UNIVBRSITE RENB DBSCARTBS
\\
SCIENCBS HUMAINES
SORBONNE -
PARIS V.
!
)
8
LES EFFETS SOCIO;ECONOMIOUES
~:
DueAFE ET DU CACAO .DANS
.
LE CANTON DE KUMA
(essai de formulation d'une problématique
de développement à parue de l'étude
dl: la formation sociale Kuma)
thèse de Doctorat du 3- cycle en Sociologie
Directeur de thèse
Monsieur Louis Vincent THOMAS,
Membres du jury
Louis Vincent THOMAS, Président
P. FOUGEYROLLAS
P. MERCIER

UNIVERSITE RErŒ DESCARTES
SCIENCES HUMAINES
SORBONNE - PARIS V.
LES EFFETS SOC ID-ECONOMIQUES
DU CAFE ET DU CACAO DANS LE CANTON DE KUMA
(essai de formulation d'une problématique
de développement à partir de l'étude
de la formation sociale Kuma)
thèse de Doctorat du 3e cycle en
Sociologie
Pr6senté.c. par R. Cornlan ABOKI
le 5 Novembre 1973
Directeur de thèse
Monsieur Louis Vincent THOMAS.
Membres du jury
Louis Vincent THOMAS, Président
P. FOUGEYROLLAS
P. MERCIER

A KOUGElHA, feu mon père,
"'
..'

Je tiens à remercier ici tous ceux qui m'ont aidé de près
ou de loin dans la réalisation de ce travail, en parti.ulier le chef
du village d'Adamé, TOGBUI Christophe VUTI, son ancien secrétaire Michel !
AGBEZUGUE, le Directeur de l'Ecole normale supérieure d'Atakpamé, H. KOkO~
ABOLO, les anciens élèves de la section LETTRES de l'ENS, promotion
1971-1973 pour l'admirietration des questionnaires lors de l'enqu@te sur
le terrain; M. Benott ANTHEAliME, le topographe et le dessinateur de
1-0RSTOM à Lomé pour les cartes.
Je ne saurais remercier assez M. le Professeur Louis-Vincent
THOMAS dont les conseils et le dévo.e.ent permanents constituent des
sources de réconfort intellectuel et moral.

"Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en
der~ier ressort, dans l'histoire, c'est la production et la reproduction
de la vie immédiate. Mais à son tour cette reproduction a une double
nature. D'une part la reproduction de moyens d'existence, d'objets
servant à la nourriture, à l'habillement, au logement et des outils
qu'ils nécessitent; d'autre part la production des hommes m@mes la
propagation de l'espice. Les institutions sociales sous lesquelles
vivent les hommes d'une certaine énoque historique et d'un certain
pays sont déterminées par ces de~a sortes de production ; par le stade
de développement où se trouvent d'une part le travail et d'autre part la
famille. Moins le travail est développé ••• plus aussi l'influence prédo-
minante des liens de sang semble dominer l'ordre social".
ENGELS, origine de la famille de la
propriété et de 1~tat2 p. 16

INTRODUCTION GENERALE
-=-=-:=-=-=-=-=-
Dans la pratique anthropologique actuelle, l'étude des
communautés villageoises induit deux types de réflexions quand il est
questio~, d'évaluer l'efficacité des pr.jets et des programmes de
développement économique.
- Il n'est de développement, qui soit purement économique.
La réalité sociale est plus -~omplexe et le changement ne peut @tre
saisi qu à travers un processus de transformation globale.
'
- ~.ute stratégie de dével,ppement .oit tenir compte non
seulement des contradictions et des contraintes internes au pays mais
aussi et surtout des influences asymétriques qui résultent du dynamisme
des économies développées. Dès lors il importe de mettre en lumière
les mécanismes de domination et leurs implications socio-économiques.
Au niveau de la société globale, la complexi~é des phénomènes
. sociaux rend. difficile une observation, directe, minutieuse, dépouillée
de subjectivisme et dégagée de toute généralisation h~tive. Dans Qe'tt"e
période d'intégration forcée par le mode de production capitaliste,
la société globale masque souvent les contradictions Bocio-politiques
qui oonditionnent à divers dégrés les politiques nationales de dévelop-
pement.
En revanche, les "mm~nautéB villageoises, vu leur taille
réduite, constituent des-.oadres privilégiés où on peut appréhender à
une échelle restreint-e-l-a-problé
-
rnatique de la société globale. Mais
rnatique de la société globale.
-
'~;::V-'.~_. . ._.
.
_ _ ..
cette approche serait ineomplète si ellen 'étâ.{f .âoubl-ée"
.
de:-:l.' anaLyae
an.a.lyse
,
-
--'-'.
" :-".
des différentes forces qui orientent le changement d'une façon générale.:-

2
Ainsi appara!t clairement 1.... .:
:. caractèrr;·· dialectique.' de
toute action de développement envisagée à la fois dans ses aspects
particuliers et généraux : le mouvement qui lie une structure à ses
éléments ou' un système à ses structures indique que le procès de chan-
gement concerne à la fois le centre et la périph6rie et leurs effets
communs sur le système social.
L'étude de la formation sociale KUMA s'inscrit dans une telle
préoccupation théorique : bien que le Canton compte en tout nouf
villages (1) les enqu@tes ont été concentrées pendant un an à Adamé
en raison de son importance économique et démographique.
(1) KUMA
ADAME
A
l 581 habitants
KUMA
APOTI
960
"
KUMA - BALA
694
"
KUMA - TOKPLI
457
"
KUMA
TSAME
403
"
KuriA
AFEYEME
395
"
KUMA - KONDA
38:;
"
KUMA
DUNYO
330
"
KUHA - TOTSI
181
ft
181
5 184 habitants
Source f Recencement général de la population 1er Mars
au 30 Avril 1970.
Résultate proYisoires, p. :;1
Direction de la statistique.
En effet il regroupe près de 30,50 % de la populat~on du canton ; outre
sur importance démographique, 11 accuse ~ur le plan économique une
nette avance
"r··,
1
cr
'-=:
t. grAee à sa production de ctütures vivrières et
industrie Iles.

3
t T A BLE A U

l
(+)
--------------------------
. _
=
.
=
.....
,
-
.
.
1
Cultures vivrières
Manioc
Igname
Na!s
par village
~----.........-...'.
Adamé
70,080 T
28 T. 200
106 T. 110
Tokpli
23,840 T
10 T. 080
4 T. 823
Bala
35
21 T. 120
79 T. 380
1933
1 933
T
21 T. 120
79 T.
.
Dunyo
33 872 T
8 T. 400
31 T. 320
1
T
8 T. 400
31 T.
1872
Afeyeme
25,872 T
7 T. 200
27 T. 000
Apoti
40,933 T
18 T. 360
68 T. 850
Konda
10,040 T
4 T. 560
17 T. 010
Totai
-
-
-
1
Tsamé
-
-
-
L_
."_.
.._.
.1
Renseignements fournie
par la SORAD des plateaux
(Section de K1Jt~) - 14 Septembre 1971

TABLEAU
N°2 ... Différe~tes campagnes de cacao et de café pour le
village du canton de Kuma :
"~-
,
.
,
"
l'
Années
i
1967 - 1968
1968 ... 1969
1969 ... 1970
i
1967 - 1968
1968 ... 1969
1969 ...
1970 - 1971
1971 - 1972
Villages
Café
- Cacao
Café
... Cacao
Café
- Cacao
-
Café -
Cacao
Café
- Cacao
-
ADAME
A
lIt4.~O?f. "13,370~
l38,514T
4T
2,190T
l66,361
61T l5,562T
181,482T 15,592T 106,198T 28,512T
TOKPLI
42,756T
6T
9,924T
43,l04T
9,620T
36,009
6 ,009T 19,810T
40,103T 18, 900lJ.~ 119,832T 23,100T
APOTI
95,322T
2T
24,7l2T
2T
81~552T 16,140T
89,400T 4o,026T
94,468T
4 ,468T 4o,026T
56,581T 36,780T
BALA
39,518T
8,008T
26,637T
8,890T
0T
32,400T 47,3 83T
83T
36,890T 47,3 83
83T!
T
37,005T 7l,851T
DONYO
-
-
-
...
...
...
-
...
...
-
-
...
-
-
AFEYEl-IE
...
-
-
-
-
...
...
-
...
-
...
...
-
...
KONDA
...
-
-
...
-
-
...
...
-
...
-
...
-
1 ...
TOTSI
...
-
-
...
...
-
...
-
...
-
-
...
...
-
...
TSAME
-
-
...
...
...
...
-
...
...
...
-
...
...
-
...
-
Renseignements fournis par le contreleur des produits de Kuma résidant a Konda
4 juin 1972
18 janvier 1973

5
Ainsi Adamé vient en t~te pour la production de manioc, d'i-
gname et de ma!s qui constituent des cultures vivrières fondamentRles ;
pour l'année 1971, la production de ces trois cultures représente res-
pectivement 29,66 %, 29,16 % et 31,92 % de la production totale du
canton. En dépit d'une production ir~égulière de café, Adamé détient n~an~
moins une place importante. De 45 % en 1967
1968, la production rela-
tive d'Adamé est paas èe
pasl:;ée à 47, 91 % en 1968, puis à 51,30 % l'année
suivante. Donc le village produit en moyenne à peu près la moitié du
volume global du 'café du canton et conserve ainsi la première place
pour toutes les années. S.n importance relative est en croissance
régulière.
De par son importance économique, Adamé joue un r61e non
négligeable dans l'approvisionnement en vivres des autres villages du
canton; c'est le seul village où un marché se tient et où les habitants
c'>"~
c·>,'~ !' viennent effectuer quelques transactions avant de ce rendre
pl~s tard au marché de Ipalimé.(2). En outre Adamé abrite la siège de
la coopérative du canton. J
\\ i l j l 1 compte 65 adhérents contre 150 pour
tout le canton. C'est pour-qpod
pourQl1oi nous .-1':n;Vons tl"l.:~}':'Qou -. :.1". comme terrain
de recherche i nous projetions d'y étudier l'impact des cultures indus-
trielles sur les structures socio-économiques.
L'objet ainsi défini renvoie aux méthodes quantitatives et
qualitatives; ces dernières autorisent une saisie plus directe des
relations entre les groupes sociaux, l'identification à travers certaines
manifestations, des positions respectives des individus dans la hiérar-
chie sociale. Si cette situation confère des privilèges au niveau de
l'observation scientifique, elle peut cn revanche, amener le chercheur
à produire une image à la fois partielle et partiaJe: de la réalité
sociale.
(2) Kpalimé est la capitale de la circonscription administra-
tive de Kloto et se tient un marché deux fois par semaine : le mardi
et le samedi.

6
En particulier, le sociologue africain m~me quand il est origi-
maire dp m~uoù il conduit une recherche est avant tout un intellectuel
habitué à utiliser des concepts dont il n'a jamais eu l'occasion de véri~
fier le céntenu sur le terrain. A cet égard les méthodes de formation eL
sociologie africaine ne nous paraissent pas a.daptées. Attendrel~i.dnns:.les
meilleurs des cas la Na!trise ou la premi~re année du troisi~me cycle
pour prendre contact avec le terrain, n'est-ce pas là un handicap tech-
nique et théorique pour le sociologue2 Longtemps coupé des réalités
africaines et armé de tous les préjugés sur le milieu paysan, le socio-
logue est conduit soit à valoriser certaines attitudes dès l'instant où,
à priori, il en jugeait le milieu incapable, soit à minimiser certains
faits parce qu'ils sont généralement comme spécifiques au milieu paysan.
D~s lors, l'objectivité scientifique ne se conquiert pas unique-
ment à force de "ruptures épistéielogiques" mais également sur la base
d'une prise de conscience des problimes réels qui se posent au paysan.
Nous sommes presque tenté d'induire de notre expérience que le chemin
qui mène à l'objectivité passe par une prise de conscience
de la place
du monde paysan au sein de la société globale. Dans cette perspective,
le choix de nos informateurs a été aussi diversifié que possible. Leur
position sociale différente a permis de recueillir les différentes versionl
que les groupes sociaux donnent d'un m~me phénomène social. Plusieurs
entretiens ont été menés avec le chef du village d'Adamé sur l'origine des
KUMA.
Toutefois les versions officielles ont été passées sous la
grille des informations que nous ~vons recueillies aupr~s dos habitant~
d'Adamé et des autres villages. Ainsi la critique interne et externe
s'exerçait à l'examen de &hanque information, de chaque fait. En parti-
culier, nous avons travaillé avec l'ancien secrétaire du chef qui avait
pris soin de recenser la population ainsi que les terres appartenant aux
différents groupes lignagers.

7
Tout au long de nos recherches, les divers contracts ont mis
en évidence les lPllici tations dont le chercheur est l'objet -,
;".-
et l'int~r~t que le milieu paysan et les responsables des organismes de
développement attachent aux études 80cio- économiques. Cependant, des
deux cetés, l'incompréhension apparaft totale. t.:s "développeurs" ne
comprennent pas les raisons pour lesquelles les paysans ne remboursent
pas les pr~ts qui leur sont octroyés et imputent cette attitude à leur
"malhonnêteté". Les paysans comprennent mal pourquoi ils doivent rembour-
ser des avances pour des récoltes qui n'ont pas atteint le niveau qu'ils
escomptaient et qui ne s~tfiraient
s~tfiraient pas à couvrir leurs besoins soci~ux
effectifs, c'~st-à~dire, les dépenses de santé et de scolarité pour leurs
enfants.
Ces divers réactions et malentendus sont à bien des égards
révélateurs de la problématiques du milieu paysan.
Sur le plan de la démar-che
dém:-'irche 1 ils manifestent la nê ce a.s'i té
n~ces;oi
abso-
lue, d'une pré-enquête longue et systématique dans ces différents milieux.
Si comme l'affirme BOURDIEU 0) la "question méthodologique
proprement dite est celle du choix entre les techniques (métriques ou
non) par référence à la signification épistémologique du traitement
que les techniques choisies font subir à l'objet et à la signification
théorique des questio~que l'on entend poser à l'objet auquel on les
applique", il en résulte que toute méthodologie en sociologie occulte
une théorie du syst~me social que le chercheur engage implicitement dBI1S
ses travaux
Aussi les questionnaires aciltinistrés aux chefs de con ce es.Lon
conccE:r;ion
répondaient - ils à l'analyse d'une formation sociale de type lignager,
caractérisée par des rapports de subordination et d'exploitation; nous
avons donc choisi d'interroger les 113 chets de concessions que comporte
le village. Cet échantillon expérimental of.fre l'avantage de regrouper
tous les individus qui sont chargés de la gestion des biens de la commu-
1°c-
j,', ..'
t .'
l.

0) P. BOUHDIEU
]le métier de SOciolOgue p.66,livre l
J • C. PA::i8ERIN
Ed. Mouton, Paris 19 8
J.o. CHAHBOREOON

8
nauté et qui jouent un raIe important dans le cycle d'ensemble de la
production. Le questionnaire visait huit objectifs (4)
- D'abord identifier les groupes domestiques et recenser les
lieux d'immigration des KUMA ; sur ce point la sociologie spontanée
aurait placé Kpalimé ou le Ghana en tête. Kpalimé se situe seulement à
15 kms d'Adamé et le Ghana est encore plus proche. Or l'enqu~te a révélp
que les KilliA émir,rent avant tout à Lomé, c'est-à-dire à la capitale,
Kpalimé ne pouvant constituer qu'un relais dans certains cas; par
ailleurs il a fallu déterminer la nature des constructions du villa~e,
les matériaux dont elles étaient couvertes, depuis qaand elles sont
couvertes de tales. Cela nous permettait d'établir éventuellement une
relation entre le genre de vie et le développement des cultures indus-
trielles.
Outre l'identification du groupe domestique, la rubrique sur
la propriété foncière était de~tinée à recenser le nombre de terres
par famille et à en fixer l'origine. Le troisième ob~ectif concernait
le recensement des champs de cultures vivrières et les plantations de
café - cacao, leur mode d'exploitation, la répartition des m~taycrs
par famille. Une quatrième rubrique sur la c~mmercialisation du café
ot du cacao met en évidence la concurrence que les maisons de commerce
privées livrent à la Coopérative. Les formes d'entr'aide dans le travail
ont fait l'objet da deux questions et elles ont révélé que si l'on
s'accorde à reconnattre l'efficacité du travail communautaire, ce
dernier se pratique de moins en moins pour des raisons qui échappent
très souvent à la conscience de nos interlocuteurs. Nous avons fait
une place à la perception que les paysans ont de certains organismes de
développement agricole ; leurs actions reflètent dans une certaine
mesure ~e~Jp~litiques de développement.
(4) Voir questionnaire à la fin de la présente étude.

9
Dans cet esprit l'Agent de la SORAD (5), chargé de l'animation
et de l'encadrement des paysans a été également soumis à un questionnaire
(6). en vue de déterminer les modalités d'intervention d'un représentant
des pouvoirB publics, les contraintes sociologiques qui pèsent sur son
action et son degré d'intergration dan~ le milieu. Cette exigence nous
appara~t en effet comme l'une des conditions de l'efficacité de son
action sur le terrain. Enfin, la dernière rubrique et non la moiu(œe
avait pour objectif de cerner les besoins des populations et lee solu-
tions qu'elles comptent y apporter. Pour atteindre tous ces objectifs,
le questionnaire paraissait s'imposer parce qu'il permettait d'accéder
à des données qu'une observation directe aurait rendu pratiquement
impossible.
Le second questionnaire administré aux métayers n'a touché que
62 sur les 131 qui tiennent des exploitations à Adamé. L'analyse a
été centrée uniquement sur les KABYE (7) parce qu'ils représentent 72,
51 % de tous les métaYèrs ; sur les 62 métayers intérrogés, on en
comptait 58 soit 93, 54 %. En déhors des 23 métayers Ewé qui ont donc
des affinités ethniques avec la population d'Adamé, 79,48 % des métnyers
proviennent des régions septentrionales du TOGO. Le choix des Kabye 2>e
justifie dans la mesure où âous vouLf ons >
voulions'" .",
.", .... ('(' évaluer leurs rapports
avec la population autochtone, l'importance et l'utilisation de la
ponction économique qu'ils exercent sur le village et enfin le raIe
que le métayage a pu jouer dans les changements intervenus à Adamé.

------------------------~_._~-
------------------_._--_.----------_.~~--
(5) SORAD : Sociétés régional~s d'aménagement et de dévelop-
pement, organes d'exécution du plan au niv~au de chaque région écono-
mique. Le Togo est divisé en cinq régions économiques depuis 1965.
(6) Voir le questionnaire à la fin de cette étudeu
(7) KABYE : Groupe ethnique du ftQrd du Togo.

10
A ce niveau de notre démarche, il convient de préciser la
problématique qui sous-tend cette étude.
La littérature sociologique et économique comporte dû nombr8u-
ses références sur les effets des cultures industrielles dans les for-
mations sociales "traditionnelles". Généralement deux types de consé-
quences sont mis en évidence : les uns d'ordre strictement économique
les autres d'ordre sociologique. Ainsi les cultures industrielles intro-
duisent les groupes sociaux dans l'échange marchand; les modèles
d'êchange relativement stables, entre autres prestations des cadets
aux atnés et redistribution sont bouleversés
toujours sur le plan
économique, on peut noter par exemple le recul des cultures vivrières,
comme à KUMA accompagné d'une dégradation du niveau de vie des paY2ane
pour peu que les cours de ces produits fléchissent sur le marché inter-
national. La tendance à l'accumulation pour l'accumulation, ou la
destruction ostentoire n'apparaissent pas moins comme des effets liés
à l'introduction des cultures industrielles.
Dans un autre ordre d'idées, l'accent est mis sur la trans-
formation des droits fonciers collectifs en droit de propriété indivi-
duelle,le déclin de l'autorité qui ne reposerait plus sur l'~ge, le
rel~chement des solidarités et l'émerGen~ede nouvelles stratifica-
tions sociales. "L'individualisme agraire" cio~titue par ailleurs un
autre indice de chanBement.
\\ 0
Tous ces phénomènes ont [nit l'obje;t/de nombreuses interpr~­
tations : ainsi Meillassoux a pu écrire C ul'èncouragement à la produc-
tion des cultures commerciales abouti. dans le cadre traditionnel ~
une aggravation de l ' exploi tation 1"'.•.
1"'.•. cl cadets donc à une intensi fica-
tion des conflits sociaux qui seront d'autant plus violents que les

11
chefferies ·~'eront plus fortement installées" (8).
Analysant par ailleurs les conséquences de l'établissement des
coopératives dans le cadre de l'économie traditionnelle, Mcillassoux
affirme : "eaul le chef de famille pénètre dans le circuit commercial
où il se trouve en compétition avec d'autres chefs de famille et où il
acquiert un réflexe individualiste".
Bans souscri.e pour autant entièrement à ces affirmations,
force est de recobna~tre q~'elles caractérisent le processus d'évolution
de formations sociales différant par leurs formes d'organisation politi-
que et économique.
En étudiant un processus de irpissance fendée sur une mono-
culture tel que le cacao, O. AFANA note "qutatrefois, le travail en
commun et la solidarité du groupe garantissaient à chacun sécurité et
assistance même en cas de malheur individuel ou familial" ••• Et il
poursuit: "Aujourd'hui, ces solidarités s'effondrent avec la disloca-
tion progressive des groupements traditionnels"(9).
Ainsi les transformations provoquées par les cultures indus-
trielles touchent OPS aspects extr~mement divers des formations sociales
..
rrtradi tionnelles". l'outefoie leur compréhension serait rendue plus mani-
feste s'ils étaient envisagés sous l'angle de leurs rapports mutuels:
(8) C. Meillassoux, Essai d'interprétat~o~ du p~énomèneé~~­
p~énomèneé~~­
nomi~~e dans les sociétés traditionnelles d'autosubsistance.
Cahier d'Etudes africaines - n04, p. 63
Editions Mouton
Paris 1964
(9) OSENDE AFANA, l'Economie 10 l'Ouest Africain,
Page 149 - Edition F. MAS~j~ - Paris 1966

12
l'observation scientifique ne permet pas d'accéder de façon immédiate
ct totale à la compréhension des phénomènes sociaux. Il convient donc,
ainsi que le souligne C. Lévi-Strauss de "discerner dans la s;J eiété
globale des niveaux qui soient comparables et de.iennent ainsi signifi-
catifs" (10).
Aussi avons-nous choisi d'analyser les changements provoqués à
Adamé dans leur interaction et leurs effets sur la formation sociale
Km4A. Dans cette perspective, les transformations socio-économiques
s'ordonnent autour d'un décalage entre les exigences de la production
de la vie matérielle ct les nécessités dB la reproduction sociale ;
en effet l'individualisme agraire et le rel~chement des solidarités
orientées vers la production se développemt à Adamé tandis que certaines
formes de solidarité.se révèlent encore fortes dans des circonstances
telle que la célébration des f@tes et surtout des funérailles. Ce
décalage s'inscrit dans le cadre de la domination exercée par le mode
de production capitaliste sur le système social.
il convient donc d'analyser les différents modes d'oxistence
de cette distorsion et leurs fonctions dans les transformations socio-
économiques du village :en d'autres termes, il importe de répondre
aux questions suivantes :
1 0
1
-
Que reste-t-il des structures sociales traditionnelles
et comment interviennent-elles encore dans l'organiàation de la
production ?
2 0
2
-
Quels sont les phénomènes de structuration sociale qui
s',pèrent et les différentes stratégies auxquelles ont recours les
individus et les groupes po~ s'adapter à l'évolution actuelle?
3° -' Cornm6flt.l5é~~n11(!e le passage du mode de production domi-
.
:., .
' .
nant aux formes d'articulation avec le mode de production capita&iste ?
(lO)Claude LEVI-STRAUSS, Anthropologie structurale
Page 100, Edition PLON - Paris 1958

4° - Quels sont l'impact et le sens de l'intervention des
pouvoirs publics dans le domaine économique ?
Autant de questions dont les éléments de réponse ressortisse~t
à l'analyse du rale dans la production des structures sociales 11tradi-
tionnelles ll
tionnelles , du processus de destructuration incarné par le café et le
cacao et enfin à l'analyse des contraintes éeonomiques et socio-cultu-
relles qui pèsent sur le développement du village_
-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

PREHIERE
PAR T l E
-=-=~=-=-=-=-=-=-
Structures Sociales Iratiitionnelles et Production
•....
"Quelles que soient les formes sociales de la production,
les travailleurs et les moyens de production en restent toujours les
facteurs. Mais, les uns et les autres ne le sont qu'à l'état virtuel,
tant qu'ils reBtent séparés. Pour une production quelconque, il faut
leur combinaison. C'est la-manière spéciale d'opérer cette combinaison,
qui distingue les différentes époques économiques par lesquelles la
structure est passée" (11).
De cette affirmation, il résulte que toute production est une
combinaison de facteurs de production, en vue d'obtenir un produit dé-
terminé. Ce texte indique, d'autre part, que le développement des forces
productives, constitue le fondement de l'évolution de ~oute formation
sociale. Ainsi, l'activité product.'.e, compo~te deux aspects: un aspect
technique qui tient compte de la nature des instruments utilisés, depuis
les techniques "manuelles" - pour reprendre une expr-e s sd on
expres:don de
d~ Leroi-
Gourhan - jusqu'aux techniques modernes.
Le second aspect de la production, l'aspect social, concerne
les rapports de production, les formes de coopération dans le travail.
L'acte d. production s'inscrit dans un contexte socio-culturel où inter-
viennent des facteurs naturels ou objectifs et des facteurs sociologiques
les croyances, les mentalités, les phénomènes politiques, juridiques et
philosophiques.
_------------------._.-
---..-.-....
..
---._--------------------
(11) MARX, Capital livre II. Chapitre IV, p. 38-39
EDItions Sociales.

15
Il revient donc, dans le cadre de cette partie, d'aualyser le
r81e des individus et des groupes dans le proces~us de production, leu~s
rapports mutuels, 1
'.'- :'coti~
qui les lient aux moyens de production,
les différentes fonctions de village, en tant qu'espace socialisé, et
le r81e des différentes institutions "traditionnelles" dans l'aménagement
des rapports sociaux fondamentaux.
C'est à travers la description de l'organisation lignagère et
territoriale des KUMA, et celle du procès de travail dans ses aspects
sociaux, Bulturels et religieux, que nous allons cerner le r8le des
structures sociales dans la production.
CHAPITRE
l
ORGANISATION LIGNAGERE ET TERRITORIALE
"Le lignage est un groupe de ~ersonneS descendant de façon réelle
ou fictive d'un anc@tre commun, homme ~u femme, soit en ligne masculine:
soit en ligne féminine. Il peut @tre décomposé en segments de différen~G
niveaux, rassemblant les personnes issu~sde tel ou tel descendant du
fondateur" ••• (12)
D'une manière générale, l'organisation lignagère des Ewé repcsc
sur un certain nombre de "Communautés terri toriales", "d n dêpendant e s
"indéperldantes eJ~
étroitement unies" : cel19s-ot comportent différents lignages à la t~te
desquels se trouvent des Togbui (13) c'est-à-dire leo plus âgés, déten-
teurs de l'autorité. Les lignages constituent également les groupements
essentiels sur le plan ~eligieux.
(12) E. 'l.'ERRAY, Le Marxisme devant les Sociétés Primi ti ves
-
.-
- -
-
.-
-
~ -
page 95 - Collection thé.rie ~ Edition F. ~ASPERO - Paris 1969
(13) Terwe Ewé signifiant grand-père, et par extension, toute
personne llgée.

16
Quant au village, il représente, selon les cas, l'aspace
habité ou la ferme, cfest-à-dire le llvi l l a ge
illage de culture où s'installent
les descendants d'un m3me homme, et qui se développe en un village
indépendant destiné à éclater plus tard
il conserve néanmoins, de
nombreux liens avec le village d'origine, notamment sur le plan religieux".
Le village d'A4amé présente une organisation légèrement diffé-·
rente, du fait de sa situation dans une région montagneuse favorable à
la culture du café et du cacao. En outre, l'organisation du village
dépend, dans une certaine mesure, des circonstances de sa fondation -
èellee.oi furent déterminantes dans l'organisation politique et dans
la répartition des terres entre les différents groupes.
Section
l
LIGNAGE
ET
ORGANISATION
POLITIQUE
L'importance respective des groupes lignagers résulte du
rale qu'ils ent joué dans la fon~at1on du village, de leur fonction
politique, et des différents rapports qu'ils entretiennent avec la
chefferie. Dès lors, l'organisation politique du village, peut s'ex-
pliquer par référence aux circonstances de sa fondation. Elle peut se
comprendre également, par rapport à la distribution des fonctions
politiques, à la nature des institutions, bref, à travers l'analyse
des caractéristiques du système politique.
A - La fondation du village
Les circonstances de la fondation du village d'Adamé recoupent
deux périodes: la période de l'exode, vers l'Ouest avec le départ des
Ewé de Nuatja, se termine à Kumato (14).
-.la deuxième période est caractérisée par la dispersion des Kuma et t aboutit
à la création des différents villages du canton.
(14) Kumato
signifie monta~ne des Kuma.

17
1°) De Nuatja à Kumato.
'ilL~<
1" Adamé fait partie d'un ensemble administratif que
représente le canton de Kuma. Celui-ci touche le Ghana à lreuest, par
les villages de Bala, Apoti, et Afeyerné (15). IL est limité au Nord, pU~
le plateau de Dayes, au Sud par la région d'Agome, avec Kpalimé aomrne
principal centre, et à l'Est par les montagnes de Kpimé. Cet ensemble
comporte deux autres villages, situés sur l'axe routier: Kpalimé -
Atakpamé ; ce sont les villages de Kuma-Totsi, et de Kuma-Tsamé.
Au delà de son uni té administrative, le canton de Kuma pr-èaeni.o
présen~;c
une unité ethno-historique ; en effet, les huma actuels représentent un}
branohe des Ewé qui ont quitté Nuatja, à la suite des atroeités d'Agokùli
(16). Au sujet des différentes étapes de l'exade vers l'ouest jusqu'à le
montagne, les enquêtes ont révélé des versions oontradi~toires suivant
les différents villages ; ohaoun tente de revendiquer une parenté directe
aveo le chef, sous la oonduite duquel tous les Kuma ont pu regagner la
montagne. Toutes oes stratégies mndiquent en tous oas, qu'au oours de
leur exode, les Kuma(17) qui ne s'appelaient pas enoore de ce nom, avaient
plusieurs ohefs, en l'occurence, les plus &gés de chaque groupement
lignager; qui s'entendaient dono, sur l'itinéraire à suivre : ils s'accor-
dent à reconna!tre qu'au cours de leur séjour sur la montagne, quatre
.
chefs de lignage exerçaient l'autorité politique.
Les villages actuels d'Adamé, Apoti, Bala et Tokpli (18) ont été
fondés plus tard par leurs descendants.
(15) Voir carte du canton.
(16) Roi des Ewé à Nuatja, oélèbre par ses cruautés.
Cl7) Kuma signifie en Ewé : "qui n'a pas peur de la mort".
(18) Les villages du Dunyo et Afeyemé sont d'origine récente et
proviennent d'une scission à ln suite de ~uerelles politiques.

18
2°)
De la Dispersion à la fondation des différents vill~s dU~~E~~o
Plusieurs causes apparaissent à l'origine de la dispersion
des Kuma; les querelles incessantes et la pression démographique.
- L'augmentation de la taille des groupes lienagers rendait
leur coexistence de plus en plus difficile, dans la mesure o~ la mon-
tagne ne pouvait plus leur offrir les terres nécessaires à leur subsis-
tance. La pratique des cultures vivrières sur des terres granitiques,
avec des techniques rudimentaires imposait des limites sérieu~es à la
subsistance des groupes et des individus. Sans souscrire pourtant à un
déterminisme géographique, il demeure cependant vrai, que le faible niveDu
des forces productives exerce des contraintes objectives sur l'action
de l'homme dans le milieu (19)
- En dehors du phénomène démographique, les querelles incessan-
tes interviennent également dans la dispersion des Kuma. La tradition
orale rapporte qu'à la suite d'une querelle sanglante, il avait été
décidé que tous les témoins seraient châtiés. Ur, parmi ceux-ci, on
comptait la fille de l'un des chefs de lignage, appelé Guidi. Ce dernier,
ne voulant accepter cette "injustice" avait donc décidé de quitter la
montagne avec les siens, pour s(installer chez l'un de ses frères qui
avait déjà émigré.
Le village d'Adamé fut fondé plus tard, par l'un de ses fils,
du nom d'AGHAl'iDRI. Au départ, le village avait été dénommé "NEKLIli'E" (20)
du nom d'une rivière qui baigne la région. Mais bient8t, les Kuma devaient
se disperser, à la sui te de l'invasion ASHAN'l'I. A la fin de la gue r-r-e ,
guer~'e,
trois lignages se sant réunis pour reconstruire le village.
----------------------------~_.*--,
(19) Cette situation, bien qu'ancienne, présente quelques ana-
logies avec celle du pays Kabye (nord du Togo) où l ' exigui té du terri toir
e~ le manque de terres fertiles ont contraint la population à l'émigra-
tJ.on.
(20) Terme Ewé qui signifie le village de Nekli.

19
3°) - L'implantation définitive à Adamé.
L'histoire de fondation du village révèle l'origine ancienne
de la chefferie. Celle-ci·.est détenue à l'heure actuelle par les descen-
dants de l'ancien chef de lignage Guidi.
Adamé compte aujourd'hui trois quartiers (21) dont deux portent
les noms d'anc~tres fondateurs du village. Le quartier DAKE (22) détient
la chefferie, le quartier BOBO et le quartier TOHOUIN qui signifie "près
de la montagne" - Ceux-ci exercent des fonctions politiques: en effet,
les plus directs collaborateurs du chef de village, se trouvent respec-
tivement à BOBO et à TonOUIN. Au premier reviennent les fonctions d'hSAFO~
terme qui signifie chef militaire en temps de guerre.
h l'heure actuelle, ASAFO assure la police intérieure et est
chargé de constater les accidents de chasse et les litiges. Le second
quartier remplit les fonctions de porte-parole du chef (TS~UfI). Le chef
des jeunes, ou le SOHAFIA (23) réside également dans ce qFartier.
Le regroupement lignager d'hdamé se caractérise par une grande
hétérogénéité en effet, le quartier DAKE regroupe les descendants d'un
même ancêtre.
D'après la version officielle d'Adamé DAKE aurait été le véritahl
chef de tous les Kuma j mais celui-ci, pour des raisons de santé, n'avait
pas regagné la montagne. Il serait parti à hg0U pour se faire soigner les
yeux; son fils GUidi, serait ainsi devenu chef, avec le consentement de
ses frères ainés, EZU et AKPhO.
(21) Voir carte ci-jointe.
(22) DAKE est le père de GUIDI.
(23) SORA
Jeunesse
FI";'
Chef
SOHAFIA
Chef des jeunes.

, VOUTI
+ KOTO
(Fondateur de
NEKLlFE devenu
ADAME
A
, à sa mort
VOUTI Ch~istophe
son frère KOTO
(actuel chef du
lui a succédé.)
village d' Adamé)
Le quartier DAKE forme aiRsi un ensemble !'l.omo,fèDp. . sur le plan
lignager ; en revanche, BOBO est composé de descendants d'anc@tres dif-
férents, l'un d'entre eux, en l'occurence BOBO, ancêtre de l'actuel
--.....
ABAFO, s'était mis avec les siens sous. ·Îaprdt.~çtion de Guidi, à l'épo-
"
-
1 L
'
que od ce dernier séjournait sur la .Ohtègne. Le·quartier Tohouin présente
la m8me hétérogénéité. Le lignage dJ:porte~pàr~lll'Xill chef. reprp.sente
la branche maternelle du lignage du.
du~, ch'eï'. ·1.es autr~b lignages du quartier
sont également composés d' étran:~ers, dont les anèêtres avaient scSjournt
à KU~lATO. Le village apparatt ainsi comme la réunion de sept lignages
hétérogènes entre lesquels existent toutefois des relations d'alliance
et de parenté.
Cette hétérogénéité n'a pas entrai né cependant une su}rématie
totale du lignaGe de la chefferie sur tous les autres ; deux ordres de
phénomènes auraient pu y conduire ; l'origine ancienne de la chefferie,
et la situation de dépendance dans laquelle s'étaient placés au départ
les ancêtres des autres lignages.

Ensuite, la primauté politique du fondateur du village. hnis,
historiquement, les principaux lignages ont pris en m~me temps possession
de la terre, au moment de l'implantation définitive à KUMA-AD~'Œ.
D'autre part, l'indépendance relative des lignages vis à vis
:
du pouvoir politique explique, dans une certaine mesure, les caractéristi-I
ques d'un système politique décentralisé.
B - Le système politique :
Avant de définir les caractéristiques du dydtème politique il
convient de justifier rapidement cette démarahe.
En effet, analyser le système politique sans avoir décrit l'or-
ganisation de la production, peut parattre une erreur méthodologique,
car nous croyons féconde cette idée de Marx "que ce n'est pas la
conscience qui détermine l'existence, mais bien l'inverse", le système
politique étant une super-structure, et la base économique, l'infrastruc-
ture. En d'au~res termes, dans une formation sociale donnée, la base
économique est détermininte, en ce sens, qu'elle détermine les formes
d'existence des Instances Juridico-politique et idéologique. Mais cette
place peut ~tre occupée par une autre instance.
Les travaux des Anthropologues Africanistes, en particulier
ceux de Meillassoux et de Terray ont mis en évidence ce phénomène. A
travers des formulations différentes, ils aboutissent à l'idée fonda-
'dans
mentale quelles formations sociales "traditionnelles" on ne peut fonder
'dans
entièrement la différenciation entre les individus sur la propriété des
moyens de production. Cette idée, met du m~me coup en lumière, le raIe
décisif de l'instance politique et de l'instance idéologique dans la
structuration des groupes, dans l'organisation de la production, et dans
la circulation des valeurs d'usage.

22
Elle permet d'éclairer la place respective des individus danà
le processus de production, et les rapports qu'ils entretiennent avec
le pouvoir politique.
Terray écrit d'ailleurs à ce sujet ; "Dans les Sociôtés Primi-
tives, la base économique n'est pas autonome. L'importance des lions
extra-économiques dans leurs modes de production, entratne la domination
de la super-structure politique et idéologique".
Dans le cas d'Adamé, les caractéristiques du système politique
nous permettent de comprendre le processus de désagrégation des stru~tures
sociales sous l'action des cultures industrielles et les différentes
contradictions qui bloquent le dynamisme du village. Le système politique
est fortement marqué par une autorité de type gérontocratique, et par
des institutions de nature oligarchique.
1)
La réalisation du principe gérontocratique dans la relation ainG-cadet :i!
Pour l'instant, nous recourons à la distlàction ai-nécadet,
établie par Maillassoux, dans son étude sur les Gour,
de la Cete d'Ivoire
(24) pour distinguer deux groupes de personnes à partie du seul critère
de l'~ge ; dans cette perspective, les femmes très âgées, rentrent aussi
dans la catégorie des ainés.
Cette décision de méthode n'est qu'une première approche du type
de stratification sociale, qui caractérise la formation sociale Kuma.
Il reste toutefois par la suite, dans le cadre des rapports de production,
à déterminer d'autres fondements objectifs et à préciser la nature de
cette stratification. ta réalisation du principe gérontocratique dans la

-~+~~._--
(24) C. Meillassoux, Anthropologie économique des Gouros de la
Cete d'Ivoire, Edition Monton - Paris 1966.

23
relation atné-cadct, se manifèste à deux niveaux: dans le cadre du
li~nage d'une part, et au niveau du village, d'autre part.
- Relation atné-cadet dans le cadre du lignage :
Le lignage ou " fome"(25) se définit essentiellement par rÉ,fércnce a
un ancêtre commun, ou TOGBUI, et par r6férence â un ensemble de biens
fonciers; dans ce deuxième cas, on recourt habituellement au terme de
"NOUDEKADOULAWO" c' est-â-dire, l' e nnembLe
enr;emb1e des personnes qui ont des
droits sur les m~mes terres. La transmission des biens fonciers ce fait
uniquiment en ligne masculine, en d'autres termes, une femme ne peut
jamais accéder à la chefferie, dans le cadre du lignage.
- Le TOGDUI représente le lignage dans toutes les circonstances
et administre les biens du groupe. Il détient son autorité des aDc~tres
d'ailleurs, le terme TOGBUI en Ewé, sert â désigner à la fois les anc~­
tres e\\ le plus âgé des membres du lignage. Il contra le les richesses
du groupe lignager 1 et re~"tr-dds prestations de la part des cadets
- Rentrent également dans la catégorie des atnés, les chefs de
lignée qui ont sous leurs ordres un groupe de dépendance et les personnes
~gées, sans groupe de dépendante. Les premiers contraIent les travaux
agricoles, et sont tenus de fournir â leurs membres, les moyens nécessaircE
â leur subsistance i ils remettent par ailleurs au chef du lignage, 1(;5
richesses, en l'occurence, les biens de prestice, (bracelets en ivoire,
perles) et les cauris provenant de la vente des biens produits.
Les seconds reçoivent tout simplement des prestations de la
part des cadets du groupe lignager. beux-ci cultivent les champs des
atnés, et leur donnent des produits vivriers sur leur récolte.
----~--------------------------~~.~
(25) Terme Ewe, signifiant lignage.

24
Dans le groupe des atnés ainsi définis, seul le chef du ligna-
ge contrale effectivement les richesses. Les autres forment une cat~gorie
hiérar.hiquement inférieure.
Le cadet est un jeune, mais est consid~ré ~omme tel le chef de
ménage. Bien qu'il jouisse d'une autonomie relative, il continue cepen-
dant à fournir des prestations au chef du lignage, ou au chef de famille.
Mais, il n'est pas pour autant ass~cié au processus de dpcision. Ainsi,
le mariqge ne permet pas automatiquement au cadet d'aooéder à un statut
supérieur, ct est-à-dire au groupe dominant des atnés.
i'· '."
t. relation
- : »
a!nés-cadets s'articule autour de l'~ee qui sert de justification aux
inégalités politiques.
Dans le cadre du lignage, les affaires importantes, telle la
donation d'une terre se sèglent entre le chef et les autres a!n~s.
En cas d'impasse, les intéresFlés saisissent un atné du quartier ou au
besoin, le chef du village. Dans tous les cas, les cadets sont exclus
du processus de décision,
Si la parenté constitue, un principe de continuité, selon
l'expression de P.P. REY, il semble que le "1ignap;e ne se laisse pas
imposer l'ordre dans lequel l'individu accède de plein droit à la chef-
ferie".
Dans le cadre du village les rapports entre a~nés et cadets
sont régis par le m~me principe. ~es cadets recourent habituellement
au terme de TOGBUr pour désigner les anciens et les chefs de lignage
ces derniers peuvent solliciter leur aide pour les travaux agricoles
sans fournir aux cadets une contre-partie. Généralement le chef du vil-
lage ,consulte son .onseil et les vieux des différents quartiers avaht
d'arr3ter une décision importante dans l'intér~t du village. Certes les
décisions du chef et de son conseil ne s'imposent pas automatiquement
à la population qui jouit du droit de dis.ussion sur la place publique
mais les jeunes interviennent très peu lors de ces débats. rI existe

25
...
un chef des jeunes, SOHAFIA, mais celui-ci est avant tout un atné qui
sert d'intermédiaire entre le pouvoir et les jeunes, entre la population
et le chef, il est également chargé, lors des discussions collectives,
de transmettre au pouvoir politique le point de vue de la population.
De m~me qu'au niveau du lignage les cadets interviennent trcQ peu dans
le processus de décision, de même dans le cadre du village, ils sont
réduits a un r$le marginal.
Ce décalage entre l'institution et la fonction exprime à bien
des égards la subordination des cadets. ue ns
ens ce contp-zte, le terme de
TOGBUI ne serait que "l'expression des rapports de production déterminants
suivant la formule de P.P. REY. Le principe de gérontocratie apparatt à
première vue comme le fondement de la différen~iation entre atnés et cadet
mais au niveau du village, ce "voile" commence à tomber dès lors que l!on
sc réfère aux diverses prestations des cadets aux aînés, à la circula-
lation des hommes et des biens entre les chefs de lignage. L'~ge se
manifeste alors comme un phénomène idéologique et ne peut donc seul suffir
à expliquer la différenciation entre a!nés et cadets.
2°) Les institutions politiques
(26)
Pour mettre en évidence, la nature du système politique des
Ewé en gén6ral, et des Kuma en particulier, deux thèses apparemme~t
contraditoires nous serviront de pales de référence :
'--------------------,...
'--------------------, ~~-~~_.-
(2.6) Il existe à Adamé, une instit-ation politique d'oric;ine
récente, pud squé e Lâ e
puisqu~e11e remonte aux premières annê e s
[lnnées de l'indépenc:ô.nce du
Togo, mais elle n'a aucun caract~re politiqua, en ce sens que ses avis
ne lient ni le chef, ni le conseil des atnér.. Le comité du village,
organe consultatif, regroupe des lettres et des jeunes: son raIe est
d'éclairer le pouvoir sur certains problèmes modernes : les pr0blèmes
scolaires, de santé etc •••

26
La première émane de J.C. Pauvert ; elle assimile le système
politique des Ewé à une "sorte de démocratie monarchique" qui laisse
aux groupements locaux une indépendance presque complète" (27). L'aspect
dominant de ce système réfère, comme l'auteur le souligne plus loin,
" au earactère démocratique de la société Ewé qui est liée à la struc-
ture homogène et close des groupements locaux".
La seconde thèse peut @tre dégagée â travers deux articles
que F.N. AGBLEhAGNON a publiés respectivement dans les "cat.Le r s
"ca-I'.iers inter-
nationaux de sociologie" (28) et dans la revue "Civilisation". L'auteur
met en général l'accent sur le caractère démocratique du système politique
des Ewé.
A certains moments, il parle m@me du caractère "très démocrati-
que" de la société Ewé comme dans ce passage où il compare le système
politique Ewé, et le système politique Kabye.
"En dehors des liens traditionnels, de la parenté, nous avions
comme dans le cas des Ewé du sud, des systèmes de chefferie où fonction-
naient très souvent des régimes très démocratiques". Tout en reconnais-
sant dans la société Ewé, l'existence de "StatutB à pr-e s t i ne s
prestiiTes fondés
tant sur le principe de l'aïnesse, que sur la réussite ou l'intelli-
F:ence personnelle", l'auteur affirme, cependant, qu'on ne peut pas
parler d'une "véritable distance sociale" entre les différents membrer;
de la communauté, et entre les différents croupes" (29).
Et pour étayer son affirmation, AGBLEMAGNON analyse en ces
termes, la nature du conseil des a~nés.
(27) J.C. PAUVERT, l'évolution Politique des Ewé ORSTOM,
n?
nO 4064 IRTO - 1958~-'------~-'~"
-
---,_.._-
..
(28) F.N. Sougan AGBLEMAGhGN - Hythe et réalité de le. classe
sociale en Afr~e noire~ le cas du Togo - CIS vol.
XXVIII - 1965
(29) OpuisCité - CIS - Paris 1965

27
"t>lieux encore, le conseil des anciens, le conseil de la chef-
ferie, qui jouisGait èu plus grand prestige, et de la plus grande
autorité, tirait sa raison d'être, non du fait qu'il devait se consi-
dérer comme un &tat dans l'itat, mais au contraire, comme un trait
d'union comme un élément modérateur dans la société, comme l'expression
de l'aut~rité collective et non comme l'émanation dtune partie privi-
légiée de la communauté (30).
Ces deux thèses mettent l'accent sur le caractère démocrati-
que du système politique Ewé, dont le conseil des atnés représente la
pièce mattresce. La formulation de Pauvert, quoique contradictoire est
significative, en ce sens, que dans l'esprit de l'auteur, le conseil
des atnés devait contrebalancer l'influence d'un pouvoir héréditaire.
En revanche chez AGBLENAGNON, la fonction démocratique le_
ce conseil, apparatt très nettement puiflqu'il le qualifie successive-
ment de "trait d'union", d'élément modérateur. Il est même "l'expres-
sion de l'autorité collective".
Derrière ces formulations ambigües, se dessine subrepticement
la théorie des corps intermédiaires, nécessaires au maintien de l'équi-
libre des pouvoirs, dans un régime monarchique. Or la société Ewé,
est une société décentralisée, comme l' affirii:e d'ailleurs Pauvert 0
DOnc, faute d'un monarque et d'un état centralisé, la théorie
des corp~ intermédiaires ou de l'équilibre des pouvoirs, appliquée
au cas des Ewé, n'a aucun objet. Mieux, elle apparatt comme une con-
tradiction au sein de l'interprétation qui nous est proposée au sujet
du système politique Ewé.
Sur le plan strictement sociologique, la thèse d' AGBLE~1AG1';Ul,
exprime une théorie du pouvoir Ewé qui repose sur la hiérarchisation
de trois corps politiques: le chef, le conseil des anciens, et les
différents groupements lignagers.
-------------------_.~-~~~------------~'
(30) Ibidem

28
En fait, le chef, n'est que le rep~(sentant du conseil des
a~ciene! sur le plan de l'autorit~. Quant ~ la notion de d~mocratie,
elle perd toute valeur opératoire dès l'instant où elle sert à désigner
par un aspect seulement, l'ensemble d'un système politique où les procé-
dures de dœsignation du chef, et de l'exercice du pouvoir
appartiennent
à un groupe, plutet qu'à l'ensemble de la société.
A cet égard, l'examen de la place respective du chef et du
conseil des a!nés permettra de dégager les caractéristiques du système
politique.
a) Le chef
La place du chef dans le système politique; repose sur l'ori-
gine du pouvoir, le mode de désignation et Ges fonctions.
L'origine du pouv2ir -
ilLe pouvoir est sacralisé parce que toute société affirme sa
volonté et redoute le retour au chaos, comme réalisation de sa propre
mort". Cette phrase de Ef\\.LANDL:T.l, exprime l ' Lmpor t an ce
il;Jportance du sacré.
dans le
maintien de l'équilibre social au sein des iTsociétés traditionnelles" et
leur souci d'é«happer aux contingBnces temporelles.
De ce point de vue, les théories officielles
rapportent
l'origine du pouvoir aux anc@tres morts qui constituent en quelque sorte
le "clan idéalisé porteur des valeurs ultimes lî
ultimes
par opposition à l'ensem-
ble des vivants. Le pouvoir appara!t comme un attribut des anc8tres et
les gens qui en sont investis comme des intermédiaires légitimes.
Tout pouvoir cherche à assurer le consensus et le maintien
de l'autorité. Le premier se réalise par l'intériorisation et l'assimila-
tion des normes culturelles inculquées aux groupes sociaux. Ces normes
sont elles-mêmes destinées à assurer la conservation du pouvoir par
un groupe social.
Chez les Ewé, la recherche du conser.sus et partant la justifi-
cation du pouvoir~ se fait par des moyens sacrés.

29
A Kuma, cette dimension se réalise dans l'importan.2 que l'on
accorde généralement au tr8ne.
En effet le trOne ou "TOGBUI ZIKPI" mot Ewé qui signifie le
tr8ne des ancêtres, constitue de loin le fond8ment sacré le plus impor-
tant du pouvoir politiqua. Selon la tradition orale, l'origine du tr6ne
chez les Ewé. remonte à l'époque où ils vivaient à Ifé, au Nigéria
actuel. Chaque .lan. avait un tr8ne, et
au cours de leurs exodes suc-
cessifs vers l'ouest, les Ewé avaient emporté avec eux leur tr8né.
En fait chez certains clans, le pouvoir était plut8t symbolisé par un
chapeau fait avec la peau d'une ~~te féroce.
Sur le chapeau était fixée l'une des pattes de l'animal.
Chez les Kuma en effet, l'insigne du pouvoir était plut8t
représenté par ce chapeau. Mais à la suite d~ circonstances mal éclair-
cies, le chapeau ancestral aurait été confisqué par le lignage maternel
du fondateur d'Adamé : aussi Guidi, avait-il décidé de se faire faire
un tr8ne. Véritable substitut du symbole ancestral du pouvoir politique,
le tr8ne ne conserve pas moin~, une valeur sacrée, puisqu'il a été béni
suivant le~ rites ancestraux. Symbole le plus important du pouvoir,
il manifeste à bien des égards~ l'origine sacrée et religieuse de ce
dernier.
- Sur le plan religieux, le tr8ne représente tous les ancêtres
disparus. Il conf~re au chef son statut d'intermédiaire indispensable
entre les ancêtres et les hommes. Cette signification se dégage à
travers un certain nombre de rites ; à l'occasion de la célébration «.
de la f@te des ignames, qui symbolise la f~te de toutes les cultures,
on immole un bélier qui est préparé avec les ignames nouvelles.
Les aliments sont répandus ,rèll du tr8ne, ainsi que le sanG
du bélier. Ce rite est célébré en présence du chef, par deux personnœs
qui ont en permanence cette charge. Tout le mo~de n'a pas accès au
trSne. Le tr8ne exerce également des ef~ets bénéfiques sur les malades.

30
En cas de maladie,
par exemple, l'intéressé vient faire des prommsses au
tr6ne, en vue de sa guérison. Au moment de la guérison, i l vient offrir un
bélier. L'intéressé lui-m~me n'a pas accès au tr8ne ; Seules deux personnes
spéciamement désignées à cet effet,
dans la famille du chef, et de der~ier
interviennent en sa faveur,
D'autres circonstances permettent également de ~anifester
~anifester la
valeur sacrée de la chefferie. Tous les trois ans,
le tr8ne est porté à
la rivière, pour y @tre lavé
; les cérénornies commencent très t8t le matin
recouveEt d'une peau de mouton blanche,
deux afnée et deux ~adets du lignage
du chef l'accompagnent. Ils doivent garder un silence absolu, à l'aller
comme au retour. Des réjouissances accompagnent ce rite à la fin des céré-
monies. Les travaux ne pourront reprendre aux champs que le lendemain.
Tous ces rites, mettent l'accent sur la valeur sacrée et religieuse
de la chefferie et la caractérisent comme une institution, inviolable qui
émane directement des anc~tres, et qui continue à être assistée par ces
derniers.
Sur le plan sacré, on ne conçoit pas en coutume Ewé de
chef~~ans
chef~~ans
trene ; si à la suite d'une guerre, l'ennemi venait à s'en emparer les
Ewé se consia~raient comme pratiquement vaincus. 'iais les hostilités
demeurent tant qu'ils n'auront pas réussi à le reprendre à l'ennemi. Quoi
qu'il en soit, le chef perd automatiquement son pouvoir politique et doit
~tre remplacé. Il traduit l'idée que la chefferie et par conséquent le
pouvoir politique, viennent des ancêtres. Cette justification devient une
mystification,
dans la mesure ou le pouvoir politique est confisqué par
le5 afnés : c'est pourquoi, le groupe dominant des aînés n'admet pas que
le chef perde son tr8ne. Ce faisant, i l dépouillerait le pouvoir de sa
dimension mythique.
La désignation du chef : RaIe prépondérant des a~ni~ :
Le choix du chef se fait toujours parmi les membres du lignage
fondateur du village. A Adamé, la chefferie revient à la lignée des Guidi.

31
Ce dernier avait dfji prfsidf aux destinfes du 1igna~e royal i l'&poque
où tous les Kuma vivaient sur la montagne. Plus jeune pourtant que ses
frères, EZU et AKPAO, Guidi avait cependant ~cc8dé i la chefferie avec l
le consentement de ces derniers.
Chez les ~w~, le pouvoir politique ~choit en principe au
plus âgé des membres du lignage. De ce point de vue, la désignation
de Guidi repr~sentait une exception. Celui-ci s'était fait remarquer
assez t8t sans doute par ses qua1it~s m;rales et intellectuelles. Les
1ign~es parentes ont cependant conservé les fonctions de"Duto" et de
"Fioto" qui signifient respectivement
: "Père du village" et l'Père du
chef". Le Duto est celui sous l'ordre duquel le village a ~t~ fond~, ou
alors,
celui qui le premier a donné naissance à un garçon, au moment de
la fondation du village.
(31).
fi
Le Père àu chef" avait offert à son frère les biens n~ces­
saires a la cflébration des cérémonies d'ihtronisation.
Aujourd'hui à Adamé, c'est au chef de la lignée des AKPAO,
qu'il revient de
dfsigner le chef. En fait, i l partage ces responsa-
bilit~s avec tous les a!nés di lignage du chefo En principe, le futur
chef est toujours dfsigné dans la lignée des Guidi par tradition.
Ainsi, l'accession à la chefferie est héréditaire~ et se fait en ligne
masculine. Mais le choix des afnés des enfants ne constitue pas une
règle absolue
dtune façon générale : la désignation d'un membre du
lignage comme futur chef, ne s'impose pas aux chefs de lignage.
(31) En coutume Ewé, le fait de
donner naissance à un garçon
au moment de la fondation d'un village, est un bon signe,
car la
.~ntinuité du lignage est assurée. Cette croyance n'est que le reflet
d'un système patrilinéaire.

32
Ceux-ci se réservent la possibilité de refuser l'accès au
tr8ne à un homme dont ils estimerait les qualités marales et intellec-
tuelles insuffisantes. En d'autres termes, la personne ou l'origine
familiale du nouveau chef, importent moins, que son intégration dans
le groupe des atnés, et sa capacité à conserver les valeurs tradition-
nelles. Par ce biais, les a~nés contr81ent le pouvoir politique et
du m~me coup, le procès de production social.
Cette stratégie des ainés. apparatt encore clairement quand r
quand
on considère les rapports du futur chef, à l'institution elle-m~me.
D'abord, le nouveau chef n'est pas avisé de sa nomination. On le surprend
t8t le matin, au réveil de préférence : le rite consiste à badigeonner
les portes de sa case, et lui m~me d'une solution de craie blancbo. A
partie de
ce moment, le choix devient irréversible, et l'intéressé ne
pourra pas se soustraire à la chefferie. Dans le cas contraire,
des
malheurs s'abattraient sur lui, et rien ne pourrait lui réussir dans
la vie (32).
Ensuite, la destitution du chef constitue en dernière analyse
un privilège réservé aux atnés. En coutume Ewé, on ne peut en principe,
destituer un chef. hais des circonstances particulières tels que le
vol, les crimes et les adultères, peuvent conduire à sa destitution.
Dansees cas, l'initiative de la procédure revient aux a~nés.
-
D'abord, ils essaient à huis clos à plusieurs reprises de
faire prendre conscience au chef de la gravité des actes répréhensi-
bles qu'il commet et lui donnent éventuellement des avertissements.
- En cas de récidives persistantes, les aînés décident alors,
la destitution du chef et en appelant à l'assemblée de tout le village.
(32) Cette croyance est tellement vivace chez les Kuma, que
dans un village voisin d'Adamé (TOKPLI) un instituteur qui avait refus&
d'accéder au trane, a néanmoins continué à s'intéresser de très près
à la chefferie, pour éviter le ch~timent des anc~tres.

1
33
1
1
t,
1
Mais dans ce cas, le successeur ne pourra pas bénéficier des
1
cérémonies d'intronisation. Il faut attendre la mort de l'ancien chef.
1
chef.
1
Cette préaaution élémentaire, met
cn sévidence que le pouvoir
i
pouvoir
l
ne peut se contester lui-même, ni se
démy thificr, car en fait, l' introûi-
sation d'un nouveau chef, dans ces conditions, appara!trait comme un
signe de désaveu des a!nés eux-m~mes. Cette solution boiteuse. est un
procédé idéologique, destiné à conserver au pouvoir politiqu<, son carac-
tère sacré, tout en lui assurant la continuité ; dans cette période de
transition, la société ligngère ne dispose pas de chef à proprement
parler. En fait seu~les a!nés exercent le pouvoir réel.
- L'intronisation du chef:
Les cérémonies d'intronisation
se déroulent en trois étapes
d'abord le Floto et le Duto, lui posent les mains sur les épaules et
le font asseoir à c8té du tr8ne.
Ensuite, on prend du tissu b~anc, généralement du percal, on
immole un bélier; le chef trempe trois fois ses pieds dans le sang dont
une partie est déposée près du tr8ne en guise d'offrande. Le bélier est
l'animal de sacrifice qui marque le respect
le prestige et la consi-
dération. La tissu blanc signifie pureté,et paix. Le chiffre trois que
l'on retrouve dans différents rites est le symbole de la stabilité et
de la puissance.
Enfin, les a!nés gardent le chef- pendant une à deux semaines
pour lui prodiguer des conseils,et l'instruire de certaines pratiques
coutumières. Ici, le "Père du chef" joue un raIe particulièrement
important. A la fin de cette période, le nouveau chef est présenté a
la population. Le caractère exceptionnel des réjouissances qui entourent
son intronisation consacre son intégration dans le groupe des ancêtres.

-
Les fonctions du chef
L'ampleur des cérémonies
rituelles qui entourent l'introni-
sation du chef, révèle non seulement le caractère sacré et religieux
de l'institution. mais aus',i le r81e important que les atnés jouent
dans la désignation du nouveau chef. A cet égard, les qualités morales
et intellectuelles qu'exigent les atnés. s'expliquent dans une grande
mesure; par l'importance des responsabilités,
que le chef assume dans
;a collectivité.
D'abord le chef représente l'autorité danb le village. Cette
autorité n'est pas liée à sa personne, mais lui vient des anc~tres. Le
terme TOGBUI exprime à cet éea~d la relation essentielle qui lie le
pouvoir aux ancêtres. Le nouveau chef est désigl.é donc par un terme
qui signifie ancêtres,
c'est-à-dire, celui dont le choix a été approuvé
par les ancêtres, et qui devient ainsi, leur représentant parmi les
hommes. Cette situation devrait en principe conférer au chef d'importants
pouvoirs religieux. Nais en réalité, i l n'en est rien du tout. Le chef
n'exerce à Adamé aucun pouvoir religieux. Ce dernier est réparti entre
les membres du conseil des atnés. En tant qu'autorité traditionnelle,
le chef est garant des intérêts de la communauté, vis-à-vis des étran-
cers. Mais i l n'est pas l'administrateur des biens • .LI, indépendance des
lignages, lui 8te ce privilège.
Toutefois, i l a la garde des terres qui n'ont été ap)ropri6cs
par aucun Ld gna ge ,
lignaee, au mor.• ent de la fondation du village.
Enfin, i l rend la justice avec le concours du conseil des a!n~s
et intervient dans l'aménagement et l'entretien du villaGe. A travers
le chef, les groupes sociaux reconnaissent davantage l'autorit& des
anc~tres : aussi la conformité des dirigeants à la tradition constitue-
t-elle la base fondamentale du respect. A eette étape de l'analyse des
institutions politiques, on peut insister su» les points suivants:

35
1°) La chefferie est âne institution héréditaire mais l'accès aU
trene n'est pas automatique, il est conditionnel.
2°) Le choix du nouveau chef est étroitement contralé en ce sens
que le groupe dominant des ~!nés ne se laisse pas imposer aussi bien
dans le cadre du lignage que dans celui de la société toute entière
"L
iiI 'ordre dans lequel les membres accèdent à la chefferie".
3°) Les cadets d'une façon globale. et les femmes n'interviennent
pas du tout dans le processus de désignation - tout choix s'impose à
eux de manière irréversible.
4°) Cet ostracisme
est la marque d'une société gérontocra-
tique qui contrôle l'accès au pouvoir politiqu(- et par conséquent le
procès de production social.
5°) La notion de che: - est avant tout liée à l'appartGnanoe
à une catégorie sociale, celle des atnés, car qu'il soit vieux ou
jeune, le chef est toujours désigné sous le nom de TOGBUI.
b) Le conseil des atnés :
Dans le cadre des systèmes socio-politiques négro africains,
les conseils bénéficient d'un douole statut car ils représentent
l'institution politique la plus répandue une pièce mattresse de l'or-
ganisation familiale et politique.
Généralement, ils remplissent deux fonctions: dans le cas des
royautés, le conseil composé quelquefois de chefs de tribu, de région
ou de province, contrebalance le pouvoir du roi, tout en lui témoignant
une fidélité particulière. mais dans le cadre des chefferies, Le.s
le.s
conseils en contralant pratiquement la désignation du chef et le pro-
cessus de dé~ision sont en fait les véritables détenteurs du pouvoir
politique, le chef étant uniquement celui qui est investi de l'autorité
ancestrale. C'est le cas des Kuma.

