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UN IV E RSIT E BORDEAUX III
INSTnUT DE GEOGRAPHIE
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.-
CONTRIBUTION
A L'ETUDE DES MOUVEMENTS MIGRATOIRES
AU TOGO
\\O~;,@'
J\\i
THESE

POUR ~E DOCl'ORAT DE Ille aYa~E DE GEOGRAPHIE
Présentée et soutenue le 30 Mars 1981
par OGOUNDE Lassissl
C~ristian HUETZ de LEMPS: President
JURY
Guy LASSERRE: Rapporteur
Pierre
VENET 1ER :
Examinateur
Directeur de Thèse.:
Guy LASSERRE ..

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Avant-propos ..
p .1
Avertissement.
• •
• •
p.4
Introduction •.
• •
• •
• •
•• • •
p.9
(PREMI&~E PART:m;-=)
LES MENACES DE SlJRPEUPLill:ŒtIT EN PAYS jÇADYE
Cllapitre 1.- L'espace kabyè . . . . . . . . . • . . . . . . . .
p.14
I l
l
- Des r'31iefs aux formes modestes.
• • p .14
'I- Le relief.
• • •
• • • •
p.14
2- Le modelé.
• •
·. ·. p.16
I I - Des conditions biogéographiques diver sifiéc s.
p.18
i- L t eau ...............
• • •


• p.18
2- Le couvert végétal ..
p.21
3- Les sols et l'espace cultivable.

p.24
Chapitre II.- Le peuplement kabyè . . . . . . . . . . . • • • . . . . . . . . . . • . . . p.28
1 - L'aire etlmique
p.28
A- Naissance de l'aire ethnique actuelle. ·.
p.28
'1- La version de Id traditian ...... • •
• •
• p.28
2- Des révélations plus plausibles. • • •

• • • p.29
3- Une version dt a.pproche ...•....•.
..

• •
• • pd3
B- Définition de l'aire eth.c'1iaue actuelle et situa-
tian ethnique..................................... p. 35
I I - Le dynamisme démographique.
·.... ..
• • p.37
A- Structure démographique.

••
• p.37
1- Une très forte ndtalité. • • • • • • • • • •
• ·. ·. p.J9
2- La mortalité et 11 accroissemcnt naturel. • • ·. • • p.45

= II le
B _ Les hautes densités kabyè
p.51
1 _ L'évolution des densités
p.51
2 _ Facteurs explicatifs des hautes densités kabyè ...• ~.54
II - Le geIlI'e de vie
p.58
A - La structure socio-professionnelle ••••..•... ....•• p.59
TI _ Le système semi-agro-pastoral en Pays kabyè
p.62
_lliapitre III.- La surcharge démogra-,Jl1ique en Pays kabyè •.....• p.??
l - Origine et nature de la sUl'charge démographique •.•..• p.??
1 - Le problème de l ' existonce d'un surpeuplement en
Pay s l{abyè
1J
010
..
"
..
..
..
..
..
..
..
..
..
..
..
.. 77
2 - Les menaces de surpeuplement en périodesprécolo-
niale et coloniale
"
"
p.78
II - Les solutions "in situ" ?
p.82
1 - Solutions teclmiques
p.82
2
Solutions socio-économiClues.,
p.82
( DEUXIEHE PA.RTIE )
LE PHENOMENE DE DIASPORA:
L'ORIGINE ET LES ASPECTS DE LA DIASPORA KABYE
Chapitre IV.- Les phases migratoirGs·. • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1).87
l - La complexité du phénomène migratoire des Kabyè ..•..• p.8?
1 - Exp8Xlsion et exode
p.87
2 - Migration et exode
o
• • • •
p.88
3 - La diversité des formes •.................... 0.0., p.88
II - Les phases des migrations historiques
p.90
A
LI '

-
eXp8.YlSlOn kabye. o •••••• " ••••••••••••••••• ~ •••• It
B - Les mouvements à plus gr,md rayon •••••..•.......• p.91
1 - Les migrations organisées par le pouvoir mandatai-
re . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • C' •••••••••••••••• " •••• " •••• 1).92
2 -
Les migrations spontanées
p.102
III - Les phases des migrations :intérieures actuelles ••.... p.10?
1 - Les migrations rurales actuelles •....•...•.••..•• p.i0S
2 - L t exo de r"lU" al. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... p. 11 7·-
3 - Les itinéraires des rni:;rations •.........•.•.....• p.i18

= III '"
.
Chapitre V.- Les principaux types de migrations kabyè •••••• p.123
l
- Les migrations structurantes- ••••••••••••.•••••••• p.123
A - Défini tian et cadr e.. . . .. • • • .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... p.1 23
B - Les aménagements spatiaux du parcellaire d'u-
tilisation en région d'immigration ancienne •• p.129
1 - COnfiguration des paysages agraires
p.129
2 - Structure des finages culturaUX •.•••••••••••• )1.130
3 - La morphologie du parcellaire d'utilisation •• p.132
II - Migrations conjoncturelles •••••••••••••••••••••.•• p.141
A - Définitian et cadI'e
,........................... p.1 41
1 - Défillition
p.141
III
2 - Le cadre physique
p.142
3 - Cadre économique et historique •••••••••••••••• p.144
B - Les migrations conjoncturelles temporaires et
permaIlente s.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... p.1 47
1 - Les migrations saisonnières •••••..•••••••••••• p.1i+,"
2 - Les migrations temporaires et permanentes ••••• p.154
III - Migra.tions c8tières
p.162
 -
Les migrations rurales côtières ••••••••••••••• p.162
1 - Situation géographique humaine du cadre ••••••• 0.162
2 - Les immigrants ruraux karyè de la frange côtiè-
re
p.165
,
Çhapitre Y1.- Les mobiles de la diaspora kabyè ••••••••••••• p.171
l - Les facteurs
fondamentaux de la diaspora •••••••••• p .171
1
L ,·
u l '
.
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k b •
-
lmp
s~on ~gra olXe
a ye .....•.•.........• p.171
2 - L'instauration de l'ordre, de la séC1~rité et
de la paix ••••••.••.••.•••.••.•.••.•.•••••.••• p.173
3 - Les progrès des voies et moyens modernes de
conml1.mication •.•••••••••.•••••••.••••••••• , . •• P 176
Il
4 - Rôle d'impulsion des organisateurs ••••••.••••• p.178
II - Les motifs répulsifs •••••.•.•••••••••••••••••.• , •• p.183
1 - Les Oauses d'ordre physique et technologique •• p.183
2 - Le boulevers<.;;,]ent du genre de vie tradition-
nelle •..••• ,
,
, .• , ••••••••••• _ p ~ 186

= IV =
III - Les li~otifs a.ttractifs
p.19"',
1 - Considérations re~ltives au revenu réel du
travaiJ_
p.191
2 - Le progrès de l'urbanisation ••••••••••••••••• p.194
3 - Les motifs psychclogiQues •••••••••••••••••••• p.199
( TROISUllE PAe,"'tTIE )
LES M'ETS DE LA DIASPORA KABYE.
Chapitre VII.- Les effets dans les régions d'accueil •••••••• p.202
1 - Impact numérique et d~m0&raphique•••••••••.••...••• p.202
1
Une approche du degré de mobilité ••••••••..•••• p.202
2 - Corrélation entre densités et facteurs édaphi-
ques, foncièrs
et psycho-sociologiques d'implan-
tation
p.206
III
3 - L'impact démographiQue •.•••••••••••••••••••.••• p.~2
II - L'intégration socio-économique
p.216
A - Degré d'intégration sociale
p.216
B - Les mutations économiques et l'évolution de
l 'habitat.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... p .. 227
1
Le degré de transformations agricoles •••••••••• P.227
2 - Le progrès de la production agricole, la rup-
ture de l'économie d'auto-subsistance et le pro-
grès de l'économie monétaire •••••••.•••••••••••• P.241
Chapitre YIII.- Les effets dans le
Pays kabyè •••••••••••••• p.251
l ~ Les mutations démographiques ••••••••••••••••••••.•• p.251
1 - Degré de modifications quantitatives de la popu-
lation. " " "" " " " " " " " " " " " " " " " " "" "" " " " " " " "" " , , , " , "" p.25'1
2 - Degré de mutations qualitatives de la popula -
tian." .,,""" """"""" .,,""""" """" " , """" , , " """ " , " """ p~253
II - Les mutations socio-économiques •••••••••••••••••••• p.256
1 - Les inconvénients de l'émigration des Kabyè pour
le Pays aIlcestral."""",,"""""""""""""""""""""""" p.258
2 - Les effets encourageants ••••••••••••••••••••••• p.260

" v =
Chapitre IX.- Les problèmes liés à la diaspora kabyc •••..• ~.265
1 - La question foncière et la concurrence •••.•.....• p.265
A - Régiiiies fonciers en Pays d'origine •.•••.•••.• p.265
B - Les problèmes fonciers en régions d'immigra-
tian.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .... p .. 271
1 - Le problème 'la la reconnaissance des droits
fonciers
p.271
2 - Le problè~e de l'acquisition des droits fon-
ciers sur 1eR terres situées au-delà des li-
mites ad.m:i.ses ••••••• , l' - .•...••••••••••••..•• ~~~.276
C - Vers une solution définitive des questions
foncièrE'ls : la Réforme agro-foncière ••••••..• p.277
II - Le problème du l' ôg~o~~llisme
p.281
A - Définition et port8e du régionalisme •.•••...• :;J.201
1 - Définitian.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .
p .. 281
2 - Portée socio-èc0non.i~.Jue.du rr~GionaliE',!u3
P' 282
B - Les fondeli18nts eiu régionalisrr,e au Togo •.••.•• p.283
1 - Les fondel'i8nts ::;éographiques ••••....•••.•...• p. 283
2
Les fonder.18nts historico-économiques ••••••.•• p.284
3 - Les fondements culturels
P'291
4 - Les fondements ~olitiques•••••••••••••••••••• P'295
C - Portée réelle et actuelle du problème et pers-
peet ·l.ves d'
.
avenll
p. 296.
1
Degré de solidité des fondements •••.•••••...• P'296
2
PSI' spe ctive s dl avenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. p. 301
Cc>nclusion •....•..•••...•..•....••.•..•.•.. ,
p.305
Bibliographie . . • . • . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • p.31 J
Questionnaires d'étude ~t d'enquête •••••••••••.•••••• p.335
Liste des tablealU . . . . . • . . • • . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . • p.336
Table des fig1U'es ....• III •••••••••••••••••••••••••••••• p.339
Planch.e s hor s texte.................................. :'J. 371

A V A TI T - PRO P 0 S
L'étude du ph(nOl:lène de mobilité humaine e:";t int6rcssan-
te " double titre:
- d'une pm't, parce ~ue analytique, elle contribue à
iJ1ieux faire saisir les origilles et le proces sus du pcuple-
rllent d'un territoire, d'une région ou d'un continent donné;
- d'autre paT't, de par son essence synthétique conforme
à la nature de la Géographie, le phénomène lui-mêr:le est le
produit de divers facteurs, à savoir facteurs naturels,
soci_o-économiques, historiques, voire politi'.lues, données
intervenant pour expliquer à leur tour d'autres phénomènes
et si tuatioœ; géographiques qu'il créé l par exenple, les
disparités spatiales de la densité en pays d 'm-i";ine comme
en pays de destination, le bourgeonneaent de ~habitat dans
la Grande Plaine du Hono et la micronisation de l'habitat
dans les plantations cacaoyères et caféières des PlateaUX
du Centre-Ouest togolais.
Or, la Géographie, combinant les méthodes analytiques
et les méthodes synthétiques, sljntéresse justement ù l'in-
terdépendance des facteurs dans l ' explication (llun phénomène
donné, notamrùent aux rapports du peuplement avec le syetèue
de prodUction ainsi qu'avec le support physique et historique,
Cet illtérêt que nous attachons au phénomène de lilobilité
hurfraine devait être pris en considération dans le choix de
ce suj et. Hais d' au tres raisons non moins importCtr,tcs devaient
s l ajouter à cette dernière:
D'abord, des raisons relatives à l'importance numé~ique
du groupe ethniQue kabyè; en ef:et, i l occupe le second rang
après le groupe ethnique 6vhé - ouatchi. Il s'agit de savoir
dans quelle mesure le groupe ethnique en cause,du fait de sa
dispersion et ,le son dynamislile démographique ,ne va-t-il pas
"éclipser"plust<c.l'd, sur le plan de l'effectif, le groupe
ethnique évhé - ouatchi dont la propension à émigrer est
beaucoup plus marquÉ!:l (
fig. nOi)

-, ,..-
Flg.1
MOUVEMENTS
MIGRATOIRES
AU
TOGO
1 tiglon. de dépatl •• d'arrivie)
~
HAUTE ~ VOLTA
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50utcc;~ d'apNI' LalftOurou•. Note;, tlplictl.ivtl
n' 34. CatI.
,idologlqu. du rOI>O.

" 2 =
A ces motifs d'ordre socio-dénographiccue
s'ajoutent
les préoccupat:LoDC; socio-:~conomirJues ,suivantes:
- la nécessité d'éclairer 18 fait que ces soci6t6s à la
fois conservatrices et dynamiqu8s ont connu \\1.'1 dévoloppor18nt
différent de celui des "lutres [;roupes ethniques africains:
on note dm'ant la p6riod8 prô-coloniiüe, 8n cc milieu monta-
gneux "ingrat Il L1,:~_i,S fo~.,t peuplé,
!lune op0r:cl tian survie"
réuSSie, cl8S convergences techniques cn mati(~re agricole et
des réactions r6pondant aux caracturistiques de l 'environne-
Llent physiqu.e et hunaü:.,
.
~
la forme longiline du territoire 8ntraîne une h(~téro­
géne5ité non seulement cL',matique et pédologi'lue, "ICiis aussi
hunaine; malgré une grande vw'iété et un ce:,.-tain équilibre
géographique qui en résulte, il existe un manque d'unité pré-
judiciable à tout effort efficace
de développenent éco-
nomique et social; il serait alors inturessant de savoir
dans quelle mesure la migration kabyè pourrait apporter un
palliatif à cette grave et dangercu,;e Situation.,
- enfin, le désir d'étudier le degré d'intégration socio-
économique d'un groupe ethnique donné dans un milieu diffé-
rent du sien.
A Honsieur le Profes seur Hem'i ENJALDEHT pour l'intér"'t
qu'il a spontanément porté au sujet et pour son plein accord
de diriger mes travaux de recherche
A J.1essieurs les Professem's Paul 110PtAL et Pierre HICHEL
auxquels je dois ma formation de base en Géographie et pour
l'inlassable bienveillance qu'ils ont bien voulu mtaccorder
Quant à la codiroction de ce mémoire,
A Honsieur le Profes sour Guy LASSERl1.E et au llir, '2t "L"
de RecherGhe du C.N .R.S. Honsieur VENNETIER pour 105 meilleures
conditions de travail qu'ils ont eu l'~labilité de m'assurer
au Centre d'Etudes de Géographie Tropicale (C.E.G.E.T.) de
Bordeaux, pOlIT les fructueux enseignements tirés des séminai-
res de recherches orgallis6s et conduits par eux à l'Universi-
té de Bordeaux III ,

= 3 ..
A Messieurs le Ministre de l'Intérieur, le Ministre de l'Edu-
cation Nationale et de la Recherche S.cientifique au Togo, le D.irec-
teur de l'Institut National de la Recherche Scientifique, les Chefs
des Circonscriptions administratives de Lomé, du Zio, du Raho,
d'Atakpamé, de Klouto, de Badou, d'Amlamé, de Sotoubua, de Tchaoudjo
(Sokodé), de Bassar, de Lama:"Kara, de Kpagouda et de Niamtougou, pour
l'intérêt qu'ils ont tous accordé à l'avancement de mes travaux,
Aux Chefs des Cantons et des villages où se sont déroulées
les enquêtes et les études, pour la chaleur de leur hospitalité,
A Messieurs les Directeurs des Services spécialisés, avec
une mention particulière à Monsieur K. D3.ké 00GBE, Ingénieur Agri'::
cole, D.irecteur de la 8.0.R.A.D. de la Région de la Kara, pour leur
franche et fructueuse cOllaboration.
:Ehfin, à tous ceux qUi, collègues, parents, amis, dessinat eur S;t
élèves, dactylographes, m'ont apporté une aide technique ou morale,
Je rends hommage et adresse ma sincère reconnaissance, mes
chaleureux remerciements et ma profonde gratitude.

CA~TE DES REGIONS ECONOMIQUES ET =3 bis.=
QES CIRCONSCRJeIlONS EN 197Q
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LEGEND[~
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Ghof·· lIoux dn circonscriptions
1
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Il.
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111
- ._RI,'on ContrClLo
IV
.111,101> do Lo Kor~
ECHELLE

= 4- =
AVERTISSEMENT
Le phénomène migratoire est un fait de Géographie humai-
ne et historique; aussi recourrons-nous dans notre investiga-
tion à des données historiques, ethnographiques, démographi-
ques, sociologiques, juridiques. Ceci ne fait d'ailleurs que
confirmer le caractère synoptique du phénomène en cause~
Nous utiliserons
le terme "Kabyè" à la place du mot "Ka-
brès" ou "Cabrais" pour deux raisons essentielles: d'une part,
la plupart des éléments du groupe se nomment "Kabiè" (pl. Ka-
biema), quoique dans leur parler, il désigne également le pays
sous le même nom Kabiè (Kabiè-mba .. ceux du Kabiè); d'autre
part, c'est le terme qui est officiellement admis.
De temps en temps, au cours de cette étude, il sera ques-
tion à titre de comparaison, des Losso, groupe ethnique voisin
composé en fait des Naoudeba, des Lamba, des Agbandé et des
Yaka; (1) leur genre de vie est dans une large mesure commun
à celui des Kabyè ainsi qu'une partie de leur culture alor s
qU'ilS n'ont entre eux aucun lien de parenté; ils habitent la
double chaîne des Monts-Togo et ses deux versants est et ouest
ainsi que les bords de la Kara; l'altération des roches cons-
titutives de ce relief montagneux ( quartzites, phyllades,
schistes micacés) donne un gravier mêlé de sable et une argile
de couleur brun-clair; certes, ce sol porte curieusement à cet-
te latitude une palmeraie remarquable; mais il n'en demeure pas
moins vrai qU'il est pauvre, beaucoup plus pauvre que celui des
Kabyè; d'où la faiblesse des rendements agricoles qu'il
four-
nit
Aussi, à l'instar de leurs voisins et en même temps
qu'eux, les Losso durent::'ils· migrer.
--------~------------------
(1)- Ces Lamba se distinguent de ceux de la Circonscription
de Kanté; dans ce mémoire, il sera question des premiers.

c
5 ..
Eu égard aux modeflt"s moyens techniques et financiers
dont nous avons disposô au cours de nos travaux, nOUS n'avons
aucune prétention dl-avoir vu et exploré tous les aspect,g de
la Diaspora kabyè. Rous espérons que le lecteur averti per-
cevra à travers nutre mémoire une toute rJodeste contri:JUtion
à l'étuue des mouvements migratoires au Toge et de leur im-
pact sur le développement économique et social UG co dernier.
Notre méthode de recherche présente deux aspects essen"
tiels: IGS recherches docUlwèntaires et les travaux sur le
terrain.
Les recherches docUJJ18nta~ ont nécessité dGS déplace-
mGnts hors du territoire togolais,parce que du fait du passé
colonial du Togo, la plupart des documents indispensables
à l' élabor a tion de ce méruoir8 s 8 trouvent en Eur ope, notam-
ment en France (Strasbourg, Paris, Bordeaux etc ... ) et à
l'IFAN de D3.kar.
Pour ce qui est des références bibliographir]ues, la
Bibliographie Internationale de Géographie nouS a été d'une
grande utilité; les références bibliographic]ues eomplémentai-
res ont été réunies au fur et à mesure des travaux de con-
sultation de documents dans les Bibliothèques UnivGrsitaires,
dans les Bibliothèques des Instituts de Géographie et de
ceux d'Histoire, dans les Bibliothèques Municipales, dans
le Bureau des Archives du Ninistère de la France d'Outre-Her,
à l'IFAN de Dakar, à la Bibliothèque des Sciences Hmnaines
au Togo, à l'INRS (1) du Togo, à la Direction de la Statis-
tique Générale aU Togo.
Quant aux travaux sur le terrain, ils ont revêtu trois
formes essentielles.
- l'observation des faits et des actions dG Géographie
humaine et économique aussi biGn en pays d'émigration que
dans les régions d'immigration,
- les contacts avec les personnes du milieu rUl'al et
(1) I.N.R.S. = Institut National de la Reeherche Scientifique.

11
= 6 ..
du milieu urbain; c'est ainsi que les entretiens avec les pay-
sans et les agents des Services spécialisés dépendant du
Ministère de l'Equipement Rural et celui du Développement
1l'
Rural, notamment les SORAD, l'IRCT, la BRCC (1) ont été ri-
ches d' informatioD3 et d'enseignements,
- le questionnaire visant à obtenir un complément d'in-
formation; il nous a permis d'en obtenir trois sortes prin-
cipales: des éclaircissements sur l 'habitat, des rensej_gne-
ments d'ordre démographique (mouvements natw'els et micra-
tions)et ceux de nature socio-économique (activités agri-
f
coles, activités non-agricoles, degré d'instruction, budget
familial); le détail de cet ensemble figure en annexe.
Pour mener à bien ces enquêtes sur place, un certain
nombre de précautions 'ont été prises~
des démarches ont été
entreprises en vue d'obtenir une autorisation officielle
auprès du Directeur de l'Institut National de la Recherche
Scientifique (conformément aux injonctions officielles du
Ministère de l'Intérieur), et de Chefs des Circonscriptions
Administratives concernées. Une fois contactés et rassurés
(en plus de l'exposé des buts de l'entreprise, une copie du
questionnaire
leur
est
remise), ces derniers se chargeaient
d'informer les chefs de Cantons sur les buts, la date et
l'heure de notre arrivée dans les villages choisis pour l'en-
quête et l'étude, et cela afin que leurs chefs respectifs
prennent les dispositions nécessaires pour retenir leurs po-
pulations.
Cctte dernière précaution a le triple avantage d'amor-
cer la phase de préparation psychologique de la population,
d'avoir des informations plus complètes et plus cohérentes
(1) - S.O.R.A.D. = Société Régionale d'Ametnagement et de
Développement.
I.R.C.T.
= Institut de Recherche sur le Coton et sur
les Textiles exotiques installé à Kolocopé
dans la Circonscription Administrativ~ dlAtakpamé.
S.R.C.C.
= Société Nationale pour le Développement et
la Renovation de la Cacaoyère et de la
Caféière togolaises.

= 7 =
et de raccourcir la durée de l'enquête.
Au niveau de chaque village, llenquête comporte dGUX
étapesl d'abord, lUl entretien avec les notables et les viGUX
du village réunis autour du chef et chez ce dernier ou sur
la place publique; ensui te, l'enquête par quartier dont le
taux d'échantillonnage est fixé à 1/10 des concessions. Les
entretiens avec le chef, les notables et les vieux servent
l'enquête par quartier, eu égard au triple intérôt qU'ils re-
cèlent:
- ils visent à les rassurer sur la finalit6 que nous
.
, l '
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asslgnons a
enque e,.evel ~er
l n ere
e
a,assurer au
départ leur collaboration totale et sincère, à dissiper les
inquiétudes de la population concernant les buts de l'en-
quête pour éliminer d'avance les réticences; ces entretiens
publiques présentent aussi l J avantage de nous faciliter la
tâche lors de notre passage dans les concessions; ils cons-
tituent lUl6 étape importante de la phase de préparation psy-
chologique qui se poursuit
au niveau des concessions;
- ils visent à recueillir des informations suffisamwGnt
passées au crible (des critiques) et susceptibles de servir
de base aux informations que nous pourrions obtenir dans les
concessions. C'est dire que la première phase est aussi im-
portante que la seconde;
- enfin, ils nous permettent d'avoir dorénavant lUle
idée exacte sur le degré de cohésion de chacun des groupes
ethniques et sur le degré d'entente entre ces derniGrs, afin
que nous sachions comment ménager les susceptibilités des
groupes sociaux dural1t l'enquête par quartier tout en appro-
fondissant, le moment venu, les recherches port=t sur les
relations inter-ethniques.
Les villages sont choisis en fonction de leur âge, de
leur situation géographique et historique, de leur composi-

= 8 =
tion ethnique (village où IGS Kabyè sont majorit:lü'os ou
minor itair es ••• ) (
fig • ~)
Les contacts individuGls et l'enquêtG au niveau des
villagGs ponlGttent une approche de la réalité 1 nt cela pour
les raisens suivë,ntes: ils fournissent (évidet:u~lent) d'èS in-
formations inédites d'une part; de l'autre, ils permettGnt
de confirmGr ou cl' infi l'mer les informations contrlTIues clans
le3 récents ou vi(~ux dOCUl118nts.
La naturG du sujet nous a incité à nous consacrer moins
il la réalisation dG doClJ!llcnts cartographi'lues qu 1 à la descrip-
tion, aU récit et à l'explication des divers phénomènes et
situations révélées par la Diaspora kabyè; c'est Gn défini-
tive, SUI' le plan de la redaction, une dcimarclw tripl'J visant
à il1ic;ux faire comprGnclrü le phénomène rnigratoir.? CD caUSr;
et en faire saisir les effets essentiels sur la vic économi-
que et sociale du Togo.

'1';:1 CARTE DE SITUATION ET DE
LOCALISATION-8 bis
DES LIEUX D'ENQUETES
HTE-VOL TA
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DAM0N6
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= 9 =
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N
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R
0
DUC
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I O N
On s' accorde généralel"1ent à réserver le terïole de "mi-
gration"
à de vastes mouvements distincts, limités dans
l'espace et dans le temps. L'expression s'applique cO~TIun~­
ment aux grands mouvements de peuples qui eurent l'Europe!
l'Asie et l'Afrique pour théâtres: la Diaspora juive en est
un des exemples les plus anciens.
Mais le terme peut s'appliquer aussi à des mouveôents
d'envergure limitée se produisant au sein d'un même Etat
ainsi ~ue d'un Etat à l'autre. Dans le premier cas! on pè~le
précisément de "migration intérieure", tandis que dans le
second cas, on utilise les termes d' "émigration et d' "im-
migration" selon que l'on considère le mouvement migratoü'e
à partir de la région de départ ou des contrées d'accueil.
L'usage des deux derniers vocables ne cadre cependant pas
avec la réali té lorsque les déplace;ncmts se produisent au
sein d'une même aire tribale commune à deux Etats distincts
comme c' est souvent le cas en Afrique " où l'appartenance
tribale est souvent plus ressentie ~ue le passage des limi-
tes d'Etat Il (1). C'est ainsi que le passage des Evhé de la
région de Kpalimé ou de celle de Tsévié vers les régions
ghanéennes de Kéta ou vers celles de Ho n'a vraiment pas le
caractère d'une immigration.
Les Kabyè du Nord-Togo ne sont pas sous le coup de cette
restriction, sauf lorsque leurs déplacements se font
en direction de leurs voisins de la République Populaire du
Bénin. Même dans ce cas, et pour la comnlodité de l'exposé,
nous utiliserons les deux termes en question: immigration
et émigration.
Depuis la fin des guerres tribales consécutive
à la
pénétration européenne en Afrique et à la restauration de la
paix et de la sécurité après la " pacification" des régions
(1) - Max Derruau. Précis de Géographie Humaine, Armand Colin,
Paris! 1969, p.54.

= 10 '"
conquises, on a assisté et on assiste 8ncore à. une repris,;
des migrations internes et externes au sein ou hors de 1:1
plupart des Etats africains. Parmi ces déplacements, il en
est qui s'apparentent à ceux des Kabyè du Nord-Togo. Ce sont,
pour n'en ci tc:œ que ceux-là, les mouvements migratoir8s Clffoc-
tant les popul:1tions païennes du Plateau de Jos, les Bar'li10ké
du Cameroun Occidental, les Dogon du Mali, populations dites
paléonigritiques réfugiées jadis dans des "bastions" monta-
gneux. Depuis que 1:1 colonisation a interrompu les conditions
historirlues oppressives à l'égard de ces populations? on ob-
serve un8 décompression qui fait de ces "bastions", des ré-
gions d'émigration vers les plaines plus ou moins voisin8s.
Tels sont le cas des Dogons au nombre de 50.000 au maximum
ayant réocoupé une partie du Séno où ils s'adonnent Q la cul-
ture et à l'élevage, ët le COB des Bamilél{é, "travailleurs ac-
tifs dispersés dans les grandes villes du Cameroun où ils
font du petit commerce, OU dans les régions de plantations
européennes". (1)
Aussi dynamiques que les Bamiléké , mais peu oricmtés
vers les activités cOllinerciales, les Kabyè ne S8 sont pas con-
tenté excJ_usivement des plaines; un certain nombre d'entre
eux ont travaillé et travaillent encore dans les plantations
cacaoyères des régions des Plateaux du Toge et du Ghana; bien
d'autres ont humanisé et humanisent encore les "terres neu-
ves"
du Centre-Togo.
Pour désigner les migrations intérieures et l'immigra-
~ , •
f
tion des Kabyè, nous préférons \\1-;' emploi du mot "Diaspora",
et cela pour les raisons sUivan~:,;~'_ '_; .-,
-~~-~,~-
-Le caractère synoptique du terme est séduisant: il
paraît cow~ode de l'utiliser pour exprimer l'ensemble des
mouvements suivants: expansion ou glissement, émigration,
migration rurale interne, exode rural, transferts de popu-
lation et déportations, phénomènes migratoircsaYant plus ou
moins frappé selon les circonstances les Kabyè.
(1) - Gallais (J.) Problèmes de mise en valeur des montagnes
tropicales et subtropicales, fasc.I, Paris, C.D.U.,I~57
(Cours de l'Université de Strasbou:"g).

= 11 =
- Le terme est surtout employé pour suggérer l' importan-
ce et la portée du phénomèn8 migratolle karyè et la diversité
que CG dernier révèle; non seulemGnt le bilr:lJl numérique du
mouvement est relativGrnent élevé, mais aussi le "courant" mi-
gratoll8 a pris des directions diverses: il a affecté, en
effet, aussi bien les régions rurales et urbaines du Togo que
celles du Ghana ot do la RépubliquG Populail'e du Bénin. Pour
ce qui est du Togo notalTImOnt, on rencontre do nombreux Kabyè
d'Awandjelo à Lilikopé, do part Gt d'autre dG la routo na~
tionalG Lomé-Dapaong et de la ligne de chemin do for Lomé-
Blitta. US SG sont par aillours installés dans los Circons-
de Mqpgo,
criptions.de
Klouto, do Badou, d'Amlamé, dlAtakpamé ct dans
l"'Est-Nono'; i l ni Gst pas de régions les plus retlléos ot les
plus inaccessibles du Togo Central ct Méridional qui n1accouil-
lent les travailleurs kabyè; le canton de Boso limitroDhG ,lu
Gh= ct situé à l'extrémité N-N-W du Plateau de D::nyi OOlll'lto
plusieurs dizaines de Kabyè disséminés en de petites forrws
de 5' à 7 personnes dans les pl=tations de cacao ot de c'J.fé
du terroll Arhlon.
- Certaines caractéristiques des "courants migratoiros"
et do l'installation des émigrés kabyè en pays d'accueil in-
tervionnent pour justifior l'emplOi du terme: la plupart dos
Kabyè ont migré on ordre plus ou moins dispcôrsé et non par
clans ou lignages 8ntiors, m81'10 si cm pays d 1arrivée, ils ont
tendanoe à se retrouver on mioro-oonwunautés.
- En zone rurale d'immigration, d;ms le finage d'une
looalité d'accueil donnéo, lour installation se fait souvent
en groupuscules dans de potites fermes éloignées los unes dos
autres de 200 à 700 m. en moyenne.
- Enfin, et ceci pour falle peut-être écho à lwe carac-
téristique dominante de la Diaspora juive (sans prétencITe
toutefois confondre les deux phénomènes démographiques), 10
terme apparaît aussi approprié et expressif ici que là, pour
la simple raison que le Kabyè, où qu,Il soit ot quelle quo
soit sa situation sociale et économique nouvelle, reste for-
tement attaché à son pays d'origine par des lions économiQues

c
12 =
et sociaux. De plus, tout indique à priori qu'ils ont anrès
tout quitté leur pays d'origine sous la pression de diverses
contraintes.
La Diaspora kabyè résulte de manière générale d'un phé-
nomène de surpeuplement dont le Pays lŒbyè fut longtemps en
proie; l'étude ùe ses différents aspects régionauoc
révèle
son impact
sur le développement économique et social du pays
d'émigration et d'èS régions d'immiGration. Aussi, dans c's
trois 1l:l~rtj~cs ci~ont sc composera notru expo,sé, développerons-
nous successivem"mt 18s thèmes suivants:
menoce~ de
- Les.~;urpcuplement en Pays kabyè.
1,8 phénomène de la Diaspora kabyè: origines et aspects.
- 1es effets de la Diaspora kabyè.

== 13 =
**********************************$
Î PREMIERE PARTIE *
t*********************************i
LES ~illNACES DE SmWEUPLEMENT EN PAYS KABYE.
En principe, il y a surpeuplement lorsque la progression
du volume démographique 8St plus rapic1.,e que celle des ressour-
ces effectivement disponibles; l'accent est alors mis sur la
dis torsion entre les besoins, l~J ~;i~n5 et se' liic'?';,lcsbases terri to-
riales étant implieitcs~
DMS le cas des Kabyè, afin de mieux sc rcnctce compte du
caractère ancien du phénomène et de sa portée nationale et
régionale, il apparaît efficace dl accorder la môme importcmce
à l'évolution démographique et économique qu'au support terri-
torial. En effet, ici, c'est du jeu de la poussée démographi-
que plus rapide que l'accroissement des ressources sur un
espace réduit que dérive le surpeuplement.
Aussi étudidrons-nous tour à tour dans cette première
partie du mémoire, l'espace kabyè, son peuplement et la Jur-
charge démographique dont i l fut le théâtre.

= 14 =
(QHAPITRE PR~)
L'ESPACE
KABYE
De forme grossièrement trapézoïdale et de superficie modeste
2
(1.550 km
environ), l'espace kabyè, par ses caractéristiques
géomorphologiques et biogéographiques, apparaît comme l'un des
plus originaux du territoire national.
1) DES RELIEFS AUX FORMES MODESTE'8.
1.- Relief.
Près de la moitié du Pays kabyè - qui CUlmine à 800 m. au
Mont SOtto - a une altitude supérieure à 400 m., tandis que
l'altitude la plus basse, hormis celle des fonds de cuvettes,
n'est pas inférieure à 200 m. (
fig. nO 4
).
a
a) Le s Mont s kabyè.
Les Monts kabyè sont des reliefs résiduels: ils ont été
découverts par l'érosion ayant jadis attaqué la Chaîne de
l'Atakora (1). Cette attaque semble avoir été favorisée par des
bouleversements tectoniques qu'aurait connus la série de l'Ata-
kora au tertiaire.
Ils comptent parmi les éléments des massifs distincts
dont l'altitude diminue du sud au nord. Ces massifs forment
3 ensembles 'physio<;!raphiqoes :
- L'enSemble physiographique le plus important est celui
situé au nord de Lama':'Kara. De direction grossomodo SSE -NNW,
il est formé de la Chaîne de Lama qui se prolonge à l'ouest par
le Mont Tcha, à l'est par le Mont Sotto (800 m.), au Nord par
le Mont
Kalankpa ( 779 m.) et
le Mont
Poulou
(555 m.) •
Les villages
de
contact
Pya,
Kodjane,
Ifè,
Sahou-
(1) .:. C'est une chaîne de montagnes anciennes, formées au Pré-
cambrien
traversant le Togo en écharJ;le dans la partie centra-
j
le, du S~W au NNE. Cette chaîne faillee et disloquée en massifs
dist:lncts, porte pour la région le nom de "Monts-Togo".

= 15 =
dé, Lassa, Tchitchao, Yadé etc .•• jalonnent los pioments de
cet ensemble orographique. A l'est de Lama-Kara, la Chaîne
de Sirka, de direction et d'altitude rappelant celles (te la
Chaîne de Lama, le prolonge vers le Sud. En partie recouver-
te do for êts il clas sées il, la Chaîne de Sirka et ses piemonts
ne sont pas entièrement agricolement disponibles. Aussi Sirka
située à 540 m. environ d'altitudo roste-t-elle encore la
soule localité importante dans ce secteur.
- Au contre, sc dres so l'ensemble physiographigue
formé
par la Montagn'3 d'Assiré culminant à 679m ct la Montagne de
Pessiré (59Em). Cet ensemble de monts est aussi massif (son
altitude moyenne avoisine 4-50 m.) quo le premier. Ses loeali-
tés, Sondé, Pesséré et Assiré y ont leur site à plus de 500 m.,
tandis qu'à moins de 400 m d'altitude, les villages Farcndé
et Kokoud6 s'intercalent entre le Hont Liman (613 r:l.) et le
Mont Toldjia.
- Au nord s'observe un troisième ensemble de monts dé-
nommés Monts Défalé. Limité à l'Ouest p:rr les Monts Boufalé
(plus de 500 m. par endroits), moins compact que lc)s p:C'écé-
dents, il se présente plus pénétrable puisque des pistes or-
dinaires les sillonnent de part en part pour dcssGrvir Bou-
falé, Sola, Kouwaha~a, pouda, etc .. A l'exception de Pouda qui
s'étale à. moins de 4-00 m. d'altitudü, cos localités se si-
tuent à plus de 500 m. d'altitude .• Ce massif est de superfi-
cie moins grande que celle du massif central.
b) Les plaines et les dépressions.
De dimensions plus modestes, do configuration moins
nette et d'ouverture moins l:rrge que les plaines de N'Zarn et de
Dapaong, les plaines du Pays Kabyè s'insèrent entre les
trois massifs distincts ct l'cmsemble
formé par le f.lO:1t
Tingbadassa ct
les Chaînes de Piha, de Kodiba au Sud do
la Kara.• Ces plaines sont drainées par la Kara, 10 Bina.'l ct
leurs affluents (Masaba, Kpélou) ct leurs SOUS-affluents
(Sossoa, Koza, Akolé ••• ).

llC
15 bis •
Fig. nO 4a.
LE PAYS KABYE EN 1055
", II!
------,"
• le"
Légende.
+
,:,'
_ _ . _ Limite approximative du
) 1
Pays Kabyè
....
~ Bordure de massif montagneux
+,
• '"j
~ (altitude supérieure à 400 ml
Route à praticabilité per-
manente
Route à praticabilité inter-
-
mittente
._..... Piste automobile
Piste ordinaire
Cours d'eau
•••
Groupes de cases
~. Forêt classée
,'H. Ma"ld". : Chef-lieu de Canton
Chef lieu de Subdivision
Pl'\\A-KARA
..
Source: D'après I.G.N., Carte de

1 ~
l'Afrique de l'Ouest. Djougou 1
Feuille NC-31-VIII.
JSt
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.. 16 ..
D'accès relativement plus facile aujourd'hui (leurs altitudes
varient entre 250 et 400 m.), ces plaines sont sillonnées par ~es
routes secondaires. Ces voies de communication relient entre au-
tres des localités cOmptant parmi les plus popUleuses du Pays:
Kpagouda, Kétao, Lama-Kar a. etc •••
Des: cuvettes alluviales "en fOnd de berceau" (1), exutoires
des charges des torrents et des eaux de ruissellement, parsèment
ces massifs.
2) Le modelé. (fig. nO ~)
Le modelé des Massifs kabyè est ruiniforme, ainsi qu'en
témoignent les blocs recouvrant les versants, la multiplicité
des dépressions et l'existence des lignes de faiblesse que con-
firment les lignes de failles nord-atakoriennes encerclant pour
ainsi dire des Monts-kabyè.
Cependant, le caractère cahoteux
et empierré des hautes
collines kabyè est d~ moins à des mouvements tectoniques qU'à
l'action asSez ancienne de l'érosion par l'eau et de l'érosion
éolienne réalisée dans les conditions lithologiqUes favorables:
certes, on rencontre dans les Massifs kabyè des roches assez ré~
fractoires
à l'érosion, à savoir des formations de granit dans les
secteurs méridionaux et des formations de roches gnéissiques
(para-gneiss à 2 mica) dans les secteurs septentrionaux. Mais
ces formations pétrographiques n'encerclent que les grano':'diorites,
roches constitutives de la masse principale
des Monts kabyè. Ro-
ches éruptives de massif, de dureté moyenne, composées de matériaux
perméables du fait de la fissuration de détail qUi les fragmente,
les grano~diorites sont très sensibles aux mouvements tectoniques
et aUX phénomènes d'altération. Celle~ci, favorisée par la tex:
ture
de
la
roche,
est
accélérée
par
sa
désagrégation
mécanique
et saisonnière
d' urigine
thermique
( 2 )
et
----------------------------
(1).':' H• .:. Enjalbert. paysans No:Lrs: les Kabrès du.Nord':'To~o,
Borçleaux, Cah. d'Outre-Mer, 9è année, nO 3~, Avril-Juin 1956.
(2)- Les ~luctuations de température et la baisse vertigineuse
de l'humidité relative en période d'ha.rmattan sont en grande
partie responsables de cette désagrégation mécanique.

= 17 =
PiU' la structtlr(è des massifs: nombreusQs fracturas ut dia-
clascs au voisinag8 dasqual18s est développé la procas,~uc;
(
.
cl' altération.
,~
18 carClctèra généraleElent torrentiel des cours d'eau y
!
accélère le rythm,; d'érosion Gn nappü,
c811e 1:1 qui périodi-
1
Qucii\\;.:nt emporte dc"!s h:1uts vors~mts vors l<.jJ l)icmonts, Ivs
couchos arables les plus furtiles; i l uxpliC[ue, pu' ailluUl'S,
10 fZl.i t
quo les lits minow's "t los lits maj '2urS soiont sou-
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5 Pl.1Iœ'll/J. [IIÎtatsK c1'altitude
4
Sèrl. d. ·pointeINnt1 basiQIfft
5 Chaine orient.'. d" M" Tavo
1
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IV 8MsN1 Ndknenhtre de 1'0tI
1
lOMf
,e_.
Fig. 'te.' Esquissastru'ctura1e du T,09 0
Source
M. LAMOUE'JUX" Notice explicative rio 34, C'lrte
P;;dologi:juedu Togo, au 1/1.00.000, O.l(.S;T.O.M.
Paris, B69, P. 16.

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1
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II) - DES CONDITIONS BIOGEOGRAPHIQUE DIVERSIVIEES.
1
l
1)- L'eau.
Le Pays kabyè est soumis à llinflw,nce du sous':'climat
tropical plus sec des montagnes-nord (Kpag01.1ùa:1. 455 rIDn.) en
coexistence dans les bas secteurs avec un sous-climat tro-
pical de plaine de type soudanien (Lama-Kara:1. 315 mIn. ).
(
fig. 5).
C'est la raison pour laquelle la pluviosité annuelle
totale répartie sur 80 a 100 jours y varie entre 1.200 et
1 .550 mm •. Deux saisons
se partagrmt los mois de l'an-
née: une saison humide qui dure 7 mois environ (AvriJ.- Oc-
tobre) et une saison sèche.
Eu égard aux: données du tableau nO 1, illustrées par la
figure nO 6, 18s plu!os ne sont pas régulièlrer,lent réparties,
et, exception fai te de Kpagouda, les mont s semblent écoucter
par rapport aux plaines voisines la saison sèche.
La. pluviosité diminue du Sud vers le Nord et de l'Est
vers l'Ouest. Cette progression est en rapport avec la lati":':
tude et le relief: aux pluies de convection et aux pluies
de front s'ajoutent ici les plu~es de relief.

= 19 =
Tablu,,-l! n01
Plui8s iJ2nsuollos intor-annuollos (mm) nu' Nord-Togo.
(périodo homogèno de 23 années)
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192
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297
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14
1 423
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0
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Niantougou
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0
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176
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Dapaong
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47
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149
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217
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1
10
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72
120
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Sour co : d In.près " Etudes pédohydrologiques au Togo, Volumo III
Données hyclrologiques,F.A.O.,p. 25.

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~ 20 ~
SQl,m18 toute, le Pays kakyè est plus arrosé que la liartie
côtiere du Togo pourtcmt située J. une latitude plus Lasse (1)~
l1algré tout, la région est souvent qualifiée de "sècllC", et
cela en raison de la longueur de la saison seche.
,
Le caractère "sec" d'2 la région ainsi que la ".FiUV:'.:Lse
1,
répartition pluviométrique 'lU<3 recèle le trrbleau précédent s.ont "n
rapport avec le régime thermique et le r6giule des vents.
La moyenne annuelle de t8mpéra ture est de 27°; ,los nois
les plus chauds sont Fmn"ier et Mars (environ 30° cm moyenne),
les mois les plus frais sont J'uillet et Août (env:LroT\\
1
22°"n
!
moyenne).
!
,
\\
L'humidité relative mensuelle varie de 65 %à 33 %
d'Avril à Octobre; el18 est inférieure il 65 %pour les autres
mois de l'année; elle va jusqu'à atteindre pcu'fois 20 % cn
Novembre et en Décembre. Cette bais se relèvG de l ' inkmsité
de l thcu'mattan, vent sec et dess6ehant dont les plus Grémdes
vitesses en ce milieu montagneux s'observent Gntre JJov8l.1bre
et Février.
L'influence réductrice da la pente sur le total pluviomé-
1.
trique rend certain8!,12nt mieux compta de la qualification de
"sec" attribuée au Pays kabyè; mais la perméabilité des roches
constitutives des Monts kabyè engandre des effets att~nuants
puisqu'elle ne favorise pas le drainage total de l'eau de
pluies vers les parties basses de l'espace kabYG et de la
région: cette perméabilité non seulement crée au pied des
versants des suintements et des sourcas d'où émanent souvent
des ruisselets et ruisseaux a~imymtant ln Kéran, la Kara, le
Kpélou, mais aussi offre ,les ,~nditions favorables au for:,fS2
de part et dl au tre des voies dG cO!!1'Junicati.on.
Ci) - Le jeu des factuurs suivants défavorise la pluviosité
dans la zone côtière: la descente de l'harmattan jusqu'au
litto:r:al. la clirec.tion cle \\0.. mousson es~ par<>..llèle cl. ce.Ile. cle 10.. cote,
le c.ourC\\..l1t J11nr'l" froid
cl~ &en9uéln e.tl 'harl'lattan l
stabiliseht les
m~sses d'air petr Je.u,:"_Î'?f1ue.l\\c.e.. th.ermi~u~J e.t rend~t\\t Je
.
clel brw1eux, condl tlon peu favorab,Lc.' ,U1X jlluLJ ,'] Lle C01178ctlon;
enfin, l'altitude relativement basse de la région côtière
offrant des conditions défavorables aux pluies de relief.

.. 21 •
Au total, l'espace kabyè est compris dans 1.Ul domaine clima-
tique dont la sécheresse relative coïncide pour ainsi d:iJ:'e avec
la période de l'année où la température est la plus élevée, les
vents les plus forts et l'humidité relative la plus faible. Ce-
pendant, par rapport aux régions de plaines voisines, particuliè':'
rement celles situées aux mêmes latitudes, le Pays kabyè fait fi':'
gure de pays fort1.Ulé, étant donné que la montagne intensifie par
l'entremise de l'altitude la condensation et donc les pluies, et
apporte grâce à la pente des réserves d'eau aux plaines périphé-
riques moins humides.
Ce caractère relativement privilégié du Pays kabyè du point
de vue pluviométrique ne doit pourtant pas cacher les disparités
hydriques que recèlent les différentes parties de son espace, la
pénéplaine, les bas':'fonds et les vallées. Ces disparités sont dans
1.Ule certaine mesure traduites par le couvert végétal.
1
2) Le couvert végétal.
1
Les totaux pluviométriques que nous offrent les diverses
1
,
stations cl1.matiques de la région, ainsi que le caractère basique
d'1.Ule partie des roches constitutives du relief kabyè conduisent
à la certitude que jadis, à l'instar de la région montagneuse du
SUd':'Ouest':'togolais, le Pays kabyè était couvert d'1.Ule formation
forestière lorsque la densité démographique n'y était pas élevée.
De nombreux indices confirment cette assertion; les principaux
en sont les suivants;
- la vigueur et la taille des arbres conservés volontairement
dans les terroirs;
,
.:. la signification du nom "Lama" attribué aux ancêtres des
Kabyè est à cet égard riche d'enseignements: dans leur dialecte,
le mot Lamba, abréviation du terme Lao':'mba, ne signifie-t-il pas:
1
"ceux de la forêt" ? (1)
!1
(1)':' J.':'C. Froelich in "Les populations Nord':'Togo"; Pr. Univ.
i,
Fr., Paris, 1964, p.63.
!

- la signification des vocables uLam" (forêt), "Lannoh"
1
(1' orée), "Lama-Tes si" (chez les habitants de la for êt) ;
1
- l'existence sur les massifs kabyè de groupuscules de
formations semi-forestières affectées aux cérémonies ances-
1
trales. Les Kabyè utilisent ces bois sacrés pour perpétuer la
mémoire des ancêtres parce qU'ils rappelent mieux le cadre
1
de leur habitat "origin·el."
1t,
A cette relative homogénéité historique des formations
végétales s'est depuis longtemps substituée une hétérogénéité
pour le moins pittoresque. Cet aspect esthétique est rendu
1
par les contrastes qu'offre dans ce domaine biogéographique
le Pays kabyè ainsi qu'en témoignent les paysages suivants:sur
1
la montagne, surtout sur les moyens et bas versants, le nom-
bre et la grande taille des arbres (palmier à huile, kapokier,
néré, etc ••• ) qui fOrment de larges tâches vertes au niveau
des agglomérations, ou parsèment ailleurs les champs; quelques
lambeaux de forêts claires, sans doute vestiges des anciennes
for~ts, subsistent dans les endroits inacaessibles à l'homme
et au feu; moins éloignés des centres d'habitation, se dis-
tinguent ça et là des bois sacrés dont le fond de peuplement
est formé par l'Anogerasas leiophilla au feuillage clair et
léger, et l'Antaris africqpa et Khaya sénégalensis.
t
L'aspect de l'ensemble de ces arbres disséminés à travers
les territoir es villageois , et des bois sacrés est celui de
parcs (1) qui s'insèrent dans deux catégories distinctes:
- les bois sacrés, par exemple, sont des parcs "résiduels"
assez hétérogènes composés d'espèces épargnées pour des motifs
religieux.
T1) - Nous utilisons ici en la complétant la définition dopnée
à ce terme par les botanistes, et citée par M. 8autter: con-
trairement au géographe tropicaliste qui l'utilise lorsqu'ils
constatent la présence régulière, systématique, ordonnéè des
arbres au milieu des champs, les botanistes réservent le môme
mot à un paysage purement naturel. Ils appellent"p::lI'c,"l'aspect
de la végétation qui S9 trouve réalisé lorsque des arbres se
disséminent en boqueteaux ou en bosquets au milieu des herbes"
ou des champs.

= 23 =
- la seconde catégorie procède, en partie d'une véritable
sélection dans la flore arborée naturelle et xérophile (néré,
karité, palmier à huile, baobab, ficus, etc ••• ), en partie
d'une plantation (kapokier, acajou, manguier)~
Ce second type de parc se rencontre dans les piémonts
également très peuplés. Nérés et kapokiers sont les plus
souvent nombreux et atteignent des tailles imposantes. A cet
ense~ble s'ajoutent parfois le Diopyros mespiliformis et Bli-
ghia sanida.
La pénéplaine à l'Est des massifs kabyè offre un paysage
différent puisque les arbres ne constituent plus l'élément
majeur; leur taille dépend de l'état de la cuirasse latéritique
sous-jacente; les zones de demantèlement de ces ~uirasses par
les eaux émanant des versants montagneux paraissent constituer
les milieux les plus favorables.
Dans ces parties les moins peuplées, le Pays kabyè ren-
ferme des formations végétales qui vont de la savane boisée
(région de Boufalé et de Sola au Nord) à la forêt assez dé-
gradée (forêt classée de Sirka).
Du point de vue du tapis graminéen, on observe principa-
lement la présence fréquente d'imperata cylindrica, d'hyppar-
rhenia
spp et d'Andropogon spp.
SorMle toute, ces beaux contrastes ne sont pas seulement
le fait de facteurs physiques (indigence hydrique, effets
thermiques et dynamiques de l'harmattan limitant pour la végé-
tation l'avantage pluviométrique de l'altitude, disparité
quant à la résistance des roches); ils sont aussi le produit
de la volonté du paysan désireux de vaincre les obstacles
naturels; en effet, le paysage de "parc"
fixe assez
solide-
mont
le sol constllinment menacé de destruction par l'ac-
tion combinée des pluies brutales, des eaux de ruissellement
et des vents desséchants et violents, et protàge les mioro-crga.-
nismes contre l'influence thermique grâce i l'ombrage de ses
espèces.

3) - Les sols et l'es~ace cultivable.
i l se détache de l'espace kabyè teois gr@d§ types de
§olsi les sols de versants, les sols de pédiments et les sols
des bas-secteurs.
:.; Les sols des versant§ sont pour la plupart squelettiques
et lithiques; certes, ces sols ferrugineux et peu épais sont
peu affectés per l'érosion ravinante du fait de la perméabilité
des roches':mères, de la propreté de l'argile de se gonfler et
d'absorber les précipitations, du hérissement des versants en
!
roches saines et de l'action fixatrice du couvert végétal; mais
1
ils n'échappent pourtant pas totalement à l ' éro sion en nappe
t
(transport fréquent de sable vers le bas) et au lessivage(
fig.?). i
Le lessivage oblique est aussi important que le lessivage vertical
1
eomme en Umoignent les pü1ssantee
indurations des pédiments. Sur
,
~::~~entes les plus fortes apparaissent nettement des sols lithi':
1
Dans leur majorité, ces sols présentent des qualités agro~
1
logiques certaines liées essentiellement à "la propriété parti':':
i
cUlière des grano':':diorites de Se décomposer irrégUlièrement et à
1
grande profondeur dans les secteurs hâchés de fractures". (1) Ces
, ,
qUalités sont également
Mes
ou
caractère basique de
la roche':mère, avec leUr enrichissement superficiel en matièreS
organiques et avec la permanence de débris d'altération retenus
par un hérissement de cailloux et de rochers sur les versants les
moins hardis~
i l en résUlte que ces sols dont la pédogenèse est constam"::
ment rajeunie peuvent supporter facilement une culture continue,
mais à Condition d'être bien protégée.
.:.: Les sols des ~édiment~, reposant sur des ortho-amphibolites
pour la plupart, m:mifestent':' nous l'avons
évoqué
plus
haut
'-
- une
tendance
à
l'induration aboutissant
souvent
au
cui-
rassement.
Celui':':ci
résulte d'une intense ferrallisation
en
bas
de
pente,
favorisée,
comme
dans
la
plaine
de Kpagouda,
----------------------------
(1) ::: H. Enjalbert, Paysans noirsi les Kabré du Nord-Togo'
BordealJ.XL,Oah. d'Outre-Mer, 9è année, nO 34, Avril-Jruin, 1956,
pp.137-1tjo.
1
1

= 24 bis =
Fig" 7
EROSION
EN
TONNES 1KM 2 1AN
( ...... lu ;1\\"i.&1 cie Fov,l\\ct)
HAUTE - VOLTA
Il"
10"
'000
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t.:-.:( ~OO ~ 100
,.--., Limile ."qx;"'aliv& du
pays ....IlY~
6"
SOUf'cc.r. d·..ptl.......ur.ux. Notes
DU BENIN
caplicativc.J
ft- 34.
carle pédologique. du TOGO·
o
~,
30
&ok..
~'--"'!--"'I

= 25 =
par la présence de roches ferromagnésiennes sous-jacentes, par
la pratiQue continue de la culture intensive, par llinfiltra-
1iion de l'eau ot pur "l'évo.porotion,
ces dernières favorisent le
concrétionneQent. Par contre, certains piemonts sont indurés
sans atteindre le cuirassement: ils offrent des sols ferrugi-
neux, à concrétion sans plua ; c'est le cas des sols ferrugi-
neux riches en sesQuiDxydes
et humus bien évolués de la par-
tie septentrionale de l'espace kabyè. La mise en culture de ces
,
terres plus ou moins rocheuses nécessitent d'importants ûmüna-
gements.
Cependant, certains piémonts offrent à l'agriculture des
sols plus profonds et plus riches, mais de dimensionsréduit~
(à peine 10 ha). C'est le cas des vertisols, sols argileux, se
rencontrant en bordure de la Montagne d'Assiré et du Mont
Siriabé. Certes, ces sols, parce Que trop argileux, et donc
peu perméables, ne sont pas lessivés; mais l'eau Qui ruis-
selle en surface provoQue une forte érosion. ravinante.
- Les sols des bas-secteurs: sols des bas-fond.s et des
vallées.
Contrairement aux sols des versants et de pédiments, les
sols des bas-fonds sont profonds et de dimensions modestes
(5ha environ ) ~ Ce sont pour la plupart des sols hydromorpiles
caractérisés par un engorgement temporaire; dans certains
bas~fonds, la nappe phréatiQue se trouvant au voisinage de la
surface entretient une saturation
quasi-permanente du sol et une
humidité relative plus élevée ici qu'ailleurs.
Le caractère profond des sols des bas-fonds constituée
très sauvent par un mélange de graviers QuartzitiQues et d' ar-
gile sableux, résulte de l'importance des dépôts fluvi9."tiles et
de la constance du phénomène de désagrégation et de décomposi-
tion affectant les éboulis descendus des versants. Le tasse-
ment qu'on y observe est
lié
à
la faiblesse de la
pente défavorable aux mouvements d'échanges latéraux. L'impor-
tance des
apports organiques d'origine essentiellement végétale
confère par endroits à ces sols une couleur noirâtre.

.. 26 ..
Mais en général , ces sols trop lessivés et peu aérés sont
pauvres; l'aspect souffreteux des végétaux (y compris les herbes)
qui y poussent, en constitue un témoignage éloquent.
D'autres sols hydromornhes plus fertiles - parce que mieux
drainés - se rencontrent aux alentours des cours d'eau
et mari-
gots; mais l'importance do ceux-oi reste du domaine du passé: on
effot, une grande partie de oes sols finirent par disparaître
paroe qU'ils furent en proie à une érosion ravinante consécu-
tive à la lutte anti-tt16-tsé menée maladroitement en Pays kabyè
vers
1930; au lieu d'une éclaircie forestière, d'un réglage du
couvert végétal, les chefs d'équipe peu compétents se livrèrent
à une déforestation pure et simplo des berges. En 1940, E. Robin
décrivant les processus de cet te disparition écrivait: "Actuel-
lement les rives sont dénudées, le soutien végétal des terres,
i
constitué
par les arbres et leur enracinement, est détruit, les
berges sont creusées en dessous et les éboulements de terres
très importants ont lieu à chaque crue. Les berges présentent
1
1
maintenant de hautes parois verticales sur lesquelles il est
!
i
imprudent de s'avancer. Le lit des rivières s'élargit rapidement
[
au détriment de la profondeur; le régime est torrentiel: rien ne
retient les eaux qui détruisent les cultures établies sur les
l
bonnes terres d'apport des rives, ••• le fond du lit dans lequel
!
on s'enfonce est nivelé par l'apport de latérite et de terre"(1).
Enfin, on note la présence de sols ferrallitiques près des
1
rivières Kpélou et Kara; à l'instar des sols ferrugineux cités
plus haut, ce sont des sols riches en sesquioxydes et en humus
!
bien évolués de moindres étendues (1 à 2 ha); ils sont rouges ou
\\
brun-rouges avec ou sans trace d 'hydromorphie.
!
Au total, malgré la réduction de l'importance de l'érosion
ravinante sur les versants d'aspect ruiniforme, l'espace kabyè
est plus affecté par l'érosion que les autres régions du Togo,
(1) - E. Robin. Sur la dégradation des sols dans quelques régions
menacées au Togo. (Pays Ouatchi et Pays Kabrès) Bull. agricole
du Congo Belge, vol XI,Juin 194~IJP' 1263-1293.

= 27 =
à l'exclusion de la région d'Alédjo et de Malfakassa. Le bilan
des actions érosives est assez désolant con~e l'indique mieux
la figure nO 7 faisant apparaître une évaluation quantitative
régionale des tonnages de terres enlevées chaque année par los
eaux au Togo. Les sols facilement cultivables sont sPu~e toute
d'étendue insignifiante. Le reste des terres de l'ospace kabyè
offre une certaine résistance aux paysans kabyè.
Face à ces obstacles naturels, y compris les handicaps cli-
matiques, quelle serait leur attitude? Préféreraient-ils
s'adapter purement et simplsluent à la situation en essayant de
s'accommoder au mieux des inconvénients du milieu ou au contrai-
re chercheraient-ils à maîtriser l'hostilité de la nature, à
obtenir un véritable contrôle du milieu? La réponse ne pourra
à notre avis se dégager qu'au travers de l'étude du peuplement
de l'espace kabyè.

( C li A,r *T RE XÏ)
LE PEUPLEMENT KABYE
La connaissance du milieu naturel ne suffit pas pour
entamer l'étude de la réaction des paysans kapyè face aux
vicissitudes de ieur "réduit"; i l s'avère indispensable d'y
ajouter la connaissance des populations concernées, puisque
dans le choix des techniques agraireS, l'influence dufac':'
teur humain reste déterminante. Aussi, avant d'aborder l'é-
tude du genre de vie des Kabyè, dégagerons':'nous le degré de
leur dynazd.sme démographique au sein de leur aire ethnietue~
I.- t 'AIRl EI:HNIQUE •
.A.)- Naissance de l'aire ethnique actuelle.
Les versions portant sur l'origine des Kabyè sont di-
verses; certaines sont de coloration mythique; d'autres au
contraire ramènent le problème sur lm plan plus naturel.
1)- La Version de la tradition~
A l'encontre de ceux !l3'"ant précédé le regroupement de
la plupart des populations du Togo. les mouvements migratoi-
res des Kabyè vet's leUt' "réduitl' actuel sont rarement men-
tionnés par les Vieillards interrogés.
Se considérant comme autochtones, c'est-à-dire origi-
naires du pays qu lUs habitent aujourd 'hui, certains pré-
tendent sortir 'des monts, d'autres affirment, la "preuve" à
l'appui (1), " descendre du ciel lors d'un orage."
----------------~--------
(1) - Pour nous convaj,ncre, des notables de Pya nous avaient
fait montrer des faits d'érosion considérés comme étant les
".peintes" laissées sur un rocher par les premier s Kabyè à
leur"descente épique.1I A FQ"'~nclé c 'étaient d~s faits de seulpture
rupestre.
1

.. 29 i=
Cette version mythiqUe de l'origine des Kabyè nous pa-
raît invraisemblable; elle ne résiste à la moindre critique.
Le sens de ces prétentions nous parait double:
t
- Elles dénotent d'un vide historique qui serait propre
\\
aux sociétés à structure décentralisée et égalitaire comme
t
l
celle de s
Kabyè.
1
En effet, ainsi que le souligne L.V. Thomas
t
(1), " le
~
sens de l'histoire est plus développé dans leS sociétés à
t
pouvoir central ou féodal fort, possédant des griots généa-
logistes, essentiellement inégalitaires et douées d'un pou~
voir d'expansion indiscut.able. Inversement, les groupes se-
\\
gmentaires à structure r~solument égalitaire peu préoccupés
i
par la conquête n'ont que médiocrement le gofit du passé
10intain et ignorent les récits qui s 'y rapportent."
1
- un
1
autre sens de cette version de l'origine des Kabyè
est le caractère relativement ancien de l'occupation du
1
"réduit."
1
2).- Des révélations plus plausibles.
1
Au contraire des pr3cédentes, il existe des révélations
plus vraisemblables; parmi celles~ci, trois retiennent l'at-
tention:
- celles d'un vieillard plus réaliste.
- celles du sociologue H. Patokidéou, "supposant" une
or igine Il soUdanai se Il de s Kabyè;
- celles de l'ethnologue J .-C. Froelich faisant état du
rétrécissement d'une aire jadis plus vaste que l'actuelle.
-------------------------
(1).- L.V. Thomas cité par R. Cornevin in IlHistoire de l'A-
frique", Tome II, page 28, décrit quelques attitudes afri-
caines en matière d'histoire locale. Communication au Sémi-
naire de Dakar, 1961 in IIThe Historians in Tropical A:rrica!~
p. 359.

i
1
\\,
= 30 =
a).- La version d'un vieillard plus réaliste.
,
Il s'agit d'un vieillard comptant parmi les rares à re-
1
fUser de croire à une origine mythique de leurs ancGtrcs.
iht
,
Selon lui, les autochtones du territoire habité aujour-
i
!
d 'hui par les Kabyè sont les Laolnba (Lamba) installés dans la
grande dépression de Pina
(Binah) (1). Sous la pression des
étrangers
venus de Djougou ou "Lao", une partie de ces
Lao'mba s'est refugiée dans une montagne située près de l'ac-
\\
tuel Kouméa à laquelle ils donnent le nom de "Kodjane" (Ku-

i
tchan) signifiant " à 11 écart" ou "rocher de refuge"; ce
contingent porte le nom de Pina.
1
1f
Une seconde partie de ces Lao'mba s'est arrêté plus
~
loin dans les montagnes de Défalé (difali = continuons sans
arrêt) et de Kanté.
\\~
La troisième partie se serait installée à Kadjalla
(K.QtchQ1Q = les premiers arrivés)
Ce s "étranger 3" sont appelés Kabyè (Ka = entasser,
1
biè = pierre) parce que dans la région de la Kara (KQYQ =
sur le rocher) qU'ils habitent désormais, pour pratiquer des
cultures,:ils sont tenus d'entasser des pierres sous forme de
1
murettes en vue de mieUX lutter contre l'érosion (2).
Ces Kabyè sont, toujours selon l'enquête, venus de la
Haute-Volta, plus précisément de la région de Fada N'Gourma.
Fuyant devant des ennemis, ils sont arrivés dans la région
de la Kara par vagues successives en passant par les régions
de Dapaong et de N'zara (Mango):
-------------------------
(1).- C'est un affluent de la Kéran.
(2).- Kabiè na ehayi = i l fallait qu'ils entassent des pierres
pour pouvoir cultiver.

- la première vague est représentée par les Sola; Us
occupent Siou et une montagne de Kouméa, Sedina (1); une
partie du groupe s'installe à Siou-Kawa (2) entre Farendè
et Pagouda.
- la seconde vague représentée par les Lama 0) occupe
le centre du territoire, s'établit d'abord à Lama-Tessi (4-)
avant d'essaimer pour créer Lassa:.Haut, L,assa-Bas, Sowdè et
Larna:.Taye (5) (petit Lama) connu sous le nom de Lama":'Kara
ou PQto (6)
- la troisième vague, les Logba (7) s'installent plus
à l'Est; ayant chassé les Lao 'mba (Lamba) dans leur pro· '"
gression vers l'Ouest, ils créent Lamda, Lawda, Kodjan~Raut,
Soumdina, Tcharé, Pya et Tchitchao.
b).- La version de H. Patokidéou. (8)
Patokidéou " suppose" que" les Kabré sont un peuple
du royaume du Soudan que la guerre a chassé de chez eux.
i
Ils auraient pénétré au Togo par Djougou venant les uns du
Cameroun, d'autres de l'actuel Mali, et se seraient instal-
l
lés à Kétao. Un groupe aurait continué jusqu'à Farendé (Lama-
,
Tessi). Là, la pauvreté du sol, la sécheresse, la famine
et les razzieurs d'esclaves Bariba et Djerma les en
auraient
délogés, et c'est alors qu'ils se seraient séparés: une co-
lonne retourne à Kétao pour fonder les villages Kémé!'ida,
Sirka et Soudou ••• une seconde colonie s'installe à K()UllIIia.
-------------------_._---
(1).- Sedina ou Siou":'dina
signifiant la IIpropreté de Siou",
perSOnnage légendaire devenu un fétiche.
(2).- Siou-Kawa = "Siou installé sur le rocher", le sol y
étœ:lt parsecé cle cuirasses.
(3).- 1.aIno
= de Lam silln1fioof«forêtp
~4).- Tess'i = maiMn, chez soi.
5).- Sowdè= sous "L.SOW" signifiant arbre. Tayè = champ.
6),- PQto
= dans lE ri'Tière.
(7).- Ulgba ou Lao-·égba = que la forêt progresse.
(8}.-
H. Patokidéou: Les civilisationspatriarcales des Ka-
bre face aux progré=es modernes de développement éconOmique
et social, thèse Sociologie, Lomé,1969, pp.25 et 26.

= 32 =
peuplant Lama, Samala et Saoudé, une troisième s'en alla
ver s Siou-Kawa, Une quatrième à Wasa et la cinquième à
Kadj alla ••• "
Pour en arriver à cette version, Patokidéou s'est ap-
puyé sur les facteurs sUivants:
- le fait que les Kabyè utilisent le mot "Lao" (for~t )
pour désigner la localité béninoise de Djougou;
- la similitude existant entre les tombes que" les
.
et qulls utilisent
gens de Lama-Tessi découvrent au moment des labours"~ au lieu
d'en creuser d'autres, et celles que les gens
de Kouméa "creusent". KLle indique que la création de la
deuxième localité est postérieure à la première et suggère
l'itinéraire des migrants.
- la fréquence des razzias et des guerres tribales et
inter-ethniques durant la période coloniale;
- le f ait que "la langue et les coutumes kabrè se re-
trouvent depuis certaines localités du Bénin (Pilapila,
Yomé, Koutoubounka, Djougou, Natitingou) jusqu'au Cameroun
et au Soudanll•
c).- La version de J.-C. Fr0eliçh.
Selon J.-C. Froelich (1) qui s'appuyait sur des vesti-
ges toponymique et archéologiques, les Lama, ancêtres des
Kabyè, occupaient jusqu'au XVllè siècle toute la région
comprise entre la
Kéran et le 1toualoDgou nu Jford.
le paral-
lèle de Koussountou au Sud, la rivière Oti à l'Ouest et le
méridien de Djougou à l'Est.
Dans leur repli à partir du XVIIè siècle devant les
envahisseurs bariba, djerma au Nord-Est, gourma au Nord,
-------------------------
(1).- J .-C. Froelich, in " Les Populations du Nord-Togo"
op. cit., p.69.

= 33 ,.,
dagomba, betiambe (Bassar) ashanti et dendi vénus du Sud-
Ouest, enfin mandé (tchokossi) aU Nord-Ouest dans la deuxiè-
me moitié du XVlIIà siècle, les Lama y compris leurs frères
Logba de la. R~publique Populaire du Bénin virent leur do;';
maine se rétrécir progressivement. Vers le début du
XIXè
siècle, ils finirent par choisir comme "rocher" de leur
refuge les collines de l'actuel Pays kabyè, les chaînes
des Monts-Togo et la
Haute Binah (1)
De tous les Lama ayant fait partie de l'ancienne aire
ethnique, seuls ceux qui s'étaient retirés au Nord de la
Kara surent conserver la plénitude de leur indépendance au
sein du "rédUit" impénétrable.
3°).- Une version d'approche.
Concernant llorigine réelle et l~~~tallation des Kabyè
dans l'aire actuelle, nous pourrons arriver à la conclusion
suivante: en raison des similitudes portant sur les coutumes
(les scarifications par exemple), sur la phonétique (l'arti-
culation des mots par exemple), les Kabyè seraient venus de
la Haute .volta et leur installation Da Deroit déroulée en trois
principales étapes:
- dans une première étape, ils seraient débordés large-
ment du réduit actuel en s'installant sur un territoire
comprenant entre autres leur aire actuelle du Nord-Bénin
(région de Djougou) ;
- dans une deuxième étape, ils auraient été forcés de
se tasser sur les moyens et hauts versants des monts de leur
....---------------------
(1):- Il faut dire qu'en cette période d'insécurité, les
Kabyè ne seraient pas les seuls à se réfugier au Togo, sur
les hauteurs: à l'exception des Evhé qui surent construire
des remperts à Tado et à Ouatchin, et des Aniangan très.
~erris, tous les groupes ethniques du Togo qui conser-
verent leur indépendance à l'égard des envahisseurs se com-
portèrent comme eux.

.. 3lf. ..
habitat actuel dans les circonstances historiques préci-
tées, à savoir les razzias,les guerres lignagères claniques
et inter-ethniquesl le système de défense kabyè dont l'ef-
ficacité ftait en partie fondée sur la difficulté de pro-
gression armée dans les massifs, se trouva renforcée par ce
resserrement de la population dans un petit espace, puisque
cet entassement démographique constituait un obstacle quasi-
insurmontable aux raids de cavalerie de royaumes voisins
t
Djerma et Kotocoli, et =
irruptions des agresseurs bariba
et tchokossi.
!
- dans une troisième étape, c'est-à-dire durant la pé-
riode coloniale, en raison de l'instauration de la paix, de
la sécurité et d'un ordre politique et social nouveau, la
1
chefferie (organisation du peuple kabyè en villages et en
cantons,et nomination d'un chef supérieur), les Kabyè réin-
vestirent les plaines environnant les monts.
A notre avis, deux séries de facteurs poussent à exami-
,
ner
avec moins de scepticisme la V'éracité du choix par les
Kabyè du Nord-Togo des collines comme lieu de refuge: des
facteurs Physiques et des facteurs humains;
1
1
- les facteurs physiques sont: le régime torrentiel de
la Kara, l'étroite gorge comprise entre deux murailles hautes
de 20 mètres dans laquelle le neuve dessine son lit, la cas-
cade qU'il forme dans la région d'Adj ala avant de déboucher
dans la plaine de l lOti, ainsi que la présence de monts mul-
tipliant les sites défensifs; enfin, renforçant l'isolement
géographique du "réduit", l'existence d'une zone de "no man' s
land" de 10 à 30 km de profondeur qui le ceinturait alors à
l'Ouest et au Sud-Ouest.,
- les facteurs hum?ins sont: le choix d'un site de colli-
!
nes par les Kabyè pour leur installation face à la fréquence
t
des agressions des peuples voisins, leur intrépidité ances-
1
1
1
l1

= 35" '"
trale, leur mentalité frondeuse, l'absence de complexe d!in~
fériorité liée à leur amour de la liberté et à 1001' goût de
l'indépendance, leur ferme désir de sauvegarder leur civili-
sation.
Quant à leurs ressemblances culturelles avec certain!?
peuples du Nord-~~~n évoqués par Patokidéou, elles pro-
viendraient du fait que les ancêtres de ces Kabyè faisaie'1t
comme eux certain'Jmont partie d'une nême vague de peuples
ayant durant le p~'ell1ier millénaire de notre ère migré de
l'Est vers l'Afrique des Savanes et des Steppes, plus préci-
sément vers l'Afriql'.e Centrale, puis vers l'Afrique Occid9n·.
tale.
B).- Définition de l'aire actue~~e et situatiqn ethnique.
Suivant la localisation et les particularités de la
langue, on peut subdiviser le groupe ethnique kabyè en qua-
tre éléments distincts s'inscrivant dans leur ensemble dans
une relative unit" culturelle:
1°)_ Les Kabyè du l1assif··Nord se désignant sous le nom
de Lama avec les ;roupements de Lama-Tcssi, Pouda, Boufalo,
Siou-Kawa.
2°)- Les Kabyè du l1assif-sud nommés Kabyemba (sing Ka-
biedu), avec Kodjene, Pya, Tchitchao, Lama, Lassa, Soumdina,
Bohou, Yadè, Tcharé, Laou.
3°)- Les Kabyè habitant le plateau latéritique du cer-
'es Logbo
cIe de Djougou1ainsi que les groupements de Koumérida, Wakè-
dé, Boumdo et Kétao au Togo.
4°)_ Les gens de Sirka. Géographiquement, la position
de ces derniers au sein de l'aire ethnique actuelle est mar-
ginale; c'est ce qui sans doute explique qu'ils sont consti-
tués en partie d'éléments tenbnoCette position marginale a
facilité une interpénétration des moeurs. Néamaoins, selon

= 36 =
J .-C. Froelich, les gens de Sirka provierment historiquement
d'un fond Lama.
D'ailleurs, dans notre définition du groupe ethnique ka-
byè, et par conséquent de son aire actuelle, l'idée essen-
tielle suivante nous a guidés: le phénomène de regroupement
et de tasser.lent dans le "réduit" ne s'est pas produit sans
apport extérieur; les diverses invasions évoquées rapidement
plus haut, si elles ne sont pas venues à bout du groupe eth-
nique kabyè, ont modifié dans une certaine mesure la compo-
sition ethnique du groupe initial. Les groupements kabyè qui
se présentent COffir.le authochtones résultent de nombreux mélan-
ges ayant abouti à la reconstitution d'unités culturelles
homogènes. La prise en considération de cette idée au cours
de nos investigations nous aura pla'mis d'éviter de donner·
dans l'erreur de vouloir bâtir la définition du groupe eth-
nique kabyè sur le principe de pureté culturelle et techni-
que (les aménagements agraires par exemple). Au niveau cul-
turel et technique en effet, les limites sont très rarement
rigides,
mais toujours différentes, car "les groupes qui
voisinent ont tendance
à s'imiter et à faire des emprunts."
Cependant, les interférences culturelles et techniques
sont longtemps restées limitées en comparaison de la situa-
tion des populations voisines de civilisation volta1que et
islamique (Kotocoli, Bassar ) et des populations de civilisa-
tion éburno-dahoméenne du Sud-Togo.
Ils ont échappé volontairement à l'influence des autres
systèmes culturels plus récents et gardé une grande partie
de leur fond culturel (1). C'est la raison pour laquelle, à
l'instar des Kirdi (Cameroun) et des Dogon (Mali), les Kabyè
sont considérés COffir.le des groupements Paléonigritiques.
Les effets de cette singularité culturelle n'ont pas
-------------------------
(1).- J .-C. Froelich, les Montagnards paléonigritiques) Paris
S(uC)er- L e vr~ul~) 1966.

.. 37 "
manqué de rejaillir sur le comportement démographique du kabyè
ainsi que sur son genre de vie.
II.· LE DYNAMISME DEMOGRAPHIQUE EN PAYS KABYE.
{
Pour mieux nous rendre compte du degré de dynamisme démogra·l-
phique en Pays kabyè, l'étude des strttctures démographiqueset
-
celle des densités nous seront
d'un appui efficace.
A).- Structure démographique.
1)- Une très forte natalité.
L f étiquette "de très peuplé" attribuée au Pays kabyè est
>
en partie due à une forte natalité datant certainement de la
f
1
période précoloniale ainsi que le confirmerait le très fort taux f
de natalité résultant d'une étude faite sur un total de 11.388
1
persormes en 1932: i l s'élevait en effet à 49,6 %0 (1). Ce taux
1
devait connaître longtemps après une forte hausse, puisqu'en
1
1957 i l s'établissait à 71 %0 (2)," et cela en raison des effets
i
1
bénéfiques du progrès de la médecine et de l'hygiène.
t
1
t
Du point de vue démographique, le caractère relativement
!
élevé de ces taux repose essentiellement sur un phénomène de sur-!
fécondité, comme en témoignent les taux suivants: 343 %0 (taux
!
glabal de fécondité générale actuelle) (3) en 1932
pour
f,
---------------------------
(1)- J'.,..C. Froelich, in fiLes populations du Nord-Togo" op.,cit.,
1
p.66.
~
(2)- J.-G. Pauvert, Etude démographique du Pays kabyè, Lomé,
.
Institut de Recherches du Togo, Service de la Statistique Géné-
rale, 1957, 57 p.
(3)- Ce taux est calculé en rapportant les naissances d'une an-
née à l'effectif moyen des femmes en âge de procréation, c'est-
à-dire entre 16 et 49 ans)
l'âge auquel la fécondité fémi-
nine devient statistiquement négligeable. Taux glQb~, c'est-à-
dire se rapporant à l'ensemble des âges où la fenwe est apte à
procréer. Taux général, c'est-à-dire comprenant la fécondité aus-
si bien légitime qu'illégit~ne. Taux actue~, c'èst-à-dire celui
correspondant aux douze derniers mois pr6cedant la date de l'en-
quête.

= 3B "
les femmes de 16 à 45 ans, soit un enfant tous les 30 mois
et 340 %0 (taux de fécondité actuelle légitime) en 1957 pour
les femmes de 14 à 49 ans n'ayant contracté qu'un seul ma-
riage
; compte tenu du fait que la fécondité féminine est
faible aux jeunes âges ( à cause du petit nombre de femmes
mariées dans ces âges) et à partir de 40 ans, et du fait que
la signification des résultats de l'enquête diminue avec la
disparition progressive de la génération, on peut dire que
pour les femmes de 16 à 45 ans, le taux de fécondité actuel-
le légitime en 1957 déduit du précédent
se situerait réel-
lement autour de 360 %0 •
Tableau nO 2.- Fécondité actuelle légitime: Nombre
moyen de naissances vivantes par femme mariée de 14
à 49 ans dans les 12 derniers mois suivant le norrbre
de mariages.
:-r-_ _.
.----
" " " -
--
-,---
\\1
GROUPE
NOMSRE DE MARIAGES
;
D'AGE
l
2 et plus
Ensemble (1)
14 - 19 ans
0,30
0,35
0,30
20 - 24
0,45
0,42
0,45
25 - 29
0,41
0,37
0,40
30 .:. 34
0,42
0,32
0,40
35 - 39
0,31
0,29
0,30
1

40-44
0,19
0,09
0,16
1
45-49
0,07
0,08
0,07
1
1
ENSEMBLE (2)
0,34
,
0,26
1
0,33
1
1
_ iJ
-
(1).- y compris le nombre de mariages non déclarés.
(2).- Femmes de 14 à 49 ans, âges non déclarés exclus.
Source: J.-G. Pauvert. Enquête démographique en Pays kabyè.
p.

= 39 =
Comparé aux taux de fécondité de certains pays du
Tiers-Monde, le taux de fécondité légitime en Pays kabyè
se place à titre d'exemple au-dessus
de celui obtenu lors
des enquêtes démographiques à Formose en 1953 (cf. graphi';'
que comparatif, fig.8)·
La confrontation du taux de fécondité de 19,7 avec
celui calcUlé en 1961 pour l'agglomération de Lomé (188 %0)
(1) achever ait sans doute de prouver que pour le cas du
Pays kabyè, on peut sans conteste parler de surfécondité
rurale.
Des facteurs physiologiques et socio-économiques inter-
viennent dans l'explication de cette dernière, et par consé~
quent dans celle du caractère impressionnant des taux de
natalité.
a)- Facteur! physiologiques.
C'est essentiellement l'aptitude des femmes kabyè à
avoir des enfants; plus nettement parlant, il s'agit de la
fertilité dont la fécondité n'est qu'une manifestation natu-
relle: la stérilité chez elles fut longtemps très insigni~
fiante ainsi que ll.illdiq~ont les résultata
découlant d'une en-
quête menée en 1932 auprès de 791+ Kabyè âgées de plus de
1+5 ans et cités par J.-G. Froelich (2)
Femmes stériles
15
soit
1 ,8 %
Femmes fécondes
779
soit
98,2 %
Nombre total de grossesses ,:126
soit
6,59 %par femme.
Cette situation démographique était l'une des rares
ObS61'dS8
à cette époque sur le territoire togolais, puisque
-------------------------
(1).- J .-C. Froelich, Alexandre, R. Cornevin in " Les Popu-
lations du Nord-Togo" op. cit. p.66.
(2).- Enquête démographique 1961. Résultat ' définitif, Tome II,
Service de la Statistique Générale de Lomé.


39 bh •
\\1
Fig. 8 GRAPHIQUE CORPARATIF DE IAUX DE FECORDITE lEGITIRE PAR AGE.
1
!
Source
J.-C. Pluvert, Etudo dhogr.aphiqu' du Pays h",,~. 1957.
I"lni .... clleel onnuell •• ~o"r
1.!)~O .... m oa mor••••
~o
~co
Pa.,. I(ab,.
Fo,"" ...o IfSJ,
:00
100
Age
71'
JO
35
40
55
60
des
.• "
femmes mar1eeS ,

= 40 •
selon divers sondages effectués de 1925 à 193~ dans les
cercles de Lomé, de Klouto, d' Anécho et de Lama-Kara, les
taux de stérilité oscillaient suivant les régions, entre
1,6 %et 12,2 %(1). C'est dire que la capacité génitale
des femmes était, sinon la plus forte, mais l'une des plus
remarquables du territoire. Cette situation privilégiée
s'était longtemps maintenue: en effet, en 1957. "très peu
de femmes mariées interrogées se trouvaient sans enfants
nés vivants" (2);le taux de stérilité était considéré comme
"extrêmement faible."
b).- Facteurs soci~économiques.
Les facteurs socio-économiques sont nombreux: ce sont
les facteurs matrimoniaux, psychologiques, sociologiques et
économiques.
- Facteurs matrimoniaux.
",
.. i l semble qu'un rapport significatif existe entre la
fécondité et l'habitat ainsi que tendrait à le mettre en
évidence l'étroite corrélation entre les taux de natalité
et la taille des~vestibules~(fig.9) indiquée par le contenu
du tableau nO 3.
Tableau nO 3.- Taux de natalité selon la taille des vestibules.
-
TAILLE D1L~VESTIBULE '})
NATALITE POUR 1.000 ------1
1 Moins
de
10 personnes
1
63
1
,Ld' ,10a 19 personnes i
74
20 et plus
1
100
L
_________.1
TotM· .....................
75 .
,
,

,
-
Source: D'apres BCAO,"Demographie du Pays ka~ye",p.21 •
-------------------------
(1).- H. Labouret
Afrique Occidentale, Gallimard, Paris,1941.
(2).- 3.-C. Pauvert, Etude démographique du Pays kabyè, -op.
cit. p.


