a matériellement appréhendée. L'exemple le plus frappant nous
est fourni par les sociétés Ewé qui dénommaient nAgblekofé" (village
de culture) les cités qu'elles fondaient. Et si pour des raisons
d'accroissement, ou des raisons naturelles, l'extension du domaine
initial s'avérait nécessaire tous les villages nouveaux, fondés pour
répondre aux besoins du groupe sans cesse en évolution, restaient
dans la dépendance de celui qui avait été créé par l'ancOtre.
Partout nous avons affaire à des populations qui essayaient de tirer
le meilleur parti des terres qu'elles exploitaient.
1. Il serait cependant inexact de croire que les sociétés togolaises
n'avaient pas connu autre chose que l'agriculture. Les Anlo du
littoral atlantique entre le Togo et le Ghana étaient dans leur
majorité des pOcheurs et échangeaient les produits de la pOche
contre les produits de la terre. Les Bassar du Nord-Togo, réputés
pour les travaux de fer,
pratiquaient la chasse. Hais, d'une façon
générale, ces activités, imposées parfois par les conditions du •••

-
20 -
Cependant la terre n'était pas seulement considérée comme
un bien ordinaire. Elle occupait dans bien des panthéons une place
spéciale. Avant d'Otre source de richesse, elle était source de vie.
Cette place particulière de la terre dans les croyances traditionnel-
les était attestée par l'importance des rites agraires. D'après les
recherches de C. Garnier et J. Fralon, les populations du Nord-Togo,
assimilaient la terre (Tenga) à un Otre hermaphrodite possédant une
force émanant des esprits de la brousse. Ces mOmes populations
célébraient le culte de la terre en construisant des cenes de terre
et en figurant un couple qui représenterait le principe de la
génération (1).
Chez les ~linas du bas-Togo, l'année commençait en Septembre,
"Epe Ekpé" (l'année se renouvelle) par diverses cérémonies dont le
bu t é t a i t de rendre le:,,~;;X>f'~'V;l;I~ables aux travaux agricoles qui
vont commencer (2). AYant tout ~aV~l, il faut s'assurer que les
dieux y sont propi~.$ pu que~a, t~r~~\\ que l'on sollicite d'eux ne
~."
" :
t
'
peu t
atre accordée \\:~'l,l ':a~Êàs" certaitls'Sflcrifices propi tia toires •
,
1
"
milieu naturel et par'le..-oara.ctère fermé de l'économie tradi-
tionnelle, étaient essentiellement agraires.
Kouassigan Guy Adjété, L'Homme et la terre, Droits fonciers
coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale, Paris,
ORSTOM, Berger Levrault,
1966, p. 7~·
1.
Garnier C. et J. Fralon, le Fétichisme en Afrique Noire, Paris,
Payot,
1951, pp. 52, 53.
2.
Kouassigan Guy Adjété op. cit p. 169.

-
21
-
Tou~ ce qui précède illus~re le carac~ère sacré de la
~erre, qui possède un carac~ère collec~if, inaliénable e~ ins~ransmis­
sible. Au Togo, comme dans la plupar~ des pays d'Afrique Noire, la
no~ion de famille dépassai~ ~rès largemen~ celle de la famille
européenne pour regrouper en un seul bloc l'ensemble des descendan~s
d'un mame anca~re. C'es~ le lignage à la ~Ite duquel se trouve un
chef qui est généralemen~ l'homme le plus âgé et qui remplissait
une fonc~ion religieuse, une fonction de gardien de la cou~e e~
de géran~ du pa~moine commun. La famille était composée de l'aIeul
e~ de ~ous ses descendan~s. Dans ce contexte les membres des familles
qui composent le lignage ne jouissaient que d'une faible au~onomie
par rappor~ au groupe. Un exemple parmi tan~ d'autres nous es~
fourni par les ~linas du bas-Togo, chez qui il n'existai~ pas de
terme propre pour désigner le cousin ; cousin et frère é~aient
synonymes parce qu'appartenan~ à la mame génération. C'était le
mame mo~ qui désignait le père et les frères du père avec une
différence tenant à l'âge. Ainsi le père c'es~ "A~a" ou "Tata",
l'oncle, frère atné du père, c'était "Ata gang ce qui voulait
dire père afné ; l'oncle frère cadet du père, c'était "Ata vi"
qui signifiai~ père cade~. Il en allai~ de marne pour la génération
supérieure, c'est-à-dire celle des grand-parents (1).
Par ailleurs, les socié~és traditionnelles é~aien~ carac-
~érisées par la solidi~é des liens d'appar~enance e~ par l'efficaci~~
des réseaux que ces liens con~ribuaient à ~isser et à organiser dans
la mesure où par exemple,
l'individu plus fragile, manquan~ de moyens,
trouvait toujours à s'inscrire dans le milieu social et était sou~enu
1. Kouassigan Guy Adjé~é op. cit pp. 18J-184.

- 22 -
L'éducation dans ces conditions constituait un devoir
sacré pour les parents. Et"parfois si la collectivité re.arquait
une carence des parents dans l'acte d'éducation, elle y suppléait
et son intervention pouvait prendre diverses fOrllles 1 intervention
des tantes, oncles, grands-parents jusqu'au retrait pur et silllple
de l'enfant.
L'enfant qui naissait avait une place centrale dana la
mesure où sa venue signifiait l'accroisse.ent de la collectivité.
On se mariait pour avoir des enfants
; la vie sociale était une
création continue. C'était une nécessité naturelle qui devint une
obligation morale. Aussi ne concevait-on pas qu'un 3tre se dérobe
à procréer.
Comment peut-on dana ces conditions définir l'éducation
traditionnelle au Togo 1 Quelles en sont les étapes, les méthodes,
les moyens et les finalités 1
Le terllle d'éducation traditionnelle est très vaste. Pris
dans toute son alIIpleur, i l risque de nous amener au-delà des lilllites
de notre travail puisqu'il englobe tous les facteurs qui contribuent
à l'élaboration de la conduite humaine dans des communautés données.
Notre but est essentielle.ent de dégager les aspects les
plus saillants, en nous basant sur ce qui se passait dans les
sociétés Evé (1).
1. I l faut introduire ici un préalable. L'éolate.ent des Evé en
plusieurs branches a eu pour conséquenoes, entre autres, la
perte de certaines rites et l'insistanoe plus ou moins prononcée
sur telle ou telle pratique. C'est la raison pour laquelle dans
nos développements, nous préciserons le nOIll des looalités que
nous prenons en référence.

-
2J -
Le choix des Ewé est dicté par plusieurs raisons
la plus
importante est notre connaissance des coutumes et traditions de ces
sociétés, nous savons lire,
écrire et parler la langue Ewé,
enf~
i l existe de nombreux témoignages éorits de la vie actuelle et
passée des membres de ces sociétés (1).
D'une façon générale,
on peut affirmer que l'éducation
traditionnelle se réalisait dans la société ambiante et à son contact
par une participation toujours plus pleine, à mesure que le permet
la ma~tion de l'individu. En d'autres mots, l'éducation tradi-
tionnelle avait toujours un caractère collectif et réalisait par
des initiations, une intégration harmonieuse de l'individu dans
le groupe social conformément au statut que lui assignait son
sexe,
son rang de naissance, et la fonction de ses parents dans
la grande communauté.
1. I l s'agit essentiellement de :
Agblémagnon N'sougan, Sociologie des sociétés orales d'Afrique
~, les Ewé du Sud-Togo, Paris, Mouton, 1969, 216 p.
Houenassou Kayissan, Dualisme de l'éducation dans les pays
de la cete du Bén~, Lome INRS, 197J, 144 p.
Kwakumé Henry, Précis d'histoire du peuple Ewé, Lomé, Imprimerie
de l'école professionnelle,
1948, 4Q p.
Gayibor, ~Iigrations. société. civilisation. les Ewé du Sud du
Togo, Paris, Sorbonne,
1975 (Thèse de JO cycle d'histoire)
600 p.

- 24
L'éducation apparaissait donc comme un processus complexe
par lequel le tissu social agit
sur les éléments consti~ti~s.
Elle se donnait comme tlche principale de trans~ormer, d'insti~er
et d'établir chez les membres du groupe, des ré~érences et des
compétences.
Trois grandes périodes jalonnaient l'éducation de l'en~ant
éwé.
De la naissance au sevrage
Dès la conception déjà, les parents et l'entourage prenaient
certaines dispositions pour ~aciliter la venue de l'en~ant. Di~~érent•.
rites et cérémonies consti~aient ces mesures. Les Ewé d'Aflao, Bè,
Vogan, pour 3tre ~ixé sur l'origine de l'en~ant
consultaient aA~a"
(dieu de la dévination) pour savoir comment l'en~ant était envoyé,
quel était l'anc3tre qU'il venait remplacer parmi les vivants. Tout
cela venait du ~ait que non seulement, pour les Ewé, l'homme venait
de quelque part et devait y retourner après sa mort, mais i l ~audrait
aussi et surtout y voir la croyance en l'immortalité de l'lme qui
pouvait se ré~carner dans les descendants. Chaque naissance annonçait
le retour parmi les vivants d'un esprit de vie.
A la naissance, tout était mis en oeuvre pour guider
l'en~ant dans le sens positi~ de la vie. Le premier jour de la
naissance, les vieux de la ~amille, invoquaient les anc3tres, a~in
qu'ils veillent sur l'en~ant qui vient grossir leur prestige sur
la terre.

- 25 -
Le nouveau-né ne doit pas Itre sorti avant huit jours.
Après ce délai avaient lieu les cérémonies de sortie de l'en~ant
qui di~~éra1ent d'une région à l'autre avec des noms tels que
ftVidz1 nuwowo ft ,
ftVideto ft (1). C'est en principe ce jour-là qu'on
attribuait à l'enf"ant un prénom. Celui-ci était d'ailleurs lié au
jour de sa naissance. Un garçon né un mardi, s'appelera Komla,
une ~ille Abra. Après les cérémonies et libations, le nourrisson
est con~ié à sa mère.
Tout au long de la première en~ance, c'est à la mère que
revenait la charge d'éduquer l'en~ant. Elle le nourrissait, le
dorlotait, le portait partout sur son dos. Il n'est pas exagéré
de dire que durant cette période, l'en~ant ~ait matériellement
partie intégrante du corps de sa mère.
Le r81e de la mère dans la première période de l'existence
en~antine était primordi.al. Elle apprenait à l'en~ant à sa..1uer, à
remercier, à adopter les attitudes à avoir vis-à-vis des autres.
En e~~et, les sa..1utations et les remerciements sont des éléments
~ondamentaux de l'éducation Ewé, où la discipline et la hiérarchie
avaient une place très particulière et caractérisaient une éducation
bien réussie.
1.
ftVidzi nuwowo ft :
terme Ewé signi~iant les cérémonies marquant
la sOrVie solennelle de l'en~ant.
ftVideto ft signi~ie la sortie de l'en~ant.
Entre ces deux mani~estations, i l n'y avait pas une di~~érence
de nature, mais de degré.

- 26 -
De trois à sept ans -
le sevrage
Durant la période précédente, l'enfant avait évolué dans
un univers essentiellement féminin. Nous avions mis l'accent sur le
rele de la mère. }lais i l ne faudrait pas négliger les apports des
tantes, que ce soit du ceté paternel ou maternel, qui avaient le
devoir d'intervenir pour suppléer la mère au cas celle-ci ne s'acqui-
terait pas oonvenablement de sa tlche.
De trois à sept ans, avec le sevrage, l'enfant était
généralement plongé d'emblée dans un milieu élargi au sein de la
famille lignagère. Sa période de dépendance corporelle et affective
avec sa mère commence à s'effriter.
Les figures parentales, cependant, n'émergeaient qu'assez
peu par rapport aux autres personnes immédiatement proches, et
c'étaient surtout les autres enfants du mOme Ige qui prenaient
une importance prépondérante.
Etant donnée la structure collective des sociétés Ewé,
on ne s'étonnera guère de constater que l'éducation des enfants
était faite sur une base communautaire. Elle essayait de réaliser
une certaine harmonie et une intégration dans la collectivité.
Le système de classe d'lge était structurellement différencié
des groupes de la famille élargie ; i l traduisait la personnalité du
village et témoignait de la solidité des liens qui unissaient ses
habitants entre eux. Les groupes d'lge formaient des segments dans
lesquels, la population est divisée pour accomplir un certain nombre
de reles publics essentiels (1).
1. Houenassou Kayissan op. cit p. 32

- 27 -
En dehors de ~eur re~e mi~itaire et de po~ice, c'est dans
~e domaine économique que ~'uti~ité de ces organisations se manires-
tait ~e p~us c~airement. Ces associations pouvaient exécuter des
travaux dans ~'intér't généra~ de ~a co~~ectiVité Vi~~ageoise, ou
intervenir au prorit d'un particu~ier.
Ces taches étaient généra~ement errectuées de raçon à
minimiser tous les conrlits potentiels, à atténuer ~a rivalité entre
générations et à &Ssurer une coopération plus harmonieuse entre ces
dernières.
De sept à treize ans - Après le sevrage
Durant cette période, selon le sexe de l'enrant, la mère
(dans le cas d'une rille) ou le père (dans le cas d'un garçon)
assumaient l'essentiel de l'éducation morale et spirituelle tout
en continuant la rormation pratique. L'enrant participait sous
des rormes variées et selon ses capacités à l'activité productrice.
Il raisait des commissions, surveillait les animaux, pilait les
aliments, plus tard labourait les champs, vendait les produits.
Ces taches et les nombreux jeux individuels ou collectirs qui
s'y ajoutaient, développaient son corps, son agileté, ses réflexes,
sa résistance. Par ailleurs, l'enfant n'était pas utilisé comme
"domestique D comme l'arrirment certains auteurs. En rait,
le père
ou la mère, remplissaient les ronctions d'un mattre,
l'enrant celle
d'un disciplef l'obé!ssance chez ce dernier est inséparable de la
responsabilité et de la sollicitude chez l'adulte.
En m3me temps, l'enrant s'initiait à l'histoire, aux mythes
et aux symboles de son groupe, en écoutant et en observant les adultes.

-
28 -
C'est à ce stade que se situait l'initiation qui est
composée d'une suite d'épreuves marquant solennellement le passage
de l'enfance à l'Ige adulte, à ses privilèges, à ses responsabilités.
En fait la notion d'initiation doit Otre étudiée avec
beaucoup de circonspection. Comme nous l'avions dit, l'éclatement
des populations Ewé en plusieurs rameaux a entra!né la disparition
de quelques rites, ou leur atténuation. C'est ainsi que dans certaines
régions, on observait des rites de passage non précédés d'un ensei-
gnement initiatique, ou des initiations sans cérémonies, ou marquées
seulement par des rites diffus. Dans des localités, comme Vogan ou
Tabligbo, on incorporait seulement le jeune à un groupe ou à une
catégorie sociale à laquelle i l n'appartenait pas ou n'appartient
que potentiellement avant. Par contre chez les Ewé de Klouto, i l
n'y a pas pour passer d'un stade à un autre une initiation appropriée
ou systématique comme on peut le remarquer en pays Kabyais ou chez
les Guins du Sud-Togo. Pour devenir adulte, le jeune Kabyais devait
absolument passer trois années de luttes.
(1)
Ces luttes n'étaient pas seulement des épreuves d'exibition,
mais une préparation spirituelle, morale et physique de l'adolescent
pour son entrée dans le monde des adultes. Après une quatrième année,
appelée "Kondo", le jeune Kabyais était présenté en public comme un
homme responsable possédant toutes les qualités nécessaires pour se
marier et prendre part à certaines réunions des adultes.
1. Garnier Chtistine,
"Classes d'Il.ge et sociétés secrètes au Cameroun
At au Tool/:o", Revue de Paris, nO 60 Septembre 195J p.
lJ4.

- 29 -
Chez les Guins du Sud-Togo, surtout au niveau de la jeune
fille,
on observait les cérémonies "Adzifo". Durant une semaine, les
jeunes filles étaient regroupées par tge, dans un "couvent", où elles
s'initiaient à certaines danses et chansons et où elles apprenaient
les comportements de future épouse et mère.
En fin de compte nous constations que les initiations
Visaient à placer le jeune dans la réalité de la vie courante, en
essayant de lui inculquer des normes et des références. Comme le
soulignait Roger Caillois, "l'initiation fait des néophytes de
véritables hommes ••• , l'ensemble de la cérémonie leur confère
les diverses vertus viriles, la bravoure, l'invincibilité, le
droit et le pouvoir de procréer. Elle conduit à une nouvelle
génération d'hommes" (1). En un sens l'initiation était une
sorte d'école de brousse authentique qui visait une certaine
socialisation.
Généralement on adjoignait à cette éducation, l'apprentis-
sage d'un métier qui se faisait au sein de la famille ou dans les
localités voisines (métiers de forge, de tissage, de bois, etc.),
ou tout simplement l'enfant en fonction de son rang de naissance et
de ses aptitudes, recevait un lopin de terre,
ou exploitait avec
d'autres membres, le domaine familial.
1. Caillois Roger, L'homme et le sacré. Paris, Gallimard (idées)
1965 p. 41.

-
)0 -
De tout ce qui suit, on peut valablement déduire que les
systèmes d'éducation traditionnelle atteignaient pleinement les
objectifs qui leur étaient assignés. Cette éducation embrassait
la formation du caractère, le développement des aptitudes physiques
et l'acquisition de qualités morales. Elle formait les guerriers,
les paysans et les artisans capables de défendre la société et de
produ~ les divers biens et services nécessaires à sa subsistance
comme aux échanges avec les sociétés voisines.
Cette présentation de l'éducation traditionnelle, surtout
dans les sociétés Ewé, montre que celle-ci repose sur une philosophie
de base: une conception précise de l'homme et de sa place dans
l'univers. L'individu ne pouvait guère se concevoir comme un élément
autonome par rapport aux groupes des vivants et des morts. Il était
solidaire, voire dépendant d'un univers bien établi avec des lois
rigides dont i l ne pouvait se démarquer sans prendre le risque de
tomber dans le néant, ou en marge de la société.
Quelques autres points essentiels doivent Atre relevés.
l'intégration progressive de l'individu à un cadre de vie déterminé,
et sa participation active à l'intérieur de ce cadre de vie.
Il n'y avait pas d'institution à part où se faisaient les
apprentissages en marge de la société. Le caractère collectif de
l'éducation pouvait encore Atre perçu dans l'ihtervention sous de
multiples formes d'oncles et de tantes paternels et maternels.
Il n'y avait pas de marginalisation du groupe enfants. ~IAme au
cours de certains rites,
où les enfants étaient pris à part pour
des connaissances soit dans le domaine de la généalogie, soit
dans le domaine religieux, le lien avec le milieu social était
mis tout de suite en avant.

- 31 -
L'enfant était initié aux rapports sociaux avec les adultes
d'abord sous la forme de Rsavoir se tenir R,
Rltre poliR etc. Très
vite l'éducation engageait l'enfant dans les rapports plus complexes
avec les membres de la collectivité. Il jouait le r81e d'intermé-
diaire entre adultes, notamment pour de petites commissions. Ensuite
de façon autonome, i l entrait en contact avec d'autres hommes en
vendant le produit de son travail, en achetant pour son compte ou
pour ses parents. Il prenait part à différentes manifestations
d'adultes. C'est ainsi qu'il faisait sa propre expérience des
divers aspects de la vie sociale, des rapports qu'ils'-rmpliquaient
entre ~dividus, et découvrait la stratification qui leur est
sous-jacente.
l'utilisation des potentialités de l'enfant.
Par les influences diverses, parents, a!nés, enfants du
mIme groupe d'~ge, l'enfant apprenait à normaliser sa conduite.
Il lui fallait par son comportement gagner l'estime des autres
et se faire admettre, puis un jour, entrer en compétition avec
eux pour occuper lui aussi une place de choix. Ce contact avec
d'autres enfants de son ~ge lui permettra de montrer ou non,
des qualités physiques, morales, d'entr~ineur d'hommes qui sont
les critères du choix des chefs.
- une éducation qui transmettait d'une manière progressive et
fonctionnelle l'héritage cul~rel.
La transmission des connaissances se faisait par le matériel
oral. L'enseignement de la parole joue un grand rele.

- 32 -
Dans les sociétés Ewé, les contes proprement dits (gliwo)
avec ses genres voisins,
énigmes, paraboles (alobalowo), devinettes
(adzowo), proverbes, sentences, dictons, pensées, maximes (lododowo),
constituent les piliers de l'enseignement par la parole. Ces techniques
font partie de la tradition orale dont les modes et les méthodes de
transmission ont pour but de conserver le passé aussi fidèlement que
possible et de le transmettre de génération en génération.
Après avoir analysé systématiquement le texte Ewé de mille
proverbes, Aglémagnon souligne 1 (1)
"C'est un grand livre de la nature et de la sagesse, où les
éléments animaux, végétaux et minéraux sont interprètés et utilisés
soit mythiquement et symboliquement, soit simplement d'une manière
opératoire et empirique ; c'est aussi le livre de la sagesse où la
philosophie, les croyances, l'expérience, la science des hommes sont
consignés. Nous retrouvons sous des formes variées,
les grands mythes
de la société, sortes de piliers oraux de la tradition religieuse
et sociale".
Ainsi à l'aide du matériel oral,
la société essayait de
donner une éducation théorique générale à tous les individus, avec
comme finalité, de leur assurer une affiliation au groupe familial,
leur faire endosser les valeurs d'interdépendance et de solidarité
qui animent le groupe, de leur faife mesurer enfin le poids des
menaces directes ou occultes qui pèsent sur quiconque réchigne à
se conformer à l'ordre social.
1. Agblémagnon N'sougan, Sociologie des sociétés orales, op. cit p.
104
- - - - - - - - - - - - - - _~_--

- JJ -
Les contacts européens, l'implantation de l'école occiden-
tale et les religions chrétiennes ont bouleversé jusque dans leurs
principes, l'organisation des sociétés traditionnelles. Au lieu de
jouir de la stabilité villageoise, ces sociétés subissent maintenant
ce qu'un sociologue togolais a appelé les multiples "chicanes"
villageoises. On peut illustrer ce point par un exemple précis.
Il Y a eu pendant la colonisation la suppression des
chefferies réticentes et la création de celles qui sont favorables
à la politique des autorités coloniales. Ainsi certains chefs ae
sont trouvés favorisés par rapport à d'autres. Prenons deux villages
A (Nuatja) et B (Noépé). Dans le système précolonial, A a par rapport
à B une position d'autorité pour la seule raison que les fondateurs
de B sont venus de A. Cela revient à dire que dans le système tradi-
tionnel, B accepte l'autorité (issue de la parenté) des gens de A.
B se considère dépendant de A et les habitants de B viennent faire
dans la première localité, toutes leurs cérémonies.
Or, l'administration fait de B un centre plus important
administrativement qui donne des ordres à A. On a donc ici une double
ligne d'autorité :
tour à tour, chacune de ces deux localités peut
se trouver dans le rele de leadership ou de dépendance. C'est
l'exemple classique.
1. Agblémagnon N'sougan, Le concept ce crise appliquée à une
Société africaine, op. cit p.
160.

- J4 -
Au niveau des relations interpersonnelles, nous constatons
que celles-ci n'obé!ssent plus aux seuls critères de parenté. D'autres
rapports types se sont instaurés et . . déplacé les anciens p81es de
l'autorité et du prestige • parmi ces nouveaux facteurs,
citons le
r81e fondamental de la réussite économique au sens moderne du terme.
Hommes et femmes ont eu conscience de ce qu'on appelle la propriété
individuelle et l'indépendance. Le goQt du commerce et des bénéfices
commerciaux a attiré les uns et les autres vers les grands centres
urbains. C'est ici que la réflexion suivante de J. S. Furnivall prend
toute sa valeur:
wAu lieu d'apprendre à vivre, i l a été choisi
d'apprendre à gagner sa vieil (1).
L'instruction, comme nous allons le voir, a introduit de
nouveaux rapports et a modifié profondément la philosophie de base
de la famille. Les différentes colonisations et les religions
importées avec leurs idéologies ont créé de nouvelles conditions
d'existence. Les parents ont alors cru que l'instruction pourrait
donner à leurs enfants ce qu'ils n'ont pas pu eux-mftmes obtenir.
En envoyant leurs enfants dans les grands centres, les sociétés
traditionnelles ont du mftme coup perdu l'emprise qu'elles avaient
sur la jeunesse.
J. Les Populations
En présentant les mouvements migratoires qu~ ont été à
l'origine du peuplement du Togo, nous avions abordé les composantes
des populations.
1. Furnivall J.S.
cité par P. Furter, cours d'éducation comparée
Genève 1974.

- J.5 -
Dès l'occupation du pays, la première tâche des autorités
coloniales fut la consolidation des limites territoriales. Rien donc
n'a été tenté pour évaluer les populations de la colonie allemande
qu'est devenu le Togo. Les rares chiffres qu'on avançait, concernait
le nombre d'Européens ou de missionnaires travaillant dans le
terri toire (1).
Le premier recensement des populations date de 1910 et
concerne le Togo allemand. A cette date les populations avaient été
estimées à 1.100.000 habitants pour une superficie de 90.000 kmZ
avec une densité de 11,5 habitants au kmZ (z).
Après la première guerre mondiale, le premier partage du
territoire en deux zones et la remise effective aux autorités françai-
ses de ce qui était le Togo sous mandat, le dénombrement de 19Z2,
opéré d'après les renseignements fournis par les chefs de village et
de famille a donné les chiffres suivants:
(J).
Européens et Assimilés
15J
Syriens et Etrangers
5.67J
Indigènes, citoyens français
J
Sujets protégés ou administrés français
692.511
708.J40
1. Debrunner Hans, A Church be~een colonial power, London,
Lutterworth, Press,
1965 p. 11Z. D'après cet auteur la population
européenne atteignait en 1904, environ quatre cent personnes dont
J/4 de missionnaires.
2. Cornevin op. cit p. 278
J. Rapport annuel de la France à la Société des Nations, Paris,
Imprimerie Lahure,
1922.

- J6 -
Ce chiffre augmenta de quelques milliers d'habitants au
recensement de 19J7 qui donne une population totale de 8JO.000
habitants. Une estimation effectuée en 1966 donne un taux d'accrois-
sement moyen de 2,6 % pour des populations de 1.659.000 tmes (1).
Les populations au Jl Décembre 1970 dépassaient deux millions
d'habitants avec une densité de J5 habitants au km2. Trois traits
principaux caractérisent les populations togolaises. Celles-ci sont
jeunes, inégalement réparties sur le territoire national et infiniment
hétérogènes dans leur composition ethnique (2).
Des populations
ieunes
Les habitants de moins de 19 ans constituent plus de la
moitié des populations
(52 ~). Si l'on ajoute à ce pourcentage la
classe d'!ge comprise entre 19 et JO ans, i l ressort que près de
70 5b de la population a moins de JO ans. Le taux de natalité est
assez fort 5,5 % et celui de mortalité 2,9 5~.
Des oopulations inégalement réparties sur le territoire
La densité moyenne,
J6 habitants au km2, compte parmi les
plus fortes d'Afrique, après celles du Nigéria, du Rwuanda et du
Burundi. Le Sud est plus peuplé que le Nord. En outre à l'intérieur
mAme de diverses régions,
les densités de population peuvent accuser
des di~férences considérables.
1. Cornevin Robert, le Togo, Paris, PUF, 1967, p. 128 (Que sais-je
nO 1272)
2. Toutes les informations statistiques qui sont données dans les
développements suivants sont tirées de l'Annuaire statistique du
Togo,
1971, Secrétariat d'Etat à la présidence chargé du Commerce,
de l'Industrie et du Plan, Direction de la Statistique, Avril 197J.

- J7 -
C'est ainsi que la densité de la circonscription de Lomé,
atteint le chiffre record de 580, et celle de la circonscription de
Kpalimé 140. Il faut enfin souligner l'écrasante prépondérance de la
population rurale sur la population urbaine. 87 ~ des habitants du
Togo vivent dans les localités de moins de 5.000 habitants.
Des populations hétérogènes
Différentes "spécialistes" ont pu dénombrer 22 groupes
ethniques différents au Togo. Cependant, comme des alliances existent
entre groupes ethniques voisins, i l apparatt possible de ramener à
quatre ou cinq, le nombre des principaux groupements.
D'après l'ordre d'~portance numérique, on distingue dans
le sud du pays, le rameau linguistique Ewé qui groupe au moins 45 ~
des populations.
On trouve en seconde position les Tem-Kabyè,
qui peuplent la région de Lama-Kara et qui constituent J5 ~ du
total
des populations.
Ensuite viennent les Paragourma que l"on
rencontre au Nord de Bassar (20 ~.). Quant au reste des populations,
i l comprend, certains groupements du centre (Akposso, Adélé) ainsi
que certains éléments étrangers (Peul, Haoussa, Djerma).
Le dernier point que nous avons annoncé dans notre intro-
duction concerne le facteur religieux. Une incursion dans ce domaine
mettra en lumière des éléments qui seront indispensables pour la
compréhension de nos développements ultérieurs. Les différentes
missions chrétiennes ont d'une part combattu les croyances et
pratiques des sociétés traditionnelles. En préférant d'autre part
certaines régions par rapport à d'autres, elles ont créé des inéga-
lités, s~out dans le domaine scolaire, inégalités qui se retrouvent
jusqu'à aujourd'hui.

- 38 -
... Les Religions
Ce qui frappe quelqu'un qui observe la vie t0801aise, c'est
l'omniprésence du facteur religieux. Ce fait n'est pas uniquement dQ
à l'action des missions chrétiennes. Il est plutOt la conséquence
des convictions profondes du Togolais ; convictions qui sont relatives
aux divinités, les dispositions affectives et morales à leur égard,
et les cultes qui leur sont rendus. Nous distinguerons dans ce
paragraphe, les religions traditionnelles des
religions chrétiennes,
bien que dans la réalité, avec la rencontre de différentes cultures,
les deux s'interpénètrent fortement.
a) Les Religions traditionnelles
Sous ce vocable, on entend généralement ce que les mission-
naires appellent "pa!ens", certains ethnologues après Tailor et
Delafosse "animistes" et le commun des mortels "fétichistes".
Nous retiendrons ici le terme d'"animisme", tout en précisant
que cette notion devenue péjorative dans la terminologie ethnolo-
gique et sociologique, correspond à l'ensemble de croyances et de
pratiques ne manquant pas d'une certaine cohérence. Il faut
signaler que la grande masse de la population togolaise est
animiste.
Comme toutes les religions, les religions traditionnelles
donnent des réponses à certaines questions fondamentales. Celles-ci
concernent tout d'abord la nature de l'Univers, sa genèse ainsi
que les forces qu'elles soient anthropomorphiques ou impersonnelles,
qui le contrelent. C'est l'aspect cosmogonique de ces systèmes
de croyances.

- 39 -
L'autre ensemble de questions porte sur la nature de tels
ou tels Atres, sur les rapports entre ces derniers et les hommes,
leurs reles dans la stabilisation du monde dans lequel l'homme vit,
de manière que celui-ci puisse connaltre les ~orces directrices qui
régissent le monde et auxquelles i l doit ~aire ~ace. C'est l'aspect
théologique. Enfin, i l y a un troisième point qui a toute son
importance en raison de sa ~réquence, c'est l'aspect rituel des
religions traditionnelles (1). Ce sont en quelque sorte les moyens
que l'homme emploie directement ou indirectement pour utiliser
certaines forces de l'Univers qui l'aideront à af~ronter les
problèmes de sa s~e, à traiter avec les ~orces du monde physique
et à régler ses relations avec ses semblables.
A la base de l'animisme togolais, se trouve la croyance
en un Etre suprème, Etre qui prend des noms di~~érents selon les
régions (Mawu au sud, Yedu au Centre, Eso au Nord). C'est le Dieu
créateur, celui des destinées qu'on invoque seulement dans les
occasions solennelles.
Pour établir une liaison entre cet Etre Suprème,
trop élevé
dans sa dignité, les populations togolaises ont créé des dieux
intermédiaires variés, ayant des pouvoirs bienfaisants et mal~aisants.
Dans les sociétés
Ewé, par exemple, i l existe un grand
nombre de divinités p avec chacune ses "couvents", ses adeptes, ses
interdits ..
1. Mercier P., Les Civilisations du Bénin, connaissance de l'Afrique,
Paris, Société. Cont. d'études Hodernes, 1962, 365 p.
Zahan Dominique, Religion. Spiritualité et Pensée africaines, Paris,
Payot, 1970, 350 p.

- 40 -
Chaque région, chaque village, chaque quartier, chaque
famille possède son dieu protecteur. Parmi les divinités les plus
connues on peut citer, Nyigla, Awa, Hebieso, Adaklu ••• On cherche
à se concilier ces divinités par des sacrifices, d'où l'importance
des "sorciers", des "deVins". Protéger l'ho_e contre les dangers
de toutes sortes et la mort, le combler de félicité,
faire fructifier
son travail, tel est d'une façon générale, ce qu'on vise à
travers
les rites.
Par ailleurs, i l faut faire remarquer que dans la philoso-
phie Ewé, on croit sincèrement que l'homme vient de quelque part et
qu'il doit y retourner après son séjour sur la terre. Toute sa vie
durant, i l doit se conformer aux prescriptions du devin et faire en
sorte que son retour se réalise dans de bonnes conditions.
Cet exposé assez sommaire nous montre l'omniprésence du
facteur religieux dans la vie des sociétés traditionnelles togolaises.
La religion, au sens très large, est la zone centrale de la culture.
Elle interVient à tout moment. L'erreur grave de l'école moderne,
surtout de l'école confessionnelle, sera de chercher à faire perdre
à l'enfant cette base, ce fond culturel, La culture est un tout
fonctionnel,
on ne peut la toucher dans l'un de ses éléments sans
du même coup l'atteindre dans son entier. Nous aurons l'occasion
de revenir sur cet important problème dans la deuxième partie de
notre travail.

- 4, -
b) Les Religions chrétiennes
Elles ont été introduites par les sociétés missionnaires.
Nous nous efforcerons seulement ici de donner un aperçu des différen-
tes congrégations. Par la suite nous serons amené
à parler d'une
manière approfondie de leurs actions sur le plan socio-culturel.
Différentes sociétés missionnaires ont influencé à des
degrés divers la vie des populations togolaises. Parmi les congréga-
tions protestantes. i l faut citer. la Mission de B41e. celle de
Wesley et la mission protestante de l'Allemagne du Nord. Elles
avaient toutes les trois entrepris l'évangélisation en Afrique
bien avant que l'Allemagne de Bisma~ck ne fasse son apparition
sur la c~te Ouest africaine. Mais dans ce qui sera le Togo allemand
seules la mission de ;'esley et la l-Iission protestante de l'Al.lemagne
du Nord se verront attribuées des possibilités de christianisation.
La presque totalité des stations de la mission de Blle se trouveront
dans la partie occupée par la Grande Bretagne.
Parmi les sociétés missionnaires catholiques, i l faut
prendre en considération la congrégation du Verbe Divin,
et ensuite,
après la première guerre mondiale, la Société Africaine de Lyon.
Contrairement aux autres colonies,
comme le Tanganyika
par exemple, où les gouvernements coloniaux ont toléré des sociétés
missionnaires de nationalité différente que la leur, nous verrons
au cours des prochains chapitres qu'au Togo. coloniaux et missionnaire~
étaient de m3me nationalité
et que tout a été mis en oeuvre pour
qu'il en soit ainsi.
Après presque cent ans d'évangélisation, le nombre de
pratiquants des différentes confessions s'établit Comme suit,
d'après le recensement de 1970.

-
42 -
Catholiques
402.476
Protestants
118.708
Animistes
967.812
Sans opinion
2)4.) 11
Cet exposé serait incomplet, s ' i l n'était fait mention des
musulmans. Ils constituaient une minorité à laquelle on n'a pas apporté
beaucoup d'attention jusqu'à présent. Or leur développement est tel,
qu'ils risquent de connattre un succès encore plus grand dans les
années à venir.
Les chiffres avancés concernant le nombre de musulmans au
Togo, sont très variables. Le recensement général de 1970, fait
apparattre un chiffre de 226.186 musulmans,
tandis que dans le cadre
des travaux du C.I.E., i l n'y aurait que 70.000 musulmans au Togo (1).
En tous les cas, on peut raisonnablement estimer qu'il y a plus de
cent mille musulmans au Togo.
Les rares auteurs qui ont étudié le phénomène islamique
togolais, situent la pénétration de l'islam au Togo dans le courant
du XVIIIème siècle ; grâce à l'apport de commerçants venus du Soudan
islamisé qui se sont installés dans le Nord du Togo (2). Par des
relations cordiales avec leurs voisins, relations doublées par des
conversions, ces commerçants ont pu étendre le nombre de leurs adeptes.
Les puissances coloniales, allemande et française,
en protégeant et
en tenant l'Islam comme facteur d'unité, ont favorisé son expansion.
1. Fromentin, Togo - Données générales, Paris, C.I.E.,
1974, p. 7.
2. Pierre Alexandre,
"Le facteur islamique dans l'histoire d'un Etat
du moyen Togo" Afrique Asie, nO 65, Paris 1964, pp. 27-JO.
Delval Raymond,
"Islam au Togo" Afrique et Asie modernes, nO 100
Paris,
1974, pp. 4-21.

-
43 -
L'islam togolais a fait cependant un gros progrès gr!ce
à l'apport de deux pays, le Nigéria et le Ghana~ où les musulmans,
grands commerçants, créent partout où ils passent, avec l'accord
du chef local, un quartier musulman.
Sous l'influence de Mama Fousséni, député togolais,
conseiller de l'union française (1953-1958) plusieurs fois ministre,
et de Mensah Kassim, fut créée l'union musulmane togolaise. Avec la
création de cet organe, on parla d'un projet de fondation d'une
grande école islamique, avec l'aide du Président Gamal El Nasser,
une école qui, en huit ans d'études, dispenserait un enseignement
de haut niveau sur le plan islamique. Ce projet ne fut jamais réalisé.
Cependant, l'islam demeure vivace au Togo. Les prières du
Vendredi sont diffusées de la Mosquée sur les antennes de la radio
diffusion nationale. Les grandes fltes religieuses musulmanes,
Ramadan, Tabaski, sont solennellement célébrées. Enfin les grandes
figures de l'islam togolais sont représentées dans les manifestations
officielles.
Quelques écoles coraniques se bornent à apprendre aux
jeunes des bribes de coran. Mais ici Comme ailleurs, l'islam est
utilisé par certains pour profiter de la crédulité des autres.
L'islam devient peu à peu une sorte de mystère dont on espère tirer
un pouvoir magique. Ici le sorcier et le féticheur ont seulement
chaAger de nom.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _.. _._---

- 44 -
Un dernier point concernant l'omniprésence du facteur
religieux au Togo, c'est l'apparition d'un nombre de plus en plus
important de sectes religieuses. Selon une étude réalisée en 1975,
sur l'ensemble du territoire, on ne dénombrait pas moins de vingt
cinq sectes (1). Une analyse des tendances, des représentants et
des pratiques courantes de ces sectes permet de les classer en
deux catégories :
les sectes d'origine américaine
Eglise Btptiste, Assemblée de Dieu, Eglise Christ-Roi,
etc.
les sectes d'origine africaine
Church of Lord Aladoura, fraternité du coeur cosmique,
Temple de la Paix, etc.
Pour terminer cet exposé sur les religions, i l faut faire
remarquer que c'est dans les villes que les religions chrétiennes
se sont le plus répandues, 85 ~ à Lomé, 69 ~ dans les centres urbains,
45 ~~ dans la région des plateaux. Ce qui est significatif, c'est que
d'après les statistiques scolaires, plus de la moitié des enfants
scolarisés, relevaient d'écoles privées confessionnelles principale-
ment. Le Nord,
longtemps interdit aux missions, détient le pourcentage
le plus faible de scolarisation (2). Ce qui explique la corrélation
entre religion et éducation.
1. Togo, Jeunesse, Sports, culture et Recherche scientifique (Ministère:
(Ministère), Panorama sociologique des sectes religieuses au Togo,
Lomé, Etudes et Documents, Institut de la Recherche Scientique,
1976 p. 23.
2. Togo, Ministère de l'Edncation Nationale, EnquOte démographique,
Service de la Statistique, Lomé,
1960, Tome 2.

- 45 -
Cette présentation de certaines données dans leur évolution,
avait pour but de nous familiariser avec les réalités togolaises.
Ces préalables nous apparaissaient indispensables pour la suite de
nos développements. Il nous semblait que les systèmes scolaires
implantés par les différentes puissances, apparattraient mieux
avec les éléments développés.
a-=-=-=-=-z

- 46 -
CHAPITRE II -
Les Premières initiatives d'établissement des écoles
par les Hissions au Togo
Comme nous l'avons annoncé dans notre introduction, le Togo
en tant qu'entité territoriale·, n'a fait son apparition, qu'avec la
colonisation allemande. Sur cette partie de l'Afrique occidentale,
où se pratiquait un intense commerce, commerçants et missionnaires
travaillaient cete à cete. C'est essentiellement sur les initiatives
des premiers cités que Bismarck se décida à annexer cette partie
de l'Afrique en 1884.
Une étude de ce que sera la politique scolaire de l'Allema-
gne au Togo de 1884 à
1914 doit nécessairement prendre en compte
l'action des sociétés missionnaires dans ce domaine, donc le secteur
des écoles privées confessionnelles. Car s ' i l est un secteur qu'a
privilégié les missionnaires, c'est l'enseignement. Tous, à quelque
confession qu'ils aient appartenu, ont mis l'accent sur l'école,
sont convaincus qu'ils doivent enseigner. Mais quoi enseigner?
à qui? comment? et pourquoi? Que signifie cette nécessité de
scolariser les sociétés de tradition orale? Autant de questions
que nous essaierons d'élucider dans cette première partie du travail.
Pour l'instant, i l nous semble important de caractériser
les différentes sociétés qui opéreront dans le protectorat allemand,
d'insister quelque peu sur les fondements théoriques de leur oeuvre.
Cela nous permettra d'une part de faire ressortir le caractère
spécifique des établissements scolaires confessionnels et d'autre part
de mieux situer l'action des sociétés missionnaires sur le plan social
dans le cadre plus général de la politique scolaire de l'Allemagne
au Togo de 1884 à 1914.

- 47 -
1.
Les sociétés missionnaires
Les premières tentatives d'établissement des Missions sur
ce qu'il était convenu d'appeler la C~te des Esclaves remontent en
1737, année au cours de laquelle, le Comte Zisendorf, réorganisateur
de la Communauté des Frères Moraves (HerrenHuter BrŒdergemeinde)
encouragea les Frères à commencer leurs travaux missionnaires sur
la c8te. Son initiative est motivée par la rencontre en 1736, d'un
mu14tre, Jacob Protten, fils d'un soldat danois et d'une princesse
d'Anécho.
Le premier missionnaire allemand, Mave Huckuff, qui
débarqua en 1737 dans le fort hollandais d'Elmina fut aussit~t
emporté par la fière (1). ~ant à Protten, ne se sentant pas en
état de poursuivre tout seul le travail, i l renonça.
Dès 1768, ce ne furent pas moins de quinze autres mission-
naires qui essayèrent de se mettre au travail pour la construction
d'une station. Mais en raison du climat meurtrier, ils abandonnèrent.
Ce qui obligea la congrégation des Frères Moraves à renoncer pour
toujours à son activité sur cette partie de la C~te des Esclaves (2).
D'autres sociétés missionnaires parviendront, non sans mal,
à s'y établir après cette première tentative infructueuse. Ce sont
dans l'ordre, la Mission de B41e, la Mission Méthodiste de wesley,
la Société Missionnaire de l'Allemagne du Nord et la Congrégation
du Verbe divin.
1.
Full August, Fnnfzig Jahre Togo, Berlin, D. Reimer, Ernest Bohsen,
1935 p. 146.
2. Corne~ op. cit p. 125.

-
48-
La Mission de Blle
La Mission de Elle fut ~ondée en 1815. A la suite de
quelques tentatives en Sierra Léone et au Libéria, des missionnaires
de cette société vinrent sur la Cote du Bénin en 1828 et commencèrent
leur travail d'évangélisation en Gold Coast alors contrelée en
partie par les Danois, en partie par les Anglais. Des quatres
missionnaires 'arrivés à Christianborg, Salbach, Henke, Schmidt
et Holzwarth, trois allemands et un Suisse allemand,
trois mururent
la mame année, le quatrième en 18?1
(1).
En 1832 trois autres
pasteurs
arrivèrent parmi lesquels
un médécin. Seul ce dernier résista à la ~ièvre. Au cours d'explo-
rations dans l'intérieur du pays, ce survivant remarqua que le
climat d'une contrée, Akropong, était plus supportable. Il y
installa une station. Cette zone deviendra pour toujours le
siège principal de la Mission de Btle, siège à partir duquel,
les missionnaires ~eront des incursions dans l'arrière pays.
De 1839 à 1840, d'autres groupes de missionnaires
débarqueront sur la cete. Malgré les rigueurs du climat, les
guerres constantes de tribus, des Ashantis particulièrement,
qui ne toleraient aucune emprise missionnaire dans leur zone,
les missionnaires ne continueront pas moins leur oeuvre, reconstrui-
sant inlassablement les stations détruites, bougeant constamment
pour éviter les attaques intermittentes. L'épisode la plus sérieuse
sera la capture et l'emprisonnement de deux missionnaires, Ramseyer
et KŒhne.
1. Burckhardt G.E. et Grundemann, Les Hissions évangéliques depuis
leur origine à nos jours, Lausanne, G. Bridel,
1970, p. 58.

-
49 -
Avec l'année 1850, date de la session de la colonie danoise
à la Grande Bretagne, commence une nouvelle période pour la ~üssion
de Bile. Au traité de Samoa en 1896, une partie non négligeable de
son champ de travail sera reconnue comme partie intégrante du
protectorat allemand sur le Togo (1).
Un accord est intervenu entre la Hission de Bile et celle
de l'Allemagne du Nord et o'est oette dernière qui a regu pratiquement
toutes les station~-se trouvant sous prôtectorat allemand.
On doit aux missionnaires de.la Mission de Bale, de nombreux
travaux dans di~~érents domaines, ethnologiques principalement et
surtout des études assez appro~ondies sur deux langues de cette
région d'Utique, le Ga et le Tsh.i..
La :--lission méthodiste de lfesley
L'histoire de cette mission est un peu spéciale, dans la
mesure où c'est à partir des initiatives des indigènes qu'elle s'est
installée sur la cete (2).
De jeunes indigènes ayant appris à Cape Coast Castle, dans
l'école du gouvernement à lire la bible en anglais, émerveillés par
son contenu, décidèrent de créer en 1831, une association qu'ils
désignèrent du nom d'Runion pour l'étude du christianisme R• Ils
~irent appel au comité des missions de wesley pour demander l'envoi
d'un missionnaire et des bibles.
1. Full August op. cit p.
148.
2. Burckhart et Grundeman op. oit p. 62.

-
50 -
Deux missionnaires vont marquer de leur empreinte le travail
d'évangélisation dans cette région. Le premier, Dunwell, restera
quatre ans(18JJ-18J7). Il sera remplacé par Freeman qui continua
l'oeuvre de son prédécesseur avec une vigueur plus accrue. Le travail
connut quelques péripéties tragiques, destructions de stations etc.
Hais l'oeuvre ne fut pas abandonnée.
En 1854, il Y avait 20 écoles avec un tiers de filles (1).
Dans ce qui est le protectorat allemand en 1884, la Hission méthodiste
de Wesley a limité SQn action dans le cercle d'Anécho et ne conserve
que des liens assez liches avec le siège central en Afrique, qui se
trouve à Lagos (2).
De nouvelles difficultés surgirent au moment où l'administra-
tion coloniale exigea un personnel uniquement de langue allemande.
Les pasteurs anglais durent céder leur place à leurs collègues
allemands. Les premiers ne pourront reprendre leur action qu'après
la première guerre mondiale.
La société missionnaire de l'Allemagne du Nord
L'origine de cette mission doit Atre si~ée dans le vaste
mouvement de chrétienté qui, dans les années 1779-1780, partit de
B!le vers les pays de l'Europe Occidentale.
L'année 1780 voit en effet la création à BIle sous la
direction d'un théologien nommé Ulsperger, de l'Association allemande
pour la chrétienté (Deutsche ehristentumgesellschaft).
1. Baeta G.G., Christianity in tropical africa, London, Oxford univer,
Press, 1968, p. 78.
2. ibid p. 79.

- 51 -
Cette association qui avait pour but l'étude de l'Evangile
et sa propagation, comprenait des membres non de nationalité, mais
1
de langue allemande. Des cercles d'amis furent créés un peu partout
en Allemagne et c'est de ce contexte que sont nées diverses sociétés
évangéliques et en particulier la société missionnaire du Nord de
l'Allemagne, appelée plus couramment la Mission de BrOme.
Fondée le 9 Avril 18)6, la Mission de BrOme s'est donnée
comme but la propagation de l'Evangile parmi les palens. Lorsqu'elle
décida d'ouvrir un champ de mission en A~rique Occidentale, son choix
se porta sur la cete d'or où travaillait déjà la Mission de Bile.
Il y aura une collaboration très étroite entre ces deux sociétés
missionnaires.
Des quatre premiers missionnaires, Bultmann, Flato, Gra~~
et ;fol~ qui embarquèrent de Hamburg pour l'A~rique, deux succombèrent
au malaria au Gabon. Les survivants arrivèrent péniblement à
Christianborg où ils furent accueillis par des pasteurs de la
Mission de Bile.
Les transactions entre les deux sociétés et les explorations
à l'intérieur de la contrée, permirent de con~ier la région de Péki
à la mission de BrOme qui ouvrit en 1848, une première école élémen-
taire en Anglais.
PIns tard, une délimitation plus systématique des zones ~ut
opérée et la mission de BrOme s'attribua une vaste zone située entre
le Volta et le Mono, peuplée de groupes à peu près homogènes, ayant
une identité culturelle commune à travers leur histoire et leur
langue : les Ewé. L'objecti~ essentiel de la Hission de Brlble va
Otre l'étude méthodique de cette langue qui deviendra son outil
privilégié d'évangélisation.

- 52 -
Si les débuts de l'implantation de la mission de BrOme sur
la cete d'or n'ont été qu'une longue liste d'avis de décès, de guerres,
et de très faibles réactions à l'Evangile (sur 110 personnes envoyées
depuis 1847, missionnaires et leurs épouses,
54 succombèrent au climat,
et 40 avaient dd Otre rapatriées pour raison de santé)
(1), la
qualité des missionnaires et leur foi forcent l'estime.
En 1884, au moment de l'établissement du protectorat de
l'Allemagne sur le Togo, la mission comptait 19 Européens assistés
de 27 indigènes et disposait de trois stations principales (Keta,
Ho, Peki)
(2). Mais c'est surtout dans le domaine linguistique que
certains missionnaires tels que, Schlegel, westermann, BQrgi,
se sont illustrés (J). Nous insisterons sur ce point à la fin du
Titre I.
La Mission catholigue
Nous ne parlerons que de la société du Verbe Divin
(Gesellschaft des ~ttlichen Wortes), une congrégation catholique
installée à Steyl (Pays-Bas). La raison est qu'à l'annexion du Togo
par les Allemands, les prOtres catholiques qui travaillaient sur la
cete occidentale de l'Afrique, étaient dans leur majorité de nationa-
lité française et que, dès 1884, des démarches ont été entreprises à
Rome par le gouvernement impérial pour faire remplacer ces prOtres
par un personnel de nationalité allemande. Ces transactions aboutirent
lorsque le Togo a été érigé en préfec~e apostolique par la Sacrée
congrégation de la Propagande de la Foi, décision qui fut entérinée
1. Debrunner op. cit p. 69.
2. ibid
J. Schreiber A., Bausteine zur Geschichte der Norddeutschen Missions-
gesellschaft, Bremen, Verlag der N.D.M.G.,
1911, 106 p.

- 53 -
par le Pape Léon XIII en 1892 (1).
A partir de cette date commencent à arriver au Togo les
premiers prltres allemands. R.P. Sch~~er, premier propre~et apostoli-
que (1892-1894), son successeur le R.P. Dier (1892-1897) et le
R.P. Sch8nig qui dirigera cette congrégation au Togo jusqu'en 1914.
L'histoire des missionnaires de la société du Verbe Divin
est jalonnée de nombreuses rrictions avec les protestants, mais
~out avec le gouvernement colonial. L'épisode le plus sérieux
semble Itre l'a~raire d'Atakpamé en 1907, qui amena le départ de
quelques prltres. Nous parlerons de cette a~~aire plus loin.
Mais dans l'ensemble, et bien qu'ils soient les derniers
à arriver au Togo, les catholiques, disposant de gros moyens, et
~dépendamment des travaux ethnographiques et linguistiques, ont
accompli une oeuvre assez considérable au Togo.
Ces congrégations missionnaires (protestants de Brime,
catholiques du Verbe Divin, et dans une moindre mesure les méthodistes
de \\(esley), détiendront en quelque sorte le monopole de l'enseignement
jusqu'en 1914, mime si à une période donnée, l'administration coloniale
a essayé d'orienter la politique scolaire dans un sens qui corresponde
à ses objectifs propres.
Toute action éducative étant sous tendue par une philosophie
~plicite, nous allons essayer de dégager les rondements théoriques
de l'oeuvre des sociétés missionnaires ; cela devrait nous permettre
de mieux apprécier la conception, les structures et le contenu des
programmes des écoles conressionnelles.
1. t-Igr Strebler, Missions catholiques, Encyclopédie d'Outre-1'ler,
Paris, Coll. Etndes coloniales, 1958, p. 568.

- 54 -
2. Les fondements théoriques de l'oeuvre des Missions
L'école comme "moyen de la Mission"
Pourquoi les missionnaires ont-ils été convaincus qu'ils
devaient enseigner ? Selon la réponse que nous serons amenés à donner
à cette question dépendra en grande partie l'évaluation des program-
mes, des méthodes et des finalités des écoles confessionnelles.
Certaines sociétés missionnaires ont eu à leur t8te, des
"éminences grises", des gens qui ont élaboré au niveau théorique,
les exigences et les finalités du travail d'évangélisation en terre
palenne. Gustav lfarneck, missiologue allemand, est considéré comme
celui qui a le plus influencé la formation des protestants de la
société missionnaire de l'Allemagne du Nord. Tandis que Josef
Schmidlin a tenu la mIme place auprès des catholiques du Verbe Divin.
Afin de mi~ cerner la personnalité de ces congrégations
qui tiendront une place capitale dans le domaine de l'enseignement
durant la colonisation allemande au Togo, i l nous semble interessant
de faire intervenir les thèses de Gustav Warnek et Josef Schmidlin.
Four ce faire, nous nous situerons d'abord sur un plan général, i l
s'agira pour nous de relever les idées forces de ces deux personna-
lités. Mais pour mieux faire ressortir ce qui caractérise pasteurs
et catholiques allemands, nous serons amené
à faire "descendre" le
débat au niveau des réalités locales, à savoir ce qui a été
concrètement fait au Togo.

-
55 -
Gustav ',farneck
Les fondements théoriques de l'action des missions
protestantes se trouvent dans l'oeuvre du missiologue Gustav ~arneck
(1834-1910). Une personnalité fortement influencée par une conception
romantique des peuples et de leur individualité. Il serait vain de
chercher à embrasser toute l'oeuvre de ;iarneck, cela est plut8t
du doma;Lne des théologiens
(1). Mais dans la mesure où les dirigeants de
la mission protestante de l'Allemagne du Nord, en particulier Zahn,
dont nous parlerons plus loin, mettent en avant les idées de ce
théologien, une compréhension quelque peu complète des positions de
cette congrégation ne peut aboutir sans une référence à la formation
reçue par les pasteurs.
1. Parmi les nombreux ouvrages écrits par ,iarneck, i l faut citer
tout particulièrement :
Evangelische Hissionslehre, 3 Bd, Gotha Verthes 1897-1903
Die christliche Hission und die tlberseeische Politik, Berlin
Verthes,
1901 S. 226 ff.
Die gegenseitigen Beziehungen Zwischen der modernen Hission
und cultur, Berlin Gatersloh,
1879 S. 205 ff.
Par ailleurs i l existe une thèse en langue allemande, dans laquelle
l'aut~ développe les idées du missiologue allemand. Il s'agit de
Egger1: Johanna, Missionsschule und sozialer liandel in Ostafrika,
Freiburg, Bertelmann Universit~tsverlag, 1970 S. 334.

- 56 -
Le devoir de la mission est l'évangélisation des peuples (1).
Cette évangélisation, selon ~arneck, ne doit pas se faire au hasard,
mais axée autour de 4 points 1
le respect des coutumes des peuples auxquels on s'adresse,
le soin à donner à la langue de ces peuples,
la séparation du travail missionnaire des intér3ts coloniaux,
l'importance capitale de l'école en tant que moyen de la
mission.
Selon \\{arneck,
"la dJ.versité des cultures est voulue par Dieu
elle est une des manifestations de la richesse du Créateur. Par
conséquent langue et culture sont pour un peuple les fondements de son
identité". C'est pourquoi i l lance un avertissement aux missionnaires
en ces termes :
"Si parmi les représentants de la politique coloniale,
i l ne manque pas de fanatiques qui, dans la méconnaissance des droits
des peuples qu'ils ont soumis, vont jusqu'à leur imposer leur langue
à eux,
les missions n'ont pas le droit de faire preuve d'un tel
fana tisme (2).
Dans ses conditions, c'est plus ou moins l'ordre traditionnel
que l'on cherchera à préserver y voyant un rempart contre les influences
désintégrantes de la civilisation.
1. Il Y a une différence notable à faire entre les objectifs missionnai-
res et les intér3ts coloniaux. Les missionnaires utilisent l'expres-
sion "Volksc~stianisierungals Missionsaufgabe", l'évangélisation
comme devoir missionnaire,
tandis que dans les cercles coloniaux,
i l s'agira de la mission civilisatrice: die "Kulturaufgabe".
Il s'agit plus que d'une différence au niveau sémantique. Nous aurons
l'occasion de mesurer cet écart entre école missionnaire et école
gouvernementale plus loin.
2. I{arneck Gustav, Evangelische ~lissionslehre, op. cit pp 33-35.

- 57 -
Le missionnaire ne peut certes pas faire abstraction de sa culture,
mais i l doit se garder de mélanger christianisation et européanisa-
tion. Dans la cou~e, i l devra opérer nune discrimination soigneuse
entre ce qu'une communauté chrétienne peut accepter, ce qu'elle peut
tolérer et ce qu'elle doit rejeter n (1).
Que la question de l'évangélisation soit systématiquement
au coeur des préoccupations des missions protestantes,
\\{arneck le
formule en ces termes:
nPour une administration autonome de l'~glise,
i l faut un pastorat indigène d'une bonne renommée et influent et
une congrégation laIque mOre et indépendante. Nous ne pouvons arriver
à gagner ni l'un ni l'autre sans que tout le peuple soit élevé à
un certain niveau de formation,
et l'éducation populaire n'est pas
?ossible sans cette école élémentaire. Comme aujourd'hui,
le caractère
chrétien du peuple ne peut pas se conserver sans cette école, aucune
christianisation du peuple ne peut pas non plus être entreprise
sans elle"
(2).
Deux idées principales se dégagent de cette proposition de
-\\{arneck : la création d'une église autonome en terre païenne et
l'administration autonome de cette église par des pasteurs indigènes
influents entourés d'une congrégation laïque mOre. Ce double objectif
n'est possible que si on amène le peuple à un certain niveau
d'instruction, instruction que l'on donnera à l'école élémentaire
chrétienne.
1. Warneck Gustav, Evangelische ;'iissionslehre,
Vol III
op. ci t p. 196.
2. ibid p. 189.