36
En plus de quelques chefs de lignage, le .~nseil des a1nés
comprend
cinq membres principaux dont les attributions sont sp~cifique­
ment déterminées5
Il stagit du porte-parole du chef, lI che f
hef de la guerre" du "Père
du village" du "Père du chef" et du "Chef des jeunes" (33)5
Chez les Ewé, les fonctions de "Père du chef" sont toujours
confi~es à It un
un dû ses frères directs ou à un membre de son lignage.
En revanche, les autres fonctions n'ont aucun. caractère familial.Elles
sont attribuées suivant des critères d~finis. Toutefois, avec la colo-
nisation, ces fonctions tendent à devenir héréditaires.
Les attributions du conseil relèvent à la fois du domaine poli.
tique.et du domaine religieux:
- sur le plan religieux, le père du village ou Duto, constitue
un personnage important ; en général ce dernier est choisi dans le
lignage fondateur du village. Souvent, c'est un chasseur renomr.1é qui
qui a été dép@ché sur les lieux pour déterminer si ces derniers sont
propices à l'établissement d'un nouveau village5 A Adamé, le père actuel
du village t fait, partlc du' même
mêmo l'i't.,nace f!UtÔ 10' ..chü1'~ Il, cet princip:üe me r
princip:üemer ':
chargé de l'intronisation et q ce titre
exerce d'importants pouvoirs
religieux. Il intervient également auprès des ancêtres pour éloigner les
malheurs du village. Sur le plan politique, interviennent principale-
ment le porte-parole, le chef de guerre, le père du .hef,et le chef des
jeunes.
--~-----------------------_._---~--
(33) Les Ewé désignent ces fonctions par les termes respectifs
suivants
- TSAIviI
porte-parole
- ASAFO
chef militaire
DUTO
père du village
FIOTO
père du chef
- SOHAFIA
chef des jeunes

t
\\
37
1
1
1
Bien qu'il exerce une partie des pouvoirs religieux, le porte-
parole du chef, ("ou langue du chef") constitue le principal intermédiaire 1
!
entre la collectivité et le chef. Ce dernier ne parle jamais en public
i
aussi, le Tsami est-il cgargé de faire connattre les intensions du chef.
Le porte-parole est surtout choisi pour ses qualités oratoires,
reconnues par le groupe des atnés. Il accompagne le chef dans s€s
voya-
ges et porte devant lui le sceptre, signe distinctif de la chefferie,
grlce auquel les gens reconnaissent la présence du chef. Le TSAMI
représente souvent le chef dans diverses circonstances, chaque fois que
la présence de ce dernier n'est pas jugée indispensable ou en cas d'em-
p~chement. Dans ce cas, les h8tes lui témoignent le m@me respect, da au
chef et lui réservent l'accueil de au rang de celui qu'il représente.
A Adamé, les fonctions de TSAJiI sont exercées par'
pnr l' atné du
lignage œaternel, du chef de village.
- Les fonctions d'ASAFO ou "chef de guerre" ont subi une évolution
depuis la guerre que les Ewé ont livrée contre les Ashanti en 1865. Il
semble d'ailleurs, que l'origine du terme date de cette époque. ASAFO
en Ashanti signifiant ASAFOHEHE. Mais la fonction en tant que telle exis-
tait avant cette gurre.
Dans la sociét~ lignag~re, la responsabilité de diriger las
op~rations guerrières lt d(;: rendre compte au chef, revenait généralement
au plus courageux.
Aujourd'hui, ses fonctions consistent à constater les divers
incidents qui surviennent, tels qae les accidents de chasse et les crimes.
En cas de vacance du tr8ne, il peut 6tre amené à assurer l'int'rim avec
l'aide du porte-parole et du conseil des a!nés.
- Quant au FlOTO, il demeure le principal conseiller et guide
du chef. C'est devant lui que le conseil des a!nés traduit le chef pour
lui reprocher éventuellement certains comportements ou actes répréhenpiblee

38
Ainsi, la composition du conseil, son importance politique et
religieus'. imposent au chef de consulter les a!nés, au sujet de ses
décisions.
Ses points de vue ne s'imposent pas aux a~nés. Les décisions
sont arr~tés au niveau àu conf'il avant d'être .ommuniquées à la popu-
lationo Mais i l demeure que dans le cadre du système politique, les aînés
exercent un contrale rigoureux sur la d~signation du chef et sur ses
décisions. A l'instar de celui des Ewé de la région de Kloto, le système
politique des Kuma est un système oligarchique où dominent les aînés.
La procédure démocrat~que de prise de décisions au uiveau du conseil et
les échanges de vue sur la place publique du village, ne confôrent pas
pour autant un caract&re démocratique au système entier. Certains
comme J.Co Pauvert, ont pu parler à propos du système politique E\\J&,
de "démocratie monarchique", ce qui n'explique rien en définitive.
Bien que désigné dans la même famille,
le chef est avant tout
le représentant du groupe dominant des atnés et apparaît essentiellement
comme un souverain, inveBti de l'autorité ancestrale. Mais cette sauverai··
nct& ne lui conf~re aucun privilège en matière foncière. dans le cadre
de ses attributions, seules les terres communautaires relèvent directe-
ment de sa souveraiMté.
Ici, en l'absence d'un chef de terre distinct, les pr6rosativus
pr6rosativu8
li~es à cette fonction n'incombent pas plus au pouvoir politique dans
lu. mesure où les différents groupes lignagers conservent (~t'"alcl'101lt une
indépendance en matière f'on c i èr-e ,
fonciè~re. L;ette situation confère aux rc :'le cou-
tumières d'appropriation des terres un car~ctère originalo
Section 2°)
LIGNAGES Err APPROFRIATION FONCIERE
Les ragles d'appropriation coutumiireedes terres chez les Ew6,
pr~sentent
pr~sentent des caract&ristiqucs différentes suivRnt les r&gions. Dûs
circonstances historiques particulières ont pu imprimer çà ct là un sceau

39
d'originalit&. aux r~glcs fonci~res. En outre, elles ont subi des trans-
formations depuis l'ipoque coloniale: certaines r~gions, en l'occurenc~
les zones productri ces de café et de cacao, ont ac cus
accus~ une t r-ane f'or-rua tdon
transforn;ati::Jn
ê
plus rapide et plus avancée. hais au-d~là de cette diversité, demeurent
quelques principes fondamentaux.
JO) En coutume Ew~, la terre appartient au premier occupant.
2°) La qualité de fondateur d'un village ne donne pas d'office
à ce dernier, aux chefs et c, leurs descendants un privil~ge queJconquG
sur les terres de la région.
3°) La terre constitue la propriété du Broupe lignager tout
entier et est plac~e sous la responsabilité du chef de lignage. Les
terres communautaires sont gérées par le œhef du village.
4°) Le chef de lignage ne peut refuser à un membre du groupe
le droit de mise en valeur d'une parcelle de terre : sauf si elle a
déjà été attribu~e à un autre membre, ou à un étranger.
Ces principes caractérisent fondamentalem.nt l'app~opriation
des terres chez les Kuma, avec quelques variantes daes aux circonst2nces
de la fondation du village, à l'importance respective des lignages, au
contexte géographique et aux différents modes d'aménagement de l'cspace.
Il importe d'analyser les droits fonciers des Kuma, et les différents
modes d'accès à la propriété.
A) Les droits fonciers :
Suivant la définition de G.A. KOt'P.SSIGhN, "ies droits fonciers
constituent des droits réels, établissant un ensemble de relations entre
les collectivités qui sont titulaires et les domaines sur lesquels ile
portent" (34)
----------------------,---------~-~~~_
..~~--
----------------------,---------~-~~~_
..
(34) G.A. KÛUASSIGAN, l'homme ct ]a terre, eollection l'homme
_
mn._......-.-
_
d'outre-mer, ORSTÛM Edition Berger Levrault - Paris 1966 -

40
Ces liens sont de nature essentiellement juridiques, mais
au-delà, de ce caractère, les droijrs fonciers apparaissent à Adamé,
comme les manifestations spatio-temporelles du lignage.
Il convient donc, de mettre en évidence, l'originalité des
droi ts des Kuma, le statut juridique des terres et les méthodes de
délimi tation.
1°) L'originalité des droits fonciers
Les règles d'appropriation des terres ne peuvent se comprendre
que par référence aux circonstances historiques de la fondation du
village.et aux différentes nppell~~ionspar lesquelles les Kuma désignent
les terres.
Si l'on peut constater une inégalité profonde dnas la réparti-
tion des terres suivant les quartiers (
) qui s'explique par la pré-
dominance politique du lignage de la chefferie, cette inégalité n'entrQtne
en revanche aucune sorte de dépendance des autres lignages vis à vis
~e la chefferie. Historiquement tous les lignages avaient pris possession
simultanément de la terre apr~s la dispersion qui résulta de l'invasion
ASHANTI dont on situe l'origine aux environs de 1865. Au moment de
l'implantation, seul le principe de la possession par la premi~re occu-
pation a pu jouer.
r Quartiers Lignages
Nbre de personnes
Nbre de terrains
DAKE
Guidi
115
68
DAKE
Guidi
115
Akpao
96
48
Ezu
87
T. 298
42
T. 158
1
....
_
...'_.-.......--
_~ ... '_.-.......
_~
~
Hassou
60
25
BOBO
Hodeme
132
25
Alotchi
86
12
Alagbo
68
T. 346
19
T.
81
Adessou
256
38
TOHOUIN
Awasa
44
32
Addoh
130
T. 430
10
T.
80

41
Ainsi les droits fonciers, sont esstiellement définis par
rapport aux lignages ; les termes par lesquels les Kurna désignent las
différentes catégories de terres, se révèlent particulièrement sig~ifi­
catifs : TOGBUINYIGBAH, AFOU, AVEHYIGBAN, ZOGBENYIGBAN, APENYIGBAN,
AGBLENYIGBAN, autant de termeBqui ont des connotations temporelles et
spatiales.
A ce n'veau, iliconvient de préciser notre démarche. Elle
consiste à partir des systèmes d'apt:eJlaU·~n..
d'apt:eJlaU·~n qui expriment la continuité>
historique du lignage, et sa marque dans l'espace, c'est-à-dire, l'orga-
nisation du terroir, à saisir donc les caractéristiques de8~: dr-oi,
àroi ts fonciers
des Kuma. à partir de l'améhagement de l'espace villageois et des rap-
ports de parenté.
Sur le plan de la continuité temporelle, opèrent deux termes
TOGBUINYIGBAN et AFOU ; le premier signifie "terre des anc@tres", le
second désigne un terrain défriché par le premier occupant qui y a amé-
nagé un champ, et qui l'a laissé par la suite en jachère. Tandis que
TOGBUINYIGDAN apparti~nt au lignage tout entier, AFOU, en revanche,
appartient généralement à une famille :mais dans les deux cas, ces
appelln\\ione traduisent trois principes j celui de la continuité du li-
gnage; sur les m@mes terres; cette continuité confirme le caractère col-
lectif des droits fonciers. Vient ensuite, le principe de la transmiscio~
de ces droits.
Enfin, ces aIj:elîati'onl!l révèlent l'idée que les droits fonciers
ne se conçoivent pas sans chef, que ce soit l'atné, dans le cadre des
lignages ou le chef du village pour ce qui concerne les terres comcmnau-
taires.
Dans cette perspective, le chef de lignage en tant que repré:.cn-
tant des anc~tres, est seulement le garant du bien commun, et il n'a
pas à priori, plus de droits que les autres membres du lignage.
Les termes de TOGBUINYIGBAN et d'AFOU, servent à désigner toutes
les terres, quelque'. que soient leurs situations géographiques. i

42
Mais pour différencier les terres sur le plan spatial, les Kuma ont
recoure. à d'autres mots qui reflètent différents aspects du terroir
villageoise
AVEl\\fYIGBAN, ZOGBENYIGBAN, AGBLENYIGBAN (35), désignent les
terres situées respectivement en for~t, celles qui se trouvent dans la
savane, celles qui se situent dans les environs immédiats du village,
et
enfin, les terres mises en culture, ou sur lesquelles on fait habitiel
lement les champs.
Généralement les "AVENYIGBAN" sont réservés aux cultures indus-
trielles tels que le café,et le cacao, les "ZOGBENYIGBAN" , aux cultures
vivvri~res, entre autres, manioc, tarot, etc •••
Les "APENYIGBAN" à certaines légumineuses, tels que l'arachide
et le haricot. Cette répartition des cultures est due bien snr à des
raisons agronomiques, mais elle a également d'importantes implications
sur le plan juridique.
A cet égard, il existe une opposition entre "AGBLENYIGTIAN"
les terres sur lesquelles on fait généralement des cultures vivri~res
ne sont pas soumises aux m~mes règles d'appropriation que celles qui
sont situées en for~t. Dans le cadre du lignage, il faut toujours deman-
der l'autorisation au chef de lignage pour planter du café et du cacao
alors que la savane est généralement réservée aux champs.
(35) TOGBUI
=
anctre
ZOG BE
=
savane
AG BLE
= champs ou plantations
NYIGBAN = terre
AVE
= for~t
AFE
= village

La même pratique se révèle dans le cadre des rapports intra-
communautaires entre deux personnes de lignages différents : toutefois,
dans ce cas',': '. le propriétaire de la terre perçoit des redevances obLd»-
obli.,..
gatoires pour les terres de fort, ce qui constitue un véritable contrat
alors que pour la savane, l'exploitant a toute latitude de dispoberrdcs
produits agricoles.
<_
Mieux pour ce dernier cas, il n'est même pas
tenu de demander au préalable l'autorisation du propriétaire. L'oppositiol
cUlture-vivrière, culture-industrielle, traduit une sous-valorisation
des zones de culture vivrière, et rejaillit sur le statut juridique des
terres elles-mêmes.
Les droits fonciers, tels qu'ils apparaissent à l'heure actuellE
sont le résultat d'une évolution fortement marquée par l'importance
économique des cultures industrielles.
Au-delà de cette évolution, les différents appellations
fon~ières traduisent deux idées fondamentales :
1°) Le lignage en coutume Ewé, est le véritable détenteur du
droit qu'il tient directement des ancêtres.
2°) Les droits fonciers, à Kuma, constituent de véritables
droits agraires qui mettent l'accent sur la mise en valeur et non sur
la possession uniquement.
Il en résulte
. que les droits fonciers, fonctionnent comme
un principe de cont1auité du lignage, en ce sens qu'ils sont collectifs
et inaliénables. Et comme un principe d'organisation de l'espace, en
ce sens, qi'ils constituent une source de dynamisme, c'est-à-dire, des
éléments culturels favorables au changement.
2°) Le statut juridique des terres
Il existe à Adamé, deux catégories de terres : les terres
lignagères dites "TOGBINYIGBAN", les terres communautaires ou "DUNYI-
gban".

44
a) Les terres lignagères :
Les terres lignagères relèvent de la proprité collective de
tous les membres: pour reprendre une expression de J. CARBONNIER,
"chacun a sa part et tous l'ont en entier" (}6) mais le lignage en tant
que groupement historique et territorial, constitue le véritable déten-
teur du droit de propriété, c' est...à-dire "le droit de jouir et de disposer
des terres de la manière la plus absolue"(7)
tl convient donc, de déterminer les pré~ogatives respectives
des lignages et des individus.
Comme beaucoup d'auteurs l'ont souligné à propos des droits
fonciers en vigueur dans ies formations sociales "Africaines", trois
caractéristiques se dégagent de l'analyse des droits fonciers Ewé.
- Les terres lignagères sont des propriétés collectives
- Elles sont inaliénables en ce sens qu'elles ne peuvent so~~
du patrimoine du wignage, sans le consentement du chef de lignage. A
ce sujet, Kouassigan souligne que si la terre est inaliénable, c'est
parce qu'elle appartient à une communauté qui ne s'éteiot jamais. Cette
raison nous parait plus conforme à la réalité, que l'idée de FOL!, selon
laquelle la terre est inaliénable parce qu'elle constitue "le seul moyen
de subsistance dont disposent jusqu'n présent les sociétés africaines(38)
L'auteur rejette les explications religieuses, ancestrales et
collectivistes des terres.
------------------------------_.'._------~
------------------------------_.'
(}6) J. CARBONNIER, droit civil, T2, les Biens et les obli-
gations
page 91 - Cité par Foli - "Le régime juridique des Terres au
Togoll - Thèse de Doctorat en droit - Paris 1970 -
(37) art. 544 du Code Civil ~~ançais.
(38) M.L. FOL!, le rég~me juridique des terres au Togo - page
34 - Thèse Fac. de Droit et desciences êconomiques - ,raris 1970 -

45
Nous pensons, que les théories officielles du pouvoir et de
la terre dans les sociétés lignagères ont un caract~re idéologique en
ce sens qu'elles sont destinées à justifier les rapports de production et
en particulier les rappo~ts de production déterminants.
A cet égard, le principe de l'inaliénabilité lui-m~me, tombe
en désuétude dès l'instant où de nouveaux rapports de production s'ins-
taurent à la faveur des cultures industrielles par exemple. n'ailleurs
ce principe n'est pn s
pna une norm.c-nh5.olw.;) puisque .Lc
J..c li:..;:::·~.,c lui-rnêma rpcut;
1?ûut s
déssaisir de la ter~e au profit d'un étranger : mais cette aliénation
s'accomplit toujours sous la forme d'une donation : ce qui prouve en
dernier ressort que ce principe vise fondamentalement la vente, qui
est an cas absolument inconnu chez les Ewé, même avec l'apparition de
la monnaie cauris.
- Troisièmement les droits fonciers sont imprcscritibles en ce
sens, qu'une occupation perm~Ûénte et longue ne dépouille pas le groupe
lignager de son droit de pI'o~r~tt.é-.
Les terres lignagères sont gérées par le chef du lignage : il
a le pouvoir d'en disposer dans l'intér@t des membres, et avec leur
consentement
les terres mises en gage demeurent la propriété du lignage
Si l'un de ces membres s'acquitte de ce gage, la terre ne devient pas
pour antant sa propriété. Il l'a fait dans l'intér~t du groupe. Toutefois!
le ,hef du lignage peut s'opposer à une mise en gage.
Elles ne sont pas réparties une fois pour toute entre les
membres. Mais les individus jouissent du droit de culture c'est-à-dire,
du droit de se voir attribuée une parcelle de terre, en vue d'assurer
leur subsistance et celle de leur groupe de dépendance.
Ainsi, le chef du lignage ne peut pas refuser le droit de
culture à un cadet, à moins qu'il s'agisse d'une terre litigieuse ou de
parcelles qui ont été déjà attribuées à une autre personne.

46
En cas de refus non justifié, le cadet peut saisir le cons~il
des atnés du lignage ou à défaut, porter l'affaire devan~ le chef du
,
village. Ainsi, à condition qu'il la mette en valeur, l'i~dividu he p'eût
rester sans terre, et cette pré~ogative lui vient tout simplemen~ de Sà
qualité de membre du lignage.
Comme le souligne H. GODELIER à propos de la propriété foncière
dans les sociétés précapitalistes.
"L'individu n'a accès aux conditions objectives de la production
et de la reproduction en tant qu'il appartient à une communauté qui est
déjà là, donnée, avant qu'il existe"(39)
b) tes terres communautaires:
En dehors des terres lignag~res placées sous la responsabilité
directe du chef de lignage existent des terres communautaires : Ce sont
des lieux qui n'ont été occupés par aucun lignage après la fonctiation du
village, et qui sont administrés tout simplement par le chef au nom du
village ; à ce propos, il faut préciser que les pouvoirs du chef sur ces
terres, relèvent de sa souveraineté politique et non d'un droit de propriété
en effet, les individus peuvent mettre en valeub ces terres à condition
d'en avoir obtenu l'autorisation. Le chef perçoit néanmoins des redevances.
mais cette obligation est de nature purement coutumière. G.A. KOUASSIGMl
a pu écrire à ce sujet : "là où le maître de la terre et le chef politique
sont un seul et m~me personnage, en matière foncière, le chef n'agit pas
en qualité de propriétaire, il joue plut8t le raIe dtun conservate~r de
la propriété foncière, et les redevances que lui apporte sa fonction, ne
sont pas de nature contractuelle, mais coutumière" (40)
(9) Maurice GODELIER "Sur les Sociétés PrécapitaHstes" voir
la préface - page 58 - CERM Ea. F. MASPERO - Paris 1971
(40) Opus déjà cité page 166 - Paris 1966 -

47
En fait, en cas de litige, entre l'exploitant et une tierce
personne, c'est le chef du village qui prehd à son compte l'affaire.
Notons, que les terres communautaires n'ont pas résisté aux effets
économiques et politiques de la volonisation en particulier, ceux de la
colonisation française. Celle-ci a encouraeé la mise en valeur de ces
terres, sans le consentement des chefs. Par voie de eons ê
«onsé qUOJlCjc ,l:lj;s
redevances ont également été abandonnées.
Le stat~t juridique des terres consacre à Adamé l'indépendance
des lignages, vis à vis du pouvoir politique j le chef du village n'a
aucun droit sur les ter~es lignagères. Cette indépendance s'explique
par l'hétérogénéité des lignages, qui par ailleurs contrelent le pouvoir
politique. Il n'existe pas de chef de terre, car les lignages ont pris
possession simultanément des terres : toutefois, Adamé a un pr~tre des
cultes agraires ; mais celui-ci n'exerce aucune prérogative en matière
foncière.
Les redevances perçues sur les terres communautaires ne peuvent
ttre considérées comme la présence d'éléments de téodalité qui justifie-
raient ainsi, la théorie du déboublement de la propriété défendue par
certains auteurs.(41)
Les droits fonciers sont avant tout des droits collectifs, ils
autorisent cependant différentes modalités quant à l'accès de l'indivi-
du à la propriété. Avant d'aborder les différentes formes d'accès à la
propriété, il convient d-analyser les méthodes de délimitation des terres
qui constituent un facteur important dans le cadre de l'appropriation
foncière~'
. i '
1.
1.
.• ;-1 •
(41) DENAISON écrit à propos de la propriété en Afrique Occiden-
tale : "la tenure coutumière se décompose en deux droits : droits de
redevance, qui appartient au chef, et qui peut se comparer au domaine
éminent des seigneurs médiévaux et un droit de culture assimible au
demaine utile".

48
3°) Les méthodes de délimitation :
Les méthodes de déltmitat10n accordent une place importante aux
facteurs naturels tels que l'eau, les arbres, les montagBes. Elles sont
essentiellement marquées par leur caractère imprécis. On peut distinguer
deux cas: le premier, celui des limites de deux villages, le second ces
concerne les terres appartenant aux groupes 1ignagers.
a) "DZONYIPE"
DZONYIPE signifie l'endroit où on a conclu un pacte
il matéria-
lise la limite entre deux villages.
Quelle est l'origine de cette méthode
en quoi consiste-t-elle
et quels en sont les effets ?
- Origine et nature du "DZONYIPE" :
A l'origine, les chasseurs jouaient un rAle important dans l'ap-
propriation de nouvelles terres: en effet, nul ne pouvait s'aventurer loin
des terres vi11agoises, s'il n'était un chasseur haoi1e : les limites des
terres étaient mal définies, et appréciées de manière subjective. Ainsi,
lorsque deux chasseurs de villages qui s'ignoraient jusqu'alors, venaient
â se rencontrer sur les m@mes ~erres~ ils définissaient les limites de
leurs domaines
respectifs après des cérémonies rituelles. L'endroit où
ils se sont rBnc6ntrés était considéré automatiquement comme une limite.
Celle-ci peut ~tre matérialisée par un objet quelconque, en particulier
une groàse pierre et une jarre en terre cuite. Les premières cérémonies
consistent en un échange de tabac que 1e~ chasseurs prisaient (42).
pius tard, les villages désignent respectivement deux représentante
dont on saigne les bras ; ils échangent leur sang, qu ti1s
qu t i1s consomment
(42) Nos informateurs soulignent que le tabac avait autrefois des
effets magiques. Il préservait en particulier les chasseurs des maléfices
d'une fée qui cherchait à les égarer dans la for~t.

49
cette cérémonie est destinée à manifester la reconnaissance explicite
par chaque partie des limites de leurs terres et à marquer l'alliance.
Ainsi, les deux villages sont unis par le pacte du sang et sont tenus de
se porter assistance, en cas de danger (fléau, maladies, guerre.~etc•••
guerre.~etc
).
En dépit du caractère public et sacré de cette délimi tat1 on,
DZONYIPE est source de nombreux conflits entre les villages, à cause de
la disparition des personnes ~gées, qui seules connaissent ces endroits.
Souvent, ces conflits résultent de la volonté des groupes d'étendre leurs
cultures aux terres avoisinant leur exploitatio~?et qui~'ont jamais été mip,~
en valeur (43) •
b) Les limites des terres
D'une manière générale, au moment de la fondation du village,
les différents lignages s'approprièrent les terres en tenant compte des
facteurs naturels tels que les rivières et les mentagnes. Ainsi, les
limites des terres de deux lignages diff~rents sfarr~tent au sommeb
d'une montagne. Chaque lignage pouvait mettre en valeur son versant. Par
ailleurs ils avaient l'habitude de faire des rivières, des liMites
objecti~~s au sujet desquelles aucune erreur n'étaient possible du fait
de leur CRract~re immuable. Mais faute de facteurs naturels, les Kuma
plantaient des arbres pour délimiter les terres de for~t et de savane.
Ma délimitation par le tracé du layon, ou par borne e s t
cst d' orir:~ine récente.
(43) 1n cas de litiges, les deux parti~s se réunissent pour
régler le différend.On creuse un trou à l'endroit où est présumée se trou-
ver la limite et on y verse du vin de palme. Chaque partie désigne un
représentant pour boire le vin. Celui dont le village a tort, doit en
principe mourir. Nos informateurs soutiennant que des I~ens sont ainsi
morts pour des litiges de terrain, par Buite de m.nsonge ou de faux té-
~oignages. Celà d~note en tout cas, llimportancu ~e la dimension sacr~e
que l'on donne à la terre dans les sociétés tra.~:itionnelJ.es.

50
D'une façon g6nêrale~ les dilimitations des terres ne resistent
pas a l'influence du temps, à cause de leurs caractères imprecis et
subjectifs. Elles résistent encore moins à l'extension et au développe-
ment de la culture àu café et du cacao.
B) Les différents modes d'accès à la propriété foncière :
Les litiges fonciers proviennent le plus souvent du caractère
imprécis des limites et permettent ainsi à certaines personnes d'accèder
à la propriété (44). Toutefois, il reste établi que les seuls modes·
réguliers d'accès à la propri~ti con.ernent les cas d'h6ritage, de don
et de pr~t. mais avant d'aller plus loin, précisons la notion de
..
propriété.
La notion de ~ropriété recouvre deux idées : celle de sisposi-
tion absolue d'un bien, et celle de jouissance. dans le second cas,
elle signifie po ar.e as Lon
posGession ; les individus, ainsi que nous 1 t avions soulif,~10
n'exercent qu'un simple droit de possession sur les terres. A oe sujet,
Foli (45) estime gue le titulaire du droit sur la terre, dane les coutu~~s
africaines, acco~plit des actes qui dépassent en principe la compétence
d'unsimple passeur, car il peut donner la terre en location, la mettre
en gage, ou en faire don.
Ce point de vue nous para!t érroné, car en accomplissant de
tels actes, les individus ne le font pas seuls, mais toujours avec
l'autorisation du chef de lignage ou du ch~f de village, qui sont
responsables des terres et dont l'opposition ~ une mise en gage ou à un
don, ne peut ~tre transgressée. Les individud n'exercent donc, qu'un
simple droit de possession sur les terres lignRgères, ce droit est effec-
tif avec la mise en valeur.
- - - - - - - - - - - - - - - _ -
......i
~~
'~
_
;
-----------------------------~~---'~----
(44) En effet, en ~as de litige mal écllirci, la terre est
partagée en deux parties entre les personnes qui ~n revendiquent la
propriété.
~
(45) Opus déjà cité -
aris 1970 -

51
Nous avons défini au début de ce chapitre, le droit foncier,
comme un principe de continuité du lignage
la communauté qui ne s'éteint
jamais - et comme un principe a'organisme de l'espace.
L'idée de continuité qu'exprime la notion d'héritage - P.P. REY
parle à ce propos de la "manifestation diachronique du lignage" -
pourrait conduire à parler d'héritage à propos de terres lignagères
or, il n'en est rien du tout: la terre lignagère appartient au mame titre
à l'atné qu'au cadet. Sur le plan foncier tous les membres du groupe lignage:
sont logés à la même enseigne : l'individu qui entre en possession d'une
parcelle de terre, n'hérite pas cette terre, mais i. fuit qu'affirmer un
droit de culture déterminé par le procès de production social. Avant
de la cultiver, l'individu avait déjà des droits sur les terres du
lignage.
ans le cadre de la famille, les terres laissées par le défunt,
,:l
sont transmises à ses enfants, à des fins de mise en~Ah~~E.•
en~Ah~~E
La terre n'est pas partagée entre les différents descendants
par souei de préserver la cohésion familiale : chacun a le droit de
cultiver une parcelle de la terre léguée par le père, mais le fonds de
terre, demeure la propriétf.du lignage tout entier:
en effet, au Cas où l'individu disparatt sans laisser d'enfant, la terre
fait retour purement et simple au groupe lignager. En ce sens, la notion
d'héritage au sujet de la terre, correspond à une phase d'évolution des
sociétés lignagères où sont intervenus des facteurs décisifs tels que les
cultures industrielles.
En revanche, pour les plantations et pour les champs, l'héri.
tage constitue un mode d'accès à la propriété, dans la mesure où le
lignage n'a aucun droit sur elles. De ce point de vue, il révèle bien
la contradiction entre le lignage en tant que tel et les différentes
familles. En instituant une distinction entre le fonds de terre et les
champs la société lignagère met en place l'une des conditions fondamentàes
de son affaiblissement progressif au profit des familles:

52
aussi, la nation d'héritage ne peut~~lle
peut~~lle de comprendre que par référence nu
droit foncier, pria comme princ~pe de l'aménagement de l'espace villa-
geois
ainsi, l'héritage apparatt avant tout lié au travail.
Le don constitue utte autre forme d'accès à la propriété.
C'est un véritable acte de transfert de propriété qui est soumis à
certaines conditions ~ les deux parties ainsi que les limitrophes et
le chef du village, se rendent sur le terrain en donation ; ils sont
ainsi témoins de l'acte de transfert, et peuvent le confirmer en cas
de contestation, Cette condition donne un caractère de publicité au
transfert.
Ensuite, on organise des cérémonies de remercieuent dites
"AKPEDADA" qui consistent en un don de bélier, d'une effrande de bois-
son, aux mânes des ancêtres du donateur : cette dernière candi tion,
est
importante, car elle consacre difinitivement l'acte de transfert: ainsi,
le don ne peut se faire sans contre partie, si symbolique soit-elle, car
l'aliénation de la terre ancestrale ne peut avoir lieu sans leur consente ent
Cependant, les terres données à un bénéficiaire, peuvent reve"ir
dans le patrimoine du donateur et à ses successeurs, dans cGrtain~s .ondi-
tions ; ici, il faut distinguer deux types de bénéficiaires :
- si le bénéficiaire est un membre du village, ct qu'il disparais-
se sans avoir laissé de descendant, la terre revient au donateur.
- si le bénéficiaire est un étranrer, il perd la prcpriété dans
les cas suivants : quand il commet une atteinte grave aux us et coutumes du
village
et particulièrement en cas de crime ; quand il quitte définitive-
ment le village avec sa famille, et enfin, quand il meurt sans laisser de
descendants •
.!.les prêts à des tiers, sont assortis de.,~onditians
de.,~ondi
bien définies
pour éviter les litiges.

53
-
~6 terres pr3tées à un tiers sont destinées uniquement à
la culture de produits viviriers et non aux cultures industrielles, qui
entra!neraient une occupation permanente du bénSficiaire.
- Les arbres précieux et les palmiers à huile conti~uent a
apparte~ir exclusivement au donateur: ainsi, les abattages de palmier
ne peuvent se faire qu'avec l'autorisation du propriétaire.
- Enfin, le bénéficiaire est tenu de donner des redevances en
nature, ce qui signifie bien que la terre qu'il cultive ne lui appartïent
pas.
L'examen des différents modes d'accis à la propriht~ rév~le l'im-
portance du lignage en tant qu'entité détentrice des droits' fonciers.
Aucune aliénation ne peut intervenir sans le consentenent des anc~tres
dont les n~n~s recoivent une offrande : ainsi, les théories officie~les de
la propriété foncière confèrentau~~ c,n_c~trcs-- réels'l'ou -fictif/3", Le-
le-. dt.l't. de
propriété ; là où existe un chef de la terre, le chef politique a la
souveraineté sur les terres
le chef de la terre administre les biens
fonciers, et exerce également les rites agraires. En fait, le recours aux
ancêtres n'est qu'ne fiction destinée à masquer la domination politique des
a!nés, en créant cependant un consensus fondé sur la possession de la
terre par les familles. A Adarné, le pouvoir égal que les lignages ont
exercé sur les terres au moment de la fondation du village, et les liens
de parenté qui unissaient les groupes principaux, ont conféré aux lignages
une indépendance relative, vis à vis du pouvoir politique.
Bien plus, la dispension des pouvoirs religieux enlevait au
pouvoir politique une arme de m,stification importante dont l'utilisation
dans certaines circonstances, était contr~lée par les afnés des eroupes
lignagers.
Ainsi, la répartition inégale des terre.~ en faveur de la chef-
ferie n'a pas une grande signification sur le plan so~ial. mais au-delà
de l'appropriation des terres, les droits fonciers ne prennent leur signi-
fication, que par référence à l'organisation et à
t'aménagement de
l'espace villageoise, c'est-à-dire en définitive,
j
l'organisation de
la production.

CHA PIT R E
2°~
L'ORGANISATION
DU TRAVAIL
ET SES
IMPLICATIONS
SOCIO-ECONOMISUES •.
Avant de manifester les caractéristiques de l'organisation du
travail à Kuma, il importe de définir un certain nombre de concepts dont
la compréhension para~t décisve dans le cadre de cette problématique :
il s 'agit des --oon~epts de "formation sociale" et de"mode de production".
L. ALTHUSSER a mis l'accent sur l'importance de la notion de structure et
de qausalité structurale: "Le tout marxiste est .onstitué par un certain
type de complexité, unité d'un tout structuré, comportant des niveaux
ou instances distincts et relativement autonomes qui co-existent dans
cette unité structurale complexe". Cette conception totalisante de l'objet
de connaissance est sous-tend les définitior.s actuelles qui nous sont
proposées.
Le concept de mode de production, tel qu'il ressort des travaux
d'E. BALIBAR (46) s'applique à une réalité sociale, construite selon un
"mécanisme de correspondance" où s'articulent trois instances: économique,
juridico-politique et l'instance idéologique.
L'instance économique cu base économique englobe les forces
productives, c'est-à-dire, l'ensemble des conditions matérielles ct
humaines de la production et les rapports de production. ~uant aux ins-
tances juridico-Politique et idéologique, ou superstructures, la première
a trait aux conditions juridiques de la production, au droit de propriété
et aux différentes formes d'erganisation politique, la superstructure
idéologique concerne les formes d'existence de la conscience, c'est-à-èire
de la religion, les cOBmogo~ies, l'art, etc •••
(46) E. BALIBAH "Sur les concepts fondamentaux du matérialisme
historique" - lire le capital T. II - pages 79 et 59 -
Ed. F. MASPERO - Paris 1968 -

55
De ces trois instances, l'économique est déterminante tien ce
qu'elle détermine celle des i~stances de la structure sociale, qui occupe
la place déterminante" (47).
ais selon le degré de développement des
'.(','
'"
forces productives, cette place peut être occupée par une autre instance,
en l'occurence, le juridico-politique ou l'idéologique.
En définitive, dans un mode de production, il y a un effet de
determination par la base économique, et un effet de domination, qui peut
@tre le fait d'une superstructure : aussi le problème de la connaissance
de l'évolution d'une "société" revient-il à déterminer "les formes de
variation de l'articulation"
de ces différentes instances. O~ qui distingue!
un mode de production d'un autre, c'est la particularité de Ges rapports
de production qui peuvent ~tre selon les cas, des rapports de distribution
ou des rapports d'exploitation.
te concept de formation sociale, en revanche, désigne un ensem-
ble complexe de modes de production articulés autour d'un mode dominant.
N. POULANTZAS en donne la définition suivante
IlUne
ne formation sociale historiquement déterminée est spécifiée par une
articulation particulière - par un indice de dominance et de surdétermi-
nation, de ses divers niveaux, ou instance économique, politique et théori-
que qui est, en règle générale compte tenu des décalages que l'on rencon-
trera, celle du mode de production dominant" (48).
Ainsi, une formation sociale, en tant qu'objet, de connaiscance
se rapporte à un concept scientifique construit d'après la réalité sociale,
c'est-à-dire d'après les relations mutuelles qui lient les diff~rents
(47) E. BALIBAR - Opus cité page 110 - Paris 1968 -
(48) N. POULANTZAS
Pouvoir Politique et Classes Sociales de
l,.c;tat caDi taliste - pai~e 12 - ci té par Christian Pallois in l'économie
.!!!.ondiale capitaliste - page 22 - Collection" Economie et Socialisme -
Ed. F. HASPERO -

niveuax de cette réalité - de m~me dans un mode de production, une instance
est toujours dominante de m@me dans une formation àociale donnée un mode
de production, est toujours dominant(49).
1'l\\ns le cadre de notre étude, ces concepts ont e s serrti e LLene rrt
essentieller:ent
une valeur opératoire, en tant qu'ils constituent des modêles qui permettent
d'opérer un mode de lecture plus complet de la réalité sociale des Kum~.
"IDtms"'ft· formelle des relations entre les relations", les corice pt s
COnCelJts de mode
de production et de formation sociale, se situent à un aiveau d'abstrac-
tion qui relève de la construction de l'objet i ils ont avant tout une
valeur heuristique~
L'organisation du travail se rapporte à un ensemble de techniques
et de méthodes à différentes uni tés de production, f\\inli;i au' aux relations
qui s'établissent entre les individus. L'analyse de la production permet
de mettre en évidence les différents modes de production et leur articu-
lation au sein de la formation sociale Kuma. A cet égard, notre démarche
est tributaire du débat survenu entre TERRAY et P.P. REY, au sujet de
l'identification des modes de production dans une formation sociale donnée.
En effet, TERRAY dans son ouvrage" le marxisme devant les socié-
tés primitives" considère le travailleur comme" le siège" effectif du
procès de travail et en déduit que le travail constitue l'élement dominant
du procès de production. Et il poursuit" ••• dans le procès du travail, la
fo~ce de travail intervient soit à l'état individuel, soit sous la forme
(49) s. AHIN dans son livre le':d"veloppement inégalll(.c;ssai sur
Jes formations sociales du capitalisme pé::-iphérique)- page 12 Ed. MINUIT -
i>aris 1973 - donne la définition suivante : " les formations sociales
sont des structures organisées, caractérities par un mode de productiqn
dominant et l'articulation autour de lui, d'un ensemble complexe de modes
de production qui lui sont soumis".

57
d'un "travailleur collectif" et le travailleur collectif, nous l'avons
vu, peut être organisé de diverses manières correspondant à autant de
formes de coopération distin~-tes, elle6-m~mes spécifiées au moins en
partie par les moyens de travail mis en oeuvre.
Dans ces conditions, les formes de coopération nous serviront
d'indices pour identifier le ou les modes de production "réalisés" dans
la formation économique sociale Gouro".
Dans son étude sur les "Sociétés dysharmoniques du Congo, REY
reproche ~ TERRAY de partir des formes de coopération, et de faire sortir
onouite l!Œgriculture et la chasDe comme un prestidigitateur fait sortir
un lapin de son chapeau" - Et i l continue plus loin : "Il eOt mieux valu
partir de la chasse et de l'agriculture, et montrer qu'à chacun de ces
grands groupes d'activité correspondait une forma de coopération dominante,
une uni té de production, un type de réalisation de cette unité (50).
A vrai dire, en partant des formes de coopération, il s'avère
difficile, de tendre compte de certaines activités telles que l'agriculture
et la chasse qui relèvent de plusieurs formes de coopération. C'est sur
ce point, qu'achoppe la démarche proposée par TERRAY; en effet, chez les
Kuma, la chasse par exeMple met en oeuvre différentes formes de coopé-
ration, différentes unités de production, et différente rapports de produc-
tion. ~lle constitue une activité à la fois collective et individuelle
selon que l'on se situe dans le cadre du piégeage ou de la chass€
villa-
geoise, qui intervient pendant la saison sèche uniquement et qui nécessite
une coopération complexe. (51)
--------------------_._---------~_.-~--,..-
--------------------_._---------~_.
(50) Opus ,cité page 37 - Paris 1971
(51)E. TERRAY tietingue la coopération simple etoomplexe. Dans
le premier cas, "les producteurs rassenblés exécutent le m~me travail ou
des travaux analogues" Elle peut être restreinte (équipe de travail) ou
élargie (communauté de production) la coopération complexe implique une
division technique du travail (Ex: la chasse au gros gibi~r)

C' est pourquoi noua .
nous· examinorons los' :)roeès db ·travail P:....
.p, r·brftn-
ches d'activité; ensuite, les formes de coopération dominantes et leur
articulation aux rapports de production déterminant ••
?ection~ Les te~Ènigues et les métÈodes de product~.
Nous distinguerons ici six procès de travail : le procès des
cultures vivrières, des cultures industrielles, des produits de cueillet-
te ; le procès de l'éleva~e, de IR chasBe et enfin celui de l'artisanat.
A) Les cultures vivrières.
La répartition des cultures (52) à Adamé résulte de l'influence
de deux saisons : une saison sèche et une autre pluvieuse ; la première
comporte elle-m@me deux période : une petite saison sèche qui com~ence
en octobre et qui se termine vers le 15 décembre, ensuite une grande saison
sèche qui se termine i
la fin du mois de mars. ~a saison pluvieu~e couvre
le reste de l'année: la grande saison des pluies s'étend sur quatre
mois environ soit d'avril à juillet ; la petite saison pluvieuse d'avril
i octobre.
Au début de la saison sèche, commencent les travaux de débrouil:;-
saillement en vue de la préparation des champs de cultures vivri~res
on peut les répartir en deux grands groupes : les cultures de savane
tels que le riz, le haricot, l'igname et le taro; en revanche le mais
et le manioc (53) dans une certaine mesure constituent ies cultures de
for~t.
1 0
1 ) Le rizJe
Après le débrouiàsaillement de la savane, on y met le feu;
en attendant le mois de juin, on plante les tomates dans les champs.
En juin, le paysan laboure à la houe et sème le riz à la volée. Il remue
ensuite la terre, au bout de quatre jours le riz commence à germer; le
paysan effectue ensuite plusieurs travaux d'entretien, entre autres le
désherbage en vue d'éclaircir les semis-
(52) voir calendrier agricole.
(53) le manioc est cultivé à la fois en savane et en fe ~t.

CALANDRIER AGRICOLE
(Kuma - Adamé)
Tableau nO 5
-
Mois
Cultures
Jan.
Fév·lo ,
Mars
-Avril
MAi
o Juin
_,Jui·lol o .
_,Jui·lol o
AoQt
Sept
Oct
Nov
Déc ..
Igna."ls
B
R
Hanioc
B
B
BR
Tarot
BR
!
R
!
1
Riz
S
R
Mat~
S
R
R
.
~
Café
RC
RC
RC
R
R
R
Cacao
C
C
C
RI 1
RI
RP
RP
RP
1
RI
RP
RP
B = Bouturage
BR = Pour le manioc, la récolte intervient seulement un an plus tard, c'est la raison
pour laquelle le sigle R figure à c8té du B, (même phose pour le Tare )
RI = ~écolte intermédiaire.
RC = Récolte et Commercialisation.
RP = Récolte Principale.

60
La récolte n'intervient que six mois plus tard c'est-à-dire
au mois de décembre ; elle se fait par la coupe des chaumes au moyen
de faucilles. Le séchage dure environ deux semaines ; A cet effet, les
gerbes sont déposées sur une vaste pierre pour empêcher les insectes
de les détruire. Par la suite, le paysan aménage dans le champ, des
aires de terre p~opres qu'il prend soin d'entourer de pierres. On y
recueille le riz paddy en battant les gerbes. L~ riz est ensuite vanné
~
afin de séparer les graines pleines des enveloppes vides. Il est
séché
pendant deux semaines et décortiqué au pilon dans un mortier. +'enlè-
vernent du tégument donne ainsi le riz blanc. Le stockage se fait dans
des greniers situés dans les abords imm~diats des habitations. Constrliits
avec de l'argile, ils sont généralement de forme cylindrique, légèrement
évasés vers le bas et comportent quatre arêtes.
La hauteur d'un grenier peut atteindre 1,60 m pour un diamètre
de 50 cm. La récolte y est stockée toute l'année ; ~ar ailleurs la
consommation du riz se fait sous deux formes: le riz cuit ou la p~te de
riz.
Le procès de travail du riz repose sur une division sexuelle
du travail ; les hommes interviennent principalement dans la prépara-
tion des champs ; ils s'occupent également des semis et de la coupe des
chaumes.
La seconde phase des travaux est un procès fémin, c'est-à-dire
toutes les opérations qui ont trait au vannage, au décorticagc~frti la
mise au grenier.
2°) L'iS-lSe, le manioc et le taro.
Le bouturage de l'igname intervient à la mi-février; la
culture de l'igname dans une région montagneuse présente beaucoup de
difficultés: c'est pcut-~tre l'une des raisons pour lesquelles les
Kurna n'en cultivent pas beaucoup.

61
Au moment de la germination, on plante sur ln butte un tuteur
autour duquel grimpent les feuilles d'igname.
Le bouturage du manioc se fait à la m~me période que celui de
l'igne.
l'igne ..,.
.
mais à la différence (du: premier
le manioc se cultive éga-
lement sur les so] s
forestiers mis à nu après défrichage. Alors que
seuls les homme s
homl'P.es effectuent les travaux rel~ifs à la culture de l'ign[l);lu~
pour le manioc certains travaux sont confiés aux femmes. A l'aide d'un
coupe-coupe ou d'une pioche selon que la ter~: est meuble ou très dure,
les houmes
hOLlmes creusent des trous dans lesquels les femmes mettent les tiges
de manioc qui ont été au préalable entassées par les hommes. Les tiges
de manioc sont plantées, les yeux tournés vers le haut de manière à
respecter le tropisme de la plante. Dans le cns contraire, le manioc
produit beaucoup plus de racine.que de tubercules. Le cycle végétatif
du manioc est très long puisque la récolte n'intervient qu'un an après.
Le taro connatt le m~me cycle végétatif que le manioc. Les pays~ns
estiment toutefois que les tubercules de taro sont plus grosses quand la
récolte se fait seulement deux ans après le bouturage. Ces trois cultures
forment le groupe des cultures de ba sc:
bas(·
; elles occupent une place Lmpor t e-rtr
importE"ltf
dans l'alimentation des Kuma.
La culture du mais se pratique essentiellement dans la for~t.
Les hommes creusent des trous à l'aide d'un coupe-coupe ou d'une houe et
les femmes viennent y déposer les graines de mars par trois ou quatre
le-semis a lieu dès la mi-mars et la récolte intervient deux mois plus
tard, c'est-à-dire en mai. Le mais en spathe est déposé sur des claies
suspendues à la cuisine pour emp~cher l'humidité de les faire pourrir.
Toutes ces cultures se pratiquent par rotation quelquefois dans
le m~me champ : en effet dans le champ préparé pour ln culture du riz,
Le paysan fait des cultures améliorantes tels que les harmcots qui fourni se
sent beaucoup d'azote au sol. Après la récolte des haricots on sème le rize

62
Ensuite le paysan peut bouturer du manioc dans le m@me champ.
L1 a ncien
ancien champ est alors laissé en jachère et on défriche
un autre terrain dans la savane pour y semer de nouveau du riz.
En déhors de l'assolement, les Kuma pratiquent également les
cultures associées. Dans le m3me champ, on associe le mais au
manioc
ou les haricots et les tomates par exemple.
A adamé, les cendres laissées sur le sol après l'incinération
des arbres et mouillées par la pluie, constituent
les principales
sources d'engrai& dans le cadre d'une agriculture extensive sur br~liso
Pour les cultures vivrières l'unité de production est généra-
lement le groupe familial, mais les travaux agriooles mettent en
oeuvre à certaines étapes des formes de ooopération fondée sur les
groupes de travail.
A oet égard, on peut distinguer les équipes de deux pers~~
qui apparaissent à l'heure aotuelle comme la forme dominante; en effet,
la pratique du travail communautaire tend de plus en plus à dispara1treo
Ensuite, les groupes constitués au niveau du village se révélent
comme les an.ienses formes d'intervention collective dans la productio~·
Elles se manifestent surtout, au moment du débrouissailleQent et du
défrichage de la for@t. Le procès de production des cultures vivrières
requiert des instruments de travail rudimentaires tels que le coupe-
coupe, la houe et la faucile. Ainsi la limitation des moyens techniques
à la disposition des groupes sociaux est-elle mattrisée sur le plan
religieux par un ensemble de rites qui constituent en quelque sorte
les prolongements des outils.
B) Les cultures industrielles.
~our ce qui est des techniques agraires, le café et le cacao
sont cultivés les deux première5 années en association avec les oultures
vivrières tels que le manioc, le mars et le taro qui protègent les jeunec
plantes. Le café et le cacao eonnaissent leur pleine production au bout

de la cinquième année. La durée de l'exploitation peut atteindre 30 ans"
Au moment du défrichage de la for~t, interviennent les groupcc de tra-
vail constitués dans le cadre du lignage pour le compte des différents
groupes familiaux ou au niveau du village.' Dans les deux Cé!.S, l'unité è.-,
production demeure le groupe familial au sens large c' cst ...à-rii:r'8 le. lig::~o
Outre les travaux de défrichage, le procès de travail au moment de la
récolte comportait autrefois trois étapes: la cueillette, le séchage, et
le triage à la maison ; il faut y ajouter le décorticage depuis que
certains autochtones se sont associés pour installer des motodécorti-
queuses dans le village m@me. Il existe également quelques notodooorti-
queuses dans les fermes.
Pour le café, la cueillette se fait à la main. On fait courbe~ les
branches porteuses de cerises mftres à l'aide d'un b~ton recourbé ~ppelé
"Agblo" ; à l'autre extrémité, on attache une ficelle en forme d'anneau.
En posant le·pieds sur la ficelle, on maintient la branche de oQféier
à portée de main. Les conditions de la cueillette présentent des diffi-
cultés dues surtout à la présence de grandes et petites fourl;1is dont la
morsure est particulièrement douloureuse. Ensuite le café est séché su~
une claie plusieurs semaines jusqu'à ce que les cerises deviennent noires,
Les hommes et les femmes interviennent aussi bien dans le cadre de la
cueillette que dans celui du triage; avec l'apparition deD r.1otoèlécorti-
queuses, le café est décortiqué après le séchage.
La cueillette du cacao se fait à l'aide d'une gaule en bois i arros
l'ouverture des cabosses, les fèves sont séchées avant la oor:u:lel'cia1isa-
tion.
-,
" Les produits de cueillette tels les bananes plantins, les arbreo
arbrec frui-
~ers et le palmier à huile se cultivent en for3t.
Pkc4
. ' ..............
..., ...... , .
(54) Nous n'avons pas pu obtenir des indications sur le vo Lume
volurilC de ln pro-
duction du canton pour ce qui concerne les produits de cueillette. Pour
les cultures vivrières et industrielles se référer à notre tableau de
l'introduction.
.../ ...

64
1°) Les bananiers sont plantés à n'importe quel moment de l'ann6e
ceux-ci ne commencent à produire qu'au bout d'un an et demi; i16 néces-
sitent per~ de travail si ce n'est au moment de la cueillette: en
effet le port des régimes depuis la for~t jusqu'au village requiert un
effort physique important auquel les femmes ne sont pas soustraites. Les
bananes plantins sont à l'heure actuelle l'une des principales sources
de revenu ; les jours de marché les transactions s'opèrent ré1piclEnent
à Adamé. Les camions chargent ensuite les bananes qui seront rcvenliues
deux fois plus cher sur le marché de Palimé. Par ailleurs, une pc~tic de
la production sert à la consommation locale ; celle-ci se présente BOUG
deux formes : en tranches cuites ou êous forme pilée avec du t<:U'o.
2°) Les arbres fruitiers.
-
La région produit également de nombreux fruits : les avocats, lOG prrLlIl1e-
mousses et les oranges. Ils abondent à partir du mois de mars et ôont
en grande partie acheminés sur le marché de Palimé où ils subissent des
prix très bas en raison d'une offre abondante qui émane de toutes les
régions de la circonscription.
Sur ce plan Adamé révèle d'importantes possibilités qui pourraient
s'inscrire dans le cadre d'une politique de transformation locale pour
le marché togolais et non pour l'exportation comme certains projetG
l'envisagent déjà.(55)
3°) Le palmier à huile
A l'inverse des autres régions de la circonscription, le polmie~ à huile
n'est pas cultivé systématiquement à Adamé. Ici ils poussaient autrefois
à l'état sauvage. Leur multiplication provenait de l'action des ronceurs
qui répandaient les amandes dans la for~t ; autrefois, il était considéré
comme une Source de richesses; on en tirait le vin de palme, boisson
principale dans la plupart des cérémonies rituelles ; il servait ù
1r~
fabrication de l'huile de palme; ses branches rentraient dans la f~bri­
cation des claies destinées à la construction des cases et den enclos.
-----------------------------------_.~
...........--...----....-.
-----------------------------------_.~
...........
.. ....-
(55) La création récente d'une société d'Etat "TOGOFRUIT" doit en
principe favoriser une rationalisation de la production.
...
. / ...

En dépit de SeS nombreuses utilisations, le palmier à huile n'él:lê.it
jamais fait l'objet d'une culture intensive qui aurait permis, sa raG~­
nération. Cette situation se comprend d'autant moins, que l'on 1~ooét0it
le plus souvent à des abattages en Vue de la fabrication du vin de
palme et du sodabi (56). t'lais au moment où sa demande progressait «anr:
(l.une;
les centres industriels, le palmier à huile avait déjà commencé à
disparattre. Ainsi, s'expliquent d'ailleurs toutes les difficultés c:u(;
les Kuma avaient éprouvées pour fournir de l' huile de palme à la Fr~·.l1ce
à titre des contributions forcées lors de la deuxième guerre mondi~lo.
L'élevage occupait autrefois une place marginale dans les activités
de production à Kuma ; seul l'élevage des porcs avait connu un grn.nëJ.
développement, il se pratiquait sous forme individuelle. Chaque chef
de famille avait dans son enclos non loin des maisons d'habitation
quelques t~tes de porc, généralement ~uatre à cinq. Ils étaient nouryiri
avec du manioc. Depuis une dizaine d' années, cet élevage s'est pr-erique
pro0'iuc
éteint pour des raisons religieuses.
En effet, selon les croyances, les porcs seraient à l'origine ~e
quelques Cas de lèpre qui s'étaient produits dans le village; mais
sur un autre plan, les porcs contribuaient à la p611ution de l'envi-
ronnement villageois - c'est pourquoi, le chef en a interdit l' élevcr~..~.
L'élevage des volailles et des chèvres se pratique individuelle~ent
leurs modes d' èxploi ta tion est le même que celui des porcs. Dans li,
plupart des cas, les enclos sont construits dans les abords imm6di2tc
des Cases.
---------------------------------_._
---------------------------------_.
.-......-.
..
..-..,.-
(56) Sorte de Gin local obtenu par distillation de la canne à sucre
et du vin de palme.
. ..1...

66
Les caprins en particulier, conservent une valeur sociale importante
car ils servent comme animaux de sacrifice dans la plupart des cérémo-
nies funèbres.
L'introduction des boeufs et d'origine récente puisqu'elle remonte
aux années 1949 - 1950.
Au départ, le village comptait une étable appartenant au lignage de
la chefferie. Aujourd'hui~ il est doté de quatre types d'étable.
- le premier type est une exploitation collective qui regroupe
les boeufs de différentes familles gardés par un bouvier peul ~ui
outre le lait, perçoit une rémunération de cinq mille francs CFA par
mois.
- le deuxième type résulte de l'association de deux familles
qui s'étaient séparées du premier groupei leurs boeufs sont placés
également sous la surveillance d'un bouvier peul.
- on peut noter la présence à Adamé d'un troisième type
formé par des personnes appartenant à deux villages voisins :
Adamé et Konda i dans tous les cas ces trois formes d'association ne
constituent qu'une simple mise en commun du bétail en vue d'en faci-
liter la gérance et d'en réduire par là m~me les frais d'exploitation
elles sont loin de constituer de véritables coopératives de productic~
dont la vocation serait d'améliorer l'exploitation du bétail et de
faire une politique de commercialisation rentable.
le quatrième type est une exploitation individuelle
les
boeufs sont confiés à la gérance des bouviers peul. Au cours de la
saison sèche, le bétail est laissé en liberté. Les terres en friche,
les anciennes pentes culti~&6S et les alentours du village servent
de p~turage.
Il arrive souvent que les boeufs provoquent des dég~ts dans les
champs ~. maïs, ce qui est à l'origine de nombreux conflits entre les
familles.
. . .1...

67
D'une façon générale, en l'absence d'une économie pastorale, le bétail
joue plut8t un r6le social et concourt ainsi à marquer le prestige
et la ri~hesse des familles. Il joue également le r8le d'une épargne
réserve: le propriétaire d'un boeuf, peut en cas de difficulté le
convertir en argent pour faire face à des dépenses. Nos informateurs
affirment que le village Adamé compte actuellement environ 600 t~te3
de boeufs; et pourtant, la consommation de viande de boeuf constitue
un évènement rare. Les seules occasions où l'on consomme de la viande
de boeuf sont fournies par les funérailles d'un vieux prestigieux et
par les abattages forcés (57). Les Kuma auraient intér~t à constituer
des coopératives d'élevage; d'autre part, l'élevage intensif serait
un facteur ftdf6r''..blc au développement de l'agriculture dans le cadre
de la fumure des champs.
E) L'artisanat:
-----------
Dans les sociétés "traditionnelles", la frontière entre l'artisanat
et les activités agricoles n'est paS nettement délimitée: en effet,
compte tenu du niveau peu développé des forces produetives, l'artisan:t
se réduisait à une activi té seoondaire~ Généralement, le développerh::nt
des forces productives permet une différenciation plus nette des
activités producttices ; la division sociale du travail commence alors
à prendre place.
Mais i Adamé avec le développement des cultures industrielles, l'arti-
sanat n'a pas pour autant conquis son autonomie, car il demeure une
activité moins rentable que les plantations de café et de cacao.
________
__
..-·..·-.........
~
~ __---.-L
..~-·..·-
~
~
---.-L~
(57) Les abattages forcés résultent des cas de conflits: très
sOuvent les personnes dont les champs ont été dévastés par des
boeufs les tuent à coup de fusil. Le propriétaire du boeuf se
voit ainsi contrait de dépecer l'animal et de le vendre par
morceau sur la place publique du village.
. . .1. · ·

68
Le village ne compte à l'heure actuelle que trois menuisiers actifs,
trois tailleurs et deux forgerons associés qui continuent cependèmt
à pratiquer l'agriculture; d'ailleurs les produits provenant do CCG
trois branches ne sont pas commercialisés ; le plus souvent les
produits de l'artisanat résultent de commandes dont le volume est
faible.
Mais autrefois, trois types d'activités artisanales dominaient: lu
fabrication des pagnes, le tressage des nattes, et lA:. construction
des cases.
Le tissage du coton était avant tout une activité résorv0e
aux personnes Igées, généralement aux hommes. Le coton poussait d8ns
la région, mais pour subvenir à leurs besoins en matière de prli.::ne,
les Kuma allaient acheter une partie du coton chez leurs voisins de
LEKLEBI, de LIKPE et de KPANDOE (58).
Pour le tissage, les hommes trempaient les fils de coton dans une
teinture noire ; celle-ci s'obtenait par macération d'une herbe dans
de l'eau; ensuite les fils étaient enroulés autour de deux pieux
parrallèles pour déterminer la quantité à tisser en une seule fois,
nos informateurs précisent que l'opération d'enroulement était
ar r-r
or,,-;:,
ê
t
e
arrr~tée dès qu'on obtenait une quanti té égale à la grosseur du
è
d'un homme de taille moyenne.
Enfin l'opération d'étirage consistait à accrocher les fils à une
poutre en bois et à déposer des pierres aux eatrémités des file. Cette
opération durait environ quatre jours.
Quant aux nattes, elles provenaient exclusivement du travail ùes
femmes ; avant le tressage, le "pandanna"
"pandanUS" (59) est dô coupè
découpè en 1:·!~~clJ.8r;
à l'aide d'un couteau; celles-ci sichent au soleil jusqu'à ce qu'ellGs
perdent leur couleur verte ; les femmes les découpent de nOUV82U
et en vue de tresser les nattes·

-----------------------------_-..~_
----------------------._------_-..~_ ......-.-
......-.- - - ...
(58) Villages Ewe se trouvant maintenant ~n Ghana
(59) Nom scientifique de la plante dont Los
leB fenilles servent au tre:.3c::'-
ge des nattes.
. . .1. · ·

La construction des cases fait appel à des équipes de travail composées
d' :LOUJ:1eS et de femmes i
ces dernières fournissaient aux hommes la
Quuntité d'eau suffisante pour pétr~r l'argile ices équipes se :
forUicCiollt dans le cadre du village à la demande du bénéficiaire.
F) La Chasse
----------
180
activités de chasse s'articulent autour de deux fOrmes principales
ln chasse collective et la chasse individuelle
cette deuxième forme
Cl
Cl
un
'J.Ü
oL,raotère permanent en Ce sens qu'elle dure toute l'année ; ici
les paysans ont recours à deux techniques : le piégeage et la chasse
aU fusil.
Il arrive toutefois que le piège n'appartienne pas aU chasseur;
d:::ns cc cas, il B'egit d'une association et le partage se fait en deux
p2rto écales. Quand le fusil a été emprunté, le propriétaire reçoit
gén6r;Üeij,cn'~ une cuisse du gibier.
La ohas3o oollective constitue en revanche une véritable manifestation
cle It;'lltorité politique: e' est le chef du village qui décide du moment
momen'c
de SOll ouverture ; elle se déroule une fois par an au début de la saison
sache ; elle met en oeuvre une coopération complexe dans la mesure o~
lOG participants se répartissent en plusieurs équipes spécialisées dans
dac t~ches bien définies :
on peut noter l'équipe de ceux qui sont armés de fusils
la seconde équipe regroupe des personnes munies de
coupe-coupe
viennent ensuite les personnes chargées de ramasser le
gibier.
L'ouverture de la chasse se fait par le c~ef du village sur la place
ùu vilJ.acc enprœsence
enpr&sence des a~nés ; ceux-c~ vérifient si tous les porteurs
do
ùe fu,sil zsav errt
mwent effectiverJent tirer ; e neud t e
enE;l.1ite l'un des membres du
conseil ùes a~n~s en Itoccurence ASAFO rappelle aux participants les
rèr;loc à observer. En
effet les porteurs c~.n fusil doivent toujours
tirer sur le gibier le fusil légèrement inc~.:i.né vers le sol ; cette
préoaution est destinée à éviter les accideLt.s ; les balles d'un chas-
SE:Ur qui nanque le gibier doivent toucher le
sol d'abord i il est
'°1
tt . ...
passible dtune amende dans lQ cas contraire et surtout lorsqu 1
a
e1n~
passible dtune amende dans lQ cas contraire et surtout lorsqu 1
a
une cible tel qu'un arbre i
une hauteur de ci!luante centimêtres enviro~•
...1....

La chasse collective se déroule sous la direction d'un a1né, chef de
chasse, qui est chargé de rendre compte au chef du vil12Gc des incidents
éventuels qui Se seraient produits.
A la fin des opérations, le partage s'effectue sur la pl~oe du village
en présence des atnés ; le chef du village reçoit la poitrine du
gibier. Le reste de l'animal est réparti en deux parts 6~alo8 ; celui
qui a abattu le gibier reçoit une part tandis que l'autre ect
cct distri-
buée aux autres membres du groupe de chasse ainsi qu'~ux ?orsonnes ~
~gées présentes.
L'analyse du procès de travail par branche d'activitéG repose sur des
formes d' activi té à la fois individuelle et collectivo. l~<w formes
individuelles dominent dans certains secteurs de l' artis<.~n[J.t tels
que le tissage des pagnes, le tressage des nattes, les activités de
menuiserie et de forge ; la chasse par piégeage constitue 0Galement
une activité individuelle et permanente de m3me que l'élevage des
volailles et du petit bétail.
En revanche l'agriculture vivrière et co~merciale, la chasse annuelle,
l'élevage du gros bétail relèvent des formes d' exploit<".tion collective
de travail. En dehors du ~adre familial où Se réalise 12 ooopération
"simple restreinte" et de la chasse annuelle qui mot en oeuvre une
coopération complexe~ la ooopération "simple élargie" s'inpoGe comme
la forme, déterminante dans l'organisation du travail et elle se réalise
dans le cadre des groupes de travail.
Il convient donc d'analyser la nature de ~es groupes ct les rapports
de production qui leur sont liés, enfin l'articulation do oe~ rapports
aux rapports de production déterminants. Ainsi nous pouvons mettre en
évidence le r8le respectif des atnés et des cadets dana le processus
de production et préciser sureette base 10 type de stratii';i.cntion qui
caractérise la formation sociale KUMA'.
..a/•••

71
Section 2- Les formes d'entraide et leurs implications sociales.
-
Nous avions établi que la coopération élargie représentait la forme
déterminante d~ns la formation sociale KUMA et qu'elle était réalisée
dans le cadre des groupes de travail
les kuma dénomment l'entraide
ainsi mise en oeuvre par ces groupes par le terme de "FIDODO". LeG
groupes de travail sont utilisés pour les travaux agricoles et pour
la construction des cases.
Le processus de leur formation s'opère au niveau du lignage et du
village tout entier ; ils se signalent par leur caractère permanent
en ce qui concerne les travaux agricoles ; en revanche les travaux de
construction de cases s'exécutent dans le cadre de groupes occu afonneL»,
occasionnelé:.
Dans les deux cas ils fonctionnent suivant le principe de la réciprocit~;
celle-ci est obligatoire pour les travaux agricoles et facultative
pour la construction des oases ; cette deuxième forme d'entraide repose
sur le volontariat.
A) La réciprocité obligatoire.
- L'organisation de la production dans le cadre du ligna~e.
En étudiant les structures lignagères nous avions noté, que le groupe
lignager comportait quatre paliers: au sommet de la hiérarchie se
trouve le chef du lignage qui contrele les richesses sans fournir de
travail correspondant ; ensuite le groupe des chefs de lignée ou de
famille qui contr81ent effectivement la production - nous avions iden-
tifié également la catégorie des a!nés qui n'ont pas de dépendants et
qui vivent exclusivement du fruit du travail des cadets ; enfin les
chef de ménage SanS dépendants. A l'intérieur du groupe des arnés,
seuls les chefs de lignée participent à la production des biens de
subsistance ; or la taille de ees groupes était très restreinte au
départ. Cette situation ttonstituait
ftonstituait ainsi une limite à l'accroissemenc
des ressources du lignage.
L'organisation des groupes de travail QanS le cadre du lignage permet-
tait de dêpasser 1~ ~ontradiction en~re la faiblesse des groupes loc~ux
et la sub~istanaa du groupe lignager.
. . .1.. ·

72
L'organisation du travail incombe ayant tout aux chefs de famille;
en général, ·ce6 groupes interviennent au moment du débroussaillement
de la savane, et du défrichage de la for~t ; ils s'occupent également
des travaux de bouturage pour ce qui concerne la culture des ignames,
du manioc et du tarot.
Ces groupes constitués pour lJannée séjournent plusieurs mois dans
les fermes et ne reviennent au village qu'à l'occasion de circonstanceG
particulières tels que les décès et les funérailles. A tour de rele,
ils exécutent les mêmes traVaux dans les champs de chaque famille.
Cette forme d'entraide qui se traduit par une réciprocité obligatoire,
apparatt comme la mise en commun directe des ressources humaines du
lignage sous la direction alternative des chefs de famille. Le fonc-
tionnement de ces groupes touche à la fois la production et la consom-
mation. Ici le lignage réalise la conjonction entre l'unité de production
et l'unité de consommation ; durant les travaux, chaque chef de famille
redistribue des vivres aux
cadets.
- L' ors"misation des ~roupes de travail au niveau du vill~~,..
vill~~,
Dans le cadre du village, seuls les atn&s ont lJinitiative de la cons-
titution des groupes de travail; les travaux s'effectuent toute la
journée ; chacun apporte sa nourriture mais la consommation se fait
collectivement ; toutefois les séances de travail offrent aux atnée
aisés l'occasion de manifester leur prestige en distribuant de la
nourriture.
Du point de vue de leur formation, les groupes de travail villageois
accusent quelques différences par rapport
à ceux qui se forment dans le
cadre du lignage.
Au niveau de chaque quartier, on désigne une personne qui sera chargée
de garder le village avec les autres a~nés et d'avertir ceux qui sont
partis aux champs en cas de nécessité.
Ici nOUs sommes dans le cadre d'une coopération simple élargie. Mais
contrairement aux ~roupes de travail Gouro, !eu groupes de travail
Kuma sont permanents durant toute une année. 'ue ce soit dans le cadre
...1. . .
..

73
du lignage ou dans celui du v~llaget les groupes de travail débordent
le simple cadre de la productio~ et mettent en oeuvre d'importants
facteurs culturels et religieux.
- Les ~éances de travail cdllectif apparaissent à certains
égards comme des moments privilégiés où les a!nés mettent ltaccent
sur l'importance du travail agricole.
Ce sont des moments Où le cadet est initié également aux techniques
de production.: Lors des travaux en groupe, les a!nés insistent à
travert des chansons, non seulement sur la difficulté des travaux
agricoles mais également sur les avantages qU'on en tire.
- Sur le plan religieux, les groupes de travail ne demeurent
pas moins des réalités vivantes; quand un ançien membre du groupe
tombe malade, celui-ci se reconstitue apontanément ; suivant les cas
les membres aménagent à l'intéressé de nouveaux champs ou procèdent
à la récolte et lui remplissent les greniers.
En cas de gaérison, après une longue maladie, les membres du groupe
sont les principaux témoins des sacrifices ; au retour des champs,
on convoque les a!nés et principalement les compagnons de travail
dont l'un fait les prières nécessaires t ensuite on sacrificie un
poulet aux m~nes des ancetres en signe de remerciement. La partici-
pation préférentielle des membres du gtoupe de travail aux cérémoniop>
exprime bien que la solidarité subsiste au-delà du travail à propre-
ment parler. En fait, la com~unauté de production en tant que cadre
de réalisation des besoins matériels remplit également des fonctions
religieuses.
Dans le cadre de la production agricole, les groupe de travail se
révèlent comme de véritables institutions efficaces aussi bien sur
le plan de la rapidité du travail que dans le domaine de la cohésion
des groupe sociaux. En mettant en jeu la solidarité effective de tous
les producteurs, ils ne révèlent pas moins que le principe de la réci-
procité obligatoire est un instrument de regroupement des producteurs
au bénéfice des atnés.
L'examen des formes d'entraide dans le cadre des travaux de construo-
tion de cases indique que la réciprocité se manifeste également cntr0
les cadets eux-m@mes.
.../ ...

74
B) La réciprocité facultative
Avant de décrire le processus de formation des groupes de travail pour
la construction des cases, il convient de préciser la notion de réci~
procité facultative ; nous avions noté au sujet des travaux agricoles,
que les champs étaient cultivés les uns après les autres ici chaque
membre est tenu de fournir plus ou moins la m@me quantité de travail ù
son compagnon de travail; d'autre part les prestations intervenaient
dans le courant de la semaine agricole qui comporte cinq jours chez lc~
Kuma (60) ; en ce sens elles étaient obligatoires~ En revanche les
constructions de cases étaient le plus souvent des évènements périodi-
ques qui se produisaient pour beaucoup de cadets après le mariage. Ici
le bénéficiaire ne pourra aider qu'à un moment plus ou moins lointain
ceux qui l'avaient aidé à construire sa case. Cette situation résulte
du caractère spontané et occasionnel des groupes de travail. A la deuaride
deLlo.r:c1e
d'un bénéficiaire qui peut @tre indifféremment un a~iné ou un cadet
des groupes de travail se forment au niveau du village tout entier pour
aider à la construction d'une case i les travaux s'exécutent en pluGim~s
étapes : certains travaux sont laissés à la charge du bénéficiaire
telle que la fabrication de la charpente ; en revanche, les femmes se
chargent de fournir de l'eau aux hommes qui pétrissent l'argile pour
l'élévation des murs ; au moment de la couverture, le bénéficiaire prie
de nouveau tout le village d'aller chercher de la paille à un endroit
indiqué par ses soins. Cette phase des travaux rev@t uncaractère diffu-
rent, car il est tenu d'offrir de la nourriture et du vin de palme aux
travailleurs. Enfin, une semaine plus tard, les gens viennent à sa
demande l'aider de nouveau à couvr1;r sa case.

• • .41
.41
(60) - Agbletuigbe -: 1 erjour de la s emai.na
semaL1e où commencent les travaux
agricoles.
- Agbleyeogbe
2e jour
Ag'tl·tongbé
3e jour
- AgblenÎigbe
· 4e jour
•· 4e

- Afenuegbe
• 5e jour et jour
·
de rep0S
·
Ainsi le cinquième jour n'est pas un jour r~xe i le labour de la terre
est absolument interdit; toutefois, on peu~ se livrer à d'autres
activités telle que la cueillette.
. . .1. · .

75
De cette forme d'entraide, nous pouvons tirer les observations
suivantes :
-diabord la composition des groupes de travail varie d'un
jour à l'autre, et à chaque phase des travaux. Il s'agit essentiel-
lement de groupes occasionnels et spontanés soustraits à tout principe
d'organisation comme c'est le cas de ceux qui interviennent dans le
cadre du lignage et du village pour les travaux agricoles_
- Les prestations de nourriture sont obligatoires lors de
la coupe des chaumes alors qu'elles sont facultatives pour ce
qui
concerne les travaux agricoles. Elles dénotent bien ici que la cons-
truction de cases est un élément important d'ascension sociale car
elle intervient au moment où le cadet est en mesure de se marier.
- La réeiprocité que met en oeuvre la construction des cases
n'est pas spécifique aux atnés uniquement; elle concerne également
les cadets.
Si les groupes de travail fonctionnent suivant le principe de la
réciprocité au niveau du lignage et du village, il .'en demeure pas
moins que la réciprocité obligatoire est la forme dominante de
l'entraide, dans la mesure où elle concerne la production des biens
de subsistance. Mais au-delà de cette solidarité, les structures
lignagères permettent de déduire que ce regroupement des producteurs
se faisait au profit des ainés en particulier au profit des chefs de
lignage.
C'est pourquoi" les formes d'entraide ne peuvent pas ê t r e
@tre considérées
comme les rapports de production déterminants dans la société lignagère.
La construction des cases fournissaient certes pour les cadets l'occa-
sion de faire appel à la solidarité de tout le village mais, elle
est fondamentalement un évènement périodique et aléatoire. Derrière
les formes d'entraide, il faut donc découvrir les rapports de produc-
tion déterminants., A cet effet il convient d'analyser le rele de
l'atné en général dans le processus de production et, dans le proces
de circulation des biens et des hommes. L'ensemble du cycle de la
production repose sur une double contradiction : la première et la
.../ ...