40 bis •
!
1
!
.r,
Fig. 9 - SCHEMA
DE
SOUXALA OU DEA
1!f
1
YI' 2. 3.
vestibules
.Cf l' Z. 3.
Chefs de f"Hl1e des troTs vestibules
1
fI'
blga..).
Z. 3.
F.~~.s (2 F
F.~m •• d. CF
J
J
CI' .Z. 3.
Cuisines
.
,
.
,
1
El
Fi 19 non mar;ê
8" 2. 3.
: Greniers
Source.
D'aprèe J.-C.- Pauvert, Enqu'te démographJque en Paye Kabyè

= 4·1: ..
Ils augmentent avec le nombre de personnes vivant au
sein du vestibule, élément du "déa". (1)
+ l'enclavement historique dans lequel étaient mainte-
nues les localités kabyè (2) durant la période d'insécurité
pré-coloniale avait été en partie responsable de la forte
natalité. La sensible augmentation des naissances enregis~
trées en Egypte, en Aoüt et en Septembre 1974 (15 ~ 25 %)
par rapport à la période cor,respondante de l'armée 1973, du
fait du "black-out" imposé sur tout le territoire égyptien
pendant et après la guerre d'octobre 1973 (3), confirmerait
cette assertion.
+ La stabilité con.1ugale plus grande ici que danS d' au-
tres régions d'Afrique. Elle relève
tout aussi bien de
dispositions coutumières coercitives (4) que d'une situation
psychologique: le groupe ethnique kabyè est plus nataliste
que formaliste. Selon la coutume,chez les Kabyè comme chez
les Yoruba, il importe moins de connaître les conditions dans
lesquelles la procréation a eu lieu que de se réjouir d'une
nouvelle naissance:" une seule chose importe à notre indigène,
c'est d'avoir des enfants; sa femme peut le tromper, faire
des fugues, lui montrer un cadeau, une pièce de monnaie reçue
en échange de ses faveurs, i l reste indifférent. Si un commen-
cement de gro ssesse se manifeste, i l est tout à la joie". (5).
(:;):-Ï.;-S~~ill;-~~-~dé;71-est un ensemble regroupant générale-
ment deux à quatre "vestibules". Le vestibule regroupe outre
les greniers, les cases suivantes: celle du chef de fam1~'e,
cell~ servant de salle de séjour et ayant donné son nom vesti~
bule au sous_ensemble, celle des femmes, celle du fils non ma-
rié et la cuisine.
(~)- Le Pays kabyè n'était pas en état de siège:les attaques,
les razzias et les incursions n'étaient pas aussi fréquentes
que les guerres intestines.
U)-"Al-Ahram"" ,quotidien égyptien cité par "Togo-Presse" du
1
,
4 Novembre 1971l-.
1
(4)- Décrivant cette stabilité féminine en 1934, F. Puig écri-
!
vait:" Le divorce est fréquemment demandé en pays cabrais. En
i
théorie, l'homme a tous les droits sur la femme; il a seul le
1
droit de la reprendre ••• La femme ne peut demander le"divorce;
le seul moyen dont elle dispose c'est la fuite.'~p.83-84).Les
1
tribunaux coloniaux, fidèles à l'esprit du Droit français, re-
fusaient également de faire droit aux femmes désireuses d'ob-
tenir le divorce pour les cas excluant" la condamnation du ma-
ri pour un délit de droit commun,(une) maladie contagieuse,
(une) impuissance (et a.es) sévices graves".
(5)-F. Puig. Etude sur les coutumes cabraiseS,op.cit. p.83.

= 42 =
Cette stabilité féminine attestée par le nombre très
réduit des divorcés des deux
sexes ( 1 %en 1957) consti-
tue un facteur
explicatif de la forte fécondité féminine:
en effet, la fécondité
totale générale oalculée par l'é-
quipe de J.-C. ·Pauvert en 1957 est de 340 naissances vivantes
pour 1.000 femmes n'ayant pratiqué qu'un seul mariage, et
de 260 pour 1.000 femmes ayant contracté plusieurs unions.
~ La précocité du mariage Chez les femmes agit sans
conteste sur la fécondité et partant sur la natalité. (1)
- Facteurs psychologiques.
C'est essentiellement le caractère pattriarCal de la
société kabyè, l'acquisition d'autorité, le prestige de la
grande famille et la responsabilité qui en découle: en effet,
en Pays kabyè, selon la coutume, un homme ou une femme sans
enfants n'a aucune considération i le foyer qui a par contre
beaucoup d'enfants est fort respecté et écouté, car on pense
que cela lui confère un sens aigu de la responsabilité.
Par ailleurs, le "sQsQ" (2),(chef sans pouvoir de com-
mandement) de la "déa" est très vénéré;; son autorité était
la seule recormue par la coutume i les "sQsQ" des "hada" (quar':'
tier) et des~ètu.(groupement de hadas) étaient élus par
l'assemblée des "sQs.Q." de«déa~compte tenu non seulement de
leur sagesse et de leurs" cormaissances magiques", mais aus-
si de "leur riChesse et de leur nombreuse famille." 0) La
(1)- Le mariage est ici très précoce comme l'lndiquent les
pour centages relatifs aUX femmes en 1957: 3 %pour les moins
de 14- ans, 65 %de 15 à 19 ans, 971 %de 20 à 39 ans.
(2)- Selon J.-C. FroeliCh
Chaque degré d'organisation socia-
7
le (déa
hada, tètu) était présidé ( ••• et non commandé) par
le"gran~ " ou"sQsQ " qui n'était pas forcément le plus âgé,
mais riche, sage, prolifique et spirituellement puissant. Ce
pouvait être un fils d'esclave ou un étranger du canton, les
Kabyè n'aimant pas beaucoup voir l'un d'eux dominer les au-
tres.
0)- J".-C. FrQelich, Les Kabrès et les Losso, in" Les popula':'
tions du Nord,:"Togo", op. cit. p. 95.

vénération coutumière vouée au sQsQ de déa, si elle a un
caractère patriarcal (ses opinions sont acceptées comme des
paroles d'évangile), est en fait limitée au sein de son
foyer à des descendants mineurs; l'autorité du chef de la
déa sur les autres parents et les descendants majeurs est
fonction du bon vouloir de ces derniers pour sa défense et
Que
pour les travaux agricoles
(1):il ne peut donc comptor~sur
les mineurs; aussi ne lui vient-il jamais à l'idée de pra-
tiquer linO politique do restriction des naissances; il y
pense d'autant moins qu'il n'est pas sOr que tous les en-
fants survivront pour le servir.
A vrai dire, cet état de choses était rendu longtemps
possible par une mentalité rurale paléonigritique, par l'in-
fluence du caractère patriarcal de la famille, par l'esprit
d'indépendance et d'individualisme du Kabyè, par un niveau
d'instruction plus bas que celui de bon nombre de régions
du Togo ainsi que par l'isolement historique (2) et géogre.o-
plUque, la limite sud de la région étant à près de 420 km
de la cOte. Les deux derniers facteurs expliquent dans une
certaine mesure, la difficulté et la lenteur de la pénétra':'
tion en Pays kabyè des idées et des procédés favorables à
la limitation des naissances •
- Facteurs sociologiques et économiques~
COmme en Pays kabyè, seules les filles - et d'ailleurs
jusqu'à leur mariage seulement -
sont coutumièrement la
propriété de la mère, la femme est constamment en quête d'une
fille. Cette recherche effrenée est d'autant plus constante
que sa progéniture est exclusivement ou essentiellement com-
-------------------------
(1) .- F. Puig
Etude sur les Coutumes Cabraises, op.cit.,
pp. 36-37.
(2) .- De19D7 à 1912, le Nord-Togo était fermé aux commer-
çants et aux missionnaires européens par les autori-
tés coloniales allemandes.

= 44 =
posée de garçons. Cette situation coutumière amène sans con-
teste la femme à avoir beaucoup d'enfants.
Dans cet élan procr éateur, Seul la volonté du mari pour-
rait constituer un frein véritable; or, i l n'en est rien. Ce-
lui-ci s'accommodait au contraire d'une progéniture nombre~­
se, non seulement à cause des facteurs psychologiques évoqués
plus haut, mais aussi pour des raisons économiques suivantes:
en Pays kabyè plus qu'ailleurs au Togo, le coût économique de
l'enfant était négligeable en milieu rural, d'autant plus que
l'importance du système d'auto-subsistance ne permettait pas
d' évaluer monétairement la charge que représentait l'entre-
tien de l'enfant. Par ailleur s, l'enfant à un âge pr écoce
aidait utilement aux travaux agricoles, et cela de deux façons
essentielles: d'une part, directement en travaillant lui-même
dans les champs de son père, indirectement d'autre part, en
faisant appel à la main-d'oeuvre bénévole des
:reres
de
son âge vivant dans son village ou dans le village voisin,
auxquels il devrait par la suite rendre le travail fourni se-
lon les mêmes procédés communautaires. Cette main-d'oeuvre
gratuite et supplÉmentaire dont bénéficie le père ost d'aucant
plus importante qU8
ce dernier avait beaucoup d'enfants~(1)
Le système de la dot-travail devait renforcer cet anti-
malthusianisme: en effet, selon cette pratique communautaire,
" le fiancé agréé travaille plusieurs années pour son beau-
père ••• A chaqUe semaille ou récolte, le prétendant avec ses
camarades aident pendant deux ou trois jours la famille de sa
fiancée. Cela représente parfois 40 journées de travail annuel.
Pour obtenir définitivement la main de la jeune fille, le jeune
--------------------------
(1).- Le système communautaire n'est certes pas exclusivemcnt
propre au Pays kabyè
mais son originalité réside dans
l
l'efficacité que révele son organisation ainsi que dans
sa fréquence.

= lr5 •
homme doit effectuer au profit de son beau-père le nombre
de journées de travail convenu lors de la demande en mariage.
Le mariage n'est célébré que lorsque la dot a été entière-
ment payéell (1).
Souvent, comme en Pays bassar, les hommes continuent à
faire diverses prestations après le mariage à la belle-famil-
le (défrichage, labour, édification de buttes, semences,
construction de logements, enterrement, funéraille s, etc ••• )
On voit bien que l'importance et le caractère perpétuel
de ces prestations n'étaient pas de nature à inciter les pa-
rents à une restriction volontaire de la procréation; au con-
traire, la naissance d'une fille était bien accueillie même
chez l'homme presqu'au même titre que celle d'un garçon, dès
1
i
l'instant qu'elle constituait une source de richesse et de
1
bonhGur.
1
j
Tels sont les principaux facteurs explicatifs de la for-
1
1
te natalité ancestrale et même actuelle en Pays kabyè. Son
impact sur le taux d'accroissement démographique aurait été
très impressionnant si
elle n'avait pas été longtemps en-
taIllée par une mortaJ.ité élevée.
2°) - La mortalité et l'accrOissement naturel.
a) - La mortalité
- Les données
\\\\
Avant 1932, les taux de morti-natalité variaient entre
380 %0 et 460 %0 (2) contre 163 %0 dans le Klouto et 566 %0
dant la région de N'zara (3). Dès 1932, on en constatait une
baisse due aux effets
bénéfiques
du progrès de la méde-
cine et de l 'liygiène: 155 %0 (3) tandis que le taux moyen de
mortalité était évalué à 23%0 environ.
---------------------
(1)- F.Puig, Etudes sur les Coutumes Cabraises, op.cit.,p.78
(2)- R. Cornev~, T?go-~ameroun. Encycl?pédie ~.lr29.
(3)- R. Cornev1n, H~sto~e du Togo, Par~s,Berger Levrault,
3è Edition, p. 287.

En 1949, le taux de mortalité infantile s'élevait à
121 ,1, %0 dans le cercle de Lama-Kara; ce qui représentait,
hormis le cercle de Mango le taux le plus élevé de tous
les cercles du territoire, ainsi que l'indiquent les sta-
tistiques du tableau suivant:
Tableau nO 4.- Taux de mortalité suivant les groupes
d'âge dans les cercles du Togo en 1949 (unité:pour 1000.)
-,-
Il
1
,
Décès
Décès
CERCLES
de 0 à 1an
de 1 à 15 an~
Décès
de 1 <) à 4<;'an'
Mango
13,9
33,3
27,9
Lama-Kara
12,1 ,
54
20,8
Sokodé-Bas sar i
11,8
52
31,8
,
Atakpamé
37,2
29,3
Palimé
3,3
36,3
21,8
Tsévié
4,4
40,8
30
1
1
Moyenne
9,9
[
,
47,7
27,3
i
=-.1
D'après R. Cornevin, Caméroun-Togo, Encyclopédie, P.429.
Ce taux était nettement inférieur à celui calculé à l'é-
poque pour l'Afrique par le Docteur Lafrou: 200 pour mille en-
fants nés vivants (1). Confrontés à celui de 1932 (307 %0),
ce taux récèle une baisse notable; il n'en va pas de même pour
le taux de mortalité des enfants de 1 à 15 ans : 54 pour mil-
le contre 44i3 pour mille {Z'
--------------------------
(1).- R. Cornevin, Histoire du Togo, p. 289.
(2).- Remarquer que le taux de mortalité du groupe d'âges
15 à ~ était le plus bas de tous les Cercles. Cette
situation compensatoire devait renforcer la natali~
té en 1949.

.. 47 •
La baisse relative ~ taux de mortalité infantile ne fut
sans doute pas régulière, puisqu'en 1957 ce taux connut une
importante hausse: il s'établit à 214 %0 (1).
A la lumière des analyses sommaire! précédentes, nous
pouvons dire que, en dépit d'une baisse relative qu'ils con~
nurent depuis 1932, le taux de mortalité infantile et les
taux moyens de mortalité restèrent longtemps assez élevés
ceux
par comparaison à_d'autres régions du
Togo et d'Afrique Oc-
cidentale (2).
Comment expliquer c~tte situation démographique quas~
singUlière ?
- Les factçprs explicatifs.
Eu égard aux résultats de plusieta's enquêtes démogra-
phiques effectuées pendant la période coloniale en Afrique,
nous pouvons dire que la forte mortalité infantile serait
liée à la fart~ fécondité des femmes kabYè.Ces enquêtes ont
en effet révelé que, en général, "les pays dans lesquels la
capacité génitale des femmes est la plus faible sont aussi
ceux ou l'on constate la mortalité infantile la moins élevée.
Inversement, dans les contrées où les femmes ont une progéni-
ture nombreuse, la mortalité infantile est plus considérable."
(3) •
Ce phénomène peut s'expliquer par la constatation sui-
vante rejoignant celle de H. Labouret dans ce domaine ailleurs
en Afrique: les femmes kab7è, il est vrai, s'adonnent moins
aux travaux agricoles
que leurs homologues losso et par con::'
séquent restent traditionnellement la plupart du temps au
--------------------------
(1) .,- J .-C. Pauvart, Etudes démographiques en Pays kabyè,op.
cit., p.
_
(2).- En 1957, le taux de mortalité infantile était lé&ère-
ment supérieur à ceux d'autres régions d'Afrigue: 170 %0 d?l1s
la vallée du Sénégal, 180 %0 en Haute-Guinée.(Mission Démo-
graP.hique de Guinée. Etude démo~aphique,M1nistèrede la FOM
- Bee des Statistiques,paris,1956~
(3).- H. Labouret, Afr~que OCCidentale, op. cit.~

foyer; mais il paraît évident que ces femmes retenues par
leurs obligations domestiques
nlont pas toujours le loisir
de soigner leurs nombreux enfants, en particulier leurs bébés,
lorsqu'elles doivent en même temps en élever en bas âge.
Elles les confient, dans les meilleurs cas, à la garde in-
différente et souvent mal avertie des frères ou des soeurs
âgés de 7 à 10 ans, puisque les mineurs plus âgés prêtent
main-forte à leur père sur les exploitations. C'est ainsi
que se multiplient les risques d'accident et de ,maladie qui
sont à la base de la mortalité infantile.(1)
La très forte mortalité infantile constatée jadis en
Pays kabyè nous parait dériver également d'un fait de civi-
lisation: dans les sociétés évoluées où le coüt élevé de la
réparation des objets obligent à en rejeter une bonne partie
pour peu qU'ils soient usés, les hommes, rares et précieux
font l'objet de soins attentifs; par contre,dans les socié-
tés primitives plus riches d 'hommes que de biens et où l ' in-
dividu n'a pas de valeur propre qu'au sein d'un groupe, on
soigne et on répare les objets avec un soin infini mais non
les hommes, et cela pour les raisons suivantes:
- l'impuissance de l'homme face aux hostilités du mi-
lieu africain en général et du Pays kabyè en particulier:
fréquence de maladies épidémiques et endémiques, instabili-
té climatique rendant incertaines les récoltes de produits
alimentaires, l'influence des maléfices sur la descendance.
Aussi pour s'assurer d fun nombre suffisant de bras pour les
activités économiques et sociales, cherche-t-on à avoir
une progéniture
nombreuse.
- Il n'apparaît pas coüteux d'en créer
de neufs.
(1)- Cette situation démographique n'est pas spécifique du
Pays kabyè; elle se trouvait et se trouve encore dans plu-
sieurs contrées rurales du Togo et d'Afrique où les condi-
tions socio-économiques et culturelles de la femme sont des
plus minables.

= 49 •
A ces facteurs d'orire sociologique, il importe d'ajou-
ter des motJ.fs de nature sanitaire et soc1o-économiC!le.
En effet, les conditions a'~lP.llœ furent longtemps dé-
fectueuses et le niveau d'instruction très bas; l'analpha-
bétisme ne permettait pas la rationalisation et la systéma-
tisation des habitudes et connaissaftces empiriques des fem-
mes kabyè dans le domaine pathologique et médical.-
Les vagues d'épidémie qui s'abattaient de temps à autre
sur le Togo en ghléral
et sur le Pays kabyè en particulier,
étaient responsables non seulement de la forte mortalité,
mais aussi des "soubresauts" constatés dans l'évolution des
taux de mortalité; parmi ces épidémies figure en bonne pla-
ce la maladie du sommeil, flé~ qui pendant dli longues années
menaça l'existence même des populations du Pays kabyè.
Certes, la trypanosomiase rut en 1950 pratiquement ju-
gulée grâce à la lutte énergique entreprise contre elle par
le Service Spéc1al de la Maladie du Sommeil; il restait n~an­
moins qu'à cette date, en Pays kabyè en particulier, et au
Nord-Togo en général, l'équipement sanitaire était insuffi-
sant eu égard aUx densités démographiques régionales. (
fig. 10) Le Service d'Hygiène Mobile et de Prophilaxie (1)
qui prit la relève du Service Spécial de la Maladie du Som-
meil après l'extinction des foyers épidéwdques avait été en-
travé dans son action médico-sociale par la grande faibles-
se du réseau de voi~de communication; cette dernière et
l'inexistence de moyens de transport empêchaient les malades
et les fennnes enceintes d'accéder aux rares dispensaires ins-
tallés dans la réiÏ0n. Ces insuffisances relatives de l'in_
frastructure médicale n'avaient pas favorisé une transition
--------.-.---..---------
(1).- Service essentiellement mobile, chargé de la prospec-
tion, du dépistage des maladies sociales et des grandes en-
démo-épidémies ainsi que des traitements de masses de ces
affections et des vaccinations.

-
49 ble_
TOGO
ASSISTANCE
- .... Ul\\ttt.r.
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n Ct!ft...... 1111 tlll,;.l
o ....\\.et'.it.e

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o Dttlp.nfS.I"" t!n CllIftMntcU'"
"-
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d.· ... IIII".i_
il•
o
....
Fig. 10 CARTE DES FORMATIONS SANITAIRES en 1950
Source. Cornevin (a). Encyclopédie ColoQiale
et Maritime mensuelle, n- 9 Mai 1951 p. 456.

1
\\
\\
1
!
'" 50 =
normale et positive entre la médecine traditionnelle et la
médecine moderne.
Cette rupture 1Jrui:;ale avait créé un livide médical ll cer-
1
tain. Les difficultés résultant de l'indigence des voies et
moyens de con~unication contrastant nettement avec les faci-
lités de circulation offertes aux Services Sanitaires simi-
laires dans la Vallée du SénG'gal ainsi que le livide médical"
ainsi crée, furent en p~~tie à l'origine de la ,lente baisse
relative du taux de mortalité infantile en particulier et du
1
taux moyen de mortalité en Génér al.
1
1
i
La baisse relative de taux de mortalité résulte également
\\
[
de la cessation des guerres très meurtrières livrées jadis
1
entre "tètu ll essentiellement pour des causes foncières et
féminines.
i
b).- Les taux d'accroissement
naturel et l'impact
du taux de reproduction.
Eu égard à la discontinuité de celle des taux de mortalit~,
l'évolution des taux d'accroissement naturel en Pays kabyè fut
irrégulière et indiqua une forte hausse de 1932 à 1957: ils
s'établirent dw'ant ces deux années respectivement à 26,60 %0
et à 29 %0, taux assez élevés puisque le taux d'accroissement
pour tout le Togo en 1932 devrait être inférieur à celui de
1960 (26 %0).
Ces taux de croissance ainsi que les taux de natalité et
de mortalité dont ils résèutent confirment qu'en Pays kabyè,
la population avait longtemps appartenu à un régime démogra-
1
phi que naturel. Aussi l'allure gémœale de la pyramide des âges
1
en 1957 révéla-t':'elle encore un type primitif de structure par
!
âge et par sexe (Pyramide en lIaceent circonflexe".) (
fig.11).l,
Avant l'impact démographique de l'occupation européenne du
1
Nord-Togo, le caractère très élevé des taux de mortalité et de
~
natalitc5 à l'époque avait dÜ rendre plus " primitive ll encore
1
l'allure gc5nérale de la pyramide.
!
1
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1'X:~.

= 5'1 =
C'est dire qu'à cette époque la population kabyè était très
jeune; ce caractère survécut à la colonisation, puisqu'en 1957,
44 %dc.s I\\abyè du Pays ancestral avaient oncore moins de 15 ans..
Les taux de croissance, particulièrement celui de ll~nnée
1932, indiquent quo durant la période coloniale le Pays kabyè
étai t en proie à une "explosion" démographique; le taux dc 1957
voisin de 30 %0 signifierait un doublement de la population en
moins de 25 ans, s'il était l'laintenuà ce niveau.
Le phénomène de "l"Gxplosion" démographique avait pu dé-
meurer quasi permanent malgré le caractère élevé des t'lUX de
mortalité, et cela en raison de l'importance du tau.."'{ net de
reproduction. En 1957, ce taux s'élevait à 1 ,72, mont~aIlt qu'en
l'espace d'une génération, l'effectif des fill~serait presque
dOUblé. L'évolution numérique des Kabyè depuis 1947 soutiendrait
cette thèse puisque la population était passée de 130.000 à
200.000 de 1947 à 1960 •

La surpopulation en Pays kabyè, résultat du jeu des carac-
téristiques démographiques qui viünnent d'être analysées, appa-
raîtrait mieux si elles étaient exprimé8s spatialement. Aussi
importe-t-il d'étudier ... ne serait-ce qu<c sc.'rnmairement ... les
densités kabyè.
B) - Les hautes densités kabyè.
1)- L'évolution des densités.
a)- Les dens:i,tés globales.
A,iJ1Si que l'indiquent les résultats du tableau nO 5, :'.85
densités globales dn Pays kabyè avaient été plus élevées qllU
culles du Cercle de 1'l.nla-Kara, (1) et cola dans la rapport 3
--------------------------
(1)- Ce cercle rogroupait jusqu'à la fin de l.'annéo 1950 l'3s
actuelles circonscriptions de Kpagouda, de Lama-K)ra et dA
Niamtougou.

• 52 •
contre 2. En 1948, cette densité rurale était près de 5 fois
plus forte que la densité nationale. Du po in t
de
vue
régionàJ , Seules celles du pays moba et du Pays Ouatchi
s'en rapprochaient le mieux à cette date, CQl!lIlIe l'expriment
les statistiques du tableau nO 6.
Tableau nO 5.- Evolutions comparées des densités en
rapport aveC l'intensité de l'émigration.
Pays
Cercle de Lama-KarE
TOGO
ka.bvè
ANNEE
.....
.~
Effectif
Densité
Densité
Effectif
Densité
1
~
ttl
.
1
~fih
,
C!>El
1924-
60 (1 )
'gO} 1930
l 'MC!> ~
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60
87
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'M TIo8 184.14-1
67
95,6
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68,1
97,6
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1660500
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1960
170.500
62
89
1.500.000
26
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1
'0 !Il
1961
171 .000
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1970
195.870
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'f .9,0 ~600
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Il< '"'
i
1
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1
1
1
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,
1
1
1
.
,
.-
,
(1)- Densité du Pays kabyè et ju Pays lasso. D'Après Rapport
de l'Administration fi'ançaise à l 'O.N. u. pour 11 année 1924,
p.6.

.. 53 ..
Tableau nO 6.- Comparaison des hautes densités régionales
au Togo en 1948.
1--PaYS -~~Yè
. }~v Ouatchil.__ Pays ~~b-a---p~y-S-L-o-s-s~ rj
l- 9'-6
_1_
50
1
45
3 5 :
l~~----,='===='==------:-:::====::::i=========~ i
Mieux que les densités globales, },,-,S densités cantonales
rapprochent mieux de la réalité.
\\l,,
b).- Les densités cantonales.
Tableau nO 7 .- Densités cantonales du Pays kabyè
et du Pays losso.
l' PAYS
CANTONS
SUPERFICIE, POPULATION!,
1
DENSITES
1
_!
(km2)~ CANTONALE !
.•
r
Kabyè-Snd
i
(2)
508
42.984
1
,
84
1
Kabyè-Est(3)
416
41 .012
i
98
1
Pays-Kabyè ~abyè::'Nord(Il)
116
24.499
211
(1 )
Kabyè-Sorou-
1
ba
408
28.769
70,5
1
1
Kabyè -Lamb a
444
11.006
24,7
1
1
-
1
,
1
TOTAL
1.932
148.270
1
74,5
1
1
Naoudemba
692
27.250
39,3
Pays Losso
(Losso)
288
8.621
1
Lamba-Man-
!
30,6 ,
,
ganapo
1
i
1
!
i
-j i
,1
_~TAL
980
1
35.871
1
36,5 il
-
=--
Source:- D'après R. CorneVin, Histoire du Togo, op.cit.,
p. 282.
-------------------------
(1) - Y compris le Pays Sorouba
(2) -
Cantons de Tchitchao, de Yadè ct de B0hou.
(3) - Cantons de Boufal;é, (le L'1;::~T~ssi, ci] Kétao et de Sirka.
(4) ":' Cantons de Tchare, de KoaJ.,ne-h~.lt et de Pya.

l ,,i
L'examen du tableau n" 7 indique une progression géné-
1
rale. Il s'en dégage cependant une répartition spatiale iné-
1
gale de la population: le canton
kabyè_~amba, situé en plai-
f
ne voisinant avec le Pays Losso a une densité nettement infé~
!,
rieure à la moyenne globale de l'année (95,6) alors qu'elle
f
dépasse 200 dan~ le canton Kabyè-Nord.dont les villages rya,
Kodj8llé-Haut, Tcharé etc ••• Ces derniers s'étalent sur les
moyens et bas versants de la partie septentrionale de la
Chaine de Lama; la multiplicité de jardins et de très petits
champs en lisière des massifs témoignent du surpeuplement
des secteurs montagneux. (
fig. 12)
Cette disparité démographique liée à la topo~aphie se
retrouve (surtout pendant les périodes précoloniale et colo~
niale) chez presque tous les montagnards paléonigritiques
africains comme le confirment ces observations du Professeur
J. Gallais en 1967: 11 le long de l'escarpement qui limite le
Plateau dogon à l'Est, la densité humaine est supérieure à
50 alors qu'elle est inférieure à 10 dans la plaine de pié-
mont, le Séno. Au Cameroun, le pays bamileké-bamoun supporte
33 habitants au
2
km
et les savanes environnantes 5. 11 (1)
Face à ces réalités démographiques africaines, on peut
être enclin à conclure que l'altitude et la pente détermi-
nent les hommes
dans les montagnes tropicales; mais lors"::
qu'on sait que les montagnes et les plaines de l'Asie of-
frent un couple de situations inverses, on est bien obligé
d'admettre que les qualités physiques de la montagne ne suf-
f1aontpMkapliqucrles très fortes densités
kabyè, et qu'il
faut alors se résoudre à en chercher ailleurs les véritables
causes.
2).- Fagteurs explicatifs des ba~t~s den§~té~ ~abxè.(2)
Les fortes densités globales résultent de la concentra-
------------------------~
(1)- J. Gallais, Problème de mise en valeur des montagnes
1
tropicales et subtropicales., CDU., Paris, 1967, p.1.
f
(2)- Les facteurs explicatifs de la forte natallté encore
valables ici/ne seront plus évoqués.
!

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= 55 =
tration dans un I:bastion" étroit de personnes dont les ancê-
tres ( les Lama ) étaient largcment étalés dans les plaines
de leur aire ethnique initiale.
L'entassement des Kabyè sur les hauts et moyens versants
des montagnes (rappelant celui des autres montagnards paléo-
nigritiques) s'était progressivement intensifié au fur et à
mesure que leurs"villages"furent - nous l'avo!:'!': vu plus
haut -
les cibles des chasseurs d'esclaves. Ces facteurs
historiques favorisèrent ainsi ce que Jean Gallais appelle
une "capitalisation démographique."
En effet, du fait de l'insécurité, les Kabyè étaient
dans l 'impossibili té de migrer à l'instar de leurs voisins
plus agressifs ( Les Bariba du Haut-Bénin, les Kotokoli et
les Tyokossi du Nord-Togo).
,
1
.
Par ailleurs, l'efficacité de leur système de défense
1
!
et le fait que la société kabyè ne constitue pas une tribu
1
leur permirent d'ignorer certaines pratiques inter-tribales
i
f
génératrices d 'hémorragie démographique durant la période
[
précoloniale, pratiques auxquelles étaient en proie fréquem-
ment les Etats Bariba en perpétuelles luttes intestines et
r
sanglantes: au cours des transferts consécutifs à la victoi-
[
re d'un prince sur un autre, des fatigues entraiDant la mort
d8 vieillQJ'\\!8 et d'enfants, des maladies et des contaminations
f
devaient réduire le volume démographique des vaincus. (1)
1
[
La capitalisation démographique procéda également de
l'arrêt des combats meurtrier s entre "tèto" dès l'arrivée
des colonisateurs européens et d'une situation sanitaire
privilégiée dérivant de l'isolement géographique du "réduit"
kabyè: l'éloignement de ce d.ernier de la cOte, la très lente
monétarisation de l'économie et l'interdiction dès 1920 de
-------------------------
(1)- J. Lombard
Le problème des migrations "locales", leur.
rôle dans les changements d'une société en transition. Bull.
Inst. t'r. Afr. NOire, Dakar,1960 p.

= 56 =
la vente de spiritueux et de boissons alcooliques ou fermen-
1
tées dans les Cerclesd'Atakpamé et de Mango (1) permirent
t.,
aux Kabyè d'être à l'abri de l'alcoolisme. Aussi les Kabyè
l
qui se contentaient alors de la consownation de la bière lo-
if
cale de mil et d'une bouillie de mil légèrement alcoolisée
.
li un
t
(solum, Tchucutu) étaient-ils considérés comme formant (des
~!
groupes ethniques les plus sains du territoire.(2)
1
La situation sanitaire privilégiée ressort aussi de la
\\
très grande sportivité des Kabyè attestée par les compéti~
tions athlétiques (courses, luttes etc ••• ), véritables jeux
olympiques organisés chaque année et tous les cinq ans (Habyè)
en Pays kabyè respectivement après les rites d'initiation
des évala (3) et ceux des Kondena pour la désignation des
1
f
champions de villages et de cantons~
1
Les effets bénéfiques de ces championnats sur la santé
1
des jeunes adultes (résistance à certaines maladies, l'endu
t
rance physique et psychologique etc ••• ) expliquent en par-
tie la faiblesse relative des taux de mortalité entre 15 ct
1
45 ans (cf.tableau nO 4).
~
La situation sanitaire a largement bénéîicié de l'ab-
1
sence, au début de la période co~iale, d'une insuffisance
1
alimentaire quantitative (4) grâce à l'extension des surfa-
i
ces cultivées consécutive
au rétablissement de la sécurité
et à la disparition, non des "disettes climatiques", mais
de celles provoquées par les destructions de récoltes par
-------------------------
(1)- Rapp. de l'Administration française à la S.D.N. pour
l'année 1921+, p.
Le Pays kabyè faisait alors partie du
Cercle de Hango (N~ara).
(2)- Rapp. de l'Administration à la S~D.N. pour l'arxlée 1922.
(])- Les Evala et les Kondena sont des classes d'âge des hom-
mes. On est évalu (sing.) entre 15 et 20 ans, kondo (sing)
à partir de 25 ans. Les autres classes d'âge sont les Biya,
les Avasu, les Esakpa et les akula qu'on intègre res-pecti-
vementenlra3 à 5 ans, vers 8 ans, entre 20 à 25 ans et vers 30
ans.
(4)- J .-C. Froelich, Les Kabyè et les Lasso, in " Population du
Nord-Togo", op. cit., p.79.- Lucien-Brun, op. cit. p. 81.

= '57' =
les ennemis locaux ou étrangers. Certes, cette suffisencc
alimentaire quantitative est plus globale que saisonnière;
mais le poids d'éventuels déséquilibres saisonniers est
égal pour tous car le caractère patriarcal et égalitaire
de la société kabyè fait que les carences alimentaires sont
ressenties par t.ous au sein du "déa".
A titre indicatif, la ration journalière moyenne d'un
individu, calculée au début des .années 50, compte tenu seu":'
lement des aliments de base, était la suivante:
Sorgho
830 grammes
Igname
1.000 grammes
P"3tit mil
830 grammes (1 )
CGlle d 'tm paysan Tiv
(région du Nigeria médidional con-
sommatrice d'igname) était grossomodo la suivantCl :
Igname
1.140 grammes
Sorgho
120 grammes (2)
Cette suffisance alimentaire quantitative résulte éga-
lement de la modestie des besoins et des particularités de
l'alimentation: celle-ci, à l'exemple des populations du
Delta du Fleuve Rouge, est végétarienne .(3) A moins d'tme
mauvaise récolte, cette alimentation permet de nourrir plus
d'habitants au kilomètre carré cultivé qu'une alimentation
mixte.
-------------------------
(1)- J .-C. Froelich, Les Kabyè et Losso in "Population du
Nord-Togo", op. cit. p.79.
.
(2)- P. Gourou
Pays tropicaux, Paris, 1960, Pr. Univ.Fr.,
j
4è éd. p.102: Les Tiv au Nig8:rl.a méridional "ignorent à peu
près la viande et totalement le lait" comme les Kabyè.
(3)- Les céréales de la ration journalière sont présentées
sous forme de pâte " accompagnée d'une sauce d 'huile de pal-
me ou d'arachide complétée" par du gombo, des feuille s de
horicot et de baobab, des courges, des aubergines, des tomates,
du sel, du piment, quelquefois tm peu de viande ou de poissons
secs." Le riz, les patates, les pois
de terre, le manioc •••
remplacent, selon les saisons, certains des aliments de base
(sorgho, igname, petit mil).
(.1";C. Froelich, Les Kabrès, les Lamba et les lllaoudemba, in
"Les Populations du Nord-Togo", op. cit., p.80 •
.."

.. 5'8 ..
D'ailleurs, en Pays kabyè, cet équilibre alimentaire
quantitatif est complété par une suffisance qualitative;
elle procède non seulement de la variété que recèle le ré-
~
gime alimentaire, mais de la richesse protéinique et vita.-:.
1
1
minique de certains alimemts comme les feuilles de manioc,
de baobab s'ajoutant à la richesse glucidique du mil, du
IIOrgho et de l'igname. i l est vrai que ces aliments sont mal
\\
accommodés, mais le fait qu'un certain nombre d'entre oux sont mangée
i
crus,délayés à l'eau froide ou légèrement chauffés, contri':
1
bue largement à la conservation des vitamines.
\\
!
En conclusion, la diversité des facteurs explicatifs
des fortes concentrations humaines en Pays kabyè montre lU1e
\\
fois de plus qu'une densité ne peut pas être expliquée dans
f,
1
l'absolu; elle doit être replacée dans lU1 contexte physique,
historique, socio-économique, technique et psychologique.
Ceci souligne aussi l'importance du genre de vie rural dans
l'effectif et la répartition de la population à côté des
1
facteurs historiques et physiques.
1
Cette influence est néanmoins réciproque puisque le fac-
1
teur démographique complète la connaissance du milieu naturel
pour permettre de saisir la réaction de l'Homme en général et
singulièrement du Kabyè devant les vicissitudes historico':
physiques du milieu. A travers l'étude des genres de vie, nous
essayerons de montrer si cette réaction destinée à la survie
du peuple kabyè tient de l'adaptation pure et simple ou de la
maitt'ise.
III.- LE GEN23 DE VIE TRADITIOI:1;EL DES KABYE. (1)
Pour assurer leur existence dans le "bastion," les Kabyè
--------------------------
(1)- Nous employons l'expression "genre de vieil au singulier
parce qU'elle s'applique ici à une société paléonigritique
pratiquant l'auto-consommation, société sans grande différen-
ciation professionnelle: en effet, la plupart des Kabyè sont
des agriculteurs; ceux qui se spécialisent dans les autres
formes d'activité comme l'artisanat n'abandonnent pas l'agri-
culture.
'

= 59 =
eurent recours à l'économie de subsistance propre alors à
présider efficacement à la mobilisation des ressources viw
tales. Celle-ci avait requis au sein des groupes familiaux
et entre eux, une action collective qui avait marqué la struc-
ture socio-professionnelle en Pays kabyè et avait conduit les
habitants à l'adoption d'un système agraire susceptible de
mieux aider à l'organisation de leur espace restreint~
A).- La structure socio-professionnelle.
La population kabyè se caractérise depuis toujours par
un taux d'activité très élevé: la totalité des hommes en
état
de produire
exercent effectivement une activité pro-
fessionnelle; quant aux femmes, leur participation apparaît
relativement modeste.
Faute de statistiques globaux plus anciens susceptibles
de mieux rendre compte du passé lointain, nous nous conten':;
terons de décrire une situation relativement récente, celle
de 1957, épo'que à laquelle les changements introduits par
l'action coloniale dans la structure socio-professionnelle
étaient encore négligeables
En 1957, 65 %des jeunes gens de plus de 14 ans et 76 %
des personnes de plus de 70 ans étaient des actifs, cependant
que dans les âges moyens, cette proportion ne s'abaissait
jamais au-dessous de
96 %. (1)
La mobilisation générale des hommes qu'indiquent ces
statistiqUes n'avait d'autre but que l'exploitation efficace
des ressources locales en vue de la survie des groupes fami-
liaux.
Quant aux femmes, 14 % seulement se vouaient à l'agri':'
-------------------------
(1)- J .-C. Pauvert, Etude démographique du pays kabr'è, op.
cit., p.

=60 =
culture contre 29 'fo ch.ez les feIJ11neS losso. Cet écart lié à
la proportion de~ femmes losso travaillant dans les exploi-
tations agricoles ( 28 'fo contre 5 %)ne rend guère comp~e de
la réalité: " l'inactivité" professionnelle des femmes en
général est en fait théorique puisque les travaux de sem~illes
et de récoltes leur sont pour ainsi dire réservés,
Du point de vue de la population activ0 masculine, la
situation en 1957 se renversait en faveur des Kabyè ainsi que
l'indiquent les statistiques du tableau nO 8
: 9A %c011t.'e
90 %pour les losso.
Tableau nO 8:" Répartition globale en %c::'o l'effect~j.f
de plus de 14 ans pour chacun des sexes et des grou)es
ethniques.
Catégorie
Groupe kabyè
1
Groupe losso
socio-pro-
fession-
Sexe Félli.-I-s-e-{-e-m-asc.
Sexe
~-e-x-e-l?-L;-é-n-.­
nelle
masc.
1
-
1
- - - - - - - - - - - -
,
actifs
94
1
1
14
92
29
1
non actifs
6
86
,
3
71
1
1
1
1
,
Ensemble
100
100
1
1DD
-.
!
100
- _..__-::-=::-..::..:.::::...-:::::::-::- -~
Source: dls.près J.-C. Pauvert, Etude dé_log~~aphique du Pays
kabrès, op. cit • •
Le degré de participation des homm3s et des femmes à la
vie économique depuis toujours se précise bCJaucoup plus lors-
qu'on considère la répnrtition par caté;orie professionn811~:
en 1957, le pourcentage des hommes employés dans l ' agric1)l.~
ture s'élevait à 91 % et 86% de la populat:'.on masculine de
plus de 14 ans aussi b::'en chez les Kabyè et
chez les 10880
avec un nombre respectivement élevé d'aide s-familiaux (38 %i;
par contre, l'importance munérique des non-E,gricUlteurs
était nettement plus grande chez les f eE'J!leS kabyè dont un
bon nombre étaient classées artisans,

= 61 =
Tableau nO 19 :- Répartition de 100 résidents habituels
de 14 ans et plus selon le groupe ethnique, le sexe et
la catégorie socio-professionnelle.
1 i
,
i
Catégorie
Groupe kabyè
Groupe
.~
10",0
socio-profession -
1
nelle
Sexe masc Sexe fém. Sexe mas< Sexe fém
-
1
Exploitations
agricoles
53
1
58
4
(patrons et isolés)
1

Salariés agricoles
t.
-
~A.utres agri culteur s
,
38
4
28
24
(aides familiaux)
Total agriculture
91
5
86
28
Patrons de l'artisa l-
I
nat
1
9
1
1
Cadres moyens
1
-
r
,..'-
-
Fi!lployés
E.
-
1
-
Ouvriers
1
é
4
-
1
Non actifs
6
86
8
71
f
-----/
TOTAUX
100
100
100
100
i
-
- ,
Source: DlOPM .r.-C_Pauvert, Etude démographique du Pays
kabré, op. cit ••
Au total, lorsqu'on sait que l'importance
des activités
tertiaires relatives au commerce et à l'administration publi-
que dérive des impératifs coloniaux, on peut sans conteste
-------------------------
(1)- Y comPris les personnes de service et les personnes de
catégorie socio-professionnelle non déclarées.
~--

= 62 "
dire que le Pays kabyè était jadis orienté totalement vers
l'agriculture; la faible proportion
des inactifs du sexe
masculin correspond bien à la 11isiÈ!!ir'e" obligatoirement
inactive (malades, infirmes, vieux) que comporte toute po-
pulation. Par conséquent, avant l'arrivée des Européens,
c'était l'agriculture gui assurait la survie des groupes
familiaux kabyè.Il s'agit d'une agriculture de subsistance
en raison de l'enclavement géographique et historique du
Pays kabyè.
Comment cette agriculture de subsistance était-elle
arrivée à organiser l'espace très accidenté, voire à sup-
pléer à son exiguïté en vue de réaliser le mieux-être de
la population kabyè ?
B).~ Le système semi-agro-pastoral en Pays kabyè.
La réussite des Kabyè dans l'organisation de leur es-
pace eXlgu, au relief tourmenté, et situé en zone tropicale
humide, repose essentiellement sur une symbiose des aménage-
ments spatiaux et 'les aménagements temporaires qui ont béné-
ficié de techniques progressistes et de la pratique commu-
nautaire.
') - Caractères originaux et fondamentaux des techniques
agraires en Pays kabyè ; Maîtrise et adaptation.
En raison de leur caractère paléonigritique, on s' atten-
drait à observer chez les Kabyè la prédominance de la croyan-
ce en une magie de la terre, en une mythologie animiste qui
amène tout primitif impuissant de maîtriser son monde hosti-
le à mêler l'imaginaire et le merveilleux au connu et au
réel. S'il est vrai qu'on ne peut pas nier une
survivance
de cette croyance dans leur effort de résoudre leurs pro-
blèmes vitaux, l'attitude des paysans kabyè ne s'était pas

= 63 ..
révélée contemplative à cet égard; bien au contraire, afin
de mieux le domestiquer, ils avaient le plus souvent préfé-
ré maî,triser leur milieu répulsif au lieu de s·'y adapter
purement et simplement.
Cette volonté de dominer l'espace confère au genre de
vie
kabyè un caractère plus créateur que destructeur comme
en témoignent les situations suivantes:
- la construction de banquettes sur les pentes fortes
en vue d'éviter le ravinement, et l'utilisation de légumi-
neuse.§.Les valeurs
agronomiques de cette dernière sont en
effet nombreuses: elles ont l'avantage de protéger par leur
ombre les micro-organismes de l'action destructrice du so-
leil, de réduire l'évaporation directe de l'eau du sol, de
facili ter l ' infiltration de l'eau dans le sol en élevant sa
porosité par les racines, de fixer l'azote de l'air, d'enri-
chir le sol en matièresorganiques, de le retenir, d1en ré-
duire le lessivage; outre la conservation du sol, les légu-
mineuses (1) protègent le sorgho contre la réverbération.
- l'association de l'élevage à l'agricUlture, en parti-
culier l'utilisation de l'engrais animal pour lutter contre
l'épuisement du sol: la fumure peut être ici directe ou in-
directe; dans le premier cas, le paysan kabyè fait usage du
fUmier recueilli soit dans les étables des bovidés et des
ovins, soit dans les trous entourés de pierres sèches
si-
tués près de chaque déa (2); dans le second cas, il fume le
champ
en y laissant paître librement les bêtes après les
récoltes 0).
-------------------------
(1)- L'une des légumineuses les plus fréquemment utilisées
est le néré dont le pouvoir enrichissant s'observe à tra-
vers le caractère verdoyant et vigoureux de la végétation
qui pousse à son ombre; après la récolte des légumineuses,
leurs feuilles sont enterrées.
(2)- Dans les mêmes trous sont aussi jetés les cendres et
les déchets de cuisine, ainsi que les excréments humains.
(3)- Il faut avouer que cet élevage est limité en raison de
l'occupation intégrale des terroirs par les cultures.

= 64 =
- La pratique du travail collectif: des associations
agricoles par clan, par génération d'initiation et même par
"quartier" entre paysans d'un même vestibule originel. Cette
pratique du travail en équipe intensifie l'ardeur au travail,
la tenacité et la dextérité du paysan kabyè qui résultent de
l'impact des cérémonies de fraternités d'âge (préparant à
l'endurance physiologique et morale), de celui des tournois
"olympiques" annuels (contribuant au développement remar-
quable de leur musculature et de leur force physique) et de
l'importance sociale du travail bien fait chez les Kabyè (1).
La pratique du travail en équipe lui donne aussi un sens
aigu de la solidarité collective puisque les associations
de culture entretiennent les champs des membres malades ou
absents.
- la discipline culturale ancestrale exigée jadis par
les méfaits d'une insécurité permanente. Marquée notamment
dans la rotation des cultures, elle assure avec la pratique
communautaire le fonctionnement efficace du genre de vie en
Pays kabyè.
D'aucuns retarqueraient qU'il ne pouvait en être autrement
puisque le paysan kabyè historiquement était obligé de vivre
dans un milieu répulsif. A la réflexion, on ne tarderait ce-
pendant pas à être moins minimisant : en effet, "le milieu ne
dicte pas le genre de vie" (2); la volonté des individus
qui l 'habitent représente un élément non moins déterminant;
l'exemple des Kotokoli. leurs voisins directs, qui pratiquent
une agriculture moins brillante dans un milieu moins répul-
sif, en constitue un témoignage assez éloquent.
-------------------------
(1) Selon Patokidéou, "les honneurs populaires ne sont réser-
vés à tous les jeunes gens qu'en raison de leur bravoure sur
le champ de bataille agr icole; et aucune fille n'éprouve le
désir d'.épouser un paresseux ou tout dernier classé d'une
compétition de houage " (Thèse citée, p. 121.)
(2)- Max Derruau, Nouveau Précis de Géographie Humaine, p.112.

= 65' ..
Certes, la déforestation massive opérée en 1933 par les
Kabyè dans la vallée de la Kara (1) représente sans conteste
une action retrograde sur le plan agronomique; mais ils n'en
avaient été que les exéoutants, les véritables auteurs en
étant les responsables du Service de la Santé; à tort, ces
derniers considéraient ce nettoyage comme un moyen efficace
de cette lutte contre les ravages de la maladie du sommeil.
N'était-ce une contrainte extérieure, les Kabyè n'auraient
sans doute pas trempé dans un acte si destructeur, quand on
sait aujourd'hui qu'ils gardent encore dans leurs champs des
arbres à titre de plantes de couverture.
Cette ma1trise de l'espace peut par contre étonner quand
on sait qu'à l'instar de celle de leur s homologues du Cameroun
(Kirdi et Bamiléké) et du Mali (Dagon), l'organisation socio-
politique est coins structuréo que celle de leurs voisins, les
Kotokoli; l'absence d'institution politique solide (cheffe-
rie ou r'Jyaume) ne signifie pas amorphie du groupe ethnique
kabyè, au contraire; dans le système anarchique kabyè (2) les
liens sociaux et les habitudes coutumières sont très fortes,
malgré le caractère égalitaire et segmentaire de la société:
ce sont le respect de l'autorité des vieux, l'observance des
interdits religieux et coutumiers peu retardataires et limi::'
tatifs, et le respect des liens familiaux et religieux com-
plexes et étendus. Ce dernier favorise la constitution d'as-
sociations agricoles précitées.
-------------------------
(1)- E. Robin, Sur la dégradation des sols de quelques ré-
gions menacées du Togo. op. cit. p.
(2)- ce système politique est assez différent de celui des
théoriciens anarchistes qui voulaient laisser les individus
à leur instinct présumé bon. A l'instar de celui des Dogon,
des Bobo,desLob1 et des Fang, il
s'agit ici d'une anarchie
pratique: l'individu, en Pays kabyè, n'eXiste à peu pres pas;
il appartient selon la coutume à plusieurs group8Œsociaux:
familles, classes d'âge, associations. Ces derniers qui se
superposent au premier sont présidés par un vieillard choisi
pour sa sagesse conciliatrice, ses connaissances magiques
ses richesses. Comme le souligne si bien H. Deschampsl"c'est
une pro$.ection, non un gouvernement, les paysans kabye appré-
ciant à la fois l'ordre et l'indépendance".

= 66 =
La maîtrise, une des caractéristiques originales des
aménagements spatiaux en Pays kabyè, coexiste avec des for-
mes d'adaptation à la sécheresse et aU sol, ainsi qu'en
témoignent, d'une part l'adoption des variétés hâtives,
intermédiaires et tardives de mil et d'ignames, d'autre'
part
la répugnance du paysan kabyè à dégager de grandes
surfaces d'un seul tenant. Cette attitude restrictive ré-
sulte des menaoes
de déflation et d'érosion par ruissel-
lement auxquelles leurs petits champs à forte pente sont
constamment exposés. En définitive, maîtrise et adaptation
liées à une pratique communautaire danS une société long-
tempscc égalitaire, pe,"!.,., organisée' et .peu structurée poli-
t;l,guelllent. caractéris;.;nt 1 t espace kabyè morcelé et rocail-
J&.wk.
L'effort du paysan kabyè destiné à contr81er les milieux
naturels répUlsifs apparaîtrait mieux à travers les aménage-
ments spatiaux et leS aménagements temporaires.
Ces derniers visent tant à remédier
aux insuffisances de la structure physique et technique de
la plupart des sols qu'à augmenter l'espace cultivable ori'"
ginellement disponible.
2).- Les aménagements spatiaux et les aménagements
temporaires.
a).- Les aménagements spatiaux.
Les amenagements spatiaux portent sur les sols des ver-
sants, des fonds de cuvettes et des plaines latéritiques.
Pour lutter contre le ravinement des eaux sur les pentes
trop fortes, le paysan kabyè procède à des aménagements inté-
ressants et efficaces :
C'est d'abord l'aménagement des poches de roches pour
la rétention de l'argile pendant la saison des pluies afin

.. 67 =
de créer artificiellement des sols profonds
et humides;mais
la solution la plus efficace de technique agricole apportée
au problème de la pente est la construction de banquettes de
grossCBpierres et le forage de puisards collecteurs en vue
de freiner tout écoulement.
Certes, en raison de leur aspect irrégulier, fragmentai'::
re et anarchique, ces banquettes ne sont pas de véritables
terrasses; mais les buts recherchés par les paysans kabyè
sont louables et rapellent ceux des autres agriculteurs cons-
tructeurs de murettes ou de terrasses (les Bobo de la région
de HOWldé en Haute -Volta, les Dogon du Plateau de Bandiagara
au Mali, les paysans du pays Betsiléo à Madagascar, les mon-
tagnards Mélanésiens, les paysans de la Chine du Sud et ceux
des régions méditerranéennes, etc ••• ); ainsi que l'explique
le professeur Bnjal,bert, il s'agit de rendre la culture tech-
niquement possible par réduction des pentes, d'épierrer les
sols pour obtenir par décomposition de nouvelles terres ara-
bles, de réduire considérablement les risques d'érosion pour
retenir des sols meubles; il s'agit aussi de créer Wl sol
profond pour: certaines cultures de racines exigeantes comme
le sorgho: L'irrégularité et le caractère fragmentaire des
murettes~e permettent pas la rétention systématique de
l'eau pour irriguer à l'exemple des riziculteurs de la Chine
du Sud ou des Amérindiens
des Andes sèches.
Pour lutter contre le ravinement des versants, le paysan
kabyè creuse des espèces de tranchées qU'il pave ou endigue;
ces tranchées, en récupérant Wle partie de l'eau de ruissel-
lement, diminuent la charge de cette dernière.
Les aménagements qui viennent d'être évoqués sont des
mesures destinées à maîtriser les versants; il en existe
d'autres qui montrent que les agriculteurs kabyè se contentent
parfois de l'adaptation au milieu, faute de mieux. C'est ainsi
que sur
les bas versants, le paysan kabyè édifie de petites
, -
\\

68
0:
0:
planches séparées par de fossés peu profonds. Par ailleurs,
affichant la même attitude adaptative dans les bas-fonds al-
luviaux, il élève régulièrement des murs de pierres sèches
le long du lit mineur des ruisseaux, et cela pour lutter
contre l'érosion des berges et pour éviter que les terres
de ces dernières soient gorgées d'eau.
Autre mesure moins adaptative, celle-là visant à augmenter
la surface cultivable dans les bas-fonds trop humides, est
l'édification de buttes hautes parfois de 1,50m, laissant
entrevoir dans leurs intervalles un réseau serré de grands
fossés collecteurs destinés à aérer constamnlent le sol; cette
pratique vise à rendre la culture possible, à permettre un
enracinement profond des plantes, à entraîner la disparition
des mauvaises herbes. Ces fossés ainsi que les flancs des
buttes supportent des cultures intercalaires.
Il faut cependant reconnaître que l'objectif n'est pas
partout atteint, puisque certains fonds de cuvettes, parti-
culièrement les plus petits, sont souvent mal drainés, et
oela parce que d'une part, pendant toute la saison humide
surtout les alluvions du bas des pentes sont imbibées des
eaux dérivant des gufntements et des sources des pieds de
versants, d'autre part, les fossés, lorsqu1ils ne sont pas
en pentes régulières, n'aboutissent pas toujours à un col-
lecteur qui puisse évacuer l'eau ainsi recueillie; c'est
la raison pour laquelle le paysan kabyè complète les aména-
gerlents spatiaux par dl ingénieux aménagements temporaires.
b)~ Les aménagements temporaires.
Durant
la
saison
sèche,
après
la
réCOlte, i l

= 69 =
jette d1abord ~es grosses tiges s~es de mil au fond des
fossés, bouleverse ensuite les planches de tel~e sorte que
les billons centraux deviennent fossés, les anci8ns fossés
devenant billons, en même temps sont enfouies
à titre d'en-
grais vert les fanes d'arachides et divers végétaux sauvages.
Les grosses tiges de sorgho jetées dans les anciens fossés
et recouvertes de terre facilitent l'écoulement des eaux au-
dessous des nouveaux billons centraux.
Ces attitudes tout à tour créatrices et adaptatives se
retrouvent dans les plaines latéritiques environnant les
massifs kabyè. Cependant, ici la réaction constructive ne
consiste pas à réduire le taux hydrique des sols mais à
ameublir et à épaissir ces derniers; à la limite, il s'agit
de créer stricto-sensus sur des "levés" de véritables sols
cultivables; dans les deux cas, le moyen généralement utili-
sé par le paysan kabyè est l'édification de planches de cul-
tures et le rassemb18ment de la terre meuble résultant du
grattage des cuirasses latéritiques en touradons de un
mètre
environ. Les avantages de cette pratique culturale tradition-
nelle sont multiples:le sol meuble ainsi obtenu bénéficie
non seulement
d'une forte aération, mais aussi d'un faibl·')
lessivage et d'une absence d'imbibition favorable à une bon-
ne nitrification, car "l'eau de pluie percole dans les tas
'.le terre " de sorte que les éléments solubles et fertilisants
ne sont pas entrainés en profondeur. Par ailleurs, le déve-
loppement des grosses racines d'ignames auxquelles ces meu-
lons sont souvent destinées est très aisé: " par ces racines,
l'igname puise de l'eau dans la zone de contact de la torre
cultivée et de la cuirasse ferrugineuse ", remédiant ainsi à
la mauvaise répartition des pluies dans cette contrée dl Togo.
Ces efforts tendant à maintenir intacteS ~es buttes et à
procurer à l'igname de l'humidité indispensable sont d'autant
plus remarquable qu1un paillage protège le haut des buttes
contre la violence des vents et des pluies, et contre l'ar-

\\,!
!i,
"' 70 "'
deur du soleil, gue des cultures intercalaires (pois de
terre, riz, arachide, gombo, etc ••• ) protègent les flancs
des buttes de l'érosion.
Les billons ainsi que les petites planches de bas ver-
sants et des dépressiow périphériquGS procurent aux plantes
des avantages similaires.
La construction de ces ouvrages
ainsi que celle des ban-
quettes dEJl hauts ver sants demandent un travail considérable
rendu possible tant par une forte démograph~è
que par le
recours
permanent aux diverses associations agricoles, par
l'esprit d'entreprise et d'ingéniosité, par la hardiesse,
!
l ' intrépidité et l'amour du travail bien fait caractérisant
1
le paysan kabyè.
3°) .-Les systèmes culturaux.
L'espace cultivable en Pays kabyè comprend grossomodo
quatre types de terroirs:
- les jardins fumés des abords des déas (soukallas),
1
les parcelles peu fumées,mais §tondUas des zones
i
1
moyennes des cultures,
- les parcelles plus lointaines et plus étendues des
j
têtes de vallons, des massifs, des plaines latéri-
tiques et des bordures des dépressions périphériques,
1
enfin les champs des fonds de cuvettes.
!
A ces autres tyPes de terroir s correspondent quatre sys-
tèmes de culture assez bien tranchés (1): à l'instar des amé-
nagements spatiaux, ces derniers sont en relation directe
-------------------------
(1)- C'est justement ce qui nous fait préférer cette subdi-
vision de l'espace
kabyè à celle qui laisserait appara1tre
trois entités agro-topOgraphi~es que voici: les terroirs des
hauteurs, les terroirs des pi
onts et les terroirs des bas-
,c. fonds correspondant dans leur ensemble à la définition du terme par
~géographe français,
à savoir celle fondée sur les
conditions physiques du mil1eu local.

= 71, =
avec la densité démographique et avec la situation géogra-
phique des terres par rapport à l'habitat. Ils tendent fina-
lement (nous le verrons plus loin) à résoudre les problèmes
de l'exigu!té de l'espace cultivable et par conséquent Celui
des denrées nécessaires à l' alim~tation du groupe ethnique.
C'est la raison pour laquelle le Pays kabyè a une agricul-
ture de type vivrier dans lequel les céréales occupent
une place de choix malgré l'importance du rôle de l'ignarne
comme bien de consommation d'appoint: l'importance de l'a-
griculture vivrière et la nécessité impérieuse de rendre
proportionnelles aux besoins du groupe les surfaces consa-
crées aux plantes cultivées, ont été soulignées pendant la
période coloniale par le ferme refus des paysans kabyè (à
l'opposé sans doute des paysans sérère) d'intensifier la
culture arachidière
en tant que culture destinée à l'ex··
portation. Au niveau individuel, la volonté de survie se
double du désir d'indépendance vis:à-vis des autres éléments
du groupe ethnique.
Pour atteindre ces objectifs, les techniques d'aména-
gement (banquettes, buttage, fumage, édification de plan~
ches, paillage ••• ) sont complètées par les techniques cul-
turales suivantes: le saupoudrage des plants de tabac de
cendre pour les protéger des bêtes, l'utilisation des va-
riétés hâtives et des plantes de couverture, la rotation
des cultures pour une utilisation rationnelle de tous les
éléments du sol, l'assolement en tant que moyen de lutte
contre l'érosion, l'association pour une heureuse coexis~
tence des plantes épuisantes (mil, manioc) et des plantes
améliorantes (arachides, haricots), l'intercalation, la mo-
bilité saisonnière des planches et des
fossés, le repiqua-
ge pour le tabac, le tuteurage pour augmenter le rendement
de l'igname hâtif surtout~

.. 72 ..
a)- Les cJl1tures des terroirs des abords fJ.es habitatiop.s.
Ces terroirs - les plus anciens des finages kabyè : sont
de
minuscules parcelles; l'extrême morcellement des champs
!,
(de 0,5 are à 2 ou 3 ares), notamment ceux des cantons des
,t
montagnes (Tcharé, Lassa, Lama), est en rapport à la fois
avec le caractère moins dispersé de l'habitat
et à la for-
te densité démographique locale (plus de 600 hab. au km2).
Aussi ces parcelles, limitées pour la plupart par des mu~
rettes, bénéficient-elles comme en pays Matakam (1) d1un
apport de fumure composée de déchets de la vie domestiquej
•1
de déjections animales provenant d1un petit élevage de chè-
1
,
~
vres, de moutons, de porcs, parfois de bovin, et des engrais
~
i,
humains.
1
Les sols de cette zone supportent en culture continue
t
surtout, des plantes à cycle végétatif court (2) comptant
l
f
parmi les plus exigeantes. On n'y observe trois types d'as-
}'
sociation:
1°) - au petit mil précoce semé en avril est associé
( un jour après ) le mais;
2°) - après los récoltes, on sème en aoüt le mil tardif
en association avec l'arachide qui coexiste ainsi avec le
taro mis en terre en février et mars; après la récolte de
cette plante exigeante (terre profonde, fraîche et fwnée),
le sol supporte le tabac semé en pépinière en août, repi-
qué en Septembre et récolté en fin d'année.
3°) - un troisième type d'association est celle des
abords immédiats des habitations où les Kabyè sèment en
-----------------------
(1)- .:r.-C. Froelich~ Pression démographique et techniques
agraires,
Penant, 1967.
(2)- Le paysan kabyè se refuse à réserver ses parcelles
assez bien
fumées au sorgho et à l'igname
parce que le
premier occupe la terre trop longtemps tandis que le se-
cond réclame un aménagement spécial du sol.
1

= 73 '"
juin les haricots de ter:.... e blancs et Doi,rs voisinant
les
pois souterrains (Voandzou), ces planter,tffi'dives S0 trom-ont
généralement en association avec d la'.1tres léisumes (épinards,
gombos, piments etc ••• )
Par la nature des plantes culti7ées, ~')ur la diversité
1
des associations culturEl.lGe], par lour faible s:<p,~ficie oc-
r
cupée, par la proxi~ité des cases aBlsi que pa~ les SO~1S dont
\\
ils font l'objet, les champs des abords des haoitations pré-
!
,
sentent l'allure de jardins. i l en va a1.:trcolT,'~n:; de ceux si-
"
tués dans la zone moyenne des cultures.
b).- La zone moyenne des cultures.
La zone moyenne des cultures recèle C5.Dq car R.ctérist.L··
[
ques suivantes: l'habitat y est plus dispersé, les parcelles
sont moins morcelées; c' est la zone la plus im"ortante quant
à la superficie cultivée et du volunle de lR. production obte=
nueic'est ensuite une zone agricole fond.amentaJ.e puisqu'elle
1
abrite la céréale de base, le sorgho et le pro(~uit commercial
essentiel, l'arachide; enfin,10 sytème de
cultures y est
beaucoup plus simple que sur les autres zones: les plantes
peu exigeantes s 'accor20odent bien des sols roca:i.lleux bien
drainés qui leur sont réservés (1); par ailleurs, hormis de
rares finages culturaux CO~Jne celui de KJmnia où les parcel-
les éloignées des concessions bénéficient beaucoup plus dG
fumure animale que cellGs des abords des habitations, l'as~
sociation de l'élevage à l' agricul turc estcraditionnelle.;îent
quasi-absente.
La zone moyenne des cultures cbt_ exploi..tée e'l culture an-
nuelle de saison humide: elle produit lc sorgho et en asso-
ciation l'arachide. Semées ensemble à un jom:' c:'1intervall,
-------------------------
(1)- Sur un sol humide et trop fertile, le sorgho verserait
et l'arachide développerait inutilemcnt son feuilla30.

!!\\
'" 74",
en avril - m~i dès les premières pluies, les plantes une fois
levées sont binées; on procède ensuite au nettoyage manUel du
1
sol; les mauvaises herbes arrachées
y sont enfouies. En juil-
1
let 1 un buttage du mil qui dégage les touffes d'arachide com-
i
plète un deuxième binage; les creux résultant du buttage col~
1
le:ctent l'eau de pluie qui s'infiltre peu après pour aider le
1
sorgho à mieux résister à la sécheresse. Durant la récolte
1
de l'arachide (août ~ septembre - début octobre) le sorgho
!
achève sa maturation.
1
Pour que ces terres rouges et pierreuses portent chaque
1
,
année deux récoltes simultanées sans donner des signes mani-
festes d'épuisement, le paysan kabyè les laisse régulièrement
au repos pendant la saison sèche au bout de laquelle il pro-
cède à leur ameublement en vue de réduire l'évaporation durant
la prochaine saison pluvieuse,et à leur fUmure; celle-ci se
réduit aux engrais verts des herbes sauvages et des fanes
d'arachide, et aux cendres des tiges de mil.
L,'équilibre établi entre les possibilités des terroirs
pierreux de la montagne kabyè et les deux plantes qu'on y
cultive permet d'obtenir des rendements assez élevés.
c).- L'igname et les plantes associées des plaines
lointaines.
L'igname est la culture pionnière des plaines latériti-
ques et des dépressions périphériques, terroirs plus éloignés
des centres d'habitat; ce tubercule et les cultures qui lui
sont associées alternent souvent avec la jachère; par son ca-
ractère complexe,le système des cultures rappelle celui de la
zone de polyculture très soignée proche des
déas.
Pendant la saison sèChe, après avoir défriché le sol, le
paysan kabyè édifie à la daba des buttes de 80 à 100 cm de haut;

dans certaines d'entre elles, i l loge des boutures d'igname
précoce en mvembre et en décembre, tandis que d'autres por-
tent les boutures d'igname tardif ou intermédiaire de février
à mri en terrain humide. Les creux
séparant les buttes
ainsi que les flancs de celles-ci supportent des cultures de
riz, de pois de terre, d'arachide, de gombo, d'épinard. Con~
trairement à toute attente, la culture de l'igname est ici
quelque peu délicate, puisque l'igname réclame, hormis un
buttage sur un sol assez riche, un paillage du sommet des
buttes, un tuteurage pour soutenir les tiges en lianes de la
plante, trois binages avant la récolte des trois variétés qui
s '6talcnt
de fin juillet à décembre.
A l'origine, après la récolte des ignames et des plantes
aSSOCiées, la remise en état pour une deuxième culture était
rare, l'igname aimant un sol relativement jeune. Souvent, en
il avril -
bai, des bouture? de manioc sont enfouies au flanc
des buttes. Plus souvent, la récolte des ignames est suivie
de la démolition des buttes, de la cul ture du sorgho et des ara-
chides
pendant deux ou trois ans avant que le champ ne re-
tourne à la jachère.
d) - Les cultures des bas-fonds.
Dans les fonds des cuvettes alluviales des massifs kabyè
et dans ceux des dépressions périphériques, on cultive sur
billons ou sur planches l'arachide en association avec du
mil, tandis que le
sorgho
garnit le pourtour des planches.
Les buttes,quant à elles, portent des cultures d'igname.
Ici, plus que le problème de la pauvreté des sols~résolu par~
tiellement par l'enfouissement des fanes d'arachide
et de
divers végétaux sauvages - , celui de leur drainage apparaît
épineux; la solution d'approche adoptée traditionnellement
par le paysan kabyè est la suivante: avant de procéder aux

'" 76 '"
aménagements temporaires, à savoir la translation du système
de buttes-planchafobillons, il jette les grosses tiges du sor-
gho dans les anciens fossés; ces dernières, une fois couver-
tes de terre, facilitent l'écoUlement des eaux au-dessous des
nouveaux billons, planches et buttes.
Somme toute, nous pouvons dire que les paysans kabyè
pratiquent traditionnellement une cUlture savante et diver-
sifiée, mais caractérisée par une utilisation quasi-exclusive
de l'énergie humaine. Réponse à l'extraordinaire poussée dé~
ce
Ill9graphique enrmilieu hostile, les systèmes oulturaux sont
les plus remarquables de l'Afrique Occidentale. A n'en pas
douter, les Kabyè considérés jadis à tort comme des arrièrés,
ont réussi à passer tôt du climax naturel à de vrais climax
de domestication.
Cependant, du fait de la longueur de la saison sèche
ne permettant pas un dédoublement annuel de la récolte, du
fait de l'instabilité climatique, de l'exiguïté des terres
cultivables et de la baisse relative de la productivité, le
genre de vie des Kabyè n'a pas su établir un équilibre sta':
ble et permanent entre la poussée démographique
et la pro-
duction agricole (1); d'où de sérieuses menaces de surpeu-
plement dont le Pays kabyè fut le théâtre. (2)
-------------------------
(1)- Les Konkomba et les Kotokoli obtiennent une meilleure
productivité parce qu'ils pratiquent une agricUlture itiné-
rante sur br11lis.
(2)- Jin Pays kabyè, en 19lr7, selon J .':'C. Froelich, chaque
habitant disposait en moyenne de lr12 kg de produits vivrierê
par an contre 658 kg par habitant du Pays Kotocoli, et pour-
tant les Kotocoli n'exploitaient que 3,3 %de leur territoi-
re contre 33,80 %pour les Kabyè et les Lamba, tandis que la
surface cultivée par imposable kabyè (2,8 ha) était alors
plus du double de c elle des Kotocoli.
(J.-C •.Froelich, in "Les Populations du Nord-Togo", op. cit.,
p.72et p.73.

= 77 =
( CHAPITRE TROIS
)
LA SURCHARGE DEMOGRAPHIQUE EN PAYS KABYE •
Il s'agit de préciser les origines et la nature du surpeu-
plement dont le
Pays kabyè fut la proie, et les solutions que
le peuple kabyè trouva pour y remédier.
Y-ORIGINES ET NATURE DE LA SURCHARGE DENOGRAPHIQUE .
1) Le problème de l'existence d'un surpeuplement en Pays 1mbyè •
. Tous les auteurs s'étant intéressés à l'étude du Pays kabyè
1
..
,;
ne s'accordent pas sur la qUestion de l'existence d'un surpeu-
,
plement dans cette partie du Togo. F. Puig ,dans son "Etude sur
1
les Coutumes des Cabrais" ,le mentionnait en 1934 (1). Aèl con-
!1
traire, Lucien-Brun, s'appuyant sur les déclarations des pre-
r
miers immigrés au Centre-Togo selon lesquelles ":i.ls ne furent
1
pas contraints par la faim de quitter lEllr terre natale" (2),
était arrivé en 1974 à la conclusion que le Pays kabyè, à
l'exception des cantons
de Tchitchao et de Pya, n'était pas
atteint de surpeuplement; sa conclusion se fondait
égaleElent
sur des témoignages d'agents coloniaux relatifs à la "suffisan-
ce alimentaire" quantitative caractérisant selon eux, à l'épo-
que le Pays kabyè: en 1926, le Capitaine Durain, à la suite
d'une enquête alimentaire dans la région de Kou~éa très peuplée,
écrivait notamment à ce suj et: "la nourriture est en général
suffisante en quantité." Le médecin, le Hajor Hérivaux, de son
côté, jugeait le paysan du Lama-Tessi d'homme" bien nourri".
1
Le Docteur Lefèvre, à l'époque chef du Service de Santé aU Togo,
concluait que" le Kabrè n'était pas sous-alimenté."
(1).- F. Piug. Etude sur les Coutumes des Cabrais,op.cit.
(2).- B. Lucien-Brun. Colonisation des terres neuves du Centre-
Togo par les Kabrè et les Losso, Paris, O.R.S.T.O.H.1974.

La question ne nous parait pas suffisamment tranchée puis-
qu'aucun des auteurs précités n'avait disposé de statistieuGs
précis dans ses investigations: l'absence de quotients moyens
indispensables à la mesure du niveau de vie de la population
kabyè procédait du manque de données numériques sur les besoins
alimentaires et sur la répartition de la population par classe
de revenu, en raison de multiples formes de solidarité et de
parasitisme social alors en vigueur au sein des groupes fami-
liaux. Par ailleurs, 'VU les fondements sur lesquels reposaient
les conclusions auxquelles étaient arrivés
ces chercheurs,
nous pensons que tous les aspects du problème n'étaient pas

abordés.
!
En effet, si nous définissons le surpeuplement comme étant
~;
le déséqUilibre entre la superficie de la terre agronomiquement
li
cultivable et les besoins d'une population donnée, à une époque
t'..)
donnée,nous pouvons affirmer qu'avant l"arrivée des Européens,
l,
"
le Pays kabyè n'avait pas connu de périodes de surpeuplement,
li
puisque d'après les rapports laissés par les chercheurs, confir-IIl
més par les déclarations des personnes âgées interrogées, les
terres éloignées des centres de peuplement, paJ.'ticulièrement
r
celle des plaines environnant les massifs, n'étaient pas cultivées 1
ces terres, dont la productivité ne laissait aucun doute, étaient
au contraire couvertes de formations forestières.
Par ailleurs, nous arriverons à la même conclusion, si nous
considérons exclusivement la surpeuplement biologique: la soli-
darité jouant, il y avait assez de vivres pour tous les groupes
familiaux, et cela malgré l'exi"suïté des surfaces effectivement
disponibles durant la période pI'éeuropéenne.
Par contre, si, tenant compte du surpeuplement économique,
nous considérons qu'il y a surpeuplement lorsque la production
ne satisfait pas aux besoins d'une population galopante, on peut
alors affirmer que les Kabyè avaient tout au moins COQDU de sé-
rieuses menaces de surpeuplement avant et durant la colonisation
européenne.
2) Les menaces de surpeuplement en périodes précoloniale et
coloniale.
a) Leurs origines.
"
Les principales causes des menaces de surpeuplement avant

~\\1
= 79 =
!
j;
l'arrivée des Européens furent les suivantes:
1
,
-l'exiguïté du sol effectivement cultivé; elle était en
rapport étroit avec l'insécurité qui régnait à l'époque: les
champs dépassaient à peine les limites du bas-versant des col-
lines sur lesquelles se refugiait la population. (1)
,
- l'instabilité climatique qui s'accompagnait souvent de
disette ou de famine dans cette région à uni~e saison pluvieuse;
,,
- la destruction
de récoltes durant les fréquents raids
i
i
ennemis; sous ce rapport, les récoltes particulièrement atteintes 1
étaient celles des rares champs des piémonts;
- la moyenne annuelle d'heures de travail souvent écourtée
par les préparatifs en vue d'affronter les ennemis intérieurs et
extérieurs, par la durée des hostilités et par la longueur de la
saison sèche.
~:
Durant la période coloniale par contre, les menaces do sur-
li
peuplement ne dérivaient plus de l'essentiel des causes précitées
~
puisque l'ordre et la sécurité furent rétablis par les colonisa-
~
teurs. Les principales causes du phénomène étaient l'insuffisanc')
~
quantitative et qualitative des surfaces
cultivables
disPQ-
~
nibles,et l'apparition de nouveaux besoins découlant de l'écono-
,
mie de traite et des exigences de l'administration coloniale;
~,~J
Pour ce qui est des terres, le Capitaine Durain constatait qu'à
li
Kouméa en 1927 sur un terrain d'un hectare, il existait 12 lots
'il:
appartenant à 12 proWiétaires; et comme en Pays kabyè, en raison, ,
d'une part, du caractère transmissible de la propriété par voie
fi
li
de succession - les terres du déf'unt sont partagées en autant de
"
lots qu'il y a d'héritiers -, d'autre part, de la tendance à
.1'
avoir une progéniture nombreuse, chacun de ces lots était condam-
né à une micronisation peu apte à assurer la survie des greupos
fntrll1aux.
Dans ces conditions, rares étaient les terres qui seraient
vues en friche. En 1933, selon Puig, ., en dehors des emplacements
fétiches et abandonnés ÈJ. la Divinité", à savoir les bois sacl'és,
-----------------------------
(1) .- L'implantation lâcha de l'habitat dans les plaines onvi-
ronnant les massifs est un phénomène récent; elle traduit un
phénomène dëclatement de l'habitat primaire favorisé par 10 ré-
tablissement de la sécurité, de la paix et de l'ordre par les
colonisa tGur S.

= 80 =
les secteurs rocheux et improductifs, "tout le sol est approprié
et cultivé." (1) Les anciens migrants de Lama-Tessi (village
d'immigration), interrogés sur lu superficie approximative des lots
<lppcrtOll,:nt jadiIJ
à chaque ct,ef de famille <lanc 10D Villagcll (l'ori-
gine, répondirent que " plus de quarante personnes se parta-
geaient un lot de terrain de moins d'un hectare."
L'émiettement parcellaire provoqué par les particularités
des partages successoraux évoquées plus haut, et pLus tard, par la
monétarisation de l'économie, et les exigences coloniales diVer-
ses (paiement d'impôt, scolarisation) étaient tels qU'il était
arrivé une génération où les terres léguées n'atteignaient pas
une are par individu, puisqu'en 1933, F. Puig relevait déjà à
Kouméa un lot d'un are quarante centiares.(2) De plus.l'alJenuise-
ment aboutit à une infertilité relative du sol.
b) Leurs manifestations.
Quelle que soit la période considérée, la conjonction des
facteurs explicatifs des menaces de surpeuplement rendait la pro-
)
duction agricole insuffisante DOur la satisfaction des besoins
des co~nunautés familiales; le spectre de disette ou de failline
n'était pas chOse rare dans le IIbastionll kabyè. Comment se mani-
festaient Ces menaces de surpeuplement ?
Pour répondre nettement à la question, nous allons pren-
dre pour base de notre développement la norme par rapport
à
laquelle le surpeupleument existe: l'optirŒUm de population.
Pour le Pays kabyè, l'optimum de population, concept lié
au système économique et social du milieu considér8, peut se
\\
définir comme étant Il la population la plus avantageuse" au tri-
ple point de vue économique, technique et psychologique.
Si nous examlnlons la situation durant la période préco-
loniale, l'optimum économique (dont l'importance se justifiait par
) - Puig (F.), Etude sur les Coutumes des Cabrais, op.cit, p.119.
:)
Piug (F.), :r~i:;ude sur Ica Coutumes des Cabrais, op. cit., p.118.

= 81 c
la quasi-exclusivité de l'économie de subsistance basée sur
"l'enclavement lt historique de la société), est l'enrichisse-
ment destinée à la satisfaction des besoins matériels primaires:
alimentation, logement, vêtement. Lorsque la production venait
à être insuffisante, c'étaient les besoins alimentaires qui
étaient les plus touchés parce qu'ils étaient considérés par
les groupes familiaux COl~.e prioritaires, les besoins vesti-
mentaires' étant marginaux en raison des caractéristiques clima-
tiques régionales moins contraignantes à cet égard; dès lors,
l'appauvrissement qûi en découlait provoqua une surcharge dé-
mographique se traduisant non seulement
par un déséquilibre
entre le volume démographique et la quantité de production,
mais aussi par une disparité entre les besoins et les techniques
de production, déséquilibre que le groupe ethnique s'employa
à corriger dans tous ses aspects.
Dur2nt la période coloniale, de nouveaux déséquilibres
sérieux apparurent; ils furent à l'origine de la nécessité de
payer des impôts, de livrer à l'exportation des matières pre-
mières agricoles (arachides, coton ••• ), de s'acheter des denrées
industrielles importées par les colonisateurs (coupe-coupe,
médicaments, tissus,_ tricots,
accessoires
culinaires
etc ••• ). Le surpeuplement économique qui résultait de cette
situation nouvelle fut en réalité le fait de la pénétration
européenne; mieux encQre, un produit de la politique indus-
trielle de l'Europe.
Somme toute, durant la période coloniale, après que les
champs se soient étendus s~ les terres environnant les massifs,
le Pays kabyè fUt en proie à deux types de surpeupleElcnt~
- un surpeuplement résultant du déséquilibre entre le vo-
lume démographique élevé et la pénurie de terres.1
- un surpeuplement qui est une situation de déséquilibre
entre les techniques de production et les besoins que les Kabyè
ne se sont pas créés eux-mêmes.

1
Comment les Kabyè réagirent-ils devant ces situations de
1
L
déséquilibre ? mieux, quelles solutions trouvèrent-ils pour y
remédier?

'" 82 '"
II - Les solutions "in situ" ?
Les solutions appliquées au fur et à mesure de l'appari-
tion des déséquilibres dans le milieu furent diverses; les
principales furent de nature technique et socio-économique.
1) - Solutions tecllniques.
Pour augmenter la production agricole, des modifications
tecl1niques furent trouvées plus plausibles, vu l'exiguïté de
l'espace cUltivé durant la période précoloniale: d'où la dé-
couverte progressive des techniques agraires qui nous firent
qualifier plus haut l'agriculture kabyè de savante; à toute
innovation technique propre à répondre à l'insuffisance de l~.
production agricole correspondait un nouvel optimwn.
Or, à regarder les choses de plus près, l'application des
nouvelles techniques susceptibles de mieux assurer la survie
des communautés n'était possible dans ce milieu répUlsif ct
enclavé que grâce au recour s à un autre facteur de production
qu'est le facteur humain.
2) - Les solutions socio-économiques.
La nécessité impérieuse de disposer d'une main-d'oeu-
vre abondante pour réaliser de nouveaux aménagements spatiaux
et temporaires afin de rétablir l'équilibre entre les groupes
familiaux et le milieu, entre les besoins et les biens, pous-
sait à une nombreuse descendance.
Il s'agit d'un équilibre souvent précaire lié il une
modification quantitative et qualitative des besoins, à une
inadaptation momentanée des techniques face à la tenacité des
vicissitudes du milieu (érosion des sols, sécheresse, instabi-
lité climatique) et à la forte mortalité: d'où le caractère
instable de l'optimum démographique obtenu.
A chaque rupture d'équilibre correspondaient des me'1aces
de surpeuplement si bien que la courbe des variations du rapport
entre les biens de consommation et de production, et les besoins

f
= 83 =
1
du groupe ethnique est lUle ligne brisée :indiquant lUle succes-
1
,
sion de périodes de repos et de conservatisme pendant lesquelles
•;
la population est optimale, et de périodes de menaces de surpeu-
plement durant lesquelles les Kabyè donnent libre cours à un
dynamisme à la fois démographique et technique.
Durant les menaces de surpeuplement, on sl attendrait à voir
les luttes entre déa, hara, t§.tu évoquées plus haut, dégénérer
en tentatives dl extermination -'en guise de solution "malthusienne"
8UX déséquilibres. Eh bien!
il n'en a rien été; la force relative
du sentiment de solidarité et de complémentarité enu'e t~tu
alliés, et surtout la conviction que le nombre contribue beaucoup
à décourager les attaques d'envahisseurs, :incitaient plutôt à
l'arbitrage: souvent, le chef de guerre, c'est-à-dire le soso
du t§.tu le plus :influent assurait la paix entre les t§.tu alliés
"en réglant devant l'assemblée des grands chefs de famille les
1 litiges de terres". (1)
Dans les cas extrêmes où des familles n'arrivaient pas à
1 assurer leur propre survie, le recours à la traite des enfants
}
était fréquent; cette solution socio-économique visait à obtenir
1
une augmentation à la fois relative et absolue des biens de con-

j
sommation: en effet, la traite des enfants était pratiquée non
1
seulement pour avoir momentanément moins de bouches à nourrir,
1
mais aussi pour se procurer des biens manquants , particulière-
l
ment des vivres,.
La traite des enfants, - apanage des oncles maternels usant
largement de leur droit de vendre à desse:in leurs neveux - était
pratiquée dans les daux massifs méridionaux où la charge démogra-
phique était la plus forte.
1
1
Cette solution ":in situ" prit fin au debut de la période
1
coloniale puisque, aussitôt en place, les colonisateurs :inter-
dirent le commerce des hommes.
1j
1
=.----------------------~-
i
(1) J.-C. Froelich.- Les populations du Nord-Togo, op. cit.,
pp 95-96.
1
1
J
••

= 84 '"
Une autre mesure destinée à échapper aux menaces de sur-
peuplement fut la spécialisation artisanale pour certaines lo-
calités du Pays kabyè, notamment celles de Tcharè, de Yadè, de
Pya pour la forge (1), celles où se trouvent des gisements de
terre argileuse pour la poterie (celles précéde~nent précitées
ainsi que Tchitchao, Défalé, Kodjane, Bohou et SOQ~dé), celles
des cantons-Est (Kétao, Kodjane
et Soumdina) pour le tissa-
ge et celle de Lama-Kpéda pour la vannerie; la spécialisation
était plus poussée dans les cantons où la densité agricole était
très élevée en raison de l'extrême exiguïté de l'espace culti-
vable et de la pression des besoins; il s'agissait des cantons
de Tcharé, de Pya, de Lama et de Lassa.
Cette spécialisation artisanale permettait à la couche de
la population défa..,·orisée sur le plan foncier de se fournir en
r
vivres auprès du reste de la population, notamment auprès des
' -
paysans des cantons environnants plus spacieux et moins peuplés,
1
et auprès des peuples voisins (Bassar, Losso, Konkomba ••• ). Ces
f
artisans, en vendant ou en échangeant les produits de leurs
1
activités économiques (instruments aratoires, acccDsoires culi-
j
naires, instruments de musique ••• ) aussi bien avec c;eux de leurs
i

congenères s'adonnant à l'agricultur~;vecles peupL;s voj.s:Lns,
amorçaient ainsi pendant la périodc pl' é-européenne déj à, une
division du travail au sein de l'économie de subsist~~ce de la
région.
Mais ces activités artisanales, si elles ont encore cours,
n'ont plus la même intensité et la même importance que celles
d'avant l'arrivée des Européens: ceux-ci avaient largement con-
jr
tribué à leur ruine avec l'importation de produits manUfacturés,
l
alors qu'ils auraient pu aider à promouvoir ces activités écono-
i,
miques, surtout que les produits artisanaux, notanuJlcmt les pa-
1
!
gnes, étaient" très appréciés des Européens" (2), des voyageurs
j
-t,
et des pays voisins.
---------------------------------------------------------------
(1) La matière première venait des gisements de Bandjéli.
(2) J.-C. Froelich, Les Kabrè~ les Lamba, les Naoudemba in
"Les populations du Nord-Togo", op. cit., p.83.
i1J

= 85 =
Pour résister aux menaces de surpeuplement, les Kabyè ne
disposant pas du tout ou pas assez de terres cultivables se re-
convertirent en oUYIiers agricoles; mais, ils durent tous les ans
s'astreindre à un redoutable chemage saisonnier.
En définitive, les solutions locales préconisées et appli-
quées en vue de résoudre le problème
du déséquilibre entre
l'espace et le volume démographique, entre les biens et les be-
soins du peuple kabyè, ne furent pas durablement efficaces, et
cela en raison de la tenacité des vicissitudes du milieu, de la
persistance de l'intervention peu constructive de l'administra-
tion coloniale dans l'économie locale.
Dans les conditions structurelles, techniques et politiques
du moment, les meilleures solutions à ces situations critiques
qu'étaient les menaces de surpeuplement
ne pouvaient qu'être
extérieures: il s'agissait essentiellement du déplacement en
dehors de l'aire
ethnique d'une partie des éléments des groupes
familiaux ne pouvant plus supporter la surcharge démographique.
Ces migrations , auxquelles les colonisateurs surent donner une
impulsion décisive et dont les mobiles furent multiples, révé-
lèrent des phases, des formes et des types divers.