- 58 -
Ici se déssinent les ~inalités de l'école qui doit selon
Warneck 1
apprendre à lire pour ~aciliter l'accès à la Bible et
aux Ecritures Saintes,
procurer des connaissances qui permettront aux élèves
de rester aU service des Missions,
rassembler des jeunes qui ne sont pas encore atteints
par la prédication et les ooavertir (,).
L'enseignement oral chez des peuples sans écriture, ne
devrait 3tre, aux yeux de Warneck, qu'une première étape. En tous
les cas, l'écriture Qoit 3tre enseigné et pour permettre une
compréhension de la Bible, on doit introduire dans les écoles
chrétiennes des matières comme l'histoire, la géographie et les
sciences naturelles.
Warneck conçoit la nécessité d'une ~ormation supérieure
qui permettrait aux jeunes de pouvoir occuper des places importantes
dans leurs sociétés. Cependant i l relève les dangers d'une ~ormation
qui n'engendrerait que des demi-lettrés (Kulturkarikaturen).
Selon lui la mission ne peut diminuer l'e~~et désintégrant de la
rencontre de deux cultures, occidentale et a~ricaine, qu'en
adaptant son enseignement aux traditions, aux besoins et aux
capacités des élèves. Car "un peuple qu'on dépouille de sa langue
et de ses traditions n'est plus lui-même 1 on lui cause du tort
jusque dans son âme (2).
, . ibid p. , 37.
2. Warneck Gustav, Evangelische Missionslehre, Vol III,
op. cit p. 207.

- 59 -
La position théorique de Warneck ainsi esquissée, si
interessante soit-elle, ne comporte pas moins des ambiguttés
fondamentales qui ne tarderont pas à éclater au contact de la réalité.
On nous dit qu'il ne faut rien imposer. Comment opérer dans la
coutume la part des choses ? Le missionnaire est-il apte à le
faire sans risque d'erreurs? Nous tenterons d'apporter des réponses
à toutes ces questions lorsque nous analyserons ce qui a été fait
au Togo par la ~1ission de l'Allemagne du Nord. Hais avant cela,
nous devons prendre en compte la position des catholiques du
Verbe Divin.
Joset' Schmidlin
En fait,
ce qui frappe, au départ, c'est la similitude
des vues entre les deux confessions, catholiques et protestantes,
en ce qui concerne la question de l'enseignement scolaire. Le
professeur J. Schmidlin, est celui qui a d'abord défini la position
des catholiques dans son ouvrage de base :
"Die Katholischen Hissionen
in den deutschen Schutzgebieten (Les Missions catholiques dans les
protectorats allemands (1).
Dans ses développements, Schmidlin place l'école au centre
des préoccupations des missions catholiques. Son importance est si
prépondérante qu'elle est considérée comme le "Noyen de la ;'(ission"
(das Hissionsmittel).
1. Schmidlin Josef, Die Katholischen ;-lissionen in den deutschen
Schu tzgebieten, HOnster, Aschendorff,
1913, 304 p.

- 60 -
Au cours de son analyse sur ce que doit viser les catholi-
ques en terre palenne, le professeur Schmidlin fait remarquer en ce
qui concerne la question de l'école 1
"L'éoole de la mission catholique sert comme moteur
essentiel de l'éducation; une école sur laquelle i l faut porter
une attention et un soin particuliers ••• C'est à travers elle
qu'on peut gagner la, génération montante et par là mOrne l'avenir,
elle peut changer et régénérer la jeunesse sur des bases chrétiennes,
ceci d'autant plus que les adultes sont plus généralement et plus
solidement ancrés dans leurs habitudes paIennes"
(1).
En d'autres termes,
"qui tient la jeunesse, tient l'avenir".
Pour espérer une action efficace et durable, i l faut,
par l'école,
éduquer la jeunesse, l'amener à des principes chrétiens et nouveaux
de vie.
1. "AIs hauptsachlichsten Erziehungshebel dient der Katholischen
Hission die Schule, der sie daher eine ganz besonderer
Au:fmerksamkeit und Sorgfalt zuwendet ••• Durch die Schule
gewinnt sie die heranwachsenden Geschlecht und damit
die Zukunft, da kann sie die Jugend nach den Christlichen
Grund s~tzen zu einer neuen Generation umschaffen und
umformen, w~rend die Alten gew3hnlich nur aussert schwer
ihren heidnischen Gewohnheiten zu entreissen"
Schmidlin, op. cit p. 140.

- 61 -
L'école est considérée comme un moyen indispensable pour
évangéliser et pour promouvoir une nouvelle génération. Karl MUller,
ancien missionnaire catholique allemand et auteur d'un important
ouvrage sur l'histoire de l'Eglise au Togo, ne dit pas autre chose
lorsqu'il affirme:
"Le missionnaire au Togo doit consacrer beaucoup
de temps et d'énergie à l'école, car elle est le moyen indispensable
pour christianiser le pays" (1).
En fait, catholiques et protestants utilisent les mImes
termes pour parler de l'école et de son raIe. Martin Schlunk, inspecteur
de la mission de BrIme, fait remarquer de son caté :
"L'école est au
Togo, comme partout sur la cate occidentale de l'Afrique,
le moyen
indispensable pour c~stianiser le pays. La mission ne peut rien
faire sans elle" (2).
1. "Viel leit und Kraft muss der Togomissionar der Schule lndmen,
denn diese ist das motwendige ~Iittel zur christianisierung des
Landes". MUller Karl, Geschichte der Katholischen Kirche in Togo,
Sieburg, Ver8ffentlichen des Missionspriester Seminar st Augustin,
1958, p. 210.
2. "Die Schule ist in Togo "'ie Uberhaupt an den ganzen .festkaste
Afrikas das notwendige Mittel zur christianisierung des Landes
Die Mission kann ohne Schule nicht auskommen", p. 77.
Schlunk Martin, Die Norddeutsche Mission in Togo, Probleme
und Aufgaben, Bremen,
Zweiter Band, verlag der N.D.M.G.,
19 12, p. 8J.

-
6~ -
Les positions semblent en définitive, claires et identiques.
Mais une analyse plus approfondie fait vite ressortir la personnalité
propre de chaque mission.
Si on peut considérer les positions de Schmid1in comme
valables, elles ne répondent pas cependant à certaines questions,
comme par exemple la place et le ra1e de la langue d'enseignement,
le rapport des missionnaires avec les indigènes d'une part et
l'autorité coloniale d'autre part.
Une brèche fut ouverte dans ce sens par le R.P.
,iilhe1m
Schmidt qui lança dès 1906, la théorie du monothéisme primitif.
Dans son analyse, le Père Schmidt s'opposait aux différentes théories
évolutionnistes en particulier celles de Levy Brüh1. Le Père Schmidt
affinnait que les peuples "primitifs" doivent 3tre considérés comme
des hommes au sens plein du mot, avec leurs particularités propres,
qu'il faut connattre et respecter.
Il semble que ces idées ont eu beaucoup d'importance dans
la formation des missionnaires catholiques allemands. En tous les cas,
c'est à cette date qu'est apparue la revue "Anthropos" dans laquelle,
les catholiques consignaient toutes les études réalisées en terre
palenne (1). Sur le plan local, les missionnaires catholiques ont
insisté dans une certaine mesure sur l'étude des langues. Hais c'est
dans le domaine ethnologique qu'ils se sont le plus illustrés.
1. La revue "Anthropos" fut fondée en 1906 par le Père ',iilhe1m Schmidt
A sa création, Anthropos se proposait de publier les articles de
différents missionnaires, mais son audience s'est très vite élargie
dans la mesure où linguistes sociologues, anthropologues ont pu
y publier des articles. L'originalité de cette revue se trouve
dans le fait qu'on y aborde des questions diverses et en plusieurs
langues.

-
6J -
La position des protestants, plus nette au départ, s'est
de plus en plus affirmée par la suite. L'école selon ces derniers
devait avoir un double objectif
servir à évangéliser les populations
permettre aux populations ainsi évangélisées, de
conserver leur caractère chrétien. Le but final étant
l'éclosion d'une Nélite- de pasteurs, pour gérer d'une
façon autonome une église qu'ils prendraient totalement
à leur charge.
Sur l'initiative de Zahn, inspecteur de la Mission de
l'Al.lemagne du Nord, fut créé en 1890 à Westheim, en Allemagne,
une éoole où seront formés une ~aine de jeunes togolais (1).
Cette initiative très révolutionnaire à l'époque, se montra très
bénéfique par la suite, dans la mesure où ce fut grlce à ces jeunes
pasteurs formés de bonne heure que l'oeuvre de la Mission protestante
pnt 3tre continuée, au moment où les missionnaires allemands étaient
consignés cians leurs stations et finalement expulsés du Togo au
lendemain de la première guerre mondiale.
1. Faure, Togo. Champ de Mission, Paris, Société des Missions
Evangéliques, 194J, p. Jl.
ZahD qui présida aux destinés de la Mission de l'Allemagne du Nord
de 1862 à 1900 fut une forte personnalité. Voici son portrait, brossé
par l'un de ses successeurs et amis, le pasteur M. Schlunk :
NC'est l'image d'un fin théologien qui possède une foi de héros
et une grande compréhension psychologique, un chrétien conservateur,
un homme de principe qui défend ardemment la vérité et l'honneur.
Zahn reste tenace dans l'exécution de sa volonté et intransigeant
lorsqu'il s'agit de fixer des directives de la Mission N•
Schlaok ~in, Geschichte und Eigenart der Norddeutschen Missions-
gesellschaft, Bremen, Verlag der N.D.M.G., 191J, p. 1J.

- 64 -
En ce qui concerne la langue d'enseignement, la position
de Zahn était encore plus catégorique. En effet i l écrivait:
ttSi
on peut espérer évangéliser tout un peuple et fonder des congrégations
capables de transmettre l'évangile,
la condition préalable pour
y arriver est de donner aUX gens du pays ••• une éducation indigène,
c'est-à-dire dans leur langue maternelle. Pour cette raison, nous
opposerons la résistance la plus farouche à la pression des gouver-
nements coloniaux d'enseigner dans une langue étrangère"
(1).
Les analyses des missionnaires protestants de Breme
sont ainsi ponctuées de prises de positions très fermes sur la
question des rapports entre la mission et l'administration coloniale,
la langue d'enseignement etc. L'un des grands atouts de la Mission
de Breme fut de posséder déjà en 1884, les premiers livres scolaires
en Ewé.
La différence entre les catholiques et les protestants
se trouvent essentiellement dans cette démarche. Les premiers cités
ont cherché une unité dans la diversité. Unité avec l'église catho-
lique universelle ; diversité des langues qu'ils ont reconnues et
auxquelles ils ont accordé leur attention. Les seconds au contraire,
oatmis avant tout l'accent sur la création d'une église autonome
dirigée par une élite de pasteurs entourés d'une congrégation
éduquée dans l'esprit chrétien et dans leur langue maternelle.
1. "If i t can be hoped to christianise a complete people and to
found congregations capable of handing christianity on, i t i5
a prerequisite for this task to give natives an indigenous
education i.e. in their mother tongue.
We should therefore offer
the most strenuous resistance to the pressure of the colonial
governments to introduce teaching in a foreign language tt
Zahn cité par Debrunner,
op. cit p. 55.

- 65 -
Si cette brève présentation des fondements théoriques de
l'oeuvre des missions catholiques et protestantes allemandes au Togo,
ne nous a pas permis de répondre d'une façon très satisfaisante et
complète à la question de la n~cessité pour les ~lissions de scolariser,
elle nous a cependant montré l'importance capitale qu'avait l'école
aux yeux des missionnaires. C'est sur la base de ces convictions
qu'ont été créées des écoles de différent niveau.

-
66 -
J. Structures. programmes et contenu des éëores confessionnelles
Martin Schlunk, inspecteur de la Mission de BrOme, écrivait
dans l'un de ses ouvrages que le terme de "système scolaire" est un
peu prétentieux pour désigner l'ensemble des écoles confessionnelles
protestantes au Togo, pour la simple raison qu'il s'agissait à cette
époque, dans le terri·toire, d'une situation embryonnaire et qu'en
regard des conditions dans lesquelles on donnait les cours, et les
limites de ces formations,
i l était difficile de parler de "système
scolaire" (1).
Nous partageons cette réflexion. MOme si, par la SUite,
avec la délimitation des zones, l'établissement du protectorat
allemand au Togo, l'organisation des écoles s'est intensifiée, et
que les formations se sont diversifiées, le terme de "système scolaire"
semble ~adéquat (2).
1. Schlunk ~Iartin, Das Schulwesen in den deutschen Schutzgebieten,
Hamburg, L. Friedrichsen und CO,
1914, p. 62.
2. La notion de système scolaire ne fait que traduire d'une façon
approximative l'organigramme des Ministères de l'éducation.
Etant donné le contexte colonial dans lequel se trouve le Togo,
i l est inadéquat de faire regrouper sous ce terme l'ensemble des.
écoles privées confessionnelles et publiques. Cependant, plus tard,
après l'indépendance, lorsque nous utiliserons le concept de
système scolaire, i l faudra comprendre toutes les institutions
publiques privées confessionnelles et laIques.

67
Les missionnaires n'avaient pas au départ de grands projets
sco~aires. I~ s'agissait pour eux, seu~ement d'apprendre aux popu~a­
tions ~digènes à lire et à comprendre ~a Bib~e dans ~eur ~angue
materne~~e, à savoir compter et faire de petits ca~cu~s é~émentaires,
Itre en fin de oompte et avant tout de bons chrétiens, fervents et
dévoués à ~a cause missionnaire. Cependant, avec les besions de p~us
en p~us croissants d'employés suba~ternes de tout genre, et la
participation toute re~ative de ~'administration dans le domaine
scolaire, ~es missionnaires ont essayé d'é~arg1r leur programme
scolaire, en construisant des écoles de niveau supérieur.
Notre démarche va 3tre de présenter les écoles confession-
ne~les du Togo a~~emand. Pour ce faire, nous avons choisi d'a~ler
au-de~à d'une simple énumération. Nous a~lons présenter les programmes
et ~es matières que suivaient les élèves à différentes heures de la
journée. Cette façon de procéder a ~'inconvénient d'~ourd1r le texte
mais permet de saisir "l'orig1na~ité" de l'école en tant qu'institu-
tion nouve~~e au Togo, "l'uti~ité" ou non des matières enseignées,
leur uti~isation possible dans un mi~ieu essentie~lement rura~.
Les écoles confessionnel~es comprennent
les jardins d'enfants (Kinderg~ten)
les écoles "extérieures" (Aussenschulen)
les écoles de station (Stationschu~en)
~es cours comp~émentaires (Fortbi~dungschu~en)
les écoles professionne~~es (Handwerksschu~en)

- 68 -
a) Les Jardins d'En~ants
A la base des écoles des missions se trouvent les Jardins
d'en~ants ouverts aux élèves de trois à six ans et généralement
dirigés par la ~emme d'un missionnaire, une religieuse ou dans
certains cas par des jeunes ~illes spécialement ~ormées dans ce sens.
C'est en quelque sorte la préscolarité, car i l s'agit de
préparer les en~ants à suivre l'école proprement dite. Le contenu
du programme de ces types d'établissements est ~ort simple. Il
consiste en histoires bibliques, chansons et surtout des jeux.
Les matières scolaires proprement dites n'étaient pas inscrites
au programme.
Ces Jardins d'en~ants étaient localisés dans les villes
ou les régions les importantes du territoire. Lomé, Amedzowe et
Agu pour les protestants, tandis que les catholiques en possedaient
cinq. Ce qui nous donne un total de huit.
Plus important est le degré suivant que constituent les
Aussenschule ou écoles extérieures.
b) Les écoles extérieures
Elles sont les plus nombreuses. Comme leur nom l'indique,
"Auss&nschulen", "bush school" ou écoles de brousse,
elles sont
situées en dehors de grandes agglomérations. Elles constituent
le premier degré de l'enseignement élémentaire et durent trois
à quatre ans.
Les missionnaires s'efforcent d'apporter aux enfants le
savoir indispensable à leur vie de chrétien. Ils sont unanimes pour
a~firmer que les Togolais sont des paysans et doivent, s'ils veulent
se développer d'une manière saine, rester dans leur majorité des
paysans, et que l'avenir d'un peuple se construit par la masse
labor:l..euse.

- 69 -
Le souci des autorités missionnaires est de ne pas trop
charger le programme des écoles extérieures afin de permettre aux
élèves de rester à la disposition de leurs parents pour les travaux
agricoles. De plus, comme les missionnaires nourrissent l'espoir
que la plupart des élèves, mAme devenus adultes,
resteraient à leur
service, ils ne se soucient pas tellement de la nécessité d'une
formation plus poussée. "Après tout, reconnaissait le pasteur
J.îartin Schlunk, les enfants d'un peuple primitif ont besoin de
plus d'~ucation que de cours" (1). Les missionnaires estiment
donc que la prédication et la vie communautaire réaliseront ce
que le travail scolaire n'a pas pu faire durant les trois ou
quatre années d'études. A travers les écoles extérieures, on cherche
avant tout à apprendre aux élèves à savoir lire la Bible. Comme une
vie chrétienne simple exige un minimum d'instruction, certaines
matières plus académiques sont inscrites au programme dont nous
présentons les grandes lignes.
I. Histoire Biblique :
5H par semaine
II. Enseignement de la langue Ewé :
SH la première année, JH la
deuxième et troisième année. Lecture - Dictée -
Rédaction.
Le but de cet enseignement est de permettre aux élèves de pouvoir
s'exprimer correotement par écrit et oralement dans leur langue.
1. Schlunk Har1:in,. Die Norddeutsche Hission in Togo,
Probleme und
Aufgabe, op. cit p. 8J.

- 70 -
III. L'enseignement d'une langue étrang~re
Ici i l faut ouvrir une petite parenth~se. Le programme prévoit
l'anglais ou l'allemand comme langue étrangère. Ceci d'une part
parce que au départ, c'est-à-dire avant l'établissement du
protectorat allemand au Togo, la Mission de Brame travaillait
essentiellement dans une zone sous ~fluence anglaise, et que
d'autre part les catholiques ont donné une préférence'à l'anglais.
Mais en dernier ressort, cet enseignement n'est dispensé que
si l'école dispose d'un maItre qualifié, et ne commence qu'au
cours de la troisième année. Au cas où i l ne peut atre donné,
i l est remplacé par des cours de langue Ewé. Les catholiques
n'ayant pas fait des études préalables de la langue Ewé, insistent
plus particulièrement sur l'Anglais. En tous les cas, que ce
soit l'Anglais ou l'Allemand, le ma!tre devait faire avec les
élèves les exercices suivants
Lecture et écriture de la langue
étrangère en caractère latin ou allemand, lecture et écriture
de tous les vocables et de leurs liaisons. Des mots avec de
simples syllabes, initiales et finales,
copie de l'écriture
imprimée et cursive. Prendre sous dictée de petits mots
simples etc.
IV.
Calcul: 4H par semaine
Première année
Nombre de 1 à 20
Deuxième année
Les quatre opérations
Troisième année
Les nombres de 1 à 100 puis de 100 à 200.
V.
Chant
JH par semaine

-
71
-
F1na~ement ~a répart~t~on des mat~ères d'ense~gnement s'étab~it
comme suit pour ~es tro~s prem~ères années :
.l.!!:!.
3ème
1. H~stoire b~blique•••••••••••••••••• 5H
5H
5H
Z. Leçons d'observat~on •••••••••••••• ZH
3. Enseignement de ~a lecture
(n~veau élémentaire) •••••••••••••• 4H
4. Lecture (Zème et 3àme années)
3H
3H
5. Ecriture (Zàme et 3àme années)
Dictée •••••••••••••
ZH
Ca~~igraphie •••••••
ZH
6. Langue allemande ••••••••••••••••••
3H
7. Ca~cu~
4H
4H
4H
8. Chant
3H
3H
3H
19H
17H
ZOH
A la f~ de leurs études, certains élèves restent au
service des miss~ons. ~elques uns vont rejoindre leurs parents.
Ceux qui se sont montrés part~culièrement bril~ants peuvent entrer
à l'école de station.
c) Les Ecoles de Station
El~es const~tuent l'éche~on supérieur et construisent leur
ense~gnement sur une scolarité de 4 ans. Ce qui fait que l'enseigne-
ment élémentaire dure 7 à 8 ans so~t 3 à 4 années d'écoles extérieures
et 4 années d'écoles de station.

- 72 -
Les catholiques utilisent les termes d'infant school pour
les jardins d'enfants, de standart school l
et II correspondant
aux deux niveaux d'enseignement élémentaire
le premier niveau
avec les cours 1, 2, J, 4, le second avec les cours 5 et 6, chacun
des 2 derniers cours durent deux ans.
Le but des écoles de station n'est pas seulement de préparer à un
emploi mais de permettre une formation élémentaire soignée. Chaque
école comporte généralement un internat dirigé par un missionnaire
pour assurer un contrale plus strict des élèves. les programmes
s'établissent comme suit 1
I.
Histoire Bibligue : Ancien et Nouveau Testament
Approfondissement de ce qui a été vu dans les écoles extérieures.
II. Langue Ewé :
Ici on insiste plus sur la grammaire, la structure
des phrases ••• Le but général de ces cours est d'affermir la
connaissance par l'élève de sa propre langue.
III. Langue allemande: C'est dans les écoles de station que l'allemand
prend toute son importance. Les élèves doivent 3tre capables à
court terme, de pouvoir s'exprimer corregtement et très simplement
par écrit et oralement en Allemand. A long terme, ils doivent
pouvoir lire et comprendre des imprimés et 3tre à m3me de recevoir
une formation plus poussée.
IV. Ar! thmétigue
Partant des opérations sur les nombres allant de 1 à 200, les
élèves doivent 3tre capables à la fin de leur scolarité de
manier n'importe quelle opération sur n'importe quel chiffre.

- 73 -
On introduit progressivement le calcul monétaire,
l'argent, le
poids et les mesures allemandes. La règle de trois, le calcul des
intértts, les fractions décimales ••• On insiste tout particulièrement
sur la nécessité des exercices pratiques.
v. Géographie
Comme partout, dit le texte~ l'enseignement de la géographie doit
partir de la pattie et de la géographie du pays. Ensui te on élargit
les connaissances à l'Afrique, vient alors l'essentiel sur le monde,
les cinq continents. On accorde une attention particulière à l'Europe
avec ses ptincipaux pays, de mIme qu'à l'Allemagne et à ses colonies.
L'utilisation d'une carte ou d'un globe est indispensable. Un examen
plus détaillé des programmes de la 5ème, 6ème et 7ème année nous
révèle les points suivants f
cinquième année 2H Connaissance de la géographie du Togo
Survol de l'Afrique et surtout étude des colonies allemandes.
Sixième année 2H L'Europe f
Généralités (géographie physique)
ses Etats et ses principaux pays. Etude approfondie de l'Allemagne.
Les possessions allemandes en Afrique. Géographie du Togo.
Septième année -
Présentation simple des continents. Les Etats
et les villes les plus importants avec leurs produits. La Palestine
au temps de Jésus et à l'époque actuelle. Révision de l'Allemagne
et de l'Europe.
Quant au programme d'histoire, i l est assez étonnant. A titre
d'illustration~ nous présentons les matières des deux dernières
années des écoles protestantes.

- 74 -
VI. Histoire
Le texte précise: Etant donné l'inexistence d'une histoire locale,
(le peu qu'on en sait jusqu'à présent peut 8tre communiqué en quelques
heures), l'enseignement de l'histoire comporte alors la présentation
des périodes les plus importantes de l'histoire mondiale et de
l'histoire de l'Allemagne à partir de 1886 (1). Nous avons alors pour
la Sixième année JH. Quelques périodes de l'histoire ancienne r
le peuple d'Israll, les Assyriens et les Babyloniens. Les guerres
entre les Perses et les Grecs. Alexandre le Grand. Les Romains
(Hannibal, César, Auguste Titus ••• La destruction de Jérusalem ••• )
Le Hoyen-Age - Aperçu des grandes invasions. Expansion du
Christianisme en Allemagne. Mahomet. Charles le Grand. Henri IV
et Georges VII. Frédéric Barbe Rousse et les Croisades. Inventions
et Découvertes.
la Septième année JH. Les grandes périodes de l'histoire contempo-
raine. La Ré~orme (Luther). La Guerre de JO ans (Gustav Adol~).
La Guerre de 7 ans (Frédéric le Grand). La réduction de l'Allemagne
(La reine Louise). La Guerre d'indépendance. La guerre ~ranco­
allemande (Empereur Guillaume 1er). Les trois empereurs allemands
depuis 1871.
Le tableau de la page suivante nous donne une vue plus globale des
matières des écoles de station.
1. BQrgi Ernst : Lehrplane aus der Jahre 1904
Archives de la Bibliothèque de la Mission de Br~me JN J05.

- 75 -
Hatières des quatre années d'enseignement des écoles de station

1. Histoire biblique
5H
2. Enseignement du catéchisme
lH
Biographie
lH
J. Langue éwé
a) Lecture
JH
JH
2H
2H
b) Rédaction - Dictée
2H
ZH
ZH
ZR
c) Calligraphie
JH
JH
2H
"H
4. Allemand Lecture, écriture, rédaction
5H
5H
5H
5H
5. Arithmétique en éwé et en allemand
4H
4H
4H
4H
6. Géographie
1H
ZR
2H
7. Introduction à l'histoire du monde
JH
JH
8. Dessin
ZR
2H
2H
9. Chant
Chansons éwé et allemandes
...1!L ...1!L ..2!L- ....l!!....
Z7H
28H
JOH
JOH
10. Travaux manuels: Tous les jours entre 16H et 17H et
Gymnastique.
Il n'y a pas lieu d'entrer ici dans une appréciation
critique de ce programme d'enseignement. '~'il nous soit toute~ois
permis de ~aire remarquer que les élèves qui terminent le cycle
peuvent postuler un emploi quelconque dans l'administration ou
bien se ~aire engager comme enseignant che. les missionnaires
ou encore entrer dans un cours complémentaire.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . _ - - - -~--

- 76 -
Les dirrérentes missions ne sont pas limitées à dispenser
seulement un enseignement élémentaire. Elles ont connecté aux écoles
élémentaires des cours complémentaires, proressionnels et des
séminaires.
d) L'école proressionnelle catholigue
L'école proressionnelle catholique rut l'une des réalisa-
tions les plus importantes de cette mission en 1905. Le livre blanc
orriciel du parlement d'Allemagne de l'année 1905 mentionne
l'évènement. nA Lomé, on vient de construire un bttiment de trente
mètres de long à deux étages. C'est une école proressionnelle
dirigée par six rrères allemands. Les élève8 sont recrutés parmi
les candidats ayant au moins rait quatre années de scolarité primaire.
Ils sont rormés dans neur ateliers dirrérents : menuiserie, charpente,
sculpture sur bois, imprimerie, peinture etc." (1).
Cette école comptait soixante deux élèves en 1910. Elle a
roumi au Togo les premiers ouvriers qualiriés. Elle a reçu un soin
particulier durant la période rrançaise. Enrin elle a résisté à
l'épreuve du temps et existe encore actuellement avec quelques
modirications inévitables.
La Mission de Breme n'a pas créé· d'école de ce genre. Elle
a cependant à son compte, tout comme l'administration et les catho-
liques d'ailleurs, une école complémentaire ou de perrectionnement
(Fortbildungsschule) c'est cette école que nous allons présenter.
1. Koloniale Rundschau, Hert 7 Jahrang,
1905, p. 48}.

- 77 -
e) Les écoles complémentaires
Les missions avaient cherché à former des auxiliaires et
des ouvriers qualifiés, animés d'un esprit chrétien, pour les
différentes profesaiona du secteur priTé e1; publia. Il. exis1;ait aJ.ors-.
comme nous venons de le dire, dans le protectorat allemand trois
écoles complémentaires : catholique, protestante et officielle.
L'enseignement dans les écoles privées était entre les
mains des missionnaires, assistés de jeunes togolais formés à cet
effet, et se déroule essentiellement en langue allemande. La durée
de la scolarité est de deux ans.
Voici le plan d'études de l'école complémentaire protestante.
~
1!lli1ll
~
~·lERCREDI
~
VENDREDI
N A T l
N
0O-9H15
Religion
Zoologie
Religion
Physique
Religion
115- 1OH
Physique
Sténo-
Lecture
Histoire de
Sténo-
graphie
l'Allemagne
graphie
lH-llH
Botanique
Arithmé-
Exerc. de
Rédaction
Arithméti-
tique
style
que commer-
Sténogra-
cial
phie
A P RES - H l D l
[-JH
Géographie
Traduction
Arithmétique
Grammaire
Géométrie
Ewé-Alle-
Géométrie
Arithméti-
mand
que
r-4H
Orthographe
Chant
Dessin
Chant
Calligra-
phie
:-5H
Activités
Activités
Gynmastique
Activités
Dac tyl 0 gra-
libres
libres et
libres et
pme
Dactylogra-
phie
-9H
Comptabilité
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

- 78 -
L'impression qui se dégage de la lecture de ce plan d'étude,
c'est la disparité des matières. Celle-ci s'explique par l'objectif
de cette école qui est de former les différents commis : bureau, aide
commerce, interprète, etc.
Le dernier niveau de l'enseignement des missions est
constitué par les IILehrerseminar" ou écoles normales.
f) Les écoles normales
Les écoles normales avaient pour but de former des institu-
teurs et des assistants aux deux congrégations,
catholique et
protestante. Comme le souligne le R.P. Feldmann au sujet de l'école
normale catholique de Bla, l'accent était mis sur la "formation du
caractère et de la volonté à donner aux élèves-mattres, car ils ne
seront pas seulement des Apetres de la religion, ils doivent 3tre
aussi moniteurs, catéchistes, gardiens de la morale ll
(1). Ce qui
explique la place prépondérante de l'enseignement religieux dans le
programme.
L'école normale protestante, fondée à Amedzowe en 1894,
a connu un développement prodigieux sous la direction du missionnaire
suisse allemand BOrgi,
surnommé par ailleurs, le "Père de l'école",
en raison de ses nombreuses publications dans le domaine scolaire.
Cette école normale protestante comptait en 1914,
107 élèves
(~).
L'enseignement durait quatre années. A titre indicatif nous présentons
à la page suivante le programme de l'école normale protestante.
1. Feldmann R.P., Rapport de 1909 sur l'école normale des instituteurs
de Bla, Lomé, Archives de la Bibliothèque nationale, Série
administration allemande.
2. Debrunner, op. cit p. 125.

- 79 -
1. Connaissanoe de la Bible
2H
2. Catéchisme :
2H
3. Enseignement des dogmes
: 6H
4. Explications de l'Ecriture Sai.nte 1 6H
5. Homélie 1 4H
6. Histoire de l'Eglise 1ère et 2ème années
4H, 3ème année lH
7. Pédagogie et m4thodologie : 2H
Exercices pratiques : quatre fois par semaine
8. Langue Ewé 1 4H
9. Langue allemande
5H
la. Arithmétique : 4H
11. Géographie
2H
12. Histoire: 2H
lJ. à 18. Dessin, Ecri~e, Harmonium, Chant, Gymnastique et
travaux manuels.
Les horai.res hebdomadaires du programme de l'école normale
protestante sont assez énormes. Ceux des catholiques n'échappent
d'ai.lleurs pas à cette règle. Les élèves ont un minimum de trente
heures par semaine.
Cette présentation des structures et programmes des écoles
confessionnelles doit nous permettre de relever les caractéristiques
des écoles officielles. Pour respecter la chronologie historique,
signalons que les écoles privées n'ont pas subi de profondes modifi-
_cati0n8 jusqu'en 1905, période à partir de laquelle, l'administration
coloniale commença à réglementer sérieusement l'enseignement et son
organisation.

- 80 -
CHAPITRE III - Les Etablissements d'enseignement publics
Le fait qu'il y ait au Togo, deux enseignements, le confes-
sionnel et le public, était imposé par les circonstances. Nos dévelop-
pements antérieurs nous ont montré qu'à l'annexion du pays par les
Allemands, les missions étaient déjà à pied d'oeuvre dans le
territoire. Nous a~ons aussi souli~é la place que les missions
réservaient à l'école.
L'administration coloniale elle, avait une vue étroite et
plus pragmatique de la question scolaire. De plus, ses priorités
semblent 3tre différentes, dans la mesure où au départ, i l fallait
avant tout poser les bases, les structures qui puissent répondre
aux obj ectifs de l'expansion coloniale Ou tre-~ler.
Dans l'un de ses ouvrages sur la politique coloniale,
SoIf, ancien gouverneur et secrétaire au Ministère des Affaires
Etrangères et à l'Office Impérial des colonies, révélait que
l'expansion allemande relève avant tout de "considérations écono-
miques" ••• Hais, poursuivait-il, l'administration n'avait rien
contre l'enseignement des missions, qui au contraire, paliait
la carence du gouvernement en ce domaine"
(1).
En fait,
pour ce qui concerne le rele des églises coloniales,
le paragraphe 14 de la loi du 10 Septembre 1900 stipulait:
1. SoIf W.H., Politigue coloniale, mon testament politique, Berlin,
Ed. Reimar Hobling,
1919, p. JO.

-
81
-
ftAux autorités des communautés religieuses reconnues dans l'empire
allemand sont garanties, dans les colonies, la liberté de conscience
et la tolérance religieuse. L'exercice libre et public des cultes,
le droit d'élever des constructions pour le service de Dieu et le
droit pour les communautés religieuses d'installer des missions ne
se trouvent en aucune façon soumis à une limitation ou à un empêche-
ment légalft (1).
Mais comme dans toute politique coloniale, l'administration
pensait avoir un autre rele à
jouer. En effet, Solf devait écrire :
ftUne politique coloniale active n'a pas uniquement pour but d'exploite~
ces pays selon la mesure des besoins de la mère patrie : elle doit
aussi collaborer à la grande tâche qui incombe aux gr~des nations
civilisées à l'égard des tribus qui peuplent ces contrées ••• la
tâche de les élever intellectuellement et moralement ••• de les
amener à un degré plus haut de moralité (2).
L'école semble être le lieu le plus adéquat pour éduquer
intellectuellement et moralement les peuples non "civilisés".
Nous allons voir dans quelle mesure, les objectifs, les structures,
les métho4es et le contenu des écoles publiques répondent à ces
principes ainsi définis.
Sur l'ensemble du Schutzgebiet Togo, i l y avait quatre
écoles du gouvernemen~ (Regierungsschulen) de différent niveau :
1. Reichsgesetzblatt,
1900, p. 81).
2. Solf, op. cit, p. )1.

-
82 -
les écoles primaires publiques
une école complémentaire
une école professionnelle
une école d'agriculture
1. Les écoles primaires publiques
D'après le colonel Haroix, les autorités coloniales
allemandes auraient pensé que "l'éducation européenne convient mal
à la race noire, qu'elle rend arrogante et paresseuse" (1). Ce qui
les aurait poussé à n'en dispenser pas du tout ou presque pas. Pour
l'instant, rien ne nous permet de confirmer ou de rejeter cette
réflexion. Nous verrons au cours du bilan, le bien fondé de cette
affirmation.
En fait l'ouverture de la première école publique remonte
au mois de Novembre 1891. Cette école fUt placée sous la direction
d'un instituteur allemand, Koebelle,
et fonctionna à ses débuts à
Anécho, alors chef lieu administratif du territoire. Six ans plus
tard, l'école fUt transférée à Sebevi, situé à JO kilomètres d'Anécho,
à cause de la proximité de la mer.
La deuxième école publique se trouvait à Lomé et comptait
au début de l'année 1910, 112 élèves (2).
1. Maroix, Le Togo, pays d'influence française, Paris, Ed. Larose,
1937, p. 27.
2.
firkl Geh,
"Die Eingeborenen Schulen in den deutschen Kolonien
Afrikas und der Sadsee", II Togo, Koloniale Rundschau, Juli 1912,
Reft 7, p. 405.

La troisème école publique, de construction très tardive
(1911) a été ouverte à Sokodé, sous la direction de Knepers.
Ces trois écoles primaires construisent leurs programmes
sur une durée de cinq ans. La majorité des élèves est pensionnaire.
L'horaire hebdomadaire d'enseignemen~ est de 28H J/4 à Lomé, et de
J1H à Sebevi.
Le programme mettait un accent particulier sur l'enseigne-
ment de la langue allemande, et comportait en outre des leçons
d'arithmétique (les quatre opérations, les fractions décimales etc),
de sciences (scienaes na~relles, géographie, histoire).
Les élèves des écoles publiques, qu'on reconnaissait à
leur uniforme, devaient faire preuve d'une grande discipline. Tous
les pensionnaires étaient occupés les après-midis de 16H à 17H à
l'entretien et à la propreté des routes, au défrichage des terrains
et aux travaux de propreté en général. De 17H à
18H, i l Y avait ce
que l'on pourrait appeler les activités libres. Les élèves pouvaient
cultiver les champs qui leur étaient alloués, se baigner, p3cher etc.
Ce que l'on visait avant tout, en dehors de l'instruction élémentaire,
c'est l'acquisition par les élèves d'une discipline rigoureuse et
de bonnes habi~des de travail.
En dehors de l'examen final qui a lieu à la fin de la
cinquième année et la remise des dipl~mes, les élèves devaient
s'engager par contrat à rester au service de l'administration
coloniale pendant une durée de six ans minimum.
Ceux qui n'étaient pas immédiatement employés par l'awninis-
tration, pouvaient sur leur demande et après avis favorable, entrer
à l'école complémentaire qui consti~ait un niveau plus élevé.

- 84 -
2. L'école complémentaire
En ouvrant cette école en 1911 à Lomé, l'administration
coloniale allemande voulait en quelque sorte 'répondre aux voeux
de certains parents aisés du territoire qui envoyaient leurs en~ants,
après leurs études primaires dans les ftHigh school n à Keta ou à Lagos.
L'ouverture de cette école est donc tardive. D'ailleurs,
sa n4cessité nese
~aisait pas sentir dans la mesure où les élèves
qui terminaient l'enseignement primaire pouvaient soit entrer dans
la vie active soit aller dans l'un ou l'autre des cours complémen-
taires privés.
Quoiqu'il en soit, l'école de per~ectionnement avait pour
but de compléter l'instruction reçue dans les écoles primaires et de
permettre aux élèves, après deux années d'études de trouver un
emploi dans l'administration.
Le programme de l'école était assez hétéroclite dans son
ensemble et on souhaitait ~ormer les jeunes pour des activités
assez variées. Il y avait au programme : la sténographie, la
dactylographie, la comptabilité, la rédaction de lettres commerciales
et de rapports, de simples travaux de relevés avec le mètre ou le
compas, l'établissement de croquis, l'utilisation d'instruments
météorologiques etc.
Voici oomment se répartissaient les matières par semaine
et sur les deux années d'études (1).
1. "Lehrplan der Kaiserlichen Fortbildungsschule zu Lomé",
Koloniale Rundschau, He~t 7, 1912, pp. 416-417.

- 85 -
1ère Année
~
~
~
Hercredi
~
Vendredi
Samedi
ff-9H
Rédaction
Arithmé-
Géométrie
Rédaction
Cal. cul
tique
ff-l0H
Grammaire
Grammaire Lecture
Grammaire
Grammaire
Excursions
0-11
Calcul
Descrip-
Orthographe Cal. cul
Lecture
Exercices
tion de
]a ra1:Iu1r
de
1-1.2
Physique
Géogra-
Dictée
Physique
Géographie
Dactylographie
phie
-JH45
Géométrie
Botanique
Description
de la nature
ff45 à
Dessin
Chant
ffJO
Ecriture
Ecriture
Géométrie
~ème Année
~
~
~
Hercredi
~
Vendredi
i-9H
Rédaction
Géométrie Calcul
Géométrie
Calcul
{-lOH
Grammaire
Chimie
Grammaire
Grammaire
Sciences
commerciales
)-llH
Calcul
Géogra-
ISCionca,
Lecture
Compositions
phie
libres
1-12H
Physique
Orthogra- Commer-
Physique
phe
ciales
.JH45
Lecture
Géogra-
Exercices
phie
Dessin
Chant
de
145-
lJO
Sténo-
Dessin
Sténographie
graphie

-
86 -
J.
L'Ecole Professionnelle (Handwerksschule)
A c8té de l'école professionnelle de la ~lission Catholique,
celle du gouvernement avait plut8t l ' a i r de parent pauvre. La princi-
pale caractéristique de cette dernière école est qu'elle est ouverte
aussi bien aux élèves qui .ont suivi l'enseignement des écoles
primaires qu'à ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans une école.
Il n'y a aucune discrimination à l'entrée. D'après le rapport annuel
1910-1911 sur 25 élèves qui fréquentaient cette école en 1909,
10 n'avaient reçu aucune instruction scolaire auparavant. Dans ce
contexte,
tous les élèves s'engageaient par écrit à suivre la partie
théorique de l'enseignement qui comprenait la grammaire, la lec~re,
le calcul et la partie pratique (1).
Une réorganisation du programme intervint cependant en 1910.
On mit plus particulièrement l'accent sur la formation pratique,
tout en essayant de calquer les struc~res de cette école sur les
Etablissements du même genre qui existaient en Allemagne et plus
particulièrement à Nordlingen et Gemund. C'est surtout sous la
direction du maltre Kottman que l'enseignement de cette école prit
un tournant nouveau (2).
D'après le rapport précité, en 1910, sur ~5 élèves inscrits,
i l y avait 14 menuisiers,
7 serruriers et 2 tailleurs. A la même
période l'école professionnelle catholique comptait 62 élèves.
Il faut enfin signaler qu'au cours de leur formation,
les élèves
percevaient une petite rémunération de 40 Pfennings la 1ère année,
50 en 2ème année et 60 en Jème année.
1. Koloniale Rundschau, op. cit, p;
142.
2. ibid p. 144.

- 87 -
Mais ils s'engageaient à travailler à la fin de leurs
études au service du gouvernement pendant une durée minimum de
six ans et acceptaient d'Itre payés selon le barlme local.
4. L'Ecole d'Agriculture
L'une des réalisations de l'administration et qui mérite
une attention particu~ière est l'école d'agriculture de Nuadja.
Cette réalisation est importante par ~a philosophie qui se
trouve à la base de la création de cette école et les énormes
dépenses qu'on a affectées à ce domaine.
C'est sous la direction du comité colonial économique
(Kolonia~ iiirtschftliche Komitee) que fUt ouverte cette école le
1er Avril 1908 à Nuadja. Une circulaire du Gouverneur Graf Zecht
datée du 9 Hars 1907, détaille avec précision, le progranune
de formation à donner aux élèves (1). Etant donné la précision
de ce plan, les précautions de toutes sortes qu'on a prises
et les espoirs qu'on mettait dans cette école, nous allons
exposer certains points de cette circulaire qui en contient
en tout 13.
1. Bekanntmachung des Gouverneurs von Togo, betr. Anderung des
Programms far die Einstellung, Ausbildung und spKtere
Verwendung von Ackerbauschülern von den 26 November 1908,
Deutsches Kolonialblatt,
Berlin XX Jahrgang,
1909, pp. 88-89.
-----~---- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

-
88 -
1. La durée de la formation est de )
ans.
2. La sélection des indigènes à placer dans l'école d'agriculture
de Nuadja doit 3tre faite avec le plus grand soin. Ces élèves
doivent 3tre intelligents et aussi disciplinés que possible,
fort physiquement, âgés de 20 ans au moins et de 2) au plus •••
d'origine paysanne et aimer leur profession.
). Les élèves qui ne donnent pas satisfaction au cours de la
1ère et de la 2ème année doivent 3tre renvoyés par le directeur.
5. Au cours de leur formation,
les élèves reçoivent 12 Mark
la première année, 15 la deuxième et la troisième année.
En outre le produit de la récolte d'un champ d'un hectare
qu'ils auront personnellement cultivé pendant la troisième
année leur reviendra.
6. A la fin de chaque année a lieu un examen devant une personnalité
nommée par le gouverneur
8. Les élèves qui ont fini leur formation retournent dans leur
village d'origine et s'établissent sur un terrain qui leur
est désigné par l'administration de la région. Chacun de
ces élèves aura une concession de huit hectares.
9. Chaque élève
reçoit à la sortie de l'école, une charrue,
une pioche, une machette, une fourche à rumier, quatre
cha!nes de traction et un seau donnés par l'école.
L'administration régionale met au service de chaque élève
2 ou )
jeunes hommes robustes qui l'aideront dans l'exécution
de sa tâche.

-
89 -
10. Jusqu'à l'engagement des premiers produits des champs, les élèves
sont nourris par l'administration régionale.
12. On doit contr81er le plus possible ces élèves agriculteurs dans
leur activité et chaque année, après la récolte, le 1er Juin,
on enverra un rapport au gouverneur sur le résultat de leurs
travaux.
13. Les récoltes demeurent la propriété de l'agriculteur. Ce dernier
sera soutenu autant que possible pour la mise en vente de ses
prodUits.
A lire tous ces points, i l semble qu'on ait pris toutes les
mesures pour assurer le succès de cette entreprise. Malgré tout,
l'expérience s'est soldée par un échec. Si le rapport annuel sur
les protectorats allemands de 1910-1911 insiste sur l'ardeur mise
par les élèves dans leur tâche, i l semble que l'école et les
installations aient eu à lutter contre plusieurs difficultés,
principalement la mort fréquente du troupeau, ce qui complique
l'introduction de la culture à la charrue (1).
Nous n'avons pu malheureusement trouver d'autres informations
de source allemande sur les causes exactes de l'échec de cette
expérience. L. Péchoux pour sa part l'explique par le fait que
"revenu dans son milieu d'origine, l'indigène reprenait rapidement
ses habitudes ancestrales, perdant tout le bénéfice de l'enseignement
reçu pendant les trois années d'études à Nuadja"
(2).
1. Koloniale Rundschau,
1912, op. cit, p. 408.
2. pechoux L., Le mandat français sur le Togo, Dijon,
1939, p. 176.

-
90 -
Quoiqu'il en soit en 1912, sous l'administration du
gouverneur von Doering, l'école d'agriculture fut transformée en
station modèle. Les instructions du gouverneur concernant la réforme
de cette école stipulent 1 (1)
1. L'Ecole d'Agriculture de Nuadja est transformée en station
modèle pour les produits cultivés dans le pays tels que le
coton, le mals, l'arachide, les haricots.
2. Le but de cette station est
la culture des semences en
vue de leur amélioration.
J. Les indigènes qui travaillent à la station sont engagés pour
deux ans et retournent après ce délai dans leur village •••
i l n'y a plus d'enseignement théorique, ni d'établissement
particulier.
Ce nouveau programme montre parfaitement les modifications
intervenues. En tous les cas, en dehors de la station dont nous
venons de parler, l'administration en possédait d'autres plus réduits
soit cinq au total. Le budget allemand de 1914 pour l'agriculture
s'élevait à 212.000 DM. de dépenses contre 160.000 DM. en 1912 dont
145.000 étaient affectés à l'entretien de 3 stations. Cela démontre
encore une fois l'importance qu'on accordait à l'agriculture.
Il faudrait cependant parler d'un projet du Père Wolf,
régional de la Congrégation du Verbe Divin, qui avait tenté, sans
succès, de convaincre l'administration de la nécessité pour les
catholiques de créer une école d'agriculture pour les Togolais.
1. "Bekanntmachung des Gouverneurs von Togo betr. die Umgestaltung
der Ackerbauschule Nuadja W,
Deutsches Kolonialblatt, XXIII
Jahrgang, 1912, p. 930.

-
91 -
Le Père ~'lolf remarqua que ••• "Le Togo-Sud possède déjà relativement
beaucoup d'écoles publiques qui s'occupent de l'éducation et de la
formation intellectuelle de la jeunesse. A cOté se trouvent des
établissements postscolaires qui ont pour t4che de permettre aux
élèves de se perfectionner dans le but de trouver plus tard un
bon emploi, .comme écrivain, interprète et employé de commerce.
Une école professionnelle a pris pour but de former des ouvriers
de différentes branches au moyen de travaux pratiques, combinés
avec l'instruction spéciale s'y rapportant ••• "
Il
Maintenant i l nous appara!t et l'idée nous poursuit avec
force que notre population du Togo dont la majorité s'adonne aux
travaux des champs doit 3tre maintenue dans cette voie si nous
voulons le bien-3tre de la population en désirant pour la colonie
du Togo plus de bienfaits possibles. Hais i l n'ex:i.ste pas au
Togo d'école dans laquelle des jeunes garçons reçoivent une
instruction spéciale pour l'agriculture, notamment au moyen de
travaux pratiques ••• Ceux qui connaissent la situation locale
regrettent certainement comme nous, qu'il n'existe à cOté
de nombreuses écoles publiques, aucune école d' agricul ture"
(1).
Pour le Père liolf, cette nouvelle école devrait avoir un
programme très simple: la culture du terrain d'une part, l'élevage
et lee soins à donner aux animaux domestiques d'autre part. En
somme i l s'agit d"insuf'ler aux gens le goQt et l'amour de l'agricultur(
leur donner des connaissances théoriques et avant tout pratiques,
pour qu'ils soient capables de faire l'exploitation agricole par
eux-m3mes suivant une méthode rationnelle" (2).
1. Lettre adressée par le Père Franz Wolf au Gouverneur Impérial le
20 Octobre 1912. Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo
Sér:ie Administration allemande.
2. Idem

- 92 -
Pour atteindre cet objectif, on envisageait de répartir
les élèves obligatoirement pensionnaires en 2 groupes.
A ceux qui s'engageaient à rester deux à trois ans, autant que
faire se peut, on donnera l'instruction (lecture,
écriture, calcul)
dans la langue du pays.
Ceux qui désiraient rester plus longtemps devraient passer par toutes
les phases de l'~struction.
Pour le promoteur de cette école, ce dernier groupe d'élèves
était nécessaire pour avoir d'une part des gens d'une certaine
intelligence aptes à devenir de véritables agriculteurs et d'autre
part pour en tirer des éléments nécessaires pour le métier de
moniteurs, ces derniers devant 3tre capables plus tard d'instruire
effectivement leurs élèves et aussi d'autres indigènes suivant la
méthode préconisée.
Ce projet de la Mission Catholique ne verra jamais le jour
pour différentes raisons,
entre autres, la question relative à
l'acquisition des terrains par les Missions et surtout l'échec
retentissant de l'école d'agriculture de l'administration malgré
toutes les précautions prises.
Un petit compte très rapide indique à l'actif de l'admi-
nistration, six écoles, se répartissant en trois écoles primaires,
une école complémentaire, une école professionnelle et une école
d'agriculture. L'ensemble des élèves fréquentant toutes ces écoles,
ne dépassant guère le chiffre de trois cent cinquante. On pourrait
~tre tenté d'affirmer que l'administration coloniale ne s'est pas
vraiment occupée de la question scolaire.

- 93 -
Si cette affirmation semble fondée, i l serait néanmoins
faux de s'en tenir, durant la colonisation allemande, à l'existence
de deux enseignements comprenant d'un cBté, l'enseignement confes-
sionnel, relativement développé, avec ses buts propres, et de
l'autre cBté quelques écoles officielles.
A une période caractérisée par les initiatives scolaires
des missions, appelée "époque glorieuse des ~iissions", a succédé
une autre période où l'administration coloniale a cherché à infléchir
la politique scolaire dans un sens qui corresponde à ses objectifs
Cette période, que nous allons '~aintenant aborder, a été
marquée par les conflits de relations entre les sociétés missionnaires
et les autorités coloniales d'une part, et par le souci de ces
dernières de donner un souffle nouveau à la politique scolaire
d'autre part.
=-=_=_=_:z-=_=_=

- 94 -
CHAPITRE IV- Les relations des Missions avec les autorités coloniales
D'une manière générale, on peut affirmer que l'administration
coloniale a abandonné l'enseignement aux seules initiatives mission-
naires. Elles se bornait à les soutenir et à les subsidier plus ou
moins généreusement. Mais petit à petit, l'administration, sans pour
autant augmenter le nombre de ses écoles, a cherché à prendre en mains
l'organisation générale de l'enseignement au Togo.
Cette attitude peut se comprendre si l'on considère l'ampleur
de l'oeuvre à accomplir, la complexité et la répercussion que telle ou
telle tendance,
telle ou telle méthode peuvent avoir sur l'avenir de la
politique coloniale allemande en général.
Le gouvernement colonial, sans détenir, loin de là, la
majorité des écoles, entendait assurer cependant et de différentes
manières une unité de direction à toute l'oeuvre scolaire.
L'année 1905 représente le tournant de cette politique.
C'est à l'occasion des discussions autour de deux problèmes qui sont
1) les conflits de discipline
2) le problème de la langue d'enseignement que l'administration va
tenter d'imposer ces points de vue en matière scolaire.
Ce sont ces deux faits qui vont conditionner en quelque sorte
l'évolution de la politique scolaire allemande.
1. Les conflits de discipline
A l'annexion du Togo par l'Allemagne, l'administration
coloniale fit immédiatement appel à la Mission de BrAme, pour qu'elle
abandonne son champ d'actiVité en grande partie dans le territoire
sous contrele anglais, et qu'elle s'établisse dans le nouveau
protectorat allemand.

- 95 -
A ce égard, l'attitude de cette société missionnaire a été
très caractéristique sinon unique. Zahn inspecteur de cette société
devait manifester sa position en face de la colonisation en ces termes:
"Le drapeau allemand ne peut Itre le signal d'appel à l'oeuvre
missionnaire. Je suis complètement opposé aux colonies, et i l suffit
de dire cela aujourd'hui pour Itre considéré comme un ennemi de
notre pays. Mais lorsqu'un missionnaire commence à s'occuper de
politique et par son influence développe les acquisitions coloniales
de l'Allemagne,
je maintiens que quelles que puissent Itre ses
intentions, i l commet une grave erreur sinon un crime" (1).
Zahn reconnaissait cependant la possibilité pour la mission
de BrIme d'entreprendre l'évangélisation au Togo, ceci d'autant plus
que, comme l'avaient établi des prospections effectuées à l'intérieur
de cette zone, i l y avait une grande partie du peuple Ewé.
La Mission de BrIme finira par accepter l'appel de
l'administration coloniale. Hais Zahn mettait constamment et à chaque
occasion, les missionnaires devant la réalité. Parmi les dangers qui
menacent
les missions, i l plaçait au premier rang "celui de voir
la mission qui appartient au Royaume de Dieu, @tre appropriée par
le c>euple allemand, de la voir se "nationaliser" (2).
C'est un refus qu'il exprime au cours des débats de la
neuvième conférence missionnaire continentale. n~e la conqulte
coloniale soit placée sous l'égide divine, que Dieu fasse -
comme
de tout - de ce mouvement par lequel se fondent de nouvea~~ royaumes,
un chant à la gloire de son règne, "il s'agit là d'une "theodicée",
mais on ne saurait en tirer une justification pour des actions
mauvaises" (Z).
1. Lettre de Zahn à Spieth citée par Debrunner,
op. cit, p.
180.
Z. Allegemeine Missionsza1tsc~ft 13, 1886, p. 203.
--------------------------------------

- 96 -
Zabn lance alors cet avertissement :
"Un moment de bienveil-
lance divine et humaine. comme celui qui est actuellement accordé
à la mission allemande ne doit pas Otre manqué; mais ce serait un
moment fatal s ' i l devait Otre pour la mission l'occasion de la
tentation à laquelle celle-ci succomberait en se sécularisant" (1).
Selon Zabn,
le danger de la sécularisation est avant tout
représenté par la "nationalisation" de la mission, i l s'agit là pour
elle d'un danger mortel, car la mission n'a été possible "qu'en
~aisant éclater les limites de la nation et parce que le Royaume
de Dieu doit primer toute chose" (2).
Les successeurs de Zabn. les pasteurs Martin Schlunk et
;nLhern Schreiber donneront consciemment ou non à l'oeuvre missionnaire
une couleur nationale en reconnaissant les droits de l'Etat dans les
colonies. ;·jartin Schlunk reconnais sai t
: "l'action audacieuse
nationale du gouvernement n'avait pas porté préjudice au fondement
religieux, mais au contraire avait été source de succès,
•••
car
finalement la "iission de l'Allemagne du Nord n'avait pas seulement
amené les Togolais vers le Christianisme mais aussi les avait éduqués
à l'obé!ssance envers l'autorité coloniale, au respect des supérieurs.
au travail assidu. à la discipline et à la fidélité"
(3). Le contenu
religieux de ces propos débouche de toute évidence sur des conclusions
politiques •. On comprend dès lors, pourquoi lors d'un jubilé de la
Mission protestante de l'Allemagne du Nord, un représentant ~u
gouverneur colonial a offert la croix de l'''Aigle Rouge" au pasteur
Schreiber pour les bons et loyaux services rendus (4).
1. Allgemeine Missionsmeitschrift 13,
1886, p. ~10.
2. ibid p. 204.
3. Schlunk, Geschichte und Eigenwart der Norddeustche ~tission.
op. cit p. 15
4. Debrunner, op. cit p. 214.

-
97 -
Du caté des catholiques, la première démarche des autorités
coloniales fUt d'intervenir auprès du Saint-Siège pour faire remplacer
les missionnaires français qui travaillaient sur la ca te par d'autres
de nationalité allemande. Car le mot d'ordre était :
"A colonie
allemande, missions allemandes".
L'administration obtint satisfaction lo~sque le Saint-Siège
envoya au Togo dès le 1) Mars 1892, les Pères de la société du
Verbe DiVin.
Dans un premier temps, l'administration coloniale ne fit
rien pour freiner l'action des missionnaires. Ces derniers pouvaient
ouvrir des écoles comme ils voulaient et palliaient en quelque sorte
la carence du gouvernement en cette matière. Par ailleurs comme
devait le reconna1:tre SoIf: "L'oeuvre des missions, leur travail
infatigable mis au service de la conversion, le fait qu'elles
s'occupent méthodiquement de toutes les affaires des indigènes et
qu'elles étudient les besoins de ceux-ci, tout cela représente une
telle abondance d'efforts directs et pratiques de colonisation
qu'aucun gouvernement clairvoyant ne voudrait renoncer à leur
précieux concours" (1).
Cette coeXistence prenée et voulue allait se g~ter en
particulier au sujet de la question des punitions corporelles -
i l n'est un secret pour personne que les méthodes des administrateurs
colon:l.aux allemands étaient souvent brutales -
et de la langue
d'enseignement. Les relations étaient tellement tendues que
certains catholiques n'ont pas hésité à parler de "Kulturkampf" (2).
1. ~~ller, op. cit, p. 252.
2. Préci9~ que le Kulturkampf n'a pas permis justement de créer cette
congrégation d& catholiques &n All&magne •. C&tte in:l.tiative fUt
prise &n 1875 à Steyl (Pays-Bas).