76
plus importante oppose les a!nés aux cadets car la réciprocité entre
les lignages est en définitive une réciprocité entre atnés.
La seconde contradiction oppose le chef de lignage aux chefs de lignée
ou de famille dans la mesure où le premier contr61e les richesses sans
fournir de travail alors que le second participe à la production.
Section 3 - L'articulation des formes d'entraide aux rapports de
production déterminants.
Quelle est la nature exacte des rapports entre atnés et cadets ?
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reciprocité ou l'exploitation? En étudiant la réalisation du principe
gérontocratique dans la relation atné-cadet, le .onsensus - donc
l'adhésion des cadets à un ordre politique conçu par les atnés - ne
nou s
nOus est pas apparu comme le fondement réel de ce système poli tique :
nous avions souligné qu'au-delà du principe gérontocratique, c'est
la nature des rapports de production qui pouvait expliquer la relation
atné-cadet. Or la solidarité correspondant à la coopération élargie
dans le cadre du lignage n'était en fait qu'un moyen do regroupement
des producteurs au profit des atnés compte tenu de la hiérarchisation
des structures lignagères.
Nous partions ainsi d'un postulat sans avoir démonté les mécanismes
sur lesquels repOSe l'ensemble du cycle de la production c'est-à-dire
l'articulation entre le proCeSSuS de production, la circulation des
richesses et leur destination.
Il convient toutefois de préciser que toute production implique toujours
une reproduction des facteurs et des rapports de production. En ce
sens, si l'ensemble du cycle
de la production se reproduit indéfiniment~
c'est que les conditions techniques et sociales de cette reproduction
sont toujours réuniès.
Dans cette perspective, la question essentielle est de savoir au profit
de qui se réalise cette reproduction? Répondre à cette question, revient
à analyser la place de l'atné dans le processus de production immédiat
et dans la circulation des richesses et des hOmmes.
. ..1. . .
..

77
A) Le r81e de l'ainé dans le processus de production.
Ce rele est déterminé par trois facteurs: d'abord l'appropriation dec
moyens de travail autres qu s
qUe la terre ; l' a!né détient par ailleurs le;.;
connaissances techniques, si rudimentaires soient elles -indispensables
cependant à la production-. Enfin, il produit lui-m~me certains 1tbiens
:-
de prestige" qui jouent Un raIe important en tant que biens ma t.r i.moni.cux,
matrimoni;',ux.
1°) L'appropriation des moyens de production.
Le rele que joue l'appropriation des moyens de production dans les
formations sociales traditionnelles peut Se comprendre par référence
à ses fonctions dans les sociétés de classes caractérisées par le mode
de production capitaliste. En effet,tci, la propriété des moyens de
production constitue un facteur de différenciation entre les classes
et détermine par la m@me les rapports de production, c'est-à-dire les
rapports d'exploitation.
Pour reprendre une terminologie marxienne, la bourgeoisie et le prolé~
tariat en sont les supports essentiels.
Pour ce qui concerne les sociétés lignagères, le débat actuel s'articule
autour de deux thèses :
- MEILLAtSC.UX considère les moyens de travail comme des 1ta c c en-
acce n-
soires secondaires" dans le procès de travail. Pour lui, la force de
travail humaine constitue l'élément principal et il en déduit que
"le contrale de l'économie et des biens qui en découlent repose néces-
sairement sur celui du producteur et non pas sur l'appropriation ~~
moyens de production
ici rudimentaires et comparativement dérisoires
quand il s'agit de la terre" (61).
- Pour P.P. REY, "la propriété des moyens de production est
déterminée", ce qui signifie qu'on ne peut pas partir d'elle pour ét2bli~
la division de la sociét lignagère en classes sociales" d'ailleurs il
affirme que "c~ n'est :2,as la prQ.l>riété des moyens de produ,Stion qui
assure aux a!nés leur contr81e des biens de ~esti~e. Au contraire
(61) C. ~ŒILLASSOUX, opus
cité p. 90 Paris 1965.
. ..1...

78
pour REY, "c'est le contr81e des biens de prestige (rapports de produc-
tion) qui détermine chaque fois que biens de prestique et biens de
production sont confondus (ce qui n'est pas le cas général) la pro~~iGté
des mo,ens de production par les atnés (rapport juridique).
Ces deux thèses rejettent l'appropriation des moyens de production
comme élément déterminant du contr81e des biens et des rapports de
production.
Mieux pour REY en particulier, ce sont kes rapports de production qui
déterminent l'appropriation des moyens de production. A cet ég~rù quel-
ques remarques s'imposent:
- d'abord la conception que les deux auteurs ont des noyens
de production est restrictive en ce sens qu'elle n'englobe que l'objet
de travail, la terre par exemple et les instruments de travail. Or L
notre avis, les esclaves et les hommes mis en gage par exemple font
partie des moyens de travail au sens large du terme. A Kuma, comme duns
beaucoup
d'autres sociétés lignagères, l'esclave était certes int6gr(.
dans le lignage mais il produisait essentiellement pour le chef ce
lignage ; mieux, les hommes mis en gage travaillaient pour le ooopte
du chef de lignage jusqu'au moment où la dette était intégralenent
remboursée
dans la mesure où le chef du lignage, généralement un
vieillard ne produit plus rien, ces deux formes d'asservissement jouaient
pour lui le r81e de moyens de production qui augmentaient ses richesses
en m8me temps que son prestige.
Dans la soc~été lignagère, les esclaves et les hommes mis en gaGe
n'étaient·11s pas acquis par le chef de lignage? Dès lors les rQpports
qui les liaient au chef de lignage étaient des rapports de propriété
d'où découlaient des rapports d'exploitation.
- ensuite l'affirmation de REY selon laquelle ce sont les rap-
ports de production qui déterminent l'appropriation des moyens de ~roduc­
tion par les arnés nous paratt oontestable : en effet les rapports de
production ne préexistent pas à la propriété des moyens de proQuction
ils ne peuvent pas trouver leur fondement dans la circulation des bieus
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79
mais dans une production qui est elle-m~me antérieure à la ciroulation
des biens et qui concerne en définitive la propriété des moyens do
production. Dans le cycle d'ensemble de la production, c'est le procès
de production immédiat qui est déterminant et non la cd r cu'Latd on ,
circulaticJll. De
m~me les effets de la reproduction des facteurs et des rapports de
production peuvent introduire une modification dans l'allocation des
ressources entre ceux qui contr81ent les moyens de production mais ils
ne changent pas les rapports de propriété. C'est pourquoi, nous pensons
que l'appropriation des moyens de production détermine dans une oert2ine
mesure les rapports de production à Kuma. Cette situation résulte de
l'origine étrangère des moyens de travail et de leur importanoe sociale.
a) Origine des moyens de travail.
La houe, le coupe-coupe et la faucille étaient fournis au départ aux
Kuma par les AKPAFU qui habitaient au Nord-Ouest de leur région. Cos
derniers faisaient fondre des pierres ferrugineuses dans un r6cipient
en terre cuite et faisaient ensuite couler le fer dans des moules de
différentes formes.
(62) C'est à partir de cas différentes formes que
les Akpafu fabriquaient les instruments de travail.
Avant la colonisation, cette région jouait un rSIe important dQns la
fabrication des outils ; elle constituait
un centre où les E"lÜS d e
cle
LIKPE, de KPANDO, de LEKLEBI et de Kill1A allaient échanger leurs produits
contre les outils
en particulier, les kuma échangeaient l'huile de
palme et les pagnes contre les instruments de travail. Par l~ suite,
ils les fabriquaient sur place et se contentaient uniquement de f.:'.ire
venir le fer de chez le.rs voisins. Dans ce contexte, seuls les n1nés
avaient directement accès aux moyens de travail. Ils pouvaient ainsi
contr61er étroitement les instruments de production parce qu'ils
n'étaient pas aussi disponibles que la terre. Ensuite ils étaient en
partie produits par eux-m~mes. Ainsi l'appropriation et le contrSlo des
moyens de production COnféraient à l'aîné une place importante d2ns
le processus de prc~ction.
prc~ction. L'atné est l'agtat de la répartition ùos

t e . e
(62) Voir les instruments de travail sur la figure ci-contre •
.../ .. ,

80
instruments de travail aux cadets, et à ce titre, exerce sur ces
derniers une
pression considérable. Ce phénomène traduit par aillcuxi3
le rele
social que jouaient les moyens de production chez les K~~a.
b) Le rale social des instruments de production.
Les instruments de travail jouent un rale important dans l'émanei-
tion des cadets; en effet, au moment o~ il se marie, le cadet oons-
truit sa case avec l'aide de ses camarades d'âge. Il crée également
ses propres champs qui lui serviront à subvenir à ses besoins. A
cette étape décisive de son évolution, OÙ, le cadet acquiert une
autonomie relative par rapport à l'atné, c'est à ce dernier qu'il
appartient de lui fournir les instruments de travail.
L'ascension du cadet dans la hiérarchie sociale est déterminée non
pas par le mariage, mais par l' a c cè
accè s à la propriété des instruJ.1cnts de
production qui lui étaient entièrement fournis par l'a1né. Celui-ci,
dans certains cas, donnait au cadet un fusil de traite pour la chasGe.
Les instrument s de production, si rudimantaires fussent-ils joua.icnt
un rale déterminant non seulement dans le procesSus de production
immédiat
mais également dans la production biologique. A cet égard,
ils servaient de moyens de pression aux mains des a!nés. Même plus
tard avec la génél~lisation relative des instruments de production
par suite de l'introduction de la ferraille par les Allemands, les
cadets ne pouvaient pas y avoir directement accès parce que le6
échanges étaient toujours contr61és par les atnés.
2°) L'a~né est le détenteur du savoir
L'analyse du s;1Btème politique des Kuma a conduit à mettre
en évidence le double rapport autour duquel s'articulent les ~elations
entre atnés et cadets: un rapport à l'âge et un rapport au savoir
le premier étant, à bien des égards, la condition de l'autre. Le savoir
des a!nés concerne non seulement toute la tradition orale, les moeurs
et les coutumes, les rites mais également le savoir-faire dans le
domaine de la production: chasse, travaux agricoles et tissa~e en
particulier.
. ..1...

81
En effet, pour la chasse la connaissance de certaines règles était
absolument indispeneable J seuls les atnés pouvaient à cet égard
initier les cadets:: lors de la chasse annuelle qui mobilisait tout le
village, les cadets subissaient une véritable initiation aux techni~ucs
et aux règles de la chasse sur la place publique du village.,Ils étaient
ensuite répartis en plusieurs groupes spécialisés sous la direction
d'un chef de chasse qui exerçait ainsi temporairement un "pouvoir de
fonction".
Dans le domaine artisanal la supériorité des atnés était sans conteste: q
seule une longue pratique pouvait confirmer un individu dans son savoi~
faire. L'individu devait compter avec le temps et avec l'autorité de l'
atné en particulier pour ce qui concerne le tissage des pagnes.
Dans le domaine réligieux, les atnés étaient chargés d'accomplir les ri~
tes indispensables avant les cultures et au moment des récoltes; gardiens
de la tradition et des valeurs socio-culturelles ils étaient les seuls'
à exercer le pouvoir religieux. En réalité comme l'a souligné C, MEIL-
LASSOUX le savoir technique ou savoir vital conna!t des limites dans lOG
sociétés lignagères car il est "accessible en un temps relativement ccurt ,
ccm.'t,
ce qui risque de mettre à é.gali té tous les hommes à partir d'un cbef:dl1.
age". Cela est vrai pour les garçons qui par le jeu et l'imitation des
adultes peuvent accèder à un certain nombre de connaissances vitales;
quant aux filles le caractère particulier de leur socialisation les
met en mesure d'apprendre assez t8t et très rapidement leur rSle de ménn-
gère. L'autorité des atnés repose en partie sur le savoir technique
mais à partir d'un certain moment son importance sociale diminue. Est~oe
à dire que "pour perpétuer leur autorité"
les anciens vont exploiter
l'extension du savoir au-delà des connaissances vitales dans de nouve2UX
domaines (savoir social, COl;. t'~"'s[~,ncf?,' des coutumes, des généalogies, da
l'histoire, des règles du mariage) et le prolonger dans des domaines
artificiels (magie, divination, rites cultur~;t.6. etc, •• )" (63) comme le
prétendMEILLASSOUX? Une telle affirmation laisse penser que l'autorit(,

f t
_
. . .i
.
__
__ .~
(63) MEILLASSOUX : opus déjà cité.
L. CEA p. 48 - Ed. Mouton and C. Décembre 1960,
. ,j•• • •
••

82
du moins son maintien, relève de la stratégie personnelle des a!nés.
Or il n'en est rien. En effet, dans les formations sociales
"traditionnelles", l'instance idéologique est dominante. Si le savoir
social apparatt en définitive comme la source de l'autorité des a!nés,
c'est en raison de la dominance de l'instance idéologique. De ce point
de vue, le savoir dans La société lignagère constitue un tout où savoir
vital et savoir social sont indissolublement liés mais où domine le
savoir social
comme le Coeur l'a montré à propos des TEDA "toute action
utile possède une frange rituelle" et "il n'y a pas de rite qui ne soit
plus ou moins teinté d'utilité". Les rites qui interviennent chez les
Kuma avant les semis du riz constituent certes le prolongement des outils
sur le plan religieux mais dans le procès de production social, le niveau
idéologique domine l'instance économique.
La distinction entre savoir vital et savoir social n'est
opératoire que dans la mssure où ils sont considérés comme deux aspects
d'un savoir "total" détenu par les atnés ; dans cette perspective les
barrières institulionnelles, telle que l'initiation, deviennent secon-
daires car chez les Gouro pas plus que chez les Kuma, le phénomène d'ini...
tiation n'existe vraiment. Dans les formations sociales où l'initiation
existe (64), celle-ci n'a pas pour fonction d'emp~cher les cadets c'aocè-
der aux connaissances sociales mais leur raIe premier est d'intégrer
l'individu à chaque étape de son évolution biologique dans une classe
d'âge au sein de laquelle se fait la socialisation.
Il en résulte que c'est le savoir total qui est la souroe do~
l'autorité des atnés et il est confié aux atnés par leprocès de production
social, c'est-à-dire la reproduction des rapports de dépendance entre a1nés
et cadets.
(64)
Nous pensons en particulier aux KABYE chez qui le
phénomène d'initiation est lié aux classes d'âge.

3°) L'atné est le producteur de certains biens de prestigeo
Il faut noter à cet égard, que la place de l'atné dans le processus
de production repose sur une double contradiction z la première contra-
diction oppose à l'intérieur du groupe lignager lui-m@me le chef du
lignage aux chefs de lignée. La seconde contradiction oppose l'ensemble
des atnés à l'ensemble des cadets dans la mesure où lesatnés ne procèdent
pas à la redistribution de tous les biens.
A Kuma, certains biens étaient produits par les atnés, en
l'occurence les pagnes j ils servaient dans les transactions externes
pour acquérir d'autres biens tels que le sel, les poissons etc •••
Les atnés tissaient également un pagne noir appelé "Doyi" qui constituait
un élément de la dot qu'ils devaient fournir en cadet au moment du
mariage.
Pour ce qui ceoncerne l ' ivoire, l' élÉph(.:lt étai t chassé dans
la région de Nuatja : les Kuma eux-m@mes ne travaillaient pas l'ivoire,
ils le faisaient traiter par les gens de KPANDO ; fruits du travail
du chef de lignée, les bracelets d'ivoire étaient remis au chef de ligna-
ge entre les mains de qui, ils avaient plusieurs fonctions
ils
servaient à rehausser le prestige du lignage à l'occasion de certaines
f~tes. Par ailleurs, le chef de lignage pouvait les pr@ter à des tiers
moyennant des intérêts en nature ou en argent.
Ainsi l'appropriation des moyens de production, les connaissances
techniques et leur raIe en tant que producteurs conféraient aux atnés
une place importante dans le processus de production; s'ils ne pouvaient
refuser à un cadet la mise en valeur d'una terre du lignage, en vertu
des droits coutumiers, en revanche, ils pouvaient exercer une pression
considérable sur les cadets qutnt a l'accès aux instruments de production
Il en resulte que les instruments de production jouent un r81e déter-
minant dans les rapports de production et constituent à cet égard un
facteur de hiérarchisation entre atnés et cadets.

84
B) La place de l'a!né dans la circulation des biens et des
personnes.
La détermination des rapports de production dans la société
lignagère ne peut se faire SRns une analyse du contenu réel de la notion
de travail. En effet, son contenu peut varier suivant le stade d'évo-
lution atteint par la société et aussi suivant la nature des biens
produits.
Marx souligne que "le travail de tout individu pour autant
qu'il se manifeste en valeurs d'échange possède ce caractère social
d'égalité et il ne se manifeste que dans la valeur d'échange pour autant
que, rapporté au travail de tous les Autres individus, il est considéré
comme du travail égal"(65). Ici se dégagent deux idées : le caractère
social du travail et l'équivalence qui gouverne les échages. Le carac-
tère social du travail varie suivant qu'il réfère à une communauté fer-
mée ou à des groupes sociaux ouverts sur l'extérieur.
En effet, dans la société lignagère, le caractère social du
travail est déterminé par son organisation générale qui est celle de la
parenté.
Son caractère social ne provient pas du fait que les produits
s'échangent comme des équivalents l'un de l'autre. Mais c'est l'orga-
nisation familiale qui marque le produit du travail "de son empreinte
particulière".
Narx ajoute : "C'est la particularité et non la généralité du
travail qui constitue ici le lien social" (66).
----------_~-.
-_~_--
-----------~-.
--~---
(65) Karl JvlARX : Contribution à }!,_ criti9...ue. de l'Economie Politio
Editions Sociales p. Il
Paris
1957.
(66)
idem
"p. 13

85
Ainsi les échanges de biens entre les a~nés et les cadets ont
avant tout comme fondement la parenté. Il en résulte un certain nombre
de conséquences.
- D'abord au sein de la société lignagère, les rapports entre
les individus et les groupes apparaissent comme des rapports entre mem-,
bres d'une même communauté
comme l'ont souligné les anthropologues
modernes, "l'homme produit en sa capacité de personne sociale, c'est-à-dire
en tant que membre d'un lignage, d'un clan ou d'un village".
Ensuite le travail ne constitue pas un facteur de différenciatic
sociale car il est fondé sur des relations extra-économiques. Travailler
revient à remplir une fonction sociale au sein d'une commup.auté.
C'est ce que Sahlins souligne dans son ouvrage "Tribesmen" en
affirmant: "Travailleur n'est pas un statut en lui-m~me, ni le travail
une catégorie réelle de l'économie tribale.
Dit autrement, le travail est organisé par les relations non-
économiques au sens conventionnel appartenant plut6t à l'organisation
générale de la société.
Le travail est une relation presxistance de la parenté et de
la communauté, l'exercice de ces relations" (67).
Ces caractéristiques définissent toutes les sociétés à un mODe nt
donné de leur évolution où elles étaient fermées sur elles-m~mes. Or la
société lignagère des Kuma n'était pas fermée. Elle était intégrée à
un ensemble de ciricuits d'échanges externes. Notre étllde la situe a
une périose historique où elle connaissait l'utilisation des cauris.
Déjà au moment de l'exode des Ewé vers l'Ouest, la traite
~aisait rage dans le Golfe du Bénin. Si les Kuma n'ont pas été très
tôt touchés par ce phénomène au moment OÙ ils se sont installés sur la
montagne, du moins ont-ils eu accès par le biais de échanges avec des
populations, tels que les Achantis, à certains produits de traite, no-
tamment les fusils.
(67) Sahlins ci té p.'l.~: f.laurice Godelier dans la préface "Sur
les sociétés précapi talist.s!~" p.
60·

86
Par ailleurs, ils faisaient venir leurs instruments de travail
de chez les Akpafu ; ils achetaient leur sel et les poisecns chez les
Anla de Keta qui eux-mêmes faisaient venir le sel de chez les Adan (60).
Les perles leur venaient de chez les Dukudja tandis que les bagues, les
boucles d'oreilles et les colliers en or ~taient achet~s aux Ashanti.
En outre, les Kuma fréquentaient le marché de Tové, le seul
marché important qui exist~t dans la région de Kloto avant l'arrivée des
Allemands.
L'extension des échanges avec l'utilisation des cauris implique
la transformation du contanu du travail lui-m@me et des rapports de
production.
1) La circulation des biens et des hommes.
L'échange de femmes s'accompagne de l'échange de biens et
services ; le mariage donne aux atnés l'occasion d'extorquer du surtra-
vail aux xadets.
a) Le mariage.
Le mariage de deux cadets était avant tout l'affaire des a~nés,
en l'oc6urence des chefs de lignage. ~ais c'est le chef de lignée ou
de famille qui choisit à son fils une épouse.
Entrent généralement en ligne de compte la bonne renommée du
lignage de la jeune fille et l'absence de conflits. La demande en
mariage se faisnit au nom du chef du lignage. Ce dernier envoyait chez
la famille alii~e un homme dont le ménage marche bien et qui par ailleurs
n'a jamais perdu d'enfants.
(68) Anlo
Population d'origine Ewé habitant le Ghana actuel
ADAN : Population du Ghana.

87
On offrait d'abord au chef du lignage une gourde de vin de
palme
son accept~tion signifie que l'on consent à donner la jeune
fille en mariage. C'est alors ssulement que le chef de lignée donnait
de nouveau deux gourdes de vin de palme; l'une pour le lignage pater-
nel et J'autre pour le lignage matenel. Entre-temps, IGS chefs de ligna~e
peuvent exiger une augmentation de la quantité de vin.
Ce cas concerne surtout les lignages importants sur le plan
social et sur le plan démographique. Ainsi en déhors des prestations en
travail que le cadet devait fournir au lignage paternel et maternel
de la jeune fille, la dot comprenait avant la colonisation les biens
suivants
- 150 Cauris
- un pagne de tissu noir particuli~rement recherché
- deux pièces de tabac
du sel
- et du vin de palme.(69)
Le tissu était produit par les atnés, soit pnr le chef de
lignage soit le plus souvent par le chef de lignée ; les autres biens
provenaient des échanges avec l'extérieur et représentaient le fruit
du travail des cadets ; en effet ces biens étaient obtenus en échange
des nattes, de l'huile de palme et des produits vivriols.qui eux étaient
directement produits par les cadets.
(69) Avec la colonisation, la dot a considérablement augment[o
D'après nos informateurs, un mariage coOte aujourd'hui à la famille du
jeune homme
du vin de palme
- 2 bouteilles de Gin ou
- l bouteille de Gin et une autre de Dubonnet
- l males en bois contenant des tissus imprimés, des foulards
et des bijoux
- 5 000 F. CFA à la 000 et plus selon les cas.

88
Or la plupart de ces biens qui circulent â l'occasion du mariage
sont redisttibués entre les atnés eux-m~mes en dehors du [:el dont pouvaiont
bénéficier les cadets.
En outre le chef de Li gnage
lignace g1.rdai t pour lui les cauris de la
dot et pouvait en disposer sans l'avis du groupe lignager.
En principe les chefs de lignée exerçaient un contra le sur l'u-
tilisation de ces
biens puisqu'ils pouvaient les retirer au che~ de lignage
en cas d'abus. Mais ce contrale n'emp~chait pas ce dernier de lES utiliser
à des fins personnelles ainsi qu'en témoignaient l'escla~~tge et la pratique
de l'Awoba, c'est-à-dire la "mise en gage". Les cadets étaient pratiquement
exclus de la circulation des biens "dotaux"
une exception toutefois ;
le pagne de tissu noir était remis à la jeune îille au moment de son premier
accouchement.
- Le mariage prêférentiel entre cousins crois s permettait ~~&­
lement aux chefs de lignage de conr.er-ver
conr-erver les "riches .e a"
;es" et de maintenir
la dépendance des cadets. Ce type de mariage, désigné sous le terme
"AKOKO" c'est-à-dire réciptoci té, signifie que la fille donnée en mar-Lage
maria.go
remplace sa mère dans l'autre famille. Pour illustrer ce cas, prenons
deux lignages A et B
A
B
JI
0 -
A
t
0 -
A
,
-----------'l>, 0 = A
lÎÏI*l'~l
C-'
l
= 0
=
~
--_._---
Dans un premier temps ou à la.pre~ière génération le lignage
A donne une fille en mariage à un homme du li8nage B : à l'occasion de
ce mariage, les biens dotaux circulent entre les deux chefs de lignage.
A la seconde génération, la fille qui na~t de cette union est
donnée en mariage à un membre du lignage A. La dot qui avait ité fournie
au départ par le lignage B lui revient. Contrairement à nos informateurs,

89
nous pensons que le montant de la dot n'est pas le m~me car A repr~selite
le lignage maternel de la jeune fille. Les prestations qui .ont au lignage
maternel de la jeune fille â l'occasion des maria~e6 simples n'entrent
plus en ligne de compte. Le mariage pr&fbrentiel apparaft comme Un cas
particulier de la stratégie des alliances et de la comp~tition sociale des
lignages relativement ais~s. En effet, dans les soci&t&s tradition! elles
le don met en position d'infériorité celui qui reçoit et diminue son
prestige social.
Le chef de
lignage ainsi "soumis" se libère en quelque sorte
de cette dette en demandant que la fille qui naftra du premier mariage
soit donn&e en mariage dans son lignage. En pratiquant le mariage pré-
férentiel les ligna[es aisés restreignent ainsi la sphère de circulatio~
circulatio~
des biens et peuvent désormais dominer les lignages plus faibles.
Ce type d'alliance les mettait également en position priviléciée
dans le cadre des &changesavcc l'extérieur.
Dans ce contexte, le mariaee illustre un cas d'extorsion de
surtravail aux cadets par les a!nés. La dépendance totale du cadet dans
le domaine matrimonial est rerforc&e par le contrale des instruments
de travail que détenaient les atnés :
dans ces conditions les oadets "
étaient tenus de fournir un travail supplémentaire pour avoir accès aux
femmes.
Par ailleurs l'ori6ine étrangère des biens qui rentraient dans
la composition de la "dot" implique que le travail du cadet devienne
source de"richesse" entre les mains des a!nés, en particulier entre celles
du chef du lignaf,e.
Bien que l'organisation g~n~rale de la sociét~ lignag~re repoEe
sur la parenté, i l n'en demeure pas moins que la transformation du con-
tenu social du travail inaugure ainsi des possibilités d'accumulation
relativement importantes. Le travail du cadet devient ainsi un travail
alién~ puisqu'il est en somme contraint de fournir du surtravail pour
avoir acc~s à une femme. Le contrale simultan~ de la circulation des
biens et de la reproduction biologique ap~arait ainsi comme un moyen

90
de tiné à la reproduction de la dépendance, donc des rapports de produc-
tion. D'ailleurs le chef de lignage peut refuser de donner sa fille en
mariage â un homme qui l'aurait mise enceinte au pr~alable. Il peut donnaI'
et la femme et l'enfant à un Autre homme de son choix.
En dehors des biens matrimoniaux, les autres biens tels que
les perles, l'or, l'ivoire étaient également confiés au chef de lignage
Celui-ci pouvait s'en rervir pour venir en aide à n'importe quel membre
du lignage mais il était tenu en cas d'aliénation d'ordonner leur recons-
titution ce qui n'était possible que par une extorsion de surtravail &ux
cadets. Enfin à l'ocasion des f~tes traditionnelles, les chefs de ligna~e
sortaient ces biens pour manifester leur prestige. Dans la société ligna-
gère, le pr es t i ge
pre.stige n'était-il pas un facteur de vaLor-Lsa't i on
valorüoation sur le pl.rm
pL~n
social ? En utilisant les biens précieux à ces fins, les chefs de lignare
organisent la compétition sociale et sont donc conduits à exploiter
davantage leurs dépendants.
Le prestige ne serait-il pas cette forme de richesse, insaisis-
sable et efficace qui permettait au chef de lignage non
eulement de monter
dans la hiérarc;'ie sociale mais également d' aupnenter le groupe de ses
dépendants '1
'1
b )
b) La mise en gage
e;age ou "A\\tIOBA"
"Awobe", est le terme par lequel les Ewé désir,l1ent la mise en
gage d'une façon générale ; dans ce sens, elle peut concerner soit un
bien tel que la terre, des objets précieux, soit des hommes.
Lorsque la mise en gage porte sur un bien ou une chose, le
bénéficiaire à toute latitude pour en user à son profit jusqu'au moement
OU
OU son débiteur se libère totalement de sa dette
; de ce point de vue
"Awoba" constitue à la fois !le fait de mettre en gage un obje~ et l'intérêt
que représente pour le bénéficiaire la privation temporaire d'un bien
dont il s'est dê aaa i ed
déf>saisi en éc1;ange
éc1;ange d'un autre. L, change
échanc;e qui natt de la
è
mise en gage instaure une véritable relétion d'appropriation entre le
bénéficiaire et l'objet mis en e;aga ; cette possession est,'en principe
un fait provisoire.

91
Dans la société lignagère, la mise en gage des hommes ressortit
à ces caractéristiques générales : mais ici derrière cette relation de
propriété entre le chef de lignage et le cadet mis en cage, Be cachent
des rapp~rts de production qui sont en fait de véritables rapports
d' exploi tation.
D'après nos informateurs, cette pratique était très courante
chez les Kuma ; généralement c'est le chef de 11~nage, qui prenait l'ini-
tiative de mettre en gage un cadet chez une tierce personne pour qui il
devait travailler aussi longtemps que la dette n'p.tait pas épongée. A
la mort du cadet, son conrps ne pouvait pas ~tre enterré dans le lignage
bénéficiaire. Ses parents devaient le récupérer nOD sans avoir donné au
préalable du vin de palme pour effacer en quelque sorte la "condi t Lon'
tion-:
sociale" du défunt. Ainsi le cadet n'is en gage jouit d'un statut ao c i a L
socinl
particulier dans la société lignagGre : il devenait ainsi un cadet soci~
c'est-à-dire permanent ; son statut social est inférieur à celui d'un
cadet et m~me à celui d'un esclave intégré dans le lignage, car à la
différence de ceux-ci, il ne pouvait en aucune façon "hériter" les
terres du lignage.
Cette forme d'asservissement permettait aux a!nés non seulement
d'élargir leur groupe de dépendance mais aussi d'augmenter leurs "riches-
ses" et leur prestige. La circulation des biens et des hommes dans
le cadre de l'Awoba se faisRi t entre les a!nés uniquement • Ain/OBA
constitue la forme d'exploitation la plus profonde dans la société
lignagère.
En cas de mariage, le cadet devient avec ses futurs enfants
membre du lignage d'adoption mais ils sont exclus de 1;4. succession.
Les enfants ne pourront avoir accès à J.a jouissance d'une terre que
dans le lignage de leur père. Une fois mar-ié, le "cadet social" peut
@tre libéré par le chef de lignage après des c&rémonies rituelles pour
lesquelles il fournit 10 vin de palme nécessaire.
Quoi qu'il en soit, cette libération est aléatoire dans la
mesure où elle relève en quelque sorte de la stratégie personnelle du
"cadet social". Pour lui en effet, l'accès aux femmes est en principe

92
interdit, car il n'est pas considêr~ comme membre â part enti~re du ligna~c.
En prenant une épouse de manière presque " éJ.
éJ nti-coutumière",
n ti-coutumière",
puisque la femme ne peut ~tre enceinte qu'au préalable, le cadet fait
directement entorse aux contraintes sociales qui p~Rent sur lui et s'ou-
vre ainsi des possibilités de retour dans son lignage d'origine.
En effet, ce n'est pas par son travail quo le cadet mis en ga~e
se libère mais par le remboursement hypothétique d'une dette dont il n'a
certainement pas bénéficié. Cette pratique éclaire notre analyse de la
définition extensive de l'appropriation d&s moyens de production. Le chêf
de lignage dans la mesure où il contr8le les richos:es, peut les utiliser
à acquérir des cadets mis en gage et à produire ainsi de nouvelles riches-
ses sans exploiter directement leB~c~dets de son groupe lignager. Ce fai~nnt
il contribue ainsi à l'accumulation des richesses au niveau du lignage et
peut échapper dans une certaine mesure au contr8le que les chefs de lign6e
pourraient exercer sur l'utilisation des biens qui lui sont ~onfi~s.
Par ailleur, la mise en gage des cadets montre que si les rap-
ports déterminants sont des rapports d'exploitation, les deux groupes
qui constituent les supports essentiels de ces rapports ne sont pas
homogènes ; nous l'avions montré à propos des atnés. Le groupe des cadets
comporte des individus à statuts sociaux différents et qui ne jouent pas
le m~me r8le dans le processus de production; entre l'atné et le cadet
mis en gage, les rapports d'exploitation découlent d'une relation de
propriété alors que pour le cadet du groupe lignager, les rapports d'ex-
ploitation résultent du contrale de la circulation des richesses.
L'existence des "cadets so ed aux"
so~daux" ou permanents indique bien que les
rapports de parenté ne sont pas incompatibles avec des rapports d'exploi-
tation. Mieux, la parenté en tant que principe de continuité biologiqüe
du lignage apparait dans une certaine mesure comme un phénomène ambigu
qui masque les rapports de production déterminants.
En réalité, le statut du cadet mis en gage rejoint celui d'un
esclave
cette aliénation se realise i, un double niveau: en tant que

93
producteur, son travail est ali~n~. Il est avant tout travailleur et est
constamment tenu de fournir du travail sans pour autant qu'il se r~ali80
en tant que "cadet simple", c'est-à-dire en tant que membre d'un groupe
lignager ou d'une communaut~. Dans un autre ordre d'idêes, son ali~nati0n
est sociale en ce sens que la société le prive de tous les droits norr;Ja-
lement réservés aux individus. La spécifit& du statut social du cadet
mis en gage se précisera davantage avec l' ana-lyse du rele que les atn{s
ont joué dans la traite.
c) La traite
En dépit du caractère réduit des informations dont nous dispo-
sons sur la traite chez les Kuma, nous pouvons cependant tenter compte
tenu de ses effets généraux Bur la c8te du Bénin, d'évaluer les implications
socio-économiques de ce fléau qui ravagé les sociétés africaines.
En fait chez les Kuma, l'esclavage existait avant la traite
proprement dite. L'esclave "travaillait pour le chef du lignage; il pou-
vait se marier et obtenir des terres dans son lignage d'adoption. En tout
état de cause~ il était à la fois une manifestation de prestige social
et un moyen d'augmenter le groupe de dépendance en vue d'assurer un riiveGu
de production satisfaisant. l'esclave avait le m~me statut que le cadet
du grDupe lignaver. Il pouvait quelquefois devenir chef de lignage.
La traite avait trouvé réunies les conditions de la trensformation a
une échelle plus grande de la fonction économique contenue dans la pra-
tique de l'Awoba et dans l'esclavage lignager".
Cette transformation demeure le fait des atnés puisqu'elle
ouvre des possibilités d'accumulation plus grandes.
La conversion des cadets mis en gaGe et des esclaves lignagers
en marchandises ~tait objecti~ement dêterminée par les structures ligna-
gères.

Au moment de la traite on vendait les gens qui avaient des dettes,
les enfants et les "dêviants"
c'est-~-dire les ~ens coupables d'adult~re,
de vol et de crime.
Pour les cas de dette par exemple, le créancier attendait des
occasions privilégiées comme les jours de marché i il indiquait son
débiteur i
ses acheteurs qui se saisissaient de ce der/cier et l'emmenaient
en captivité.
Les chefs de lignage ont participé par ailleurs activement au
commerce des esclaves. Les Kuma allaient dans l'AKPOSSO. dans la région
d'Agou et en pays Kabye ; les esclaves ét~ient échangés contre des fusils,
du tabac et des cauris.
Le commerce, entièrement contr8lé par les arnés, leur permettait
ainsi, grâ6e au travail fourni antérieurement par les cadets d'avoir:
acc~s i.dè6bi.~8 dont ils se servaient pour maintenir la dépendance des
cadets.
2°) La nature des rapports entre arnés et cadets.
Du r8le de l'ainé dans le processus de production, il résulte
que celui-ci, en contr8lant les instruments de production et le procès
de circulation des biens et des personnes, exploite le cadet. Ainsi que
l'a souligné P.P. REY, les rapports d'exploitation entre atnés et cadets
apparaissent de façon plus manifeste quand on se réfère à la circulation
des biens et des personnes non au sein d'une aire matrimonialle donnée
mais au sein de plusieurs aires matrimoniales articulées entre elles par
l'échange. Les rapports de solidarité au sein du groupe lignager portent
sur la redistribution des biens de consommation. Mais l'origine étrangère
des instruments de production et des biens de preBti~e prouve, s'il en
est besoin, que le travail des cadets est ~ource de richesses entre les
mains de l'atné.

La réciprocité dans le cadre du ligna ou au niveau du village
profite eSGentiellement aux atnés exception faite de la construction des
cases et se transforme en contrainte entre l'ensemble des atnés et l'en-
semble des cadets. Dans la société lignagère ouverte sur l'extérieur les
conditions d'apparition des rapports d'exploitation étaient réunies dès
lors que les biens précieux y étaient introduits et que les atnés sont
conduits pour les besoins de la compétition sociale, n contraindre les
cadets à fournir un surtravailo L'assise sociale des atnés repose sur La
l;;~
génération interned'un surplus transformé en biens précieux dont les
contenus sociaux sont extr~mement valorisés.
C'est pourquoi, nous pensons à la suite de P.P. REY que l'ex-
ploitation exi~te lorsque "l'utilisation du surproduit par un groupe ou
un ensemble informel qui n'a pas fourni le surtravail correspondant
reproduit les conditions d'une nouvelle extorsion de surtravail aux
producteurs".(70)
Aux termes de l'analyse de la formatioh sociale Kuma, nous
pouvoné dégager les caractéristiques suivantes :
1) Les travaux de construction de cases et les travaux communau-
taires d'intérêt villageois telle que la construction des routes mettent
en oeuvre l'entraide et la solidarité au niveau du village mais ils ne
jouent pas un raIe décisif dans la différenciation entre les individus et
entre les groupes sociaux.
2) La chasse annuelle met en oeuvre des rapports de production
et de distribution qui dé souLent
dé,;oulent du r ê Le
rele respectif que jouent les indi vi dus
dlJS
dans le processus de production. L'interventmon de l'autorité politique
dans le processus de production se traduit par un don de nature symbolique
(70) P.P. REY )Réflexions sur la ~rtinence d'une théorie de
et
G.
DUPRE ~l'histoire des échanges - CIS. Vol. XLVI po
C 152 Paris 1969.

96
et ne peut donc ~tre considérée comme une appropriation sans contre- partie
le caractère occasionnel de la chasse annuelle enlève aux rapports de
production tout caractère déterminant.
Les rapports de production dans le cadre du piégeage et de la
chasse au fusil ressortissent à la propeiété des moyens de production :
dans le cas où le piège est emprunté le chasseur est tenu de donner au
propriétaire la moitié du gibier. Quand il s'agit d'un fudil, le proprié-
taire reçoit une cuisse.
31 L'entraide entre les familles dans le cadre du lignage e' au
niveau du village permet la redistribution des biens entre a~née et cadets
pour ce qui concerne les biens de subsistance mais elle se transforme en
rapports d'exploitation à partir du moment où la société lignaGère hié-
rarchisée s'articule à d'autres par le biais des échanges. L'exploitation
caractérise les rapports entre atnés et cadets car les produits du travail
de ces derniers sont transformés en marchandises. En outre les atnés
peuvent acquérir des biens précieux qu'ils gardent par devers eux.
Le oontrale des biens de prestige et des instruments de produc-
tion fait de la circulation des femmes et des hommes un moyen d'extorsion
de surtravail aux cadets. Il montre que le procès de production immédiat
et le procès de circulation sont articulés par la pratique de la mise
en gage ou "AWOBA" et par les alliances matrimonailes.
Le lignage constitue le cadre de réalisation des rapports de
produc~ion déterminants et la coopération simple élargie mise en oeuvre
dans le cadre des groupes de travail repose non sur le consensus des cadets
mais sur une contrainte organisée.
4) La contradiction entre le contrale du procès de production
immédiat et le procès de circulation induit une seconde contradiction entre
"pouvoir de fonction" occasionnel ou permanent dévolu aux chefs de famille
et pouvoir lignager.

97
L'analyse du cycle d'ensemble de la production révèle que la
dynamique interne des groupes sociaux repose avant tout sur les échanges
externes et leurs effets sur l'articulation des rapports de production.
A cet égard la parenté fonctionne comme un principe idéologique qui po r-ne t
per'n;;;:t
au delà de quelques structures de ao Ld dar-Lt
solidaritÉ~ tels que luIS grouPtede ty':w3.il
ê
l 'exploi tation-ftlt-elle limi tée- des cadets par les atnés. Si la domd nat i on
domiMtion
des rapports de parenté au sein de la formation sociale constitue un cas
de "surdéterminante", c'est-à-dire la "convergence de la détermination des
instances économique, juridico-politique et idéologiquesur l'élément
"parenté", elle n'est pas incompatible avec le phénomène de l'exploita-
tion comme le soutient E. TERRAY à la suite de HORGAH et d'ENGELS:
En établissant une liaison étroite entre "domination des rap-
ports de parenté et non exploitation du travail" E. TERRAY ne tient pas
compte de la variation du raIe de la parenté au sein des form~tions
sociales "primitives". Certes, le système lignager par exemple et les
rapports de parenté doivent s'expliquer à partir de l'analyse des rap-
portsrde production déterminants mais ceux-ci ne sont pas donnés au
départ ; ils se forment par des voies historiques différentes. La parent[
préexiste aux rapports de production; c'eut pourquoi on peut partir d'elle
pour expliquer le processus de transformation de la parenté réelle ou
biologique en une parenté sociale ou terminologique. L'articulation de
la formation sociale Kuma à d'autres par les échanges crée les conditions
de cette transformation.
La primauté des atnés montre à l'évidence que les rapports de
dépendance et leur reproduction par le biais de l'instance politique
et idéologique ne peu.ent se référer à la parenté en tant que phénomène
biologique mais à la parenté en tant que phénomène social, c'est-à-dire
l'expression des rapports de production déterminants: d'où l'ambivalence
des fonctions des individus et des institutions dans la société lignagère
l'individu apparatt à la fois en tant que chef sacré mais contrelé, fils
et travailleur, compagnon de travail et membre d'une communauté, p~re et
exploitateur. Quant aux institutions tels que le mariage et les groupes

98
de travail, elles tendent à la fbis à l'intégration de l'individu au
1
sein de la "eommunauté" mais en m~me temps elles s'imposent à lui en re"
produisant les rapports de d&pendance.
b~s lors, ie d~veloppement des structures sociales s'effectue
selon un mouvement dontradictoire non se~lement entré les ~tnés et les
cadets mais &galement entre les a!nis eux-m~mes, c'e~t-à-dire les chefs
de lignage qui contraIent la circulation des biens et les chefs de
famille qui interviennent dans le procès de production immédiat. A cet
égard, les cultures industrielles - le café ct le cacao - en raison dG
leur valeur marchande, bouleverseront les structures lignères à partir de
ces contradictions dynamiques.

99
DEUXIEHE
PARTIE
L'HEGEMONIE DES CULTURES INDUSTRIELLES
ET SES EFFETS SOCIO- ECONONIQUE~_
Dès l'instant où l'introduction du café et du cacao dans le
canton de Kuma répondait avant tout aux besoins des puissances colonialeE,
ils devaient connattre un développement rapide. Toutefois, l'inertie
relative des forces productives lucales exerçait dos contraintes sur
une extension fondée Bur les seules lois de fonetionnement de l'économie
capitaliste: aussi, la contrainte et les mesures administratives, tels
que le travail forcé, les impats, ont.elles été utilisées pour accèlérer
le processus de destructuration de l'écononie "traditionnelle" et
l'extension des rapports de production capitalistes Rosa LUXENBURG a
décrit en ces termes le processus de pénétration de l'économie capitaliste
dans les autres modes de production.
"L'autre aspect de l'accumulation capitaliste concerne les
relations entre le capital et les autres modes de production non capita-
listes. Il a le monde entier comme théatre.
Ici, les méthodes employées sont, la politique coloniale, le
système des emprunts internationaux, la politique coloniale, le système
des emprunts internationaux, la politique des sphères d'intérêt. La
guerre, la violence, l'escroquerie, le pillage, se déploient ouvertement,
sans masque, et il est difficile de reconnattre les lois rigoureuses
du processus économique, dans l'enchevêtrement des violences et des
brutalités politiques ••• En réalité, la violence politique est elle aussi,
l'instrument et le véhicule du processus économique" (71).
-------------------------~~_
-~------
..
-------------------------~~_
..
(71) Rosa LUXEMBURG: L'accum~~~~io~ du ca~~~l, cité par P.P. REY
in, les alliances de classes - p. 26-27 - Ed. Maspero. Paris
1973.

100
L'avènement des cultures industrielles subséquent à la pénétra-
tion du Mode de Production capitaliste au sein de la formation sociale
a contribué à l'émergence de nouveaux rapports de production, et déclcnch6
un processus de désagrégation lignag~re caract~ris&e par la prédominance
des chefs de lignée : en effet ceux-ci rompent le?rocès de circulation des
biens à leur profit, dans la mesure où ils contrelent le procès de produc-
tion immédiat. Les rapports de parenté et les droits fonciers n'ont pas
pu résister à l'assaut de ce dynamisme externe ll
externe •
-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-~-

101
CHAPITRE
l
L'importance des cultures }~dustrie11es
La répartition des exploitations en cultures industrielles et
en cultures vivrières manifeste un déséquilibre en faveur des premières
Le canton de Kuma produit davantage de café que de cacao : ce dernier
avait connu son ~ge d'or, tout au d~but de la colonisation ; mais l'êpui~
sement des terres de la région, a fini par le re1éeuer au second plan.
Quand à la situation plus ou moins marginale des cultures vivrières, elle
réau1te d'une évolution historique caractérisée par la désorganisation de
l'économie traditionnelle.
Section 1°) La désorganisation de l'économie traditionnelle:
Elle s'explique par une politique systématique d'implantation des cul-
tures industrielles et par l'intégration de la formation scciale Kuma au
Mode de Production Capitaliste.
A) histoire des cultures industrielles :
1°) La période de la colonisation A1~eman~ (1885-1919)
C'est sous la colonisation allemande que la culture du café et
du cacao avait pris son essor. En 1919 ~es plantations couvraient au
Togo 12.000 Ha environ, répartis entre la région c6tière et la région de
K1oto principalement.
A Agou, le "TOGOPLANZUNG" comportait 1 000 Ha de siàal sur les
7 000 de la consession. Sur les l 616 Ha de la liGADJA-PFLANZUNG" 180
étaient couverts de palmier à huile. 716 autres Ha de palmier à huile
avaient été installés à AGOU-NYONGBO, tandis que deux pEtites palmeraies
partaeeaient les villages de TAFIE et de FLIGBO. Sur le littoral, dans
la région de KPE:hE, 400 Ha de cocotiers et 80 Ha de s i aaL
siE;al avaient été cr
crél
ê .
En revanche, le cacao a été introduit par les autochtones dans
la région de K16to à partir de la Gold Coast, Ghana actuel, d'après nos
informateurs, Jes premiers Kuma qui ont planté le cacao l'ont fait venir

102
..
du Ghana; ces informations confirment d'ailleurs l'affirmation de Robert
Cornevin selon laquelle "les
e s plantations de cacao se sont développées dans~
les riches terres de Kpalimé, de Ho Kpando ainsi que dans l'Akposso, à
l'initiative des indigènes qui rapportent très vite de Gold CJast les
prôcieuaea noit (?2).
A Adamé, certains chefs de lignée ont fait venir les plants de
cacao de la reglon d'Agou où les allemands avaient installé des planta-
tions. Far ailleurs en 1912, un allemand nommé "BURBULLA" (73) obtient
dans la région de Misahohe une concession d'un chef local et établit une
grande plantation de cacao.
Dans l' e naec.b Le ,
ense',ble, cette poli tique d'implantation de cacao a
particulièrement affecté la région de Nisahohe.A la fin de la co Londaa t Lou
colonisatio:l
allemande, 86 % de la population de cette région cultivaient le caCao.
r'our l'ensemble du Togo, la production du cacao passait de 15 tonnes en
1903 à 2835 ~4) en 1912 soit une augQentation de 188 %.
Le café a été introduit au XrXe siècle par les Allemands dans
les riches régions du Buem, d'Agou, de Dayes et de Kuma (75). Nais au
départ son ex~ension connut moins de succès que celle du cacao. A preuve,
l'ordonnance forestière de 1912 " perfllet
perfllet au préposé du service des forêts
une llltte efficace contre l'extension exc".lS;::ive de cette culture".(76).
(72) Robert CORNEVIN·: !listoire du Togo, collection Monde d 'Outre-l'Jer p. 18'
Ed. Berger Levrault-Paris
1969. .
(73) M.B.K. DARKHOH : Togoland under the German, thirty years of economic
development (1884-1914). Part r ,
l, ~~erian
~~erian geo..œ:a]?hica1 Journal
10-2- Decembre 1967 p. l07-l~2.
(74) IDEM
(75) AGOU et DAYES sont des cantons de la circonscription de K1oto.
(76) Robert CORNEVn : opus cité p. 184.
Par-as
P·~ris 1959.

10}
Rien de tel n'a été décidé contre le café. Au départ, seule la variété
Arabica avait été introduite. Cette culture connattra un développement ra-
pide sous la colonisation françaiee.
2°) Période de la colonisation fran~~_lJ24-192~
Les terres humai des de ln r~gion de Kloto ~e prêtent davantage
à la culture du café
aussi l'administration coloniale française a-t-elle
mis l'accent sur cette culture.
A Adamé en particulier, la variété Gnaouli a été expérimentée
pour la première fois en 1924. A partir de 1936, l'obligation fut faite
aux autochtones d'en cultiver ; l'entretien des plantations fut également
rendu obligatoire. En 1937, la puissance co Lor.â a Le
colo::iale distribuait 1 500 000
pieds de café dans l'ensemble du territoire togolais et mettait en place
un comité d'études techniques du café du Togo. Ce comité était en liaison
avec le centre d'études techniques des cafés coloniaux du Havre (77)·
La France entendait donc développer au maximum et de façon ra-
tionnelle la culture du .afé dont les besoins se faisaient de plus en
plus sentir dans une période d'avant-gurre caractérisée par des difficul-
tés économiques et sociales. Ainsi en 1938 distribuait-elle à nouveal
1 800 000 plants de café.
Entre 1946 et 1950~ la production de café fut gravement menacée
par le scolyte ; en 1953, une autre maladie du café, connue sous le nom
de rouille(78) devait compromettre sérieusement la production. AnF i
un
programme d'extension a-t-il été mis sur pied à partir de 1954. Il prévo-
yait notamment la distribution de 2 à 3 millions de jeunes plants de caféiers
par an et accordait par ailleurs une prime de soutien et d'encouragement
de 10 000 F. CFA à l'hectare. Cette prime, pay~ble en deux fois, était
accordée à toutes les plantations rationnellement créées après le 1er·
janvier 1953.
(77) Robert CPRNEVIN J opus cité p. 250. Paris 1959.
(78) Rouille : "maladie provoquée par des champienons et caractérisée par
des U.ches semblables à de la touille sur 1.3 tiges et les feuilles"
(d'après le petit Robert.)

104
Le financement de l'opération était assuré par un ~ompte dit
"compte de soutien du café" ; ce dernier était alimenté par une taxe de
10 F. CFA, prélevée sur chaque kilo de café à la sortie du territoire
togolais (79). Cette politique était soutenue par la création le 14 Octobre
1954 d'une caisse de stabilisation ; le 2 Février de l'année suivante, un
fonds national de régularisation des produits d'outre-mer était créé.
L'histoire de l'implantation des cultures industrielles permet
de mettre en évidence leur caractère exogène et une politique d'extension
systématique orienté sur la satisfaction d'une demande externe. Le l'ale
des puissances coloniales a été absolument déterminant à cet égard ; les
actions de distribution a été absolument déterminant à cet égard
les
actions de distribution des plants de caféiers et l'amélioration des
procédés de production, en particulier l'ébouillantage des cerises à
partir de 1951 s'inscri(ent dans un processus de mise en place d'une écono-
mie de traite, spécialisée dans la culture des produits de base.
Dans la région de K1oto, le café couvre à l'heure actuelle plus
de 40 000 hectares dont le rendement moyen se situe aux environs de 150 kg
à l'ha. En revanche, le cacao représente une superficie totale de 20 000 ha
le rendement moyen atteint 250 à 300 kg à l'hectare, ce qui est faible puisque
le Ae
A nya
enya atteint un rendement de 1 200 kg à l'hectare. L'implantation des
cultures industrielles résulte à l'évidence d'un choix politique délibéré
exercé par les puissances coloniales, c'est pourquoi elle s'est accompagn~:e
de diverses mesures succeptibles d'accè1erer le processus de leur extension
et qui, par diverses voies, tendaient à l'intégration de la formation
sociale Kuma au mode de production capitaliste.
B) L'intégration au Mode de Production Capitaliste. La pénétration
du mode de production capit~liste, dans les formations sociales africaines
s'est réalisée selon un double processus qui en fait constitue l'unité
, ...
·~·h'i . . . .
_ .
,

=r-"r' .-
. . . • - • •

=r-"r' .-
. . . • - •

105
dialectique d'une même politique d'expansion économique fOQdé.~non seule-
ment sur les lois de fonctionnement de l'économie capitaliste (la maximation
du profit, l'exploitation) mais également sur la violence politique et
militaire j En effet les populations concernées tentaient de résister
à la désorganisation et à la destruction de leurs structures socio-écono-
miques. En réalité la traite esclavagiste avait déjà créé les conditiomde
l'intégration des formations sociales africaines au système capitaliste
achevé au XIXe siècle, qui met en place dans ces pays, l'économie de
traite, c'est-à-dire selon la terminologie de S. Amin, un "ensemble de
rapports de subordination-domination entre cette société pseudo-traditionnûl-i
le intégrée au système mondial et la société capitaliste centrale qui
la façonne et la domine"(BO). Comme le souligne l'auteur, l'économie de
traite, constitue un "ensemble de moyens et de structures" caractérisé
principalement par "l'organisation d'un monopole commercial dominant, celui
des maisons coloniales d'import export", une imposition des paysans en ar-
gent qui les oblige à produire ce qu'on leur offre de leur acheter et par ~
le travail forcé".
Cette forme de rapports entre pays dominés et dominants, a évolu&
depuis, avec le développement du capitalisme lui m8me et sous la pression
de la prise de conscience de l'exploitation par les populations des pays
dominés. Ainsi, les phases de l'implantation, des industries légères de
fransformation, de la constitution des sociétés d'économie mixte, ou de
l'expatriement de quelques industries des pays capitalistes vers les
pays dominés en raison du coût extrêment bas de la main d'oeuvre dans
ces pays, c
ne constituent-elles que différentes variantes d'un
ensemble de rapports de dépen<lance qui confinent 16s formations sociales
africaines devenues "périphériques" dans une spécialisation orientée
sur l'exportation des produits de base, (produits primaires agricoles,
et produits de l'industrie extractive: phosphate, fer, etc ••• )
(80) S. AMIN: Préface du livre "Le-Royaume
"LeRoyaume du Waalo - p. 7-54 Maspero
Paris 1973.

106
Dans cette perspective, l'intégration des formations socialcs j
africaines, au Mode de Production Capitaliste, est le résultat de tout
un procensus socio-birtorique dont toutes les manifestations apparaissent
ausi bien au niveau dos formations sociales particuliires r que dAns le
r
que dAns
cadre de la société globale.
Le processus socio-14istorique qui a conduit à l' intÉ'·gration
de la formation sociale est fondamentalot.lent in cerné par les è chango
échanf:,:J ,.
et les contraintes administratives- D'un eSté, le mode de production
capd
cnpi t a Li s t e,
taliste., a dO désorganiser les circuits d'échange iltradi tionnels",
détruite leur fondement. Il él dû implanter dans la région, des cultures
dont avaient besoin, les pays dominants et qUl nlav~ient aucun rapport
avec les besoins des populations locales. De l'autre cSté, le travail
forcé, les impSts constituaient des mesures compl~ment8ires destinées
à accélérer le processus de l'intégration.
1°) Les échange~
a)
Les voies commerciales
Avant l' arri vée des allemands, Lea
lf!s pr i ncd paux
principnux villae;es de l'actuel
canton de Kuma, étaient intégrés dans un circut d'échanges, qui compre-
naient plusieurs voies : par les voie3 du Nord, ils étaient en relation
avec les habitants de XOXOE, de LIKPE et les AKPf.FU _ Selon non informa-
teurs, il fallait environ quatre heures de route à pieds, pour atteindre
LIKPE, et 6 heures e,viran, pour 8l1~r ches las AKPAFU, si l'on se
réfère è une moyenne de 4 km pour un homme marchant normalement, ces
deux rér;ions se trouvaient r-espe ct fve:
respectivü! .e n
;€mtt à 16 et è, 24 km de chas les KUEA.
h LIKPE. les Kuma s'approvisionnaient en coton, pour la fabri-
cation des tissus. Ils y achetaient également des esclaves, et surtout du
fer pour la fabrication des outils de travail. Les Akpafu fournissaient
essentiellement aux Kuma les outils de travail, dont nous avions signalé
l'importance pour le cadet au moment o~ il se marie.

l~
Les routes de l'Ouest, menaient à LEKLEBI et à KPANDO. Les habi-
tants de cette dernière région étaient spécialisés dans la fabrication
des biens précieux, tels que les bracelets d'ivoire, objets d'ostentation
que portaient les jeunes filles lors des f~tes traditionnelles pour mani-
fester le prestige du lignage.
Enfin les Ku
K ma
uma descen~aient au Sud-Ouest chez les Anlo de Kata ou
ils échangeaient nattes et huile de palme contre des poissons et surtout
le sel qui venait de chez les Adan, groupe ethnique dont le village se situe
sur la cete, dans le Ghana actuel, à 80 km environ de LOME.
Outre les échanges directs qui se fai0aient dans chacune de ces
régions, il existait un march6 à TOVE le plus important de la région de
Kloto avant l'arrivé des allemands. Ce marché se tenait tous les quatre
jours et constituait à l'époque une véritable plaque tournante, un lieu
~
de contact. C'est là que les Anlo de
eta reven1aient le sel de~ Adan,
1,
et les poissons. Tove était également un marché d'esclaves. A ce sujet
bien que l'état de nos informations ne nous permette pas de montre le
rele de ce mar~hé, dans la traite, on peut cepen:ant estimer que beaucoup
d'esclaves transitaient par là, dans la mesure où il était fréquenté!par
des populations de la cate, (en particulier les Anlo) qui étaient euX-
m~mes en contact avec les esclavagistes.
L'administration coloniale allemande devait briser ce circuit
d'échanges, par une série de mesures.
D'abord, la fabrication des outils de travail fut interdite
sous prétexte qu'elle requerrait une trop grande dépen~e d'énergie : par
ailleurs, l'introduction de la ferraille a permis la généralisation des
outils, ce qui a fait per~'e aux Akpafu le qtiasi-monopole dont ils jouissaient
Enfin, les outils de fabrication locale ont été remplacés par l~
les instruments de travail de fabrication européenne.
L'introduction du sel d'origine européenne et celle du coton
ont fait regresser le commer'e de ces produits. L'offre locale de ces
produits a ainsi baissé jusqu'à devenir nulle par suite de la concurrence

108
·en effet, aux dires de nos informateurs, le sel importé avait un goOt
meilleur et le coton était plus blanc.
Dis ~finstant od l'offre globale des biens locaux était devenue
pratiquement nulle, il s'avérait indispensable de rationaliser la base
des échanges par l'introduction d'une unité monétaire autre que les cauris
en outre, dans la mesure od les maisons de commerce coloniales allemandes
se sont établies à Kpalimé ~ la suite de l'implantation de l'infrastructure
administrative et de communication, il fallait rapprocher davantage les
populations de Kpalimé, centre administratif et commercial. Deux mesures
avaient été prises dans ce sens,
Le transfert du marché de TOVE à KPALIME et la substitution des
Marks aux cauris.
b) Le transfert du marché de Tové à Kpalimé :
r

1
j .
~
Le transfert du marché de Tové à Kpalimé, apparatt au prime abord,
comme une mesure de r~torsion contre la population de cette localité :
d'après la tradition orale, quelques he.bitants de Tové auraient injurié
un pasteur allemand protestant-(BREMEN)-, le traitant notwnment de singe,
au moment où il traversait le village venil.nt de ANEDZOFE (81), pour se
rendre à AGOU, où la mission avait également installé une école. Le
Pasteur (82) rapporta l'incident au commandant de Kpalimé, le docteur
GRUNER. Celui-ci envr-ya
env"ya deux soldats à Tové pour pr-o cê der-
pX'océder à l'arresta-
tion des provocateurs sans en aviser le chef du village. Ce dernier
sentant son autorité bafouée,non seulement s'opposa à l'arrestation des
hommes, mais fit tuer l'un des soldats et blessa l'autre. Ce défi lancé
au pouvoir colonail, fut payé au prix du sang des habitants de Tové :
en outre, le pouvoir déci dé de transférer le marché de Tové à Kpalimé.
Au delà de sa valeur anecdotique, cet incident rev@t avant tout une signi-
fication économique.
Remarquons au passage que le marché de Tové en tant que tel n'a ~
aucun rapport avec l'évinement et que la répression, vu la nature de
(81) Village où la misson protestante allemande avait installé son premier
séminaire.
(82) D'après les informations, le Pasteur Allemand, comprenait parfaitement
l'Ewé.

109
l'incident pouvait se limiter au domaine physique. Les motifs du
transfert se trouvent donc ailleurs. Tout permet de penser que le marché
'.
'.
'
..
de Tové en raison de son décentrement par rapport à la capitale, c'est-à-diEe
Kpalimé, où se trouvaient toutes les maisons coloniales emp~chait ainsi, la
capitale administrative de jouer pleinement son r6le de pele de"succion
économi"que" par rapport à l'ensemble de la rçgion.
En tout état de cause ,. le transfert du mar-ché
r:1é1rché n '
nI e c t
ec:t qu'un mo-.ent
mo"ent
du processus de mise en place d'ùne économie de tra.ite.
Le café et le cacao étaient introduits dans la région, et les
plant~tions allemandes elles m~mes commen9aient à s'étendre.
- L'infrastructure pour l'évacuation des produits sur Kpalimé,
était mis en place,.à travers la région, notamment la route reliaht
Kpalimé à KETE-KRATSI et celle reliant Kpalimé à Lomé. Le chemin de fer
Lomé-kpalimé fut ihauguré en 1907, .les premières voitures firent leur
apparition à Kpalimé aux environs de 1910 ; les routes ont été .onstruites
..
.onstruites
à peu de frais, puisque la main d'oeuvre relevait en grande partie du
travail forcé et était faiblement rémunéré.
Près d'une dizaine de maisons de commerce allemandes étaient
installées à Kpalimé ; entre autres ,. r~AMPF , .. SIGODEL, LUTEN UND ZEIFEL,
WH, D'I'G, BREttiEN FACTOREI, SWANZE et NILLERS, qui. achetaient les noix de
palme,. l'hulle de palme, le café et.le cacao. Enfin, cette mesure avait
pour but de rapprocher les populations des maisons de commerce, ce qui,
grâce à l'effet de concentration facilitait les échanges.
c) La substitution des l-iarks /lUX Cauris :
L'économie de marché ne pouvait 30 développer avec 4,e5 cauris
comme monnaie de référence : ces derniers ~taient d'une manipulation
difficile: il faillait une grande quantit~ de cauris, pour acquérir
plusieurs biens: généralement, ils étaien; trannportés dans de petits

110
sacs en rafia, contenant chacun 50 cauris ou un i!Hotu"(1!3) i ce transport
sur les lieux d'ichange, prisentait quelques difficult&s ; ensuite leur
utilisation imposait une limite au développement des ichanges. Aihsi
. ,
l'avènement du Mark s'imposait comme l'effet du développement d'qn pro-
cessus économique nouveau: toutefois, l'administration coloniale~ avait
da. par voie d' autori té, interdire l'utilisation concurrente des cauris,
parce que les populations n'avaient pas facilement accepté de se dessaisir
de leur monnaie, qui était après tout utilisée sur toute la cOte du Bénin
notamment au Nigéria, au Dahomey, au Togo et au Gold Coast (84). ~a substi~
tution du Mark au Cauris, avait pour but :
- de rationaliser la base des échanges et de raccrocher direc-
tement au système capitaliste les formations sociales togolaises.
- de donner aux autochtones un pouvoir d'achat qui leur per-
met également de payer les imp8ts.
- de développer davantage un marché déjà existant.
En dehors des mécanismes économiques incapables d'imposer seuls
aux groupes sociaux un ordre donné, l'histoire révèle des mesures de coer-
cition inhérentes à la nature du système colonial.
--------------------------_._._-------
(83) D'après nos inforl1lateurs, l HOTU équivaut à peu prèsR
près A 2 shillings,
soit environ 70 F. CFA, autour des années 1950. Nous n'avons pas pu
vérifier ces informations, d'abord par manque de temps, et ensuite par
faute de moyens ; en effet, pour toute la période de la présence alle-
mande au Togo, il aurait fallu faire des recherches en Allemangne, les
archives n'existant pas au Togo. En outre, la connaissance de l'allemand
s'imposait. En dépit de ces lacunes importantes, nous avons tenu néanmoins
à livrer tel quel, le fruit de nos recherches en attendant et en espérant
que les chercheurs Togolais qui s'intéressent spécialement à cette période
de l'histoire du Togo apportent toutes les lumières à ce sujet.
(84) Les cauris auraient été introduits en Afrique par les portugais

111
2°) Les contraintes administratives
a) Les imp8ts :
Les KUMA ne pouvaient pas payer les impets sur la vente de leurs
produits agricoles en raison de l'importance de l'auto-consommation.
Seules les cultures industrielles étaient susceptibles de leur fournir des
revenus monét8irE'C:; relativement importants. Dans ce contexte les irr.fJOts
apparaissent comme des moyens indirects destinés à contraindre les popu-
lations à complanter leurs terres de café et de cacao. La capitation
était environ de l'ordre de 210 Fo CFA à l'époque allemande et de 140 F.
CFA au d~but de Ja
~ nisation française. Ceux qui ne pouvaient pas
payer étaient soit jetés en prison pour une durée de quinze jours, au
cours desquels ils subissaient des châtiments corporels, soit ils devaient
travailler pour lam~me durée dans les plantations de l'administration
qui se trouvaient à MISAHOHE. Les intéressé8 devaient eux-m~mes apporter
leur nourriture et travaillaient tCt le matin jusqu'au coucher du soleil
l'appel se faisait tous les m~tins ; les retardataires étaient renvoyés
chez eux pour ne revenir que le lendemain.
En dehors des impôts, quelques taxes spéciales, portaient sur
les fusils de chasse (105 F;; C:FA environ) et sur les absences : pour
ces derni~reB, il s'agissait en fait de véritables cautions car dana cette
période de contrainte, beaucoup de personnes abandonnaient leurs champs
pour aller s'installer en Gold Co~st. Sous la colonisation allemande,
toute personne se r-en darrt
renclant en GoLd
Gold. Cbast pour une durêe
dm:'ée de trois mois,
devait verser une caution de 350 F. C:F'A (85). Si l'intéressé ne revenait
pas au bout de trois mois, elle perdait automatiquement cette somme. Cette
mesure, permettait entre autres à l'administration de contr81er les mou-
vements de population en direction de la Gold Coast.
(85) Ces chiffres nous ont été fournis en shilling par la population
de Kuma ; nous avons fait les conversions en prenant 35 F. CFA comme
l'équivalent d'un shilling, valeur 1950. Ces chiffres ont un caractère
approximatif.

112
Enfin, au cours de la deuxième guerre mondiale, des contribu-
tions en nature furent imposées aux populations
elles portaient essen-
tiellement de palme. Pour ce dernier produit, les Kuma étaient obligés
d'aller l'acheter à Agou. Généralement le village c8tisait pour faire face
à ces exiGences : chaque quartier devait participer à cet effort. Les
produits étaient acheminés jusqu'à Kpalimé sous la surveillance du chef
du village. En cas d'insuffisance, ce dernier était gardé à Kpalimé en
attendant que son village envoie le complément.
b) Le travail forcé :
Le travail foreé fut réalisé surtout au moment de la cons-
truction des routes. A 0et effet, les chefs de village, devaient fournir
un mombre de travailleurs fixé par l'administration coloniale. Le portage
par t~te, était également soumis au même principe. Les travailleurs se
nourrissaient eux-mêmes et, en cas de fuite, d'autres membres de leur
famille étai
t automatiquement réquisitionnés. Bien que les travaux
eussent donné lieu à des rémunérations ces dernières ne correspondaient
nullement au travail effectué ; de plus, les conditions de travail,
particulièrement atroces,
(sévices corporels) laissent plut et penser
à une exploitation brutale et organisée; ces mesures et ces méthodes bruta·-
les ont provoqué, sous différentes formes, la résistance des paysans
ainsi, quand en 1936 l'obligation fut faite aux paysans, de cultiver
le café, sous surveillance militaire, les Gens venaient à la faveur
de la nuit, verser de l'eau chaude sur les jeunes plants en guise de
pr~testation.

113
De même à la suite de nombreux incidents (86) survenus entre
les chefs de plusieurs villages de la r~gion, et le commandant de cercle
de Apalimé, le pouvoir colonial a dO rappeler ce dernier dans une autre
colonie, sous la pression des populations au bord de la révolte. Ainsi
l'intégration au Mode de Production Capitaliste, ne s'est pas réalisée
sans la résistance des populations, tant sur le plan économique que sur
le plan politique.
Mais le contecte colonial constituait une domination globale
à la fois politique, économique, culturelle et militaire et les actions
isolées ne pouvaient suffire à la combattre.
L'histoire des cultures industrielles ne peut
@tre séparée
du processus de désorganisation de l'économie trad:!. tionnelle, qui devait
créer les conditions obje~tives de leur' développement. C'est par réfé-
rence à un tel contexte que s'explique la r~partition in6gale des
surfaces cultivées en café et en cacao d'une part, et en culture vivrières
d'autre part.
(86) Aux environs de 1950~ le nouveau commandant de Kpalimé en tournée
dans la région, avait fait dire au chef de village de Ku
K ma,
uma , de venir à
sa rencontre pour faire transporter ses bagages jusqu'au village l'état
de la route étant particulièrement mauvais. Mais avant que le chef et sa
suite n'arrivassent au lieu convenu, le co.amaridarrt
eO~\\lnandant s'était rendu dans
un village voisin. Le chef, envoya donc de:; gens pour chercher les bagages.
A la suite de ce contretemps, le commandan~ signifia au chef était en
état d'arrestation et lui enjoignit de porre r
po't"~er lui-rn~me les bagages par
tête, jusqu'à DAYES, distance de 27 km environ, où il se rendait. Le chef
dQt s'exécuter, mais au bout de 3 km envi~)n il fut relaché. Si cet
incident n'avait pas provoqué la révolte lu rillage, cela avait été d~
en partie aux conseils de modération du cpei~ lui-m3me.
Par la suite, d'autres chefs de vi.~~age se sont plaints des
méthodes humi:iantes de ce commandant qui jOl:it si bien so~ _~ ~
colonial.