= 86 =
~*******************************~
D EUX l E M E
PAR T l E ~
*******************************=
LE PHENOMENE DE DIASPORA : ORIG nms sr ASPECTS
DES MIGRATIONS KABYE.

= 87 '"
( CHAPITRE QUATRE )
LES
PHASES
MIGRATOlllES.
Une étude historique de la Diaspora des Kabyà apparait
nécessaire pour mieux en saisir los principaux tYPGS ct mo-
biles; mais il conviGnt de souligner au préalable la com-
1
·1
1
plexité que recOJ.e ici le phénomène migratoiru kabyè.
li - LA COMPLEXITE DU PHENOHENE MIGRATO IRE KABYE •
Les déplacements des Kabyè n'ont jamais pris la forme
d'un flux migratoire important; le phénomène migratoire,hor-
mis peut-être les migrations qui furent à l'origine du re-
groupement des Kabyè dans leur "réduit" actuel, avait cté
et demeure le fait d'individus ou de groupuscules pour les-
quels il est difficile de parler de "migration" véritable.
Néanmoins, l'importance de l'impact socia-économique
de ces déplacements (nous l'aborderons dans la 3è partie de
ce mémoire) pousse à intégrer ces mouvements démographiques
dans le cadre plus général des migrations hwnaines.
Le terme de "migration " recouvre dans le cas des Kabyè
plusieurs réalités ocu'il importe de dissocier- ponr mieux dis-
tinguer les différentes phases de cc phénomène.
1.- Expansion ct exode.
Les déplacements des Kabyè vers les localités voisines
de leur aire ethnique ct situées en l'occurrence dc~.s los
secteurs marginaux des Circonscriptions de Bassar et de Bafilo,

= 88 =
ne doivent pas être confondus avec ceux ayant affecté ~~8 par-
tie de la population frappée par la maladie du sommeil dur~mt
les années 20; ces déplacements qui se firent vers les régions
:l,nhabit6esC
. fig.'13) limitrophes de la route international,"
Atakpamé-Sokodé furent apparemmemt moins une migration inté-
rieure pure et simple qu'un exode, tandis quo dans le premier
cas, on se doit de parler plutôt d'expansion, de glissement ou
de débordement, car i l s'agit bien là d'une population ayant
débordé en dehors et à proximité de son ancien habitat-refuge
co~ne les Dogon vers le Seno,
"
2.- Migration et exode.
~I
il
Il
il
En réalité, le mouvement démographiCj,ue qui eut pour Ol'lgll1e
les ravages de la tripanosomiase n'est pas un véritable exode;
II
certes, comme tout exode, ce mouvement qui révéla un caractère
il
li
brusque et inattendu, s ' accomplit contre la volonté de s partomt s;
;1
mais justement. cette contrainte ne dériVa pas du jou du car,tC-
tère
quasi exceptionnel de la cause originelle (l'épidémie) et
Il
1:
d'un désir exclusif de survivre; ainsi que nos enquêtes ont pu
1
,1
le vérifier, elle résulte
en grande partie des pressions de
Il
tous ordros exercées sur un bon nombre de partants, car quelle
il
JI
que ffit la situation dans laquello il se trouvait, le Kabyè
i'
",
repugnait à abandonner 13, localité 8Jlcostrale.
~:"~'
Pour cette raison et parce que ce mouvement clémographique
r:!
a permis aux Kabyè concernés d'améliorer, après tout, leur
(
niveau de vie en mettant en valeur dans les contrées d'accueil,
des terres qui leur manquë,ient dans le pays de départ, dans ce
mémoire. le terme de "migration" sera souvemt utilisé à la place
de l'autre.
3.- La diversité des formes.
La complexité du phénomène migratoire kabyè résido wlssi
dans la diversité de ses formes; on peut en distinguer trois

-S81118-
FIG. 13
PEUPLEMEHT
OU TOGO CENTRE ET SUD
A LA FIN DU ~lX' SIECu:.
LEGE,.!)E
1 -"
......
2 J(..to
t.
,•
3~ ..... ~
1
1

4~e-..
1

,
5~·.
1
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6. :JCé-(y..-1.)ot.f......
,
,,
7 s.r.a oI:.o,••t ....
,
8~i.
1
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10~

11 V;U.,..-l..,..(-1..··"'.)
12 f,&....i.
#ocof."té • ~.Ia.•••
8:r..a...u.
b~
,
kx,.·
. ~
n ",t;~·
p ~..... ~ .
...
.

.. 89 ..
séries solon que l'on considère la communauté d'apparton2nco des
migrants, la durée du séjour dans les régions d'arrivée ct 13.
chronologie du déroulcment des migrations.
La première série est cclle des migrations claniyucs oJd
f1villageoisesfl, des migrations familiales et de s migration§
individuelles. Les migra.tions clani'lues sont des migrations
totales ou partiellos d'un clan, d'une f1famille élar gio fl i
J, 'exemple est fourni par les déplacements de s Kabyè appartenant
aux clans Siou-Kawa et Sama en 1928 à Lama-Tossi (1). Cette
forme élémentaire crée le plus souvent des villc.ges à dominan-
te kabyè (Lama-Tossi, Pallakoko, Sossaro otc ••• )
(
fig.3) •
La migration familialo est celle effectuée par una famille
restreinto (hommo, felnmes et leurs enfants); c'est aussi collo
qui aboutit à 11 ë.gglomération successive d'une famille autour
d'un premier pionnier; c'est le plus souvent celle qui ost à
l'origine de la cré<J.tion de hamcaux de 4- à 15 personnes 'luo
l'on rencontro éparpillé s
dans les plantations de cacao et de
café du canton do Litimé (Pays Akposso) et du plateau do Da,nyi..
II
Los migrations individuolles sont celles des individus pU'tant
Il
i
seuls ou en bandes non familiales.
1
La seconde série de formes est constituée do migrations per- )1
lI\\anentes, temporaires et de migrations saisonnières. Les migrations
Ji
clani'lues deviennent le plus souvent permanentes; il cm est de
même dos migrations familiales lors'luo les conditions .sont fa-
vorables. Les migrations temporaires et les migrations saison-
nières sont moins 10 fait d'une famille 'lue celui d'individus.
La troisième sério, celle 'lui ressort à uno étudo chrono-
logi'lue et catégoriello du phénomène migratoire kabyè, ost
composée de 3 formes principales: 1es migrations orggnioues,
cellos 'lui jadis rassemblèrent le groupe ethnique kabyè dCU13
son "réduit" actuel; les migrations historiques, coll08 aYDnt
débuté avant la colonisation pour s' intunsjfier durMt 1:-. pé-
riode coloniale et 'lui n tant plus cours aujourd 'hui, du moins
--------------------------------------------------------------
(1) - Village d1iunnigration situé au Sud de Sokodé créé par
eux et portant 10 nom do lour cMton d'origine.

" 90 "
dans leur forme classique; enfin les migrations actuelles,
celles qui se produisent de nos jours. Les formes précédem-
ment étudiées s'insèrent dans les deux dernières catégories,
à savoir les migrations historiques ct les migrations actuel-
les
(
fig. 14).
n/- LES PHASES DES HIGRATIONS HISTORIQUES
Les migrations historiques des Kabyè sont de deux ordres:
les mouvements d'expansion ct les déplacernonts lointains.
A.- L'expansion kabyè.
(
fi g. 1 5)
L' expansion kabyè s'effectua d::L'1S deux
dircations es-
sentielles: vers l'Ouest et le Sud de la Kara où une partie
des terres des pays kotocoli, bassar et konkomba furent pro-
gressivement occupées.
Commencée vers 1800, elle s'intensifia peu après la
"pacification" du Nord par les Allemands.
Parmi les Kabyè SI étant 11 glissés" plus ou moins sponta-
nément et volontairement hors de leur habitat-refuge, on peut
citer pour la Circonscription administrative de Niarntougou,
les éléments venus de Kodjane, habitant les villages de Yaka
et d'Agbandé, pour la Circonscription administrative de Bassar,
les éléments habitant les villages Pessidé-Kounto~~, Léké-Léké,
Santé-Bas, Santé-Haut, Wakadé etc ••• ; d'autres villages d' immi-
gration les plus proches du pays ancestral se situent dans
la Circonscription de Bafilo: Soudou et Gandé; fondés il y a
5 ou 6 générations par les clans Tyaré et Wado, ils rogrou-
pèrent les élémonts originaires de Lassa. Kabou recut durant
la période de "paix europée=e ll des éléments kabyè originaires
des cantons voisins de Djarndè.

= 90 bis =
';,.:U LES PHASES DES MIGRATIONS ADMINISTRATIVES
HAUTE - VOLTA
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"IGRATIONS HISTORIQUES ET ACTUELLES: L'EXPANSION
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LEGENDE
• • _ _ Limit. approximative- du
pa)'s Kab)'i
_ ....... Rouh principal.
___==== Rout.
--<f/I! Cours d'.au
30
1 1
Ch.f-U.u d. circonscri
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«
• Villag.
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z
-'
«
Z

o
a.
~
He
000000

En plus de cos mouvements quasi volontairGs, i l y cut§&§
déplacements forcés:" jusqu'à l'arrivée des Européens, 10 mar-
ché d'esclaves de Kabou attirait depuis de longues ruTI1éos des
voisins kabyè, lamba et losso" (1); souvent, ctét,liunt los
parents ne pouvant nourrir leurs enfant:: qui allaient en vC3ndre
à des Haoussa qui les revendaient aux Bassar. Le courant de
l'expansion kabyè fut alimenté par un nombre important de femmes
kabyè qui faisaient chez les Konkomba l'objet d'un mariage par
achat; l'acquisition de ces femmes moyennant 4 veaux interve-
nait lorsque les Konkomba délaissés ou veufs n'avaient personne
pour s'occuper des enfants de leurs femmes disparues. (1)
Des déplacements forcés à proximité du "réduit" kabyè se
produisirent durant les premières décennies de la période
coloniale: les Al18mands, loin de procéder à une transplanta-
tion franche des paysans kabyè, s'étaient contentés de fixer
quelques agglomérations annexes en deç~ de la Kara. Landa-
Pozenda, au nom évocateur (2), résulte d'une transplantation
forcée de ceux des Kabyè "récalcitrants" du Canton de Land::J..
Le peuplement de la rive gauche de la Kara fut poursuivi
jusqu'en 1945 sous l'Administration française.
Les mouvements d' expansion des Kabyè, dont certains rÛ.p-
pel1ent quelque pou ceux des Dogon des falaises de Bandiagara
au Mali, ne furent pas aussi importants que leur s dép1e.c8i1wnts
à plus grand rayon.
B.- Les mouvements à plus grand rayon.
Les déplacements vers les contrées plus éloignées du pays
kabyè débutèrent aVilllt l'arrivée des Allemands au Togo, n:l.is
---------------------------------------------------------------
(1) - David Tait. Konkomba Marriage in the Fami1y, houschold
and minor liIlGage of Konkomba. Africa (Journal de l ' Ins-
titut international)
• 1956, volmne n03, p.221 et p.234.
(2) - Kpanzendè signifie "pays du piment"; le terme éVOque les
peines qu'on y faisait subir aux transplantés. On y compte
aujourd 'hui les Kabyè venus des Cantons de Kouméa 8t de-
Lassa.

.. 92 ..
dans une proportion insignifiante. Ils se poursuivirent pendant
la période coloniale sous l'impulsion plus ou moins énergique
des autorités administrantes.•
1.- Les migrations organisées par le Pouvoir mandataire.
Les migrations administratives, hormis les déplacements
de Kabyè vers les Plantations d'Agou, furent d'abord forcées,
ainsi que le confirment les anciens émigrés à Sessaro, à Lama-
Tessi, à Pallakoko et à Patatoukou. Elles devinrent volontaires
plus tard.
a).- Les déplacements des travailleurs engagés sur contrat.
De tous ces déplacements, ceux qui se produisirent pendant
la période coloniale allemande revêtirent un caractère forcé;
ce recrutement forcé en nombre réduit ayant frappé aussi bien
les Kabyè que les Losso, eut lieu à l'occasion de travaux publics,
notamment lorsque la construction du chemin de fer du Centre
dont le tronçon OUatchin-Atakpamé devait traver ser une région
peu peuplée. De 1922 à 1931, des déplacements de ressortissants
du Nord ayant fait l'objet de recrutement administratif s'effec-
tU~ent en direction des régions d'Atakpamé, de Kloto, de
1
Ouat chin , de Tsévié et de Lomé, comme l'indique le tableau nO 11
f:
des travailleurs engagés sur contrat en 1926.
l'
1
La presque totalité de ces travailleurs venaient du Cercle
de Sokodé;(1) les Lasso, et surtout les Kabyè reputés pour leurs
robustesse et vigueur exceptionnelles, leur ardeur au travail,
leur résistance physique et leur excellente santé y fournis-
saient la main-d'oeuvre demandée pour le
reste du territoire.
(1)- Le Cercle de SOt;dé regroupait à l'époque les actuelJ.es'
Oirconscriptions detouboua, de Sokodé, de T&;:amba, de Bassar,
de Lama-Kara, de Kpagouda, de Niamtougou et de Kanté. Le Cercle
d'Atakpa.m~ comprenait les actuelles Circonscriptions de Ouatchin,
dfAmlamé, de Badou et d'Atakpamé.

= 93 =
Tableau nO "10 :Tr2-vailleurs eng2-gés sur contrat en 1926
1
-
n
~
- - - - - -
- ---,----
._-_._------~-
-
1
..• - ._- - .-
Nature de l'ex
Salaire s j ourna
Lieu d'eXPIOi\\Catégorie d'
de 11 employeur
Nombre
Durée du
Cercle
ploitation
liers ration
tation
exploitation
d'engagés
contrat
d'origine
comprise
bau
.. Usine d' égrena
Atakparné
1 Manoeuvres
30
Idu 1 er janvier
'"
Sokodé
ge de coton
'ri
au 7 mai: 5
cle d IAtakparné
Routes
l 50 F
0
"
"
100
5
du 8 mai au 30
"
cl e de Lomé ..•. Routes
Lomé
1
"
juin 6 50 F
~
1
192
(1)
·ri
"
.T.G.A
.. Plantations
Agbélouvé
'"
1
"
170
(2)
du 1 er Juil.au
Q)
"
de
..
Construction dl
31 Déc. 6,50 F
'd
nouveau wharf
Lomé
1
"
1 plus
une prime
'Q)
110
(2)
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mensuelle de
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"
la
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Centrale élec-
fin d' engage-
trique de Lomé
cd
"
"
75
(3)
1 Dent
de 2 F.
"
vice du chemin
Entretien des
'"
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cd
fer
.. voies ferrées
IVoies ferrées
"
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(3)
1
H
1
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Anécho(l.t-
~f de Lomé ••..• ~ Pagayage et
s:::
0
manutentions
Lomé
Pagayeurs
106
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- - - - - -
Cinq équipes.- (2).- Trois équipes.- (3).- Quatre êquipes.- (l.t-).- Les actuels Ouatchin et Anèho.
oe:- Rapport annuel du Gouvernement franç'üs sur l'Ad.'11inistration sous mandat des territoires du Tog:> pour
l '~:n:nPP 10?4_

J
1
La reg~on rurale du Togo ayant été la premièrG à. faire
appel à ces travailleurs contractuels fut celle des pays agri-
coles de Kloto. Les propriétaires indigènes et européens en
proie à une crise de main-d'oeuvre due à l'injensification des
cultures industrielles (cacao, café, coton, palmier à huile)
~.
avaient cherché à puiser dans le "réservoir" kabyè. C'est ainsi
que de 1920, la Société des Plantations dlAgou éprouva la
!
nécessité de recruter à deux reprises un nombre important de
manoeuvres: pour lCJ. seule année 1923, le nombre de travailleurs
embauchés se monta à 200 hommes sur un total de 532 recrutés
par l'ensemble des Sociétés privées et le Cercle d'Atnkpamé.
Ce chiffre relativement élevé devait considérablement baisser
en 1924 puisqu'il n'était que de 399.
A partir de l'année 1926, le secteur priv6 céda la place
aux entreprises publiques ou para-publiques pour ce qui est de
l'importance relative du nombre de travailleurs engagés sur
contrat: c'est ainsi que sur 1 193 manoeuvres recrutés cotto
année, plus de la moitié était affectée à la construction des
routes et du nouveau wharf.
En 1931, la construction de voie ferrée accapara la quasi-
)
totalité des malnoèUvresrecrutés, ainsi que le r.Jontrent les sta-
1
tistiques du tableau nO 12.
:j
Ce système de recrutement connut à partir de cette année
une baisse progressive par suite,
1
,
1°) -"des conditions trop onéreuses et des obligations trop
lourdes (frais de transport, primes de fin de contrat) imposées
à l'engagiste",
2°)-"de la mauvaise foi des indigènes qui ne tiennent au-
cun compte des engagements pris et se soustraient avec une trop
grande faculté à leur exécution en émigrant sur les territoires
étranger s",
3°) _II de l'abondance de la main-d'oeuvre libre, bien su-
périeure actuellement à la demand<!)(1 ) ,
1+-") -
et du caractère semestriel du contrat quont à sa
durée: les entrepreneurs préféraient pour les travaux de longue
durée, un contrat au moins annuel.
--------------------------------------------------------------
(1) - Rapport annuel du GOUvernement français sur l'adminis-
tration sous mandat des territoires du Togo pour l'année
1931.

= 95 ::
Tableau nO 11.: Travailleurs engagés sur contrat en 1924.
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~: Bapport annuel du Gouvernement français sur l'Administration sous mandat des territoires du Togo pour
ll&~ée 1924.

.. 96 ..
Or, les Kabyè, très attachés à leur pays d'origine, n'ai-
maient pas s'en éloigner trop longtemps; même si leurs fe~es
les accompagnaient, ils tenaient à revoir après QuelQues mois
d'absence leur famille, leur village et leurs champs. La durée
habituelle du contrat
correspondait grossomodo à la morte
saison des cultures en pays de départ, par conséQuent à la pé-
riode d'oisiveté.
A ces mouvements migratoires qui eurent pour cadre le ter-
ritoire du Togo, on peut ajouter l'émigration forcée Qe Kabyè
et de Losso vers les mines d'or de l'actuelle République Popu-
laire du Bénin, émigration stigmatisée par Monseigneur Strebler
en 1944 dans son rapport relatif " au climat psychologique dans
lequel s'effectuait le départ pour l'émigration administrative'}
lequel rapport fut adressé au Gouverneur Noutary, Commissaire
de la République au Togo:" Au pays oabrai-losso, la déportation
et l'émigration forcée ont été pratiquées depuis de nombreuses
années et cette méthode tend actuellement à nous aliéner sérieu-
sement la sympathie de nos populations et à nuire
gravement à
nos propres intérêts, car elle pousse nos gens à haïr l'AdmLnis-
tration française et à s'évader en Gold-Coast". (1 )
!
---------------------------------------------------------------
(1.) B. Lucien-Brun. La colonisation des t erres neuves du
1
Centre-Togo par les Kabyè et Losso, Annexe III,p.137.
\\
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.
Tableau nO 112
Travailleurs engagés sur contr<lt en 1931 •
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= 98 "'
!
b.- Les ~grations de colonisation administrative.
Les migrations de cOlonisation administrative furent amorcées
durant l'occupation allemande sous la forme d'une colonisation pé-
nale: les transplantations qui débutèrent en 1909 (1) furent d'abord
marquées par la déportation de condamnés de droit commun, des Kabyè
pour la plupart, dans des "centres de redressement Il créés par le
Gouverneur le Comte Zech (1904-1910) à Kolonaboua, à Djabataoré (2)
dans le Cercle de Sokodé, à Chra dans le Cercle d'Atakpamé, par
ordonnance du 23 Octobre 1909.(fig. nO 15 b}. Ces IIvillages d'é\\lIIé':'
lioration" dont les habitants furent maintenus "plus en résidence
obligatoire qu'en détention", constituaient également au début
d'appréciables "réservoir Sil de main'::d'oeuvre indispensable à la
mise en valeur des terres inoccupées ainsi qu'aux travaux de cons-
truction et d'entretien des voies de communication (chemins de fer
et routes).
Ce transfert de population qui avait déjà incité plusieurs
Kabyè et Losso à s'installer dans la région de Ouatchin, fut repris
dès 1924 sous l'Administration française; cette fois-ci, ce trans':'
fert humain qui finit par révêtir un caractère forcé (3) se fit en
deux étapes distinctes:
.:: La première phase de transplantation administrative des
Kabyè
commença en 1924 sous la direction personnelle du Commis-
saire de la République, Monsieur Bonnecarrère; l'objectif prin-
cipal
était une colonisation
systématique des terres vides des
Cercles de Sokodé et d'Atakpamé, et accessoirement une solution
au problème de main'::d'oeuvre posé par l'aménagement et l'entre-
tien des routes que reclamait alors le développement intense du
trafic automobile ainsi que celui posé par l'opération de mul-
(1)-R. Cornevin, HistOire du Togo
p.176, 294 et 295.
(2)-La localité Djabataoré, dont le nom fut attribué par le
Commandant de Cercle Kersting en l'honneur du Chef Kotocoli
Ouro Djobo (en raison de sa précoce coopération avec les
Allemands)recevait les Ildélinquantsll originaires du 3ud, tandis
que Wahala (Chra) accueillait ceux du Nord surtout; les
1
. Allemands comptaient sur le dépaysement pour les redresser.
!
(J}-Dans une lettre adressée au Commissaire de la République
'II
Monsieur Bonnecarrère en 1926, le Lieutenant Durain, Commandant
le Cercle de Sokodé, avisé par le Conseil des Notables de
f
l'absence de postulants à ' l'émigration volontaire, écrit:
t.".
"j'exprime l'avis qu'il y a lieu
les Cabrais ne se déracinant
'
l
au début que par la contrainte, ae les désigner d'office si
!
l'on tient à voir se peupler les régions riches du territoire"
(Lettre citée par Lucien-Brun, thèse citée, p.115).

:98 b,s:
ig.1S b
CARTE DU HSCHUTZGEB,IET" TOGO EN 1914
Source: d'apr.s R. CDR NEVIN
Histoire
du
Togo, Ed. BER6ER-lEVRAUlT Paris, 1969, page 165,
.,•111•'..
,
9
8
LEGENDE·
MDSA : ..... Groupe
ethnique
,
1
ferrl.
existant.
fr.rrl.
projet ••
-
~-o-o-
Route carrossable
Limites de Mrcl.'
ECHElLE
CCE AN· ATLANTIQUE
n
100 il m
10

.. 99 ..
tiplication des semences du coton" Togo-8ea Island" (1) à la
Station Agricole de Ouatch1n pour l'intensification de la cul-
ture cotonnière sur le territoire~ Ce fut pratiquement" la
lettre du 19 décembre 1924 du Commandant du Cercle d'Atakpamé
(Monsieur Armand) à celui de Sokodé (Monsieur Coez)lui deman-
dant des colons kabyè, qui déclencha l'opération" (2) ~PIU5 tord
au cours des travaux du prolongement de la voie ferrée vers
Blitta, cette transplantation officielle des Kabyè et des Losso
allait se poursuivre en raison·de la nécessité d'intensifier
les cultures vivrières pour la nourriture des manoeuvres engagés~
Contrairement à la colonisation amorcée par les Allemands,
cette transplantation des Kabyè et des Lasso ne frappa spécia-
lement pas les "délinquants"; c'étaient des réquisitionnés pour
les travaux d'intérêt public (construction de routes et de che-
min de fer) et dans une moindre mesure des volontaires faisant
partie de groupes plus fournis~
En janvier 1925, deux premier s contingents de Kabyè et
Lasso furent installés, l'un (77 Kabyè et Losso) à Tsagba sur
la route de Ouatchin-Tététou, l'autre à Tchébébé sur la route
centrale au Sud de Sotouboua (3h
De 1926 à 1930 ,les villages figurant dans le tableau nO 14
furent créés dans les Cercles de Sokodé et du Centre~
---------------------------------------------------------------
(1)- Selon Lucien-Brun, la fondation de Gbégué et Dogogblé
furent faite sur la demande m~me et avec llaide des chefs
voisins aux prises avec une pénurie de main':;d1oeuvre in-
dispensable a ces travaux d'utilité publique.
(2)- R. Cornevïn, in" Les Populations du Nord-Togo", op. cit.
p.174.
'
(3)- Le premier contin€;.ent
de Kabyè quitta Sokodé pour Atakpamé
le 17 Janvier 1925.

.. 1'00 ..
Tableau nO 1ii,: Liste des principaux villages de colonisation
créés ou'ren orcés par le Pouvoir mandataire de 1926 à 1930.
-
iroons-
Localités créées
Localités
Date
Pays d'origir
Iription
ou renforcées
d'origine
Kassena
1926 ~
Lama-Tes si
Pays kabyè
1
Aou-Losso
Allown, Biou
Pays losso
Sotouboua
Kodjane,Tchitchao
Pays kabyè
Ayengre
Soundina
Pays kabyè
Kaniemboua
Biou
Pays Losso
Sokodé
1926-1929
Tigbada
~Tcharé
Pays kabyè
Lama-Tessi
Biou
pays lasso
Yaoco~é
Lama-Tes si
pays kabyè
Moida Bous salo )
Koutaho
1930
Mélamboua
Piya, Tchitchao
pays kabyè
1932 Batchang
Kodjane
pays kabyè
1926 ~A·.akakPé
pays Lasso
Kabrecopé
pays Losso
As sownakodj i
pays Lasso
1927
Agodjololo
pays Losso
Tsagba
pays kabyè
Défalé
pays Lasso
NiantoUkou
pays Lasso
Djéréhouyé
pays Kabyè
Agbédougbé
pays Kabyè
PatatoUkou
1928
Lama-Tessi
pays KabyÈJ
Tchagbadé
Siou':Kawa
pays kabyè
Agbérégbé
Kodjan~
pays kabyè
Rodokpe
pays losso
Asrama
pays lasso
~ssoco~e
'J.ga
pays losso
llsp
1180 d'
pays losso
rbégue
?
Dogogblé
pays losso
!A-takpamé
1929
Ayékpada
pays losso
Xantho
pays kabyè
Pallakoko
Kownéa
pays kabyè
Kabasséwn
pays Lasso
Gbémassé
pays kabyè
Tioré
pays lasso
1930
Toigbo
pays lasso
Akaba
pays kabyè et
losso
1
Alomagne
pays losso
Tchiarébaou
pays kabyè
Gassi-Gaki
pays losso
Atéhoué
1
Dakrokonsou
1
1
\\

.. 101 •
A partir de 1933, un certain nombre de situations presque
inattendues obligèrent les autorisés administratives à inter-
rompre la transplantation des Kabyè et des Losso: la baisse des
cours de produits exportés, le renChérissement des denrées
d'importation, la diminution progressive du revenu global des
imp0t$rendant problématique l'attribution des crédits néccg.
saires à la création de nouvelles agglomérations, surtout
l'aggravation de l'épidémie de trypanosomiase qui sévissait au
pays d'origine depuis 1927 et les craintes de propagation de
la maladie jusqu'à Lomé par l'émigration (1).
- La deuxième phase de transplantation administrative.
L,'assainissement de la situation financière à la veille de
la deuxième guerre mondiale et la mise en oeuvre dès 1935 de
tous les moyens propres à résorber la trypanosomiase permirent
la reprise de la transplantation administrative. Au cours de
cette période, l'effectif des villages fut considérablement
grossi.
Juridiquement, la deuxième phase prit fin en 1945, date
à laquelle "la loi Houphouët-Boigny mit un terme à toute forme
de réquisition de main-d'oeuvre et de transfert administratif
de la force de travail d'une région ver s une autrell (2). Mais
elle sc
termina effectivement en 1949 lorsque les "chefs - can':'
tons Il réunis en Conseil des Notables à Lama..:.Kara le 25 Juin
194-5 smirent un avis opposé au Plan d'Emigration 1949-1950 (3)~
Des transferts de popUlation d'un autre type fut 18 dépla-
cement for cé de Kabyè et Lo s so ver s le s mine s d'or de la Répu'::
blique PopUlaire du Bénin, opéré par l'Administration mandataire.
A la lumière de la liste chronologique des villages créés
---------------------------------------------------------------
(1)- Lucien-Brun, thèse cit.,p~112.
De plus
la fla.m~ée des prix des biens d'équipement, alliée
aux difficUltés 9.e rentrées de devises, contribua à l'arrêt
à "Blitta-Garell de la construction du chemin de fer
Agbonou-Sokodé-Banj eli également "consommatrice" de main-
d'oeuvre agricole.
(2)- Trebous (M), Migrations et développementt.... Etude du Centre
de développement de l'O.• C.D.E. ,Paris, 19"IU,p • .
(3)- Lucien-Brun, op.cit., p,.120.

.'t02 •
ou intégrés dans les Cercles du Centre, on peut situer géogra-
phiquement la plupart des implantations dans la vallée de llAnié,
le long de la voie ferrée Agbonou-Blitta, ainsi que le long de
la route ~sévié.:.sokodé (
fig.n o '14). Ces installations se
produisirent au fur et à mesure que les campements de manoeuvres
de travaux neufs étaient abandonné s par les équipes travaillant
à la continuation du chemin de fer Anié~Blitta~
2).- Les migrations spontanées.
Connues dès la période préeuropéenne, les migrations spon-
tanées s'intensifièrent durant l'ère coloniale tant et si bien
qu'elles débordèrent le cadre territorial~
a).- Les mouvements intérieurs.
Pendant que se déroulait la création des villages dans les
Cercles de Sokodé et du Centre, d'autres villages ae dévelop-
paient autour de "Copé" (fermes); les Copé yorouba (ana) Tcha-
barou, Koligbo, nougba, Libato des environs d'Akata reçurent
en leur sein des migrants kabyè.
Un oas (rare d'ailleurs) de mouvements de oolonisation
"semi-dirigéell fut oelui dont Lao, tirailleur Losso de la
Schutztruppe (fait prisonnier au Combat de Chra) fut l'artisan:
libéré, i l s'installa un peu au nord de Ouatchin où il créa
Lao-Copé, le premier village de colonisation non:officielle~
n
réussit à regrouper autour de lui 600 ressortissants du Nord;
de l'avis des vieillards interrogés, le nombre de Losso dépas~
sait celui des Kabyè.
La colonisation organisée par les administrations alleman:
des et françaises était suivie d'une colonisation spontanée
dans les mêmes régions. La plupart des villages créés servirent
de noyaux à la colonisation spontanée. L'intervalle de temps
qui séparait les deux formes de déplacement variait avec les
localités et les oonditions d'implantation; mais le plus souvent,.

.. 103 ..
il ne dépassait pas cinq ans; le mieux-être comu par les pre-
miers Kabyè et ~osso installés convint leurs parents et voisins
restés aux villages ancestraux.
- 1909: création du village de redressement de Chra ;
- 191~1922: début de l'immigration spontanée dans la
région de Chra (Wahala);
- 1925: création du premier village de colonisation kabyè,
Tsagba (Cercle d'Atakpamé).
L'examen du tableau nO 14- peut nous permettre de mieux
nous rendre compte du rythme de ces migrations spontanées dans
la Grande Plaine du Mono; l'évolution démographique du secteur
d'immigration spontanée s'était faite lentement au cours des
années trente et quarante, puis de plus en plus accélérée~
Tableau nO 14 : Ventilation de la population kabyè et
losso immigrés dans la Grande Plaine du Mono par mode d'immi-
gration et par région (D'après LUcien..BrUIl, thèse citée, p.128'.)
AL'rnEES
1932
1946
1960
POPULATIONS
=-=-
-,
,
Populations de villages de fonda-
tion administrative
dans les Cir
7 502
18 795
34663.
conscriptions de Sotouboua, d'A-
takpamé et de Ouatchin
Populations de villages de fonda-
tion spontanée dans les Circrons-
1 000
5 000
34485
criptions d'Atakpamé et de
Ouatchin
Population
totaLe de ces CirO'
oonscriptions
8 502
23 795
69 148
Proportion du secteur d1immigra-
tion spontanée
12 %
21%
50 %
,
1
,
---

.104.
Parce que dans les villages créés par l'Administration les
immigrants restaient peu libres de leurs mouvements (ils étaient
sous le regard des
gardes
)
les villages spontanément créés
avaient exercé plus d'attra:Ct m~me parmi les fils des premiers
Kabyè et Losso installés par l'Administration; inversement, au
delà de la date de leur création ou de leur "renforcement",
l'accroissement démographique des villages officiels résultait
plus de l'immigration spontanée qu'ils connurent par la suite
que de l'accroissement naturel.
L'import'Pce relative et l'influence des migrations spon-
tanées se retl'ouvaient particUlièrement dans le Canton de S~
touboua (l'actuelle Circonscription de Sotouboua) où s'étaient
concentrés la plupart des villages de colonisation du Cercle
de Sokodé; de 1945 à 1950,le nombre d'~runigrés passa de 15.500
à 17~68~ (1), soit un accroissement de près de 14 %en l'espace
de 5 ans. Une tendance similaire indiquant de façon plus pro-
bante l'importance des mouvements spontanés se retrouvait dans
le Canton de Blitta (Cercle du Centre), notamment dans les
villages peuplés essentiellement de Kabyè, soit une augmenta-
tion de 45 %dans l'intervalle de 4 ans~
Les originaires du Nord-Togo n'étaient néanmoins pas les
seUl.s à procéder spontanément à une colonisation agricole des
régions peu humanisées du Togo; cette activité pionnière
intéressa également les originaires du Sud-Togo; la région
d'élection de ces derniers fut l'Akposso, particUlièrement les
terres riches qu'ils acquirent à bon marché grâce au caractère
r'primitif"des popUlations indigènes d'alors. Ces immigrants qui
se vouèrent sur ces excellcmtes terres à la cUlture du cacao
étaient en nombre important: d'après les résUltats d'un récen':'
sement par groupes etlmiques effectué en jOanvier 1949 dans le
Canton de Litimé (IIAkposso Ouest'I) près de 1.150 ressortissants
---------------------------------------------------------------
(1) - J.-C. Pauvert, L·'ancienne Colonisation kabrè et ses possi-
bilités d'eXPansion dans l'Est-Mono, Lomé, Inst. de Rech.
du Togo, p.11.

0:
105' ..
du Sud-Togo s'étaient fixés dans cette contrée pour en surveil-
ler l'exploitation agricole; ils étaient, ainsi que l'indique
le tableau nO 15, en écrasante majorité parmi le groupe d'immi-
grants togolais qui s'y trouvaient.
Tableau n D 1? : Effectif des groupes ethniques dans le
Canton de Litimé (Akposso-Quest)
en 1949
Source: R. Cornevin, Histoire du Togo, p.299.
-
-
-
Villages du
Origi-
Kotoko-
Akposso naires
Kabyè
Haoussa
Yoruba
Nord au Sud
du Sud
l i
.
Abrewanko
4??
Kitchibo
289
27
Badou
68?
181
?O
48
12
Ahouenhouen
333
158
6
Houebé
180
Akroa
224
6
10
1
Tomégbé
518
169
24
Kpété-Maflo
547
158
8
Kpété-Béna
291
443
8
48
22
Total du Canton
1 %
0,4 %
1.
Le nombre réduit de Kabyè révélé par le recensement ne con-
cerne que ceux qui s'étaient fixés en 1949 dans le canton; il
ne donne pas une idée exacte du nombre de Kabyè qui le fréquen-
taient à l'époque; il comptait en son sein l'effectif des immi-
grants saisonniers kabyè comme on en rencontrait un peu partout
dans les régions cacaoyères et caféières du Togo.
Les régions côtières ne furent pas épargnées par les LloUVe-
ments spontanés des Kabyè vers le Togo Central et Méridional,
puisque les Cercles d'Aného et de Lomé ( y compris la Circons-

.. 106 ..
cription administrative actuelle de Tsévié) en avaient été af-
fectés: le plus souvent, il s'agissait d'éléments flottants et
vagabonds". (1)
b) - L'émigration spontanée (2).
Durant la sécheresse annuelle, les Kabyè et les Losso émi-
graient vers l'ancien Togo Britartnique et vers l'ancienne Gold
Coast, notamment ver s les plantations cacaoyères achanti et
celles des régions de la Volta ainsi que vers les contrées mi-
nières de ces territoires anglophones; plus de 1.000 Kabyè tra-
versaient annuellement la frontière. Ces déplacements qui s'ef-
fectuaient parallèlement à ceux des Evhé, des Bassar, des
Kotocoli s'inscrivaient dans le cadre des grands mouveiilents
migratQires maliens, voltaïques, nigériens, béninois dont le
Sud-Ghana actuel était le théâtre.
Les mouvements migratoires des ressortissants des colonies
françaisesen général, de celui des Kabyè en particulier, s'in-
tensifièrent au lendemain de la deuxième guerre mondiale (3):
en effet, alors que celle-ci stimula autant que la première
l'évolution économique de la Gold Coast, l'Afrique française
se trouvait
dans une position précaire. Toutes les marchan-
dies étaient contingentées. Dès l'ouverture des frontrières,
ce fut un nouveau" rush vers la Gold Coast". Ces exodes sai-
sonniers vers la "zone anglaise" connurent quatre principales
pauses:
- de 1930 à 1932, ils étaient presque nuls en raison de la
crise économique mondiale;
----------------------------------------------------------------
(1) - Le Commissaire de la République, le Gouverneur Bonnecarrère,
Circulaire aux Commandants de Cercles de Lomé, Aného
Kloto
et Atakpamé. LOIi1~J le 2 Aotlt 1927, citée par Lucien-~run,
thèse ,pp.145 - 140.
(2) - Soule l'émigration vers le Ghana actuel sera ici évoquée.
(3) - J .Rouch, Migrations au Ghana, Journal de la Société des
Africanistes XXVI, nO 1 - 2, Paris, 1956, p.

=' 101 ..
- une seconde pause forcée eut lieu tout just8 après la dé-
faite française de 1940: " les frontières britanniques étaient
fermées, le voyage en Gold Coast était considéré par le Gouverne-
ment de Vichy comme une dissidence; les changements de la poli-
tique française ne réussirent pas à stabiliser complètement les
émigrants; les obstacles de la frontière transformaiont les voya-
geurs en héros, les marchandises britanni~ues devenaient dos tro-
phées, l'aventure de la Gold Coast devenait une épreuve compara-
ble aux gueZ"res d'autrefois "; (1)
- une troisième interruption se produisit sous le régime
N'Krumah, plus précisément de 1960 à 1965: la traversée do la
frontière par ces travailleurs kabyè ainsi que par les autres
togolais avaient été rendue particulièrement difficile, la fron-
tière ghanéenne d'avec le Togo étant fermée;
- enfin,
en
1 9 6 9,
la politique de la contre-migra-
tion du Président Busia qui provoqua le départ précipité de la
plupart des étrangers résidant au Ghana, y avait pratiquement mis
fin du moins dans sa forme classique à 11 émigration historique
vers ce pays traditionnellement "consommateur" de main-d loeuvre
agricole et minière étrangère.
En. définitive, avec un décalage· de dix ans, et avec des
effets infiniment plus dramatiques, l'application de la politique
du Docteur Busia porta un coup "mortel" à l'émigration spontanée
classique ver s le Ghana, tout comme l'avis contraire du Conseil
des Notables kabyè et losso qui mit en 1949 un terme aux migra-
tions "dirigées" historiques. Cette migration de colonisation
administl'ative devait l'éprendre et se poursuivre jusqu1aJ.ors en
se dépouillant de ses aspects spectaculaires et contraignants.
m/- LES PHASES DES MIGRATIONS INTERIEURES ACTUELLES.
Les migrations actuelles du
Kabyè succédant à leur mobilité
historique sont essentiellement de deux ordres: les déplacements
----------------------------------------------------------------
(1) - J. Rouch, op. cit.,

= 108 =
vers des régions rurales encore peu humanisées du Togo et l'exo-
de ver s Lomé.
1.- Les migrations rurales actuelles.
Les migrations rurales actuelles sont représentées par les
mouvements suivants:
- les déplacements des Kabyè vers les terres vierges des
bassins du Mono, du Raho et de la Karai(1)
- les déplacements des Kabyè en direction des anciennes
régions d'immigration.,.
- les mouvements d'essaimage.
a.- 1es mouvements migratoires vers les terres inoccupées
du Mono. du Raho et de la vallée de la Kara.
Leur originalité dérive de leur diversité, de leur impor_
tance relativement limitée, du renouvellement constant d'uno
bonne partie des terres du cadre d'accueil, du souci de l'Ad-
ministration et des milieux privés d'associer entre autres, les
paysans kabyè à leurs efforts de modernisation agricole. En
effet, ces mouvements sont tour à tour spontanés, "orientés" et
dirigés; moins en raison des obstacles propres à l 'am~nag81nent
des vallées humides qu'à la multiplicité des régions d'appel du
reste du Togo, le nombre, de Kabyè affectés notamment par des
déplacements dirigés est insignifiant eu égard à l'effectif dos
éléments des anciennes migrations de colonisation administrative.
Les principales étapes du peuplement du bassin supérieur du
Mono sont les suivantes:
- ~grations spontanées.
Avant même que la colonisation du bassin moyen du Mono soit
---------------------------------------------------------------
(1) Des secteurs isolés de cultures vivrières et de clùtures
spéculatives ouverts dans la Région des Plateaux (Avétonou,
Agou ••• ) attirent également de nombreux migrants.


"' 109 •
envisagée, puis organisée par l'Aàministration, des émigrés
kabyè et losso peuplent
"spontanémant ll les Copé (hameaux de
culture) ana, fon ou kpessi du sud de la boucle Ogou~Mono:
Bodiécopé, Akakouj1copé, Akpani, Badjai et celui situé sur
la rive-est de l'Ogou: Anomaba.(1)
Avant 1955, une autre immigration spontanée affecta d' au-
tres secteurs du sud de la boucle; les fermes résultant de
cette colonisation agricole spontanée, et peuplées en majo-
rité de Kabyè ou Losso, et en minorité de Fon, sont Kodjokopé,
Gbadj ahé, Yovokopé, Lakingnohoukopé, Abamakopé.
- migrations "orientées".
Les mouvements de colonisation dirigés des Kabyè et Losso
vers le Sud firent place en 1955 avec leurs mesures coerci-
tives à une sorte de migration orientée. Ces déplacements
que le Pouvoir mandataire se contentait de favoriser étaient
marqués par l'installation de populations kabyè sur les ter-
res de la boucle
Ogou~Mono (Cercle de Sokodé) et celles de
la région de l'''Est-Mono'' (Cercle d'Atakpamé) en vue d 10u-
vrir le bassin du Mono faiblement peuplé à l'exploitation
agricole en m~me temps que pour décongestionner de nouveau
le Pays kabyè. C'est ainsi que suivant les premiers colons
installés "spontanément" avant 1955 au sud de la Boucle
Ogou-Mono, d'autres immigrés se fixèrent le long de la route
Doték~é-Dégou ( . fig. 13) au cours des premiers mois de
l'année 19~5 et jusqu'en 1956. Le caractère 1I0rienté" de
cette implantation appara1t aussi bien dans l'organisation
que dans l'occupation des terres.
En effet, cette immigration :rut dans une certaine
mesu-
re le résultat "d'une certaine propagande menée auprès des Kabyè-
Losso de la zone méridionale après que les chefs du Pays d'ori-
-------------------------
(1)- J.-C. Pauvert, Le peuplement irnnigré de la boucle -Ogou-
Mono, IRTO, Lomé, 1956, p.3.

.. 110 ..
gine aient manifesté leur réticence pour organiser le recru..
tement de "volontaires"; (1) par ailleurs, dans cette nouvel-
le zone de peuplement... le Service de l'Agriculture était
intervenu dans la détermination des lots de terres attribués
aux colons, alors que dans la zone-sud de la boucle 0é:\\ou..Hono,
leur appropriation fut entièrement laissée à l'initiative des
colons spontanément venus." (2)
Les fermes créées furent celles de Samankopé,Alab'1akopé,
Wellékékopé, Alikopé, Yakakopé, Kpanté,Amédékakopé,Tchàbiko-
pé,Eglénakopé. Si la plupart de Ces immigrants sont nés dans
le Cercle de Lama.-Kara, ils furent soit d'anciens immigrés
venus de villages d'ancienne colonisation de la vallée de
l'Anié ou de la route internationale Lomé.Dapaong (Cercle de
Sokodé et d'Atakpamé), soit d'immigrés venUs directement du
'Pays kabyè ou du Pays losso~
.. migraUgbs g,::I,rigée s.
Une dernière étape du peuplement de la boucle Ogou"'HOno
fut représentée par "l'implantation, au Nord de la boucle,de
famill es amenées direotement de Lama-Kara par le Pouvoir tu-
télaire;" cette migration g.1rigée
commencée.. dans les premiers
mois de l'année 1956 et terminée temporairement fin 1959,
était destinée à empêcher ;Les anciens émigrés à s'installer
sur l.terres réservées aUX populations du Pays kabyè en
proie à ~grave surpeuplemênt~ Les famil) es inmdgrées
s'étaient regroupées en 1956 en 7 fermes: ~1mala, Laotoya,
Landa, Lama':'Kara,.;,Kopé, Kémérida l, Kémérida II. D'autres fer-
me~ avaient par la suite vu le jour pUisque la colonisation
de ces terres, loin de s'arrêter 's'était
poursUiv:i.e métho-
eJ,1q1,lement.
i}. vrai dire, cette dernière zone de peuplement de la boucle
---~---------------------
, (1 ).:. B, Lucien"'Br1,Ul, thèse citée
p.194~
(2)- J .~C.Pauvertl Lé peuplement immigré de la boucle ~gou'"
Mono, Lomé, 1'j56.

= 111 ..
Ogou-Mono fut elle même le premier des trois secteurs dli~rri­
gration dirigée prévus dans la région dite IIEst-Mono. 1I
Mais par la sUite, notamment après·l'indépendance, et sens
doute à cause du peu de soutien apporté par les notables du
Pays kabyè à l'opération, l'importance numérique des migroants
venus directement du Nord-Togo se réduisit progressivement aU
profit des Kabyè et Losso des anciennes régions de colonisation.
C'est ainsi qu'on 1968, sur 146 familles kabyè et losso instal-
lées le long du layon du km 17 et d 10gou, 1,43 %seulement
étaient arrivés directement du Pays d 'origine et 30 %environ
de ces derniers (soit 14 % envll'on du total des immigrés)
étaient amenés par l'Administration, le reste étant venu spon-
tanément.(1 )
Dans la vallée du Yoto (affluent du Raho), le développement
des etploitations agricoles appartenant pour la plupart à des
ressortissants du Nord-Togo nécessite l'appel à une main-d'oeu-
vre kabyè et ~osso en partie des pays d'origine, en partie des
anciennes régions d'immigration.
La politique gouvarnementale visant depuis l'indépendance
à promouvoir un développement régional planifié et équilibré ne
se réalise pas au détriment de la Région économique de la Kar"t
fournisseur pé~ excellence de main~d'oeuvre appréciée à tous
les travaux d'intérêt public et privé. C'est ainsi que pour
mettre en valeur les terres inoccupées de la Vallée de la Kara,
peur~soudre le problème de la pénurie de terres cultivalbles
ct disponibles en Pays kabyè et pour contrehalancer la migra-
tion externe de jeunes~adultes (environ 17 %de la population
de la région par an), le Gouvernement togolais a entrepris avec
l'aide des Nations Unies et du Gouvernement français une opéra-
tion lIéprouvette" durant la phase l (1967-1969) du Projet Kara l
(1967-1972); durant la phase II (1969-1972) (2), il s'est effec-
tué la transplantation des ressortissants des cantons deYadé,
------------------------------------------------------
-----~~--
(1).- B. Lucien-Brun, thèse citée, p.205.
(2).- La phase l étant un projet d'étude (projet préinvestis-
sement) réalisé de, 1967 à 1969.

.. 112 •
de Bohou et de i'chitcbao, à Pessidé, à Léon et à Aloum, localités
situées en Pays Losso et Lamba; près de deux centaines de Kabyè
ont été déplacés. L'opération s'est sold~e par un "demi-succès",
car, faute de crédits suffisants, les personnes déplacéos
n'étaient pas contentes de rester.
Néanmoins, ce mouvement d'expansion se poursuit de nos jours
avec succès dans le cadre du "Projet Kara II'' (projet investis-
sement 1974-1981) financé par le F .E.D. (1):le. preuve du S'IICcès de
oette op~re.tion estcpe sur 200 places disIl0nibles pour le. première lllJnée de la
phase II (Mai 1977-1979), i l y a eu 600 familles postulantes.
b).- Les déplacements des Kabyè en direction des anciennes
régions dlimmigration~
Conjointement à ces mouvements démographiques dirigés ou
"orientés", des déplacements exclusivement spontanés se produi-
sent encore vers les régions jadis occupées par les Kabyè et
Losso; ils intéressent particulièrement la Vallée de llAnié et
la région d'Atakpamé; l'espoir d'y trouver encore des terres à
cultiver ainsi que le désir d'y rejoindre des parents ancienne-
ment installés motivent bien des départs. Cette forme de mobili-
té humaine
affecte également les zones cacaoyères et caféières
de la Région économique des Plateaux: il s'agit non seulement
de travailleurs saisonniers quittant leurs villages de colonisa-
tion agricole pour se faire embaucher dans des travaux de récol-
te ou de préparation du sol (déforestation, débroussage, fabri-
cation de
buttes d'ign~nes).
(1).- Il s'agit d'une action de modernisation qui vise les objec-
tifs suivants: - sur le plan de l'organisation, une amélio-
ration des structures agraires et de la taille des exploita-
tions, et un regroupement des paysans dans un cadre coopé-
ratif ••• _ sur le plan technique
l'introduction rl' assole-
ments équilibrés, l'application.àe méthodes modernes de
cultures ••• - sur le plan socio-économique, d'une part, le
décongestionnemcnt des massifs kabyè par l'installation de
800 familles paysannes originaires des massifs surpeuplés
aux sols épuisés, sur les terres inoccupées et fertiles de
la Vallée de la K~a, d'autre l?art, le relèvement du niveau
de vie des populations de la Région. - sur le plan de la
pratique juridique, l'opération est considérée comme un test
pour la mise en application de l'ordonnance sur la Réforme
agro-foncière de 1974.

" 113 ..
Entre Sokodé et Lilikopé se poursuit
une autro lorme de
migration spontanée et saisonnière, celle de jeunes gens venant
c..":1asser à la saison des feux de brousse (Novembre - Mars). I,e
plus souvent, la plupart d'entre eUX démeurent auprès de leurs
familles immigrées pour servir comme métayers ou journa.liers sur
les terres des proprétaires fonciers If~(ana) adja, ou evhé.
A tous ces mouvements actuels de colonisation spontanée
"orientée" et "dirigée", il faut en ajouter d'autres, d'intérôts
démographiques et économiques non négligeables: les mouvements
d1essaimage.
c).- Les mouvements dl"essaimage."
Ce sontdes mouvements migratoires créateurs do contres de
peuplement nouveaux: pour avoir commencé bien avant la deuxième
guerre mondiale, ces mouvements démographiques n'en sont pas
moins actuels puisqu'ils se poursuivent encore de nos jours.
Cependant, ils ne doivent peLS être confondus avec l'étale-
ment, le long de la voie de communication, des centres (le peuple-
ment officieis en plusieurs groupes familiaux d'habitation dis~
tants les uns des autres do quelques centaines de mètres à près
de deux kilomètres: cas de Lama-Tessi et de Déréboua dans la
région de Sotouboua, et du layon du km 17 de l"Est-Mono", exem-
ples d lune simple extension géographique ou numériCJ.ue des quar-
tiers d'une localité sans modification conséquente du terroir
villageois.
De même, il faut se garder d'y inclure les minuscules ha-
meaux créés dans les plantations industrielles de la Région des
Plateaux par les immigrés ou par leurs patrons, car, non seule-
ment ils s'inscrivent souvent dans les limites du territoire des
villages autochtones dont ils dépendent, mais aussi ils ne se
présentent pas comme de nouveaux habitats détachés d'une locali-
té-mère. Au contraire, ainsi qu'on peut l'observer dans les
plantations du Canton d~ Litimé (Circonscription de Badou), d'une
part, ces hameaux sont implantés bien à l'écart du village ou de

=11 q. =
la ferme du propriétaire; d'autre part, lorsque le métayer kabyè
ou kotocoli, au terme du contrat, devient propriétaire d'une
partie de la plantation, il intègre généralement le village
ou
la ferme de son ancien patron pOtIT ne séjourner que périodique-
ment dans son h~neau.
Somme toute, dans le cadre de l'étude de la Diaspora des
Kabyè, nous pouvons dire que si les mouvements d'essaimage sont
rares d ans les secteurs cacaoyers et caféiers de la Région des
PlateaUX, ils sont par contre assez fréquents au Ccntre-Togo où,
pour diverses raisons que nous évoquerons plus loin, on assiste
depuis 1936, c'est-à-dire dix ans après le début de la colonisa-
tion <ldministrative, à un "bourgeonnement" de l'habitat kabyè
ou losso. Ce phénomène
"d'osmose" présente des aspects divers;
mais pour la con~odité de l'exposé, nous les classons en deux
catégories (1): les mouvements déclenchés par des motifs écono-
miques et ceux que
des facteurs sociologiques expliquent mieux.
- Mot'.vemen~d'''essaimage'' d!origine économique.
L'insuffisance qualitative et quantitative des terres des
finages villageois résultant du caractère assez rapproché des
localités (2 à 4 km contre 5 à 9 km dans la région de Sotouboua)
installées dans la va11ée du Moyen-Anié et la forte densité
agricole qui finit par y apparaître, ~enèrent certains immigrés
kabyè et losso à créer progressivement, en dehors des finël.ges
initiaux, de nombreuses localités nouvelles; cc phénomène de
bourgeonnement de l'agglomération principale congestionnée en
hameaux ou en de petits villages se déclencha peu d'années après
le début des transplantations officielles, COlnme en témoignc
ce passagc du rapport de tOli;t'née de l'Administrateur Péchoùx
(Commandant le Cercle d'Atakpamé) réalisée en 1936: " ,T'ai été
~ené au cours du trajet Pagala-Anié à examiner la question des
---------------------------------------------------------------
(1)- Le motif foncier se mêle fréquemment aux causes sociologi-
ques car, souvent, llessaimage affecte non les premiers
arrivés, mais les derniers venus; les motifs économiques
peuvent être considérés comme prédominants dans ces cas si
ces dep3I'ts sont faits pour se rapprocher des champs.
"
,\\

'" 11'i ..
terres cultivables. Actuellement, de Pagala à Pallakoko, la
vallée de llAnié forme un champ de culture quasi ininterrompu.
Comme la rotation n'est pas ou très peu pratiquée, la question
se posera dans un délai assez bref de trouver de nouveaux ter-
rains
Il m'a été signalé que des Kabyè avaient déjà traversé
A
l'Anié ••• , le peuplement de cette région peut être considéré
comlne suffisant en tenant compte de l'accroissement rapide de
la population Il ;(1)
c'est notanunent le cas de Sous soukparogan ,
village de colonisation administrative créé en 1932 et qui se
bourgeonna en Fanga (1937), Atikpai (1942) et Bolomkopé.
C'est également le cas d'Akaba qui comprenait en 1955
les 7 hameaux suivants: Zongo, Afoutoucopé, Kodjocopé, Agbérigbé,
Ananicopé, Wawa., Magbara, situés de part et d'autre de l rAnié
et de la ligne de chemin de fer dans un rayon de 7 km. (2)
Les mouvements d'excroissance à motifs essentiellement
économiques commencés depuis 1936 et qui se poursuivent encore
de nos jours ne se limitent pas à cette région de colonisation
officielle. De manière paradoxalement tardive et à un rythme un
peu plus lent (3), ils affectent également les villages de la
région de Sokodé.
On peut en l'occurrence citer le Cas de nombreuses familles
d'un quartier de Sotouboua dont le départ en 1954 fut sollicité
par l'Administration dans le dessein de fournir de la main-d'oeu-
vre à une Station Agricole proche; indemnisés, ils purent re-
construire leurs maisons à proximité de la Station vers Kanyam-
bou:-Des exemples plus récents
sont ceux de Boualé et de
Djantadéj si la création de ces deux nouveaux villages fut
à l'origine d'une pénurie de terres cultivables ressentie dans
-~----------------------------------------------------
---------
(1)- J .-ë. Pauvert, Colonis~tion kabrè et ses possibilité~
d'expanSion, p.p.98-99.
,
(2)- J.-C. Pauvert, Colonisation kabrè et ses possibilités
d'expanSion, p.13 •
(3)- Comme généralement les Kabyè qui exprm.ent le désir de
s'éloigner un peu du village principal sont taxé s de
"fuyard Sil , cette contrainte sociale Si exerce mieux dMS la
région de Sotouboua où le peuplement est plus homogène
que dans la vallée du Moyen-Anié, secteur où les immigrés
coe~stcnt avec des Kpessi, des Fon et des Ana.
1
- ,i
,,~

.. 116 ..
les finages initiaux, seul le second, fondé en 1966 par 1ID pay-
s&n-chasseur de Déréboua (1) contribua à l'extepslon de la co-
lonisation agricole puisqu'il fut créé dans la forêt hor s des
limites du terroir d'origine(
fig.16)r l'expansion prionnière
s'y amorça d'autant plus rapidement que ses compagnons de vil-
lage qui le rejoignirent peu après avaient été bloqués dans
leur progression cul rurale par la IIpoussée"des champs de
Bou-
volème. Par contre, BoUalé, qui résulte en partie d'1ID décon~
gestionnement de Titigbé (2) est venu s'intercaler entre Bou-
volème et Déréboua, localités de création administrative.
Le plus souvent, les nouveaux villages et hruneaux de cul-
ture conservent avec les villages de référence 1ID certain lien
de dépendance, ne serait-ce que le paiement de l'impÔt aux chefs
de ces derniers. Il en va rarement de ceux dériVant des mouve~
ments d'essaimage d'origine sociologique.
- Mouvements d' "essaimage 11 cl 'origine sociologique.
Cette catégorie de mouvements de dissémination n'est pas
aussi fertile en exemples que la précédente, en raison du carac-
tère exceptionnel de ses origines.
En effet, ce sont des contrariÉtésd'ordre comm1IDautaire et
des dissensions politiques qui engendrent le plus souvent ce
phénomène migrz.toire: la création du village pionnier de Kédj ébi
vers 1958( .' .tig.16)
fUt consécutive aux luttes politiqUes entre
les gens de Badjondé au moment de l'indépendance politique.Celle
d'Alidé entre Sotouboua et Tapendé, résultat d'1ID conflit ayant
opposé près de Tchalo (Sud-Sokodé) les immigrés à leurs anciens
hôtes kotocoli.(3)
L'influence des IImauvais esprits" et les décès sont ptU'fois
évoqùés pour expliquer certains départs en milieu d'accueil:
---------------------------------------------------------------
(1)- B~ Lucien-Br1ID
op. cit.,p.211.
t
(2)- La population de Titigbé a plus que doublé en 10 ans, puis-
quel selon les résultats des recen.seillents général..1X de 1960
à 1'770, elle passa de 564 habitants à 1210 habitants.
0)- B.Lucien-Br1ID, op. cit., P p•. 210 - 211.

• 116bls •
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FaN;J;~ f.kTRE. 1'50 fT 1968 PANS L.A ZONé Sf.PŒNTRIONr'U.é l>U
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'" 11 7' '"
devant l'ampleur des ravages provoqués par les épidémies de
variole, de rougeole, de varicelle ct de coqueluche parmi los
enfants particulièrement, notamment en 1969 (uno soixantaine
et une '~entaine de victimes respectivement à Lama-Tessi et à
Sessaro), un certaine nombre de r e s c a p é s
quittent le
plus souvent en ordre dispersé leurs villages qu,' ils
croient
hantés, pour d'autres localités de leur choix.
Rares sont les fois où ces exodes se transforment en véri-
tables mouvements d'essaimage; en effet, le caractère quasi
brusque et imprévu des départs empôche
uno préparation maté-
rielle suffisante indispensable à la création de hameaux, si
petits soient~ils : eette dernière n'est possible que lorsque
des parents vivant dans un village voisin peuvent leur venir
en aide. Le village de Yaocopé (Sud-Sokodé) connut un cas si-
milaire vers 1958: deux anciens immigrés suivis de leurs nom-
breux descendants qUittèrent le quartier de Komini-Komini. Mais
ceux-ci, au lieu de créer un hameau à eux, se contentèrent de
IIrenforcerIl Alikpapendo" petit centre de peuplement que venait
alors .de créer un planteur (kabyè) de coton en pleine forêt
loin du territoire agricole de Kolonaboua
(
fig. 16);
ils auraient répondu à l'appel desparents qui s'J" trouvaient
déjà.
Les mouvements de migration rurale, particulièrement ceux
provoqués par le phénomène d'essaimage, connaissent depuis
quelques
années un ralentissement certain en raison de l'in-
tensification de l'exode rural.
2.- L'exode rural.
L'exode rural s'effectue essentiellement en direction de
la Capitale; mais les mouvements dirigés vers les villos inté-
rieures ne sont pas négligeables puisqu' i l s
p r é -
parent dans uno certaine mesure la "nouvelle migrationll des
Kabyè que constituent leurs récents et actuols déplacements
vers Lomé.

" 118 ..
Amorcé dès l'indépendance, ce mouvement s'intensifia depuis
le changement de politique opéré au Togo en Janvier 1963, SI accé-
léra depuis le coup d'Etat Militaire du 13 Janvier 1967, événement
historique qui provoqua progressivement une mutution des rapports
sociaux sur toute l'étendue du territoire; en plus de ce facteur
socio~psychologique, la nouvelle structure politi1ue et adndnis~
trative révélatrice d'un souci d'équilibre régional, favorise
encore le "déferlement" des ressortissants du NC~'d-Togo en général,
des Kabyè en particulier vers Lomé.
Certes, l'exode des ruraux vers la Capitale frappe également
tous les autres groupes ethniques du Togo; mais les particularités
et l'importance que rev~t celui des Kabyè sont quasi récentes (1).
3.- Les itinéraires des migrants
Nous distinguerons successivement les itinéraires des migra-
tions vers le Ghana et ceux des migrations intérieures.
a) Les itinéraires des migrations vers le Ghana. (
fig. 17 a)
ns varient avec les régions de départ et les zones d'atti":
rance: ceux des Kabyè qui quittent leur Pays ancestral pour la
région de Yendi suivent le plus souvent l'itinéraire Lama-Kara -
Kabou ..: Bandjéli ..: Natchamba. Ceux des Kabyè des régions d'irruni-
gration de Sokodé et de Sotouboua qui se dirigent ver s la région
de Yandi empruntent la voie routière Sokodé ..: Bassar ..: Bidjabé ..:
Natchamba. Tandis que l'itinéraire suivi par les Kabyè des régions
des cultures industrielles qui migrent vers les régions de Kpando
d'une part, de Ho ou de Koforidua d'autre part, sont respectivement
Atakpamé ..: Koun~ohou ..: Badou ..: Odjindjikopé, Atakpamé ..: Kpalimé ..:
Klouto, ou Kpalimé ;:: Kpadapé. Les déplacements s'effectuent à
pied (surtout durant les périodes précoloniale, coloniale ou man-
dataire) ou par camion.
b) Le;j itinéraires des migrations intérieures. (
fig.17b)
Au début de la période mandataire française, le réseau rou -
----------------------------
(1) Les caractéristiques de cet exode rural seront évoquées au
chapitre suivant.

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ITINERAIRE DES MIGRATIONS VERS LE GHANA
Fig· 170.
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•.
'" 119 '"
tier en Pays kabyè étant insignifiant, les principales routes
suivies par les éléments des migrations administratives furent
la route ~d&.-Kétao-Lama-Kara, Kouméa - Lama-Kara.
- La première étape du voyage était les chofs-lioux dos
cantoD/l dG Kpaggudn et de Kouméa. Pour y accéder, les nigrants
empruntaient des pistes.
- 10. seconde étape était le plus souvent Lama-Kara, point
de jonction do la plupart des migrants qui sc rendai,mt doms
les régions de Bassar, du Contre-Togo, ,10 l"'Est-Mono"ot cles
Plateaux. TI fallait y réunir teus les contingents émana..-lt de
tous les chGfs-lieux do cantons.
La troisième étape était Sokodé: on y faisait ou étchevClit
la répartition des migrmts par localité à créer ou il. }Jourvoir
en fonction
généraJ.ement des appartenances ou G-ffinités villa-
geoisGs ou cantonales; corrélativement, c'est aussi 10 lieu où
commençaient à Se séparer les migr3J:lts. C'est ainsi que cles
groupes so dirigeaient ver s Bassar, emprunt21lt la rout'ç Sol~odé­
Bassar pour intégrer les points qui leur étaient assignés. Lo
reste des migrants étaient divisés en deux groupes lllportants:
le premier devait investir cu créer des locaJ.ités de part et
d'autre de la route Sokodé-Atakp~~é ot du chemin do fer Atakpa-
mé-Blitta ainsi qu'aUX abords des routos secondaires et tr~ls­
versales: Ayengre~Sessaro, Sotouboua-Bouvolemé, Tchebébé-Kaza,
Ayengr6-Fazao, Langabou~Pagala, Nyamassila-Akaba, f-.xJié-Pat;al2.-
Gare.
Le second groupe devait conna1tre urt' qurttrième étapo Ll=s
leurs déplacements vers les contrées rurales ~ humaniser:
At SlkPamé, chef-lieu de Cercle à partir duquol le reste du contin-
gent ayant quitté Lama~Kara étaient conduits vers 18s autr~s
contrées des Plateaux, en particulier vers les tcrres situL'cs
de part et d'autre des
routes Atakpamé-Y;.pnilmé ct Atakpamé-
T:aévié.
Les tr2.vailleurs recrutés pour les travJ.ux agricoles d=s
les pl:mtJ.tions de la région deRpcl.;lné
de 1921 à 1931 suivirent
le môme itinéraire que los Kabyè déplacés vers la mômo régiun.

La période allemande n'ayant pratiquement jwnais connu
l'automobile (1), le transport des pénitentiaires sc fit à
pied.
Si pour les migrants saisonniers recrutés par les sociétés
privées, les dépl2.cemcmts s'effectuaient surtout lUI'
train
et par automobile, ceux des popUlûtions déplacées V'Jrs les
zones peu hwnanisées du Togo se faisaient le plus souvent à
pied.
Un des rares cas pour lesquels le tr=sport ùes personnes
déplacées par l'Administration fut assuré partiellc),]ent vU' au-
tomobile ou par le voie fert'ée,f'ut on
1930 celui de s migr:mts 1'0-
crutés pour Pallakoko, localité créée au bord de 12. voie ferrée
Atakpamé-Blitta: ces premiers migr,mts firrmt lu tr3.jet à pied
jusqu'à 30kodé avant d'êtru transportés par camion jusqu'à des":
tination.
Ainsi donc, le voyaga qui était effectué généralei;Dnt pen-
d=t la saison sèehe, fut pénible dans le cas des Kaoyè-Losso
appalés à mettre cm valeur les terre s des régions quasi-vides
du Centre-Togo, particUlière!:1ent pour los enf~mts et les f8r.n~es
chargées par sur croît d'ustensilGs de cuisine, cl t al:il~Gnts, de
farine de mil, de voandzo~, da sacs de sel, d'arachide et da
nattes, tandis que les hoI:UnUS portaient sur eux cles flèches, des
arcs, des poignards ainsi que des instruments de musique pour
rendre moins désagréable le voyage. ils portaient parfois des
volailles dans un poUlailler d'osier. Dans la duuxiène phclse
des migrations administratives, les hownes mariés devaient
voyager avec leurs femrnes et enfants, même d8S bébés,et cela
pour réduire les fuites; 18S autorités adninistrativ8s allai8nt
à le. recherche de ceux qui répugnaient à partir. Pour cles rai-
sons évoquées plus haut, 18S nrigrants passaient le plus souvent
plus d'une nuit à Lama-Kara, Sokodé, Atal:pwné, local:Ltés ];:]=-
quant les principales étapes du voyage. Lors de ces cscalGS,
(1) - En 191~, i l existQit au Togo deux voitures à qu~tr~ roues
et une voiture à 3 roues. CR. Cornevin, Togo, Nation-Pilo-
te ,p. 79-89).

~.
~._-r
. ...-
ils étCliont pris en charg8 quant à leur nOUlTitul'Cl 8t à leur
10gcHlemt tantôt par les populations ues localités, tcll1tôt pLU'
les autorités administratives; plus tard, l()s anciens tr,lnsplan-
tés devaient pcœtieiper à eet aceueil.
Corrunandée par un officier ou un sous-officier, url-; escorte
en tête et en queue du contingent eXerç~it une survcill,~lce
vigilante afin de parer à toute fuite. D'autrefois, l'cscorte
était réduite: deux gardes, l'lm dev;mt et l'aub'c derrii,re,
conduisaient le groupe des déplClc6s (1) .Une partiG des [Sarcles,
recrutés généralemamt dans IGS chefs-lieux desCurcles dc Sokodé
et Atakpamé s'en retournaient lme fois arrivés aux clos-cinations.
Parfois, pour réduire considérable~,1Cnt los risquos ulté-
1
rieurs do fUite, les responsables cherchaient à les désorienter
cm los faisant voyager de nuit sur des pistes trculsvcrsalos.Ce
fut le cas notamment des Losso qui fondèrent Soussoukp,'.l'o
(Vallée du Hoycn-Anié).
Les itinéraires suivis par les migrants volontaïriOs étaient
puu différents de ceux des personnes déplacées: il faut u()pun-
dant y ajouter non S8ulcrJent los voies d'importance su ccmdair 0 ,
notammcmt Atakpamé-Badou, Adéta-Elavagnon, Bouladé-Djmildé-Kabou
qUi, à vrai dire,étaient à l'état de pistes; il faut y inclure
également les itinéraires L&'Ila-Kara-Sokedé-Blitta, fJmba-
Kougnohou-Badou (2), Lanm-KarCl-Kabou-Dassar- .3ibla
-NkunY20-
Kédjébi - Henoussou - Odjjin'ljin (Dé1.gni Comta) (3). Pour éviter
10 contrôle sanitaire auqucü les migrants furont astreints au
centre anti-tripanoso~liasü du Lar,Ja-KGl'a, des migrants spentanés
traversaient le pays DassCll' en prenant par le Sud-Ouest.
(1)- Certains anciens (;mlgrés explique.ient cet encadreLlent piU'
le fait que los migrQl1ts étaient traités cowùc dus ~ri­
sormiers; en réalité, c'était pour parer aux fuites, CO-1' un
nombre de mierants n'avaient PClS volontairement quitté leurs
villages dG départ.
(2) - La portion Blitta-Akaba-Kougnohou est restée longtoups il
l'état de sentier.
(3) - Blibla, Nkunya, KfSdjébi, Henoussou sont cles 10calitGS
situées en territoire ghanéen.

·.
" 1.2.2 =
L'itinéraire des migrants actuols, sont grossouoclo los
mêmosquo~g~iuc ayant pa.rticip6 aux r.Jigrations historiqu<.:s;
l'automobile et le train sont lûl' gomont utilis6s CO;;]]l10 l;l.oy"ns
de déplacement.
Quant i
l'exode vers Lomé, il s'effectue soit directement
du Pays ancestral ou des régions d 'i'lunigrations ,soit pa.r otapes;
les points de relais sont tantet un~ ou plusieur s villes, tantet
un ou plusieurs villages. ces pauses servent le plus souvent à
préparer la descente a Lomé. Ces déplacements vers Lomé slef-
fectuant auj ourd 'hui par camion ou par train sont générdlei'lEJnt
individuels. Les principales voies suivies selon les régions
de provenance sont Lama-Kara - Sokodé - Sotouboua - Atakpamé -
Ouatchin':' Tsévié ~ Lomé , Kpalimé - Lomé, Badou - Atakpamé -
Lomé et Am1&aé .:. Atakpamé ~ Lomé.

• 1'23 •
( C ii lEt :T :fi EV)
PRINCIPAUX TYPES DE MIGRATIONS KABYE
Trois types principaux de déplacements peuvent se dégager
de l'exposé des phases migratoiresz les migrations structurantes
, les migrations conjoncturelles et les migrations oOtières(
fig.18) •
l - LES MIGRATIONS STRUCTURANTES
A - Détinition et cadre.
Quoiqu'elles se poursuivent encore de nos jours, les
migrations structurontes
marquèrent l'époque coloniale: Les élé-
ments de l'émigration dirigée ou for cée ainsi que ceux da l ' émi-
gration spontanée furent les principaux agents de ce phénomène.
1.- DéUnUion.
Elles révèlent un ça.;;açtère Permanent découlant de deux
séries de considérationss
... la première est que dans l'esprit des organisateurs,ces
mouvements démographiques ne devaient être ni saisonniers, ni
t8lllporaires, mais eondull'e des populations laborieuses kabyè et
lPS$o souffrant d 'tme grave pénurie de terras cul tivablest à res-
ter en permanence dans les contrées rurales qu 1ils leur desti-
naient;
- la seconde émane de l'accueil réservé par les intéres-
S~8 eux-mêmes aux initiatives des autorisés administrantes.
Certes, au début, le caractère coercitif (1) de Ces dé-
Pla~ements provoque de nombreuses dérobades; cependant, l.es
rétJ.cences et la mélancolie des migrants firent place
au bout
d'une ou deux récoltes
non
seulement à la ferme
volonté
de
faire
de
leurs nOUveaux villages
et terroirs
les homo-
logues de ceux du pays d'origine, mais aussi au désir
de
ne
------------------_.--------
(1)- Selon la lettr~ du Commandant de Cercle de Sokodé (Lieute-
nant Durain) adressee le 17 Avril 1926 au Commissaire de la Ré
gUd~liqu~, la plUpart des migrants en direction du Sud furent -
esignes d'office".

regagner celui-ci que lors des ceremonies coutumières (fêtes,
funérailles, rites). ~ustement, cette dernière raison et le
souhait des éI:ligrés de passer le reste de leur vie dans leurs
localités d'origine (où ils peuvent retrouver la plénitude de
leur univers affectif), nous ont empêché de qualifier ces mi:·
grations de
"défin:tives. lI
Ces migrations permanentes sont considérées comme str~q­
turontes: non seulemont parce qu'e~"les s'effectuèrent entre ré-
gions rurales, mais surtout du fait qu'elles affectèrent des
terres pour la plupsrt inoccupées du ~royen-Togo et des régions
voisines du Pays ancestral que les autorités politiques de
l'époque voulaient fai:re mettre en valeur.
~.- Cadre naturel et humain (
fig .18) .
Il s'agissait en l'occurrence des terres situées de part
et d'autre de l'axe routier Tsévié-Sokodé, celles des régions
d'expansion kabyè, celles~du bassin de 1Ik,ié, les terres com-
prises entre le Mono et le hameau Tchagli-7chakpa (près de la
frontière béninoise de Tchetti) à la hauteur de Blitta, les
terres de la limite de la Circonscription administrative de
Ta"niigbo et de Ouatchin sut'
15 à 20 km de profondeur, le s
terres de la zone comprise entre Agou et Ouatchin et les terres
du Mono Supérieur et Moyen; il faut ajouter à cette liste, les
terres de la vallée du Yoto au nord-ouest de Kouvé, ainsi qU8
celles des cantons quasi vides de la région de Djougou en Ré··
publique Populaire du Bénin. De toutes ces régions faisant par-
tie du cadre spatial des migrations structtrr'ontes, seuls les
secteurs de la Plaine du Mono et de la vallée de la Kara re':'
tiendront notre attention.
Les migrations structurantes
SI effectuèrent clans un cadre
physique et humain diffèrent du milieu d'origine.
En effet, la végétation qui recouvrait
avant
11 arrivée
des
Kabyè et des Losso
ces
espaces était
la forêt':'galerie
dans les parties des vallées du Mono et de ses affluents Où
le drainage
slorganise
sans entraves, la forêt
claire dans

.. 125 ..
le secteur méridional et une savane très nrbor<:>Q dans les par-
ties septentrionale et moyer.ne de la Grande Plaine du Nono.
"
Il
A l'Est-Mono, entre le parallèle d'Atakpamé et celui de Sokodé,
existait une forêt dense humide, ainsi qu'en témoignent quel-
ques très beaux ilôts forestiers qu'on y observe encore.(1)
Le climat qui règne dans la zone d'installation des Kabyè
et des Lesso de la Grande Plaine du Mono est un climat tropi-
cal de type soudanien pluvieux dans les secteurs septentrional
et intermédiaire, et de type guinéen dans la partie méridonale.
Les moyennes annuelles de pluies se situent entre 1 .200mrrl au
sud de Ouatchin et 1 • 40 Omm au sud de Sokodé.
La répartition mensuelle de ces pluies est inégale puis-
que 3 à 4 mois y sont écologiquement secs, tandis que les nom-
bres de jours de pluie
vont de 70 à 90 du sud au nord de la
zone considérée. (2)
A l'instar du pays d'origine, la Grande Plaine du Mono,
à l'exception de la partie méridionale, jouit d'un climat à
une seule saison des pluies, avec la nuance qu'ici les pluies
sont mieux réparties et moins violentes que là (3) (
f'ig.19).
--------------------------
(1).- N. Leneuf, Reconnaissance pédologique de la région de
Sotouboua. Mono, Goubi (Cercle de Sokodé).
(2).- M. Lamour oux , Notice explicative N° 34, Carte pédolo-
gique du Togo, Paris, 1969, p.11.
(J).- Il n'existe pratiquement qu'un seul minimum parce que
les deux passages aller et retour du Front intertropical ne
sont pas nettement séparés; la région étant é101gnée de la côte,
le minimum du mois drAo~t n'est pas assez marqué pour qu'on
puisse parler d'une véritable petite saison sèche.

Tableau nO
16
néparti tion mensuelle de la pluviométrie à Kpagouda (Pays kabyè) et à
Elavagnon "Sst-Hono" (région dl immigration structurQnt... ).
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Stations
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IH.I~~J
Moyenne
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A
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S
N
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1
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Mono"
15 6
13
70
1
,2 1
,6 r01 dl137,11224dl215,5r84,3r74,0 1107,7116,8 110,1 1
(Alt.175,07°58 IN)
,
1260
Il
~
.....
Il
I!Kpagouda
(Al t .430 l09°451N
6
14
49
01°19 I
91
E)
1 1 39
1 1 84
1
236
250 1 307
1 1 46
26
7
1455
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Fig. 19
Diagramm..
comparatifs de la pluvlom~rle à Elavagnon_
" Est - Mono"1 Reg ion do' rnmigrati on structurant.
ct a l<pallou da
1 Pays kally.1

Contrairement à celles du pays kabyè, les terres sont
de faible altitude et de faible pente. On en distingue les
principaux types suivants:
- un type prédominant, les sols ferrugineux tropicaux
lessivés à concrétions et cuirasses pour la plupart reposant
sur le socle granito-gnéissique et sur des assises de gneiss
migmatique. ns sont peu profonds et fragiles~ une culture
continue en facilitant la remontée des particules grossières,
accélère leur concrétionnement, leur lessivage et la disper-
sion de l'humus.
- les vertisols reposant sur roches basiques dans bien
des secteurs des vallées supérieure et moyenne du Mono, par-
ticulièrement dans les lIones de confluence, et dans la région
de Djabataoré et de Sotouboua. ns sont plus profonds que les
sols ferrugineux tropicaux ( la roche-mère basique s'effri-
tant beaucoup plus vite que le gneisS) et sont plus capables
d'une plus rapide régénération. Leur faible perméabilité,
leur capacité élevée de rétention, leur faible porosité sur-
tout en profondeur - caractéristique liée à leur texture fine -
ainsi que les accumulations de carbonate de calcium fréquen-
tes dans l'horizon (B) confèrent à ces terres noires (1) des
qualités agrologiques certaines~
1
Autant que les conditions naturelles, la situation démo~
!
1
graphique du cadre des migrations structurelles était favora-
!
ble à l'installation des Kabyè. En effet, à la veille des mi-
!
grations structurantes 1 le cadre était faiblement peuplé, par~
l
ticulièrement la portion de la Plaine du Mono située au nord
1
du 7è parallèle dont la densité démographique était inférieure
i
---------------------------
1
(1)- Ce type de sols est dénommé argiles noires parce que
1
.
leur texture est moyennement limoneuse, noirâtre
1
en surface en raison de leur haute teneur en matières orga-
1
niques, et olivâtre en profondeur.
1
!
1

à 0,5 habitant/ km2 (1). On y comptait des effectifs réduits
d'éléments de groupes ethniques hardis ayant su vaincre les
actes d'hégémonie du Royaume d'Agbomey à l'Est, du Royawne
kotocoli de Tchaoudjo au Nord et du Royaume aChanti à l'Ouest,
royawnes forts, dotés d'une armée permanente;o'~t~ont les Evhé
dont l'implantation en cette période d'insécurité nécessita
la construction de remparts à Tado, à Ouatchin et à Agbogbomé,
les Aniagan au sud de Blitta, groupe ethnique a[~erri et
très armé
de fusils; à ces éléments intrépides s'ajoutaient
les Bariba, fondateurs de la plupart des villages du Haut-Ogou
ayant abrité les errants yoruba, achanti et BlThé, les chasseurs
kotocoli dont les campements jalonnaient la piste des esclaves
entre Sokodé et Blitta, les vassaux du Royaun1e d'Agbomey, les
Akim de Kpessi et les Yoruba installés de part et d'autre de
l'Ogou, enfin les Ifè d'Atakpamé qui, menacés de surpeuplement
et sans attendre la "pacification" allemande , qUittèrent les
collines de leur refuge passé pour créer dans les plaines voi-
sines des campements de culture.
Au total, les Kabyè et leurs voisins les Losso avaient
trouvé dans la Grande Plaine du Mono, un milieu quasi vide,
au climat hunJide et peu contrasté, aux sols bien meilleurs à
ceux de leur cadre d'origine, nécessitant moins d'effor~pour
leur utilisatio~ mais la plupart de ces derniers, à moins d'un
amendement
adéquat, réclal"lent un usage modéré.
Conllllent les Kabyè et les Losso ont-ils procédé à la mise
en valeur de ces sols ?
--------------------------
(1 ).- B. LUCien-Brun, op. cit., p.21.
Contrairement aux affirmations de Robert Cornevin (Histoire du
Togo), le caractère anciennement désolé de cette partie du Togo
ne résulte pas d'un manque d'eau ou d'un appauvrissement de
terres cultivées, mais
du jeu de circonstances historiques dé-
favorables, notan~ent la crainte des incursions ennemies~

~ 129 ~
B.- Les aménagements spatiaux du pq~cel1aire d'utili~ation
.fn région d lin1'iligrati.on ar&i_enn~.
Deux types d'3 régions agricoles peu-rent être distinccement
abordées: les régions d1ilnmigration ~ciGnne et celles d'~m~i­
gration actuelle; mais nous estimons qu 'un eX8!~ple aurait suf-
fit à illustrer l'impact de la Diaspora des Kabyè da'1s la traI1s-
formation de l'espace agricole des régions d'accueil. (1) Aussi
nous limiterons-nous à l'étude du prernie·~ type de régions pré-
cité.
Pour notre m:posé, nous adopterons
la division en trois
ensembles régionaux préconisée par Lucie':l-BrlID (2) pour les
secteurs d'immigration du Centre-Togo: la zone septentrionale
ou secteurs de Sotouboua, la zone interm6daire ou secteurs du
Moyen-Anié et la zone méridionale ou secteu~s du Bas-Mono~ de
Gléi, de Wahala (Chra) et de Ouatchin. Cette division repose
essentiellement s"C.r l'importance progres:.:ive des autochton3s
et sur le degré de transformation de llhabit~t d'origine, du
sui de Sokodé jusqu 1au sud de Ouatchin. (
fic;. 20)
1.- Configuration générale des paysage~a~~.
Presque partout, l'ilJ1pression générale qui se dégage de
llobservation est qU3 l'orientation des parcelles est faite par
rapport aux voies de communication (fleuve~ route, rail): en
zone
septentrionale et intermédiaire, la disposition en èandes
perpendicUlaires à la route, au rail et ~ l'Anié est très fré-
quente. La raison essentielle est que ce::; voies avaic:nt été
prises lors de l'installation des immigrés pa~ les gardes comme
lignes de départ pour lloctroi des terres aux migrants. En zone
(1).- Nous laisserons dans l'ombre les al__:-:tna38tH(:;nts en zone
d 1expa'1sion à cause de leur quasi-sinrilitude avec ceux du pays
d'origine.
(2).- Pour ce paragraphe, nous SOnUi18S en partie redevable à H.
:.iQd.e~ ~
c fait une remarquabl·' étude d'interpr6tatic'1.
photographique sur les régions d1immigTation historique du Cen-
tre-Togo.