-
98 -
Nous devons donc ouvrir une parenthèse pour parler
brièvement du Kulturkampf. Ceci nous permettra de mieux comprendre
la suite de nos développements.
Des études qui ont été consacrées à ce mouvement qui a
duré en Allemagne de 1872 à 1888, on peut trouver à l'origine du
Kulturlcampf, des raisons religieuses et des raisons politiques.
Certains historiens conçoivent le Kulturkampf comme
un duel entre deux cultures, la culture germanique et la culture
romaine, ou pour employer un néologisme, entre le "germanisme"
et le "romanisme". Cependant le Kulturkampf est plus que cela.
Bismarck cherchait depuis longtems à paralyser l'important
parti du centre de son gouvernement, constitué de catholiques. La
proclamation de l'infaillibité pontificale par le Vatican l
allait
lui servir d'occasion pour viser le centre et en mAme temps frapper
l'Eglise Catholique.
Par ailleurs, comme le Pape refusait de faire pression
sur le centre pour qu'il se montre plus favorable à la politique
du chancelier, ce dernier nomma un ministre des cultes intransigeant.
A partir de là les mesures hostiles à l'Eglise Catholique se
succédèren t.
L'inspection des écoles fut enlevée aux enseignants
religieux, des prAtres étrangers furent expulsés, des congrégations
furent dissoutes (Jésuites, RédemptOristes, Lazaristes).
1. Pour cette analyse nous nous sommes essentiellement inspiré de
Kneib Alphonse, Conna!tre l'Allemagne, Paris, Masson et Cie,
1972, Tome II.
2. Goyaux George, Bismarck et l'Eglise, le Kulturkampf, Paris,
Librairie Perrin et Cie,
1911.

-
99 -
Le Saint Siège rompit alors les relations diplomatiques
avec l'Allemagne. Bismarck répliqua par d'autres mesures.
L'Allemagne était engagée dans un combat pour la défense
de la civilisation contre l'esprit rétrograde de l'Eglise, on
rappelait la longue lutte du Saint-Empire contre Rome (1). Les
petits seminaires furent supprimés. Il était maintenant possible
de faire appel d'une décision épiscopale devant une juridiction
civile. Le mariage civil devint obligatoire en Prusse et le ~ariage
religieux ne peut 3tre célébré qu'après le mariage civil ; les
autorités locales pouvaient intervenir dans les affaires de la
paroisse, le gouvernement se donna par une loi le droit de contrale
sur les administrateurs des diocèses vacants. Toutes les subventions
versées à l'Eglise Catholique se trouvaient également supprimées.
Les catholiques, loin de s'incliner, s'organisent et
ripostent. Ils fondent en 1872 l'Union des Catholiques Allemands
(Verein der Deutscher Katholiken). Les députés du centre se retrou-
vent plus nombreux aux différentes élections alors que les libéraux
partisans du Kulturkampf voient leurs suffrages diminuer. Plus
de cent députés du centre entrent au Reichstag en 1878. BiSMarck
est dans l'impasse, d'autant pills qu'il a besoin d'une Majorité
de rechange contre les socialistes.
Finalement des négociations s'engagent. Sntre 1880 et
1890, les lois anticléricales sont progressivement abandonnées.
Le Kulturkampf se termine donc par une victoire catholique, mais
i l a instauré une longue période de troubles et d'inséabilité en
Allemagne.
1. Kneib,
op. cit, p.
35.

-
100 -
Au Togo, les conflits entre l'administration et les missions,
les catholiques principalement, devaient atteindre un point très
critique dans la fameuse affaire d'Atakpamé ou l'affaire Schmidt.
Voici comment s'est déroulée cette affaire. En 1902, des
fonctionnaires du gouvernement accusaient ouvertement les catholiques
d'3tre des citoyens dangereux.
Parlant de cette dissension entre l'administration et les
catholiques, ces derniers n'ont pas hésité à utiliser le terme de
Kulturkampf. Le fait est que la population se plaignait à la mission
des châtiments corporels administrés par les autorités allemandes.
La loi les autorisait certes mais les abus ne manquaient pas. En
outre, on accusait l'administrateur d'Atakpamé, Schmidt, de délit
moral (1). Cet administrateur, en complicité avec un juge, Von Rotberg,
refusa les plaintes missionnaires et arr3ta trois d'entre eux.
Ce conflit prit des proportions inattendues et devait 3tre
réglé au Reichstag à Berlin. Dans son rapport de 1907, le gouverneur
exposait à son ministre à Berlin, ses plaintes contre la mission
catholique qu'il accusait de "mener une lutte sourde contre le
gouvernement" et concluait à un changement du personnel de la
mission (2).
1. Cornevin, Histoire du Togo, op. cit p. 198.
2. ~~ller K., Geschichte der Katholischen Kirche in Togo, op. cit,
p.
168.

-
101 -
Le ministre des colonies intervint à la légation de Prusse
auprès du Saint-Siège en la conviant "de présenter les plaintes dans
la forme voulue et d'insister avec la dernière énergie auprès du
Préfet de la Propagande pour obtenir ce rappel". Car dit-il "je n'ai
pas besoin de faire ressortir que le gouvernement allemand n'envisage
pas volontiers leur rappel par voie d'expulsion et qu'il n'usera
de ce moyen que dans le cas de nécessité extrème (1).
Ce conflit se termina d'une façon moins brutale. Le Préfet
BQckïng quitte le territoire le 27 Novembre 1907 et est remplacé
par le Père Sch~nig, candidat officiel du gouvernement.
La mission protestante méthodiste qui était cOQposée d'un
personnel de nationalité anglaise, ne ~t pas elle non plus épargnée.
L'administration fit tout pour les faire remplacer par des pasteurs
allemands. C'est ainsi que le pasteur \\lillington dut céder sa place
au pasteur ~Iullider. Ce dernier sera remplacé par Karl Ulrich
lequel cèdera à son tour sa place à Gottlieb Richer (2).
La mise en place d'un personnel favorable à l'action de
l'administration coloniale est donc réglée. Le second point de
divergence concerne le problème de la langue d'enseignement.
1. Copie de la lettre envoyée à la légation de Prusse auprès du
Saint-Siège par le ~~ni8tre des colonies, Avril 1907, Archives
de la Bibliothèque nationale de Lomé, Série administration
allemande.
2. Cornevin, op. cit, p. 207.

-
102 -
2. La langue d'enseignement
Le problème de la langue d'enseignement est fondamental.
De la présentation objective de la position des différentes forces
en présence, dépendra en grande partie, une compréhension des
objectifs ~sés et des idéologies sous-jacentes.
Pour la société missionnaire de l'Allemagne du Nord, le
problème était relativement simple. Dans l'optique où elle se plaçait
l'enseignement ne pouvait Otre donné, du moins dans les premières
années, qu'en langue locale, soit l'éwé. Précisons qu'en 1884, cette
mission possédait la plupart des livres scolaires en éwé. L'allemand
n'était enseigné que dans les classes supérieures, soit à partir
des écoles de station. En dehors de cette langue, on utilisait aussi
l'anglais dans la mesure où cette mission avait aussi des zones
(Ho, Keta ••• ) dans le territoire Voisin qui était sous domination
bri tannique.
Les catholiques de la société du Verbe Divin, arrivés au
Togo en 1892, s'étaient immédiatement lancés dans une course effreinée
à la scolarisation et utilisaient essentiellement l'anglais comme
langue d'enseignement. Cs procédé leur était très avantageux dans
la mesure où les élèves qui fréquentaient les écoles privées catho-
liques trouvaient facilement un emploi dans le Gold-Coast voisin,
où le commerce était plus florissant,
et les possibilités d'embauche
plus grandes. Enfin, i l faut faire remarquer que d'une façon générale,
sur la cate occidentale de l'Afrique, la langue anglaise était·
utilisée par les indigènes surtout dans leurs rapports avec les
européens, soit sous la forme pure telle qu'on l'enseigne dans les
écoles, soit sous la forme du "pidgin english".

-
103 -
L'administration coloniale ne voyait pas tout cela d'un
bon oeil, et elle allait travailler énergiquement à corriger cette
si~ation par une série de mesures
Dès le mois d'Aodt 1887, Bismarck fUt rendu attenti~ au
danger suivant :
"Les bons éléments du Togo vont dans les régions
appartenant à la Grande Bretagne, parce que là, dit-on, ils peuvent
apprendre quelque chose et revenir avec des idées humanitaires
de ce peuple ~sulaire" (1).
Pour arrlter cet exode noci~, les émigrants togolais vers
le Gold-Coas t
devaient payer une ta..'l:e 1'ixée d'abord à
10 (-jark,
puis relevée à 20 Mark et obtenir une autorisation écrite du
gouverneur du Togo (2).
D'après l'administration coloniale, "Tout noir qui connatt
l'anglais ou qui a été ne serait-ce qu'une 1'ois dans une colonie
britannique, se considère comme sujet de la couronne : une telle
si~ation est dangereuse au double point de vue économique et
social" (3).
En 1890 dans une lettre au chancelier du Reich, le gouverneul
de la colonie, Eugen von Zimmerer (1888-1891) résumait ses pensées
concernant la politique scolaire du Reich au Togo, en des termes
suivants :
"les écoles missionnaires ne peuvent pas avoir l'e1'1'et
germanisant qu'il aurait ~allu pour 1'aire valoIr constamment
l'in1'luence allemande sur la c~te".
1. Hehnert lfol:f'gang, "Zur Genesis und Funktion der Reg:ierungsschulen
in den A:fr:i.ka, Kolonien des Deutschen Imperialismus"(1884-1914)
Etudes A1'ricaines,
1967. p. 146.
2. Amenumey, op. cit; p. 637.
3. Lettre de Zimmerer à Bismarck c"t'
~
1
ee par ~ehnert, op. cit, p. 12.

-
104 -
Ouvertement le gouverneur de la colonie reconnaissait
que "comme ces lignes ne sont pas écrites pour le public", l'école
devrait 3tre naturellement un "moyen pour atteindre un but", ce
but, i l l'expose dans des termes suivants l
"Nous sommes maintenant de-
puis 4 ans sur cette cete, où l'impulsion nationale pour un élargis-
sement de nos débouchés nous a poussé et non pas le désir de
convertir les palens, ce qui a été mis en évidence dans la politique
coloniale. Ainsi notre prochain devoir est de nous implanter à des
conditions qui prouvent que cela durera. Un excellent moyen est
d'implanter la langue allemande comme preuve de l'appartenance
politique dans la colonie".
En ce qui concerne les sociétés missionnaires, qu'il
suffise de rappeler la position de Zahn, inspecteur de la mission
de l'Allemagne du Nord, lorsqu'il met en avant la volonté de la
mission protestante "d'opposer la résistance la plus farouche
à la pression du gouvernement d'introduire l'enseignement dans
une langue étrangère". Zahn devait m3me ajouter: Nous devons
toujours rester conscients du fait que, chaque fois que nous
cédons au gouvernement en cette matière, nous détruisons nous-m3mes
peu à peu nos meilleurs espoirs missionnaires. Nous avons de bonnes
raisons de résister le plus farouchement possible et nous sommes
tenus de le faire ••• Si la mission ne peut pas utiliser la langue
maternelle des indigènes dans ses écoles, elle doit alors se
demander sérieu~ement s ' i l ne serait pas préférable qu'elle
renonce complètement à enseigner et qu'elle ferme toutes ses
écoles (1).
1. Deutsche Kolonialzeitung,
1897, p. 81.

-
105 -
Dans cette bataille de la langue d'enseignement, l~s
catholiques n'ont pas été eux non plus épargnés. Dans le Kolonialblatt
de 1902, la mission catholique était qualifiée d'hostile à l'Allemagne
ftLeider ist aber diese Mission nicht national gesinnt, oder hat zum
mindestens in den letzen Jabren nicht national gehandelt"
(1).
Les critiques se sont faites plus précises à l'égard de la
mission catholique. Il était affirmé que:
"Lorsque l'Eglise
d'Atakpamé a été inaugurée, i l y avait beaucoup de drapeaux de
toutes les couleurs, mais pas le drapeau allemand".
Il en était de même à "l'inauguration de l'Eglise de Lomé.
Le sermon fut prononcé en anglais par un évêque d'origine allemande
qui connaissait parfaitement l'allemand" (2).
De toutes ces plaintes, on peut retenir que ce que visait
l'administration,
ce n'est pas seulement d'interdire l'usage de
l'anglais dans la colonies, ni uniquement de minimiser l'importance
de l'Ewé, qu'un officiel, von Puttkamer, dans un rapport au chancelier
qualifia de "dialecte nègre, sauvage et extr3mement primitif",
à la limite, l'administration voulait en quelque sorte contraler
le plus possible, le fonctionnement de l'enseignement et lui donner
un caractère allemand.
1. ·Cette mission n'a pas, hélas, le sens du sentiment national.
ou du moins. n'en a pas montré la preuve ces dernières années".
Extrait de la brochure "Sclunidt contre rtoeren", Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo. Série Administration Allemande.
2. Sclunidt contre aoeren,
op. cit.

-
106 -
Les accusations furent maintes fois répétées. Zahn cependant
préféra perdre les subventions gouvermentales que de laisser à l'Admi-
nistration la possibilité d'exercer des contr8l.~~d&ns les écoles
confessionnelles. Il alla mOme défendre sa position auprès de l'office
colonial à Berlin:
wL'école de la mission doit maintenir son
caractère chrétien et mettre l'accent sur l'enseignement de la
Bible, ce à quoi le gouvernement est indifférent. Po~ le développe-
ment du caractère, pour une véritable compréhension, pour un appren-
tissage valable, l'enseignement dans la langue vernaculaire est
essentiel" (1).
Zahn gagna en quelque sorte et en partie seulement cette
bataille pour l'enseignement dans la langue locale. En effet, le
comité colonial allemand, composé de civils, d'administrateurs,
de commerçants, envoya une pétition au chancelier du Reich pour
que dans toutes les colonies allemandes,
wne soit utilisée dans
les écoles, aucune autre langue que l'allemand, en dehors de la
langue locale"
(2).
Pour écarter définitivement tout différend, une conférence
scolaire a été organisée au mois de Mars 1904. Participaient à
cette réunion,
outre le gouverneur et quelques fonctionnaires,
les
représentants des différentes sociétés missionnaires et ceux des
grandes firmes travaillant au Togo.
1. Kolonialzeitung,
1897, op. cit, p. 78.
2. \\{irkl, op. cit, p. 9.

-
107 -
D'emblée, le gouverneur manifesta son opposition contre
l'utilisation de l'anglais dans les écoles et dans la colonie. Il
s'est montré plus conciliant à l'égard de la langue éwé, en l'autori-
sant dans les classes élémentaires. Hais en dehors de l'éwé, i l ne
devrait plus avoir que la langue allemande. C'est dans cet esprit
qu'il a proposé une aide qui servirait à encourager l'enseignement
de l'allemand.
Les différentes sociétés missionnaires ont accepté cette
proposition, mais au nom du groupe catholique, le Père Kost a demandé
un délai pour la mise en place des nouveaux programmes. Ce délai fut
fixé au 1er Janvier 1906. ~lais la da te du 4 Janvier 1905 a été retenu
pour étudier déjà les modalités d'application des nouveaux programmes.
A cette deuxième réunion, fut voté le projet de loi visant
à l'uniformisation du programme des écoles et de la durée de la
scolarité primaire. Ce projet de loi publié dans l'organe officiel
colonial du 9 Janvier, devait entrer en application le 1er Janvier
1906. Il portait le ti~e : Plan d'études pour l'octroi des subsides(l)
Ce plan prévoyait au départ une scolarité primaire de cinq ans avec
un examen final devant les autorités compétentes, nommées par le
gouverneur.
Dans ses articles 1 et 2, i l était stipulé :
§1. Dans les écoles des Missions, i l n'y aura comme matière d'ensei-
gnement de la langue que l'allemand en dehors de la langue locale.
1. Schulordnung fllr die zur Gewahrung von Beihilfen angemeldeten
Missionsschulen.

-
108 -
§2. Les écoles dans lesquelles une langue interdite est enseignée,
seront fermées par arrlté du gouverneur. Il sera retiré aux
ma!tres qui enseignent la langue non admise, le droit d'enseigner.
Les allocations seraient versées aux écoles confessionnelles
d'après le nombre des élèves qui suivraient l'enseignement de la
langue tel qu'il ressort du programme que nous allons présenter.
Enfin, i l faut faire remarquer que les commerçants de leur cOté
ont certifié par écrit que devant deux prétendants à un mIme emploi,
ils donneraient la priorité à celui qui a étudié l'allemand tel
qu'il a été prévu par le gouvernement oolonial.
J. Le programme de 1905
1er Cours
1. Lecture et écriture de la langue allemande en caractère latin
ou allemand. Ecriture et Lecture de tous les vocables et leurs
liaisons. Des mots avec de simples syllabes initiales et finales,
copie de l'écriture imprimée et cursive. Prendre sous dictée
de petits mots simples, composer ces mImes mots de mémoire.
2. Grammaire. Le nom commun, le genre des noms communs, articles
indéfinis et définis. La ponctuation. La grande lettre initiale
au début de la phrase.
J. Calcul dans le cycle de 1 jusqu'à 20.
4. Chant.

-
109 -
2ème Cours
1. Lec~re. Atteindre une habileté complète de lec~re du caractère
allemand ou latin.
2. Ecri~re. Copier à partir du livre. Composer de petites phrases.
J. Grammaire. Former des phrases oralement et par écrit. (~ue fait,
cqmment est, quelle est la chose 1). L'adjectif, l'~pithète,
comparatif et superlatif de l'adjectif. Verbe transitif aux
temps présent et passé, au singulier et au pluriel et aux trois
perso,nnes •
4. Calculer dans le cycle de 1 à 100. Exercices de multiplications
simples.
5. Chant.
Jème Cours
1. Lec~re en caractère latin et allemand et dans le caractère
d'écri~re non encore appris en tenant compte de la ponctuation.
Apprendre par coeur de petites sentences et devises et de simples
chansons populaires allemandes.
2. Ecriture. Apprendre le caractère d'dcriture allemand au cas où
ce n'est pas encore fait. Copier de petites phrases. Composer
de petites phrases après un entretien préalable. ;·.ettre par écrit
les devises et sentences apprises. Ecrire de petites phrases
d'après des questions.
J. Grammaire. Phrases narratives, interrogatives et impératives.
l'lOts dérivés des noms communs, des adjectifs et des verbes
transitifs. Exercices dans la déclinaison du nom commun.
Les prépositions les plus utilisées (dans, sur, après, près,
avec etc.). Le pronom personnel.

_
110 _
4. Calcul dans le cycle des nombres illimités.
5. Sciences pratiques et naturelles : les astres, expliquer les
notions comme ruisseau, ~leuve, chatnes de montagne, colline,
vallée, hameau, village, ville. Le b4timent de l'école et ses
environs immédiats. L'école en tant qu'endroit et son environnement.
6. Chant.
4ème Cours
1. Lire habilement avec une juste intonation dans les caractères
allemand et latin. Lecture des textes allemands. Traduire des
textes allemands en éwé et vice versa. Apprendre par coeur
des poèmes et des textes de chants patriotiques.
2. Ecriture. Copier sans ~aute. Apprendre par coeur et composer
de courtes rédactions. Redonner par écrit le contenu de textes
après une explication préalable. Vers la ~in de l'année, composer
de petites rédactions et des lettres.
J. Grammaire. Auxiliaire du temps, surtout les ~ormes des verbes
3tre et avoir dans leurs liaisons avec le pronom personnel.
Conjugaison du verbe dans les ~ormes active et passive de
tous les temps. Déclinaison du nom commun et de l'adjecti~ au
singulier et au pluriel. Le pronom possessi~ (mon, ton, son).
4. Calcul. Poids et monnaie allemands. Des règles de trois plut~t
simples.
5. Histoire du Togo.
6. Géographie. Géographie du Togo, l'essentiel sur l'A~rique.
Les possessions allemandes en A~rique.
7. Chant.

111 -
Sème Cours
1. Lecture de textes plus longs. Exercices de résumé oral de textes
de lecture allemands et de narration en langue allemande. Exercices
de dialogue. Lecture de poèmes, suite de chansons populaires.
2. Ecriture. Résumé écrit de textes de lecture, petite rédaction
sur la vie ; rédiger des lettres, écrire des adresses, rédiger
son aurriaulum vitae.
3. Grammaire. Etude des verbes irréguliers. Les adverbes, les
conjonctions et les exclamations. L'essentiel de la syntaxe.
4. Calaul sur les fractions ordinaires. Les fractions décimales.
Notion de calaul bourgeois.
5. Histoire. La guerre franco-allemande de 1870-1871.
6. Géographie. L'Allemagne. L'essentiel sur l'Europe.
Ce programme tel qU'il est établi, appelle quelques
remarques.
Tout d'abord, comme le fait remarquer le R.P. Gustav MQller,
ce n'est qu'une plle copie du programme des écoles populaires
allemandes (1).
D'autre part, ce programme se différencie de celui des
écoles confessionnelles, par la prépondérance de l'enseignement
de la langue allemande. Ce qui peut se comprendre quand on se réfère
aux développements antérieurs. Par ailleurs, si dans les écoles
confessionnelles, on insiste en histoire comme en géographie,
sur des pays, des centres de ch~stianisme, ou en d'autres mots
sur toute connaissance qui se réfère à la foi,
le nouveau prograQme
se limite uniquement à l'Allemagne et à quelques pays européens.
1. HQller K, Die Katholische Schule in Togo,
(1910-1914), Séminaire
à la Propagande Fidei à Rome, inédit, 6 feuilles.

-
11~ -
Enfin et surtout, i l y a l'absence du catéchisme, de la
religion. L'administration ne s'est d'ailleurs jamais préoccupé
de ces matières.
Pour illustrer les performances qu'on entendait des élèves,
nous donnons ci-après les sujets demandés à la session d'examen de
Novembre 1909. Il Y avait entre autres:
(1)
Géographie :
lH
a) Les plus grands pays d'Europe et leur capitale
b) Citez les montagnes les plus importantes d'Allemagne
c) Citez les noms de principaux fleuves allemands et leurs affluents.
Dissertation:
lH 1/2
Quelles sont les bonnes choses que le Européens nous ont apportées ?
Histoire :
lH
Le
règne
de Guillaume l
- Ses guerres.
Au programme d'études,
sont annexées les conditions dans
lesquelles seraient versées les subsides scolaires.
4. Les subsides scolaires
Plusieurs conditions régissent l'allocation des subsides
aux différentes écoles confessionnelles qui suivent le programme
établi par l'administration coloniale. Il serait interessant de
présenter les points les plus importants (2).
1. Amtsblatt fnr Togo,
1909, p. 372.
2. Deutsches Kolonialblatt,
1905, p. 185.

-
11 J -
1. Dans chacune des écoles inscrites pour l'octroi des subsides,
aucune langue ne doit 3tre enseignée en dehors de la langue locale
que l'allemand.
2. L'enseignement de l'allemand doit se faire d'après le programme
d'études précédent.
J. On doit consacrer à l'enseignement de la langue, un minimum de
6 heures par semaine la 1ère année, 8 heures la deuxième, 10 heures
les troisième, quatrième et cinquième année.
4. Dans toute école, on doit suspendre d'une façon bien visible,
pour chaque classe inscrite pour le versement des subsides,
un emploi du temps d'après lequel l'enseignement est donné,
les différents jours de la semaine.
5. Les mattres doivent noter chaque jour après la deuxième heure
dans le registre l'absence ou la présence de tout élève des
classes inscrites pour le versement des subsides.
Les autres points concernent le processus de l'inspection
des 9coles, une inspection qui doit 3tre menée par des fonctionnaires
d~ent mandatés par le gouverneur. Ces derniers doivent 3tre stricts,
ne peuvent déléguer leur pouvoir à quiconque et doivent,
en cas de
litige, adresser leurs observations non pas aux instituteurs adjoints
indigènes, mais aux responsables européens.
Ce fUrent donc ces conditions qui régirent le versement
des subsides aux écoles confessionnelles de 1906 à
1909.

-
114 -
Cependant les per~ormances qu'on exigeait des élèves,
surtout dans le domaine linguistique, étai~nt trop élevées. On s'est
rendu compte que ces derniers n'arrivaient pas à assimiler correcte-
ment la langue allemande en cinq années d'études. C'est ainsi que
sur proposition des di~~érentes sociétés missionnaires, et avec
l'accord du gouverneur, i l ~ut décidé à la session scolaire de
Juillet 1909, de porter la durée de la scolarité d'abord sur six
et plus tard sur sept ans.
Un autre changement tout aussi important intervint dans
la mArne année. Le gouverneur de la colonie décréta que, dorénavant,
les subsides ne seraient plus ver~ées d'après le nombre des élèves
qui suivaient l'enseignement d'après le plan adopté précédemment,
mais d'après le nombre des élèves qui se présenteraient à l'examen
~inal.
Cet aménagement a semble-t-il rendu service aux missions
dans la mesure où ces dernières n'étaient plus obligées de suivre
scrupuleusement le programme d'études de 1905, et d'3tre soumises
à des inspections astreignantes. La plupart des élèves des écoles
extérieures, ~rent dispensés d'un enseignement appro~ondi en langue
allemande, et seuls les meilleurs élèves étaient envoyés dans les
écoles de station.
Les statistiques o~~icielles indiquent les renseignements
suivants sur le nombre d'élèves qui se sont présentés à l'examen
de fin d'études primaires (1).
1. Koloniale Rundschau,
1912, p. 411. Il s'agit de tous les ordres
d'enseignement c'est-à-dire, écoles publiques, protestants et
catholiques.

- 115 -
Années
Présentés
Mmll
1910
161
137
191 1
245
229
1912
265
239
Concernant le nombre des écoles confessionnelles qui
dispensaient un enseignement essentiellement en langue allemande,
on indique qu'en 1912, sur 181 écoles de la mission catholique,
l'enseignement intégral de l'allemand était assuré dans 106,
alors que pour la mission protestante cet enseignement n'était
dispensé que dans 65 écoles sur un total de 1;6, et chez les
méthodistes dans 5 écoles sur 7. Ainsi avec les écoles officielles,
c'est dans 176 écoles sur )49, soit un peu plus de la moitié que
l'enseignement de la langue allemande était assuré (1).
5. Le budget de l'enseignement
Pour mener à bien sa politique et manifester sa "bonne
volonté" aux missions, l'administration allemande n'hésita pas à
leur venir en aide sous forme de subventions diverses.
Les documents ne nous fournissent aucune indication sur
les critères d'après lesquels les allocations étaient versées avant
1904. Bais toujours est-il qu'en 1893, la section des colonies du
Ministère des Affaires E~rangères à Berlin, fit une offre de subven-
tion annuelle de 1.000 Nark au Supérieur Général des Hissionnaires
du Verbe Divin pour soutenir leurs écoles au Togo (~).
1. Cornevin, Histoire du Togo, op. cit, p. 402.
2. ~mller, Geschichte der Katholischen Kirche in Togo, op. cit p. ~71.

-
116 -
Il semble que les protestants bénéficiaient déjà de cette
aide, car le chancelier Kayser aff~rmait dans une de ses correspon-
dances :
"Afin de ne pas éveiller par cette subvention le soupçon
que la mission évangélique recevait un traitement préférentiel plus
avantageux que celui qui était réservé aux autres sociétés mission-
naires chrétiennes,
j'ai décidé, bien que la situation financière
du protectorat ne soit pas brillante, de donner aux sociétés alleman-
des qui y travaillent,
la mAme subvention annuelle pour leur oeuvre
jusqu'à nouvel ordre" (1).
Quoiqu'il en soit, l'aide accordée aux sociétés mission-
naires n'était pas négligeable. En dehors de ce soutien financier,
i l faut mentionner les subventions prévues par l'accord de 1904
sous le titre de "Encouragement à l'enseignement de la langue
allemande" •
Comme la mission catholique avait le plus grand nombre
d'écoles, elle recevait la plus grande partie des subventions.
C'est ainsi que sur 15.000 Mark accordés-aux missions en 1911,
les catholiques avaient reçu 9.188,48 l·iark, les protestants
5.446,)2 et les méthodistes 41,20 Hark.
Le budjet de l'enseignement pour les dernières années du
régime
colonial allemand au Togo,
se présente de la façon suivante (~)
1. ibid, p. 72.
2. Cornevin, op. cit, p. 265.

t-
Années
Recettes totales
Recettes recouvrées
Dépenses aCfect60s
~~ necettes
du territoire
directement sur les
pour le service
totales
"togolais
de l'enseigneliient
1912
).0)5.850 H.
5)0.500
9J .)75
) %
19 1)
).)84.600
578.000
72.650
2. 14 ~b
1914
).502.950
680.000
86.450
2. 40 'f~

-
118 -
Conclusion et bilan
Arrivé à ce stade de nos analyses, i l serait interessant
de tirer une première conclusion de la politique scolaire de l'Alle-
magne au Togo de 1884 à 1914. Plus tard nous serons amené à situer
cette politique par rapport à celle pratiquée par la France de
1920 à 1960.
Nos développements antérieurs ont fait appara!tre deux
périodes distinctes :
a) une période caractérisée par une croissance rapide
des écoles confessionnelles,
b) une seconde période marquée par la prise en charge
progressive de l'orientation générale de l'enseignement
par l'administration coloniale.
Un fait est certain, les chiffres le démontrent très
clairement, le rele joué en matière scolaire par les missions a été
fondamental. Aussi,
tout au long de nos divers développements, une
question nous a constamment préoccupée. Pourquoi trouve-t-on chez
les différentes sociétés missionnaires, cette conviction absolue
que l'école est la clé de tout?
En fait
et compte tenu de nos développements antérieurs
et plus particulièrement du contenu des programmes des écoles
confessionnelles, on peut admettre que pour les catholiques et aussi
bien pour les protestants, l'école était le plus sdr moyen pour avoir
une emprise certaine sur l'enfant considéré en tant qu'individu
d'une part et membre d'une communauté d'autre part.

-
119 -
Cette conviction découle du fait qu'on s'est vite rendu
compte que la simple prédication s'avérait nettement insuffisante.
Les gens qu'on rassemblait, et à qui on prOchait la bonne parole,
retournaient finalement chez eux et reprenaient peu ou prou leurs
bonnes vieilles habitudes.
Pour exercer une action en profondeur, i l fallait une
institution, un champ clos où on garderait les enfants sur lesquels
on exercerait une action constante. Il n'est donc pas étonnant que
l'école ait été choisie comme l'instrument par excellence pour
atteindre cet objectif.
Par ailleurs le contenu des programmes des écoles extérieures
nous indique que le but visé n'est pas la production d'une Wélite",
mais l'acquisition par les élèves d'un savoir rudimentaire, lecture
de la Bible essentiellement, écriture, calcul et de nouvelles façons
-de penser son univers, de se comporter. A cette instruction, somme
toute très livresque, on adjoignait l'apprentissage ou le perfection-
nement dans un métier manuel (forge,
jardinage, menuiserie etc.),
car i l est vrai que dès le début,
surtout pour les ?rotestants,
travail -
a~cole, technique, médicale et éducatif - fut considéré
comme faisant partie des activités normales d'évangélisation. Les
élèves qui ont suivi cette nouvelle winitiation" forment plus tard
une communauté à part~ vivant selon les principes enseignés, gagnant
un peu plus d'argent que les autres, mais coupés quand nOme de leur
milieu traditionnel, puisque par définition, avant l'entrée dans
leur nouvelle vie, ils ont dd abandonner tout simplemen~ leurs
anciennes habitudes,
leurs anciens dieux et fétiches.

-
120 -
Le deuxième élément de cette "destabilisation" de l'enfant
par rapport à son milieu est constitué par les internats.
Toutes les écoles de station (Lomé, Kpalimé, Atakpamé etc)
comportaient un internat. C'est que ici, i l s'agit des jeunes qui
ont su montrer quelques aptitudes. Ils seront à un degré plus élevé,
les images vivantes d'une éducation chrétienne bien réussie ; qu'ils
soient enseignants, commis dans l'administration etc, ce qu'on attend
d'eux, c'est qU'ils fassent sentir leur influence dans le gouverne~ent
de leurs villes ou de leurs tribus. Que représente réellement pour
e~~ le fait de savoir lire et écrire? Pour l'instant, ils ne se le
demandent pas vraiment. Une coupure a été faite,
on a cherché à
établir une nouvelle liaison, l'avenir se chargera d'apporter des
réponses à cette question.
Le troisième élément de l'arsénal scolaire des missions
est la langue d'enseignement. Sans entrer ici dans une appréciation
critique de l'usage qui en a été fait, nous y viendrons par la SUite,
i l faut reconnattre que les sociétés missionnaires, aussi bien
catholiques que protestantes, mais surtout cette dernière, ont accordé
un soin tout particulier aux langues locales. Il faut, dans un premier
geste, leur rendre hommage. Parmi une liste de travaux assez longue,
nous donnons ci-après un aperçu des productions de la mission
protestante de l'Allemagne du Nord.
1. Grammaire
• Cla de la langue Ewé par Schlegel, Stuttgart 1857, J~8 p.
• Grammaire de la langue Ewé par BUrgi, BUren-Suisse,
1897,
120 p.
• Grammaire de la langue Ewé par D. './estermann, Berlin,
1907,
158 p.

-
121 -
2. Dictionnaire
• Dictionnaire Allemand-Ewé par Knusli, Br~me, 1892, 41J p •
• Dictionnaire Ewé-Allemand Allemand-Elié par Westermann,
1905,
8J8 p.
J. Livres scolaires
Il Y a une quinzaine de livres de lecture qui sont écrits par le
missionnaire Suisse-allemand BQrgi soit seul, soit conjointement
avec sa femme.
La m~me remarque est valable pour les livres de calcul, d'histoire
et de géographie etc. presque tous du m~me auteur. C'est dans ce
sens qu'on a surnommé Bargi le "Fère de l'école".
4. Livres ecclésiastiques
Dans ce groupe, on peut classer, les catéchismes, l'ancien et
le nouveau testament, la Bible dans son intégralité etc. Ici
aussi la production est impressionnante et i l faut citer de
nombreux auteurs conwe Westermann, H~ter, Spieth, Merz, etc.
5. Divers
Les Rameaux Ewé - Histoire du peuple Ewé par Spieth, Berlin,
1906, 962 p.
Voyages à travers le pays Ewé, Schlunk, Br~me, 1910, 176 p.
Histoire de la Mission Ewé, Br~me, 1904, 288 p.

-
122 -
GrAce à ces nombreuses publications, et au soin tout
particulier accordé à la langue Ewé, les sociétés missionnaires
ont démontré d'une façon nette qu'elles avaient un but précis.
A partir de là,
tous les moyens ont été mis en oeuvre pour atteindre
cet objectif.
Cette conviction du rele vital de l'école est-elle la
même chez l'autre partenaire, c'est-à-dire l'administration coloniale?
Ici i l faut reconnattre que la si~ation a été perçue
d'une façon très limitative et très pragmatique.
Une vue très limitative parce que l'administration n'a
jamais cherché à dispenser un enseignement très large ouvert à de
larges couches de la population.
L'école devait être seulement le
pourvoyeur de commis pour les différents postes subalternes de
l'administration. Tout était calculé en fonction des besoins de
la colonie. Pire que cela, au moment où les écoles publiques ne
pouvaient plus former cette main d'oeuvre en nombre suffisant,
l'administration a tout fait pour orienter la politique scolaire
dans un sens pratique,
en exerçant un contrele plus rigoureux dans
les écoles confessionnelles et en établissant des normes à atteindre.
Une vue très pragmatique de la politique scolaire.
L'administration coloniale n'a pas cru utile de s'occuper de
l'enseignement des filles. I l n'existait pas dans le territoire
un seul établissement de ce genre. Ce soin a été laissé aux sociétés
missionnaires.

-
123 -
Ce qui était visé, c'est de disposer de gens bien dressés,
capables d'exécuter convenablement des ordres précis. La ~ormation
du "Band der Deutschen Togol~der" est l'exemple ~ique du caractère
bien réussi des écoles publiques (1). Plus d'un visiteur a été
impressionné par la tenue impeccable, les marches militaires exécutées
par les élèves des écoles publiques lors des cérémonies o~~icielles.
Est-ce le ~ait que l'école devait avoir ~our but de ~ixer l'apparte-
nance politique de la colonie ?
. En 1911, la mission catholique avait à son compte, 166 écoles
d'enseignement élémentaires dans lesquelles 27 instituteurs allemands
et 200 moniteurs togolais enseignaient à 7.087 élèves. La mission
protestante disposait de 141 écoles où 7 pasteurs et 176 assistants
enseignaient à 5.414 élèves. L'administration pour sa part n'avait
que 3 écoles primaires dans lesquelles enseignaient 3 instituteurs
allemands et 8 moniteurs togolais à 337 élèves.
Une année plus tard, la situation se présentait de la
~açon suivante.
1. Le "Bund der deutschen Togol~derl\\ est une association de jeunes
togolais ~ormés par les allemands durant la colonisation, et qui
envoya dès 1925 à la Société des Nations des pétitions pour
demander le retour des anciens colonisateurs.

- 124 -
Situation des écoles en 1912 (tous ordres) (1)
Ordres
Ecoles
Nombre
Nombre
d"enseignement
d'écoles
d'élèves
Ecole professionnelle
1
J7
Ecoles élémentures
Enseignement
ofii ci el
Lomé
1
lJJ
Anécho-Seben
1
148
Sokodé
1
~J
Erivé
Ecole complémenture
1
11
protestant
Ecoles élémentures
156
564J
-5654
P.r:ivé
Ecole complémentaire
1
J7
Catholique
Ecole normale
1
4"
Ecole professionnelle
1
95
Ecoles élémentures
181
7479
-765J
Privé
Ecoles élémentures
7
598
Mé~hodiste
,4.~46
Touts Ordres
Nombre d'élèves
1. Full August, op. cit, p. 156.

-
1Z5 -
Sur ce tableau ne figurent ni l'école normale protestante,
ni l'école d'agriculture, ni l'école complémentaire du gouvernement.
Numériquement, nous avons un total de 348 écoles avec
13.905 élèves pour les missions, et 4 écoles pour 341
élèves
pour l'administration coloniale.
Si les efforts de scol~sation se sont limités dans les
régions cOtières et centrales, les populations ont vu pourtant en
l'école, le moyen de trouver un emploi et de gagner leur vie. Ainsi,
apparatt une demande de scolarisation de plus en plus nette.
Mais la guerre va arr3ter l'expansion allemande. Le Togo,
avec la défaite de l'Allemagne, et le succès des al~iés, sera partagé
entre la Grande Bretagne et la France. ~elle sera la nouvelle
politique scolaire? Ce sera l'objet de notre deuxième partie.

-
126 -
T l T R E
l
l
=-=-==-=-=-=-=-=
LA POLITIQUE SCOLAIRE DE LA FRANCE AU TOGO (1914-1960)
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=

-
lZ7 -
1) Préliminaire - La situation de l'enseignement de 1914 à 1918
a) Considérations générales
Le bilan que nous avons tracé de la politique scolaire de
l'~lemagne au Togo de 1884 à 1914, s'il n'a pas incité à l'eupho-
rie, a montré au moins un f a i t :
l'école occidentale est devenue
une réalité dans le territoire.
On pouvait supposer qu'en ouvrant une école à Sokodé en
191Z, l'administration coloniale allait accen~er ses efforts
de scolarisation. Par ailleurs, du ca té des sociétés missionnaires,
rien n'indiquait qu'elles n'allaient pas poursuivre leurs initiati-
ves au-delà des régions septentrionales, auxquelles elles s'étaient
limitées jusqu'à présent.
Ces possibilités qui se faisaient jour, ont été remises
en cause par la première guerre mondiale et la défaite de l'Alle-
magne.
Cette si~ation nouvelle a eu des conséquences dans le
domaine scolaire, car avec la défaite de l'Allemagne, ont succédé
l'internement et l'expulsion des missionnaires, ce qui provoqua
la fermeture des établissements scolaires confessionnels.
En fait cette guerre personne ne l'avait envisagée comme
possible dans cette partie de l'Afrique.
Par des télégrammes, les 4 et 5 Aodt 1914, von Doering
qui assurait l'intérim du gouverneur de la colonie,
le duc
von Hecklembourg, alors en congé, propose aux gouverneurs du
Dahomey et de la Gold Coast, de neutraliser son territoire,
pour ne pas donner aux Africains le spectacle des guerres
entre
Européens (1)
' . Cornevin, op. cit, p. ~08.

-
128 -
Les deux puissances refusent et engagent les hostilités.
En moins de trois semaines,
le 7 Aodt, von Doering capitule.
Le 27 Aodt 1914, un premier partage du Togo est établi
entre le lieutenant colonel Bryant et le commandant Haroix, suivant
les circonscriptions ad~inistratives occupées par les forces alliées
respectives. Ce n'est que cinq ans plus tard, c'est-à-dire au
lendemain du Traité de Versailles, le 28 Juin 1919, lorsque
l'Allemagne fut dépouillée de ses colonies et protectorats au
terme de.l'article 119, que Londres et Paris se mirent définitivement
d'accord pour arr3ter une fois pour toutes les frontières arbitraires
qui font de l'unique Togo allemand, deux nouveau.~ territoires
dénommés l'un le Togo britannique (33.800 km,) et l'autre le Togo
français
(56.000 km2). La carte de la page suivante nous indique
les zones de partage.
Cette période d'instabilité a eu des conséquences énormes
sur l'enseignement à cette époque. A nouveaux "ma!tres", nouvelles
habitudes. Nous allons essayer de dégager deux points importants
de cette situation, avant d'aborder ce que sera la politique scolaire
de la France au Togo.

ca~. nO J - Par~age du Togo allemand
,. Togo bri ~annique
1
1
2. Togo français
1
1
1
\\
" ...
... '",\\
1
,
LA"'K"I~ 1

1
\\
\\
\\
,
,
,
...
~
"
\\
1
~
l ... "....
l
\\
\\
l
J
,
,
l
\\
~
J
1
~
1
1
~TAk""Mâ
~

1
-,
1
1
l
l
1
J
,
.-
(
\\ Ktl'\\.I,",C
.
(,
\\
\\
",\\
\\
\\
\\
\\
'"
\\
--~
1

"\\

-
1)0 -
b) Le nroblème des missionnaires
Dans les conditions de reddition signées par les représen-
tants de la France et de la Grande Bretagne, i l était stipulé que les
missionnaires, catholiques et protestants, resteraient dans le
territoire et continueraient leur travail comme avant.
Cette possibilité, pleine d'optimisme, resta cependant
lettre morte.
Si dans les parties occupées par les Anglais, on parvint
assez rapidement à la délimitation des zones des missions, et qu'on
accorda aux missionnaires plus ou moins facilement des visas afin
qu'ils puissent visiter leurs stations, par contre, dans les zones
occupées ?ar les Français, le travail des missionnaires ne fut plus
possible. Il fallait compter avec l'humeur des fonctionnaires qui
délivraient les autorisations de déplacement.
Dans un premier temps, les missionnaires fUrent bloqués
dans leurs stations ; survint ensuite la fermeture des écoles
confessionnelles et enfin le 11 Octobre 1917 fUt publié un décret
qui ordonnait l'expulsion de tous les missionnaires de nationalité
allemande 19és de moins de 45 ans. Ce décret stipulait que dans
les deux heures qui suivraient sa publication, les missionnaires
concernés devraient être prêts à quitter le pays; ceux qui se
trouvaient à l'intérieur du territoire, devraient s'acherainer
vers Lom~, la capitale (1).
1. Full,
op. cit, p. 150.

-
131
-
Le rapport de la mission catholique de cette année indique
qu'au cours de ces mois,
ce ne furent pas moins de 44 missionnaires
qui durent quitter le territoire à destination de l'Ile de Han.
Les plus 19és subiront le mAme sort et le 10 Janvier 1918, les
derniers religieux et religieuses furent déportés
(1).
Sentant le danger, le Père -,fitte, provicaire apostolique,
avant de quitter le Togo, entreprit de placer les écoles de sa
congrégation sous la tutelle des missions voisines, après avoir
constitué, sur le plan local, une commission scolaire chargée de
poursuivre l'oeuvre entreprise jusqu'alors " ••• dans chaque station,
nous avions constitué depuis quelque temps, une commission scolaire
qui prend en charge les écoles. L'avenir semble matériellement
assuré, d'autant plus que les ma1tres indigènes se sont engagés
à rester à leur poste" (2).
En mArne temps le mAme Père ;fitte, dans une lettre adressée
à ~·lgr Steinmetz, vicaire au Dahomey, i'aisait comprendre à ce dernier
qu'"il sent que la mission du Togo allait Atre orpheline dans très
peu de temps"
(3). Il lui demandait alors de prendre en charge,
lui et ses missionnaires,
l'oeuvre commencée dans la partie i'rançaise
du terri toire.
Une démarche similaire a été entreprise auprès du Père
Reymann, supérieur de Kéta, pour assurer l'oeuvre dans la partie
occupée par les Anglais.
1. :·jQller Karl,
op. ci t, P. 249.
2. idem p. 2jl.
J. idem

-
1)2 -
Enfin, le Père Witte, le 27 Décembre, envoyait un télégram-
me au Pape Benott XV, pour lui faire part de ses craintes et de
ses intentions.
Le 11 Janvier 1918, Mgr Hummel, originaire de Souffenheim
(Alsace) et jusqu'ici .vAque de la C~te d'Or (Gold Coast), recevait
l'ordre de nomination par le
Saint Siège en tant qu'administrateur
apostolique du Togo. A partir de cet~e date, commencèrent à arriver
au Togo, les premiers prOtres de la Société des Missions Africaines
(S."I.A.). Cette congrégation, fondée en
1856 par S.E. Hgr Harion
de Bresillac, dont l'une des maisons-mère se trouvait en Alsace-
Lorraine, allait remplacer les Pères du Verbe Divin. Pour les
catholiques togolais,
c'était un facteur non négligeable, car les
pères alsaciens parlaient l'allemand, ce qui pouvait permettre une
transition heureuse entre les deux générations.
Du ceté des protestants, la situation était assez Claire.
Avec le départ des pasteurs allemands, l'Eglise se trouva "indépen-
dante" faute de missionnaires. Cependant cette Eglise avait un atout
majeur; c'est qu'elle avait à sa tOte deux pasteurs togolais,
B. ~cou et R. Baeta. La force des protestants se trouvait dans
ce pastorat indigène qu'on avait su former assez t~t. Il avait
la lourde charge de continuer l'oeuvre des missionnaires allemands.
En plus,
le Pasteur Bnrgi, laissé en liberté, certainement en raison
de sa Citoyenneté suisse, avait pour mission de maintenir l'oeuvre
de la Société de BrOme jusqu'en 1921
(1).
1. Debrunner, op. cit p. 142.

-
1JJ -
Ce dernier,
en tant que président de la Hission de Brame,
ordonna entre 1914 et 1915, une dizaine de pasteurs togolais pour
augmenter les chances de survie de l'oeuvre commencée par les
pasteurs allemands (1).
Mais très vite, des difficultés d'ordre financier surtout,
ne tardèrent pas à appara!tre, la mission étant coupée de Brame.
Conscients du danger, deux pasteurs Akou et Baeta lancèrent un
appel pressant à la Société Evangélique de Paris.
Cette dernière société, répondant au triple appel, celui
du gouverneur du Togo, celui de la l'iission de Br3r:le et enfin celui
des pasteurs togolais, décida après des hésitations, de faire une
enquate au Togo (2).
En 1927, le missionnaire· i·ia!tre faisait au Togo, un premier
voyage. En 1929, un autre missionnaire fUt envoyé, non pas pour
occuper un nouveau champ de travail, mais pour répondre à trois
nécessités urgentes:
a) reprendre les biens immobiliers de la '-iission de Br~me
jusque là sous 5 eques tre ,
b) représenter le protestantisme togolais auprès des
autorités coloniales françaises:
c) réorganiser les écoles d'après les règlements en vigueur
dans les colonies françaises et l'enseignement du
français.
1. Debrunner, op. cit, p.
142.
2. Selon le pasteur Faure, les hésitations de la Société ~vangélique
de Paris et sa décision de faire d'abord une enquête au Togo,
venaient du fait qu'en 192J, cette société missionnaire avait

-
134 -
On espérait que pour le reste la jeune chrétienté togolaise
serait assez rorte pour se diriger elle-mAme et subvenir à tous ses
besoins.
Hais on se rendit vite compte, après le voyage du directeur,
N. Allegret, que la direction des écoles, la rormation des cadres
de l'Eglise, conduisaient à considérer le Togo comme un champ nouveau
à part entière (1). C'est ainsi que de nouveaux missionnaires prirent
place à cete des pasteurs togolais. L'Eglise Ewé est devenue en
1957, l'Eglise Evangélique du Togo.
~ant à la mission méthodiste de ilesley, son action t'ut
peu troublée durant cette période. L'on retiendra tout simplement
les noms des pasteurs ~lood et Henry. Ce dexnier s'est rendu célèbre
par la traduction de la Bible en langue mina. En 1932, cette mission
est devenue la Hission Héthodiste du Togo.
Cette période trouble a eu, on s'en doute, une inrluence
néraste sur l'enseignement.
C) La situation des écoles de 1914 à 1918
Si on se rappelle la prépondérance de l'enseignement privé
avant 1914, i l est racile d'imaginer les conséquences de la première
guerre mondiale dans le domaine de l'enseignement au Togo. Les
principaux acteurs étant bloqués dans leurs mouvements, tout
l'enseignement péréclita •
••• déjà pris en charge une partie du Cameroun, qu'elle avait beaucoup
de peine à poursuivre normalement son action et à pourvoir en
missionnaires aussi bien le Zambèze que ~ladagascar, le Gabon,
l'Océanie etc.
1. Faure, Togo Champ de Hission, op, cit, p. )0.

- 135 -
Déjà au début des hostilités, beaucoup de jeunes ont évité
de prendre parti
pour l'un ou l'autre des deux camps. Ce qui est
certain, c'est que la majorité des élèves déserta les écoles en raison
justement de la confusion qui règnait. L'ancien engouement pour les
études en langue anglaise réapparut de plus rort et i l semble que
dans la partie occupée par les Anglais, la majorité des gens acqueillii
avec joie, les nouveaux ma!tres, avec l'espo~r d'une plus grande
liberté (1).
Numériquement, le nombre des écoles de la mission catholique
pendant cette période tomba de 198 à 61, celui des enseignants de
228 à 81, et enrin celui des élèves de 6.366 à 2.00~ (2). Du ceté
des protestants, le nombre des élèves diminua de 5.~50 à 1.J66,
et on ne compta guère plus de 54 écoles en 1915 (3).
La situation en matière scolaire allait cependant s'améliorer
en raison de la position géographique du Togo. Entouré d'un cSté par
une colonie britannique, le Gold Coast, et de l'autre par une colonie
frança~se, le Dahomey, la reconversion de l'enseignement allait 3tre
racilit_par l'apport en personnel enseignant des colonies voisines.
En rait, dans la partie occupée par la France, i l y eut
l'interdiction rormelle d'utiliser la langue allemande. En attendant
la déli~itation dérinitive des zones occupées, les ?rernières mesures
furent d'entretenir quelques écoles sur le modèle soit français ou
anglais. La situation de l'enseignement, en ce qui concerne la zone
rrançaise qui nous interesse plus particulièrement se présentait
de la raçon suivante (4).
1. Debrunner, op. cit, p. 51.
2. !'IQller Karl, op. cit, p. 255.
J. Debrunner, op. cit, p. 152.
4. Rapport de la France à la S.D.N., Section enseignement,
Année 1921, p. 7.

-
136 -
A. Enseignement orriciel (1)
Cercles
Nombre d'écoles
Nombre d'élèves
Lomé
1
école de 10 classes
500 élèves
1
~ours
complémentaire
préparant au certi-
ricat de nn d'études
primaires
15 élèves
Anécho
1 école
610 élèves
K1outo
Aucune école
-
At akpam é
1 école dirigée par un
moniteur togolais
49 élèves
Sokodé
1
école
300 élèves
!-lange
1 école
120 élèves
Total
6 écoles
1.594 élèves
1. Rapport de la France à l'O.N.U., section Enseignement, Année 1921,
p.
9.

- lJ7 -
B. Enseignement privé eonressionne1 (1)
tre1es
Nombre ci'éeo1es
Nombre ci'é1èves
eatho1iques
4 éco1es
1.060
)mé
,
protestants
éco1es
686
catho1iques
-
270
lécho
protestants
-
45-'
catho1iques
-
541
Louto
protestants
-
521
catho1iques
1
éoo1e
4J
:akphamé
protestants
1 éco1e
47
catho1iques
19 éco1es
2.-'70
Lse!':1b1e
protestants
44 éco1es
1.706
Total. généra1
6J éco1es
J.976
1. Rapport cie 1a France à 1'O.N.U.,
section Enseignement,
Année 1921. p.
10.

-
1)8 -
2) La ryolitigue scolaire de la France au Togo de 1919 à 1960
Contrairement à la période allemande où, comme nous l'avions
vu, les autorités coloniales ont laissé entière liberté a~~ soci~tés
missionnaires pour ouvrir des écoles et dispenser l'enseignement aux
Togolais -
c'était d'ailleurs une liberté toute relative, dans la
mesure où à partir de 1905 l'administration a commencé à exercer
des pressions sur les missions -
la période française est caractérisée,
dès le départ, par une règlementation très stricte de l'organisation
générale des écoles, et du contenu de leurs enseignements. Tout le
système éducatif est défini par des textes généraux aux territoires
français d'Afrique et par des arrAtés locaux.
Compte tenu de l'évolution générale du système mis en place,
évolution liée au statut juridique et politique du Togo, on peut
diviser l'histoire de la politique scolaire française au Togo en
trois parties :
de 1919 à 1932, c'est le début de l'installation française
au Togo. Avec l'organisation de l'administration, intervint
la reconversion de l'enseignement allemand en enseignement
français. Des arrAtés organisent et règlementent aussi
bien l'enseignement public que celui des missions.
de 1933 à
1946, i l Y a eu la crise de 1929, une crise
dont les conséquences se répercutèrent jusqu~ dans les
colonies. Ce qui obligea la France à pratiquer une
compression budgétaire. C'est ainsi que durant cette
période, le service de l'enseignement était assuré par
un seul directeur CO"lIllun au Togo et au Dahomey. ;·,ais i l
faut surtout tenir compte des idées de l'époque.

-
139 -
En effet dans les années 1930, se déssine une nouvelle
orientation de la politique scolaire en Afrique. C'est
l'époque où l'on parle volontiers de "retour
aux sources"
et de "culture franco-africaine". Cela a eu pour conséquen-
ce des tentatives d'adaptation de l'enseignement au
contexte africa~ en général et à celui du Togo en
particulier. Nous reviendrons plus longuement sur ces
problèmes.
Enf~ de 1946 à 1960. Durant cette période les structures
et programmes des écoles sont calqués sur ceux de la
Hétro~ole. La Constitution Française, dans son préambule,
définit les buts et les principes de l'éducation au
Togo.
Ce sont ces trois parties qui feront l'objet de nos
développemente ultérieurs.
=:-=-:-=-=-=-=

-
140 -
CHAPITaE l
- LA FERIODE DE 1919 A 1912
Dissertant sur la politique scolaire de la France dans
ses colonies, le gouverneur général de l'A.O.F., Herlin, devait
écrire: ftL'enseignement se propose avant tout de répandre dans la
masse la langue française afin de fixer la nationalité. Il doit
tendre à doter l'indigène d'un minimum de connaissances générales,
mais indispensables, afin de lui assurer des conditions d'existence
meilleures, d'ouvrir son esprit à la culture française, à la
civilisation occidentale" (1).
Cette réflexion, de source autorisée donne une certaine
idée de ce qui allait se faire. t'lais son grand inconvénient est
d'3tre trop générale, et de s'appliquer à des colonies ayant des
statuts différents, des objectifs de colonisation différents allant
de l'assi~ilation pure et simple des peuples dominés jusqu'à une
politique de conciliation.
~ous avons préféré partir de textes locaux qui indiquent
la voie que la France entendait suivre en matière de politique
scolaire au Togo, qui est un pays sous mandat. N'oublions pas,
qu'en vertu des règles du mandat justement, la France était tenue
d'adresser à une commission spéciale, la cOlmnission perr:lanente
des mandats, un rapport concernant les politiques suivies dans
de nombreux domaines, et en particulier dans le domaine de
l'enseignement.
1. Circulaire de N. le gouverneur général Herlin nO JOE,
l'Enseigne-
ment en A.O.F., Bulletin de l'Education en A.O.F., n~ 45,
Février-Hars-
19J1, p. 105.

-
141
-
Le texte qui organise l'enseignement et qui constitue un
véritable charte en matière d'éducation au Togo, est un arr3té du
4 Septembre 1922. C'est l'arr3té de base.
Il Y est stipulé: Le but principal de l'école est de
"raoprocher des nouveaux colonisateurs, par une grande diffusion
de la langue française, les populations autochtones, de les familia-
riser avec leurs intentions et leurs méthodes et de les conduire
prudemment au progrès économique et social en leur donnant une
éd~cation soigneusement adaptée au milieu dans lequel ils sont
destinés à vivre" (1).
Pour atteindre ce but et pouvoir exercer un véritable
contrele sur tout le système, un autre arr3té,
celui du 27 Septembre
1922 précise:
"Nul ne peut créer ou entretenir une école privée
s ' i l n'y est autorisé spécialement par le commissaire de la
République".
On reconnatt donc la possibilité d'existence d'écoles privées
En fait sur l'ensemble du territoire, i l y avait d'un ceté l'ensei-
gnement public et de l'autre l'enseignement privé détenu ~ar les
sociétés missionnaires chrétiennes. Nous allons dans un premier temps
étudier les structures et programmes des écoles publiques avant
d'aborder l'enseignement privé confessionnel.
1. Arr3té du 4 Septembre 1922 organisant l'enseignement officiel
au Togo, J.O.,
1922, p. 204.

1. Structure des écoles publiques
Les écoles du territoire sont sous la direction d'un chef
du service de l'enseignement. Ce dernier est assisté d'un instituteur
qui remplit les fonctions d'adjoint.
L'enseignement dispensé dans les établissements scolaires
publics comprend :
un enseignement primaire élémentaire
un enseignement primaire supérieur
un enseignement primaire professionnel.
Le fait de diviser l'enseignement en trois niveaux primaires
indique clairement les intentions de l'administration française en
matière de politique scolaire. En fait i l ne s'agit pas de construire
un enseignement qui per~ettrait aux Togolais de pouvoir rivaliser
sur le plan de l'instruction avec leur collègues métropolitains.
L'habilité de l'administration française consiste à limiter la
diffusion de l'enseignement et à maintenir ce dernier à un niveau
assez bas. Il n'est pas exagéré de dire qu'il s'agit d'un enseigne-
r:Jent au rabais,
le seul compatible avec "l'incapacité intellectuelle"
de l'Africain, avec la nécessité de "doser judicieusement les
connaissances que les populations sont capables
d'assimiler"
et le besoin impérieux de cadres auxiliaires indigènes :
toutes
les écoles conduisent à des diplOmes "taillés sur mesure" pour les
Africains (1).
1. Houmouni Abdou, L'Education en Afrique, l'aris, Naspero,
1964,
p.
58.