114
Tableau N° 6
Tableau de..
de s
..
exploitations de café et de_~
et des cultures vivrières (village de Kum~damé)
-
Nombre
Superficie
Superficie
Cultures
d'exploi-
totale en
Moyenne des
tations
hectare
Exploitations
Café
231
206,73 ha
0,89 ha
Cacao
59
37,62 ha
0,65 ha
TOTAL
Café
et
290
244,35 ha
0,70 ha
Cacao
.
Clilltures
174
70,62 ha
.)
hfl
.0 ha
.
Vivrières
......-.....---.
..

115
Section 2°) Evaluation quantitative et qualitative des plantations et
des champs de cultures vivrières.
D'après l'enqu~te effectuée auprès de 113 chefs de famille et
de concession à Adamé, le recensement des plantations de café et de
caCao et 'celui des champs de cultures vivrières manifeste sur le plan
quantitatif un déséquilibre en faveur des cultures industrielles: il
reflète d'autre part la distribution spatiale des plantations de chaque
ceté de frontière artificielle qui sépare le Togo et le Ghana.
A) Répartition des surfaces cultivées en cultures industrielles
et en cultures vivrières.
Le village d'Adamé, ainsi que cela ressort du tableau ci-contre
compte en tout 290 exploitations de café et de Cacao contre 174 champs
de cultures vivriêres ; pour ces derniers, les résultats nous paraissent
un peu surévalués : en effet les prem1eres années, le cati
et le ca~o
sont cultivés en association avec les cultures vivrières. De ce fait,
un certain nombre d'enquêtés ont compté parmi les champs de cultures
vivrières, leurs plantations de café et de caeao. Or l'objectif de l'en-
quête était de dénombrer les surfaces principalement affectées aux
cultures vivrières.
La comparaison des surfaces mises en valeur en café d'une part
et en cacao d'autre part traduit la prédominan.e très marquée des plan-
tations de café; celles-ci représentent en effet 79,72 % des exploi-
tations contre 20,28 %au cacao ; en outre les superficies moyennes
Gont plus grandes pour le café que pour le cacao soit 0,89 ha

116
contre 0,65 (87). Dans l'ensemble, les exploitations sont dans de petites
dimensions. Cela est encore plus vrai pour les champs de cultures vivrieres
qui constituent de ce point de vue de micro-exploitations.
Pour le cacao, l'éventail de distribution des superficies se
situe entre 0,36 ha et 2,5 ha. En revanche, la fourchette de distribution
des superficies mises en valeur en café varie de 0,36 à 7,20 ha.
Quant aux superficies moyennes mises en valeur en cultures
vivrières elles sont de moitié inférieures soit 0,40 ha à celles qui sont
affectées aux cultures industrielles.
Ce déséquilibre résulte d'une politique d'implantation systématique
du café et du cacao, qui par leur caractère marchand, ont amené progressi-
vement les paysans à orienter davantage leurs efforts vers ces produits
au détriment des cultures vivrières. Toutefois, l'extension des cultures
industrielles, en raison des contradictions interimpérialistes (britan-
niques et français), s'est heurtée à une série de difficultés liées à
l'existence de la frontière artificielle qui sépare le Togo et le Ghana.
(87) Les superficies des plantations de café et de cacao ainsi
que celles des champs de cultures vivrières constituent des données
approximatives. ~ans la circonscription de Kloto comme chez les Kuma, les
dimensions des champs sont expriméees en cor-de s
corcles ("ERA" ou "AGOTlDOMEKA")-
dans une corde, on compte 30 brasses (ou ABO;
la brasse étant l'envergure
d'un homme grand ; nos informateurs précisent qua pour la détermination
de la longueur de la brasse, il a fallu pren~re oelle de l'homme le plus
grand du village. Il convient de signaler que les mesures des champs varient
d'un village à l'autre ; aussi par souci de simplification avons-nous adopté
2 mitres comme l'équivalent d'une brasse, ~e q~i nous donne (2 X 30)
60 mètres pour une corde ou un AGOTIDOMEKA.

117
B) La répartition des explmitations de café et de cacao entre
le TOGO et le GHANA et ses problèmes.
Les délimitations frontalières en Afrique d'une façon générale
résultent de la politique de partage colonial opéré depuis le congrès de
Berlin en 1885. Au mépris, des réalités ethniques et géographiques, les
puissances coloniales avaient divisé les populations par un découpage
arbitraire. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, les Ewés se
voyaient répartis entre le Togo et la "Gold Coast". De m8me, à l'Est une
partie de la population est répartie entre le Togo et le Dahomey. Cette
situation quasi-générale a été enterr1née par la conférence des chefs
d'état et de gouvernement africains réunis à Addis-Abéba en mai 1963 pour
des raisons essentiellement politiques : en effet au cours des diverses
luttes qui ont abouti à l'indépendance natiohale des pays africains, certains
nationalismes se sont très t8t singularisés par leur caractère ethnique.
Les dirigeajts ont voulu ainsi à Addis-Abébé bloquer la voie au développe-
ment de mouvements irredentistes qui mettraient en cause leur pouvoir.
Si cette attitude témoigne d'une volonté politique commune,
elle n'aboutit en fait sur le plan économique à aucune initiative tendant
à dépasser les cadres restreints des territoires respectifs en vue de
créer des espaces économiques homogènes, cadres d'une véritable politique
de développement; depuis l'indépendance, les frontières imposées se sont
révélées comme des sources de conflits et leurs fermetures périodiques
reflètent bien souvent les tensions politiques qui opposaient les gouver-
nements. Cette mesure est m~me devenue une arme de rétorsion économique
en dépit de la pression des populations qui aspirent à l'unité. En réalité
ces dernières n'ont jamais considéré les frontières actuelles comme des
réalités géographiques et sociologiques dans la mesure où, au-delà d'une
histoire commune et des affinités culturelles, d'importants intér3ts
économiques entrent en ligne de compte. La situation du canton de Kuma
ressortit à un tel contexte.
Sous la colonisation allemande, les plantations créées par les
Kuma s'étendaient de chaque c8té de la frontière actuelle. Elles
conser-
vaient ainsi une uaité géographique incontestable. La défaite de
l'Allemagne lors de la première gurre mondiale a amené les puissances

118
alliées, en l'occurence la Grande-Bretagne et la France à se partager
les anciennes colonies allemandes sous le couvert de la "Société des
Nations".
En 1919, des bornes artificielles ont été plantées à travers
les fermes, rompant ainsi leur unité socio-géographique. La frontière
a été tracée de manière si fantaisiste qu'on peut passer indistinctement
du Togo au Ühana sans s'en rendre compte.
Ainsi DOVOTA (8S), la ferme la plus rapproché du village d'Adamé
est pratiquement coupée en deux. Par ailleurs, jusqu'en 1956 date à laquel-
le l'ancien "Togo britannique" a été rattaché au Ghana par référendum, le
village de Bala connaissait également cette situation aberrante. La
présence de frontières artificielles provoque un certain nombre de dif-
ficultés entre autres : les litiges fonciers entre les Kuma et leurs
voisins Ghanéens, les difficultés de commercialisation et d'entretien
des plantations.
1°) Les litiges fonciers
Le recensement des plantations de café et de cacao établi d'après
l'enqu~te révèle les indications suivantes : 76 plantations de café se
situent à l'heure actuelle en territoire Ghanéen et représentent une
superficie totale de 85,23 hectares soit en moyenne une superficie
de 1,12 ha.
Ces plantations représentent par ailleurs le 1/3 des exploita-
t40ns totales de eafé ; elles sont en moyenne plus grandes que les exploi-
tations situées en territoire togolais.
En outre 15 plantations de cacao soit environ 25,51 % des
exploitations de CaCRO du village se trouvont de l'autre caté de la
frontière. En moyenne elles sont plus gr~ndes soit 0,90 ha contre 0,55
aux plantations de caCao situées au Togo. De par leur importance quati-
tative et ~ualitative, ces plantations suscitent la convoitise des
Ghanéens; nos informateurs soulignent qu'en raison des difficultés
d'accès à ces plantations la récolte leur est souvent volée ; dans la

119
plupart des cas; leurs voisins cherchent à s'approprier ces plantations
les litiges fonciers se règlent le plus souvent devant les tribunaux
coutumiers de HO et de KPANDO au Ghana. Les li tiges importants con du.cee
condu:",&e .1"t
les Kuma devant des tribunaux de droit moderne dans la capitale Ghanéenne.
En fait, les populations locales n'ont jamais considéré la frontière comme
une réalité politique et sociologique, c'est-à~dire comme étant la limite
de leurs terrains. I1éanmoins la commercialisation du café et du cacao se
heurte à de nombreuses difficulés.
2°) Les difficultés de commercialisation
Les difficultés de commercialisation ou de transfert s'ordonnent
autour des problèmes de dédouanement; historiquement, on peut distinguer
trois périodes :
- Au sortir de la deuxième guerre mondiale, le café et le cacao
ne pouvait pas franchir librement la frontière. L'administration ~ 10niale
française avait imposé des droits de douane à l'encontre des produits
agricoles. De prime abord, ces restrictions apparaissent paradoxales
puisque le transfert des produits industriels récoltes au Ghana ne pouvait
qu'alimenter les besoins de la métropole. Or la rationalité de l'économie
zapitaliste peut conduire celle-ci à limiter volontairement la production
il s'agit ici d'un transfert pour garantir le niveau de profit ; en effet
au cours de la deuxième guerre mondiale, la production de café et de
cacao avait augmenté dans les pays coloniaux; l'oÎÎre des produits pri-
maires se caractérise par une grande élasticité ; aussi les prix avaient-
ils baissé. C'est d'ailleurs là l'origine de la caisse de stabilisation
et du "fonds national de régularisation des produits d'outre-Mer".
Dans un tel contexte,le libre transfert du produit du Ghana au
Togo ne pouvait que contribuer en vertu de la loi de l'offre et de la
demande, à faire baisser devantage les prix, ce qui mettrait en difficulté
les compagnies de traite qui avaient le monopole de la commercialisation
à l'intérieur ; par ailleurs les difficultés de stockage interdisaient

120
toute politique de réserve qui permettrait de déverser ces produits sur
le marché international dans une conjointtfe de pénurie.
- A partir de 1965, le Ghana du Docteur Kwane N'Krumah a
imposé des restrictions au transfert des produits
en cas de fraude
les contravanants étaient p~ssib1es d'une amende de trente à quarante
livres soit l'équivalent de 21 000 i 28 000 F CFA. Ces mesures s'ex-
pliquent ~ la fois par des raisons politiques et par des raisons
économiques i sur le plan politique, lors du référendum qui devait
aboutir au rattachement de l'ancien Togo au Ghana, de violenta incidents
s'étaient produits dans cette région. En particulier les Ewé demandaient
p1ut8t leur rattachement au Togo oriental ; il est vrai que le suecès
du référendum n'a pu @tre assuré que ~r8ce aux votes exprimés dans la
partie septentrionale du Togo dit britannique.
Sur le plan économique, le transfert du café et du cacao en
territoire togolais ,onstituait objectivement
une perte pour l'éeonomie
de l'ancienne Go1d Coast. Le Ghana "Cocon Markting Board" perdait
ainsi au détriment de l'économie togolaise une partie non n~gligeab1e
de produits dont la eommercialisation aurait contribué au développement
du pro.essus d'accumulation monétaire et de stabilisation des prix
internes.
Les difficultés de transfert du cnfé et du cacao ont conduit
les Kuma à élaborer une stratégie subtile pour sauvegarder leurs intér~ts.
A bien des égards cette stratév.ie apparatt CQmme une réinterprétation
du système en vigueur dans la région ; tous les propriétaires dont les
plantations se situent en territoire Ghanéen 4e sont mis d'accord pour
désigner un dé1éeué permanent à Tsihénu ferme eituée de chaque c5té
de la fronti're entre le Togo et le Ghana. Chaque propriétaire inscrit
le nom d'un membre de sa famille comme habital't\\ à Tsihénu et considéré
comme le métayer du délégué.
Au moment de la récolte, les planteur. vendent au Ghana, une
à deux tonnes de produits
elon les anné.s au ~m de ce délégué. Ils
reçoivent en retour un tick~t qui justifie que leurs produits ont été

121
effectivement commercialis~s au Ghana~ Ces tickets leur permettent d'&chap-
per aux contrales piriodiques effectués par des angents spiciaux des
douanes Ghaniennes. Il convient de noter que le délégué est devenu une
v~ritable institution. Le délégué actuel n'est que le fils du premier.
Cette pratique s'explique essentiellement par deG raisons économiques
en effet, depuis cinq ans la livre Ghanienne s'ost beaucoup dépréciée
les prix partiqués au Togo sont plus rémun~rateurs pour le producteur
que ceux sont pratiqués au Ghana; on comprend dès lors ~ • les Kuma n'ont
aucun intér~t à vendre leur récolte au Ghana. Los paysans doivent compter
par ailleurs avec la corruption des douaniers Ghanians qui exigent des
pots de vin pour lais~er le caf~ et cacao entrer au To~o, ainsi les
planteurs catisent tous les ans; 100 livres Ghanéennes (89) auxquolles
ils ajoutent quelques bouteilles de Gin et des volailles pour s'attirer
la bienveillance des douaniers.
La "stratigie du délégué" et la pratique des pots de vin dénotent
l'importance des plantations situées au Ghana dans la formation des
ressources des paysans du Kuma. A preuve, les planteurs réfractaires
sont dénoncés aux douaniers Ghanéens et supportent seuls les consé~uen~es
d'un tel refus.
3°) Les difficultés d'entretien
Les difficultés d'entretien des plantations situées au Ghana
s'inscrivent essentiellement dans le cadre de la lutte contre les maladies
du caféier et principalement contre celle du cacaoyer. Au Togo, depuis
1967, la lutte anti-capside est menée par l'OPAT (90) avec la partici-
(89) Le cours officiel actuel de la monnaie Ghanéenne est de aoo F. G}A
pour un Cldi. Dans la livre il y a environ trois cedis.
(90) OPAT : Office des produits agricoles du Togo. Cet organisme qui joue
le rele d'une caisse de stabilisation a le monopole de la commerciali-
sation des cultures industrielles à l'extérieur du Togo. Il a été créé
le 22. 06. 64.

122
pation des planteurs
j
depuis le mois d'AoOt 1971, un déceet officiel
l'a rendue obligatoire. Ils sont tenus, sous peine d'amende,
de procéder
au nettoyage de leurs plantations avant l'intervention des agents de
la SORAD. La lutte anti-capside en particulier consiste en deux types
d'action : une action préventive et une autre curative.
- Pour prévenir les attaques sur les jeunes plants de cac~o,
on badigeonne de DDT (91) les tiges au niveau des fourches et des branches
-
La destruction des capsides sur les arbres en production se
fait par poudrage, pulvérisation ou nébulisation des produits chimiques.
Les travaux d'entretien des planteurs sont destinés à maintenir
la vie des plantes; à améliorer la production des arbres et à faciliter
la cueillette par la destruction des fourmis. A cet effet d'ailleurs
les pouvoirs publics ont mis en place une "Société Nationale pour la
Rénovation de la culture du Caféier et cacaoyer" (92). Au Togo, beaucoup
de plantations commencent à vieil~i~ j la production baisse réguli~rement.
En outre dans le canton de Kuma,
le cacao pourrit vite à cause de l'humi-
dité.
Partout à Apoti, BaIa, Tokpli et à Adamé, les plantations
dépérissent
j
or à la suite de la séparation arbitraire impospe par
les puissances coloniales, les plantations situées de l'autre côté de
la frontière ne peuvent pas bénéficier des actions d'entretien et de
rénovation lancées par les pouvoirs publics
j
pour des raisons juridiques,
le ~ogo n'étend pas ses interventions au-delà de la frontière
j
mais le
Ghana refuse également d'intervenir dans ces }lantations parce que les
autorités savent qu'en dépit des contrôles périodiques, la plus grande
partie de la production des zones frontalières est transférée au Togo ;
(91) DDT : Produits chimiques.
(92) Société créée par le decret du la Août,
Ao!1t 1971. "SRCC"

123
ain,i les victimes innocentes d'une politique coloniale aberrante,
con-
tinuent â subir â l'heure actuelle une discri·ination de
fait intol~rable
dUe â l'absence d'une coordination et d'une harmonisation des politiques
gouvernementales.
A cet ~gard, il n'est pas superflu de r~v~ler le caractère il-
lusoire des déclarations officielles sur l'unité africaine et sur la
fraternit~ entre les peuples africaines. Les tentatives d'assouplisse-
ment p~riodique6 et ~phemères de la r~glementation concernant la circu-
la tion des hommes entre deux pays s'inscrivent bien plus dans le cadre
d'op~rations de politique intérieure qu'elles n'expriment une volont~
r~elle de rapprochement et de changement dans l'intér~t des deux pays.
Ainsi loin d'oeuvrer au développement de la dynamique de l'unité, les
frontières actuelles, en raison des difficultés économiques et politiques
qu'elles suscitent, apparaissent plutôt comme des obstavles parce qu'
elles sont en définitives les supports d'une politique qui contrarie les
intér~ts des populations. Le divorce ainsi introduit entre les aspirations
des populations et les politiques gouvernementales illustre, s ' i l en est
besoin, que le développement implique des préalables politiques qui sont
loin de se constituer à l'heure actuelle.
L'histoire de l'implantation des cultures industrielles dans
le canton de Kuma
uma et l'intégration de la formation sociale au Mode de
~roduction Capitaliste tendaient en définitive à créer une économie
dominée, orientée en fonction des besoins des anciennes "métropoles"
coloniales.
1°) L'implantation des cultures industrielles inspirées et
financées par la métropole, crée les conditions de l'intégration de la
formation sociale au Mode de rroduction Capitaliste. Comme l'a souligné
G. CAIRE
"Les productions agricoles de l'Afrique ont été conçues en
fonction des besoins extérieurs implantées ou inspirées par les européens,
apportant leurs capitaux, une technique et les orientant vers leurs
propres marchés".

124
2°) Le succès de cette politique a été assuré gr~ce à une série
de mesures fiscale~fpolitiques et économiques qui ont provoqué à long
terme un effet de stimulation et d'encouragement lié à l'extension de
l'économie marchande et à un accroissement eelatif des revenus monétair~s.
Ainsi, se créent au sein de la formation sociale, les .onditions
objectives de la transformation du mode de production dominant.
CHAPITRE
2
LA TRANSFORMATION DU MODE DE PRODUCTION LIGNAGER :
Le processus de destructuration incarné par le café et le cacao,
a entratné la transformation du mode de production dominant. Si les con-
tradictions entre chefs de lignage et chefs de lignée, en raison de leur
raIe respectif dans leur cycle d'ensemble de la production, se résolvent
au profit de ces derniers, la substitution du métayage et du salariat,
aux rapports de coopératiop fit d'exploitation lignagères à provoqué la
disparition progressive des anciennes solidarités dans le travail et les
a orientées dans une perspective essentiellement marchande. La diss~cia­
diss~cia­
tion des lignages, la transformation du r81e de la parenté et celle des
droits fonciers, ressortissent à un tel conteEte et apparaissent à bien
des égards, comme des conséquences directes de l'émergence de nouveaux
rapports de production au sein de la formation sociale.
Section
1°:
La formation des nouveaux rapports de production
Dans un premier temps. l'exploitation des plantations se fait
dans le cadre des familles avec l'aide de quelques metayers. Le nombre
limité de ces derniers donne à penser que le travail des cadets "lignagers~
intervinait pour une grande part dans le processus de création des plan-
-

125
tations. Ensuite, le développement de l'immigration "étrangère" (93),
déplace les rapports de productiob déterminants c'est-à-dire les contra-
dictions entre atnés et cadets et instaure pour ces derniers des possi-
bili tés d'émancipation par le travail salarié. Dans le cadre de la trans-
formation du mode de production lignager, les nouveaux rapports de
production se sont constituées par des voies historiques différentes.
- Pour le métayage, des circonstances historiques particulières
natamment l'émigration dirigée par la colonisation et la situation socio-
démographique du pays Kabye ont provoqué l'afflux d'une main-d'oeuvre
abondante dans les zones de production de caf~ et de cacao.
- De l'autre caté, la transformation interne du travail lignager.
en travail salarié résulte des nouvelles exigences économiques et adminis-
tratives que l'économie marchande impose aux groupes sociaux.
A) Le metayage (ou le rapport de production dominant)
La notion de métayage désigne à Kuma tant de réalités hétérogènes
qu'un certain nombre de
.:écisions s'impose afin de déterminer exactement
le sens dont ce terme est investi. Il importe également d'en
décrire le processus historique.
1°) Qu'est_ce que le "metayage"
Si l'on se réf~re à la définition qu'en donne le dictionnaire
"petit" Robert, le metayage est un mode d'exploitation agricole qui consiste
à partager les récoltes entre le propriétaire et celui qui cultive la
terre. En outre, le terme de metayage implique l'idée de moitié.
En réalité dans la région de Kuma, à l'instar de ce qui se pratiqu
au Ghana, ce n'était pas la récolte qui était partagée en deux parts mais
la plantation de café ou de cacao dès l'instant où elle entrait en pleine
production. Ce type de contrat (y~~) existe encore à l'heure actuelle à
Adamé mais il est pratiquement tombé en désuétude pour des raisons
(93) Sur le plan ethnique.

126
foncières ; en effet, à partir du moment où le me t aye r
l~etayer deverlai t propriétaire
de la .uc i
,dei tié de la plantation créée par ses soins, il (~tait
difFicile au
propriétaire de récupérer le fonds de terre apres une d.i za i.ne
dizaj.ne d'années ou
une vingtaine d'exploitation ; le mitayer cherchait dans bien des cas à
s'approprier la terre après une aussi lonfue exploitation. C'est pourquoi
ce type de contrat a été interdit par l' autori té poli tique du ville.L'e,
dans le but d'étauffer toute source de conflits entre les autochtones et
les métayerso
D'après non enquêtes, ce type de contrat porte à l'heure uctuel:'ce
sur 7,89 % des plantations de café et de cacao confiées à des métayers.
Une autre forme de rnétayafe se définit par un deuxième type de
contrat qui consiste, au moment de la récolte, à partager les produits
en trois parts égales. Ce type est dé~ommi habituellement sous un terme
Ashanti "Dibi-rnadibi" (94) ; dans le cadre de ce type de contrat,i1
convient de distinguer deux cas-
a) Quand c'est le métayer qui met en valeur la terre en la
complantant de café ou de cacao, il perçoit les 2/3 de la récolte en
nature ou en argent ; le tiers rentant va au propriétaire. A Adam6 ce
contrat intéresse 42,11 % des plantations en "dibi-madibi ll
"dibi-madibi • Dans ce cas,
non seulement le métayer crée la plantation mais il s'occupe également
de son entretien et de la récolte des produits.
b) Quand la plantAtion a bt~ cri~e auparavant par le propri&t2ire
de la terre et confi~e ~ un métayer. ce dernier perçoit le 1/3 de la récol-
te et le propriétaire les 2/3 ; ici, le métayer s'occupe uniquement de
l'entretien et de la récolte. Ce type de contrat concerne ,50 56 des exploi-
tations en"dibi-midibi". Dans le cadre des règles coutumières d'exploita-
tion des terres, la propriété de la terre, la mise en valeur et le travail
se valent et reçoivent à ce titre chacun le 1/3 de la valeur totale de
la récolte. C'est la raison pour laquelle, selon que la plantation a été
créée par le métayer ou le propriétaire, ces derniers reçoivent respecti-
vement soit le 1/3, soit les 2/3 de la récolte. Il est à remarquer que
(94) "Dibi-mllldibi li
"Dibi-mllldibi
est une expression Ashanti qui signifie littéralement
l'tu manges un peu, je mange un peu"
IIDidi \\: = Nourriture.

127
ce troisième type de contrat ne constitue pas à proprement
parler un système de métayage mais plut8t un bail puisque le métayer
jouit de la plantation pendant un certain temps moyennant un prix que
représentent les travaux d'entretien et de récolte.
En tout état de cause, différentes modalités se partagent la
répartition de la récolte entre métayer et propriétaire. Le partage peut
porter soit sur la récolte directement, soit sur l'argent de la vente.
Ce second cas ~ pax~age est le plua pratiqué à l'heure actuelle mais
il ne rencontre pas l'agrément des métayers; Ceux-ci estiment en effet
qu'ils sont lésés dans la mesure où ils supportent quelquefois seuls
les frais de décorticage du café.

128
TABLEAU
N°--1
LES DIFFERENTS TYPES DE CONTRATS
ET LE NOMBRE TOTAL DE PLANTATIONS CONCERNEES
Types
Nombre total de plantations
de contrat
(café et cacao)
%
-1--'-'
M
P
'1
'1 '~)
1"
12
7,89 %
1"
Yz
12
7,89
1/3
2/3
76
50,00 %
2/3
1/3
64
42,11 %
TOTAL
152
100,.00 %
P
=
PROPRIETAIRES

129
Les différents types de contrat qui caractérisent "l'Association
de Complant" avec partage de la récolte à Adamé résultent d'une longue
évolution. En effet au départ le contrat "Y2-Y2', qui semble avoir été copd
copi8ê
sur les Ghanéens était en fait spécifique à la région dans la mesure où
avant le tracé artificiel de la frontière actuelle, les plantations de
café et de cacao constituaient un ensemble intégré dans une aire géogra-
phique englobant une partie ~u Togo et du Ghana actuel. Par ailleurs, la
plupart des plantations avaient été créées au départ par les autochtones
mais progressivement sous l'effet de l'immigration "étrangère", beaucoup
de plantations le furent par les métayers ; les autochtones leur cèdent
dans ce cas la terre moyennant redevances.
A l'heure actuelle, on peut noter un ,ertain équilibre entre ces
deux tendances puisque dans le cadre de "l
'~ 'Association de comp1ant" les
plantations créées par les métayers équivalent en nombre à celles qui
l'ont été par les autochtones.
Mais au-delà de cet équilibre, une analyse globale de la répar-
tition des exploitations en faire valoir direct et en "dibi-madibi" fait
apparattre les indications suivantes :

130
TABLEAU N°
8
,
-.".....~.
,
Nombre
Part relative
Nombre de
Part ra1ative
Modes
total
par rapport
chefs de
par rapport à
d'exploitation
de
au total des
famille
l'ensemble des
,
Planta-
exploitations
concernes
dhefs de
tions
famille
DII3I-MADIBI
152
52,62 %
75
66,37 C!
66,37 IV
--~-
~
~-
F V D
138
47,38 96
38
33,63 96
faire valoir
direct
,;
TOTAL
290
100,00 %
113
100,00
TOTAL
290
100,00 %
113
1
,-,,_..
,-,,_
-'&'_-
--
l
--

131
D'après l'enquete effectuée auprès de 113 chefs de fanille,
sur 290 exploitations de caf~ et de cacao recensées. plus de la moitié
soit 52,62 ?v sont confiées à des métayers à titre de "dibi-madibi". Ces
exploitations au nombre de 152 appartiennent à 75 familles soit 66.37 %
du nombre· total des familles receneées. En ravanche seul::> 38 chefs de
famille s'occupent directement de leurs plantations soit 47,38 %. Si les
2/3 des familles à Adamé ont confié leurs plantations à des métayers
Kabye, la moyenne par famille est de 2,02 plantations, ce qui est inférieu~
à celle des familles qui s'occupent de leurs plantations et qui se situe
de 3,60 plantations. Il en résulte que les familles qui disposent de plus
de plantations utilisent essentiellement une main-d 'oeuvre familiale
' oeuvre
contrairement à ce qu'on pourrait penser ; mais cette main-d'oeuvre fa-
miliale n'est pas la seule concernée puisque une enqu3te sur l'utilisa-
tion d'ouvriers agricoles à révélé que sur l'échantillon de 113 chefs de
famille, seuls 38 utilisent une main-d'oeuvre salariée pour la récolte
et le défrichage etc •••
Ainsi l'organisation de la production du café et du cacao dans
le cadre familial conserve une importance non négligeable à Adamé en
dépit de la progression du métayage : nous sommes ici en présence de
familles nombre~8es où le chef peut .obiliser une main-d'oeuvre importante
pour la récolte. Les familles qui font appel aux métayers sont en général
celles qui disposent en moyenne de 2 plantation~. Il n'y a donc pas un
rapport de cau5e à effet entre le nombre de pl.:.-ntationa dont dispose une
famille et la progression du métayage. Tout donne à penser que c'est A
la faveur de l'arrivée des métayers qu'un clJ;"tair: nombre de plantations
se créent ; mais généralement, étant nouvellement arrivé, le métayer ne
peut créer qu'une seule plantation compte te~ des moyens limités dont
il dispose. Quoiqu'il en soit, le métayage {~lJt en tt'ain de gagner du
terrain et il conviant d'analyser le pr-ocer
proce[ ;;jU8 historique do
d~ ëe'p]Çênomènc.
c

132
TABLEAU

9
Répartition ethnique des métayers et le~
proportion respective suivant les déc1aration~
des 113 chefs de concession
Pourcentage et nombre total
Nombre
Répartition en
Total
Pourcentage
Ethnies
KABYE
95
72,51 %
EWES
23
17,55 "
KOTOKOLI
9
6,87 %
.~--
FONS
3
2,29 %
MOSSI
1
0,78 %
TOTAL
131
100,00 56

----....=--~--


133
Le processus historique de l' appari tion du métayage a Kuma-Adamê
Kuma-Arlal!JÉ:
est passé par trois phases :
- D'après nos informateurs, le métayage remonte aux années 1928
mais a cette époque il concernait uniquement quelques Ewé de la région
de Kpélé qui s'étaient installés dans les plantations de café et de cacao
créées par un certain nombre de chefs de famille du village d'Adamé.
Aujourd'hui, les métayers ne comptent plus parmi eux des originaires de
la région de Kloto dans la mesure où les plantations de .ultures indus-
trielles se sont développées chez eux; en revanche, on note la présence
d'un groupe de métayers le plus souvent originaires d'Aflao (95).
- A partir de 1940, ce sont les Kotokoli (96) qui affluent dans
la région et s'installent comme métayers.
- La troisième phase de l'apparition du métayage est celle de
l'arrivée des Kabye qui inte"i.nt en 1952 pour le village d'Adamé. A
l'heure actuelle, les métayers Kabye constituent 72,51 % du nombre total.
(voir tableau ci-cont sur la répartition ethnique des métayers et leur
proportion respective suivant les déclarations des 113 chefs de famille).
La prépondérance numérique du groupe Kabye se justifie pour des raisons
historiques: en effet l'émigration Kabye dans la région de Kloto se
situe aux environs de 1925 (97). Cette date carrespond à l'époque où
(95) Petite bourgade constituant la limite à Lomé entre le Togo et le
Ghana.
(96) Groupe ethnique originaire de la résion centrale du Togo avec So~ode
comme capitale.
(97) Pogo Presse, quo~idien gouvernemental. N° Spécial Décembre 1970

134
l'administration .oloniale française faisait eonstruire la ligne de
chemin de fer reliant Atakpamé à B1itta. Après le déplacement des population
Losso et Kabye opéré par les Allemands, les français devaient également
à partir de 1925 puiser une main-d'oeuvre gratuite en pays Kabye pour la
construction de chemins de fer et pour l'é~ab1issement de villages de
co10ni.ation agricole.
Ainsi dès cette époque 32.500 personnes furent déplacées dont
environ 17 000 dans le cercle d'Atakpamé et 15 500 à S.kodé.

135
TABLEAU
iJO
10
~é~~;ition ethnique des mé~ers et leur proportion
respective suivant le nombre de métayers enqu@tés.
~~.
Ethnies
~ombre Total
Pourcentage
KABYE
58
93,5 4 ?~
KOTOKOLI
3
4,83 %
FONS
1
1,63 %
TOTAL
62
100,00 %
-
-
Les dernières colonisations furent réalisées entre 1952 et 1954
pour la mise en valeur des régions de l'Est-Mono, considérées comme
des terres "vacantefO et sans ma!tre". L'émieration forcée devaiet

136
s'accompagner d'une émigration "déterminée"(98) vers les zcnes produc-
trices de café et de cacao au Ghana, dans la région de Kloto et dans
l'Akposso.
Pour Adamé, l'enqu~te conduite auprès de 62 métayers donne les
indications suivantes sur le rythme de leur afflux~ 4Voir tableau ci-contre
concernant la répartition ethnique des métayers interrogés).
Ainsi de 1950-L960, le village d'Adamé a enregistré l'arrivée
de vingt métayers; or avant 1950, Adamé comptait uniquement quatre
métayers Kabye. leur nombre s'est accru rapidement à partir de 1957
puisqu'on enregistre pour cette .~ula année l'arrivée de 10 métayers.
Entre 1961, un an après la proclamation officielle de l'indépendAq
ce du Toeo et 1972, année de l'enqate, 38 métayers sont arrivés dans le
village. La proportion du groupe soit 93,54 % des métayers interrogés
donne à penser que le rythme d'immigration s'est beaucoup accentué après
l'indépendance du Togo i il a presque doublé. Dans l'état actuel de nos
informations rien ne nous permet d'expliquer ce phénom~ne
phénom~ne mais on peut
supposer que les dépar:s du pays Kabye se sont accentués pour des raisons
économiques les zones productrices de café et de cacao représentent des
(98) Généralement on fait la distinction entre l'émigration forcée
c'est-à-dire dirigée ~ar la puissance coloniale en vue de la réalisation
de travaux d'infrestr\\cture et en Vue de l'établissement de villages de
colonisation agricole et l'émigration spontalée (volontaire) qui s'ensui-
vit. En fait, il n'y) pa0 d'émigration spon;anée mais une émigration
déterminée dans la me3ure où le contexte c~lonial avait lui m@me créé au
départ les conditions de l'afflux des paysanf: vers les centres qu'ils
avaient crées. Ces cor.ditions sont la domination économique et la désin-
tégration spatiale de l'économie.

137
perspectives de gains monétaires relativement importants pour les jeunes
Kabye.
Enfin quand on compare le nombre total de métayers que compte
le village d'Adamé d'après les déclarations des chefs de famille et les
résultats du recensement effectué en 1969 par l'ancien secrétaire du chef,
il apparatt une différence de 20 métayers ; sous réserve de quelques
erreurs de dénombrement, cette diff~ence montre qu'entre 1969 et 1972
le nombre de métayers s'est accru de l~ % environ. Si de tels chiffres
correspondant à la réalité, cela signifierait qu'à l'heure actuelle, en
dépit de la baisse du prix de café, la région d'Adamé continue à recevoir
un afflux important d'~rnmigr'•.•
d'~rnmigr'
amme métayers (99).
L'apparition du métayage et son développement surtout à Adamé
sont les résultats d'un processus 11storique qui a par ailleurs des
implications socio-économiques
B) L'apparition du travail salarié
Avec·l'avènement des cultures !ndustrielles,se développe
également le tra"'::ril salarié ; celui-ci touchE le secteur agricole et le
seBteur artisanal, principalement la construction des-ases.
4
(S9) Pour des r~isons matérielles, notre enqu$+e n'a pu toucher que 62
métayers sur lllS 131 soit un taux dtenqu~teo '~'luivalent à 47,)2 % Il
aurai tété sO"l1.ai table d'avoir un éventail et:lnique plus Lar-ge
lare;e
nous
n'avions pas ,JU rencontrer les métayers Ewéa qui constituent le second
groupe ebhniquJ important à l'heure actuell~. ! l a été plus facile de
rassembler les métayers Kabye dans la ferme où habite leur chef.

1°) Les ouvriers agricoles
Il convient de distinguer trois catégories d'ouvrier agriooles (
- Certains métayers installés depuis longtemps dans la région le
leur service aux autochtones au moment du défrichage de la f.or~t en vue
de la création de nouvelle plantations ou au moment de la récolte. Ces
métayers sont employés par les autbchtones qui s'occupent personnelle-
ment de leurs plantations. Selon la taille de l'exploitatoin, la rémunéra-
tion du métayer-ouvrier varie ; ainsi pour différents travaux en vue de
la création d'une plantation de cacao d'une superficie équivalente à
0,36 ha l'ouvrier perçoit 600 F CFA.
La rémunération atteint 800 F CFA quand il s'agit d'une corde
de café (0,36 ha) en plus de la nourriture qui est fournie par le pro-
priétaire. Au cas où l'ouvrier se nourrit lui-m@me, le propriétaire
lui verse ~'équivalent de 900 F CFA. Dans certains cas, la rémunération
peut atteindre l 00 F CFA.
Ainsi en dehors des Flantations dont ils s'occupent toute l'anné
certaine métayers se livrent à des travaux directement rémunérés chez
d'autres propriétaires de plantation de café et de cacao ; ce qui prouve
que l'utilisation d'une main-d'oeuvre "étrangère" à Adamé connait une
extension importante dont nous analyserons les conséquences ultérieurement
(100) En fait le métayer est également .n ouvrier agricoàe puisqu'il
ne fournit rien d'autre qUI:> sa force de travail dans le cadre de l'Asso-
ciation de complant avec partage de la ~fcolte. En outre les métayers ne
deviennent jamais propriétaires des terree sur lesquelles ils travaillent.
Nous avons dissocié le cas du métayage de ce Lud
'~elui des autres ouvriers
agricoles afin de mettre en évidence le pr(,cessus historique qui a con-
duit à la formation des nouveaux rapports de production à Adamé..
Donc,
il y a a Adamé en fait quatre catégories d~ouvriers agricoles ; le
métayage n'étant qu'une variante partiauli\\""e de salariat.

139
- La deuxième catégorie d'ouvriers agricoles regruupe la grande
partie des jeunes Kabye qui triennent, au moment de la récolte du café et
du cacao, se joindre à leurs parents métayers. Ce mouvement saisonnier
touche chaque année 10 000 à 20 000 juenes (101) pour l'ensemble de la
région de la Kara. Il nous a été impossible de déterminer le nombre exact
reçoit chaque année la région d'Adamé. Le prix d'une journée de travail
pour la récolte de café et de cacao s'établit à 125 F CFA selon les cas.
Ces ouvriers saisonniers travaillent également pour le compte des métayers
aveclesquels ils en~retiennent des relations de parenté. Dans ce cas, ils
reçoivent quelques cadeaux à la fin de la saison. Il semble que les mêmes
reviennent tous les ans dans la région ; dans ces conditions le
mouvement
saisonnier n'est qu'une étape transitoire en vue d'une installation défini
- Enfin le salariat agricole concerne les autochtones eux-m~mes
en particulier les cadets ; il se manifeste sous deux formes : une forme
individuelle et une autre forme collective qui est en somme l'utilisation
de la solidarité ancienne dans une perspective marchande.
Le salariat individuel intéresse les travaux de triage et d'en-
sachage du café. Les gérants des maisons de commerce privées et les col-
lecteurs de la coopérative font trier le café une première fois avant de
l'acheminer sur leur magasin central à Pkalimé. A cet effet ils ont recour
à une main-d'oeuvre locale. Les femmes perçoivent 50 F CFA par jour alors
que les hommes touchent le double soit 100 F CFA. Cette différence résulte
du fait qu~après le triqge, les hommes seuls peuvent peser les sacs.
Cette forme de salariat intéresse beaucoup plus les femmes et se définit
essentiellement par son caractère flllctuant. Pour la plupart des cadets
elle s'apparente à une sorte de travail de dépannage. En revanche, les
femmes sont plus réguli·~res, du moine jusqu'à la fin de la saison de
commercialisation.
(101) Rapport BUGNICOURr~~ "L'Enfance et la jeunesse dans l'espace Togolais;
ULICElt~ Décembre
r)71.

140
- Les groupes de travail continuent à mettre en oeuvre la soli-
darité. Ltentraide pour des raisons économiques liées à l'introduction ~u
café et du cacao ne repose plus sur les travaux en nature mais sur des
travaux rémunérés. Dans le cadre des groupes de travail, l'un des membres
peut demander l'intervention du groupe en vue de la satisfaction d'un besoin
précis. Dans un autre cas, le groupe effectue pour le compte de tierces
personnes des travaux de. défrichage et de désherbage. L'argent gagné
est géré par un responsable. Il s'agit en quelque sorte d'une caisse de
solidarité qui permet au groupe d'aider certains de ses membres en cas dG
maladies ou pour les frais de soolarité. Les jeunes élèves ont également
recours à cette pratique pendant les grandes vacances. L'argent gagné
eGt réparti entre les différents membres au mement de la rentrée sao1air8o
Parmi les ouvriers agricoles, les saisonniers constituent de
loin le groupe dominant auquel autochtones et métayers ont recours au
moment de la récoite du café et du caCaO.
2°) Les "ouvriers-artisans"
L'apparition du salariat dans l'artisanat concerne essentiellement
la construction des cases.;Aujourd 1hui
cases.;Aujourd 1 hui la construction des cases est en
grande partie laissée aux soins de maçons d'origine déhoméenne qui per-ç oi.v ...
perço:.,~.
pour l'élévation des murs et leur crépissement la somme de 4 000 F à 5 ooo
o~)o F
CFA (102).
Le développement du salariat dans la construction des cases a
entrainé la disparition des groupes de travail spontanés et occaSionnels
occasionnels
qui étaient utilisés dans la société 1ignagère ; cette disparition apparaît
à première vue paradoxale. En effet 1 1injection
1 1 injection moné.taire subséquente au
développement de la culture du café et d~ cacao devrait se traduire par
une division du travail social plus marqu<;e dans la mesure où gr~ce au
travail des métayers, les paysans pouvaii~t se livrer à d'autres activités.
Or il n'en est rien du tout. L'accroisse133nt relatif des revenus n'entr8~-
(102) C'est généralement 18 coût
coUt d'une c.;,.;e de 6 ID de haut et de 3,50
3,5
m de
large sur quatre mètres environ et qui G'lporte deux pièces. Quand il
s'agit d'une pièce, le coftt s'établit à J 500 F environ.

pas le développement des forces productives et ne se porte pas sur la de-
mande de produits locaux, Il n'y a pas une diffusion monétaire interne à
la collectivité villageoise ; la hausse du revenu se porte sur des produits
étrangers telles que les teles. Une autre partie de ces revenus sert à
alimenter les circuits traditionnels improductifs : p~r exemple la célébration
des funérailles et des cérémonies rituelles. En outre les nouveaux rapports
de production se sont cor:ütitués sur la base d'une main-d'oeuvre étrangère
dans ce contexte, l'artisanat ne pouvait donc pas se développer de manière
endogène parce qu'il était privé de transferts monétaires indispensables.
Le rel~chement de l'antraide est une conséquence directe de cette situation.
La formation de nouveau rapports de production a déplacé les
anciens rapports d'exploitation entre a!nés et cadets et les a cristallisés
entre les chefs de famille et les métayers ; à travers ses différebtes
modalités d'existence juridique, le métayage apparatt dans le nouveau
contexte créé par les cultures industrielles, comme le rapport de productiou
déterminant caractérisé par une extorsion de plus-value qui est la rente
foncière ; de ce point de vue, le fondement de l' exploi tation que connafoaad t
connai-~sai
la société lignagère a disparu; les rapports d'exploitation ressortissaient
au contrale que les atnés exerçai_nt sur les inGtruments de travail et
sur le procès de circulation des biens et des personnes. Avec l'vènement
des cultures industrielles, le critère essentiel de diff&renciation entre
chefs de famille et métayers réside dans la terre, principaJ moyen de pro-
duction. La rente apparatt es entiellement comme le revenu d'une propriété
juridique, celle de la terre ; or du point de vue des règles coutumières
d'appropriation foncière, la terre complantée de café et de cacao n'appartient
pas plus au chef de famille qu'au métayer qui la cultive ou qui entretient
les plantations. Pour mieux faire ressortir le phénomène d'exploitation,
reprenons les différents types de contrats.
- Le contrat ~ - ~ procure la rente la plus forte au chef de
famille puisqu'il reçoit la moitié de la plattation au moment Q~ celle-ci
entre en pleine production sans avoir fou~i ~ travail correspondant.
Ce type de contrat, de l'avis des métayers, coris t I
cc,nsti tue La
l.a meilleure forme

d"'Association de complant", parce qu'elle leur assure une indépendance
réelle vis-à-vis des propriétaires ; chacun devait s'occuper de sa plan-
tation apr~s le partage en deux parts égales. En revanche, les autochtones
ont abandonné ce type de contrat non pour des raisons économiques mais
pour des motifs essentiellement juridiques ; ils craignent de voir les
métayers accéder de fait à la propriété foncière compte tenu de la durée
assez longue des exploitations. Certains conflits ont amené le pouvoir
politique traditionnel à interdire ce type de contrat bien qu'il constitue
d'un point de vue économique, la forme d'exploit~tion la plus grande ;
ici, les considérations juridiques ont pris le pas sur les motivations
économiques. En fait, l'abandon de ce type de contrat par les e:u'lO.cihtorles
témoigne du relâchement des formes communautaires de travail et de la
désagrégation progressive des structules lignagères ; en effet le chef
de famille est obligé d'entretenir lui-m~me son exploitation et de s'occuper
également de la récolte. Or la main-d'oeuvre est de plus en plus réduite en
raison de la libération des cadets et par suite du départ de beaucoup
d'entre eux dans les centres urbains. Tout au plus, le chef de famille
peut-il faire appel à une main-d'oeuvre salariée.
- Dans le second type de contrat, le chef de famille perçoit
le 1/3 de la récolte sans avoir fourni du travail; du moins était-il
tenu de participer aux frais du décorticage du café p~r exemple, mais
de nombreux métayers parmi ceux que nous avions interrosés se plaignent
de la carence des propriétaires. A quel titre le chef de famille perçoit
le 1/3 de la récolte? puisque la terre ne lui appartient pas. TraditionDel.
lement, on pouvai t pr~ter une terre lignagère à un étra]l,)~er sans obliga-
tion pour ce dernier' de payer des redevances. La propriété foncière n'est
en fait qu'une fiction juridique qui permet aux chefs de f~mille d'exploitor
le métayer.
Cette exp:.oi tation est d'autant plus accusée qu'une partie de
la rente porte égal·.:l1ent sur les cult ur-es
ture~ vivrières produites par les
aod ns
Boins du métayer •.')-1
•.
coup, la généralisation progressive de ce type de

contrat s'explique; ici la rente foncière permet au chef de famille
d'accéder à la propriét f , d'une plantation et de se constituer en même
temps une proprité foncière c'est-à-dire de soustraire 1~ terre lignagèrc
du patrimoine lignagero
Ce n'est pas la propriété juridique de la terre qui crée la ren~8
mais l'introduction de cultures marchandes et la présence de "paysans
travailleurs" séparés d'nvec leurs moyens de production (103).
- Pour le troisième type de contrat, les 2/3 de la récolte que
perçoit le chef de famille, le 1/3 représente la rente foncière et le
1/3 restant, le revenu de la plantation qu'il a créée.
L'analyse des différents types de contrat fait ressortir le
phénomène d'exploitation auquel sont soumis les métayers ; elle fait
apparaitre également un processus de prolétarisation dont les métayers
ont de plus en plus conscience mais la conjonction du fait ethnique et
du phénomène de l'exploitation emp8che le développement d'une conscience
de classe chez ces derniers ; au-delà des rapports de production, les
métayers constituent un milieu plus ou moins fermé et qui fonctionne
suivant l~s normes sociales spécifiques au pays Kabye.
Sur le plan politique, les métayers relèvent de l'autorité d'~~
chef. Ce dernier est une personne âgée; c'est également le plus ancien
des métayers Lmmd gr èa
immig::.~és dans la régiono Il e s t:
eFt: chargé de régler tous les
litiges opposant les métayers entre eux. Per ailleurs tout métayer Kabyc
(103) La séparation des métayers d'a~ec 101~3 moyens de production n'est
pas aussi radicale que celle de l'ouvrier d)ns la société capitaliste.
Le métayer conser~e son exploitation quelquifois dans sa région d'origi~~n
De toute façon :'~migration ne le dépouille :'as de ses droits sur les
terres Ldgnagèr-e s.
lignagèr('~; ; mais en fait la si tuatilll économique critique du "ré-
r é-
dui t Kabye" n' i n ~i te guère le métayer à r e t c
rett tl r ner-
:-ner à ses anciennes exp.Loâ-.
explai-.
tations.

144
qui, pour diverses raisons, est traduit devant le chef du village, ne
peut @tre jug6 en d~hors de la prisence du chef Kabye ou de son reprisen-
tant. Générnlement, c'est par l'intermédiaire de ces derniers que le
chef du village d'Adamé communique aux métayers certaines décisions adminis,
tratives émanant du pouvoir régional.
Dans un autre ordre d'idées, l'attachement des Kabye aux modèles
culturels originels est très fort, les visites annuelles en p~ys d'origine
donnent souvent l'occasion au métayer d'accomplir certaines cérémonies
tradltionrelles telle que l'initiation des enfants. C'est également
l'occasion pour le m6tayer de se marier. Il en résulte donc une séparation
assez nette entre les deux groupes ethniques. Les rapports de solidarité
sont donc très forts entre les métayers et freinent dans une certaine
mesure un processus de différenciation perçu sur la base des rapports de
production. Enfin dans la mesure où le métayage constitue pour un bon
nombre d'émigrés une situation relativement meilleure ~)ar rRpport à celle
qu'ils connaissaient dans leur région d'origine sur le plan matériel, les
rapports d'exploitation ne sont pas perçus eh tant que tels mais plut8t
comme de '!cimples abus de contrat". Il en résulte que les conflits qui
naissent des rapports de production sont transformés en conflits raciaux.
En se constituant en grande partie sur la base d'une main-d'oeuvre
"étrangère", les nouveaux rapports de production, ont larf,ement contribué
à la désagrégation des anciennes structures sociales.
Section

Les effets des 't'<lpports dE; .production :
Ces effets s'articulent autour de 1;rO:LS points : hl. dissociation
des lignages, liée;.elle-m~me à l t émergence, i l ' indi vidualisation des
familles sous l'autorité des chefs de lignée et à la transformation des
droits fonciers coutumiers. L'évolution du rôle de la parenté qui tente
de s'adapter à un nouveau contexte et enfin, ~le blocage du dynamisme du
village.

A) La diBsociation des lignage~ :
1°) La primaut~ des chefs de lign~e
Dans la sociét~ lignagère, le raIe de l'arné dans le processus
de production repose sur une double contradiction : celle qui oppose les
arnés i
l'ensemble des cadets d'une part, et celle qui existit entre les
atnés eux-mêmes. Cette seconde contradiction se r~soud au profit desj
chefs de li~née avec l'avènement des cultures industrie~les. Comment se
déroule ce processus et quelles en sont les implications socio-~conomiques
- Le chef de lignée, joue un raIe important dans le processus de
production ; en effet il dirige les travaux agricoles ; il est par ailleurs
l'agent de la répartition des moyens de travail entre les cadets, parti-
culièrement les cadets "lignagers". Parallèlement, il est tenu de subvenir
aux besoins de son groupe de d~pendance. Il fournit aux cadets certains
bie~de prestige tels que le pagne noir très recherché pour le mariage
et le fusil de traite pour la chasse. Les chefs de lignage étaient, en
revanche, les points d'aboutissement de toutes les "richesses" ; mais
celles-ci étaient limitées et portaient sur les biens dont le contenu
social était extrêment valoris~.
- Les échanges, dans la soci~té lignagère, portaient essentielle-
ment sur des biens de prestige qui serYaient à la reproduction des rapports
de dépendance entre atnés et cadets et non li la reproduction élargie;
en d'autres bl'qe&, l' accumulation ~tai
è t a Lt
I1n,i tée. En outre, compte tenu
du caractère de subsistance de l'économie €~ du faible niveau de développe-
ment des forces productives, l'économie oc CUl'ai t une place secondaire dans
le fonctionnement des structures sociales. C'est la fonction sociale liée
à l' éllhange qui orientait le comportement .ie;] chefs de liGnage. Dans ce
contexte, le sut"plus r-è auj t e
:résulte moins d' un d(;'1~:c'ppement
d(;'1~:c'ppement de la procuction
interne que d'un transfert de biens en prc"'./(tn".nce d'autres sociétés et
dont la sphère de circulation était réduite 6U~ chefs de lignage.

146
Les conditions d'un dynamisme économique interne -entre autres
diffusion du ,urplus dans la société entière- faisaient défaut. L'intro-
duction de l'économie marchande sous la forme de l'économie de traite
instaure une conjoncture ~conomique nouvelle dont les exigences d~rassent
les possibilités de la société lignagère.
a) D'abord la miàe en place de mesures fiscales tel que l'imp8t de
capitation à verser en argent oblige désormais les individus et les groupes
à s'inscrire dans les circuits d'échange modernes et à augmenter par voie
de conséquence leur capacité de production.
b) Les travaux forcés en vue de la construction des routes inau-
gurées depuis la colonisation Allemand- ; se développent avec l'adminis-
tration coloniale française et nécessitent la mobilisation d'une main-
d'oeuvre quasi gratuite.
c) L'injection de biens nouveaux, essentiellement les produits
manufacturés dans la. société lignagèrc, la destruction des circuits d'échan-
ge traditionnele, la substitution de biens importés à certains produits
locaux tels que le sel, les instruments de trnvail, constituent autant
d'exigences nouvelles dont la. slltisfaction ne pouvaâ
~Jouvait être atteinte qu'
qu" ave c
l'extension des cultures industrielles.
De cette conjoncture économique nouvelle, il rfsulte un eertain
nombre de conséquences
a) Les chefs de lignée, en raison di contrOle qu'ils exercent
sur le processus de production immédiat, rompent la circulation des biens
i~leur profit. Ils étaient d'ailleurs les supports essentiels de la
généralisation des cultures industrielles. A ce titre ils interviennent
maintenant dans un circuit d'échanges plus important et qui offre de
plus grandes pos~ibilités d'accumulation.

b )
b) La dispari tian de ln traite a pr Lv
priil'é les c~lofr' de lignage
ê
d'une source de richesses importantes. Ailleurs par exemple au Uahorney,
la disparition de la traite a eIltra!nÉ: ad ns I
2.in5i que le no t o
noto B. Amin UHe
adaptation interne de la société. "Les esclaves sont mis r.u
p,u tro.vail :i
l'intérieur de la soci~t~ pour produire entre autres les produits d'expor-
tation que l'Europe demande". Ainsi s'explique la prodi~ieu~e miee en
valeur de la palmeraie dahomôenne.
A Kuma, un tel phènomène n'a pas pu se produire pour différentes
r-ad scne
raisor.s
-
d'abord la soci~t~ lignag~re Ewé Bst relativement d~centrali80e
sur le plan poli tique : aussi le pouvoir lignager n' n-t-il ~)ns J1
J U fi' impo3(;r
sur le plan
à
è
conorn i.qu e
économirlue en utilisant
des fins pr-o duc t Lven
productive,; les esclaves
capturés que l'on ne pouvnit plus revendre.
-
ensuite, l'introduction des cultures industrielles au X!Xe
si~cle s'est faite en concurrence avec la traite elle mDme : aussi la
disparition ult~rieure de cette derni~re n'a-t-elle pas entr2tn6 l'uti-
lisation des esclaves à l'extension des plantations de c~f6 et de cacao-
D1
D ad Ll.eur-s
ailleUl~s l' ap par L
appnri tion du métayaé~e f our-nd s ae i,
fournisfmi tune main-d' oc:uvre dl accès
relativement facile.
c )
c) La mise en gage ou "AWOBA" qui permettait aux c;'efs de lignrlCu
d'acquérir des dépendants pour leur compte personnel porte (le plus en plus
sur la terre et non sur les hommes. En effet, dans la sociét~ ligna88re,
la terre ne faisait pas l'objet d'ali~nntion i
des fins ~rodpctives en
raison de son caract~re relativement abondavt, d'autre part les individus
y avaient facilement accès : aussi la terre ne pouvait-elle p~s intervenir
dans 10 compétition économique et sociale. Dans ce conteEte l'AWOBA
résultait de la conjonction de deux phénomènes:
d'un c8té lCD difficultfs
matérielles d'un groupe social qui crée ainsi une offre pot0, tielle et
de l'autre c8té le désir d'un che f
de lir:nage pr-e s t t g i eux
prestiGieux 'l,ü t.ente
d'augmenter son groupe de dépendance et ses richesses.

148
Les cultures industrielles ont détruit les possibilités de mise
en gage
"humain" parce que à la force du travail mobilisable dans le
cadre du lignage s'est substituée une main-d'oeuvre d'origine "étrangère rr•
"étrangère rr •
La terre est devenue la principale source de richesses et le principal
objet de mise en gage.
d) Les compensations matérielles du mariage ont augmenté en raison
de l'introduction de biens nouveaux et d'une i'jection mon~taire subséquente
au développement du café et du caCaO. Dans la mesure où une partie des
biens "dotaux" était le fruit du travail des chefs de lignée, ces derniers
ont fini par bloquer la circulation de Ces biens à leur niveau et se
trouvent ainsi en position d'aider le cadet à se marier.
En contralant désormais le procès de production immédiat et le
procès de circulation des biens, les chefs de lignée ont pratiquement
supplanté les chefs de lignage et contribué ainsi à l'individualisation
ou à l'automatisation des familles les unes vis-à-vis des autres. La réci-
procité mise en oeuvre dans le cadre des groupes de travail continuait à
fonctionner mais pour le compte des chefs de lignée. Uans ce contexte les
rapports de production déterminants ne peuvent que se renforcer. En effet,
la hausse du revenu provenant de la vente du café et du cacao implique une
injection monétaire qui ne sert pas à l'élévation du niveau des forces
productives. Elle se porte essentiellement sur une demande externe notam-
ment les produits manufacturee:.
en provenance du pays colonisateur. Cette
situation ne peut que contribuer à'~'aggravation de l'exploitation dans
le cadre de la famille. A Adamé par exemple, beaucoup de chefs ont pu
ainsi construire des mainsons en dur et les couvrir de tale avant la
deuxième guerre mondiale (104). Entre 1919 et 1945, 17 chefs de concession
avaient déjà couvert leur habitation de tales.
(104) 1919
1945
: 17 personnes
1945 - 1960
I I
"
1960
1972
50
"

Ainsi au départ le processus d'individualisation des familles se
traduit par leur indépendance visà-vis du pouvoir lignaecr et une aggravation
de l'exploitation des cadets qui, à la faveur de la nouvelle conjoncture
économique se réalise au profit des chefs de famille.
La primauté des chefs de
famille en consacrant l'émergence des fa-
milles en tant que nouvelles entités politiques et économiques crée les con-
ditions de la transformation des droits fonciers coutumiers.
2°) La transformation des droits fonciers coutumiers
La transformation des droits fonciers coutumiers dans le canton de
Kuma s'inscrit dans le cadre de l'évolution générale des sociétés négo-
africaines et répond,
de
ce point de vue au schéma esquissé par Go A.
KOUASSIGAN concernant la transformation des droits fonciers cellectifs en
droits de propriété. L'autenr note à ce sujet que cette évolution est passée
par trois stades :
-
d'abord, "un groupement humain prend possession de la terre ; le
chef répartit la terre entre les diff~rents chefs de famille, qui n'exercent
sur les parcelles qui leur ont été attribuée qu'un simple droit de
jouissance
Le chef du groupement familial représente l'administrateur du bien collectif"
Cette phase situe l'origine du principe de la possession par première occu-
pation •
- à une seconde étape, l'augmentation de la taille des groupes,
subséquente à l ' ac cr-o i.sr.eme rrt
accrois~ement dhfographique "entraîne les par-t age s
parte.ges su c ce so i f'e
succesr::ifs
à périodiques entre les différentes familles avec comme conséquence la cris--
tallisation des droits familiaux sur les terres".
- enfin, "le fractionnement des groupements familiaux,
la diminution
de l'autorité incarnée par le chef et la transmission du droit de culture
aux héritiers donnent naissance à la propriété individuelle".
Si ce schéma s'applique d'une façon générale aux sociétés négro-africaineq,
l'apparition de la propriété individuelle constitue plut8t une cause du
fractionnement des groupes et non un effet. La transformation des droits

150
fonciers à Kuma répond davantage à ce type d'explication car en fait la
désagrégation des structures lign~gères ressortit à la confrontation de
"l'économie traditionnelle" et de "l'économie moderne". Ce sont les exigences
de l'&conomie moderne qui conduitent à la naissance de la propriété indivi-
duelle et par voie de conséquence au fractionnement des groupements familiaux
et à la diminution de l'autorité du chef de lignaGe. Dès lors l'analyse de
la transformation des droits fonciers co~tumiers ne peut se comprendre
que par référence au precessus de transformation de "l'économie traditionncll~
en économie moderne". Dans le cas du conton de Kuma, ce processus incarné
par les cultures industrielles, se développe à partir de facteurs internes,
en l'occurence la primauté du droit de culture reconnu à l'individu.
En effet, le droit de culture l'emporte sur les droits fonciers
collectifs; aucun individu ne peut @tre laissé sans terre s'il en manifeste
le désir. Le système d'appellation et de classification des terres selon
leur situation géographique dénote l'importance que rcvet la mise en valeur.
La distinction entre le fonds de terre proprement dit qui demeure la pro-
priété collective du lignage et les fruits qu'il porte, qui rentrent dans
la propriété personnelle des individus, s'explique dans une large mesure pur
la nature des biens produits. Dans une économie de subsistance, les biens
agricoles en tant que tels ne jouent aucun rôle dans la diffôrerciation
entre les individus et les groupes sociaux. Si un surplus se dégage dans
certaines conditions, ce dernier le plus souvent ne procède pas d'une
productivité élevée comme l'a souligné C. NEILLAUSSOUX mais de la "mise en
place d'une institution qui l'exile". Ainsi le caractère institutionnel
du surplus implique l'absence d'une accumulation de hiens agricoles ides
fins économiques ; les gaspillaGes et les destructions de nourriture li~s
à certaines manifestations "sociales totales" comme les fêtes et les funé-
railles expliquent dans une certaine mesure la nature institutionnelle du
surplus.
Avec le développement des cultures industrielles et l'instauratioll
d'une économie de traite et ses implications sociales, "la propriété des
produits du sol finit par emporter celle de la terre" en raison de la

151
duree plus ou moins Lorgue
lo'·gue de leur exploitation :
"Le planteur fait valoir ses arbres pendant toute sa vie
comment;
COiilInent après un
si long temps, ne serait-il pas attaché à la terre qui les supporte ?Ii (105)
En effet, du point de vue des techniques agraires, les cultures
vivrières, dans la mesure où elles se font sur bro.lie, se caractérisent
par une mobilité spatiale et une "discontinui té dans lloccupation du ao l.'
solI 0
La pratique des jachères ne peut contribuer à fixer les m~mes familles sur
les mêmes terres.
Avec le café et le cacao, la durée de l'occupation du sol, la
valeur marchande des produits finissent par entra1ner une revalorisation
du droit de culture et l'apparition de fait de la propriété familiale.
Dès l'instant où la société lignagère reconnait à l'individu le droit
de propriété sur les plantations que CP dernier a créées, la propriété
finit par s'étendre à la terre elle-me~e. Mais si la propriét& des planta-
tions confère de facto à l'individu la pr opr-Lè t
proprii:,té de la terre, on ne saurait
è
en déduire que c'est le travail qui provoque ainsi l'évolution de droit
comme l'affirme G.A. KOUASSIGAN. En étudiant cette évolution cet auteur
note :
"Tout comme la propriété au sens raomain du terme les paysans
ont sur les arbres qu'ils ont plantés un droit absolu, exclusif, impers-
criptible et perpétuel. Aussi longtemps que ces arbres vivent, le paysan
ne peut ~tre troublé dans la jouissance de son droit sur les terres
qu'il occupe •••
Titulaire au départ d'un droit d'usage dont l'exerciee leur a
permis la création des plantations les paysans viennent à ~tro considérés
comme propriétaires des terres qu'ils cultivent. La continuité dans leur
occupation du sol, continuité qui se manifeste par la présence même des
(105) J. BINET cité par G.A. KOUASSIGAN in l'homme et la terre p. 215
Paris
1966.

152
arbres tranFforme le droit d'usage en droit de propriété. Ainsi de la
propriété des récoltes annuelles, on en vient ~ celle des arbres-conséqu8nce
normales de l'exercice du droit d'usage- enfin, à celle de la terre" •••
Et l'auteur en déduit
"Ainsi le travail, en tant que source de valeurs nouvelles
l?!0voque l'évolution du droit" (106)
Si l'analyse de l'auteur rencontre notre adhésion, en revanche
la cànclusion à laquelle il aboutit, par une sorte de causalité transitive,
nous para!t erronée.
En effet, avant l'introduction de l'économie marchande dans les
"sociétés négro-africaines", le travail était source de valeur mais il
n'avait pas provoqué pour autant la transformation des droits fonciers
coutumiers. Nous avions noté en particulier au sujet de la formation
sociale Kuma que les biens agricoles rentraient également dans la catégorie
des biens échangés contre les objets précieux. Il n'en est pas résulté
une transformation des droits fonciers, c'est-à-dire l'apparition de la
propriété individuelle portant sur la terre. En raison de la domination
des liens de parenté, la propriété ne peut ~tre fondée sur le travail
car l'individu jouit d'une terre en tant que membre d'une "communauté".
Pour que le travail puisse @tre considéré comme un facteur de
transformation des droits fonciers, il faut un relâchement total des lieno
de parenté ou une privatisRtion du travail, ce qui n'est pas le cas avec
l'avènement des cultures 1ndui~rielles car
"les individus ne se rapportent pas les uns aux autres comme
des travailleurs mais comme des propriétaires et des membres d'une collec-
tivité qui, en m~me temps travaillent".
(106) idem, souligné par nous.

153
De ce point de vue, l'appropriation de fait n0 semble pas
conférer un droit de propriété réel à l'individu sur la terre car il ne
peut en disposer comme il pourrait le faire avec ses plantations.
La présence des cultures industrielles a été déterminante dans
cette évolution mais cette dernière relève dans une certaine mesure de
la stratégie personnelle des chefs de famille dont les possibilités d'ac-
cUffiulation ne peuvent augmenter qu'avec la multiplication des plantations
car il s'agit de s'adapter i
la nouvelle conjoncture économique créee par
le mode de production capitaliste. Toutefois dans le cadre des familles,
les droits fonciers n'ont pas perdu leur caractère collectif. La fragmenta-
tion du patrimoine lignagerne conduit pas à une privatisation de la
propriété foncière mais à un renforcement du principe de la mise en valeur.
A l'heure actuelle, l'origine familiale de la propriété foncière demeure le
wode d'accès dominant à la terre.
L'enquête eonduite à Adamé révèle que la plupart des chefs de
famille tiennent de leur lignage les terres complantées de café et de cacao
A la disparition du chef de famille, la plantation eoco~o ooins que la terre
ne fait l'objet d'un partage quelqonque entre les descendants. Elles conti-
nuent ~ 5tre gérées par l'atné dans l'intér6t de tous les membres_ Une
autre enqu~te réalisée dans le village d'Adamé en 1970 indique d'après notre
dépuuillement que sur un total de 312 terres recensées, 16 seulement ont
été acquises pas achat soit 5,15 9<> et 9 il. titre de gage.
En fait, il n'y a pas de véritable transformation
des droits
fonciers collectifs en droits individuels privée mais au-delà des princi-
pes coutumiers s'instaure une pratique subséquente à l'aff~iblissement
du pouvoir lignager. " Le fait de faire valoir ses droits pendant de
longues années sur les arbres" résulte d'une action consciente de promo-
tion individuelle qui consacre l'indépendance des chefs de famille vis-i.vtE
du pouvoir lignager. Cette stratéeie n'épargne pas les terres communau-
taires, c'est-à-dire les "DUNYIGBAN" placées sous la souveraineté directe
du chef du village_ A ~~ faveur de la cmlonisation, ces terres ont été
appropriées par des familles sans autorisation préalable.

154
Les redevances coutumières que le chef de village percevait sur
les terres communautaires mises en valeur ont disparu avec les cultures
industrielles ~lors qu'elles ont été transformées en véritables contrats
pour les immigrés parce qu'ils permettent aux chefs de famille de soustraire
les terres du patrimoine lignager et de se constituer ainsi d moindre frais
des propri&t'.··fonci~res.
En effet dans la société lignagère, les cessions de terre à un
~tranger s'acco~pagnaient de redevances mais celles-ci revêtaient généra-
lement un caractère symbolique et discrétionnaire. Le café et le cacao
ont introduit ainsi de véritables contrats. Rien de tel ne s'est produit
par exemple dans les régions d'immigration où se pratiquent uniquement
des cultures vivrières. Dans les régions de l'Est-MONO où avaient émigré
également les Kabye, deR ententes individuelles permettaient à ceux-ci
de cultiver les terres des autochtones contre une redevance symbolique.
Celle~o:fl.l.é~it.ésf3a:ntiell<lljellt.
Celle~o:fl.l.é~it
l1éè sux
~ux rites agraires. Al' occasion
des cérémonies rituelles célébrées par l~s autochtones pour se condilier
les divinités de la terre et lors de la f~te des ignames, les Kabye étaic~t
tenus d'y contribuer matériellement en donnant des produits sur leurs
récoltes; de m8me, ils devaient demander aux autochtones la célébration
de certains rites expiatoires à l'occasion des accidents de chasse, des
morsures de serpents ou A l'occasion de tout évènement jugé néfaste et
attribué au mécontentement des anc8tres et aux divinités de la terre. Dans
le caton de Ku
K ma,
uma , le développement des cultures industrielles à transforw'.
les redevances synboliques en véritables contrats dans la mesure où le
café et le cacno sont chargés d'un pouvoir économique qui ne peut être
garanti que par une appropriation de la terre qui les supporte.
B) L'évolution du rale de la parenté
La di~sociation
di~sociation des groupements lignagers sous l'efiet de l'action
des chefs de lignée et de la transformation des droits fonciers coutumiers
conduit à une évaluation du rale de la parenté au sein de la formation so-
ciale Kuma eu égard à la nouvelle conjoncture économique instaurée par

155
le mode de production capitaliste. Dans lasociété ligna0ère, la parenté se
0 ère, la parenté
manifeste sous deux formes : la parenté réelle ou biolosique qui assure la
continuité du groupe lignaeer et la parenté sociale ou flterminologique" qui
exprime les rapports ~e peoduction d6terminante.
L'émergence des nouveaux rapports de production va modifier
le raIe de la parenté~ on peut â cet égard noter trois stades d'évolution
d'abord l'introduction des cultures industrielles aboutit àïl'aggravation
de l'exploitation des cadets: ensuite l'origine "étrangère" du métayage
déplace cette exploitation et inaugure les conditions de la libération
sociale des cadets. Dans ce contexte, i l convient de définir le statut
théorique de la parenté et d'analyser son rôle dans le procès d'adaptation
des groupes sociaux aux nouvelles exigences économiques.
1°) Le statut théorique de la parenté
A la suite d'E. TERRAY, nous avions signal& que dans les for-
mations sociales "traditionnelles", c'est l'instance idéologique qui est
dominante en
cn raison du ni veau assez bas des forces producti vos. En an a Ly s arrt
analys:,nt
le rôle des instances au sein d'une formation sociale, TEm~AY note que
"la domination de la base économique implique en effet son autonomie re-
lative par rapport aux superstructures qui sont alors la représentation
des rapports de production donnés en dehors d'elles".
La domination des superstructures suppose au contraire l'inté-
gration relative des trois instances du mode de production li
production
(107).
Dans cette perspective, la pnrent6 apparait comme l'effet d'une
triple détermination au sein de la formation sociale. Dans le cas de la
formation sociale Kuma, c'est l'instance idéologique qui conditionne le
cycle d'ensemble de la production. Si nous reprenons la diff&renciation
entre les individus au sein du lignage, on Pfut noter qu'entre les non-
producteurs, c'est-a-dire les chefs de lignage, les chefs de lignée et
l'ensemble des cadets qui englobe les hommes mis en gage, les esclaves
(107) E. TERRAY: opus cité p. 144. Paris 1969.