• ' . bS:8 •
REGIONS DE
MIGRATIONS STRUCTURANTES: COLONISATION AGRICOLE
Fig. 20
KABYE-LOSSO AU CENTRE_TOGO
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= 130 oz
méridionale, dans les secteurs où les hameaux de colonisation
s'insèrent entre les localités autochtones, l'orientation ex-
prime dans l'ensemble une direction constante définie par les
coordonnées WNW-ESE ( axe principal) et NNE-SSW ( axe secondai-
re), quel que soit le degré de dispersion ou de regroupement des
parcelles. (.
fig.21)
"L'orientation des parcelles au cours du défrichement suit
l'avance du front ", et les limites des parcelles créées demeu-
rent une fois pour toute acquises, même si en culture de retour
~e paysan n'exploite qu'une partie de chacune de ces parcelles.
Par ailleurs, dès les premiers défrichements, l'orientation des
parcelles traduit la configuration générale des finages cultu-
raux: tantôt, comme dans les secteurs de Sotouboua, ce sont des
directions divergentes en large éventail(
fig.2~). tantôt c'est
un alignement parallèle des parcelles qui se dégage
ain.si
qu'on en observe au sud de Blitta(
fl,g.21'.
Ce parallélisme que
revèle la disposition des parcelles s'explique par le fait qu'ici
l'expansion se fait dans une seUle direction en raison des en-
traves que constituent
la barrière naturelle de l'Anié et de
la contrainte spatiale exercée par la présence des maîtres du
sol (les Aniagan).
Il ressort de tout ce qui précède que la structure générale
du paysage agraire semble se fixer définitivement lors de la ge-
nèse du finage.
2.- Structure des finages cUlturaux.
La structure varie d'une région à une autre i d'une manière
générale, la zonation du finage cultural se dégrade du nord vers
le sud.
Dans la zone septentrionale
où elle est plus nette, on
distingue trois groupes de terroirs: les terroirs de front, les
terroirs de la zone moyenne de culture et le groupe des champs
de village. (
Pig.2i3)


.,
FiG .. 21. ORIENTATION' DeS PARCEu.eS
e;J',l!MPLE: .
lIiJ WD' Q'Al'\\ii
lCAA."U""D"~ AUT_1'''''••
.ovllea ,MM'~"'. AABRè-LOSIIO
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Lucien-Brun. op. cit.
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PANS oes Te;~R:>IF~S
~ LA ION!: SEp~eNTRioNAL.S
L~él1No6
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Pl.q•• ~ ,térili~é (r".he",.... ,.téAt/cl.-)
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: Lucien-Brun. op. cit.
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1
1
f
f
- Les terroirs de front sur lesquels les paysans travail-
lent en ordre serré forment un ensemble assez homogène; leur
éloignement des habitations va de quelques centaines de mètres
à une dizaine de kilomètres; l'ensemble de ces terroirs péri-
1
[
phériques est caractérisé par une continuité qu'interromptent
1
seulement les frontières du finage administratif d'un village
1
voisin.
\\
- La seconde zone est par excellence celle des culturesdc
i
retour; les champs qu'on y observe s'éparpillent dans l'espace
!
cloisonné par les forêts-galeries, les endroits marécageux et
les plaques de stérilité rocheuses ou latéritiques,même lorsque
t
la frange pionnière se stabilise. Leur aspect disséminé est sou-
vent renforcé par les jachères et par une multitude de hameaux
1
parse~ant l'espace agricole.
\\
- La troisième zone est moins nette dans les localités ré-
cemment créées( _ fig.22) que dans les anciens villages où le
1
1
gros des cultures s'éloigne de plus d'un kilomètre; elle répond
à la nécessité d'avoir un appoint de culture, surtout lorsque
1
le front.de culture est très éloigné des agglomérations. Cette
\\
forme d'utilisation d'une grande partie de l'aire de résidence
1
est rendue facile par la structure clairsemée de l'habitat. Ces
1
champs de village se composent le plus souvent, en partie de
"champs de case", en partie dl exploitations en structure plus
lâche s'étendant au delà, sur plusieurs centaines de mètres.
En zone intermédiaire de colonisation agricole, si on peut
distinguer des fois ces trois groupes de terroirs, la physiono-
mie de chacune de ces derniers se mOdifie, et cela pour trois
raisons essentielles:
- d'abord, le caractère mixte du peuplement (les communau-
tés kotocoli, fon, ifè, aniagan coexistent le plus souvent avec
les. palécnigritiques) empêche de rencontrer de véritables
champs de village , même dans les secteurs où la proportion
des Kabyè ou des Losso est plus majoritaire ; en effet, dans
ces derniers, la zone de denses cultures mêlées à l'habitat
(comme c'est le Cas dans les régions de Sotouboua) apparalt
rarement;

'" 132 c
- ensuitc, iélibérément et individuellement, les irrrrùigrés
abandonnent progressivew:mt certains traits qui trac1uisent 1 10-
riginolité de leur civilisation, et cela au fur et à meS".1I'e que
le peuplement autochtone devient dense;
- enfin, la multiplicité des petits et moyens centres de
peuplement renforcée par la relative densité du réseau de voies
de communication: le fleuve Mono, son affluent, l'Allié, la por-
tion de la route méridienne, la voie ferrée et les routes seCon-
daires reliant ces deux derniers types de voies entre eux.
En zone méridionale où généralement les Kabyè et les Lasso
se perdent plus ou moins dans la masse des autochtones, los trois
groupes de terroirs précités considérés dans leur d.isposition
originale sont pratiquement rares: il n'y a guère de cult~~es
de village, ni de franges de champs éloignés.
Pour rendre mieux compte de l'état du paysaGe agraire, il
importe de complèter la présentation de la structure des finages
culturaux par celle de la morphologie du parcelli1.ire d'utilisa-
tion.
3.- La morphologie du parcellaire d'utilisation.
a).- Taille et forme des parcelles.
Dans les parties septentrionale et moyeD.n&
de la Grande
Plaine du Mono, notamment dans les secteurs humdl1isés par les
Kabyè et les Losso, la taille des parcelles est en relation
avec l'éloignement du village: les parcelles plus proches des
habitations sont de dimensions plus réduites que celles si tueics
dans les zones moyenne
et lointaine
(1) (
fig.23).
Le caractère relativement minusculo dcs paroelles des abords
.
,
des villages est lié à la densité démographique et li la repugnance
---------------------------
(1).- Autour de certains villages du Moyen-Allié (Tcharébaou,
Tcharé, Ouaoua, Boou) les "micro-parcelles" ne sont pas rar 'èS,
,

= 133 =
des habitants à s'éloigner trop loin du village pour prati~u8r
les cultures de jardin. La taille des parcelles de la zone de
front est plus grande, et cela pour les raisons suivantes:
- d'abord, elles résultent de défr ichements récents; en
effet, forcé de respecter une direction déterminée à l'avance,
le paysan illlllligré défriche sans tenir compte de la qualité du
sol: les affleurements rocheux et latéritiques et les zones
marécageuses ne sont franchement mises en quarantaine que lors-
que l'espaee défriché" passe" en zone intermédiaire de cul-
ture
- ensuite, la perspective de constituer un patrimoine fa-
milial important pousse les paysans à défricher de larges pans
de forêt et à ensemencer de grands ensembles.,
- enfin, la volonté de faire preuve le plus largement' pos-
sible de dynamisme pionnier et de produire aussi bien pour l 'au-
tO..ClUlSOllIIIlation
que pour la vente.
Cette physionomie générale de la taille des parcelles souf-
fre de quelques singularités se rapportant à 11âge de l'occupa-
tion. A cet égard, en zone septentrionale, deux types de sec-
teurs peuvent être considérés:
- dans les secteurs où la prise de possession est achevée,
où l'espace eccupé est relativement uniforme, désorluais recon-
nu et contrôlé, le fractionnement et la dissémination du par-
cellaire dominent; ainsi en est-il des confins du pays kotocoli
1
au sud de Sokodé, dont le peuplement est réalisé depuis deux
!
siècles, et où de petits blocs de champs parsèment indistincte-
!;
i
,
ment toutes les parties du domaine cultivé (
tableau'n? 17).
- dans les secteurs où l'inplantation est récente, (densi-
f
té agricole moins élevée)~où l'occupation de l'espace ae pour-
!
suit encore, le morcellement est rare, sauf dans les contrées
parsemées d'affleurements rocheux et latéritiques, de forêts-
\\
galeries et des bas-fonds marécageux, cornme on en remarque dans
le finage agricole du village pionnier de Kédjébi.
1

= 134- =
1
J,
En z.9.ne._mér_icionale, les l)aTcelles dGS lü,byè et des Losso
sont de dimensions restreintes; les raisons expliqu--;.)1t cc; lIlor-
cellement sont de plusieurs ordres:
- A l'arrivée des premiers irnrnigrés, l'expansion desJ.uto-
chtones à partir de leurs aires d'occuuation originel18(au';our
des localités Kpessi, Atakpamé ct Ouatcllin) ne laissait va~dnts
que les sectcurs nüativement limités de terres vi8rges;
- le refus
des Hè (Ana) et des Evhé (1) de se déss'.isir
au profit d'immigrés de toutes les terres jusque-là inoccupées;
- la coexistence avec d' autres immigrés ()po fon ct
\\
100 anciens
1
captifs surtout en pays i:"è) qui sont Gn nombre non woins :'.mpor-
j
!
tant ct avec qui ils doivent partager l'c;Jpacc o.31'icole cli:;poni-
1
,
blc;
1
!
- dans les secteurs nord du pays ifè, la répugnance des
Kabyè et des Lasso de s'éloigner de l'axe central de comrnur:.i..ca-
tian au lieu d'occupe::- des terres oncore :Lntaetes vers l'E::·~
f
en direction du Mono;
- la réduction dl' l'UI1.ité de l'habitat Ile rM'èrcncc et sa
1
dissémination dans l'espac8 a~ricole;
-
enfin, la volonté des immigrés d'inüter l',ur8 voisin3
\\
Kpessi, Ifè, Evhé dont les surfaces exploitées sont aussi kès
i
morcelées , volonté favorisée par l ' affaillli~~8m('nt 1'1' a (Si ,?Asif
\\
du dynamisme pio=ier dont ils avaient fait preuve dans la ph,,"-
se d'occupation.
(1).- Ce refus s'explique non seUleillent pa7 le sens de p~op.léG6
développé quelque pou par un précoce et long contact lvec 108
européens, mais aussi par leur forte densité l::;ricole d '8..10ê'3.
En pays aniagan, le problème ne s ' était pas posé avec la rnêl'O
accuité parce qu'ilE étaient moins nombreux.

= 135 =
Tableau nO 17.- Taille des parcelles dans les zones de coloni-
tion agricole.
rc-
__._-
~.
-
--
--- ...
l~it'
l M M l GRE S
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1
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1
1
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Village
1
Ethnie lila-i Superficie
1
~-:; - tion
moyenne (ha)
joritaire
i moyenne
Zone
c~r;
-----
- -
-
-- - - - - 1 - - - - - -
1
,
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1
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Kolowaré
Kotokoli
1
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1 t 17
1
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1 t07
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1
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1
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1
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yen Anié)
°t 8 5
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°t 86
1
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1
(Moyen A-
nié)
I
°t94
Baissanko-
BaissaJ1ko- Ifè Gnagna
0,39

0,76

1
,
1
1Méridiona Kassengéko.
le

0,76
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0,4-0
1
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1
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Ouatchin
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0,47
1
1
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1
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1
1
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_.~--
-
.
- -
Source 1 D'après LUCIen-Brun 1 op. clf. p-55.
Dans toutes les zones de colonisation t ainsi que l'indiquent
les statistiques du tableau nO 17 t les superficies moyennes des
parcelles des autochtones sont toujours inférieures à celles des
immigrés kabyè ou losso~ Cette disparité dérive de trois facteurs
distincts:

- l'attitude du paysan chez lui: maître de la torre, i l
SI installe sur
sa propriété mieux que l'immigré et multiple
à sa guise ses parcelles;
- la diversité de ses sources de revenu dont certaines
(en zone méridonale particulièrement)
se trouvent sur les
terres octroyées par lui à l'immigré: par exemple, le palmier
à huile dont le fruit et la sève transformés lui procurent pour
la vente, de l'huile rouge et de la liquc)Ur ("soclabi") •
La diversité que recèle la taille des parcelles en région
d'immigration apparaît moins dans leurs formes •
.A. l'instar de celles du pays de départ, les pü.rcelles en
contrées d'accueil sont de forme orthogonale; on constate néan-
moins quelques nuances: les parcelles des 1ronts de défrichement
sont laniérées tandis que celles proches des habitations épou-
sent une forme ramassée. En zone de colonisation intercalaire,
en pays ifè surtout, les formes sont plus régUlières qu'ailleurs:
la relative dispersion de l'exploitation ainsi que la proximité
des Ifè qui tracent systématiquement sur le terrain des figures
à angle droit contribuent à affiner dans ce domaine précis les
habitudes architecturales ancestrales des imnigrés.
b).- Forme et dimensions des finages ~ilturaux.
La forme des finages culturaux de la plupart des gros vil-
lages du groupe de Sotouboua situés en zone septentrionale est
rarement circUlaire, et cela pour trois raisons essentielles:
- la
proximité des agglomérations dispersées on chapelet
le long de la route y fait obstacle ; pour éviter cette entrave,
un espac'Jment minimum de 9 km serait nécessaire entre le,s loca-
lités; or l'intervalle moyen n'atteint pas 5 km
- chaquë village ne dispose généralement que d'une portion
de front ;

1,,
" 137 =
11l
- enfin la contiguïté" et l'imbrication des finages res-
pectifs entrainent la déformation et en général l'allongement
de l'espace agricole villageois. La forme fréquente récèle
1
plutôt une certaine compacité surtout lorsque l'espace agrico-
\\
le est assez cohérent; le long du front d'un village situé à
1
!
bonne distance d'un autre (cas de Kasséna ou de Lama-Tessi-
i
ouest), on observe de nombreux créneaux traduisant tantôt l'a-
1
!
vance rapide des paysans les plus actifs, tantôt l'effet d'obs-
tacles franchis(endroits marécageux, affleure:n"nts rocheux ••• ).
1
La netteté de la compacité s'estompe dans le cas de village
dont le front progresse en sens opposé de celui d'un village
voisin. Dès lors, les confins des parcelles périphériques épou-
se la forme du contour de la portion du finage administratif;
c'est le plUS souvent le cas des villages situés le long des
embranchements routiers (Bodjondé, Kazaboua) (
fig.23).
t
1
Entre le centre du village et le front, la distance moyen-
ne qui varie avec l'âge de la localité est de 4"
km; la dis-
tance maximale environne 9 km..
Dans la zone intermédiaire de colonisation, où " on ne
retrouve plus de ces terroir s largement étendus autour d'une
agglomération" et Où les finages culturaux sont généralement
plus restreints du fait de la diminution des groupes immigrés,
la forme des finages est relativement allongée et étroite côté
voie ferrée comme côté "grand'route", car l'extension se
fait
dans une seule direction: en effet, le plus souvent l'aire de
résidence se présente comme un pôle d'origine; c'est le cas des
villages kabyè Tcharé et Boou du Moyen-Anii?Généralement, la
distance qui sépare la rivière du front de défrichement envi-
rOlU1e 6 km; du cÔté grand 'route,"1a distance qui sépare le vil-
lage au front dépasse 6 km surtout dans les secteurs où l'eX-
pansion des Kabyè
et
des
Lasso
ne se
heurte pas
à
la
présence d'autochtones
kpessi: c'est le cas des villages
Assoumakondji et Doufouli-Boko-Losso. Sur la rive droite de
l'Anié, la disposition encore intermittente du ~eup1ement exclut

la possibilité d'un véritable front pionnier. De plus, l'espace
agricole est peu cohérent; dans le cadre villageois par exemple,
le type habituel de finage cultural !l se réduit à plusieurs
blocs de culture distincts progress,mt soit vers la rivière
soi t en sens opposé,!l tandis que !lquelques chanps isolés se dé-
tachent dDIls les intervalles autour de fermes et hameaux."
En zone méridonale où le premier cléfrichememt est presque
partout achevé, les finages sont pour ainsi dire contigusjla
forme de ces derniers se distingue moins nettement qu'ailleurs,
et cela parce que les Kabyè s'étaient le plus souvent établis
dans les interstices inutilisés par les autochtones; d'OLl la
rareté des formes àllongées ou compactes, la distcUlce comprise
entre le centre de résidence et les frontières du finage est
inférieure à 3 lan.
c).- Forme d'utilisation du sol
disper sj.on ou groupement.
DanS les zones septentrionale et intermédiaire, peITticu-
lièrement dans les secteurs où les Kabyè et les 10sso sont
majoritaires, où leur
emprise
sur le sol est plus vigoureuse
et ferme, les formations culturales sont puissDIltes et présen-
tent UA cour s régulier tout en lai,osant sur leur passage " une
traînée de jachère "; de plus, les parcelles sont plus groupées
chez les seconds que chez les premier s,particulièrement dans
la zone intermédiaire.
Cette relative singularité révèlée par le paysage agraire
est en rapport avec le caractère "clairsemé" de l 'habitat des
Kabyè qu'explique en partie leur préférence pour une autonomie
individuelle. A vrai dire, l'individualisme ne fait pas surface
lors du prenrier défrichement pendant lequel ils procèdent au
regroupement des parcelles ainsi qu'en témoignent la cohésion
de celles des franges frontales des finages de Kazaboua et de
Kédjébi, et cela afin d'assurer
la meilleure protection contre
les animaux déprédateurs (perdrix, écureuils, sin:;es •••) ; (1)
l'individuàlisme ne se donne libre cours qu'après la période
de défrichement: assuré de la fuite ou de la destruction d'une
~--------------------------------
(1)-Pour maintenir cette cohésion indispensable à la maîtrise des ani-
maux déprédateurs ainsi que pour grossir le patrimoine familial, les
terres qui devaient revenir aux exploitants décédés sans successeurs
ou ayant quitté le village sont défrichées par les voisins immédiats
nrésents.

= 139 =
grande partie des animaux nuisibles 1 chaque paysan kabyè ins-
talle alors à son gré ses exploitations au cours du second
passage. A cet élément favorable à l'éparpillement
des par-
celles, il faudra ajouter l'abandon des terres reconnues in-
grates alors que pendant le premier passage, le paysan kabyè
ne tient pas compte des différenciations pédologiques.
Dans la zone méridionale, le groupement et la dispersion
alternent: dans les secteurs de démarcation entre groupes au-
tochtones où les Kabyè et Losse disposent de domaines libres
suffisamment vastes pour l'installation de gros villages de
colonisation agricole, la tendance est au regroupement; c'est
ainsi que s'individualisent
d'importants groupes de parcelles
autour d'Agodjololo au Nord d'Anié à l'ôcart des Kpessi et des
Woudou, autour des localités situées au sud-est de Gléi, aux
confins du territoire des Ifè Gnagna, enfin autour de Karigor:l
Bato, Adanka (au nord de Wahala) d2J1s l'ancienllno man' s land ll
séparant le pays évhé des Ifè. Ce regroupement résulterait non
seulement du caractère plus aggloméré de l'habitat, illdis aussi
d'un réflexe de solidarité: la constitution d'un grand bloc
de culture permet aux immigrés récemment implantés de mieux
dissuader tout nouvel occupant éventuel. Lorsque les domaines
laissés aux migrants kabyè ct losso sont restreints, leurs
f
parcelles se détachemt et Il s' égaient ll dans l'espace disponible;
1
ainsi en est-il de la physionomie des finages culturaux des
\\..
localités des immigrés de l ' "Ouest-Mono", de Nyamassila
,.
i
d'Anié, des environs du Moyen-Amou et du sud de la rivière
WahaJ.a.
Dans cette zone, particulièrement dans la reglon de Wahala
(Chra) , à l'instar de ce qui a été observé dans les zones plus
septentrionales de la Grande
Plaine du Mono, se manifeste une
certaine disparité du fait de la dualité ethnique des immigrés:
les Kabyè qui adorent à se disperser dans l'espaCé
agricole,
disséminent plus volontiers leurs parcelles que les Losso; au-
près de leurs hameaux attenant à li.gbatitoe au nord de Ouatchin
ou à Agadja à l'Ouest d'Anié, ces derniers disposent de quelques
blocs de culture importants.

d).- Degré d'occupation du sol.-
D'une manière générale, et du point do vue quantitatif, les
terres situées à l'ouest de l'axe central de cOlillnunication sont
moins humanisées que celles situées à l'est. Cette disp~ité est
liée à la proximité de l'imposant et rectiligne esc;ll'~)e;l1ent de
"failles des Monts du Fazao et de l'escarpement oriental du Pla-
teau d'Akposso, ainsi
que corrélativement à l'existence à
l'ouest de Sokodé et de la Vallée de l'Anié des lithosols sur
quartzites; ces derniers sont des sols d'érosion peu évolués,
d'origine non climatique dont la valeur agrologique est bien
médio cr e •. (1 )
Les parties Où la dégradation du sol est plus terrifiante
comptent justement parmi les régions réputées "inhabitées" du
Togo.
Selon Lucien-Brun qUi a travaillé sur les photographies
aériennes
des années 1963 - 1969, "on peut
estim8r que la
moitié de l'espace du Centre-Togo (montagnes exceptées) ne fait
encore l'ubjet d'une exploitâtion agricole". Aujourd 1hui, grâce
aux campagnes d' encourag~m"'r.tà l'extension de s surfaces culti-
vées et à l'amélioration de la productivité et des rendements
entreprises annuellement depuis mars 1977 par les h~uts respon-
sables politiques du Togo dans le cadre de la "Révolution Verte"
(2), environ 3/) des terres cultivables des régions de migrations
structuromes
peuvent être estimées mises en valeUl'.
---------------------------
(1).- Voir M. Lamouroux, Carte pédologique du Togo.
D'après les indices de Fournier, cités par Lamouroux (fig.7)?
le tonnage de terre enlevée par les eaux chaque année va de
1.000 à 1.)00. t/km2, alors qU'à 11Est de la portion de la route
méridienne Ouatchin-Sokodé où le bilan des actions de l'érosion en
nappe est moins déoolant,
il varie entre 200 et 600 t/lun2.
(2).- La "Révolution Verte" est la principale résolution
du Séminaire Agricole de Février 1977 tenu à Lomé
sous la Présidence effective du Chef de l'Etat. Ell" a pour
finalité de permettre aux Togolais de se suffir sur le pl'lYl ali-
mentaire et d'offrir aux paysans un surplus agricole prov'o à
les intégrer véritablement dans un circuit monétaire profitable
à tous.

= 141 =
1
II.- HIGRATIONS CONJONCTURELLES.
!
1
A.- Définition et cadre.
1
1.- Définition.
1
Les migrations "conjoncturelles ,II furent celles qui eu-
rent pour cadre essentiel l'ensemble formé par les Plateaux du
Centre-Ouest togolais ( du sud au nord, la r6gion du Mont Agou,
Danyi, Akposso, l'Akébou, l'Adelé) s'élev~illt à 600 - 986 m. d'al-
ti tude
ainsi que les contrées aGrü~oles et minière:, du ,}Inna
C(mtral et Oriental.(
flg.24a et e 4 b )
Nous les qualifions de conjoncturelles parco quo, vOlontaires,!,
elles résultent d'un concours de circonstances qui finirent par
'
fixer un certain nombre d'entre eux dans le milieu d'accueil. Ce
t
fut d'abord la possibilité pour les Kabyè d'un gain monétaire
1
dans une région naturelle et économique relativement peu lointai-
1
!
ne, et cela dans le but de valoriser la période de la longue sé-
cheresse annuelle du pays ancestral et de satisfaire aux bosoins
1
nouveaux procédant de la colonisation. Cc fut ensuite la prise
',i"
de conscience de l'existence et de l'extension d'un système de
',
tenure susceptible de résoudre trois de leurs problèmes cruciaux:
!
l'insuffisance alimentaire en période de soudure, la pénl~ie de
1
terres cultivables et l'indigence monétaire. Ce fut en définitive
1
ces deux dernières raisons plus que la première, qui contribuèrent
'i
à la fixation d'un certain nombre d'iwnigrants saisonniers kabyè.
;
Ces migrations sont peu structurantes
p;.Jrce que l ' ~spacc
t
était en grande partie depuis longtemps occupé par les autochtones.
Certes, des forêts furent abattues par les lCabyè avec une rare
1
1
ardeur; mais ce fut le plus souvent cn tant que journaliers ou
métayer s au profit d 'lill propriétaire f01".cier local.
Au total, les migrations conjonctl~elles airlsi définies fU-
rent d'abord saisonnières puis temporaires
avant d'être progres-
sivement permanentes; son aspect primaire est toutefois loin de
disparaître; au contraire, il semble s'éterniser du fait de la
participation des ressortissants kabyè des villages de colonisa-
f
tion des régions de migrations structl~an\\es;(
fig.,,;! au courant
migratoire saisonnier.
1
1
~fj:=Noüs-isolons-lës-ëas-aës-Villages~comme Patatoukou, créés par
1
i
l'Administration coloniale durant la merne période que ceux de la Gran-
de Plaine du Mono dans le cadre des migrations structurantes.


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(Togo Cantral), Cah. 0lII ST01'1. • ••
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1111, n", 1.71.

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'ig. 25 ~ Zone d'attlranoe des 'migr~~t. au r.hAn.·
Sourc.I J. Rouoh, Migrations au Ghana, Paria 1956.
1

2'- Le cadre physique.
A n'en pas douter, les migrations conjoncturelles curent
lieu dans un cadre naturel, économique et historique bien dif-
férent de Celui des migrations permanentes structurantes
(tudiées
plus haut.
Alors que ces dernières se produisirent d:ms des l:"'lglons
relativement basses au climat tropical de type guinéen et aux
formations végétales dominées par la savane ,~borée, la plup(~t
des déplacements conjoncturel.s s'effectuèr,~mt dans un cadre spa-
tial b,ypsométrigu8mentJJ1us élevé et dont la prédornin:mce fores-
tière procède en p;:u'tie d'un climat plus humide (
fig.Ac,26 et 30).
Au Togo, les principaux éléments du relief
de ce cadre
physique sont la partie méridionale de la chaîne de l'Atalwra (1)
i
traversant du IDIE au SSW le Bénin et le Ghana,des plaines ayant
l
!
environ 200m d'altitude, notamment à l'Est, cellc du Litimé que
t
surplombe l'escarpement de faille de Badou et au Sud-Ouest, la
1
plaine séparant une série de pointements basiques, à savoir les
Monts Loboto, Toklo, Raïto, de l'escarpement de failles longé
par la rO'Ute Kpalimé-Atakpamé.
La formation végétale
domin:mte est la forêt soudano-gui-
\\
néenne couvrant les secteurs les moins humanisés des hauts re-
liefs et entourant la savane arborée de montagnes tandis que la
végétation d'une grande partie des plaines est une savane arbo-
rée guinéer~e. Dans la dépression périphérique du Mont Agou
s'installe une savane arborée. La forêt-galerie occupe les b()r-
ges d'une gr:mde partie du cours supérieur du Zio.
La forêt soudano-guinéenne est continuellement attaquée
par l'homme qui y procède tantôt à des ~clairèisssements quand
on l'affecte à des cultures industrielles (caféier, cacaoyer,
palmier), tantôt à des défrichements complets lorsqu'il s'agit
de pratiquer des cultures vivrières.
---------------------------
(1).- Au Togo, cette chaîne de montagnes anciennes et faillées
formées au l'récambrien porte lc nom de "Monts-Togo".

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Fig. 26 E.qui.... des formations vegOt_l.. du Togo
Source 1 M. X-OUJ'OU
Notioe exp11oaU"e ? n- ~,Carte
pédOlog1que du Toll'o au 1/100 OOO)OR5TOM Pade
,
, 1~69.

= 143 '"
Tab~eau nO 18.- Répartition mensuelle de la pluvioméctrie à
Lama-Kara, à Kpagouda (Pays d'émigration) et a Kpalim8 (Pays
d'immigration) .(plus de 20 ans de relevés)
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Lama-Kara
(Alt.290 9°
4
1 ~ 4-4-
98 124 <17
210 215' 275 118
30
8 1 315
33'N,1 01~E)
Kpagouda
. (Alt.430~09'
6
14
49
91 139
84
236 250 307 14<)
26
7 1 ltlt5
1 45'N, 01 0
9'
1 E)
Kpalimé
(Alt.205,66
28
58 121 153 165 217
158 117 200 182
71,
46 1 519
1
53'N,00039'

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:
1
1
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Source: Etudes pédohydrologiques au Togo, volume III, données
hydrologiques, FAO, Rome, et ORSTOM, Paris.
A quelques exceptions près, les lambeaux de forêts repo-
sent sur des sols ferrallitigues alors que la savane arborée
de montagne et la savane arborée guinéenne
correspondent res-
pectivement à des sols d'érosion bruts ou peu évolués d1ori-
gine non climatique et à des sols ferrugineux tropicaux.Autour
du Mont Agou, on observe des sols bruns eutrophes à hydromor-
phie de profondeur tandis que sur ses versants sont Qes sols
faiblement ferrallitiques (1).
Le Mont Agou et les Plateaux jouissent d'un climat tropi-
cal de montagne
oaractérisé
par une pluviométrie de 1 400 à
1900 Ulm répartie sur plus de 100 jours et ne oomportant que 1
(1).- Ces deux types de sols qui se développent sur roche basi-
que s'apparentent à certains sols des collines kabyè. Plus que
les conditions climatiques, les similitudes géologiques et géo-
morphologiques expliquent mieux cette ressemblance.

\\
= 144 =
à 2 mois secs. Il s'agit là d'illl climclt plus humide que le cli-
mat montagnard du pays d'origine (
fig.31l. La répRrtition 8Jl-
nuelle des pluies y est encore meilleure (
tableau nO 18)
comme en témoignent les diagrammes comparatifs de la pluvio-
1
m'tei" à Kpagouda (Paya d'arigina) at , Kp"im' (Paya d'accueil). 1
En territoirc ghanéen, le cadre des miGrations conjonc-
turelles se limite pratiquement
à la Région de la Volta et
;
f
dWlS illle moindre mesure aux régions de Ku.'llassi, de Koforidu:J.
l
et de Tamalé du fait de leur éloignement ,iu pays Wlcestral ou
\\
des régions de migrations structurantes
(
fig.29). Du point Je
vue du relief, il est essentiellement formé, à l'est du prolon-
!ti'
gement de l'Ata.kora et du Buem, au centre, d'une partie du Bas-
l
f.
sin de la Volta et à l'ouest, du Plateau di:3s6qué ut cles H2,uts
Plateaux dominWlt au sud-ouest le Bassin C
fig. 30).
A l'exception du Bassin de la Volta dominée par illle S~V8ne
1
arborée, la végétation naturelle reCOUYrWlt ce cadre ghanéen
des migrations conjonctuelles est la forêt semi-décidue; for-
mation dense et
humide en raison de l'influence hydrique et
1
thermique du climat subéquatorial (
fi:.> zr a-è :013~cette forêt
!
repose essentiellement sur des "ochrosols" (1); bi(3D drainés
et plus basiques surtout à l'ouest et au centre, ces derniers
sont d'excellents sols de cacao.
3'- Cadre économique et historique.
Les excellentes conditions hydriQu~s complétées pat' un ré-
seau hydrographique rel~tivement dense (Amou, Ménou, Dapyi,
Anloutchou, Zio en territoire tOGolais, et le système
de la
--------------------------
(1).- Ce sont des 301s rouges ou brilll-rouges d83 sommets Gt
brilll-fauvessur les bas versants. Ici, nous adoptons la termino-
logie anglaise, car elle nous parait plus synthétique et plus
expressive; la classification est faite ici
en s'appuyant sur
la couleur des roches constitutives: granit, quartzitcs, phyl-
lites, schistes, conglomérats.

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Kwamina, B. Dîckson, George Benneh
A New Geo<;Jrophy of Ghano,
Langmon} Londres, 1971

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comparatifs de la pluviométrie à Kpagouda (Pays d'origine)
~I

et a Kpalimé (Pays d'accueil)

= 145 =
Volta,du Pra, de l'Ankobra, du Tano et du Bia en territoire
ghanéen), et alliées à la prédominance de sols à bonne pro-
ductivité (sols ferrallitiques peu saturés, l::s sols bruns
eutrophes, les sols hydromorphes de la vallée supérieure du
Zio et les "ochrosols") prédisposaient sans doute le Sud-Ghana
et le Sud-Ouest togolais (
fig, ~4 et 25) aux cultures frui-
tières, notamment aux plantations de cacaoyer, de caféier et de
palmier à huile coexistant heureusement avec des cultures vi-
vrières (tubercules, maïs, riz, fonio etc .. ,) sur des parcel-
j
les de moindre taille. La vocation cacaoyère
et caféière de
1
,
ce domaine qui servit de cadre aux migrations conjoncturelles
kabyè ne fut exploitée que tardivement dans les secteurs togo-
1
1
lais; la preuvo, c'est que h) cacaoyer essayé pour la première
1
fois dans l'Akwapim VGrs 1830 par les pasteurs de la Société
des Missions de Bâle (1) et plus tard sur les terres riche,: des
\\
régions do Ho, de Jasika
et de Kpando (pays evhé) et cultivé
j
en grand depuis 1901, ne fut connu qu'au début du XX è siècle
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dans les secteurs togolais des migrations conjoncturelles. Sa
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culture véritable fut d'abord le fait des alleüJands qui ins-
l
tallèrent les premières plantations dans la région d'Agou, puis
j
l
le fait d'indigènes qui au début du xxè siècle rapportèrent de
Gold Coast les précieuses noix.
,
Quant à la cul ture intensive du caféier, plante d' introduc-
tion relativement plus récente, olle date du début de la pre-
lnière guerre mondiale.
Le succès de Ces cultures spéculatives à cotte époque
entraîne par la suite son extension dans les élutres parties
du domaine togolais des migrations conjoncturelles , Bien av::mt
la mise en exploitation des
phosphates, C8 dernier/Jv~~
ses productions cacaoyères et caféières, (2) fournissait en
valeur près de 75 %des exportations du Territoire togolüs;
c'est dire que l'importance économique de ce domaine était
--------------------------
(1).- R. Cornevin, Histoire du Togo, p.127.
(2).- Les produits agricoles étaient les seuls oxportés à cette
époque. En 1965, ce pour contage était tombé à 45,7 %avoc l'ex-
portation des phosphates.
l
1
1

= 146 =
énorme: le succès de ces cUltures industrielles ne reposait pas
seulement sur le caractère fatDrable des conditions écologiques,
mais surtout sur des facteurs humains: l'utilisation de la main-
d10euvre
lIalloehtone" évhé, ouatehi, kotoeoli, losso et kabyè
dans des régions à l'origine peu ou moyennement Ileuplées.
Les populations ayant introduit ces plantes dans cette par-
tie du Togo furent les Akposso, groupe montagn2~d le plus impor-
tant du Moyen-Togo tant par leur nombre que par leur richesse
et leur évolution. Venus dès la fin du XVlllè sie cIe directement
d'Akposso Koubi (1), région de plaine située au Centre du Togo
"ghanéen", ils durent désormais
coexister sur le Platc<lu ot dans
les plaines voisines avec les "autochtones" Akébou, POPUl,ltion
de civilisation voltaïque, et les Evhé au lendemain de l'exode
de Ouatchin.
Ce n'est pas par
hasard que le cadre des migrations con-
joncturelles kabyè dont nous venons de décrire SOl1UlIall'cment les
aspects physiques, économiques et historiques est assez proche
du pays d'émigration: Populations animistes, les Kabyè répugnent
à s'éloigner de leur pays d'origine alors que los Zabarma du
Niger, les Yoruba et les Haoussa du Nigéria consentent aisément
à une émigration à plus grand rayon (2). Cela résUlte des dis-
parités culturelles et psychologiques qui opposent l'animisto
au musUlman: en effet, le promier no connaît pas la sécurité du
second; celui-ci ne oraint pas de quitter son village d'origine,
à la solide croyance que le Dieu unique veille sur cetto dernière
autant qu'il le fait sur les routes qu'il parcourt et dans la
localité où il se fixera. Tandis que les Dieux de l'animiste sont
liés à la terre ancestrale et à son lignage p<lternel et maternel
(1).- Auparavant, ils quittèrent Agbogbomé (une résidence d'Ago-
koli,roi
de Ouatchin située à environ 30 km au sud-ouost d'Ata-
kpamé) parce
que le roi choisissait lours enfants pour los sa-
crifices rituels. Par aillours, Akposso Koubi,dérivo de l'expres-
sion IIAkposso Koubio", cris poussés par les A~hanti en fuite de-
vant les armées Akposso
,. signifiant "les Akposso nous tuent"
(2).:- Répugnèmt à s'éloigner de leur village enc~stral, les

Kabye sont plus nombreux que les Losso dans la:- Region des Pla-
1
teaux du Contre-ouest togolais; par contre, ces dernicJrs, parce
!
qU'ilS supportent mieux le déracinemont que los seconds, sont
numériquement supérieurs au Ghana.

= 14-7 =
de sorte qu'en
principe tout mariage, toutes funérailles re-
quièrent forcément un retour au pays ancestral; c'est d'ailleurs
ce qui explique aussi que le Kabyè tienne par-dessus tout à être
enterré auprès de ses ancôtres. Ces impcSrati'.'s sociaux comme
bien d'autres, lui interdisent de s'en éloigner de trop. Loin
dos siens, il
se sont donc abandonné et malheureux; dès lors,
même s'il vit dans une contrée étrémgère avec son épouse ct
ses enfants, il demeure psychologiqueillont un exilé. Voilà qui
explique quo même au sein de ce cadro peu éloigné de sa terre
ancestrale, le Kabyè avait lonf,temps préféré y vivre temporai: -
rement, leur fixation permanente- et non définitivo - ne surve-
nant que lors de circonstances très avantageuses pour oUX.
B.- Les migrations conjoncturelles. saisonnières, temporaires
et permanentes.
1.- Les I~grations saisonnières.
Les circonstances qui provoquent les migrations saisonnières
sont d'orili'e climatique, psycho-sociologique, économique et poli-
tique.
a).- C:ï.;rconstances climatiques ct soçio-économiques.
Peu après l'ouverture des Cercles de Sokodé - Bassar et de
Mango-Yendi (fermés de 1907' à 1912 essentiellement aux commer-
çants et aux missionnaires européens), les marchés du Pays ka-
byè reçurent des articles importés très peu connus auparavant
des habitants très longtemps réduits à l ' enclavemont. Cette nou-
velle situation socio-économique marquée désormais par la coexis-
tance d'une économie monétaire avec une économio traditionnelle
d'auto-subsistance et de troc, incita les Kabyè il so rendro clans
des régions où le gain monétaire était possible afin d'être à
même, une fois revenus, d'avoir accès à ces articleS ouropéens
par le. Iran ,ai.
ou d'en rapporter .PLus tard, l ' inr;ti tution"du paiem;:;nt obliGa-
toire de
10
tQxe
Civique
rondit impérieux tr expatria-

,. 148 =
tion temporaire (1). A cette époque, le départ vors l'actuel
Ghana s'effectuait avec d'autant moins d'hésitations que le
mark fut remplacé dès 1915 par les devises angl~ises.
Ces départs qui eurent lieu pend,mt la longue saison sè-
che,
c'est-à-dire de novembre à avril, s'effectuèrent en di-
rection des régions où la nature et l'ampleur des activités
agricoles firent appQI'aître un net ngraciicntnde travail rémuné-
rateur. Les régions cacaoyères et caféières du Togo et du Ghan:1
répondaient à ces exigences: en effet, en période de récolte,
il sévissait une pénurie de main-d'oeuvre, pénurie d' aut,mt
plus ressentie en pays akposso Clue les jeunes autochtones ré-
pugnaient à s'adonner activemont aux travaux agricoles, et
qu'au Ghana, ils considéraient le travail de la terre comme
dégradant. L:1 main-d'oeuvre étrangère était donc recherchée:
ce qui explique que non seulement bon nombre d'entre les mi-
grants saisonniers réussissaient à s'engager simultanulmmt au-
près de 2 à 5 paysans (particulièrement dans les secteurs où
les Evhé, les Zerma, les Mossi ne leur livraient pas concur-
rence), miis étaient également logés et nourris.
Si ces facteurs socio-économiques"favorables représentaient des
conditions necessaires à ces déplacelllonts saisonniers, le fait
que la période sèche en pays dl émigration coïncide avec la pé-
riode de récolte, de séchago,
d'unsacholllemt cles noix de cacao
et de café, et de la préparation
du
soL
(déforestation, dé-
broussage, édification de buttes d'ignames ••• ) pour les prochai-
nes cultures, constitue une des conditions suffisantes pour le
dc.':part.
Le courant migratoire déterminé par ces migrations saison-
nières s'intensifiaient grâce au succès presque constant des
plantations de caféier et de cacaoyer, comme en témoigne l'é-
(1).- Les Allemands quant à eux se contentaient d'exiger des
corvées après avoir renoncé à colleeter l'impôt de prestation
(Seewersarbeit) auprès des populations du Nord encore en dehors
du eircuit monétaire européen. Au Sud par contre, cet impôt
qui correspondait à 12 journées de travail était à eette époque
fréquemnlent racheté.

=149 =
volution suivante de leur production entre le6 deux guerres
mondiales.
Tableau nO 19.- Evolution de la production du café et du c~cao
entre les deux guerres mondiales.
-
._- .._.
.-
.-
'"
-
_.
ii
1
i
ANNEE
Café ( en kg)
Cacao (en kg)
1
-
,
1
1920
a
1 544
1
1925
4 000
3948
1930
29 000
5 895
1935
117 000
7 554
1938
345.000
8 330 .
i
1
j 11
..
Source: Pechade, Le Togo 1939.
b).- C&rconstances d'ordre psycho-sociologique.
Durant la première phase de la colonisation des régions
quasi vides de la Grande Plaine du Mono, devant le refus des Kabyè
d'Obtempérer à l'ordre de départ, les notables d'abord, les awni-
nistrateurs ensuite, durent user de contrainte:
faute de volon-
taires, les chefs de canton et de quartier nommaient d'office des
émigrants dès la fin des travaux champêtres en décembre, et cela
parmi ceux dont ils voulaient se débarrasser j les hOllLiWS devaient
au début" partir seuls, à char ge pour eux de faire venir leur
famille quand le logement définitif serait assuré." (1)
Ceux qui.résistaient à cette décision sans répli~ue s'expo-
saient à la cravacha des
gardes
des chefs; de plus, non seule-
j
ment le départ était brusque et inattendu pour la plupirt, mais la
destination et la durée du séjour leur étaient incOllliues. Les me-
-----------------------------
(1).- B. Lucien-Brun, thèse, cit., p. 116 •

= 150 =
naces des gardes armés qui les conduisaient (le Kabyè est ro-
belle à toute contrainte) ainsi que le spectre d'tillO végétatien
dense parcourue de bêtes féroces à laquelle ils devraient
s'attaquer, achevaient de les horrifier. Rien d'étonn~ît qu'il
eût, dans les villages de colonisation créés avoc les contin-
gents de Kabyè et Losso ainsi déplacés, de nombreuses escapades
malgré la vigilance des gardes. Mais souvent, ainsi que le rap-
porte Lucien-Brun, le fugitif poursuivi sans succès était rem-
placé de force par l'un de sos parents.
Pour se soustraire à ces contraintes désagréables, et sur-
tout pour éviter la séparation définitive, les Kabyè et les
Losso trouvaient sÜI' de "devancer l'éventuel ordre de départ
en se rendant dès le mois de novembre dans les régions du tra-
vail saisonnier pour revenir chez eux peu après sans être in-
qUiétés~~)Des départs similaires provoqués, il est vrai, par
des situations particulièrement éprouvantes, devaient persister
longtemps, ainsi qu'en témoigne un rapport relatif "au climat
psychologique dans lequel s'effectuait le départ pour l'émigra-
tion administrative" en direction des mines d'or du Bénin,rapport
adressé par Mgr Joseph Strebler au Gouverneur Noutary:
1
"Au pays Cabrais-Losso, la déportation et l'émigration for-
1
cée ont été pratiquées depuis de nombreuses années et cette mé-
thode tend actuellement il nous aliéner sérieusement la sympa-
thie de nos populations et à nuire gravement à nos propres in-
térêts, car elle pousse nos ~ens à haïr l'Administration Fran-
çaise et à s'évader en Gold Coast. Notre population est fonciè-
rement hostile à toute déportation et condamne la méthode ac-
tuellement employée pour désigner les partants." (2)
Enfin, des contraintes sociales nouvelles relatives au ma-
riage incitaient au départ: la déculturation et le déséquilibre
socio-économique consécutifs à la pénétration de la civilisation
occidentale, et la monêtarisation de l'économie ont eu progressi-
--------------------------
(1).- B. Lucien-Brun, thèse citée, p. 116.
(2).- Rapport de Mgr Joseph STREBLER à Monsieur le Gouverneur
Noutary, Commissaire de la République du Togo, à Lomé daté de
Sokodé,Août 19~.(cf. Lucien-Brun,op.cit',Annexe III,p.137)

.151 co
vement pour résultats l'augmentation démesurée des coûts des
festivités liées au mariage, et l'évolution de la quantité et
de la valeur des dons: pour être à même de remplir dans les
meilleurs délais ces conditions, le fiancé préfère migrer tem-
porairement ou saisonnièrement vers les régions des cultures
industrielles du Togo et du Ghana.
a).- Circonstancfil:l économiquES et politiques.
Aux circonstances
qui
vi~ent d' atre
évoquées
il importe d'ajouter d'autres qui permettent de procéder à une
distinction sectorielle des migrations conjoncturelles.
A l'exception des années de crise économique mondiale au
cours de laquelle les exodes saisonniePs vers la Gold Coast et
le Togo britannique furent insignifiants (1), le flux des migrants
saisonniers kabyè se rendant à l'actuel Ghana à l'instar de leurs
homologues en provenance des autres territoires d'expression
française ( les Zabrama du Niger, les Gao et les Kado du Mali,
les Zugu du Bénin, les Mossi et les Gurma de la Haute-Volta,
los Wangara du Mali et de la 05te d'!voire) (2), grossissaient
pour les raisons suivantes:
- l'économie de la Gold Coast et du Togo Britannique sti-
mulée par les conflits mondiaux était florissante: en effet, les
deux territoires connurent des périodes de hausse de salaires
journaliers des manoeuvres agricoles et miniers; elles sont
consécutives
à des montées des prix du cacao et du café, au
succès éclatant de la culture de la première et à l'ouverture
entre 191~ et 1939 des mines d'or du Sud-Ghana, des mines de
manganèse de Tarkwa et des mines de diamant de la région de
(1).- Ra~port de Mgr Joseph Strebler à Monsieur le Gouverneur
N0utary ~cf. Lucien-Brun, op.cit"Annexe III, p. 137J
(2).- Zabrama: les Songhai, les Zerma, les Woggo, les Dendi,
les Bella ou Buzu.
~ao:- les Songhai, les Arma, les Maure, les Touareg.
~:- les originaires du Cercle de Djougou: les Dendi, les
Bariba ou Borgou.
.
Kado:- les Dogon, les Koromba.
'iilaiigara:- l~s Bambara, les Malinké, les Senoufo, les Bobo, les
Dioula.

'" 152 ..
Kadé. (1)
?
- par contre, l'économie de l'Afrique française éprouvée
par les péripéties de la deuxième guerr8 mondiale était pré-
caire.
Ce fut en vain que les autorités coloniales dressaient
des obstacles de toute sorte à la frontière pOlU' arrêter 1. IUhé-
morragie"de main-d'oeuvre vers ces territoires anglophones.
Ces obstacles transformaient au contraire les migrants
en héros, les marchandises britanniques en trophées et l'aven-
ture de la Gold Coast et du Togo BritillL~ique en une épreuve
comparable aux guerres d'autrefois. (2) L'intensification de
ce"flux" migratoire procède de conditions de vie de travail
plus faciles en territoires britaru1iques: les migrants béné-
ficiaient de primes et d'exonération de prestations et d'im-
pôts. De plus,les marchandises étaient abondantos par "compa-
raison avec la misère des colonies françaises voisines " où
elles étaient contingentées: "un travailleur pouvait s'acheter
avec ses économies un pagne par mois en Gold Goast;c'est à peine
si en territoires frùllcophones, il pouvait s'en procurer deux
par an." 0).
Les avantages psychologiques étaient aussi importan~comme
il en ressort des facteurs socio- politiques suivants: " le mar-
ché du travail en Gold Coast était libre et l'administration
n'intervenait pas dans le recrutement", les migrants jouissaient
d'une grande liberté de circulation. "Une législation du tra-
vail assez libérale était appliquée dans les mines, les chan-
tier s administratifs et de travaux publics. Ainsi l'inunigrant
n'était pas empoisonné par l'administration comme dans les co-
lonies voisines." 0)
---------------------------
(1).- I l faut néanmoins préciser que dans les mines Où l'on me-
nait alors une vie sans rapport aucun avec la vie de son Villa-
ge natal, Où l'on était astreint à une discipline de fer, le
nomQre de Kabyè était relativement réduit.
(2).- J. Rouch, Migrations au Ghana.
(3).- J. Dresch, Les migrations des populations des colonies
françaises vers la Gold Coast, Bull. Assoc. Geog. fr.,1971-2,
Paris.

'" 153 '"
Ces avantages économiqUes et psychologiques favorisant
les exodes saisonniers kabyè et losso vers le Ghana parti-
culièrement au lendemain des deux dernières conflagrations
mondiales rappellent quelque pe~
ceuX dont bénéficièrent
les travailleurs Kabyè engagés sur contrat durant les années
20 pour le développement des cultures industrielles de la
région de Kloto-Kpalimé.
Eh effet, le déficit de main-d'oeu'Œe résultant de l'in-
tensification de la culture du cacao, du café, du coton et
du palmier à huile dans les pays agricoles de K1oto amena les
propriétaires indigènes et des Européens à "puiser ll dès 1923
dans le "réservoir" kabyè. Ces recrutements se firent directe-
ment ou par 11 intermédiaire de l'Administrateur oommandant le
Cercle de Sokodé qui se contentait de faire annoncer les ,offres
d'emploi. La spontanéité avec laquelle les Kabyè répondaient
à ces demandes de main-d'oeuvre résultait des clauses avanta-
geuses du contrat d'engagement reg1émenté par le decret du
29 Décembre 1922 et ses ajouts de 1923 et de 1924, (1)decret dont
le champ d'application était limité au Cercle de Sokodé: les
migrants avaient l'assurance qu'ils regagneraient tôt et avant
les semailles leur village d'origine, puisque le contrat spé-
cifiait un engagement d'une période de 6 mois à datGr du 1er
novembre de l'année en cours jusqu'au 1er mai de l'année sui-
vante. Par ailleurs, les engagés qui, à partir de Novembre
1924, étaient soumis à une visite médicale au moment de recru-
tements, étaient efficacement protégés contre les abus de tou-
te sorte que des,employeurs peu consciencieux pourraient
être
tentés de commettre à leur détriment; les contrats stipulaient
en outre la gratuité jusqu'à complète guérison des soins médi-
caux avec paiement des salaires pendant les 8 premiers jours
de maladie, le rapatriement aux frais de l'employeur
en fin
de contrat et en cas de maladie grave attrapée sur le chantier,
ou d'accident de travail, l'octroi d'un logement convenable, la
fourniture d'une nourriture suffisante (dans le cas où cela ost
prévu dans les clauses}, enfin le paiement d'une indemnité égale
(1)::-R~pp;;t;-d~-ïïA~i;trationfrançaise à la S.D.N. pour
les années 1923 et 1924.

.. 154-=
à 10 jours de salaire en cas de licenciement pour cause autre
qu'insubordination, refus de travailler et sabotage. Pour le
règlement des conflits de travail, un tribunal et un conseil
d'arbitrage étaient créés.
Pour éviter une incertitude sur l'inexistence de devoirs
réciproques acceptés par les intéressés, les contrats étaiont
impérativement soumis au visa de l'Administration.
On sait qu'à partir de 1929, une baisse de recrutement
s'était fait sentir du fait du caractère trop rigoureux et
minutieux des clauses qui s'ajoutaient au decret de 1923; mais
les engagistes n'auraient pas été si refroidis dans leur en-
gouement à faire appel à la main-d'oeuvre très appréciée des
Kabyè et Losso (ils étaient reputés sains, robustes, endurants
et laborieux) si ces derniers, au lieu d'un contrat semestriel,
acceptaient un contrat au moins armuel. Des réserves similaires,
exprimées par les planteurs du Togo Bri tanniqœ et de la Gold
Coast dans les armées 40 (1) à l'endroit des migrants saison-
niers contribuèrent sans doute à amener progressivement ceux-ci
à envisager un séjour temporaire de travaii.
2).- Les migrations temporaires et permanentes.
D'autres circonstances durent arracher aux saisonniers la
décision de rester plus de six mois sur les plantations indus-
trielles.
Pour les Kabyè et les Losso expatriés au Ghana, c'étaient
les "brimades subies à la frontière au lendemain do la deuxième
guerre mondiale : le controle douanier était devenu à cette épo-
que aussi sévère du cllté britarmique que du côté français":
" les Anglais confisquaient, les Français taxaient"; tandis gue
la douane française avait été renforcée, la plupart des postes
de douane britarmique avaient été supprimés
à la frontière;
.
(1).- J. Dresch
op. cit., p. 88 et Rapport de l'Administration
1
française à la SDN pour l 1armée 1929.

= 155 =
particulièrement au Nord, Cl était le s policicl' s qui faisélient
fonction de douaniers.(1)
Toutes ces mesures rendaient hasardeux tout retour au pays
d'origine, surtout que le.s douaniers Français dem=daient des
SOlllmes exorbitantes. Certes, un certain nQmbre d'entre les mi-
grants évitaient les postes de douane, mais d1uncôté et de
l'autre, c'était à leur risque et péril. Dès lors, un séjour
prolongé (1 à 2 ans) susceptible de permettre au migrant d'Gtre
mieux argenté pour traverser la frontière sans être totalement
dépouillé, était plutôt conseillé, surtout que rentrer sans sous
au village d'origine constituait socialement un échec cuisant.
Une auilre circonstance incitant un ccrtain nombre de Kabyè à
migrer temporairement était le souci dl échapper aux tracasseries
administratives portant sur la levée à partir de 1915 de l'im-
pôt par les· chefs coutumiers au profit de l'administration fran-
çais~
, e t sur les travaux forcés relatifs à la construction
et à l'entretien des voies de communication. Il y avait aussi
le souci d'échapper à la tyrannie de certains che~s de famille
et aux querelles familiales provoquées par le problème de l'hé-
ritage. Dans ces conditions, le séjour en Gold Coast ou au Togo
Britannique pouvait atteindre 5 ans. Ils y restaient longtemps
d'autant plus aisément qu'ils y rencontraient des conditions de
vie plus facile et que surtout Il la capitation était rendue peu
élevée après six mois de séjour". (2)
Ainsi, progressivement, à la faveur d'une souple politique
d'immigration alliée à la politique britannique d'administra-
tion indirecte bien conforme au tempérament des Kabyè, se
créaient" de petites colonies, sorte de sédiments du flux alter-
nant de saisonniers.
Des circonstances d'ordre sociologique vinrent contribuer
largement à la fixation temporaire puis permanente des Kabyè en
.-.-----------------------
("0.- J. Rouch, Migration au Ghana, p.
(2).- J. Dresch, op. cit., p.91.

= 156 =
territoire ghanéen: l'impact socio-économique de la culture du
cacaoyer dans la partie méridionale du Ghill1a notmlMont dans le
Royaume achanti et dans une partie des colonies de la Couronne
au Sud, Elles avaient en effet enrichi dans les années 40 de
petits propriétaires auxquels appartenaient la plupart des plan-
tations; ee qui permit à ce s dernier s do moderni sor leur habi-
tat et de s'embourgeoiser; ne travaillant plus, les planteurs
des parties contralos et orientales de la zone cacaoyère gha-
néenne commençaient à nouer avec les manoeuvres des rapports
de travail dont l'extension géographique ne till'da pas à gagner
les régions do culture:; industriell03dG Kloto-Kpalimé, des Pla-
teaux de
Danyi, d'Akposso et d'Akébou en territoire togolais.
Ces contrats ouvrirent la voie aux migran~s kabyè, à l'ins-
tar de leurs homologues étrangers, de pass~r de la situatiou de
simples manoeuvres à cello de fermiors, métayers et même de pro-
priétaires.Ils furent essentiellement au nombre de six (1): les
contrats de travail "à la tâche", les contrats de paiemenc jour-
nalier, les systèmes Nkotokuano et Al~, les systèmes Abo~
et Dibimadibi'.
1°)._ Les contrats de travail " à la tâche".
Il s'Çl.git de contrats destinés à l'exécution d'un tr.wail
déterminé; ils ont particulièrement cours dans les plantations
de cacao et de café; ils permettent en période de culture ot de
récolte aux immigrants d'amasser beaucoup d'argent quel ~ue
soit le niveau dos prix, puisqu'ils ont la possD1ilité de se
faire embaucher à la fois auprè s de plusieur s planteur s n,~ces­
siteux.
2°).- Les contrats de paiement .journali..eJ:.'
Autant flue les précédents, ces contrat,g intérossent ]:eau-
coup plus les saisonniors flue ceux qui ont choisi de restc:r tem-
porairememt ou en permaneneG en pays dl aecu,ül; 18 propri,:taire
(1).- Hill, "The Gold Coast Cocaa farmers" ,Oxford University
Press.

= 157 .,
est parfois triché quoique les parties contractantos s'enten-
dent au préalable sur un nombre déterminé d'heuros de travail,
l'irrunigrant ne travaillant à plein rendemont quo sous surveil-
lance. Mais généralement, les services qu'il rend,comparés à
ceux dos autochtones ou à ceux d'autres irrunigrants,sont très
appréciés des employeurs.
3°).- Le système Nkotokuano. (1)
Comme les premiers, 10 système Nkotokuano est un contrat
limité à une saison agricole; le migrant se charge de tout tra-
vail sur une parcelle délimitée en accord avec le propriütJire.
Le travailleur reçoit une certaine somme d'argent par sac re-
colté. Ce contrat qui intéresse particulièrement le migrant
temporaire est plus fréquent en milieu ghanéen qu'au Togo.
C'est un emploi peu stable puisque 10 propriétairo peut chan-
ger de travailleur l'année SUivante, slil s l aperçoit à la sui-
te d'une mauvaise récolte que l'engagé n'a pas fourni le tra-
vail attendu ou s'il a volé une partie de la récolte.
~O)._ Le ~stème Awoba.
Sorte de fermage, ce système est égalem8nt un contrat qui
retient temporairem8nt l'i~nigrant en pays d'arrivée. Il con-
siste à exploiter à sOn profit 8xclusif une plantation appar-
tenant à un propriétaire autochtone ou étranger; le nouvel ex-
ploitant, dans ce cas, doit remettre à ce dern~r une somme
forfaitaire. Cc contrat qui intervient le plus souvent lorsque
le propriétaire se trouve en difficulté3:financièreset qui dure
généralement ~ à 8 ans, n'est souvent qu'à la portée des anciens
immigrés.
--------------------------
(1).-"Kotokuo"en T\\vi signifieilsac'; d'où le nom attribué à ce ty_
pe de contrat de travail.

= 158 =
5°).- Le système Aboussa.(1)
LI imüJigréult se char ge de l'entretien ri 'une pl=ts.tion
déjà existante ct confiée à un fernùeri le produit de la ré-
colte ce la concession est pm'tagée en trois parties: Wle
peœt rc;vicnt au travailleur, une part au furmier, une autre
au propriétaire. Le fermier purcevra les 2/3 de la récolte
s'il entretient lui-môme la pla.ntation concédée. L'immigré
commence souv~m"G comme "abusa caretaker", après quelques an-
nées de travail rémunél'atGur et s'il se trollve en bon.nes rela-
tions avec le propriétaire, il pourra obtenir un fermage et·
prendre à son tour des travaillours (Caretakers). Très sou-
vent, lorsque la d'.lrée du contrat excède 6 mois, le proprié-
taire concède à l'ouvrier agricole, notamment au fermier, une
parcelle sur laquelle il peut prcüi(1"uer des cultures vivrières.
Au Gh3l1a, ce schéma souffre (lu(Ü(lùeS nUClJ:1ees régionales
relatives aux charges alimentaires. En effet, pendant la pé-
riode colon:Lale, dans la partie orientale du dom:line cacaoyer,
particulièrement dans une gr=de partie du sectour a ch 3l1ti,
les propriétaires signaient avec les fermiers un contrat en
vertu duquel ceux-ci étaient nourris Gt recevaiGnt un tiers
de la récolte. Dans le reste des secteurs coloniaux, les fer-
miers en recevaient los 2/3, iTIJ.is so chargeaiont eux-mêmes
de leur neurritw:e. Le système Aboussa est l 'lll des contrats
que recherchent de
préférence les émigrés, et cola pour trois
raisons essentielles:
- d'abord, il laisse au travaillGur ou au fermier des
bénéfices jugés ~aisonnables;
- enSUite, l'emplOi qui en résulte est stable;
- enfin, il leur permet de s~ntroduire dffilS le
système
-------------------------
(1).- En Achanti :"
travaille quo j'ô te paie."
En Evhe
:" WQ dQ ma xe fr" na \\lo."

= i 59 c
foncier local, car à la limite, le fermier peut devenir proprié-
taire s'il arrive à rentrer dans les bonnes grâces de son em-
ployeur; il faut eependant dire que, dans ce cas, les terres à
vocation vivrière sont plus facilement achetées ~ue les terres
à eacao.
Il existe un système de contrat qui, quelle que soit la vo-
cation do lce terre mise en valeur, transforme automatiquomemt au
bout d'un cortain temps le fermier en propriétaire: c'est un sys-
tème d'origine achanti dénommée Dibimadibi.(1)
6°)_ Le système Dib~adibi.
Ce système qui s'est répandu dans les secteurs togolais des
migrations conjoncturelles ne participe pas d'un métayage classi-
que.
Dans sa forme prirni tive, le système rappelle quelque peu le
système Aboussa. Il a connu une évolution remarquable. En terri-
toire togolais, plus précisément dans le Kloto, la terre suppor-
tant le plus souvent une végétation fore stièro est cédée par 10
propriétaire foncier autochtone à l'immigrant qui y plante 10
caféier et le cacaoyer après
~ue co dernier ait procédé à ses
frais à la déforestation ou Clu défrich21l1cmt du couvert végétal.
Il entretient la plantation ainsi obtenue jusquà son entrée ef-
fective en production; durcmt cette période de "gestation" qUi,
selon la qualité du sol et le degré de régularité des pluies,
dure 4 à 5 ans pour le café, et 5 à 7 ans pour le caeao, les ré-
coltes saisonnières de ces pl~illtes industrielles étaient parta-
gées entre lui et le propriétaire foncier, à raison de 2 contre
1; la fin du contrat dont
la durée n'a rion de fixe en fait (2)
intervenait avec le partage de la plcmtation (y compris la terre);
celui-ci se faisait jadis dans le même rapport que les récoltes.
(1).- Dibimadibi, en I!.'vhé "du ma du ", signifie: mange un pou
et je mange un peu.
(2) Il peut arriver que le contrat dure plus de 5 ans pour le
café et plus de 7 ans pour le cacao; c'est souvent 10 cas lors-
que la déforestation du domaine concédé se poursuit longtemps,
parfois même au delà des prémices des premiers champs.

= 160 =
Au bout d'un c8rtain nombre d'années d'expériences,les
propriétaires s'avisant d'une spoliation,procédaient à une
à une modification retroactive, mais "plus équitable" des
clauses du contrat; désormais, le travailleur iIllmigré jouit
intégralement du droit à. 'usufruitier jusqu 1au partage de la
plantation; par contre, ce dernier ne se fait plus au détri-
ment du propriétaire :::oncier, mais d'une manière "équitable":
l'immigr2nt devient propriétaire non plus des 2/3 de la plan-
tation et du support, mais de la moitié. Il continue à en
faire l'usage qui convient.
La fin du contrat dont la signature avait été solennisée
par la fourniture de boissons alcoolisées au maître du sol,
est généralement m8J~quée par la remise à l'ancien patron
d'une certaine somme d'argent (1), d'un bélier, des boissons
alcoolisées, d1un ou de deux estagnons de vin de palme; il
l'est également par la visite et le partage équitable de l'ex-
ploitation. Ce dernier se fait en principe en présence d'un
aide-géomètre ou d'un géomètre ou d'une autre personne en
tenant lieu, et de notables. Le patron choisit généralement
le premier par crainte d' être lésé par l'immigrant qui con-
naît mieux que lui l'exploitation. Des réjouissances au vil-
lage et la délivrance d'une attestation à l'immigré, simple
pcte sous-seing privé, terminent
la
cérémonie. Le proprié-
taire foncier peut à volonté confier sa part au même immigré
sous forme de métayage ou de fermage.
Il faut dire que longtemps auparavant l 'obj et de partage
était exclusivement les récoltes annuelles; c'était par con~
séquent un véritable fermage. La pratique du mode de tenure
dont l'essentiel vient d'être décrit est au Togo d'introduc-
tion récente. Elle dérive non seulement du caractère pénible
quasi bénévole de la dr3foresto.tion et de l'enlèvement des SOUches
---------------------.-.----
(1)- Cette somme dr8~gent prévue dans le contrat varie avec
D.7eC l' rStemlue 'le la terre exploitée.

,,161 =
mais aussi de l'augmentation du domaine facilement exploitable
résultant de cette ouverture.
Si, à·l'instar des précédents, ce système entrava la
pleine productivité do la population active agricole autoch-
tone, olle contribue plus largement à l'accroissement de l~
production agricole nationale. L'avantage que l'immigré
en
tire est considérable: il l'enrichit puisque avant le partage,
il joue pleinGl1ent le rôle d 'usufruitier ot pratique dans les
interlignes des plantes industrielles ou sur une parcelle
attenante à la plantation,des cultures vivrières dont une bon-
ne partie des produits est souvent destinée à la vente.
Somme toute, parce que le système résoud plus facilement
le triple problÈme fonciC.'>r, alimentaire et monétaire qui se
posait avoc accuité aux Kabyè en pays d'origine, ceux-ci pré-
fèrent rester en permanence on pays d'accueil; i l ne s'agit
par contre pas d' im,ligration définitive puisque régulièrement
(tous les ans chez certains, tous les 2 ans ou 4 ans chez
d'autres
ou lors des funérailles~ ils regagnent le village
ancestral; par aillours, il compte généralement passer dans
ce dernier le reste de ses jours.
A vrai dire, la nouvelle situation économique de l'irnmi-
gré
Eabyè est moins sereinequ'il ne le paraît: en effet,
dans les régions togolaises de cUltures industrielles, à l'exem-
ple de tout immigré propriétaire foncier ou ferr.Jier installé
depuis 20 ou 30 ans, l'immigrant Xabyè ne peut pas oublier
qu'il est un étranger; surtout pour les terres à cacao ou à.
café, sa fortune est précaire et reste liée au bon voUloir
des chefs et propriétaires locaux. Récemment, le sinistre de
xénéphobie provoqué par les errements de la politique du Gou-
vernement Busia au Ghana en 1969 ainsi que les actuelles con-
testations des jeunes eu égard à ce contrat (simple acte sous
seing privé) tendent à remettre en cause lcs acquisitions éco-
nomiques de l'expatrié. Certes, pour ce qui est du Togo, des
efforts louables émanant des autorités gouvernementales con-
tribuent au maintien du statu quo; mais il reste que ~U1s
l'esprit de l'immigré -
propriétaire foncier ,la situation dG-
meure encore incertaine.

- 162 =
III.-
HIGRAnClTS CünSRES •
Elle~) sont c·'mflexes ct diverses. On peut en distingller
d,lUX types esscmti.els: celles qui s'effectuent dans un cadre
rurcù et celles CJ.l'.i ont pour th6âtre les centres =bains cô-
tiers lm g6néral, l~ CapitClle en particulier.
A.- l.\\i.s nligrc}ll::ms rurales côtières.
1 ) ,- coi tuatiolL:,éo >o;raphique et humaine du cadre.
Les secteurs ruraux côtiers constituent un cadre wargliEll
de la Diaspora kabyè. ÊÎ1 effot, si le nombre des Kabyè dépasse
celui des Losso dc.üs presque tous les cantons, l'affectif des
ICûbyè par rapport .1 la population tot:lle dans tous les villages
de la fra:1ge côtiè:.'e est bien minoritaire: sauf à Kpondavû(can-
ton dG Bolou·.Kpéta) où i l atteignait en 1960 20 %de 12. popu-
lation total'] de l , petite loccùité
(22 Kabyè contre 116), la
proportion dl iumig"é:, 'c byè dépasse raremont 5 %de l'eff(']ctif
total dG s villagGs dl, la partie occj.dentClle de la zone iPaI' con-
tre, dans la partio orientale, la fréqllence est en général lll-
férieure à l'unité. (cf. carte n02 , hors texte)
La particulari.tl qU8 recèle cotte situation do l'hinter-
land dG Lomô dans la Diaspora kabyè ne ressort pus à des fac-
teur s physiques, C.lI' il s ne sont pas fondamentalclTIlent répulsifs.
En effet, les sols de la frange côtiè:::'8 n<J sont pas pau'ITGs
par nature; au contraire, à l'exception des sols ferruginoux
tropicaux lessivés
de la p.artie nord-Ouest, les sels
faiblement ferralli tiques l' epa sant sur sédimonts siblo-argileux
et couvrant plus de la moitié de la zono côtière con~tent parmi
les sols les plus ;Jroductifs GU Togo.

= 163 '"
Certes, ces sols dénommés "terre de barre" sont très cul-
tivées et sont "parvenues à un très haut degré d ' épuisemcmt"(1)
dans les environs de Lomé et Aného; mais dans la partie située
au Nord d'une ligne Noépé - Tsévid - Tamligbo, les jachères ar-
bustives sont suffisamment longues (10 à 20 ans) ot les oultures
de palmiers à huile et de eaféiers les protègent assez bien pour
que le processus classique de dégénération ne les atteigne au
point à les soustraire à toute exploitation agricole. En plus
de ces excellentes terres recherchées pour les cUltures vivriè-
res (manioc, mais, légumes variés) ou industrielles (caféier,
palmier à huile ••• ), i l existe dans les vallées inférieures du
Zio, du Haho et du Mono, des sols hydromorphes minéraUX
à en-
gorgement de profondeur, propices à la cUlture du palimier à
huile lorsque les alluvions sont sableuses ou sablo_limoneuses
(r6gions d'Alokoégbé et dIAgbétiko), à la cUlture du riz et de
la canne à sucre lorsque le sol formé d'alluvions argileuses
et compactes est difficile à draîner (régions de Togblékopé,
de Ziovonou etc ••• ). La pédogénèse de cet en.emble édaphique
productif
auquel il faudrait ajouter les
vertisols de la dé-
pression de la Lama au Sud de Tamligbo bénéficie d'une assez
bonne répartition mensuelle des pluies quoique les moyennes
annuelles (900 à 1200 mm du Sud au Nord) soient nettement infé-
rieures à celles du Pays kabyè ou de la région de Sotouboua.
(
tableaux N°S 18et20 et fig. 31) D'ailleurs, l'humidité re-
lative, très intense dans la zone cetière, vient corriger la
faiblesse relative de la pluviosité: cette compensation se ma-
nifeste sous forme de condensations nocturneset de rosée
ma-
tinale
aussi bien en saison
des pluies qu'en saison sèche
lorsque
la valeur de 100 %est atteinte; la rosée intensifiée
en août par l'influence du phénomène d1upwelling, procure aux
plantes l t eau et la fraîcheur qui auraient pu leur manquer to-
talement pendant les mois les plus secs de l'année (février et
aoüt). (2)
--------------------------
(1).- B. Lamouroux,
Notice oxplicative,nO 34, Carte pédagogi-
gue du Togo.
~2).- Lamouroux parlant de l'influence bénéfique de Ces préci-
pitations occUltes citait en exemple la dépression de la Lama
au Sud de Tamligbo où "la végétation herbacée était verte et
humide en pleine saison sèche, en "février avant le lever du
soleil, alors que les sols semblaient avoir atteint lour point
de flétrissement."

Tableau )10 20.- Pluies
mensuelleq :i-nter-2.Œ1ueJles (r:,-:,,) d3.DS la zone côtière.
-
,
l,-
,
,
,
1
1
1
1
1
li
1
Stations
Jt
l'
(du Nord au Sud)
J
F
M
A
M
J
A
S
0
N
D
A.l~ifEE
1
Tamligbo
1 Y
36 105
12j 161+
16;
8;::
5c 10E 17C
8;::
20
1 107
1
TcheJ{po
14
25
92 127 155 n81
80
6~ 11 c 1 4)
76
18
1 099
1
Assahoun
1
25
51 120 129 161
73
71
1+1 12;:: 15~
72
27
1 173
1
1
Tsévié
12
1+1 100 123 139
71
75
3'1 10;:: 135
71
26
1 051
1
1
u
1
Attitogon
v
17
29
98 112 189
79
1
1
\\[)
..-
Mission-Tovê
11+
28
93 118
67
~d 25 90 127 611 28 1 051+
1
1165
1+1 108 152
1
731 17
1 01+9
Il
1
1
Aklakou
11+
30
67 122 150 226
90
2_
55 134
68
19
1 020
1
il
Aného
15
33
63 107 11+3 21+1
7E
1 ;::
39 130
l.tO
12
969
1
Lomé-ville
11
28
53
97 139 202
6
17
39
90
23
11
816
1
\\
U
-
1
-
Source: Etudes pédohydrologiques au Togo, Volume III, données hydrologiques'-PNUD,
FAO, OrtSTOM, Paris, p. 222.

Fig. 32
PLUVIOMETRIE AN.NUELLE
&
:::
MOYENNE SUR PLUS DE 20 ANS
+
+
+
+
0 KLOUTO
aNUATJA
+. ".++."•..•
o Ar;OU
' .••++..,.....,....+
"
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o KOUVE
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L o. r.".
•+.
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~CHELLE, 1/&00 000
,,,",,,,,,,,,,,,"'~~'-''''-'

- - - - - .-
c
165 c
Si la dé~aff8ctation des Kabyè ne peut pas s'expliquer p2r
des conditions physiques, les facteurs économiques et humains
paraissent plus aptes à le faire.
1
En effet, la situation démographique de' l'hinterland urbain,
notamment la disparité relative à la répartition régionale des
Kabyè, procède en grande partie du degré d'utilisation du sol
1
par les autochtones en Pays ouatchi où le degré d'occupation du
sol est si élevé que l'on peut sans conteste parler de "campagne"
t1
ouatchi; la densité Q.gricole y est nelleme.mt forte que le"grG.-
ï f
dient démogr G.phique" est peu favorable à tout mouvement d' immi-
gration paysanne. C'est si vrai que vers 1940 dans la partie
marginale du territoire ouatchi où quelques terres inoccupées
subsistaient encore, près de Kouvé notrunment, la transplanta-
tion officielle des Kabyè se solda par un échec inattendu; ce
dernier s' expliquait par l'accueil froid de s mai tr es du sol,
effrayés qu'ils étaient par le spectre d'une dûpossession ul-
térieure susceptible de les rendre impuissants devant d'éven-
tuelles menaces de surpeuplement régional. Dans les secteurs
evhé de la partie rurale de la frange côtière, la densité agri-
cole est au contraire nettement moins forte; ce domaine ne sc
prête pas non plu~ à une colonisation agricole pour des motifs
fonciers et économiques: les terres sont presque toutes ici
appropriées et fractionnées. Même si une portion non négligea-
ble des lots n'est pas cultivée, le peuplement de palmiers
qu'elle porte lui donne une valeur
économique suffisamment cer-
taine et importante pour décourager toute tentative d'aliénation
1~
foncière au profit d'immigrés. La pénurie de terres disponibles
l'
oblige la plupart des migrants à se louer,
Parfois,les autoch-
tones accordent un droit d'usufruitier à des postulants 15abyè
sur de rares poches vides et disponibles; mais le caractère res-
treint de ces dernières et leur régime juridique les empêchent
d'inviter des parents à venir les y rejoindre.
2).- Les immigrants ruraux kabyè de la frange côtière.
\\
Les migrations rurales côtières sont le fait de ~ catégo-
ries de migrants spontanés:
1
1

=166 =
1°)._ Les paysans qui vierment se faire embaucher comme
ouvriers agricoles ou journaliers afin d'amasser les capitaux
indispensables au lllancement" d lune exploitation agricole dans
la Grande Plaine du Mono. Il faut inclure à cette catégorie de
migrants non seUlement les paysans Kabyè qui avant de se fixer
sont à une avant-dernière étape de leur déplacement, mais aussi
ceux des Kabyè habitués à des migrations saisormièJres ee l1v=t ainsil,
à un nomadisme à long parcours; ces lIapall explorent au cours de
leurs périples, les secteurs le s plus propices à l'emploi, éva-
luent les conditions d'établissement et nouent localement des
amitiés pour une éventuelle fixation.
2°).- Les paysans qui, pour des raisons diverses (proximité
de la Capitale, appel d'un parent, llmauvaise réputation" des ha-
bitants de la région d'Atakpamé, de Ouatchin etc ••• ), vierment
exploiter des terres en simples usufruitiers, ou se placer comme
ouvriers agricoles
avec l'id8e de ne rejoindre le village an-
cestral que lorsque le besoin se fera sentir (funérailles,
fêtes, cérélJlonies rituelles relatives au mariage etc ••• ). Ces
migrants se recrutent parmi les adultes ou les illétr6s.
3°).- Les jeunes ruraux descendus soit directement du Pays
kabyè, soit des régions des migrations structurantes. dont la
destination finale est Lomé, mais qui pour plusieurs raisons
(inexistence du moindre diplôme d'études scolaires ou d'une qua-
lification professionnelle, absence à Lomé de parents ou d'amis
susceptibles de les héberger durant le temps de recherches d'un
emploi IIrémunérateur ll ), se IIbasentll dans l'arrière-pays de Lomé
d'où ils partiraient pour cher cher un 8mploi dans la Ca1Jitale;
dans ce milieu rur al, 1 'héber gement et la nourr i ture leur sont
gratuits pourvu qu'ils se résignent à se louer comme ouvriers
agricoles; si certains S8 livrent à d'autres activités économi-
ques ( dans les carrières par exemple), c'est le plus souvent
lorsqu'ils bénéficient de l'hospitalité de parents
immigrés ou d'amis ou de notables.
4°)._ Certains jeunes ruraux éprouvés par les vicissitudes
de la Capitale battent temporairement en retraite vers l'hin-

= 167 =
terland ilillllédiat de L0.mé i ce repli vise à se préparer à mieUx
affronter ces obstacles qui se dressent
sur
la
voie
de la·
}
recherche
d'un emploi "rémunérateur" i en ce milieu rural,
!i
il profite de la générosité d'un autochtone qui l'héberge et
i
1
qui lui accorde la permission de cultiver un lopin de terre;
cette situation économique
qui rend plus autonome que celle
d'un ouvrier agricole, lui permet de poursuivre tranquillenent
les"recherches"de travail à Lomé.
Depuis une dizaine d 1 arillées, les migrations rurales cô-
i
tières
ainsi présentées diminuent en intensité au profit des
l
déplacŒnents plus ou moins directs des Kabyè vers la Capitale,
t
et cela au fur et à mesure que les structures d'accueil s'y
l
mettent en place.
t
1
1
B).- L'exode rural.
l-
I
La définition du migrant urbain n'est pas facile à élabo-
1
rer en raison de l'importance non négligeable des visiteurs
venus du Pays d'origine ou des milieux ruraux d'immigration
1
(
fig.3~, et de l'importance numérique de ceux des Kabyè dont
la présence dans les villes des régions d'accueil se justifie
à l'origine par la fonction administrative qu'ils y exercent
(ceux ayant été mutés). Mais une chose est certaino, c'est que
la difficulté de définir le migrant urbain est plu,: réelle au ni-
veau de la Chpitale qu'ailleurs, et cela du fait de la tranition-
nelle concentration des activités des secteurs secondaires et
tertiaires à Lomé.
Du point de vue de la provenance, peuv'ent être rangés dans
le groupe des migrants urbains à Lomé, trois catégories de mi-
grants:
1°)._ Ceux des Kabyè ayant séjourné temporairement dans les
villes de l'intérieur, particulièrement à Lama-Kara, à Sokodé,
à Sotouboua, à Atakpamé, à Kpalimé, à Tsévié. Ils descendent à
Lomé pour y chercher un emploi" rémunérateur" dans l'Armé8,


= 168 "'
la Police, la Fonction Publique, le
Commerce
et
l' In -
dustrie.
2°)._ Les Kabyè venus directement dos régions rurales de
migrations structurontes
et conjoncturelles.
3°).- Les Kabyè venus directement du Pays d'origine. Les
migrants de cette dernière catégorie sont numériquement moins
importants que Ceux des deux premières.
Du point de vue socio-économique, les migrants urbains
sont les suivants:
des migrants élèves ou apprentis,
~
!
- des migrants sOrs d'exercer aussitôt qu 1 arriv€s
un
1
emploi,
\\
- ries migrants en quête d'un emploi "r émunér atour Il ,
- des migrants l'parasite S~'
- des migrants descendus à Lomé pour des raisons rnatri-
moniaJ.es. La proportion des deux dernières catégories de mi-
grants est bien inférieure à celle des trois premières.
Du point de vue socio-professiormel, la plupart des Kabyè
qui migrent vers Lomé ne sent pas des actifs, puisqu'en plus des
1
chômeurs, on compte un nombre important qui préfèrent continuer
!
leurs études secondaires à Lomé auprès de leurs parents, de
(
leurs amis ou de leur s carmais sances, dans l'espoir de trouver
plus facilement un emploi gr~ce aux relations qu'ilS auront pu
tisser au cours de leur séjour urbain.
Les actifs se recrutent surtout parmi les paysans et les
artisans; mais ces derniers sont en nombre relativement réduit.
Somme toute, nous n'avons pas affaire ici à des migrations
de travail comme en connaissent les régions de cultures indus-
trielles, puiSque les intéressés séjournent plus ou mo~s long-
temps dans le milieu urbdin avant de trouver un emploi.
Du point de vue socio-démographique, les mouvements migra-
toires vers la Capitale affectent surtout les adolescents et
t
ll
11t
1

.. 169 "
les adultes jeunes à l'instar de ceux. qui frappent les autres
groupes ethniques du Togo. La plupart des migrants savent plus
ou moins lire, écrire, et s'exprimer en français, la..""1gue offi-
cielle, car un grand nombre sônt des certifiés, des brevetés
ou des personnes ayant abandonné l'école aU niveau de la 5è ou
de la 4è, au niveau du cours élémentaire ou du cours moyen; les
non-instruits se recrutent parmi les personnes du sexe féminin,
particulièrement les femmes mariées. La composition du "flux
migratoire" qui évolue en fonction des circonstances que nous
évoquerons dans le chapitre suivant est défavorable à ces der-
nières en raison des incertitudes et de l'âpreté des vicissitu-
des que leur réserve le séjour urbain: généralement, les hommes
ne font venir leurs épouses ou ne se marient en milieu urbain
qu'après s'être assurés d'un emploi.
Ces mouvements migratoires qui ont pris une tournure nou-
velle depuis 1963 sont apériodiques et nettement plus diffus
que les migrations conjoncturelles et structuranfes
au point
qU'il serait très inexact de se servir ici des termes de "cou-
rant" et de "flux" dans
notre exposé. Ils revêtent un carac-
tère plus permanent gue temporaire: la migration ur):Jaine est
temporai\\'e lorsque l'immigré qui vient d'obtenir un emploi se
trouve contraint de l'exercer ailleurs qu'à Lomé. C'est le cas
des agents de l'ordre, des militaires, des enseignants nouvel-
lement recrutés. Dans ces conditions, la migration temporaire
qui se révèle sonune toute involontaire la plupart du temps est
l'apanage des hommes; le plus grand nombre de f811llileS postulantes
obtiennent un emploi dans l'Administration,dans les entreprises
commerciales
et industrielles de la Capitale.
La migration temporaire est également le fait des paxasi-
tes cités plus haut: ce sont surtout les personnes âgées, par-
ticulièrement des femmes frappées d'oisiveté et parfois souffrant
do diosetto Ilui,durcnt la saison sèche, descendent vers le Sud
en
général·, ver s les milieu..'C urbains en particulier, pour rendre
v:!..oito à leura fils ou à lours pa;ron"b3.Durant leur court séjour urbain
(1 à 5 mois), ces migrants saisonniers vivent au dépens de leurs
hôtes qui coutumièrement leur assurent les frais de voyage re-
tour et leur offrent des cadeaux divers.

1
r
i
1
= 170 '"
!
La prédominance des migrations urbaines permanentes pro-
vient essentiellement du fait que pour la plupart des immigrés
Kabyè, Lomé semble pour le moment constituer la phase termina-
le de leur migration.
On rencontre un peu partout dans la ville de Lomé des im-
migrés Kabyè; mais ces derniers sont en nombre plus important
dans les quartiers situés au NOrd de la lagune que dans le res-
te de la ville, notamment dans les quartiers de Tokoin-Ouest ct
de Tokoin-Centre.
L'exode rural des Kabyè présente certaines caractéristi-
ques des migrations vers les villes dans les pays sous-dévelop-
pés: il
représente
notamment, dans une large mesure, un trans-
fert du surpeuplement régnant dans les milieux ruraux d'origine,
puisque,
dans
bien
des
cas,
il
ne
répond
PflS
à
une
réelle
offre
dl
emplois;
. s'accommodant cle situa-
tions dérisoires, la plupart des migrants Kabyè, à l'instar de
!
leurs homologues du Nord-Togo et du Sud-Togo, entretiennent un
1
,
chômage caché dans l'économie togolaise.
i
t
t!

cCHA PIT R E VI)
LES HüBILES DE LA DIASPORA KABYB •
Les Dligration,] des Kabyè vers la Grande Plaine du Mono,
vers les l'égions d:ls plantations industrielles et vers les
régions côtières flœcnt le jeu de motifs répulsifs et de mo-
tifs attractifs. M:'cis le mouvement ne s'était décl(mché qUG
grâcG à l'impact d:un certain nombre de facteurs
fondamentaux.
,
I.- LES FACTEURS FONDAlViI:NTAUX DE LA DIASPORA •
Ce sont essentiellement l'impulsion migratoire kabyè,
!
l'instauration de l'ordre, de la sécurité et de la paL"'\\: par
1
1
les administrateurs européens, le progrès des voies et moyens
modernes de communicat:~on et la volonté politiqu<, des organi-
sateurs des transpJ_antations officielles.
1.- L 1impul sl on ,migratoire kabyè
Les études dr:mographiques du Pays kabyè, notamment celles
f
réalisées en 1957 par l'équipe dirigée par J.-C. Pauvert et les
enquêtes effectuées pJr la B.C.E.A.O. Gn 1960 ont montré que
1
i
peu de K8.byè qUittent leur village natal pour s'installer clans
f
1
un village voisin. 8e10n Pauvert, "la iJl'esque totalité des
1
résidents habituels du sexe masculin
est née dans le village
1
de rocensement ( 94 %) alors que 80 %des feD@es se trouvent
!,:
dans cette situation." LeS 6 % des homm3s se trouvant ail18urs
,
sont essentiellement d")s jeunes de moiEs de ~ 5 ans tandis que
parmi les 20 % du sexo opposé nées ailleurs, près de 10 %re-
présentent des jeunes d'3 moins de 14 ans. Cet état de choses
ne modifie guère le caractèro sédentaire des Kabyè puisqu'il
s'expliQue pm' la coutume assez fréquente qui veut que les
parents confient l réducé.tion de leur s enf,ll1ts à des membres
de leur famille. (1 )
---------------------------
(1 )J.-C. Pauvert, Higration et Education (Communication à la
7è Conférenco Internatio:1ale des Afr'icanis~es de l' OUest~
Accra, 1960, Bull. Inst. Fr. Afr. Ncire 22) pp.267.475.