-
14)
-
A. L'enseignement primaire élémentaire
L'article 2 de l'arrOta fixant l'organisation générale de
l'enseignement officiel au Togo, définissait plus particulièrement
l'objet essentiel de l'enseignement primaire élémentaire en ses
termes. Son but est de "familiariser les lDàigènes avec la langue
française et les préparer à devenir dans leur propre milieu de
bons travailleurs" (1).
Cet enseignement était donné gratuitement dans
les écoles de village
les écoles régiona~es
1) Les écoles de villag~
E~les constituent la base de l'enseignement au Togo. En fait
i l s'agit de l'instrument par excellence par lequel les autorités
colonia~es espèrent pénétrer et exercer leurs actions parmi les
populations. D'après les textes officiels,
l'école de vi~lage,
appelée aussi école "d'apprivoisement" est "ouverte pour diffuser
la langue française et donner au plus grand nombre possible d'indi-
gènes les quelques connaissances qui leur seront les plus utiles
dans leur vie courante. La plus grande majori~é des élèves qui la
fréquentent doivent 3tre rendus à leurs parents dès qu'ils parlent
français et qu'i~s ont acquis les quelques connaissances prévues
au programme. Seuls les quelques élèves, les plus doués, devront Otre
pris pour suivre les cours de l'école régionale. M••• i l est interdit
aux ma!tres et aux élèves de se servir entre eux en classe ou en
1. Article 2 de l'arrOté nO )64 fixant l'organisation générale de
l'enseignement officiel, J.D.T. nO 15, AoQt 19~8.

- 144 -
récréation des idiomes du pays"
(1).
Le programme des écoles de village comportait pour les
deux premières années (cours préparatoire 1 et 2)~
a) Morale
L'objet de ce cours est d'inculquer aux enfants de bonnes habitudes.
On porte leur attention sur les notions suivantes
: propreté,
exactitude, politesse, respect, honnOteté, franchise.
b) Langue française
Language. Etude du vocabulaire comprenant les trois ou quatre
centaines de ~ots français que le petit togolais ignore et qu'il
serait susceptible d'utiliser dans sa vie journalière. On enseigne
simultanément les noms, les verbes, les adjectifs,
en veillant
tout particulièrement à la prononciation et à la ponctuation.
c) Lecture et écriture
Etude des éléments au tableau noir pour la lecture. Les asse,"bler
et former au plus tet des mots et des phrases. HOme ordre pour
l'écriture, plus les lettres minuscules et les chiffres.
d) Calcul
Etude des cent premiers nombres. Idée de l'addition en ajoutant
l'unité à chacun des dix premiers nombres. Soustraction.
Hultiplication. Le mètre, le centimètre. Exercices pratiques.
1. Lettre circulaire du commissaire de la République,
p.i. Fournier au
Directeur du Service de l'enseignement,
2) Hai 1925, Archives de
la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
145 -
Pour les deux dernières années de l'école de village
(cours élémentaire l
et II) l'essentiel du programme comporte:
a) l·forale
Approfondissement des cours précédents.
b) Langue française
Langage et" grammaire
les principaux sujets traités aux cours
préparatoires. Ensuite des notions comme la région,
les saisons,
le travail, la chasse, la p3cae •••
En grammaire : Idées du pluriel, du féminin, la conjugaison des
verbes et des auxiliaires du premier groupe au présent, à l'impar-
fait et au futur simple de l'indicatif. Les pronoms personnels
et démonstratifs. Le passé composé.
c) Lecture - Ecrit"ure - Rédaction
Les minuscules, les majuscules, des exercices de rédaction.
d) Calcul
Arithmétique; compter jusqu'à 100, puis jusqu'à 1.000.
Exercices de multiplication, de soustraction, d'addition et de
division. Géométrie: Les lignes, les angles,
les surfaces,
le
Système métrique ; des exercices de calcul mental.
En dehors de ces principaUX cours, ont lieu d'autres
enseignements tels que, le dessin p le chant, l'éducation physique
et les travaux manuels.
Les élèves qui se sont distingués par leurs notes, leur
bon esprit et leur moralité sont admis à l'école r~gionale qui
constit"ue un échelon supérieur et qui est dirigé par un instituteur
européen.

~ 146 -
2. Les écoles régionales
Elles sont situées dans les grandes villes. Il en existait
six (Lomé, Anécho, Palimé, Atakpamé, Sokodé, hango)
(1). Elles
comprennent deux divisions
a) un cours préparatoire où l'enseignement donné est
identique à celui des écoles de village.
b) un cours moyen d'une durée de trois ans où sont admis
les élèves des écoles de village du secteur qui savent
parler, lire et écrire le ~rançais.
Tel qu'il se présente, l'objet de l'école régionale est
multiple. Il s'agit de
1) complèter l'enseignement donné à l'école de village,
2) ~ormer pour l'administration et le commerce des agents
subalternes capables de remplir e~~icacement leur tache,
J) préparer en dé~initive des candidats aux écoles pro~es­
sionnelles et au cours complémentaire.
Les études e~~ectuées à l'école régionale étaient sanctionnées
par le Certi~icat d'études, ins~itué le 20 Juin 1921
et délivré par
une commission d'examen dont la composition était ~ixée par décision
du commissaire de la République.
Il ~aut en~in souligner que la clientèle ~éminine n'était
pas ignorée, mais sa situation se présentait d'une ~açon di~~érente
de celle des garçons.
1. Voir carte

- ,'+, -
carte nO 4 -
Implantation des écoles régionales
+ écoles régionales
uA
...
o
~
o
;J)
~
.sOl'lo.at: +
-3<»>
fJ
4~
-4
........__-.1 .AT~K'''...c.
+

-
148 -
Abordant la question de l'instruction des ~illes, le
commissaire de la République devait expliquer :"C'est par les ~illes
et les ~emmes que les missionnaires prennent de l'in~luence dans les
sphères indigènes. Si nous voulons à notre tour élever ce milieu
social, nous devons le conna!tre, ~ormer les intelligences des ~illes,
les instruire, les éduquer"
(1)
Il ne ~audrait cependant pas croire que les missionnaires
avaient un programme très ambitieux en ce qui concerne la scolarisation
des ~illes. Ils appliquèrent seulement à la lettre la théorie de la
~e~~e brave qui sait bien ~aire sa prière et dont la première place
était au ~oyer. Ainsi au bout de quelques années d'études, la jeune
~ille pouvait quitter l'école, après avoir appris à raccomoder et
à coudre des habits simples. En adoptant cette attitude les mission-
naires avaient une vue plus large que l'administration,
car i l est
vrai qu'en instruisant un homme, on instruit une personne, mais
en instruisant une ~emme, on instruit au sein de la cellule humaine
qu'est la ~amille, toute une génération appelée à na!tre et à évoluer
sous sa tutelle et son in~luence. Les écoles con~essionnelles comptait
plus de ~illes que les écoles publiques. En 1943, il n'y avait que
126 ~illes contre 2.822 garçons dans les établissements publics.
Ce chi~~re atteindra en 1930, 345 contre 3.084. Par contre dans les
écoles con~essionnelles, il y avait en 1945 1.031 ~illes et 1.360
cinq années plus tard. L'administration ne s'est pas tellement
interessée à la scolarisation des ~illes parce qu'elle privilégiait
le garçon qui était une ~orce de travail plus sdre et plus rentable.
1. Lettre du commissaire de la République au Che~ du service de
l'Enseignement, 8 Février 1944, Archives de la Bibliothèque
nationale du Togo.

- 149 -
Filles et garçons suivaient les m3mes cours sauf pour les travaux
pratiques où les garçons s'adonnaient aux travaux manuels,
tandis que
les filles suivaient un enseignement ménager.
Les rares filles et garçons qui ont pu décrocher le
certificat de fin d'études primaires élémentaires pouvaient sur
leur demande écrite, et après accord du Chef du Service de l'Ensei-
gnement, entrer à l'école primaire supérieure.
B. L'enseignement primaire supérieur
C'est le niveau le plus élevé d'enseignement au Togo.
En fait i l est constitué par un cours complémentaire créé à Lomé,
par l'arr3té du 1er Octobre 1921.
Les élèves se recrutent exclusivement par voie de concours
annuel auquel ne sont admis que les candidats des deux sexes, !gés
de 1) ans au moins et de 16 ans au plus, et pourvus du certificat
de fin d'études primaires élémentaires.
Tous les élèves admis doivent souscrire à un engagement
quinquennal, signé par le candidat et par son père ou à défaut par
son tuteur, par lequel i l s'engage à rester à la fin de ses études
au service de l'administration. En cas d'exclusion de l'école ou de
cessation de fonctions avant cinq ans, pour tout autre motif que le
licenciement pour raison de santé, l'interessé ou à défaut sa famille
remboursera le montant des frais d'études.
La durée des études du cours complér.lentaire est de trois ans.
Les élèves qui n'obtiennent pas leur moyenne à la fin de l'année sont
renvoyés par décision du commissaire de la :tépublique. :t::n troisiè!le
année,
les élèves sont ré~artis en deux sections, où ils reçoivent

-
150 -
des enseignements spéciaux destinés à les orienter vers les carrières
administratives ou commerciales correspondant à leurs aptitudes et
à leurs godts.
1) une par~ie des élèves se dirige vers l'enseignement où ils reçoi-
vent des cours de pédagogie pratique et théorique.
2) une deuxième catégorie s'oriente vers une section générale,
comportan~ l'administration générale et judiciaire de l'A.O.F.,
la législation douanière et commerciale, le service postal,
la comptabilité administrative,
corn~erciale, douanière etc.
Le système étant caractérisé par une sélection outrancière,
en dehors de la préparation du dipl~me de fin d'études du cours
complémentaire, qui est l'aboutissement normal de ce cycle d'ensei-
gnement, les sujets les plus brillan~s sont choisis pour se présenter
aux concours d'admission aux grandes écoles du gouvernement général
de l'A.O.F., dont nous parlerons brièvement plus loin. Il faut pour
l'instant prendre en compte ceux qui n'ont pas pu bénéficier d'un
enseignement classique et qui ont la possibilité de se diriger vers
un enseignement professionnel.
C. L'enseignement primaire professionnel
Dissertant sur la politique scolaire,
et abordant plus
particulièrement la question de la formation professionnelle et
technique, le Commissaire de la République devait écrire:
"Avant
toutes choses, nous devons éviter de créer des déclassés, des
de~i-instruits, incapables d'exercer une profession ou un métier,
mais prOts à faire étalage d'une instruction mal assimilée, leur

-
151
-
permettant seu~ement de rédiger de ces placets ou requêtes en
sty~e pompeux et décl~atoire qui encombrent les bureaux et inondent
les gazettes ••• " (1).
Dans ~'esprit de ~'administration, la formation profession-
nel~e devait avoir une p~ace aussi importante que l'enseignement
c~assique. C'est dans ce sens qu'a été institué un enseignement
primaire professionnel qui était donné
a) dans les écoles professionne~les
b) dans les sections et éco~es agricoles
a) L'école professionnel~e de Sokodé
Pour ~e commissaire de la République, ~a création d'un
enseignement professionnel devait pouvoir offrir de nouveaux débouchés
aux jeunes surtout au lendemain de ~a guerre, où les postes à pourvoir
étaient nombreux.
L'école professionnelle de Sokodé est créée le ~1 Septembre
1922 (2). Pouvaient y être admis,
~es jeunes gens n'ayant pas plus
de 17 ans mais sachant par~er français,
écrire et compter, et ayant
une constitution physique leur permettant de se livrer aux travaux
d'atelier.
~u cours de quatre années de scolarité, les é~èves reçoivent
un enseignement généra~ qui porte sur ~es matières suivantes
1. Rapport: de la France à
la S.D.N., Année 1921, Chapitre Enseigne.ilent
p.
7.
2. Arr~té nO 195 du 21 Septembre 1922, J.O.T. 19.22, ?"11. Cet arr~"c,"
a été remplacé par les arrêtés nO 380 et 291 du ~8.10.1925 et
3.8.1928.

-
152 -
Français, arithmétique, géométrie, sciences et dessin. L'enseignement
pro~essionnel lui-mime est donné dans les sections ci-après 1
menuiserie-charpente
~er
ajustage
moulage et ~onderie
maçonnerie
~ilage - ~ssage.
Le régime de l'école est l'internat. Les ~rais de logement,
de nourriture et d'habillement sont assurés par le territoire.
Dix ans après sa création, soit en 1932, l'école comptait
51
élèves répartis dans les sections ci-après :
Année
Henui-
Charpente
Ajustage
Forge
loloul.age
lo1açon-
T:i.ssa-
Fi la-
d'études
serie
Fondene
11~~e
ge
ge
1
3
-
3
2
-
2
1
6
~
3
2
5
3
1
1
-
-
J
:2
-
3
-
6
-
-
-
4-
3
-
2
1
1
1
-
-
Total
11
2
13
6
8
4
1
6

-
153 -
Telle qu'elle se présentait l'école pro~essionnelle n'a pas
manqué de soulever de nombreux problèmes au ~il des années. Tout
d'abord le niveau général des élèves. Comme aucun diplSme n'était
exigé pour 3tre admis à cette école, on se rendit bien vite co~pte,
qu'une bonne moitié des élèves savait plus ou moins lire et écrire
et que dans de nombreux cas, leur niveau ne dépassait pas celui du
cours préparatoire.
Par ailleurs, le ~onctionnement de certaines sections
laissait à désirer. En dehors des seules sections de menuiserie et
d'ajustage qui méritent quelque attentio~, les autres n'ont aucune
valeur réelle en particulier la section tissage (1).
En~in plus grave encore, c'est que rares sont les élèves
qui arrivaient à trouver un emploi à la ~in de leurs études.
"A mon grand regret, constate le che~ du service de l'ensei-
gnement, on n'a pas tiré parti des élèves sortants. Entre i9~9 et 1930,
1. Il ~audrait indiquer brièvement les conditions dans lesquelles la
section tissage a été créée. Lors d'un voyage en France en 192i,
le Commissaire de la République aurait acquis un métier à tisser.
Ce métier, expédié au Togo ~t longtemps entreposé dans un magasin,
et ~inalement o~~ert à la }Jission Catholique qui, n'en trouvant pas
l'emploi, déclina cette o~~re. C'est dans ce contexte que pour
utiliser ce r.létier et sur la proposition du chef du Service de
l'Enseignement fut créée, par décision na 604 du 24 Juillet 1931,
la section de filage et de tissage.

-
154 -
les Travaux Publics les ont refUsés faute de place (1).
Dans ces conditions, une commission fut nomi~ée et qui
devait se charger d'étudier les réformes possibles de l'école
professionnelle de Sokodé.
Les travaux de cette commission n'ont apporté aucune
modific~tion de structure, sauf dans le programme général d'enseigne-
ment qu'on a relevé un peu, et l'examen de sortie qu'on a voulu
plus sélectif. Toutes les sections ont étâ maintenues. Nous verrons
plus loin l'évolution de cette école.
Il faut signaler qu'à part cette école dont nous venons
de parler, i l existait à Lomé, un embryon d'école professionnelle,
mis en place depuis le mois d'avril 192J (2).
En fait il s'agissait d'une école d'apprentissage destinée
à
fournir
des ouvriers de tous métiers. Les élèves sont répartis
dans les ateliers d'ajustage, de machines outils, de conduite de
machine, de chaudronnerie, de forge, de charpente et de menuiserie
et leur nombre n'excède pas Vingt élèves chaque année (Article 2).
1. Rapport du Chef du Service de l'Enseignement au Commissaire de la
République, 27 Juillet 19J2, Série enseignement, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.
2. _~~té nO 105 Ais portant création et fonctionnement d'une école
professionnelle à Lomé, J.O.T. nO J2, Année 192J, p. 19.

-
155 -
Les cours comportent un enseignement général et un ensei-
gnement pratique. La durée de la scolarité est de deux ans. A la fin
de la première année, les élèves se présentent à un examen et le
renvoi est prononcé pour ceux dont les résultats ne sont pas satis-
faisants. A la fin de la de~~ième année, les meilleurs élèves sont
gardés dans les ateliers ~e l'administration dans la ~esure des
beso~s et les autres sont renvoyés avec un certificat. Ainsi,
no~s et logés gratuitement aux frais du territoire pendant deux
années, des jeunes gens ayant reçu une formation étaient l~chés .ans
emploi et allaient grossir le nombre des ch~meurs et constituer
une charge supplémentaire pour leurs parents.
b) L'école et les sections agr;coles
Pour un territoire dont la grande majorité des habitants
tirent leurs ressources essentiellement des produits de la terre,
la ~ise sur pied d'un enseignement agricole pouvant former des gens
capables d'améliorer la production est un fait indéniable.
Nous avons vu comment les Allemands ont envisagé ce problème
les solutions qu'ils ont préconisées et les résultats obtenus.
La France pour sa part, n'a pas sous-estimé, semble-t-il,
ce que pouvait représenter de vital pour une population agricole
"l'existence d'un personnel "éclairé" pouvant répandre dans la masse,
les moyens et les méthodes ayant fait
leurs preuves" (1). A cet effet
les autorités coloniales ont pris deux grandes mesures.
1. Dagon ~., L'oeuvre agricole de la France au Togo, Paris,
~ünistère des colonies, Série nO 127, 1930, p. 7.

Tout d'abord la création à Tové d'une école d'agriculture
par l'arrftté du 16 Octobre 192).
A sa création, l'école se proposait de former des moniteurs
qui, une fois initiés, étaient répartis entre les secteurs du
territoire pour éduquer la masse des agriculteurs et guider leurs
efforts. En dehors des travaux pratiques, les élèves devaient suivre
des cours élémentaires de botanique, de biologie végétale, de
topographie pratique, d'arpentage, de système métrique, de parasito-
logie agr1cole etc.
Soucieux de préparer le plus grand nombre possible de
jeunes agriculteurs, des gens aimant le travail de la terre, le
commissaire de la République devait prendre une seconde série de
mesure. qui n'étaient plus seulement valables pour l'enseignement
public, mais devaient s'étendre à toutes les écoles du territoire.
nIl faut,
reco~anda le Commissaire de la République,
dans chaque village, une Gcole de village, dans chaque cercle une
école de province, et enfin, au chef-lieu, le cours élémentaire qui
est une sorte d'enseignement supérieur. A cSté de cela, i l est
essentiel, lorsque vous avez instruit un homme, de lui donner un
~étier. Celui-ci doit lui permettre de vivre ••• Par l'enseignement
professionnel,
je m'efforce d'éviter le déclasselnent •••
je m'efforce
de maintenir l'indigène dans son milieu de telle sorte que vivant
mieux, i l reste cependant attaché au sol ••• J'estime, a-t-il poursuivi,
qu'une idée doit dominer l'enseignement au Togo, c'est la nécessité
d'y mettre en honneur l'enseignement pratique et professionnel dans
l'acception large du terme qui implique aussi bien les travaux
agricoles que les travaux manuels proprement dits et l'apprentissage

-
157 -
d'un métier ••• S'il est vrai que contracté dès l'école, le goQt de
l'agriculture est un pli qu~, plus tard dans la vie, a chance de se
conserver et de se développer, l'e~~et attendu de cette propagande
scolaire est aussi de soustraire la Je~&sse à l'attrait des emplois
subalternes de bureau" (1).
L'administration a donc invité les sociét~s wissionnaires
et leur personnel à accorder une plus grande ~lace que par le passé,
à l'enseignement agricole dans leurs établissements.
Le rele de l'école a été nettement d~~ini par une circulaire
du 26 Novembre 1925. Le commissaire de la ~épublique y précise ses
points de vue. "Les ma!tres auront ici une "lerveilleuse occasion de
mettre en application cet enseignement pratique sur la nécessité
primordiale duquel j'ai tant insisté. Ils montreront à leurs élèves
trop enclins à devenir clercs du commerce ou de l'administration
que le travail manuel est par~aitement honorable et que l'agriculture
~our un indigène laborieux et acti~ est encore le plus lucrati~ et
le plus indépendant des métiers (2).
1. Exposé du Gouverneur 30nnecarrère devant la commission pernanente
des l·iandats. <'rocès verbal de la 6° session tenue à Genève du
26 Juin au
10 Juillet
19~5.
2. Lettre circulaire du Commissaire d. la République au Togo aux
di~~érentes missions, nO 144, 26 Novembre 1923, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo, Administration française.

-
158 -
n ••• Pour atteindre un résultat pratique,
i l me para!t indispensable
que les écoles du Togo consacrent au moins une heure par jour à des
travaux manuels ou agricoles, exception faite pour ceux d'entre eux
qui montrent des dispositions particulières pour les études
supérieures. L'enseignement officiel est orienté dans cette voie.
Il me serait agréable de voir l'enseignement privé s'y engager en
adoptant les mOmes méthodes à savoir :
n en introduisant dans
les écoles primaires un enseignement
. professionnel principalement agricole, une parcelle de terre attenant
à l'école devrait Otre cultivée par les élèves auxquels on enseigne-
rait, après les leçons, les meilleurs procédés pour produire utilement
le café, le cacao,
le coton etc • • • • Je suis résolu à seconder d'une
façon tangible vos efforts en vue de donner à l'enseignement pratique
et professionnel la place qui doit lui revenir dans les programmes
scolaires. De mOrne que dans l'enseignement proprement dit, mon aide
se fonde sur les succès obtenus par vos élèves aux examens, de mOioe
elle sera proportionnée dans l'enseignement pratique aux résultats
acquis. Un texte déterminera sous peu les éléments dont i l sera
tenu compte pour la fixation du montant des subventions. En attendant,
à titre de premier encouragement, je suis tout disposé à accorder à
certaines écoles que vous me désignerez, des allocations de façon
à leur permettre d'acquérir le petit outillage nécessaire à
la mise
en train des travaux pratiques"
(1).
A presque toutes les écoles officielles et privées des
champs scolaires ont été annexés, et instituteurs et moniteurs
essayaient d'enseigner a~~ élèves les travaux culturaux les plus
divers (aménagement des pépinières, mise en terre des jeunes plants,
entretien des plantations, récolte, etc).
1. ibid

- 159 -
Les produits vivriers sont consommés dans les cantines scolaires.
Quelques années plus tard, le Commissaire de la République
devait exposer les résultats qu'il attendait de cette expérience :
wJ'aperçois dès maintenant quelques avantages à cette innovation.
D'abord nous dirigeons les enfants dont l'éducation et l'instruction
nous sont confiés vers le travail agricole ; nous les rendons en
somme à l'agriculture, instrUits et mieux au courant des méthodes
de culture et d'élevage. Deuxièmement nous tendrons vers la
constitution d'une bourgeoisie agricole généralisée qui repoussera
lentement le nomadisme. Znfin les races locales s'amélioreront" (1).
Il semble cependant que malgré l'optimisme, surtout de
la part du Commissaire de la République, le but recherché par les
autorités n'ait pas été atteint. A l'exception de l'école d'agricul-
ture de Tové, i l a été question de réduire les horaires consacrés
à l'enseignement agricole dans les écoles. Une commission de réforme
t
mise sur pied sur la denande du commissaire de la République a d'abord
établi un constat d'échec. Les membres de cette commission faisaient
J
f
remarquer que l'enseignement tel qu'il était dispensé "ne porte pas
et risque d'atteindre un but opposé à celui que nous poursuivons"
(~).
Il faudra donc attendre l'année 19JJ pour savoir quelles seront les
1
~
nouvelles idées dans ce domaine.
i~
1. Circulaire du commissaire de la ~épublique sur les plantations
et fermes d'élevage scolaire~ nO 147, 27 Juinl9Jl, J.C.T. 19J',
1
p.
179.
2. Procès-verbal de la Réunion du 10 Janvier 19J~ de la commission
1
de réfo~e de l'enseignement agricole, ,~chives de la Bibliothèque
1
t
Nationale du Togo.
!
1

-
160 -
Cependant nous ne pouvons nous emp3cher de relever les
lacunes de ce projet qui a abouti à des abus. Tout d'abord on
demandait aux ma!tres de se substituer aux agents d'agriculture
sans leur donner pour autant une formation de base nécessaire
dans ce domaine. Par ailleurs, i l y avait une sorte de ségrégation,
dans la mesure où les "bons" élèves n'étaient pas astreints à ces
corvées. Seule la "majortté", ceux qui seront rendus à leurs parents
quand ils sauront parler français,
étaient obligés de s'adonner à
ces expériences plutat pénibles. Car ce qui manquait surtout, ce
sont les installations sommaires pour entreprendre un tant soit
peu correctement ces travaux. Hanque d'outillage, mais surtout,
éloignement des points d'eau.
Finalement au lieu d'initier les élèves à l'agriculture,
le système mis en place tendait à leur inspirer une répulsion des
travaux de la terre. Nous reviendrons sur cet aspect très important
du problème.
Deux écoles apparaissent en marge de l'organisation générale
de l'enseignement au Togo, tel qu'il a été institué par l'arrAté
du 4 Septembre 1922. Il s'agit:
des grandes écoles du gouvernement général de l'A.O.F.
de l'école européenne de Lomé.
D. Les écoles du gouvernement général de l'A.O.F.
Les élèves les plus méritants, ceux qui devaient constituer
l'élite,
pouvaient, nantis de leur diplame du cours complémentaire,
et sur l'autortsation du chef du service de l'enseignement, se

- 161 -
présenter aux concours des grandes écoles du gouvernement général de
l'A.a.F. Ces écoles étaient au nombre de sept à savoir: l'école
normale ;iilliam Ponty, l'école normale des jeunes ~illes de Ruffisque,
l'école normale rurale de Kadibougou et celle de Dabou, l'école de
médecine de Dakar, l'école vétérinaire de Bamako, et enfin l'école
technique supérieure de Bamako.
Parmi les écoles normales qui toutes,. formaient à des degrés
divers, les instituteurs en trois ans, celle de .1illiam Ponty,
la
plus connue, préparait en pl~s les commis de l'administration et des
services ~inanciers et les candidats aux concours d'entrée à l'école
de médecine et de pharmacie de Dakar qui elle, assurait la ~ormation
des médecins "africains" en quatre ans et des pharmaciens en trois ans.
L'école vétérinaire de Banako ~ormait les auxiliaires des
services d'élevage tandis que l'école technique supérieure assurait
la ~ormation des agents des travaux publics.
A l'école ,iilliam Ponty, à la session de l'examen du
la Juin 19J2, i l Y eut sept Togolais reçus sur huit (1). Les élèves
admis aux grandes écoles du gouvernement général de l'A.a.F.,
devaient signer un engagement décennal de servir au Togo, une
~ois leurs études terminées.
E. L'école européenne de Lomé
En marge des dif~érentes écoles ?ubliques et privées du
territoire, se trouvait une institution dénommée école européenne.
1. Rapport de la France à la S.D.N., 19J2, p. 145.

-
162 -
Créée par un arr3té du 19 AoQt 19~7, cette école était
ouverte aux enfants européens, aux jeunes libanais, et enfin pour
ceux qui en feraient la demande, aux enfants de citoyens français
originaires du Togo et habitant Lomé (1).
La classe ouvrit au mois de Septembre 19~7. On se proposait
de donner aux enfants des deux sexes, ~gés de 6 à
13 ans, un ensei-
gnement identique à celui de la Métropole.
Trois ans plus tard,
le fonctionnement de cette école
laissait tellement à désirer qu'on envisagea de la réformer. Sur
dix huit élèves inscrits par exemple en 1930, l'effectif présent
oscillait selon les mois entre 5 et 6 enfants (2).
La nouvelle réorganisation de 1933, essaya de mieux
redéfinir les cours et les programmes. Il y eut quatre cours
(?réparatoire -
élémentaire - moyen et moyen supérieur). Les études
sont sanctionnées par le Certificat de fin d'études primaires.
Les élèves avaient des horaires variables, entre quatre et cinq
heures de cours par jour, et bénécifiaient d'une attention particu-
lière ; l'école est placée sous la direction d'une institutrice
1. Carnets de documentation sur l'enseignement dans la France
d'Outre-Mer, nO 8, Le Togo, Paris, Service de coordination
de l'enseignement dans la France d'Outre-Mer,
1946, p.
13.
2. Correspondance du chef du service de l'enseignement au Commissaire
de la République nO 1582, 28 Juin 1930, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
16) -
europ~enne nommée par le Comcissaire de la République (1).
Cette école est restée telle quelle jusqu'en 1960. On la
retrouve aujourd'hui sous le nom d'école Marina.
Ces analyses que nous venons de faire seraient incomplètes
si nous ne tenions compte des écoles privées confessionnelles et
des relations des sociétés missionnaires avec l'administration
française.
:-=-=-=-=-=-=-:-=
1.
Cette insistance de l'administration française à a:1énager et à
maintenir par tous les moyens l'école européenne illustre parfaite-
ment la différence qu'on est obligée de faire entre l'enseignement
destiné aux Togolais et celui dont bénéficient les enfants de
nationalité française ou assimilés. Il faut surtout garantir à
ces derniers la possibilité de pouvoir ~oursuivre leurs études
supérieures en France. ,~uant aux ~remiers l'enseignement local
reste suffisant.

-
164 -
2. Les écoles confessionnelles et les relations des missions avec
l'administration française
Nous avons vu dans la première partie de notre travail que
durant la période allemande, les sociétés missionnaires avaient pris
une part très importante dans l'oeuvre de scolarisation au Togo.
Les autorités coloniales leur en savaient gré d'ailleurs et avaient
adopté vis-à-vis de l'enseignement privé une politique bienveillante.
Disons qu'il n'était pas besoin d'une autorisation ~réalable pour
ouvrir une école.
Durant la période française,
il n'en sera pas de ;.,3me.
En effet, les autorités administratives entendaient 3tre au courant
et contrSler tout ce qui se passait dans le domaine scolaire sur
l'ensemble du territoire. Aussi règlementa-t-elle d'une façon générale
l'enseignement public et d'une façon particulière le privé confessionnel.
L'article 1er de l'arr3té du 7 Septembre 19~~ portant organisation
générale de l'enseignement au Togo stipule:
"Nul ne peut créer ou
entretenir une école privée s ' i l n'y ait autorisé spécialement par
le Commissaire de la l~épubliquen.
Ceci indique nettement les intentions de l'administration.
:'iais d'autres accords signés plus tard avec les dirigeants des
différentes sociétés confessionnelles essaient de déterminer les
bases de l'enseignement privé.
Il s'agit de :
l'arr3té du 18 ~iai 19~9 organisant l'enseignement privé
(écoles de la mission protestante).

- 16; -
l'arrOté du 17 Juin 19~9 organisant l'enseignement privé
(écoles de la mission catholique).
l'arrOté du 14 Février 1930 organisant l'enseignement privé
(écoles de la mission méthodiste).
Sur la base de ces accords,
les missions bénéficiaient de
deux niveaux d'écoles pour l'enseignement primaire.
A. Le régime des écoles reconnues
B. Le régime des écoles non reconnues.
A. Le régime des écoles reconnues
Sont considérées comme tèlles,
les écoles qui sont déclarées
au COMmissaire de la République, bénéficient des subventions du
gouvernement,
sont donc réglementées d'une façon stricte et qui
suivent le mOrne programme que celui qui est en vigueur dans l'ensei-
gnement officiel.
Des dispositions très strictes sont prévues et concernent
l'!ge d'admission des élèves,
l'effectif des classes,
les matières
d'enseignement.
L'arrOté du 7 Septembre 19~~, dans ses articles 4, 9 et lU
soumet ces écoles à l'obligation d'appliquer les plans d'études et
les programmes de l'enseignement officiel. de tenir les registres
scolaires en usage dans les écoles publiques, de fournir un rapport
annuel sur la situation matérielle et morale de l'établissement et
enfin de se soumettre à
la visite des inspecteurs du service de
l'enseignement, des médecins du service d'hygiène et des administra-
teurs de la circonscription.

-
166 -
Le même arrêté précise les conditions dans lesquelles devrait
être engagé le personnel enseignant. Pour avoir le droit d'enseigner,
les instituteurs devaient posséder nécessairement le brevet élémentaire,
ou un dipleme équivalent s'ils étaient étrangers. 4uant au personnel
enseignant togolais, l'article 7 prévoyait qu'il devrait être titulaire
du certificat de sortie du cours complémentaire. Cette prescription
a été atténuée en 1925, lorsque le Commissaire de la République
n'exigea plus de cette catégorie de personnel que la simple possession
du certificat de fin d'études primaires élémentaires.
D'une façon générale, les écoles qui remplissaient les
conditions ci-dessus mentionnées étaient soumises au contrele de
l'inspecteur des écoles officielles et l'avancement, la titularisation,
le licenciement des moniteurs relevaient d'une commission mixte composée
de représentants de l'administration et de la mission interessée.
Enfin un arrêté du 16 Septembre 19~2 prévoyait des sanctions
en cas d'infractions à ces règles à savoir:
a) la fermeture par arrêté du commissaire de la République de
l'école dans laquelle une infraction a été commise.
b) l'interdiction d'enseignement prononcée par décret à
l'encontre du personnel de l'école concernée.
c) l'incapacité d'ouvrir de nouvelles écoles frappant par
voie d'arrêté la congrégation propriétaire de l'école.
A part ces écoles dont nous venons de parler,
les sociétés
missionnaires disposaient d'un autre régime qu'elles ont la latitude
d'organiser à leur gré; i l s'agit des catéchuménats.

-
167 -
B. Les écoles de catéchisme ou les cat0chUlaénats
Les catéchuménats jouissent du régime d'écoles non reconnues
et du m3me coup ne sont pas subventionnés et peuvent donc 3tre ouverts
sans aucune déclaration à l'autorité compétente. Selon les textes
officiels, ces écoles n'ont pas alors le droit d'enseigner les matières
prévues au programme de l'enseignement officiel. On pouvait à la
rigueur y dispenser des leçons de français très courts ne dépassant
pas plus d'une heure par jour.
Hais pour bien comprendre l'importance de ces catéchuménats
qui ne sont pas reconnus par les autorités a~'linistratives, i l faut
tenir compte de leur nombre. En 19~5, les sociétés missionnaires
possédaient 159 catéchuménats groupant 6 • .2J1
personnes • ..\\. la .!l3me
époque,
le nombre de leurs écoles reconnues étaient de lJl
(1).
L'oeuvre des missions étant principalement axée sur le
prosélytisme,
c'est par les écoles et surtout les catéchuménats
qu'elles entendaient avoir une action directe et efficace sur les
populations.
Il s'en est suivi alors une confusion totale voulue
ou non entre écoles reconnues et non reconnues.
Les responsables des différentes sociétés missionnaires
ont d'ailleurs essayé d'expliquer leurs positions.
1. Rap~ort de la France sur l'administration du Togo, Enseignement,
1925.
p.
27.

-
168 -
.'our les catholiques, les catéchuménats sont considérés
conme des classes de préparation aux écoles de français. C'est ainsi
que les élèves n'étaient admis au cours préparatoire que lorsqu'ils
avaient non seulement assimilé les matières des catéchuménats à
savoir: la lecture,
le calcul et l'écri~re en langue locale,
mais avaient suivi un enseignement intensif en religion et avaient
surtout reçu leur première communion. Selon le directeur de l'ensei-
gnement -;Jrivé catholique, "les catéchuménats sont les réservoirs
normaux des classes proprement dites" (1).
l'i~me écho chez les protestants méthodistes où, lors d'une
inspection, i l fut constaté que "les enfants suivaient des cours
autres que le catéchisme et qu'en plus on exigeait d'eu.~ une bonne
connaissance de lec~re en français avant d'3tre admis au cours
préparatoire proprement
dit".
(2).
Dans ces conditions, le commissaire de la République crut
bon d'intervenir en dénonçant la solution de pis-aller que pouvait
entra!ner à la longue cette situation. Il accorda un délai d'un an
aux missions pour qu'elles revoient le problème et qu'elles y apportent
des solutions satisfaisantes pour tous.
1. Lettre de "igr Cessou aux directeurs des écoles catholiques,
1) Décembre 1929,
Lomé, Administration française, Archives de
la Bibliothèque Nationale du Togo.
2. Lettre du Chef du Service de l'Enseignement au Directeur de la
Hission ivesleyenne,
10 Hars 1924, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
169 -
Car pour le Commissaire de la Ré~ublique, "ce règlement sanctionné
par l'approbation ministérielle, en le déclarant, de part ses dispo-
sitions, conforme aux termes, doit 3tre fermement et honn3tement
appliqué dans l'esprit libéral qui le caractérise; i l ne saurait
exclure ni la bienveillance, ni la juste appréciation des difficultés
que l'enseignement privé a pu rencontrer jusqu'ici" (1).
On peut,
semble-t-il, affirmer que le véritable souci des
sociétés missionnaires, est avant tout un souci d'effectifs. La
spécificité des catéchuménats doit 3tre recherchée dans la volonté
des missionnaires de dispenser un enseigner.lent religieux en langue
locale. D'ailleurs les parents qui envoyaient leurs enfants dans
ces écoles, delnandaient qu'on leur enseigndt d'abord beaucoup de
catéchisme et de prières et qu'on les prépardt au bapt3lne. Ainsi
l'~ge des élèves n'était pas déterminant et la plupart des enseignants
de ces écoles devaient faire preuve d'une foi solide et de qualités
morales certaines.
En tous les cas, aucun élément nouveau n'est venu prouver
que les missions aient pu aller dans le sens souhaité par le Commissaire
de la République. Les écoles primaires privées se sont développés
dans ces conditions et ont connu une progression constante.
D'un autre ordre semble 3tre l'école professionnelle de la
mission catholique qui fonctionnait à Lomé.
1. Lettre circulaire du Commissaire de la i~épublique aux différentes
missions, nO 1334, 26 Juin 19~8, .~chives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
170 -
C. L' écol() professionnelle de la l·:ission Ca tholigue
Héritée de la période coloniale allemande, l'école profes-
sionnelle a reçu un soin tout particulier durant le mandat français
parce que l'administration française et les missions voudraient
dépasser l'enseignement général donné dans les écoles. Sur ce sujet,
;'lgr Cessou devait écrire en substance :
"L'instruction livresque
ne suffit pas. A elle seule, elle risque de faire de nos
jeunes
gens des paresseux et des déclassés ••• aussi la grande éducatrice
qu'est l'Eglise insiste-t-elle avec raison sur l'importance du travail
manuel ••• de là les instructions qu'elle donne au.~ chefs des missions
de promouvoir, de tout leur pouvoir les écoles industrielles et
agricoles, et en cela elle aide puisswnment l'administration ciVile.
Ces jeunes gens: menuisiers, charpentiers, forgerons,
serruriers etc.
constituent en effet l'élément professionnel et stable dont une colonie
a besoin et sur lequel elle peut faire fond pour son développement
et sa prospérité matérielle"
(1).
Installée dans des bâtiments spacieux, l'école professionnelle
disposait d'ateliers parfaitement outillés pour former des ouvriers
spécialisés dans différents corps de métiers : menuiserie, impri:.lerie,
mécanique •••
1. Lettre de Hgr Cessou au Commissaire de la République,
.29 Octobre
1922, Série administration française, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
171 -
En 1925, l'effectif de l'école professionnelle qui était
de 42 élèves, se répartissait de la façon suivante (1)
11 apprentis imprimeurs
9
"
mécaniciens
15
"
ouvriers en bois
7
"
tailleurs
L'enseignement, d'une durée de quatre ans, était donné par
des missionnaires européens et comprenait des travaux d'ateliers qui
avaient lieu dans la journée ; le soir, les élèves devaient suivre
des cours de français, de calcul et de dessin. Les élèves pourvoyaient
à leur entretien personnel par des salaires hebdomadaires fixes qui
leur 9taient alloués. En fin d'études, un dipleme est délivré à ceux
qui ont subi avec succès un examen d'aptitude. Il n'est remis aux
autres qu'un simple certificat d'assiduité au cours.
L'école est devenue peu à peu un véritable centre d'établis-
senent commercial. Selon la formule déso:rT.1ais consacrée qu'on apprend
mieux qu'en faisant,
les ~lèves fabriquaient des objets de tout genre
qui étaient vendus par l ' ~cole. l'our pe:rT.1ettre à la ,oIissiùn catholique
de compléter et de renouveler son outillage, l'aœJinistration la
soutient d'abord sous forme d'une subvention annuelle qui a doublGe
en cinq ans. De Jo.aca ?
an 1921, cette aide est passée à 6ù.oeo en
1926. De plus l'administration française passait ses commandes et
confiait ses travaux à l'école professionnelle. Ces commandes et
travaux avaient atteint
en 19~5, le montant de i4J.ùOù F. (~).
1. Rapport de la France à la S.D.~., Section ~nseignement, nnnée 19~5,
p.
1).
2. Rapport de la France à la S.D.N.~ Section Enseignement, Année 1926,
p.
20

- 17~ -
Ce dernier point illustre une certaine collaboration entre
l'administration publique et les missions.
Hais qu'en était-il des relations générales et plus parti-
culièrement dans le domaine scolaire entre le privé et le public ?
Ce sera l'objet de notre prochain paragraphe.
D. Les relations entre les sociétés missionnaires et l'administration
uubligue
Dans la plupart des colonies,
la coexistence des missions
avec l'administration a été imposée par les faits.
C'est ainsi que
nous avons vu que durant la colonisation allemande, la présence
des sociétés missionnaires a précédé celle du colonisateur, que ce
dernier, dans un premier temps,
a laissé entière liberté aux missions,
mais a cherché par la suite à canaliser, orienter leurs efforts dans
un but qui corresponde à ses propres objectifs.
Durant le mandat français,
on pouvait craindre le vieil
antagonisme né de l'id~e de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Ce ne fut pas le cas. Au Togo, i l semble d'ailleurs qu'une collaboration
franche ait été souhaitée du cS té de l'administration comme du cSté
des missions.
En effet, dans une lettre adressée aux différents responsables
des sociétés missionnaires, on pouvait lire notamment:
"La tâche à
accomplir demeure inwense et exige, pour ~tre menée à bien, le concours
de toutes les bonnes volontés. C'est pourquoi, au,jourd'hui,
comme
i l y a deux ans,
je me tourne vers les missions et je les convie
à un nouvel effort pour participer à l'oeuvre d'éducation que dirige
l'administration mandataire.

- 173 -
Rien ne s'oppose en effet à une coopération étroite de vos établisse-
ments d'instruction
avec ceux de l'administration et j'estime que
l'enseignement privé doit 3tre appelé à
jouer ici un raIe important
tant par le nombre de ses écoles que par celui de ses missionnaires.
De votre caté, i l ne vous a sans doute pas échappé que, si les écoles
officielles du te~toire sont indépendantes de toutes confessions
religieuses, elles ne sont hostiles à aucune"
(1).
Du ceté des différentes sociétés missionnaires, cette
collaboration a été voulue, demandée et maintes fois répétée. Dans
une lettre adressée aux directeurs des écoles catholiques, le
vicaire Apostolique, Hgr Cessou écrivait :
"Le gouvernement qui
est positif et réaliste, qui juge donc surtout d'après les résultats
ne demande pas mieux
maintenant surtout que nos écoles sont
vraiment siennes - que de les voir prospérer et se développer.
Et je suis sQr que si nous lui accordons la collaboration entière
que nous donnons au gouvernement dans les colonies anglaises, le
gouvernement du Togo et son personnel enseignant européen considereront
nos écoles vraiment comme leurs écoles et qu'ainsi disparattront
complètement l'esprit de rivalité et ces distinctions entre écoles
dont je n'ai cessé de pr3cher la disparition" (2).
1. Lettre du gouverneur Bonnecarrère aux chefs des ~issions, nO 144,
26 Novembre 1925, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.
2.
Lettre du vicaire Apostolique ..gr Cessou au..'C directeurs d'écoles
catholiques du Togo, Lomé, Aodt 1926, Archives de la 3ibliothèque
Nationale du Togo.

-
174 -
Le Pasteur Baeta, responsable de la Hission Protestante
devai t
abonder dans le marne sens "... Grâce à mon influence comme le
guide spirituel de mon peuple, non seulement en ma qualité de pasteur
de la population évangélique de Lomé, mais aussi comme secrétaire
du synode pour le Togo français,
écrivait-t-il,
je continuerai
à faire tout ce qui dépendra de moi pour développer les bonnes relations
entre l'administration et la population partout où je serai, et marne
à l'occasion des réunions des martres d'écoles dans les diverses
régions du territoire ••• "
(1).
Cette collaboration, admise dans les faits des de~~ cStés,
fut remise en question à plusieurs reprises. Trois données principales
constituent des points de dissensions entre sociétés missionnaires
et administration française. Il s'agit de la question de l'~ge des
élèves, de celle de la qualification des instituteurs et enfin du
problème de la finalité des écoles au Togo. Nous nous attacherons
ici à ce dernier point. Dans nos analyses ultérieures nous aborderons
les deux autres.
A la session de l'exaoen du certificat de fin d'études
primaires de l'année 1927, le pourcentage des élèves admis a été
le suivant (2)
:
écoles publiques
mission catholique
5, 20 ~o
mission protestante
1. Lettre du Pasteur Baeta au Commissaire de la République, Lomé,
3 Novembre 1929, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.
2. Rapport de la France à la S.D.N., Section Enseigner~ent, 19.27, p. 81.

-
175 -
Ces résultats ont été l'occasion
d'une levée de boucliers
contre l'enseignement des missions et les c~tiques ont été parfois
très sévères. Les appréciations des administrateurs de cercles sont
catégoriques 1 (1).
"Beaucoup d'enfants qui débutent dans les écoles privées
viennent à nous (enseignement public) quand bapt3me et communion
sont terminés (région d'Anécho).
"Les missions protestantes ont présenté au cours de cette
année des signes manifestes de décadence et cette décadence ne fera
que s'accentuer (cercle de Klouto).
Plus probants sont les témoignages des interessés eux-m3mes.
Les pasteurs d'Anécho, de Lomé et d'Atakpamé éc~vaient :
"}lous avons eu bien des difficultés pour organiser l'école cette année".
Plus catégorique,
le vicaire Apostolique déclare que dans
l'état actuel des choses "l'enseignement libre est fatalement appelé
à disparattre".
Le chef du Service de l'Enseignement juge très sévèrement
les écoles privées: "l'enseignement des missions est d'une médiocrité
décourageante et i l faut croire que ceux qui estimaient que seules
les missions étaient susceptibles de donner une éducation complète
aux indigènes ne s'étaient jamais penchés sur l'oeuvre des missions
au Togo" (2).
1. Rapport de la France à la S.D.N., Section Enseignement, Année 19~7,
p.
2)-24.
2. Rapport annuel sur l'enseignement par le Chef du Service de
l'Enseignement, Année 1927, Service de l'Enseignement, Lomé,
Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

- 176 -
Attaquant plus particulièrement la mission protestante, le
Che~ du Service de l'Enseignement devait poursuivre :
"Four les
Hissions protestantes, l'incapacité de donner un enseignement quelcon-
que est totale et i l serait in~iniment pré~érable pour les en~ants et
pour le territoire que les élèves de ces missions restent illétrés
plutBt que d'acquérir le savoir verbeux et prétentieux qui est leur
lot. On se prépare de beaux éléments de trouble pour l'avenir" (1).
En ce qui nous concerne, ces critiques sont exagérées et
proviennent d'un malentendu. En e~~et l'objecti~ de l'administration
~rançaise n'a jamais été de dispenser l'enseignement à la grande
majorité des
Togolai~ Il était question d'opérer une sélection
sévère et d'arriver à ~ormer une élite s~re qui occuperait les postes
subalternes dans l'administration ou les maisons de commerce. Tel n'est
pas le cas des sociétés missionnaires dont l'objecti~ essentiel est
le gain des !mes, la conversion, plutBt que la ~ormation d'une élite
à tout prix. Dans ces conditions i l est inexact de chercher à mesurer
l'e~~icacité de l'enseignement dispensé dans les écoles con~essionnelles
à
travers le nombre de leurs élèves qui obtiennent leur certi~icat
de ~in d'é~des. Ceci ne veut pas dire cependant que les missionnaires
ne cherchaient pas à dispenser un enseignement de haut niveau et
qu'ils ne se souciaient pas de ~ormer des jeunes qui occuperaient
des postes élevés au sein de leur milieu. Cet objecti~ somme toute
important est secondaire. En ~ait le problème qui se posait, c'était
la croissance trop rapide des écoles con~essionnelles qui a été ~aite
au détriment d'un bon recrutement des enseignants, et du déroulement
de l'enseignement dans des conditions acceptables. Le bilan que nous
1. Rapport annuel précité.

-
177 -
donnons ci-après de l'évolution de l'enseignement au Togo de 1918 à
1933 Eait ressortir les problèmes auxquels étaient conErontés aussi
bien l'enseignement public que l'enseignement privé.
Eilan du développement de l'enseignement (1914-1932)
Les deux tableaux que nous présentons dans les pages
suivantes appelent quelques remarques.
Au niveau de l'enseignement privé
On peut noter d'uneEaçon générale, une progression constante
du nombre des écoles privées, toutes conEessions conEondues. Ainsi de
1921 à 1927, le nombre des écoles de la mission catholique par exemple
est passé de 19 à 68. On observe la mAme progression au niveau du
nombre des élèves qui a été multiplié par deux ~.199 à 4.))4.
Cependant la course à la scolarisation a été eEfectuée
par les Hissions au mépris des données comme les locaux, le personnel
enseignant et les ressources Einancières.
DiEférents rapports ont mis en avant les conditions ~récaires
dans lesquelles l'enseignement était dispensé dans certaines écoles
privées. Très souvent i l s'agissait de hanga~s ouverts a~~ intempéries.
Hais plus grave encore est le niveau très bas du personnel enseignant
des écoles privées. Il ressort du rapport annuel de
19~8, que non
seulement l'arrAté du 7 Septembre 19~~ était maintes fois violé
dans son article ), dans la mesure où un nombre très élevé d'écoles
étaient ouvertes sans autorisation, mais c'est surtout au niveau
de l'article 7 qui demandait aux ma!tres indigènes de posséder dans
un premier temps le certificat du cours cOlilplé<:lentaire. puis en
19~5.
le certificat de fin d'éeudes primaires, c'est à ce niveau surtout
qu'il faut rechercher les causes des mauvais résultats des écoles
privées.

co
t-
Ensei6l1elllent privé confessionnel
(1!,1IIJ-IYJ4) (1)
~
Mission Catholique
Mission Protestante
Nission M~thodiste
Total
Années
Ecoles
Elèves
Ecoles
Elèves
Ecoles
Elèves
Ecoles
Elèves
191 1•
-
-
-
-
-
-
-
-
1921
19
2199
44
1864
(,J
406J
19;!2
J4
216J
60
1915
94
5078
192J
45
J456
41
16J4
8
765
94
5855
1924
49
)47'
54
1767
9
629
112
61J7
1925
67
1.577
45
1785
9
610
121
6972
1926
69
4167
60
182J
7
5J9
lJ6
652Y
1927
68
4JJ1~
51
20J4
5
JYY
124
6767
19;!8
58
41.J7
51
2011
4
210
1 1J
6658
1929
67
5000
46
2;!8J
J
290
116
757J
19JO
22
J05 1
4
475
2
15J
2l:l
J679
19J 1
21
1884
7
490
2
79
JO
245J
19J;!
21
lY97
7
486
2
84
JO
2567
19JJ
27
JO:!J
8
5J;!
2
92
J7
J647
19J4
:!7
JJ4J
7
708
2
95
J6
4146
1. 'l'echoux L.,
Le Mandat français
sur le TOGO,
Thèse de Droit,
DIJon,
Ed.
l:'édone 19J8, p. JIJ4.

0\\
.Enselsne1lllent. o.Hic!.l (I)
r-
....1
Ann' ••
"_bre •• '4::01••
1er degr'
n ... d,gr'
!ente. H'nllg~r••
Courl d'.dult ••
feole. prof.n.
Cour. <''''''Pl.
Intern8u
Tou! du n.v-:~
If:ol ••
Il~'".
leol ••
lit •••
Icole.
Iltovel
Jh.bre
Et~vel
ROIIlbr.
El~ve.
"OIIbr. d'Utv••
NOIIlbre
Enve.
GtU'çons
FIII j.
1914
4
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
304
-
.,
19Z1
13
10
1159
-
-
-
-
2
68
-
-
-
-
1242
1922
14
10
1625
-
-
-
-
2
90
1
31
24
-
-
1770
1923
22
13
2238
-
-
-
-
6
112
2
40
27
-
-
2337
80
1924
30
19
2618
-
-
-
-
6
110
3
62
28
-
-
2747
7l
1925
36
20
2918
-
-
2
60
9
192
2
57
30
2
25
3126
156
1926
47
21
3545
-
-
4
295
12
HI
3
85
35
2
22
3938
295
1927
52
23
3382
6
251
4
249
14
429
2
72
42
2
30
4106
249
1928
46
23
2727
6
239
3
261
10
344
1
50
49
2
31
3/~OS
34/.
1929
43
JJ
2880
4
287
3
260
5
474
1
49
53
2
31
3765
269
1930
46
29
2951
6
247
2
241
5
465
1
42
54
2
30
368S
345
1931
44
29
2559
6
291
2
251
5
358
1
48
J4
-
-
3170
37l
1932
U
33
2712
6
224
2
260
5
436
1
38
~- 38
-
-
3252
449
1933
48
33
2743
6
275
2
266
5
374
1
42
-,.28
-
-
3255
473
1934
50
35
2910
6
305
2
305
5
358
1
28
30
-
-
3430
506
1. Pechoux CL) opu. d t p. 3U

-
180 -
Selon une enquAte e~~ectuée sur la demande du Che~ du
Service de l'Enseignement. il a été constaté que de 1925 à 1927.
sur 25 nouvelles classes ouvertes. on n'a recruté que 5 moniteurs
titulaires du certi~icat de ~in d'études primaires. les 20 autres
étaient dépourvus de tout titre (1).
D'une ~açon plus particulière. on avance le ~ait que la
baisse de l'e~~ecti~ des écoles wesleyennes serait dQ. semble-t-il.
à l'absence totale à la tAte de cette école de ma!tres européens
depuis 2 ~s (2).
En~in i l ~aut prendre en compte la crise de 1929 qui a eu
des répercussions jusque dans les colonies.
Le gouverneur Bonnecarrère paraissait indigné de la
décadence des écoles des missions. Et puisque "le sort des missions
est lié à l'enseignement qu'elles distribu~nt". i l intervint en
leur ~aveur. Selon lui. cette situation risquait d'amener la
~ermeture des écoles con~essionnelles ; ce qui aurait imposé une
charge sup~lémentaire à l'administration qu'elle ne pouvait supporter
dans l'impossibilité où elle se trouvait d'augmenter les e~~ecti~s
des écoles o~~icielles.
Des entretiens qui eurent lieu avec les responsables des
di~~érentes sociétés missionnaires, i l fut retenu que l'administration
prendrait en charge les écoles des missions. en rangeant toutes les
écoles du territoire dans une catégorie unique dénommée les écoles
du territoire. Il ressort des mêmes discussions. que les missions
1.
Rapport annuel préCité.
2.
ibid.

-
181
-
conserveraient leurs bâtiments, leurs élèves et leurs mattres.
En somme
elles garderaient leur indépendance matérielle et leur
autonomie intellectuelle.
Des entretiens eurent lieu séparement entre le Commissaire
de la République et chacune des sociétés missionnaires opérant au
Togo. Les conclusions de ces pourparlers aboutirent aux arr8tés
règlementant les enseignements privés confessionnels dont nous avons
parlé au début de cette partie.
Finalement on peut retenir deux conséquences de cette
période de tension entre missions et administration. D'une part
les sociétés missionnaires devaient mieux coordonner, mieux doser
leurs efforts. Comme récompense, l'administration prenait à sa
charge les 2/3 du salaire des mattres des écoles privées, qui
seront assimilés aux instituteurs des écoles officielles d'après
leur formation,
leur capacité, leurs années de service. Ils recevront
le m3me salaire dont les LI3 seront versés par le gouvernement,
le reste par les missions"(l).
Si l'administration avait tenté de venir au secours des
sociétés missionnaires, elle n'était pas non plus à l'abri de la
crise. En 1928, elle s'abstint d'ouvrir de nouvelles écoles de
village,
faute d'un personnel apte aux fonctions d'enseignement.
Le Chef du Service de l'Enseignement devait constater:
" ••• Le
personnel (que les circonstances nous ont obligé à accepter) est
profesionnellement très faible, notre devoir est de le former
avant de l'augmenter"
(2).
1. Arr8té du 17 Juin t9~9, J.O.T., p. 340.
2. Pechoux, op. cit, p. 344.

-
18~ -
L'administration ~rançaise se devait d'3tre prudente
d'autant plus qu'à la commission pennanente des mandats, le rapporteur
chargé de l'enseignement, Bugge ~icksell une pédagogue suédoise,
constata dans les rapports sur le Togo, une diminution des e~~ecti~s
et la rareté des écoles dans le Nord du Togo. Selon le raporteur,
l'enseignement n'était pas une instruction de masse comme le
déclarait l'administration (1).
La succession de Bugge Wicksell par la Norvégienne Dannevig
en 1929 ne diminua pas le nombre des observations et des demandes
de renseignements
adressées à la France sur l'enseignement. Ce sont
toujours les e~~orts de l'administration jugés peu importants dans
ce domaine qui constitua l'essentiel des interventions du nouveau
membre de la Commission. Ses premières remarques portèrent sur le
faible pourcentage des en~ants ~réquentant les écoles o~~icielles
qu'elle attribua à l'obligati?n d'enseigner en ~rançais m3me dans
les écoles de village.
En 1930, le Commissaire de la République,
Bonnecarrère,
expliqua la diminution des e~fecti~s par la nécessité de renvoyer
des élèves trop âgés pour laisser la place dans des écoles de plus
en plus ~réquentées (2).
1. Archives de la France d'Outre-Mer, C.P.M., P.V.
13ème session,
9ème séance (16 Juin 1928), Examen du rapport annuel sur le Togo,
p. 72, Enseignement.
2. C.P .}1., P. V., 18ème sessi.on, 10ème séance (25 Juin 1930), Examen
du rapport annuel sur le Togo, pp. 97-98, Enseignement.

-
18) -
Afin de rechercher les meilleures solutions à adopter
pour remédier aux nombreux problèmes interessant ll ense ignement
du territoire. fUt créé un comité consultatif de llenseignement
groupant à la fois les responsables des écoles publiques et ceux
des écoles privées. Mais i~ faudra attendre 19)) pour voir apparattre
de nouvelles idées (1).
=-=-=-~-=-=-=-=-=
1. Cl est ll a rrAté nO )0) du 18 Juin 19)2 qui fixe la composition
définitive du comité consultatif de ll enseignement. J.O.T.,
1932,
p. )52.