156
intégrés et les cadets "lignagers" se manifeste une relation de parenté
"mixte", c'est-ii-dire à la fois réelle et sociale. Nais l'exploitation
du travail du groupe des cadets permet de conclure que le lignage est
organisé davantage selon la parenté sociale qu'en fonction de la parenté
réelle.
Comme l'a soulign..,. C. HEILLASSOUX à propos des Gouro de la
C~te d'ivoire, le système lignager ré~ulte en fait d'une transformation
des rapports de parenté généalogiques :
" A la famille biologique incapable de demeurer dara
dnxs ses ca dr e s
dl'CS
généalogiques stricts se substituent ainsi des familles fonctionnelles
dont les membres sont associés par des obligations économiqueG plus que ~}ct~
des rapports de consanguinité (108).
Ainsi à l'instar du système lignager Gouro, celui des Kuma opère
un large regroupement d'individus qui ne réfèrent pas tous au m~me anc6tr
commun. Dès lors en tant que cadre de réalisation du mode de production
dominant, si le lignage se donne comme une parent~le objective et durable,
il n'en demeure pas moins vrai qu'il intervient dans le cycle d'ensemble
de la production comme une réalité idéologique : les rap]orts d'exploitati~~
sont na aqu e
r;asquiH:; par les for es d'entraide dans l'organisation du travail j
è
les liens extra-hconomiques qui rn~diatisent les rapnorts de production
déterminants se réfèrent au culte des ancêtre, aux rites liés à la c&lé-
bration des fêtes, telle que la fête des ignames. Ces liens coria t
ccmst i tuent
les conûi.
con6i tions de f'or nat i
forr.;ati on des rapports de production. La r
due t.Lon
rédl.lation de
ê
l'esclave lignagcr en membre à part ent!ère du lignage ct la filiation
terminologique qui lie l'homme mis en gage au clœf de lignage, l'exercico
de ralations di r-e c t e a
dL-ectes et personnalisées entre les personnes ~Gées et les
jeunes r0:vèlent que les liGnage(; et la "communaut
"communautÉ: villa.gcciL1e'\\ ne pe uve nt
peuven-l:
ô
(108) C. ~1EILLA SOUX
opU. cité p. 168-169. Paris 1966.

157
exister en tant que cadre d'organisation de ln production et de la répar-
tition des biens qu'en mystifiant les individus ct les gr0upes engag~s dans
le processus de production. En d'autres termes, la transfor~Rtion des rap-
ports de parenté généalogiques en parenté sociale ne procède pas d'une
opération de manipulation consciente exercé par les chefs de lignage mais
ressortit à l'efficace du procès de production social qui ne peut apparai-
tre sous sa forme objective c'est-à-dire en tant que processus de reproduc-
tion des rapports d'exploitation en raison même
m~me de la "sur(lé:tür,·.inati~n"
(109) de la parenté au sein de la formation sociale. Dans la société lif.nag8r€
la "parenté" pour reprendre une e xpr-e s.s i on
expre,ssion bien connue n'est que l ' enve Lo ppe
enveloPTle
sous laquelle se cachent les rapports d'exploitation entre a!n~s et cadets.
Pour avoir méconnu la nature idéologique de la parenté dans la cons·
titution du mode de production lignager TERRAY soutient à la suite de
MORGAN et d'ENGELS que la "domination des rapports de rarent& dans l'orga-
nisation sociale est incompatible avec l'exploitation du travail et les
rapports de classe" (11.).
~ien d'étonnant dès lors si au niveau de la d~marche, TERRAY
affirme que "l'analyse de la.!):1rentf': ne saurait nous livrer la structure
;!rofor.de de la société globale".
Cette affirmation est critiquable à bien des égards car en cons-
truisant les rapports de parenté non d'après le vécu des gr,upes sociaux ct
leurs manifestations mais d'apr~s les rapports de production d~terminants,
l ' observateur e s t
e~~t en mesure de saisir le ni veau "réel" où se si tue la
parent~ ; par la mOrne occasion, il peut diff~rencier au travers des diff[ront
modes d'existence des liens de Jarentf
les ~l~rnents constituan~s du
l
(109) Quant i la surd~termination, elle d~signe ••• la conjonction de d~­
terminations différentes sur un même objet et les vari&tions de la dominn-
tion entre les d~terminations au sein m~~e de leur cmnjonction;l -L. ALTHUC3EP
dté par E. TERRAY, in "Har-xd ame
"1'1arxisme devant les ao cd t
s
soci~t~s "pr-Lmâ t i ve s!'
"primiti-,es" -p. 138.
è
è
;.J.ris 1969.
(110) idem p. 149.

158
lignage qui "sont déjà la donnè s"
donn[~s" avant que le lignage n'exLte et leur
mutation fonctionnelle dans le procis de d6veloppement socia-historique
de la formation sociale. Il en résulte que, le lir.:n:'l.[,c est orcan.isé Gutt:h~
nodè Le
I,o'dèle de la parenté i..déologique, .ce 'qui rend po s af
pos~:iÏble les rapportrr
d' exploi tel.tion.
Si la domination des rapports de parenté est donc compatiblù aV~c
l'exploitation du travail, quel r81e joue-t-elle dQns le nouveau contexte
créé par le mode de production capitaliste~ Comment int8rvient elle dans
l'adaptation des groupes sociaux à cette nouvelle gonjoncture économique:?
La par-e n t
;)arenté appar-ad
npparai t
comme l'expression de deux ordres de ph ênomène e
ph6nomènes : IGS
ê
raq.lorts de solidarité "objecti vernent déterminés" et le principe de con-
tinuit& de la f~mille.
2°) f'a"l~_~~ e xpr-e s s i.on
expres/:iion des rapports de sol}dé<rt~é
",Ebjectivement déterminés"
Si la parenté constitue au sein du mode de production lignager
un "élp;Ment" surdéterminé, le processus de t r-anaf'or-mat i on
transformRtion de son r-ô Le
r81e ne
i)eut se comprendre que par réfÉrence à la dynamique (Ill) der; rapports
de production déterminant~# cette contradiction fondamentale constitue le
fondement du procès de développement de la formation sociQle, le passage
du ;~ode de production lignager à son articulation au mode de production
capitaliste. Sr le mouvement de développeMent de la formation sociale huma
ne résulte pas seulement d'une dynamique propre,endog~ne mnis il 2ppar~it
(Ill) flour E. BALIBAR, l"analyse de la tendance du mode de production
capitaliste produit "le concept de la temporalité proprG au développement
~es forces productives dans le mode de production capitalicte. L'auteur
qualifie ce mouvement comme une dynamique c'est-à-dire "un mouvement
de
dhveloppement int~rieur i
la structure et suffisamment d~termin~ (le mouve-
ment d'accumulation) s'effectuant selon un rythme et une vitesse propres
d~terminéB par la structure possédant une orientation n~cessairement irr6-
versible et conserv~nt (reproduisant indéfiniment à une autre échelle leo
pr opr-Lè t
s
prol;riétés de la e t r-uc t ur-e!",
structurell. - L. ALTHm~L}.t~R
ê
E. BALIBAR
lire le capital Il p. 213-Ed.
F.MASPERO
Paris 1968.

;.
159
corn-r-e
com;('e l'effet de deux dynamiques. Celle du mode de production capitaliste
qui ne peut se constituer qu'en détruisant les anciens rapports de production
et celle du mode de production lignager qui ne peut se d&velopper qu'en
aiguisant les contradictions entre a1n68 et cadets, c'e5t-~-dire en aggra-
vant le phénomène de l'exploitation en raison de la valeur Gl3rchande der,
cultures industrielles. C'est pourquoi l'introduction du café ct du cacao
a conduit dans un premier temps à l ' "a;,gravation de l ' exploi tation", mais
cette contradiction n'apparait pas dans le procès de dévelop~ement de la
formation sociale que comme une t en dan ce
ten'-~ance au sens où BALL;AR entend ce mot
c'est-à-dire" une restriction" (112).
En fait, hilstoriquement l'apparition du métayace constitue ainsi
objectivement un frein au développement des contradictions internes à l~
formation sociale. Le déplacement des rapports d'exploitation, en favorisant
la libération des cadet~, détruit la parenté en tant qu'élément de réali-
sation du mode de production dominant. Le procès de travail des cultures
•vivri~res fait appel aux rapports de parenté en tant que rapports de
production mais ces derniers, en raison de la domination exercée par le
procès des cultures industrielles ne jouent aucun r81e dans la différen-
ciation entre les individus. La parenté se manifeste, non comme un principe
idéologique, dans le nouveau contexte mais comme un lien r0el qui organise
de nouvelles solidarités en vue de l'adaptation des groupes sociaux aux
nouvelles ex~g ,nces économiques.
----------------,~-~-~~,----------
(112) "La tenrlance est une loi, dont la réalisation intégrale est arr-ê t êe ,
arr~tée,
affaiblie, ralentie par des causes qui la contrecarrent ou m8rne dont les
effets sont supprimés par ces causes adverses".
(opus cité p. 195- Paris 1968.)
,

160
L'émergence de nouveaux rapports de production avec le métayage
comme mode dominant n'a pas fait dispara~tre totalement 10s rapports de
solidarité au sein de la formation sociale Ktima. Dans la société lignag~rE,
ces rapports étaient organisés par les atnés à leur profit mais ils étaient
socialement finalisés en ce sens que l'entraide permettait une rapidité
et une efficat' du travail. D'autre part elle répondait à une exigence
interne à la société lignag~rc ; la limitation des moyens techniques ne
pouvait ~tre mattrisée partiellement que par le recours ~ ln solidarité
dans le travail qui permettait la mobilisation effective de nombreuses
personnes. La parenté fonctionnait COmme rapport de produ2tion et en ce
sens le terme TOGBUI était l'expression des rapports de production détermi-
nants. Le métayage et le salariat ont déplacé les rapports de production
déterminante mais les groupes familiaux ont continué à or~aniser la produc~i(
agricole. La famille est ainsi devenue le siège de rapports de solidarit~.
tout à fait marginaux, car progressivement les contrats de partage ont
été étendus également aux cultures vivrières. ~ans ce contexte, la soli-
darité répond certes à une exigence fondamentale, mais elle n'est plus ur,
moyen dominant d'organisation du travail. Elle est déterminée par le désf-
qui libre qui s'est produit au détriment des cultures vivrières et la
nécessité pour les familles d'avoir un appoint de ressources réelles à
c8té des revenus monétaires provenant de la commercialisation du café et
du Cacao. En ce sens les rapports de solidarité sont "objecti vernent dê t e r-m.in.
détermin:
par la situation créée par l'introduction de l'économie caféière et caC20-
yère dnns la société lignagère.
Dans un autre ordre d'id'~ l'emprise de plus en plus grande de
l'économie capitaliste a contraint i~b cadets à émigrer dans les villes
à la recherche d'une éducation moderne sous la forme de l'école de l'appren-
tissage ou d 1un
d 1 un emploi. D'après nos enquêtes, les jeunes Smigrent princi-
palement à Lomé, Kpalimé et au Ghana. L"l décision d'émigrer est prise
quelquefois seul
mais elle résulte également le plus souvent d'un accord
familial. C'est en effet avec l'accord du chef de famille que le jeune
émigre dans les centres urbains en vue de s'aèsurer une promotion indivi-

161
duelle qui est d'ailleurs pluB ou moi~s aléatoire.
En déhors des émigrés qui vont au Ghana, les jeunes qui vi,~nt
dans les centres urbains du Togo et particulièrement à Kpalimé conservent
de nombreux liens avec leurs familles. En raison de la valeur marchande
du café et du cacao, le chef de famille peut continuer a aider dans une
certaine mesure le jeune 6mibré. Mais en retour celui-ci doit apporter
assistance au groupe familial en cas de réussi te; c' est-<'c-dire dès l'instant
o~ il aura accès ~ un emploi rémunéré. Ainsi quand on pose aux chefs de
famille la question de savoir ce qu'ils attendent de leurs rassortissants
qui travaillent dans les villes, sur un échantillon de 113 personnes, on
obtient les réponses suivantes classées dans le tableau ci-dessous.
TABLEAU

Il
Répartition des ré~onses suivant la~~ture
de l'aide attendue des ressortissants
NATURE DE L'AIDE
NOHBRE TOTAL
POURCENTAGE
DE REPONSES
--
CONSTRUCTION DE
BELLES gAISONS
38
34 %
AU VILLAGE
-_......--...~-
AIDE HATERIELLE
ET
FINANCIERE
34
30 %
INTERVENIR
1
INTERVENIR
AUPHES DES POU-
l
27
24 96
VaIRS PUBLICS
l
AIDER LES CADETS
~
8
~
%
~
CONSEILS poun LA
BONNE MARCHE
5
4
5
%
DU VILLAGE
- -
------_._.....
-
------_._
t TOTAL
113
100 56
t TOTAL
113
100
...
.
. .............-.:
.
-
. ............
.

162
Dans l ' ensemble, ce tableau met l ' accent pr1ncipalerllent sur
l'aide matérielle. Si la contruction de belles maisons correspond à une
emprise de plus en plus grande de la ville sur le village, l'aide r,1atériel-
le et fincanci~re, l'intervention des ressottissants citadins aupr~s des
pouvoirs publics en vue de la réalisation de certains projets dans
le
village apparaissent comme des exigences nouvelles qui ont avant tout un
caract~re économique. Globalement l'aide matérielle représente envi~on
95 % des réponses ; seuls 4 % des anqu8tés attendent des conseils. Cette
exigence de solidarité apparatt comme Une réponse collective des atn~s
et des cadets ù une situation nouve Lâ e «
nouvelle·. AU."sein de groupe familial, la
solidarité n'est pour autant vécue que si elle permet à ses membres de
s'adapter à l'évolution actuelle et cette réciprocité entre ville et
village manifeste l'adaptation des rapports de parenté au precessus de
pénétration de la société globale. Certes, la sojidarité est un phénomène
naturel dans le cadre familial; le phénomène migratoire n'est pas spécifique
à Kuma ; il concerne toutes les zones rurales
les Kabye émigrés par exem-
ple conservent également de nombreux liens avec leur famille et leur apport en i
souvent des aides matéeielles ; mais quand on compare la so~idarité telle
qu'elle était organisée dans la société lignagère et les manifestations actue
les, on ne peut manquer de mettre l'accent sur la genèse et sur l'objet des
solidarités modernes ; en cela, le sociologue apporte des réponses nouvelles
à ce qui, au prime abDrd, peut paraitre évident. Dans la société lignagère,
la solidarité repondait a une exigence de transformation interne des groupes
sociaux; elle était au service d'une dynamique sociale. Avec l'avènement
des cultures industrielles et l'emprise de l'économie capitaliste, elle
est déterminée, elle devient un mode d'adaptation à un processus de des-
tructuration économique ; elle s'oriente vers une forme d'assistance qui
entretient paradoxalement la dépendance à l'égard de l'économie capitaliste.
La parenté en tant que rapport de production, donc en tant qu tllihfrastruc-
ture" -pour reprendre une terminologie de M. GODELIER- disparait au profit
d'une fonction de "vernissage socio-économique".

2°) La parenté, principe de continuité de la famille
Le raIe de la parenté en tant que principe de continuité de la
famille peut apparattre comme une évidence à priori ; en effet dans toute
société, la reproduction biologique assure la permanence de la famille.
En fait, l'émergence des familles résulte d'une évolution qui marque la
disparition quasi totale du pouvoir lignager. Ce dernier n'avait une existenc
réelle pour autant que c'étaient les chefs de lignage qui contralaient le
cycle d'ensemble de la production; le lignage était le lieu d'un ensemble
de rapports de production, rapports politiques et idéologiques qui ont été
,
transmis aux familles par suite de la fragmentation résultant de l'intr~.
duction du café et du cacao. Avec ces cultures les conditions d'une
différenciation sociale plus poussée fondée sur le pouvoir économique se
créent au niveau des familles. La manifestation extérieure de cette richesse
est symbolisée généralement par la case en dur et couverte de tale -du moins
au début~ et aussi par le nombre de t~tes de boeufs dont dispose la famille.
Mais ces inégalités n'ont pu se développer jusqu'à donner naissance a une
bourgeoisie foncière parce que dans le cadre des familles, la parenté
assurait la cohésion entre les membres. Cette continuité se traduit eSBBn-
tiellement par le non-partage des plantations entre les enfants d'un m~me
père. En dehors des biens meubles tels que les pagnes, les biens immeubles
ne font l'objet d'aucun partage: les plantations sont gérées par l'arné
du groupe familial, qui est tenu d'apporter assistance a ses frères et soeurE
Ce principe juridique, en assurant la cohésion du groupe familial, a
emp~ché le démantèlement du patrimoine familial.
Si le développement des cultures industrielles a donn~ naissance
à quelques usuriers et à quelques propriétaires de motodécortiqueuses à
Kuma, il n'a pas entrainé en revanche la constitution de gra.ndes propriétés
foncières parce que le pouvoir lignarer a été très tat affaibli et que la
présence des métayers a permis aux chefs de famille de se passer du
travail des cadets. Par ailleurs, le point d'application des droits fonci:rs
traditionnels, en se déplaçant des ter~es aux plantations a emp3ché les
individus et les groupes de s'appropriéer définitivement et totalement

164
les terres du lignage.
M,is cette cohésion se réalise à travers une lutte incessante
entre les vélleités individuelles de scission aggravées par la généralisntion
du métayage et qui s'expriment de plus en plus par les litiges fonciers
opposant les familles d'un même lignage et les réactions collectives de
freiner un processus d'individualisation dont les groupes comillencent a
prendre conscience.
De ce point de vue la crise de l'autorité traditionnelle n'est
pas aussi profonde que l'on pourrait le croire car en face des mena.es
de scission et de désagrégation, elle tente de préserver la cohésion des
groupes. G'est par l'intermédiaire des anciens, seuls gardiens de la tradi-
tion que les groupes sociaux tentent de réagir contre l'influence néfaste
de l'introduction de l'économie marchande. Le terme TOGBUI par lequel on
désigne les atnés, n'est plus l'expression de rapports de production mais
il exprime dans le contexte actuel le respect dO aux vieillards et aux ancien
Autant dans la société lignagère, l'autorité camouflait les
rapport~ de production déterminants ; autant dans la conjoncture actuelle,
l'autorité devient l'instance qui, au sein de la formation sociale Kuma,
tente d'assurer la permanences des groupes sociaux çontre les désordres
résultant de l'influence du mode de production capitaliste. C'est dans cette
perspective, que prennent un SeBS toutes les manifestations collectives li8GS
aux funérailles, aux f~tes que nous aborderons plus tard.
C) Le blocage du dynamisme du village
Le blocage dp dynamisme du village résulte en partie
des
effets du métayage et se trRduit essentiellement par le rcl~chement de
l'entraidre dans le travail et par la disparjtion des fermes. Bien qu'il
soi t difficile de mesurer quanti t~l.tivement la ponction économique exercée
par les métayers sur le village d'Adamé, on peut cependant tenter d'appré-
cier son impact. L'en~~te menée auprès de 62 métayers fournit les données
suivantes :

165
TABLEAU

12
Répartition des exploitations de café et de
cacao p~r groupe~~ ~étayers
- - - -r-
i
HETAYERS
PLAI·;TAT IONS
1°)
16
1
2°)
22
2
3°)
18
3
4°)
4
4
5°)
2
6
Répa~titi~~des pr~iét~res
par groupes de rnétayer~
_ . _ - - . ~ - . . . . ,..
,
- - - -.•
-.• -..... l!"-
HETAYZRS
PROPRIETAIRES
r .
<-
-+--....--------_.~
1°)
17
l
2°)
20
2
3°)
18
3
1 4°)
5
~
1
;
_
150)
_
2
--JL
1 ;
1
_----JL
_ _J
~

166
Ces deux tableaux qui concernent la r~partition des plantationD
par groupes de m~tayers et celle des propriitaires par rapport aux m~tB~era
frappent par une certaine régularité (l~/).
On constate que la répartition des plantations de café et de
cacao par nombre de métayers recoupe la r~partition suivant les propri6~
taires. La plupart des métayers soit 74 % s'occupent de l'entretien de
deux plantations au moins appartenant à des propriétaire différents.
22 métayers soit le 1/3 environ entretiennent deux plantations et 18 trois
plantations de caf~ et de cacao. Globalement, les métayers exercent une
pnnction éconmmique important sur les ressources provenant du café et du
cacao. Cette situation n'est rendue possible que parce que la solidaritp
dans le cadre du travail joue énormément entre les métayers.
Pr~s de 90,47 % des métayers pratiquent le travail communautaire
essentiellement pour les travaux de défrichage, de sarclage et de labour.
j
~our la récolte, chacun utilise plut8t les services d'un parent saisonnier
qui vieut tous les ans du pays Kabye. C: transfert de revenus s' t 1 :ectue 'ln
!irection du pays Kabye mais il ne sert pas à am'liorer la situation &co~~~
mique de cette région
l'argent gagné par les métayers sert à financer
de fréquentes visites dans leur village pour la célébration des funér2ilJ03
et de cérémonies rituelles; la durée la plus courante s'échelonne do u~
à deux mois. Pendant ce temps, le métayer dépense quelquefois plus que
ce qu'il avait gagné au cours de la saison et est tenu ainsi de r-amb our s er-
rembom'sf-)l'
des dettes l'année suivante. Très peu de métayers (uniguement 13 sur 62)
ont pu faire quelques réalisations dans leur région d'origine ; celles-ci
concernent essentiellement la construction de cases ; quant à la mise
en valeur de nouvelles terres en pays Kabye, seuls deux métayers ont pu
(113) Cette régularité est vraiment approximative
en ce sens elle n'a
aucune prétention scientifique.

167
créer de nouveaux champs pour le compte de leurs parents. L'émigration
\\
constitue à cet égard une solution individuelle à des problèmes matériels
mais elle n'a aucun effet sur le développement des forces productives.
Cette situation s'explique par le contexte global ~. l'économie togolaise
entièrement dépendante de l'extérieur ; dans cette perspective, la dégr3.-
dation du niveau de vie dans une ~égion ne peut ~tre compensée par des
transferts de revenus en provenan.e des régions les plus favorisées telles
que celles qui produisellt le café et le cacaO car, faute d'un marché inté-
rieur et de structures industrielles internes, les transferts empruntent
les circuits extérieurs d'échange, c'est-à-dire se portent sur les biens
d'importation.
Ainsi la contwadiction entre métayers et autochtones appa~ait
secondaire par rapport à la contradiction principale qui est celle de la
dépendance globale du pays vis-à-vis de l'économie des pays capitalistes.
4'. ais dans la conscience des individus et des groupes sociaux, la contra-
diction secondaire est dominante ; en effet les autochtones estinent le
plus souvent que les métayers tirent profit de leurs plantations d' aut ar.t;
autal'.t
plus qu'ils leur reprochent de disposer entiirement des arbres fruitie~s
qui poussent dans les plantations. De leur c8té, les métayers considèrent
que leur travail ne leur profite pas autant qu'ils le voudraient et me t t ei.t
mette~~t
surtout en cause la double taxe civique dont ils sont redevables. En effet
les môtayers paient l 200 F CFA dans le canton de Kouma et l 000 F en pa~s
!\\.abye.
Quoiqu'il en soit, en raison de la baisse de la production de
café due au vieillissement des plantations et aussi en raison d'une ten-
dance à la baisse des prix de ces produits depuis une dizaine ." années t
les ressources que les paysans en tirent ne compensent pas les effets
néfastes de la dégaadation des termes de l'échange. Dans cette perspective,
la ponction exercée par le métayage ne joue ~u'un rale secondaire dans le
blocage du village ; mais i l n'est pas perçu en tant que tel ni par les

168
autochtones, ni par les métayers. L'origine "étran[àre" des métayer
masque ainsi la contradiction principale incarnée par le mode de production
capitaliste.
L'une des expressions les plus marquantes du blocage du dynamisme
économique du village d'Adamé concerne le relâchement de l'entraide dans
le travail.
Avant l'introduction du café et du cacao, la production des culture
vivrières, ainsi que nous l'avions signalé à propos du fonctionnement des
groupes de travail, se faisait principalement dans le cadre du lignage ;
les paysans séjournaient plusieurs mois dans les fermes et ne revenaient
au village cF,à l'occasion de certains évènements importants tels que les
deuils. D'un point de vue dynamique, l'extension de beaucoup de villages
Ewe se sont faits par éclatement des villages de culture ; la culture
extensive sur brnlis était particulièrement favorable à ce type de croissanc
Dans les zônes d'immigration des Kabye dansl'Est-Hono, l'agricul-
ture extensive sur brQlis et la pratique des jachères ont entra1né la
multiplication des fermes. Rien de tel dans le canton de Kuma ; leur sem-
ble liée à deux phénomènes concommitants ; d'abord les cultures industrielle
en raison de la durée des arbres se caractérisent par une occupation de tcrr
plus long~e. La création de nouvelles plantations ne se réalisent pas Rvec
la même vitesse que celle des champs de cultures vivrières i en outre le
métayaGe en tant que nouveaux rapports de production a entratné l'absent8:~sm
des autochtones qui peuvent désormais rester au village et continuer à
tirer profit de leurs plantations ou de celles qui ont été créées sur leurs
terees. Le processus de disparition des fermes de cultures vivrières s'ex-
plique ainti à la fois par la prédominance des cultures industrielles et
par la présence des métayers Kabye (114). A l'heure actuelle seuls quelques
autochtones tiennent des fermes. Ainsi il. Tsihé nous avons pu voir les
ruines des anciennes habitations qui avaient été construites par les anc€trc
de l'actuel exploitaz:t.Pour ce qui concerne le village de Kuma-Adamé on peu

169
parler d'une véritable régression socio-économique; il n'a pas connu
cette extension spatiale r~sultant de l'agriculture sur brBlis ; la dis-
parition des fermes de cultures vivrières a joué un l'Ble non négligeab13
dans le déficit vivrier de la rél.;iont A preuve, les contrats de partage
ont été étendus aux cultures vivrières alors qu'au départ les métayers
avaient toute latitude de donner ou non une partie de leur récolte vivri6re
à celui qui leur a concédé une terre ou une plantation.
Dans un autre ordre d'idées, l'introduction de l'économie mar-
chande a pratiquement transformé la finalité des groupes de travail qui
inter~'~e1ent dans le cadre de la production agricole.
A l'heure actuelle, le travail collectif se pratique encore mais
il est limité à des équipes de deux personnes entre lesquelles existent
des affinités. Contrairement à ce qui se passait dans la société lignag8re,
l'entraide n'a plus un caractère permanant. La plupart des paysans inter-
rogés imputent le rel~chement de l'entraide à la mauvaise volonté de leurs
compag~Gns qui, lors m~me que le travail a été déjà effectué dans leurs
champs, invoquent des raisons de santé pour ne pas rendre cl
cl leur tour le
service dont ils ont bénéficié.
En fait, lAentraide pour des raisons économiques ne repose plus
sur la réciprocité obligatoire en nature mais sert à des fins luc~atives
en vue de la couverture des besoins nouveaux nés du contact de la société
lignagère avec l'économie capitaliste. Sous des apparences collectives,
l'entraide contribue ainsi au renforcement de l'individualisme familial. Les
associations de travail à but lucratif constituées par.' ,IN; ce do t a .
ccdc:ts. apparaiss0nt
comme des structures qui ~slibl.èreilt ",.: 1··
de l'emprise des chefs de
famille.
(114) Nous avons trouvé en grande partie de3 métayers Kabye dans la plupart
des fermes actuelles que nous avons visi téB~~
DEBISSOU, DOVOTA, TAGBAiIE 1
AT IGBLEVE , AVETOUROUE, TSIRE, KPATOE, AVEI~P< l!:, BLI1"OU, LANKLI, TSIHENU.

.. ,
170
La mauvaise volonté souvent attribuée aux paysans dans l'abandon
des formes de travail communautaires résulte dans une grande mesure de la
formation de nouveaux rapports de production à partir d'une main-d'oeuvre
étrangère ~ la communauté villageoise et non sur la base des dynamismes
sociaux internes. Mais l'influence de l'économies capitaliste est détermi-
nante en ce sens qu'elle contraint les individus à utiliser les structuras
anciennes de solidarité dans le travail pour s'adapter à des exigences
économiques nouvelles. L'entraide dans ce contexte, ne concerne plus la
production mais devient le princi~~de fonctionnement d'Association de
travail dont le principal mbjectif revient à gaoner de l'argent.
Ces nouvelles formes de l'entraide provoquent de nombraux conflit,
entre les membres de groupes victimes quelquefois des abus de confiance do
certains r8sponsables. Dès lors, on comprend pourquoi les tentatives de
la SORAD pour ressuscieer les groupes de travail se sont heurtées à de
sérieuses difficultés.
Le regroupement des paysans n'est possible que si l'encadreur
de la SOR AD accepte d'en ~tre le garant. La confiance qui était à la base
de la réciprocité obligatoire a fait place à un individualisme qui accentue
la dépendance des groupes sociaux vis-à-vis de la société globale ; les
dynamismes sociaux interne.s ont fait place désormais à des dysnamismes
externes incarnés par la domination du mode de production capitaliste.
L'introduction du café et du cacao au sein de la formation sociale Kuma,
a eu pour résultat la destruction du mode de production lignager dominant
Cette transformation s'est opérée par deux voies distinctes qui constituent
en fait, l'unité dialectique du processus de pénétration du mode de produc-
tion capitaliste.
- Sur le plan politico-administratif, les contraintes tels
que le travail forcé, l'imp6t de capitation, ont permis de briser la
résistance des individus et des groupes so~iaux à l'extension des rapportu
de production capitalistes.

171
- Sur le plan économique la désorganisation de l'économie
traditionnelle par destruction des circuits d'échange traditionnels, la
rationalisation de la base des échanges, l'injection monétaire subséquente
et celle des biens nouveaux ont introduit les populations locales dans
une économie fondamatalement dominée tournée vers l'extérieur.
1 0
1
-
L'intégration progressive de la formation sociale au
mode de production capitaliste, s'est traduite au départ par les effets
positifs dQs à un accroissement relatif des revenus monétaires, grace Q une
politique d'extension systématique des cultures industrielles au détriment
des cultures vivrières.
o
2 0
2
-
Il en résulte un processus de dégradation, du niveau de
vie des paysans, renfocée par le vieillissement des plantations, donc par
une baisse de la production et par la manipulation à la baisse des prix
de ces produits sur le marché international.
3 0
3
-
Le processus d'extension des rapports de production capi-
talistes se développe à partir des contradictions inhérentes a la société
iignagère et induit une nouvelle dynamique, caractérisée par
a) la disparition du pouvoir lignager, l'émergence des familles
en tant que nouvelles entités socio-économiques, où se manifestent des
rapports de solidarité objectivement déterminés.
b) le déplacement des anciens, rapports déterminants, avec le
métayage comme forme dominante.
c) la libération sociale des "cadets" qui à la faveur de
l'imltigration "étrflngère", du développement du dalariat et de la péné-
tration de la société globale, acquièrent une plus grande autonomie sur
le plan économi1ue.
d) le ralâhcement des formes de travail communautaires et
la régression socio-économique du canton.

172
Fortement ébranlée dans ses fondements économiques la société
lignRgère tente de maintenir la cohésion des groupes et de mattriaer le
pr-oce s sua
procei:~sus de destructuration socio-économique inaugurée "du dehors", par
le renforcement des solidarités, sur le plan idéologique ; toutes les ma-
nifestations de solidarité, liées au déroulement du cycle de la vie indivi-
duelle, s'inscrivent dans un contexte de dépendance et cont...:ibuent de ce
point de vue, à assurer pour les individus et les groupes sociaux une
fonction "sécurisante" qui bloque la naissance d'une conscience cl::lire et
aigue des exigences du développement.
Dès lors, la formation sociale articulée ainsi au mode de production
capitaliste, par le biais de l'instance économique, produit des contradic-
tions internes dont toute stratégie de développement national doit tenir
compte. Mais au-delà de ces contradictione, le déficit vivrier résultant
de la prédominance des cultures industrielles et les interventions des
organismes de développement constituent autant de données qui forment
un cadre à une problématique de développement.

173
ESSAI DE FORMULATION D'UNE PROBLEMATIQUE DE
DEVELOPPE~ŒNT A PARTIR DE L'ETUDE
D'UNE FûRNATION SOCIALE

174
TROI8IEHE PARTIE
~ PROBLEMATIQUE tn DEVELOPPE~ŒNT
Les effets de la pénétration du Mode de Production Capitaliste
au sein de la formation sociale conduisent, dans le cadre d'une réflexion
globale sur le devenir socio-économique de canton, à une formulation préci-
se de la problématique du développement à partir des implications socio-
économiques du déficit vivrier résultant de la prédominance des cultures
industrielles, des interventions d'organismes publics ou para-publics de
développement et d.contradictions internes à la for/nation sociale elle-m€~e.

175
LE DEFICIT VIVRIER ET SES IMPLICATIONS SOCrO-ECONONI:llLES
La pénurie des ressources alimentaires dont souffrent les
populations locales du canton de Kuma ressortit au contexte général de
l'insuffisance de l'offre globale des produits vivriers de l'économie
togolaise. Comme dans la plu~art des "pays sous-développés" que d'aucuDs
qua Li.f i errt
qualificmt à tort de pays à""o cation agricole", la progression des ressour-
ces alimentaires au Togo ne compense pas celle de la population. Les
contraintes socio-économiques nationales se révèlent avec uneQ-cuité 'particu-
lière au niveau des régions
en effet ces derni~res sont plus ou moins
spécialisées dans certaines productions i ainsi la région maritime produit
essentiellement du manioc et du mats, la région centrale, des ignames,
la région de la Kara, le mil et le sorgho, la région des savanes, les
arachides. La région des plateaux connatt la faveur des cultures idus-
trielles dans le Kloto et dans l'Akposso. Le canton de Kuma, dans la cir-
conscription de Kloto se singularise dans la mesure où ici le déficit
vivrier est accentué par l'inégale répartition des terres au détriment
des cultures vivrières.
L'analyse des causes générales et spécifiques de ce déséquilibr0,
l'examen critique de l'orientation des investissements et de l'utilisation
des ressources disponibles au Togo nous permettront d'engaE,er- un débat
sur l'intégration de l'agriculture vi vrière dans une poli tique de dévelo~)­
pement.
Section 1°)
Les causes du ~êficit
Les Causes du déficit vivrier dans le canton de Kuma sont
d'ordre général, c'est-àdire caractéristiques de l'agriculture togolaise
dans toutes les régions économiques ; elles sont également d'ordre
spécifique, en ce sens qu'elles ressortissent à la situation particulière
du canton.

176
A) Les causes spécifiques
Le canton de Kuma, en raison de son appartenance géographique
à la région montagneuse de Kloto, bénéficie de sols ferrallitiques qui
proviennent de l'avis des géographes, de la décomposition superficielle
des roches schisteuses sous l'action d'une forte pluviométrie. En dépit
de ces avantages, l'agriculture vivri~re connatt de sérieuses difficult&s
dues à l'in~gale répartition des surfaces cultivées entre cultures industria~
les et vivrières et aussi à la faible dimension des champs.
En effet, les champs de cultures vivrières ne représentent que
174 exploitations contre 290 aux cultures industrielles. Par ailleurs leur
superficie moyenne est assez faible puisqu'elle n'atteint que 0,40 _a
les exploitations de cultures vivrières du village d'Adamé se situent
parmi los petites exploitations du Togo ; en outre, l'abandon de certaines
cultures telle que l'igname a gravement compromis l'équilibre vivrier
du
village.
B) Les causes déntrales L'agriculture togolaise Se caractérise
essentiellement par de faibles rendements à l'hectare, des techniques de
production peu ~voluées, des méthodes culturales archaiques et enfin par ln
séparation de l'élevage et de l'agriculture.
- Elle ~ccupe environ 85 % de la population active mais les
rendoments sont faibles ~ caus~ de l'~tat peu développ~ des techniques ; il
en résulte que l'investisüement de l'énergie humaine constitue le princi~al
facteur de production. Les m~mes instruments de travail en pnrticulier le
coupe-coule et la houe servent à plusieurs emploiS.Faute de mécanisation,
le travail agricole présente un caract~re pénible qui n'incite pas les
jeunes ruraux à se fixer dans les villages pour la mise en valeur des
tel'relh' ,ate fAt ae uI
selll le dixième de la superficie totale du Togo est cultivé
soit 5.700 km2. La répartition en pourcentage des surfaces cultivées est
de 21,1 % pour la région maritime, 15,3 % pour la région des savanes,
7,6 %pour la région centrale, 6,5 ~ pour la r~gion des plateaux (115).
----~~~------------------------------~~-_.-~
(115) Herman ATTIGNON
Géographie du Togo - 2e ~dition Lomé 1971.

177
Pour l'ensemble du pays près de 30 % des exploitations ont moins d'un
hect.r\\j, 43 % entre 1 et 3 ha et 13 % seulement ont plus de 5 ha. Le
Togo est un pays de petites et moyennes exploitations i or la faiblesse de.:;
superficies limite la productivité d'autant plus que les techniques agricoles
sont peu évoluées.
- Quant aux méthodes culturales, elles demeurent archaiques
Même les cultures en terrasse d~ pays Kalye et la Polyculture intensive
des Ewe du Sud-Est du Togo destinée à lutter contre l'épuisement du sol
ne permettent pas en réalité une amélioration de la productivité i elleG
révèlent dans une certaine mesure les capacités d'adaptation des populations
aux contraintes naturelles. Dans l'ensemble, la culture sur br~lis cons-
titue la clé de vo~te des méthodes culturales au Togo.
Comme le souligne Herman ATTIGNON, cette e6t~ode comporte un
vertain nombre d'avantag~ i en effet les cendres mouillées par la pluie
fertilisent le sol ; mais les méfaits des feux de brousse (116) l'emport~nt
sur les avantages car ils détruisent non seulement la faune mais également
l'humus du sol. Il en résulte une dégradation des sols due au lessivage des
eaux de pluie.
Enfin la dissociation de l'élevage et de l'agriculture exerce
une action contraignante sur la production agricole. u'une façon générale,
l'absence de fumure animale rend indispensable la pratique des jachèrec
qui rfduit les surfaces cultivées. Cette dissociation s'explique en partie
par la sit.i1ification sociale et rituelle du bétail qui concourt Ç. augmCl:.t0r
le prestige du paysan plut8t qu'à développer la production agricole.
1
.j
1
• \\
,;
~_ : • , ~_", _
0.16) En dépit d~l?r.eC?ommanQa.tions du ~ervice des·Eaux·'-et F8rêt;i, 1~(:.
paysans pratiquent ~ujours les feux de :bro~48flo;"Tput: ré.cammebt,. le gou-
v~rnel!lel".t a pris des me.sur.e s..
mesur-e~. ~en.da~~ ~ i punir ~évèteralent'le.t
~évèteralent
r-e sponaab Los
responsabJcs
9:e (Jes dég~tl3.
, ,.
; .
. ..
:E;n .cas
·cas de dout e ,
doute~ le chef .qu village le plus proche des .Lie ux
.lieux (!J{-,·,J...... ·.fcü ('
a été allumé devient responsable.

178
Certaines données économiques reflètent de manière éloquente
les difficult.s actuelles de l'agriculture togolaise. En effet au cours
du premier plan quinquennal qui couvre la période allant de 1966 à 1970,
la progression des cultures vivrières n'a atteint que Il %soit une croiB~
sance annuelle de 2,2 % alors que le crott démographique s'est maintenu
à un taux de 13 % soit une progression annuelle de 2,6 %. La production
interne de ressources alimentaires ne suffit pas à couvrir les besoins
de la population ; aussi le Togo est-il obligé de recourir à l'importabion
de produits agricoles.
Entre 196G et 1969, la valeur des importations des produits
agricoles est passée de 1,928 millions de F CFA à 2,349 (117) millions
aggravant ainai le déficit de la balance commerciale (118). Pour l'année
1970, le montant total des importations de biens de consommation (ali-
mentation, boisson, tabac) atteint 4,07 milliards de F CFA sur un morrtarrt
monta.nt
de 17,93 milliards représentant la valeur totale des importations.
En revanche, la situation des cultures industrielles, s'est
améliorée au cours de cette période. En 1966, le café et le caCRO repré-
sentaient 41 % de la valeur totale des exportations du Togo contre
59,2 % en 1970 soit une augmentation de 18,20 %.
D'une façon générale, le Togo tire l'essentiel de sea revenue
de ces deu~ produits en dépit de la fluctuation des cours mondiaux.
(voir tableau ci-contre)
_ _~
_
~_.
~ ~_
~ _oc
_
(11'7) Rapport BUGNICOURT
l'Enfance et la jeunesse dans l'espace Togo-
laise - Décembre 1971.
(118) Tableau de déficit de la balance commerciale (de 1960 à 1970, le
déficit de la balance commerciale s'établit comme suit).

179
TABLEAU
N° 14
Tableau du déficit de la balance commerciale
(1960 à 1970) en million de F CF'A-
- . . . . . : - ......
ANNEES
1960
1961
1962
1963
1964
-
DEFICIT
2864
1861
2485
2558
2838
-
ANhEES
1961
1966
1967
1968
1969
*~
DEFICIT
4421
2796
3239
2074
3095
ANNEE
1970
DEFICIT
2752
!
-_.

180
TABLEAU
N° 15
Valeur en pourcentage du café et du cacao dans
les exportations totales du ~ogo de 1963 à 1970
--
. - -
. -
.
-~-,.
--...-.....-''''
---~.
---~- ~--------------"--------~---,
~--------------""--~-----~----,
l
ANNEES
(pourcentage en valeur)
1
Il'--------.----r---r----;r-~--'~
PRODUITS
19631
19631
1964
1965
1966
1967
1968 1 1969! 1970
i
1
i
1
l
l-----~---+----+---_+--_+---t_--_t---t_~-~~~--~
!
1
li
l'
i
CAFE
17,8 l 33;9
20,4
22,0
10,6
,
]6 , '1
15 , 2 1 17 ,5
l
i
1
I---~~---,~,~,--,-+~---t---~f_--_+_--+---+_--_+--__t---_t
l
!
, I !
CACAO
26,1 1 21,9
25,3
~ 19,0
29,8
24,2 1 35,4:
41,7
,
i
41,~f--4D~4--~~-.-9-~~-O'~1-~9.2-
TOTAL
43,9T55.8
45,7
L~-----+-:-- I-----+------+---l~~..,,-~.l
Néanmoins, le déficit des ressources alimentaires a obnduit
les pouvoirs publics à définir de nouveaux objectifs dans le cadre du
second plan quinquenal.
"En ce qui concerne la production proprement dite, l'accent
qui sera mis sur les cultures vivri~res doit permettre de passer du
stade extensif de production à un stade plus intensif de façon à pouvoir
résoudre définitivement le problème de la disette et de la sous alimen-
tation dans le pays" (119).
(119) Plan de développement économique et social -1971/1975-
Direction des Etudes et Plan. Lomé (Togo).

Si ces déclarations d'intention s'inscrivent dans le cadre
des solutions immédiates à mettre en oeuvre en vue du développement
agricole, il reste cependant à confronter les objectifs auX moyens
définis par les pouvoirs publics afin de déterminer dans quelle mesure
cette politique sera appliquée avec une grande chance de succès.
L'analyse de la répartition des investissements au Togo au
cours du premiel
et du second plans quinquennaux nous permettra de
dégager la véritable sigaJ.fication de la pénurie des ressources alimentairefl
Section
2°)
La répartition des investissements et ses implications
économiques.
Dans la pratique économique, la théorie de l'investiSSement
s'introduit en fonction d'une problématique de la croissance à long
terme et du développement économique ; aussi convient-il de définir ces
deux derliers concepts afin d'éviter toute équivoque.
A)
Définitions
Les concepts de croissance et de développement ont investi
la littérature économique ces dernières années. Rien d'étonnant dès lors
s'ils donnent lieu à des élaborations théoriques, à des constructions
de modèles qui témoignent d'une exigence de r Lgueur-
d,gueur sur le plan ôci...;o,tifi-
que et d'un effort de clarification utile à la pratique économique elle-
m~me.
Toute fl.ds, au-delà de cet effort, une certaine confusion demeure.
Faute d'avoir insisté sur la spécificité des situations objectives qui
les ont produits, bon nombre d'auteurs en viennent à utiliser fréquem-
ment le concept de "croissance", à la place de celui de "développement".
Le développement est~lui~m~me conçu sur le mode de la croissance écollo~i­
que. La force d'intrusion du concept de croissance semble résulter en
fait d'une situation historique donnée. Lié avant tout au processus d'ex-
tension quantitative et qualitative des économies industrielles, il a été
importé sans discernement dans l'analyse des phénomines économiques et
sociaux des pays dits dous-développés. Vouloir définir ces concepts

182
à la suite de tant d'auteuré n'est pas une tentative superflue dans la
mesure où la pratique économique dans bon nombre de pays dits sous-déve-
loppés dénote nettement que les deux concepts sont souvent confondus.
1° Le concept de croissance
Pour dé"inir le concept de croissance, les travaux de J.
FREYDSIN~T nous serviront de point de référence.
Cet auteur souligne qu'à la suite de KEYfŒS, de nombreuses
recherches ont vu le jour "issues d'un doute sur le caractère nécessa.ire
et spontané de la croissance économique". Toutes ces recherces mettent
en lumiêre une id~e fondamentale :
"Il existe dans l'économie un petit nombre de facteurs-clés
d'éléments moteurs ; de leur présence, dépend le phénomène de croissance
économique ; s'ils sont absents ou trop faibles, la croissance fait place
à la ;3tacnation" (120).
Dans l'approche de la définition du concept de croissance,
deux idées apparaissent: d'abord la croissance résulte de l'action d'un
certain nombre de facteurs; ensuite, la notion de stagnation ap9araït
comme le contraire de celle de croissance économique.
En effet pour Alvin H. Hanssen et A. Sweay, l'absence au sein
d'une économique des facteurs tels que la croissance démographique,
l'ex:F'·:·1sion géographique et le progr(:r- technique entratne la s t agnat Lon-
staGnation.
Pour Harrod, les conditions d'une croissance stable se réfèrent
à trois éléments fondamentaux :
- la quantité de population productive
- le produit par t~te dont Fre,ssinet dit qu'il est lié au
progrès technique.
-~-------------~----
..._-------------
-~-------------~----
...
-~-_...
-~-_ _-
(120) J. FREY:~8IIü;T : Le concept de sous-développement -p. 94. Série
Economie du Développement -Vol. 1- Ed. Mouton and Cie. Paris 1966.

e et la quantité de capital disponible qui dépend elle-m6rne
des deux premiers éléments.
S'il demeure de lég~res différences entre les mod~les proposes,
ils ce rejoignent cependant en ce qu'ils retiennent tous comme des dSter-
minante de la croissance économique un certain nombre de variables tels
que le produit, le revenu, l'investissement et l'épargne. Freyssinet note
en effet :
"l'augmentation de la population productive et le progrès tech-
nique d&termine un taux naturel-de croissance; pour ~tre réalisé ce taux
exige la formation d'une certaine quantité de capital, ce qui suppose
l'épargne et l'investissement d'une certaine fraction de revenu" (121).
Sans aborder la critique, de la théorie de la croissance dans
les économies industrielles; il convient cependant de noter que les
variavles qui la définissent prennent toute leur signification par référence
au caractGre intégré et "auto centré" des économies industrielles. De ce
point de vue, l'action de ces variables peut conduire à des résultats
différents ou peut ne produire aucun effet dans le cadre dléconomi~s"~P0­
pl&tement désintégrées, d~pendantes de l'ext~rieur et o~ l'épargne,
l'illvestiscement et le revenu aorrt
son.&; faibles en raison des "fui tes" que
connaissent ces économies. C'est le cas notamment des pays "eous-déveloFfJÔS",
1.
ce qui conduit à mettre l'accent sur l'idée selon laquelle
ce qui conduit à mettre l'accent sur l'idée selon
pertinence du ~
concept de croissance dépend avant tout des caractéristiques objectives
des structures économiques auxquelles on l'applique. En dehors de cette
exigence, il stav~re difficile de tracer la ligne de démarcation entre
le concept de croissance et celui Je développement.
(121) F. !<'REYSSHjET
opus cité p. 97-980 Ed. Mouton and Cie, Paris 1966

184
Ainsi pnur C. Zarka, la croissance est "une aUGmentation des
quantités économiquement caractériDtiques en macro-économiq" et le dévelop-
pement e xi.e t e
exiGte lorsque "la ou Iles croissan!:'- repérées s'accompagnent de
changements de syst~mes ou (et) de changements de structures".
R. Barre conteste le critère du changement de structures:~ hoto
"il est difficile d'envisager une croissance qui ,,; soit pas
accompagnée d'une modification de structures".
De cette définition, il résulte que croissance et développement
recouvrent les m~mes réalités. C'est pourquoi F. Perroux, tout en retenant
"l'augmentation des variables déterminants de la croissance accompagnée
de changement de structures", ajoute que "le développement est la combi-
naison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la ren~nt
apte â faire crottre cumulativement et durablement son produit eéel global"
De ce d&bat,
d6bat, nous pouvons dégager schématiquement deux lignes de force :
- la croissance économique apparait en général comme un phéno-
mène quantitatif, c'est-à-dire l'augmentation quantitative des ressources
disponiJlea par ~~te d'habitant dans un pays d~nné au cours d'une période
donnée. Elle se mesure par l'augmentation du revenu national ou du pro-
duit intérieur brut. Ce concept se limite davantage au domaine purement
économique et implique un continuisme c'est-à-dire le passage d'un état
d'accumulation de biens à un autre.
De ce point de vue, l'économie togolaise connatt une croissance
effective puisque le produit intérieur brut aux prix du marché a progresGé
de 64 % entre 1964 et 1970 et le revenu nRtional de 57,6 ~ au cours de
la même
m~me période (122). La croissance r-ésu.l t e
résu·~te du dynamisme du secteur
moderne c'est-à-dire le secteur des industries extractives, des industries
de transf~rmation
transf~rmation lég~re et des produit~ de base tels que le café, lD
cacao, le co.on, le kapok etc ••• Ce secteu~ se caract~rise essentiellement

-----------------------------.--
-----------_.-----~---------_._-.--
(122) Rapport BU'L\\TICOURT
l'Enfance et lê Je\\t~esse dans l'Espace Togo-
lais -UNICEF- Déc. 1971.

185
par Sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur pour l'apport en capital et
pour l'~coulement de sa production. En outre l'économie togolaise demeure
fondamentalement dominée par des pays capitalistes en particulier la Francei
l'Allemag:r:e, les Pays Bas et le Japon. L'augmentation du revenu national
se répartit de façon inégale entre les différentes classes sociales du
Pays.
Le revenu annuel du monde rural est extr~mement bas soit
appr-o xi.met Lvernen t
ap~)roxilnativement 12 000 F CFA (123). Cette croissance se réalise au profit
des PéJ.Ys dominants dans la mesure où ceux-ci corrt r-ô Le rrt
contralent les moyens de
production. Elle ne se traduit pas sur le plan intérieur par une améJ.iorr'l-
tion des conditions d'exploitation agricole ni par une ~lévation du niveau
de vie des paysans. En réalité une partie de cette croissance va enriclir
les oourgeoisies locales, notamment la bourgeoisie corr.merçante ou "com-
pradore" et la bourgeoisie politico-bureaucratique (124).
- Le développement en revanche, implique une modification de
structures sur le plan économique et une transformation des mentalitéD.
Mais il ne peut se concevoir sans une croissance r&guli~re. ~ette deuxi~le
idée nous parnit davantage confor'e aux exigences actuelles des pays dits
sous-développés.
Toutefois elle manifeste un certain nombre d'insuffisances dans
la mesure où elle n'indique ni les conditions politiques de développement,
ni les structures prioritaires à prendre ert xonsid~ration. C'est p~urquoi
il nous parait indispensable après une description sommaire des carac-
téristiques de l'Economie f.ogolaise de préci3er le contenu de ce concept •
.~---------"----_._----------- ._------~---~-_-...
(123) Ce chiffre ne tient pas compte de l'a~toconsommation.
(124) La bourgeoisie "compradore" est celle qui. est directement li6e FJ.1G
maisons de commerce import-export et chalg6 de redistribuer à la popu18tion
locale les produits étrangers avec une I1H.rge bénéficiaire importante.
~uant à la bourgeoisie politico-bureauc!~ati~ue, elle ~st composée de tous
les hommes politiques, hauts fonctionna~res q~i utilisent leur fonction pOŒ
s'enrichir.

186
2°) Le concept de développement
La particolarité de la situation économique, politique, cultu-
relle et Dociale des pays sous-développés exige sur le plan de la recher-
che la d~finition de concepts construits d'apr~s une "problématique th6o-
rique permettant de soumettre à une interrogation systématique les aspects
de la réalité mis en relation par la question qui leur est poaèe
posée "t! (125).
t~n3 cette perspective la justification de deux propositions nous permettra
de définir le concept de développement.
a) Le développement implique une modification de structures
Quand on examine la situation actuelle de l'économie togolaise.
on ne peut manquer de souligner les distorsions qui existent entre les
différentes régions ; outre la spécialisation agricole qui désavantage
les régions dont le climat ne se prête pas aux c~ltures industrielles
tole que le café et le cacao, l'absence de structurœindustrielles inter-
nes permettant au pays de transformer sur place un cartain nombre de
produits pour le marché local rendent le Togo particuli~rement vulnérable.
D'une façon générale, on peut noter les caractéristiques suivantes:
- une insuffisance de la production agricole vivrière dne
certes au faible niveau de développement des forces productives mais
de plus en plus accentuée par une politique de développement agricole
orientée vers l'amélioration des cultures industrielles sources princi-
pales de revenus. Le dualisme dans le domaine agricole est d'autant plu~
accentué qu'il n'existe aucun transfert monétaire des cultures industrielles
vers les cultures vivrières.
- les industries extractives et les mndustries lég~res de
transfmrmation (la CTMB, l'Usine Textile de Dadjè, la Féculerie de
Ganavé, la SOTŒ-fA, la Brasserie du Bénin etc ••• ) appartiennent pour
(125 bis)
(125) P. BOURDI~U : opus cité p. 61-62. Ed. Mouton-Bordas. ~aris 1968.
(125 bis)
La
CTMB sera nationalisée en 1974.

187
pour la plupart à des sociétés étrangères dont la ligne de conduite de-
meure le pro fi t et qui ne cherche nt ~ pas à réinvestir leurs bénéfices
sur place. La participation de l'Etat dans ces sociétés est en général
minoritaire, ce qui exclut tout contr6le national sur la politique indus-
tr.lle de ces entreprises. Le développement récent de qu~lques petites et
moyennes entreprises créées par les autochtones concerne des activités
marginales qui ne jouent pas un rale décisif dans le développement du pays.
le secteur commercial est entièrement dominé par les maisons
de traite t;elles que la UAC, la JOHN HOLT, la SeOA, la. CFAO, La SGGG, le,:,
SYRO-LIBANAIS et les commerçants indiens récemment expulsés du Ghana. En
dehors des revendeuses de tissus qui constituent une partie de la bourgeoisie
commerçante dont les intér~ts sont liés à ceux des maisons d'import-export
ce sont les commerçants "Nago t s"
"Nagots" et Syro-Libanais qui s'occupent de la
distribution des produits d'importation à des prix relativement élevés.
- Le secteur du crédit constitue la chasse gardée de quelques
banques de dépôts, d'une banque d'inveotissement et d'un établissement
financier.
La Banque Internationale pour l'Afrique occidentale est un organisme
absolument étranger dont le capital social est détenu par la France et les
USA soit respectivement 51 % et 40 % du capital.
La Banque Nationale de Paris (BNR),"société de droit français" et
enfin l'UNION Togolaise de Banque (UTB) pour ce qui concerne les banques
de dép6ts assurent avec la BIAO la di~tribution du crédit, de m@me que la
Banque Togolaise de développement (126).
(126) Une ventilation du capital social de ces différents organismes finan-
ciers permettrait de montrer que le Togo ne contrôle pas du tout te secteur
de la distribution du crédit. L'UTB et la BTD qui sont en principe des
organismes togolais n'enregistrent qu'une faible participation de l'Etat
Togolais. Par ailleurs toutes ces banques préfèrent leurs fonds sur le
marché financier à Paris plutôt que de les investir dans la création des
nouvelles sociétés qui voient le jour au Togo.

188
Quant à la Société Togolaise d& ë.édit Automobile (STOCA)
elle constitue " une société de droit privé local" mais à capi t aux
té'.UX entL:re-
ment françaisJ.~ •. D'une façon générale, les entreprises étrangères, les
maisons de commerce, les Syro-Lianais, les Indiens et les oreanismes
financiers exercent une ponction importante sur l'économies togolaise
les bénéfices résultant de leurs activités, loin de s'investir dans le
pays en vue du développemeht du marché intérieur, sont en grande partie
rapatriés dans les pays dominants. Toutes ces fuites qui caractérisent
l'économie togolaise confirment l'affirmation de S. Amin selon laquelle
"l'économie sous-développée est constituée de secteurs de firmes juxta-
posée, peu intègrés entre eux mais fortement intégrés séparément dans des
ensembles dont le centre de gravité se trouve dans les centres capitalistes
(127) •
Il en résulte que le développement ne peut ~tre conçu comme une
augmentation quantitative des ressources disponibles par t~te d'habitant ;
en d'autres termes, les conditions d'une croissance autonome ne sont m~me
pas réunies puisque l'économie dépend de l'extérieur; les structures économ:
q'es actuelles-résultat d'un long processus historique- doivent ~tre
..
modifiées, transformées, faute de quoi, l'économie togolaise ne consti-
tuerait qu'un appendice des économies industrielles dominantes.
La réallocation des ressources en faveur de l'agriculture vi-
vrière, la nationalisation du commerce extérieur et intérieur, du secteur
du crédit et de la production, constituent des mesures concrètes, qui
sont de nature R entra!ner une modification de structures et une trans-
formation radicale des rapports de production entre les pays dominants
et le Togo.
Toutefois une politique de modification de structures ne pro.
dyirait des effets durables que si elle G'inscrivait dans un cadre socio-
politique nouveau.
(127) S. M1IN : Le développement inégal ~~sai sur les formations soaiales
du capitalisme périphérique - p. 207. Ed. dp Minuit - Paris 1973.

189

Le développement implique également une transformation
des structures politiques sociales et culturelles.
Pour étayer cette affirmation, nous partirons du point de vue
selon lequel l'intégration des économies sous-développées aux économies
capitalistes produit des effets politiques et sociaux ('lui constituent des
contraintes objectives à toute entreprise de transformation économique.
t'intégration des économies industrielles entre elles repose
sur le postulat d'Adam Smith selon lequel la division du travaIl dépend
de l'étendue du marché et du revenu des consommateurs. En effet la croissance
des économies industrielles entratne non .B&ulement l'élargissement de
leurs propres marchés mais aussi l'int~gration d'autres écononies. Ainsi le
Marché C.)mmun Européen tente de développer au mieux les relations de com-
plémentarité en vue d'assurer aux économies européennes une croissance
accélérée, de leur permettre de dominer d'autres marchés et de résister de
manière plus efficace à la pénétration économique des Etats-Unis d'Amérique.
Dàns ce contexte, l'intégration est fondée sur les exigences de
complémentarité et de solidarité économique. En outre, elle entraine des
modifications de tendance dans le commerce international dans la mesure où
avec le développement de la technologie, la fabrication de produits sube-
tituables à certaines matières premières peut autoriser une action négative
sur les prix de ces dernières sur le marché international.
Dans le cas des économies africaines, l'intégration au hode de
Production t~pitaliste est fondée sur des rapports inégalitaires et loin
de produire la croissance des premières, elle se traduit par une expro-
priation de plus en plus grande. L'intégration a pl~tet pour effet de bloquer
le développement et d'inensifier l'exploitation du pays. ~e phénomène de
la déterioration des termes de l'échange est une ~onséquence directe de
cette intégration. La structure du commerce spécial du Togo révèle les indi-
cations suivantes.

190
TABLEAU
N° ~.6
-
Importance relative de quelques pays dans le total
des exportations du TOGO
Source
Annua.ire des statistiques du commerce e xt êr-Le u-
extérieu.":'
Année 1970.
,a1
PARTS RELATIVES
cl.
RELATIVES
Iv
EN VALEUR
1
1&64
1965
1966
1'767
1968
1~~9
1970
G
R
FRANCE
44,1
43,4
R
40,3
37,9
38.\\
34,1
4,1
28,2
o
i
o
U
PAYS-BAS
U
7,5
12,4
16,8
17,4
23,4
23,6
25,9
P
1';8
E
ALL.FEDER.
5,8
; (\\ 0
10,6
E
10,5
15,6
20,0
UEBL
5,8
6,.3
7,0
6,8
6,6
9,8
6·,8
A
1
A
ITALIE
7,9
8:,/
7,5
5,4
3,3
3,4
4,0
G
1
R
ROYAU-UNI
1,2
a,O
1,9
3,0
4·8
,
4·8
2.,7
2,3
° JAPON
l,
JAPON
U
3,9
4,4
4,3
L
"
"
4,3
L
"
,1
3,8
a,6
,1
U
3,8
1
1>
USA
10
0,6
2,1
a,9
0;02
0,2
0,2
E
B
j
B
--

191
Le tableau ci-contre présente la part relative en valeur de
qualeques pays dans les exportations totales du Togo de 1964 Ù 1970.
Les pays représentés ici sont tous des pays capitalistes 'et
l'on peut constater que pour une grande part le Togo effectue l'esseH~iel
de son commerce avec le monde capitaliste.
Cette constatation à première vue peut 3tre généralisée à
la plupart des pays africains ; mais elle prend un peu plus de relief
quand on essaie de regrouper selon des ensembles économiques les partenaires
commerciaux ; nous pouvons ainsi identifier deux groupes : le groupe A
consti tué Pii" la FRANCE, les PAYS-BAS, 1'ALLEMANGNE FEDER ,LE, l'UNION
économique de la BELGIQUE et du LUXEMBOURG et enfin l'ITALIE; dans le
groupe B nous retrouvons des pays comme le ROYAUHE-UNI, le JAPON et les
ETATS-UNIS. Le gDoupe A nous parait le plus significatif parce qu'il
correspond à l'ensemble des pays du Marché Commun Européen avant l'adhésion
li
de la
rande Bretagne. On peut ainsi noter qu'au sein du bloc des pays
capi talistes e ux-même s ;
eux-m~mes;
il demeure des eous-sgr-oupe s
sous-groul)es sur lesquels l' économie-
togolaise est polarisée ; de 1964 à 1970 la part du llarché Ccbmmun reprédente
:.c
en moyenne 80 % de la valeur totale des exportations du
ogo
pour le3
années 1969 et 1970 elle atteint respectivement 86,5 % et 84,9 %.
En retour quand on examine la ventilation des importations du
Togo par pays, on se rend compte que le bloc du marché commun constitue un
client privilégié
Entre 1966 et 1970 la part des pays membres de la ~ommunauté
Bconomique Européenne représente en moyenne près de 50 % de la valeur totale
des importations du Togo ~128).
--------------------------------------.~,-
--------------------------------------.~,-
(128)
De 1966 à 1970, la répartition s'établit comme suit
50,8 %
47,5 %
48,3 %
51,2 %
50,6
50 ,6 %
1966
1967
1968
1969
69
1970

192
TABLEAU
N° 17
Importance relative de quelques pays dans le
total des importations du Togo
Source
Annuaire des Statistiques du Commerce
Extérieur du Togo : Année 1970.
PARTS RELATIVES %EN VALEUR
PAYS
1966
1967
1968
1969
19:-0
FRANCE
30,8
29,4
31,5
32,0
29,5
PAYS BAS
4,3
.ft· °
4,5
5;6
7,3
••
ALL. FEDER.
12,3
10,5
5,7
6.8
8,1
UEBL
1,5
1,3
1,8
1,5
1,9
ITALIE
1,9
2,3
4,8
5,3
3,8
ROYAU. UNI
8,1
8,1
8,9
12,2
13,5
JAPON
13,7
12,6
11-,3
11',3
7,2
6,0
USA
3,0
4,1
4,4
5,2
5,7
GHANA
3" 7
4,8
7
3,2
2,5
3,6
CHINE (P)
2,8
51 1
4,8
2,8
2,4
DAHOMEY
1,7
1,5
1,2
0,9
0,9

193
A la lumière de la structure du commerce extérieur du Togo, il
résulte que le Togo dépend essentiellement pour ses échanges du bloc des
pays du Marché Commun. Cette dépendance apparait d'autant plus dangereuse
que les revenus des exportations proviennent pour l'essentiel de quelques
produits, en particulier du café, du cacao et des phosphates comme l'in-
dique le tableau ci-dessous.
,
ANNEES
( 96 EN VALEUR )
PRODUITS
- ----
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
CACAO
26,1
21,9
25,3
19,0
29,8
24,2
35,4
41,7
CAFE
17,8
33,9
20,4
22
10,6
lt' M
10,6
lt'
15,2
17,5
:-"!f
PHOSPHATES
23,7
26 ,2
32,9
4?-,3
:>8;,'.4
!13'3', 9
3
:>8;,'.4
!13'3',
.29,2
24,5
.,
....~
.~.
..
.~
' ..
.
'
,
. - ,:,,~
, ,
. -
,
~
TOTAL
67,6%
82 %
78;6% ,
3%
, 83:,
78,896
74
7 , 8%,
,8%, 79,8%
83, 7~6
.";
••
;, 1
.";
••
. .
. ,.
-
, .
\\ .
(Annuaire des Statistiques du Comme~ce ~~x!érieur du Togo-Année 1970)
,
,"!,
',','.~~': .
t.
(;
.~:: ~.
~:
De 1963' à 19-70 trois produits proèùrent près de 78,6 %en
•.~
::
:: ,.
,. ":. ~ J :l~
moyenne des ressources d'exportation au l-ays.·
En fait, non seuie'~e~t"i',é
seuie'~e~t"i', cone
cone mie ~golaise repose sur quel-
ques produits mais encore ces produits sCLt pour une grande part achetés
par des pays comme la :r.'l'ance, les Pays-Ba3, llAl1emagne et l'Italie.
La fragilité d'une telle économie repOSaJ le; sur quelques produits de base
-,
'.:.
~
ne fait aucun doute dans la mesure où le1.:·s pr i x
pri~ sont soumis à des fluc-
taations sur le marché international.

-
A partir de ce cas d'intégration exprimée par la structure du
commerce spécial du Togo, nous pouvons tirer les conclusions suiv~ntes.
1- L'intégration de l'économie togolaise au mode de production
capitaliste repose sur quelques produits de base. Faute de structures
industrielles internes ces produits sont entièrement destinés à l'exportation
2- Les secteurs directement liés au développement de ces produits
sont ceux qui bénéficient de la plus grande partie des investissements
(l'infrastructure de communication, le secteur commercial, c'est-à-dire
les maisons d'import-export). Leur essor est directement lié à celui des
industries extractives, et des cultures industrielles.
3- Le développement de ces secteurs se fait au détriment de
celui des cultures vivrières.
4- En raison do la dégradation des termes de l'échange, il
résulte un appauvrissement de plus en plus accru de la plus grande partie
de la population, la paysannerie qui vit de l'agriculture vivricrc.
5- Faute d'un marché intérieur, les classes les plus favorisées
demandent à l'étranger la plus grande partie de leurs biens de consommation
et accentuent ainsi la pauvreté générale du pays.
6- Le développement des contradictions internes (appauvrisse-
ment de la masse paysane et e;'richissement relatif des classes favorisées
dont les activités sont liées au secteur commercial ou qui sont liées
au pouvoir politique et externes (exploitation capitaliste et Rppauvrisse~
ment de la masse paysanne) demeure la caractéristique fondament~le de la
situation politique au Togo.
~ans ce contexte, le développement implique à la fois une
transformation des structures socio-politiqves et la lutte à tous les
niveaux (économique, politique et culturel) contre l'empr~se de plus en
plus contraignante des pays dominante. Il est avant tout un processus
de transformation globale, à la fois politilue, économique, sociale et
culturelle et requiert, pour son succès, ~a participation effective des
masses paysannes et ouvrières.