.. 172 ..
Au reste, les 10 %des fen~es se trouvant hors do
leur village est l.ille des marques de l'é>rolution actuelle,
car jadis les mariages hors de l'l.illité territoriale étaiont
interdits et les rapts entre villages entraînaient la gucœre.(1)
De toute évidence, ccs constatations poussent à con-
clure à l'absence d'instinct migratoire chez les Kabyè ou
mieux encore, pour utiliser l'expression de Ragnar Numelin(2)
elles poussent à affirmer que ces derniers n'obéissent
dans
leurs déplacemonts à aUCl.ille" impulsion migratoiro." Nais Lille
étude historique plus approfondie de la situation du Kabyè
dans son "réduit" peut nous cOl1J\\faincre du contraire.
En effet, l'impulsion migratoire qu'il félut éviter de
confondre ici avec la propension à l'émigration (en raison
des fondements essentiellemont éoonomiques et sociaux de
celle-ci) trouve chez les Kabyè ses racines psychologiques
dmls les circonstances adverses qui les ont jetés sur los
massifs - leur habitat actuel - et ses manifestations dans
l'amour de la liberté expliqu~t en partie le caractère typi-
quement
anarchique de leur organisation sociale. Elle a
également ses racines dans 10 désir (certainemont très
actif au début) de pouvoir choisir
librement Lill jour d'autres
terres que colles qu'ils avaient jadis dû occupor par la
force des choses, c'est-à-dire s'installer sur dos terres
plus étendues mais moins difficiles à travailler, dos torres
tout au moins semblables à cellos qu'ils avaiont dû quitter
autrefois.
Si les Kabyè abandonnent raroment leur villago natal
pour s'installer dans l.ill autre village de la région, c'est
en raison des habitudes d'enracinement nées de llinsé~ité
dont ils ét~nt autrefois menacés, ot non à cause d'l.ille
Que1eonque absence d'impulsion migratoire. Celle-ci est plÜ-
Mt refoulée dans lour subconscient du fait de la nécessité
quasi constmlte de se tenir prêts à se rassembler rapidement
en vue de faire front à toute éventuelle attaque ennemie.
(1).- J .-C. Froelich, in Il Los populations du Nord Togo",
op. cit,p. 108.
.
(2).- R. Numelin, Les rügrations humaines. Etude de 1 !esprit
migratoire, Trad. Française de Victor Forbin, Paris,1939,
Payot, 378 p.

,,173"'
Une autre observation pouvant inciter à nier l'exis-
tence d'une impulsion migratoire chez les Kabyè et par con-
séquent à ne pas la considérer comme un facteur favorable à
la Diaspora kabyè, est que le Kabyè émigré reste attaché à
son pays d'origine. Mais si l'on étudie le phénomène avec
plus d'attention, on se rend compte que ce trouble psycho-
logique paraît bien
normal, et cela parce qu!i..l dérive du
j~u de deux tendances antagonistes: d'une part, les progrès
de l'agriculture kabyè sur les sols difficiles à cultiver
ont enraciné le groupe ethnique; d'autre part, les liens
religieux les ont enchaînés au sol dont la possession ren-
force des liens sociaux de plus en plus astreignants.
Ainsi ce couple de tendances antagonistes ont donné
naissance à une force croissante qui refoule llimpulsion
migratoire. Elle résurgit et ébranle tous les obstacles
sans les anéantir pour peu que d'autres facteurs apparais-
sent pour la "libérer"; celui ayant dans ce domaine joué
s~ doute le rôle le plus efficace est la restauration de
l'ordre, de la sécurité et de la paix.
2.- L'instauration d'un ordre nOUveau, de la sécurité
et de la paix.
L'insécurité qu'avaient connue 'les Kabyè jusqu'à la fin
du XIXè siècle et qui les avait confinés dans lour "réduit"(1)
présente deux aspects distincts: l'insécurité entretenue par
eux-mêmes et celle oréée
par les voisins.
a).~ L'insécurité d'origine interne.
Le premier aspect était essentiellement le produit des
hostilités quasi-permanentes entre
clans
,
t~tos et familles,
parfois pour des motifs fonciers et matrimoniaux, mais souvent
pour des causes mineures ainsi que l'atteste (m 1934 P. Piug
sa t,hèse relat:i,ve 'lUX ".Coutumes des Cabrais": "Autrefois, avant
(1)::' LesB;;s~,-le-; Adélé , les Akposso et les Evhé etc•••
étaient en proie au même climat d'insécurité; d'où la préfé-
rence des uns pour les sites montagneux peu accessibles,celle
des autres (les Evhé) pour les forteressos.

= 174- ..
l'arrivée des Européens, la guerre était permanente dans ce
pays. On se battait entre (clans), entre familles pour peu
de choses souvent. Toutes les affaires se régl:dent à coups
de flèches et de couteaux: il n'y avait d'autres lois QUC
celle du plus fort, du mieux armé ou du plus vigilmt." (1)
La permanence de ces conflits c;ntre greupes congenères,
conflits responsccbles de la rareté des dépl;:\\Cements à l'in-
térieur du "réduit", s'expliquait somme toute p.:D:' l'absence
de véritables chefs de Ilvillagell"ou de quartiers, ct do tri-
bunaux, ainsi que par l'esprit quasi libertaire des Kabyè:
comme le confirme F. Piug, Il chaque chef de famille était
maître chez lui, n'obéissait et ne voulait obéir à personne".
Certes, pour l'arbitrage,les belligérants s'adressaient dos
fois
aux vieux du village, "mais leurs décisions n'étaient
ni agréées, ni respectées par l'une ou l'autre des parties
qui étaient renvoyées non réconciliées " pour le pire,
c'est-à-dire la guerre.
Les Allemands, une fois terminés les premiers excès do
la conquête coloniale, avaient entrepris de remédier à ce
climat d'insécurité an créant des organes d'autorité indigène
tels que les chefferiGs et los tribunaUX: " à 13. tâte du Pays
kabyè, ils ont placé un chef supérieur, Tièdre, nommé des
chefs de cantons,des chefs de groupements ou de villages et
des chefs de quartiers" (2). L'autorité de ces chefs fut
reniéepar les chefs de famille~peu après le départ des Alle-
mands. Autant que ces derniers, l'administration française
dut leur imposer des chefs et adjoindre à ceux~ci un ou plu-
sieurs policiers auxiliaires afin de maintenir l'ordre, la
paix, la sécurité dans la région.
A vrai dire, ce comportement contestatClirG ne doit pas
plus d'une fois surprendre si l'on sait qu'ilS sont des refou-
lés et qu'ils étaient pe1r surcroît souvent contraints à des
attitudes défensives créées par la pression qui les avait for-
cés à investir l'hostile
"réduit" actuel. Ces attitudes dé-
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1
(1).- F. Piug, Etude sur les 00utumcs des Cabrais,op.cit.,p.117
(2).- F. Puig, Etude sur les Coutumes des C",brais,op.cit.p,J1.

= 175 =
fensives avaient été maintenues quasi perm~entes par l'in-
sécurité intérieure et p<Jl' IGur résistance aux visées ex-
pansionnistes de leur s voi sins au point que les Kabyè étaient
devenus méfiants et occasionnellement offGnsifs.
b).- L'insécurité d'originG extGrne.
L'insécurité d'origine externe résultait de l'action de
razziGurs bassar, bariba, djerma, de chasseUl's d'esclavGs fon
et evhé, et des expmsionnistes kotokoli, ashanti, dagomb~.
Pour mieux résister aux menaCGS de CGS groupes adverses, il
fallait coûtG que coûte demeurer dms le Cè'.dre du "réduit" pour
bénéficier de la solidarité de tous les membres du groupe
familial et par conséquent
renoncer à tout déplacGmGnt
en dehors du territoire etrmique; d'ailleurs, les éléments
du groupe familial qui pourraient en être les plus enclins,
Il
IGS jeunes gens jusqu'à l'&ge de 25 ans, étaient en fait à la
disposition de la collectivité pour la défense et la guerre.(~)
Et les quelques jeunes gens qui, passant outre ces disposi-
tions coutumières, tentaient pendmt la longuG saison sèchG
d'aller vers le Sud pour mettre à profit leur tGmps dans les
exploitations agricoles, le faisaient à leur risque et péril
puisque la saison sèche était par eXGellence la période d'ac-
tivité des chasseurs d'esclaves.
Les structures et les orgmes administrati'fs
mis sur
pied dms le rest8 du tGrritoire togolais par les AlIGmands
d1abord, par les Français ensuite, mirent progressivemGnt fin
à cette situation d'insécurité; la paix et la sécurité qui
en résultaient permirent des déplacements saisonniers VGrs
le SUd-Togo et le Sud-Ouest-togolais ainsi que vers le Bénin
et le Ghma; ces mouvements furent d'une intensité inhC\\bi-
tuelle grâce en partie au progrès des voies et moyens moder-
nes de communication •

(1).- H. Ehjalbert. Paysms noirs: les Kabré du Nord-Togo,op.cit"1

'" 176 '"
3).- Le pro:!,;r'ès dus voies et moyens modernesde communicJ.t.ion.
AVJ.l1t l'arrivée des Européens au TOISO, le Malfako.ssa ct
surtout son prolongement vers l'Est, le Massif du Tchaoudjo
"entaillé dé gorglls et dc vallées profondes peu' los C\\fflucnts
au régine torrentiel de la Kara, du Hono et du Mô Il (1) cons-
tituaümt des beu'riÈ,res naturelles aux migrations vers le Sud
des ressortissants ~e la partie septcntrionale du territoire.
Alors que le tracé des principales routes de plaines et
de plC\\teQux (2), celui de la route Kpalimé - Ho et de la route
Atakp::lffié··Kpalimé longe3l1t la ligne de faille-sud du Plateau-
Akposso furent tros tôt achevées, la construction des voies des-
tinées à franchir les barrières montagneuses, notammcnt la
route SOKodé-Alédjo, la route de pénétration Akposso ne commen-
ça que dans les toutes dcrnièrus armées de l'occupG.tion alle-
mande (3). Toutes les lignes de chemin de fer actuelles à
l'exception de celle d'Agbonou-Blitta furent achevées av,mt
Juin 1913.
La période française, d,ms le domaine des voies de commu-
nication, fut marquée par l'élargissement et la consolidation
des routes allemandcs (4), p:u' la réalisation de quolques ou-
vrages routIers d'importance non néGligeable en matière de mi-
gration: construction cle la route Lama-Kara - KOl1té en 1928,
première construction du pont
de Lama-Kara en 1923, cor.s-
truction de la route Atakpa.ulé-Badou en 1950, la multiplica-
tion
de chemins vicinaux de grande communication etc ••• Elle
fut également marquéG piU' le prolongement du chemin de fer
Lomé-Atakpamé ver s Sokodé commencé en 1929 et arrêté en 1933
à Blitta, enfin 'par la modernisation des lignes allemande~.(5)
Tout aussi remarquable que l'évolution des voies de com-
munication fut le progrès des moyens do transport: :;ous l'oc-
--------------------------
(1).- H. Attignon, Géographie du Togo (ouvrQge polycopié 89 p.
1972)
(2).- Il s'agit des routes Aného-Togodo - Saga - Atakpamé,
Lomé-Tsévié
Ouatchin-Atakpamé - Agbo.ndi-Sokod~ pour le MoYcm-
Togo et le Sud-Togo, Lomé-KpalilI1é, Kété-Krachi, Bimbila,
Yendi-M8Ilgo pour J_e Nord-Ouest et l'extrême Nord-Togo.
(3).- R. Cornevin, Histoire du Togo, p.191.
(4).- C'étaier.t des routes de 3 à 5 m.
(5).- Les voies allemandes étaient légères et m:l.l ballasté0s,
le matériel roulant ut l'infrustructure existante (gares, pa-
villons, magasins, ponts, quais de déchargement) étaient insuf-
fiso.nts.

0=
177 ..
cup~tion française, le nombre de véhicUles ~utomobiles mo-
dernes s'augmentait considérablement alors que selon
Cornevin, jusqu'à la veille de la première guerre mondiClle,
il n'existait au Togo que deux véhicUles à quatre roues et
une voiture à trois roues. Ces voitures n'étaient pas à
llusage des migrants éventuels puisque l'une appartenait au
gouvernement, l~ seconde à la firme Boedeker et Meyer tandis
une
que la voiture à trois roues étaitrpropriété de Deutsche-Tof,o
Geseillschaftj le transport de rüatériel et de personnel sur
tout le territoire ét~it assuré pcx des charrettes tirées à
bras d'homme.
Au Ghana, le transport automobile ainsi que les réseaux
routier et ferré qui viront très tôt le jour
connurent un déve-
,
loppement considérable au lendemain des deux guerres mondiClles. (1) !
L'impact des voies et moyens de communication se présente
sous trois aspects essentiels que voici:
1°)._ La construction des voies nécessite l'embauche dlune
main-d'oeuvre importante. Le Nord-Togo en général, le Pays
kabyè en partiCUlier, en av~it fourni d'importants continf,ents:
lors du tracé de chemin de fer Agbonou-Blitta' (1928-1933) par
exemple, l'impérieuse nécessité de ravitailler en produits
vivriers l~ mcUn-d'oeuvre routière pour 11 ~venir,
et celle
d'assurer au trafic .ferroviaire un frêt appréciable,incitèrent
l'administrateur Fréau à la mise en place de plusieurs centres
d'immigration dans le Moyen-Anié avant l'ouverture du ch,mtier
en Juill.et 1930. Par ailleurs, comme l'indique Cornevin
le
Ille manque de main-d'oeuvre pour l'entretien des routes dans
la subdivision de Ouatchin inci t~ on 1921t le Commandant do
Cercle dlAtukp~mé à demander la création de villages do colo-
nisation ll (2).
2°)._ L'ouverture des voies facilita et rendit moins
--------------------------
(1).- J. Rouch, Migr~tion en Gold Coast
op. cit., p.
(2).- R. Cornevin, Le Togo, N~tion-Pilote, Nouvelles Editions
Latines, Collection "Survol du Honde ll , Paris, 1963, p.100.

='
178 =
périlleux les déplacements à pied des migrant§ vers les ré-
gions d'accueil togolaise s et gh=éermes; le d8V(ÜOppel'lGnt
considérable du trn.nsport [lUtomobile accéléJ::S!:....JLt inten~ifi3.
la mobilité humaine pour deux raisons essentielles: d'une
part, ces moyens de trn.nsport "rapprochent" la localité
d'arrivée au village de dépa:'t, d':LUtre part j ils réduisŒlt
par leur cormnodité relative la pénibilité des trcUlsports.
30 ).- Ainsi que celui des moyens d'information (radio,
transistors, journaux)j le progrès
des voies et rr,oyens de
comllllUlication contribue. dans une certaine mesure il comblŒ'
graduellement le fossé qui existait entre la p8l'tie septen-
trionale et ln. p8l'tie méridionale du Togo qUaLt à l ' acc~.§....ê,
la civilisation occidenta.le:
c'est o.insi que lu. circulation
des idées s'en trouva f:1cilitée entre les popul.ations plus
"occidentalisées" du Sud-Togo et les populations plus paJ.ôo-
nigritiques du Nord-Togo.
Âu total, la p~t du développement des voies de cOl"muni-
cation et du trnnsport automobile d811s la rupture du cloicon-
nement géographique et historique d8l1s lequel était longtemps
confiné le Pays kabyè ne paraît pas négligeable: cependant,
son impact eüt été peu efficace d8l1s l'immigration admiTti::tra-
tive si les org8l1isateurs n'avaient pas usé de tact pour v:œ-
suader 1:1 population concernée.
4).- Rôle d'impulsion des organisateurs.
L'affirmation de la volonté des a&ninistrateurs coloniaux
de choisir le Pays kabyè comme zone de départ des travail~eurs
indispens:1ble s aux travaux publics date do la période all8111arlde.
En effet, selon une règlememtation du tré1.vail au Togo à cette
époque ,Ille transfert (forcé) de travailleurs n'est permis que
••• dans la région où la main-d'oGuvre est abondCLIlte" avec
"l'approbation dt; gouverne,nent"
(1). C'est ainsi qUe lors (le
la construction du chemin de fer du Centre, e'(; dans l'impo:;si-
bilité de recruter la IDo.in-d'oeuvre nécessa:Lce parmi les Akpo:::.s,)(2)
---------------------------
(1).- R. Cornevin, Histoire du Togo, op.cit.~ p.20~.
(2).- Ceux-ci craignaient le rapt de leurs épouses en leur
absence, pratique coutumièrement admise.

'" 179 '"
les organisateurs allem2.l1ds avaient d"O. s'adressGr aux popu-
lations des Corcles du Nord, aux Kabyè on prrrticulier.
Parlant de l'impulsion migratoire et des déplacemGnts
conjoncturels,nous avons évoqué les contraintes socio-écono-
miques présidant aux réticences affichées par los Kabyè lors-
qUG les Ad.lninistrations allemandes Gt françaisGs voulaient
attirGr vers les régions peu peuplées du Moyen-Togo 11excédent
des populations du Nord. Comment les organisatGurs des migra-
tions administratives ont-ils pu vaincre ces réticencos ?
Plus gue les mesures, la volonté et la sagesse politique
meiLLeure
des administrateurs ont permis unerorganisation du mouvement;
olles ont par ail18urs provoqué et favorisé l'émigration spon-
tanée.
D1entrée, c'était le Commissaire de la République Fran-
çaise lui-même, le Gouverneur Bonnecarrère, qui réserva et
assura le contrôle des opérations; c'est bien la preuve que
le déplacement des populations Kabyè et Losso vers les terres
vides de la Grande Plaine du Mono était considéré à l'époque
par l'Administration française comme une affrrire cl 'importance
considérable; cette importémce tenait de préoccupations humani-
taires, économiques et foncières: il s'agissait apparelmllGnt
de IIdéconge stionner" le Pays kabyè et de tir or de s menace s
quasi pGrmanentes de surpeuplement dGS populations pourtant
laboriGuses et intrépides. Ces desseins humanitairGs tr;lllspa-
rurent plus tard des propos tGnus en 1933 par le Gouvernaur da
Guise concernant la transplantation des Kabyè au Centre-Togo,
devant le journaliste J. Martet:
"Les Kabyè sont de s gens qui sont installés là-bQs, au
delà de Sokodé. C'est la plus belle (ethnie) du pays, la plus
vaillante et celle qui actuellement tire le moins de bénéfice
de son travail; le pays kabrès est un pays pauvre, hostilG.
Vous voulez planter une graine: i l faut enlever un caillou
pour pouvoir trouver un peu de tGrre. Pas de région plus peu-
plée, d'ailleurs" (1).
--------------------------~
(1).- J. Martet. Les Bâtisseurs de royaumes (Voyage au Togo et
au Cameroun), Paris, 1934- " Albin ~lichel Editeur, page 64-.

= 180 =
La préoccupation économique inhérente à cette transplan-
tation humaine est d'abord la nécessité de mettre en valeur
un territoire dont le mandat venait d'être confié à la Fré~ce
par la Société des Nations. Cette mise en valour économique
qui se situait Il dans l'intérêt bien compris des protégos ll
était sans conteste aussi destinée à faciliter le paiement
d'impôts par les Kabyè ot Losso alors en dehors du circuit
monétaire faute de surplus agricele suffisant. Elle devait
également contribuer à l'augmentation considérab1c du volume
des exportations agricoles, - sources importantes de devises -
à la diminution des importations de denrées alimentaires sus-
ceptibles d'être produites sur place; (1) l'excédent de la
balance commerciale qui en résulterait ainsi que la rentrée
massive des taxes civiques aboutiraient à l'assainissement
des Finances du territoire sous-mandat af:in qUe ce dernier
dépende peu de la puissance mandataire.
Eu ég,~d aux réticences des Kabyè, les objectifs écono-
mique s et financier s de l ' expatri:ltion Il de ce s dernier s ins-
pirèrent aux adm:inistrateurs un certain nembre de mesures dont
voici les principales:
- La coercition
d'abord, a:insi qu'en témoigne la réponse
donnée en 1926 pOl' le Commandant du Cercle de Sokodé au Gou-
verneur Bonnecarrère qui prêchait instamment une migration des
Kabyè et Losso:1I Le Conseil des Notables consulté par la voix
des chefs Cabrais fit connaître qu'aucun des indigènes de cette
(ethnie)ne serait volontaire
pour aller créer de nouveaux vil-
lages en dehors du Cercle ••• , j'esprime l'avis qu'il y a lieu,
les Cabrais ne se déracinant au début que par lél contra:intc, de
les désigner d'office, si l'on tient à voir se peupler les ré-
gions riches du Territoire." Les mesures de contra:inte s'appli-
quaient aussi bien au départ qU'à
L'arrivée
puisque le fugi-
tif était" recherché·
dans son canton
d'origine et rélmené"
---------------------------
(1).- Obligation était faite aux Kabyè déplacés de pratiquer
d'abord des cultures arbustives, notarrunent celles de kapokier,
avant de s'adonner o.ux cultures vivrières sur les terres se trou-
vant dans le prolongement des plantations.

= 18t =
ou, dans le cas échéant, remplacé par l'un de ses parents.(1)
Bien que ces mesures relatives à la désignation des partants
et à leur maintien en terre dl accueil restèrent plus ou moins
en vigueur jusqu'en 1945, malgré leur caractère impopulaire,
les organisateurs de l'émigration administrative prirent des
mesures moins brutales à l'égard des migrants et plus conoi-
liantes au profit des chefs de cantons. Les principales furent
les suivantes:
1°)._ Alors qu'auparavant, les désignés partaient sans
vivres, à partir de Décembre 1927, "tous les Cabrais et Losso
destinés aux Cercles du Sud" devaient désormais" emporter des
vivres pour le voyage et si possible partir avec une petite
somme d'argent." (2).
2°)._ Par ailleurs, devant l'ampleur des évasions (3), les
autorités coloniales entreprirent d'obliger les hommes à voyager
avec leurs femmes et enfants: c'est ainsi que dans le premier
contingent de migrants à destination de Sessaro en 1942, aucun
célibataire ne pouvait être relevé.
3°).- Malgré l'ardent désir des administrateurs de voir la
prodUction agricole s'accroître rapidement, aucune méthode moder'::
ne de culture ne fut imposée aux colons kabyè et losso; au con'::
traire, tenant compte de l'amour de la liberté des intéressés,
les organisateur s
rendirent la
reconversion
technique
faci-
le
et libre.
Ce fut l'un des facteurs
explicatifs du succès
relatif de la colonisation agricole dans la Grande PlainlJ du
Mono: c'est sans doute parce qu'on n'avait pas voulu faire cas
de ce facteur psychologique important qu'à "l'Est-Mono", très
peu d'immigrés volontaires kabyè " se retrouvent dans les Mu -
tuelles créées depuis 1961 pour toute la "Zone k.": en 1969, sur
77 mutUalistes, 12 seulement étaient des Kabyè; qui plus est,
-----------------------------
(1)- B. Lucien-Brun, Colonisation des terres neUves du centre'::
Togo par les Kabrès et les Losso, op.cit., p.115.
.
(2)- L'Administration régionale se chargeait de les leur remettre.
(2)- Un tiers du groupe disparaissait en cours de route et lors
de la première installation en dépit de la vigilance des gardes.

:= 182 .,
des défections furent observées (près du quart de leur effectif
à la fondation) beaucoup plus souvent dans leurs rangs que dans
ceux des autres groupes ethniques.
4°)._ Comme partout ailleurs au Togo, les chefs de cantons
en pays kabyè jouaient au profit de l'Administration française
le rôle de receveurs des contributions; en contrepartie, ils bé~
néficiaient d'une "remise d'impôt" d'autant plus
intéressante
que la recette est importante. Pour s'assurer de la coopération
de ces chefs de Cantons qui pour cette raison d'ordre fiscal sur~
tout devraient voir d'un mauvais oeil jusqu'en 1949 la trans"':
plantation de leurs sujets (1),1'Administrateur commandant le
Cercle de Sokodé, dans une lettre adressée en 1928 au Chef de
Subdivision de Lama~Kara, insista pour que les indigènes de çha-
cun des nouvaaux villages fussent pris dans un même C~,
l'agglomération ainsi formée conservant l'attache du Canton d1o-
rigine;dans le même ordre d'idées, il demanda
qu'avant leur
départ, les individus de chaque agglomération désignent parmi
eux un chef
dont la nomination reçoive
l'assentiment du Chef
de la Subdivision, celui du chef de Canton et celui du chef de
Province"
"L'homme ainsi désigné, poursuit la lettre, sera res-
ponsable des g ens ~. son village vis-à-vis de son chef de Canton. "l~)
C'est dire qu'apparemment le contrÔle réel (perception d'impÔ~
et personnel des chefs de cantons kabyè et losso sur les villa"':
ges de création administrative était effectif. En tout cas, cette
mesure destinée à abstraire toute prévention de la part des No"':
tables contre le déplacement de leurs hommes a été très payante,
puisque les nouveaux villages ainsi créés avaient fini
par at-
tirer à eux l'excédent démographique du Pays kabyè~
Les facteur s qui viennent d'être rapidement évoqués, s'ils
ont
permis
le
déclenchement
de
].a
D:L.aspora
kabyè
De
-----------------------------
(1)- En 194-9, selon Luaien"':Brun, des )\\lotables de Lama-Kara
".
"émirent un avis si nettement opposé au Plan d'Emigration 194-9-
1950 que l'Administration préfera l'annuler".
l2) Lucien - Brun, op. cit., annexe IV. p.140.

= 183 =
sont pas responsables de la pO\\ll'suito et du développement his-
torique et actuel des migrations kabyè; les mobiles décisifs,
ceux aYlilt arraché à la plupart des part=ts le consentement
à l'émigration, sc trouvent parmi les motifs répulsifs et les
motifs attractifs; mieux, la décision de partir procède très
souvent de la conjonction de ces mc'ifs

I1.- LES MOTIFS REPULSIFS.
Les principaux motifs répulsifs sont d'orcl"t'e physique,
technologique, socio-éconorrLique et socia-cul tmel "
1).- Les causes d'ordre physique et technologique.
a).- Les causes physiques.
Ce sont la ponmie de terres cultivables, le caractère
improductif de celles existantes, le spectre des ravages épi-
démiques (20 à 40 %des Kabyè avaient été atteints en 1925
p,~ la tripanosonu_ase), la longuem et les riguems de la sé-
cheresse etc •••• J,es E\\otifs clime,tioues paraissent les plus
importants en raison de l'influence du clÜ13.t sur les autres.
Le Pays kabyè est, nous l'avons vu, compris dans un do-
maD'1e climatirlue où l'unique saison sèche avoisine cinq mois;
la sécheresse coïncide en général avec 'lCl période de l'année
où la température est la plus élevée (Février, Har s, Avril) et
Où les vents (harmattan, mousson) sont les plus forts et dé-
vastateurs; qui plus est, contrairement aux conclitions clima-
tiques de la zone côtière, l'humidité relative est trop fai-
ble
en cette période de l'année pour qu'elle joue le rôle de
facteur correctif et adoucissant. De plus, à l'intérieur èe
cette région clim"ti:jue
(comme d~ms bien d.es sectQurs de la
zone tropicale sèche), de grlildes variationc] pluviométriq\\:.es
et celles relatives 3. la date dGS chutes de pluies vienner.t

",184 "'
renforce'~, certaines armées, l'impression d'hostilit6 macabre
du milieu, puis~ue pL~fois il en résulte une famine. Par ail-
leurs, la sécheresse, en raison des ravages épidémi~ues (épi-
démies de m6ningite durant les mois les plus cllilUds ••• ) ~ulelle
contribue
à créer parmi la population, au~aente le taux de
mortalité; elle décime également les bêtes en raréfiant les
pâturages.
Ces facteurs répulsifs ainsi ~ue 10 désir de mettre à pro-
fit la longue période de morte-saison incitaient durant la pé-
riode coloniale surtout, un grJnd nombre de Kabyè à aller se
faire embaucher dans les ré8ions rurales togolaises et g&.-
néennes à deux saisons humides et à y séjourner plus ou moins
longtemps. En dépit de la sécheresse, à cause de l'attache-
ment des Kabyè à la terre de leurs ancêtres, un bon nombre de
Kabyè auraient pu longtemps résister à la tentation du départ
si les insuffisances technologiques n'étaient pas apparues
dans le système de production.
b).- Les insuffisances technologiques.
Certes, eu égard au caractère "savant" et ingénieux de
l'agriculture des Kabyè, nous pouvons affirmer que la facult0
technologique de ceux-ci resta longtemps élevée: malgré l'iso-
lement géographique
et historique, leurs techniques agraires
s'apparentent à celles des peuples laborieux des milieux médi-
terranéens; mais en dépit des menaces de surpeuplement, l'im-
mobilisme apparent de cert3.ines techniques agraires (nota,mnent
celles relatives à l'aménagement du sol) indique
qu'à un mo-
ment donné de l'Histoire agricole de ce peuple laborieux et
endurant, elle s '3.ffaiblit au point de devenir figée; cet im-
mobilisme
agraire ainsi que les psychologies (1) qui y sont
attachées déterminèrent un blocage nuisible à l'augmentation
de la productivité et des rendements. Fut-ce une attitude con-
servatrice tactique et provisoire ou au contraire une attitude
irrémédiablement désespérée ?
(1) Par exemple, faire travailler sur une exploitation fani-
liale un grand nombre de personnes: association agricole de la
déa ou du hara, la belle famille, les fiancés, etc •••

J.-C. Froolich explique cette inertie - contrastant Ù~lS
ce
domaine avec le dynamisme ancestral des Kabyè, - p~ la
satisfaction des besoins traditionnels du groupe ethnique (1)
et par la crainte de risques (risques de famine surtout) inhé-
rents
à toute innovation; l'auteur subordonne la prédominance
de cette attitude conservatrice au fait qu'ils étaient arri-
vés au prix d'effort bicentenaire il. une " domestication" du mi-
lieu aux conditions écologiques trop difficiles, et à une pério-
de de stabilité géographique et historique; autrement dit, 1;).
paix et l'ordre règnant, los paysans n'abandonnent pas leur
milieu hUlnani sé.
Lorsqu'on exmnine cette assertion avec attention, on s'a_
perçoit qu'elle évoque des réalités dont le cadre historique
est surtout la période coloniale; en effet, durant celle-ci,
ainsi que nous l'avons montré plus haut, l'ordre et la paix
furent l'estaurés et les Kabyè n'étaient plus men;).cés par les
visées expansionnistes des groupes rivaux voisins. Or, l'at-
titude figée sur le plan technologique date de la période
troublée, c'est-a-dire l'époque précoloniale pendant laquelle
la satisf;).ction des besoins traditionnels n'étaient pas tou-
jours
assurée pour tout le groupe ethnique en raison de la
micronisation des parcelles familiales, de la longueur do la
saison sèche et de l'instabilité climatique, et cela malgré
la spécialisation artisanale de certains cantons. En cette
période hostile au cours de laquelle les
Kabyè auraient pu
une fois de plus agir sur leur milieu en faisant usage de
leur facUlté technologique, le facteur limitant fut S,IDS con-
teste l'absence d'unité politique: la société lcabyè vivait sous
l'empire de la coutume ancestrale plutôt que sous celle de la
loi; loin de former une tribu, groupe social doté d'une orga-
nisation politique et économique, les Kabyè constituent un
groupe ethnique ( ou peuple), entité n'ayant guère d'organisa-
tion d'ensemble, mais par contre divisé en un grand
nombre
d'unités quasi indépendantes, not=ent le "deo.".
--------------------------
(1).- J .-C. Froelich, Le paysan noir et le défi moderne,
Civilisation, Bruxelles XIX (4),PP. 452 - 463.

= 186 =
En effet, pour mieux mettre à profit 1"- longue s,üson
sèche au cours de laquelle la population vit dans la quasi-
oisiveté, - si elle n'est pas mobilisée pour la défense con-
tre l'ennemi -, des cultures irriguues auraient pu être pra-
tiquées avec l'eau qu'on aurait emmagasinée dnns un certain
nombre de bas-fonds amenagés pour la cause. Il ne s'agit pas
d'une solution utopique puisqu'en 1970 la stGtion de Tchitchao
avait réussi une expérience de culture de riz irriguue en sai-
son sèche. Mais l'extrême morcellement des terres et le carac-
tère poussé
de la notion de propriété privée aur,lit rendu à
cette époque la solution impossible. Pour y parvenir, il au-
rait fallu unc organisation politique bien structurée qui im-
pose au groupe, des concessions profitables à tous: réserver
pour la collectivité certaines terres de bas-fonds en vue de
retenir de l'eau utilisable pour les cultures irriguées, amé-
nager collectivement les réservoirs, être membres de coopéra-
tiVes de cultures irriguées. C'aurait été l'amorce d'une révo-
lution sociale que l'individualisme de l'époque, l'absence de
commandement politique central et de contrainte matérielle,et
le respect presque absolu de la tradition et des ancêtresn'au-
raient pu aruuettre, t~~t il est vrai qu'en Pays kabyè, la so-
lidarité n' agis sai tassez pleinŒ1lent qu'au niveau du "déa".
Des contraintes socio-économiques ainsi que l'impact bou-
leversant des institutions coloniales pour le genre de vie
traditionnel des Kabyè finirent par décider Ces derniers à
opter pour le déracinement.
2.- Le bouleversement du genre de vie traditionnel.
Le bouleversement du genre de vie traditionnel des Kabyè
procède de facteurs socio-économiques et de facteurs socio-cul-
turels.
a).- Facteurs socio-économiques.
Les besoins des Kabyè vivant jadis en vase clos dans le
respect quasi étroit de la tradition et des esprits des ancêtres
avaient été pendémt longtemps régis par des habitudes de civi-

--
.. 187 "
lisation paléonigritique, caractérisées par une prééminence
de l'alilllentation et par le caractère très marginal des be-
soins vestimentaires; le progrès remarquable de l ' agriculture
kabyè, celui de la forge, son auxiliaire (fabrication d'ins-
truments aratoires, d'instruments de musique pour les activi-
tés agricoles ou para-agricoles) et celui de la poterie quant
à l'apprêt des accessoires culinaires, montrent assez bien que
le mobile qui animait la plupart des activités économiques et
sociales était la nécessité d'assurer les conditions favorables
à l'alimentation du groupe. Les vivres étaient proportionnels
au nombre d'habitants et au taux de consollUllation individuelle,
ce dernier étant en rapport avec les besoins physiologiques -
accrus par l'importance de l'effort fourni pour produire; c'est
dire une fois de plus que l'écononde de subsistance était un
seuil rarement franchi avant l'arrivée des europécJns. La po-
litique du groupe tendant à réaliser en priorité l'équilibre
entre la production et la consommation alimentaire connut une
faillite en période coloniale par suite de l'introduction de
produits manufacturés,
de l'abolition de la traite des enfants
(source de biens complémentaires) et de l'obligation coloniale
de pratiquer des cultures d'exportation (arachide), de s'adon-
ner momentanément à la cueillette (noix de palme, kapok ••• ),
de s'acquitter en journées de travail ou en numéraire des taxes
civiques •.••
Le système de production restant inchangé, ces nouveaux
éléments provoquèrent un fléchissement des cultures nourri-
cières au mOUlent même où le pays voyait sa population s'ac-
croître sensiblement sous l'effet de l'arrêt des luttes tri-
bales et des razzias, de l'amélioration de l'hygiène,de la géné-
ral.isation des vaccinations et de la lutte antipalustre
Cet-
te nouvelle situation économique et sociale contribuèrent
donc à la rédUction de la disponibilité des vivres indispen-
sables à la survie du groupe. Par ailleurs, eu égard à l'ac-
croissement démographique et à l'ampleur des besoins à satis-
faire, les surfaces cultivables parurent plus insuffisantes
que jamais.

.. 188 =
Dès lors, la solution la plus avantageuse qui devait s'of-
frir aux Kabyè les plus affectés pm' le nouvel ordre ôcononi-
que et social était l'expatriation temporaire ou permanente.
Une première catégorie de Kabyè touchés furent les jeunes et
les adultes qui se dirigeaient vers les milieux ruraux togo-
lais et ghanéens.
Une seconde catégorie se recrute parmi ceux qui gagnent
aujourd'hui les centres ltrbains; ceux-ci, ainsi que leurs ho-
mologues des autres contrées déshéritées du Togo
souvent
accusés "de paresse et de mépris de travail manuel", sont rebu-
tés par le vide créé par ce bouleversement économique et so-
cial. Devant l'appauvrissement qui résulte de ce vide socio-
économique, les jeunes et les adultes scol~œisés ou non finis-
sent peI identifier leurs pays à la misère. Cette impression
est renforcée par l'idée répandue parmi les ruraux du Nord-Togo
que le développement économique de cette partie du Territoire
est sacrifié au profit du reste.
Quoique partielle, l'influence des facteurs socio-écono-
miques du bouleversement du genre de vie traditionnel était et
reste tout aussi certaine et importante que celle des motifs
répulsifs physiques et technologiques; l'impact de ses facteurs
socio-culturels aJoutent à son caractère dépeuplant.
b) - Facteurs socio-culturels.
Ces facteurs, dont le jeu aboutit également à la baisse
de la production agricole, sont essentiellement l'impact de
l'enseignement colonial et les rigueurs de certaines disposi-
tions coutumières. Ceux que leur influence poussa à l'émigra-
tion se recrutaient et se recrutent encore parmi les moins de
30 ans, et la plupart participent à la "nouvelle migration
urbaine."
L'enseignement colonial
ne favorise pas une meilleure
connaissance du milieu dans lequel vit l'élève, la priorité
étant donnée à la connaissance du monde extérieur occidental;
parfois des thèmes d'étude portent sur l'Afrique (en litté-

0=
189 0=
rature
notamment), mais souvent au détriment du cadre togo-
lais en général et de la région où vit l'élève en particulier.
Si d'aventure l'enseignement colonial l'aborde, c'est la plu-
part du temps par rapport au milieu de la puissance adminis-
trante: les programmes d'Histoire et de Géographie qui ont ré-
ce~~ent cessé d'être en vigueur dans les classes primaires et
secondaires en témoignent.
Aussi les jeunes sont-ils mis pour ainsi dire à l'écart
des problèmes de développement de leur région. Un bon nombre
d'entre euX vont jusqu'à considérer l'agriculture comme une
activité marginale alors qu'elle occupe encore 85 %de la popu-
lation active et fournit près de 50 %de la valeur des expor-
tations nationales.
Par ailleurs, l'Ecole coloniale enseigne lQ supériorité
absolue de la civilisation occidentale sur les autres civili-
sations au lieu d'inviter à reconnaître la relativité, l'inter-
dépendance, la complémentarité de toutes les civilisations, au
lieu d'enseigner qu'une civilisation
est un produit dynamique
des éléments naturels, économiques, politiques, sociaux et cul-
turels du milieu.
Enfin, l'Ecole coloniale trop compétitive et donc trop
sélective libère un nombre important de scolarisés inemploya-
bles à cause d'une absence de qualification.
Ainsi, l'Ecole coloniale, loin de former des citoyens qui
s'intègrent à leur milieu, livre des "citoyens déracinés et
aliénés" parce qu'elle "tourne le dos à nos valeurs culturelles,
philosophiques, artistiques et technologiques." (1) Le cadre
favorable à l'introduction des valeurs occidentales étant le
milieu urbain, les jeunes scolarisés kabyè qUittent le pays an-
cestral "trop rebarbatif" pour eux en vue
de gagner les centres
urbains, singulièrement la Capitale dont la situation géogra-
phique facilite la pénétration rapide des éléments de la civi-
lisation occidentale.
---------------------------
(1).- Yaya MALOU (Ministre de l'Education Nationale du Togo).
La Réforme de l'Enseignement, Dialogue nO 3, Lomé, Mars, 1975.

= t90 =
Imprégnés quelque peu des v~leurs occidentales, profitant
des :fncilitcJ;- qu'oCrent
la sécurité et l'ordre instaurés (1) et
l'etffaiblis semen'c du respect voué trC\\ditionnellement ClUX vieux
etidant (2), un nombre important de jeunes slélèvent contre les
rigueurs de certaines dispositions coutumières. C'est ainsi
qu'ils cherchent à s'affranchir des servitudes socic!les et re-
ligieuses attachées au mariage, et des épreuves d'initiCltion:
le caractère violent et brutal des compétitions Il olympiques"
organisées lors des cérémonies d'initiation annuelles des fra-
ternitâs d1âge, le caractère obscène de certains aspects des
cérémonies traditiormelles (l'exigence de la nudité totale par
exemple) les poussent à s 1enfuir avant le début des épreuves (3).
Depuis 1960 cependant, con~e une tendance dans le sens
de l'clllègemont des conditions du déroulement de ces cér6l1lo-
nies initiatiques se dessine (suppression de llélection du
major et du major adjoint de promotion qui pendant cinq ans
sont astreints à la nudité totale, au mutisme, à tous les sa-
crifices pour la chasse ••• ), le poids de la coutwne se fait
sentir moins âprement.
Tout autant que les rigueurs inhérentes ~ux cérémonies
d'initiation, le caractère contraign,mt de 1:1 hiérarchie fa-
miliale et clanique, particulièrement l ' omnipréscmce du joug
paternel jusqu'à l'âge adulte d2J1s le domaine économique, obli-
geait
un bon nombre de jeunes Kabyè à s'expatrier.
Des dispositions coutumières répulsives s'observent ~ga­
lement dans le domaine matrimonial. Ce sont le plus souvent
les jeunes filles scolarisées qui répugnent à les respecter
(1).- Les pratiques coutunuères, notalument les fraternités
d'âge, visaient à rendre réelle la cohésion du groupe. Par-
faitement justifiables en période d1insécurité,elles ne p~ais­
sent dans cette mesure plus indispensable une fois l'orcrre,
la sécurité et la paix instaurés.
(2).- Cet affaiblissement du respect dfi aux vieux est le fait
de la modernis::ltion qui met à la portée des jeunes des moyens
auxquels les vieux ont difficilement accès ou qu'ils répugnent
à acquérir et à utiliser; un sentiment
de crainte éloigne
ainsi progressivelilent le jeune du vieQx.
(3).- J.-C. Froelich, in IILes popUlations du Nord-TogolI, op.
cit.,pp.97 - 102.

'" 191· '"
parce que le modèle de couple que leur propose la coutume est
différent
de celui qu'elles croient moderne. Elles s'élèvent
contre la précocité des fiançailles qui ne leur donne aucune
possibilité de faire un choix libre, contre les simulacreS d'en-
lèvement; contre la durée de la phase matriarcale de 1Cl vie
conjugale (plusieurs mois
durant laquelle la cohabitation avec
1
son époux est interdite, etc ••• )pour échapper à ces contraintes, 1.
certaines jeunes filles qUittent leur localité pour résider hors. i
du Pays kabyè, de préférence dans les milieux urbains où s 'opèr? 1
plus rapidement un adoucissement de la coutume. C'est unG des
' .•,
preuvres que très souvent la décision dG partir n lest pas pri-
\\
f
se sous l'empire des motifs répulsifs; l'impact dos motifs at-
\\
tractifs, (même si le migrant n'Gst pas toujours sûr ~u'i1s
t
,
soient réels) n ty est
pctS négligeable •
!
III. - LES MOT lFS ATTRACT lFS •
1
1
L'essentiel des motifs attractifs est de nature économi-
1
que et psychologique. Il est cependant difficile de dissocier
1
ces deux
aspects dans l'étudG des causes attractives puisque
1
très souvent ils s'interpénètrent. Aussi, pour la commodité de
l'exposé, envisagerons-nous
d'abord les mobiles au niveau
desquels la conjonction est plus étroite, avant d'aborder ceux
qui récè1ent une interpénétration lâche.
1).- Considérations relatives au revenu réel du travail.
Certains motifs attractifs dérivent des supputations fai-
tes par le migrant et portant sur des avantages économiques et
financiers qu'il pourrait attendre de l'expatriation saison-
nière, temporaire ou permanente; ce qui l'amène à comparer la
revenu réel du travail en terre d'accueil et celui qu'il ob-
tient habituellement au pays d'origine.
Aux migrants kabyè ou 10sso lorsqu'ils ['urGnt app(ùés à
venir humaniser les régions quasi inhabitées
de la Grande Plai-
ne du Mono, étaient offertes par les autorités coloniales dGS
conditions économiques très favorables et nouvelles pour eux.
1
1
. ,

~ 192 ..
~
Celles-ci devaient influer sur leur productivité, sur le prix
de revient réel d." :eur travail et par conséquent sur le reve-
\\i
nu réel de ce dernier. Ces conditions alléchantes furent les
1
suivantes:
\\
- des terres disponibles, 6Tatuites, fertiles et faciles
à travailler à l'opposé ~e cellos du Pays d'origine dont l'a-
ménagement réclamait cie gros
Gfforts Gt be:1ucoup d'hGures de
1
,
travail.,
i
1
- exemption
d'impôt
pondant clGUX ,ms; il s'aGiss8.it déjà
!
à l! époque d 'W1e nxonération trGs appréciée lJ:1r les Kabyè et
les LOS80, ne fut··ce que pour W1e seule année, en raison de
1
1
l'inexistence d 'W1e économie monétetiro d:ms let région et des
diffjcultés E5normos que le pcüonent des tetxes civiques cmc;en-
draÙ;
- forage de j'uits, construction grettuitc) cle hanC;2rs ou
de cases provisoires pour les etbriter, et distribution de nat-
tes, de couverturos; (1)
l
- aide matérielle et financière il. l'exploitation: non
seulement ils emportetient des Vi'.Tes "et W10 petite somme
d'ill'gent" pour le voyaGe, mais dès leur :1rrivée il. destinettion,
les responsetbles colonietux leur distribuaient des animaux de
basse-cour (coqs, poules, pintades ..• ), du petit bétail (chè-
vres ou moutons), des ustensiles de cuisine (mill'mites, canaris
etc .•• ), des instruments ar"toiros (houes, COUpG-coupe etc •.• ),
des semences; ils obtenaiont en outre W1e allocation.
Certes, au débu'~, bOYl nombre de migrants redoutant le dé-
racinement furent moi,ns scnsibies à cos avantagüs économiques
K
et financiers gratui,;s; lTè2.is pm' la suite, lorsque des assuran-
t
ces complémentaires ,ivoquées plus hiJ.ut fm'ent données aux par-
tants, ils jouèren'~ lm rôJe attractif efficc\\Ce.
11
L'impact des $uj'putations rolQ,tives :lU r8venu réel du tra-
1
vail à accomplir el }lClys cl. 1accueil parut uncore plus impor tant
'1
(~) ," 1. p,lTtir de "9:~9, ".0 tr2.JlSport on clLlion leur fut ac~ordé.
·1
1
1
, j

:= 193 0=
chez les migrants saisonniers kabyè et losso recrutés par
contrat et se rendant dans la Région des Plateaux pour tra-
vailler dans les plantations de cacao et de café. A eux tous,
un certain nombre de promesses étaient faites; les principa-
les furent les suivantes: salaire élevé, logement décent et
gratuit, unE? ration de vivres par jour ouvrable ou férié ou
une indenmité représentative hebdomadaire, prise en charge
d'une partie des frais médicaux, primes de fin d'engagement,
transport en camion et par train Et l'aller et au retour • (1)
L1influence des supputations relatives su revenu réel du
travail à accomplir en terre d'accueil ne fut pas négligeable
chez les migrants qui consentirent à l'expatriation ver s la
Gold Coast, vers le Togo britannique et vers la région akposso.
Au cours des années 1953-1954, dans les territoires anglophones,
les
gains journaliers des manoeuvres nourris et logés, tra-
vaillant dans les plantations cacaoyères, ·se montaient de 3 sh.
à 3 sh.jd.(2). Cela représentait une marge bénéficiaire très
appréciable (J) pour les migrantskabyè, notanunent pour le sai-
sonnier qui se serait endetté s'il restait au pays d'origine.
L'abondance des marchandises susceptibles d'être rapportées au
pays d'origine contrastant avec la misère des colonies fran-
çaises d1alors,rendait encore plus élevé et enviable le revenu
réel de son tr avail.
Cette mar ge bénéficiaire ne semble pas avoir connu UlKl· baisse
avant le sinistre de 1969 puisque "selon les renseignements du
poste de douane de Natchamba, ceux qui en 1962 revenaient du
Ghana après un travail saisonnier ••• rapportaient (surtout les
des
Kabyè) jusqu'à 10 livres ghanéennes ainsi quc[objets de valeur
d'environ 30 à 35 livres avec euX (V~los, objets en émail,
habits).11(4)
---------------------------
(1).- Rapports de l'Administration Française à la ~.D.N.,arillées
1923, 1924-,1925, i 926.
(2).- J. Rouch, Migration au Ghana, op. cit.,p. 128.
(3).- En 1945, selon J. Dresch, la marge bénéficiaire minimum
s'élevait à 6d. A la veille de la crise de 1930, elle dépassait
déjà 1sh. selon J. Rouch.
(4).- Hetzel, Est-Mono: die Kabre und ihr neues 3iedfungsge-
bret in Mitteltogo. Würzburger Georgr. Arbeiten Heft 12, t. XII,
pp. 45-80.
.

= 194- '"
Celui du migrant kabyè ayant choisi de se faire embaucher
dans les plantations akposso n'en demeure pas moins enviable
en raison de la diversité des avantages inhérents au travail
dans cette contrée togolaise et dont certains sont évo~uQS dans
le chapitre précédent: possibilité de travailler à la tâche au-
près de deux ou trois planteurs à la fois, et de pratiquer en
tant ~u'usufruitier des cultures vivrières sur des terres ap-
partenant aux propriétaires fonciers locaux, possibilité aux
femmes de réunir par mois d'importantes sommes d'argent jus~u'à
une dizaine de livres dans les années cin~uante en faisant le
commerce de bois morts pour le chauffage, et des produits vi-
vriers, et en faisant du portage. Les envois fré~uents de vi-
vres à volonté échappent
au contrôle douanier au même titre
~ue le retour au village natal.
Contrairement à ce ~ue l'on observe chez les migrants
ruraux, la notion de revenu réel du travail représente très peu
d'intérêt chez les Kabyè se dirigeant vers les centres urbains,
car pour la p1upart(même ceux des régions d'immigration
structU1'(:lnte
que la baisse des cours mondiaux 1ibère~ le dé-
part constitue en fait une véritable aventure; c'est essen-
tiellement le progrès de l'urbanisation ~ui les attire vers
les villes, singulièrement vers Lomé.
2).- Le progrès de l'urbanisation.
Au Togo, l'agglomération urbaine qui exerce le plus un
pouvoir considérable de fascination sur les ruraux en général,
sur les Kabyè en particulier, est celle de Lomé. Le progrès ùe
l'urbanisation qu'elle connait depuis l'indépendance ( à partir
de 1968 surtout) est en grande partie responsable de cet état
de choses.
Le pouvoir d'attraction de Lomé tient aussi bien à son
développement spatial qu'à sa croissance formelle résultant
de la réalisation ùes gr8Jlds travaux, à sa croissance fonc-
tionnelle, ainsi ~ulau progrès de son é~uipernent.

= 195 =
L 'import':U1cc dra ces aspects de l'urbanisation réside ici
dans le fait qu'ils sont dispensateurs d'emplois.
La croissance spatiale de l'agglomération de Lomé, lente
jusqu'en 1958, s'est accélérée voici une quinzaine d'années;
bloquée par la mer au Sud et la frontière à l'Ouest, elle s' é-
tire rapidement ver s le Nord et l'Est; le chemin de fer Lomé-
Aného, la situation géographique du Lycée de Tokoin, celle
de la "Cité du Bénin'l, la création du Port Autonome de Lomé,
sont les principaux factours dyna~iques ayant
joué un puis-
sant rôle d'attraction sur l'habitat; le gain territorial ré-
sultant du jeu de ces facteurs est important quand on sait
que l'expansion de l'habit~t se poursuit encore vers le Nord
jusqu'au delà d 'Agouévé j
l'impact d'une telle cro:'s~dnce clans le pouvoir d'attraction
de l'agglomération réside ,lems 1.e fait qu'elle a favorisé la
création de centres
d'accueil aux nouveaux imnligrants kabyè:
certains parmi leurs parents-fonctionnaires affectés à Lomé
ou anciens immigrés ont pu acquérir, à l'instar des autres
citadins, des lots de terrain destinés à la construction de
leurs habitations; la descente des Kabyè avisés de l'existence
des
centres d'accueil en est facilitée, et cela pour 2 raisons
essentielles:
- 1°)._ un grand nombre de migrants ne se décident à
venir à Lomé que lorsqu'ils s'assurent qu'il s'y trouve des
parents ou des amis chez qui ils peuvent rester provisoirement
avant de s'intégrer dans le milieu urbain;
-
2°)._ malgré la cohésion sociale et l'esprit de soli-
darité qui font que les parents refusent difficilement l'hos-
pitalité à ces i~nigrants, l'offre de celle-ci n'est aisée
,
que dans la mesure ou
ils ne sont pas eux-mGmes de petits
locataires.
L1importance nlrrnerlque des Kabyè dans les 3 secteurs de
Tokoin (Tokoin-Ouest, Tokoin-Centre et Tokoin-Est) par rapport
à leur effectif d.lDS les autres quartiers de la ville, confirme
dans une large mesure ce rôle de l'extension rapide de l'agglo-
mération de Lomé.

.. 196 =
Autant que l'expansion spatiale, la croissance formelle
de la Capitale, particulièrement les grands travaux qui en
sont les principaux "artisans", a offert et offre encore à
bon nombre de ruraux des prétextes pour leur migration urbaine,
et cela en raison de son caractère distributeur d'emploia.A
cet égard, l'influence exercGepar la construction du Port de
Lomé (dont les travaux débutèrent le 27 Octobre 1964) sur
l'immigration des ruraux est énorme: d'abord,en raison de la
durée et de la diversité des travaux, ensuite p3rce qUe l'en-
trée en service en 1968 du Port a donné naissance à un phéno-
mène de "boule de neige ll que traduit 11 exécution d' autr.es
grands travaux dans le périmètre urbain: en effet, ce qui
échappait au wharf de Lomé, à savoir l'importation rapide et
moins coûteuse des matériaux de construction et de manutention(1)
le Port Autonome de Lomé l'a réalisé avec une facilité qui n'a
d'égale que la rapidité avec laquelle
est faite l'édification
du Stade Omnisport, de la nouvelle Présidence, du nouvel Aéro-
port, de la Maison du Parti, des bâtbnents de la Cité du Bénin,
de l'Université, ainsi que
la réfection et le bitumage des
grandes artères. La construction de nombreuses entreprises in-
dustrielles dans les zones franches (Société des Allumettes
du Bénin, Romex-Togo) et portuaires (Société Générale des
Moulins du Togo, Société Togolaise de Marbrerie, les Ciments
de l'Afrique de l'Ouest, Société Togolaise des Boissons, la
Société des Détergents du Togo, la Société d'Entreposage de
Carburant ••• ), la construction des entreprises commerciales
dans le périmètre de la Commune (Bâtiment de Meyer, de l'U.T.B.,
de la B.T.D., de la C.I.C.A.-AUTO ••• ) celle du réseau d1égoût
dans les rues des quartiers situés de p3rt et d'autre de la
lagune ainsi que celle de bâtiments privés dans les nouveaux
espaces urbains comme dans les anciens, ont énormément béné-
ficié des services du Port.
--------------------------
(1).- Cela est dû à la faiblesse de sa capacité de manutention,
à l'impossibilité aux navires dlaccoster le quai et aU carac-
tère très élevé des surestaries.

'" 1 97 =
Il e:::l va de inême du vaste domaine' industriel récemment
créé au nord-oue:'t du Port, où en dehors de la Société de
Rechappage de pne'us S8 'sont impléll1tés la Raffinerie de Pétrole,
la Fabrique de p~te alimentaire, la Société de Cartonnerie et
d J Imprimerie Génerale , la Société de Menuiserie et d'Ameuble-
ment du Togo, la Faorique de Reglettes, un complexe sidérur-
gique, etc, ••
Cet essor urbain favorisé par le développement de l'in-
frastructure économique, le libéralisme économique et la sta-
bilité politique rassurant les investisseurs européens et
américains a attiré et continue d'attirer vers la Capitale un
nombre import,mt de l'Ul'aux en quête d'emplois ainsi que le
suggère J,' accroi8313ment annuel de la population urbaine de
1967 à 1970; durGnt ces quatre années en effet, il s'éleva à
près de 18.500 personnes alors que cette moyenne se limitait
à 3.600 de 1961 È. 1966. (1) J,a part de l'immigration est numé-
riquement plus iLportante que celle de l taccroissement naturel,
puisque le taux LJYI;n de C8 dernier pour la Commune de Lomé
est V05sj}l de 2,~ f.;, L te1'fectif des Kabyè dans les rangs ûe
ces inllüÏ&ants nE duvait p::lS être négligeable.
Tout comme l J e;,p,msj.on spatiale et la croissance formelle,
la .?roi~L'1ce fOl'.ctj_onnGlle qui en découle a. sur les ruraux,
notamment sur les K,wyè, des effets attractifs certains; sa
pui.1sarcc," d'attra.Jt::'on est cependant plus grande en raison de
lli;]port;ü~c() grandissante des responsabilités de l'Etat que
tréduit :,'~. nréation de nouveaux Ministères, et l'espoir de
Il salaire;J r(igulie-:' Sil
qu 1 elle suscite chez les partants: la mise
en service ci.u port est créatrice d'emplois; de plus, plus de
mille ë,gDLt:: togo:_ais permanents ou journaliers y sont en fonc-
tion, L8:; nc,uvellCls industries et les nombreux magasins dont
le ?ort Ct permis J. 'installation, occupaient en 1973 près de
800 nati-:>nat-x. La puissance d'attraction, sur les ressortissants
du Hord,.Tago en g';nÉral, sur ceux ûu Pays kabyè en particulier,
-------_ ..,-----------------
(1 ).- La po~ulaticn de la Commune de Lomé
c'est-à-dire celle
1
ûe :L' and.c Y'.T.e ban:;.ieue 1 pas sa de 123.000 a environ 196.000 en
1977. D,) 1961 à 1S66, elle sc monta de 105.000 à 123.000 per-
SOlD 1 8 S"

= 198 =
tient également au fait que dans les concours comme dans les
recrutements, on tient inégalement compte de l'appartenance
aux parties septentrionale et méridionale du Togo, et cela
en dépit de l'esprit de justice, d'équité et d'honnêteté du
dirigeant politique actuel.
Il s 1 agit là d'un élément encourageant pour le partant
averti, car, à tort ou à raison, il en vient à penser qu'il
le mettra à l'abri d'éventuelles discriminations dans les re-
crutements professionnels.
Quoique dans une mesure limitée, le progrès de l'équi-
pement (les espaces urbains (entension rapide des branchements
électriques, des adductions d'eau, l'installation de latrines
publiques, de marchés, de salles de cinéma, le renforcement
des moyens modernes de transports urbains etc ••• ) exerce une
influence presque aussi certaine sur les Kabyè qui quittent
leur village natal pour chercher à Lomé une nouvelle ouverture
sur la vie: en effet, il contribue à donner plus de solidité
à la pffi'spective d'un travail moins pénible et d'une existence
agréable.
Il ressort de tout ce qui précède que la puissance d'at-
traction de la Capitale tient à des facteurs économiques, ad-
ministratifs et sociaux dont les moyens modernes d'informa-
tion (presse, radio etc ••• ) ne cessent de divulguer les aspects
dynamiques et séduisants. Mais en réalité, cette puissance
n'est pGs proportionnelle aux possibilités socio-économiques
de la ville; c'est pourquoi il importe de compléter son ex-
plication par le fait que l'agglomération, en raison de la
concentration en son sein de presque toutes les industries na-
tionales et de la quasi-totalité des services publics et pri-
vés importants, représente au Togo l'uniqUe métropole économi-
que dont le rayon d'action réelle atteint d'ailleurs à peine
une vingtaine de kilomètres.
L'étude des motifs attractifs portant sur les avantages
socio-économiques réels attendus de l'émigration rurale, et sur
la puissance d'attraction propre au progrès de l'urbanisation,
ne saurait se terminer sans l'examen des causes essentielle-
ment psychologiques.

= 199 =
3 ).- Les motifs psychologiques.
Le désengagement d'éléments jeunes et adultes kabyè non
instruitsou instruits, avec ou sans qualification profession-
nelle vers Lomé relève en partie du sentiment que les évène-
ments politiques de 1963 au Togo ont ouvert la voie à une nou-
velle ère de paix et de sécurité dans les relations inter-eth-
niques. A cela s'ajoute l'enthousiasme pour la nouveauté con-
sécutif aux heures heureuses de l'accession du pays à l'indé-
pendance; cet enthousiasme dérive aussi des idées que les
Kabyè et d'autres gr?upes ethniques du Nord se faisaient de
la partie méridionale du Togo en général et de la Capitale en
particulier: c'est
pour eux le cadre de diffUsion d'une ClVl-
lisation technique, dynamique ,exaltante et émMcip:ttriNJ, 10.
~
d'autant
"civilisation des Blancs". Ces idées devraient otre. plu,s vivCl-
ces que les séquelles de l'isolement
politique et économique
du Nord-Togo jusqu'en 1912 par l'administration allemClllde
subsistaient encore et que les contraintes
ouutumières
devenaient répugnantes. A cet égard, les jeunes pensent qu'il
n'y a plus de contr81e social en ville.
Le déferlement des Kabyè vers les milieux ruraux et ur-
bains a pris réellement forme au bout d'un certain nombre d' an-
nées d'expériences migratoires des premiers immigrés: en effet,
satisfaits de leur nouvel établissement, ces derniers,une fois
rentrés au village pour participer aux cérémonies tradition-
nelles,n'hésitaient pas à confier à leurs parents et amis res-
tés au pays, les raisons de leur réussite; l'esprit d'imitCl-
tion et la contagion que ces confidences suscitaient chez les
autres avaient d"O. interv:enir parfois poux: rendre ardent le dé-
sir de migrer, et pour accroître ainsi l'élasticité du phéno-
mène; plus que les confidences des immigrés ayant séjourné dans
les régions rurales togolaises, celles das Kabyè ayant migré
au Ghana et à Lomé provoquant chez ceux qui n'ont jamais
quitté leur village natal une fascination quasi irrésistible,
celle d'un genre de vie supérieur ou jugé COmme tel.

= 200 =
Souvant, les valises dont ils étaient ché~gés ainsi que
les pagnes,les meubles, les pacotilles européennes qu'ils rap-
portaient, source d'admiration envieuse, confirmaient ces con-
fidences. L'impact réel de ce motif attractif en faveur de
l'émigration ver s l'actuel Ghana a été cependant moins spec-
taculaire, car la préférence des migrants pour les plantations
cacaoyères et caféières des régions de Kpalimé, de Danyi et
de Badou proches du territoire ghanéen en a considérablement
réduit l'effet; cette préférence ressort à deux considérations
essentielles: d'une part, les régions togolaises de cultures
industrielles sont moins
éloignées du pays ancestral, d'autre
part, parmi les facteurs qui déternrinent l'installation d'un
migrant kabyè en un lieu donné figure en bonne place 10 voisi-
nage de compatriotes, source de sécurité; et cOlame dillls les
premièrüs années du désengagement des Kabyè,les déplacements
spontanés les plus importants se firent en direction de la
Région des Plateaux, cette dernière constitua très tôt, l'ap-
pel du groupe aidant, un cadre substitutif certain.

.. 2O't ..
1**********************************1
fTROISIEMB
PARTIE
*
***********************************
LES EP'FEjTS DE LA DIASPORA KABYE
Les migrations kabyè, qu'elles soient dirigées ou spon-
tanées, qu'elles soient historiques ou actuelles, qu/elles
soient structuronres-, conjoncturelles ou côtières, ont pour
résultats non seulement la transformation du pays ancestral
et du milieu d'accueil, mais aussi celle du genre de vie et_
de la mentalité des immigrés.
C'est dire que les effets de la Diaspora kabyè sont mul-
tiples. Nous n'en évoquerons cependant que l'essentiel en
raison des limites imparties à notre mémoire. Nous examine-
rons les conséquences du mouvement migratoire successivement
dans les régions d'arrivée et dans le pays de départ avant
d'aborder les problèmes auxquels l'intégration socio~cono­
mique a donné lieu, à savoir la question foncière et le pro-:.
blème du régionalisme.

:=
202 :=
( CHA PIT R E
VII )
LES EFFETS DANS LES REGIONS D'ACCUEIL •
A la lumière de nos développements antérieurs, la Diaspora
kabyè a beaucoup aidé à résoudre la crise de main-d'oeuvre res-
s~ntie jadis dans les contrées rurales togolaises et'
.~gha­
naennes, particulièrement dans les régions de cultures indus-
trielles. Elle a par ailleurs contribué au peupleillont des sec-
teurs autrefois vides du Togo. Ce phénomène migratoire a de ce
fait joué un important rôle numérique et démographique dont
la mesure économique et sociale se trouve dans la mise en va-
leur des pays d'accueil. La dimension de la participation des
Kabyè à cette dernière est en rapport avec le degré de lour
adaptation aux nouveaux milieux.
Aussi l'étude de l'impact numérique et démographique sera-
t-elle suivie de celle de l'intégration économique et sociale
dans les régions d'immigration.
L- L' IMPAGr NUMERIQUE ET DEMOGRAPHIQUE •
Les mouvements migratoires kabyè se traduisent dans l'es-
pace par une accumulation humaine dont les aspects dynroniques
et géographiques sont révélateurs des préoccupations des orga-
nisateurs et de celles des intéressés ainsi que de la mesure
de l'effort fourni par les agents coloniaux.
1.- Une approche du degré de mobilité.
En 1970, le nombre des Kabyè résidant au Togo, hors du

= 203 '"
cadre d'origine, s'élevait à environ 14-1 .000 (1), chiffre net-
tement supérieur
à celui des Kabyè recenoés au pays ancestral
(120.000). La part des expatriés en milieux urbains y attei-
gnait alors à peine une quinzaine de mille.
Dans le cadre national, avec un taux d'expatriation de
54- %, la propension à émigrer des Kabyè n'était dépassée de
peu que par celle des Losso, groupe ethnique voisin, dont la
vocation migratoire est plus nette et plus anCielllle: 57 %des
membres de ce groupe se trouvaient expatriés en 1970. En 1960
pourtant, la propension à émigrer des Kabyè semblait supérieure
à celle des Lesso puisque les taux d'expatriation des premiers
et des seconds étaient respectivement 53 %et 4-9,6 %. En con-
frontant les taux, on peut être enclin à conclure
que chez les
Losso, la propension à émigrer s'était plUS considérablement
accrue. Cela est sans doute vrai en considérant que ces taux
se rapportent par définition au phénomène migratoire se déclen-
chant à partir du seUl pays ancestral; à cet égard, on pourrait
dire que de 1960 à 1970 l'émigration kabyè n 1 aurait "épongé"
qu'un 1/10 du croit naturel du groupe ethnique.
Cependant, ces taux ne nous permettent pas de faire une
comparaison Valable des degrés de mobilité des deux groupes
ethniques durant la période, car ils n'en rendent compte que
partiellement; pour ce faire, il importe de tenir compte éga-
lement des mouvements qui se produisent à l'intérieur des ré-
gions d'accueil. Mais faute de statistiques suffisants et pré-
cis nous permettant de calculer les taux de mobilité des Kabyè
et des Losso d'une région d'immigration il une autre (par exem-
ple du cadre des migrations structurantes
à celui des migra-
tions conjoncturelles), vu l'engouement général affiché pour
un désengagement vers les centres urbains depuis l'accession
du Togo à l'indépendance, nous estimons que la recherche
--------------------------
(1).- A vrai dire, ce chiffre comprend le nombra des sinistrés
du Ghana revenus au Togo, puisque le recensement est commencé
bien après leur expulsion en 1969; mais leur nombre exact est
difficilement évaluable parce que, aux postes-frontières, des
mesures n'avaient pas été prises en ce sens.

= 204- =
du degré de mobilité des Kabyè comparé à celui de leurs voisins
~êS Losso peut prendre appui sur leur participation à l'exo-
de rural, et cela dans le souci non de cerner la réalité en-
tière, mais de llapprocher. De 1960 à (Mars-Avril) 1970, ainsi
que llindique le tableau suivant, le taux de mobilité pro-ur-
baine des Kabyè était légèrement inférieur à celui des Losso.
Tableau nO 21
:- Taux de mobilité pro-urbaine de 1960 à
Mars - Avril 1970 (1)
..
,
1
POPULATION URBAINE
1
GROUPE
POPULATION
TAU X
ETHNIQUE
Mars-Avril
TOTALE
1959-1960
1970
-
Kabyè
3. 800
130352
2600380
3,6 %
Losso
1.700
5.005
88.046
3,7 %
Dès lors, nous pouvons dire que les disparités observées
au niveau des taux d'expatriation, si elles tendent à montrer
que la propension à émigrer des Kabyè est inférieure à cel*e
des Losso, ne signifient pas que ces derniers maintiennent la
même supériorité quant au degré de mobilité géné~ale. D'ail-
leurs, la supériorité relative au taux d'expatriation trouve
son fondement dans deux situations socio- économiques: d'une
part, beaucoup plus que les Kabyè, la tendance des Losso à
émigrer vers le Ghana; d'autre part, le progrès du rapproche-
-------------------------
(1).- Nous avons cru bon limiter notre comparaison au seul
groupe ethnique Lasso dont la vocation migratoire rurale est
la seule qui s'apparente à celle des Kabyè. Toute comparaison
avec un autre groupe ethnique serait peu significative. Par
exemple, en 1970,près de 8.000 Bassar étaient dans les centres
urbains autres que la Commune de Bassar. Si ce chiffre est en
valeur relative supérieur à celui des Kabyè (les Bassar sont
moins nombreux: environ 33.000 en 1970), c'est sans doute par-
ce que les Bassar migrent très peu vers les régions rurales du
Togo.
.

" 205 '"
ment de l'administration aux administrés (création des Circons-
criptions de Lama-Kara et de Kpagouda) ainsi que celui de l ' im-
plantation des infrastructures socio-économiques se faisaient
et continuent de se fairo sontb plus dans le Pays kabyè que dans
le Pays losso. Ces disparités socio-économiques libèrent un
grand nombre de Losso pendant qu'elles retiennent une partie des
Kabyè. Le fait que les mouvements spontanés des Losso vers le
Pays kabyè sont de 1960 à 1970 plus importants que ceux des
Kabyè dans le sens inverse serait en partie dil. à ces disIlarités .•
La quasi-égalité de ces taux de mobilité pro-urbaine des
Losso et des Kabyè comparés à l'extrême inégalité de
ceux
d'expatriation en 1970 tend à prouver que ces derniers, dans
leur migration urbaine, quittent plus les régions d'immigration
rurale que le Pays ancestral.
Les statistiques utilisée5jusqu'à présent portent sur les
immigrés "résidents", c'est-à-dire les immigrés temporaires et
permanents, les immigrés saisonniers étant recensés au pays de
départ (qui peut être le Pays ancestral ou non). Si nous en ve-
nons à prendre en considération les saisonniers, autrement dit
ceux des Kabyè quittant le Pays ancestral ou des régions d'im-
migration, de novembre à avril, soit pour se faire embaucher
dans les travaux de récolte ou de préparation du sol en pays
d'accueil, soit pour participer à la chasse aux rongeurs (agou-
tis, rats, souris etc ... ) en période d'harmattan dans les ré-
gions d'immigration structurante, le degré de mobilité des Kabyè
à l'échelon national apparaîtra plus élevé que celui des Losso;
en effet, chez les premiers, la propension à émigrer saison-
nièrement vers les régions agricoles du Togo est netteoont plus
grande que chez les seconds, étant donné que les Kabyè sont de
loin les plus nombreux à s'expatrier ainsi sai sonnièrement, par-
ticulièrement vers les plantations industrielles du Togo; leurs
voisins, les Loss~préfèrent celles de l'actuel Ghana.
Pour ce qui est de la ventilation générale des Kabyè quit-
tant le Pays d'origine pour d'autres secteurs ruraux, la supé-
riorité du pouvoir d'attraction des régions d'immigration struc-
turante
sur celui des régions montagneuses de cultures indus-

= 206 =
trielles datant de la période d'immigration administrative per-
siste encore. Cette situation s'observe encore de nos jours
pour les migrants ruraux. Les raisons essentielles en sont que
d'un côté, la possibilité d'obtenir plus facilement des terres
à cultiver ici que là, de l'autre, le fait que de ces premières
régions précitées, on peut gagner saisonnièrement les secondes.
Du point de vue des régions d'immigration, plus de Kabyè font
saisonnièrement route vers les plantations de cacao et de café
que ne reçoivent par an d'émigrante temporaires ou permanents los
centres urbains. Mais le progrès de la scolarisation d,"n:3 le
Pays ancestral et dans les régions d'immigration structurontlL,
et celui de l'installation des infrastructures sociales et éco-
nomiques à Lama-Kara renverseront à coup sûr cette tendance en
faveur des centres urbains.
Au total, le degré de mobilité général des Kabyè tranche
quelques peu sur celui des Losso; ces disparités marquent dans
une mesure certaine la répartition régionale des deux groupes
ethniques en dehors de leur aire d'origine.
2).- Corrélation entre densités et facteurs édaphigu8.,[,. ..
foncier
_ _ _
s
_
et
_,,
Dsyoho-
. L
soc:Loloc;i'iu.e
. .
s d'implantation.
_
L'examen de la carte n02 (hors texte) (Densité d'occupa-
tion du sol et importance numérique par rapport à la population
totale)indique que dans la Grande Plaine du Mono, le peuplement
kabyè et 10sso n'affecte véritablement que la partie médiane,
une bande de territoire d'une trentaine de kilomètres de large;
ce qui confèr€
à la représentation des zones habitées une dis-
position allongée. Selon Lucien-Brun qui a fait une étude dé-
taillée de l'occupation humaine dans la plaine centrale, "cet
agencement se trouve en rapport étroit avec le sens général
des voies de communication"; c'est la même idée, mais de manière
plus catégorique, qu'il exprime lorsqu'il déclare qu' "on peut
tenir pour assure'
que Cl est la voie de communication Nord-Sud
qui a orienté la mise en place du peuplement immigré." (1)
---------------------------
(1).- Lucien-Brun, thèse citée, pp. 25-31.

= 2D7 =
Ces affirmations relatives " au rôle effectif de causalité"
attribué à l'axe international
Lomé-Ouagadougou ne nous parais-
sent pas suffisamment rassurantes même lorsque nous nous en te-
nons exclusivement au fait que l'existence de cette dernière
est antérieure au déclendwment des migrations administratives.
Certes, le peuplement kabyè et losso est particulièrement
d'autre
dense de part et.de cette route, puisque la densité moyenne y avoi-
sine 30 hab/km2 ; certes, les voies de comnlunication ont un im-
pact socio-économique peuplant: elles facilitent le retour au
pays d'origine, l'écoulement des produits agricoles, la circu-
lation des idées; elles rapprochent les immigrés des dispensai-
res et des centres de santé régionaux, etc ••• ; mais la route
axiale n'a commencé à exercer effectivement son pouvoir d'attrac-
tion que bien après la transplantation des Kabyè et des Losso.
De notre avis, s'il est impossible de minimiser le rôle des
voies de communication dans ce domaine, le caractère fertile et
surtout disponible des terres paraît déterminant, car compte
tenu de la tendance générale des immigrés à se rapprocher le plus
possible de leurs champs, les abords de la voie auraient été
désertés si les terres qu'elle traverse étaient à l'origine ~~/~~
En confrontant la carte pédologique et celle du peuplement,
on s'aperçoit que les liaisons transversales
dont la construc-
tion est postérieure à l'installation des tout premiers immigrés,
côtoient ou traversent des terres originellement à très bonne
productivité: c'est par exemple le cas des routes AYengré-Sessaro,
Sotouboua-Bouvolème, Anié-Kolokopéj une autre preuve que les fac-
teurs édaphiques ont beaucoup plus préoccupé les organisateurs
des migrations diricéesdans la Grande Plaine du Mono se trouvent
dans la qualité agrologique de l'essentiel des sols traversés
par le chemin de fer Anié-Blitta construit au fur et à mesure de
l'implantation des migrants; le tracé de cette ligne qui s'intègre
parfaitement dans le système des voies méridiennes (routes, che-
min de fer, cours d'eau)
b 0 r d é e s
d ' u n e h a pe l e t
de
villages
Il
administratifs"
J
suit fidèlement Il aligne-

= 208 =
ment des vertisols reposant sur roches basiques; il aurait
suivi de plus près le tracé du tronçon de la voie interna-
tionale à l'instar de celui du chemin de fer Lomé-Anié si les
responsables coloniaux ne s'étaient pas avisé de la présence
de ces terres productives dans la v,ulée de l'Anié. La con-
frontation des deux cartes précitées, montre également que
les sols à bonne ou à très bonne productivité,-à savoir les
sols f"l'rll:'.l::'o::'qu""
SUl'
roches gneissiquEB ou sur roches basiques,
et les vertisols - abritent de fortes eoncentrations humaines
plus que les sols ferrugineux lessivés prédominants; la plu-
part des plus grosses agglomérations kabyè et losso y ont leur
site et leur tcœrj.toire cultural: ainsi Akab2., Pagala, Elava-
gnon IIEst-Hono, Il Palakoko, Bouvolèmo, KJX,y:luboua; il en e st de
même des agglomérations moyennes Déréboua, Sessaro, Kolokopé,
Agodjololo (cf. carte pédologique).
L'influence des conditions édaphiques favorables sur la
mise en place des im~grés pendant la période coloniale avait
été telle qu'aujourd'hui, du point de vue régional, la carte
de la population déplacée suggère celle d.es sols, surtout dans
les zones septentrio::lale
et moyenne
où la liberté de manoeuvre
des organisateurs avait été plus grande. A Gléi, village pOlœ
lequel la confrontation cartographique ne recèle pas une telle
corrélation, certains des premiers immigrés kabyè déplacés par
les Allemands pour la construction du chemin de fer Lom6-Atakpa-
mé (un vide démographique était observé à cette époque entre
Datcha et
O~atchL~) déclarent qu'ilS auraient quitté la loca-
lité après les travaux si les terres de la région n'étaient
pas suffiswmnent disponibles et s'ils ne les avaient pas trou-
vées bonnes. La dissémination du peuplement vers le cours infé-
rieur de ll~~ou COnfirme cette déclaration.
Presque autant que les facteurs édaphiques, le
facteur-
eau de boisson était vigoureusement intervenu p01U' décider les
administrateurs coloniaux à choisir les sites des villages préci-
tés, d'autant plus
que le forage de puits qui aurait pu reléguer
au second plan la nécessité de la proximité d'un cours d'eau
paraissait une enkeprise trop onéreuse pour être généralisée.

= 209 ..
l{
Comme dans la Grande Plaine du Mono, les voies de communi-
cation avaient eu un impact secondaire dans le peuplement des
régions montagneuses aussi bien pour les migrations dirigées
que pour les déplacements spontanés; les motifs édaphiques,
fonciers ct économiques furent déterminants danS la création
des villages et fermes ainsi gue dans le peuplement par les
Kabyè des villages autochtones: Patato\\1kou, un
des rares villa-
ges de fondation
coloniale dans ces contrées, doit son exis-
tence à la présence entre Amou-Oblo et S,odo d'un "no man' s land"
1
litigieux sur lequel portaient de fracassantes et perpétuelles
revendications; le souci de régler une fois pour toute ce litige
"épineux" opposant les habitants de deux villages voisins est à
l'origine de la transplantation des Kabyè; les innombrables
fermes et hameaux constituant l'essentiel de 1 'habitat autonome
t
kabyè dans les régions cacaoyères et caféières en général doi":
1
vent leur existence surtout à la concession sous contrat des
1
terres cultivables aux immigrés et à la nécessité de s'en rap-
procher le plus possible ou de s'y intégrer; si en 1960, le
rapport numérique kabyè immigrésA:>opulation rurale totale par
canton Akposso était voisin
de 23 %dans Akposso-Plaine alors
qU'il était inférieur à 9 %, à 11 %et à 7,5 %respectivement
pour les cantons Akposso-Nord, Akposso-Plateau et Litimé (cf.
tableau nO 22), cl~st moins en raison de la situation des vil~
lages à fort peuplement kabyè (Amou-Oblo, Patatoukou, Sodo) à
proximité de la route nationale Kpalimé - Atakpamé qu'en raison
de la grande disponibilité des terres de cultures vivrières
(sols ferrugineux tropicaux) (1). La forte densité kabyè autour
de Kpélé":Elè (Cir conser iption de Klouto), - en 1960, on y dénom:'::
brait 6.200 Kabyè contre 21.000 habitants au total ~ résuJ±. e
également des mêmes facteurs édaphiques et fonciers.
---------------------------
(1)- Dans les trois derniers cantons ( à faible peuplement kabyè)
Où prédominent les sols ferrallitiques propices aux plantes in-
dustrielles (cR.té. nacao, palmier à huile), les propriétaires
fonciers se dessaisÎssent difficilement de leurs terres au profit
des immigrés,.

= 210 =
Tableau nO 22.- Proportion de la population kabyè des
cantons d'Akposso en 1960.
~.
POPULATION RD POPULATIOll KIl RAPPORT Nillœ-
RALE TOTALE
BYE -
CORRES
RIQUE ;W3YE-
PONDANTE
POPULATION
CANTONS
(en millier)
(en millier)
RURALE TOTA-
LE
AKPOSSO-NORD
10,3
0,9
8,77'
AKPOSSO-PLAINE
29,1
6,5
22,75
..
AKPOSSO-PLATEAUX
12,9
1 ,4-
10,85
--
LITIME
26,6
1,9
7,1 4-
!
Source:. Recensement général de la population du Togo,
1958 - 1960, 3è fascicule, p.50.
Quant aux secteurs rurQUX côtiers où la densité kabyè est
2
souvent bien inférieure à 0,1 hab/lan , le caractère dérisoire
du peuplement de cette partie du cadre général de la Diaspora
kabyè relève essentiellement (nous l'avons vu plus haut) de
l'indisponibilité des terres cultivables et non d'un quel-
conque caractère répulsif des facteurs physiques.
Si les rapports de causalité portcllt sur la répartition
générale des immigrés sans distinction ethnique, dérivent es-
sentiellement du degré de disponibilité de terres cultivables,
les facteurs déterminant le regroupement dans l'espace sont de
nature psycho-sociologique: dans le cadre de la colonisation
dirigée, c'était, au cours de la première phase surtout, la
volonté des organisateurs de ne pas éloigner les Kabyè de leur
terre ancestrale
, des chefs de cantons ~t des chefs de villugesj1ori-
gine qui sans doute les avait poussés à réserver aux Kabyè des

.. 211 ..
terres situées entre Sokodé et Blitta, tandis qu'aux Losso
étaient destinés des secteurs plus lointains: on sait qu'au
contraire des Kabyè, ils avaient fait bon accueil à la sol-
lioitation de l'Administration milndataire désire\\lse d'attirer
vers les régions peu peuplées du Togo, l'excédent des popu- .
lations du Nord.
Pour ce qui est des migrations spontanées, rappelons que
le voisinage de congenères détermine l'établissement.
La conjonction de tous ces facteurs de la répartition géo-
graphique des Kabyè, qu'ils aient joué un rôlé secondaire ou de
causalité, est dans une large mesure responsable des disparités
que recèle la structure spatiale du peuplement immigré kabyè.
Il existe au Togo, dans le cadre rural,. 5 grands foyers de
hautes densités d linstallation kabyè; du nord au sud, on distm.:..
gue:(cf. fig.n O)4)
- le groupe de Kabou - Djamdè,
- le groupe de Sotouboua,
_ le groupe d' "Est-Mono"
- le groupe de Gléï - Chra
- le groupe d' Elé - Amou - Oblo.
Les densités kabyè sont voisines ou supérieures à
2
20 hab/km ; les secteurs où la densité kabyè est faible sont
ceux où le peuplement autochtone ou losso (1) est plus concentré;
la forte densité autochtone explique en partie l'étalement du
peuplement immigré dans les régions de Sokodé, d'Atakpamé, de
Badou, d'Agou et de Tsévié Où le rapport numérique/poplÙation
rurale totale varie entre 1 et 10 %. (cf. carte hors texte n 0 2)
Somme toute, h
Diaspora des Kabyè et de€!
Losso a considé-
. '
-
.
.
rablement modif;1,§ la réPartition, g~9graphigu!;! de::; groupes étb,ni':'
gue€!_f\\u Togo •. (fig. 34)
-----~--------~------------
(1).-.Les secteurs où la poplÙation losso est majoritaire sont
les cantons de Namon (Circonscription de Bassar) et de Blitta
(Circonscription d 'Atakpamé).


Voilà, du point de vue numérique, les principaux aspects
dynamiques et géographiques du "déferlement" des Kabyè hors de
leur cadre ancestral; sur le plan purement démographique, l'im-
pact de cet engagement n1est pas négligeable.
3°).- L'impact démographique.
D'une manière générale, la Diaspora des Kabyè comme toute
immigration représente une richesse démographique pour les ré-
gions d'accueil: l'effectif de populJ.tion de ces derniers s'en
trouve augmenté, surtout celui des groupes des jeunes et des
adultes, grâce à l'arrivée des migrants; par la sUite, le nouvel
effectif grossit à son tour grâce à l'important gain démographi-
que résultant des particularités du mouvement naturcl des Kabyè;
en effet, ceux-ci ont une fécondité élevée en raison de leur age
et parce qu1ils viennent d'un pays traditionnellement à forte
natalité.
A l'exception d'une péœt des reglons de migrations côtières,
d'autre part des secteurs isolés de la Région des Plateaux (Ave-
tonou, Agou, Elavagnon ••• ) et de la vallée du yoto où de récentes
mises en valeur modernes attirent un nombre important de Kabyè
et de Losso, cet aspect de l'impact démographique est aujourd'hui
réduit aussi bien dans les milieux ruraux qUG dans les villes de
l'intérieur par la "nouvelle migration", c'est-à-dire celle ayant
pour destination ultime l'agglomération de Lomé: à l'instar du
Pays lŒbyè, des anciennes régions rurales de migration, à savoir
les régions de migrations structuron~s
et de migrations conjonc-
turelles,enregistrent d'importants départs de jeunes et d'adultes
capables de procréation, en direction de la Capitale. Le plus
souvent, en raison des incertitudes que recèlent l'installation
et la recherche d'un emploi quelconque, ces nouveaux migrants
partent sans leurs femmes et leurs enfants comme le confirmerait
la disproportion des sexe que révèlent en 1970 les effectifs
des:
Kabyè dans les régions Centrale et des Plateaux, et dans
la Commune de Lomé
(voir tableau nO 23).