1
.:t
Ecole William
<Xl
Ponty
Ecole profea-
Ecole normale pour
sionnelle de
jeunes filles de
Sokodê
Ruffhque
Durêe : 4 ana
For_tion
._ d'ouvrier.
Baae de l'enseiBne.ent
Ecole de villase
Ecole normale
But : Diffuser la lanBue
rurale de
française et donner au
Dabou
plus grand nombre possi-
Ecole
Cours complêmentaire
ble d'indigênes les
i'ijti'"""ond e
quelques connaissances
Reçoit sur concoura
Durêe : 3 ans
qui leur aeront utilea
1
~
----.....,;>
les Uêvea de
Sanction des
dans la vie courante.
l'êcole rêgionale.
Etudes : certi-
Ecole normale
La plus grande majoritê
ficat de fin
Durêe des êtudes :
rurale de
des êlêves qui frêquentent
d'êtudes primaires
4 ans
Kadibougou
cette êcole sont rendua
êlêmentaires (CEPE)
A leurs parents A la fin
dea êtudes. Les plus
douês pourront suivre
les cours de l'êcole
Ecole de mêdecine
rêgionale.
de Dakar
Ecole d'asricul-
Durêe des êtudea de
ture
l'êcole de villaBe: 4 ana
Durêe : 3 ana
Formation de
moniteur.
Ecole vêtêrinaire
de Bamako
Ecole technique
supêrieure de
Bamako

- 185 -
CHAPITRE II - LES NOUVELLES DONNEES DE LA POLITI'iUE SCOLAIRE
DE LA FRANCE AU TOGO A PARTIR DE 1933
Dans les années 1930 se dessine une nouvelle orientation
de la politique scolaire de la France dans ses colonies. Il est
indispensable de conna!tre les idées qui sont à la base de la
nouvelle organisation de l'enseignement en Afrique
en général et
particulière~ent au Togo.
En 1930 eut lieu l'exposition coloniale. Cette manifesta-
tion a
eu pour conséquence la redécouverte de l'Afrique. Hais bien
avant, certains administrateurs coloniaux tels que Delavignette et
Breart, n'ont pas manqué de dénoncer l'aveuglement culturel de la
France en Afrique. Ils affirment bien haut que la culture africaine
ne peut pas 3tre réduite au fétichisme et au cannibalisme,
ils se
font les avocats d'un relativisme culturel particulièrenent rare
à l'époque,
surtout dans le milieu colonial (1).
On parle volontiers de "retour aux sources" et de "culture
franco-africaine"
(2). Robert Delavignette exhorte Français et
Africains à
"sauver la culture noire,
à rendre les Noirs à eux-m3mes"
G. Hardy plaide en faveur d'une "redécouverte de la tradition" et
propose qu'on adapte l'enseignement au contexte africain
1. L'adaptation et l'enseignement dans les colonies.
i~pports compte-
rendus du congrès intercolonial de l'enseignement dans les
colonies et les ::>ays d'Outre-1'Jer,
Paris,
d5-<::7 Septembre 1931,
Ed. Henri Didier,
1932,
275 p.
:2. Dadié B.,
"~Iisère de l'enseignement en A.D.F.", IJrésence
Africaine, nO 11, Décembre 1956, pp. 56-71.

-
186 -
"L'adaptation, :fait-il remarquer, qui est la clé de l'enseignement
des indigènes, suppose au premier che:f une connaissance intir~e du
pays, et non seulement de ses ressources naturelles et de ses
aptitudes économiques, mais surtout la connaissance de ses habitants,
de leur genre de vie, de leurs coutumes, de leurs traditions, de
leur âme"
(1).
Mais c'est surtout H. Brevié alors gouverneur général de
l'A.O.F. qui va reprendre toutes ces idées à son compte et essayer
d'esquisser ce que devait 3tre l'orientation de la politique scolaire
de la France dans ses colonies.
Le gouverneur général Brevié devait écrire en 193~ :
"La culture :française la plus élevée n'implique pas le mépris des
traditions, elle n'exclut pas l'amour du sol et du :foyer, l'attache-
ment aux vieilles coutumes et aux :fortes traditions de race. Nous
attendons au contraire des indigènes instruits qu'ils nous révèlent
quelques uns des secrets de l'lime populaire"
(2).
Les instituteurs a:fricains sont poussés à entreprendre
des recherches sur la "société indigène" et à recueillir les tradi-
tions orales. Beaucoup de ces travaux ont été publiés dans le
Bulletin de l'enseignement en A.O.F.
1. Hardy G. "Con:férence économique de l'A:frique :française"
A:frique :francaise, Supplément nO 34,
1930, p. 328.
2. Discours du gouverneur général Brevié pour l'ouverture du Conseil
du Gouvernement, Renseignements coloniaux. nO 1,
1932, p. 39.

-
187 -
Abordant plus particulièrement le problème. scolaire,
H. Brevié devait écrire:
"La question de l'enseignement se ramène
à deux problèmes essentiels, également importants, mais nettement
distincts et dont les données politiques et sociales débordent
le caractère strictement scolaire et pédagogique ••• ".
"
d'une part, i l s'agit de former par une sélection'
constante les cadres nécessaires à la vie administrative et écono-
mique du pays; c'est là un enseignement de minorité, un enseignement
individuel, auquel ne peut se borner, sous peine de créer un
déséquilibre profond, notre effort d'éducation. Il s'agit d'autre
part, d'éduquer la ~asse, de seconder ?ar l'école notre action
administrative et sociale qui est essentiellement éducative, puisque
la volonté de la France est de parvenir à la transformation durable,
équilibrée et progressive de la vie indigène"
(1).
C'est sur la base des suggestions de ~1. Brevié que furent
envoyées à toutes les colonies dont le Togo, des suggestions tendant
à réformer l'organisation générale de l'enseignement. Des travaux
du comité consultatif de l'enseignement, i l faut retenir qu'on
voudrait
a) réduire le nombre des écoles régionales à ~
b) n'admettre dans les écoles régionales que les élèves
méritants, susceptibles de former une, élite, élèves
choisis dans les écoles élémentaires.
1. Lettre circulaire sur l'enseignement po~ulaire en A.ü.F. au Togo
et au Cameroun, nO lü7E, Dakar, 8 Avril 1931, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.

-
188 -
c) créer des écoles populaires où un plus grand nombre
d'enfants apprendront wà penser et à parler français.
Instruire l'enfant dans son propre milieu pour ne pas
en faire un déclassé, développer en m3me temps l'ensei-
gnement pratique agricole etc ••• Faire "en un mot, du
fils d'un cultivateur, non pas un diplamé, mais un
cultivateur plus instruit que ses parents et suscepti-
ble de comprendre et d'adopter de nouvelles méthodes
de travail, d'élevage, d'appliquer les règles
d'hygiène ••• " (1).
L'enseignement tel qu'il allait 3tre donné dans les
établissements scolaires au Togo, comprend:
1. un enseignement populaire rural
2. un enseignement primaire élémentaire
J. un enseignement primaire supérieur
1. L'enseignement pODulaire rural
Il s'agit, comme son nom l'indique, d'un type d'école
nouveau. Son but est "d'instruire l'enfant dans son propre milieu
en l'exerçant à la pratique du français parlé et de nouvelles
",éthodes de travail, d'agriculture, d'élevage et d'hygiène"
(Article J).
Cet enseignement est donné gratuitement dans les écoles
populaires et rurales qui peuvent 3tre ouvertes par arr3té du
Commissaire de la République dans toutes les agglomérations où est
assurée une fréquentation permanente d'au moins cinquante élèves.
1. Lettre circulaire du Chef du Service de l'Enseignel:Jent au Chef
de l'administration générale, nO 1641, Lomé, le 22 Novembre 19J4,
.~chives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
189 -
Les enfants y sont admis à partir de l'~ge de 8 ans. Le programme
de l'école est fort simple. Il consiste en "leçons de langage,
de calcul, se limitant aux exercices pratiques que le cultivateur
de la brousse peut effectuer lors de ses achats et ventes" (Article 5;
Quelques causeries sont prévues sur des sujets de morale et d'hygiène
sur lesquels i l est bon d'attirer l'attention de l'enfant.
Enfin i l est indiqué que le fonctionnement de ces écoles
est une ·oeuvre désinteressée par laquelle l'indigène prendra
conscience de son rattachement à la vie française et de ses possibi-
lités d'avenir" (1).
~. L'enseignement primaire élémentaire
Il est donné :
dans les écoles rurales, urbaines et ménagères
les écoles régionales
dans les cours d'adultes
a) Les écoles rurales. urbaines et ménagères
Ce sont en fait des écoles de village "nouvelle version".
On insiste à dessein sur le terme d'écoles rurales,
au lieu des
termes officiels d'écoles préparatoires et d'écoles élémentaires
qui ont "le tort d'indiquer une hiérarchie, une ascension".
1. Observations du bureau de l'administration générale sur le projet
d'arrêté réorganisant l'enseignement, Lomé, le :> Janvier 19J5,
Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
190 -
Les élèves suivent les programmes des cours préparatoires.
A cBté des matières scolaires, i l est prévu des travaux pratiques
et agricoles. Les écoles rurales s'adressent au plus grand nombre
possible d'enfants. Cependant, les élèves qui manifestent des qualités
et des capacités certaines peuvent suivre les programmes des cours
élémentaires. Les travaux pratiques et agricoles prennent ici une
place marginale.
Les écoles ménagères fonctionnent dans les centres où i l
est possible de réunir un minimum de JO enfants de sexe féminin.
b) Les écoles régionales
Elles constituent l'échelon supérieur. Les élèves de ces
écoles sont recrutés par le chef du Service de l'Enseignement sur
proposition du directeur du groape scolaire parmi les meilleurs
élèves des écoles urbaines. Son rBle, comme l'indique le circulaire
du gouverneur général de l'A.a.F.
"ne doit pas se borner à la sélec-
tion,
••• elle ne doit plus Atre considérée seulement comme définie
par son cours moyen, comme une école de sélection et une pépinière
de candidats aux écoles supérieures, mais doit, grâce à ses effectifs,
à sa présence dans les centres peuplés, grouper et souder en un
système ~lus ou moins complet, l'école ~opulaire, l'école de village,
l'école pratique et l'école de sélection"
(1).
La durée de la scolarité y est de deux ans et aucun élève
n'est autorisé à rester dans la mAme classe au delà de cette limite.
1. Lettre circulaire de Brevié précitée.

-
191 -
Les études faites dans les écoles régionales sont sanotionnées par
l'examen pour l'obtention du certificat de fin d'études primaires.
Ceux qui subissent cet examen avec sucoès peuvent selon le nombre
de points obtenus postuler un poste de moniteur ou un emploi
quelconque,
ou continuer dans l'enseignement primaire supérieur.
Mais avant d'aborder ce niveau d'enseignement, i l faut
prendre en compte les cours d'adultes.
c) Les cours d'adultes
Ces cours existaient à Lomé depuis 19~2. Confiés à des
instituteurs togolais,
placés sous la direction du Chef du Service
de l'Enseignement, les cours d'adultes étaient utilisés pour
"diffuser l'usage du français dans la masse, en m3me temps qu'ils
devaient permettre d'inculquer aux adultes les notions indispensables
sur la vie économique du pays ••• Par des "causeries" appropriées,
i l faut dispenser aux indigènes, les notions indispensables de
morale naturelle, d'hygiène,
et leur faire part de notre esprit,
de nos intentions et de nos activités,
tout en gardant leur
confiance" (1).
Un an plus tard,
le commissaire de la République devait
demander l'élargissement de la clientèle de ces cours. Dans une lettr'
adressée aux chefs des différents services du territoire, i l devait
demander à ces derniers d'exhorter les agents togolais placés sous
leur ordre à fréquenter assiduement les cours d'adultes.
1. Arr3té nO 84 du 1er Octobre 19~~ créant les cours d'adultes,
aapport de la France à la S.D.N., Section ~nseignement, .~éé 19~~,
p.
17.

-
19~
Selon le commissaire de la République,
"l'emploi courant du français
dérivant de leur travail journalier dans les bureaux se trouvera
ainsi harmonieusement complété par des lectures et des compositions
qui les familiariseront plus intimement avec l'esprit de notre
langue tout en les perfectionnant dans l'art de la rédaction ainsi
que celui de la conversation"
(1).
Mais c'est surtout l'arr3té du 18 Janvier 1935 qui devait
réorganiser d'une façon plus cohérente les cours d'adultes.
·.t:uatre groupes d'auditeurs étaient prévus
les débutants illétrés
les auditeurs possédant un rudiment d'instruction et
comprenant le français,
les auditeurs possédant une instruction rudimentaire,
du niveau du cours élémentaire 1ère et ~ème année 1
les auditeurs possédant le certificat de fin d'études
primaires élémentaires ou ayant fréquenté une classe
préparant à cet examen.
L'effectif de ces cours a sensiblement varié. De 192
auditeurs en 1925, on ne comptait guère plus de 300 personnes cinq
ans plus tard. Ce qui est somme toute logique dans la mesure où il
ne s'agissait pas de faire de l'alphabétisation de masse, mais de
permettre à quelques uns de parfaire leur connaissance de la langue
1. Circulaire nO 258 du Commissaire de la République à hrs les chefs
de service au sujet des cours d'adultes,
Loné, le ~8.2.19~J,
J.O.T., nO 29, Mars 1923, p. 96.

-
193 -
française (1).
1. L'enseignement primaire supérieur
Destiné aux meilleurs élèves des écoles régionales, i l est
donné au cours supérieur et au cours complémentaire.
Le cours supérieur prépare au concours d'entrée au
cours complémentaire et recrute ses candidats parmi les élèves
sortant des écoles régionales du territoire et ayant obtenu une
moyenne de quarante cinq points sur cent à "l'examen du certificat
de fin d'études primaires élémentaires. La durae de la scolarité
y est d'une année.
Cependant un arr3té du 26 Octobre 1935, supprime le cours
supérieur à Lomé. L'année préparatoire au cours co;nplémentaire est
cependant maintenu, mais seulement les élèves préparent ce concours
dans les cours moyens 2ème année des écoles régionales, où ils
forment, à caté des candidats au certificat de fin d'études primaires
élémentaires une division spéciale. Les élèves qui réussissent
au concours peuvent entrer au cours complémentaire.
Le cours complémentaire a lui aussi subi diverses
modifications.
En raison d'une politique d'austérité instaurée à partir
de 1934, certaines mesures furent prises pour assurer une ar.~ature
administrative moins coateuse au Togo. C'est ainsi qu'un décret du
1. Coxnevin 3.. dans son "Histoire du Togo" p • ..:64 signale 500 audi-
teurs pour 1922 avec un pourcentage de fréquentation supérieur
à 85 ;;,.

- 194 -
23 Novembre 1934 stipule que "le Togo placé sous mandat f'rançais
demeure constitué en une unité territoriale possédant l'autonomie
administrative et f'inancière" mais en déléguant toutef'ois les pouvoirs
de la puissance mandatrice au Commissaire de la République qui est
obligatoirement lieutenant-gouverneur du Dahomey" (1).
Cette compression du personnel nécessita la suppression
du cours complémentaire de Lomé et l'ouverture d'une "section Togo"
à l'école primaire Victor Ballot à Porto-Novo, au Dahomey. De m3me
la direction du Service de l'Enseignement passa au Chef' du Service
de ce territoire (2).
1. Décret du 23 Novembre 1934 portant réduction des dépenses
administratives au Togo, J.O.T.,
1934, p. 198.
2. Arr3té du 26 Octobre 1935. L'idée de rattacher le Togo au Dahomey
eXistait depuis 1932. Le Commissaire de la République J. de
Saint Alary écrivait cependant que "le rattachement du Togo
au Dahomey ne paratt devoir apporter aucune économie dans la
gestion adoinistrative et comportera une aggravation des charges
du contribuable. Au point de vue social, i l n'apportera aucune
amélioration à ce qui existe". J. de Saint Alary: Considérations
générales sur le mandat f'rançais sur le territoire du Togo,
nO 6581, 6 Mai 1932, Archives de la ,Bibliothèque Nationale
du Togo.

-
195 -
Le out de la section dite "section Togo" n'était nullement
dirrérent de celui du cours complémentaire de Lomé. Il s'agissait
de :
(Article 2)
a) donner un complément d'inrormations à des élèves
n'ayant d'autre out que celui de compléter leurs
études.
0) préparer éventuellement :
des candidats aux écoles du gouvernement général
de l'A.O.F.
des candidats au."C emplois des cadres locaux du
terri toire.
des monitrices auxiliaires des classes de rilles (1).
Cette période qualiriée "d'union i>ersonnelle avec le
Dahoney" ne laissa pas indirrérente l'Assemolée de Genève qui
critiqua cette union si oien qu'en 1937, la Direction de l'Enseigne-
ment revint à un Cher de Service spécial au Territoire, et résidant
à Lomé.
Par ailleurs, i l raut noter que, en dépit de la sélection
des élèves du cours conrylémentaire, leur nomore n'a jamais dépassé
dans le meilleur des cas 55, et que malgré l'orientation proression-
nelle et pratique donnée à l'enseignement au cours complémentaire,
de nomoreux élèves avaient du mal à trouver un emploi à l'issu de
leur scolarité. Rappelons que les élèves au cours des trois années
1. Arrftté du 17 Janvier 1936 portant organisation de la Section
Togo, à l'école primaire Victor Ballot à Porto-Novo, J.O.
1936, p. 199.

-
196 -
de formation,
recevaient durant les deux premières années un ensei-
gnement général très poussé. En troisième année,
trois sections
étaient offertes aux élèves : celles de futurs instituteurs, des
agents administratifs et des agents commerciaux.
Il semble que ce soient les élèves sortis des deux
dernières sections précitées, qui avaient le plus de mal à se faire
employer par les maisons de la place ou par l'administration elle-
m@me. Ils devaient saisir à plusieurs reprises le Commissaire de
la République, "afin qU'il daigne s'occu~er de leur sort"(1).
Les témoignages ne manquent pas. Ainsi l'élève J.N.
de la promotion 1928-1931 qui se trouvait sans emploi depuis sa
sortie du cours complémentaire de dénoncer le népotisme du système
car ce sont surtout les "bonnes t@tes (sic),
les derniers ou les
non diplamés qui avaient été l'objet d'une onc~euse sollici-
tude ••• " (2).
1. A cause des réclamations des élèves diplamés, le Coôwissaire de
la République envoya un télégramme-lettre-circulaire à
tous les
conmandants de cercle et à tous les chefs de service ainsi
libellé : "Honneur vous faire conna!tre que 9 élèves sortis
du C.C., le 14 Juillet, 1931 n'ont pas encore trouvé d'emploi
vous prie m'adresser proposition en vue leur utilisation.
Ces jeunes pourraient @tre employés comme auxiliaires en rempla-
çant des agents de moindre valeur et dont vous vous estimez peu
satisfaits ••• " 14 Novembre 1931, nO 2170G, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.
2. idem

- 197 -
Cet autre, L.F. regrettait les années passées au cours complémen-
taire car "après avoir passé trois ans au cours complémentaire •••
au lieu d'Otre préposé des douanes, laquelle fonction je me
souhaitais depuis trois ans et que je croyais occuper après mes
études,
je suis resté sur le pavé ••• "
(1). Et les élèves de la
8ème promotion de renchérir :"L:.. 17 Nous voilà sortis du cours
complémentaire à la fin de trois années d'études ••• après plusieurs
mois de vain espoir, nos parents qui peu à peu se lassent de notre
présence ont grand'peine à voir leurs garçons dans cet état
défavorable ••• aussi,
sommes-nous très tristes de nous voir à
la maison pendant que certains camarades de la wOme promotion
que"nous s'en vont au bureau ou en reviennent. Pour nous, la
journée devient très longue et la vie très pénible ••• " et
ces élèves de supplier le Commissaire de la ~épublique de nr.1e ttre
fin à notre misère en procurant à chacun de nous une ~lace dans
l'administration"(~).
1.
Lettre adressée au Commissaire de la aépublique par L.F.,
Série GBP, 5 Septembre 1931, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.
2. Lettre au Commissaire de la République, 17 Octobre '931,
signée Comlan Georges, Santos Pedro, Comlin Paulin, Jacob Norbert,
Laurenzo Faustin, Gamez Robert, Série GBP, Archives de la
Bibliothèque ~Tationale du Togo.·

-
198 -
Pour remédier à ce sous-emploi, un comité de Patronage fUt
chargé de proposer des mesures pour l'utilisation de ces jeunes qui
ont fréquenté l'école durant de longues années et qui faute de trouver
un emploi correspondant à leurs aspirations, pouvaient constituer des
éléments de trouble pour l'administration française. Nous verrons au
cours des prochains chapitres les modifications qui ont été apportées
dans ce domaine.
Cependant pour que les nombreuses écoles dont nous venons
de p~ésenter les structures et les programmes puissent fonctionner
convenablement, i l faudrait des enseignants qui soient bien formés
et qui puissent exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions.
La question de la qualification du personnel enseignant a été
d'ailleurs une source de conflits entre l'administration française
et les sociétés missionnaires.
4. Le Personnel enseignant
Àu Togo, i l existait deux ordres d'enseignants
les ensei-
gnants européens et ceux du cadre local.
La première catégorie est composée des instituteurs européens
titulaires pour la plupart du Brevet élémentaire ou du Baccalauréat.
Dans le deuxième ordre d'enseignant, i l y a lieu de distin-
guer les instituteurs des moniteurs. Les premiers cités comprenaient
ceux qui ont suivi la formation des écoles normales du
gouvernement général de l'A.a.F. Leur instruction générale
était sensiblement équivalente à celle des titulaires
du Brevet élémentaire en France.

-
199 -
Les autres instituteurs étaient d'anciens moniteurs ayant
subi avec succès l'examen du certificat d'aptitude à
l'enseignement (C.A.E.).
A caté de ces enseignants qualifiés, et dont le nombre est
infime au Togo, figurait tout un personnel dont le dévouement n'est
certes pas en cause, mais qui nanquait de formation pédagogique et
de connaissances les plus élémentaires; c'Jtaient les moniteurs.
L'article 7 de l'arrOté du 4 Septenbre 1922 stipulait que,
pour avoir le droit d'enseigner, les enseignants togolais devaient
Otre titulaires du diplame du cours complémentaire. Cette prescriptior
fUt adoucie en 1925, lorsqu'il ne fUt exigci de cette catégorie de
personnel que le certificat de fin d'études primaires. ~ialgré cette
atténuation, la prescription de 1925 ne fut Janais respectée. En
1928, un rapport du chef du service de l'enseignement soulignait
que 75 ;~ des moniteurs des écoles confessionnelles étaient dépourvus
de tout diplame (1).
L'administration française avait alors pris différentes
mesures pour améliorer les ~restations des enseignants. C'est ainsi
que dès 1924, un cours de perfectionnement des moniteurs togolais,
obligatoire pour le personnel de l'enseignement public, facultatif
pour celui du privé,
était ouvert chaque année pendant les grandes
vacances, du 1er AoQt au 15 Septembre (2).
1. Rapport annuel du chef du service de l'enseignement, Année 19~8,
Archives de la Bibliothèque nationale du Togo.
2. ArrOté nO 195 portant ouverture d'un cours de perfectionnement
des moniteurs des écoles du Togo. Rapport de la France à la S.D.);.
Année 1924, p. 338.

-
200 -
Un autre arr~té, celui du 21 Septembre 1927, créa un cours
de perfectionnement hebdomadaire et un cours par correspondance qui
permettraient aux enseignants d'améliorer leur culture générale.
On institua ensuite des cours de pédagogie, fonctionnant dans les
centres comme Lomé et Anécho. Ces cours étaient complétés par des
leçons pratiques faites à tour de raIe par chaque enseignant devant
des collègues et l'inspecteur de l'enseignement. Les ma!tres éloignés
de ces deux centres recevaient chaque mois ?ar correspondance, des
instructions pédagogiques conçues sous une forme très simple avec
"l'obligation de les étudier, de les comprendre (sic), de les
appliquer". De plus chaque visite de l'inspecteur était suivie
d'un bulletin qui donnait des conseils à suivre (1).
Ces mesures ont contribué à l'amélioration du niveau du
personnel enseignant. Mais en fait i l faut faire remarquer que les
observations que nous venons de mentionner ne concernaient que les
ma!tres des écoles publiques. Ces cours ne s'adressaient donc pas
aux enseignants du privé qui d'ailleurs, ne se sont pas crus obligés
de les fréquenter. On peut s'étonner des raisons de cette ~ise à
l'écart des écoles confessionnelles dont les résultats scolaires
moyens étaient dQs au manque de personnel qualifié, consécutif
disaient les responsables des sociét~s missionnaires au manque
de ressources. "Avec ce personnel non formé,
écrivait en 19~7, le
vicaire apostolique du Togo, i l est impossible de faire marcher les
écoles, de progresser" (2).
1. Rapport de la France à la S.D.N., Section Enseignement, Année 19~7,
p.
23.
2. Lettre de Hgr Cessou au Conunissaire de la République nO 3 13,
28 Avril 1927, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
201 -
Ce jugement était d'ailleurs con~irmé par les rapports
d'inspection. Ainsi lors d'une tournée interessant les écoles rurales
et urbaines privées, l'inspecteur n'a pu accorder de note au dessus
de la moyenne qu'à un maltre sur dix (1).
Comment se ~ait-il que c'est dans l'enseignement privé
qu'il y avait le plus grand nombre d'enseignants ne possédant pas
la q~i~ication o~~icielle requise ? A notre avis, deux raisons
principales se trouvaient à l'origine de cette situation. Il ~aut
tout d'abord prendre en considération le ~ait qu'il existait un
écart très sensible au niveau de la rémunération entre le personnel
enseignant du public et celui du privé. De plus seuls les enseignants
des écoles publiques béné~iciaient d'une caisse de retraite. Leurs
collègues de l'enseignement privé ne connaissaient pas de mesure
analogue, devant se contenter au moment venu d'une allocation versée
par les missions selon leurs possibilités. Tout ceci explique
pourquoi les candidats à l'enseignement pré~éraient exercer leur
pro~ession dans le public plut8t que dans le privé con~essionnel.
Par ailleurs, le recrutement des enseignants des écoles
privées se ~aisaient généralement sur des critères tels que l'assiduit.
aux o~~ices religieux, une belle voix pour chanter à la messe ou
au culte, une bonne mo~ité. Ainsi à l'école des missions, le
martre devait apparaftre en quelque sorte comme le prolongement du
missionnaire. Il était d'abord chantre à l'Eglise ou au Temple.
A cette t4che, i l joignait celle de sacristain: i l préparait les
ornements, accompagnait le missionnaire lorsque celui-ci allait porter
1. Rapport annuel sur l'enseignement,
1929, op. cit.

-
202 -
aux malades les derniers sacrements. Il n'était donc pas étonnant
que laissant à l'arrière plan la question des diplSmes, l'enseignement
privé ne soit fatalement appelé à connattre des résultats scolaires
inférieurs à ceux des écoles publiques.
Si la période de l'après-guerre allait permettre avec la
constitution de nombreux syndicats, tel que celui des enseignants,
de corriger les différences de traitements qui existaient entre les
enseignants du privé et
ceux
du public, i l faut pourtant souligner
que les moniteurs titulaires et auxiliaires constitueront la mojorité
des enseignants, surtout dans les écoles confessionnelles, comme
l'indique le tableau de la page suivante.
5. Les limites d'~ge
Un des aspects de la situation scolaire en Afrique en
général et au Togo en particulier, c'est la fréquence de classes
surchargées, mais surtout la présence au sein d'une mOrne classe
d'enfants dont l'!ge pouvait accuser un écart énorme. Cette situation
qui avait pour causes, l'insuffisance de b!timents scolaires, de
personnel enseignant et enfin une demande d'instruction de plus en
plus forte, inquiétait M. I~ŒERT,
chef du service de l'enseignement
qui crut y remédier en suggérant au Commissaire de la République
de publier un décret qui limiterait l'Ige d'entrée à l'école. Un
arrOté du 28 Juin 1928 avait pour objet d'apporter une solution à
cette situation. Selon M. Bonnecarrère, Commissaire de la République,
wl e nombre des membres de l'enseignement ne pouvant s'accrottre que
lentement, ne permet pas la multiplication rapide des classes, le
nombre des élèves qui désirent s'asseoir sur les bancs de l'école
dépasse de beaucoup les places disponibles w (1).
1. ArrOté du 28 Juin 1928, Articles 5 et 9, J.O.T., 1928, p. 493.

-
203 -
Répar~i~ion du personnel enseignan~ (1950) (1)
Enseignemen~
Personnel euseignan~
ot't'iciel
catholique
Pro~es~an~
1947 1948
1947
1948
1947
1948
Eurot>éens
rot'es.eur agrégé (ins"ec~eur
'académi.e)
- 1
-
-
-
-
rot'esseurs licenciés
-
2
-
-
-
-
rot'esseurs adjoiu~s
-
1
-
-
-
-
ns~i~teurs ou assimilés
10
16
-
-
-
-
nsti ~~eurs ~i~laires
3
11
-
-
-
-
hargés d'enseignemeu~ ~ HOlDDles
- -
5
7
2
1
FelllDles
3
-
1 1
14
1
J
Togolais
ns~i~~eurs ti~laires
56
67
5
4
-
-
ns~i~~rices ti~laires
11
lJ
-
-
-
-
oni~eurs ~i~laires
J8
132
27
35
7
9
onitrices ~i~laire.
5
16
-
-
-
-
3ni~eurs aUXiliaire.
55
4
lJ7
158
41
46
3ni~rices auxiliaires
9
4
-
-
-
-
190
267
185
218
51
59
:l)Tabeau eztrai~ du rappo~ de la France à l'O.N.U. Année 1950 P. 227

-
204 -
Dès lors l'!ge d'admission fut fixé de 7 à 15 ans dans les écoles de
village, et de 12 à 17 ans dans les écoles régionales, étant entendu
que le nombre d'élèves dans les premières ne pouvait dépasser 60 par
classe et dans les secondes 40. 5elon le chef du service de l'enseigne-
ment, cette prescription devait "éli~iner les inscriptions prématurées
et la présence prolongée de vieux élé~ents sans avenir intellectuel
fréquentant l'école pour fuir l'imp8t" (1).
En fait l'arrlté du 28 Juin 1928 fut difficile à appliquer
pour deux raisons principales z d'une part la plupart des élèves ne
possédaient pas d'état civil régulier, mais d'autre part surtout
l'administration et les sociétés missionnaires n'avaient pas une vue
commune de ce problème.
En 1930, le chef du service de l'enseignement invitait les
directeurs d'écoles à appliquer plus dans son esprit que dans la lettre
l'arrêté du 28 Juin 1928, tout en soulignant qu'ils devaient "exclure
des classes ou refuser d'y admettre les élèves qui à l'!ge qui leur
est attribué, constituent pour la bonne marche de l'enseignement,
un glne, un trouble quelconque" ••• et que " ••• dans une école peu
chargée on sera plus libéral que dans un centre surpeuplé. Dans un
milieu nouvellement ouvert à notre influence on excluera moins sévère-
ment les plus âgés que dans les villes où notre action est plus
ancienne" (2).
1. Rapport annuel du service de l'enseignement, op. cit.
2. Note de service du chef du service de l'enseignement, nO 1642,
24 Aodt 1930, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
205 -
En somme, d'après le chef du service de l'enseignement
i l faudrait avant tout "éliminer sans faiblesse tous ceux qui ont
fait leur temps et dont on n'a plus rien à attendre, car l'on n'a pas
besoin de "poids morts", et ce n'est pas en faveur des indésirables
que notre tolérance doit s'exercer" (1).
Comme l'on pouvait S'y attendre, les difficultés d'applica-
tion de l'arrlté surgirent du fait de l'absence d'état-eivil régulier
chez les élèves. De plus i l faut souligner une pratique assez courante
au Togo jusqu'à l'heure actuelle. Une personne ne possédant pas d'acte
d'état-eiv:Ll peut se faire établir à la Hairie une pièce dénommée :
acte de notoriété. Pour l'obtenir, la dite personne devait se présentel
accompagnée de sept témoins capables de certifier devant l'administra-
tion que l'interessée était néé à telle date. Or très souvent, ces
témoins qui se recrutaient dans la rue -
et qui se faisaient payer
leur service - ne connaissaient guère la personne interessée et
venaient certifier avec le plus grand sérieux que Monsieur Un Tel,
connu d'eux,
est né en telle année et en telle localité. Certains
élèves ou mIme des parents d'élèves n'ont pas hésité à recourir à ce
moyen. C'est ce que dénonça le chef du service de l'enseignement
lorsqu'il affirmait que "beaucoup d'élèves se sont faits rajeunir
de J ou 4 ans, ceux qui ont été jusqu'à 5 ou 6 ans ne sont pas rares.
L'un d'eux a rédnit son ~ge de 8 années sans songer qu'avec son
'état-eiv:Ll, i l serait entré à l'école en 1927, à l'~ge de ••• six
semaines" (2). Il faut donc avouer qu'avec la complicité d'autres
1. ibid
2. Lettre du chef du service de l ' enseignemen t au Commissaire de la
République, Juillet 1935, Série G34C, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
206 -
personnes, les élèves n'éprouvaient aucune di~~iculté pour se ~aire
délivrer les documents à leur convenance, et cette ~acilité était
telle nqu'on a pu voir un élève, refUsé par le Directeur comme trop
tgé d'après l'acte de naissance établi par le cercle, retourner
dans les bureaux du mOme cercle et revenir deux heures après avec
un nouvel acte de naissance le rajeunissant de plusieurs années"
(1).
Avec les sociétés missionnaires, les incidents étaient
nombreux au sujet de cette question de l'tge des élèves. Ainsi,
l'inspecteur de l'enseignement primaire se plaignait des directeur~
de la Mission Catholique qui avaient dans toutes leurs écoles "un
~ort contingent d'élèves qui sont des hommes bien plus que des adoles-
cents", et soulignait que du point de vue politique, ce ~ait entratne
une conséquence immédiate : "la dimunition du nombre des imposables
car tous ces adultes, sous prétexte qu'ils sont écoliers se refUsent
à payer l'imp8t" étant prouvé que nl e Père Keimer de Palimé a adressé
une vive protestation au commandant du cercle de Klouto qui réclamait
l'imp8t à un écolier de 20 ans" (2).
En ce qui concerne l'école de la ~tission Wesleyenne d'Anécho,
i l fUt constaté au cours de l'inspection du 17 Février 1933 que "dans
cet établissement les règlements n'étaient pas appliqués ••• et que
5 élèves du cours moyen, 2 du cours élémentaire, un du cours prépara-
1) Lettre du Che~ du Service de l'Enseignement, Juillet 1933, op. cit.
2) Circulaire nO 978 du 22 Mai 1931 du Commissaire de la République
à ~~1. le che~ du service de l'enseignement, les che~s de Missions,
les commandants de cercle, Archives de la Bibliothèque Nationale
du Togo.

-
207 -
toire dépassaient l'âge scolaire" (1).
A l'école de la Hission Evangélique, le directeur de l'école
na conservé à peu près tous les élèves signalés comme ayant dépassé
la limite d'âge. Il s'est contenté de refaire son registre matricuLe
en rajeunissant de un an, deux ans et parrois davantage les élèves" (2)
I l en est de mOrne de la Mission Catholique qui accueillait
avec bienvei~lance les élèves sans trop se formaliser de leur Age
ainsi, à l'école de P~mé "au cours élémentaire 2ème année, i l y
aurait huit élèves trop âgés sur un total de 25 présents. En outre,
au cours préparatoire, tous les débutants, saur 5, auraient plus de
la ans, 22 d'entre eux seraient âgés de plus de quinze ans,
et 2 ou j
auraient mOrne plus de vingt ans"
(3).
En rait, i~ raut souligner à la décharge des missionnaires
que ces derniers n'hésitaient pas à garder plus longtemps leurs
élèves. Ils estimaient que la vie communaut~re complèterait
l'instruction acquise en quelques années d'études. L'administration
1. Rapport du chef du service de l'enseignement, p.i. au Commissaire
de la République, 18 Février 1933, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.
2. Rapport de tournée d'inspection dans le cercle de Klouto au
Commissaire de la Répub~ique, na 1396, 13 Septembre 1933, Archives
de la Bibliothèque Nationale du Togo.
3. Lettre du Commissaire de la République à Mgr Cassou, nO 315,
10 Mars 1933, ArChives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

française savait cela; c'est pourquoi elle n'avait pas voulu demander
une collaboration plus étroite avec les sociétés missionnaires pour
essayer de résoudre ce problème. Car on aurait pu envisager d'utiliser
le livret de oatholicité ou le certificat de baptème. En effet les
missionnaires délivrent aux enfants le jour de leur baptème, un
livret qui contient des renseignements concernant le jour, le mois
et l'année de naissance de l'enfant.
Le Oommissaire de la République n'avait pas accepté de se
servir de ce document religieux, car selon lui,
"les Missions auraient
trois 1ges pour chaque élève :
l'un exact, dont elles ne font état
que pour les cérémonies religieuses, l'autre en général inférieur
au précédent pour l'école,
••• un troisième tge scolaire fixé celui-ci,
d'après le degré d'instruction des élèves dans les écoles" (1).
Une commission, formée sans aucun responsable des sociétés
missionnaires, pour déterminer l'tge des élèves débutants s'est vue
interdire l'accès de l'école de la }tission Catholique de Palimé.
Devant les protestations des autorités missionnaires, le Commissaire
de la République accepta de les y inclure. Cette commission proposa
une diminution de l'tge scolaire dont les limites ressortent du
tableau suivant.
Malgré cette proposition, la situation resta inchangée.
C'est dans cette atmosphère qu'on continua à recruter les élèves
jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale.
1. Lettre du Gouverneur Guise à Hgr Cessou, 23 Octobre 1933,
Série A.G., Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

-
209 -
Premier cycle
Minimum
Autonsée jusqu'à
Mazi.mum
Entre. au CP1 il-
7 ans
10 ans
Entrée au CP2 à
8 ans
l 1 ans
Entrée au CEl à
9 ans
12 ans
Entrée au CE2 à
10 ans
13 ans
Entrée au 011 à
11 ans
14 ans
Second cycle
Entrée au 012 à
12 ans
15 ans
Entrée cours supéneur à
13 ans
16 ans
Troisième cycle
Entrée cours oomplém. à
14 ans
17 ans
Cette question de l'tge des élèves illustre parfaitement
comment les missionnaires et l'administration française concevaient
la f~alité de l'école. Nous avons vu au cours de nos développements
que l'école de Village qui était à la base de l'organisation de
l'enseisuement au Toge n'avait pas pour fonction de d:Lspenser une
~atruction assez étendue aux élèves. Elle deva.:i.t seulement permettre,
.
selon le COmmdaaa1r8 de la République, d'entrer en contact avec le
plua grand nombre de familles ~d:Lgènes, d'établir entre elles et
"nous" des rapporta de sympa~e et d'amener progressivement leurs
espn ts à subir, par l ' intermécùUre de leurs enfants des ~!'luences
et des directions qui les conduiront au progrès économique et
social" (1).
1. Rapport de la France à la S.D.N. Section Enseignement, ADnée 1923,
p. 20.

-
210 -
La plupart des enfants qui fréquentaient l'école du village
étaient rendus à leurs parents dès qu'ils ont acquis les connaissances
prévues au programme à savoir: lecture, écriture, quelques notions
d'hygiène et de morale. Or i l se trouvait que ces élèves,
jetés hors
du circuit scolaire au bout de trois ou quatre années de scolarité,
n'avaient d'autre aspiration que de poursuivre leurs études. Ils
n'ont alors qu'une seule possibilité: entrer dans une école privée.
Les missionnaires accueillaient ces enfants d'autant plus volontiers
que contrairement à l'administration française, non seulement ils ne
mettaient pas l'accent sur une sélection fondée sur des critères
scolaires, mais encore i l n'est pas exagéré d'affirmer que pour eux
la question de l'!ge est accessoire. Cette façon de procéder a amené
des tensions entre les deux autorités latque et confessionnelle.
L'administration française reprochant aux missions nleur incapacité
totale de donner un enseignement quelconque n (1). Les missionnaires
accusant les pouvoirs publics d'utiliser l'arme de la sélection pour
écarter la plupart des enfants qui avaient besoin d'3tre gardés plus
longtemps à l'école.
Conclusion
Malgré les déclarations de l'administration française de
donner aux jeunes togolais, le minimum d'instruction nécessaire
et en dépit de l'apparition du terme d'école populaire, i l faut
constater que la pénétration scolaire reste très lente dans le
territoire. Le pourcentage des effectifs scolaires comparé aux
populations des cercles ne dépasse nulle part 4 ~~.
1. Rapport annuel sur l'enseignement,
1928, op. cit.

-
211 -
Si de 1939 à 1947, le nombre des élèves dans tous les
établissements du primaire est passé de 11.714 à 18.693, cette
progression n'est que de 68 à 314 élèves dans les établissements
du second degré du premier cycle pour la mOme période de référence.
Par ailleurs ces chiffres cachent des distorsions au niveau régional.
Seules certaines régions ont bénéficié de la presque totalité des
efforts de scolarisation. Il s'agit de Lomé et d'Anécho situés sur
la cete, et de Palimé qui contient les riches terres de café et de
cacao. Il se trouve que ce sont ces mOmes régions qui ont été les
plus favorisées durant la colonisation allemande, et qui fournissaient
à l'administration la plupart des employés. Sur ce plan les autorités
françaises n'ont fait que suivre l'exemple de leur prédécesseur. En
procédant de la sorte, en continuant à privilégier les mOmes régions
par rapport aux autres, on introduit des déséquilibres qui risquent
de devenir source de conflits. Nous aurons l'occasion d'approfondir
cette situation dans les prochains chapitres.
=-=-=-~-=-~-~


1
'"
CJ
z
~
a:
...
1
z
0
Î
en
~
z
~
r
CJ
al
l
en
a:
'"
Ci:
<
Q,
t1J
w
!
~
1
(
i1.f
20
f
t1
1
1
..~S
1
-.00
1
'f'
~
Mo
~llii


-
21; -
JTE VOLTA
N 1GER
~ ........
-. ,.,..,......."..
""'lI':
-.,. ....,..,....~,.....
lr~:
.. ,
"
.:.
:

1
. t
Pource~tage effectifs scolaires
ci populations cercles
\\i~::'"',fil
par catégories d'écoles
1q 4- b
'I:':.,.~."~~ '::"lI
['"
:.::. :3 ".1
. . . . .
:~'.
a.h.U. :__,__
,~J
2.000.000
:~ .....
20
aa kil.
w
....:J
"
.....
d.6:
~
P/".:-,
.. ::.
. !";':
..~.
'~'.
~,)...
..-
z
ilj-
l,.,
". I··X.
1:·
-~'4'4't
z
.',
<:.,
:' ",I?"'~

.J
1:
; :
' "J
<
:7'::'
30rorJ~ !o.on!,t
>-
~~L.-__ i, -, j
w
~>'
~.
-"~""'·_·_I·J. .._ .....
•....
:
.
...;.,
,
~
~
:: c ::: ;.
O,9~ "/.
o,~at
...
..
o
~
..
o
:.-' 'C~:~~-:!i
:
:::c
!}
1 Ou CE'Iïp'~
:
(j)
:('

, :
,
<
t~·
! A'~I~c:,.f7'J
:
o
c
:f'-·... _.-·--.,
0 '
t
~
1
1
:
1-
~ ~,:'i::.,
~ t
...
t~::::· ,~.3 ~~~~ 'r"!
:
~)
L \\)~~:'~i
~+
."
~ ~: i~
"
~. ;-.J
..
f.•..,-..,;'::
i
.... ;
.(
---.-':"
.~.-.
'~-(l-~
"'1.Yohitmé r f
- ' .
~
•....
; 1
' , -
~
.;;,.::
'."
; / ;
+
~~'" ; /' ./.
. \\j.....:~:.
! '
.. ;
.lE':
~ ... _)"
~\\j(~'*"
1
..
.t-.;.,~.~. f .-:.
j .... ,;.
....
L~ENûE
\\~.~·e~jJ,,-,~:ïS .:..
:·:~}·;'~~.A
-ti;'";""
l',
.. ";
:
Enseigncment officiel
~'\\~:~~;'~li :.~.
EnseignE'ment privé catflo/iaue
~i';~~~~:'
' 1 0.1:'. •
EnseignE'ment privé protestant
..~;
OC~AN
ATLANTIQUE

-
216 -
CHAPITRE III -
L'évolution de la politique scolaire de la France
au Togo de 1946 à 1960
1. L'influence de la politique générale sur la politique scolaire
Jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale ce sont
en principe des dispositions internationales, les règles du mandat
notamment, qui ont dicté les devoirs de la France dans différents
domaines et en particulier en matière de politique scolaire au Togo.
Mais au lendemain de la Libération, beaucoup de colonies
dont le Togo ont commencé à exiger la révision de leurs rapports
avec la Métropole, revendiquant plus de liberté et plus de réalisa-
tions sociales. C'est en quelque sorte la prélude à un bouleversement
qui déboucherasur l'autonomie et sur l'indépendance (1).
Etant donné que l'évolution de la politique scolaire au
Togo a suivi de très pr~s l'évolution de la situation politique du
pays, nous allons brièvement présenter trois grands évènements
politiques qui ont marqué cette période avant d'aborder les nouvelles
1. Il faut ici introduire un préalable. En effet, en dépit des
déclarations officielles présentant les indépendances comme nées
d'une volonté délibérée d'émancipation de part et d'autre, i l a
été démontré que c'est dans l'équivoque qu'elles ont été accordées
par la France, cf. Gilbert Comte "Vingt ans d'indépendances
africaines", Le Monde, 1er Avril 1980, p. 5.
Pomonte Jean-Claude,
"Vingt ans d'indépendances africaines,
II. Sous le regard des voisins", Le Nonde, 2 Avril 1980, p. 6.

-
217 -
données de la politique scolaire au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Ces évènements politiques sont
la Conférence de Brazzaville (1944)
le Régime de Tutelle et la Constitution Française (1946)
l'Autonomde interne du Togo (1946- 1 958).
La Conférence de Brazzaville
Le pouvoir exercé par la France dans ses colonies jusqu'à
la deuxième guerre mondiale peut 3tre caractérisé comme un pouvoir
autocratique dans la mesure où tout venait d'en haut et que les
colonies avaient peu ou presque pas d'initiatives. A cela s'ajoutait
un système discrim~atoire et pénal qui a pris une forme particulière
dans le régime d'exception de l'indigénat. Rappelons brièvement ce
dont i l s'agissait. Le système d'indigénat conférait aux gouverneurs
et aux administrateurs des colonies, le pouvoir de frapper d'amende
et d'emprisonnement, en dehors de toute intervention des tribunaux,
les indigènes "coupables de faits ou d'abstention de nature à porter
atteinte au prestige des représentants de l'autorité ou à faire
obstacle au développement de la colonie". Il en est ainsi notamment
du refus de donner des renseignements d'intér3t public, d'ouverture
sans autorisation d'une école, d'un établissement religieux etc.
Peu à peu on s'est rendu compte que la conjoncture interna-
tionale ne permettait plus une telle politique. En France m3me,
l'opinion anti-colonialiste surtout n'a pas cessé de s'élever vivement
contre cette domination. Devant toutes ces critiques, i l fallait faire
quelque chose et la Conférence de Brazzaville allait 3tre la première
occasion pour débattre de ces problèmes.

-
218 -
Cette con~érence s'était donc réunie dans le but principale-
ment, d'étudier et de proposer les principes directeurs de la politique
que la France, au lendemain de la Libération, aurait à pratiquer dans
les colonies africaines. Ce ~t une con~érence d'administrateurs.
Aucun a~cain n'y avait été invité (1). Elle réunissait les gouver-
neurs de toutes les colonies d'~rique au Sud du Sahara, les repré-
sentants du gouverneur général de l'Algérie et des résidents généraux
au Maroc et en Tunisie.
Dé~inissant l'objet de la Con~érence, le Général de Gaulle
devait déclarer:
REn Arrique ~rançaise, comme dans tous les autres
territoires où les hommes vivent sous notre drapeau, i l n'y aurait
aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes sur leur terre natale
n'en pro~itaient pas, moralement et matériellement, s'ils ne pouvaient
s'élever peu à peu jusqu'au niveau où ils seraient capables de parti-
ciper chez eux à la gestion de leurs propres a~~aires. C'est le devoir
de la France de ~aire en sorte qu'il en soit ainsi ••• R (2).
C'est en quelque sorte la participation de ceux qu'on avait
l'habitude d'appeler Rl es indigènes D aux a~~aires de leur pays qu'on
commençait à entrevoir. Cependant si on reconnaissait qu'un progrès
était souhaitable et mame nécessaire, on n'imaginait pas que ce progrès
put se réaliser en dehors du giron de la France. En d'autres mots,
1. Viard René, La ~in de l'Empire colonial ~rançais, Paris, GP.
Maisonneuve et Larose,
1963, p. 11.
2. Lamine GuQYQ, Itinéraire a~ricain, Paris, Présence A~ricaine,
1966, p. 118.

-
219 -
comme le déclarait très clairement le Général de Gaulle, les popula-
tions coloniales n'entendaient conna!tre "d'autre indépendance que
l'indépendance de la France"
(1).
Ce qui était surtout mis en évidence, c'est le maintien
de la domination de la France ~s ses colonies, ou pour reprendre
un terme en vogue à cette époque, la constitution d'une "unité
intangible du monde ~rançais".
Jusqu'ici c'est la déception totale; rien de nouveau en
~ait. Les rapports étant toujours envisagés dans une perspective
de haut en bas, et non dans une perspective horizontale entre
collectivités égales. Le trait dominant de cette politique,
c'est
la monopolisation du pouvoir politique par la Métropole.
Où en était la question de la politique scolaire?
Celle-ci était toujours empreinte de cette psychologie générale de
la colonisation qui veut qu'on décide pour les autres, qu'on leur
impose un modèle,
sans que ces derniers aient leur mot à dire. C'est
une politique hautement assimilationniste, malgré quelques déclara-
tioDa~ prinoipe de s'inspirer du cadre local. Les participants à la
Conférence de Brazzaville deTaient aborder plus particulièrement
les problèmes de l'enseigne.ent en ces termes
:
"Le progrès dans l'ordre moral et dans l'ordre matériel
des populations indigènes ne peut pas se concevoir sans un enseigne-
ment adéquat. Celui que nous donnons est-il suffisant par le nombre
1. Gonidec P.F., L'évolution des Territoires d'Outre-~Ier depuis
1946, Paris, Librairie générale de Droit de de Jurisprudence,
1958, p. 2.

-
220 -
de personnes qu'il touche, par la façon dont i l les touche ? Il
paratt sans objet de continuer à discuter de savoir si l'enseignement
professionnel ou manuel est préférable à l'enseignement intellectuel.
Ni l'un ni l'autre ne pénètre la masse, ne lui apprend à mieux vivre.
Cet enseignement de la masse qui donnerait à l'ensemble de la popula-
tion la recette d'une vie plus productive, plus saine, meilleure,
reste à Qréer~ (1).
Le problème ainsi posé, les participants après en avoir
délibéré, ont adopté certaines recommandations dont nous présentons
les points les plus importants.
1. L'enseignement des indigènes africains doit d'une part
atteindre et pénétrer les masses et leur apprendre à
mieux vivre; d'autre part, aboutir à une sélection s~re
et rapide des élites
2. Une importance égale à celle attachée à l'enseignement
des garçons doit Otre apportée à l'enseignement des
filles qui doit marcher de pair afin d'évi.ter un désé-
quilibre fatal à la société et à la famille indigène
J. L'enseignement doit Otre donné en langue française,
l'emploi pédagogique des dialectes locaux étant absolu-
ment interdit aussi bien dans les écoles privées que
dans les écoles publiques.
1. La Conférence africaine, 28, Janvier -
8 Février 1944, Brazzaville,
Edition du Baobab, 1944, pp. 54-55.

-
221 -
Nous verrons plus loin comment ces recommandations sont
entrées dans les ~aits. Pour l'instant nous devons nous attacher à
l'analyse de l'évolution politique du Togo depuis 1944. Cette paren-
thèse nous permettra de mieux comprendre la suite de nos développe-
ments.
De la tutelle à la constitution ~rancaise
Deux ans après la conZérence de BrazzaVille. fut votée
la constitution française. Dans son préambule, cette constitution
déclare que "la France, ~idèle à sa mission traditionnelle, entend
conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de
s'adm~strer eux-mlmes et à gérer démocratiquement leurs propres
affaires".
En dehors mIme du fait que ce sont les principes de la
constitution qui dirigeront désormais la politique scolaire de la
France dans ses colonies à savoir : la gratuité de l'enseignement,
sa lalcité, sa neutralité etc, la grande ~ovation, c'est qu'on
reconnaissait aux ressortissants des territoires d'Outre-Mer, la
qualité de citoyen, à laquelle est attachée la jouissance des droits
politiques, donc du droit de vote. Certains ont pu mIme se demander
si ce n'était pas la fin du phénomène colonial, dans la mesure où
on cherchait à créer une communauté ~ondée sur "l'égalité des droits
et des devoirs sans distinction de race et de religion" (préambule
de la constitution).
La question reste posée. L'évolution du Togo peut nous
apporter des éléments de réponse.

-
222 -
Jusqu'en 1946, le Togo a évolué sous le régime du Mandat.
A partir de cette date, sous la pression d'évènements extérieurs,
et de l'O.N.U. notamment, le territoire bénéficiera tout d'abord du
régime de la tutelle et ensuite de l'autonomie. Afin de mieux saisir
la situation, i l serait utile de caractériser brièvement ces différents
régimes.
Le protectorat, régime que le Togo a connu de 1884 à 1914,
pouvait constituer une fin en soi, et demeurer perpétuel. L'Etat
protecteur, en l'occurence l'Allemagne dans le cas du Togo, agit de
sa seule autorité et ne doit rendre de compte à personne.
Le mandat par contre n'est qu'un moyen et est limité dans
le temps. Il comporte par ailleurs statutairement des directives
émanant d'une autorité fédérale,
i l est d'ordre international. C'est
au nom de la Société des Nations (S.D.N.) que les mandats étaient
administrés. Le pacte -avait assigné à cette dernière un droit de
contrele relativement strict. C'est ainsi que les puissances manda-
taires devaient envoyer au conseil, un rapport annuel sur les territoi-
res dont ils ont la charge. Une commission permanente était chargée
de recevoir et d'examiner ces rapports annuels des mandataires et de
donner ses avis sur toutes les questions relatives à l'exécution des
mandats (1). Plus tard la commission permanente des mandats mit au
point un système de pétition pour les habitants du Togo. Ceci leur
permettait, du moins en théorie, d'exprimer des revendications et
1. Mary Raoul, Contribution à l'étude de la condition juridique des
territoires sous mandat de la S.D.N., Paris,
1930, p. 29,
(Thèse
sciences politiques -
Sorbonne 1930).

-
22) -
des griefs qu'i~s n'auraient certes pas dressés contre ~'administra­
tion sans s'attirer des diffi~tés (1).
Quant au régime de ~a tute~~e, ses fins essentie~~es sont
de -favoriser ~e progrès po~itique, économique et soci~ des popu~a­
tions, ainsi que ~e déve~oppement de ~eur instruction ••• Favoriser
également ~eur évo~ution progressive vers ~a capacité à s'administrer
eux-mOmes ou ~'indépendance, compte tenu des conditions partic~ières
à Chaque territoire et à ses pop~ations, des aspirations ~ibrement
exprimées des pop~ations intereasées et des dispositions qui pourront
Otre prévues dans chaque accord de tute~~e. Encourager enfin ~e
respect des droits de ~'homme et des ~ibertés fondamenta~es pour
tous sans distinction de race, de sexe, de ~angue ou de re~igion et
déve~opper ~e sentiment de l'indépendance des peup~es du monde- (2).
1. C'est d'ai~~eurs dans cet esprit que ~'association des Germano-
Togo~ais, (Der Bund der Deutchen Togo~lDder) envoya dès 1925 à ~a
S.D.N., une série de pétitions. La demande de cette association
composée d'anciens Commis d'administration, de catéchistes etc,
était ~e retour de ~'ancienne puissance co~onia~e, l'~~emagne,
au Togo.
2. Artic~e 79 de la Charte de San Francisco.

-
224 -
Il faut noter que le régime de tutelle parle de " l'évolu-
tion progressive des popu1ations vers la capacité de s'administrer
elles-mOmes ou vers l'indépendance.
On peut se demander si ces dispositions ne sont pas incom-
patibles avec les recommandations de la Conférence de Brazzaville
qui postu1ent que "les fins de l'oeuvre de civilisation accomplie
par la France dans les colonies écartent toute idée d'autonomie,
toute possibilité d'évolution hors du bloc français de l'empire,
la constitution éventuelle, mOme lointaine de self-governments dans
les colonies est à
écarter" ?
Une telle incompatibilité ne va pas se poser pour le Togo,
en raison d'évènements intérieurs et surtout de la pression de
l'O.N.U.
Dans notre historique, nous avions indiqué que sur le plan
intérieur, la situation du Togo était caractérisée par l'opposition
entre les partis favorables à une politique d'autonomie, voire
d'indépendance, et les partis favorables à une politique de collabo-
ration avec la France, grâce à laquelle un progrès politique,
écono-
mique et social pourrait 3tre réalisé dans le cadre de l'union
française. L'administration va essayer de jouer habilement sur ces
facteurs de division.
Cependant la création d'une Assemblée représentative du
Togo (A.R.T.) par le décret du 25 Octobre 1946 et les élections de
ses membres, donnèrent la victoire au Comité d'Unité Togolaise (C.U.T.),

-
225 -
Ce parti intensifia dès lors son attitude nationaliste, influencé
surtout par la politique britannique suivie au Gold-Coast (Ghana),
politique orientée vers le self-government (1).
La France s'est vu alors obligée de réaliser quelques
réformes pour justifier, aux yeux de l'opinion publique, le programme
des partis favorables à sa politique. Hais la France a
été contrainte
d'autant plus que sur le plan international, l'O.N.U. la pressait
de réaliser les buts fixés par la Charte des Nations-Unies, c'est-à-
dire l'indépendance (Article 76). Des critiques fUrent formulées
contre l'excès de centralisation auquel aboutissait le système
imaginé en 1946 et qui avait pour résultat de priver le Togo de
sa personnalité propre.
L'autonomie interne du Togo
Deux dates marquent la mise en oeuvre de la politique des
réformes.
16 Avril 1955, réforme des institutions togolaises,
23 Juin 1956, Loi-cadre autorisant le gouvernement à
procéder par voie de décret à d'importantes réformes
politiques, administratives et sociales au Togo.
1. L'Assemblée Représentative du Togo comprend 30 membres dont
6 Français élus du premier collège et 24 Togolais. L'Assemblée
se réunit en session ordinaire deux fois par an pour discuter
des imp8ts,
taxes, ainsi que de l'organisation des services
publics.