195
Or pour autant qu'on peut le constater, le Togo est loin d'avoir
amorc~ son d~veloppement. Trop de contradictions bloquent les pos6ibilit~s
de développement du pays.~'insuffi6ance de l'offre globale de ressources
alL'entaires apparait dans ce contexte comme le résultat d'une politique
économique qui ne tient pas compte des intér~ts et des besoins réels du
pays, c'est-à-dire des besoins de la paysannerie dont la part dans la for-
mation du produit intérieur brut demeure prépondérante (129).
La répartition des investissements ,entre les différe~ts secteurs
de l'économie togolaise, en mettant en évidence la primauté accordée aux
"
'
dépenses d'in!faetructure de communication montre à bien des égards que
l'intégration au Mode de Production Capitaliste est loin d'~tre brisée
et que le développement est loin d'être amorcé.
B) L'orientation des investissements
Avant d'aborder l'analyse de l'orientation des investissements
au Togo, il convient de lever deux types d'équivoques qui sont entretenus
.
$ .
au sujet de la théorie de l'investissealGt appliquée au pays "sous-développés'
Le premier se réfère à la théorie du "cercle vicieux du sous-
développement" le second au "principe de l'effet multiplicateur de l'inves-
tissement".
- ..
(129) D'après le document du second plan quinquennal (1971-1975) le
pour-centrage
pour'centage de la participation du secteur agricole à la formation du
produit intérieur brut s'établit comme suit de 1965 à 1969.
1965
46 %
1966
44 %
1967
45 %
1968
45 %
1969
44 %

196
a) Le théorie du "cercle vicieux du sous-développement"
Schématiquement formulér.;., la théorie du "cercle vicieux du sous-
développement" postule que dans la mesure où l'épargne est quasi-inexis-
tante dans les pays "sous-développés", il ne peut pas y avoir d'investisse-
ments j dans ces conditions, faute de capitaux, les pays sous-d~veloppés
ne peuvent financer eux-mêmes leur développement. Cette analyse s'apuie sur
les relations que les économistes établissent entre le niveau du revenu,
la consommation et l'épargne d'une part et entre l'épargne et l'investis-
sement d'autre part.
En effet "â de tr~s faibles niveaux de revenu, la consommation est
plus élevée que le revenu; l'épargne n'apparaît qu'à partir d'un certain
niveau de revenu". Le problème essentiel est de savoir si l'épargne est
,.
r-
inexistarte dans les pays sous-développés ou si elle est faible pour un
certain nombre de raison ?
- si le revenu moyen global est assez bas pour le Togo compar-asi
compara.:i ,,..
tivement à celui des pays industriels, il importe de noter toutefois qu'il
existe des écarts importants entre les différentes classes sociales, la
paysannerie étant la plus défavori8ee, les hauts fonctionnaires, les cadres
du secteur privé, la bourgeoisie commerçante étant les plus favoriés.
En fait pour les revenus les plus bas, le problème de l'épargne ne se
pose m~me pas puisque les besoins fondamentaux, c'est-â-dire vitaux ne
sont pas couverts ou ne le sont que partiellement.
Seules les classes les plus favorisées
sont en mesure d'épargner.
Mais leur épargne est faible parce qu'elles affectent la plus grande partie
de leurs revenus â acquérir des biens de consommation de luxe (alcool,
voiture, radio, télévision) qui reviennent cher.
En outre, le développement effréné de la construction immobilière
qui est en fait une pure consommation conduit à un désinvestissement en
effet, la pl'~ar~t des maisons sont construites grace aux crédits
octroyés pa~ la ·J~nque Togolaise de Développement et la Banque Interna-
tionale de l'Afrique E,ccidentale (BIAO) .â des t aux
tauX" d 'intér~ts élevés.
. â

197
Si ces maisons sont louées â des expatriés européens â des prix &lev&s,
les revenus qui en résultent ne servent pas â des investissements pr-oduc»
produc·-
à
tifs mais empruntent les circuits externes, soit pour la consommation soit
pour le rapatriement des fonds des ~anques dans les pays dominants.
~rai8 le sous-dbveloppement ~'est pas r~ductible â un ensemble
de comportements individuels ; la théorie du "cercle vicieux" ne peut
s'expliquer que sur un plan macro-économiqueo
- Dire que l'épargne n'existe pas au Togo parait erroné j nous
avions not~ en effet que la croissance de l'économie togolaise est effecti-
ve depuis 1964 mais qu'elle profite essentiellement aux entreprises et aux
sociétés étr&ngères a qui appartiennent les moyens de production et de
dmstributiono En fait le surplus potentiel, c'est-à-dire celui qui résulte
de l'activité économique nationale au cours d'une période donnée ne reste
leurs bénéfices j les banques étrangères et·
' : . ' , , j',
J',
.. les organismes tels que l'affice des Produits Agricoles du
Togo, la Caissf IL ~ionale de Sécurité Sociale, la Caisse d'Epargne préfè-
rent placer leurs fonds a l'étrangero Il en résulte que le surplus effectif
c'est-à- :lire la part du r-evenu
revem~ global qui r e s t e
restE: déduction faite .Ies
.les dépe ns os
dépensJs
de consommation est très réduit et ne peut donc servir â financer des
investissements autonomeso Le cercle vicieux du sous-développement est
une mystification dans la mesure où cette analyàe s'appuie sur l'inexistence
de l'épargne dans les pays sous-développéso En réalité celle-ci existe,
elle est potentielle, mais en raison de la ponction exercée par les pays
capitalist~., el~e ne demeure pas dans leur pays d'origine mais servent
dl.verses·
à alimenter par.voies les sources de financement économiques à l'étrangero
Dans ces conditions, quelle est la valeur réelle du principe de l'effet
du multiplicateur d'investissemento
b )-." principe de l'effet du multiplicateur de l'investissement

198
ta théorie de l'investissement comme le souligne C. FURTADO (130)
est une pièce mattresse de la théorie du développement économique. En
effet, par le jeu du multiplicateur "tout investissement a des effets
secondaires" qui provoquent un accroissement du revenu global plus important
que le montant initial de l'investissement" (131).
' .. Ce~te ~h~o;i~ d'~~spir~ii6n Ke~nesienne valable dans une certaine
mesure dans les économies intégrées, se révèle caduque quand on l'applique
à la réalité socio-économique des pays "sous-développés". En effet, en rai-
son de leur désarticulation, les économies sous-développ~es présentent des
déséquilibres structurels dus à la faiblesse des flux réel ,ou"m,ônét.aires.cm;rr
'''f
le secteur moderne et le secteur retardataire.
Le déséquilibre structurel est doublé d'un phénomène de désintégra-
tion spatiale qui se manifeste essentiellement dans l'opposition entre la
ville et les campagnes Par nilleurs, les pcnttions exercées par les pays
capitalistes sur ces-économies rendent inopérante toute théorie de l'inves-
tissement additionnel; en effet Itappropriation du surplus caractérisé
pro' le rapatriement des capitaux est opéré par deux voies: le taux de
rentabilité élevé des investissements étrangers dans le pays dn au co1t
extrêmement bas de la main-d'oeuvre ; le délai d'amortissement rapide dft
aux craintes d'un changement politique éventuel et les facilités que le
code des investissements togolais accorde aux sociétés étrangères cons-
tituent autant d'indices "de fuite" qui indiquent que le surplus effectif
est faible et que par conséquent une politique autonome d'investissement
n~est pas réalisable.
(130) Celso FURTADO
Développement et Sous-développement -
Collection Tééoria, ISEA. Paris 1966.
(131) R. BARRE
Economie Politique T. II - Ch. 2 -
p. 449-483
Collection Thèmes
-Ed. PUF -
Paris.

199
En recourant à une grande part à"l'aide" des pays capitalistes
développés pour qui la maximation du profit constitue avant tout l'objectif
primordial, les économies "sous-développées"se maintiennent dans une
dépendance de plus en plus accrue qui les'Oblige à dépenser leur surplus
effectif non à l'intérieur de leurs frontières pour l'essor d'un marché
intérieur mais à payer des dettes et à acquérir des biens de consommation
et d'équipement à l'étranger.
Dans le cadre des structures actuelles, la théorie de l'inves-
tissement s'avère complètement inopérante. En outre les investissements
sont mal orientés ainsi qu'en témoignent les données du tableau ci-après.
TABLEAU
N° 18
Récapitulation des investissements du premier ~la~
quinquennal par secteurs (en milliards de F ...9!A)
r
l
II
III
IV
V
CREDIT
CREDIT
CREDIT
COEF. D'APPRE
COEF.
CIATIOW3 DES
DE REA-
PREVU
OBTENU
UTILISE
~OURCES DE
LISATION
FINANCEMENT
DE PLAN
--'-
Equipements
Administratif
1,283,048
1,618,152
1,572,530
126,1
122,6
----_............'. --'._'~"_.-
--'._'~"_.-
Infrastructur
de oommunica- 26,544,492
44 ,492 22,290,641 19,087,990
86,5
71,9
tion, équipe"
urbains ~ tou
l
ristiques
Social (ensei
î
(ensei •
f
et santé)
3,158,939
2,311,066 '2,281,482
73,2
72,2
1
Dévelop.Rural
5,a33,306
4,574,418
4,479,418
87.,4
85,6
Industrie
Artisanat
3,828,579
5,985,222
85,222
5,474,532
4,532
156,3
143,0
43,0
Commerce
-- ~--_..
-- ~--_ _"---
..
TOTAL
40,048,364 37,439,559 32,894,952
93,5
82,1
(p. 30, in bilan du premier plan quinquennal, 1966-1970).

200
L'effort au cours du premier plan quinquenal a été surtout
centré sur les infrastructures de communication et les équipements tou-
ristiques ; tandis que l'agriculture et le secteu~ social, c'est-à-dire
la santé et l'enseignement étaient pratiquement sacrifiés si l'on tient
compte des besoins immenses du pays dans ces domaines. Il est à noter
que les investissements globaux avaient été arrêtés au départ a un mon-
tant de 28 milliards de francs CFA. Mais à partir de l'année 1968, le
plan a été réévalué et le m~ntant global des investissements porté à 40
milliards de francs CFA soit une augmentation de 12 milliards de francs
cette augmentation était de. principalement à l'accroissement du ~inance­
ment des infrastructures de communication ; en effet de 16,1 milliards au
départ, ces crédits ont été portés à 25,3milliards de francs, soit une
augmentation substantielle de 9,2 milliards de francs CFA.
Dans le cadre du second plan quinquennal la répartition des in-
vestitBements maintient dans une large mesure les orientations prises au
cours du premier plan
les infrastructures engloutissent 50,07 % des
crédits prévus contre 20,45 %à l'industrie 14,17 ~ à l'économie rurale;
10,84 %au secteur social et 3,72 %au secteur administratif.
Une autre caractéristique intéressante que révèle l'examen
du tableau concerne la répartition des investissements entre le secteur
privé et le secteur public. Les travaux d'infrastructure, tels que le
bitumage des routes, les travaux portuaires; l'équipement des chemins de
fer et l'aéronautique civile utilisent essentiellement des crédits publics
(132). Ainsi, au cours du second plan quinquennal seuls 950 millions de
francs CFA seront investis par le secteur privé dans la mise en place de
l'infrastructure de communication soit environ 3,14 % du montant global
prévu à cet effet. La participation du secteur privé au développement
rural ne représente que le tiers des crédits prévus soit 33,41 % alors
qu'elle est de l'ordre de 73,56 %quant à ce qui concerne l'industrie,
l'artisanat et le commerce.
(132) Ces crédits sont constitués soit par des subventions, soit par des
prêts accordés au Togo, remboursables à des taux d'intérêt
~levés.

201
TABL.EAU
N° l~.
Investissements prévus par le second plnn
quinquennal (en million de F CFA)
-
FONDS
FONDS
TOTAL
PUBLICS
PRIVES
Organisation
"
Administrative et
2,9 43,7
I, -.
7
4
Equipements
3,7
I, -.
Equipements Ser-
j ,
"
Ser-
vices Publics
1--- --.,..
--., ~---
-..--"-~-~--.._-
-..--"-~-~--.._-
--
'rransports et
25, 996,6
6 ,6
950
269 46,6
46,6
Communications
~ _ .
,
Equipements Ur.',
Equipements
-
7,686,0
0
11056 ,0
bains et Touris-
3,370
11056,0
Touris-
.
liques
'-~--
--
--
ro"- .....· _ -
~._-
--
ro"- .....· _
Idustrie
~._-
-
Artisallat
4,216,6
11,319,6
15536;2
Commerce
~
1
,
1Economie rurale
7,441,8
3,375,0
11176,8
6 ,8
1
ii
Enseignement
2,772,0
287,0
~
3J59
-
l-
,
rSanté
2,197,1
25,0
~
25,0
2222,1
1
-
._-
t--
-
._-
_..,--,-_.~
Socia-Cu1ture1
2,948,4
i 2948,4
2948 ,4
1
-f
TOTAL
56,203,2
19,686,6
75889,8

La confrontat~on de la répartition des crédits par secteur et des
pourcentages de participation des fonds privés au développement de ces
secteurs conduit à deux types de réflexions :
- D'abord la forte concentration des crédits sur le secteur des
infrastructures de communication au cours des deux plans quinquennaux traduit
une politique dite de la "création préalable de l'infrastructure ll
l'infrastructure •
Une telle politique établit une liaison mécanique entre infras-
tructure et "industrailisation". En effet, selon certains économistes dont
W. Rostow est le plus représentant le plus connu, les moyens de transport
en l'occurence" la construction de chemins de fer constituent dans l'his-
toire économique l'agent le plus puissant des démarrages" en raison notam-
ment des effets qu'elle exerce sur l'économie.
1- elle contribue "à liabaissement des cotlts de transport" et
favorise l'élargièsement du marché.
2- elle "permet la création de e;rands secteurs d'importation eux
m@mes sources de capitaux pour le développement interne"
3- elle "a provoq~é l'essor des secteurs fournisseurs
charbon,
fer, constructions mécaniques". (133).
Les effets attendus du développement des infrastructures de communi-
cation au Togo s'inscrivent dans le cadre d'une telle analyse. It'aut-il rap-
peler que "l'histoire ne se répète pas" et que les conditions du démarrage
industriel en Europe et notamment en urande Bretagne étaient radicalement
différentes de la Conjoncture économique actuelle des pays "sous-développés".
En fait si l'infrastructure peut provoquer l'essor des industries extrac-
tives, elle n'a en revanche aucune vertu permettant d'elle-m@me l'élargiR
sement du marché. Ce dernier dépend de la capacité de production du pays,
de l'étendue géographique et du niveau des revenus des consommateurs.
(1}3) J. FREYSSIIŒT : opus cité p. 162 -Mouton and Cie- Paris 1966.
!l
--------------------~

203
Par ailleurs, la d~teriofntion des tQrmes de l'~change rend caduc l'effet
dtentratnement que les secteurs d'importation peuvent exercer sur l'~cono­
mie globale. Comme l'a souligné J. Freyssinet;
"il n'existe pas "d'infrastructure rationnelle" engendrant la
croissance .; l'infrastructure n'est pas cr èe
cr~~e pour elle même
m~me mais parce
è
que le d~veloppement global l'exige" (134).
Dans la conjoncture actuelle, la politique de la création de l'in-
frastructure est très coftteuse du point de vue de l'endettement du pays
vis-à-vis de l-extérieur et de l'entretien des routes qui demande une
part importante du budget national. En outre, la mise en place de l'infras-
tructure de communication n'est pas convergente avec l'implantation des
industries; elle intervient dans un cadre où n'existe pas une véritable
structure industrielle interne.
- C(est pourquoi cette orientation consiste à bien des égards à
accorder des avantages indirects aux soci~tés étrangères. Dans l'hypothèse
où les travaux d'infrastructure seraient pris en charge par les investis-
seurs ~trangers, ceux-ci, sur le plan financier, allègeraient les charges
de l'Etat. Or nous avions noté que les investissements priv~s interviennent
très peu dans ce secteur
alors que les principales industries telles que
la "Compagnie Togolaise des Mines du ~~nin", "l'TJsine Textile du Dadja",
la Société Togolaise des Marbres", la Brasserie du Bénin" appartiennent pour
une grande part à des capitaux ~trangers. Le commerce Export-Import est
é·troi tement contral~ par des maisons de traite telles que la "SGGG", la
"SCOA", la "JOHN HOLT", la "UAC" et la "CFAO".
De m~me qu'en Europe, les "groupes capitalistes ont fait pression
sur l'Etat pour qu'il crée l'infrastructure", de m~me dans les pays sous-
développ~s, les monopoles font pression sur leur Etat pour qu'ils obligent
les Etats Africains à mettre en place eux-m~mes l'infrastructure de commu-
nication gr~ce à des pr~ts à long term~ et à un taux d'intér~t élevé.
(134)
Ibidem,
p. 163
~134 bis)
La CTMB avant la nationalisation

204
Ainsi, les monopoles peuvent-ils réaliser d'importaJ ~9 bénéfices tout en
disposant d'un moyen de pression considérable sur les Etats Africains.
L'amélioration de l'infrastructure permet à ces sociétés de réa~
liser des économies sur les conts de transport des produits collectés
à l'intérieur du pays pendant qu'elles vendent cher les produits dont
elles assurent la distribution. A preuve, en 1967 une tonne de ciment
co~tait 9+)00 F CFA à Lomé. Mais le cont de son transport jusqu'à Sokodé
s'élèvnit à 3 500 F. Pour Dapango, ville située à 650 Km de Lomé, le
co~t atteignait 7.000 F CFA. De m3me un kilo de sucre 60 F à Lomé contre
79 F à Dapango ; le litre de pétrole 20,5 F à Lomé contre 28 F i; Dapango 1
(135). Rien ne permet de penser que les prix diminueront quand l'axe
routier Lomé-Dapango sera complètement terminé.
Dans les deux plans quinquennaux, le secteur rural et le secteur
social occupent toujours les 3e et 4e places alors qu'ils sont, ainsi
que le confirmont les déclarations des pouvoirs publics, les secteurs clés
sur lesquels repose l'économie togolaise.
Une analyse plus détaillée de la ·..vnhtilation des crédits utilisés
pour le secteur rural au cours du premier plan quinquennal permettrait
de conclure que la répartition s'est faite surtout au profit des cultures
industrielles ; une telle orientation des investissements ne peut contribuer
à résoudre les difficulés que connaît le monde rural ; bien plus, elle
tend à maintenir les déséquilibres actuels qui sont incompatibles avec une
politique de développement national. Il ne s'agit pas de mettre en place
d'abord les infrastructures de communication et d'implanter les industries
ensuite
dans la perspective du développement, il s'avère indispensable
d'établir une liaison nécessaire entre implantations industrielles et
135 Les chiffres sont tirés du rapport Bugnicourt cité auparavant
l'augmentation des prix au fur et à mesure que l'on monte à l'intérieur
du Togo est due en partie à l'action des intermédiaires Syro-Libanais.

l05
développement de l'infrastructure dans le cadre d'une convergence graduelle
cela implique, comme l'a souligné V. DIARASSOUBA que les pouvoirs publics
concentrent "les investissements sur les points stratégiques, ce qui suppose
une hausse du taux de l'investissement productif et la création d'un ou
plusieurs secteurs de l'industrie de transformation ayant un taux de
croissance élevé" (136).
Dans la stratégie du développement, l'agriculture vivrière occupe
une place importanee et doit de ce fait bénéficier de plus d'investisse-
ments que ce n'est le cas à l'heure actuelle.
La mauvaise orientatio~ des investissements n'explique pas seule
les difficulf-és auxquelles est soumise l'agriculture ; dans l'ordre des
causes se manifeste également la mauvaise utilisation des ressources
disponibles.
Section
3°)
L'utilisation des ressources disponibles
Par ressources disponibles, nous entendons l'ensemble des inves-
tissements réalisés par des or-ganf.e..ee
organis!:es tels que"l'Office des Produits
Agricoles du Togo" et la Caisse Nationale de Crédit Agricole" dont les
interventions intéressent principalement le monde rural. Par opposition
aux investissements du plan qui proviennent pour les 3/4 de capitaux
étrangers publics ou privés, les ressources de l'OPAT,et de la Caisse
Nationale de Crédit Agricole résultent d'un surplus que recueille l'éco-
nomie nationale.
A) L'utilisation des ressources de l'OPAT
L'Office des Produits Agricoles du Togo est un organisme de
stabilisation des prix internes des cultures industrielles créé en 1964
136 Valy DIARASSOUBA : L'Associationdes pays d'Outre-Mer à la CEE -
une approche régionale à 18. solution du P1'oblème du sous-développement
économique.
Mémoire Des Faculté de Droit et des Sciences ~conomiques- Paris 1966.

206
il détient le monopole de la commercialisation des produits à l'extérieur.
Parmi les objectifs qui sont assignés à l'OPAT par la loi de 1964, l'un
des plus importants réside dans son rele de financement du développement
économique ; en effet l'OPAT est chargé de "prendre toutes mesures en vue
du développement et de l'amélior&tion de la production et du développement
des in~u~tries de transformation de ces produits y compris le financement
éventuel des recherches et des investissements à ~et effet, suivant un
programme périodique préalable, soumis à l'avis du gouvernement (137).
C'est en tant qu'organisme de stabilisation que l'OPAT peut jouer ce raIe
en effet le prix d'achat garanti aux producteurs est fixé chaque année en
début de campagne par décret. Ce prix est inférieur aux cours auxquels
l'OPAT revend ces produits sur le marché international. Ainsi les ressources
de l'OPAT sont constituées en grande partie gr~ce au travail du monde
rural. Au cours de la campagne 1969-1970, les fonds de stabilisation repré-
sentaient 62,70 % des revenus enregistrés par l'Office et s'élèvent à ,
l 660 000 000 de F CFA. Depuis la création de l'OPAT, ses réserves attei-
gnent 9 milliards de F CFA. (138).
Si les ressources de l'OPAT sont constituées par les prélèvements
effectués sur les prix des produits agricoles, les efforts d'investissement
de l'Office doivent tendre avant tout à développer le secteur aericole et
(137) Les autres objectifs de l'OPAT sont :
Assurer le maximum de stabilité des prix aux producteurs pour
les produits dont il asàure la commercialisation.
- Contr81er l'achat de ces produits aux producteurs.
- Exporter et vendre ces produits aux meilleurs conditions.
- Développer et entretenir les routes de desserte des zones rurales.
- Consent ire des prats de commercialisation à des taux raisonnables
aux coopératives agréées.
(138) Document ronéotypé, 8 pages -OPAT - Lomé.

207
particulièrement l'agriculture vivrière; il n'existe pas, dans la pers·
pective du développement, une opposition entre agriculture vivrière et
culture industrielle mais une liaison étroite qui doit à long terme accorder
la priorité à l'agriculture vivrière par une répartition plus adéquate des
investissements; ceci nous parait d'autant plus vrai qu'une politique
d'amélioration des cultures industrielles se heurte très t8t à des limites
qui trouvent leur origine dans la fluctuation des prix sur le marché inter-
national. Pour ne prendre qu'un exemple, au cours de la eampagne 1969-l97G,
G,
la tonne de cacao a procuré à l'OPAT un revenu de l'ordre de 117 000 F CFA
l'année suivante l'office tirait à peine 44 000 (139) F. CFA de la m~me
tonne de cacao.
Ces contraintes, loin d'infléchir la politique des investissements
dans la perspective du développement et de l'amélioration des cultures
vivrières se révèlent plutat dans l'optique des pouvoirs publics, comme
des maux nécessaires avec lesquels il faut compter.
Un rapport sur l'or~~ntation des investissements de l'OPAT et
leur impact sur l'économie 'nationale indique la répartition suivante par
secteur :
- Production agricole
133,7 millions
soit
2,8 %
- Infrastructure
2103,0
- Infrastructure
"
soit
45,0 %
"
soit
45,0
- Industrie
1437,0
"
soit
30,8 %
"
soit
30,8
- Commerce
398,0
"
soit
8,6 %
"
soit
8,6
- Divers
600,0
"
soit
12,8 %
"
soit
12,8
A l'instar de l'orientation des investissements prévus aux premier
et deuxième plans quinquennaux, ceux de l'OPAT sont en grande partie (soit
45,0 %) ~onsacrés à l'infrastructure de communication; l'idée de désenclavel
les z8nes product~ines de café et de cacao répond certes à des impératifs
économiques et sociaux (collecte et acheminement des produits plus rapides,
(139)
Idem

208
:
réduction des frais de commercialisation par avaissement du co~t de transport \\1
etc.a.) mais progressi,ement l'OPAT en est arrivé, de l'avis m~~e de certains!
responsables, à " construire routes et ponts un peu partout et cela sans aucu~
rapport avec cette référence" 0.'0).
f
Le secteur agricole avec 2~B % des investissements est ainsi relégué
au dernier rang. Il est vrai que l'Office des Produits Agricoles du Togo
prend des participations dans un certain nombre d'industries de transfor-
mation.
(140) Voici les projets ancienB et nouveaux de l'OPAT concernant les routes
et les ponts
1°) ~ojets anciens
- Adeta-Apéyémé-Ahlon- Frotière (Dayes)
- N'Digbé - Yikpa (Dayes)
- Badou - Kpélé - Béna
- Dzogbégan - Drédramé (-1-)
Lama - Kara - Gnanbade (réfection)
- Bafilo - Bassari
- Route Adélé
- Pont sur l'Anié
- Pont sur le Borghou
- Route Bas...Mono
2°) Projets nouveaux (exercice 19~~l971)
- Région Savane (Ponts et Routes
- Route Yélivo - Aleheride
- Pagouda (Pouts)
- Ponts sur 10 Katchn et le Gnintim
- Pont sur la I(éran
- Pont sur le Na
- Limite route (bitumage) etc •••
Document réalisé OPAT, p. 47.

209
Ainsi, il détient près de 59 % des actions de la compagnie du
Bénin (141), 64 % de celle de la société togolaise des plastiques,
43 % des actions de la société togolaise des marbres qui connaissent toutes
à l'heure actuelle d'importantes difficultés et sur 1esq~e11es l'OPAT n'exerc<
aucun contra1e.
D'ailleurs la plupart de ces industries, en dehors de quelques
emplois créés et des revenus fiscaux qu'elles rapportent à l'Etat, n'ont
aucun effet d'entralnement réel sur l'éconmmie togolaise dans le sens d'une
véritable industrialisation. A la lumière de ces données, il y a lieu de
conclure à une mauvaise utilisation des ressources de l'OBAT, un organisme
(141) La "Compagnie du Bénin"
ou Féculerie de Ganavé est une société
d'économie mixte qui assure la transformation du manioc en tapioca, et en
fécule. Ces produits sont entièrement destinés à l'exportation. La féculerie
connait d'énorme difficultés d'approvisionnement dues à une production
essentiellement paysanne. Les repports de cette industrie avec l'environ-
nement social sont du type capitaliste le plus "sauvage" ; les paysans
avaient été encouragAs à produire beaucoup de manioc pour l'USine, mais
lorsque l'offre de manioc a largement dépassé la deRande
c'est-à-dire la
capacité de production de l'usine, celle-ci a refusé d'acheter l'excédent
de manioc. Ainsi, pour les paysans la perte est double ; la transformation
du manioc en tapioca et fécule pour l'exportation se fait au détriment de
la consommation locale ; en outre l'excédent non acheté est pratiquement
gaspillé. Cette situation a conduit l'an dernier les paysans à transformer
en gari pour la consommation locale, la plus grande partie de leur production
de manioc provoquant ainsi l'arrêt de l'usine. Autre conséquence : les
ouvriers de l'usine ont été mis en ch8mage technique sans salaire ni indem-
nisation par exemple au cours du mois de juillet 1972.

210
qui devrait être avant tout au service des paysans et qui devrait promouvoir
le développement de l'agriculture vivrière et sa transformation dans le
cadre d'une véritable industrialisation (142).
Cette phrase tirée d'un rapport sur les activités de l'OPAT en
dit long sur la mauvaise utilisation de ses ressources :
"Nous ne devons perdre de vue le fait que l 'OPAT est un office
de commercialisation des produits agricoles. Nous constatons avec angoisse
que l'effort pour l'amélioration de la production est relativement peu
élevée".
En réalité, comme le souligne toujours le rapport,
"le fait est qu'on force la main à l'OPAT p~Jl1'endre partic1;Ptl...
tion dans des sociétés de rentabilité douteuse en lui refusant en m~me
temps le moyen de suivre et d'améliorer la gestion de ces entreprises"'143).
(142) Il convient de préciser tant soit peu cette notion d'industrialisation
Dans la conjoncture économique actuelle du Togo, caractérisée par la main-
mise étrangère sur les moyens de production et sur les ressources d'indus~
tries de transformation sans liens les unes avec les autres n{ avec l'en-
vironnement immédiat. Ces unités de production répondent le plus souvent
à des impératifs qui sont en contradiction avec les intér~ts réels du pays.
L'industrialisation doit être conçue à ce titre comme le fondement réel
du développement ; elle implique un progrès en organisation et en outilla-
ge, la difinition de nouvelles farmGs d'accumulation (monétaires et réelles;
et une planification véritablement démocratique. Elle suppose réunies un
certain nombre de conditions politiques et économiques qui mettent en
cause les intérêts des pays dominants.
(143) Souligné par nous.

211
B) L'utilisation des ressources de la
Caisse Nationale de Crédit Agricole
La Caisse Nationale de Crédit Agricole est un organisme dtEtat dont
la dotation en capital est entièrement nationale soit 110 millions de F. C}'A
D'après un rapport de la Caisse sur la distribu~on du crédit au cours
<~\\M:'.
.
de l'exercice 1970-1971,. 80,10 % des prêts soit environ 270 millions de
F.CFA sont allés R la commercialisation; le reste soit l'équivalent de
67 millions (19,90 %) étaient affectés à la culture et au petit équipe~cnt.
Mais il convient de souligner que de la grande partie des pr~ts de commerw
commer
cialisation Boit 80 % étaient consacrés à la commercialisation du café et
du cacao et le rapport souligne à juste titre
" Or chacun sait que le prix mondial de ces deux produits est
de plus en plus sujet à des fluctuations importantes devant lesquelles
1
les pays africains et plus particulièrement le Togo restent impuissants.
Il conviendrait que l'on prévoie à plus ou moins long terme les consé-
suences tragiques de la continuelle détérioration des termes de l'échange
en apportant une participation toujours plus grande dans le dév~l~~emen~
et le financement des cultures vivrières" (144).
Cette cit."'n se passe de tout commentaire et met en lumière le
fait que l'action de la caisse nationale de crédit agricole est davantaGe
axée sur les pr~ts à la commercialisation des cultures industrielles au
détriment des cultures vivri~res ; d'~illeurs la caisse nationale s'in-
téresse à d'autres secteurs économiques qui ont peu de rapports avec le ,
développement agricole .En effet ,au cours de l'exercice 1970-1,971 sur

onse organismes ayant bénéficié de c\\,écoUlrerts à la caisse, sixp' entre eux
n'ont rien à voir avec l'agriculture. Comme le révèle le tableau'ci-après.
(Ces entreprises sont marquées d'une croix.
(144) Souligné par nous.

212
--'------..-;.;..------------~r-------·-~-
--'------..-;.;..------------~r-------·-~-
ORGANISIvlES
MONTANT (en F. CFA)
1°_ Entreprise des b~timents
24,762,195
62,195
2°_ Société Togolaise de Boucherie
167,772
67,772
3°_ Compagrie du B~nin
46,350,264
0 ,264
4°_ SORAD Maritime
3,792,049
5°_ Société Togolaise d'Expansion Economique
360,861
6~- Sociét~ Nationale pour la R~novation et
le D~veloppement de la cacaoyère et la
15,366,919
66 ,919
caféière
7°_ Entreprise Togolaise de Construction
4,447,010
8°_ Entreprise Générale d'Entretien
Peinture-B~timents
1,101,304
04
9°_ Entreprise Kloto'
1,531,077
10°_ Entreprise d'Electricité domestique
et Industrielle
2,,239,610
11°_ Entreprise Générale de plomberie
3, 469,
469, 863
863
t-~----------------------+_-----~,~-.---t
TOTAL
103,588.924
103,588.924
En Réalité, la Caisse Nationale de Crédit Agricole joue le rale
d'un organisme bancaire qui essaie de drainer l'épargne de la ville pour
financer le développement du monde rural; mais en tout état de cause;
elle doit se mo~trer plus exige~tJBur la nature des activités de cer-
tains de ses clients afin d'éviter le gauchissement de son objectif
principal.

...
213
La mauvaise orientation des investissements et la mauvaise uti-
lisation des ressources disponibles, ainsi que nous venons de le montrer
à travers l'analyse des deux plans quinquennqux et celle des interventions d
l'OPAT et la Caisse Nationale de Crédit Agricole, ressortissent en dernière
alalyse à la nature du régime socio-économique et politique du Togo j en
effet, dans le cadre d'un capitalisme d'Etat où prédominent les intér~ts
d'unités de production contr81ées par le capitalisme international, les
contradictions fondamentales, la recherche et la maximation du profit d'un
cSté pour le capitalisme et les exigences du développement rapide pour
les masses paysannes et ouvrières, bloquent teute possibilité de dévelop-
pement autodynamique. Les structures de développement et les institutions qu(
le que soit leur inspiration, demeurent le plus souvent inopérantes parce
que les conditions de leur efficacité n'ont pas été réunies. Il en résulte
que la paysannerie Togolaise dont la participation à la formation du pro-
duit intérieur brut est relativement impo~tante (44 %) devienne la princi-
pale victime d'une politique économique soumi e à la pression du capital
étranger.
Aussi le débat sur l'intégration de l'agriculture vivrière dans
le développement, au-delà de ses aspects techniques appara!t-il également
comme un débat politique, c'est-à-dire celui du choix d'un type d'organisme
socio-économique nouveau qui détruise les rapports de production actuel.
et ses prolongements socio-politiques.
Section
40
4 ) L'intégration de l'agriculture vivrière dans le développement.
Deux aspects de ce problème retiennent notre attention : un
aspect technique et géné~al qui concerne en fait la détermination de la
place respective de l'agriculture et de l'industrie dav~ le développement
un aspect particulier ou poli tique qui co: reer-ne
1cerne les l":aPÎ'Q:;.'ta en t r-e L
~ntré·1'Etat et
r
la paysannerie dans un pays sous-développé.

214
A) L'aspect technique
L'analyse des différents stades du processus de croissance des
économies européennes et le caractère d'actualité que rev~t l'exieence de
développement des pays dits du TierE- Horideconduisent à définir les rapports
entre l'agriculture et l'industrie et leur raIe respectif dans le dévelo,-
pernent. A cet effet, deux thèses fondamentales s'affrontent. J. Fresr;inet, a
la suite d'Isaac Guelfat (145) les articule entre partisans de l'"agro-
centrisme" et ceux de l'''industrio-centrisrne''.
1°_ "l'agro-centrisme"
J. Freyssinet résume en ces termes les arguments des tenants de
l'llagro-centrisme".
a) "les progrès dans l'agriculture sont nécessaires pour dégager un
surplus alimentaire permettant d'entretenir la population industrielle ll
industrielle •
b) "le développement agricole en augmentant le revenu des paysans
permet de dégager une épargne qui contribue au financement des investisse-
ments industriels et d'autre part, entratne une augmentation de la demande
de produits industriels, atténuant l'obstacle de l'étroitesse du marché
intérieur".
c) "les exportations de produits agricoles permettent de finailcer
l'importation de biens d'équipements et éventuellement des matières premières
nécessaires à l'industrie" (146).
L'idée fondamentale de cette thèse consite à affirmer que le d&-
veloppement agricole conditionne celui de l'industrie. Abstraction faite
de son caractère unilatéral, il importe de souligner sur un plan tout à
fait général que le développement agricole est 1ui-m@me déterminé par les
progrès réalisés dans le secteur industriel. La révolution industrielle
inaugurée au milieu du XVIIIe siècle en EurCJj'1:e a permis à l'agriculture de
réaliser d'i;,-;portants progrès. Le déve1oppe~lJt
déve1oppe~lJt industriel a créé une

----~-----------------------------------_.,.-
----~--------------------_._-------------_
.•-----
(145) l. Gm:LFAT : Doctrines Economiques et P!'l711 en Voie de Déve1oppemont -
Cité par J. Freyssinet opus déjà cité p. ~7 - Paris 1966.·
(146) Ibidem p. 159

215
situation in~dite sur le plan technique et bconomique et a fini par faire de
l'agriculture une "branche de l'industrie". Est-ce-à dire que l'industrie;
est le secteur déterminant dans le développement ?
2°_ "l'industrio-centrisme"
Pour les partisans de l'industrio-centrisme, l'industrialisatioL
doit ~tre prioritaire pour les raisons suivantes :
a) "elle joue un raIe révolutionnaire en faisant éclater les
structures réationnaires et les mentalités tradi tionne TLe s
lIes et en Lnt.r-o dui ean t
introduié;ant
un comportement économique rationnel"
b) " les possibilités de l'industrie sont infinies alors que
celles de l'agriculture sont limitées du double point de vue de la pro-
duction et de la consommation"
c) flell e permet d'absorber la main-d'oeuvre excédentaire qui
résulte du ch8mage déguisé dans l'agriculture et dans le tertiaire".
A l-encontre de cette thèse, il convient de rappeler 8vec 1.
Guelfnt que l'implantation d'industries dans un environnement social plus
ou moins retardataire et dans le cadre d'une agriculture arriérée "ne
Il ne
peut
se développer qu'en liaison avec l'extérieur" et accentuer la dÉ-sarticuln-
tion de l'économie. En fait, en dehors de quelques critiques partielles q~'on
peut adresser à l~une et à l'autre de ces thèses, les partisans des deux
bords sont renvoyés des à dos parce que dans le processus du dêve Loppeuert ;
développeucl.'t;
il existe une liaison dialectique entre développement agricole et dévelop-
pement industriel. Aussi le fonds du débat revient-il de savoir quel eGt
le secteur prioritaire et quel est le secteur "moteur"(147) à une étape
donnée dans le processus de développement.
(147) J. Freyssinet définit le secteur moteur comme étant "celui qui à un
moment donné du processus de développement exerce une action irréversible
et cumulative sur le développement de l'ensemble, celui qui tant pé1.P S.a
croissance propre que par les effets d'entrainement qu'il exerce sur les
autres secteurs, exerce l'effet global le plus fort sur le développement de
toute l'économie"
- Opus cité p. 158.

216
Si nous nous référons au Cas du Togo, i l ne fait aucun doute que
le secteur agricole demeure à l'heure actuelle prioritaire eu égard à lü
pénurie des ressources alimentaires; mnis l'industrialisRtion doit ~tre
le moteur du développement car le processus de transformation des structures
socio-économiques exige des interventions à long terme. En définitive, i l
s'agit de
concevoir l'industrialisation comme un phénom~ne global qui
inclue la transformation de
l'agriculture elle-même et où s'insèrent de
manière coh~rente les priorités définies sur la base des besoins réels du
pays.
Or c'est sur ce point que des intér~ts contradictoires entrent
en jeu. C'est pourquoi~ au-del~ de ses aspects techniques le problame de
l'intégration de
l'agriculture vivrière dans le développement rev~t un
caractère politique.
B)
Les implications politiques
Le probl~me de l'intégration de l'agrculture vivrière dans le
développement rejoint celui des rapports entre la paysannerie et l'Etat
dans un pays "sous-développé". Selon la nélture de
l'Etat,
le problème
recevra des solutions différentes car en fait,
derrière celle-ci se profi-
lent Le n
1er:: rapports de
classes entre 166 .·e~fférentes bourgeoisies (poli tico-
bureaucratique,
compradore) et la paysannerie. L'objet de ce débat r-ev i errt
revie"t
à mettre en lumière à partir de l'exemple du canton de Kuma, les contra-
dictions qui existent entre l'Etat et la paysannerie en produisant le d6cu-
lage entre les besoins exprimés par cette dernière et les objectifs écono~iqu(
que l'Etat s'est définis dans ses plans de
développement. Dans cette pers-
pective,
l'importance de
l'agriculture vivrière dans le développement s'in-
troduit en fonction d'une problématique qui peut s'articuler autour de deux
concepts que nous empruntons à D.
de
Bernis
"le concept de consomma-s
consomma-·
tion n&cessaire ou incompressible et celui de "consommation de
dév81~l~~­
dév81~l~~­
ment".
L ~ concept de "consommation nécessaire ou "incompressible" S'ÜiS-
crit dans le cadre d'une conception Globale de l'investissement dans un
pays souc-développé. Dans la conjoncture actuelle de l'économie togolaise,

217
caractérisée par une pénurie de ressource alimentaires,
donc de sous-"üi-
mentation et de disette pour certaines régions,
l'agriculture peut-elle
@tre utilisée pour financer le développement ?
UBe &tude des comptes ~conomiques de la nation a ~tabli que le
Togo manife:te des possibilit~s d'investissements limitées dans la mesure
où l'apargne publique est faible. Par ailleurs, bien qu'aucun étude sérieuse
n'ait été men~e jusqu'à ce jour sur l'~part~ne privée, on peut estimer cepen-
dant qu'elle est ~galement faible; en effet l'~pargne ne se dégage qU'G
p~til' du moment où le revenu augmente de manière harmonieuse pour toutes
les classes sociales. Dans l'état actuel des choses, la hausse du revenu
intéresse une minotité privilégiée et se porte sur la demande de biens
externes en provenance des pays dominants. En outre les ressources dis-
po r i.b Le s
po:ibles sont mal utilisées ainsi que nous avions essayé de le ,;:t;.' ;:'.
Dans la mesure ~~~!~e' possibilités de financement ~nternes des investis-
sements proviennent du secteur a!ricole et particuliirement des cultures
industrielles, doi~-on continuer à développer davantage ces derniers en
vue de dégager un surplus pour le développement? Outre les limitations
imposées à une telle politique par le marché international, le déficit
vivrier ne peut que s'accentuer; les importations de ressources alimen-
taires servent uniquement à maintenir le statu que.
c'est-à-dire la dépen-
dance vis à vis de l'extérieur et à l'intérieur la survie de la popu12tion
et le fonctioncement de l'économie. à son rythme actuel excluant tout dévelop·
pement. La consommation incompressible caractérise la situation actuelle
du Togo i
les efforts en vue de l'amélioration du secteur agricole, Lo i n
loir.l.
de contribuer à l'augmentation du niveau de vie des paysans
s'avèrent
inopérants parce qu'ils ne répondent pas a l'ampleur des besoins exprill'élJ.
C'est pourquoi.
concevoir le développement sur la base de l'orientation
actuelle des investissements globaux et de la structure des importation~;(148)
(148) L'examen de la structure des importations du Togo entre 1965 et 1969
donne les résultats suivants pour ce qui concerne la part de la consommation
dans les importations globales :

218
revient tout simplement à bloquer toute possibilité de démarrage à accrottre
la pauvreté des classes les plus défavorisées en particulier la paysannerie
La notion de consommation de développement, en revanche, implique la p~ise
en considération non seulement des besoins quantitatifs mais également les
besoins qualitatifs tels que ceux de la santé, de l'enseignement et de
l'éducation.
Selon le professeur D. de Bernis, elle englobe "p:n ensemble de
biens et services qui sont indispensables pour assurer le développement
de l'économie parce qu'ils constituent à la fois des progrès dans le niveau
de e.tisfaction et la condition d'un accroissement de la capacité de pro-
duction de la force de travail".
(148) e.ite
1965
1966
1967
1968
1969
51 96
59 ~6
61 %
58 %
58 %
(Ces poucentages représentent la part de l'alimentation, des boiG-
sons, du tab~c et des produits finis pour la consommation; ils sont calculés
à partir des chiffres fournis par la revue Marchés Tropicaux - N° Sp&cial
sur le Togo, Décembre 1970)
Ces pourcentages élevés montrent que les importations sont grevées
de biens de consommation finale qui n'est donc pas destinée à créer une
situation irréversible dans la voie du développement.
En outre, la part de l'alimentation, des boissons et du tabac
constitue une charge importante
1965
1966
1967
1968
1969
33,8 %
38 %
37 %
32 %
35 %
En outre 1969 et 1970 la part de ces biens a progressé de 27,82 %.
Cette structure s'explique par ce fait qu'une minorité privilégiée demanàe
à l'étranger une partie des biens qu'elle consomme, ce qui a pour effet d'om-
p~cher la formation d'un marché intérieur et par là m@me la formation d'une
épargne importante.

219
Or 2U Togo l'orientation des investissement révèle bien que
les secteurs les plus négligés sont effectivement ceux de
la santé et de
l'enseignement. Si les crédits affectés à ces secteurs représentent
en
absolu une somme importante, i l n'en demeure pas moins que par rapport
aux autres secteurs, la santé et l'enseignement n'apparaissent nullement
comme étant prioritaires. Une analyse comparative de
l'évolution des
dépenses budgétaires depuis 1964 permettrait de montrer que le secteur
de l'enseignement ou de la santé ont progresse moins vi te que 'à.
'à. '~:n·crêG '"
..
. , . ';~~
. , .
• . t:.
Une telle politique contrarie en fait les besoins réels des
populations ; si nous nous en tenons & notre enquête sur Adamé (149) la
santé et l'enseignement rentrent dans la catégorie des besoins priori-
taires des paysans
Parmi les besoins du village classés par ordre d' iE1por-
0
Parmi les besoins du village classés par ordre d'
0
tance décroissante, en dehors des routes qui constituent ici un probl~@e
particulier, la santé et l'enseignement viennent en tête avec respective-
ment : 73,45 % et 52,21 % des réponses.
Pour ce qui Concerne les besoins de santé,
les ré~onses s'ordon-
nent autou~ des nécessités suivantes: dispensaires, infirmi~re, h8pitnl,
phar mac Le
phF<Tmncie et sage-feml',.e
En réalité la santé laisse à désirer
; pour un
0
En réalité la santé laisse à désirer
; pour
0
village de 1581 habitants,
i~ n'existe qu'un dispensaire mal équipé, avec
une matrone qui se char~e pratiquement de tout les soins. Bein qu'il
existe dans le canton, à Kouma-Tokpli un dispensaire plus important,
l'état très défectueux des routes rend absolument difficile l'évacuation
des malades ; d'ailleurs elle se fait plus souvent en hamac ou à dos
d'homme,
ce qui condamne à une mort certaine les malades gravement atteints.
-~~------------------------------_.-
(149) AdQ~é n'est pas représentatif de tout le ,ays mais en tant que cas,
ce villa~e manifeste des besoins précis qui sont 0ignificatifs des aspi-
rations du monde rural.

220
Quant à l'enseignement, outre qu'il est la transposition d'un
"système éducationnel étranger
présentant un caractère intellectualiste,
encyclopédique, s Le c t i fr'o t
sélectifilt~t paternaliste"(150), son coût
catH dépasse de loin
è
les possibilités du paysan et les bourses sont rares. Rien d'étonnant d~s
lors si les pr~ts de culture, les avances de campagnes sont difficilement
remboursés par les paysans. Il est de notoriéjé publique que dans les régions
productrices de café et de cacao, les demandes de prêts se manifestent
surtout au moment de la rentrée scolaire. Par exemple sur 200 000 }' CFA
de pr-ê t s
pr~ts de culture distribués °en 1969 dans le canton de Kuma par l'Union
des Coopératives en vue du nettoyage des plantations, 90 000 sont revenus
à Adamé. Mais ces pr~ts n'ont pas été encore totalement rembours~s. De
l'avis des responsables, près de
cinq millions de F CFA avaient été distri-
bués en 1969 aux coopératives de la région de Kloto
1ais jusqu'à ce jour
ces sommes n'ont pas été récupérées. Tout permet de
penser qu'elles n'ont
pas uniquement servi à célébrer des funérailles ou des mariages nuanc1 on
considère l'ampleur des besoins sociaux qualitatifs des paysans
Dans la perspective du développement,
l'augmentation du niveau
de vie des paysans constitue une priorité absolue
; mais cette augmentation
ne peut résulter d'un surplus économique dggagé a partir de l'agriculture
seule; bien au contraire, c'est l'augmentation du niveau de vie des
paysans qui déterminera l'augmentation du surplus agricole car en fait
~----~~-------------------~.~~-~~~_.
(150) Rapport Bugnicourt
: l'enfance et la jeunesse dans l'espace Togol~is
-UNICEF Décemtre 1971 - Conclusion du groupe de Travail "Emploi" (p.84)
l

' J '.
. t .
1.....
1.....

221
l'accroissement de la productivit6 est li~e â Itam~lioration de la nourriture
de la santé et de l'éducation. Dans la mesure où dans les pays "sous-déve-
loppés"
l'Etat constitue le principal agent de
d~veloppement,
d~veloppement, les d6pensea
publiques doivent s'inscrire dans cette perspective ; en d'autres t er-me s ,
terlJleS,
elles doivent tendre sur la base des véritables priorités â creer une si-
tuation irréversible en vued'un dé\\eloppement "autocentré".
Le
développement implique l'intégration de l'agriculture vivripre
dans un processus de transformation agro-industrielle, une réallocation Jos
ressources en faveur des .ecteurs qui lui sont Ld s
li~s (santé et e n se Lgnome n t )
enseignCl:lcnt)
ê
et une revalorisation du travail communautaire cette transformation rr'e~t
possible que dans un contexte où les rapports de
force entre l'impérialiscc
et l'Etat bourgeois d'une part et la paysannerie d'autre part se modifient
progressivement en faveur de cette dernière sur la base d'une stratéGie
authentiquement cumulative
Strat~gie de transition, elle est avant tout
pratique, en ce sens qu'elle est fondée sur une lutte pour l'émergence
d'une consvience claire des exigences du développement et pour un "progrôs
économique rapide"
(152). A cet égard les interventions des organismes
de
développement prennent un reJi6r
particulier dans la mesure o~ ils Gent
amenés ~ agir sur le milieu paYb~n tant par l'animation rurale que par
l'encadrement technique. Il importe donc â partir de l'exemple du canton
de Kuma,
d'analyser les actions d'organisme telles que les SORAD et les
Coopératives.
--~-~----------------------------~
..~.•..~
--~-~----------------------------~
..~.•..
(15!) Pour Samin Amin "c'est dans la mesure seulement où l'objectif de
maturation et de
développement de
la conscience socialiste n'est sacrifi8
à aucun stade à celui du progrès économique rapide qu'une stratégie peut
Otre qualifiée de stratégie de transition.
HIn le développement inégal" Edition de Ninuit p. 42 Paris 1972.
Nous ne sommes pas d'accord avec cette conception de la stratégie de traE::i-
tion "car pour bon nombre de pays aous-cdève Loppès "
sous-développ~s" en particulier les paye
pa;,rs
africains le probl~me est moins à l'heure actuelle de construire le socialisL
que d'opérer la révolution démocratique nationale, et soci:de, -c '
oC' 8ot-à-
dire la conquête.
1
j

222
CHA PIT R E
II
LES POLITIQUES D'INTERVENTION ECONOMIQUE
Si les exp~riences de Coop6ration remontent â l'époque colonin10
en revanche les SORAD (153) ont été mises en place en 1965 en tant que cadre
institutionnel pour le premier plan quinquennal du Togo. Différentes par leur
origine, leurs structures et leur f'ou ct Lon.ieme rrt
fOIlctio;'hlement t elles se caract é:eiscl'.t
cependant par une polarisation commune sur le développement des culturcG
industrielles
Section 1°)
L'action coopérative dans le développement
Depuis l'époque coloniale, différentes expériences ont été menées
au Togo, mais elles n'ont pas pu résister ~ l'apathie des milieux ruraux,
dans la mes ur e
[J1esure où elles s'inspiraient des méthodes autoritaires, no t amr
notamr .e rrt
;ent
sous le régime colomial et d'une insuffisance de mobilisation, a partir
de l'année 1959. Dans le cadre de ce chapitre, nous aborderons plus spécia-
lement ~ travers l'organisation coop6rative de la r~gion de Kloto, le cas du
canton de Kuma.
-~~~~--------------------------~~---".~
-~~~~--------------------------~~---".~ "-'
(152 cuite) des libertés démocratiques et une indépendance politique effec-
tive vis-à-vis des pays dominants. En outre, on peut bien sacrifier ~ un
moment donné le développement rapide si la Lu t t e
luttE" 'l:'i;xige.
Ainsi, on conce~vait
conce~vait tr~s bien que les masses paysannes et oubri~re8 d&cident
d'arr~ter la production d'un certain nombre de biens qui procuraient certos
des ressources au pays - mais qui maintenaient sa dépendance politique et
éconoDique vis a vis de l'é'ranger. La politique de destruction - restructurf
tien cosciente et calculée fait également partie de la stratégie de trf':'.'"
sition.
(153)) SORAD
Sociétés Régionales d'Aménagement et de Développement.

223
A) Aperçu historique :
Entre le 21 f~vrier 1931 et le 5 juin 1959, un ensemble d'exp~­
rier.ces, une série de
tentatives d'organisetion de la production agricole,
ont été faites au Togo, mais elles ont toutes échoué en raison de leur
caractère autoritaire et paternaliste. L' éche c des premièreti coopêr a t Lvoc
coopérative,::
togolaises,
des "sociétés Indigènes de Prévoyance" et des "Sociétés Publiques
d'Action Rurale" en constitue un témoignage éloquent.
1) Les "Sociétés Indigènes de Pr~voyance"
Pr~voyance" :
Avant la création des Sociétés Indigènes de Prévoyance, le 3
novembre 1934, plusieurs expériences de coopération
ont été tentées mnis
elles ont rapidement tourné court. Ce fut le cas de la société coopérative de
Sokodé, de la société agricole d'Aného et de ••11e.dt.Lomé.
-
La société coopérative de Sokodé fut créée le 21 février 1931.
Elle~ait pour but de défendre les intér~ts agricoles et économiques de
la région. Le 1er avril de la même année, elle prit possession de la plan-
tation de Kassena,
d'une superficie totale de l
000 ha, mais très t~t les
sociétaires se désintéressèrent de son fonctionnement. u e u x
eux ans plus tard
elle devait ~tre placée sous la gestion du service de l'Agriculture.
Quant à la Société Agricole d'Aného, créée le 2 septembre 1931,
elle avait pour but, de corplanter la région d'Agome-Glozou d'arbres
fruitiers: mais l'expérience s'est heurtée à de nombreuses difficultéG et
la société dut disparattre rapidement. Enfin, la société Agricole de Lomé,
société anonyme au capital de 100 000 F CE'A,
CE'A, s'était engagée à entretenir
les plantations deTogblekop€
et les coooteraies administratives de Lomé qui
lui avaient été octroyées par les pouvoirs publics. Elle recevait en
contreparti:
50 000 F CE'A de subvention remboursables par tr~mestre
pendant cinq ans. En dépit de quelques encouragements, cette expérience
fut int~rrompue. L'administration entendait doter tout le pays de structures
nouvelles
en vue de la rationalisation de la production agricole. Ce fut
l'origine des sociétés indigènes de prévoyance.

224
a) Objectifs
Les sociétés indigènes de prévoyance avaient pour but de mettre
en plnc(,
~u niveau des cercles administratifs, les infrastructures a~ricol~'
par la construction de routes,
de marchés. et par l'installation de matSriel
agricole, tels que les moulins i
ma~s, les concasseurs de ~oix etcooo
Elles devaient s'occuper également de la vulgarisation des cultures indus-
trielles notamment le café et le cacao et approvisionner les paysans en
semences sélectionnées.
Enfin, elles devaient i
l'instar d'une association d'entraide,
contribuer i
la naissance d'un réflexe économique orienté sur l'épargne.
A ce titre, elles étaient dotées d'une caisse de secours. qui octDoie
des pr~ts agricoles individuels aux paysans. Les ressources étaient consti-
tuées par des cotiSations obligatoires payées en même temps que l'impat
de capitation et pnr les recettes provenant de la vente des récoltes Jes
champs Ctppartenant RUX "SIpll.
b )
b) Composition et fonction~ent
Les SIP se signalent essentiellement par leur caractère autori-
taire et par des méthodes de gestion non démocratiques. En eîfet les
cultivateurs, et les éleveurs de statut indigène qui vivent dans le reS30rt
de leur circonscription en font obligatoirement partie. Elles étaient
dotées d'un conseil d'administration de sept membres nommés par l'assem-
blée générale des chefs et choisis exclusivement parmi les notables des
vfllages. Le chefs de la circonscription administrative, repr&sentant le
pouvoir colonial assumait les fonctions de pré~'ident.
Le vice-pr~sident
vice-pr~sident du conseil d'administration était dési~né par
le pouvoir centra). é'l.i .r s
,rès avis du commandant de ce r-c L':
cerclr ,, sur une liste dé'
è
trois membres présentés par le conseil. Enfil , le secrétaire du conseil
occupait en m~me temps, les fonctions de trésorier. Ces fonctions étaient
g~néralement remnlies par l'agent sp6eial de la circonscriptipn~ ~u le
préposé du service du trésor.

225
Par leur composition, les sociétés indigènes de prévoyance,
éliminaient d'office les principaux intéressés, c'est-à-dire les culti-
vateurs ; elles apparaissent de ce point de vu r
vu •
comme des instruments
de la politique coloniale. et non comme des organismes ayant pour vocation
de défendre les int&r@ts vitaux du monde rural.
D'ailleurs. la gestion des Soci&tés Indigènes de Prévoyancr.
confirme largement cette orientation.
En effet sur le plan del~ gestion, seule l'administration exer-
çait un double contr81e
par l'intermédiaire d'un fonctionnaire délégué ù
cet effet par le gouvernement et par celui d'une commission centrale des
S.I.P. constituée au chef lieu, et regroupant en grande majorité des
fonctionnaires représentant le pouvoir central. Cette commission était
chargée d'examiner et d'approuver les budgets et les comptes de gestion
de s IIE, ~- l • .p • " •
D'une façon générale, les "Sociétés Indigènes de Prévoyance li
Prévoyance
se sont heurtées à de nombreuses difficultés dues à l'hostilité des popu-
lations qui assimilaient les cotisations obligatoires à un impet déguisé,
aux détournements opérés par les responsables et à l'utilisation des
fonds à des fins politiques. L'expérience des S.LP. devait prendre fi'-
le
5 Juin 1959
par la promulgation d'une n~uvelle loi
les supprimant et
qui leur substituait les sociétés Publiques d'action rurale.
2°) Les sociétés Publiques d'action rurale
:
Les Sociétés Publiques d'Action Rurale (S.P.A.R.) ont repris
pour l'essentiel les activités des anciennes Sociétés Indigènes de Prévo-
yance, mais en plus, elles étaient particulièrement chargées d'apporter
leur assistanèe technique aux coopératives. Elles devaient promouvoir
entre autres :
-
le développement des coopératives de production et d'approvi-
sionnement au sein de la masse rurale.

226
...
- la mise en place de petites industries primaires de tra.nsforL.rl-
tion.
et enfin, susciter au sein des populations locales, la cons-
ti tution de petites banques coopérati v e e ;
vef., ·afin de pouvoir financer les
investissements locaux.
En fait,
depuis leur création, l'effort des S.P.A.R. a été surt8ut
centré sur le développement de la région maritime et de la région des
plateaux, pour ce qui concerne les coopératives de commercialisation du
café et du cacao et des palmistes. Les S.P.A.R. n'avaient pas pu échapper
aux "vieilles habitudes dues au régime colonial, c'est-à-dire, les prêts
aux fonctionnaires, et les cadeaux politiques".
B- L'ORGANISATION COOPERATIVE
1°) Génèse et fonctionnement de l'Unicoop-Kloto :
Avant la naissance de l'Union des Coopératives de Kloto, la plu-
part des expériences de coopération tentées dans la région avaient échoué en
partie parce que les paysans n'avaient pas été suffisamment sensibilisés
à cette forme d'organisation de la production. En tout cas, dès 1959, la
nécessité de regrouper les mutuelles de Kloto déjà trop nombreuses E'était
fait sentir. Le 15 septembre 1959, le Directeur du "Crédit du Togo", l'ancien
équivalent de la Caisse nationale de crédit agricole actuelle réunissait
toutes les mutuelles de la circonscription en une Union.
A la même époque, existait à Kpélé, la coopérative de Kpélé-Elé
réculièreT'ent constituée ave c
aveC un capital social de 150 000 F CFA. Elle fut
intégLée dans l'union des mutuelles le 27 septembre 1959. Dès lors le capital
social de la coopérative de K~élé-Ele a servi à garantir l'ensemble de
l'UNIO': ~tant entendu que les mutuelles devaient constituer leur capital
social en fin de campagne. Le 27 octobre 1959, s'effectuèrent les prcmières
rentrées de cacao avec un retard de vingt deux jours sur l'ouverture de la
campaGne. La plupart des mutuelles avaient déjà vendu leur récolte aux
maisons de commerce étrangères, privant ainsi l'Union des Mutuelles de
ressources importantes.

224
a) Objectifs
Les sociétés indigènes de prévoyance avaient pour but de mettre
en plac(!
~u niveau des cercles administratifs, les infrastructures agricole·
par la construction de routes,
de marchés. et par l'installation de mat~riel
agricole, tels que les moulins à ma~s, les concasseurs de ~oix etco ••
Elles devaient s'occuper également de la vulgarisation des cultures indus-
trielles notamment le café et le cacao et approvisionner les paysans en
semences sélectionnées.
Enfin, elles devaient à l'instar d'une association d'entraide,
contribuer à la naissance d'un réflexe économique orienté sur l'épargne.
A ce titre, elles étaient dotées d'une caisse de secours. qui octDoie
des pr~t8 agricoles individuels aux paysans. Les ressources étaient consti-
tuées par des cotisations obligatoires payées en m~me temps que l'imp5t
de capitation et par les recettes provenant de la vente des récoltes dos
champa
cham}Js appartenant aux "SIpll.
b) Composition et fonctionnement
Les SIP se signalent essentiellement par leur caractère autori-
taire et par des méthodes de gestion non démocratiques. En effet les
cultivateurs, et les éleveurs de statut indigène qui vivent dans le reS30rt
de leur circonscription en font obligatoirement partie. Elles étaient
dotées d'un conseil d'administration de sept membres nommés par l'assem-
blée générale des chefs et choisis exclusivement parmi les notables des
villages. Le
chefs de la circonscription administrative, représentant le
pouvoir colonial assumait les fonctions de pré rd dent •
Le vice-président du conseil d'administration était désigné par
le pouvoir centra), a r.r-è s
a"rès avis du commandant de cer-c Ir
cerclr ,, sur une liste dt'
trois membres présentés par le conseil. Enfil 1 le secrétaire du conseil
occupait en mOrne temps,
les fonctions de trésorier. Ces fonctions étaient
généralement remplies par l'agent spéeial de la circonscriptipn.
~u le
préposé du service du trésor.

225
Par leur composition, les sociétés indigènes de prévoyance,
éliminaient d'office les principaux intéressés,
c'est-à-dire les culti-
vateurs ; elles apparaissent de ce point de vur
vu •
comme des instruments
de la politique coloniale, et non comme des organismes ayant pour vocation
de défendre les intérê'ts vitaux du monde rural.
D'ailleurs.
la gestion des Soci&tés Indigènes de Prévoyancr.
confirme largement cette orientation.
En effet sur le plan de la gestion, seule l'administration exer-
çait un double contr81e
par l'intermédiaire d'un fonctionnaire déléf.ué ~
cet effet par le gouvernement et par celui d'une commission centrale des
S.I.P. constituée au chef lieu, et regroupant en grande majorité des
fonctionnaires représentant le pouvoir central. Cette commission était
chargée d'examiner et d'approuver les budgets et les comptes de gestion
des lit,...
lit,. 1 • .0." •
D'une façon générale, les "Sociétés Indigènes de Prévoya:J.ce li
Prévoya:J.ce
se sont heurtées à de nombreuses difficultés dues à l'hostilité des popu-
lations qui assimilaient les cotisations obligatoires à un imp8t déguisé,
aux détournements opérés par les responsables et à l'utilisation des
fonds à des fins politiques. L'expérience des S.LP. devait prendre fi'
le
5 Juin 1959
par la promulgation d'une n~uvelle loi
les supprimant et
qui leur substituait les sociétés Publiques d'action rurale.
2°) Les sociétés Publiques d'action rurale
:
Les Sociétés Publiques d'Action Rurale
(S.P.A.R.) ont repris
pour l'essentiel les activités des anciennes Sociétés Indigènes de Prévo-
yance, mais en plus, elles étaient particulièrement chargées d'apporter
leur assistance technique aux coopératives. Elles devaient promouvoir
entre autres :
-
le développement des coopératives de production et d'approvi-
sionnement au sein de la masse rurale.

226
...
- la mise en place de petites industries primaires de transfor~n-
tion.
et enfin, susciter au sein des populations locales, la cons-
ti tution de petites banques coopérati v e e ,
vef'., ·afin de pouvoir financer les
investissements locaux.
En fait,
depuis leur création, l'effort des S.P.A.R. a été surtout
centré sur le développement de la région maritime et de la région des
plateaux, pour ce qui concerne les coopératives de commercialisation du
café et du cacao et dei palmistes. Les S.P.A.R. n'avaient pas pu échapper
aux "vieilles habitudes dues au régime colonial, c'est-à-dire, les prêts
aux fonctionnaires, et les cadeaux politiques".
B- L'ORGANISATION COOPERATIVE
1°) Génèse et fonctionnement de l'Unicoop-Kloto :
Avant la naissance de l'Union des Coopératives de Kloto, la plu-
part des expériences de coopération tentées dans la région avaient échoué en
partie parce que les paysans n'avaient pas été suffisamment sensibilisés
à cette forme d'organisation de la production. En tout cas, dès 1959, la
nécessité de regrouper les mutuelles de Kloto déjà trop nombreuses E'était
fait sentir. Le 15 septembre 1959, le Directeur du "Crédit du Togo", l'ancien
équivalent dû la Caisse nationale de crédit agricole actuelle réunissait
toutes les mutuelles de la circonscription en une Union.
A la même époque, existait à Kpélé, la coopérative de Kpélé-Elé
régulièrer:ent constituée avec un capital social de 150 000 F CFA. Elle fut
intégrée dans l'union des mutuelles le 27 septembre 1959. Dès lors le capital
social de la coopérative de K~élé-Ele a servi à garantir l'ensemble de
l'UNIO': ~tant entendu que les mutuelles devaient constituer leur capital
social en fin de campagne. Le 27 octobre 1959, s'effectuèrent les premières
rentrées de cacao avec un retard de vingt deux jours sur l'ouverture de la
campaGne. La plupart des mutuelles avaient déjà vendu leur récolte aux
maisons de commerce étrangères, privant ainsi l'Union des Mutuelles de
ressources importantes.

227
Le 5 m~i 1960, une assemblée génér~le des mutualistes décida de
transformer l'Union des Mutuelles en une Union de Coopératives au sein dG
la~uelle toutes les coopératives auront le même droit. Il a été prévu
que les mutuelles qui auront commercialisé leur récolte par l'intermédiaire
de l'Union revers~!ont leur capital social au même titre que l-es coopérateur
de Kpélé-Elé. Ainsi au départ, c'est-à-dire à la date du 25 aout 1960,
l'Union des coopératives de Kloto regroupait neuf ~oopératives agricoles
d'écoulement du café et du cacao ; elles constituaient des sections spAcia-
lisées de SPAR de Kloto.
L'Union comptait vingt villages ; ceux-ci n'avaient livré qu'u~e
faible quantité de produits. De l'avis du Directeur4 ce phénomène était dû
à la méfiance des paysans et à une campagne anti-coopérative déclenchée
par certaines milieux dont les intér@ts étaient menacés.
Dans chaque village, existe un collecteur élu par le conseil
d'administration ; il est le magasinier du village et reçoit des indel!mi t .'s
à ce titre. Ensuite les coopératives sont regroupées par canton avec un
gérant nommé par le conseil du canton
le poste de gérant a étf: suprir!(,
en 1970 pour des raisons financi~res. A l'heure actuelle les collecteur8
du village livrent les produits au magasin central à Kpalimé qui en
assure la livraison à l'OPAT. Les collecteurs appelés également chefs de
dépet sont chargés de centraliser les produits des adhérents contre la
remise d'un bon de reception. Ce bon est une pièce comptable dont le
caissier de l'Union se sert pour le paiement des ristournes. Les collectaurf
tiennent également un cahier de magasin qui enregistre r~gulièrement tl1utes
les opérations d'entrée et de sortie, un carnet de sacherie et un êtat d~6
manutentions (100 F la tonne'. Le double de ces pièces est envoyé chaque
semnine au Directeur de l'Union qui peut ainsi contr81er les mouvements dent
chaq ue dép8t.
Enfin les collecteurs ne doivent stocker aucun produit qui n'ait
été accepté par les contr81ears des produits, agents du service de condi-
tionnement qui vérifient avant ensachage la qualité du café et du caC200

228
Dans les villages o~ n'existe pas de d~pat, le travail se fait
par l'6quipe de la direction de l'Union.
Au niveau de l'Union, un comptable regroupe toutes les comptabili-
tis en une seule et contrale riguli~rement la compèabilit~ des collecteurG.
Jusqu'en 1969, l'Union des coop~ratives de la r~gion de Kloto
dépendait de la SORAD des plateaux j mais depuis. elle a acquis son auto-
nomie et s'adresse directement à la caisse nationale de crédit agricole
pour ses demandes de crédit. A l'heure actuelle, l'Union compte environ
4 000 coopérateurs regroupés dans 21 coopératives et neuf sections.
Ainsi la naissance de l'Union des coopératives de Kloto est pass6e
par deux phases:
d'abord la création de l'Union des mutuelles garantie
avec me capital social de la coopérative de Kpélé-Elé constituée spontané-
ment en 1959. Ensuite la transformation des mutuelles en coop~ratives re-
groupies au sein de
l-Unicoop-Kloto dont le fonctionnement,
d~s le d~p~rt,
ne s'est pas toujours opéri dans de bonnes. conditions.

229
ORGANIGRAMtŒ
DE
L'UNICOOP - KLOTO
formée de membres
Assemblée
Générale
choisis parmi les
coopérateurs de base.
comvosée de membres
1 Conseil d'Administration
J6legués par le conseil
d'Administration
4e canton
-'J
commissair.'€
1
Direction
Secrétariat
aux compte:]
commissair.'€
1
Direction
aux compte:]
Celui-ci est un
délégué du CA
chargé de controler
les dépen':.er, du directeur.
Caisse
Nagasin
Comptabilité
Boutique
Centrale
Central
Générale
Agou
_.
-....-:..
-....-:
Sec. N°l
N°2
N°3
N°4
N°5
N°6
N~7
N°S
N°9
........-~"
Agome
Elé
Kpélé
Kpimé
Fiokpo
Agou
Kuma
Dayes
,.
,.
1 Dayes
1
\\
"
nord
• sud
"
Hanyigba
j Yokélé· ...vattm6 J
l
Hanyigba
j Yokélé· ...vattm6 J
Tové
Klomou
l
Ahlon
Yikpa
1
1
Collecteurs
Col.
Col.
Col.
Col;
Col.
Col.
Col.
Col.
Coopérateurs
Coop.
Coop..
Coop ,
Coop.
Coop.
Coop.
Coop.
Coop ..
Coop.