Tableau nO. 23.- Effectif par sexe des Kabyè dans les Régions cen-l
trale et
des Plateaux et dans la Commune de
Lomé en 1 970.
1
•~
,
-
f-t;
rNOUVELLES REGIONS
1
SECTEURS DI IMMIGRATIOlI
D'EMIGRATION
1
1
!
Centrale
des
Lomé
Maritime
Plateaux
1
t
Masculin
25.018
37.475
3.9°7
5.488
Féminin
26.668
37.971(1
3.579
4.803
Source: - D'après Recensement général de la population togolai-
se (Mars - Avril 1970) Vol.1, Méthodologie et premiers résul-
tats~ Direction de la Sta~istique,.;rtjJ.n1974.
Il résulte de cette rupture provisoire du couple, une
baisse de la fécondité réelle des conjoints. Dans les milieux
1
urbains, la baisse du taux moyen de fécondité s'aggrave à cau-
se du contrôle plus ou moins conscient des naissances, - con-
trôle provoqué' par les difficultés d'adaptation au mode de vie
urbain- et à cause d'une nouvelle mentalité observée auprès des
1
jeunes filles et des jeunes garçons (mariage plus tardif)
la
preùve Qst
l.e fossé qui séparait en 1961 (voir tableau nO 24)
au niveau de la tranche 14 - 19 ans, le taux de fécondité à
Lomé et ceux des autres régions, notamment la Région Centrale,
1
région rurale d'immigration de fort peuplement kabyè et losso.
!
1
~,
-----------------------
(1).- Le faible écart entre les deux effectifs résulte de la
faiblesse relative des départs vers Lomé découlant de l'in-
f
fluence d'un pouvoir d'achat beaucoup plus
élevé.
!
1

Tableau nO 24 :- Taux de fécondité par âge et par région.
W· _ _
11
Régions (y compris les centres
Lomé
Moyen-
urbains sauf Lomé)
Agglomé-
1
ne du
Mariti- PlatealD Cen-
Sav3.-
ration
Il
me
traIe
Pays
'"''''
Il
1
14 - 19
147
1 51
179
145
95
1 51
-
- - - - - ,
,
20 - 24
357
324
297
351
265
327
25 - 29
319
326
266
360
263
312
1
1
30 - 34
286
276
241
300
241
271
-
35 - 39
197
167
159
279
170
189
4D-44
122
127
93
144
71
114
45 - 49
26
16
17
75
28
28
Ensemble des
femmes de
236
235
195
279
188
228
1
14 à 49 ans
j
1
1
!
1
,
!
.-
Source: Enquête démographique 1961 citée par Konu in "La po-
pulation togolaise 1967,11 INRS, Lomé, 1968, p,12.
Certes, la mobilité des Kabyè en milieu d!immigration,
l'essaimage des lOcalités kabyè dans la Région Centrale et
dans la Région des Plateaux,
le fractionnement et la dis-
persion du peuplement qui en réSUltent, faussent les résultats
des recensements démographiques, ainsi qu'en témoignent les
résultats erronés obtenus aux recensements de 1960 (voir ta-
bleau nO 25.), Mais
à n'en pas douter, cette baisse actuelle
du dynamisme démographique des Kabyè en milieux rur3.UX ut ur-
bains (li immigration contribue à l'aggravéltion de l'éco.rt qui
sépare sur le plan de Ir effectif le groupe etlmique kabyè et

...
=215<=
le groupe ethnique évhé, celui-là qui reste numériquement le plus
important du Togo
(voir tableau nO 26).
Tableau nO 25.- Différence par région entre les résUltats et
les prévisions lors des recensementg,de 1960 au Togo.
,
,
REGIONS DENSITE PO PULA- DIFFE - PO PULA- POPULA-
TION
RENCE
TION
TION
disper- urbaine
2
entre
au km
totale
sée dan
PRUlCIPALES
les ré- les feI'-
VILLES
sultats mes
et les
prévi -
sions
(en mil
lier
d'hab. )
%
%
%
Lomé:
!
73.600 hab.
MaritiJœ
80
3lt
+ 126
21
19
Aného:
1
10.400 hab.
Tsévié:
9.200 hab.
des Pla-
11 .900 ~ab.
18
1
25,lt
+ 169
27
6
teaux
1
(""im"
Atakpame:
9.600 hab.
Sokodé:
PentralE
18
25,2
+ 29
1lt
10
1 lt. 700 hab.
Bassar:
des Sa-
9.200 hab.
1
vanes
22
15, lt
+ 22
lt
7
Source: Recensements de 1960 au Togo, Inf. Géogr., N0_ _1961.
Tableau nO 26. Evolution des effectifs des groupes ethniques
évhé et kabyè de 1960 à 1970.
- -
1
Différence entrE
Evhé
Kabyè
les deux effectif1
1960
33lt.000
211.000
122.700
1970
lt22.377
2600380
161 .997
j
Source: d'après les Recensements de 1960 et de 1970 au Togo.

= 216 '"
II.- L'INTEGRATION SOCIO-ECONOMIQu~
Sur le triple plan démographique, social et économique,
l'espace que les migrants kabyè - quel qu'en fut leur statut -
eurent à occuper n'était pas toujours vide à leur arrivée. En
dépit de leur tendance à vivre au début à l'écart des autoch-
tones, surtout dans les contrées rurales, ou à limiter les
rapports humains à de simples liens de coexistence, ils eurent
progressivement à s'intégrer aux milieux d'établissement. Cette
intégration qui se poursuit encore de
nos jours est essentel-
lement d'ordre social et économique.
A).- Degré d'intégration sociale.
Les migrations kabyè, qu'elles fussent dirigées ou spon-
tanées, ne s'étaient pas accompagnées d'une rupture 1 l équili-
bre physiologi.que notable, les caractères climatiques ne dif-
fèrant que très peu de ceux du milieu originel; elles avaient
néanmoins donné naissance à un déséquilibre sociologique que
les immigrés avaient très tôt cherché il rétablir avec l'aide
des organisateurs des migrations, et cela dans les meilleurs
cas.
1).- Tendance à l'unité. sociologique et degré d' assimi-
lation.
La tendance à l'unité sociologique s'observe au niveau'des
centres de peuplement créés par l'administration colonièùe com-
me au niveau de ceux résultant des migrations spontanées. ( . ,fig. 35)
D'une manière générale, chacun des villages administratifs
créés tend à rassembler en son sein les ressortissants d'un mê-
me village ou d'un même canton d'origine. Par ailleurs, la for-
ce des liens de clans, de parenté et d'alliance, vivace en Pays

Fig.35.Degré d' intégra tion SOCiO_Ek onomique des Kabyè
et des Losso
dans les régions d'immigrat'Ion.
=216bis=
..
..":1tON KOM BA
........
~
.. ",
~
.
~
~.
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K'GBAFLO +
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~
z
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t
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LÎm;h· .st approJlim. de. migrations con-
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~
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+
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o .'. .

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+
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+
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•:110
+
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~.
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+
~
TA~PAMf
"
Zone de d.port
••
+
-
, 0
++
Zone Où l •• colons , '•• tlment chez eux:
+
+
continulti lociologiqutllt potrtot. régiondl forts
+
..
::1
+
l'le::
Zone de mitoro,_: patrioti.m. rinlanal
••••• ••
~ ...

•• - •••••
moins 'ort
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1)
0 0 0 0
0 ' 0 . 0 0
Zane co l •• coLons 5. trouvent sur 1.. t.r
0
0
0 0 0
res d'autochtones mail IOftI red"ance notClbl.
".t
l(
ECHELLE
o
50
100 km

= 217 =
de départ, se remarque également dans ces localités nouvelles:
l'ensemble des éléments du groupe familial qui migrent, loin de
constituer la point de départ d'une nouvelle lignée au village
d'arrivée est en quelque sorte un prolongement de celle de la
localité ancestrale dont elle est issue; cela résulte en par-
tie de l'attachement que les immigrants kabyè gardent pour leur

terre ancestrale, en partie des précautions prises par l'admi-
t
1
nistration coloniale pour conserver autant que possible aux
l.
t
Kabyè transplantés les conditions d'origine, ainsi qu1en témoi-
gnent
les termes de cette règle essentielle définie dès 1927
par l'Administrateur Commandant le Cercle de Sokodé dans une
lettre qu'il adressa au chef de Subdivision de Lama-Kara:"Tous
~
les indigènes de chacun des nouveaux villages seront pris dans
i
un m~me canton '~'agglomération ainsi formée conservant l'atta-
che du canton originaire". (1)
1
Les mesures d'ordre toponymique prises par le Co~~issaire
~
de la. République Française Bo=ecarrère pour rendre moins sen-
s1bla le dépaysement aux immigrés contribuèrent également à
resserrer les liens claniques et de parenté entre la localité
1
de départ et son "a=exe" du pays dl accueil; il demanda notam-
1
ment que "les villages pre=ent le nom de leta v:I.llag~"ori€iœ précédé
1
(ou suivi) de l'appelation Cabrai ou 1osso". (2) Les intéressés
ne tardèrent pas à faire une large interprétation de ces recom-
mandations en faisant do=er à leurs nouvelles localités le nom
du village d'origine: Lama-Tessi, Yadè, Baou, Tcharé etc ••• (3)
La preuve palpable de la réussite des mesures mises en oeu-
vre en vue de faire du pays d'acceuil un prolongement du pays
ancestral et par voie. de conséquence pour aider à réaliser
l'unité sociOlogique,
est non seulement la conservation dans
un grand nombre de villages (PaJ.lelœko...l'~tAWWs:OU,8eBDQ1'O.Lsn&-Tesai eto••• )
---------------------------
(1 ) •- Cité dans la Thè se de Lucien-Brun
a=exe nO IV, p. 1 40.
(2).- Télégramme-lettre du Commissaire àe la République Fran-
çaise cité par Lucien-Brun dans sa thèse sur les Kabi'è1 p.120.
(3).- Néanmoins, les émigrés attribuèrent également a
eurs
nouveaux villages le nom du lieu - dit: ainsi Patatoukou,Sessaro
(Sosohoro),Pallakoko.

., 218 .,
des noms d'origine et un grand nombre d'entités ethniques et
géographiques (clans, lignages, quartiers, places publiques),
mais aussi le respect du culte des ancêtres, des fêtes tradi-
tionnelles, des rites d'initiation ainsi que celui des dates
auxquelles ils ont lieu. Le fait que la coutume permet de ter-
miner les cérémonies rituelles commencées dans les villages
d'origine, notamment celles relatives à l'initiation des enfants,
dans les villages d'immigration, témoigne
d'une grande continui-
té sociologique; les visites périodiques rendues aux parents et
aux alliés résidant au village d' émigration ainsi que les vivres
et l'argent que les immigrés leur rapportent ou leur eXpédient
font également foi du maintien de ces liens sociaux entre le
village de départ et celui d'iwnigration.
La force des liens lignagers et claniques dans les centres
de peuplement administratif est particulièrement nette à Patatou-
kou (Circonscription dlAmlamé)
et à Lama-Tessi (Circonscrip-
tions de 80kodé).
Dans le premier village où la quasi-totalité des immigrés
kabyè font partie du sous-groupe ethnique Lama-Tessi (Circons-
cription de Kpagouda), tout immigrant kabyè venant d'un canton
autre que le canton de Lama-Tessi trouve des difficultés à s'é-
tablir; s'il parvient à échapper à une interdiction de séjour,
c' est souvent en contrepartie du statut d rëtranger" avec toutes
les conséquences foncières que cela comporte: il exploite les
terres que la communauté villageoise lui concède pour qu'il ,y exerce un
dzoit d'usufrui tior.( 1) llano les sect91.U'e keby~ \\lu eècond viUago cité, (2)
contrairement à toute attente, seuls les chefs de lignages,de
clans jouent un r81e administratif et coutumier effectif; cette
situation paradoxale reposant sur la force des liens coutwniers
s'explique par le fait que les membres de chacun des lignages ou
----------------------------
(1).- A Pallakoko Où coexistent les Kabyè Venus de Kouméa et de
Lama-Tessi, les Fon , les Kotocoli et les Losso (très peu nom-
breux) sont considérés comme des "étrangerstl parce qu'ils n'ont
~as été comme les autres transplantés officiellement.
(2).- Les Kabyè, majoritaires, y coexistent avec les Kotocoli,
"maîtres de la terre".

= 219 c
de clans de la contrée d'origine (Siou-Kawa, Sama, Kawa, Asséré,
Taré, Farendé), au lieu de se retrouver tous au sein d'un cadre
géographique réel déterminé comme en contrée d'origine, sont
dispersés dans tous les quartiers
kabyè du village; le souci
du chef du vil~age de maintenir l'unité sociologique confère
aux chefs des cadres fictifs, c'est-à-dire aux chefs des ligna-
ges ou des clans, un droit réel (perception d'impôts et taxes)
et personnel(droit de régler les litiges) sur les membres de
ces derniers. Par voie de conséquence, ces chefs n'exercent pas
les mêmes prérogatives au niveau des quartiers (Malikda, Praaro,
Sanidè) dont ils sont des chefs nominaux; chaque chef de quar-
tier peut toutefois exiger des habitants y compris ceux sur
lesquels il n'a aucun droit réel et personnel, le respect de
l'intégrité et de la propreté
des lieux et biens co~wuns (pla-
ce du quartier, arbres qui s 'y trouvent, place du marché,etc);
et si un des habitants n'obtempère pas, il est du devoir du
IIchef de qu'artier ll de la traduire devant le uhef du village qui
fait intervenir son chef de lignage ou de clan.
A l'échelon des centres de peuplement spontané (villages
et hameaux), la tendar.ce à l'unité sociologique est aussi nette;
les éléments de cette forme d'immigration avaient et ont encore
le souci de vivre au sein ou dans le voisinage d lune communauté
composée en tout ou en partie de ressortissants du même village,
voire du même quartier du village d'origine. Cette tendance qui
(nous le verrons plus loin) intensifia l'émietttement de l'habi-
tat dans les secteurs de colonisation spontanée visait à recréer
l'ambiance de la localité d'origine et à faciliter les liaisons
indispensables avec cette dernière.
L'évolution d'une telle tendance à l'unité sociologique
évoquée au niveau des centres de peuplement spontané ou dirigé
avait été longtemps relativement heureuse dans les foyers de
hautes densités kabyè de Kabou -Djamdè et de Sotouboua. Dans
les fermes kabyè qui parsèment les plantations cacaoyèrcs et
caféières, cette situation particulière résulte du jeu de plu-
sieurs facteurs qUi, en ralentissant l'assimilation, entretien-
nent la cohésion des groupes sociaux; les principaux en sont la
proximité du pays ancestral, le croît naturel, la poursuite de

= 220 ;"
l'élnigration, les interruptions de seJour en faveur du Fays
d'origine, les cérémonies coutumières qui les motivent (fian-
çailles, fêtes annuelles ou périodiques, les cérémonies d'ini-
tiation, les funérailles, etc)
et la forte tendance à respec-
ter l'endogamie ethnique (1).
Par contre, les résultats escomptés de la tendance à recréer
les conditions sociologiques et religieuses du Pays de départ
avaient
été et restent peu encourageants dans les localités à
peuplement mixte,
surtout dans celles où la population kabyè
est minoritaire, La résistance à l'assimilation est ici affai-
blie
non seUlement par l'éloignement du pays d'origine, mais
aussi par la pression sociale exercée par le groupe autochtone:
les immigrés tempèrent leur tendance à préserver leur origina-
lité cUlturelle par crainte d 'heurter dans leur sentiment les
autochtones Hmaîtres du sol", et parce qu'ils redoutent de ces
derniers des comportements mOqueurs dénigrants. Par ailleurs,
ainsi que le fait remarquer également Robert Cornevin, "du point
de vue des croyances, des formes de syncrétisme prennent place
entre les divinités d'origine, celles de Lama-Tessi et celles
des Adja et des Ifè (Yoruba) que les colons métayers honorent
par courtoisie envers leurs hôtes." L.e synchrétisme religieux
est favorisé par le fait que les Kabyè ne disposent pas comme
ces derniers de fétiches communs.
La transformation du mode de vie est encore plus rapide et
plus profonde chez l'immigré isolé de la zone rurale côtière
qu'ailleurs, et cela parce que,ne disposant pratiquement pas
de pouvoir de résistance, il "se fond" en quelque sorte dans
la masse des autochtones.
La p&rsonnalité ethnique de l'i~niV'é s'attcnue également
en milieu urbain, not~illnent à Lomé; les raisons en sont la très
forte hétérogénéité du peuplement, le changement d'occupation,
l'abandon d'un genre de vie agricole pour un genre de vie indus-
---------------------------
(1).- Dans les régions de migrations conjoncturelles, particu-
lièrement sur le Plateau de Damyi, les émigrés dont la plupart
retournent chaque année ou périodiquement dans leurs villages
d'origine, font venir des femmes et énormément des filles.

.. 221 =
triel, commercial ou administratif, le relâchement des contrain-
tes ethni,:ues, claniques
et familiales y compris l'endogamie
ethniQue, l'influence grandissante des moyens modernes d'infor-
mation et de distraction (~adio, cinéma), la tendance à l'imi-
tation dérivant de :],a volonté plus ou moins forte de mutation.
Un autre facteur contribuant à l'affaiblissement de l'af-
firmation gul turelle des Kabyè réside dans 18 fait qu'au sein
du groupe des migrants urbains, l'effectif des j eunc,s quelque
peu acquis à la oivilisation oocidentale et des migrants du se-
cond ordre, c'est-à-dire ceux venus de régions rurales d'accueil,
est plus élevé.
Quel que soit le milieu d'accueil, le contact avec les au-
tochtones et d'autres éléments allochtones n'aboutit nulle part
à une déculturation complète et totale, en raison de la conjonc-
tion dlun certain nombre de facteurs ralentissant l'assiliula-
tion; les principaux sont les suivants:
-l~s diSParités lingutstiQMeSI elles sont plus profondes
avec le Kpessi, l'Ifè, llEvhé, l'Akposso, l'Adja, le Fon qu1avec -
le Kotokoli plus compréh~sible du fait de son appartenance à la
m~me famille Tem que le Kabyè; elles érigeftt pour longtemps des
obstacles sur la voie de l'assimilQtion; les contrariét8s sont
d'autant plus ressenties que le français n'est pas considéré par
les Togolais eomme langue de eommunication par exeellenee, même
en m1ll.!3~
urbain, contrairement à ce qu'on observe ailleurs,
notamment au Sénégal, en C~"(;e d' Ivoir e
et au Gabon.
- la constitution e~ l'a.ction des conununautés ethni'Jues:
plus efficaces en milieu rural qu'en milieu urbain (1), ces der-
nières jettent en faveur de l'immigré un pont entre le Pays an-
cestral et le pays d'installation, elles ;cëüeillent dans une
certaine mesure le migrant et lui atténue les déboires du dépay-
--------------------~------
(1 ).-LescommWlautés ethniques en milieu urbain résistent diffi-
cilement aux influences envahissantes et aux actions "grigno-
tantes" des populations autochtones et des autres noyaux alloch-
tones; tandis qu'en milieu rural
l'enracinement à la terre et
l'isolement relatif des conununautés favorisent la résistance à
l'assimilation.

.. 22.2 ..
sement en l'aidant à s I.adapter graduellement à la vie nouvelle;
elles lui offrent assistance en temps de crise - (mauvaises ré-
coltes, perte d'emploi, suspension, conflit avec un congenère
ou avec un membre d'un autre groupe ethnique ••• ); ellaï l'aident
également à préserver les traits de culture qui marquent sa per-
sonnalité de base.
- l'affa~blissement de la force assimilatrige du mil,ieu
d'accueil par la méfiance de l'immigré, particulièrement d811S
les régions de plantations togolaisEl9 et ghanéennes où depuis
quelQues années le senti~ent d'une dépossession foncière par les
immigrés devient fort chez nombre de jeunes-adultes autochtones:
l'accueil généralement assez bon des autochtones est terni par
moments et par endroits (1)
par des propos agressifs et vexants
du genre, "rentrez chez vous, 11 , llavez-VOUG apporté des terres en
milieu d'établissement
?lIetc ••• ). La nouvelle situa.tion économi-
que quelque peu heureuse 1.19 l'i.w.dgré y concourt souvent. D'autres
groupes allochtones, notamment les Yorouba, essuyent des rebuf-
fades similaires; au contraire du Yoruba, le Kabyè parait plus
sensible à ces indices de comportement l'au. oourtoiD • Ces rebuffades
répulsives diminuent graduellement aujourd 'hui en horreur et en
fréquence grâce à une prise de conscience progressive mais lente
des avantages que tire le pays d'accueil de toute immigration; à n'en
pas douter ,1 'action conciliante des pouvoirs publics soucieux
de limiter les frictions et les abus en vue de l'éclosion rapi-
de d'un véritable sentiment national, y est pour quelque chose.
Eu égard a-cl caractère relatif
de l ' importance g~ographique
et historique de la tendance à l'u.~ité sociologique, vu l'impact
des facteurs ralentissant l'assimilation, dans quelle meS1.U'e
peut-on trouver chez les immigrés kabyè des indi~es convaincants
d'un sentiment d'appartenance villageoise ou régionale?
2).- Patriotisme villageois et régional.
Le patriotisme villageois et régional est surtout en rapport
avec le degré d'hétérogénéité de la population villageoise ou ré-
gionale a7ee IdS types de r égiuJe foncier et avec l'acceptation du
--------------------------
(1).- Sur le Plateau je Danyi, à en croire un responsable français
du Développement rural établi des aI1.née3 durant dans le milieu ,
"il n 'y a rratiQuement pas de problèmes maj eurs de coexistence
avec les autres groupes étrdIlger s."

= 223 =
pouvoir administratif traditionnel,local ou régional pccrrensem-
ble des habitants.
Dans celles des looalités de création ancienne ou résident
quasi exolusivement des immigrés (kabyè pour la plupart, losso,
fon, kotocoli) et où le droit de propriété privé est moins con-
testé, le sentiment d'appartenan~e ~u village est très vif. A
Patatoukou où ce patriotisme villageois est particulièrement
net, les personnes âgées n'affichent aucun scrupul'3 à déclarer quo
œ1n ll!l'llr
est indifférent de passer le restant de leur vie dans
leur résidence actuelle et de O'y faire inhumer. A Pallakoko,
11
mort à quiconque leur intimerait l'ordre d'abandonner la 10-
calitél", renchérissent les immigrés interrogés.
Dans les villages Où les populations kabyè et losso sont
simplement ma,1oritaires et où la coexistence avec les autoch-
tones est plus apparente que réelle, oe sentiment est moins
fort, et cela le plus souvent à caUse des rivalités entre au-
tochtones (Kotocoli, Aniagan,Kpessi, Akposso, Ifè, Evhé, Adja)
et Kabyè ou 1osso. Ces rivalités ethniques portant le plus sou-
vent sur l'exercice du pouvoir administratif ou sur la proprié-
té foncière (Kpégno~Atchikiti, Lama-Tessi ••• ) dégénèrent en
conflits parfois ouverts et violents (1); aussi en était-il de
celle qui opposèrent les Kabyè et les Kotocoli de Larna-Tessi
parmi lesquels se trouvent les véritables maîtres du sol (les
Kotocoli du quartier Katarnbra); elles eurent pour origi.'1e le
refus des Kabyè d'obéir au chef de la Com.'llUDauté Kotocoli parce
qu1ils arguent qu'ils sont les véritables fondateurs du villa-
ge; les Kotocoli vivant en ce temps-là dans les fermes environ-
nantes n'avaient intégré ce dernier que vers 1948 (2). Aussi
existe-t-il à Lam3-Tessi deux chefs traditionnels qui, comme
à Kpégnon-Atchikiti en milieu Gna'gnan , vivmt difficilement
-------------------------
(1).- Les conflits fonciers sont
tranchés devant les
tribunaux souvent en faveur des immigrés kabyè et losso pour
les terres anciennement inoccupées.
(2).- Les Kotocoli fondateurs des quartiers Koumondè(Koubondé)
et Katarnbra sont venus vers 1948 des localités dont ces qUaI':
tiers portent les noms; ces localités sont situées dans la re-
gion de Sokodé. Le1: "ma1tres du sol" sont les habitants du vil-
lage de Katambra proche.

0;
224- 0;
en intelligence. (1) Ces discordes, parc" CJu 1elles donn~nt lieu
à un climat d'insécurité, affaiblissent le sentiment d'apparte-
nance au village.
Ce dernier est pour ainsi dire inexistant dans les locali-
tés à minorité kabyè. Dans la plupart des localités du cadre
spatial des migrations conjoncturelles, le c=actère temporaire
du séjour de travail marqué par les rentrées périodiques et ré-
gUlières de presque toutes les familles irrnnigrées aux villages
d'origine, constitue sans doute un témoignage éloquent de cette
quasi-absence de patriotisme villageois.
Dans ces derniers cas, l'attachement au village èU1cestral
est évidemment plus vivace que dans les localités où la popula-
tion immigrEi&.est plUS nombreuse; à la limite, c'est 10 s;,mti,..
ment d'exil qui prévaut; c'est bien le cas d~lS certa~~s villa-
ges isolés de la Région de la Volta au
Ghana.
Quant au patriotisme régional, il est d'une manière géné-
rale plus fort en région d'immigration structurante
qu'en ré,..
gion d'immigration annjoncturollo(
fiC. 35~ ~ Des mances sectorielles
sont néanmoins nécessaires pour mieUX rendre compte de la réa-
lité.
En reglon de colonisation dirigée, particulièrement dans
la zone septentrionale où l'homogénéité est plus nette et où
dans l'ensemble le droit de propriété de chaque paysan inunigré
n'est pour ainsi dire pas mis en cause, la degré d'attachement
à la terre d'adoption est plus élevé que dans les secteurs de
--------------------------
(1).- Dans bon nombre de villages à population mixte, connne
Gléi ( Circonscription d'Atakpamé).l les chefs des différentes
communautés (Kabyè, Ifè, Gnagnan, Fon) s'entendent assez bien;
dans ce cas, on n'a recours au chef de la co®uunauté autochto-
ne qu'à titre de juge d'appel. Celui-ci parce qu'il conrlaît
assez mal leurs coutumes, reconna1t l'autonomie judiciairo des
Kabyè. Cependant, le fait de marquer leur distance à l'égard de
la ~~efferie en place est un indice de la faiblesse du senti-
ment d'appartenance au village en question.

colonisation spontanée ou le paysan le plus souvent n'agit
qu'en usufruitior (1). Ajoutons que le fait d'avoir trouvé
en pays kotocoli des demelU'es du type IIdeall et la pratique
de la cQltlU'e du sorgho étaient tout à fait attach2~ts aux
premiers contingents d'imnigrants appelé9
à s'installor entre
Sokodé et Blitta. Autant que le droit d'usufruit, 10 droit de
propriété collective qui cadre assez bien av()c le compo:ctoment
P"
grégaire des Losso ne suscite~chez lrirr~igré kabyè un solidc
sentimont d'appartenance régionale, et cela
certainement en
raison de son amolU' pOlU' l'autonomie; l'ensemble des villages
de création administrative du sud de Blitta, dont les terres
appartiennent "globalementll aux habitants, se trouvent dans ce
cas. En milieu autochtone, quelle que soit la forme d'inrogr-a-
tion considérée, une des conséquences de l'évolution hOlU'euse
des relations entre expatriés ct autochtones inspirant dans
une certaine meSlU'e le patriotisme régional ost la nomination
d'lUl ressortissant du Nord-Togo à la tête du canton; la raison
en est que cette nomination, parce qu'elle assure aux immigrés
une instance de recours favorable, libéralise progressivement
lelU' comportement quotidien dans tous les domaines (2). Les
foyers de hautes densités kabyè de Wahala (ancien Chra), de
Gléï at de l ' "Est-Mono", dont le commandement revient aux im-
migrés depuis le dernier découpage territorial, se trouve dans
cette situation sociologique-.
En région d'immigration conjoncturelle, même si le droit
de propriété privée est acquis, l'incertitude à laquelle donne
lieu l'éventUalité d'une remise en question de l'acquis par une
fUture génération autochtone contestataire att~nue considérable-
ment le sentiment d'appartenance régionale; le caractère vif de
l'attachement au PayS d'origine chez bon nombre d'immigrés, ré-
sulte non seulement du caractère temporaire du séjour de la ma-
--------------------------
(1).- La redevanCe généralement reclamée par les "maîtres du
sol" sont en natlU'e: des pani8rs de produits vivriers (du riz
SlU'tout), des sacs de ces mêmes produits à partir des années
1958-1960. Aujourd'hui, la rapidité de l'expansion pionnière
des immigrés permet à certains imnigr6s d'échapper quelque peu
à ces redevances; il n'en demeurent pas moins usufruitier des
terres qu'ilsexploitent,
(2).- Lucien-Brun, thèsc citée, p. 169.
[
i
)

= 226 =
jorité des Kabyè et Losso qu'on y rencontre, mais sans doute
également de l'attitude quelque peu agressive do certains élé-
ments des groupes ethniques majoritaires. La plupart
dos plan-
tours âgés finissent par rentrer chez eux pour y passor 10 ros-
tant de lour vie après avoir laissé lours plantations à lour
fils.
A llexoeption des immigrés vonus de la Circonscription de
Sotouboua dont le militantisme au sein de l'Union des Ressor-
tissants de cette dernière est remarquable, les immigrés venus
des autres régions d'accueil donnent l'impression que leur sen-
timent d'appartenance régionale s'émousse, voire même s'efface
en milieu urbain, puisqu'ils ont tendance à militer au sein des
Associations des originaires des Circonscriptions du Pays ances-
tral, à savoir les Circonscriptions de Lama-Kara et de Kpagouda(1 ).
C'est si vrai qu'au sein du Nouveau Bureau de l'Union des Res-
sortissants d'Akposso créés à Lomé en Février 1975, Bureau com-
posé de 3~ membres dont la plupart sont des membres résidant dans
la Capitale, il ne figure ni Kabyè, ni Losso, et pourtant les
premiers représentent près de 11 %des populations des Circons-
criptions d 1Amlamé et de Badou réunios.
La fidélité des ressortissants kabyè de la Circonscription
de Sotouboua résidant à Lomé à leur première contrée d1inmngra-
tion prouvent qu'il y a une assez grande continuité sociale en-
tre ce~te dernière et le Pays ancestral, tandis que los volte-
face
de leurs homologUes ~abyè venus des régions à population
immigrée minoritaire tendent à illustrer certains des formules
de portée très générale de A. Girard et de Stoezel selon les-
quelles" l'immigrant n'est pas semblable au national ( à. l'au-
toChtone), mais il n'est plus semblable à ses oompatriotes(à ses
confrères du Pays ancestral). Il ne cesse d'âtro un étra'1gor
dans le pays où il vit pour devenir un immigré que dans la me-
sure où il se trouve dans cette position intermédiaire et drama-
tique".(2) Ces deux attitudes opposées ont aussi l'avantago de
---------------------------
(1).- Par exemple, en 1975, le Secrétaire Général de l'Union des
Ressortissants de Kpagouda était bel et bien le fils d'un ancien
immigré de Patatoukou.
(2).- Cité dans Max Sorre. Les migrations des peuples, Essai sur
la mobilité géographique, Paris ,1955, Flammarion, In - 12, page
218. (Bibliothèque de philosophie scientifique).

:=
227 :=
souligner que l'intégration sociale de l'immigré à son nouveau
milieu est d'autant plus difficile et douloureuse que l'hétéro-
généité du peuplement et les disparités linguistiques sont gran-
des et que la population autochtone est majoritaire. Qu'en
est-il du contact entre son genre do vie et celui de son hôte
du pays d'accueil?
B.- LES MUTATIONS ECONOMIQUES ET L'EVOLUTION DE L'HABITAT.
Les éléments du genre de vic où de notables changements
s'observent sont essentiellement l'agriculture, les échanges
commerciaux et l'habitat; la chasse, élément dont l'importance
économique est grandissante en régions d'accueil, ne présente
pas de modifications techniques majeures.
1).- Le degré de transformatiQPs agricoles.
Les transformations agricoles portent sur les structures
et paysages agraires ainsi quo sur la production, les rendements
et la productivité.
a).- Les structures et paysages agraire~.
Les apports par introduction et par contamination parais-
sent plus évidents dans les techniques d'aménagement du sol
des autochtones que dans celles dos immigrés; les modifica-
tions relatives à la productivité de ces derniers et aux ren-
dements de leurs exploitations se sont très ressenties de
l'émigration.
En effet, les immigrés kabyè et losso, en raison du dogré
relativement élevé de leurs civilisations agricoles, QILt cu plus
facilement de prise sur l'espace forestier du Togo
resté long-
temps en marge de l'organisation économique et sociale du ter-
ritoire national. Certes, des réserves forestières Testent (m-
core soustraites à la hâche ct au feu des défricheurs kabyè ct
losso, mais l'essentiel de leur
action qui rappelle celle des

= 228 =
moines du Moyen-Age européen, parce qu'elle accélère l'humani-
sation des régions rurales, a contribué et contribue encore
au progrès de l'économie nationale.
Hormis la zone côtière où la densité et les initiatives
kabyè sont insignifiantes, les techniques d'aménagements spa-
tiaux des Kabyè, surtout le buttage et le billonnage, enva-
hissent de plus en plus les parcelles des autochtones dans les
régions de migrations structurelles et de celles des déplace-
ments conjoncturels
particulièrement dans les secteurs vi-
vriers.
i l s'agit là le plus souvent d'apports Par introduction
girecte: la main-d'oeuvre kabyè et losso était et est encore
sollicitée pour l'édification des buttes; mais aujourd'hui,
l'émancipation aidant, ils se mon~tplus exigeants que par le
passé puisqu'ils conditionnent de plus en plus le louage de
leur bras par une -rétribution plusieurs fois supérieure à
celle d'antan, une retribution qui tienne
réellement compte
du codt de la vie actuelle et de l'effort fourni.
L'impact morphologique de l'intervention des immigrés dans
l'aménagement des parcelles des autochtones n'est pas négligea~
ble: les parcelles e'aggrandi.:aaont progressiVement; ceux des
autochtones dont la t aille des parcelles était rivée sur une
économie de subsistance finissent par en prendre godt (mais
timidement) •
En même temps, leurs systèmes de culture s'enrichissent
des technicpes suivantes:
- l'intensification de l'association culturale, grâce à
la pratique des cultures intercalaires sur ~es versants des
buttes (haricots, arachides, gombo ••• ) comme dans les fossés
collecteurs.
- l'intensification de la r()tation culturole-
grâce aux
cultures céréalières qui oÙJlIltallent apl'èn la réco11;e
des igna-
mes sur des billons généralement édifiés
après la destruction
des meulons.

'" 229 "
Si les mutations relatives à la structure agraire chez les
in~igrés sont moins perceptibles, elles restent cependant pro-
fondes et importantes.
Sur le plan des caractéristi~ues des systèmes agricoles,
au lieu de la prédominance de la maîtrise du milieu, C~()st le
plus souvent une adaptation qui caractérisG 18 système agraire
des Kabyè en pays d'immigration; l'insuffisance de maîtrise,
responsable sans doute d'un manque d'attitude créatrice nouvel-
le, explique le fait que les Kabyè évitent de s'attaquer ici
aux berges des rivières, aux bas-fonds m;wécagcux, et restent
apparemment impuissants devant l'appauvrissement des terr8s
qU'ils cultivent, surtout dans les secteurs où la pression d8S
autochtones limite les possibilités d'expansion pionnière (ré-
giomde Patatoukou, de Kpélé-Elé et de Ouatchin.)
La faiblesse d'une volonté de domination de l'espace cul-
tivée dérive essentiellement, à notre avis, non seulement de
l'existence de terres cultivables - qu'elles soient disponi-
bles
ou non - , mais surtout du fléchissement des structures
socio-agricoles: la pratique aneestrale du travail en équipe,
la discipline culturale, la solidité des liens familiaux ()t
religieux etc ••• Il faut dire qu'au niveau des deux séries de
facteurs explicatifs évoqués, il apparaît que la restauration
de la sécuritéel:l1absence dans les régions
anciennes de colo-
nisation d'une véritable politique interventionniste avaient
contribué à l'extrême libéralisation des attitules agricoles
ainsi qutà l'extension démesurée et désordonnée des surfaces
cultivées.
Il en est résulté une diminution rapide de la densité
agricole à laquelle, en définitive, le caractère scmi-intensif
de Itagric~ture en pays d'accueil doit être dans une large
mesure attribué et non à une quelconque proximité des autoch-
tones, amateurs d'agriculture itinérante.
A cet égard, nous pensons que l'adaptation à cette forme
d'agriculture aurait pu être évitée si les organisateurs des
migrations avaient su prévoir en faveur des immigrés un enca-

= 2.30 =
drement efficace et souple propre à faire respecter lcs struc-
tures socio-agricoles progressistes qui viennent d'être évoquées,
ainsi que les normes d'une agriculture intensive. Ces idées ne
nous semblent pas irréalisables puisque dans l' "Est-Hono", lm
encadrement Similaire assorti de mesures cOGrcitives est en
train de donner des résultats satisfaisants: rappelons qu'avant
dl atteindre la moyenne actuelle de 4- ha par famille de 5,1 per-
sonnes en moyenne et par année (dont 1/5 lxU'fois défriché), les
concessions annuelles de nouvelles terres (1 ha) par les res-
ponsables du Service de l'Agriculture étaient ici conditionnées
par une culture totale et rationnelle de la surface précédcuwent
prise en charge. Ces instructions et contôles sévères permettent
le maintien du niveau de production- sans lme dégradation des
terres, phénomène fréquent.
Par
ailleurs, il va sans dire que les structures agraires
des immigrés ont aussi subi des modifications certaines
VI.I'
comparaison à cc qu 1elles étaient avant le déclenche;.lent dus
migrations historiques.
En effet, la taille moyenne des parcelles des llffinigrés
s'est considérablement accrue dans le rapport de 1 à 10 en com-
paraison de l'ancienne micronisation des parcelles en Pays d'o-
rlg~e; quant à la croissance de la taille moyenne des exploi-
tations agricoles familiales, elle se situe en valeur absolue
dans un rapport inférieur au précédent à en croire les propos
tenus en Juillet 1973 par ceux des anciens immigrés les plus
âgés de Sessaro: selon ces derniers, la taille des
exploita-
tions agricoles actuelles se place entre le quadruple et le
sextuple de celle de leurs villages d'origine avant la trans-
plantation en 194-2 (1); l'augmentation de la taille moyenne
---------------------------
(1).- Comme ceux de Kasséna, de Patatoukou, de Lê~a-Tessi, de
Titigbé, ils sont originaires du Canton de Lama-Tessi (Circons-
cription de Kpagouda)où la taille moyenne des exploitations
agricoles familiales était relativement moins minuscule,car la
densité démographique y était l'une des moins élevées en Pays
Kabyè en 1926.

= 231 =
des exploitations agricoles familiales à Sessaro pourrait se
situer dans le rapport de 1 à 7 en comparaison de celles des
localités d!origine en 1926, c'est-a-dire avant les vagues
d'émigrations dirigées ou spontanées. Les résultats des cal-
culs effectués par Lucien-Brun (cf tableau nO 27) tendraient
à confirmer cette assertion: en effet, la superficie moyenne
des exploitations f~niliales dans la zone septentrionale de la
Grande Plaine du Nono au sein de laquelle se situe Sessarc dé-
passe le quadruplo de celle des exploitations f~)jilialos ê.es
années trente de la région de Kpagouda.
En valeur relative, cette croissance serait dans un rap-
port voisin de 1 à 10, puisque la dcmsité démographique peU'
exploitation agricole familiale était plus élevée qu'elle ne
l'était en 1973 à Sessaro. (1)
La présentation i'zonale" de la situation actuelle en Eliliuu
de migrations structurelles révèle des disparités mineures au
niveaU des ilTImigrés kabyè et losso, majeures au niveau des
autochtones d'une part, entre ceux-ci et les inuuigrés d'autre
part,cowme en témoignent les statistiques des tableaux sui-
vants:
---------------------------
(1).- En 1968, selon les calculs de Lucien-Brun, 10 nombrç
moyen
de personnes par exploitation fmniliale était
dy 7,7 dans la zone soptentrionale de la Grande Plai-
n\\! du Mono contre 9,5 au Pays d'origine (y compris l')s X
cantons losso moins peuplés).

= 232 c
Tableau nO 27 :- Superficie d'exploitations familiales
kabyè-losso.
- ..,'-.- .... _.
, r--------
IJ
~ombre d-r;;;crfi"=T
'Supe;fi -jNombrc de
l'
exploita- cie mo~enl
cie moyen: per sonne s
i AGGLOMJ:i:RATION
tions fa- ~e (ha)
ZONE
ne (ha .• ) corrcspon
rniliales
par exploj
par ex -
dantes pa:
tation
PJ,a1tatfon
famille
4
0,94
Kouméa
l
/1
1
1
5
1,33
pays d 10-1
~;:::uda (+1 f§
1,09
9,5
rigine
de Kétao)
i
6
0,74
I
\\' Niamtougou JO
5
1,38
zone de
1
, Santé-Bas
4
2,60
glisse -
i
1
ment (ou
11,4
Kikpéou
5
1
, - - - - - + - - - - - + - - - - !
d'expan-
sion)
1 - - - - + - - - - 1 - - - -
, Kolonaboua
.
5
1
2,68
zone sep-
! Dér éboua
5
1
3,31
tcntrio-
3,16
7,1
nale
Kaz ab oua
!
4
3,23
Blitta-Losso
5
3,44
Assoumakopé
5
2,58
Tcharé
5
2,36
Izane in-
t~rmédi­
2,64
7,3
Yadè
5
3,00
alle
1
Baïssankopé
5
1,99
Rodé
zone
5
4,98
Kassengékopé
5
2,44
méridi1
3,03
7,4
Yotoyo
nale
,
5
2,70
1
1
Total
Centre - Togo
54
Moyenne Centre -
Togo
2,94
1
,
Source: B. Lucien-Brun, thèse cit6e, in annexe, p. 259.

= 233 =
Tableau nO 28.- Superficie d'exploitations familiales autochtones.

,
..
r
.
.
.
.... -
llombre d. ' ex Superficie
Nombre de person-
AGGLOME-
ploitations
moyenne
nes des f2Juilles
ETHNIE
RATION
familiales
( ha )
correspondantes
Bassar
Champs près
4-
2,19
de Kikpéou
-
Kotokoli
Kalarè
'5
1 ,'51
8,2
Kokoté
Samrékodji
'5
2,93
6,4-
Baissanlwpé
'5
2,12
6,8
Ifè. . . . GbGbè
'5
1 ,0'5
4-,6
Adja-Evhé
Ouatchin
'5
1,24-
8,0
1
1
1
--- _.-
,
.
N.~.- La plupart de ces cultivateurs autochtones se font aider par
des manoeuvres ter.lporaires kabyè-Iosso, plus systématiquement
que les immigrés.
Source:- B. Lucien-Brun, thèse citée, in annexe, p. 260.
Les éqUivalents monétajxes des semences nécessaires par ox-
ploitation et par an illustrent dans une large mesure ces contrastes
zonaux et inter-ethniques.
Tableau nO 29 .- Equivalents monétaires dos semonces nécessaires par
exploitation et par an.
_o.
R E G I O N
EQUIVALENT
HONETAIRE
Pays d'origine . • .

3.834- F. CFA
Zone de glissement.
11.833 F. CFA
septentrionale
13.4-17 F. CFA
intermédiaire
10.276 F.
~Zon8
Centre-Togo: immigrés
Zone
CFA
Zone méridionale
10.810 F. CFA 1
Toutes zones: autochtones. . . . . . . . . . .
6.4-11 F. CFA Il
lI================================.U
Source:- D'après Lucien-Brun, thèse citée, p. 266.

= 234- =
Somme toute, les disparités relatives à la taille des ex-
ploitations familiales, particUlièrement celles observees ,:mtre
le pays d'origine et le pays d'accueil, confirmant les propos
tenus par les immigrés visités selon lesquels, ils tirent ml
,
"mÎllUx être incontestable" de leur transplarltation.
La liste des principales plantes alimentaires cultivàos
diffère fondamentalement de celle du Pays ancestral: le petit
mil, l'ill1e des principale s cultures traditionnelles ,manque au
profit du sorgho qui sc cUltive même dans les cacaoyères ot ca-
féiàresjlo mais, avec de grands rendements, se substitue au
petit mil hâtif; le fonio, cUlture nourricière par excellence
des Akposso, est de plus en plus adoptée par les in~igrés du
secteur akposso; l'importance de cette substitution dans les
régions d'immigration structuronW
augmente du nord au SUd,
ainsi
qu'en témoigneraient les rapports de consommation de
céréales par les immigrés et des autochtones figurant dans 10
tableau nO 30.
Tableau nO 30.- Proportion de la consommation alimentaire des
céréales par an.
. ----
---.-
1-
.,
Pays
1
Régions de migrations structurantes
Il
__cj.'9r igine
1
-
,_.._----_.
Il
Zone
Zone
Zone
Zone
Autoch-
d'expan septen- intermé méridio
sion
trional< diaire
tones
nale
d'innni- d'immi- d'innni-
gration gration gratior
1 Sorgho 1
2/3
3/4-
2/3
.
,
1/2
1/4-
1/2
1
--1
- - - - -
,
Millet
1/3
---
------ ----_._.-
,
1
1
Maïs
1/4-
1/3
1
1/2
1
3/4-
1/2
[ [
!
.
!1
i
i
1
1
-
Sa récolte qui a lieu en Juillet et en Août rend moins dif-
ficile " la traversée" de la période de soudure. Ainsi on adop-

= 235 =
tant la culture du maïs et en intensifiant la culture de l'i-
gname au sein de son domaine écologique, les Kabyè prù.tiquent
des cultures vivrières d'un type interJ:!êdia:ire, c'e:ot-à-dire
entre le Il type guinéen Il et Ille type soudanien. 1I
Pour ce qui est de la liste des plantes de rapport, le
coton dont la culture se vulgarise et s'étend progressiveli18nt
grâce à l'action percutante de la SORAD et de l'Institut de
Recherche du Coton et des Textiles Exotiques basé à Kololwpû
à l ' IIEst-1:lono Il, tend à supplanter dans la Gran.de Plaine du
Mono, l'arachide, plante à lù. fois vivrière et spéculcltive du
Nord-Togo. En régions de cultures arbustives, le pC7Sffi" kabyè
devient de plus en plus planteur (cacao, café) grâce au système
Dibimadibi.
Rien qu'en régions d'immigration structur~, les travaux
d'aménagement du sol et de
Ii!oisson, par la gr211de surfac3
qu loccupent l'igname (1), le sorgho, l'arachide et le coton
présentent QDe envergure telle que la foree de travail des seuls
immigrés reste insuffisante. C'est pourquoi ils attirent annuel-
lement du Pays ancestral une main-d'oeuvre saisonnière appré-
ciable. Sonune toute, ces travaux soustraiGnt à l'oisiveté de
LI. période sèche un grand nombre de paysanskabyè et losso.
Quant à l'habi tat, malgr é une volonté de maintien par' 'ID-
droits du schéma traditionnel, i l connait une évolution géné-
rale certaine: en ce qui concerne sa répartition dans l'esp~~~,
la tendance vers la dispersion coutwnière est nette; c'est si
'1!'ai qu'on l'observe même dans les PN."t:Les marginaJ.eo des vilLlges
de création administrative (Lama":Tessi, Sessaro, Pal1akoko etc.)
où le regroupewent devrait être total; cette tendance est liGe
à l'esprit d'indépendance et de liberté du paysan Kabyè, à sa
volonté de se rapprocher au mieux de son exploitation, d'y vivre
---------------------------
(1).- L'igname, plante originellement africaine avant l'arrivée
des eurolJéens, étJ.it par excellence
le produit vivrier de la
zone tropicale humide, tandis que le mil (sorgho et millet) était
celui de la zone tropicale sèche. (R. Schnell. Pl,mtes al~nen­
taires et Vie agricole de l'Afrique Noire, Edit. Laros8, Paris,
1967. )

= 2}6 =
et d'y pratiQuer efficacement et en toute quiétude le petit
élevage (porc, chèvre, mouton, volaille}; elle est également
en rapport avec la possibilité de stocker sur plaoe les ré-
coltes de céréales , de coton, de café ou de oacao au lieu
d'avoir à parcourir pour ce faire à chaque tour de charge
plusieurs kilomètres; ces nécessités socio.:éaonomiques amè-
nent chaque chef do famille
à avoir souvent deux habitations:
une au village d'installation et une autre sur son exploita-
tion. Mais l'élection
d'un domicile dans Une agglomération
d'immigration de création administrative ou spontanée, ou dans
m,e localité appartenant aux autochtones, et le fait de rési.
der sur son exploitation sont signESd'une mutation des fonctions
social€s
traditio~~Qlles de l'habitat kabyè: en effet le bour.
geolillament de l'habitat-mère en hameaux le plus souvent indi-
viduels dans le finage cultural affaiblit dans une large mesure
la cohésion sociale et l'esprit comnunautaire qui régnaient
dans la concession du village ancestral.
En dépit du caractère général. des transformations dans
J, 'habitation, le degré de mutation dans les régions des migra-
tions structurelles augmente du nord ver s le sud alor s que la
mutation est quasi totale en milieux de déplacements conjonc-
turels. Dans les premières régions précitées, elle est p~us ou
moins profonde selon gue les immigrés Kabyè vivent parmi des
peuples ùe civilisation forestiere ouest-africaine qui cons-
truisent des cases quadrangulaires (Ifè, Evhé, Akposso) ou
coexistent avec des peuples appartenant à une même famille
culturelle soudano-sahélienne (Bassar, Kotocoli, LOS50) dont
les cases en ces milieux découverts sont nécessaire~ent rondes
ou carrées et de petites dimensions~ D'une manière générale,
cette habitation traditionnelle à toiture en chamne, si elle
exis-
te, se présente plus spac.ieuse· et moins sombre; elle coexiste
désormais avec la maison quadrangulaire couverte en télle ou en
chaume. Certes,la répartition des habitations respecte le sché-
ma ancestral, l'homme vivant dans une case distincte de celle
de sa femme et de son fils en âge de mariage et les greniers
étant souvent séparés
d'elles; mais leur disposition et leur
physionomie générale changent; c'est ainsi qu'au lieu d'un en-

= 237 =
semble cohérent et harmonieux dont les éléments sont pour 1:1
plupart reliés entre eux pm' des murs en banco, on observe
surtout ùans IGS secteurs intermédii:lires et hl8ridion,mx, lill
enseml)le lâche, discontinu dont les éléments sont disposés de
;;lanière qUQ.si désordonnée dans l'espace.
Dans l~s régions de l:lie:rations conjoncturelles, particu-
lière;Jent dJ.Ils les cacaoyères et les caféières, la case l'oncle
ou carrée se rarefie au profit des maisons quadranGulaires
couverte de tôles ,Cle chaune ou de feuilles (le oacaoyer ou 'LG
bananier. Le plus souvent la cuisine est incorporée à la CCISO de
la fennile et la concession est très ouverte.
Les principaux facteurs explicatifs de cette évolution
de l'habitat en milieux dfi~,i8ration sont les sUiv,llltS:
- au fur et à meSUi'Q que lIon va ver s le Sud, "la variété
de paille dont on se sert pour construire des toitures coni-
ques des cases rondes se raréfie ", nous confiaient certains
immigrés de Kpégnon-Achikiti.
- la diminution de l'influence désastreuse du vent sur
les habitations VE"J'S le Sud en raison de l'importance de l !é-
cran végétal favorise l'adoption de cases quadrangulali'es.
- la volonté d' imi tOI' 18 style des habit",tion!J des cmto-
chtones ~{pOSSO, Evhé~tlfè.
":" le désir d'afficher quelques signes extéricmrs d'aisan-
ce ou l'amour du confort, poussent les imnigrés d utiliser la
tôle ondulée pour couvrir leurs habitations.
- la disposition plus ou moins l~che des habitations ~'ex­
plique par le fait que depuis la con~uête du territoir8 pill' les
Européens, l ' insécurité permanonto qui j adis obliGeait les grou-
peuent s humains à vivre au sein de conce s s sions fermûe s a po=
ainsi dire disparu.
En définitive, l'action piolmière de l ' üTI!lir;ré, cl6clenchée
voici un de;r,1-siècle, aboutit;l une transforn3.tion de la Grande
Plaine du Mono et des régions montagneuses. Cette trémforr,la-
tion est marquée par ;;L'extension vers le Sud_<ie l'aire Wl sQ..rgho
et par le fait que l'igname réintègre son clo D1ai]1e Gcologique

orig:Lnel. 1 1hwilanisation des régions et " poches ll anciennement
inoccupées, mêDe si la brousse résiste encore P,1r endroits (1),
laisse apparaître une tendance vers la forl~tion d'une vérita-
ble IlcaElpagne ll togolaise.
Les mutations observées au niveau des structures et paysa-
ges agraires sont étroitement liées à la productivité du paysan
et aux rendements de son exploitation agricole.
b).- La productivité et les rendements.
Dans le pays de départ,
(nous l'avons ,~ ~lus haut) les me-
naces de surpeuplement s'accompagnaient jadis de la baisse éle la
productivité du paysan kabyè en raison du te;,r",s qUG prennent les
r,JUltiples techniques d'aménagement (sarclage, l1inage, fumure,
construction de ban~uettes et de planches, buttage, paillage,
billonnage, mobilité saisonnière des planches et fossés etc ••• )
et facons culturales (tuteurage, repiquage du tabac, assolement,
association, intercalation, rotation, saupoucœage des plants de
tabac de cendre, etc"')propres à remédier à l'exiguité et ù
l'épuisement du sol surexploité; par cor:tre, d2Jls les contrées
d'accueil, particulièrement dans la Grande Plaine du Mono, lé:
disponibilité relative de l'espace cultivable et fertile, la
rareté d'obstacles physiques majeurs quant à l'wnénagement du
sol (inselbergs, bas-fonds marécageux ... ) a:Lnsi que llÜlsuffi-
sance de volonté de vaincre ces derniers élèvent la prodUctivité
des immigrés dans le rapport de 1 à 3. La réduction du nombre de
tec.1-J.niques dl aménagement et de façons cul tura.les explique gue
ceux':'ci se permettent une di:CJinut~on de la dur ée journalière de
travail; le plus souvent, C'Gst l'engouement pour le marché - un
des lieux de détente préférés du Kabyè et du 10sso - et lrobser~
vance du repos dom:Lnical (SlL.'tout dons les secteurs ou l'influen-
ce chrétienno est marquée) qui la provoquent.
Cependant, la nature semi-extensive des systèmes de culture,
si elle donne des résultats spectaculaires, conduit a un fléchis-
seraent progressif des rendenents au fur et à mesure
de 11 exploi":
---------------------------
(1).- En régions montagneuses? les espaces encore couverts
de
forêt ou de brousse sont partlculièrement les endroits les plus
inaccessibles, les sols les plus érodôs: plus que la dist~ce
du village, la plus forte contra:Lnte entravant ,c;ravement daJ:ls
ces secteurs l'expwlsion pionnière est la pente.

c
239 c
tation du sol, et cela pour les raisons suivantes:
- la jachère, une des rares opérations culturales destinées à
la reconstitution du sol, y remédie dans une moindre mesure;
- très souvent, au moment du premier défrichement, peu dlar-
bres susceptibles d'aider à la conservation des éléments minéraux
et organiques (bactéries par exemple) du sol sont épargnés;
- les cultures céréalières, en exposant le sol au soleil, accé~
lèrent leur latérisation;
_ la culture de l'igname, en raison de son intensification et
des buttages qu'elle réclame, appauvrit très vite le sol;
- la culture de plantes améliorantes (haricots, arachides,
voandzou) n'est pas faite à temps pour aider le sol à se recons-
tituer;
~ l'intégration de l'élevage à l'agriculture est quasi inexis-
tante: la fumure est pour ainsi dire abandonnée; (1)
- la pratique des feux de brousse en tant que technique cultu"::
rale, en calcinant et en ameublissant le sol, en accélère l'éro-
sion éolienne et l'érosion par ruissellement, et provoquent ainsi
son appauvrissement en humus et en éléments minéraux; (2)
- par ailleurs, ainsi que lIa si bien observé Lucien"::Brun,l~
prolifération des herbes advcmtices
parasites tenaces réslûtant
de la baisse de la fertilité du sol (auquel il donne lieu au cours
du premier cycle de culture), retarde la renaissance de la terre,
puisque, avant de se raréfier, puis disparaître dans les dernières
années de la jaChère, ces plantes nuisibles prélèvent une bonne
partie des réserves nutritives du sol.
Dans les plantations des régions montagneuses, le problème du
rendement se pose autrement: en effet, la culture arbustive assure
ici au sol une protection presque identique à celle que
leur as-
surait la for~t; par ailleurs, n'était-ce l'adoption d'une telle
culture en ces contrées humides, le climat régional aurait connu
aU détriment des plantes une modification certaine et fatale (3).
--------------------------
(1).- Les paysans kabyè expliquent cet abandon par la fertilité in":
contestable des sols dans les premières années de leur installation.
(2).- L'agriculture sur br1llis donne au début aUX immigrés des ren-
dements supérieur s à ceux du Pays kabyè, tout en exigeant moins de
travail; mais par la suite ,ces rendements baissent rapidement.
(3).- Ce disant, nous n'avons pas l'intention de faire l'apologie
des cultures spéculatives qui dans les régions de Kloto et d'Akpos-
so
occupent l'essentiel des terres cultivables au détriment des
cultures vivrières.- Nous voulons simplement montrer qu'en Ces ré-
gions montagneuses où l'érosion latérale est désastreuse pour les
SOls, une culture vivrière exclusive ne serait viable SilllS une as-"
sociation avec une culture arbustive, particulièrement sur les ver-
sants où les menaces d'érosion sont plus serieuses.

= 240 =
La baisse dE!srendement3qu'on observe depuis quelques années dans
les plantations procède essentiellement des facteurs suivants:
- conditions de culture peu favorables:mauvais établissem8Dt
!
des pépinières (semis trop denses donnant des plants rachitiques);
t
arbres généralement plantés trop serrés au point que la densité
!
des arbres à l'hectare soit trop élevée (plus de 2.300 pieds alors
1
!,
qu'il aurait fallu 1.320 pieds à l'hectare); taille négligée con-
1
j'
dUisant à une croissance exagérée en hauteur et une atrophie des
1
de couverture
; •
t
verticalles inférieures; insuffisance d'arbres.pour le cafel8r
f
dans bien des cas;
-le recepage des arbres est peu pratiqué; le renouvolle:,lont
1
r
des plantations n'est souvent pas faite dans l'échéance normale;
-~indigence d'air et de lumière favorise le pullulement des
insectes parasites et des maladies;
- si la lutte anti-capside dans les plantations cacaoyères
i
du W.timé (région de Badou,
secteur par excellence du cacaoyer)
donne déjà ses fruits, le problème de la pourriture (1) demeure,
1
et cela pour les raisons suivantes: d'une part, les cabosses
pourries restent sur les arbres au lieu d'âtre enlevées; l'efret
en est que lors des plUies, le rUissellement propage les chwJ-
1l
pignons sur le tronc et sur les branches qui porteront d'autres
!
fruits; à n'en pas douter, cela constitue un handicap sérieux
à une bonne floraison et par conséquent à la fructification;
d'autre part, les cabosses qui restent après décabossage, au
lieu d'être brûlées, séjournent dans les plantations, pouriss3nt
et intensifiant ainsi la propagation de la pourriture.
- l'excès d'humidité, particulièrement celui de l'humidité
1
relative que la régénération, la destruction des anciennes plan-
t
tes de couverture (devenues de grands arbres) et 11 abattage des
,

palmiers sont en mesure de d:mlinuer.
1
la répartition mensuelle des pluies se modifie qéfayorable-
ment voici près de 8 anS:
on assiste, en effet,
soit à des
1
pluies abondantes mais tardives, obstacles à toute floraison
------------------------------
(1).- Il s'agit de champignons peu perceptibles qui sont à l'ori-
1
gine du pourrissement des cabosses.
f-

1
t
'" 241 '"
1
1
normale, soit à des pluies abondantes mais prématurées pro-
voquant un appauvrissement des caféiers et des cacaoyers en
fruits ou une rupture prématurée de ces derniers, soit à un
!
excès d'eau en période de maturité entra1nant un pourrisse-
ments des fèves et des cabosses.
1
- l'absence d'une véritable reconversion de la mentali-
[
té : il n'existe pas de véritables planteurs; en effet, ceux
qui sont aujourd 'hui propriétaires des plantations sont des
1
héritiers, fils d'anciens planteurs; la plupart restent en-
core absentéistes et fainéants; plus grave, le stage de sen~
sibilisation que les agents de la S.R.C.C. ( Société Nationa-
le pour la Rénovation et le Développement de la Cacaoyère et
de la Caré~èro Togolaisec)organisenldans le cadre de la campa-
gne de régénération ( replantation ) ne profite qu'à ces
"planteurs", les seuls susceptibles dl être contactés pour le
moment par les agents: jaloux de leur rang social et soucieux
t
de conserver leur ascendance sur les travailleurs, les pro-
priétaires estiment dangereux de les faire participer au
stage; rien d'étonnant que bon nombre de ces absentéistes se
refusent à transmettre les enseignements et les informations
1
reçus aux métayers et aux ouvriers agricoles.
!1!
- le produit des ventes de café et du cacao, au lieu
·1
d'être affecté à l'achat de matériel moderne de labour, d' en-
tretien et de transport, est encore généralement dilapidé,
particulièrement dans le Litimé : il sert à organiser des
}
festins, à intenter des actions en justice souvent de moin-
. ,
. 1
dre importance.
~
Malgré cette baisse relative des rendements, l'augmenta":'
tion des surfaces cultivées alliée à une meilleure producti-
vité de l'immigré laisse appara1tre une croissance remarqua-
ble de la production nationale que soutient quelque peu la
monétarisation de l'économie dans les milieux immigrés.
2.- Le progrès de la production agricole, la rupture de
l'économie d'auto-subsistance et le progrès de l'é-
J
conomie monétaire.
l

= 242 ..
a).- Le progrès de la production agricole nationale ~
La contribution des immigrés à l'augmentation de la pro-
duction agricole nationale résulte de leur vigoureuse inter-
vention directe et indirecte dans l'extension des superficies
consacrées aussi bien aux cultures vivrièrcs
qu'aux plantes
industrielles. Klle représente ainsi la réalisation et la
concrétisation des effets socio-économiques que les adminis-
trateurs européens attendraient des transplantations des Kabyè
et des Losso, à savoir l'augmentation des tonnages des produits
d'exportation, le mieux-être de la population kabyè et losso
et celui du reste de la population du territoire. Les signes
de ces aspects de l'impact socio-économique de la transplan-
tation des Kabyè et des Losso apparurent dès les pranièrcG
an-
nées de l'opération, ainsi qu'en témoigne ce passage d'un rap-
port financier adressé au Ministre français des Colonies en
Décembre 1928:" ••• En effet,14- villages entre Atakpamé et
Sokodé ont été créés depuis deux ans avec des Cabrais qui ont
consenti à émigrer et justement sur le parcours du futur che-
min de fer. Or ces Cabrais ont complètement transformé la
région jadis inculte, et leurs cultures s'étendent sur les
espaces énormes,quadruples au moins de la surface nécessaire
à leur alimentation et à leur entretien seul". (1)
Tableau nO 31.- Evolution de la production de certains pro-
duits agricoles entre les deux guerres mon-
diales.
"-
~ - " -------~--_.
---'~ _.-,---- '--
~ Café
Cacao
coton
Arachide
Années
~
1950
0
1544
889
26
1925
4-
3948
1873
9
1930
29
5895
YD16
157
1935
117
7554-
3276
77
1,938
34-5
8330
4-331
1691
li
=====",,==1:1
1
1
Source: J. Pechade, le Togo, Bordeaux, 1939.
i
(1)._
Lucien-Brun, thèse citée, annexe, p.135.
j

Jusqu'en 1920, le café était très peu cultivé au Togoi la
croissance régulière de son tonnage depuis cette époque est
indubitablement une conséquence heureuse des recrutements (évo-
qués dans la deuxième partie de ce mémoire) de main-dloeu,~e
effectués dans le "réservoir" kabyè par les planteur s indigè-
nes et européens, et cela pour l'intensification des cultures
spéculatives (cacao, café, coton) dans la région de Kloto -
Kpalimé (1).
Quoique le cacao rat d1introcution plus ancienne que le
café, la croissance à la fois rapide et régUlière de sa pro-
duction est un impact certain
de ces recrut8i,lents et du "cou-
rant" migratoire qui - rappelons-le - s'amorçait
spontanément
alors en direction des régions montagneuses.
A partir de 1930, le remarquable "bond" enregisb~6 par
les arachides (très peu cultivées jusqu'en ~925)
et
Le
coton (dont la culture est plus ancienne) s'expliquent essen-
tiellement par la "Colonisation Cabraise H dès 1925 des terres
vides de la Plaine du Hono.
Ces succès avaient poussé certains observateurs européens à
tenir à l'époque des propos optimistes quant à une plus "forte
augmentation (ultérieure)
du tonnage
du
coton fibre ". Pour
ce
produit
textile
dont
le Togo exportait depuis plusieurs
années déjà" la moiti~.é environ du tonnage de la production •••
de toute l'Afrique Occidentale Française "(2), J. Pechade en
1939 prédisait que" la proc~uction cotonnière sera intensifiée
par
la
création
de
villages
dl émigration
et
par
son
extension
auX régions riches du Cercle de Sokodé": il fai':'
sait
allusion à la poursuite de la transplantation des Kabyè
et Lasso hors de leur contrée d'origine.
Exception faite de
la période de guerre, cette prédiction ne devait par la suite
souffrir aucun démenti puisque la production n'a cessé de cro1-
---------------------------
(1) .- Rapport de l'Administration française,'i923, 1ère partie,
chap.1, Législ.,ltion sociale, Rubri0.ue' Travail.
(2) .- J. Pechade, Le Togo, Bordeaux, ~939.

= 244 =
tre depuis cette date ainsi qu1en témoignent les tonnages
figurant au tableau suivant:
Tableau nO 32 .• - Evolution annuelle de la production coton-
nière de 1939 à 1975 au Togo.
.
..~.'.-
1
1
ANNEE (1 )
1938
1955
1961
1964- 1967
1972 1974
1975
-
,,
i
National
4331
8000
9000 9417
7065
8786 10778
ID
bD
r,gion
-
-
-
- 1117 807 1386 2096
CIl
Centr '11 e
(2)
>::
>:: 1 Région de
o la Kara
13
88
150
316
-
-
-
-
(2)
E-<
Région des
Plateaux
-
-
-
- 7942 584û 6690 6978
(2)
1
,
1
,
1
,
1
i
..
1
1
L
1
Source: - Inventaires écono~iques du Togo 1967, 1970, 1975,
et J. Pechad~ op.cit.
On peut à cet égard dire S2~S exagérer que l'~nplantation
dans la Région des Plateaux en 1962 de l'Usine Textile au coeur
de l'ancien Cercle d'Atakpamé (actuelles Circonscription d'Ata-
kpmné et de Ouatchin) où la vocation ootonnière s'était depuis
longtemps af'firmée, corrobore la quasi-plénitude de l'accomplis-
sement de cette prédiction.
A considérer la proportion spectaCUlaire de la production
de mil et d'igname dans les Régions Centrale et des Pl<:lteaux
(1).- Les tonnages enregistrés durant et ap:rile la p1'el:1i~re guerre mon,..
4iele DSfigurent.paa lm tAble91.,car ils ne sont pas significa-
tirs.
(2).- Ce sont des régions économiques où l'impact des activités
agricoles des Kabyè et des Losso est prédominant.

= 245 =
où l'action agricole dcs Kabyè et Losso est bien connue, on ne
peut s'empêcher de conclure avec l'Administrateur Robert Corne-
vin que "ces excellents cultivateurs en mett3l1t en valeur entre
Sokodé et Ouatchin de vastes portions de terres à peu près vi-
des, ont fait de cette région le grenier du Togo." (1)
Par voie de rapport, l'o.ction agraire des immigrés aY::Ult
abouti à l'augmentation remarquable de 10. production agricole
0. pour
corollaire l'intensification des échanges commerciaux;
qu'en est-il en réalité?
b).- Le progrès de l'économie monétaire.
En pays 3l1cestral - on se le rappelle - avant le déclen-
chement des migrations, seule l'économie d'auto-consoTIw1ation
existait; en raison de l'eXiguïté de la superficie cultivée
et de la forte densité agricole, aucune production excéden-
taire ne ressortait de l'effort combien louable du p0ysan
kabyè; la seule forme d'échange, le troc, portait souvont sur
des produits vivriers de première nécessité.
Certes, en pays d'immigration, sur certains marchés,on
observe des cas isolés de troc; m~:üs le plus souvent, l'échange
des produits agricoles se fait contre des denrées manufactu-
rées dont le pays3l1 ou sa femme risquait de se priver à cause
des invendus. On assiste donc à une substitution progressive
de l'écononae mon8taire à l'économie 3l1cestrale d'aut06ubsis-
tance.
L'abandon de cc dernier type d'économie se réalise par
l'adoption et la vente du coton et du riz à grain long (région
d'immigration structurante) du café et du cacao (région d'immi-
gration conjonctlwelle)Jproduits exclusivement cowmerciaux. Il
se réalise également par l'écoulement, par bonnes années de récol-
--------------------------
(1).- Robert Cornevin ,Le Togo, Nation-Pilote ,Nouvelles Edi-
tions Latines,"Survol du Honde", Paris, 1963, p.101.

= 246 =
t8, d'une pn.rtie considérable des produits vivriers (lont la
part des régions d'immigration structurante
est plus gr3Jlde,
et par les achats de produits locaux complémentaires ot ,lu
produits importés.
Ccpcmdmlt, comme pour la taille des exploitations, des
disparités zonales apparaissent quant à l! int,j gr ation de
l'immigré au
circuit
monétaire: les disparités reposent sur les
facteurs suivants:les possibilités d'adopter des cultures
exclusivement destinées à la vente sur
le volume des excé-
dants de produits alimentaires,
l a p I ' 0 x t m i t é
et la diversité des zones de contact
économique
et le d',)gr6
du fléchissew,mt de la thésaurisation; le fait de payer des
impôts aux pm>ents du Pays mlcestral oblige les paysans à
écouler sur le marché uno bonne partie de la récolte dcls pro-
duits vivriors.
Pour ce qui ost du premier facteur précité, à savoir la
possibilité d'adopter des cultures spéculatives, l ' IlEst-Hono"
et les régions montagneuses
se trouvent dans une situation
privilégiée, et cela pour plusiours raisons:
- avantages techniques
procurés par l'Institut de Recher-
che du Coton et des Textiles Exotiques basé à Kolocopé et dont
le rôle d'incitateur, d'instructeur et de contrôleur est hau-
tement progressiste.,
- avantages écologiques (bonnes conditions pédologiques
et climatiques) dont bénéficient la culture du caféier dans
la région de Kloto et de Danyi et celle du cacaoyer dans les
cantons akposso.
En ce qui concerne le second facteur, à savoir le volume
du surplus de produits vivriers"
i l est nettement plus élevé
en région d'immigration structurante
qu'on
'région d'immigra-
tion conjoncturelle (taro, fonio, manioc, igname), si bien
qu'un importmlt courmlt d 1éch3Jlges de produits alimentaires
s'est établi entre les deux, notamment en direction du pays
Akposso et du pays Arhlon où la pénurie se fait âprement sen-
tir tous les ans. Dans les régions d'immigration structUI'Qnte

" 24-7 =
Où l'abondance des excédents de produits alimentaires est rc)-
lil3I'Quable, i l n'est pas rare de rencontrer en 1974- des paysQIls
Qui s' adjugent un revenu annuel supérieur à 100 .000 Fr8J1cs CFA.
En rülieu immigré, les excédents de produits è'.gricoles,
c'ent-à··dire 18s produits Qui font l'objet d'une COJ;]j.lcrciali-
8atj.on por exploitation familiale,
sont en valeur plus imper-
t8J1ts Gn zones méridionale (63,6 %) et septentrionale (61,3 %)
Qu1en zones intermédiaire (56,6 %) et cl'oxpansion (66 %).
En pays d'im;ügration structurante, cles différenciations
zonales apparaissent Quant à l'abond8J1ce des excédents do pro-
duits alimentairos: au niveau des inooigrés, le surplus agri-
cole est Quantitativement plus important dans la zone méridio-
no,lo Que d311S chacune des autres. Cola ne tient p,C(s au nombre
relativement élevé de personnes par
exploitation familiale
puiSQue au contraire, ce nombre a tendance à "grossir" en rai-
son de la préférence depuis 1968 chez les pays311s du Pays an-
cestral et même chez ceux des zones septentrionale et inter-
médiaire pour los secteurs ruraux méridionaux. Cela résulte
plutôt du caractère
plus élevé des prix agricoles pratiqués
d8J1S ces derniers (1), prix poussêmt à une agriculture plus
soignée ct p~:r. conséquent plus rentable; cela procède égalc:ncnt
des ca-c:lctéristiques favorables du régime des pluies rGnd8J1t
possibL.JsclUtour d'Atakpa;né trois récoltes annuelles de Fnïs.
La situation aVêffitageuse de cette pat'tie du ci.èclre d,&s mi-
grations structurelles découle justement de la proxir.Ji térdo la
giversité des zones de contacts économiques: le voisinaGe des
régions de pénurie de vivres et de haut pouvoir d'achat que
sont le pays akposso et l'agglomuration de Lomé; l'existence
---------------------------
(1 ).- A Ayengré (Circonscription de Sotouboua), à la question
de savoir pourquoi l'émigration se fait en faveur de la région
d'Atakpamé, des paysans nous répondent Que "c'est p'.LI' ce qu'on
s'y procure mieux de l'argent: les vivres se vendant ici m,lI,
de mêue quo le coton et l'arachide dont la culturo est par con-
séquünt en baisse."

= 248 =
de gros marchés (Anié, Atakpamé, Gléi, Wahala) (1) très fré-
quentés par les revendeuses des centres urbains en général,
de la Capitale en particulier; le caractère dense et ~lélioré
du réseau des voies de communication (routes, rail) facili-
tant leur accès aux revendeuses et le transport des produits
vers les marchés précités et ceux du pays akposso (Kougnohou,
Badou, Amou-Oblo, Amlamé, Ezimé); la multiplication en zone
méridionale de points de dépôts-vente au bord des fermes et vil-
lages (2); enfin la création de plusieurs points de collecte
et de vente de cacao, de café et de coton grâce à l'intensifi-
cation et à l'amélioration des voies et moyens de communication~
Pour ce qui est de la thésaurisation (3), factuur entra-
vant dans une large mesure encore chez le paysan inuügré une
totale intégration économique, son fléchissement progressif
dans la partie méridionale du cadre des migrations structu~
relles et dans les régions de plantations cacaoyères et ca-
féières est plus certain quoique partiel, particulièrement dans
les secteurs de peuplement homogène où le "frottement" avec les
autochtones est plus marqué •
Les produits spéculatifs (café, cacao, coton) sont com-
mercialisés par les hommes; quel que soit le milieu dl imrcligra-
tion, la con~ercialisation des autres produits agricoles est
(1).- Le marché d'Anié, situé au COGur des régions d'immigra-
tion structurante
Gst la 3è place marchande du Togo après Vo-
gan (pays ouatchi~, Kétao (pays kabyè). Son marché s'anime pra-
tiquement de mardi à ~eudi.
(2).- Des fagots de bois, des tas ou des sacs de charbon, des
tubercules d'igname et d'autres produits vivriers font souvent
l'objet de ce con~erce; alors que ces derniers sont rentrés
par les fe;mnes et les enfants le soir venu, les combustibles
"passent la nuit"dans ces micro-centres commerciaux sans garde.
Même le jour, la plupart des denrées semblent sans titulaires.
Les vendeurs n'apparaissent que lorsque l'acheteur s'annonce;
cette pratique leur permet de vaquer à d'autres occupations
domestiques; ce genre d'échange n'est pas l'apanage eKclusif
des immigrés; les autochtones s'y intéressent de plus en plUS.
(3).- La thésaurisation dérive du refus de l'in~igré d'exhiber
sa fortune pourtant acquise au prix d'un travail laborieux; le
refus s'explique par l'impérieuse nécessité de ne pas faire
entorse aux habitudes égalitaristes de la société tradition-
nelle renforcée par la crainte de "repressailles" occu.ltes
sur la personne du paysan,sur sa famille et sur ses cultures.

surtout le fait des femmes, sauf lorsque, juste après les ré-
coltes, l'excédent de produits vivriers est quantitativement
important; les paysans se concertent alors pour le transport
par cru~ion des récoltes vers le marché; hormis ce cas, le pay-
san
vient au marché souvent avec une infime partie du produit
de son élevage de volaille ou de petit bétail et son produit
de chasse ("agouti", lapins sauvages, etc).
Une grande partie du produit de cette vente est consacrée
non seulenent à l' c"\\chat de denrées propres à satisfaire il ses
besoins vestimentaires, agricoles (achat d'instruments arJ.toi-
res) et do chasse,(chiens, accessoires de chasse, bâtons do
jet ... ) mélis aUssi à l'achat de tabac, et à sa détente au mar-
ché autour de vendeuses de "tchoukoutou" ou de "soloum",
Ces boissons constituont encore l'essentiel des produits
tra~nsformés artisanalement , produits que les épouses des i~ni­
grés commercialisent 1,.1\\llO un rliliüu urb,dn(jI~La conmlercialiséètion
du charbon de bois ot du bois sec par les fenwes et les enfants
connaît depuis le déclenchement de la flambée des prix en 1974
un regain d1actualité; les autres denrées faisant l'objet do
transactions con~erciales chez les épouses des immigrés sur les
places de marché sont les produits agricoles bruts (tubercules
dl i8name et de manio c, sor gho, riz, taro, fonio, ar achide, ha-
ricot, tomate, piment), du manioc pelé et séché, ainsi que
des
produits de cueillette (bois morts, éponge, piment.,,)
Ces activités C0lli11erciales exercées par les felnmes, sont
en partie faites pour le compte de leurs maris: elles conm18r-
cialisent en effet en l~iorité les produits appartenant à 18urs
maris moyenn,mt con1r.1ission, dans les meilleurs cas; dC!l1S le cas
échéant, cette transaction se fait en alternance avec celle de
leurs propres produits agricoles. Par ailleurs, ces échanges
commerciaux révèlent encore un caractère limité, car l'éclosion
de l'esprit d'entreprise est retardée surtout chez les fenmles
--------------------------
(1) ,- En milieu rural, les fenwes s 'intércSs8nt7not<l.rQl~ent
autour de Gléï,à la préparation de la farinù de manioc (gari)
et de l'huile de pa~ile.

c
250 c
kabyè par les contraintes coutumières qui ,en les "clouant"
quasiment au foyer, les empêchent de pratiquer à l'instar
de leurs voisines
autochtones (évhé, ifè , fon, mina ••• ),un
commerce lointain plus rémunérateur.
En conclusion, si les immigrés conservent l'initiative en
cc qui concerne la transformation du système agraire et l'a.ug-
mentation de la production agricole, ils pa.raissent moins
décidés à
intégrer fermement les circuits COJ!1lcIGrciaux. Il y a
ainsi per sistance de relations; his t or i ques
de complémenterité
économique entre le groupe des immigrés kabyè producteurs et le
groupe d'autochtones dont le rôle de distributGurs est l'apanage
des femmes. La rupture de l'économie traditionnelle n'est donc
pas totale.
A considérer l'importance du rôle des imnigrés k(lby~ et
losso dans la production agricole et dar.s l ' approvisiOlmGillent
du milieu d'accueil en vivres, et l'importance de leur contribu-
tion dans la stimulation du COll1l:lGrce intérieur, la moindre
«grè.re,)c1e leur Part serait catastrophique à une grande partie
du reste de la population nationale ainsi qu'à l'essor écono-
mique de la. Nation.

= 251 =
( CHA PIT R E
VIII)
LES EFFETS DANS LE PAYS KABYE •
Deux ordres d'effets de la Diaspora des Kabyè seron-l; rete-
nus pour le pays d'origine: les mutations démographiques et les
effets de nature so cio-économique.
I , - LES MUTATIONS DEllO GRAPHIQUES •
1).- Degré de modifications quantitatives de la
population.
L'importance Jémographique et socio-économique des Kabyè
dans les secteurs d'accueil peut conduire à conclure à une dé-
croissance quantitative régulière et indubitaole de la popula-
tion du cadre d'origine au profit de ces derniers. L'exemple
kabyè que nous étudions prouve assez nettement(du moins jus-
qu'en 1971)le contraire de ce qui serait généralement admis.
En effet, si les variations régionales recèlent d' impor-
tantes disparités numériques
montra.'nt entre autres- gue
la propension à émigrer des Kabyè des cantons du Massif-Sud est
plus forte que ceux des autres cantons
(fig. 36), l'évolution
des effectifs globaQ~ indique du moins jusqu'en
1970, non une
stagnation, mais une croissance quantitative de la population
kabyè. L'émigration ainsi que le confirme Lucien-Brun senwle
n' "éponger que l'accroissement naturel". Ce faisant, elle
freine la marche originellement ascendante de la popul~tion
kabyè.
A quoi serait due une situation si paradoxale?
Lorsqu'on veut s'en tenir à la comparaison avec les ef-
fectifs losso, l'explication qui vient à l'esprit est :~e les
Kabyè migrent moins que leurs voisins. liais quand on isole le

Fig. 36
VARIATIONS
DE
LA
DENSITE
DE
PEUPLEMENT
DES
PAYS
KABYE
ET
LOSSO
DE
1960
A
1970
PAR
CANTON.
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ECHELLE
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.
_8·/0.
.: / / / /
D'ORIGINE
. "
.
...

= 252 =
cas kabyè, on s' aperçoit que l'explication du phénomène repose
sur d'autres facteurs dont les principaux seraient les suivants:
1°)._ un certain dynami§me démographique est conservé au pa7S
d'origine; en effet, le Pays kabyè reste encore ( jusqu'en
1960 du moins) un pays à forte natalité quoique ce soient es-
sentiellement les adultes jeunes qui composent le Il flux Il des
migrations temporaires et permanentes ;la preuve en est que de
1957 à 1960 par exemple, alors que les mouvements migratoires
spontanés et dirigés se sont poursuivis jusqu'en 1959, le taux
de natalité a accusé une hausse remarquable: selon les enquêtes
démographiques, il s'est établi respectivement à 71 %0 et à
75 %0 .(1) Bon nombre de Kabyè résidents ayant fini par consi-
dérer l'émigration saisonnière, temporaire ou permanente comme
une "ressource normale", ne redoutent plus la venue de très
nombreux enfants: en raison du mieux-être enviable qu'affichent
les rentrants, les parents sont sûrs que l'émigration offrira
à leur progéniture un débouché appréciable certain.
2°) L'effectif de la population résidente est étoffé pa,r
les nombreux retours habituels des premiers émigrés au village
ancestral, aux fins d'y passer le restant de leur vio, et cela
- rappelons le - en rnioen de lour oxtmordinn1rc attnchotlont à ln te=o
--------------------------
(1).- JrC. Pauvert, Etude démographique en PayS kabrè, IRTO, 1957.
BCEAO, Enquête démographique en pays kabrè, nO b162,1960.

= 253 =
ùes aïeux.Cet effectif cst également grc3si par l'envoi d'en-
fants 3-UX vieux parents par des émigrés soucieux de s'alléger
la charge écrasante d'une progéniture nombreuse en milieu d'accueU.
Cette croissance numérique de la population kabyè dans le
pays de départ connaît
depuis le début de cette décenn:ie lID ra-
lentissenent
certain (tableau nO 33) à cause de la très récen-
te intensification de 11 exode rural et du fait qu'un nombre
non négligeable do jeunes kabyè préfèrent, faute de mieux, se
faire enrôler dans l'armée. Les résultats des enquêtes effec-
tufies' en Novmdbre-Décembre 1972 dans le canton. de Pya tendent
à confirmer cette assertion: dans ce canton t près de 35 %de
Kabyè habituellement résidents ont émigré depuis 1968. Des ré,·
sultats analogues sont obtenus en 197,3- dans les cantons de
Tcharé, de Lama, de Soumdina.
2).- Degré de mutations qUalitatives de la population.
Les conséquences d'ordre qualitatif paraissent également
originales, ainsi qu'elles transparaissent
ël.es pyra-
mides des âges résumant des situations relativement récentes.
L'examen de la pyramide des âges Ulustrant les structures
démographiques du Pays kabyè en 1957 (fig. 11), indiqu~ que le
"hulbe" sommital correspondant à :l'excédent de vieill.ards résul-
tant des migrations massives des années 1925-1955 siest résor-
bé. ce phénomène montre une fois de plus que
les migrations
ont progressivement perdu depuis 1955 de leur intensité et de
leur caractère forcé. De plus t la pyramide a retrouvé sa large
base primitive caractér1.stique d'une forte natalité. Par contre t
la réparti~ion par âge et par sexe de la population kabyè que
laisse entrevoir la pyramide des âges en 1960 (fig. 35) signa-
le une "resurrection" de la bulbe sommitable des débuts des
transplantations officielles; on observe par ailletirs t et cela
par rapport à l'état de la population en 1957 t une participa-
tion plus forte des hommes dans les classes de
25 ~ 35 ans,
~
et un léger rétrécissement de la base au niveau du premier

Tableau nO 31'- Evolution des effectifs kabyè et losso
résidant dans le cadre d10rigine • (1)
11--
!
K A BYE
LOSSO
1926
107.223
-----------------
1948
117.626
IlIl
1959 - 1960
112.500
41 .714
!1
1
-.----------_._---- !
1----------
,
1
Hars?
1970
125.510 (2)
32.531
L~=_~i],:::::-:-: ===~-===== ======='=====
1
Source :- Recensements et sondages dé!Ilographiques au Togo
Direction de la statistique à Lomé.
--------------------------
(1).- Pour mieux donner une idée de 11 évolution globale de la
popUlation résidant dans les lindtes d'origine,les pré-
cautions suivantes ont été prises:
- Nous n' avons pas tenu compte de l ' aggrandissenent
géographique du canton de Dj amdé survenu après le recen-
sement de 1959 - 1960,
- les effectifs des localités situées dans la zone
d'expansion au-delà de la rivière Kara, à l'exception de
ceux des cantons de Landa-Pozenda et de Kara, ne
sont
pas compris dans les statistique s.
(2).- Ce chiffre est celui relatif aux Kabyè résidant aussi bien
dans le Pays àncestral (120.000) que dans le pays losso.
Il en va réciproquement de l'effectif des Losso en 1970.
Par contre,la discrimination au niveau des effectifs de
1960 semble avoir été faite également pour les almées
1926 et 1948.