- 226 -
Jusqu'en 1955, l'Assemblée Représentative du Togo n'eut
qu'un rele consultati~ dans tous les domaines. Son action en matière
scolaire ~t négligeable. La date du 23 Juin 1956 est incontestable-
ment un tournant de l'histoire politique du Togo, car elle marque
le "désir d'abandon" par la France de sa politique de centralisation.
Avec la loi du 23 Juin 1956, dite loi-cadre, donnant naissance à
la République Autonome du Togo, eut lieu une répartition des compéten-
ces entre la France et le Togo. Une assemblée législative élue
s'occupe des matières réservées au Togo.
Dans le domaine culturel, relevaient de la France, la
législation et la règlementation relatives aux programmes et examens
de l'instruction publique du second degré et de l'enseignement
supérieur.
Etaient de la compétence togolaise : l'organisation de
l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur dans la
mesure où l'organisation de l'enseignement n'était pas directement
~onction des programmes, et sans l~itations, l'enseignement primaire,
l'enseignement technique et l'enseignement agricole. La compétence
togolaise recouvrait également l'enseignement privé (1).
1. Pour tous ces problèmes c~. également:
Gonidec, P.F. "La République du Togo", Recueil Penant, nO 6657,
Mars 1958, 23 p.
Leglise G., "Le nouveau régime institutionnel du Togo" Bulletin de
l'Association pour l'Etude des problèmes de l'union ~ran9aise,
nO 103, 9 0 année, Septembre 1956, pp. 7-16.
Luchaire F., Du Togo sous tutelle à la RépUblique autonome, Paris,
P.U.F. 1957, 210 p.

-
227 -
Ce transfert des compétences a posé le problème de l'équi-
valence des dip18mes et de celui du personnel enseignant. Ces points
ont été réglés par une convention franco-togolaise dont nous présen-
tons les quatre premiers articles.
Article 1er - Il appartient au gouvernement de la République
du Togo de gérer et d'administrer à tous les degrés les
services de l'enseignement et d'organiser sous toutes ses
formes son action culturelle.
Article 2 - Le gouvernement de la République française
à la demande du gouvernement de la République togolaise,
s'engage à lui fournir le personnel qualifié dont i l a
besoin pour l'enseignement pédagogique. le contr81e des
examens et concours et éventuellement le fonctionnement
des services administratifs.
Article 3 - Le gouvernement de la République togolaise
s'engage à maintenir dans les établissements à l'intention
des élèves désireux de suivre les programmes français un
enseignement conforme à ceux-ci et sanctionné par des
dip18mes français. De son c8té le gouvernement de la
République française s'engage à reconnaltre comme valables
de plein droit dans toute l'étendue de la République. les
dip18mes. brevets et titres de qualification délivrés dans
les conditions fixées par la règlementation française sous
le contrale du personnel visé à l'article 2 ci-dessus.

- 228 -
Article 4 - Les diplemes, brevets et titres de qualification
délivrés par les autorités de la République du Togo dans
les conditions autres que celles visées à l'article précé-
dent, pourront atre admis en équivalence avec les diplemes,
brevets et titres français par accord entre les autorités
compétentes de la République française et de la République
du Togo (1).
Le partage des compétences entre le Togo et la France et
la convention franco-togolaise relative à l'organisation de l'ensei-
gnement dénotent des ambigu!tés qu'il faut relever.
En fait i l n'est pas exagéré d'affirmer que lors de ce
partage des compétences, la France s'est réservée le rele le plus
important, à savoir : la législation et la règlementation relatives
aux programmes et examens de l'enseignement du second degré et de
l'enseignement supérieur J ce qui signifie en dernière analyse qu'elle
conserve la mainmise sur la politique de l'enseignement au Togo,
en imposant les programmes et sujets des différents examens,
en
fournissant les professeurs et les cadres administratifs supérieurs.
1. Convention franco-togolaise du 25 Février 1958, Ministre de
la France d'Outre-Mer (M.G. Jacquet) représentant de la France
et le premier ministre du Togo (M.N. Grunitzky). Cette convention
sera remplacé en 196) par un accord de coopération culturel.

-
229 -
Dès lors on peut considérer le domaine réservé au Togo
comme -résiduel-. Car comment les autorités togolaises pourraient-ellef
organiser à leur guise l'enseignement primaire sans tenir compte du
niveau supérieur dont programmes, professeurs et examens viennent
de la Métropole ? En ce qui concerne les enseignements technique
et agricole, la mame remarque s'impose, car jusqu'ici, ces niveaux
d'enseignemen~ n'ont servi qu'à former des employés subalternes pour
les différents services de l'administration.
Dans ces conditions, c'est avec la plus extrème prudence
qu'il faut prendre en considération l'autonomie accordée au Togo.
En fait comme nous allons le voir dans les paragraphes qui vont
suivre l'enseignement dans sa conception, ses programmes et ses
mé~odes sera calqué sur le modèle français.
2. L'organisation générale de l'enseignement (1946-1960)
Nous avions souligné que par l'article 4 de l'accord de tutelle
approuvé par l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 13 Décembre
1946, le Togo était soumis à la législation française comme partie
intégrante du territoire français. Il s'ensuivait que les lois et
décrets concernant ce pays sous tutelle sont pris selon les mames
formes constitutionnelles que ceux interessant les territoires
français d'Outre-Mer. De plus, la Constitution de 1946, dans sa
forme mettait l'accent sur l'Union de la France avec ses colonies.
Le souci de l'administration va Otre de mettre en harmonie dans
les faits la pratique scolaire et les principes de la Constitution
qui définissent la politique scolaire de la France dans ses territoire~
en général et plus particulièrement au Togo.

-
230 -
Les principes de la Constitution
Dans son article 81, la constitution française précise 1
"Tous les nationaux français et tous les ressortissants de l'Union
française ont la qualité de citoyen de l'Union française qui leur
assure des droits et libertés garanties par le préambule de la
présente constitution".
Or ce préambule affirme 1 "La nation garantit l'égal accès
de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation profession-
nelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public et
laIe à tous les dégrés est un devoir de l'Etat".
Ce préambule précise encore 1 "La France forme avec les
peuples d'Outre-Mer une union fondée sur l'égalité des droits et
des devoirs sans distinction de race ni de religion. L'Union française
est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou
coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs
civilisations respectives, accrottre leur bien Otre et assurer leur
sécurité".
Ce sont ces principes qui commandent dans les faits toute
l'action scolaire au Togo comme ils la commandent dans la Métropole.
On peut s'interroger sur la portée réelle de ces déclarations qui
reconnaissent tout d'un coup à des peuples jusqu'ici colonisés,
dominés, des droits et des devoirs égaux à ceux des membres du pays
colonisateur. Nous tenons cependant à exposer ces principes pour
faire apparattre les ambiguItés de la situation.

-
231
-
Egalité des droits à l'enseignement et obligation
Il résulte du premier principe que tous les Togolais ont
accès à l'instruction, dans les mimes écoles, tenues par les ma1tres
et dispensant aux enfants un enseignement de qualité identique, sans
qu'il existe aucune différence suivant que les enfants appartiennent
à des milieux ou à des races différents. En fait l'on devrait pouvoir
trouver au Togo une application pratique de ce principe. Il n'en est
rien, puisque l'école européenne dont nous avions parlé existe toujours
et n'est accessible qu'à une certaine catégorie d'enfants, plus
précisément, des enfants européens et ceux des familles aisées de
Lomé.
Quant au second principe, à savoir l'obligation scolaire,
la seule limitation pratique à cette règle, résulte de l'état du
faible développement du Togo par rapport à d'autres Etats. Il est
donc quasi impossible de scolariser la totalité des enfants en !ge
scolaire. Cependant le fonds d'investissements pour le développement
économique et social (F.I.D.E.S.) a été créé en 1947 pour servir
au financement de la construction des locaux scolaires sur toute
l'étendue du territoire.
Neutralité et gratuité de l'enseignement
Les textes officiels précisent que l'enseignement public
est strictement neutre sur le plan religieux, respectueux de toutes
les croyances, s'interdisant de prendre parti entre elles, et se
bornant à inculquer aux enfants des principes de morale et à leur
donner des règles de vie qui soient universellement valables et
qui puissent Itre admis de tous.

-
2)2 -
Cette neutralité de l'enseignement officiel ne contredit
pas le soutien effectif que l'administration apporte à l'enseignement
privé. La gratuité de l'enseignement et un système de bour.se permettent
aux élèves qui en font la demande de pouvoir bénéficier, suivant le
revenu de leurs parents, d'aide accordée par le gouvernement.
L'enseignement privé a été réorganisé (1). Il est possible
à tout particulier et à toute institution d'ou~r une école privée
à la seule condition de se conformer à un certain nombre de prescrip-
tions règlementaires. On distingue z
les garderies ou classes enfantines. Sont réputées telles,
les classes recevant des enfants de )
à 6 ans. En dehors
de l'instruction religieuse, ces classes se proposent
l'éducation manuelle et sensorielle des enfants suivant
les méthodes pédagogiques habituellement en usage dans
ces genres d'établissements. I l peut y 3tre enseigné,
en langue indigène, les premiers éléments de lecture,
d'écriture et de calcul. L'enseignement en langue française
se réduit à l'apprentissage de noms d'objets usuels,
et
à l'élaboration de phrases très simples exprimant des
actions faites par les élèves.
les écoles en langue indigène qui reçoivent des enfants
de plus de 6 ans. Elles ne comprennent en principe qu'une
classe et peuvent. en dehors de l'instruction religieuse.
donner
1. Arrftté nO 65)E du )0 Novembre 194) portant ouverture et fonctionne-
ment des écoles privées. J.O.T••
1944, p. )08.

- 2JJ -
a) en langue locale, l'enseignement de la morale, de la
lec~e, de l'écriture, du calcul, de la rédaction,
des sciences appliquées à l'hygiène et à l'agriculture,
de l'histoire et de la géographie du pays.
b) en français,
l'enseignement oral de la langue suivant
les programmes des cours préparatoires et élémentaires
des écoles de français et l'enseignement de la lec~e.
La durée de l'enseignement en français ne peut excéder
deux heures par jour.
Il est bien précisé que dans les localités où i l existe
une école officielle ou une école de français de la mission à laquelle
appartiennent ces écoles en langue ~digène, et dans un périmètre
de cinq kilomètres autour de ces localités, i l est interdit aux
écoles en langue indigène d'accepter des enfants de 7 à 10 ans, sauf
le cas d~ent constaté où ils auraient été refusés à l'école de
français pour manque de place.
Ceux qui désirent ouvrir des écoles de français doivent
alors obtenir l'autorisation d'enseigner (condition d'honorabilité
et de compétence), appliquer les programmes et les horaires règlemen-
taires (condition de qualité), se soumettre au contrele des autorités
scolaires. Des sanctions sont prévues à l'encontre de ceux qui
enfreignent ces règles à savoir :
l'avertissement
l'interdiction à temps,
l'~terdi.ction absolue.

-
234 -
Comme on peut le constater, l'arraté du 30 Novembre 1943
a essayé d'apporter un peu plus de rigueur dans l'organisation de
l'enseignement privé, en substituant à l'ancienne différenciation
d'écoles reconnues et de catéchuménats, celle d'écoles en langue
indigène et de français. Ces dernières étant les établissements
qui appliquent les mames programmes et horaires que les écoles
publiques.
Il faut enfin souligner que si l'enseignement public est
gratuit dans la mesure où i l n'est perçu aucune taxe et que les livres
sont fournis aux élèves, à la seule condition qu'ils les remettent
en bon état en fin d'année, l'enseignement privé exige des élèves.
des taxes d'instruction dites "écolages" (1). Elles sont exigibles
à chaque rentrée scolaire et permettent aux missions de retribuer
leurs enseignants. Quoique modique, l'écolage pose de serieux problè-
mes aux parents de famille nombreuse et très souvent e~~e est ~a
cause de l'interruption de la scolarité des e~ants.
Il faut donc faire remarquer ici que le principe d'égalité
devant l'enseignement s'effrite quelque peu. C'est à l'a~"inistration
1. Les taux d'écolages dans les écoles de la Mission Evangélique
en 1960 étaient ainsi fixés 1 350 F. pour les cours préparatoires
450 F. pour les cours élémentaires ;
600 F. pour les cours moyens.
Il s'agit de francs CFA. Par ailleurs i l faut souligner que ces
taux étaient variables suivant qu'il s'agit de zones urbaines ou
de zones rurales. Dans ces dernières, ils étaient minimes.

- 235 -
de prendre en charge, et entièrement, le salaire des enseignants,
afin que les enfants de famille modeste puissent réellement choisir
l'école de leur choix sans aucune contrainte d'ordre matériel.
I l a été démontré que les parents croyants préfèrent envoyer
leurs enfants dans les écoles confessionnelles, où ils pensent qu'on
donne à ces enfants une bonne éducation religieuse. Il se trouve que
les taxes d'écolages peuvent constituer un handicap sérieux pour
accéder à ce souhait légitime. L'école privée ne pouvant rendre
entièrement gratuit son enseignement au risque de fermer ses écoles,
faute de pouvoir arriver à retribuer les enseignants, i l reste que
c'est à l'administration de depasser le niveau des déclarations de
principe pour apporter une aide convenable à l'enseignement privé
dont l'apport est loin d'3tre négligeable.
3. structures et programmes des enseignements de 1946 à 1960
L'enseignement dans les territoires français d'Outre-Mer
et au Togo, au lendemain de la Seconde Guerre ~Iondiale, a été organisé
selon les mames normes que dans la Métropole.
Cette évolution correspond aux idées générales de l'époque
et au souci de la France de constituer avec ses colonies une union
fondée sur les droits et des devoirs ~égauxn. Nous aurons l'occasion
d'analyser les ambiguItés qui se trouvent derrière ces déclarations
de principes. Pour l'instant, i l nous faut constater l'évolution de
l'enseignement au Togo de 1946 à 1960.

-
236 -
Le service de l'enseignement a été modi~ié au cours de
l'année 1948. Sa direction a été con~iée à un professeur agrégé
d'université, M. Bonnet, chargé par le Ministère de l'Education
Nationale, des ~onctions d'inspecteur d'académie (1). Il a dans
ses attributions l'administration de l'enseignement et l'inspection
des écoles publiques et privées. Il est secondé pour toute la
partie administrative par un inspecteur du cadre supérieur, directeur
pédagogique du secteur de Lomé.
Avec l'instauration de la République autonome du Togo en
AoOt 1956, l'enseignement s'est trouvé placé sous la responsabilité
d'un Ministre de l'instruction publique. Celui-ci, assisté du
directeur de l'enseignement, nommé conseiller technique, prend
désormais après accord avec le premier ministre,
toutes les décisions
règlementaires concernant l'enseignement.
Il ~aut cependant tenir compte du partage des compétences
entre le Togo et la France et garder en esprit la restriction apportée
par l'article 26 du statut de la République Autonome qui stipule que
la législation et la règlementation relatives aux programmes et
examens de l'instruction publique du second degré et de l'enseignement
1. Georges Bonnet a ~ait ses études à la Faculté de Lettres de Lyon
et est agrégé de lettres. Il a enseigné de 1936 à 1938 à la
Martinique. En France, i l a été professeur au Lycée du Parc et
Lyon de 1938 jusqu'en 1944. Pro~esseur pendant deux ans au Lycée
Van Vollenhoven de Dakar, i l fut nommé inspecteur général de
l'Enseignement en A.O.F. I l est arrivé au Togo comme Inspecteur
d'Académie le 30 AoOt 1948. (extrait du Togo Français, nO du
20.9. 1948).

-
237 -
supérieur relèvent des organes centraux de la République Française.
Les amé~iorations accordées en 1948 n'ont pas changé le ~ond du
prob~ème, puisque ~'enseignement dans toute son organisation est
une copie ~idè~e de ~'enseignement te~ qu'i~ est dispensé en France.
A. L'enseignement du premier degré
Les éco~es primaires constituent ~'enseignement du premier
degré. E~~es reçoivent ~es en~ants de six à quatorze ans et ~a
sco~arité y est de six années.
C'est l'arrftté du 12 Décembre 1949 qui a donné une nouve~~e
orientation à ~'enseignement primaire tout en ~ixan~ son but (1).
I~ s'agit de : ndi~fUser partout l'instruction et ~a di~fUser partout
uni~ormément c'est-à-dire en donnant à tous les e~ants la mIme
sco~arité et en ~eur permettant de terminer, dans ~'éco~e où i~s
~'ont commencé, le cycle normal des études primaires" (2).
Cette rormu~e or~re, en principe, ~a mIme chance à tous
~es e~ants qui accèdent à l'école de pouvoir suivre un cyc~e comp~et.
Car avec ~'ancienne di~rérentiation d'écoles urbaines et d'éco~es
rura~es, i~ est certain qu'on privé~igiait les en~ants des grands
centres où se trouvaient les écoles régiona~es.
1. Arrftté nO 16o-s0jE organisant ~'enseignement du premier degré,
sur avis ravorab~e de ~'Assemb~ée représentative du Togo, émis
dans sa séance du 27 Octobre 1949.
2. Rapport de la France à l'OoN.U., Année 1949, Section Enseignement,
p. 220.

-
238 -
L'enseignement du premier degré est fondé sur l'école à
trois classes, chacune divisée en deux années (cours préparatoire l
et II, cours élémentaire l
et II et cours moyen l
et II).
D'après le directeur de l'enseignement ••• "La simp1ification
de l'organisation de l'enseignement est la preuve qu'un premier stade
est atteint ou mOme dépassé, celui du défrichement. Devant l'enthou-
siasme des populations un enseignement qui ne va pas au-delà d'une
année ou deux de scolàrité est pratiquement inefficace et ne fera
jamais avancer l'évolution du pays" (1).
Cette réflexion du directeur de l'enseignement illustre
parfaitement les limites de la politique scolaire pratiquée jusqu'à
présent à savoir
un enseignement de deux ou trois années dispensé
dans les écoles de village. Comme la plupart des élèves sont rendus
à leurs parents au bout de ces quelques années d'études, on pouvait
s'interroger sur l'efficacité de cet enseignement.
La nouvelle orientation de l'enseignement se traduit entre
autre, par l'alignement des programmes d'études sur ceux de la
Hétropole. Ils cherchent à avoir la mOrne formation et ont un double
but: une culture générale et une culture pratique. Tous les cours
ont lieu en français.
A la fin de l'en:;eignement du premier degré, l'enfant doit
savoir écrire correctement la langue française,
rédiger une lettre,
présenter un récit. Il doit conna!tre sommairement les grands pays
1. Rapport de la France à l'O.N.U., Année 1949, Section Enseigner,lent,
p.
136.

- 239 -
du monde et les faits principaux de l'histoire de la civilisation,
resoudre des problèmes pratiques sur les quatres opérations et enf~
conna1tre quelques éléments de géométrie pratique et de physique.
L'enseignement du premier degré tel qu'il a été institué
a connu un vif succès à partir de 1946. Les différents rapports de la
direction de l'enseignement ~diquent une progression constante de
l'évolution des effectifs. Le graphique de la page suivante illustre
l'évolution du nombre des élèves de 1946 à 1953. Cette progression
sera constante, car de 48.515 élèves en 1954, les effectifs de
l'enseignement du premier degré ont atteint le chiffre de 87.408
en 1960.
Cependant cette augmentation des effectifs recouvre de
fortes disparités entre régions d'une part et entre garçons et filles
d'autre part.
La progression du nombre des élèves dans les cercles du
Nord n'a été réalisée que très lentement. Alors que le pourcentage
d'accroissement des écoles du Sud n'était jamais tombé au dessous
de 10 % avant 1950, c'est à peine si les cercles du Nord (Sokodé,
Lama-Kara, Dapango) atteignent 3 ~&. Ce n'est qu'à partir de l'année
1951 qu'on enregistre une certaine progression co~ne cela ressort
du tableau suivant (1).
1. Voir p.
241.

:.::: :1':'
'C:
....
=:.--=---- .-........--_.
-~.-
=Z"f
-;-=-i:~;:;
z
c
:.Cl'
,
=0- ~,,=1=;:-=-:__:"__
. ::t;..,':=I.:
_:,-r':.~-·:Ë-';:~;--~~"±---.. ~,::::
=
-~:.i: t::=~.-.~
~ -;:~:~~.
-::~~
". =-.:~ -_.-
_ __._
_=1.. "=-
:?~:-
: ~....
=:E::t : , -::;:;
:ii:
---; cC
14'000 . ~~
;:i.~ ,:~.,:;;.-:
. Il.
E=-
~;;.
":t;-=J=:~_
:~-~.::._:
'~.3=="', ~ -_. _O, ---- -
" ~:.:.~,=O; -~:'--'
.i.
! -:.- - II
... i::'-f::-:·~·-3:..i -1 ',.~:: ::':J
-.
.-:~.:" H'
.-.- -
,. - - -
_.. _--
..__...
. _:..: -:
"- _. !
: ;- .... ::.. -:::
-..-
-
.1

- 241 -
Comparaison de l'évolution de la scolarisation entre le Nord et le
Sud du Togo (1).
1950
1951
1952
195J
Nord
9.040
10.1J1
1J.J10
14.781
En
'Nombre
Sud
J2.628
J4.1J9
J6.505
J9.504
Etat de.
Et't'ecti:f's
Nord
27,70
22,88
26,80
27,2J
En"
Sud
78,JO
77,12
7J,2
72,77
Nord
49
1 .091
J .179
1.471
En
Nombre
.ccroissement
Sud
J.454
1.511
2.J66
2.999
'une 8DD.ée
l'autre
Nord
0,54
12,06
Jl,J7
11,05
En"
Sud
11,8J
4,6J
6,9J
8,21
1. Tableau erèra.1t du Rapport de la France, l'O.N.U., Am1'e 1954,
p. 227.

- 242 -
Cet effort déployé par les autorités à partir de 1951 pour
faire rattraper leur retard aux cercles au Nord était dd à l'inter-
vention du conseil de Tutelle qui s'était vivement élevé contre le
déséquilibre entre régions (1).
Si on se place maintenant au niveau du pourcentage de
scolarisation par cercles, la si~ation appara!t mieux sur une
carte du Togo, esquissée à la page suivante.
Par ailleurs ces effectifs globaux recouvraient des
différences énormes si l'on considère séparément les garçons et les
filles. Au cours de l'année scolaire 1948-1949, le nombre des filles
dans les écoles primaires du Togo était de 4.621 contre 19.980
garçons. Ce chiffre atteignait 9.921
en 1953 tandis que celui des
garçons était porté à la mOrne date à 38.594. Si un effort fut fait
de 1950 à 1951 en faveur des filles, dans la mesure où le taux
d'accroissement de leurs effectifs fut de 8,4 % contre 5,9 % pour
les garçons, i l est extrèmement difficile de pavoiser devant ce
déséquilibre (2).
1. La recommandation de la llème session du conseil de Tute11e
attirait l'attention de l'administration en ces termes:
ftLe
conseil ••• recommande de donner priorité à la question de
l'enseignement dans le Nord en vue de l'équilibre du progrès
du territoire dans ce domaine", Document A. 2150 in Rapport de
la France à l'O.N.U., Année 1952, p. 224.
2. Voir graphique p. 244.
Effectifs des élèves par sexe, Chiffres extraits des Rapports
de 1a France à l'O.N.U., Années 1948 à 1954.

- 24) -
t
c~e n° 6 - Pourcentage de scolarisation par cercles
[
t
1
,
1
1
!

e
z
o
cr.
z
<
c.;I
....dI -
CD
li::
III
ct
~
-CIl
III
...
S'\\S1.
15
'0
n/~...

- 245
En fait toute la situation est caractérisée par un
déséquilibre entre les déclarations d'une part et les réalisations
d'autre part. N'oublions pas que les principes contenus dans le
préambule de la Constitution française prenent l'obligation scolaire
et le développement de l'instruction primaire. Les faits démontrent
qu'il n'en est rien et que les efforts pour scolariser mieux et
plus sont extrèmement lents. Nous aurons l'occasion de revenir
sur ce point. Pour l'instant i l nous faut suivre les élèves qui
sont dans l'enseignement du premier dégré et qui peuvent, après
avoir obtenu le certificat de fin d'études primaires et réussi
à un concours d'entrée en 6ème, continuer leurs études dans
l'enseignement du second degré.
B. L'enseignement du second degré
Jusqu'en 1941, seul un cours complémentaire dispensait
une base d'enseignement secondaire au Togo. A cette date,
ce cours
fUt transformé en une école primaire supérieure.
C'est seulement en 1947 que fUt ouvert à Lomé un établis-
sement d'enseignement secondaire, appelé Collège moderne de Lomé.
A la mame époque, l'administration ouvrait le Collège moderne de
Sokodé, qui,
selon le Commissaire de la République, devait 3tre
"réservé exclusivement aux élèves originaires des cercles de Sokodé
et de Mango" (1). Les circulaires du Commissaire de la République
1. Rapport de la France à l'O.N.U., Année 1949, Section Enseignement
p.
229.

- 246 -
ne devaient pas manquer à partir de 1948 de souligner la nécessité
d'une transEormation rapide de l'enseignement secondaire au Togo.
M. Bonnet, inspecteur d'académie, chargé par le Commissaire de la
République d'étudier les modalités d'organisation de cet enseignement,
jugea le plan de développement de l'enseignement prévu par une
circulaire du 11 Juillet 1948 non conEorme à la réalité parce que
"son manque d'objectivité est de nature à compromettre les résultats
qu'on veut atteindre" (1). Il préféra adopter une structure très
simple et la moins onéreuse que possible.
En effet la circulaire de 1948 envisageait la création
simultanée de deux établissements séparés, d'un lycée classique
et de deux collèges modernes. M. Bonnet trouva ce plan difficile
à réaliser; "l'impossibilité de recruter des enseignants qualifiés
pourrait bien se doubler de l'impossibilité de recruter un nombre
convenable d'élèves" (2). Devant cette situation, i l préféra voir
dispenser l'enseignement secondaire officiel dans deux établissements,
1. Rapport nO 1059/E de M. Bonnet au Commissaire de la République,
7 Septembre 1948, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.
2. idem. Il ne pouvait d'ailleurs en 3tre autrement dans la mesure
où jusqu'à présent l'enseignement comportait trois niveaux
primaires. La diEEiculté serieuse proviendrait, à notre avis,
du recrutement des enseignants togolais qualiEiés.

-
247 -
l'un à Lomé, l'autre à Sokodé. C'est sur cette base que devra
démarrer l'enseignement secondaire orriciel au Togo. Les missions
ne tardèrent pas à combler leur retard dans ce domaine. En Septembre
1948, la première pierre du Collège St Joseph de la Mission Catho-
lique rut posée. Quelques temps après, la mIme mission catholique
ouvrait l'Insti~tion Notre Dame des Ap8tres, un collège secondaire
pour les rilles. Enrin, la Mission Evangélique créa un cours
complémentaire.
En 1952, le Togo comptait cinq établissements d'enseigne-
ment secondaire :
Pour l'enseignement orriciel :
le Collège de Lomé,
transrormé en lycée (lycée Bonnecar-
rère) avec 357 élèves -
307 garçons et 50 rilles.
le Collège de Sokodé avec 114 élèves dont 9 rilles
Pour l'enseignement privé
le Collège St Joseph
l'Insti~tion Notre Dame des Ap8tres
le Cours Complémentaire de la Mission Evangélique.
Les textes organisant les lycées, collèges et cours
complémentaire indiquent que l'enseignement dispensé dans ces
établissements nse propose grâce à des disciplines longuement
éprouvées dans la Métropole et basées sur la pratique des langues
anciennes et des méthodes scientiques de rormer des esprits simples
et aVisés ••• i l doit permettre aussi à l'élite de la jeunesse de se

-
248 -
dégager d'une façon franche,
lui assurer la culture et la formation
dont elle aura besoin pour diriger sagement les affaires du pays" (1).
Les structures, programmes et examens sont les mimes que
ceux des établissements métropolitains du mime ordre. Les élèves
pouvaient opter soit pour un enseignement court en quatre années
d'é~des, conduisant aux examens du Brévet Elémentaire du premier
cycle (B.E.P.C.) ou du Brevet Elementaire (B.E.), soit pour un
enseignement long débouchant sur le Baccalauréat avec les séries
de mathématiques, de sciences expérimentales et de philosophie (2).
Les diplames délivrés à la fin des é~des sont de mime
niveau et de la mime valeur que ceux délivrés dans la France métro-
politaine. La loi place sous le contrale direct de l'administration
métropolitaine, la délivrance du B.E.P.C. Les sujets de cet examen
sont choisis par les soins de l'Université de Paris,
et les résultats
1. Arrlté nO 160/E fixant le sta~t de l'enseignement du second
degré, Lomé,
23 Février 1950 sur avis favorable de l'Assemblée
Représentative du Togo émis dans la séance du 27.10.1949, créant
les sections A (latin-Grec) B (Latin-Langues vivantes)
C (Latin-Sciences).
2. Tous les établissements d'enseignement secondaire dont nous avions
mentionné l'existence au Togo ne comprenaient que des classes du
premier cycle, c'est-à-dire de la 6ème à la 3ème. Les élèves
désirant poursuivre leurs é~des dans le second cycle, devaient
obligatoirement aller au Collège de Lomé. Ce ne fut qu'à partir
de 1957 que le Collège st Joseph offrait à ses élèves la prépara-
tion de la seconde partie du baccalauréat (philosophie).

-
249 -
de l'examen prononcés à titre provisoire par les autorités universi-
taires locales, ne deviennent dé~initi~s qu'après véri~ication par
l'Université de rattachement c'est-à-dire celle de Paris (1).
Des mesures analogues existaient pour le baccalauréat.
Le jury de cet examen était obligatoirement présidé par un pro~esseur
délégué par l'Université de Bordeaux. Un centre d'examen de l'ensei-
gnement secondaire a été créé à Lomé et rattaché à l'Université de
cette ville par un arr'té du 5 Juin 1950 (2).
C. L'enseignement technique et pro~essionnel
L'enseignement technique et pro~essionnel, malgré les
déclarations de principe, n'a pas connu jusqu'ici un véritable
développement au Togo. On s'était contenté alors de ~aire appel
à la main-d'oeuvre quali~iée de la France métropolitaine. Les
Togolais eux, ne participaient donc au développement économique
de leur pays que comme manoeuvres ~aute d'avoir reçu une ~ormation
technique et pro~essionnelle adéquate. Ce phénomène n'est d'ailleurs
pas particulier à l'enseignement technique. Nos développements
antérieurs ont montré que toute la politique scolaire est orientée
vers la ~ormation d'employés subalternes, tandis que les postes de
direction demeuraient entre les mains des Européens.
1. ArrAté interministériel portant organisation du B.E.P.C. dans les
T.O.M., promulgué au Togo par arrAté nO 272-54/IA du 19 Mars 1954.
ArrAté nO 471-50/E du 19 Juin 1950 instituant le B.E.P.C. au
Togo, J.O. 1950. p. 610.
2. ArrAté nO 44J-50/E du 5 Juin 1950, J.o. 1950, p. 530.

Comme pour l'enseignement général des changements vont
intervenir dans l'orientation de la politique en matière de formation
technique.
En 1944, l'Organisation Internationale du Travail (O.I.T.)
recommandait aux puissances tutrices de "prendre des dispositions
appropriées pour développer progressivement un large programme
d'éducation, de formation professionnelle et d'apprentissage, afin
de suppr±mer l'analphabétisation chez les enfants et les jeunes
gens et de préparer efficacement ceux-ci à une occupation utileS (1).
La conférence de Brazzaville devait aborder ce problème,
lorsque les membres chargés des problèmes de l'enseignement évoquèrent
la nécessité de ·créer des écoles professionnelles dans tous les
territoires pour former les élites indigènes qui devront être appelées
à tenir un nombre de plus en plus grand d'emplois dans le commerce,
l'industrie et l'administration- (2).
1. Recommandation 70 de l'Organisation Internationale du Travail
dans sa séance du 12 Mai 1944 (Article 17).
2. Conférence franco-africaine de Brazzaville, Recommandation sur
l'enseignement, op. cit.

-
251
-
Au Togo même, des critiques se sont élevées contre les
limites de la formation professionnelle dispensée jusqu'alors dans
le territoire. Ainsi, au cours d'une session de l'Assemblée repré-
sentative du Togo, un conseiller togolais, H. Wilson, faisant le
bilan de l'enseignement technique et professionnel au Togo, devait
constater 1 "Depuis très longtemps, l'école professionnelle de Sokodé
existe. Or quel résultat a-t-elle obtenu 7 Rien du-tout. Nous n'avons
au Togo aucun ou~er qualifié". Ce conseiller s'en prenait d'ailleurs
aux Français qui ••• "n' on t pas d'ardeur pour travailler dans les
colonies" ••• et__souhaite "envoyer'des élèves en France pour apprendre
la façon de travailler des ouvriers français ••• et lorsqu'ils
reviendront ils auront eux, à coeur de travailler pour le Togo,
leur pays" (1).
Un journal, la Chronique Syndicale du Togo, dans son
numéro du 12 Fé~er 1949, devait dans un article écrit par la
direction et intitulé 1 "une revendication de la jeunesse togolaise
apprendre un métier", aborder le problème de l'enseignement technique
en ces termes; "Nous savons qu'on ne s'occupe pas de l'enseignement
technique dont la nécessité se fait vivement sentir au Togo. Qu'on
ne nous parle plus de l'école professionnelle de Sokodé qui •••
est une vraie plaisanterie. Nous voulons des écoles techniques bien
équipées, dans les centres impor~ants e~ pouvant répondre aux beSOins
1. Procès-verbal de la Jème séance publique de la session ordinaire
budgétaire de l'Assemblée représentative du Togo,
27 Octobre 1949,
Affaire nO 11, J.O.T., numéro spécial du 20 Février 1950,
pp. J4-J5.

-
252 -
de la population"(l).
Sur le plan des réalisations, le représentant de l'autorité
de tutelle, M. Pallarès, annonçait à l'Assemblée représentative du
Togo, l'intention de l'administration de voir "l'école professionnelle
de Sokodé fonctionner comme toutes les écoles professionnelles de
France, c'est-à-dire aussi bien structurées,
et disposant de moyens
efficaces" (2). Cette recommandation répondait à une tendance géné-
rale qui, à partir de 1947, a été d'aligner, dans tous les domaines,
l'enseignement Outre-Mer sur l'enseignement métropolitain.
En 1949, l'école professionnelle de Sokodé fut transformée
en un Collège technique auquel était annexé un centre d'appentissage.
Désormais la hiérarchie des établissements professionnels au Togo
s'étalait sur trois échelons:
1. A la base,
le centre d'apprentissage, assurant une
formation surtout pratique. Il forme en trois années
d'études des jeunes gens pouvant, après l'expérience
des ateliers, devenir des ouvriers qualifiés. Les
branches essentielles d'actiVité sont : le bois, la
maçonnerie, la mécanique générale, la mécanique auto
et l'électr1cité. La sanction des études est le
Certificat d'Aptitude professio~elle (C.A.P.) métro-
politain. Les élèves du Centre d'Apprentissage sont
recrutés sur concours parmi les jeunes gens 19és de
1) à 17 ans et ayant achevé leur scolarité primaire.
1.
"Une revendication de la Jeunesse togolaise: apprendre un métier".
La Chronique Syndicale du Togo, nO du 12 FéVr1er 1949, p.
2.
2. Rapport de la France à l'O.N.U., ADnée 1949, Section enseignement,
p.
14).

- 253 -
2. Le Collège technique de 50kodé. Les études suiVies par
les élèves sont analogues à celles des collèges techni-
ques en France : une formation technique théorique et
pratique conduisant les élèves au bout de quatre années
de formation aux examens du dipleme de Brevet Industriel
J. La section spéciale du collège classique et moderne de
Lomé prépare les élèves au baccalauréat technique et
aux concours d'entrée dans les écoles d'ingénieurs
françaises.
Si l'administration s'est engagée dans la création
d'établissements de formation technique et professionnelle, les
~lissions, de leur ceté n'ont pas hésité à se lancer elles aussi
dans cette voie.
En dehors de quatre écoles ménagères, deux pour les
catholiques et deux également pour les protestants, la grande inno-
vation dans le domaine de la formation professionnelle à l'actif de
l'enseignement confessionnel, demeure la création du centre artisanal
de Pya en pays cabrais par la Mission Evangélique. Dès 1954, cette
Mission avec l'aide du Fonds d'Investissement pour le Développement
Economique et Social (F.I.D.E.5.) ouvrit ce centre afin de "donner
à ses apprentis un apprentissage conforme aux exigences de la vie
moderne" (1). Répartis en trois sections, menuiserie, forge et
1. Le F.I.D.E.5. avait accordé une subvention de 5 millions de F.CFA,
puis un million de dotation en machines, à la }iission Evangélique.

-
254 -
maçonnerie, les élèves recevaient en trois années une formation qui
les préparait au Certificat d'Aptitude Professionnelle.
Cependant, i l faut bien reconna!tre que l'ouverture des
établissements de formation technique et professionnelle s'est faite
sans que l'on ait sérieusement étudié les possibilités de débouchés
offertes aux élèves. Le problème n'est pas nouveau. Nous avions eu
l'occasion de l'aborder lorsque nous parlions du sort des élèves
de l'Ecole Professionnelle de Sokodé et de celui des diplemés du
Cours Complémentaire.
Le Commissaire de la République ne cachait pas son déses-
poir de voir les "élèves de la Section d'Apprentissage de Sokodé
sans débouchés" (1). Par ailleurs le Directeur du Centre de pya et
ses collaborateurs devaient avouer qu'ils "étaient tristement frappés
et découragés de constater le nombre grandissant des élèves qui,
leurs études terminées, cherchent du travail et finissent par devenir
des vagabonds où tombent entre les mains de patrons qui les voyant
sans soutien les exploitent"(.2).
1. Discours du Commissaire de la République p.i. Digo Yves Jean
à l'occasion de l'ouverture de la Session budgétaire de l'Assemblée
représentative du Togo du .21
Octobre 1954, Archives de la Biblio-
thèque Nationale du Togo.
2. Rappor~ sur le Centre d'Apprentissage de Pya présenté au Conseil
de Circonscription de Lama-Kara, Janvier 1959, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.

-
255 -
Il ne fait pas de doute que le problème à résoudre est
la création de petites entreprises capables d'utiliser une main-
d'oeuvre ainsi formée. Faute d'avoir sérieusement envisagé cette
possibilité, les autorités crurent résoudre cette question en
procédant à une réforme. Alors que les élèves étaient recrutés au
niveau du Certificat de fin d'Etudes Primaires, désormais,
ils
devaient Itre titulaires du Brevet d'Etudes du Premier Cycle pour
pouvoir préparer en deux ans le Certificat d'Aptitude Professionnelle.
Il est évident que ce procédé n'a pas entièrement résolu
le problème de débouchés pour les élèves des établissements de
formation technique et prof,ssionnelle, qui commencent à connattre
une baisse sensible de leurs effectifs à partir de 1957 -
568 élèves
en 1957, 533 en 1958, 500 en 1959 et 467 en 1960 (1).
D. L'enseimement agricole
D'une manière générale, l'école a représenté d'abord un
moyen de fuir la vie des campagnes et ses contraintes. Ce qui
attirait la jeunesse, ce sont les emplois de bureau qui permettent
d'avoir des revenus fixes et de pouvoir s'élever au-dessus du niveau
de vie coutumier. Dans ces conditions, i l n'est pas étonnant que
l'enseignement agricole n'ait pas attiré les jeunes. Tous ont compris
que l'employé de bureau ou le fonctionnaire gagne beaucoup d'argent
sans trop travailler d'où ce refus des jeunes ruraux à retourner
à la terre d'où ils sont pourtant issus.
1. ~!oumouni Abdou, op. ci t, p.
1JO.

-
256 -
Il faut souligner que la désaffection des jeunes à l'égard
de l'enseignement agricole s'explique aussi par l'absence en ce
domaine d'une vér:1table formation, r:1goureusement planifiée, avec
des moyens mis à la disposition des élèves à la fin de leurs études,
et l'établissement d'un circuit pour la commercialisation qui ne se
fasse pas aux dépens de l'agriculteur.
En l'absence de tous ces éléments, force est donc de
constater que toutes les fermes-écoles créées dans les régions
rurales (Barkoissi et Sotoboua) dans le but d'expérimenter certaines
cultures, ont dd 3tre fermées à cause de leur médiocre rendement.
Par ailleurs les tentatives de ruraliser l'enseignement, en consa-
crant quelques heures par semaine à des travaux agricoles ont
échoué. Les élèves ont senti ces travaux comme des qrimades,
d'autant plus qu'ils étaient marginaux et ne s'adressaient qu'à
des élèves qui ne réussissaient pas bien "intellectuellement".
Les autres, pendant ce temps, pouvaient s'adonner à des activités
livresques.
En fait au Togo, seul le centre d'apprentissage de Tové
a pu normalement fonctionner. Réorganisé par l'arr3té nO 42/PM du
18 Décembre 1956, ce centre devait assurer "la formation des chefs
d'équipe, des surveillants de culture, des cultivateurs ouverts aux

- 257 -
techniques d'exploitation rationnelle, des moniteurs et des préposés
aux Eaux et ForOts" (1).
Les élèves sont recrutés sur concours parmi les titulaires
du C.E.P.E. et doivent Otre 19és de 15 ans au moins. Admis au centre,
ils doivent signer un engagement décennal de servir le pays dès la
f~ de leurs études. Ceux qui seraient expulsés du centre pour
mesure disciplinaire ou déserteraient volontairement l'établissement,
étaient tenus de rembourser ~tégralement leur scolarité. Par contre,
les élèves à qui l'administration ne pouvait procurer un emploi
étaient déliés de leur engagement. Ici se profile encore le spectre
des débouchés à l'issu des études.
L'organisation du centre d'apprentissage agricole de Tové
se voulait très simple. La durée des études y était de trois ans.
Les cours, théOrique et pratique,
étaient communs pendant les deux
premières années à tous les élèves, et ce n'était qu'à la fin de la
seconde année que les élèves s'orientaient à leur choix, vers les
sections d'agriculture, des Eaux et ForOts ou de l'Elevage. La
troisième année était essentiellement une année de stage. Les élèves
devaient obligatoirement passer six mois de stage dans une adminis-
tration correspondant à la section choisie.
1. ArrOté nO 42/PM du 18 Décembre 1956 portant organisation du
Centre d'Apprentissage de Tové, J.O.T.,
1957, p. 58.

-
258 -
La sanction normale des études était le Certificat d'Apti-
tude Professionnelle agricole (C.A.P.A.). Ce centre semble avoir
normalement fonctionné, mais à défaut de documents et de statistiques
précis, i l nous est impossible de dresser la liste des effectifs des
élèves ayant suivi cet enseignement et de voir comment ils ont été
placés au terme de leurs é~des.
E. Les écoles normales et le personnel enseignant
En parlant du personnel enseignant, nous n'avions pas
manqué de souligner que de son bon recrutement dépendait en grande
partie la réussite de la course à la scolarisation. Il existait
alors au Togo deux établissements d'enseignement normal. Celui
d'Atakpamé (officiel) dérivant de l'ancien cours normal de moniteurs
et celui de Togoville (~tission catholique) ouvert en 1943. Cette
dernière école demeure la plus ancienne alors que celle d'Atakpamé
n'a été transformée en 1951 en école normale d'insti~teurs par
M. Bonnet, inspecteur d'académie, que sous la réserve expresse
"qu'il n'en résultera aucune augmentation de dépenses pour le
Territoire (1).
1. Note du Commissaire de la République Yves Digo à M. Bonnet,
inspecteur d'académie relative à la création d'une école normale
d'insti~teurs à Atakpamé, Lomé, 7 Février 1951, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.

-
259 -
que ce soit à Atakpamé ou à Togoville la formation des
enseignants s'inscrit dans le mame cadre:
une formation générale de premier cycle en quatre ans,
conduisant à l'examen du Brevet Elémentaire. Ceux qui
réussissent à cet examen sont nommés instituteurs adjoint~
stagiaires. Les élèves qui n'ont obtenu qu'un total de
80 points sur 200 sont nommés élèves moniteurs. Les
autres peuvent exceptionnellement sur leur demande
écrite, adressée à l'inspecteur d'académie et après
avis du conseil des ma1tres, 3tre admis à redoubler.
une formation professionnelle d'une année sanctionnée
par le Certificat d'Aptitude Pédagogique.
Une réorganisation de l'école normale d'Atakpamé est
intervenue en 1958. Elle avait surtout pour objet de wieux assurer
la sélection des élèves à l'entrée et à la sortie du Cours Normal
qui a scindé l'enseignement en deux sections.
une section d'enseignement général recrute les élèves
parmi les candidats admis au concours commun d'entrée
en 6ème des établissements secondaires. Les programmes
sont ceux des cours complémentaires et préparent au
Brevet Elémentaire en quatre ans. Les élèves titulaires
de ce dipleme peuvent alors 3tre admis à
une section d'études normales qui en une année de
formation professionnelle prépare les élèves au
Certificat d'Etudes Normales.

-
260 -
Les élèves titulaires de ce dip18me sont nommés institu-
teurs adjoints et titularisés au 1er Janvier de l'année qui suit
leur sortie de l'Ecole Normale s'ils ont satisfait aux épreuves
orales et pratiques du Certificat d'Aptitude Professionnelle,
qu'ils passent dans le premier trimestre de leur entrée en fonction.
Quant aux élèves-mattres non titulaires du Certificat
d'Etudes Normales, mais ayant obtenu la moyenne pour l'ensemble
des compositions de morale et de pédagogie, ils sont nommés institu-
teurs adjoints stagiaires. Ils ne peuvent se présenter au C.A.P.
(épreuves orales et pratiques) qu'après un an de stage. Les autres
enfin, sont admis à redoubler.
Il faut enfin souligner que ces règlementations en vigueur
à Atakpamé étaient également suivies à
l'Ecole Normale Catholique
de Togoville. La seule différence est que le premier établissement
est mixte,
tandis que le second ne recrute que les garçons mais
avait adopté un système de collaboration avec la Nission Catholique
du Dahomey (Bénin actuel).
La mise en place de ces deux établissements d'enseignement
normal n'a pas, on s'en doute, résolu tous les problèmes du personnel
enseignant togolais qui est composé en majorité de moniteurs
auxiliaires, titulaires ou non du certificat de fin d'études
primaires élémentaires.

-
261 -
Par ailleurs les difficultés de promotion et d'examen
de passage d'une classe à l'autre des trois catégories d'institu-
teurs étaient telles que les syndicats du personnel enseignant
togolais ne manquèrent pas d'intervenir à plusieurs reprises
pour faire changer cette situation (1).
Cependant c'est le problème de la disparité des traite-
ments entre les enseignants des écoles publiques et ceux des écoles
privées confessionnelles qui mobilisa pour longtemps l'attention
des syndicats. Nous n'avions pas manqué de souligner que seuls
les enseignants des écoles officielles bénéficiaient d'une caisse
de retraite et que leurs collègues de l'enseignement privé ne
connaissaient pas de mesure analogue, devant se contenter, au
moment venu, d'une allocation versée par les missions selon leurs
possibilités.
1. Un arr~té n~ 986-49/p du 18 Décembre 1949 classait les institu-
teurs en trois catégories
:
les instituteurs adjoints,
titulaires du brevet élementaire
et d'un certificat d'aptitude péda~ogique,
les instituteurs ordinaires titulaires du baccaulauréat et
du certificat pédagogique métropolitain,
les instituteurs principaux recrutés par concours parmi les
instituteurs ordinaires.

-
262 -
Mais tout autre était le problème des traitements. En
1952, un instituteur principal du cadre supérieur dans l'enseignement
officiel percevait un salaire annuel net de F. J69.800, un moniteur
principal du cadre local F.
172.000 (1). Si l'on passait à l'ensei-
gnement privé, l'écart était très sensible. En effet à la m3me
époque et à la mission évangélique, un instituteur titulaire ne
percevait que F. 2JO.960 par an et un moniteur principal
F. 75.040 (2).
Cette disparité de salaires entre les enseignants des
écoles publiques et ceux des écoles privées fut à l'origine des
pétitions que certains mattres envoyèrent à l'Assemblée représenta-
tive du Togo,
"estimant qu'il est grand temps que l'opinion publique
sache qu'intégrer l'enseignement privé dans l'économie du pays par
des subventions qui le mettent à pied d'égalité avec l'enseignement
officiel est non seulement une question de justice mais une
nécessité pour l'éducation des masses populaires ••• et souhaitant
voir s'étendre l'application de ces mots aujourd'hui partout à
l'ordre du jour: à travail égal, salaire égal" (J).
1. Il s'agit de F.CFA.
Rapport de la France à l'O.N.U., Bar3me des traitements des
enseignants,
1956, Annexe I, p. 401.
2. ibid.
J. Lettre du Président du syndicat professionnel du personnel
enseignant privé au Président de l'Assemblée représentative du
Togo, nO 7574, Lomé, le 20 août 1947, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
26) -
Certains journaux de l'époque n'avaient pas manqué de
dénoncer cette situation. Ainsi,
"le Phare" fit campagne pour que
"des subventions importantes soient versées à l'enseignement
privé ••• " et souligna que "le Togo sous tutelle ne doit pas suivre
le sort des colonies françaises auxquelles s'applique la loi de
la larci té" (1).
"Le Togoland" de son c~té s'en prenait avec véhémence
au commissaire de la République, Laurent péchoux,
"responsable
des maux de l'enseignement privé", en l'accusant d'3tre " ••• un
athée dans toute l'acception hideuse et effrayante du terme ••• ",
tout en soulignant que "... le pays doi t
3tre bâti sur les principes
de la doctrine du Christ". Le m3me journal devait louer les
missionnaires "qui ont été de tout temps les meilleurs éducateurs"
et enfin s'indigner de ce que "les subventions allouées aux écoles
des ,braves missionnaires soient faites au compte-gouttes" (2).
La commission de l'enseignement à l'Assemblée représenta-
tive du Togo devait par ailleurs reconna!tre que "les enseignants
des écoles privées reçoivent un appointement de misère et que
l'écart entre leurs apppointements et ceux de leurs collGgues de
l'enseignement officiel à titre et grade égaux varie du double
au triple" (J).
1. G.~I., "La situation des ensei~ants des écoles privées au 1'0'50",
Le Phare, nO du 18 :-lai 1954, Archives de la FJ'.:-!. P.O.:'{.
120 '1.
2. Editorial du Togoland nO
5 du J l'lai 1954, Archives de la F.O.:'I.
P.O.M. 89 P.
J. Procès-verbal de la séance de l'A.R.T. du mercredi 10 5epte!~bre
1947, J.G.T., nU spécial du 15 Janvier 1948, p. 60.

- 264 -
Elle émettait cependant les voeux que nIes subventions
allouées aux missions soient relevées a~in qu'elles puissent
décemment payer leur personnel n (1).
Nous pensons que le bas salaire des enseignants des
écoles privées provient essentiellement de l'insu~~isance des
moyens ~inanciers des sociétés missionnaires. A moyens égaux,
l'enseignement privé dépasserait de loin en qualité et en quantité
l'enseignement o~~iciel. L'administration ~rançaise n'avait pas
voulu reconnattre à sa juste valeur les e~~orts considérables des
missionnaires dans le domaine éducati~, d'où des critiques par~ois
sévères contre leur enseignement. Pour nous, i l s'agit d'une
crainte; celle de voir ces pionniers de l'éducation qu'étaient
les missionnaires, avoir plus d'audience auprès des populations
que les administrateurs coloniaux. En~in i l y a tout le problème
d'allocation de subventions plus importantes sans arrière-pensée.
En d'autres termes, l'administration ~rançaise pourrait-elle
accorder plus de subsides aux sociétés missionnaires sans contre-
partie? Quelle serait alors l'attitude de ces dernières?
Zahn.
inspecteur de la mission protestante de l'Allemagne du Nord,
avait de son temps re~sé des subventions de la part du gouvernement
colonial allemand pour pouvoir garder les mains libres quant à
l'organisation des écoles protestantes. Ses successeurs n'ont pas
été aussi vigilants. Tout le problème d'une collaboration ~ranche
entre sociétés missionnaires et administration publique se trouve
posé ici. En temps normal, c'est une question complexe, elle l'est
encore plus dans le contexte colonial.
1. ibid.

- 265 -
L'organigramme de la page suivante fait appara!tre les
différents enseignements dispensés aux Togolais de 1946 à 1960.
Le système éducatif n'est d'ailleurs qu'une copie conforme du
modèle français.
Si l'on peut considérer qu'un progrès quantitatif a été
accompli, dans la mesure où le nombre des élèves scolarisés est
passé de 17.890 en 1946 à 87.408 en 1960, i l faut surtout
souligner que l'évolution de l'enseignement durant cette période
a laissé de nombreux problèmes en suspens. De façon générale,
l'histoire des politiques scolaires coloniales au Togo fait
apparattre certaines situations dont nous allons tirer les
conséquences dans nos prochains développements.

1
\\D
\\D
ORCANICRAI1IIE DE L'ENSEICNEHEIn' AU TOGO - 1946-1960
CIl
Enaeignement l'n'raI long
ConCIMIt'. d'entr'e
Proba-
toire
Enletgnetnent sfnfrat court
~ >•.E.
In •• llne_nt du 1er delr'
Eneelgnelllent "01'. .1
~••E'_>C.A.P.
En,elgneltent technique court
~).revot
Concour. cl' entrfe
indu.trlol
. Concour. Il' entrfe
Baccalaurfat
technique

- 267 -
CON C LUS ION
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=

-
268 -
L'histoire de plus d'un demi siècle de politiques scolaires
coloniales a créé une situation de fait et laissé de nombreux points
d'interrogation que l'indépendance accordée au Togo e~ 1960, ne
peut ni ignorer, ni corriger d'une façon instantanée. Autant dire
que beaucoup de questions qui se posent avec une certaine acuité
aujourd'hui, ont leur origine dans cette période antérieure de
colonisation.
Après avoir analysé les différentes politiques scolaires
suivies au Togo, nous nous proposons dans les pages qui vont suivre
d'étudier cinq séries de problèmes qui nous semblent refléter les
ambiguItés et les limites de ces politiques scolaires et qui peuvent
éclairer certaines situations engendrées au Togo par l'enseignement
colonial.
1. Tout d'abord i l s'agira pour nous de relever les
ambiguItés de l'école telle qu'elle a été instituée au Togo et
de démontrer en fin de compte que la "francisation" totale de
l'enseignement à la veille de l'indépendance du pays, loin d'3tre
une concession de la part des autorités administratives françaises,
renforce au contraire encore plus les liens du territoire avec
l'ex-puissance coloniale et le maintient toujours dans une situation
de dépendance.
2. Avant la colonisation, ceux que l'on pouvait considérer
comme exerçant un leadership sur les différentes sociétés togolaises,
sont les chefs religieux qu'ils soient animistes ou musulmans,
entourés de leurs conseillers. Les pouvoirs qu'ils exerçaient leur

- 269 -
étaient coDrérés non seulement en raison de leur rang social, mais
aussi et surtout en vertu de certaines qualités morales, physiques
et intellectuelles. Le trait caractéristique de ces leaders venait
du fait qu'ils ne pouvaient se comporter comme bon leur semblait,
mais étaient constamment tenus de puiser les règles de leurs
conduites aux sources de la sagesse et des valeurs traditionnelles.
L'école coloniale a fait appara!tre un nouveau groupe
social, les "lettrés". Ces derniers se posent petit à petit comme
détenteu~s d'un certain savoir et aspirent à jouer un r~le de plus
en plus déterminant dans les sociétés togolaises. Dès lors se forge
le prestige du lettré et commence la mise en question de l'autorité
que confère la compétence des !ges et des valeurs qui ont été
jusqu'ici le ciment des sociétés togolaises. L'enseignement ayant
connu par ailleurs un certain développement, nous nous trouvons
en face de plusieurs catégories de lettrés avec des niveaux de
f~rmation sensiblement différents. Comment dès lors s'instaurera
le dialogue entre ceux qui mettent en avant la compétence des !ges
et la sagesse traditionnelle et ceux qui tirent leur légitimité
de leur "savoir", un "savoir" acquis à l'école coloniale ?
J. Parmi toutes les matières dispensées à l'école
coloniale, l'enseignement de la langue occupe une place capitale.
L'école avait essentiellement pour but de former des employés dont
l'efficacité se mesurait à la connaissance de la langue du colonisa-
teur. Ceci signifie donc que les puissances coloniales qui se sont
succédées au Togo ont imposé leur langue non seulement comme preuve
de l'appartenance politique de la colonie, mais aussi comme moyen

-
270 -
de disposer d'employés pour l'exécution de certaines tAches.
Cependant la volonté des colonisateurs d'imposer leur langue fut
à maintes reprises remise en question par le désir non moins
farouche de certains missionnaires qui prirent la défense des
langues vernaculaires. A l'autre bout de l'échelle, les colonisés
ne comprirent pas toujours l'attitude des missionnaires et jouèrent
consciemment ou non le jeu des colonisateurs. Il se crée alors des
situations ambigaes qu'il nous faudra éclairer ici. Le Togo,
colonisé par l'Allemagne puis placé sous le mandat français après
la première guerre mondiale offre un cadre interessant pour l'étude
des politiques linguistiques ooloniales.
4. Pour scolariser les enfants et pouvoir disposer plus
tard d'une main-d'oeuvre qui servira comme commis dans les différents
services administratifs et commerciaux du territoire, les adminis-
trateurs coloniaux instituèrent un système de bourses d'études.
Mais en fait, ce qui devait 'tre un moyen devant permettre aux
plus nécessiteux de faire leurs études, dans un pays où très t~t
le jeune enfant est appelé à rendre des services divers, et où donc
le fait de l'envoyer à l'école pendant plusieurs années représente
un manque à gagner certain, devient aux mains de l'administration
coloniale une arme pour favoriser certains groupes par rapport
à d'autres. Comment ne pas voir dans ce procédé, un moyen habile
utilisé par le colonisateur pour perpétuer sa domination et créer
ou aggraver certaines inégalités ?

-
271
-
5. Hais plus grave encore nous semble 3tre le traitement
inégal des régions composant le Togo durant la colonisation alleman-
de et la période rrançaise. En prérérant certaines régions à
d'autres, en ravorisant les habitants de ces régions et en ouvrant
les écoles uniquement dans des centres précis, les administrateurs
coloniaux n'ont-ils pas créé des déséquilibres proronds qui risquent
de porter atteinte à l'unité des populations du territoire?
Ce sont ces cinq points qui vont raire l'objet de nos
développements.