230
2°) Le cas des coopératives du canton de Kuma
La repr~sentation socio-historique d~finit les conditions histo-
riquec et le contexte social dans lesquels les coopératives ont été créées.
Du point de vue social, l'implnntation des coopératives inter-
vient dans un contexte o~ les anciennes solidarit~s dans le cadre de l~
production et les struLc~res lignagères ont céd~ la place à un "individua-
lisme agraire"
et à la valorisation du travail sur le plan économique
;
depuis l'introduction des cultures industrielles riu dix-neuvi~me si~cle
jusqu'à l'implantation des premières coopératives en 1959, les structures
lignüGcres se son~. désagr~gée<l les chefs de famille, en raison de leur
l'ale de la processus de production ont été en effet les preniers a pratiquer
ces cultures. Mais le procès de circulation des biens au niveau du litnaLO
ne pouvait plus aboutir au chef du lignage dans la mesure o~ dans la
nouvelle conjoncture économique, les charges du chef de
fauille étaient
devenues beaucoup plus importantes; d'ailleurs, l'importance des revenus Gue
pouvaient procurer les cultures in~lstrielles a contribué dans une IGr~e
mesure â la naissance d'lIn réflexe individualiste ; à Adam& en l'occurence,
les pre~iers du village qui ont très tat construit des habitations en d~r
et couvertes de tales furent quelques chefs de famille qui avaient pratiqu:
assez tôt la culture du café et du cacao; la création des coopératives
dans ce contex e a reproduit à un niveau organiqationnel économique mo~er:18
la prédor.linance des chefs de famille et l'individualisme qui résulte des
effets destructifs du café et du cacao
; ceci a été r~alis6 avec d'autact
plus d'acuité que les coopératives étaient uniquemquent axées sur la
commerciaJ.isGtion des produits industriel~ et non sur la production agri-
cole en tant que telle
; car à cet effet, la transfor~iation des tenures
collectives en travail collectif aurait permis de r6valoriser le trevnil
communautaire et par cons&quent de stimuler la production ; or la COD.or-
cialiqation en commun n'engage pas fondam~.;· alement les individus et les
groupes sociaux; i l s'agit en l'occurence d'une juxtaposition de producteurs
individuels unis seulement par la perspective de ristournes importantes
et de crédits qui pourraient servir à couvrir leurs besoins. En fait
d'innovation, les coopbratives ont tout simplement apport~ l'id~e d'un
gain Garanti collectivement tout en s'appuyant sur les contradictions

231
du ~ilieu traditionnel.
La coopératmve du canton de Kuma a été constituée le 1er juill~t
1960 avec 150 parts Bo~scrites â raison de l 000 F CFA par part ; son
capital social se monte ainsi â 150 000 F CYA ; son si&ge se trouve ~
Adam&,
village le plus important du canton sur le plan d&mogra~hique et
sur le ~lan ~conomique ; la r&partition des coopêrateurs par villa~e
man if'e e t e
manifeute
(154) la prédominance du village d'Adarj(~ ; au niveau de clié,clué'
clié'clué'
villa~'e,
villa~'e, certaines familles sont le (lus r-epr-è aerrt eg
r€)résentées; ;
dans le vill;l[e
è
de Kuma-Afeyemé la moiti~ des coop&rnteurs ce répartit seulement entre
quatre fam i Tl e s ,
Lunilles.
Par ailleurs le conseil d'administration de la coopérative du
canton regroupe des personnes assez agies, en l'occurence, le chef du
village de Kuma-Adam~
Kuma-Adam~ en tant que pr~sident. Le rajeunissement des diri-
geants de la cocp&ratiue aurait &t& l'un des crit~res fondamentaux de SOli
dynamisme
; mais malheureu~enent les structures politiRues traditionnc12c-
se sont en partie reproduites au niveau de
la coopérative,
ce qui n'a
paser;;is un
:lD
controle plus i..:érrf.
:..:érri. sur GUS r c t Lv i t ê e
2ctivités
; en o f f e t
(:ffet los :;:);;T.'so!;.;·,~)s
!g&es pour des raisons &vidente
, s'interessaient avant tout uux avantu~~c
quo pour-r-a i,
l)OUrrai t
leur procurer la cco pôr-a t i
coopé'rati ve mais non à sa ?:,-,stion ('t"'.::.i dei!:":-
dai t
une formation qu'elles n'avaient pas reçue e t
~,t des ini t i a t i,
tiati VCG c(m,~,­
tantes pour les0uelles elles n'&taient pas motiv6es
;
dus responsabilit6~
leur furent
confiées non en raison de Lo ur-
10ur conpè t e n ce ,
cO!'lpétence, ;:ais à cauo c
caur::e du
prestige dont 011es jouissaient dans 10 villace.
-~~.~-~_.~._~~-=~------------------------------
(154) La répartition en covArateurs par village s'6tablit de la façon
suivante
Kuma-Adamé
64 adhérents
Konda
la adhérents
Tokpli
29
"
Apéyitm(o
25
"
:Bala
5
Il
5
Dunyo
la
"
Agotime Kopé
7
"

232
Sur le plan historique, on peut noter que la premi~re coop&rative
est nee en aoOt 1959, â une époque o~ la lutte pour l'ind~pendancc du Togo
a conduit au pouvGir les nationalistes. L'Dion des coopératives fut consti-
tuÉ:e le S5 août 1960 soit trois mois ajTès la proclamation officielle de
..
l'indr,penc'ance du Togo ;
donc la conj oncture était particulièrcent f avor
favoT' b I.e
1.ile
â une mobili~ation effective des pay, ans en vue de l'orcanisation de la
production; cela pouvait se réaliser avec d'autant plus d'enthosiasQe
que la r~gi0n constituait effective~ent un bastion du front nationaliste
qui nvait conduit le pays â la victoire
; or manifestement les pouvoirs
:JUblics n'ont :'8S utilisé ces facteurs poli tiques
; le taux d'adhésion
dans le caton de Kuma explique dans une certaine mesure que sur 10 plan
politique la propDgande n'a pas été suffisam ont orchestrée et que les
co,p~ratives n'ont Ras été conçues comme des Rtructures nouvelles de
mobilisation sur le plan économique et politique. Sur une population da
5 184 habitans, on ne compte â l'heure actuelle que 150 coopérateurs
~ Adam6 o~ la coopérative a &té créée le 1er juillet 1960, soit deux mOlS
apr~s la proclamation de l'indépendance;on dénombre uniquement 64 coopfr~t
pour 221 imposables environ. En fait _lesr' -uvo i r-a
'uvoirs publics n'ont pas su
utilicer à l'é~oque leur potentiel de popularité pour concevoir des types
d'organisation radicalement nouveaux susceptihles de supprimer les rapports
d'exploitation i une enquête réalisée à Adam~ auprès de 113 chefs de
famille sur la date de
cr~ation
cr~ation de la coop&rative du canton a r[v~16 qule~
fai t, l ' a mnf.an
iiTm1an t at i on
t.;"tion n'a pas eu du tout le r-e t en t i s aerce n t
retentisscruent qu' elle '1Uri~it
dû avoir (155).
_.
--""~.---~
_ _ _
.... . - 0 -
.... . . . _ - . _ - _ . . - " "
. ,...._
....
_ _-
_
_•
_ •- ..
.
. . . . . . . . .
--""~.---~
(155) La ventilation des répollfcS s' è
s' t ab Ld
t?tilbli t
comme suit
a)
29 non réponse
soit 25,66 ci
25,66 10
b)
1952/58
21 réponses
soit 18,50 50
c )
c)
1959/62
37 répon~,es
soit 32,7 4 9~
d)
1963/70
26 réponses
soit 23
%

233
La conjoncture politique d'alors permettait des réformes de
stru~turcs
stru~turcs importantes~
importantes~ la valorisation des formes communautaires de
travail, la mise en commun des terres pour la production;maip
de par 32
nature, l'Etat bourgeois ne pouvait pas mettre en place de telles structures
car elles mettraient en cause les int&r~ts de groupes priv~s dont il
ét:it le e.ei-v i t e ur-,
berviteur.
il preuve, les coopératives ont été laissées en concurrence
avec
les compagnies de traite dont l'expérience en matière de commercia-
li8~tion et l'ampleur des moyens financiers permettaient de mettre en
échec l'effort de développement coopératif.
3°) Les problèmes
L'ex}érience coop~rative au Togo dans son
ensemble ct dans la
circonscription de Kloto en particulier se c ractérice â l'heure actuelle
par un échec qui s'explique par une mauvaise r:estion, l'absence ou le
manque da formation coop~r~tive et par la concurrence des conpagnies de
traite, entre autres le John HOlt, la UAC, le SCIA, ••• etc.
a) ta mauvaise ge~tion des coopératives :
Au départ un certain nombre de contraintes permanentes ont
pesé sur la gestion des coopératives; au ni veau de l ' UN l COOP-Kz,o'lO" • Les
avances sur campagne, les prêts de culture amènent cette dernière, du
fait que la plupart des coop~rateurs sont des nécessiteux, n utiliser
les r~Berves légales ; celles-ci passent ainsi en immobilisation pour les
campagne â venir
outre ces difficultés, les moyens de transport puissants
faisaient défaut
en outre les magasins de stockage étaient insufficants
n~cessitant le déplacement dans certains villages de l'équipe de la direc-
tion qui proc~dait â l'ensach~ge sur place et acheminait les produitG
sur un dépet voisin ; i l en est résulté une augmentation des frais gônéroux
d'autant plus importants que l'Union a dO enrager des comptables ambu12nts
â partir surtout de l'année 1961-1962 pour r~cupérer les créances qui ne
rentraient pas. Faute d'une politique de "réserve légale" et de contrôle,
les coopératives n'ont pu faire face â toutes les.promesses qui avaient


23!+
été faites aux adhérents ; par ailleurs, la politique systématique des
ristournes au cours des ,: ~r iers exerciees a emp@ché toute possibilit&
d'accumul2..tion qui aurai t~,erris le financement d' aut r e e .
autre2. pr':lj ot a
(,tE" è.
è. r'···'.1
t~r0'~~ci~1 '
des écoles, des dispensaires, des latrines publiqueE
••• etc. Au départ des ristournes importantes soit 14,000 F la tonne de caéec :
avaient été versées aux producteurs ; aujourd'hui, si elles atteignent
1 000 à 2 000 F CFA selon les cas (156), elles sont le plus souvent Lne xi s-
inexi:3"
tantes faute de moyens financiers.
Dans la circonscription de Kloto, au cours de l'exercice 1965-66
environ 2.780 216 F CFA de ristournes avaient été distribués alors que
les dettes de l!Union depuis sa naissance jusqu'à cette date s'élevait
à 8 830 416 F CFA. D'après les respons bles de l'Union les dettes s'é18vc-
raient aujourd'hui à 27 millions de :f CFA résultat des avances et des prêts
de culture non remboursés et des détournements auxquels se sont livrés
cert~ins collecteurs et certains employés de l'Union. A la fin de l'exercice
1995-66 les dettes du canton de KUhA s'élevaient à 3~9 a72 francs i si
l'on y ajoute les dettes antérieures c'est un total équivalent à 2 583 012 F
que le seul canton de Kuma doit à l'Union. En fait la "valse" des r,'érants
reflète dans une large mesure la mauvaise gestion de la c00pérntive. Leur
suppression en 1969 n'a pas fait di; .Lnuer-
dnuer pour autant les det tes.
Il en résulte que l'UNICOO.' nt est plus en mesure de di-tri buer
des ristournes aux producteurs ni de leur faire des avances; c'est pourqu~i
la plupart des coopérateurs se désintéresRent de la coopérative et préf~re~t
livrer leurs produits aux maisons de commerce privées dont les acheteurs
dispor,ent de moyens financiers nécessaires pour satisfaire ces besoins.
Au départ. heaucou'J de promesses avaient été faites aux coopérateurs mais
elles n'ollt pas été réalisées ; il est vrai que le contexte politique
d'alors favorisRit les promesres d6magogiques ~ais ce fai'ant, les
.. ~.
(156) J. KOFFI : les problèmes du mouvement coopératif au Togo et les tac~a5
ur entes. Rapport de mission, 75 pages.

235
promoteurs ont fait perdre de vue les véritables fonctions économiques
des coopératives et les difficultés auxquelles on~ pouvait s'atte.~dr-o,;
ainsi en est-il d'un magasin d'approvisionnement qui mettrait à la dis-
position des coopérateurs des produits manufacturés tels que coupe-coupe,
allumettes, tissus etc ••• à dès prix relativement bon marché. La pratique
des avances en espèce a fini par faire passer la coopérative pour un simple
organisme de dépannage.
b) L'absence de formation coopérative
Si les coopératives se sont formées à la suite de l'expérience
de Kpélé-Elé dont les résultats ont exercé incontestablement une influence
positive sur les paysans des autres régions, i l n'en demeure pas moins vr~i
que c'est l'attrait du crédit qui incite en définitive ces derniers à GC
regr~uper. En effet suivant une stratégie bien connue des responsables
de l'Union, une personne peut rassembler autour d'elle des parents et des
amis pour obte!:ir des crédits ; le plus sou ent, les paysans ne sont pas
informés de leurs obligAtions, entre autres celles de rembourser les
pr~ts ct les avances et de livrer obligatoirement leur récolte à l'Union.
En outrp.. les coopérateurs de base n'exercent aucun contr8le 8ur
les gérants
en d'autre termes, ils ne s'interessent pas à la gestion de la
coopérative mais aux possiblités financières qu'elle représente. En fait, on
ne peut pas tenir les paynans responsables des carences et des erreurs
qui ont été comrlises ; en orientant les coopératives sur la commercialisa-
tion sans mettre en place des structures collectives de production
de
gestion et de contr81e, les pouvoirs publics ne faisaient qu'accélérer
un processus d'individualisation inauguré depuis bien longtemps par
l'action dissolvante du mode de production capitaliste. En outre, les
responsables de l'Unicoop-Kloto n'avaient pas
toujours bénéficié de la
for'lation nécessaire pour gérer correctement les intérêts des coopérateurs.
c) ta concurrence des maisons de mommerce privés
Si la création de l'OPAT en 1964 a permis de briser le quasi
monopole dont jouissaient les maisons de commerce pour la vente à l'exté-
rieur du côfé et du cacao, en revanche sur le plan intérieur, l'OPAT
slent accomodé de l'existence de maisons privées; celles-ci sont devenues

236
des acheteurs a~éés de l'OPAT au m@me titre que les coopératives. Grace
..
â leur expérience et à leur pouvoir économique, elles réu:,sissent d com-
mercialiser une bonne partie de la production au détriment de s
def3 coopéra-
tives ; mieux elles ont réusni à détourner les coopérateurs qui devraient
nor'maâ ec.errt
normaleGicnt vendre uniquement à l'Union leur café et leur cacao. Ainsi en
1968-1969 pour une production totale de café de 144,207 T dans le canton
de Kuma ,
Kuma, la COO')f"r8 t ive n'en a commercialisé que 80 T.
En 1969-197 0,
0 ,
elle a collecté 74 T sur une production de 138,514 t. et 67 t. en 1970-1971
pOUl" une production totale de 166,361 t.
Les maisons privées avaient toujours la possibilité d'octroyer
des avances aux producteurs pour leurs besoins alors que les coopérative~,
en raison d'une mauvaise gestion et des dettes accumulées se devaient
de limiter toute possibilité de crédit. Les paysans contraints par des
besoins matériels et sociaux préféraient vendre aux maisons privées. Ce
contexte a déterminé chez beaucoup d'adhérents un comportement anti-coo-
pératif. En effet du fait de l'existence de ce double canal de commercia-
lisation, les coopérateurs qui percevaient des avances aupr~s des Gfr~ntB
ne leurtivraient pas la récolte au moment opportun. Ayant conso~~é la
récolte avant de l'avoir produite le coopérateur en vient au moment ou il
doit rembourser ses dettes à changer tout simplement de client pour pouvoir
survivre; d'ailleurs la fluctuation de la récolte due à la Tieillesse
des caféiers rendait encore aléatoire le remboursement des pr@ts et des
avances. ~ar ailleurs l'Union des coopératives, jusqu'en 1970, déper.dait
des maisons de commerce pour le triage de leur CAfé. Ce n'est qu'à partir
de 1971 que l'OPAT a installé au port de Lomé des catadors pour le triage
du café. Les coopératives n'étaient donc pas en mesure jusqu'à une date
récente de livrer leur café directement à l'OPAT~

237
Ainsi deux processus de commercialisation se partagent la
livraison du café et du cacao à l'OPAT.
1°) Schéma de commercialisation du cacao
(tirô des r appor-t s
r:lpports d'activité BCEAO 1964 P. 159) légèrement modifié par IWUS.
PRODUCTEURS DE CACAO
1--
l .
non cOQ)pérateurs
l
non co èpèr-at eur-a
t
ecopez-a
co~opera eurs
coopérative
!'1aison de
(ou acheteurs
commerce SCIA
agréés par
SCOA
Jhon HOLT l'OPAT)
glupement des
l'OPAT)
Coopératives
UAC
SGGG
CFAO
Union des
Coopératives
·_~-----_··---oPAT---------~
MARCHEl
MARCHE INTERNATIONAL

ï:
r ~:l';i,,_, de
d~ commercialisation du café
(légèrement modifié par nous)
PRODUCT3URS
DE
CAFE
Hon coopé::'atc1.::·s
Coopérateurs
-~~-~"'. '.~---_.- ...
... _-_._---"_._--~-----------,
_-_._---"_._--~-----------,
i
1
l
Séchage
T:i.~:'.J.ge à
1ft main
._~Décorticagc
,"""",,:
Coopérative
2ème triage
à la main
:"ai,~')n8 dt;
CGrrmerco
-nettoyage
-·trü...
-·trü ~~c
(au cat ador-)
catador)
Groupemènt des
Coopératives
transport à
l'Union
1
Union des
Coopératives
- nettoyage
- triage
(triage au catador (Port de Lomé)
~~.
~'Il.&CHE INTERHATI~r;AL

239
Entre, le prix payé au producteur pour la tonne de cacao et la
facturation à l'OPATs'établit une différence de 14 000 F CFA si nous nous
référons à la campagne de 1969. En effet la récolte intermédiaire a été achet
à 80 000 F la tonne au producteur et vendue 94. 691 F CFA à l'OPAT. Cette
différence est due à un certain nombre de frais dont voici la ventilation
telle qu'elle ressort du rapport d'activité de la BCEAO de 1964.
Prix d'achat au producteur
80 000
1- Commission
Acheteur produit
1 400
2- Manutention loyer
Magasin acheteur
de produit
400
3- Transport au centre
de collecte
l
500
Valeur nu - bascule centre de collecte
83 300
4- Manut.nt*oh~lo'.r
magasin
ache t orr-
achetc'lr agréé
5- Transport chemin
de fer
l
075
Valeur nu·bascule Lomé
84 R25
6- Sacherie
92:;
7- Amortissement
sacs (10 96)
93
8- Entrée et sortie
magasin Lomé
250
9- Déchets (0,50 %)
42.
10- Loyer magasin Lomé
20Q
11- Financement
7 % pour 3 mois
1 ;·9
12- Frais généraux
2500
Valeur loco-magasin Lomé
90 808
13- Transit (y compris
voie locale)
l 125
14- Commission acheteur
agréé C3 %)
2 758
Valeur à facturer à l'OPAT
94 691

240
NB. Le barême cacao pour la ricolte interm&diaire et pour la r~colte prin~
cipale est sensiblement le m~me.
Pour le caf& le processus de cOMmercialisation est le ~@me s~uf
pour ce qui concerne la montant global des frais intermédiaires. En 1969,
la tonne de café acheté au producteur à 35 000 F Cl"A est facturé à l 'OPA1
à 50 411 Jo' CFA.
Le monopole de la commercialisation du café et du cacao à l'in-
térieur du pays aurait permis à l 'OPAT de r êcupèr-er-
rccupôrer les marges bén~ficir.ires
qui v~nt à l'heure actuelle dans les caisses des compagnies de tr~ite ;
mais pour des raisons poli tique • les pouvoirs publics n'ont i,as voulu mettre i
en cause les int~r~ts de ces maisons.
Tout permet de penser que les coopératives n'ont pas joué leur
vérita~le raIe dans le développe~ent du pays ; l'apathie actuelle des
paycana
paysens résulte de l ' che c
~chec du mouvement coopératif. Les paynane
pa.yuans cher-che nt
cherc:lel,t
ê
de plus en plus à constituer des coopératives de cultures vivri~res ou
d'&lev&ge pour subvenir d'abord à leurs besoins. Il appartient aux pouvoirs
publics de les aider en vue de relancer le mouvement coopératif sur de
nouvelles bases.
Section 2°) L'action des $ociét~s Régionales d'Aménagement et
de d~veloppement.
Créées en 1965 à la veille de la mise en route du premier plan
quinquennal (1966-1970) les Sociétés Régionales d'Aménagement et de Dévelop-
pement constituent "des organismes para-administratifs à gestion financière
autonome, chargés de l'exécution de toutes les actions d'animation et de
déveloD~ement agricole dans les r6gions". Si l'on en croit les pouvoirs
publics l'impact des SORAD sur le dève Lo ppemen't
déve1ot,pe,pent agricole a été positif
puisqu'aux termes du premier plan quinquennal, on a pu constater une
amélioration des productions sur le plan qualitatif no t amv.e n t
notam;,ent en ce qui
concerne la présentation du ceton et du cacao et un meilleur trai te'!ent
du café. On a noté également une "amélioration des méthodes artisanales

241
de préparation de certains produits" tel que le gari, l'huile de palma, des
circuits de commercialisation et l'ouverture de pistes
de
desserte et de
routeE
de p~n&tration
p~n&tration dans les rigions jusque la isol~es. En fait
comme
nous l'avions d~ji indiqu~, l'effort de modernisation a 6t~ surtout centrf
pour les deux plans quinquennaux sur le diveloppement des cultures indu·triel~
les et nous avions montrê ~galement les implications de cette politique ddn8
la perspective du développement. ~ans le cadre de cette section, nous nous
attacherons plus apè c i a Len.errt
sp~cüüerr:ent 11 p.r t Lr-
p,·rtir de l'exemple du canton du Kuma , à
t
l'analyse dlun cas concret d'intervention sous l'angle de l'encadrement
et de l'ani~ation
l'ani~ation rurale. Ainsi pourrions-nous insister sur les difficult~s
et les problèmes liés aux contraintes sociologiques d'un milieu en pleine
d~sagrég&tion.
A) L'encadrement technique :
Le dévelo-ppe ent d'une économie "aoua-idève
IIs o
Lo
us-dévelo p è e "
pée" ressortit È,
l'effet deux facteurs qui réfèrent à l'amélioration de l'or~nniGation de
la profu,~tlon, c'est à dire â l'intensification des actions de d6veloppemeDt
coopératif et à l'amélioration de l'outillar:e technique. Le processus
d'améliora tion et d'augmentation du C~ pi tal technique permet une augmen tc.t i on
augmel1L'tion
de la productivité et à long terme une augmentation du revenu national r8Gl.
A cet effet,
l'assimilation des techDiques et l'am~lioration des m&t:~dc~
culturales s'avèrent particulièrement inctispensalbes. Au niveau du canton
de Kuma, les activités de l'encadreur de la SORAD portent sur l~s méthodes
culturales et l'introduction de cultures sélectionnées, en particulier le
coton.
1°) Les méthodes culturales:
L'introduction de la culture en ligne par l'encadreur de la
SORAD s'est traduite par des effets positifs pour ce qui concerne le ren-
dement et l'attitude des paysans eux-mêmes.
Ceux-ci cherchent autant que possible à appaiquer les nouvellc~
mithodes qu'on leur enseigne,
ce qui t~moigne d'une volont~ r~elle de Ch2U-
gement dans la mesure où la situation du canton sur le plan vivrier parart

242
sérieuse. Les résultats obtenus dans ce domaine s'expliquent également
par les mét~odes auquelles a recours gén~ralemcnt l'encadrement.
-
i l Y a d'abord les démonstrations collectives réalip,éeG d2lls
le c2dre de groupes composés de 8 personnes sur l'initiative de l'enca-
dreur ; ces démonstrations se font dans le champ de l'une des personnos
du groupo ; à cet occasion, les paysans peuvent se rendre compte directe-
ment du procesEus technique,
de la mise en culture d'un champ de produits
vivriers et des proc~dés d'entretien d'une plantation de c~fê et cacao.
- En dehors des démonstrations collectives, certains paysnns
viennent personnellement trouver l'encadreur et dans ce cas la démonstra-
tion se fait dans un champ affecté en permanence à cet effet et qui,
du
point de vue pédagogique, est destiné à servir de modèle aux paysans.
A Adamé par exemple le champ de
démonstration de l'encadreur n'a pas encore
commenc~ à produire. Mais génbralement l'effet des champs de d~monGtr~tion
sur les paYS8ns parait limité dans la mesure où l'encadreur dispose de
moyens techniques, en l'occurence les engrais chimiques dont le cont
dépasse les possibilités financi~res des paysans. i
certains égards ces
champs de
démonstration suscitent la rancoeur des paysans parce qu'ils
estiment que les encadreurs utilisent pour leur propre compte des produit~
qui leurs sont normaleMent destinés. Il en résulte que l'intér@t des
paysans
ce porte davanta~e sur les demandes d'engrais que l'encadreur
n'est pas en mesure de leur fournir.
En dépit de
ces difficultés on peut noter chez les paysans des
réactions favorables au changement
; en effet sur un échantillon de 48
chefs de famille interrogés, 30 d'entre eux entretiennent des rapports
réguliers avec l'encadreur de la SORAD et lui demandent des conseils sur
l'amélioration de l'agriculture et sur les possibilités du développement
du gros bétail dans le village. +outefois l'efficacité des activités de
l'encadreur de la aORAD et autravers de
ce dernier, celles de la SORAD
en général n'apparatt pas clairement aux paysans; cette situation
résulte
dans une certaine mesure de la natu~ de certaines interventions, telle que

l'introduction du conton qui
ne répond pas. a l'heure actuelle aux besoins
du milieu.
2°) Les cultures sélectionnées : le cas du coten :
-...;.--...;..=..;;..;;~;..;:........;;;.,;..;:;;;.;;..;;;...;;.,;;;;;.;_.-
1
-
L'introduction du coton dans le eanton de Kuma et à Adamé er>.
particulier s'inscrit dans le cadre d'une poJitique nationale de dévelor'r)(~­
ment de cette culture pour les besoins de l'industrie te~tile de Dadja.
Si cette politique répond à des impératifs industrie16 (l'usine textile
de Dadja connait a l'heure actuelle des difficult&s d'approvisionnement),
elle ne doit pas être systématiquement mise en application dans toutes
les régions. ~ns le canton de Kuma, le déficit des cultures vivrières
constitue une difficulté primordiale j aussi l'encouragement à la cultura
du coton dans les plaines ne rencontre-t-il pas la faveur du paysan. Cc der-
nier se prononce plut$t. à l'heure actuelle pour le développement de
l'agriculture vivrière et de l'élevage. Rien d'étonnant dès lors si
parmi un échantillon expérimental de 48 personnes, soit près de 37 % ont
émis un avis défavorable sur les activités de la SORAD. Il s'avère donc
impossible dans la perspective du développement de déterminer correcte-
ment à partir des besoins prioritaires du milieu. les types d'intervention
susceptibles de mmbiliser les paysans.
B) l'Animation rurale
L'animation rurale dans le canton de Kuma se heurte à une serle
de difficultés qui ressortissent à l'action de deux facteurs : le choix
des ancadreurs et la mentalité des paysans.
1°) Le choix des encadreurs:
Le succès des aotions
d'animation dépend dans une large mesure
du degré d'intégration de l'eucct~reur dans le milieu et aussi de sa
capacité d'utiliser le potentiel d'audience dont il jouit auprès des
paysans lyour les amener progressiveFent i
se regrouper et à mettre en
commun les ressources humaines en vUê du changement. A cet égard le choix
de l'animateur constitue une condition imrortante. L'intégration sera
d'autant plus difficile que
l'animateur n~ra étranger au milieu et

- 244
parachuté par les pouvoirs publics pour des raisons admini.stratives et
techniques ; d'un autre eSté
comme le souligne A. MEIESTER "La déGignatio:l ..
des animateurs par les villages eux-m8mes"
peut comporter des risques de
blocage dans la mesure où elle apparaît aux yeux des paysans comme une
"sorte de contrat que tout se pas aer-a
pas[:;era bien", que les changeme nt s
chan[;ements seront fU;lOr-
tis gr§.ee à l' an i mat e ur-
::ll:imateur et que celui-ci r-e pr aen t e r o
représenterr, bien sa comuunaut
comL1Unauté
è
é
contre les chan, aments qui risoueraient de la briser" (157).
C'est s~nB doute pour
éviter ce venre de difficultés que le
choix des encadreurs du canton de Kuma s'est fondé' cn. po.rtih 3l1r'leur origine
en effet des quatre encadreurs qui se sont succ~d6 dans le canton seul un
d'entre eux n'Hait pas origiIIBire du canton. Celui-ci avait d'ailleurs
rencuntré d'énorrJes difficultés d'autant plus qu'il était venu remplacer
le premier encadreur originaire du village d'Adamé. Cependant les autochtones
jouissent d'une certaint.·~udienca aupr~s des jeunes ; ils sont trait&s uveC
condescendance par les personnes âgées. Sans doute faut-il mettre au COE1l,te
d'une simple plaisanterie l'attitude de certains paysans qui apr~s les
séances de d~monstration6 coll~ctives vont trouver individuellement l'ellca-
dreur pour lui faire comprendre qu'il n'ont pas grand chose à apprendre
de plus jeuneG 'lu 'eux. Toutefois cette attitude est révélatrice d t un..
d'un.:
certain état d'esprit gérontocratique et marque dans une certaine mesure
les limites de l'action d'un encadreur autochtone. En fait l'encadreur
ne jouit pas d'autant de presti;e que le fonctionnaire parce qu'à travers lui,
le paysan ne perçoit pas cette distance "culturelle et sociale" que conf'èr e
conff:re
'-'
la ville. Dans certains cas, les champs de démonstration des encadreurs
~taient mal entretenus, ce qui n'était pas de nature â susciter l'adhésion
des paysans. Par ailleurs les encadreurs autochtones entretenai.nt parallèle-
ment~à leurs activités des champs personnels dont la réussite provoquait
la jalousie du milieu paysan. Considéré à la fois comme un représentant
__
---~--------_.
."'_._------------------
(157) A. MEISTER Participation, animation et développement
Ed. Anthropos p. Paris 1969

des pouvoirs publics et rln autochtone, l'encadreur incapable d'apportGr
des aidas rl.'térieJles aux paysans notamment de l'enr;rais,
finit par
péœ 'pG.~;:::;c.ç
pour "un
:l un
mauvais fils du pays" qui ne cherche pas à défendre les inté:cC';;:;
du villn~e ou qui profite de sa situRtion pour d~tourner d des fins p~r·
sonnelles ce quidoi t
normalement revenir au
~m village ~
2°) La mentalité du milieu
La p Lupur t
plup'.rt des tentati ve s
ves faites par les encadreurs en vue ck
regrouper les paYGans pour les travaux communautaires se sont sold~eB pRr
des échecs, dans la mesure où la confiance ne règne plus entre les irté·
ressés eux-mêmes, i l est donc difficile à l'encadreur "d'aider Ô. la corF~~"
nication entre les indiv13us et â favoriser l'entraide fondée sur le
travail. Il en r~sulte que ce dernier soit ainsi oblig~ de se subBt~tu~r
aux initiatives locales et de
jouer un rôle plus directif au lieu de
"rne
Ii me t t r-e
ttre les groupes en mesure de résoudre les problèmes qui se posent ,:',
eux; en effet. à l'heure actuelle les paysans n'acceptent de s'associer
avec d'autres que dans la masure où l'encadreur accepte de ~';arantir la
gestion des int6r6ts du groupe contre les abus de
confiance dont pourraient
se rendre coupables les responsables qu'ils auront à. c1ésignr;:;.·: La.
Lo. mè f is.nc
méfj,8.::J.c c,
des ~)e.ysans constitue une contrainte importante parce qu 1 elle ernpê cl.e
erül)c:cLé
tout effort visant é1. amener le milieu à s'organiser Lu i e-mêr-e
lui-mê:'e pour dèf"lnlJ:;:'S
seS intérêts.
L'~chec du mouvement coopbratif a ~.
-urs d~cn toua leG
espoirs des pa~rsans qui s'attendent à l'heure actuelle à ce que les pOll')cirl
publics apportent tout leur concours sous forme de crédit afin de 10ur
permettre de s'orienter vers les coopératives du cultures vivrières ct
l ' élevél.2;e. Si le " s elf-help"
se lf-help" apparai t
encore comme une forme de pnrtici-·
pation au développement i l est estimé insuffisant compte tenl', de l'am-
pleur l
des besoins a c t ue Ls ,
actuûls. En fait,
toutes ces difficultés tiennent '}2.D:J
une certaine mesure à une conception de l'animation qui n'int~gre pas
tous les aspects du développement principalement les aspects qualitnti:.'"
qui concernent la sati.faction des besoins c1'~ducation et de sant~.

246
La dis~arsion
dis~arsion actuelle des efforts dans le domaine de l'animation au
niveau du village et l'isolement dans lequel s'enferment les diff&rente
8ervice~ oui interviennent dans le milieu rural ne favorisent pas une
coordination et une harmonisation des interventions sur le terrain. De
celoint de vue
l'action de la SORAD doit s'intégrer dans une po Lî t i ouc
politic:u,'.:
globale de
d~veloppement
d~veloppement local qui tienne compte de tous les hesoins ~
la fois et non uniquement de la modernisation agricole,
faute de quoi
l'action des pouvoirs publics ne pourrait que contribuer à l'aggravation
des contradictions qui s'opposent à la transformation des structures
socio~économiques.
CHAPITRE
3
FORll.TION SOCIALE ET CONTRADICTIONS INTERNES ,l
Com...e
Com!:e le souligne P.P. RE'! dans une étude récente c onr.a cr-ee
cowacrée él
l'articulation des modes de production (158), l'une des contradictions
résul tant de la p ênè t r-a t i.on
pénf~tration du Mode de production ca pi taliste dans les
formGtions sociales non capitalistes concerne la nécessité de la destruc-
tion de tous les autres modes de production, caractéristique du capitalis-
me, ct la n~ceBsité du maintien en vie de ces modes de production, pe~~Qnt
une t r
s
trè:8 longue période,
car ac t êr-a e t i que
caractéri.c;tique du "sous-développement".
è
En réalité, cette contradiction n'est pas totalement inh~reDtG
à la strat égie du mode de production ca oi
cai")i taliste
; elle ressortit égale-
ment â l'action. a la résistance des formations sociales, exprimées ~
-----------------------_~"---_.~~~~~
------------------------~"---_.~~~~~
(158) PoP.REY Les alliances de classes p. 22 Ed. F. Maspéro
Paris 19730

247
travers diff~rentes conduites sociales, diff&rentes pratiques qui app2raiss
ainsi com~e autant de proc~duref, permettant aux individus et aux groupes
sociaux de s'intégeer dans une collectivité en pleine désagrégation.
Le lieu où s'élaborent ces pratiques et ces conduites socialoü
se r6f~re i
l'instance idéologique dans la mesure où l'instance éconorniQu~
constitue le maillon le plus faible
co~pte tepu du niveau assez bas dCE
forces productives. Certe~, la destructuration de l'instance &conomique
ne GC r~alise pas de façon totale. Il deDeure des secteurs où le capita-
lisne ne p~nétre pRS parce que leur développement ne répond pas à la dcu ~"e
exigence du profit capitaliEte et de
la satisfaction des besoins de 12
métr~olü~ La situation du canton de Kuma. sur le plan vivrier. illustro
s ' i l en est besoin ce processus de destructurrtion économique.
Mais dès l'instant où les rapports de production capi talL<-:)s
ont 6t& mis en place, les conditions de recul progressif de l'~conornic
de subsistance, s'imposent aux groupes sociaux d'autant plus que ce r e cu.L
recu:L
est ~Gsorti de contraintes administratives liAes au contexte colonial.
L'inctancc idéologique en d[pit de
la conjoncture économique
nouvelle
corrt i nue
contÜlU8
f'aaonne.r
faqonner et il. modeler les comport eue n t s
comporte:,ents sociaux i induL;ant
ad ne i
ainai un dô c a Lage ç
dôcalage,. dont G. BALANDI~R rend cor.ip t e
cOE!pte en ces t er-r.e s
ter~:cs : "ccrt;':i..,,:-:
mode Le a"
modeles li continuent à façonner les r-ap oor t s
rap',orts sociaux, alors qu'ils ne ::';'J~I.t
;JilS
ac cor-dê s
accord;:;[J aux
auy no uve Ll e e
nouvelleù conditions économiques et politiques : HIes
structures I,e transforment plus vite que les Gyst~mes d'inbt1tution~ qui
orgD,"isent "c
Y1 o rf'Lca eâ.Lemen t "
fficiel.lement" leurs relations mutuelles" (159).
L'articulation de la form' tian sociale Kuma au mode de production
capitalist 0
capitalist
,
produit ainsi,
une contradiction entre l'instance ~conomiçuG
et l'instance id&olo~ique qui peut &tre rapport6e au re16chernent des 60-
lidarit&s dans le travail et â leur fonctionnement â l'occasion de tout~~
les man i.Ie a t a t Lons
umliJestations li&e5 au déroulement du cycle de la vie Ln d i v i due Lï.o
individueLle
et collective,
c'est it dire, les naissances, les funérailles et les fSta~
-~~~
.. _-"~-~----_._~---"---
-~~~
..
~--~-----------
(159) G. BALAI';DIi::R
Structures sociales tradi t i.onnc Lâ.e s
tionnclle9 et chan;e,;cnts
&conomiques p. 6 - Republique Paulet, Paris 1968.

248
D~s lors, le d~veloppement de la for~ation sociale se manifeste
sur un mode contradictoire où les conduites et les pratiques sociales
"dysfonctionnelles" appar-a i s aan t
apparaisf';ent comme aut an t
t\\utant de contraintes dont i l faut
situer correctement l'origine et l'importance réelle, afin d'éviter,
dans le cadre d'une stratégie de développement, d'inverser l'ordre des
domaines d' Lnt er-verrt i on ,
interventLm. Or
l ' Ld èoLogi e
id~ologie domd r.arrt e
domilante c'est à dd r r ,
dirr,
celle
du mode de production capitalif'te, par le biais de la notion de "blocage
socio-culturel H
socio-culturel ,
essaie ainpi de masquer les véritables contradiction~
c'est-à-dire
les contradictions principales. qui ~ésultent de la domi-
nati0n économique capitaliste et qui ont pour but d'intégrer progressi-
vement la formation sociale
au mode de production capitaliste.
Dans cette perspective, i l convient de rendre compte de la
complexité de la formation sociale Kuma articulée au mode de production
capitaliste à partir d'un certain nombre de contradictions et de produire
ainsi .. une vision globale et t o t a Lf carrt e
totalil,ante qui donne un sens aux pratiques
sociales et à leurs effets.
La formation sociale est le lieu de deux types de contradietions
celles qui opposent les aspirations aux moyens des groupes sociauy,
c'est
à dir~. à leurs conditions ~conomico-sociales objectives et celles qui
produisent le décalage entre l'instance économique et l'instance idéolo-
gique.
Section 1°)
Contradistions entre aspirations et moyen~ :
Pour rendre compte de cette situation, l'enqû~te effectuée
auprès des 113 chefs de famille du v'i Ll.ar,e
villa!~e d' Adam/ .
Adam{.
nous servira de base
de référence. Cette enquSte porte sur les besoins du villag(
exprimés
par les él~ments ne l'échantillon, suivant un ordre dfimportanc~
décrois-
sant ainsi que le révèle le tableau ci-dessous.

Tableau
n021
Besoins du village exprimés par les 113 chefs de
famille suivant un ordre d'importance décroissanteo
----------
1
i
Nature des besoins exprimés
Nombre de
o.
de
c;
i
/e·
i
des réponses
1
réponses
1
réponses
~
par besoins
~
--t
t
1° Bitumage r out e
rC1ute Konda-Adamé
Conc-~truction route Adamé-Dayes
112
99,11 cl
99,11 /0
____..........-.'__
- r . > . : . . . . ~ . .
____
,
..........-.'__
- r . > . : . . . . ~ . . ,
2° Santé
83
73,45 c;'
;Q
-~]
2° Santé
83
73,45 c;'
;Q
3° Enseignement
59
52,21
52 ,21 %
.
4° Postes et télécommunication
(téléphone)
37
32,7
2 ,7 4 %
~-.....--=-
5° l'Jécamisation de l'agriculture
14
12,30
12,3
%
....,._---
'
6° àugmen
Augr;;en t Fl t ion du prix du café
et du cacao
14
12,30 %
7° Pr~ts à l'agriculture
Il
9,73 al
9,73 70
70
._----
.....- - 0
8° Construction de logements ad-
ministratifs dans le village
10
9,73
. -
9° Adduction d'eau
10
8,84 %
--_._-...... .
--~-
--_._-......~
--~-
10° Construction d'un marché
9
7,96 y~
-_.;
11° Eclairage électrique de
village
7
6,19 9~
-
J
-

250
On peut répartir les besoins exprimés par les paysans en deux
gr-anus
granc's groupes
: les besoins réels ou besoins "sociaux utiles" et les
besoins indu~ts c'est-i-dire ceux qui résultent principaleuent de l'influen-
ce de la ville dans le canton de Kuma.
A) Les besoins "sociaux utiles"
:
Dans le premier groupe, nous retrouvons les be e.ri ne
bes·,ins dont l'or dr.e
de classement est l, 2, 3, 5; 6, 7.
Le bitumage de la route;
du moins sa réfection en vue de la
rendre praticable toute l'année
répond à des impérptifs économiques et
sociaux. En effet
la plupart des villages du canton sont d'accès pa~ti­
culièrement difficile
i l en résulte un isolement d'autAnt plus paradoxa:,
que le village d'Adamé
par exemple, se situe seulement i
15 kms environ
du chef lieu de la circonscription de Kloto. En raison du mauvais état
des routes, peu de transporteurs acceptent de relier le canton i
Kpalimé;
en cas de force majeure les paysans sont obligés de
débourser jusqu'à
l 000 li' CFA pour se faire transporter en taxi.
de Kpalimé -,..
jusque dr.ne
dr,ns
leur village. C'est pourquoi,
les déplacements se font le plus souvent 2
pied a travers quelques raccourcis qui se trouvent dans les montagnes.
Deux fois par semainE.
seulement. c'est-~-dire les jours de
msr chê
m;;rché a Kpa Li nè ,
Kpalillé,
deux camions de
fabrication britannique. particulièrcr.1B!Jt
usa~e~
surchargés de sacs de café et de cacao, de nattes et de voyageurs,
assurent la liaison entre le village et Kpalimé. Ils roulent péniblement
i
travers la montagne et aux end~oits pariculièrement dangereux, les appren-
tis chauffeurs et quelques jeunes
sont obligés de descendre pour aider le
camion à franchir ces écueils. Inulile de préciser que sur environ trois
kilomètres
l'émotion est particulièrement intense parmi les voyageurE:
condamnés ;~ vivre des instants angoissantr
chaque fois qu'ils doivent se
rendre à Kpalimé.
Outre ces dangers réels:
dont les effets psychologiques sont
de nature G nuire au dynamisme du village, les co~ts de transport des
marchandises constituent des charges relativement importantes pour les

251
payaar.s ,
paysan.s. De ce point de VUE., la situation du village de Ba La ,
BaIa, est des plus
cri tiques, le t r ansoor-t
transi.Jort jusqu'à Kpalimé revient à 100 F CFA. les trans-
porteurs perçoivent 100 F CFA.par Bac de café, 25 F CFA pour une natte d'une
valeur de 100 F CFA. Le coat de transport eeul, représente 25 % de Ba
'
valeur de la marchandise. Sur un petit sac de sc),
de
deux kilos acheté a
200 F le coOt du transport s'él~ve à 25 F CFA. Il est de 5 F par t~te
d'igname achetée à Kpalimé : i l en résulte donc
un renchérissement du
prix des marchandises achetées à Kpalimé et tr~s souvent une sous valori-
sation des produits locaux que les paysans vont vendre à Kpalimé : sans
pour autant: parler d'une "dégradation spatiale des termes da l ' échanr;e 11.
force eGt de reconnattre cependant que sur le plan 10ca] , le processus
d'appauvrissement résultant de l'exploitation capitaliste est amplifié
par certaines contraintes; en l'occurence le mauvais état des routes.
La construction de la route Adamé-Dayes permettrait un achemi-
nement
plus rapide des produits de cette derni~re région, sur Kpalimé,
en évitant de faire le .détours par Adeta. bayes serait en effet a moins
de quarante kilom~tres de Kpalimé au lieu de cinquante deux kilomètres
comme c'est le cas à l'heure actuelle. Il convient de noter au sujet de
la construction de cette route~ que les paysans avaient pris eux-marnes
l'initiative des travaux. Mai~ en 1962, le régime d'alors s'6tait en~ag~
à se substituer entièrement ~ l'effort local, mais rien n'a été fait
avant sa chute en 1963. Depuis, le projet a été délaissé dans la mesure
où l'enthousiasme populaire né dans la chaleur des premi~res année!, do
l'indépendance, a fait place â une déception générale et .permanente. Sans
doute pour des raisons de rentabilité,
la construction des routes dans
le canton de Kuma
se heurte-t-elle à des difficultés objectives : en
effet, le poids économique du canton
dans la circonscription de Kloto,
est négligeable quand on le compare au plateau de Da
D y e s
ayes par exemple. Tou-
tefois, en associant l'investissement humain
à des efforts financiers
publics, une issue moins coateuse pourrait ~tre ainsi trouvée.
Quant à la santé et à l'enp,eignement, nous avions déjà manifesté
leur importance dans la stratégie du développement.

252
L'ordre dans lequel ces deux ~ecteurs ont &t& plac&s confirme
s ' i l en est encore besoin, une th~orie de développement qui fait de la
satisfaction des besoins s~ciaux, son point d'application principal et la
condition de son efficacit~.
D'une façon g~nêrale, en dehors de la rubrique nO 4 (P.T.T.) la
hd èr-ar-ch i se t i on
hi~rarchisation de besoins, établie d'après l' e nquê t e
enqu~te correspond à la
,."
'"-'
situation objective du canton de Kuma : la mécanisation de l'agriculture
(no 5), l'augmentation des prix du café et du cacao et les pr~ts à l'agri-
culture.
constituent autant de mesures permettant d'am~liorer la production
et le niveau de vie des paysans. La contradiction à ce niveau ~~fère à la
faiblesse du poids économique du canton dans la région de Kloto et à l'ampleu:
des moyens financiers que nécessiterait un développement local. Mais cette
contradiction est généralisable à la plupart des cantons du pays : aussi,
n'apparait-elle pas comme une contrainte, mais plutat comme un atout dans la
mesure àù elle indique clairement les domaines sur lesquels les efforts
doivent 8tre concentrés en vue d'assurer le développement.
B) Les besoins induits :
En revanche, quand on se r~fère au deuxième groupe des besoins
exprim~s, c'est-à-dire, les nO 4, 8, 9, 10 et lIon est avant tout fréppé
par leur caractère urbain~ Certes ils ont été tous, à l'exception des P.T.T.
classés en queue de liste, mais leur présence seule, témoi~nc largement de
l'influence que le phénomène urbain exerce sur le canton. Cette influence
s'inscrit dans un processus global de la pén~tration au village, de ce que
P. RAMBAUD Appelle" la culture urvaine".
En effet, dans la plupart des pays africains et au Togo en parti-
culier, la cr~ation des villes répondait au départ à des objectifs ~cono­
miques et politiques des pays colonisateurs. Lom~ comme Kpalim~ ont
ét&
cré~es par l'administration coloniale allemande comme des centres adminis-
tratifs à partir desquell!' pouvait s'op~rer l'exploitation des ressources
du pays. Capi tales
conon.Lque s
~conolr,iques et administratives, les villes
è

253
africaines se sont diveloppies t&nt au point de vue d~mographique. 1u'au
point de vue spatial, sans aucun rapport avec le diveloppement riel de ces
pays, exprimant ainsi leur caract~re artificiel et dipen~ant vis à vis dos
métropoles e ur op êe nne e ,
europiennes. 1>erçues essentiellement comme
comr.le les lieux de la
"modernitô", c'est-à-dire de l'acquisition d'un certain nombre de biens
matériels et immatértols tels que la culture, elles constituent à cet é~~rd,
le point de focalisation de toutes les aspirations. L'exode rural qui en
résulte
dépasse de
loin.
par son ampleur et ses exigencei les possibilités
. réelles qu'offrent les villes:
et i l n'est pas surprenant,comme l'ont indiqué
un certain nombre d'auteurs,
de voir se reconstituer dans les villes
dos
ilets humains mrrginaux,
d&centris par rapport au mode rural mais non int6gri.
à la r&aJ.ité socio-économique, politique et culturelle du mode urbain (160).
En raison de son influence pripond&rante,
la ville fiffuse
d~ns
le milieu urbain,
des mod~les de comportement nouveaux, y induit un cert&i~
nombre de besoins nouveaux. Ainsi, le changement y est conçu sur le mode
d'une aliénation, parce que "la sociité rurale utilise la ville pour Ge
penser et priparer son avenir". Ce faisant le monde rural accentue sn dé-
pendance, par rapport à la ville et à travers elle à des modèles de civilisa-
tion étrang~re, en l'occurance la civilisation européenne".
~our ce qui concerne le village d'Adami, l'indice de dipendance
le plus fort
s'exprimerait d'après les risultats de l'enquête par le sec-
teur n04 c'e~t-à-dire les postes et télécommunications; le pourcentage
relativement élevé (soit 32,74 %) des enquêtes qui ont émis ce besoin
indique
dRns une certaine mesure.
jusqu'à quel point le village se pen~0
à travers la vilJe pour réduire en quelque sorte dans l'imaginaire, l~
distance qui la sépare de
cette derni~re. 8ar en réalité, rien ne justifie
l'installution d'un bureau de poste dans le village d'Adamé
: le courrier
destiné au village y est acheminé
certes.
par l'intermédiaire de la douane
c1ou3.:ae
de Tomegbe qui se situe à 4 km du village. La constriction de logements
administratifs dans le village se justifie d'autant moins qu'il n'existe
(160) Pour une vue Lrrt êr-e s.ran t e
intéres:'ante du phénomène urbain au Togo, se reporter ~,
l'étude de G.R. KENK6U sur URBAFISr;.TION J.jT DEVELOPPEMENT DE LmIE 'I'hè sc
Th~sc de
doctorat de 3è cycle 376 pages Paris 1973.

à Adarlé qu'une douzaine de fonctionnaires instituteurs et professeurs de
CEe' .. et une matrone; en f a i t ,
fai~, a trRvers les Lorreme nt s
lo!,;ements administratifs,
l'idée souvent exprimée réfêre a celle des belles maisons avec leur confort
relatif qui est fondamentalement une image de la ville.
Pour ce qui concerne l'adduction d'eau, i l convient de signalur
que la région de Kloto est l'une des plus arrosées du Togo (1 700 mm d'eau
par eau) en raison de sa situation géographique. Le village d'Adamé béné-
ficie de ce point de vue~ d'un climat relativement humide. En outre quatrs
rivières importantes encerclent le village: i l s'agit de "NEKLI" de "I3A'IE" ,
de la rivière "AKA" et de
"ASIGEKPOE". La source de la rivière NEKLI se
trouve dans les abords immédiats du village,
ce qui permet aux habitants
d'avoir accès à une eau potable
présentant des risques de poîl1ution r e La.t i.e-
rel,1ti-
vement mineurs.
Dans l'état actuel du développement du village, la construction
d'un marché ne parait pas s'imposer quisqu'il en existe déjà ur,
comportaLt
deux hangars à plan.cher :-enciMent et entièrement couverta
de tales :
(161) en tout ~tat de cause, tout permet de penDer que la politique récente
de
con s t r-uc t i on
constructiL1n de marchéS à étage. en t i èr-er.enf
entièrei'ient couverts dans un certain
nombre de villes du Togo, en particulier
LŒ-iE, KPf.LIHE, ATAKPAiI1E et SOIWDE
vehicule déjà dans les zones rurales
l'image d'un lieu de transaction
qui s'impose
autant par sa beauté.
que par son importance économique.
Enfin la dernière catéf,orie c'est-à-dire l'électrification du village
résulte dans une certaine mesure de l'influence que la ville exerce sur
le village
à travers le campement de Kloto (162).
Tomegbe, onm d'un village de la circonscription de Kloto.
(161) Ces hangars ont été cnnstruits par les habitants du village eux-m~ocs.
(162) Sorte d'h8tel co~portant un restaurent et des chambres où les cita-
dins fortlnés vont passer leur week-end et qui se trouve à 4 km du village.

,
255
Li~u de repos et de d~ten6e des citadins â la recherche de l'2ir
pur des montagnes, le campement de Kloto a entrain~ Quelques transfor~ations
dans la r[gion ; d'abord i l est rcli~ i Kpalim~ directement par une route biti
m~e et par le t~l~phone. En outre il comporte l'~lectricit~. La modernisa-
tion du campement a attiré dans la région de nombreux fonctionnaires et
politiques qui s'empressent d'acquérir des terr~ins dans les abords immédi~ts~
afin de bénéficier le moment venu de l'infrastructure d~jà mise en plac8a
Expression de la ville projetée au milieu d'un en8emble de villages d'acc's dJ
difïicile, le campement symbolise i
la fois un passé colonial et un type
d'urbanisation artificielle en sens que dans ce cas précis, l'implantation
d'un équipement urbain en milieu rural.
est destiné avant tout i
satifaire
les besoins des citadins ne laissant ainsi au milieu rural que les mythes
de sa pr~sencea Sans pour autant établir une relation directe de cause à
effet.
entre la modernisation du campement et la derni~re catégorie des
besoins exprim~s par les habitants d'Adam~, il demeure cependant vrai,
que par son interm~diaire, l'influence de la ville s'est accrue dans la
r~gion et que la pr~sence de l'électricit~
l'électricit~ inaugure déjà dans l'esprit des
habitants
des possibilit~s d'extension future
dont ils pourraient bénéficier
Si d'une façon eénérale, la plupart des besoins ainsi exprinés
émanent d'une minorité (exception faite des P.T.T., le score des réponses
pour les autres besoins se situe entre 12,30 % et 6, 19 %) il n'en demeure
pas moins vrai, qu'ils témoignent sur le plan qualificatif, de l'emprise
de plus en plus grande de la ville sur le village: en effet, le processus
d'urbanisation entendue au sens de la pénétration
de la "culture urbaine Il
dans le monde rural,
s' opê r e
op~re par-
par< l ' intermédiare d' are n t s
a!.ents qui de.reur-errt
de;~'eurent
ainsi les supports objectifs.
c'est-i-dire des relais de transmission
par-t d cuI i.èr-ene n t
particulière'ilent efficaces.
1°) D'abord les jeunes ruraux qui émigrent dans les centres urb~inE;
notamment i
Lomé, à Kpalimé et dans: les régions du Ghana "e:ntretiennent de
nombreux liens avec leur village d'orie1ne
par des visites fréquentes;
fonc-,
tionnaires ou artisans, ils représentent aux yeux de la population localü
de nouveaux privilégiés investis de t~us les mythes de la "culture ur ba.i ne "
urbaine:!

256
donc de la civilisation européenne dominante ct bénéficient ainsi, d'un
pr-ee t i .
pre.sti: e so c La L,
Gocia], non négligeable
ils conr t i.
con"ti tuent la fierté des parents
et du village tout entier (163).
Cette situation leur a s s i.gne
aSf'igne dans
d:ms le village
le r ô Le
rale d' élémeuts
"mo der-nd aat eur-a"
"moderni3ateurs" dont le comportement s e
~)e r('r;le ain ~i. en fonction d 'lJ.n#
"demande sociale". D'ailleurr
a Adamé,
Adamé
les fonctionnaires originai.ree
t
du villaGe.
se sont regroupés en une aBsociation qui essaie d'aider m~~i­
riellement le villa~e i
effectuer certaines réalisations telles quo les
latrines publiques et la conAtruction d'un internat pour les ~l~ves du
cours complémentaire du Canton.
~
2°) Le deuxième support (le la "Culture I'
tT r baLne "
.L'baine" au vill&ge Se
r~f~re au groupe des instituteurs et des profeGse\\~s. .
i l
il
existe à AdamÉ>.
une
ê c o Le
~cole primaire officielle de Dix classes pr~J:Pr.·nt· le;.ij
lq.ij
~lêvos au certificat d'études prinaires et au concours d'entrêe en clasa_
de siEième. Quand au C.E.G. i l
il est de création récente. pusqu'il a été
ouvert à la rentrée
1971-1972. Si les rapports entre les enseignants
.t
les habitants des villages sont que Lqu e f'o i.e
quelquefc)is tendus, les premierG cO}-"~:WTf'~
néanmoins une influence importante.
Li ée
li~e à leur f'o r.c t Lon
fo"·ction de IIdiffuseur
de savoir du 't.bl&no~-' ; ;lsœ: influence s'exerce surtout sur les jeuhes
scolarisés ou non et aussi
auss! sur certains adultes lettrés qui sont re~ou~
,~ .
i
la terre.
Enfin,
d'une façon gén~rale, la plupart des habitants ,du villag',
effectuent de nombreux déplacements. a hpüimé, pour leur approvisiom.
:··,~t
en denr-êe s .
denrées.: de première l1,é.c,essi té et en produits manufacturés : il
il ez';."
-----------------------------------------
(163) Cette fierté s.e~prime i travers le terme de "notre fils auquel
certains adultes ont recourB, quand ils vous parlent d'un jeune resGoTti~­
sant du villag". qui a une situation sociale importante en ville
soi~
docteur en m~decine. 30it haut fonctionnaire etc •••

257
trois petites boutiques dans le village, mais elles sont plut8t sp~cia­
lisées dans la vente des bo i enons ,
boisGons. Les habd
h2bi tants sont ainsi, en ra]/',ort
per;ianent avec les r~alit6s attrayantes de la ville. Parmi ceux-ci, les
boutiquiers, les acheteurs de produits, originaires du village et les
pro!lrié,taires de motodécortiqueuses
constituent un groupe plus "a c cu I
"accul ttll'~!"
et dont l'influence repose, sur leur pouvoir 6conomique et leur capaci~[
,\\ accorder de petits crédits et prêts aux nécessi t e ux ,
teux. Le pr-o ce esue
proces<:us d'ur-
banisation induit ainsi dans le village.
de nouveaux besoins,
dont l'emprise
est r-e nf'or-cêe
renforc~e par la pr-ê se nce
présence· "d'éléments modernistes et ac cu Lt ur-ê a"
acculturé:,;" <S'cl
<S'cl
sein de la population locale. Ces besoins apparaissent comme le lieu de
cr-Lc t a.l l i.r.at Lon 1
cri~:;talli:·:ation
d'une partie des aspirations du monde rural
et mani:êë::"tcnt
à bien des égards, des types de contradictions locales inscrites dane le
contexte global de dépendance de la sociét~ globale, vis i
vis de l'~tr8n-
Le proces~us
proces~us d'urbanisation lui m@mE. en raison de son caract~~e
artificiel et déterminé 1 provoque l'exode rural) non seulement concrètec1
concrètec1 ent,
ent,
par l'afflux des jeunes ruraux,
dans les villes. mais bgalement dans
l'imagin,üre en d.i f'f'u san t
diffu,cant dans les villages une "culture ur-ba î.ne!'
urbaine i1 ,, qui
accentue l'écart entre les conditions ~conomiqQ~sociales objectives du
milieu et les aspirations des populations. De ce point de vue, i l se rév01e
que les remèdes R ce niveau trouvant leur point d'application dans les
villes,
elles-m~mes et qu'il faut donc dans la perspective du développement
mettre en oeuvre une politique d'urbanisation plus productive qui fasse
de lEt ville. non une excroissance "chargée de puissance capitaliste li
capitaliste
mais
une s t r-uc t ure
structuI'd
de
développement qui s'insère de manière cohérente.,
dans
l'espace économique et socio-culturel de la sociét~ globale.
Section 2°)
Contradiction entre l'instance économique et l'~n~~a~c~.
}déologique :
Sous l'action dissolvante du mode de production capitaliste, la
formation sociale Ku
K ma.
uma . manifeste une seconde contradiction celle qui
.J
oppose l'instance économique
à l'instance idéologique. Dans son expression

258
la plus générale, e Ll.e o ee
ell~~,ee traduit par le recul de l'économie de cub a.ist enc e
rmhsist:"r;cc
ct le mai n t i cn
r;w.inticn des valeurs des Lnrt i t.u t i one
in.'titutions et des "mo dê Le s
!lmodèles "l1 de comporter;,(C,et""
anciens. A Kuma la spicificité de cette contradiction appara!t dans le
rcl§chement des formes de solidarité liées au travail d'un c8té et leur
mai.rrt i cr-.
mainticr.
dans le cadre des manifestations rituelles liées au dérot:L~lw~:Jt
du ctcle de la vie individuelle et collective. A la suite de l'&mergence
de nouveaux rapports de productior~ (m&tayage et salariat), les erouves de
travail qui intervenaient dans le cadre de la production agricole et arti-
sanale (construction de cases essentiellement) avaient disparu:
certes,
lCG rapports de solidarité ont subsisté dans le cadre des familles et des
groupes occasionnels mais ils permettaient avant tout aux indivi,~us de
s'adapter à la nouvelle conjoncture économique
; nous avions noté ~ ce sujet
que les groupes sous des apparences collectives,
contribuaient dans Ulle
large mesure
à renf"rccr l' indi vidualisme.
En revanche
a travers de nombreux rites,
de s
def~ fories de soli CÎa-
rit6 se manifestent : plusieurs cas peu~cnt nous permettre de les Dettre
en évidence : les cas d'accident et de maladie, les cas de naissance et
celui des funérailles en parttculier.
A) Cas d'accident et de maladie
:
Lorsqu'une personne recouvre la santé après une longue maladie
ou apr~s un accident survenu ~ la chasse ou aux champs, sa famille organise
des cérémonies de remerciements aux ancêtres. y sont conviés tous les
parents, les amis et les personnes âgées du village. La tante paternelle
du convalescent délaie de la craie blanche dans de l'eau
qu'elle répand
sur le front et sur le corps de l'intéressé. Elle en fait autant à toute
l'assistance. Les cérémonies se terminent par un repas auquel tout le
monde perticipe. Il s'agit d'une sorte de communion entre les hommes et
les anc~tres d'une part et entre les hommes eux-marnes d'autre part. A
cette occasion, la convalescent reçoit des dons de la part de ses parents
et amis nota~ment de l'argent et du vin de palme destiné aux cérêmonies.
...
.


~
259
Pour les ne:: <sance s
ssances les f'emme s
fet!'mes du villae;e se char r.en t
chari;ent d' ;'lle:r:'
cher-char
ctercher de l'eau et du bois, les hommes donnent g èn êr-a Lanen t
généraleiJent de 1; a.r .en t
.ent
15 à 25 F C)~ p;r personne, selon le cas.
B) ~es fupérailles et les fêt~~.
A l'occas;on des dic&s,
des fun~railles, la solidarit6 sc
marri
Iilani feste duns le cadre du lignage et du village tout entier.
- L~s parents du lignage mAternel fournissent lu natte sur
laquel e sera couché le défunt avant l'enterrement. Une
deuxi~~e natte
provient du lignage paternel. Elle est enterrée avec le mort. Tous lOG
membres de la famil'e donnent obligatoire~ent des pagnes et surtout dG
dG
l'argent pour l'org'anisation des funérailles. D'une façon ::énél'!Lle, tOUD
183
parents éilioign~s h8bitant hors du villnre ou du cantorr; apportent
une aide matérielle.
-
Dans le cadre du village, les vieux s'informent des caUB~S
dudécès. En cas de négligence,
les parents sont passibles d'une amende;
t
le chef du village reçoit deux bouteilles de boisson et un bélier, selon
l~ gravité de la néglie;ence. L'enterrement du défunt est eflcctué p~r un
homme habitant le mOrne quartier et qui n'a aucun lien de pnrenlé avec ce
dernier. Ce sont également des hommes du villae;e qui se chargent de creuser
la tombe. Les travaux des champs sont interrompus pendant la dur&c des
fun&rail}es. Le village fournit â la famille éplorée des vivres pour la
r~ception des invit~s. Sur la demande de la famille du défu~t les ~ens
ais&s acceptent g~n&ralenent de lui pr&ter de l'argent ou des animaux
destinés aux cérémonies. Les cas de refus entraînent une hostilité al~ 0Z
profonde et peuvent compromettre par ~w~mple le mariage des jeunes gens
»ppat e nan t
.O)ppatenant à ces familles. Enfin, au cours de la veillée funèbre, l ' 1:wsir~­
tance chante des chansons,. "(Agbléha)" que l'on èxécutait aux champs autrc:-
fois pour donner de l'entrain à ceux qui participent à un travail collectif.
Le maintien des manifestations de solidarité dans toutes ces
circonstances, éclaire à bien des égards le rple dominant de l'instance
idéologique au sein de la formation sociale Kuma :
dans un
.t)ntexte de

260
d&sagr~gation sociale et ~conomique les croyances, les valeurs et les
repr0sentations, const!tuent des ~l~ments de r~f~rence
r~f~rence pour les individus
et les groupes sociaux. Dans la société "tradi tionnellc, l'idéologie jouait
un rele important dans la mesure où le pouvoir politique ~tait contr818
par les a!nés
; toutes les c~rémonies li6e8 i
l'intronisation du chef
rév~lent non seulement la dimension sacrée du pouvoir, mais éEalewcht le
raIe de l'idéologique dans le procès de production social: c'est par ce
biais que la reproduction des rapports de dépendance était assurée. La
recherche du consensus sur la base des rapports d'exploitation n'ftait
possible que grâce à l'adhésion de tous les groupes sO,ciaux à un or dr e
ordré;
social reconnu comme ~tant fondamentalement légitime, c'est-à-dire cr&é
et voulu par les ancêtres qui agissent à travers leurs représenta~ts que
sont les autorités politiques et religieuses.
Les croyances concernant par exemple "Kevuvu", le dieu du riz,
et toutes les cérémonies auxquelles elles donnent lieu, manifestent IR
complexité des phénomènes sociaux. Les cér~monies de "Kevuvu" forment un
enoemble de rites destin~s au dieu des cultures. Le sacrifice d'une ch~vre
~l~ment principal du rite, est le moyen par lequel on cherche à attir~r
la. bienveillance de "Kevuvu" sur la récolte
: chaque assistant ramasse
à l'endroit où se déroulent les cérémonies autant de sable qu'il veut. Le
sable symbolise une récolte abondante : i l traduit ~galement la rel~tion
maGique que les Kuma établissent entre récolte abondante et fécondité
féminine. En effet selon les croyances, le sable rammassé sur le lieu
des cérémonies et frotéé contre le ventre d'une fem~e stérile,peut
ouvrir à cette dernière la voie a la maternitéo Le sable constitue ici
l'intermédiaire indispensable par lequel on accêde mythiquement à des
r~~oltes abondantes et par conséquent à la fécondit&. La relation r&c~lt~
fécondité traduit a certains égards une conception du monde,
fondée sur
l'assimilation de l'ontogénèse à la phylogénèse : elle n'est que le
reflet de la prédominance de la force
de
travail humaine dans une
société où les moyens de travail sont peu développ&s.