= 2'5'5 ..
groupe d'âge, alors que les mêmes tranches de 2.000 persormes
qu'au cours des enquêtes effectuées précédemment sont encore
utilisées. Que traduisent ces mutations démographiques ?
Le départ plus décisif des jeunes de sexe masculin de
2'5 à 3'5 ans durant la période est une des conséquences des
migrations des Kabyè vers les terres jadis inoccupées de la
valll5e moyenne du Mono jusqu'en 1960. C'est dans ces catégo-
ries
que le nombre d'hommes pour 100 femmes (sex~ratio)
était le plus réduit en 1960 (tableau nO 34). Quant à
l \\l
r é C1 P f Cl r; t i o n
du "bulbe"
sommital, elle sou-
ligne le viei,l1 issement plus prononcé dfi la population Wé-
sente, vieillissement qui traduit l'impact des nouveaux dé-
parts précités et surtout celui du retour plus massif d'an-
ciens émigrés désireux de se retirer au Pays ancestral (
fig. 37).
La persistance de ce vieillessement est nette, du moins
jusqu'en 1973 ainsi que le révèlent les résultats de nos en-
quêtes: dans le canton de Pya, par exemple, 40,2'5 %des pa-
rents des 2 sexes ont entre 3'5 et 80 ans, le reste
('59,7'5 %)
étant surtout représenté par des persormes de moins de 18 ans;
les catégories d'âges 20-3'5 ans dont la quasi~totalité était
absente,comptent parmi ceux qui ont quitté le Pays kabyè depuis
1968.L'absence prolongé de ces jeunes en âge de procréation et
la poursuite incontrôlée de cette forme d'hémorragie démogra-
phique risquent de rendre plus aigü à moyen et à long termes
l'appauvrissement démograph~gue en c0Yrs;leur départ creusant
davantage le sex-ratio·
déjà défavorable aux p.eJ:sonoes 4u sexe
--------------------------
(1)- Nous préférons les pyramides de la population présente à
celle de la population de résidence habituelle car, d'une part
la plupart des absents sont au dehors du cadre d'origine, les
Kabyè se déplaçant très peu d'un village à un autre, d'autre
part, certains "présents" ont
généralement tendance à comp-
ter a tort un certain nombre d'émigrés temporaires et permanents
parmi les résidents habituels, faussant quelque peU
les résul-
tats de l'enquête,

• 25 5b:ls •
Fig. '7 PYRAMIDE DES AGES DES RESIDENTS BAIlI'l'UELS ET DES PliESWTS
EN PAYS KAlIYE EIi 1960 •
70
~o
SUE·
seXE
MASCUL'"
.,
FENI"I"
'0
"
--------1 10
",
}
,
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12
10"
8
"...
.~'
0
0
2
6
8
10
12
J.',
MilllC!I-a d'hobltAnts
Sourcet Enqulte
démographique en Pals Kabl~ en 1960

:>
256 =
féminin, particulièrement dans ces âges en 1960: on 1972, le
taux brut de natalité dans le canton de Pya
(qui ost loin
d'être le moins atteint par les migrations actuGlles)
était
de 16,8 %, taux légèrement supérieur
à celui de la France en
1969 (16,6 %) (1).
Eu égard à oe taux, nous pouvons dire qu'en Pays kal)yè la
féconditê commence à se ressentir des mouvements migratoires.
Dans le Cas d'un maintien de la tendance, la dénatalitô ou
l'exacte conservation du nivGau démographique qui s'en suivrait
pourrait devenir catastrophique pour la région, particulièrement
dans l'hypothèse d'une poursuite des migrations actuelles.C'est
pourquoi, si aucune action politique et socio-économique no
viont rapidement freiner la tournure nouvelle dos dépla.C(Jlüe)Dts
des Kabyè vers le "Sud", au lieu d'une lente croissance numé-
tique constatée jusqu'en 1970, on risque dl assister à 1I10:r en ter-
me non seulement à un sérieux dépeuplement du cadrG d'origine
par insuffisance de jeunes pour assurer le relaisdes classes
d'âges actuellGment présents, mais aussi à la mise en sOI:lil1eil
de la civilisation agraire kabyè. Une telle action 01i gagne-
rait à être soigneusement conçue
et souple, nous paraît d'au-
tant plus urgente que les mutations socio-économiques
n3gati-
ves résultant de la Diapora kabyè sont j.ci en partie liées aux
effets démographiques évoqués.
II.- LES MUTATIONS SOCIO-ECONOHIQUE8 •
Les inconvenients qui découlent de la Diaspora kabyè sont
particulièrement compensés par quelques effets encourageants.
---------------------------
(n.- Paul Hugon, Démographie, Dalloz, Paris 1971, p.168.

= 257 =
Tableau nO 34 .- Répartition selon le sexe et l'âge de la po-
pulation présente suivie du taux de masculi-
ni té par tr anche dl âge en 1 960.
1
,
1
5 à
9 ans
9920
10595
20515
1
,
1
10 à 14 ans
6880
6700
13580
1
103
15 à 19 ans
4220
4965
9185
85
1
20 à 24 ans
3640
5360
9000
68
1
25 à 29 ans
2775
5785
8560
_48
1
30 à 34 ans
3000
5620
8620
.23
35 à 39 ans
3185
5390
8575
59
40 à 44 ans
3100
4050
7150
1
77
45 à 49 ans
2570
3340
5910
77
50 à 54 ans
1875
2875
4750
65
1
55 à 59 ans
1685
2385
4070
71
60 à 64 ans
i 365
1910
3275
71
65 à 69 ans
1240
1475
2715
84
1
70 à 74 ans
910
!
!
975
1885
93
75 à 79 ans
450
625
1075
72
80ans & pltl.'1
750
855
1605
88
1
i
l
!
j
Il
'
TOTAL
60900
i
,
76455
137375
;
80
Il
1
-
_. "-
._~_.
---"-
Source: BCEAO, Enquête démographique en Pays kab~è, 1960,no 6162.

., 258 .,
1).- Les inconvenients de l'émigration des Kabyè
ROur le Pays ancestral.
Comme le succès de l'agriculture kabyè repose" sur l'im-
portance numérique des hommes valides, audacieux et entrepre-
nants, le départ massif des éléments jeunes et adultes de 15
à 45 ans a déterminé une baisse relative de la production a-
gricole: en effet, les travaux d 1am6nagement du sol y compris
la lutte anti-érosive destinês à vaincre l !hostilité du mi-
lieu ne bénéficient plus d 'lU'le main-d'oeuvre suffisante et ef-
ficace. D1après les enquêtes démographiques faites en 1960
juste au terme de la vague des migrations des années 50, la
moyenne des personnes actives des 2 sexes par exploitation
agricole ne dépassait pas 1,8 (1); la faiblesse de ce chif-
fre est d'autant moins favorable à l'amélioration des rende-
ments dans le contexte d'une agriculture traditionnelle Que
les chefs d'exploitation âgés de plus de 55 ans (25 %de l'ef-
fectif total) travaillaient pratiquement seul~,puisque 0,5 %
seulement de l'effectif total des aides-familiaux et salariés
réunis les secondaient dans leur labeur.
En raison de la pénurie relative de la main-d'oeuvre agri-
cole par exploitation, les multiples façons culturales qui ha-
bituellement élevaient les rendements ne s'exécutent plus avec
la même perfection et la même rigueur que par le passé, si bien
que la terre ne joue que très insuffisamment son r~le de nour-
ricièr~,particUlièrementdans les secteurs éloignés des habi-
tations.
Pour emprunter l' expre ssion à Lucien-Brun, le relâchel;18nt
'tiu zèle agricole ll consécutif à cet état de choses, ainsi que
le conservatisme des paysans lié en partie au vieillissewent
démographique risquent de constituer longtemps de sérieux obs-
tacles à la réussite de l'application des programmes de moder-
nisation agricole en cours dans la région.
--------------------------
(1).- Inqul!!te dé:nographique en PdYs kuqrè.Bc.nque CentJ:'tile des Etats. de
l'Afriqüe de l'Ouest, 1960, nO 6162.

= 259 =
Autre obstacle à l'évolution heureuse de Itéconomie kabyè
est l'augmentation de la proportion des consownateurs pendant
que celle des producteurs valides continuent de dimL""lUer: en
1960, chaque exploitation agricole devrait nourrir en moyenne
8 personnes; en 1968, avec 11aceroissement sensible de la po-
pulation, ce chiffre montait à plus de 9 personnes alors que
le rendement des terres et la superficie mOyenne des exploi-
tations familiales (1 ha en 1968) ne se relèvent guère; 'la preu-
ve
en est, en 1976, l'importance des terres incultes m8me dans
les cantons les plus peuplés (Tcharé, Lama, Lassa), particulièrement
parmi
les
terres éloignées de la zone des résidences, en
plaines co~we en montagnes.
La ration alimentaire s'en trouve généralement affectée
et les possibilités de transaction commcrciale à partir des pro-
duits agricoles sont insignifiantes: si le paysan en vient à
vendre une partie de ses récoltes, c'est le plus souvent dans
la stricte limite de Se procurer des instruments aratoires
(daba5,faucilles.coupe-coupe), des denrées alimentaires (pois-
e
sons, sel et des accessoires culinaires (marmitôs,j@'res, cana-
ris, couteaux.••• ) et des produits d'éclairage (pétrole, allu-
mettes, lampe:rtempête ou lampions) et vestimentaires locaux ou
importés.
Rien d'étonnant que généralement la pénurie de numéraire
qui jadis fut l'une des causes déterminantes de l'émigration
spontanée persiste encore de nos jours en Pays kabyè. L'éleva-
ge qui aurait pu être un puissant facteur compensatDire en cette
région de savane est nettement insuffisant, et ses I~oduits
sont pour la plupart affectés aux cérémonies traditionn011es.
Sur le plan social, malgré les envois de vivres et les
retours réguliers au Pays ancestral, l'appauvrissement démo-
graphique affaiblit l'autorité des vieux, des chefs de f~nilles
et de chefs des déas,et
cela parce que les diverses prestations
des jeunes et des adultes qui raffermissaient cette autorité
deviennent négligeables.

= 260 1=
Le tableau des effets de l'émigration pour le Pays ~1­
cestral n'est pas totalement sombre, puisque certains aspects
des mutations socio-économiques nous paraissent encourageants.
2).- Les effets encourageants.
a).- En milieu rural, alors que le niveau de vio des hommes
baisse généralement, celui des femmes s'améliore quelque; peu,
et cela pour trois raisons essentielles.
- Contrairement à laur condition sociale
passée, les feEnnes
sont en train d'acquérir une certaine autonomie économique qui
laur permet de s'intégrer plus utilement à l'agriculture et au
conooerce; il s'agit là d'un des effets du brassage etlU1o-cultu-
rel résult~t des migrations. (1)
- un facteur interne hât~t le fléchissement de la dépen-
dance économique des fenunes et qui, au demeurant, constitUa
une des raisons de ll~élioration du niveau de vie de ces der-
nières,est le fait qulelles sont tenues de remplacer les hommes
au champ durant leur
absence
et de jouer pendant ce temps le
rôle de chef de menage.
- l'augmentation relative de leur pouvoir d'achat du fait
de laur prédominance dans les secteurs secondaire
(artisanat)
et tertiaire (conunerce) dispensatc)Urs de numéraire d2JlS cette
région Où il est très recherché: l'émigration kabyè a abouti
finalement à l'ouverture de débouchés co~nerciaux ~ l'artis~lat
local; en effet, chaque émigré, en gagnant ou en regagnant sa
localité d'immigration emporte un ou plusieurs de ces produits;
l'efficace VUlgarisation qui résulte de leur utilisation pc'.[·'ü
les autochtones contribue à entretenir le cour~t cOllll;18rci,ü
qui s'est ainsi établi entre le Pays kabyè et les contrées ru-
rales et urbaines d'accueil, puisqu'un certain nombre d'autoch-
tones s'habituent à la consommation de Ces biens artis~aQx.
--------------------------
(1).- En effet, leurs consoeurs des milieux ruraux des régions
d'inunigration ont très tôt conquis cette autonomie économi'1ue.

'" 261 '"
D1ailleurs, eU égard à l'insuffisance des disponibilités an-
nuelles de produits viVTiers, le produit de ces activitcs pour
la plupart artisan:ùes et co®nerciales représente aU sein des
menages un appoint important et certain.
\\
b).- Autres effets quelque peu compensatoires sent les
revenus en argent et en nature rapatriés par les 8Qigr~ts.Les
origines de ces revenus sont les suivants:
1°)-Une Partie de ces revenus sont des économies ranportées
par ceux d'entre eux venus se retirer au village anccstr~li
longtemps avant d'effectuer ce retour, l'émigré investit c;(iné-
ralement d:IDS la construction de bâtiments quadrangutaOrre,
dur ou en demi-dur ou tout simplement en banco mais CouvCl'tes
de tôles, le tout donnant un cachet nouveau au déa (soukalla)
traditionnel en dislocation et dont certaines composffiltes sont
en ruines.
2°).- Une autre partie des devises ra;Jportées Pffi' les é'lÜ-
grants est affectée au paiement de la lo)(e civique
(1) aux pa-
rents résidents i la valeur de cette tranche de devises par émi
grant varie avec le nombre d'imposables à aider et selon que
le bienfaiteur paie lui-même son impôt en Pays ancestral co~ne
s'il en était un résident habituel: plus des 2/3 de ceux des
émigrés temporaires ou pffi'manents interrogés dans les contrées
rurales d'établissement déclarent qu'ils supportent le paiement
de l'impôt à au moins un parent i tandis que la moitié environ
affirment qu'ils s'en portent garants à deux parents, moins
d'un tiers déclarent venir en aide à plus de deux personnes.
Parmi les personnes interrogées, plus de la moitié s'acquit-
taient avant l'accession du Togo à l'indépendance de la taxe
civique =uelle aussi bien au village ancestral 'lu 'à la loca-
lité d' accueil; plus du 1/3 SI acquittaient encore de leur de-
voir dans les 2 localités à la fois. D~ns les secteurs caféiers
du Plateau de Danyi,la plupart de ces imposables ont acquis des
(1).- Depuis 1975, les ilmnigrés kabyè ne rcmpliss<Jnt plus ces
obligations morales et coutumières parce que depuis cette =ée,
les paysans bénéficieJllt au 'rogo d'une exonoration d' i C1pôts j les
résultats évoqués dans les lignes qui suivent ressortent des en-
quêtes effectuées av~nt cette date.

'" 262 =
terres grâce au systène "dibimadibi": les
chefs de villa,gas
qu'ils habitent ou dont ils dépendent (s'ils sont à la forme)
leur exigeaient le paiement de la taxe civique sous prcitexte
que leur titre de propriétaire, indépend~nment de la dW'éc de
leur séjour,fait d'eux des autochtones à pJrt entière Gn ma-
tière d'acquittement au devoir national. Vu des villages d'ori-
gine, cet acquittement était une survivance des apaisemants don-
nés par los instances publiques aux chefs de canton et ,lUX au-
tres notables qui au début n'approuvaient pas la transplanta-
tion de leurs sujets; l'exigence du paiement des
impôi:Qpar les
émigrés se justifiait par le désir des chefs de conservor les
ristournes qui leur
revenaient d'ordinaire et pour maintenir
leur puissance en conservnnt leur autorité sur un grand nombre
de sujets (1); c'est si vrai que tout chef de village
refusait
habituellement sa juridiction à tout émigré
récalcitrant une
fois en séjour temporaire ou définitif dans ln localité d'origine;cette
pratique fut eertaô nem8,t à l'origine de la surévaluation de la
proportion d'adultes du sexe masculin lors des recensements
administratifs tandis qu'un certain nonillre de jeunes et de vieil-
lards ne sont pas compris dans les effectifs officiels aussi
bien dans les limites d'origine ~l'en pays losso (cf tableau
nO 35').
Par ailleurs, cette pratique tend à confirmer l'oxistcnee
quasi bipolaire de bon nonillre d'émigrés
temporaires et perma-
nents.
3°).- Le reste des capitaux rentrants bénéficie totalement
1
et directcnent
aux parents résidents lorsqu'une partie n'est
,
1
pas affectée aux cérémonies coutumières (funérailles, cérémonies

relatives aux fraternités d'âge,etc). Des vivres parviennent à
1,
bon nombre de parents en plus du numéraire.
i1
t
--------------------------
(1).- L1afflŒ< de jeunes vers le Sud continue à provoguor la
diminution du nombre des imposables. Entre 1961 et 1967, elle
était de 9 %dans la Circonscription de Lmna-Kara et 5' %dm~s
celle de Niamtougou (Mlle Jean, Etude socio-économique du Pro-
1
jet de la Kara ,FAO, Lomé, Direction du Plan.)
j
1
1
\\

• 263 •
Tableau n.o .15 :- Comparaison des résultats des recensel!Jcnts
admïriistratifs avec ceu~ de l'enquête démographique.
Sexe màsculin
Sexe féminin
Ensemble
Groupes d'â
RecensJt
Re cens.!
ê
RecensT.
Enquête
ge
Enquêta Adminis
Adminis Enqu te Aclmin1:S
-
0
à 14 IDS
207
192
209
198
416
390
15 à 59 ans
231
291
278
275
509
566
1
60 et plus ••
31
22
38
22
69
44
471
505
529
495
1000
1000
1
Il
- 1
Sour ce:- BCEAO t Enquête démographique en Pays kabrè, 1960.
Si la valeur des envois de fonds destinés au paie'lent de
l'impôt, ne dép8nd que du degré d'd.isance de l'émigr~
et du
nombre de parents nécessiteux, la valour monétaire des envois
clo vivres varie aV0C 12. distance qui sépare en milieu rural la
localité d'immigration au Pays d'origine et avec l'importance
des surfaces affectées aux cultures vivrières; c'est pourquoi
les immigrés
temporaires ou perman~ts des régions de migra-
tions conjoncturelles où les cultures industrielles prédominent
n' envoient très souvent que du numéraire.
Les fondements réels de ces eXpéditions en nature et en
argent sont la volonté des émigr,és
d'attendrir les parents
résidents
et la prise de conscience de la pauvreté croissante
de ces derniers; c'est d'autant plus vrcu. que certains émigrés
vont jusqu'à lier étroitenent llauJélicration des conditions
de vie de leurs p<ll"onts à leur départ vers le 1I3udll ou veN 1G
Ghana. La sincérité de ces sentiments louables se vorifient
dans les faits, puisque toutes les ressources monétaires et vi-
vrières rapportées ou envoyées au Pays ancestral par 0UX per-
mettent
aux résidents de satisfaire en partie le~ peSQioa
c) La f'réq1.H,ùICe des visitEJS périodiques des émigrés au
Pays ancestral n'a pas seUlement des incidences soc!o~écono~~­
ques heureuses; elle bénéficie également à la vie soc;Lo-oultu-
relle que les seuls résidents ne pourraient animer.
,
..,,
________~L

= 264 ..
d).- Les déplacements saisonniers ont abouti à l'instaura-
tion d'une situation économique bénéfique caractérisée par une
double activité professionnelle.
En conclusion, les conséquences de la Diaspora kabyè pour
le Pays d'origine paraissent aujourd'hui moins rassurantes qu'in-
quiétantesïelle a jusqu'en 1970 aidé au maintien d'une forte
natalité; mais c'est darls la mesure où l'élargisse;'18nt des moyens
de subsistance qu'elle offre est conjugué avoc l'existence dans
la structure démogr-aphique d'un groupe optimal de personnŒ en
âge de procréation. La diminution de ce groupe en raison d'im-
portants départs on cours vers les secteurs urbains est non sou-
lerr.ent dépeuplante, mais aussi elle continuo à priver l'économie
rurale chancelante du Pays kabyè d'éléments dynamiques qui aU-
raient pu lui donner une impulsion vigoureuse.

= 265 ..
(CHAPITRE
IX)
PROBLEMES LIES A LA DIASPORA KABYE.
Les problèmes liés à la Diaspora kabyè sont divers: il y en
a qu'elle suscite ou auxquels elle confère un caractère nouveau: .
ainsi le problème foncier. Il en existe d'autres qu'elle éclaire
ou qu'elle contribue Quelque peu à résoudre: ainsi le problème
du régionalisme et celui de la contre-migration.
En raison des dimensions imparties à ce mémoire, seuls les
deux premiers problèmes cités seront abordés.
1.- LA QUESTION FONCIERE ET LA CONCURRENCE.
La question foncière porte essentiellement sur deux cat6go-
ries de terres a\\l Togo: celles déjà cultivées (environ 15 %du
total) et celles qui ne le sont pas encore.
Mais on ne peut mieux comprendre les réactions respectives
des immigrés et des autochtones face au problème posé par l'ac-
quisition des droits fonciers dans les régions d'accueil, si on
ignore les disparités relatives aUX notions de propriété telles
qu'elles ressortent des variations du Droit Coutumier en matière
foncière d'un point à l'autre du territoire.
A).- Régime foncier en pays d'origine.
En vertu du grand principe de solidarité liant entre eux
les membres du groupe social, parce que les vrais ''conquérants''
du domaine foncier actuel sont parmi ceux qui continuent à
"coexister" avec les vivants dans un monde invisible, en droit
coutumier pur, au Togo, COmme ailleurs en Afrique Occidentale,

'" 266 =
"la terre appartient au sens plein du mot, au groupe social
dans sa totalité, c'est-à-dire à l'ensemble des vivants et des
morts"; c'est la raison pour laquelle "la terre,c'est la jouis-
sance du sol, la propriété de ses fruits et aussi celle des ar-
bres et rien davantage" (1); dès lors, l'individu ne peut être
que le locataire d'une portion du domaine communautaire; il ne
peut jamais en devenir propriétaire. Le rôle du chef du groupe
social n'est à cet égard que celui d'un "gérant".
Cette notion originelle du droit de propriété foncière ne
semble pas avoir subi de modifications majeures d~,s la partie
septentrionale du Togo. En effet, selon les résultats de nos
sondages rejoignant en partie ceux relatifs aux enquêtes effec-
tuées en 1972 par un groupe de sociologues togolais (2) dans les
Régions de la Savane et de la Kara, la terre est du ressort de
la "divinité" ou du IIchef de la terre"; celui-ci la partage en-
tre les familles; la terre dont i l tranche les conflits les plus
importants appartient à la communauté élargie, celle des vivants
et des ancêtres; la preuve est que ce chef qui joue également
le rôle de chef religieux (3) est généralement
distinct du
chef de village; les secteurs du domaine conmronautaire appelés
improprement "terres du village" sont ceux réservés aux manifes-
,
tations publiques (places publiques ,marchés ,cimetières ,lieux de
culte, et:c ••• ) ou aux étrangers soucieux de mener une vie do
groupe (zongo). Le Chef de famille élargie
à qu i
le "chef de
la terre" délègue pratiquement une partie de ses prérogatives
foncières joue le rôle de détenteur de la propriété sur les
terres familiales; i l a le droit de les r'partir, de les distri-
buer équitablement et de les préserver, car " elles ne se ven-
dent pas ". Il ne peut s'approprier quelque par celle que ce soit;
c'est seulement face à une autre famille élargie ou à un étranger
---------------------------
(1).- Lucien Levy-Bruhl, Llfu~e primitive, p. 122, citée par F.
Puig dans son "Etude sur les coutumes des Cabrais", thèse Citée,
!l.1 0 9.
(2).-André Dovi Kuevi et Bertin Tossou. Quelques données socio-
économiques en vue d'un projet d'émigration spontanée. Rapport
de fin d'enquête ,Lomé, Sept.1972.
(3).- Il preside les grandes fêtes religieuses couturnières et
les cérémonies propitiatoires pour attirer la bienveillance des
ancêtres.

= 267 =
qu'il agit en tant que propriétaire,
et
ceci
en
vertu
d e ~
pouvoirs collégiaux qui l'accompagnent: c'est ainsi que
lorsqu'un immigré exprime le désir de cultiver lU1e portion de
ce " patrimoine" familial, il décide de concert avec ses nota-
bles et compte tenu des disponibilités, de la réponse à donner
à cette requête; si l'immigré demandeur obtient satisfaction,
il exploitera la parcelle exclusivement en sunple usufruitier.
Au Centre-Togo où le régime foncier révèle un caractère
moins primitif. la terre appartient aux collectivités tribales
ou aux villages. L'idée de
divinité-propriétaire ou de celle
de "chef de la terre l1 est pour ainsi dire écartée pour faire
place à un propriétaire représentant mieux les intérêts des
membres du groupe, le Chef du village généralement; pm.' ailleurs,
la terre est inaliénable et tout immigré peut exploiter en usu-
fruitier une portion du doma:ine tribal ou vallageois.
Avant la transplantation des Kabyè, d'imrnenses espaces de
cette partie du Togo étaient incultes en raison de la faiblesse
relative de la densité des groupes résidents; aucune disposi-
tion coutumière ne prévoit une destinée nouvelle aux terres
octroyées aux familles en cas d'inoccupation prolongée.
Plus au Sud où l'évolution s'est depuis longtemps accen-
tuée, on constatait dès le début des années vingt que le pro-
priétaire de la terre est la collectivité familiale (1); les
chefs ont été évincés et la terre échappe à leur autorité di-
ect&(2)j la tendance à l'appropriation individuelle est aujour-
d'hui très marquée surtout en ce qui concerne les terres répu-
tées fertiles ( "terres de forêt" et les fonds de vallées) j
l'immigré ne peut espérer obtenir l'autorisation de cUltiver
(en usufruitier) des parcelles que dans les terres de savane
(qui restent celles de la collectivité), mais à condition que
la densité des palmiers spontanés le permette
et qu'il se li-
mite aux cultures annuelles.
---------------------------
(1).- Il s'agit de la famille élargie aux oncles,aux tantes et
aux grand-pères dénommée en milieu evhé l1fomé"
(2).- Rapport de l'Administration française à la S.D.N sur le
territoire du Togo pour 1923,p.39.

~ 268 '"
Dans les secteurs où la terre a une certaine valeur
à sa-
J
voir les cocoteraies de la côte
les riches terres à café ct à
J
cacao des régions montagneuses du Sud-Ouest et les centres ur-
bains J le dernier stade est franchi avant le déclenchelŒ) nt de
la deuxième guerre mondiale; les habitants se libèrent nettement
de l'idée depropriété familiale et accède à l'idée de proprié-
té individuelle; le glissement vers un système privatif est
facilité dès les années vingt par l'introduction par la puis-
sance mandataire d'un régime foncier conçu de telle sorte qu'il
permette les transactions immobilières. Le decret du 21 Aoüt
1926 J en instituant une procédure simple dl immatriculation des
terres détenues suivant les règles du droit coutumier local (1),
a acceléré le processus de cette évolution.
En P~1YS kabyè, paradoXalement,le stade primitif dôcrit plus
haut avait été dépassé très tôt
puisque l'orientation vers un
J
système privatif est antérieure à l'organisation du régime de
de la prow:~té foncière Par l'AcLilinistrijitiop coloniale. Ici,
le Kabyè est arrivé plus rapidement à l'idée de propriété indi-
viduelle grâce au jeu des facteurs suivants:
- le caractère exigu de l'espace cultivable dans le
Pays
ancestral;
- l'aspect montueux et rocailleux des terres rend&~t diffi-
ciles les aménagements spatiaux,
- la forte densité démographique y ayant depuis longtemps
augmenté la valeur des terres,
---------------------------
(1).-Le procédure, d'après la description qu'en a faite R.Cor-
nevin
(Histoire du Togo) ,est la suivonte lune demande de l'in-
téressé inscrite sur un registre, une délimitation sonunaire du
terrain lors d'une enquête publique sur place, après que le dos-
sier ait été transmis au Service des domaines. Si durant l'en-
quête et après un délai de 3 mois aucune contestation ne s'est
manifestée ou si la main-levée a été ordonnée par le triblmal,
la réunion des pièces, y compris (dans la mesure du possible)
un plan des lieux dans un livret, marque la dernière étape de
l'obtention d'un titre foncier sur le terrain en calise.

.. 269 "
- la permanence progressive de la clùture sur les ill&mes
parcelles,
- leur amour de la liberté et de l'indépendance.
Tous ces facteurs expliquent le fait que ctlaqUe paysan
tient à gnrdorn lui lm bien dont dépend quasi exclusivement sa
survie.
En Fays kabyè, en effet, à l'exception des réserves sacrées
(t) appartenant à la collectivité et les terrains affectés aUX
caravansérals (zongo) considérés comme sans maître, la terre
fait l'objet d'un droit individuel; c'est dire qUO les paysans
kabyè jouissent d'un droit de propriété privée sur les terres
qu'ils cultivent.
Cette notion de propriété, loin d'être absolue et théori-
que COlMle ctlez les autochtones des régions d'ilnmigration, a le
mérite d'être pratique et utilitaire; cela résulte non seulement
de la prééminence du caractère rentable et effectif de la mise
en valeur de la terre sur sa s~nple possession, mais aussi des
servitudes qui tempèrent le droit de propriété (droit de parcours
et de pâturage pour les trouPeaux,servitudesde passage sur les
terrains Où sont situés les points d'eaux ••• ). C'est si vrai que
la coutume reconnatt aux ctlefs de famille aussi bien le droit
de surveiller la bOnne utilisation et le bon rende~ent des par-
celles que le droit d'administrer ces derniers en C&S de dé-
faillance. C'est également la raison pour laquelle la coutume
stipule qu'en cas de transmission de la propriété privée par
vente ou éctlange, ce qui fait l'objet de transaction, c'est uni-
quement le terrain cultivé:" l'indigène vend et cède la plus-
value que ses efforts et son travail ont procuré à la terre. Si
le terrain est en friche ou si tout est à recommencer pour le
faire produire, il ne peut prétendre à aucune rémunération ll (2);
dans le même ordre d' idées," les terres abandonnées ou celles
--------------------------
(1).- Ces réserves sacrées sont:
a).-les bosquets, les bois et les taillis, lieux affectés aux
fétiches;
b).- les secteurs roctleux improductifs,demeures de génies
c).- les emplacements où selon la légende les fondateurs du
~oupe ethnique se sont installés au début.
t2).- F. Puig, Etude sur les coutumes des Cabrais, thèse Citée,
p.116.

'" 270 "'
non cultivées depuis six ans par le4fs propriétaires sont con4
sidérées co"~e sa~ns maître et appartiennent au prenüor occupant.
Celui-ci, pour en demeurer propriétaire, rlevra les cultiver et
les maintenir en valeur;~ (1)
Ces dispositions coutumières irillérentes à la civilisation
agraire kabyè révèlrmt ce qui [mit:
- en Pays kabyè, le caractère eff8ctif et rentable Jc l'e3!jooo
ploitation conditiorBe la recUrUla~ssar-cc du droit de propriété
individuelle;
- rares étaic3nt les terres qui deJ;)euraient longtoil;Js inex-
ploitées au début de la colonisation européenne., cette dernière
ayant permis grâce à la restauration de la sécurité ct de l'or_
dre, une "libération" des terres cultivables éloignéos des cen>-
tre s de peuplé]mc:nt.
L'évolution vers la constitution dtune "campagne" B" Pays
kabyè sc fit dès lors rapidcment:nunechose est certaine écri-
vait F. Puig en 1933, c'est qu'en pays cabrais, il ;'j'ux:Lste
pas plus de terrain en friche que de terres vacantes 8t saL.~;
maître. El, dehOrs des emplacements fétichos et abc1Ildoœ'és El
lCL "Divi.'üté", IJo1L-:-suivait-il, tout l,) sol ost approprié ct
cultivé.!!
Il ressort de l ' ètur~'J SO~Li,èire de,; rér:illlGs de la propriéité
foncière chez les d,Utochtonesèt chez ,los Lmùgrüs kabyè oye
los notions de propriété des llTJ8 c,t Ibr, autres ne concordent
guère i 18s discordanco s sont d' autClllt J'LlS nettes c:ue l'auto-
chtone même 101' squ 1il ')st acquis ~ l'l.dé8 de propriét8 indivi-
--------------------------

duelle s' accollUllode d'une faible occupation de se s terre s; ce s
discordances devaient créer entre les immigrés et les "nlQitrGs
de la terre" des divergences d'opinions, source de conflits.
B).- Les problèmes fonciers en régions d'immigration.
1).- Le problème de la reconnaissance des droits fonciers.
Peu difficile au début des transplantations, la reconnais-
sance des droits fonciers est très controversée ces dernières
années.
En région d'immigration structurante, la distribution des
terres aux imraigrants ne souleva pas au début des contestations
majeures de J,a part des autochtones "propriétaires" de la terre,
et cela pour les raisons suivantes:
- la crainte d'éventuelles réactions énergiques de lImIte-
rité distributrice
qui en vertu de l'arrêté du 6 Avril 1922
ne reconnait sur les terres cultivées qu'un simple droit d'usa-
ge tandis qu'elle considère les terres non mises en valeur com-
me des "terres sans maitre".
- le fait que sur ces terres étaient pratiquées non des
cultures arbustives, mais des cultures annuelles; en effet,
dans les eontrées d'établissement eOllllile d'ailleurs dans la
plupart des régions rurales d'Afrique, on estime ~ue les plan-
tations, en raison de leur pérennité, représentent un des
moyens susceptibles de faciliter l'accession au droit de pro-
priété individuelle.
-dans ceUX des secteurs où la proximité des autochtones
est plus nette, l'srrivée des Kabvè et Losso était générale-
ment accueillie, car ils constituaient pour los hôtes une main-
d'oeuvre agricole et routière très appréciée; certaines loca-
lités de la zone méridionale rivalisaient d'ardeur et de zèle

= 272 =
d'attirer à eux les groupes d'immigration; c'est ainsi Que les
habitants de Glé!, réagissant contre la création du village
dlAdanka, lIenjoignirent aux Losso de venir s'établir auprès
d'eux" (1), et cela
afin de bénéfieior de leur aide pour le s
activités champêtres et surtout pour les travaux d'entretien
de la route, tâche collective.
- l'attitude sagace des illllnigrés des zOlJes interlJlêdiaire
et méridionale: l'appui administratif, s'il constitua lme 8a-
rantie précieuse des droits de la communauté des immigrés, ne
fut pas exploitée par ces derniers COIJJme un facteur déterminant
de l'appropriation foncière i y considérant faible le degré de
disponibilité de la terre cultivable, ils étaient au contraire
soucieux de ménager les "maîtres de la t!Wre" (les Roudou, les
Akébou, les Adélé, les Aniagan, les Kpessi, les Ifè Niania, les
Evhé). Ce faisant, chaque immigré déléguait implicitement 1me
partie essentielle de ses prérogatives foncière s à sa eOmr.11maU-
té plus à même d'affronter d'éventuelles revendications fonciè-
res ct "dépositaire" des parcelles des déserteurS. Cette atti-
tude conciliante des immigrés pris individuellement et collec-
tivement était d'autant plus appréciée des lIpossesseurs de la
terre" qu'elle ne paraissait pas fondamentalement différente de
celle d'usufruitier qu'affichaient leurs congenères de l'D1Wi-
gration spontanée.
Des conflits surgirent lor s'lue les immigrés, en raison de
la durée de la mise en valeur et des impératifs financiers de
modernisation des techniques agricoles, se hasardèrent à faire
valoir sur cos terres lm <Ù:'oit de souvera:ineté. La "renaissance"
de leur sens de propriété individuelle est considéréo pour le
moins scandaleuse et gênante pour les autochtones: coutumière-
ment chez ces derniers, les membres de la tribu manifost(mt de
la méfiance à l'encontre de l'appropriation :individuelle des-
tructrice selon eUX de la cohésion tribale et familiale, et
irrespectueuse de la mémoire des ancêtres
et cela à cause du
,
--------------------------
(1 ).- Lucien-Brun, thè se citée 1 p .191 •

= 273 c
principe d8 vente qui lui 8St attaché.
D'autres conflits fonci8rs ont pour origin8 la préférence
exprimée chez les familles restreintes (8n formation) pour un8
autonomie foncière dont la réalisation remet inévitabloment en
cause les positions des ancêtres considérées jusque-là co@ne
intangibles.
Contre ces const8stations foncièr8s qui nécessitent souvent
l'intervention des tribunaux coutumiers 8t modernes, le )il'incipe
du droit acquis et celui de "la terre à ceux qui la cultiv'3llt
effectivememt " sont généralGment évoqués par los prévonus: à
Lama-Tessi (Sud d8 Sokodé) et à Pallakoko par eX8mp18 , ils
déclarent devant les maîtres du sol (Kotocoli, Akposso, Kpessi)
tantôt qu'ils tienn8nt leur droit des pouvoirs mandataires au
mom8nt où les dites terres litigieuses étai8nt inoccupées, tan-
tôt qu' "on 8St propriétaire d'un terrain parco que les premiers
parents l'avaient cultivé."
Certes, C8S revendications foncièr8s sont moins fréquont8s
en zone septentrionale où les immigrés se comportèrent très tôt
en véritables propriétaires du fait du caractère profondémemt
vacant du domaine Kotocoli et en raison de la perto
de l'inté-
gralité des droits des autochtones dans les secteurs r.léridionaux
de cette zone (1); mais elles n'en demeurent pas moins réelles
et spectaculaires dans les milieux où la coexistence avec les
"maîtres du sol"
est
plus marquée.
Chez ces derniers, plus que la volonté d'affirmer leur
souveraineté foncière, c'est l'impact de la croissé~ce déQo-
graphique dans les milieux déjà très peuplés qui suscito par-
fois des contestations foncières.
Hêm8 si aujourd'hui les revendications dans les régions
----------------------.---
(1).- Selon Lucien-Brun, " il ne fut tenu aucun compte de la
ID~te méridionale du domaine kotocoli lors de l'arrivée des
Kabyè et des Losso, du fait de l'intervention de l'Administra-
tion française.

d'Dillnigrations structurantes
sont tues, le problème risque à
plus ou moins longue éChéance de refaire surface avec plus de
vigueur, particulièrement dans les zones intermédiaire et mé-
ridionale, avec l'expansion démographique, le développement du
dynamisme pionnier des autoChtones et le modernisme qui laissent
prévoir une concurrence
âpre entre les descendants des !Irüaîtres
du soll! et ceux des immigrés; cette réflexion tient compte du
déséquilibre actuel relatif aux superficies des
exploitations
des deux parties figurant au tableau suivant:
Tableau nO 36.-Suparficies comparées des immigrés et des auto ch-
tones. (1)
- -
.'
AU T 0 C li T 0 N ES
IMHIGJ1SS
----_.--,..
-K~byè-e+
1
Ewé-
Autoch-
KotocoJi
Ifè
M.ja
tone
Losso
- - - - - --
--
-
._"_.
Kolowa- Bai san-
Oua -
Moyenne
Hoyenne
Glèbè

kopé
tchin
approchée Centre-
Togo -
r'lombre de
personnes
8,2
6,4
4,6
8,0
9,0
7,J
par explai
tation.
Superfi-
cie mOYŒ
1
1,05
1,124
1,58
2,94
1,51
2,93
1
i
ne (ha)
,
1
1
l
1
!
1 ..-
--
Les problèmes fonciers n'ont pas épargné les régions d'im-
migrationsconjoncturellesmalgré l'absence de l'intervention au-
toritaire et directe de l'Administration allemande ou française
:En ce qui concerne
la reconnaissance du droit do pro-
priété, les contestations portent moins sur les plantations
-------_._-------------------
(1).- D'après Lucien-Brun, thèse citée,tableau l et II (Annexe).

= 275 =
Que sur le support, Cl est-à-dire la terre aCQuise au terme du
contrat "Dib imadib i" • La remise en Question du droit des anciens
métayers sur Ces terres est surtout le fait des descendllilts
d'anciens patrons; elle repose sur les motivations suivantes:
les plus instruits de ces descendants arguent de la non-
validité de l'acte ayant reconnu le droit de propriété des im-
migrés sur la part Qui leur revûnait au terme du contrat "Dibi-
madibi": le fait que ses clauses avaient été ·en partie prononcées
oralement, en partie consignées par écrit devant une autorité
dont la légalité en Droit Moderne est douteuse (un aide~géomè­
tre, un géomètre ou un secrétaire du chef) pousse les contes-
tataires à considérer l'acte comme un simple acte sous-seing
privé.
Ignorant les souffrances qu'avaient conté
aux immigrés au-
jourd 'hui enrichis l'am8'nagement et la mise en vc..leur
des
terres résultant d'un partage contractuel, les contestataires
ont du mal à admettre Que leurs parents
aient cédé à si bon
compte (même dans le Cas d'une transmission de la propriété
par vente) des terres d'une si bonne productivité; la réaction
de ces jeunes autochtones en quête de terres de culture arbus-
tive est d'autant moins mesurée qu'ils sont quasi réduits à
l'émigration •
Des litiges naissent parfois à la veille du partage ùes
plantations et de son support: ces discordes dérivent le plus
souvent
des exigences nouvelles et inattendues formulées par
le patron,et de ~'cseroquer1e.
Au total, dans ~es régions d'immigration
structuron~
et dans celles d'immigrations conjoncturelles, los controverses
Qui viennent d'être évoquées portent non sur le droit d'usage,
mais sur le droit de so~veraineté foncière. Elles visent à re-
metre en cause un droit acquis ( ou qui est en voie de l'âtre)
au terme d'un contrat privé ou pdr décision administrative.D1au-
tres controverses fUrent re~atives à l'acquisition
du droit fon-
cier par dépossession arbitraire.

= 276 '"
2).- Le problème de l'acquisition des droits fonci~rs
sur les terres situées au-delà des limites ailiaises.
Ces conflits mettant aux prises des "propriétaires" autoch-
tones 0t des immigrés éclatèrent lorsque des tentatives ~e dé-
possession portant sur les terres situées hors des périmètres
généralement admis furent connues. Nous pouvons citer 3 cas
dans lesquels ces tentatives furent remarquables.
'1 er cas: Scandalisés par la repugnance de certains autoch-
tones "grands propriétaires fonciers" à mettre en valeur leurs
terres, des anciens immigrés métayers ont cu à ln longuo du mfll h s'on
tenir aux terres résultant du partage contractuel. Donnant li-
bre cours à leur
dynamisme pionnier et à leur conception de la
destination coutumière des "terres abandonnées I~ils profitent
d'un long séjour à l'étranger de ces propriétaires pour procé-
der à la déforestation des terres attenant à leurs plantations,
et y plantent du cacao ou du café; pour s'assurer du succès de
leur forfait, ils déplacent parfois les bornes lorsque les pro-
priétés sont loties; le succès d'une telle entreprise audacieu-
se est quasi total lorsque ces nouvelles plantes entrent en
production avant que les "propriétaires fonciers" en cause ne
se rendent compte dès leur retour de l ' "usurpation"; l'argument
généralement avancé par ces immigrés dans leur défense ost Clue
"la terre appartient à celui qui l ' exploi te". (1 )
2ème cas:- Dans les régions d'immigration
structurtlOte·,
moins en raison de l'appauvrissement des terres que par insuf-
fisance
relative de ces dernières (zones intermédiaire et mé-
ridionale), et par recherche d'une appropriation de terre ou
d'un droit d'usage libre (2), des anciens irnraigrés expriment le
--------------------------
(1).- Les cas sont rares, plus anciens qu'actuels; parfois, la
solidité des arguments de l'iIDnligré tendant à la négation des
faits est d'autant plus facile à établir que les arbres de la
~artie des plantations qui lui est revenue sont maigres.
(2).- Selon Pauvert qui avait enquêté à la Boucle Ogou-Mono,
certains de ces immigrés dormaient cornrAe raison à leur venue
dans l ' "Est-Mono" qu'ilS ne s'entendaient plus avec les autoch-
tones propriétaires de la terre (J .-C. Pauvert, Le peuplement
de la boucle Ogou-Hono, lliTO, Lomé, 1956) •

= 277 =
désir ardent de dépasser le front actuel de culture pour occu-
per de riches terres'
abandonnées": la preuve de cette tendan-
ce est fournie par llengouement avec lequel des Kabyè des an-
ciennes régions ùe colonisation s'installèrent à partir ùe 1955
dans la Boucle Ogou-Hono et dans la "zone A" de l' "Est-Mono"
pourtant spécialeliJent destinées à l'origine à la décongestion
du Pays kabyè. La satisfaction à un tel besoin en dehors d'un
cadre reconnu
par l'Administration et par les notables susci-
te inévitablement des protestations dans les secteurs où la
proximité des autochtones est plus nette, ces derniers prenant
une telle tentative pour une spoliation notoire
incaccepta-
ble.
3è cas;- En 1974, interprètant à leur façon le principe
agraire kabyè, à savoir" la terre à ceUX qui la cultivent
effectivement", certains immigrés des régions des plantations
industrielles se proclamèrent propriétaires
des terres qu'ilS
oultivniont alors
en métayers, passant de la sorte outre les dis-
positions contractuelles qui privooyaicntœ~·, des EU'bres
et de la terre. Avisés du mécontentement général des autochtones
"propriétaires fonciers", les autorités politiques actuelles ne
tardèrent pas à intervenir habilement pour donner les apaisements
nécessaires en expliquant que le droit de propriété ne peut
être acquis que dans le cadre prévu par la coutume du milieu
et non par dépossession arbitraire ou pEU' décision unilatérale.
Si ce dernier cas peut être tenu en partie pour réglé ,
les deux derniers restent sans solution. C'est en partie pour
créer Wle base juridique au règlement de ces controverses fon-
cières et pour confirmer les droits acquis, précédcrr~ent évo-
qués, que le Régime politique actuel a fait élaborer une Réfor-
me agro-foncière.
C).- Vers une solution définitive des questions foncièrQs:
La Réforme agro-foncière.
L'article premier de l'ordonnance nO 12 du 6.2.74 fixant

le régime foncier et domanial applicable au Togo (1) retient
trois principales catégories juridiQues de terres:
1).- Les terres détenues par les collectivités coutumières
et les individus en fonction d'Un titre foncier ou en vertu du
droit foncier coutumier.
2).- Les tarres constituant les domaines public et privé
de l'Etat et des collectivités locales.
3).- Le domaine foncier national constitué par toutes les
terres ne pouvant être classées dans l'une ou l'autre des caté-
gories énumérées ci-dessus.
Cet article, qui manifestement reconnaît la propriété fon-
cière individuelle ou collective résultant du Droit Coutumier
ou du Droit
Moderne, recormaît à fortiori le s droits de pro-
et
priété des illJllJigrés kabyèTlosso sur les terres acquises au ter-
me des contrats coutumiers "Dibimadibi ll ressortant du Droit
foncier coutrnnier régional.
Reste leur droit sur les terres distribuées par décision
de l'A~ninistration mandataire jadis organisatrice des trans-
plantations. A partir du moment Où la légalité de cette action
passée n'est actuellement contestée par aucun texte légal nou-
veau (silence du Droit actuel), nous estimons Que ce droit res-
te acquis et se trouve recormu par la puissance publiQue.
Mais le droit de propriété foncière, qu'il ·soit reconnu
expressément ou implicitement par la législation actuelle n'est
garantie qu'à la condition de posséder un titre foncier (régime
de l'immatricUlation ou du livret foncier) (art.2) et SOUs ré-
serve d'une mise en valeur effective et permanente. (art.3).
Pour ce Qui est des terres sur lesquelles on n'observe en
apparence aucune occupation effective et pour lesquelles les
--------------------------
(1).- Kwaovi Benyi JOHNSON, Sameho K. QUADJOVIE, Koffi KOFFI.
La Réforme agro-foncière, dossier publié dans "Togo - DIALOGUE Il
nO 2 du 28 Février 1975.

= 279 •
auteurs de la Réforme avaient évité à juste raison de faire
usage de l'expression "terres vacantes et sans maîtres" (~),
terres convoitées par les immigrés kabyè et ~sso. ces der-
n:1.ers auront, pour compter de la promu;J,.ga.t.ion de ll{)rdonnance
en question, à attendre 5 ans, avant d'espérer avoir gain de
cause.
En effet, un délai de 5 ans est imposé aux personncs ou
aux collectivités qui se réclameraient propriétaires de ces
terres (art.4) j passé CG délai de prescription, les terres sur
lesquelles Ceux qui s'en 'Jstiment les propriétaires n'auront
pas fait reconnaître l'étendue ct la consistance de leur droit
seront intégrées dans la 3è catégorie juridique des sols, à
savoir le domaine foncier nation§Ù..
Hais les immigrés kabyè ou losso oomme tout autre citoyen
togolais en quête de terres cUltivables et 2.j'ant satisfait aux
conditions d'exploitation en vigueur ne pourra en revendiquer
et en obtenir l'attribution d'un lot qUG lorsqu'un programmB
d'aménagement ruraJ., urbain et industriel est prévu dans le
sectcur. (2)
Ce s dispo sitions de l'ordonnance, outre qu'elles battent
en brèche le principe" du moindre effort" dont l"s "grands
propriétaires" ser;lblent partis;',ns, donne dans une le.rge mesure
satisfaction à ceux qui ont besoin de terres et qui veulent
faire preuve de dynamisno :Jivnnier, singUli~JréJment aux Kabyè,
et cela dans un cadre juridique qui rappelle certaines rssles
du Dr-oit Coutumier kabyè: on se souvient, en effGt, qU0 lé'. durée
de prescription pour le,] propriétaires des terres '!abandonnées"
--------------------------
(1).- Son usa~e, à l'excuple de la puissance mandataire
.
- signifierait une méconnaissanee du Droit foncier coutu-
mier
et fQI''1it croire à lillCl déJ.îOSSErlTsion- brutaJ.e des C0118C-
tivi tés tribales que l'Et'lt VClut justement associer étroi t0-
ment à l r ül)plication de futurs programmes dl aillénagement ruraux,
urbains ou industriels.
(2).- Le propriétaire est indemnisé si la terre qui se trouve
dans ce secteur est mise en valüur (art.9 et 12).

= 280 "
ou celles non cultivées en Pays kabyè est de six ans, et que
le principe de propriété privée individuelle est reconnu sous
condition d'une exploitation effective et rentable.
La Réforme agro-foncière constitue une solution aux ques-
tions foncières soulevées par les impératifs du développement
économique accéléré du Togo, par les migrations des Kabyè et
des Losso et par le nombre sans cesse croissant des paysa~s
au Sud-Togo, particulièrement en milieu ouatchi; mais son ap-
plication gagnerait à être respectueuse de l'esprit de justice
et d'équité ayant animé les auteurs, sinon les paysans pauvres
auxquels elle s'adresse essentiellement, risquent d'être mis
à l'écart ou utilisés comme de simples manoeuvres par los "nan_
tis" (y compris les riches propriétaires avisés et entrepre-
nants) qui auraient, tout compte fait, réussi avant llexpira-
tion du délai de prescription, à 3.ccaparer de grandes étendues
de tarres grâce aux stipulations suivantes de l'article 6 :
"l'extinction des droits fonciers coutwniers
n'est pas appli-
ble aux superficies non cultivaes et mises en réserves lors-
qu'elles sont égales aux superficies actuellement exploitées
et adjacentes à ces dernières et si l'étendue de la zone où
elles sont situées et les conditions qui y prévalent le permet-
tent." (1 )
A cet égard, à moins d'une vigilance et d'une aide maté-
rielle et technique suffisante à l'exploitation agro-foncière,
nous pourrions voir naître au TOGO le problème des latifundia
de l'Amérique du Sud. La situation pourrait ainsi en devenu
socialement explosive, en raison surtout de l'amenuiseillent
anormal du domaine foncier nation81 qui en résulterait.
(1).- Cet article fait une restriction à l'article J qui précise
que,au moment de la mise en application de la procédure d'inven-
taire des terres non mises en valeur, les terres qui n'auront
pas été cultivées depuis plus de 10 années consécutives seront
d'office incorporées au domaine foncier national.

= 281 =
11/- LE PROBLEME DU HEG10NALIS}Œ
A/- Définition et portée du régionalisme.
1).- Définition.
Le régionalisme est la doctrine qui favorise entre grou-
pements régionaux d'un même territoire des rivalités souvent
stériles; celles-ci engendrent une tendance à la domination
politique, culturelle et économique des uns jouiss::mt de pri-
vilèges divers, sur les autres.
Le régionalisme est aussi le résultat de l'application
de cette doctrine.
Au Togo, le problème du régionalisme doit être dissoci8
de celui du tribalisme que ne connaît guère le pays, et de
celui de l ' lIethnisme ll que les administrateurs français 2cvaient
évité d'entretenir en raison de la multiplicité des groupes
ethniques composill1t la population du territoire. C'est ainsi
que les rivalités séculaires qui habituellement opposent
les Ouatchi aux Minas et aux Guins ne seront pas de nos propos.
néanmoins, c'est la terminologie ethnologique qui a
servi à définir au Togo les cadres géngraphiques de de~~
en-
sembles de groupements humains régionaux et rivaux, puisque
les motsllEvhélletllKabyèllen sont venus à ne plus seulement dé-
signer pour le com"un ( et même d~ls
certains milieux na-
tionalistes de la période coloniale)deu;: groupes ethniques les
plus numériquement majoritaires du Togo, mais des ressorti~sants
de deux ensembles de régions, le IISud" et le IINord"; ces der-
niers sont en fait le résultat d'wle division historique quasi
d.ichotomique et arbitraire du Territoire. Ces ensembles ren-
ferment chacun un certain nombre de groupes ethniques hsté-
rogènes dont la cohésion apparente actuelle repose moins sur
des intérêts COlllll1unS et sur un solide lien historico-cul-curel
('ue sur un esprit de soliddI'it8 procédant (surtout T.10Ui.' le
IINord17 ) d'un sentinent de frustration suscit6 pC'J:' le jeu de
diverses 1isparités; celles-ci con,stituent le3:',581s fonde-
ments du phénomène.

1
'" 282 '"
1
Mais avant de les aborder, il importe d'évoquer rapide-
ment la portée socio-économique du régionalisme.
2) Portée socio-économique du régionalisme.
Ainsi défini, le régionalisme ne conduit p~s à un dôve-
loppement articulé du pays, mais au contraire à des "îlots"
de développement; les rivalités d'ordre économirlue, politi-
que et culturel qU'il privilègie sont dangereuses à triple
titre:
d'une part, elles constituent des obstacles sérieux
à l'éclosion d'un véritable sentiment national et à l'instau-
ration d'un climat de confiance et de paix durable, et cela
en raison des récriminations plus ou moins fondées, des 1'es-
sentil'lents et des déchirel:lEmts Ilu'il engendre inévitablement,
d e "
en raison des brimades etrl'insécurité dont sont victimes les
groupes dominés et exploités.
- d'autre part, elles font iGnorer ou sous-estimer le
caractère complémentaire et enrichiss~~t des pffi'ticularités
physiques (climat, végétation, relief, sol et sous-sol) et
humaines (peuplement, économie, structure politique ou admi-
nistrative, etc) de chacune des régions du territoire;
- enfin, il pOUSse à l'exploitation de ces particuléœités
au profit de la région ou des régions domin3Ilt es jC' est ainsi
qu'il favorise l'accaparesent des biens publics par une infime
minorité de nationaux, le népotisme et par conséquent le gas-
pillage. A cet égard, le régionalisme peut être considéré com-
me un "impérialisme régional".
L'application de cette doctrine aggrave ainsi le déséqui-
libre régional, donnée historico-géo"raphique ex is tant
dans tous
les pays du monde.
En définitive, à l'instar de llimpérialisr1e international,
le régionalisme est un fléau contre lequel il faut lutter , si
l'on veut promouvoir lli~ développement économique et social
véritable.

.. 283 '"
lV- Les foneJ,ements du régionalisme au 'fogo.
Ces fondements sont de natUJ;'e gé0i'Xaphique, deJEIO[lraphiqua,
cul turelle, historiCJo~éoonomique et politique.
1).- Les fondements géographiques
À vrai dire,
le "HardI! et le I!Sud" sont deux ensembLes
diffioiles à délimiter géographiquememt, en tunt qu'entités
adl1lini strative s. (
fig. 15 b)
1
En effet, durant la période coloniale, les administations
all~ande et française avaient chacune à sa manière, essayé
d,'en donner un contenu et des limites assez précis' pendant
110ccupation allemoncle, selon Cornevin, la limi te- sud du
"Nord-Togo" dont la superficie était supérieUt'e à celle du
2
BurUridi (27.834 km ), allait jusqu 1 au villa.ge aniagan d'Agba.ndi
(exclu); tmJ.dis que la limite-ouest séparait les pays Boue·,y.
et Bassar des pays Adjo et Nanoumla; il était composé de deux
grands Cercles : SDkodé..Bassari et Mango~Yendi dont l.\\!le partie
sa trouve inclue a,u Ghana. depuis le référendum annexionniste du
6 ~ai 19~6 (1), Durant la présence française, la limite-sud du
IINord-Togo" fUt ramenée ~l Blitta (8 0 4 lat. nord) puisque 1110rs
de la construction du chemin de fer Agbonou..Blitta, cette loca~
lité fut rattachee au Cercle d IAtakpamé'~
Le Yomaboua (la "rivière des esolaves"'), limite méridio~
nale du donaine kotocoli jOU;l pratiquement dès 1940 le rôle de
frontière plus naturolle entre le "Sud" et le "Nord" (2); dès
2
lors la superficie de la rozion (2)'.000 km ) devient légèrement
inférieure à la moitié de la superficie totale ..
SOllllil9' toute,dès 1929,le"~!ord~roro;orrdiJns sa li.;;li-te-sud était·
-------------------------~
(1).- Ce référendum dont les résultats sont contestés par le s
Evhé de la région de la Trans~Volta,rattache
11 ancien Togo
britannique à l'ancienne Gold-Coast.
(2).- Cette rivière "où autrefois, selon Lucien-Brun, on lavait
et rasait les captifs acheminés vers le Sud", représente' depuis
cette date Il une limite administrative d'abord entre Cercles,
puis entre Circonscriptions et même entre Régions. (Lucien-Drun,
thèse Citée, p. 27 et p.192).

= 284 ..
par la route inteI'Ill'.tionnle, à plus de 270 m de lu Gete alors que d = sa
lim:lta-nord, il en était à près de 690 mr c'est dire qu I en raison du c=~
tère Qllongé
du territoire et de par la posi tien géO'grophique de Loué, cette
portion du Togo était très distante de la Capitale.
Ajoutaient à cet éloignenont de la mer, le mauvais état notoiro de
la route internationale Loméo-Dullgadougou jusqu'en
196~ (1), et le fait que
jusqu'à la veille de la deuxièDe guerre mondiale le système de portage et des
"kék:é"était rare (2). On comprend donc que l'accès à la zone ctltière ayant
connu, g:rt.oe aUX cooptotrs commercillUX, plus de daax siècles de précolonisation
éco=ique et culturclle ( traite négrière, échnnges fréquents avec l'Elurope,
influence des idées occidentales, eto ••• ), fut difficile aux populations du
"lll'ord-Togo". Il vu sans dire que par rappo'rt aux populations du " Sud D, ces
dernièros vivaient dans un état d'isolement géographique. Cette situation fut
précédée et suivie de circonstances historico-économiques malencontreuses dont
le jeu fit nnitre un isoleuent éoonoLlique et culturel.
2)._ Les fondemonts historico-écononiques •

Avant l'arrivée des AllwllIlds ot des Français, 10 "no' men' s land"
situé entre Blitta et Tchalo et oolon:l.sé pendant la période colonialo par
lOG Knbyè et les Losso
avait joué le :role do seconde .. cloison étanohe ",
pour emprunter l'expression à J .-c. ~:roelioh,
après celle constituée par la
barrière mont~~euse de l'Atakora entre Sokodé et Enfilo; à oause des g1tes
à tsé-tsé et des Mtes féroces que oes ~!leS foresti~es renforoaient, l'aooès
du "Sud" d'alors aux habitants du "Nord" était périlleux.
J.-C. Froelich atteste qu'à cette époque
"les rapports entre le
Sud et le Nord avaient été très faibles, si l'on excepte los razzias des
trai tants d' esclaves qui parvenaient jusqu'à. Tcbolo". (3)
a).- Ln période q11emmlèo,
L'avènement
des Allemands,
loin
d'aider
les
deux
grandes
~ions à
progresser
et
à
s'enrichir
de
ces
rapporta,
oontri -
(t) •• Pour gngner lomé à partir d' AtnkplZlé, il fallait par oallion plus do
5 heures de tra~et loraquo les ponts étaient en bon état.
(2).- Corœvin ~R.) Histoire du. Togo, op. oit. Lesllkék:é"sont des sortes de
charrettes à bros tirés par desooureurs relevés tous les 10 ou 20 kn.
(3).- J.-e. Froelich, Caoeroun - TOgo, p. 174.

., 285 =
bua au contraire à les bloquer. Sans aUClID doute, en Afrique
occidentale, ainsi que le constate justement J. Lombard, 1l1a
partie septentrionale de bon nombre d'Etats côtiers actuels
n'a, dès le début, ressenti que l'élément politique de la co-
lonisation, les éléments économic]ues et culturels intervenarL
après. Par suite de cette dissociation, les changements n'en
ont été que lents ll (1). Hais le Nord-Togo se trouva très tôt
dans une situation particulière: le blocage des rapports entre
les deux régions fut en effet consécutif à la "fermeture" des
Cercles de Sokodé - Bassari et de Mango - Yendi (2) par une
ordonnance du 5 Octobre 1907; cette Ilfermeture" qui fut main-
tenue jusqu'en Juin 1912 frappait essentiellement les commer-
çants et les missionnaires étrangers; la pénétration de tout
individu dans la partie septentrionale du Togo était soumise
à une autorisation du Gouverneur. Cette fermeture venait ren-
forcer une situation peu édifiante: l'administration de cette
portion du territoixe était confiée aux chefs musull:1â.ns des
royaumes de Tchaoudjo (Kotocoli) et de Mango (Tyokossi).
Cette forme d'administration rappelle quelque peu le sys-
tème de "l'indirect rule" anglais ou des protectorats intérieurs
français avec la différence que les contrées paiennes(Pays kabyè,
losso et konkomba) s'administraient moins directement que les
royaumes musulmans puisque elles étaient dépendantes de ces der-
niers.
Les raisons présidant à l'institution d'un tel système
semi-colonial sont les suivantes:
- l'empirisme souple et le libéralisme des anglo-saxons
répugnant aux solutions dl ensemble pour ne pas perdre de vue
les cas particuliers;
--------------------------
(1).- J. Lombard. Le problème des migrations locales. Leur rôle
dans le changement d'une société en transition (Dahomey)
(2).- Les 2 localités Bassari et Mango,portent aujourd'hui res-
pectivement les noms de Bassar et de N'Zara.

= 286 =
- le refus catégoric]ue de l'autorité du Blanc par les po-
pulations paiennes, particulièrement les Kabyè et les Konkomba,
dont la résistance
à la pénétration allemande fUt longue et
acharnée (1).
- l'existence de royaumes musulmans mieux organisés, hié-
rarchisés et disciplinés que furent ceux de Tchaoudjo et de
N 'Zara ;
-la volonté des conquérants et administrateurs allemands
d'exploiter pour leurs besoins administratifs la dignité et
l'autorité que l'Islam confère aux chefs musulmans (2);
- le caractère commode de cette forme d'administration:
premiers groupes à cesser au Nord-Togo la résistance à la péné-
tration allemande, les d eux royaumes musulmans ne tardèrent pas
à faire alliance avec eux; leur confier l'administration du
"li or d-Togo Il était pour les colonisateur s allemands simplifier et
donc accélérer "la pacificationll des population paiennes qui
leur donnaient du fil à retordre; par ailleurs, ces royaumes
étaient présumés avoir une meilleure connaissance des popula-
tions "réfractaires" sur lesquelles par le passé ils n 1 avaient
guère réussi à asseoir une domination politique, économiQue et
cultur elle.
- le caractère économique de cette forme d'administration:
elle aboutit à la réduction considérable du personnel adndnis-
tratif allemand et autochtone que les autorités coloniales de-
vraient prendre directement en charge.
(1).- Dur:mt la conquête du Togo par les Alleixmds, les Kabyè
furent après les Konkomba, les derniers groupements togolais à
être soumis (1898), et cela après d'âpres et meurtriers combats.
La longue résistance des Kabye résulte de leur courage et de
leur intépidité. du caractère anarchique de leur organisation so-
ciale etde l'existence de solides retranchements naturels.
(2).- En effet, comme le souligne si bien H. Deschamps,"le bou-.
bou du musulman, son chapelet, son écriture mystérieuse, sa gra-
vité, ses prières lui confèrent une importance et une valeur ma-
gique très séduisante. Cependant, on sait depuis les études
ethnologiques réalisées par Delafosse et Griaule que les adrllinis-
trateurs pouv8.ient également utiliser les chefs païcmsll(H.
Deschamps. Les religions' de l'Afrique Noire,Pr.Univ. Fr., Que
sais-je ?,1970, p.8).

t
1
= 2frl =
!i
Quant à la "fermeturell du Nord-Togo qui suivit après, elle
1
!
répondit aux préoccupations suivantes:
- le désir de faciliter la tâche administrative confiée
aux chefs musulmans en évitant à leurs populations le contact avec
deo européens ~mmerçants'
et missionnaires qui n'auraient pas le
même idéal de service que l'Administration allemande;
- les CollUllandants de Cercle, vivant en parfaite intelli-
gence
avec les musulmans, ne désiraient nullement la présence
des missionnaires qui bloqueraient par leur prosélytisme reli-
gieux l'expansion de l'Islam au Nord où les populations pQ!enn~s
paraissaient trop lIturbulentes";
- à n'en pas douter, la volonté de retarder quelque peu
l'émancipation de ces populations résistantes dont l'amour de
l'indépendance et de la liberté, et les facultés intellectuel-
les leur étaient de mieux en mieux connus.
Quelles que fussent les raisons ayant motivé toutes ces
mesures administratives, leur impact socio-économique positif
fut négligeable pour la région; elles provoquèrent au contraire
un décalage
économique et social certain entre le "Nord" et le
"Sud".
En effet, l'action des missionnaires, particulièrement
dans le domaine de l'adoucissement des moeurs, de l'éducation
culturelle et professionnelle, n'avait jusqu'en 1912 bénéficié
qu'aux populations du Sud; les travaux publics modernes, hormis
la construction de quelques pistes, y étaient rarement entrepri,s
du fait surtout de la forme d'administration adoptée, alors que
dans la partie méridionale, des cultures de grand
rapport
(cacaoyer, caféier, pallnier à huile, cotormier ,etc), des route$ ;
et voies ferrées D1dispensables à l'évacuation des produits
et
au désenclavement des localités intérieures,faisaient plUS net- .
tement leur apparition. Hême le coton dont la culture n'épargna'l''
pas le Nord-Togo et auquel les Allemands s'intéressaient tant,
récèle sur le plan régional un déséquilibre incontestable (
,
,
tableau n°-l1 ) quant à son importance relative aux tonnages ré1.;"c;
coltés. L'industrie, quoique faiblement développée et de type
.
. . !
colonial classique, ne s'installait qu'au
Sud-Togo. Môme sur,.,;,-
~.~.
,
. ;
j l j . , .
..

Tableau IJ,0 37 :- Production de coton par Cercle.
~
- ··'''·''·1
Année coto=ière
1er janvier au 30
1904-=1905
1905-1906
1906-1907
1
décembre
1
/1
i
1
l
,
Lome ••••••••• '1
1.584
3.457
1
6.222
Suer; Anécho. ,. .....• :
8.910
4.103
5.311
1
Mi s sahohe ••••• 1
790315
98.486
118.286
ogo Atak
'
paIlle ••••••
31.034
77 771
137.134
\\
Kété-Kratchi ••
1.410
2.957
2.160
1
or~Sokodé""""
6.750
26.706
31 .416
ogo Mango-Yendi •••
794
8.549
431
__
.-._----~-------_.
._---- .__..._---_..•
TOTAL. • • • • •• i 129.797
1
214.329
: 301.1 83
.. 1907-1908
~ 908-19~ 19;9~1~1
1
O! 191 0-1·~~1.1
l
'
Lomé ••••••••
19.985 1
12.750 1
Anécho . . . . . . i
7.004
17.876
16.817
25.000 1
Sud- Missa.hohe"' j 139.286
182.765
133.906 1 133.139
Togo
Atakpamé •••• i 232.562
335.038
237.801
334.622
Kété-Kratchi i
1 .620
3.188
1.723
494
i
i
1
INord-)SOkodé . . . . . . 1
41.450
430374
28.490 1
23.135 1
Togo ~Hango-Yendi. 1
807
"1.8901
1 .274 i
1.623
I i i
TOTAL .....•...•• :·--42-2-.7-2-9-1-5-8-4.--1-31-''-1-4-5-9-.9~6-r;;~;~3·1.
l'
===='=.======
_ ~__
_,_._. " __ ~
Source:- d'après R. Cornevin, Histoire du Togo ,;). 187.

= 289 =
le plan sanitaire, des disparités apparurent, ainsi qUel le
souligne à juste raison Robert Cornevin:" L'Administration
allemande met en place à Anécho,Kpalimé, Atakpamé et LomG un
équipement ho spi talier; cet effort accompli dans le "Sud"
correspond dans le "Nord" à des tournées de vaccination". (1 )
Ainsi, à la veille de la première guerre mondiale, cc fut
à juste titre que les économistes allemands, soucieux de souli-
gner le déséquilibre régional d'alors, en étaient arrivés à
diviser dans leurs investigations le Togo en deux parties aUX
contrastes frappants: le Togo "utile" correspondéU1t au "Sud"
et le Togo "inutile" correspondant au "Nord". Le qualificatif
de "Colonie modèle" attribué par les Allemands au Togo ne se
rapportait en réalité qu'au "Sud". Les effets de cette ~­
colonisation aggravée par l'isolement socio-économique furent
catastrophiques et durables puisqu'elle priva longtemps le
Nord-Togo d'infrastructures économiques et culturelles indis-
pensables à tout d~veloppement (2).
b).- La période francaise.
!
Cette inégalité dans le développement régional ne s'atté-
1
nua guère durant la période de l'Administration française.
En effet, le "Sud" fut de nouveau avantagé, témoin, dans
la Région des Plateaux, l'extraordinaire extension du cacaoyer
accompagnée de celle du caféier qui venait alors d'être introduit;
f
,-,
,
(1).- R. Cornevin, Le Togo, P.U.F., Que sais-je, nO 1272, p.62.
(2).- C'est une fois de plus la preuve que les résultats d'une
1
1
"hypocolonisation", pour emprunter l'expression à Sun Yat-Sen,

sont pires que ceux d'une colonisation véritablG.
1
( cité
dans la "Géographie de l'Action" )
P. aeor;e et al. GéograPhie active/Pro Univ. Fr., Paris) 1964, pp, 133 et 134,
\\

cette extension qui se fit d' ail1eur s au détriment des cultures
vivrières, ne Se produisit pas à l'insu des responsables poli-
tiques français dès lors qu'ils faisaient distribuer mê''1e dans
la zone côtière, des plants de caféier aux paysm1s. Ccrtes,les
conditions écologiques favorisaient une telle entreprise écono-
mique, mais
aU Nord-Togo pendant ce temps, à part l'~'achide
dont l'introduction dès 1936 dans les Cercles du Nord se solda
par un demi-échec (1), d'autres cultures commerciales adaptées
aU climat du milieu ne virent pas le jour; la culture du l{apo~
kier - un héritage de la période allemande - dans le "Nord"
fut timidement encouragée et exploitée; une usine de traite-
ment de noix de karité qui d'ailleurs n1avait ~amais pu ionc-
tionner (2) fut installée d'abord à Cinkause,puis transférée
à Korbougou. Le principal effort agricole de l'Administration
française au Nord-Togo porta essentiellement sur les cultures
nourricières (manguiers, bananiers, agrumes, ignames •.• ) •
Or, le tracé colonial des voies de communication ainsi
que les frontières artificielles imposées contraignaient à
toutes les époques de l'occupation européenne les populations
du Nord à évacuer leurs produits vivriers vers la côte, no
pouvant plus comnercer librement avec les populations voisi-
nes du Dahomey (Benin), de la Haute Vol ta, du Togo Britannique
et de la Gold Coast; le coüt élevé du transport de ces produits
vers le Sud':'Togo amenai t
les acheteurs à les payer
à bas
prix, même lorsque certains parmi eux se refusaient à exploi-
ter l'ignorance relative des paysans de la région; ces produits
étaient reçus d'autant moins chers que la traite s'en désinté-
ressait.
De cette situation économique résultèrent desressentimcnts
-------------------------
(1).- La culture de l'arachide fut introduite dans le Nord à
cette date sur instruction du Gouverneur Léon Geismar lui-même;
son intensification entre 1940 et 1954-, fut le fait de la
S .1.P. ( Société Indigène de PrévoJ'ancG). Le semi-échec 2'éDul tat
GU partiG' do l'attaque lies varlétée hwtement productive s par un vi-
rus, la maladie de la rosette.
(2).- La raison en était l'effondrement des cours inondialDc des
produits tropicalDC de la période 1952-1960.

= 291 =
divers chez les populations du !lNord!l à l'égard de la partie
méridionale du Togo dont les ressortissants leur apparais-
saient corume les seuls bénéficiaires du fruit des efforts collec-
tifs pour le développement national.
3°).- Fondements culturels.
-1
Une autre situation d'inégalité ayant fait naître des ré-
1
actions régionalistes est le déséquilibre relatif à l'alphabé-
tisation,lequel déséquilibre fut très sensible dans le Nord,
1
particulièrement dans les secteurs islamisés.
!
Les mesures d'isolement a&ninistratif, économique et cul-
1
turel provoquèrent un retard culturel du Nord; certes, llaction
1
!
culturelle 1~ançaise au'Nor~rfut hautement louable; mais ello
ne réussit pas à réduire le déséquilibre qui date de la poriode
1

allemande comme l'indiquent les pourcentages de la pénétration
scolaire par Cercle en 1950.
Tableau nO
38- Pourcentage de la pénétration scolClire
par Cercle en 1950.
-- - --1
'1
REG~OUPEMENTS
CERCLES
%
! - - - - - - - - - - - - - 1 --------------- - - - - - - - - - - - 1
1
Cercles
Lomé
50
du
Anécho
20
Sud
Palimé
85 (1)
Atakpamé
33
Cercles
Sokodé
18
du
Lama-Kara
8
Nord
Mango
9
SOUrce: DI après R. Cornevin, "Caméroun-Togo", Encyclopédie,
carte, p. 464-.
(1).- Le pourcentage élevé du Cercle de Palimé (Kpalimé) vient
du fait que l'action éducative allemande y avait été plus im-
portante qu'ailleursiles missions allemandes qui devaient sub-
venir elles-mêmes aux besoins des paroisses choisirent de s'y
établir en raison de ses bonnes terres et de ses cultures
payantes.

En moyenne, 47 % de la population du "Sud" citait alors al-
phabétisée contre 12 %pour le "Nord". C'est encore la preu-ve
eue le Togo allemand avait été un TOGO Il sudiste".
Cette disparité culturelle ne Gevait se modifier 0ue légè-
rement jusqu'ii l'accession du pays à l'indépendance polit~(lUe
i
ainsi qu'il en ressort des taux régionaux de scolarisation en 1961~
Tableau nO 39 :- Ta.ux rér;ion,lUx de scolarisation en 1961.
c=.,,=----=.-=--==--=-= = = = = = r = = = = = = - . - = - - - - , '
Régions
Tù.ux région2.ux
%
i - - - - - -
-- -_.--------_.__..,
lt4
1
Région na.ritime
1
Région des Plateaux
,
41
Région Centrale
28
lL Région_ des Savanes (1_)___
15'
C8 déséquilibre culturel r6gional né en p::c"tic de l,:. politi-
que coloniale d'éccuciltion v8nait s"èjouter aux rlispc2:'itc8 cultu-
relles portant sur IGS tYPGS de civilis"tion.
En effet, les groupements du I!Nord",à l'exce"tion d8s TYo-
kossi (2), appartierment b la civilisatio:, soudano-sahélienne
ouest-africaine alors que les popul:).tions du "Sud", ab,straction
faite des souches métissées, apPiU'tierment à l'air8 culturelle
du Bénin ( ou éburno-daboméenne), elle':'même faisant piU'tie de
la grande famille
forestièere oucst-e,fricaine. L'iso13"J(;nt g6o-
graphique et ad'Llinistratif , et
"l'existence d'un substratum'
vivace...
hériticr de civilisations plus ancimmes"(3) ont per-
mis
à
la
première
dl être
moins
altérée
que
la
seconde
par
les
apports
de
la
civili,sation
occidentale.
Cette
résistance
opiniâtre
à
la
d é c u l
t
u r a t i
0 r. VclUt à
(1).':' La Région 8ccnomique de la K2ra faisait partie de cette
Région.
(2).- Apparentés auX Baoulé
et p= conséquent aux Ashanti,
les. Tyokossi cor:lptent pCU'mi 1",s membres de la grande L.lJ>lille
forestière ouest-africaine.
(3).- R. NoL:;rd cité par J.-C~ FroeliCc'1 dans les "HontagnJ.rds
paléonieritiques", Paris, 1966, Derger-. Levrault, p.11.

= 293 '"
certains peuple s du Nord-Togo, notamment au peuple lcabyè, le
qualificatif de "paléonigritique ll •
Cette distinction dichotomique des types de civilisationS
du Togo avait été à tort exploitée par bien des d,~tract(oU:~s
victimes de préjugés régionalistes en vue d'opposer les popula-
tion du "Nord" à celles du IISu d li présumées peer eux appartcnir
à une civilisation"supé:;.'ieure': Pnrce que croyances ou opinions
que l'on s'est faites sans examen, les préjUgés am'airmt pu
être très tilt battus en brêche, particUlièrement dims les mi-
lieux intellectuels du "SudIl où la pénétration scola.ire est
plus forte et ancienne. Hais la politique scolaire colonicüe,
fondée sur la "nécessité de trouver des agents ilUxiliaires
pour l'entretien et le développement de l ' enselübl\\J du sys';ème
colonial" (1) n 1 en était pas favorable ainsi que l'atteste ce
passage de l'énoncé des principes régissant les prograr,rrnes
d'enseignement à cette époque: "le contenu de no s pI'ogr aliL;!e s
(d 1enseignement)11'<lst ?c.c une :Jidplo d:inire
p(~dagogiclue. L'élève
est un moyen de la pol::.tique indigène. Au point de VUe politi-
que, il s' agit de faire connaître aux indigènes nos efforts
et nos intentions de les rattacher il leur place, à la vie fran-
çaise. Au point de vue économique enfin, il s'agit de préparer
les producteurs et les consommateurs de demain".
(2)
On voit bien a,ue l'Ecole coloniale dans sa nature et sa
finalité, :p:J.rce qu' "elle tourne le dos à nos val'2urs cultu-
relles, philosophiques, artistiques et technolo:;iques" (3) et
enseigne la "supôriorité "de la civilisation occidentale ne peut
pas permettre "aux citoyens déracinés et aliGnés" "u' elle forme
d'apprécier à l AU:>.' plus juste mesure les civili:3a.tions soudanien-
nes aUXquelles aupartieDl1ent la plupart des grouperwr.ts ethniques
de la partie septentrionale du Togo.
Si
les
programmes d' en-
seignement
avaient
permis
la
connaissance intésrale des
milieux nationaux et africains, les produits de llEcole coloniale
---------------------------
(1).- l3ulletin de l'Education en AOF,n o 83, Avril':'Juin 1933,
cité par Abdou Houmouni dans "l'Education en Afrique", p.54-.
(2).- Bulletin de l'Education en AOF,n o 74- E.3 cité par le même
auteur dans le rJêue ouvrage.
(3).- Jtlalou (Yaya) 1 La Reforme de l ' enseisneülent au Togo, T,o'Dé,
Togo Dialogue, nO b, 1973.

E
294 =
auraient pu s'aviser
que le caractère ingenleux du système
agro-pastoral des paysans kabyè doit porter à abandonner le
préjugé selon lequel le Kabyè est un "être sauvage" non civi-
lisé et arrièré. Si l'Ecole coloniale avait permis une OUver-
ture suffisante au monde extérieur, le ressortissant de la
partie méridionale du pays, quel que soit son niveau intellec-
tuel, aurait compris que les .cases ronlliL~ qu'il rencontre au
Nord-Togo ne sont PèJ.S une "marque de sauvagerie", mais celle de
l'influence du milieu physique sur les cré~tions humaines. Ce
qui l'amenerait finalement à savoir qu'elle n'est pas spécifi-
que des populations du ~ord-Togo, m~is de toutes les popula-
tions des régions des savanes et steppes
d'Afrique; il aurait
pu saisir que la rotondit<§ des IIlues et la conicité des toits
de ces habitations traditionnelles sont faites pour réduire
considérablement et efficacement la force dynamique de l'har-
mattan et de la mousson soufflant violemment dans ces milieux
dont les formations végétales offrent peu de résistance à
l'action destructrice des vents; il aurait pm' ailleurs, sans
doute, pu comprendre que l'existence quasi exclusive de cases
quadrangulaires au Sud-Togo avant les migrations kabyè et losso
et celle des Akébou (1) n'est pas signe d'une supériorité cul-
turelle quelconque, mais s' explique par le caractère très dense
et donc hautement attenuant de ses formations végétales.
La conjonction des disparités géographiqUes, économiques
et culturelles nées en grande partie des vicissitudes histori-
ques ainsi que leurs effets quelque peu humiliants, devaient dé-
:.;éné.rer
chez l'ensemble des populations du "Nord" en un ~­
liment de solidarité
que viendront renforcer après la deuxième
guerre mondiale les tentatives d'isolement politique.
(1 ).- Les Akébou "constituent
selon Cornevin, l'élément vol-
taïque le plus méridional tant sur le plan linguistique ••. que
sur le plan de s coutur,les et de l 'habitat. Il

= 295 '"
4).- Fondements politiques.
En effet, le partage du Togo allemand entre la France et
la Grande Bretagne aU lendemain de la première guerre mondiale
aboutit à la partition des pays konkomba, dagomba et é11hé. Jus-
qu'au début de la deuxième conflagration mondiale,en raison de
la facilité de la traversée des frontières artificielles, cette
p~'tition fut moins douloureuse.
Mais, consécutivement à la défaite française de 1940 et à
la scission des Français en Gaullistes et Vichystes, la ferme-
ture de la frontière entre le Togo (dont l'Administration demeu-
rait fidèle au Gouvernement de Vichy) et la Gold Coast (1) (dont
la Métropole soutenait la "France-libre'r;, ainsi que les fâcheu-
ses contraintes de l ' lIeffort de guerre" (2) finirent par exas-
pérer les Togolais, notamment les Evhé qui ne tardèrent pas à
manifester publiquement et officiellement leur
mécontentemcmt.
C'est ainsi que le .31 Janvier 1946,D.A. Chapman, peu avant la
création par lui en Juin 1946 à Accra du mouvement nation2~iste
"AlI Ewé
Conférence" 0), envoya un télégramme aux nations
Unies pour demander non la réunification des deux TORO, mais
l'unité administrative du pays avhê pour laquelle i l reclamait
également une tutelle britannique.
De toute évidence, i l s'agissait là d'un mouvement sectaire
et
sécessionniste dont les actions devraient seI'vir lL\\ pL'ti-
tion , entretenirl'opposition naissante entre le IINordll et le
"Sud" tout en mettant la France (puissance tutélaire) en mau-
vaise posture.
---------------------------
(1).- La Grande Bretagne rattacha administrativement peu après
le partage,le Togo placé sous son mandat à la Gold Coast.
1
(2).- Parce que les Alliés étaient coupés des plantations de
!
palmier s et
d 'hévéa de Malaisie et d'Indochine, l'Admi-
nistration française imposa aux populations rurales la cueil-
!
lette de caoutchouc et de palmistes qu'elle payait à vil prix,
,
dans les meilleurs cas, alors que l'opération se révélait sou-
vent périlleuse.
0).- La IIAll Ewe Conférencell rassemblait les nationalistes
évhé des deux Togo et de la Gold Coast.
1
r.
l-
I

Pour neutraliser l'action politique du mouvement evhé,
l'Administration française décida de jouer le "Nord" contre
le "Sud", habiles manoeuvres qui, lorsque le C.U.T. (Comité
d'Unité Togolaise (1) échappa à son contrôle, aboutirent à
la formation cm 1951 de l'U.C.P.N. (Union des Chefs et des
Populations du Nord), e:h.llression significative de la volonté des,
populations du Nord de sortir d'un isolement politique imposé.
1
Si la IIAll Ewé Conférence Il avait pu tôt dépasser son cadre
territorial étroit pour prendre la forme d'un mouvement national
1
incluant tous les autres groupes ethniques du Togo, elle aurait
pu tenir en échec ces manoeuvres et réussir son objectif ultime
i
identique d'ailleurs à celui du C.U.T. : l'unification des deux
r
Togo placés sous l'administration directe des Nations Unies
avec un Haut Commissaire durant une période de cinq ans précé-
\\
dant l'indépendance totale du Togo unifié ll (2).
[
Jusqu'à l'accession à l'indépendance du Togo, l'U.C.p.n.
!
fera oeuvre commune avec le Parti de Nicolas Grunistzky, le
1:
P.T.P. (Parti TogOlais du Progrès) - qui avait très peu d'au-
dience en milieu mina - contre le C.U.T. devenu parti évhê, et
la JUV3:NTO, mouvement de jeunes, aile mm' chande de Ce dernier.
Au total, les disparités politiques, en ajoutant au jeu
des déséquilibres économiques et culturelles venaient renforcer
l'esprit régionaliste. Mais, aussi réels que furent ces fonde-
ments du régionalisme au Togo, leur solidité actuelle n'en reste
pas moins apparente, surtout lorsqu 'on veut bien se situer dans
une perspective dynamique et progressiste.
C).- Portée actuelle du problème ot les perspective d'avenir.
1).- Degré de solidité des fondements.
Si sans conteste "1 'orr:bre du régionalisme pèse encore
sur l'action dans plusieurs milieux et dans plusieurs secteurs
de la vie du pays" (3), la solidité des fondemants l'Gels évoqué..§.
--------------------------
(1).- Le C.U.T. avait été suscité après la première guerre mon-
diale par le Gouverneur Montagné pour lutter contre les revendi-
cations coloniales du Reich Hitlérien.
(2).- R. Cornevin, Histoire du Togo, op. cit., p. 390.
f
(3).- E. Konou, la Population Togolaise, op. cit., p. 37.
1
,t
1

= 297 =
apParaît plus historique qulactueil~: les trois Plans quinquen-
naux de développement économique et social (1965~1980)t dans
leurs objectifs généraux, n'ont pas seulement mis l'accent sur
"la recherche de l'indépendance économique, le fonctionnement
rationnel des structures du développement, l'accroissement réel
de la production nationale"; ils ont également visé " la réduc";
tion des disparités régionales." Cet objectif se concrétise déjà
dans les faits, particulièrement dans les domaines des infrastruc-
tures administEatives et de communication, du développement rural,
de la ma1trise de l'eau, de la formation et de la santé.
En effet, depuis l'accession du pays à llindépendance,
l'amélioration de la praticabilité des routes secondaires dans la
partie septentrionale du Togo, la modernisation très avancée de
llaxe internationale Lomé~Dapaong et de certaines voies transver-
sales (notamment celle de Sokodé-Bassar (
fig. nO Je)
l'importance numérique grandissante du parc~automobile du Nord-Toge
et la création de structures administratives nouvelles (les cir-
conscriptions de Bassar, de Tchamba, de Niamtougou, de Kpagouda,
les centres de Poste ou subdivisions de Guérin";Kouka, de Korbongou) .
contribuent dans une large mesure à battre en brèche l'isolement
géographique et administratif de cette partie du Togo: les voies
et moyens de communication rapprochent non seulement les biens rnai::t
aussi les personnes et les idées; l'administré se sent plus proche
de l'administrant, représentant du Pouvoir central.
Sur le plan du développement économique régional, particuliè':'
rement dans le domaine agro':'pastoral, les interventions intensives
des sociétés nationales (SEMNORD, SORAn) (1) et internationales
(BDPA et FED) dans cette partie plus déhéritéedu Togo ont en partie
réussi
à atténuer le déséquilibre agricole entre le l'Nord" e;; le
"Sud": le bilan de l'action du BDPA a été po sitif, ainsi que le
révèlent les réalisation suivantes:
.:. un meilleur encadrement des paysans;
-----------------------------
(1).; SEMNORD, Secteur de modernisation du Nord':'Togo.
- BDPA: Bureau pour le Développement et la Production agricole.
SORAD: Société Régionale d'Aménagement et de Développement
rebaptisée depuis 1977 O.R.P.V. (Office Régional pour la
Production des Produits Vivriers).