-
272 -
1. Les ambigurtés d'un enseignement "~rancisé"
L'enseignement au Togo, en 1960, est pro~ondément
di~~érent de ce que les premiers missionnaires imaginèrent à leur
arrivée dans cette partie de la c~te occidentale de l'Afrique.
En e~fet la conception qu'avaient les missionnaires
de l'école en terre parenne était très simple. Il s'agissait pour
eux d'enseigner aux populations indigènes à lire et à comprendre
la Bible dans leur langue maternelle, à savoir compter et faire
de petits calculs élémentaires, Atre en ~in de compte de bons
chrétiens dans leur milieu. Ce programme très allégé devait
permettre aux enfants de pouvoir rester à la disposition de
leurs parents pour les travaux agricoles. L'accent était par
ailleurs mis sur l'éducation morale et la vie communautaire
tenait une place importante. Le moment venu, on enseignait au
jeune un métier afin qu'il puisse gagner sa vie.
La colonisation allemande devait modi~ier très largement
cette première conception de l'enseignement. Pour bien comprendre
ce qui allait se passer, i l ~aut tenir compte des motivations qui
sous tendaient l'expansion allemande outre-atlantique. Ces motiva-
tions sont dif~érentes de celles des missionnaires. Dans ces
conditions, l'enseignement mis en place au Togo par le gouvernement
colonial allemand ne peut Atre saisi qu'en l'insérant dans un
contexte bien précis, qui est une situation coloniale dé~inie
comme un phénomène de domination :

- 2.73 -
"La domination imposée par une minorité étrangère
racialement et culturellement différente au nom d'une supériorité
raciale et culturelle dogmatiquement affirmée à une majorité
autochtone matériellement inférieure" (1).
L'infériorité de l'indigène justifie la conqu3te puis
la domination coloniales qui sont accomplies au nom d'une "mission
civilisatrice". En ce qui concerne cette dernière notion, l'on
peut difficilement soutenir qu'elle ne fut pas un acte de force
interessée. En fait les écoles publiques ouvertes par le gouverne-
ment colonial avaient pour but de préparer des employés dont
l'efficacité se mesurait à la connaissance de la langue allemande.
Cependant i l faudra ici souligner un fait majeur. Les administrateurs
coloniaux allemands ne cherchèrent pas à former des citoyens. Ils
désiraient disposer seulement d'une main-d'oeuvre économiquement
rentable et surtout pratique. Cette main-d'oeuvre devait 3tre
éduquée à l'obérssance, à la discipline et au travail. La génération
ayant vécu la période de la colonisation allemande au Togo fait
volontiers montre de ces traits de caractère. En effet pour cette
génération, celle de nos grands-pères, les ordres ne 59 discutent
pas et la férule intervient chaque fois que l'on s'écartait du
"droi t
chemin n.
Cependant le colonisateur craint que l'école ne forme
ce qu'il est convenu d'appeler des "Kulturkarikaturen" en somme
des déclassés, des gens qui réchigneraient à exécuter certains
travaux, à la limite des gens qui élèveraient trop de prétentions
par rapport à leur formation réelle.
1.
Balandier Georges,
Sociologie actue1:1'è de l'Afrique Noire,
Paris, P.U.F.,
1975, pp 34-35.

-
274 -
C'est pour éviter cela que fut introduit dans les
programmes scolaires deux heures de travaux manuels chaque après-
midi et trois heures le samedi. Plus tard le gouvernement colonial
émit l'idée d'une fusion des trois cours complémentaires au profit
de celui du gouvernement qui pouvait accueillir quarante élèves.
Le gouvernement fournirait 13 élèves et les 27 autres places seraient
réparties entre les deux sociétés missionnaires proportionnellement
au nombre d'élèves admis à l'examen final (1). Cette mesure, pour
le gouvernement, avait l'avantage de contr~ler en les réduisant
les besoins en personnel administratif.
La politique scolaire allemande au Togo ne fut pas une
politique de grande envergure, mise à part la contribution très
active des missionnaires. Elle a cependant atteint ses principaux
objectifs puisque le gouvernement colonial a pu disposer d'une
main-d'oeuvre à bon marché et dévouée à sa cause (2).
1. Kaiserliches Gouvernement von Togo an die Norddeutsche
Missionsgesellschaft aber die Frage des Ausgestaltung des
Forbildungschulwesens, Lomé den 7.1.1912, Archives de la
Bibliothèque Nationale du Togo.
2. Un aspect de ce dévouement appara!t clairement à travers la
série de pétitions envoyées à la Commission permanente des
Mandats à Genève par l'Association des Germano-Togolais. Il
s'agit de gens instruits à l'école allemande, entretenant des
relations avec d'anciens administrateurs et qui ne désiraient
rien d'autre que la restitution du Togo à son "ancien ma!tre".

-
275 -
Si durant la période française au Togo, la plus longue,
la conception de l'enseignement n'a pas varié, dans la mesure où
cet enseignement est resté toujours inséré dans la logique de la
situation coloniale, i l faudra ici insister sur certains points
qui nous semblent déterminants dans la mesure où ils sont le
reflet du "génie français".
Dans l'esprit des différents gouverneurs chargés de
faire appliquer les arrêtés locaux, la fonction de l'école était
double. Il s'agissait tout d'abord de fournir à l'appareil colonial,
un minimum de personnel auxiliaire indispensable à sa bonne marche.
Cependant l'on se rendit vite compte que l'école était susceptible
de porter atteinte à l'autorité coloniale. La ruse consista alors
à adapter dans toute la mesure du possible l'enseignement à la
situation coloniale afin d'en contr~ler les "aspects dysfonc-
tionnels" (1). Ce fut la deuxième fonction de l'enseignement;
instituer une segrégation des connaissances et à travers elle
celle des carrières.
1. Ce terme a été utilisé par Coulon C. en décrivant l'enseignement
au Sénéga~ cf :
Balans J. L. Coulon C. et Richard A., Prolèmes et perspectives
de l'éducation dans un Etat du Tiers-Monde. Le cas du Sénéga~!
Bordeaux, centre d'études d'Afrique ~Toire, 1969, p. 23.

- 276 -
Ceci nous permet d'affirmer qu'en dépit du mythe de
l'assimilation, l'administration n'a jamais sérieusement envisagé
de former une élite togolaise pouvant rivaliser sur le plan de
l'éducation avec l'élite française.
L'organisation de l'enseignement au Togo ne laissait
d'ailleurs aucun doute à ce sujet puisqu'il y avait un enseignement
primaire élémentaire, un enseignement primaire supérieur et un
enseignement primaire professionnel.
Le terme de primaire situe très bien le niveau de
l'enseignement ainsi dispensé. Par ailleurs les élèves les plus
brillants, ceux qui accédaient aux grandes écoles du gouvernement
général de l'A.O.F., ne pouvaient espérer obtenir un grade similaire
à celui des cadres de la Métropole. C'est ainsi, par exemple, que
ceux qui poursuivaient les études de médecine, ne sortaient qu'avec
le dipleme de "médecins africains". L'école de médecine et l'école
vétérinaire ne formaient que des auxilaires. Enfin sur le plan
des traitements, on distinguait les cadres locaux des cadres
métropolitains. Ces derniers étaient composés exclusivement de
Français d'origine possédant des diplemes reconnus dans la
Métropole. Dans ces conditions, i l est difficile de parler
d'assimilation au sens strict du terme. Le colonisateur craint
que grâce à l'éducation n'émerge une élite qui pourrait contester
la situation vécue;

- 277 -
Si malgré tout l'assimilation n'a jamais été le but
des autorités coloniales françaises, l'enseignement dispensé n'a
cependant pas manqué de provoquer une dépersonnalisation des élèves
à travers la culture véhiculée.
Il faudra analyser ici les tentati-
ves d'adaptation de l'enseignement qui se dessinèrent à partir des
années 1930. En effet à partir de cette date, certains administra-
teurs parlent volontiers de "retour aux sources" et de "culture
franco-africaine". C'est l'époque où Robert Delavignette exhortait
Français et Africains à "sauver la culture noire", à rendre les
Noirs à eux-mAmes. Georges Hardy de son c5té plaidait en faveur
de l'adaptation de l'enseignement au contexte africain.
"L'adapta-
tion, faisait-il remarquer, qui est la clé de l'enseignement des
indigènes, suppose au premier chef une connaissance intime du pays,
et non seulement de ses ressources naturelles et de ses aptitudes
économiques, mais surtout la connaissance de ses habitants, de
leur genre de vie, de leurs coutumes, de leurs traditions, de
leur ante" (1).
Quelle est la signification de cet intér~t pour la
culture africaine 1
Parmi tous ceux qui avaient dénoncé l'aveuglement
culturel de la France en Afrique, Robert Delavignette mérite une
place particulière. Il fait partie de ces personnalités attachantes
comme les missionnaires Warneck,
Zahn,
liestermann etc. qui en leur
temps n'avaient pas hésité à s'élever contre les méfaits de la
1. Hardy Georges,
"Conférence économique de l ' Afri que français e" ,
Afrique Francaise,
1930, Supplément p.
328.

-
278 -
colonisation. Humaniste chrétien, Robert Delavignette était
convaincu que la ~ormation des hommes dans le respect de la dignité
des autres était un élément ~ondamental du développement (1).
L'Afrique est un pays et non un "cobaye". C'est la
conviction de Robert Delavignette qui écrivait :
"Je voudrais
qu'on abord!t toujours l'Afrique, non comme un terrain d'expériences
pour nos industries en péril, mais comme un pays qui possède depuis
longtemps sa dignité de terre habitée par des indigènes, par des
hommes" (2).
1. Delavignette Robert,
1897-1976, ~t administrateur colonial,
Haut Commissaire de la République au Cameroun puis directeur
des Af~ajres Politiques du Ministère ~e la France d'OUtre-Mer.
Dans ses écrits, i l a développé les principes d'une politique
générale libérale dans les colonies. Il soulignait la nécessité
d'une coopération basée sur une vision planétaire des civilisa-
tions et dégagée de toute arrière pensée. Il ~ut considéré
par ailleurs comme l'un des meilleurs analystes de l'évolution
des pays d'A~rique Noire.
2. Delavignette Robert,
"Idées blanches sur l'Afrique Noire",
Bulletin mensuel du Comité de l'A~rigue ~rançaise nO 1,
Janvier 1935, p.
15.

- 279 -
Parlant du système d'organisation du travail, Robert
Delavignette pensait que celui-ci ne pouvait réussir si "l'on
envoie dans les colonies n'importe qui pour faire n'importe comment
n'importe quoi ••• i l faut des hôMmes de vocation aptes à comprendre
dans la vie -
et pas seulement dans les livres - d'autres hommes
qui sont très différents de l'Européen par la race, les moeurs,
la mentalité, l'outillage" (1).
L'école populaire naquit de ces débats portant sur les
excès de la politique générale menée par la France dans ses colonies.
Cependant cela ne signifiait pas que la victoire revint à ceux
qui dénoncèrent l'aveuglement culturel de la France. En fait
l'école n'était populaire que de nom. Car l'on continuait comme
par le passé à former des auxiliaires pour les différents services
du territoire, et non des cadres qui remplaceraient les Français
aux postes de responsabilité.
Au Togo, i l était mame question de réduire le nombre
des écoles régionales, de les ramener à deux au lieu de quatre
auparavant et de rejetter systématiquement des écoles, les élèves
trop 4gés.
1. Delavignette Robert, Petite histoire des colonies françaises,
Paris, P.U.F.,
1941, p. 63.

-
280 -
Les débats sur l'enseignement tel qu'il était dispensé
dans les colonies françaises en général et au Togo en particulier
firent rage tout au long de l'entre-deux guerres et après la
Conférence de Brazzaville. Au Togo la commission chargée d'exprimer
son avis sur les modalités d'application des recommandations de
la Conférence de Brazzaville s'éleva au cours de ses séances de
travail contre la politique scolaire menée par la France dans le
territoire. Les divers points qui furent débattus concernaient la
langue d'enseignement, la rareté des écoles dans les différents
centres, la question de l'4ge des élèves ••• Loin de souscrire à un
enseignement qui, étant donné le contexte colonial, ne pouvait que
renforcer la domination européenne, la commission revendiqua une
éducation pleinement française (1). C'est ce qui fut accordé. On
peut supposer que le colonisateur a cédé lorsqu'il accepta d'aligner
l'enseignement, son contenu et son programme sur le modèle métro-
politain. En fait cette "francisation" de l'enseignement était une
manière habile utilisée par les autorités pour garder la main haute
sur la formation des cadres. L'école devient alors encore plus
qu'avant un moyen de contr~le social qui permettra en mAme temps
de pallier aux inconvénients de l'évolution politique du territoire.
La "francisation" totale de l'enseignement entrait dans le cadre
plus vaste de création de la grande communauté franco-africaine.
1. Procès-verbaux des séances des 2 et 12 mai 1945 de la commission
chargée d'exprimer son avis sur les modalités d'application au
Togo des recommandations de la Conférence de Brazzaville, Lomé,
Imprimerie de l'école professionnelle de la Mission Catholique,
1945, 90 p.

-
281 -
Dans ces conditions l'octroi de la conformité des études
avec le modèle français, comme celui de l'équivalence des diplOmes
met le Territoire dans une situation de dépendance vis-à-vis de
la France. Comment pourrait-il en 3tre autrement 1 Jusqu'à présent
l'enseignement n'a pas été conçu en fonction des réalités écono-
miques, politiques et sociales du Togo. On a toutes raisons de
douter que la transposition pure et simple du modèle français
puisse répondre convenablement aux besoins, ambitions et moyens
du pays. Par ailleurs, le manque de cadres -
très peu de Togolais
eurent le privilège de recevoir avant la seconde guerre mondiale
une formation supérieure -
crée le caractère indispensable de
l'assistance technique.
Une analyse de la situation du personnel de l'enseignement
à la fin de l'année 1957, fait apparattre que tous les postes de
responsabilité étaient détenus par des agents non Togolais (1).
L'octroi de la conformité des études avec le modèle
français, comme celui de l'équivalence des diplOmes, dans le cadre
de la décolonisation et de l'indépendance, ne peuvent 3tre considéré~
ni comme une reconnaissance de la dignité de populations longtemps
colonisées, ni comme une confirmation de leurs aptitudes à un
certain degré d'émancipation.
Il s'agit d'un octroi et en tant que telle cette situatior.
est grevée d'ambigu!tés fondamentales qui ne tarderont pas à
éclater au contact des réalités togolaises.
1. Voir tableaux pp. 282-283.

,C\\I
00
C\\I
,
Etat du personnel dans l'enseignement au 31-12-1957 (1)
P ERS 0 N N E L
Togolais
Non Togolais
Total au 31-12-1957
1. Enseignement public
r---Directeur de l'enseignement
1
1
Direction
Inspecteurs primaires
3
3
et
Secr~taire d'inspection acad~mique
1
1
2
Inspection
Chef du service p~dagogique
1
1
Personnel de secr~tariat
8
8
~
r--Proviseur
-
1
1
Directeur
-
1
1
Enseignement
Censeurs et surveillants g~n~raux
-
1
1
secondaire
Agents de services ~conomiques
-
-
-
Professeurs certifi~s licenci~s
1
7
8
Adjoints d'enseignement
1
-
12
12
Professeurs techniques adjoints
-
.
1
1
Professeurs de centre d'apprentissage
-
-
-
Mattres ouvriers
2
1
-
2
L--

1
C'"\\
co
C'I/
Etat du personnel dans l'enseignement au 31-12-1957
1
P ERS 0 N N E L
Togolais
Non Togolais
Total au 31.12.1957
~
Professeurs de cours complémen-
taires ou instituteurs principaux
1
10
11
Enseignement
primaire
Instituteurs
39
10
49
Instituteurs adjoints et auxiliaires
215
216
~oniteurs
421
421
Education
physique
Moniteurs d'éducation physique
2
1
3
Total
690
51
741
II Enseignement privé
(Personnel bénéficiant d'une subvention)
Professeurs licenciés
9
9
Maltres titulaires du baccalauréat
27
27
Kaltres titulaires du brévet élémentaire
43
15
58
Moniteurs diplemés
213
2
215
Moniteurs auxilaires
...1!!l-
2
249
Total
503
55
558

-
284 -
2. E1ites traditionne11es et nouve11es é1ites
La question de 1'émergence de nouve11es é1ites ~ace aux
é1ites traditionne11es nous semble intéressante à étudier dans 1a
mesure où c'est à travers 1'éco1e co1onia1e principa1ement
qu'appara!t ce nouveau groupe social qui, à mesure que 1'instruction
se dévoloppe, essaie d'exercer un 1eadership certain sur 1es diverses
sociétés togo1aises. Cette situation qui semble irréversible, pose
cependant de nombreux prob1èmes, entre autres, 1e conflit de
cohabitation entre élites nouve11es et élites traditionne11es
d'une part et entre élites nouve11es de niveaux d'instruction
sensib1ement différents d'autre part.
Nous allons d'abord tenter de dé~inir ce que recouvre
le terme d'élite, ce qui n'est pas aisé, ce mot prenant des
connations di~~érentes selon les situations. Dans la perspective
où nous nous situons, nous estimons néanmoins que pour appartenir
à une é1ite i l ~aut réunir 1es conditions suivantes
:
occuper une situation é1evée,
~aire partie d'un groupe su~~isamment caractérisé et
homogène,
avoir conscience de sa position sociale,
béné~icier d'un grand prestige,
être considéré comme imitab1e c'est-à-dire comme
pouvant servir de modèle aux autres quant à la conduite
de la vie.

- 285 -
Ces critères nous permettent de définir trois élites
distinctes au Togo: les élites traditionnelles, les Européens ou
la classe dominante, les Togolais instruits qui ont plus ou moins
assimilé les techniques et le mode de vie européens.
Les élites traditionnelles
Sous ce terme nous regroupons les familles royales,
animistes du Sud ou islamisées du Nord du Togo, et tous leurs
membres et conseillers qui exerçaient un rele à quelque degré
que ce soit.
Des familles royales on attendait qu'elles témoignent
des hautes qualités requises pour conduire les communautés : force
physique, courage, générosité, dignité, courtoisie ainsi que d'une
exacte connaissance et d'un respect attentif des coutumes et des
traditions des tribus. Ainsi tous ceux qUi, dans le cadre d'un
large groupe familial, pouvaient aspirer à la dignité de roi,
ou de chef, constituaient une élite.
Le chef ainsi désigné administrait la communauté en
disposant de tous les pouvoirs: exécutif, législatif, judiciaire
et militaire. Cette charge complexe comportait un grand nombre
de devoirs, de fonctions et d'obligations aussi bien que de droits.
Le chef avait surtout des fonctions religieuses: i l représentait
les anc3tres défunts, protecteurs de la communauté. C'étaient ces
derniers qui lui conféraient son autorité et son prestige. Il était

- 286 -
le symbole de l'unité de la communauté villageoise, de sa permanence
à travers les siècles, et l'incarnation de ses valeurs spirituelles
et morales. Sa ~onction était essentiellement sacerdotale, son
pouvoir mystique.
Pourtant le pouvoir du che~ n'était pas sans limites.
Il était tenu par la coutume de n'agir qu'avec l'accord et sur
l'avis du conseil des anciens. Le che~ et son conseil étaient
conjointement chargés d'administrer la communauté et d'en maintenir
les traditions. C'est pourquoi l'on peut considérer que les che~s
et leurs successeurs éventuels constituaient une élite. Leur r~le
essentiel était d'assurer le règne de la loi et de l'ordre dans la
communauté, de la dé~endre contre les attaques du dehors, de faire
vivre ses membres en bonne harmonie les uns avec les autres ainsi
qu'avec les !mes des anc3tres et des divinités tutélaires.
Les membres de la famille du chef et les conseillers
traditionnels constituaient une élite non seulement parce qu'ils
exerçaient le pouvoir, mais aussi parce qu'ils étaient les gardiens
du patrimoine culturel de la communauté.
La cour du che~ ~ixait les normes à suivre en matière
de comportement, d'éloquence, de danse et de chant. Dans les cérémo-
nies et les rites religieux qui évoquaient l'histoire de la commu-
nauté et symbolisaient son unité et son identité, le che~ était le
personnage central. Les conseillers traditionnels et les membres
des familles royales devaient connaïtre tous les rites et se

- 287 -
conformer dans leur comportement aux valeurs de la communauté.
Ils étaient honorés, mais on attendait d'eux qu'ils s'acquittent
de leurs obligations traditionnelles.
Le premier e~~et de la domination allemande d'abord puis
~rançaise ensuite ~ut l'atténuation du pouvoir des che~s tradi-
tionnels. Certes ils ne furent pas éliminés, mais avec le temps,
certains furent remplacés par des fonctionnaires européens, d'autres
perdirent leur prestige et leur autorité. Les ~onctionnaires
allemands et français avaient davantage de pouvoir ;
ils disposaient
d'engins de destruction très efficaces pour imposer leur volonté.
Leur condition apparut plus enviable et leur comportement fut
imité avec ardeur.
Ainsi sous le régime colonial, les pouvoirs des autorités
traditionnelles furent limités et réglementés par des ordonnances
et les chefs perdirent de leur prestige au profit de fonctionnaires
coloniaux. Ils ont cependant conservé une certaine importance,
car si ces derniers s'acquittaient avec efficacité de toutes les
tâches pratiques, ils ne pouvaient ni exercer de fonctions reli-
gieuses, ni symboliser les valeurs traditionnelles des communautés.
Néanmoins, Allemands, Français, missionnaires, fonction-
naires, instituteurs et membres de professions libérales, formaient
collectivement une élite influente. Leur mode de vie n'est pas
seulement plus raffiné,
i l est différent.
Ils habit.ent des maisons
mieux construites, spacieuses, bien meublées. Ils ont des

- 288 -
domestiques, possèdent des voitures et des re~rigérateurs. Ils
ont une "instruction supérieure" et des revenus qui leur permettent
de se procurer davantage d'articles et de services. Ils ont des
loisirs qu'ils consacrent aux sports, ou simplement à boire et à
discuter entre eux.
Il est impossible d'étudier les aspirations des nouvelles
élites togolaises sans tenir compte de l'in~luence exercée par le
groupe européen. Les Européens ~orment un groupe assez homogène,
car ils ont conscience d'appartenir à la race dirigeante. Bien
qu'ils ne soient pas du pays et qu'ils n'y soient pas établis de
~açon permanente, ils constituent pour les Togolais, en particulier
ceux qui ont été à l'école, un modèle qui détermine leurs objecti~s
et leurs aspirations.
Ces Togolais qui ont reçu une éducation européenne
~orment la troisième élite. Dans une société sans écriture,
l'instruction scolaire su~~it à dé~inir un nouveau groupe social.
Il ~audra ici introduire un élément important concernant la
composition et le niveau de ce groupe social. En e~~et jusqu'à
la deuxième guerre mondiale, l'enseignement dispensé dans les
écoles au Togo était d'un niveau primaire. Ce ne ~ut qu'en 1947,
que ~ut ouvert le premier établissement d'enseignement secondaire.
Nous nous trouvons donc en présence de deux générations de lettrés.
La première,
composée de gens ayant ~réquenté les écoles allemandes
puis ~rançaises jusqu'à la seconde guerre mondiale.
La deuxième
génération de lettrés par contre a reçu une ~ormation primaire
secondaire et par~ois supérieure dans les universités ~rançaises.

- 289 -
En ~ait, bien que numériquement très ~aible, la première
génération de lettrés jouissait d'un statut social et d'un prestige
disproportionnés par rapport à sa ~ormation réelle. Savoir lire
et écrire était alors regardé comme l'initiation indispensable qui
vous ouvrait la porte du progrès, de la promotion, de la mobilité
sociale. Toute~ois cette première génération de lettrés n'élevait
pas trop ses prétentions; ses seules ambitions étaient de se
distinguer par ses modes d'habillement et de consommation du reste
des populations. Par ailleurs elle s'accommodait ~ort bien de
sa position dépendante et subalterne dans l'ordre colonial et
n'avait à coeur que d'imiter le colonisateur. Il ne s'agissait
donc pas d'une couche ambitieuse,
~ondamentalement novatrice,
voulant changer quoi que ce soit, mais d'un groupe qui jouissait
de privilèges de fait.
Enfin et ceci est très important, quelle
qu'ait pu 3tre la volonté de cette première génération d'instruits
de se rapprocher culturellement du colonisateur,
elle ne pouvait
pas nier complètement les valeurs traditionnelles en tant que
telles. Ce qui entra!ne des compromis culturels qui sont autant
d'équilibres précaires dont la société toute entière offre de
nombreux exemples.
En face de cette première génération de lettrés qui,
avec le temps, a bénéficié de la double expérience allemande et
française, appara!t la seconde génération de lettrés qui comme
nous l'avions indiqué a été formée après la seconde guerre mondiale,
et a fréquenté les universités ~rançaises. Comment instaurer le
dialogue entre ces différents élites ? Laquelle de ces élites aura
le plus d'influence sur les diverses sociétés togolaises?

-
290 -
Tout d'abord bien qu'en plusieurs circonstances, les
élites traditionnelles de mAme que celles de la première génération
aient essayé de mettre à profit la "technicité" de la seconde
génération d'élites d'une part, et que cette dernière ait toujours
recherché des points de contact, des compromis, des alliances avec
les deux premières d'autre part, i l subsiste néanmoins un conflit
latent de générations qui devient peu à peu une lutte latente entre
la compétence des âges. Dès lors, les ponts sont rompus chaque fois
que la seconde génération d'élites refuse de considérer l'âge
comme l'élément déterminant de la compétence, de la maturité du
jugement et de la majorité sociale et politique. Elites tradition-
nelles et élites de la première génération n'hésitent pas dès lors
à qualifier les élites de la seconde génération d'utopistes ou
de "blancs becs" (1).
Il ne se crée pas cependant une coupure irrémédiable
entre élites traditionnelles et élites nouvelles. Ces dernières
continuent de participer sous des formes diverses aux manifestations
culturelles et religieuses dans les villages et essaient de
conserver des liens avec leur groupe d'appartenance. Par ailleurs,
on peut dire que l'élite européenne ne se sent pas menacée, du
moins à court terme, par la seconde génération d'é~ites. Le nombre
de ces dernières est d'ailleurs numériquement très faible et elles
restent malgré tout profondément marquées par l'éducation européenne.
1.
Agblémagnon N'sougan,
"Hythe et réalité de la classe sociale
en Afrique Noire: Le cas du Togo". Cahiers Internationaux
de Sociologie, nO XXXVIII,
1965, pp.
155-168.

-
291
-
Ce que l'on constate cependant c'est que le glissement
qui s'opère se fait en faveur des élites de la seconde génération,
ceux qui ont été le plus longtemps à l'école.
Les élites traditionnelles doivent leur influence au
fait que le modèle qu'elles proposent est conforme aux conceptions
et aux valeurs ancestrales. La culture qu'elles représentent
exerce un attrait non seulement intellectuel mais aussi sentimental.
C'est ce qui explique leur force. Elles font appel à un idéal qui
s'incarne dans le patrimoine historique et culturel des populations.
Mais ces élites exercent aussi une autorité en matière sociale et
politique et c'est principalement dans le domaine politique qu'elles
se trouvent en conflit avec les nouvelles élites. Depuis que le
te~toire est doté d'institutions parlementaires, l'autorité du
conseiller local élu, du député ou du ministre menace celle du chef
et de ses conseillers traditionnels. D'autres facteurs entrent
aussi en jeu.
Il y a l e r~le de plus en plus grand des villes dans la
possibilité donnée à ses habitants d'avoir accès à plus d'éducation,
d'apprendre de nouvelles techniques et de jouer de nouveaux r~les.
Par ailleurs, par ses niveaux d'aspirations, de consom-
mation, de loisirs, par l'argent dont elles disposent et qu'elles
n'hésitent pas à convertir en grande partie en opérations de
prestige, les nouvelles élites exercent une attirance certaine
sur la jeunesse et les autres couches des populations.

Enfin, en l'absence de véritables infrastructures indus-
trielles, la plupart des nouvelles élites occupent des fonctions
dans l'administration ou exercent des activités libérales qui
bénéficient d'un prestige considérable. Le pouvoir de l'argent
s'affirme de plus en plus. Il ne s'agit plus simplement de vivre
et de mourir comme les anciens ou nos grands-pères, mais de
~devenir quelque chose". Pour y parvenir la première étape passe
par l'école. Cette dernière semble offrir d'autant plus de
possibilités qu'on y a été le plus longtemps possible.

- 29J -
J. Les politiques linguistiques au Togo
Le Togo colonial eut à ~aire ~ace à trois langues euro-
péennes
l'allemand,
l'anglais et le ~rançais. Cependant la
volonté des colonisateurs allemands et ~rançais d'imposer leur
langue comme preuve de l'appartenance politique de la colonie fUt
à plusieurs reprises remise en question par l'engagement de certains
missionnaires pour la défense des langues vernaculaires. A l'autre
bout de l'échelle, les Togolais ne comprirent pas souvent cette
attitude des missionnaires, pré~érant apprendre la langue du
colonisateur, seule possibilité à leurs yeux de trouver un emploi
subalterne dans les maisons de commerce et dans l'administration.
Cette situation a engendré des tensions par~ois assez vives entre
administrateurs coloniaux, missionnaires et colonisés et créé
des ambigu!tés qu'il nous ~audra présenter et expliquer ici. En
ef~et la ronction de la langue dans une société dominée est
essentielle car c'est à
travers elle que se propage l'idéologie
des colonisateurs, créant un ~ossé entre ceux qui ont eu accès
à
l'école et qui tendent à reproduire le modèle colonial dans
leurs comportements, leur manière de vivre et la grande majorité
des populations analphabètes. La langue apporte donc avec elle
une autre échelle de valeurs sociales qui ne s'applique plus du
tout sur le modèle traditionnel.
L'on a pu dire que les Allemands avaient tenu les parlers
togolais dans un certain respect, allant jusqu'à tolérer leur
enseignement dans les écoles con~essionnelles. Si cette thèse,

- 294 -
soutenue principalement par Robert Cornevin et L. Pechoux, contient
une grande part de vérité, elle n'explique pas du tout comment l'on
est arrivé à cette concession et à quel prix (1).
Pour bien comprendre l'importance de l'enjeu, i l faut
souligner que pour les administrateurs allemands,
le fait de
tolérer l'enseignement de la langue éwé ou d'une autre langue
togolaise dans les écoles confessionnelles était un moindre mal.
Cette attitude de conciliation s'expliquait par le fait qu'il
s'agissait d'écarter énergiquement et définitivement la langue
anglaise. dont l'usage "semblait dangereux pour la colonie au
double point de vue économique et social-(2). Il ne faut pas
oublier que le Togo avait comme pays limitrophe le Ghana actuel
où le commerce était plus florissant qu'au Togo allemand et les
méthodes d'embrigadement plus "douces". La tendance chez beaucoup
de jeunes qui connaissaient quelque peu l'anglais était d'émigrer
dans cette colonie britannique.
Sur le plan strict de la tolérance de la langue éwé dans
les écoles confessionnelles, i l faut rendre hommage à certaines
sociétés missionnaires et plus particulièrement à la mission
protestante de l'Allemagne du Nord, sous l'impulsion de son
1. Cornevin Robert, Histoire du Togo, op. cit, p.
201.
Pechoux L., Le Mandat français au Togo, op. cit, p. 62.
2.
Lettre de Zimmerer à Bismarck, op. cit, p.
12.

- 295 -
inspecteur Zahn, qui déploya dans la bataille des langues un zèle
et une conviction inébranlables (1).
L'attitude des pasteurs de la société missionnaire de
l'Allemagne du Nord ne pouvait 3tre comprise que dans un contexte
où les idées de Gustav Warneck imprégnaient et fournissaient une
approche théorique plutet positive vers les langues africaines.
1. Il faut tout de suite faire remarquer que la conviction des
différentes sociétés missionnaires devant les lanp,ues vernacu-
laires ne s'exprima pas toujours avec la mAme intensité. Ainsi
au Togo, si durant la colonisation allemande,
la mission
protestante de l'Allemagne du Nord se fit un farouche défenseur
de l'éwé, la mission catholique du Verbe Divin montra quelque
hésitation dans l'utilisation des langues vernaculaires. Ce
n'est que vers les années 1908 que cette société missionnaire,
sous l'impulsion du R. Père Schmidt, se lança dans l'étude des
langues togolaises. Le bilan se solde donc par une production
littéraire beaucoup plus importante chez les protestants que
chez les catholiques. De façon analogue,
i l fut noté au Cameroun
que les catholiques Pallotins utilisèrent à fond l'allem~,d
dans leurs écoles et se faisaient donc bien voir du gouvernement
colonial,
tandis que la Mission de Bâle se créa de multiples
conflits avec l'administration, en décidant de ne se servir
que de deux ou trois langues vernaculaires.
Strumpf Rudolf, La politique linguistique au Cameroun de 1884
à
1960, Paris, Sorbonne (Thèse de 1110 cycle).

-
296 -
Ainsi au Togo, les protestants de l'Allemagne du Nord décrétèrent
que l'eDrant ne devrait jamais Atre coupé de sa vie organique
tribale. En t'aire des "clerks" ne pouvait qu'aboutir à une carica-
ture culturelle ; au lieu de servir la communauté ethnique on
produirait un prolétariat de demi-lettrés alimés" (1).
Le mémorandum des sociétés missionnaires protestantes
allemandes concernant l'usage des langues at'ricaines précise d'une
façon nette la position des pasteurs allemands qui regrettaient
que des considérations politiques prennent le pas sur la pédagogie.
"Sans une connaissance prot'onde d'un vernaculaire, affirmaient-ils,
un enfant ne peut valablement accéder à une langue étrangère" (2).
Les missionnaires de la société protestante de l'Allemagne
du Nord avancèrent donc l'argument que pour les différentes popu-
lations togolaises, la meilleure façon d'apprendre une langue
étrangère était de bien connattre la leur. C'est ainsi que dans
les écoles, l'enseignement se faisait d'abord dans la langue
vernaculaire. L'allemand n'était utilisé que dans les classes
supérieures où sont envoyés les eDrants les plus capables pour
y former l'élité de l'Eglise. Les pasteurs allemands n'avaient
pas alors ménagé leur peine pour étudier les langues togolaises,
en particulier l'éwé. Nous avions fait antérieurement un bilan
1. Schlunk
Martin, Die Norddeutsche Mission in Togo, Vol II,
op. ci t, p.
15 J.
2. Hémorandum fait au Kolonialamt de Berlin le 21.7.1904, signé
principalement par l'inspecteur Oehler de la Mission de Bâle
et le missiologue Gustav Warneck.

-
297 -
de leurs productions littéraires et linguistiques. A c~té des noms
tels que Wiegr!be, Spieth, BOrgi etc, i l ~aut accorder une place
spéciale au pro~esseur Westermann, appelé le "cher et in~atigable
bienfaiteur de la culture indigène et de la littérature du pays
éwé" (1). Homme extraordinaire, originaire d'une ~amille de la
Basse Saxe, Westermann considérait que la Mission était un ~acteur
indispensable du développement de l'~rique. C'est en 1900 qu'il
~ut envoyé comme missionnaire au Togo (2). Il se plongea alors
dans l'étude de la langue éwé comme peu de ses prédecesseurs
l'avaient ~ait. Il écrivit de nombreux manuels dans lesquels
les élèves pouvaient appro~ondir la langue éwé et apprendre
l'allemand. Mais c'est surtout son dictionnaire éwé-allemand
de plus de 1500 mots qui ~t remarquable par l'étendue de son
vocabulaire (3).
1. Ce quali~icati~ ~ut utilisé par le Secrétaire du synode de
l'Eglise Evangélique du Togo lors d'un hommage rendu au pro~esseu:
Westermann. c~ : Damman E.
"Le Pro~esseur Diedrich lfestermann"
"Le monde non chrétien", nO 38, Avril-Juin 1956, p.
104.
2. ibid.
3. Après son séjour au Togo, Westermann travailla au Libéria de
1914 à 1915. Directeur de l'Institut International des Langues
et Cultures à Londres, il occupa plus tard une chaire de langues
a~ricaines à l'Université de Berlin.

-
298 -
Par ses travaux et ses prises de position, Westermann apporta aux
défenseurs des langues indigènes des arguments de poids.
A ceux qui se prononcèrent pour une plus large diffusion
de la langue allemande, Westermann avança l'argument que la
connaissance d'une langue européenne ne permettait qu'à un petit
nombre d'écoliers d'obtenir un emploi. Selon le célèbre africaniste,
"l'élève qui apprenait une langue étrangère le faisait dans
l'attente d'un bien-3tre matériel. S'il était diplSmé en allemand,
i l perdrait la plupart du temps le goat pour la vie villageoise,
et irait probablement en ville augmenter le nombre de prolétaires
éduqués" (1).
Si la bataille des langues durant la colonisation
allemande au Togo s'est soldée par une reconnaissance des langues
locales en dehors de l'allemand, i l faut cependant souligner que
parmi les défenseurs de la langue de Goethe, certains s'aperçurent
que l'instruction dans la langue "du ma.ttre" comportait quelques
dangers.
Ils pensèrent que l'éducation à l'occidentale pourrait
faire des "nègres insoumis et orgueilleux d'une part et que la
connaissance de l'allemand leur permettrait de lire les journaux
et les débats du Reichstag qui révèleraient les désaccords inavoués
qui existaient entre les différentes puissances coloniales" (2).
1. Westermann D., Vollçwerdung und Evangelium unter den Bwe, Bremen,
Verlag der N.D.M.G.,
1936, p.
14.
2. Rohrbach P., Deutschlands koloniale Forderun~. Hamburg,
Ed. Reimar und Bohsen, 1935, p. 85.

-
299 -
Cette tendance était surtout représentée par Rohrbach
et Schuetze, deux idéologues nationalistes, qui proposèrent que
l'enseignement de la langue allemande dans les écoles exclut la
lecture et l'orthographe. Ainsi on éliminerait le danger de
lectures subversives et on apporterait à l'économie territoriale
les petits salariés nécessaires. Cette proposition qui a été ~aite
en 1912 ne put cepe~dant entrer dans les ~aits. Deux années plus
tard la guerre éclatait, et son issue mettait ~in aux visées
expansionnistes de l'Allemagne en A~rique.
La période ~rançaise au Togo est caractérisée par deux
aspects bien dé~inis de la conception de l'éducation. Il s'agissait
d'une part d'apporter la "civilisation" et d'autre part de répandre
la langue ~rançaise. Le gouverneur général ~[er1in ~aisait bien
ressortir ces deux aspects lorsqu'il écrivait que "l'enseignement
se propose avant tout de répandre dans la masse la langue ~rançaise
a~in de ~ixer la nationalité. Il doit tendre ensuite à doter
l'indigène d'un minimum de connaissances générales mais indispensa-
bles, a~in de lui assurer des conditions d'existence meilleures,
d'ouvr±r son esprit à la culture ~rançaise, à la civilisation
occidentale" (1).
1. Gouverneur général Herlin,
"L'enseignement dans nos colonies",
Bulletin de l'Education en A.O.F., nO 45, Février-Mars 1921,
p.
216.

-
)00 -
Dès la prise en possession du territoire, l'usage exclusi~
du rrançais ~ut exigé dans le but disaient les autorités, de bannir
la pratique de la langue allemande. On ~it venir du Dahomey voisin
(le Bénin actuel) des instituteurs pour enseigner dans les écoles
publiques. En attendant, les langues togolaises ~rent proscrites
par un arr.té du 28 Septembre 1922 (1). Selon le commissaire de
la République, cette mesure était rendue nécessaire arin de
"permettre aux Togolais de participer sans di~riculté à la vie
administrative économique et sociale de leur pays
; la langue
~rançaise devant établir la liaison en l'absence d'une langue
locale prépondérante" (2).
L'usage du ~rançais ~t rendu alors obligatoire ;
l'enseignement était dispensé entièrement dans cette langue dans
toutes les matières et à tous les niveaux. Il était alors interdit
aux mattres de s'exprimer dans les langues togolaises. Les élèves
qui utilisaient leur langue maternelle, m.me dans la cour de
recréation étaient sévèrement punis et soumis aux châtiments
corporels.
1. Arrêté
du 28 Septembre 1922 portant organisation de l'enseigne-
ment public et privé au Togo et rendant obligatoire l'emplOi du
~rançais, J.O.T., 1922, p. 214.
2. Circulaire du commissaire de la République du Togo, concernant
l'enseignement du ~rançais dans les écoles publiques et privées,
28 Septembre 1922, Rapport de la France à la S.D.N., 1922,
p. 204.

-
JOl
-
C'est dans ce contexte qu'il faut faire intervenir ce
que l'on a appelé wsymbole w• Il s'agissait d'un objet banal remis
à l'élève qui avait eu l'étourderie d'utiliser un mot non français,
à charge pour lui de le transmettre à un autre dans les m3mes
conditions. En fin de journée, le ma!tre de l'école reconstituait
l'itinéraire du Wsymbole" et distribuait des coups aux "fautifs w•
Parfois seul le dernier pris était pénalisé, d'où l'empressement
de chaque wcoupable" de se débarrasser de cet objet encombrant
au plus vite.
Il n'est pas difficile de déceler dans cette pratique,
plusieurs objectifs poursuivis consciemment ou non : imposer la
langue française par tous les moyens y compris les ch4timents
corporels ; identifier dans la conscience des jeunes élèves
l'utiXisation de ·leurs langues comme une faute;
inculquer dès
le plus jeune 4ge la délation des camarades comme une pratique
normale. Il faut par ailleurs souligner que cette politique qui
a eu cours au Togo et dans d'autres colonies n'est pas différente
de celle suivie par la France en Bretagne, où l'on attachait au
cou du jeune écolier breton surpris à s'exprimer dans sa langue
maternelle, ce qu'il était convenu d'appeler le wsabot
d' inf4mie" ( 1 ) •
1. Mexandeau Louis,
"L'école et le nivellement culturel", Le ~jatin,
17 Juin 1980, p.
14.

-
J02 -
Malgré de nombreuses critiques, la France n'a pas pour
autant renoncé à mener sa politique linguistique unilatérale. Deux
tendances s'opposaient sur la question de l'utilisation du français
dans les écoles.
La première était représentée par tous ceux qui doutaient
de l'utilité du français dans l'enseignement primaire. Ils avancè-
rent l'argument que le français rudimentaire (il ne pouvait Itre
que rudimentaire) ne serait ni compris ni retenu par les enfants,
qu'il fallait plutOt faire de la langue tribale un instrument
d'initiation à la langue française et qu'en négligeant la langue
maternelle on ne ferait qu'accélérer les indigènes vers le
fonctionnarisme (sic) au détriment de l'agriculture (1).
Dans le mIme ordre d'idées, i l est possible de ranger
les différentes interventions de Bugge Wickse11, la déléguée de la
Suède à la commission permanente des Mandats, chargée de l'enseigne-
ment, qui ne manqua pas de lancer de vives attaques contre la
politique linguistique menée par la France au Togo, soulignant
qu'"i1 est difficile de faire tout l'enseignement dans une langue
aussi complexe que le français" et rappelant le système adopté
au Togo britannique où la langue éwé avait une place importante
dans les écoles (2).
1.
Vahran G.,
"L'enseignement dans les colonies françaises",
La dénIche coloniale,
lJ Octobre 19JJ, p. 4.
2. Procès_verbal de la 6ème session de la commission permanente
des Mandats tenue à Genève du 26 Juin au 10 Juillet 1925.

-
)0)
-
De son c~té, Sir F. Lugard également membre de la commis-
sion permanente des Mandats, doutait qu'il soit jamais possible de
donner l'enseignement ~lémentaire des écoles de village dans une
autre langue que la langue maternelle.
"L'indigène, ~aisait-il
remarquer, continuera toujours à penser dans sa propre langue mame
s ' i l s'exprime en ~rançais" (1).
L'administration ~rançaise n'accorda aucune attention à
ces remarques, pas plus qu'elle ne tint compte après 1946, de la
~orte pression du conseil de tutelle qui lui demanda d'assouplir
la règlementation qui exigeait la connaissance du ~rançais pour
accéder aux emplois administrati~s. On ne comprenait pas à New-York
que la puissance tutrice n'ait pas encore trouvé le moyen d'imposer
une ou deux langues territoriales ou de déclarer le ~rançais comme
langue du te~toire avant que les habitants aient eu l'occasion
de s'exprimer ou de voter pour une langue. Que la région soit
morcelée en une multitude de zones linguistiques n'était pas une
excuse qui pouvait 3tre retenue du ~ait que la France administrait
le Togo depuis plus de 30 ans. Ce temps aurait dO su~~ire pour que
la France étudie avec soin les diverses langues locales pour
ensuite établir un alphabet commun. De là on aurait pu développer
l'usage d'une ou de plusieurs langues locales les plus couramment
parlées (2).
1. Procès Verbal de la 6° session de la commission permanente
des Mandats, op. cit.
2. Conseil de Tutelle des Nations-Unies, Examen du Rapport annuel
sur le Togo, 1950, pp. 8-33. Archives de la BibliothQque de la
France d'OUtre-Mer.

-
)04 -
Les partisans de l'usage exclusif du français -
ils furent
les plus nombreux - avancèrent trois arguments pour justifier
leurs positions.
Le Togo comptait d'après le Professeur Westermann
une quarantaine de dialectes,
Ces dialectes ne seraient pas en mesure d'exprimer
les notions nécessaires à un enseignement scientifique,
Le choix d'une ou de plusieurs dialectes favoriserait
les groupes qui les parlent, effaroucheraient les
autres et compromettrait aussi l'unité nationale.
Sous-jacente à ces trois arguments se trouve la position
ethnocentrique selon laquelle le français au "génie clair et
limpide aiderait l'esprit togolais à s'ouvrir aux idées occidenta-
les, ce que le vernaculaire ne pouvait réaliser" (1). En d'autres
mots, "par le truchement de la langue française,
les Togolais
conna!traient mieux les intentions et les mentalités de la
puissance protectrice. Ils finiraient par prendre à ce contact
une empreinte de civilisation. Leurs goOts s'affineraient, leurs
besoins grandiraient et ils travailleraient davantage à les
satisfaire"(2).
1.
Rapport de la France à la S.D.N., Section Enseignement,
Année 1923, p.
1.14.
2. ibid.

-
J05 -
Pour appuyer l'expansion de la langue ~rançaise, l'admi-
nistration se servit d'un système identique à celai des Allemands.
L'octroi des subsides aux di~~érentes sociétés missionnaires était
lié à la di~~usion du ~rançais et la subvention annuelle était
repartie au prorata du nombre d'élèves reçus à l'examen ~inal passé
dans cette langue. Dans ce domaine d'ailleurs, la législation
scolaire était sans ambigurté mettant d'un c~té les écoles de
catéchisme qui n'ont pas le droit d'enseigner la langue ~rançaise
sous peine de ~ermeture et de l'autre les écoles de ~rançais qui
comme leur nom l'indique ne portent aucune attention aux langues
togolaises.
Il ~aut en~in souligner que les participants à la
Co~érence de Brazzaville en 1944, comme pour bien marquer la
position de la France en ce qui concerne sa politique linguistique
dans les colonies, adoptèrent une résolution unilatérale spéci~iant
que "l'enseignement doit ~tre donné en langue ~rançaise ; l'emploi
pédagogique des dialectes locaux étant interdit aussi bien dans
les écoles privées que dans les écoles publiques" (1).
1.
Co~érence ~ranco-a~ricaine de Brazzaville, op. cit, p. 54-55.

-
)06 -
La bataille des langues allait conna!tre néanmoins
quelques rebondissements dans les dix dernières années précédant
l'indépendance du Togo. Pour bien saisir comment se présentait
la situation, i l est important de se rappeler que sur le plan
politique, la lutte était serrée entre deux partis : le Comité
de l'Unité Togolaise (C.U.T.) et le Parti Togolais du Progrès
(P.T.P.). Le C.U.T. qui se voulait un parti nationaliste et
dont le mot d'ordre était la réunification des deux Togo arbitrai-
rement partagés par le colonialisme sous une administration commune,
militait pour que fat introduite dans tous les établissements
scolaires du territoire la langue éwé. Face à ce mouvement se
trouvait le P.T.P., un parti qui reclamait également l'indépendance
mais dans l'amitié avec la France, et qui dénonçait ceux qui
prennaient à leur compte la défense du vernaculaire. Car "derrière
ce zèle en faveur du vernaculaire se cache une sorte d'impérialisme
linguistique cherchant à imposer la suprématie de l'éwé pour étayer
le mouvement pan-éwé et en faire la langue nationale (1).
Les journaux de l'époque ne manquèrent pas de reprendre
à
leur compte cette querelle des langues. Ainsi pouvait-on lire
dans le "Progrès" journal du P.T.P.
:"si les pan-éweistes pr3chent
sur tous les toits l'enseignement du vernaculaire dans les écoles,
1. Editorial du "Progrès" nO
25 de Juin 1951, Archives de la
France d'Outre-Mer, P.O.~. 101 B.

- J07 -
c'est à la condition que ce vernaculaire soit l'éwé" et l'édito-
rialiste du journal de conclure: "le Mina d'Anécho n'acceptera
jamais qu'on lui impose l'éwé. Il dira lui aussi que son gengbé (1)
a autant sinon plus de titre de noblesse que l'éwé" (2).
L'Echo du Togo soulignait par contre que~la culture des
Ewé étant supérieure, lorsque le pays sera devenu indépendant,
tout le Togo devra avoir l'éwé comme langue nationale" (J).
En politisant à l'extrAme le problème du choix des
langues togolaises en vue de leur utilisation dans les écoles,
l'on apporta du mOme coup beaucoup de confusion dans ce débat
capital auquel aucune solution ne fut trouvée. L'indépendance
débouchera sur une reconnaissance encore plus nette de la langue
française. Tout l'enseignement fut calqué sur le modèle français.
Savoir lire,
écrire et découvrir les richesses de sa
propre langue avant d'aborder les langues étrangères,
tel fut
l'argument principal des missionnaires comme 1farneck, Zahn,
Wiegr4be ou Westermann,
tel devait Otre le fondement d'une bonne
formation linguistique.
1. Langue utilisée par les ~!inas d'Anéch~ et des localités
avoisinantes.
2. Editorial du "Progrès" de Juin 1951, op.
cit.
J. "L'Echo du Togo" de Juin 1951 cité par Guillaneuf F.
La Presse au T0B'0 1914-1960, Dakar,
,'fémoire de D.E.S.,
1960, p.
114.

-
)08 -
4. Les bourses d'études
Pour pouvoir scolariser les jeunes et disposer plus tard
d'une main-d'oeuvre qui servira comme commis dans les di~~érents
services administrati~s et commerciaux du territoire, les adminis-
trateurs coloniaux instituèrent un système de bourses d'études.
Le ~ait de venir matériellemment en aide aux en~ants a~in que
ceux-ci puissent ~aire leurs études est important dans un pays
où le niveau de vie est très bas et où les jeunes doivent participer
très tOt sous des ~ormes variées à la vie économique et sociale.
Cependant ce système des bourses d'études qui devait
permettre aux en~ants les plus dé~avorisés de pouvoir ~aire leurs
études, devint un instrument aux mains des administrateurs pour
~avoriser des groupes qui leur étaient ~avorables. Comment ne pas
voir dans ce procédé un moyen habile utilisé par le colonisateur
pour maintenir son autorité,
avoir son personnel en main,
et créer
certaines inégalités qui risquent de se perpétuer par la suite?
Le principe de la gratuité de l'enseignement ~ut en ~ait
inauguré par les missionnaires. En e~~et ces derniers n'avaient
pas hésité à prendre complètement en charge les élèves qui
~réquentaient leurs écoles. Fournitures scolaires, tenue,
nourriture etc. étaient ~ournies sans discrimination aux en~ants.
Cette prise en charge des élèves représentait pour les sociétés
missionnaires lin effort financier très important. Elle avait
l'avantage d'aider considérablement les parents pour qui le fait
d'envoyer leurs enfants à
l'école constitue un manque à gagner
certain.

1
-
309 -
1
,
Cependant afin de réduire les frais occasionnés par
cette gratuité de l'enseignement, les sociétés missionnaires
exigèrent plus tard que les élèves pris en charge, participent
sous des formes variées à la vie des stations et de l'école.
C'est ainsi qu'ils devaient aider à l'entretien des locaux,
aux travaux de culture des jardins et des champs scolaires etc.
Le principe de la gratuité de l'enseignement fut
institutionalisé par l'administration allemande dès son instal-
lation au Togo. Si les élèves des écoles publiques, outre le fait
qu'ils étaient nourris, logés, et habillés, bénéficiaient également
de diverses allocations, ils étaient néanmoins tenus de signer
un contrat par lequel ils s'engageaient à rester au service de
l'administration pendant une durée minimum de cinq ans. Nous n'avons
pu trouver des documents qui puissent nous permettre d'inventorier
l'origine familiale des élèves ayant pu bénéficier de ces bourses.
On peut cependant supposer, étant donné les villes où sont
implantées les écoles publiques (Lomé, Anécho et en 1912 Sokodé)
que ce furent les enfants de parents ayant déjà eU contact avec
l'Européen qui bénéficièrent le plus de ces bourses.
C'est surtout sous l'administration française que le
système des bourses allait se développer et servir de plus en plus
à favoriser certains groupes par rapport à d'autres.

-
]10 -
L'arr3té nO 231 du 29 Juin 1926, modifié par l'arr3té
nO 546 du 8 Octobre 1930 distinguait quatre catégories d'enfants
pouvant bénéficier d'une bourse scolaire.
Il s'agissait des:
fils de chefs de situation de famille intéressante,
élèves nacessiteux et méritants qui se déplacent et
quittent leur famille pour suivre les programmes des
cours élémentaires et moyens,
élèves nécéssiteux particulièrement bien doués qui
suivent sur place les programmes des cours moyens
2° années ou du cours primaire supérieur,
métis abandonnés qui fréquentent régulièrement les
écoles officielles et privées (1).
Cet arr@té appelle les remarques suivantes
:
L'allocation de bourses semble @tre une prime accordée aux
indigènes dévoués à l'administration française.
L'expression "situation de famille interessante" est à cet égard
significative. Les chefs étant pour la plupart "~isés" et pouvant
donc de ce fait subvenir aux besoins matériels de leurs enfants,
il se trouve que ce sont les enfants de familles modestes qui
sont pénalisés. Quant aux métis, ils sont les mieux traités.
1. Arrêté nO 2]1 du 29 Juin 1926, J .O.T.,
1926, p. 2]4.

-
311 -
En effet ces derniers représentent la marque du passage du colon
en terre africaine. Souvent abandonnés, ou récupérés par les
missionnaires, le métis se croit plus élevé en dignité que ses
camarades noirs.
Il a la vanité facile,
i l s'irrite d'un entourage
qu'il méprisg et qui le lui rend bien. Il se trouve alors dans
une situation ambigae. C'est pour éviter les dangers inhérents
à leur condition particulière, qu'on a entrepris de recueillir
les métis abandonnés pour les éduquer et si on en croit G. Hardy,
"on a voulu racheter l'égorsme de nos semblables (1). Les métis
pouvaient donc fréquenter l'école européenne de Lomé et recevaient
une allocation mensuelle supérieure à celle de leurs camarades
togolais (2).
Il faut souligner par ailleurs que les bourses d'études
pouvaient être supprimées en cours d'années sur proposition du
chef du service de l'enseignement si le bénéficiaire cessait par
sa conduite et son travail de donner satisfaction.
1. Hardy Georges, Une conquête morale
l'enseignement en A.a.F.,
op. cit, p. 71.
2. Les métis percevaient 45 F par mois et pendant douze mois
tandis que les élèves togolais n'avaient que 1,jO F par jour
pendant dix mois.

-
312 -
A partir de 1939, l'octroi d'une bourse aux élèves est
soumis
à la réussite d'un examen spécial. Une commission consulta-
tive crééé à cet effet examine les dossiers de tous ceux qui sont
admis à cet examen. Elle donne son avis sur chaque candidat en
tenant compte à la fois de ses aptitudes intellectuelles et de la
situation de fortune de sa famille. Ensuite cette commission dresse
une liste qu'elle soumet à l'agrément du Commissaire de la République
qui après l'avoir présentée au conseil de l'administration du
territoire, arr3te la liste définitive des boursiers.
Avec la constitution de l'Assemblée représentative du
Togo (A.R.T.) en 1946, cette dernière obtint un pouvoir délibératif
en matière de bourses d'études. Dorénavant,
toute bourse attribuée
par le Commissaire de la République fait l'objet d'une délibération
préalable de l'Assembleé représentative du Togo qui vote le crédit
y afférent.
La commission consultative de bourse nommée chaque année
par arr3té du Commissaire de la République, comprend des membres
obligatoires: le chef du service de l'enseignement (Président),
le chef du bureau des Finances ou son représentant, 3 délégués
de l'Assemblée représentative du Togo, le directeur du collège
moderne de Lomé, celui du collège professionnel de Sokodé, un
professeur du collège moderne de Lomé, 2 représentants des parents
d'élèves boursiers; des membres facultatifs:
1 membre de l'ensei-
gnement privé catholique,
l
membre de l'enseignement privé protestant.

1i
- J1J -
1
La commission ne peut délibérer que si les 2/J des membres sont
présents. En cas de partage des voix, celle du président est
prépondérante.
La commission des bourses après avoir examiné les
dossiers des candidats qui ont subi avec succès les examens de
passage, donne son avis en tenant compte à la fois de la valeur
intellectuelle des candidats et de leur situation de famille.
Elle dresse ensuite dans l'ordre où l'attribution devra 3tre
faite une liste de tous les candidats qui ont été retenus
:
pour une bourse entière,
- pour une fraction de bourse dans l'ordre dégressif
(J/4, 1/2, 1/4) de bourses d'internat ou d'externat,
pour un pr3t d'honneur,
pour un secours scolaire.
Cette liste est proposée à l'agrément du commissaire
de la République qui arr3te par décision la liste des bénéficiaires
des allocations.
Cette procédure d'attribution des bourses qui peut
paraître démocratique comporte néanmoins de graves irrégularités.
Tout d'abord au niveau de la représentativité ré~ionale
des membres de la commission de bourses. Jusqu'ici ~euls des
représentants des régions du Sud et du Centre faisaient partie de

-
)14 -
ladite commission. Les régions du Nord du territoire en furent
absentes. Ce problème fut soulevé par M. Oureya appuyé par son
collègue M. 1valla au cours d'une séance tenue à Lomé le 7 Mai 1948.
En effet M. Oureya souligna "la nécessité de la présence d'un
délégué du Nord dans la commission d'attribution des bourses afin
qu'''il puisse le cas échéant donner des renseignements utiles sur
les candidats du Nord qui se présenteraient à l'examen des
bourses" (1). M. Walla va plus loin en exigeant la présence d'un
délégué par région pour assurer la défense de chacune d'elles. Il
devait déclarer en substance qu'''il est bien connu que les années
précédentes, les élèves du Nord qui se présentaient aux examens à
Lomé échouaient obligatoirement parce que personne de leur région
n'était membre du comité de correction pour les défendre" et
poursuivant i l faisait remarquer que "s'il n'y a pas des gens
du Nord qui occupent des emplois exigeant une certaine instruction,
c'est que justement les correcteurs ou les membres des commissions,
étant tous du Sud, avaient avantagé les élèves de leur région
au détriment de ceux du Nord" (2).
Ce problème fut tranché par l'Assemblée qui adopta le
choix des délégués par circonscriptions
: Nord, Centre, Sud.
1. Procès-Verbal de la séance publique de la première session
extraordinaire de l'A.R.T.,
Vendredi 7 Mai 1948, J.a.T., nO
spécial du 17 Juin 1948, p.
1)).
2. ibid.