261
Par ailleurs, ln fête des igname~,. chez les Kuma ,
Kuma..
donnent lieu
i
des c~r~monies o~ 1p culte des ancêtres apparaft comme le prolongement des
élÉ:ments qui entrent dalls le procès de travail. La fête des ignames syn1bolis
è
Lème rrt s qui entrent dan s le procès de travail. La fête des ignames symb oLf.s
à Kuma la f~te de toutes les cultures vivrières, parce~~uo l'igname était
une nourriture ancestrale. (f~~
~lle est pontu6e de c&r&monios
cér&monios de :emer~ie­
ments qui interviennent après les prer.Jières récoltes. Elle donne au poucoir
politique l'occasion de manifester son prestique et sa lécitimité. En efÎct,
c'est le chef en personne qui préside à toutes les cér*monics. Celles-ci
se terminent par un repas auquel les gens viennent pa.rticÎ".ler symbo l Lquemerrt
symboliquemt';nt
dans sa maison.
Ainsi, le procès de travail des cultures vivrieres combine des
~lomentB à la fois techv1que et religieux. Le cycle de la production est
marqué à son début et i
la fin, par des cérémonies de nature diff~rente qui
expriment bien l'analogie entre le développement du cycle véc;étatif et
celui du cycle social : les cérémonies de "Kevuvu" sont présidées par un
prêtre affecté en permanence à cette tôche i elles nécessitent le sacrifice
d'une chèvre dont la viande n'est pas consommée i ces cérémcnies intervi0n-
nent avant les semis.
La f~te des ignames, au contraire, est présidée par le chefdu
village ; elle requiert le sacrifice d'un bélier, principal animal dans
tous les sacrifices destinés aux anc@tres chez les Ewé : elles se termine~t
par une consommation collective qui en fait
est une sorte de communion
avec les ancêtres.
A travers ces diff6rentes manifestations, l'instpnce id~01ogiqu8
fonctionne comme une véritable infrastructure qui modèle le comportement dec
individus et qui leur permet de s'ins~rer dans la communaut6. Ainsi, la
cohésion des groupes sociaux relève â la fois des solidarités mises en 08uvr
dans le cadre des groupes de travail et de l~intériorisatio~ par les indivi-
dus des croyances selon l~squelles la permanence des grouper~ leur sécurit6
:'~-pCndOi:-lt une réali 1;( transcendante.
Rien d'étonnant dès lorf'
si lri pénétration du Eode de production
Capitaliste
au Gein de la formation sociale KumB~ n'a pu entamer certaines
j !
Capitaliste
au Gein de la formation sociale KumB~ n'a pu entamer
j !
formes de solidarité li6e5 ~ l'instance id~ologique. En raison de sa

262
dominance au sein de la formation sociale, elle résiste mieux au processus
de désagrégation ; mieux, elle devient un cadre de résistance consciente et
voulue des groupes sociaux à la domination étrangère. Les messianismes
africains, tels que le Kibanguisme relèvent dans une certaine mesure d'une
telle interprétation.
Dans la m~me perspective, les formes de solidarité liées au fu-
nérailles, aux naissances, acquièrent une nouvelle signification dans un
contexte de désagrégation sociale : elles traduisent la volonté des groupes
de conserver un ordre social considéré comme immanent et elles apparaissent
cornille des procédures d'adaptation permanente au contexte actuel. Poussés
inexorablement dans des structures nouvelles qui modifient et transforment
les rapports fondamentaux, les groupes sociaux maintiennent cependant cer-
tain~s valeurs et comportements "traditionnels" comme une sorte de défi à
la domination exercée par le Mode de Production capitaliste. Les solidarités
«ise~ en oeuvre sur le plan idéologique, donnent naissance dans certaines
~~ofistances, comme les funérailles à des phénomènes d'obstentation qui
.se: révèlent ainsi comme les expressions les plus fortes du décalage entre
les structures économiques nouvelles et la persistance des valeurs tra-
ditionnelles.
~, .
Dans la perspective du développement, cette contradiction constitui
à l'évidenoe
une contrainte que l'on a souvent qualifié de blocage socio-
culturel: en d'autres termes, les difficultés économiques actuelles,
auxquelles sont confrontés la plupart des pays "sous-développés Il seraient
inhérents à leurs institutions sociales et aux conduites socinles.
~ ~' • . Il importe donc d'examiner cette notion et d'en prbciser le contenu.
Section
3°)
La notion dé "blocage socio-culture~"
Dans la littérature économique et sociologique, la notion de
"blocage socio-culturel s'introduit en fonction d'une problématique qui
est celle du changement social et du développement économique. Quand on
examine d'assez près cette notion, il apparait très t5t que derrière sa
simplicité formelle, se cachent un certain nombre de confusions et d'im-
préciasions qui sont d'autant plus marquées qu'elles est soumise à une
manipulation idéologique délibéré~
l'ethnocentrisme sociologique se

263
r&v~le à cet 6gard comme l'une des attitudes les plus caractGristiqucs.
Il convient d'examiner ces théories de mani~re critique, afi", de déter-
miner le niveau ou plus précisément, en quoi consiste le blocage, au sein
d'une formntion sociale donnée.
AO ) Les théories ethnocentistes :
Selon ces théories,
les institutions sociales dos pays dits sous-
développés constituerRient des obstacles, à leur développement
par voi;
de
cons~quence,
cons~quence, elles postulent le primat de la transformation des menta-
lités our celle des Rtructures sociales. Il convient de noter,
par ailleu~~
que la notion de "blocage socio-culturel" est souvent rapportee à la tr;~­
dition qui devient ainsi un frein au développement. Ce~tes, les funéraillec
coQteuses dans la mesure o~ elles donnent lieu, à des destructions de biens,
empêchent dans une certaine mesure.
la formation d'une ép0rgne local p
local
,
et
son utilisation éventuelle & des fins productiveso Mais. on oublie d'ajou-
ter que c'est par r~f~rence ~ la conjoncture actuelle caract6risée par une
désagrégation sociale. que certaines pratiques prennent un tel sens. Ce
faisent la tr~dition a 6t~ globalement considér&e comme un obstacle et
du m~me coup, ce qui est nouveau, c'est à dire, les "modèles culturels"
des pays dominants apparaissent comme des facteurs de changemento Dans
un article conaa cr-ô
consacr6 à la "crise du dève Loppemen t a Ld s t e
dÉ'veloppementaliste au Brésil, Lo
MARTINS rend compte de cette situation dans les terll'as suivants : "La
tendance s'est répandue de considérer tout ce qui était litr-"ldi tionnel"
comme un obstacle et tout ce qui était j'moderne" comme un f'u c t e ur-
fDcteur de char::-
gement, plut8t que de s'interroger sur l'impact de ces ~16monts, dans une
si tuation à car-ac t ôr-Le t f cue s
caractéri.::3tiques nouvelles. De plus la quali té de "traditionnel"
ou de moderne"
obbissait e&n&ralement i
des crit~res qui s'inspiraient des
sociitis avancies,
c'est â dire des critire~ analogiques i 1
analogiques i1 (164)0 Ainsi,
(164) L 0 hARTIN8 I,' épuisement d'un modèle dë
dê changement social la crise
du développementalisme au Brésil p. 451 à 462 in sociologie des mutations
Ed. Anthropos
Paris
1970
p. 454.

264
sous prétexte de marquer la c1if':érence entre les pays "sous-développés"
et les pays Il dève Lo ppôa"
développ(~s" beaucoup d'études ao c i o Logi e uao s
sociologieusô.:s et è conom i que a
éconor.1iques
en viennent tout simplement â nier la culture des premiers. A.G. FRANK
nous signale l'une des variantes de ces t h êor-Le s
thÉ·ories e t hno cerrt r-Let e s
ethnocentri,'ètes à pr-opos
propCH3
de l'analyse de la situation actuelle des pays latino-am6ricains.
(165)
A. travers les mê t ho de s
méthotjes d'approche du problème de c'ian~~em8nt ao c i a L
,social et
du d~vcloppement 6conomique d'un certain nombre de sociologues am6ricaiDE,
am6ricaiDs,
F'Rp.NK révèle qu' e Ll e s
ellEls r-e po s c rrt
repos(:;r~t sur le postulat suivant : Ille sous-dévelop-
pement constitue un état ori~inal, susceptible d'~tre caractérisé par des
indices de traditionnalisme et par cons6quent le d6veloppement consiste ;
abandonner ces car-a c t êr-Lat i que s
caractéristiquR[; et il. adopter celles des pnys dél a Loppè a'",
aloppés ll •
Cette conception rend les valeurs culturelles des pays sous-
diveloppis implicitement responsables de leur situation ~ctueJJe, niant
ainsi la spécifici t (. du phénomène du llSOUS développement li. D'ailleurs, La
h~
notion de blocage socio-culturel, au même titre que celle de trsous-dévelop-
peme rrt "
pement'l an pour fonction de masquer les v ôr L
vé-ri tables obe t a c Le c
obstaclec ccu dé ve Loppemerrt
développemEHlt
les véritables contradictions qui bloquent le d6veloppoment, c'est â dire
la domination exercé par le mode de production capitalistoG
La d6mRrche ethnocentiste analyse les institutions sociales,
dites
traditionnelles Gans tenir compte du contexte nouveau ad elles s'inh~rent
et qui de ce fait,
leur domme une signification nouvelleG La spécificit(
du phénomène du Ilsous-dtSveloppec:ent" n' rs t
rst reconnue que dana
daïls let mesure 01.'
ses véritables causes,
du moins les causes principal~s, ~ont niéesG
Dans le pr-occ ssus
proco:c.sus de développement l'asper.t principal de L., cont.r ad i tri on
contradicion
concerne la domination &conomique et l'exploitation qui cr6ent des structu-
res hybrides et non les insti tut ions soci<'~les et les c ondu i t e e:
conduite::; des groupes
sociauxG
(165)
A.G. FRANK : le développement du s ous
st·us développement l'Araérique La t i ne
la.tine
p. 35-101 F.
Maspero -
2è édition
PariF
1972

265
C'est pourquoi i l faut affirmer avec Lo MARTINS que" la reconnaissance
de la sp~cifitê histo~ique d'une sit~ation. implique in6vituhJement que
cette reconnaissance s'étende aussi a la dynamique des processus sociaux
et au comportement de leurs acteurs" (166).
Hors de cette exigence ~pist~mologique, la notion de bl~cage
socio-culturel ne sert qu'à justifier une taéoric idéologique du sous-
~ développement lui-même et à induire des types d'intervention qu~, ne
tiennent pas compte des véritables obstacles,.c'est à dire les.structures
~conomiquooet socio politiques imposées par les p~ys domin~ntso La notion
de blocage socio-culturel doit s'appliquer 8 un tel contexte et non aux
institutions sociales considérées en elles-m~meso
En effet, les mariages et les funérailles tels qu'ils étaient
cél~br~s dans la société, dite "traditionnelle" ne constituaient nullement
un frein au développement. Affirmer un tel fait, revient à perdre de vue
la dynamique interne propre à la société et le rOle de
ces institutions
sociales dans cette dynamique. Le mariagr. par exemple, :aanifestRit avant
tout l'alliance entre deux lignages au travers de leurs clefs respectifs
et permettait aux ainés de maintenir les cadets sous leur dépendance et
de reproduire ces rapports grgce à une extorsion de surtravail : l'échange
de biens auquel i l donnait lieu avait un contenu beaucoup plue social,
compte tenu de la nature de ces biens; le mariage avait ainsi un rôle
défini dans le procès de production social. et apparait de
CG
point de vu.,
comme un élément ou un facteur de
contrôle social.
De même le culte des anc~tres ou le culte des morts, assuraient
sur le plan idéologique, la coh~sion indispensable à toute communauté
hamaine. La destruction des biens qui pouvait résulter de c0rtuines prati-
ques manifeste a i.na i
ainrJÏ que beaucoup d'auteurs l'ont aou Li gu
souligllé "le5 limi
ê
t8S
imposées à l'accumulation ll
l'accumulation
dans les formations sociales. où les contenus
sociaux des biens sont extr~mement valorisés.
---.......
--- -
....... - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(166) L. MA~TINS Opus p. 454 Paris 1970.

266
MaiE'. est-ce à dire que cer-t a i neg pr-a t i quea,
certainespratiqul:4, certaines conduites
sociales, ne constituent pas des obstacles au développemc. t
dans
la
conjoncture actuelle? Répondre à cette question,
c'est examiner le bloc8f,e
socio-culturel sous l'angle du dépassement de la contradiction
entre l'ins-
tance économique et l'instance idéolof,ique.
B)
Le dép~ssement idéologique de la contradiction~_~le phéno-
mène de "hlocage socio-culturel"
Au sein de la formationsociale Kuma, la dominance de l'instance
idéologique n'est que le reflet de la contradiction principale entre l'en-
semble de la formation sociale et la domination exercée par le mode de
Production Capi taliste .; à la sui te de l'Al tusser, i l convi en t
el~t de noter que
la contradiction est surdéterminée ; "la co n t r-a dd ct Lon
contrAdiction (::,t inséparable de
la structure du corps social tout entier dans lequel elle s'exerce, insé-
parable de ses conditions formelles d'existence et des instances mêmes qu'ell.
gouverne: elle est elle-m~me en son coeur, affectée par elle, déterminante
mais aussi déterminée dans un seul
et m8me nouvcrnent et d&termin~e par
les divers niveaux et les diverses instances de la formation sociale qu'elle
anime n
anime ' 168) .
'168). "La dominance de l'instance idéologique apparait comme l'effet
d'une réponse qui ne peut se formuler que sur le plan im~ginnire, par la
médiation d'un certnin nombre de pratiques rituelles, pour ce qui concerne
les îêtes par exemple, ou par des c8rémonies religieuses,
dans le cas des
funérailleR. La solidarité mise en oeuvre,
dans ces différentes circons-
tances est un moyen par lequel les groupes sociaux tentent de préserver
un ordre social,
de maintenir la liaison entre l'ordre humai n
huma.in et l'ordre
ancestral; c'est donc par l'action d'un déterninisme social, que la célé-
bration des fêtes et des funérailles en particulier s' Lnipo.se
impo;-'c aux indi vi nue.
Nos infcrmate~rG
infcrmate~rG soulignent que nul he peut refuser d'organiser des funé-
(168) L. ALTHUSSER pour Marx collection théorie p. 99 - 100 Ed. Maspero
Paris 1965.

267
railles pour un parent défunt nu r-Lr.que
ri~;que de ['unir l '0':p1'(1'o1'8 ;; ..,J:ralc
..
et
d'attirer sur soi la colêre du dbfunt. Il en r&sulte que ces conduites
sociales aon t
sc,nt ré~lées par l'instance idéologique : dans ln société lignë;']"~J~'3,
la soli dari té mise en oeuvre dans le cadre des groupes de t rava'i L.
tr,:"..vail.
était e :
c,
fait
destinée comme nous l'avions not~, ~ assurer la reproduction des r3p-
ports de dépendance dans la mesure où elle se réalisait principalement a r
a~'
bénbfice des ainés.
A cet égard
la solidarité exprim~e i
travers toutes les manifes-
tations, 11605 au déroulement du cycle de la vie individuelle et collective
n'était que le prolongement de
la première, sur le plan idéologique. Elles
étaient toutes les deux inscrites dans le m~me procès de production socialo
Avec la pénétration du mode de production capitaJ.iste et la des-
truction du mode de production dominant,
les manifestations de solidarit6
lors des f~tes et des funérailles se trouvent en porte-~-faux, aussi peu-
vent-elles @tee interpr@t6es comme une sorte de réponse collective des
groupes sociaux, une ré~istance à la désagrégation de l'ordre social ancieè,
C'est par référence à ce contexte qu'il convient de comprendre 1[' notion cl,
blocage socio-culturel ; en d'autres termes, les institutions sociales
elles-mêmes ne constituent pas des obstacles au développement mais en défi-
nitive,
c'est le processus de destructuration incarn~ par le mode de produc-
tion capitaliste qui conduit les groupes sociaux à donner de nouveaux con-
tenus aux institutions sociales.
Le ph6nom~ne
ph6nom~ne de destruction et de gaspillage des biens lors des
funérailles ou ù l'occasion de la c Lèbr-a t i on
célébratior. des fêtes,
se r.2vèlent com.nc
è
COm,ll(;
les expressions les plus prononcées de
cette situation de crise dans la-
quelle sont plong~s tous les groupes sociaux. En effet, les funérailles
coQteuses ne sont pas uniquement le fait de
familles ais~es, mais elles
se g~néralisent i
tout groupe familial (169) parce q~·.llcs offrent l'occn-
__
._--_._-------------------~--~.".~~_
_--
..
.
.. _--
..
..
(169) A Adam~, pr~s de 75 000 CFA ont ~t6 d6pcns~s pour faire les fun&railles
d'un vieux prestigieux. La famille du d&funt
dG s'endetter pour pouvoir
faire face i
taute:~
~ dépenses.

268
sion ~ toute la" collectivit~ de manifûster sa coh&sion. sa solidarit~ au
del~ des difficultés économiques. L'ostentation ~ cet égard répond ~ une
"demande sociale" qui est elle-m~me fondée sur une solidarité ilinstitutiona-
lisée" ou +'ritualisée".
Ainsi comprise la notion de blocage appara!t non comme un phéno-
mène inhérent aux institutions traditionnelle0 mais comme l'ensemble des
effets de
conduites sociales déterminées par la situation Générale de crisG
à laquelle sont soumis les groupes sociaux. C'est donc en transformant cette
situation, trc:ff ;en éliminant la domination exercée par le mocle de Pr-o du c t i on
ProductioJ.1.
Capitaliste que l'on pourrait combattre efficacement les pratiques osten-
toires. Faire l'inverse revient â combattre les effets et nOIl la cause pri~~i
cipale d'un ôtat del~ous- développement" produit par le développement ~
l'échelle mondiale du capitalisme qui tente par divers biais
d'intég~~r
davantage les formations sociales africaines.
-:-:-:-:-:-;-:-:-:-:-:-:-

-
269
CON C LUS ION
G E 1'1
1'1
Ji: R ALE
-:-:-:- -:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-~-

270
CONCLUSION
GENERALE
L'intégr~tion des formations sociales Africaines au mode de produc-
tion capitaliste conduit ~ mettre l'accent sur les transformations qui
les affectent et les altèrent et sur les difficultés qui s'imposent à toute
entreprise de développement.
La dynamique de la transformation des structures anciennes n'est
jamais un rnou~ement
rnou~ement continu et achevé et se heurte à la résistance, â l'inert"
relative de certains secteurs et révèle ainsi la complexité de la nouvelle
réalité soci.le offerte à l'observ~tion. Elle ne se manifeste pas sur le
mode d'une coupure complète mais sous la forme d'une coéxistence de structur~
"d'~ges différents" où dominent celles qui sont directement liées au mode
de production dominant. Ainsi c'est en partant des structures actuelles des
~orrnations sociales que l'on peut découvrir leurs caractéristiques passées
et mettre en lumière le processus de leur transformation. M. Goielier note
...
t. l.
a· ce sujet :
"La connaissance d'une structure précède et fonde celle de sa
génèse. L'histoire économique suit la théorie économique, elle ne la précède
pas ••• Il n'est pas nécessaire de remonter aux origines historiques d'un
système pour découvrir sa structure fondamentale. Au contraire, c'est en
partant de la connaissance de cette structure que l'on peut s'interroger
clairement sur ses origines" (130)
G. Balandier partage également ce point de vue méthodologique et
souligne que "les études orientés vers l'examen et l'explication des chan-
gonon t s
gOr:lcnte modlfiant t l o G
loG eociété8"t.JoaditionnelleR ae
l,le 'nous ""éol:lircnt pali âe-a.-
lement sur le devenir de ces dernières mais aussi sur leurs structures et
(170) N. Godelœer Préface "Sur les sociétés précapitalistcs" p. 48-49

271
leur organisation antérieures" (171).
Dans cette perspective, la formation sociale Kuma litraditionnelle"
se révème comme une communauté villageoise définie par un certain nombre
de caractéristiques qui refèrent avant tout au mode de production dominant.
Avant de définir ces caractéristiques, il convient de s'interroger sur
la validité scientifique de la notion de communauté dont l'utilisation
en anthropologie inspire bon nombre de travaux et de recherches qui se
rapportent aux projets et aux programmes de développement &conomique. En fai
la notion de communauté comporte quelque ambiguité dans la mesure où der-
rière les méthodes d'approche des groupes restreints se cachent bien souvent·
des théories è., système social qui traduisent à bien des égards l'idéolo-
gie de la "puret'''' et de la "primitivité" e.. Ainsi H. Mendras fait-il remar-
quer que la diffusion récente de cette notion dans les sciences sociales
"est à la fois une transcription irréfléchie de l'Anglais et la manifesta-
tion inconsciente et subreptice d'idéologie latente chez les sociologues
qui leur fait regretter le bon temps de la vie communautaire" (172).
En réalité cette situation résulte de l'évolution m~me de la notio:
de communauté en anthropologie ; c'est donc par référence aux acceptions les
plus marqués qu'on peut manifester la spécificité de la notion de communauté
Suivant Tonnies la communauté est un état primitif et naturel &e
caractérisant diversement suivant la nature des rapports nécessaires et
donnés entre les différents individus dépendants les ur~~es autres. La
source commune de ces rapports repose sur la vie végétative qui commence
à la naissance. La communauté s'exprime dans trois sortes de rapports les
rapports entre la mère et l'enfant, entre l'homme et la femme, entre les
frèees et les soeurs. Cette conception fait de la communauté une réalité
"objective durable, une sorte d'organisme vivant intégré par opposition
(171) G. Balandier
Opus Cité Paris 1968.
(172) H. Mendras un schéma d'analyse de la paysannerie occidentale document
ronéotypé 21 pages.

272
à la société qui n'est "qu"une simple justa~Ul'bn d'individus indépendants
les uns des autres, un agrégat mécanique et individuel".
Pour Gurvitch, la communauté est une forme de "sociabilité" carac-
térisée par la cohésion entre les membres du groupe alors que la conception
américaine, comme le souligne A. MEISTER", part d'une notion
co Logd que
écoloeique ,la 10-
ê
cali té. délimitée par des frontières plus ou moins marquées possédant un corps
d'institutions propres et m~me f. l'extrème et surtout sur le plan ethnologi~ue
une culture propre" (173). Dans cette perspective la notion de communauté per-
met de mieux distinguer les niveaux qui différencient les groupes, les personn!
les campagnes et les villes et de constituer comme le fait Redfiel les carac-
tères généraux communs à toute paysannerie (174).
En tant que stade antérieur "à la société paysanne", la communauté
se dietingue avant tout par sa petite taille, par une homogénéité et par son
autosuffisance en ce sens qu'elle répond aux besoins des individus depuis
leur naissance jusqu'à leur mort. Ainsi dans sa tentative d'élucider les traitl
caractéristiques de la "société paysanne" par opposition a. ceux des "sociétés
primitives" Redfield postule-t-il une sorte de continuisme sociologique qui
ressortit à une théorie évolutionniste des sociétés et qui perd de vue les
caractéristiques propres aux formations socialeslprimitives".
Si toutes ces conceptions mettent l'accent sur la cohésion qui
caractérise toute communauté, en revanche elles niindiquent pas clairement
les fondements sur lesquels celle-ci repose. Dans cet ordre d'idées, l'apport
de H. Lefebvre dans la définition de la notion de communauté est fondamental.
En effet, pour cet auteur la communauté renvoie à trois ~éalités historico-
sociologiques"
- la communauté familiale ou communauté taisible des historiens.
- la communauté la plus vaste c'est à dire le clan, l'association
ou la tedération de Village.
- enfin la communauté de village proprement dite ou communauté
rurale.
(173) A MLJqTER p~eticipation animation et développement à partir d'une étude
rurale en Argentine p. 221 Ed. Anthropos Paris 1969.
(174) Redfield The little communauty and peasant society and culture.

27'
Pour Lefebvre, la cOMmunauté de village n'est ni une force pro-
ductive parce qu'elle "a entravé le développement des forces productives"
en emp~chant la liberté de culture, en paralysant les initiatives et l'in-
di vidualisme agraire, en soumettant
l' indi vi du A des contraintes tradi tiGcmeJ.
les, en génant l'introduction de nouvelles cultures et de nouveaux instru-
ments". Et il ajoute : "Entrée historiquement
en conflit avec les forces
productives, la communauté rurale ne peut s'identifier avec elles l
elles \\ (175).
D'autre part la communaut
communautÉ- rurale n'est ni un mode de pr-oduc t Lori
producti'.m
ê
"parce qu'elle maintient, se défend, Jisparait ou se reconstitue sous des
modes de production très différents".
Elle se définit par le régime de la propriété (propriété collective
et propriété individuelle) par des disciplines collectives, notamment dans
l'organisation du travail et par l'existence de fonctions de direction â la
fois techniques et politiques.
Tout en refu~ant d'assimiler la communauté de village à un mode de
production, Lefebvre énumère toutefois un certain nombre de caractéristiques
qui rentrent dans la com?ositio~ d'un mode de production donné. En fait la
communauté villageoise e'&.pparèrtt.-fi fJo eDLSemble de
Ulodes de production
,
articul~s autour d'un mode dominant caractéris6 soit par des rapports
de solidarité soit par des rapports d'exploitation. L'idée ùe communauté
n'implique nullement une harmonie parfaite entre les indi vi dus et les gr-oupo s
groul'os
sociaux, ni l'absence totale de conflits.
Elle manifeste avant tout les ~ormes d'organisation collectivo do
la production c'est h dire les diff~rentes formes de solidurit6 qui permet-
tent aux groupes sociaux de subvenir à leurs besoins compte te:nu du niveau
assez bas des forces productives et l'appartenance A un or(rr'e social auquel
(175) H. Lefebvre, Problèmer: de socio~ogie
socio~ogie ruraleo La communauté paysanne
et ses problèmes historico-sociologiques p. 86
crs 1949
VI N° 4.

274
adhère l'individu en raison de la domination des liens de par e nt
pareüté et du
é
caractère transcendant des valeurs et des cDoyances qui récissent les rap-
ports de l'homme avec la nature~
A travers l'étude de la formation sociale Kuma, en peut définir
la communauté villageoise à partir de sept caractéristiques :
1°) D'abord la parenté constitue l'élément dnminant dans les
rapports sociaux de production ; elle apparait à la fois sous une forme
réelle, c'est à dire la parenté biologique et sous une forme sociale la
parenté sociale qui exprime les rapports de production d6ter~inants, les
rapports d'exploitation entre ai nés et cadets. L'existence de rapports,
d'exploitBtion n'inmplique pas toutefois que les a1nés et les cadets cons-
tituent deux classes sociales. En effet nous avions essayé de mettre en
évidence la complexité de la stratification sociale de Kuma et nous avions
noté que les termes ainé et cadet recouvraient des statuts sociaux diff~r8~ts
et hiérarchisés.
L'exploitation demeure somme toute limitée et la nature des biens
que contrele~t les chefs de lignage ne leur permet pas d'op&rer une accumu
lation importante
; en réalité comme l'a souligné Meillassoux les chefs de
lignage et surtout les chefs de lignée utilisent una partie de ces biens
pour "les besoins économiques et sociaux du groupe" c' est ô~ dire, au fonc-
tionnement des structures sociales. Le contr81e de la reproduction des
rapports sociaux ne peut ~tre considéré comme le seul élément ~ partir dequel
on pourrait définir les classes sociales. Le procès de production immédiat
joue rn rale déterminant dans le cycle d'ensemble de la production. En
méconnnissant son importance comme le fait Rey,
on risuqe de définir de
manière partielle un type de st~~tification sociale dont la dynamique re~ose
sur les effets réciproques des différents moments du cycle de la production.
Le cont~'ôle des instruments de production à Kuma est aussi important que
celui de la oirculation des "richesses et des personnes il
personnes •
Les cadets sont
en fait exploités par les chefs de lignage puisque ceux-ci contralent seul.
la circulètion des richesses. De ce point de vue, les chefs de lignée qui
exercent un pouvoir de
fonction; à l'occasion de différents travaux inter-
vienÏl.ent··:~ indirectement dans l' exploi tation des cadets puisqu'ils pro-
duisent certains biens de prestige en l'occurence les paJ,ncs.
.
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....
,

275
hais ne sont-ils pas appel~s d exploiter les cadets puisqu'ils
héritent la chefferie et tocs les pouvoirs qui ~ui sont liés? h cet &gard,
on ne peut pas 6tre affirmatif car tous les chefs de li~niG n'acc~dent P&8 i
la chefferie de lignage ; cette succession apparait d'ailleurs hypothétique
dans la mesure où la mort peut intervenir avai-t
qVal't ce l.lornnnt. En fait dans l?c
soci~t& lignag~re le clivage sc manifeste davantage entre le pouvoir lignage.
et l'ensemble des groupes sociaux ct i l est difficile de rapporter cette
contradiction ~ une opposition de classes. C'est pourquoi, on admettra dif-
ficilement avec P.P. Rey et Dupré G. qu'il y a "oppositivll do classes dans
toute soci[té où un groupe particulier contrale la circulation d'un surpro-
duit de telle façon que la reproduction des rappo~ts de dép8ndance entre
les producteurs directs et ce groupe soit aasur&e par 12 circulation de ce
sur pr-o ôud t "
surproduit:? (176).
Il conviant d'autre part de noter que les classos sociales n'~­
mergent paD d'un seul coup au sein d'une formation sociale donn&e
; elles
sc forment progressivement avec le développement des contradictions entre le
groupes socinux sur la base de l'[largissement continu du niveau de l'ex-
ploi t a td on ,
tatioTI. Or le caractère "surdéterminé li
"surdéterminé
de la parenté, c !
c' Gf:;t à dire sa:'
intervention dans les domaines &conomiqu(
, religieux et politique blocue
le d6veloppement accusé des in~gplit&s. L'apparition des classes sociales
suppose une aliônation complète du travail qui ne peut se r&aliser dans
dan.s le
cadre de structureS lignagèree.
Enfin sur le plan méthodologique, on convienàxa avec C. Rivière
(177)qu'il faut dégager lés tendances "vers ou contre un certain type de
stratification plutAt ~~e de partir d~ l'existence de classes sociales pour
analyser les ph~nom~nes de stratification. ~n outre l'analyse des classos
--------------------------------_._---_.....
--------------------------------_._---_.........,
..... ....._------------
.....
(176) G. Dupr~ et P.P.Rey Th&orie de l'histoire des &changes dnns l'ouest
congolais cité pa~ E. Terray in le Harxisme devant les sociétés primitivos
po 158 Paris 1969.
(177) Co Rivière, Dû l'objectivitû des classes sociales en Afrique Noire
CIS vol XV'II
1969 ~6 119 - 144.

276
sociales doit tenir compte de la détermi~tion de condi tio:1;:; -cor.omiques
telles que gfn6ralisation des 6changes et la transformation du travail en
marchandise. Elle doit reposer sur la dé f:i. ni tian de conditions eo cd o-ccuL-
Bocio-cul-
turelles, telle que la désagrégation des structures de parenté et enfin sur
des conditions politiques notamment,. l'existence d'un Etat avec tous les
attributs qui lui sont liés. En réalité, l'existence de l'exploitation dé':::s
la soci~té créé les conditions de possibilité d'émergence des classes
sociales ; celles-ci ne se forment que dans la mesure où le contrôle de
la circulation des biens s'étend aux moyens de production. Si la domination
des rapports de parentb au sein d'une ~ormation sociale donnée n'est pas
incompatible avec des rapports d'exploitation en revanche elle bloque
l'émergence des classes sociales parce qu'elle maintient au sein de la
formation sociale des rapports de solidarité et des formes de propriété
collective qui favorisent l'intégration des groupes sociaux et leur capacité
à résoudre les conflits suivant des procédures ritualisées, destin5es à
rendre les croyanees et les valeurs sacrées et immuables.
2°) Du point de vue de l'organisation de la production les formes
de travail communautaire réalisées dans les groupes de travail dominent et
donnent ainsi prise directe sur "le fonctionnement socio-économique" du
village. Mais au delà des groupes de travail, l'unité de production domi-
Lante est le groupe domestique, c'est-à-dire l'ensemble des personnes unies
par des liens de parenté ou non, habitant gén6ralement la m~me concession
et qui "vient au m~me pet et au même feu".
3°) La confusion du groupe de production et de consommation se
':réalise ainsi dans le cadre des différents groupes domestiques dont l'en-
semble constitue du point de vue nwmer~que la communauté villageoise. Ce
trait manifeste le caractère d'auto-subttstanGe de l'économieQ'est-à-dire
suivant la terminologie d'E. TERRAY le oaractère non marchand des rapports
au sein du groupe domestique e~ l'homolo~ie entre groupe de production et
groupe de consommation.

277
4°) Le principal moyen de production la terrf
ressortit b une
propriété collective et communautnire : il n'existe pas de terres "vaCilr:~ef;
et sans maîtres", mais des "réservesccmmunautaires" ouvertes à t ote
tot.6
las
groupes sociaux soit pour l'élevage soit pour une mise en valeur t empor-rdre ,
temporrd;-8o
5°) Au sein de la communauté villageoise, les 0changes sont limitt
au groupe dominant des aînés et portent sur des hiens pr6cieux dont la
fonction sociale l'emporte sur la valeur économique ; ainsi c'est la fonc-
tion sociale lié,e à l'échange qui oriente le comportement des indi vi dus
qui cherchent avant tout, au delà de l'accumulation des biens, à augment or
leur prestige social et à valoriser leur statut.
6°) Dans cette perspective, l'0conomique joue un ralc secondaire
dans le fonctionnement des structures sociales et manifeste-ainsi les liuite:
imposées à la reproduction élargie par le faible niveau des forces productiv\\
7°) La communaut6 villageoise se d6finit par des relations "di_
rectes et personnalisées" entre les membres dans la mesure
où la par en t
parentt;ô
constitue la forme d'organisation g~n~rale et où les alliances matrimoni~10s
règlent la circulation des biens et des hommes et permettent la confrontn~io;
des groupes sur le plan 6conomique ~t social.
Si l'étude actuelle de la formation sociale Kuma dominée par le
mode de production capitaliste permet de manifester les caractéristiques
des structures anciennes ; elle met d'autre part en lumière ke processus
de transformation inauguré par l'introduction de l'économie marchande ;
de ce point de vue la contradiction entre chefs de lignal~e et chefs de
lignée, développe:
~ au profit de ces derniers, mais en définitive,
ceux-ci n'ont pas pu se constituer de vérit~bles propriét~s foncières parce
que le développement du métayage a autorisé différentes stratfeies quant
à l'appropriation des terres et a mis à égalité aînés et cadets •. Le relâ-
chement des solidarités orientées vers la p~oduction subséquent à l'hégé-
monie des cultures industrielles, sapait ainsi les bases de la communauté
villageoise et rendait par là-m3me problématique tout projet de développe-
ment économique. ~ans ce contexte l'implantation des coopératives en tant

278
que structures de
d6veloppernent ne pouvait op~rer les changements n~cespnire
que si l'on avait tent~ de revaloriser les formes communautnires de travail
et d'éliminer les contradictions entre les structures de production et les
strucutres de commercialisation. Or, non seulement les ooopératives ont Ct~
orientées vers la commercialisation des cultu~es industrielles, mais encora
elles ont d6 affronter la concurrence des maisons de commerce privGGs,
mieux organis~es et beaucoup plus puissantes sur le plan financier. L'6chec
de l'action coopérative dans le canton de Kuma s'explique par ces contradic...
...
tions et aussi par une politique de "développement" à court terme dans le
mesure où elle reposait en grande partie sur le développement des cultures
industrielles. Les interventions dites de développement reposent.
à bien
des égards sur le postulat selon lequel l'esprit communautaire domine encore
dans les villages et qu'il suffit d'implanter certains projets à caractère
collectif pour qu'ils suscitent la mobilisation et l'adhésion du milieu.
Certains responsables politiques africains n'hésitent pas à affirmer que
l'AfricJlin est tradi tionnement "socialisant" marquant ainsi leur vo Lon tè
volonb2
de ne pas procéder à des r~forr.;es de structure. Les discours sur le "socia-
lisme africain" ne sont en fait que l,a justi fication de l'ordre établi et
des privilèges acquis, le refus de 6~enGat.er
6~enGat.er dans la voie d'un changement
radical. L'appel souvent lancé aux masses et les références au passé et
aux valeurs traditionnelles peennent au milieu de tant de
difficult&s
économiques et sociales actuelles, l'allure de véri t ab Los
tabléS iiinjures" à la
misère grandissqnte des populations. Dans la conjoncture actuelle i l con-
vient de
définir a~ec les pnysans, compte tenu de leurs besoins, les pro-
portions entre les diff~rentes cultures. Sans abandonner ~ntièrement les
cultures industrielles, l'accent doit ~trc mis sur les produits vivriers
et l'~levage afin d'enrayer la p~nurie dont souffre l'~conomie Togolaise.
A l'heure actuelle beaucoup de paysans cherchent plutat à s'orienter vers
les coop~ratives de cultures vivri~res et d'élevage, mais faute de moyens,
ils mènent pour l(instant des actions isol&es et individuelles qui risquent
d'ailleurs de tourn~r. court dans un avenir plus ou moins lointain. Dans
le même ordre d'idées, le remembrement des terres s'impose en vue de cons-
tituer des champs plus vastes et d'un seul tenant. La situation actuelle so

279
caractérise par une multiplicit6 de micro exploitations cultiv&es de
fa~on
plus ou moins archaique. Toutefois, les coop~ratives ~u d6part doivent etre
de petite taille a f'Lr,
afir, ('.1 o:
')'
.fnci?itç,r.
Jnci?itç,r. l .. C~ ··tioL et le corrt r ô Le
contr81e par lei
P:CY::fl:::
eux-m~mes.
eux-m~mes. A cet effet, ceux-ci désigneront librement certai~G d'e~tre-eux
qui ser-orit
oeront formée aux méthode:, et aux rèr,leG de ge o t i.or,
ger.tion de c
de,::; coopératives
notamment dans le domaine de la comptabilité. La r-e Lance
relnEce du mouvement cao··
p~ratif sur de nouvelles bases peut se r~aliser au dêp~rt ~vec quelques
paysans particulièrement disposés et doit ~tre soutenue ~ar les pouvoirs
publics quel qu'en 80it le prix, afin de faciliter un effet dle!ltratner:e~lt
qui sera d'autant plus difficile à obtenir que les payaane
paysa.ns ont ab aoLumorrt
absolumer;t
perdu confiance à la suite de l'échec actuel et de la dégradation continuel-
le de leur pouvoir d'achat. A cet égard Le c
lec dispositions pr êvuac
pr.;vues dan s
délns l ' or·~
donnance de 1967 portant statut de la coopêration au Togo sont de nature
â stimuler le développement coopératif dans un contexte nouveau o~ les
coopératives sont conçues
comme de véritables structures de
développement
c'est à dire des moyens privilégiés de liaison entre le processus de produc-
tion et de la commercialisation et des cadres d'él&vatiol: de la conscience
politique et du développement de la capacité d'initiative des paysans.
Si le d6veloppement coopératif s'impose comme une n&cessité,il
convient de souligner qu'il n'aura d'effets que dans le cadre d'une vérit~ble
industrialisation, en d'autres termes les produits des coopératives doive,t
pouvoir trouver des débouchés dans les industries naissantes qui offrent sn
retour au secteur aericole les biens dont i l a besoin pour sa modernisatio:1o
Ainsi se trouve posé le problème de l'accumulation en vue de financer le
diveloppement. Dans les conditions actuelles de fonctionnement de l'&cono~ie
t ogo Lad se ,
tOGolaise, l ' accumulntion du capital ne peut résulter d' "Lnpu'Lca one
11ir.,pulsions endoc'nes
car l'excédent disponible pour satisfaire les besoins de consommation est
tris riduit
; d'autre part la demande externe de biens agricoles et manufrc-
turés est tris forte et emp~che ainsi la formation d'un marché intérieur
toutefois l'on ne saurait conclure à l'existence d'un cercle vicieux du
sous-développement. Si l'épargne est faible,
les possibilit6s d'investis-
sement internes demeurent importantes mais en raison de l'expp.opriation

.280
exerc6e par les monopoles &trangers, le surplus pioduit VR A l'~trangere
Or l'agriculture seule ne peut fournir un surplus destin: à financer le
d~veloppement, les reSsources d~gag~es â partir de la commercialisatio~ des
cultures industrielles sont irrégulières compte tenu des t endance s
ter!dances du mar-ch ô
llié'.:::,ch6
international, ce qui rend difficile une planification à long terme. Il
importe donc de définir une politique d'accumulation qui tienne compte de
l'étnt actuel de l' agri culture togolaise et des "fui t e a"
tesl' qui caractérisent
le fonctionnement de l'économie. Dans cette perspective, il revient à l'Btat
de prendre entièrement en main tous les moyens de production et de distri-
bution ainsi que le secteur des banques et des assurances. En détournant
ainsi le surplus accaparé de di verses 1,ClIlièrecs par lctLr.1onopolGs f;tranger..s,
l'Etat se donne des moyens financiers relativement importants pour financer
le développement du pays. Au m~me titre que l'intégration de l'agriculture
vivrière dans le développement, l'aacumulation du capital et son utilisati~n
posent le problème de la nature de l'Etat car elles impliquent la remise en
cause des intérêts des pays dominants et la mise en oeuvre de réformes de
structures permettant à la paysannerie ct aux autres couches laborieuses
de participer effectivement à la définition a l'exécution et au contr8le des
projets et des programmes de développement.

281
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UNICEF
Décembre
1971
Lomé


286
TABLES
DES
MAT 1ER E S
-=-=-=-=-=-=~=-=- -=-=-=-=-=-=-=-=-
Pages
INTRODUCTION
1
PREND!.:RE PARTIE s STRUCTURES SOCIALES TRADITIONNELLES
..
~~~~~~~~~~~~~~~~.~~.~.~~~~~~~~~~~~~~ TRADITIONNELLES
~~~~~~~~~~~~~~~~.~~.~.~~~~~~~~~~~~~~
~~~.~~~.~~~~
ET PRODUCTION
~~~~~~~~~~~~~
CHAPITRE l - ORGANISATION LIGNAGERE ET TERRITORIALE
15
Section 1 : Lignage et organisation politique
16
A - La fondation du village
16
l):de Nuatja à Kumato
17
2) de la dispersion à la fondation des différents
villages du canton ;
18
les causes économiques
les causes démographiques
}) l'implantation définitive à Adamé
19
B - Le système politique
21
1)
La réalisation du principe gérontocratique dàns
la relation atné-cadet
22
- cadre du lignage
- cadre du village
25
2) Les institutions politiques
28
- le chef
28
a) l'origine du pouvoir
28
b) la désignation du chef
}O
c) intronisation du chef
3}
d) fonctions du chef
34
- Le conseil des atnés
3.?

287
Section 2
Lignage et appropriation foncière
38
A - Les droits fonciers
39
1) L'originalitp des droits fonciers
40
2) Le statut juridique des terres
43
- les terres lignagères
44
- les terres communautaires
46
3) Les méthodes de délimitation
48
- DZONYIF~
48
- les limites des terres
49
B - Les différents modes d'accès à la propriété foncière
50
1) l'héritage
51
2) le don
52
3) les pr@ts
52
CHAPITRE II - L'ORGANISATION DU TRAVAIL ET SES IMPLICATIONS
SOCIO-ECONOMIQUES
54
Section 1 :
les techniques et les méthodes de production
58
A - Les cultures vivrières
58
1)
le riz
58
2)
l'igname, le manioc et le taro
60
3)
le mais
61
B- Les cultures industrielles
62
café et cacao
C - Les produits de cueillette
63
1) les bananes plantins
64
2) les arbres fruitiers
64
3) le palmier à huile
64
D - L'élevage
65
E - L'artisanat
67
F - La chasse
69

288
Section 2
Les formes d'entraide et leurs implications
sociales
71
A - La réciprocité obligatoire
71
1) lignage
2) village
B - La réciprocité facultative
Section 3:
l'articulation des formes d'entraide aux ra~­
ports de production déterlinants
76
A - Le raIe de l'atné dans ln processus de production
77
1) l'appropriation des moyens de production
a) origine des moyens de travail
79
b) le raIe social des instruments de production
80
2) l'atné est le détenteur du savoir
80
3) l'atné est le producteur de certains biens de prestige
83
B - la place de l'atné dans la circulation des biens
et des personnes :
84
1) ln circulation des biens et des hommes
86
a) le mariage
86
b) la mise en gage ou "AWOBA"
90
c) la traite
93
2) la nature des rapports entre afnés et cadets
94

289
DEUXIEl'lE PARTIE:
L 'HEGEMONIE DES CULTURES INDUSTRIELLES ET
~~~II~~IIIIIIIIII
~~~II~~IIIIIIIIII
IIII~IIIIII~~IIIIIIII~IIIIIIIII~~IIIIIIr
IIII~IIIIII~~IIIIIIII~IIIIIIIII~~IIIIIIr
SES EFFETS SOCIO-ECONOMIQUES
~I.I.IIIIII.I.IIIII~III~I~I
99
CHAPITRE l - L'IMPORTLNCE DES Cl~TURES INDUSTRIELLES
101
Section 1 :
la désorganisation de l'économie traditionnelle.
A - Histoire des cultures industrielles
101
1)
période de la colonisation Allemande (1885-1919)
lC}
2)
période de la colonisation française (1924-1958)
103
B - L'intégration au mode de production capitaliste
1) les échanges
106
a) les voies commerciales
106
b) le transfert du marché de TOVE à Kpalimé
108
c) la substitution des marks aux Cauris
109
2) les centraines administre.tives
III
a) les imp8ts
III
b) le travail forcé
112
Section 2 : Evaluation quantitative et qualitative des
plantations et des champs de cultures vivrières
115
A - La répartition des surfaces cultivées en cultures
industrielles et en cultures vivrières
115
B - La répartition des exploitation de café et de cacao entre
le Togo et le Ghana et ses problèmes
117
1) les litiges fonciers
118
2) les difficultés de commercialisation
119
3) les difficultés t'en'r.tttO
120

290
CHAPITRE II - LA TRANSFORMATION DU MODE DE PRODUCTION
LIGNAGER
124
Section 1 : La formation de nouveaux rapports de~roductjon
124
A - Le métayage
124
1)
Définition
2)
le processus historique
133
3) les causes de l'émigration
B - L'apparition du travail salarié
137
1) les o~7riers agricoles
138
2) les ouvriers artisans
140
Section 2 :
les effets des rapports de production
144
A - La dissociation des lignages
145
1) la primauté des chefs de lignée
145
2) la transformation des droits fonciers coutumiers
149
B - L'Evolution du raIe de la parenté
154
1) Statut théorique de la parenté
155
2) l~ parenté expEession de rapports de solidarité
objectivement déterminés
158
3) la parenté principe de continuité de la famille
163
C - Le blocage du dynamisme du village
164
174
CHnPITRE 1 - LE DEFICIT VIVRIER ET SES IMPLICATIONS
S0CIO-ECONONIt,UES
175
Section 1 :
Les causes de déficit
A - Les causes spécifi~ues
176
B - Les causes générales
176

291
Section 2 1
Les investissements
181
A - Définitions
181
B - L"orientation des investissements
195
Section 3:
L'utilisation des ressources disponibles
205
A - L'utilisation des ressources de l'OPAT
~05
B - L'utilisation des ressources de la caisse
nationale de Crédit Agricole
211
Section 4
L'intégration de l'agriculture vivrière
dans le développement
213
CHAPITRE II - LES POLITIQUES D'INTERVEN'j'ION ECONOMIQ.UE~
222
Section 1 : l'action coopérative dans le développem~
222
A - Aperçu historique
223
1) les "Sociétés Indigènes de Prévoyance"
223
a) objectifs
224
b) composition et fonctionnement
224
2) Les Il Sociétés Publiques d'liction Rurale"
225
B - L'organisation coopérative
226
1) Genèse et fonctionnement de l'UNICOOP-KLOTO
226
2' Le cas des coopératives du canton de KUMA
230
3) Les problèmes de la coopérative
233
a) mauvaise gestion
233
b) l'absence de formation coopérative
235
c) la concurrence des maisons de commerce privées
235
Section 2 :
L'action des "Sociétés Régionales d'Aména.s.cmen,i
d'Aména.s.cmen.i .. c. ,..
,
et de développement
240
,~ - L'encadrement technique
241

-;. 292
1) les méthodes culturales
241
2) les cultures sélectionnées
le cas du coton
243
B - L'animation rurale
243
1) le choix des encadreurs
243
2) la mentalité du milieu
245
CHAPITRE III -
FORliATION SOClhLE ET CONTR...~DICTIONS INTERNES 246
Section l
: contradictions entre aspiration et moyens
248
;.. -
Les besoins "sociaux utiles"
250
B - Les besoins induits
252
Section 2
Contrntiiction entre l'instance économique
et l'instance idéologique
257
n
-
Cas d'accident et de maladie
258
B - Les funérailles et les fêtes
259
Section 3:
La notion de blocage socio-culturel
262
~ - Les théories cthnicentristes
263
B - Le dépassement idéologique de la contradiction
266
CON C LUS ION
-=-=-=-=-=-=-=-=-:-=-

293
,
LEXIQUE
Afou
~terrain d&frich~ appartenant au premier occupant c'est-~­
dire à la première personne qui y a aménagé un champ et
qui l'a laissé ensuite en jachère.
Agblényigban: Agblé = champ, Anyigban = terre ou terrain
endroi ts
réservés à l'aménagement des champs.
Agbléka ou
Agotidoméka
unité de mesure des champs et des plantations qui équivaut
à 30 brasses soit 60 mètres environ.
Akoko
mariage préférentiel impliquant la réciprocité.
Apato
ouvrier agricole
Apavi
métayer
Apenyigban
terres situées à proximit~ du village dont certaines sont
réservées à la construction et à l'agrandissement du villagE
M:.afo
chef de guerre, membre du conseil des a~nés
Avélipo
limites de forêts.
Avenyirl:'lan
terres situées en forêt
Awoba
gage
Dunyigban
terres communautaires appartenant à tout le village et
p La cèe s
placÉles sous la souveraineté du chef du village.

Duto
~ère du village ; en général un chasseur qui a fondé le
village ou sous l'ordre duquel le village a été fondé
Fioto
père du chef ; membre du conseil des a~nés et du lignage
du chef ; i l est chargé de proposer au conseil le nom d'un
successeur.

,
294
,
Kevuvu
dieu du riz
par extension, divinité de toutes les cultures
Kpatchalipo
endroit où se sont arr~tés deux limitrophes après
débrousaillement.
Kpokpo (Togbuizikpi)
tr8ne des ancetres
POme
me
lignage
Sohafia
chef des jeunes
Tsami
porte-parole du chef
Zogbe
savane
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=- :.~
ELENENTS
DE
DROITS
COUTUNIER
- Extraits des minutes de la justice de Paix -
de Kpalimé (Kloto)
AI PROPRIETE
1 - Sur le droit de propriété
"Le premier installé sur les lieux qu'il a défrichés et mis en valeur
en est le propriétaire".
2 - Preuves du droit de propriété
"I. dè f'aub
dÉ;faut d'actes écrits dans les normes coutumières, la preuve du
droit de propriété est faite par déclarations concordantes des

295
parties et des témoins, le tout appuyé par des faits incontestables".
Le droit de propriété n'est reconnu qu'à celui qui a pu prouver:
a) l'origine de sa propriété
b) le mode d'acquisition
c )
c) le droit imn.obilier de tenure
du dit terrain comprenant le
droit de culture et éventuellement le droit d~ redevance.
Enfin le droit de propriété appnrtient à celui qui est reconnu par tous
les limitrophes d!ll terrain litigieux comme propriétaire des lieux".
3) Terres litigieuses
a) "lorRque sur les terres en litige on constate un droit égal,
de tenure, se traduisant par des cultures, les terres en
litig63sont pnrtagées entre les parties de mani~re que chaque
partie garde tout ou une partie de ses droits".
b) La savane comprise entre plusieurs avégnigbans, lesquels
doivent entre eux partager conformément à la coutume Ewé
les terres de la dite savane.
c) Lorsque les jvésnigbans. de la collectivit6 ayant un av~lipo
commun dèbouchnrrt
débouc!:lnnt sur une seule et même
m~me savane, le partage de
la savane se fait par le tracé d'un layon normal au dernier
élément de leur commun avélipoo
Dans les dits lieux, sont plantés par les membres des collectivitr
des agnas, homis"
bornes transform~nt ainsi le layon en Zogbélipo.
4) ?outume E\\~ (droit foncier)
a) Seules les plantations sises dans les terres dites "apétogni-
gban" a la demande d'un tiers sont à détruire pour l'extension du village.
b) Les terres dl une collecti vi té mises L~....
L~
gage derneu.
demeu. e:it toujours

296
,
la propripté de tous les membres de la collectivitt ; le fait qu'un autra
membre que le chef s'acquitte de ce gage ne lui conf~r8 pas le droit de
c;.
c;.
• ' t '
pI'.œ1e e.o
pI'.œ1e
c) Pour s'in0taller dans les terres appartenant à une collec-
tivité, le postulant doit obtenir l'autorisation du chef de ln collectivité
Le chef vérifie si les lieux à occuper niGùt pas encore été attribués à
un autre membre. Une fois mises en valeur,
ces superficies' deviennent
une propriété transmissible de père en fils.
Le fonds de terre demeure la propri~té de ln collectivité et
aucun membre ne peut le vendre ni le mettre en gage à son profit personnel.
d )
d) Chez les AGm;E, la qualité de fondateur du chef d'un vilhl.l::e
ne donne d'office au fondateur,
aux chefs et aux de s ceri.t.int s
descen,''.nts de
ceux-ci,
un privilège quelconque sur les terres de la localité. Seules les terres
occupées ou mises en valeur par tout un chacun constituent leur propri&t~o
laquelle est d~s lors transmissible de père en fi&so
e) Lorsque des collectivit&s différentes revendiquent la pro-
priété ~'un terrain faisant partie d'un ensemble sur lequel chacun de son
c8té a pu prouver avoir exerct SRns opposition des prérogatives r~serv[es
aux propri~taires, ledit terrain cet partagé entre ellc~ de telle sorte
que chaque partie conserve les droits précédemment acquis.
f)
Celui qui exerce des prétentions de propri6tnire sur une terr
doit en rapporter la preuve à défaut d'acte portant transfert de propri~té
dans les formes coutumières par témoignages concordants du vendeur ou
du domateur et de ses limitrophes appuyés sur l'emprise effective que
ses ascendants y ont exercée.
BI HERITAGE
-
"Nul n'a le droit de s'occuper des héri tn.e;cc "va';t ln fin d'3S
funérailles".

297
Il
Le pere dispose de ses biens de f a
fè~ çon absolu et n'est pas tenu
de contacter ses hèritie,rs".
cl SUR LE CHEF DE LA COLLECTIVITE
a) Le chef de la collecti vi te est l ' administrc'teur de toutes 1::::3
terres de la collecti vi té et lui seul avec son conseil [( pouvoir de df spoae.r
dispo:::er
des terres collectives dans l'int~r~t de tous les membres et ~ partager leB
récoltes des cultures dites pérennes avec les métayers de la collectivite.
b) Il est désigné var les membres de la collectivité à la suite
d'une délibération, laquelle délibération est homologuée par les tribunaux.
c) LA collectivit[ est administrée par le plus vieux de ses membrer
assisté d'un conseil. Ses décisions peuvent ~tre mises en minorité comme il
peut "mettre en minorité celle du conseil".
d) Le chef de la collectivité est responsalbe de tous les membres
de la famille et de tous les biens appartenant à la collectivité. Son oppo-
sition à une mise en gage ou a une vente ne peut être transgressée. Il est
cependant tenu de chercher une solution aux difficultés qui assaillent les
memhres de la collectivité •
. '.'.
DI TRfl.HSl';:RT
1 - Transfert de propriété
Tout acte comportant transfert de propriété est précédé
a) d'un transfert sur les lieux en présence des membres des deux
collectivités, des limitrophes et des notabilités du lieu où est situé
,
le terrain, donnant ainsi un caractère de publicité aux opérations.
b )
b) d'une cérémonie de remerciements di te "ilkpédadall
"ilkpédada
consistant
en un don symbolique au donateur et une offrande de boisson aux mêmes des
ancêtres. A l'issue de ces formalités coutumières, l'objet de la donation
est décrit dans sa forme réelle dans un acte au domicile du chef par le

298
,
sccx·(·tnire do ce dernier et siené des parties limitrophes et témoins
2 - Vente ~~~l~nation
a) "Seule les terrains vendus dans l'intsr~t d'un rl~HE!I ou
d'une collectivit& par le chef de la collectiviti avec avis favorable du
conseil de Pom6 ou donn6s i
des tiers par le Conseil, ne font plus partie
des biens du "Pomè" ou de la collectivité.
Quant aux terres mises en cu Lt ur-e
cultur"" di tes pérennes avec l ' aut.or i«
autO':'i.-
set Lon
sation du chef, elles demeurent la propriété de la collectivité, Laque Ll.c-.
laquelle.,
p8rçoit des radevances ou partage des r6coltes avec l'exploitant si celui-ci
n'a aucun lien aveC la collectivité.
b) Leô chefs doi ve n t
ver.t s'assurer avant ! ' au t or-Ls oz-
autori,scr les sujets D..
s'installer, que le "GBimJ'CIUG31dJ" choisi fait po.r t Le
pn.rtie de leur domaa no ,
domminD.
c) Celui qui crée une plant~tion par son travail ou paie un ouvrie:
a cet effet est le propriétaire des plantations et non do la terre.
d) Les descendants d'une m~me lign';e Bont los hôritiers de.s terres
mises en valeur par leurs ascenda~ts ou dos terres sur J.Gsquelles ils se sont
installés.
El RETRAIT
a) Le donateur et ses successeurs ne peuvent rGprendre les biens
donnfs â un donataire originaire du m@mû village que lorsque le donataire
est décédé sans laisser d'héritier en li~ne directe.
b) Le donateur et ses successeurs ne peuvent reprendre les bi2~B
donnés à un étranger que lorsqu'il:
-
est dbcédé sans héritier ou quitté définitivement le village
avec sa famille.
-
comment une ntteinte gr~ve ~ la coutume du village.

,

299
,

FI LIMITES
"Il Y a li~ites artificielles ou naturelles entre des propriétés
lorsque les propriétaires des terres limitrophes les ont d'un commun accord
définies, tracées et plantées d'agnas, de hornis ou toute autre essence
voire, des bornes, après des cérémonies rituelles".
-=-=-=-=-=-=-=-=-

300
INTERVIEW
DE L'ENCAmtBUR DE LA SOR~D
(Village de KUNI. - J1Dil.NE)
(22 Mai - 1972)
1.
Nom
Prénoms
Age
àge
2 ..
..
Niveau d'Instruction
Origine
3.
Qualification Professionnelle
4.
Depud s
DeplJÏs quand travaillez-vous dans la rôgion de Kuma
Kumn ?
5.
Quelle est la fréquonce de vos tournées dans la région ?
6..
hvez-vous déjà servi comme enc2dreut dans d'autres régions?
Oui
I_·~·
I_·I .
Non
.
C~J
Si oui, citez les régions et le nombre d'ânnée que vous y avez
passées.
a -
b -
c -
d
e -
7. En quoi consiste l'encadreur du paysan?
8. Et l'animation?
9. Avez-vous déjà eu à selectionner des cultures à haut rendement pour le
village d'hdamé ou pour d'autres villages de la région.
Oui
l
Non
l
- Si oui lesquels ?
10. il.Vez-vous eu à apprendre aux paysans de nouve Ll.e
n,)uvelle méthodes culturales ?

, "
301
OUi~'
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r
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Non
L _ _.1
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- Si oui lesquelles ?
Comment vous y 8tes vous pris ?
a) démonstration collectives
b)
dét:lonstration individuelle
r~'1
L~~._~••
L~~._~ _
c )
c) cauae r-â e s
c,quse:"'ias
r-~~
~.~.._.~~-.-J
d) Contacte individuels
C~=: f
Il. Quelle est l'attitude des paysans vis-dvis de cc que vous leur
enseigntz ?
grand
moyen
r---~J.
a) Intérêt
L_.
Intérêt
faible
b )
b) Indifférence
e )
c) hosi tili té
12. Psnses-vous avoir obtenu des résultats
en-
eni· é.lt'ements
Oui
Non
Di tes Pourquoi
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302
13. Quels sont vos rapports avec les pavaane
pa:'!sans
en déhors de votre travail d'encadreur ?
140 Participez-vous à des activités extra-professionnellea dans le villaGG
d'Adamé ou dans d'autres villages de Kuma ?
Oui
Non
a) Si oui,
dites
-
quelle sortes d'activités
le r8le que vous y jouez
b) Si non,
dites pourquoi
- manque de temps
L=~
-
absence de motivation
L-
-
autres raisons
c= l
15. Pensez-vous que votre travail vous donne beaucoup d'audience dans le
village ?
-
auprès des jeunes
-
auprès des vieux
- aupres de votre famille
Oui
Non
16. [.vez-vous un champ de
dêmone t r-e t Lon
démonstr3tion à Adamé 1
]
f _
'--.-.--
17. Depuis votre arrivée dans le village comme encadreur, qucl~changementB
y avez-vous observés ?
- sur le plan agricole
- sur le plan
sur le plan éducationnel
- sur le plan sanitaire
- sur le plan
façon de vivre
autre plan

303
/-
1
/-
NQUETE
SOC l 0 - ECO NOM 1 Q li ~
à
K U M A - A DAM E
(K LOT 0 )
Du
3
au
6
Juin
1971
-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

304
ENQUETE SOCIO-ECONOliIQUE i. Km'I!\\.-J\\DA.!'1E
PORTJi.NT SUR LES UNITES DOMESTIQUES
...
A. IDENTIT:';; DU, FOYbR
A. IDENTIT:';; DU
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2. l,GE
Lieu de maissance.co, .••
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~. Date d'arrivée dans le village
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4. Type d'instruction
- Ecole ilglaise
- Ecole Française 1
1
~------~~..;
- Ecole Ewé
t-1
.~7
-
Ecole Anglaise
50 Niveau d'instruction
- Ecole Française
1°) -
6. Nombre de femmes •••••••••••• Age
1
~
-.;7
au delà
1
--7

305
8 - Nombre d'en·"Rnts rfsidDnt nu village
... dont scolarisés
- Profession des autres
40 '
40)' ...
ge Nombre d'enfants ayant quitt& le village (y compris ceux qui sont i
l'étrangor)
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Lieu de leur domicile o coco ,.\\ (> 0 0 0 ~ • lEIlEI Cl Cl n •..,.., ....
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Profession
10e Autres personnes ~ charger6sidunt BU foyer
Sexe
n.ge
Il. En quoi ont été construits vos logements
Terre bl',ttue

306
Claie + terre battue
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autres matériaux
matÉriaux
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~~. ~vec quoi, ils étaient couverts auparavant?
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paille
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autres matériaux
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13. Depuis combien d'année, ils ont été couverts de tale? •••••••.•••
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14. Nombre de pièce~ ... 010 0 0 Cl Cl 0
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B. LA PROPRIETE FONCn'::RE
15.
15. Origine de la propriété
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faT1iliale
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~7
achat /
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r__'·.:
~gage /:=======~7
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personnelle
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'~on '-1
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16. Nom des lieux où sont situées vos terres

TABLEAU DES PLANTATIONS EN CAFE ET EN CACAO
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-'0...-..--"-
-
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-
-
1
l'IOhBRE DE
SITUATION
DIST. VILLAGE 1 SUPERFICIE ~
TYPE DE COl'!TRAT
J
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OBSERVATIONS
CULTURES 1
PLfüT'l'ATIONS
TOGO
GHANA. ~rTOGO
; GHANA
t EN CORDEES 1 METAYl~R PROPRtT.~
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CAFE
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3°)
CACAO
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3(8

C.
LES CULTURES
a) les cu]ture~ vivri(res
(Tableau N° 1)
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~: DISTANCE CULTURES CULTURES SUPERF'I
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L~~,
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L~~,
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N E
DU VILLAGE PRINCIPALES SECONDAIRES
~: DISTANCE CULTURES CULTURES SUPERF'I 0 R l G l N
SECONDAIRES
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82i~D~Ms Familiale Pr~
dor:

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2 0
3 0
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1:-

309
17. Quels sont les problèmes que vous posent vos plantations situées en
territoire Ghanéen?
- Par l' ace è S
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- Pour le transport de produit
-
Pour la commercialisation
18. Modes d'appropri~tion
-
a) héritage
..
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7
1
- b) création personnelle ./
=--:7
-
c) lequel des deux modes
prévaut ?
• • • •
O O O O O O O C O O O O C l O O C l l o o n Q O O O O O D O O C l C l O
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19. Nombre total des métayers
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7
répartition ethnique
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20. Partagez-vous les produits avan~OUi
la vente ? •••• , ..••. ".
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310
21. ~mployez-vous des ouvriers ar,ricoles
Si oui, indiquez leur nombre approximatif dans
~l'annèe
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argent r..
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~_ ..
7
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-
Indiquez également leur rémunération e n /
-,nature
"'-
220 Par rapport à celle de l'année dernière, la production do cette année
a-t-elle été
-
meilleure !
~
quantité
- moins bonne /
/
----------_.
-
égale _
...
/
J...;.../
23. En cas de bainse, â quelles causes attribuez-vous ce ph~nom~ne 700000
o
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D. LA COHLERCIALISATION
24. A qui vendez-vous vos produits?
-
coopéra t ive
...
/
. _ /
Haiso!l de commerce privées L
_
/
,-----...;
-
Quel est votre climat
pl"i vi 1 égi é
c
~'Cl CI no. Cl e" CI • CI ,. •• CI 0 0 • 0 • 0 f' • 0 0 o<:> 1)1) ...... c,;) 0 0 lOIlOI 'J'J 0 0 0 t) CI n 1:11:1 Cl o" c-(" (1

311 -
L::::::
25. ~tes-vous satisfaits des prix de vos ~OUi
25. ~tes-vous satisfaits des prix de vos
::: 7
produits ••••••••••••••••••••••••••••
Non
/: :::::=:::7
dans les deux cas dites pourquoi ••••••••••••••••••••••••••••••
·
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E. '" . ,-,
J..JJ.:.J
E. '" . ,-,
J..JJ.:.J
'l'RAVAIL
~'ÛUi /
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26. Pratiquez-vous le travail ~'ÛUi
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26. Pratiquez-vous le travail
.,
oommunautaire (Fidodo)
Non
/
. /

- Si non, dites pourquoi .; ••••••••••••••••••••••••••••
·
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·
. • ••••• 0
.
. • ••••• 0

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • II' • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
27. (~ue pouvez-vous de cette forme de coopération ?
F. LA COOPERATIVE

2(;. date de sa création ·
.
29. Quelles sont les activi~és de la coopération ? ••••••••••••••••
·
.
?~OUi;.../
~/
30. Faites-vous partie de la coopérative
~on/•
..
-
Pourquoi? ••••••••••••••••••••••••••••••••• -••••••••
-

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
0
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
31. Que pouvez-vous (; 1l.
fonct Lonnement.
ionnemeni.
de la coopérative
32. Quels sont d'après-vous les avantages et les inconvénients de la
coopérative ?
avantages
:
inconvénients
•····
:
··
••• JO • • •
••

312
........................

33. Quels changements souhaiteriez-vous ?

·
.
G.
Hj~L,'.TIONS .AVj~C LA SORAD
34. Connaissez-vous l'agent de la SORAD (encadreur) ?
Oui L.o!
....1/
Non
1
Si oui, quels sont vos rapprts avec lui 1 ••••••••••.

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
10
10
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
35. Que pensez-vous des activités de la SORAD dans votre village? •••

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
0
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
36. Quels sont les besoins de votre village ?
pouvez-vous les citer par ordre d'importance décroissante
1 )
5)
2)
6)
3)
7)
L~ )
8)
37. Quelles solutions envisagez-vous d'y apporter 7•••••••••••••••••
·
.
·
-.".
33. Qulat~e~dez-vous des ressortissants du village
Qui traTaillent dans les villes du TOGO 1
39. Qu'attendez-vous des pouvoirs publics?
.../ ...

31.~
f
NINISTERE m:: }J ':'~DUC!\\TION NATIONALE
REPUBLIQUE TOGOLAIS::;
DIRECTIOn DE.':.: J;COLJ:;B NŒth:~,LES
Travail-Liberté-Patrie
ECOT,:;~ NORHALF. SUPERIEURE Dt ATAKPAHE
E I~ Q u ::~ 'i' ~~
il U PRE S
DES
H E T A Y ERS.
1.
ITOlI
....
. PRENOH•••
•• AGE •••••
Région d.origine •••••••
Célibataire
:L1arié
Situation familiale
/
/
4.
Ethnie de votre épouse ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
5.
Hombre dtenfant (s) •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
+
0
ans
/
:7
+
5
ans
/
7
+ 10_
ans
/
7
+ 15 - 20
ans
/
7
6.
Hombre d'enfantes) scolarisé(s) ••••••••••••••••••••••••••••••••
Vont-il(s) à l'école à Kouma-Adame
/
7
à Palimé
/
7
àu ~:J..ys KabJ'e
1
ailleurs
/
7
(dans ce cas précisez le lieu)
"•.•1.·. ·

-
314
-

8.
Date d'arrivée dans la région

8.
9.
Noms des propriétaires des terres que vous cultivez
1
NOHS
i
1.+.
1
1
!
1
1
1
1-
1
1
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.1
1
1
Il
1
Tableau N° 1.
• .. 1...

-
315

Tableau des différentes exploitations N° 2.
-
NBRE
NB
SITUf,TION
TYPE DE CONTRAT
fULTURES
D'EXPLOI-
SUPERFICIE E,1'J
OBSERVATION
TATIOlTS
TOGO
GHANA
CORDEES
t
NEI'AYER
PROPRIET
t1
1
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1
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2°)
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3°)
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.....
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5°)
6°)
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~.
10)
10)
C .,
C n
C A 0 2° )
2° )
3°)
3°)
4°)
4°)
1°)
2°)
3°)
PULTURES
VIVRIERES 4°)
5°)
1
6°)
11
7°)
(
8°)
1

- 33:6 -
11. Etes-vous propriétaires de certaines
Oui 1
: :7
..<
Non '-1.
de vos exploitations ?
Non ,,-1._ :
_
:
::::
_:_::_: :7
__
de vos exploitations ?
-../:7
Si oui, indiquez leur
mode d'acquisition
a) dibi - madibi
/~/
--J7 Type de contrat
b) achat
/:-/
.l
c) don
1
:: 7
12. Btes-vous satisfait de votre situation actuelle
Oui ~1,-:::::==::7....,·
r -
Non /
1
~---_......
~---_
- Oui dites pourquoi?
- Si non dites pourquoi?
13. Quelc changements souhaiteriez-vous ?
Depuis votre arrivée 1C1, vous arrive -t-il de retourner dans votre
village d'origine~Oui /
1
-,
~on /
1
- Si oui, indiquez dans ce tableau ci-contre la durée de
vos absences.
Tableau des absences annuelles (N° 3).
}'ré:quence
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1
i
1
2
1
2
1
1
1
3
lI-
3
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1
1
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1
1
1
Duroe
1
1
1
1
!
1
1
1 mois
1
1
1
1
1
1
1 à 2 mois
1
1
mois
1
1
1
:
1
:
1
,
~
1
2 à 3 mois
~
2 à 3 mois
1
1
!
1
!
1
3 à L~ mois
1
:
1
1
1
1 .
"
!
"
...
. / ...

,
317
, 15. quels sont les buts de vos visites
• funérailles
/
/
-------------
- Cérémonie d'initia
tian
/
7
-----------......,;
- f~tes traditionnelles ~/
l
- visite aux parents
~J
l
- mariage
~/
l
a+lçr payer la taxe;
; .
c J.vJ.que
'-
1
j
.,
.
~vez-vous d's personnes à charge dans ----eui
~on
votre village d'origine
-.
votre village d'origine
L
Si oui. indiquez
a) leur nombre
b) le lj~ de parenté
c) nature de l'aide
d) le montant de l'aide
17. Depuis que vous 6tes métayer, quelles sont les réalisations que vous
avez faites dans votre village d'origine?
a) Construction de maison ~/
l
b) mise en valeur de terres
/
1
----------
c) constitution d'un fonds
de commerce
/
1
13. Quel est l'état de vos rapports avec
a) les métayers de votre groupe ethnique
b) les autochtones
•.. 1•.
1 ·

_
31'8._
19. Lst-ce que vous pratiquez entre métayers
,
/OUi~
/
;....,--~--'
les formes communautaires de travail (Ex
Fi~Non
1
L~:-:-::-:-::---~
L~:-:-::-:-::---~l
Si oui, pour quels travaux
- défrichage
/
- sarclage
/-./_--------/
- labour
/
- récolte
/
J
/
(précisez ici
S'il s'agit de ce r~colte du cafê et du cacao)
- Si non dites pourquoi?
20. Employez-vous des ouvriers agricoles ~ui ~/
,1
~
~,/
~Non(,-.------,
;,..-·---:--,7
- Si oui, indiquez
a) leur nombre annuel ou par saison
b) leur ori~jne ethn~que
(en hature 1
7
(Pourcentage ...........
c) leur rémunération
(en argent ~/
l
( montant ................
- Si non, dites pourquoi ? ••••••••••••••••••••••••••••••••••

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...... LAMA KARA.
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• SASSARI
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