= 298 =
- une amélioration de la productivité du paysan et des
façons culturales et d'aménagement (binage, épandage, engrais)
grâce h la pratique de la culture attelée au sein de groupe-
ments constitués et grâce à l'emploi de semis hâtifs de va-
riétés sélectionnées et d'engrais (création d'établ~ fumières)j
- l'extension des cultures de céréales et de riz ainsi
que celles des jardins maraichers, de cultures de rapport
(arachide, coton ••• ) propre
à l'augmentation du revenu moné-
taire; cette dernière est liée d'une part à l'installation
à Dapaong d'une rizière garantissant aux paysans la possibi-
lité d'écouler leur production de paddy, d'autre part à la
réalisation des travaux d'infrastructure (ouverture et entre~
tien de pistes, d'une demi-centaine de forage de puits, cons~
truction de magasins).
L'opération fut progressivement prise en charge p<Jr les
SORAD dès la 3è phase (1967-1970) sans que celles-ci supplan-
tent totalement le BDPA, et le FED.
Les actions de développement entreprises par le BDPA
aurent exclusivement pour cadre spatial la Région économi~ue
des Savanes; les organismes internationa.uxqui s'intéressent à
la Région économique do ln ICa'::. restont 10· FED et le PNUDj malgré
l'échec de la culture fruitière dans la vallée de la Kara,
l'effort conjugué de ces organes de financeoent venant en
aide ·à la SORAD de la Kara fut marqué p<Jr les réalisations
suivantes:
- l'extension des cultures (mil, riz, mais) et des plan-
tes oléagineuses (arachides) en partie gr~ce au dé~lacement
des colons Kabyè vers la vallée de la Kara;
- l'extension des cultures fruitières (manguiers, anacar-
dier sete ... );
- l'amélioration des rendements et de la productivité.
Les résultats louables de ces interventions en milieu
rural par ces organismes nationaux et internationaux trans-
paraissent à travers la construction à Lama-KaJ;'a, et cela
pour la première fois au Togo, de silos de céréales par Togo-
Grain (1) et par le stockage en son sein de 1.000 tonnes de
(1).- Togo-Grain l organimne d'intervention et de cOliffilerciali-
sation des prodults vivriers comme le mais
le sorgho, le
t
haricot, le riz, etc ••• a ouvert dès le 4 Juin 1975 des maga-
sins de vente dans toutes les circonscrintions administratives
de la région de la Kara.
.

r=
299 r=
sorgho en Juin 1975; cette conservation de céréales (gor~hOI
mil, mais, riz) aura pour avantage d'améliorer le revenu du
paysan de la Kara puisque elle lui offre la possibilité d'é-
couler ses produits vivriers à des prix rémunérateurs; cette
action aura également pour avantage de lui permettre de mieux
traverser la période de "soudure" (Juin-Septembre) en raison
du gaspillage qu'elle lui évite désormais.
Les efforts du GOU\\Ternement en vue de doter les milieux
ruraux non seulement d'eau pour les cultures (barrages) mais
aussi d'eau potable afin d'améliorer l'hygiène et de libérer
au profit de l'agricUlture des énergies habituelleil1ent affec-
tées aux corvées d'eau, n'épargnent aucune région démunie.
A la lumière de ces transforma tions relativement ir'lpor-
tantes, il apparaît que le critère historico-économique n'a
plus sa consistance tl'antan; aujourd'hui, il est indéniable
que la "pauvreté" n'est plus l'apanage du "Nord": il existe
des secteurs riches dans le "Nord" cormne on en rencontre de
,
misérable s dans le "Sud".
Autant que les fondements géographircues et économiques,
les bases démographiques et ethno-culturelles du régionalis-
me sont ébranlées.
Aujourd 'hui, i l apparaîtrait curieux de parler de cli-
vage entre le "Kord" et le "Sud" cOmpte tenu des seUls cri.....
tèr es démographiques et ethno-cultureJs , et cela pour deux
raisons essentielles:
- d'une p::œt, du fait de la Diaspora des Kabyè et des
Losso, on aboutit à une nette mutation de l'ancienne réparti-
tion géographiClue cles groupes ethniques au Togo: le peuple-
ment kabyè et lasso s'étend à titre permanent amplement jus-
qu'à la latitude de Ouat chin , du point de vue rural; insigni-
fiant jusqu'à la veille de l'accession du Togo à llindépen~
dance, ce peuplement se révèle aujourd 'hui numériquement
important dans la zone urbaine de Lomé. Cette situation
confère au "régionalisme" un caractère désormais plus arti-
ficiel que naturel; c'est si vrai que cela donne libre cours
aux "délimitations" régionalistes biZflXl"MI pour certains, la

.. 300 c
limite-sud du Nord, c'est Wahala (Chra); pour d'autres, le
pays mina représente le "Sud", sans doute parce que le rap-
port nruTIérique des ressortissants du Nord à la population ru-
rale totale y est de l'ordre du millième de l'unité;
- d'autre part, on assiste de plus en plus à un
brassage
ethnique et culturel prédisposant à un changement en profon-
deur de la mentalité, des moeurs, du genre de vie des uns et
des autres.
Dans le cas échéent, en considérant objectivement la
nouvelle répartition ethnique de la population, cela tendrait
à soutenir l'inexact, à savoir que la limite-sud du Nord se
situe le long de la parallèle de Ouatchin, localité se trou-
vant par la route internationale à 100 km de la côte et à
590 km environ de la limite-nord du Togo. Cette mutation est
d'autant plus propre à contribuer à l'effondrement <les bar-
rières régionalistes qu'elle fait naître en milieu d'accueil,
une solidarité économique remarquable en raison d'une part
de la participation directe des inuaigrés kabyè et losso à la
mise en valeur des terres des paysans autochtones, et d'autre
part de l'approvisionnement de ces derniers en produits vi-
vriers.
L'évolution des taux de scolarisation par Région du Togo
de 1970 à 1976 (
tableau nO 40 ) témoignent de la rupture
progressive du déséquilibre culturel entre le "Nord" et le
"Sud" •
A n'en pas douter, le fait de confier sans discontinuer
depuis l'accession du Togo à l'indépendance le porte-feuille
du Ministère de l'Education Nationale à des ressortissants de
la partie septentrionale du pays est lUle des preuves convain-
cantes de la volonté inavouée des dirigeants politiques de
combler rapidement le fossé qui séparait dans le domaine sco-
laire le "Nord" du "Sud".
Dans le domaine de la santé, lUl effort important a été
entrepris pour équiper tous les centres ailiainistratifs qui
ne
possédaient pas avant 1965 d'infrastructures sanitaires
pour la médecine curative (h8pitaux ou centres de santé). La

plupart
des
gros
villages
se sont vu également
dotés
Qe dispensaires.
Du point de vue politique, les barrières régionalistes
s'effondrent également depuis l'avènement du régime actuel.
Depuis 1972 un seUl et unique mouvement politique, le R.P.T.,
(Rassemblement du Peuple Togolais) remplace sur toute l'éten-
dUe du pays les anciennes formations partisanes antagonistcs
reposant sur des bases régionalistes (U.C.P.N., C.U.T., P.T.P.)(1)
Dans la mesure d'une structlœation souple et démocratique, ce
mouvement est à notre avis mieux capable de mettre fin à l'é-
panouissewent des contradictions et des haines inter-réciol1ales
et inter-ethniques, et cela en vue de l'accélération du pro-
cessus devant conduire à la naissclllce d'une Nation libre forte
et prospè1'e. Il peut ainsi préparer la voie à la création plus
tard de
partis politiques
qui puissent reposer sur des bases
nationales et démocratiques.
,
2).- Perspectives d'avenir.
Pour une heureuse perspective de paix véritable et dl~able,
de prospérité économique et de progrès social, et dans le cadre
d'une politique destinée à supprimer les séquelles du problème
du régionalisme aux fins d'une équilibre régional et d'un unité
nationale, i l nous parait indispensable ce qui suit:
- La reconversion de la mentalité: elle doit viser à subs-
tituer la tolérance à la rancoeur, l'amour à la haine, la jus-
tice
aU népotisme, la compréhension mutuelle aux préjugés,
et cela afin de démystifier et de dépassionner le problème ot
-------------------------
(1).- Conçu comme "mouvement populaire où la liberté d'opinion
et d'expression est sauvegardée", le R.P.T. est "un mouV8nell.t
non partiSan puisqu'il est ouvert à tous les Togolais sans
exception", et cela par ce que "la misSion de l'Armée (dont le
Chef est le fondateur du Mouvement) est de servir tout le Peu-
ple et non de cautionner un parti contre un autre" (D'après
le Discours du Président de la République, le Président -Fon-
dateur du R.P.T., le Général d'Armée Gnassingbé EYADEMA, à
Bénin-City, discours reproduit par TOGO-PRESSE du 26 Novembre
1974) •

Tableau nO 40 : - Evolution des taux de scolarisation par région de 1966 à 1976.
r-- . - -. --
-
-
.
-
.
.
-
-
..
~.-
T A U
X
A
N
11
U
E
L
S
REG Ion S
1972...1973
197)'-1976
1966-1967
1967-1968
1968-1969
1969-1970
1971-1972
- - - _ . - .-..
-. - - - _.•-
--
. >--
SUD- ~ HAJ.iITIHE
)'4-
)'2
)'3
)'6
67,9
6)',8
73,8
TOGO
DES PLATEAUX
46
46
-
4-7
51,8
62,9
.~--
MOy:aJNF8
)'0
4-9
-
)'1, )'
)'9,3
64-,3
68,8
-
Il
CEtJTRALE
33
34-
-
38
)'3
4-7,4
)'3,4
C\\I
~
NORD- DE LA KA..'lA
37
38
39
39
40,2
50,5
)'3,)'
Il
.
TOGO
DES SAVANE'3
16
17
17
18
20,5
2)'
24-,7
-
MOYENNES
28,6
29,3
-
31 ,6
37,9
40 0
,-'
4-3,8
MOYENNES
41
4-2
4-3
44
52,0
""
:0, 8
59,9
lJATIONALES
i
1
1
,
Source:- D'après Annuaire statistiQue du Togo 1970 et StatistiQues scolaires, ~~ection de la Plani-
fication scolaire, des statisti~u2s et de la conjoncture à Lomé.

~ 303 ~
d'ouvrir grandement la voie au développemémt de la conscience
nationale.
- La nécessité d 'cmcourager le brassage etlmo-cultul:'el
en cours.
- La poursuite de la Réforme administrative générale,
celle-là qUi fait passer de l'administration des "affaires
coura....1tes" à "une véritablo administration du développernent J'(1).
c'est par exemple, celle qui dans 10 domaine des programmes
1
d'aménagement rural crée des structures de coordination des
différents organismes d'intervention existants ( SORAD- ,
SO.TO.CO., O.P.A.T., TOGO-GRAIN, TOGO-FRUIT etc ••• ) (2). C'est
également celle qui permet de "mieux définir les rôles f I e s
places et les rapports des différents services à l'intérieur
du même département"
• A cet égard,llinstitution au niveau
de chaque département d'un "bureau de développement "s' avèro
indispensable et urgente.
- L'élaboration et l'application d'une Réforme r6gion~le
d'ensemble; elle permettrait aux régions économiques actuelle3
de disposer d'une large autonomie de décision et d'exécution.
- Comme le pr6conisent les auteurs du IIIè Plan quinC]uen-
nal, l'établissement d'une li3te des priorités régionales selon
des critères ob'; ectifs
définis préalablement ainsi que la
programmation du choix des a.ctions à mener année par année
" en fixant des coefficients d'accélération en faveur de telle
ou telle régionll , en évitant de créer des situations de concur-
rence pour utiliser des situations de conplémentarité.
- L'organisation et la promotion des échanges con~erciaux
avec les Etats limitrophes dans le cadre de la CED~0(3).
- L'amélioration des voias et moyens de communication et
-------------------------
(1).- Ministère du Plan, du Développement et de la Réforma
administrative
le IIIè Plan quinquennal 1975-1980.
(2).- SOTOCO: Société Togolaise pour le Développement du Coton.
- OPAT: Office des Produits Agricoles du Togo( Il s'agit
des produits d'exportation).
(3).- CED3AO: Comnunauté économique et douanière des Etats de
l'Afrique Occidantale.

= .304 =
le prolongement du chemin de fer Lomé-Blitta pov.:>:' faciliter
l'exploitation au Nord':'Togo d'importants gisements miniClrs
existants.
- La mise sur pied et lAllratique d'un politi'lue adégua te
d'urbanisation fonetionr.elle, celle':'là qui viserait d'une p~Tt
à remédier au déséquilibre actuel existant entre la capitale
et les autres villes du pays, d'autre part, à faire de la vilh:
un centre doté d'une autonomie autour duquel doit s'organiser
la rcigion à développer, mieux un "pl)le" régional
dont la mis-
sion ne peut être facilernent remplie ~ue par le caractère fonc-
tionnel de l'infrastructure de circulation.
En effet, parce que les régions économi~ues actuelles du
Togo ne peuvent progresser efficacement que dans l'interdépcn-
dance, l'infrastructure circulatoire régionale et nationale,
représente un puissant facteur de liaison, d'échanges et de
brassage, et par conséquent un facteur capable de créer des
solidarités inter':'régionales. Ce ri)le ne pourra Rtre efficace-
ment aSSUmé
que si les planificateurs togolais accordent 2UX
villes et aux voies et moyens de transport une priorité dans
llaménagei'1ent régional. L'une des mesures politiclu8S audacieuses
propres à coordonner utilement les efforts régionaux de dév(O)1Op-
pement d'une part, à cimenter l'unité et la paix nationale'
d'autre part, serait, à notre avis, le déplacement de la ca.ni-
t§le politique actuelle vers llintérieur, plus précisément à
la localité qui jadis marC',uait administrativement la limite
sud du "Nord": Blitta, "creuset" de groupes ethniques, de cul-
tures
et de civilisations , carrefour de diverses voies de
com~unication (fleuve, rail et routes).

= 305 =
CONCLUSION
Il ressort de notre approche géographique faite de la Diaspo;
ra des Kabyè du Norci-Togo, les conclusions ci:"après:
Le Pays kabyè constitue un domaine ethno:"géographiQue parti'::
culièrement remarquable non seulement par le caractère
hostile de
son milieu physique, par la force et la vitablité de ses habitants,
mais aussi par le caractère mtensif et très ancien de ses techni-
'ques agraires. Déjà au début de la période mandataire, à la veille
du déclenchement des migrations administratives, on pouvait dire
que les Kabyè ont réussi à passer du climax naturel à de vrais
climax de domestication. La raison en est que les obstacles physi'::
ques du m:Uieu, le oaractère jeune et dynamique de la population
l
1
ont favorisé d'un part l'apparition quasi spontanée de formes de
\\,,
solidarité,d'entr'aide et de travail communautaire, d'autre part
~
la volonté de dominer la nature par l'endurance, l'ardeur au tra=
vaïl, la r~istance physique et l'innovation technique.
Mais aujourd'hui la volant~ de maltrise de l'espace - fonde=
ment réel du caractère "savant" de l'agriculture traditionnelle
kabyè ;,. faiblit en partie en raison du vieillement de la popula'::
tion, et cède le pas à l'esprit d'adaptation: face à l'appauvris;"
semment excessif des terres du
Pays
an~stral et à la tendan'::
ce à une désorganisation du système agraire, le paysan déploie peu
d'efforts d'innovation, de mise au point de nouveaux modes d'ex'::
ploitation de finage cultural, comme ce fut le cas par le passé
lorsqu'il fallait affronter sans discontinuer le défi de la nature.
Dans les régions d'accueil, particulièrement en milieu rural,
l'action des immigrés kabyè et losso est également louable. En
effet, en mettant en valeur les terres inoccupées du Centre::Togo,
les Kabyè et leurs voisms, les Losso,se sont comportés en pionniers
et en colons. Leur action dans les régions d'immigration structu;:'
rcmtë
et dans les régions d'immigration conjoncturelle contribuent
à l'augmentation de la production nationale
des produits vivriers
(mil, igname, etc) et de spéculation (Café, cacao,coton).
Par ailleur s, avant l'accession du Togo à la souveraineté iD-

= 306 =
" ,.
ternationale, nous pouvons dire que les régions d'accueil ont re-
pondu au triple préoccupation des Kabyè: les régions d'immigra-
tion
structurônfe, c' est~à":dire la zone d'expansion et la Grande
Plaine du Mono, ont pu résoudre le problème de la pénurie de terres
et de vivres, les régions de migration conjoncturelle, c'est-à-dire
les terres du Ghana oriental et central, celles des PlateauX du
Centre-O~est Togolais sont des sources de gains monétaires
facilitant
le paiement d'impôts en numénaire et leur intégration au circuit
commercial moderne, tandis que Lomé et les autres centres urbains
du Togo méridonal favorisent entre autres, .leur accès
aux avantC:'.gGS
de la civilisation occidentale et au travail salarial
Aujourd'hui, en raison de la pénurie de terres disponibles
et libres, et de l'intensification de l'exode rural affeceant
en ces milieux ruraux d'accueil du Togo une partie importante des
adultes-jeunes, on assiste à un affaiblissement du dyna.;nisme pion-
nier de l'immigré kabyè ou losso, môme dans les régions où l'ac":
tivité pionnière rencontrait peu de résistances de la part des
propriétaires autochtones: région de l'Anié, région de Sotouboua .. ·
Mais la situation n'est pas désespérée pour le Pays Kabyè
et pour les régions togolaises d'immigration rurale; dans le
cadre d'un aménagement rationnel du territoire, des perspectives
heureuses d'avenir
peuvent être attendUes .: le déséquilibre du
système de subsistance consécutif à un déclin technologique ,à. la
baisse du dynamisme pionnier observé
respectiVement en Pays kabyè
et en milieux togolais d'accueil sont des conséquences d'un manque
d'étude globale et cohérente du problème des menaces de surpeu-
plement auxquels les Kabyè étaient en proie·: depuis une vingtaine
d'années, l'émigration rurale spontanée ayant jadis accompagné
l'émigration administrative des Kabyè s'est doublée d'un fort mou":
vernant d'exode rural au détriment des deux
ensembles de régions.
C'est là une issue fatale que
l'organisation officielle de la
transplantation historique n'avait pas su prévoir.Il aurait fallu en
effet étudier et résoudre un aspect important du problème , celui-
là qui devrait consister d'une part à retenir
en permanence au
Pays ancestral un optinru.m de population et à améliorer le s condi":
tions de vie de ce dernier afin d'éviter le déséquilibre actuel

= 301 =
entre lui et lee régions d'immigrstion structurelle, d'eutre psrt à fixer les
immigrés en essursnt un débouché meilleur à lsurs produits vivriers et à leurs
produits d'exportetion et un équipement sociel sdéquet.Cee mesuree sureient eu
pour effet d'éviter en pertie l'intensificetion ectuelle de l'exode rursl qui
risque d'entrever le développement économique des deux eneembles régioneux.
Ainei pour rémédier à l'hémorregie démogrsphique ectuelle, il feudreit
mettre à profit lee reeeourcse eseentielles du peyeen kebyè.le trevail egri-
cols, l'ertieenat,l'élevege,l'ardeur eu treveil,la réeistance physique et le
dynamiame pionnier.A cet égsrd,les mesuree suivantea noue perai~ssnt appro-
pri~eal
- Replacer le Peys kabyè dans les Régions économiques de la Kars et des
Sevanee en tsnt qu'interlsnd où
la
culture et l'élevaga doivent Otra inten-
sifiéa grAce à une meilleure utilisetion dae données nsturellea et humainee
du milieu.C'eet sinei qu'on poursuivrsit la tranaformation d'une partie da
l'émigration actuelle en une "migretion intsrnetl,c'eet-è-dire orgsniser et
conduire la trensplentstion dee peysane des centons surpeuplés souffrant
d'une pénuris de tsrras cultivables dens lee velléee de le Kere st du Koumongou
où lea terrea ineuffieamment occupées, meie fertilee ebondsnt encore, la suc-
cèe de cette opéretion doit rspoear non saulemsnt sur un sncadramsnt st une
animation adéquete, meis ausei sur un financemsnt substantiel indispensable
à un équipement socio-~conomique fonctionnel.
- Poursuivre le combat pour la mattrisa das eaux et pour l'amélioration
de la fertilité du sol, en raprenant au mieux le eystèma das banquettes et
dee puieerde, en construieant d'eutres berragee-réservoire, et en reboisent
non eeulement les versents des monte et les piémonte, meie eussi les pleinas
environnantes. à cet égerd, il sereit indiqué de choisir d'autres légumineueee
et surtout uns espècs d'srbre à cycle végétetif invereé; lss eventsges de
cette dernière esreient d'uns valeur sgrologique énorms.
1°) elle contribuereit efficecement à intsnsifier l'indispenseble
as-
eociation de l'élevsge à le culturel en effet, l'eepèce en question, en e'ef-
feuillent pendent le seison humide enrichireit le eol d'une fumure végétele
qui réeultereit de le décompoeition des feuillee mortes, en retrouvant ses
feuillee pendent le eaison sècha, cette aepèce offrirait ds préciauses pOtu-
res et da l'ombre eux troupeeux de bOtse, les excrémants déposée sur le aol
serviraient d'sngraie enimel que lee paysans n'auraient qu'à épendre convens-
blement.
2°) elle eidersit à ls conssrvation du sol grAce à eon enrecinsment, et
à cells des éléments organiquss vivants, notsmment lss bsctéries que son om-
braga mettrait à l'abri de la forts insolstion de ls longue périods de eéchs-
rasse.
- Rstionaliser l'artisanat du Psys ksbyà en ls transformanb en ds patites
unités industriellss modernes rurslss, et csla pour tirer un maille ur profit
du ssvoir-fairs de la couche ertisanale ds le population
- feire de Lama-Kara, chsf-lisu de la Région de la Kara, un véritabls
pele de développemant régional.
Un daa avantagee à long terms de catte action aocio-économique sur le
milieu aereit la traneformation des mentalitée du paysan kabyè puisqus c'eat
le milieu natural at économiqua qui conditionns le miliau aocial.

= 308 '"
Pour arrêter l'hémorragie démograph:'.(]ue qui entrave ~:_a
pour :mite de la mise en v-aleur de la partie septentrional:'
et moyenne de la Grande Plaine du Hono, mais qui prO.[ït'3 ~ga­
lement à la zone néridonale et aux régions cacaoyères et ca-
féières où, selon les "déserteurs", les IIproduits se vendf,nt
mieux", il importe de transformer en réalits les virtuali'"és
de cOmplémentarité économique ct fïn2ncière qui existent (nt:~e
le cadre des migrations structurantes
..: qui sc specialise en
cultures vivrières - et celui des migrations conjoncturelles
correspondant aux régions de cultures industrielles au Togo.
Pour ce faire, il faudrait d'une part faciliter les '2chan-
ges entre les deux ensembles de r8gions économiques en cor:'j-
truisant une liaison routière Blitta-Kami.na-Xounyohou. A:ir,si
les régions de Badou et de Kounyohou qui tous les ans souf.~r8nt
d'une pénurie de vivres mais qui disposent suffisannnent clo
numéraire après la vente du cacao et du café pourraient s'ap-
provisionner en produits vivriers que les immigrés des régio:n
de 8otouboua et de Blitta, en quête de ressources monétaire,;;,
pourraient écouler à meilleur compte sur les marchés d'Akposso.
D'autres avantages qui ressortiraient au tracé de cette voie
transversale seraient non seuJ.ement le désenclavement de la
région située entre la rivière Anié et la frontière ghanée, ne,
mais aussi l'ouverture de la coJonisation ag-~'icole des terles
encore inhabitées de l'Ouest. Il faudrait d'<lutre part exploi··
ter la complémentarité économique et financière de s deux er.S2i11-
bles régionaux An installant dans chacun d'eux d'Os indust,:,i:'ls
de transformation des produits agricoles: Brasserie sSncrerie
Conse:r:verie ùe tomate (1),
et Hinoterie da'1s les régio;1s de
Sotouboua et de Blitta, Chocolé,terie et félbri,;ue '~e jus de fruit
dans les réGions de Cèùt~"OS éu'bustives.
La réduction de l'inégalité des revenus des paysans des
deux secteurs économiques qui résulterait d'1L.'1e tello polit:L-
que ainsi que les transformations sociales indispensables C'J11-
tribueront beaucoup à l'élargis sement du !llarché intérieur t:Jgo-
lais, une des conditions nécessairesà la réussite du fina'lc"ment
------~---------------------
(1) Les marécages du cadre des migrations strnctèèTontes
pour-
raient être amenagées pour unc culture int,:,nsive de canne à
sucre et de tomate.

'" 309 =
du développement agricole et industriel.
L'industrialisation des deux ensembles régionaUK ne serait
pas une fin en soi. Elle serait conditionnE5e par la croissance
agricole o"u' elle est sensée stimuler. A cet égard ,deux princi-
pes directeurs peuvent guider:
1°. La nécessité d'1IDe modernisation mesurée et prog.cessi-
ve de l'agriculture togolaise: certes, e,."'1. créant en Mars 1975
le 11inistère du Développement Rural et le Vrinistère de lI3~ui­
pement Rural en remplacement du Ministère de l'Economie Rurale
à caractère plus économique que teChnique, les autorités togo-
laises ont pris conscience qu' "aucune société humaine ne peut
atteindre un stade important
d'évolution si son agricult"L:re
reste primitive" (1); mais il serait imprudent de vouloir faire
table rase de toutes les façons culturales traditonnelles, car
certaines d'entre elles révèlent un caractère progressist33, Le
système de culture kabyè, s'il
récèle:
certaines inSUffisances,
reste encore riche d'enseignements;la preuve, c'est qU'à l"Est-
Mono" où l'on procède à 1IDe mécanisation limitée de l'agric1J~"
ture, la technique de buttage des Kabyè, aux dires des respon-
sables, semble irremplaçable.
Par ailleurs, la transformation sociale que requiert une
véritable modernisation incite à envisager 1IDe action graduelle.
20. La nécessité d'éviter la monopolisation des profits de
l'essor économique que conna1traiC'nt les deux ensembles
régionaux
par une minorité puisqu '1IDe telle situation serait plutllt para..
lysante: un rétrécisser,lent considérable du marché intérieur to-
golais en résulterait fatale'Jent.
La prise en considération de ces principes directeurs ap-
pelle un certain nombre d'actions dont les principaux sont les
suivantes:
- L'application effective de la Réforme agro-foncière;
- Une souple intervention de l'Etat tant en ce qUi COncerne
l'or ganisation des paysans que pour ce qui est du financer,vmt et
-~----"--------------------
(1) R. portères. La recherche agronomique dans les pays chClads.
cité par R. Molard, Annales de Géographie.

de l~ commercialisation;
_ envisager une souple politi~ue d'investissement - travail.'
La population urballle de ces régions conwe celle des autres
du Togo pourrait être associée à ces travaux collectifs. Certes,
elle est en principe moins mobilisable. Mais l'Ar.imation politi-
que qui permet aujourd'hui de rassembler des milliers d'éléf.18l1ts
urbains représente à cet égard 1.L.'1 facteur de réussite à condition ii
dl~tre complétée par une ~,imation socio-économique avec un en-
cadrement adéquat qui suppose la partioipation de spécialistes
(lllgénieurs agronomes, ingénieurs agricoles, économistes, géo-
graphes, sociologues, juristes, etc ••• ) et de paysans expérimen-
tés.
Dans le cadre d'un développement communautaire qui s'ins-
pirerait du modèle chll10is,des facteurs de réussite ci-après
se trouvent réunis chez les Kabyè:
- Comme les Chinois, les Kabyè - ainsi que nous avons
essayé de le montrer dans la première partie du mémoire - for-
ment un peuple de paysans laborieux, intrépides disposant de
teciUliques traditionnelles de cultures intensives très ingénieu-
ses;
- les Kabyè sont h~bituée à travailler au sein d'é~1.lipes
dlentr'aide aSSeZ structurées,une des bases d'une véritable
cOllectivisation de l'agriculture villageoise cantonale ou ré-
gionale.
- la tendance des immigrés Kabyè à se regrouper en éléments
originanes d 'un m~me village voire d 'un m~me quartier est un
facteur favorable à la création d'équipes cohérentes formées de
travailleurs qui se connaissent mieUx ou dont les liens claniques
sont vivaces.
Il resterait qu'une intervention approprlee de l'Etat d'une
part pallie aux insuffisances de l'outillage traditionnel,dlautre
part rassemble les effectifs nécessaires à la constitution d'é-
quipes nUlIlériquement importantes pour ~tre efficaces, enfL'1 in-
cUlque aux éléments de ces équipes le sentiment qu'ils travail-
lent pour leur propre mieux-être.

En définitive, le phénomène de la Diaspora des Kabyè du Nord-
Togo dont l'impact est plus net dans les milieux rurRux a pour fi-
nalité non seulement le mieux-être des intéressés, mais SlITtOUt une
efficace contribution à l'essor économique et social du Togo en gé-
néral, 'à celui de l'agriculture vivrière et de l'a~riculture s~écu­
lative en particulier. Comme le développement ~'ticulé de notre éco-
nomie repose essentiellement sur l'agriculture en tant que sourCQ de
produits alimentaires, de devises et de matières premières indispen-
sables à l'expansion industrielle, la Diaspora des Kabyè du Nord~
Togo devra être complétée par une "diaspora" des autres travailleurs
togolais - y compris les fonotionnaires - sur les terres non encore
mises en valeU2:'. Pour ce faire, l'Etat togolais devrait prendre les
mesures suivantes:
- Procéder à une application effective de la Reforme agro-foncière.
- Remédier à l'insuffisance d'infrastructures qui isole les ré-
gions agricoles déficientes.
- Aider à la constitution d'une épargne indiviciuelle ir.rportante
pour un autofinancement adéquat i à cet égard, les politiqUes socio-
économiques ci-après paraissent nécessaires: la construction dans les
régions rurales et urbaines d'habitations à loYer modéré ou des ha-
bitations à vendre en vue de limiter lesgaspill.1Ges ,ùe temps,d1éner-
gie et l'endette:ïent que réclame l'édification d'appartements mocler-
nes; l'organisation de transport collectif urbain, int~villes et
rural pour freiner les dépenses énormes et peu productives que re-
quièrent 1 t achat et l'entretien de voitures individuelles.
- Complèter cet autofinancement par une aide technique et finan-
cière non écrasw1te, oelle qui tient compte des besoins d'une asso-
ciation de la culture à l'élevage, de l'utilisation rationnelle dlen~
grais et de variétés sélectionnées de plantes, enfin de moyens de
stockage et d'écoulement des prodUits agricoles. L'aide financière
pourrait être fournie par des Banques agricoles étatiQues, ou d'ini-
tiatives privées nationales ou étrangères.
- Remettre en question le système culturel traciitionnel qui fait
que -le
paysan
ne distingue pas souvent techniQue et croyance,
système culturel incompatible avec l'application de techniqUes moder-
nes.
- Lutter oontre l'usure qui non seulement blOQue le développeI'lont
agricole, mais empêche l'épargne de s'orienter vers l'industrie.

= 312 =
- Etendre le marché des produits agricoles par la tr2Xl:3-
formation industrielle de ces derniers et par une intégration
du Togo à des organismes régionaux comme la C.E.D.E.A.O.
Cette substitution de la Il Diaspora 11 de l'ensemble des
Togolais à la Diaspora des Kabyè vers les terres du "domaine
foncier national" ou vers les terres inoccupées du IIdomaiDe
foncier privé"des collectivités coutumières
est une
néces:3i-
té impérieuse sur le triple plan alimentaire,conrraercial et
industriel. On sait en effet que de nos jours où la menace de
famine est permanente à cause de la tendance à la pénurie de
vivres sur le plan mondial, où les pays développés restent
encore peu sensibles aux demandes réitérées d'aide
technique,
technologique et financière fo!'mulées par les pays du Tiers-
Monde, c'est sur le développement des capacités productives de
chaque pays qu'il faudrait mettre l'accent pour obtenir une
sécurité dans le domaine alimentaire et pour éviter une domi-
nation paralysante dans le cadre industriel et cOllmercial.

= 313 =
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et par l ' 0 R S TOM.
227.- Catte physique et touristique du Togo au 1/500.000.
227bis.-Carte de l'Afrique de l'Ouest au 1/200 000.
228.- Feuille Sokodé NC - 31 - 11
229.- Feuille Abomey NB -
31 - xx:
230.- Feuille Fazao
NC - 31 -
1
Carte de l'Afrique de l'Ouest au 1/500.000.
231.- Feuille Djougou
3 e(Type Outre-Mer Dahomey-Togo)
NC - 31. VIII - 3e.
232.- Feuille Djougou 3e (Type Outre-Mer, Dahomey-Togo)
Ne - 31 VIII - 3 e.

'" 334"
233.- Feuille Djougou 3b (Type Outre-Mer, Dahoney-Togo)
NC - 31 VIII 3b.
234.- Feuille Dj ougou 3a (Type Outre-Mer Dahomey':'Togo)
235.- Attignon (H.),Carte physique et économique du
Togo ••• 1975.
236.- Lamouroux (M.), Carte pédologique du Togo au
1/1.000.000, ORSTOM., Paris 1969.
B).- Photographies aériennes
(IGN Paris).
237.- Mission AOF. NC - 31 .:. VIn 1954.:.1955; nOs 1 11
15,format 19 x 19,1/50.000.
238.- Mission AOF NC - 31 .. VIII - 1963':' 1964
nOs 156
à 196, 127 à 132, 81r à 91, 7'1 à 76,
format 19 x 19, 1/50.000.
239.- J.-C. Froelich. Photographies aériennes dans le
Nord~Togo. Démographie et Structures agraires,Notes
Af;riSla;i.Qes,L Inst.Ùê~. Noire, nO 1r7, Dakar,
Juillet 19JO, pp. 7 - 7, 6 fig • •

= 335 >=
QUE S ~ ION N AIR E S
A
~ 1 E T U D E
E T
~ 1 E N QUE T E
_____ :::-,=== ==;:=;;:c ,.;;::~; :::::::::- - - - -

= 336 =
ETUDE ET ENQUETE SOCIO-GEOGRAPHIQUES El'; PAYS KABYE
1.- SITUATION DU VILLAGE.
1°)._ Position du village pm' rapport
- à la Région économique
- à la Circonscription
- à la route internationale
- aUX principales rivières de la région
_. au chef-lieu de la Circonscription
- aux massifs kabyè
2°)._ Concrétiser toutes Ces informations sur une
ou deux cartes.
3°).- Plan du village;
- délimitation des quartiers;
- situer les différentes cases importantes à
l'intérieur du village (celles du chef, des chefs
de quartier, celles d'autres personnes influentes);
- situer les centres administratifs économiques et
sociaux;
- situer les forêts sacrées.
111.- HABITAJ'.
A).- SITE, F01~ill DU VILLAGE, TOPOlnGlIE.
1°)._ Site du village;
- proxbJité d'tme rivière, d'une source?
- dans la vallée ?
- en contrebas du versant d'une colline?
- à proximité d lune grande route?
- Signification historique du site et de
la toponymie.

1=
337 1=
2°)._ Forme du village et origines de ses formes.
a)- Forme;
- village au plan linéaire?
- exemples:
+ village-rue (forme la plus simple; les maisons
s'ordorment en se faisant face des deux cOtés
d'une rue) ?
+ village en "étoile" (plusieurs rues divergent
d'un point central et chacune est bordée d'une
double rangée de maisons) ?
+ le village linéaire (village très long égrenm1t
ses maisons sur plusieurs km.) ?
- village au plan ramassé ou nucléaire?
+ village en tas (les maisons se pressent les unes
contre les autres, les rues entourent ce tas de
maisons
ou s 'y insinuent en zigzagu=t ) ?
+ village rond (maisons souvent contiguës formant
un anneau autour d'une place centrale; ur. seul
chemin pénètre dans le village) ?
- village à plan quadrillé ?
b)- Origines de ses formes;
- causes naturelles: vallées
étroites,so~~et d'une
COlline, plaines
etc ••• ?
- causes humaines, intentions défensives, considé-
rations agronomiques, économiques.?
c)- Toponymie;
- signification du nom du village, des rivières,
des lieux (forêts sacrées ••• ) ?
B).- STRUCTURE DE LA SOUKALLA •
1°)_ Nombre de vestibules.
2°)_ Maisons
- en dur ?
- en demi-dur?

= 338 =
- en banco '1
- forme des maisons: ronde ou rectangulaire ?
3 C )- Grenier (forme, nature, contenu)
- genier s installés dans les champs ?
- greniers faisant partie intégrante de la SoukaJJ.a ?
G).- STRUCTURE DE L 'HABITAT DE LA ZONE VISITEE •
- habitat dispersé : dispersion primaire ou secondaire?
- habitat groupé: groupement primaire ou secondaire?
- habitat groupé avec dispersion intercalaire ?
III.- ETUDE DEMOGRAPHIQ,lTE •
A).- EFFECTIFS ET MOUVEMENT5DANS LE TEMPS.
1°) - Combien y a-t-il de personnes dans la Soukalla ?
- sexe, lieu de naissance, âge.
2°)
Dans les 12 derniers mois, y a-t-il des naissances
dans cette Soukalla ?
a)- combien d'enfants sont nés vivants (ont crié)?
b)- combien sont morts après la naissance?
3°) - Dans les 12 derniers mois, y a-t-il eu des décès
dans cette Soukalla ?
- combien ?
4°) - En s'adressant aux fenunes de la SoukaJJ.a
a)- co~bien avez-vous eu d'enfants nés vivants?
b)- combien sont morts et à quel âge ?
c)- de quoi sont-ils morts ?
B).- LES MOUVEHENTS MIGRATOIRES •
1°)_ Dans les 5 dernières années, combien de personnes
ont quitté cette Soukalla ? où sont-elles allées ?
- dans une autre Soukalla du village ?
- dans un autre village du canton ?
- dans un autre village de la circonscription?

c
339 "
- dans un village d'une autre circonscription
de la
de la régioruKara ?
- à Lama-Kara?
hors de la région économique de la Kara ?
+ ailleurs au Togo: Où ?
+ hors du Togo: où ?
- l'âge approximatif des migrants?
- la migration a-t-elle été organisée adminis-
trativement ? si oui,
+ mode de recrutement ?
+ conditions offertes aux migrants dans le
ou les villages dlaccueil ?
2°)_ Dans les 5 dernières années, combien de personnes
sont venues SI installer dans cette Soukalla ?
Sont-elles
- des parents ?
- des étr~ngers à la famille?
- âge approximatif ?
- lieu de départ ?
3°)- Motifs:
a)- Causes physiques
- climat ?
'
- épidémies ?
b)- Causes socio-économiques
- motif démographique ?
- causes coutumières ?
- causes économiques
- causes psychologiques ?
- causes politiques ?
~O)- Les effets des migrations;
a)
effets économiques et financièrs
rentréesd1argent ? maisons abandonnées?
rentrées des vivres?

'" 340 =
b)- effets démographiques: appauvris semer.t démogra-
phique ou enrichissement démographique ?
proportion actuolle des jeunes?
c)- effets d'ordre foncier: champs abandonnés, modi-
fication de la dimension des parcelles, morcelle-
ment frciné ?
d)- transformation sociale et de l'habitat.
IV.- AGRICULTURE ET ELEVAGE
A).- AGRICULTURE.
Techniques de production.
Types de champs et leurs caractéristiques.7
- champs entourant la Soukalla,
- champs de vGI'sants,
- champs de bas-fonds,
- champs des plaines environnant les collines.
3°)_ Les aménagements spatiaux.
a)- Morphologie des parcelles;
-
forme des parcelles,
- évaluer si possible leur taille en ares, e-::l ha,
- dispersion ou groûpement des parcelles,
- facteurs de répartition des parcelles, qualités
des sols.
- Taux d' occupation du sol par rapport à la sur-
face disponible et par rapport à la surface
cultivable.
b)- les techniques dla~ménagement.
-
S-cU'
les parcelles des versants,
-
sur les parcelles des bas-fonds,
-
sur les parcelles entourant les Soukallas ,
-
sur les parcelles des plaines périphériques •

.. 341 =
4°)_ Les aménagements temporaires;
- succession ou permanence des cUltures selon les
types de champs.
5°)_ Rapport des liens sociaux avec los aménagements
spatiaux.
a) - Système familial: faire-valoir direct?
- division du travail par sexes et par âges?
- travaux de direction et de contrôle ?
b) -
Métayage?
.:. type de contrat -or~gllle ethnique des métayers;
- leur nombre approximatjt pour 11ensemble du
village.
c) - Ouvriers agricoles?
- type de contrat;
caractère permanent ou saisonnier;
- salariat: montant de la rémunération;
- leur nombr e et le\\.l:m or igines ;
d) - Pratiques communautaires ?
- sous quelle forme? sous la forme d'échange de
travail ?
- pour quel s type s de tr avaux ?
6°) - Etablissement du calendrier agricole.
.
,
- pour les produits vivriers,
- pour los pr~uits industriels;
- identification des saisons.
7°) .:. Les principales productions du village ;
a)- les cUltures vivrières;
+ plantes principales,
+ plantes jouant le rôle de cUltur cs intel'cal:lïres,
+ évaluation en volume si possible (voir Service
du Conditionnement ou Service de l'AgricUlture) ;
+ évalutation des surfaces consacrées à ces cul-
tures

" 3~2 "
b)- les cultures industrielles;
- superficie consacrée à ces cultures;
- évaluation de 13. production en volume et en valeur
(voir Service du Conditionnement ou Service de l'A-
griculture) •
c)- Y a~t-il association ou coexistence des 2 types de
cultures '?
Utilisez des semences sélectionnées ?
- les~uelles ? hâtives ou tardives ?
- pour quelles plantes?
sous
8 0 )_ Pratiquez-vous l'irrigation ?{quelle forme?
- forme traditionnelle ?
.:. forme moderne (irrigation par asp'3rsion) ?
9°)- L'intervention des sociétés de développement: SORAn,
SOTOCO, SRC'::;, IROT, ••• etc ...
B)- ELI!.'VAGE •
- le bétail et la volaille.
1°)_ Quelle sorte de bétail et de volaille avez-vous?
a)- Menu oétail ?
- combien de moutons et de brebis avez-vous ?
- combien de boucs et de chèvres avez-vous ?
- combien de por~ avez-vous?
b)- Gros bétail ?
- combi8n de boeufs et de vaches avez-vous ?
c) la volaille?
- combi,m de coqs, de poules avez-vous ?
- combien de canards, de canes avez-vous
- combi,m de dindons ct de dindes avez-vous ?
2°)_ L'élevage est associé à la culture? sous quelle forme?
- pour les labours?

., 34 3"
- pour le transport des récoltes?
- pour la reconstitution ou le maintien de la fertilité?
3°)- Le bétail est-il parqué ou en liberté?
4°)_ Mode de pâture;
- vaine pâture ?
- à l tétable ?
- exclusivement dans les parcelles du propriétaire?
- pâture inorganisée ?
5°)_ Qui pratique cet élevage de bétail ?
6°)_ La volaille est-elle on basse-cour ou en liberté
permanente ?
7°)_ .Mode do nourriture?
Rapports financiers annuels de l'élevage à la Soukalla.
ou
Utilisez-vous de l'engrais animal (do l'engr2is chi-
mique ?
pour quelle cUlture ?
dans quel type de champ ?
dans les plus proches de la Soukalla ? dans les
plus éloignés?
combien avez-vous dépensé
pour llengrais chimique?
"
V).- LES ACTIVITES NON AGRICOLES.
A)- LA PECHE, LA CHASSE.
1°)-Nombre de pêche~s, de chasseurs?
2°)-Les prises et gibiers?
3°)-Lour destination ?
B)- L'ARTISANAT,
1°)-Nombre d'artisans.
2°)-Quels on sont les différents types ?
3°)-Types d'éqUipement et d'outillage?
-
aI' chaique?
- moderne?
- description ?

4°)_ L'organisation professionnelle j existe-t-ello?
5°)- Sous quelle forme existe la formation profes-
sionnelle?
6°)_ Nature des objets fabriqués.
C).- COHMERCE •
1°)_ Nombre de commerçants.
2°)_ Type de commerce;
- Gro s commer ce ?
- Petit commerce ?
- Commerce ambuJ.ant ?
- Nombre de ceux qui pratiquent chacune de cos
activités?
3°)- Le marché du village;
- quel est le jour du marché?
- rapports avec les jours des marchés des villages
voisins;
- son importance relative;
- type d'échanges: troc? échangos monétaires?
- principaux produits faisant l'objet d1échanges;
- diriger l' enquête auprè:~id'un certain nombre de
marchands choisis en fonction de leur spécialité;
- prix de vente de quelquos produits ( agricoles,
artisanaux, de l'élevage).
- nombre d'étr8jgers dont la migration provisoire
ou déf:initive· est liée à l'importance du marché.
- l'infrastructure du marché: bâtiments en dur,
hangar.
VI).- DEGRE D':rnS'J:;RUçrlON, BUDSET FAMD..W.
1°)_ Degré d':instruction;
a)~ dans la soUkalla, y a-t-il des personnes adultes
ayant au-dessus du
-
C.E. ?

= 34<,'
, ..
- C.M. ?
- de lQ 3è ?
b)- si oui, dans le village?
- dans le village voisin ?
- au chef-lieu de Circonscription
- ailleurs?
c)- Au chef de la soukalla: Savez-vous lire et écrire?
2°)_ Recettes annuelles de chaque chef de famille
3°)- Dépenses annuelles;
- achat de produits alimentaires,
- éducation des enfants,
- aménagement des champs,
- funérailles,
- déplacements;
- moyens de transport et de communication: bicyclette,
poste b'~sistors,
- machine s à coudr e,
- impÔts, taxes.
Avez-vous emprunté de l'argent ?
a)- à qUi? à un parent?
- à quelqu'un d'autre?
- a une coopérative?
- à une banque ?
b)- à que~ intérêt mensuel?
c)- depuis combien de temps ?
d)- vous a-t-on demandé une garantie?
laquelle ? Titre de propriété i
e)- à combien s'élèvent vos dettes actuellement?
JO ).- Avez-vous prêté de l'argent?
a)- à qui?
- "à des parents ?
- à quelqu'un d'autre?
- à combien de personnes?

= 346
'"
b)- il quel taux dtintérêt ?
c)- avec quelle g;xi:'<"mtie ?
6°)_ Avez-vous déj à dépo sé de l'argent il l,', banque ?
-
Caisse d'Epargne?
BTD, UTB, BIAO 1 B'l:CI,
CNCA ?
7°)_ L'année dernière,en période de soudure, avez-vous
Lchaté
.
Cl
dos vivres? Los(}uels; qULmtitê ? vctlour ?

ENQUETE SOCIO-ZCONOMIQUE A TCHARE ET A YADE-BOHOU
N.B.- Enquête Par S0uk8Jla: taux d'échantillonnage:
1/10 des Soukalla (dea) de chaque quartier.
1. - STRUCTURE DE LA SOUKALLA (OU DEA) ET SON ETAT.
1°)._ Localité où se situe la soukalla (dea).
2.°)._ Nombre de vestibu~8s.
3°).- Haisons
- en dur ?
- en demi-dur?
- en banco?
fCll:' me des maisons: ronde ou roctangu..laire ?
- l'explication des formes.
Etables ;
- sont-elles incorporées à la soukalla ?
- sont-elles intérieures ou externes?
Greniers;
- indiquez - en la forme;
- nature: sont-ils en terre battue ou en bois ••• ?
t
- contenu.
Fonctions religieuses des
estibliles.
Etat général de la Soukall
... en ruine? bien entre-
tenue?
II.- AQhIVTTES ARTISANALES.
1°)._ Nombre, âge et niveau d'instruction des artisans
- du sexe féminin
- du sexe masculin.
2.0)._ Quels en sont les différents types?
- potiers? leur nombre.,
forgerons? leur nombre.,
tisserands? leur nombre,
tanneurs? leur nombre.,
- menuisiers ? leur nombre.,
- etc •..

3°),- Historj.QuP.:
qui étaieYlt les premier s artisans du villû.go ?
Furont-ils des esclaves? des étrangers? des
av.tochtones ?
Circonstances de la naissance ou de l'adoption
des divGrs typos d'artisanat? Date apprm:irna-
tive ?
- Circonstances de lQ s;>écialisation du vil~age
en ffi'tisanat ? DatG approximative ?
4°).- Quels sont en ~aYs kabyè los villages qui so sont
spécialisés ou se spécialisent d,IDS llè~tis&nat,
hormis Tcharé et Yadé ?
5°).- Ceux q'J.i pratiquent les tyPes dlartisan,~t cités
(forge, poterie! tannerie, tissage etc •• ,),
s'adorn.ent-ils encore à d1autres formes d'activités
éconorr.iques ? Si oui, lesQuelles?
- a.~ricul ture ?
-
élevage ?
- chasse?
- pGche ?
- cormnerce ?
Les prû.tiQuants des diver s typos dl artisc:.nat appar-
tiennent-ils eXclusivement~ une tribu donnée ?
Attitude de la pOvQlatidn ',leur égard?
D:ms chaqUe atelier! combien y a t-il d'apprentis?
leur âge? IGur niveau d'instruction? leur prove-
nance ? Durée de .1' apprentissage ?
8°)._ y a t-il des manoeuvres dans chaque
atelier?
Combien? leur salail'e ?
9°).- Types 0' équipement et outillage.
- J'c~1alquc ?
- [iod3rne ?
- (,éc'..'ivez l'outillage, l'équipement •

= 349 =
Production artisanale.,
- provenance de$
matières premières utilisée ,
- nature et variétés des objets fabriqués.?
- volume de la production.
L'organisation professionnelle.~
- existe-t-elle dans le village ?
- sous quelle forme existe l'organisation profes-
sionnelle ?
12°).- Co~lle~cialisation des produits.~
a)- types d'échanges: troc ? échange monétaire '?
b)- les prix?
c)- si troc, les objets fabriqués sont échangés contre
quels produits?
d)- village d'élection de la cormnercialisation des objets
fabriqués?
e)- proven~,ce des acheteurs? Nom de leurs villages
situés dans la Circonscription du Nord-Togo.
- Nom des autres régions ou pays: Ghana? Bénin ?
- Villages des Circonscriptiors du Sud-Togo?
f)- Quelle est la part des recettes d ans la formation
du revenu de 1 'artisan ~.(~
13°).- Projets du Gouvernement destin~s à promouvoll' ces types
d'artisanat ? '
111.- ETUDES D~IDGRAPH1QUES.
A).- Effectifs et mouvement danS le temps.
1°)._ Combien y-a-t-il de personnes dans la sOuk;illa ?
- sexe,
- âge,
lieu de naissance •
2°)._ Dans les 12 derniers mois, y-a-t-il eu des naissances
dans cette soukalla ?
- combien d'enfants sont nés vivants (ont crié) ?
- combien sont morts après la naissance ?

= 350 =
3°).- Dms les 12 derniers nois, y a-t-il eu des décès dans
cette soukcèlla ?
- combien?
40 )._ En SI adress:LI1t aux fe,llmes de la soukalla,
- combien avez-vous eu d1enfants vivants?
- combien sont morts et à quel âge ?
- de quoi sont-ils morts?
B. - Les mouvements migratoires.
1°)._ Dans les 25 dernieres années, combien de personnes ont
quitté cette SoulŒlla ? Dù sont-elles allées? Combien
de cultivateurs?
2°)._ DaDs les 5 dernières années, combien de persolu1es ont
quitté cette soukalla ? Dù sont-elles ::u..lées? combien
d'artisans? combien de cultivateurs?
3°).- Dans les 5 dernières années, combien de persol1I1es sont
revenues s'install~ dans cette soukalla ?
Sont-elles
- des parents?
- des étrangers à la famille ?
- âge approxinutif;
- lieu de provenance.
Motifs.
a)- Causes physiques;
- cliL'13.t ?
- épidémie ?
b)- Causes socio-économiques
- motifs démographiques ?
- causes coutlli~ères ?
- causes psychologiques ?
- causes politiques ?
5°).- Les effets de3 migrations.
a) - Effets écono~iques.
- rentrées d1argent
?
- maisons abandol1I1ées ?

= 35'1 ..
rentrées de vivres? Si oui, quelle en est la provenance?
- paiement d'impôt aux parents restés au village d'origine
(les villages de l'enquête)
b)- effets démographiques~
- appauvrissement démographique? enrichissement démogra-
phique ?
proportion actuelle des jeunes?
c)- Effets d'ordre foncier.,
- champs abandonnés?
- modification de la dimension des parcelles ?
- le morcellement est-il freiné ?
d)- Effets d'ordre social.,

- peut-on percevoir des signes de transforma ~ons seciales
et de l'habitat? Si oui, lesquels?
,

'" 352 '"
ENQUETE SOCIO-GEOGRAPHIQUE EN REGION D'ACCUEIL.
1.- SITUATION DU VILLAGE •
1°)_ Position du village par rapport
- à la Région économique
- au Chef-lieu de Circonscription
- a la Circonscription voisine
- à la route nationale
- à Id routo internationale
- au pays kabyè
2°)_ Plan du vill~ge;
- délimiter les quartiers - enregistrer leu.rs noms.
- situer les différents bâtiments du village (ceux
du Chef, des chefs de quartier, ceux des autres
personnes influentes, l'écolo, le dispensairo,
les bâtiments du marché)
- situer les lieux sacrés (bois sacrés, cOUVent etc)
II.- HABITAT.
A -
SITE, FORHE; DU
.
VII;LAGE, TOPONYHIE •
1°) - Site du village
".'
• Proximité d'urte rivi~, d'une source?
• dans une vallée ?
'.f~
• en contrehlS du ver sant d·lune colli.ne ?
• sur une colline ?
• à proximité d'lme route importante?
• signification historique du site ?
• date de la création du village ?
2°) - Forme du village et origine de sa forme
a)-Forme
village-tas? ' Cas où les maisons se
pressent les unes contres los autres,
comme entassées sans ordre sur lm espace
restreint.
- Village nébUleux: Cas où les cletUres
n'existent pas où les groupes fami-

= 35'3 0=
liaux d1habitations prennent leur distance(quel-
ques dizaines de mètres);l'habitat se confond
avec la portion de terroir villageois cultivé
- villo.go <ln ruo? ( les maisons s'ordonnent cm. se
faisant face des deux c8tés
d'une rue ou d'une
piste)
- village à plan ~ladrillé ?
- déorire d'autres fomos obscrvéeo,
b)- origine de la forme.,
- causes naturelles: vallées étroitS"? sommet d'une
colline? plaine? etc •••
- causes humaines: intentions défensives, considérations
agronomiques, économiques.
c)- Toponymie;
- Signification du nom du village, des rivières, dos
lieux sacrés, quartiers, places ••• )
la toponymie est-elle importée? si oui, d'où préci-
sément ?
Est-elle plut5t empruntée? si oui, d'où?
Est-elle au contraire acquise ? Quel groupe ethnique
en est l'auteur ?
'.'..
......,
B).- Structure des concessions,des qu~tiers et leur étGt
"".
1 0)- Quels noms donn'ent-ils au
quartier ,à ln conce ssion ,
aux maisons?
2°)_ Comment sont individualisés les quartiers?
... Divisions pert'·ou non visibles ?
... Divisions visibles et nettes ?
-le
Quartiers trop distants les uns dos autres?
3°)- La concession est-elle c15turée ? si oui, comment?
~O)_ Les pcrsonnos qu'elle regroupe appartiennent-elles à
une famille étendue ou restreinte?

" 354- '"
5°)- Nombre et nature des bâtimcnts composant la concnssion.
- Nombre de bâtiments en dur
- Nombre de bâtiments en demi-dur
- Nombre de bâtiments en banco
- Forme des bâtiments: ronde ou rectangulaire
- Comment sont-ils aérés ?
- les bâtiments sont-ils subdivisés à l'intérieur en
:J.ppartements ? Si oui, ces appartements conununiQuent-
ils Il
- demcmder l'explication des formes·,
- pourQuoi toutes les maisons ne sont pas construites
rondes COll'.me en pays k,,-byè ou losso ?
- pourQuoi en pays d1origine, les maisons sont
rondes?
- les maisons présentent-elles une orientation parti-
culière 7 demandez pourQuoi 7
étables, greniers (forme, nature, contenu) .,
l'étable est-elle incorporée ou extérieure Q la
concession? Dans ce deœnior cas, ost-olle un enclos
couvert ou à ciel ouvert 7
- greniers installés, dans les champs7
- greniors faisant,~tie intégranto de la concession 7
7°)- Fonction rr3ligieuse de IJ'fOnCesSion ;
8°)_ Etat général de: la conces~~rt;
• est-elle en ruine7
,...
• "est-elle bien entretenue?
• ~st-elle modernisée 7
1:
C)- Structure de l'hlbitat du finago •
1°)_ Dinensions approximatives du
. finago
2°)_ l'habitat ost-il dispersé?
a) la dispcrsion est-ollo diffuse ou ordonnée?
b) raisons de cotte dispersion
+ sécurité
+ raisons agronomiQues 7 (Quostion do fumure ••• 7)
+ raisons foncières?
+ diminuor 10 traj et maison - champs?

'" 355 =
3°)_ Observe-t-on dos Cas d'habitats concontrés? Raisons:
- l'autorité d'un chef de famille?
- l'importance do la famille?
- Sécurité?
4-0)_ Les Kabyè
du
village
possèdcmt-ils des fermes?
5°)- A quel momont de l'année séjournent-ils dans cos fermes?
6°)_ Les fermes sont-elles éloignées les unes dos autres?
Quelle ost la distance moyern18 séparant une fürme
d'une autre ?
7°)- Quelle est la composition moyenne des formos en vies
hUf,laine s ?
8°)_ Existe-t-il de grandes fermes?
111.- Etudes démographiques (adressez-vous aux chefs de fmnillo
ou de la concession) •
A)- Effectif et mouvements naturels.
1°)_ Combien y a-t-il de personnes dans la concession?
- ethnie, sexe, âge, lieu de naissance.
cultivatour ?
chasseur ?
- profe ssion
p&cheur ?
• aÎ-fisan ?,
commerç~ ?
, "
- y a-t-il cumul do fémctici11s? degré?
2°)_ Dans los 12 derniars mois, y a-t-il eu dos naiss,llces
dans cette.oncession ? combien?
a) combien dnfants sont nés vivants (onterie) ?
b) combien sont morts après la naissance?
c) combien sont morts-nés ?
3°)- En s'adressant aux fen~es de la concession,
a) combien avez-vous eu d'enfants nés vivants?
b) combien sont morts et à quel âgo ?
c) de quoi sont-ils morts ?
d) à quel groupe ethnique appartenez-vous?
0) votre mari, à quoI groupe ethnique appartient-iJ. ?

= 356 =
40)- En s'adressant aux hommes de la concession.
a) combien de femmes avez-vous ? leur appartenance
ethnique.
Nom du village ou de la ville d'origine.
b) combien d1enfants avez-vous maintenant?
c) de quoi sont-ils morts? sexe, âge?
d) combien pm'mi vos enf[U1ts fréquentent-ils l'école?
Quelles écoles fréquentent-ils?
e) les autres enfants, que font-ils?
B)- Les mouy;ements migrato:l.res.
1 0 )_ En vous adressant au chef du village, aux chefs de
quartiers et aux Illus âgés des quartiers:
a) Date de l'arrivée des premiers immigrants.
b) Ces premiers immigrants sont-ils des Kabyè ou des
La sso
'?
c) En quelle année y avait-il eu une vague d'inlliligrants?
d) le village continue-t-il à recevoir des il!lllligrm:ts ?
d'où? (essayer de faire préciser les noms des vil~
lages d'origine; )
e) condition du courant migratoire des premiers immi-
grants et de ceux qui les avaient suivis.
- les personnes: + les jeunes (15 - 30 ans) étaient- ils
plus nombreux que' les adultes (JO à 50 ans)?
+ les enfants et'les perso~es âgées faisaient-ils
partie du courant ?
;-:~
+ l'importance des femmes>~Ùiparticipaientau cou-
rant.
+ les immigrants avaient:::ils quitté leurs villages
d'originel'avec leur fe=es et enfants?
- Les
""
objets donttls êtaient munis .,
houes, coupe-coupe, bêtes, ustensiles de cuisine,
nattes etc ••• ?
- Qui était à la tête des migrants?
f)- L' itinéra:l.re des migrants
(chemin suivi)
Dans quel état se trouvait cet itinéraire '?
- quelo étniGut II'! ou lec mOytlllS
de déplaCGment?

=35ï "'
g)- Les étapes du voyage: le voyage comport~it-il des
pauses? 8i oui,localités où avaient lieu ces p~u­
ses, leur durée approximative,motifs, évènements
par ticulier s survenus.
h)- Les migrations étaient-elles spontanées ou dirigées
par l'Aruninistration coloniale?
i)- Caractéristiques de l'infrastructure d'accueil •
- Comment était résolu le problème de lleau à leur
arrivée?
et
- Comment était résolu 18sproblèmesde logementrcles
terres à leur arrivée?
- Si les luigrations étaient dirigées, l'Aruninistration
avait-elle mis
des puits, des logements à leur dis-
position ?Si non, comment les immigrants avaient-ils
résolu eux-mêmes le problème?
- l'Aillninistration leur avait-il remis des bêtes, des
semences, des instruments aratoires, des fonds moné-
taires DOlIT leur faciliter l'exploitation dos terres?
Si non, comment s'étaient-ils débrouillés?
- Comment était résolu le problème sanitaire?
les immigrants étaient-ils exempts d'imp8ts? Si oui,
pendant combien d'années?
.,.(
....
2°)_ En vous adressant,,,aux memes personnes, renseign,}z-
vous sur les !!l.@tils des migrations
a)- Causes physiques?
:'I,~
- la longueur de la sai~n' sèche ?
- épidémie ,1
b)- Causes socio-économiques ;
- manque d~~'terres ?
- rigueur de la coutume ?
~~tf ..
- disettes, famines ?
- le caractère trop élevé des taxes civiques ?
- l'obligation de pratiquer des cUltures d'exporta-
tion: arachide etc ••• ?
- construction de routes et de voies ferrées ?

= 358 c
c)- Causes psychologiques-
d)- Causes politiques;
- l'incitation des autorités administratives?
- mesures coercitives: déportations, travaux forcés?
3°)- En vous adressant aux m~mes individus, renseignez-vous
sur les effets des migrations;
a)- effets économiques et financiers;
- enrichissement, mieux-être ?
- quel est le montant de votre revenu annuel?
b)- effets démographiques;
- la mortalité infantile a':'t-elle diminué ou augmenté?
- la mortalité en général a-t-elle diminué ou augmenté?
- taux actuel doo jeunes,des,adultes, dO' vieux;
c)- effets d 'ordro foncier ;
- certains dl entre vous sont-ils devenus propriétaires?
Si oui, comment ?
y a-t-il eu des querelles de terres ? Si oui, quand?
Comment avaient-elles
été réglées ?
d)- les transformations sociales et de l'habitat;
- avez-vous abandonné "les cérémonies coutumières des
villages d 'origiJMl!?
- lesquelles ave~;o\\ll abandonnées?
- l'influence ~e l'oncle ,~s l'éducation des enfants,
est-elle maintenue ici ?
-'"
- pourquoi ne construisez-vous plus de cases rondes
dans
les villages? en, construisez-vous dans les fer-
.,
mes ?
y.
y a-t-il des musulmans parmi vous ? Sont-ils norabreux?
Combien ?
~t,
- combien de chrétiens y a-t-il ?
- comment enterrez-vous vos morts ?
e)- Relations sociales;
- nature et forme des relations entre Ka1:U~
? Quelles
sont les activités qui vous réunissent ?
- la fraternité d'âge existent-elles?
relations entre jeunes, adultes et vieux ?

40 )_ En vous adressant toujours aux mêmes personnes,chcr-
cher à savoir les fondements et la nature de 10urs
relations avec les villages de départ.

?
a)- quell() est la date de votre dernler voyage au pays
d'oriGine?
- avez-vous des relations avec votre village d l0rigi-
ne ?
b)- commeLt se tissent ces relations?
- envoisde vivres? Lesquels ?
- envoisd'argcnt ?
- rentrLo pour la visite des parents ou pour les céré-
monies ? combien de fois par an ? à quels moments
de l lamée?
- rentrée pour des constructions ? en dur ou en banco?
avec quelle couverture ?
5°).- En vous adressent cette fois-ci auX chefs de f~nil­
le ou de l , ~oncession•
•- Depuis 1963, combien de personnes ont-ils quitté
cette concession? âge, sexe, lieu de destination
- Dans les 10 derp..:i,ères années? combien de person-
nes son~-ell~(.YenUes S'installer dans cette
COnCeE:SlOn F'
.
a)_ Sont-elles
.
...""
des parenh ?
"•
- des étr~gers à la fàmille ?
leur nom'bre par sexe ?
- âge apprOKimatif ?
- lieu dl~igine ?
b)-Pourquoi sont-~s venues s'installer ici?
F).':' AGRICULTURE ET ELEVAGE

I.- AGRICULTURE •
1°)_ TeChniques de production.
2°)':' Types de champs et leurs caractéristiques •
- Champs entourant la concession •
. ....
'
'. '
,ri . : '.'.

= 360 =
- Champs de versants.
- Champs do bas-fonds.
-
Champs de plaines.
3°)- Les amenagements spatiaux
•t
~)- morphologie des Parcelles
.. forme des parcelles.
t
évaluer si possible leur taille en ares, Cl, ha . •
t
- dispersion ou groupement des parcelles.t
facteurs de répartition des parceJ.J.es qualité dc;s
sols.
- T:iuX d'occupation du sol p~ ~apport à la surface
disponible et par rapport ~l 1:". 3uri',:~cn cu-lti-,rable •
b)- k§ kclmigues dt aménMcment 1
les parcelles dos vers~ts t
- SLlr lc::s pm'cel~_cs des bas-fonds
sur les parcelles entourant les concessionc
sur les par coll\\_~::3 .].88 plaines •
4-°) - Les aménagements t~mnoraires •
~uccession ou per~anence des cultures scIon 103
tYIY) s de
champs·.l
5°) - Ra,:nort d8s liens"\\ociaux avec les améDlLgc,ruc:mt5
sp:Ltiaux •
a)- Systèôc familial: fa~ valoir direct?
- ~visioD du travail par sexe ct par âge ?
- travaux dQ4directioD et 1e contrôl<:, •
b)- Métayage f··
type de contra~origine ethnique des illétuyers t •••
leur nombre app~inw.tif pour l'ensemble du villa...
ge
c)- Ouvriers agricoles.,
type le contrat ;
caractère perruanco:lt ou saisonnier ?
salariat? montant de la rémunération
leur nombre ()t leur origine.

= 361 =
d).- Pratiques cOmmunautaires ;
- les types d'associations agricoles existant
dans le village
- associations agricoles par clan ?
+ associations agricoles par génération d'ini-
tiation ?
+ associations entre paysans d'un même vesti_
bula ?
+ associations agricolas résultant de la réu-
nion de ces dernières au niveau du quartier?
- Noms des divers types existants.
- Sur quels champs travaillent ces associations?
- Champs per sonnel s ?
+ Champs du cf18f du qUa:t'ticr ?
+ Champs des oncles ?
6 0 )_ Etablissement du calendricr agricole
- pour les produits vivriers j
- pour les produits industriels
identification des saisons


'J.)- Lûs cultures vivr ~.re~
- plmtas principales
.
"
.
- plantes jouant le rôle de cultures intercalaires
- év21uation en volume si possible (voir Service
du ()Judi tionnemcmt ou SORAD)
éValuati01~es surfaces consacrées à ces cultures.
b)- Les cultures industl'ialles
- Lesquelld8?
1Il
- Sup0rficio consacrée à ~es culturos
- éVCl.lu,1tior. de 15. production en volUI:1e dt en va-
leur (voj,r service du OJnditiormumemt ou SORAD)
c)- y a-t-il association ou coexistence des 2 types
de cul turc?
d)- Utilisoz-vous des semences sélectionnées ?
- Lesquelles? hâtives ou tardives?
- pour quelles plantes ?
80 )_ Pratiquez-vous l'irrigation? quelle forme?
- forme traditionnelle ?

= 362 ..
- forme moderne?(irrigation par aspersion ?)
9°) - L'intervention des sociétés de développement.
10°) - Les organes destinés à fixer le peuplement immigré •
a)- Existe-t-il un centre communautaire villageois? Quel rôle
joue -t-il ?
b)- Y a-t-il un conseil de paysannat? Quel rôle jouo
t-il ?
c)- Existe-t-il d'autres mesures dostinées à la fixation
du pouplement immigré ? Si oui, lesquollos ?
- délimitation des lotissements et des bandes fores-
tières attribuées à chaque famille de colons?
II.- ELEVAGE .,
- bétail ot
volaille
1°)_ Quelle sorte de bétail et de volaille avez-vous?
a)- Monu bétail .,
- combien de moutons et de brebis avoz-vous ?
- combien de boucs et do chèvres avez-vous ?
- combien de porcs avez-vous ?
b)- Gros bétail ;
- combien de boeufs et de vaches avez-vous?
c)- La volaille.,
,
- combien de coqs, de POt' savez-vous ?
combien de canards et
e canes avez-vous ?
- combien de dindons et
aindes avez-vous ?
2°)_ L'élevage est-il associé à la culture? sous quelle
forme ?
- pour les labours?
- pour le transp1:~ des récoltes?
- pour la reconstitution ou le maintien de la formeté ?

3°)- Le bétail est;..;il par~ ou en liburté ?
4°)_ Mode de pâture
- vaine pâture ?
- à l'étable ?
- exclusivement dans les parcelles du propriétaire?
- pâture: inorganisée?
5°)_ Qui pratique cet élevage de bétail?
6°)_ La volaille ost-elle en basse-cour ou en liberté perma-
nente ?
7°)- Mode d8 nourriture.
8°)_ Rapports financiers annuols de l'élevage à la concession.

= 363 '"
9°)- Utilisez-voJs de l'engrais animal? 1c l'engrais
chimique?
- pour quelle culture?
- dans quel type de champs?
- dans les plus proches de la concession? dans los
plus éloignés ?
- combien avez-vous dépensé pour l'engrais chimique?
G).- LES ACTIVITES NON AGRICOLES (S'adresser surtout aux
chefs du village et dfJ quartiers)
1°)_ Nombre de pêcheurs, de chasseurs

2°)_ Lieux do pêche et 1e chasse •
3°)- Pendant quelle période de l'année sont-elles pra-
tiquées ?
40 )_ Les prises et gibiers.
5°)- Leur destination.
6°)- Dispositions prises pour les promouvoir ou pour
lES limiter.
II.· LIARTISANAT ..•
1°)_ Nombre d'artisans
2°)_ Quels en sont les différents types ?
3°)- L'artisanat est-il ~e'activité exclusive chez
ceux qui le prati~t ?
4°)_ types dléquipem~;t.outillage
- archaïque?
_
- moderne?
- description.
5°)- L'organisation professionnelle;
- existe-t~1'G 1 Si oui,
sous quelle forme ?
6 0 )_ Production artisanale.
- Nature e~';'ariété des objets frabriqués •
- Volume amlUel de la production par artisan •
7°)~ Commercialisation
- sous qu~lle forme les objets fabriqués sont-ils
commercialisés?
- le; prix pratiqués sur le marché local.,
- marchés spécialisés dans l'écoulement de ces
produits .,
part des ..NaOettes dans. lR.lbr.matiou du "',.,,,pnu du
] abyè artisan.

= 364 =
III.- LE COMMERCE •
1°)_ nombre de commerçants
2°)~ type de commerce
- gro s commer ce ?
- petit commerce?
- commerce ambulant?
- nombre de ceux qui pratiquent chacunc de ces activités •
3°)- Le marché du village
- jour du marché 4
rapports avec les jours des marchés des villages voisins
• son importance relative .,
- types d'échange :troc échwnges monétaires?
,
- principaux produits faisant l'objet d'échange;
- prix de vente de quelques produits (agricoles, artis1.-
naux,
dlélev~ge);
nombre d'étrangers dont la migration provisoire ou dé-
finitive est liée à l'importance du marché.,
- l'infrastructure du marché: bâtiments en dur, hwngar.
H).- DEGRE D'INSTRUCTION. RECETTES, DEPENSES, DETTES.
1°)_ Degré d'instruction;
a)- dans la soukalla, y a-t-~"des personnes adultes ayant
étudié au-deSS1.\\5'du
... C.E. ?
),C
- C.M. ?
- de la 3è ?
b) - si oui , dans le village ?
dwns le village voisin ?
au ;,te"'laieu de la' Cîrcons=iption1 a illeurs ?
c)- au chef de la concession: savez-vous lire et écrire?
,~
.
2°)._ Recettes anTIl,lles,de chaque chef de famllle •
3°).- Dépenses ann
es;
achat de pr6
. ts alimentaires
- éducation des enfants ;
- aménagement des chrumps •,
- funérailles .,
- déplacements •,
- moyens de transport et de communication: bicYclette,
poste-transisto~ ,
- machine à coudre etc •••
- impôt ,taxe •

= 365·
4°)._ Avez-vous emprunté de l'argent?
a)- à qui ? à un parent ?
- à quelqu'un d'autre ?
- à une coopérative ?
- à une banque ?
b)- A quel intérêt mensuel?
c)- Depuis combien de temps ?
d)~ Vous a-t~on demandé une garantie ?
Laquelle ? Titre de la propriété •
e)- A combien s'élèvent vos dettes actuellement?
5°).- Avez~vous prêté de l'argent?
a)- à qui?
- à des parents?
- à quelqu'un d'autres?
- à combien de per sonne s ?
b)~ A quel taux d'intérêt?
c)~ Avec quelle garantie ?
6°)._ Avez-vous déjà dép06e~.1'argent à la banque?
\\,
)
- Caisse d'Epar~.1 A
I!
BTD ?, UTB ?, ~Jdl~t..~U:CI ? CNCA. ?
7°)._ L'année dernière,en période de soudure,avez-~us
acheté des vivres"? Lesque:a
?quantité? valeur?
.... •

~ 366 "
LISTE ~ES TABLEAUX
TABLEAU No1
Pluies mensuelles inter-annuelles (mm)
au Nord-Togo(période homogène de 23 ans) ••• p. 19
TABLEAU N°2
Fécondité actuelle légitime •..•••...•.••.•• p. 38
TABLEAU N°3
Taux de n~talit6 selon la taille des
vestibuJ.cs.,
IJ. 40
TABLEAU l!°lt
Taux de oortalité
suivant les groupes
d'âge d~,s les Cercles du Togo en 19lt9 •.••• p. 46
TABLEAU N°5
Evolution comparée des den si tés en rapport
avec l'intensité do l'émigration ••.•.•..••• p. 52
TABLEAU N°6
Comparaison des hautes densitos régionales
au Togo en 1948
pC' 53
2
TABLEAU N°7
Densités cantonaJ.es du Pays kabyè et du
Pays losso
p. 53
1
TABLEAU No8
Répartition globale en pourcentage de
l'effectif de plus d~4 ans pour chacun
des sexes et dec b~ ethniques ••••••••• p. 60
TABLEAU N°9
Répartition .d~.jo~sidents habituels de
14 ans et plus ~~:'le groupe ethnique, le
sexe et 1.a catég~ri-e socio-professinr;npl1ro. ]'. 61
TABLEAUN"10 Travailleurs e:qgagés sur contrat en 1926 ••• p. 93
..
"()
TABLEAU N"11 Tr~vaiil.1G:ù.I' s éngagés 'sur contrat en 1924 .•• p. 95
TABLEAU N"12 Tr:~a~l~s~tt~sur contrat en 1931 ••• p. 97
TABLEAU N"13 Liste dts :p~cipa~ villages de coloni-
sation .é~s 2u renforcés par le pouvoir
mandataJft de 1926 à 1930 • ................. p.1 00
TABLEAU N"14- Ventilation de la population kabyè et losso
irrunigréc dans la Grande Plaine du Mono par
mode dfimmigration et par région ••....•.••• p.103
TABLEAU N"15 Effectif des groupes ethniques dans le Canton
de Litimé (Akposso-Ouest) en 1949
p.105

.. 367 ..
TABLEAU N° 16
Répartition mensuelle de la pluviométrie
à Kpagouda (Pays kabyè) et à Elavagnon
"Est.... Mono" (rôgion d'immigration struetu-
ronte ).....................................................................
p.1 26
TABLEAU N° 17
Taille des pareelles dans les zones de
colonisation
_.................
p.135
TABLEAU N° 18
Répartition mensuelle de la pluviométrie
à Lama-Kara, à Kpagouda (Pays d'émigration)
et à Kpalimé (Pays d1inmdgration) •••.•••••• p.143
TABLEA.U N° 19
E\\rolution de la production du eafé et du
cacao entre les 2 guerres mondiales ••...••• p.149
TABLEA.U N° 20
Pluies mensuelles inter-annuelles dans la
zone c8tière
p .165
TABLEAU N° 21
Taux de mobilité pro':'urbaine de 1960 à
Mar s Avril 1970
"" p. 204
TABLEAU N° 22
Proportion de la population kabyè des
eantons dlAlcposso en 1960 ••••••••••••••.••• p.21 0
TABLEAU N° 23
Effectif par sexe des Kabyè dans les
régions ecmtra1<:!l ~i,*s Plateaux, et dans
la Commune de Lomé' If 1 970 •.••••••••••••••• p.21 3
TABLEAU N° 24
Taux de fép.6ri"~~ar âge et par Région ••• p.214

TABLEAU N° 25
Différênc.e par)R~ion entre les résultats
et les :pi'évi~ions lors des recensements de
1 96Q~ au TogO'~""""'"
. p.21 5
t
',. ,
W:
..
TABLEAU N° 26
Êvoî"u
' '.
; " t i f s des groupes ethni-
. ques "..•. ;..........•... '.;';
1960 à 1970 ••••••••••
.
p.21 5
.
',~"'
TABLEAU N° 27
Super'iciè.:4 t'exploi tations familiales
kabyè-).oSSOi"•. '"
'""
p.232
TABLEAU N° 28
Superfice d'exploitatiorofamiliales
autocl1tones
p.233
TABLEAU N° 29
Equivalents monêtaires des semences
nécessaires par exploitation et par an ..... p.233

= 368 =
TABLEAU N° 30
Proportion de la consommation alimentaire
des céréales par a:n.
p.
TABLEAU N° Jt
Evolution de la production de certains
produits agricoles entre les 2 guerres
mondial es.. .. . . . . . . . .. . . .. . . . . . . .. . . . . . . .. . . .. .• p. 242
TABLEAU N° 32
Evolution annuelle de la production co-
tormière de 1939 à 197? au Togo
p.244
TABLEAU N° 33
Evolution des effectifs kabyè et losso
résidant dans le centre d'origine •••.•••• p:254
TABLEAU N° 34
Répartition selon le sexe et l'âge de la
population présente suivie du taux de
masculinité par tranche dl~ge en 1960 .... p.2?7
TABLEAU N° 35
Comparaison des résultats des recensenents
administratifs avec ceux de l'enquête démo-
graphique
p~263
TABLEAU N° 36
Superficies comparées
des immigrés et des
auto chtone s
Tl .274
lOlO
TABLEAU N° 37
Production de c~~~.~ar Cercle ••••••••••• p.28B
~..
TABLEAU N° 38
Pourcentag~_.o/J. ~ pénétration scolaire
pal' CeI" cl., en~.",'
.. p.291
TABLEAU NO 39
Taux rég,iona@tscolarisation en 1961 •• p.292
TABLEAU N° lj()
~.:~~:~;~"19~:.:~:~~i::~~::.~~.. p,J02
~~-
..~':
. '

TABLE ~ES FIGURES
Fig. 1.Mouvements migratoires au Togo •...•••••.••••...••... p. 1 bis
Fig. 2.Régions économiques et circonscriptions en 1970 ••••• p. 3 bis
Fig. 3.Carte de situation et de localisation des lieux
dl enquête et d f étude
p. 8 bis
Fig.4a.Le Pays kabyè en 195'5 ..............................• p.15 bis
Fig.4b.Ooupe géologique des Pays kabyè et losso •••..•.••••• p.16 bis
Fig.4c.Esquisse structurale du Togo ••••...•••...••.•.••.••• p.17 bis
Fig. 5.Les climats du Togo
p.18 bis
1
• • • • • • • • •
Fig. 6.Nord~Togo. Isohyètes inter-annuelles. Période
1938-1946 et 1951-1964
p.19 bis
Fig. 7.Erosion en tonnes/km2/an au Togo •..••••.••..•....••• p.24 bis
Fig. 8.Graphique comparatif des taux de fécondité légitime
par ~ge de Formose et du Pays kabyè ••••••.•..•..•• :.p.39 bis
Fig. 9.8chéma de Soukalla ou Déa ••..•...••••..•...••...•••• p.Yo bis
Fig.iO.Carte des formations sanitaires en 1960 au Togo ••••• p.49 bis
Fig.1i.Pyramide par sexe et âge de la population du Pays
d'origine en 1957
"
"
p.50 bis
1
• • • • • •
Fig.12.Densité de peuplement des Pays kabyè et losso par
ca:n.ton."" . . • . . . . . . . . . . . . . . ',~' .) . '~."
"
',;"~' 54 bis
Fig.13.Peuplement du Togo (Cen:re ~~d) à
. la fin du
.
XIXè siècle ••••.•••••• ;~~~.;...••••••..•..•.•.•••• p.88 bis
Fig.14.Les phases des I:ligra~fons~tratives•••..•..•• ,p.90 bis
Fig.i5a.Migrations hist<.JI"i'CJ.ues B,~Uc311es: l'expansion
kabyè
!.,;î ••
~.~~'::-~,:~
p. 90 tr is
I l , •
• • • • • • • • • • •
1 • • • • • • • • • •
Fig.15D. Carte du IISCh~Zgeb.i.~,;goep 1914
p.98 bis
Fig.16.Localisatf~s.~~~"'~entford.4.~ ~'<>."'.,,'"

/!
,
/

.. 370 •
Fig.21. Orientation des parcelles dans la zona méridionala.p.130 bis
Fig.22. Schématisation des cultures dans les terroirs
jeunes de la zone septentrionale: un village pion-
nier, Kédj ébi •.••.......•..••..•..•....•.......•.•• p.1 31 tri ~
:Fig.23. Schématisation des cultures dans des terroirs
jeunes de la zone septentrionale: un des der-
niers villages de colonisation administrative:
Kaz.ab()ua ••••••• ~ ••••••••• t ••••••••••••••••••••••••• p.1 30 tris
:Fig~24. Les Plateaux ,lu Centre-0uest togolais •••••••••••••• p.14-1 bis
Fig.25. Zone d'attirance des émigrants au Ghana
p.14-1 tris
Fig.26. Esqu:LsSfl des formations végétales du Togo •••••••••• p.14-2 bis
Fig~27. Régiou~ climatiques au Ghana•••••.••.••••..•••.•••• p.144 bis
Fig. 28. TyJJe:J de végétation au Ghana••••••••.••••..••.•.••• p."\\ 44 bi s
Fig.29. Répartition des immigrants kabyè par régions admi':
nist!"atlves au Ghana ...........•..•...............• p.141+ bis
:Fig.3D. Les ;orircipales régions physiographique du Ghana ••• p.144 tris
:Fig.31. Diagranme
comparatif
de la pluviométrie à
0
Kp~ect:d2 et à Kpalimé •••••••••••••••••••••••••••• •• p.~ 44 quater
Fig,J2. Pluviométrie annuelle. Moye~e F
plus de 20. ans •• p..~164- bis
Fig,J3. Exode rural et migrations sal'8ofuJ.ières '.:tntln"ré-
. 'i\\i)r.
gioneJ.é3' des Kabyè ...... •/::) .•.•......••..........•• p~167 bis
Fig.)'+. Carte ~thno-cultureJ..4l,.et +incipaUX foyers
d'installation kabQt:(1979~•• f ••••••••••••••••••••• p.211 bis
Figd5. Degré d1intégratioh ",OCio.:.'iè4lomiqUe des Kabyè
0t des Lasso
dans 'les ~ns·,d'1llImigration
structuranfe,;;t .dans ce~~gration con:;;
;n.,., ..... +"-..........."
...
."'W;,
~


= 371 =
PLAN CHFS HORS TEXTE
1._ Lamouroux, Carte pédologique au 1/100.000, Centra ORSTOM
de Lomé.
2.- Immigration rurale des Kabré-Losso: densité d'occupation
du sol et importance nUnJeirique par rapport à la population
::".'
10 cale totale. ORSTOM.
\\:,et "',1'
3.-
~~~03)'"~"ivN,
C-.J.rte de la. R6publique du Togo a.,
Paris,
1960.
' ... (/~~:~
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