-
J1j -
Des conflits devaient par ailleurs opposer des membres
de l'Assemblée représentative du Togo et le Commissaire de la
République.
Il s'agissait d'une question de compétence. Nous avions
souligné qu'un décret du 25 Octobre 1946 accordait à l'Assemblée
représentative du Togo un pouvoir délibératif en matière d'attri-
bution des bourses. Or à plusieurs reprises, l'autorité adminis-
trante accorda des bourses sans que l'Assemblée eut été appelée
au préalable à délibérer en cette matière. C'est ainsi que les
membres de l'Assemblée représentative du Togo devaient constater
que des bourses d'étude étaient souvent octroyées à des élèves
"d'incapacité notoire" contrairement aux textes et "regrettaient
que la commission des bourses se soit crue devoir aller à un tel
libéralisme surtout que les élèves du lycée n'ayant pu subir
avec succès leur examen de fin d'année se sont vus retirer leurs
bours es" (1).
De plus l'arrêté nO 480 du 11 Septembre 19J9 qui, dans
son article 1, soumettait l'octroi des bourses à la réussite d'un
concours, fut constamment violé.
Ici comme ailleurs,
l'administra-
tion voulant favoriser les enfants de ses fonctionnaires dociles
dont les parents pouvaient pourtant payer les études, accordait
des bourses sans le concours institué à cet effet. Ainsi "considé-
rant qu'en renouvelant les bourses des étudiants incapables et en
accordant des bourses sans examen",
l'Assemblée dénonça ce qui
était à ses yeux du "favoritisme et du gaspilla~e des fonds du
terri toire" (21.
1. Procès-verbal de la 4° session publique du Vendredi
10 Octobre
1947 de la session budgétaire de l'A.R.T., J.O.~., nO spécial
du 15 Janvier 1948, pp.
1)0-1)1.
2. ibid p.
1)2.

-
316 -
Une partie de la presse de l'époque ne manqua pas de
fUstiger les injustices inhérentes à la procédure d'attribution
des bourses. C'est ainsi par exemple que le "Guide du Togo" devait
faire remarquer qu'''en initiant sa politique des bourses, l'admi-
nistration locale a cédé à une véritable démagogie ••• Le recrutement
des boursiers tel qu'il a été pratiqué ces deux dernières années,
met grandement en danger la qualité de nos fUturs cadres.
Nous ne
savons que trop les progrès inquiétants que font parmi nous
l'individualisme,
le favoritisme,
la prévarication et le complexe
d'infériorité" (1).
L'Assemblée ne parviendra cependant pas à corriger les
injustices et les irrégularités instaurées en matière d'attribution
des bourses. En Novembre 1951, au collège classique et moderne
de Lomé sur 39 boursiers d'externat, 10 sont des fils de fonction-
naires, 3 de grands propriétaires terriens, 4 de commerçants,
tous
capables de supporter sans gêne les frais de scolarité de leurs
enfants (2).
l , G.M.,
"Notre enseignement et nos aspirations", Le Guide du Togo,
nO 29, Avril 1949, p. 2.
2. Liste des boursiers au 1er Novembre 1951, établie par le
principal du collège à l'intention du Commissaire de la
République, nO 46, Archives de la Bibliothèque Nationale du Togo.

- 317 -
linsi à l'indépendance du Togo, on arrive à ce paradoxe
où les enf'ants de parents "aisés" étaient toujours boursiers, alors
que ceux de conditions modestes l'étaient rarement; on accordait
plus volontiers des demi-bourses à ces derniers. L'attribution
des bourses n'était donc pas f'aite seulement en t'onction du mérite
ou de la situation de f'ortune des parents. C'était aussi et surtout
un moyen pour l'administration d'avoir son personnel en main, de
récompenser à défaut d'une promotion ou d'une mutation des personnes
ou des groupes dont on est satisfait ou qu'on veut favoriser.
De nature encore plus grave se révèle 3tre le traitement
inégal des régions composant le Togo durant la colonisation
allemande et la période f'rançaise. Ce point constituera l'objet
de nos prochains développements.

-
)18 -
5. Le problème du déséquilibre régional
On n'a que trop dénoncé les ~rontières arbitraires héritées
de l'époque coloniale par les Etats d'A~rique Noire, nouvellement
indépendants. Ces délimitations hâtives, au mépris de toute règle,
posent et poseront des problèmes. Nais comme tous les che~s de
gouvernements semblent admettre les ~rontières de leurs Etats comme
un ~ait établi sur lequel i l serait hasardeux de revenir et que
l'Organisation de l'Unité A~ricaine (O.U.A.) conçoit le principe
de 1 'tntangibili té des ~rontières comme une règle sacro-sainte,
i l est di~~icile, sinon impossible de pronostiquer quelque évolution
dans ce domaine (1).
Cependant un autre point tout aussi important mérite
d'être souligné, i l s'agit du traitement inégal des régions durant
la colonisation. Le Togo n'est d'ailleurs pas un cas unique de ce
processus. Il se pose alors le problème de la cohésion des popula-
tions, de leur unité organique à l'intérieur d'une ~rontière toute
neuve, en vue d'un développement global et harmonieux : l'édi~ication
nationale devient ainsi l'objecti~ premier puisqu'elle conditionne
évolution et développement.
L'histoire coloniale peut se résumer à une mise en valeur
inégale des régions composant la colonie, ce fait ayant entraîné un
éveil inégal de leurs peuples à la "civilisation". En d'autres mots,
1.
Boutros-Ghali B.,
l'Organisation de l'Unité Africaine, Paris,
A. Colin,
1969, p.
140.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -~-

- J19 -
les sociétés coloniales ont opéré des refontes des structures des
pays colonisés par l'extension de l'économie monétaire,
le dévelop-
pement des marchés,
l'ouverture de nouvelles sources de profit,
l'introduction des cultures d'exportation etc.
La conséquence de ce processus est que des groupes entiers
de populations se sont trouvés avantagés ou défavorisés par rapport
à d'autres (1).
Au Togo, durant la colonisation allemande,
le territoire
fut divisé en cinq cercles administratifs "Dezirksamtern" et trois
cercles de postes "Stationsbezirke". Les premiers concernaient
les circonscriptions administratives aux populations "plus évoluées"
en contact plus ancien avec la civilisation européenne (Lomé ville,
Lomé cercle, Anécho, Missah~he, At~cpamé). A la t3te des cercles
administratifs furent placés des techniciens, des médecin~ et
surtout des officiers très nombreux dans l'administration allemande
au Togo.
Ils étaient d'origine diverse. Les uns étaient issus
de famille et de tradition militaire par exemple le Comte Zech,
von Hassaw, von Doering. Les autres étaient des officiers de haut
rang comme le lieutenant ~rold, le lieutenant von Pehl, enfin
d'autres comme le Dr Grùner étaient des officiers supérieurs ayant
reçu une formation universitaire. Les cercles de postes désignaient
les circonscriptions du Nord (Sokodé, Kete Krachi Sansané Mango).
Ils furent confiés de préférence à des militaires jeunes dont le
rele était d'emp~cher tout soulèvement.
1. Bugnicourt Jacques, Disparités régionales et aménagement du
territoire en Afrique, Paris, Armand Colin,
1971, JJ5 p.

-
320 -
~~is ce fUt surtout la décision des autorités coloniales
allemandes de fermer les cercles du Nord aux commerçants et aux
missionnaires par l'ordonnance du 20 Septembre 1907, qui accentua
l'isolement des régions de l'intérieur du territoire.
Au cours d'une conférence tenue à Lomé le 13 Janvier 1906
et réunissant les responsables des sociétés missionnaires de Bâle,
de l'Allemagne du Nord, de Wesley et du Verbe Divin, le gouverneur
:mpérial le Comte Von Zech évoqua l'insécurité qui pesait sur tous
les Européens y compris les missionnaires dans les régions du Nord.
Le gouverneur impérial expliqua la politique suivie dans ces régions
par son désir de réunir d'abord suffisamment d'informations
concernant les populations de l'intérieur du terr~toire.
Quelques années plus tard, le duc von Hecklemburg,
gouverneur impérial au Togo,
estimait qu'''il n'était pas nécessaire
que la mission pénétrât à l'intérieur du Togo, parce que la prédi-
cation ne servirait aucunément à ces populations apathiques" (1).
Il est ~ndispensable de chercher à déceler les intentions
véritables qui se cachent derrière ces propos obscurs
tenus par
les administrateurs allemands. Un premier élément nous est fourni
par l'appartenance religieuse des populations de l'intérieur de
la colonie, qui sont en majorité des groupements fortement islamisés.
Or le gouvernement colonial allemand,
tout comme le feront plus
tard les administrateurs français,
considérait l'islam comme un
1. Auszug aus einem Brief von Missionar J. Spieth an den Vorstand
Lomé, den 26 Februar 1913, Archives de la Bibliothèque
Nationale du Togo.

-
)21 -
-faC:teur d 'autori té et s'était appuyé sur les chefs des communautés
islamisées pour combattre les groupements animistes qui n'admet-
taient pas l'ordre colonial.
Les administrateurs allemands accrurent
délibérément les pouvoirs des chefs musulmans par l'~ntermédiaire
desquels ils pouvaient facilement étendre leur influence aux
populations refractaires. C'est donc pour réduire au minimum les
risques de soulèvements dans ces régions d'accès difficile que
le gouvernement colonial allemand décida de fermer les cercles
de postes de Sokodé et de Sansané Mango aux missionnaires et aux
commerçants.
Il faut cependant souligner que les rapports de tournées
effectuées par deux pasteurs de la Mission de Bâle dans l'arrière
pays togolais sont en totale contradiction avec les affirmations
du Comte von Zech selon lesquelles le Nord serait une zone d'insé-
curité pour les Européens. Si les deux pasteurs bâlois Mohr et
}~rtin s'aperçurent de l'influence grandissante de l'islam dans
ces régions,
ils constatèrent aussi que les conditions de vie n'y
étaient pas trop mauvaises et qu'il y avait de larges possibilités
d'y entreprendre l'évangélisation (1).
1. En 1902, la Mission de l'Allemagne du Nord et la }Iission de Bâle
avaient signé un accord au terme duquel les stations secondaires
de la Nission de Bâle si tuées dans le To.g·o allemand pouvaient
~tre cédées à la }Iission de l'Allemagne du ~'ord, sous réserve
que cette dernière laissât la possibilité aux missionnaires de
Bâle de pénétrer dans l'arrière pays togolais.
Schlatter 1filhelm, Die Geschichte der Basler :·1ission,
1816-1915.
Basel, Verlag der Basler Missionbuchhandlung Band III,
1916,
p.
145.

-
)22 -
Ce ne fut qu'en 1912 que le gouverneur Brùckner communiqua
aux sociétés missionnaires la décision de l'o~~ice colonial les
autorisant à pénétrer dans les régions du Nord. nrùckner envoya
à la Mission de B41e la note suivante :
"J'ai reconnu légitime votre souhait de prendre en charge
l'ensemble des Konkomba. Je ne juge plus nécessaire de ~ermer
provisoirement l'hinterland. Le Pre~et apostolique Schonig à Lomé
a déjà donné son accord pour la présente solution" (1).
Ce texte concernant le partage de l'hinterland du Togo
entre les deux Missions stipule que les circonscriptions de
~ango-Yendi et de Sokodé-Bassari sont ouvertes aux Missions.
"Il échoit à la ~fission catholique la circonscription de Sokodé-
Bassari exception ~aite des Dagomba et des ~oDkomba qui y habitent.
Il échoi t à la ~rission évangélique la circonscription de Hango-
Yendl plus les Dap'omba et les Konkomba du district de Sokodé-Bassari
Les Missions catholique et évangélique s'engagent à n'exercer leurs
activités missionnaires que dans les zones qui leur sont assignées.
Cet engagement s'étend sur une période de 20 ans à compter de
l'ouverture des circonscriptions de Sokodé-Bassari et de
~Iango-Yendi" (2).
1. Kaiserliches Gouvernement ans das Komitee der Evangelisched
Hissiongesellscha~t in Basel, Lomé den 24 April 1912.
Archives de la Bibliothèque ~ationale du Togo.
2.
ibid.

- J2J -
C'est donc sur la base de ce partage que les deux
sociétés missionnaires de Bâle et du Verbe Divin pénétreront
dans l'arrière pays togolais. Pour sa part,
l'administration
allemande ouvrit une école à Sokodé en 1912. Celle-ci accueillit
pour la rentrée 20 pensionnaires et 6 externes. Hais deux ans
plus tard la guerre allait tout remettre en question.
Durant la période française,
l'avance des régions mari-
times et centrales, continuera de s'accentuer. La scolarisation
"poussée" des administrés du Sud, permettra de les
"associer" à
la gestion du territoire,
car i l est expressément stipulé que la
puissance mandataire fera appel pour l'administration du territoire
au concours des autochtones suivant le degré de leur évolution (1).
Alors que les écoles publiques et conressionn~lles sont
concentrées dans les régions c~tières et centrales, i l a fallu
des rappels à
l'ordre de la commission permanente des mandats et
plus tard de la tutelle pour que l'administration française
consente à orienter ses efforts au-delà de Sokodé (2).
1. péchouxL., op.
c i t p . 80.
2. Le rapporteur de la commission permanente des Nandats chargé de
l'enseignement devait faire remarquer en 1925 et 1928, la rareté
des écoles dans le Nord du Togo, et inviter l'administration
française à corri~er ce déséquilibre. cf. P.v. 6° session de la
commission permanente des Nandats,
op.
cit p. 94 et lJo session
op.
ci t p.
72.
Par ailleurs la recommandation de la 11° session du ~onseil de
tutelle devait attirer l'attention de l'administration française
en ces termes:
"Le conseil recommande de donner priorité à la
question de l'enseignement dans le Nord en vue de l'équilibre du
progrès du territoire dans ce domaine".

"_ " -:-,--r .. ~~ -~~.~ .~
_=-: ~ '=':+'.._:o.~..:_:::r,..::.3:;::,,~:t::;::::"'==--E ~
.. =:= ...~.:==:=.~.,..::.:...: ~it-~~;;;;<!';:~;;~:':':'f~~::;i~;;:::: ::::;:~ill:~~:~~.:-- ~
·_·=c,,:::=:: _-:::- =.... .i:~:;~f:_~..: ::':::::~-:~~.'
'": ·:::~_.::ë-:;:" ::E:":~~:':~~_~;":'::'::~::~::;~~~ ~:~:~:~]~~;~~;;: ~~::;~
1
=::::::
-':"':f~=±"·...
-'..
~;:~:O'C:~;::f::=.,=~~':~~J~~:;:::::::::~::J:::t;: ::::~::: 1
:C• • • " . : •• :: . . . . . . .: : : .
:
::
.- F.:::ê=::=-== ':'·_';.:"=:':3=-::==::;.. ::6;:;-: "f;:::t:-:~=::'i;=-:·:::i'::::::~~k~::~~ :='::::~ ::::::. j::~:: ':
" .
:--:"1 ':::::F=:::::E' _=:' .__ ,. :~g..::_" i:::=:::§;::':::E-:.:::,r:::=-:::1:::::::::::::~::: ::::::::: ~:j;:;' ~
t;--;:E- ·=:"":...E·'~E '.,:.;. ;;.=:.::r::---:]~:::~Ë::-::E--=- :;~j::. :::~:::..:t~::..::::t~:::::'I:.:'.:":::' :::::.:~: .~t:~ '~T::: ':
=- .. E-r=--:.~ 1=:..==::r:=':; =-,,::~::., :·f::;:':J.i:;,;;:':::1:.::'f~:~~:::.::::~: ":'~:: ::,'f~:= .::
- .. - ~
:·-.._~':~~··~:~~:'-;#.~:~:t:;::;~~:: ::~~-:; ':::::=~~l:";~ 1
.. '-#::::_':1::._ .. ···:~ê:..:r::::...::·: :::::'.' :::::::-:'F:m:::':;··:;-·I";·"·~:;::;;';::: .no:..::.:::'::::: ::~-.:':
.~~ __'~~_.E§'--
..::-=: ='''~=-f:::~~~=~~~:::~~::::: :.=-,=<:::, :;:7:."
.;:~- _"
.. .:':": :.-...=:=' = _. -:: .:l~:'Ë..,,",'"E~:O;:::f..;.::l~:- =i'~ ~~::: ~
'==E---+~::,.~-:::I:'':::::·': :§.~._' ::-. 0:_: ~::=L:::~;':f:::::)~!;;::::: ':~:::::: =::::::: .:::::::
...~~.
. :::::.=i..~Ei::;f.:;;::;:.:t=-:'~:~~Ê~:;::::::. ;;'::'~::l:~:::": :'...:
::.':=: F·.t;;· ~f.:.;~::~t:;:.::::::.:'?=-~·.::::::. ":
.n.: :1=:"':::" -Ë::::::Y::".::: ~:f-:, ::~;:'::J:::"'=
- .~7§: -'~4=.::·:~':·Y·::;::=: :::':'i~": ::=:~:.:.~ .:,:-.:=
:....
-:_.~g~.J.::'!~:':: -::::';"E''::=::::I:.,,§
.. ;'.,~~:_ ~E::::4~L::: .;;~::~ :::-:~~>==:_::'::
·':::F..:::::~I~;:::::~ ::::'f:::: .::::::.:: ::::T=: ':_._
::,==:..~:-:',:;:~.:.:::=.~: ::::::.::: '~::::: ::::"-~: ;:::::
....~ ,,,'::::.:.y:~-~:;~:::,;:::: ~L::': ;:::;::~:=~~:=
-~- !' =~ - =*'.
. '-:
,~: .. ~··F~~::J·::::::~ :~~L: ::~~:~::~::~:;':§:~
=--==s..- .1='---===-==
._ ~.:,.:..:==,:·-:t::::::::T:;:';::Ci~::: :;;:'::::i:::::::~ :~~::::
_':.3~F-~-;'·'" =
..... , .. ··~T.;±::F::~:b::::~' :;~:::.::[:~::;:':::::':--::
-- _..:+:: . -.. ~:: ·,Eh:- ·~f,
.:::-=. =œ=~::;,€:~'::':';.~t::':::::::::: ::~:.:'I:::::::J?:-':::
_=t=-;:-=::.
H'''==:I:::=:
'::-:-. : :..:':::--. '··:-:I~=:::::f: .,;:::!:_.:::'~: ::::::'i[:::::: ::~=::;
.::=I:.
~~"ff~~,:'E_.' ft::::::;:!;· :;4::::::.; ::.''':'=: :::.~:::r=:::.;.:, i':;::::
. • . .:_.-. =E-~
..,,=-=:±, .~:::-.:[-:·:::::F::;::~::;::~:~:.·:'~~::~"
. _'"'=4
=:E .::.::=-:..~:: !::: .-~;=-=-~::::.:.::;: :~~::;; ::::~-::.: ::::~:;: :::.:.~~:
: ':.i'.===r.=:==::~:' :::t:.- =--: ô;' ";- :~:f:::E:-.::,?:::::I::::::;;:; ::::r:::::.: :~'i::,:"
_:.. _===#: =.::: ::\\ ==="==':-.:=-=r-::::::;::::::::~h::':::::· -:~::::...:~::::::.::.: ::<::::
'~---"':::: - ~
.. ~...:-: ,.._ .. :. ====';T:::d-':;';::::t::::·::: :;:~:+:::~.3::'~:"
-E-:'Ë ]~ _~~-=F -_.:-:::
. :: ==: :;'-::::T ::::T:":::i:::::;::"::::::F:::::I=-:;':. :
, -;;;E:!:'
~:,=',':'''. ~~A~;:::~~g'::t:~:~:' ·:::::T:k::';::
.,
~I:-_ 7=·
... =t::..::::F;.::=t::·~··:t~:::::: '<::-::l::''':''fO.:';:::
.; ::.-::r:.. 'b.:=t::~::::::;::.: ::::::::,.:L::·' =:.:",:=:
~:::: =-=:-F_ ..3:==': .~F::::'F.:::::"~:: ~=':::::Y';::::; ,:~~;'.'
-=
::_ ,:::::·,:E::'~:L:~:.f~=::7~:::::i·c':'
.::;::::
=
-
.:::... ,r::::'=r=.:=: Y::';';: <:::3'>::::: ::~
, .
::.-:-==
:, :~-=t~.::.:.J'.-::::~[[''';;;- ::·;':~·T.:::·:::::'::."::·:
i __ -::-t=:' ::-::: ~.- .J:=:;:_-:ôl::::::::~:::::: ,::::"3:,,;:': :::::-' :
. =,,-~~-h.~~,:.:=;
".'Ë::;;,=::t::':'::'.:J::~::::::f:::':::;
.
' .
:t:
:~ ..: ê',L::.J::'=.:"Ht::::'~t.::>," :;:-·:---:F:·.::';,€ "::
-
. '_·~:::-c :::y::::::: :" :.:'.: :~·:":1:~
=
,.. :~:!= :..,.~ .",=~:':;,:·E::::~;::;,::::-:::::::::-:~r::==F:::::::­
=...
~.,.=-., ';~l\\:M~:::.::. :,-
'=::"f.,.~::' f:---·::l:· . . .... ::::::C::::T::;:'"
~:: ..l==':'.--i:..
rœ=:t:E~ü=i!I:'-:~''l=:.::-C-:L::::',:::::;':: .::..,,;:; ... .E:-~:l'~::·.
-===:
•. -.:- ,~ ::.::~;;~.::~.
.-----..::.. -"
. E::'E'::'::I:::::~~<f::::';:-:::;:::':; -;.:~Y:;;::L.=-~
~:--~:_~-,...
~-+ ;:H-":
.... --
:\\:~. f~~; ---~f:_: ~:~:~~-:-=f:~:~_~: ::::~~-:~r:~~~~:it~~~~~:
~==:i::__
::=.=: ..:=:~-=_.
::....=~ li). ~::'·~;;.;:~;'::::::::~:·:;:~·:1 . :::..'=:;,:l::::':,::::f.-:::·
.==:... F'-=
~ :A..t"E ~~F~:::':::'':::;;;;~:~:''L:
... ;::::l'::::··;X:~ .
. =~.±=~~~.. __ ;!!;o;o.
.:C':::::,::::.... H-··.";:.::::c_ .. :::~t---:"=
_ ~f::Z
_.~:_.~'~:~_:-::E::::::- ._~..:_.:~:'~ n~ ~~~~::j:_-:::. ~~:n::=
._=
=
-'-:·:-'h..::::·~·:··Ê-;::~
--~
------":4-
~~--

- 325 -
Cependant ce sont les sociétés missionnaires qui seront,
encore une fois,
les premières à s'interesser d'une façon sérieuse
à ces régions. La première initiative dans ce sens a été la
décision du Saint-Siège de scinder le territoire en deux circons-
criptions ecclésiastiques
: Lomé et Sokodé. Les catholiques de
la Mission afrtcaine de Lyon s'installent à Sokodé, Lama-Kara,
Bassari, ~lango et Dapango. Les Pères franciscains de Paris s'éta-
blissent dans les circonscriptions de Nango et de Dapango tandis
que les Harianistes suisses ouvrent un collàge d'enseignement
seconda-lre à Lama-Kara.
Quant aux Eglises protestantes, la Hission
évangélique de Paris associée avec l'Eglise éwé s'installe dans
la région de Lar:1a-Kara,
tandis que la ~rission des Assemblées de
Dieu prend en charge les régions de ~lango et de Dapango (1).
Ainsi grâce aux efforts des sociétés missionnaires et
aux pressions exercées par le conseil de tutelle sur l'administra-
tion française,
la scolarisation a pu progresser quelque peu dans
les régions du Nord.
L'évolution de la scolarisation entre le Nord
et le Sud du Togo est exprimée dans les chiffres suivants.
1950
1952
1954
1956
1958
1960
Nord
9040
15310
17362
20540
22540
2)681
Sud
)2628
36505
41662'
47400
46324
62265
1. Voir carte nO 8.

-
J-"'" -
carte nO 8
Localisation des di~férentes sociétés missionnaires
Ô 3 & zo
~....ta. _ .......... \\o\\.Q.tio",
c. lt..oti.~
000
~O
-to.....t& _ ..CA....~~_
.... Ib__'MU. ..La. ~ .....
lll.A
:r' ........ f.....t.. _
ftoJi.,
.... J: +~ ~
G. ....ac... '
à
C4.~ti.~~
'"
bs.&-.~.. ..,1.&. ~1~_
....
'l
Mi~io ...
~_~~w._
l'tA
....~"'."'~ :. ......:11,..:11 .
..~:-:
.$~';': a

~...... Il
Ultol~ le ~ llA
IA.-t.b
•$O"G.Doi
ôSÔÔ
Li""""" d.~
ioII~ .u. l.o""":' d""
~Mo.oi


-
327 -
Ces chiffres globaux cachent cependant des dispar~tés
énormes. Pour les régions du sud du territoire, les villes comme
Lomé, Anécho et Palimé sont les plus privéligiées, disposant chacune
d'une école régionale et offrant donc aux enfants la possibilité
d'accomplir une scolarité primaire complGte.
Lomé,
la capitale,
disposait d'un cours complémentaire en 1921. Quant aux régions du
Nord, si les villes de Sokodé et de ~ango avaient une école
régionale,
ce n'est que dans les années 1930 que fut ouvert à
Sokodé un collège d'enseignement secondaire pour tous les élèves
des cercles du Nord.
Il est par ailleurs possible de trouver des causes
géographiques au probl~me du traitement inégal des régions durant
la colonisation allemande,
le mandat et la tutelle de la France
au Togo. En effet une li,gne parallGle à la mer,
tracée au-dessus
du village de Blitta, à environ 280 kilomètres de la cate permet
d'appréhender ce phénomène.
L'observateur qui quitte Lomé, a
l'impression de changer d'univers
: a~~ champs de ma~s et de manioc
succèdent ceux de mil et d'igname.
Le climat semi-équatorial fait
place au climat tropical. Si le sud comprend un relief sans
obstacles majeurs, les régtons de l'intérieur sont difficiles
d'accès et comportent des chaînes de montagnes comme les monts
de Barba-Bassar,
les monts Malfakassa et du Fazao (1).
1. Attignon H., Géographie du To~o, Lomé, Editogo, 1968, 75 p.
Voir également carte nO 9.

-
]28 -
carte nO 9 Division géographique du Togo
~"1'0" cl&~
~ Vo.. \\'\\Ol ~
a:

- "i'''',,;'
!>OKOJ)E
ea.Y'l~'\\.a.r..
Z
Z
a:
NOR~
-Z
l

:;)u b
f.l.' TT'~
\\9
'LJ
riJ
Ré.~O., dOl:>
i' ta..t-..a.u.....
• A"fI"'~"'''
1
G iJl NEE

- 329 -
Les colonisateurs, Allemands et Français, par paresse,
mais surtout par intérêts, n'ont concentré leurs e~~orts que dans
les régions du sud, promouvant les cultures d'importation,
développant les moyens d'accès à la mer (un whar~ permettant
d'exporter les matières premières est inauguré en 1900) ouvrant
des écoles pour recruter les employés subalternes.
Une analyse du réseau ~erroviaire construit par les
Allemands indique que le colonisateur n'a agi que pour ses intér'ts.
La première ligne,
Lomé-An écho , d'une longueur de 44 km réalisée
en 1905 et appelée la "ligne des cocotiers", assurait l'évacuation
du coprah des lieux de cueillette vers Lomé,
en vue de leur
exportation vers la métropole. L'année 1907 verra l'inauguration
de la ligne Lomé-Palimé longue de 119 km.
C'est la "ligne du ca~é
et du cacao". Elle assure le transport de ces deux produits
jusqu'au whar~ de Lomé. La troisième li,gne en~in, construite
en 1912, reliait Lomé à Atakpamé par Agbonou sur une lon~eur
de 167 km.
C'est la "ligne du coton".
Les Français, pour leur part,
se contenteront seulement d'ajouter à ce réseau ~erroviaire mis
en place par les Allemands, une ligne de 112 km reliant Agbonou
à Bli tta.
Par un e~~et de drainage au pro~it des parties du pays
les plus ~avorisées, les habitants de l'hinterland togolais,
longtemps ignorés,
serviront comme agents de voirie,
un grand
nombre d'entre eux composeront le plus gros des contingents de
l'armée et de la police,
certains en~in se ~eront recruter comme
métayers dans les plantations de ca~éiers et de cacoyers.

- JJO -
L'histoire coloniale se solde donc par un traitement
inégal des régions et de leurs populations. Certaines zones ont
été ~avorisées par les colonisateurs allemands et ~rançais.
D'autres par contre présentent les signes mani~estes du sous-
développement qui sont
: une ~aible urbanisation, une étendue
réduite du réseau ~erroviaire et routier et une absence ou une
tnsu~~isance d'installations d'utilité publique. Comme une école
digne de ce nom n'est pas concevable sans un minir.lum d'in~rastruc­
ture administrative et routière,
on comprend dès lors que ce sont
dans les zones les moins ~avorisées que les en~ants sont les moins
scolarisés et où l'enseignement est le moins developpé.
Les politiques scolaires coloniales ~e pouvaient pas
préparer les Togolais à vivre harmon~eusement dans leurs propres
communautés. Elles visaient surtout à ~ormer des individus pour
l'Etat colonial et étaient ~ondées sur les nécessités et les
intér3ts des sociétés colonialistes.
Si l'on peut considérer l'octroi de la con~ormité
des études avec le modèle ~rançais comme une plus large possib~lité
o~~erte aux jeunes de pouvoir s'ouvrir au ~onde et de sortir d'un
certain isolement, l'on est en droit de douter sérieusement que
la transposition pure et simple du modèle ~rançais puisse répondre
convenablement aux besoins, ambitions et moyens du Togo.

~
1
- JJl -
f
Une véritable politique scolaire ne saurait 3tre
formulée que par rapport aux objectifs politiques,
économiques,
sociaux et culturels spécifiques aux conditions du pays. Cette
nouvelle politique scolaire, qui tiendrait compte du cadre
restreint de l'école, devrait déboucher sur une éducation qui
libèrerait l'homme et lui permettrait de réaliser sa personnalité
au contact de la nature et des autres hommes.

- JJ2 -
Sources et bibliographie
Sources
La nature du sujet, sa délimitation dans le temps et
l'espace nous obligèrent à rechercher en premier lieu des sources
d'origine allemande et en second lieu des sources d'origine
~rançaise. Notre connaissance de la langue allemande nous a permis
de combler ce qui constitue un handicap pour beaucoup d'étudiants
togolais qui souhaiteraient étudier certains aspects du passé
colonial de leur pays, mais ne parviennent pas à ~r~~chir la
barrière de la langue allemande.
Il ~aut par ailleurs souligner que les ouvraF,es parus
'011r le Togo colonial son t proporti. onnels à la grandeur du paye".
Ils sont relativement peu nombreux par rapport aux publications
sur le Cameroun, le Tanganyka (Tanzanie'
••.
Néanmoins nous avons
trouvé des ouvrages, mais surtout des rapports, des correspondances,
des articles dans di~~érents revues et journaux etc. dans les
bibliothèques et dans les archives de Paris, du Togo et de la
Suisse.
Les bibli.othègues
La bibliothèque des missions
évangéliques à Paris.
Elle possède beaucoup de livres allemands surtout sur
les missions protestantes de l'Allemagne du ~ord et de
Bâle.
On y
trouve é~alement des ouvrages sur la mission
de Paris qui travailla au Togo après la première
guerre mondiale.

,
- JJJ -
La bibliothèque du conseil oecuménique des églises
à Genève. Elle est assez bien fournie,
mais dispose
de très peu de li.Tes sur le ~ogo.
La bibliothèque de la mission de Bâle à Bâle (Suisse).
C'est tci que nous avons fait nos 'premiers pas de
chercheur et où ~ous avons pris connaissance du rele
joué par la mission de Bâle et celle de l'Allemagne
du Nord sur la c~te occidentale de l'Afrique bi.en avant
la colonisation du Togo par l'Allemagne. Cette hiblio-
thèque dispose de presque tous
les ouvrages concernant
Gustav l1arnecI, et d'autres personnalités missionnaires
importantes comme Schlunk, Westermann, Schreiber etc.
et de tout ce qui se rapporte à la création et,
la vie de ces deux sociétés, celle de Bâle et celle
de l'Allemagne du Nord qui furent
très liées. Nous y
avons pu trouver également certains rapport~ de
missionnaires et surtout toute la série des
"AIL;emeine
~riss1onszeitschri.ft" qui sont une revue très importante
où les pasteurs développaient leurs points de vue
sur d,fférentes questions.
La bibliothèque de la mission de l'Allemagne du ~ord,
Brême (R.F.A. \\.
~ous n'avons pu aller à Br~me, ville où ~e trouve le
siège de cette société missionnaire.
Mais par l'tnter-
médiaire du conseiller culturel de l'Ambassade de

- JJ4 -
l'Allemagne de l'ouest à Genève, M. Carl von ~rutius,
qui s'interessa à notre recherche, nous avons pu entrer
en correspondance avec le secrétariat de cette société
missionnaire qui nous donna d'utiles indications
bibliographiques et surtout des photocopies des program-
mes des écoles con~essionnelles du Togo allemand.
La documentation ~rançaise, Quai Voltaire à Paris.
Cette bibliothèque comporte très peu d'ouvrages en
langue allemande sur le Togo, mais est assez bien
~ournie en ce qui concerne le Togo ~rançais. L'on peut
y
trouver, outre des ouvrages généraux d'auteurs
~rançais, tous les journaux o~~iciels du Togo de
1921 à 1960, les rapports annuels adressés par la
France à la Société des Nations puis au conseil de
tutelle, di~~érents journaux et revues togolais de
l'époque d'avant l'indépendance etc.
La bibliothèque des Nations-Unies à Genève. C'est,
à notre aVis,
la meilleure bibliothèque européenne
où l'on peut trouver des in~ormations aussi bien sur
le Togo allemand que la colonie ~rançaise. En dehors
d'ouvrages généraux, i l y a toute la série des
"Bona tsblatt" (mensuel'"
"Kolonialrundschau" (gazette
coloniale), "deutsche Kolonialzeitung" (journal o~~iciel
des colonies allemandes) "Amtsblatt ~ür Togo" (journal

-
JJ5 -
o~~iciel du Togo) etc. où l'on peut recueillir des
in~ormations de toutes sortes sur la colonie allemande.
La bibliothèque possède par ailleurs,
les "Rapports
annuels" sur l'adm~nistration du Togo adressés par la
France à la Société des Nations, les Procès verbaux
de la commission permanente des Mandats, de ~ombreuses
revues dans lesquelles sont traitées des questions
touchant d'autres colonies ~rançaises et qui permettent
de procéder à une comparaison avec le Togo.
Sources d'archives
Archives de la France d'Outre-:·~er (Rue Oudinot à Paris'
et celles de la documentation ~rançaise (Quai Voltaire
à Paris). Si ~ous avons pu consulter quelques document~
d'archives avec aisance, par contre tout ne ~ut pas
mi3 en notre possession en raison de la r~~lementation
en vig".leur (Loi des 50 ans) de plus les quelques
éléments dont nous avons pu disposer concernaient
le Togo ~rançai5.
- Archives de la bibl~othèque ~ationale du To~o (Lomé).
Elles constituent une mine d'or et plus de la moitié
des in~ormations qui nous ont permis de con~ectionner
notre travail proviennent des archives de la biblio-
thèque nationale du Tog-o.
-·'ais curieuser!lent c'es"'t ici
que nous avons eu le plus de di~~icultés et ~ous
n'allons pas
tarder Q ~ous expliquer.

- JJ6 -
Critiques des sources et problèmes de documentation
Les sources religieuses
Nous désignons par sources religieuses tous les ouvrages
écrits par les pasteurs ou prêtres allemands et ~rançais. Ils
regroupent des analyses religieuses, mais aussi ethnographiques,
éducatives, linguistiques, politiques,
économiques etc. Disons
d'ores et déjà que les missionnaires ont légué aux générations
togolaises beaucoup de documents précieux. En devançant le
colonisateur, le missionnaire était, dans certains cas, le premier
Blanc à mettre par écrit ses impressions et ses observations. Ces
ouvrages constituent la documentation de base pour des études
géographiques, culturelles, linguistiques, ethnographiques •••
eur le Togo. Parmi di~~érents auteurs, on peut citer J. Spieth,
~. Schlunk, D. 1vestermann, etc. dont les ouvrages vont au-delà
de simples analyses religieuses.
Au Togo même, la mission protestante ne possède ni
d'archives, ni d'ouvrages coloniaux dans sa bibliothèque ce qui
est très dommage. Car en se penchant sur l'histoire précoloniale
et coloniale du Togo, on se rend compte du travail énorme réalisé
par les pasteurs allemands. Par ailleurs un inventaire des produc-
tions littéraires des catholiques et des protestants révèlent que
ces derniers ont laissé le plus d'in~ormations écrites. Il semble
donc indispensable pour la connaissance d'une partie de notre
passé ou simplement par curiosité intellectuelle que cette lacune
soit comblée.

l1
- 337 -
~
La mission catholique non plus ne possède ni ë'archives
ni d'ouvrages coloniaux dans sa bibliothèque. Le seul ouvrage
qui a été mis à notre disposition et auquel on ~ait toujours
ré~érence est celui de Karl MaIler, Die Geschichte der Katolischen
Kirche in Togo. Si ce livre ~ournit de nombreuses indications
religieuses sur l'évolution de l'Eglise catholique au Togo, les
questions sociales, géographiques et politiques y sont abordées
d'une manière trop suscinte. La bibliothèque privée de l'ArchevAque,
~~ Dosseh, vient suppléer cette carence. Nous sommes donc obligé
de renouveler la remarque ~aite précédemment. Il est souhaitable
que les Togolais puissent trouver dans leur pays mAme des ouvrages,
des documents qui leur permettraient d'appro~ondir ou de redécouvrir
certains aspects de leur passé.
Les Archives de la bibliothÀgue nationale du Togo
Entreprendre une recherche au Togo est extrAmement
di~~tcile. Certes la bibliothèque nationale est accessible à
tout chercheur et constitue, comme nous l'avions déjà ~ait
remarquer, une mine d'or; mais pour combien de temps encore?
La documentation y est di~~icile pour deux raisons
principales. D'une part ,les documents sont entassés les uns sur
les autres sous ~orme de petits paquets. D'autre part,
ils ne
sont pas ~ichés. Nous avons donc da procéder par tatenements.
A maintes reprises, nous avons eu entre les mains des lettres,
des rapports, des correspondances etc. Mais en dehors du contenu,

- JJ8 -
i l n'y avait pas d'autres indications pouvant nous permettre de
les restituer selon les normes habituelles. C'est la raison pour
laquelle presque tous les documents que nous avons trouvés à Lomé
et que nous avons cités tout au long de cette étude portent
seulement la mention : Archives de la bibliothèque nationale du
Togo.
Il est possible qu'à l'heure actuelle beaucoup de
manuscrits entreposés dans ces archives soient devenus illisibles
donc inutilisables. L'organisation de ce qui reste s'impose,
présente un caractère ~rgent et incombe aux archivistes de
préférence trilingues.

- JJ9 -
Bibliographie
Ouvrages généraux
Agblémagnon N'sougan,
Sociologie des sociétés orales d'Afrique
Noire, les Evé du Sud-Togo, Paris, r-Iouton, 1969.
Baeta G.C., Christianity in tropical A~rica, London, Ox~ord univers.
Press, 1968.
Balandier Georges, Sociologie actuelle de l'Afrique Noire,
Paris, P.U.F., 1975.
Balans J.L., Coulon C. et Richard A., Problèmes et perspectives
de l'éducation dans un Etat du Tiers-Honde, le cas du Sénégal,
Bordeaux, Centre d'études d'A~rique Noire, 1969.
Baumann H. et Westermann D., Les peuples et les civilisations
de l'Afrique, Paris, Payot,
1957.
Boubou Hama, Essai d'analyse de l'éducation a~ricaine, Paris,
Présence a~ricaine, 1966.
Bouche Denise, L'Enseignement dans les territoires français de
l'A~rique occidentale de 1817 à 1920. ~lission civilisatrice ou
~ormation d'une élite? Paris, Librairie H. Champion, 1975.
Bruckhardt G.E. et Grundemann, Les Missions évangéliques depuis
leur origine à nos jours, Lausanne, G. Bridel,
1970.
Brunschwig Henri, L'Expansion allemande Outre-Her du ~lo siècle
à nos jours, Paris, P.U.F.,
1957.

- 340 -
Bugnicourt Jacques, Disparités régionales et aménagement du
territoire en Afrique, Paris, A. Colin,
1971.
Cornevin Robert, - Histoire de la colonisation allemande, Paris,
P.U.F.,
1969 (Que sais-je 1331).
-
Les Bassari du Nord-Togo, Paris, Berger Levrault,
1962.
Debrunner Hans, A church between colonial powers, London,
Lutterworth Press, 1965.
Decharme Pierre, Compagnies et sociétés coloniales allemandes,
Paris, M~sson, 1903.
Delavignette Robert, Petite histoire des colonies françaises,
Paris, P.U.F., 1941.
Duignan Peter, The rulers of german africa (1884-1914), Standford,
University Hoover Institution Press,
1977.
Eggert Johanna, Nissionsschule und sozialer i{andel in Ostafrika,
Freiburg, Bertelmann Universit~tverlag, 1970.
Eliou Harle, La Formation de la conscience nationale en République
populaire du Congo. Le raIe de l'enseignement dans la formation
de la conscience nationale, Paris, Anthropos,
1977.
Erny Pierre, L'Enfant et son milieu en Afrique Noire, Paris,
Payot.
1972.
Faure, Togo, Champ de mission, Paris, Société des Missions
évangéliques,
1943.

- J41 -
Fournier Jacques, Politiques de l'éducation, Paris, Ed. Seuil,
1971.
Garnier C. et Fralon J.,
le Fétichisme en Afrique Noire, Paris,
Payot,
1951.
Gaucher Joseph, Les débuts de l'enseignement en Afrique, Paris,
Le livre africain, 1968.
Gonidec P.F., L'Evolution des territoires d'Outre-r·fer depuis 1946,
Paris, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence,
1958.
Goyaux Georges, Bismarck et l'Eglise, Le ~llturkampf, Paris,
Librairie Perr±n et Cie,
1911.
Guernier Eugène, Civilisation et doctrines de l'enseignement,
Paris, Lacan, 1936.
Houenassou K., Dualisme de l'éducation dans les pays de la cate
du Bénin, Lomé, I.N.R.S., 1973.
Kneib Alphonse, Conna!tre l'Allemagne, Paris, Masson et Cie,
1972.
Kouassigan A. Guy, L'homme et la terre, Droits fonciers coutumiers
et droit de propriété en Afrique occidentale, Paris, Berger Levrault
(ORSTOM), 1966.
Maze J., La collaboration scolaire des gouvernements coloniaux
et des missions, Paris, Maison carrée,
1933.
Mercier P., Les civilisations du Bénin, connaissance de l'Afrique,
Paris, Société continentale d'études modernes,
1962.

- 342 -
è!olJmo1Jni Abdou,
L'Education en Af'rique, Paris, ~faspéro, 196i.
HiIller Karl, Die Geschichte der Katholischen Kirche in Togo,
Sie~burg, Ver6f'f'entlichun~en des 1-lissionspriester seminars
St Augustin,
1958.
~urray A. Victor, The school in the bush. A critical study of'
the theorf and practice of' native education in Af'rica, London,
Frank cass,
1967.
"elle Albrecht, Auf'bruch vom G5tterberg. Erlebnisbericht von
der Evangelischen Bewegung in Togo, MOnster Reimar und Dohsen,
1965.
Schlunk 1·!artin, -
Die Norddeutsche Mission in Togo I. :leine
Reis e durchs Eweland, II Probler.1e und Auf'gaben Brer'len, Verlag
der N.D.M.G ••
1912.
- Das Schulwesen in den deutschen Schutzgebieten,
Hamburg, L. Friedrichsen und Co.
1914.
- Geschichte und Eigenwart der Norddeutschen
~assionsgesellschaf't, Bremen, Verlag der N.D.~.G., 1913.
Schmidlin Josef', Die katholischen ~issionen in den deutschen
Schutzgebieten, ~mns ter Aschendorf'f',
1913.
Schreiber A., Bausteine zur Geschichte der Norddeutschen
Missionsgesellschaf't, Bremen, Verlag der N.D.J-I.G..
1911.
SoIf' W.H., Politique coloniale. mon testament ,politique. Berlin.
Ed. Reimar Hobling.
1919.

- 343 -
Taboulet G., De l'adaptation de l'enseignement colonial aux besoins
des populations, Paris, Ed. Larose.
1931.
Towsend Mary, The Rise and Fall of Germany's colonial empire
(1884-1918) New-Yorl< St Hartin's Press,
1930.
Viard René, La Fin de l'empire colonial français, Paris,
Maisonneuve et Larose,
1963.
Vidal Edmond, La politique coloniale de l'Allemagne en Afrique,
Alger, S. Leon,
1908.
Warneck Gustav, - Evangelische Missionslehre J Bd Gotha, Verthes
1903.
- Die christliche Mission und die t1berseeische
Politik, Berlin, Verthes, 1901.
- Die gegenseitigen Beziehungen der modernen
Mission und Kultur, Berlin, Gatersloh,
1879.
l,estermann D., Volkwerdung und Evangelium unter den ~{e, Bremen,
Verlag der N.D.M.G.,
1936.
Zahan Dominique, Religion, spiritualité et pensée africaines,
Paris, Payot,
1970.

- 344 -
Etudes sur la colonisation du To~o
Akakpo Amouzouvi, Les Frontières togolaises. A propos de la
délimitation de 1927-1929, Lomé, Etudes et documents, Université
de Lomé,
1974.
Akué Messavussu Adokué, Aperçu historique du Togo, Lomé, Imprimerie
de l'école pro~essionnelle, 1978.
Calvert A. Frederick, Togoland, London, T.W. Laurie ldt, 1918.
Cornevin Robert,
Histoire du Togo, Paris, Berger Levrault,
1962.
- Le Togo, Paris, P.U.F.,
1967 (Que sais-je 1272).
Le Togo, nation-pilote, Paris, Nouvelles éditions
latines,
1963.
Ellis A.B., The Ewe speaking people o~ the slave coast o~ the
west ~rika : their religion, manners, custums, laws, languages etc.
London, Chapman and Hall, 1890.
Freiju5 Samuel, La Mise en valeur du Togo sous le mandat ~rançais,
Paris, Presses modernes,
1926.
Froelich J.Cl., Cameroun-Togo.
territoires sous tutelle, Paris,
Berger Levrault.
1956.
Full August, Fan~zig Jahre Togo, Berlin, D. Reimer Ernest Bohsen,
1935.
G~rtner Karl, Togo, Darmstadt. E. Raabe, 1924.
Hassert Kurt, Deutschlands Kolonien. Erwebung und
Entwicklungsgeschichte, Landes und Volkskunde und wirtscha~tliche
Bedeutung unserer schutzgebiete, Leipzig, 1899.

- 345 -
Knoll Arthur, Togo under irnperial Germany (1884-1914) a case study
in colonial rule, Standford, University Hoover Institution Press,
1978.
Kwakume Henry, Précis d'histoire du peuple éwé, Lomé, Imprimerie
de l'école professionnelle,
1948.
Luchaire F., Du Togo sous tutelle à la République autonome, Paris,
P.U.F.,
1957.
Maroix
Le Togo, pays d'influence française, Paris, Ed. Larose,
1937.
Péchoux L., Le mandat français sur le Togo, Paris, Ed. Pedone,
1939.
Trierenberg G., Die Aufrichtung der deutschen Schutzherrschaft,
Berlin, Mittler und sohn, 1914.

- 346.-
Rapports et correspondances
• Rapports de la France sur l'administration du Togo à la société
des Nations puis à l'O.N.U., 1929-1959. Bibliothèque des Nations-
Unies à Genève et Bibliothèque de la France d'OUtre-Mer, Paris.
• Rapports du chef du service de l'enseignement au Commissaire
de la République,
1923-1939 (manuscrits), A.B.N.T., Lomé.
• Rapports de l'Inspecteur primaire au Commissaire de la République
1942-1950 (dactylographiés), A.B.N.T., Lomé.
Procès-verbaux de la commission permanente des mandats,
1922-1945,
Bibliothèque des Nations-Unies à Genève.
Schmidt contre Roeren (manuscrit), A.B.N.T., Lomé.
• Copie de la lettre envoyée à la légation de Prusse auprès du
Saint-Siège par le Ministre des colonies, A.B.N.T., Lomé.
Procès-verbaux des séances de l'Assemblée représentative
du To~o, A.B.N.T., Lomé.
Copie de la lettre adressée au Commissaire de la République
par L.F., 5 Septembre 1931, A.B.N.T.
• Copie de la lettre adressée au Commissaire de la République
par certains élèves du cours complémentaire, Lomé,
17 Octobre 1931,
A.B.N.T.
Copie de la lettre envoyée par le Père Wolf au Gouverneur
Impérial, Lomé, le 20 Octobre 1912, A.B.N.T.

- )47 -
Documents officiels; Togo allemand et Togo francais
• Amtsblatt für das Schutzgebiet Togo,
1890-1912 (Lacunes), A.B.N.T.,
Lomé.
Koloniale Rundschau,
1892-191), Bibliothèque des Nations-Unies
à Genève.
• Deutsches Kolonialblatt. Amtsblatt far die Schutzgebieten in
Afrika und in der Sadsee,
1898-1914, Bibliothèque des Nations-
Unies à Genève.
• Journal officiel du Top,o (J.O.T.) 1920-1956, devenu journal
officiel de la République autonome du To~o (J.O.~.A.T.)
1956-1960. La Documentation française, Paris.

- :J48 -
Articles dans revues et Journaux
Agblémagnon N'sougan, "Conflits de passage et sociologie des
jeunes Etats africains: Le cas du Togo", Civilisations
Vol XVIII, nO 2, 1968, pp. 232-244.
"Le concept de crise
appliquée à une société africaine : les Ewe" Cahiers interna-
tionaux de Sociologie Vol XXIII, Juillet-Décembre 1957,
pp.
159-172 •
• Leusner H.
'~er Ausbau des Schulwesens in den deutschen
afrikanischen Kolonien jetzigen Mandatsgebieten" Koloniale
Rundschau Heft 5, Jahrgang 1937, pp.
1-56.
Dadier B., "Misère de l'enseignement en A.O.F.". Présence
africaine nO 11, Décembre 1956, pp. 56-71.
Attignon H.,
"Le Togo du congrès de Berlin à la Conférence
de Brazzaville", Revue francaise d'études politiques africaines
nO 82, 1972, pp. 28-58.
Alexandre Pierre,
"Le facteur islamique dans l'histoire d'un
Etat du moyen-Togo", Afrique-Asie, 1er trimestre 1964, pp. 26-30.
\\volf Fr.,
"Totem.isme, liens communautaires et coutumes chez
quelques tribus du Togo", Etudes dahoméennes (Centre l
F~~)
nO XVIIo, 1956, pp. 9-34.
Amenumey D.E.K.,
"German administration in southern Togo",
Journal of african history Vol X,
1969, pp. 623-639.
Damman E.,
"Le Professeur Diedrich Westermann", Le Monde non
chrétien nO 38, Avril-Juin 1958, pp.
103-108.

- J49 -
Leglise G.,
"Le nouveau régoime institutionnel du Togo",
Bulletin de l'association pour l'étude des problèmes de
l'Union française, nO
10j-~ 9° année, Septembre 1956, pp. 7-16.
Delval Raymond,
"Islam au Togo", Afrigue et Asie modernes,
nO
100,
1974, 1er trimestre, pp. 4-21.
Hehnert Wol:fgang,
"Zur Genesis und Funktion der Regierungsschulen
in den A:frika Kolonien des deutschen Imperialismus (1884-1914),
Etudes A:fricaines, Année 1967, pp.
14)-155.
Devauges R.,
"Elements pour une sociologie de l'enseignement
en Afrique indépendante",
Civilisations, nO J, Vol x:v, 1965,
pp.
404-419.
Fournier V.,
"L'enseignement au Togo", Encvclopédie mensuelle
d'Outre-~ler, Vol X, Fascicule 14 Octobre 195 , pp. 284-286.
Breitkopf E.,
"Die Verehung des Ahnenstuhles in Togo", Anthropos,
XVI, Année 1921, pp. 526-529.
Veichert L.,
"Das Schulwesen deutscher evangelischer
~lissionsgesellscha:ftenin den deutschen Kolonien" , Koloniale
Rundschau, Re:ft 5, 1912, pp. 8)-114.
1festermann D.,
"Erziehungssorgen in A:frika,
l'Coloniale Rundschau,
Heft l , 1929, pp 1-5.
Garnier Christine,
"Classes d'âge et sociétés secrètes au
Cameroun et au Togo", Revue de Paris, nO 6o, Septembre 195J,
pp.
1 )-25 .
• Agblémagnon N'sougan,
"Hythe et réalité de la classe sociale
en A:frique Noire: Le cas du Togo", Cahiers Internationaux
de Sociologie, nO XXXVIII,
1965, pp.
155-168.

- 350 -
Table des matières
Avan1:-propos
In1:roduc1:ion
Chapi.tre l
- Données de base
p.
1 . Historique
p.
2. Milieu social et éduc:ation traditionnelle
p.
19
J. Les populations
p.
J4
4. Les religions
p. J8
Chapi tre I I - Les premières ini tiativE's d'établissement
des écoles par les missions au Togo
p. 46
1 • Les sociétés missionrLaires
p. 4.7
La mission de B41e
p. 48
La mission méthodiste de Wesley
p. 49
La société missionrlaire de l'Allem~e
du Nord.
p. 50
La mission catholique du Verbe Divin
p. 52
2. Les f'ondements théoriques de l'oeuvre
des missions
p.
54
LI école comme "moYI~n de la mission"
p. 54
Gustav Warneck
p. 55
Joseph Schmidlin
p. 59
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ . - - - - - - - - - - - - - - - - - ' - - - -

- "1 -
1!t,
J. Structures, pro,ç;rammes et contenu
des écoles conf'essionnelles
p.
66
a) Les jardins cl' enf'ants
p.
68
b)
Les écoles extérieures
p.
68
c)
Les écoles de station
p.
71
d)
L'école prof'essionnelle catholique
p.
76
e) Les écoles complémentaires
p.
77
f')
Les écoles normales
p.
78
Chapitre III -
Les établissements d'enseigne~ent publics
p.
80
1. Les écoles primaires publiques
p.
82
2. L'école complémentaire
p.
84
J. L'école prof'essionnelle
(Handwerksschule)
p.
86
4. L'école d'agriculture
p.
87
Chapitre IV
Les relations des Mîssions
avec les autorités coloniales
p.
94
1. Les conf'lits de discipline
p.
94
2. La langue d'enseignement
p.
102
J. Le programme de 1905
p.
108
4. Les subsides scolaires
p.
112
3. Le budget de l'enseignement
p.
1 15
Conclusion et bilan
p.
118

- J.5Z -
Deuxième partie -
La politique scolaire de la France
au Togo de 1914 à
1~
p.
126
1. Préliminaire
La situation de
l'enseignement de 1914 à 1918
p.
127
a) Considérations générales
p.
127
b) Le problème des missionnaires
p.
130
c) La situation des é-coles de 1914 à
1919
p.
134
2. La poli tique scolaire- de la France au Togo
de 1919 à 1960
p.
138
Chapi tre l
- La période de 1919 à 19'12
p.
140
1.
Structures des écoles publiques
p.
142
A. L'enseignement primaire élémentaire
p.
143
1 • Les écoles de village
p.
14 3
2. Les écoles rég'i.onales
p.
146
B. L'enseignement primaire supérieur
p.
14 9
C.
L'enseignement pri-maire prof'essionnel
p.
150
a)
L'école prof'es ~lionnelle de Sokodé
p.
151
b)
L'école et les sections agricoles
p.
155
D. Les écoles du gouvernement général de
l'A.O.F.
p.
160
E. L'école européenn,;t de Lomé
p.
161
2. Les écoles conf'essi01anelles et les
relations des missions avec l'administra-
tion f'rançaise
p.
164
A. Le régime des écoles reconnues
p.
165

- J5J -
l
B. Les écoles de catéchisme ou les
catéchuménats
p.
167
C.
L'école professionnelle de la mission
catholique
p.
170
D. Les relations entre les sociétés
missionnaires et l'administration
publiques
p.
172
Bilan du développement de l'enseignement (1914-1932)
p.
177
Chapitre I I -
Les nouvelles données de la politique
scolaire de la France au To~o à oartir
de 1913
p.
185
1. L'enseignement populaire rural
p.
188
2. L'enseignement primaire élémentaire
p.
189
a) Les écoles rurales, urbaines et
ménagères
p.
189
b) Les écoles régionales
p.
190
C) Les cours d'adultes
p.
191
3. L'enseignement primaire supérieur
p.
193
4. Le personnel enseignant
p.
198
5. Les limites d'â~e
p.
202
Conclusion
p.
210
Chapitre III - L'évolution de la oolitique scolaire
de la France au Togo de 1q46 Q 1Q()()
p.
216
1. L'influence de la politique générale
sur la politique scolaire
p.
215
-
La conférence de Brazzaville
p.
217

- J54 -
- De la tutelle à la constitution
française
p.
221
L'autonomie interne du Togo
p. 225
2. L'organisation générale de l'enseignement
1946-1960
p.
229
Les principes de la constitution
p.
2JO
Egali té 7~~:~':i"'1',~nSeignement
et obli;~tiQn
.
p. 2J1
- Neutra~tté et ,~.tl,Iité"d~_:I'enseignement p. 231
.
~
(.
1.
1 v.
_
, , )
J. Structur~-..e;-;;:~~~~J·
,~') enseignements p. 2J5
~"
7·( ..
A. L'enseillnér;~..du-1)r.
r degré
'\\,
p.
237
..... '~ r: i r: ')
<\\titc
8.t"·C\\~;l
B. L'enseignerlf&nj;','.s;.~~!!'cond degré
p.
245
C. L'enseignement technique et
professionnel
p.
249
D. L'enseignement agrtcole
p.
255
E. Les écoles norma~es et le personnel
enseignant
p.
258
Conclusion
p.
267
1 . Les ambigu!tés d'un enseignement
"francisé"
p.
272
2. Elites traditionnelles et nouvelles élites
p. 284
3. Les politiques linguistiques au Togo
p. 293
4. Les bourses d'études
p.
308
5. Le problème du déséquilibre régiona~
p. J18
Sources et BibliograpMe
p. JJ2
Table des matières
p. J50

Liste des cartes
Carte nO 1
Le Togo indépendant
p.
2
Carte nO
2
Position des comptoir~ européens sur
la cOte occidentale de l'Afrique
p.
6
Carte nO 3
Partage du Togo allemand
p.
129
Carte nO 4
Im~lantation des écoles régionales
p.
147
Carte nO 5
Pourcentage effectifs scolaires à
populations cercles par catégories
d'écoles
p.
215
Carte nO 6
Pourcentage de scolarisation par cercles
p.
234
Carte nO 7
Implantation des écoles de villages et
des écoles régionales
p.
324
Carte nO 8
Localisation des différentes sociétés
missionnaires
p.
326
Carte n" 9
Division géographique
du Togo
p.
328

Abréviations
ABNT
Archives de la bibliothèque nationale du Togo
AFor-r
Archives de la France d'Outre-Her
A.t~T
Assemblée représentative du Togo
BDT
Bund der deutschen Togollnder
,
HE
Brevet élémentaire
BEPC
Brevet d'études du premier cycle
Bibliothèque de la France d'Outre-Mer
1
CEPE
Certi~icat d'études pri~aires élémentaires
FIDES
Fonds d'investissement pour le développement économique
et social
JOT
Journal o~~iciel du Togo
NDHG
Norddeutsche Missionsgesellschaft
DIT
Organisation internationale du travail
SDN
Société des Nations
SHA
Société des missions ~ricaines
SVD
Société du Verbe Divin
UCPN
Union des chefs et des populations du ;·rord